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L E
JOURNAL
scavÀns,
FOUR
L'ANNE'E M. DCC. XXXIIl
JANVIER,
A PARIS,
Chez C H A U B E R T , à l'entrée du Q^ay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIIL
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
JANVIER M. DCC. XXXIII.
HISTOIRE ECCLESIASTIQVE , POVR SERVIR DE
continuation k celle de M. l'Abbé Fleury . Tome XXFII.depiiis l'an 1 5 28.
JHfquen 1535. Tome XXVIII. depuis l'an 1 5 3(f. jupju'en 1 545. A Paris ,
chez Hyppolite Guerin ^ rue S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin,
vis-à-vis S. Yves. 1730. /«-4°. Tome iy'pp. ^14. Tome 28^ pp. 572.
CE S deux Volumes contien- dant les premières années du Pon-
nent l'Hiftoire de l'Eglife tificat de Paul III. les principaux
pendant les dernières années du objets des trois Livres qui com-
P.ontificat de Clément VII. & pen- mencent à l'année 1528. fie qui fir
Janvier. A ij
4 JOURNAL D
niffent au mois de Septembre 1534.
qui cil letems auquel eft mort le
Pape Clément VII. font la conti-
nuation de la [?,ucrrc d'Italie encre
l'Empereur Charles V. & le Roi
François I. Les nouveaux troubles
que caufcrcnt dans l'Empire les
Luthériens Sc les Zuingliens , les
tentatives que firent quelques
Princes Proteftans de l'Empire
pour réunir ces deux parties , l'in-
trodudion de l'Héréfie Luthérien-
ne en France , & les commence-
mens de l'Hilloire de Calvin , le
divorce d'Henri VIII. Roi d'Angle-
terre d'avec la Reine Catherine , le
commencement du Schifmc d'An-
gleterre , & l'établiffcment des
Chevaliers de S. Jean de Jcrufalem
dans l'Ifle de Malthe. Nous nous
bornerons à un trait important con-
cernant le divorce d'Henri VIII.
il regarde une Bulle que des
Hiftoriens prétendent avoir été rc-
mife par le Pape Clément VII. en-
tre les mains du Cardinal Campe-
ge , & que d'autres Hiftoriens
croyenrn'avoir jamais exifté. Pour
faire connoître l'état de la queftion,
il faut remonter un peu plus haut.
Les claufes que le Pape avoit
mifcs dans une première Bulle au
fujet du divorce d'Henri VIII.
avoient fort chagriné ce Prince , Se
le Cardinal deWolfey, qui pour fc
confervcr les bonnes grâces de fon
maître, cherchoit tous les moyens
pour parvenir à faire déclarer nul
d'une manière irrévocable le maria-
ge du Roi d'Angleterre avec Ca-
therine d'Arragon. Staphiloy-Gar-
diner , Secrétaire de Wolfey j ôc
ES SÇAVANS; ^
Edouard-Fox, grand Aumônier, fu-
rent chargés de folliciter une nou-
velle Bulle qui calÏÏit le mariage du
Roi , & qui le difpensât pour paf-
ft-r à un autre mariage, fms a\icunc
reftridion , ou de donner une nou-
velle commiluon au CardinalWol-
fey avec pouvoir de déclarer nul le
mariage du Roi , s'il le trouvoit à
propos , 3i une déclaration par
écrit du Pape qu'il ne revoqueroit
point laCommilTlon du Légat.
Clément VII. qui ne vouloit-
point irriter le Roi d'Angleterre
par un refus abfolu , Se qui d'un
autre côté vouloit tirer cette affaire
en longueur , appréhendant les
fuites fâcheufes que la déciiîon en-
traîneroit après elle , prit le parti
d'envoyer en Angleterre le Cardi-
nal Campege, Evcque de Salifbu-
ry. C'étoit un Prélat recommanda-
ble par fa vertu &: par fa fcience ,
qui étoit également agréable aux
deux parties. Plulieurs Ecrivains
difent que le Pape remit en même
tems entre les mains de Campege
une Bulle tavorable au Roi Hen-
ri VIII. avec des ordres très-exprès
de ne la montrer qu'au Roi Se à
Wolfey. De ceux qui ont parlé de
cette Bulle, les uns ont dit qu'el-
le ne contcnoit qu'un fimple enga-
gement de la part du Pape de ne
point évoquer la caufe à Rome &
de confirmer le jugement des Lé-
gats,les autres ont prétendu que pat
cette Bulle le Pape prononçoit la
dilTolution du mariage en cas que
les faits énoncés par le Roi ftifïent
véritables au jugement des Com-
nùiraires. Le fentiment de ces der-
J A N V I
fliers eft fondé fur ce qu'on a avan-
cé , que le Roi d'Angleterre avoit
témoigné tant de fatishdion de la
Bulle , & le Pape tant de regret de
l'avoir donnée , qu'on ne peut gué-
res douter , fi le récit de cette joye
du Roi & de ce chagrin du Pape eft
vrai , qu'elle ne tut dciînitive. Ces
Ecrivains ajoutent que le Cardinal
Wolfey voulut engager Campege
à faire voir cette Bulle à quelques
perfonnesdu Confeil , que Campe-
ge le refufa , que la conduite de ce
dernier Commiflaire fut approuvée
par le Pape , &c que la Bulle fut brû-
lée.
Plufieurs Auteurs, Sc entr'autres
M. le Grand dans fon Hiltoiredu
divorce d'Henri VIII. n'ont pu fe
perfuader que Clément VU. eût
donné une Bulle qui cafsât le ma-
riage du Roi d'Angleterre & de
Catherine d'Arragon. M. le Grand
obferve , pour appuyer fon fenti-
ment , que le Pape craignant d'un
côté d'ofîenfer l'Empereur, & vou-
lant d'un autre côté ménager le
Roi d'Angleterre , n'avoit point
d'autre parti à prendre que celui
qu'il prit effedivement de faire du-
rer le procès ; qu'on voit par les
Lettres du Cardinal Wolfey 5c par
celles de Cafali , que fi le Pape
avoit donné une pareille Bulle , il
auroit accordé plus qu'on ne lui
auroit demandé. M. le Grand ajoii-
te , qu'Henri Vlll. ne s'eft point
prévalu de cette Bulle , que Gar-
diner qui avoit été employé dans
cette affaire , ne fait aucune men-
tion de la Bulle dans fon Traité de
la véritable Qhiijfmce, où il attaque
E R ; ! 7 ? 2; ^ ■'-— -^
de toutes fes forces l'autorité de. la
Cour de Rome ; &: que de tous
ceux qui ont écrit fur le divorce
d'Henri VIII. depuis 15 3o.jufqu'en
1535. il n'y en a aucun qui fc
foit plaint que le Pape eût donné
une Bulle qui cafsât ce manage , &
qu'il l'eût enfuite fupprimce. Les
Auteurs Ultramontams font les
premiers qui ayent parlé de cette
Bulle fur un bruit confus , & de-
puis , dit M. le Grand , une erreur
populaire s'eft établie qui n'avança
pas l'aiTaire.
Qiioique notre Auteur ne fe dé-
clare pas abfolument pour l'une ni
pour l'autre de ces deux opinions ,
Û fait alTez fentir qu'il penche poux
celle que M. le Grand acmbralfée.
Les matières fur lefquelles notre
Auteur s'eft le plus étendu fous le
Pontificat de Paul III. font celles
qui regardent les Proteftans , tant
par rapport à l'Allemagne , à la
Suifle & à la France , en particulier
fur la Ligue de Smnlcade , la publi-
cation des Inftitutions de Calvin,
l'établiftcment du Calvinifme »
Genève , la fameufe affaire des ha-
bitans de Cabrieres & de Merindol,
la punition de Jean Becold ou d&
Leydc , fameux Chef des Anabati-
ftes , qui s'étoit fait déclarer Roi
de Munfter. Le Schifme d'Angle-
terre né à l'occafion du divorce
d'Henri VIII. fournit encore à
l'Auteur plufieurs traits qui inte-
refferont les perfonnes qui n'onf
point lu les Hiftoires particulières
que differensEcrivains ont données
au public fur cette matière. La Vie
de S. Ignace de Loyola, l'établifle-
^ JOURNAL DE
ment de la Socictc des .ïcfuitcs ,
les Miflîons de S. François Xavier
dans les Indes , les pro)ets de
Paul III. pour la reformation par
rapport à la difcipline EcclcliaîU-
que , les preparatits pour la tenue
du Concile de Trcnte,& l'ouvertu-
re du Concile , précédée de quel-
ques Conciles Provinciaux rcm-
pliflent une partie de cette Hiftoire
depuis les derniers mois de l'année
1534. jufqu'à la fin de l'année
Entre les cenfures prononcées
pendant «es neut années contre plu-
fieurs Livres , une des plus remar-
quables eft celle du 19. Mai 1558.
qui condamne le Livre intitulé :
Cimbalum Mttndi , comme un Ou-
vrage pernicieux. Bonaventure des
Periers , né à Bar - fur - Aube en
Champagne , & Valet de Chambre
de Marguerite de Valois Rcme de
Navarre , cft Auteur de cet Ecrit ,
qui eft tout François , quoique le
titre en foit Latin. Il a été imprimé
en 1538. pour la première fois. Il
ctoit devenu très rare. Un Libraire
de Hollande le fit réimprimer au
commencement de ce fiécle. Notre
Auteur alTure que tous ceux qui en
ont parlé, l'ont traité d'Ouvrage dé-
teftablc , de Livre impie , qui avoit
mérité d'être jette au feu avec fon
Auteur. Mais il croit en même tems
que ceux qui en ont porté ce juge-
ment ne l'avoient point lu. » Sa Icc-
>B ture leur auioit lait voir , ajoûte-
V t-il , que cet Ouvrage ( àquel-
»» ques obfcenitez près que l'Auteur
» auroit dû nous épargner ) pèche
» beaucoup plus contre le bon Icns
S SÇAVANS;
5) que contre la Religion , &: que
» c'elt une pkce beaucoup moins
» recommandable par fon propre
» mérite que par la réputation
« qu'on lui a donnée en la cenfu-
» tant. Il eft divilc en quatre Dia-
» logues qu'on appelle dans le titre
» du Livre des Dialogues Poétiques f
i) fort atttKjues ^ joyeux & facétieux.
Le deuxième Lialogue qui contient
une raillerie alfez fine de ceux qui
cherchent la pierre philofophale ,
cft le meilleur, félon notre Au-
teur , qui dit que les trois au-
tres ne méritent prefque aucune at-
tention.
Quoique l'Auteur parle de plu-
fieurs Ecrivains Ecclcfiaftiques dans
ces deux Volumes , nous ne ferons
ici mention que d'un feul. C'eft
Jean Major qui mourut , .1 ce qu'on
croit , en 1540. Uètoitd'Admgton
en Ecoffe , & vint fort jeune à Pa-
ris , où il ht fes humanitez dans le
Collège de Sainte Barbe. Il fut en-
fuite Difciplc du fameux Stan-
douck , Principal du Collège de
Montaigu , fous lequel il commen-
ça à étudier la Théologie. Stan-
douck ayant été exilé en 1498. Ma-
jor fe fit recevoir de la Maifon de
Navarre. Cependant il ne quitta
pas le Collège de Montaigu où il
enfcigna la Philofophie & la Théo-
logie. Ayant été reçu Dodeur, il
fit un voyage en fon Pays. Il enfei-
gna même pendant quelque tems
dans l'Académie de Glifcow.Mais
peu de tems après il revint en Fran-
ce •■, il reprit l'es leçons au Collège
de Montaigu. Il y eut plulieurs
DJfciples qui fe diilinguerent pai
J A N V I
îénr érudition-, entr'autres Almain,
Jérôme Hangeft & Robert Ccnalis
Evêque d'Avranches , qui ccrivoit
contre Calvin. Cependant il alla
finir fes jours en EcofTe.
Son principal Ouvrage eft un
Commentaire fur le Maître des
Sentcnces.-De tous les Théologiens
qui ont écrit fur cette matière , au-
cun, dit notre Auteur , ne l'a fait
avec plus d'érudition & defolidité,
ce qui lui a attiré beaucoup d'élo-
ges à jufte titre. Il a donné une ex-
pofition littérale de l'Evangile de
S. Mathieu , un Commentaire fur
E B!, 1 7 3 2; f
les quatre Evangeliftcs , avec des
qucftions de controvcrfe contre les
Hérétiques , & plufieurs Ouvrages
de Philofophie imprimés à Lyon en
15 14. On lui attribue un autre Li-
vre intitulé : le Miroir des Exem-
ples ^ imprimé à Cologne en 1555,
& une Hiftoire de k grande
Bretagne, dédiée à Jacques V. Roi
d'Ecofle. Elle finit au mariaf^c
d'Henri VIII. & de Catherine d'Asv
ragon.
Nous parlerons dans un au^-
tre Journal du x<f & du }o° Vo-
lume de cette Hiftoire.
ORDONNANCES DES ROIS DE E RylNCE DE LA
troiJUme Race , recueillies par ordre Chronologii^ue. Troijiéme Volurfic ,
contenant les Ordonnances du Roi Jean , depuis le commencement de l'an-
née i^^^. jufqu'à fa mort arrivée le %, Avril 13^4. atvec un Supplément
pour toutes les années de fin règne. Par M. Secousse, ancien Avocat
au Parlement G" AJfocié à C Académie Royale des Infiriptions &BelUs-
Lettres.A Paris , de l'Imprimerie Royale. 173 1. in-folio ; pour le corps
de l'Ouvrage, pag. ^^^4. fans la Préface & les Tables qui font fort
amples.
NOUS avons rendu compté
dans le Journal du mois de
Décembre de l'année précédente ,
de ce que contient la Préface Hi-
llorique & Critique que M. Sc-
coufle a mife à la tête de ce troifié-
me Volume des Ordonnances ,
nous allons rapporter dans celui-ci
quelques-unes des Notes fur les
Ordonnances , afin de mettre nos
Ledeurs en état de connoître le
goût dans lequel elles font compo-
fées.
Nous tirerons les premiers exem-
ples de l'Ordonnance du Roi Jean,
«loQnée À S. Quyn au mois d'Aouft
135 j. pour confirmer les Statuts-
des Orfèvres de la Ville de Paris»,
L'Ordonnance eft en Latin , mais
les Statuts qui y font inférés font
en François,
Notre Auteur obferve d'abord
quel'original de cette Ordonnance
eft confervé dans le dépôt des Ar-
chives du Corps des Orfèvres de
Paris, dans une layette de fer blanc*
Il eft très-bien confervé. C'eft fur
cet original que cette Pièce a été
imprimée dans le Recueil des Sta-
tuts & Ordonnances , accordées en
faveur des Orfèvres , imprimé à
Paris en 1688. /«-4°. /?<«£. j. mais
8 JOURNAL D
clic y cft défigurée par un gmnd
nombre de tautes , dit M. Sccouire,
l'Editeur s'cll même trompe à la
date , & il a lii 1345- au lieu de
1355. Ce qui l'a engagé à mettre à
la tctc de cette Ordonnance^ qu'el-
le a été donnée par Philippe de
Valois, Se cnfuke confirmée par le
Roi Jean.
Cette Ordonnance fe trouve auffi
dans le Mémorial C. de la Cham-
bre des Comptes de Paiis ,/ô/. 160,
reSlo. Elle a été confirmée par une
Ordonnance de Charles V. donnée
au mois de Mars 1 378. qui en rap-
pelle prefque toutes les difpofi-
tions , aufquelles elle ajoute quel-
ques articles nouveaux. L'Ordon-
nance du Roi Jean fait mention
d'anciens Statuts des Orfèvres con-
fervés au Châtelct de Paris ; notre
Auteur croit que ces anciens Sta-
tuts font ceux qu'Etienne Babau ,
Prévôt de Paris , avoit rédigés vers
l'an 12^0. fur de fimples ufagcs non
écrits & confervés par tradition.
Les Statuts confirmés par cette
Ordonnance du Roi Jean font
remplis de termes d'Oriévrerie &
de Jouailliers , que notre Auteur
avoiie de bonne roi qu'il lui auroit
été prefque impolTible d'expliquer
fans les éclairciiremens qui lui ont
été communiqués par M. le Roy ,
Marchand Ortévre à Paris , connu
dans la Republique des Lettres par
fa DifTertation fur l'origine de
l'Hôtel de Ville de Paris , impri-
mée au commencement de l'Hi-
ftoire de cette Ville par les PP. Fe-
libien & Lobineau , & par fon
Traité du Controlle des rentes fur
ES SÇAVANS,
l'Hôtel de Ville , & qui travaille
prefentemcnt à l'Hiftoire de l'Or-
tévrerie. M. Secoulfe fouhaiteroic
de trouver dans chaque Corps des
Arts tk Métiers quelque perfonnc
auilî habile que M. le Rov , afin
qu'il en cxpliqu.u plus fùremcnt les
termes, lorfqu'il en donnera les
Statuts dans la fuite de cet Ouvra-
ge. Voici l'explication de quel-
ques-uns de ces termes d'Orfèvre-
rie.
L'Article cinquième de ces Sta-
tuts porte : Nul Orfèvre ne feM
mettre amatitre , avec balais ne
émeraudes Rubis d'Orient ne t^Ali^
xandre , Ji ce n'efl en manière Aen-
voirrement fervant comme un crital
Jerjs feuille. Dans les Notes margi-
nales lur cet article , l'Auteur met
è! Alexandrie , au lieu à' Alixandre^
& criftal au lieu de crital.
La Note fur cet article qui eft
au bas de la page roule fur le mot
envoirrement. Ce mot , obferve M.
Secouffe , cft très-bien écrit dans
l'original , &: il fe lit aulIl dans
l'Ordonnance du mois de Mars
1378. Cepend.int dans rédition des
Statuts des Ortévres il y a de miroi-
remcnt , & dans le Mémorial de la
Chambre des Comptes il y a dV«-
7ioremefit. Notre Auteur s'en tient à
la leçon de l'original. Voici comme
il explique ce terme: Il croit qn'en-
voirrement vient du mot voirrines
qui fe trouve dans l'article 8. de
ces Statuts , &: qui fignifie ouvrage
de verre. Ce qui lui tait penfer que
par envoirrement il faut entendre
deux verres collés enfcmble par
une gomme raifineufe qui les lie &
leur
J A N V
leur communique de Ja couleur ,
enforte que ces deux verres fe prê-
tent de l'éclat l'un à l'autre. C'eft ce
Îui cil nommé doidlés de voimnes
ans l'article n. de la même Ordon-
nance, fuivant cette interprétation,
M.Sccoulfe explique ainfi l'article 5.
»De la même manière que l'on met
» ordinairement un criftal fous une
«pierre , il eft auilî permis d'en-
» chaircr des pierres de ditTerentes
» efpeces & couleurs dans un mê-
» me bijoux, de telle manière que
» par i'avoihnement ou l'opofition
= de leur (ituation , elles puilFcnt
«emprunter par reflexion l'éclat &
» les couleurs les unes des autres ,
» fans toutefois que cet éclat em-
» prunté puilTe être fortifié par au-
" cune feuille mife fous les pierres,
= ( autre qu'une feuille d'argent)
» contormcmcnt à la défenfe por-
» tée par l'article 4. qui porte que
» md Orfèvre ne peut mettre Jous
n ^-.matinr ou fous garnat feitille ver-
» medle ne d'autre couleur^ fors feule-
ra ment d^ argent.
La raifon que rend M. SecoulTe
de cette difpolition , cft que lorf-
que l'on met des pierres précieufes
en œuvre , il ne taut rien y ajouter
qui puiife leur donner un éclat
trompeur , &c capable de les faire
pafler pour plus précieufes qu'elles
ne font.
j4mMitre , dont il eft parlé dans
cet article eft la pierre précieufe
que l'on nomme prefentement
amathifle , ik: plus communément
4ifnethiifie. Le garnat eft la pierre
précieufe nommée aujourd'hui ^rf-
nat. Ceux qui feront curieux de
Janvier. . .
I E R, 1755. 9
cette matière pourront voiries au-
tres Notes de M. Secoulfe fur ces
Ordonnances. Nous les omettons
ici pour donner des exemples d'un
autre genre.
Nous les tirerons d'une Ordon-
nance de Charles hls aîné & Lieu-
tenant du Roi Jean , pendant la
prifon de fon père , datée du mois
de Novembre 12,^6. èc donnée au
Camp de Montlcheri. Ce Prince y
confirme une Chartre par laquelle
Arnoul Sire Dodencham Maréchal
de France , & Lieutenant du Roi
en Picardie , confirme aux habitans
de Tournay le privilège de recevoir
dans leur Ville , comme dans un
heu de refuge les meurtriers invo-
lontaires du Pays de Hainaut. On
voit par la Chartre qui eft inférée
toute entière dans l'Ordonnance ,
que c'étoit le Procureur du Roi qui
conteftoit ce piivUege aux habi-
tans de Tournay , comme étant
contraire au bien public. D'un au-
tre côté la Ville de Tournay tiroir
un grand avantage de ce privilège ,
qui avoir beaucoup contribué à la
rendre & plus peuplée & plus ri •
che. Les habitans deTournay, vou -
lant éviter d'avoir là-delTus un pro-
ces contre le Roi ou contre fon
Procureur , s'étoient adrcfles au
Lieuten^'it du Roi en Picardie, qui
après s'être informé cxacflement de
cette afiîiire avoir accordé aux habi -
tans la Chartre de confirmation
qu'ils lui avoient demandée.
Il cft dit dans cette Chartre qut
la Ville de Tournay avoir perdu
par Arrêt du Parlement le droit de
Commune, &c que les prérogatives
D
,0 JOURNAL D
que lui donncit ce droit de Com-
mune avoient cte iippli^itces au Roi
Philippe.
M. SecoulTe obferve là - defllis
dans fes Notes que le droit d'avoir
une Commune fur accordé à laVil-
le de Tournay par Philippe Augu-
ftc, par fes Lettres de l'an 1187.
elles font imprimées dans le fpici-
legcduP. Dachcry.Tomc 3.P.55 i.
de la féconde Edition. Ce droit
leur fut ôté par un Arrêt du Parle-
ment , & il lui tut rendu en 1 340.
par Philippe de Valois , pour rc-
compenfer leshabitans de Tournay
de la valeur avec laquelle ils s'é-
toientdéfcnduSjlorfquelaVilleavoit
été alTicgéc par Edouard 111. Roi
d'Angleterre. C'eft ce que Frolifard
dit exprclTémcnt , Livre 1. Chap.
^4. où il remarque que les habitans
de cette Ville furent fort joyeux de
ce que le Roi leur avoir rendu leur
Loi (c'eft-à dire leur droit de Com-
mune ) cjn'Us az'oiem perdue depuis
long-tems , îk qu'ils refirent entr'eux
Prévôts & Jurez , fuivant leur ufa-
gc ancien.
Mais en queltems étoit interve-
nu l'Arrêt du Parlement qui abolit
leur Commune? M. SecoufTe ré-
pond que les termes de la Chartrc
du Maréchal Dodeneham pour-
roient faire croire que cet Arrêt
étoit intervenu fous le règne de
Philippe de Valois , puifqu'il v cft
marque , que les droits de la Ville
avoient été applicfués au Roi Philip-
pe deffus dit , & que c'étoit Philip-
pe de Valois dont la Chartre avoit
parlé auparavant ■■, mais en prenant
aind la Cbaïtrc à la lettre ;, il ne pa-
ES SCAVANS,
roît pas facile de la concilier avec
ce que rapporte Froillard , que
quand le droit de Com.mune fut
rendu .t la Ville de Tournay , clic
l'avoit perdu depuis long-tems.
C'cll pourqiioi M. SecoufTe croit
que cette Ville avoit perdu le droit
de Commune avant le règne de
Philippe de Valois , &: que le droit
avoit été appliqué K ce Roi non
nommément , 6^: par un Arrcft ren-
du fous fon règne , mais en qualité
deRoi dePrance. Le P.Daniel allure
que l'Hilloire ne marque poinc les
raifons pour IcfqucUts on avoit ôté
les privilèges aux habitans de Tour-
nay. Notre Auteur conjcdure que
ce tut Philippe Augufte même qui
leur ôtala Commune , parce qu'ils
avoient tait un Traite en 11 97. avec
Baudoiiin Comte de Flandres , par
lequel il s'étoit obligé à ne tournir
à Philippe Augufte aucun fecours
contre le Comte deFlandres.
Il cfl: dit dans la Chartrc du Ma-
réchal de France , Lieutenant du
Roi en Picardie, que la Ville de
Tournay jouilToit de ce droit d'être
Ville d'afile Ss. de refuge dans le
tcms que le droit de Commune
lui étoit ôté , 6c qu'elle en avoit
joiii avant la prononciation de l'Ar-
rêt. Cependant il n'eft rien dit de
ce droit dans les Lettres de Com-
mune accordées par Philippe Au-
gufte •, c'ell: pourquoi M. SecoufTe
dit que cet ufage avoit lieu même
avant la conceiïlon du droit de
Commune , & qu'il efl compris
dans la confirmation des anciens
ufages faite par le préambule & par
l'article 31. des Lettres de Commu-
ne.
J A N V I
Ces deux exemples fuffifcnt
pour fiire connoître combien M.
Sccoiifle a fait de recherches pour
celai rcir les Ordonnances dont il
donne le Texte , & pour faire fou-
E R ; 175 ?: II
haitcr qu'il travaille avec la même
ardeur à continuer un Recueil fi
nccclTaire pourl'Hiftoire & pour la
Jurifprudencc.
D. LAURENTII HEISTERI PROFES. PUBL. HELMSTADIENSIS,
Academ. C.xfar. Rcgii Londin : ac Berolin. Collcgi , Compendium
Anatomicum totam rem Anatomicam brcvidime compleârens , editio
quarta prioribus longe audiior atque emendatior. Cum figuris ^Encis ;
Norimbergx , Se Alrorfi , fumptibus Georg. Chriftoph. "Webcri Bi-
bliop. 5c Jod. Guil. Kohlefii Acad. Tvpogr. 1731. C'eft-à-dire : L'a-
hregé Anatomicjiie de Laurent Heijler , &c. avec des figures en taille-dou-
ce : ejuatriérns Edition , revue & corrigée. A Nuremberg & à Altorf ,
aux dépens de Georges-Chriftophe Wcbcr Libraire , & dejod. Guil.
Kohlefu's, Imprimeur de l'Univerfiré. 1751. deux Volumes /« - 8°.
premier Vol. pp. le^. fécond Vol. pp. 190. fans compter une Table
des Auteurs cités , & une Table des matières.
LA première Edition de cet
abrège Anatomiquc fi connu
& fi cftimé des Sçavans , parut en
Ï717. Se fut bien-tôt fuivie d'une
féconde Si d'une troifiéme -, la qua-
trième que voici cft augmentée de
pluficurs citations d'Auteurs, de
plufîeurs reflexions , & outre cela ,
de diverfes remarques conccinant
un Livre intitulé : SpUnchnologii
ou l'Anatomie des Vifcercs , » publié
» ( dit M. Heifter ) par un Chirur-
» gien d'ailleurs diligent , 6i juf-
» qu'ici fort induftrieux à ramafTer
» les Obfervations des autres , le-
» quel s'appelle Garengeot : « Liber
yînai07nicus Gallicè confiriptus , edi-
titf<jiie k Chirurgo alias diligenti , &
in Ohfervationibus aliorum colligen-
dis haElenus perindiifirio ^ cm Garen-
geot nomen.
Ces remarques terminent l'Ou-
Vïagc , ôc font une addition parti>
culiere de l'Edition dont il s'agit ,
nous nous bornerons pour le pre-
fent à en rendre compte.
Un peu avant que la quatrième
Edition, dont nous parlons, fût
achevée d'imprimer , M. Heifter
reçut la Splanchnoiogie en que-
ftion ; Livre qu'il dit être fi rempli
de fautes , ejue de vouloir les réfuter
toutes , ne ferait pas moins ejue de
vouloir netoyer l'étable d'Augias.
C'efl pourquoi il fc contente d'en
rapporter feulement quelques unes,
n'ayant pas le tems , dit - il , d'en
relever un plus grand nombre.
Augi£ ftabulum effet expurgandum ,
fi omnes Chirurgi noflri lapfus pro-
ferre vellem , cui negotio expediendo ,
nunc non vacat.
Quoique M. Heifter ne rapporte
qu'une très-petite partie des fautes
du Chiiurgien qu'il reprend , les
exemples qu'il cite font néanmoins
Bij
12 JOURNAL DE
en trop gr.-ind nombre povir que
nous puillîons kscxpofcr tous , en
voici feulement quelques-uns.
M. Garcngco: dit qu'on ne fçau-
roit fcparcr de l.i peau , la cuticule
gc les ongles, qu'après les avoir laif-
fé macérer long-tems •, & il met
cela , dit M. Heilter , au nombre
de fes prétendues découvertes. Mais
M. Hciftcr remarque là-delTus, que
cette cuticule fe fépare à l'inftant ,
par le moyen de l'eau bouillante.
M. Garengcot nie l'exiftence de
la membrane rcticulaire , 6c dit
qu'elle cft imaginaire dans l'hom-
me -, mais M. Mcilter s'oflre de
montrer , quand on voudra , cette
membrane , non feulement dans
tous les cadavres frais , mais dans
toutes les préparations qu'il a. Non
folkm in ncemionbiis caJuvcrd-us ,
fedctiamin préparât is meis hocfem-
ver oflendere poffiim.
Selon la S'plancbnologic , la
peau eft beaucoup plus dure au ven-
tre que par tout ailleurs , 8c en mê-
me tems plus mince. M. Hcifter re-
marque à ce fujet , 1°. Q_uc la peau
des paupières cft encore plus min-
ce \ 1°. Qu'il y a des parties où la
peau eft plus dure qu'au ventre.
M. Garengcot cite dans fa Splan-
chnologic un Mémoire par lui prc-
fenté à l'Académie des Sciences en
lyztf. où il s'explique ainii. » Par-
!> mi plufieurs erreurs que j'ai re-
» marquées dans les Livres d'Ana-
» tomie , tant anciens que moder-
» nés , les plus confidcrables rcgar-
» dent la naiftance des artères inter-
» coftalcs fuperieures. En effet tous
» les Anatomiftes , don: j'ai lu les
S SÇAVANS,
» Ouvrages , ont avancé que les
» trois &c quatre arrcres intercofta-
» les fuperieures viennent de la
» fouclaviere de chaque côté
» ayant donc voulu véri^er fur les
» cadavres cette origine , ce pro-
i> grès iSc cette difpofinon des trois,
» ou quatre artères intercoftales
» fuperieures , j'ai trouvé au con-
» traire , que femblables aux inter-
» coltales inférieures elles partoient
» toutes de l'aorte intérieure dans
» l'ordre fuivant , &c.
M. Garengcot prétend donc que
les trois ^' quatre artères intercofta-
les fuperieures , au lieu de venir
des artères fouclavieres , viennent
du tronc même de laortc inférieu-
re : mais M. Heifter foûticnt que
M. G.irengcot , qui dit ici que tous
les Anatomifics , tant anciens que
modernes , fe font trompes , fc
trompe lui-même -, Se il alTurc avoir
vu dans un grand nombre de cada-
vres qu'il a diflcqués , les artères
intercoftales fiipcricures , partit
non du tronc de l'aorte , mais des
fouc!ivieres ; il ajoute que le Sça-
vant lVulth;r fameux Anatomifte
de LeipHc , qui au fujet de ce que
M. Garengcot avance ici , a voulu
faire de nouvelles recherches tou>
chant l'origine des artères dont il
s'agit , les a toujours vues partir
des Souclaviercs , ce qui l'a oblige
de fpecitîer le fait dans une Difter-
tation particulière fur les vaifteaux
vertébraux , imprimée il n'y a que
deux ans , à Lciplic ; Difllrtation ,
dit M. Heifter , dans laquelle on
relevé comme on doit , celui qui
ofc ici avec tant d'alfujancc & de
J A N V I
triomphe , accufer d'erreur tous
les Anaroiniftcs , tandis que l'er-
reur eft de fon côté. Comme M.
Garcnocot a lîi fon Mémoire à l'A-
cademiç.dcs ScicRces , & qu'il a
grand foin d'en avertir , nous ne
pouvons nous difpenfer de rappor-
ter ici la remarque que nous avons
faite à ce fujet , dans l'Extrait que
nous avons donné de la Splanch-
nologie, au mois de Mai i-^ig. fça-
voir que » lorfque cette Académie
= admet quelque Auteur à lui faire
» part de ce qu'il croit avoir décou-
» vert de nouveau ou de curieux ,'
» on n'en doit pas conclure qu'elle
» approuve toujours les Ecrits dont
»ellc a bien voulu écouter la Icdure.
Cet avis que nous rappelions eft
d'autant plus digne d'attention, que
nous ne le. donnâmes point de no-
tre mouvement propre, mais après
que l'Académie , à l'occafion du
Mémoire que M. Garcngeot y
avoit lu , nous eût fait demander
par M. l Abbé Eignon même, d'in-
férer l'avis clans notre Journal.
Parmi un grand nombre de cada-
vres que l'on ouvre , il ne s'en
trouve que quelques-uns où l'arte-
re intercoftalc naille du tronc de
l'Aorte & ne vienne pas de la Sou-
claviere ; enforte que M. Garen-
gcot , en foûtenant comme il fait ,
que l'artère en queftion vient tou-
jours du tronc de l'Aorte •■, ne peut ,
félon la remarque de M. Hcifter ,
être excufé d'erreur. Qyelques
Ledeurs le reprendront peut-être
encore ici d'avoir dit , i°. qu'il a lil
tous les Anatomiftcs , z". que tous
ces Anatomiftcs qu'il aflurc avoir
E R, 1 7 5 j. rj
lus , ont avancé que les artères in-
tercoftales fupericures viennent de
lafouclavieie : & ces Lcdcurs ne
feront pas fans doute difficulté de
conclure que M. Garengeot n'a lu
niRiolan, ni M. Vieultcns -, Au-
teurs cependant de fa nation , &
dont les Livres font connus de tout
le monde. Pour prouver première-
ment qu'il n'a pas lii Riokn , ils
citeront , non le paiTagc qu'on a
fiitt mprer de cet Anatomifte dans
la Splanchnologie de M. Garen-
geot , p^^. 403. & qu'on a pcrfuadé
au même M. Garengeot , être le
feul endroit où Riolan parle de
rameaux fortans du tronc de l'Aor-
te, mais au lieu d'un tel pafTage
qui ne vient point au fait , ils cite-
ront celui-ci qui paroît bien for-
mel : intercofidis fupirior & hitsrco-
flalis major f uni fiElitiéi aneria .... ;
nam troncus aoru a corde ufaiie ad
diaphragma , ntnnrjuf jnxta unam-
cjiiam^ue cojlam , rumuhim tranfmit-
tit & fupped.tat Jifigulis coflt!. Riol.
animadv. in Anatom. L.tnrcntii ^
cap. de aort. CT arier. Ils ne man-
queront pas non plus , de produire
cet autre endroit du même Riolan;
intcrcojlaks arteria inferiores utrin-
que ad odo interiorum coftarum
intervallamtttuntitr ; nec tantkm in-
feriorihns coftis diftribimntur , fed
etidm fuperioribns ufcjue ad clavicH-^
las , proptereaijfits non reBè fcripjît^ à
fnhcluviâ cjiialibet intercoftalemfupe-
riorem tribus (}natuorvè coftis fupe-
riortbus dtftribui. Rtol. Animadv. in
Theair. Anatom. Cafp. Banhini.
A l'égard de M. VieulTens , ils
n'oublieront pas d'en rapporter les
ï4 JOURNAL DE
paroles fuivantcs : De arieria inter-
coflalt fuperiori hic non lo^uimnr ejua-
niam Imc à fuperiori aori£ inférions
farte , m plurimiim emuiitur. Fienf,
de mixti principiis in ordtn. ad ctrp,
huma».
Ces paffages font clairs,diront-ils,
& M.Garcngcoc peut fe les taire tra-
duire.s'il en doute -, mais comment
après cela, continucront-iis, peut-il
avancer i". Qii'il a lu les Ouvrages
de tous les Anatomiftcs f i°. Que
ce qu'il foûtient de l'artère interco-
ftalc , en difant qu'elle vient du
tronc de l'aorte , cil une découver-
te qu'il a faite ': 3°. Que M. Winf-
lov a mal-à- propos fait inférer
dans le Traité des Saignées de Ad.
Silva , que Riolan cil le premier
qui ai.t avancé que toutes les intcr-
coftales , tant fupcricures qu'inté-
rieures , partent du tronc de l'aor-
te infcrieuie ; nous laiiTons à Mef-
fieurs Winflo'»' &c Silva , s'ils ju-
gent la chofc digne d'eux ^ le foin
de répondre à celui qui les atta-
que.
On trouve dans la Splanchnolo-
gie plulîeurs figures anatomiques ,
& comme M. Garcngcot les vante
extrêmement , jufqu'à prétendre
qu'elles font d'une perfei5tion au-
delTusde tout ce qu'on a vu jufqu'à
prcfcnt de meilleur en ce genre ,
M. Heifter obferve qu'elles font au
contraire très-déleducufes ; &c de
la manière qu'il en parle , ces figu-
res bien loin d'enrichir le Livre ne
peuvent fcrvir qu'à le faire paroître
encore plus pauvre.
Il fait là-delTus une remarque
gu'il cft important de ne pas ou-
5 SÇAVANS,
blier ici i c'eft , 1°. que les princi-
pales figures de M. Garengcot ont
été gravées fur des dcffeins que M.
Stockaufcn Difciplc de M. Hcifter
6 DoCl:eur en Médecine deMagde-
bourg , lequel étoit alors à Paris,
d'où il cft parti depuis , lui a tracés
de fa propre main , & lui lailTa en
partant de Paris : 2". que M. Ga-
rengcot , après le départ de ce Mé-
decin , fut fort embarralfé quand
ce vint à faire graver ces figures , &c
qu'il ne fut plus à portée de con-
fulter le Médecin de qui il les tc-
noit : 5°. Qiie faute de cefccours ,
le Graveur & M. Garengeot ont
donné des figures difformes , où
l'on ne reconnoît plus les defleins
de M. Stockaufcn : Tarn énormes
errores Chalcographi CT Chiritrgi no-
jïf-i vitio , pojl abitum Sttckpfti ex
Gallià , commiffifunt , cjms ne ohfer-
vare cjiùdem valint Garengeot , dur»
ne^ne eos corrigi curavern , ne^jtie in
defcriptione aut explicatione indicave-
rit.
M. Heiller , pour faire voir
combien ces figures font détedueu-
fcs , cite pour échantillon les plan-
ches VI. VII. & X. où le péritoine,
dit-il, eft rcprefcnté tout autre-
ment qu'il n'eft. Il cite la planche
V. où il obferve que les veines & les
artères umbilicales font dépeintes
dans une firuation toute différente
de la naturelle, quoique M. Ga-
rengeot fe vante de donner des fi-
gures où l.i firuation des parties eft
fi cxaârement obfcrvéc qu'à cet
égard on ne fçauroit , fclon lui ,
trouver ailleurs des figures plus
parfaites.
J A N V
Qiioi qu'il en foit , M. Heifter ,
après avoir en général jette les yeux
fur les figures de la Splanchnolo-
«rie , s'eft contenté d'en reprendre
feulement quelques - unes -, mais il
déclare qu'elles font toutes indi-
gnes d'un Anatomifte : on remar-
que , au refte , que ce que dit un
Approbateur du Livre , quand
il avance que les figures en que-
ftion , ont été dejfmées exprès fur
des cadavres, fc trouve contrarié
par un aveu de l'Auteur même ,
qui pag. 472. eft obligé de confef-
fer que c'cft d'après un cerveau de
cire qui lui fut communiqué car
un de fes confrères , qu'il a fait
graver la dix-huitiéme , la dix-neu-
vicme & la vingtième planche.
On eft toujours très à reprendre
quand on manque de lumière fur
les chofes dont on fe mêle de don-
ner des leçons -, mais de vouloir
avec cela s'attribuer les obferva-
tions d'autrui , eft un procédé que
M. Hciftcrne peut fouffnr ; & c'eft
de quoi il prétend que M. Garen-
geot eft encore coupable. 11 cite
là - dcftus pour exemples , 1°.
la defcription des vailTeaux lym-
phatiques , 2°. la remarque ,
qu'il n'y a que neuf paire s de nerfs
qui dans le crâne fortent de la
moelle allongée , 3". l'obfervation
que les glandes miliaires de la peau
n'exiftent point. Il accufe enfuite
M. Garengeot de fe parer hardi-
ment des plumes qu'il a ramaflees
I E R ; I 7 3 5. I j-
de Meftîeurs Duverney , Winflow,
Heifter , & de quantité d'autres.
Un trait dont M. Heifter nous a
paru ici très-choqué , c'eft , dit-il ,
que M. Garengeot, non content, de
s'approprier des chofes qui ne lui
appartiennent pas , maltraite en-
core quelquefois ceux même de
qui il les tient ; mais fur quoi on
fe recrie le plus eft de lui voir
avancer qu'excepté lui , tous les
Anatomiftes modernes n'ont écrit
que d'après des idées de Cabinet Sc
n'ont jamais dilTéqué de cadavres ;
Pr£terea ( conqucritur Garengeo-
tus ) qiiod reccntijfimi Autores Ana-
tomies; tibi nullum excifit , /cripta
fua m Mufis.0 confecerint , nec cadti-
vera inciderint , fed alter alterum
defcripferit , fe vero folum gloriatur
cadavera. incuiijfe. Difcouis inoui ,
s'écrie M. Heifter , & qui fait ou-
trage à Melïïeurs Ruifch , Duver-
ney , Valfalvit , Coiuper , hancifi,
Morgagni , IVmflo'w , Douglaff ^
Chezelden , Santorinus , Cantius ,
Albimis , IValterus , Heifter , & à
nombre d'autres qui ont palfé leurs
vies à diffequcr; mais difcours dont
la témérité fans exemple , pourra
bien , dit M. Heifter , attirer à fon
Auteur , s'il ne fe corrige , quelque
traitement capable de le rendre
plus fage à l'avenir : Quodfi vero
imfofterum non modeftius fe gerat ,
profeSlo non deerunt i^ui acriori lixi-
vio capiit ipfi lavahnnt;
j6
JOURNAL DES SÇAVANS,
THEOPHILl-SIGEFRIDI- BAYERI, REGIOMONTANI,
Acadcmici Pctropoliuni , Grxcirum Romanarumque Antiquiratum
Prot. Pub. Ord. Societ. Rcgix Bcrolin. Sodilis , Miifeum Sinicuni , in
quo Sinicx Linp;ux& Litccrarura:r<inoexplicatur. Petropoli , ex Ty-
pographia Acadcmix Impcratorix 1730. C'cllà dire : Le Cabinet Chi~
VOIS , oit l'on explique en cjuot conjtfle Li Langue (ir la Littérature Chinoijè;
Par Théophile-Sifroi-Bayer de Konigibcr^^ de l'Académie de Peterjbourg^
Profejfeur public & ordinaire des j^ntiijiittel^G régnes & Kjm.^ines , & de
la Société Royale de Berlin. A Pctcribouig , de l'Imprimerie de l'Aca-
démie Impériale. 1750. /«-8°. 1. Vol. Tom. 1. pp. 145. pour 1.1 Préta-
ce , pp. 199. pour la Grammaire Chinoilc. Tom. II. pp. 372. Planch.
détach. XVI, pour le prcm. Vol. LVII.pour le Iccond.
CE n'eft proprement que de-
puis envi) on le milieu du 14'
fiécle , que les Européens ont
commencé à prendre quelque légè-
re connoilHince de la Langue S< de
la Littérature Chinoife. Avant ce
tems-là , ce qu'Us avoient pu re-
cueillir de leur commerce avec les
Orientaux touchant cette Nation ,
fe reduifoit à quelques taits fi incer-
tains &L fi peu débrouillés , que l'on
ne pouvoit , fur de pareils tonde-
mens , rien établir de bien folide à
cet égard. C'ell donc l'Hilloire de
ce qui a putranfpircr pour ainli di-
re de ce vaftc Pays jufqu'à eux pen-
dant une longue fuite de fiécles ,
& des découvertes qu'ils y ont fai-
tes par eux-mêmes pendant les
deux derniers , que nous entretient
M. Bayer dans une Préface très-
étendue , dont nous ne fautions
nous difpenler de donner au pu-
blic un Extrait déraillé , pour le
mettre à portée d'apprécier au jufte
tout l'Ouvrage.
Depuis le Géographe Grec
Marcien d'Hcraclce , qui vivoit
dans le fécond fiécle de l'Ere Chré-
tienne , & qui fait mention d'un
peuple qu'il nomme i'/»<e , lltué à
l'Orient de l'Inde de-là le Gange j
& depuis Cofme d'Egvpte qui fous
l'Empire de Juftinien avoitvovagc
chez les Seres voifins des Indes,
mais que l'on prétend n'avoir rien
de commun avec les Chinois : on
a été jufqu'au milieu du treizième
liécle fans rien apprendre touchant
ce peuple (1 puiflant, ii nombreux
& a floriflant par rapport à la cul-
ture des arts. Ce hit donc alors que
Hoidacoit j fous les aufpices de fon
frère aîné Mimcac Grand-Can de
Tartarie , avant envahi la Perfe , y
amena quelques Chinois Lcttics ,
qui communiquèrent à l'Aflrono-
me Najjiroddm leurs obfcrvations
lur la policion 6c le mouvement
des aftns. En 129^ Cafm arrière
petit hls de Houlacou , & qui re-
gnoit en Perfe fous l'autorité de
Cotibldi-Can ^ chargea l'Aiv-bc Ri-
xidottin de drelfer uncChronologie,
à l'aide de deux Plîilolophes Chi-
nois qu'il avoit pour lors à fa Cour,
J A N V 1
ic qui lui donnèrent quelque tein-
ture de la Médecine u(îtce parmi
leurs Compatriotes , &c de leur Hi-
ftoire. On ignoreroit totalement
ces faits , fans AbdalU-^houfaid ^
qui vivoit il y a45^ans,&:quinous
les apprend dans une Hiftoire de
la Chine qu'il avoir compofée fur
les Mémoires des Chinois mêmes ,
dont il aiïure avoir vu les Li-
vres, vantant au furplus l'élégance
de leur écriture , &: expliquanten
quoi confiftoit chez eux l'art de
l'Imprimerie.
En 1 1^ i.Gm\\:L\xm.t de RubmeiMis
Ambafladeur de S. Louis Roi de
France vers le Grand-Can de Tarta-
rie , y apprit que les Chinois fe fer-
voient du pinceau pour écrire , &
traçoient pluiJicurs lignes pour for-
mer une lettre. Marc -Vend de Ve-
nife , en 1275. par le féjour qu'il
fit chez ces peuples pendant 17 ans,
&: par le fccours des 4 Langues dif-
férentes qu'il fçavoit & qui le metr
toient en relation avec eux , étoit
parvenu à l'mtelligence de leur
langage , & à quelques notions de
leur Littérature ■, quoique pourtant
il foit difficile de juger , par les
Ecrits qui nous relient de lui , juf-
qu'à quel point il avoit pu s'inftrui-
re de l'érudition Chinoife. Ce fut
principalement par fon moyen &
par celui de Jean dn Plan-Carpin ,
qui avant lui avoit pénétré dans
ces Pays Orientaux , que Vincent
de Beauvais , Antoine de Florence ,
& peut-être quelques autres , foit
Italiens , foit François ou Alle-
mands , acquirent quelque eon-
iiûiflance des Tartarcs , mais fans
janvier.
E R , r 73 5. 17
nul éclairciflemcnt fur la Littératu-
re des Chinois.
Peu de tcms après Marc-Paul ,
Hciython l'Arménien , par fes liai-
fons avec les Tartares, apprit d'eux
quelques circonftances touchant
l'écriture Chinoife , dont Nicolas
Salconi , auquel Hay thon les avoit
communiquées , fit part au Pape
Clément V. en 1307. cequi fe re-
duifoit à laire valoir rextrcme an-
cienneté de leurs caraâ:eres , l'hu-
manité de cette Nation, fa po-
litefle , qui n'empêchoit pas cepen-
dant qu'elle ne regardât les autres
peuples comme abfolument aveu-
gles, les Européens comme n'ayant
qu'un œil , 8c elle feule comme
joiiilTant des deux yeux.
Ce fut environ ce tems-là, com-
me en fait foi , non feulement le
lameux Monument Chinois , mais
encore le témoignage de pluiicurs
Syriens & Arabes , que le Chriftia-
nifme pénétra jufqu'à cette extré-
mité de notre continent parle mi-
nifterc des Chrétiens Nelloriens.
Mais les grandes révolutions arri-
vées peu de tems après dans l'Afie
Orientale fermèrent bien-tôt cette
porte à nos Voyageurs Occiden-
taux , qui ne pouvant plus aller par
terre jufques dans ces régions fi re-
culées , ôc n'ayant point encore par
mer aucune route ouverte qui pût
les y conduire , cefferent de porter
leurs vues de ce côté -là; enforte
que le peu de lumières acquifes
touchant la Littérature des Ce ois,
s'obfcurcit pendant l'efpace de 140
ans jufqu'au point qu'il n'en reftoit
prcfque plus d'idée. :;j
C
i8 fOURNAL D
Après que 1rs Navigateurs Por-
tugais curent frivé par mer un nou-
veau chemin juf.ju'aux Ind:s , à la
Chine &c au Japon , Saint François
Xavier fit le voyage des Indes dans
la vue de prêcher le Chriftianifme
à celles de ces Nations Orientales
qu'il jugeroit la plus difpofcc à pro-
fiter des vcritez qu'il lui annonce-
roit -, Se ce fut la Chinoife dont la
grande réputation lui fit concevoir
de plus hautes efperanccs pour le
fuccès defon delTcin. Mais quelque
effort qu'il fit pour vaincre les ob-
ftacles qui lui barroicnt l'entrée de
'la Chine, il n'y put mettre 1; pied,,
& mourut en i ^ 5 i. dans une Ifle, à
la vue de ce Pays tant dcfiré. Il
avou d'avance fait traduire enChi-
nois le Livre fur la création du
monde £c fur la Vie de J. C. qu'il
zvoit compofé en Japonois. Douze
?.ns après fa mort (en 1564.) les
Efpagnols conquirent les liles Phi-
lippines , où ils lièrent quelque
commerce avec les Chinois, &: d'où
furent pour la première fois tranf-
porrés dans la Bibliothèque Vatica-
ne & dans le Monaftcre de l'Efcu-
rial , les premiers Livres Chinois
qu'on eût vus en Europe.
Ce fut à Manille , Capitale de
CCS Ifles , que Jean-Gonfalcs A<ïen-
doça^ Auguftin , & envoyé du Roi
d'Efpagne à la Chine , fit traduire
un Livre de cette Nation touchant
l'Etat prefent & la pui (Tance des
Chinois',& de retour à Romc,il pre-
fenta au Pape Sixte IV. la relation
de fon voyage écrite en Efpagnol ,
& dans laquelle il avoit inféré le
contenu de ce Livre Chinois , qui
ES SÇAVANS,
n'offroit qu'un fort léger crayon de
h Langue & de l'ccricurc de ce peu-
ple , &J qui pour la première fois
mettoit fous les yeux du public la
rcprcfentation àc trois caractères
de cette Langue, mais étrangement
défigurés , ic qu'il faut prefentcr au
miroir pour les voir dans leur fitua-
tion naturelle,
L'Auteur n'oublie pas de nous
informer ici des progrès que firent
vers ce même tems dans la Litté-
rature Chinoife les PP. Michel Ro-
ger &C Matthieu Ricci , Jcfuitcs
Miffionnaircs à la Chine. Mais le P.
Alvare Semcdo ^ Portugais , de la-
même Société , cft celui ( dit M.
Bayer ) qui a commencé à dévoiler
ces myftercs avec un détail digne
de la curioiîté des Savans , mais
encore trop laconiquement à cer-
tains égards , ( continue-t-il) & un
peu obfcurémcnt , peut-être pour
augmenter le merveilleux , fans
compter qu'il ne fit graver aucuns
caradleres. Les Jcfuites qui depuis
Semedo ont écrit fur les affaires de
la Chine , tels que les PP.Trigiutty
A4agailla!7S ^ Martini , Couplet ,
Roitgemont , Grejlon , le Gobien , &C.
n'ont rien ajouté fur cet article 2
l'Ouvrage de leur Confrère , excep-
té le P. Louis le Comte , qui a ren-
chéri fur lui &: poufle plus loinle*
éclaircilTemens.
Au fujet des difputcs furvenuës
entre les divers Millîonnaifes tou-
chantquclqucs cérémonies duCulre
Chinois&touchantlaPhilofophiedc
ConfuciHS^ l'Auteur prend occ.ifion
de nous informer des Editions dif-
férentes qui nous ont fait connoxtw
J A N V I
les Ouvrages de ce Philofophe. Le
P. Intorcetta , Jefiiite Sicilien , en
publia une première Edition Chi-
noife & Latine en \6~(>. impiimcc
en partie à Qu^xm Chen , Capitale
de la Province de Canton , en par-
tie à Goa. En 1 671. le P. Kircher en
donna une féconde Edition à Ro-
me , avec des Commentaires La-
tins -, & en i6-j%. Confucius parut
en cette même Langue imprimé à
Paris. Mais toutes ces Editions
comprcnoicnt à peine le titre des
Ouvrages de ce Philofophe Chi-
nois, dont le Recueil complet, que
les Jefuitcs ont entre leurs mains ,
( dit notre Auteur ) n'a jamais vu le
. jour. En 171 1. le P. iVof/ fît impri-
mer à Prague lîx Livres cladîques
de l'Empire Chinois , annoncés par
les Journaliftcs de Leipfîc , mais
que M. Bayer n'a pu voir jufqu'à
prefent.
Il revient à l'ordre Chronologi-
que des Savans qui ont illuflré la
Littérature Chinoife. Il parle da-
bord de Suitmaife , &: quoiqu'il ne
le regarde que comme trcs-médio-
crement initié aux myftercs de cet-
te Langue , il l'en croit cependant
beaucoup mieux inftruit que ne
l'ctoit Jofeph Scaliger.
Eni^54. le P. Martini revint en
Europe , & amena avec lui un jeu-
ne Chinois. Golius , qui avoir fait
grande provifion de Livres en cette
Langue , où il ne connoilToit rien ,
ne manqua pas une occafion fi fa-
vorable de s'abboucher avec ce
Père & de tirer de lui divers éclair-
ciflcmens, tant fur l'Aftronomie des
Chinois que fur le tefte de leur
E R , 173 3« ip
Littérature. Au bout de fix ans ( en
lé'^i.) le P. Martini retourna à 11
Chine, où il mourut d'une mala^
die peu conîiderablc en apparence ,
& qui devint ( dit-on) incurable
pour les Médecins Chinois, par une
drachme de rhubarbe que le ma-
lade prit de fon chef &C mal à-pro-
pos. Il s'agilToit d'une crudité d'e-
ftomac & d'un dégoiit pour les
alimens.
Prcfque dans ce même tems,
Théophile Spizel publia fon petit
Traite touchant la Littérature Chi-
noife , de re Litteraria Sinenfîiim ,
Ouvrage décharné , d'une doiftrine
médiocre , dit M. Bayer , & du-
quel fi l'on retranche les lieux
communs ôc ce que cet Auteur a
emprunte des PP. Mendoca , Se-
medo, Langobardi ^ Trigaault &
Martini , il ne lui reliera prefquc
rien qui lui appartienne en propre,
& encore ce peu n'eil-il pas exempt
d'erreur.
En 1 66-j. parut la Chine Illuflrèe
du P. Kircher , dans laquelle il pu-
blia en caraifleresChinois le célèbre
Monument de la Religion Chré-
tienne trouvé à Si-ngan-fu en 16 1^.
imprime d'abord en Latin & e»
Portugais , puis inféré dans le Pro-
drowHs-Copuis du même .Tefuite ,
qui croyoit voir & trouver par tout
( dit notre Auteur ) les Hiéroglyphes
Egyptiens.
Il ne parte point fous filence leî
fèrvices rendus à l'érudition Chi-
noife par le P. Michel Boym, Jcfui-
te Polonois , qui a défriché l'Hi-
ftoire Naturelle & la Médecine de
cette Nation , dans fon Livre ia«
Ci;
ao JOURNAL DE
titille Flora Siftica ^ &'dans d'au-
tres Traitez envoyez par le P. Cou-
plet à Batavia pour être tranfportés
en Europe , mais qui lont rcites à
Batavia. Notre Auteur croit que la
Flore Chimife n'cft point encore
fortie du portefeuille ; ignorant
fans doute qu'elle a été imprimée
deux fois ; l'une à Vienne en Au-
ftriche en 16 ^ë. in-fil. l'autre dans
ie Recueil des Voyaj^es de Mclchi-
fedcc Tl:évenot , aufli/«-/o/.
A l'égard des autres Ouvrages
du P. Boym concernant la Chine ,
André Cleyer , Médecin à Batavia ,
en fit fon profit pour le Traité qu'il
publia en Allemagne in-j^. où l'on
trouve quatre Livres fur itmoiive-
wem dn fouis compofés par le Mé-
decin Chinois Vam-xo-ho &: traduit
en Latin avec des figures très-mal
defluiées & très-informes. Enfin le
même Cleyer , à la follicitation du
P. Couplet £c de Men\el , infera
dans les Ephemerides des Curieux de
la Nature de \6Z6. une cfpece de
clef Chinoife telle qu'il avoir pu la
recueillir des Mémoires déchirés &:
brouillés du P, Boym qui étoient
entre fes mains depuis ii an.
Qi^ielque fupcrficielle que fût en-
core alors la connoiiTànce qu'on
avoit acquife de la Langue Chinoi-
fe , i'Anglois Jean Vebh en 166'). fe
perfuada qu'elle étoit la mère de
toutes les Langues ; le P. Tho-
maffm de l'Oratoire en 1^57. crut y
reconnoître des traces de l'Hébreu^
bi Philippe Maffon y eut recours
pour l'explication d'un Pfeaume de
David. Mais parmi tous ceux qui
.ont travaillé à débrouiller la Litte-
S SÇAVANS,
rature Chinoife , nul ne l'a fait avec
plus de fuccès Scpilus de perfcve-
rance.( dit M. Baver) qu'André
Muller^Cnx\<^\^i\MenXel.
Le premier avoit pris le goût des
Langues Orientales dans le com-
merce avec des Savans de ce genre,
tels que Calld , Walton , Hyde ,.
Clarck? , Grave & pluficurs autres.
Mais les diflîcultcz infurmontables
qu'il entrcvoyoit dans la Langue
Chinoife lui en avoient infpirc de
l'horreur. Cependant lorfqu'il eut
parcouru la Chine illujlréc du Père
Kirchcr , qu'il eut rangé en ordre
tous les caraâ:cres du Monument
Chinois , & lu un Auteur Arabe
qui traitoit d'un autre genre d'écri-
ture ; il fe fentit comme divine-
ment infpiré , ( dit- il ) de travailler
féricufcraent à trouver une clef
pour applanir ces dilTîcultez de l'é-
criture & de la Langue Chinoife. IL
apalTétoutle cours defa vie à com-
pofer & à pubher divers Ouvrages,'
dans lefquels il fait de magnifiques
promcflcs fur cet article , vantant
l'importance des découvertes qu'il
a faites en ce genre , mais qu'il ne
peut expliquer bien clairement
( dit-il) que lorfqu'on lui aura aflî-
gné une recompenfc proportionnée
à la grandeur de fon travaiL Notre
Auteur juge par l'examen de tout
ce que Mullcr a public fur le Chi-
nois , que c'étoit un habile Charla-
tan j qui fe donnoit au public pour
infiniment plus éclairé fur ce point
qu'il ne l'étoit effedivement , &
qui cft mort fans avoir trouvé cette
prétendue clef dont il avoit fait
tant de bruit , & de l'efpcrancc de
J A N V I
laquelle il avoit amufé & flatté fi
long-temsles Princes & les gens de
Lettres.
Ces Ouvrages de MuUer indi-
qués ici par l'Auteur font, 1°. fes
Commentaires fur Adarc-Pad de Ve-
nife ( en 1671. ) accompagnés de
Tes obfcrvations fur le Cathai , de
la Chronologie Chinoife de Golius,
corrigée, & de quelques remarques
très-légères fur la Langue de ce
Pays-là , dont il avoit une fi belle
occafion de parler foncièrement :
2°. En 1^71. VExflicMion du Aîa-
tjumem Chinois , où il fe glorifie
d'avoir corrigé plufieurs fautes,
pendant qu'il y en a mis de nouvel-
les , donnant au furplus une très-
médiocre opinion de fes lumières
en fait de Littérature Chinoife :
3°. Des conjeElures fur les prières pu-
bliées en Chinois & en Latin en
1^74. avec la dilhibution ou l'ar-
rangement d'une BiblioihéijHe Chi-
noife , & 7 obfervations concernant
la Chine : 4". En i68o. une No-
menclàture Géographique , avec les
longitudes & les latitudes des
lieux , en quoi il eft prefque par
tout d'accord avec la Carte du Père
Noël Jefuite , publiée à Prague :
5'. La même année des verfions des
Prières Chrétiennes & des Alphabets
dans toutes les Langues de l'Uni-
vers •> on remarque dans cet Ou-
vrage plufieurs fautes contre l'écri-
ture Chinoife : c'étoit pourtant
alors ( s'il faut l'en , croire ) qu'il
étoit enfoncé le plus avant dans la
recherche de fa clef Chinoife , à la
faveur de laquelle les moindres
femmelettes , ainfi que les enfans ,
E R ; 175 ?: '21
dévoient , à ce qu'il promettoit ^
apprendre à lire le Chinois en peu
de jours, & cela,en Latin, en Fran-
çois, en Allemand , en Anglois, en
Flamand , & en quelque autreLan-
gue qu'elles euffent voulu. C'eft fur
quoi Becrnan & Grebnitz. ( fur tout
ce dernier) l'entreprirent a/Tcz vive-
ment , pour l'obliger à déclarer pu-
bliquement quelque chofe d'un fi
beau fecret , n'cut-ce été qu'en viàc
de fe laver du reproche d'impoftu-
re , & de réduire au filence des
adverfaircs mal intentionnés.
é^-En i6%6. il publia une DilTer-^'
tation fur l'éclipfe de Soleil dont il
eft parlé dans les Annales Chinoife»
& qu'on a confondue avec les ténè-
bres qui couvrirent la terre à'Ia
MortdeJ. C. Dans ce petit Ou-
vrage, MuUcr taifoitunc cinquiéw
me annonce de fa prétendue Clef
Chinoife , qu'il dcvoit mettre atr
jour dans fix mois au plus tard , à
certaines conditions qu'il propofoit
au public. Il mourut à Stetin en
1^95. &c fit brûler tous fes papiers,
comme il en avoit menacé. Le
bruit courut alors qu'on avoit
fauve de l'incendie fa Clef Chi-
noife , & qu'elle étoit cachée en
quelque endroit de la Poméra-
nic.
Après MuUer, Menzel , premier
Médecin de l'Electeur de Brande-
bourg fe diftingua fort à Berlin
dans l'érudition Chinoife , & quoi-
que fa réputation fût inférieure à
celle de Muller en ce genre ; il k
méritoit beaucoup mieux ( dit no-
tre Auteur). Il publia en 16^8 y. un
Livre fous ce titre ; Sylloge mmmi>i-
2i JOURNAL DES SÇAVANS,
rum Lexici Sinici , S<. ce Didion-
nairc pirut à M. Bayer ( lorfqii'il le
vit ) cnticrcmcnt femblablc acciui
de la Bibliothèque de Beilin , im-
primé par le foins des Jefuites à
Pequin , & envoyé à l'ElcCteurpar
Cleycr. La feule différence qu'y re-
marqua notre Auteur condftoit en
ce que pour exprimer le motdecem,
dix^ l'exemplaire venu de la Chine
cmplovoit le mot Jîpn ^ & celui de
Menzcl le mot xé. Du reftc cet clTai
de Diiflionnairc ne rcntcrmoit d'au-
tres mots que ceux du Monument
Chinois ci-deffus mentionne. Ce pe-
titOuvia;j;e tut fuivi la même année
desextraitsqu'infcraMcnzeldansics
EphemeriJ.es de t'ylcademie Léopol-
dine ^ touchant les vertus du Gin-
fem , Extraits qu'il avoit recueillis
des Herbiers Chinois, & quelque
tcms après il publia vine Chronolo-
gie Chinoife. 11 tira de grandes lu-
mières de fon commerce avec le
p. Couplet , qui alors étoit à la
Cour de Berlin. L'Auteur obfcrve
ici en paiTant que ce Jefuitc &c
Menzel écnvoient les caradercs
Chinois plus mal l'un que l'autre.
Le P. Couplet étant venu à Paris en
i6Sj. fit voira MeichifcdecThéve-
not , alors Garde delà Bibliothèque
du Roi , les lettres radicales de la
LangueChinoife-,favcur qu'il n'a voit
point accordée à Menzel , qui em-
prunta d'ailleurs cette connoilîan-
ce. La même année le P. Couplet
laiffa à Paris un Didionnaire Chi-
nois bien écrit , mais fans ofcr fe
promettre qu'il pût y être publié ;
ce qui , Icion lui , eût été exécuté
en Ailunagne dans i'efpace d'un
mois.
Dans ce même tems le P. Spino-
la retournant en PortU!;al avec un
jeune Chinois nommé M.chel Xin-
fofitm , âç^é de jo ans , pa(Ta par
l'Angleterre , & vit à Oxford Tho-
mas//y.Vif , très-verfé dans les Lan-
gues Orientales , fur tout d.ins la
Pcrl'anc \ lequel par le fccours du
jeune Chinois , s'inftruilît plus à
tond qu'il n'avoit tait jufqu'à lors
de la Littérature Chinoife. Les
fruits de ce commerce parurent par
une Lettre de Hyde écrite à Ed-
vard Bernard , touchant les poids
& les mcfurcs de la Chine , en
1^88 : par ce qu'il publia en ï6$.\.
touchant les jeux de ce Pavs-là,danj
fes Livres fur les Jeux des Orientaux:
& par une Chronologie Chinoife
plus eNade que celle de Golius ,
&c inférée dans fon Hiftoire de la
Religion des anciens Perfes , impri-
mée en 1700.
Le P. Grirnaldi , pend int fon fc-
jour à Berlin, fut encore d'un grand
fecours à Menzel, qui en 1^96,
mit au jour en Allemand une
Chronologie des Rois de la Chine ,
avec les noms de ceux-ci en carac-
tères Chinois , tirés du petit Livre
intitule .S/tio- «/-/«« , dont il ht im-
primer le commencement tr.iduit
du Chinois à la tête de cette Chro-
nologie : & notre Auteur a inféré
ce commencement avec fes Com-
mentaires dans l'Ouvrage dont
nous rendons compte.
Menzel lit alors une entrcprifc
bien plus coniîderablc : car ayant
reçu des Indes un double exem-
plaire du Didionnaire Chinois ap-
pelle C,u-guei , il en partagea i'uR
J A N V I
en 8 grands Volumes qu'il fit relier
avec du papier blanc entre les feuil-
lets dans la vue d'y infcrire les fi-
gnifications de chique lettre ; & il
avoit déjà fait quelque progrès dans
cette entreprife ^ loffque pour fon-
der le gOLir du public il fit impri-
mer un Elîai de cet Ouvrage fous le
titre : Chinenfîum Lexici cara&eri-
ftict wfcripi Çu-gueï , hoc efl ^ de
littsrariim generibHS &fpeciehn5 ^fub
litterts nidicalibiis & e.tmm ampo-
fitis , fnmo caraRerijfiice , Sinici à"
LatûJe verbo tenus expîicati, & novis
Lexici Chim-çu-tam , & aïiis ne-
eejptriis litteris pluri'mis an^i & cor-
reEii I-^olumenprinjum , inAttu f.itlum
& fcyiptum a Chnfliano MenZ-elio.
Ce Didlionnaire manufcrit , ainfi
qu'un ample Recueil d'Obferva-
tions tirées de la. Grammaire du
P. Martini , des Lettres du P. Cou-
plet , du Lexique de François Dias^
Se d'autres Monumens fervent au-
jourd'liui d'ornement à la Biblio-
thèque de Berlin.
Feu M. Lsibiiitz , fi zélé pour
l'avancement des Sciences & des
Arts , n'eft point ici oublié parmi
les Promoteurs de la Littérature
Chinoife. On y parle auflî de M.
K£mpfir qui a donné les caraâreres
Chinois de plufieurs plantes & de
plufieurs autres produiflions de la
nature , mais feulement interprétés
en Langue Japonoife. On y fait
mention de Polycarpe Lyfer qui fe
difoit poiïcfieur d'une Clef Chi-
noife , qu'il devoit publier , Se que
notre Auteur prétend être l'Ouvra-
ge de teu Menzel. Mais quoiqu'il
en puilTc être , cette Clef n'a point
E R ; 1755.' 25
encore vu le jour. M. Bayer nom-
me aadî quelques Savans d'Italie ,
recommandablcs par quelque éru-
dition de cette efpece.
Il pafTc delà aux François , &
raconte le peu qu'il a pu apprendre
jufqu'ici des travaux de cette jNa-
tion par rapport à la Littérature
Chinoife , entrepris par les foins
de M. l'Abbé Bignon , cnjiis (dit il)
/« omnem artium ampUtHdinern tant a
extam mérita & tam illnjhua , ut no-
flram laudem ilLiiu décora longe exfii-
pcrent. Tout ce que M. Bayer z
donc pu f-rt cet article recueillir de
fes converfations avec fon confrère
M. Delifie , Profefléur d'Aftrono-
mie à Pctcrfbourg , fc réduit à fa-
voir que le jeune Chinois , Arcade
Hoam 3 fut d'abord employé à in-
terpréter les Livres Chinois de la
Bibliothèque du Roi , puis à com-
pofer pour cette Langue une Gram-
maire & un Didionnaire ; qu'on
lui aflocia dans ce travail M. Frcret^
comme très-verfé dans les Langues
Orientales , & dans la Géographie
tant ancienne que moderne : que
MM. Etienne 5c Michel Fourmont ,
Profeffeurs Royaux & de l'Acadé-
mie des Belles-Lettres , fe joigni-
rent bien-tôt à ces deux premiers
A6leurs,&qu'après la mort à'Hoam^
les deux frères, mais fur tout l'aîné,
fc chargèrent feuls de ce grand SC
pénible Ouvrage :■ qu'on leur re-
mit pour cet effet , tous les Livres
Chinois ralfemblés dans la Biblio-
thèque Royale , tous ceux qui fc
trouvoient dans le Collège des-
Miiïïons étrangères Se aiUeurs :
qu'on avoit déjà 5000 caradere?
24 JOURNALD
Chinois ramalfcs, &c graves en bois
par les foins à'Hoam 5c de fcs alTo-
ciez pour la conftruétion d'un Dic-
tionnaire ; qu'on travailloit à raf-
femblcr les 70000 autres qui re-
ftoient pour le rendre complet. Voi-
la tout ce qui eft venu à la connoif-
fance de notre Auteur touchant un
travail, qui cfl: aujourd'hui poulTc à
tel point qu'on peut le regarder
comme prefquc achevé : en forte
que la Grammaire & le Diction-
naire Univcrfel delà Langue Chi-
noifc feront bien-tôt en état d'être
publiés.
M. Bayer termine ce détail hifto-
tique touchant la Littérature Chi-
noife par quelques particularitcz
fur l'Ouvrage du P. Souciet , Jcfui-
tc , concernant l'Allronomic & la
Chronologie de cet Empire (Ou-
vrage qui n'cft point encore tombé
entre fes mains ) ôc par quelques
reflexions fur ce que pcnfoir au fu-
jet de l'érudition des Chinois en
général feu l'Abbé Renaudot , qui
n'en pcnfoit pas avantageufcmcnt.
L'Aurcur vient enfin à ce qui le
regarde en particulier par rapport à
l'Ouvrage qu'il public aujourd'hui.
Né avec beaucoup de goût pour
l'étude de l'antiquité , il s'appliqua
d'abord fingulicrement à celle des
Langues Orientales , telles que
l'Hébraïque , l'Arabe & la Cophte.
Mais fe trouvant à la campagne en
171 3. une belle paflîon pour la Lit-
térature Chinoife le faifîtauni fubi-
tement qu'auroit pu faire ( dit-il )
un rhume de cerveau [ gravedo ^lu-
dam. ] Toutes fes démarches , tou-
tes fes penfécs^ même jufqu'à Ils
ES SÇAVANS,
fongcs , n'avoient pour objet que
le Chinois. Il fc figurou ( conti-
nuc-t-il ) que s'il étoit affez heureux
pour taire en ce genre quelque dé-
couverte , le Roi , comme dit le
proverbe , ncfcroit pas fou coufin.
Semblable à ces lapins ( pourfuit-il)
qui fur le point de taire des petits,
ramaflcnt de tous cotez des provi-
fions dans leurs nids : il ralfcm-
bloit dans fon Cabinet tous les ma-
tériaux qu'il jugcoit propres à la
conftruiftion d'un Diiflionnairc
Chinois & d'une Grammaire. Les
Opufcules de Hyde , de Mcnzel &
dcMullery tinrcntle premier rang.
Pendant fon féjour à Berlin , fes ri-
chclTes fe multiplièrent par les fe-
cours qu'il tiia dç la Bibliothèque
de cette Capitale & des conférences
qu'il eut avec le favant M. P^eyjftêre
de la Croze. Il en publia un EHai en
1718. à Conigfbcrgi Se c'eft un
Mémoire touchant l'Eclipfe obfcr-
vée à la Chine vers le tems de la
Padîon de J.C. &; dont on a déjà
parlé plus haut. Appelle enfuite à
l'Acadcmic de Péterfbourg , il pcn-
fa plus férieufcment que jamais à
l'exécution d'un projet formé tant
de fois inutilement en faveur de la
Littérature Chinoife ; & par la pro-
teilion & les confcils de M. Théo-
phane Pricopovhz. , Archevêque de
Novogrod , il efl: venu à bout d'en
expofer cet échantj|ionj?uk jrêiuj
du public. < '-■■>'. ...r, -
Il a partage fon Ouvrage en
deux Tomes , dont le premier di-
vifé en deux Livres , roule fur U
Grammaire & fur la Littérature ou
récriture Chinoife. Il,, a tiré:ccttc
J A N V
Grammaire en partie de celJe du
P. Martini, de celle du P. Couplet,
& d'une troidémedont il ne nom-
me point l'Auteur. Il obferve que
dans celle qu'il nous donne , la
Syntaxe qui devroic en taire un ar-
ticle important , y eft abfolument
omife , faute de lumières fuHilan-
tcs. Dans fon fécond Livre , M.
Bayer explique ce qui concerne la
Littérature Chinoife d'après les let-
tres très-exades Se très-dctaillées
écrites à Menzel parle P. Couplet,
d'après les papiers & les Mémoires
(de cet Allemand , d'après le Dic-
tionnaire de Dias , & d'après fes
propres Obfervations. Il y dir peu
de chofe touchant l'éloquence des
Chinois ; de il lailTe à quelque au-
tre ( dit-il ) ce point à difcuter plus
particulièrement. Il a joint à tout
cela une Grammaire de la Langue
vulgaire de Chin-cheo , qu'il a trou-
vée dans la Bibliothèque de Berliq
écrite fur du papier de foyc en
Efpagnol par un Religieux Fran-
cifcain , 3c qu'il a déchiffrée non
fans beaucoup de peine , à l'aide
d'un Efpagnol, Cette Langue eft
proprement un dialedc ou un jar-
gon de la Chinoife , tel qu'on le
parle dans un petit Pays delà Pro-
vince de Hn-quam , fur les confins
de celle de Can-ton. L'Auteur fou-
haitcroit fort que l'on piit ainfi
ramaifcr tous les dialedtes des Pro-
vinces de la Chine fur l'efperancc
d'en recueillir un fruit coniîdera-
ble •, & c'efl: fur quoi il s'explique-
ra plus au long dans la fuite. On
orouvc , outre cela , trois morceaux
curieux à la fin de ce premier Volu-
I E R; 173 5. 2y
me : favoir, 1°. Une Lettre écrite à
M. Bayer par les MiiTionnaircs de
Tranguamhar , & très - intereflantc
par l'érudition & les varietez qu'el-
le contient : 2*. La propofition
d'une Clef Chinoife faite par feu
MuUer , & réimprimée ici à cau-
fe de la rareté , & afin qu'on puiffc
comparer fes promclTcs vaines &
frivoles avec ce que ces deux Vo-
lumes offrent de réel & de folidc
fur la même matière : 5°. Une Let-
tre du même Muller , écrite à Jean
Hevelius , imprimée ici d'après l'o-
riginal de l'Auteur , ?.< qui concer-
ne une EcJipfe Solaire vùè- .à Pequin
en i66y au mois de Janvier.
Qiiant au fécond Volume de cet
Ouvrage , il renferme deux Léxi-
ejites ou Dictionnaires 6: quelques
DifTcrtations. Dans le premier Le-
xique , l'Auteur a montré la mé-
thode dedifpofer parclalTcs les ca-
raèlercs Chinois & de les rapporter
à leurs premiers élémens ou à leurs
racines. Il eût fort fouhaité y met-
tre beaucoup plus d'exaètitude ;
mais il lui eut fallu pour cela fous
fa main les 80 mille caraèlercs de
cette Langue , & publier par confe-
quent un énorme Volume. Or ce
n'étoit point fon deflein , & la
chofe ne lui étoit pas poifible ,
puifqu'il n'avoit jufqu'ici pu raf-
fembler qu'un peu plus de 10 mille
de ces caracfteres. Encore n'en don-
ne-t-ilàprefentque zioo ; & cette
indigence ne lui a pas permis de les
ranger dans l'ordre le plus conve-
nable , félon lui , & qui fcroit de
mettre fous les premiers él mens ,
les féconds , fous ceux-ci les troifié-;
D
25 JOURNAL DE
mes , fous ceux ci les quatrièmes ^
&c. au lieu cjuil s'cft vu contraint
Ac placer fouscesfcconds ciémcns,
non feulement les troilieiucs , mais
encore les cjkutriénics iv les cin-
quièmes ■■, foiis les ttôifiémes , les
fixiémes , les feptiémcs , les huitiè-
mes , &c. Cclt encore cette même
difette qui l'a mis dans la necclTitc
de laiÏÏcr quelques clalfes entière-
ment vuides. Mais d'un autre côté
il ne faut pas s'imaginer que les
Diftionnaires Chinois foient con-
ihuits avec cette exaditude d'arran-
^»;cment qu'on voit régner dans les
nôtres , & que l'Auteur s'attend
bien à rencontrer dms le Di(ftion-
rtairc Chinois que nous prépare M.
Fonrmom l'aînè. Du rcfte , un Dic-
tionnaire comme celui ci ne peut
fervir qu'à traduire le Chinois en
Latin \ il en faut un autre pour
tourner le Larin en Chinois , 6: il
en faudruit même de particuliers
pour les différentes conditions ,
pour les Négocians , pat exemple ,
pour les Ambalîadeurs , (^c. M.
Bayer donne ici l'eflai d'un Dic-
tionnaire de ce genre , pour les di-
vers Offices de la Cour Chinoife ,
de même que pour les differens
emplois tant civils que militaires.
À l'égard des divers morceaux
imprimes à la fuite du Lexique ,
on trouve en premier lieu la Vie àç.
ConfuciuSj avec les caraAeres Chi-
nois & telle qu'elle a paru dans l'E-
dition de Goa , excepte les chan-
gemens qu'y a faits le P. Couplet
dans celle de Paris : 2°. Le Livre du
même Philofophe intitulé /"^î-^/o ,
en Chinois & en Latin : f. Le Li-
S SÇAVANS.
vrc Si^o-ul-litn , avec le Commen-
taire de l'Aiircur fur les Origines
Chinoifcs ■■, dans lequel il n'a d'au-
tre but que de montrer que l'Hi-
ftoire & les Antiquitcz Chinoifes
ne peuvent en rien prcjudicier aux
véritez qu'enfcigne l'Ecritme Sain-
te touchant l'origine du monde &
celles de toutes les Nations : 4*.
Une Chronologie Chinoife em-
pruntée de Goluis , de Hvde , du
P. Noël , & des propres Obfcrva-
tions de l'Auteur : 5°. Une Differ-
tation fur les poids Scies niefures ,
tirée des mêmes fources : ê". Dct
Réflexions fur les Tables des Eclip-
fes. M. Bayer en hit ici d'impor-
tantes ( des réflexions ) fur Icscon-
fcquenccs que les incrédules ( un
Toland par exemple ) pourroient
tirer cà leur avantage^ de ce génie de
la Langue Chinoife Ç\ différent de
celui qui cararterife toutes les au-
tres Langues i d'où ils intéreroienc
que les Chinois n'auroicnt aulïï riea
de commun pour l'origine avec
toutes les autres Nations.
On peut voir de quelle manière
il réfute un tel fcntiment ; & \n
Obfervations fenfées qu'il fait fur
les chingemens que la longue fuite
des fiécles eft capable d'introduire
dans If"; Langues , foit par l'allon-
gement des mots , foit par leur
accourciffement , ce qui par fuc-
ceffion de tcms les défigurent à
tel point qu'ils ne font prefquc
plus reconnoiffables , 5c ne confer-
vent prefquc rien de leur première
origine. La Langue Chinoife offre
un exemple bien marqué de l'ac-
courciflèment des mots , tous ceux
J A N V
de cette Langue notant prcfquc
plus que des monofyllabes : &
l'Auteur en trouve un pour l'allon-
gement dans les Dialectes de la
Langue Finlandoife , dont certains
' mots allongés outre mefure empê-
chent que les Finlandois ne s'enten-
dent les uns les autres : il en allè-
gue pour preuve ces mots : Leibe ,
Leihsihébe , Leipeipéveibe , pain :
Jomiji , Jopomipifl , Jomomijvomis ,
boilTon : Peive , Pépeivépe Péveihé-
vetbe , jour : Tc.iv.ts , Tapaivapa ,
Taivaivafvaivas , ciel : IJfa , Jpijfc-
pe , Iffifivip , Tpcve.
D'ailleurs , obferve l'Auteur , il
n'eft pas abfolument vrai que la
Langue Chinoife n'aie que des mo-
jiofyllabes ( & il produit quelques
exemples du contraire ) ni que leur
Langue n'ait aucun rapport à celles
de tous les autres peuples , puif-
qu'on lui remarque afiez d'affinité
ivcc celles des Nations du voifinage
de la Chine, tels que les Japonois,
lesTonquinois, les Cochincliinois,
les Tartares du Tangut & du Tibet,
comme on peut en juger par l'inf-
cription écrite en cette dernière
Langue , envoyée à M. l'Abbé
Bignoyi pat le teu Czar Pierre le
Grand , déchiffrée & traduite en
Latin par MM. Fourmont , puis en
Mofcovite par M. Sohier Interprète
dit Roi pour cette Langue , & ren-
Toy/ée au Czari avec cette explica-
tion. M. Bayer l'a fait imprimer
dans fa Prélacc.
En li finiflant , il s'cflj teflouve-
nu. fort à propos de deux Savans ,
dbnt les Ecrits fur la Langue Chi-
noife ne lui ont pas kt/i. iautiks ,
I E R , 1753. 27
foit pour le confirmer dans fes na-
tions fur cette Langue , foit pour
lui fournir de nouvelles lumières.
Le premier eft feu M. Hadrien ^c--
Und , qui dans fes Diflfertations fat
les Langues Orientales , n'a pas
oublié celle du Japon , celle de la
Chine , & les caradereS- de cette
dernière. Nous ne répéterons point
ici d'après M. Bayer , ce que nous
avons dit de ces Diflertations, lorf-
qu'elles parurent , & que nous en
rendîmes compte dans notre Jour-
nal. Le fécond Savant que notre
Auteur a confulté encore avec
fruit , eft M. Laurent Lange ^ Ré-
fident du Czar à la Cour de Pequin
pendant plufieurs années , Sc par
confequcnt très-indruit du Gouver-
nement & de la Littérature des
Chinois. M. Bayer l'ayant fçû de
retour à Mofcou lui a tait par Let-
tres plufieurs queftions , aufqucUes
M. Lange a répondu , comme on le
peut voir ici ; lui envoyant au fur-
plus la jufte mefure du pied Chi-
nois , que notre Auteur compare
ici avec le pied de divcrfes Nations
Européennes i & quelques éclair-
cilfemens fur les poids. Il a vu en-
core un Calendrier Chinois envoyé
à la Bibliothèque de Berlin par
l'Abbé Crofdli revenu depuis peu
de la Chine à Mofcou a,vec l'Am-
balfadeur du Czar : Calendrier
dont M. Bayer donne ici la Noticor,
de même que celle de cinq aaitre*
Livres Clafliques Chinois- ariiyé*
dans la même Bibliothèque.
L'Auteur feroit fort tenté ( ditril
à la fin de cette Préface ) de com-
poicE une Hiftoite fuivie du Ghri-
Di^
aS JOURNAL DES SÇAVANS;
ftianifmc de h Chine & des autres Dans un autre Journal , nous fc-
Rcrrions Je TAlie Septentrionale , rons conncître plus particulierc-
depuis fou commencement jufqu'à ment au Piiblic le corps de cet Ou
Vinivéc des Millionnaires dans ces ^-'^' " "'"'^ - ^'■- '''
e de M. Bayer , c'cil-à-dirc fa:
Grammaire Chinoife , fon Dic-
tionnaire pour la même Langue, Se
les Opufculcs qui le fuivcnt.
Pays - là , & de faire de ce détail
liiftorique un rroiliéme Tome de
fon C.'Winn Chinois. H ne defefperc
pas de pouvoir exécuter ce projet.
traitb: des matières criminelles ; svifant
V Ordonnance du mois d'Aoâr i Sjj. conwicifit les diffircnles ejinftions ejui
■peuvent n/itrefur cette matière^ avec lesEdits-& Déclarations du Rai , Ar-^
rets & Rcletnens intervenus depuis l'Ordonnance. A Paris , au Priais ,
chez Théodore le Gras , au troifiémc pilier de la Gïand'Salit , à L cou-
ronnée. i73i./K-4°. pag. 415).
L'INSTRUCTION du procès
eftune deschofes des plus im-
portantes en matières Criminelles,
cependant il s'cfc paffé pluficurs
fiécles fans qu'on eût en France des
Loix certaines fur cette matière,
l'ordre judiciaire qu'on y obfcrvoit
dépendoit de Tufage , & cet ulage
étoit différent fuivant les Jurifdic-
tions où l'affaire étoit inftruite.
François I. fit quelques Reglemens
pour la procédure criminelle par
l'Ordonnance de 1559. mais le peu
de difpolîtions de l'Ordonnance de
François I. fur la procédure crimi-
nelle lailToit encore de grandes in-
certitudes par rapport aux points
les plus importans , &c de grandes
varierez dans l'ulage des differens
Tribunaux, comme on le voit par
les Ouvrages fur la pratique depuis
1559. jufqu'en 1^70. que Louis
XIV. ht publier l'Ordonnance Cri-
minelle. Les Praticiens & les Jurif-
confultes qui ont écrit depuis ce
cems-Ià fui cette nutieie, n'ont
travaillé qu'à expliquer les difpo-
lîtions de cette Ordonnance , & la
manière dont elle doit être obfer-
véc. M. Bomicr Lieutenant parti-
culier enlaSenéchaulTée de Mont-
pellier , donna le premier uiv
Commentaire fur cette Ordonnan-
ce , fous le titre de Conférence des^
Ordonnances de Louis XIV. Roi de
Erance & de Nuvarre , avec les an-
ciennes Ordonnances du Royaume
leDroit Ecrit & les Arrêts.
En 171 8. M. Bruneau Avocat au-
Parlement, publia desObfcrvations
& des Maximes fur les Matières
Criminelles : Livre où l'on trouve
des Remarques utiles, quand on
fçait les fcparer d'une infinité de
chofes communes , ou qui n'onr
point de rapport aux fujets que
l'Auteur entreprend de traiter.
Le Livre dont nous avons prc-
fentement à rendre compte peut
être regardé comme un nouveau
Commentaire fur l'Ordonnance de
1^70. chaque Chapitre répond à ua
J A N V I
des Titres de l'Ordonnance , à l'cx-
eeption des deux premiers Titres
(]ue l'Auteur a réunis dans le pre-
mier Chapitre. Il y a joint deux
Chapitres qui concernent les cri-
mes en particulier. Ce dernier Cha-
pitre eft compofé de zo. Obfcrva-
tions , dans chacune- defquelles
l'Auteur parle de quelque crime
particulier , & des peines aufqucl-
îes doivent être condamnés ceux
qui en font convaincus. Notre Au-
teur aeuloin de joindre aux difpo-
iîrions de l'Ordonnance de i6-jo^
celles des Edirs &: des Déclarations,
même des Arrêts de Règlement du
Paidement de Paris qui y ont rap-
port , Se qui font poftericures à cet-
le grande Ordonnance. Par rapport
aux queftions qui 'ne font pas déci-
dées par les Ordonnances , il a con-
fulté les Loix Ronuines , les Au-
teurs Ciimiualilles , & les Arrêts
particuliers. ■ . ^
Après cette idée générale de
l'Ouvrage ,; il ne nous reftc qu'à
donner ici. quelques exemples.
Nous citerons le premier du Chapi-
tre II. de l'Interrogatoire desaccu-
fës. L'Auteur commence par la dé-
finition de l'interrogatoire en ma-
tière criminelle. Il dit que c'eft
» un Ade par lequel le Juge inter-
n roge l'accufé qui le fubit , fur
» la vérité des faits rcfultans de la
» plamte & de l'information ou
» autres pièces, fecrctes , pour tâ-
» cher d'en fçavoir & tirer l'éclair-
j» ciffcment par fa bouche , & redi-
a» gé par écrit par le miniftcre d'un
» Greffier ou autre Officier ou
.».• Commis ayant cara(^ere , poui
E R, I 7 5 5.' 1$
»fes réponfes fervir , fi faire fc
j> peut , à la charge ou décharge de
» l'accufé. <c L'Auteur remarque
enfuite , qu'autrefois les accufés fe
défendoienr par le miniftere des
Avocats , mais que par l'Ordon-
nance de 1539. on introduiiît l'in-
terrogatoire des accufés pour les
faire répondre par leur propre bou-
che & fans fceours ni miniftere
d'autrui. Cet interrogatoire eft de
confequencc pour avoir la- preuve
entière du crime par la confcllionr
de l'accufé.
On explique enfuire de quelle
manière doit être fait cet interroga--
toirc fuivant l'Ordonnance de
I670. dont on rapporte les difpofi-
tions fur ce fujet. Cette Ordon-
nance permet à l'accidc de prendre
droit par les Charges , quand le
titre de Taccufation n'eft point un
de ces crmres graves qui peuvent'
donner lieu de condamner à des
peines aftlidlives. La raifon que
rend notre Auteur de la différence
par rapport à cet article , entre les
deux efpeces de titres d'accufation '
eft que celui qui eft accufé d'urt
crime grave ne doit point être con^
damné fur fa feule confefïïon, »c»
audit itr perire volens , & que ce fe-
roit fa déclaration qui devicndroic
le fondement delà condamnation,
fî l'accufé déclaroit en ce cas qu'il'
veut prendre droit par les Charges,
L'article 21 du titre derOrdon-
nance criminelle où il eft parlé de
l'interrogatoire , veut que l'accufé
fubifle un dernier interrogatoire
immédiatement avant le jugement
du procès. L'accufé doit être interj
îo JOURNAL DE
rogé fur la fcllctte s'il y a des con-
clufions du miniftere public qui
tendcntà une peine aftlictivc. Cct-
tcdifpofition a été rcnouvcUée par
deux Déclarations du Roi du lo
Septembre ifitÇi. &: 13 Avril 1703.
elles ont ajouté que quand les con-
clufious ne vont pas à une peine
afflidive , les accufés fubiront ce
dernier interrogatoire, derrière le
Barreau Se debout.
Cette formalité doit être obfcr-
véc dans les OlTicialitez , à peine
de nullité de rintcrrogatoirc & du
jugement rendu en confcquence :
c'eft , ajoute notre Auteur , la Ju-
rifprudence certaine du Parlement
de Paris , ainfi qu'il paroît parles
Arrêts , de cntr'.uitres par un qui a
été rendu en la Chambre de la
Tcurnelle du 15 Juiikt 1708. fur.
les conclufions de M. T Avocat?
Général de Lamoignon de Blanc-^
ménil.
Voici un avis important que
l'Auteur donne aiux Juges flir l'in-
terrogatoire. » Il ne doit point
» être feic capticufcment ni en'
i> biaifant ; c'eft - à - dire , par
u fubtilité , ni encore moins en
» homme paflîonné , fâché 2c en-
a colcrc , ni malicieufemcnt. Le
» Ji^e ne doit point pareillement
» abufer as l'accufe , comme de
ï» lui promettre l'impunité de Ion
î» crime lors de l'interrogatoire ,
» dans la vûë de lui faire avoiicr le
J» crime dcmt ileftaccufé; cela cft
» captieux &c étendu ; car comme
» il n'cft pas permis à ce Juge de
» tenir parole à cet accufé , s'il le
M^ trousœeoupablCj il ne le fçauroit
S SÇ/¥VANS,
» abfoudrc ; on ne pourroit même
» a(feoir une condamnation fur
» une conLcilionainli extorquée par
i> rufc & par furprife , il doit au!lî
3-> rédiger les réponfes de l'accufe ,
u tant à char'c qu'à décharge.
Notre Auteur finit ce Chapitre
par quelques reflexions qu'il fait
furies déclarations d'un accufé. Sa
feule confeffion dans l'interrogatoi»
re ne fuffiroit pas poiu le condam-
ner à une peine afflidivc , il fau-
droit encçre d'autres preuves, foit
teftimoniales , foit par écrit. Une
confcllion extrajudiciaire de l'accu-
fe ne fuffiroit pas non plus pour
affeoir une condamnation contre
l'accufe , quand même elle feroit
écrite, 6a]u'on l'auroit trouvée dan*
fa poche lors de la capture ou au-
trement , à moins qu'il ne la réite-
rârdans lijsinterrogatoires fubis de-
vant le Juge , &c qu'elle ne fût foû-
tenuë de quelques autres preuves.
La déclaration d'un accufé même
dans les interrogatoires-, qui font
p.arric de la procédure , ne feroient
qu'une demie preuve contre let
complices qu'il déclarcroit.
A l'égard du ferment qu'on fait
prêter aux accufés avant l'interro-
gatoire j notre Auteur c(l perfuadc
que c'cll: prcfque toû)ours un faux
ferment , parce qu'il n'y a guéres
de criminels qiii ne croycnt qu'ils
ne fontpoint tenus de déclarer leurs
crimes au Juge qui les interroge au
préjudice de leur honneur Se de leur
vie.Néanmoins le Juge eà obligé de
faire prêter ce ferment à l'accufe
pour fatisfaire à l'Ordonnance.
Qyelques tr^iits du Chapitre ijl
J A N V I
far la queftion S^torture nous four-
niront un fécond exemple. L'Au-
teur définit la queftion : i> une ef-
» pece de peine prononcée contre
« un accufé , non condamné défi-
» nitivemcnt , non pas comme une
r> peine par rapport au crime , mais
»à l'erletderobligcf àavoiier fon
S) crime , ou à déclarer fes compli-
» CCS. « D'où l'Auteur conclut
^n'il y a deux efpcces de qucftions,
l'une provrfoire qui tend à forcer ce-
lui qui doit fubir la mort à avouer le
crime pour lequel il cfl: condamné,
l'autre préalable pour forcer un cou-
pable condamné à déclarer fes com-
plices. Il y a encore la queftion ordi-
naire & l'extraordinaire, L'Auteur
explique enfuite les différentes ma-
nières dont on donne la queftion ^
foit au Parlement de Paris , foit
tlans les autres Parlemens du
Royanme. Il fait voir que pour
«ondamncr à la queftion pro-
vifoire , fuivant l'Ordonnance de
16-70. il fiut x". que celui qu'on
condamne foit accufé d'un crime
capital : 2". Que le crime foitcon-
ftant : 3°. Qii'il y ait des preuves
confiderables que l'accufé ait com-
mis le crime. Cette troifiéme con-
dition eft celle qui peut don-
ner lieu à plus de difficultez. Sur
quoi notre Auteur obferve , qu'un
feul indice ne fuffit pas , qu'il faut
des indices fuijfans contre l'accufé
que ce ne feroit pas même alfez de
la dépofition d'un feul témoin ^ fi
elle n'étoit accompagnée d'autres
indiccSj que la déclaration d'un des
accufés ne fuffiroit pas pour con-
damner un des coaccufés à la qiie-
ftion ; il en eft de même de la dé-
claration que l'undes accufés fait^à
la mort , fi le condamné n'a poirtt
été confronté à celui qu'il a charge
par fa déclaration , ou de la décla-
ration faire par un blcfifé en mou-
rant que c'eft l'accufé qui l'a tué.
Mais k confcfiîdn de Taccufc faiéc
hors de jugement , &: depuis déniée
par l'accufé devant fon véritable
Juge , pourroit donner lieu à k
queftion provifoire , pour peu que
la cofifclîîon fut aidée d'autres indi-
ces. '
Après phifieurs autres décifions
tirées tant des Ordonnances que de
la pratique fur la queftion , l'Au-
teur demande aux juges la permif-
fion de leur reprcfenter , que c'eft:
une chofe bien délicate de con-
damner un accufé à la queftion pro-
vifoire. Un accufé qui a fubi la que-
ftion fans rien avoiicr eft fouvcut
eftropié pour le irefte de fes jours ,
quoique par le jugement définitif
il fe trouve renvoyé de l'aecufa-
tion. Mais ce qui lui paroît mériter
le plus d'attention , c'eft que le
Juge ne peut guéres s'inftruire par
ce moyen de la vérité des faits •■, ii
peut arriver que l'accufé coupable
qui a beaucoup de patience & d'ob-
ftination , ne déclare rien , Se que
l'innocent vaincu par la force des
tourmeus déclare un crime dont il
n'eft point coupable ; ce qui a fait
dire à un ancien Criminalifte , que
l'invention de la queftion provi-
foire eft plutôt un ejfai de patience
que de vérité. L'Auteur joint à ces
reflexions un exemple tiré de Valé-
re-Maximc qui fait ttembler , c'eft-
3z jour>:ald
celui d'un cfciavc dcMarçus-Avius,
lequel fut pendu après avoir décla-
ré à la qucliion qu'il avoir rue un
autre eiclavc nommé Alexandre.
Ce dernier revint enfuite à la mai-
fon defon maître. M. Nicolas Pré-
fidcnt au Parlement de Bezançon ,
a donné un Traité au public en
1^8 1. oii il rapporte ce qu'on peut
dire pour montrer que la quellion
provifoire eft non feulement inuti-
le , mais encore dangercufe. Il faut
jiéanmoins convenir qu'elle cft très-
ancienne. On en trouve des veftj-
E S SÇAVANS,
gcs dans l'ancien Teilament, & il j
a dans le Digclle dis difpofitions
précifcs qui l'autoiifent.
Le Volume finit par le Recueil
d'Edits , des Déclarations <5*: d'Ar-
rêts de Reglcmens, concernant les
matières criminelles depuis 1^70.
lequel cft fuivi dun autre Recueil
des Edits ëc des Déclarations de
Louis XIV. (Se de Louis XV. contre
les duels 6: des Reglemens des
Maréchaux de France fur le même
fujct.
OBSERVATIONS DE MEDECINE SVR LA MALADIE
appellée Convuljîon. Par un Médecin de la FMitlté de Pans. A Paris ,
chez Lambert, rue S. Jacques , à la SagclTe , vis-à-vis la rue de la
Parcheminerie. 1731- Brochure /»-j2.pp. 32.
L'A U T E U R de ces Obferva-
tions commence par avertir
que fon delTein n'eft point de dif-
courir des mouvcmens extraordi-
naires qu'on a vu faire de tout tems
aux impoftcurs , & dont pluficurs
Auteurs célèbres ont fuflifa;nment
parlé. U met an nombre de ces pré-
tendues merveilles ce qui s'elt paf-
fé autre fois chez les Religieufcs
de Loudun qu'on rcgardoit com-
me poflcdées , .& l'Hiftoire qui fe
lit dans M. de Thou de cette fille
de Romorantin nommée Marthe ,
laquelle faifoit autant de contor-
llons que les Poètes en attribuent à
la Prêtreflc de Delphes : il met au
même rang les roulcmens d'veux ,
les trcmblcmens &; les poftures ex-
traordinaires des Coakers d'Angle-
terre : après cet avis il entre en ma-
t ère & définit cequec'tll, félon
lui 3 que laconvulfion : ce mouve-
ment , dit-il , n'eft autre chofc
qu'un mouvemcHt tonique déran-
gé, & le mouvement tonique eft
une certaine tenfion des parties ,
qui fait que les liqueurs paftcnt fa-
cilemcnr par les pores & pénétrent
les vailleau?: les plus déliés. Ainfi ,
ajoûte-t-il , quand l'équilibre eft
perdu, c'eft alors que la convulfion
arrive ; les mufcles ne font plus
d'intelligence , & le mouvement
des parties folides eft dérangé. Cela
pofé comme un principe reçu , à ce
qu'il prétend , de tous les Méde-
cins , il parcourt quelques caufes
de la convuliion.
Il remarque d'abord qu'elle eft
fouvent produite par des odeurs ,
puis il décrit le mouvement con-
vullîf qu'excite le bout d'un fétu
doucement infinué dans le nez ;
prenez
J A N V I
prenez une plume , dit-il , aj;itez-
cn légèrement les narines de 1 hom-
me du monde le plus fain &: qui fe
porte le mieux , vous le voyez fur
le champ s'agiter avec violence ,
éternuer avec force , Se avoir des
convuliîons horribles ; tout fon
corps travaille , les folides comme
les fluides s'ébranlent ; des mufclcs
faas nombre entrent en contrac-
tion ; ceux du bas-ventre, de la poi-
if^' trine, de l'emoplate, &c. fouffrent
une comprcflion générale ; il fc
fait une expulfion univcrfclle de
toutes les liqueurs ; les jnucofîtez
du nez s'échappent-, la fahve , les
pleurs , la fueur , l'urine , &c. cou-
lent chacune de leurs cotez.
Comme l'éternument cft une eho-
fe très-commune on ne s'étonne
pas à la vûë de cette adion -, mais
quand on y refléchit on y trouve un
véritable fujet de furprife & on ne
peut s'empêcher d'admirer la liai-
fon extrême qu'ont enfcmble tou-
tes les parties du corps , puifqu'un
mouvement fi léger excité dans le
nez , eft capable de mettre tous les
organes en trouble & en defordre.
Notre Auteur prend ici oocafion
de parler de ces convulfions étran-
ges que la iîmple vûë d'un chat ,
d'une fouris , &: de quelques autres
objets , caufent à certaines per-
fonnes , & de celles que la pre-
fence feule de ces fortes de chofes ,
fans qu'elles frappent les yeux , ne
laiflc pas d'exciter. On voit des
gens qui entrant dans une chambre,
où fera cach(' un chat, une fouris,du
lard , du fromage , &c. tombent
aufll-tôt en cpnvulfion , & ne rc-
janvier.
E R ; T 7 5 ?•" s 5
viennent de cet état que lorfqu'on
a écarté d'eux la caufc qui les y a
mis , ce qui fait voir combien une
fimple émanation de corpufcules a
de pouvoir fur le corps humain. Il
y a des chofes , obferve notre Au-
teur , qui étant mifes fur le bord
des lèvres , caufent d'aflreufes con-
vulfions . fur quoi il rapporte l'e-
xemple fuivant. Feu rnon pcre ,
dit il , auifi Médecin de la Faculté
de Paris , fut appelle pour voir un
jeune homme de 17 à 20 ans , fort
fage & d'une vie très-réglée , le-
quel fans avoir fait aucun excès ,'
devint comme furieux ; il s'elevoin
jufqu'au ciel de fon lit , en tour-
nant fes membres de diverfes ma-
nières toutes plus étranges les unes
que les autres , fie faifantdes cris ôc
des hurlemens affreux. De forte
que tous ceux qui le voyoient , le
croyoient pofledé. Ce jeune hom-
me , qui eft encore vivant , & qui
a bien 35 ans, apprenoit à peindre,
& étoit fi appliqué à fon travail ,
qu'un jour peignant à l'huile , il
mit fans y penfer , le bout d'un de
fes pinceaux à la bouche , &
réitéra la chofe plufieurs fois , ce
qui le fit entrer dans les convul-
fions qu'on vient de décrire ,
iBion perc par des remèdes conve-
nables , rétablit dans ce jeune
homme les fondions dérangées, &
ic malade qui avoit été plufieurs
mois dans ces convulfions , fut ea-
tierement guéri.
Après ce récit , l'Auteur parle
de convulfions produites par la vûë
de perfonnes attaquées du même
mal , & il cite là-defTus l'exemple
54 JOURNAL D
d'un jeune homme qui, unVendre-
di-S.iint , avant vi: à la Sainte Cha-
pelle de Paris, pliiiaui-s cpilepti-
qiies , tomba fur le champ d'cpi-
lepfie.
Il y a des convulfions qui vien-
nent de colère , d'autres d'une paf-
fîon violente d'amour ^ d'autres de
mélancholic , eTc. Notre Auteur ,
à l'occafion de ce dernier point^dit
que le fon des inftrumcns eft fou-
vent un excellent remède contre la
inélancholie, & il raconte à ce fu-
jct , que fon père guérit un jour par
un concert , l'efprit d'un homme
qui fc difoit la quatrième Perfonne
en Dieu , & s'étoit mis en tête d'é-
tablir la Qu^aterniié. Le concert n'c-
îoit pas encore fini , qu'on trouva
au malade le pouls tout changé , &
que la raifon lui revint ; de quoi
tous les alTiftans furent extrême-
ES SÇAVANS,
mcntfurpris. Mon père , dit notre
Auteur , lui avoit fait prendre au-
paravant tous les remèdes imagina-
bles , & la maladie contmuant tou-
jours , il clTayacnfincc dernier.
Comme le bâillement eft une
efpecedc convulfion , l'Auteur par-
le ici du bâillement , puis il vicnC
aux diverfes imprellions que l'air
fait fur nos corps , & il remarqué
que les fels qui s'clcvent dans l'air
èc les matières fulphureufes & ter-
reftrcs qui compofent les brouil-
lards , font fouvent propres à pro-»
duire des convidfions dans les pcr-
fonncs d'un certain tempérament.
C'eft la dernière obfervation de ce
petit Livre , dans lequel au refte on
ne paroit pas avoir eu delVein d'ap-
profondir beaucoup la matière
dont on y parle.
RERUM ITALICARUMSCRIPTORES, &c.-
- C'eft-à-dire : Recueil des Ecrivains ds l' Hifloire d' Italie , depuis l'an 500,
juftjh'àran 1500. Par M. Muratori. Tome VU. col. I170. A Milan ,
par la Société Palatine. 17^5.
IL en eft de ce fcptiéme Volume
comme de ceux qui l'ont précé-
dé s toutes les Pièces qui le compo-
fent ne font pas également curieu-
fes ; quelques-unes paroilTcnt pour
la première fois. Les autres étoient
connues , mais les fautes des Copi-
ftes on avoient affoibli le mérite.
Quand M. Muratori ne nous don-
neroic que des feuilles volantes qui
fe perdent dans les Bibliothèques ,
il rendroit un fer vice trèsconfide-
lable au public. Il fejroit à fouhaitet
que tous ies Bibliothécaires imitaf;
fent notre illuftrc Editeur. La Ré-
publique des Lettres fe trouveroit
enrichie d'un nombre infini d'Ou-
vrages dévoués aux vers & dont 1^
ledVurc ferviroit à éclaircir ou »
confirmer des faits encore obfcurs ^
ou problématiques.
Poiu donner au public une jufte
idée de ce Recueil, nousfuivrons
l'ordre que nous avons obfcrvé
dans nos Extraits préccdens.
Nous nous flattons qu'il ne nous
cchapera rien de ce qui pourra fa»
voiiferla cuiiofité du JLcÀeuf,
J A N V ï
La première Pièce de ce Volume ,
cft une Chronique compofée par
Romualdll. Archevêque deSalcrne,
qui vivoit vers la fin du douzième
flécle. Elle renferme ce qui s'eft
paiïe depuis. le commencement du
monde jufqu'en 1177. Romuald
fut un des Légats "envoyé à Vcnife
pour propofer les moyens d'accor-
der le Pape Alexandre III. avec
l'Empereur Frédéric - Barberoufle :
il eJl étonnant qu'un Ouvrage fi
confiderable , & connu même de
quelques Sçavans , n'eût point en-
core été imprimé. Baronius le cite
fur les années 1084. & 1 177. aiTu-
rant qu'il en avoit vus deux exem-
plaires. M. Muratori en indique 4 ,
celui de la Bibliothèque du Vati-
can , celui de Salerne , celui de la
Bibliothèque du Roi , & enfin ce-
lui de Milan. C'eft ce dernier ma-
nufcrit enrichi des notes de M.Saflî
que M. Muratori a inféré dans ce
Volume.
Alexandre III. ayant fuccedè à
Adrien IV.l'an 1 1 59.troisCardinaux
iiiècontens de cette èlediion , entre-
prirent d'en faire une autre, ils élu-
rent Odavicn l'un d'eux qui prit le
nom deVidor ïll.cet Antipape s'in-
ftalla par force, & .fit emprilonner
fon Compétiteur,, mais le peuple fe
fouleva & fe déclara en faveur
d'Alexandre. L'Empereur Fréderic-
BarberoufTe étoit pour lors en Ita-
lie. Dans ce partage on eut recours
à lui; il cita les deux concurrens
à Pavie , où il indiqua un Concile
pour les juger. Alexandre relufa
de s'y trouver i Vidor y affifta , de
après avoir fait confirmer fon ékc-
E R ; 1755. ^;
tion irrèguliere , il porta une Sta-
tence d'excommunication contre
Alexandre , qui de fon coté excom-
munia Frédéric. Après pluiieurs
tentatives de guerre & de négocia-
tion , Frédéric ménagea avec le
Pape Alexandre une entrevue à
Venife , où la paix fut conclue.
Quelques Auteurs ont dit qu'Ale-
xandre en levant les cenfures qu'il
avoit lancées contre l'Empereur ,
lui mit le pied fur le col , & lai dit
ces paroles du Pfeaume 90. vous mar-
cherez^ fur l'afpic & fur le h.iftlic ,
vous foulerez, aux pieds le lion & le
dragon. Que Frédéric répondit : ce
n'efi pas a vous que ces paroles ont été
dites , mais a Pierre ; & qu'Alexan-
dre répliqua : & ci moi & a, Pierre,
Le Cardinal Baronius fe fert de la
Chronique de Romuald pour
prouver que toutes ces chofcs font
autant de fables , dont la fauiTeté
eft démontrée par les Lettres mê-
mes d'Alexandre , où il rapporte
de quelle manière fe fit cette entre-
vue.
2°. L'Hiftoire de Sicile parHugo-
Falcandus , corrigée fur les ancien-
nes Editions. Hugo - Falcandus ;
Tréforier de l'Eglife de S. Pierre de
Palerme en Sicile , fleurifloit dans
le douzième fiécle , on le croit
originaire de Normandie. Il ècri-
voit fon Hiftoire fous Guillaume I.
dit le Mauvais , qui régna depuis
l'an II 5 2. jufqu'en \\66. & il la
conduilit jufqu'aux trois premieics
années de Guillaume IL d t le Bon.
Cet Hiftorien paroît d'à i.ant plus
digne de foi , qu'il ne rapporte que
les chofes dont il a été témoin. 153,-
E ij
3(S JOURNAL D
ronius cite Falcandiis avec éloge.
Gervais de Tournay , Chanoine de
SoilTons , tira cette Hilloire de la
Bibliothèque de Mathieu Longne-
Jouc , Evoque de la même Ville i il
la publia l'an 1550. & la dédia à ce
Prélat -, on la mit depuis dans le
corps des Ecriva-ins de Sicile , im-
primé en 1579. à Francfort. Cette
Hiftoire eft écrite d'un ftile élégant
& poli.
3°. La Chronique Univcrfclle
de GodetVoy , Prêtre , natif de Vi-
terbe^qui fleuri{Toitdansle douzié-
jne fiécle. Godefroy ou Géotroy
fut fort el^imé des Empereurs Con-
rard III. Frédéric I. bc Henri IV. on
dit même qu'il fut Secrétaire des
deux premiers 6c Aumônier du
troifiémeOn nefçait ce qui a don-
né lieu à Bafile-Jean Hérolde qui a
publié le premier cet Ouvrage ,
d'afTurer que Godefroi étoit verfé
dans la connoilTance des Langues
& particulièrement de la Latine ,
de la Gréquc , de la Chaldécnjqg ,
& qu'il avoit employé plus de 40
ans à voyager & à parcourir les Bi-
bliothèques les plus célèbres ; l'Ou-
vrage dont il eft ici qucftion ne
montre pas beaucoup d'érudition ;
& dans ce fiècle , il fuftîfoit d'avoir
trouvé par hazard la Chronique
d'Eufebe pour s'élever bien-tôt à k
qualité d'Auteur. Cette Chronique
eft écrite partie en profe & partie
en vers Léonins , fouvent fans fa-
Teur & fans goût, & comprend
f Hiftoire de tous les Princes fous le
nom de Panthéon. On y trouve un
Catalogue des Papes , des Empe-
ïcuis éc des Rois depuis le coni-.
ES SÇAVANS,
menccmcnt du monde , jufqu'ail
Pape Urbain III. auquel cet Ouvra-
ge eft dédié , & il hnit l'an 1 186^.
Martinus-Polonus avoiie lui-même
qu'il a fait entrer dans fa Chroni-
que une partie de celle de Gode-
froy de Viterbc.
4". La Chronique de Sicard ou
Syghard , Evcque de Crémone ,
depuis la Naiflance de J. C. juf-
qu'en l'année 1211. cette Chroni-
que eft tirée d'un manufcrit de la
Bibliothèque d'Eft , & paroît pout
la première fois. Sicard vivoit dans
le douzième fiècle vers l'an ii^o-
comme il paroît certain qu'il eft
mort en douze cens quinze , les
cinq années qui reftcnt jufqu'à l'an
lizi. auquel fa Chronique finit,
ont été ajoutées par un autre Au-
teur , comme cela eft arrivé à plu-
fieurs autres Hiftoires.
M. Muratori nous apprend
qu'après avoir long-tem£ attendu
lemanufcrit de cette Chronique,
qu'il fçavoit être dans la Bibliothè-
que de l'Empereur , il en a trouvé
un autre dans la Bibliothèque d'Eil:
qui avoir échappé jufqu'alors à fes
recherches. Cet exemple confii me
ce que nous avons dit ci - dertus ,
qu'il y a dans les grandes Bibliothè-
ques une infinité de morceaux qui
s'égarent & qui fouvent même pé-
rilîent entièrement.
M. Muratori a retranché de cette
Chronique tout ce qui précède Ix
NailTance de J. C. comme inutile ,'
5c peu cxaifl j nous ne croyons pas
même que les Sçavans tirent beau-
coup de fruit de la Compilation de
Sicard jufqu'au tems de Cbailcma:
J A N V I
gtic , quoiqu'il rapporte des chofcs
qu'on ne trouve point ailleurs. Il
feroit à fouhaiter que cet Auteur
fut moins crédule , & que foûtenu
par une judicieufe Critique , il
n'eut point énoncé comme vrai des
faits fabuleux ; mais il vivoit dans
un tems où les Hiftoriens bron-
choient à chaque pas , & où l'illu-
fion pafloit pour la vérité même.
Son ftile cft élégant. Il nous a paru
que dans la defcriprion qu'il fait de
la dernière expédition de l'Empe-
reur Frédéric I. en Orient , il eft fu-
pericur à la plupart de ceux qui en
ont parlé. Comme Sicard dans fa
Chronique rapporte plufieurs ac-
tions des peuples de Crcmoue , M.
Muratori a cru devoir donner une
petite Chronique de Crémone ,
écrite par un Anonyme. Elle com-
mence l'an ir>^(;. 6c finit l'an ii^z,
on y a joint une Lifte des noms des
Magiftrats de cette Ville.
5". La conquête & la perte de la
Terre Sainte par Bernard Thréfo-
rier , depuis l'an 1095. jufqu'en
1130. écrite en François &mifeen
Latin vers l'an 1310. par Frerc
François Pipino Dominicain. Quel-
ques recherches que nous ayons fai-
tes il nous a été impoffible de dé-
couvrir quel étoit ce Bernad.
M. Muratori conjedure qu'il a
fleuri vers l'an 1230. Ducange pa-
roît confirmer cette opinion dans
fcs Obfervations fur la Vie de
S. Louis , écrite par le Sire de Join-
ville : cet Auteur, en parlant de
Richard Roi d'Angleterre , dit :
tant ç/u'ils le doublèrent fi fort , ainfi
<^n'U efi écript mLivrc de l'ivoire d»
E R. , 175 j: 57
Veage de la Sainte Terre ^ ejue
ijHand les petits enfans des Sarrazins
crioient , leurs mères leur difoient '
taifez-vous , taifel^ , véS'cy le Roy
Richert qui vient vous cjuerir , &
tantouft ilsfe tatfoient. » Us ont tous,
» dit Ducange , obmis cette cir-
» confiance rapportée par le Sire de
j'Joinville qui l'avoit tirée, ainfi
^ qu'il le témoigne en cet endroit
>j de l'Hiftoire des Guerres Saintes ,
» écrites en Langue Vulgaire que
Ȕ j'ai lue manufcrite , & qui rap-
» porte la même chofe en ces ter-
» mes : dont il avint, &c. « Le
Roi Richard fut fi cremus en la terre
que quand il y avoit une Sarrazine &
fes enfcs plouroit , elle difoit a fon
enfant , t ai fiez-vous .-pour le Roi Ri-
chard: tant il étoit cremus^ &redouté
ke li enfês en luiffoitfon pleurer.
D'où M. Muratori conclut que
l'Hiftoire dont il nous donne au-
jourd'hui la tradudlion Latine ,
eft précifémcnt celle que M.
Duchêne a connue , & il infère de-
là , avec M. Ducange , que cet Au-
teur eft antérieur à Joinville , BiO-
chard femble favorifer ce fenti-
ment. Au furplus , en parcourant
cette Hiftoire , nous nous fommes
apperçû que Bernard a fuivi aveu-
glément les Auteurs qui avant lui
ont écrit fur la conquête de laTerre
Sainte , mais fpécialement Guillau-
me Archevêque de Tyr , dont il
copie jufqu'aux fautes. Quoiqu'il
en foit , ce Livre contient une dcf-
cription complette de tout ce qui
s'eft paffé en Orient, & c'en eft aflez
pour méiitet i'attention des J-eç^
teuj(s.
38 JOURNAL D
On trouve cnfuirc les Chroni-
ques des Monafteres dcFclTa-Nova,
d'Atcne &c de Cave , comme elles
ne renferment rien de iîngulier , &c
que les Auteurs en font inconnus ,
nous ne nous y arrêterons pas.Nous
nous contenterons auHî d'indiquer
celle de Richard de S. Germain
que Ferdinand-Ughiilc a publiée, &
que M. Muratori nous donne plus
cxade 8c plus correcte, cette Chro-
nique expofe tout ce qui s'cft fait
depuis la mort de Guillaume Roi
de Sicile arrivée l'an 11^5. jufqu'en
1243.
ES SÇAVANS,
Les Ephemerides Napolitâine$
de Mathieu SpincUo , de G iovcnaz-
zo , couronnent ce Volume ; c'eft
un Journal de tout ce qui eft arrivé
dans le Royaume de Naples depuis
1147. jufqu'en iziîS. il règne un fi
grand air de vérité dans cet Auteur
qu'il eft difficile de fe défendre de
ic croire , fa Chronologie n'eft
point exaéle , il confond fouvent
les chofcs & fe trouve rarement
d'accord avec les Auteurs contem-
porains. M. Muratori nous donne
l'original Italien avec la tradudion
Latine du P. Papebroch.
lETTRE A VAVTEVR DE L'EXTRAIT DV JOVRN AL,
des Sçavans du mois d'Oiîoùre 1731. aiifujet du Livre intitulé : Obfer-
vationes Medico-Praâ;icx ; f>Ar M. le Thieullier , DoBcur-Régent
en laF iciilté de Adedecine de Paris, &c. A Paris, rue Saint Jacques ,
chez Charles Ofinont , à l'Olivier ; Pierre-Michel Huart , à k Juftice j
Jacques Clouzier ^k l'Ecu de France. 1732. Broch. /«-li.pp. 23.
L'A U T E U R de cette Lettre
fait d'abord entendre qu'il va
répondre à tous les articles de l'Ex-
trait qui eft annoncé dans le titre.
Mais il en ufe autrement, il ne choi-
fît que ceux qui l'interclTcnt le
moins ; ces articles font lesfuivans:
1°. U fe plaint de ce qu'ayant dit
dans la Préface de fon Livre , que
ce Livre étoit fon premier Ouvra-
ge , on en a conclu qu'il dilîîmuloit
en avoir déjà donné un , lequel eft
intitulé : Lettre à r Auteur des Ob-
fcrvations & Réflexions fur la petite
véroleÀÏ répond que l'Ouvrage qu'il
appelle ici fon premier Ouvrage
eft effectivement pour lui , le pre-
mier en Obfervations •■, & que fi
dans la fuite , il donnoit un Traité
qui interefsât toute autre matière , ce
'Traité feroit tout de même pour
lui , un premier Ouvrage dans fon
efpcce. Selon ce principe , le Trai-
té de l'amitié par Ciceron , eft le
premier Ouvrage de Ciceron ; ce-
lui qu'il a donné fur la VieillelTe ,'
eft tout de même fon premier Ou-
vrage -, celui de fes Offices eft fon
premier Ouvrage encore ; & ainfi
des autres. Comme da.ns le Journal
o;i a traité de modeftie la dilîimula-
tion qu'on attribue à M. le Thieul-
iier , il déclare que ce mot de mode-
jiie lui paroît très-bien placé , ôc
cela pour deux raifons : la premiè-
re , pavce que l'Approbateur de fa
Lettre fur la petite vérole , n'a pas
dit Amplement qu'il n'y trouvoiç
J A N V 1
rien qui en pût empêcher l'impref-
preffion , mais a beaucoup enchéri
fur cela ; la féconde , parce que fa
Lettre contient efTcdivement , fé-
lon lui , de fi bons préceptes qu'il
n'y a qu'une grande modeftie qui eût
pu le porter à diilimuler qu'd en
ctoit l'Auteur. Quand cet Ouvrage ,
dit-il au Journalifte , ent été de la
nature ^.^ celui cjui fait votre objet
dans le Journal ^ n'aitrois-je pas eit
beaucoup de modejiie de le dijfmulcr ?
Nouslairtbns aux Ledleurs à fai-
re leurs reflexions fur ces deux rai-
fons. Nous remarquerons feule-
ment fur la première , que ceux
qui croyent devoir prendre à la
lettre , les éloges dont la plupart
des approbations de Livres , font
remplies , pourront voir dans le
Journal du mois de Juillet 1715.
art.y.Quel fonds la raifon demande
que l'on fafle fur ces fortes de com-
plimens.
La féconde plainte de notre Au-
teur , eft qu'on prétend qu'il a ufé
de difcernement & de choix dans
les exemples de guérifon qu'il a rap-
portés. Il s'en défend fort : ce n'efi
pas avec choix- ^ dit-il, ^uej'ai rap-
porté ces faits ; mais pour y expoferla
■méthode tjui m'a réujft , fans captiver
les autres à l'imiter i car je ne fuis pas
«ijfez. préfomptueux pour croire mon
Livre exempt de fautes , & vouloir
donner un modèle de doEînne.
Le troifiéme reproche, eft d'avoir
ait dans le Journal , qu'un Méde-
cin expérimenté , qui donneroit des
Obfervations où il expoferoit éga-
lement fes bons & fes mauvais fuc-
(Cès^ pouiioic faire en cela un Livre
E Ri 17? 5. 55
alTez utile. L'Auteur aecufe ici , de
peu àtjujieffe^ le Journalifte : A ces
conditions , lui dit-il , vous admette!
des Obfervations , mais peu fidèle à
voiis-mcm: , ( douterois-je cjue vous le
foyez. à d'autres ) vous trouvez. cjiCil
ferait a Jouhaiter cjue feuffe prévenu
la-deffus une difficulté , ff avoir e^uefi
les Aiedecins donnaient atnft leurs
Obfervations ^ on verrait fouvent fur
le traitement d'une même maladie^ les
Obfervations de l'un contrarier cel-
les de l'autre ; ce cjui produirait en-
core plus d'incertitude dans l'ejprit
des jeunes Médecins. Comment , en
un moment, les Obferv.itions peuvent-
elles faire un Livre affe^jnile , & de-
venir en même tems capables de trom-
per les jeunes Médecins ? avez-vous
cru , Adonfieur , qu'une telle faute
pHt cacher l'Auteur de l'Extrait ? ou
venger un reffeniiment particulier
dont vous étiez, trop rempli ? je n; dé-
cide pas la queflion. Tels font \ç%
termes du troifiéme reproche de
notre Auteur. Nous laiflons à ceux
qui fe connoilTcnt tnjuftejfe , à voir
li c'eft en manquer que d: dire pre-
mièrement , qu'un Médecin expé-
rimenté (\màor\neto\\. des Obferva-
tions où il expoferoit également fes
bons & fes mauvais fuccès , pour-
roit faire en cela , un Livre allez
utile , & d'ajouter enfuite , comme
a fait le Journalifte , en parlant de
la liberté que chaque Médecin fc
donneroit de taire des Obfervations
à fa guife , fans fe mettre en peine
d'avoir acquis par une fuffifante
expérience , le pouvoir d'en faire
de bonnes , que fi cet abus de ^0»-
nerainjidts e^fervatisnf , ésoit une
40 JOURNALD
fois introduit , on vcrroit fouvcnt
fur le traitement d'une même mala-
die , les Obfervations de l'un, con-
trarier celles de l'autre , ce qui pro-
duiroit encore plus d'incertitude
dans l'cfprit des jeunes Médecins.
Quel défaut dejuflejfe ^ demande-
ront quelques Ledeui s , trouvera-
t-on dans ce langage , fur tout 11
l'on conlîderc que le Journaliftc ,
pour confirmer ce qu'il avance, cite
les Obfervations même de notre
Auteur & dit qu'elles n'auroient
pas diminué de prix h elles étoient
venues un peu plus tard.
Ce que notre mcmcAuteur ajou-
te , quand il demande fi le Journali-
fte <i cru (jHune telle faute fut cacher
l'Auteur de l'Extrait , ou venger un
rejfentiment dont il était trop rempli :
cft une énigme pour nous.
Le quatrième reproche qu'on fait
au Journalifte , eit d'avoir dit que
des Obfervations fur la cure des
maladies , demanderoient , pour
être d'une véritable utilité , qi/on
joignît aux circonlliances de l'âge,
du fexe , des temperamens , de la
manière de vivre , de l'habitation
même, & de plulîcurs autres points
qui regardent les maladies , les cir-
conftances qui concernent les Sai-
fons, leur excès , par exemple , ou
leur modération en chaud, en froid,
en {ec , en humide ; leur ordre ,
ou leur boulverfemenc , leur fuc-
cefiîon fubite , ou infenfible, leur
confiance ou leur inconftance :
Qli'cUcs demanderoient qu'on eût
journellement égard aux differcns
états de l'air , foit par rapport .à fa
légèreté , foit par rapport au chaud
ES SÇAVANS,
ou au froid , au fec ou à l'humide;
foit par rapport aux vents , &c. ce
qui jctteroit un Obfci vateur dans
de grandes difcuflîons, mais difcuf-
fions aulli importantes que péni-
bles.
Voici la réponfe de notre Auteur
fur cet article : P^ous exigez., AtoH-
fleur , qtConfoit attentif aux Saifonsi
hé bien , n'ai je pas datte les mots &
les jours de chacjue mois dans chaejue
fait t^ueje rapporte^ (T avois je bcfoin^
par extmple , en nommant le premier
jour de Janvier^ de faire obferver
que c'était alo^s l'hiver , ou déflgner
l'été ijuandje p.irle du mois de JuiUety
& atnfi des autres Saifons î Voilà du
plaifant •, mais ce que notre Auteuc
ajoure immédiatement après , eft
plus férieux , fçavoir , que dans la
dixième Obfervation fur l'apople-
xie , il fait fentir la faute que com-
mit un malade en fe faifant rafer U
tête & le vifage dans un tems ven-^
teux & extrêment froid : il appelle
ce cas un cas très-digne de remar-
ques. Notatu dignijfimnm, il comprit
alors , à ce qu'il déclare , <]uune
tranfpiration fufpendue parle froid ^
aurait donné lien a une violente fièvre
qui était fttrvenue ; ce qui le déter-
mina , dit-il , au parti de donner des
fudarifiques , en cas que la nature ne
fournit pas par elle-même , une fueur,
& une critique falutaire.
Voilà donc ce que notre Auteuï
i» découvert dans fon Livre, pat
rapport à la circonftancc du froid Sc
du fec ; c'cft un homme qui mal-à-
propos fc fait faire rafer la tête & le
vifage lorfque fouftle un vent im-
pétueux &glacialiVoici à prcfent ce
qu'il
J A N V I
jqu'ii a trouvé dans fon mcmeLivie,
par rapport à la circonftance du
.froid & de l'humide : c'eft une pcr-
fonne qui par un teins [ombre &
froid j alloit tans les matins entre fept
!& huit ^ à L'Eglife , & là fe tenait
jup]H'à dix heures ^ à genoux fur le
pavé humide & froid de VEglife.
Cette perfonne , que l'Auteur ne
iiomme point , mais qui , à ce qu'il
remarque dans l'Obfcrvation, étoit
.un homme très-noble , mhilijfmtis
vir j s'attira par cette conduite , &
par un mauvais régime qu'il garda
un certain jour , où il fe remplit le
ventre de fèves , jufqu'à n'en pou-
voir plus , une hévre tierce , dans
le fécond paroxyfme de laquelle il
.envoya quérir notre Auteur. Telle
eft la circonftance que l'on cite du
Livre des Obfervations pour faire
voir qu'on a eu égard au froid & à
l'humide ; après quoi l'Auteur
ajoute les paroles fuivantes , où il
paroît vouloir donner dans le plai-
dant , comme il l'a déjà elTayé plus
.haut.
Je fais toujours , dit-il , ces re-
marques particulières , lorf^^u'elles
font effentielles ; mats dans les con-
jonElures peu intereffanies , par rap-
port à ces changemens , f ai jugé inuti-
le de dire efu'il y avait beaucoup de
chaleur au mois de Juin ^ ou de froid
en Décembre ^ ce ferait une exaSlitttde
dejournalifle.
Notre Auteur , comme on voit ,
dit ici que par rapport à, ces change-
mens ; c'eft à-dire , aux changemens
qui arrivent quelquefois pendant
le cours des Saifons , car c'eft de
ceux-là qu'il s'agit, il a jugé inutile
Janvier.
E R , 17? 5: 41
de remarquer qu'il y avoit beaucoup
de chaleur au mois de Juin & de
froid en Décembre : cependant ce
beaucoup de chaleur au mois de
Juin & de troid au mois de Décem-
bre , n'ayant rien d'extraordinaire,
à moins qu'ils ne foient à un grand
excès , ne font point du nombre
des changemens dont il eft ici que-
iîion. Mais comme au mois de
Juin, il peut régner des vents froids
& au mois de Décembre des vents
chauds , & que c'eft de ces fortes
de changemens que le Journaliftc
a dit qu'un bon & exad: Obfcrva-
f eur devoit faire mention , il pour-
roit bien arriver que quelqu'un de-
mandât à notre Auteur , fur quoi
tombe fa plaifantcrie , quand il dit
que de manquer qu'il y avoit beau-
coup de chaleur au mois de Juin ,
ou de froid en Décembre , ce fe-
roit une cxaditude de Journalifte.
Le cinquième reproche qu'eftiiyc
l'Auteur de l'Extrait^ eft d'avoir dit
que l'Auteur des Obfervations
alfurant dans fa Préface , qu'il ne
nomme aucun de fes malades , 8c
qu'il a jugé plus à propos de taire
les noms de tous que d'en rappor-
ter feulement quelques-uns , il gar-
de cependant une conduite toute
contraire à celle-là , employant
trois pages entières à détailler dans
fon Livre , les noms & les qualitez
de 25 malades qu'il dit avoir guéris
de la petite vérole ; fur quoi le
Journalifte cite ces paroles de la
Préface : forfitan hifce obfervationi'
bus major autoritas accederet , fi fin-
gulis , itgrorum namina pritfixijfm j
fednonniiilorKm tjui certis de caufis ^
F
42 JOURNAL D
fua nomina celari volnrit^piidorem rc-
•veritHS , fatiiis cjfe duxi omnia nomi-
na fupprimi , t^ukm ejutidam tanùim
appo/ii. On ne peut dire en termes
plus précis , qu'on s'cft abftenu de
nommer aucun malade , quel qu'il
foit ; cependant l'Auteur prétend
que lorfqu'il nomme les vingt-cinq
malades en queftion , il ne va point
contre ce qu'il a marqué dans fa
Préface , &c pour prouver qu'on a
tort de croire qu'il ne tient pas la
parole qu'il a donnée , il dit entre
autres raifons, que hpKiti^iie dont il
rend compte ^ en parlant de la petite
vérole , potivc.nt fonlever bien des
gens , il devait la jitflifier au moins
far les citations de (jnelques malades.
Nous laiffons aux Ledeurs à juger
fi alléguer les raifons qu'on a cru
avoir de ne pas tenir une parole ,
c'cft prouver qu'on l'a tenue î
Le fixiéme reproche a pour ob-
jet cette remarque du Journalifte :
fçavoir, que l'Auteur des Obferva-
tions , qui aiïure avoir rapporté les
divers tcmpcramcns des malades ,
omet néanmoins trcs-fouvent de le
faire ; qu'à la vérité , en parlant
d'une fille de 24 ans qu'il dit avoir
guérie de la rougeole , il rapporte
fon tempérament , mais qu'en par-
iant d'une femme de même âge ,
qu'il dit avoir guérie de la petite
vérole , il garde un profond filencc
fur le tempérament de cette fem-
me ; ce qui pourroit , dit le Jour-
nalifte , donner occafion à quel-
ques Ledleurs , de demander fi ce
leroit que pour traiter la petite vé-
role , l'Auteur des Obfervations
ne cioiroit pas que la connoiflance
ES SÇAVANS,
du tempérament fut auffi necelTaire
que pour traiter la rougeole ?
On ne foupçonneroit pas fa ré«
ponfc fur ce fujct. » Si, f/'V-;7, quand
y> j'ai gardé un profond filence tou-.
" chant le tempérament d'une
» femmCj dans l'article de la petite
» vérole , vous vous êtes trouvé ne
» fçavoir que répondre cà ceux qui
» vous ont demandé fi pour traiter
» la rougeole , la connoilfance du
» tempérament feroit abfolumcnC
» ncceffaire ■■, mais fi pour traiter la
» petite vérole , cette connoiflance
= feroit fuperflue , fatisfaites-les ,
» Monfieur , par mon Livre d'Ob-
j3 fervations, dont vous avez vous-
» même tiré & traduit la réponfc
» dans le Journal, />.i^.6oi.co/.2.J'ai
» employé à l'égard de tous la mê-
» me méthode , qui a été de don-
« ner des cordiaux, cordiaux qu'il
» faut donner plus ou moins fou-
>> vent félon que l'éruption eft plus
» ou moins rapide.
Voilà tout ce que notre Auteur
veut qu'on réponde à ceux qui fur-
pris de ce que dans les cas de rou-
geole , il fait mention du tempéra-
ment des malades , & que lorfqu'il
s'agit de petite vérole, il garde un
protond filence fur cet article , s'a-
viferont de demander fi c'cft que
cet Auteur croye que pour traiter
la petite vérole, la connoiffance do
tempérament ne foit pas aufliî ne-
ceflaire que pour traiter la rougeo-
le ?
Voici donc , pour le repeter,'
comment il veut qu'on s'y prenne
afin de les éclaircir entièrement fur
ce poJnt;c'efl de leur diie,Meffieuxs>
J A N V I
l'yiutetir des Obfervations a employé
à l'égard de toHsJ.a même méthode ^qid
a été de donner des cordiaux ^cordiaux
^u'ilfuHt donner plus ou moins fou-
vent , félon que l'éruption eft plus ou
moins rapide.
Si l'on cherche le rapport qu'une
telle réponfe peut avoir avec la de-
mande , peut-être aura-t-on de la
peine à le trouver ■■, mais toujours
voilà ce que l'Auteur veut qu'on
dife aux Ledeurs pour les fatisfaire
pleinement.
Le dernier reproche de notre
Auteur , eft que le Journalifte l'a
injuftement accufé d'exclure la
faignée dans les fièvres malignes.
Nous fçavons qu'il n'y a dans tout
l'Extrait aucun mot qui puilTe don-
ner ni diredement , ni indirede-
ment , le moindre lieu à ce repro"
che. On n'y accufe nulle part^l'Au-
teur des Obfervations , d'exclure
îa faignée dans les fièvres malignes.
Ainfi tout ce qu'il dit fur ce fujet
pour repoulTer la prétendue accu-
lation , étant dit à pure perte, nous
croyons fort inutile de le rappor-
ter.
Qu'il nous foit permis de rappel-
ier ici la remarque que nous avons
faite au commencement ; fçavoir ,
que notre Auteur a lailTé de côté
tous les articles de l'Extrait qui
pouvoient l'interefler le plus.
Mais comme en général , il fe
plaint que dans cet Extrait , on a
jugé peu favorablement de fon Li-
vre , quoique cependant on n'en ait
fait qu'un fimplc expofé , ainfi
qu'entre autres exemples , il eft
facile de le voir par la manière nue
E R, I 7 5 5, 45
dont on a cité fes Ordonnances fur
la rougeole , nous remarquerons
qu'il n'y a pour fe convaincre s'il a
lieu de fe plaindre de nous , qu'à
comparer notre Extrait avec la cen-
fure que la Faculté de Médecine de
Paris , vient de faire elle-même du
Livre des Obfervations ^ dans un dé-
cret exprès qu'elle a rendu fur ce
fujet. L'on verra par là fi nous pou-
vions nous expliquer fur de telles
Obfervations , avec plus de rete-
nue & de ménagement que nous
l'avons fait.
Il nous refte un mot à dire fur
ces paroles de l'Auteur que nous
avons citées au commencement en
parlant de fon fécond reproche. Ce
nef pas avec choix , dit-il , ^uej'ai
rapporté ces faits , mais pour y expo-
fer la méthode cjui m'a réuffi , fans
captiver les autres a. l'imiter; car je
ne fuis pas ajfez.préjnmptueux ^ pour
croire mon Livre exempt de fautes ^
& vouloir donner un modèle de docz
trine.
Pour bien entendre ces paroles
que notre Auteur tire de fa Préfa-
ce , il ne faut point les féparer com-
me il fait ici, de ce qui les précède
&c de ce qui les fuit dans cette Pré-
face , mais les lier enfemble com-
me nous allons faire ; on verra par
là que quand il déclare qu'il ne veut
point donner de modèle de doûri-
ne , c'eft pour faire comprendre
qu'il fe referve à en donner de pra-
tique j l'un & l'autre étant en effet
deux chofes diftindlcs.
Il dit donc dans la Préface dont
il s'agit : i'. » Qu'il entreprcnr! un
» Ouvrage dont tous les Médecins
44 JOURNAL D
}) généralement fc font jufciu'ici
» difpenfés : dereliElam igiiitr ab om-
a> nihiis frovinciam fnfcepi ^ Ouvrage
»> confiftant à donner des Obferva-
30 tioni qui dans les cas douteux
» puilTcnt fervrr de flambeau aux
» jeunes Médecins , ou leur être
n comme itn fil d'^riadne ^ qui les
«empêche de s'égarer dans les fcn-
30 tiers inconnus de la Pratique :
» i°. Que fi l'on reprend dans fon
» Livre, l'ordre , leftylc, Icman-
5J que d'explications phyfiqucs , la
j5 trivialité des formules & autres
n chofes femblables , il ne s'en em-
y barralTe pas': Qii'il n'efl: point af-
3> fez prcfomptueux pour croire là-
"dellus fon Livre exempt de fau-
" tes : Qu'après tout il ne prétend
3> point donner des modèles de
sïdodlrine & de raifonnemenr,
» pour s'acquérir une vainc gloire,
M mais qu'il n'a d'autre but que de
30 tracer , autant qu'il eft en lui ,
» aux Médecins encore novices ,
» un chemin court & facile pour la
3» pratique , ttt expeditam Tyronibus
3! viam & Compendtariam pro viri-
») hns efficerem : Que s'il remplir
»j cette intention , il fe met peu en
» peine de ce que l'envie pourra
» objeder.
On voit outre cela , dans ce dif-
cours , que notre Auteur prétend ,
1°. Qu'aucun Médecin excepté lui,
n'a entrepris de donner des Obfer-
varions : 2°. Que les fiennes font
des guides fûrs pour la pratique de
Médecine. Deux points qui pour-
roient bien avoir eu quelque part
dans le jugement que la Faculté
de Médecine de Patis a porté con-
txckLme.
ES SÇAVANS;
Le fécond point furtout ferfl-
bleroit affez autorifcr cette conjec-^
ture : c'cft de quoi nous pourrions
citer plufieurs exemples tires du
Livre des Obfcrvations ■■, mais celui-
ci fuflîra : l'Auteur traitoit de la
rougeole , une fille de 14 ans , la-
quelle , à ce qu'il obfcrvc , étoit
maigre , d'un naturel de feu , &
d'un tempérament fanguin-bilieux}
il déclare là-defTus que pour la gué-
rir , il lui fit prendre entre autres
chofes , du vin animé de canelle ,
de mufcade , & de fucre. Or fî cet-
te méthode dans le cas dont il s'a-
git, efl félon notre Auteur , un fur
modèle de pratique , un finmbeau ,
un fil dArtadne pour les jeunes Me-
' decins , il y a bien de ^apparence
que la Faculté de Médecine de Pa-
ris pourra avoir eu en vue une telle
méthode avec plufieurs autres fem-
blables de rAuteur,en condamnanc
le Livre des Obfcrvations.
Au refte , dans l'Extrait dit
Livre , nous avons fait fur cette
méthode , la reflexion fuivan-
te : V Auteur déclare au* il fit pren-
dre à la malade , du vin ajpiiforu
né de canelle^ de mufcade & de fucre ^
mais il n'expliijue point fie' efi la mai-
greur de cette fin e^ fon efprit bouillant^
& te tempérament fanguin-bilieux f
dont il avertit eju'elle étoit , ^iti le de"
terminèrent à prefcrire ce vin échauf-,
fitnt. Cet article , qui fans doute ne
fçauroit paroître indifferenr pour la-
pratique , eft du nombre de quan-
tité d'autres non moins eflentiels
que nous avons rapportés dans no^
tre Extrait , & que l'Autcui paflib-
ibus filence dans fa Lettie.
JANVIER; 1733.
47
LETTRE DE M. VETIT ^ DOCTEVR EN MEDECINE , DE
l'académie Royale des Sciences : contenant des Reflexions fur des décou-
vertes faites fur les yeux. A Paris , 25. Septembre ^ 1732. Brochure
in-i". pp. 8.
M Petit de l'Académie Royale
. des Sciences, & Docleur en
Médecine , répond dans cette Let-
tre à trois demandes qu'il dit qu'on
lui a faites. La première , eft d'où
vient que M. Winflow , étant de
l'Académie des Sciences , n'a pas
pris l'approbation de cette Acadé-
mie pour VExpoftion Anatomi(jue
qu'il vient de donner au public ?
La féconde , fi de la manière dons
M. Winllow décrit le nerfinterco-
ftal , il ne femble pas que cet Ana-
tomifte ait découvert , il y a vingt
ans , que le nerf en queftion ne tire
pas fon origine du cerveau î La
troifiéme , fî le canal que le même
M. Wmflow dit avoir trouvé en-
tre le chryftallin & fa capfule , il y
a plus de dix ans , ne feroit pas le
canal gaudronné que M. Petit le
Médecin a découvert autour du
chryftallin , & qu'il a communi-
qué à l'Académie des Sciences , en
Quant à la première queftion , il
dit qu'on peut apprendre facile-
ment par d'autres pcrfonnes com-
ment la chofe s'eft palTée ; mais que
fi néanmoins l'on fouhaite abfo-
lument en être infttuit de lui , il
s'en acquitera avec plaifir dans une
autre Lettre. Pour ce qui eft de la
féconde queftion, M. Petit ne croit
pas s'y pouvoir mieux prendre ^
cour éclaiïcir le point , que de
rapporter les propres paroles de ]Vî.
"Winflow. Les voici comme il les
rapporte.
"On avance pour i'ordmaire
3> que ces nerfs commencent cha-
» cun par un filet de la fixicme pai-
3>re de la moelle allongée ^ & par
« deux filets de la cinquième , Sî
» que ces filets compofent d'abord
» un nerl fort grêle , qui retrogra-
53 de pour fortir du crâne par le ca-
»> nal ofleux de i'apophyfe pierrcu-
a> fe de l'os des tempes , & groHIt à
» mefure qu'il defcend.
» Mais après avoir examiné avec
30 attention , la prétendue nailfan»
» ce de ces filets , ils m'ont paru
3> plutôt monter de la bafe du crâ-
j> ne avec la carotide interne , & al-
» 1er de derrière en devant pour fe
"joindre à la fixiéme & à la cin-
» quiéme paire , & j'ai trouvé l'an-
j> gle de leur union avec ces deux
» paires , tourné vers le devant , &
» fi aigu qu'on ne peut les regardée
» comme des nerfs récurrens.
» Ayant depuis ce tems-ià , c'eft-
» à-dire depuis près de vingt ans,
M trouvé la même difpofition de cet
» angle , dans tous les fujets que
» j'ai diiféqués , j'ai toujours été
n dans l'opinion que ce qu'on avoic
>j pris pour la première racine , &
3> comme une efpeee de tige def-
5> cendante du nerf appelle intcrco-
« liai j n'en étoit q,u'une bianch&
^6 JOURNAL D
» afcendantc, qui , en entrant dans
n le crâne , fc divifoit en filets , &
»par ces filets s'alTocioit ctroite-
j> ment avec les deux paires nom-
n mées.
j) L'Obfervation particulière que
» M. Petit Dodeur en Médecine ,
n a communiquée à l'Académie
»> Royale des Sciences fiar la diffe-
« rente grolTcur des portions du
n nerf de la llxiéme paire , paroît
)> entièrement démonftrative : fes
» expériences fur la coopération
» réelle de ce nerf dans l'organe de
» la vûë , le confirment encore da-
» vantage.
Voilà comme s'eft expliqué M.
Winflow , Se là-delTus M. Petit
s'adrefTant à celui à qui il écrit , lui
dit : «Vous êtes étonné, Monfieur,
M de ce qu'à la face de l'Académie j
» on ofe s'attribuer une découverte
7) qui fait le fu)et d'un Mémoire
»> donné à cette Compagnie au
« mois de Mars 1717. p. i. Vous al-
» lez voir que vous n'avez pas fujet
» de vous recrier , puifque ce que
j> vous croyez être une découverte ,
M va fe réduire à un limplc foupçon
» Se peut-être à quelque chofe de
i> moins.
M. Petit , comme on voit , trai-
te ici àcfoHpfOfi & de /impie fonfço?t
ce que M. Winflow donne néan-
moins comme la véritable opinion
& non comme un doute , puifqu'il
dit en termes exprès : l'ai toujours
été dans fopinion cjm ce ^u'on avait
fris pour la première racine , &
comme une efpece de tige defcendante
du nerf appelle intercoflal , n'en éioit
^'une branche afcendante , Scç.
ES SÇAVANS;
M. Petit ajoiite que ces angles ai-
gus que font les filets de l' intercoflal
avec la cin<juième & lafixiéme pai-
re , ont été donnés par M. Vieitffem ,
il y a envion 48 ans , dans la vingt-
deuxième planche de fa Nenvrologie
& t^iiil n'y a pas lieu de douter ijue
Ai. Viei'.ffcns en faifant deffmer &
graver ce nerf ^ nait eu le même foup-
çon que M. Winflow , fçavoir ;
que ce qu'on avoit pris pour la pre-
mière racine & comme une efpece
de tige defcendante du nerf appelle
intcrcoftal, n'en étoit qu'une bran-
che afcendante , &c.
Ces paroles de M. Petit paroî-
tront fans doute extraordinaires à
ceux qui auront hi ce qu'il dit lui-
même de M. Vieuffens fur ce fujet
dans les Mémoires de l'Académie
année 17^7. p. i. où bien loin de
prétendre que M. VieutTcns aiteu
le foupçon dont il s'agit, il dit : On
A toujours cru t^ite les nerfs interca-
ftaux prenaient leur origine du cer-
veau , G?" qu'ils étaient formés par
quelques rameaux de la cinquième &
de la fixiéme paire des ?jerfs de la
moelle allongée. U^illis & Vieuffens
qui ont donné de tris-belles NeuvrO"
logies ^ ont été de ce fentiment.
Telles font les paroles de M. Pe-
titi comment après cela, demande-
ront quelques Ledleurs , ce Méde-
cin peut-il avancer qu'il n'y a pas
lieu de douter, que M. Vieuflens
n'ait foupçonné que le nerf inter-
coflal ne tiroit pas fon origine du
cerveau ?
M. de Fontenelle, dans l'Hiftoi-
re de l'Académie de la même année
1727. faifant le précis de ce Me-
J A N V
moire de M. Petit , dit : " Les
» nerfs de la cinquième & de la
n fixiéme paire , fe diftiibuent dans
» toute la tête , 8c les yeux reçci-
)> vent certainement plufieurs de
w leurs rameaux. Tous les Anato-
3> miftes , à la tête defquels on
» doit mettre , à l'égard de la def-
i) cription des nerfs , "Willis &
i> Vieuflens , ont cru que le nerf
» intercoftalprenoitfon origine des
3> nerfs de ces deux paires , pour
* aller delà fe répandre dans la ré-
sjgion des côtes , mais M. Petit
î» foupçonna qu'il vènoit plutôt fe
» joindre à ces nerfs qu'il n'en par-
» toit.
On peut confulter M. Vieuffens
même dans fa Neuvrologie, & l'on
verra que M. Petit eft très-bien fon-
dé à dire , comme il fait, que M.
Vieuflens a cru que le nerf mterco-
ftal prenoitfon origine du cerveau.
Mais cela étant , comment pour le
repeter encore , M. Petit peut-il
avancer qu'il n'y a pas lieu de dou -
ter que \I. Vieuffens n'ait foupçon-
néque le nerf inrercoftal ne tiroit
pas fon origine du cerveau î
C'cft fur quoi on ne doit pas de-
mander d'éclaircilTement à d'autres
qu'à M. Petit lui-même. Quoiqu'il
en foit , voici comme il continue t
Obfervez, Monpeiir^ cjue M. IVinf-
loiv cite mes Obfervations & mes ex-
fericrices par rapport à ce nerf. Il efl
vrai que tout ce qui concerne cet arti-
cle efl décrit d'une manière qui lui
donne un air de découverte , ce qui
vous a fait croire , & a <f autres per-
fennes , que ce que j'en ai dit ne fait
que la confirmer. La date de dix an-.
I E Ri 1735; 47
nées qu'il prend /le contribue pas peu à
j'etter dans cette erreur ; voilà , Mon-
fieur ^ ce qui vous a trompé & quel-
ques autres S favans ; je vous dirai
plus j & vous ne le croirez peut-être
pas , fy ai été trompé moi-même; mais
après l' avoir examiné ^ je fuis revenu
de mon erreur , & pour vous faire re-
venir de la vôtre , prenez, garde que
Ai. U^infloiw ne la donne que comme
un doute , ou , comme il dit , une opi-
nion ; // ne s' eft pas mis en peine de la,
prouver.
M. Petit avoue, comme on voir,
que M. Winflo'K' n'a point préten-
du donner ici fon opinion comme
une découverte , & tout le monde
fera en cela du fcntiment de M.
Petit. En effet , M. Winûow a dit
fon opinion , il en a rapporté fîm-
plement les motifs, &c il s'en eft te-
nu là i car pour faire de cette opi-
nion une découverte décifive il au-
roit fallu des expériences , & M„
Winflow n'en a rapporté aucune,
ce qui eft caufe qu'il rend jufticeà
M. Petit qui n'en ayant eu d'abord
que le doute,a pouffé enfuite la cho-
fe jufqu'à la démonftration par le
moyen de fes expériences , fur quoi
nous renvoyons les Ledeurs aux
propres paroles de M. WinlloV ,
citées ci-defTus.
M. Petit , parlant des expériences
en queftion , dit : » J'avois fait à
= Namur des expériences à ce fujet,
"je les ai réitérées à Paris i Mef-
» fieurs "Winflo^ , Hunauld & Se-
» nac y ont été prefens , & dans
» toutes ces occafions M. Winflow
w n'a jamais dit un feul mot de fon
n opinion , ni dans les allembiées
48 JOURNAL DE
i> de l' Académie pendant la Icclurc
>»dc mon Mémoire, ni dans les
jj converfations particulières que
» nous avons eues à ce liijet -, en
»> voilà alTez pour vous prouver que
»M. Winflow n'a pas prétendu
» donner une découverte fur le
» nerf intercoftal , malgré les ap-
»»parences que donne fon Expoli-
») tion Anatomique.
Nous remarquerons à ce fujet
que l'ExpolItion Anatomique de
M. Winllow , ne renferme aucun
terme qui puilTe faire croire que
M. Winflow ait prétendu donner
le fait dont il s'agit comme une dé-
couverte de fa part , puifqu'il fe
contente de dire que c'a été fon
opinion , fans l'appuyer d'aucune
expérience , ni lui donner par con-
fequent aucun air de découvertes ;
il paroît au contraire qu'il en lailfe
tout l'honneur à M. Petit , en re-
connoiiïaïuquc cet Auteur a établi
le fait par des expériences inconte-
ftables , Se que par confequent il a
fait la découverte. De plus , M.
Winflow ayant tenu alors fcm opi-
nion fccrerte , & ne prétendant pas
que M. Petit ait pu tirer de lui fur
ce fujetj aucune lumière, il s'enfuit
qu'il laifle totalement à M. Petit
l'avantage de cette découverte.
Quant à la féconde demande à
laquelle M. Petit fe propofe de
répondre , il déclare qu'il ne s'agit
point de fon canal gaudronné , il
cite là-dcffus les propres paroles de
M. Winflpw , après quoi il fait
(Jiverfcs réflexions qui tendent tou-
tes à montrer que M. WinfloW
ji'a point prétendu faire paflcr le
S SÇAVANS;
canal qu'il a trouvé entre le cryftal-
lin & fa capfule , pour le canal gau-
dronné de M. Petit. Ceux qui fe-
ront curieux de voir en quoi confi-
fte toute cette difcuflion , peuvent
lire la Lettre même de M. Petit. Ce
qu'il y a de certain,c'cft: qu'il cfl: vi-
fîble que M. Winflow n'a point
prétendu parler du canal gaudron-
né de M. Petit , on s'en convaincra
cnijfant les propres paroles de M.
Winflow citées par M. Petit , c'eft
tout ce que nous dirojis , car I4.
difcuflion où entre à ce fujet l'Au-
teur de la Lettre , eft; de fi petite
confcquence qu'il ne peut s'empê-
cher d'en convenir lui-même. Ces
chofes , dit-il , m^ont paru de fi feu
de confeijuence , ^ue je ne me ferais
jamais mis en peine d'en parler fi ce
que j'ai Ih dans le Journal des S^x-
vans dn mois ^Aou^ J732' "^ t^'j
ent contraint.
Qu'efl:-ce donc que M. Petit a
trouvé dans le Journal des Sça vans,
qui ait pu lui donner occafion d'en-
trer dans des difcuflfîons de fi peu de
conlequcnce , ou plutôt comme il
s'en explique, f«i l'y ait contraint}
C'efi , dit-il à fon ami , nne chofi:
cjue vous ne [avez, peut-être pas ence.
re, & ijui va vousfitrprendrc. Voici ^
continuc-t-il , comme s'expli(jue le
Journal.
n Comme certains petits Auteurs
n pour fe faire de la réputation à
» peu de frais , ont publié comme
j> d'eux , piufieurschofçs qu'ils ont
3> apprifes de M. Winflow dans fes
« cours publics , ^c dans fes cours
» particuliers , nous croyons à pro-
» pos d'avertir que ces plagiaires
5î verront
J A N V 1
n verront ici leurs larcins dccou-
3> verts-, non que M.Wirillo'*' s'ex-
»î plique en aucune bçon fur cette
» matière , mais parce qu'en divers
» endroits de l'on Ouvrage , on
» trouve les dates de certaines Ob-
jsfervations qu'il a faites , Sc qu'en
» confrontant ces dates , on démê-
» le fans peine , les plumes étrange-
a* les dont fe font parés quelques
« Geais.
M. Petit conclut de ces paroles ,
ï°. Que tons les endroits ou il y a des
dates , marmiton autant de larcins
que Von a faits ci M. IVinfloiu.
1°. Qiie cela efl très-clair. 3°. Qu'il
fernble qiCon l'accitfe , lui M. Petit ,
d'ê, re plagiaire.
Nous laiflbns aux Lecteurs à
examiner fi cette conclufion peut
être admife en bonne Logique.
Quoi qu'il en foit , nous pourrions
protefter que nous n'avons jamais
eu ici en vue M. Petit , ni directe-
ment, ni indireiflemenr , 6c que
rien n'a été plus éloigné de notre
penfée. Mais il n'importe , il veut à
toute force être un de ceux que
nous avons voulu défigncr. Il dit
que nous nous en défendrons, mais
il fait entendre que ce fera à tort, &
pour le prouver , voici comme il
s'y prend.
M Pour m'éclaircir fur ce point ,
« dit- il , j'ai eu la curiohté de cher-
ïïchcr tous les endroits de l'Expo-
» fition Anatomique où il fe trou-
M ve de celles dates , & j'y ai vil les
» fuivantes : la première eft à la
j» page 373. où M. Winflow dit
»qu'en 1719. il a vu une commu-
;» nication très-maaifeftc entre les
Janvier.
E R , r 7 5 î. '4^
«rameaux de la vciti" pulmonaire
M gauche & les rameaux d'une arte-
» re œfophagienne , qui venoir de
" la première artère intercoiTale
» gauche , conjointement avec une
» bronchiale du même côté. La fe-
«conde & la troifiéme date font
» pag. 374. il a trouvé l'an 1719. ou
«lyio. une communication de
w l'artère bronchiale gauche avecla
« veine azigos , il a encore vu l'an
n 1721. au mois d'Avril, un ra-
is meau de l'arterc bionchiale gau-
j> che s'anaftomofer dr.ns le corps de
» cette veine , ces mêmes Obferva-
« tions & ces nilftics dates fe trou-
j> vent répétées dans les mêmes ter-
n mes , pag. 606. n° 1 zo. & 12 1.
nia quatrième date eft page iiéi.
» où il décrit les angles de l'inter-
» coftali la cinquième date eft page
» 666. où il s'agit du cercle tranfpa-
» rent.
j) Les trois premières dates ne
j) me regardent pas : il paroît que
n ce ne font que de fimplcs Obfer-
n vations qui ne fe trouvent que
» très-rarement , & qui ne mérite-
» roient pas de taxer de plagiaires
» ceux qui en auroicnt fait de pa-
u reilles , principalement lorfquel-
«les n'ont point été données au
!> public : néanmoins le Journalifte
» tranche le mot. Il ne m'a pas fait
» plus de quartier ; car par la qua-
M triénie &: la cinquième date , me
» voilà plagiaire en lormc. Il eft
>» vrai que je n'y fuis point nommé,
M mais M. Winflow ne nomme
n perfonne. Il auroïc fait plaifir au
« public , de marquer les endroits
» des Ouvrages où fe trouvent ces
;o JOUHNALD
» prétendus pillaç^es ; il nous au-
n Toit tiré d'embarras , &: m'auroit
» flms doute évité la peine d'écrire
»j cette Lettre. Il me paroît trop
« homme de bien pour avancer des
j) cl'iOll'S qu'il croircit faulTcs ; je
» fuis même pcrAïadé que le Jour-
!' naliîAC ne manquera pas de dire
n que dans cette occafion , il n'a
i> pas prétendu me mettre au nom-
» brc des plagiaires dont il entend
» parler •■, je fuis prêt d'en croire
r> tout ce qu'il lui plaira ; mais
j> pourtant de cinq dates dont il eft
» parlé , il paroît au public que
«j'y fuis pourd^ix ; n'en voilà-t-il
» pas alTez pour induire les Sçavans
n en erreur.
Immédiatement après ce long
raifonnemcnt que nous avons cru
devoir rapporter en entier pour
bien mettre les Lecteurs au fait , M.
Petit ajoute : Si le Jowmalifle avait
fns la peine de confronter les matiè-
res en cjuefiion avec mes Ademoires ,
il aurait d'abard reconnu <jne les deux
dates ^ui me regardent , fartent à
faux. L'on ne doit pas traiter de pla-
giaires fur dejîmples dates , des per-
finnes ^tii font fort éloignées de ce ca-
raHere.
M. Petit a raifon de dire qu'il ne
faut que confronter les matières en
queftion avec fes Mémoires , pour
reconnoîtrc que les deux dates
qu'il prétend qui le regardent ,
portent à faux ■■, nous ne voulons
que cette feule reflexion de fa part
pour le convaincre que ces dates
dont il fait tant de bruit , ne le re-
gardent en aucune manière , & que
pat confcquent le procès qu'il
ES sçavans;
nous fait cfl; fins fondement ; c'eft
tout ce que nous dirons làdefliis.
M. Petit nous juftifie lui-même ,
& fe donne le tort, cela nous fuffit.
Au rcfte . fur ce qu'il dit : qu'il
a eu la curiolité de chercher toutes
les dates qui fe trouvent dans l'Ex-
pofition Anatomique de M. Winf-
îow , & qu'il n'en a trouvé que
cinq , nous remarquerons qu'il y
en a un bien plus grand nombre ,
ôc fans nous arrêter à les citer tou-
tes , ce qui fcroit inutile , nous
nous contenterons de renvover M.
Petit au Traité du bas-ventre , n"
41. n° 161. &C au Traité de la tête ,
n° 52.
Monfieur Winflow rapport?
plufieurs découvertes de M. Petit,
& le cite comme Auteur de ces
mêmes découvertes , mais M. Petit
fe plaint que M. Winflow n'en a
pas ufé par tout de la même maniè-
re.
» M. Winflow , dit il , rapporte
" plufieurs de mes découvertes où
n il me cite comme Auteur ; mais
»» il en rapporte d'autres où il ne
>»me nomme point , fçavoir 1°.
» fur le croifement du nerf optique,
" P^g- 6'3i. n° ijy. car j'ai donné
«cette découverte en 1710. &
n \-ji6. pag. 70. où j'ai dit que les
» nerfs optiques fe
2°. Sur l'irrégularité de la cornée
tranfparente dont M.Winflov par-
le pag. 162.. car j'ai donné cette
Obfervation dans les Mémoires de
ï7ztf. pag. -ji. où il dit que
» j". Sur ce que le centre de la
» prunelle ne répond pas au centre
(•del'ijcis, pag, 6Cy n** iij. cas
J A N V I
» j'annonçai en i-ji6. pag.79. l'ob-
» fervation que j'en ai faite après
" Galien ; je l'ai tirée , pour ainfi
» dire , de l'oubli où elle étoitdans
»' cet Auteur , piiifque qui que ce
»> foit n'en a parlé depuis , encore
ïï n'eft-il pas certain qu'il ait voulu
"parler de l'excentricité naturelle
» de la prunelle.
M. Petit , comme on voit , fe
déclare l'Auteur ou du moins le
'.reftaurateur de cette découverte \ il
va même plus loin , & foûtient que
qui que ce foit , excepté lui , n'en a
parlé depuis Galien.
Il faut fans doute que M. Petit ,
tout Académicien qu'il eft: , n'ait
pas lu les Mémoires de l'année
I7ii.il y auroitvij , pag. 317. que
la découverte dont il fe croit l'Au-
teur , a été faite cinq ans avant lui
par un autre Académicien , dont
voici les termes :
» L'Iris eft la partie que l'on en-
» vifage le plus , quand on parle à
» quelqu'un -, néanmoins perfonne
» que je fçache ne s'eft avifé d'y re-
» marquer une particularité qui fe
» prefente afTez fréquemment. On
» croit pour l'ordinaire que la pru-
» nelle doit être au milieu de l'Iris ,
M & que celle-ci eft également lar-
*> ge entre fcs deux circonlérences.
î> Cependant j'ai trcs-fouvent ob-
n fervé que l'Iris eft plus large vers
«les tempes , & plus étroite du cô-
» té du nez ■■, de forte que l'Iris & la
«prunelle n'ont pas le même cen-
j> tre , & que la prunelle eft plus
j> proche de la grande circonferen-
a> ce de l'Iris vers le nez , que du
» côté des tempes \ la même inéga-
»lité de largeur m'a encore paru
>» dans ce que l'on appelle commu-
>» nément ligament ciliaire.
Ces paroles font de M.Winflow,
on n'en Içauroit trouver de plus
précifes fur le point dont il s'agit j
nous le repetons , il faut que M.
Petit , tout Académicien qu'il eft,
ne les ait pas lues-, car s'il en avoit
eu connoilfance , il fe feroit bien
gardé , fans doute , de s'attribuer
la découverte en queftion, puifqii'il
dit l'avoir faite en i-jt^S. & que ce-
pendant elle a été faite en 172 1. pat
M. WinfloW , de qu'elle eft décri-
te dans les Mémoires de la même
Académie dont ils font tous les
deux.
Il y a encore trois articles fur lef~
quels M. Petit reproche à M. Winf-
loW de ne l'avoir pas nomme, ceux
qui feront curieux de les voir peu-
vent recourir à la Lettre -, car ce
font des chofes de fi petite confé-
quence , que nous croyons pouvoir
les palTer fans rien dérober aux Lec-
teurs.
M. WinfloW & nous , ne fom-
mes pas les feuls que M. Petit en-
treprend dans fa Lettre : il entre-
prend encore M. Ferren Docteur
en Médecine de la Faculté de
Montpellier \ le procès qu'il fait à
ce Dodeur , concerne diverfes Ob-
fervations fur les yeux & fur l'opé-
ration de la catarade , c'cft tout ce
que nous dirons , car nous fçavons
que M. Ferren fe difpofc à m ' > uirc
pleinement le public fur ce diffc-
lend.
Gi;
j2 JOURNAL DES SÇAVANS,
LES MO NVMENS DE LA M O N ARCH lE
francoife aiti comprennent l'H.jloirede France ^ avec les figures de chaque
reçn'e que l' injure des ter/is a épargnées. Tome IV. La fuite des Rois depuis
Charles FUI. jiipjuÀ François I. incluftvement. Par le R. P.Dom Bernard
de Montfaucon , Religieux Benediilm de la Congrégation de S. Adaur. A
Paris chez Michel Ganiouin , Quai de Conty , aux trois Vertus , &
Pierre F lancois G:ff.irt , rue S. Jacques , à Sainte Théréfe. 1732. in-foL
pages 566. fans les planches.
LE P. de Montfaucon obferve
des le commencement de fa
Prétace , qu'à mcfurc qu'il avance
dans l'exécution de fon grand dcf-
fein , les Hiftoriens fc prefcntent
en plus grand nombre , &c que les
faits fe trouvent plus clairs & plus
détaillés par rapport à l'Hiftoircdes
Rois ; &: que les Monumcns qui
font fon fujct principal fe multi-
plient. Du tems de Louis XII. on
faifoit de fort belles mini.uures
dans des Heures , dans d'autres Li-
vres, 5c fur tout dans des Hiftoircs,
où l'on mettoit en peinture les
faits détaillés par l'Hiftorien. Ce
goût fe maintint encore quelque
tems pendant le règne de François
premier , mais dans la fuite on s'ap-
pliqua à faire des cftampcs,à graver
fur le bois , £c depuis fur le cuivre ;
peu à peu l'ufage des miniatures
cefla. On mit en gravure dans les
Livres ce que les peintures repre-
fentoient autrefois. Par là les exem-
plaires fe multiplièrent , &: les Li-
vres furent ornés à beaucoup
moins de frais que fî on y avoit
mis de ces belles miniatures qui
ne pouvoient fe faire qu'avec beau-
coup de dépenfes.
^iotre Auteur s'cft appliqué à
choifir dans ce grand nombre de
peintures , de portraits , de ftatuës
6i d'autres Monumens ce qui lui a
paru de plus fur & déplus curieux,
& il a cité les endroits d'où il a tiré
ces figures. J'en ai uft , dit-il, avec
la même fidélité dans l'Antiquité
expliquée & dans le Supplément.
Il eft perfuadé que le public lui
rend juftice là delTus. Cependant il
fc plaint de ce qu'il y a quelques
pcrfonnes qui l'attaquent fur la fi-
délité &c fur le choix des Monu-
mens ditm manière e^m blejje toutes
hienfeances ; & qui ofent avancer
qu'en multipliant les images , il
n'a fait qu'amufer les ignorans ^
qu'il reprcfente les Antiquitez
qu'il ignore lui-même , & qu'il n'a
donné de nouveau que l'encre &
le papier. Il appelle de ce jugement
à celui des Leclcurs habiles & équi-
tables, aufquels il expofe les prépa-
ratifs qu'il a hits pour le grand
Ouvrage de l'Antiquité expliquée,
les motifs qui le lui ont fait entre-
prendre, &: le loin qu'il a pris pour
le perfedionncr. Enfuite il remar-
que que l'Antiquité & le Supplé-
ment fe vendent très-bien , malgré
\cs efforts de certaines gens poux
décrier cet Ouvrage.
J A N V î
D'autres Auteurs l'ont critique
avec plus de modération &: de po-
litefTe. M. le Marquis Maffci eft du
nombre de ces derniers. Le P. de
Montfaucon répond à ce que ce
Marquis lui a objecté au fujet d'un
Monument confervé à Aurun , que
notre Auteur croit être un Amphi-
théâtre, & fur quelques autres
Morceaux de fon Antiquité.
Après la Préface vient une Dif-
£èrtation fur une Couronne qu'on
a trouve dans un tombeau qui a été
découvert depuis peu dans llfle de
Rhé. Notre Auteur croit que cette
Couronne , dont la forme eft Im-
guliere , étoit celle d'Eude Duc de
Touloufe Se d'Aquitaine , qu'il
dit avoir été petit -fils de Chari-
bert Roi de Touloufe & d'Aqui-
taine Se fccond fils de Clotaire II.
Roi de France. Le P. de Montfau-
con joint à cette Couronne une fi-
gure de Charlemagne qui eft à l'en-
trée de l'Eglife de N. D. d'Aix la
Chapelle fondée par cet Empereur.
Le corps de l'Ouvrage contient ,
comme on l'a vu dans le titre ,
l'Hiftoire de trois de nos Rois en
Latin & en François , avec les Mo-
numcns fur chaque règne qu'il a
cru les plus curieux. Nous allons
donner une idée de quelques uns
de ces Monumens , autant qu'on
ie peut faire làns le fecours de la
gravure.
La planche quatrième reprefentc
ïe Roi Charles VIIL aflls fur fon
Trône, portant la Couionne Royale
& tenant le Sceptre de la main droi-
te-, il tend la main gauche à Louis de
Bruges _, Seigneur de Gruthunfe ,
E b: ; Ï755: 55
qui lui prefcnte fon Traité du
"Tournois , dont cette figure fait le
frontifpice. Louis de Bruges porte
le Collier de l'Ordre de la Toifon
d'or. Il eft à genoux 8c fon bonnet
eft à terre , on voit de chaque côté
du Trône un grand nombre de
Seigneurs qui portent pour la plu-
part des chaînes , ( apparemment
d'or en écharpe ) ils font prefque
tous en habit long , avec des bon-
nets chargés de plume. Celui de
ces Seigneurs qui paroîtk plus fur
le devant tient fur la main gauche
un oifeau &c de la droite le pied
coupé d'un autre oifeau. L'Auteur
croit que ceSeie;neur pounoit bien
être un Prince du Sang , ou peut-
être Jacques Odard Seigneur de
Curfay qui fut grand Fauconnici-
de France fous Charles VIII. au bas
du tableau on lit ces quatre vers,
Por exemple aux Nobles & aux Gens
d'Armes
Qui appctcnt les faits d'armes hanter ,.
Le Sire de Grunthunfe duyt aux armes j
Voulut au Roi ce Livre prefenter,
La troifiémc planche repre-
fente l'entrée triomphante de
Louis XII. dans la Ville de
Gênes. Le Roi y eft à cheval ,
fortant d'Alexandrie, armé de rou-
tes pièces, portant un habit blanc
fur fa cotte d'armes. Il tient de la
main droite un bâton de comman-
dement. Sur fon habit blanc on
voit une ruche & les abeilles d'or
qui en font fortics , voltigent tout
autour. La houlTe de fon cheval
noir , qui eft aufli blanche , repie-
^4 JOURNAL DE
fente un grand nombre de ruches
&C d'abeilles. L'infcription qu'on
lit fur la veftc & autour de la bouf-
fe de fon cheval marque pourquoi
CCS abeilles ont été reprefentées :
NON UTITUR ACULEO REX,
Le Roi ne fe fert pas de l'aiguillon ,
Ce qui fignifie que le Roi ne traitera
pas les Gennois avec rigueur. Sur le
Cafque du Roi cft un panache de
grandes plumes blanches qui fe
tournent fur le derrière. Sur quoi
notre Auteur obferve que c'cft une
chofe fort curieufe & qui ne s'ap-
prend que dans les peintures, que
la grande diverfitc &: les formes
flngulicres des aigrettes des Sei-
gneurs qui fuivcnt le Roi & de
ceux qui marchent devant lui. Cet-
te planche cft tirée fur une miniatu-
re qui fe trouve dans un Pocme fur
l'expédition de Gennes de Jean
DefmaTcts, qui fe dit Ecrivain de
la Reine. Ce Poëmea été imprimé
fous le nom de Jean Marot. Ce qui
fait quelque difficulté. Car Defma-
rêts &c Marot paroilfcnt deux noms
differens. Cependant notre Auteur
cft perfuadé que c'eft le même
nom, & qu'on peut fc fervir de
cet exemple pour prouver que du
tems de Louis XII. il y avoir enco-
re de5 perfonnes qui prononçoient
& qui écrivoient leur nom d'une
manière fi différente qu'ils fem-
bloient en avoir deux. Cette varia-
tion fe trouve très - fréquemment
dans les tîéclcs qui ont précédé ce-
lui de Louis XÏI.
S SÇAVANS,
Le P. de Montfaucon a inféré
dans fon Hiftoire de François I. un
Journal de l'cntreviic de ce Roi &
d'Henri VIII. Roi d'Angleterre.
Ce Journal tiré des porte -feuilles
de M. de Peyrefc eft aujourd'hui
confcrvé dans la Bibliothèque de
M. de Mazaugucs Prélidenr au Par-
lement de Provence ; auOi eftima-
ble , dit notre Auteur , par fes bel-
les connoiffances que par fa géné-
rofité à communiquer aux gens de
Lettres les Pièces dont ils veulent
faire ufage. Comme cette entrevue
pafTe pour une des plus célèbres &
des plus magnifiques dont l'Hiftoi-
re faffe mention , ceux qui aiment
ces fortes de dcfcriptions liront
avec plaifir ce Journal. Il eft fuivi
de quelques ballades faites à l'oc-
cafion de cette entreviàë , où l'on
décrit les avantages que les deux
Nations efperent en tirer. En voici
deux morceaux , où cette entrevue
cft marquée fous le nom de Parle-
ment.
Adventiirîers feront maigres cuifînes.
Poules & Coqs n'auront plus en pluvine i
De leurs excès on a fait mention
Au Parlement :
Religieux qui vivent fansdoflrine /
Tremblent de peur comme au vent b
courtine ,
Car il eft dit que reformation
Viendra dcbrief , & pour conclu/îon ,
Miche au Couvent poux leur vivre s'alfi*
gne
Au Parlement.
J A N V I
Après la defcription de cette en-
trevue j &c les Ballades faites à cet-
te occafion , viennent trois plan-
ches qui la reprcfentent , elles font
gravées d'après un bas-relief en
cinq grandes Tables de marbre qui
efl confervé dans un Hôtel de la
Ville de Roiien. On prétcndoit
autrefois que ce bas-relief regardoit
le Concile de Trente. Mais M.
l'Abbé Noël fort habile dans l'Hi-
ftoire , écrivit que ce Monument
n'avoit point de rapport au Conci-
le, & qu'il ne pouvoit convenir
qu'à l'cntrevûë de François I. &C
d'Henri VIII. Ceux qui voudront
prendre la peine d'examiner ces
trois planches, après avoir lii le
Journal de cette entrevue , recon-
noîcront que ce qui eft reprefentc
E R , t7 5î; yj
fur ces trois planches s'accorde fort
bien avec le Journal & avec toute
l'Hiftoire de ce tems-là. C'cft ce
que le P. de Montfiucon juftifie
dans fon Explication.
Les portraits des Rois, des Prin-
ces , des Officiers Se des Dames de
la Cour ont donne lieu au Peïe de
Montfaucon de faire des Obferva-
tions fur la forme des habillemens
de ce tems là. Claude de France,
première femme de François 1. eft
repiefentéc à la planche 3 9. avec un
Veriugadin qu'on appelle à prefent
un Punicr. Le Père de Montfaucon
alTure que c'eft la première Dame
qu'il ait vu rcprtfcnrée avec cette
efpece d'habillement , qui com-
mença , dit-il , à eue en ufage fous
François L
S6
JOURNAL DES SÇAVANS,
LA ROSALINDE IMITEE DE L'ITALIEN^
A la Haye , chez P. Gojfe f^J. Némlme. 1732. /W-J2.2. vol.
Tom. I. pp. 234. Tom.II. pp. 294.
L'OUVRAGE dont nous ren-
dons compte , n'cft pas faci-
le à qualifier : ce n'cft: ni une ver-
flon , ni une imitation , quoiqu'cn
dife le titre. Ce n'eft point une vcr-
fion , puifque loin de s'y aiïujetrir
à la lettre, on a retranché un bon
tiers de l'original. Ce n'ell pas non
plus une imitation , puilqu'outrc
plufieurs changemcns confide; ablcs
dans les hits , on termine l'adion
principale par un dénouement tout
différent de celui dont l'Auteur
Italien a fait choix. Celui-ci ne li-
vre fcs Héros aux avanturcs que
lui fuggere une imagination fécon-
de , que pour en faire des Moines à
la fin du Romani au lieu que l'Au-
teur François aime mieux en faire
d'heureux époux. Comment donc
pouvoir définir au jufte cet Ouvra-
ge ; Nous dirons , avec ce'ui qui
le publie ( & que pour abréger
nous nommerons tantôt l'Auteur ,
tantôt le Traducteur ) que c'cftun
Roman Italien transforme en Ro-
man François , c'eft à dire accom-
modé au goût de cette Nation, ou,
pour parler plus jiiftc , à [3. fantatjte
de celui qui l'a remanié. C'eft ce
qu'il déclare lui-même, en difanr
qu'il l'a remis dans l'état où il croit
que l'Auteur Italien Bernard Mo-
rando l'ci'it mis s'il eut été à portée
de confulcer fur un tel projet l'E-
crivain qui le donne aujourd'hui
en notre Lans^ue.
Celui-ci , dans fon Avertifte-
ment , s'applique d'abord à juftifiet
les rctianchemens &i les change-
mcns qu'il a jugé indifpenfables
dans la RofUinde , pour lui confcr-
ver en François toute fa réputation
& n'en pas faire un Ouvrage mon-
ftrueux. Telles étoient en premier
lieu des dcfcriptions fans nombre
& des moins ignorées , par exem-
ple celles de Rome & de Gênes :
2". des Chanfons ou des Parodies
de Pfeaumes, inférées fans difcer-
nement dans la narration , & fans
égard à la vraifcmblancc qui doit
être fort blelfée lorfqu'on voit
l'Héroïne du Roman dans le tems
même qu'elle doit fondre en lar-
mes & gémir fous le poids de fes in-
fortunes , réjoiiir la compagnie en
jouant du Luth : 3°. de mauvaifes
& d'cnnuyeufesDilTertations Phyfi-
ques, qui troublent & interrom-
pent mal-à-propos l'attention du
Leâieur , qu'interclTe uniquement
alors la fuite des évencmens : 4°.des
Sermons prodigues contre les erreurs
de Luther & de Calvin, & contre
le Fanatifme de Mahomet , joints
à un mélange perpétuel & peu dé-
cent de la Religion avec l'amour :
5°. de fauftcs citations , des compa-
railons mal allorties , & fur le tout
des concettt tréquens , qui parmi
nous , dit l'Auteur , paffent pour
autant d'extravagances : 6°. des
Moines enfin répandus par tout ,
jufque*
J A N V
jufqueî dans la conclufion du Ro-
man , fingularitc qui ameine cette
reflexion du Tradudleur. » J'ai
» bien envie de croire ( dit-il ) que
«> le Chevalier Bernard Moninda
» mon Original , n'eft autre chofe
t» qu'un Moine mafqué , qui , avec
M de i'efprit , n'a pu s'empêcher de
• s'abandonner au plaifir de fon
» imagination , & qui a trouvé
» peut-être nouveau & édifianc de
» faire de M Amour un Maître de
» Novices,
Mais l'Auteur , en voulant , par
Ja critique févére de tant de dé-
fauts, fe mettre à couvert du re-
proche d'avoir témérairement re-
tranché ou changé beaucoup de
chofes dans la Rofalinde , n'en-
courra-t-il pas celui d'avoir perdu
biendutems à reformer un Ouvra-
ge , qui , au fond , n'en valoir pas
Ja peine ? En avoiiant d'un côté que
le préjugé ne lui eftpas favorable ,
il fupplie de l'autre le Ledleur de
ne le point condamner fans l'en-
tendre , c'eft-à-dirc fans avoir lu
le Livre j après quoi il confent d'ê-
tre jugé fans quartier. Il ne diffi-
mulc pas j au furplus , combien
fon amour propre a eu de part dans
cette entrcprife ■■, & l'aveu qu'il en
fait ici doit être regardé comme
d'autant plus fincere , qu'un Aver-
tilTement ( dit-il ) doit tenir heu
d'une efpece de confejfion générale.
Il n'a pu (continue-t-il) s'empê-
cher d'être piqué de voir , dans ce
Roman , le beau fi fouvent défigu-
ré par le ridicule qui l'accompagne-,
il s'eft flatté qu'à force de corriger ,
de fupprimcr , ou de fupplécr , U
Jatmier.
I E R. ; t 7 î ^ SI
lui redonneroit tout le luft:r& qui
lui convient ; en un mot , // a en
( ajoiite-t-il ) la vanité de croire
(jiCil feroit une C0pie meilleure ijue
rOriginnl. Il aflure du moins , que
dans les retranchcmens qu'il a faits,
il n'a rien profcrit de ce qui pou-
voit plaire. Il a même donné dans
l'extrémité oppolee , en falfant
grâce à certains défauts , d'où naif-
foient quelques agrémcns. Tel cft
i'Epifode d'Alérame Duc de Saxe ,
6c d'Adélaïs fille de l'Empereur
Othon II. raconté dans le VIT Li-
vre , & qui ne tient au fujet princi-
pal que par ce feul endroit , qu'il
apprend à un mourant la généalogie
de fon Confefleur.
Mais quand le Traduiflcur n'au-
roit ici d'autre mérite que celui
d'être plus court que fon original ,
& moins ennuyeux par confé-
quent j auroit-il tout-à-fait perdu
fi peine ? Cette brièveté qui de dix
Livres Italiens n'en fait que huit
François , n'eft pas due aux feuls
rctranchemens , elle l'eft furtout à
la précifion du ftyle , que le Tra-
ducteur cependant , malgré les li-
bcrtez de fa verfion , n'a pu rendre
( dit-il) auflî ferré qu'il l'eût fou-
haité , ^ qu'il paroît l'être dans
les morceaux qui font uniquement
de lui. Un autre mérite de la copie,
qui doit la mettre fort au-deflus de
l'original, qui n'eft qu'un amas de
faits ; c'eft celui des fentimens jettes
dans la narration par tout où ils
pouvoicnt entrer naturellement.
Le Chevalier Aîorando convient
lui-même de fa ftérilité en ce genre,
dans «ne Préface , qui n'eft qu'ua
H
5-8 JOURNAL D
«hcf d'oeuvre d'antithcfcs imperti-
nentes ( dit le Traducteur } de donc
il a bien fait de nous épargner la
verfion. L'Italien s'cxcuie de fon
incapacité à peindre les fincfTes de
l'An-.our fur ce qu'il ignore cette
paffion : & quoique leTradudcur
foit connu de fes amis fur un pied
(dit-il ) qui pourroit établir quel-
que conformité à cet égard entre
Âdomnâo ôc lui , il prétend s'être
acquis fur cet article un peu plus
d'expérience que n'en doit avoir un
Moine.
Dureftc, comme la Rofalinde
eft un Roman qui paroît depuis
long-tems , nous nous difpenfcronr.
ES S ÇA VAN S,
de donner ici un fommairô Azi
avantures qui en forment le rifTur
Nous dirons feulement que ceux a
qui la kifture de rOri:;inal ne leî
a point encore fait cotmoître , les
trouveront ici très- intercflantes , 6î
racontées d'une manière propre à
foûtcnir l'attention & à piquer la
curiofité : & que ceux qui les onc
déjà Kiës en Italien , les reliront
avec un nouveau plaifir en Françoi»
par le foin qu'a pris le TraduClcuf
d'en retrancher ce qu'il a cru ouï
pourroit ennuyer , éc d'y répandre
les grâces que le fujet pouvoit
comporter.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
De Vérone.
LE ProfpeElus du grand Recueil
d'Infcriptions que M. le Mar-
quis Mnffei eft dans le delTein de
donner au public , & que nous
avons annoncé dans nos dernières
Nouvelles , eft adrelTé aux Sçavans
& aux Antiquaires de l'Europe de
la part d'une Société qui s'eft char-
gée de faire paroître l'Ouvrage.
Suivant ce Programme imprimé
en Italien & en Latin , M. Aiaffei
fe propofe de former la Colledtion
la plus ample & la plus complettc
qu'on ait encore vue tant des Inf-
criptions Grecques &c Latines qui
ont été publiées depuis deux fiéclcs,
^aed'uQtiès-giandoombrc d'autres
dans les mêmes Langues qui n'ont
pas encore pai u , &; qu'il a ralTem-
blées depuis vingt ans avec autant
de foins que de dépenies.
On fent aifénient l'importance
d'une telle entreprife ; mais il n'cft
pas moins facile d'en concevoir
toutes les difficulté?. -, furtout li ont
ajoute que M. M^'jf'n doit non feu-
lement ranger CCS Infcriptions dans
un meilleur ordre qu'elles ne lui
fcmblent être dans les Recueils de
GrHier , de F-ibretti , &c. mais en-
core en faire un choix, rejetterles
Infcriptions qui lui paroîtront
faulTes , &■ rétablir celles qu'il juge-
ra avoir été altérées ou corrom-
pues.
C'eft pour donner à ce Recueil
le plus d'étendue & de perfeûioix
qu'il eft pofiîble , que la Société
J A N V I
invite tous les Sçavans & les Anti-
quaires , à aider M. Majfei de leurs
lumières & de leurs confeils,à taire
imprimer au plutôt les Infcrip-
tions qu'ils ont dans leurs Cabinets,
ou s'ils l'aiment mieux , a. lui en
envoyer des copies fidèlles , en
marquant de quels endroits ces
Infcriptions font tirées.
Ils pourront adreffer les paquets
par la polie à M. François Miifelli ^
Cnanoine & Archiprêtre de l'Egli-
fe Cathédrale de Vérone , l'un des
zfîôciez. On les prie feulement d'a-
voir attention , comme il eil juftc ,
aménager les frais de port.
Quoique la Société déclare qu'el-
le ne cherche pas à prendre la voye
des Soufcriptions , elle ne lai (Te pas
de fouhaiter que ceux qui agrée-
ront fon projet , veuillent bien en-
voyer leurs noms avec une condi-
tion affez lingulicre. C'cfl: qu'ils
promettront d'acheter tout l'Ou-
vrage , quand il fera achevé , fup-
pofé qu'ils loient contens de l'or-
dre &: de la méthode qu'on aura
fuivi dans ce Recueil , de la maniè-
re dont il fera imprimé , & du prix
qu'on en demandera. lUud cjuocjuc
9ptamtts ( ce font les termes Latins
du Projet ) ut ii omnes cjuibus hac ar-
ridehit cura , Jivt: citrà Jlve ultra
Jldontes devant , nomcn dare velint
etcjue Corpus hocce redempiiros fe fe
fpondeant , modo tamen Colletlioms
ratio , imprejfionis modiis , & prelii
x/^uitas abiuidi fatisfecerint .
La Société ne commencera à faire
iinprimer que dans dix-huit mois ,
& pendant ce tems-la M. Maffèi a
;:cfolu de parcourir différentes Pro-
E R , 175 j. ye,
vinces pour y faire de nouvelle*
recherches ; elles ne contribueront
pas peu fans doute à enrichir de
plus en plus la Collection à laquel-
le il travaille depuis fi long-tems.
Tout l'Ouvrage fera imprimé en
fix ou fept Volumes /«-/ô/;o. Le pre-
mier contiendra toutes les Infcrip-
tions Grecques , en commençant
par celles qui font de l'Antiquité k
plus reculée , lefquclles feront fui-
vies des Infcriptions qui ont été
faites avant que les Romains euf-
fcnt fait la conquête de la Grèce.
On joindra enfcmble toutes les
Infcriptions qui ont rapport à un
même fujet , celles par exemple où
ii eil: fait mention des Rois , des
alliances entre les peuples , des Or-
donnances des Villes qui concer-
nent les Jeux , les Spedlacles , &c.
Après ces Infcriptions paroîtront
celles qui font du tems de l'Empire
Romain , &c outre les Décrets des
Villes , on mettra en ordre les
Monumens de ce genre qui regar-
dent les Empereurs , cnfuite les
Infcriptions Sépulchrales & enfin
les Infcriptions Chrétiennes : ou
donnera au(îî une fuite des Infcrip-
tions qui font en vers , & dont la
plupart , dit-on dans le ProfpeBits ,
font d'exceliens morceaux de Poë-
fie ; de forte qu'on aura par là uii^
efpece d'Anthologie nouvelle.
Les Infcriptions qui ont quel-
que étendue feront gravées dans ce
Recueil comme elles le font fur les
marbres : on en mettra au-delfous
le Texte en caraéleres ordinaires ,
accompagnés de la ponduation Se
des sccens , avec une Traduction
Hi;
6o JOURNAL DE
Latine à côté. Celles qui font en
vers feront rr.iduires en vcis.
Les Infcriptions les plusimpor--
tontes, 6^ celles qui font obfciires,
feront cclaircics par des Notes, qui
fans contenir ricnd'inuxile , n'au-
ront pour objet que le point précis
de la difficulté.
Il y aura à la fin du Volume une
Table difpofée de manière que
quelque Infcription que l'on veuil-
le chercher on puilfe la trouver
fans peine; &: comme perfonne,
ajoûte-t-on j n'a encore travaillé à
expliquer les abréviations des Inf-
criptions Grecques , le Volume Ce-
ïa terminé par une fuite alphabéti-
que de ces atMréviations avec leur
explication.
Tel efc le plan que M. A'tajfà
s'cfi; formé pour l'arrangement des
Infcriptions Grecques que doit
rentcrmer le premier Volume de
ion Recueil.
Ce plan , à l'exception des tra-
ductions , eft à peu près le même
pour les Infcriptions Latines, foit
Payennes , fou Chrétiennes que
dovenr contenii les Volumes fui-
vans. Une chofe que nous n'avons
garde d'oublier, c'eit que M. Maf-
fei aura foin de marquer au bas d'un
grand nombre de ces Infcriptions ,
non de quel Cabinet elles font ti-
rées , mais en quel endroit font en-
core aâuellemcnt les marbres , ou
les métaux fur lefquels elles ont
été gravées.
Nous finirons cet article en ob-
fervant que comme M. Maffà eft
déterminé à fupprimer de fa Col-
kâioa une quantité conildeiable
S SÇAVANS,
d'Infcriptions qui occupent untf
place même honorable dans d'au-
tres Recueils , ce fçavant & illa-
ftre Antiquaire doit aulVi publier
fous le titre de Ars Cntic.i Ltnera-
ria ^ un Traité où il rendra compte
des raifons qui l'ont porté à faijte
ces tetranchemcBS.
De Bologne.
Les Mufes fcmblent n'être occu-
pées ici qu'à cekbrcr la jeune Ma-
dcmoifelle B^iJJi qui s'cft attire
l'année dernière tant d'éloges &
d'applaudilicmcns par les Théfes
publiques qu'elle a foiitcnuës en
Latin fur toutes les parties de la
Philofophie.Son fçavoir (i peu com-
mun dans une fille de vingt ans , l'a
faitaggreger au Collège des Phila-
fbphcs de cette Univerllté , & lui a
mérité le titre de Docteur dont elle
a été honorée avec une folemmté
extraordinaire. Elle étoit déjà un
des Membres de i'Inftitut des
Sciences de Bologne , fondé par le
feu Comte Marjigii.
Qiioiqu'U foit moins rare en Ita-
lie qu'ailleurs devoir des femmes
fc diftingucr dans les Ecoles publi-
ques , cette Demoifelie n'en ell pas
moins regardée comme un prodi-
ge , à en juger par les vers Italiens
& Latins qu'on ne ceffe de publier
à fa loiiange. Ces vers qui font en
grand nombre , i5i parmi lefquels
il y en a plufieurs de quelques Da-
mes j ont été recueillis & impri-
més en différentes Brochures , à la
tête de l'une defquelles on a mis ie
portrait gravé ac MademoifeUc
j A N V I
Sajfi, coëffée galamment , & revê-
tue de la fourrure de Dodeur ; on
lit autour du cadre : Laura-Maria-
Catharina Bajfi, Phil. DoEl. Col,
jicaâem. JnjîttKt. Sciemiar. Societ.
tJEtat. ann.XX. Au bas du portrait
eft ee diftique qui fait ailufîon à la
fameufe Laure , tant chantée par
Pétrarque.
Laura vale , ingénia <jHa & Carmi-
ns nota Petrarcdi,
Laura h£c elo^uio & mente Petrarc4
Jiot.
HOLLANDE.
De laHaye.
Pierre de Hmdt vient de mettre
en vente Examen du Pyrrhonifme
Sttcie» & moderne ^ par M. de Cran-
fa\^ de l'Acadcmic Royale des
Sciences , Gouverneur de S. A. S.
ie Prince Frédéric de Hefle-CaiTel ,
&c. 1753. in-folio. Cet Ouvrage qui
eft dédié à Jvl. le Comte du Luc , fe
débice auili à Paris chez plufieurs
Libraires.
Le même Pierre de Hondt , P.
Gop , & J. Néaulme, W.Schetirléer
8c Adrien Moetjens , ont imprimé :
Hijiotre Vniverfelle , depuis le com'
menccment du monde JHfju^k prefent i
traduite de V Anglais d'une Société
de Gens de Lettres.ToME premier,
contenant l'Hiftoire UniverfelU
jufqu'à Abraham ^ l'Hiftoire à' Egy-
pte , & l'Hiftoire des anciens peu-
ples de Canaan. 1732. in-i°.
Ge premiei Tome avoic ésé pïfe-;
cédé d'une' IniroduUion à h même
Hiftoire Univerfelle , aufli traduite
de l'Anglois , & imprimée chez les
mêmes Libraires in-ix. en 173 1.
On difcute dans cette Introduâion
les fentimens des Philofophes an-
ciens & modernes de tomes les
Nations de l'Univers , fur l'origiae
Se la création du monde. Nous
nous propofons de donner bien-tôt
des Extraits étendus , tant de l'In-
trodudion que de l'Hiftoire Uni-
verfelle.
FRANCE.
De Strasbourg.
M. Schoepflin a publié chez Doulfr
fecker pcre , une Edition in-^°. des
Annales des Arfacides , dont Mo
l'Abbé de Longuern^Â l'Auteur,
Annales Arfacidantm Aurore Lu-
dovico Dufonr de Longnerue , Abba-
te S. Joannis de Jardo ad Melad. &
feptem fomimn in Therafcià. 1732.
Cette Edition eft préférable à
celle du même Ouvrage qui a été
imprimée à Paris il yalong-tems,
en ce que Monfieur Schoepflin
la donne fur un Exemplaire
corrigé & augmenté par l'illuftre
Auteur qui a bien voulu le lui
communiquer , & en permettre
i'impreflion.
De Rennes.
Julien Vatar a achevé d'impri-
mer : DiSlionnaire Français -Celti-
que _, ou Françffis-Breton , neceftai-
se à tous ceux qui veulent appien^
6^ JOURNALD
drc à traduire le François en Celti-
que , ou en Lani^age Breton , pour
prêcher , catéchifer & confelfer ,
ielon les diffcrens dialectes de cha-
que Diocéfe ■■, utile & curieux pour
s'inftruire à fond de la Langue Bre-
tonne , & pour trouver l'étymolo-
.i^ie de pluiieurs mots François ic
Bretons, de noms propres de Villes
&; de Maifons. Parle P. F. Grégoire
de Roflrenen , Prêtre & Prédicateur
Capucin. 1731. /«-4°.
De Paris.
Le T.trnajfe Fninçols , dédie au
Roi , par M. Titon du Tillet , Com-
miiTaire Provincial des gucrrcSjCTc.
de l'Imprimerie de Jean-Baptifte
CoigfiardÇih. 1732. ^ci\t in-folio.
Hifloire Romaine. Les Empe-
reurs. JideiCêfir. Avec des Nores
Hiftoriques , Géot;raphiques &
Critiques ; des gravures en taille-
douce , des Cartes Géographiques ,
^pluficurs Médailles authentiques.
Par les RR. PP. Cairoit &c Roiidlé ,
de la Compagnie de Jefus. Tome
cix-shptie'me. Depuis l'an de Ro-
me 705. jufqu'àran7'o. Chez Jac-
ques Rollin , Qiiai des Auguitins ,
au Lion d'or ^ Delefpim , père &
fils , 5c Coignard fils , rue S. Jac-
ques. 1732. '«-4°.
Tufculane de Ciceron fur le mépris
de la mort ., traduite par M. l'Abbé
A'Oltvet de l'Académie El ançoilc.
Avec des Remarques de M. le Pré-
fident Hoiihier de la même Acade-
jiiie , iiu le Texte de Ciceron. On
y a joint le Songe de Scip:on. Chez
GanduHin^ Quai des Auguitms, à U
E S SÇAVANS.
Belle Image. 1732. /«-i 2.
Les cent Nouvelles - Nouvelles j
par Madame de dmeT^ Chez 1&
Veuve Gudlaume , au bout de la
rue Dauphine , du côté du Pont
Neuf , &C Gandouin le jeune , rue
du Hurpoix , prés le Pont S. Mi-
chel. 1751./W-I2.
Le Repos de Cyriis , ou l'Hiftoirc
de fa Vie , depuis fa feiziéme juf-
qu'à fi quarantième année. Chez
Briaffon, rue S. Jacques , à la Scien-
ce. 1752. /«-8°.
Explication du Livre des Pfeaii-
mes^ où félon la méthode des Saints
Pcres , l'on s'attache à découvrir
lesMyfteresde Jesus-Christ j &
les règles des mœurs , renfermées
dans la Icdure même de l'Ecriture.
Chez François B.^buty , rue S. Jac-
ques , à Saint Chrifoftome. 1733.
iff~ii. 4. vol.
Effai furies erreurs populaires , ou
Examen de plufieurs opinions, re-
çues comme vraycs , qui font hauf-
fcs ou douteufes. Traduit de l'An-
glois de Thomas Bro'wn^ Chevalier
de Dodeur en Médecine. Chez
Pierre M-^itte , rue S. Jacques , pro-
che de S. Yves , & Didot , Quai des
Auguftins, près du Pont S. Michel.
1735. in- II. 2. vol.
Alemoires de la Cour d'Efpagne y
depuis l'année 1679. jufqu'en i68i.
où l'on verra les Minifteres de Dom
J;:.ù> Se du Duc de Médina- C'ii ,
& divciles chofes concernant la
Monarchie Ffpagnole. ChczJ'^è ,
■rue S. Jacques , à la Fleur de Lis
d'or. 1753. /.?i'i2.
Eg'ngties di.MonJîeur de S'grais ^
de l' Académie l"ran^ûii"e> avec le?
J A N V I E R,- 17??: (fj
partages imités des Poètes Latins. Auteur. Nouvelle Edition. Chez la
iJAthis ^ Pocmc Paftoral. Le por- Veuve ^e Lon»?/, rue du Foin.
trait de Al-ïdimoifclle , du même
Finîtes a corriger dans le Journal de Décembre i-j^z.
PAge -jëi. col. 2. ligne 9. finit, lifez. Sinit : Ibid. ligne 23. in eft, lifez
ineft : Page 7^7. col. i. ligne 28. Phœbe, ///??, Phoebe : Page 771.
eol. I. %. 7. S mettez (^ : Ibid. ligne 19. faites la même corredion.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Janvier 1733»
H
Ifloire BcclefiaftiqHe de M. l'Abbé Fleury, Tomes XXFIl. & XXVUh
page 5
Ordonnances des Rois de France de la troisième Race , &c. Tvmelll. 7
U Abrégé Anatomique de Laurent Heifter , 8cc. 1 1
Le Cabinet Chinois de KonigHîerg , &c. i^
Traité des Matières Criminelles , fmvant l'Ordonnance du mois diAokt 1^70.
&c. ig
Obfervations de Médecine fur la Maladie afipellée Convulfîon 3 2
Recueil des Ecrivains de l'Hifloire d'Italie , Tome FIL &c. 34
Lettre a l'Auteur de l'Extrait du, journal des Sçavans du mois d'O^obre
1732. &c, 38
Lettre de M. Petit , DcElcur'en Médecine , &c. 4 j
Les Monumens de la Monarchie Françoije ^ &Ct Tomelf^» cz
La Rofaltnde mitée de l'Italien , 5 g'
Nouvelles Littéraires , S^
f jû de la TaMe
L E
JOURNAL
DES
SCAVANS,
b
FOUR
VANNE'E M. DCC. XXXIIl
FEVRIER.
A P A R I S ,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Q^ay des
Aimiftins, du côté du Pont Saint Michel, a la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIIl.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
FEVRIER M. DCC. XXXUI.
JOVRNAL DV RE'GNE DE HENRI I T. ROI DE
France & de Navarre : Par M. Pierfeàe l'Etoile , Grand-Audiencier ,
en la Chancellerie de Paris : tiré fur un Manufcrit du tems. Sans nom de
Ville ni d'Imprimeur. 1752. /«-8°. 1. Vol. Tom. I. pp. 291. Tom. II.
pp. 300,
CE Journal de Pierre de l'E-
toile a été publié par mor-
ceaux à différentes reprifcs. On en
vit un premier fragment dès Tanné»
f-evrier.
16^3. lequel commençoit au der-
nier jour de Mai 1 574. le lende-
main de la mort du Roi ChirJesIX.
6c tîniffoit au mois de Juin 1 5 89.
68 JOURNAL DE
deux mois avant celle de Henri III.
comprenant ainfi l'Hiftoire d'un
peu plus de 1 5 ans. Ce fragment ,
connu fous le titre de lourrid de
Henri III. fut réimprimé à Colo-
gne en i66è. avec pluficurs Pièces
concernant l'Hiftoire de ce tems-là.
Après quelques autres Editions , il
reparut dans la même Ville en
lyic. augmenté de divcrfes addi-
tions de même genre , enrichi de
figures , & des Notes de M. le Bû-
chât , pour éclaircir les endroits les
plus difficiles. Mais un an aupara-
vant , M. Godefroy ^ DireéVeur de
!a Chambre des Comptes de l'Ifle ,
& fi cftirnable pat fa vertu & par
fon habileté , avoit redonne au pu-
blic ce même Journal plus ample
qu'il n'étoit d'abord , le reftituant
( comme avoient déjà fait PéliJJùn
& Bayle ) à fon véritable Auteur ,
qui étoit Pierre de l'Etoile , Grand-
Audiencier en la Chancellerie de
Paris , iffu d'une tamille honorable
& diftinguée par fes alliances dans
la Robbe. Ce Journal commence
dès l'année 15 15. dans l'Edition de
M. Godefroy , & après avoir rap-
porté quelques évenemens des rè-
gnes de François I. Henri II. Fran-
çois II. & Charles IX. il entre dans
un détail plus particulier fur les rè-
gnes fuivans , & le continue juf-
qu'en i^ii. c'eft- à-dire )ufqu'au
commencement du règne de Louis
XIII. Mais dans le Mf qu'a fuivi
M. Godefroy pour cette Edition ,
il y avoit une lacune ou un vuidc
confidcrablc , depuis 1594. jufqu'à
i6c6. ou pendant 12 années 4^ re-
çue de Henri IV.
S SÇAVANS,
C'eft donc cette partie qui man-
quoit , que l'on publie aujourd'hui
dans ces deux Volumes , &: qu'un
Magiftiat rcfpeclablc par fcs Char-
ges 6c par fon mérite perfonncl , a
bien voulu communiquer à l'Edi-
teur. Mais ce Mf. nouvellement
découvert ne fuppléc encore qu'im-
parfaitement au vuide du premier j
puifquc prenant l'Hiftoire au mois
de Mars 1 594. il ne la conduit que
jufqu'en Décembre '597. après
quoi-rcfte une lacune de quatre ans,
( qu'on ne dcfcfpere pas de pouvoir
remplir : ) puis le Journal recom-
mence au mois de Mars 1^01. Se
continug jufqu'au 18^ du même
mois de i6cj. pour reprendre cn-
fuiteau moisdc Mai itfio. Maisce
vuidc de trois ans n'eft point dans
l'édition dcGodctroVjlaquellejainfi
que celle dont nous rendons com-
pte , contient les années 1 6I0, Sc
1611. avec cette différence , que
cette dernière Ediiion oflrc divers
articles omis dans l'autre , ou ac-
compagnés de nouvelles circonilan-
ces , ou qui ne font pas conçus dans
les mêmes termes.
Il n'ci^ donc plus queftion pouï
rendre complet ce Journal de Hen-
ri IV. que d'y joindre l'Hilloirede
4 années qui y manquent , fî l'on
eft alTcz heureux pour les recou-
vrer, A l'égard des additions ou des
différences dont nous venons de
parler, & qui diftinguent des im-
primez le nouveau Mf. on recon-
noîtra fans peine qu'elles partent
de la même main, C'eft partout le
même efprit , le même goût & le
même ftyle. On aura feulement
F E V R I
lieu de préfumer que P.de l'Etoile,
en relifant fon Journal , y ajoûtoit
çà & là quelques traits dont il fe
reflouvenoit alors , & que fa mé-
moire ne lui avoit pas fournis d'a-
bord.
L'Editeur obferve ( dans fon
Avertiflement ) que ces fortes de
Journaux , quoiqu'à certains égards
fort inférieurs à une Hiftoire en
forme , ne laiffcnt pas de prefenter
aux Ledeurs l'utile joint à l'agréa-
ble. C'eft par-là que le Joitrfid du
Maréchal de Baffompieri-e , & ce-
lui qui a paru fous le titre de Chro-
mi]ue Scandalinft du règne de
Louis XL ont mérité l'accueil du
public ; & que les Ouvrages de ce
genre , cachés jufqu'ici dans les
meilleures Bibliothèques , ne fe-
roient peut-être pas [ dit-il ] indi-
gnes de rimprcilion. L'agrément
de ces Journaux ( pourluit l'Edi-
teur ) confifte dans une variété
^évcnenicns tout difFerens , qui fe
fucccdent les uns aux autres , qui
femblent placer le Ledeur dans le
tems même où ih font arrivés , &
qui fans fatiguer Ion attention , lui
permettent de quitter & de repren-
dre fi kclure , fans rien perdre de
l'enchaînement des faits. A cet
agrément fe joint une utilité confi-
der.ible ; &c c'eft l'exaditude des
dates quii marquent dans ces Jour-
naux chaque événement particu-
lier; dattes fouvent ignorées par les
Hiftoricns mêmes , ou négligées ,
pour ne point cmbarrafler le fil
d'une Hiftoire générale. Quantité
de .^^milles y trouveront, outre ce-
la , de- faits intereflans pour elles ,
E R , I 7 ? ?• 69
& dont leur tradition domcftiquc
ne leur a pas confervé le fouvcnir.
Au furplus l'Auteur de ce Journal
y a peint fon caraderc propre , par
celui de fon ftyle, qui eft libre
naturel , annonçant partout la can-
deur & la probité de l'Ecrivain ,
fon zélé pour le bien public, fon
amour & fi fidélité pour fes Souve •
rains. On en pourra juger par quel-
ques articles que nous tranfcrirons
de ce Journal pour échantillon, j
» Le Mardi 22 jour de Mars "
»ji^94. àfept heures du matin , le
» Roi ( Henri IV. ) entra dedans
» Paris par la même porte que le
» feu Roi en étoit fovti , & fat la
» Ville réduite en fon obéilTance
»' fans faq & fans effufion de fang ,
ȕ fors de quelques Lanfquencts
» qui voulurent mener les mains
» éc deux ou trois Bourgeois de la
» Ville , la vie defquels le Roi dit
» depuis avoir eu defir de rachet-
» ter , s'il eut été en fa puilfance ,
» de la fomme de 50 mille écus ,
M pour laiffer un fingulier témoi-
" gnage à la pofterité , que le Roi
» avoit pris Paris , fans le meurtre
a d'un feul homme..
» Etant dans la rue S. Honoré '
j> vis-à-vis de la barriere,il demanda
» auMaréchalde Matignon,comme
« s'il eut été étonné de fe voir dans
M une telle Ville , au milieu d'un Çi
» grand peuple , s'il avoit donné
» bon ordre à la porte , & qu'il y
» regardât bien. Puis ayant avifé
n un Soldat qui prenoit par force
» du pain fur un Boulanger , y cou-
» rut lui-même , & le voulut tuer,
3i Dès te matin , ie Roi avoie
70 JOURNAL D
j> envoyé vers eux ( les Elpagnols )
» M. le Comte de S. Pol , avec
» charge de dire au Duc de Feria ,
» comme il fit , que Sa Majcfté
)} tenant en fa main &c leurs vies &
» leurs biens , il ne vouloir toutc-
» fois ni de l'un , ni de l'autre, ains
M que libéralement il le leur re-
>» mcttoit , moyennant que prom-
» ptemcnt ils fortilfent de fa Ville
« de Paris , fans aucune dilation ou
»> excufe. Ce que ledit Duc ayant
» promis , & alfez promptcment ,
» comme celui qui ne s'attcndoic
» pas d'en fortiràfibon marché ,
» s'écria par deux ou trois fois ^ah!
?j grand Roi ! grand Roi!
» Ce jour , iur les trois heures
» après midi , le Duc de Fcria avec
» les garnifons étrangères fortirent
3> de Paris par la Porte S. Denis ,
» au-deiïus de laquelle y a une fe-
)> nêtre , où le Roi fe mit pour les
» voir palTer. Le Duc de Feria le
"falua à l'Efpagnol, comme on dit,
» c'efl- à-dire , gravement & mai-
» gremcnt. De quoi le Roi fe moc-
» qua , 8c lui otant à moitié fon
»; chapeau, le contrctaifoit après
» fort plailammcnt.
"Pour le Secrétaire Nicolas, Sa
»»Majefté le manda à fon dîner pour
» en tirer du plaillr. Lui avant de-
ij mandé qui il avoir fuivi pendant
M les troubles , ledit Nicolas lui ré-
» pondit , qu'il avoit à la vérité
» quitté le Soleil & fuivi la Lune.
» Niais que veux-tu dire , de me
» voir ainfi à Paris comme j'y fuis î
>ï Je dis, Sire , répondit Nicolas ,
» qu'on a rendu à Céfar ce qui ap-
f> partenoit à Céfar , comme il faut
ES SÇAVANS,
« rendre à Dieu ce qui appartient i
» Dieu. Ventre-faint-Gris , répon-
n dit le Roi , on ne m'a pas tait
» comme à Céfar , car on ne me
}> l'a pas rendu à moi , on me l'a
» bien vendu. Cela dit-il en pre-
n fcnce de M. de Brlfl-ic , du Prévôt
» des Marchands , & autres vcn-
» dcurs qu'il appelloit.
w A Meflieurs de la Ville , qui
)i lui prefentcrcnt ce jour de l'hipo-
M cras , de la dragée & des flam-
» beaux , fuppliant Sa Majeftc
» d'excufer la pauvreté de fa Ville
» de Paris , il leur dit , qu'il les re-
» mcrcioit de ce que le )our de de-
» vant ils lui avoient fait prefent de
» leur coeur Se maintenant de leurs
" biens , qu'il les acccptoit de bon
M coeur. Se pour leur montrer, qu'il
» demeureroit avec eux & en leur
" garde , 6c qu'il n'en vouloir point
» d'autre que la leur.
» Comme il fe mertoit à t.ablc
>» pour fouper , il leur dit en riant,
«qu'il fentoitbien à fes pieds qui
"ctoicnt moittes , qu'il s'ctoit
n crotté venant à Paris , mais pour
» le moins , qu'il n'avoit pas perdu
» fes pas.
» Le Jeudi 24 Mars , le Roi vint
«voir Madame de Nemours , avec
«laquelle Madame de Monrpenfier
» étoit. Il leur demanda , cntr'au-
» très propos , il elles n'étoient
» point bien étonnées de le voir à
» Paris, & encore plus, de ce qu'on
» n'v avoir volé ni pillé perfonnc
» ni fait tort à homme du monde
» de la valeur d'un fétu , voire jut
» qu'à la racùlle des goujats , qui
» avoient payé tout ce qu'Us a-
F E V R I
» voient pris : & fe tournant vers
» Madame de Montpcnfier, lui dit,
» que dites vous de cela , macou-
M fine 5 Sire , lui rcpondit-elle.nous
» n'en pouvons dire autre chofe^
» finon que vous êtes un très grand
» Roi , trcs-bening, très-clément
■» &c très-çénéreux. A quoi le Roi
» fe fouriant , lui dit ; je ne fliis a
» je dois croire que vous parliez
«comme vous penfez. Une chofe
» fais-je bien -, c'eft que vous voulez
» bien du mal à Briilac : eft il pas
» vrai ? Non , Sire , dit-elle ;
» pourquoi lui en voudrois-je î Si
» faites , il faites , répondit le Roi ,
M je le fais très bien. Mais quelque
«jour , quand vous n'aurez que
»» faire , vous ferez votre paix. Sire,
"dit-elle , elle eft toute faite , puif-
M qu'il vous plaît. Une chofe euf-
» fai-jc feulement defiré en la re-
» duiStion de votre Ville de Paris ,
n c'eft que M. de Mayenne mon
" frère vous eut abbaififc le pont
» pour y entrer. Ventre-faint-Gris,
«répondit le Roi , il m'eût fait
» poflible attendre long-tems &
» n'y fulTe pas arrivé fi matin.
» Le même jour , S. M. entrant
» au Lourre , dit à M. le Chance-
» lier i «lois-je croire , à votre avis ,
» que je fois là où je fuis ? Sire , lui
» répondit-il , je crois que vous
» n'en doutez point. Je ne fais, dit
• le Roii car tant plus j'y pcnfe ,
>• & plus je m'en étonne. Car je
* «louve qu'il n'y a lien de l'hom-
E R , I 7 5 ?. 71
n me en tout ceci. C'cfl une œuvre
» de Dieu extraordinaire, voire des
» plus grandes. Et à la vérité, c'cfl:
« chofe fort miraculcufe de dire
" qu'une telle entreprife éventée
« comme elle éroit , & feiie de
"tant de perfonnes , voire lon;^-
» tcms auparavant , ait pu réulïîr à
nfaiàn. Car le fccrctei: une chofe
« rare , & peu ufitée entre ceux de
M notre Nation.
«Le Mardi i^' Mars , on fit
>9 proceflion générale à Paris , à la-
» quelle le Roi aflîfta tout au long ,
» nonobftant la pluye S-c mauvais
n teins qu'il raifoit. Tous les Men-
" dians s'y trouvèrent, hormis les
M Jacobins , aufquels on Ht défcnfe
« de s'y trouver. Il y eut aullî des
"feux de joye commandés par tout,
«qu'on fit avec une mcrveiUeufe
» allegreffe , & où on cria à pleine
« voix, vive le Ror. (mélodie toute-
"fois qui ne fonnoit pas encore bien
M aux oreilles de plufieurs ) & di-
jjfoit-on que Madame de Monr-
» penfier oyant cette Mufique ,
» avoit dit en riant , que Brifiac
« avoit plus tait que fa femme , qui
» en quinze ans n'avoit fait chanter
» qu'un Cocu , au lieu que lui, en
» huit jours, avoit fait chanter plus
» de vingt -mille perroquets à Paris.
En voilà plus qu'il n'en faut
pour faire connoître le ftyledcce
Journal , dont la ledure amufe &
interefle également.
mw
72 JOURNAL DES SÇAVANS,
TRAITE DES TVMEVRS C 0 NTRE- N ATV RE,
par Ai. Deidier ^ Con/cili:r , Médecin du Roy ^ Chevalier de fan Ordre
de S. Aduhd , Profcffcur Roy. il de Chimie en l'ZJniverJîté de Aïompellier ,
Ajfocié a l'' Acadmij Roy de des Sciences d'yingleterre , Afedecin Con-
fidtant de la Fdle de Montpellier ^ & premier Médecin des Galères de
France. Cinquième Edition , augmentée d!une Diffirtation Prélimm.nre fur
la Chirurgie Pratique , & de plufieiirs Confidtations & Ohfervattons Chi-
rurgicales du même Auteur , avec un Difco/irs Académique fur la Conta-
gion de la psfle de Marfeille.
A Paris, rue S. Scverin, chczd'Houry , fcul Imprimeur- Libraire de
Monfeigneur le Duc d'Orléans. 173 1. vol. in-it. pp. 399.
NOUS avons parlé delà qua-
trième Edition de ce Traité ,
dans le Journal de Mars \j2.6. Cel-
le-ci qui ell la cinquième, contient
de plus, comme on le voit par le
titre , 1°. Une Dilfertation fur la
Chirurgie-Pratique : i°. Piufieurs
Confulrations & Obfervations
Chirurgicales : 3". Un Difcoursfur
la Pefte de Marfeille. Nous parle-
rons par ordre, de ces trois articles,
laifTant à part le Traité des Tu-
meurs dont nous n'avons autre
chofe à dire que ce que nous en
avons dit dans le Journal que nous
venons de citer.
La Diifcrtation fur la Chirurgie-
Pratique , contient , à proprement
parler , ce qu'on appelle les élé-
mens de la Chirurgie , M. Deidier
y explique d'abord ce que c'eftque
les quatre Opérations Chirurgica-
les , fçavoir la Synthcfe , la Dtcrefc ^
\'E.\-herefe , la Prothefe , & après
avoir dit làdelTus ce qui fe dit or-
dinairement, il vient aux inftru-
niens de Chirurgie qu'il réduit à 6ic
principaux , fçavoir les cifcaux , les
rafoirs , les lancettes , les fondes ,
les pincettes , & les aiguilles. Il paf-
fe de- là aux cinq onguens que les
anciens Chirurgiens portoient avec
eux dans une boete qu'ils nom-
moicnr leur Bo'étier , & enfuite il
dit un mot des maladies Chirurgi-
cales en général , 6c de la circula-
tion des liqueurs ; ce qui le conduit
à parler des tumeurs internes & des
externes , puis des playes , des ul-
cères, des fra6lures , des caries , des
diflocitions & de la conduite que
le Chirurgien doit tenir dans tous
ces diffcrens cas. A l'égard des frac-
tures , il rapporte un fait qu'on ne
fera peut-être pas tâché de trouver
ici.
Une Demoifellc de 18 ans , à
Montpellier , s'étoit fracalfée la
partie movcnne &: latérale gauche
de l'os coronal, en tombant, la tête
première , d'une lenctre aflez haute
dans une cave , fur un pavé égal,
formé de pierres de taille. M. Dei-
dier fut appelle aiillî-tôt après cette
chute , avec deux Maîtres Chirur-
giens très -habiles : on trouva la
Demoilelle fans mouvement vo-
lontaire 5c uns fcntiment , avec
une
F E V R I
une playe fur l'os coronal, d'où
avoir coulé beaucoup de fang. Cet-
te playe fut agrandie par une inci-
fion cruciale , & les bords ayant
été emportés , on apperçut à l'os
coronal , un enfoncement de la
grandeur d'un écu de trois livres.
On appliqua le trépan à la partie la
plus ferme de cet os en prenant fur
la Iradure par une petite portion
de la couronne : lorfqu'il fallut cn-
fuite , à la faveur de ce trou du
trépan , relever l'os enfoncé , toute
la pièce fauta , parce qu'elle étoit
•détachée de toutes parts. Il relia
donc une grande ouverture au crâ-
ne. Peu de jours après on vit fortir,
par cette ouverture , la dure mère
enveloppant une partie du cerveau
de la grandeur d'un gros œuf de
poule. Il ne fut pas poflîble de faire
rentrer cette portion fortie. La du-
re mère engagée dans le trou fe gan-
grena bien- tôt ; il fallut la fcarifier
à coups de lancette , & la ranimer
avec des liqueurs fpintueufes , pour
empêcherle progrès de la gangrené^
mais cela ne fervant de rien , on fut
forcé de couper avec le biftouri
toute la tumeur qui paroiffoit en
dehors & de couper par confe-
quent une partie du cerveau. On
tâcha enfuite , mais vainement , de
comprimer ce vifcere , & de le te-
nir enfoncé par des compreffes py-
ramidales foîitenuës d'un couvre-
chef; la propre fubftance du cer-
veau qui en cet endroit , fe trou-
voit dépourvue de fes deux enve-
loppes , s'éleva de nouveau & pro-
4uiiît une tumeur en forme de
champignon. Il falut couper cette
février.
E R, 1 7 3 5. 7j
tumeur , ce qu'on fit à deux fois.
On eut enfuite recours à une pla-
que d'argent \ mais ce moyen ne
rcuilit pas mieux qu'avoient fait les
comprelTes ; une nouvelle portion
du cerveau fortit , & cette portion
étant devenue livide, on la retran-
cha de même que les autres , fans
qu'il furvînt non plus aucun fâ-
cheux accident. La malade qui
avoit repris fes mouvemens volon-
taires & tous fes fens , depuis que
la pièce d'os avoit été enlevée , ne
fentit aucune douleur dans toutes
les incifions qu'on lui fit au cer-
veau. Les nouvelles chairs crureigi
peu à peu de tous les endroits de
l'os coupé , elles gagnèrent le
deflus , & recouvrirent le cerveau
en entier , en fe conveitifTant en
une cicatrice ferme qui dans l'ef-
pace de trois mois que dura toute
la cure , forma un véritable calus.
Cette Demoifelle depuis ce tems-là
joiiit, d'une auflî parfaite fanté que
fi elle n'avoit jamais reçu aucune
bleffurc à la tête.
Les Confultations Chirurgicales
font au nombre de 1 9,& concernent
differens fujets , tels que font une
dartre au vifage, un écoulement in-
volontaire de larmes, une ophthal-
mie,une fiftule lacrymale, un affoi-»
bliirement de vûë en confequence
d'un coup d'épée-,un fcorbufquc,un
fcorbut accompagné d'affediion hy-
pochondriaque ; un goitre naiflànti
des tumeurs écrouelleufes , des
écrouclles ouvertes , un phlegmon
oedémadeux de la mammelle , une
dartre farineufc , des ulcères aux
jambes; un flux hémorrhoïdalex-
K
74 JOURNALD
cclTit apériodique, accompagne
5c fuivi clc plnûeurs accidcns p.irti-
ci'.licrs, un foupçon li'cnipoifonnc-
mcnr , un ulcère à l'oreille , un pif-
fcment pcrioLliquc rie fang , un au-
tre pitremen: de fing furvcnant de
fois à autre fans règle , une léprc
véritable.
Nous ne fçaurions parler de
toutes ces Confukations. Nous
nous bornerons à. celle où il s'agit
d'un foupçon d'cnipoifonncment.
Trois jeunes Demoifellcs qui
croient fous la conduite d'une
belle-mcre , furent foupçonnées
d'avoir été empoifonnées par cette
belle-mere. Il leur arriva à toutes
trois de s'évanouir dans le même
moment en trois lieux diffcrens.
L'aînée , qui étoit d'un tempé-
rament vif& délicat, fentit après
cet évanouilTcment , un tcu dévo-
rant dans la poitrine , tout fon
corps fe couvrit déboutons , une
cfpece de fièvre ardente la faifit&
elle mourut au bout de l'année. La
plus jeime qui étoit d'un tempéra-
ment plus robufte Se moins vif, fe
maria quelques tcms après fon éva-
noiliffcment. Elle fut attaquée des
mêmes fymptomes que fa fœur aî-
née ; mais de tréquentes couches la
Ibulagercnt peu à peu. Ses premiers
enfans fe reffentirent de fon acci-
dent , ils moururent après de vio-
lentes fueurs.
La féconde fille ^ qui eft celle
dont il s'agit à prcfcnt , eft une
perfonne replette , peu vive , &
d'un tempérament fort robuftc.
Pendant la première année après
fon évanouiircmcnt , elle devint
ES SÇAVANS,
toute boutonnée , elle maigrit Sc
changea h fort , qu'au bout de l'an
elle étoit méconnoiflable. Elle eut
de même qu'une de fes autres
foeurs , au même inftant , un aijtre
évanouilfement qui dura près de
trois heures malgré les fccoitrs
qu'on lui donna. Depuis ce mo-
ment elle fentit de nouvelles dou-
leurs dans les entrailles , des feux
dans la poitrine , avec des tiraille-
mcns infuportables , ôcdeviolens
maux 3e tête. Elle eut enfuitc
pendant fix mois des fueurs foe-
tidcs , &c lî abondantes , qu'il lui
falloir changer de linge jufqu'à i j
fois par jour. 11 lui furvint dans les
jambes des teux cuifans , comme (î
on les lui avoit écorchées : il lui
vint auOi fur la poitrine , de ces
mêmes teux, avec de petits boutons
q\n dans la fuite difparoilToient 8c
rcparoiflToient trois trois par mois-,
Lorfqu'ils difparoilfoicnt , la poi-
trmc fe couvroit d'une couleur
d'olive brune , & s'entloit extraor-
dinaircmcnt. L'enflure gagnoit
quelquefois tout le corps & étoic
accompagnée de douleurs qui fcm-
bloient pénétrer jufques dans U
moelle des os. La malade outre cela
vomilToit tout ce qu'elle mangeoit
excepté la foupe.
Elle prit , il y a environ quinze
ans , les eaux de Bourbon , qui di-
minuèrent les accidens ; ils ne re-
vinrent plus 11 tréquemment , Sc
même depuis quelques années ils
ne reviennent que dans le Prin-
fcms. Lorfque les boutons demeu-
rent quelques tems fans difparoître,
il arrive une pelade , ôc dans les
F E V R I
premières années la malade peloit
cent fois par an. Une particularité
bien digne de remarque , c'eft que
dans le fort de la maladie, le fom-
meii fait difparoîtic les boutons. Se
qp'alors tous les accidens ccllcnt ,
iTiais qu'au réveil la malade a des
palpitations violentes qui la fufFo-
queroient fans le fccours des cor-
diaux.
Les principaux remèdes dont
elle a ufè , font , pour la fin de la
première année , le lait d'ânelTe
coupé avec l'eau de chaux , parce
qu'il s'aigrifloit dans i'eftomac ,
puis pendant cinq années confccu-
tives , le m.ême lait tous les Prin-
tems , quelques légères purgations
«levant &: après l'ufage du lait , &
durant le cours de ce remède un
peu de rhubarbe de quatre en qua-
tre }ours,ce qui la foulagea confide-
rabiement : on lui donna cnfuite
les bouillons de vipère , mais fans
aucun effet.
Elle a bon appétit §>: eft à prefent
en aiïez bon point. Elle fe purge
une fois toutes les années. Elle
prend a(5tuellement les eaux de la
Motte , lefquellcs paffent fort bien,
ramfint , dit-on , un grand comi^at
avec le vemn dont fon fang^îfl infec-
té.
^î. Deidier confulté fur cette ma-
ladie, effaye d'en expliquer tous les
accidens. Il lui paioît mcontcftable
que la malade & fes deux fœurs ont
été empoifonnées. Et ce qui le por-
te à taire ce jugement , eft qu'elles
curent toutes trois dans le même
inftant , un évanouilTcmenr fubit ,
qui fut fuivi d'un feu dévorant
E R , I7Î j. 7;
dans la poitrine , & d'un change-
ment univcrfel de toute la peau ,
fur laquelle il s'éleva pluiieurs bou-
tons. Il dit que ce poifon fut , fé-
lon route apparence , extrêmement
fuùttlifé & exaBement mêlé avec les
alimens communs^ dont ces trois fœurs
uferent , puif^u'il ne commença h pro-
duire fin eff:t ejiie lorfcju'il fut porté
avec les alimens , dans les plus petits
vaiffeaux capillaires du poumon & de
la peau , par lefcjuels la tranfpira-
tion a coutume de s'écouler. Ce venin
pourfuit-il , bouchant tout à coup la
tranfpiration , oùlige Icfàng defe por-
ter en abondance par les vaiffeaux
collatéraux dans les gros troncs &
par-là dans le propre tiffu du cœur '
dont le mouvement fufpetidu produifît
Vévanouiffement , cju'i devoit être une
véritable fyncope , puifqu on fut obligé
de recourir aux cardiaqites les plus
forts pour le diffiper.
M. Deidier porte plus loin fon
explication , il prétend que lorfque
cet évanouilTement fut palTé , le
cœur & les grofles artères fe con-
tratfterent avec violence pour faire
aller leurs liqueurs au loin , &
chaiïer le venin , mais que ce^cnin
confliamment arrêté dans les mê-
mes capillaires , y donna occafîon.
aux feux de poitrine , & au change-
ment de la peau boutonnée ■■, que
cet engagement produifît la fîevrc
ardente, &c le retour de la fyncope,
dont l'aînée de ces trois Demoifel-
Ics mourut , parce qu'elle étoit
d'un tempérament plus délicat , &
qu'ainfl le cœur ne pouvanr leiftet
au fécond affaut , fuccomba &: ceflà
de battre.
Ki}
76 JOURNALD
Voilà pour ce qui rcgirdc la
faur aînée ; il s'agit à prcfcncde la
cadette des trois , £<. voici com-
ment on s'explique fur ce lujet.
La plus cadette de ces trois filles
plus vigoureufe , dit-on , que fon
aînée , refifta à ce fécond orage , &
s'eft trouvée conhdérat lemcnt fou-
iagée par le mariage , en ce que fes
fréquentes couches la délivrèrent
d'une partie du venin , qui rcftant
rencoigné dans les plus petits vaif-
feaux , fut obligé d'en fortir lorf-
que ces mêmes vaiiTcaux du tiiTu
de la matrice fc trouvèrent ouverts
C^ plus délicats. Les premiers enfans
de cette Dame périrent par des
fueurs abondantes , parce que le
▼enin toujours cantonné dans la
peau y attira cette fueur mortelle.
Ce feroit peu de chofe de s'être
expliqué fur ces deux fœurs, fi l'on
ne difoit ce qu'on pcnfe de la fé-
conde qui fait le fujet principal de
la Confultation. Et c'eft de quoi
s'occupe principalement M. Dei-
dier. Il dit , i°. Qiie comme cette
féconde s'eft trouvée beaucoup
plus robufte que fon aînée , il eft
arrivé qu'elle a refifté & il arrive
qu'elte refifte encore aux violcns
efforts du poifon pour fortir par la
peau : 2°. Que cette fille fe trou-
vant moins vive que fa cadette n'a
pu contribuer comme elle à la for-
tie du poifon , fait qu'elle n'ait pas
eu les mèmesoccafons de l'évacuer par
Us vidanges , foit parce que fes artè-
res battant plus mollement & avec
moins de force , ne font pas en état de
vaincre tous les obflacles des vaiJfeaHX
capillaires ohftrue^.
ES SÇAVANS,
Selon notre Auteur, ceS obftacles
ont été 6c font encore la caufe an-
técédente & ncccflaire de tous les
accidens i c'eft par cette caufe , fé-
lon lui, que le corps devmt d'abord
tout boutonné , que la malade
maigrit 5c que û peau changea de
couleur -, c'eft par cette caufe que
lui arriva le fécond évanouiftemcnt
qu'elle eut une année après le pre-
mier dans le même moment qu'une
de fes fœurs. C'eft de cette même
caufe que vinrent les douleurs de
poitrine , d'entrailles & les maux
de tête violens , parce cjue lefang ne
pouvant rouler librement dans le tifpi
de la peau bouchée , feponoit rude-
ment dans le tijfu des membranes in~
ternes , o« /'/ produifoit les rudes fe-
couffcs des filets nerveux lefquelles
conflitttent les douleurs.
Qiiant aux fueurs abondantes Sc
foctidcs qui durèrent iix mois ,
Se obligèrent la malade à chan-
ger par jour treize fois de lin-
ge , l'Auteur les attribue de même
que les feux cuifans des jambes , à
ces embarras de la peau qui y atti-
roient, dit il, les fluxions d'abord
confiantes , & enfuite paffageres ,
fuivant les diverfes fvfons de l'année y
& fur tout du Printems , après que
les remèdes délayans^ comme les eaux
de Bourbon , eure?it un peu délayé les
parties intégrantes du poifon engage
dans les conduits cutanez. , c'eft-à-
dire, les conduits de la peau.
Notre Auteur trouve dans ces
embarras, & autres femblablcs , de
quoi expliquer avec la même facili-
té , les trois autres accidens fingu-
iiers qu'il a rapportés, fçavoir.
F E V R I
i". D'où vient que la malade vo-
mifToit toLis les alimcns excepté la
foupe : 1°. Pourquoi lorfque les
boutons de la peau manquoient de
difparoître à leur ordinaire , tour
le corps de la malade fe peloit ,
comme on l'a vu arriver jufqu'à
cent fois l'année : 3°. D'où vient
que fi dans l'efFort du mal la mala-
de fe laifle aller au fommeil ^ les
boutons difparoirtcnt alors , &c
tous les accidens ceflent, mais qu'à
fon réveil il lui arrive des palpita-
tions exceffives & des fuffocations.
Quant au premier article , M,
Deidier fait venir le vomiffement
en quell:ion , des embarras des vaif-
feaux capillaires de l'eftomac , lef-
<]uels s^ embourbant davantage , dit-il,
far les parties intégrantes des alimens
ordinaires , occafionnoient des con-
trAUions violentes de ce vifcere mem-
braneux , dont les rudes efforts étaient
amortis , lorpjuds agiffoient contre de
la foupe molle dam leiiffu e fi fort doux
& fort [ouf le.
Au regard de la pelure de la
peau , cette pelure , dit-il , eft une
luite de prefque toutes les maladies
cutanées , fur tout lorfque les plus
petits vailTeaux de la peau font em-
barraiïes.
Pour ce qui eft de la difparition
des boutons , & de la ceflation de
tous les accidens pendant le fom-
meil , M. Deidier n'en allègue
point d'autre caufe fmon que^^«-
dant le fommeil toutes les llcjHeiirs
.•''nient , félon lui , également &
avec ^l'.fance dans les plus petits filets
nerveux 'J~ lymphatlcjnes , au lieu
qu'ait réveil le p0uls s'élève toujours ,
E R ; 1755. 77
parce e^ue le fang roide pour lors ra-
pidement des capillaires dans les gros
troncs , ce qui efl caufe , pourfuit-il ,
cjiiela ynalade efl faijte de vives palpi-
tations , lorfqtteUe s'éveille.
Telles font les explications que
notre Auteur donne des divers ac-
cidens de cette malade. Il feroit à
fouhaiter qu'au fujct de ce qu'il
vient de dire de la difparition de
ces boutons pendant le fommeil,
dans le fort du mal, il eût prévenu
une difficulté que quelques Lec-
teurs ne manqueront pas d'oppofer,
fçavoir.que î\ les boutons dont il
s'agit doivent efFeclivement difpa-
roître , pendant le fommeil , parce
que alors , comme il le fuppofe ,
toutes les liqueurs roulent également
& avccaifance , il s'enfuit , C\ cette
raifon eft véritable, que les boutons
de la petite vérole devroient dif-
paroître aulîl pendant le fommeil ,
au lieu d'augmenter pendant ce
tems comme ils augmentent ordi-
nairement.
Ce que notre Auteur dit du
cours libre & aifé des liqueurs pen-
dant le fommeil , eft la peinture de
ce qui fe pafle dans l'état de fanté v
mais que la circulation pendant le
fommeil ait cette liberté dans l'état
de maladie , c'eft de quoi tout le
monde ne conviendra pas.
Quoi qu'il en foit , on prétend
ici que ces trois fœurs ont été cm-
poifonnées ; mais on reconnoît
qu'il eft très-difficile , pour ne pas
dire impoffibk , de découvrir
quelle eft la nature de ce poifon, &
ftatuer fi c'eft un poifon donné , ou
quelques nuuvaifes herbes man-
7» JOURNAL D
gécs par hazard en falade ou autre-
ment.
Ce que l'on afTiire , c'eft que ce
poifonou vcnin,dc quelque maniè-
re qu'il ait été pris , paroît avoir agi
à peu près de la même façon qu'au-
roient agi des parties d'arfenic très-
fines, exaiftcment niclècs avec de la
farine ou du fucrc , dont auroit été
fait du pain ou quelque gâteau. On
icmarque à cette occallon , que les
parties arfcnicalcs ont cela de pro-
pre , qu'étant avallécs elles reftent
attachées aux endroits du corps
dans lefquels elles le nichent , & y
demeurent il attachées qu'aucun
remède ne les en peut chaflcr , par-
ce qu'elles font indiflolubles , ce
qui eft caufc qu'on a uniquement
iccours dans ces fortes de cas , à ce
qui peut ralentir le mouvement
des vai (féaux & les relâcher , tels
que font le lait , l'huile , Se autres
liqueurs femblables. Ainlî , fuppo-
fant que la malade en queftion ait
avalé de l'arfcnic , comme elle a
pris quantité de bons remèdes pour
chalTer ce poifon par les fcUes , par
les urines , par la tranfpii ation , Se
qu'elle n'a été conlidérablcmcnt
foukgée que par les eaux de Bour-
bon , qui peuvent avoir un peu dé-
layé les parties arfénicalcs , fans les
pouvoir diiloudre, l'avis de notre
Auteur eft qu'on ne s'attache plus
à vuider ce poifon , mais qu'on fe
contente pendant lix mois de fuite,
de nourrir la malade avec de bon
kit de vache , frais tiré &: futîiûm-
ment chauffe fins ébullition pour
en faire quatre foupes par four avec
un peu de fucrc , & une fuffifantc
ES SÇAVANS.
quantité de pain , fuivant l'appétit
de la malade. Il ordonne de pren-
dre ces quatre foupes , l'une le ma-
tin deux heures avant le lever ,
l'autre à midi , la rroifiémc qua-
tre ou cinq heures après , & la der-
nière à l'heure du coucher.
Après cette ordonnance, il don-
ne touchant l'ufage du lait un autre
avis qui eft bien à confidcrcr , c'eft
qu';7 fi'efl nullement neceffiire , félon
lui , d'employer aucune efpecs de
purgatifs avant , pendant , ni après
ledit lait.
Nous citerons fur cela ce qu'il
dit plus haut au fujct du lait d'â-
ne (Te que la malade prit tous les
Printcms pendant cinq années con-
fécutives , fçavoir , i". qu'on la
purgeait avant & après , 2°. ^HS
pendant le cours dudit lait elle pre-
nait de 4 en j^ jours de la rlmbarhe ,
3°. /qu'elle s'en trouva fort bien ,
& s'apperçHt d un foulagemem confî-
déraùle^ ce qui ne paroît pas tout-à-
fait s'accorder avec l'avis que nous
venons de rapporter ; mais il faut
coniîderer que dans cet avis l'Au-
teur parle du lait de vache , Se que
plus haut il parle du lait d'ânefTe.
Enforte peut - être que fon fenti-
ment eil: que le kit de vache ne de-
mande point qu'on fe purge , Sc
que le lait d'ânelîe le demande.
Qiiclques Lecteurs oppoferont
peut-ctre 1°. que le lait d'ânefic fait
moins d'emb.irras dans l'eftomac
que le l^yt de vache , le premier
étant plus déhé fie le fécond plus
grofhcr : 1°. Que le lait d'ànefTe
que prenoit la malade , étant cou-
pe & coupé avec l'eau de chaux ,
V
F E V R I
tîevoit caufer encore moins d'em-
barras. Mais fans entrer dans cette
difciifTion qui n'eft point de notre
devoir de Journalifte , nous averti-
rons que l'Auteur pour prouver
Qnil n'eji nullement mcejptire à' em-
ployer aucune efpece de putatif ^
avant , pendant ^ m aprh ledit Lin
de vache , ajoiite qn'«wf longue ex-
périence lui a appris que les purgatifs
irritans , dérangent ou changent les
bons effets de cet aliment deux & hal-
famiijue; enforte que par ces mots :
// n'eji nullement necejfiire d'employer
aucune efpece de purgatifs , il y a tou-
te apparence que l'Auteur veut di-
re qu'il n'eft nullement neceflaire
d'employer aucune efpece de purga-
tifs irritans. Et alors la propolîtion
cft à couvert de toute cenfure.
Comme c'eft ici un fait de prati-
que , & qu'il eft important de le
bien entendre , nous avons cru cet
éclaircilïement nccelfaire.
Si lors de l'ufage du lait de va-
che , le ventre venoit à fe refferrer ,
&CJUC ce rederrenicnt caufât des
vapeurs ou autres accidens fâ-
cheux , notre Auteur confeille à la
malade , de recourir d'abord à des
lavemens d'eau de rivière & d'hui-
le , dont il remarque qu'elle s'eft
déjà bien trouvée , & ( en cas que
cela ne fufiit pas ) apprendre défais
À autre par la bouche en une feule do'
fe , une livre & demie de bonne huile
d'olive froide.
Aurefte , il lui permet pour fe
délarter un peu des foupes au lait ,
de .'eur fubftituer des crèmes faites
tantôt u"ec l'avoine mondée , tan-
tôt avec i\. '•ge aufli mondé 6c con-
E R , 1 7 î ?." , 79
cafTé , ou avec des grains d'épente ,
cuits long-tcms dans une fuffifante
quantité d'eau, puis palTcs par un ta-
mis de fove, y ajoutant enfuite moi-
tié lait de vache récemment tiré. Il
permet au<lî à la malade de prendre
avant fon lait ou fes crèmes , un ou
deux œufs frais cuits à la coque , Sc
d'y tremper quelques mouillettes
de pain ; mais il lui défend expref-
fément d'y mettre du fel , il lui or-
donne le fucrc à la place. Voici fes
termes : il fer. t permis anjfia la ma-
lade de prendre avant fon lait ou fes
crèmes , un ou deux œufs frais cuits
en coque , & dans lefqnels on trempe-
ra quelques mouillettes de pain fans
qu'on puijjè ajouter du fel aufdits œufs^
on peut y mettre un peu de fucre.
Comme fouvent on fe dégoiitc du
lait, fur quelques incommoditez.
paffageres qu'il caufe , & que par-
là on fe prive d'un fecours dont on
pourroit retirer de grands avanta-
ges , notre Auteur avertit la malade
que s'il arrivoit que le lait produi-
sît au commencement ou dans la
fuite quelque travail d'eftomac ^
des vomilTcmcns , ou des cours de
ventre , il ne faudroicpas pour cela
qu'elle le quittât , parce que ces
;iccïâens fiirviennent fouvent par un
refle d^alimens a la viande ^ qui far-
tent enfuite d! eux-mêmes & laiffent le
calme aux parties.
La Confultation finit par un
AvertilTcment qui n'eft pas moins
utile & dont un grand nombre de
gens ont bcfoin ; c'eft i°. que le lait
doit toujours être c4îauffé fur le teu, >
2°. qu'il ne doit jamais bouillir ,
3'^ qu'il doit encore moins être
écrémé.
8o JOURNAL DE
Il nous rcfte à parler des Obfcr-
vations de ce Livre , £î du Dif-
cours fur la peftc. Ces Obfcrva-
tions font au nombre de dix , fça-
voir, fur la cataradc, fur une éryfi-
pele négligée , fur l'ouverture du
cadavre d'une vieille Dame, dans
lequel on trouva les branches
pulmonaires , & la plupart des
artères, odcufcs ; fur l'ouverture du
cadavre d'un liomme blcifc au dcf-
fous de l'orcillc gauche ; fur l'ou-
verture du cadavre d'un homme
bleiïe à la poitrine & au bas-ventre
par un coup de feu ; fur un cancer
de l'œil-, fur le délire mélancholi-
que d'un homme qui croyoit avoir
des cfcargots dans le ventre -, fur
l'imagination d'une fiUequis'ima-
ginoit y avoir des ferptns -, fur
celle d'une autre qui fe croyoit la
Sainte Vierge -, enfin fur une cata-
lepfie & une épilepfie compliquée.
Nous rapporterons les Obfcrva-
tions concernant les efcargots , &
lesferpcns.
Un Bourgeois de Montpellier ,
âgé de 45 ans , & fujet à une coli-
que venteufe, avant un jour apper-
çû en pleine campagne , dans fes
déjedtions , deux ou trois efcargots
qui s'y étoient mêlés , crut que ces
animaux étoient fortis de fon ven-
tre , &: qu'il en avoir encore : cette
penfée lui caufa des inquiétudes
j-nortcllcs ; il attribua à ces ani-
maux la colique dont il étoit t.a-
vaille-, 8i rien de tout ce qu'on piît
Jui dire pour le tirer de fon erreur
n'étant capable de le perfuadcr , il
fallut pour le guérir de Ion imagina-
fion , fe fcrvir du ftratagCme iui-
S SÇAVANS.
vant : on lui ht acroire que plu-
ficurs perfonncs rendoient fouvent
de femblables animaux , mais qu'il
y avoit des remèdes fpécifiques
pour les faire fortir du corps , &:
qu'avec une Médecine particulière
on viendroit à bout de l'en délivrer
pour toujours. 11 confcntit à pren-
dre la Médecine ; on jetta adroite-
ment des efcargots dans ce qu'elle
lui fit rendre ; le mélancholique
voyant enfuite ces efcargots , & les
croyant fortis de fon corps , fut
guéri de fon délire.
Deux jeunes filles qui moilTon-
noient au mois de Juillet, fe fentant
prelTées de la foif , furent fur le
bord d'un ruiHcau , dont l'eau
étoit fort baffe ; n'ayant rien pour
en puifer , elles [e courbèrent & en
burent à la manière des animaux ,
quelque rems après l'une d'elles fut
travaillée d'un grand mal d'efto-
mac , & ce mal perlîftant , le Mé-
decin ordonna à la malade un
vomitif qui lui fit rendre par la
bouche des efpeces de petits poif-
fons , avec un petit ferpent aquati-
que , animaux qu'elle avoit avalés
en bûvant.Lorfqu'cUe les rendit,fon
amie qui étoit prefcnre , fe mie en
tête d'en avoir autant dans le corps,
pa ce qu'elle avoit bcu de la même
eau V & là delTus elle fe frappa fi
fort , qu'elle fcntit auflî-tôt dans
l'eftomac un boulverfement qui lui
fit dire qu'elle avoit des fcrpens
dans le corps , & qu'elle les fen-
roit remuer i la fièvre la fiilit , 8c
elle tomba réellement mal.ide. On
fut obligé , après avoir tenté inuti-
lement pluficurs remcdc; , de faire
femblant
F E V R I
Itrtîblant d'entrer dans fon fcnti-
ment : on lui ht prendre dans un
bouillon huit grains de tartre éme-
tique foluble , avec deux onces de
manne gralTe. La malade vomir, &;
fous prétexte de lui tenir la tête on
lui ferma les yeux Hms affedation.
Alors on tira de deiFous le lit un
grand plat de terre où l'on avoit
mis dans de l'eau , plufieurs petites
anguilles vivantes. Le vomiflement
étant fini , elle vit fes petites an-
guilles qu'elle prit pour des Ter-
pens , on n'eut pas de peine à lui
perfuader alors qu'elle n'en avoit
plus , & elle tut parfaitement gué-
rie.
Le Difcours fur la Contagion de '
la Pefte de MarfeiUe , qui cft Latin
& François , comprend deux par-
ties. Dans la première , M. Dcidier
entreprend de montrer contre M.
Chicoineau , aujourd'hui, premier
Médecin du Roi , que la pefte n'eft:
que trop effectivement contagicufe,
& dans la féconde , qui eft contre
M. Aftruc , que la contagion ne fe
tranfporte point par la imiple at-
mofphcre des atomes pcftilentiels ,
mais uniquement par un contaift
immédiat &c de durée.
M. Chicoineau a publié un Dif-
cours où il fc propofc de montrer-
que la pefte n'eft pas contagicufe ,
ôc M. Aftruc une Dilfertation où il
fc propofe de montrer qu'elle l'eft.
Le delfcin de M. Deidier dans la
Pièce qu'il donne ici , eft à ce qu'il
déclare , de pefer foigneufenient
les raifons de l'un & de l'autre ^
de les adopter ou de les combattre
fçlon qu'elles lui paroîtront favori-
Fevricr,
E R , I 75 j. 8r
bks ou contraires à divers évcnc-
mens dont il allure avoir été té-
moin , perfuadé , dit-il , qu'il ne
faut pas faire céder les expériences
aux fyftémes , mais les fvftêmeS
aux expériences. Il avertit qu'il eft
d'un fentiment partie confo me &
partie oppofé à celui des deux Au-
teurs donc il vient de parler ; qu'il
empruntera alternativement de l'un
de cjHoi répondre ^.iix objeBions de
raiitre , & qu'il efpere que mar-
chant ainfi au milieu d'eux , il évite-
ra les chiites. Nous renvoyons hs
Led:curs au Difcours même .^i faut
pour en juger iaincnient le lire en
entier.
Nous nous contenterons de rap-
porter la conclulîon de la Pièce :
N'oubliez )amais , dit M, Deidier
en s'adrejfant aux jeunes Médecins
de Montpellier ; n N'oubliez jamais
» l'avis falutaire que je vais vous
» donner avec toute l'afFedion d'un
» cœur paternel : c'cft que s'il arri-
» voit , ce qu'à Dieu ne plaife ,
= qu'on vous envoyât comme moi,
»dans desVilles infedccs, vous com-
>j menciez à affermir votre courage
» & celui des autres contre la ter-
» reur populaire ; & qu'à l'aide
» d'une bonne nourriture , d'une
» exaéle tempérance, & d'une foi-
» gneufe propreté , fans befoin
j) d'autre précaution , vous vous li-
» vriez hardiment à la curation des
« maladies. Ce fera là le moyen de
mvous attirer la rccompenfe du
» Seigneur, la joye de la confcience,
M la reconnoiffance de ceux que
» vous fauverez , les gratifications
» des Villes , la libéralité des Pria-
82 JOURNAL DES SÇAVANS,
» CCS, l'applaudifTcmcnt du public, »& les gloricufes marques de di-
» les bénédictions de tout le mon- » ftindion , dont vous me voyez
3> de , en un mot tous les avantages =» honoré,
HISTOIRE ECCLESIASTIÇrUE POVR SERVIR DE
continuation à celU de A4. VAbbè Flcury. Tome XXIX. depuis l'an i J4 j,
jnfiuen l'an 1550. Tome XXX. depuis l'an 1550. juf^u'en l'an 15^5. A
Paris, chez Pierre - Jean ^rfW«/e , rue S. Jacques, aux Colonnes
d'Hercules. I730. /«-4°. Tome zj' pp. 754. Tome 30' pp. 710.
CE S deux Volumes concer-
nent l'Hiftoirc Ecclefiaftiquc
pendant une partie du Pontificat de
Paul III. & pendant les Pontificats
entiers de Jules III. & de Marcel II.
Le principal objet de l'Hiftoire des
quatre dernières années pendant
Icfquellcs Paul III. a occupé le Siè-
ge de S. Pierre eft le Concile de
Trente , dont l'ouverture fe fit en
1545. & qui fut transféré à Boulo-
gne en 1 547. Tout ce que l'Auteur
rapporte fur un point (1 important
de l'Hiftoire Ecck-fiaftique eft tiré
de Palavicin , il s'cft auili quelque-
fois fei vi des Lettres de Vargas Sc
de Frapaolo. C'cft ce qui fait que
nous ne nous arrêterons pas à
en donner le précis. Il nous fulîira
d'obferver ici une particularité re-
levée par M. Fontanini dans fon
Traité de l'Eloquence Italienne.
Quoiqu'on n'eût point traité de
matières de doctrine dans les deux
Sellions du Concile tenu à Boulo-
gne , il y tut rcfolu de taire tradui-
re en Langue vul'^aire les Sermons
des Pères de l'Eglife & des anciens
Dodtcurs. Comme cette cntrcprife
parut devoir être très-utile , on en
charf^eaGalcas-Florimonte Evêque
de Séfla , qui fit impxipier à Venifc
en i5 5(f. & en 15^4. des Sermons
de S. Auguftn , deS. JeanChrifo-
ftomc , de S. Bafilc & d'autres Pc-
rcs de l'Eglife , traduits par lui en
Italien en deux Volumes ;«-4''. On
trouve à la tête du premier de ces
Volumes une Epître adreilée par
Flornnonte au Cardinal Marcel-
Cervin , où il parle de l'ordre qu'iï
avoir reçu du Concile pour travail-
ler à cette traduction. L'Ouvrage
de Floi imonte tut continué par Ra-
phaël Caftcucfi ôc Zeraphin , tous
deux Religieux Bénédictins de Flo-
rence , qui traduilîrcnt en Italiçn
d'autres Sermons des Percs de l'E-
glife. Ils furent imprimés .î Floren-
ce en léyi. en deux Volumes in-^°.
L'Hiftoire du Concile de Trente,
pendant les cinq années dont il sV
git dans le vingt neuvième Volu-
me , ne fc trouve interrompue que
par l'Hiftoire de l'Intérim , qui
ayant été fait dans la vue d'arrêter
les troubles d'Allemagne , n'a fair
que les augmenter , que par la ré-
volution qui eft arrivée en Angle-
terre par rapport à la Religion, fous
le règne d'Edoiiard VI. & par ce
qui regarde les progrès 5c les nou-
veaux établilTcmens de la Société
dont S. Ignace de Loyola eft le
Fondateur.
[^ E V R I
La mort de Paul III. arriva le
dixième Novembre 1 549. il étoit
âgé de 81 an 8 mois & 10 jours.
Après avoir tenu le Saint Siège 15
ans & 19 jours. On croit , dit notre
Auteur , que s'il eut vécu un peu
plus long-tems , il fe feroit ouver-
tement déclaré en faveur de la
France , dans le delfein de tirer
vengeance de la mort de fon fils
Pierre-Louis Farnefe , dontilfoup-
çonnoit fort l'Empereur. Au!Iî ,
dit-on , que quand le Courier ap-
porta à Charles V. la nouvelle de
la mort du Pape, l'Empereur die
au Prince Piiilippe fon tîls , qu'il
étoit mort à Rome un bon Fran-
çois , & qu'il ajouta. Je fuis afTuré ,
mon fils , que fi les parens du Pape
ont fait ouvrir fon corps pour l'em-
baumer , on y aura trouvé trois
fleurs de lys gravées fur fon cœur.
Sous le Pontificat de Jules III.
l'Auteur continue l'Hiftoire du
Concile de Trente tirée des Hifto-
riens qu'il avoir fuivis dans fa Rela-
tion des Seflions tenues fous Paul
III. aufquels il a joint quelques
traits que lui ont fourni les Adcs
recueillis par Nicolas Pfalme Evê-
que de Verdun , qui étoit lui-mê-
me un des Percs de ce Concile. Il
y joint pour l'Italie la guerre fur
l'affaire de Parme , pour l'Allema-
gne les guerres des Luthériens con-
tre Charles V. la prifon de l'Elec-
teur de Saxe , !k du Lanrgravc de
Helie , pour la France la guerre en-
tre Charles V. Se Henri Il.ies me-
fiires que prit Henri II. pour arrê-
ter le progrès du Calvinifme dans
(es Etats , pour l'Angleterre la con-
E R, ï 7 5 5. 8j
tinuation des changemens qui s'c-
toient faits fur la Religion pendant
les dernières années du règne d'E-
douard , & la reconciliation de
l'Angleterre avec le S. Siège fous le
règne de la Reine Marie. L'Auteur
s'étend beaucoup fur les movens
que Charles V. employa pour em-
pêcher le Cardinal Polus de paffer
en Angleterre en qualité de Légat
du S. Siège , avant le mariage de
la Reine Marie & de Philippe Prin-
ce d'Efpagnc.
Marcelll. fut fi peu de tems fur
la Chaire de S. Pierre , que notre
Auteur n'a eu, pour remplir cette
partie de fon Hiltoirc , qu'à faire
connoître le caradere de ce Pape ,
dont on a fait de grands éloges , &c
donner une idée des projets qu'il
avoit formés , & dont il avoir com-
mencé à exécuter une partie pour la
reformation de l'Eglife , tant dans
fon Chef que dans fes Membres.
L'Eglife auroit été heureufe , dit
notre Auteur , fi elle avoit pu con-
ferver long-tems un Pontife fi bien
intentionné. Mais pendant qu'il ne
s'occupoit que des mefures qu'il
pourvoit prendre pour extirper les
vices & les hèréfies , pour appaifer
les guerres & les divifions des
Princes , pour retrancher les pom-
pes & les dèpenfcs inutiles de.k
Cour Romaine, il fut attaqué d'u-
ne fièvre le il' jour de fon Pontifi-
cat, & le z t il fut faifi d'une apo-
plexie qui l'emporta la nuit fui van-
te. Qiielques perfonnes foupçonne-
rent que fon Chirurgien corrompu
par ceux qui craignoient la refor-
mation,i'avoit empoifonné en trai-
«4 JOURNAL DES SÇAVANS;
tant un ulccic caché , qu'il avoit depuis long tcms à h jambe.
.THEOPHILI- SlGEFRIDl - BAYERI , REGIOMONTANI ;
AcadcmiciPctropoIitani , Grarciirum Ronianarumque Anriquiratum
Piof Pub. Ord. Societ. Rcgi.v Bcrolin. Sod.ilis , Mufcum Sinicum , in
quo Sinicx Lincrux & Litteraturx ratio cxplicatur. Petropoii , ex Ty-
pographia Acadcmix Impcratorix 1730. C'cft-àdirc : Le Cibinet
Chinois ou l'on exflicjue m quoi conjîfle la Langue ds" la. Littérature Chi-
Tioife. Par Théophile - Sifroi - Bayer de Konigibcr^^ de C Académie de
Peterfboiirg, Profejjèur public & ordinaire des yinti^uite'^Gréqites & Ro~
maines ^ & de la Société Royale de Berlin. A Petcrfbourg , de l'Impri-
merie de l' Académie Impériale. 1750. /«-8°. z. Vol. Tom. I. pp. 14J,
pour la Préface , pp. 199. pour la Grammaire Chinoife. Tom. II.
pp. 57Z. Planches détachées XVI. pour le premier Vol. LVII. pour le
fécond.
L'HISTOIRE de la Littérature
Chinoife déduite dans la Pré-
face de cet Ouvrage , a fait la ma-
tière d'un premier Extrait imprimé
dans le Journal de Janvier. 11 nous
, Telle à rendre compte de la Gram-
maire Chinoife , du Didionnaire
Chinois &; de divers morceaux. qui
les fuivent l'une 6c l'autre.
I. La Grammaire e{t partagée en
deux Livres. Dans le premier ,
l'Auteur confîdere le Chinois com-
me une Langue parlée , Se dans le
fécond , il en traite comme d'une
Langue écrite. Car le Chinois à cela
de particulier & qui le diftinguc de
toutes les autres Langues connues ,
que fes caractères par leurs affem-
blages ne forment ni fyllabes ni
mots , & ne font que reprefcnter
en quelque forte les ob;cts qu'ils
défigmnt : d'où il arrive , qu'on ne
peut apprendre .à parler Chinois ,
que dans un commerce adidii avec
les naturels du Pays ; au lieu qu'on
peut entendre ieurs Livres Se les
expliquer , fans favoir un feul mot
de cette Langue. Il eft pourtant
vrai de dire qu'une légère teinture
de cette Langue parlée ne nuit point
à un Intei prête Européen.
C'ell: dans cette vue que M.Baycr
en donne ici les premiers élemens,
tels que les otîre le Dialcéle de la
Cour qui eft le plus pur de tous, &:
qu'on appelle Aiandanni(jite pour
le dill:Lnguer des jargons Provin-
ciaux. C'eft ce que l'Auteur exécu-
te en neuf Chapitres , 011 il traite
1°. des mots : 2°. du nom & de la dé~
clinaifon : 5°. des pronoms : 4". des
verbes & de leur conjugaifon : j°. des
adverbes & des prépojïtions : 6". des
conjonÛions : 7°. des imerjsElions :
8°. des degre^de comparai/on : <)°.des
noms de nombre. Nous indiquerons
fur tous ces points ce qui nous pa-
roîtra de plus fingulier.
1°. Le petit nombre de 550 mo-
nofyllabes conftituc le fonds en-
tier de la Langue Chinoif: parlée.
Mais ia multitude des tons ou ac-
F E V R I
cens qui diverfifient la prononcia-
tion de chaque monofvllabe , re-
médie à cette efpccc d'indigence.
Cette prononciation ell exprimée
ici fuivant l'orthographe Efpagno-
le Se Portugaile. A l'égard des tons
ou accens , que le P. Kircher a vou-
lu reprefenter avec afTcz peu de fuc-
cès par nos fons Muficaiix ut _, ré ,
mi ,fi-,fol'- le P. Triganh en a pu-
blié un Traité , divifé en trois Li-
vres. Ces accens font ou fimplcs ,
ou compofés. Les (impies, au nom-
bre de cinq, n'ont qu'un fon j les
compofés en ont deux , & l'on en
compte de ceux-ci neuf ou dix. On
peut juger de-là , combien les
mots Chinois fe multiplient ; car
chaque monofyll.;be prend diffé-
rentes fignifications , félon l'accent
qui le modifie \ Se tel monof . il^be
en reçoit jufqu'.i onze 3 par exem-
ple ,po ,co , Sec.
De plus, le même mot prononcé
avec le même accent fignifie plu-
fîeurs chofcs , enforte que la fuite
du Difcours eft; feule capable de dé-
couvrir en quel fens ce mot doit
être pris : ce qui ne fuffit pas tou-
jours, puifque celui qui parle eft
fouvent obligé pour faire entendre
le mot équivoque dans la pronon-
ciation , d'en écrire en l'air ou fur la
paume de ù main le caraâiere figni-
ficatif. De-là , ainfi que d'un accent
vicieux, nailTent les fréquentes am-
biguitez qui troublent le commer-
ce de la vie , Se qui induifent en er-
reu/:'-émoin la fauffeidée qui s'étoit
répanduL à la Chine , Que les bri-
ques en Euroue étoicnt aullî gran-
des que les plu; fpacieufes raailbns
E R ." 1755; 85-
des Chinois , &c cela , fur la inau-
vaife prononciation du monofylla-
be j qui en cette Langue figniiie
tantôt une brique Se t.mtôt un navi-
re : fur quoi rouloit la plaifanterie
de celui qui difoit que fi les briques
étoicnt de cette taille , quelle de-
voit donc être celle des fours où on
les cuifoit?
Les Chinois ne peuvent pronon-
cer nos cinq confonncsB, D,R,
X , Z , & les changent en P, T , L ,
S , S. Ainfi au lieu de Mana , ils
prononcent >^<:z//)'^ ; au lieu de
Chnftus , Kl II fa tu fa ; au lieu de
ces paroles hoc efl corpus meum , ha
ke ( hoc j Mffffi-i tu ( eft ) co ni pu fit
( corpus ) me vmn ( mcum ) &; fi im
Chinois entend le fon de ces p'aro-
les , fins lavoir de quoi il eit que-
ftion, il y donnera pluficurs fens
diffcrens , qui n'auront aucun rap-
port à la chofe fienifiée. Ce qui fut
une dts principales raifons ( dit
l'Auteur) qu'cmplo- a le P. Couplet
pour faire fcnrir à la Congrégation
de la P-'-opagunie la nLcellité de duc
la Mciïe en Chinois.
2°. M. Bayer obferve que le mê-
me mot en cette Langue peut être
fubftantif , adjeAif , verbe , ou tel-
le autre partie du difcours , fuivant
que le comporte la nature de la
chofe fignifiée : par exemple Jim
fionidejacrifice ^ Sije facrifie ; hin
fe prend pour/ê réjouir ^ j'>y^ , gti y
gayement : xo pour molle ffe ,]' amollis ^
mollement : ça _, poury^ méfie ^ méfié ,
mélange , confuférnent , Sec. Les ad-
jedits ne différent des fubftantifs ,
ni par la terminaifon , ni par le ca-
raftere i mais ils en font diftingués
96 JOURNALD
par la feule place qu'ils occupent
dans le difcours, où le plusfouvcnt
ils précèdent le fubltantif. Les
noms en général ne reçoivent nulle
inflexion qui marque les genres ,
les nombres &c les cas. On indique
le pluriel par la répétition du mot
même ■■, ou par l'addition de quel-
qu'une de CCS particules , lem ^ poy ^
men ; ou par la fuite du difcours.
Ainfi fiim eft un grenier , çamfam ,
des greniers j/ë'eft une couleur ,fefé
des couleurs , &c. Diverfcs particu-
les fuppléent au défaut Hes cas.
3°. Les pronoms font à tous
égards de même condition que les
noms. Les perfonnels font ngo, moi;
tii , toi ; ta , lui ; qui deviennent
poffefllfs par l'addition de la parti-
cule tie : ngo tie ^ mon ; ni tie , ton ;
ta fie ^ [on. Che , pronom relatif fe
met ordinairement à la lîn de la
phrafc •, par ex. ngo kjen lin ngo che ,
je vois regarde moi cjui ; c'cll-à-dire,
je vois ejui me regarde.
4°. Dans les verbes , l'adif &Ie
-paiîîf ne diffèrent que par la place
qu'on leur donne: l'actif précédant
"toujours fon régime , &le pafîîffe
• mettant après , avec les particules
fi & guci entre deux , dont la pre-
-miere fignifie recevoir : ainfi ngo
ngai ta veut dire à la lettre moi aime
ton 8c ngo pi ta tie ngai , qui tient
lieu du paffif, j: reçois fon amour;
c'eft-à dire , je fuis aimé de lui. Ces
verbes ont un prefcnt , un impar-
'fait , un jjarfait & un futur. Ces
■ j derniers tems s'expriment à l'aide
«•de certaines particules , fa voir de
'yia xi kjen ou na xi cie , pour l'im-
""■^àxhit; déplia leao^ pour le parfaitj
ES SÇAVANSi
de ciam^ pour le futur. Sur quoi
il eft bon d'obfervcr quelle eft la
force de chacune de eus particules.
Xi employée pour l'impai fait Cigni-
f[C alors; ainfi ngo n.t xi kjen onn*
xi cie ngai , fignihe j'aime alors ^
c'eft-à-dire J'aimois. QuoUao , qui
défigne le partait , veut dire fu-^af-
fer la fin ; ainfi ngo ngai tjtio leao fi-
gnifie moi aimer ou mon amour paffè
ta fin , c'eft-à-dire ,fai aimé ^ com-
me qui diroit c'efl une chofe finie.
Ciam^ qui marque le futur fe prend
pour \xne lance & ^ovlX lancer , at-
teindre de loin -, ainfi ngo ciam ngai
eft proprement je frappe de ma lan-
ce ^f atteins de loin l'amour , c'eft-à-.
dire , j'aimerai. Qiiant aux modes ,'
on met avant le verbe pour l'optatif
les particules pa pu te , uiinam : SC
l'on ufe de circonlocution pouK
rimperatif:ainfi,dans l'Oraifon Do-
minicale , au lieu de ces mots , don-
ne-nous aujourd'hui notre pain , ils
difent nous efperons que tu mus don-
neras , 5cc.
5*^. 6°. 7". A l'égard de ce que les
Grammairiens nomment particules
indéclinablet ^ la Langue Chinoifc
( dit l'Auteur ) n'a proprement ni
adverbes , ni prépofitions : & ce
qui nous y femble en faire l'effet
n'cft qu'un tour de conftrudion
fort éloigné de nos manières. Auflî
emplovc-t-on fouvent ces préten-
dus adverbes 5c ces prétendues pré-
pofitions pour des noms & des ver-
bes. L'ufagc des conjonclions eft
peu fréquent. M. Bayer nous don-
ne ici des Catalogues étendus de
toutes ces particules.
8°. & 9°. Il n'oublie pas celles
F E V R I
qui font deftinées à marquer les di-
vers degrez de comparaifon; & il
en compte neuf tant pour le com-
paratif que pour le liiperlanf. Les
noms de nombre font un article
alTez long. En voici les principaux:
je , un ; ni , deux sjan , trois \fn ,
quatre ; « , cinq j lo , fix -, cie , fept;
fa , huit; kj^U' , neuf-, xe , dix ; xe
ye j onze ; xe ul^ douze , &c. pé ,
cent ; ni fê , deux ctns\ fan pé , trois
cens, &c. cien ^ mille ; ul cien^ deux
mille j fan cien , trois mille , &c.
van , dix mille j ni van , vingt mil-
le ; xévan , cent mille ; yépévan ,
tin million ; pé pé van ^ cent mil-
lions. Les Chinois ont leurs adver-
verbes numéraux , une fois , deux
fois , &c. Ils ont encore plufieurs
termes fuperflus , qu'ils joignent
au dénombrement qu'ils font de
différentes chofes fpécihées par
l'Auteur jufqu'au nombre de 39,
qu'on peut voir chez lui. A la fin
de ce premier Livre , on trouve
huit planches , fur lefquellcs M.
Bayer a fait graver les caractères
Chinois qui ont rapport aux mors
employés dans ce Livre , & auf-
quels il a foin de renvoyer par des
chiffres.
Dans le fécond Livre de cette
Grammaire il nous entretient de
la Langue écrite des Chinois & de
leur Littérature en cinq Chapitres,
dans lefquels il s'agit i". de \' écritu-
re Chinoife ■■, 2°. des caraSleres Chi-
nois en gênerai -, 3°. de la nature & de
l'a,:.^lo^ie de ces caraUeres \ 4°. des
DiHionn^.i-'-es Chinois; ^°. de r élo-
quence Chinoif^
I. Pour nous mettre mieux su
E R ; 1755^ 87
fait de l'écriture des Chinois en
général, M. Bayer nous informe d'a-
bord de tout ce qui concerne leur
papier , leur encre , leurs pinceaux
qui leur fervent de plumes , leur
Imprimerie , &C quelques autres
points relatifs au même fujet. Leur
papier fe fait de l'écorce intérieure,
cendre & blanche de l'arbrifTeau
qu'ils appellent Bambit , en Langue
Provinciale, Fam-pn , en Langue
Mandarine, ( comme qui diroic
cotton du Pays ) d'oii les Perfans Sç
les Arabes ont pris leurs moisBam-
buk^Pambut::^ ,P ambeh , lesGrecs leurs
&c les Romains leur Bombyx, Les
Chinois travaillent cette matière
en la triturant dans l'eau à peu
près comme les Eg)'ptiens tra-
vailloient leur Papyrus , & comme'
nous faifons notre papier de chif-
fon. Ils en tonnent des feuilles de
dix à douze pieds de long , &i fi
minces qu'elles ne peuvent loûte-
nir l'imprclllon des plumes , ni ctiC
écrites au revers. Ils ne les collent
point , comme on tait parmi nous,
mais ils les fortifient feulement
avec l'àlun , qui les rend lilTes &
luifantes & empêche qu'elles ne
boivent. Leur grande hncffe les ex-
pofe aux injures de l'air &: de la-
vermine , en forte que les Livres
des Bibliothèques Chinoifes ne
font nullement comparables à nos
Manufcrits pour l'ancienneté.
L'Auteur enfuite parle de l'encre
Chinoife dont il donne la compofî-
tion ■■, & des pinceaux avec lefquels
on écrit , dont la taille efl propor-
tionnée à la groffeur des caradercs^,
88 JOURNAL DE
& qu'ils empoignent par le milieu
pour écrire comme on peut le voir
dansk Chincillitftrée du P. Kircher.
La belle écriture cft tellement en
crédit parmi ces peuples , qu'il fuf-
fit à un Lettré d'écrire mal , pour
être déshonoré , & pour être re-
s^ardé comme indigne de parvenir
a aucun grade. L'Imprimerie étoit
chez eux en ufage ( s'il faut les en
croire ) 3 50 ans avant l'époque Dio-
njflenne. L'Auteur en expofe ici la
manœuvre , & nous y renvoyons
ie Ledeur. Du reftc , les Chinois
écrivent par colonnes perpendicu-
laires de haut en bas , &: difpofent
ces colonnes de droite à gauche :
forte d'écriture, que Diodore de Si-
cile (dit rAuceur)attribuc aux Infu-
laires de Taprobane , que le Scho-
liafte de Denysle Géographe appel-
le Jt'OïniTci'y & Euilathe «•UfJuAÔv >ta1a
/eâ3>oî j c'eft-à-dire en colonne Hc en
Tour de haut en has,
z. On eft en peine de favoir fi
les caradleres Chinois ont quelque
chofe de commun avec les hiero-
glvphiques Egyptiens , ou avec les
caradleres qu'employoient les Me-
xicains pour conferver le fouvenir
des principaux évenemens de leur
Hiftoire. M. Bayer cft perfuadé
que les caractères Chinois ne ref-
fembient ni aux uns ni aux autres.
Dans les hiéroglyphiques d'Egyp-
te , il y avoit du mvftericux , puif-
quc fous l'apparence d'un certain
objet rcprefenté ils en fignifioient
un autre , & que la figure d'un ef-
carbot , par exemple , indiquoit ,
non cet infedte , mais le Soleil.
Dans récriture Mexicaine , aucon-
S SÇAVANS,
traire , les figures fe prenoicnt prc-
cifémcnt pour ce qu'elles reprcfen-
toient i un fleuve pour un fleuve ,
un aigfc pour un aigle , &c. Rien
de pareil dans l'écriture Chinoifc ,
dont les lettres ne font formées
que de lignes droites &; de lignes
courbes différemment fituces Sc
combinées.
Ces lettres ( dit l'Auteur ) fem-
bleroicnt plutôt avoir quelque rap-
port avec ces caradtercs Latins in-
ventés par Ennius , perfeclionnés
par Tyron affranchi de Ciceron , Sc
par quelques aurres -, & par le
moyen dcjquels on venoit à bout
d'écrire prefqu'aulll vîre que l'on
parloir. Mais ces Notes Romaines
( pourfuit M. Bayer ) étoient pure-
ment arbitraires , n'ayant entre el-
les aucune liaifon , aucune analo-
gie fyftématique; au lieu que les
caracleresChinois ont leurs racines,
pour ainfi dire , qui en découvrent
les premiers veftigcs & font apper-
cevoir toute l'écono.mie de leur
compodtion,
Qiiant .\ l'origine de ces racinci
mêmes , l'Auteur croit qu'on
pourroit la chercher dans l'ancien
Livre Chinois appelle Te-k^w , dont
toutes les lettres ne font que des
lignes droites fituces horizontale-
ment &c différemment combinées ,
comme on le voit dans ce Volume:
genre d'écrire, que Joachim Bou-
vet [ dit l'Auteur ] a voulu trop
fubtilement comparer avec l'Arith-
métique binaire de M. Letbnitz ^
&c que lui ( M. Bayer ) croit tout
fimplcment avoir fourni la premiè-
re idée des caractères Chinois, peu
compofci
F E V R I
compofés Si en peîit nombre , dans
les commencemens , mais qu'on a
prodigieiifement multipliés dans la
Alite , en combinant cnfeniblc les
anciens , & parle privilège qu'ont
Jes Magiftrats d'en introduire de
Houveaux , quand il leur plaît.
Les Chinois ont différentes for-
tes d'écritures, dont M. Bayer nous
offre ici des échantillons, il y a l'é-
criture droite ou quarrée ( ch'nn eu )
l'écriture courante ( çao ça ) l'une
& l'autre en gros & en petits carac-
tères de plulieurs degrez : il y a une
écriture particulière que l'on grave
fur les fccaux & fur les cachets.
Parmi ce grand nombre de carade-
res, on en compte 400 radicaux,
d'où dérivent tous les autres. Il
faut en connoître près de 7000 ( dit
l'Auteur ) pour être en état d'en-
tendre les Livres d'un ufage com-
mun & facile. Si l'on veut s'enga-
ger dans la lc(5î:ure des Livres plus
Jciemifiijiues ^ tels que les Livres
J'Hiftoire , de Philofophie , de
Médecine , de Poëae , &c -, il faut
avoir fait une provifion bien plus
ample de caraderes , & en poffedcr
jufqu'à 15000. On a recours aux
Dictionnaires pour le furplus : car
l'écriture Chinoife a jufqu'à 80000
caraderes.
3. Les plus fimples caraifleres, &
qui font fi<^nificatifs par cux-mê-
yncs, confiftent en des lignes ou
traits plus larges par une extrémité
que par l'autre, qui fe terminent en
pointe -, diverfement fitués ou tra-
.cés , c'eft-à-dirc horizontalement ,
perpendiculairement & recourbés
en crochet ; obliquement de droite
Février,
E R , T75 j. S9
à gauche &: au contraire -, en forme
de virgule renflée par le bas com-
me une larme ; en équerre ou po-
tence dreflce & tournée à gauche -,
en L , ou en Z. Ces caradcres pri-
mitifs font au nombre de neuf ^
dont les noms fignifient i. & 9.
V unité , 1. la relation entre le fitpe-
rieur & P inférieur , 3. un crochet , 4.
{'humide radical , 5 . la chaleur natu-
relle ^ 6. \s. domination , 7. & 8. ce
que l'Auteur nomme caraSleres la-
ter.rux , Se dont il ignore la fignifi-
cation. Deux de ces caractères lim-
ples joints enfemble forment les
féconds ; trois , les troilîémes v
quatre , les quatrièmes , & ainfi de
fuite ; £c les caraderes qui refultcnt
de ces jorfdiions , font réputés en-
core fimples caradtercs. Ces der-
niers pris deux à deux, trois à trois,
quatre à quatre , &c. en forment
d'autres plus compofés , parmi Icf-
quels celui qui naît de l'union de
deux plus fimples pafle pour la ra-
cine de celui qui fe forme par l'ad-
dition d'un troifiéme caradcre pri-
mitit , & ce triple caradere fera la
racine de celui que produira la jonc-
tion d'un quatrième ; & ainfi de
fuite ; enforte , qu'une même lettre
tient lieu de racine &c de branche ;
de racine , par rapport au caradtere
plus compofé; de branche, par rap-
port au caradere plus fimple.
Sur tout cela , l'Auteur fait ces
cinq Obfcrvations : 1°. Que quel-
ques caraèleres doivent être ccnfés
des plus fimples , quoiqu'ils pa-
roificnt compoCcs : 2°. Que les let-
tres les plus fimples reçoivent quel-
quefois dans leur figure quelque
M
90 JOURNAL DE
légère varieré , fur tout dans récri-
ture nommée çao , dont on a parlé
plus haut : 5". Qu'on remarque
îbuvcnt dans les caradcres compo-
fcs une grande variété pour la ter-
me des caradlcrcs Imiples , que
ceux-ci ne confcrvcnt plus hors de
cette compohtion : 4". Qu'il y a
certains caradlcrcs (impies , qui
dans la compoiltion perdent totale-
ment leur première forme , pour
en prendre une nouvelle , qui par
elle-même ne fignifie rien , hors de
cette coinpofition : 5°. Qiic fi par-
mi les divers carafteres , lefquels
dans les planches ici gravées occu-
pent les cellules égales qui parta-
gent ces planches , il s'en rencon-
tre quelques-uns dont les traits ex-
cederoient l'efpace qui doit les ren-
fermer , on accourcit ces traits ; &c
que fi au contraire, quelques autres
de ces lettres ont leurs traits trop
refferrés pour remplir la cellule qui
leur eft deftinée , alors on allonge
ces traits. L'Auteur a foin de mettre
fous les yeux du Leéleur par plu-
sieurs planches , des exemples ou
des preuves de ce qu'il établit dans
ces cinq Obfervations.
Du relie , il paroît que les Chi-
nois , dans k compofition de leurs
caraderes , ont fuivi quelque forte
d'analogie 8c de rapport entre les
idées que dévoient réveiller ces ca-
ractères. Nous en alléguerons quel-
ques exemples, d'après M. Bayer.
hiicnc Hoam qui fignifie la /î^<»-
jejîé Souveraine eft compofée de la
lettre pe , qui fignifie blanc , & de
la lettre F'am ^ qui fignifie ^0/; &
la xaifon pourquoi le Roi blanc le
5 SÇAVANS,
prend pour la M.'.jcjîé Suprême -,
c'eft , comme le con]eiflure notre
Auteur , que fous le règne des Em-
pereurs Chinois de la féconde fa-
mille de Xam , ces Princes taifoicnt
porterdcvanteux un ctandartblanc,
6 donnoient à cette couleur la pré-
férence -, comme on a via d'autres
familles de ces Empereurs la don-
ner au noir , au pourpre , & com-
me la Maifon régnante a fait choix
du jaune. Maintenant, le caradere
Pe qui veut dire IjLdic , eft formé
du caraiflcre Ge (k Soleil ) & du ca-
raélere Chu ( émmence ) comme
pour fignifier que la blancheur eft:
d'un éclat comparable au Soleil le
plus (levé fur l'horizon. De plus , la
lettre Gé ( Soleil ) eft compofée des
caracflercs Keu [ bouch: , vipige ] &
ye {un) comme pour dire que le
Soleil eft Vumcjne vifage du monde
entier. Enfin , le caratîlere f^am
(Roi) refulte des deux lettres ^f
{ un) Se Kuen ( le rapport du Supé-
rieur à l' inférieur. ) Ce qui peutdé-
figner la Royauté.
Voici encore quelques exemples
allégués par l'Auteur & qui confir-
ment ce qu'il vient d'avancer tou-
chant l'analogie obfervée par les
Chinois dans la compolition de
leurs lettres. Il s'agit de celles où
entre le caradrere^fw ( dire , parler.)
M. Bayer pafte en reviàc fcpt de
ces lettres , qu'il anatomifè pour
ainfi dire : favoir , 1°. Kt (fe rejfou-
venir ) compofée à'yen ( parler,! 8c
de ki ( (ifoi ) parce qu'en fe rejfoit-
venant on s'entretient avec/ô; mê-
me : 2°. Tu [colloque^ formée à'yen^
de « (^cinq) & de k^u (bouche)
F E V R
earceque dans un collo(jue plufieurs
vouches parlent i cinij eft ici un
nombre certain pour un incertain :
3°. Xan ( fe vanter ^ fe glorifier)
compofée à'yen &: de xan { monta-
gne ) comme pour fignifier dire
monts 8c merveilles : 4°. Fi ( chit-
cheter^murmurer){oïmét d'yen &: de
fi ( rien ) car murmurer eft en quel-
que façon ne rien dire : j°. Sin
( croire ) èijen &c de gin ( homme )
car pour croire ^ il faut que quel-
qu'un , quelque homme ait parlé :
é°. Xe ( expliquer ) d'yen , de fui
( tout ) & de yen ( ligne , fiimme )
parce que pout explujuer ^ il laut
parcourir toutes les lignes , tous les
articles de la chofe qu'on veut ex-
plitjfuer : 7°. Ho ( reprendre ) d'yen &
de kp {je puis) car h repréhenfion
fuppofe quelque pouvoir ^ quelque
autorité fur celui qu'on reprend.
4. Les remarques précédentes
peuvent déjà donner quelque idée
de la méthode que fuivent les Chi-
nois dans la conftrutfbion de leurs
Didiionnaires. L'Auteur en fait ici
un dénombrement. Il y en a d'a-
bord quatre principaux ; favoir ,
1°. le Chim fu tum , ou ^Interprète ,
le Dépenfier , le Difpenfateur du
caratlere droit ( dont on a parlé
plus haut) & qui fe trouve dans la
Bibliothèque de Berlin : 2°. Le Ta
fu guei j ou le grand Recueil Litté-
raire : de ces deux Lexiques, le
premier contient plus d'érudition
& un plus grand nombre de fignifi-
cations •, le fécond eft mieux digéré
& d'une plus grande utilité : 3'. Le
Stao fii guei , ou le petit Recueil Lit-
téraire ^ divifé en 8 petits Tomes ,
I E R, T 75 5. 9t
011 font omis les caraiîlcres les plus
rares , & qui fc prefentcnt à peine
une feule fois dans des Volumes
entiers : 4°. Le Hai pien , ou la
pleine mer ^ qui renferme les cara6be-
res les plus anciens , & qui fe voie
dans quelques Bibliothèques de la
grande Bretagne.
Outre ces Lexiques , il y en a
quelques - uns qui font le fruit du
travail des Miftionnaires Euro-
péens , & dont nous avons déjà dit
quelque chofe dans notre premier
Extrait -, favoir , le Dictionnaire
Chinois & Efpagnol de François
Dias , confervé dans la Bibliothè-
que de Berlin ; & dont M. Bayec
a tiré quelque fecours : 2'. celui
du P.Lazare Catanée Jefuite,écrit en
caraderes Latins, aufquels l'Auteur
ignore fi l'on a joint les lettres Chi-
noifes: }°. &4°. ceux des PP. Tri~
gault & Semedo , en caraderes
Chinois : 5'. celui de Chrétien
Hertric , Chinois & Latin , mis
fous prefte à Vienne en Autriche,
Se demeuré imparfait par la mort
de l'Auteur : 6°. le petit Didtion-
naire Latin - Chinois , imprimé à
Pequin en papier rouge , & réim-
primé prefque mot pour mot à
Nuremberg en 1685. par les foins
de A/enzd.
Quant à la méthode qu'obfer-
vent les Chinois dans la compofi-
tion de leurs Dictionnaires : la voi-
ci , telle que la décrit notre Auteur.
La lettre qu'ils veulent expliquer
s'imprime d'abord en caractère
majufi^ule ; pour frapper davantage
la vue du Ledeur ; & fous ce carac-
tère font placées deux colonne*
Mi/
S2 JOURNALD
icmplies de pli'.ficurs lettres , dont
les premières indiquent l.i véritable
prononciation du caini5lcrc à inter-
préter , & les autres en fourni (Tent
l'explication , 6c marquent les dif-
férentes fignihcations donc il peut
être fufccptible. Pour indiquer la
véritable prononciation du carad:e-
rc, les Chinois ufcntd'un artifice
afTez llngulicr. Qiiclques exemples
le rendront plus intelligible que ne
pourroit le faire un long difcours.ll
eftqueftion d'expliquer dans le Dic-
tionnaire quelle doit être la pronon-
ciation du caradcrc Tayi [fini , /im-
pie ^fngitUer : ] On écrit au-deifous
les lettres ta , nan-, de ^ fuppofccs
plus connues que tan , &c dont la
dernière CignAe coupez, en deux: ce-
la veut dire , prenez la moitié de ta
qui eft f , & la moitié de n^m , qui
cfl an , joignez enfemblc ces deux
parties , & vous aurez la vraye pro-
nonciation du caraiftere dont il s'a-
git , qui cU tan. Les deux lettres ta
&c nan ont leurs lignifications parti-
culières , mais qui n'entrent pour
rien dans cette explication que l'on
cherche. Autre exemple : on veut
favoir comment fe doit prononcer
le caractère chu ( hafe , fondement )
on trouve écrites au-delfous^dans le
Di<5tionnaire , ces lettres : chi , yu,
de , yn , chu \ c'eft-à-dire , coupez
chi Se yu ^ vous aurez ch d'une part
èc H de l'autre -, joignez ces deux
pièces , elles feront chu , qui cft le
vrai fon ( y» ) du caractère , dont
vous cherchez la prononciation ,
&c.
A ces Notions générales con-
cernant les Lexiques Chinois fuc-
ES SÇAVANS;
cède un détail plus circonftan-^
cié de l'ordre qu'a (uivi dans le
fien M. Bayer. Il l'a divifé en 14
Chapitres, qui contiennent autant
de clalTes différentes de caraâ:eres
radicaux fuivis de leurs dérivez. La
première claflc n'offre que les neuf
lettres primitives , dont on a parlé
plus haut , Se qui ne font que de
fimples traits : la féconde contient
les caraderes formés de la jontftion
de deux de ces lignes flmplcs &
primitives , qui compofcnt la pre-
mière claffc : la troificme renferme
les caraderes qui rcfultent de l'u-
nion de trois lettres primitives :
dans laquarriéine & la cinquième
clalTe , où quatre & cinq lettres
primordiales s'uniffent , les cara<5te-
rcs commencent à devenir peu-à-
pcu plus compliques ^ Se formés
non (euleincnt de ces premiers
traits tout fîmples de la piemiere
clafTe , mais encore de deux des
moins compofés de la féconde : la
huitième eft plus fertile en racines
formées des caractères fimples , 8c
les clafTes fuivantes le font de plus
en plus.
L'Auteur avoiie que dans l'ar-
rangement defon Didionnaire, il
anroit pu mettre encore plus d'e-
xa(ilitnde & de régularité ; mais U
prétend que pour n'avoir là delfus
rien à fc reprocher , il lui auroic
fallu entreprendre un Didionnaire
Chin -is univerfcl, pour lequel il
n'avoit pas à beaucoup près les pro-
vidons nccelTaires. Il laifTe donc à
des Savans plus heureux & plus
riches en ce genre à conduire un pa-
reil Ouvrage au point de perfecr
F E V R I
tion où il peut ctre porté. Il a fans
doute en vue MM. Fourmont lorf-
qu'il s'exprime en ces termes ; Se il
ne fe trompe pas ; mais il iqnoroic
alors que l'entreprifc tût auffi avan-
cée , qu'elle l'eft , c'e(l-à-dire que
leur Didionnaire , ou pour parler
plus Julie , leurs Di(flionnaircs Chi-
nois de toute efpece fulTent entière-
ment achevés S<. tout prêts à pu-
blier , aulli - bien que leur Gram-
maire pour la même Langue.
5. M. Bayer ne nous donne pas
une grande idée de l'éloquence des
Chinois. Il nous les reprefencc dans
tous les tems comme beaucoup
plus curieux de bien faire , que de
bien dire. Ils ne laiflent pas de s'é-
noncer fuffilammcnf, mais leur fty-
le eft concis &c laconique , quel-
quefois obfcur , & l'es traits ont
moins de vivacité & de gentillefTe
que de vérité. Leur Dialedique eft
des plus foibles , & ils ne font nul
ufage de la Méthode, lis obfervent
cep;ndant un ordre merveilleux
dans leuis Annales i mais cet ordre
reçoit fouvent un préjudice notable
par l'obfcurité du difcours. A l'é-
gard de leur Pocfie , l'Auteur en
parle ici par l'organe de M. Fréret ,
ayant traduit en Latin l'Extrait du
Mémoire , dans lequel cet Acadé-
micien examine ce point de la Lit-
térature Chinoife -, Extrait, quife
lit dans le troifiéme Tome de l'Hi-
fioire de l' Académie desBellei-Lettres^
fag.ti^.Sm quoil' Auteur fait quel-
ques remarques, aufquelles nous
icnvoyons.
Nous en faifons autant par rap-
port aux trois pièces qui tciminent
E R , 175 5: pj
le premier Volume de ce Cabinet
Chinois , & qui font i". la Gram-
maire de la Langue Vulgaire que
l'on parle dans le Chin-cheu , petite
Province de la Chine : 1°. une let-
tre écrite par les Mifîîonnaiics.Da-
nois de Trangitambar que nous pro-
nonçons Trancjnehar , dans laquelle
on trouve quelques particularisez
concernant ces Pays Orientaux :
3°. La propofiBon d'une Clef
Chinoife taite par André Âitiller.
IL Le fécond Volume de cet
Ouvrage comprend i". le Diction-
naire Chinois , fuivi de fon inter-
prétation Latine , laquelle y ré«
pond par des chiffres : 2°. L'ElTaî
il'un Lexique pour ks Dignitez 6C
les Charges tant Civiles que Mili-
litaires : 3°. La vie du Philofophc
Confuciits réimprimée fur l'Edition
de Goa de l66^. 4°. La Philofophic
du même Cotifucms , avec une vcr-
fion Latine & quelques Scholies :
5°. Le commencement du Livre
Siao ni htn qui contient les origines
Chinoifes , avec la verfion Latine ,
& les Commentaires de Monfieur
Bayer : 6°. La dodrine des tems
félon les Chinois : 7°. Un Traité
des poids & des mefures de ce mê-
me Pays : 8*^. L'Obfervation del'é-
clipfe Solaire du 19^ Avril 166^.
Nous dirons quelque chofe des
Origines Chinoifes.
Le Livre qui en traite a pour ti-
tre Shto-id luit , c'eft'à-dire Vlnftruc-
tion du jeune enf.mt ; & ce qu'on en
public ici efl: proprement l'Hiftoire
rabulcufeduPays , laquelle on fait
remonter jufques aux tems les plus
reculés , ôc pour ainfî dire jufqu'i
94 JOURNAL D
la création du monde. On y voit
d'abord l'origine de tous les ctrcs
corporels produits par l'MWi con-
formément au Syltcmc de Th.ilès ,
qui , fclon notre Auteur, l'avoir
emprunte des Phéniciens. Paroît
enfuite Vy^ngufle famùU du Ciel ^
compoféede treize hommes , tous
frères , les uns plus grands , les au-
tres plus petits , Icfquels vivent
chacun dix-huit mille ans : puis
\ Augure famille de la terre , com-
pofée d'onze frères , les uns grands,
les autres petits , qui vivent aulll
chacun dix-huit mille ans. Vient
après cela V Augufte famille des hom-
mes au nombre de neuf, tous frères,
qui vivent chacun 45 milles fept
cens ans. A celle là fuccede la^-
mille friiciifiame , qui enfeigne aux
hommes la culture de la teire , &
la manière de conftruire des habita-
tions j puis hfiimille des forgerons ,
qui s'occupe à fondre les métaux
& h. cuire différentes chofes. Cela
cft fuivi du dénombrement de plu-
fieurs familles qui ont régné , dont
on voit la fuccelÏÏon , & les années
de chaque règne -, & quelques-uns
de ces règnes font marqués par
quelques faits mémorables , tels
que la nailTance d'un Serpent à. tête
d'homme , qui invente les fons de
la Mufique , qui exerce la Médeci-
ne , & qui établit huit efpeces de
Sorts : la nailTance d'un homme à
ES SÇAVANS,
tcte de boeuf, qui conduit la chair-
ru-Jfurles collines , qui cl^ Méde-
cin Si qui écrit de la Mcdccine,C^c.'
Sur un Texte aullî court que ce-
lui-ci , M. Bayer nous donne une
Glole très-étendue , dans laquelle
il étale beaucoup d'érudition tant
Orientale que Gréque , pour faire
fentir les rapports qu'on peut ap-
percevoir entre ce Texte Se celui
des premiers Chapitres de la Géné-
fe ; entre cette Mythologie Chi-
noifc Se quelques articles de la My-
thologie des Grecs. On s'imagine
bien que dans un fcmblable paral-
lèle les Géans nés de la terre ne font
pas oubliés , non plus que la pre-
mière Ville du monde bâtie pat
Hénoch fils de Caïn ; Tubalcaïn,
le père des Forgerons , Jubal , celui
des Joiieurs d'Inftrumens de Mufii-
que ; Cecrops premier Roi d'Athè-
nes , moitié homme Se moitié Ser»
pent; les neuf Patriarches qui ont
vécu depuis Adam jufqu'à Noë , 8c
plufieurs autres rapports , que nous
ibmmes contrains d'omettre, pour
abréger , ainfi que diverfes refle-
xions fenfées de M. Bayer , fur ce
qui concerne la Chronologie Chi'
noife , à l'occafion de celle qui eft
cxpofée dans le Livre qu'il s'efforce
d'expliquer Se de rendre plus intel-
ligible qu'il n'a paru l'être jufqu'à
prefent.
FEVRIER; 1735;
^5
HISTOIRE DE I3ANEMARC,AVANTET'DETVIS
l'étabHjfement de la Monarchie : pi.r AI. J. B, Defroches , Ecnyer-Con-
feiller & Avocat Gènènzl dit Roi très-Chrétien , au Bureau des Finances CT
Chambre du Domaitic de la Génc^ali/é de la Rochelle. Nouvelle Edition ,
revue & corrigée fur l'Edition d'Hollande ; à laejuelle on a joint la fuite de
la même Hifloire jufqit'en l'année 173 2, A Paris , chez les Frères Barbou^
Libraires, rue S.Jacques , aux Cicognes. 1752. in-\z. 5. vol premier
vol. pag. 3J3. 2' vol. pag. 570. j* vol. pag. 4^2. 4° vol. pag. 41e'.
5' vol. pag. 430. é' vol. pag. 454. 7* vol. pag. 344. 8' vol. pag. 571,
5* vol. pag. 175.
NOUS n'avons eu jufqu a
prefenr en François que des
Morceaux détachés de l'Hiftoire de
Danemarc , ou des Abrégez très-
fuccints de l'Hiftoire générale de
ce Rovaume , dont le meilleur
ctoit celui qu'on lit dans la Tra-
duction Françoife de Vint odudion
à-l'Hiftoire de l'Europe de Puffen-
dorf. C'eft ce qui a fait croire à des
Libraires de Paris , qu'ils ne pou-
voicnt trop fe prcfTer , de réimpri-
mer l'Hifloire de Danemarc que
JM. Defroches a fait imprimer de-
puis peu en Hollande. Son dcife.n
etoit de la dédier au Roi Fride-
ric IV. Mais ce Prince étant mort le
12 Novembre 1750. avant que cet
Ouvrage lui eut été prefenté, l'Au-
Ccur prit le parti de le dédier au
Roi Chriftian VI. C'eft ce qui a
donné lieu aux deux Epîtrcs Dédi-
catoires qui font à la tête du pre-
mier Volume.
Elles font fuivies d'une Préface
Hiftorique , dans laquelle l'Auteur
traite quelques matières importan-
tes qui méritent que nous en ren-
dions ici un compte détaillé. Le pre-
mier article regarde la fuccelHon à
la Couronne de Danemarc. Notre
Auteur prétend qu'elle a été pure-
ment héréditaire , jufqu'au règne
d'Abel qui eft monté fur le Thronc
en l'an i 250. & que quand le peu-
ple renonça au droit d'élire fon
Souverain fous Frideric III. il ne fit
que rctabhr l'ancienneConftitution
duGouvernement.Ainfi le droit d'é-
ledion que les Etats s'étoient attri-
bué , félon M. Defroches , étoit
ufurpé y d'où il conclut qu'il ctoit
injufte, nul & illégitime i auffi,
dit-il , que les Nobles & le Clergé
n'ont fait valoir ce droit d'éledion,
que contre les Princes foiblcs & qui
avoicnr bffoin d'eux , & qu'ils
n'ont ofé , par rapport aux Princes
capables de foîitenir leur droit dé-
ranger l'ordre fuccellîf. Lort , par
exemple , que la Race Royale fuf
éteinte en la pcrfonne de la Reine
Marguerite, fille du Roi Walde-
mar IV. on eutrccouis aux Maifons
de Poméranie & de Bavière qui fe
trouvoient dans le degré le plus
proche en alliance -, & quand le
Roi Chriftophle de Bavière fut
mort fans poftcrité , on appella le
Comte Adolphe de Hoiftein, conv
5& JOURNAL D
me le plus proche parent de la Li-
gne féminine ; mais ce Prince ayant
letufé la Couronne , engaQ;ea les
Etats à élire fon neveu Chrillian
d'Oidembourg , dont la Maifon
règne depuis cetems-là furie Thrô-
nc de Danemarc.
Il eft vrai que Saxon le Gram-
mairien &c les Auteurs Danois qui
l'ont fuivi nous donnent une idée
toute différente de l'éleclion , de
celle qu'en a donné M. Defroches ;
mais ce dernier répond que Saxon
le Grammairien , qui ctoic Eccle-
fiaftiquc, vouloir flatter les Evê-
qucs Icfqucls avoient la principale
autorité dans l'éledion , &: que les
Hifl:oriens fuivans n'ont fait que
copier Saxon.
Ce que notre Auteur foûticnt
dans fa Préface au fujet de la fuccef-
fion à la Couronne, n'empêche pas
qu'il ne rcconnoilfe que jufqu'à
Frideric III. c'étoit une Loi fonda-
mentale du Royaume de convo-
quer tous les ans les Etats Généraux
du Royaume , pour y traiter de ce
qui rcgardoit le Gouvernement ,
pour faire des Loix , pour exami-
ner ce qui rcgardoit la paix ou la
guerre , les alliances , &c, Origi-
naireiflent les revenus du Roi ne
conliftoicnt que dans le produit de
fes Domaines , &.' dans des dons
gratuits que les aifcmblées d'Etat
lui accordoient quelquefois. Par la
fuite les befoins du Royaume obli-
gèrent .1 avoir recours à des tributs
qu'on n'impofoit que du confen-
tcment des Etats Généraux. Cette
forme de gouvernement a duré
jufqu'à ces derniers tcms que les
ES SÇAVANS,
Danois ayant reconnu que le peut
d'autorité du Roi ôc la trop grande
puill^uice de la NoblefTc , ayant
réduit le Royaume .à un état déplo-
rable , tous les Ordres du Dane-
marc déclarèrent le Royaume pu-
rement héréditaire en faveur de
Frideric III. & de fa famille , & le
p.oi abfolu. Ainfi les Etats Géné-
raux ont été abolis , & le Roi de
Danemarc qui n'avoir point d'au-,
très droits que celui de faire rendre
la juftice fclon les Loix & de comr
mander les armées , a prcfentement
un pouvoir aulli étendu que celui
d'aucun autre Prince de l'Europe.
De ces Obfervations l'Auteur
palfc aux mœurs & aux coutumes
des anciens Danois , nous n'en rap-
porterons que quelques traits pour
ne point palfcr nos bornes ordmai-
res.
La plupart des anciens Hifto-
riens , fur tout les Romains qui
vouloient élever leurs Compatrio-
tes aux dépens des autres Nations ,
ont dépeint les anciensDanois com-
me un peuple fauvage , fans éduca-
tion & fans police ; mais notre Au-
teur prétend que fi on fait atten-
tion aux Loix qu'ils ont établies &C
aux grandes aiflions qu'ils ont fai-
tes , on amvicndra qu'il y a peu
de Nations dans le monde qui mé-
rite plus d'éloge que celle des an-
ciens Danois. Ce peuple a le plus
contribué à rcnverfer la puiHancc
monftrueufe de l'Empire Romain.
Ils ont fournis plufieurs fois l'Irlan-
de & l'Angletevre , la Saxe & l'E-
corte leur ont payé tribut , de mê-
me que la Suéde -, la Norvège eft
devenu
F E V R I
devenu un Etat attaché à la Cou-
îonne de Dancmarc. Leurs ex-
ploits fur mer ôc leurs incurfîons les
ont tait redouter , de toutes les Na-
tions de l'Europe. La France ne s'en
délivra que par la celTion d'une de
fes plus belles Provinces , où les
Danois s'établirent. Il y a même eu
des femmes parmi eux qui fe f^.it
rendu illuftres par l'exercice des
armes.
Notre Auteur examine quelles
ctoient les caufes de ce grand cou-
rage des anciens Danois. 11 en re-
marque deux , l'intérêt , parce que
tous les Danois qui étoient dans une
armée avoient part au butin , &
l'amour de la gloire; c'étoit une
honte chez eux de mourir dans fon
lit, & un honneur de fouffrir les
plus grands tourmens , fans laifTer
échapper aucune marque de dou-
leur, lis élcvoicnt des mafles de ter-
re & enfuite de pierre en l'honneur
,de ceux qui s'étoient diflingués par
leur bravoure ; Se après leur mort
leur ame ctoit reçue , difoient-ils ,
■dans le Valhar , qui étoit un Palais
magnifique , où ils joiiiffoient de
tous les plaifirsi & l'on bûvoit après
leur mort à leur fanté , de même
qu'à celle des Dieux , en chantant
des chanfons que les Poètes com-
fofoieot à l'honneur des uns 6c des
autres.
Quoique l'Idolâtrie fût la Reli-
gion des anciens Danois , notre
Auteur prétend que plufieurs d'en-
tr'eux regardoient leurs Prêtres
comme des i m porteurs , qu'ils n'a-
voient aucune confiance en leurs
^oles , & que de ceux qui s'étoient
février.
E r; 175 ^ _97
ainfi élevés au-delfus des préjugez
vulgaires, il y en avoir qui hono-
roient le Ciel , & d'autres qui ado-
roient le Créateur du Ciel. Depuis
l'établilfement de la ReligionChré-
tienne dans le Danemarc , on y a vu
de grands exemples de pieté.
Avant le changement qui s'in-
troduifit dans la forme du gouver-
nement fous le règne de Fride-
ric III. On diftinguoit dans le
Royaume cinq Ordres ou Etats dif-
ferens ; on comprenoit dans le pre-
mier le Roi avec la famille Royale.
Le fécond Ordre étoit celui de la
Noblefle ; il n'y avoit point d'autre
diftindlion entr'eux que celle que
donnoit la qualité de Chevalier ou
de defcendant de Chevalier. Ils
pofTedoient leur terre en franc-al-
leu , mais avec droit de juftice ÔC
de chaffe. C'étoit de cet Ordre
qu'on tiroit les Sénateurs qui n'é-
toient ordinairement qu'au nom-
bre de iS. & les grands Officiers
de la Couronne,
Le Clergé ne formoit que le
troifiéme Ordre. La révolution ar-
rivée dans la Religion par l'établif-
fement du Lutheranifme, avoit
beaucoup diminué la puilTàncc de
cet Ordre pour le temporel. L'Etat
de la Noblefle avoit profité de ces
abailTcment du Clergé , pour aug-
menter fon pouvoir. Et elle avoit
porte fi loin fon autorité , comme
l'obferve l'Auteur dans le corps de
l'Ouvrage , qu'elle penfa caufer la
ruine du Royaume , Si qu'elle fit
perdre à cette Nation la liberté
dont elle avoit joiii pendant tant de
fiécles , £c la fournit à un pouvoir
Abfoiu. N
98 JOURNAL D
Venons au corps de l'Hiftoire ,
pour laquelle nrus nous bornerons
dans cet Extrait au tems qui précè-
de TL-tabliiremcnt du Chnllianifme
dans le Danemarc.Pour donner une
idée de la méthode que notre Au-
teur a fuivie pour ces tems reculés i
il cft à propos d'obfcrver qu'il y a
des Auteurs qui crovcnt qu'on ne
peut rien avoir de fuivi fur l'Hi-
ftoire de ce Royaume avant la fin
du dixième fiécle, tems auquella
lleligion Chrétienne y tut établie ;
d'autres croyent qu'on peut re-
monter jufqu'à Gomer II. arriére
petit-hls de Japhet , qu'ils font
établir dans la Cherfonefe Cimbri-
que 193. ans après le Déluge", &
2098. avantl'Ere Vulgaire. Ils di-
fcntque les defcendans de ceux qui
s'étoient établis dans ce Pays - là
fousGomcr II. turent gouvernés par
des Juges pendant 950. ans , &quc
lesCimbresdétércrentla Couronne
d'un confentement unanime à Dan
Prince courageux, tîis d'Humblus,
qui polTcdoit les Iflcs de Zélande ,
de Langelland & de Mone ; d'où
ces Auteurs forment une fuite de
-j6 Rois jufqu'au commencement
du dixième fiéclc. C'cil; le S'ftême
Hiftorique de Suenon auquel on 1
donné la qualité de premier Hifto-
rien de Danncmarc , de Saxon lé
Grammairien qui vivoit dans le
treizième fiéclc comme Suenon , &
des Hiftoriens Danois du feiziéme
& du dix-feptiéme liécle qui ont
donné l'Hittoirc ancienne de leur
Pays, comme Pontanus, Mcurfius,
Berengius , Huitfldt , & plufieurs
autres. Torfxus qu'on regarde com-
ES SÇAVANS;
me un des plus fçavans & des pluï
judicieux Hiftoriens de Dane-
marc , a pris entre ces deux Svftc -
mes un milieu , dans une Difterta-
tion qui a été imprimée à Copenha-
gue en 170Z. fous le titre de Séria
Dynajliinim &Regnm Dit?z/<c.Il attri-
bue la fondation du Royaume de
l^anemarc à Odin Chef d'une
Colonie d'Afiatiques qui s'établit
dans le Nord vers l'an 70. avant la
Nailfance de J. C. Il dit qu'après
avoir mis dix ans à conquérir la
RulHe , le Dannemarc , la Norvè-
ge , la Suéde & les Pays voifins , il
établit Skiold fon fils Roi de Da-
nemaic. Ce lont les d.fccndans de
Skiold qui ont régné en Danne-
marc pendant plufieurs fiècles , fui-
vant Tortxus, qui en donne la fuite
Chronologique jufqu'au dixième
fiècle.Ccttc Chronologie eft fi diflè-
rente de celle de Suenon, de Saxorï
& des autres qui les ont copié ,
qu'on auroit peine à croire fi K)n
n'en étoit point averti auparavant ,
que Torfxus eût donné la Chrono-
logie des Souverains du Pays dont
Suenon & Saxon ont voulu écrire
l'Hiftoire. Torfxus a préféré dans
fa Chronologie ce qu'il a tiouvé
dans les Chroniques étrangères ,
à tout ce qu'ont dit les Hiftoriens
Danois, dont les plus anciens n'ont
travaillé ni fur les anciens Monu-
mens , ni fur des Hilloriens ou con-
temporains ou prefque contempo-
rains , & qui ont rapporté des tra-
ditions populaires , s'ils n'ont pas
eux-mêmes inventé des laits.
Tortxus a donné une autre fuite
hiftorique des Rois ou Souverains
F E V R I
de Jutland Tributaires ou Vaflîiux
des Rois de Danemarc , entre lef-
quels il y en a quelques uns que les
Hiftoricns Danois ont fuppofé
avoir été Rois de tout le Dane-
marc.
Dans cette diverfité de Syftèmes,
voici le parti que M. Defroches a
cru devoir prendre. Il a penfé que
l'ancienne Tradition du Danemarc
méritoit quelque refped , & qu'on
devoit d'autant moins la négliger ,
que les fables mêmes cachent fou-
vent des faits Hiftoriques ; il étoit
auflî perfuadé qu'en admettant le
Syftême de Torfius fur l'époque
de la fondation du Royaume de
Danemarc , il falloit convenir que
la Cherfonefe Cimbrique avoit été
habitée plullcurs fiécles avant la
NaifTance de J. C. & qu'il valoit
mieux remplir cette fuite de fiécles
des Traditions Danoifes , que de
laifler un fi grand vuide dans l'Hi-
ftoire de ce Pays -là. D'un autre côté
il étoit frappé des raifons fur Icf-
quelles Torfeus appuyé fon "Syftê-
me , & il auroit cru qu'on auroit
pu lui reprocher un défaut de criti-
que , s'il n'avoit point profité du
travail de ce fçavant Auteur. Il
donne donc l'Hiftoire des Juges &
des anciens Rois de Danemarc ,
telle que l'ont donné Suenon , Sa-
xon & les autres Hiftoriens Danois.
Puis il marque à la fin de chaque
règne ce qu'on doitpenfcr , fuivant
Torfacus , du Prince dont il a parlé,
foit que le Critique retranche ab-
folumcnt ce Prince du Catalogue
des Rois de Danemarc , foit qu'il
ae place que plufieurs fiécles après
E R, I75J- 99
l'Ere Chrétienne des Rois que les
autres Hiftoriens Danois ont fait
régner plufieurs fiécles avant h
Naifiance de J. C.
Quand nous avons dit que M.
Defroches avoit fuivi dans l'Hiftoi-
re d(?ces Rois les anciens Hiftoriens
Danois , nous n'avons entendu
parler que de la Chronologie & du
fond de l'Hiftoire ; car il a eu foin
d'en retrancher les circonftances
qui lui ont paru abfolument fabu-
leufes , &: qui font en très-grand
nombre dans ces Ecrivains. Lorf-
que Suenon Se Saxon ^ qui ont vécu
dans le même fiécle , ne font pas
d'accord entr'eux , il a adopté celle
de leurs narrations qui lui a paru la
plus vraifemblable. Il eft vrai qu'en
fuivant cette méthode on ne donne
point une Hiftoire fondée fur des
Monumcns authentiques : mais il
eft difficile de prendre un meilleur
parti quand on veut remonter juf-
qu'aux tems les plus reculés , fur-
tout par rapport à l'Hiftoire des
Royaumes du Nord , dont il ne re-
fte point d'anciens Ecrivains, Se
qui ont été fi peu connus des Grecs'
éc des Romains. Au rcfte , c'eft'
une partie de l'Hiftoire de fçàvoir
ce qu'ont dit les plus anciens Hifto-
riens , &^ il n'cft point inutile
d'être inftruit des Traditions reçues
dans differens Etats fur leur origine
& fur la forme de leur gouverne-
ment , pourvu qu'on fçache juf-
qu'où on peut s'arrêter à ces Tradi-
tions.
Nous rendrons compte dans un
autre Extrait de ce qui nous paroî-
tra de plus remarquable dans cette
Ni)
100 JOURNAL DES SÇAVANS.
Hiftoirc Au Dancmarc , depuis que du ChrilHanifmc en Danemarc juf*
les faits en font mieux prouvés -, qu'à prefcnt.
c'cft-à-dire , depuis 1 ctabliffemcnt
iQU^STIO MEDICA QUODLIBETARIIS DISPUTATIONTBUS,
Parifiis difcutienda , in Scholis Mcdicoruni , die Jovis quindccimâ
Novemb. 1751. M. Joanne^Claudio-Adriano Hclvetius, Rcgi à fanc-
tioribus confiliis , Medico Régis perpctiio ordinario , primario Rcgi-
nx Medico , Rcgia: Scicntiarum Academix Socio , Dodorc Medico ^
pr.xfidc.
j^n in tonjîllarum tumorihus wflammator'iis Kermès minérale ?
C'eft-à-dirc : Queflion de Médecine agitée dans les Ecoles de Médecine de
Paris , /f 15. Novembre ij^i. fins la Prêfidence de M. Jean-Claiide-
Adrien Helvetius , Confiiller d^Etat , Médecin perpétuel ordinaire die
Roi j premier Médecin de la Reine ^ DoReurRégcnt de la Faculté de Mé-
decine de Paris , de l'' Académie Royale des Sciences.
Sçavoir ,Jîle Kermès minerai convient dans rinfiammation des Amygdales ?
A Paris , de l'Imprimerie de Quillau , Imprimeur de l'Univcrlité & de
la Faculté de Medccuic. 1 7 3 1 .vol. /«-4°. pp. 4.
M Helvetius , après de fçavan-
. tes reflexions préliminaires,
obftrve dans cette Diflertation
qu'il y a un grand nombre de mala-
dies , pour la guérifon defqucUes la
Médecine n'a encore découvert au-
cun reraede propre & fpécifique. Il
met de ce nombre , les tumeurs in-
flammatoires des glandes nommées
Tbnjtlles ou Amygdales , qui , com-
me l'on fçait , font deux glandes
placées l'une à un côté de la luette
& l'autre à l'autre , proche la raci-
ne de la langue. Les Praticiens re-
commandent dans l'inflammation
de ces glandes , 1°. la faignéc ,
3.°. h diette, 3'. des cataplâmes &
des gaigarifmes. Perfonne prcfquc
ne s'avife de prefcrirc ici des remè-
des intérieurs : la raifon en eft , re-
marque M. Helvetius , qu'entre îes
lemedes de ce genre , qui ont été
employés jufqu'à prefcnt contre la
maladie dont il eft qucftion , on
n'en a rencontré aucun ^ non feule-
ment qui fût infaillible , mais qui
réufsît, au moins, un certain nom-
bre de lois.
C'eft qu'aucun de ces remèdes ,.
dit-il , n'eft pourvu de parties ana-
logues à l'humeur qui fait l'ob-
ftrudion des Amygdales ; condi-
tion cependant fi neeclTairc , que
fans cela , aucun médicament quel
qu'il foit , ne fçauroit être capable
de procurer à l'humeur épailfe des
Amygdales enflammées, la fluidité
qu'elle doit avoir. Comment donc
s'y prendre pour parvenir àla décou-
verte d'un remède, dont les parties
ayent cette analogie î M. Helvetius
l'enfeigne. Il veut pour cela qu'on
fp. fouvienne , i*". que l'humeur
qui fe filtie par les glandes des^
F E V R.
jfiirrtygdales , cft une lymphe vif-
queufe , facile à fc durcir -, i°. Qiie
cette Ivmphe approche de la natu-
re de celle qu'on exprime des glan-
des de la trachée artcre , &: du pou-
mon, lorfqu'on les prelTe; 3°.Qu'el-
le eft auifi trèsreirembhnte à celle
qui diftille de la plèvre par une lé-
gère incilîon laite à cette membra-
ne, & fî refîemblante qu'à s'en rap
porter à ce que l'on voit , elle n'en
diffère que par la confiftance :
4°. Qiie le Kermès minerai eft d'un
fecours merveilleux lorfque les
glandes des poumons , celles de la
trachée artère , ou celles de la plè-
vre , font attaquées d'obftrudions ,
foit froides , foit inflammatoires ,
puifque l'expérience fait voir que
ce remède débarrafle alors puiffam-
ment les glandes dont il s'agit, &c
rend aux liquides qui s'y étoient
épaiflîs , leur première fluidité.
Quels fecours étonnans n'en tire-t-
on pas dans la pleurefie , dans la
péripneumonie & dans la toux fc-
che, demande M. Helvetius î
L'illuftre Auteur conclut que fi
le Kermès minerai eft fi efficace
pour refoudre les humeurs engagées
dans les glandes de la trachée artère
& des poumons , il n'y a pas de
doute qu'il ne doive produire le
même effet fur l'humeur qui caufe
l'obftrudion & l'inflammation des
Amygdales, puifque cette humeur,
comme on vient de le remarquer ,
eft de la même nature q^ue celle qui
produit l'engorgement des glandes
de la trachée artère , & de celles
•des poumons.
M. Helvetius remarque outre ce-
I E R; 1755. ïoi
la j que le Kermès eft un m.cdica-
ment favoneux produit par le fou-
phre de l'antimoine & par le fci
alcali , que par confequent c'eft le
remède le plus propre pour refou-
dre les fucs lymphatiques trop
épais , & qu'ainfi rien ne doit em-
pêcher qu'on ne l'emjiloye dans les
tumeurs inflammatoires desAmyg-
dales j en effet , ce médicament
étant analogue à l'humeur de la plè-
vre & à celle des poumons , Ig fera
par confequent à celle des amygda-
les , &c ne pourra que contribuer
puiffamment à lever les obftruc-
tions de ces srlandes.
On objetliera que le Kermès mi-
néral eft fort échauffant , qu'il peut
produire du trouble & du defordre
dans le mouvement des fluides, &c
empêcher par-là , les fécrétions.
M. Helvetius répond qu'on n'a
rien de tel à craindre de ce remède,
quand il eft adminiftrè fagement ,
qu'au contraire il refout alors les
humeurs , rétablit la tranfpiration,
excite les fueurs , rend les urines
plus abondantes ôc chaffe par les
cribles des inteftins les fucs trop
groflîers. On ne le voit point aug-
menter la fièvre dans la péripneu-
monie , ôi dans la pleurefie ; il di-
minue même le crachement de
fang dans ces maladies. Mais il faut
fçavoir en faire ufage. Ne le don-
nez , dit M. Helvetius , ni comme
émétique ni comme purgatif, mais
feulem.ent dans la petite dofe que
doit être donné un remède atté-
nuant.
Que le Malade , par exemple ^
en prenne un dejni grain ou nsi
102 JOURNAL D
graiii , de trois heures en trois heu-
res i l'inflammation des amygdales
dimmucra bien -tôt ■■, ce qui le re-
connoîtra par une plus grande faci-
lité de rcfpircr , d'avaler , & cTe
parler -, mais ce qu'aflure ici M.
Helvetius , c'cft qu'en deux fois
vingt-quatre heures , toute l'in-
flammation fcradifl'ipée.
Il y a bien de l'apparence que le
Kermès minéral étant fî propre
poui;^ guérir l'inflammation des
amygdales , ne le doit pas être
moins pour guérir l'clquinancic^ &
c'eft aufli ce que M. Helvetius dc-
filare avoir été reconnu par l'expé-
rience. Une autre remarque de pra-
tique , c'cfl: que fi l'inflammation
des amygdales eft telle qu'il y ait
apparence d'un abfccs prochain, on
préviendra tout d'un coup l'abfcès,
en donnant le Kermès minéral , &
l'on verra la tumeur fe refoudre
fans fuppurarit)n. Qiie il au contrai-
re on le donne trop tard , & que la
fuppuration vienne , ce rcmcde
adoucira alors confiderablcment les
fymptômcs de la fuppuration , &
le malade fe trouvera très-foulagé.
Au refte , il ne faut pas croire
qu'on puifle employer ici le ker-
mès fans précaution ; M. Helvetius
veut qu'on ne néghge ni la faignée
ni la dicttc , ni même les cataplà-
mes &c les gargarifmcs , non plus
que d'autres remèdes innocensqui
font d'ufage. ^lais il prérend c^ue
fans l'aide du kermès minerai, tous
ces remèdes auront peu d'efiet. Le
témoignage d'un tel Praticien doit
Être d'un grand poids & auprès des
Médecins ôc auprès desmalades.
ES SÇAVANS,
Qu^stioMedica QUODLIBETARIIS
DifpittationihiisPari/tis MfcHtienda in
ScholisMedicorum^ die Jovis 21. Fe~
bruarii 1751. M. Petro ^z.evedo ,
Doilore Afedico Prajîde.
An in IXFLAMMATIONIBUSjKEa-
MES Minérale ? C'eft -à- dire:
Queftion de Médecine , agitée
dans les Ecoles de Médecine de
Paris, le vingt & un Février 1732.
fous la Préfidence de M. Pierre
Azevedo , Doftcur en Médecine j
fçavoir , fî le Kermès minerai con-
vient dans les inflammations'» k Paris,
chez Qiiillau , Imprimeur de l'Uni-
verfité & de la Faculté de Medeci-.
ne 17 3 1. vol. /«-4°. pp. 4.
On vient de voir dans la Difler-
tation précédente , les raifons qui
doivent inviter les Médecins , à
cmplover le kermès minerai , dans
l'inflammation des amygdales. Ici
au contraire on va voir celles qui ,
félon M. Azevedo , doivent porter
les mêmes Médecins à fuir ce remè-
de dans quelque inflammation que
ce foit. L'Auteur , pour parvenir à
fon but qui eft de prouver que le
kermès minerai eft dangereux dans
toutes les inflammations,fc ferc des
propodtions fuivantes que nous
allons diftinguer par articles , pour
les rendre plus fenfibles.
1°. Le fang eft compofé de deux
parties , l'une globuleufe , & l'au-
tre lymphatique. *> Il ne dèpofe
>j que 1.1 féconde qui eft une hu-
« meur limpide & fine , capable
« par fa fubtilité, d'entrer dans le?
3} vailTcaux où la partie globuleufe
» du fang ne peut s'infinucr. Cette
F E V R I
» partie globuleufe fe prefentc aux
M orifices des veines , & elle y cft
» admife j mais elle a beau fe prefcn-
» ter aux orifices des vaifTeaux lym-
n phatiques , elle n'y fçauroit ja-
» mais pénétrer ; il faut qu'elle con-
» tinue fon chemin jufqu'au cœur ,
«pour recommencer enfuite fon
ï> mouvement ordinaire de circula-
».tion.
2°. » L'inflammation eft caufée
3) par l'irruption du fing dans les
j> vaiffeaux lymphatiques , lefquels
n vaiffeaux lymphatiques font de
«petits canaux tranfparensdeftincs
j5 à rapporter un liquide délié , &
» prcfque aqueux, qu'ils ont reçu
» des parties.
3°. Pour remédier à cette irrup-
tion & aux maux qu'elle caufe , il
faut calmer rimpètuofité des hu-
meurs fougueufes qui font forties
de leurs routes , de affouplir les
vaiffeaux : ce qui demande qu'on
employé tous les moyens pofTîbles
pour enlever promptement & fans
délai , à la partie malade & enflam-
mée , le fang qui lafurcharge.
4". On ne doit point compter de
parvenir à ce but par l'ufage du
kermès minéral , quand même au
moyen de quelques évacuations
précédentes , le malade paroîtroit
fe porter un peu mieux. Car ce
mieux doit être confideré comme
un feu caché fous la cendre , ou
comme un ferpent que l'herbe cou-
vre : il faut craindre que le fouphre
antimonial du keimés , ne reveille
la partie rouge fulphureufe du
fang. C'cft aux raffraîchilTans qu'il
faut recourir ici & non aux échauf-
fans.
E R', 1 7 î 5- ^ Ï03
5°. Le kermès minéral efl: une
préparation connue depuis long-
tems, mais qui n'a été mife, que de-
puis quelques années , dans l'ufage
où on la voit aujourd'hui. C'eft un
fouffre tiré de l'antimoine par le
moyen d'un fel alkali fixe. Or le
fouphre n'eft autre chofc qu'un af-
femblage nombreux de véficules
qui contiennent toutes une matiè-
re ignée.
6°. Le kermès dilTout &c affine
principalement la lymphe. Mais
dans les inflammations le mal ne
vient pas de la lymphe , il vient du
fang.
7°. Le kermès minéral employé
dans les inflammations , n'humede
Se ne relâche point les fibres trop
tendues ; il ne calme point l'agita-
tion inteftine des parties fulphureu-
fes du fang. Rien de plus inflam-
mable que le fouphre , rien de plus
difpofé que le fang à recevoir de
l'inflammation. Le kermès ne pro-
duit aucun effet qui puilfe donner
lieu de juger qu'il relâche les par-
ties -, on n'a qu'à s'en rapporter au
pouls : on apperçoit quand on le
tâte alors , un fang agité ; une artè-
re qui heurte rudement le doigt ,
une fièvre qui augmente. N'atten-
dez rien ici de l'infenfible tranfpi-
ration ; il y a pour cela trop de roi-
deur dans les parties pendant que
l'inflammation efl dans fa force.
Aulfi le malade fenr une douleur
picquante ; fon foufïle intercepté
fort avec fïfflemenr. Il faut recou-
rir aux faignées , fans quoi il n'y a
que mortifications de parties , que
gangrenés ôc que iphaceles à attcn-
104 JOURÏÎAL D
dre. Ainfi il cft bien plus iiir de cal-
mer le fang que de l'agiter. Or le
kermès minéral agite les parties
fluides , &: roidit les parties folides.
C'eft un fouffrc , 6c ce fouffre par
fa rarétadtion poufle le iàng avec
violence; cette impulfion augmen-
te l'inflammation , & de cette in-
flammation dépendent les fymptp-
mesles plus furieux.
8°. L'expérience parle ici elle-
même & dépofc en faveur de ce
qui vient d'être dit. Un malade eft
attaqué d'une très-grande fièvre ,
d'une toux continuelle , d'un cra-
chement fanguinolent , d'une dou-
leur picquante au côté , ôc d'une
difficulté de refpirer. Le feptiéme
jour , nonobftant tous les remèdes
qu'on lui a hiits, le ventre fe trou-
ve enflé , le crachement fupprimé,
le pouls prcfque éteint , la vûé ob-
fcurcie -, plus de voix , plus de fen-
ciment. Il s'agit de reveiller le fang,
de rappeller le rciTort des vaifleaux ;
on donne alors le kermès , Se peu
à peu , le fang venant à fe raréfier,
les artères auparavant languiflanteJ
reprennent vigueur , les forces re-
viennent , & la nature paroît taire
des tentatives pour fe débarrafler.
Mais dans les maladies inflamma-
toires , dans les maladies où la fiè-
vre eft ardente , où la douleur eft
picquante , où le corps eft en feu ,
i'ufage des remèdes caïmans a tou-
jours prévalu.
9°. On ne peut douter que le
kermès ne doive être profcrit dans
toutes les maladies d'mflammation,
(i l'on confidere les effets incertains
4c ce médicament ; car tantôt il
ES SÇAVANS.
excite le vomiffemcnt , tantôt il lâ-
che le ventre , tantôt il provoque
les urmes ; quant à la dofc il n'y ea
a point non plus d'affurèe.
lo". Dans les maladies aiguës ,
dans ces maladiesoùl'on n'a qu'ua
certain nombre de jours pour fe re-
connoître , il ne faut pas perdre le
tems à employer des remèdes fur
icfquels on ne peut compter.
ji". On dira que les inflamma-
mations étant caufées par des ca-
gorgemens de fang , il n'y a rien de
plus fur pour refoudre ces fortes
d'obftrucTiions, que le fouffire qui eft
fi capable de raréfaction. A la bonne
heure , mais il y a de deux fortes
d'obftrudions -, l'une qu'on appelle
4 Stafi i & l'autre , à Stagnatione ,
la première vient de ce que le mou-
vement des humeurs eft trop rapi-
de , & l'autre de ce qu'il eft perdu;
dans l'une les vaifleaux font trop
tendus & dans l'autre ils font trop
lâches •, dans la première il faut
calmer , & dans la féconde il faut
exciter. La première ne demande
pas qu'à un fang que fon trop grand
mouvement afiitfortirdc ks vaif-
feaux , on procure un mouvement
encore plus grand , comme fait le
kermès \ puifque ce feroit empê-
cher le retour de ce fang dans les
conduits où il le faut rappeller. La
féconde au contraire , c'eft-àdire
celle qui vient d'un fang flottant ôC
parefteux demande un remède tel
que le kermès , dont les parties in-
cendiaires portant avec elles l'agita-
tion 6c le feu, puifTcnt rendre aux
fluides leur mouvement de circur
lation , 6i aux folides leur reflbrt,
12°.
F E V RI
iz*. Il, cft vrai c|ue quelquefois
les vailTcaux trop toibics pour rch-
■fter à la force de la mabdie , ont
befoin d'une vive fccoullc qui leur
^ faflc prendre le dclTus \ mais il y a
tant d'autres rcmpdes que le Ker-
mès ,- & dont les effets font très-
-çcrtains. ^,
1 3°. Si la matière eft en orgafmc,
6i qu'il eu faille venir à quelque
mouvement, agitez l'humeur, à la
bonne heure ; mais agitez-la fure-
ment ; ne donnez pas un médica-
ment qui ne foulage pas toujours le
malade, & qui loin de chalFcr la
caufe du mal , la rende capable de
£aire de plus grands defordres.
14°. Donc le Kermès minéral ne
convient pas dans les inflamma-
tions.
Voilà en fubftance, toute la Dif-
fertation de M. Azevcdo. Nous
laiflbns aux Médecins éclairés le
foin d'en faire le parallèle avec qz\-
le de M. Helvctius ; puis de juger
laquelle des deux paroît mériter le
plus le nom de concluante. Nous
les exhortons furtoutà lire attenti-
vement l'article huitième ci-devant
lapporté , & d'en comparer la fin
avec le corarnencement : il s'agit
dans cet article,d'uu malade attaqué
.d'une forte hevre , d'un crache-
ment fanguinolent , d'une douleur
picquante de côté, en un mot d'une
maladie réellement inflammatoire,
lequel ^nfuite par l'engorgcmcrrt
énorme que le fang emporté d'un
trop grand mouvement, a fait dans
les vaifl^eaux , eu réduit le fcptiéme
jour à ne pouvoir prcfquc plus don-
|ier aucun figne de vie. On lui fait
Ftvrier.
rci>dre -alors le Kchncs -, ce Ker-
les qui, vient a'cEre' reprcfciuc
• pouvant (['.l'accroîtrcles
ens du. fang , qii-ind'ie
-E Jl- .
mes qui ,
comme ne ]
engorgemens du Jansi , qu-i
fang s'eft introduit par violence ; Zc
ce Kermès cependant rappelle ia
vie au malade ',' liîcii loin d'iiu»--
menter les cngorgrmcns l< de tout
rompre: c'cfl: ce qui paroîtra fins
doute furprenant d^ns les principes
de l'Auteur , & ce' qui aurait bien
mérité, d.(? fa^pçç. yn-pctit Com-
mentaire. - '
On peut voir le récit de cette
maladie dans l'Hiftoire de l'Acadé-
mie des Sciences année 1710. page
410. Metri- fur le Kcrm. Min. Edit.
de Paris, lyzi. &: l'on jugera ficc
n'étoit pas imci maladie véritable-
ment inflammatoirt dans toutes fes
circonftanccs.
On ne trouvera peut-être pas
moins de difficulté dans l'article
fixiéme ; où l'Auteur , pour faire
voir que fi le Kcrmcs dilfoutla
lymphe , il ne s'enfuit pas pour cela
qu'il puiffe guérir l'inflammation ,
dit que dans l'inflammation le mal
ne vient pas de la lymphe , mais du
fang. Lyfnpham prxfertim atténuât
Kermès ^ fed in itijlcjnmationihns vi-
t'nim ne efl in lymphà , an m [an "ni-
nei M. Helvetius dit la même eho-
fc dans fa Diflertation : Si vero in
pafa lymphatica ipfe fangitis irnuit
tumores generantur phlegmonodcs.
Mais il lailfe à entendre que quoi-
que,l'inflammation vienne du fang
$c non de la lymphe , ce n'eft pas
une confequence que le Kermès en
dilfolvant la lymphe ne puifte ifll-
per l'inflammation \ puifque quand '
0
"iô5 JOURNAL D
la Ivmplic vient à erre plus fluide ,
elle rend aufll le Hmg plus fluide, en
le dctrcrripant: déplus, cette lym-
phe étant devenue coulante , con-
" tiniic fon chciriin , Se il arrive de-
^îà que'lc, vaifleau ayant plus de li-
'bertc à le rhôûvbir , bat le fang
avec plus d'ailance , &: lui procure
par ce moyen plus de fluidité. Ainli
voilà comme le Kçrmés en diflol-
ES SÇAVANS,
vant la Ivmphc , peut gUcrk-I'in-
flamrriàition , quoique l'inflamma-
tion vienne dn fanç; & non de la
Ivmphc , c'cft à quoi M. Azévédû
ne paroît pas avoir pris garde. Mais
c'en cft aflez -, les règles que noiis
nous fommes propofcc^s dans Wcs
Journaux , ne nous permettent ps
d'entrer dans une. plus longue dif-
euflîon.
'ÉEL^^to'N ÏÏlSTORlQpE t)E VETH 10 flE OCCIDENTALE^
comeyiant LiDefcrjption des Royaumes de Congo, yi finale & Aiatarnh^ :
traduite dcl'ttàlien dit Pi Cavazzi &'iinpnentéi de pltèfiàtrs Reh.ùons Phr-
tugaifes des ' Tneilleiirs auteurs, avec des Noies , dès Cartes G é'>g>-aphi-
^ites , & lin grand nombre de figuns en tailie-dortce. Par le R. P. J. B.
Labat, de T Ordre des Frères Prêcheurs: A Paris, chez Cliarlcs - Jcan-
Baptiftc de Lefpine le fils , Libraire , rue S. Jacques , vis-à-vrs la rue
des Noyers , à la Vicfloirc. 1732. /«-i 2. 5. vol. premier vol. pag. 4^5.
fécond vol. pag. 457. troifiéme voL pag. 462. quatrième vol. pag. j-o^,
cinquième vol. pag. 408.
LE Père Jean- Antoine Cavazzi
de Afonte'Cavàl'o , Capucin,
çtoit du Duché de Modche. Le zélé
qii'iifitparpîtiç pour les Miflîo'ns ,
engagea le Procureur Çéhérâl de
fon Ordre h. le prefenter .à la Con-
grégation de la propagation de la
Foi , pour annoncer l'Evangile aux
peuples de l'Afrique Méridionale.
11 partit d'Italie avec fcs Compa-
gnons en If 54. 3c il arriva la rnême
année au Royaume de Congo. D'où
il alla prêcher dans les Etats voilîns.
Pendant douze années qu'il a de-
meuré dans cette partie de l'Afri-
que , il s'eft inftruit , comme le re-
marque le PI Labat , de la fituation
âc ces differens Etats , de l'Hiftoire
Naturelle de ces divers Pays, des
iQoeuis èc des coutumes ; mcmc des
Religions de cetix qui les habitent,
&c de ce qu'on peut TçaN'oir de
leur Fïirtoire Civile ou Mihtairc.
Le P. Cavazzi étant revenu à Rorrtc
en 166^. rendit compte de' fan
Voyage à la Congrégation de la
Propagande. On; fut ifi content de
fa Relation ^u'on l'engagea à la
mettre par écrit. Mais comme les
Langues Barbares qu'il avoir apprî-
feS", &: la' Langue Portii^ife dorit
il avoit été obligé de fe ferVir en
Afrique, lui avoicnt fait perdre le
goût de la Larlgue Italienne , fc
Vciè Fortuné AïïinîiTiéi de BBIo-
oné j célèbre Prédicatcni- , tt^ail-
la à rédiger cette Relation fous les
yeux du MlilSoiinaire. L'Ouvrage
(nt examiné p3r la Congrégation de
la Propagande Se imprimé par fes
fa
F E V R I
ordres. C'cfl: cette Relation donc le
p. Labat donne la Trndudion ;
mais une Tiadudion libre dans la-
^qucUe il s'eft plus appliqué à ren-
dre la penlée de l'Auteur que fes
paroles. Il y a joint fou vent lès pro-
pres reflexions , quelquefois même
des traits paiticuliers qu'il a rires -
d'Auteurs Portugais ou Efpagnols
qui ont connu la partie de l'Afri-
que dont il s'agit ici. Il y a même
quelques endroits dans lefquels il
prend des fentimens contraires à
ceux du P. Cavazzi.
Le Pays auquel on donne ici le
nom d'Ethiopie Méridionale ou
Occidentale eft fitué au fud de la
ligne équinodiale du côté du Pôle
Antartique , fes Côtes font fur
i'Ocean Occidental. Il s'étend de-
puis le Cap de Lopo-Gonzales juf-
<ju'au Cap noir. Ce qui comprend
en latitude quatorze degrez ou
deux cens quatre-vingt lieues ôc en
la longitude dix dçgrez , ou deux
cens lieuës d'Occident à l'Orient.
Les Etats les plus condderables de
ce vafte Pays, font ceux de Congo,
de Matamba &c de Dongo ou
d'AngoUe.
Le Royau.Tie de Congo eft divi-
fé en fix grandes Provinces , dont
les Gouverneurs ont la qualité de
Ducs , de Comtes ou de Marquis ,
depuis la fin du quinzième fiécle,
que les Portugais ont pénétré dans
ce Pays-là, & que les Midîonnai-
res y ont converti le Roi , & une
partie de fes Sujets. Le! FleuVe Zaï-
re eft un des plus confiderables du •
Royaume par la quantité de fes
eaux , par ia rapidité de fôn cours.
& par des cataractes , qu'il eft im-
pollîble de defcendre ou de re-
monter , qui caufent un bruit
qu'on entend de trois lieuës , 8c
qui rend fourds ceux qui en appro-
chent. Qiielques Auteurs que le
P. Cavazzi a fuivis , ont cru que le
Zairè avoit les mêmes fources que
le Nil, apparemment parce qu'on
trouve dans leurs eaux &: fur leurs
bordb les mêmes animaux & les
mêmes arbres. Mais le P. Labat af-
fure que leFlcuveZaire qui ne porte
ce nom qu'à cent foixante lieues au-
dcflus de fon embouchure eft for-
mé par l'union des rivières de Ban-
caro , de Coango & de Barbora ,
dont il n'y en a aucune qui ait la
même fource que le Nil.
Entre les Provinces du Royau-
me de Congo , il y eh a qui font
très - fertiles , d'autres qui font
abondantes en fel , d'autres où il y
a des mines. On prétend même
qu'il y a des mines d'or , mais que
les habitans ne connoiflcnt point ou
qu'ils cachent aux Européens pour
ne les point attirer dans leur Pays.
Le Royaume de Matamba tient
le milieu entre ceux de Congo &
de Bcngala. Il eft éloigné de deux
cens lieues ou environ de l'Océan
& le terroir en eft fertilifé par le dé-
bordement des rivières quilctta-'
verfent. Celui de Dongo ou d'Aii-
golle dont les Portugais fe font
rendu les maîtres étoit autrefois di-
viféendix fept Provinces , de ces
dix-fept Provinces il n'y en a plus
que dix qui rcconnoiflent abfolu-
mcnt l'autorité du Roi de Portu-
gal-, du nombre de celles-ci eft la
Oi;
iqs journal d.
Province. de Bcnj^utla , qui taifoir
autrefois un Royaume Icparé , &
qui en porte encore le nom. Loan-
da-SMi-Piwlo , qui ell la Capitale
du Royauixic d'Ani^oUe cfl; vis-àvis
de l'iûc où l'on recucilL; les petites
coquilles appellées Zinbis ^ qui fer-
vent de monnoyc courante chez les
Nègres.,..,. .,,, ,^,-,-_
Outre les a^iciens habitans du
l^ays , il y a dans le Royaume de
^iatamba &dans lesProvinces voifi-
nes des Giagues -peuples Antro-
pophages , Sc que notre Auteur
croit (oitis de l'Empire de Monte-
mugi , qui après avoir ravagé une
partie de l'Ahique fe font établis
dans ces Provinces.
On a cru autrefois que ce Pays ,
uni di foMS la Zone Torride , ne
j pu voit être habité , à caufe de la,
chaleur exceffive. Cependant cette
chaleur eft fupportable , parce que
les nuits y étant égales au jour,
l'air a le tçms de fc rafraîchir , il y
tombe des rofées abondantes ,
quand il n'a point plû j^ & le cours
précipité des ruiffeaux &: des riviè-
res , amené des fraîcheurs qui
tempèrent la chaleur ■■, de forte
que les Nègres , qui font fort fenfî-
bles au froid , ont toujours du feu
dans leur? cabannes pendant la;
nuit. ' ,
Quoiqu'ils divifent leur année en
Il mois Lunaires, & ces 12 mois
en fix Saifons , notre Auteur dit
qu'à propreiTient. parler ils n'en ont
que deux , l'été & l'hiveir. L'été cft
le tems des pluyes pendant lequel
les arbres fc chargent de fleurs &
de fituits , & les fcmenccs enfer-
E S .. S Ç A V A N S ,
mées dans la terre & les herbes
pouffent avec àbondahcc. Dans
la faifon oppoiéc pend.int laquelle
la chaleur cft prcique toujours aulll
forte qu'elle l'ell en Italie pcud.înc
la cjniculç , les arbres &: les herbes
fe dclfcchent &c la terre ne peut
rien produire.
11 y croît différentes cfpcccs de
bleds , dont le meilleur cli le bled
de Turquie qui y a été porté par
les Sarazins. On y recueille aulll
des efpeees de pois H de lèves.
Mais la pareiTe des Nègres cft Ç%
grande qu'ils manquent fouvcnt du
necelTaire pour avoir négligé d'en-
fcmencer une quantité lutlilante de
terres. Ce font les femmes des Nè-
gres qui cultivent les terres, qui les
enfeinencent , qui font les récoltes, '
quicoupent le^bois^ ayant fouvent
pendant ces rudes travaux- uncii^
tant fur leur do5. . ■:ij !
Les arbres de ces Pays-là .,:àiVx-'
ccption de ceux qui y pntétç tranf-)
portés par les Portugais , font très- .
differelis de ceux d'Europe. L'éçor-j
ce de quelques-uns de ces arbrcs-
étant macérée & battue donne urï
fil qui fert à taire des cordes , des
toiles , oc , même des étoffes. L'é-
corce de quelques fruits eft aufli'.
^ eiTjployèe àf.ùrcdes vafes; furtout
par rapport au Palmier , Coquetier,
dont le fruit naît à la cime , d'où il
pend des grapcs chargées de 25 à
30 fruits de la grofleur d'un raéloiï ,
médiocre. Ce fruit étant icune ,, eft
plein d'une liqueur blanchâtre , de ■
bonne odeur , agréable au goût &: ■
très - rafraîcliiftantc , & qui lorf-
qu'on lai (Te meurir le fruit ic chan-
F E V R I
ge en un corps foliae d'un goût de
noifette ou d'amande.
Notre Auteur palIe des arbres ,
des' fruits & des herbes aux ani-
maux terreftres , entre Icfquels il y
a plus de bêtes féroces 6c de mon-
ftres qu'en aucune autre partie du
monde. Les fourmics dont il y a
différentes efpeces y font fort à
craindre. La falive du Caméléon
eft venimeufe -, cet animal ne fc
nourrit pns d'air feulement comme
pluikurs perfonnes l'ont penié , il
ne change, pas non plus de couleur
à 'tout moment , mais comme il
prend très-peu de nourriture & que
ù peau eft tranfparente , on voit au
travers de cet animal la couleur des
coirps fur lefquels il eft pofé , com-
me on la verroit au travers d'un
verre.
Dans un des Chapitres de l'Hi-
ftoire Naturelle , notre Auteur par-
le .des différentes efpeces de 1er-
pens ,' de la force des Crocodiles
qui renverfent les barques pour
manger les perfonnes qui font de-
dans. Un poillon lîngulier qu'on
trouve dans les rivières & fur tout
dans les lacs de ces Pays-là , eft ce-
lui qu'on y appelle Pexe-dora , ou
Fm^on -femme. Le P. Cavazzi eft
J'urpris qu'on l'ait réduit au genre
féminin , parce qu'il y en a de mâ-
les aulll-bien que de femelles. » La
il gueule de ce poiftbn eft extrême-
3) ment fendue & garnie de dents
» comme celles des chiens. Il a le<
55 yeux gros &: faillans , le nez large
» & écrafé , prefque point de men-
» ton , les oreilles grandes & rele-
» vées j ôi de grands cheveux fort
E R ; 175 5; 10^
M durs qui lui flottent fur le dos. Il
n a le col gros & court , les épaules .
» larges , deux groflcs mammelles
55 pendantes , le ventre couvert de
" longs poils, le fexe bien marqué,
>' deux longs bras nerveux , des
» mains divifces en cinq doigts , &:.
>5 chaque doigt en trois, articles:,. .
» mais unis cnfcmble par des
5^ membranes fortes & maniables ,
» comme les pattes de Canard. De:
■5 la ceinture en bas , c'eft un poif-,
nfon couvert d'éeailles aircz-fortcs,^ :
"avec uue queue fourchue. Il eft-
>^ couvert depuis. k col jufqu'aux
" deux tiers de toute fa longueur,,
» d'une efpece de manteau compo- •
»fé d'une peau épailfe & forte , .
» qui s'étend, dont il Te couvre
55 quand il veut, & dans laquelle il
» porte fes petits.... La chair de ces
M animaux eil: gralTe & alTez agréa-
» ble au goût , mais dangereufe
» pour les Européens.... Les Noirs
55 les tuent à coups de flèches ; £c
» comme le mâle & la femelle ne
» fe quittent jamais , dès qu'on eii a
)»tué un on eft fur de prendre l'autre
» malgré les pleurs qu'il répand en
)5 abondance & les cris qu'il jette.
L'oifeau nommé Sengo n'eft pas
plus gros qu'un moineau , dès qu'il
a découvert une ruche, il vole de
tout côté , & il cherche quelque
partant pour lui en donner avis , en
répétant fans cefle le mot vttichi ^
qui en Langue Angoloife fignifie
du miel. Quand les Voyageurs ont
pris une partie du miel , ilsenlaif-
fent une partie à l'oifeau qui en fait
fa nourriture ordinaire. Un autre
oifeau dont le P. Cavazzi n'a point
lïo JOURNAL DE
marque le nom , prononce diftiiic-
tement le mot Sefus.
Il y a des Ecrivains qui ont avan-
cé que le Royaume de Congo &
les Etats voilîns étoient très peu
peuplés. Notre Auteur Ibûticnt le
contraire. L'Auteur alTure que du
tems qu'il étoit fur ces Côtes de l'A-
frique , il y avoit à Saint-Salvador,
Capitale du Congo , plus de foi-
xante mille habitans , 5c que le
Gouverneur d'une feule Province
de ce Royaume peut mettre plus
de deux cens mille amcs fous les
armes , & en 1 66 5. l'armée du Roi
de Congo étoit compofée de cent
mille combattans. Tout lePayseft
plein de Villages , petits à la véri-
té , mais lî près les uns des autres
qu'ils femblcnt ne compofer qu'u-
ne feule Ville d'une grandeur ex-
trême. Les Cabannes qui forment
ces Villes fourmillent de monde. Il
n'eft pas rare d'y voir des pères qui
ont quatre-vingt & quatre-vingt-
dix enfans.
Les défauts que notre Auteur a
remarqué dans les Nègres , font
une vanité excellîve , une parelfe
& une lâcheté portées à un point
qu'on a peine à concevoir , une
dureté éc une inhumanité qui va
jufqu'à vendre , comme efclaves ,
non feMlcmcnt leurs propres en-
fans , mais encore leur père & leur
mère. Chez eux le vol ne deshono-
re qde quand il eft fait à l'infçu du
pollclïcur de la chofe volée. Les
enfons b.itardK-v font traites comme
lûS' légitimes. Ceux même d'entre
\ts Nègres qui fe font gloire d'être
Chrétie-ns , entretiennent pluficurs
5 s ÇA VANS.
concubines, & les femmes croyent
qu'elles peuvent , fans fe déshono-
rer , partager leurs faveurs entre
pluficurs amans , pourvu qu'elles
reconnoilTent leur mari pour celui
qui doit tenir le premier rang. L'en-
vie eft aulîi un des vices des plus
dominans parmi les Nègres.
Avant que les Portugais eulTent
pénétré dans cette partie de l'Afri-
que , il n'y avoit pas d'autre Reli-
gion que l'Idolâtre. Les Rois de
Congo &: les Gouverneurs des Pro-
vinces voifines font très-attachés àla
ReligionCatholique, mais pour les
vaftesPays qui font à l'Ell: duCongo
la Religion dominante eft l'Idolâ-
trie. Il en eft de même de plulîeurs
Provinces du Royaume d'Angole
6 du Royaume entier deMatamba.
Il y a même des Contrées où les
Seigneurs craignans de perdre 1^
bonnes grâces des Princes Chré-
tiens , dont dépendent leur fortu-
ne , font une profefllon extérieure
du Chriftianifme , & font néan-
moins attachés à l'Idolâtrie. Les
Nègres Idolâtres croyent qu'il y a
un DieuTout-puiiïant, mais ils foû-
tiennent en même tems qu'il y a un
grand nombre d'autres Dieux qui
pour lui être inférieurs , ne méri-
tent pas moins que lui leur adora-
tion. Ils taillent groilicrcment leurs
Images en bois , & ils donnent à
chacune un nom & la vertu qu'elle
doit avoir pour guérir certaines
maladies. On leur immole des bê-
tes & des hommes ■■, dès que ces
vièlimes font égorgées , les Nègres
s'empreffent à en boire le fang tout
fumant, après que le M'"'ftrc en a
, ^ F. E^V ^ il
barbouillé kvifd^é' de l'Môle. Dès
que le fang ccfTe de couler, oii ehu- -
pe les corps en pièces , on les hiet
fur le leu de ceux qui affiftcnt aux
Sacrifices les dévorent, même avant -
qu'ils foicnr cuits '• •
Ces Miniftres des Idoles , que
l'Auteur diftingue en différentes
claffcs, font tous très-avares, &
prennent un empire abfolu fur le
peuple & fur ceux qui les gouver-
nent ■■, ils font tous forciers, fuivant
le P. Cavazzi. Un d'entr'eux qu'on
nomme ^tombola prétend rcfufci-
ter les morts , & l'Auteur affure
qu'après que l'^to?r,ùola a fait fes
maléfices , le cadavre fe levé lui-
même , marche , fe promené, qu'il
reçoit les liqueurs & les alimens
qu'on lui met dans la bouche',
qu'il rend quelques fons articulés
éc qu'il donne quelque figne de vie.
Alors le Miniftre remet le cadavre
à la famille , & il ordonne qu'on
obferve à l'égard de ce cadavïe un
régime fî chargé de cérémonies bi-
zarres & dont l'exécution eft im-
poflible , qu'ils ne peuvent s'empê-
cher de manquer en quelque cir-
conftancc , aulll-tôt le charme ceffe
&c le cadavre devient dans le même
état où il étoit avant d'être déterré,
excepté qu'il eft plus corrompu. Si
quelqu'un étoit affez hardi pour
douter de ces faits & d'autres opé-
rations des Sorciers & des Magi-
ciens Nègres dont parle le P. Ca-
vazzi , nous le renvoyerions à la
Préface du P. Labat, qui aflure que
les preuves de ces faits font fi clai-
res & Cl convainquantes , qu'il y
aiîroitrdet^obftination & de l'ente-
fesnterit àne-^-y.^Sî'^nà'iL < '' :i
' •' Oh m'fh\.\ir^^ôii^sr:h TfefffeJl
plus loin' qi»e le font lès î<régres
pour le Chitofné ^ui eft le Chef de
■' -ieiir^ Mittift^éfei.'CefiefidaHï G'orflRie
ils croyei>i'iq\ïé--tonfé«dè'f^i-lVô'fi: ,
s'il mouroit de fa mort naturelle ;
dès qu'il eft attaqué de quelque ma-
ladie qui pourroit le conduire au
tombeau , celui qui doit lui fucce-
der entre dans fa Café, & il l'alfom-
me avec un bâton noiieux , ou il
l'étrangle avec une corde.
On fc fcrvoit autrefois en Eu'O-
pe des épreuves du feu 8i de l'eau
dans les affines civiles în: criminel-
les. Cet ufage abafif a été défendu
parmi faods -, mais il s'eft confervé
chez^ks Nations dont il s'agic ici;
lés Nègres' employent un grand
nombrc,d'ép;reuvcs dinerentes. Cel-
le du feir chaud eft une des plus or-
dinaires , on l'applique fur le corps
■^ de i'a'ç^tif; '; mais quand celui qui
fairîépreuve a été bien payé , l'ac-
cufé en fort toujours innocent &
fans mal , parce que celui qui tient
le fer ardent fans fe brûler par le
moyen d'une poudre , empêche
par la même poudre que l'autre ne
foit brûlé.
Pour ne pas pouffer trop loin cet
Extrait , nous ne ferons qu'indi-
quer les drrniers Chapitres qui re-
gardent les coutumes des Nègres
de Congo, de Matamba & d'An-
goUe. L'Auteur y traite des l'up r-
ftitions des Nègres , de leur fépul-
ture , de leurs meubles , de l.iirs
maifons , de leurs mariages , de
leurs maladies , de leur difciplinc
militaire , de leur manière de ter-:
iiî JOURNAL DES SÇAVANS,
miner les procès , de leurmufique Nous donnerons dans un autre
& de leurs d«nfes , des arts qui font
en ufagc parmi eux & de leurs ha-
bits. Les Lecteurs trouveront dans
ces Chapitres plufieurs traits qui
méritent leur attçnuou.
Journal un précis de ce qui rcgaidc
le gouvernement politique de ces
Nègres , & de ce que le P. Cavazzi
dit de l'HiUoire de ces trois Royai^
RERUM
F E V R I E R ; 175?: nj
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES,^<r.
■C'eû-z-dirc : Recueil des Ecrivains de l'Hifloire d'Italie , depuis Tan 500,
JHpjii'à fan 1500. Par M. Muratori. Tome FUI. co/.i 170. A Milan,
par la Société Palatine. lyzj.
CE huitième Volume , qui pa-
roîtfous les aufpices duCom-
tede Daun , Gouverneur du Mila-
■nois, contient les Pièces fuivantcs ;
1°. L'Hiftoire d'EzzcIin de Roma-
no , ou Rumano , dit le troiliémc,
parCéraidMaurifius , Juge & Ci-
toyen de Vicence.
Cet Ouvrage fut imprimé pour
la première fois àVenifeen \6ië.
•par les foins de Dominique Moli-
■no noble Vénitien.
M. de Leibnitz en donna en
17 10. une nouvelle Edition dans
fon Hiftoire de la Maifon de Brunf-
-wic , parce que Maurifius y parle
îion feulement de l'Empereur
Othon IV. qui étoit forti de cette
Maifon , mais encore des Marquis
•d'Eft qui ont une tige commune
avecla'branchede Brunfwic. C'eft
ce qu'on voit plus au long dans la
Préface de M. Lcibnitz qu'on re-
trouve ici , & où il nous apprend
que notre Hiftorien étoic fils d'un
Pierre de Maurifio qui avoit été du
parti de Frédéric II. contre les Pa-
pes &c les Marquis d'Eft ; c'eft-à-
ciire , de la faftion Gibciline contre
celle des Guelphes.
En parlant d'Othon , Maurifius
rapporte que cePrince étant venu en
Italie pour fc faire couronner Em-
pereur , & voulant reconcilier Ez-
zelin avec le Marquis d'Eft & un
autre Seigneur du Pays. U leur par-
Fevrier.
la en François &: qu'il en fut enten-
du. Voici les termes de l'Hiftoricn,
in Francefco , dixit Dominus Rex
Domino Eccelim , Jî^^e Ycelin ^ falit-
tem, ly Marchez., C'eù.à.-àixe , fa-
luez le Marquis.
M. Muratori excufe Maurifius
d'avoir écrit à la loiiangede ce Ty-
ran , fur ce qu'Ezzclin ne s'étoit
point encore laifteallerà cet excès
de cruauté , qui a rendu fa mémoi-
re exécrable , dans le tems que
cette Hiftoire fut compoféc. Elle
commence en 1183. & finit à la
prife de Frère Jourdain de Padoue ,
&c au Siège du Fort Saint Boniface ,'
évenemens qui au témoignage de
Rolandin , tombent en l'année
1237. o"^ ^^ '^'^^ l^c depuis ce
tems , qu'Ezzclin qui au rapport
de tous les Hiftoriens s'étoit rendu
eftimable parles qualitez qui con-.
viennent à un homme de guerre ,'
lorfqu'il n'étoit que fimple particu-
lier , devint l'horreur 6c le flcau
des Villes de la Marche Trevifine ,
dès qu'il régna en maître fous l'au-
torité de l'Empereur.
Il faut avouer cependant que
Maurifius fait paroîrre dans foH
Hiftoire des fcntimens bas & inte-
rclTés , qui d^pivcnt rendre fa fince-
rité fufpcde -, il répète plus d'une
fois les fervices qu'il a rendu à
l'Empereur & à Ezzelin ; &c fc
plaint amèrement de ce qu'ils les
P
114 JOURNAL DE
ont oubliés. Mais en tccompcnfc il
cite avec éloge les noms de trois ou
quatre pcrfonncs qui lui ont donné
de l'argent ou des habits. On a
joint à fon Hilloire difFcrcntes
Pièces de vers Léonins fur le nom
d'Ezzclin -, de fa femme , & d'Al-
beric frcrc du Tyran. Les vers ré-
pondent au fond de l'Ouvrage qui
eft rempli d'étymologies forcées Se
de loiianges froides 5c cxceflîvcs, &
en général le ftilc de Maurilius eft
de la plus bafle Latinité.
z°. Une Chronique de Vicenzc
publiée pour la première fois par
Félix Oilus. Deux nouveaux Mff.
qu'on en a trouvé dans la Biblio-
thèque Ambroiiienne , ont engage
M. Sa(îi Préfet de cette Bibliothè-
que à en donner une Edition plus
compietre ; mais comme il ne s'eft
pas cru en droit d'attribuer plus
d'autorité à fes Mlf. qu'à ceux dont
Félix Ofîus s'eft fcrvi , il a jugé à
propos de mettre au bas de la page
les différentes leçons qui s'y font
rencontrées.
Cette Chronique commence en
1194.& vajufqu'cn 12^0. elle rou-
le à peu près fur les mêmes matiè-
res que la précédente \ c'eft-à-dire ,
fur les malheurs &: les calamiccz de
la Ville & du territoire deVicence,
avant & depuis qu'elle eut fecoité
le joug des Padouans. Antoine
Godius qui écrivoit cette Hiftoire
en 1315. eft cité avec éloge par les
Hiftoriens de Vicegce. Il étoit
d'une illuftre famille , & féconde
en grands Jurifconfultes •, les fça-
vans Editeurs relèvent un Anachro-
nilhie de Moiéii qui a confondu le
5 S Ç A V A N S ,
Vicentin avec un autre Jean-Antoi-
ne Godius célèbre Jurifconfulte de
Venifc , 8c fameux Orateur , qui
vivoit deux cens ans après notre
Hiftorien , & qu'on appelloit le
Démofthéne de fon fiècle.
Antoine Godius ne flatte ni l'Em-
pereur ni Ezzelin, en rapportant les
cruelles exécutions que ce Tyran
laifoit par fes ordres; il raconte mê-
me comme un trait nouveau que
l'Empereur fe promenant avec Ez-
zelin dans le Jardin de l'Evcque de
Vicence , coupa avec un petit cou-
teau les fleurs qui étoicnt élevées
au-defllis des autres , enluidifanti
c'eft ainiî que vous en devez ufer
pour vous foûtenir dans le Gouver-
nement que je vous confie.
Cette Hiftoire finit à la mort
d'Ezzelin. Il mourut d'un coup de
flèche qu'il reçut lovfqu'il marchoit
à la tète de fes Troupes , pour fe
rendre maître de Milan. Les Villes
de la Marche Trévifanc protîterent
d'une il heureufe circonftance 8c
fe révoltèrent contre fon trere Al-
beric , qui , à la cruauté de fon aî-
né , joignoit encore l'inipudicitc la
plus effrénée. Il fut livré à fes enne-
mis avec fa femme 8c fes enfans , &C
ils périrent tous par la main du
bourreau , 8c avec eux fut éteint le
nom de cette odieule famille. ;
3". Une Chronique qui traite à
peu près les mêmes matières qu'on
a viles dans les deux Pièces précé-
dentes. Elle commence en 1 100.
6 finit en 1 169. Nicolas Smeregus
noble Vicentin , dont elle porte le
nom, nous y apprend qu'il étoit
Kotaixe, Du reftc M. Safll avoiic
F E V R I
qu'il n'en a pu rien découvrir ds
plus. Il a joint à cet Ouvrage un
Supplément écrit par un Anonyme
qui l'a continué depuis cette année
jufqu'à l'an 1 3 1 2. Félix Ofius avoir
déjà publié ces Chroniques ; mais
M. Salïï nous les donne ici corri-
gées fur deux MiT. de la Bibliothè-
que Ambroifienne.
4'. UneVie de Richard Comte de
S.Bonitace,dont l'Auteur eft incon-
nu, & qui eft mife pour la première
fois en lumière par Félix Ofuis ,
aufli-bien que les deux Pièces fui-
vantes. Ce Richard , autant par fon
«Gurage que par l'antiquité de [i
famille , devint le chet de la fac-
tion des Guelphes dans la Lombar-
die & dans la Marche Trévifane ;
il fut par confequent toijjours en
guerre avec les Gibelins , &c fur
tout avec les deux Ezzelins qui en
étoient les chefs. Après avoir ren-
du des fervices conllderables à fa
patrie Ik à l'Eglife Romaine , il
mourut à Breflc dans un âge avan-
cé l'an 1Z53. Le ftile de cette Hi-
ftoire paroit excellent après qu'on a
lu celles qui l'ont précédé.
5°. Erzerin IIl. tiré du 13' Livre
de l'Hiftoire de Vcnife par Laurent
de Monacis Secrétaire de cette
Republique & grand Chancelier
du Royaume de Crète.
Cet Erzerinus eft le Tyran Ezze-
lin, & dans l'Hiftoire qu'on donne
ici , on rapporte principalement
les démêlez qu'il eut avec l'Etat de
Venife.
6". Une Fliftoire qui contient en
12 Livres ce qui s'eft paffè dans la
Marche Trévifane depuis l'an 11 80.
E R, 175 ?• irr
jufqu'à l'an i zé'o.
M. Muratori a découvert le nom
de celui qui l'a compofée en fe fer-
vant de la manière qu'il avoit indi-
qué lui-même dans le iS^ Chapitre
de /on dernier Livre ; il a fallu réu-
nir les 12 premières fyllabes des
mots qui font au commencement
de chaque Livre. Jointes enfemble,
elles forment ces mots ChrofiicaRo-
Lindini faBa Padvtt. Chronique de
Rolandin faite à PadoLie. C'étoitfa
patrie , il y exerça la fontlion de
Notaire , & s'y diftingua par fa
fcience dans la Grammaire & dans
la Rhétorique; fon Epitaphe qui fe
trouve dans les Antiquitez de Pa-.
doiie parSardeoniuSj nous apprend
qu'il y mourut en 1 1.-76.
Quoique fon iHle foit rempli d'i-
talicifmes à la manière des Ecri-
vains de ce tems , on peut aflurer
qu'il l'emporte fur eux par l'ordre
& par l'arrangement des matières,
mais fur tout par le difccrnement.
On ne trouve nulle part avec plus
d'exaditude que chez lui tout ce
qui regarde les cruautez d'Ezzelin ,
& les belles adions des Marquis
d'Eft.
M. Muratori aidé de M. Safù &
de nouveaux MIT. a cru faire plaifir
au public d'inférer ce Chronique
dans fa Colleétion avec des aug-
mentations confiderablcs.
On nous avertit en même tems
qu'on n'a pas jugé à propos de faire
imprimer ici une Hiftoirc d'Ezze-
lin qui a déjà paruplulieurs fois en
Italien , & qu'on fuppofe avoir été
écrite par un Pierre Gérard con-
temporain de ce Tyran. Voulus ,
Pi;
ii(î JOURNAL D
dans fon Traité des Hiftoriens La-
tins , a dccouvcrr l'importiire 6c a
prouvé que cet Ouvrage a pour
Auteur Faufte de Longiano qui
n'ayant fait que piller la Chroni-
que de Rolandin avoit prérendu en
donner une nouvelle fous le taux
nom de Pierre Gérard.
On trouve à la iîn de cette Hi-
ftoire difFerens Catalogues des Evo-
ques & des Podeftats de Padoiie.
7°. Une petite Chronique de
Ferrarc depuis fon origine jufqu'à
l'an 1267. par un Anon}me, qui
voit le jour pour la première fois.
M. Muratori n'oublie pas que
l'Auteur étoit Gibelin ; &c parcon-
fequent on ne doit pas le croire
trop facilement fur la Maifon d'Eft^
qui étoit de la fadion contraire.
8°. La Chronique de Nicolas de
JamfiUa , contenant les adtions de
Frideric IL de Conrad & de Main-
&oy fes cntans , depuis l'an izio.
julqu'à l'an 1258. avec un Supplé-
ment , par un Anonyme , où Ion
trouve ce qui s'eft palîé de plus
confiderable fous les règnes du
mêmeMainfroy , de Charles d'An-
jou & de Conradin Rois de la
Fouille & de la Sicile ^ depuis l'an
I2(î8. jufqu'à l'an 1275. jufqu'ici
l'Auteur de cette Chronique avoir
été inconnu ; mais un Mf qui a
été communiqué à M. Muratori ,
nous apprend i]u'elle a été compo-
fée par Nicolas de Jamdlla. Avec
tes fecours de ce même Mf. l'habile
Editeur s'eft trouvé en état de rem-
plir les lacunes qu'on avoit été
obligé de laificr dans les différentes
Ediuons qui en on: été faites.
E S SÇAVANS,
Ughelli , dans le 4' Tome de fon
Italie Sacrée, avoit publié l'Ouvra-
ge cnricrtbus le nom d'un fculAno-
nyme. Mais depuis M. Baluze a dé-
couvert que deux Auteurs y a-
voient mis la main. Nicolas de
JamfiUa grand Partifan de la fac-
tion Gibelline , nous montre tou-
jours Frideric vs: Mainfioy du beau
coté , d'ailleurs fi narration cftfagc
& judicieufcj au lieu que tout ce qui
fuit le couronnement de Mainfroy
part d'une plume qui étoit livrée au
parti des Guclphes ; quoiqu'on y
trouve de la force & de l'efprit , le
ftile en eft dur & raboteux , plein-
de ces pcnfées fàulTes & recherchées
qui fatiguent un Lecteur éclairé ,
ajoi^itez à cela que cette Continua-
tion ne paroît être qu'un abrégé de
l'Hiftoire de Sicile parMakfpini,
qu'on retrouvera plus bas toute en-
tière.
9". Une Chronique de Vérone
depuis l'an II 17. jufqu'à l'an 1278.-
par Paiifius de Ccreta Jî continuée
par d'autres Auteurs ]ufqu'à l'an-
née 1275.
^L Muratori s'étonne avec rai-
fon qu'une Ville auflï célèbre que
Vérone , ait eu fi peu d'Hiftoriens ,
c'cftdonc avecraifon qu'il s'applau-
dit d'avoir découvert dans la Bi-
bliothèque d'Eft le Mf. fur lequel
cette Chronique cft imprimée, & il
aflure qu'on n"a encore rien trou-
vé de plus ancien, ni de plus cu-
rieux fur Vérone. On y voit fur-
tout avec plaidr les commence-
mens des Scaligers dont les pre-
miers régnèrent fi glorieulcmcnt
dans cette Ville ; & à l'égard de ce
F E V R I
qu'elle fouffrit de l'efprit inquiet Sc
tyranniqucd'Ezzelin , l'Aiiteiu-qui
vivoit de Ion teins n'a prcfque rien
ïapporcc que comme témoin ocu-
laire.
io°. Une Chronique des princi-
paux évenemcns arrivés dans la
Lombatdie &c dans laMarcheTrevi-
làne depuis^iioy. jufqu'en 1270.
Cet Ouvrage parut pour la pre-
mière foisen 1585. par lesfoins de
Ghriftien Urftifius ^ ProfeiTcur de
Mathématique à Balle. Deux Edi-
tions qui en ont été faites depuis en
differens endroits , & par ditîerens
Editeurs , n'empêchent pas M.
Muratori d'en enrichir fon Recueil.
Outre ce qu'on y lit de curieux fur
ce qui s'eft palTé dans toute l'Italie ,
& en particulier , fur la Vie d'Ez-
zelin , il a plu encore à M. Murato-
îi par fon attention à recueillir tout
ce qui concerne la Maifon d'Eft ^
^it il femble , dit-il , avoir toujours
devant les yeux. On y apperçoit
d'ailleurs un air de candeur &c de
pieté qui prévient en faveur de
î'Hiftorien. On conjedurc qu'il a
été Bcnediiflin ■■, parce qu'en par-
lant dans Ion Hiftoire d'Arnaud
Abbé du Monaftcre de S. Juftine
de PadoLie, il fc fcrt de ces termes,
cet Abbé fit bâtir notre Dortoire , &
c'étoit un ufage ordinaire aux Moi-
nes Benedidins de ne point mettre
par humilité leur nom .1 leurs Ou-
vrages.
M. Muratori foufcrit au juge-
ment de M. Saiîî qui a cru apperce-
voir^la différence du ftile , que cet
Auteur n'a poulfé fa Chronique
q^iiejufqa'à l'an izéo. En effet le
E R ; T7 5 3f, 117
Mf. que M. Saflî en a trouvé dans
la Bibliothèque Ambroiiienne , ne
va pas plus loin. Ce qui efl: ajouté
dans les autres paroît être d'une au-
tre main, §c d'un homme moins
nourri du flile de l'Ecriture , tel
qu'étoit le Benedidin , que d'un
Sçavant verfé dans la ledure des
Auteurs profanes. On remarque-
encore que l'Auteur de la Chroni-
que de Ferrare qui a tranfporté
dans la fienne tout ce qu'il y avoit
d'ellcnticl d.;n3 celle-ci, devient fec
bi aride depuis 1260. fans doute
parce qu'il n'avoit plus le fecours
de ce judicieux Ecrivain.
I r°. Une Hiftoire de Sicile corn-
pofée par un Anonyme que Mj
Muratori appelle l'Anonyme da
Vatican , parce que le Mf. fur le-
quel elle a été imprimée , en eft for-
ti. Elle commence à l'arrivée des
Normands dans la Pouille & finie
aux Vêpres Siciliennes. Comme les
récits de l'Auteur font très-abregés-
& fouvcnt même tronqués , prin-
cipalement depuis leregne de Ro-
bert Guifcard , &; de Roger fon
frère ; M. Muratori avoiie , après
Carufius, qui nous avoit déjà don-
né cet Ouvrage dans le deuxième
Tome de fon Hiftoire de Sicile,
qu'on peut s'en pafter d'autant plus
aifèment que cette partie de l'Hi-
floire a été écrite par un grand
nombre d'Hiftoriens trcs-exadls ; il
a Cl u cependant , pour lafatisfac-
tion des Sçavans , qu'elle devoit
trouver ici place.
12°. Une Hiftoire de Sicile en
12. Livres depuis 1250. jufqu'en
I \-]€, par Sallas ou Sabas-Maiefpini.
iiS JOURNAL D
M. Baluze eft le premier qui l'ait
tirée de l'obfcuritc des Bibliothè-
ques. Mais il n'a pas écé alTez heu-
reux ,non plus queM.Muratori pour
la recouvrer dans Ion entier. L'Au-
teur étoit d'une Maifon non moins
illuftre parlesLcttres que par les ar-
mes. Il paroît bien inftruit des affai-
res de fon Pays. Nous apprenons
de lui-même qu'il avoit été Doyen
de Malthe , & Secrétaire du Pape
Jean XXI. il parle avec dignité
pour le fonds des chofes •, mais il
a gâté fou ftilc par des ornemens
affedés.
Il feroit cependant à fouhai-
ter , dit le fçavant Editeur , que
les Hiftoriens de ces tcms lui
telTemblalTent , nous n'aurions
pas tant lieu de nous plaindre
des fiéclcs d'ij^norance. En compa-
rant cette Hirtoirc avec ce qui en a
été emprunté pour continuer la
Chronique de JamfiUa , on fcntira
combien elle y eft défigurée , &
avec quelle raifon M. Muratori
nous la donne ici toute entière ;
Malefpini étoit certainement du
parti des Guelphes , & celui qui l'a
pillé, affecT:e par tout de le faire
malgré lui Gibelin.
13°. Une Hiftoire de Florence
écrite en Italien , depuis la fonda-
tion de cette Ville jufqu'cn 1151.
par Ricordano-Malcfpini de la mê-
me famille que l'Auteur précédent^
& continuée jufqu'en 1196. par
Jacchctto fon neveu.
Cette Hiftoire paroît d'autant
plus préticufe à M- Muratori qu'el-
le eft , félon lui , la première qui
ait été compoféc en Italien. Elle eft
ES SAVANS,
àla vérité remplie de fables , d'er-
reurs, &: d'Anacronifnies dans ce
qui regarde les chofes éloignées du
tems où vivoit l'Auteur , mais
lorfqu'il approche de fon lîéde M.
Muratori prétend que cet Hillorien
n'tft pas à mcprifcr. Il parut pour
la première fois à Florence en 15^8,
il a été depuis réimprime plufieuts
fois. Dans une Edition qu'on en a
faite encore à Florence en 1718. par
un refped: mal entendu pour la
mémoire de S. Thomas d'Aquin ,
on a retranché un endroit qui fe
trouve dans les Mf. de cette Hi-
ftoire, on y lit que ce Saint mourut
à FolTe-Neuve , lorfqu'il alloit à
Lyon pour détruire L'Ordre des Car-
mes. M. Muratori prouve que ce
trait , s'il ell vrai , ne fait aucun
tort à la fainteté du Dodreur Angé-
lique. Le Concile même de Lyon
fe plaignit en général de cette mul-
titude d'Ordres Religieux , & fur-
tout de Mendians qui fe répan-
doicnt dansl'Eglifc, & en parti-
culier pour ce qui eft de l'Ordre
des Carmes , il ne fit que le tolé-
rer par provifion , fans l'approuver.
' Ne pourroit-on pas dire cependant
qu'on auroit fupprimé ce paflage
comme injurieux à la mémoire de
S.Thomas, parce que l'Hiilorien
ajoute que la mort de ce Saint fiit
une punition de Dieu , te qu'un
Frère Mineur qui alloit aufti à
Lyon pour le même deflein , de-
vint tout d'un coup muer. Quoi-
qu'il en foit , revenant à THiftoirc
de Malefpini , l'Editeui' veut q*i'on
le regarde comme le pcre de l'Ita-
lien vulgaire , ë>C que li l'on y trou-
F E V R I
ve quelques cxpreflîons dures &
furannécs , on penfe de lui comme
les Romains penfoicnt d'Ennius.
Loin de le méprifer à caufe de fes
phrafes antiques , ils l'en refpec-
toient davantage.
Nous n'avons rien trouvé de fin-
gulier dans l'Hiftoire deRicordano,
mais il eft remarquable que Ja-
chetto fon Continuateur parle des
Vêpres Siciliennes non comme
d'un complot prémédité , mais
comme d'un pur effet du bazard. Il
raconte que le lundi de Pâques
Tour le peuple de Palerme allant ,
fuivantla coutume , en dévotion à
Montréal , qui n'étoit éloigne de
la Ville que de trois mille , un
François voulut faire violence à
une femme ; qu'aux cris qu'elle fit
les Siciliens déjà animés contre les
François , accoururent en loule.
On en vint de part & d'autre aux
mains, & quelqu'un ayant crié
qu'il falloir faire périr tous les Fran-
çois , aulli rôt on fit main balTe fur
eux -, il ajoLitc que les Barons étant
retournés chacun dans leur terre,
fuivirent cet exemple. Que ceux de
Meffine demandèrent cependant
quelques jours pour s'y détermi-
ner , mais qu'enfin vaincus par les
înftances des Palermitains , ils tom-
bèrent fur les François ayec plus de
fureur que les Melfinois même n'a-
voient fait.
14". Un Sinode Provincial tenu
à Milan en 1287. par Otron Vif-
conti. Archevêque de cette Ville ,
avec les conftitutions de Guifre-
dus Cardinal & Légat du S. Siège.
Lesadesde ce Concile n'avoient
E R ï 1735; IIP
jamais encore été imprimés, ce-
pendant Bernardin - Corivis qui a
écrit l'Hiftoire de Milan , en avoit
eu connoilTance. Mais il en parle
avec peu d'cxaditude ; Ughelli,
dans fon Italie Sacrée en fait auffi
mention. L'un & l'autre pré-
tend qu'on y régla le duferend
furvcnu entre l'Evcquc de Verceil
& celui deBrcfTe pour la prelféance.
Néanmoins on n'en voit rien par les
AÛes. Les Canons font au nombre
de 29 ôc regardent tous la difcipli-
ne.
A l'égard des conftitutions qui
fuivent dans le Mf M. Muratori a-
voiie qu'il ne fçait à quelle occafîon
elles furent publiées, ni même quel
étoit ce Légat dont elles portent le
nom ; elles regardent en général les
immunitezEcclefiaftiques. Le Mf.
dont ces Adrcs font tiiés , eft gardé-
dans la Bibhothéque Ambroifien-
ne , mais quoiqu'il ne foit pasd'u-
iK grande antiquité, M. Muratori
prétend qu'il n'en eft pas moins au-
tentique , & que par cette raifon
ce Sinode mérite d'avoir une place
dans cette Colleéfion , & même
dans celle des Conciles.
Ce Volume finie par une Pièce
intitulée : A4émorial des Podeflatî de
Regio , & de ce qui s'eft pafte fous
leur tems depuis 11 54- jufqu'ert
1290. on en ignore l'Auteur. Néan-
moins differens endroits de fon Hi-
ftoire donnent lieu à M. Muratori
de conjedurer qu'il étoit de Régio
& même de l'Ordre des Frères Mi-
neurs. Suivant l'ufage de ce tcms-là
fon Hiftoire commence à la NaiC-
fapce de J. C. mais on en a retraxî^
ES SÇAVANS,
fond des chofcs que parla manière
même dont elles font exprimées.
On peut juger par-Li quel écoit le
génie d'un ficelé où de pareilles ex-
travagances étoient bien reçues. A
la fuite de ces Prophéties cft un
Catalogue des Evoques de Récio,
&: des Abbez du Monaftere de
S. Profper , connu aujourd'hui
fous le nom de S. Pierre de Régie.
Cette Pièce peur fervir à corriger
plufieurs erreurs qui fe font glilTèes
dans l'Italie Sacrée d'Ughelli.
lîo JOURNAL D
chc dans cette Edition , ou comme
peu exad , ou du moins comme
inutile , tout ce qui précède le fié-
cle dans lequel l'Auteur écrivoit.
Ce n'cft que lorfqu'il vient à l'Hi-
ftoire de fon tcms qu'il eft digne de
l'attention duLedeur, alors il la
mérite d'autant plus qu'il cite les
Ades originaux pour garands des
faits qu'il rapporte. A la lin du Mf.
qu'on confcrve dans la Bibliothè-
que d'Eft , on trouve des vers La-
tins qui contiennent les Prophéties
de Merlin , auffi ridicules par le
•LA VIE DE MESSl RE FRANCpIS PICaUET,
Conflit de France , & de Hollande à ^lep. Enfuite Evêijiie de Céfarople ,
fuis de Baùilone , Vicaire y^pofloli^w en Perfe ^ avec titre d' Ambajfadeur
du Roi auprès dit Roi de Perfe. Contenant plufieurs évcnemens curieux
arrivés dans le tems de fon Confulat , & de fon Epifcepat dans les Etats
de Titrijuie & de Perfe , & dans les Eglifes de ces deuv Empires. A Paris,
chez la Veuve Mergé , rue S. Jacques^ au Cocq. 1731. in- 1 2. pp. J43.
CETTE Hiftoire eft diviféc
en trois Livres. Le premier
contient la Vie de M. Picquct, de-
puis fa nai (Tance jufqu'a la fin de
îbn Confuiat à Alep.
Le fécond comprend fon retour.
Se fon féjour en Europe jufqu'à fon
départ pour le Levant.
Le troifiéme renferme fon dé-
part de France pour retourner en
Afie , fes travaux Aportoiiques en
Turquie , en Arménie, &: en Perfe,
fon Ambaflade Se fa mort.
Parmi un grand nombre de mor-
ceaux curieux qui rendent cet Ou-
vrage aulli agréable qu'utile , nous
nous attacherons à ce qui peut don-
ner quelque idée du carad;erc & de
Ja Vie de M. Picquct.
il naquit à Lyon en lëiâ. «d'u-
»jie honnête & ancienne famille
» que l'on mcttoit au nombre des
» Nobles de la Ville. « Après avoir
palfc fon enfance & fa jeunefTe dans
une grande pureté de mœurs , l'o-
pinion qu'il avoit donnée de fa pro-
bité Se de fes talens , pour manier
les efprits , 1* fit nommer à l'âge de
z6 ans Conful .1 Alep. Ce pofte don-
ne beaucoup d'autorité. Mais l'ava-
rice des Bâchas le rend très-difficile.
On verra dans l'Hiftoire même juf-
qu'où M.Picquet porta la prudence
& la bravoure dans les différentes
révolutions qui arrivèrent à Alep
par les difgraces , ou par la révolte
des Bâchas. Le crédit qu'il acquit
auprès d'eux le rendit necelTaire à
tous
F E V R I
tous les négocions , & engagea les
HoUandois à le choifir encore
pour leur Conful dans cette même
Ville. >' Son Confuiat , dit notre
1» Auteur , reflembloit à un Tribu-
« nal Ecclefiaftique ; il fut pour lui
oun prélude de l'Epifcopat , fe
«conduilant en toutes les ren-
» contres moins en Juge & en Con-
» fulj qu'en Pafteur & en Evêque.«
Sans perdre l'attention qu'il devoit
aux fondrions de fa Charge , il cn-
troic dans toutes fortes de bon-
nes œuvres. Il fe fignala par les
charitez qu'il exerçoit fur tous les
pauvres fans diftintlton de Pays &
de Religion. Mais il n'étoit pas
moins touché des befoins fpirituels
que des befoins temporels des peu-
ples parmi Icfquels il vivoit.
A l'exception des Maronites , les
Catholiques de la Syrie vivoient
dans une entière corruption de
TnoEurs, & les Schifmatiques dans
une affrCufe ignorance. M. Picqucc
fe propofa de remédier à tant de
maux, il s'appliqua fur-tout à ga-
gner les Jacobites Syriens , qui aux
erreurs de Diofcore dont ils fui-
voient la doctrine, en avoient ajouté
plufieurs autres trcs-groflieres. Il
choifit un certain nombre d'enfans
de leur Nation qu'il envoya à
Rome , & qu'il y entretint à fes
dépens dans le Collège londé pour
les Grecs. Il trouva le moyen de
donner à ces Schifmatiques un Ar-
chevêque Catholique, & de le foû-
tenir par l'autorité des Bâchas & de
la Porte. Ce Prélat gagna tellement
le cœur de toute la Nation , que
quelque tems après les Syriens le
février.
E R, r 75 5. 121
choilirent pour leur Patriarche , &
dans la fuite le S. Siège confirma
cette éledion.
La Congrégation de la Propaga-
tion de la foi à laquelle M. Picqaet
s'adrelfoit fouvent , touchée des
grands fer vices qu'il rendoit àlaRc-
ligion , le prefla de joindre le Sa-
cerdoce au Confuiat. Il n'en étoit
pas éloigné -, mais fon père- qui
après la mort de fa femme , étoit
entré lui-même dans les Ordres ,
s'y oppofoit -, il y confentit enfin,
& fe démit en fa faveur de trois pe-
tits Bénéfices qu'il polledoit. M.
Picquet prit \x tonfure à Alep , &
après avoir choifi une perfonne de
pieté & de confiance pour exercer
le Confuiat en fon nom , il fe pré-
para à retourner en France.
Le fécond Livre commence à
l'arrivée de M. Picquet à Rome. Il
s'y fit relever de diverfcs irrégulari-
tez qu'il avoir encourues, foit pour
avoir été tonfuré fans la permiilîon
de l'Ordinaire , foit pour avoir de-
puis ce tcms-là préfidé en qualité
de Conful à des jugemens dont les
Clercs font exclus. Il fut logé &
défrayé dans le Palais de la Propa-
gation de la foi. Delà il pafia à
Lyon, & ne s'occupa plus qu'à fc
rendre digne du redoutable Mini-
fterc auquel Dieu l'appelloit. Il s'y
prépara par diverfes retraites dans
des Séminaires &: dans celui de fes
Bénéfices qui étoit le plus éloigné
des Villes j & reçut enfin le Diaco-
nat & la Prêtrife à la faveur d'un
Extratempora. Il étoit pour lors âge
de 38 ans.
Depuis ce tcms-là il fe confacra
jaa JOURNAL'D
tout entier aux fondions de fon
état , à la dircclion cics Rcligieufcs,
Se fur-tcut à chercher les moyens
d'augmenter & d'étendre les Mif-
Cons du Levant. La DuchelTe d'Ai-
guillon qui s'y interelToit beau-
coup , l'aida dans cette bonne œu-
vre de fes richeffes & de fon cré-
dit. Ce fut aufll dans l'interval-
le qui s'écoula entre fon féjour en
France Se fon retour dans le Le-
vant qu'il travailla à faire venir ces
témoignages éclatans que les Ca-
tholiques & les Schifmatiquds d'O-
rient ont rendu à la réalité •, ils font
imprimés dans le Livre de i.\ Per-
pétuité de la foi.
Apres la mort de fon père , M.
Picquet renonça à tout ce qui pou-
voit lui revenir de fa fucceflion , en
faveur d'une de fes fœurs qui étoit
mariée ; les autres , aufli-bien que
fes frères , ayant pris le parti de fc
confacrer à Dieu dans différentes
Maifons Religieufes , il fc reduifit
à fes Béiiéfices , & à cjuelcjues profits
qu'il pouvait encore tirer des effets
qu'il avait laijfcs dans le commerce.
La confideration où il étoit à la
Congrégation de la Propagation de
la foi , engagea les Cardinaux qui
la compofent j à le propofer pour
Vicaire Apoflolique de Babylone.
M. Louis Placide du Chemin en
avoit été facrc Evêquc. Mais fon
grand âge , & fcsinfirmitczne lui
permettant pas de s'y rendre , on
crut que >> la connoilfance des Lan-
» gués , une longue expérience ,
»> jointe à une teinture médiocre de
o la Théologie & des Saints Ca-
»nons, fuppléeroient dans M. Pic-
ES SÇAVANS;
» quet a cette entière connoîfTancc
» qui pouvoir pcut-crrc lui man-^
>• quer ■, & pour lui donner plus de
31 relict , on lui donna le titre d'E-
» vêque de Céfarople avec la pen-'
» fion ordinaire de 500 écus Ro-;
» mains.
Le troifiéme Livre renferme les
travaux Apoftoliques du nouvel
Evéque dans le Levant jufqu'à fa.
mort. Sa dignité ne changea rien à
la vie fimple 5c mortifiée qu'il avoit
menée jufqu'alors , il fe démit mê-
me de fes Bénéfices afin de fcrvir
Dieu avec plus de liberté. A fon ar-
rivée à Alep , ayant appris qu'il n'y
avoit point d'autre moyen d'empê-
cher la dcftruclion totale d'une
Eglife confidcrable que les Armé-
niens pofTedoicnt dans les Etats du
Roi de Perfc , que d'employer au-
près de ce Prince l'autorité du Roi
de France , ii confcntit à fe charger
de cette AmbalTadc. Il en écrivit au
Père de la Chaifc , Se pendant
deux ans que dura cette négocia-
tion , l'Evêquc de Céfarople s'oc-
cupa à affermir , ou à défendre la.
Religion à Alep , & dans Us envi-
rons de cette Ville.
Les Chrétiens y étoienr partages
en quatre Nations qui avoient cha-
cuaes leurs fentimens & leurs Ri-
tes diftcrens , les Maronites , les
Grecs , les Arméniens , les Syriens
oujacobites.
Les premiers font Catholiques
& gouvernés par un Patriarche que
le peuple élit , mais qui reçoit en-
fuite le Pallium du Pr.pe. Ce Pa-
triarche a le pouvoir de taire chan-
ger de Siège aux Evoques de ia. N*-.
F E V R I
«on , il les envoyé gouverner telle
& telle Eglife pour le tcms qu'il lui
plaît , enfortc qu'ils font amovi-
bles.
L'Eglife des Grecs , qui eft la
plus nombreufe , eft compofée de
i8 à io mille Chrétiens. Ils font
Schifmatiques & moins éloignés de
la vérité que les Arméniens & les
Jacobites. Ces derniers ont à peu
près les mêmes fentimens , ils ne
jcroyent en J. C. qu'une feule natu-
re compofée de l'humaine & de la
divine. L'Evêque de Ccfaroplc eut
la fatisfadion de voir les grands
fruits que le zélé qu'il avoit eu
étant Conful pour la réuaion des
Syriens , avoit produits , &: cette
Eglife rentra dans l'obéiffance du
S. Siège 5 après en avoir été féparée
pendant douze fiédes.
On ne peut exprimer le regret
de tous les Chrétiens lorfqu'ils vi-
rent partir le S. Prélat pour fon
Eglife de Babylone. Sur Ion che-
min il s'arrêta à DiarbcKer , qui eft
l'ancienne Amide, aujourd'hui Ca-
pitale de la Méfopotamie. Comme
il travailla beaucoup à la réunion
des Chrétiens de cette Province ,
l'Auteur qui ne perd jamais l'occa-
llon d'enrichir cetteHiftoire de tout
ce qui peut la rendre in tcreftan te ,
ne manque pas de nous apprendre
quels étoientces ChréticnsSchifma-
tiques , qu'on appelloit Chaldéens
ou Neftoriens du nom de la Sede
dominante parmi eux. Il y en avoit
cependant un grand nombre de
Catholiques , & le Patriarche qui
étoit pour lors à leur tête , avoit eu
beaucoup à fouffrir du Patriarche
E R; 175?' 125
Neftorien. Le premier qu'on nous
reprefente comme un homme d'un
mérite & d'un favoir diftingué abo-
lit avec des travaux infinis plufieurs
coutumes bizarres ou fcandaleufes,
qui étoient cependant communes à
prefque tous les Chrétiens d'O-
rient. On en verra le détail avec
étonnement dans l'Ouvrage même.
En paflant par Abarénes , Ville
de la haute Arménie , où l'Arche-
vêque de Naxivan Fait fa refidence ,
le peuple de cetteEglife qui eft tou-
jours gouvernée par des Domini-
cains à qui elle eft redevable de fa.
convcrfion fous Jean XXII. élut
contre l'ufage & malgré lui M. l'E-
vêque de Célaroplc pour leur Ar-
chevêque; comme il ne vouloir paj
renoncer à fon Diocéfe de Bagdat ,
il les pria du moins de trouver bon
qu'il prît un Coadjuteur pour
Naxivan , & il choifit un Domini-
cain. En attendant l'arrivée de ce
nouveau Prélat , M. de Céfaroplc
fit les fondions de Vicaire Apofto-
liquc dans les differens Cantons de
cette Province , & fe mit encore
plus au fait des befoins de cette
Eglife qui étoient le principal objet
de fon Ambaflade en Perfc.
Etant arrivé à Tauris , il prit la
qualité d'AmbalTadeur , Se fut dé-
trayc fuivant la coutume aux dé-
pens du Roi de Perfc : il fe crut
obligé de foûtenir fon caradere
d'AmbalTadeur par une entrée ma-
gnifique. Le Sophi lui fit des hon-
neurs extraordinaires , & lui ren-
voya en robes &c en tourrures la va-
leur des prcfens qu'il lui avoit faits
de la part du Roi. Ces prefens con-
124 JOURNAL D
fiftoicnt en Ouvrages ci' Horlogerie
& en Inftriimcns de Mathémati-
que. Il partit d'Ifpaham après avoir
obtenu du Roi de Pcrfc des ordres
très favorables aux Chrétiens qui
vivoient dans fes Etats. M. du
Chemin étant mort pour lors , M.
Picquet prit le titre d'Evêque de
Babylonc , & fc mit en marche
pour fe conlacrcr entièrement au
fcrvice de cette Eglife.
Mais les mauvais fuccès que les
Turcs avoient eu contre les Chré-
tiens après la levée du Siège de
Vienne , les avoicnt il fort irrités
contre eux qu'ils les perfecutoient
cruellement par tout où ils en trou-
voient. M. de Babvlonc ne crut pas
devoir s'cxpofer à leur vengeance
dans une Ville qui étoit en leur
puiflance. Il attendit à Hamadan ,
Ville des Etats de Perfc que la Pro-
vidence lui offrît un tems plus tavo-
lable pour veiller de plus près à fon
Troupeau. Mais Dieu ne lui donna
pas la confolation de le rcjomdre.
ES SÇAVANS;
Il mourut à Hamadan épuifc de fa-
tigues &c d'infirmitez âgé cnviion
de 60 ans le z6 Aoult \6'i^. Il fut
également regretté des Catholiques
& des Schifmatiquesqui lui rendi-
rent de grands honneurs après fa
mort. Il difpofa du peu de biens
qui lui reltoient en faveur des
Chrétiens & des Eglifcs du Levant.
Il n'oublia pas dans fon Teftament
les Capucins , les Carmes Déchauf-
fés & les Jcfuitcs , •■■'.vec lef^uels il a
toujours en , dit-il , une liaifon &
une correfpondiince continuelle.
L'Auteur finit cette Vie par l'é-
loge que les Rcligicufes du troifié-
mc Monaftere de la Vifitation de
Lyon qu'il avoir dirigées , donnent
à M. l'Evcque de Babylone. » Il
» avoit, difent-cllcs, ainfi que no-
» tre S. Fondateur , une peifeèlion
» cminente dans une vie commu-
» ne ; un zélc ardent dans une gran-
» de douceur , & il fçavoit joindre
3» l'art de plaire à Dieu avec celui
» de plaire aux hommes.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ITALIE.
D E R O M E.
LE P. Satinas , Chanoine Ré-
gulier de la Congrégation de
Latran , déjà connu par l'Edition
qu'il a donnée /«-8°. de quelques
Ouvrages des Pères Latins, a publié
en dernier lieu ceux de S. Profper
& de S. Honorât fous ce titre :
San^orum Profperi Aquitani & Ho-
norati Maflllicnfis Ofera , notis ob-
firvatiomi'Hfe[ue illujirata à D. Joan-
ne Salinas NeapoUtano Can. Reg:
Lat. ac S. Theol. LeB. ad SanElijfi-
V2Hm Patrem Clementem XII. Pont.
Max. Rom<t. 1732. ex Typographia
j4ntonii de Ruheis. in-8".
De Vérone.
Vallarjt &c Berno ^ Libraires, ont
en vente le grand Ouvrage en Ita-
lien de M. le Marquis Scipion Alaf-
fei, intitulé : Verona tllitflrata. 1732.
in-%°. il cfl divifé en 4 Parties qui
font autant de Volumes.
F E V R I
La première contient l'Hiftoire
générale de cetteVilie, & THilloire
deVcnifc, feulement depuis fa fon-
dation jufqu'à l'arrivée de Charle-
magne en Italie.
La féconde Partie comprend
l'Hiftoire Littéraire ou des Ecri-
vains de Vérone , & la troifiéme eft
employée à décrire les chofes les
plus remarquables qui s'y trouvent.
Dans la quatrième Partie , on
donne une féconde Edition du
Traité de M. Alaffei fur les Amphi-
théâtres , & en particulier fur celui
de VérotK. Il y a dans cette 4'^ par-
tie plus de planches gravées qu'il n'y
en a dans la précédente Edition , &
les trois autres Volumes font aullî
ornés d'un grand nombre de figures
en taille-douce.
De Milan.
Il paroît un nouvel AvertiiTement
en Latin , dans lequel M. Argelaù
annonce d'avance les différentes
Pièces que doit contenir le XXIIL
Tome des Hiflonens ef Italie , qui
eft fous prelTe , 6c que la Société
PaL-it'me dédie à M. le Cardinal de
Fleury. Voici la Lifte de ces Pièces ,
telle qu'elle eft imprimée dans l'A-
vcrtiftement. On y verra qu'excep-
té l'Hiftoire de François Storce Vif-
comti , premier du nom , Duc de
Milan , écrite par Jean Simonetta ^
tout le refte paroît pour la premiè-
re fois.
ELENCHUS TOMl XXIII ,
fed in ordine vigefimiprimi.
Laurentii Bonincontrii Miniaten-
fis Années ab anm 13^0. Hfqne ad
E R, I 7 5 5: 125:
1458. nunc primkm è A^ff. Codice
Mimatenfi in publicam liicem prolati.
Joannis Simonettx Hijloria de
rébus geftis^ Francifci I. Sfortu Vice-
corn iti s A^ediolancnJîumDiicis , in 30
Ltbros difli-ibuta , hoc efl ab anno
14ZI. lippue ad annum ij\.é6. antea
édita. In prefemi vero impyejfmie cum
autographe ipjîtis Aurons collata
emendata & aitfla.
Annales Brixiani ab anno 1457.
Hpjue ad annum 146' 8. Italie à linguâ
confcripti^AiiRoreCbriflophoroàSolda
Cive Brixtano Syncrono , mmc pri~
mitm in liicem efferuntur ex Mf. Codi-
ce Bibliothecx. Eflenfis.
Chronicon Eugubinutn ab anno
i^^o, itfijue ad annum iA;-jz.AitElore
Guernerio Bernio Eugubino , mtnc
primiim prodit ex Mf. Codice Vati-
can£ Bibliothecét.
D'uriàNeapolitana ab anno i igg.
ufyue ad annum 1478. Italica rudi
Lingua coyifcripta^AuElore Anonymo^
mtnc primum efferuntur in lucem è
A^f. Codice Nob. Fin Francifci Fal-
let& Jurifconfulti.
Jo. Garzonii Bononienfîs de digni-
tate Urbis Bononia Commentarius ,
mtncprimlim prodit ex Mf. Codice
Bononienfi.
De Laudibus Fami'itt de Auri.t
AuElore Fratre Adam de A'fomaldo
Ord. Eremitarum S, Auguftini circa
annum 1480. Opufcidum , nnnc pri-
mum in lucem prodit e Mf. Codics
Cenuenfi.
Pétri Cyrnxi Clerici Alerienfîs
Commentarius de Bello Ferrarienfîab
anno 1482. ad annum 1484. nunc
primiim in lucem prodit ex Mf Codi-
çe BibliothecA Eflenfis.
126 JOURNALD
ALLEMAGNE.
De Francfort Se de Leipsig,
On trouve dans ces deux Villes
les divers Ouvra<;cs Philofophi-
ques en Latin de Monfieur Û^ol-
fiiis , f(^avant &c célèbre ProfefTeur
de Mathématiques &: de Philofo-
phie à Marpourg dans la HcfTe. Le
dernier de ces Ouvrages qui cft un
Traité de VAme de l'Homme , im-
primé en 1752. cft intitulé : Pfycho-
logia, Empirica methodo fciemificâ
■pertraBata , ejtta ea , <jfii£ de anima,
humanà , indubiâ expenenit£ fide
confiant , continentur , & ad joli-
dam ZJmverpi Pbdofophia pra^icd ^
tic T^eologix Naturalis traSlationem ,
via fternitur. ytuHore Chriftiano
iWclfio. 173 !• proftat in Officinâ
Lihrarià Rengcrianà. in-/^°. 1. voL
De Tubinge.
On a réimprimé ici fur de bon
papier & en beaux caradcrcs le Li-
vre du Dodlcur Speticer , de Legibus
Ebr^omm Ritualibus ^ fur la derniè-
re Edition de Cambridge , publiée
par M. Chappelow. M. Pfaff:i mis
a la tête de cette nouvelle Edition
une DilTcrtation curieufc fur la Vie
& les Ecrits du Dodeur Spencer.
ANGLETERRE.
De Londres.
On nous mande que la magnifi-
que Edition de VHiftoire Latine de
Ai. de Thon ^ fera infailliblement
achevée dans le mois de Mars pro-
chaia , & inceifament diftribuée
aux Soufcripteurs qui l'attendent
avec impatience. On nous ajoute
que M. Mangey ne vient que de
commencer à mettre fous la prcfTe
les Ouvrages de Fhilon le Juif en
ES SÇAVANS.
Grec & en Latin ; cette Edison
avoit été propofée par Stufcription
dès l'année 1727.
M. IVdkens fe prépare , dit-on j
adonner une nouvelle Collection
de tous les Conciles d'Angleterre ,
qui fera , à ce qu'on afture , trois
fois plus ample que celle de Spel-
man \ il a fait de grandes recherches
dans les Archives des Eglifes Cathé-
drales , & fur tout de celle de Cart^,
torbery ^ où il a trouvé beaucoup
d'Adcs des Conciles, inconnus juf-
qu'ici : M.Wdkens ào\t auflî inférer
dans fon Recueil un grand nombre
de Pièces nouvelles , qui regardent
la grande affaire des Templiers.
HOLLANDE.
D'A MS T E RD AM.
'LesJanJfons-lVaejberg débitent la
Traduction Latine d'un Recueil
périodique commencé en Angle-
terre & imprimé en Anglois au
commencement de l'année 175 1.
Ce Recueil coniîfte en un mélange
de differentesRemarques Critiques
furie Texte ou le fens des Auteurs
anciens & fur les fentimens des
Auteurs modernes : la Tradudion
Latine qui comprend audî de nou-
velles notes & des augmentations ,
eft intitulée : Aiifcellanex Obferva-
tiones in AuUores vcteres & recentio-
res.Aberuditis Bruannisanno 173 1.
edi cttpt£ cHtn notis & atiBario vario-
rttm virorum doHorum. Vol. L
Tom. I. Julium & Angitftum men-
fem compleSlens. Vol. L Tom. IL
Septembrem. & OElobrem menfem,
1732. /«-S°.
De l a h a y e.
]ean-Van Dnren a imprimé Sen-
F E V R ï
tîmefli ctuM homme de guerre fur le
nouveau Syftème du Chevalier de Fo-
lard , ^ar rapport à la Colomne & au
mélange des diffèrones armes dune
armée. Avec une Dijfertationfur l'or-
dre de bataille de Céfar & de Pom-
pée à la journée de Pharfalc. Par M.
D*** 1732. '«-4°. Ce Livre fe
trouve auiÏÏ à Paris chez Gandouin ,
à la Belle-Image , Quai des Augu-
ftins & autres Libraires qui ont im-
primé la Tradudion dePolyh, avec
le Commentaire de M. Folard.
FRANCE.
De Strasbourg.
Lettres dnn Théologien de rZJni-
verfité Catholicjue (^e Stralbourg , à
un des principaux Adagiftrats de cette
Ville , faifant profeffion de futvre la
Confejjlon ^'Aufbourg , fur les fîx
principaux ohflacles k la converjton
des Protejlans. Chez Jean-François
le Roux j au coin de la rue des Or-
févrcs. 173 z. /»-4°. Ces Lettres
font du R. P. Jean-Jacques Schejf-
macher de la Compagnie de Jefus.
De Paris.
Carte générale de la Monarchie
Trançoife , contenant VHifioire Mi-
litaire, depuis Clovis , premier
Roi Chrétien , jufqu a la xv' année
accompUe du règne de Louis xv.
Avec l'explication de plufieurs ma-
tières intcreflantcs , tant pour les
gens de guerre que pour les curieux
de tous états , lefquelles y font
traitées en vingt tables enrichies de
figures en tailles - douces , qui fe
joignent en une feule Carte prefen-
tée au Roy le 17 Février 1730. par
le Sieur Lemau de la Jaijfe de l'Or-
dre de S. Lazare , & ancien Officier
E r; 175 ?• 127
de S. A. R. feue MadAme , mifc
au jour par l'Auteur en 1733. Nous
pourrons , dans la iuite , parler
plus amplement de cet Ou-
vrage qui eft eftimé. Il nous fuffic
quant à prefent d'avertir qu'il fe
débite chez V Auteur ^ rue & près
la Fontaine de Richelieu.
Charles Ofmont , Imprimeur 8c
Libraire , doit débiter le premier
de ce mois les quatre premiers Vo-
lumes de la nouvelle Edition du
Cloffatre Latin de Duc ange , aug-
mentée par les RR. PP. Benedidins
de la Congrégation de S. Maur ^
& propofée il y a fi long-tems par
Soufcription.
Le P. Poiffon Cordelier, &c. a
fait imprimer /«-4°. chez J. Fran-
çois hffe , rue Saint Jacques , le
Panégyrique de Samt François
dAjfife ^ qu'il a prononcé dans l'E-
glifc du grand Couvent des RR.
PP. Cordelier» de Paris le 4 Odo-
bre 173 z.
Il paroît depuis peu un Recueil
de loi Pierres gravées antiques,
dcflînées £c gravées fur cuivre par
M. de G. Ce Recueil qui ne fçauroit
que faire beaucoup de plaifir aux
Curieux , cfi: précédé d'une Préface
bien écrite , & d'une Table ou Ex-
plication claire & iimple de ces
pierres gravées. Le tout de l'Impri-
merie de P. J. Mariette ^ rue S. Jac-
ques , aux Colonnes d'Hercule,
1732. in-a°.
Sermons choifis ou Difcoursfkr la
Vérité de la Religion Chrétienne ^ ex-
traits des douze Volumes du même
Autcur,imprimés en difFcrens tems
chez Lottin , pour fervir de Tome
128 JOURNAL DES SÇAVANS,
XIII. chez Heriffant ^ rue neuve par M. le Tellier d'Orvilliers. Chez
Nôtre-Dame , & le même Lotttn , Chriftophe David , rue de la Bou-
ruc S. Jacques , à la Vérité. 1733. cleric , près la ruii S.Scverin. 1733.
in- 11. ;«-iz. 2. vol.
Lettres Philofephitjues ^ferieufes , Suite des cent Nouvelles Nouvel-
critiejues & amu/ames. Chez S au- /«^ par Madame de Gomez.. Chez
grain ^ au Palais , du côté de la Cour la Veuve Gudlanme ^ au bout de la
des AydcSj à la Providence 1733. rue Dauphine, & Gandouin lejeune^
in -11. rue du Hurpoix , près le Pont S.
Le Roman Comique, mis en vers, Michel. 1733. in-ii.
Fautes à corriger dans le Journal de Décembre dernier.
PAg,75i.col. 2. lig. 3. au fonds, /{/? au fond : p.73g. col. i.l. j.cité^
lif. citée : Ibid. 1. 36'. Domafcius, lif. Damafcius : p. 7 50. col.premiere,
1. 1 5. pafTa , lif. pafsât : p. 748. col. 1. 1. 6. Margueritte d'Angleterre , lif.
Margueritte d'Autriche : ibid. L 14. ProfelTcur de l'Archiduc j lif. Pré-
cepteur de l'Archiduc.
D^fts le Journal de Janvier 1733.
Pag. 1 1. col. 2. 1. 17. ^' 1 8. s'agit, nous, lif. s'agir. Nous : p. 1 5. col. 2;
1. 1 1. .^natomies , lif. yînatomici : p. iiî. col. 1. 1. t6. l'Hiftoire, lif de l'Hi-
ftoire : p. 17. col. 2. 1. 54. n'ayant point encore, ///I n'ayant encore : p. 18.
col. i.l. 2. celles, /{/Scelle : p. ij.coL 1. 1. 13. titre, ///^ tiers : Ibid. col. 2.
1.21 .Trigaault, lif Trigaut : p. 2 1 . col. 2. 1. 28. menacé, ///?menacé : p. 2 2.
eol. I. 1. 5. le , /«/Tics : p. 33. col. 1. 1. 40. où fera caché un chat , une fou-
ris , du lard, lif. où fera caché un chat , du lard : p. 40. col. 2. 1. 35. une cri-
ttejHe falutaire ^ lif une crife falutaire : p. 4J.C0I. i.l. 23. Chryftallin , lif.
Criftallin: p. 50. col. 2.1. 39.il dit, lif. ]c dis.
Dans /'Errata de Décembre , à la fin du Adois de Janvier 173 3.
Lig. 2. Phœbe, lif Phoebe ; retablijfez. ainfi cette correElion Phibe , lif.
PhcEbe.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Février 175 j.'
JOumal du régne de Hoiri W. Roy de Trancc &de Navarre ^ pag. ^7
Traité des Tumeurs contre-nature ^ ^c. 72
fJi/loire Ecclcfiafti^ue de M. l'Abbé Flcury , Tomes XXIX & XXX. 28
Le Cabinet Chinois , Scc. 84
Hifloire de Danemarc , &Cc. 9 5
Queftion de Aiedecine , dcc I o»
Relation Hifloricjtie de /' Ethiopie Occidentale , &c, 1 06
Recueil des Ecrivains d'Italie, Tome VIII. 1 1 3
La Fie de Alcffre Truncois Picqucc , &c. 1 20
Nouvelles Littéraires , i 24
L E
j
NAL
DES
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXIII
MARS.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Augiiftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIII.
JVEC AFFROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
J
LE
RN A L
DES
GAVA
ry^ry^ry^rv^ry^rv^rv^rv^ rv^rY^ry^ry^/'iv^ry^ry^ry^rY^ry^ry^ry*>
B^ 1*» «4^ «^ «^ «^ «^ «^ ■ •♦» •♦• «4»» ■ •♦• «4^ «♦• »♦• ^*o ^*» «ifc «<lit »♦•
MARS M. DCC. XXXIII.
POESIES DIVERSES, P ^ R M. TANEVOT.
A Paris , de l'Imprimerie de Jacques Colomhat , premier Imprimeur
prdinaire du Roi , du Cabinet , Maifon Se Bâtimens de Sa Majefté , &c.
rue S. Jacques. 1732. vol. /«-12. pp. 258.
CE S Poëfies diverfes font pré-
cédées d'un AvertitTemcnroù
l'Auteur déclare quatre cliofes : la
première , qu'engac'.é des fa jeunef-
|e dans des occupations férieufes ,
& qui n'ont point difcontinué de-
puis 23 ans i il n'a pu donner aux
Mufcs qu'un tcms Fort court , ni
joiiir qu'en paffant, de leur agréa-
ble commerce ; que cependant 1«
Ri;
ÏJ2 JOURNAL D
fortune lui a piocuié l'avantage de
travailler , du moins , avec des Su-
péricv:rs qui les c'ncriircnt , ôc dont
le goût & le crédit ne ceflcnt de les
favorifer ■■, la féconde , Qiic le ha-
zard le fit Poète , &c que dans la
fuite ce même hazard lui a prefquc
toujours mis la plume à la main :
la troifiéme , Que loin de vouloir
fe frayer lui-mcmc un chemin, il
n'a marché que dans des fcnticrs
battus , qu'il n'a point l'art d'inno-
ver , &c que l'on fçait bien qu';/ m
fera jamais iChéré/ies dans la Rcpn-
hlijKS des Lettres. La quatrième ,
Qiie la clarté de Malherbe , la
pureté de Racine , le badinage de
îfclarot , l'enjoUemcnt de la Fontai-
ne , ont été tour à tour , l'objet de
fon émulation; qu'enfin fon pen-
chant 6»: la nature lui ont lait pren-
dre ces Auteurs pour modèles.
M. Tanevot s'eft donc propofé ,
cntr'autres chofcs , d'imiter dans
quelques Pièces de ce Recueil, le
badinage & le ftyle de Marot. En
voici une qui nous a paru de ce
nombre. Les Lciilrcurs en jugeront ',
elle a pour titre :
La Vie est un Songe.
CAPRICE.
L'Auteur commence d'abord
par reprefenter de quelle inconftan-
ce font les chofes d'ici- bas , & le
peu de fond qu'on y doit faire.
Bien eil-il vrai que chacun s'évertue
A rechercher richefle, honneurs, plaifirs>
£t qu'indigent notre caur s'habitue
ES SÇAVANS,
Pour fa chevance à former des defiry.
Mais de fçavoir fi c'e; biens que l'on ptife
Nous poficdons ici l'omlire ou !c corps ,
C'eft , félon moi , queAion indécife :
Couper ce nœud furpafle nos efforts.
Ce qui m'en fcmble ell que dans ce bas
monde ,
Compter (ur rien cft toujours bien com-
pter ,
Que notre fort, mobile comme l'onde ,
A nul objet ne fçauroit s'arrêter ,
Car remontant jufqucs au premier !iom-
mc,
Et parcourant lUnivers juiîju'au bout ,
Tout fupputé , vous trouverez qu'en
fomme ,
Dame inconfiance cft le centre de tour.
Quoique l'on fafle on bâtit fur le fable ,
D'tm vain cfpoir notre efprit eft bercé
Tel édifice à nos yeux paroit ftable ,
Qui croule & fond dès qu'il eft exhauflé ^
C'eft quelquefois un Etat , un Empire ,
Dont les dcftins font fi- tôt révolus.
Avec le tcms il n'eft rien qui n'empire ;
Au pur néant nos foins font dévolus.
Tout pafle ainfi que le fon d'une cloche ,
Ou comme au Ciel l'éclair éblouifîant.
Midi fijnné , la nuit eft déjà proche ,
Et l'œuvre humaine eft caduque en naif-
fant.
Comme Sancho , plutôt comme fon
maître ,
Croirois que tout fc fait par enchanteurs,
£n moins de rien, dans une nuit peut^
êtie>
M A R
La fcene change à de pièce & d'Adeuïs.
J'habite alors une terre inconnue ,
L'illunon exerce Ton pouvoir ;
J"ai beau cligner ^'^ nie frotter ia vûë ,
Je ne vois plus ce que jecroyois voir.
Là ce Typhon fur qui Jupiter tonne ,
Frappé foudain rentre dans le néant ,
Ici le fort autrement en ordonne ,
Et ce Pygméc ert devenu Géant.
Tel fut jadis décrié par la Ville ,
Et reconnu pour infigns vaurien ,
Qui de ducats formant plus d'une pile ,
Paflc aujourd'hui pour un homme de
bien. _■' ^ • • ■
Notre Auteur rhontre , par une
longue fuite d'autres exemples,
i'mconftancc perpétuelle des cho-
fes humaines. Nous allons voir
d'abord un Poiite qui après avoir
été quelque tems en vogue , tombe
dans l'oubli , &c n'a plus de Lec-
teurs ; puis , la force des préjugez
iur la raifon -, 6c après cela , un
époux qui ayant obtenu ce qu'il re-
cherchoit avec la plus ardente paf-
fion, n'a plus que de l'indifférence
pour ce qui faifoit l'objet de fes
empreflemens.
Certain Poète eut autrefois la vogue ,
Et vit un tems , fes écrits fortunez ;
De l'Hélicon c'étoit le pédagogue ,
Il rcgentoit les Auteurs nouveaux nez.
Mais fa fortune a bien changé de face ,
Aucun Leâeur ne le fête aujourd'hui.
Ja , de fou nom la mémoire s'efface >
S, 175 5- m
Et fes enfans font tous morts avant lui.
Trop bien fçavez que dans l'âge o«
nous (ommes ,
Les préjugtz tiennent lie» de raifon ,
Le fçavez , dii je.', & qu'entr eux tous
les hommes
Ont de penfer différente façon.
Pour démontrer l'un & l'autre Diftique
Pas n'eft befoin d'un long raifonnement.
L'expérience intime & dometHauc
A tout mortel en fournit l'argument.
D'opinions le monde entier fourmille :
A tout propos naiflent nouveaux com-
bats.
Dans (a maifon , dans fa propre famille ,
Sous même toît on ne s'accorde pas.
L'aimable Dieu qui règne dans Cythe-
rc)
Forme un deflein que l'Hymen accomplit^
Gente pucelle, & de fagelTeauftere ,
Appas dottez entrent dans votre lit.
Nouvel époux, tout vous rit, tout vous
flatte,
Oncques ne fut de mortel plus content :
Dans vos regards votre allegrefle éclat-
te.
Pourquoi fi-tôt étes-vous repentant ,
De tel marché i Quelle mouche vou».
pique ?
Car quelques jours font à peine écoulez ,
Que phis d'Hymen ne chantez la Rubri-
que ;
Ains contre lui , griefs articulez.
L'époulê n'eft ce que fut la maîtrefle ,
Pas d'autrçs yeux vous voyei ks apgajr
iH JOURNAL DE
Et tout à coup vos tranfpons de tcn-
arcire
Sont convertis en de fâcheux débats.
Auffi voit-on au fouci qui vous ronge ,
Que ce bonheur en naiflànt fi vanté ,
Réel ne fut , mais bien plutôt un fongc ,
Qu'un prompt réveil a d'abord écarté.
Notre Auteur , après plufieurs
autres reflexions femblables fur di-
vers fujcts , vient à ce qui regarde
l'uiconftance des modes :
Chez mon Tailleur la mode fe ttanf-
porte ,
Prend fes cifeaux & me coupe un iiabit ,
Dont la façon dégénère de forte ,
Qu'en moins d'un mois n'en trouverois
débit :
Mettez-en quatre & me voilà fans faute ,
Dans mon harnois piaifammcnt accou-
ûté.
Manche trop courte , ou bien taillé trop
haute.
Le tout , enfin , d'un ridicule outré.
'tesufages de la Cour, les di-
verfes coutumes des Pays , & la
différence de chique homme d'avec
foi même, font le fujct des vers
fuivans , qui terminent la Pace.
Ce que m'apprend la Province ou la
Ville .
N'cft .1 la Cour que talens fuperflus :
Il me faut la , changer d'air & de llyle ,
Et mon cfpritne fe rcconnoît plus.
C'eft encor pis fi dans d'autres contrées
S SÇAVANS,
Le fort m'appelle & me bit voyager:
Diverfcs mœurs , coutumes ignorées.
Tout contribue à m'y rendre étranger.
Chacun furpris s'arrête à mon paiiage,
Me montre au doigt , & me conduit dos
yeux.
On n'a point vu tel air , ni tel vifage.
L'homme eft à l'homme une énigme CQ
tous lieux.
Il l'eft pour foi ; car s'il rentre en fo«
aine ,
Pas n'y connoi; plus d'uniformité.
Sur même point il s'approuve & fc blâme
Et fon cfprit n'cft qu'ambiguité.
Quand icroit-il d'accord avec lui mê-
me
Si chaque jour le trouve différent ?
La Girouette eft trop mieux fon emblè-
me.
Léger , volage , il tourne au premier
vent ,
Forme un projet , l'entame & puis le laif-
fe;
Rien quelquefois ne peut l'apprivoifer ;
Dans d'autre» tcms vous le menez en.
lelfc.
Sans cefle il voit fes defirs fe croifer.
S'éleve-t il où fes va-ux ofcnt tendre ?
Son cœur bien-tôt y moiironne l'ennui;
Mont- trop haut il afpire à defcendre.
Et le bonheur n'atteint pas julqu'à lui.
Las cm i;r.'.nd monde il cherche la retrai-
te ,
Et loin du bruit fechoiht un féjour ;
Il part tnfin , mai. longue n'elt fa traite ,
MARS
Et tournant bticie , il revient à la Cour.
La vérité contre lui fe retranche
Ses vains efforts ne fcaiiroient l'appro-
cher.
Et Cl raifon vole de branche en branche
Sans parvenir à pouvoir fe percher.
Ce qu'il ignore il penfc le connoître ,
Entreprend tout excepté ce qu'il faut ,
Devient ami comme il celle de l'être.
Et trop bien foaffle & le froid & le chaud.
Voilà un exemple des EfTais de
notre Auteur pour imiter Marot,
en voici un de ceux qu'il a faits
pour imiter la Fontaine.
Le Taureau et la Mouche.
Fable.
Tel fe croit dans le monde un mérite
avéré ,
Qui de tous les humains eft le plus ignoré.
Une mouche s'ctoit pofée
Sur les cornes d'un Taureau ,
Et le croyant un lourd fardeau ,
Lui dit après s'être tranqnillifée ,
Si le poids vous lemble trop fort,
Dites-lc moi ; je m'envole d'abord ,
Qui m'a parlé , reprit le Quadrupède ?
C'eft moijc'eft la fœur duPrintems^
Et de l'oifeau de Ganimede ;
Vous me portez depuis long-tems ;
Tous peinez : à coup sûr la charge vous
ennuyé ,
Bon , répond-il , nous y voilà.
En bonne foi , mouche , ma mîe ,
> ^7 3 3' 15;
J'ignorois que Vous fufllez-l.î.
Notre Auteur , comme nous
l'avons remarqué , aveitit que loin
de voidoii- fe frayrr Utinierrje un che-
min ^ il n'a marché cjue dans des fn-
tiers battus. La Fable que nous ve-
nons de rapporter , pouiroit fervir
là-delTus de témoignage : clic pa-
roît la même , pour le ionds , que
la treizième de celles de W. de la
Motte, mnis il eft facile de voir
dans laquelle des deux il y a plus
de vivacité & de concifioji. Voici
celle de M. de la Motte : on les-
pourra comparer.
Le Boeuf et le CiiloN. Fable xm.
Qu'eft - ce que l'homme ? Ariftote
répond :
C'eft un animal raifonnable.
Je n'en crois rien , s'il faut le définir à
fond ,
C'eft un animal fot , fïiperbe & mifera-
ble.
Chacun de nous foûtit à fon néant ,
S'exagère fa propre idée ,
Tel s'imagine être un Géant ,
Qui n'a pas plus d'une coudée.
Atiftote n'a pas trouvé notre vrai nom ;'
Orgueil & petitefleenfemble.
Voilà tout l'homme ce me fèmble.
Eft - ce donc là , ce qu'on nomme
raifon ?
Quoiqu'il en foit , voici quelqu'un qui
nousreiiêmble.
Au bon cœur près , tout homme eft
mon Ciron.
136 JOURNAL DE s SÇAVANS.
McflireBœiif, las de vivre en Province j
Partoit d'Auvergne pour Paris.
Sur l'animal épais l'animal le plus mince,
Cadet Ciron voulut voir le pays.
Il prend place fur une corne ;
Mais à peine s'eft-il logé
Qu'il plaint le pauvre Bœuf & juge à fou
air morne,
Qu'il fe fent déjà furchargc.
N'importe il faut fuiv: e fa courfe ,
Eh ! comment fans cette rcllburce ,
Pourroit - il voyager & contenter fort
goût î
Le Bœuf lui tiendroit lieu de tout,
D'Hôtellerie ainfiquede voiture.
De lit , ainfi que de pâture ,
A fatiguer le Bœuf , le bcfoin le refout.
Ils partent donc. Déjà de plaine en
plaine ,
Ils ont franchi bien du chemin ,
Lorfque le Bœuf s'arrête & prend ha-
laine ,
11 eft grevé, mon Dieu que je lui fais de
peine ,
Dit le vejrageur clandeftin.
Si tourmenté de la fiifon brûlante ,
De fes mugiffemcns l'animal frappe l'air ,
Par vanité compatîflante ,
Notre atome Ce fait léger.
Même de peur d'amaigrir fà mor.turc ,
Vous l'eufflez vu fobre dans fts repas ,
Faifons, fe-difoit-il , faiforis cherc qwî
dure ,
Je l'affciblirois trop , il n'arrivcroit pas ,
On arrive pourtant jufqu'à la Capitale;
Cadet Ciron fain & fliuf arrive ,
Demande excufe au Bœuf qu'il croit
avoir crevé ,
Qui me parle là-haut ? dit d'une voix •
brutale
Meflire Bœuf , c'eft moi , qui ? me
voilà.
Eh ! l'ami , qui te fçavoit là i
Je laiffcrois la Fable toute nue ,
Qu'ici plus d'un Ciron fe reconnoîtroit
bien.
Tel qui fc grolTit à fa vue ,
Se croit quelque chofc & n'eft rien.'
Nous le répétons , il eft facile
de voir laquelle de ces deux Fables
eft la plus vive &: la plus concife.
Quoique M.Tancvot dife qu'il n'a
marché que dans des fentiers bat-
tus , on trouve néanmoins dans fes
Pocfics dlverfcs , un grand nombre
de Pièces qui ont un air de nou-
veauté , &c qui font voir que l'Au-
teur peut aifcmcnt fe paiTer du fe-
cours d'autrui. La Fable fuivante
peut fer vir là-deftus d'exemple.
Le Loup et le jeune Mouton.
Des moutons dans un parc étoient en
fureté ,
Les chiens dormoient , le berger écar-
A l'ombre d'un tilleul où pendoit (à hou-
lette ,
Avec d'autres Bergers joiioit de la Mu-
fctte.
Certain loup , du bétail l'ordinaire fléau,
Aux environs rodant alors lans crain-
te,
Vinc
MARS
Vint par les fentes de l'enceinte
Reconnoître Tétat du paifible troupeau.
Un mouton jeune encor , fimplefans dé-
fiance ,
Et des moutons le plus mouton ,
Tout prêt à faire connoiffance >
S'entretint avec le glouton :
Que cherchez - vous dans ces lieux, je
vous prie ?
Dit- il au loup : l'herbe tendre & fleu-
rie.
Répond notre aflFamé , vous fçavez com-
me nous ,
Qu'il n'elt point de deftin plus doux
Que de paître l'émail d'une verte prairie.
Et d'éteindre fa foif au cours d'un clair
rui fléau.
J'ai trouvé l'un & l'autre auprès de ce
Hameau ;
Que faut-il de plus dans la vie ?
Se contenter de peu , c'eft ma philofb-
phie;
H n'eft donc vrai , reprit le mouton à ces
mots,
Que vous mangiez la ehair des ani-
maux,
Moi, repartit le loup, c'elt une injure
atroce ,
Le Ciel ne m'a point fait d'un naturel
féroce ,
Et comme déjà je l'ai dit ,
Quelque brin d'herbe me fuffit.
S'ileftainfî, dans ces campagnes chères
Paiflbns enfemble & vivons comme
frères ,
Pourlîiivit Jean mouton , qui du paro
aufli-tôt
Sort d;^ns les prer, où de plein faut
Mars.
, 17 î 5- 137
Le fobre Philofophe atterre la pécore ,
La met en pièce & la dévore.
Gardez-vous , & vous ferez bien
De ces prétendus gens de bien.
De ces (âges de contrebande ,
Qui font eux-mêmes leur légende.
Et jugez d'eux dans les occafions ,
Non pas fur leurs difcours, mais fut leurs
adions.
Comme les Poëfies dont il s'agit
font de differcns genres , il faudroit
pour en donner une idée fuffifante ,
en citer des exemples de chaque
genre. En voici un entr'autres , où
l'on verra que l'Auteur fçait joindre
l'utilité de l'inftrudion avec l'en-
jouement de la galanterie.
A Madame de la. * fur l'éducation
de Mademoifetle fi fille.
Voilà donc cette fille , image de Ce
mère,
Unique rejetton de fbn ilhiflre père ;
Déjà que d'efprit & de fens
On découvre au travers des voiles de
l'enfance !
Epris de fes attraits nailTans ,
Déjà les cœurs font fans défenfe.
Ainfi s'élève fous vos yeux
Cette fille l'objet de vos foins précieux,
SageUranie, en marchant fur vos tra-
ces,
Elle va moilTonnei les charmer les plue
doux i
&
iiS JOURNAL DES 5ÇAVANS,
Qui ne (çait qu'être inftruit par vous , Qui mciiie ne veut pas que le Cœur JéK-
C'eft l'être à l'école lies eracesî ^ -m ., ' -,- •. ■
^ Puilîe - 1 - elle au niuieu d une galante
rv^ Cour,
Etre toujours aimée, & vivre fans amour.
Votre fille Uranic , étale des appas.
Que la nicre d'amour en naiffant n'avoit
pas,
Mais il faut que l'efprit , de fès grâces
naïves ,
Relevé encor la dignité :
Il en ajoute de plus vives ,
Et c'eû le fard de la beauté.
Eclairez (on intelligence
Des lumières du fcntiment ,
Donnez-lui l'art de juger fainement ,
Et plus de goût que de fcience ,
Que fiir fon front refide l'enjouement j
Mais que chez elle l'agrément
Se joigne avec la bienféance :
Q(?
Sur elle ainfi veillant de toute part,
Qu'elle fe falTe une henreufe habitude
De ne rien dire avec étude.
Et moins encore par hazard.
Oeftfondeftin que pour elle on fbw-
pire.
Mais fans s'aimer d'un faitueux cou»
toux.
Que fur Ton caurelle garde l'Empire,
Que Tes attraits prendront ûir nous.
L'honneur ell un juge févére >
La Picce fuivante fera voir que
l'Auteur ne s'entend pas moins à
traiter les véritez de la Religion
qu'à traiter d'autres fujcts , c'eft la
réfutation d'un Ecrit impie intitu-
lé Epure à XJnVfiie. Comme cette
réfutation , quelque courte qu'elle
foit par clle-mcmc , occupcroit ici
trop de place fi nous la voulions
rapporter en entier , nous nous
contenterons d'en extraire quel-
ques endroits , après avoir averti
qu'elle a mérité l'approbation de
M. l'Abbé Bignon ^ ainfi qu'on le
voit par une Lettre qui la précède.
Quelle audace effrénée ! ô Ciel ! qu'ai-je
entendu ?
Qui que tu fois dont le fyftéme impie,
Infulte à la foi d'Uranie,
Par un fi vain effort as-tu donc prétendu
Arracher Je nos cœurs les profondes ra-
cines ,
Qu'y jetterent jadis les fcmences divines.
D'un culte antique, & du Ciel defcen-
duf
Pour la Religion que mon ame re^efte
Ta haine me paroit fiifpede ,
La dellruftion des Autels
Flatte nos penchans criminels-
Que ces penchans font doux , que le vice
dt aimable !
MARS
Quand on ne connoît plus d'avenir re-
doutable !
Quels que foient tes raifonemens ,
Certes, pour moi , je medeflSe
De l'étrange philofophie ,
Qui dans les paflions puife Ces argumens.
La vertM tyrannife , un Dieu vengeur
nous gêne ;
Et le cœur vicieux qui redoute fe haine ,
Pour mieux s'en garantir ,
Voudroit pouvoir l'anéantir.
Nul frein pour lors à la licence :
Gardez l'équilibre un moment :
De quel côté penchera la balance ,
Si le vice eft fans châtiment ,
Et la vertu fans recompenfe !
Notre Auteur, après ces refle-
xions , vient aux dogmes de l'E-
vangile , aux témoignages des Pro-
phètes, aux preuves qui fe tirent de
la mort des Apôtres. Puis pour
achever de confondre l'Auteur im-
pie qu'il réfute , il lui dit :
Tune peux concevoir la chute déplora-
ble .
Qui de l'homme innocent fit un homme
coupable ,
Tu ne peux concevoir qu'un Dieu (bit
mort pour nous ,
Sans toutefois nous (âuver tous.
Et cet adorable myftere
Pour ta raifon eft un joug trop aufterCj
Mais quand tu veux t'en affranchir ,
La révélation fource de l'évidence »
Malgré toi t'oblige à fléchir
Sous une immortelle puiflance.
qr>
De Lucrèce aujourd'hui dangereux nour-
rifîbn ,
Sauves- toi de l'écart de l'humaine raifon.
Son devoir n'eft pas de comprendre
Ce que Dieu nous a révélé ,
Mais de fe taire Se de fe rendre;
S'il eft vrai qu'il nous ait parlé.
Cette raifon reçoit des bornes légitimes ;
C'eft agir contre fcs maximes ,
Que de rcftraindre ainfi Dieu même &
ibn pouvoir,
A ce qu'elle en peut concevoir.
Le Poëte exhorte ici le Déifte à
dépoiiiller l'orgiieil de fon Déif-
me , & à lailTer fon vieux Sophif-
me à Celfe , à Porphyre , à Julien.
Puis , tout tranfporté , à la vue du
Jugement dernier dont il fe rap-
pelle l'image , il s'écrie :
Où fuis-je ? ô Ciel ! Quelle terreur
fubite
Se répand au fond de mon cœur !
Tout s'ébranle , la mer s'agite ,
Et fcs flots irritez, font un bruit plein
d'horreur ,
Les antres au loin en mugiflent ;
Le Soleil perd fes feux , les aftres s'obC
curciflcnt ,
Du firmament tous ces corps détacher
Viennent-ils fondre fur ma tête î
Où fuir l'effroyable tempête ?
Terre ouvre- moi tes abîmes cachez.
De tout fecours mon ame eft ici 4énuée i
Si)
i^o JOURNAL DES SÇAVANS,
Mais tout à coup les Cieux font éclair-
cis :
Le tonnerre & fes feux partent de la
nuée,
Où le Fils de l'Homme eft aflis.
Crains l'Eternel , crains fes ven-
geances ,
Par un prompt repentir appaifefon cour-
roux ,
Sçache qu'il doit ce Dieu jaloux ,
Te juger fur ta foi , comme fur tes offen-
fes.
Pour donner une idée complettc
de ces Poëfies, il faudroit, comme
nous l'avons remarqué , en citer
des exemples de tous les genres,
mais CCS exemples nous condui-
roient au delà des bornes que nous
avons coutume de nous prefcrire
dans nos Journaux.
VANATOMIE GENERALE T>V CHENAL , CONTENANT
wm ample & exacle defcription de la forme , Jttuations & Hpiges de toutes
fes parties , leurs différences & leurs correfpondames , avec celles de l'hom-
me i In génération du Poulet & de celle dit L.ipifi , un Difcours du mouve-
ment du chyle & de la circulation dufang -, la manière de diffscjuer certaines
farties du Cheval difficiles à anatomifer , & ^uelçjites Obfervations Phyfi-
ojuss j Anatomi(jHes & curiettfes fur différentes parties du corps & fur
^ueli^ues maladies. Le tout enrichi de figures. Traduit de lAnglois par
T. A. de Garfault , Capitaine dn Haras du Roi en fiirvivance. A Pa-
lis , chez Barthclemi Laifnel , rue S. Jacques , proche la rue du Plâtre ,
au Chef S. Denis •■, Alexis-Xavier - René Mefnier , au Palais ; Antoine
Candomn^ Qiiai des Auguftins, à la Bible d'or^ & la Veuve Piffot^ Quai
de Conty , à la defcente du Pont-Neuf. 1731. vol. /«-4°. pp. 340.
LE Tradudleur de ce Livre dit
dans fa Préface que la connoif-
fance de la ftrudurc du corps hu-
main eft la plus ciïentielle & la plus
intereflante , mais que celle de la
ftrudlurc du Cheval doit marcher
immédiatement après , à caufe de
la grande utilité que l'on retire du
Cheval , pour divers befoins de la
vie ; utilité qui demande que l'on
veille à la confervation d'un animal
fi nccelTaire , & par conlequent
qu'on enconnoiflè laftrudurcjl'un
étant prcfque impoflîble fans l'au-
tre. Les Maréchaux devroient donc
fonger féricufement à perfediion-
ner leurs connoifTances fui ce fujet.
Notre Traducteur obferve qu'en
France deux chofes fe font oppo-
fées jufqu'ici à leuravancementdans
cet art : la première, qu'ils n'ont
jamais eu aucun fecours du côté de
l'anatomie ; point d'écoles pour en
être inftriiits , & aucun Livre où ils
puilfcnt l'apprendre i la féconde,
que la plupart des Maréchaux fe
croiroient deshonorés d'ouvrir le
cadavre d'un cheval , &c s'imagine-
roient paffer pour des ccorcheurs.
Si pareille idée , dit il , écoit entrée
dans l'cfprit des Chirurgiens , &
qu'ils cuiïent appréhendé de pafict
pour des Bouchers quand ils au-
roient ouvert le cadavre d'un hom-
M A R
me , il eft certain que les Chirur-
giens & les Maréchaux iroicnt en-
core de pair enfemble pour ce qui
regarde la Science des uns & des
autres. Si quelqu'un , continue- 1-
il , qui n'auroit aucune teinture
du nom & des ufages des différen-
tes parties qui compofent un vaif-
feau , entreprenoit <le le conduire ,
il efl certain qu'il cauferoit la perte
du vaifTeau, & la ruine des interef-
£és. Il en eft de même du Maréchal
qui ne fçait aucune anatomie : la
ijcience préliminaire lui manque
tptalement, & lî quelques-uns des
refTorts de l'animal viennent à fe
déranger, comme il ne connoît ni
leur nature , ni leur rapport , ni
leur difpofition , il fe conduit au
hazard dans les remèdes qu'il em-
ployé , & s'expofe à des fautes irré-
parables. S'agira-t-il de faire quel-
que opération ? il cftropiera le
cheval; faudra-t-il ouvrir un abfccsî
il- ouvrira une artère confidcrable,
&. caufera la mort n l'animal.
Ce font ces conlidcrations qui
ont engaç^é M. de Garfault à tra-
duire en François l'Anatomic dont
il s'agit ; il la propofe aux Aïaré-
chaux de bonne volonté & encore à
tous ceux ijuife mêlent de T art de la
Cavalerie, aufcjuels il la croit prepjne
aujfi necejfaire cju'aux gens du métier.
Il efperequ'ellefervira beaucoup à
donner de l'émulation aux Maré-
chaux François , puifque c'eft un
MarcchalAnglois qui l'acompofée,
& qui apurement ne tenoitpas à
deshonneur de difTequer des cada-
vres de chevaux pour parvenir à la
gloire de conferver la vie & la fan:é
S, 1755. r4ï
des chevaux dont on lui confioit le
foin.
Les planches qui fe trouvei^t
dans ce Livre ont été deflinées &
gravées par le Tradudcur même ,
il s'eft chargé de cette peine pour
diminuer le prix de l'Ouvrage &en
rendre par ce moyen l'achat plus
facile. Au reftc , il dit qu'il fecroit
le premier François qui ait fongé à
publier en faveur des Maréchaux ,'
une Anatomie complctte du che-
val ; ce qu'il trouve d'autant plus
furprenantque les Italiens, les Al^
lemans , ' les Ahglois & les Efpa-
gnbls fe font avifés depuis ionc;-^
tems d'écrire fur cette matière , &
ont donné en cela un exemple qu'il
étoit facile de fuivre.
Apres la Préface du TraduÇlcuï^
en vient une où l'Auteur parle îùi'-
même , & où il dit que parmi le
grand nombre de ceux qui penfent
être habiles Maréchaux , il eft rare
d'en trouver qui ayent la connoif-
fance de l'animal fur lequel il^
exercent leur profeflîoii i la plupart
ne fçachant ni la fituation ni l'ufa-
ge de fes paitics , ce qui eft caufe
qu'ils ne peuvent tirer que des
conjectures vagues fur le lieu & fur
la nature des maladies qui lui fur-
viennent , -enforte , dit il , qu'ils
font obligés de donner leurs rerrié-
des au hazard , & ne méritent cjhc
par raillerie le nom de Doreurs en
Chevaux.
L'Anitomie eft fans doute biert
neceffaire aux Médecins, mais no-
tre Auteur prétend qu'elle l'eft en-
core davantage aux Maréchaux. Les
Médecins ^ outre les lumières que
142 JOURNAL D
leur fournifTcnt le pouls , les urines
& les fignes pathognonioniqucs de
chaque malndie , trouvent encore
de bien plus grands fecours dans
les récits & les plaintes que font
les malades ; mais le Maréclul a
affaire à des malades incapables
4'exprimer ce qu'ils Tentent. Il lui
faut donc une connoillance encore
plus grande de l'Anatomic pour
pouvoir fe paffer de tant de fecours
qui fe prefentent comme d'eux-
mêmes au Médecin, & connoître
indépendamment de cela , le ficge
& la qualité d'une maladie. Le
Medecm apprend d'ordinaire de
fes malades prefque tout ce qu'il
faut qu'il fçache des circonftances
de leurs maux j mais pour le Ma-
réchal , il tant qu'il découvre pref-
que tout de lui-mcnie , ce qui ne fc
peut faire , s'il n'a une connoiflance
fingulicre de l'anatoniie , c'eft la
neceflîté de cette connoilfance qui
a engagé notre Auteur à l'Ouvrage
dont il s'agit. Il dit qu'il lui a tâllu
en cela rompre la glace , n'ayant
trouvé perfonne de fpn état, qui
lui ait frayé le chemin , & qu'il ait
pu prendre pour modèle. Il avertit
qu'il a copié d'après la nature mê-
me les figures qu'il donne , mais
qu'il n'a fait graver que les plus ne-
cefTaires de peur de trop groffîr le
Volume. Quelque cxadles cepen-
dant que foient ces figures , il ne
veut point que le jeune Maréchal
s'y repol'e de telle manière qu'il né-
glige de confulter dans le cheval
même les parties qu'elles reprefen-
tcnt : &c pour l'encourager à fe don-
ner cette peine, il lui dit que com-
ES SÇAVANS,
me il n'clt pis polfible de former
un bon Général d'aimée par de feu-
les reprefentations de troupes, fans
lui faire acquérir la pratique & l'ex-
pcricncc , de même il eft inutile de
prétendre qu'on parviendra à une
exaèle connoifTincc de l'Anatomic
du cheval , par le feul examen des
figures Anatomiqucs.
Mais trouve-t-on toujours fous
fa main , des corps de chevaux tels
tjfii'U les finit pouy tes dijfequer ?
L'Auteur répond qu'on peut fup-
plcer à cette difctte , en prenant un
Ane , un Mulet , un Mouton , un
Bœuf, un Cochon , ou un Chien j
tous animaux , dit-il , qui reffem-
blent à peu de chofes près , au che-
val pour ce qui en concerne les par-
ties intérieures. Au rcrte il avertit
que quand' on voudra diflequer un
cheval , le plus vieux & le plus
maigre fera toujours le meilleur ,
parce que les parties en feront
beaucoup phis vifibles. Après ces
Préliminaires , & une Table con-
tenant l'explication de plufieurs
termes anatomiques , l'Auteur
Anglois entre en matière : il parle
d'abord du poil du cheval j puis ,
de la peau , du pannicule charnu ^
de la graiffe & de la membrane
commune des mufcles , des parties
propres qui entourent le bas-ven-
tre. IlpalFc de là au péritoine , à la
coèffc , qui couvre les intcftins , à
l'éfophage&àl'eftomaCjaux boïaux,
aumefentere, au pancréas, au foye,à
la rate , & il examine toutes les au-
tres parties du bas-ventre. Il expo-
fc comment le poulain eft nourri
dans le ventre de la Jument , quel-
M A R
les font les membranes qui l'enve-
loppent, &c. il traire enfuite, de la
génération des animaux ovipares &C
de celle des vivipares , de la for-
mation du poulet & de celle du
Lapin : les parties de la poitrine
font un autre article , tels que font
entr'autres le cœur , & les pou-
mons ; un troifiérae article ou Li-
vre , comprend la tête & les nerfsj
lin quatrième , les mufcles & un
cinquième les os.
Nous ne fçaurions donner des
exemples d'un fi grand nombre de
matières s nous nous bornerons à
ce qui regarde le foye : l'Auteur
examine d'abord une qucftion qui
ne regarde pas plus le foye du
Cheval que celui des autres ani-
maux ; fçavoir , fi la tonétion de ce
vifcere ell de fervir à la formation
du fang , enforte qu'il en foit le
feul ou du moins le principal in-
ftrument ; il fc déclare pour la né-
gative , & il remarque avec tous
les Anatomiftes modernes que l'o-
pinion contraire ell une vieille er-
reur, ce qu'il explique au long.
Puis il examine le foye.
Le foye eft divifé en plufieurs
lobes dans les Chevaux , ce cjiti le
rend ^ dit-on ici , bien différent de
celui des hommes ok c'efi un corps con-
tinu. Ces lobes couvrent l'eftomac
du Cheval , fe prenant à lui & s'y
étendant prefque comme une main qui
voudrait prendre ejuelque chofe. L'e-
ftomac du Cheval , pourfuit-on , a
grand befoin d'une telle couvertu-
re , car par ce moyen la chaleur de
ce vifcere, laquelle fert à la codion
de l'aliment ^ eft puifTamment en-
tretenue.
5 , 17 5?.^ 14?
La fubftance du foye , fa ficua-
tion , fes ligamens , fes veines , fes
artères , fes nerfs, fes vaifieaux lym-
phatiques , &c. font ici expofés ;
puis on vient au porc biliaire , & à
la veficule du fiel. On remarque
que la plupart des animaux ont ime
véficulc du fiel pour la coUedion
de la bile , & outre cela un porc bi-
liaire , mais que les Chevaux .&
toutes les bêtes qui n'ont point li
corne du pied fendue , auilî-bien
que les Cerfs , Daims , & plufieurs
autres , ont feulement le pallagc oa
pore biliaire , & n'ont pomt de ve-
ficule du fiel , ce qui a tait dire à
quelques-uns que le Cheval n'avoit
point du tout de fiel ; mais notre
Auteur cite là-delTus le Dodeuc
Brown qui met cette penfée au"
rang des erreurs vulgaires. La def-
cription du pore biliaire , la maniè-
re dont la bile eft féparécdufang ,
&C l'uûge de cette bile , font ici
trois petits articles -, on remarque ,
à l'égard du dernier, que le fiel
conjointement avec le fuc pancréa-
tique, fait dans les boyaux du Che-
val , un fuc très-picquant, & que
comme le Cheval n'a point de re-
fervoir du fiel, il arrive que ce fiel
d(Jnt le caradere eft d'aiguillonner,
paffant fans entremife dans \çs
boyaux du Cheval qui font extrê-
mement longs , y fert comme de
clyftere perpétuel , ce qui fait que
les Chevaux fientent plus fouvent
que la plupart des autres animaux
6 ce qui leur eft trcs-neceflàire
tant à caufe de l'abondante nourri-
ture qu'ils prennent , que de la
grandeur 6c des longues circonvo-
lutions de leuis boyaux.
144^ JOURNALD
Apres l'anatomic du Cheval, on
trouve dans l'original Anglois , un
difcouts fur le mouvement du
chyle &c fur la circulation du fang ;
Difcours que le Traducteur a cru
devoir placer ici au commence-
ment du livre qui concerne les
parties de la poitrine. Ce que l'Au-
teur y dit , ne regarde pas plus le
mouvement du chyle , & la circu-
lation du fang dans le Cheval , que
dans les autres animaux ; mais il y
rapporte fur ce fujet une expérience
qu'il a faite fu; le Cheval , laquelle
nous crovons devoir expofer. Il s'y
agit de la manière dont le fang paf-
fe des artères dans les veines , &
voici l'expérience comme illa rap-
porte lui-même.
Ayant faigné un Cheval .\ mort,
afin que fes veines & artères fuflent
défemplies plus promptement
dans le tems qu'il croit encore
chaud , )e tirai une de fes artères
carotides , à laquelle je fis une ou-
verture afTcz près de la poitrine •, je
mis une plume à cette tente , & je
fouflflai dedans de toute ma force ;
alors j'apperçiJS les branches des ar-
tères des deux cotez de la face, &c.
qui s'enfloient auffi bien que les ar-
tères carotides de l'autre côté du
cou. Mais je n'eus pas plutôt cefTc
de fouffler qu'elles fe vuiderent &c
s'applatirent incontinent, & le vent
fut poufle vers le cœur-. Voyant ce-
la , je liai l'artère de l'autre côté
vers le même endroit où j'avois fait
le trou , afin d'arrêter le progrès du
fouffle , Si ayant foufïlé une fécon-
de fois , il arriva que les artères des
deux côtcz s'enflèrent extrême-
ES SÇAVANS,
ment ; alors je fis promptement
une ligature au-deffus du trou pour
arrêter le vent, ce qui ht que les
artères & toutes leurs tranches dans
le col , dans la face , &c. continuè-
rent à être étendues ■■, ce qu'ayant
examiné pendant un tems , j'Ôtft
les deux ligatures , & alors les ar-
tères &i leurs branches fc vuiderentj
mais pendant tout ce tems les vei-
nes jugulaires ne furent point en-
flées i fur quoi je crus pouvoir
conclure que les artères n'étoient
pas jointes avec les veines , mais
feulement l'une avec l'autre i &
pour me confirmer davantage dan»
cette opinion , je pris enfuite la
veine jugulaire extérieure d'un cô-
té ; l'y fis un trou , & )e liai la mê-
me veine de l'autre côté -, je mis
ma plume dans le trou que j'avois
fait , & je foufllai dedans comme
j'avois tait précédemment dans les
artères ; là-delTus la veine jugulaire
de l'autre côté du cou s'enfla, aullî-
bien que celle dans laquelle je fouf-
flois , &L leurs branches fur la face ,
&c. Aulli-tôt qu'elles turent toutes
deux remplies,je les liai au-delTus du
trou pour renfermer l'air dedans ,
& alors les deux veines & leurs
branches continuèrent à être enflées
jufqu'à ce qu'ayant détaché les liga-
tures , les veines fe vuiderent dans
le moment i mais pendant tout ce
tems-là les artères n'étoient nulle-
ment remuées ; ce qui me perfuada
de plus en plus qu'entre les veines
&c les artères , il n'y avoit point de
jonifVion par où le fing put pafler
de l'une dans l'autre , mais qu'on
n'en trouvoit qu'entre les v.iiileaux
de
M A R
de la même efpece.'
Telle eft l'expérience que notre
Auteur a faite pourfe convaincre
qu'il n'y a point d'anaftomofe ou
d'abouchement des artères avec les
peines ; fur quoi nous remarque-
rons que quand il nie ces abouche-
mens , ce n'eft que pour ce qui re-
garde la circonférence du corps , &
non pour ce qui regarde certains
vifceres intérieurs ■, car il recon-
noît , par exemple , la jonclion de
l'arterc & de la veine pulmoHaire ,
dans les poumons : celle de l'arterc
&c de la veine fpleniquc dans la ra-
te, &c. Il avoiie qu'y ayant une cir-
culation du fang , non feulement
dans les vifceres intérieurs , mais
dans toute la fubftanee du corps,
il eft difficile de comprendre que
cette circulation fe puifle accom-
plir Il les artères & les veines ne
s'abbouchent pas. Mais il tâche de
répondre à cette difficulté , en la
manière fuivante : les Anatomiftes
en jugeront ;
il faut confiderer, dit-il, que
dans les corps vivans toutes les par-
ties font beaucoup plus poreufes
que dans les corps morts , & que
lorfque le mouvement des humeurs
vient à cefler , plufieurs des plus
petits partages qui leur donnoient
entrée, s'applatilTcnt & fc ferment,
cnforte que li l'expérience qui vient
d'être rapportée , ne laiiTe voir
dans l'animal mort aucun paffage
par où le vent puifle s'mfinuer des
artères dans les veines , ni des vei-
nes dans les artères , il ne faut pas
dire pour cela , qu'il n'y en ait
point dans les corps vivans 5 cai;
S, 17? ?• ï^r
quoi qu'on ne puifle accorder
aucunes jondions de l'une à l'autre
dans l'habitude du corps, comme
il a été dit ci-devant, cependant il
y a une voye par laquelle les hu-
meurs coulent de l'une à l'autre ,
& cela fc fait ainfi : le fang artériel
par la pulfation du cœur eft poufle
hors des extiémitcz des artères
dans la véritable fubftancc des par-
ties du corps , laquelle étant rare &
poreufe, permet au fang d'y couler^
mais ces pores étant trés-étroits ne
peuvent contenir qu'une très petite
quantité de ce fing ; & comme
l'écoulement eft continuel , il doit
y avoir auffi une décharge conti-
nuelle i c'eit à cet ulagc que les vei-
nes font deftinées ; elles fuccent par
leurs cxtrémitez le fang des artères
qui s'eft pour ainfî dire extravafé
dans la fubftancc des parties du
corps , & elles le rapportent dans
leurs plus larges branches , qui fc
déchargent dans la veine-cave par
laquelle il monte au cœur. Qiie le
fang des artères fe répande dans k
fubftancc des parties où les artères
coulent , l'Auteur le prouve par la
raifon qu'on a coutume d'alléguer
là-delfus , qui eft que fi cela n'étoit
pas ainfi , ces parties ne recevroicnt
point de nourriture du fang. Notre
Auteur dit qu'il ne fçache rien
qu'on puifle obje(5tcr contre cette
manière d'expliquer le pallige du
fang , des artères dans les veines , fî
ce n'eft la prompte circulation que
les plus habiles Anatomiftes difenc
être fi vive que le plus fouvent tou-
te la maflc du fang pafle par Iç
cœur dans l'efpace d'une hi.ure.
,4^ JOURNAL D
d'où vient t|ue quelques-uns pen-
fent qu'il cft abfolument ncceflairc
d'admettre la jondtion de l'arterc
avec la veine, fur-tout aux endroits
du corps par où le fang coule en
plus grande abondance de l'une dans
l'autre , ce pafTage ne pouvant pas
pouvoir fe faire fi promptemcnt
par le moyen de l'extravafion ,
quoique d'un autre côté fi l'on con-
fidere la nourriture des parties ,
on fe fente obligé de recourir à cet-
te extravafion. Mais l'Auteur oppo-
fe à cette objedion , l'expérience
•que nous venons de rapporter , la-
quelle lui paroît détruire entière-
ment la jondion des veines avec les
artères.
Au refte il vient de dire que fé-
lon les plus habiles Anatomiftes la
circulation du fang fe fait toute en-
tiwc dans l'cfpace d'une heure ,
mais nous ne fçaurions guércs nous
difpenfer de remarquer à ce fujet
que félon d'autres Anatomiftes très-
habiles , ainfi que nous l'avons rap-
porté dans le dixième Journal de
1703. il arrive très-fouvcnt qu'elle
fe fait jufqu'à quinze fois & plus en
une heure , promptitude qui fem-
ble détruire encore bien davantage
le fentiment de ceux qui fe décla-
rent pour l'extravafation.
Que le fang puifle circuler tant
de foison une heure , c'cft ce qui
fe démontre par le calcul fuivant ,
qui eft celui de M. Bcrgerus dans
fon Livre intitulé Phyjlologia Ade-
dica , imprimé à Wittcmberg en
lyoï. «Se dont on trouvera l'Extrait
dans le Journal que nous venons
de citer. Ce fcavant Médecin exa-
ES SÇAVANS;
mine combien il entre de fang daris
le cœur à chaqn;: fois que le cœur
s'ouvre. Il en rcduit h quantité à
une once pour chaque ventricule »
quand l'homme eft en pleine fantc
éc dans la fleur de l'âge , en fortj
que quand le cœur fe reflcne , 3
fort une once de fang de chaque
ventricule •, or ce rellcrrement o»
cette contradion qu'en terme de
Médecine , on appelle fyftole , ar-
rive trois mille cinq cens fois en
une heure , d'où s'enfuit qu'en une
heure il paffe par le cœur fept mil-
le onces de fang. Cela pofc , refte à
examiner la quantité de fang conte-
nue dans le corps : cette quantité
n'eft pas égale dans tous les hom-
mes , les uns en ont feize livres ,'
les autres vingt , les autres vingt-
cinq. Dans ceux qui en ont feize li
circulation du fang fe doit faire
quinze fois toute entière dans l'ef-
pace d'une heure , ce qu'il eft biea
difficile de concevoir fi le fang,
avant que d'entrer dans les veines ,
fe répand dans la fubftance des par-
ties.
L'inftrudion fur la manière de
diffequer certaines parties du Che-
val difficiles à diftequer , enfeignc
1°. à féparcr de la peau le panniculc
charnu , parties qui font jointes
enfemble fi étroitement & par une
fi grande quantité de fibres & de
vaifteaux , qu'à moins d'une gran-
de attention pour les féparcr
on court rifque d'enlever d'un
bout à l'autre tout le pannicu-
le attaché à la peau. z'. A fcicr le
crâne pour l'ouvrir j 3^. à enlever la
cervelle ', 4°. à découvrir les ventri-
' M A R
culesde la cervelle ; $". à. lever les
mufcles des yeux.
Les Obfervations Phyfl^ues, Anet-
tomicjues & curieufes fur différentes
parties dti corps & fur quelques mala-
dies ^ contiennent quatorze articles.
On examine dans les fîx premiers
ce que c'eftque l'eau du péricarde ;
pourquoi les poiflbns n'ont qu'un
ventricule au cœur ; quelle eft la
caufe qui donne au fang du ventri -
cule gauche du cœur , la couleur
vive dont il eft ; ce que c'eft que la
réparation mitoyenne du cœ-ur, &
les pores de cette féparation : quel-
le eft la fubftance des poumons ; &
s'il eft vrai , comme l'a cru Hippo-
crate , que quelque partie fine de
la boiflon fe puifte glilferpar la tra-
chée artère dans les poumons.
Les huit autres concernent i^.la
membrane qui entoure les pou-
mons •, i°. la morve des Chevaux ;
3°. le relâchement des mufcles de-
mi épineux ; 4°. le fang extravafé
hors des vaifteaux capillaires de la
cuifTe-, 5°. les maux du gros tendon
du jarret i 6". la touxbure ; 7°. les
jrteres épigaftriques Se mammaires^
8°. la queftion fi un animal peut
vivre fans rate.
De ces articles nous n'en ex-
trairons que trois , fçavoir : celui
du relâchement des mufcles demi-
épineux , celui du fang extravafé
hors des vaifteaux de la cuifte , &c
celui de la fourburc. Ces trois
exemples , avec ce que nous avons
rapporté jufqu'ici , fuffiront pour
donner une idée de l'Ouvrage.
1°. Dans l'article du relâchement
des miilcles demi-épineux , l'Au-
S, 173?. 147
teur obferve que ce qu'on appelle
l'effort des reins d'un Cheval ^ eft
plus fouvent le relâchement dont il
s'agit , qu'une diflocation des ver-
tèbres des reins. La paire des muf-
cles demi-épineux , dont on trou-
vera la dcfcription dans le Chapitre
des mufcles du dos & des reins ,
pag. 244. eft fujette à divers acci-
dens, dontlesplus ordinaires vien-
nent de ce qu'on aura trop chargé
un Cheval , ou de ce qu'on l'aura
trop- tôt deftelé quand il aura eu
chaud , ce qui caufe à ces muf-
cles , dit notre Auteur , tm refroi'
diffement & un relâchement qui les
prive en quelque manière de fentiment
& de mouvement^ en forte que le Che-
val devient inutile : le même acci-
dent vient auftî trcs-fouvent de lui-
même aux Chevaux vieux & mai-
gres , foit par foiblcfte , foit parce
qu'ils abondent en humeurs phleg-
iTiatiqaes ; car alors les mufcles
dont il s'agit fe relâchent fi tort ,
qu'à peine le Cheval peut-il porter
Ion corps. Notre Auteur penfc
qu'il n'y a rien de meilleur dans ce
dernier cas , que de donner au Che-
val une fortifiante nourriture , 8c
d'appliquer en même tems quelque
emplâtre qui ranime &c confolidc
la partie relâchée.
A l'égard des Chevaux qui ont
conrradré ce mal pour avoir fouffert
du refroidiflcment , notre Auteur
confeille de leur donner intérieure-
ment des remèdes chauds & con-
fortatifs , d'appliquer auftî fur la.
partie relâchée quelque peau de
mouton toute chaude &c fouvent
renouvcUée , ou de les faire luer
148 JOURNAL D
dins un tas de fumier , & après
qu'ils en font fortis de leur appli-
quer fur les reins une emplâtre
fortifiante.
Pluiîeurs Maréchaux prennent
toutes les maladies de ce genre ,
pour une diflocation des reins :
mais la plus commune caufe de cet-
te foiblefTe , félon notre Auteur ,
cft la trop grande extenfion des
mufcles demi-épineux -, il avoiie
cependant que les reins du Cheval
fe trouvent quclquetois difloqués,
£c il raconte avoir vu dans un Che-
val , non feulement toutes les par-
ties mufculaires comme brifées , &
plu fleurs Àc leurs intervalles rem-
plis d'une humeur congelée , mais
avoir vu encore dans ce Cheval,
une forte diflocation à l'endroit où
l'os Sacrum fe joint à la dernière
vertèbre des reins. Il prétend que
cette maladie eft rarement curable,
& que f\ on vient quelquctois à
bout d'y remédier , ce n'eit que par
de grands foins & de longs ména-
gemcns.
Pour ce qui eft de l'article qui
<:oncerne le fang extravafé hors des
vaifTeaux capillaires de la cuifle du
Cheval, l'Auteur obferve d'abord,
qu'il laut par la diffedlion fe bien
mettre au fait des trois mufcles de
la cuiiîe , nommés le droit , le vafte
externe , Se le vafte interne j parce
<jue l'on verra alors comme ces
mufcles fe joignent tous trois &c
forment par leur union un tendon
très-large & très-fort qui envelop-
pe la rotule de la cuilTe & la main-
tient fi ferme en fa place fur la join-
çoie de l'os du haut de h cuilTc avec
ES SÇAVANSi
l'os du bas de h cuilfc , que cette
rotule n'en peut jamais , ou que
très-rarement, être déplacée, cnfor-
te que i\ cette partie eft fouvcnt
afFcciée par des extenfions violentes
& des cntorfes , notre Auteur alfu-
re n'y avoir cependant jamais ap-
perçû aucune véritable diflocation.
Il avoiie qu'il peut arriver pai
quelque accident que la rotule foit
amenée d'un côté ou d'un autre ^
mais il foûtient qu'alors elle eft
aufli-tôt remifc en fon lieu par l'ac-
tion de ce tendon compofé & liga -
menteux qui fur le champ revieirt
comme un rcfl^ort,dans fa première
fituation , & ramené en même
tems l'os auquel il eft attaché -, de
forte , dit-il , que ce qui eft com-
munément pris pour une difl.oca-
tion de h. rotule , paroît plutôt ve-
nir d'un fang extravafé liors des
vailfeaux capillaires qui fouventfe
rompent par de grandes extenfions:
le fang s'étant gâté & épaifli dans
les efpaces qui fe trouvent entre les
membranes & les mufcles , afTedlc
les parties fcnfiblcs du voifinage,
ce qui cauic au Cheval la grande
douleur qu'on voit fucceder à de
tels accidens. Les moyens dont no-
tre Auteur veut qu'on fe ferve pour
guérir ce mal , font d'échauffer d'a-
bord la partie avec des huiles péné-
trantes avant que le fang foit con-
gelé; mais lî ce remède ne fait rien,
d'en venir à fendre la peau , puis de
fouffler dans l'ouverture pour fépa-
rcr l'un de l'autre les deux cotez de
la peau , & procurer par ce moyen
une libre fortie à la matière conge-
lée r ce remède , dit l'Auteui , guic-
M A R
ïitle Clieval de façon , que dans la
fuite il ne fe teffent plus de fa mala-
die ; par où on voit , continue-t-il ,
que s'il étoit vrai , comme le
croyent bien des Maréchaux , que
l'os fut déplacé , cette manière de
procéder qui eft d'écarter les deux
peaux , donneroit encore plus de
facilité à l'os de fortir.
Pour ce qui efl: de la fourbure ,
voici ce que l'on obferve là-delTus :
îorfque les fibres des tendons qui
s'attachent au petit pied pour le
mouvoir font affei^ées par quelque
accident , ce qui s'appelle fourbu-
re, les Chevaux en fontlîincom-
-modés qu'à peine peuvent-ils mar-
cher. Cette maladie eft très difficile
à guérir , parce que , comme le re-
marque notre Auteur , les fibres
-dont il s'agit ont beaucoup de por-
tée & que plufieurs de ces fibres
écoulent au côté fuj)érieur de l'os
S; ï75 5^ 149
entre cet os &c la corne ; de forte
-que la corne croiffant fur les côtcz
du pied, comme la folle fait au-
deilous , c'eft un grand hazard fî on
-guérit ce mal en dcfTolant feule-
jnent , & en n'enlevant pas auS
une partie de la corne. Notre Au-
teur dit qu'il n'efl pas le feul qui
foit de cette opinion & il fe fonde
fur l'expérience de ceux qui ont
guéri des Chevaux fourbus , en d4?
coupant la corne depuis la couron-
ne jufqu'cn bas en cinq ou iîx en-
droits , Se jufqu'à y faire venir le
fang ; puis en appliquant les remè-
des convenables. Guérifons qu'Us
ne feroient pas venu à bout de faire,
en deiTolant feulement.
U feroit à fouhaiter que l'Auteur
ne fe fût pas contenté de quelques
Obfcrvations fur les maladies des
Chevaux , mais qu'il eût donné là-
deflus un Traité complet.
R E R U M I T A L I C A R U M S C R I P T O R E S , C^v;
C'eft-à-dire : Recueil des Ecrivains di l'Hifloire d' Italie , depuis l'an 50D.
jufcjH'hran 1500. P^^ ^. MuRAXORi. Tome IX. col.i^'^%. A Milan,
par la Société Palatine. i-jt6.
CE neuvième Volume eft dédié
à Antoine I. Duc de Parme &
de Plaifance. Toutes les Pièces qui
le compofent n'avoient pour la
plupart point encore vu le jour. On
y trouve 1°. une Chronique de Gê-
nes , depuis l'origine de cette Ville
jufqu'à l'an 1297. par Jacques de
Varagine, Archevêque de la même
"Ville. Ce Prélat , célèbre parmi les
Ecrivains Ecclefiaftiques , eft ordi-
jiairement connu fous le nom jde
yoragine, nom qui, fi l'on croit
Tritheme , lui avoit été donné à
caufe de la protondeur de fa fcience
dans les Saintes Lettres. M. Mura-
tori rejette avec raifon une étyrao-
logie fi forcée , & prétend que Je
véritable nom de l'Auteur eft f^a-
ragine , de Varagio lieu de fa najf-
fance &: fitué à dix mille de Savonc.
D'où , fuivant la coutume ordinai-
re des Religieux en ce tems-là , il
avoit pris ce furnom.
On fçait encore que Jacques en-
tia.d'aboid dans l'Ordre des f reies
lyo JOURNALD
Prêcheurs , &c qu'il Fut nommé Ar-
chevêque de Gênes en 1292. il vé-
cut en grande réputation de fcicnce
& de pieté i on ne peut conteftcr
ic premier , mais à l'égard du fé-
cond , il fuffitde fe rappcUcr la Lé-
gende dorée dont il eft l'Auteur,
pour fc former une juftc idée de cet
Ecrivain.
Blondus , & Philippe de Berga-
me racontent que Bonilace VIII.
qui le regardoit comme attaché à
la fadlion impériale , en lui don-
nant des cendres le premier jour de
Carême , au lieu des paroles ordi-
naires dans cette cérémonie , em-
ploya celles-ci , fonvene'^vous ejue
vous êtes Gibellin , & cjiie vous re-
toumereX^en poudre avec vos Gibel-
lins. Mais M. Muratori prérend
que fi ce fait eft vrai ^ il a dû pliitôt
arriver à Porchetto Spinola fon
SuccelTeur dans l'Archevêché de
Gênes , qui véritablement tomba
dans la difgrace dcBoniface VIII. au
lieu que refprit pacifique dcjacques.
ne donne pomt lieu de croire
qu'il fe foit jamais attiré un trait pa-
reil. Ce Prélat mourut en 1298.
Les autres Ouvrages qu'il avoit
compofés , & dont U nous donne
lui-même le Catalogne , dans fx
Chronique, font depuis long-tems
entre les mains des Sçavans ; cette
Chronique n'avoit point encore vu
le jour i quoiqu'il y ait des chofes
très-curicufcs & propres, fur-tout .\
éclaircir l'Hiftoire Ecclciîaltiquc de
Gênes , dont il oublie cependant
quelques Evêqucs , elle eft remplie
de tant de f.ibles , de digreflîons 6c
de bévûLs que M. Muratori n'a
ES SÇAVANS,
pu prendre fur lui de nous U
donner toute entière ; mais dans U
crainte qu'on ne l'accusât de facri-
ficr à fon propre goiît les endroits
qu'il retranche , il a pris la précau-
tion d'en donner le précis dans des
Notes.
2°. Un Poème fur ce qui s'cft fait
à Milan fous Othon-Vifconti Ar-
chevêque de cette Ville , par Ste-
phanardvis de Vicomercato de
l'Ordre des Frères Prêcheurs. Cet
Auteur éroit de Milan , d'une fa-
mille qui eft encore aujourd'hui
fort diftinguée , les liaifons qu'il
avoit avec Othon-Vifconti , le pre-
mier qui a jette les fondemens de
lagrandeur où cette famille eft par-
venue depuis , l'engagèrent à écrire
ce qui s'étoit palfé de fon tems àMi-
lan. Ce Prélat, après en avoir chaftè
les Seigneurs Della-Turre, fe rendit
maître du temporel & du fpiritucl
de cet Etat en 1277. & vécut juf-
qu'en 1295. comme on le voit dans
fonEpitaphe.Sthcphanardus a décrit
cet évcncmcnr avec exactitude , &
M. Muratori affure qu'il y a peu
d'Hiftoriens qui parlent plus judi-
cieufement que lui de ce qui regar-
de le Milanois. Sa verlihcation
n'cft pas mauvaife , fi on a égard
au tems où il vivoit. Il mourut en
M. Muratori avoit déjà donné au
public ce Pocme dans le troifiéme
Tome de fes Anecdotes , mais affez
imparfait. Il nous le prcfcntc au-
jourd'hui plus exad: & enrichi de
Notes , il avoiie cependant qu'il y
a encore quelques lacunes & quel-
ques endroits obfcurs ^ fui lefquels
M A R
il n'a ïépn^u auamcs lumières ,
foit parce qu'il a craint d'ennuyer
le Ledcur en multipliant les remar-
t^ues, foit même par rimpoflibili-
té où il s'eft trouvé de rien dire qui
le contentât.
3°. Pomaritim Ravemiatis Eccle-
{ÎA , ou Hiftoire Univerfelle depuis
i'an 700. jufqu'à l'an 1297. L'Au-
teur, à qui les Manufcrits donnent
le titre de Ricobaldo de Ferrare, &
& auquel Jérôme Rubeus dans fon
Hiftoire de Ravenne , ajoute , fans
nous en apporter de preuve, le
îiom de Gervais avec k qualité dç
Chanoine de Ravenne, avoit com-
mencé fon Ouvrage avec la naif-
fance du monde. Malgré l'érudi-
tion de Ricobaldo , comme dans
tout ce qui regarde les anciens
tems , il n'avoitfait fuivantla cou-
tume des Sçavans de ce ficcle que
copier fans difcernemcnt ceux qui
l'avoient précédé , l'habilç Editeur
a fuprinié une compilation iî en-
nuveufe pour fe borner à ce que
l'Auteur a de curieux , & d'interef-
fant. Dans les tems qui approchent
de celui où il vivoit, il n'y a per-
fonne qui ne fente la fupcriorité
qu'il a fur tous les autres Hiftoriens
de ce fiécle , foit pour le fonds des
chofes , foit par la manière même
de les raconter. On y lira fur-tout
avec plaifir ce qu'il rapporte de la
groffiereté des mœurs des Italiens
en l'année 1234.
Cette Edition ctoit déjà prête
à voir le jour , lorfque Monlîeur
Muratori apprit qu'il avoit été pré-
venu par Jean-George Eccard qui a
inféré notre Auteur dans le premiei
S; 1755- ijT
Tome de la Colleûlon des Ecri-
vains du moyen âge, impiinuc en
a Tomes à Leipfic fur un Mf. de la
Bibliothèque du Duc de Volfenbu-
tel.
Il y a joint deux autres Ouvra-
ges ^ le premier fous le titre de
Compilation Chronologique de-
puis le commencement du mondç
jufqu'à l'an 1313. Ce n'eftquel'a-'
bregé du Pomarimn , & prefquc
toujours avec les mêmes expref-
fions dont Ricobalde s'étoit fervi ,'
ce qui a engagé M. Eccard .1 l'attri-
buer à cet Auteur. Le fécond Ou-
vrage eft une Chronique compofée
par le Chevalier Jean-Philippe de
Lignamine de Meflîne , Imprimeur
Romain , qui a continué cette
Compilation jufqu'à l'an 1 4^5 . il
la fit imprimer à Rome en 1474.
& la dédia au Pape Sixte IV. auquel
il étoit attaché. M. Muratori a cru
qu'on reverroit ici ces trois Auteurs
avec d'autant plus de plaifir que le
Mf. d Eft qu'il a fuivi dans cette
nouvelle Edition eft plus complet,
& plus corred: que ceux dont M.
Eccard s'eft fervi. Il relevé même
une erreur alTez confiderable dans
laquelle ce Sçavant eft tombé.
4°. La Chronique des Empereurs
Romains depuis Charlemagne juf-
qu'à Othpn IV. traduite en Italiea
par le Comte Mathieu-Marie Bo-
jardo-Ferrarois fur le Latin de Rico-
taldo auiïî Ferrarois.
M. Muratori avolie que quel-
ques recherches qu'il ait taites , Ja-
mais il n'a pu trouver le prétendu
original Latin de cette Hiftoire j il
lui paroît même très-probable que
tSi. JOURNAt DE
leBojardo en cft le véritable Auteur,
Se qu'il ne l'a mife fous le nom de
Ricobalde que pour mieux accré-
diter les fables dont elle eft rem-
plie. Aullî M. Muratori , avoLic-t-
U qu'il a long tems balancé à la ti-
rer des ténèbres où jufqu'alors elle
avoir été cnfévclie. Il convient
que l'ordre des tems y eft par-tout
renverfé , que les Généalogies des
familles y font confondues , que le
îojaido eft aulH Poète dans cette
Chronique qu'il l'eft dans fôn Ro-
land amoureux , Orlando Innarno-
rato , en un mot que les erreurs y
fourmillent. Citiiis , dit-il , AugiA
Stabulnm , quam Rïcohddi Librum
furgares , il demande cependant
qu'il lui foit permis de la donner
comme un Roman , ou comme il
s'exprime encore veluti Corvo tnter
Olores lociim dare. On aura du
moins le plaifir d'y voir les fources
où leBojardo même & l'Ariofteont
puifé les avantures extraordinaires ,
ôi les noms chimériques de ces
Princes fameux dont ils ont bigarre
leurs Ouvrages , car ils ne font pas
les Auteurs de ces fiâ:ions , elles
avoient été forgées long-tems avant
eux.
On ne fcait au jufte en quel
tems notre Auteur publia cette
Hiftoire. Il faut qu'il l'ait écrite
entre l'année 1471. que le Duc de
Ferrare , Hercules Marquis d'Eft ,
auquel il la dédia , a commencé de
régner , & l'année r454. que le Bo-
)ardo mourut, il avoit été en grande
condderation fous les Ducs de Fer-
rare ^ qui le firent Gouverneur de
Rcgio. Cet Ouvrage a été imprime
5 SÇAVANS,
fur un Mf de la Bibliothèque de*
Religieux Camaldules dcRaveime,,
Se on en a retranché tout ce qui
précède le tems de Charlemagne.
f". L'Hiftoire de l'Héréiiarquc
Dulcin de Nouarre depuis 1504..
jufquVn I J07. par un Auteur con-
temporain.
On doit cette Hiftoire à l'atten-
tion de M. Saffi , qui l'a rirt^ de la
Bibliothèque Ambroifienne , 65
qui y a ajouté quelques notes.
Il cft furprenant que cet Auteur^
qui ne parle jamais de Dulcin ni de
fes fentimens qu'en y joignant les
épitétes de dércftable & d'abomina-;
ble , & qui les raconte en détail ,'
ne dife pas un feul mot des affreufes
impudicitcz dont ce chef d'héréfie
6 fes Sénateurs ont été accufés. M.
Muratori convient que te bruit pu-
blic grollit fouvent les crimes de
ces fortes de gens , mais cependant
il croit qu'on ne peut s'empêcher
de croire Evmeric qui rapporte
qu'ils prétendoient que tout dévoie
être commun , même jufqu'aux
femmes mariées ; la même chofeeft
confirmée par S. Bonaventure, Ber-
nard de Luxembourg , Blondus &
plufieurs autres.
6". Une Addition à l'Hiftoirc
précédente tirée encore de la Bi-
bliothèque Ambroifienne
L'Auteur qui l'a écrite parle com-
me témoin oculaire , il nous donne
l'extrait de trois Lettres que ce fa-
natique avoit adreftecs à tous les
Fidèles de J.C On y voit que Dul-
cin le donnoit pour Prophète , &C
qu'il prétendoit prouver entr'au-
tres , par difierens Textes de l'E-
criturç
M A R
sritufe que le Pape , les Evêqucs ,
les Cardinaux & fur-tout les Frères
Mineurs & les Prêcheurs qu'il haif-
foit mortellement , dévoient périr
par l'épée du Seigneur , quand j e-
cris ceci en 131^. dit l'Auteur, il y
« <lix ans que le tems qu'il avoit
marqué pour l'accompliirement de
ces Prophéties , eft palTé. Il rappor-
te en 20. articles les principales er-
reurs de Dulcin ■■, le précis du quin-
zième qui eft exprimé en termes
qui pourroient allarmer la pudeur ,
eft que toutes fortes de libertez
étoient permifes aux deux fexes
l'un avec l'autre ; l'Auteur avoiie
néanmoins qu'il étoit fort difficile
de fçavoir exaiitement les erreurs
de ces Hérétiques , parce qu'ils
croyoient qu'il leur étoit permis de
fe parjurer pour cacher leurs vrais
fentimens.
7°. Une Chronique de Florence,
écrite en Italien par Dino-Compa-
gni depuis l'an liSo. jufqu'à l'an
1311. M. Muratori s'étonne qu'un
Auteur déjà connu , & dont les
Académiciens de la Crufca ont em-
ployé plufieurs expreflîons avec
éloge dans leur Diftionnairc , n'ait
point encore trouvé d'Editeur
moins ancien que Ricordano-Ma-
iefpini ; & pofterieur à Villani qui
ont aulTi compofé l'Hiftoire de
Florence , M. Muratori le préfère
d'ailleurs àces deux Hiftoriens.
Dino-Compagni fut élevé aux pre-
mières dignitez de fa patrie & fur-
toutàcelledeGonfalonier dejuftice.
On n'eft pomt alîuré de l'année de
fa mort. Il a continué fa Chronique
iufqu'en 1312. mais il a vécu plus
Mars,
S . I 73 î- lyj
long-tems , puifqu'ii fit depuis ce
tems-Ià un Difcours au Pape Jean
XXII. qui eft imprime ; il nous re-
fte quelques-unes de fes Pocfies ,
qui montrent qu'il étoit aulfi bon
Poète que bon Hiftorien. Il étoit
d'un caractère 11 plein de modéra-
tion , qu'on ne fçauroit deviner par
la manière dont il raconte les cho-
fes , s'il étoit Gibelin.
8°. Un Synode tenu à Bergame
l'an 13 II. parCafton , ouCafTon ,
Archevêque de Milan , ce Prélac
vivoit dans le tems où Ip Milanois
croit défolé par la fadion des Guel-
phes &c des Gibelins , il fouffrit
beaucoup de leur animofité. Après
avoir été chafTé de fon Siège par
Gui délia Turre , un de fes pro-
ches parens , qui étoit le chef du
parti des Guelphcs , & rétabli en-
fuite par l'Empeur Henri de Lu-
xemboug , il fut obligé de s'exiler
lui-même , & il mourut Patriarche
d'Aquilée. 11 eft aifé d'apperccvoir
qu'au milieu de ces troubles les
biens des Ecclefiaftiques étoient
fouvent expofès au pillage ; il n'cfl:
donc pas furprenant que la plupart
des Canons , ou plutôt des Ralin-
gues de ce Concile , car c'eft ainfi
qu'ils font intitulés , établiflenr des
peines contre ceux qui violeront
les immunitez Ecclefiaftiquesi dans
un Canon où la modeftie eft recom-
mandée aux Clercs , il leur eft dé-
fendu de porter le capuce fur la tête
comme les Laïques ; & on leur en-
joint au contraire de le laifler tom-
ber fur les épaules , & de ne fc
couvrir que d'un bonnet Biremm^
ufage que nos Prélats , ont encore
confeivé. V
i;4 JOURNAL D
M. Saffi n'ayant pu retrouver les
Aftcs originaux de ce Concile
qu'on confervoit autrefois dans les
Archives de l'Archevêché , a cru
rendre un fervice important à i'E-
olilc de le faire imprimer fur une
copie qui fe trouve dans la Biblio-
thèque Ambroificnne j mais dans
laquelle on a omis les fignatures
des Evcques qui y affilièrent. Il y a
lieu de croire que Caffon fit tenir
ce Synode à Bergamme , dans un
tems où il étoit chafle de fa Ville
Archiepifcopale.
9°. La Chronique de Frère Fran-
çois Pipin de l'Ordre des Prédica-
teurs. Son Hiftoire remonte juf-
qu'à l'origine des Rois de Fran-
ce ?c va jufqu'cnviron l'an 1314.
qui cft le tems où l'Auteur même
vivoir^mais comme depuis ce fiéclc
jufqu'au 12% il ne tait que copier
pour ainfi dire mot pour mot Egi-
nard , F^ugue de Flavigny , Sige-
bert, le fauxTurpin, Landulphe
l'ancien, Martinus, Polonus, Guil-
laume de Mamefbury , Vincent de
Bcauvais & plufieurs autres Ecri-
vains , tant bons que mauvais, M.
Muratori a cru que le Ledleur ai-
mera mieux chercher i'Hiftoire de
CCS tems dans les fourccs que dans
les ruifleaux , ainfi il a fupprimé
tout ce qui précède l'an 117^. il
afTurc même que fi dans les pre-
miers Tomes il a eu l'indulgence
d'inférer en entier les Ouvrages de
quelques-uns de ces honnêtes Vo-
leurs , honeftos pritdones , qu'il n'en
ufera plus ainfi à l'avenir. Du reftc,
îl fe flatte que cette Hiftoire dans
ïctat où il la prefènte ne fera pas
ES SÇAVANS;
moins utile qu'ajiréable auT Lec-
teurs , il s'cNCufc d'y avoir laifle
quelques traits -./oandus dans le
peuple par les ennemis de certains
Papes. Il prefume que perfonnc ne
fera ni aflez délicat pour en être
choqué , ni affez foible pour rica
perdre en les lifant du refped que
tous les Catholiques doivent au
Saint Siège.
10°. Une Chronique par un Au-
teur contemporain , depuis l'an
1038. jufqu'à l'an 1309. tirée d'un
Mf. de la Bibhotheque d'Eft : ce
qui regarde Parme , & les autres
Villes Voilmcs v cft décrit avec un
air de candeur & de vérité qui pré-
vient en faveur de l'Auteur. Il eft
vraifemblable qu'il vivoit fur la
fin du 13° fiéclc & au commence-
ment du 14*^ ; car il parle alors
comme témoin oculaire.
1 1°. Relation du Voyage de
l'Empereur Henri VII. en Italie,
écrite & dédiée au Pape Clément
V. par Nicolas Evêque de Buthro-
to dans l'Albanie. 11 nous apprend
lui-même qu'il étoit de l'Ordre des
Frcres Prêcheurs ; M. Baluze qui
fur un Mf. de la Bibliothèque du
Roi , l'avoit déjà fait imprimer
dans le fécond Tome des Papes
qui Ont fiégé à Avignon , croit
qu'il étoit Allemand. L'Empe-
reur l'honoroit de fa familiarité , &
ce Prélat mérite d'autant plus de
confiance qu'il ne raconte que les
chofes qu'il a vues , & fouvent
même qu'il a traitées , depuis l'an
1 3 1 G. jufqu'à l'an 1 3 1 3 .
12°. L'Hiftoire de ce qui s'eft
pade en Italie depuis 1250. jufqu'ea
M A R
ijiSf. par Ferretto de Viccnce ,
imprimée pour la première toisfur
uir Mf. de la même Ville : Vollius
parle de cet Auteur dans ces Hifto-
riens Latins ; il le compte avec ju-
ftice parmi ceux qui avec Pétrarque
qu'il a précédé cependant , tirèrent
les Lettres de la barbarie où elles
étoientenfevelics. Il avoitcompofé
quelques autres Ouvrages dont
Jean-Baptifte Pajarin ancien Hifto-
ïien de Vicence, nous a confervc
ie Catalogue , parmi lefquels il y
a plufieurs Poëfies. De ce der--
nier genre , il ne nous refte aujour-
d'hui qu'un Poëme à la loiiange du
grand Cané-Scaliger, & des vers fur
la mort de Benevenuto de campé-
fe. On les trouvera à la fin de cette
Hiftoirc.Elle commence à la mort de
4'Empereur Frédéric II. &: continue
jufqu'en 1318. M. Muratori foup-
çonne que nous ne l'avons pas tou-
te entière , & fe plaint que les deux
MIT. fur lefquels il a travaillé foienc
û imparfaits , qu'après en avoir
corrigé une infinité d'erreurs & d'o-
miffions il ait été obligé d'y en laif-
fer encore beaucoup. Ferretto pa-
roîtra fans doute trop amer & trop
mordant , & beaucoup plusdifpo-
fé à blâmer qu'à loiier. Prefque
rous les Princes dont il parle , fans
même en excepter les Souverains
Pontifes , ont été , fi on l'en croit ,
ou des Tyrans , ou des gens fans
foi^ mais il faut confiderer qu'au
milieu des violences & des trou-
bles caufés par la fadion des Gibe-
lins & des Guelphes , il étoit
prefque impofliblc à ceux qui gou-
yçtnoient , d'ufer de remèdes ordi-
S> 173 3- 15^
naires & modérés. On ne fçait rien
en particulier de notre Auteur finon
qu'il écrivoit fon Hiftoire environ
vers l'an 1318.
1 3". Un Poëme du même Auteur
fur l'origine des Scaligers écrit en-
viron vers l'an 1 5 19. & adrefïe au
grand Cane - Scaliger ou dclla Sca-
la , Seigneur de Vcrpnne-, dé'. Vi-
cence &: de PadoLic ; Ferretto dans
le 6^ Livre de fon Hiftoire l'accufe
de cruauté & d'avarice -, mais ici
perfuadé apparemment que les
ïoiiaqges des Poètes ne tirent point
à coniéquence , il nous le reprc-
fente comme un Prince capable
de fervir de modèle à tous les
autres. Son Poëme eft divifé en
quatre Livres. Quoique les vers en
foient plutôt enflés que nourris à, la
manière de Lucain , de Stace & de
Claudien , qu'il n'y ait aucune va-
riété dans leur nombre , & qu'il
foit rempli de digreffions inutiles ,
c'ei^ toujours beaucoup que d'avoir
fait de tels vers dans un pareil fîé-
cle.
14'. Une Hiftoire de lafituatioà ;
de l'origine des habitans de Milan
Se de leurs adions fous le règne
d'Henri VII. depuis l'an 1 307. jiif-
qu'àl'an 15 13. par Jean de Cerme-
nate Notaire de Milan. M; Murii-
tori avoir déjà donné cette Hiftoi-
re au public dans ie fécond Tome
de fes Anecdotes^ la beauté & la
netteté du ftyle de cet Hiftorien,
le bon goût qu'on y remarque , &
qui annonce le fiécle de Peticarque,
la part qu'il eut en qualité de Sin-
dic deMilan aux affaires dont il trai-
te, ont obligé M. Muratori de le
y H
is6 JOURNAL DES SÇAVANS;
réimprimer ici. On voit par un Jean de Ccrmenate vivoit encore
partage de Gualvanciis de la flanv en 1330.
ma dans fon Maniputits Florum que
TRAITE' DV SVBLIME , A MONSIEVR DESPREAVX.
Ou l'on fait voir ce cfue c'eji tjue le Sublime ^ & fes différentes efpeces ; Quel
en doit être le ftile. S'il y a un art du Sublime , & les raifons pourquoi d
ejifi rare. Par Ai. Silvain , Avocat en Parlement. A Paris , chez Pierre
Prault , Quai de Gêvrcs , au Paradis. 1732. vol. in-\i. pp. 430.
ON s'étonnera fans doute ,
que ce Livre ^ qui paroît au-
jourd'hui pour la première fois ,
foit addrefléàM. Defprcaux; mais
il faut fçavoir ( comme en avertit
!e Libraire ) qu'il/;<; achevé dans les
premiers mois de 17 18. & que c'eft
ce qmfi peut jtifiifierpar le témoigna-
ge de plujkurs perfonnes de mérite cpii
lurent cet Ecrit en ce tems-là ■■, l'Au-
teur ayOMt toujours eu ce refpeiî pour
le public , 1^1? ne lui rien donner qua^
prés P avoir fait examiner auparavant
par des gens de bon goût & d^tme fai-
ne critique.
Horace veut qu'on laiflfe repofcr
un Ouvrage neuf ans avant que de
le publier, mais celui-ci , comme
on voit, en a repofé quinze.
Plufieurs raifons ont engagé M.
Silvain à écrire fur le Sublime : la
principale eft, qu'il n'y a point , fe-
Jon lui , de matière plus importan-
te & en même rems plus ignoré2
qae celle-ci :
Quant à l'importance, il prétend
que de toutes les parties de la Rhe-
-lorique , il n'en eft aucune qui ait
xant de rapporta la morale que le
- Sublime,parce qu'il n'en eft aucune,
dit-il, qui foit plus capable de faire
^entir^à l'homme fa grandeur nmurti-
le , non feulement parce que le Subli-
me élevé l'ame , & qu'il la remplit
d^une fierté noble qui vient de la vertu
& de la magnanimité , mais encore
parce qu'il nous fait reconnaître que
ce Sublime fi merveilleux qui nous ra-
vit , a fa principale fource dans notre
cœur.
» Qiiand par tout mon difcours,
» dit Ai. Silvain , je ne ferois que
»9rappeller mes Lecteurs , poule
» quelques tems , à leur cœur & à
«leur efprit , en leur infpirant
y> quelque amour pour une ehofe
3> aullî noble que le Sublime , & ce
»qui le produit , je me croirois
aalfez bien payé de ma peine.
Tel eft le motif qui a porté no^
tre Auteur .\ faire le Traité dorrt
nous allons rendre compte : ce
Traité comprend trois parties : daiîs
la première , M. Silvain définit
d'abord le Sublime, puis il en mar-
que les différentes efpeccs. Il eflayc
de montrer dans la féconde , que le
Sublime ne coniifte pas en pluiîcuTS
chofes où on l'a lait conlîfter jufi-
qu'aujourd'hui. Il expofe dans k.
troilîcme quelques méprilcs qu'il
attribue à Longin , puis il examine
quel doit être le ftyie duSublimcj
s'il y a un aie du Sublime, & enfin
M A R
par quelles raifons le Sublime eft
quelque chofe de fi rare.
Quant à la définition du Subli-
me,elle n'eft point facile à faire : Sc
comme le remarque notre Auteur,
les doutes de la Bruyère & de plu-
fleurs autres grands hommes , fur
ce fujet , font bien voir que le Su-
blime eft quelque chofe de très-
obfcur & de très-inconnu. Longin
le définit , ce c/ni enlevé, tranfporte,
entrahe j mais M. Silvain appelle
cette prétendue définition , un élo-
ge pliitôt qu'une définition , & il
obferve qu'un raifonnement vif &
preflant, un récit animé, une paf-
îîon bien touchée , peuvent tranf-
porter & entraîner, fans être fubli-
mes. Qu'eft-ce donc que le Subli«
me ? Le voici , félon l'idée de no-
tre Auteur : C'efl un Difcours d'un
tour extraordinaire, qui , par tes plus
nobles images , & par les plus grands
fentimens , dont il fait fentir toute la
noblejfe par ce tour même d^exprcjfion,
élevé rame au-deffiis de fes idées ordi-
naires de grandeur, & qui , la portant
tout a coup , avec admiration a, ce
tjudy a de plus élevé dans la nature;
la ravit , & lui donne une haute idée
d'elle-même.
M. Silvain explique toutes les
parties de cette définition ', premie-
lement , il dit que le Sublime ejî un
difcours, pour diftmguer le Sublime
dont il parle d'avec celui des
jnœurs qui eft , dit-il , tout entier
Jans les mœurs, dans les aûions
héroïques , & dans les plus nobles
jmouvemcns du cœur confideiés en
♦ux-mêmes.
De ce que le Sublime eft appelle
S . 175 5' îT?
ici un Difcours ~, il fembleroit qu'il
ne confifteroit que dans les paroles,
mais notre Auteur va au-devant de
cette penfée , en déclarant que le
Sublime efl tout a la fois & dans les
chofes & dans les paroles choiftes &
tournées d!une certaine manière.
Il dit en fécond lieu que , le Su-
blime eft un difcours d'un tour ex-
traordinaire , & il avertit qu'il en-
tend par-là , un tour vif & animé ;
mais £ une vivacité finguliere & pro-
pre à cette efpece de difcours.
Pour montrer combien ce tout
extraordinaire eft effenticl au Subli-
me , il demande d'où vient que ce
trait , Dieu dit que la lumière foit fai-
te ,& la, lumière fut faite , eft fubli-
me ', tandis que cet autre , le Souve^
rain arbitre de la nature , d'une feule
parole a formé la lumière , ne l'eft
pas i quoique aa fonds , ils difenC
tous deux la même chofe ? Il ré-
pond que c'eft que ce dernier ne
contient qu'un récit tout pur , tout
uni, & fans mouvement j au lieu
que le premier a un tour vif, ani-
mé & extraordinaire ; Moyfe , dit-
il , y peint la chofe aux yeux & en
fait une image fi vive qu'on y voit
tout à coup & l'adion divine & la
vitefte de l'action -, enforte qu'au
moment même où le Seigneur dit
que la lumière fe faffe , la lumière
fe trouve faite. Voilà , s'écrie M.
Silvain , ce qui élevé l'ame avec ad-
miration , voilà ce qui touche &
ce qui entraîne , au lieu qu'on n'cft
point touché de l'autre exemple.
Notre Auteur remarque à ce fu-
jet , que fl quelqu'un difoit de lui-
même : On ne doit point me pleu^
i;8 JOURNAL DE
rer mourant pour mon Pays , per-
fonne ne feroit fort cicvc , ni tort
ému de ce difcours ; mais que dans
Corneille , Horace vienne à dire :
Quoi ! vous me pleureriez mourant pour
mon Pays !
On cft ravi , on efttranfportc à
la vue de ce trait , ejui étale f vive-
ment la magnanimité de ce Héros.
M. Silvain dit en troilîéme lieu
que le Sublime fait fencir toute la
grandeur des objets & des fenti-
mens par ce tour même d'expref-
fion i il juftihe ia propofition en
faifant remarquer que iorfque ce
tour extraordin.iiie ne i'e trouve
point dans le difccais , on n'y
trouve plus le Subi; me.
Il ajoute en quatrième lieu , que
ce Sublime élevé l'ame. Pour le
prouver il obferve que tout dif-
cours étant deftiné à faire quelque
impreflion dans l'efpritjôi le Subli-
me , félon l'idée même que ce mot
prelente , n'étant pas fan fans dou-
te,pour émouvoir les partions, pour
initruire , ni pour convaincre la
raifon , U s'enfuit qu'il ne lui reftc
plus que d'élever l'ame.
La quatrième partie de la défini-
tion que nous venons de rapporter
du Sublime , cft , qu'il élevé l'ame
au-dejfus de fes idées ordinaires de
grandeur; comment cela ? M. Sil-
vain en donne deux raifons : il tire
la première , du terme même de
Sublime , qui marque , dit-il , tout
ce qu'il y a de plus élevé : il tire la
féconde de la nature de l'efprit hu-
main : l'homme cft grand &: fait
pour ia grandeur •, & iorfque dans
5 SÇAVANS.
des objets où il n'avoit apperça
qu'une grandeur commune , le Su-
blime vient à lui en prcfentcr une
extraordinaire , & à la lui prcfentcr
dans un point de viâc avantageux,
l'ame eft alors ravie &c tranfportée ,
elle s'élcs'e tout à coup à ce grand
objet qui la frappe i cnforte que le
Sublime , dont le propre eft d'éle-
ver les cfprits d'une manière pro-
portionnée à leur nature , ne feroit
pas Sublime , s'il ne les élevoit au-
deftus de leurs idées ordinaires de
grandeur •, d'oie s'enfuit également ;
conclut notre Auteur , i°. ^u il n'y
a <jfne ce cjni fe trouve de fins élevé
d^ns les f lus grands objets , <jui puijjè
être la matière du Sublime , 2°. <jue
cette quatrième partie de la définition^
eft indubitable \ fçavoir , que ce Su-
blime élevé l'ame au-deJfus de fes
idées ordinaires de grandeur.
La cinquième partie de la même
définition , eft que l'ame ainfi éle-
vée , fe porte à ces grands objets
avec admiration : ce qui , dit M.
Silvain , n'a pas bcfoin de preuve ,
parce que l'admiration eft l'efTeç
naturel & inféparablc de la vue des
chofes extraordinairement grandes,
6 par confequent du Sublime^ qui
en doit être la plus vive & la plus
noble image.
Refte à expliquer le dernier
point de la définition , fçavoir, que
l'admiration & les grands fenti-
mens par lefquels l'ame fe porte à
ces grands objets , lut donnent une
haute idée d elle-même.
M. Silvain dit que cette haute
idée, qu'il prétend que l'ame con-
çoit d'elle-même à l'occalicn à%.
MARS
Sublime,ne vient point de ce qu'el-
le s'imagine alors , comme l'a cru
Lon?in, avoir praâuit ce qu'elle vient
feulement dentetidre. Il trouve que
c'eft-là un trop foible motif; il ajou-
te que i'ardt;ur & la rapidité des
mouvcmens de l'ame n'ont garde
de lui laijfer le loijîr & la liberté de
réfléchir ainft fur les i^ualitez duflyle.
D'où vient donc à l'ame ce haut
fèntiment d'elle-même ? »» C'eft ,
j) dit Ad. Sil'vain ^ qu'elle conçoit ,
»par la nobleiTc de fes idées & de
»fes mouvemcns , jufqu'à quel
a point elle peut s'élever ; quelle
» ell , parconfequent , la grandeur
» & l'excellence de fa nature , Si
»> combien elle eft capable des plus
» grandes penfées &c des plus hé-
» roïques lentimens.
Voilà ce que c'eft que le Subli-
me , félon M. Silvain. Il s'agit à
prefent d'en marquer les différentes
cfpeces , & c'eft ce qu'il eflaye de
faire dans le refte de la première
partie : il avertit au refte que quand
il parle de pluheurs efpeces de Su-
blime, c'eft pour fe rendre plus
clair , & pour s'accommoder à la
portée de tous les Le(5leurs ; car il
déclare que le Sublime eft unique,
& ne fouffre point de divifion.
Mais comme par rapport à la natu-
re des divers objets qui lui fervent
de matière , il peut être confîderé
différemment , M. Silvain prétend
qu'on peut divifer le Sublime en
deux efpeces , fans qu'il y en puiffe
avoir davantage.
Le Sublime dans le difcours eft
l'expreftion d'une grandeur ex-
traoïdinaiie '> or cette grandeur ne
; «75 5^ iTP
fe peut trouvejf que dans les fenti-
mens du cœur de l'homme , ou
dans les autres objets de la nature ,
foit animés, foit inanimés. Cela po-
fé , il ne peut y avoir , félon notre
Auteur , que deux efpeces de Su-
blime , l'une qui regarde les fenti-
mens & l'autre qui regarde les cho-
fes. Il appelle la première efpece ,
\c Sublime des fenttmens & la fécon-
de , lefubltme des images , ce n'eft
pas , dit-il , que les fentimens ne
prcfentent auiîî en un fens , de no-
bles images , puif^u'ils ne font Subli-
mes tjue parce qu'ils expofent aux
yeux , Vame & le cœur de l'homme
dans leur plus haute élévation. Mais
comme le Sublime des images peint
feulement un objet fans mouvement ,
& cjue l'autre Sublime manque un
mouvement du cœur , & un mouv^'-
ment aêiuel , il a fallu diflinguerces
deux efpeces , par ce qui domine en
chacune.
Nous croyons avoir donné une
fuffifante idée de ce que notre Au-
teur penfe de la nature du Sublime.
îl eft tems à prefent d'entrer dans
quelque détail des deux efpeces de
Sublime dont il vient déparier.
M. Silvain établit d'abord i°.
que tous les grands objets de la na-
ture peuvent être le fujet du Subli-
me des images , z". Que non feule-
ment les chofes, mais encore les
perfonnes , leurs qualitez , leurs
vertus & fur-tout leurs grandes ac-
tions peuvent être le fujet de ce Su-
blime , 3°. Qu'il s'enfuit de-la que
lien n'eft plus fuMime que ce trait
dont il a déjà parlé plus haut : Dieu
dit : ^ue la lumière fe faffe ^ &lal»z
t6o JOURNAL D
miere fut faite. Il obferve qu'on ne
voit de pareilles exprcflTions que
dans l'Ecriture , fi ce n'eft , dit-il ,
qu'on voulut mettre de ce rang un
vers d'Homère qui femblc avoir
quelque chofe d'approchant : c'cft
dans l'endroit où Thétis va prier
Jupiter de venger Achile fon fils ,
qu'Agamemnon avoir outragé. Ju-
piter dit à cette Déeffe : Je le com-
blerai de gloire & pour vous en af-
furer , je vais faire un figne de tête,
qui eft le gage le plus certain de la
foi de mes promefles,
Udit: Du tnouTcmentdefa tête tmmor«
telle
L'Olimpe eft ébranlé.
M. Silvain fait diverfes refle-
xions fur ce paflage, il le trouve
d'une grande beauté -, mais il re-
marque que rOlimpe ébranlé n'eft
pas quelque chofe de comparable à
la produÂion d'un être aufli mer-
veilleux que la lumière. » Moyfe ,
» dit-sl , hit voir qu'en Dieu , par-
»let & créer , n'cft que la mê-
7> me chofe ; ce qui convient à
» un Dieu , & ne convient qu'à
» lui feul ; au lieu qu'il faut que
n Jupiter agifie corporellement
i> pour ébranler le CicU or une tcl-
•» le ai5lion peut convenir à l'hom-
nme.
Notre Auteur avoiie cependant
qu'il n'y a aucun homme qui ait
aflez de force pour ébranler une
voûte comme celle du Ciel , mais
il dit que cette force n'cft pas con-
traire à la nature de l'homme , &
que Dieu fans changer l'effence de
ES S A VA N S ,
l'homme , pourroit augmenter af-
fez les forces humaines pour ce
grand effort.
M. Silvain demeure néanmoins
d'accord que cet endroit d'Homcrc
eft fubhme , auftî-bien que celui-ci
qui eft cité par Longin.
Neptune ainfî marchant dans ces vafies
campagnes ,
Fait trembler fous Tes pieds & forêts ft
montagnes.
Mais il eft fans comparaifon plu$
touché du partage fur la lumière &
de quantité d'autres femblablcs qui
fe trouvent dans l'Ecriture , tel»
que font , par exemple j
Il parle , les ventt accourent , & les flots
de la met s'élèvent.
Il change l'Aquilon en Zéphif) & les flots
j(è taifenc.
II parla avec menaces à la mer, & elle
fut fechée.
Il a jette Tes regards & les Nations ont
été diflipées.
J'ai parlé , où fbnt-ils ?
Dans tous ces exemples , ce qui
produit le Sublime , c'eft félon la
remarque de notre Auteur , l'ima-
ge de ces allions mervedleufes , celle
des effets (^if elles prodnifent & de la
facilité avec lat^itelle elles fe font ,
farce que tout cela élevé l^ame ^ &
l'élevé an-dejfus de fes idées ordinaires
de grandeur.
On ne s'attcndroit pas à voit
ici M. Silvain en parlant d'un parta-
ge de l'Ecriture lequel eft alfez
ièmbiable à ceux là , déclarer néan-
moins.
M A R
moins qu'il n'y apperçoit pas de
Sublime. C'eft celui oà David dit :
J'ai vît l'impie dans la gloire , &
plus élevé cfue les cèdres j fai repaffè ,
& il néioit plus : je n'ai p^s même
trouvé le lieu oit il était.
n Je vous avoiie , dit M. Silvain,
» que ce palTage ne me paroît pas
M fublime , quoique j'en aye été
» frappé fi terriblement , qu'il n'y
» en a prefque point dans l'Ecritu-
» re, dont je fois plus touché.
Laraifon que notre Auteur ap-
porte pour juftifier là-delTus fon
îentimcnt , ne paroîtra pas peut-
être moins finguliere. » J'ai cher-
» ché quelque tems , dit-il , la rai-
» fon de cette divetfité de fenti-
» mens , & enfin j'ai trouvé que cet
«endroit étonne & effraye plus
» qu'il n'élevé l'ame. Car il me
» femble qu'il y a bien de la difte-
« rence entre ce qui étonne & ce
3> qui fe fait admirer.
M. Silvain , comme on voit , ne
trouve pas que cet exemple prcfen-
te rien qui éleVe l'ame i nous ne ga-
ïantiffons pas que bien des Le(îleurs
ne trouvent au contraire qu'il élevé
infiniment l'ame , en lui reprefen-
tant d'une manière fi vive le néant
des grandeurs humaines & la faifant
remonter par-là au fouverain être.
Ce que notre Auteur ajoute pour
juftifier la différence qu'il veut
qu'on mette entre ce qui étonne &
ce qui fc fait admirer , ne trouvera
peut-être pas moins de contradic-
teurs.
» Il dit que l'admiration eft toû-
a» jours accompagnée de joye & de
» plaifiri que l'étonncmen: au con-
M'Vrs.
S, 175 j. ,(?i
» traire abat , 8c eft fuîvi de crainte
» & par confequent de trifteffe.
M. Silvain ne peut cependant
s'empêcher de reconnoître que
cette im.ige de l'impie anéanti ^ efl vi-
ve & énergicjue , que c'efl une penfée
forte i mais il foûtient qu'elle n'eft
pasfublime,&qu'afin qu'elle le fût,
il faudroit que dans le tems qu'on
voit cette étrange deftrudion de
l'impie , on vît en même rems l'ac-
tion de celui qui en eft l'Auteur. On
dira fans doute qu'on entrevoit
fuffifamment ici l'adion de Dieu ;
maisnotreAureur n'en convient pas,
il veut qu'on la voye fenfiblement
comme on la voit dans le paffage
Dieu dit que la lumière fe fajfe ; il
prétend c^\idors l'éclat & la mer-
veille de cette aclion ^ détournant les
efpriis de la conftderation de cette de-
flru^lion effrayante , les attirerait à foi
& les remplirait de cette admiration
qui efl le propre du Sublime.
Notre Auteur, après plufieurj
autres réflexions , remarque que
tout difcours qui découvre , qui
exprime, & qui peint quelque qua-
lité & quelque mérite extraordinai-
re dans les perfonnes , ne peut
manquer d'être Sublime. Il cite fur
cela divers exemples & entre autres
ceux-ci-, dont le premier regarde
Jefus-Chrift.
»0 tout-puiffant ! paroiffcz ,
» marchez & régnez par votre
» beauté , vous ne devez vosadmi-
» râbles progrès qu'à votre droite ;
» votre Trône eft éternel , & le
» Sceptre de la Juftice eft le Scep-
» trede votre Empire.
L'Auteu£ réfléchit fur toutes les
i62 J'OURNAL D
parties de ce difcours , pour en fai-
re voir le fublimc -, après quoi il
vient à ces paroles touchant le paf-
fage de la mer rouge :
' La, mer vit , & Me s enfuit.
O mer , pourquoi fuyois-tu ^ & toi
Jourdain pourquoi remontes-tu vers ta
fource ?
Il remarque qu'on appcrçoit dans
ces paroles , une image de la gran-
deur , de la gloire , & de la Maje-
fté de Dieu , n'y ayant qu'un Dieu
qui par fa feule prefencc puiffe fai-
re ainfi fuir les mers & remonter les
fleuves. Homère dit en parlant de
Neptune :
Il attela Ton char , & montant fièrement.
Lui fait fendre les flots de l'humide élé-
ment.
Dès qu'on le voit marcher llir ces liqui-
des pleines ,
D'aife on entend fauter les pefantes Ba-
lemes.
L'eau frémit fous le Dieu qui lui donne
la loi ,
Et femble avec plaifir reconnoître Ibn
Roi.
M. Silvain fait le parallèle de ce
faffage avec celui qu'il vient de
lapporter , & il obferve que ni les
eaux qui s'entr'ouvrent & font une
efpece de frémiffcment fous un
char, fous un vaiffeau , ni les balei-
nes qui fautent d'aife à la vue d'un
objet agréable , n'ont rien qiii éga-
le l'adion des mers qui s'enfuient ,
& des fleuves qui remontent à leur
fource -, Que cependant comme
c'cft la vue feule de Neptune qui
excite ces mouvemens , S<. qui inf-
ES SÇAVANS,
pire de li joye aux Baleines Si à la
mer même , le pillage d'Homère
cftfublime, parce qu'il donne une
idée extraordinaire de la grandeur
de Neptune , laquelle eft ici repre-
fentée non en elle - même , mais
dans les effets que fa prefence pro-
duit.
Notre Auteur dit la même chofe
de ce trait d'un Pfeaume.
Les eaux vous ont vu. , o Dieu î
elles vous ont vu , & elles vous ont
craint.
Mais il trouve que le langage
des aftres , exprimé dans le palfage
fuivant , vaut bien à cet égard , la
crainte & les mouveraens de U
mer.
Les deux racontent la gloire du
Seigneur , le jour le crie au jour , &
la mttt k la nuit. Et le firmament pu-
blie ^u'il efl l^ ouvrage défis mains.
Ce font là , dit notre Auteur ,
des images d'une |ufteffe &d'une fu-
bliniité divine : le jour le dit au jour.
Qui eft-ce, continue- t-il , qui peut
entendre cette voix & cet entretien
fans être élevé avec tranfport & hu-
milié tout enfemble î
Si l'on apperçoit la grandeur de
Dieu dans ce langage des aftres , la
terre , à ce qu'obferve notre Au-
teur , fait concevoir par un effet
contraire , la grandeur d'Alexan-
dre : La terre fe tutafon afpeil.
Dans uneTragéd ie iirtituléeSéjan,
laquelk , dit M. Silvain , n'a point
paru , un flatteur veut exciter ce
favori à exécuter le dclTein qu'il
avoit formé , de fe faifir de l'Em-
pire. Il commence par lui dire que
les Romainsiui rendoient leshon-
MARS
neurs qu'on ne rend qu'au Prince ,
aprts quoi il ajoute :
Mais croyez-vous , Seigneur, qu'aveu-
gles dans leur zélé ,
Tant de foins par caprice échapent aux
Romains ?
Leur cœur leur montre en vous , le maî-
tre des humains.
Par ce fecret inftinft, les araes entraînées,
Calent leurs devoirs avec leurs deflinées.
M. Silvain prétend que la gran-
deur perfonncllc de Séjan eft peinte
avec bien plus d'avantage par ces
refpeds & ces fentimens des Ro-
mains , qu'elle ne le pourroit être
diredement & en elle-même.
Dans une autre Scène de la mê-
me Pièce , Tibère effrayé d'une
confpiration de d'un foulevement
qu'on lui fait craindre de la part des
Romains , dit avec une ficre indi-
gnation :
Ils rougiflent d'un joug qu'accepta l'Ut
Divers.
Notre Auteur demande là-deflus
fi ce trait échappé à Tibère , fi cette
image des Romains oppofés & fupe-
rieurs a tout Wnivers , ne donne pas
■une très-grande idée de ce peuple >
Après quoi il conclut qu'il eft donc
vilible que les images les plus fu-
blimes de la grandeur & de l'excel-
lence des perfonnes , fc tirent des
mouvemens que ces qualitez exci-
tent dans les autres.
Pour le confirmer davantage il
cite ce tranfport qui commence un
Cantique de Moyfe ;
deux écoutez, ftta voix , Terre fois
attentive : je v.iis invoquer le Sei-
gneur.
Il trouve dans ce difcours une
idée de Dieu , beaucoup plus éle-
vée, que fi Moyfe y parloit de Dieu
en termes dirctfls.
Il rapporte pour le même deflein
ces belles paroles de Scipion répon-
dant à Livie qui dans la même Pie -
ce qu'on vient de citer , exhorte
Scipion à fe dérober par la fuite à
la fureur de Scjan fon rival , pour
fe referver par ce moyen à la gloire
& aux grands exploits que fon mé-
rite & fes premières aélions fai-
foient attendre de lui aux Ro-
mains.
Eft-ce donc en fuyant que l'on devient
Héros?
Commencerai-je ainfî ces glorieux tra-
vaux?
Mais , Madame , en quels lieux voulez-
vous que Je fuye î
Sera-ce dans l'Afticique enfin ou dans
l'Afie»
Quoi Ton me verra fuir au même en-
droit fatal
Où mes Ayeux jadis faifoient fuir Anni-,
bal?
]'errerois en coupable à travers leurs tro-
phées ,
Et faifant voit en moi leurs vertus éteuf-
fées ,
J'irois plus avili que ceux qu'ils ont vain-
cus
Confoler par mon fort, l'ombre d'Anti<»«
chus.
Le fentimcnt de M. S ivâin fuut
Xij
i<?4 JOURNAL D
ces vers eft qu'on y voit la gloire
des Scipions exprimée avec une vi-
vacité il extraordinaire , que i'ame
de celui qui parle, élevée parla vue
de ce Héros , vous élevé aullî haut
qu'elle-même , & par ce tranfport
expofc d'une manière brillante
tous les Scipions comme environ-
nés d'une foule d'autres grands ob-
jets , tels que Carthagc détruite ,
Annibal fuyant, Antiochus vaincu,
l'Afrique &: l'Afic domptées.
Il fe fait une objeftion à ce fujet:
fçavoir , que l'exemple dont il s'a-
git , femble regarder plutôt le Su-
blime des fentimers. Mais il foû-
tient que ce qui frappe & domine
le plus dans ce difcours , ne font
pas les Icntimcns du jeune Scipion;
mais que c'eft l'image noble de Tes
ancêtres , marquée par l'effet qu'el-
le produit dans le cœur du petit
fils.
Pour confirmer fa penfée il exa-
mine en détail , ce paffage d'Ho-
mère rapporté par Longin.
L'enfer s'émeut au bruit de Neptune
en furie ,
Pluton fort de fon Trône , il pâlit , il s'é-
crie.
Il a peur que ce Dieu, dans cet affreux
féjour.
D'un coup de fon Trident ne fafle entrer
ie jour ,
Itpar le centre ouvert de la terre ébran-
lée,
En faifant voir du Stix la rive défolée,
Ne découvre aux mortels cet empire
odieux
Abhoné des humains , Si craint tpêmc
des Dieux.
ES SÇAVANS,
M. Silvain convient que la teif-
rcur d'un Dieu comme Pluton, fi
fiâlcur , fcs cris , rinijKtuofité avec
aquclle il s'élance de fon Trône ,
la terre ébranlée , l'enfer émii , il
convient que tout cela font d'alTei
grands ob)cts , mais que cependant
fî l'on y veut regarder de près , on
trouvera que ce n'eft pas là précifé-
mcnt ce qui trappe le plus ; ces
mouvemens ne fcrvant qu'à faire
voir toute la grandeur &: toute la
force de Neptune , cnforte que l'i-
mage de ce Dieu , laquelle éclate
dans ces grands effets , & attire les
yeux & l'attention , ell ce qui ren-
ferme le Sublime. Cela pofé , notre
Auteur en fait l'application à l'e-
xemple qu'il a rapporté de Scipion,
c'ell , félon lui , l'image de la ver-
tu &: de l'élévation des ancêtres de
Scipion , qui touche ôc qui enlevé
principalement. Ce n'eft pas qu'il
ne trouve dans le jeune Scipion
beaucoup de grandeur d'ame -, il
reconnoît même que le Sublime
des fcntimens eft ici joint à celui des
images , mais il en revient toujours
à dire que ce dernier domine , &C
que le premier ne fcrt qu'à donner
à celui des images plus de relief.
M. Silvain cite un grand nom-
bre d'autres exemples du Sublime
des images. Nous nous contente-
rons de rapporter celui-ci.
Epiiftcte fut Difciple d'un Maître
violent qui lui donna un jour de
grands coups fur une jambe : le
Difciple fc voyant rudement trap-
pe , dit froidement à fon maître :
Si voHS continuez, vous me cadrez, la
jambe. Le maître irrité de ce fang
M A R
froid^redoubla fes coups, & calfa la
jambe à Epi*5tete. Alors Epidetc ,
fins s'émouvoir , dit à fon maître :
JVe vous l'dvois-'je pas bien dit : Que
<voiis me cafferieT^ la jambe.
On Philofophe oppofoit cette
Hiltoire aux Chrétiens , en difant :
Votre Jefus-Chrifl a-t-il rien fait de
fibeaii a fa, mort t Oui , dit S. Juftin,
// s'e^ tu.
Ces mots , remarque M. Silvain,
ne prefentent-ils pas , non feulement
l'image de la conflancc même , mais
un cœur maître de la mort , & élevé
au-deffus d'elle , JHfqu'à ne s'en pas
plaindre i
Voilà un afTez grand nombre
d'exemples pour flaire voir ce que
notre Auteur penfe du Sublime.
Il examine enfuite les raifons par
Isfquclles les exemples qu'il vient
■de citer , & les autres que nous
ivons pafles , font fubiimes -, puis il
vient au Sublime des fentimens &c
à celui des mœurs.
Les exemples précedens font fu-
biimes j félon lui , parce que le
tour extr^iordinaire qu'on remarque
■dans chacun de ces exemples , &
<jui vient d'un mouvement extraor-
dinaire de celui qui parle , impri-
me dans l'efprit du Lecteur ou de
l'Auditeur k même mouvement.
Un Chapitre -en-tier eft employé
àjuiliiîcr cette penfée ; mais pour
abréger nous réduirons à un feul
exemple tout ce que notre Auteur
dit là-deffus : ces paroles deMoyfe,
an commencement Dieu créa le Ciel
<îr la terre ^ Icfquelles fans doute
comprennent aufli la création de la
lumière , ne font qu'un fimple re-
s ; 17 5 r- ï^j
cit où l'Hiftorien parle fans aucune
émotion. Si l'on difoit tout de mê-
me 5 Dieu d'une feule parole créa la
lumière j on parleroit aulîi fans émo-
tion : maislorfque Moyfe^pour ex-
primer la même chofe , fe fert de
l'expreffion fuivantc : Dieu dit ,
/^ue la lumière fe fajp , & la lumière
fut faite , il marque par ce tour ani-
mé , qu'il eft émeu d'admiration ,
&c ce mouvement , dont il paroît
tranfporté , fe communique à ceux
à qui il parle , enforte que leur amc
eft tout à coup ravie & élevée.
Quant au Sublime des fentimens,
qui elt ce qui conltitue la véritable
grandeur de l'homme , notre Au-
teur le fait confiftercn trois cliofes:
1°. à être élevé par une véritable
magnanimité, au-de(Tus de la crain-
te de la mort : z°. à être élevé au-
dcflus de fes paillons : 3°. .à l'être
audefTus des vertus communes.
Il examine ces trois points dans
un grand détail , & les éclaircit par
des exemples importans ; une des
chofes qui lui paroilfent mériter
place avec le plus de juftice , dans
le fublime des fentimens, c'cft le
refped que les âmes véritablement
nobles , ont pour leur confcience ,
enforte qu'elles ne confentent ja-
mais à aucun mal , quelque fecret
qu'il puifTe être. Notre Auteur mec
encore de ce rang , la noble confian-
ce dans les autres & en foi -même j &
comme il prévoit qu'on fera fans
doute furpris qu'il mette ainlî au
rang des fentimens fubiimes , la
confiance cjit'on a en autrui & en foi-
même , il demande qu'avant que de
le condamner , on jette les yeux fut
j66 journal de
l'exemple fuivant :
Un homme fort pauvre , char-
gé de fa mère 6i, d'une fille , avoit
deux Ultimes amis. Etant fur le
point de mourir , il fait fon tclla-
mcnt, & lègue à l'un des deux amis
de fiourrir fa mère , & à l'autre de
dotter fa fille. Les deux amis acceptè-
rent le legs , & l'exécutèrent fidcl-
Icment -, il fcmble d'abord , que la
fublimitc de fcntiment foit ici tou-
te de leur cotéi point du tout ; M.
Silvain prétend avecl'Hiftorien qui
rapporte ce fait , que le procédé du
Teflateiir ejl mille fou plus noble enco-
re e^ue lagénérofté des Légataires. Et
voici fa raifon : c'eft que , dit-il,
il faut avoir Vame bien élevée & fe
fenttr foi-même bien capable de ces
fortes d'aSliom , pour les attendre , &
four les exiger f hardiment des autres.
Nous finirons notre Extrait par
l'article qui concerne le Sublime
des mœurs : ce Sublime , fclon M.
Silvain , a cela de commun avec ce-
lui des fentimens , qu'il a fa fource
dans le coeur &c dans la vertu ■■, mais
du refte il eft différent & pour la
manière & pour l'effet. Dans le Su-
blime des mœurs , tel qu'on le voit
aux Hiftoires Grecques & Romai-
nes , ce font , dit M. Silvain , les
adfions des grands hommes , leurs
Victoires , leurs bienfaits , leurs ca-
taderes , leurs vertus & la fuite de
leur vie toute héroïque , qui tou-
5 SÇAVANS,
chent & qui ravifTent , indépen-
damment du difcours des Hifto-
liens V ce qui efl fi vrai que quand
on changeroit , le tour , le ftyle &
même le langage , pourvu qu'on
rapportât fidcllcment Lui s ac-
tions, elles toucheroicnt toujours,
6 le Sublime des mœurs fubfiflc-
roit également. Voiià quant à la
manière , quelle efl , fclon notre
Auteur , la différence du Sublime
des mœurs , d'avec le Sublime dés
fentimens. Il prétend que ce Subli-
me des mœurs n'eft pas n^oins dif-
férent par rapport à l'effet d'impref-
fion du Sublime des fentimens , eft
plus profende , félon lui , plus vi-
ve , plus noble , & elle cfl: toijjours
autTi prompte que celle d'un éclair,
au lieu que l'effet du Sublime des
mœurs , efl moins confiderable , 6C
plus lent , l'admiration que caufent
de iîmples récits , étant plus lan-
guiffante & plus rare , parce qu'elle
naît infenfiblcment , qu'elle fe ra-
lentit , & qu'elle femble fe repolèt
en une infinité d'endroits qui ne
font pas propres à l'exciter : le prin-
cipal but de notre Auteur eft de
bien faire connoître le Sublime
dans le difcours, nous avons via en
qtioi il le faitconfiftcr;nous expofe-
rons dans un autre Extrait la diffé-
rence qu'il met entre ce Sublime Sc
plufieurs chofes dans lefquelles on
le fait confifter ordinaixement.
MARS; 1 7 3 j;
167
RELATION HtSTORlQVE DE L'ETHIOPIE OCCIDENTALE,
contenant la Defcr'rption des Roy.mm:^s de Cango ^ Angole & Matamba •
traduite de l'Italien du P. Cavazzi &augmentéc de pliijieiirs Relations Por^
tugaifes des meilleurs Auteurs , avec des Notes, des Cartes Géographic^ues^
■Cr un grand nombre de figures en taille-douce. Par le R, P. J. B. Labat ,
de POrdre des Frères Prêcheurs. A Paris , chez Charles-Jean-Baptifte de
Lefpine le fils , Libraire, rue S. Jacques , vis-à-vis la rue des Noyers ,■
à la Vidoire. 1732. in-ii. 5. vol.
NOUS nous fommes engagés
dans le dernier Journal à ren-
dre compte de quelques traits delà
Relation du P. Cavazzi qui regar-
dent J'Hiftoiie des trois Royaumes
-de Congo , d'Angole & de Ma-
tamba & des peuples Giagues.
Comme les habitans duRoyau-
ine de Congo n'ont fçu ni lire ni
écrire avant l'entrée des Portugais
dans ce Pays-là ; on ne peut fcavoir
-îd'une manière alTurée de quelle
manière _s'eft formé ce Royaume.
Ce qui s'cftconfervépar tradition,
c'eft que les anciens habitans vi-
voient en forme de République , &
que leur premier Roi s'appelloit
Lucjueny.Nfa-cu-clau^ fon ayeul du
côté maternel avoit commencé en
partie par adrefle & en partie par
force à fe rendre maître des habi-
tans de la Contrée , qu'il habitoit
fur les bords du Zaire , & il avoit
établi le Siège de fes Etats entre
des rochers efcarpés fur le bord de
•cette Rivière. Eminia - « - zima ,
gendre de Nfa -eu- clan , foiitint
ce que fon beau-pere avoit com-
mencé, l'n jour que ce Prince étoit
abfent du Fort où il avoit laifTé fon
£ls Lucjueny , ce dernier voulut
■ûbliger-iine de fes tantes ^ Cœur de
fon pcre , à payer le tribut qu'on
exigeoit des perfonnes qui paffoient
prés de ce Fort. Cette femme , qui
étoit groffc , reprocha à fon neveu
fon avarice & fon peu de refpeéf
pour elle. Luqueny , indigné de ces
reproches , lui ouvrit le ventre , Sç
fit ainfi mourir fa tante & le fruijc
qu'elle poitoit. Eminia - n - Tima
voulut à fon retour punir fon fils
de cette barbarie, mais les gens qui
crurent voir dans l'aâiion cruelle
du jeune homnie quelque chpfe dp
martial , le retirèrent d'entre Icf
mains de fon pcre , le mirent à leur
tête , & le nommèrent Aiiitina ,
c'eft-à-dire Roi.
Son armée s'aunjmenta peu à peu
par les conquêtes ; il fe rendit maî-
tre de la Province qu'on noramoit
alors Npenpacaffi , & qui a pris de-
puis le nom de Congo , & il fubju-
gua les Pays voifins ■-, ayant choifi
pour Capitale de fon Empire la
Montagne Ifolèe , où eft encore au-
jourd'hui la Ville de Saint Salvador,
il partagea fes Etats en différentes
Provinces, dont les Gouverneurs
firent de nouvelles conquêtes \ de
forte que fes dcfccndans poffede-
rent avec les trois Royaumes de
Congo , d'Angole & deMatambaj
i68 JOURNAL DE
ceux de ReamorLiJfa , Paghrlingi ^
à.' yin/i<jiti , A'^ftacana , de LoAtigo^
de Chijpima , A'^bondi , à''Agoi^ de
Caccoiigo , &: plufieurs autres.
Le P. Cavazzi ne marque aucu-
nes circonftanccs qui puilknt faire
connoître en quel tcms vivoit Lit-
efueny.li avoiie même qu'on ne peut
connoître h fuite de fcs Succef-
feurs , & que toute la tradition fe
borne fur ce point , à dire que les
Rois qui rcgnoient à Congo & qui
avoient perdu la portion la plus
conhderablc de leurs Etats , lorf-
quc les Portugais entrèrent dans ce
Pays-là, defcendoientdeZ.K^'wwy ,
de même que ceux qui y regnoient
du tems du P. Cavazzi.
Les Portugais,qui en continuant
leurs découvertes fur les Côtes d'A-
frique en 1484. y établirent bien-tôt
leur commerce , & y firent prêcher
i'Evangile.LeRoi deCongo embraf-
fa lui-mê.Tie la Religion Chrétienne
en 1490. & reçut au baptême le
nom de Jean , & fon fils aîné qui
fuivit fon exemple , fut nommé
Alphonfe. Mais Panfo-Aquitima^
le fécond des fils du Roi de Congo,
qui étoit ennemi déclaré des Chré-
tiens j engagea fon père à abandon-
ner le Chriftianifme. C'cft ce que
dit le P. Labatte en fuivantles Au-
teurs Portugais qu'il croit avoir été
bien inftruits de ces faits. Il aban-
donne en cet endroit le Père Ca-
vazzi qui prétend que ce Prince a.
continué jufqu'à fa mort à faire
piofclîîon de la Religion Chrétien-
ne.
Après la mort du Roi Jean ^ le
Prince Panfa - Aquitama voulut
S SÇAVANS,
s'emparer du Trône ^ mais le Prin-
ce Alphonfe étant a la tête d'une
fetitc troupe de Chrétiens, défie
armée nombrcufe de fon frère , Se
fut reconnu pour Roi p.ir toute la
Nation. On dit que dans la bataille
entre les deux Princes la Sainte
Vierge parut à côté d' Alphonfe, &
S. Jacques devant lui. Il s'appliqua
pendant fon règne à faire fleurir
dans fes Etats la Religion Chré-
tienne , Ik il eut la confolation de
lavoir embrafTer parle plus grand
nombre de fes fujets. D. Pierre I.
fut l'héritier du Trône &i des vertus
de fon pcrc. Il augmenta les fonds
pour l'entretien des Eglifcs & des
Millionnaires , & il favorifa beau-
coup les Européens qui établirent
dans le Rovaume de Congo les
arts qui y avoient été pour la plu-
part inconnus jufqu'alois. Ce tut
fous ce Prince que le Pape donna à
l'Evcquede S. Thomé toute la Ju-
rifdiclion fur le Royaume de Con-
go. D. Pierre mourut en 1537. il
eut pour Succefleur Dom François
fon trere Prince zélé pour la foi
Chrétienne , mais qui ne régna que
deux ans. Après fa mort Dom Die-
go monta fur le Trône , Se reçut
les premiers Millionnaires Jefuites
qui prêchèrent avec beaucoup de
fuccès -, ce Prince étant mort huit
ans après fon avènement à la Cou-
ronne,les Portugais fe crurent aflcz
puilTans pour faire monter lur le
Trône un SeigneurCongois qui n'é-
toit point du Sang Royal , mais les
Grands & le peuple également in-
dignés de cette entreprife , taillè-
rent en pièces les Portugais , à l'ex-
ceptioB
M A R
ccption des 'Niiilîonnaircs qui fu-
rent refpedés, & élurent D. Henri,
frère du dernier Roi , qui tut tué
l'année fuivantc d.ins une bataille
contre les Auzicanes, peuples féro-
ces Se Antropophages. Dom Alva-
rc fon lîls régna pendant plus de
40. ans , mais fon règne fut traver-
fé par les courfes des Giagues , par
la perte & par la famine , & le
Prince 5c les Sujets fcroient tous pé-
ris , fi les Portugais , aufquels il cé-
da le Royaume d'AngoUc , ne les
avoient fecouru. Les 17 années du
règne de Dom Alvare II. fils du
précèdent , furent beaucoup plus
tranquilles , de ce Prince en profita
pour faire refleurir la Religion
Chrétienne. Dom Bernard fon fils
aîné ne régna qu'un an , le bruit
courut qu'il avoit été aflafliné par
par l'ordre de Dom Alvare fon frè-
re. Cependant ce Prince qui défa-
volioif hautement ce crime , fut
élevé fur le Trône. Il mourut après
un règne de fept ans fort regretté
de fes Sujets & des étrangers. Il
avoit envoyé une ambalfade au Pa-
pe Paul V. Dom Pierre II. fils
d' Alvare II. & Dom Garcias ne ré-
gnèrent chacun que deux ans. Dom
Ambroife , Prince jufte & pieux ne
rcgna que cinq ans. Le règne de
Dom Alvare IV. ne fut pas plus
long. Dès que Dom Alvare V. fon
Succeffeur fe vit fur le Trône , il
voulut faire périr deux de fes cou-
fins Dom Alvare Duc de Bamba ,
& Dom Garcias Marquis de Chio-
va. Ceux-ci ayant levé des Trou-
pes , le Roi marcha contr'eux , fut
Battu Se fait prifonnicr. Les Vido-
Mars.
S, 17? ^ i6(}
rieux n'abuferent point de leur vic-
toire , ils traitèrent leur prifonnier
comme leur Souverain , & ils le
reportèrent eux-mêmes dans fon
Hamac à fa Capitale. Le Roi qui
crut qu'il lui étoit honteux de de-
voir la vie à fes Sujets , leva de nou-
velles Troupes , attaqua encore fes
deux coufins &c fut tué dans la ba-
taille qu'il perdit. Le Duc de Bam-
ba fut élevé fur le Trône èc régna
pendant cinq ans. Ce fut un grand
Prince. Il envoya une ambalfadc
d'obédience au Pape Urbain VIII.
Le Marquis de Chiova étant à la
tête d'une armée , après la mort
d'Alvare VI. fit violence aux Elec-
teurs & monta fur le Trône. Il
fit paroître beaucoup de zélé pour
la Religion Chrétienne au com-
mencement de fon règne , mais
l'ambition de faire monter fon fils
fur le Trône , lui fit prendre la
refolution de faire mourir tous les
Princes du Sang Royal. Ceux qui
purent échapper à fa turcur fe reti-
rèrent dans le Royaume d'Angolle.
Le Roi irrité de la manière dont les
Portugais avoient reçu ces Princes,
& des remontrances que lui fai-
foient les Miflîonnaires , rappella
à la Cour les Magiciens que fes an-
cêtres avoient chaflcs. Ceux-ci qui
connoilfoient l'attachement du fils
aîné du Roi pour la Religion Chré-
tienne , perfuaderent à Dom Gar-
cias que fon fils aîné i'avoit voulu
empoifonner. Le Roi fit auflî-tôt
élire &c couronner le Prince Antoi-
ne I. fon fécond fils.
Dom Antoine qui régna après l*.
mort de fon père , fe rendit odieuK
Y
17© JOURNAL DE
par les cruautcz inouïes qu'il exer-
ça contre les hcres , fes oncles , fa
femme, &: contre tous fes Sujets.
Les remontrances des Millionnai-
res bien loin de l'arrêter , lui firent
prendre la ïcfolution non feule-
ment de faire périr les Ecclciiarti-
qucs, mais encore tous les Portu-
gais qui croient fur cette Côte d'A-
frique. Avant que d'exécuter cette
cntrepnfe il confulta les Devins &
fit des facrifices aux faux Dieux.
Mais les promcflcs de ces lyta^iciens
n'empêchèrent point que {on ar-
mée Hombreufe ne fût défaite par
un petit nombre de Portugais , &
qu'il ne pérît lui-même dans la ba-
taille. Un Prince du Sang qui étoit
des derniers de la famille Rovaie ,
profita de la contqfion où étoit
alors le Royaume de Congo pour
s'emparer du Trône avec violence.
Il prit k nom d'Alvare VII. c'étoit
un turieux,un tyran, un impudique,
qui avoir reçu le baptême étant à
la mammelle , mais qui n'avoir ja-
mais tait aucun exercice de la Reli-
gion Chrétienne. ScsSujcts.lc çbaf-
fercflt en 1666. &: ils élurent à fa
place un jeune Prince <le 10 ans
qui prit le nom d'Alvare VIII. On
en concevoitde grandes efperanccs.
Mais le Marquis de Pamba s'étant
Kvolté contre lui , avant qu'il eut
pu s'affermir fur le Trône il l'ea
chafla & s'y plaça lui-même. Ctci
arriva en i6-jo. Le P. Cavazzi finie
ici fes Mémoires ftir la fucceiîion
des Rois de Congo. Ce Royaume
n'eft pas purement fucccillf. Qiund
le Trône eft vacant trois Seigneurs
«nt droit d'élire uu Roi ^ mais ils
S SÇAVANS.
le peuvent choihr entre tous les
Princes de la Maifon Royale. Il
arrive fouvcnt qu'un de ces Princes
eft fi puilTant , qu'il ne refte guéres
de liberté .à ces Seigneurs pour faire
leur choix.
L'Hilloire du Royaume d'An-;,
gollc avant l'entrée des Européens
dans ce Pays-là, n'eft pas plus affu-;
ré , luivant le P. Cavazzi , que l'an-,
cienne Hiftoire de Congo. Aufli ce
qu'il en rapporte n'eft-il tonde quc;
fur de (impies traditions fort coii-
fufcs , dont il refultt que le Royau- .
me d'AngoUe a eu long-tcms des.
Rois particuliers , mais qui étoient
fous la dépendance du Roi de Con-
go. Les Nègres de cette Contrée
difent qu'y^ngola fut le Fçmdateur
de ce Rovaume. Il tut le premier
qui Içut tondre le fer , & qui en ht
des outils &c des armes. Il les donna
à fesCompatribtcs en échange des
denrées que la terre produifoit , Se
de peaux de bctc. Il fit de grands
magafins de ces marchandifes , &
la difette étant furvenuti il les di-
ftribua toutes à une grantle partie
du peuple qui feroit péric fans ce
fccours , ce qui les détermina i
choifir Angola pour leur premier
Roi. Cet habileforgeron , premier
Souverain des Libitans de. foH
Pavs , étant parvenu à uneextvêi^
yieHleffe fut mallacrepar un de fqs
Efclaves qui ctoit fon premier Mi-
niftre & qui s'empara du Trône.
Celui-ci étant moit fubucment „
Zunda-Riangola , fille d'Angola^
obtint la Courpnne que fon père-
ivoit portée. Mais cette Princeflè
cruelle ayant fait mourir foiinevcii
MARS
^Is de fa fœur Tumba - Rcangola.
Cette dernière voulant fe venger
de la Reine , alla l'attaquer & l'é-
gorgea de fa- propre main , après
<]Ue tous les filjets de Zunda-Rian-
gola l'eurent abandonnc.LesNégres
déférèrent auin-tôt la Couronne à
Tumba , qui voulut la partager
avec fon mari \ mais celui-ci refu-
iànt de l'accepter , ils convinrent
de faire couronner Angola Chil-
vanni leur iîls. Ce fut un Prince
guerrier qui augmenta beaucoup
fès Etats par fes conquêtes. Le Roi
d'Angola qui ctoit fur le Trône
dans le tems que les Portugais fc
rendirent riiaîtres du Royaume
d'Angolc , étoit defcendu d'Ango-
la - Chilvanni , & les ombres de
Rois que les Portugais ont confervé
4ans un Canton du Royaume font
4efeendu$ du même Prince. Ces
derniers Rois d'Angole dont parle
le P. Cavazziétoicnt Chrétiens.
Nous palferions nos bornes or-
dinaires , fi lious voulions entrer
dans le détail de l'Hiftoire du
Royaume de Matamba ^ en particu-
lier de celle de la Reine Zuingua,
dont la vie contient un grand nom-
bre défaits très- interclîans. La vie
de cette Reine occupe prefque un
Volume entier. Le Pcre Labatquia
pris la peine de confronter ce qné
le P. Cavazzi dit de la Reine Zuin-
gua & de la Princelfe fa fœur qui
lui a fuccedé , avec ce qu'en rap-
portent les aunes Auteurs qui en
ont parlé , avertir que le P. Cavaz^
zi entre dans un plus grand détail
que les autres Hiftoriens , Se qu'il s.
été mieux inftruit qu'eux d'un
grand nombre de circonftances paS;
ticulieres.
Yii,
172 JOURNAL DES SÇAVANS,
HISTOIRE DE T) ANNEM ARC l AVANT ET DEPVIS
fétahltjfement de la Monarchie : far AI. J. 5. Dcfroches , Ecuytr-Con-
feuler & Avocat Général dit Roi très-Chrétien ^ au Bureau des Finances &
Chambre du Domaine de la Généralité de la Rochelle. Nouvelle Edition ,
reviïé & corriq^éf fur l'Edition d'Hollande ; à lacjuelle en a joint la fuite
de la même Hiftoire juf<]u'en l'année lyji. A Paris , chez les Frères Bar-
boH , Libraires , rue S. Jacques , auxCicognes. lyji. /«-i». 5. vol.
NOUS avons rendu compte
dans le fécond Journal de
cette année de la Diflcrtation Pic-
liminaire qui eft à la tête de cette
Hiftoire , &: de la première Par-
tie de l'Ouvrage qui comprend
ce que l'Auteur a dit duDannemarc
prel(.]ue depuis le tems du Déluge
jufqu'à celui de rétabliffement de
la Religion Chrétienne dans ce
Pays-là vers le milieu du huitième
lîécle. Il nous refte à dire quelque
chofe de ce que nous pouvions re-
garder comme la féconde partie de
cette Hiftoire , c'eft-à-dire de ce
qui s'eftpafte en Danncmarc depuis
l'établiiïement de la Religion
Chrétienne jufqu'à prefent.
On commence à cette époque à
avoir quelque chofe de moins in-
certain fur le Dannemarc que pour
les temsprécedens. Parce que l'Hi-
ftoire de ce Royaume ayant alors
quelque liaifon avec celle de l'Egli-
fe j les Hiftoricns Ecclefiaftiques
ont eu quelquefois occafion de
parler des Danois & de leurs Sou-
verains , & parce que les Danois
ont eu depuis ce tcms-là plus de
relation avec les autres nations de
l'Europe. Il faut néanmoins conve-
nir qu'il refte encore beaucoupd'ob-
fcuritez fur l'Hiftoire des premiers
Rois Chrétiens du Dannemarc ,
elles diminuent peu à peu & à me-
fure qu'on approche plus du tems
auquel les Auteurs Dannois ont
commencé à écrire l'Hiftoire de
leur Patrie & de leurs Souverains.
Comme nous ne pouvons fuivre
l'Auteur dans le détail d'un grand
nombre de règnes , nous nous bor-
nerons à donner l'Extrait de deux
Morceaux , dont le premier qui
regarde le tems d'obfcuritez , a
fourni à l'Auteur la matière d'une
Dilfertation particulière. Il s'v agit
des Rois qui ont régné en Danne-
marc dcpuisRagnard Lodbroch juC'
qu'àGormon le vieux. Saxon &: les
autres Hiftoricns Dannois mettent
entre ces deux Princes , comme
Roi de tout le Dannemarc Siward
III. qui commença à régner vers
l'an 850. Eric 1. Éric II. Canut I.
Fronton VI. Gormond II. Ha-
rald VI. Horda-Knut, lequel eut
pour Succefteur Gormond III. ou
le vieux , qui commença à régner
vers Pan 900. Torphius met Si-
w ard à l'œil de Serpent au rang des
Rois qui ont gouverné toute la Na-
tion Dannoife. Mais les deux Eric
n'ont été , fclon lui , que de fim-
plcs Rois de Juthie , tributaires
ou Feudataircs des Rois de Dan-
M A R
Bemarc , Knut ou Canut ii'efl autre
ehofe que Knut rcxpofc Roi de
Juthic. Fronton qui elt marqué paf
les anciens Hiftoricns Saxons com-
me SucceiTcur de Knut , ne fut
point Roi dcDanncmarc,puifqu on
le fait Contemporain du Pape Aga-
pet II. qui ne tut élevé fur la Chai-
re de S. Pierre qu'en 94^. tems dans
lequel regnoit en Dannemarc Ha-
raid à la dent bleue , fils de Ger-
mon le vieux. Notre Auteur croit
que ce Prince a régné dans la Ju-
thic , &c qu'il a été baptifé vers
l'an 948. par Hunon Archevêque
de Brème. Pour ce qui efl; de Gor-
mon II. ou l'Anglois notre Auteur
con)eclure que c'eft un compote de
Gormon fils de Knut l'cxpofé &
d'Olaus l'Anglois , qui régna dans
la Juthie comme ValTal du Roi Si-
gurd-Hring. Pour ce quieli d'Ha-
raid VI. l'Hiftorien Saxon n'en
rapporte aucune adion , & il fc-
roit alfez inutile de prendre de la
peine pour connoître ce Prince.
Ainfi Torphxus fait fucccder à Si-
ward à l'œil de SerpentHorda-Knut
qu'il croit fils de Siward 3i perc de
Gormon le vieux. Ce Gormon doit
être regardé , fuivant que l'obfcrvc
M. Defroches , comme le Reftau-
raccur de la Monarchie Danoife ;
car ne fe contentant point de la
portion héréditaire qui lui étoit
échue , il fubjuga la Juthie & la
réunit au Dannemarc dont elle
étoit ff parce depuis long-tems.Ha-
rald à la dent bleue qui avoit régné
pendant quelque tems avec Gor-
mon le vieux , gouverna feul après
lamortdeXon père , & iaitra pour
S , I 7 î 5- ^ 17?
SuccetTeur Suenon à la barbe four-
chue , qui étoit foniils. Depuis ce
tems-là l'ordre de la tuccellion des
Rois de Dannemarc eft conftanc &
la Chronologie cft plus certaine.
Quoique la Chronologie ne pei-
mette point d'admettre autant de
Rois entre Ragnard - Lodbroch &
Gormon le vieux , qu'en ont admis
Saxon &; les Hiftoriens de Danne-
marc i Meurfius s'cft encore plus
écarté que ces autres Auteurs. Car
il a joint aux Rois reconnus par Sa-
xon trois autres Rois ; Olaus le
Suédois , qui , félon cet Ecrivain ,
profita de la grande jeunetfe de Ca-
nut fils d'Eric- Lenfant, pour s'em-
parer du Trône de Dannemarc 8c
qui régna cinq ans, Siward petit-
fils d'Olaus , dont il tait aufli un
ufurpateur delà Couronne; & Sue-
non aux longs pieds , qu'il dit
avoir été fils de Canut , fils d'Eric-
Lentant. Suivant la Chronolo-
gie de Meurfius , la mort de Gor-
mon l'Anglois tomba à l'année
954. il donne pour SuccetTeur à
Gormon l'Anglois, Harald fon fils,
après lequel vient Gormon le vieux,
qu'il fait contemporain de l'Empe-
reur Henri rOifeleur , cependant
cet Empereur étoit mort des l'an-
née 93^. & par confequent plus de
30 ans avant la fin du règne de
Gormon l'Anglois , fuivant le cal-
cul de Meurfius.
Le changement dans la forme
du gouvernement du Royaume de
Dannemarc, eft un événement trop
confiderablc pour que nous ne rap-
portions point la matière dont no-
tre Anteur dit qu'il etl sriivé.
174 JOURNAL D
Le Royaume de Danncmarc fe
voyoit expofé à devenir la proye de
fes ennemis , fes richcfies étoient
épuifées par les guerres précéden-
tes , & le Pays étoit entièrement
ruiné. Le Roi Frédéric IIL voulant
chercher quelque remède à de ii
grands maux , convoqua en 1660.
les Etats généraux du Royaume.
Le Clergé qui étoit fâché d'avoir
perdu le premier rang depuis l'in-
troduction de la prétendue Retor-
mation de Luther dans le Royau-
me , &c les Communes quifepic-
quoient d'avoir fauve la Capitale
du Royaume & l'Etat entier fe plai-
gnirent de la Nobleffe & prétendi-
rent que non feulement elle n'avoit
point contribué aux Charges pu-
bliques pendant ces malheurs, mais
encore qu'elle avoit abufé de fon
autorité dans le manimcnt des affai-
res dont elle s'étoit emparé , ils de-
mandèrent que l'argent ncceffaire
pour la défenfe de l'Etat fut levé
fur tout le monde , & même fur les
Nobles qui pofledoient toutes les
terres. Othon Eragge , l'un des
principaux Sénateurs , dit que le
peuple ne connoilToit pas les pri-
vilèges de la Noble iTe , &: que le
petiple n'en étant que l'efclave , il
devoit avçir plus de refped pour
elle. Nanfon,rréfidcnt de Copen-
hague &; Député du peuple ,
répliqua avec chaleur qu'il étoit
peifuadé que les pei-iples ne per-
mettroicnt jamais que ks Nobles
les traitaltènt en efclaves , & qu'ils
en feroicnt bientôt convaincus à
leurs dépens, Il rompit aulVi -tôt
l'alTembléc pour exécuter un dcf-
ES SÇAVANS,
fcin qu'il avoit formé , quoique-
toiblement , avec l'Evèque de Co-
penhague. Ce deiTein étoit de don-
ner au Roi un pouvoir nbfolu , &C
de rendre la fucceflion héréditaire
dans h tanulk Royale,
Pour mieux faire goiiter ce def-
fein au peuple on lui repéra qu'on
ne pouvoir imputer les nulheurs
dont il étoit accablé qu'a la mau-
vaife conduite de la NoblelTe qui
depuis quelques lléclcs s'étoit mifc
en poiïeiTion de gouverner le Roi
&c l'Etat. Le peuple étant ainfi
échauffé , la proportion de rendre
le Roi maître abfolu du gouverne-
ment & le Royaume héréditaire fut
applaudie par tous les députez ,
cependant l'exécution fut remife
au lendemain. Pendant la nuit le
Chef du Clergé &c Nanfon com-
muniquèrent leur deflein au pre-
mier Miniftre d'Etat Annibal-See-
flede qui étoit un grand politique.
On fit enforte pendant toute U
nuit d'entretenir la colère du peu-
ple, & on rendit compte au Roi de
ce qui fe palToit. Le Roi témoigna
d'abord qu'il verroit avec plaifu la
Souveraineté perpétuée dans fa fa-
mille , pourvu que ce fut d'un con-
fcntemcnt unanime , mais il protCr
lia qu'il ne fouhaittoic en aucune
manière devenir abfolu. La Reine
moins fcrupuleufc engagea enfaite
ee Prince a coitfcntir à ce qu'on lui
prt)pofoit de. la pa«t du Clergé &
du peuple. Le Roi promit aux
Communes de les rendre libres, aux
Bourgeois de leur permettre de
porter l'épce, & .111 Clergé de le
relever de l'abaillenicnt où la N»»
blelfc le tcnoit.
M A R
Cependant les Etats s'étant af-
(emblés , Nanlbn annonça à la No-
bIe(Te la rcfoiution que le peuple
avoir prifc , & il demanda fur le
champ la réponfe. La Noblclle ter-
ralTée par ce difcours ne donna au-
cune marque de courage ni de vi-
gueur , elle déclara au contraire
qu'elle ctoit prête à foufcrire à la
propofition faite en faveur du Roi,
mais elle demanda du tcms pour
longer aux moyens d'cxccuter cette
propoficion. Pendant ces difputes
les Nobles députèrent en fccret un
d'entr'eux pour fupplier le Roi
d'accepter l'iaérédité delà Couron-
ne dans fa famille , mais pour fes
defcendans mâles feulement. Le
Roi ayarjt reçu la propofition des
Dépiuex fins fiire paroîtrc la moin-
dre alteîarioo dans fon air ou dans
fes paroles., ieur répondit qu'il
étoit bien éloigné de vouloir pref-
jcrire des loix à la NoblclTe fur ce
fujct , mais qu'il croioit qu'on ne
trouveroit pas mauvais qu'il n'ac-
ceptât point fur le champ leurs of-
fres , avec la limitation par laquel-
le on excluoit les femmes de la fuc-
cciïion i la Couronne. Néanmoins
le Clergé & le peuple impatiens de
n'avoir point de réponfe précife
de la Noble lîe , allèrent enfemble
au Palais où ils offdrent au Roi
l'hérédité de la Couronne tant
pour les mâles que pour les filles ,
& le pouvoir abfolu. Le Roi de-
manda le confentement de toute la
Nation avant que d'accepter leurs
offres. La NoblelTe qui avoit fçû la
démarche des deux autres Etats , fe
fépara fans avoir pu prendre de re-
s , 173 ?• i7jr
folution dans une circonftance fi
délicate. Mais les Sénateurs étant à
table en la maifon d'un Sénateur ,
à la pompe funèbre duquel ils dé-
voient affilier , on leur vint annon-
cer que les portes de la Ville étoient
fermées. Ce fut alors que la crainte
de quelque violence plus funefte de
la part du Clergé , du peuple &c de
l'armée ^ l'emporta fur celle de la
perte de leur privilège , & ils
refolurcnt d'approuver l'offre que
les Députez du peuple avoient
faite au Roi. Cependant on n'ou-
vrit point les poi;tes de la Ville
avant qu'on eût difpofé tout ce
qui étoit neceffaire pour la céré-
monie de l'inftallation , ni même
avant que l'hommage eût été fait
dans les formes. M. Defroches dé-
crit avec affez d'étendue la manière
dont fe fit cette cérémonie , Se h
picflation du ferment. Il obfcrve
que perfonne n'y pouiTa même de
foupirs pour la liberté expirante j
& que le grand Maître Gerfdorf(ut
le feul qui ofi dire qu'il efperoit
que le Roi ne gouvcrneroit point
en tyran , qu'il fouhaitoit que fes
fucceffeurs fuiviiTent l'exemple que
S. M. leur mettroit devant les yeux
6c qu'ils fe ferviffent de ce pouvoir
fans bornes pour le bien &: non
pour la ruine de leurs Sujets. On
agita la queition dans toute l'Euro-
pe , fi l'on devoit approuver ou
blâmer cette démarche des Danois.
L'Auteur dit que comme les diffé-
rentes formes de gouvernement
ont chacune leur avantage & leur
défavantage , il eft difficile de déci-
der cette queftion par des principesi
17^ JOURNAL DES SÇAVANS.
mais qu a eu )ugcr par i'évcncmcnt
ce changement a été tics - avanta-
geux au Rovaume de Danncmarc.
Le Journal Hillorique qui fait
le 9° Volume de ce Recueil , qui
commence en 1^99. &i qui finit en
1752. contient l'I-îirtoirc de Chriftî-
nien V. 5c le commencement du
règne de Chriftinien VI. Ce ne
font que des Chroniques qui ne
font pas fufceptibies d'Extraiçs,
LE77RE
MARS, Ï755.
177
LETTRE CRITIQVE SV R LE D I C TION NA 1 RB
de Baylc. A la Haye. 1732. in-i z. pp. 45^.
L' A U T E U R de cette Lettre ,
dans fes Remarques fur diffe-
rens endroits des trois premiers
Tomes du Didionnaire de Moréri ,
qui parurent fucceffivemcnt en
trois Volumes dans les années
1709. 1710. &: 1711. avoit avancé
que le Dxftionnaire de Baylc cfl:
plein de traits qui tendent à hvori-
fer l'Atliéifme , d'Hiftoires ftles ,
de partialité pour les Huguenots ,
qu'il blâme , ou lotie fouvent fur
des témoignages rccufables , &
qu'à ne le confiderer même que par
rapport aux dates , aux faits & aux
citations , on y trouve un grand
Bombre de fautes.
Un Scavant qui avoit été ami de
Bavle , futblelTé de ce jugement &
écrivit à l'Auteur une Lettre dans
laquelle il foûtenoit qu'il n'étoit
pas facile de furprendre Bayle en
défauts. Le but de cet Ouvrage eft
de montrer que rien au contraire
n'efl; plus aifé. On s'y ùornc aux fau-
tes de fait ^ fans toucher à celles de
droit ^^Sirce qu'on n'a voulu, dit-on,
fane qu'une Lettre de Critique &
non pas une Lettre de Théologie
& de Controverfe.
Bien des gens fe font imaginé
que Bayle n'étoit pas dans le fond
del'ame aflTez attaché aux fentimens
des Proteftans pour avoir été fuf-
ceptible de ce qu'on appelle préju-
gé de parti i pluïieurs exemples que
l'Auteur rapporte femblent prou-
ver évidemment le contraire. Nous
Aiars.
en choifirons quelques-uns , fé-
lon que le hazard nous les of-
frira. Bayle , parlant de Noël Beda
Doifleur de Sorbonne , dit qu'il fut
le plus grand Clabaudeur & l'efprit
le plus mutin & te plus faHieux de
fin tems ; il appuyé une cenfure iî
odieufe fur le feul témoignage d'E-
rafme , qui prétendoit l'avoir con-
vaincu d'une infinité de calomnies
& de fauffetez. Mais lorfque Eraf-
me lui-même déclame contre Farel
un des premiers Auteurs de la pré-
tendue Reforme , Bayle ne rappor-
te le paffagc (juen le garniff.nu , dit
l'Auteur , haut & bas., c'eft-à-dire ^
devant & après d'un long avertifle-
ment pour précautionner le Lec-
teur. Puifcju' Erafme , dit il, était
pi^ué an jeu l'on n'cfl pas obligé de
croire cjud a peint ici d! après nature.
Pourquoi Bayle vciit-il donc obliger
le Ledcur à croire les uiveiflives de
ce même Erafme contre Beda qui
avoit dénoncé à la Sorbonne com-
me hérétiques .pluiieurs prûpQj(I-.
lions de fes Livres î ,
Quand il eft queftion des enî-
ponemens de Farel qui lui firent
arracher une image des mains du
Prêtre qui la portait en proceflîon ,
& la jettcr cnïuite dans la rivière, &
qui devinrent Ç\ violcns & fi tyran-
niqucs que les Magiftrats de Baflc
furent obligés de le chaflcr de leur
Ville , de peur qu'il n'y excitât une
fédition , Bayle fe contente d. dire
qu'il étoit de ceux qui ont j^ius bç»
178 JOURNAL D
foin débride que d'cperon.
Il ajoute mùmc que félon quel-
ques-uns , " il fut neccffaire que
»> Luther , que Calvin , que Farel
« Se quelques autres , fulTent
j> chauds , colères & bilieux. Car
« fans cela ils n'eulfcnt pas fur-
» monte la rcfiftance. L'Eglife
)> étoit alors comme quand J.C.
35 difoit', le Royaume des deux efl
» forcé , & les violens remperient &
>}le raviJfent.»'M.3.is quand il parle de
la vigueur avec laquelle Bcda vou-
lut empêcher la Sorbonnc d'opiner
en faveur du divorce d'Henri VIII.
il traite le zélé du premier de muti-
nerie , quoiqu'il avoiie qu'il eut
raifon au fonds. C'étoit cependant
bien là une occa/îon de fiire pa-
roi rre ce feu que la neceflîté des
tems lui fait excufer dans les Héré-
fîarques , Se ce l'était encore plus , par
rapport au Luthéranifme qui pre-
noit tous les jours de nouvelles ra-
cines en France.
A l'égard de la dominatrnn tyran-
niqtte qu'il prétend que le Théolo-
gien avoit exercé en Sorbonne , on
prouve par le fervice folemnel &
par i'Oraifon Funèbre que Robert
Cénalis , Evêque d'Avranches ,
prononça à cette occafion que le
corps de cette Facu'lté n'en pcnfoit
pas ainfi. Car fila crainte fait qu'on
refpeârelesTyrans pendant leur vie,
le reffentimcnt agit avec liberté
^ après leur mort.
Donnons encore un eîfcmple de
l'efprit de partialité répandu dans
le Didionnaire Critique. On y
foûtient que le zèle de Florimond
de Rémond pour le Calviaifme &
ES SÇAVANS,
fa haine pour le Protcftantifmc le
rendoient l'hcinnK- du monde k
moins propre à rcuflir dans une Hi-
ftoire de l'Héréfie ; n on l'y accufe
«d'avoir mis du côté des Proteilans
"toutes fortes d'injufticcs & du côte
"des Catholiques toute forte de
»fagefle.«Du refte,on n'y en donne
aucune preuve •, 5c comment y en
auroit on pu donner ? Le Miniftre
Drelincourt dans fadéFcnfe de Cal-
vin blâme à la vérité Rémond de
fes préjugez contre lés Protcllans^,
mais il avoiie cependant en termes
formels , qu'il a été beaucoup plus
refcrvè qu'un grand nombre de
Catholiques.
Après tout, demande l'Auteur,'
Beze avoit-il moins de haine pour
le Catholicifme que de zèle pour le
Proteftantifme , &; par confequcnt,
félon Bayle , il n'étoit donc pas
propre à écrire l'Hiftoire Ecclella-
ftiqaedcs EglifeSjiclormécs? Néan*-
moins Bayle en parlant d« ce Livre
le loue comme un Ouvrage tres-
curieiix , le copie & U recopie pref-
que toujours fans difcullîon. Il eft
cependant à propos d'obferver
qu'il n'y a prefqu'aucun Proteftant
dont il y foitfait mention qu'on ne
nous donne pour un Saint-, Se qu'au
contraire, on n'y parle prefque ja-
mais d'aucun Catholique de mar-
que fans le Traité de Scélérat , d'A-
poftat ou d'homme qui contre la
vérité connue , Se confcqucmment
contre fa confcicnce , attaquoit
le Calvinifinc.
» Prefque partout Béze ,
30 comme s'il eut étélc dépofitaire
j> des fecrcts de Dieu , nous débite
M A R
« comme des miracles faits en fa-
» vcur du Calvinilme , &c contre
» l'Eglife Romaine les faits les plus
» orduiaires : « Sur quoi l'Auteur
dit que s'il avoit éié à tems pour
écrire à Baylc lui-même, il l'auroit
défié de montrer dans Florimond
de Rcmond autant d'endioits qui
montralTent de la partialité.
Cet Hiftorien , dit Bayle, allè-
gue pour témoins des gens de fon
parti. Bcze fMt encore pis , répond
notre Auteur, car il n'en cite aucun,
& d'ailleurs il n'écrivoit que fur les
Mémoires des Calviniftes ; Bayle
vouloit que Raimond en faifint
l'examen de fa confcience fc fût dit
à lui-même : » je fuis odieux aux
» Proteftans , & ils me le font ; ils
I» m'ont maltraité , & je les ai mal-
», traités. J'ai fait des Livres de con-
«troverfe qu'ils ont réfutes , & )'ai
» répondu , aurai- je la force de ne
n rien donner à mon zélé , à ma
» paifion , à mon refTentiment î
Mais en rnême tems Bayle ne
marque qu'un feul Proteftant qui
ait écrit contre Rémond , au lieu
que Béze avoit été vivement atta-
qué par une infinité d'Ecrivains
Catholiques , & que fes Potlîcs in-
fâmes connues fous le nom de Ju-
'vemlia lui avoienr attiré de leur
part les reproches les plus fanglans.
Par conféquent il devoir être plus
aigri contr'eux que Rémond contre
les Hérétiques. Ce dernier , dit en-
core Baylc , ne raconte rien fans fe
fervir d'épitctes injuricufes &c de
mots atroces contre l'hcréfîe &: con-
tre les Hérétiques , Bayle n'en cite
aucune preuve , & ce qu'on a dit
S; 17? ?• 179
ci-delTus de Drelincourt prouve le
contraire , au lieu que l'Auteur
rapporte une Lifte d'injures groffie-
res 5i atroces lancées par Béze con-
tre des Cardinaux , des Evêques ,
des Moines &c des Dodleurs célè-
bres.
D'où il s'enfuit que Bayle a jugé'
ces deux Hiftoriens fur des princi-
pes fort differens. Nous nous foin-
mes un peu étendus fur cet article ,
non feulement parce qu'il eft déci-
fit contre Baylc , mais parce qu'il
eft bon de montrer que l'efprit de
parti eft toujours le même dans
tous les hommes &' dans tous les
tems , & par conféquent qu'on ne
f(;auroit être trop en garde contre
les Ecrits qui en portent le carac-
tère.
Ôr , dit l'Auteur , ces preuves
doivent l'emporter fur tous les élo-
ges que la malignité, la corruption
ou la prévention ont fait donner
au Didî:ionnaire Critique ; car pour
bien connoître un homme , félon
Bayle lui-même dans fes Réflexions
fur l'Imprimé (jui a pour titre : Juge-
ment du Public ^ & en particulier de
Al. fAibé Renaudotfur le DiUion-^
naire Critique du Sieur Bayle , »>il le
» faut plutôt regarder dans les
» Ecrits où on le critique les prcu-
» ves toujours à la main , que dans
» les Ecrits où on le loiie fans don-
» ner des preuves de fon mérite.
On montre en fécond lieu qu'à
ne confiderer Bayle que par rapport
àl'exaditude des dates^des faits, &
femblables points , il n'eft rien
moins qu'exad , on relevé plus
d'une douzaine de fautes dii.s le
Zij
î8o JOURMAL DE
feul article de- le Fcvre ^ Se plus
d'une vingtaine dans celui de Go-
vc. Si Baylc , après avoir feulement
remarque cjuatre fautes dans Mézc-
ray , en concluoit que » des fauffe-
»j tcz fi étranges donnent de grands
«préjugez contre cet Hiftorien,"
Notre Auteur qui foûtient en
avoir trouve 40 oit ^ofiis davantage
dans Bayle fe croit bien fondé à en
parler comme d'un Ecrivain très-
iufped:. Il prétend donc que Baylc
lui-même a jugé très-fainement de
fon Diiflionnaire, lorfque dans fes
reflexions , n' 11 il s'en explique en
ces termes ; » J'ai dit & j'ai écrit
5J cent fois à ceux qui m'en ont par-
»lc, que ce n'étoit qu'une rapfodie,
» qu'il y avoit là-dedans bien du
«fatras , Se que le public fcroit
» bien trompé , s'il s'attendoit à au-
»tre chofc qu'à une compilation
» irréguliere. " Rien de plus vrai ,
dit on ici , les trois quarts de fon
Livre ne confiifant qu'en Extraits
dont Bayle ne difcute point l'exac-
titude. Cependant le titre de Dic-
tionnaire Critique l'obligeoit à une
exade difcufllon des autoritez qu'il
allègue.
Quand M. l'Abbé Renaudot eut
prouvé dans fon jugement fur cet
Ouvrage , que tout ce qu'on y rap-
porte de la Conférence du Pcre
Audebert Jefuite avec Moyfe Ami-
raut étoirun menfonge. Je n'ai fait,
répondit Bayle , que fondre le Mé-
moire d'Amiraut le fils , c'cft à lui
àlc garantir. Mais , réplique notre
Auteur , un Hiftorien & un Criti-
que peuvent-ils impunément char-
ger leurs Ecrits de faulTetez , parce
5 SÇAVANS,
qu'ils les ont tires d'un Auteur qui
ne méritoit point de foi ? N'cft-ce
pjs fe rendre l'Apologifte de ces
miferables Hiftoriens qui ont farci
leurs Ecrits de tout ce que l'igno-
rance & la palfion ont didé à leurs
garands ! Le devoir d'un Hiiforien
ne confifte-t-il qu'à cautionner la
fidélité de fes citations ; Baylc lui-
même n'a t-il pas tait le procès à
une infinité d'Hiftoriens pour avoir
fuivi de mauvais guides & des Mé-
moires peufurs , & fur tout à Va-
rillas pour avoir cité Flovimond de
Rémond qu'il traite comme on l'a
vu , d'Hiftorien infidèle ?
Il a cru peut être prévenir tous
les reproches dont il fe voyoit me-
nacé , en difant comme il fait à l'ar-
ticle de Béroalde , où il rapporte
une Anecdote très-incertainei"qu'il
)i confcnt qu'on tienne Ce difcours
M pour fufpecl: de faulTetc , autant
» qu'on voudra; ik' s'ileft faux, tant
» mieux pour ce Dicl:ionnaire , qui
» doit principalement contenir les
sjmenfongcs des autres Livres; ce
n qui foit dit, ajoùtc-t-il , à l'égard
» de cent fortes de pafTages que l'on
M pourra citer.
Il ell vrai , répond l'Auteur ,
qu'un Dictionnaire de la nature de
celui de Baylc eft deftinc en effet
à contenir les menfingcs des autres
Livres , mais non pas à les conte-
nir purement & fmplemem. C'eft à
l'Auteur à donner les mcnfonges
comme des menfonges , ou du
moins à précautionner fon Lccflcur
contre tout ce qui lui paroît dou-
teux. Mais Bayle s'eft laifTé éblouir,
6 peut-être a cru éblouir fes Lee-
M A R
teurs par ce grand nombre de cita-
tions qu'il étale. On le raille fur
i'excufe qu'il demande de la préten-
due lenteur avec laquelle il a com-
pofé fon Ouvrage. Comme ii moins
de cinq ans étoit un tcms fuffifant,
pour mettre tout l'ordre & toute
l'exactitude nccefTaire dans deux
gros in-folio remplis d'une diverfitc
infinie de faits.
Bayle avoir -il donc oublié qu'il
nous avoit lui-même averti qu'en
matière de faits il faudroit en quel-
que façon fuivrele confeil que M.
Defcartes donne à l'égard des fpé-
culations philofopbiques ? exami-
ner chaque chofe tout de nouveau
ians avoir aucun égard à ce que
d'autres en ont écrit. » Mais il eft ,
» dit- il, infiniment plus commode
n de s'arrêter au témoignage d'au-
î> trui , &c c'eft ce qui multiplie
)jprodigieufcment les témoins des
» taulfetez, " & ce qui lui elt arrive
en particulier à l'article d'Alégam-
be , où Bayle copi: fins examen tou-
tes les fiutes d.ms lefquellcsM.Bail-
let efl: tombé. i°. On y avance que
Scioppius avoit été Jefuite , ce qui
eft contraire à la vérité 5 1°. On at-
tribue à un Jefuite le Livre publié
fous le nom. de Jacques Vernant ,
quoiqu'il ait été compofé par un
Carme de la Province de Bretagne ',
&c en troifiéme lieu après avoir dit,
en parlant de la Bibliothèque com-
pose par Alégambe , qu'il n'y a
prefque pas un Ecrivain dont il y
foit parlé , qu'on ne nous reprefcn-
te comme un Saint , M. Baillet fait
cette réflexion : <> il eft vrai que les
«perfonnes raifonnables doivent
S ; T75 j; iSi
» être fatisfaites de voir à îa tctc ,
M & à la fin du Livre une folem-
«nelle proteftàtion qu'on ne pré-
"tend pas être garand de ce qu'on
»j avance fur la fainteté , & les vejr-
"tus qu'on attribue à fes Confre-
» res j non plus que fur les autres
»> éloges qu'on leur a donnés.
Si Bayle qui adopte cette refle-
xion en tranfcrivant les paroles de
BaïUet , avoit eu l'attention de con-
fulter Alégambe même , il y auroit
VII que ces proteftarions fignifient
fimplement que ce fçavant Hifto-
rien n'exige pas qu'on croye ce
qu'il nous apprend des vertus de
ks Confrcrcr, de la même manière
qu'on croit les vertus des Saints
que l'Eglife a reconnu pour tels pat
un jugement authentique -, mais
bien loin de vouloir qu'on n'ajoute
pas à fes récits toute la foi que mé-
rite une autorité purement humai-
ne , il déclare qu'il les garantit
comme tout bon Hiftorien eft obli-
gé de le faire , dans les bornes de
ce qu'on appelle Critique , perqui-
fition , alfurance que tel fait eft ap-
puyé fur des témoignages non fuf-
pcds , &c. Profiteor , dit il dans fa
première Proteftation , me hanâ'
alio fenfii cjuidcjHid in hoc Cataîogo
refera, accipere & accipi velle , tjtiam
quo eafolem , qiu humuna duntaxat-
atttorittite,non autem divina Catholicit
&R.Ecclefϣ , am S. Se dis ^pofloli-
ca nitmitur. Et dans fa féconde Pro-
teftation il s'explique encore dans
des termes aufti forts & auflî pré-
cis.
Et comment fans parler de l'in-
térêt de parti, de pareilles niéprifes
i82 JOURNAL DE
ne feroicnt - elles pas échappées à
Bayle , puifqu'il avoiic dans fes
Reflexions n° \i. n Que lacrainte
» d'être critiqué ne l'empcchoit pas
«de courir a bride abbatue par
») monts &i par vaux , félon que la
a» fantaifie l'en prenoit 1
M. l'Abbé Rcnaudot avoir avan-
cé que dans les endroits d'érudition
un peu recherches , Bayle avoic fait
plus de fautes que Moréri. Notre
Auteur en avoit penfé tout autre-
ment dans le premier Tome de fes
Remarques fur Moréri , & convc-
noit qu'il y trouvoit incomparable-
ment plus d'exaditude que dans le
dernier. Mais depuis 19 ans , ayant
eu plus de tems pour lire ces deux
Ecrivains , il a changé de fcnti-
ment , & paroît difpoié à foufcri.e
à celui du fçavant Abbé : il ne le
retrade pas cependant , ajoiàte til,
fur ce qu'il avoit dit au même en-
droit , qu'il y a beaucoup de bon
dans le Didionnaire Critique ,
fluoique mêlé avec beaucoup de
mauvais.
Quoiqu'il n'ait pas à\x faire le
procès à Bayle dans les endroits ,
où il parle dans les principes de la
Religion Proteftantc , parce qu'il
n'a point entrepris de taire un Li-
vre de Controverfe , il remarque
cependant qu'on ne peut douter
que la ledure n'en foit très-dange-
reufe aux Catholiques.
Dès que Bayle lui-même fe fait
honneur d'avoir écrit beaucoup de
chofes contre les Papes C" à la gloire
S SÇAVANS,
des Pr.nsJiMis^ il s'enfuir par une cen-
fecjuence 7ieceJJtiire cju'il en a mis aujji
be.iucoup au fcandale des Catholi-
<]ues.
Au refte , l'Auteur déclare qu'il
ne dit rien des oblcénitez dont le
Didionnaire Critique eft fali. Ce
font, dit-il, matières à ne pas trop
relever. Mais en même tems il
avoiie qu'il n'y en a pas trouve un fi
grand nombre qu'il l'avoit cru. Il
ne s'étend point non plus fur les en.
droits qui tavorifent l'Athéifmc ;
content d'en dire quelques .mots
à la fin de fa Lettre , il rapporte
tout au long l'excellent portrait
qu'on trouve du caradere de Bayle,
dans les * Lettres fur les Anglois &
les François. Sans ofer décider fî
Bayle , étoit abfolument fans Reli-
gion , il montre qu'il y a de vio-
Icns préjugez contre lui , & qu'ori
ne peut nier du moins que fon Li-
vre n'ait gâté le cœur & l'efprit à
beaucoup de gens par rapport à la
Foi.
L'Auteur avertit dans fa Préface
que lî cette Lettre eft goûtée , il
continuera fes remarques fur Bayle
en fuivant l'ordre alphabétique ;
ainfi que le premier Tome fera
pour la lettre ^ , & le fécond To-
me pour les trois lettres foufcrites.
A l'égard des .5 3 articles qui font
la matière de ce Volume, il fe con-
tentera d'y renvoyer le Ledeur , à
moins, dit-il, qu'il n'ait quelque
chofe à y ajouter.
* Lettre cinquième.
MARS; 1733-
185
NOVVELLES LIITTERAIRES.
ESPAGNE.
De Valence.
DO M Grégoire May ans , Pro-
feffeur en Droit dans l'Uni-
vetiîtc de cette Ville , a publié
l'année dernière un Recueil de Let-
tres Latines , intitulé : Gregorii
M.rjanfii ^gencrofî& amecejjoris Va-
lentini Epijfalarnm Librifex. F'alert-
tia Edetamritm. Typis Ânt. Borda-
z.ar de ArtaXii. 173 i. /«-4°. Ce Vo-
lume , qui eft dédié au Cardinal
de Fleiiry ^ comprend non feule-
ment les Lettres que M. May ans a
écrites à fes amis fur divers fujets
de Littérature ou dejurifprudence,
mais encore les Lettres Latines qui
lui ont été adrclfées par divers Sça-
vans , tant Efpagnols que des Pays
étrangers. Si ce I\ecueil fert à faire
connoître l'efprit , l'érudition , &
le goût de l'Auteur , il ne fert pas
moins à faire juger de l'état prefent
des Lettres & des Sciences en Efpa-
gne.
ITALIE.
De Vérone.
SanHi Eufebit Hieronymi Stri-
àonenfis Prejbyteri OperA , in de-
CEuToMos difinbuta : pojl Mona-
ehorum Ord. S. Bened. e Congreg. S.
Mawrï recenjtonem , denuo ad Ma-
«ufcriptos Codices Romams , Ambro-
jimos _, Veronenfes , AHofque ^ me
non ad priores cafligata ; cjuibufdam
ineditis Monumentis , rnulùfque aliis
S. DoEloris Liicubrationibits ^feorfum
tantitm antea vulgatis , aiiEla , & ad-
fiotationibiis^ moniiis, variifcjHe leElio-
nibiis commenter illufirata. Opéra &
fiiidio DoMiNici Vallasii f^ero-
nenjîs Prejbyteri. Opemferemibus aliis
in eàdem Civitate Litteratis Viris &
practptie March. Scipione Maf-
FEio. Verons.. 1732. pcrPetrum Anu
Bernnrn , & Jacobum Vailarpum.
Voilà le titre latin d'un ProfpeElm
en Italien imprimé in-%°. ^z.x Berno
èc f^allarfi ^ Libraires de cette Vil-
le , pour propofer par Soufcription
une nouvelle Edition de Saint
Jérôme. Nous n'entrerons pas dans
le détail de ce que contient cette
Brochure ; fuivant la coutume
des nouveaux Editeurs , on y parle
de l'excellence des Ouvrages de
Saint Jérôme , on y critique les
Editions précédentes qui en ont
été faites , on tâche d'y faire voir la
neceflîté d'en donner une Edition
plus ample & plus correde , on
donne enfuite le plan de cette nou-
velle Edition,avecune diftributioa
exafte de ce que doit contenir cha-
que Volume , & on vient enfin aux
conditions de la Soufcription.
Le prix de chaque Volume de
l'Edition dont nous parlons fera
pour les Soufcriptcurs de 25 livres
de Venife , Icftjuelles doivent être
payées d'avance & fans frais <le
port , à Véïonnc aux deux Libraires
i84 JOURNAL D
qui ont entrepris riniprcllion , Se
qui promettent de la faire la plus
belle & la plus magnifique qu'il
fera pofllble.
En annonçant ainfi la nouvelle
Edition des Oeuvres de Saint Jérô-
me qu'on prépare en Italie , &c qui
fera en dix Volumes in-folio , quoi-
qu'elle doive paroître d'après l'E-
dition des Oeuvres de ce Père ,
donnée à Paris , par Dom A/ar-
tiiinay , Bencdidin de Saint Maur ,
feulement en cinq Volumes : nous
ne crovons pas pouvoir nous dif-
penfer de faire part au public d'un
Avis qu'on nous a prié d'inférer ici.
Se que nous donnons tel qu'il nous
a été communiqué.
» Un Religieux de la Congrega-
» tion de Saint Maur, qui impri-
M me actuellement à Paris chez
» Ofmont les Ouvrages de Saint
»»J«/?/», de Tatie» , &c. donnera
»au public , après avoir fini ce
3» travail , un Supplément pour
» l'Edition de Saint Jérôme , pu-
» bliée par le Père Martia7iay , la-
3> quelle contiendra , i°. ce qui
>j reftc à donner des Ouvrages de
n Saint Jérôme, comme faChro-
j> nique , que le Pcrc Dom Jean
n Martiamzy n'a pas mile dans les
» cinq premiers Volumes , la re--
» fcrvant pour un Supplément ,
» dont on lui a fouvent entendu
» parler. i°. Des celai rcilTcmens
» fur le Texte de Saint Jérôme par
« le. moyen d'un très-grand nombre
M de Manufcrits , la plupart fort
«anciens que l'on coUationne ac-
» tucllcmcnt avec toute l'cxadlitu-
»> de polîiblc : 5c afin que les fe-
ES SÇAVANS,
» cours qu'on en tirera puilTent fcr-
» vir à un plus grand nombre de
Mperfonncs, on aura foin dans tous
"les endroits que l'on corrigera, de
>• marquer non feulement les pages
» de l'Edition du Père Alanianay ,
» mais encore celles des précedcn-
» tes. 3°. Des obfervations fur plu-
» fieurs points imporcans de ia
» dodrine de Saint Jérôme. 4°. La
M Vie du Saint Dodeur , avec la
« Critique de fes Ouvrages. 5°.
» Des Tables générales que l'ontà-
w chera de rendre commodes &
a utiles autant par l'ordre & l'ar-
» rangement, que par la multitude
" des cliofes qui y entreront.
» La feule idée de ce Supplé-
» ment fuflit pour en faire voir la
» neceffité & pour convaincre en
» même tcms qu'on a eu en viiëdc
» procurer au public les avantages
» d'une nouvelle Edition en lui en
m épargnant la dépenfe. Car il n'y
» auroit guéres plus de travail .à re-
» commencer tout de nouveau.
n Mais une telle entrcprife feroit
» tort.i ceux qui ont le Saint Jerô-
» me du Perc Dom Jean Martia-
nnay , & ce feroit dommage que
)) tant d'exemplaires répandus dans
» les Bibliothèques de l'Europe
>' devinflent en quelque façon inu-
"tiles, & qu'une Edition en cinq
» Volumes in folio , où l'on a cor-
n rigé un grand nombre d'endioits
» par les Manufcrits , & qui d'ail-
» leurs eft très bien conditionnée ,
» perdit ll-tôt fon prix. On a donc
■» cru qu'il valoit mieux li perfcc-
M tionner par un Supplément qui
» pourra même fer vir pour les au-
s très
L E
JOURNAL
cavÀns,
FOUR
L'ANNEE M. DCC. XXXîll
AVRIL.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Augiiftins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIII.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY,
JOU
LE
DES
AL
SCAVANS.
AVRIL M. DCC. XXXIII.
LE SPECTJC LE DE LA NyJTURE , OU ENTRETIENS
fur If s fartkidaritez. dg l'Hiftoirc Nuturelle cjui ont parûtes plus propres k
rendre les jeunes gens curieux & k leur former l'efprit ; première P,mie
contenant ce <jnï regarde les Animaux & les Plantes. Seconde Edition.
A Paris , chez la Veuve Etienne ^ rue S. Jacques , & Jean Defaim , vis-
à-vis le Collège de Beauvais. 1751. /«-i 2.
L'A UT E UR entreprcnddans re , le plus fçavant & le plus par-
cet Ouvrage de donner un fait , dit il , de tous les Livres pro-
Extrait du j^rand Livre de la Natu- près à cultiver notre raifon. Il fc
Avrd. B b ij
192 JOURNAL D
borne à tout ce qui peut tomber
fous les Icns , ou comme il s'expri-
me lui même; , à la décoration exté-
rieure de ce monde , & à reffct des
machines qui compofent le fpccta-
ele -, il laifle à d'autres le foin d'en
expliquer les rclTorts & l'artifice
qui en forme les mouvemens.
L'Ouvrai^e eft partagé en 15 En-
tretiens qui roulent fur les Infec-
tes , les Coquillac,es , les Oifcaux ,
les Animaux tcrreftres, les PoUTons
& les Plantes. L'Auteur , en trai-
tant ces matières , n'a point fuivi
un ordre fcrupuleux ; il a préféré
la route la plus douce & la plus
amufante à la route la plus droite ,
dès qu'elle le conduifoit également
.(U terme qu'il fe piopofoit. C'cft
par cette raifon qu'il a pris le l^yle
du Dialogue. Dans la Préface de la
nouvelle Edition il prévient l'ob-
jeélion qu'on peut lui faire fur le
choix de fcs Interlocurcurs , & il
le jullihefolidement. U avertit en-
core qu'on trouve deux fortes de
changemens dans cette féconde
Edition. Les uns qui ne regardent
que des cxpreiïions trop négHgces ,
les autres qui regardent le fonds
même , qu'il a fallu , dit-il , quel-
quefois éclaircir , ou entièrement
changer. Il promet de recueillir les
changemens eflèntiels dans un Sup-
plément qui fera délivré avec le fé-
cond Tome à ceux qui ont acheté
la première Edition.
Venons maintenant aux Entre-
tiens qui font le corps de cet Ou-
vrage.
On fuppofe qu'ils f.nt comme
le précis des convcrfacions qui fc
ES SÇAVANS,
font pafTées entre un Gentilhoitr-
m", qui pendant le grand loifir que
lui donnoit la paix , avoir formé un
Cabinet de Curiofitez Naturelles ;
la ComtefTe fi femme , le Prieur
Curé du lieu , & un jeune homme
de qualité qui étoit venu pafler les
vacances dans la terre du Comté de
Jonval i car c'efl: ainfi que l'Auteur
nomme le premier ; 6cil donne au
fécond le nom de Chevalier du l
Breuil. Le goût qu'il témoigne '"*
pour l'étude de la Nature donne
lieu aux Entretiens dont nous s»4v
Ions rendre compte.
Ce que la politelfe de l'efprit Sc
du cœur jointe à un grand fonds de
pieté a de vrai & de touchant édi-
te dans les paroles & dans les fcnti-
mens des Intc-r locuteurs ; mais ,
dans des perfonnes qu'on fuppofe
retirées à la Campagne, l'on ne doit
pas s'attendre à rroirvcr cetrc fine
plaifanteric ni ce brillant enjoue-
ment qu'on ne peut acquérir que
par le commerce du grand monde.
Les 8 premiers Entretiens rou-
lent fur les Infedes. L'Auteur y
montre que fi Dieu n'a pas jugé
indigne de lui de les créer , il n'eft
pas indigne de l'homme de les con-
iiderer. Il en donne d'abord une
notion générale &; prouve que leur
petitcfîe qui femblc d'abord auto-
rifer le mépris qu'on en fait eft att
contrai, c une nouvelle raifon d'ad-
mirer l'art & le méchanifme de
leur ftruclure , qui alJic rr.nt de
vaiffeaux , de liqueurs, & de mou-
vemens dans un point qui eftfoit-
venr imperceptible.
Dans le fécond Entretien on ex-
A V R I
plique cil particulier la natiiit des
Cliciiillcs , leur manière de filer, Si.
leurs diverfcs méthamorphofcs."La
3> Chenille qui efi: changée en Nim-
y> phc <<: le Papillon qui en fort font
5> deux animaux totalement diffe-
»rens. Le picmier n'avoit rien que
» de tcrreftre , &C rampoit avec pe-
» fauteur. Le fécond eit l'agilité
» même , il ne rient plus à la terrcj
» il dédaigne en quelque forte de
«s'y pofer. Le premier étoit hcrilTc
« £é fouvent d'un afpecît hideux ^
>» l'autre eft paré des plus vives cou-
pleurs. Le premier fe bornoit ftu-
M pidemcnt à une nourriture grof-
1» iîerc , celui-ci va de fleurs ch
» fleurs. Il vit de miel & de roféc ,
» & varie continuellement fes plai-
»■ firs. Il )ouit en liberté de toute la
h Nature , & l'embellit lui même.
La Comtelle y trouve une image
trcs-agréablc de notre refurrecfti on j
Bc le Prieur en prend occafiop de
tcmarqucr » que toute la Nature
» eft pleine dimiges fenfibks des
» chofcs céleftes , & des véritez les
jï plus fublimes. Il y a , continue-
» t-ii , un profit certain à l'étudier ,
» ic c'eft une Théologie qui eft toû-
» jours bien rcçiàë.
C'eft la Comteflc feule qui porte
preique toujours la parole dans le
troifiémc Entretien ; fon mari mê-
me ne s'y trouve pas , il eft que-
ftion des Vers à foye -, la Dame qui
dans fon enfance avoit pris foin-
d'en élever j rapporte là-deftus fes
expériences , & le Prituï expofc
l'anatomie de cet Infeâre.
■ Dans le qurtriéme on traite des
Araignées , & de leur toile. Mais
L , I 7 î î- ïp5
pour en donner une plus jufte idée
au Chevalier , on l'a obligé à voir
un TiiTerand , & àfçavoir bien di-
ftingucr la chaîne d'avec la trame.
L'Auteur profite de cet exemple ,
pour fnrc fcntir combien il eft uti-
le de montrer aux jeunes gens les
Arts & Métiers. » On apprend
» non feulement ce qui peut orner
» l'efprit ou embellir la converfa-
» tion i mais ce qui fait l'homme
» defervice &de relfource en toute
» occafion.
Le cinquième Entretien fe pafle
entre le Prieur & le Chevalier , le
Comte &c la Comteffe étant occu-
pés ailleurs. Le Prieur y traite des
Guêpes , & rapporte là-defliis les
principales découvertes de M. de
Réaumur.
Tous les Acteurs font prefens au
fîxiéme Entretien. Les Abeilles en
font la matière , ce qui regarde la
police de cette petite Republique y
eft développé avec beaucoup de
netteté Se d'agrément.
On contmue encore le même
fujet dans le fcptiéme Entretien.
On y parle fur tout de la manufac-
ture de cire & de la manufadure
de miel. Charmé de l'ordre & de
l'union avec Icfquels les Abeilles
y travaillent , le Comte fait cette
reflexion , que nous tranfcrirons
ici pour donner un échantillon du
ftyle &c du caraiflere de l'Auteur.
» Ce qui me touche le plus dan»
»ces petits Animaux , c'eft , dit-il,
» de voir parmi eux cet efprit de
x> focicté ^ qui en a formé un corps
» policé , étroitement uni & parfai-
» tement heureux? Voyez un eflain
ip4 JOURNAL' D
» iV Abeilles , &c obfcrvez quel cf-
» prit conduit chacune d'elles,
» Toutes travaillent pour le profit
« commun , toutes font loimiifes
» aux loix &c aux réglcmcns de h
3* compagnie. Nul efprit particu-
i> lier , nulles dillinétions que ccl-
» les que la Nature , eu le bcfoin
» de leur petit Etat a introduites
» entr'elies. On ne les vit jamais fe
« laircr de leur condition , niaban-
>» donner la ruche , dégoûtées de fc
j» voir ou cfclaves , ou fans bien.
» Elles fe croyent au contraire par-
»^ faitemcnt riches , Se elles le font
»> en effet. Elles font libres , parce
» qu'elles ne dépendent que des
» loix. Elles font heureufes , parce
j> que le concours de leurs diffe-
«•rcns fer vices produit à coup fur
» une abondance qui tait la richef-
» fe de chacune d'elles. Comparons
» à cela les Societez humaines. El-
it les nous paroîtront monftrueu-
» fcs. Lebefoin , la raifon , laphi-
» lofophie les ont formées fous Je
» prétexte loiiable de s'cntraider
o par. des fervices mutuels : mais
» l'efprit particulier y ruine tout ,
>» & la moitié des hommes , poi,ir
»f^ donner le fuperflu , ôte à l'au-
i> tre moitié le li,mple necelfaire.
Dans le huitième Entretien cha-
cun fournit fon contingent ; le
Comte donne la Mouche & le
Moucheron. ]Le Prieur , le GrUlo-
talpa avec la Foyrmi , & le Cheva-
lier \c Formicaleo. En parlant des
Mouches l'Auteut explique la for-
mation de la Noix de Galles par
le$_CEu£s qu'une certaine efpece de
Mouche dépofe dans les feuilles ou
ES SÇAVANS,
même dans les boutons du chcne ,
cnforte que la Noix de Galles n'clt
pas un huit propre au chêne com-
me le Gland ; mais une limple ex-
crelccnce occalionnée par la pi-
queure d'un Infecte. Il prétend
qu'il n'y a prcfque point de plante
qui ne foie de même piquée par un
Infede , &: qui ne produife de ces
prétendues Noix de toute couleur
& de toute grandeur. Le vrai ver-
millon , la bonne laque , le kermès
& plullcurs autres drogues eftimécs
n'ont point d'autre origine que la
piqucure de différentes Mouches -,
mais il n'en ell: pas de même delà
Cochenille , & l'Auteur dans cette
Icconde Edition nous en donne une
defcription très-curicufe.
La Comtelle qui n'avoit poini
paru dans l'Entretien précèdent ,
ouvre le fuivant, où il y eft queftion
des Coquillages. Elle commence
par les Moules qu'elle appelle lc«
Fdeufes de la Mer. Elle fait connoî-
tre la Nature de cettec-fprcc de hl
qu'elles produifent , &: dont elles
fe fervent pour s'ancrer contre l'ef-
fort du vent Se des vjgues. Elles
relTcmblent en cela à la Pinnc-Ma-
rinc qui eft une très grande Moule
de îiler. Les Siciliens en tirent une
foye dont on fait des étoiles d'une
beauté partaite. On patTe cnfuite à
la manière dont fe forme l'ecaillc
du Limaçon , & en général celle de
tous les coquillages. On n'oublie
pas les perles , fô on foûnent qu'il
eft tort vraifcmblabk que les perles
ne font qu'un etlet de la maladie d»
l'Animal qui les produit. On en
verra la preuve dans le Livre mç-
me.
A V R I
Dans le dixième Entretien les In-
terlocuteurs bfTcz de ramper fiif la
terre avec les Limaçons CT les Repti-
les , prennent fejfor , & vont recon-
nohre les habitans de l'air. La Coin-
telTe les mène près de fa volière , &
leur fait admirer la ll;rudl:ure des
differens nids des Oifeaux , où l'on
trouve la propreté du Vannier &
i'indHflrie du Maçon. Le Prieur
efîaye de donner une idée du vol
des Oifeaux. Il examine enfuite fi
les hommes peuvent voler , & il fe
déclare pour la négative.
On revient encore aux Oifeanx
dans l'onzième Entretien &i on
montre par leurs différentes incli-
nations la raifon de cette prodi-
gieufe divcrfitc qu'on remarque
dans leurs aîles , dans leurs becs ,
dans leurs ongles & dans toutes
leurs parties. On parle en particu-
lier du Pivcrd, du Héron , de la Ci-
cogne , du Cygne , du Colibri qui
cft un petit Oifcau de l'Amérique
d'une extrême beauté , de l'Autru-
che , du Paon , des Oifeaux de
proye & de la manière de les drefler
pour la voleric ■■, des Oifeaux de
paffage , des Oifeaux de nuit , &c.
Sur toutes ces matières il échape
à la Comteffe des obfcrvations ,
qui rètonncnt elle-même. Sur quoi
le Prieur lui apprend que w Icmé-
j> rite des Phyiîciens , parmi \ti-
» quels elle eft enrôlée , ne confifte
» pas toujours à deviner des chofes
a difficiles ; mais à ouvrir les yeux
» fur ce que les autres ne regardent
>»pas , es. qu'ils foulent aux pieds le
M plus fouvejit. « La ComtelTe fait
fcntir l'injuftice de la plupart des
L , 1755. i95
hommcsj qui fcmblcnt defund:e
aux fmmcs depenfcr &: de réflé-
chir , &: qui par la conduite qu'ils
tiennent avec elles , ne travaillent
qu'à nourrir dans leur efpnt tous
les défauts qu'ils leur reprochent.
Les Animaux terrell:r£S ^ cojnme
la Brebis , le Bœuf, le Lioa/l'E-
lephant , &c. font l'objet du dou-
zième Entretien. Le Prieur fait re-
marquer la Providence dans ce
grand nombre d'animaux domefti-
ques qu'elle a réunis fous la main
de l'homme , & affujctis àfon em-
pire. Qiiand on pourroit apprivoi-
fcr les Louveteaux , les F.ions des
Bicljes , & les Lionceaux ^ il efl:
clair que l'homme n'en tireroit
point l'ufage qu'il tire des aninj^us
domeftiqucs , foit pour cultiver la
terre ou pour porter des fardeaux,
Pourroit - on d'ailleurs le's nourrir
avec aufîî peu de frais ? On décou-
vre encore la Providence dans les
inclinations bienfaifantcs ^ dociles
qu'elle a données aux animaux do-
meftiqucs. Cette matière donne
lieu au Comte de faire l'éloge du
Cheval , au Chevalier celui du
Chien , &; le Prieur ne dédaigne
pas de fe rendre le Panègirifte de
l'Afne. Il avoiic que cet animal u'a
pas les qualitez brillantes, maisil
prétend qu'il a les folides , & il
montre que J'Afne bien loin d'avoir
befoin d'indulgence , ou d'apolo-
gie peut être l'objet d'un éloge rai-
fonnable &: même académique. Ce
morceau qui fcmbic d'abord n'être
qu'un Jeu d'cfprit , un peu dèpla<:e,
cft rempli de reflexions également
fines 6c judicieufes.
\$i5 JOURNAL DE
Dc-là on pafTe aux Caflors & à
leur manière de bâtir, on les compa-
re au Rat Mufjué qm cfi mi animal
d'Amérique , ic qu on nous donne
en tourc manière pour un din^inu-
tif du Cafter.
Le treizième Entretien roule fur
les PoifTons. On y parcourt en dé-
tail leur manière de refpirer , de
riager , & leurs dificrcntcs rufcs
|>our attraper leur proyc. On ob-
serve que les PoilTons dont la chair
cft faine & bicnfaifante font d'une
fécondité extrême , & qu'ils vien-
nent comme d'eux-mêmes, fe jet-
ter dans les filets des Pêcheurs. Que
ceux au contraire dont la chair eft
peu agréable , ou maltaifinte , ou
que leur taille monftrueufc rend re-
doutables , font communément vi-
vipares , c'cft-à dire , qu'ils mettent
au monde des petits tout tormcs &
qu'ils n'en ont qu'un ou deux tout
au plus. Tels font la Baleine , le
Dauphin , le Marfouin , le Veau-
Marin , &c.
La Comteflè propofe pour fujèt
du quatorzième Entretien lesplart-
tes avec leurs fruits & leurs fleurs ;
quoique ce foit là après fes Oi-
feaux , ce qu'elle prétend fçavoir le
mieux , elle y parle peu , &- fe bor-
ne aux chofes qui font de pure prati-
que,& remet au Prieur & au Comte
le foin d'expliqucr,quclle eft l'origi-
ne des plantes , de quelles parties
tflcntielles elles font compofees , la
manière dont elles fe nourriiTcnt ,
«elle de les confcrver 5: de les mul-
tiplier ? On V trouve aufli une nou-
velle conjedure fur la circulation
«lu fuc nournlîicr. L'Auteur y a fait
S SÇAVANS,
des changemens & des additions
très -importantes & a rendu dans
cette Edition toute cette matière
fort intelligible par le fecours de
trois noA.ivclles planches qui font
proprement gravées.
On reprend la même matière
dans le quinzième & dernier En-
tretien. Ou en lait fentir l'utilité.
» .l'aine mieux ^ dit le Prieur , M.
adc Rèaumur occupé à exterminer
M les Teignes de nos tapilfcries ,
» ou les Piinaifes de tout un lo-
» gis , que M. Bcrnoulli abforbé
n dans fon Algèbre , ou M. de
» Lcibnitz. combinant les diver»
i> avantages & inconveniens dci
j> mondes poflîbles. Pour être rai-
» fonnabk & fçavant faut - il être
>> toujours à mille (ieuès des autres?
» Je penfc tout au contraire , que
»la Philofophie ne fçauroit trop fc
»» raprocher de l'homme , & qu'el-
» le ne peut mieux faire que de
«bien connoîcrc ce qui i'cnviron-
â« ne 6c ce qui a rapport à lui.
Cette rc.lexion permet à la
Comteiïe de s'étendre fur la ma-
nière de préparer leLin ^' le Chan-
vre pour en faire du fil. Elle don-
ne à ces deux plantes la préférence
fur les differens Cotonniers que
produit l'Amérique , & même fut
i'Aloè , cet arbre fi vanté par les
differens ufages que les Afiatiques
en tirent , & qui produit le Coton
le plus hn. La Canne de Sucre , la
Rhubarbe, la Manne,leQuinquina,
&c. trouvent ici leur place. On ex-
plique phyfiquement h manière
dont les drogues purgent. On
les quitte pour des liqueurs plus
réjouijfames ,
M A R
a> ttcs Editions. Après avoir pris
» ces nefures pour contenter ceux
» qui ont les Ouvrages de Saint
"Jérôme, fi la rareté des exeni-
ijplairesrendoit une nouvelle Edi-
» rion neccflaire , on exécutera ce
«delTcin d'autant plus volontiers ,
» qu'il ne pourra plus faire tort à
n perfonne , Se C[u'U ne coûtera à
» l'Editeur que le foin de veiller
» fur le travail des Imprimeurs.
HOLLANDE.
D'A MSTERDAM.
François Changuion débite Re-
cherches tnterejfantes fur l'origine , la
formation , le développement , la
flruElure , &c. des diverfes efpeces de
vers à tuyau , qui infeftent les vaif-
feaux , les Digues , &c, de quel-
ques-unes des Provinces unies. Par
P. Majfnet , Dodeur en Médecine.
On y a joint les Procès-Verbaux
qui ont été drelTés par les Infpec-
teurs des Digues , au fujet du
dommage caufc par ces vers , avec
leurs différentes figures en taille-
douce, d'après nature. 173 3./»- 8°.
FRANCE.
De Strasbourg."
Jean-Renaud Doulfeckfr le père ,
Libraire , va imprimer par Souf-
cription & en fîx Volumes in-a^°.
une Hifloire Vniverfelle Sacrée &
Profane depuis le commence-
ment du monde jufqu'à nos jours.
Parle Révérend Père DomAugH-
Mart.
flm Calmet , Abbé de Senoncs. St
on peut juger dumérite & du débit
d'un Livre fur la réputation de fon.
Auteur , il eft à préfumer que le
public ne recherchera pas cette
nouvelle Hiftoire Univerfelle avec
moins d'empreirement , qu'il en a
témoif^né pour tout ce qui eft déjà
forti de la plume de Dom Calmet,
Le Libraiee compte d'avoir
achevé l'imprelTîon de ces fix Vo-
lumes au commencement de 1736'.
Le prix de la Soufcription entière
eft de 50. livres, dont on payera
feulement 10. livres en foufcrivant,
& 8 livres en recevant fuccelTive-
ment l'exemplaire de chaque VolU'
me.
De Paris.
J. B. Coignard & Hippolyte-Louis-
Guerin , rue Saint Jacques , Mon'
talant & Rollin hls , Quai des Au-
guftins , ont en vente Htfloii-e de
PEgli/è Gallicane , dédiée à Nof-
feigneurs du Clergé , par le Perc
Longueval , de la Compagnie de
Jefus , Tome cinijuiéme , depuis l'an
788. jufqu'à l'an 849. Tome Jîxième ^
depuis l'an 849. jufqu'à l'an 587.
«■«-4".
La Veuve Madères 8c Jean-Bap-
tifte Garnier , rue Saint Jacques ,'
à la Providence , impriment la fui-
te des Traitez de Théologie de feu
M. Tournely. Le premier Volume
paroît fous ce titre : Continuatiê
PraleHionum Theologtcarum Hono-
rati Tournely , five TraBatus de uni-
Verfk Theologiâ Morali. î * wut
PRiMUS , conùmm Tra^latus I, df
Aa
i86 JOURNAL D
Juftitiâ & Jirre , //. de CotmvMihus.
Ofus ad Jitrts Romani & Gallici
normam exaBiim. 1753. /«-S".
On trouve chez Bauche , Quai
des Auguftins , &: autres Libraires,
une nouvelle Edition des Oeuvres
di-verfes de M. VAhhé de ChnulieH ,
en deux Volumes 171-%°. A Am-
flerdam , chez Zacharïe Châtelain.
Ï733-
Entretiens de Ciceronfiir la Na-
ture des Dieux , traduits par M.
i'Abbé à'Olivet , de l'Académie
Françoifc , avec des Remarques
de M. le Préfident Bouhier , de la
ïnême Académie , fur le Texte de
Ciceron. Seconde Edition , chez
Gandouin , à la belle Image , Qiiai
des Auguftins. 1751. in-ii. deux
Volumes.
Réflexions Critiques fur la Poëjîe
& fur la Peinture ^ par M. l'Abbé
Dubos ^ Secrétaire de l'Académie
Françoife. Nouvelle Edition^ revue ,
corrigée & confiderablernent aug-
mentée. Chez Pierre- Jean Mariette^
ruii Saint Jacques , aux Colonnes
d'Hercule. 1733. /»-i 2. trois Volu-
mes.
Converfations fur flufieurs ftijets de
Amorale propres à former les jeunes
Demoiflles à la pteté. Ouvrage utile
à toutes les perfonnes qui font
chargées de leur éducation. Par M.
P. C. Dodeur de Sorbonne. Chez
Jean Bapttfte Lamefle , rue de la
vieille I3ouclerie , à la Minerve.
Jean François Hertjfant , rue Neuve
Notre-Dame , à la Pro\ idcnce , &
Henry ^ luë Saint Jacques, vis-à-
vis Saint Yves , à Saint Louis.
i733.v«-iz.
ES SÇAVANS;
Aléthode pou- apprendre l'ortho-
graphe , & la L.f:-ijiie françoife^ fans
fçavoir le Latin , avec la clef &: les
thèmes tour préparés pour l'cnfei-
gner. Troifiéme Edition , revûë &:
corrigée , & mife dans un nouvel
ordre. Par M. Jacejitier. Chez le
Clerc , rue delà vieille Bouderie',
le Gras , Grand'Salle du Palais ,
Rohitftel le jeune, rue S. Jacques ,
& la Veuve Pijfot , Quai de Con-
ty.i-jii.in-%\
Voici le Programme publié par
i'Academie de Chirurgie pour le
prix de l'année. 1733.
» L'Académie de Chirurgie éta-
» blie à Paris fous la protection du
» Roi , defirant contribuer aux
3>progrcs de cet Art , & à l'utilité
M publique , propofc pour fujctdu
» prix de l'année mil fepr cens
» trente - trois , la queftion lui-
» vante :
Quels , félon les dtjferens ca< , les
avantages & les inconveniens de
Vufage des Tentes & autres dila-,
tans ?
■n Ceu:< qui travailleront pour le
M prix ^ font invitez à fonder leurs
» raifonnemens fur des faits de
j^ pratique choifis & bien avérés \
» on les prie d'écrire en François
» ou en Latin , autant qu'il fc
n pourra , & d'avoir attention que
» leurs écrits foient fort lifibles.
«Ils mettront à leur Mémoire
» une marque diftinflive , coramç
» Sentence , Devife , Paraphe ou
«Signature ; & cette znar(^ae fer»
M A R
» couverte d'un papier blanc. çoUé
»> ou cacheté , qui ne fera levé
n qu'en cas que la pièce ait rcmpor-
» té le prix.
3? Ils adrefleront leurs ouvrages
« francs de port , à M. Jldorand ^
» Secrétaire de l'Académie de Chi-
30 rurgie à Paris -, ou les lui feront
» remettre entre les mains.
»Les Chirurgiens de tous Pays
»> feront admis à concourir pour le
"prix i on n'en excepte que les
» Membres de l'Académie.
» Le Prix eft une Médaille d'pr dp...
» la valeur de deux ceus liv:es, qiài.
» fera donnée à celui qui au juge-
» ment de l'Académie , aura fajt le
» meilleur Mémoire fur la queftion
»>; propolee.
, 3» La Médaille fera délivrée, àrj
»> l'Auteur même , qui fc fera con- ■
»noîcre, ou au porteur d'une pro-
» curation de la part ; l'un oli l'au-
» tre reprefentant la marque di-
» ftindive , avec une copie nettp du
p, Mémoire.
n Les ouvrages ne feront reçus
» que jufques au dernier jour de
» l'année 1753. inclufivement.
» L'Académie à fon alTemblée
» publique de 1734. qui fe tiendra
« le Mardy d'après la Trinité , pro-
»> clamera la pièce qui aura mérité
» le prix.
Théologie - Phyjù^ue , ou Dêmon-
flration de l' Exiflence & des Attri-
buts de Dieu , tirée des Oeuvres de
la Création , accompagnée d'un grand
nombre de Rcmarquei & dOhferva-
lions curieufes , par Guillaume Dé-
ïham. Chanoine de U^mdfor ^ Rec-
UH.t àVf.minfiix^^ ôcc^u-adiàte de
l'ylngloisparjacques Lufneu, Doc-
teur en Aiedeane & Lecteur en Ma-
thématiques : troijiémc Edition ^ re-
vue & corrigée : à- Paris , che"^
Chaubert, /«-8". 1732.
11 ne faut que voir cette Edition
& lire l'Avertiflemeniqui la précè-
de pour fentir qu'elle eft en tout
préférable aux deux premières de
Hollande , dont la féconde qui s.
fervi de copie à celle-ci lui eft de
beaucoup inférieure pour la beauté
& k newe^é des caradreres ; nous
n&difons rien ici du mérite particu-
lier & de l'importance de l'Ouvra-
ge , nous en avons rendu compte
dans notre Journal du mois de
Jatmeï année 1727. vs
AVI S. :^
Dans le Journal de Décembre
dernier , à l'article qui concerne h
Pharmacopée de la Faculté de Mé-
decine de Paris, on a mis par mé-
garde que cette Pharmacopée fut en-
treprife en \-]ii. au commencement
du Décanat de AI. Philippe Caron ,
continuée & portée à fa fin fous le Dé-
canat de M. Nicolas Andry , au lieu
de cela il faut lire : cette Pharmaco-
pée fitt entreprife en 1714. fous le Dé-
canat de Ad. Philippe Hecquet , qui
en ouvrit l'avis , continuée fous les
Décanats de Mejfieurs Jean-Baptifîe
Doye , Amand Douté , Guy Erafme
Emmerez. , & Philippe Caron ; puis
achevée fous le Décanat de M, Ni-
colas Andry,
Vi
fautes à corriger dans le Journal de Janvier I7 3 3 .
Af'C 48. col. I. ligne 34. féconde , ///f^troifiémc : Pag. 49. col. iJ
i<T. 22, nous pourrions , Uf. nous pouvons.
Dans /'Errata qui eflàlafindu Journal de Février.
Vers la fin : Chryftallin , ///fi Criftallin ; retai>l>fe\^ainft cette correSim
Chryftallin , ///f^CryftaUin,
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Mars lyn»
POëfîes diverfes ^ par M. Tanevot, page ijl
L'Anatomie générale du Cheval , &c. 140
Recueil des Ecrivains et Italie , Tome IX. 145
Traité du Sublime , a M. Defpreaux ^ Sec. x$S
Relation Htfloriejue de l' Ethiopie Occidentale y &&' x(j
tiiftoire de Dannemarc , &c. 17X
Jjtttre Critique fur le DiSlionnaire de Bayle , 177
JKçHvelles Littéraires , 1 S j
Fin de la Table;
A V R I
rèjouijfames , telles que le CafFé , le
Thé & le Chocolat. On revient en-
fuite au bled dont on avoit déjà
parlé , ôc on donne la manière de
le conferver un fiécle entier fans
qu'il fe corrompe.
Enfin le Prieur loiie l'amour du
Jardinage , & applaudit au goût
de beaucoup d'honnêtes gens qui
s'adonnent aujourd'hui à cet amu-
fcment. Mais il voudroit , dit-il ,
que la culture des plantes , fut
comme la vraye pieté , affranchie
de tout vain fcrupule , & débarraf
fée de toute pratique fuperftitieufe.
Il fait fentir le préjugé ridicule qui
défend de planter , de femcr & de
tailler dans le décours de la Lune.
M. le Normand chargé de la direc-
tion des Jardins fruitiers & pota-
gers du Roi , qu'il cite en cet en-
droit affure , » que d'un très-grand
» nombre d'expériences faites très-
» exadement fur les différentes
» opérations du Jardinage , il n'en
» avoit trouvé aucune qui favorisât
"l'afferviffemcnt de nos pères aux
» differens afpedts de la Lune.
A cette occafion l'Auteur com-
bat la fuperftition de ceux qui at-
tribuent quelque vertu aux influen-
ces des Etoiles. Il fait voir que les
Boms donnés par les anciens aux 1 2
Signes du Zodiaque font fondés fur
des raifons naturelles. A l'égard
des autres Etoiles il prétend que
les Grecs leur ontimpofédes noms
de pur caprice , & qu'il feroit ridi-
cule d'en chercher les convenan-
ces.
Ce premier Tome finit par une
L. 1733- 197
Lettre du Prieur en réponfe à une
Lettre du Chevalier qui lui avoit
écrit pour lui demander quels font
les droits & les bornes de la raifonî
Le Prieur montre que c'eft une
erreur tort commune de ne pas
connoître le prix & les droits de la
raifon, ou d'avoir une idée trop
avantageufe de fes forces. » Ne
» vouloir rien connoître des chofes
» créées qui font fous nos yeux , eft
» le propre d'une indolence qui va
» jufqu'à laftupidité , vouloir tout
»y comprendre c'eft une témérité
» qui eft toujours punie. « Mais
l'homme fage prend un jufte mi-
lieu entre ces deux extremitez.
Sans ambitionner ce qui eft au-def-
fus de l'homme , il s'occupe avec
modeftie, & joiiit avecreconnoif-
fance de ce qui a été fait pour
l'homme.
Il ne faut pas oublier en finiffant
cet Extrait , qu'outre les trois plan-
ches nouvelles dont nous avons
fait mention , l'Auteur a embelli
cette féconde Edition d'un frontif-
pice qui annonce le fujec du Livre
d'une manière très-mgénieufe. Ces
différentes augmentations feront
fans doute grand tort à une nouvel-
le Edition du même Ouvrage
qu'on vient de publier à Utrecht ,
elle fervira du moins à la gloire de
notre Auteur. Il eft peu ordinaire
de voir en moins de fix mois trois
Editions du même Ouvrage. C'eft
un préjugé bien favorable pour le
fécond Tome qu'il va donner in-
ceffanunent»
Avril.
Ce
JOURNAL DES SÇAVANS;
EXPLICATIO N DV LITRE DE LA GENESE,.
OH félon la Aléthadt dis S/iints Péris ^ ion s'attache <è decottvnrUs Myflerei
di J. C. & les règles des mœurs renfermées dans la lettre même de l'Ecri-
ture. A Paris , chez François Babnty , rue S. Jacques , à S. Chryfofto-
me , in-ii. 6. vol.
LE Libraire eft perfuadé que
cet Ouvrage fera plaifir au pu-
blic , non feulement parce que le
nom & le mérite de l'Auteur font
déjà connus , mais encore parce que
le golît du public s'efl: , dit-on ,
déclaré par l'approbation qu'il
avoit donné aux Conférences où
l'on taifoit lecture de cet Ecrit & où
il étoit expliqué de vive voix. Il
s'en éroit répandu des copies en
afTcz grand nombre , qui ont fait
fouhaiter s. plulleurs pcrfonnes
qu'il fût imprimé. Le Libraire re-
g.:rde comme un bonheur , qu'il
lui foit tombé entre les mains une
copie fort exade de cette Explica-
tion.
L'intention de l'Auteur n'eft
point de donner une Explication
Littérale du Texte de la Genéic, «Se
encore moins d'examiner les que-
ftions de critique : il fait même af-
fez entendre qu'il ne croit point
que ce foit entendre l'Ecriture
Sainte d'être inllruit à fond de ce
qui regarde ces queftions. Voici
comme il s'explique fur ce fnjet ,
en expliquant le verfet 17. du cha-
pitre 47. de la Genéfe.
M Le S. Efprit a voulu nous ap-
» prendre , en confacrant dans les
"Septante une autre fupputation
» que celle de l'original , combien
» l'étude qui fe termine à des cho-
» fcs qui ne reforment point le
n cœur, eft peu digne des Ecritu-
>• res , & combien l'on eft éloigne
» de les entendre , lorfqu'on s'ap-
j) pliquc uniquement à des difficul^
» tcz qui reg.irdent les tems , les
"lieux, les Généalogies, les coù-
» tûmes & une Hilloire ftcriie ,
M pendant qu'on néglige l'efTentiei
>j Se le deftein de Dieu en donnant
» aux hommes fcs Ecritures.
Le but de notre Auteur eft uni-
quement, comme il l'explique dans
le titre , de faire fur les differens
palfages de la Genéfe des Obferva-
tions qui pullfent contribuer à for-
mer les mœurs , &: à découvrir pref-
que dans tous les paflages le fens fi-
guré. Il rapporte à la vérité en
quelques endroits les termes de l'o-
riginal , & il s'attache à en faire
connoître la forme ; mais ce n'eft
que quand il croit que les expref-
nons hébraïques fourniront plus
facilement que celles de la Vulgate,
des réflexions morales , iSc le fens
figuré qui tait fon principal objet.
Nous allons rapporter quelques
exemples dxs reflexions morales &
des explications du fens figuré.
L'Auteur s'attache dans l'cxpolî-
tion du premier Chapitre de la Ge-
néfe à faire voir que l'Univers &
les différentes parties qui le com-
pofent ne font pas l'effet du hazard.
A V R I
ic qu'il porte par-tout les marques
^'une Providence j d'une ûgellc &
<i'unc puilTance infinie. Il entre fur
ce fujct dans un gra.d détail au fu-
jet des arbres 6c des plantes , des
oifeaux , des animaux à quatre
pieds , des poiflons de la mer ^ &
aes aftres. Les découvertes des Phi-
lofophes modernes fervant à l'Au-
teur à mettre ces véritezdans un
plus grand jour ; & ce qui fera plus
de plaifir à ceux qui ne font pasPhi-
iofophes de profeflion ; c'eft que
l'Auteur s'eft appliqué à s'exprimer
fur ce fujet important de la manière
la plus fendble , & même à répan-
dre plus d'agrément dans cç% mor-
ceaux que dans le refte de fes Ou-
vrages.
Outre ces réflexions générales
fur l'Ouvrage des fix jours qui ont
fourni à plufieurs Pères de i'Eglife
le fujet de grands Traitez , on
trouve dans cette expofîtion des
reflexions mo/ales particulières fur
chacun des Ouvrages du Créateur.
On en connoîtra le goi^it par les
«xemples fuivans.
Sur ce que Moyfe dit que Dieu
créa un corps lumineux moindre
que le Soleil pour préluder à la nuit.
L'Auteur s'explique ainfi. » La Lu-
» ne n'efface point entièrement la
M lumière des étoiles : mais il fem-
» ble que ce qu'elle en iaifle fubfi-
i> ftcr ne foit que pour rendre plus
» fenfibles les avantages qu'elle a
M fur elles -, car toutes celles qui
» font trop voilmesfe perdent dans
j> fes rayons ■, les autres fc foûti^-n-
» nent un peu à proportion de leur
» diftance i mais alors même tous
L. 173 5- 199
>■> les yeux font tournés vers un fcul
» objet , Se les lumières foibles Se
i> mouvantes , femées çà Se là dans
»j les efpaces lointains ne font pref-
» que aucune imprelllon. C'eft ainlî
j> que l'autorité des Ecritures doit
« foûmettre la raifon : elle ne i'é-
» teint pas , mais elle l'obfcurcit
»3 en la furpaflant , St moins les re-
» flexions humaines ont de pou-
» voir , Se moins il eft nuit Se plus
» il fait clair.
L'Auteur avant parlé de différen-
tes efpeces d'oifeaux , s'adreffe à
Dieu en ces termes.»Qiiels milleres
» couvrez-vous fous toutes ces dif-
"tindions étonnantesî&qucl parta-
is 2;e faites-vous entre ceux qui font
'1 ICI ^
)> noyés dans le lieclc, & ceux a qui
» vous donnez des aîies pour le
« fuir Se s'élever jufqu'à vous ? *•
Notre Auteur ayant enfuitc faitob-
ferver qu'entre les oifeaux les uns
s'élèvent fort haut 5c s'y foûticn-
nent , les autres ne font que volti-
ger&;fe contentent de rafer la terre,
& que chaque efpece eft reconnoif-
fable à fon vol particulier -, il veut
que cette diverllté foit pour nous
une leçon qui nous apprenne à ne
pas réduire les vertus des fpirituels
à un genre uniforme.
Les oifeaux foibles font la proyc
de ceux qui vivent dé fang Se de
carnages. La fureté des premiers
confifte à fe tenir à terre , car les
Vautours , les Epreviers Se les au-
tres Oifeaux de même genre n'ofe-
roient fondre fur ceux qui ne s'élè-
vent point. Ils fc briferoient au lieu
de leur nuire. Ainiî , conclut l'Au-
teur , parmi les Oifeaux , comme
Ce y
200 JOURNAL D
parmi nous , rhumilitc cft û"iin
grand ufagc , ëc c'eft l'élcvation
qui fait le danger.
Ce que fait la poule par laquelle
on a fait couver des œufs de Can-
nes , quand elle voit fcs petits s'al-
ler jetter à l'eau au fortir de la co-
que , fournit une matière de
reflexion à notre Auteur. Cette
poule demeure au bord de l'eau
très-étonnéc de la témérité de fes
petits , & encore plus de ce qu'elle
leur réuflît. Elle fe fent violemment
tentée de les fuivre , elle en témoi-
gne fa vive impatience -, mais rien
n'eft capable de la porter à une in-
difcrction que Dieu lui a défendue.
Les Spedatcurs en font furpris à
proportion de ce qu'ils ont'd'intcl-
iigcnce. Mais il eft; rare , continue
notre Auteur , que les Spectateurs
apprennent de cet exemple , qu'il
faut être deftiné par la Providence
aux fondions d'un état dangereux,
& avoir reçu d'elle tout ce qui peut
mettre le falut en fureté , &c que
c'eft une témérité funefte pour les
autres qui n'ont ni la même voca-
tion, ni les mêmes qualitez.
Les Oifeaux qui vivent de poif-
fons , fans qu'ils Içachent nager , &
à qui Dieu a donné des jambes
comme des échaffes & un col fort
long pour qu'ils puiflent prendre
leur proye fans aller dans l'eau plus
avant que leur taille ne le leur per-
met, font , félon notre Auteur,
une inftrudion pour les perfonnes
qu'un zélé indifcret féduit facile-
ment , qui penlent qu'elles ont du
talent pour tout , parce qu'elles en
•nt pouE ceuaines chofes ^ ou
ES SÇAVANS,
qu'elles ne trouveront aucun dan-
ger dans de gr:.nàcs entrcprifes ,
parce que d'autres plus proportion-
nées à leurs forces leur ont réuffi.
Quelques Pères de l'Eglifc ont
comparé les Démons aux Oifeaux
de nuit ; mais la manière dont
l'Auteur pouffe cette comparaifon
a quelque chofe de fingulicr. Il dit
que quand un Oifeleur va à la chaf
fc à la pipée , il imite le cri de
quelque oifeau de nuit , les oifeaux
ae toute efpecc viennent fe per-
cher fur la cabanne de branches ou
t'Oifelcur eft caché , pour être
plus à portée d'infujter A leur enne-
mi. Mais les branches font remplies
de gluaux , les oifeaux cpai î'em-
barraflent dans ces gluaux tombent
& perdent la vie entre les mains de
rOifeleur. Ce qui nous apprend ,
félon l'Auteur , à fuir le cri du
Démon au lieu d'y accourir fous
prétexte de lui infulter. La haine
même contre lui doit être humble.
Car on devient fa proye Si même
fon joUet , quand on fe glorifie de
fon amour pour la lumière , & l'on
tombe dans la malédiction lorf-
qu'on s'en rejouit.
Venons aux exemples du fens fi-
guré. On ne doute pas qu'il n'y aft
plufieurs traits dans l'Ecriture Sain-
te , qui ne paroifTcnt d'abord
qu'hiftoriques , & qui font néan-
moins des figures de Jefus-Chrift
& de fon Eglife. Mais il y a eu
jufqu'à prefent peu d'Interprètes
qui ayent étendu ce principe aufli
loin que notre Auteur. Il préterKi
faire voir , non feulement dans cha-
que hiAoiie, mais encore dans cba-
A V R
que trait d'hiftoiïe un fens figuré
qu'il croit que le S.Efprit a eu prin-
cipalement en viiif 5 de forte que
dansfon Syftême le Livre de la Ge-
néfc contient en même tcms une
Hiitoire réelle & une prophétie al-
légorique de J. C. & de fon Eglilè
&c de la convcrfion des Juits avant
le jugement dernier. On en va voir
la preuve dans quelques traits tirés
de l'explication du Chapitre 45 de
la Genéfe où Jefeph fe fait connoî-
tre à fes frères.
Il eft marqué dans le premier
verfct de ce Chapitre , que Jofeph
commanda que l'on fît fortir tout
le monde afin que nul étranger ne
fût prefent , lorfqu'il fe fcroit con-
noître à fes tVeres. L'Auteur trouve
ici la hgare & de J. C. qui fe ma-
nifefta aux Apôtres après fa Refur-
redion, & de J.C.qui fe manifefte-
ra aux Juifs avint la fin du monde.
Cette féconde allégorie paroît mê-
me à notre Auteur la principale ;
car Jofeph , c'eft-à- dire , J. C. fera
célèbre parmi les Gentils , & ré-
gnant en Egypte , lorfqu'il fe fera
connoître aux douze Tribus d'If-
raël après un long oubli pareil à
celui qui eft la fuite de la mort 8c
de la fépulture. La lumière fut ôtée
à Ifraël à caufe de fon irapénitence,
lorfque les Nations furent appel-
iées , la lumière & la pénitence lui
ièront rendues , lorfqu'il fera invité
à s'unir aux Gentils. Il n'y a point
d'endroit de l'Ecriture , fuivant
notre Auteur , qui paroiffc plus
clair pour le retour des Juifs que
celui-ci. Car il eft évident que tous
îes^enfâns de Jacob adorent Jofeph,
& vont s'établir auprès de lui après
l'avoir vendu aux Gentils &: l'avoir
long-fems oublié, & qu'ils vont en
Egypte , après qu'il en eft devenu
le maître & qu'il y règne en Souve-
rain.
Sur ces paroles du troifiéme ver-
fet , il dit .à fes frères : je fuis Jo-
feph, mon pcre vit-il encore : l'Au-
teur foûtient ( ce que pluficurs per-
fonncs auront peine à adopter ) que
plus on examine plufieurs circon-
ftances de la vie de Jofeph par
rapport à l'Hiftoire feule moins on
y reconnoît le caradfere de Jofeph,
moins l'Hiftoire eft vraifemblable ;
plus les parties dont elle eft compo-
fée fe combattent mutueliemenr.
Il ne faut pas croire néanmoins que
l'intention de l'Auteur , lorfqu'il
s'explique de cette manière , foit
de diminuer le refpeèt qui eft dû
auxLivresSainrs, mais il veut forcer
le Ledcur obftiné à ne confulter
que la lettre , à recourir à i'efprit
dont elle n'eft que l'écorce. C'eft ,
félon lui ^ le feul moyen de lever
lesdifficultcz & les contradidions
qu'il croit qui fe rencontrent dans
l'Hiftoire. Si Jofeph , plein de ref-
ped & d'amour pour fon père , n'a
point envoyé en Paleftinc pour en
avoir des nouvelles certaines depuis
^n élévation , s'il l'a négligé de
même que le refte de fa famille
pendant la famine , s'il n'a point eu
l'humanité de tirer Jacob de l'in-
quiétude où il étoit , s'il fait enle-
ver Benjamin à un pcre donc il fai-
foit toute la confolation, s'il ex-
pofe Benjamin à la fureur de les
treres pendant 1& voyage y c'eil
205 JOURNAL D
qu'avant les momcns que h miferi-
corde a marques pour le rappel des
Juifs, Jofcph doit demeurer incon-
nu à [3. tamillc. Jacob 6v: Benjamin
doi%'ent paroître oubliés. J. C. doit
palTcr pour mort & pour un hom-
me ^ dontles véritez & les prédic-
tions ne font que des fondes. Les
Saints Patriarches doivent être dans
l'affliclion & les larmes de ce
qu'une bête cruelle l'a dévoré. Ben-
jamin tout aime qu'il eft doit être
confondu avec fes frères. Jacob
très-cher & trèsprcrieux doit pa-
roître oublié. Mais lorfque les tems
feront accomplis , & que celui du
filence & de l'oubli fera palTc. Jo-
feph Se Jacob feront vivans & mu-
tuellement attentifs l'un à l'autre ,
& Benjamin fera l'objet de leur ten-
drelTe. Aujourd'hui les Juifs font
dans la défolation , mais ils feront
dans la joye , lorfque le dernier des
enfans de Jacob fera conduit à Jo-
feph.
Quoique l'Ecriture difeexpref-
fémcnt que Pharaon fe rcjoiiitavec
toute fa Maifon de l'arrivée de Jo-
feph en Egypte. L'Auteur ofe avan-
cer que cet événement n'était point la
matière d'une joye untverfetle , fclon
l'Hifloire , mais ^«'// en était un très-
léffitime , fniv.mt le fens prophétique^
parce que c'en eft un célèbre pour
l'Eglife , que l'union des Ifraëlitcs ,
avec celui qu'ils ont renoncé &
qu'ils ont oublié pendant tant de
fiécles.
Après quelques autres apphca-
tionsdes circonllances de l'arrivée
des frères de Jofeph en Egypte à la
convcrfion des Juifs avant le juge-
ES SÇAVANS,
ment dernier, l'Auteur cherche à
découvrir dans les derniers verfets
de ce Chapitre , quand arrivera ce
grand événement. Il ne s'explique
pas fur ce point d'une manière auili
politi ve que le font quelques autres
figuril''tes. Peut-être , nous dit-il ,
que le conftil protond & caché qui
difpofc tout pour le retour des
Juits a déjà lait attcller des Chariots
fans qu'aucun de nous en foit aver-
ti i les ordres font peut-être déjà
donnés & exécutés en p.irtie fans
que nous fçachions quel en eft le
motif. Les vices qui régnent parmi
les Chrétiens , fur-tout l'ingratitu-
de envers J. C. que l'Auteur alTiirc
être devenue prefque publique , &
la tentation contre la foi, qu'il croit
être prcfquc univcrfellc^ lui paroif-
fent être des fignes certains de la
famine. Mais il ajoute que perfon-
ne ne peut dire jufqu'où s'étendent
les deux premières années , & elles
font peut être expirées fansque nous
en avons obfervé le commence-
ment. Ce qui lui paroîtde certain ,
c'eft que la Maifon de Jacob ira fe
foijmcrtrc à Jofeph en Egvpte ,
lorfque ceux qui devroient être
chargés du foin des brebis n'aime-
ront qu'eux-mêmes , & n'adore-
ront bien iinceremcnt que leur vo-
lonté , &c lorfque les véritables Pa-
fteurs feront regardés comme les
derniers des hommes , & cxpofés à
la haine publique , de même que
les Pafteurs l'étoient en Egvpte au
tems de l'arrivée de Jacob & de fa.
famille.
L'Auteur demande fi Jofeph Se
les autres Patriarches , qui éroient
A V R I
^es figures de J. C. & de fon Egli-
fe , ont connu ce fens prophétique
qu'il donne à toutes leurs avions Se
prefquc à toutes leurs paroles. Il fe
déclare d'abord pour l'affirmati-
ve , mais dans la fuite il dit qu'il
infîftera peu fur ce dernier fenti-
tnent^pourvû qu'on lui accorde que
le S. Efprit conduifoit Jofcph dans
fcs paroles , auffi-bien que dans fes
adions , & qu'il les faifoit fcrvir à
couvrir des mylleres qu'il croit
qu'on ne peut négliger fans mépri-
fer le fens principal des Ecritures Sc
celui que le S. Efprit a eu principa-
lement en vue.
EXPLICATION DV LIFRE DE JOB , OV SELON LA
Méthode des Saints Pères ^ on s'attache à découvrir- les Myfteres de J. C.
CT les reqles des mœurs renfermées dans la lettre même de V Ecriture. A Pa-
ris, chez François -Srf^z/i'^ , rue S. Jacques, à S. Chryfoftome. 1732.-
in-ïi. 4. vol, premier & fécond vol. pag. 606. troifiémc Vol. pag. 355.
quatrième vol. pag. 47^.
CEUX qui ont lu l'Explica-
tion de la Genéfc dont nous
rendons compte dans ce même
Journal , rcconnoîtront d'abord
que l'Explication du Livre de Job
eft faite dans le même goût que
celle de ia Gencfe. En efïet le prin-
cipal but qu'on fe propofe dans
l'une & dans l'autre efl: de tirer des
reflexions morales au Texte du Li-
vre Sacré , & d'en expliquer le
fens figuré , fans s'arrêter beaucoup
à l'interprétation du fens littéral.
Nous n'avons remarqué entre l'une
& l'autre de différence , qu'en ce
qu'il y a un peu plus de notes pour
k- fens littéral fur le Livre de Job
que fur la Genéfc , & qu'en ce que
les reflexions morales en paroif-
fent moins diredles & plus tournées
en forme de Paraphrafe du Texte
dans le Livre de Job que dans l'Ex-
plication delà Genéfe. Nous allons
rapporter quelques exemples , c'cft
tout ce que nous pouvons faire dans
ces fortes d'Ouvrages pour en don-
ner une idée..
Qiielqucs Interprètes de l'Ecri-
ture ont ciu que le Livre de Job
n'ctoit qu'une parabole , dont
l'Auteur avoit eu en vue d'infl:rujre
les Juifs de la patience avec laquel-
le ils dévoient fupporter les afflic-
tions après qu'ils fe feroienî con-
vaincus , que c'eft la divine Provi-
dence qui règle tout dans l'I'nivers
&: qui diftribue les biens & les
maux. D'autres Interprètes qui ont
cru ne pouvoir regarder comme
une fîmple parabole l'Hiftoirc en-
tière de Job , ont prétendu que ce
qui efl dit dans les deux premiers
Chapitres de Satan qui fe montre
dans l'affemblèe des Anges , des
difcours de Dieu à cet Ange de té-
nèbres, &: des difcours qu'il tient à
Dieu pour obtenir la permifîîon
de tourmenter Job , première-
ment par la perte de ks bien*
& de fes enfans , & enfuitepar la
maladie la plus affreufe , n'étoiî
proprement qu'une allégorie poéti-
que. Mais notre Auteur rejette eO'
204 JOURNAL D
tieremcnt ce dernier fcntiment. Il
compare ce qu'on lit dans ces deux
Chapitres du Livre de Job avec la
vifion duProphete Michce du troi-
ficmc Livre des Rois , chapitre zi.
Se il foùncnt que ces deux Textes
doivent être pris dans le fens litté-
ral. » Si l'artcmblée des efprirs cé-
30 IcAes , dit notre Auteur , n'a
» point été réelle, h Satan n'a point
» été obligé d'y comparoître , fi
3» Dieu ne lui a point oppoie en
5> prefcnce de tous les Anges un
>i homme unique , incapable d'être
» féduit ni vaincu. S'il ne lui a pas
» reproché fon impuilTance & fa
»j foiblelTe , contre un homme de
» douleur & prêt à expirer , s'il ne
3> s'eft pas glorifié de fa patience ou
ï> de fon obciiïance fans bornes,
» s'il n'a pas réduit Satan à n'ofer
3> paroître après fa défaite , com-
» bien tout ce qui donne ces augu-
» ftes idées devient-il froid & lan-
« guiiïant , & combien la grandeur
j> perfonnellc de Job y perd-elle ,
î>fans parler du cara(5tere augufte
N de celui qu'il reprcfente !
Mais comment les bons Anges
font-ils vus par le Démon ? C'eft
une qucftion que l'Auteur fe pro-
pofe à lui-même , &: à laquelle il
répond qu'il y a de l'apparence que
tout commerce eft interrompu en-
tre le Démon & les efprits célcftes,
& que l'anathêmc qui l'a chalTé du
Ciel lui a. interdit non feulement
la focicté , mais encore la vue de
ceux qui y fon: demeurés, mais à
l'égard des bons Anges , il croit
que le Démon leur eft toujours de-
meuré vifible , d'où l'Auteur con>
ES SÇAVANS,
dut , qu'il eft poftiblc que le Dé-
mon ait été vu de tous les Anges Se
qu'il n'ait rien VLi,qu'au milieu d'u-
ne vive lumière , il foit demeuré
dans les téné-bres fans pouvoir dif-'
cerner fes juges , ni remarquer la
magnificence du Palais & du Tem-
ple , dont fa révolte l'avoit exclu
pour toujours. Il ajoute qu'il n'y a
point d'inconvénient à dire que les
faints Anges ont été montrés au
Démon , Se qu'Us couvroicnt leur
éclat qui ne fera pleinement dévoi-
lé pour luiquelorfqu'ils viendront
avec J. C. le foudroyer dans un
dernier anathême.
Qiielque zélé que l'Auteur fafle
paroître en cet endroit pour enga-
ger fes Ledeurs à entendre à la let-
tre ce qui eft dit dans les deux pre-
miers Chapitres de l'aftembléc des
Anges où Satan fe trouva au fujet
de Job , il^'en eft pas moins pcr-
fuadé de la vérité de fon Syftcme ,
que la principale vue du S. Efpnt
dans cette Hiftoire n'a point été le
fens littéral , mais le fens figuré. Il
prétend que tous les traits que l'E-
criture a employés pour reprefenter
la vertu de Job , font trop grands
6c trop majeftueux pour être appli-
qués à un /impie homme , & que
c'eil; moins lui que j. C. que l'Ecri-
re a voulu reprefenter. Car en J. C.
( ce font les termes de l'Auteur )
tout y efl exiiEl & vrai , mais tout eji
euiré en Joù.
Après ces paroles l'Auteur ex-
plique en quoi il a penfé que
Job ait été la figure de J. C. Se il
donne àcetteoccalion une idée du
Syftême de fon explication, qu'il
ne
A V R I
ne fait que développer dans la plus
grande partie du refte de fon Ou-
vrage. Il n'y a que J. C. qui foit
élevé par un privilège particulier
au-dciïus des hommes : ion cloi-
gnement du mal efl: infini , fon
obéifTance Se fon refpecl: pour lui
font fans bornes. Il elt Roi de jufti-
ce îk de paix -, fcs troupeaux font
aufll fes fujets , & fes troupeaux
font aufli fa famille j dont il eft le
Roi , le Pafteur , le Père , le Prêtre
Scie Médiateur ; tous les hommes
ont été livrés au Démon , Dieu
lui en oppofe un fcul fur lequel
Satan n'a aucun pouvoir -, cepen-
dant cet Ange de ténèbres fe décla-
re contre J. C. il demande à Dieu
qu'il lui foit permis d'attenter à la
perfonne & à la vie du Sauveur des
hommes. J. C. n'oppofe à fa vio-
lence & à fa fureur que la patience ,
l'humilité , l'obéiffance aux volon-
tez de fon Père. L'ignominie de fa
Croix écarte pour quelque tems
fon troupeau.L'Eglife de Jerufalem
dura peUj une efpece de tourbillon
accabla fes enfans fous fes ruines ,
& il régna fur les Gentils qui for-
mèrent une nouvelle famille.
Mais qu'eft ce que figuroientles
amis de Job dont les difcours rem-
pliflent la plus grande partie de ce
Livre de l'Ecriture. Ils figuroient
les Juifs , fuivant notre Auteur.
Voici la preuve qu'il en rapporte.
Les amis de Job n'étoient point in-
ftruits de ce qui s'étoit pafle dans le
Ciel au fujct de leur ami , & ils
étoient bien éloignés de connoître
l'intérêt que Dieu même avoit au
triomphe de fon Serviteur. Ils fça-
voient tout , excepté ce myftcre ,
mais l'ignorance de ce myftere ren-
doit inutile la connoiiîance qu'ils
avoicnt du vrai Dieu , & toutes les
véritez dont ils fe faifoient hon-
neur. Ils n'en connoilToient ni l'ap-
plication^ ni l'ufage , & ils fe ti-om-
poient prefquc toujours , quoique
dans un fens , ils ne difent rien que
de très-vrai. Ils étoient en cela l'i-
mage des Juifs qui ne comprirent
rien dans la profonde fac;ciïc de
Dieu cachée dans le myfteie de la
Croix de fon iîls. Ils confcrverent
toutes leurs autres connoiifances &c
s'en glorifièrent , mais l'ignorance
du myftcre les leur rendit toutes
infrudueufes , & elle contribua
même à les aveugler par leur lumiè-
re , parce qu'ils firent trop d'état
de la Loi & des Prophètes , dont
ils retinrent la lettre , en renonçant
à J. C. qui en ell: l'accompliifemcnt
& la fin. Notre Auteur veut que
cet état des amis de Job & celui
des Juifs nous falfe confîdercr
combien l'ignorance des myftercs
de la Rédemption par J. C. répand
d'obfcuritez & de contradidîions
dans les autres véritez révélées , Si
que nous apprenions de là à efti-
mer la grâce infinie que Dieu nous
fait de nous dévoiler un myftere
qui eft encore un fcandale pour les
Juifs , Se qui auroit pu pour tou-
jours paroitre une folie aux Gentils,
Se de nous le dévoiler non feule-
ment dans les Livres du Nouveau
Teftament , mais dans tous ceux de
l'ancien , Se principalement dans
celui de Job , où tout ce qui a ca-
ché'J.C. lorfqu'il çft venu parmi
Dd
2o6 JOURNAL'D
nous avoit été G clairement prédit.
Nous ne fiuvrons point l'Auteur
dans l'application qu'il fait de ces
deux principes de l'on S) ftême aux
différentes parties du Livre de Job.
Il ne fera pas difficile aux Lecteurs ,
pourvu qu'ils fcient exercés dans
ces fortes d'explications , Se qu'ils y
foient portés par un goût naturel,dc
faire cette application fans avoir lu
le Livre. Au refte ^ quand ils en fc-
loient une application différente de
ES SÇAVANS,
celle de l'Auteur , il n'y auroic
point un grand inconvénient ; car
quand le fens figuré n'cff point
fondé fur un Texte précis de l'Ecri-
ture ou fur une Tradition confian-
te , les applications qu'on en fait
font aflez arbitraires. Il n'cfl; pas
rare de voir des Figuriûes qui
donnent des explications qui font
oppofecs les unes aux autres. On
en trouve même quelquefois d'op-
pofécs dans le même Auteur.
DISCOVRS SVR LES DIFFERENTES FICVRES DES
Aftres -, d'où l'on tire des conjeEiures fur les étoiles qui paroijfent changer dt
grandeur; & fur l' anneau de Saturne. Avec une expojîtion abrégée des
Syftêmes de Ad. Defcartes & de M. Neivton. Par Ai. de Aiaufertuis ,.
de l'Académie Royale des Sciences ^ & de la Société Royale de Londres.
A Paris j de l'Imprimerie Rayalc. 1732. /«-8°. pp. 83.
DE S huit Chapitres qui com-
pofent ce Difcours , le lèp-
tiéme a été écrit d'abord en Latin ,
& adreffe par l'Auteur à la Société
Rovale de Londres, comme un tri-
but de Mathématique Se de Phyfi-
que envers cette Compagnie , dont
il eft Membre depuis quelques an-
nées. La Société a tait imprimer ce
Morceau Latin dans fes TranfiSions
Thilofophicjues pour les mois de
Janvier , Février & Aiars de 1731.
dont il fait le cinquième article. M.
de Maupcrtuis nous le donne ici
traduit en François &affbrti de di-
vers accompagnemens qui le ren-
dent très-intereirant , même pour
ces Leâ:curs , dont les vues encore
foibles ne peuvent s'élever jufqu'à
la fine & fublime Géométrie , fans
Être foiitenuës par un guide auffl
fus & au^i capable de ié;pandre Ja
lumière & l'agrément fur les véritez
les plus abffraites. C'cft de quoi
peut fournir une efpece d'avant-
goût le fimple cspoié des titres des
Chapitres , dont le premier con-
tient des Reflexions générales fur la
fgure de la terre : le fécond eft une
Difcujfwn Met aphyfl'^He fur P attrac-
tion : le troificme , une Explication
du mouvement des Planètes par les
Tourbillons : le quatrième , une Ex-
plication de la pefanteur des corps
vers la terre , par les mêmes Tourbil-
lons: le cinquième explujue les mêmes
Phénomènes dans le Syftême de Ad.
Ne'wton : le fixicme traite des va-
rietez. iju: la différente nature de lu
pcftnteur doit apporter à la fgure des
fluides qui tournent autour d'un axe :
le fepriéme eduneRechercheAdathé-
■m-iti^ue des figures que doivent pren-
dre les fluides , qm tournent -mtour
A V R I
^un axe : le liuitiémc & dernier
ïoule fur les figures des corps célefles,
fur les étoiles cjm nom paroijfent chan-
ger de grandeur , &furl' Anneau de
Saturne. La lînguhrité de tous ces
points , jointe à la manière égale-
ment curieufe & folide dont ils
font traités , méritent bien que
nous entrions fur chacun dans un
détail plus particulier.
C H A p. I. Malgré le préjugé où
l'on eft touchant la figure de la ter-
re , que l'on croit fphériquc fur la
foi des phénomènes : l'Auteur ne
trouve ce jugement guércs mieux
fondé , que celui , qui furies appa-
rences les plus groffieres feroit déci-
der qu'elle eft platte. En effet ( dit-
il ) la rondeur de la terre , quoique
atteftée par les phénomènes , n'em-
porte point neceflairemcnt [ifphé-
ricité. C'eft fur quoi commencèrent
à faire naître des doutes très-légiti-
mes les Obfervations Aftronomi-
ques faites en i^-ji. par M. Richer
dans l'Ille de Caycnne ; Obferva-
tions d'où l'on apprcaoit que lePen-
dulequi battoit les fécondes à Paris,
letardoit conllderablement dans
cette Ifle fur le moyen mouvement
du Soleil , & dcvoit être par con-
fequent raccourci pour reprendre
la juftefle de fes vibrations. La du-
rée de celles-ci dépendant de deux
caufes , favoir de la tendance des
corps à tomber perpendiculaire-
ment .à la furtace de la terre , & de
la longueur du Pendule ; comme
celle-ci n'étoit point changée dans
le cas dont U s'agit , la durée des
vibrations netenoitdonc plus qu'à
la tendance dont on vient de par-
L , 17 5 5- 207
ier -, &: plus cette force s'affoiblit ,
plus cette durée augmente. Or dans
l'Obfervation prefente , la lon-
gueur du Pendule demeurant la
même, les vibrations s'étoientra-
lentics : d'où il étoit naturel d'in-
férer que la caufe qui produit la
chute des corps étoit plus foible à
la Cayenne qu'à Paris , & que par
confcquent le poids d'un même
corps étoit moindre dans cette iHe.
Cette découverte , qu'on n'at-
tendoit guércs , n'offroit cepen-
dant rien que de conforme à la doc-
trine des iotces centrifuges , c'eft-à-
dire de cette loi fuivant laquelle
tout corps qui décrit un cercle
tend à s'éloigner du centre de ce
cercle -, Hi. cette tendance ou cette
force eft toujours proportionnelle
aux differcns cercles décrits en mê-
me tems. Cette puilTance fccrétc
appellée pefinieur ^ qui chafte ( dit
l'Auteur ) ou attire les corps vers
le centre de la terre , rcndroit cel-
le-ci fuppofée fluide , homogène
Se fans mouvement , parfaitement
fphérique. Mais fi on la fuppofe
agitée autour de fon axe , la force
centrifuge de toutes fes parties , de-
venue d'autant plus grande que
leurs cercles décrits feront plus
grands & par confequent plus voi-
fins de l'équateur : il arrivera dc-là
que la pefantcur inégalement dimi-
nuée par la force centrifiige , ne fe
trouvant plus la même par-tout ,
perdra fous l'équateur où celle-ci
eft la plus grande , une partie d'au-
tant plus confidcrable de la fienne ,
& par une fuite neceflaire , que les
corps tomberont plus km. ment
Ddjj
208 JOURNAL D
fous l'équatcur , qu'en tout autre
cndroitiquc les ofciUations du Pen-
dule fe ralentiront d'autant plus
qu'elles fc feront en des lieux plus
voifuis de ce cercle , Se qu'à la
Caycnne , qui n'en eft éloignée que
de4degrez 55 minutes, le Pendule
de M. Richer devoit retarder.
D'un autre côté , la torcc qui
rend les corps pcfans n'étant pas
uniforme par - tout ( remarque
l'Auteur ) les colonnes fluides fup-
pofées d'égale longueur pefcront
inégalement ■■, celle qui répond à
l'équatcur , moins que celle qui
répond au pôle , enfortc que pour
mettre ces deux colonnes en équi-
libre , il faudra que la première foit
plus longue que la féconde ; & par
confcquent , h teire plus élevée
fous l'équateur que fous les pôles ,
ou ce qui revient au même , il fau-
dra que la terre foit d'autant plus
applatie vers les pôles, que fa révo-
lution fur fon axe , d'où dépend la
force centrifuge , fera plus rapide.
En fuppofant néanmoins avec M.
Hnyge/is dans la pelànteur , une
telle uniformité , qu'elle demeure
invariable à quelque dilfance que
ce foit du centre de la terre : cet
applatiffement doit avoir fcs bor-
nes , ôc ce grand Géomètre a dé-
montré , que la terre fuppoféc
tourner fur fon axe environ 17 fois
plus rapidement qu'elle ne fait ,
s'applatiroit au point de rendre le
diamètre de fon équatcur double
de fon axe ; ce qui fcroit le plus
grand applatilTement quelle pût
recevoir fans fe diflîper toialemcnt.
M. HHygens non content de. cette
ES SÇAVANS,
hvpothéfe gcnéralj , trouva par la
détermination du rapport de la
force centrifuge fous l'équinoctial
à la pefanteur , que la figure de la
terre devoit être telle que le diamè-
tre de fon équateur tut à fon axe
comme 578 à 577.
D'autre part M. Newton guidé
par une Théorie toute différente a
déterminé le rapport entre le dia^
métré de cet équateur & cet axe
comme étant de 230 à 229. M.
Hey-man ^ en fuppofant une pefan-
teur proportionnelle à la diftance
au centre , a fait de la terre unEl-
lipfoïde , dont le diamètre de l'é-
quatcur fcroit .à l'axe comme Y 289
à ^^ z88 : ce qui (dit l'Auteur) ap-
proche fort de l'hypothéfc de Hiiy-
gcns.
M. de Maupertuis avoiie que
nulle de ces mefures n'eft d'accord
avec celle qui refulte. des obferva-
tions de M^I. Caffmi Si Maraldi ^
les plus tamcufcs ( dit-il ) qui fe
foient peut erre jamais faites , Se
qui font de la Terre un Sphé-
roïde non applati , mais allonge
vers les pôles : & il eft pcrfuadé
que quelque oppofée que paroiffe
une telle figure aux loix de la il:ati-
que, il budroit la démontrer [cette
figurejabfolument impollible avant
qu'il pût être permis de donner
la moindre atteinte à de pareilles
obfervat;ons. La figure d'un Sphé-
roïde applarivers les pôles donnée
à la terre en confcqucncc de la flui-
dité & de {'homogénéité qu'on lui
attribue dans tous les calculs préce-
dtns , n'extlueroit point une figu-
À V R I
re différente ^ fi l'on fuppofoit la
Terre tormce d'une matière nul-
lement homogène. Qiiantàla ma-
nière dont M. de AiMran a ciu
pouvoir confcrver à la terre la figu-
re d'un Sphéroïde allongé vers les
pôles , M. de Maupertuis renvoyé
aux Mémoires de l'Académie ( lyzo.)
& aux TranfaSi. Philofoph. ( 171 j.)
Chat. II. De ces reflexions gé-
nérales fiir les différentes figures de
la terre , l'Auteur paffe .1 diverf-s
conjeârures qu'il propofe touchant
plufieurs Phénomènes All;ronomi-
ques. Mais comme jufi^u'ici pour
l'explication de ces Phénomènes on
a fuivi deux Syftêmes , celui des
tourbillons & celui de VattraBio» ;
M. de Maupertuis en viië de difcu-
ter l'un Se l'autre plus à fond, com-
mence par expofer quelques idées
Métaphy liques fur la dernière ■■, fans
prétendre décider une queffion qui
partage les plusgrandsPhilofophes,
dont il fe borne à comparer les no-
tions. Des deux proprietez des
corps dont il eft ici queffion , &
qui font la force centrifuge & la
pefanreur , la première n'eft fujette
à aucune variété defentimens;mais
il n'en cft pas de même de la fécon-
de. Celle ci eft-elle l'effet même de
la première , qui circulant autour
des corps pefans les chafle vers le
centre de cette circulation ; ou bien
eft elle une propriété inhérente aux
corps ? Eft-elle , comme le veulent
les Cartéiiens, une fuite du princi-
pe fclon lequel tout corps en mou-
\emcnt qui en rencontre un autre ,
a la force de le mouvoir î Eft- ce,
çoinme le prétend M. Newton _, un
L ; 1755: 2.0$
autre principe , fuivant lequel les
parties de la matière péfent récipro-
quement les unes vers les autres?Ce
principe , à la vérité , eft d'une fé-
condité merveiUeufe pour l'expli-
cation de tous les Phénomènes •,
mais il eft moins lîmple : outre que
le nom qu'il porte à^attraElion effa-
rouche les efprits , dit l'Auteur.
Mais (ajoûte-til) M. NeiL'tonn'^
jamais employé ce terme que pour
indiquer un fait , & nullement une
caufc ; que pour éviter les Syftê-
mes i 5v fans nier que cette tendan-
ce qu'il nomme att7-a^ion , ne pût
êtie l'effet d'une vraye impulhon :
ce principe , tout inconnu qu'il
l'eft quant à fa caufe , peut être
également l'objet des Mathémati-
ciens , comme il l'a été en particu-
lier de Galilée , dans fa belle Théo-
rie de la pcfanteur , dont il s'eft
Contenté d'expliquer les Phénomè-
nes , fins remonter aux premières
caufes. L'Auteur feroit volontiers
de ce parti. Mais il ne peur cepen-
dant tomber d'accord que l'attrac-
tion doive être regardée comme un
monftre métaphyftcjHe ^ que l'impolît-
bilité n'en foit point douteufe , que
fon abfurditc doive la bannir abfo-
lumcnt de toute explication phyfi-
que ; &c il travaille à faire voir
que regardée comme une proprié-
té de la matière , elle n'implique
rien d'abfurde.
L'Auteur diftingue d'abord dans
les corps difterens ordres de pro-
prietez , dont les unes font elfen-
tielles éc primordiales : telles font
l'étendue &: l'impénéfrabilité. Mais
(demande l'Académicien) ces deux
aïo JOURNAL DE
proprictcz {bnt-cUcs tellement in-
fcparabks , que l'ctcnduc ne puifle
fubfiftcr fans l'impénétrabilité î A
cette première qucftion l'Auteut
en joint une féconde : devois-jc pré-
voir { dit-il ) pur U propriété déten-
due , /quelles autres propnetez. fac-
compagneroiem ; Après quoi il ré-
pond en ces termes -, c'efl ce (jtie je
ne vois en aucune manière ; Si c'eft
apparemment fa réponfe aux deux
quellions. A ces proprietcz eflentiel-
les il en fait fucceder quelques unes
du fécond ordre, telles que le mou-
vement que peuvent communi-
quer les corps à ceux qu'ils rencon-
trent. Nous devons à l'expérience
( dit l'Auteur ) la connoilfance de
CCS proprietez. Nous pouvons en
découvrir d'autres par la même
voye , &c nous ne devons regarder
en ce genre comme des découvertes
impoifibles , que les qualitez qui
feroient contradiiftoires à celles
que nous connoiirons dans la matiè-
re j telles que feroient V immobilité ,
la pétiétrabiliii. Mais outre ces pro-
prietez , les corps ont-ils encore
celle de pefer ou tendre les uns vers
les autres ; C'eft ( répond M. de
Maupertuis ) l'expérience qui doit
en décider. Du moins [ continue-c-
il] cette propriété n'a-t-ellc rien de
moins concevable que les autres ,
& fi la vertu impulfive cft moins
furprenante pour le vulgaire , à
caufc de l'habitude ; la nature n'en
eft pas plus clairement connue , Sc
on ne l'eût jamais devinée fans
avoir vi'i le choc des divers corps.
On dira Gns doute que la force
içopuUîve ne refidc point dans les
S SÇAVANS,
corps ; n'étant que la volonté de
Dieu même qui les met en mouve-
ment , félon certaines loix établies
à l'occalion du choc. Mais ( répond
l'Auteur ) qui empêche que Dieu
n'en ait établi de pareilles , pour U
tendance : un tel établilTement ren-
fermc-t-il contradidion ? La chofe
n'eft pas égale (ob)cd:era-t-on.) L'c-
tablilTcmcnt d'une loi nouvelle
devient neceffaire dans le cas du
choc , à caufe de l'impénétrabilité
des deux corps : mais ces deux
corps demeurant éloignés , quelle
neceffité d'établir une nouvelle loi î
A cette objedion la plus folide
qui fe puilTc faire contre l'attraction
( de l'aveu de l'Auteur ) celui-ci
fe croiroit à la rigueur difpenfé de
répondre , n'ayant jamais prétendu
prouver autre chofe que la polîibi-
lité de la tendance ou attraUion ^ &
nullement fa neceffité. Mais il ob-
ferve , pourtant , quelorfqu'il arri-
ve que quelques proprietcz dedif-
fercns ordres fe trouvent en oppo-
fîtion , il budra que l'inférieure cè-
de & s'accommode à la plus necef»
faire , qui n'admet aucune variété.
Ainfi deux corps dont le mou-
vement eft empêché , à caufe
qu'ils font tous deux impénétra-
bles , conferveront inviolable-
ment leur impénétrabilité , à la-
quelle le mouvement comme pro-
priété du fécond ordre , qui peut
s'y rencontrer ou non , s'accom-
modcradc quelque m.jniere quece
puiiTe être & fans blefTtr la fubor-
dination. M. de Maupertuis a déjà
déclaré , qu'il n'a ni prouvé , ni
voulu prouver qu'il y eût attraQion
À V R I
dans la nature : 5^ il le répète enco-
re. Il la juge fuffifamment garantie
du reproche d'impoflibilité ou de
contradidiion , pour être en droit
d'examiner Ci les Phénomènes la
favorifent & la prouvent ou non.
C'efl: donc ce qu'il va chercher avec
encore plus de foin dans le Syftême
de l'Univers , & pour le faire avec
plus d'étendue & d'exaditude , il
nous donne une idée de ce qu'ont
penfé fur ce Syftême deux grands
Philofophes , MM. De/cartes &
Newton.
Chat. III. On fait que fui-
vantle Syftême de Dcfcartcs , tou-
tes les Planètes font entraînées cir-
culairement autour du Soleil dans
le vafte touibillon dont cet aftre
fait le centre : ce qui , tout fimple
qu'il paroît d'abord , ne laiffe pas
de prefcnter de grands inconve-
niens. En premier lieu , les routes
des Planètes ne font pas des cercles:
ce font des ellipfes , dont le Soleil
occupe le foyer : i". C'eft une loi
de cette révolution , que fi du lieu
d'où eft partie une Planète & de
celui où elle eft aduellement , on
conçoit deux lignes droites tirées
au Soleil, l'aire du Sedeur ellipti-
que formé par ces deux lignes &
par la portion de l'Ellipfe que la
Planète a parcourue , croît en mê-
me proportion que le teins qui s'é-
coule pendant le mouvement de la
Planète : loi , dont l'accroiftemcnt
de vitefte remarqué dans les Planè-
tes qui s'approchent du Soleil eft
une fuite neceffaire. Cette loi eft in-
violable , non feulement pour tou-
tes les Planètes principales qui cirt
L; 1755; 2ÏI
culcnt autour du Soleil , mais en-
core pour les Planètes fecondaires ,
qui font leur révolution autour de
quelque autre Planète dont elles
font Satellites ; mais avec cette cir-
conftance^que les aires proportion-
nelles au tems , font celles qui font
décrites autour de la Planète prin-
cipale : 3°. Une autre loi non
moins régulièrement obfcrvèe que
la première , c'eft que le tems de la
révolution de chaque Planète au-
tour du Soleil eft proportionnel à
la racine quarrèe du cube de fa
moyenne diftance au Soleil : loi qui
s'étend aufll aux Planètes fecondai-
res, avec les mêmes modifications
que la précédente. Ces deux loix
pofèes ( dit l'Auteur ) il ne fuffit
plus d'expliquer en général ce qui
fait tourner les Planètes autour du
Soleil , il faut expliquer pourquoi
en y tournant elles obfcrvent ces
loix.
C'eft ce qui ne paroît guéres
poflîble , dans le Syftême des tour-
billons. Si l'on y veut alfurcr une
de ces loix aux Planètes , l'autre
devient neccflaireraent incompati-
ble. Si l'on veut [dit-il] que les
couches du Tourbillon ayent les
viteffes neccftaires à chaque Planè-
te pour décrire autour du Soleil
des aires proportionnelles au temsj
il s'enfuivra , par exemple , que Sa-
turne de vroit taire fa révolution en-
90 ans , ce qui dément fort l'expé-
rience. Si au contraire ( pourfuit-il ).
on veut confervcr aux couches du^
Tourbillon , les viteftes neceftaires
pour rendre les tems des révolu-
tions proportionnels aux racine*
iïi JOURNAL D
quaticcs des cubes des diftances -,
les aires décrites autour du Soleil
parles Planètes ne fuivront plus la
proportion du tcms. M. de Mau-
pertuis s'arrere peu à d'autres objec-
tions faites contre les Tourbillons ,
&qui ne lui paroilTent pas invinci-
bles , telle qu'une de M. Newton ,
fur laquelle celui - ci a été relevé
par M. Bemoidli en 1730.
Pour remédier à cette incompa-
tibilité des Tourbillons avec l'une
ou l'autre des deux loix dont il s'a-
git , M. Letbnitz. n'a pu trouver
d'autre expédient que celui d'une
circulation qu'il appelle ha-nncni-
^ue , qui conllfteroit dans l'établif-
iement de deux loix de vitcfle ,
l'une qui fit fuivre aux Planètes la
loi qui regarde la proportion entre
les aires &; les tems : l'autre qui fît
fuivre aux mêmes Planètes la loi
qui regarde la proportion entre
leurs tems périodiques &: leurs di-
ftances au Soleil. La necellîté de ces
différentes loix dans le fluide qui
emporte les Planètes ( dit l'Auteur)
eft encore plus invinciblement
prouvée par M. Bulffinger dans fa
Diflertation de 1728. Mais com-
ment admettre ( continuc-t-il ) ces
différentes couches fphèriqucs fe
mouvant avec des viteffcs indépen-
dantes & interrompues ; fans com-
pter une objection prcfqu'aulfi em
oarraffante , tirée des Comètes qui
fans que leur mouvement en foit
altéré traverfent ces mêmes cou-
ches.
Chat. IV. L'Auteur vient en-
fuite à l'explication delà pefantcur,
dans le Syftême des Tourbillons.
ES SÇAVANS,
Elle dépend , comme l'on fait ^ de
la torce centrifuge de toutes les
parties d'un fluide mis en mouve-
ment , lefquelks tendant à s'éloi-
gner du centre , y pouflent tout ce
qui a moins de force qu'elles pour
s'en écarter. Mais cette hypo-
thèfe fait naître de grandes difficul-
tez , parmi IcfqucUes il y en a deux
de M. Hitygens , que l'Auteur pro-
duit ici accompagnées des remèdes
qu'y apporte lui-même cet habile
Hollandois ; ce qui fc réduit à dire
i". Que la matière éthérée , caufe
de la pefanteur , & qu'il fuppofe
circuler dans toutes lesdircèlions ,
ne doit pas, ainfi que le Tourbillon
de Déjeunes ^ entraîner horizonta-
lement les corps , fur lefquels l'im-
pulfion de chaque filet de cette ma-
tière efl; comme anéantie par une
impullion oppofèe : 2". Que la
matière éthérée qui circule dans
chaque fuperhcie fphèrique chaf-
fant vers l'axe de cette /uperficieles
corps pcfans , ils doivent tomber
tous vers le centre de la terre où fc
trouve l'interfedlion de tous ces
axes. L'Auteur avertit que M. San-
rin a répondu auflî très-ingénieufe-
ment à ces deux difficultez , fut
quoi il renvoyé au 11. Journal des
S^rvans de 1703. aux Mémoires de
l' Académie 1709. &c. ajoutant que
c'eft le fort du Syftême de Defcartes
de trouver toujours d'habiles dé-
lenfcurs. Malgré tous ces racom-
modemens , & même celui de M.
Bulffinger ^ qui a imaginé dans
la matière éthérée quatre Tourbil-
lons oppofés deux à deux , qui fc
traverfent lans fc détruire -, on
cft
I
A V R I
cft contraint d'avouer ( dit l'Au-
teur ) que ce n'eft qu'à des condi-
tions un peu tâchcufes , qu'on
vient à bout d'expliquer les Phéno-
mènes aftronomiqucs par les Tour-
billons , dont l'idée quelque belle
qu'elle puiffe être fe foutiendra
mal , lorfqueies raifons employées
pour l'étayer n'auront de fonde-
ment légitime que le feul bcfoin
qu'on en a.
Chap. V. M. de Maupertuis
pafle delà au Syllême de M. New-
ton fur le mouvement des Planètes
& fur la pefànteur. Ce favant An-
glois démontre d'abord qu'un
corps quelconque mû & attiré
dans un centre immobile ou mobi-
le , décrira autour de ce centre
des aires proportionnelles aux
tems ; & réciproquement. Appli-
quant cnfuitc CCS proportions aux
Planètes fuppofées fe mouvoir dans
Je vuide ou dans quelque chofe
d'équivalent ■■, de ce que confor-
mément aux obfervations toutes
les Planètes autour du Soleil &
tous les Satellites autour de leurs
Planètes principales décrivent des
aires proportionnelles aux tems , il
conclut de-là que les Planètes font
attirées vers le Soleil & les Satelli-
tes vers leur Planète. C'eft ainfi
qu'une des deux règles ou des deux
analogies de Kepler hit découvrir à
M. Neivton une force centrale en
général , puis la loi de cette force
lui devient connue par l'autre ana-
logie , confilhnt , comme on l'a
vil plus haut , dans le rapport
eotre les tems des révolutions des
diverfes Planètes & leurs diftances)
Avnl.
tems proportionnels aux racines
quarrées des cubes de ces mêmes
dillances , foit au Soleil , foit à la
Planète principale. Cette propor-
tion une fois connue , M. Neiuton
cherche la loi fuivant laquelle la
force centrale doit croître ou di-
minuer , pour alfreindre des
corps mus par une mcme force
dans des orbites circulaires ou fort
approchantes , à garder cette pro-
portion entre leurs diftnnces &
leurs tems périodiques : & la Géo-
métrie démontre que cette autre
analogie fuppofe que la force qui
attire les planètes vers leur centre
ou foyer , eft réciproquement pro-
portionnelle au quarré de leur di-
ftance à ce centre. D'où il paroît
( obfervc M. de Maupertuis ) que
ces deux analogies fi difficiles à
concilier dans le Syflcme des tour-
billons , ne fervent ici que de faits
qui découvrent & la force centrale
&: la loi de cette force : la fuppofi-
tion de l'une & de l'autre n'a plus
rien de fyilématique , & n'elf que
la découverte d'un principe donc
les faits obfervés , font les confé-
quences necefiaires. On n'établit
point la pefànteur vers le Soleil
(continue l'Auteur) pour expli^
quer le cours des Planètes ; le
cours des Planètes nous apprend
qu'il y a une pefànteur vers le So-
leil , & quelle eft fa loi.
M. Newton trouve enfuite , à
l'aide de la plus fublime Géomé-
trie , que la courbe décrite par un
corps , dont le mouvement d'a-
bord rcdiligne eft dirigé vers ua
centre par une force dont il vieoc
Ec
214 JOURNAL D
àc découvrir la loi , cft neccfTairc-
ment l'une ihs fcdions coniques ,
& que c'tft une ellipfc , Ci h route
de ce corps rentre en elle-mcmc.
Or telle etl la route de toutes les
Planètes ; elles décrivent autant
d'ellipfes , dont le Soleil occupe le
foyer. LesComctcs iî cmbarrairantcs
dans le Syftême des Tourbillons ,
viennent prefque fc ranger d'elles-
mêmes dans celui-ci , en y décri-
vant des orbites elliptiques fl allon-
gées , qu'elles peuvent , fans erreur
fenfible , palTer pour des paraboles.
Elles s'y placent même avec tant de
jufteffc , que l'orbite d'une d'entre
elles déterminée par quelques
points refultans des premières ob-
îervations , & par l'attradion vers
le Soleil , quadre avec la trace dé-
crite réellement par la Comète
dans le rclte de fon cours -, ce qui
cft digne d'admiration ( dit l'Au-
teur J enforte que pour pertcéLion-
ner cette Théorie , il fcmblc ne lui
manquer plus qu'une fuite affez
longue d'obfcrvations.
M. Newton tire encore du mê-
me principe l'explication de la pc-
fanteur des corps. Dire que c'eft en
vertu de l'attraclion de la terre que
les corps y tombent , cela eft trop
vague ( dit notre Auteur ). Pour
juger fl la chute des corps telle que
nous la connoilTons eft l'effet de
cette attradion ^ il faut par quelque
Phénomène différent de cette chu-
te , découvrir la quantité de cette
force attractive. C'eft la terre, com-
me on a vil plus haut , qui par fon
attradion fait mouvoir autour d'el-
le la Lune comme fon Satellite.
ES SÇAVANS,
L'orbite de celle ci &: le tems de fa
révolution en catc qualité font
allez connus po;ir imliqucr l'cf^
pacc que la force attractive de la
terre teroit parcourir à la Lune en
un tems marqué, Ç\ celle-ci per-
dant fon mouvementtomboit per-
pendiculairement vers la terre avec
une telle force \ èc cet cfpace feroit
d'environ 15 pieds en une minute ,
à prendre la Lune dans la région où
elle eft. Mais en la prenant ^ofois
plus près de la terre qu'elle n'eft ,
i'anratflion de celle-ci devicndroit
3600 fois plus foi te , & feroit par-
courir à la Lune ou à tout autre
corps qu'elle attireroit enviro»
3600 fois 15 pieds dans une minu-
te. Or les expériences de M. Hity-
gens nous ont appris l'efpace que la
feule pcfanteur tait parcourir à un
corps vers la furfaee de la terre ; &
cet cfpace cft précifément le même
que doit taire parcourir la force qui
retient la Lune dans fon orbite aug-
mentée comme elle doit l'être vers
la furtace de la terre. D'où il fuie
que la chiàtc des corps vers celle ci
etl: un effet de cette même force , &
que malgré le defavantagc du lieu
où fe tout les expériences , la pc-
fanteur des corps plus éloignés du
centre de la terre eft moindre que
la pefantcut de ceux qui en font
plus proches • en un mot , que
cette force attr.KT:ive de la terre agit
proportionnellement fur tous les
corps ; fur quoi l'Autc-jr fait ob-
ferverquel'attraiflion de ces corps
eft toujours mutuelle vl'un ne pou-
vant attirer l'autre qu'il n'en foit
également attiré.
A V R I
C'cft ainfi ( reprend rAutcur )
iquc non feulement le cours des
Planètes &c tout ce qui lui appar-
tient , mais encore la pefantcur
des corps s'cxpiicjuent par le
principe de l'attraction : pour
{ic point parler de quelques irré-
gularitez li peu importantes ,
qu'elles peuvent fe négliger fans
erreur , ou fc reâ:iiîcr par le
principe. Telles font , par exemple,
la prétendue immobilité du Soleil
au foyer des ellipfes décrites par les
Planéres : la même circonftancc
par rapport à chaque Planète ac-
compagnée de fes Satellites : l'at-
tradion réciproque des autres Pla-
nètes , fur tout entre Jupiter &: Sa-
turne , &c. L'Auteur obferve cnco-
|:e , que la chute des corps , quoi-
qu'un des effets de l'attraftion , eft
un grand obftacle à la perception de
•celle que les corps exercent mu-
tuellement entr'cux : ce qui n'em-
pêche pas , cependant , que ceux
de ces corps qui font à portée de la
manilefter n'en oftient des effets
aulTi continuellement réitérés que
le font ceux de l'impulfion. L'Au-
..teur , en finiflant ce Chapitre , lajf-
fe à décider au Ledeur il l'attrac-
tion eft fuffifamment prouvée par
les faits , ou li elle n'cft qu'une iîc-
tion gratuite ; avouant de bonne toi
AU furplus qu'il ne fait pas mieux
.ce que c'eft que la pcfanteur de la
matière , qu'il en connoît la force
impulfive ■■, qu'il feroit à fouhaiter
pour fimplifier les Syftêmes que
l'on pût démontrer que l'une dé-
pend de l'autre ; mais qu'en atten-
dant , il croit qu'on peut fe fetvir
des deux.
L, 1755. XI f
C H A p. VI. Il examine enfuitç
les changemens que peuvent ap-
porteras divers Syftêmes de la pc-
îanteur dans l'application qu'il fait
des problèmes fuivans aux Phéno-
mènes de la nature : Problêmes où
il détermine la figure que doit
prendre un amas de matière homo-
gène & fluide , qui tourne autour
d'un axe , ou un torrent d'une tel-
le matière , qui coule autour d'u;»
axe pris hors de lui. Ces corps pour
arriver à des figures permanentes
doivent avoir toutes leurs parties
dans un parfait équilibre , qui dé-
pend de la force centrifuge Se de 1*
pefinteur,dont l'une tend à les écar-
ter du centre , &C l'autre à les en ap-
procher. La première ne fouffrc
point de difputc. Il n'en eft pas
ainfi de la féconde , qui félon qu'oa
la regardera comme l'effet dei'im-
puUîon , ou comme une proprié-
té inhérente à la matière , peut
mettre des changemens dans les
déterminations fuivantcs. Si la
pefanteur ( félon Dsfcartes &c Hiiy-
gens ) vient de l'impulfion vers
un centre, elle fera indépendante
du corps qui peut occuper ce cen-
tre & de fa figure. Si donc , dans
ces Problèmes , on envifage fous
ee point de vue la pefanteur des
corps vers le centre ; leur folution
donnera les vrayes formes des corps
céleftes , par la détermination de
la loi félon laquelle la pefanteur
croît ou diminue par rapport à U
diftance du centre. Si au contraire ,
on confidcrc avec M. Newton li
pefanteur comme une propriété des
corps i la pefanteur vers Ic^ corps
' E eij
zt6 y OURNAL D
centraux dt-pcnJra dclcurs qmnti-
tez de matières 6«: de leurs figu-
Tes. L'Auteur oblcrvc que les loix
marquées par M. Newton pour les
corps fphcriques-homogénes dans
l'exercice de l'attraftion , foit au
dehors , foit au dedans , n'ont plus
lieu dans des corps de figures diffé-
rentes. D'où il efl arrive que cet
Anglois a trouvé le rapport entre
le diamètre de l'équateur & l'axe
de la terre, de 229 à 230 différent
de celui de ^i.Huygensdc des nôtres.
Il ne faut donc point prendre pour
des déterminations exactes ce que
l'Auteur avance ici fur les figures
desPlanétes &duSoleil.li allègue un
cas , fuivant lequel les figures qu'il
détermine approcheroient plus des
véritables. Qiiant aux torrens , qui
circulent autour des Planètes , leur
matière pourroit erre fi peu denfe
eu égard à celle des Planètes , que
la pefanteur mutuelle de leurs par-
ties pourroit paffer pour nulle : en
forte que regardant ces torrens
comme pcfans vers le centre de la
Planète en raifon renverfèe du
quarré de fa diftarrce , la figure des
anneaux qu'ils forment approchera
fort de la véritable.
Chat. VII. Viennent après ce-
la les deux Problèmes de M. de
Maupertuis , concernant la recher-
che des figures que doivent prendre
tes fluides qui tournent autour
d'un axe. Voici le premier. Troti-
V-r la figure et un fphéroi de fluide ejui
tourne fur fon axe ^ en fitppofmt que
chacfue partie du fluide péfe vers le
centre félon tjueli^ue puijptnce aue ce
fin de la diflancf à ce centre. Voici
ES SÇAVANS,
le fécond : Vn torrent de madère
fluide circulant autour d'un axe hors
du torrent , par une force centripète
proportionnelle à une puijfwce ^uel-
con^tie m de la dijtance au centre
pris fur fax: ; & dans chaque feElion
perpendiculaire a la révolution , la,
p.fanteur refultante des parties du
fluide vers im centre pris dans cette
fi B ion , étant proportionnelle a une
puiffance ejuclcomjue n de la diflance k
ce centre -, déterminer la figure du tor-
rent. Nous croyons devoir renvoyer
fur les folutions de ces deux Problê-
mes à M. de MaupertuiSjà caufe des
lîgures qui doivent les mettre fous
les yeux. Nous dirons leulement ed
génèrîl qu'il refulte de ces deux
folutions , que dans le premier cas,
IcSphèroïde feroit compofè de deux
Paraboloïdcs , ou d'un Ellipfoïde
de toutes les efpeces, depuis laSphé-
re jufqu'à l'Elliploïde le plus appla-
ci , tel qu'un plan circulaire \ que
dans le fécond c:s , la figure du
torrent fera , ou compofée de deux
figures ovales jointes ; ou une fec-
tion conique , ou un Sphéroïde.
Ch A p. VIII. L'Auteur , dans
fon dernier Chapitre, fait aux corps
cèlelles qui tournent fur leur axe u-
ne application de tout ce que vient
de lui découvrir le calcul. Quel-
que fphériques que nous paroilfent
( dit il ) toutes les Planètes , à l'ex-
ception de Jupiter , elles n'en font
pas moins fujettes à toutes les figu-
res déterminées plus haut par M.
de Maupertuis. Les Sphéroïdes
pourront s'applarir au point de de-
venir une efpece de meule ou un
plan circulaire Des Planètes plates
A V R
pour'roientne devenir vifibles que
lorfqu'clles fcroient tournées de
manière à nous prefenter cette fa-
ce. Pourquoi , dit l'Auteur , nief
qu'il y eût des étoiles plattes dans
les Cicux -, fur - tout ignorant ,
comme nous faifons , la vraye fi-
gure des .étoiles fixes ? Pourquoi
n'auvoient-ellcs point leurs Planè-
tes circulant autour d'elles , com-
me le Soleil a les fiennts î L'Au-
teur trouve dans fes hypothcfesde
quoi rendre raifon du changement
de grandeur obfcrvé dans quelques
t-roiles , Se de celles qui ont paru &
difparu. Les Comètes, fur tout au
retour de leur périhélie , où elles
traînent de longues queues , lui
fournilîent des torrens immenfes
de vapeur , que l'ardeur du Soleil
élevé de leurs corps-, &de ces queues
de Comètes ou torrens , M. de
Maupertuis en forme des anneaux
autour des Planètes : & voilà donc
l'Anneau de Saturne expliqué.
Cependant la Planète , non con-
tente de s'être en quelque forte ap-
proprié la queue de la Comète ,
entraînera encore celle - ci , & la
forcera de circuler autour d'elle.
S'emparantainfi fuccellîvement de
I L , 1733. 2/7
divcrfes Comètes fans queues, ejie
s'en formera un cortège dcSnrellitcs-,
mais Cl la Comcre cft fi éloignée
que la Planète n'en puiflc entraîner
que la queue , elle n'aura qu'un an-
neau iJc point de Satellite. Ces Phé-
nomènes font fi vraifemblables,quc
la plupart déjà fe trouvent cxi-
ftans dans les Cieux. L'Auteur ob-
fcrve,en finilfant, que la matière de
ces anneaux peur former une efpcce
d'atmofphèrelumineufe 8c applatie
autour de certains aflrcs ; & il re-
marque après MM. Newton ^ Hal-
ley S^ Whijlon ^ que la vapeur des
Comètes répandue fur les Planètes
eft necefiaire à celles-ci pour les hu-
meder , qu'elles peuvent quelque-
fois tomber dans le Soleil ou dans
les étoiles , &: que e'eft ainfi qu'une
étoile prête à s'éteindre fe ralume ;
que fi quelque Comète renrtn-
troit notre terre , elle y cauferoit
ces grands accidenSjComme le chan-
gement de pôles , le bouleverfe-
ment ^ le déluge ou l'embrafement.
Mais ( dit l'ingénieux Géomètre )
au lieu de ces finiilrescataftrophes,
la rencontre des Comètes pourroit
ajoiîter de nouvelles merveilles fie
des chofes utiles à notre terre.
iiS JOURNAL DES SÇAVANS.
HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE DES SCIENCES.
Annie 1730. Avec la Mémoires de Mathématique & de Phyfi^ue ^ pour
la même année , tirés des Regijires de cette Académie A Pans , de rim»
primerie Royale. 1731. '«-4'. pp. 143. pour i'Hiftouc : pp. 580.
pour les Mémoires. Planches détachées 25.
DA N S ce Volume , l'un des
plus gros que l'Acadcmic ait
publiés jufqu'ici , & qui cft le 33'^
depuis i6y9. on trouve 56. articles,
dont 25 appartiennent à la partie
hiftorique , & ji aux Mémoires.
Mais comme parmi les divers
Morceaux que renferme cette par-
tie hiftonque , il y en a 16 qu'on
ne doit regarder que comme les
]Extraits d'autant de Mémoires , qui
viennent enfuite , imprimés en en-
tier; il arrive delà, que les diffé-
rentes pièces comprifes dans ce Vo-
lume fe reduifent au nombre de
40.
Il y en a 7 de Phyjîque générale ,
dont les trois dernières font cntie-
lement renvoyées aux Mémoires ,
la féconde ne paroît que dans l'Hi-
ftoire , 6c les trois autres fe lifent
dans celle-ci & parmi les Mémoi-
res. La première fur quelques expé-
riences de PAi?»Mit , eft de M. ^u
Fay : la féconde fur la Lumière Sep-
tentrionale & fur une autre lumière ,
cft le refultat de plulîeurs Obfer-
vations faites en divers lieux & par
differens Obfervateurs : la troilîé-
me fur une nouvelle confîruEliBn de
Thermomètre ^ cft de M. de Réaumur-'
la quatrième encore du même Aci-
démicien , roule fur la nature de la
terre en général , &fnrfes caraEleres:
\\ cinquième eft une ccmparaifon
des Obfervations Météorologiques fai-
tes à Paris & à Aix , par MM. Caf-
Jtm &: de Momvalon : la fixiérae eft
l'Ecrit de M. de Réaumur fur la
Méchantijue avec laquelle certains
infeiies roulent des feuilles : la derniè-
re contient les Obfervations Météo-
rologiques de cette année^ par ^.Ma-
raidi. Nous entrerons dans quelque
détail fur la première , la quatriè-
me &: la fixiéme.
I. Pour fe mettre au fait des nou-
velles Obfervations de M. du Fay
fur {'Aimant , il faut fe rappeller ce
qu'on a lu de lui fur cette matière
dans fon Mémoire de 1728. dont
nous avons donné l'Extrait dans le
Journal de Janvier 173 1. L'Acadé-
micien s'cftorçoit d'y prouver par
quantité d'expériences , qu'un ter
n'cft aimante que iorfque la plus
grande partie des poiJs qui rcm-
pliftent les pores de ce métal ( félon
l'hypothéfe de Defeartes & de la
plupart des Phyficiens ) font cou-
chés du même fens.
11 ne dilTimule pas l'objection
qu'on lui a t-iire fur l'extrême mo-
bilité qu'il fuppofc dans ces petits
poils , & qu'il juge capable de les
Faire tomber comme par leur pro-
pre poids , en vertu de quelque
ébranlement. Ces poils (dit -on)
doivent être fi déliés , que leur pe-
fantcur peut être regardée comme
A V R I
nulle , &.' par conféqiicnt peu pro-
pre à tavoiifcr le rcnverfcmcnt de
ces poils d'un côte ou de l'autre,
contormcmenc aux fecoulles don-
nées à la barre de fer.
M. du Fay répond , que comme
une plume , dans un tuvau , d'où
l'air a été pompé , y tombe avec la
même vitefTe ou la même pclantcur
qu'un morceau de bois : de même
les petits poils qui hériflent inté-
rieurement les pores du fer , où
l'air certainement ne pénètre point,
ont leur pefanteur trcs-réelk , qui
ks renverfe & les fait tomber fui-
vant la détermination que leur
donne l'ébranlement.
Des diverfes expériences qui
femblent confirmer l'exiftence &
l'ufage de ces petits poils dans le
fer aimanté , il refaite que la ma-
tière magnétique n'a qu'un fcul
courant, & n'entre dans ce fer ai-
manté que par le côté qui fe tour-
ire vers le Sud ; puifqu'eJle ne trou-
ve qu'en ce fens h liberté de fon
entrée & de fon iiluë, que lui per-
mettent les petits poils couchés vers
l'autre extrémité.
Ces deux hypothéfes une fois
admifes facilitent infiniment l'ex-
plication de tous les Phénomènes
magnétiques^ comme l'Auteur l'a
fait voir dans fon premier Mémoi-
re par rapport à ceux de ces Phéno-
mènes qui font les plus connus, &
comme il le montre dans celui-ci
par l'application qu'il en fait à
quelques autres. On fait que dans
le fer aimanté le pôle qui fc dirige
vers le Nord levé plus de fer que
eelui qui fe dirige vers le Sud : ce
L, Ï7Î5. 21^
que les Cartéfiens attribuent au voi-
linage du pôle Boréal de h terre.
Mais outre que le contraire devroit
arriver au delà de l'Equateur , ce
qui ellfort douteux ; une expérien-
ce imaginée par M. du Fay , & que
l'on peut voir dans fon Mémoire ,
paioît détruire entièrement cette
explication ; au lieu que ce même
tait fuit naturellement de Thypo»
théfe d'un courant unique.
Elle pourroit encore s'accommo
der merveillcufement avec la con-
jedure de M. H-tlley , & d'autres
Phyliciens , qui ont cru que la ma-
tière magiKcique pouvoit avoir
quelque part aux lumières Boréa-
les ; & M. du Fay expofe ingénieu-
fement cette convenance. Mais
pour en tirer pafti , il faut attendre
que l'idée de M. Halley foit fufli-
famment établie.
A l'égard des objedions faites
contre le courant unique , elles fe
rcduifent à deux principales , &
qui reçoivent la même folution.On
«iit donc en premier lieu , Qu'une
aiguille aimantée mife librement
fur la furface de l'eau , feroit pouf-
fée par un fcul courant vers l'ua
des pôles ■■, au lieu que l'impulfion
égale qui lui vient des deux cou-
ransia tient en équilibre.
On objede en fécond lieu ,
Qu'une aiguille mi-partie de cuivre
& d'acier aimanté , pofée fur fon
pivot pour fc diriger vers le Sud,
ne s'y tournera jamais , fi l'on fup-
pofe que le courant unique parte
du Sud , de même qu'une girouet-
te ne dirigera jamais fa pointe du
côté d'où vient le vent : la même
â20 JOURNAL D
chofe 4oit arriver pour le Nord ;
d'où l'on conclut la neccdité d'ad-
mettre deux courans.
M. du Fay répond , i°. Que fiii-
vant le principe établi dans prcfque
toutes les hyporhéfes , lavoir , que
la matière magnétique fc meut avec
plus de facilité dans l'aimant ou
dans le fer aimanté que dans l'air ;
l'aipuille pofée fur l'eau ne *loit
point être poulTce vers le Nord;par-
ee que la matière pénétrant fans
peine dans les pores de l'aiguille fé-
lon fa longueur , employé toute fa
force , non à pouffer l'aiguille vers
le Nord , mais à la taire tourner de
la manière la plus favorable pour re-
cevoir le courant de la matière , qui
la dirige feulement vers le Nord.
L'Académicien répond , en fé-
cond lieu j Qii€ la girouette & l'ai-
guille ne font nullement dans le
même cas , puifque l'effort du
vent n'agit que fur les parties exté-
rieures de la girouerte , qu'il pouf-
fc jufqu'à ce qu'il l'ait dirigée fui-
vant Ion couiant -, au lieu que 1*
matière magnétique pénétre inté-
rieurement l'aiguille , de n'a d'ac-
tion fur elle que fuivant la direc-
tion des parties internes du fer.
A la folution de ces deux objec-
tions , l'Académicien tait fuccedcr
quelques remarques importantes
fur la manière la plus avantageufe
d'aimanter les aiguilles &: les lames
de fer ou d'acier , & d'armer les
pierres d'aimant. Ces remarques
paroilfent autant de nouvelles preu-
ves pour l'unité du courant •, & il
en refulte , que la meilleure ma-
lùere d'aimanter une aiguille cft de
ES 6ÇAVANS;
la pofer fur la tête des armures
d'un aimant , & de la gli(Ter un
peu il fa longueur excède l'axe de la
pierre ; puis de la retirer , en la dé-
tachant parallèlement à cet axe , &
fans la glilTer toute entière fur les
deux pôles ; ce qui afFoibliroit fa
vertu •, fur quoi M. du Fay rapporte
une expérience curieufc, qu'il taut
lire dans fon Mémoire ^ & qui ne
fe trouve point ailleurs.
il faut recourir encore .\ lui fur
une tentative qu'il a faite pour dé-
couvrir ( s'il étoit polllble ) le de-
gré de vitclTc dans le courant de la
matière magnétique ; effai qui n'a
pîi jufqu'ici le conduire à détermi-
ner au jufte cette vitetTe , mais qui
pounoit en occalionner d'autres ^
dont lefucccs feroitplus heureux.
Pour aimanter une lame d'acier^
l'Auteur prefcritla même manœu-
vre qu'il a confeillée pour les aiguil-
les ; &: il termine fon Mémoire par
quelques obfervations fur le choix
de la matière la mieux difpoféc à
s'aimanter, qui (félon lui) cfl: le
fer , par préterence à l'acier 8i à l'a-
cier trempé i ce qu'il ^uftifie par
plutîeurs expériences qui paroificnt
décifives , de d'où il conclut que
les armures & le portant d'un ai-
mant doivent être de fer. Nous
renvoyons à fon Mémoire pour le
détail de tons ces faits.
IV. Le Mémoire de M. «/f^fW
mur fur la nature de l/i terre en gêner
rai &i fur fis difjerens cara^eres ^
contient des découvertes utiles &
interctïantes fur un fujet qui paroî-
troit peu capable d'en fournir. En
effet , chacun croit connoîtrc uifH-
fammenc
A V R
famment ce que c'eft que de la ter-
re j & être en état de la diftingucr
de toute autre matière , du fable ,
par exemple. Cette diftinûion fi
plaufible cependant n'cft rien
moins qu'univerlcUcmcnt reçue ;
ôc quantité de Phyficiens & de Na-
turaliftcs ^ tels que Rohault , la
Quinimye , &c. fe perfuadent que
la terre n'eft qu'un fable dont les
grains font d'une extrême finelTe.
M. de Réaumur en cela d'accord
avec le préjugé commun , fait de
ces deux matières autant d'efpeces
différentes , non feulement par k
groffeur , mais encore par la con-
formation intime de leurs molécules.
Cela fe prouve par des expériences
très-fimples de très-faciles à véri-
fier.
La terre imbibée d'eau fe renfle,
& s'étend , puis fe reflerre oufe ra-
courcit , & reprend fon premier
volume en fe deflechant. Le fable
foit imbibé , foit delTeché , garde
conftamment le fien ; d'où il eft
évident que l'eau ne fait que rem-
plir les vuides que les grains de fa-
ble laiflent entr'cux -, au lieu que
par rapport aux grains de terre ,
non feulement elle s'infinue entre
leurs interftices , mais elle pénétre
jufques dans leur tiiTure intérieure,
& les gonfle par une méchanique
analogue fans doute à celle qui lui
fait élever des fardeaux énormes ,
par le moyen des cordes qu'elle
imbibe , & lui fait fendre & déta-
cher des pièces de rocher par l'en-
treniife des cordes qu'elle renfle en
les humedant. On peut donc con-
cevoir la terre comme un corps
l t , 17 3 3' 221
fpongieux , tilfu de molécules flexi-
bles & capables d'extenfion , pen-
dant que celles du fable n'en font
nullement fufccptiblcs à caufe de
leur roideur.
Une féconde différence entre 1»
terre & le fable , c'eft que la pre-
mière abbreuvée d'eau devient duc-
tile & prend telle forme qu'if plaît
au potier ; au lieu que le fable quel-
que fin qu'il puifle être , ou reduif
en molécules aulîî fubtiles que cel-
les de la terre , ne reçoit aucune
dudilité du mélange de l'eau -, ainfi
que s'en eft convaincu M. de Réau-
mur, par les expériences les plus
cxadcs. La dudilité de la terre
doit donc être attribuée , non à la
fineflc de fes grains , mais à leur
tiflure intérieure qui les rend fpon-
gieux , 8c propres à glilfer les uns
fur les autres fans fe défunir. Or
c'eft de quoi le fable imbibé d'eau
eft abfolument incapable.
La terre la plus parfaite ou la
moins chargée de fable , telle que
la glaifc , n'eft pénétcable à l'eau
quejufqu'à une très-petite épaiffeur.
La raifon qu'en allègue l'Académi-
cien , c'eft que l'eau , en imbibant
la première couche de cette glaife y
en a tellement & fi uniformément
gonflé tous les grains , qu'ils lui
bouchent le paUage , & l'empê-
chent de pénétrer jufqu'à une fé-
conde couche. M. de Réaumur
confirme fon fentiment fur ce
point , en réfutant celui de quel-
ques Phyficiens , qui eft démenti
par l'expérience.
A l'égard de ceux qui, pour expli-
quer la dudilité de la terre ont re-
Ff
aiz J O U R N A L D
cours à la configuration de fcs mo-
lécules faites en lames bien polies
& couchées les unes fur les autres -,
ils ont contre eux la grande facilité
qu'auroient ces petites lames à fe
déranger lorfqu'on vient à pétrir
la terre , & l'expérience des toiles &
des gypfes , qui bien que formés de
lames, jufquesdans leur tiffure la
plus intime , ne peuvent , étant
réduits en poudre impalpable &
fuffifamment humedée d'eau , ac-
quérir aucune dudlilité -, non plus
que le fable , &i les fcls concrets ,
tels que l'alun, le vitriol , le borax,
la fonde , &c.
Cette nouvelle Théorie de M.de
Réaumur fur la nature de la terre
peut être d'un grand ufage dans le
Syftème qu'il a ébauché en 1711.
fur la formation des pierres ; Sc
c'eft ce qu'il fait fentir ici par plu-
fîeurs exemples , que nous palîons
pour abréger. Sa Théorie fe trouve
de plus confirmée par ce que l'on
voit tous les jours dans l'art de la
poterie , où les vafes de terre font
fî fujets à fe fendre & à fe gerfcr , fi
l'on n'apporte beaucoup d'atten-
tion à les faire fccher peu à peu
pour éviter cet accident , que l'on
peut auiïî prévenir par quelque
mélange de fable qui rend la terre
un peu moins dudtile.
Cette même Théorie de M. de
Réaumur fournit encore une con-
fidcration nouvelle & très-impor-
tante que l'on doit joindre aux vâes
de M. Couplet , fur les revctemens
ou les murs , qui ont des terres à
foûtenir. L'éboulcmtnt des terres
coupées à plomb fe leduit à iî peu
E S SÇAVANS,
de chofe ( dit l'Académicien ) que
cette chute n'cft pomt ce qu'il y a
de plus à craindre pour ces revête-
mcns. Ils ont un effort beaucoup
plus violent à foûtenir , & c'eft ce-
lui que font pour s'étendre les ter-
res imbibées d'eau. On peut dire à
la vérité que des deux extenfions
que foufirent ces terres , & qui font
la verticale 6c l'horizontale , il n'y
a que celle-ci qui agifTe contre ces
revctemens : mais il faut obfcrver
aulli que la verticale des couches
intérieures gênée par le poids ex-
cefiîf des fuperieures, fe convertit
en horizontale , & qu'alors la force
de cette extcnfion fe trouve nota-
blement accrue , comme en lait foi
une expérience alléguée par l'Aca-
démicien.
La tacihté à s'imbiber d'eau don-
nant aux terres d'autant plus de
pouiïee contre un mut de revête-
ment, ôi n'en donnant aucune de
cette efpece à des fables ; M. de
Réaumur confcille , pour prévenir
cet inconvénient , de mêler dans
les terres qu'on emplove,lorfqu'el-
les font peu fablonneufes , quantité
de gravois comme étant incapables
de s'imbiber d'eau , & qui dans les
vuides qu'ils forment entr'eux , re-
cevront une partie du renflement
des terres , lequel en fera d'autant
moins d'effort contre le mur.
L'Auteur ne borne pas fon exa-
men de la nature des terres , aux
deux caraifteres que nous venons
d'cxpofer d'après lui. Il en parcourt
plulleurs autres , qui bien que
moins confîderablcs, peuvent néan-
moins établir des diltmdions entre
A V R I
les terres. De ce nombre font les
couleurs , foit naturelles , foit ac-
quifes par l'adion du feu : 2°. La
faculté de fe vitrifier ou de fe calci-
ner : 3°. Celle d'être différemment
alcalines ^ par la différente impref-
Cion qu'elles reçoivent des divers
acides : 4°. Celle de répandre diffé-
rentes odeurs , qu'il n'eft guéres
poflîble de caraderifer , quoiqu'il
y en ait pourtant quelques unes qui
reffemblent a (fez à d'autres que
nous connoiffons. Il y en a , par
exemple , dont l'odeur approche de
celle du poivre. Après les petites
pluyes d'été , les terres légèrement
humedées exhalent une odeur
agréable , qu'on attribue mal-à-pro-
pos ( ainfi que le prouve M. de
Réaumur ) aux plantes des bois &
des Jardins où l'on fe promené.
Cette imprelîîon fî douce que cette
exhalaifon fait fur l'odorat , chan-
gera bien de nature & fera tout au-
trement forte , 11 Ton fe couche
fur la terre.
Le curieux Académicien a voulu
éprouver s'il feroit polTible d'ôtcr
entièrement à la terre fon odeur.
Mais après avoir arrofé & fait fecher
fucceflîvement pluûeurs petits gâ-
teaux de terre pendant plus de 1 5
jours , & même pluiieurs fois par
jour, il n'a pas trouvé moins d'o-
deur à ces gâteaux après la dernière
expérience y qu'ils en avoient à la
première ; ce qui n'efl pas étonnant
[ dit l'Auteur J puifque des corps
parfumés de mufc en confervent
i'odeur pendant des ficelés. Il tire
encore de-là quelques confcquen-
ces que l'on peut lire dans fon Me-,
mpire.
L. 17? î- 22J
VI. Celui dans lequel ce même
Académicien expofe la Aîécham^de
employée par divers infeSles pour plier
& rouler des feuilles de plumes , mé-
rite aufli d'être lu en entier, comme
on fe le perfuadera aifément par
l'idée générale que nous allons en
donner. Rien n'eft plus commun
que de voir dans les bois & dans les
Jardins , fur plufieurs fortes d'ar-
bres , & principalement fur des
chênes , des feuilles courbées ,
pliées , roulées , ramafTées en un
paquet informe , & maintenues
dans ces différentes fituations par
un grand nombre de fils. On fait
de plus que le milieu ou la cavité
de ces feuilles recelé ordinairement
une chenille. Mais on ignore par
quelle méchanique cet infede fe
conftruit un pareil domicile. Pour
s'en inftruire parfaitement , M. de
Réaumur a eu l'induftrie de faire
travailler fous fes yeux dans fon
Cabinet , quantité de chenilles ti-
rées de leurs rouleaux &: mifes fur
des branches de chêne fraîchement
caffées & tranfplantées dans un
grand vafe rempli de terre humide.
Voici le précis de fes Obfervations.
La chenille commence fon tra-
vail ou par le bout même de là
feuille, ou par une de fes dentelures
latérales ; enforte que le rouleau ,
dans le premier cas , fe trouve per-
pendiculaire à la principale nervu-
re , & lui devient parallèle ou in-
cliné dans le fécond , ayant quel-
quefois jufqu'à 5 & é^ tours en fpira-
le autour du même centre. L'en-
dreitde préférence où fe fixe cet
infede fur une feuille , eft toujours
F fi/
a24 JOURNAL D
celui où le bord de cette fenille
paroît un peu recourbé en defTous^
& il n'y en a guéres qui n'offrent
cette commodité à la chenille. Cel-
le-ci donc favorablement portée , ù.
met à produire les premiers fils ,
dont la tenfion doit augmenter peu
à peu la courbure naturelle de La
feuille & la contourner infcnfible-
ment de plus en plus. Elle les file Se
par les mouvemens alternatifs de fa
tête femblables aux vibrations d'un
Pendule , elle les attache à deux
endroits oppofés. Chacun de ces
mouvemens qui font très-vifs Se fe
fuivent fans interruption jufqu'au
nombre de deux à trois cens , pro-
duit un fil : & tous ces fils rarfem-
blcs forment une efpece de lien.
Ce premier étant achevé , la che-
nille en commence un fécond à 2
ou 3 lignes de diftance ; puis un
troifiéme & autant qu'il en faut
pour donner à la feuille fon pre-
mier contour. A celui ci elle en fait
fucceder un fécond , en appliquant
à la teuilk de nouveaux paquets de
fils attachés par un bout à un en-
droit de la feuille plus éloigné du
bord , Se par l'autre à un point plus
voifin de la principale nervure : Se
telle eft en gros la méchaniquc par
laquelle chaque rouleau reçoit fes
divers contours.
Mais ( dira ton ) des fils îî dé-
liés Se filés fuccclfivement ont-ils
alfez de tenfion Se de force pour
approcher l'une de l'autre les deux
parties de Ja feuille , Se pour la
courber malgré fon reffort ? On
n'en doutera pas en lifant les Ob-
fcivations de M. de Réaiunur , qui
ES SÇAVANS;
lui ont découvert tout l'artifice de
cette méchaniquc. Chaque Jien eft
compofé de deux plans de fils qui
fe croifent , Se dont le fuperieut
n'eft filé que le dernier par la che-
nille , qui pour ce travail appuyé
tout fon corps fur le plan inférieur;
enforte que c'efi: proprement le
poids de cet infede fur ce plan qui
en approche les extrémitez, & en
même tems les parties de la feuille
où elles font collées , lefquelles
font retenues à cette moinare di-
ftance par les fils du plan fuperieut
que file aclucUemcnt l'infeclc , Se
qui font plus courts que ceux du
plan inférieur premièrement filé.
Celui<i devient inutile pourla fuite
de l'opération , n'y avant , à le
bien prendre , que les liens du der-
nier tour qui tiennent tout le rou-
leau en état.
L'Auteur nous fait part de l'in-
duilrie de la chenille à s'applanit
certaines difficultez qui nailfent
dans le cours de fon travail : Se c'eft
fur quoi , pour abréger , nous ren-
voyons à fon Mémoire Se aux figu-
res qui l'accompagnent.
Du refte , cette induftricufe &
laborieafe chenille f dit M. de
Réaumur) n'eft au plus que d'une
grandeur médiocre , d'un gris ar-
doifé , quelquefois d'un brun ver-
datre , & d'une extrême vivacité.
Elle vit & fe nourrit dans h feuille
qu'elle s'eft roulée , Se tant qu'elle
y trouve une pâture fuflîfante ; &u»
te de quoi elle en fort & fe fabrique
un autre rouleau moins ferré , par-
ce qu'elle eft devenue plus groflc.^
Elle y fubit enfin les diveifesméca^
A V R I
morpliofes ordinaires à ces fortes
d'infeâies -, c'cft-à-dire , qu'elle y
devient Chryfdide , puis Papillon :
& CCS Papillons s'accouplent à la
manière des Hannetons.
L'Académicien nous parle, après
cela , d'autres chenilles , qui fe con-
tentent de plier les feuilles , fans
les rouler , ou qui ne font que les
courber. Ces flteufes font en plus
grand nombre que les ronlenfes ;
leurs ouvrages font plus fîmples ,
mais ils ne lai/Tent pas d'exiger une
forte d'induftrie. L'Auteur en dé-
crit ici la manœuvre , qui revient
pour le forvds à celle que nous ve-
nons d'expofer. Il faut en voir
les circonftances particulières dans
fon Ecrit , compofc comme tous
fes autres Mémoires , d'une ma-
nière propre à piquer la curiofi-
té du Lecteur &: à la fatistake en
même tems.
Les articles à.'Anatomie font au
nombre de quatre , dans ce Volu-
me , fans compter celui des diverfes
Ohfervations. Le premier qui paroîc
dans l'Hiûoireeft le précis de deux
Mémoires de M. Petit le Médecin,
imprimés en entier , l'un fur le
Cryftalim de fœil de rhomme , des
animaux à cjiwitre pieds , des oifeanx
^ des foijfnns : l'autre fur la capfule
du Cryftalim : le fécond article eîl
rObfervation de M. Morand fur
une altération fnguliere du Cryftal-
lin & de l'humeur vitréeih troifirme
cft l'Ecrit de M. iVinJlow fur les
mouvemens de la tête , du col , & du
rejïede l'épine du dos : le quatrième
eft celui de M. Hunauld fur les os
du crâne de l'homme. Ces trois dcr-
t ï » 7 ? î- 22^
nicrs articles font abfolument ren-
voyés aux Mémoires. Nous dirons
quelque chofe du premier & du
dernier.
L M. Petit qui s'efl: charge d'exa-
miner l'œil avec l'exaclitude la pluS
fcrupuleufc , a pouffé fort loin fes
recherches fur ce qui concerne le
Cryftallin , fi necelfaire pour per-
fedionner la vifion , & où la plu-
part des Oculiftes ctabliffent le fié-
ge de la catarade. Il n'a pas borne
fon examen aux feuls Cryftallins
humains de tout âge. Il l'a étendu
fur lesCryftallins de tous les ani-
maux , dont il a pu dilTcquer les
yeux : & il en indique la figure, les
dimenfions , le poids , la confiftan-
ce & la couleur.
Les Serpens & les Poiflons ont k
Cryftallin prefque fphcriquc. Tous
les autres animaux anatomifés paît
l'Académicien , ont le Cryftallin
lenticulaire ou formé de deux feg-
mens de fphércs très-rarement éga-
les , & dont la plus grande fait
d'ordinaire le fegment de la furfacc
extérieure du Cryftallin, laquelle
eft moins convexe que la pofterieu-
re , & fait de moindres rcfradions.
Il faut admirer la patience qu'a
dû avoir M. Petit pour mefurer
exadement tous les Cryftallins
qu'il a pu recouvrer , c'eft à- dire
pour en prendre les dimenfions ,
foit en largeur , foit en épaifieur ,
&c pour en déterminer les poids au
plus jufte i puis pour en dreflcï
deux tables , dont la première con-
tient ce détail pour 16 Cryftallins
humains de dinerens âges , & la fé-
conde l'offre pour 36 Cryftallins de
^26 JOURNAL DE
bœufs , qu'il eft plus facile d'avoir
en grand nombre.
La pefantcur du Cryftallin hu-
main va depuis celle d'un grainSc
demi jufqu'à celle de 4 -^ , rarement
de 5- Lapcfanteur duCryftallin de
bœuf a fes varierez depuis 38 grains
jufqu'à 5^. M. Petit , indépendam-
ment de fes Tables , nous commu-
nique fur des Cryftallins d'animaux
de diverfes efpeces beaucoup d'ob-
fervations de même genre.
Il en fait quantité d'autres fur
la contîftcnce ou la fermeté de cette
partie , lefquellcs on peut voir
chez lui j & il prétend que cette
qualité n'influe pas moins dans la
pefanteur des Cryftallins que leur
grolfeur même.
On fiit que le Cryftallin hu-
main reçoit avec le tcms quelque
déchet dans fa convexité : mais
une propriété moins connue & qui
cft particulière à ce feul Cryftallin,
( du moins à fe renfermer dans
ceux que le curieux Académicien a.
examinés ) c'eft qu'il change de
couleur : n'en ayant aucune depuis
la nailTance jufqu'à 25 ans i après
quoi il jaunit légèrement dans fon
centre , Se cette couleur devenant
toujours plus foncée , gagne peu à
peu la eircontérence. M. Petit a vu
les deux Cryflallins d'un homme
de 81 an, Icfquelsétoient tout fem-
blables à deux morceaux d'un bel
ambre jaune. Il a remarqué aulTi que
plus les CryftalUns font fermes,
plus ils jauniffent.
Il a obfcrvé de plus que les Cry-
ftallins fechés à l'air pendant un
certain tem; , perdent beaucoup
S SÇAVANS,
de leur poids & de leur matière en
confequence ; ne confcrvant que
celle qui cft; la plus fohde , & qui
cfl: tranfparcntc ( félon l'Académi-
cien. ) Elle devient opaque après
l'évaporation de l'autre , parce que
celle-là étoit comme un intermède,
qui tcnoit dans une pofirion conve-
nable par rapport aux rayons de
lumière , les petites lames tranfpa-
rentcs , qui faute de ce fecours s'af-
faiflent les unes fur les autres , 5c
n'ont pas plus de tranfparence que
du verre pilé.
M. Petit confirme par le moyen
du Scalpel & des dirfblutions chi-
miques , l'idée commune où l'on
cft que le Cryftallin n'eft que l'af-
femblage de plufieurs couches ou
enveloppes fibreufcs &c concentri-
ques , mifes les unes fur les autres.
Il faut , fur tous ces poinK , conful-
ter l'Académicien même.
Il refulte du Mémoire de M. Petit
{atla capfule du C-ryfldlin^ 1°. Que
cette membrane niée ou révoquée
en doute par d'habiles Anatomiftes,
exifte dans l'homme , & n'y eft
guéres moins fine qu'une toile d'a-
raignée ; ce qui n'empêche pas
qu'on ne puilTe l'y démontrer, mê-
me uns injedion , quoiqu'à la ri-
gueur elle puifte être injedée , mê-
i'^ ; naturellement , lorfqu'elle
s'enflamme : 2°. Qu'elle rend le
CryftaUin , dont elle eft l'envelop-
pe, moins diaphane antérieurement
que pofterieurcment : 3°. Qii'ellc
reçoit pluficurs vailfcaux lympha-
tiques , du ligament ciliaire qui s'y
attache antcrianement par des fi-
bres ^ & qu'elle fc nourrit de cette
A V RI
'ymphe , dont une partie s'épanche
entre cette capfule & le Cryftallin :
4°. Qu'elle eft toujours tranfparen-
te dans l'homme & dans les ani-
maux , même dans des yeux à cata-
ractes , qu'elle confcrve cette tranf-
parence dans l'eau bouillante , dans
icsefprits acides , dans les folutions
de plufieurs fortes de fels , &c. où
la cornée , la membrane hyaloïdc
& lesCryftallins perdent la leur,
& qu'elle ne perd la fienne que
dansl'efprit de nitre : 5°. Qu'elle
n'eft liée par aucuns vaiiïeaux avec
le Cryftallin qui ne fe nourrit,
qu'en s'imbibant de cette lymphe
épanchée dont on vient de parler,&
dont peut-être elle ne prend que la
portion la plus féreufe , laiflant ex-
térieurement la plus gluante , qui
devient enfuite pour un tems la pre-
mière & la plus grande couche du
Cryftallin , jufqu'à ce qu'elle foit
recouverte par une autre : 6°. Qua
cette liqueur dans l'homme eft dé-
pofée en fi petite quantité entre la
capfule & le Cryftallin , qu'elle n'y
eft fufceptible d'aucunes expérien-
ces , à moins qu'on ne pût difpofcr
de 18 ou 20 yeux à la tois, ce qui
n'eft pas facile ; & que l'Académi-
cien en a fait plufieurs fur la lym-
phe Cryftalline des bœufs , d'où il
n'a pu jufqu'ici rien conclure de
bien décifif : 7°. Que cette capfule
épaiflîe , mais non dans fa propre
fubftance , a été prife fauffemenc
pour une Catarad:e membraneufe ,
au lieu que ce n'étoit que le Cry-
ftallin même delfeché & collé à fa
capfule , dont il n'étoit plus féparé
par la lymphe , 5c que l'opacité de
cette capfule ne lui vient alors que
de quelques particules étrangères
empruntées du Cryftallin , lefquel-
les enlevées une fois avec un peu
d'eau , lui rendent toute fa tranf-
parence.
IV. Qui croiroit que les os du
crâne humain examinés avec tant
de foin quant à leur ftru6lure & à
leur aftemblage , par les plus habi-
les Anatomiftes , puflent encore
donner lieu à de nouvelles refle-
xions , échappées aux plus curieux
Obfervatcurs en ce genre ? C'eft
pourtant de quoi fourniftent des
preuves convanicantes les recher-
ches anatomiques dont M-Hunanld
nous fait part dans fon Mémoire.
On s'étoit perfuadé , fur la foi de
F'éjale , A'Euflachi , de Fallope , de
Spigel , &c. que les dents qui for-
ment les futures ou l'union des os
coronal , pariétaux & occipital enr
tr'eux , ne paroi ftbient qu'à la ta»
ble externe &c au diploé de ces mê-
mes os , & qu'il n'y avoit aucune
dentelure à leur table interne. Ce-
pendant c'eft un fait qui foufFre dc
grandes exceptions , puifque l'ex-
trême jeunefie des fujcts rend très-
vifible cette dentelure de la furfacc
concave du crâne ; que dans ces
mêmes fujets plus avancés en âge ,
ces futures intérieures perdent peu
à peu les dents qui les compo-
foient , ne laiftant plus appcrcevoir
que de fimples lignes plus ou
moins irrégulieres ■■, èc qu'enfin ,
dans la vieillefle, ces lignes mêmes
s'effacent totalement. Quelle peut
être la caufe d'une telle variété î
L'ingénieux Académicien h
2a8 JOURNAL D
trouve dans h comparaifon qu'il
fait de la ftrudurc du crâne avec
celle d'une voûte. On fait que plus
une voûte a d'épaiflcur , plus l'éten-
due de fa furface convexe l'emporte
fur celle de fa furface concave; d'où
il fuit que les pièces qui la compo-
fent , doivent , pour s'appliquer
exactement les unes à côté des au-
tres , être taillées obliquement : &c
CB fuppofant que toutes ces pièces
faffent un effort égal pour s'accroî-
tre fuivant toutes les dimenfions ,
leur prelfion réciproque fera plus
forte vers la furface concave , que
vers la convexe. Le crâne , dans les
enfans , eft une voûte fi mince, que
l'obliquité dans la taille des pièces
ofleufes qui la compofcnt doit être
prefque imperceptible. Auffi les
dents gravées dans toute l'épaif-
feur de ces pièces , font-elles aulîi
longues a la furface interne qu'à
l'externe ;
Dans le progrès de l'âge , cette
voûte olTeufe acquérant plus d'é-
paiffeur , & toutes fes pièces par
leur accroilTcment uniforme fe
preflant réciproquement de plus en
plus : elles doivent prendre une
obliquité proportionnée à l'inégali-
té d'étendue entre la furface externe
& l'interne ; c'eft-à-dire , que les
dents de la table interne doivent
infenfiblement devenir plus courtes
que celles de la table externe , &
qu'il en doit être de même des
échancrures , où s'engrainent ces
dents.
Mais dans la fuite cette preffion
mutuelle continuant toujours , fait
enfin difparoîtte enticremcjit de la
ES SÇAVANS,
lurface interne du cranc les futures
qu'on y remarquoit auparavant , &C
c'eft à quoi contribuent ces deux
caufes-ci : i". La pointe des dents
de la table interne , qui fe relevant
vers le diploé , forme un talus Sc
celle de paroîtrc audedans du crâ-
ne : 1°. La table interne qui s'avan-
çant du tond de chaque echancrure
fur le talus de la dent oppofée , di-
minue la longueur des dents du
côté de leurs racines. Ce méchanif-
me fe juftifie par l'infpedion des 08
du crâne féparés les uns des autres ,
puis rejoints exaiftement enfemble.
M. Hunauld rend raifon , & dér
montre même par des figures ,"
pourquoi la pointe des dents qui
appartient à la table interne , fc
porte vers le diploé , & non pas vers
le dedans du crâne -, pourquoi la
partie de la dent qui tient à la table
externe , ne fe refléchit point à
l'extérieur du crâne ; &c d'où vient
la longueur des pointes ofTeufes en-
gagées dans le diploé. Nous ren-
voyons fur ces trois points au Mé-
moire même , ainfi que fur ce qu'il
faut pcnfer touchant l'utilité des
futures par rapport à l'affermilTe-
ment des os , & touchant la maniè-
re dont par fucceffion de tems les
différentes pièces de la calotte du
crâne s'unifient enfemble Se fe fou-
dent au point qu'elles ne font la
plupart qu'une feule pièce.
L'Auteur pafle de l'examen des
futures vrayes ou dentelées à celui
des futures faullcs ou écailleufes ,
dans Icfquelles , de deux os taillés
en bizcau , le bord de l'un eft appli-
qué fur le bord de l'autre. Comme
les
A V R I
îcs raifons que les Anatomiftes ont
alléguées de la différence entre ces
jdeux fortes de futures , paroifTent
peu fatistaifintes ; M- Hunauld en
propofe une qui lui femblc mieux
fondée. Il l'établit fur ce principe,
■Qiï'un fardeau appuyé fur une voil-
te ou le poids feul de la voûte ten-
dant à déjetter en dehors les murs
ou les piliers qui la foûtiennent , ce
ji'efl que par une refiftance placée
au dehors de la voûte qu'on peut
s'oppofcr à cet effort '-, & c'eft à
jquoi fervent les murs-boutans &
les arcs-boutans. Or c'eft précifé-
ment à l'écartcment en dehors des
extrémitez inférieures des os parié-
taux que s'oppofent les temporaux
appliqués par leur bizeau extérieu-
rement , où ils font l'office de vrais
murs-boutans : ce que n'opérerait
pas également une future dentelée
qui unircit ces mêmes os. Elle rcfi-
fteroit feulement à une comprcflîon
faite fur la partie latérale de la tête ;
mais elle n'empêcheroit en nulle
façon l'écartement en dehors caufé
par un fardeau que le fommct de
la tête auroit à foûtenir : au
lieu qu'elle fuffit pour s'oppofer à
l'enfoncement du bord fupcrieur
des pariétaux , comme on lapper-
<;oit dans la future fagittale. Cette
îTicchanique fournit [ comme l'on
voit ] une réponfe très-facile â la
queftion-propofée comme très-em-
barraffante par divers Anatomifleî,
favoir pourquoi la portion écailleu-
fe des temporaux recouvre en de-
hors celle des pariétaux, au lieu
d'en être recouverte elle-même î
Mais cette flrudure fi propre à
L . 17??' 22^
s'oppofer au déjettement des parié-
taux en dehors , ne fait nul obflaclc
.à leur enfoncement en dedans par
leur partie inférieure , ni à leur dé-
jettement en dehors parleur partie
fuperieure. L'Auteur indique par
quelle forte d'alfemblage des os pa-
riétaux avec le coronal & avec l'os
des tempes , les premiers peuvent
refîller à l'effort dont on vient de
parler. A propos de quoi il obferve
que la coupe des os n'eft pas tou-
jours perpendiculaire à l'os ; que le
bord d'un os a fouvent deux coupes,
en forte que s'uniffant avecfon voi-
fîn en deux fens difîerens , il le foù-
tient & en cft foùtenu ; que ces
coupes font plus ou moins obli-
ques , par rapport au corps de l'os ^
éc que cette double coupe, de la
plupart des os du crâne femblc
avoir échappé aulli-bien que fes ef-
fets aux Obfervations des Anatomi-
ftes.
M. Hunauld , dans l'Obfervi-
tion fuivante , travaille à détruire
le préjugé qui fait regarder tous les
os du crâne comme des pièces unies
entre elles feulement par la diffé-
rente configuration de leurs bords
qui s'ajuftent mutuellement enfcm-
ble. Il prétend qu'originairement
le crâne entier ne fait qu'une feule
pièce , continue & fans aucune in-
terruption -, que cette pièce unique
n'eft d'abord que membraneufe , Sc
que cette membrane fe cransformc
peu à-pcu en os ; que cette olTifica-
tion commence à même tems en
divers endroits de cette membra-
ne , s'étendant à la ronde par des
lignes qui partent comme d'ua
a3o JOURNAL D
centre , &: qu'infcniiblemcnt toutes
ces portions mcmbiancufes ofTi-
fiées fc rencontrent Se s'unifTcnt
plus ou moins intimement par
leurs bords , mais en telle manière
qu'il rcfte entre ces bords unis une
portion de cette membrane primi-
tive , qui ne s'ollîfie guéres que
dans l'extrême vieillelTc. M. Hu-
nauld s'eft alTuré de cette confor-
mation du crâne humain , par
l'infpeclion de cette partie dans la
tête de pluheurs cntans morts d'hy-
drocéphale , de par celle de plu-
fieurs fœtus examinés à differens
termes.
Nous renvoyons à fon Mémoi-
re pour ce détail , de même que
pour celui des trois derniers arti-
cles qui s'y trouvent , & qui rou-
lent 1°. fur les fibres oiTcufes du
crâne de divers fœius compofées de
petites lames ou écailles appliquées
les unes fur les autres -, z". Sur la
différence qui fe rencontre prefquc
toujours entre les deux trous par
où les ju;ul aires communiquent
avec les lînus latéraux , ainlî qu'en-
tre les folTcs où cft lot^éc la tête des
mêmes jugulaires : différence , nul-
lement obfervée par les Anatomi-
ftes ( dit l'Auteur) quoiqu'elle ti-
re à confequence pour le choix de
la jugulaire , dans la faignée faite à
cette veine : 3*' Sur les deux cor-
nets inférieurs ou les lames fpon-
gieufes inférieures du nez , qui ne
doivent point être confiderécs com-
me des os particuliers , mais com-
me des portions de l'os ethmoïde.
Les diverjes Obfervations Anato-
Vii^nes font ici au nombre de huit.
ES SÇAVANS;
La première due à M. Morand j
concerne un rein unique trouvé à
l'ouverture du cr.davre d'un Suiffc,,
& formé de h jonclion des deux
reins , fclon les apparences. La fé-
conde envoyée de Mont{xllier à
l'Académie par M. Sonllier Chirur-
gien , contient la relation du panfc-
ment d'un abfcès au foyc ouvert
dans un fujct âgé de 13 à 14 ans,
abfcès cicatrifé en très-peu de tems,
après avoir rendu une matière fan-
guinolcnte très épaiffc, quelquefois
jaunâtre , amcre & inflammable ,
qui étoit de véritable bile , & tou-
jours des floccons de la p oprefub-
ftancc du foye , où l'on pouvoit
appercevoir de petits bouts de vaif-
féaux foit finguins , foit biliaires.
Une fingularité de cette Obferva-
tion efl: l'amertume de la bile dans
les vailfeaux du foye , où elle eft
naturellement infipide ; ce qui ne
peut être attribue qu'au fcioui
qu'elle y faifoit , & qui lui donnoit
cette amertume , qu'elle ne prend
ordinairement que par fon féjour
dans la véficule du hcl. Dans la
troidéme obfervation communi-
quée par M. du Fay ^ il s'agit d'un
homme de 1% ans mort à Breft d'u-
ne douleur de poitrine accompa-
gnée d'opprclfion , d'un vomiffe-
ment & d'une pefanteur au bas-
ventre ; 5c dans lequel on trouva
non feulement les poumons flétris^
la plèvre très-enflammée , les inte-
Itins gangrenés , la veflîe vuide &
racornie j mais ( ce qui efl: fort ex-
traordinaire , dans un iujet qui n'a-
voit jamais rendu de fable , ni ref-
fenci aucune doukm uéphiétique ,
A V R I
«i eiî de fuppreflîon d'urine ) on lui
trouva le rein droit exceffivement
gros , devenu cartilagineux , &
renfermant une pierre du poids de
fix onces -^ d'où partoient quantité
de branches d'une figure irrégulie-
re , formées de l'aiTemblage de
graviers entaiTés &c enveloppés d'u-
ne lame olTeufe , tirant fur la cou-
leur d'un corail blanc. Quant au
rein gauche , dénué de toute fa
fubftance , il n'avoit fes cellules
remplies que d'une liqueur verdâ-
tre. La quatrième Obfervation ,
due à M. Geoffroy , fait mention
d'un Charpentier du port de l'O-
rient , âgé de 84 ans, à qui dans le
.cours de deux années il étoit forti 4
dents , 2 incifives ?<. i canines.
Dans la cinquième , communi-
quée à M. de Adairan par M. Bouil-
let , Secrétaire de l'Académie de
Béziers , il efl: queftion de quanti-
té de vers ronds & longs , rendus
par des perfonnes de tout âge , de
tout fexe , de tout tempérament
même quelquefois par la bouche
pendant l'année 1730 , dont la
grande douceur de l'hiver a voit pu
occafionner cette abondante géné-
ration de vers. La ilxiéme Obfer-
vation , encore de M. Bottillet^ rou-
le fur un foye de Coq pefant un
peu plus d'une livre -, la feptiéme ,
( de M. Garfm Chirurgien ) fur un
ver attaché fortement dans l'eilo-
mac d'une Bonite ( forte de poilTon
marin ) & dont on voit ici la figu-
re & l'exade defcription ; la hui-
tième fur differens bandages ima-
ginés ingénieufement par M. Sor-
haiz. ( Chirurgien des AmbalTa-
deurs d'Efpagne ) pour les différen-
tes fortes de defcentes , pour les
incontinences d'urine, pour la com-
prellïon de l'artère crurale, &c.
Nous renvoyons à un autre
Journal les Articles concernant
la Chimie , la Botanique & les Ma-
thématiques.
LA BIBLIOTHEQVE DES ENFANS , OU LES
vremiers FAémens des Lettres , contenant le Syflême du Bureau Typogra-
phique , a l'uftge de Monfeigneur le Dauphin ^ & de Mejfeigncurs les
Enfans de France. A Paris , chez Pierre Simon , rue de la Harpe. 1732.
»«-4°. pp. 120.
CE Livre a pour frontifpice
une planche où l'on a repre-
fenté le Bureau Typographique ,
pour en faire d'abord connoître Fx
la forme & l'ufage aux perfonnes
qui n'en ont point d'idée \ & com-
me ce Bureau a l'avantage d'être
employé à l'inftrudion des Enfans
de France , l'Auteur en a prisocca-
fîon de dédier fon Ouvrage à Mon-
feigneur le Dauphin.
Le principal objet de cette Mé-
thode étant de trouver dans la
vraye & jufte dénomination des
Lettres un principe fur & facile
pour apprendre aux Enfans à épe-
ier , & à lire couramment , l'Au-
teur ofe avancer fans crainte de paf-
fer pour téméraire , que les Hé-
breux , les Grecs , les Latins SiC
2J2 JOURNAL D
tous les peuples connus ont mal
choifi la dcnomination des lettres
à cet éçard. Pour cnfcigner à lire ,
il faut faire remarquer deux chofes
à l'Enfant , i°. La figure & 2°. Le
fou ou la valeur des lettres. On
doit donc en montrer la figure aux
yeux , & en faire fcntir le fon à l'o-
reille -, or c'eft à quoi ne peut fervir
l'ancienne dénomination des lettres
de toutes les Langues mortes 5c vi-
vantes.
L'Auteur convient qu'il cft in-
diffèrent & arbitraire de prendre
un tel mot pour défigner un tel ob-
jet , Si qu'on a pu donner aux let-
tres le nom qu'on a voulu, pour les
indiquer aux yeux ■■, mais il loiitient
qu'il n'ell pas également vrai que
le nom des lettres foit arbitraire ,
pour en donner le fon &: la valeur
à l'oreille. Le nom i^che .par exem-
ple , peut bien indiquer aux yeux
la figure H , mais ce nom n'en
donnera jamais le fon , ni la valeur
à rqreille.
Nous avons , dit-il , fecoiié Is
joug des anciens pour la dénomina-
tion des voyelles : quand & pour-
quoi ; c'eft une queftion. Mais d'où
vient que la méthode vulgaire
ayant ofé nommer d'un feul fon les
vovelles <t ^e , i ,0 ^it ^ malf;ré les
noms refpedables à'aleph & A'al-
fha j on a néanmoins continué
d'exprimer inutilement avec deux
fyllabes le nom de certaines lettres j
^ qu'on n'a pas enfuitc également
vi^i la necelllté de reformer la déno-
mination de certaines confonnes ,
pour les réduire autant qu'il eft
polîîble à leur jufte & fimple va-
es sçavans,
leur : ne dit-on pas tous les jours
que la nature de la vovcUc confiftc
à pouvoir être prononcée fans le fe-
cours d'aucune autre lettre ? C'eft
apparemment l'évidence de cette
vérité qui a fait rcjetter ce qu'il y
avoir de fuperflu dans l'ancienne
dénomination des voyelles. On dit
aulfi , il eft vrai , que la confonnc
ne peut fc faire entendre que par le
moyen d'une voyelle auxiliaire.
Mais s'cnfuit-il pour cela qu'il faille
emprunter plufieurs voyelles 5C
plulicurs confonnes , pour donnée
à un petit enfant l'idée de la valeur
d'une limple confonne ? & quel
rapport y a-t-il de la iîmple afpira-
tion de la figure H au mot ach; qui
en eft la dénomination ? On con-
vient bien que l'ufage l'emporte fur
la raifon ; mais peu de gens refle-
chillent fur la caufe qui en eft h.
principe.
On trouve après l'Epître Dédi-
catoire un paflTage d^ S. Jérôme qui
paroît fait exprès pour relever les
avantages di> Bureau <S: de la mé-
thode Tvpographique , & dans un
Avertiflcmcnt Préliminaire l'Au-
teur donne un échantillon^ àe ce
qu'il appelle l'ortographe yajpigere
des fons & des oreilles , en atten-
dant l'ortographe permanente de
l'ufage &: des yeux , & dans la Pré-
face j il tâche de taire voir de quel-
le importance il eft de bien com-
mencer la première démarche dans
les Sciences, qui eftdefâvoir lire.
Il trouve i". qu'on met en général
Icsenfans trop tard a.\'a b c ^ Sc
qu'on a tort de ne pas mieux pro-
fiter des premières années de l'en^
A V R I
fance ", que la perte d'un teins fi
propre à l'inftruClion , & le défaut
des anciennes méthodes font la
caufe du dégoût & du peu de pro-
grès des enrans , qu'on ne fçauroit
trop-tôt les tamiliarifer avec les
premières notions des Sciences &
desArts. 2°. Il foûtient qu'on man-
que de Livres &c d'inllrumcns pro-
pres pour montrer à un enfant les
premiers élémens des Lettres. Le
Volume des Alphabets ordinaires
eft trop périt , & d'un caradcrc
troo menu : chaque page eu: un
épouventail pour l'enfant , & la
multitude des caraderes ne fçau-
roit manquer de produire de la
confufion , au lieu qu'en leur don-
nant des lettres féparées & d'une
grandeur convenable , on leur
épargne la peine & le dégoût.
3°. Il obferve que les Maîtres ef-
clavcs de l'ancienne dénomination
des Lettres rebutent d'abord les
enfans , en leur faifanr confondre
les idées de figures & de fon ; car
que doit penfer un enfant dont la
Logique eft encore toute faine ,
lorsqu'il fent en lui même la faulTe-
te des prmcipes & des confequen-
ces dont on fe fert pour lui appren-
dre les premiers clemens des Let-
tres > Suppofons , par exemple ,
que le Maître lui faffe épelcrle mot
"jofeph , il lui donnera d'abord le
,faux principe J ,0 , que l'enfant ré-
pétera en fidèle écho ; enfuite le
îvlaître continuera par la taufle con-
séquence Jo\ des fyllabes ejfe , il en
concluera ^' ; des mors fé , ache , il
.en concluera fe. Et voilà juftement
£c qui révolte les yeux , l'oreille ,
Si la raifon de l'enfant.
En fuivant au contraire la vrayc
& jull:e dénomination des Lettres ,
c'eft-àdire , en ne leur donnant
pour nom que leur propre fon , en
les mettant fur des cartes détachées,
& en les arrangeant fur la table du
Bureau Typographique , l'enfant
en apprend aifément la vraye va-
leur , &c s'en fait un jeu & un ama-
fement.
Par le moyen du Bureau , il ap-
prend à écrire en apprenant à lire ;
mais il n'eft; befoin ni d'encre ni de
papier pour cette nouvelle manière
d'écrire. Il ne faut pour cela que
l'exercice de l'Imprimerie du Bu-
reau.
Au refte , ce Livre contient alter-
nativement des leçons de pure
Théorie pour les Maîtres , & de
lîmple pratique poui: les enfans. On
fe flatte qu'ils y apprendront en
peu de tems à lire à Livre ouvert ,
& plus par principe que par routi-
ne. A chaque leçon de l'enfant les
Maîtres en trouveront une pour
eux qui les guidera dans la nouvel-
le manière de montrer les premiers
clemens des Lettres. C'eft dans cet-
te relation continuelle de la leçon
du Maître à celle de l'enfant, que
confifte le principal avantage de
cette Méthode.
Après la Préface on trouve îc
Certificat de la Société des Arts en
faveur de la Machine & delà Mé-
thode du Bureau Typographique.
On lit enfuite la table des noms des
dix-huit fortes de caraéferes em-
ployés dans l'impreffion de ce Vo-
lume. Il auroit peut-être été mieux.
^1,4' JOURNAL DE
de prévenir le Lcdeur fur cet arti-
cle , Se de l'inftruirc un peu plus
que par le fciil nom des cara»5lcres à
mcfure qu'on les a em|jlo) es.
Le corps de l'Ouv.age cft divifé
en trois yl b c ou en trois Parties.
La première donne vingt de une
Leçon fur les voyelles & confonncs
grandes &C petites , relTcmblantcs
ôc non reffcmblantes , fiinples ou
conipofécs, grifcs ou hilloriées avec
Ja preuve de la véritable dénomi-
nation qui eft la bafe de tout le Sy-
ftême.
La féconde Partie donne quinze
Leçons fur les combinaifons des
voyelles avec les confonnes finales,
initiales & médiaies , fi m pies &
compofées , ou fur les fvllabes élé-
mentaires qui font la clef de la fyl-
labization.
La troifiéme Partie dorme qua-
torze Leçons pour les monofylla-
bes , pour le Syllabaire , & enfin
pour toutes fortes de mots faciles ,
difficiles , &: propres à mettre un
enfant en état de bien épeler & de
lire à Livre ouvert.
Notre Auteur commence par les
voyelles & par les fons fimples,
avant que de pa(Tcr aux confonncs.
Se aux ions compofés. Il commence
par les grandes Lettres , parce
qu'elles font plus régulières , plus
fîmples , plus dillindes , & moins
reflTcmblantcs que les petites.
Qiiandles Lettres ont plufieurs va-
leurs indéterminées , on leur don-
ne une dénomination compofée.
Par exemple , on appelle ce , k^ le
caradcrc C d.uis les mots cdca ,
Cectops. Et gega , la Lettre G dans
S SÇAVANS,
le mot gigas -, féz.é , la Lettre/
dans le mozfifer; teci , la Lettre t
dans le mot jitftitia , 5cc.
Avant que de combiner entr'el-
les les quatre petites Lettres relfem-
blantcs b , d ^p , f , on les a com-
binées avec leurs capitales B ^ D ^
B , Q^ pour foulager la mémoire
des cntans dont la tète s'embrouille
ordinairement à la vue de ces peti-
tes Lettres refiemblantcs h, d,p^ e^^
au lieu que les quatre grandes Let-
tres qui leur répondent , fe rete-
nant plus facilement , fervent en-
fuite .à fixer l'imagination pour les
petites dont l'idée cil: réveillée pat
les grandes , &c dont le diftindif cft
enfuite remarqué par les enfans , ce
que bien des grandes pcrfonnes
ignorent toute leur vie.
Le premier Abc roule encore
fur les voyelles nazalles an,enJn^on^
un , fur les voyelles à points , à tré-
ma , à accens , &c. fur les difton-
gues vrayes ou fauffes , fur les liga-
tures ou lettres tirées, fur les com-
binaifons impropres de plufieurs
voyelles pour défigner un fon fim-
ple , & enfin fur la divifion des
confonnes.
On voit dans la douzième Le-
çon que Ciccron & Quintilien n'é-
toient pas fi cfclaves des étymolo-
gies que la plupart des Sçavans
d'aujourd'hui. On y remarque que
Chilpéric ne fut pas afTez puifiant
pour introduire dans notre Alpha-
bet les doubles Lettres des Grecs ,
& que MclHeurs de P. R. auroient
fouhaité qu'on eûtfupprimé la Let-
tre h des mots écho ^ Bachus , pour
ne point tendre de piegc aux en-
fans.
A V R I
la vingt-unième Leçon contient
àcs reflexions nouvelles fur la natu-
re des liquides / , w , n ,r: l'Au-
teur remarque qu'une de leurs pio-
prietez eil: de ne pouvoir fe divifer
en fortes , ou en toibles , comme
les autres confonnes. Il examine
enfuite pourquoi de ces quatre con-
fonnes qui étoient liquides chez les
anciens , il n'y en a que deux qui
le foientdans notre langue , fçavcir
t êcr; fi le nombre &c le choix des
liquides eft arbitraire dans les lan-
gues î Si toutes les confonnes peu-
vent devenir liquides par l'habitu-
de & le fréquent ufage? L'Auteur
convient qu'à force de joindre deux
eonfonnes dans la même fvUabe ,
en peut acquérir plus de facilité à
les prononcer •, mais il croit qu'in-
dépendamment de l'ufage il y en a
qui font plus propres à s'unir en-
feniblc les unes que les autres ; &
que c'eft apparemment dc-là que
dépend le plus ou le moms de dou-
ceur des Langages.
On verra dans le fécond y4 b c
pour quelle raifon l'Auteur donne
les combinaifons cih ^eb , ib , ob^ ub
avant les combinaifons b^ ,l>e , l'i ,
bo ^ bti ■■, Se pourquoi à l'égard des
Lettres équivoques & captieufes c ^
g , f-, il a changé l'ordre des combi-
naifons vulgaires , & donné celui
âQca,fe^fi^co,cn; ga Je Ji, go,
gH , &C.
Au lieu de faire imprimer dans
le troihémc Abc d'une manière
disjointe & féparée les fyllabes du
Tater ^ de ï Ave & du Credo , l'Au-
teur a cru qu'il étoit mieux de don-
îiei aux enians de vrais jnonofyila-
t ; 17 5 5- 23 j-
bes avant de les faire pafler aux po-
iifvlbbes. Ce qui lui donne occa-
fion de difcuter la manière dont
Ramus & Meilleurs de P. R. pré-
tendent que les confonnes qui peu-
vent fe joindre enfembie au com-
mencement d'un mot , doivent
aulfi fe joindre au milieu fans être
féparées , & qu'ainil il faut épelet
a-ptns , do-Biis , & non ap-tus ,"
doc-tus , &c. L'Auteur , malgré le
refpeâ: dû à de fi habiles gens^ écho
peut-être les uns des autres , prend
la liberté d'établir le principe con-
traire , parce qu'il le trouve plus
naturel, plus fimple , & plus faci-
le à pratiquer.
A l'égard des Leçons 38 , 39 , &
40 , qui femblent d'abord être
pour l'entant , on les a données au-
tant & plus pour les Maîtres que
pour leurs Difciples. On a mis tout
au long fur le papier ce qui fe pro-
nonce en faifanc épeler ; & l'on a
cru que par cette voye les Maîtres
dociles & capables de reflexions
feroient plutôt au fait de la nouvel-
le dénomination des Lettres.
L'Auteur , dans l'art d'épeler ^
imite la pratique des Muficiens. li
s'attache au fon bien plus qu'au
caradlere ; & il donne dans la qua-
trième Leçon beaucoup de mots
faits exprès & épelés tout au long ,
pour faire voir l'avantage de la nou-
velle Méthode , & de la vraye dé-
nomination des Lettres fur l'anciea
ufage & la Méthode vulgaire.
Les Leçons 46 & 47 font d;'S Pic-
ces de led ures compofées de mots
faits exprès , pour démêler la rou-^
tine d'avec h fcience à^s cnfans^
23^ JOURNAL D
qui fouvcnt p.irtcnt pour fçavoir
lire fans bien connoîtrc les Lettres.
L'eflai que l'Auteur a fait de cette
pratique lui donne un ton de con-
fiance qu'il n'auroit jamais ofé
prendre avec la feule Théorie.
Au reftc , comme les difcuiTions
élémentaires font peu fufccptiblcs
d'agrémens , Se qu'il n'y a rien
qu'on ne puilTe traduire en ridicule,
pour fatjsfaire le goût de ceux qui
ES SÇAVANS,
cherchent à rire plutôt qu'.i s'in-
ftruire : il feroit aifc de travcftir les
fingularitez inftruétjves dont ce
Livre nous a paru fcmc. Pour nou$
animes de tout un autre efprit,nous
exhortons l'Auteur à donner incef-
famment h fuite defon Ouvrage ,
afin d'enrichir la République des
Lettres d'un Livre qui paroît lui
manquer.
LE REPOS DE CTRVS , OU VHISTOIRE DE SA VIE ;
- depuis fa lù'^jitfja'kfa 40= année. A Paris, chez Briajfon , rue S. Jacques,
a la Science. 1731. voL /«-iz. diviféen 3 Tomes-, le premier, pp. iiz.
le fécond, pp. 103.1e troifiéme, pp. i jo.
L'A U T E U R , après avoir ju-
ftific dans fa Préface l'inclina-
tion que les hommes ont naturelle-
ment pour les fables , prévient les
objections qu'on pourroit faire con-
tre le titre même de fon Ouvrage.
Il foiitient qu'un Roi pacifique &
fage nous prefente toujours l'ima-
ge d'un Roi en repos , mais dans
un repos qui n'efi: point oifif , &
d'où nailTent des adtions convena-
bles a l'épopée ; il nous en promet
donc de telles dans fon Hiftoirc ,
mais en même tems il avertit qu'il
a cru devoir en bannir les Divini-
tez fabuleufcs , pcrfuadé que les
belles adions de fon Héros en pa-
roîtroient plus imitables , dès
qu'elles feroicnt regardées plutôt
comme l'effet de la fimple nature ,
que comme celui du fecours conti-
Cucldes Dieux.
Il fc flatte qu'on ne le chicanera
point d'avoir cherché à deviner les
fages mefurts par iefqucUcs Cyrus
éleva îes Perfes au comble de la
puifTance & de la grandeur. Il lui
fuflît de ne rien avancer qui ne foit
vraifemblable 5 c'eft lur ce principe
qu'il place les évenemens qu'il en-
treprend de décrire, depuis la 16*
année de Cyrus jufqu'à fa 40^ , &
cela avec d'autant plus de raifon ,
que les Hiftoriens Grecs ne nous en
apprennent rien pendant ce long
intervalle.
Au refte , Jt l'on trouve quelque
Kipport entre cette Hifloire & celle de
notre tems i l'Auteur déclare que
c'efl un avantage qui s'efl prefente de
lui-même , & qi{il n'a ofé refufer 4
la vertu qu'il y dépeint.
Dans le premier Tome on nous
reprefentc Cyrus à la fleur de foi>
âge , fupcrieur aux attraits de la
volupté Si de l'amour. Son perc
Cambyfe n'avoit cédé qu'avec
peine à l'empreflcment que témoi-
gnoit Aftyages pour voir fon petit
fils, Cambyfe craignoit que la vie
molle
A V R I
tîiolie des Mcdes n'effaçât les heii-
rcufes difpofitions qu'une éduca-
tion févére & commune pour lors
à tous les enfans parmi les Perles ,
avoit formé dans le cocuv du jeune
Cyrus. » Il étoit dans l'âge où les
» grâces préparent & annoncent
» feulement la Majefté ; on lifoit
M dans fes yeux lecaradereadmira-
i» ble de fon cœur -, la jeunelTe avoit
3> répandu tous fes charmes fur fa
M perfonne ; les exercices du corps
» en le perfedionnant , lui avoicnt
» donné un air de force & de vi-
wgueur au de (Tus de fon âge ; fa
» taille & fa démarche achevoient
» de former en lui cet aflemblage
»> de qualitez. extérieures , qui ne
» décident que trop fouvent du
S) mérite en amour.
Arafpe , à qui Cambyfe avoit
confié l'éducation de Cyrus jugea
3u'il falloit le prémunir contre les
angers aufquels il alloit être expo -
fé à la Cour d'Ecbatane , c'eft dans
cette vue qu'il fe crut obligé de lui
donner une véritable idée de l'a-
mour, & de lui apprendre à diftin-
guer ce que cette paffion a de légi-
time & d'honnête d'avec ce qu'elle
a de déréglé & d'odieux.
Cesleçons ne demeurèrent pas
îong-tems inutiles ^ quatre Dames
de la Cour firent tout à la fois des
defleins fur Cyrus ; elles l'attaquè-
rent fur fon infenfibilité dans une
promenade où elles le joignirent
comme par hazard. L'Auteur nous
donne le portrait de ces quatre per-
fonnes •, quoique toutes d'un carac-
tère très-différent , elles ne connoif-
Jbient point , dit- il, d'amour exempt
AvrH,
L, 173 ?• 2J7
de vice. Elles furent agréablement
furprifes de voir que Cyrus ne fc
délendit point d'être fenfible au
mérite des femmes & de ce qu'il
leur répondit même qu'il avoit ap-
pris d'Arafpe à les aimer. Cepen-
dant comme elles craignoient que
les infl:ru6tions de ce fage Gouver-
neur ne s'accordafTent pas entière-
ment avec leurs vues , elles le priè-
rent de leur expliquer fes fenti-
mens fur l'amour ■■> & c'eft ce qu'il
fit , mais d'une manière indirefte ,
en leur racontant l'Hiftoire de Bra-
ma Roi des Indes. L'Auteur nous
la donne ici fous un titre féparé , à
la manière de ce qu'on appelle Nou-
velles dans les Romans Efpagnols.
On en trouvera encore quatre au-
tres du même genre dans la fuittf
de cet Ouvrage.
On nous peint ce Brama comme
un Prince naturellement bon, mais
qui n'aimant que par les fens & qui
fe livrant indifféremment à des
femmes d'un même caradtere ,'
tomba peu à peu dans des excès qui
penferent caufer fa perte. Heureu-
lementpour lui il devint fenfible
aux charmes d'une perfonne qui
penfoit plus finement & plus no-
blement fur l'amour , & bien-tôt
la plus tendre amante , dit l'Auteur ,
vint à bout de former le meilleur & le
plus jufle des Rois.
Les Dames s'apperçurent aifé-
ment du but d'Arafpe dans ce ré-
cit , mais Eglé une d'entre elles ,
fans s'arrêter à le critiquer comme
avoient fait fes compagnes , imagi-
ne fur le champ une autre Hiftoirc
qu'elle raconte dans l'efperancc
238 JOURNAL DE
d'effacer l'im picirioii que celle li'A-
xafpc auroic pu taiicdaiis rcfprit de
Cyrus. Un ora.;c qui fiuvient , l'in-
terrompt jultcment dans l'endroit
où la narration devenoit délicate ,
on cft obligé de s'en retourner au
Palais , & depuis ce tems Eglé ne
trouva plus l'occalion d'achever
fon Hiftoire. Elle prétcndoit mon-
trer , qu'en matière d'amour les
plailirs du cœur ne font que chimè-
res , qu'il faut le chercher ce plailir
dans la fatisfaction des fcns , & que
l'amour réduit aux Icntimcns étoit
un amour mét^iphyfi^ue cjiie notre ima-
gination échauffes forme àfes dépens.
Cette première tentative de la
part des Dames fut fuivie d'une in-
finité d'autres , elles firent entre
elles une efpcce de conjuration con-
tre la fagelîe de Cyrus. Ce Prince
cfiiiva des attaques de toutes les ef-
peces. Les prudes , les coquettes ,
les femmes vraiment pallîonnées
comme celles qui fcignoient de
l'être , n'oublièrent rien pour s'en
faire aimer. Mais fa vertu &c les
confeils d'Arafpe rendoient tous
leurs projets inutiles.
Aftiage même qui d'ailleurs fe
piquoit de galanterie , devint com-
me jaloux de la fageife de fon petit
fils. Il le raiUoit quelquefois fur fon
indifférence pour la beauté. Cyrus
répondoit » qu'il n'y avoit perfon-
» ne fur qui la beauté ht plus d'im-
» preirions que fur lui -, mais qu'il
» la vouloir accompagnée d'un
»cœur capable d'aimer ; c'eft ce
aa cœur que je cherche ^ difoitil , je
» ne crois pas qu'il foit impoflîble
-M de le trouver. Il en defefperoit
S SÇAVANS;
» cependant quelquefois \ parc^
» que , ftlonlui , le cœur n'cntroit
w pour rien dans l'amour des fem-
n mes , & qu'il ne confuitoit que
n fon cœur dans les fiens.
Il fe lailfa pourtant un peu atten-
drir d'abord par les malheurs , Si
enfuire par les attraits d'une Prin-
celfc étrangère qui s'étoit réfugiée
à la Cour d'Ecbatanc ; mais avant
que Cyrus lui eut encore déclaré
fon amour , elle eut l'indifcrction
de fe vanter des attentions particu-
lières qu'il avoit pour elle. Il n'en
fallut pas davantage pour l'en dé-
goûter fans retour. Il crut avec
Aralpe que la même vanité qui
avoit rendu cette PiincelTe indifcré-
te pouroit aulll la rendre inronftan-
tc.
Dans ce même tems Cyrus prie
du goût pour la chalfe , qui a toil-
jours été l'exercice des Héros &: l'i-
mage de la gueire , & il l'envifagea
par le confeil de fon Gouverneur ,
comme un moyen de fe préferver du
faux a?noiir en attendant ^u'il eut
trouvé le véritable.
L'exemple de Cyrus entraîna les
jeunes Seigneurs de la Cour. Les
Dames en murmurèrent-, mais el-
les ne furent pas les feules -, des per-
fonnesfenfcesaccuferent Arafpe de
fouflrir que Cyrus y donnât trop de
tems , mais ce fage Gouverneur (s
confoloit de ces murmures en pen-
fant que ceux qui font chargés de
l'éducation dun Prince doivent lui
facrificr même jufqu'à leur propre
réputation & parce que dans le
fonds il étoit vrai que ce divertifle-
menc n'étoit point pour Cyrus une
A V R I
occupation efTcntielle qui dimi-
nuât l'application qu'il devoit aux
chofes plus ftriieules.
On verra dans l'Auteur par quel-
le avanture Cyrus , dans une par-
tie de chaire , trouva l'occaiion de
;fignaler fon courage contre Balbys,
fils du Roi d'Alîyrie ; comment
après la défaite & la fuite de ce
Prince , CalTandane devint avec fes
femmes, prifoiiniere de Cyrus, &
l'impreflion fubitc qu'il fit fur le
cœur de Ja PiincelTe , impreiîîon
d'autant plus furprenante qu'elle
penfoit de l'amour comme lui , les
gens qui fe reffemblmt Ji fon ne font
pas , dit l'Auteur , long-tcms à s'ai-
mer. Mais la timidité de l'un & la
modeftie de l'autre les empêchoient
de fe découvrir réciproquement
leurs fentimens. Les Dames de la
Cour leur épargnèrent l'embarras
d'une déclaration ; elles obligèrent
Cyrus & Caflândane à convenir de
bonne foi qu'ils s'aimoient, mais
ils n'en furent pas plus heureux. Les
Ambafladeurs du Roi d'AlTyrie
vinrent redemander la Princeffe
d'Arménie ; quoiqu'elle n'eût ja-
mais eu de goût pour Balbys , fon
devoir l'obligeoit à facriher fes in-
cUnations à la volonté de fes pa-
ïens ; d'un autre côté la générofité
ne permettoit pas à Cyrus d'enle-
ver à Balbys une perfonne qui lui
étoit promife. Il fit donc un noble
effort fur lui-même , &: confentit
au retour de CalTandane. Après
cette trille féparation , Cyrus ne
voyant plus rien à Ecbatane qui
n'excitât fes regrets , & preffé d'ail-
leurs du defir de revoir fon père ,
L , 173 5- 239
quitta la Cour d'Aftyage , »> &: les
>y jeunes Seigneurs le fuivircnt fur
" les frontières de la Perfe, & ne fc
» fcparerent qu'avec peine d'un
" Prince , qu'ils regardoient déji
w comme le modèle des hommes
» & des Rois.
Dans le fécond Tome l'Auteur
développe les moyens dont Cyrus
fe fervit pour polir & pour civilifer
les Perfes. Ils avoient été jufqu'a-
lors vertueux , fobres , courageux,
infatigables ; Cambyfe lui-même
avoir toutes les qualitez neceffaircs
pour fe faire craindre & fe faire
eftimer 5 mais il ne fçavoit pas fe
faire aimer ; & tel étoit en gênerai
le caradere de la Nation , outre
qu'elle n'avoit aucune teinture des
Sciences ni des Arts. Cyrus, avec
l'agrément du Roi fon pere^ en-
treprit de leur apprendre à réunir
la vertu avec la douceur , & à join-
dre l'amour du travail avec le goût
des Sciences.
Il commença ce grand Ouvrage
par l'éducation des enfans i mais
pour le rendre plus folide S: plus
durable il partagea en différentes
Académies les hommes qu'il jugea,
les plus habiles parmi les Perfes &
les Egyptiens , il n'épargna rien
pour les acquérir à fa Patrie , & il
fit précifément à cette occafion ce
qu'on a vu faire à Louis XIV. pour
la perfection des Sciences & de$
Arts.
Au milieu de ces occupations ,
Cyrus reçut une Lettre de Caffan-
dane , par laquelle elle lui appre-
noit que la mort de Balbys avoit le-
vé le feul obftacle qui s'oppofoit i
Hhij
^40 J O U R N A L D
leur amour. Cette PrincclTc avoir
déjà déclaré à fon père toute fa ten-
dreflc pour Cyrus , elle la croyait
trop pure pour en rougir. Cambyfe &
Mandane l'approuvoient, ainfi le
mariage fut bien tôt conclu , 5c
célébré à Hécatonpyle , où la Prin-
celTe ne fut pas long-tems a fe ren-
dre. Comme elle aimoit les beaux
Arts , les Poètes & les Mulîciens
célèbres qui compofoient les Aca-
démies dont nous avons parlé , fi-
rent éclater leur génie & leur goût
dans les différentes fctes qui furent
données à cette occafion. Les por-
traits des lUuftres qui s'y diftingue-
rent , ou qui en général firent hon-
neur à la Perfe fous le règne de Cy-
rus fonttirés d'aprèsMeflieursLully,
Quinaut, Corneille , Racine , Def-
preaux , Molière , la Fontaine , de
Fénélon , de la Bruyère , de la Ro-
chefouchaut , M. de Sévigné , M.
de la Motte , &c. &c même d'après
quelques-uns de nos célèbres Au-
teurs encore vivans.
Ce morceau eft travaillé avec
beaucoup de foin , on y a fait en-
trer des parallèles , des jugemens
fur les differens Ouvrages d'cfprir ,
des reflexions fur les moyens de
rendre les fciences plus utiles , des
précautions pour en prévenir l'a-
bus -, quelques traits de cette criti-
que fage & modérée qui fçait in-
ftruirefans ofFenfcr, & enfin l'apo
logie des Lettres contre ceux qui
prétendent qu'elles amolilTent le
courage.
Les exercices du corps avoient
fait jufqu'alors la feule gloire des
Perfes , Cyrus n'avoit garde de les
ES SÇAVANS,
fupprimcr ; il n'en corrigea qur
l'abus ; $c il voulut que dans les
mêmes Académies où l'on apprc-
noit à monter à cheval & à manier
les armes , tous jufqu'aux Nobles ,
fans exception , apprilfcnt un mé-
tier à leur choix.
Ce Prince vit avec fatisfadion
que l'introdudion des Sciences
dans fcs Etats , & la perfcdlion des
Arts qu'il avoit étendue jufqu'aux
plus mécaniques , n'alteroit ni la
probité ni le courage de fes peuples,
fcs exemples encore plus forts que-
les précautions qu'il avoit prifes
pour empêcher un mal fi ordinaire,'
les retenoient dans les principes
de la vertu. Cyrus en donnoit en
tout genre de grandes preuves ;
mais notre Hiftorien a cru devoir
rapporter unirait de fa fidélité pour
Ccifflmdane , ^tii lui a paru , dit-il ,
««I? des plus belles allions de pt vie.
On le trouvera fous le titre êCHi-
jioire de la Pnncjfe Corronée.
Cambyfe mourut dans le tems
que charmé des heureux fuccès de
fon his pour civilifer la Perfe , il fc
propofoit de lui en remettre le gou-
vernement. Cette mort fut bien-
tôt fuivie de celle de Mandane.
» Cyrus fut proclamé Roi avec de
«grandes démonftrations de joye.
» Ce que le Defpotifme le plus ti-
» rannique n'avoit pu faire arriva
M par la fagefle & par la bonté de
jîCyrus. Les Perfes qui a'/oicnttoû-
» jours confcrvé une efpcce de li-
>j berté fous les Rois les plus bclJi-
» queux & les plus féroces , fe cru-
» rent heureux de la perdre fous
» celui -ci , & ils éprouveient ^
A V R
j> qu'il n'y a point d'indépendance
c« préférable à l'obéiflance que l'on-
3> rend aux bons Rois.
On voit dans le troifiéme & der-
nier Tome tout ce qu'une politique
fage & modérée infpira à Cyrus
pour adoucir la dureté & la barba-
rie des loix qui avoient régné juf-
qu'alors parmi les Perfcs. Il les ac-
coutuma fur-tout à ne pas faire
eonfifter leur gloire dans celle des
armes , & à ne pas regarder la len-
teur des négociations comme un
outrage fait à leur valeur.
Arafpe voyant que fes confeils
avoient mis Cyrus en état de gou-
verner par lui même , lui demanda.
ia permifïïon de fe retirer. Ce Prin-
ce bien loin d'y confentir le décia-
X3, au contraire fon premier Mini-
ftte , 8c trouva ainfi le moyen de
concilier les intérêts des Perfes Se
ceux de fa reconnoiflance. Arafpe
contraint de fe foûmettre à là vo-
lonté du Prince, & qui ne crai-
gnoit dans les travaux que les hon-
neurs qui y font attachés , obtint
du moins de Cyrus qu'il le difpen-
latde porter le titre de fa nouvelle
dignité.
Les premiers regards du Mo-
narque tombèrent fur les malheu-
reux. Les prifons fuient ouvertes à
ktous ceux que l'avarice & l'ambi-
tion des Miniftres de fon père y te-
noient enfermés. Beroftar dont on
iit ici l'hiftoire , étoit de ce nom-
bre. Ces difFerens aftes de clémen-
ce furent fuivis de quelques ades
de rigueur qui coûtèrent beaucoup
à la générouté de Cyrus. De huit
Minières que fon père avoit, il n'en
I L , 17^5. 24r
garda que deux ; les fix autres qui
a.voicnt abufé deleur autorité , fu-
rent difgraciés. L'un d'eux nommé
Andros qui étoit le plus coupable ,
mourut dans les fers , & devint un
exemple mémorable des caprices ,
& des cruautez de la fortune ,
l'Auteur a cru devoir encore en rap-
porter l'Hilloire.
Ces changemens étoient à peine
faits, qu'il arriva de toutes parts deS'
Ambaffadeurs pour complimenter
Cyrus fur fon avènement à la Cou-
ronne , il en profita pour faire
avec leurs maîtres des traitez avan-
tageux au commerce de fes Etats,
Le mépris que les Perles avoient
toiàjours fait des richefles , les
avoit rendu pauvres , Cyrus crut
qu'il étoit plus à propos de courir
le rifque de voir croître dans fon
Royaume avec les richelfes^les vices
&c les paffions qui les fuivent ordi-
nairement que de lailfer fes fujets.
expofés aux malheurs & aux incon-
veniens qu'entraîne prefque tour
jours avec foi la pauvreté.
ïl travailla enfuite à reformer les
anciennes Loix , ou à en compofer
de nouvelles. Comme il voulait les
voir execHter^ il en fit peu. S'il y avoit
des châtimens pour ceux qui vio-
loient les Loix , la fidélité à les ob'
ferver étoit auflî recompenfée. On-
faifoit rarement mourir les coupa-
bles -, ils étoient condamnés à des
travaux utiles au public. Il eft vrai
qu'on voyoit peu de criminels en
Perfe , parce qu'il y avoit peude
miferablcs j l'extrême necejjité en fait-
toujours plus ejue la crainte des châti"
mens n'en arrête.
i^z JOURNAL D
Au rcfte , Cvrus étoit aulll équi-
table cnveis les étrangers , qu'avec
fes propres fujcts. Au lieu de profi-
ter des offres des Mcdes qui lui dé-
feroicnt la Couronne de leur Em-
pire , à condition de les i'oîitenir
dans leur révolte contre leur Prin-
ce légitime , il donna géncreufe-
ment à Cyaxarc des troupes qui le
mirent en état de faire rentrer les
rebelles dans leur devoir. Une telle
conduite étoïc tris oppofée aux an-
ciennes mœurs des Perfes. La mo-
dération de Cyrus éclata encore
dans les mouvemens qui s'élevèrent
parmi les differcns peuples de l'A-
fîe. Qiioiquelc plus jeune & le plus
puiflant de tous les voilîns , il aima
mieux devenir leur arbitre que leur
vainqueur. L'origine de ces trou-
bles vcnoit des Chaldécns &: des
Arméniens , Nations que l'intérêt
uniffoit depuis long-tems ; mais la
ialoufie de deux kmmes les divifa 5c
faillit à les détruire. » On n'eft ja-
» mais alfez en garde contre leur
» Empire , parce que ce font les
» grâces qui le leur donnent , quoi-
M qu'on ne s'y livre prefque jamais
» fans s'en repentir.
Cet événement que notre Hifto -
rien ne touche qu'en palTant , fit
fentir à Cvrus le bonheur qu'il goû-
toit avec Caffandane. Egale aux
hommes les plus capables de gou-
verner par la fuperiorité de fon
génie, elle bornoit tout Ion crédit
au foulagcment des malheureux.
On conçoir donc aiiement quelle
fut la douleur de ce Prince lorfqu'ii
fe vit menacé de la perdre ; elle-
même fe croyant à l'article de la
ES S AVANS;
mort fit appeller l'aîné de fes en-
fans , & lui fit un difcours que
nous louhaiterions pouvoir copier
ici. La fantc lui ayant été rendue
contre l'attente de tout le monde ,
ce retour incfperé laiffa à Cyrus la
liberté de parcourir fes Etats ; la
longueur de cet Extrait ne nous
permet point de détailler ici les me-
fures qu'il prit pour rendre ce
voyage utile à fesfujets , non plus
que l'Hiftoire du Solitaire de
Memphis que Cyrus eut lacuriofi-
té de voir fur les trontieres de U
Pcrfe.
Mais pour mettre le Ledeur en é-
tat de juger de la manière d'écrire &
de penfer de notre Hillorien , nous
rapporterons feulement quelques
traits d'une converfation que ce
fameux Solitaire eut avec Cyrus.
» Eft-il une Société vraiment
» aimable parmi les hommes , y en
» a-til même d'affurée ? Leurs cr-
»reurs pour être générales en font-
j> elles moins des erreurs î Ne font-
» ils pas fujets ou à des préjugez
n qui les égarent, ou à des paiîions
» qui les tyrannifcnt? Connoiffent-
n lis le vrai bien , le cherchent-ils ,
» ou l'embrafTent-ils quand ils l'ont
» trouvé ? Ne fuyent-ils pas la rai-
» fon qui les éclaire ^ pour coui ir
1) après de fauffes lueurs qui les
» trompent : Ils ne fçavent pas être
«aimables fans être vicieux , ni
35 vertueux lans celfer d'être aima-
»bles ■ qui neconnoîtroitk vraye
jjfageffe que par les exemples
«qu'ils en donnent, ne faimeroit
» point ; ils la défigurent quand ils
» ne l'effacent pas , ils font toi^s fot^
A V R I
« ou nicclians , ils ne méritent pas
" la complaifance qu'on a pour
M eux , il hue être à leur égard ou
"dupe ou fripon , & j'ai éprouvé
» qu'il cfl: extiémement difficile de
n n'être pas l'un ou l'autre , CTc.
Cyrus , après avoir quitté le So-
litaire de Mcmphis , reprit le che-
min d'Hécatonpyle dans larcfolu-
tion d'exécuter les projets que la
viië de fes peuples lui avoit infpiré
pour leur bonheur.
L'Auteur finit en difant que ce
fcroit ici le lieu de raconter l'Hi-
fioire des guerres de Cyrus , &; qu'il
l: 175 ?. 245
ne doute pas qu'elle ne fiitlûc avec
plus de plaifir que l'Hiftoircdc fon
repos ■^ mais il a cru qu'il feroit
plus utile d'expofcr aux yeux des
jeunes gens les tableaux des vertus
civiles de ce grand Prince que ce-
lui de fes vertus guerrières. Il pro-
tefte » qu'il fera bien dédommagé ,
» (ï l'on en conclut de cette ledure
» qu'il vaut mieux faire le bon-,
» heur du monde par un règne pa-
jjcifique , qu'en être la terreur &
"l'effroi par le carnage & par l'hor-
» reur inféparable de la guerre.
ARITHMETIQVE DEMONTREE , PJR VN PRESTRE DE
l'Oratoire , ci-devant Profejfeiir Royal de Mathématique dans Wniverfi-
tii Angers. A Roiien , chez Vh.'P. Cabnt ^ rue du Bec, proche la
MelTagerie de Paris. 1731. vol. tn-ii. pp. 21^. fans la Préface & la
Table.
IL n'y a guéres de matière fur
laquelle on ait tant d'Ouvrages
que fur l'Arithmétique-Pratique ,
mais l'Auteur clu Livre que nous
annonçons nefe borne pas à la pra-
tique : il y joint auffi toute la théo-
rie de cette Science.
La méthode qu'il fuit eft la mé-
thode ordinaire aux Géomètres ,
dans laquelle les élémens font di-
ftingués par propofitions que les dé-
finitions précédent au commence-
ment de chaque Chapitre : il a di-
vifé fon Traité en deux Parties : il
explique dans la première , les rè-
gles du calcul pour les nombres
entiers & pour les fradions. Il y dé-
montre toutes les pratiques , &
pour cela il les a fait précéder pat
des Théorèmes, & quand ces Théo-
rèmes font trop abftraits pour des
Commençans , il les éclaircit par
des exemples avant que de les dé-
montrer.
Dans la féconde Partie , il expli-
que les proportions , avec les prin-
cipaux ufages du calcul. Cette fé-
conde partie contient fix Chapitres.
Dans le premier ilenfeigne la Logi-
que des proportions , les règles de
Trois , de Société , & Teftamentai-
res. Dans le fécond il traite des rap/
ports réciproques , & y enfeigne
la Règle de Trois inverfe , les Rè-
gles d'alliage , d'égalité 8c d'inéga-
lité ; il y montre .1 refoudre fans
fradions l'alliage de trois chofes.
Dans le troificme il traite de la
Multiplication &: Divifion , des
rapports , des puiffances ^ & de
«44 JOURNAL D
l'extradlion des Racines. Il y fait
obfcrver qu'il y a des Règles de
Trois tant droites qu'inverfes , de
divers dcgrez , & il en explique la
pratique ; il y fait auflî une remar-
que fur le choix d'une échelle de
numération.
Le quatrième Chapitre roule fur
les Logarithmes , fur la conftruc-
tion des tables ^ & fur leur ufage.
Le cinquième , fur ces nombres
premiers & compofcs , l'Auteur y
démontre d'une manière très-fim-
ple , les incommenfurellcs ; il y
conftruit des tables de nombres
compofés, dont il y montre les ufa-
ges qui font plus commodes & plus
étendus que ceux des logarithmes.
Enfiti dans le fixiéme il propofe
des méthodes pour les queftions
difficiles. 11 fait voir quels font les
cas cil on peut refoudre une que-
ftion par la fuppofition fimple ou
par la double ; oc après avoir enfei-
gné ces deux règles , il montre à
ES SÇAVANS,
combiner la règle de fuppofitios
double avec la règle de Société, ou
avec une autre règle de fuppofi-
tion ; cnforte qu'il refont par ce
moyen , des queftions qui ont plu-
ficurs nombres inconnus.
Il y explique encore une règle de
rétrogradation , &c une règle de
commun divifeur , qui dans les cas
où elles conviennent , font d'un
grand fecours pour abréger.
Quoique cet Ouvrage contienne
beaucoup de chofcs , comme on le
voit par le détail que nous venons
de faire , l'Auteur ne laifle pas de
dire qu'il auroit été facile de com-
pofer un Volume plus ample ; mais
il croit avoir mis alfez de théorie ,
pour rendre rallbn de toute la pra-;
tique qu'il enfeigne.
On trouve a ja fin un Supplé-
ment où font expliquées quelques
pratiques touchant la manière de
compter les monnoyes de France.
IsfOVFELLES LITTERAIRES.
FRANCE.
De Paris.
Be s ançon.
NICOLAS Charmet , Librai-
re de cette Ville , débite Trai-
tez. de la Mainmorte & des Retraits.
Par M. T. I. Dunod, ancien Avocat
au Parlement, & ProfelTcur Royal
en rUniverfité de Befançon. Ce
Livre dont nous rendrons compte
inceffamment , eft imprimé à Di-
jon , chez de Fay. in-jf°. 173 j.
Le R. P. du Halde , de la Com-:
pagnie de Jefus , vient défaire im-
primer en deux feuilles in-fol. le
plan d'un grand Ouvrage fur la
Chine , qu'il prépare depuis long-
tems. Il eft intitulé : Defcriptioft
Geagrapbi^ue , Hijioricjue , Chrono-
logique , Politique & Phyjlque de la
Chine & de la Tartarie Chinoife-y
enrichie des cartes générales & par-
ticulières de ces Pays , de la Carte
géaéralej
À V R
générale , & des Cartes particuliè-
res du Thibet & de la Corée , & or-
née d'un grand nombre de ligures
& de vignettes gravées en taille-
douce.
On convient au commencement
de ce Programme , que nous ne
connoiflbns la Chine que très- im-
parfaitement , & que ce qu'on en a
écrit en Europe a fervi plutôt à ex-
citer la curioiîté du public qu'à la
fatisfaire. C'eft: ce qui a déterminé
le P. dit Hulde à travailler fans re-
lâche pendant pluficurs années à
une defcription qui piàt donner de
ce grand Empire & de fes habitans
des connoiffances plus fures & des
idées moins confufes que celles que
l'on en a eues jufqu'ici.
Quelque difficile que foit en
elle-même ou que puifle paroître
l'exécution d'une telle entreprife ,
le P. du Hdde fe flatte d'y avoir
pleinement réufïî , non feulement
par fes propres recherches , mais
plus encore par lefecoursdcs Mif-
uonnaires répandus dans toutes les
Provinces de la Chine , avec ief-
quels il a un commerce aflidu de-
puis vingt-deux ans.
Le féjour qu'a fait à Paris l'an-
née dernière le V.Conuncin^ ancien
Miflîonnaire Jefuite qui a palTé près
de trente-deux ans à la Chine , a
été pour l'Auteur un autre avantage
auquel il avoue qu'il ne devoit pas
s'attendre , mais dont il a eu grand
foin de profiter. Cet expérimenté
Miflîonnaire a examiné avec la plus
ierieufe attention & avec la plus
fevere critique l'Ouvrage que nous
annonçons , & c'eft en profitant de
Avril.
I L ; 175 j; 24;
fes lumières & de fes avis que le P.
d\i Hdde s'eft alTuré de l'entière
exaditude de tout ce qu'il y avance.
Aux recherches particulières
que l'Auteur a faites pour donner
une defcription de la Chine &; de
la Tartarie Chinoife auili complct-
te que le titre & le projet le pro-
mettent, il faut ajouter comme un
nouveau mérite & comme un pré-
cieux ornement de l'Ouvrage , qua-
rante & une Cartes toutes nouvel*
les de la Chuie , de la Tartarie Chi-
noife , de la Corée & du Royau-
me de Thibet. Elles ont été levées
fur les lieux avec la dernière exac-
titude par les Millionnaires qui ont
parcouru ces vaftes Pays la mcfurc
adluelle à la main , & elles feront
rédigées & gravées par les foins de
M. à'Anville , dont nous avons dé-
jà loiié plus d'une fois les Talens ,
la capacité , & le zélé pour la per-
fetftion de la Géographie.
Tel eft le précis de ce que con-
tient l'imprimé dont nous rendons
compte. Il ne nous eft pas pofliblc
d'abréger le détail dans lequel en-
tre le P. du Hdde de toutes les ma-
tières que fa defcription renferme ,
foit par rapport à la Géographie , à
l'Hiftoire tant civile que naturelle ,'
au Gouvernement , à la Religion ,
à la Police , aux mœurs , à la Litté-
rature & aux Sciences des Chinois,
foit par rapport à la méthode que
les Millionnaires Mathématiciens
ont cbfervée en dreflant les Cartes
dont nous venons déparier. Nous
fommcs forcés de renvoyer là-def-
fus nos Ledieurs au ProfpeUits mê-
me. Nous croyons qu'il nous fuflit
II
24^ JOURNAL D
d'apprendre tn général au public
que ce curieux Ouvrage cft aduel-
Icment en état de paroître , & qu'il
ne peut être retardé que par la gra-
vure des Cartes & d'un grand nom-
bre de figures. Il doit être en trois
on ijuntre W olumcs in-fol. & corfime
la ijUiinthé de Cartes & de flanches
tjii'il doit contenir obligera à n'en ti-
rer qu'un certain nombre d'exemplai-
txs ceux ejui en voudront avoir font
avertis de les retenir de bonne heure.
Ils pourront s'adrcjpr eu au R. P. du
Halde qui demeure à la. M ai fort
Trofejfe , rué S. Antoine , ou à P. G.
LE Mercier fils , Imprirneur-Li-
kraire , rué S. Jacques , au Lion d'or.
On aura foin ({informer ceux qui
auront retenu des exemplaires , du
îerns auquel on comtnencera l'impref-
Jton de l'Ouvrage , & du prix au-
quel il leur fera livré. Ce fera au plus
t(ird dans quatre on cinq mois.
Une Compagnie de Libraires a im-
primé Journal des principales Au-
diences du Parlement avec les Arrêts
qui y ont été rendus^ Nouvelle Edi-
tion , revue , corrigée & augmen-
tée de plufieurs Queftions &; Re-
glcmeas placés félon l'ordre des
tems. 1753. m-fol. 4 vol.
Cet Ouvrage a-, comme on fçait,
pour Auteurs trois Avocats au Par-
lement de Paris , Meilleurs Dufref
ne , Jamet de la Gtiejfiere , &c Nu-
pied; il étoit ci-devant en cinq Vo-
lumes ift-fol. Les Libraires aflurent
qu'il n'ont rien épargné pour rendre
cette nouvelle Edition , qui cft du
même caïadere que le Journal du
Palais , préférable aux Editions pré-
cédentes _, foit pour l'ordre , la cor-
ES SÇAVANS;
redion, & des augmentations con-
fiderables , foit pour la beauté du
papier &: de l'imprcllion.
J. B. Coignard hls , &; Hippolytt-
Louis-Guerin , rue S. Jacques , ont
en vente le DiElionnaire des Cas de
Confidence ^ décidés fiuivant les prin-
cipes de la morale ^ les ufiagis de la
Dificipline Ecclefiafliqite , l'autorité
des Conciles & des Canonifles ^ & la
Jitrifprudence du Royaume, Par feiiS
Meilleurs Delamet Se Fromageait ^
Docteurs de la Maifon ôc Société
de Sorbonne. 17J 3. in-fiol. 2 vol.
On a mis à la tcce de ces deux
■Volumes une Prélace où l'on ap-
prend entre autres chofes qu'il
avoir d.éja paru en 1714. Se /«-S",
un Eftai de ce DicTiionnaire fous le
titre de Refioliaions de plufieurs Cas
de Coyjficience touchant la morale dr
la dificipline de PEglifie , par feus
AiM. de Lamet & From.igeau , &
que la Colleétion que l'on donne
aujourd'hui n'eftque l'exécution de
la promclTc qu'on avoit tait alors
de donner plufieurs autrcsVolumes
femblables à ce premier. » Si le
» public a long-tems attendu ;
1» ajoiitent les Auteurs de la Préfa-
» ce , nous cfperons qu'il fe trouvc-
» ra dédommagé par l'ordre qu'il
» trouvera dans ce Di<flioanaire ,
M le choix des matières , le grand
» nombre de QueftioDS importan-
» tes , fur lefquelles les Cafuiftes ne
» s'étoient point encore expliqués ,
w l'abondance &c la folidité des
» preuves qui en appuycnt les dé-
» cillons , la netteté & la clarté du;
» ftile , &c.
A cet éloge du Livre fuccedeccs-
A V R I
luï des deux célèbres Auteurs.
M . Adrien-Angiiflin de Bitjfi de
Ldmet , dont on donne la Généalo-
gie, étoit d'une des plus illuftres fa-
milles dePicardie dans leBeauvoifis.
Il naquit en i6i\. fans qu'on
fpecifie ici ni le jour ni le lieu , &
mourut à Paris le lo de Juillet
M. Germain Fromageau , de la
naiffance duquel on ne marque
point l'année , étoit d'une famille
honnête de Paris. Il fut reçu de la
Maifon & Société de Sorbonne en
\6Si. & mourut le 7 d'Odobre
1705.
Le refte de la Préface eft employé
à faire voir l'utilité de cetOuvrage,
& il ne nous refte à ajouter à cet
article qu'une chofe également in-
teredànte pour le public & pour les
Libraires , c'eft que ces deux Volu-
mes font très-bien imprimés..
On trouve chez le même Coi-
gnard ïc Difcours Latin prononcé
au Collège de Louis le Grand le 13,
Mars dernier , par le R. P. Porée^
l'un des Profelleurs de Rhétorique;
fous ce titre. Theatrumft ne aut ejfe
fojfit Schola moribus informandis ido-
■nea. Oratio , &c. \-ji,i.in-j^°.
BibliothéijHe des Théâtres. Conte-
nant le Catalogue Alphabétique des
Pièces Dramatiques , 6c Opéra , le
nom des Auteurs & le tems de k
ïeprefentation de ces Pièces. Avec
des Anecdotes fur les Auteurs &
iur la plupart des Pièces contenues
en ce Recueil. Chez Pierre Frauh ,
Quai de Gêvres , au Paradis. 1.7 3 5»
Jean Dejaim , rue Saint Jean de
L i iT^3\ 34-7
Beauvais , vis-à-vis le Collège , a
donné une féconde Edition du
DiElionnaire abrégé de la Fable, pour
l'intelligence des Poètes <3 la connoif-
fance des Tableaux & des Statues ^
dont les fiijets font tirés de la Fable.
Par M. Chon.fré Maître de penfioii..
1733. /»-iz.
On a employé un petit caradiere
dans cette féconde Edition , aSa
que le Livre étant réduit en un
moindre Volume , malgré les aug-
mentations confiderablcs qu'on y a
faites , on pût le porter fans embar-
ras , & s'en fervir plus aifément
dansl'occafion. Quoique cet Ou-
vrage paroilTe fort abrégé , l'Auteur
fe flatte cependant de n'y avoir rien
omis de tout ce qu'on peut defiret
fur cette matière.
Hifloire ancienne des Egyptiens^
des Cartaginois , des Ajfyriens , &c.
par M. Rollin. Tome V°. Cher la
Y evwc Etienne ^ rue S. Jacques , ài
la Vertu. 1733 in-ii.-
Traité d^ l'Opinion , ou Mémoi-
res pour fervir à l'Hiiloirc de l'cf-
prit humain. Chez Charles Ofmont ,,
êc Grégoire- AntoîneDw/'w/j. i>3 3.-
in-it. 6. vol.
Principes de l'Hiftoire. Contenant
I. les Elémrns de la Chronologie.
II. un petit Traité de la Sphère 6c
du Globe Terreftre , pour fervit
d'introdudion à la Géographie ,
accompagné de la divifion géogra-
phique & Hiftorique de l'Empire
Romain en fes Provinces. III. L'a-
brcgé de la Vie des meilleurs Hi-
ftoriens, avec un jugement fur leurs
Ouvrages. IV. Quelques reflexions
fur l'ufage de i'Hiftoire ^ & fur k
«48 JOURNAL D
manière de l'étudier utilement. V.
Une idée générale du Gouverne-
ment des principaux Etats de l'Eu-
lopc , anciens &: modernes. Par M.
Juvenel. Chez Barthélémy Alix ^
ïue S. Jacques , au Griffon. 173 3.
in-\z.
Troifiéme feuille de la Carte To-
pographique des Environs de Paris,
de M. l'Abbé de la Grive , laquelle
comprend le Parc &: la Varenne
S. Maur , la Plaine de Créteil juf-
qu'à ViUe - Neuve S. George , le
Château de Gros-bois & fes envi-
rons , Si la partie de la Bric com-
prife entre Emery & Servon. Chez
l'Auteur , Cloître S. Benoît.
L' Académie Françoife a fait fça-
voit au Public que le 25° jour
d'Août prochain. 175 3. elle donne-
ra le prix d'éloquence fondé par M.
de Balz.ac. Le fujet fera , de la
modération dans la difpute , félon ces
ES SÇAVANS;
paroles de l'Ecriture Sainte : Ref-
fonjio mollis frangit iram. Cap. 1 5 .
verf. I.
Le même jour elle donnera le
Prix de Poefic , fondé par M. de
Clermont de To>inere. Le fujet fera ;
Les Progrès de la Sculpture fous le ri"
gne de Louis l^Gk AND. Celui qui
remportera le Prix de Profe de cet-
te année 1753. recevra deux Mé-
dailles d'or au lieu d'une , parce que
l'Académie n'a point encore donne
le Prix de Profe en 17 3 1.
L'AflréedeM. «^'Urte' , Paflora-
le Allégori<^ue , avec la Clé. Nouvel-
le édition. Où fans toucher ni au
fonds ni aux Epifodes , on s'eft con-
tenté de corriger le langage , & d'a-
bréger les converfations. Chez Pier-
re Fitte , rue S. Jacques , & Didot ^
Quai des Auguftins. 1733. in-iz.
10 vol. avec 60. figures entailles-
douces.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Avril 173J.'
LE SpeSlacle de la Nature , &c. page 151
Explication du Livre de la Genéfe , &c. 1^8
Explication du Livre de Job , &c. ioi
Dijcoursfur les différentes figures des Aflres , 8cC. 2ctf
Hijloire de V Académie Royale des Sciences , &c. a 1 8
La Bihliothémte des Enfans ^ &c. 23 1
Le Repos de Cyrus , &c. 23^
Arithmétique démontrée , par un Prêtre de l'Oratoire , &c. 24 j
Nouvelles liitteraires , 244
Fin de la Table
L E
JOURNAL
DES
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXIII
MAY.
A PARIS;
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay de$
Auguftins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXX IIL
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY,,
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
3
MAY M. DCC. XXXIII.
TVSCVLANE DE CICERON SVR LE MEPRIS DE LA
mort ; traduite par Ai, l'Ahbé cTOUvet , de V Académie Françoife. Avec
des Remarqua de M. le Prifiâem Bouhier , de la même Académie , fur
le Texte de Ciceron. On y a joint le Songe de Sctpion. A Paris chez
Canâouin , à la Belle-Image , furie Quai des Augiiftins. ijiiJn-n.
pp. 401.
L'ELEGANTE Verfion Fran- la Nature des Dieux , z îût conndi-
çoife que M. l'Abbé d'Olivet tre plus univerfellement au Public
a donnée des Livres de Ciceron fur ce que cet incomparable Ecrivain
May. ]R. r ij
248 JOURNAL DE
pcnfoit fur ce point li important de
la Religion. L'on ne devoit pas être
moins curieux d'apprendre fcs vé-
ritables fentimcns fur la nature de
l'Ame : & comme c'cft dans fa pre-
mière Tufculane qu'il s'en expli-
que le plus philolophiqucment ;
i'habilc Traducteur n'a pas manqué
d'être vivement follicité de prêter
pour une partaite intelligence de
cette Pièce , les mêmes fccours
dont on s'ctoit (î bien trouvé par
rapport à l'autre Ouvrage. Mais
quelque porté qu'il fût par lui-mê-
me à l'execiition d'une pareille en-
treprife -, deux raifons fcmbloient
l'en détourner ; l'une , qu'il paroî-
troit extraordinaire à beaucoup de
gens , que des cinq Tufculancs^ on
ne mît que la première en notre
langue -, l'autre ^ que pour un hom-
me comme lui ^ à qui cette forte
de travail ( dit-il ) coûte bien au-
delà de ce qu'il ofe l'avouer , ce-
lui de traduire en François les cinq
Tufculanes , devenoit des plus fa-
tiguans.
Four lever la première difficulté,
il confentit donc à les publier tou-
tes enfcmble , quelque peu de liai-
fon qu'elles aycnt cntr'ellcs , quant
aux fujets qui y font traités ; &
pour vaincre le fccond obftacle , il
rendit l'Ouvrage moins pénible
pour lui, en s'afTociant quatre amis,
dont trois étoient de l'Académie
Françoife. De ces cinq alTociés ,
deux font morts en 1718. &c 1729.
far.s avoir achevé leur tâche , favoir
^M. de U Motmoye & à'Ciy^ char-
gés de la féconde & de la dernière
Tufculane : deux autres peu fatif-
S SÇAVANS,
faits de leur vcrhon , l'ont abfolu-
ment abandonnée , quoique très-
capables d'y réuiîîr au gré des plus
juftcs Eflimateurs. M. l'Abbé d'O-
livet allègue ici pour principale
caufe de leur dégoût , le caradîere
de ces deux Dialogues , peu faits
pour paflcr dans notre langue &
pour s'y fa'ire lire agréablement •, ce
qui vient de la m,atiere obfcure &
peu intcrelTante pour nous fur la-
quelle ils roulent , & qui eft celle
des paillons traitées fuivant le Sy-
ftême des Stoïciens , fi peu confor-
me ( dit-il ) aux idées , aux maxi-
mes & aux motifs que nous avons
puifés dans l'Evangile. M. l'Abbé
d'Olivet eft donc le feul qui ait
fourni pleinement fa carrière , mais
il n'a pas tenu à lui , comme l'on
voit , que les cinq Tufculanes
n'ayent paru traduites en François.
Celle qu'il nous donne aujour-
d'hui nous dédommage de ce que
nous perdons aux quatre autres , &
c'cft un bonheur pour nous que le
courage ne lui ait pas manqué.
Deux circonftances y ont eu k
meilleure part 5 l'une, que dans la
diftriburion de l'Ouvrage , le meil-
leur lotlui étoit échu , c'eft-à-dire,
la première Tufculane , pleine de
reflexions didées par le feiis com-i
muil & à la portée de tout le mon-
de : l'autre , & qui eft la principale,
c'cft qu'il n'ii pu fe refoudre à en-
fouir les remarques de M. le Pré/î-
dcnt Bonhier fur le Texte Latin de
ce Dialogue : remarques entreprifes
uniquement pour accompagner la
verlîon deM. l'Abbé d'Oliver , Sc
£ dignes de voir ic jour , par toute
M A
fotte de confîderations. L'une des
plus prcirantes ctoit fans doute ,
comme le remarque fort bien notre
Tradudreur , le delîr de réveiller en
France le goût de la Critique , par
l'exemple d'un homme de ce rang
& de ce mérite. Il y a 200 ans que
ee goût y étoit tellement répandu j,
que nos Prélats même & nos Magi-
ftrats faifoient gloire de s'appliquer
à ce gervre d'étude , fur-tout par
rapport aux Ouvrages de Ciccron.
Relégués aujourd'hui dans les Col-
lèges , ils faifoient alors les délices
dctout ce que la Robe & le Clergé
avoient de plus confiderablc ; com-
me il eft aifé d'en juger par le dé-
nombrement qu'on trouve ici des
Evêques, des ^laîtres des Requêtes,
des Préfidcr.s , des Confeillers , qui
aidèrent le célèbre Lambin dans la
belle Edition qu'il donna des Oeu-
vres de cet Orateur.
Tels font les motifs qui ont enga-
gé M. l'Abbé d'Olivet à publier
féparément la première Tufculane ;
ainlî qu'il les expofc dans fa Préfa-
ce 5 après quoi il y travaille à com-
battre deux fortes de préventions ,
foit en faveur , foit au défavantagc
des Philofophes anciens , & qui
lui paroilfent également outrées.
Rien de moins raifonnable ( fé-
lon lui ) que de chercher du Chn-
ftianifme dans leurs opinions^ com-
me s'efforcent de le faire plufieurs
de nos Humaniftes 6c même de nos
Théologiens. Les idées de la Philo-
fôphie Payenne lui femblent auffi
peu d'accord entre elles & auffi peu
orthodoxes ici fur la nature de 1 A-
Hie , qu'aillears fur celle de la Divi-
Y , I 7 5 ?• a4j>
nité. En effet, bien loin d'en con-
clure , par exemple , pour chaque
Ame humaine , une fubflance indi-
viduelle , éternellement la même ,
fans altération 6c fans mélange ; il
faut regarder au contraire, chacune
de ces Ames , au fortir du corps,
comme devant fe réunir dans !'£-
ther à la prétendue Ameuniverfel-
le , où par confequent elle ne fub-
fifte plus que comme une goutc
d'eau dans l'Océan, 6cceffe d'appar-
tenir à tel ou tel individu : d'où il
fuit que l'Ame n'eft éternelle que
comme la matière, fujctte à diver-
fcs modifications , mais dont nulle
portion ne périt. C'eft en vûé de
recffifier la première Tufculane fur
ce point capital , que M. l'Abbé
d'Olivet y a joint le Songe de Sc't-
pion , qui nous offre deux Ames ,
celle de Scipion l'Africain 6c celle
de Paul-Emile , comme deux fub-
ftanccs permanentes individuelle-
ment diftinâics.
Mais fi nous ne devons pas envi-
fagcr les Philofophes de l'antiquité
comme nos oracles -, c'eft donner
dans une autre extrémité, d'en croi-
re la ledure dangereufe , parce que
leur dodrine contredit fouvent les
aiticles de notre foi. Nous lifons
tous les purs fans aucun pcril les
relations de nos plus faints Mifiion-
naires , qui nous entretiennent des
impietez les plus abfurdes de l'ido-
lâtrie moderne. » Qu'une rêverie
» ( dit l'Auteur ) parte d'un Stoï-
» cien ou d'un Talapoin , que nous
» importe ? Aux yeux de l'cfprit,
»ideux mille ans & deux mille
»j iicuës lent le même effet. Rien ,
2.S0 JOURNALD
M ce me fcniblc , n'ell; plus digne
») d'un homme fagc, que d'étudier
» hiftoriquement les opinions hu-
>i maines. Par là du moins on ap-
i> prend à ne point abonder en fon
»> fcns, puifqu'on voit les plus rares
» génies donner dans des travers.
«Aucun des Philofophes Grecs
» n'en fut exempt. « Mais d'un au-
tre côté , quelle obligation ne leur
at-on pas de tant de leçons utiles à
la Société, d'où elles ont banni peu
à peu la barbarie ? Ciceronles a raf-
femblées avec choix , pour nous les
prefenter fous le point de vue le
plus favorable ; Sc M. l'Abbé d'Oli-
vet croit pouvoir le mettre à la tête
des anciens qui ont le mieux fervi
la raifon , fans craindre qu'on pren-
ne cet éloge pour l'hommage fervi-
le d'un Traducteur. Mais , quoi-
qu'on en pcnfe , il demeurera toià-
jours ( cet hommage ) fort au-def-
fous de celui que rend le dode E-
rafme à l'Orateur Romain , qu'il
canonife prefque dans une Préface
de fa façon , imprimée à la tête des
Tufculaiies , & dont M. l'Abbé
d'Olivet nous donne ici le Texte
accompagné d'une Verfion Fran-
çoife. On lira l'un de l'autre avec
grand plaifir.
Il nous refte prefentement a ren-
dre compte plus en détail de ce qui
compofe ce Volum.e. On y trouve
d'abord la Verfion Françoife de la
Tufculane dont il s'agit &: du Son-
ge de Scipion : 5c cette Verfion ell
travaillée avec tant de foin , que
fans fe relâcher fur la fidélité la
plus fcrupuleufe à rejidrc les pen-
iées de l'Auteur ^ elle conferve par
ES SÇAVANS,
tout cette clarté , cette pureté , ccf-
tc noblelle d'expreflion , qui en ca-
raclerifc principalement le ftyle.
C'cll de quoi l'on pourra juger pat
le début de ce Dialogue. Nous Tal-
ions tranfcrirepour échantillon.
>' Qiiand )'ai vîi enfin qu'il n'y
3) avoir prefque plus rien à faire
» pour moi , ni au Barreau , ni au
» Sénat i jai fuivi vos confeils ,
"Brutus, & me fuis remis à
» une forte d'étude , dont le goût
» m'étoit toujours refté , mais que
» d'autres foins avoient fouvcnc
»> ralentie , ou même interrompue
» long-tems. Par cette étude , j'cn-
)» tens la Philofophie , qui eft i'é-
»i tude même de la fagefle , SiÇ
» qui renferme toutes les con-
» noiflances , tous les préceptes nc-
» ceffairesà l'homme pour bien vi-
M vre. J'ai donc jugé à propos de
n traiter en notre Langue ces im-
»j portantes matières j non pas
»» que la Grèce n'ait à nous offrir
j> 6c Livres , & Dodeurs , qui
•> pourroient nous les enfeigncr :
» inais il m'a toujours paru que nos
» Romains avoient , ou inventé
» d'eux-mêmes plusfagcment que
» les Grecs , ou du moins pertec-
»» tionné ce qu'ils avoient cru de-
M voir en retenir. Il y a dans nos
n coutumes 6c dans nos mœurs , il
» y a dans la conduite de nos affai-
» res domeftiques , plus d'ordre,
>> plus de dignité. Pour legouver-
» nement de l'Etat , nos ancêtres
» nous ont certainement lailfé de
n meilleures loix. Parlerai-je de no-
» tre Milice , toujours recomman-
» dable par la valeur , Je plus ea-
MAY
M core par la bonne difcipline ?
v) Tour ce qui pDuvoir , en un mot,
» nous venir de la narure , fans le
n fccours àj l'étude , nous l'avons
n eu , iraw a un tel point , que ni
30 la Géce , ni quelque nation que
» ce puille être, ne doit fccompa-
» rcr avec nous. Où trouver en effet
M ce fonds d'honneur , cette fer-
» mcté , cette grandeur d'ame , cet-
»> te probité , cette bonne toi , &
n pour tout dire enrin , cette vtrtu
}> fans reftriclion , au même degré
» qu'on l'a vîië dans nos pères ?
Comme les citations en vers font
fréquentes dans les Tufculanes ^ &
qu'il n'eft pas aifé d'y donner un
tour poétique en François , M.
l'Abbé d'OÎivet , pour vaincre cet-
te difficulté , a eu recours à M.
Roujfean fon ancien ami , qui a bien
voulu le fecourir en cette occalion,
& faire pour lui la plupart des vers,
qui fe trouvent dans la fuite de ce
Dialogue.
La Verfion Françoife eft accom-
pagnée des Remarques du Traduc-
teur , imprimées au bas des pages.
Elles font au nombre de 74, & elles
font principalement déftinées à
éclaircir quelque paffage de l'Au-
teur , à chercher la vraie fignifica-
tion de quelque mot , à difcuter
quelque point de Philofophie , de
Chronologie ou d'Hilloire , à faire
connoître plus particulièrement les
grands hommes de tout genre dont
il eft parlé dans cet Ouvrage , à in-
diquer les fourccs où Ciceron a
puifé , &c. & tout cela s'exécute
avec beaucoup de précifion , de
netteté & de juftelfe.i^ais à ia fin.
j 175 ?• 2;r
le Commentateur fe trouve i\ fsti-
giiépar l'evcèsde fa complaifance à
foulagcr les befoins d'un Lccleur
ignorant ou parcfleux , que la pa-
tience lui échappe , au fujet d'Epa-
minondas, & qu'il s'écrie , » Qui
» ne connoî: Epaminondasî A quoi
» bon des remarques , en pareil cas?
M Aujourd'hui pour fitisfaire des
n Leâ:eurs pareffeux , & qui ne
» veulent pas même ouvrir un Dic-
« tionnaire , il faudroit qu'un pau-
» vre Traducteur prît , à tout bout
"de champ, la peine de tranfcrire
1) des pages entières de fon Adoréri.
M. l'Abbé d'OIivet , à propos
d'un palTage du Poète Ennius que
cite ici l'Auteur , & dans lequel
parle un revenant de l'autre monde,
fait une obfcrvation pour mettre
dans un plein jour le danger qu'il y
a de fucconiber à la tentation de
mieux dire une chofe , qui d'abord
avoit été bien dite. Les vers dont
il eft ici queftion font originaire-
ment d'Euripide , qui s'explique
tout fimplement , & que l'on pour-
roit traduire ainfi :
Des portes de l'Erebc & des demeures
fombres ,
Je reviens en ces lieux
La Verfion Latine qu'on attribue
à Ennius , & qu'allègue Ciceron ,
tient beaucoup de la Paraphrafc ;
la voici :
Aifum , atcjne advenio Achereme >
vix via alta atque ardua ^
Ver Jfeluncas faxis JirH^a$ offerts ,
fendmibHS ,
25* JOURNAL DES 5ÇAVANS;
Maxlmis, ubi rigidA confiât crajf^t
caligo infemm.
Enfin la Vcrfion Françoife fait
une nuance diflcrentc, & va enco-
re au-delà en ces termes :
A travers les horreurs de la nuit infer-
nale ,
J'arrive en ce fcjoiir par un affreux Dé-
dale
De rocs entrecoupés , d'antres fuUgi-
neux.
De profondes forets & de monts cavçr-
Le Tradudeur produit un autre
exemple en confirmation de fa re-
marque, n C'eft ce vers , où Sapho
n dit de la manière du monde la
» plus finiple :
Celui-là me paroît égal aux Dieux:
M Catulle , non content de rendre
» ce vers , en ajoute un fécond, où
■» il enchérit de beaucoup fur l'orir
» ginal :
llle mi par ejfs Deo videtur ,
Il le ,/îfas C'A j fuperare divos :
«Encore ruct-il un corredif ,/y^i'
s>efl:
Celui-là me paroît égal aux Dieux ;
Même , s'il eft permis de le dire > au-dcf-
fus dcj Dieux.
n Mais ( continue M. d'OIivet ) M;
» Dcfpreaiix trouveroit cela foible ,
3> il demande hardiment ,
Les Dieux en fon bonheur peuvent-ik
l'égaler .'
» Un quatrième Auteur ( ajoûtc-
55 t-on ) qui voudra employer la
» même pciifée , fc croira obligé de
M pouiïer encore plus loin ; fût-ce
» d'ailleurs le plus naïf de nos
» Poètes :
Les Dieux , dans leurs raviflemcns ,
Les Dieux au milieu de leur gloire j
Sont moins Dieux quelquefois , que nC
font les amans ;
» Dit M. de la Fontaine dans fon
»t Opéra de Daphm , Acte 3.
S c E N E 4.
Pag. 78. Remarq. 9. » Au fujeC
» du lieu , où Ciccron avoit pris
»> naifiance , & qui étoit à une lieue
n À'.Arpinnm , Ville du Pavs des
» Volfqucs , M. l'Abbé d'Ôlivec
3) obferve que c'étoit là que l'Ora-
» teur Romain avoit celle de fes
9> maifons de campagne qu'il nom-
« moit V Académie , & dont Pline
» fait mention ( L.XXXI.C. 3.)
» en ces termes : Digna mcmoratit
» villa efl (jHam vocahat Ci-
» cero Academiam , ab exempt»
» Athcn.iriim : ( ibi compolitis
» Voluminibus cjufdem nominis: )
»in t^iia & monument a fibi inllaura-
K verat ^ &c. Sur quoi le Traduc-
» rcur nous informe d'une Anec-
» dote aflez llngulicre j fcavoir^que
h
MAY
» le P. Hardoiùn ^ dans Ti dernière
j> Edition de Pline , a rcnternié
M entre deux parenthéfes ( comme
•' on le voit ici ) ces paroles , ibi
n compojitis voluminibus cJHfdem no-
» mims j parce qu'il ne les croyoit
» pas de Pline -, & ia raifon éroit ,
»> que regardant les Livres Acadé-
i> miques de Ciceron comme des
» Ouvrages fuppofés & fabriqués
= dans le douzième ou treizième
j) fiéclc , par confequent il ne vou-
» loit pas que Pline en eût fait men-
" tion.
Voici bien une autre wyFo;^ , fur
l'origine de notre Orateur , & dont
nous fait part ici M. l'Abbé d'Oli-
vet {V^g- 8i. rem. 9. ) C'eft que/f
^ere CT la mère de Ciceron étaient ori-
ginaires , l'un de L'j4lbigeois , Vautre
du Vivares , fait avancé dans le
Journal des Sçavans du 4' Juin ,
1685. & dont on y affure avoir des
preuves certaines. Cela s'y débite à
l'occafion du Livre intitulé Furften-
bergiana , mis au jour par le P. Fri-
fon Jefuitc ; à Bourdeaux , en 1^84.
in~ II.
Sur le mot Grec {vt£asx«'« ou
fc^/eAt'xê'» , mis en œuvre par Arifto-
te pour défigner l'Ame , & em-
ployé ici par Ciceron (pag.éi.)
M. l'Abbé d'Olivet obferve com-
bien il eft difficile de comprendre
ce que ce terme fignihe. Il renvoyé
fur ce point à divers Savans que
l'on peut confulter , tels que Poli-
tien & André Schot , GaJJindi &
LeibnitXjt mais il avoiie » qu'après
»tous les éclaircilTcmens fournis
» par ces Ecrivains , on n'en fera
u peut-être pas plus avancé. Telle
; I 73 ?• ^ syj
uelf l'impoiTibilité d'y voir cl.-.ir,
» ( ajoi^ite-C-il j qu'elle a donne lica
» à ce conte ridicule , C^Hi'Hermo-
» liiis Barbarus , noble Vénitien ,
» & qui mourut Patriarche d'Aqui-
>»lée en 1439. eut une conférence
" avec le Diable , pour fçavoir de
» lui quelle idée Ariftote attachoit
Ȉ ce terme, dont il eft l'inven-
» teur.
Notre Traducteur ( pag. 35. )
s'étonne que l'Orateur Romain , fi
attentit à rehaulfer par-tout le méri-
te de fa nation , n'ai'jrpas daic^né
diftinguer de la foule des Epicu-
riens ( qui félon lui ) écrivoienc
fort mal, un Poète tel que Lucrèce,
qu'il oublie totalement dans tous
fcs Ouvrages Philofophiques ■■, n'en
difant que deux mots , encore pat
apoftille , dans une de fes Epîtres.
M, l'Abbé d'Olivet eft perfuadé ,
» que le filcnce affedé de Ciceron
» fur Lucrèce vient de ce qu'il fe
» faifoit une peine , & avec raifon ,
5> de rien dire qui pût tourner à la
» gloire d'une Sede , qu'on ne pou-
» voit trop décrier , parce que les
» principes d'Epicure , pris littera-
» lement, tiroient à des confcquen-
>i ces intinies pour les moeurs.
A la verfion & aux remarques de
M. l'Abbé d'Olivet fuccede le
Texte Latin de Ciceron accompa-
gné des remarques critiques de M.
le Prélldent Bouhier fur la premiè-
re Tufculane & fur le Songe de Sci-
pion. Elles font précédées (ces re-
marques ) d'une Lettre de ce favant
Magirtrat écrite au Tradudeur, &
dans laquelle il rend compte de cet
Ouvrage. Il a tiré de grands fecours
Ll
254 JOURNAL D
pour ce tv.r.'ail (dit-il) des deux
Editions des Tufculancs données
en 1709. & en 1713. par M.D.ww.
Il a de plus confukc avec fruit les
variantes fournies par le célèbre
Mf. de la Bibliothèque du Roi , &
celles qui fc font trouvées dans
trois MIT. de la Bibliothèque de
Lcyde. Les premières lui ont été
communiquées par M- l'Abbé d'O-
livet , &c les autres par M. Biirmau.
L'acquilîtion qu'il a faire , outre
cela , d'une ancienne édition des
Tufculancs , & qui ( félon lui )
pourroit bien être la première de
toutes , ne lui a pas été peu utile ;
& la notice qu'il en donne ici en
fait concevoir très-bonne opinion.
Comme il s'eft fait une loi de ne
rien repeter ici de ce que les autres
Commentateurs ont obfervé fur ces
deux Pièces , èc qu'ils n'ont lailfé
prcfque rien à remarquer fur ce
qu'elles offrent de plus philofophi-
que & de plus agréable , il craint
d'être tombé quelquefois dans la
fechereife. Mais quoique la plupart
de fes notes ne tendent qu'à épurer
le Texte de Ciceron , fi fouvent
défiguré par l'ignorance des Copi-
ftes i on peut dire qu'outre la finef-
fe d'une faine & judicieufe critique
d'où ces remarques empruntent
leur mérite capital , elles font écri-
tes avec tout le goût & tout l'agré-
ment dont elles font fufceptibles ,
& qui peuvent en rendre la lecture
intcrelTantc.
Du reftc , M. le P. Bouhier va
au - devant d'une objcélion que
font certaines gens •> Que c'cft fe
tourmenter en vain , que de pro-
ES SÇAVANS,
pofer des conjectures pour corrigez
dans le Texte de Ciceron de préten-
dues taures de Copifte , Icfquelles
ne font le plus fouvent que de pu-
res négligences de l'Ecrivain même.
A quoi le fivant Critique répond ,.
que fans pvètendre difculpcr abfo-
lument Ciceron de quelques négli-
gences de ftyle , il eft perfuadé
qu'elles étoicnt chez lui très-rares
& très-légères ^^ au lieu que les er-
reurs des Copiftes étoient il fré-
quentes & fi groflîercs , dans le fié-
cle même de cet Orateur , qu'il dit
quelque part à ce propos , de lati-
nis , ^uo ms vertam nefcio j ko, men-
dosi & fcribitntur ^ & veneitnt :
(juant aux Livres Latins , je ne fais
de cjuel coté me tour/ter ^ tant d s far-
tent pleins ds f Mite s , & des mains
de ceux qui les tranfcrivem , & des
Boutiques de ceux qui les vendent.
Cette réponfe de M. le P. Bouhier
paroît confirmée par le témoigna-
ge à'^fconius - PeJiantts , célèbre
Grammairien contemporain d'Au-
gultc , & qui fur une faute de
lanîjage trouvée dans quelque écrit
de Ciceron , n'héfita point à dire ,
qu'il aimoit mieux attribuer ce vice À
une faute de Copijîe , qu'à l'Orateur
Romain.
» Je n'ai donc garde ( dit en fi-
» niflant fa Lettre M. le P. Bou-
y> hier ) je n'ai garde de me repen-
» tir d'employer quelques momens
» de loifir à purger les Ouvrages de
n ce grand homme, des vices de
» cette nature qui peuvent y refter.
» Il me femble que je lui rends en
'> quelque manière le plailîr , que
» j'ai pris toute ma vie à le lire , û
MAY
«je parviens à le délivrer d'une par-
» tie des taches qui le défigurent ,
».& qui diminuent la vénération ,
w qu'on doit avoir pour lui. Que
»s'il m'arrive de m'égarer quel-
» quefois dans une route auill in-
» certaine ( continue-t-il en s'a-
» drclTant à M. l'Abbé d'Olivet ^ )
. I 73 3- 2;;
•» je ne ferai ni furpris , ni mortiht-
» de me voir redre/Fé par une main
"habile. La vôtre , Monficur, eft
>' plus propre qu'aucune autre , à
M me rendre , avant toute autre ,
« ce bon oflice ; & ce n'cfl: qu'à
» cette condition que je vous aban-
» donne mes remarques.
DISSERT ATIO MEDICA INAUGURALIS DE MEDECINE
utilitate in Jurifprudentia , quam confenfu gratiofi Collegii Mcdici,
pnrfide Laurentio Heijiero , Âlcdicinx Dodore , Théorie Chirur". &
Botan. P. P. V. Academ. CxL Natur. Curiof. ncc non Regix Berolin.
Colleg. famigeratiflimi H. T. Decano , &c. pro gradu Dodoris de-
fendet JohannesMartinus Starck , Moeno-Francofurtenfis. Die 12.
Junii, an. 1730. Helmxftadii , Typis Pauli Dicflerici Schnorrii. Acad.
Typog. C'eft- à-dire : Dijfertation fur T utilité de la A'îedecine dans la Jh-
rifprttdence , foûtenue a Helmeftad le 1 2. ]uin 1730. fous la Vréfîdence de
M' Laurent Heifler. Par ]ean - Martin Starck^ De l'Imprimerie de
PaulSchnorri. vol. «-4°. pp. 60.
E but qu'on fe propofe dans
cette Diflerration eft de mon-
trer que les Jurifconfultes ont be-
foin , lînon de fçavoir toutes les
parties de la Médecine ^ au moins
d'avoir une connoiflancc fuffifantc
de l'Anatomie , & des principales
caufes des accidens qui arrivent au
corps humain 5 fans ce fecours , die
M. Hcifter , qui eft l'Auteur de la
Differtation, il eft difficile qu'un
Jurifcoiïfulte puilTe , par exemple ,
difcerner dans tous les cas , fi une
bleflure eft mortelle ou non : fon
devoir l'oblige cependant en mille
rencontres , de prononcer fur ce fu-
jet , foit qu'il faffe la fon^^ion de
Juge , foit qu'il fafle celle d'Avo-
cat , & il n'y va pas moins que de
fa confcience , fi faute d'avoir ac-
quis les lumières necelfaircs , il lui
arrive de prendre l'innocent pour
le coupable , ou le coupable pour
l'innocent. Tu ne tueras fom^ &
cjue lefang de celui (jui aura répandu
le fang ^ foit aujfi répandu , dit le
Seigneur ; «0» occides & quifangui-
nem profudit, illius fangttis quoque
profundatur. Ainfi un Avocat , un
Juge _, dont l'ignorance en Anato-
mie,cft caufe que l'innocent eft con-
damné à mort,& le criminel abfous,
empêchent l'exécution du précepte
divin , & font par cela même cou-
pables devant Dieu. L'Auteur de-
mande ici , comment un Avocat
un Magiftrat , s'expliqueront fur
les blcftures des artères celiaque
fplenique ,gaftrique ^ érmdgente me-
femerique , hyppogaflrique , carotide '
crurale , tibiale , fouclaviere axil-
laire , brachiale , cubitale , aorte fur
Llij
2f<5 JOURNAL D
celles de h veine paru , de h veine
cave , de la veine azi^os , de hfple-
Tiiyue , de la mefentericjue , de h ju-
gulaire \ fur celles des vaijfejiix Uc-
tez. , du canal thorachi^ue ,A\x canal
choliioijHe ^ & enfin fur celles des
uretères , du diaphragme , du msdia-
flin ic autres fcmblables , s'ils n'ont
aucune connoillance de ces parties,
de leur fituation , de leur nature ,
de leurs fonctions. Il demande
comment de tels Avocats , de tels
Magiftrats pourront juger perti-
nemment de la qualité de ces blef-
fures, par rapport à l'abfolution, ou
à la condamnation des accufés.
L'on objectera que les Jurifcon-
fultes doivent s'en rapporter ici au
jugement des Médecins , & des
Chirurgiens. Mais M. Heifler ré-
pond à cela qu'outre que parmi les
Médecins , &: principalement, dit-
il , parmi les Chirurgiens , il fê
trouve quelquefois des gens très-
peu capables , on n'eft pas toujours
lùr qu'ils apportent dans leur exa-
men toute l'attention neccitiire. Au
lieu que lorfque le Jurifconfulte
cft au fait , il afllfte lui - même à
l'ouverture des cadavres , & évite
par là toute furprife. Notre Auteur
remarque à cette occafion , i".
Qu'anciennement , c'ctoit la cou-
tume que les Jurifconfultes feuis
examinaffent les cadavres de ceux
qui avoient été tués \ z°. Que c'eft
feulement depuis deux lîécles
qu'on a commencé d'appelkr les
Médecins à cet examen -, ce qui fait
voir que les Jutiiccnfultcs n'é-
coient pas alors fans connoiffance
de rAnatomie ^ £c que c'eft fane
E S SÇAVANS,
une cfpecc d'injure aux Tribunaux
de la Juftice , que de prérendre
qu'il faille commettre le loin dont
il s'agit aux feuls Médecins, ou , ce
qui fcroit deteftable , dit - il , aux
feuls Chirurgiens. Am quo.irnaxirriè
detcfîanduin , folis Chiriygis. C'eft
l'ufage en plufieurs Villes d'Alle-
magne , & entr'autres .\ Helme-
ftad , où cette DJlfertation a été
foûtenue , que quelques MagiftratS
du lieu afliftent aux diflecflions que
font dans ces fortes de cas les Méde-
cins & les Chirurgiens : ce qui fe-
roit fort inutile 11 les Magiftrats
dont il s'agit , n'avoient aucune
connoiffance de la ftrudurc du
corps humain. Qiielques-uns objec-
tent que i'infpeCtion des cadavres
eft abfolument inutile ici, & que
par confequent il n'eft nullement
necelTaire que le Jurifconfuke fça-
che l'Anatomic. Car , difent-ils ,
dès que l'homme qui a été bleiïé
eft mort , Qu'importe qu'il foie
mort , parce que telle ou telle par-
tie aura été bleftée ? Ne fuffit il pas
pour prononcer la fentence , qu'il
ait perdu la vie. Sur-tout fi l'on fait
réflexion, i°. Que dans la condam-
nation portée par l'Ecriture contre
rhomicidejiln'eftfaitnuîlemention
de cette différence de parties bief-
fées : 2°. Qiie dans l'antiquité on
ne trouve ni chez les Juifs , ni chez
les Grecs , ni chez les Romains , ni
chez les Germains , ou autres peu-
ples , aucun exemple de cette cir-
conftance : non plus que de la di-
vifion que les modernes fe font avi-
fés de faire des playes,en mortelles,
& en non-mortelles ; en mortelles
MAY
abfolufflent , & en mortelles par
accident. Ils n'avoielit point d'au-
tre règle finon , que il la blefTuie
étoit fuivie de la mort, elle écoit
mortelle j foit qu'elle le fût par el-
le-même ou autrement. Les princi-
pales circonftanccs qu'ils exami-
noient croient, i ".L'intention de ce-
lui quiavoittué ,fçavoir s'ill'avoit
fait par cas fortuit , ou par la neccf-
fîté de Ce défendre -, 2°. La padicn
qui i'avoit conduit , fi c'étoit , par
exemple , un premier mouvement
décolère, une haine invétérée, le
aefir de faire quelque vol , &c.
Dans les premiers cas , on abfol-
voit , Se dans les féconds on con-
«ïamnoit. Or ni dans les uns ni dans
les autres , qui font les cas ordinai-
res , on ne failoit point , & il n'eft
point non plus ncceflaire de faire
aujourd'hui aucun examen desblef-
{ures : donc , conclut- on , l'mfpcc-
tion des cadavres étant ici une cho-
fe abfolument inutile , les Jurif-
confultes n'ont nul befoin de fça-
VoirTAnatomie.
M. Heifter , après avoir rappor-
té cette objedion , avoue que non
feulement dans les cas propofés',
mais dans plufieurs autres qu'il
marque , il n'eft nullement befoin
d'ouvrir & d'examiner le cadavre,
mais il obferve que tous les cas ne
font pas de ce genre ; & qu'il y en
a où abfolument il faut ouvrir le
cadavre du blefle pour s'alfurer fi îa
mort eft l'effet ou non de la blelfu-
ic. Il cite fur cela le fait fuivant : il
y a quelque tems qu'un Chafleur
ayant pris querelle avec un Payfan,
]m tira un coup de fufil à h cuilTe ^
. Ï7 5?- 2n
un peu au-deflus du gcnouil. Le
blcrte fut mis entre les mains d'un
Médecin & d'un Chirurgien , qui
pendant onze jours qu'ils le traitè-
rent , ne trouvèrent ni épanche-
ment de fang , ni inflammation , ni
gangrené, ni pourriture; cepen-
dant le malade mourut le onzième"
jour , après avoir marqué feule-
ment pendant un fort petit cfpace
de tems , qu'il fe trouvoit m.iL Le
cadavre tut ouvert , Si on trouva
dans la poitrine une pinte 5c plus
d'humeur épanchée; mais le genouil
& toute la partie blclTée étoient
en bon état : point de carie , point
de gangrené , pas même le moin-
dre figne de pourriture. La Faculté
de Médecine d'Elmftad confultée
fur ce cas , prononça que le blefle
n'étoit point mort de fa blcffure ,
puifque cette bleflure n'avoit été
accompagnée d'aucun accident qui
lui fût propre ; mais qu'il étoit
mort uniquement par cette abon-
dance d'humeurs amaffécs dans fi
poitrine , lefquelles fans doute , ne
pouvoient provenir d'une blelTiire
au genouil ; arrivant très-fouvent à
des perfonnes non blelTées , de
mourir fubitement par une caufe
femblable à celle-là. On raconte à
cette occafion un autre fait dont on
dit avoir été témoin : une fille de
quinze ans , s'étant trouvée mal
pendant un jour ou deux , mais ne
iaiflant pas alors d'aller & de venir
dans la maifon , tomba tout d'un
coup en défaillance , & mourut un
moment après : fon cadavre fut ou-
vert , & on n'y apperçut point
d^autie caufe de cette moït, qu'une
2;8 JOURNAL D
abondance d'humeurs qui s'ctoicnt
épanchées dans la poitrine. Or , dit
notre Auteur , fi cette fille , quel-
ques jours avant que de mourir^eiit
été hlclléc ou au pied, ou àla main ,
ou à quelque autre partie auffi peu
danç;ereufe , &c qu'on n'eût pas ou-
vert fon cadavre , bien des gens
n'auroient pas manqué d'attribuer
fa mort à la blefiiirc , quoique cette
mort ne fût venue que de l'amas
des humeurs épanchées dans la poi-
trine. On ajoute à cet exemple ce-
lui d'une femme qui ayant été légè-
rement frappée fur la tête (?c fur les
épaules avec un petit bâton , mou-
ïut peu après , &: dans le cerveau
de laquelle on trouva quelques
cuillerées de fang épanché. On
donne ce fait comme étant de la
même efpece que le précèdent , &
on s'autorifc du témoignage de Fré-
déric Hoftmann qui prétend qu'u-
ne fi légère blelfure ne fçauroit
avoir caufé la mort : nous iailfons
aux Leéleurs à juger de ce fenti-
mcnt. Qiioiqu'il en foit , notre Au-
fieur fait voir qu'il y a nombre de
cas où rinfpe(flion des cadavres eft
neceffaire -, il en joint plufieurs
exemples à ceux que nous venons
de citer -, on les peut voir dans la
Dilfertation même.
Ce n'eft pas feulement pour ce
qui concerne l'ouverture des cada-
vres, que les Jurifconfultes font
obligés , félon notre Auteur , de
fçavoir l'Anatomiei ils la doivent
encore fçavoir , à ce qu'il prétend ,
pour plufieurs autres raifons. U en
rapporte divers exemples , entre
Jefquels font les cas où il faut juger
ES SÇAVANS,
de la virgmité , de la ficrilité & de
rimpuilfauce.
Il veut qu'.\ la connoilTancc de
l'Anatomie ils joignent celle de
quelques autres parties de la Méde-
cine. Qu'ils fçachcnt, par exemple,
ce que c'eft que les jours critiques ,
Se ce qu'il en fautpenfer. C'eft une
erreur populaire , dit-il , de croire
qu'une blcfTure ne foit plus mortel-
le lorfqu'elle laifle vivre le blelTé
jufqu'au de-là du neuvième jour ,
& il faut que le Jurifconfultc ait
affez de lumière fur ce fujct pour ne
pas s'en lailler impofer. Ce principe
établi , M. Heiftcr tâche de fournir
aux Jurifconfultes plufieurs preuves
de ce qu'il avance.
Si on examine la nature des
playes , on verra , dit M. Heifter ,
qu'il y en a quelques-unes qui par
rapport ou à leur grandeur, ou à la
partie bleflee , ou à la conftitution
du malade , ou à d'autres circon-
ftanceSjCaufent plutôt ou plus tard
la mort des bleflés. Si par exemple,
la grande artère , la veine-cave , le
cœur , l'artère ou la veine pulmo-
naire , le poumon lui-même , font
confiderablement percés , la mort
s'enfuir peu de minutes ou peu
d'heures après ; au lieu que fi ces
mêmes parties ne font que légère-
ment atteintes , la mort arrive plus
tard , comme au bout d'un , de
deux , de trois , de quatre , de
fept , de neuf , & quelquefois d'un
plus grand nombre de jours : les
playps tout de même du foye , de
L' rate , des reins , des intcftins , du
cerveau , caufent une prompte
mort iorfqu'ellcs font grandes, fur-
M A y , 175 J- ^ 2TP
îoiit (i quelques vaiiTeaux confide- mortellement à la tête \ & qui vé-
rables de ces parties font blelTcs. Il
y a des bJelTures au contraire où
feulement les petits vailTeaux font
endommagés, & celles-ci n'épui-
fant le fang qu'à la longue , laiHcnt
vivre plus long-tems les blelTés ;
mais comme elles font mourir cer-
tainement , quoique plus tard , il
n'y a point de raifon pour les regar-
der comme non mortelles, & il
faut dire qu'elles le font autant que
celles qui font mourir le premier ,
le fécond , le quatre , le fept , le
huit ou le neuf. La peine de mort
que Dieu a prononcée contre les
homicides, n'a point été reftrainte à
certains jours ; tWe regarde unique-
ment les perfonncs qui tuent , foit
que la mort qu'Us caufent foit
prompte ou tardive ; &: comme un
poilon qui ne tue que lentement ,
rend l'enipoifonneur aulli coupable
qu'un poifon qui tue fur l'heure;
de même , dit l'Auteur , une blef-
fure qui fait mourir le blelTé non
feulement après le terme de neuf
jours, mais bien au-delà, ne rend
pas le meurtrier moins coupable de
mort.
Wedelius parle d'un homme
qui ayant reçu une blelTure au
cœur , vécut encore dix-fept jours-,
il parle d'un autre qui fut blelfé
eut Cw Semaines : d'un autre qui le
fut à la veine jugulaire interne , &
qui vécut i8 jours; toutes blelTures
cependant qui ne laifTerent pas d'ê-
tre déclarées mortelles par les Mé-
decins de hç\}pCic.Dechardingius fait
mention d'une bleflure mortelle du
cerveau , après laquelle le malade
vécut plus de neuf Semaines.
Notre Auteur rapporte plufieurs
autres remarques que nous palTons
& il conclut que les Jurifconfultes,
foit Avocats , foit Magiftrats , doi-
vent avoir une teinture fuffîfante
d'Anatomie & de Médecine: qu'Us
doivent fçavoir les noms , la Situa-
tion , l'ufage des vifceres & des
principaux vailTeaux du corps hu-
main , connoître lescaules de fteri-
lité & d'impuiffance , fçavoir en
gros l'hiftoire des os , des mufcles ,
& des nerfs ; ce qui peut , dit-il ,
s'apprendre en peu de mois , avec
une étude médiocre.
Après une telle DilTertation , où
un Médecin entreprend de mon-
trer que les Jurifconfultes doivent
fçavoir la Médecine , il ne faut pas
defefperer qu'un jour quelque Ju-
rifcon fuite ne fc mette à écrire pour
prouver que les Médecins doivenS
fçavoir la Jmifprudence.
t6o JOURNAL DES SÇAVANS;
DISSERT ATIO MEDICA INAUGURALIS DE MEDICAMENTIS
Germaniar indigenis , Gcrmanis fufficientibus , quam grariolîffimîc
Facultatis Mtdici confcnfu , prxfidc Laïucntio Hcillcro Med. D.
Thcoria: Chirurgie & Botanices P. P. V. &c. Patrono atque Pixcep-
torc fuo in arte Mcdicâ iternùm vencrando , pro gradu Docloris ,
more majorum rite obtincndo ^ folidi eruditorum difquiiitioni mo-
deflè fubmittet atque defendet , Johannes Mauritius Hengftmann
Quedlinburgcnfis, die ry Décembre 1730. Hclmfladii , littcrisPauU
Di(flerici Schnorrii , Acad. Typogr. C'eft-à-dire : Dijfcrtation de Mé-
decine fur les AîédicaTnensJîmples ^iii cyoijfera en Allemagne & ^uifùffi-
fent aux ylllemans pour laconfervation de leur Janté on la guéri fon de leurs
maladies. Dijfertation foutenue à Helmftad le 5 Décembre 1730. Par
Jean-Maurice Hengflmann ^fous la Préjîdence de M. Hcifter ^ DoEleur en
Médecine & Profejfeur de Chirurgie & de Botanique. A Helmftad , chez
Paul Schnorri , Imprimeur de la Faculté de Mcd. 1730. Brochure
/«-4". pp. 5i.
MH E ï S T E R , Auteur de
. cette Diirertation , eft de
fentimcnt que les maladies fe-
roient beaucoup moins fréquen-
tes fi l'on avoir moins d'emprefle-
ment pour les drogues étrangères :
il prétend même que c'eft à l'ufage
que l'on fait de ces drogues dans les
Pays où elles ne croillent pas , qu'il
faut attribuer pluiicurs maladies
nouvelles qui le font introduites
dans ces mêmes Pays , & il met de
ce rang les fièvres miliaircs &; le
fcorbut, qu'il croit qu'on peut im-
puter aux aromates qu'on fait venir
de fi loiu. Il ne paroîr pas avoir
meilleure opinion du Thée , du
Caffé & du Tabac que Bontekoc ,
dit-il , tout Médecin qu'il eft, van-
te fi fort , mais qu'il vante pliâtôt
en politique qu'en Médecin.
Chaque peuple voit croître fous
fes yeux & comme fous fcs pas, les
plantes qui lui font propres i mais
comme on n'eft jamais content des
biens que l'on poffede , on néglige
fes propres richeffes pour en aller
chercher d'étrangères qui font fou-
vent préjudiciables à la fanté. M.
Heifter , à cette occafion , exhorte
fcs Compatriotes à fe contenter des
plantes qui croilTent dans leur
Pays , & il leur fait voir par un
grand nombre d'exemples qu'il n'y
a forte de fecours que leur fanté ne
puilTe retirer de ces plantes domcr
ftiqUes.
Paracelfe fe moque de la vaine
curiofité de ceux qui veulent con-
noître à quelque prix que ce fqit ;
les plantes étrangères , & qui ne
méprifent celles de leur climat. Il
n'y a point de Villageois qui n'ait à
la campagne devant fa porte ou
iutour de fa mazure , une efpece
d'Apothicaireric ou de droguier,où
il trouve tout ce qui peut lui être
nccefiaire pour La confervation de
fa.
MAY
fafanté , ou la guérifon de fes ma-
ladies. Cependant c'cft à quoi l'on
refait nulle reflexion. Qiii ne fçait
les vertus que les uns attribuent à
la pierre de Bezoard pour la cure
des fièvres aiguës & fur-tout des
fièvres malignes î les autres pour le
même ufage ^ à la pierre dite piedra
del porco qu'on a vu fe vendre juf-
qu'à deux cens ducats , les autres à
la pierre de Goa , les autres à la ra-
cine de Contrayerva ; les autres à la
Serpentaire de Virginie , &c. De
même , dit notre Auteur , quelle
confiance n'a-t-on pas à l'écorce de
Quinquina , & à la fève de S. Igna-
ce , pour la guérifon des fièvres in-
termittentes : à ripécacuanha pour
la cure de la dyrfenterie , & pour
procurer le vomifiement ? Qiiclles
îoiiangcs ne donne-t-on pas à la ra-
cine de Pareym - brava, pour le*
douleurs de la gravelle ?
Quels éloges ne fait on pas delà
Salfe-parcille , de l'Efquinc , du
SalTaphraSj du Guajac , pour les
maladies du fcorbut & pour les
maladies vénériennes. Plufieurs
croyent qu'il n'y a pas de meilleur
remède pour fortifier l'eftomac &c
le cœur , que la racine de Nifi ou
Ninfing. D'autres eftiment particu-
lièrement pour cela , le Cacao , la
Vanille ^ V Ambre , la Confection
Alkermes , les perles & les pierres
prétieufcs ; d'autres le Galanga , le
Gingembre , le Poivre , le Cardamo-
me , les Cubebes , le Cubdaban ^
VAmome. Nombre de gens eftiment
par delTus tout , le Curciima , pour
guérir la jaunifTe , l'Opium pour
jjppaifcr les douleurs. 11 n'y a per-
May.
fonne qui criât être bien purgé s'il
n'avoir pris ou du Jjilap , ou de ta
Rhubarbe , ou du Senne , ou des
Tamarinds ou de la Scammonée ^ ou
des trochifques â'Alhandal , &
quelquefois tout cela enfembic.
Notre Auteur ne prétend pas con-
damner abfolument toutes ces dro-
gues ; mais il regarde comme uuc
erreur groffiere de les préférer à une
infinité d'autres qu'on a dans fon
propre Pays , & qui valent fouvent
beaucoup mieux.
Il veut j par exemple, qu'au lieu
de ces Bezoards fi recherchés , 8c
qu'on employé avec tant de fafte
dans les fièvres malignes , dans les
petites véroles ^ dans les rougeoles,
(^c. On s'en tienne aux fimples
yeux d'Ecrevifles , au Nitre dépu-
ré , aux décodions de fleurs de Su-!
reau , aux eaux de chardon benic ,"
de Scabieufe , de Scorfonnaire, &c.
aux infufions de Sauge ^ de Véràhi-
cjHe , de Millefendle , de Scordium ^
de Plantain , prifes en manière de
Théc : il veut que dans les pleure-
fies , les fluxions de poitrine , les
douleurs néphrétiques , les inflam-
mations du foye , de la ratte , de
l'eftomac , des inteftins , & de
l'utérus , on applique fur la région
qui renferme le vifcere malade,
une veflîe de veau remplie de
fleurs de Camomille Si de Sureau ,
bouillies dans du lait. Il prétend
que ce remède palTe infiniment
en vertu tous les remèdes étran-
gers. Mais il loiie principalement
la décoction de ces fleurs faites
dans du lait Sc donnée en lavement
iorfqu'il y a inflammation aux
Mm
^6-2 JOURNAL DE
reins , aux intclHns , au foyc ou à
la ratte.
Au lieu du Qiiinquina qu'on
donne dans les ficvrcs intermitten-
tes , il veut , lorfque ces fièvres
viennent de cruditcz contenues
dans ks premières voyes , telles
que font ordinairement les fièvres
printanicres , il veut qu'on donne
Ïy4zamm ou Cdbaret pour faire
vomir, qu'cnfuitc on recoure aux
plantes amercs ^ comme font l'Ab-
/inthc , le Chardon bénit , le Trifo-
lium-fibrinum ^ la Gentiane , &
qu'on applique fur le ventre une
ferviette en double, bien trempée
d'efprit de vin. L'infufion de fleurs
de Camomille eft ici foit recom-
mandée lorfque la fièvre s'obftine ,
& l'on aflure avoir vîi réuflir d'u-
ne manière merveilleufe , ce remè-
de dans des fièvres où le Qiiinqui-
na n'avoit jamais pu mordre. On ne
vante pas moins dans cette DilTerta-
tion , l'écorce de frêne pour pro-
duire le même effet. On indique
auffi la Noix de Galle comme un
excellent fébrifuge.
Au lieu des Racines d'Efjuine ,
& de Salfepareille , au lieu des bois
de Sajfafras &: de Guajas , remèdes
fi vantes contre les maladies véné-
ïiennes , notre Auteur prétend
qu'on peut employer , avec autant
& quelquefois avec plus de fuccès ,
les Racines de Bardane , A'Héle-
tiium , & de PimprenelU blanche ,
lefquelles ont une vertu fpecifique
pour procurer les fucurs. Il prétend
qu'on peut employer tout de même
ie bois de Genièvre Se la Saponaire.
Â^ Ucu de ripecacuanha dans U
S SÇAVANS,
Dyiïenterie , on peut , félon notre
Auteur , prefcrirc contre ce mal ,
divers moyens qui pour n'être pas
étrangers nelaifienr pas d'être en-
core plus fîirs que celui là : au com-
mencement de la maladie , dit-il ,
on fongcra d'abord à évacuer les
humeurs nuifibles , ^ pour cela on
fera uftr au malade pour boi(fon ,
d'une ptifanne faite avec la graine
de Carvi , & la rapure de corne de
Cerf ; ou bien on lui tcra prendre
en manière de Thce une infulion
d'orge légèrement rôti , de laquel-
le il boira plufieùrs verres dans la
journée : enfuicede quoi pour pur-
ger avec fuccès les humeurs acres ,
on lui donnera i°.au lieu deRhubar-
be , de la Magnefie , ou une décoc-
tion de racine de Polypode , 2.°.^Un
peu de Tartre Emétique , l\ l'ello-
mac eft trop embarralfc , auquel
tartre émetique on joindra un peu
de racine de tormentille en pou-
dre , ou une dcmi-once de racine
d'yîfarum. L'évacuation faite on
continuera les ptifanncsci-dclfusfi
les douleurs de ventre & la fièvre
perfeverent , atiqucl cas pour é-
mouflcr davantage l'acreté des
humeurs, on aura recours aux pou-
dres abforbantes , telles que la pou-
dre d'yeux d'Ecrevifles , l'Anti-
moine diaphoretique Se ie Nitrc ,
le tout mêlé enfemble & donné de
trois heures en trois heures. Com-
me on fe fert quelquefois ici de
gomme arabique pour la même fin,
on fubftitucra à cette gomme, pour
ne rien emprunter d'étranger , celle
de Cérifier ou de Prunier qui dans
i'occalîon dont il s'agit, ont lamê-
M A
me vertu que la gomme arabique.
Si le malade eil tort affoibli , Se
qu'il ait bcfoin de quelque elTencc
qui le fortifie , on a les e^ences
d'imperatoirc , de milletcuillcs , &
autres fcmblablcs qui rempliront à
fouhait cette indication , étant
prîfcs à jeun dans un bouillon ou
quelque autre liquide convenable.
On a encore pour le même effet les
racines deTormentillc&deBiftorcc,
ou celle de Qu^intfehille , fi recom-
mandée par Celfe , lefquellcs raci-
nes fe prennent broyées & expri-
mées dans du vin ; l'effence d'Ab-
fynthe, & celle de Gentiane font
encore très-efïicaces dans le même
cas. Comme il ne laifTe pas quel-
quefois de relier des épreintes après
Y , 175 5; 2^5
qu'on a arrêté la dysenterie , on
donnera alors des lavemcns faits
avec la décoiflion de graine de lin ,
ou avec le lait mêlé de miel , &
dans le baflîn dont fe fervira le ma-
lade on aura foin de faire mettre
avant qu'il s'en ferve, une bonne
quantité d'eau chaude dans laquel-
le on aura fait bouillir de la vervei-
ne , de la Guimauve , & autres her-
bes émollientes. Nous ne fuivrons
pas plus loin notre Auteur ; car il
n'y a prefque point de maladies
qu'il ne parcoure ici & dans lefquel-
les il ne taffe voir qu'on peut fc
paffer de tout remède étranger : les
exemples que nous venons de rap-
porter fulîifcnt pour donner une
idée de cette Dillertation.
EXAMEN BV PYRRHONISME ANCIEN ET MODERNE :
■par M. de Croufaz , de l'Académie Royale des Sciences , Gouverneur de
fin Altejfe Seremjfime le Prince Frédéric de Hejfe-Caffel ^ & Confeiller
d'Ambajfade de S. Ai. le Roi de Suéde & Landgrave de Hep-Cajfel.
A la Haye , chez Pierre de Hondt. i-j^^.infol.
L'ESTIME que plufieurs
perfonncs font paroître pour
ies Ouvrages de M. Bayle , ayant
donné lieu à notre Auteur de croire
que le nombre des Pyrroniens
s'augmentoit tous les jours , il a
cru qu'il ne pouvoit rendre un plus
orand fervice au public , que de
combattre un Syftême fi dange-
reux , foit par rapport à la Reli-
gion j foit par rapport à la Société.
Ce n'eft point qu'il fe flatte de rame-
ner ceux qui ont rcfolu de douter
de tout , & de s'étourdir fur la Re-
ligion SrC fur la Morale -, mais il ef-
père que fon Ouvrage fervira à faire
entendre la voix de la raifon^à ceux
qui fc trouvent éblouis ^ embarraf-
lés & troublés par des raifonne-
mensfubtils & captieux, mais qui
ne fc font point encore obftinés à
fermer les yeux pour ne point voir
la lumière qui les éclaire.
L'Ouvrage cft divifé en trois
Parties , dont la première peut
être regardée en quelque manière
comme les Préliminaires des deux
autres. M. Croufaz y examine d'a-
bord ce que c'eft qu'un Pyrronien ,
& il refulte de fes reflexions , com-
prifes en 17 articles , que le Pyrro-
nien eft un homme ^ qui dès qu'o«
Ivl m ij
2^4 JOURNAL D
commence à s'cnrrctcnir hir quel-
que chofe , prend toujours un parti
oppolc à celui des autres , qui per-
dant de vue tout dclTein de s'éclair-
cir ne pcnfe qu'à entalfcr diflicultc
fur difficulté, à fuir la lumière , à
fc dérober aux plus lortcs preuves,
qui fait confiilcr fou plaifir & fa
gloire à ne fe point rendre. C'eft
fur-tout quand on lui parle de Re-
ligion & de Morale que rcfpric de
doute &: de contradidtion le faifit.
Il ne peut fouffrir ce qui va à le gê-
ner , & fa marotte cil: de vivre dans
l'indépendance au moins intérieu-
rement. Lorfque quelque chofe lui
convient il oublie fa manière de
philofopher , il parle , il agit com-
me les autres hommes , mais tout
ce qui l'importune lui paroît pour
le moins douteux , & de peur
qu'on ne le force à fortir de fes
doutes , il ell: fur fes gardes , &
pour ne convenir de rien , il eft
toujours prêt de combattre les pro-
pofitions les plus claires & les plus
conftantes.
Le goiit pour la difpute qu'on
prend dans les Ecoles , la mauvaifc
méthode qu'on y fuit pour enfei-
gner , les conteftations qui régnent
entre ceux qu'on honore du titre
àc Sçavans , la légèreté d'efprit &
le goiàt pour la dilfipation , qui
empêchent qu'on ne s'applique fé-
rieufement à des fujets difficiles &
importuns, l'impatience & l'em-
prefTement excemf d'apprendre ,
Tmdolence fur les intérêts du genre
humain , accompagnée d'envie &
de vanité , & fiir-tout l'éloignc-
aicnt -du cœur humain pour ia Re-^
ES SÇAVANS.
ligrcn , font fuivant notre AuteuV;
les caufcs les plus ordinaives da
Pyrronifme.
Dans la Section troifiéme , M.
Croufiz propofe diffcrcns moyens-
pour fc prémunir contre le Pyrro-
nifme. Le premier & celui dont
tous Isi autres dépendent eft l'a-
mour de la vérité. Qitand on en eft'
bien pénétré , on ne néglige rien
pour la découvrir & pour fuir l'er-
reur , ou pour fortir de l'érat d'in-
certitude fur des fujets importans.
L'amour de la vérité accoûtHme à-
la circonfpcdion , Je il dégage de
l'impatience , il donne de l'aver-
flon pour l'humeur contredifante,'
du dégoût pour la difpute , il dé-
termine à profiter <.ies avis & des-
lumières d'autrui avec prudence &
avec circonfpeâion \ Ibrfqu'on ai-
me la vérité on facrifie toute ambi-
tion à l'envie de la ccnnoître , on
ne fe précipite point à bâtir dés Sy-
ftêmes , on n'cmbralTe & on ne re-
jette aucun fentimcnt par cfprit de
parti , on examine les prmcipes
dont conviennent ceux qui paroif-
fent les plus animés dans la difpute;
on s'applique à établir diftindle-
ment l'état de la qucftion & à ia
fuivre exaiflcmcnt jufqu'à ce qu'on
foit parvenu à l'avoir affez éclaircic
pour prendre fen parti avec une
plaine connoilTancc. L'Auteur fou-
haiccroit fur-tout pour prévenir le
Pyrronifme qu'on mfpirât aux cn-
fans cet amour pour Ja vérité ,
qu'on leur apprît à la découvrir par
eux-mêmes ; par-là on éviteroit ce
qui -n'arrive que trop fouvent, que
de jeunes gens qui n'ont plus de-
M A Y
!^aîtres'^ éécouvrans des raifons
qui leur paioilFent détruire ce que
leurs Maîtres leur ont enfeignc , Se
ne pouvant d'un autre côté fe dé-
terminer à rejetter abfolument les
préjugez qu'on leur a tait prendre ,
tombent dans le Pyrronifme.
Après ces obfervations prélimi-
naires, l'Auteur examine les raifons
qu'ont allégué les anciens Pyrro-
niens , & celles qu'allèguent les
Pyrroniens modernes , pour fe foû-
tenir dans l'état funefte où ils font
d'un doute univerfel , & pour fe
faire despartifans. Il tire les argu-
mens des anciens Pyrroniens des
Ecrits de Sextus - Empiricus , &
ceux des modernes des Ecrits de
M. Bayle , & il répond aux uns &
aux autresi
Notre Auteur a cboifi entre les
anciens Pyrroniens Sextus-Empiri-
cus, parce qu'il ne refte aucun Ou-
vrage complet des Pyrroniens qui
a'rtjient vécu avant lui, dont il rap-
porte les fcntimens avec beaucoup
de fubtilité Si d'exaditude , & par-
ce qu'il a formé un corps de Syftc-
me Pyrronicn , autant que cette
cfpece de Philofophie en eil fufcep-
tible. Les Critiques ne nous difent
rien d'alTuré fur le tems auquel Sex-
tus a vécu. Il étoit Médecin , & il
avoit compofé fur cette Science des
Livres que nous n'avons plus. M.
Croufaz trouve qu'il y a beaucoup
d'efprit Se d'élégance dans les Ecrits
de Sextus en faveur duPyrronifme.
Il n'en donne point une traduction
f rançoifc , parce qu'il y a tant de
re-petitions 5c t-ant de fophifmes
ïYilibles & palpables que la patience
I t7 5 ?• 2 5/
de la plupart des Ledeurs auroit été
poufléc à bout , s'ils avoient été
obligés de lire de fuite la tradudion
de l'Ouvrage entier. C'eft pourquoi
il a pris le parti de l'abréger , & de
donner un Sommaire de la dodrinc
en fuivant l'ordre de fes Chapitres.
II n'a même fait que fuivre l'Ex-
trait qu'a donné M. le Clerc du Li-
vre qui a pour titre Hyppoiypofis'
Pyrronterines , ou le tableau de li
manière de philofopher des pyrro-
niens. Sextus^mploye une partie
de fon Ouvrage à accumuler des
raifons pour foûtenir qu'il n'y a
aucune méthode qui conduifc fû-
rement à la découverte de la véri-
té , aucune règle fur laquelle on en
puilTe juger fans craindre de fc
tromper, ou du moins il travaille
à rendre fufped & douteux tout ce
qu'onaditfur un fujet fi important.
Dans une antre partie du Livre Sex-
tus parle de quelques principes qui'
font les plus incontcftablcs ^ tels
que font ceux qui regardent la pro-
vidence , l'cxiftence des corps , la
réalité du mouvement , & il tâche
de répandre des doutes fur chacua
de ces principes.
Nous ne fuivrons pas notre Au-
teur dans le détail où il entre pouc
répondre à chaque argument de
Sextus , il nous fuffira de rappor-
ter ici un précis de quelques traits-
de cci reponfes.
L'homme , dit Sextus, eft com-
pofé d'un corps & d'une ame;
quant au corps on n'en voit que la
furface , i'ame eft bien plus incom-
préhenfible : comment ce qui ne fe
çonnoît pas foi-niêmc^ feroit-ii a.-:
z66 JOURNAL DE
pablc de connokrc quelque chofc >
Notre Auteur répond à ccsSophif-
mcs , que Ci les yeux ne voycnt que
lafurface des corps , le fens du tou-
cher nous apprend que cette lurface
eft le dernier terme d'une éccnduc
folide , 6c que l'entendement a
l'idée de l'étendue & de plu-
ficurs de fes proprietez. Il ajou-
te que l'on peut fentir rjiielcjites ac-
tes , & s'appercevoir qu'on les fent
quoique l'on ne connoilTe point à
fond la nature de la Fjrultc qui les
fent ou qui paroît les l'entir. Je
fens que je penfe, cela me fuffit
pour me convaincre que je pcnfe ,
quand même je ne connoîtrois
point à fond la nature de la fubflan-
cc qui pcnfe : je fens que j'ai des
idées deTaflirmation '& de la néga-
tion , je fens que j'ai des idées du
nombre pair , je fens de même que
l'idée du triangle exclut celle du
cercle. Cela me fuffit pour nier
avec aCTurance , que le triangle foit
un cercle. L'homme eft un être fort
compofé. Son ame auffi-bicn que
fon corps, peut renfermer une in-
finité de chofes qu'on ne connoît
pas encore. Donc l'homme ne doit
point fe promettre de connoître
quelque chofe. Afin que ce raifon-
ncmcnt fût au moins vraifembia-
ble , il faudroit que le principe fur
lequel il eft fondé fût vraifcmbla-
ble lui-même , qu'on ne peut con-
noître quoique ce foit avec certitu-
de , à moins qu'on ne connoiflc
abfolumcnt tout , & qu'on ne foit
au - dclfus de l'ignorance à tous
cgards.
La diverfué des jugcmcns des
S SÇAVANS,
hommes ell encore un des grandi
moyens des Pyrrqniens , qui de-
mandent fi on doit s'en rappo;tcr à
foi-même ou aux autres. AI. Crou-
faz dit qu'il ellaiié de répondre à
Sextus. Je ne me rends, dit-il , ni à
mon autorité , ni .\ celle des autres.
Je ne me rends qu'à l'évidence qui
me pénétre , foit qu'elle nailTe de
mes propres reflexions , foit que je
la tire de mon attention aux dif-
cours des autres.
Cette rcponfe engage notre Au-
teur dans une DitTertation fur l'évi-
dence qui eft le point principal dans
dans la difpute contre les Pyrro-
niens. Les obfervations que l'Au-
teur fait fur cet article , &z celles
qu'il avoit déjà faites dans la Logi-
que fur un fujet fi important méri-
tent une attention particulière.
Au fujet de l'exiftence des corps
6c du mouvement, Sextus propofc
la difficulté ordinaire furladivifi-
bilité de la matière & fur la nature
du mouvement. M. Croufaz qui
foûticnt la divifibihté de la matière
à l'infini , met dans un nouveau
jour les preuves des Philofophes
qui ont embraffé ce Syftême , Se il
répond par les principes des Ma-
thématiques au fameux Problême
d'Achille & de la Tortue , par le-
quel les Pyrroniens prétendent
prouver , qu'on peut faire contre
i'cxii^ence du mouvement des ob-
jections invincibles , & qui don-
nent lieu de douter de l'exiftence
du mouvement.
Notre Auteur , dans cette fé-
conde partie de fon Ouvrage ne ré-
pond guéres qu'à des argumcns ufés
MAY
des anciens Pyrroniens , qui ont
été combattus par un grand nom-
bre d'Auteurs. La féconde partie
dont nous rendrons compte dans
un autre Journal elt plus inrereifan-
te; parce que l'Auteur y répond
aux nouveaux Pyrroniens , qui ont
tâché de répandre de nouvelles té-
nèbres , fur-tout par rapport à la
; I7Î5' 267
morale & à la Religion , & que M.
Bayle a développés d'une manière
qui eft fclon notre Auteur, d'autant
plus dangereufe, qu'il n'a point faie
un corps de Syftêmc Pyrronien ,
mais qu'il l'a fait entrer en differens
endroits de fes Ouvrages , que les
agrémcns qu'il y a répandus tont
lire avec plaifir.
HISTOIRE GENERALE DES AVTEVRS SACRES ET
Ecclefiajiiques , qui contient leur Vie , le Catalogue , la Crititjite ^ le Juge-
ment , la Chronologie _, VAnalyfe , & le dénombrement des différentes Edi-
tions de leurs Ouvrages ^ ce qu'ils renferment de plus interejfant fur le dogme,
fur la morale & fur la difcipline de l'Egltfe , l'HiJîoire des Conciles , tant
généraux ejue particuliers , & les ABes choifis des Martyrs. Par le R. P,
Dom Remy Ceillier , de la Congrégation de S. Vanne & de S. Hydulphe ^
CoadjHteur de Flavigny. Tome troifiéme. A Pans , au Palais , chez Paulus-
du-Mefntl , Imprimeur-Libraire , au Pillicr des Confuitations, au Lion
d'or. i7Ji. in-^. pp. -jéi.
LE S Libraires avertirent qu'ils
n'ont mis un long intervalle
entre les deux premiers Volumes
de ce grand Ouvrage & le troifié-
me , que parce que leur intention
avoit été de fonder le goût du pu-
blic par les deux premiers Volu-
mes. A prefent qu'ils fe croyent
fuffifamment affurés du fuccès des
Volumes fuivans parcelui des deux
premiers Tomes , les Volumes fe
Succéderont plus promptcment les
uns aux autres.
Comme nous nous fommcs fuffi-
famment expliqué dans l'Extrait
des deux premiers Volumes qui
ont paru en lyzj. fur le plan de
l'Auteur, & que le titre qu'on vient
de lire en donne une idée , nous ne
rentrerons point dans ce détail.
Nous commencerons donc par ob^
fervcr que l'Auteur parle dans ce
Volume , de S. Cypricn qui fouffric
le martyr en 15 8. de S. Denys Evê-
que d'Alexandrie , de S. Grégoire
Taumaturge , d'Arnobe , de Lac-
tance , de S. Pamphile , &C de quel-
ques autres Auteurs Ecclcfiaftiques
dont les Ouvrages font perdus. Il
donne en fécond lieu un abrégé des
Adcs de pluficurs Martyrs du troi-
fiéme fiécle , & il joint à cet Extrait
des Obfervations fur les Ades de
ces Martyrs qui ont été publiés dans
ces derniers tems. On trouve en
dernier lieu à la fin de ce Volume
un abrégé des Conciles tenus pen-
dant les trois premiers fiécles , &
un extrait des Canons qui y ont
été faits , foit pour le dogme , foie
pour la difcipline , en Voici quel-
ques traits.
■258 JOURNAL DES SÇAVANSi
Après un abrégé de la Vie de Ladance , le fcul entre les défea-
S. Cyprien & de îcs Ecrits & des feursdc la vérité qui fc foit diftia-
RemarqucsCritiques fur lesOuvra- gué par fon éloquence , fcs Ouvra-
ges qui lui font tauflenient attribués; ges font tous admirables , chacim
le P. Ceilljcr donne un précis inte-
rcllant de ce qu'il a trouvé de plus
remarquable dans les Ouvrages de
S. Cyprien par rapport au dogme ,
à la morale & à la difcipline , 5: il
rapporte au bas des pages les princi-
paux palTages pour juftiher te qu'il
avance dans le Texte. Puis il vient
dans l'article 6. au jugement qu'il
en leur genre , 6: il a tant de grâce
pour orner tout ce qu'il dit , tant
de clarté pour le faire entendre ,
tant de force pour le pcifuader ,
qu'il eft plus dilficile de juger e;i
quoi il excelle le plus , ou dans la
beauté de l'expeflion , ou dans la
netteté du raifonncment & des
penfées , ou dans la force des prcu-
porte des Ecrits de ce Saint Martyr, ves. Il avoit un génie tacile , agréa-
cn tirant fcs principaux traits , de ble , abondant , Se ce qui eft une
des plus belles quaiitez de l'Ora-
teur , iort clair Se fort net .... Il a
inftruit les Gaules , l'Angleterre ôc
ce qu'en ont dit les anciens Au-
teurs Ecclefiaftiques.
Il eft également difficile de faire
l'éloge des vertus de S. Cyprien,&
d'exprimer de quelle utilité fes
Ecrits font à l'Eglife. Son éloquen-
ce même ne fulliroit pas pour faire
fon panégyrique , & tout ce que
nous pourrions dire ne répondroit
jamais à l'idée que fon nom feul
forme dans l'efpritde tout le mon-
de... . Ses Ecrits répandus jufques
dans les Eçlifes d'Orient & cités
jufqu'aux dernières extrémitez de
l'Elpagne. Il a porté par tout J. C.
& tant qu'il y aura des hommes &C
des Livres , quiconque aimera J.C
lira Cyprien Se apprendra de lui la
vérité. Tous ces Ecrits font égale-
ment utiles &pleins d'érudition Sc
de force. On y trouve les princi-
paux dogmes de la Religion bien
établis , la difcipline de l'Eglife re-
"■"•■' '■~" '^n ; ' 1 o
dans les Conciles pour la détenfe prefentée dans fa beauté , les maxi-
de la foi contre les' Hérétiques , mes de la Morale Evangeliquc foû-
l'ontfait regarder comme un Maî-
tre ou un Juge de la doûrine de
l'Eglife. S. Jérôme qui n'en a pas
voulu fjire le Catalogue , parce
qu'ils font , dit-il , plus connus
que le Soleil , les compare à une
fource très- pure , dont les eaux
coulent avec une agréable douceur.
lis rclTembleat aulîî très-fouvent à
un torrent qui marche avec impé-
tuofité & rompt tous les obftacles
tenues dans toute leur pureté , &
plnfieurs Textes des Livres Saints ,
qu'il polfcdoit parfaitement , heii-
reufement expliqués.
Le P.Ccillierobfcrve comme une
chofe digne de remarque, que quel-
que eftime que S. Cyprien ht dts
Ecrits de Tertulicn, & que quelque
grande que fytfon appUcation à les
lire, il ne donna jamais dans aucun
des excès de cet Auteur : il n'a pris
qu'on lui oppoî'c Il eft , dit ,de lui que ce qu'il y a de bon , &c
quan4
MAY
quand il fe feit des raifonncmens
éc des penfces , qu'il en a emprun-
tées j c'eft toujours en" leur don-
nant un tour plus aifé & plus poli
qu'ils n'ont d^ns Tertulien. La leu-
ic chofe qui ùûc delà pcjnedans
les Ecrits de S. Cypricn eft l'erreur
qu'il a foûtenuc fur le Baptême des
Hérétiques 3 mais s'il cft reprchen-
fible d'avoir foûtenu un fentiment
que l'Eglife a depuis condamné , il
<c(i loiiable pour la conduite qu'il a
tenue dans cette difpute. S'il a foû-
tenu l'erreur, c'a éccivec douceur
5c avec un cfprit de paix,prct à re-
cevoir les cclairciffemens des au-
tres j fi on lui en eût donné. S'il
«'eft élevé quelque nuage de la fra-
gilité hiunaine dans une ame auflî
éclairée , il a été dilîîpé par le glo-
rieux éciat de fon fang répandu
pour J. C. dans la paix de fon cœur
5c dans l'unité de l'Eglife. Notre
Auteur croit que S. Cyprien n'a
point changé de fentiment au fujct
du Baptême des Hérétiques , &:
que le Pape S. Etienne n'a point er-
ré fur ce fujet , & qu'il n'a point
approuvé le Baptême qui n'étoit
point donné au nom des trois Per-
fonnes de la Trinité.
Notre Auteur , parlant des difTe-
rentes Editions de S. Cyprien ,
avertit que celle de Rigaut eft char-
gée d'un grand nombre de notes ,
entre lefquelles il y en a quelques-
unes où il affoiblit les endroits qui
établirent les prérogatives de l'E-
glife de Rome, & où il combat des
fcntimens reçus dans l'Eglife, com-
me celui du Baptême des cnfans
qu'il nie être de tradition Apoftoli-
, 1735. ^'69
que. M. de Laubepine fe déclara
contre Rigaut, & Grotius dit que
i\ ce Prélat eut vécu plus lonp--tems
il auroit tait déclarer hérétique cet
Editeur de S. Cyprien.
Le Chapitre qui concerne Lac-
tance nous tournira quelques traits.
Le premier article contient un
cbrcgé de la vie de cet Orateur
dans les trois articles fuivans il
donne un abrégé détaillé dcsTraitez
de l'Ouvrage de Dieu , des Inllicu-
tions Divines, & du Livre delà
Colère de Dieu , & dans l'article 4
du Traité de la mort des perfécu-
teurs. Mais avant de commencer le
précis de ce dernier Ouvrao-e il
traite la quedion il Ladance en cft
véritablement l'Auteur. Sur quoi
il rapporte le raifons de part &
d'autre.
M. Baiuze eft le premier qui aie
donné cet Ecrit au public , & il n'a
point fait difficulté de l'attribuera
Ladance. Ce qui l'a déterminé ,
c'eft 1°. qu'il a cru que le titre de la
mort des perfecutcurs , qui eft ce-
lui que porte cet Ouvrage dans un
Manufcrit ancien de Spoans, équi-
valoir à celui de la perfecution cité
par Saint Jérôme dans le Catalogue
des Livres de Ladance j 2°. Que Ice
noms deLucius-Cecilius qu'on lit à
la tête du Livre de la mort des per-
fécuteurs dans ce Manufcrit , font
joints à ceux de Firmicn & de Lac-
tance dans un autre. Manufcrit des
autres Ouvrages qui font conftam-
mcnt de Ladance -, 3 '. Qu'il a cru
voir dans ce Traité le ftyle de Lac-
tance , fes manières de parler & ki
citations fréquentes de Virgile.
Na
x-jo- J O U H N A L D
Quoique les Savans qui ont par-
ié de cet Ecrit, depuis qu'il a été
Bublié , l'ayent prtlqiic tous attri-
bué à Ladance ; le P. le Nourry n'a
pu fc pcrfuadcr qu'il fût effedtivc-
ment de cet Auteur. Le titre <^f /.«
perfecution & celui i>!s la mort des per-
fecHtews n'pnt pas paru au P. le
Nourry auffi relîtinblans qu'ils l'a-
voient paruà M. Baluzc. S. Jérôme,
S. Auguftin , Honorius d'Autun &
i'Abbé Trithcme , n'ont cite Lac-
tance que fous le nom de Firmien-
Laclance , le P. le Nourry ne fçau-
roit fc perfuadcr que celui de qui
vient cet ancien Manufcrit , eût
fupriraé le nom fous lequel Laitan-
ce étoit connu ^ pour lui donner
celui de Lucius-Cecilius. Pour ce
qui efl; du ftyle , le Benediifdn y re-
marque des exprelîlons qui lui pa-
roi lient obfcurcs , peu latines , &
tout- à-fait éloignées de la politelTc
& de l'élégance qui ont fait regar-
der ce Pcre comme le Ciceron de
fon fiécle. 11 obferve encore qu'on
ne trouve dans ce Traité aucune ci-
tation des autres Ecrits de Ladan-
. ce , quoique cet Auteur ait coutu-
me de fe citer lui même dans les au-
tres Ecrits qui font conHiammeiit
de lui. Il y trouve aullî quelques
opinions contraires à celles que
Ladance foiiticnt dans fes autres
Ecrits. Le P. Ceillicr ne paroît pas
fort touché de cei raifons du Père
le Nourry pour ôter à Ladtancc le
Traité de la mort des Pcrfccuteiirs.
Au refte , il femble à notre Auteur
qu'il eft allei indiflèrent quel fenti-
mcnt on cmbraflc fur ce point de
•«ritiquc , parce qu'il fera toujours
ES SCAVANS;
confiant que ce Traité dt h. mort des
Prrfeciiteurs eft un Monument rrcs-
précieux,&:quc l'Auteur vivoit dans
le tcms de Lactance , puifqu'il écri-
voit après la perfccution de Dioclc-
tien , 6c avant celle de Licinius vers
l'an 514. Il le dédie à Donat qui
avoit confelTé J. C. fous Flavin
Préfet du Prétoire , fous Hicrocle
Gouverneur de Bythinie , &i fous-
Prifcillicn fuccclTeur d'Hierccle.
Qiiûiquc Ladance fe foit plus
appliqué dans fes Ecrits <à détruire
la Religion des Paycns, qu'à établir
celle des Chrétiens , on ne lailTc pas
de trouver dans fes Ecrits pluficurs
chofes qu'il eft important de re-
marquer , foit pour le dogme , foit
pour la morale Chrétienne. Le Père '
Ccillier réunit ces diffcrens traits
dans l'article 3 du chapitre de Lac-
tance. Il marque cnfuite quels font
les fentimens crronnés qui ont en-
gagé le Pape &él.îfe à mettre Lac-
tancs au nombre des Auteurs apo-
criphcs. Les cireurs qu'on lui rc-
pioche lui font communes , dit le
P. Ceillier, avec beaucoup d'autres
anciens à qui il faut moins les attri-
buer qu'au tems auquel ils ont vé-
cu , où Ion n'avoit point encore
éclaira certains articles de la foi
avec autant d'cxaditude & de pré-
cifion qu'on a fait depuis. S. Jérô-
me qui n'approuvoit pas les expref-
llons de Ladance fur le Sain?
Efprit , rclcvoit néanmoins fes
Livres des Inftitutions , comme nn
Ouvrage excellent. Il admiroit
également la folidité ^ l'éloquen-
ce du Livre qui a pour titre de la
Colère de Dieu. On peut dire en
MAY
■e^et , ajoute notre Auteur , que
perfonue n'a combattu l'Idolâtrie
avec plus de force , Se avec un ftyle
plus beau, plus cloquent. Ses autres
Ouvrages font écrits avec autant de
«oblefte & de pureté ^ Se c'efl avec
juftice qu'on le met encie les hom-
mes les plus éloquens qu'ait eu le
Chriftianifine , Se qu'on le regarde
comme un fleuve d'éloquence
comparable à Ciceron , fur qui mê-
me il a l'avantage d'avoir non feule-
ment traité des matières plus fubli-
riies Se plus interelTantes , mais d'a-
voir enrichi fes Ouvrages d'un
grand nombre de maximes plus
pures Se plus excellentes Le
Txaité de la mort des Perfecutenrs eft
écrit avec beaucoup d'art & de poli-
tcfle j 6c on y trouve pluiieurs traits
importans pour l'Hiftoire de l'E-
glife.
Pelage croyoit pouvoir tirer avan-
tage de quelques endroits de Lac-
tance où il fembloit que l'Auteur
admît en J. C. un combat contre
les vices Se contre les defirs de la
concupifcence. Mais S. Auguftin
lépondoit que les paflages cités par
Pélase font conçus de manière
. ■ 17 5 3- =71
qu'on n'en peut rien conclure ni
contre la foi Catholique, ni contre
l'Héréiic de Pelage ; en fécond
lieu que les deilrs de la concupif-
cence dont Laâ:ance parle en cet
endroit, font la faim , la foif, le
defir du repos , Se d'autres paflîons
femblables dont on peut bien ou
mal ufcr , mais dont le Sauveur a.
toujours tait un ufage légitime.
A l'égard du reproche que fait
S. Jérôme à Ladtance d'avoir dit en
plufieurs endroits de fes Lettres,
que le S. Efprit n'eft qu'un nom re-
latif , tantôt au Père tantôt au Fils,
pour exprimer la fainteté , ou la
vertu de fancftifier qui leur eft com-
mune , le P. Ceillicr obferve qu'on
ne trouve point cette erreur dans
ce qui nous rcfte des Ouvrages de
Laélance , où il ne parle point du
S. Efprit. Il ajoute qu'on pourroit
donner un bon fcns aux paroles que
S. Jérôme rapporte de Ladtance, en
difant que les noms de Saint Se d'ef-
prit dans l'Ecriture font communs
au Père Se au Fils, quoiqu'ils con-
viennent particulièrement au S. Efr-
prit,comme le dit S. Auguftin dans;
le Livre 15.de la Cité de Dieu.
HISTOIRE DE VJCADEMIE ROYALE DES SCIENCES.
^nnée 1730. Avec les Mémoires de Mathématicjue & de Phyjïcjue ^ pénr
la même année , tirés des Regiflres de cette Acadé?nie. A Paris , de l'Im-
primerie Royale. 1731. /»-4°. pp 143. pour l'Hiftoirc : pp. 580. pour
les Mémoires. Planches détachées 2j.
AP R E'S avoir fait connoître,
dans notre Journal d'Avril
dernier , les articles de ce Volume
qui appartiennent à la Phyficjue gé-
nérale èis.i'Aiiatomiej ilrwusrellp
à rendre compte ici de ceux qui
font du relTort de la Chimie ^ de la.,
Botanicjue Se des Adathématiques.
La Chimie nous offre quatre diflTc-
fejis articips. Le premier , fur les
Nn jj
272 JOURNAL D
louillons de vi.mde ^ cft de M. Geof-
froy ; le fécond , fur im grand mm-
i>re de Phofpkores nouveaux , cft de
yi.dti Fay ; le troificme, cft l'Ecrit
de M. Bourde! in fur le fei lixiviel
dn Giiyac : Ss- le dernier , de \L
Bûiddiic , contient une manière fins
fmfle (jue f ordinaire pour faire le
f'.blimé corrofif. De ces quatre arti-
cles les deux premiers fe trouvent
dans THiftoire & parmi les Mé-
moires i les deux autres font entiè-
rement renvoyés aux Mémoires.
Nous ferons feulement l'Extrait du
premier &: du troifiéme.
I. Quoique de tous les alimens
ceux que foumifTcnt les Végétaux
femblent convenir le mieux aux
malades j cependant l'ufage des
bouillons de viande pour leur
principale nourriture a tellement
prévalu parmi nous , qu'il eft-très-
important de favoir au julle com-
bien ces bouillons contiennent de
fubrtance vraiment nourricière.
C'eft le moyen le plus fur de ne
les prefcrire ni trop forts , lorfque
ie malade a befoin d'une diète au-
ftere ; niîropfoibles , lorfqu'il s'a-
git de reparer fes torces. M. Geof-
froy s'eft donc chargé de cet exa-
men , en continuant & en pouflant
plus loin les recherches déjà faites
îur cette matière dans l'Académie.
Suivant cette vue ^ il s'eft propo-
fe de découvrir par l'Analyfe Chi-
mique i". la quantité & la qualité
des principes que renferment les
chairs crues mifcs en diftillation :
2°. Ce qu'elles en laifTent aux ex-
traits folidcs qu'on en tire pari'é-
ï)u.Uition & i'évaporation : 3°. En
ES SÇAVANS,
quoi les fcls volatils qui s'en échap-
pent différent ellcnticllcmcnt :
4°. Ce que les chairs dépouillées
de leurs fucs & fechées contiennent
encore de principes. Il promet de
déterminer, dans un autre Mémoi-
re , ce que les matières olleufcs
peuvent donner d'extrait nourtif-
fant , par la voye de la cuilTon.
Nous ne faurions fuivrc l'Acadé-
micien dans le détail où il entre fur
tous ces articles. Nous dirons f(?u-
lement en général , Que de 4 onces
de pure chair de bœuf dont il avoir
féparé la grailTe ,.lesos , les carti-
lages, les tendons & les membra-
nes , il a tiré par la diftillation an
Bain-Marie plus de la moitié de
phlcgme , c'eft-à-dire 2 onces , 6
gros , 3 6 grains : Que 4 onces de la
même chair, cuites dans un vaif-
feau bien clos avec neuf pintes
d'eau verfées à différentes reprifes ,
ont donné après l'ébuliition &: I'é-
vaporation I gros 56 grains d'ex-
trait, &tfgros 3 <j grains de fibres
deffechées : Qiie l'extrait analvfé a
fourni un fel volatil en cryftaux
plats tels que ceux du fel volatil
d'urine , & que l'Académicien ju-
ge armoniacal ■■, le regardant au fur-
plus comme le fel eflcntiel de la
viande & comme fe féparant du
fang par les urines après la nutri-
tion : Qii'à ce fel volatil a fuccedc
une huile , & qu'il n'eft rcfté dans
la cornue qu'une très- petite quan-
tité de charbon très-léger : Que les
fibres de la viande privées de tout
leur lue ont donné par l'analyfe
prefque les mêmes principes , &
dans le même ordre , q^ioiqu'ca
MA
<3ofes un peu différentes. On voit
afllz , par ce qui vient d'être dit,
cjuc ce qu'on appelle extrait con-
tient tout ce qu'il y a de nourrif-
fant dans la %'iande ; i5c que li 4 on-
ces de chair de bœuf produifcnt i
gros 5^ grains d'un pareil extrait ,
une livre de lé^ onces en produira
7 gros 8 grains ■■, d'où il fuit qu'un
«onfommé d'une livre de bœuf
renferme une même quantité de
nourriture fubftantielle.
Mais 'comme il enCi'e dans les
bouillons des malades différentes
fortes de viandes cuites cnfcmble ,
l'Académicien a fait fur celles dont
l'ufageeft le plus ordinaire les mê-
mes recherches que fur la chair de
bœut. il a trouvé dans 4 onces de
celle de veau 1 8 grains de flegme
de plus que dans celle de bœuf, 46
grains d'extrait au'H de plus , & â^è
grains de moins de fibres defle-
chées; diflerence proportionnée à
l'état de ces deux animaux , donc
l'un demande plus de fuc pour fe
nourrir & pour croître , qu'il n'en
faut à l'autre pour ne faire que fe
nourrir. Et comme félon toutes les
apparences , il y a parmi les fucs du
veau beaucoup plus de ceux qui
doivent fervir à la produ(ftion des
os & des cartilages , M. Geoffroy
croit pouvoir inférer de-là que les
bouillons de veau pourroient bien
être plus convenables que ceux de
bœut aux malades qui ont encore à
croître , ou qui font confiderable-
ment exténuez.
La chair de mouton mife aux
mêmes épreuves que les deux au-
tres , a oifert une plus grande
Y , I 7 ? ?• 275
quantité de filcs nourriciers &: de
principes volatils. L'Auteur a exa-
miné avec le même foin celles de
poulet 3 de coq , de chapon , de pi-
geon , de faifan, de perdrix & de
poulet -d'Inde 5 & il a dreffé des
Tables très- détaillées des refultats
de toutes ces analyfes , mais où les
dofes des extraits font toijjours les
dofcs extrêmes , c'eft-à-dire pour
lefquelles on a tiré des viandes par
i'ébuUition tout ce qu'elles pou-
voient donner ; au lieu que les
bouillons ordinaires ne laiffcroienf
après l'cvaporation que des extraits
beaucoup plus toibles.
M. Geoffroy termine fon Mé-
moire par un calcul exad de ce
qu'un malade prend de fubftance
nourriffante dans chacun des bouil-
lons ordinaires compofés de demi-
feptier de liqueur. En fuppofanc
ces bouillons faits d'une livre de
tranche de bœuf, d'une livre &: de-
mie de rouelle de veau , & d'une
moitié de chapon du poids de 14
onces , ce qui péfe en tout 3 livres
è onces , cuites dans trois pintes ~
d'eau , réduites à 3 chopines pour
fix bouillons qui doivent fe mettre
en gelée; ces 6 bouillons contien-*
dront au moins 2 onces 5 gros 34
grains d'extrait , enforte qu'étant
pris tous 6 dans les 24 heures , le
malade en recevra une nourriture
telle , que comparée avec le poids
entier du pain & de la viande qu'il
peut manger en fanré, elle doit pa-
roître trop forte. Ainfi ( continue
l'Académicien) c'eft à tort que le
Vulgaire s'imagine que les malades
r« font pas fuififamment îîouïïîs
274- JOURNAL D
par les bouillons. Sur quoi l'Hillo-
rien obferve Que la Aledccine d'au-
J6urd^hni tend ajfez. k retMir la
dietc iiuflere des anciens ; mais (ju-'elle
a bien de la peine à obtenir fur ce
point une grande fonmiffion pour l'an-
tiquité.
III. M. BourdeliH , peu d'accord
dans fon dernier Mémoire avec M.
Stahl fur la formation des fcls alka-
lis , entreprend encore ici ce célè-
bre Chimiftc au fujct dufel lixiviel
du Gayac. On s'eft pcrfuadé jufqu'à
prefent que pour la produdion de
CCS fortes de fels , le teun'avoit be-
foin d'aucun fecours ni d'aucune
induftrie de la part de l'Artiile , &
qu'il fuffifoit c^ue celui-ci lui aban-
donnât tout fimplement la plante
deffechée , pour être réduite en
cendres. M.. Stahl prétend au con-
traire , qu'il y a certains végétaux
qui par l'incinération leule ne don-
nent que très-peu de fcl alkali ,
mais qui étant bouillis dans l'eau
pendant un certain tems , puis en-
ticreracnt delTechcs par une lente
évaporation , enfuite brûlés & légè-
rement calcinés , fburniirent infini-
ment plus de ce même fel j & le Mé-
decin Allemand affure que le bois
de Gayac eft dans ce cas.
Non content d'affirmer le fait ,
11 en allègue la raifon phyfî-
que , & pour cela il fuppofc à fon
ordinaire que la formation du fel
alkali refultc de l'union intime du
fcl elTcntieLde la plante avec fa par-
tie luiileufe. Suivant cette hypo-
thèfe , il conçoit les parties falines-
nitreufes & les parties huileufes
in Gayac logées féparçment àm^
ES SÇAVANS,
des cellules particulières -, ce qui
les empêche de pouvoir s'unit
commodément & fc combiner dans
la dcfiagration pour former beau-
coup de fel alkali -, au lieu qu'à la
faveur de l'ébuUition & de h coc-
tion, ces parties raprochées les unes
des autres s'accrochent aifément ,
& après l'cvaporation de toute la
matière aqueufe , fe trouvent eii
état de donner par la calcination
beaucoup plus de fel alkali.
On a vu fouventdes Ph'yficiens
imaginer des hypothéfes tout-à-faic
plaufiblcs , pour l'explication de
certains faits reconnus dans la fuite
pour abfolument faux. M. Bourde-
liii ne laifle pas même l'hypothéfe
de M. Stahl en pofTellîon de ce lé-
ger avantage , & il foûtient qu'elle
eft hors de toute vraifcmblancc :
que ces différentes cellules deftinées
à loger féparément & à écarter les
unes des autres les parties falines &
les parties huileufes du Gayac font
purement imaginaires ; que les li-
queurs qui roulent & circulent
dans les vaiffeaux ou tuyaux des
plantes y portent également les
differens principes unis & combi-
nés entr'cux par la nature -, & que
l'analogie entre les plantes & les
animaux , loin de favoriier le Sy-
ftème de M. Stahl ^ fembleroic
plijtôt en mieux découvrir i'abfur-
dité.
Mais [ dira-t-on ] le Chimiftc
Allemand ne me pas la combinai-
fon aiîluellc du fel &c de l'huile dans
toute l'étendue de la plante , puif-
qu'il convient que du Gayac brûle
tus autre préparaiicn, l'oaeijtirc.
MAY
an fel alkaîi. L:^ qucftion ne roule
que fur le plus ou le moins , &; ce
n'eft que pour ce nioi^is que doit
valoir fon hypothéfc. C'eft à quoi
M. Bourdelin n'oppofe que l'expé-
rience du nitre fixé par le charbon -,
expérience , qui , iclon lui , met
dans un plein jour l'extrême facili-
té qu'ont à s'unir cnfemble deux
fubftances tout- à -fait étrangères
l'une à l'autre , & bien moins à
portée de le faire , que ne le fe-
roientles parties falincs & huileufes
du Gayac déjà rafTemblécs & mê-
lées dans une même plante , quel-
que écartement qu'y fuppofe M.
Stahl.
De la réfutation de l'hypothéfe,
î'Auteur paffe à l'examen du fait ,
dont pluiîeurs expeiiences diffé-
remment tournées ce répétées
crainte de mcprife, lui démontrent
la faulTcté. Sans vouloir le fuivrc
dans un détail qui nous mcncioit
trop loin,&: peur lequel il faut con-
fulter fon Mémoire , nous dirons
en gros , que de hx livres de rapu-
resde Gavac brûlées à l'ordinaire ,
il a tiré par différentes leiïîves 130
grains de fel lixiviel : Que de fix
autres livres de rapures du même
Gayac bouillies pendant 1 1 heures ,
en renouvellant l'eau de tems en
temS , la dcco(fl:ion évaporée lui a
lailTé 9 gros d'extrait rcfineux, dont
il a tiré par ta calcination & par la
leffive 47 grains f de fel lixiviel-, &
que ces mêmes rapures qiuavoient
jfourni l'extrait par l'ébullition , &:
4jui ne pefoient plus que 5 livres ,
Jiyant été brûlées & calcinées , ont
«CJiGojre donné 78 grains du même
1 7 5 V
27f
fel : ce qui fait en tout 115 grains
-^. D'où il paroît que le Gayac^bien-
loin de fournir par le procédé de
M. Stahl , infiniment fins de ce fel,
que par le procédé ordinaire , en
donne quelques grains de moins :
encore faut - il deux opérations
pour obtenir ce qu'on peut avoir
par une feule ; enlbrte ( dit M.
Bourdelin) que c'eft doubler la
peine , fans augmenter le profit.
Après cela , croyez - en fur leur
parole les Chimiftes les plus fa-
meux & les plus expérimentés ,
fans vous mettre en peine de véri-
fier leurs expériences.
La Chimie nous prefente encore
dans ce Volume une Obfervation
très-curieufe , rapportée par l'Hi-
ftorien. Elle eft de M. le Févre , Mé-
decin d'Uzés , dont on a déjà fait
mention ailleurs ( en 1728. ) &
c'efl un fuite de fon Phofphore.
C'efl une manière trcs-fimplc &
très-facile de faire unColeothar tout
femblable à celui qu'on tire du vi-
triol par une longue calcination. Il
ne s'agit pour cela que de mêler
enfemble de la limaille de fer 5c du
fouffre fuivant certaine proportion,
de laiffer diffoudre le ter par l'acide
du fouffre , de tirer cette pâte
molle du vaifTeau , de l'expofer à
l'air, où elle s'échauffera bien- tôe,
rendïa une odeur de fouffre brû-
lant , & deviendra rouge au bout
de quelques heures , en poudre
fine , flyptique au goût , & qui cil
le Colcothar. L'eau chaude , où ou
le met , étant remuée , filtrée 6c
évaporée , laiffe au fond du vailfeau
un vrai vitriol de Mars , qui eft ur
27(î JOURNAL D
corps falLn très-diticrcnt du foufre
commun & du fer. Mais qu'cfl:
devenue dans un tel changcmenc
la piitie inflammable du foufre î
C'eft ce que M. le Fevre lailTe à
chercher aux plus habiles.
Par des opérations à peu près
femblables , il trouva que l'eau de
chaux pouvoit changer en fcl ce
même foutre commun -, Se qu'ap-
paremment , on pourroit opérer ia
même transformation fur les bitu-
mes , les reiîncs , les huiles es: les
grairtcs. Or comme le fel tiré du
mélange de l'eau de chaux & du
foufre eft un alkali fort femblable à
celui que rccellcnt quelques eaux
minérales de Languedoc , celles
d'Yeuzec , par exemple , de S.Jean
d'Aiais; M. le Fevre ne doute pref-
quc pas que la nature ne rende mi-
nérales ces mêmes eaux par une
opération toute pareille , & il en
croit par confequent le myftere dé-
couvert. Ce qui le confirme dans fa
conjedure , c'eft qu'il a réulTi à fai-
re artificiellement de ce i eaux , qui
ont les mêmes vertus que les natu-
relles , c'eft-à-dire qui font rarraî-
chifTantes , purgatives & diuréti-
ques. Celles d'Yeuzct expofécs
quelques momens fijr le feu font
voir à leur furface de petites aiguil-
les blanches, tranfparentcs , égales,
d'une parfaite régularité , êc qui
relTemblent au fcl fcdatit de M,
Homhrg.
La Botanique peu féconde dans
ce Volume ^ ne contient que deux
articles, l'un &; l'autre de M.Duha-
mel \ le premier fur les Greffes , le
fécond l'ur VAnatomic de la Poire,
ES SÇAVANS,
On L-s lit tous deux , Si dansL
partie hiftorique , & parmi les Mé-
moires. Nous dirons quelque cho-»
fe du dernier.
La plupart des fruits , par la mo-
leffc & l'iniformité de leur fub-
ftance , fi ion en excepte leur peau,
leurs noyaux >?^: i?uvs pépins , pa-
roiïïcnt très peu lufceptibles d'une
exacte diiïcûion. D; célèbres Ob-
servateurs en ce genre , tels que
Aldpighi , G'-rw , Lsavenhoek^ &
Rityfch ont tenté celle de la Poi.c ,'
comme moins difficile , à caufe de
la connrtarice plus folidc de ce
fruit ; & M. Ditlu^mel , en fuivant
leurs traces, s'eft piOpofé de per-
fedionner ce qu'ils n'avoient, pouï
ainlî dire , qu'ébauché.
Entre plufieurs moyens ciïayéj
afTez inutilement pour pénétrejc
avec moins de peine dans la tiflure
intime de la Poire , il n'a rien trou-
vé de plus fivorable à ce delTein
qu'une longue macération du fruit
dans l'eau commune. Mais ce fe-
ccurs n'agit pour l'ordinaire que
très-lentement ; fouvent il n'ache-
vé de détacher un relîe de nletou
de vaifTeau qu'au bout de 15 jours;
Se il faut quelquefois deux ans de
macération pour développer Se ren-
dre vifibies certaines parties. La
diiïedion , pour plus grande faci-
lité , doit toujours fe faire fur le
fruit nageant dans l'eau , & avec
les inftrumensles plus délicatsi&ce
qu'ils ne peuvent découvrir aux
yeux doit être examiné avec les
meilleurs Microfcopcs. La lenteur
& h difficulté de pareilles opéra-
tions n'ont permis jufqu'ici à 1"A-
cademicieg
MAY
çademicien que la feule difTcdion
de la peau du fruit qui cft l'objet
de fes recherches. Elle fait la matiè-
re de ce premier Mémoire , qui
fera fuivi de plufieurs autres que
promet le travail perfcverant de
i'Aiîatomifte fur ce même fujet.
M. Duhamel diftingue dans la
feule peau de la Poire 4 envelop-
pes différentes , favoir 1°. VEpider-
me ou la furpeait , 1°. le TiJJh Mh-
^ueux ^ 3°. le Tijfii pierreux ^ 4°. le
Tijfu fibreux.
1'. VEpiderme de la Poire eft;
une membrane d'untilfu plus ferré
.que la chair du truit , percée d'un
grand nombre de pores , & par ces
4eux circonftances , propre à dé-
fendre le fruit contre les accidens
extérieurs , & à lui procurer une
médiocre tranfpiration. Ce tégu-
JTient , ainfi que dans l'homme , fe
fépare & tombe par écailles , fe re-
produifant enfuite fans aucune ci-
/ratrice. Mais quelle en eft l'origine?
C'eft fur quoi manque jufqu'à pre-
fentde lumières fuEÛantes l'Anato-
mifte , qui feroit pourtant alfez
ilifpofé à croire que l'Epiderme
en queftion pourroit bien être la
dernière fuperficie du tiflii muqueux
rondenfée par l'air.
1°. Ce Tiflu rnuqmux , très-diffi-
cile à détacher de l'Epiderme qui
Je couvre , n'eft félon toute appa-
rence^ qu'un lacis de vaifleaux très-
fins , & remplis d'un fuc un peu
jvifqueux. Sa couleur naturelle-
ment verte , emprunte quelque-
fois la rougeur de l'épiderme & il
s'en laiffe entièrement pénétrer. Les
coups de grêle le racurcriflent &
> 17 5 J- f'.77
le dcflechent , l'exceffive humidité
le corrompt , il fert de pâture à cer-
taines chenilles & à une efpece de
mire très petite qui le ronge , fans
endommager l'Epiderme. Deftruic
dans toute fon cpaifTeur , il ne fc
reproduit point , & une forte de
gale gommeufe en occupe la place.
3°. Le tiffu pierreux eft compofé
de ces petits grains durs & cro-
quants appelles pierres dans cette
forte de fruit , ranges afTez regulie-
rement les uns à côté des autres
pour former le tégument dont il s'a-
git. Ces pierres ne lui font nulle-
ment particulières , mais elles font
répandues dans tout le refte du
fruit , dont elles rendent la chair
cajfante on fondante ^ félon qu'elles
s'y trouvent en plus grande ou eu
moindre quantité : ce qui engage
l'Académicien à confiderer ces pier-
res toutes enfcmble. Elles forment
une efpece de canal pierreux dans
tout l'intérieur de la Poire , depuis
la queue jufqu'à l'ombilic ou la tê-
te. Ce canal toujours ferré jufqu'à
la région des pépins , y prend plus
de largeur dans toute fa circonfé-
rence i après quoi il fe rétrécit juf-
qu'à l'ombilic , où il rencontre le
tifTu pierreux , avec lequel il forme
un rocher trèsvillble. Outre ces
pierres difpofées en canal , il y en a
quantité d'autres plus ou moins
fenfibles femées dans tout le corps
du fruit , & dont les Poires les plus
fondantes ne font pas même dé-
nuées.
Il n'eft pas facile de deviner à
quoi fervent ces pierres ; & M.'
Duhamel a fait plufieurs recherches
Go
278 JOURNAL D
pour découvrir c]ucl en eft l'ufagc ,
& à quelle forte d'organes on pour-
roit les compar;;r. Elles ne font
qu'un afiemblage de petits grains
plus ou moins durs, qui parvenus
à leur grolîcur naturelle font voir
dans toute leur circonférence quan-
tité de filets ou de vaiffeaux qui y
entrent ou qui en fortent. Ces pier-
res à peine fenfibles &c fans folidité
dans les fruits nouvellement noués,
durcilTent & groffilTent au point de
rendre prefque totalement pierreux
les fruits encore très-petits. A me-
fure qu'ils groflîflcnt & approchent
de leur maturité , ces pierres croif-
fcnt peu ou ne croilTent plus , ôc
même difparoiflent en partie.
Sur de telles Obfervations , M.
Duhamel incline fort à prendre ces
pierres pour autant de glandes vé-
gétales , analogues aux animales, &
deftinées à la fecretion des fucs.
Comme ces fucs ne font jamais
plus neceflaires aux fruits pour le
développement de leurs pépins ,
que lorfqu'ils fe nouent , auffi ces
glandes végétales font-elles alors
plus molles & plus nombreufes.
Elles durciffent &: ceffent de grofllr
îorfque les fucs tartareux s'y étant
amafles , les rendent moins pro-
pres aux filtrations. L'Académicien
ne les croit pas inutiles même en
cet état , & leur attribue la fonc-
tion des os , c'cft-à-dire qu'elles fer-
vent d'appui aux autres parties de
la Poire qui ont moins de folidité.
Le rocher ou l'amas de pierres qui
paroît à l'ombilic de ce fruit , d'où
naiflbient , au tems des fleurs, leurs
étamincs & leurs pétales, ferablcnt
ES SÇAVANS;
confirmer Tiddc de l'Académicien.
Nulle partie de la plante n'avoit
alors bcfoin de fucs plus parfaite-
ment filtrés 3 & par confequcnt il
ne pouvoit s'y rencontrer un trop
grand nombre de glandes.
4°. La 4' enveloppe de la Poire
Se la plus intérieure eft le tilfu fi-
brcHX tormé d'un lacis perpétuel de
vai fléaux qui s'anaftomofent réci-
proquement , & qu'on ne peut
démêler bien diftinÂemcntque par
une manœuvre induftrieufe qu'il
faut voir dans le Mémoire même.
*> Mais ( dit l'Hiftorien ) il fau-
» dfbit encore plus de fagacité d'ef»
» prit & prefque de la divination
»> pour déterminer précifcment les
» ufages particuliers de chacun de
» ces 4 tégumens. M. Duhamel
» ( continue-t-il ) ne s'eft pasenga-
» gé dans un détail qui ne feroic
"pas aflcz fondé fur l'expérience.
» Il efl: plus fage d'éviter des rai-
» fonnemens où l'on n'eft pas con-
»duitpar les faits.
Les diverfes Obfervations Botani-
ques font au nombre de quatre.
Dans la première , due à M. Dantf
d^lfnard , à qui l'a communiquée
M. Benoît Stehélin de Bâle , il eft
parlé de hfilicula faxatilis cornicH-
lata , où celui-ci a découvert , que
l'anneau qui entoure l'ovaire des
plantes capillaires , en doit être la
partie fpermatique , c'eft-à-dire ,
celle où efl: renfermée cette poulîîe-
re , qui féconde l'ovair:. 11 s'agit
dans la féconde ( qui eft encore de
M. Stehélin ) de l'E^uifetum ou de
\z -prêle, dont la pouflîere ^ envi-
ronnée de fes lames ciaftiques , eft
d'un verfl foncé
cendré pâle , après la détente de
ces lames , & reprend fon premier
verdj pour peu qu'elle foit humec-
tée. M. Sarrazin , Médecin de
Québec , dans la troifiémc Obfer-
vation , fait part à l'Académie de
ia fingularité d'une efpece d'Erable
de l'Amérique Septentrionale, qui
s'élève 60 ou 80 pieds , & dont la
fève depuis le commencement d'A-
vril jufqu'à la mi-Mai eft aflez fou-
vent fucrée , fortant de l'arbre pat
incifion , & laiflant après l'évapo-
ration la 20° partie de fon poids
qui eft de véritable fucre ; mais
xette fève , pour être fucrée , de-
jnande ijueiques circonftances
qu'on ne devineroit pas , & qu'ex-
pofe M. Sarra^n. La dernière Ob-
fervation contient la defcription de
deux Plantes des Indes Orientales,
donnée par M. Garjîn plus exade-
ment qu'on n'a voit fait jufqu'ici.
La première eft le Mangouftan , ar-
bre pomifere des Moluques ^ très-
propre à orner les Jardins par la
beauté , la régularité &c l'égalité de
fa touffe , portant un fruit excel-
lent, rafraîchiffant & très-fain , &
une écorce fpecifique pour les dyf-
fenteries : la féconde eft une efpece
de fenjitive dont les feuilles , au
toucher , fe ferment , non en def-
fus, comme les autres efpeces, mais
en deflous.
Parmi les articles qui concernent
les MathématicjHes , il y en a de Géo'
métrie , A' Aflronomie , de Géogra-
phie , & de Méchan'ujue.
La Géométrie en tournit cinq. Le
|>remier fur une théorie^ générale des
M A Y ; 175 5; 27J?
puis d'un gris lignes du quatrième ordre eft le précis
de deux Mémoires trèsétendus de
M. l'Abbé de Bmgelongne imprimés
en entier : \cizcov\eii\itles tourbes
tautocrones , eft de M. BemouUi ; le
troifiéme fur la Courbe aux appro-
ches égales , eft de M. de Mauper-
tuis : le quatrième roule fur queU
ques queflions qui regardent les Jeux '
Se contient deux Mémoires de M.
Nicole : le dernier eft l'Ecrit de
M. Ai^hieu fur de nouvelles proprie-
tez. de l' Hyperbole. Ces deux der-
niers articles font entièrement ren-
voyés aux Mémoires. Les autres s'y
lifent aufti , & de plus dans la par-
tie hiftorique. Nous donnerons
quelque détail du premier , du
troifiéme & du quatrième.
L Entre les lignes courbes Géo-
métriques nonmièes aulîî Courbet
Algébriques ou rationnelles , celles
du fécond ordre ou dont les équa-
tions ne montent qu'au fécond de-
gré , fe reduifent uniquement aux
quatre ferions coniques. Quanc
aux Courbes du troifiéme ordre ,
on n'en connoiftoit , il y a 50 ans ,
qu'un très-petit nombre , favoir les
deux Paraboles cubiques , la CiiToï-
de de Diodes , le Folium de Defcar-
tes , la Paraboloïde du même , &
le fécond Hyperboli/me parabolique.
Mais feu M. Newton , dans fon
énumeration des Lignes du fécond or-
dre , publiée en Latin à Londres en
170^. fit paroître 72 Courbes juf-
qu'alors inconnues , à l'exception
des fix qu'on vient de nommer.
Comme l'Auteur n'a voit point in-
diqué l'analyfe qui l'avoit conduit
à cette grande découverte, M. Stir-
O o ij
2«o JOURNAL D
^ng , autre Géomètre de la même
nation , entreprit de développer
cette analyfe , dans un Livre inti-
tulé Illujlratio TraBtîtusD. Neicio-
'fni de enumerattone Uneanim tertïl
oràtnis imprime à Oxford, en 1717.
M. Nicole en 1719. lut à l'Acadc-
mie un Mémoire très-inftrudiif fur
cette matière -, & M. l'Abbé de Bra-
gelofigfie ^qu'i avoit dcffein d'en don-
ner unTraité complet, y avoit auflî
travaillé pendant quelque tems.
Mais un tel Ouvrage , après ceux
âe ces trois grands Géomètres , ne
pouvant plus avoir la grâce de la
nouveauté, l'Académicien a tourné
fes vues du côté des Courbes du
troifiéme genre , ou lignes du qua-
trième ordre ; fujet tout nouveau ,
qui pouvoit être de quelque utili-
té au public , & pour l'intelligence
duquel on peut fe paffer d'une
exad;e connoiffancc des Courbes du
fécond genre , dont il fuffira de
connoître les plus fimples , ainfi
que l'application de l'Algèbre à la
Géométrie , & les premiers princi-
pes du calcul différentiel. De ces
Courbes dont M. de Bragelongne
entreprend d'expliquer les proprie-
tez , il n'y en a jufqu'ici qu'un très-
petit nombre qui foient connues
des Géomètres, fa voir trois ou qua-
tre Paraboles & autant d'Hyperbo-
ies du quatrième ordre , la Con-
ehoïde de Nicoméde , la Lemnifcate
de MM. BernoMi , Se une Hyper-
bole du quatrième ordre décrite
par M. Stirling. On a de plus , fut
cette matière , le Traité de M.
Mac-Laurin imprimé à Londres
isn.iyio, fous le titre de Geometria
ES SÇAVANS,
Organica , 5c l'on doit regarder ce
Géomètre comme celui qui a le
plus manié les lignes du quatrième
ordre , fans pourtant s'être propofé
de les faire connoître en détail ,.
d'examiner leurs cfpeccs particuliè-
res , & de nous apprendre en quoi
elles différent les unes des autres.
C'eft donc d'une difcuffîon fi
cpineufe que fe charge ici le fivanc
Académicien, qui dès l'année 1708.
à l'occafion d'une méthode annon-
cée par M. Neivton fans être dé-
montrée , pubha dans le Journal
des Savans ( du mois de Septembre )
comme un avant-coureur dt l'Ou-
vrage important qu'il nous donne
aujourd'hui , & dont les deux Me-,
moires imprimés dans ce Volume ,
où ils remplifl^ent 131 pages, font
à peine la moitié de la première
Sedtion de tour le Traité , qui doit
former plufieurs Serions. Comme
un détail particulier du Géométiir-
que de ces deux Mémoires nous
nieneroit trop loin , nous avons
cru devoir nous renfermer dans le
pur hiftorique , & fur le refte nous
renvoyons les curieux en ce genre à
l'Extrait approfondi qu'en a donné
M. de Fontenelle.
in. La Courbe aux approches
égales ( defcenfus mcjuabilis ) eft celle,
dans laquelle un corps tombant par
la feule force de la pcfanteur , s'ap-
proche également de l'horizon dans,
des tems égaux. M. Leibnitz. tn
i6%-j. propofa de trouver cette
Courbe , à quelques adverfairci
qu'il avoit alors au fujet àts forces-
vives y èc par lefquels ce problème
D& fut point lefolu. Il le fut de dif«
M A
fereates manières en 1594. par les
plus célèbres Géomètres , qui au
lieu de prendre l'horizon pour ter-
me des approches du corps, prirent
un point quelconque : & de ce
nombre furent M. Leihnitz. lui-mê-
me, MM. BemoiiUi ôc M-Farignon^
qui, en 16^99. donna au problême
une forte de généralité , en ne l'af-
fujettiflant ni à l'Hypothéfe de Ga-
lilée fur les vitelTes , ni au rapport
d'égalité entre les chûtes hc les
tcras. Us trouvèrent tous que cette
Courbe étoit une féconde parabole
cubique, pofée de façon, que fon
point de rebrouflement fijt le plus
élevé. Malgré l'univerfalitc donnée
par M. Varigmrt à ce Problême , les
chûtes fe faifoient toujours dans le
vuide ou dans un milieu non refi-
ftant y ce qui tcnoit ce Problême
renfermé dans des bornes très-
étroites.
M. de Maupertuis l'en tire , & le
jconfidere dans un milieu rclîftant
comme une puifTance quelconque
de la vitelTe , ce qui change nota-
blement la nature de la Courbe
dont il s'agit , laquelle devient
Iranfcendante du fécond degré. Il
cherche d'abord cette Courbe dans
l'Hypothéfe particulière d'une re-
fiftance proportionnelle au quarré
tle la vitefle v& après l'avoir trou-
vée :,. il nous apprend , qu'ayant
communiqué la conftrudion ds
cette Courbe à M. Bernoulli , celui-
ci lui envoya une manière de per-
.fedionner cette conftru6tion , &
1- Académicien nous en fait part icL
.La folution du Problême dans
l'Hypothéfe d'un milieu ïefiûant
Y , T 7 î J- aSi:
comme le quarré de la viteiïe
joint à l'avantage d'être ailcz con-
forme 3. la nature , cette commodi-
té pour le calcul , de faire tiouvcr
en termes finis l'expreffion de la
vitefTe ; ce qui n'arrive pas dans les
autres Hypothéfes, Mais ( ajoute
M. de Maupertuis } on peut refou-
dre le Problême en général , & fe
pafTer de l'expreffion de la vitefle*
Il donne enfuite toutes les Courbes
defcenfiis <ie,!jHabUis pour quelque'
hypothéfe de refiftance que ce foit :
fur quoi il obferve que bien qu'un
milieu refiftant en raifon inverfe de
la vitefTe du mobile n'exifte poinc
apparemment dans la nature ; ce-
pendant la féconde Parabole cubi-
que , qui dans le vuide eft la Com-
be en queftion , l'eft encore dans
cette hypothéfe ; ce qui eft très-
digne de remarque. Mais ( conti-
nue-t-il ) la Cycloïde fe trouve ea
quelque façon dans le même cas.
Durefte, parmi toutes ces Cour-
bes que nous offre ici l'ingénicuxv
Géomètre , il y en a que l'on ne
conftruit que par des quadratures
d'autres Courbes •■, & celles-ci font
des exponemiellesy ou font tranfcen-
ilantes par rapport à celles qu'on a;
d'abord qualifiées de ce nom rela-
tivement aux Courbes algébriques.
Nous avons oublié d'avertir dans
l'article précèdent , que M. de
Maupertuis en 1719. avoit donné
un Mémoire fut une affedion fin-
guliere de quelques-unes des lignes
du quatrième ordre.
IV. M. Nicole , dans fes deux
Mémoires , examine & refaut <juel-
«Liies «jueftions fui ies Jeyxdç ha-
I
28a JOURNAL DE
2ard , dont il fait deux cfpcccs : les
uns , qui font de pur hazard , &
ui par leur nature donnent à l'un
es Joiicurs l'avantage fur l'autre ,
comme la Baflette , le Pharaon , les
trois Dcz , &c. les autres , où le
hazard étant égal pour les Joueurs,
leurs forces font inégales , comme
dans le Piquet , &c. La première
qucftion dont l'Académicien entre-
prend ici l'examen , eft commune à
ces deux efpeces de Jeux , c'cft-à-
dire , que la plus grande probabili-
té de gagner pour l'un des Joueurs
tient également à la nature du Jeu
qui lui donne l'avantage , ou à fa
plus grande habileté. Voici le Pro-
blême : Deux ]oïunrs , dont Us for-
ces font entre elles comme p ^ q ,
jouant au Vianet un certain norrwre
de parties , on demande quelle proba-
bilité il y a cjue le Joueur le plus fort
gagne ce tjuon appelle la queue des
paris , & quel eft fon avantage ; ce-
lui qui perd étant celui qui eft marqué
le plus de fois dans le cours des parties
^u'on eft convenu déjouer ?
Pour la folution de ce Problème
à laquelle M. Nicole employé la
méthode analytique , il s'agit d'a-
bord de découvrir l'avantage du
Joueur pour deux parties feule-
ment , enfuite pour quatre , puis
pour fix , huit , dix , &c. fuivant
la convention. Son fort en effet ,
iorfqu'on en jolie iz par exemple ,
doit refulter de l'examen des divers
états où cette partie de jeu peut fe
trouver dans tout le cours de ces 1 1
parties,quelqucs uns de ces états ré-
pondant à la fituation où (croient
les deux Joiieurs , s'ils ne jouoient
S SÇAVANS.
qu'en i,cn4,entf, 8&10 pat^
ties- Le refultat du calcul de M.
Nicole , pour ces differens cas , eft
qu'en fuppofant que les forces oa
habiletez des Joueurs foicnt com-
me 5^4, l'avantage du Joiicur le
plus fort fur le plus foible n'eft que
la 9° partie de ce qui eft au jeu ,
lorfqu'ils jouent en deux parties , &
cet avantage devient un peu plus
des deux tiers de ce qui eft au jeu ,
lorfqu'Us joiient en 24 parties.
C'eft-à-dite , que deux Joueurs ,
dans cette fuppofition , jouant au
Piquet, & mettant au jeu chacun
5 Louis pour ce qu'on appelle la
queue des pans -, le Joiieut le plus
foible fait prefent à l'autre de 6
Louis , 1 3 livres , o. f. 1 den. des 9
Louis qu'il a mis au jeu : fur quoi
l'Academiciai fait quelques remar-
ques,fuivics de quelques corollaires
qu'on peut lire chez lui.
Son fécond Mémoire fournit
une Méthode pour déterminer le
fort de tant de Joiicurs que l'on
voudra , ^ l'avantage des uns fut
les autres , lorfque dans un nombre
de parties fixé , ils jouent à qui en
gagnera le plus, M. Nicole , dans
ce Mémoire , employé auffi d'a-
bord la méthode analytique , que
la complication des cas à exami-
ner , & la multitude des Equations
qu'il faudroit mettre en œuvre ,
l'obligent enfin à abandonner, pour
une autre beaucoup plusfimple,5c
qui fatisfait à tous les cas pollîblcs.
Elle a de plus cette commodité
qu'elle offre une méthode générale
pour élever un Ainltimme compolp
de tant de parties que l'on voudra^
à une puifTance quelconque \ mé-
thode beaucoup plus finiple, &
qui exige beaucoup moins de cal-
cul. Nous renvoyons fur tout cela
aii Mémoire même, qui n'eft guéres
fufceptible d'extrait.
Les articles à' Aftronomie font au
nombre de quatre. Le premier , fur
la Comète de \-]x<). & de 1730. eft
deM.CaJfmi. Le fécond , fur une
Ohfervation de VEcUpfe de Lune du
S Aoufl i-ji^. faite à la nouvelle Or-
léans dans la Louifiane , eft dû à M.
Baron , envoyé dans ce Pays-là par
le Roi , pour des recherches d'Hi-
ftoire naturelle ôc desObfervations
Aftronomiques. Le troifiémc eft
l'Ecrit de M. Godin fur la folutioa
d'un Problême , d'où l'on tire une mê'
^ode nouvelle de déterminer les nœuds
des Planètes. Le quatrième eftl'O^-
fervation de M. Cajfmi de l'Eclipfe
folâtre du 1^ Juillet. De ces quatre
articles le premier fe lit dans l'Hi-
ftoire Se parmi les Mémoires ; le
fécond ne paroît que dans l'Hiftoi-
xe -, les deux derniers font abfolu-
ment renvoyés aux Mémoires.
Nous nous bornerons à dire quel-
que chofe du premier.
La Comète dont M. Cajfmi nouS
entretient dans ce Volume , a déjà
fait le fujet d'un Mémoire fourni
en 1719. Elle eft remarquable par
plus d'un endroit. Elle a été vifi-
ble ( mais feulement pour quel-
ques Aftronomes ) pendant plus
de fix mois , c*eft-à-dire depuis le
dernier Juillet 1729. jufqu'au zi'
Janvier 1730. enforte qu'il y a plus
dfe cent ans qu'on n'a vu une Comè-
te de li longue duxéc. Elle a été de
M A Y ; 1755' 285
plus des mieux conditionnées pour
tavorifer l'établiflcment d'un Syftê-
me général de ces Phénomènes. El-
le a été rétrograde jufqu'au 20*
Odlobre , puis dircde le refte du
tems , comme i'avoit prévu Mo
Caflînî. Il ht voir le rapport du
mouvement de cette Comète avec
ceux des Planètes fuperieurcs dans
le tems de leurs oppolîtions avec le
Soleil ; & il eflaya même de dé-,
montrer qu'elle étoit placée entre
les orbes de Mars & dejupiter ,etî
lui fuppofant un mouvement réel
félon la fuite des fignes : fur quoi
il obferve qu'on peut auflî bien re-
prefcnter les mouvemens rétrogra-
des de quelques autres Comètes en
leur donnant ce mouvement réel ;
& c'eft de quoi, pour abréger, il
fupprime le détail , fe contentant
d'avertir que les mouvemens de
plufieurs Comètes rétrogrades eiî
apparence ne fervent de rien pour
combattre le Syftême de Defcartes'
& celui des Tourbillons. Après ce-
la il s'applique à faire voir que le
mouvement direél qu'il attribue à
la Comète en queftion comme le
plus vraifemblable, eft , par la fuite
de fes Obfervations , devenu fuf-
ceptible d'une démonftration exac-
â:e , qu'il explique , & à laquelle
nous renvoyons.
Pour déterminer enfuitc aVec
plus de juftefte la diftance de la Co-
mète au Soleil & à la Terre , ainlî
que la quantité , la diredion de fon
mouvement propre & les élémens
de fa Théorie , M. Caflîni emprun-
te des circOiiftanccs même de cette-
Obfervation une méthode nouvel!©'
HM JOURNAL DE
beaucoup plus fimplc & plus aiféc
<^u'ime ancienne propofce en 1727.
& c'eft de quoi il donne une idée
des plus fcnlibles, fur laquelle il
faut encore le confulter. Par cette
nouvelle méthode , M. Caflîni a
déterminé la diftance qu'il y avoit
tant de cette Comète à laTerre que
de cette Comète au Soleil.
Sa diltance à la Terre trouvée pat
deux différentes Obfervations du
a' Sept. 1 7 2 9 . a été de 113 millions
572 mille lieues , & de 113 mil-
lions 413 mille lieues , où l'on
voit que ces deux diitances ne dif-
férent l'une de l'autre que d'un
millième. M. Calnni , par fes der-
nières Obfervations du 18' Janvier
1730. a trouvé que la diftance de la
Comète à la Terre étoit de 171
millions io6 mille lieues ; d'où il
paroît qu'en 4 mois & demi , elle
£'eft éloignée de la Terre d'environ
cinquajnte-huit millions de lieues.
Quant à la diftance de la Comè-
te au Soleil , qu'on peut regarder
comme le principe du mouvement
de ces corps céleftes ^ en attendant
que d'autres fuppoiltions foient
confirmées par des obfervations
plus évidentes -, le favant Aftrono-
lîie a trouvé cette diftance le 2 Sept.
de 139 raillions 66 j mille lieues:
le 22 Nov. de 144 millions 12^
mille lieues , & le 18 Janvier de
148 millions quatre - vingt - neuf
mille lieues. Or ( continue M. Caf-
fini ) la moyenne diftance du So-
leil à la Terre étant à celle de cet
Aftre à Jupiter comme 100 à 521 :
il s'enfuit que la diftance de la Co-
inéce au Soleil étoit le 2 Sept, à cel-
S SÇAVANS,
le de Jupiter au même aftre enviren
comme 4 à 5 ^ enforte qu'elle étoic
alors , conformément à la fuppofi-
tion du Mémoire précèdent , entre
les orbes de Mars & de Jupiter , où
elle eft demeurée pendant tout le
tcms qu'on a pu l'appercevoir.
A l'égard de la quantité de fon
mouvement , l'Académicien la dé-
termine aulfi ; après quoi il exami-
ne Il les dcgrez de viteflc obfervez
dans cette Comète s'accordeiK à la
legle de Kepler , & il reconnoîc
que cette règle reçoit de la théorie
de cette même Comète un nouveau
degré de confirmation. Suivant
cette règle , M. Caffini préfume
que la révolution de la Comète fur
fon orbe doit être d'environ 10 an-
nées , & fon moyen mouvement
journalier de 6 minutes. Il en trou-
ve aufli le nœud & l'inclinaifon de
fon orbite à l'écliptique -, détermi-
nant enfin les lieux par où elle a du
pafter depuis qu'elle a difparu, ceux
où elle eft prefentemcnt , Se ceux
où l'on pourra l'appercevoir ou 1»
cherther à l'avenir.
La Géographie ne prefente ici que
deux articles. Le premier annonce
une nouvelle Carte du Golphe de
Mexique & des Ifles de l'Améri-
que , dreftec par M. B Hache. Le fé-
cond contient les remarques de M.
de Mairan fur la comparaifon de
Paris & de Londres ; & eft entière-
ment renvoyé aux Memoires.Nous
en donnerons le précis.
Feu M. Delifie , d^ns fon Mé-
moire de 1725. où il compare U
grandeur de Paris avec celle de
Londres , taie cette dcrniçre Ville
M A
au moins d'un vingtième plus peti-
te que Paris. M. Davall de la So-
ciété Royale de Londres , a publié
en 1728. dans les TnmfaBions Philo-
fophicjues un Ecrit , où il prétend
montrer que Paris loin d'être d'un
vingtième plus grand que Londres^
eft plus petit d'environ une 14°
partie , ce qui eft ( félon lui ) une
fuite neceffaire du calcul même de
M. Delijle &C d'une erreur de fait où
celui -ei femWc être tombé. M.
de Alairan , qui fe propofe de ju-
ilifier ici fon Confrère , convient
4'abord que celui -ci s'eft mépris
•dans l'énoncé de fa méthode pour
ia comparaifon de ces deux Villes
& pour drefler fon plan de Paris.
Mais il nie que la méprife du Géo-
graphe tombe fur les opérations ou
Jur les confequences qui en relul-
tent , & que la conclufion favora-
ble de M. Davall pour l'étendue
de Londres foit une fuite de l'er-
reur qu'il a reprochée à M. Delijle.
Pour le prouver , M. de Mairan
.cxpofe en premier lieu tout le rai-
ibnnement de M. Davall ^ quifc
séduit à ces 4 propofitions , i°.Quc
M. Delijle a tracé un Plan de Paris ,'
tel qu'il devoit être dans toutes fes
dimenfions : 2°. Qu'il a divifc ce
Plan par dcsquariez , au lieu de ic
divifcr par des re^angles : 3°. Que
ces quarrez fe trouvant plus petits
que ne l'auroient été les rectangles ,
l'aire totale de Paris contient plus
de ces quarrez qu'elle n'auroit con^
tenu de redangles ; 4°.Que chacun
de ces quarrez , quoique trop petit,
a été évalué par M. Delijle au même
rvombre de toifes quarrécs , qu'au-
May.
Y, I 73 3- sgy
roit contenu réellement chaque rec-
tangle : 5". Qiie par conlequenc
l'aire totale de Paris refultante de
lafomme de ces quarrez , fe trouve
plus grande qu'il ne faut d'une
quantité , qui a le même rapport i
fa véritable aire , que celle de cha-
que rectangle à chacun de «es quar-
rez.
M. de Mairan répond , qu'il eft
fi peu vrai que le Plan de Paris fur
lequel M. Delijle a comparé le5
deux Villes , ait été divifécn quar-
rez & non en redangles , qu'il fuf-
fit de jettcr les yeux fur ce Plan
pour être convaincu du contraire :
en effet les reiftangles s'y voyent tels
que M. Davall allure qu'ils doivent
être. Il avoiie que M. Delijle dit
pofitivement qu'il a calculé l'éten-
due de Paris fur des quarrez par-
faits. Mais ce ne peut être qu'une
inadvertance ou un défaut de mé-
moire qui lui ait fait alléguer dansfa
DilTertation/wr l'étendue des grandes
Villes , les prétendus quarrez qui
partageoient fon Plan de Paris, §i
qui n'y ont jamais paru. Cette mé-
prife deviendra moins difficile à
comprendre , lorfqu'on faura que
le Mémoire de M. Delijle dont il
s'agit , n'a été imprimé que plus de
fix mois après fa mort , comme le
prouve ici M. de Mairan.
Mais ce qui lui paroît vraiement
inccmpréhenfible , c'eft que M.
Davall , qui a vu les reètangles du
Plan dont nous parlons ^ comme il
en fait l'aveu , ait pu s'imaginer
que M. Delijle ( contre le témoi-
^age que celui ci en rend lui mê-
me ) aitdreiTépour la comparailon
PP
a85 J OURNAL D
des deux Villes , un Plan exprès
diviféen quarrc?. : !k que d'une (i
fauflc hypothcfc l'Anglois puilfe
tirer une concluilon en faveur
de l'étendue de Londres. Car il
cft villblc que li M. 'Delip a fait
ufage de la divilion par quarrez
pourlaVille de Paris, il a du en fai-
ïe autant pour celle de Londres ;
& qu'ainfi la même proportion
doit fc rencontrer entre les gran-
deurs de ces deux Villes. Auffi M.
Delifle alTure-t-ilqu'// a mis le Plan
de Londres fur la même échelle <jne
tel ni de Paris.
M. de Mairan tombe d'accord
que M. Delijle ne fait nulle men-
tion de la quantité de fécondes en
longitude qu'il a donnée à la por-
tion des petits cercles ou des paral-
lèles de Londres , relativement aux
1 5 fécondes de latitude qu'il a pri-
fcs fur les Méridiens ou grands
cercles \ ce qui , dcpendamment
de la faulTe hypothéfe des quarrez ,
peut s'entendre de pluficurs façons;
mais dont nulle ne tavorife la con-
fequenfe tirée par M. Davall. C'eft
ce que l'ingénieux Académicien
fait démêler parfaitement & mettre
dans une pleine évidence , & c'eft
à regret que pour abréger, nous ne
pouvons le fuivre dans cette dif-
cufllon également fine & folide. Il
faut lire fon Mémoire en entier.
Du refte , il a eu foin de vérifier
tout ce qu'il avance ici par l'infpec-
tion des deux feuilles mêmes des
Pians de Paris & de Londres , fur
E S SÇAVANS,
Icfquelles ^L Delijle avoit établi
fes dimcnlîons & fon calcul , Se
qui lui ont été communiquées pai
M.Bitache gendre du défunt.
La Méchanicjue a deux articles
employés dansl'Hiftoire 6c parmi
les Mémoires : l'un de M. Couplet
fur les Voûtes ; l'autre de M. Pitot ^
fur le mtttvemcnt des eaux , & qu'on
doit regarder comme une fuite de
ceux qu'il a donnes fur cette matiè-
re en 1715. 1727. & 1729. Les
machines ou inventions approu-
vées par l'Académie en 175c. font,
1°. Une efpece de Martinet de fer ,
prefenté par M. Campagnol , pc-
fant trois cens litres , & que deux
hommes élèvent a(Tez facilement.'
2°. Une Machine Arithmétique de
M. de Boijfendeau , qui l'a imaginée
fans connoitre celle de M. Pafcal.
3°. Un Chandelier prefenté pat
Mlle du Château , & dont la bobè-
che cft garnie d'un fond mobile qui
fe haulîe ou fe bailfc.
La partie hiftoiique de ce Volu-
me eft terminée par les éloges de
MM. de F'al incourt , du f^erney Sc
le Comte Aî.:rjïgit : & l'on trouve
à la fin des Mémoires celui de M.
Nijfale fur deux Plantes ( une efpe-
ce de Phaféole , te une efpece de
Luffa-^rabum ) envoyé à l'Acadé-
mie par la Société Royale des
Sciences de Montpellier , pour en-
tretenir l'union qui doit être entre
elles , comme ne faifant qu'un fcul
corps.
mm^
M A Y ; I 7 3 5<
287
SENTI MENS D'VN HOMME DE GVERRE SVR LE
nouveau Syflème du Chevalier Folard , p^r rapport à la Colonne & au
mélange des dtjfercnles armes d'une armée , avec une DiJ/èrtation fur l'ordre
de Bataille de Céfar & de Pompée à la journée de Pharjale. P^r Jl^.D^**.
A la Haye , chez Jean Van-Duren. 1751. /«-4°.
RIEN n'eft plus beau que de
voir plufieurs guerriers profi-
ter du loifir que leur a procuré la
paix de l'Europe, pour communi-
quer au Public & pour tranfmetrre
à la pofterité les reflexions que l'e-
xercice d'un grand nombre d'an-
nées & la ledure des Livres anciens
ou modernes leur a fait faire fur
l'art militaire. Entre les Ouvrages
qui ont paru fur cette matière de-
puis vingt ans ceux de M. le Che-
valier de Folard ont fait le plus de
bruit. Comme fon Syftême eft fort
«ppofé à ce qui fe pratique en Eu-
rope depuis long-tems , il étoit
bien difficile qu'il ne fût expofé à
bien des Critiques. Entre ceux qui
l'ont attaqué il y en a qui vou-
droient que tout fût mauvais , &
qui condamnent tout, fur le fonde-
ment que ce Syftême ne s'accorde
point avec ce qu'ils ont pratiqué ou
via pratiquer pendant une longue
fuite d'années. Notre Auteur n'eft
point du nombre de ces Critiques.
Il alfure en parlantde M. de Folard
fur la fin de la féconde Lettre que
n ce digne & généreux Officier
r> s'immortalife , en fourniftant aux
j> gens de guerre une infinité d'cx-
» cellens & fupcrbcs matériaux ra-
» maffés par un travail long &: pé-
« nible, dont ils ne fauroicnt tous
» enfemble lui marquer trop d'obli-
Mgation. « Les remarques de M.
de Folard fur les défauts de nos ar-
mes &: de notre Tadique lui paroif-
fcnt très-naturelles ; il eft perfuadé
que la fupreffion totale de la Pique
ou d'une arme équivalente , aftoi-
blit confiderablement l'Infanterie ,
4ue la grande étendue en front Sc
îe peu de hauteur de nos bataillons,
eft en bien des occafions une difpo-
fition des plus incommodes èc des
plus dangereufes , que le nombre
exceflif de Cavalerie dans les ar-
mées , eft auffi inutije que ruineux ,"
& que la féparation qu'on fait dans
l'ordre de bataille de ces deux armes
eft également contraire aux règles
& à la droite railbn.
Notre Auteur eft donc d'accord
avec M. de Folard fur les principe*,
mais il lui eft bien oppofé par rap-
port à la méthode. Il foîiticnt que
celle de M. de Folard ne peut en
aucune façon mener au but qu'on
fe propofe en la fuivant , que plus
on y réfléchit, plus on trouve que
le remède feroit pire que le mal , fi
on avoir à faire à un ennemi qui en
connoiflant le fort & le foible de
cette méthode , fçût fe mettre à
couvert de l'un & profiter de l'au-
tre. C'cft ce que l'Auteur explique
dans trois Lettres , dont la premiè-
re regarde la Colonne , la féconde
le mélange des diflerentes arme*
Ppij
588 JOURNAL D
dans une armcc. M. de Folard s'c-
toit propofc de rtpondrc à ces deux
•Lettres dans fon iîxicme Tome de
la Préface de Poh be v & la répli-
que à cette réponfe de M. de Folard
fait le fujct de la troifiéme Lettre.
Ces trois Pièces avoient été inférées
dans le Recueil des Lettres férieu-
fes & badines fur les Ouvrages dej
Sçavans & fur d'autres matières.
On a engagé le Libraire à les réunir
en un feul Volume de la même
forme que le Polybe de M. de Fo-
hrd , &c à. joindre une quatrième
lettre qui eft une Diflertation fur
l'ordre de bataille de Céfar & dx
Pompée à la Journée de Pharfale.
Nous allons rapporter quelques-
uns des principaux traits de ces
Lettres contre la Méthode de M.
de Folard.
Une des objections que notre
Auteur fait contre la Colonne de
M. de Folard , eft qu'elle ne peut
fournir autant de feu qu'un même
Hombre de bataillons agilTans fur
le iront & la hauteur ordinaire.
D'où il conclut que la Colonne ne
fçauroit fournir allez de feu pour
pouvoir être oppofée à ces batail-
lons. Il eft vrai que la Colonne peut
enlever cet avantage à l'ennemi en
le joignant; mais elle ne peut join-
dre l'ennemi , s'il ne le veut pas :
pourquoi ? C'eft , répond notre
Auteur j que la Colonne a deux
défauts qui l'accompagnent tou-
jours , & qui procèdent d'une mê-
me fource le peu de front Se la
grande hauïeuv. Si grande hauteur
lui ôtc l'ufage libre de fon feu , &C
par-là donne àrenncmi un avanta-
ES SÇAVANS,
gc infini fur elle ; le peu de front
fait qu'elle eft roû jours débordée,
& que l'ennemi peut l'empêcher
de joindre. Il n'a pour cela qu'à
replier fur cette Colonne , avec
une partie du bataillon qui ia dé-
borde , & qu'à fe refufer à elle.
Les endroits de la Colonne que
notre Auteur regarde comme les
plus foibles font les angles. La raL-
fon qu'il en rend eft que tout angle
qui n'eft pas flanqué ou couvert
eft fans détenfes , parce que les an-
gles n'en peuvent recevoir aucune
de leur centre. D'ailleurs il n'y a'
point d'ordonnances d'un corps
d'Infanterie fur quatre fronts, qu'il
n'y ait en même tems, dit l'Auteur,
fur chaque face une portion hors
de défenfe égale au nombre des
rangs fur lefquels elle combat
C'eft pourquoi h ce corps combat
fur dix de hauteur à toutes les far-
ces , il faut de nccclîîté qu'il y ait à
chaque face vers les angles dix
hommes qui prêtent le flanc. Il ell
vrai que ces hommes peuvent être
couverts par autant de piquiers j
mais tout Piquier non couvert par
quelques armes à feu eft fans défen-
fes contre un Cavalier qui a des
piftolets : d'ailleurs les deux Pi.-
quiers qui fc trouvent joints fur
chaque angle en prefentant leur
pique dans une ligne perpendiciv
laire fur leur face , ne peuvent évi-
ter de laifler entre leurs pointes
un vuide aflez fpacieux pour deux
ou trois Cavalliers , ou bien en le
rempliflant de biais , de dégarnir
par-là à proportion kuï face & d't-
prêter l'épaule.
MAY
L'Auteur ies Lettres foûticnt
contre M. de Fokrd que le feu de
lîiais , ne peut remédier aux incon-
veniensde la foiblefic des angles de
la Colonne , parce que ce teu ne
peut jamais taire un eflet confidera-
ble. H ajoute que ce feu ne pour-
ïoit avoir aucun effet dans le cas
d'une attaque environnante , parce
qu'alors l'ennemi fe prefentant à
toutes les faces , il faut défendre
également toutes les faces , de forte
que les angles ne font plus défen-
dues par le feu de biais. La petitcfle
de l'angle dont M. de Folard fe fait
un moyeu contre les objeûions fur
la Colonne , n'arrête point notre
Auteur. Il prétend que cet angle eft
toujours affez grand pour donner
un partage à plufieurs Cavaliers.
Énfuite il ajoute que quand ils fc-
xoient auffi petits que fon adverfaire
voudroit le faire entendre , ic qu'ils
feroient défendus par la Pertuifan-
■.175?- aSp
ne , l'ennemi pourroit détruire les
Pertuifannes par fon feu , & enfui-
tc attaquer la bayonnectc au bout
du fufil , des gens qui font déjà en
defordre , & qui de quelque ma-
nière qu'ils s'y prennent doivent
neceflairemcnt prêter le flanc à l'en-
nemi. Nous ne pouvons rapporter
ici les. autres argumens dont notre
Auteur fe fertpour faire voir que la
Colonne peut dans certaines ciï-
conftances être facilement battue ,'
parce que ces derniers raifonne-
mens dépendent de figures qu'il
faut avoir fous les yeux pour bien
entendre ces articles.
Dans la Differtation l'Auteur fe
propofe de prouver qu'à la bataille
de Pharfalc , l'Infanterie de Céfar
& celle de Pompée , ont combatru
fur trois lignes , ce qui eft fuivi de
quelques reflexions fur l'ordre de
bataille de ces deux Généraux,
C^RTE GENERALE DE LA MONARCHIE
Françoife ^ contenant l'Hifloire Jiiilhatre depuis Clovis premier Roi Chré-
tien juf^H'k la (Quinzième année accomplie du Règne de Louis XV. avec
V explication de plusieurs matières interejfantes ^ tant pour les gens de guerre
^Hepour les curieux de tous états , lepjuelles y font traitées en vingt tahle
enrichies de tailles-douces cjui fe joignent en une feule Carte. Prefentée au
Roi le ij Février 1730. par le Sieur le Mau de la Jaiffe , de l'Ordre de
S. Lazare , & ancien Officier de feue Madame. Aïife au jour par l'Au-
teur ff« 17 3 3 . Avec approbation & privilège du Roi.
LA première de ces Feuilles
fcrt de frontifpice aux fuivan-
tes , & d'Epître Dédicatoire au
Roi, l'Auteur en employé auflî
xme petite partie à expliquer le plan
de l'Ouvrage entier , la deuxième
Bcuille contient des portraits de
tous les Rois de France , & quel-
ques lignes d'explications pour cha-
que regnejce qui regardeLouisXIV.
eft plus étendu^ l'Auteur l'a difpofc
en forme de Chronique abrégée &
il y rapporte les évenemens les plus
marqués du Règne de Louis XIV-
290 JOURNAL D
it y a une devife autour du portrait
de chaque Roi. Celle de Clovis clt
SMhs mihi conjuge parta efl : celle de
Charles VII. C œlum fuh f^irgine fan-
flum : celle de Pharamond Impe~
rium (trie fine dedi. M. de la Jaiflc ne
dit point d'où il a tiré le portrait de
C£ Prince.
Dans la féconde feuille font des
Liftes Chronologiques des grands
Officiers Militaires de la Couronne
&C de la Maifon du Roi. Elles com-
mencent par les Sénéchaux , dont
le premier indiqué par l'Auteur cft
Geoffroy Comte d'Anjou , & le
dernier eft Thibaut mort en 1191.
cnfuite viennent les Connétables,
depuis Dreux de Mcllo fous Phi-
lippe-Augufte , iufqu'au Connéta-
ble de Lefdiguieres , puis les Maré-
chaux de France^ depuis 118 5. juf-
qu'en lyjo. Les Portes-Oriflames ,
les Grands - Maîtres des Arbalet-
triers , les Grands-Maîtres de l'Ar-
tillerie & les Colonels Généraux de
l'Infanterie Françoife créés en
1544. fous François L & mis au
rang des grands Officiers de la
Couronne fousHetiri II.Le tems de
la création des Charges de la Mai-
fon Militaire du Roi , & le nom de
ceux qui ont rempli ces Charges
occupent une partie de cette feuille
dont le furplus eft occupé par une
Lifte des Chevaliers de l'Ordre du
S. Efprit.
L'état aduel de la Maifon Mili-
taire du Roi , avec le tems de l'éti-
blilTement des difFerens Corps ,
leurs Etendards & leurs Armures
■font le fujet de h quatrième plan-
che , de même que la Gendarmerie
ES SÇAVANS,
& les Chevaux-Légers font le fu-
jet de la cinquième feuille. Le mê-
me ordre eft fuivi dans les feuilles
qui regardent l'Infanterie Françoifc
&C Etrangère , la Cavalerie & les
Dragons. On a eu foin de rcprefen-
ter non feulement les étendards de
chaque Corps, mais encore la ma-
nière dont font habillés & armés
ceux qui les compofcnt, & la ma-
nière dont étoient habillés & armés
ceux qui fervoient autrefois , foie
dans l'Infanterie , foit dans la Gai
Valérie Françoife.
Les noms des Officiers Généraux
des Armées du Roi au mois de
Février 1730. des Gouverneurs &
des Lieutenans Généraux des Pro-
vinces remphflent la dixième feuil-
le , au bas de laquelle font les ba-
tailles mémorables que les François
ont gagné depuis le commence-
ment de la Monarchie jufqu'à pre-
fent.
Un abrégé du règne de Louis XV.
des états de l'Artillerie & du Corps
des Ingénieurs, un autre état des Ii>
tcndans des Provinces,5«: des Com-
milTaires des Guerres remplit la
onzième feuille. Dans la douzième
eft le détail des Officiers &: des
Troupes de France qui étoient fujc
pied le 15 Février 1730.
Enfuite viennent les Plans d'un
grand nombre de Places de France ,
.avec leurs armoiries & les noms des
Officiers qui y commandent , les
bordures font ornées de plans ,
de Maifons Royales fc d'autres
chofes femblables. On voit alTez
par ce que nous venons d'ob-
ierver que l'Auteur n'a pu donneï
MAY
dans un pareil Ouvrage qu'une idée
légère de l'Hiftoire Militaire de
France. Mais on ne trou veroit point
ailleurs tant de chofes différentes
réunies fous le nicme point de vûë,
difpofces d'une manière aulli com-
mode , & où l'on eiàt recueilli plus
de chofes utiles pour le commerce
de la vie civile. En jettant les yeux
fur cette Carte on pourra fe rappel-
1er bien des chofes qu'on oublieroit
facilement fans un pareil fecours. .
PRINCIPES DE L'HISTOIRE , CONTENANT i«. LES
Elémens de la Chronologie , i°. Vn petit Traité de la Sphère & dn Globe
Terrcflre ^pourfervird'introdunion k la Géographie ^ 3". V abrégé de la
Vie des meilleurs Htfloriens, avec un jugement fur leurs Ouvrages^ 4°. Quel-
ques réflexions fur Ihtfage de l'Hiftoire & fur la manière de L'étudier utile-
ment^ 5°. Une idée générale du Gouvernement des principaux Etats de l'Eu-
rope , anciens & modernes. Par M. de Juvenel. A Paris chez , Barthele-
mi Alix , Libraire , rue S. Jacques, près la Fontaine S. Severin , aia
Griffon. 1733. /«-ii. pp. 237.
PLUSIEURS Auteurs ont
donné des Introdudlions à
l'Hiftoire , fuivant trois différentes
Méthodes. Les uns ont tiré des Hi-
ftoriens plufieurs traits fur lefquels
ils ont fait des reflexions par rap-
port à la Religion , ou par rapport
aux caraderes des hommes , d'au-
tres ont donné des abrégez de l'Hi-
ftoire Univcrfclle , d'autres ont pu-
blié des Méthodes Introduâiives à
i*étude de l'Hiftoire. Le Livre de
M. Langlet eft un de ceux de cette
troifiérrie claffe qui ait été plus efti-
mé.M Juvenel qui dit n'en avoir vu
que la première Edition , avoiie de
bonne foi qu'il s'en eft ntilement
fervi dans quelques endroits.
Notre Auteur s'eft en effet pro-
pofé de traiter les mêmes matières
que M. Langlet a traitées dans fa
Méthode pour étudier l'Hiftoire ,
comme on le voit par les cinq Dif-
fertationî qui font annoncées dans
ie titre. Chacune de ces Diffeita-
lions auroit pu faire la matière de
pluiîeurs Volumes , fi l'Auteur
avoit entrepris de développer ces
fujets avec une jufte étendue. Mais
il n'a eu en vûë que d'en donner
une idée aux jeunes gens qui com-
mencent à s'appliquer à l'Hiftoire.
Après avoir parlé dans les éle-
mens de Chronologie , de l'année
Solaire , des Egyptiens , des Hé-
breux , Se des Romains de l'année
Lunaire des Grecs & des Juifs , de
la corrcdtion du Calendrier Ro-
main par Jules-Céfar & par Gré-
goire XIII. de la manière dont les
anciens ont compté les jours Se les
mois , de la Période Julienne 8c des
années du monde , il parcourt les
différentes Eres fuivant l'ordre des
tems , il infifte principalement fur
les Confulats & fur la puiffancc
Tribunitiaine qui fervent à fixeï
les dattes dans l'Hiftoire des Ror
mains.
La féconde DilTeïtatioiv eft divif
as>2 JOUHNALD
fée en deux Scdions , la première
cft un petit Traite du Globe Terre-
ftre & de la Sphère que l'Auteur
déclare avoir tire en partie de Clu-
vier Se d'Ozanam. La féconde Sec-
tion contient une Defcription en
manière de Tables, de l'Empire
Romain divifc en fes Provinces
Proconfulaires & Proprétoriennes.
Le titre de la troiliéme DiiTerta-
tion en fait fuffifamment connoîrrc
ie fujct. Nous obferYerons feule-
ment , que l'Auteur qui s'eil: étendu
autant que les bornes qu'il s'étoit
prefcriptcsle lui permettoient , fur
les Hilloriens Grecs & fur les Ro-
mains , parle à peine des Hiftoriens
des differens Etats de l' Europe qui
fublîftent aujourd'hui. Nous allons
xapporteic quelques traits de cette
partie.
A l'article de Suétone , l'Auteur
dit que les Vies des douze Céfars ,
écrite avec plus d'exadlitude que
■d'élégance donnent une aflezmau-
vaife idée de la pureté des mœurs
de l'Hiftorien , qui eft aullî infâme
dans fa narration que les Empercurô
jdont il parle l'étoicnt dans leurs ac-
tions. M. Juvenel lotie les Editions
de Suétone de la Haye en 1^91. &
d'Utrecht en 1714-
Quinte - Curfc lui paroît avoir
fait l'Hiftoire des Conquêtes d'A-
lexandre , fans fc laifler prévenir
par les grandes qualitez de fon Hé-
ros , dont il dit le bien & le mal
avec une finccrité admirable. Cet
Hiftoriea excelle à peindre les
mœurs d'un air aigfréable & naturel.
ES SÇAVANS,
L'Auteur trouve le rt\Ic d'Ana-
mien-Marcelin dur & barbare, mais
il dit après Vollius , que ce défaut
ell recompenfc par les bonnes qua-
litez de l'Hilf orien , qui eft grave ,
férieux , prudent &: amateur de la
vérité.
Par rapport aux Hiftoriens mo-
dernes , notre Auteur adopte ce
que difoit S. Evremont , que » nos
» meilleurs Auteurs ont un mérite
» tort médiocre , & que fans l'envie
» naturelle qu'ont les hommes de
» fçavoir ce qui s'eft paffc dans leur
» Pays , lorfqu'on a le goiàt des
» Hiftoires anciennes , on ne fçaur
» roit fouffrir l'ennui que caufent
»> les nôtres-
Dans la quatrième DifTertation
l'Auteur donne quelques avis fur
ce qu'on doit apprendre avant d'é-
tudier l'Hiftoire ^ fur le choix des
Hiftoriens , fur les points d'Hiftoir
re aufquels il croit qu'on doit parti-
culièrement s'appliquer. Il y donne
auÛî quelques règles de critique
qu'il cft; à propos d'avoir en vue ea
iifant les différentes Hiftoires. Il
montre enfuite quels font les avanr
tages qu'on peut tirer de la Icdurc
de l'Hiftoire.
Le titre que l'Auteur a donné à fa
cinquième Dilfcrtation fuffit pour
faire coniioître qu'il ne s'eft propo-
féqucde donner une légère idée de
la lorme du Gouvernement des dif-
férentes Nations ; il cite cependant
à la marge quelques Auteurs qui
traitent ce fujet avec plus d'étendue
&ç aufquels on pourra avoir recours
qluestiones
M A Y , 17 5 j;
^9}
.QU^STIONES UEDICJE DUODECïM AB ILLUSTRISSIMIS
Viris R. D. Francifco Chixoincau, Cancellario amplilîimo, Joanne
Befac Dccano venerando , Petro Rideux , Antoiiio Magnol , Henrico
Haguenot , Jacobo Lazerme & Gerardo Fitz-Gerald ^ Régis Confilia-
tiis Medicis &: ProtelToribus meritillunis propoilt.r Pro Regiâ
-Cathedra vacante per abdicatiojiem R. D. Joannis Aftruc quas
•Deo favcnte & aufpice Deiparâ propugnabit in Auguftiiîîmo Apol-
linis Fano Triduo mtegro , manè Se fcrô , diebus 3 4 &: 5 menfis Apri-
lis , anni 173 2.- Antonius Ferr-en Dodor Medicus Monfpelienfis.
Monfpelii , apud Joannem Martel llniverfitatis Mcdicinx Typo^ra-
phum. 1731. C'eft-à-dire : T>ouz.s Quefliom de Médecine propofées Par
Mejfieurs Chicoinean , Befac , Kideiix ^ Magnol ^ Haguenot, Laz.c-rme &
■Fitz.-Çerald /Doreurs & Profejfeurs de la Faculté de Médecine de Monu
fellier , four la Chaire de Médecine vacante par l'abdication de M.
uifirnc , lefjuelles ont étéfoùtenuës fendant trois jours foir & matin^fçavoir
le ije ^& le ^ d Avril de l'année 1732. par M. Antoine Ferren Doc~
^ileur de la Faculté de Médecine de Montpellier. A Montpellier , cher
Jean Martel^ Imprimeur de la Faculté de Médecine. 1731. in-^°.
pages 49.
LES douze Queftions ici pro-
pofées par les fept Dodleurs
jnommés dans le titre , puis traitées
J&c réfoluës par M. Ferren Doc-
.teur de la. même Faculté de Mede-
.cine de Montpellier, font au nom-
ire de douze. On demande dans la
.première , fi les muets de naijfance
peuvent gttérir ? Dans la féconde _,
fi laTransfufion dnfang dans les anir
maux de même on de différente efpece^
efipoffible , & en cas quelle lefi)it , fi
Von en peut tirer quelque utilité'i Dans
la troifiéme , ft pour guérir la colique
les purgatifs font préférables aux
Anoàyns , ou les Anodyns aux purga-
tifs ? Dans la quatrième , fi lafri-
cjuente faignée convient à l'ophthal--
mie -> Dans la cinquième , fi le ritre-
ciffement contre-nature du pajfage de
l artère pulmonaire , & celui de l'/tor-
May.
te , font accompagnés du mêmefymp-
tome pathognomonique ? Dans la fixié-
mc , fi pour procurer une prompte &
falutaire fuppuration à une playe ré-
cente j /,• laudanum efi convenable J
Dans la fcptiéme , fi toutes les mala-
liies ou contagjeufis on malignes , peu~
vent fe guertr par une certaine métho-
de , fans le fecows des fpecifiques ;
Dans la huitième , files bonnes on
les mauvaifes crifesfont annoncées par
desfignes certains-iDzns la neuvième
fil'Anevrifine vrai fe diflingue de I4
Varice par le pouls^ Dans la dixième^
par quel méchanifme on peut, expliquer
la fréquence du pouls dans les fièvres ?
Pans la onzième , quels font les effets
des ligatures^ des Ventoufes & des an-
tres remèdes , tant dérivatifs que re-
vidfifs^ & quel choix on doit faire dea
parties pour pratiquer ces remèdes î
.Q-q
a94 JOURNAL D
Dans la douzième enfin, (juelles font
Us principales maladies du Cryfiatlir3->.
comment on peut les expliquer & les
guérir ;
Nous ne fçaiirions entrer dans le
détail de tant de Queftions ■■, nous
nous bornerons à quelques articles
que nous détacherons delà premiè-
re , de la quatrième , de la cinquiè-
me , & de la douzième , lefqucls
paroi (Tent avoir quelque chofe de
nouveau.
Sur la VOIX & les ions de la voix.
Qjieflion première , pag. 5 & 5.
La Glotte, félon notre Auteur, fc
met en état de former la voix , par
l'approche mutuelle de fes deux lè-
vres , & par le nouveau degré de
tendon que celles ci prennent alors.
Voici à quoi il attribue la caufe de
cette tendon : le Cartilage Tirdtde
porte fur le Cricoide , avec lequel il
eft articulé , de manière qu'il peut
tourner en devant &: en bas , ou au
contraire. Les deux lèvres de la
Glotte en fe rèunilTant , s'attachent
par leur extrémité antérieure , au
dedans de l'angle Tiroïde , de forte
que celui-ci ne peut tourner fur le
Cricoide de derrière en devant ,
fans augmenter la tenfion des lè-
vres de la Glotte, comme on peut
s'en convaincre en examinant un
larynx fèparé du refte du corps , &
voilà , félon M. Ferren , ce qui
met la Glotte en état de former la
voix.
On attribue aujourd'hui , après
l'illuftre M. Dodart le père , la
différence des tons de la voix aux
ES SÇAVANS,
difFercns deijrcz de rétréci ifement
de la Glotte ; cnforte qu'un rcffer-
rement plus grand donne le ton
aigu. Mais lorfque la voix eft fem-
blable à celle d'une perfonne
qu'on étrangle , ( comme celle
des Epileptiques , & de ceux qui
veulent contrefaire le faufTct ) la
Glotte eft certainement plus rctre-
cie que dans l.i voix ordinaire, & ce-
pendant cette voix ne lailfe pas d'ê-
tre aftez fouvent grave. Une telle
expérience prouve que le grave
n'eft pas incompatible avec un plus
grand rclTcrrement de la Glotte , ni-
VaigH avec un moindre. Or voici à
quoi M. Ferren attribue principale-
ment les changemens de ton : il eft
conftant ( comme l'expérience le
montre ) que l'angle du Tiroïde
s'avance davantage dans les tons ai-
gus , & moins dans les tons graves ,
& qu'ainll il tend davantage les lè-
vres de la Glotte dans le premier
cas , moins dans le fécond , fuivant
les principes déjà pofés. C'eft donc
ce mouvement du Tirotde qui met
les lèvres de la Glotte en état de
faire des vibrations plus ou moins
fréquentes, & de donner différent,
tons ( car on fçait d'ailleurs que
Xaigu vient des vibrations plus
preffées ou plus fréquentes , &
qu'une tenfion plus grande produit
cet effet ; au lieu que le grave dé-
pend d'une caufe toute oppoféc ).
Sur ce qui rend la paralyfie de l'orga-
ne de l'ouie & de celui de Ui vûié
plus ordinaire que celle de tous les
autres fem ; & la paralyfie du pre-
MAY
mier encore fins commune que celle
dufecond.
Queflion première , p. 5 ?f ^.
On ne fçauroit douter que la fur-
dité & ravcuglement , quand ils
font fans aucun vice local qui puif-
fe au moins fe découvrir ou avant
ou après la mort , ne dépendent
ordinairement d'une paralyfie du
nerf acouflicjtte ou du nerf opti<fne.
Cela pofé on fent bien que cette
paralyfie doit être plus ordinaire
que celle de tous les autres nerfs ,
& la première plus que la féconde.
Il s'agit d'en chercher la caufc , &
voici ce que M. Ferren obferve
fur cela.
1°. Il remarque que les nerfs qui
animent les principaux organes des
fens^ font d'autant plus mois & lâ-
ches dans prefque toute leur éten-
due j qu'ils ont moins de chemin à
faire depuis leur origine jufqu'à
leur fin: qu'ainfi l'olfaAif & le nerf
mol de l'oreille , faifant moins de
chemin que l'optique , font aulîi
d'un tiffu plus moli& que l'optique
qui fait un trajet moins confidera-
ble que les autres nerfs qui fournif-
fent aux autres organes des fens ,
cfl d'un tilTu plus lâche que le leur;
qu'enfin le nerf mol de l'oreille a
bien moins de confiftance que le
nerf dur qui va beaucoup plus loin.
ï°, M. Ferren obferve qu'on voit
partir du quatrième ventricule un
trait médullaire extrêmement mol,
employé à former le nerf mol de
i'oreiile , & que ce trait médullaire
» 175 ?• ^P!
( qui eft afiez gros ) ell toujours
mouillé par les humiditez du qua-
trième ventricule , mais fur - tout
lorfque ces humiditez fe ramafient
en une certaine quantité , comme
il arrive afiez fouvent.
3°. Il remarque que les nerfs op-;
tiques , un peu avant leur réunioa,
ôc à l'endroit même de leur réu-
nion , terminent en partie , le tioi-
fiéme ventricule , c'eft - à - dire ,
comme il l'explique , font immé-
diatement portion des parois de ce
troiiiéme ventricule , de manière
qu'ils trempent dans les ferofitez
qui fe ramalTent fouvent au com-
mencement de l'entonnoir, 8c qu'il
n'y en peut couler une feule goûte
fans mouiller ces nerfs;cc qui mérite
d'autant plus d'être examiné par les
perfonnes curieufcs , qu'on pourra
voir que la jondion des nerfs opti-
ques empêche les eaux du troifié-
me ventricule de fe répandre ( pat
l'entre-deux ) fur la bafe du cranc.
Toutes ces obfervations font
comprendre , 1°. Que le cerveau
pouvant être trop lortement ébran-
lé , en confcquence des impreilîons
communiquées à ces ncrts , dont U
fin eft fi voifine de leur origine , la
nature a prévenu cet inconvénient
par le degré de mollcfle qu'elle a
donné à ces nerfs , 1°. Que la para-
lyfie des nerfs de l'ouie & de la
vue , doit être plus ordinaire que
celle de tous les autres ; & cela
parce que de tous les nerfs il n'y a
que ceux-là qui foient continuelle-
ment humed:és par la ferofité des
ventricules ; 3°. Que cette paraly-
fie venant d'une caufe toute parti-
29<J JOURNAL D
culiere à ces nerfs , doit ariiver le
plus fouvcnt fans que les autres-
nerfs foicnt attaqués d'une fembla-
ble maladie -, par où on voit d'où
vient que dans les fourds & dans
les aveugles , les autres organes ne
lailfent pas d'être bien difpofés , au
lieu que la paralyfie d'une partie
différente de celles dont il s'agit ,
cft ordinairement jointe à quelque
autre paralyfie, ou donne du moins
Heu de l'appréhender. On voitaulîi
que la paralyfie du nerf mol de l'o-
reille , n'cft pas ordinairement join-
te avec celle du nerf dur, &C cela
parce que le nerf dur n'eft pas hu-
medé comme l'autre , & qu'il a
beaucoup plus de fermeté -, 4". Que
le nerf mol de l'oreille ayant moins
defermeté que l'optique , doit être
auffi plus fujet à l'accident dont il
s'agit; ce qui eft caufe qu'il y a plus
de fourds que d'aveugles ■■, 5°. Que
la paralyfie des nerfs en queftion
doitêtreplus fréquente dans le fœ-
tiis , & dans les perfonnes d'un âge
très-avancé , que dans les autres ,
parce que les humiditez des ventri-
cules du cerveau font alors plus
abondantes , comme l'ouverture
des cadavres le fait voir ; 6-°. Que
cette efpece de paralyfie doit ordi-
nairement affeder l'une & l'autre
oreille , l'un & l'autre œil , parce
que les nerfs des deux cotez font
également- expofé-s à l'adion de la
caufe par laquelle clic eft produite ;
7". Que quand elle vient de naiflan-
ce , ou qu'on en cft attaqué dans la
vieilleiTe , elle eft toujours ou pref-
que toujours, incurable ; parce que
ce qui en eft la caufe la fomente
ES SÇAVANS,
toujours, ou pi cfque toujours. Ce
que l'Auteur dit ici de la paralyfie
qui rend fourd ou aveugle , il le dit
de celle qui rend muet : §c cela lui
fait conclure , avec encore plus de
raifon , que les muets de naiflance
font incurables.
Sur lejïége de l'ophthalmie. Quefl. 4,
page 12.
Le Globe de l'œil eft couvert
antérieurement & extérieurement,
d'une tunique extrêmement mince
& tranfparente qui cft la conjonc-
tive i M. Ferren reconnoît auflî-
bien que M. Winflow dans for>'
Expofition Anatomique , une fub*
ftance cellulaire qu'on peut aifè-
ment fouffler , placée entre la con-
jondive &: le globe , exceptcà l'en»
droit de la cornée tranfparente , &
il remarque , 1°. Qiie la conjondi-
ve , qui-, bien loin de former le
blanc de l'œil , comme on le croit
communément , le lailfc feulement
paroître par fon extrême tranlpa-
rence,n'eft qu'une produdion de la
cuticule qui couvre le refte du
corps & qui fe redouble au bord des
paupières pour aller former la con-
jondive. Il dit même avoir fou-^
vent obfervé la conjondive jointe
au refte de la cuticule dont les fer-
pens ont coutume de fe dépouiller
en certain tems.
i". Que les petits vaiflcaux
qu'on voit au blanc de l'œil , &-
qui fe gonflent fi fort dans l'ophr
thalmie , ne font en aucune maniè-
re , diftribués dans cette membrane
comme les Anatomiftes le veat
M A
lent , mais feulement dans les par-
ties qu'elle couvre ; enforte que
l'ophthalmie a fon ficge , non com-
me on le croit , dans la membrane
dont il s'agit , mais dans la fubftan-
ce celluleure,& dans les autres par-
ties plus enfoncées.
Sur la cure de l'Ophthalmie.
Les Vaisseaux gonflés dans
rophthalmie , étant prefque entiè-
rement dépourvus de foûtien , &C
continuellement abbreuvés des hu-
miditez qui arrofent l'œil', doivent
au bout d'un certain tems que l'en-
gorgemftit a duré , fçavoir après
Vétat de l'inflammation , perdre
«ntierement leur ton , Se devenir
comme variqueux ; enforte que
l'effort du fang qui les a gonflés ,
étant fuffifammcnt diminué , il
leur foit prcfquc impofllble de fe
remettre dans leur état naturcl,con-
tre l'ordinaire des vaifleaux engor-
gés fans être variqueux ; d'où il fuit
1°. Que l'inflammation de l'œil , à
la différence des autres , deviendra
fouvent un mal chronique & habi-
tuel, fur-tout dans les fujets où le
ton des parties manque , comme
dans les enfans, les vieillards , &c.
2°. Que les indications qui avoient
d'abord été les mêmes , à peu de
chofe près , que dans les autres in-
flammations, doivent changer lorf-
4jue les vaifleaux ont commencé de
prendre un état variqueux, de forte
qu'il faut alors mettre en œuvre les
.aftringens , Se les remedes'propres
à rendte le Ton aux parties ;
5**. Que ks defiicatifs , les purgatifs
Y , 17 5 5- 297
feront ici d'un plus grand ufagequc
dans les autres inflammations , Se
que le cautère même pourri y
avoir lieu ; parce que ces remè-
des diflipent la férofité qui re-
lâchant les vaifleaux , contribue à
leur faire prendre cet état vari-
queux : ainli ces derniers remèdes
ne doivent pas être employez in- ■
différemment avant 6c après l'état
de l'ophthalmie , comme ils le font
par bien des perfonnes.
Sur la nature & la caufede la palpi-
tation du cœur,
f^eflion cinquième ^ pag. ij.
On peut dire que la nature Sc
là caufe de la palpitation du cœur ,
ont été jufqu'ici la pierre d'achop-
pement de ceux qui ont écrit fur la
nature & les caufes des maladies : il
femble cependant que M. Ferren
ait beaucoup éclairci l'une & l'au-
tre, & les ait même mis en éviden-
ce -, on en jugera par le précis que
nous allons faire de ce qu'il dit fur
Ce fujet.
Non feulement le cœur fe con-
fradre & fe dilate , mais il a encore
deux mouvemens dont M. Ferren
s'efl: afluré par l'ouverture d'un
très - grand nombre d'animaux vi-
vans : ces deux mouvemens appar-
tiennent à la maffe entière du
cœur : il nomme l'un mouvement
droit , & l'autre ■mouvement de con^
verjîon. Le mouvement droit , dans
le moment que le cœur fe contrac-
te , fait avancer toute la maffe du
cœur vers la partie antérieure &c
gauche de la poitrine , & cela pref-
qUe fuivant la<lireition dé l'axe du
298 JOURNAL DES SÇAVANS,
cœur. Ce mcme mouvement droit palpitation,
agit différemment dans le tems de
la dilatation du CŒur,& le fait reti-
rer en un fens contraire au premier.
M. Feiren affure avoir très-fou-
vent obfcrvé ce mouvement droit
dans les chiens & dans les chats ,
ayant ouvert le leul côté gauche de
la poitrine ■, mais il remarque
qu'on le voit encore plus maniteftc-
ment dans la grenouille 5: dans le
ferpcnt , comme la vipère , &c.
Le mouvement de converjîon fe
fait autour d'un point placé près
du milieu de la bafe -, eiii'orte que
toute la malTe du cœur tourne fur
ce point , & tourne de derriè-
re en devant dans le tems de la
contradion , ce qui fe fait de ma-
nière que la pointe du cœur s'ap-
proche des côtes par la force de ce
mouvement , tandis que dans le
tems de la dilatation le mouvement
de converllon , fait tourner en un
fens contraire, & éloigne des côtes
cette même pointe.
Les deux mouvemens dont l'Au-
teur vient de donner une idée ,
tendent également lorfque le
cœur fe contrac^te , à en taire avan-
cer la pointe vers la partie ante-
rieure-gauche de la poitrine. , & à
la retirer lorfqu'il fe dilate.
Quand ces mouvemens pouffent
tranquillement la pointe du cœur
vers les côtes , on fent feulement
une pulfation modérée en portant
la main fut cet endroit ; c'cft ce
qui arrive dans Tétat naturel. Mais
n la force du mouvement va à un
certain point , alors au lieu d'une
pulfation modérée ^ il fe fait une
Voilà , félon M. Fcrrcii , en
quoi confiile la palpitation : voici
à prefent , fclon le même Auteur ,
ce qui la produit.
Les finus de la veine-cave &: de
la veine pulmonaire , ont un mou-
vement de contra(flion & de dila-
tation,lequel eft alternatif avec ce-
lui du cœur ■■, enforte que lorfque
le cœur fe contrade^ les deux finus,
en fe dilatant , pouffent la malfe
du cœur fuivant la diredion de
l'axe & lui impriment le mouve-
ment droit , de la même manière
qu'on l'excite dans un cadavre en
pouffant une liqueur dans l'un ic
l'autre finus.
Quant au mouvement de Con-
verjîon, M. Ferren en explique ainfi
la caufc efficiente.
Les deux (înus , dans le tems de
leur dilatation , ne pouffent pas
également le côté droit & le côté
gauche de la bafe du cœur ; le finus
gauche ou le finus pulmonaire eft
applati , & comme écrafé du côté
de la bafe du ca-ur , & du côté op-
pofé -, d'ailleurs il porte fur les ver-
tèbres du dos , lefquelles l'empê-
chent de s'étendre en ce fens. Ainfi la
quantité dont il s'étend lorfqu'il fe
dilate vers le côté gauche de la bafe
du cœur ^ l'emporte de beaucoup
fur la quantité dont le finus droit
s'étend vers le côté de la bafe qui
lui répond ; ainfi la partie gauche
de la bafe , s'avance plus que la
droite , & par une necefllté mécha-
niquCj.de laquelle il eft: aifédefe
convaincre fur un cadavre ^ la maf-
fe du cœur eft obligée. de cournçr
MAY
autour d'un point , Se de tourner
de derrière en devant, c'eft-à dire
de faire le mouvement de conver-
finn \ mouvement qui fe fera auffi
en un fens oppofé,lorfque les fmus
fe contraderont.
Telle cft la caufe que M. Ferren
donne du mouvement droit & du
mouvement de converjion ■■, on voit
par-là , que fi l'adlion de cette cau-
fe eft modérée , il n'en arrive qu'u-
ne pulfatton tranquille 8<. naturelle ,
mais que fi cette adlion eft violente,
k palpitation doit s'enfuivre.
Il y a dans la page 17 bien des
shofes fur le pouls, lefquelles pour-
ront paroître nouvelles j la dixiè-
me queftion , page 30 &fuivantes,
contient auffi diverfes Obfervations
que les perfonnes curieufes ne trou-
veront peut être pas communes ;
mais elles demanderoient un grand
détail pour être mifes ici à la por-
tée de tous les Ledeurs.
Des Louches & de ceux qui voyent
double.
On fçait qu'en prefTant l'un des
yeux , enforre que les prunelles
foient tournées en deux fens diffe-
rens , on fait paroître les objets
doubles : cependant les loucher
ont les yeux de travers , & voyent
ordinairement ywwp/e , tandis qu'il y
a , quoique rarement , des perfon-
nes qui voyent double fans avoir
les yeux de travers. Il faut donc di-
ftinguer , à cet égard , trois fortes
de perfonnes : 1°. Ceux qui voyent
double fans avoir les yeux de tra-
vers : 2*. Ceux qui regardent de
travers fans voit double , comme
Axas, le Strabifme ordinaire ; 3".
ï 175 5- ^ 2p5>
Ceux qui en même tems regardent
de travers & voyent double. Nous
ne fçachons pas que perfonne juf-
qu'ici ait établi les cairfes de toutes
ces différences , ou donné des
principes capables de les établir.
Peut-être trouverat-on que M. Fer-
ren peut avec juftice prétendre à
cet avantage : ce qu'il dit fur cette
matière ne fçauroit être facilement
entendu fans figure ; cependant il
n'en donne point j c'eft pourquoi
nous croyons qu'il ne fera pas inu-
tile de fuppléer à cela par la figure
fuivante. Notre expofé en fera
beaucoup plus clair & plus intelli-
gible :
S:
300 JOURNAL DE
Soit l'objet à égale dillance des
.deux yeux B & C. foit B D h li-
gne que décrit dans l'ccil gauche le
rayon A B , par le moyen duquel
cet oeil voit Tobjet ; foit C E
la ligne que décrit dans l'œil droit
le rayon A C par le moyen duquel
-cet œil voit le même objet. Mainte-
nant prolongés hors de l'œil la li-
gne D B 5: la ligne E C -, fi ces H-
gncs prolongées ic reunilient au
même point de l'objet , l'objet
paroîtra fimple -, mais fi l'on fuppo-
le , par exemple , que le rayon AC
■fe coupe en pénétrant l'œil droit
autrement que le rayon A B dans
l'œil gauche , & que ce rayon A C ,
après avoir péijétré l'œil droit dé-
crive la ligne G F , enforte qu'en
prolongeant hors de l'œil , la ligne
F G vers H , -elle ne fe léunifle pas
avec la ligne D B prolongée , l'ob-
jet fera vu en deux endroits diffe-
rens , fçavoir , en A & en H , &;
par confcquent paroîtra double ,
comme les loix de l'optique l'ap-
prennent ; d'où il fuit que li le Glo-
be de l'œil ell bien conûitué , Sc
que les deux yeux foient tournés
vers le même point , on vcrrayTwz-
ple , parce qu'en prolongeant hors
de l'œil les lignes décrites par les
rayons qui font diftinguer un point
de l'objet , le concours de ces li-
gnes fe fera de la manière qu'on
dit, au lieu que fi l'un des yeux
étoit -tourné en un fens différent de
l'autre , le rayon fe détourneroit en
entrant , de façon qu'étant. prolon-
gé bors de l'œil , il ne pourroit pîs
le.réunir avecl'autre, de la.manie-
•re qu'il convient , Se pour lors
S S-ÇAVANS,
l'objctleverroit double. Cela fup-
pofé , voici l'explication que notre
Auteur donne des différences dont
il s'agit.
Le Cryftallin peut être fitué dif-
féremment dans les deux yeuxj
être , par exemple , pofé oblique-
ment dans l'œil droit C tandis iju'il
fera comme il doit être dans l'œil
gauche B. Cette pofition vitieufc
du Cryll:allin étant donnée , M.
Fcrren dit que fi les yeux fe tour-
nent alors en même fens , l'objet
paroîtra double -, car par cela même
que les deux yeux font tournés en
même fens , les deux Cryftallins
font tournés en deux fens differcns,
comme on peut voir dans la figure^
ainli l'objet doit paroîrre double j
delà même manière que fi les deux
yeux bien conftitués étoien» eux-
mêmes tournés en deux fens diffé-
rons , puifqu'il cft évident qu'alors
le rayon A C fe coupe en traverfant
ceCryftallin mal poféj&fe coupe de
manière qu'il décrit une ligne G F,
qui prolongée hors de l'œil ne fc
réunira pas avec le rayon D B A de
la manière qu'on a remarqué être
neceffaire pour voir fimple. Or Ci
ce changement arrive dans un
adulte par un coup fur l'œil ou au-
trement , comme cet adulte habi-
tué depuis long tems , à tourner les
deux yeux en même fens , ne fçau -
roit prendre une habitude contrai-
re , il verra double , comme plu-
fîeurs Obfervateurs , tels entr'au-
tres que Gaifendi &Forreftus,difent
être arrivé à quelques uns , & voi-
là , félon notre Auteur , comment
on peut voir double lans regardci
de travers. Cette
MAY
Cette memepofition vitieufedu
Cryftallin étant encore fuppofée ,
il eft certain qu'en concevant que
l'œil fain refte immobile , & qu'on
tourne l'autre dans tous les fens
imaginables, il doit y avoir une
fîtuation où le Cryftalliii de l'œil
mal conftituc , fe trouvera tourné
en même fens que le Cryftallin de
l'autre œil, tandis que l'œil lui-mê-
me fera tourné difFeremment,& M.
Ferren dit qu'alors , avec des yeux
de travers , l'objet paroîtra fimple ,
( parce qu'alors le rayon A I fuivra,
en pénétrant l'œil , la ligne I K ,
^ui étant prolongée hors de cet œil,
ira -concourir avec l'autre rayon ,
de la manière qu'il a été dit.) Que
"Il cette pofition vitieufe du Cry-
■ftallin , fc fait dans un âge extrême-
ment tendre , comme la nature fe
plie alors aifément , & que la con-
fufion qui naît de la duplicité appa-
rente des objets, détermine l'enfant
à chercher le moyen d'y remédier,
l'enfant s'accoutumera à tourner les
yeux inégalement jufqu'à ce qu'il
ait trouvé ce point d'obliquité qui
peut l'empêcher de voir double. Il
fera louche , mais il ceflera par-là
de voir double. Ainfi le ftrabifmc
de cette forte , bien loin d'être un
mal en foi-même , eft un moyen
par lequel la nature remédie aux
accidcns d'un mal réel •, c'eft ainfi
qu'on vokjmple avec des yeux de
travers.
Il y a un troifiéme cas où l'on
voit double avec les yeux de tra-
vcrS4 ç'cft lorfque les parties du
. Ï73 5- ^ 301
Globe étant en bon état, U furvicnt
quelque accident qui empêche de
tourner les deux yeux en même
fens, tandis que cela feroit alors
neceflaire pour s'empêcher de voit
double. Cet accident vient d'ordi-
naire d'une paralyfie de quelque
mufclede l'œil, foit après une apo-
plexie ou autrement; il arrive aufïï
quelquefois par convulllon , &
quelquefois en confequence d'une
cicatrice qui arrête le mouvement
d'un œil. Le ftrabifme de cette ef-
pecc , n'a rien de commun avec le
premier , & ordinairement on n'ap-
pelle pas louches ceux qui en font
atteins. Dans le ftrabifme de la pre-
mière efpece le mouvement de
l'œil eft libre , & fes mufclcs
( quoiqu'on en croyc communé-
ment ) font en bon état ; mais il eft
neceffaire qu'ils agiflent autrement
que dans les perfonnes ordinaires ,
pour voir fimple -, au lieu que dans
la féconde efpece de ftrabifme , le
mouvement du Globe eft gêné tan-
dis qu'il feroit neceffairc qu'il fût
libre pour s'empêcher de voir dou-
ble.
U nous reftcroit à rapporter ici
quelque exemple de ce que remar-
que M. Fcrren fur l'opération de la
Cataradte ; mais ce qu'il en dit eft
fi concis, qu'à moins que de l'éten-'
dre pour le rendre intelligible à
tout le monde , nous ne fçatirions
èîi faire l'expofé , & comme cet
Extrait eft déjà aftez étendu par
lui-même , nous croyons plus i
propos de le terminer ici.
May.
«§§»
Rr
iox JOURNAL DES SÇAVANS,
NOVVELLES LITTERAIRES.
PORTUGAL.
De Lisbonne.
JOfcph-Antoinc de Sylva a ache-
vé dès l'année dernière l'impref-
fion du trcijïctne Tome des Mémoires
■pDuy Çervir a l'Hiftoire de Portugal ,
contenant l'Hiftoire du Règne de
Jean T. depuis l'an 1383 jufqu'en
1433. compcfés par M, Jofeph
Soares de Sylva ^ de l'Académie
Royale de l'Hiftoire de PortugaL
Le premier Volume de cet Ouvra-
ge , qui clt en Portugais , parut en
17301 & le fécond en 173 1.
Le même Imprimeur qui a im-
primé tous les ans un Volume des
Mémoires de l'Académie Royale
de r Hiftoire , depuis fon établilTe-
ment en 171 1. a aâ:uellemcnt fous
Preffe le Volume des Mémoires de
cette Académie pour l'année 173 1.
ALLEMAGNE.
De Ratisbonne.
Conrad Peez. Se Félix Bader ont
propofé par Soufcription l'Edition
de tgus les Ouvrages du P. Jacques
Gretl^r ^ célèbre Jcfuite Allemand,
fous ce titre : Jacobi Gretseri ,
Societatis Jefu Theologi , fublimioriun
fcientiarum in Univerfnate Ingolfla-
àienfiunnos 16. Profejfohs OPERA
©MNIA , arttehac ah iffomct Auc-
tore accuratè recognita , OfufcuUs
multis , Notis , & Parai ipomenii
tlimbus j proprits locis in hac editio-
ne infertis , aiiSla & illuftrata ^ nunc
feleSlo ordine ad certes titulos revocata
& itiTomos XFII. Digefta. j4ccejfu
Aurons Vit a , cHm adjunElo Jîngulit
ad calcem Tomis proprio Indtce ca-
piojlffime. In folio.
Le Profpedus de cette Edition
eft une brochure de cinq feuilles
m-fol. imprimées fur du papier &
avec des caraderes femblables à
ceux qu'on employera pour l'im-
preffion de tout l'Ouvrage , excep-
té les caraderes grecs dont on ne
donne point ici d'échantiljon. Les
Editeurs qui font des Jefuites du
Collège de Ratifbonne , ont mis à
la tête de cet Imprimé une Préface
dans laquelle ils parlent des divers
Catalogues des Ouvrages du Pcrc
Gretfer. Il avoit publié lui même
deux Catalogues de tout ce qui
avoit paru de lui depuis l'annàc
1589. jufqu'en 1611. Comme il a
vécu jufqu'en 1615. & que jufqu'à
ce tems-ïà il n'avoit prefque ceflc
d'écrire , on avoit fouhaité d'avoir
un Catalogue plus complet qui
comprît non feulement k$ Ouvra-
ges du P. Gretfer mis au jour avant
1611. mais encore ceux qu'il a
compofés depuis. C'eft ce qui a été
exécuté en 1674. que fut imprimé
»V7-4°. à Munich chez Luc Staub^ un
cioifiénie Catalogue des Ouvrages
MAY
de cet Auteur.
Mais les Editeurs peu contens
de ce travail , foit par rapport à la
fidélité , foit par rapport à l'exadi-
tude , ont jugé à propos de donner
une nouvelle Lifte de cesOuvrages,
laquelle fait partie du Pr-oJieHus, &c
qui fert en même tems à faire con-
noîtrele plan de toute l'Edition. Ils
font rangés d'abord fuivant l'ordre
des matières , & par confequenr fé-
lon le rang qu'ils occupent dans
chacun des 17 Volumes -, on en fait
cnfuite l'énumeration fuivant l'or-
dre des tems aufquels ils ont été
publiés féprément depuis 15S3.
jufqu'en i6z^.
Nous ne devons pas oublier ce
que remarquent les Editeurs , que
quoique prefquc tous les Ouvrages
du P. Gretfer ayent été imprimés
aufli-tôt qu'ils ont été compofés , il
s''cn eft cependant égaré quelques-
uns qui n'ont pas vu le jour,commc
les Lettres de S. Ignace Martyr , &
à.'Avitus Archevêque de Païenne , de
les Oeuvres de Câlins Pocte Chré-
tien , fur lefquelles il avoir fait des
Remarques ou des DifTcrtations; &
qu'on affure qu'il avoit fait remet-
tre à Paris à Scbafticn Cramoify ^
Imprimeur du Roi pour les impri-
mer. Suppofé que ces Pièces ne
fulTent pas abfolument perdues ,
on prie ceux qui en pourroient
avoir quelque connoiffance d'en
donner avis aux Editeurs.
Les 17 Volumes de cette Edition
reviendront en total aux Soufcrip-
teurs à 85 florins d'Allemagne ,
dont on payera feulement 10 flo-
jrins en foufcrivant On recevra aa
, 17? ^ 50J
bout de fix mois les deux premiers
Tomes , & on donnera d'avance
lo autres florins pour les deux To-
mes fuivans qui paroîtront de fix
mois en fix mois , & ainfi jufqu'à
la fin de l'imprefllon de l'Ouvrage.
On pourra foufcrire dans tous les
Collèges ou Maifons des Jefuites ,
&: chez les principaux Libraires des
Villes dont les noms font marqués
à la fin du ProfpeBus. A Paris , cher
Coignard & Montalant.
ITALIE.
De Florence.
Bernard Paperini vient d'impri-
mer un Traité fur la Fête de PâejHcs^
compofé en Latin par le Sieur Jac-
ques Betta"^ de Crato ^ Curé de
S. Hippolyte i» Piazzanefe ^ Dio-
céfc de Piftoye. L'Auteur s'attache
d'abord à démontrer que la Rtfor-
mation Grégorienne a befoin d'être
reformée elle-même , à caufe des
erreurs qu'elle contient par rapport
à la Fête de Pâques ; il examine en-
fuite tout ce qui fe rencontre de
difficultez dans cette matière , &
tout ce qu'on a imaginé jufqu'à
cette heure pour pertccîlionner le
Calendrier ; après quoi il propofc
de nouveaux Cycles , en développe
l'ufage , & montre qu'avec ce le-
cours on peut éviter tous les rncon-
venienSj fans rien changer au Ca-
lendrier ni au Martyrologe Ro-
main. Ce Traité , qui eft imprime
;«-4°. n'eft que l'abrégé d'un pluî
grand Ouvrage , dont on donne
cependant en entier quelques Dif-
j04 JOURNAL D
fcrtations , qui renferment les ré-
folutions des plus grandes difficul-
reZk II à été approuvé avec éloge
pax le R. P. D,. ÇtiUo Grandi , Vi-
(kciir. Gépérai des Camaldules ,
Pr^fcireur: de Mnthém3C>c]ucs dans
r_L'aiverbt<^,aePife , & parle Doc-
te^y: È,uft.T£h,e Ajtanfredi ^ Prokf-
feu,r,de Mathcjjiatiqucs darsl'Uni-
yex^cé de Bologne , &c Astronome
^fi.feliiftitoit de iftjmffWt^ Ville.
HOLLANDE.
De la Haye.
Vanlom , Van-duren , & Pierre
de, Hottdt impriment par Soufcrip-
tiori, Hijîoire cC An^etsrrc de M. de
Rapin - Tljoyras j continuée jitpjHà
l^avenemem de George I. au T'hrone
de La grande Bretagne. Far ^/.D^**
TOIVtES XI. & XII.
Ces deux Volumes contiendront
l'Hiftoire des Règnes de Guillau-
me III. & de la Reine Anne , lef-
quels manquoicnt à l'Hiftoire de
M. de Râpjn-Thoyrîts. Us ferqn^
imprimés in-j^.". $c ferpnt epnchis
de deux nouvelles Cartes Géogra-
phiques , dont l'une reprcfente les
Royaumes d'Angleterre , d'EcolTe
& d'Irlande ,&: l'autre la,Mpiiarr
chie Britannique anciençe & laa-r
derne.
Les Soufcripteurs payeront pour
chaque exemplaire en blanc dixflo.
rins argent de Hollande pour le pe-
tit papier & vingt ficnns pour le
grand papier , la moitié en foufcri-
vant & l'autre moitié en recevant
l'Ouvrage.
ES S Ç A VA N S ,
FRANCE.
D i Xov'-L.
Syfltme Chranolagicfue fur les trots
Te>:tei de la Bihle ^ avec l''Hifloirè
des anciennes Monarchies , expli^iée
& retaille^., ; O u.y r agp di v iïe e'iti o.eu^
Parties.. ■ 'j .. / •;'V"/'.^, . . •■"
La première comprend les A'nt|-
quitcz, des premiers BaBylonicns ,
des premiers & des fcconds Affy-
riens , des féconds Se troillémes
Babyionie;iS:„ avec l'Hiftoire des
Medes. i ,
La fcconoe, cornprendra l'ancien-
ne Hiftx)]re des Perfcs , des Egyp-
tiens &: des Scythes, les Antiquitez
Chinoifes, Phéniciennes & Lydich-
Hes, celles de l'A fie ^ de l'i^fti^ue,
avec l'ancienne Hjftoire Grecque 8c
Latine, Par M. Mtctiel de Toul.
Chez Claude K/wf«. 1731. /»-4"'.
De Lyon.
Antoine. 5tfrz;<<w , Librairé/a en
vente les nouvelles Editions de»
trois Ouvrages fuivans.
ylllegaiionitmfifcdiiim pars prima^
auHore D. D. Joan. Bapt. Lak-
JUA , E^itite ordinis D. Jacùbi , Tu-
rifbonfnlio Hifpafi» , olim apiidS^l-
tnanticenfes Collegii Majoris Con-
chenfis AUtmno é^ F~efpertinte Le^tth
Cathedra proprietario interprète ; Re-
galis Patrimonii Fifci Patrono : poftea
vero à Con/îliis Potentijfmi Hifpa-
niarum Régis PhilippiW .in fupren»
CaflelU Jiiflitid Senatu. Cum Indice
Jwritim qiu explicantttr ^ altcro^ue
MAY
allegAlionum & Ouitfllonum , ac ter-
tio tandc7n rernm & verborttmlocH-
pL'tijfima. Editio poftrema ab Auc-
un recognltA & eviendata, 1731.
in-folio.
D. Antùnii Gomezii in Acade-
miâ Salmiifnicenji Jtms Civilis Pri-
marii ProfiJJoris , va-id refôlutiones
Juris Civilis j Câmmnnii & Regii ,
ToMié TRIBUS difiin&je , cjiionim L
iiUim.irnm volmnatitm ^ II. contrac-
rtmm , ///. delithr-iimmatenas con-
tt'Ht. Quibus accejferiint eruiitijfima
Annotationes Emamtelis Soarez à
Rib^int J. r". D. Editio nova , eut
brMer aiâitiones & notas editionis
Sjilmamic£ anni 1 579. nufquam ali-
bi imTn-eJfiis , adjungitur novits ad
caiccm totins (rperis Index feu reperto-
rium , oprra & fîngidari fludio nobi-
hs Joan. B^pt. Antoniijuris utriuf-
'^m DoSforis, C^i/iCuriâ Parlamenti ,
yhdifcjue Lugdnnenfibiis Patroni.
ijff. in-fol-. 1 vok
Georgii Bagliyi Mfdic.7%eonc,
in Romano Archdyc. Profef. Societa-
tis Regim Lond. Academ. Imp. Leop,
&c. Collega^ Opéra omnia Medico-
PraUica & Anatomica. Editio nona,
Cui prutter Dijjèrtationes & alios
TraBatHi feptimdi Editioni adjunElos
ticcedunt ejufdem Baglivi Canones de
Jtiedicina folidorum ; Dijfertatio de
progreffione Romani Terra motus ; de
Syftemate & ufu motus folidorum in
corpore animato ; de vegetatione lapi-
dum & Analogifno circulationis ma-
ris ad circulationem fanguinis ; nec
non J. D. Sanctorini Opufcula
i^mtuor ; de flru^ura & motufibrA ,
» 175 3- jof
de nutritione animali ; de Hamotrho'i-
dibuSj & de Catameniis, 1733. in- 4°.
De Paris.
Hifloire Critiijue de la Gaule Nar-
bonnoife, qui comprenoit la Savoye,
le Danphiné, la Provence , le Lan-
guedoc ,.le Roufullon & le Comté
de Foix. Avec des Diflcrtations,
par M. de A-l.wdaja/s de l' Académie
Royale des Infcriprions o: BcUer-
Letrrcs. Chez Grégoire Dupais ^
rue S. Jacques , proche la Fontaine
S. Benoît , à la Couronne d*or.
1735. in-ii.
Nouvelle Tradwffion Franfoife du
Paftor fido ^ avec le Texte a coté.
Chez Nyon fils , Place de Conty ^ à
Sainte Monique. 1731- in-11.
Hi/loire d'Hippolyte Comte de Du-
glas. Par Madame à'Aidnoy. Nou-
velle Edition , enrichie de figures,
en taille douce. Chez Gabriel P^al-
Uyr-e fils, rue de la vieille Bouderie,
& la Veuve Langlois , Qiiai de
Conty , aux Armes d'Angleterre.
i-jll.in-ii. 2 vol.
Difcours fur les Spe£îaclés , traduit
du Latin du P. Charles Pore'e de la
Compagnie de Jefus. Parle P. Bru-
moy de la même Compagnie. Chez
J. B. Coignard fils , rue S. Jacques,
Le Catalogue des Livres de fieu
M. Huguet de Semonville , Doyen
du Parlement , fe diftribue chez
Martin & Guerin Libraires , rue
S. Jacques. La vente de cette Bi-
bliothèque fe doit faire en détail au
commencement de ce mois de
Mai.
JOÔ
JOURNAL D
Prix Littéraire fondé dam l' Acadé-
mie Royale des Infcriptions &
Belles - Lettres.
L'Académie Royale des Infcrip-
tions & Belles-Lettres diftribucra
tous les ans , à commencer à Pâ-
ques prochain , une Médaille d'or
delà valeur de quatre cens livres , à
l'Auteur qui aura le mieux traité le
fujet d'Hifloire ou de Littérature
qu'elle aura indiqué.
Toutes perfonncs , de quelque
Pays & condition qu'elles foient ,
excepté celles qui compofent ladite
Académie , feront admifes à con-
courir pour ce prix , & leurs Ou-
vrages pourront être écrits en Fran-
çois ou en Latin, à leur choix. Il
faudra feulement les borner à une
^eure de ledure au plus.
Les Auteurs mettront fimple-
ES SÇAVANS.
ment une Dcvifc à leurs Ouvragcsi
mais , pour fc faire connoître , ils y
joindront , dans un papier cacheté »
& écrit de leur propre main , leurs
nom , demeure & qualitez , îk ce
papier ne fera ouvert qu'après l'ad-
judication du Prix.
Les Pièces , affranchies de tous
ports , feront remifes entre les
mains du Secrétaire de l'Académie
avant le premier Décembre de cha-
que année.
On déclarera dans l'Affemblée
publique d'après Pâques , la Pièce
qui aura remporté le Prix , & on y
indiquera enfuitc le fujet que l' Aca-
d.emie aura déterminé pour le con-
cours de l'année fuivante. Celui
que l'Académie donne à traiter cet-
te année , eft \' Etat des Sciencet
dans l^ étendue de lu Monarchie Fran-
çoifefoHs Charlemagne.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Mai 1733.
TVfculane de Ciceronfar le mépris de la mort , 5cc. pag. 147
Dijfertationfur l'utilité de la Médecine dans lajurifprudeiice , & c. 2 5 J
-~ Differtation de Médecine fur les Aiédicamens fîmples qui croijfent en
Allemagne , &:c. 160
Examen du Pyrronifme ancien & moderne , ^'c. ztf j
Hiftoire générale des Auteurs Sacrés & Ecclefiajiitjues , &C. Tome Hl. iS-j
Hiftoire de l^ Académie Royale des Sciences , &c. 27 1
^entimens d'un Homme de guerre fur le nouveau Syflème du Chevalier
Folard , Sec. 187
Carte générale de la Monarchie Françoife , &,c. iï$
Principes de l' Hiftoire , contenant \° . Les Elémens de la Chronologie ^ i°. "Un
petitTraité de la Sphère & du Globe Terreftre ^ &c. ijt
Dou'^e Queflions de Médecine , propofées par Meffeurs ChicoineaH , Befac ,
&c. 29J
tJoHvelles Littéraires , 3 ai
\
L E
JOURNAL
scavÀns
6
FOUR
VANNEE M. DCC XXXIIl
JUIN.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Qyay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIIL
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
r'\
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
b
JUIN M. D ce. XXXIII.
THEATRUM SIT NE , VEL ESSE POSSIT SCHOLA
informandis moribus idonea î Oratio , habita die 1 3 Mardi , anno
17^3. In Rcgio Ludovic] Magni Collegio. Societatis Jefii. A Carolo
?oi-ée ^ ejufdem Societatis Saccrdote.
LutetLx-Parifiorura. Excudebat Joanncs-Baptifta Coignard filius , Type-
graphus Regius. 1733.
C'eft-à dire : Le Théâtre efl-il , eupeiitil être une Ecole propre k formeriez
mœurs ? Difeours prononcé k Paris le i^ Mars 1753. dans le Collece de
Louis le Grand. Par le P. Porée de la Compagnie de Je fus. Imprimé à Pa-
lis , chez JeanB3ptiftcCo;>«<ir<^ fils. 173 3. Brochure /»-4°. pagesjz,
Juin. • S(\)
jro JOURNAL DES SÇAVANS
LE Dessein du P. Poréc ,
dans ce Difcours , eft de mon-
trer qu'après toutes les difputes
qui fc font jufqu'ici élevées pour
Si contre le Théâtre , fie dont il fait
un court expofé dans fon Exordc ,
rout doit fe réduire à rcconnoître ,
1**. Qiie le Théâtre peut être une
Ecole propre à tonner les moeurs ;
1°. Qii'il ne l'cft pas \ & que c'eft U
faute des Auteurs , des Adcurs ,
& principalement des Spe(5tateurs.
Qiic le Théâtre puifïc être une
Ecole propre à former les mœurs ,
l'Orateur pour le prouver met en
œuvre les raifons fuivantes -, non
comme nous les allons rapporter ,
mais avec des tours & des traits qui
leur donnent une nouvelle force ,
5c qu'il ne nous efl; pas pofllbie de
rendre en François.
Deux chofes peuvent contribuer
1 former les mœurs: fçavoir , l'ex-
cellence des Préceptes , ic celle des
exemples. On ne compte la Phiio-
fophie Se l'Hiftoirc au nombre des
Ecoles utiles , que parce que l'une
fournit les premiers , & l'autre les
féconds ; or ce que ces d'eux maî-
treflcs des mœurs offrent chacune
féparémcnt , le Théâtre peut le
fournir feul ; enforte que par cet
endroit , il l'emporte en quelque
forte, fur laPhilofophie &c fur l'Hi-
itoire.
Les préceptes moraux que don-
ne la PhilofophiCj s'étendent à tou-
tes les conditions. Ceux que le
Théâtre, confideré dans fa nature ,
eft en état de donner , n'ont pas
.noins d'étendue : Nulle profeflîon.
nul fexe n'cft à couvert des Leçons
du Théâtre , foit dans la Tragédie ,
foit dans la Comédie.
Le Théâtre cnvifagé fclon les
loix de fon inftitution , n'cnfcignc-
t-il pas aux enfans , ce qu'ils doi-
vent à leurs parens .'' aux parcns
ce qu'ils doivent à leurs enfans.** aux
domcftiques ce qu'ils doivent à
leurs maîtres î aux maîtres ce qu'ils-
doivent à leurs domcftiques ? auX'
Citoyens ce qu'ils doivent aux Ma-
giftrats ? aux Magiftrats ce qu'ils
doivent auxCitoyensî aux fujcts ce
qu'ils doivent à leurs Rois ; aux
Rois même , ce qu'ils cioivencà^
leurs fujets ? &c.
Il n'y a guéres de vertu donr
Fenfeignement ne foit de l'appana-
ge du Théâtre : tel eft par exem-
ple, la patience dans l'adverfité , la-
modeftie dans la profpcrité , la
Gonftance dans les promcfles , la fi-
délité dans l'amitié , la clémence
envers les ennemis , la miféricorde
envers les malheureux , l'équité à
l'égard de tous.
Iln'y a non plus aucune forte de
vice que le Théâtre ne foit en droit
de reprendre ; & ne reprend-il pas
même tous les jours,les baftelfes de
l'avarice , les excès de la prodiga-
lité , les traits mordans de la médi-
fance , Icsfouplcftcs de la flatterie.,
les fourberies de la diflîmulation ,
les folies de l'oftcntation , &c.
Il n'eft , outre cela , forte d'in-
congruité qu'il ne lui appartienne
auffi de corriger : rudcflc dans la
focicté , rufticité dans le difcours ,
bizarrerie dans l'habillement , &c>
JUIN
fout cela eft fournis à fa ccnfurc. La
fhilofophie n'attaque que ce qui
peut rendre l'homme coupable ;
niais l'Ecole du Théâtre va plus
loin ; elle n'épargne rien de tout
ce qui peut mériter la moindre ré-
préhenfion : elle ne fe propofe pas
feulement d'empccher que l'hora-
me ne foit méchant , elle ne veut
pas même qu'il foit ridicule.
On voit par-là que l'Ecole du
Théâtre n'a prefque point de bor-
nes. Le Pcre Porée à cette occafion
examine dans quelles fources le
Théâtre doit puifcr ici fes préceptes
pour être tel qu'on vient de le re-
prefenter ; puis il pafle à ce qui
concerne la manière dont ces pré-
ceptes doivent être donnés ■, Se il
fait voir qu'à cet égard l'Ecole du
Théâtre l'emporte encore fur ccUe
âc laPhilofophie.
Le Philofophe parle d'un ton de
rtiaître , & ne dit rien que d'un air
de leçon. Le Poète Dramatique s'y
prend d'une manière plus infinuan-
te : il cache la leçon , 6c inftruit
d'autant mieux.
Le Philofophe , par fes Dilemmes
& fes Syllogifmes, veut emporter
à force ouverte , notre confente-
ment. Le Poète Dramatique fc
conduit avec plus de douceur : il
invite , il attire, Se fans qu'on s'ap-
perçoive de l'art qu'il employé , il
perfuadc la vertu,& gagne le cœur.
Le Père Porée continue fur plu-
fieurs autres points , le parallèle
du Philofophe & du Poète , par
rapport à la manière d'enfeigner la
vertu;puis il paflc à ce que lePocme
Dramatique &c i'Hiftoire ont de
commun, qui font leJ exemples, &
il fait voir qu'à cet égard le Théâtre
a l'avantage fur I'Hiftoire : celle-ci
eft un amas de toutes fortes d'e-
xemples : l'Hiftoricnncchoifitpas
& ne doit pas choifir ; mais le Poè-
te Dramatique qui a la liberté du
choix, n'expofc aux yeux que des-
exemples iliuftres & capables de
frapper , que des exemples propres-
à infpirer la vertu ; & s'il lui arrive
d'en prefenter quelquefois^ , qui ne
foicnt pas à imiter , c'eft pour don-
ner aux autres plus de relief & les
faire trouver par ce contrafte en-
core plus aimables.LaMufeDrama-
tique ne doit rien propofer qui ne
foit utile aux mœurs.
La vertu traverfée dans le cours
d'une Tragédie , doit être recom-
penfée fur la fin ; & le vice
triomphant doit être enfuite puni.
Quelque éclatans que puilfent
être des exemples de vertu quand
on les lit dans I'Hiftoire , ils n'ont
jamais par la Ic^lure , l'éclat que
l'appareil d'une Scène pompcufe
& magnifique leur donne fur le
Théâtre oii les chofes font repre-
fcntées coxtimc fi elles fe palToient
fous vos yeux.
Le P. Porée , après plufieurs au-
tres reflexions qui tendent toutes à.
faire voir combien grande eft l'uti-
lité qu'on peut retirer du Théâtre
par rapport aux mœurs , cite l'e-
xemple de Socrate qui afliftoit fou-
vent aux reprefcntations des Pièces
d'Euripide , foit pour y puifer de
fages préceptes de morale , foit
pour y reconnoître ceux qu'il don-
noit lui-même à fes Difciplesj iî
512 JOURNAL D
cite l'exemple d'Ariftotc, qui après
avoir fait une Ecole du Lycée , n'a
fi exadement écrit du Pocme Dra-
matique , que pour en faire une au-
tre du Théâtre. Mais fans recourir
aux exemples anciens & aux exem-
ples profanes, il cite celui du faint
& fçavant Archevêque de Milan ,
qui ne crut pas qu'il fût indigne de
fes foins de s'appliquer à corriger
des Pièces Dramatiques , tant il
ctoit perfuadé que ces fortes d'Ou-
vrages bien épurez pouvoient tour-
ner au profit des mœurs. Il cite
l'exemple du Cardinal de Richelieu
qui tout occupé des affaires de l'E-
alife & de l'Etat , ne laiffoit pas de
donner une partie de fon tems à per-
fe(flionnerleThéatrc, non fans dou-
te pour ménager de vains Spectacles
au peuple , mais pour former une
Ecole où les Citoyens & les Rois
pulîent trouver à sinftruire. Il cite
l'exemple de Louis XIV. qui enga-
gea le célèbre Racine à compofer
des Tragédies pour les jeunes éle-
vés de S. Cyr , non fans doute dans
le deffein de leur procurer un fim-
ple amufement , mais pour les for-
mer à la pieté: Tragédies fi pures &
fi inftrudives, remarque le P. Po-
tée , que fi toutes les Pièces de
Théâtre ctoient du caradere de
celles là , il ne faudroit pas deman-
der (i leThcatre peut être une Ecole
propre à former les mœurs , mais
s'il feroit polTible qu'il ne le fût pas.
Allofis plus loin , continue l'Ora-
teur , & carions-nous dans une af-
femhléefi célcire , d abandonner p.ir
une maiivaife honte Ja caufe du néa-
tre. A quel dejfàn en France , en ItA'
ES SÇAVANS,
lie , en Efpagne , en Allemagne , &
en plufieurs autres lieux célèbres , tant
de fçavans hommes prépofts à l'ia-
firu^lion de la jeunejfe ^ érigent- il s des
Th.'atres dans les Collèges , ou ils font
réciter par leurs élevés, desTragédies,
& des Comédies ? Efl-ce uniijiiement
pour façonner le gefte aux enfans , leur
former la voix & régler leur conte-
nance ? non ; ces Maîtres fages &
éclairés , portent leurs vues plus
avant , ils tirent de l'obfcurité des
Claffes leurs Difciples , & les expo-
fent au grand jour du Théâtre;
afin que ces Difciples dont plu-
fieurs doivent un jour remplir de«
places confiderables dans le mon-
de , apprennent de bonne heure à
méprifcr ou à cftimcr , ce qu'ils
auront vu fur la Scène , s'attirer
le mépris ou l'ellime.
Il eft difficile , conclut le P. Po-
rée , de ne pas convenir que le
Théâtre , & par rapport .à la Tragé-
die 5c par rapport à la Comédie ,
ne puiiîe être une Ecole propre à
former les mœurs. Mais , demandc-
t - il , pcnfera - t - on auilî avan-
tageufement de ce moderne & bi-
zarre Théâtre , où tout fc palTe en
chants ôc en daiifcs ? de ce compo-
fé de Spedacles , qui a tiré fa: naif-
fince de la Tragédie Grecque , &
qui n'a rien retenu de fa première
origine? De ce Spcdacle qui eft tel
dans fon alfemblage , que comparé
avec les véritables règles du Poemc
Dramatique, il ne lailfc rien voir
en fci que de monftrueux , & qui
en effet , a cela de commun avec
les monfrres , qu'il excirc une gran-
de curiofité j qu'il paroît plus mer-
J U I
■veiJleux que les Ouvrages légiti-
mes de la nature , & qu'il attire
plus l'admiration que l'approba-
tion ? Le Père Porce répond que
lien n'en empêche , & là-defTus il
demande, i". fi la Mufiquc, par
exemple , eft nuifible aux mœurs ?
Si au lieu de l'employer pour re-
veiller ou entretenir des paflïons
«langereufes , on ne peut pas l'em-
ployer à infpirer des fentimcns no-
bles Se vertueux ? 2°. Si la danfe
tout de même, a quelque chofe de
pernicieux dans fa nature ; Si un
mouvement mefuré des bras & des
pieds, un balancement léger & agi-
le du corps , offrent quelque chofe
qui foit à reprendre», lorfqu'il ne
s'y mêle rien d'indécent î 3'. Si les
grandes adlions & les grandes qua-
litez des Héros font des fujets qui
puiffent être traitez en vers Lyri-
ques, &c accommodés aux règles
de la Mufique î 4°. Si ces fujets
ainfi traitez, peuvent flatter l'oreil-
le , faire d'agréables imprciîîons
fur l'efprir Se exciter de l'émulation
pour la véritable gloire î Comme
ces queftions font telles qu'il n'eft
pas polTible d'y faire des réponfes
qui ne fuppofent que le Théâtre
dont il s'agit, eft innocent par lui-
même , & peut devenir une Ecole
propre à former les mœurs ; le Père
Poréc conclut au fujet des chants
& des danfes de l'Opéra , ce qu'il a
conclu au fujet de la fimple Tragé-
die & de la fimple Comédie.
Qu'aux vers & aux chants effé-
minés de l'Opéra , on fubftitue des
vers fententieux & des chants gra-
.vcs & nobles , qu'on y joigne des
N ; 175 5. 515
danfes légères , mais modeftes , qui
ayent rapport au fujet & don: les
mouvemens expreffifs foient com-
me une Poëfie muette , alors on
aura un Théâtre de Mufique qui fe-
ra propre & à divertir l'efprit , & à
exciter à la vertu.
La seconde Propofition du Perc
Porée , eft que fi le Théâtre , confi-
deré dans fa nature , peut être une
Ecole propre à former les mœurs ,
il ne fçauroit néanmoins pafTer pour
tel, à confiderer l'état où il fe trou-
ve aujourd'hui ; qu'au contraire on
le doit plutôt regarder comme une
Ecole de vice ; Se que c'eft la faute
des Auteurs , des Adeurs, & prin-
cipalement des Spectateurs.
C'eftla faute des Auteurs; qui
ne veulent pas, dit leP.Porée, faire
attention à ce qu'exige d'eux la na-
ture du Pocme Dramatique.
Le but de laTragédie & de laCo-
médie, comme l'ont reconnu les
Fondateurs du Théâtre d'Athènes ,
eft , pour ce qui regarde la premiè-
re , d'cnfcigner la fagefTe ; & pour
-ce qui regarde la féconde , de cen-
furer le vrc^. Et c'eft ce que ne veu-
lent point comprendre les Poètes
d'aujourd'hui ; leurs Tragédies ne
refpirent que la fureur de la ven-
geance , Se h paillon de l'amour.
Quant à la vengeance , le P. Po-
rée ne manque pas de citer là-de(fus
Corneille dans fa Tragédie du Cid,
Se pour ce qui regarde la paffion de
l'amour, il en appelle aux Pièces de
Racine.
Il fait à cette occafion le parallèle
de ces deux grands Hommes, 6c
ceux qui aiment les portraits d'a-r
jr4 JOURNAL DE
près nature, trouveront dans ce pa-
rallèle de quoi l'itistaire pleinement
leur "oiit. Au rcftc,ii compare Cor-
neille à l'Aigle de Jupiter, 5c Raci-
ne à la Colombe àcYenus.C omeltus
fublime voLms , Ht Jovis Aies , tnter
fiilgura & fulmina ludibundus omnia
fragore contpleverat : R.icinius , ut
yeneris Cclnmi>nlus , circum rofaria
& myruta volitAtis , omnia gemttibui
ferfonnit ...... Divifum Imperium
cum fiilminame Afiilâ ^ gemensCo-
tumbulus impeiravit.
La plupart des Poètes qui font
venus aprcs Racine , l'ont imité
dans ce genre d "écrire , ils n'ont
rempli leurs Pièces que de pallions
tendres , & lorfqu'ils ne lient pu
faire fans renoncer à divcrfes règles
duPocnie Dramatique, comme à
l'unité de l'adion , à la vérité du
fujet , à la vraifemblance de la fic-
tion, à la variété des objets , ils ont
mieux aimé violer toutes ces règles,
que de ne pas introduire dans leurs
Tragédies , foit prophancs, foitfa-
crées,la paillon de l'amour^ c'eft par
tout même ton & même langage
fur ce point, mêmes jaloufies , mê-
mes tranfports.
Eft-il donc de l'efleace du Théâ-
tre qu'on y vpye de telles foiblelTcsî
ou bien i'cfprit des Poètes eft-il R
borné qu'il n€ puifle fournir à une
Pièce entière fans recourir à des ex-
pedicns û ufcs î Encore Ci la paffion
dont il s'agit ctoit traitée de maniè-
re à en infpircr de l'cloigncment
pourroit-elle trouver place fur les
Théâtres -, mais de l'accompagner
comme l'on fait , de toutes les cx-
pteflions les plus capables de l'aliu-
5 SÇAVANS,
mer , c'eil ce qui ne fe peut fouffrir,'
6 ce qui , félon le Père Porée ,
doit couvrir de honte les Auteurs
qui travaillent pour le Théâtre.
O malheureufe Tragédie, s'écrie
l'Orateur , Toi qui dans les lîécles
partes avois été inftituée pour pleu-
rer les maux d'autrui , fonges à
prefcnt à pleurer les tiens.Souviens-
toi de ce que tu étois fous Efchiles,'
fous Sophocles , fous Euripide , SC
confidcre ce que tu es aujourd'hui.
Qu'eft devenue cette chaftcté,^
cette feverité , cette noblefTe que
tu tenois de tes pères î Reconnois
ta honte & gémis.
Le P. Porée ne fe déclare pas avec
moins de zélé & de force contre U
Comédie : il l'introduit plaidant
elle-même fa caufe devant lui , &
U répond par manière de Dialogue
à ce qu'elle lui allègue pour fa dé-
fenfe ; ce qui fait un article très-cu -
rieux & très-intcreffant. Molière
n'eft pas oublié dans cette occafion,
& l'Orateur en fait un portrait qui
mérite pas moins l'attention des
connoifTeurs que celui qu'il a tracé
plus haut deCorneilie & de Racine.
Au rcfte , il s'eft glifle dans ce por-
trait une faute confidcrable que
nous avons appris être uac faute
d'imprefllon , & dont pour cette
raifon nous nous croyons obligés
d'avertir ici. U y cft dit de Molière,
faSlns ,H:/lno non fortitnt ini<^nitute ,
SED riTiy£ LICENTIA,S< il
faut lire SED JVrBNT^^ U-
CENTIA, ce qui fait un fcns plus
juftc.
Les Imitateurs de Molière , ou
plutôt ces petits Auteurs qui
n'ay»nt
J U I N
.n'ayant pas aflez de gcnie pour ex-
primer en eux ce que Molière avoit
Ac bon , ont copié fes obfccnitcz
i3<: les ont même portées plus loin,
n'échappent pas ici à la cenfure du
P. Porée , non plus que ces autres
Comiques qui fe croyent à couvert
de tout reproche fur cette matière ,
lorfqu'ils ont fçiî envelopper des
infamies fous des termes ambigus ,
qui les rendent encore plus dange-
reufes par la curiofité qu'ils exci-
tent. Les Pièces de Mufique qui fc
jouent fous le nom d'Opéra , & où
ia licence de la galanterie cclattc de
tous cotez j partent auflî en revue :
le P. Porée en fait voir au long les
dangers , & n'en épargne point les
Auteurs.
Mais les Adeurs, foit Tragiques,
foit Comiques, foit lyriques , ces
Adeurs qui appliquent tous leurs
foins à exprimer de la manière la
plus vive, les partions dangereufes
>qu'on leur donne à reprcfenter ,
n'ont pas moins de part que les
Auteurs aux juftcs reproches du P.
Porée.
L'Orateur pafle de-là aux Spec-
tateurs & fait voir qu'ils font ici
encore plus coupables que les Au-
teurs &: les Ad:eurs -, parce quec'eft
fur le goût de ceux qui fréquentent
les Théâtres , que fe règlent les
Auteurs Si les Adeurs. La chofe
cft facile à prouver , & le P. Porée
n'oublie rien de ce qui en peut
convaincre les perfonnes cenfées Se
faifonnables. S'il échappe à un Poè-
te quelque vers qui cloche , fi un
Adeur fait un faux gcfte , aulTi-tôt
iebxuit du fifflet marqvie le mécon-
rentement de l'alTembléc. Et pour-
quoi , dit le P. Porée , ne ferecrie-
t-on pas de même contre une maxi-
me licenrieufe , & contre un geftc
immodefte ? Les Athéniens, pour
avoir un jour entendu loiier fur
leur Théâtre les richeiïes comme
le plus grand de tous les biens , fu-
rent à l'heure même Ci tranfportés
d'indignation , que fans attendre la
fin du difcours où cette pernicieufc
maxime alloit être refutée , ils fc
levèrent tous de leurs fiéges pouc
faire chafler l'Acleur qui vcnoit de
la proférer. Si l'on avoit aujour-
d'hui la même délicatcffe pour tout
ce qui fe débite fur le Théatre,quel
cft,âemandeleP.Porée,lsPoëte qui
osât écrire,& l'Adicur qui osât pro-
noncer. Que dans la ieunelîe il faut
laifTer crier la raifon,qu'on ne la doit
écouter que dans la vicillefTe : Qiic
tout doit céder à l'amour , 8c
qu'on y eft entraîné par une fatale
neceffité : Que la condition des ani-
maux qui fuivenr leurs penchans
fans remords^ cftdignc d'envierPer-
fonne ne l'oferoit , répond-t il , &
le defir que les Auteurs & les Ac-
teurs auroient de plaire aux Spedla-
teurs , obligeroit les premiers à re-
former leurs compoiitions , & les
féconds à n'adopter aucune Pièce
qui ne fut dans les règles de la bicn-
féance. C'eft donc principalement
des Spedlateurs , qu'il.dépcnd que
le Théâtre ne foit pas une Ecole de
vice , & qu'il foit au contraire une
Ecole de vertu. Le P. Porée finit en
les invitant de travailler tous de
concert à une reforme fi defirable ,
Se de ne plus fouffrir déformaic
Te
i6 JOURNAL D
Qu'il foit rien dit devant eux , qui
puifle aller contre la fin pour la-
quelle le Théâtre a été inl^itué. Les
difFerens caradcrcs de ces Spe(fla-
tcurs , Se les divers motifs qui les
conduifent au Théâtre , tont ici le
fujet d'un tableau auflî curieux
qu'interelTant , mais difficile à ce
pier : nous y renvoyons les Lec-
teurs. Celui que l'Auteur trace
plus haut des reprefentations ds
rOpera , & que nous avons pafTé ,
ne feroit pas moins difficile à expri-
mer ; nous y renvoyons tout de
même les Ledeurs, ou plutôt nous
les renvoyons à la Pièce entière.
L'Analyfe feche que nous venons
d'en faire , & à laquelle nous avons
ES SÇAVANS;
ttc obii2;és de nous réduire de peut
d'cxccder les bornes d'un Extrait,
n'eft pas capable d'en donner
une idée fuffifantc. Quoiqu'il en
foit, l'impreffion que cette Pièce a
faite fur les Auditeurs quand elle a
été prononcée , & les applaudiiTe-
mens qu'elle a reçus , laifTent tout
lieu de juger qu'elle ne fera pas fans
fruit. Il en paroît depuis peu une
Tradudion Françoifc ; nous en au-
rions parlé dans cet article , fans
qu'elle ne vient que de nous tom-
ber entre les mains , & que nous
n'avons pas encore eu le tems d'j
jetter les yeux ; ce fera poui le pro-
chain Journal.
ESS^r SVR LtS ERREVRS POPVLAJRES , OU EXAMEN
de plufeurs opinions récités comme vraies , cjuï font JMtjfes on douteufes.
Traduit de lAfioloisde Thomas Bro'wn . Chevalier & DoReur en Medeci-
ne. A Paris , chez Pierre Witte , ruii S. Jacques, proche de SaintYvcs,
à l'Ange Gardien : & Didot ^ Quai des Auguftins , près du Pont Saint
Michel, à la Bible d'or. 1753. /«-12. deux Vol. Tom. L pp. 546'.
Tom. II. pp. 341. fans les Prétaces & les Tables.
PARMI ceux qui ont entre-
pris de combattre les erreurs
populaires établies dans la pliipart
des Sciences &l des Arts les plus
utiles à la Société : on peut dire que
les Médecins fe font fignalés fur
tous les autres. En effet , dès l'an
1578. Laurent Jw<^f>-r fameux Mé-
decin de Montpellier publia en
François la première Partie d'un
Ouvrage fur les erreurs populaires
touchant la Médecine & le régime de
fumé ; & cette première Pajtic
étoit divifée en cinq Livres. Elle
fut fuivie en 1575. d'une féconde
Partie comprife en 15 Chapitres:
mais les deux enfemble remplif-
fsient à peine le tiers du projet de
l'Auteur , qui devoit fournir fix
Parties , diftribuées en 30 Livres.
Cela n'empêcha pas que ces deux
premières , les feules qui ayent pa-
ru , ne fuflent réimprimées à Paris
en 1587. /w- 8°. &r que le premier
Livre de la première ne fut traduit
en Latin par Jean Borghés , & pu-
blié en 1600. à Anvers, /ff-8°. avec
des Remarques du Tradudeur. Il
parut à Florence en 1592. unever-
îîon Italienne de ce premier Livre
JUIN
gcdes 4fuivans , mife au jour par
Luchi. Gafpard Bachot, Médecin
Bouibonnois , donna cinq Livres
en François fur la racme matière ,
pour fervir de fuite à ceux àzJou-
hen : & ils furent imprimés à Lyon
en 1616. /';j-8". Le Traité Latin de
Jacques Pnmerofe Médecin origi-
naire d'Ecofle fur le même fujcc
( de vulgi erroribtis in Aîedicina )
partagé en 4 Livres, s'acquit beau-
coup de réputation vers le milieu
du liécle palfé , ayant été mis fous
la pielTe à Amfterdam en 1(^39.
in-iz. puis à Roterdam en 1^58.
augmenté de plus d'un tiers. Les
erreurs populaires d Italie en fait de
Médecine trouvèrent auflî un cen-
fcur en la perfonne de Scipiou Mer-
curii Médecin Romain , qui eut
foin de les recueillir dans un gros
Volume y«-4°. publié en Italien à
Vérone, en 1^45. &diviféen fept
jLivtes.
Mais nul ne s'eft propofé en ce
genre de cenfure , un delTein plus
vafte que le Doâ:eur Thomas
Brovn , dans fon Traité publié en
Anglois fous ce titre Pfeiidodoxia
Epidemica ^ or , eniftiiries into very
many received tenents , &c. qui ell
l'Ouvrage dont nous rendons com-
pte. C'eft-à-dire que fans vouloii
ie borner aux feules erreurs parti-
culières à la Médecine , il attaque
généralement toutes les erreurs po-
pulaires , toutes les faufles opi-
nions accréditées , & il les réfute
par tout où elles s'offrent à lui ,
jfHais principalement dans la Phyfi-
que , dans l'Hiftone naturelle ^
dans la Cofmographie , dans i'Hî-
. i73J. ?i7
ftoire Civile, dans la Peinture, &c.
Se CCS differcns fujets font autant
de fources fécondes , qui ne le l.uf-
fcnt à fec ni pour la ûngularité , ni
pour la variété.
Cet Auteur étoitdéja connu par
divers autres Ouvrages qui lui ont
fait honneur , &c qui , pour la plu-
part , ont été écrits originairement
en Anglois. De ce nombre cil: le
Livre intitulé/<î^^//V/a» duMedecin,
imprimé dès l'année i6'42. avec les
notes du Chevalier Digby & d'ua
Anonyme, puis traduit en Latin,
Préimprimé en 1^44. & enfin en
id^i. à Stralbourg , avec les trot-
lîémes notes d'un Allemand. On
l'a traduit aulli en François , & les
Editions s'en font extrêmement
multipliées dans ces divcrfes Lan-
gues. Brownadonnc deplusdeut
Diflcrtations curieufcs s l'une fous
le titre d'Hydriotaphia , où il dé-
crit 45 urnes fépulcrales déterrées
dans la Province de Norfolk, &
d'où il prend occafion de parcourir
favamment toutes les cérémonies
funèbres ufitées chez les Romains ,
lesBretons, les Saxons & les Danois;
l'autre, intitulée le Jardin de Cyrns^
dans laquelle on trouve desObfen
vations fur la defcription du Jardin
qu'avoit à Sardes le jeune Cyrus ,
telle que nous l'a laifféeXénophon;
Obfervations qui roulent particu-
lièrement fur les allées de Jardin
plantées en quinconce & fur tout ce
qui peut y avoir quelque rapport.
En 168^. on raifembla en un corps
toutes les oeuvres de Thomas
Bro's/n , & l'on en fit une Edition
Angloiie à Londres infol.
Ttii
ji8 JOURNAL D
A regard de l'Ouvrage dont il
cft ici qucftion , il a été fi tavora-
blcmcnt rci,ù dans fa Langue origi-
nale , qu'il s'en eft fait jufqu'à fcpt
Editions en Angleterre , fans com-
pter une vcrfion Allemande de
Chrifticn KncrrsBaronde Rofenrotb,
publiée à Nuremberg , en léSo.
comme nous l'apprenons des Jour-
naux de Leipfic.On avertit d'abord,
dans une première Prétace ( car ce
Livre en a deux , l'une de l'Auteur ,
i'autrc du Traducteur ) on nous
avertit donc d'abord de nous défier
beaucoup du fentimcnt de Platon ,
qui prétendoit que la fcience n'é-
îoit qu'une rémimfcence ou un rcf-
fouvenir de ce que nous avions dé-
jà fçû : au lieu que , félon notre
Auteur , ce n'cft qu'en oubliant
quantité de dogmes & de faits
adoptés avec trop de précipitation,
que nous pouvons parvenir à la
connoillance d'un certain nombre
de véritez incontcftables.C'eft pour
y arriver plus furemcnt que non
content de détailler les erreurs po-
pulaires , il ofe les examiner , en
jueer & les profcrire fur les lumiè-
res qu'il cmpruirtc de la raifon &
de l'expérience. Il connoît toute la
hardiefie de fon projet , qui pour
être parfaitement exécuté deman-
deroit les fecours de plufieurs per-
ibnnes également éclairées , chacu-
ne en fon gcnie. Mais le fuccès fa-
vorable dont fcs premiers Eflais
ont été fuivis , i'a fuffifamment en-
couragé contre les critiques & les
contradidions , que l'erreur oppo-
fc quelquefois fi long-tcnis aux
^ogrcs de la vérité. Il l'exroit d'aur
ES SÇAVANS.
tant plus digne d'indulgence dans
un travail comme celui- ci , que
perfonnc ( dit-il ) ne lui a fervi de
guide , non pas même fon Compa-
triote Primerofe ^ avec lequel il n'a
de commun que deux ou trois arti-
cles -, enforte que le plus fouvcnt il
s'eft vu réduit à tirer de fon propre
fonds les armes neceiTaires pour
combattre l'opinion & l'autorité.
C'eft de quoi il fc flatte que les
Doclcs lui fauront quelque gré ,
puifqu'en dciftarraffant ainlî les rou-
tes qui doivent les conduire à de
nouvelles découvertes , il rendra,
celles-ci plus promptes &: plus nom-
breufcs.
Cet Eflai fur les erreurs populai-:
ïcs eft partagé en fept Livres. On
recherche dans le premier quelle3
font les caufes de ces erreurs en gé-
néral. On examine dans le fécond
plufieurs opinions populaires tou-
chant les minéraux & les végétaux^
lefquellcs quoique fauflcs ou dou-
teufes font univerfcllement prifcî
pour vrayes. Dans le troifiémc on
en fait autant par rapport aux ani-
maux. On vient àl'Homxne , dans
le quatrième , & les erreurs qui le
concernent en particulier y fubif-
fent le même é7;amcn. Dans le cin-
quième on développe différentes
erreurs fuivies ou accréditées par
les Peintres. On difcutc dans le 6'
plufieurs préjugez relatifs à la Cof-
mographic £c à l'Hiftoiie. Le fcp-
tiéme Livre enfin rouit fur diverfes
«pinions hiftoriques communé-
ment reçues , & fur quelques unes
principalement qui font tirées des
Livres Saints.
J U^ I
r. Le Dodeitï Brown allègue
ffiour première caufe des erreurs po-
pulaires , la foibleite de l'efprit hu-
ïttain , qui dès l'inftant de la créa-
tion fat fujet à l'erreur. » Il femblc
» ( dit-il ) que nous foycns en droit
» d 'imputeï notre foiblefle à nos
» premiers parens , parce qu'Us
î> nous ont communiqué l'être
3» avec des impctfedions , qu'ils ne
» tenoient point du Créateur. Ce-
3> pendant , s'il eft permis à leur
» pofterité de les jugcr,tout parfaits
3» qu'ils étoiént , ils furent bien
» groiîierement déçus j & peu s'en
« faut que la facilité avec laquelle
» ils tombèrent , ne noas rende
» leur chute inconcevable. « C'eft
ce que l'Auteur s'efforce de mettre
éans un plein jour par l'examen dé-
taillé de toutes les circonftances
qui accompagnèrent cette réduc-
tion. Si les hommes ont été affez
foibles pour donner dans l'erreur ,
même avant- leur défobéiffance , il
n'eft pas merveilleux qu'après leur
prévarication , les fauffes idées fc
foient multipliées chez eux , &
ayent le plus fouvent fait la matiè-
re la plus ordinaire de leurs dif-
cours. Auflî Moyfe , dans l'Hiftoi-
re des tems antérieurs au Déluge ,
n'ayant fait parler les hommes que
fix fois , leur a-t-il mis cinq fois à'
la bouche des difcoursqui vontdi-
rciflcment contre la vérité. On en
peut voir les preuves chez l'Au-
teur.
Une féconde caufe des erreur?
populaires doit être piife dans ce
penchant naturel 6c prcfqu'invinci-
àic de cette partie du genre humain
appeliée peuple , a. faifir le faux Se à
l'embraffer aveuglément : difpofi-
tion produite & fomentée par le
peu de jugement de ce peuple , paï
les bornes étroites de fon intelli-
gence & par la foibleffe de fon dif-
cerncment. Livré fins referve à
toute l'infidélité du rapport dea
fens , il eft prefque incapable de
rechercher la vérité -, & les diverfe3
paflîçns qui le maîtrifent éteignant
ou obfcurciffant en lui quelques
étincelles de raifon qu'il tenoit en-
core de fon origine , il fe trouve de
furcroît intedé des vices , qui font
les fuites naturelles de fcs erreurs^
Rien ne l'y fortifie davantage que
l'autorité ou le confentement una-
nime d'un grand nombre de gens ;
enforre que lorfqu'ils font alTem-
blés , on peut affurcr [ dit l'Au-
teur J qu'ils font l'erreur même. A>
cet éloignemcnt du vrai qui fait le-
propre caradere du peuple , s'il fc
joint d'ailleurs quelque adrelTe à lui
prefcntcr le faux , on doit être
perfuadè qu'infailliblement il l'a-
doptera. C'cft ainfi que les Prêtres"
du Paganifme l'ont féduit par leur
divination prétendue ; que plu--
fleurs Médecins lui font croire
qu'ils trouvent dans les urines leS'
mêmes vertus ( dit notre Auteur )
qu'avoit VEphod oCAaron , & fur
ce principe raffemblent autour
d'eux cette multitude empieiîéc
d'entendre leurs décilîons fur h,'
virginité , fur la groireffc , fur la'
fécondité , fur les maladies les plus-
impénétrables : c'eft ainfi que lui-
cn impofent les Aftrologucs , les
Difcuis de bonne: avamuic , ôc aw^r.
320 JOURNAL D E s SÇAVANS;
très fourbes fcmblablcs. Brown du vrai que cette aveugle déférence-
n'en excepte pas même ces politi-
ques , à qui la raifon d'état tient
lieu de tout , & qui ont toujours
employé le peuple à i'exccudon
des grands dcffcins , en ne lui laif-
fant prefquc jamais entrevoir le vé-
ritable but qu'Us fe propofoient.
De ces caufes générales des er-
reurs populaires , l'Auteur palTe i
celles qu'on peut regarder comme
immédiates _, & qui font i". les
taufles idées que l'on fe forme des
objets dans l'inftant qu'ils s'offrent
aux yeux , ou fur des rapports in-
fidèles , & c'eft ainfî que s'établit
autrefois l'opinion fabuleufe aufu-
jet des Centaures & une infinité de
femblables : 2.°. Les confequences
étrangères que l'on tire de ces fauf-
fes idées , &c d'où naiffent ordinai-
rement les Sophifmes qui roulent
ou fur les termes ou fur les chofes
mêmes , & dontBrovn donne plu-
fieurs exemples : 3°. La crédulité
qui fait recevoir fans examen tout
ce qui cft prefcnté comme vrai j
telles font , entre autres , les abfur-
direz du culte idolâtre , & celles
de l'Alcoran: 4°. L'incrédulité, qui
fait rejetter des véritcz confiantes ;
& de ce genre font les doutes des
Sceptiques &dcsAcadémiciens con-
tre l'évidence des fcns & de la rai-
fon : j". La pareffe ou la négligence
qui fait croire ou douter fans fon-
dement, épargnant ai nfi la fatigue
de l'examen : 6°. La prévention
pour les anciens & l'entêtement à
fuivre leurs décifions : or ( dit le
Dodeur Brown ) lien n'eft plus
a l'autorité des anciens.
Car , en premier lieu , c'eft foû-
mcttre nos contemporains à uq
joug infuportable , contre l'inten-
tion même des anciens les plus pré-
fomptucux. C'eft en fécond lieu
oublier que les anciens ne l'ont pa*
toujours été , que nous devien-
drons pour la pofterité ce qu'ils
font aujourd'hui par rapport à
nous , ic que nos droits fur cette
préférence feront peut être alors
suffi mal fondes que les leurs. C'eft
en troifiéme lieu fuppofcr pous
vrayes des opinions faulfcs ou dou-
teufcs & reconnues pour telles pat
les plus fimplcs & les plus grof-j
fiers. C'eft ( 4°. ) ne pas confideres
que les plus anciennes opinions ^
celles des Grecs , par exemple ;
font les plus éloignées du vrai.C'eft
( en cinquième lieu ) prodiguer
notre admiration pour des vérités
qui fouvent n'ont rien d'extraordi-
naire ni qui approche des produc-
tions de plufieurs modernes : té-
moin les Sentencei des feft Sages ,
qui pour en juger fans prévention
n'oHt rien que de trivial ni qui foie
au-deffus de la portée du commua
des hommes. C'eft enfin ne pas
nous relTouvenir que fur beaucoup
d'articles cfTcntiels , nousfommes,
& avec grande raifon , diametrallc-
mcnt oppofés aux anciens.
Une fepticme fource d'errcuj;
(dit notre Anglois ) eft la déféren-
ce aveugle à l'autorité ou aux té-
moignages de quelques Auteurs 5c
même de quelque Nation : défe-
injuftc .& tic nous éloigne davantage rcn,ce , dont il faut s'a/Trancbir avec
JUIN. 175 5-. 521
(^'autant plus de foin , que l'autori- ftiges des Sorciers &C des Magiciens.
té ne doit pas l'emporter fur une
iîinple aflîrmation ■■, qu'il y a des
Sciences qui l'excluent abfolu-
ment , telles que les Matliémati-
ques ■■, & que l'Hiftoire naturelle fi
cultivée aujourd'hui , ne la refpec-
îc guéres. L'Auteur avoiic cepen-
dant qu'elle a fes droits ( cette au-
torité ) fur la Rhétorique , la Jii-
rifprudence & l'Hiftoire : mais ces
drçits ont leurs bornes & leurs re-
flriâ:ions, & il n'oublie pas de les
marquer.
Enfin la derhiere caufc des er-
reurs populaires , il la trouve dans
ics efforts de Satan notre ennemi
commun , qui hait fou verainement
toute vérité , & qui cherche fans
celTe à nous tromper. On peut dire
^u'il lui fait joiier ici un grand Rô-
le , car voici toutes les erreurs dont
il le regarde comme le père. C'eft lui
( dit le Docfteur Brown ) qui s'eft
îbijjours efforcé & qui s'efforce en-
core de perfuader à l'homme qu'il
n'y a point de Dieu, ou tout au
moins qu'il n'cft pas unique ; que
lui même eft Dieu ; qu'il efl le maî-
ere de la vie &c de la mort , & qu'il
peut ranimer la poufïîere des tom-
beaux. C'eft lui qui dans la même
rue a mis en œuvre l'illufion des
fonges , la révélation des chofes
futures pendant le fommeil , ces
Ottck-s Cl célèbres & fi accrédités.
C'eft lui qui changeant de batterie a
voulu perfuader aux hommes qu'il
leur étoit inférieur , & qu'il étoit
fournis à l'adion de certains Etres
qui n'ont aucun pouvoir fur nous-,
Se de-là tirent leur origine les pre-
II a fait plus -, il a perfuadé aux
hommes que les Démons étoicnt
des Etres purement imaginaires ,
il a fait rcjetter aux Chrétiens une
partie des Livres Sacrés , il en a fait
corrompre une autre par les Héré-
tiques , il a eifayé de les abolir tota-
lement par le niiniftere des perfc-
cuteurs. C'eft lui encore ( félon'
notre Auteur ) qui nous abufc au
fujet des Etoiles , des Planètes &
des Météores , en leur attribuant ,
outre leurs véritables fondions, des
effets produits pardescaufes libres.
C'eft lui qui nous fait imputer à des
caufes que nous croyons évidentes
certains effets qui font uniquement
fon ouvrage , Se dont il nous cache
les refforts; & de-là cette divina-
tion empruntée du vç! des oi-
fcaux , de l'infpedion des entrail-
les des vidimes , &c. de-là encore
les filtres, les ligatures, les charmes,'
les amulétes,& la guerifon fupcrfti-
tieufc de certaines maladies. A ces
différentes iliufions qui influent fut
notre conduite ôc nous entraînent
dans le crime, Satan ( dit l'Auteur)
en joint encore qui font de pure
fpeculation, & qui fans tirer à con-
fequence en elles-mêmes nous en-
gagent infcnfiblement dans l'er-
reur : Bro'yn en fait ici l'énumerfi;*
tion.
Il fait auflî un dénombrement
fuccind des Ecrivains , qui bien
qu'utiles à certains égards , onî
pourtant contribué le plus à répan-
dre l'erreur, ôCqui entraînes par le
torrent , & devenus copiftes fervi-
les de leurs piédàcelTeuis doivent
32Î JOUHNAL D
nous tenir en défiance. De ce nom-
bre font Hérodote , Ctéfias , Anti-
gonc , Phlégon , Philoftr.uc , dans
la Vie d'Apollonius de Thyane ,
Diofcoride , Pline, Elien , Solin ,
Athénée , les Poètes Nicandrc &
Philé , Tzctzès , S. Bafde & S. Am-
brcùfc , dans leur Héxamcron , faint
Epiphane , dans Ion Phyfiolvgiftc ,
S. Ifidorc de Se ville , dans fes origi-
nes , Albert le Grand , Vincent de
Beauvais , Barthelemi Glanvil , Ki-
ranidès , Marc - Paul de Vcnife ,
Paul Jove , Cardan, Alexis Pié-
montois [ & non pas jllexiindre ,
comme l'a rendu le Tradudlcur ,
trompé fans doute par le mot abré-
gé ^lex. ] Antoine Mizauld, Jcan-
Baptifte Portaj aufqucIsBrown af-
focie quantité de Moraliftes , de
Rhéteurs , de Pcl'tes & de Roman-
.cicrs, d'Orateurs tant facrés que
profones , & de Peintres , qui fans
affirmer dirediemcnt le faux , ont
infiniment contribués l'accréditer.
II. L'Auteur , après ces vues gé-
nérales fur les caufcs des erreurs
populaires , les examine £n détail ,
& commence par celles qui roulent
furies proprietcz des Minéraux &
des Végétaux , lefquelles quoique
faulTes ou trcs-douteufcs , croient
univerfellemeat reconnues pour
vrayes, lorfque l'Auteur ccrivoit.
Le premier objet qui s'offre à lui en
ee genre , eft k cryrtal pris pour de
la glace ou de la neige tcÛement
çojndenfc^c par le tems , qu'elle ne
peut plus fe fondre. Il n'a pas de
peine à détruire cette opinion en
failant voir que le cryftd eft une
concreticn pierreufe , indépen.dao:
ES SÇAVANS;
te du froid : que fa diffolution ri'»
rien de commun avec celle de U
glace : qu'il ne fe foûtient pas com-
me clic fur l'eau : qu'il eft plus
compare & plus tranfparent que 1«
glace : qu'il a une figure le plus
fouvent déterminée , c'eft-à-dire ,
hexagone ou de lîx cotez : qu'il te
forme également dans les climats
les plus chauds , comme dans les
plus froids : qu'il eft doiiéde vertus
médicinales qui ne fe rencontrent
point dans l'eau glacée , &c. L'Au-
teur , après avoir ainfi expolc ce
que le cryftal n'eft point , e/Iayc
d'expliquer ce que c'eft , d'après ce
que lui en apprennent les meilleurs
Naturaiiftcs : & c'eft fur quoi l'on
peut le confultcr.
Il vient enfuitc à la pierre d'ai»'
mant , &c traite ce fujet avec beau-
coup d'étendue , xliflinguant ce
qu'il y a de certain ou de probable
fur ce point d'avec ce qui eft com-
munément reçu , quoiqu'évi-
dcmmcnt ou probablement faux.'
Il traite de la vertu magnétique de
la terre , de la vertu dire<5bricc de
l'aimant, de fa vertu attradive, de
fa déclinaifon & de fa variation.
Il parle de ce que nous en a tranf-
mis l'Antiquité, Il réfute à ce pro-
pos plufieurs opinions touchant les
proprietez naturelles ic médicina-
les de cette pierre , de même qae
divers faits hiftoriques & qui pa-
roiflent furnaturels. On treuvera
dans les deux Chapitres qui concer-
nent ce fujct diverfes recherches
curieufcs & intercftàntes. Mais
quant aux erreurs populaires occa-
fîonnécs par les vertus de l'aimant,
i'Auteujc
JUIN
l'Auteuï foûtient qu'il cft faux ,
1°. que l'ail l'cmpcche d'attirer le
fer ; i°. que le diamant ait la même
vertu; 3°. que trotté d'huile mer-
curielle ou plongé dans le vif-ar-
gent , il perde pour toujours fa ver-
tu attradive , comme l'afTure Pa-
racelfe ; 4°. que rougi au feu &: fou-
vent trempé dans l'huile de Mars il
acquierrc la force de tirer un clou
fiché dans une muraille , félon le
même Paracelfe. L'Auteur ne trou-
ve pas la moindre vraifemblance
dans ce que die Pline , que l'aimant
outre les corps ferrugineux , attire
aufll le verre liquéfié. II n'en trou-
ve guéres <lavantage dans ce qu'af-
fure Eufebe Nieremberg ^ que les
cadavres humains font magnéti-
ques, & que s'ils font étendus dans
un batteau, cebatteau tournera juf-
qu'à ce que la tête du cadavre regar-
de le Nord. Il n'eft pas vrai^comme
le difent C<e.Jtus Se Porta , que des
aiguilles touchées par un diamant
contradlcnt une verticité pareille à
celle qui eft communiquée par l'ai-
mant.
A l'égard des Relations Hiftori-
ques aufujet de cette pierre, il y en
a deux qui paroiflent très-douteu-
fes à notre Auteur , & fur lefquel-
les il entre dans une difcufllon allez
particulière. L'une concerne ces
rochers magnétiques ou ces monta-
gnes attradives fituées , à ce qu'on
prétend , fur la Côte des Indes ,
d'où elles attirent tout le fer des
vairteaux qui voguent dans le voifi-
nage , ce qui fait qu'on n'employé
dans leur conftru6tion que des che-
villes de bois au lieu dexlous. L'au-
Jnin.
175?- 323
tre regarde le tombeau de Maho-
met & divers corps fufpendus en
l'air : fur quoi nous renvoyons au
Docfteur Brown. Parmi les vertus
médicinales purement imaginaires
de l'aimant , il range celle de cal-
mer les douleurs de la goûte , & de
guérir les douleurs de tête lorf-
qu'on le tient dans la main. Mais il
ne fait pas le même jugement de la
vertu qu'on attribue à cette pierre
de tirer des blelTures les balles de
moufquet & les pointes des flèches,
quoique plulieurs rejettent cette
propriété comme frivole ; & ils'efi:
convaincu par fa propre expérien-
ce , que l'aimant réduit en poudre
groffîere & mêlé dans des emplâ-
tres , conferve aflez de fa force at-
traiflive pour faire mouvoir des ai-
guilles i ce qu'il confirme par la cu-
re de ce Payfan Pruflicn qui avoit
avallé un couteau long de dix pou-
ces , & pour l'extradion plus faci-
le duquel par la voye de l'incifion ,
l'on appliqua fur l'eftomac du
Pruflîen un emplâtre chargé de
beaucoup de poudre d'aimant -,
comme en fait foi la Relation de
cette cure merveilleufe , publiée
par Becker Cous le titre de Cnltriv»-
rtis PmjftacHs. Nous ne pouvons
fuivre l'Auteur dans tout ce qu'il
rapporte & qu'il réfute en même
tems fur les vertus magiques , fym-
pathiques & antipathiques de cette
pierre , & que l'on peut lire chez
lui.
L'Auteur parte de l'aimant aux
corps éleShicjues , c'eft-à-dire à ces
corps , qui non feulement à l'aide
d'ime fridion un peu vive élèvent
y v
324 JOURNAL D
les pailles & autres choies légères ,
mais qui placés d une diftance con-
venable attirent toutes fortes de
fubftances d'une médiocre pcfan-
teur. Il en compte un grand nom-
bre de cette cfpcce , 6c dont plu-
fieurs agiiTent lur une aiguille prcf-
qu'aulTi efficacement que la pierre
d'aimant même. Mais il alFure que
nul métal & nul corps dur produit
dans l'homme , n'a cette vertu d'at-
tirer , dont il nous donne ici l'ex-
plication phyfiquc. Il met au rang
des erreurs populaires l'opinion gé-
néralement reçue , qui excepte
quelques corps trottes d'huile & la
plante du balîlic du nombre des
corps légers qu'attirent le jayet &
î'ambre jaune , & celle qui regarde
cet ambre jaune comme une refine
ou gomme de pin ou de peuplier,
au lieu que c'eft un véritable miné-
ral du genre des bitumes.
Il n'eft pas vr.ii (continue Brown)
que le diamant foit amolh & brifé
par le fang de bouc , & il eft tort
douteux que ce fang brife ou ditTol-
ve la pierre des reins & de la veflle :
le verre par lui même n'eft pas un
poifon , & il ne caufe une dytfentc-
rie mortelle que par accident , ou
lorfqu'on l'avalle groffierement
pulverifc. L'Auteur examine fi l'or
eft un excellent cordial , ou s'il n'a
aucune vertu \ &: il prend un jufte
milieu entre ces deux opinions ex-
trêmes. Il nie , malgré la décifion
d'Ariftote , qu'un pot rempli de
cendres puiile contenir autant
d'eau que s'il étoit abfolument vui-
de. Il traite fort au long ce qui re-
garde la poudre blanche , qui agit
ES SÇAVANS;
fans bruit ou fans explofion , & il
approfondit cette matière. Il y a lieu
de douter ( lllon lui) que le corail
foit mou fous l'eau & s'endurcilTc
à l'air ; mais Brown manquoit alors
d'expériences fuffifantes pour bien
décider ce point d'hiftoire naturel-
le, & il n'en fait guércs davantage
fur la Porcelaine, qu'on croit com-
munément faite d'une terre qui a
refté enfouie pendant un fiécle pour
acquérir les qualitcz ncceflaires. Il
termine le Chapitre des Minéraux
par l'examen des vertus attribuées
aux différentes pierres précieufcs ,■
& qui font prelque toutes très-in-
certaines pour ne pas dire chimerir
qucs.
Il vient en£iite aux Végétaux &
aux Infcdtes , &; difcutc avec foin
pluficurs opinions faulTes ou dou-
teufes fur la Mandragore , qui ne
reprefente les deux fexes que par
l'impollure des Charlatans -, fur la
Caneile , le Gingembre, le Giiofle,
le Aîacis & la Noix Mufcadc, que
l'on prend pour les différentes pro-
dudiions du même arbre-,fur les ver-
tus du Gui de Chêne ; fur la Rofc
de Jéricho , qui refleurit ( dit-on )
tous les ans la veille de Noël ; fur
la Secitr'tditca ou la Lunaire , que
l'on croit déferrer les Chevaux qui
palTent par dcfiuSj&rompre les fer-
rures ; fur le Laurier-femelle, le
Figuier, 0~c.qui préfervent du ton-
nerre ; fur les amandes amercs em-
ployées contre rivrelTc ■, fur le
Camphre accufé de rendre l'hom-
me impuilTant ; fur la plante du Ba-
lîlic foupçonncc d'engendrer ou de
multiplier les Scorpions , quoique
J U I
félon les Africains , clic foie plutôt
un antidote contre ceslnfeâ:es,err.
III. Des Végétaux l'Auteur paf-
fe aux Animaux , & commence
par l'Eléphant ^ auquel on a eu
grand tort ( dit-il ) de refufcr des
jointures en le faifant dormir de-
bout appuyé contre un arbre ; après
quoi il examine il l'ivoire qu'on
croit être les dents de cet animal ,
ne feroit pas plutôt ce qui lui tient
lieu de cornes. Le Cheval a un fiel ,
quoique la véficuleen foit différen-
te de celle des autres animaux -, &
les Pigeons en ont aulîî un qui cft
adhérent aux inteftins , malgré le
préjugé contraire. Il eft faux que le
Caftor fe mutile lui-même pour fe
dérober à la pouvfuite des Chaf-
feurs , &c que le C.ifloreum qu'il
fournit doive être confondu avec fes
tefticules. Il n'eft pas plus vrai que
le Blereau ait les jambes plus cour-
tes d'un côté que de l'autre , quoi-
que cette inégalité fe remarque
quelquefois dans les ferres des écre-
vilTes de mer -, ni que l'Ourfe don-
ne la forme à fes petits en les lé-
chant ^ ce foin ne fe reduifant à au-
tre chofe qu'à écarter avec fes dents
îa membrane épaiffe qui cache le
jeune Ours.
Ce font encore autant d'erreurs
populaires de croire que le Bafilic
( forte de Serpent dont l'exiftencc
n'eil pas encore bien déterminée )
naiffe de l'œuf d'un Coq couvé par
un Serpent ou par un Crapaud, &
qu'il empoifonne de fon regard ce-
lui qu'il voit le premier -, que le
Loup enroue l'homme également
s'il eft le premier" à l'aijjpercevoir ;
N ," 175 3. 525-
que les Cerfs & les Corneilles vi-
vent plufieurs fiéclcs ; que l'Hal-
cyon Ibit une Girouette naturelle ,
& que fufpendu parle becildéfi-
gne le côté d'où vient le vent , en
tournant û poitrine vers cette par-
tie de l'horizon. Le Gryphon & le
Phénix ( dit notre Auteur ) n'exi-
ftent point dans la nature , non plus
qùel'Amphifbéne, efpece de Ser-
pent qu'on prétend avoir deux tê-
tes , une à chaque extrémité , &
cela fur ce fondement unique qu'il
marche en avant & en arrière.
C'eft de plus une faulfe pcrfua-
fion de fe figurer , Qiie les Gre-
nouilles s'engendrent de pourritu-
re i Que le Crapaud jette fon venin
en piffant , &: que tout ce qui s'ap-
pelle Crapaudine foit réellement
une pierre trouvée dans la tête de
cet animal ; Qiic la Salamandre re-
fifte au feu & l'étcignc -, Que la Vi-
père dans l'accouplement coupe
avec fes dents la tête du mâle , &
que les petits à leur tour, pour le
venger, déchirent le fein de leur
mère, & fe fafient ainfi paflagc avec
leurs dents. Il n'cft pas vrai Que
les Lièvres foient hermaphrodites ;
Que les Taupes foient aveugles ,
puifqu'on leur voit des yeux bien
îormés-,Qiie lesLamproyes en aycnt
jufqu'à neuf , au lieu qu'elles n'en
ont que deux , & que les neuf
qu'on leur prodigue par méprife ,
étant placés , comme ils le font fur
une feule &: même furtace , cette
pluralité de viendi oit fuperflue. Il
cft faux encore que le Chaméleon
ne vive que de l'air , puifqu'il fc
nourrit de mouches ; Que l'Autru-
Vvij
32^ JOURNAL D
che digère le fer ; Qiic ce que nous
pourrions prendre pour corne de
Licorne , loit celle que les anciens
ont tant vantée ; fur quoi l'Auteur
fait des recherches curieufcs qui
méritent d'être lues.
Il termine fon troifiémc Livre
en examinant s'il eft vrai que toutes
les fortes d'animaux qu'on voit fur
la terre , fe trouvent auili dans la
mer -, fi le choix de certaines vian-
des à l'exclufion des autres pour la
nourriture eft appuyé en général
ES SÇAVANS.
fur des tondemcns bien folides i /f
le blanc de Baleine eft le fperme de
ce poiflbn ; s'il eft vrai que le Cy-
gne ait un chant mélodieux ; Que
la Fourmi morde l'extrémité du
grain pour le garantir de la corrup-
tion -, Que les Serpens piquent ou
empoifonncnt parla queue, &c. Se
fur tous ces points l'Auteur prend
le parti de la négative. Nous nous
contentons de les indiquer fimple-
mcnt , Se nous renvoyons à un au-
tre Journal les Livres fuivans.
ZA RELIGION DE'FENDVE. POEME.
Brochure in - 8°. pages ^ë.
1733^
UN E Pièce impie , intitulée :
Epure a Vranie ^ s'cft depuis
peu attiré une réponfe aufli édir
fiante que folide , de laquelle nous
avons fait mention dans le Journal
de Mars dernier , en donnant l'Ex-
trait des Poëfies diverlcs de M.
Tanevot , parmi Icfquelles elle fc
trouve.
La Religion détendue que nous
annonçons , & dont nous allons
rendre compte, a pour objet , la
même Pièce impie. On y réfute de
fuite & avec méthode, tous les arti-
cles de l'indigne Epître.
On commence par établir que la
Foi ne craint point le flambeau de
la raifon , mais que tout n'eft pas
fournis à cette raifon ; puis on dit
qu'elle juge uniquement des faits ,
& que le refte eft pour elle une c-
nigme qu'elle ne doit pas chercher à
pénétrer.
Un groupe d'ombie & de lumière
IR le feul terme de nos foins ;
Et l'Eternel ne nous éclaire
Qu'autant qu'il faut pour nos befoins.
Inftruits comme nous devons l'être ,.
Reprimons notre orgueil , & bien - tôt
nous verrons
Que tout ce que nous ignorons
Nous eft inutile à connoitre.
Le culte tranfmis par Moyfe , eft
traité d'abfurdc par l'Auteur de
l'Epître à Uranie : Mais on tait voit
dans le Poème dont nous rendons
compte, qu'il eft impolîlble d'ob-
fcurcir là-deflus les témoignages de
tous les tems. On cite à ce fujet le
peuple Juif qui garde avec refpcd
un Livre antique qui eft le feul 6<;
précieux refte des biens que cette
Nation pofledoit ; Livre où l'on
voit la naiifance d'un Univers , que
déjà la nouveauté des artï momroic-
cue dans Ibneivfance.
JUIN
L'on faiticî une peinture- vive &
fuccinte des évencmcns Jes plus re-
marquables arrives dans l'ancien
Teftamcnt; on rappelle enfuite les
Oracles des Prophètes ,. &ron s'é-
crie :
Quoi i'Hiftoire prophane aura ma con-
fiance
Pour les éveneinens qu'elle vient m'atte-
fter .'
Et mon caprice injufte ofcra rejettet
Des Ecrits infpirés qui la marquent d'a-i
vanceî
Puis palTant tout d'un coup au
Mellïe , on remarque que toutes les
circonftances qui le regardent, ont
été exadement annoncées par les
Prophètes ■-, fur quoi l'on dit :
L'impoftute jamais
Pouvoit-ellc à fon choix s'arroger tant
de traits ?
Qui ies raflembic tous eft donc le vrai
MeflSe ;
Sans Ilii ce grand dépôt que les Jiii& ont
reçu,
L'Ecriture & la Prophétie ,
Decontrarietez paroîtroit un tiflii.
Mais elle eft avec lui pleinement éclair-
cie.
Aux couleurs dont lé Chrifi eft peint
dans Ifaye ,
N'eft-il pas d'abord apperçû^
Du Minillre d'Ethiopie I
Les Miracles des Apôtres , leur
Martyre , la promptitude étonnan-
te avec laquelle lesNations ont em-
bialTé ia Foi Chrétienne , jfont des
^ î 7 5 r: 527
preuves dont le Poète ne manque
pas de faire l'ufage qu'il doit. Il
vient enfuite à la ruine dejerufa-
1cm :
Quel autre objet frappe ma vûë!
J'apperçois les Vainqueurs par le Giel
révélés ;
L'Aigle Romaine fend la nue ;
Elle fond fur les Juifs dans leur Ville af;
femblés ,
L'aveugle Synagogue eft prife dans !<
piège.
Mais l'Eglife eft en fureté.
Une guerre inteflinc accroît l'horreur du
Siège ,
Elle n'eft plus enfin cette fiere Cité.
Sot murs font démolis , &c>
L'Auteur revient ici aux Apôtres;
& répond à diverfes objedioris que
fait contre la vérité de leurs témoii-J
gnages & de leurs Ecrits , l'impie
Auteur de l'Epître à Uranie ; puis
reprenant les chofes dés le com-
mencemenr du monde , il monfcït
par une chaîne inaltérable de faits ,
que ces faits fuivis font la preuve
la plus conftante de la Religion
Chrétienne , & en même tems la
preuve la plus convenable à la rai-
fon humaine. L'incrédule objeéte
que la Religion renferme des My-
ftéres qu'on ne fçauroit pénétrer."
Notre Auteur l'avoiie ; mais il ob-
ferve que cette même Religion a
des preuves fi palpables , qu'on ne
fçauroit fans vouloir s'égarer , s'a-
bandonner aux préjugez contraires.
Le Dodcur d'Uranie reprefente
ie Dieu d'Abraham' comme uis
328 JOURNAL D
Dieu cruel qui fc rend le flcau des
humains; qui les forma dans la vue
de les rendre malheureux , & qui,
pour avoir droit de les punir , leur
donna des cœuis coupables. Le
Poète oppofe à cette horrible pein^
ture , un tableau naïf de ce qui s'cfl
pafTc dans le Paradis Terrcftrc entre
Dieu & le premier Homme , &
après avoir décrit avec les traits les
plus vifs , la -punition de l'homme
rebelle , il fait voir que la colère
de Dieu & fa clémence ont tou-
jours agi de concert.
Mais prenons confiance:
Jufques dans fon couroiix le Seigneur eft
clément ,
II fçait d'Adam profcrit ranimer l'cfpe-
rance :
En prononçant l'anct fatal
ïl annonce le bien qu'il doit tirer du mal-
Dans l'ordre de fa providence.
Il promet un Libérateur ,
Qui de notre efclavage écrafera l'auteur.
Et qui , &c.
Ici s'offre à notre Pocte,une vafte
matière touchant le péché originel:
il obferve qu'héritiers du premier
de nos percs , nous ne pouvions
ivoir des droits differens des Tiens ;
qu'ainfi il étoit de la juftice que
dans notre origine nous fuflions
privés des biens qu'il avoir perdus.
D'où il conclud que c'cft unique-
ment par un effet de la bonté divi-
ne , que nous y fommcs rappelles j
après quoi il compare l'homme à
un Roi dépoîTedé qui conferve tou-
jours l'idée lie fon premier rang.
ES SÇAVANS,
lien appelle là dcllus à ce com-
bat que l'homme éprouve en lui-
même entre le bien &: le mal , &
qui l'avertit qu'il rcfte encore en
lui un Monument de fa grandeur
pallee.
Cette inipreffion de vertu qui
dure encore en nous , eft , dit no-
tre Auteur , un don gratuit que la
clémence divine a daigné nous con-
confervcr pour nous fervirànous
relever. A cette occafion il deman-
de s'il eft dans le monde un fcul
homme qui puilTe méconnoîtrc
cette voix qui l'avertit intexieHrcT
ment de fes devoirs.
Qu'on parcoure les tems & les climats
divers ,
La nature jamais a-t-elle fait paroîtrs
D'homme en qui la vertu ne fit quelques
efforts
Pour détourner fes pas du vice?
D'injufte fans avoir des rayons de juftice?
Et de coupable fans remords ?
Cela pofé , il obferve que c'efl:
la providence qui voulant fauvct
par J. C. tous les hommes , leur a ,'
par le moyen de la Loi gravée dans
leur cœur , applani le chemin qu'ils
doivent fuivre. Il remarque que la
pratique exade de cette Loi natu-
relle , avec la croyance au Ré-
dempteur qui devoit venir , fervit
long-tems à l'homme , Se lui fut
d'un grand fccours pourfe rejoindre
à fon Auteur. 11 eft vrai qu'obfédc
fans ccilc par la concupifcence , il
lui étoit difficile d'obfcrver avec fi-
délité cette Loi, mais enfin il le
JU I
{jouvûit , dit notre Poète :
Et Dieu l'a prononcé lui-même.
Pénétrant de Gain la ja'.ouiîe extrême ,
Et le barbare meurtre en fon cœur mé-
dité.
L'on reprcfente ici l'ingratitude
de l'homme qui, par une nouvelle
ïevolte^attire le déluge fur la terre j
Se comme les defordres ne laiiTenc
pas de continuer après une telle
punition , il obferve qu'il impor-
te peu à la providence, quelefang
d'.Abraham forme un peuple qui fe
laiife aller aux fuperftitions ; puif-
que Dieu n'en a fait que mieux
éclater fa puifTance , & qu'impéné-
trable dans fes defleins , il a fçii ,
pour les accomplir , s'ouvrir des
chemins où toute la prudence hu-
maine eft confondue •, c'eft de l'In-
carnation qu'il s'agit. Notre Poctc
entre à ce fujet dans un court détail
de l'Hiftoire du Mcflie , & après
avoir remis devant les yeux , fa
vie cachée , fa vie publique , fes
Miracles & fa Mort , il répond à la
queftion qu'on a coutume de faire
fur ce point , fçavoir fi Dieu ne pou-
voit pas racheter les hommes fans
fe rabaifler ainfi jufqu'à naître àc à
mourir ; voici fa réponfe :
Sans doute que Dieu peut tout faire ;
Mais dans ce qu'il a fait nous devons
l'adorer.
Ce ne feroit plus un Myflere ,
Si nous pouvions le pénétrer.
<5aïdons-nous d'y portes un regard tc-
fneriiiie ,
N ; 1 7 5 5- 52P
Contcns d'appercevoîr ce point de véri-
té;
Que Dieu fcul pouvoit fàtiefairc
A Dieu juHement irrité.
Piiifquc le fait eft fur , l'objeâion efi
vaine ,
Et nous méptifons l'infcnfé
Qui veut qu'en s'uniflant à la nature hu-
maine ,
Le verbe fe Toit abailTé.
Une autre objection fe prefente i
l'Auteur de l'Epître à Uranie , ne
peut concevoir qu'un Dieu étant
mort pour tous les hommes , il ne
les ait pas fauves tous. On répond à
cela :
Oui le Sang d'un Dieu mort pour nous,
Fut fans doute aflez noble & d'un prix
afTez rare
Pour fuffire au falut de tous.
Nul n'en eft excepté , malheur à qui
s'égare ;
Il périt par fa faute & les fecours divins
Ne manquèrent jamais aux coupablec
humainso
On entre là-deflus dans la difcuf-
fion d'un point qui fait un des arti-
cles les plus profonds de la Théolo-
gie :
Il eft des grâces générales
Que Dieu par fa bonté difpenfeaux Nat-
tions ,
Que l'orage des partions
Plongea dans ks ombres fatales
530 JOURNAL DES SÇAVANS;
Vous en qui du preiniet-rcbcHc
Dieu ne trouve à punir que l'infidélité ,
D'un jufte châtiment fa bonté paternelle
Adoucit la fcvéritc ,
Etfes jugeiiiens adorables
Comme lui-même impénétrables^
Tiennent de fa clémence , & font pleine
d'équité.
Voilà pour ce qui regarde les
Payens & les cnfans -, le Poëtc vient
cnfuite aux Chrétiens :
Des plus foUcs Religions.
Muni de ce bienfait il n'eft point d'infi-
délie
Qui ne puiffe obferver > mais difficile-
ment >
Les fenfibles devoirs de la Loi naturelle,
DiflTiper fou aveuglement ,
S'arracher aux horreurs d'un culte abo-
minable ,
Et dans le fecret de fon cœut
Adorer le Dieu véritable.
Qui poutroit affirmer qu'avec tant de
candeur.
Un homme éprouvât la riguetu
Du Dieu qui chérit l'innocence î
Non , mais en lui fa providence
Eût mis pour le fauver , la foi du Redeoi^
ptcur.
Vous Nations hyperboréesi
Vous peuples des autres contrées^
OA le Sauveur du monde eft encore in-i
connu;
De l'étemelle nuit vous n'êtes tributaires
Que par vos crimes volontaires ,
Et non faute d'un bien qui ne vous eft pas
dû.
ï.a condition des cnfans qui
meurent privés de la grâce du Bap-
tême, ne fait pas une des moindres
queftions de la Théologie. Notre
Auteur s'explique fur ce point,en h
manière fuivante :
Pour vous que le trépas, dès l'âge le plus
tendre ,
Eft venu frapper & furprendrc
pans la maffe d'iniquité ,
Pour nous qu'avec furcroît , Dieu ptJJ
vient de fa grâce.
Sans rien ôter aux Nations ;
Des plus grands maux il nous menaeé
Si nous lui préferons l'attrait des pallions,
N'eft-il pas jufte qu'à bien faire
Les Chrétiens par le Ciel aidés fi puiC
lâmment,
Lorfqu'ils ont fait un choix contraire
Soient punis plus févéremcnt i
Ceux qui croyent qu'on ne refi-
fte jamais à la grâce , Se que lorf-
qu'on pèche c'eft que la grâce man-
que , trouveront dans les vers fui-
vans une fufflfante matière à leurs
réflexions :
Nous pouvons par nos propres forces»
Nous perdre & jaaiais nous fauver.
Dieu feul , par fes douces amorces ,
S^ait jufqu'à lui nous élever.
Mais nous devoiK alors fiiivrc fans refi-
ftance.
Le jour luiroit en vain , B nous fermionj
les yeux :
Nous
JUIN
Nous fuivons feulement & Dieu nous
recompenfe
D'avoir f^û correfpondrc à fes dons pré-
cieux.
A fon Tribunal redoutable
Le pécheur ne peut s'excufer :
Il avoit eu la grâce & fon coeur trop
coupable
N'a pas craint de s'y refufer.
Le jufte aiiffi de fa juftice
Ne (çaufoit Ce glorifier :
C'eft la grâce employée à le fortifie*
Qui l'a fait triompher du vice.
Cette dotStrine , félon quelques-
uns , eft contraire à h toute-puilTan-
ce de Dieu. Notre Auteur va con-.
ciller l'un & l'autre.
Que l'homme (bit docile ou défobéif-
lànt,
Le Créateur fur lui n'en a pas moinj
d'empire ;
Et plaçant comme il veut le charme qui
l'attire ,
Il laifle l'homme libre , & refle tout-
puifTant.
Quant au manque de grâce à quoi
certains Dodeurs ofent attribuer
ia chiite dans le péché , & fur quoi
ils ne font pas difficulté de citer le
. 17 5?- 33 1
reniement de S. Pierre , voici ce
que notre Poète enfeigne là-deifus
à Uranie, comme un contre-poifon
de la doâ:rine répandue fur ce fujet
dans l'Epître de Ion impie Docteur.
A ces fidelles traits reconnois Uranie ,
Le Dieu qu'adorent les Chrétiens ;
Non ce n'eft point ce Dieu , qui , dans fa
tyrannie ,
Des vertus qu'il prefcrit nous otant les
moyens,
Nous punit de fa barbarie.
Notre Dieu,jufte, égal, 8: rempli de bon-
té ,
N'ordonne rien qu'il n'aide à faire.
Ne punit que l'iniquité ,
Se donne à la vertu lui même, pourCi-;
laire ,
Et fa fagelTe éclate en tout ce qu'il opère.
De cette bonté immenfe que le
Poète reconnoît en Dieu , il con-
clut contre l'impie & infenfé Doc-
teur d'Uranie, i°.qu'onne fçauroit
trop aimer un Etre fi bienfaifmt,
2°. que fi nous devons l'aimer ,
nous devons le feivir dans la Reli-
gion qu'il a établie : c'eft par-là qu'il
termine fonPocme & que nous ter-,
minons auûi notre Extrait.
J«/»;
Xt
^j2 JOURNAL DES SÇAVANS,
OEVFRES MESLE'ES, DE M.* * * , C O NT E N^ NT
un Difconrs fur la fin cjua en f^irgtle en comp'>fant fes Bucoliijues ^ une tra.^
àntiion de fis Eglogues , en vers François -, un aut^e Difcours fur les
règles deP Eglogue , des Paraphrafis en vers fur les Pfiaumes de David ^
& fur quelques chapitres de Proverbes de Salomon j des Lettres , des Epu
très en vers , des Refi,tXions Morales ; quelques Odes , quelques autres Pie-
ces de Poefte , & pou-- fin , uu Traité fur la manière de juger des Ouvrages
d'efprit. A Paris, chez Barrais ^ Quai des Auguftins , à la Ville de
Nevers -, Nidly , au Palais , à l'Ecu de France ; ^Ux , rue S. Jacques ,
au Griffon. 1733. \ol.in-ii. pp. 42.0.
CE S Oeuvres mêlées , comme
on le voit par le titre , confi-
ftcnt en un grand nombre de Pièces
différentes ; nous allons rendre
compte des unes & des autres dans
îe même ordre qu'elles font annon-
cées.
Le but du Difcours fur la fin
que Virgile s'efl propofée en com-
pofant fes Bucoliques , eft de prou-
ver que ce Poète , y a eu en vûë
d'inftruirc & de divertir.
On dit en premier lieu que les
Bucoliques par des fictions naturel-
les & touchantes , font fentir aux
Lei5leurs, quelle doit être la recon-
noiff^ince d'un bienfait , combien la
fortune efl capricieufe, combien lajîm-
plicité champêtre renferme de charmes,
combien font louables ces pajfions que le
point d'honneur , & l'avidité pour la
gloire nourrijfetit dans les coeurs \ com-
bien la. naijfance d'un bon Prince en-
traîne avec elle de biens dans unEtat:
combien la vertu reçoit d'honneur ^
fait pendant la vie , fait après la mort
de i homme vertueux, &c. Voilà pour
ce qui regarde l'inftrudtion. No-
tre Auteur dit en fécond lieu , qu'il
n'y a rien de plus charmant que de.
voir dans les Eglogues de Virgile ^
des Paflres & des Bergers qui met-
tent leur fouverain bien , fait dans
les doux accents qu'ils tirent à l'envi ,
âtun rufiique pipeau; fait dans la cul-
ture de leur terre , &.'c. Voilà pour
ce qui concerne l'agréable.
De ces Remarques Se de plu-
fieurs autres fcmblables , l'Auteur'
conclut que le dellcin de Virgile
en compofant fes Bucoliques , a été
d'inftruire & de divertir.
Le fécond article du Recueil efl;
une traduâiion de ces mêmes Buco-
liques , voici le commencement de
la première Eglogue :
Pendant quS je m'occupe à chanter de
nos Rois
Les naiflantes vertus & les premiers ex-
ploits.
Du fçavant Hclicon la plus aimable Mu-
fe
Commence à m'infpirer des vers dont
Syracufe
Retentit autrefois dans les charmans por-
traits
QuoThcocrite fit des ehamps & desf*»"
rets.
JUIN
Et quoiqu'accoûtumée aux héroïques
Scènes >
Elle daigne aujourd'hui me mener fous
les chênes.
Pour me montrer de près, les innocens
plailtrs ,
Et m'infpirerpour eux d'impatiens defirs.
En effet, aufli-tôt que des épais feuillages
J'eus d'un pas chancelant pénétré les om-
brages ,
J'apperçûs dans un fond, ce Dieu dont les
neuf Sœurs
Reçoivent à fouhait les divines douceurs;
Quis'approchantde moi, me dit d'un
ton de maître:
■Que fais-tu là , Berger î Eh ! Que ne
fais-tu paître
Quelque jeune troupeau qui manque de
Palteur ,
Pliitôt que de chanter un éloge flatteur ?
Non , non , ne le crois pas , que le bois
& la plaine
Soient indignes des feux de ta féconde
veine ,
Le devoir d'un Berger eft de paître un
troupeau ,
Et de tirer des fons d'un ruftique pipeau !
A ces mots , à l'inftant je fentis dans
mon ame,
Kenaître la chaleur d'une divine flamme ,
J'obéis , & fitét qu'un Dieu me l'ordon-
na,
A ces ten.lres plaîfîrs mon cœur s'aban-
donna ,
Et pour apprendre mieux les champêtres
mylteres ,
J'avançois plus avant , &c.
Nous croyons cet exemple fuffi-
fanc , pour doiinet de la veifion
Françoile dont il s'agit^ l'idée qu'on
en doit avoir -, mais nous ne fçau-
rions nous empêcher de remarquer
à ce fujet , ce que le Tradudeur lui-
même dit de ù Tvadudion, fçavoir
qu'il y a ejpiyé de faire admirer dans
notre Langue le plus parfait Poète
Bucoliijue. Il n'alTutcc-jendantpas
y avoir rcullî , & il reconnoît
qu'/7 a lien de craind'^e ^;t'il if en
fait peM-êtri: de fa tr^idiiUion com-
me des copies des tahleAHX a, l'é-
gard dj leur original.
Qu A N T au Difcours fur les
Règles de l'Eglo^^ue , l'Autcut
commence d'abord par définir ce
que c'eft, félon lui , que ce genre
de Poëfie. Voici la définition qu'il
en donne ; elle mérite d'être remar-
quée : UEglogue n'eft autre chajè
^ue le langage ou l'entretien de per-
fonnes dégagées de foins & d'ifi.juietu-
des j ejtu refUchifJint pour l'ordinaire
fur les évensmens pajjès ou prefens ;
ejui par des termes naturels & fans
fard , expriment plmot les fentimens
de leur cœur ^ que les fubttlitez. de
leur efprit , & dont l'éloquence eft
toujours fublime quand elle eftfoàtenue
par des exprejjions noblement fimvle s ^
& fîmplement nobles.
L'Auteur du Traité du Sublime ^
dont nous avons donné un pre-
mier Extrait dans le Journal du
mois de Mars dernier , ne s'accom-
modera pas fans doute,de cette dé-
finition , lui qui foiitient, & qui en
cela ne manque pas de Partifans ,
1°. que ce qui n'eft que noble n'eft
pas fublime , z". que les Lmres fa-
Xxij
3H JOURNAL D
milieres ^ tes Odes galantes , les Eglo-
gties , & autres Ouvrages de ce
genre , font défc(fl:ucux qviand le
fublime s'y rencontre. Quoi qu'il
enfoit, voici les principales rcs^lcs
que notre Auteur prcfcrit pourl'E-
glogue , après \c mblemetnjtmple &C
Icjimplemem mule c^ii'A y exige.
1°. Comme les perfonnes qu'on
fait parler dans l'Eglogue, doivent
être dégagées de foins & d inquié-
tudes , il eft plus convenable d'in-
troduire pour cela, des Bergers &c
des Bergères, Ik de tes faire parler
dans des bocages, dans des prairies,
& autres lieux féparés du tumulte
des Villes.
2°. Toute matière ne peut fc
tourner en Poëfic Paftorale : les
■pompeitfes defcriptions , par exemple ,
défaits extraordinaires , les prodiges
de la nature , les louanges des Hé-
ros , le règlement des Etats , les
Sièges, les Batailles & autres fujets
femblables , ne conviennent point à
l'Eglogue ; Ion véritable goût , dit
notre Auteur , eft de traiter des
charmes de la vie tranquille , des
liberalitcz de la terre , des varietez
des faifons , des plaifirs de la focie-
té , des tendres liens de l'amour &
de l'amitié , des douceurs & des
amertumes qu'on éprouve dans les
engagcmens, des plaintes d'un Ber-
cer malpAyé de fis peines , & d'une
Bergère trop crédule auxbelles paroles.
Voilà , continue-t-il , les fujets con-
venables à l'Eglogue.
3". La matière de l'Eglogue doit
être inteteffante , il y a desEglogucs
qui ne concernent que des Pé-
cheurs , des Chailcurs , des Brebis.,
ES SÇAVANS,
des Oifeaux , des Fleurs. Peut-on
dire , demande notre Auteur , que
ce foicnt là des fujets interclTans ?
Non fans doute , répond-t-il , les
plus belles pcnfées qu'on y peut fai-
re entrer font ufées à force de fer-
vir.
La troifiéme Règle de notre Au-
teur , ic dont perfonne fans doute,
ne difconviendra, c'eft qu'il faut
que toutes les idées fc foûtienncnt.
Il remarque à ce fujet , qu'il eft: rare
de trouver des Eglogues dont la fia
ne dégénère pas du commence-
ment. Il arrive fouvent , remarquc-
t-il , qu'après quelques premiers
vers qui promettent beaucoup ,
on s'étend en defcriptions vaines,
on peint des objets qui n'ont aucun
rapport au fujet , on s'arrête , com-
me dit Horace , à tous les bocages ,
à tous les antres d'un bois , à tous
les détours d'un ruilfeau , à toutes
les couleurs de l'arc-en-ciel.
La quatrième Règle eft qu'en
faifint parler des Bergers , on ne
leur mette rien dans la bouche qui
foit trop relevé.
La cinquième , qu'ils ne difent
rien non plus de trop bas , car tout
Bergers qu'ils font , il ne leur doit
rien échapper qui rcffente la grof-
fiereté du Hameau ■■, leurconverfa-
tion , pour être fans étude , ne doit
pas être fans politcfle.
La fixiéme Règle , eft qu'il doit
entrer dans l'Eglogue plus de faits
que de reflexions. Notre Auteur
déclare cependant qu'il ne prétend
pas tout-à-fait exclure de l'Eglo-
gue les reflexions : il fçait que dans
Virgile il s'en rencontre qui xen-
JUI
dent le fujet plus intereflânt par les
fcntimcns qu'elles tirent du cœuï >
mais il veut que les reflexions ne
compofent pas le corps de la Pièce,
Se que leur rareté ferve à les faire
trouver plus belles.
La feptiéme Règle , eft qu'il n'y
ait point trop de galanterie dans les
Adeurs d'une Scène Paftorale.
La huitième , que les Difcours
Bucoliques foient doux & tranquil-
les , enlorte que les perfonnages ne
îe difent jamais rien de défobli-
geant. Quelque libres que puifTent
être dans Théocrite , Comptas &c
Lacon ; Se dans Virgile , Menalque
&c Damete, notre Auteur ne fçau-
ïoit approuver l'impérieux afcen-
dant qu'ils tâchent de prendre ,
i'un fur l'autre.
Voilà le précis de ce qu'il penfâ
fut l'Eglogue. U dit au refte qu'il
croit être le premier qui ait donné
des règles pour ce genre d'écrire.
Mais il n'efl: point entêté de fes fen-
timens ; il déclare que bien loin de
les vouloir deffendre , il les foûmet
à la cenfure , & que même il s'efti-
mera trop heureux fi elles la méri-
tent.
Nous voici au quatrième article
du Recueil , qui font divers Pfeau-
mes de David traduits en vers
François ; nous rapporterons pour
exemple j le commencement de la
tradu(5lion du Pfeaume Beatus vir
^lii non abiit in concilia imviorum ^
kquelle eft la première.
Qu'heureux eft le mortel de qui l'ainC
innocente
A fçû fe détourner du chemin des mi-
shanij
N; 17??- sir
Qui , ferme en Tes deflcins , refiftc .i la
tourmente
Qu'élèvent contre lui leurs difcours fé-
duifans.
Mais <]ui cherche au contraire à connoî-
tre la force
De la loi que Con Dieu prefente à fbiî
amour ,
Et qui l'ayant connue y trouve tant d'a^
morce
Qu'il en fait fon étude & la nuit & le
jour.
Ah cet homme ell lemblablc aux arbres
inflexibles ,
Qui femblent fe mocquer de l'eifort des
torrens ;
En vain font-ils battus par les ondes ra-;
pides.
Leur tête eft toujours verte & porte tous
les ans.
«
Nous paflbns aux Lctres fur dit
ferens fu)ets , elles font au nombrs
de 43. Nous n'en rapporterons que
deux.
Lettre à Monfteur * * *.
»Quel fcrupuie que j'aye ds
« manquer à ma parole , je ne vous
» promets pas , Monfieur, de vous
n tenir celle que je vous ai donnée.
» Je de vois me réunir à vous cette
» Semaine ; trop heureux fi je puis
» le dire dans la fuivante. Car fi
» vous fçaviez combien , pendant
» mon abfence , mes devoirs m'ont
J5 taillé d'ouvrage , vous en feriez
« étonné. Quelle vie , mon cher
5) ami , que celle d'un homme pu^
yblicl Quand je la compare avec
3îtf JOURNAL DE
» une vie particulicrc & champc-
3» tre , je l'appcllerois volontiers
«une galère. Je vous eflimcrois
» heureux fi vous aviez jamais goû-
jjté votre bonheur. Car quelle étoit
» la vie que nousmcnions dans vo-
n tre campagne ? Vous le fçavcz :
»> Un Caffé velouté ralTembloit le
» matin les Acteurs: Quelques hcu-
3)rcs d'étude nous (cparoient : So-
X nus epnUntis nous réunilToit ; La
» joye fe bcuvoit à pleins verres: de
«longues promenades nous excr-
» coient : Un petit jeu nous délaf-
M foit : D'aimables difputes nous
M animoient : Enfin un doux fom-
.j> mcil qui charmoit infcnfible-
« ment nosfens , fembloit ne met-
5) tre aucun intervalle ^ entre la fin
j>d'un jour & le commencement
» de l'autre.
n Voilà , Monficur , une confef-
^ fion fincere de ma conduite. Mais
j> quelle pénitence n'en fais-je pas
» à prefent ! On ne me reconnoî-
» troit pas avec les meilleures lu-
s) nettes ; mes manières font auffi
j> empefées que le rabat d'un jeune
» Abbé. Je ne parle que comme
30 les Oracles \ je ne.crache que des
« Sentences \ je ne ris pas plus
a> qu'un Efpagnol. Quelle vie , en-
»> core un coup , que celle d'un
n homme public ! Je ne defefpcre
» cependant pas de m'aller dérider
» encore une lois chez vous. Je ne
» vous dirai point dans quel rems ,
>ï je n'en fçai rien , 6c quand je le
» fçaurois , je ne vous le marque-
» rois pas , pour ne nous pas déro-
>» ber l'un à l'autre le plaifir de la
» iurprife.
S SÇAVANS,
Lettre k Monfieur B.***.
» Je ne l^ai fi vous me ferez U
"grâce de lire ma Lettre ; mais je
»fçai bien que jefuis trcshontcux
»> en l'écrivant. Qiic direz-vous de
» moi j que j'aye tant tardé à vous
» remercier de vos bontez ? Mais
» en voici la raifon : Vous f^avez
» que je me propofois d'aller pafiet
» une quinzaine chez notre amie la
» ComtefTe de B**. De jour en jout
j» je me fuis flatté de pouvoir exe-
j' cuter mon delTein. Je voulois mê-
« me vous écrire pour vous y don-
» ner rendez-vous. La gloire m'a
» appelle aiUeursi&voilà c • qui fait
» que je fuis un impoli. Niais de
» grâce , ne me châtiez pas double-
» ment , en ne me pardonnant pas.
» Car fi vous fçaviez combien j'ex-
» pie ma faute , votre juftice tour-
» neroit en pitié. Figurez-vous que
»je fuis actuellement entre quatre
« montagnes; dans un lieu oh il y
» a plus d'animaux que d'hommes;
i> où le peu d'hommes qu'il y a , ne
» font que des figures ébauchées , Sc
>] où je n'cfpere pas même en voit
» d'autres d'un bon mois, que ceux
» qui pourront s'égarer. Voilà ^
» Monfieur , où je fais mon Carê-
>5 me. A votre avis, eft-il trop doux?
» 11 eft vrai que j'ai le plaifir de fai-
i> re efliiyer mabile à une trentai-
i' ncdeNonnettcs que je querelle
» à gogo , & qui cependant ne laif-
V fent pas de me donner autant de
»j douceurs que je leur dis de véri-
» fez. Car ne doutez pas que le
» Caffc , le Thé , le Chocolat , les
J U î N
MConfituïes de toute efpece , le
» bois de ccdre dans mon feu, l'eau
.'■> rofe pour me laver les mains , le
jj poiiron nourri debifcuits , ne me
3» foient prodigués. Mais quand je
5> rappelle nos Societez de Verfail-
i> les , tous ces bonbons font chico-
» tin pour moi. Plaignez-moi donc
» un peu , Monfieur , & fi vous
!> vouliez mériter infiniment , ce
S' feroit de m'écrire quelques nou-
»> velles. O que vous feriez aima-
■-> ble j & que je vous aurois d'obli-
»j gation! Vous me rendriez la vie en
Mme tirant de deux grandes in-
» quiétudes , la première de fçavoir
» fi vous m'aimez encore , ôc la fe-
3> conde s'il y a encore des hommes
«dans le monde.
Comme ces deux Lettres ne font
pas bien longues , nous avons cru
que nous pouvions les rapporter.
Après les Lettres fur divers fujcts
viennent deux Epîtres en vers- ;
l'une de la France à l'Efpagne &
l'autre de l'Efpagne à la France fur
ia mort de Monfeigneur le Dau-
phin & de Madame la Dauphine ,
arrivée prefque dans le même tems.
La première de ces deux Epîtres eft
appellée par l'Auteur une imita-
tion de l'Epître Latine de M. Gre-
nan fur le mêmefujet , & la fécon-
de , une imitation de l'Epître Lati-
ne de M. d'Hérouville fur le même
fujet encore. Ceux qui ont lu les
deux Epîtres Latines verront fi les
deux Françoifes dont nous allons
feulement rapporter le début , ré-
pondent au modèle qu'on s'eft pro-
pofé d'imiter, •
Epître de la Vramt à VEfpagne.
Pardonnes - moi ma fœur , fi d'aucuns
complimens
Ne font accoinpagncs mes premiers fen-
tiinens ;
Pardonnez fi le trouble fi les larmes
améres
Qui coulent de mes yeux fouillent mes
carafteres.
Comment en bute aux traits du plus crue!
chagrin ,
Faire parler fon caeur & conduire fâ
main î
Vous le fçavez hélas î que depuis tant
d'années ,
Je fuis le trille objet des dures deftinées
Que les fléaux de l'Olympe irrité contre
nous ,
Par la faim , par le fer , ont marqué fou
courroux ,
Qu'cnvieufe des droits donnés à la jeu»
nelle ,
La Parque m'a ravi l'objet de.ma ten-
dreffe ,
Et par ce premier coup de fon reflênti-
ment.
Peut - être nous punit de notre attache-
ment,
Nous l'avons regretté , mais vos pleurs &
les nôtres,
N'ont coulé que pour faire un pafTage à
bien d'autres :
Ce premier coup de foudre ne tranfîe
tous nos cœurs
Que pour les préparer à mille autres
douleurs.
Tel eft le prélude de l'Epître
que le Poëte François appelle une
imitation de celle de M. Grenan^-
338 JOURNAL DES SÇAVANSj
voici celle de l'Epître où il prctcnd
tout de même avoir imité M. d'Hc-
rouvillc.
Oui , ce Prince arraché d'entre les bras
du tcms ,
Rèpotife de l'Efpagne à ta France.
Si le même dellin qui m'apporta vos
larmes
N'avoit en même tems augmenté mes al-
iarmes ,
Je ferois mes efforts pour calmer vos
ennuis ,
Mais le puis-je , ma fœur , dans l'état où
je fuis ,
Et ce crêpe commun qui couvre nos
empires ,
1,0^1 d'adoucir nos maux j ne les rend il
pas pires î
Si du Juge ofFenfé le trop jufte couroux
M'eft pas affez vangé de ces deux pre-
miers coups ,
Si pour nous accorder le pardon de nos
crimes ,
Il exigeoit le fang des plus grafles vifti-
mes>
Dcoule, j e le vois, qui fumant fiir l'Au-
tel,
Fait à nos cœurs confus un reproche éter-
nel.
Oui , ce Dauphin parfait digne fruit
de fes pères ,
Qui des vertus en foi portoit les cataftc-
res.
Qui promettoit un règne où la fàinte
ferveur ,
La probité fans fard, la bonne foi , l'hon-
neur,
Les Sciences , les arts afliiroient à la Fran-
De former dans fon fein une éKoite al-
liance J
Avecque notre Automne emporte fon
l-'nnteins.
Pourquoi nous le montrer , gnnà Dieu j
ce jeune fage ,
Si d'un fi beau prefent tu retranches l'ur
fage î
Pourquoi vers le matin éclairer une Cour
Que tu dois éclipfer vers le milieu du
jour?
Je le dis , éclipfer. Car combien d'heu-
reux luilres
Faut - il pour rallumer l'efpoir dont tU
nous fruflrcs ?
En voilà fuffîfammenf pour met-
tre ceux qui ont lii les deux excel-
lentes Pièces Latines , en état de ju-
ger fi on en a imité ici la délicatefTe
& l'élégance. Car les vers que nous
venons de rapporter font de fidèles
échantillons des autres qui les fiji-
vent.
Au refte , comme ce font ici des
Oeuvres mêlées, ilfaut les prendre
comme elles fe prefentent 6c don-
ner une idée de chacune pour les
faire connoître ; c'eft pourquoi
nous allons continuer comme nous
avons commencé. 11 ^'agit des Re-
flexions Morales annoncées dans
le tiue. Elles font au nombre de
quarante ; & pour ne point choifir,
nous rapporterons les huit premiè-
res. T
Reflexions Morales,
» Quatre chofes dans la vie pcu-
i> vent la rendre utile Se agréable :
a> uo
JUIN. 173;- , 35i>
» un fond de Religion , un peu de » fiance , à l'abri de cette inquié
» Philofophie , certain ufage du
» monde , & une aifance bornée.
M La Religion nous fait regarder
»comme necelTaircs les peines atta-
» chées à la condition mortelle.
» La Philofophie nous fait raifon-
»> ner , nous rend fupérieurs à mille
"évenemens. L'ufage du monde
» nous foûmettant , nous empêche
, "de paroître auftéres & incommo-
» des. Enfin , l'aifance bornée ,
» c'eft-à-dire , celle qui tient le mi-
» lieu entre la pauvreté & l'abon-
"dancc , nous met d'un côté à l'a-
" bri de la crainte du necelTaire , 8c
M nous délivre de l'autre , des tour-
»> mens attachés aux grandes places
» & aux grandes richeffes.
Quand l'Auteur dit ici, que le
milieu entre la pauvreté Se l'abon-
dance met à l'abri de la crainte dit
neceffkïre , nous ne croyons pas
qu'il foit befoin d'avertir qu'il
veut dire fans doute , que ce milieu
met <i l'abri de la crainte de manqHer
du neceffaiie.
II.
» L'homme fe propofe dans fa
» conduite mille différentes fins ,
» félon les differens caratfteres dont
» la nature l'a pétri. Pour moi , je
« n'en crois point de plus digne de
» l'homme raifonnable & de l'hon-
n ncte homme , que la focieté &
M l'honneur. Vivre Amplement
M n'appartient qu'à l'animal que la.
» comparaifon que fon Créateur
» fait de lui avec les oifeaux du ciel,
» doit mettre à l'égard de fa fubfi-
tude. Mais vivre dans une belle
■» focieté , être aimé dans cette fo-
ra cieté , être aimé d'un amour fon-
"dé fur l'eftime ; voilà , s'il en peut
"être, un plaifir parfait.
IIL
» La Religion dans le monde eft
» ce qui eft le plus necelfaire , ce
» qui s'acquiert plus difficilement,
» & ce qui fe perd plutôt.
IV.
» La Religion & l'éducation font
» deux grandes reffources. La jeu-
» neffe s'écarte , & c'eft un privilé-
» ge qu'on ne peut prefquc pas lui
j>refufcr-, mais quand elle a eu de
» l'éducation , & que la Religion
» en a tait partie , tôt ou tard elle
» revient de fes égaremens.
" Le Bigotifme & le débordc-
» ment font deux extrêmes diffici-
» les à mettre en règle. Cependant
» le premier fe rend plutôt que
» l'autre. Pourquoi cela ? c'eft que
M l'homme ayant une pente natu-
» relie au relâchement , il eft plus
» facile de le faire defcendre de
» l'extrémité refferrée, dans le mi-
» lieu où règne la vertu , que de l'y
» faire remonter de l'extrémité re-
» lâchée.
VL
» Les Beautez Evangeliques &
» Académiques font également di-
)♦ gnes de nos admirations. La feule
^40 JOURNAL DE
i> différence qui cftcntie elles ( dit-
M ference qui elt un attvait pour
» ceux qui Tout une tois fcnti; c'ell
» que les Bcautcz Académiques
» charment l'efpTit , au lieu que les
M Beautez Ev.ingeliques le char-
V ment tout cnfemblc & le con-
» tentent.
VII.
»Rien n'eft plus commun au-
jj jourd'hui , où la corruption eft
» prefque générale , que d'entendre
» crier , avec ces termes adoptés
»> d'un Payen , ô tempora , ô moyes 1
:> ô tems , ô mœurs corrompues !
« Cependant rien n'eft moins rai-
.» fonnable dans la bouche des
^ Chrétiens. Les Payera n'ctoient
» pas initiés au myftere du petit
» nombre des Elus , & pouvoient
!> être furpris de voir le nombre des
u méchans furpalTer celui des bons.
» Mais pour nous, qui avons tous
» les jours à la bouche , & qui abu-
j> fons même fouvent de cet ada-
» ge Evangelique , beaucoup d'ap-
» pelles & peu d'élus , loin de di-
» re , ô tems , ô mœurs ! Eciions-
j> nous plutôt , ô probité , ô Reli-
« gion l
VIII.
M Rien n'eft plus commun dans
»le monde , que ce difcours : cet
j> homme n'a point d'cfprit. Propo-
M fition faufle , s'il en fut jamais ;
» car quelle différence y a-t-il entre
5> l'efprit & l'ame î Tout homme a
» une ame , tout homme a donc de
» l'efprit. ïi eft vrai qu'il paroît
» moins dans les uns que dans les
S SÇAVANS;
» autres ; mais c'cft par la même
uraifon qu'une bougie brille plus
» dans une lanterne bien percée
»que dans une autre qui l'cft
n moins. C'eft par nos organes que
» s'explique notre efprit. Sont-ils
» bien difpofés ? Nos lumières in-
Mterieures s'élancent mieux aude-
» hors. Sont-ils mal affeclés ; Ces
» mêmes lumières font captivées.
» Donc , pour parler plus juftc , au
« Leu de dire : cet homme n'a
» point d'efprit : il vaudroit mieux
M dire : cet homme ne montre
» point d'cfprit.
Selon cette reflexion de notre
Auteur, il ne faudra plus dire d'un
poltron : qu'// n'a point de cœur .,
mais, qu'/7 ne montre point de caur;
ni d'un homme dur &c impitoya-
ble, qu'// n'a point d'entratlles^ mais
qu'// ne montre point d'entrailles.
Nous fommes en rcfte de trois
articles de ce Recueil : l'un eft une
Ode fitr les défauts ejui triomphent
de la mort de M. Defpreaiix, l'autre
une Ode contre la Fortune , Se le der-
nier, un Traité de la manière déju-
ger des Ouvrages d'efprit.
Voici quelques exemples des uns
ic des autres.
Les deffauts qui triomphent
Dï LA MORT DE M. DeSPREAUX.
ODE.
Erreur , abus , dérèglement ,
Triomphez : fous ce monument
Gift votre (ëvereAriftarquc,
Les venus en portent le deuil»
JUIN
Mais vous venez à fon cercueil ,
Pour en féliciter la Parque.
; i75i.
341
Le vice d'un pas chancelant ,
N'avançoit encor qu'en tremblant,
Tant il redoutoit la Satyre ;
Mais aujourd'hui qu'il eft fans frein ,
Et que le cœur s'y ftnt enclin ,
Jugez s'il ne fera pas pire.
Nous nous contenterons de ce
début , pour venir à celui de l'Ode
contre la Fortune.
Contre la Fortune.
ODE.
O caprtcieufè Fortune !
Te jouras - tu toujours de moi ;
N'ai-je donc pas afTcz fléchi deffous ta
loi.
Sans encor me chercher rancune.
De jours bons Se mauvais eft chargé mon
fufeau ,
Ma vie échape à peine au fimefte cifêau ;
De ces affaults , cruelle , hé , n'es-tu pas
contente î
Tu troubles des momens autant rares que
chers ,
Et de ta laain dure & pefance
Tu me fais fcntir le revers.
On peut par ces deux débuts ]
juger furement des deux Odes.
Nous palTons au dernier article du
Recueil.
Ds la manière de juger des Ouvrages
d'efpnt.
Parnîi une foule de préceptes gé-
néraux & univcrfellement con-
nus que l'Auteur donne pour ju-
ger fainemenr des Ouvrages d'cf-
prit les plus confiderabics font
ceux - ci , que nous rapporterons
feulement pour faire voir de quel
caraiflcrceft ce Traité.
" Pour bien juger des Ouvra<Tes
■n d'efprit il faut en fçavoir les re-
«gles : & pour en convaincre, je
» n'ai bcfoin que d'une comparai-
n fon : Que penfericz-vous d'un
" homme qui fe ferviroit de la mê-
» me pierre de touche pour con-
» noître tous les Métaux?je le traite
j> rois de ridicule , direz- vous. Hé
» bien il en eft de même d'un cen-
>j feur qui venant de juger d'un
il Ouvrage grave , épuré , concis ,
»j juge dans le même efprit une Pie-
» ce familière , enjoiiée , champê-
» tre i on connoît aifément que le
»> ridicule eft le même.
35 Un abus qui eft prefque infépa-
» rable des jugemens critiques ,
» c'eft le fiel & l'aigreur. On ne fe
» contente pas de fe recrier fur des
» défauts tant réels qu'imaginaires,
» on aflaifonne encore fa décifion ,
wde paroles aigres & partiales.Quel-
» que exprelïîon qui fouffre un dou-
M ble fens , eft- elle échappée dans
» un Ouvrage ? auflî-tôt elle eft mal
» interprétée , on accufe l'Auteur
» àc Novateur , quelquefois même
» de SeSiaire : quelle paftioii !
Au fujet de ces termes : on accnfi
Yyij
ES SÇAVANS,
au bcfom , fabriquer de nouvelles
cxprcirions ; Que cette hanlicirc
rend les Langues riches &c fécon-
des , Si que CCS expreflîons acqué-
rant à force de tems , les droits de
l'ufagc , prennent infenfiblemcnt
place dans te DialeHe.
Nous doutons que l'cxprelfion
dont il s'agit , & quelques autres
que nous palfons , foicnt de ce
nombre.
542 JOURNAL T>
l'y^uteur de Nov.uatr ^ cjuel^uefois
même deScH-iire^ nous remarquerons
qu'il y a dans ces Oeuvres mêlées
un grand nombre d'cxprcllions qui
ne paroiflcnt pas moins fingulieres
que celle-là-, mais nous obfcrvcrons
en même tems , & nous finirons
par-là notre Extrait , que l'Auteur,
pag. 401. de ce même Traité de la
manière de juger des Ouvrages d'ef-
frit , dit : Que les grandes plumes
& les perfonncs de goût peuvent
fANECrRlQVE DB SAINT FRANC^OIS D'ASSISE ;
prononcé dans i' Eglife du grand Couvent des RR. PP.Cordeliers de Paris ^
le 4° OElobre 173 2. Parle P. Poijfon , Cordelier , Prédicateur ordinaire du
Roi , ExdéfinitcHr Général de tout l'Ordre de S. François , ancien Pro-
vincial & premier Père de la grande Provime de France , &c. A Paris ,
chez Jean-François Jo/7?, rue S. Jacques , à la Fleur de Lys d'or. 1735.
groffe Broch. /«-4". pp. 1 14. y compris la Préface qui eft de 12 pages.
CEUX qui aiment dans un
Difcours , les nombreufes &
amples citations , trouveront dans
celui ci , de quoi fatisfaire plcme-
jncnt leur goût. Auteurs Propha-
nes. Pères de l'Eglife , Ecrivains
Ecclefiadiqucs , Poètes , Orateurs,
Pbilofophes , rien n'efl épargné , &
on peut dire que le Père PoifTon
-déployc ici toutes les richefles de
fes Recueils en faveur de Saint
François.
Une Préface de douze pages
/«-4°. eft employée à l'Apologie de
cette Méthode \ ôc pour ce qui
concerne les citations profanes ,
l'exemple de S. Paul qui cite quel-
ques Poètes, n'eft pas oublié dans
cette même Préface , non plus que
celui des Pères de l'Eghfe qui n'ont
pas appréhendé de recourir en cer-
taines occafions,à de fcmblabies au-
toritcz.
Ce que notre Auteur ajoute de
plus, pour fermer la bouche à ceux
qui ne veulent pas qu'on rcmpUlfe
de citations profanes , les difcours
Evangeliques, eft digne de remar-
que : c'eft que J. C. donne quelque-
fois la Geniilité en fpeSlacle à fes Dif-
ciples , ijuil leur en rappelle certains
traits , certains exemples , & cjue pour
premier degré de doEirine avant de les
élever jiifijii' à la hauteur de fes Com-
mandemens , & à la fciince divine de
fa révélation , il leur demande : eft-ce
^ue les Puhlicains ne font pas ces cho-
fes ? Eji-ce tjue les Payens no les oh -
fervent pas ? Nonne & Pnblicani
hocfaciimt ? Nonne & Ethnicihoç
faciunt ?
Quant aux Pcrcs de l'Eglifc , le
. J u I
p. PoKTon dit qu'il a cru pouvoir
les citer dans ce Panégyrique , pnf-
çjue avec la même profufon qu'il a
refolu de les citer à l'avenir dans fes
autres Sermons ; il prétend o Qiie
» par de telles citations on abrège
» à ceux qui entrent dans lacarrie-
»re Apoftolique, le tems des re-
30 cherches , & que tandis qu'on
7> inftruit les peuples on a l'avan-
i> tage de former des élevés , en
» leur mettant fous les yeux , félon
H l'arrangement des fujets , tout ce
» qui doit être tiré des Saints Pcrcs
» fur chaque matière.
On voit par-là que le P. Poiflon
fe propofe de fournir aux com-
mençans un riche amas , & pour
ainfi dire , un tréfor de citations où
ils puiiïcnt trouver commodément
toutes les autoritez dont ils auront
befoin. A l'égard de la Pièce pre-
fcnte , il auroit pu , pour fe rendre
en cela plus utile aux élevés qu'il
veut former , & leur épargnc-r tou-
te peine , joindre à fon difcours
une table de citations par ordre des
matières.
C'eftl'ufage chez les Auteurs qui
remplirent de paffages leursLivres,
de mettre à la fin ou au commence-
ment de ces Livres , une Lifte Al-
phabétique des Auteurs cités ; une
îemblable Lifte ne feroit , ce fcm-
ble , pas mal convenue à la fin ou
au commencement de cet éloge de
S. François.
Quoiqu'il en foit , le P. Poiftbn
11 'oublie rien de tout ce qu'il croit
propre à juftifier les longues &
rombreufes citations qui accompa-
gnent le Panégyrique dont nous
allons rendre compte ; &: pr.r rap-
port à celles des Philofophes
Payens , il s'aiitorifc même là-def-
fus , d'un difcours de Clément XI.
dans lequel ce Pape , en parlant de
Louis Xl'V. fans néanmoins rappor-
ter aucun paflage de Philofophes ,
dit que Louis Xl'V. a fait paroître
par fa conduite plus de mépris peut
la mort, que n'en ont témoisné
par tous leurs Ecrits pompeux ,'
les plus grands Philofophes de l'an-
tiquité.
Ces feules paroles font dire au
P. PoilTon , 6c c'eft parla qu'il finit
fa Préface •, Que la fiiitjji délicate ffe
s'anéantit fur lis citations des Philofg-
p'hes , (jftand on voit cjitnn de nos
plusfçavans Papes les citoit il y a peu
d'années , en prefence du facré Collè-
ge , dans l'éloge magnifique ejuil fit de
Louis XIV. k l'endroit même ou il ad-
miroit la venu héroïque & toute chré-
tienne de ce grand Roi.
Muni de ces exemples , le Pané-
gyrifte vient à l'Eloge de S. Fran-
çois d'Affife , & s'en acquitte d'une
manière qui ne dément en rien le
Syftême de fa Préface.
Il prend pour Texte les paroles
fuivantes, tirées du onzième Chapi-
tre de l'Ecclefiaftique , vevf 12,15.
Eft homo mc.rcidus egens recuperatio-
ne , plus deficiens virtute ^ &c. C'eft-
à-dirc : où voit-on un homme langmf-
fant , dans un befioin de toutes chofes ^
dam là défaillance , & dans l'extrê-
me pauvreté : cependant l'œil de Dieu
regarde ce pauvre avec complaifance ,
le tire de fon humiliation , l'élevé en
honneur \ plufieurs font furpris d'ad-
miration en le voyant ^ & en rendenc
gloire à Dieu.
544 JOURNAL D
Ces paroles donnent lieu au Perc
PoifTon de comparer S. François à
J, C. naiflant & à J. C. immole, &c
de dire que les traits frappans de l'o-
riçhiiil, furent exprimés dans la cepie:
Que François d'Affife , choilî pour
accréditer dans l'Univers par fon
exemple , la pauvreté del'étable &
la moititîcation du Calvaire , réu-
nit en lui l'indigence du Dieu ca-
ché dans la Crcche , & les playes
du Dieu expirant fur la Croix : cela
fuppofé , il prétend que l'Ecrivain
infpiré envifageoit François à tra-
vers i'obfcuritc des tems futurs ,
quand il s'écria : on voit un homme
langmjjant , dans un befoin de toutes
chofes , dans la défaillance & dans
l'extrême pauvreté , &c.
Le Panégyrifte , après diverfes
réflexions fur ce fujet , fait remar-
quer dans S. François d'Affife une
pauvreté optdente , & une pénitence
glor'teufe , un homme qui au centre
de la pauvreté cft plus révéré t^ue les
riches , plus heureux que les riches ,
plus di flingue^ plus puijfant que les ri-
ches ; un homme qui au milieu de
la pénitence eft plus recherché que
les grands , plus élevé en honneur que
les grands ; qui fe montre avec plus
d' autorité fur la cendre , que les Prin-
ces fur le Trône ; Qjti efl plus refpeBé
(ouvert d'un cilice , que les Rois parés
de leur pourpre , & le rcfte qu€
nous paiTons pour venir à la divi-
fion du difcours : il eft partagé en
deux points. Dans le premier , le
P, Poiflbn rcprcfcnte avec quelle
complaifance Dieu regarda la pau-
vreté de S. François ; & dans le fé-
cond , avec quelle diftinSlton Dieu
ES SÇAVANS,
illitfira lu pénitence de S. François.
Le premier Point commence
ainfi : » La pauvreté ni l'opulence
» ne font en elles mêmes ni des
» vertus ni des vices. La fcve qui
i> n'eft encore que dans le tronc des
«arbres , eft indifférente à tous les
)> fruits , &c ne choifit les efpeces
» qu'en entrant dans les canaux dé-
» liés des entes & des greffes , à peu
» près comme une eau docile qui
» fuit la pente qu'elle trouve , &C
» qui eft limpide ou limonneufe,
1) félon le terrain qu'elle arrofe. S'J
» eft écrit : le Seigneur eft le refu-
>> ge du pauvre , le S. Efprit ajoute:
» je hais un pauvre fuperbe ; Sc
u quand il dit : heureux eft le riche,'
» il parle du riche qui eft fans tache
» & qui n'a point mis fon efperan-
» ce dans les tréfors. Ainfi Tindi-
» gence & les richefles deviennent ,
» félon le penchant qu'elles trou-
3> vent dans notre cœur , &i félon le
» rang qu'elles y prennent , un
î3 des grands biens , ou un des
» grands maux des hommes
» Il n'y a que le double efpri: d'E-
» lie , l'efprit de pauvreté , & la
» pauvreté d'efprit . vertus diffe-
n renciées avec juftefle par les
.jfaints Pères , qui puiflent les
n tourner en mérite.
La pauvreté ni l'opulence , vient
de dire le P. Poiffon, ne font en elles-
mêmes m des vertus ni des vices : Il ci-
te fur ces paroles , divers paffagcs
de S. Ambroifc , de S. Auguftin ,
de S. Bernard i & fur celles ci : lu
fève qui n'eft encore que d>ins le trons
de l'arbre ejl indifférente a tous les
fruits , il en rapporte plufieiirs de
JUIN
Pline le Naturalifte au fujct des en-
tes & des greffes , & même quel-
ques-uns de S. Bernard & de S. Jé-
rôme. A l'égard de Pline ^ il cite
celui-ci du Livre i6. chap. 43. Hac
prima origo liis:urï& arborem alla inte-
gi; puis cet autre du Livre 17. chap.
19. eji ct'iAm nova inferendi ratio . . .
ColuKciU excogitata, ut affirmât ipfe,
^nâ veL diverfa infociabilepjHe fiatit-
r<s iirborum copnUKtnr , Ht fici at^ne
elcx i il cite enfin cet autre du mê-
me Livre de Pline chap. \6. au fujet
d'un arbre qui par le moyen de di-
vers entes qu'on y avoit laits , étoit
chargé de noix fur une branche -,
d'autre menu fruit fur une autre ;
de raifins fur une autre -, de figues ,
de poires , de grenades , fur d'au-
tres , &c. Tôt modis infttam arborent
vidimus juxtA Tiburtes Ttdias , omni
génère pomomm onujlam ., alto ramo
mtcibus , aho buccis , aliunde vite ,
ficis , pyris , pMiicis , mdorumqHe ge-
nerihus.
Quant aux paroles de Pline , ci-
tées en premier lieu , fçavoir , Hm
prima origo luxuria arborem aliâ inte-
gi , quelques Ledeurs ne manque-
ront pas de dire qu'il ne s'y agit
nullement des entes ni des greffes ,
& que Pline y parle feulement de
cet art que le luxe a inventé , de
faire des ouvrages de bois incruftés
& recouverts de lames minces d'au-
tres bois , appliquées & collées par
deffus , ce qu'on appelle placage ;
mais ce n'elî pas à nous à entrer
dans cet examen ; ceux qui en fe-
ront curieux-peuvent confulter Pli-
ne même dans le chapitre cité ,
l'examen eft facile à faire , il n'en
coûtera que quatre lignes de levu-
re.
Pour ce qui cft de la pauvreté d'ef-
pnt^ combien de palTiiges de Pcrcs ,
le P. PoilTon ne cite-t-il point à ce
fujet ? Mais ne perdons pas de vûë
S. François : l'Orateur par le début
que nous venons de copier, s'ouvre
un vafte champ pour l'éloge de fon
Héros. Nous nous bornerons à l'ar-
ticle de la pauvreté.
Dieu , dit le P. Poiflon , rendit
la pauvre lé de S. François ^ fai7Ue ^
confolatite & heureufe , glorieiife &
pmjfatrte , héroicjue & privilégiée.
Epaminondas Capitaine Thé-
bain qui voulut vivre & mourir
dans l'indigence cfl cité ici par le
Panégyrifte , pour faire voir qu'une
pauvreté éclatante n'eft pas tou-
jours une pauvreté fainte , qu'il y
a eu des pauvres par goût , des
hommes dédaigneux pour l'opu-
lence , & qui méprifoient les ri-
chefles de la terre fans attendre que
le Ciel leur tînt compte de ce mé-
pris. Fabius & Fabricius , illuftres
Romains (î connus par leur mépris
pour les richcffes font cités ici tout
de même , aufTi-bien que le célèbre
Quintius qui eft rappelle au Con-
fulat lorfqu'il conduit fa charue &
qui revient de la didature au labou-
rage i exemples fameux dont le P,
Poiffon fait ufagc pour relever la
pauvreté de S. François , & mon-
trer combien elle l'emporte en mé-
rite fur celle de ces grands hom-
mes de l'antiquité. Un ample pafTa-
ge de S. Chryfoftome , un autre de
l'Hiftorien Juftin , un autre de Sal-
vicn, confirment la remarque du
54<?
JOURNAL D
Panégyrifte. Aurclius - Vidor ,
M. tfcTourrcil, M. Boiruct , Vir-
gile , Scncqiie , Si. grand nombre
d'autres Auteurs font aullî produits
en témoignage par le P. PoilTon.
François montre une pauvreté
tout à la fois fainte & éclatante ,
SAINTE, dit le P. Poison, parce
qu'elle eft encore plus le choix de
la vertu , que celui de l'inclinationi
ECLATANTE , parce qu'il en
fait un vœu folcmncl Se un état
marqué : SAINTE. , parce qu'il
l'embrafic plus par amour pour la
perfecl:ion , que par dédain pour les
richelTes : ECLATANTE , parce
qu'elle le dépouille avec célébrité :
SAINTE, parce qu'elle eft infpirée
par l'Evangile : ECLATANTE ,
parce qu'elle eft accompagnée de
merveilles : SAINTE , parce qu'el-
le mérite la complaifance du Ciel :
ECLATANTE , parce qu'elle eft
révérée fur la terre : SAINTE, par-
ce qu'elle eft humble Se modefte :
ECLATANTE , parce qu'elle eft
ferme & invincible : SAINTE ,
parce qu'elle eft l'ouvrage de la grâ-
ce: ECLATANTE, parce qu'elle
va triompher de la nature.
Il eft aifé de voir où cela mené le
p. Poifton. Nous pourrions nous en
tenir là ; mais nous rapporterons
un exemple de ce qu'il dit de l'en-
treprife de Saint François pour la
conftruclion de l'édiiîce de S. Da-
mien , & pour l'établilTement de
l'Ordre qu'il a fondé.
» Pauvreté glorieufe ! j'entends
» l'ordre du Ciel pour reparer un
» Temple ruineux C'eft à
» François que la voix fortie du
ES SÇAVANS,
" Crucifix a commandé de rétablir
» le Temple .... Admirons un
» pauvre qui s'encourage à la vue
" du vafte Editîce de S. Dainicn ,
» qui en confidcre les ruines , qui
» en fonde les fondemens , qui
3> tient en main la truelle pour rc-
» parer^ou le pic pour abattre. Nou-
» vel AMPHION, non Meilleurs,
« il n'y a rien ici de la Fable , Uni-
» que Amphion , qui remue les pier-
» res, qui les élevé, quilcsconduk
» 6.C les place à fon gré , bien plus
» par la vertu de fcs prières fervcrir
»tes, que par la force de fcs bras
» endurcis.
Ce feroit trop nous écarter de
l'cfprit du Pcre Poifton , que d'o-
mettre ici les citations qu'il em-
ployé pour faire connoître ce que
c'étoit qa' Amphion. 11 cite fur ce
fujet,S. Clément d'Alexandrie qui
dit qu'AmphîonThébain, Se Arion
de la Ville de Méthymne , étoient
deux perfonnages habiles dans l'arc
de chanter, & que l'un & l'autre
ont donné lieu à la Fable ; il cite
Caffiûdore qui écrit qu'Ainphion-
Durcéen joiiant d'un Inftrument
à cordes , éleva les murs de Thé-
bes. Si fit tant par fes difcours qu'il
reveilla de leur aftbupiftement &
de leur parefte , des gens oilifs Sc
fans acl;ion , qui étoient immobiles
comme des pierres ; il cite Frécul-
fus Evéque de Lificux , qui die
qu'Amphion regnoit à Thébcs , Se
a palfé pour un homme qui taifoit
mouvoir les rochers au fon de fa
Harpe ■■, il cite ces vers traduits
d'Euripides :
VenerH»t
1
JU I
Venerunt cœlefles DU , Chharat^ne
mœnia Th:burnm ^
/imphiofiiàjite à Lyrà. , Turris fiir-
rexit.
Il cite ceux-ci de l'Art Poétique
d'Horace :
J):&iis & '^mfhion ThebariA concUtor
Arcis
Sa.va movere fono Tefludinis, & pr£-
ce blandâ
Dttcere ij/ito vellet.
\\ cite Origcne , Ladance , Pla-
ton , Ciceron , Virgile, Sénéque
le Tragique , Pline le Naturalilte ,
Plutarque , Macrobe , &c.
Et afin qu'on puifle trouver fure-
ment tous les endroits qu'il mar-
que, il fpcciiîe comme dans toutes
les autres citations , le Tome , les
Chapitres , l'Edition, i^u rcfte il
avertit que quelques Pères de l'E-
pi ife ont employé la Fable dAm-
phion contre des honiïnes durs & in-
fenjibles , & qu'^/w// (/ a bien pu nom-
mer Amphion dans un endroit , oit il
s'agit unicjuement , dit- il , de donner
un beau coloris an tableau d'un Saint ^
occupé a relever les murs f acres d'un
Ter/,ple. Il ajoute que S, Jérôme com-
pare David à Simomdes , à Ftndare ,
à jilcée j à FlaccHs, h Catule , à Se-
rene , & c^ue par confcquent on peut
bien comparer Saint François à Am-
phwn.
Nous ne finirions pas fi voulant
Juin.
N . r 75 ?. 347
fuivre par-tout, l'cfprit du P. Poif-
fon , il falloit ainlî à chaque arti-
cle , nous arrêter aux citations qui
fe prcfentent , celles que nous ve-
nons d'indiquer fijffiront.
Voilà pour ce qui regarde l'Edi-
fice relevé par S. François; venons
à ce qui concerne l'établilTement
de fon Ordre.
" J'oublie , dit le P. Poijfon , les
M Temples matériels pour voir po-
jjfer à François la première pierre
» de cet Edifice fpirituel qui eft au
» milieu du Chriftianifine comme
j> une tour imprenable, d'où pen-
» dent mille boucliers pour défen-
>jdre, & les armes des plus vail-
» lans pour attaquer. J'aime à lui
3> voir jctter les fondemens d'un
» Ordre qui comme la petite fon-
» taine de l'Ecriture , devint un
^■! fleuve multiplié en pliifieurs b^as par
n V abondance de [es eaux. Ordre va-
M rie pour tous les états &; pour
» tous les fexes
» François vidlorieux de tous les
33 obftacles qu'il trouva pour fon-
}> dcr fi)n Ordre , elT: honoré d'une
» ample milllop pour toutes les
>j Régions du monde ; fes enfiinsfc
» multiplient chaque jour , & cinq
» mille Difi:ipies dans un Chapitre
» général , font le riche échantillon
» d'un Ordre qui doit fe répandre
» fur toute la terre.
Le Panégyrifte remarque ici que
les pofieifions de S. Paulin étoient
fi grandes , lorfqu'il embralTa la
pauvreté, qu'on les appelloit des
Royaumes , Paulini Régna. Il ap-
plique cela à S. François , & dit
que les acquifitions de la pauvreté
Z z
348* JOURNAL DE
de ce Saint font lî ércnducs , qu'on
peut dire ['^ fie de FrAnpis. V .ifn-
que de français , l' Europe de Fran-
çois , & qu'à prcfent que fon Or-
dre compte plus de dix-fept Pro-
vinces dans l'Amérique , on doit
s'écrier , les mondes de François.
Bâtir aux Francifcains des Mai-
fons dans tous les climats , les y
maintenir à des trais que la Provi-
dence garantit depuis près de lîx
fiédes , pouvoit-on pouffer plus
îoin l'opulence de la pauvreté ?
C'eft la demande que fait le Pcre
Poiflbn , & là-dciïus il rapporte ce
qu'on fçait de Soliman II. qui Rit fi
frappé de voir qu'un feul homme
^vec rien , eût pu venir à bout de
cette merveille , qu'il voulut avoir
le portrait de S. François , comme
•d'un des plus grands hommes qui
eût jamais été. Le Panégyrifte ajou-
te que cette fécondité de l'indigen-
ce de S. François , a rendu la Foi
Chrétienne rcfpedlable aux Infidè-
les mêmes , & il cite là-deffus la
Bibliothèque des gens de Cour.
Nous pafTons un nombre confidera-
ble d'articles pour venir à la fécon-
de partie dont nous ne rapporte-
rons non plus que quelques traits.
Le P. PoifTon , comme nous l'a-
vons remarqué , fc propofe de faire
vok dans cette féconde partie,avec
quelle diftindion Dieu a illuftré la
pénitence de S. François , & rien
3ie lui réufllt mieux pour remplir
ce deflein , que le récit de certains
faits : le jeûne , par exemple, qu'il
remarque que S. François foûtint
pendant quarante jours dans le de-
vax du Lac de Pcroufe ou de Tiail-
S SÇAVANS.
mene,rcndit les bords de ccLac plus
célèbres qu'ils ne l'avoient été par
la défaite de Flaminius ; toute l'Ita-
lie voulut entrer dansl'Ifle pour y
révérer la Cabanne du Saint •■, les
miracles y furent nombreux , 6c il
s'y forma une Ville & un établilTe-
mcnt pour l'Ordre de S. François.
On préteroit aux vins délicieux,les
fontaines ovi il fe défaltcroit ; on y
mangcoit avec dévotion le pain
groflîer que ce faint homme por-
toit à la table des Cardinaux lorf-
qu'il y étoit invité ; on vifitoit avec
componilion les retraites fauvages,
les grottes ruftiques où il avoir été
vu dans des ravilTemens & des ex-
tafes ; on cherchoit fes vertiges
dans les campagnes , avec la même
ardeur que les guerriers Je remplif-
fent des murches & des campagnes
des grands Capitaines. On le recc-
voit dans les Villes & dans les Tem-
ples , au bruit des acclamations &
des Cantiques. Son partage étoit
jonché de rameaux & de fleurs. La
pourpre Romaine s'abbairtbit de-
vant lui , le Vicaire de J. C. révé-
roit en lui l'image de J. C. même....
LeP.Poiflon remarque que la fagef-
fe de S. François dans le gouverne-
ment de fon Ordre , n'eft pas une
des chofes qui ait le moins contri-
bué à rendre illuftrc ce faint péni-
tent : il décrit à cette occafion , ce
que c'eft , félon lui , qu'un Ordre
Religieux.
» Qu'eft-ce qu'un Ordre Reli-
sjgieux , Mertîcurs ? demande le
« P. Peijfon : c'eft , répond-U ^ une
» Milice Spirituelle 5c auxiliaire
M dans l'armée de Dieu.Ce fojQt des
» troupes de referve , rangées fur la
» dernière ligne de la bataille, pour
»> foùrenir les Prêtres Ca holiques ,
«» &c pour voler , contre les mœurs
9* corrompues , & contre les doc-
wtrincs perverfes , au lecours & à
M la voix des Evcques , que le faint
» Efprit a établis pour gouverner
» l'Eglife de Dieu. Ce font ces
)> guerriers deGabaa , qui combat-
ajtcnt de la gauche comme de la
M droite , qui défendent d'une main
» l'Autel , & de l'autre le Trône. ..
M Ce font ces Anges forts & puif-
j) fans qui tiennent ouvert dans
}> leurs mains , le Livre de leurs
!> obligations fur l'Etat & fur la Re-
» ligion , & ^ni mettent leur pied
n gauche fur la terre pour s'attacher
» à leur Roi & à leur patrie , & le
j> vied droit fur la mer , pour ne pas
» perdre de vue la barque de Pier-
» re , ni le falut des peuples.
L'Orateur, après quelques autres
traits , ajoute qu'un Ordre Reli-
gieux » eft une famille nombreufe,
» oià Jofeph eft quelquefois jette
jo dans la Citerne par fes frères, qui
» ne s'effrayent qu'au fpedacle de
M fa grandeur : que c'eft une famille
j> où les deux fils de Zébédée de-
3j mandent les premières places
» avant de les mériter -, une famille
» où l'on trouve des enfans de tout
» caradere , de toute humeur ,
» de tout talent j une famille où
a l'acception des perfonnes eft
») odieufe , & où la préférence ne
» doit tomber que fur la capacité
» & fur la vertu -, une famille où la
» Religion & l'Etat puifent égale-
V ment dans leurs befoins : où les
N ; 175 3; ^ Î4P
» Rois ont trouvé des Miniftres ,
» des hommes de Confcil , comme
» Jofeph -, où l'Eglife a pris des
» Apôtres comme les fils cie Zébé-
n dée.
Le tableau ne finit pas ici %
» Qii'eft ce qu'un Ordre Religieux,
3j demande encore le P. PoiJJon ^ c'eft
» un corps , dit-il , où il entre ,
» comme dans les autres , des bra-
>3ves & des lâches , des fçavans 8c
" des ignorans , des nobles & des
*» roturiers Un corps où
» comme dans l'armée de Gédéon^
» on peut confier an moins à trois cens^
n l'honneur du combat ^ Its irom-
» pettes de la parole , & les lampes
« de la dod:rine Un corps
ȕque les libertins ne maudilTenc
» que comme l'impie Balac vou-
» loit qu'on maudît l'armée
» d'Ifraël.
Après ces reflexions il lailfe à ju-
ger quelle eft la fagefte d'un Fon-
dateur , d'un Général , qui fait
mouvoir ces grands corps pour la
gloire du Chriftianifme , &: pour
leur propre honneur ? d'un Chef
qui lie enfemble tant d'inclinations
différentes, qui tient dans le calme
tant d'humeurs oppofées ^ &c qui
leur fait refpeifter fcs Commande-
mens fans que perfonne ofe y con-
trevenir. Il remarque que jamais
Fondateur d'Ordre n'alla plus loin
là - deflus que S. François. Nous
n'entrerons point dans le détail des
faits qu'il rapporte pour le prouver.
On peut voir fur cela ce qu'il dit de
ces Millions pénibles & hazardeu-
fes que les enfans de S. Fi. nçois
embraflerent avec tant de prompti-
Zzij
35-0 JOURNAL DE
tude pour obcii" a leur Fondateur.
Le P. PoifTon , dont le but dans
cette fccordc Partie , cft de mon-
trer combien Dieu a illuftré la péni-
tence de S. François , n'oublie rien
jAc tout ce que lui fournit là-dedus
de plus effenticl , la vie du Saint.
Il rcpiefcnte vers la fin de fon
Difcours , S. François agonifant fur
la cendre , & beniflant plufieurs
fois fes Difciples fur ce lit de fa
pauvreté & de fa pénitence ; après
quoi il s'écrie : » Bcnédidion fé-
w conde pour un Ordre qui a reçu
«dans fon fcin tant de grands
» hommes , & vii parmi fes mcm-
»brcs un Prince du Sang de nos
5> Rois-,bénédiâ:ion abondante pour
" un Ordre qui compte quatre Sou-
;> verains Pontifes , des Eledeurs
» de l'Empire , plus de cinquante
=' Cardinaux , un grand nombre de
» Patriarches &c d'Archevêques ,
«plus d'Evêqucs, plus de Martyrs
»> (S: de faints Contcffeurs , qu'il n'y
M a de Maifoiis qui le compofcnt.
» Un Waddringuc ^ un Sixte V. un
5j Ximenés, un Lyras , un Scot , un
M Bonaventure , un Alexandre
wd'Halés , un Antoine de PadoiJe;
as Qiiels noms , Meflleurs ! quels
ï» noms 1 Bénédiction glorieufe
M pour un Ordre que la Providence
3j a établi dans le Capitole , &: dans
M Jerufalem , dans le lieu que la
S SÇAVANS,
» grandeur des Romains a rendu le
» plus célèbre de la terre, 6c dans le
» lieu que les Mvftcresdc l'Hom-
» me Dieu ont rendu le plus augu-
» (le de l'Univers : là pour décorer
"l'humilirc de François pauvre, ici
» pour diflinguer la pénitence de
» François crucifié. ''
Nous finirons notre Extrait en
remarquant que pour avoir une ju-
ftc idée de ce Panégvrique , dont
nous n'avons pu rapporter qu'un
petit nombre d'exemples , il faut
le lire en entier •■, mais que comme
les citations y font fi abondantes
qu'elles abforbcnt quelquefois le
Texte jufqu'à lui lai (fer à peine eiv
certaines pages, l'cfpacc d'une feule
ligne , ce qui le fait perdre de vue,
il fcroit à propos de lire la Pièce-
deux fois : l'une fans égard aux
citations , &: l'autre avec les cita-
tions. 11 eft vrai que voilà deux lec-
tures pour une , ce qui n'eft pas du
gré de tout le monde : mais après
tout , chacun cil libre de fuivre là-
delTus fon goût ; 6c ceux qui n'ai-
ment pas les citations n'ont qu'à
regarder ce Panégvrique comme
s'il n'y en avoir point ; quoique ce-
pendant celles qui y font en falTent
le principal caradlere , & que le
deiïein de l'Auteur qui les y a mi-
fes , foit qu'on s'applique particU'-
lierement à les conlîdercr.
J U I N , r 73 5.^ 35-1
iGREGORII MAYANSII GENEROSl ET ANTECESSORIS
Valentini Epiftolavum Libri fex. C'cft-à-dirc : Six Livres de Lettres de
M. Majans j ProfeJJeur en Droit ett VUtuvcrfitê de Valence en Efpagne.
A Valence en Efpaj;ne , de l'Imprimerie d'Antoine BordaBor de Ar-
tkui. 1731. in - 4". pages 420.
IL nous tombe rarement entre
les mains des Livres imprimés
en Efpagne dont nous puilîions
rendre compte au public i mais il
n'y perd pas beaucoup , fi on s'en
rapporte à ce que mande Monfieur
Mayans à M. îvlenken , qui l'avoit
prié de lui faire connoître les Li-
vres qui s'impriment en Efpagne
pour en faire mention dans les
A<îfes des Savans de Leipfic. Notre
Auteur ayant dit d^ns cette Lettre
à M. Menkcn & dans piulieurs
autres , qu'on imprime un nombre
prodigieux de Livres en Efpagne ,
fur-tout à Madrid , comme on le
voit parles Gazettes où on en don-
ne les titres , allure en même tems
qu'il n'y a prelque point de ces Li-
vres qui méritent quelque atten-
tion. Il ajoute que les Sciences font
très-peu cultivées en Efpagne : ce
n'efl; point qu'il n'y ait , comme il
le remarque, de très bons efprits
chez lesEfpagnols. Mais ceux qui fc
fentiroient de l'inclination pour l'é-
tude manquent de Maîtres & de
Guides pour les conduire. S'ils fur-
montcnt cet obftacle , ils font en-
core arrêtés parle défaut de fecours,
parce qu'ils n'ont pas même ordi-
nairement de quoi acheter des Li-
vres , & qu'ils n'efperent aucune
recompenfe de leurs travaux. Ce
q^ui les arrête encore dans leurs étu-
des 5 félon M. Mayans , c'eft ta rè-
gle rigoureufe de l'Inquifition de
faire examiner tous les Livres qui
fe mettent en vente , & de défen-
dre la led;ure & le débit de la plîi-
part de ceux qui viennent des au--
très PaySj parce qu'ils ont été com-
pofés par des Hérétiques ou par des
Catholiques qui établiflent fur cer-
taines matieres,des maximes ou des-
opinions qui. ne font pas du goût
des Inquiuteurs.
Notre Auteur eft fi perfuadédu
peu de protection que trouvent les
gens de Lettres en Efpagne ^ qu'il
a pris le parti de chercher un Mé-
cène en France. C'eft dans cette
viië qu'il dédie fon Recueil de Let-
tres à M. 4e Cardinal de Fleury. Il'
expofe dans fon Epître Dédicatoirc
l'état dms l.quel il fe trouve , & il
y dit qu'à caufe de fon amour pour
les Lettres qui font peu cultivées
par fes Compatriotes , il fe voit
condamné pour l'Oftracifme que
quelques - uns regardent comme
une peine infamante , mais qui lui
eft bien glorieufe.
Apr s l'Epître Dédicatoire vient
une Préface , dans laquelle l'Auteur
parle d'abord du ftyle épiitolaire,
dont il avoiie que le ftvle fimple &
naturel eft le véritable caradere,
mais qui doit quelquefois s'élever
fuivant les matières qui en font le
^5-2 JOURNAL D
fujet. Il y admet même les figures
IfS plus fortes , quand on rend
compte à un ami du fujet de quel-
que grand cliagrin , ou dans d au-
tres occafions femblables. Il porte
cnfuite fon jugement fur les Au-
teurs qui ont écrit des Lettres en
Latin. Selon lui , il faut lire les Let-
tres des Saints Pères pour y trouver
la pureté de la dodrme , des règles
de conduite^ des exemples de ver-
tu , mais c'cft dans Ciceron qu'il
faut chercher l'élégance du ftyle, &c
la pureté du langage. S. Jérôme
même lui paroît trop diffus , fes
Lettres font remplies de mouve-
mens trop véhémens , il parle toià-
jours en Orateur. A l'égard des Au-
teurs qui ont écrit des Lettres en
Latin depuis le retablilTement des
Sciences en Europe , il n'y en a
point dont notre Auteur paroiflê
abfolument content. Le ftyle
d'Hermolaus - Barbarus lui paroît
dur -, Ange-Policien oublie le fujet
qu'il traite pour faire paroître fon.
érudition. Pic de la Mirande auroit
été "admirable , s'il avoit eu autant
de jugement que d'cfprit & de mé-
moire : les Lettres de Sadolet font
écrites avec beaucoup de netteté ,
le ftyle en eft pur , mais plufieurs
de ces Lettres font trcs-ennuyeufcs,
&c. L'Auteur ne prétend point en
critiquant ainfi ceux qui ont publié
des Lettres Launes avant lui , fe
donner pour un Auteur qui ait évi-
té tous les défauts qu'il a remarqués
dans les autres , il eft même perfua-
dé qu'on ne le traitera pas avec févé-
ritè , quand on voudra bien réflé-
chit <jue CCS Lettres écrites en Latin
ES SÇAVANS;
font d'un Efpagnol. Quelques faa-'
tes qu'il remarque dans lesOuvragei"
d'aucrui ne l'empêchent pas de i.s
eftimer. Il fouhaite que fes Lcdeurs
le traitent d ■ la même manière.
Les Lettres contenues d..ns ce
Volume font la plupart rang'.tS
dans un ordre chronolo.;ique , les
premières font de l'année 1710. &
ks dernières de l'année 1731. elles
ne font pas toutes de M. Mayans ,'
on y trouve plufieurs réponfes qui
lui ont été faites par des Savans
d'Efpagncjd'Italie & d'Allemagne^
qui font en commeïcc de Lettres
avec lui.
On voit par les Lettres conte-
nues dans les deux premiers Livres^
que l'Auteur s'étoit appliqué très-,
jeune à l'étude du Droit Romain.'
Ce qui l'avoit animé dans une étude
fi pénible , c'eft l'exemple d'un
grand nombre de Jurifconfuites
qui s'étoient diftingués dans cette
Science dés leur plus tendre jeunef-
fe. Nerva avoit répondu fur le
droit n'étant encore âgé que de
dix fept ans , Balde au même âge
de dix-fept ans s'étoit déjà fait ad-
mirer. Il y a, fe difoit- il à lui-mê-
me, environ cent ans que Franco»
Ramos de Manzano , a difputé une
Chaire de Droit dans l'Univerfité
de Valence à 1 8 ans. Faber n'avoic
que vingt ans quand il a fait fon
Commentaire fur les règles de
Droit , à peine Alciat avoit-il vingt
ans lorfqu'il fit paroître fes pre-
miers Ouvrages de Jurifprudence.
En même rems que Ât. Mayans
étudioit le droit Romain dans les
Loix ôc dans les Commentatcuts^i]
J U ï N
S°appîique à faire clcs Commentai-
yes fur des Loix qiii Jui paroifToient
les plus difficiles & les plus impor-
tantes. Il lifoit dans cette vûë les
Auteurs qui avoient commenté ces
Loix , & il s'attachoit aufentiment
de celui qui lui paroifToit en avoir
mieux pénétré l'efprit , il tachoit
d'exprimer d'une manière claire &C
précife l'opinion qu'il embraflbit ,
-3e la fortifier de nouvelles preuves,
& quelquefois il cherchoit quelque
interprétation nouvelle. Entre les
■Commentateurs il a toiÀjours pré-
féré les modernes aux anciens , ÔC
il a préféré entre les modernes ,
ceux qui ont fçu allier l'étude des
Belles-Lettres avec celles de la Jtt-
rifprudence.
Il paroît avoir balancé quelque
tems , s'il prendroit le parti du Bar-
reau ou s'il fe borneroit à l'étude
du Droit pour les Ecoles. Un de fes
meilleurs amis lui fit une peinture
de la profeflion d'Avocat quin'efl:
guéres avantageufe , afin de l'empê-
cher par-là d'cmbralTer cette pro-
feflion. Il lui en parloir comme
d'un état où régnent la Chicannc
& la barbarie. Un autre de fes amis
lui en fit un portrait tout différent.
Ce qui lui fit prendre le parti de
s'attacher aux Ecoles , c'eft qu'il
crut qu'il y meneroit une vie plus
tranquille que dans le Barreau , &
qu'il auroit la liberté de s'appliquer
aux Belles - Lettres. Les premiers
Ouvrages qu'il donna au public
fur les Loix Romaines , lui attirè-
rent de grandes éloges de la part de
.quelques Savans, qu'on voit répan-
dus dans plufieurs Lettres. Ilsl'ex-
horterent à continuer comme il
avoit commencé , ils lui firent ef-
perer qu'il releveroit l'honneur de
i'Efpagne dans cette efpece de Lit-
térature , & qu'il fe feroitunc répu-
tation pareille à celle d'Antoinc-
AugufHn , de Govean Se de quel-
ques autres Jurifconfultes Efpa-
gnols qui ont mérité l'eftime non
feulement de leurs Compatriotes ,'
mais encore de toute l'Europe.
M. Mayans eut néanmoins âes
jaloux , & ce ne fut qu'avec peine
qu'il parvint à avoir une Chaire de
Droit dans i'Univerfité de Valen-
ce. On voit par-là que la plupart
de ces Lettres ne regardent que la
jjerfonne de l'Auteur. Celles quj
font dans les quatre derniers Livres
regardent plus de matières , quel-
ques-uns conseillent l'Auteur &c fa
famille , d'autres roulent fur des
matières d'érudition , fur-tout pajc
rapport aux Infcriptions anciennes,
d'autres contiennent des nouvelles
de Littérature, d'autres font des ré-
ponfes à plufieurs Savans qui lui
avoient écrit de France , d'Italie ^
&c d'Allemagne.
Par exemple dans l'une de ces
Lettres , qui eft la onzième du Li-
vre quatrième , l'Auteur fe propo-
fe de prouver que les Jurifconfultes
Caius , Tertulien j Hermogénien ,
Licinius - Rufinus & Archadius-
Chrifius étoient Payens. Dans un
autre il envoyé à M. Camufat qui
lui avoit demandé un Catalogue
de fa Bibliothèque , une Lifte de
de fes Livres de Jurifprudence.
Ils ont prcfque tous rapport au
Pioit Romain, tel qu'on l'erifcignc
3f4 JOURNAL D
dans les Ecoles ; ils ne lont pas en
fort çrand nombre ; mais ils l.^nc
bien choiiis , & nous croyons que
le jugement critique que l'Auteur
porte de chacun de ces Livres fera
philir aux connoiffeurs. Nous n'eu
rapporterons ici que deux exem-
ples. Il dit de Fabcr qu'il avoit un
grand génie , ^ qu'il auroir plutôt
paffé pour un Lcgiflateur que pour
un Interprète du Droit , fi on ne
lui avoir pas reproché de s.'ctietrop
élevé contre Tribonien , qui , fé-
lon notre Auteur, n'avoir pas mé-
rité cette cenfure , s'il n'avoit pas
voulu paroître plus grand queCu-
jas , qu'il loiic en plufienrs en-
droits, 5c dont ilenvioit la réputa-
tion. Le ftyle de Faber lui paroît
clair , élégant , mais trop diffus. Le
Trai-té de l'orif^inc du Droit d.'
Gravina , cft , Iclon notre Auteur ,
t es loli'le , rempli d'crudition 3c
de bon f ns , le ftyle tn cif poli;
mais après fcs éloges , il conij are
Gravina au Geay de la Fable , 5: il
dit que fi Antoine- Auguliin , Jac-
ques God.frov &■ deux ou trois au-
tres Auteurs icprtnoicnt chacun ce
que Gravina a emprunté d'eux , il
ne reftcrcit ner dans fon Ouvrage..
ES SÇAVANS.
Notre Auteur joint à ce Catalogua
une Liltc de les Ouvrages de Jurif-
piudencc , dont il paroî^ri ap-
paremment par la fuite un Recueil
qui nous donnera lieu d'en rendre
un compte exact.
M. Mayans lait âi^uellcmenC
imprimer à Lvon les Ouvrages de
Jean Puga Profedeurdc Drojt dans
l'Univerlité de Salamanque , il dé-
die cet Ouvrage à M. le- Cardinal
de Fieury , 8c il donne dans fon Ci-
xicme Livre , non feulement l'Epi-'
trc Dédicatoire de ce Recueil, mais
encore la Piétacc qui contient la
Vie de Puga. Comme no s pour-
rons rendre compte par la fuite des
Ouviagesde ce Jurifconfulte, nous
y donnerons en même tcms un pré-
cis de fa Vie. Notre Auteur taie
auflî imprimer en Hollande une
Continuation del'Hiftoire d'Efpai
gne de Mariana , par M. Miniana,
dont il tait de grands éloges dans
phifieurs de les Lettres.
Si on juge des Efpagnols par
nipport aux Sciences , fur ce qu'en
dit M. Mayans , on ne fauroit trop
le loiicr de s'être ainfi clcyé par lui^
même au-deffus de fcs Compatrio-
tes,
EX^AïEI^ DV PYRRONISME ANCIEN ET AtODERNE ,
par Aï. de Croul^ ^ Vf l' Académie Royale des Sciences , Coiivertieu'- de S,
A. R. le P-irwe hridcnc de Hfe-C^ffd ^ Confetller d" Amb^iffads de S. M.
le Roi de Suéde & Land-Grave de H.fe . Cajfel. A la Haye , chez Pierre
de Hondt. 17J3. m -folio , pages -j-j6.
NOUS avons expliqué dans le
Journal précèdent ce que M.
de Crouzaz dit du Pvrronifmc en
général, & la manière dont U com-
bat les . anciens Pvrronicns en ré-
pondant au Livre de Sextus fmpi-
ricus. Dans la troifiénie partie qui
clt beaucoup plus étendue que les
deuy'
JUIN, I7Î5. ?;5
deux précédentes , & dont nous » fé, à éclairci ries matière j les plus
»obfcurcs , à mettre une preuve
» dans tout Ion jour , & à faire fen-
» tir tout le poiJ.s d'une difficulté.»
M. de Crouzaz ajoute que ce quia
encore beaucoup contribué à don-
ner plus de cours aux Ecrits de M.
Bayle , c'eftfa réputation , la pré-
vention d'un grand nombre de per-
fonnes en fa faveur , la corruption
du cœuriiumain qu'il favorife, &
la multiplication des Editions de
fes Ouvrages.
C'eft cet advcrfaire qui paroîc
d'abord ii redoutable que M. de
Crouzaz ne craint point d'attaquer
& fe confiant dans la bonté de fa-
caufe , il alfure qu'il fera connoître
à toutes les perfonnes dont le cœur
& l'efprit ne font pas encore cor-
rompus, que M. Bayle qui fc donne
pour un raifonncur des plus cxads,
qui prétend trouver du foible dans
tout ce que les autres croyent très-
folidement prouvé , n'oppofe
très-fouvent à des raifons folides
que des raifons très-faciles à réfu-
ter. Mais avant que d'entrer dans
ce détail il a cru devoir employer
deux SesHiions à développer le cara-
(fferc de fon advcrfaire &; le defTein
qu'il s'eft propofé dans fes Ouvra-
ges , fur-tout dans fon Didlionnai-
re Critique , il examine dans cette
viàë la prétace du Dictionnaire ,
l'apologie que l'Auteur en a faite ,
& les éclaircilTemens qu'il a donnés
fur quelques endroits.
Il refulte de toutes les obferva-
tions que l'Auteur a faites fur ce fu-
jet , que M. Bayle fous prétexte
d'être rapporteur exad & hdtle*
A a a
allons rendre compte , ilfepropo
fe de répondre aux Pyrroniens mo-
dernes , en réfutant les Ecrits de
M. Bayle qu'il rce;arde comme leur
Chef. Car M. Crouzaz ne fiuroit
fe perfuader que M. Bayle n'ait eu
en vûë dans fori Dictionnaire &
dans fes autres Ouvrages que de
faire fentir la foibleffe de l'efprit
humain , & la neceiTité de foûmet-
tre la raiîbn à la foi ; il dit que M.
Bayle fe moque bien clairement en
plufieurs endroits des Théologiens
qu'il femblc avoir voulu ménager
dans d'autres endroits , pour mieux
cacher fon delTein d'établir un Pyr-
ronifme univerfel.
La ledure de fes Ouvrages eft
d'autant plus dangereufe,qu'il fau-
droit être bien aveugle ou de bien
mauvaife foi , dit M. de Crouzaz
pour contclter à M. Bayle , » unp
M grande légèreté de ll;yle ^ une
» netteté parfaite, un efprit qui fait
i> s'emparer de fes Lecteurs , qui
« ne fatigue point , qui n'ennuyé
3> jamais, une fécondité inépuifa-
i> bie , une facilité qui fe tait Ci
«agréablement fentir Ôi fi infinuan-
»te qu'elle femble fe communi-
» quer à. fes Lecteurs, une vafte lec-
» ture, une critique ordinairement
« fine & exade , une mémoire à
» qui tout eft prefent , des citations
n qui fembient s'offrir d'clles-mê-
« mes , des que l'occalîon de les
n mettre en œuvre fe prefente, une
» habileté fans égal à établir [quand
n il lui plaît &: qu'il y a intérêt] l'é-
» tat de la qucftion très-prccifé-
>» mentj à partager un fujctcompo-
3;5 JOURNAL DE
cherché à innodiiire le Pynonifmc
univerfcl , f'.irtour pr rapport aux
vcritcz de la Religion , que ce n'ell:
que dans cette vue qu'il a mis dans
le plus grand jour qu'il lui a été
pollible , Icsraifonncmcntsdcs an-
ciens Pyrroniens , qu'il a cherché à
leur fournir de nouveaux nioyais
aullî-bien qu'aux Athés , aux M.\-
nichéens Se aux Paulicicns , que
s'il a paru embralTcr en quelques
endroits le fcntimcnt des Théolo-
giens les plus rigides d'entre les
Calviniftes , ce n'étoit que pour
avoir occafion de faire fcncir ail-
leurs combien ces fentimens paroif-
fcnc oppofés à la raifon naturelle ,
& que c'eft dans le même delTein
que M. Bavle a tant écrit pour don-
ner la préférence à une Société d'A-
thées , fur celles qui font compo-
fées de perfonnes qui font protcl-
fion d'une Religion. Notre Auteur
ne peur fe perfuader que ceux qui
foûticnnent que la révélation eft
contraire à la raifon , fe foûmct-
tent fincérement à la révélation ,
parce que l'efprit humain ne fçau-
roit fe foûmettrc à croire des cho-
fcs qu'il penfe être abfoiumcnt
contraires à la raifon , quoiqu'il fe
foûmette à ce qui ne lui paroît être
qu'audelTus de la raifon , lorfqu'il
cfl: bien perfuadé de la vérité de la
révélation, dont un Pyrronien n'eft
pas convaincu.
Un autre avantage que M. Baylc
a voulu tirer de cette qualité de
prétendu rapporteur hdélc 6c exact
aétédcremplirfonDiclionnaired'un
nombre prodigieux d'obcénitcz ,
tantôt en citant des Auteurs qui
S SÇAVANS ,
s'expliquent avec le plus d'effron-
terie , tantôt en parlant lui même
d'une manière qui iait rougir ceux
qui ont de la pudeur. Mais quel
a été en cela le but de Monucuc
Bayle .'' Il ne le dilllmule point,
c'a été d'égaler les Leéleurs dont
le cœur eft corrompu , & de pro-
curer plus de débit à fon Libraire.
Un autre motif dont M. Bayle ne
parle pas , mais que M. de Crouzaz
n'en croît pas moins véritable , a
été de favorifer l'irréligion , car il
n'y a point de vice qui y conduife
plus ordinairement que celui de
l'impureté. Notre Auteur ajoute
que rien n'eft plus trifte pour un
parfait Pyrronien qui doute de l'e-
xiftcnce de Dieu & de l'immorta-
lité de i'ame que de s'occuper de
reflexions féricufcs qui lejettcroient
dans une efpece de dcfefpoir , Se
qu'ainfî il eft naturel qu'il s'occu-
pe de la lecture des Livres qui ré-
veillent fon imagination corrom-
pue, qu'il recueille les traits qui lui
ont paru les plus piquants , qu'il
aime à les repeter , pour divertir
ceux qu'il croit être dans une dif-
pofition d'efprit à peu près fembla-
ble à la fienne.
Après ces trois Sedions prélimi-
naires, l'Auteur entre dans le fond
du fujet qui fait le principal objet de
cette partie. Il divifc fes reflexions
en onze Sections dans lefquelles il
fe propofe de répondre à ce qu'a
avancé M. Bayle en faveur des
Pyrroniens, fur la Logique , l'Hi-
ftoire , la Phylique , la Morale,
l'exiftence de Dieu , la conferva-
tion des êtres créés , l'amc humai-
JUIN
nt , la liberté , la félicité de l'hom-
me, h providence, & par rapport à
l'influence de la Religion fur la So-
ciété. Nous nous bornerons à quel-
ques traits de chacune de ces Sec-
tions.
M. Bayle avance fouvent des
propofition-s très-affirmativement ,
& il les prouve par l'évidence ; ce-
pendant il parle en d'autres en-
droits , comme s'il croyoit qu'il n'y
eût aucune vérité évidente, ou que
l'évidence ne fût point une marque
certaine pour diftinguer la vérité
d'avec l'erreur. Notre Auteur ayant
expofé en peu de mots les raifons
dont fe fervent les Philofophes
pour établir la torce de l'évidence ,
renvoyé à fa Logique ceux qui
voudront s'inftruire plus à fond de
cette matière. Enfuite il fait voir
que notre ame peut connoîtrc plu-
Ceurs véritez , fans fe connoîtrc
elle - même partaitement , & que
l'évidence ne fe trouve jamais en
oppolîtion avec les véritez révé-
lées. Il obferve par exemple au fu-
jet de la Trinité , qu'il peut y avoir
dans le même être unité &: plurali-
té , parce qu'il y a une infinité de
chofesqui à un égard font différen-
tes , & qui ne le font pas à un autre
égard. Toutes nos idées , tous nos
fentimens , toutes nos volontez ,
(ont des états d'une même fubftan-
ce , & à cet égard font la même
fubftancc , niais elles n'en font pas
les mêmes états. Si après cette re-
ponfe , un Pyrronien poulie notre
Auteur & lui dit : expliquez-moi
en quoi confifte cette diverfité ou
cette pluralité ^ qui dans l'être fu-
17 3 h 3S7
prême donne lieu aux trois r,oin.
de Pcre , de Fils ?c de S. Efprit. Ms
de Crouzaz leur répond , qu'il ne
connoît pas afTcz l'Etre infini pour
donner là-de(Tus un parfait éclair-
ciifement , qu'il lui i'uffit d'avoir
prouvé que ce myftere n'eft oppo-
fé cl aucune vérité naturelle con-
ftantc. Quelques obfcurités qui fe
trouvent dans une vérité ne doi-
vent pas nous empêcher de la croi-
re, quand nous avons d'ailleurs des
preuves affurées de fon cxiftence.
Par rapport aux fûts hiftoriques,
notre Auteur avoue qu'il y a bien
des cas où il eft de la prudence de
ne rien prononcer , mais il prouve
qu'il y en a d'autres fur lefqucis il y
auroit une opiniâtreté déraifonna-
blc à vouloir demeurer en fufpens.
Il donne des règles pour diftinguer
cesdifferens cas , parla qualité des
témoins qui les atteftent , par la
matière même de ces faits , &: en
diftinguant quelquefois le fond d'a-
vec les circonftances particulières.
M. Baylc a lui-même adopté plu-
fieursde ces règles de critiques , &
il en a fait ufage , quand il n'a pas
eu envie de fournir des armes aux
ennemis de la Religion.
Notre Auteur raifonne à peu
près de la même manière fur la
Phyfique que fur l'Hiftoire. Quoi-
qu'il foit convaincu que cette
Science n'eft point portée au degré
de perfedion que quelques Phyfi-
cicns imaginent , il ne croit pas
qu'on doive regarder les Livres de
Phyfique comme des Romans où
l'imagination s'eft tout permis. Il fe
borne néanmoiois danscetteSedio»
A a a i j
5y8 JOURNAL D
à établir contre les objertions de
M. Baylc la vente de l'exiftence des
corps & de celle du mouvement , à
l'égard du vuidc il fe contente de
dire qu'il ne fe trouve rien de con-
tradicloire dans riivpothéfe qui ad-
met le vuide , &c que s'il y a une
étendue folidc & impénétrable, il
n'eft pas contradictoire qu'il y ait
une étendue réelle & créée qui foit
pénétrable.
Le but de M. de Crouzaz n'eft
point de donner un Traité complet
de morale , mais d'établir qu'il y a
une diftindion naturelle des vices
avec la vertu , & de tirer de ce prin-
cipe des conféquences toutes oppo-
fées,aux propofitions par lefquel-
les M. Bayle fournir aux Pyrro-
niens des moyens pour attaquer
les premiers principes de la mo-
mie.
Dans la Seâiion où l'Auteur parle
de l'exiftence de Dieu , il la prouve
par les argumens ordinaires tirés de
la pcrfualîon générale de l'exirtcnce
d'une divinité , de la neccllué d'u-
ne caufe intelligente , Se d'un pre-
mier principe du mouvement. Il
employé auffilcs réponfcs ordinai-
res aux argumcns contre l'unité de
principe , qu'on veut tirer de ce
qui paroît d'irrégulicr dans le mon-
de, & par rapport aa mal phyfique
6^ par rapport au mal moral. Il re-
jette auflTi les formes plaftiques de
M. de Cudw'or , dont M. Bayle ,
croyoit que les Athées pouvoient
tirer avantage. Il foûticnt néan-
moins que ce Syftêmc des tormcs
plaftiques, quoi qu'abfolumcnt in-
utile &c contraire aux principes
ES SÇAVANS,
fuppofe un premier principe de
toute chofc.
Il eft auflî perfuadé que c'cft de
bonne foi & avec de bonnes inten-
tions que la plupart des Tliéolo-
giens ont foûtenu que la conferva-
tion des créatures étoit une créa-
tion continuée , mais il ne croit pas
que ce fentimcnt doive cti e adopté,
parce que comme la volonté de
l'être infini eftaftez eflîcace , pour
que ce qui n'exiftoit point com-
mence à exiftcr lorfqu'elle l'ordon-
ne , il faut auffi rcconnoître que
cette volonté eft auflTi aftcz efficace,
pour que l'Etre dont elle ordonne-
î'exiftencc réelle & durable, com-
mence non feulement d'exifter ,
mais continue. La confcrvation ne
pourroit donc être regardée comme
une création continuée que d'une
manière impropre , qu'en ce que
l'exillcnce continuée des créatures
eft une fuite efficace de la volonté
de Dieu. C'elt par une fuite du mê-
me principe que l'Auteur rejette le
Syftème des caufes occalîonnelles.
Il prérend que l'un ^' l'autre de ces
Syftêmcs fournit des armes aux
Atbées contre l'intention de ceux
qui les ont admis.
Il ne nous a paru rien de fingu-
lier dans la manière dont notreAu- '
teur traite la qucftion de l'immor-
talité de l'amc. Nous obferverons
feulement au fu|ct des bêtes , que
M. de Crouzaz ne fçauroit fe refou-
dre à en faire de pures machines.
Selon lui , elles ont une amc , mais
qui eft bornée à fentir & à vouloir ^
& dont la capacité ne va point juf-
q^u'à réfléchir. 11 avoUc qu'on peut
faire bien des difficnltez contre ce
Syftême , mais il dit que ce qu'il y
a d'obfcur fur ce fujet , ne doit pas
nous faire rejcttcr ce que nous con-
noilTons certainement. Mais cette
ame eft-elle immortelle ? L'Auteur
répond qu'il n'en fçait rien j mais
que quand elle feroit immortelle,
on n'en pourroit tirer aucune con-
fequence contre l'mimortalitc de
l'ame humaine , attendu la diffé-
rence qu'il met dans fon Syftéme
entre nos âmes & celles des bctes.
Les difficultez que M. Bayle fait
fur la liberté , fur la félicité des
hommes , fur la providence , ont
fait le fujet de tant de Livres difFe-
rens depuis le commencement de
ce fiécle , que nous ne ferions que
repeter ce que nos Ledteurs ont dé-
jà via plufieurs lois , fi nous vou-
lions iuivie l'Auteur dans ce dé-
tail. Il nous luffira de remarquer
qu'il a réuni ce qu'on a dit de
meilleur fur ce fuiet , de qu'il en
met les preuves dans un nouveau
jour, de même que fu< cette Société
d'Athées , qui fuivant M. Bayle,
ne feroit pas moins bien réglée que
celle de perfonnes qui feroient pro-
feifion d'une Rehgion, qui admet-
troit la recompcnfe des bons & la
-punition des. méchans. Nous re-
N , 175 5- 3^9
marquerons encore que quand M.
de Crouzaz a occafion de parler de ,
la nature de la grâce & de la préde-
ftination, il n'embraJîe pas le fenti-
ment des Calviniftes rigides , &
qu'il fait valoir en plufieurs occa-
fions les principes de la tolérance.
Les oblervations fur les articles
du Dictionnaire de M. Bayle qui,
regardent ks Patriarches , ont déjà
été laites plufieurs fois.
A l'égard du Traité de la foiblef-
fe de l'efprit que notre Auteur ne ;
fait point difficulté d'attribuer à
M. Huet , nous n'en rapporterqns .
rien ici , parce qu'on ne trouve
guéres dans ce Traité que les objec-
tions des anciens Pyrroniens , &
celles de quelques Pyrroniens mo-
dernes aufquels M. de Crouzaz n'a
fait qu'appliquer ce qu'il avoit dit
contre Sextus-Empiricus & contre
M. Bayle. L'Auteur du Traité de
la toibleire de l'efprit humain s'eil
imaginé que ce Pyrronifme pou-
voir s'accorder avec une profelîîon
fincére du Chriftianifme qui feroit:
un pur effet de la grâce , mais M.
de Crouzaz ne «peut fe perfuader
que la véritable Religion puilTe
ainfî n'être fondée dans l'efprit
d'un homme raifonnabie que fur
une efpece d'anthoufiafme.
CATALOGVE DES LIVRES DV CABINET DE M. ***.
A Paris, chez Jacques Giierin , Libraire- Imprimeur, Quai des
Auguftins. 1733. /»-i2.pp. 450.
CE n'efl: point ici une de ces
Bibjiothéques nonibreufes ,
ralTemblées au hazard pour être
difperfées de même. C'ell un Cabi-
net formé par le travail aflidu d'un
grand nombre d'années , & dans,
lequel on a eu le bonheur de faire
entrer prefque tout ce que notre
^60 JOURNAL DE
Hiftoire & notre Poclle , notre Lit-
térature &c nos Amcnitcz Françoi-
fes ont de plus intcrcllant : ce qui
compofc un aircmblage de près de
6ooo Volumes , rangés ious diffe-
rentfs claires générales partagées en
plulicurs titres ou Sections.
De ces Sections comprifcsdans
la clafTe des Belles-Lettres , celles
qui s'attirent une particulière atten-
tion , par la quantité prodigicufc
de Livres finguliers & rares qu'elles
contiennent font les fuivantes :
celle des Poètes François anciens
& modernes , ranges félon l'ordre
de l'alphabet , & qui remplirent
11 pages d'impreluon : celle des
Poèmes Dramatiques en la même
Langue, parmi lefquels fe trou-
vent prefquc toutes ces anciennes
Pièces , oià l'on rcprefcntoit par
perfonnages les Mvlteres de notre
Religion & les principales actions
des Saints & des Saintes : celle des
Romans François de Chevalerie, &
des Hilloircs Romanefques ancien-
nes & modernes , le tout par ordre
alphabétique : celle des Contes &
Nouvelles , des Facéties & des Piè-
ces burlefques, &c. celle des mé-
langes de des morceaux finguliers
de Philologie Françoife , &c.
Dans la clafle des Hiftoriens, on
clt étonné du recueil immcnfe qui
s'y trouve de Traitez particuliers &
de Pièces iîgitives concernant l'Hi-
ftoire de France ; ce qui s'étend de-
puis la page lo6 de ce Volume juf-
qu'à la page 409. Les principaux ar-
ticles de cette précicufe Collection
regardent i". l'Hiftoire des règnes
des Rois de France ; 1°. les Trai-
5 SÇAVANS,
tez qui concernent le Gouverne-
ment du Royaume , c'elt-à-dire ,
les Loix , les Ordonnances , les
Coutumes , les Droits de la fucccf-
fion à la Couronne , les Régences
6 les Majoritez , les Ftats géné-
raux , les Domaines & Appanages ,
les Finances , les Monnoycs , le
Commerce , les Droits de la Cou-
ronne fur divers Etats, les alliances
politiques , les Traitez de paix ,dc
Trêves , de Neutralité , de confé-
dération , G'c. les ufages & céré-
monies obfervées aux folemaitez ;
les Mariages &c les Teftarriens des
Rois , des hls & des filles de Fran-
ce ; 3°. les Traitez des Offices &
des Olîiciers duRoyaume; 4°.ies gé-
néalogies tant de la Maifon Royale
que des differens Seigneurs ; 5°.
l'Hiftoire des Maifons , des Famil-
les &: des perfonnages illuftres , en
général & en particulier ; 6". l'Hi-
ftoire Ecclefiaftique &C Civile des
Provinces &c des Villes de France ,
&c. Nous ne taifons qu'indiquer
en gros les divifions générales qui
partagent cette moitié du Catalo-
gue , fans nous arrêter aux fubdi-
vifions , dont le détail nous menc-
roit trop loin.
Ce que nous en avons annoncé
fuflira pour juftifier ce qui eft dit
dans l'avertilTement qu'on lit à la
tête de ce Volume, » Qiicl'acqui-
« fition de ce Cabinet en entier de-
>• vroit fiiire un extrême plaifir à
» quiconque pourroit former le
» projet d'un fcmblable Recueil ;
» Qiie ce feroit une grande confo-
» iation pour celui qui y étoit par-
» venu , que de le voir palTcr fans
J U I N , I 7ÎÎ- 3<?i
» démembrement en des mains ca- »qui pourront fe déterminer par
y pables d'en taire ufage ; Que c'eft
a lin entant précieux , élevé avec
» beaucoup de loin , de peine & de
«dépcnfc , dont la confcrv.uion
» cft toujours chère , lots même
«qu'on fe départ de toute l'autori-
» té qu'on a voit fur lui -, Qiie ceux
1) des vues fieftimables (Se en mênic
» teins 11 naturelles , trouveront le
" Maître du cabinet tr}s dilpofé à
» facriher de bonne grâce une par-
» tie de les intérêts aux divers ar-
«rangemens qu'ils auront à lui
» propofer.
NOVVELLES LITTERAIRES,
ITALIE.
De Milan.
JOSEPH Richini-Mdatefla ,
Imprimeur de la Société Palati-
ne a public un Programme Italien ,
pour apprendre au public qu'il a
mis en vente le cinquième & le fi-
xiéme Tome du Recueil des anciens
Poètes Latins , avec la Traduâion
Italienne en vers à côté du Texte
Latin. Ces deux nouveaux Volu-
mes contiennent l'fweVW^ de Virgi-
le traduire par le Commandeur
Annibal Caro. Les Georgiejues & les
Bucoliques , avec les autres Pièces
de Poéfie attribuées par les anciens
à Virgile, occuperont les deux Vo-
lumes fuivans.
Le même Imprimeur avertit de
plus qu'il a achevé d'imprimer le
fécond Volume de la nouvelle Edi-
tion des Oeuvres de i"/^ow/«/. Com-
me les conditions de la Soufcrip-
tion propofée pour cet Ouvrage ,
n'avoicnt pas d'abord été tout-àfait
réglées , on a jugé à propos de les
expliquer clairement dans cette
feuille. Nous dirons feulement en
général que l'exemplaire en grand
papier &: en 5 Tomes in-foL^oux le-
quel on aura foufcrit , reviendra en
total à 151 livres monnoye de Mi-
lan.
Le prix des cinq Tomes en petit
ppier ne fera que de 105: à l'égard
de la manière dont ces fommcs
doivent être payées en differens
tems, 6i de leur évaluation en ar-
gent de France , on pourra s'adref-
fer à Paris , chez de Bure ^ Librai-
re , Qiiai des Auguftins , qui
donnera les cclaircilTemens ne-
ceiTaires , fans qu'il foit befoin que
nous nous arrêtions plus long-tems
à ce détail.
Ce fécond Tome qui vient de
paroître a aulli été annoncé par une
Lettre Latine de M. Argelati qui
eft l'Editeur de tout l'Ouvrage , &
qui eft à prefent honoré du titre de
Secrétaire de Sa Majefté Impériale.
Les XX Livres de Sigonius , de Reg-
no Italiit , dont on donne une
nouvelle Edition dans ce Volume,
y font accompagnés des notes &
des obfervations de M. Jofeph-
Antoine Sajfi fçavant Bibliothécai-
re de la Bibliothèque Ambroifîen-
j<Ja JOURNALD
ne : il y a joint deux Prétaccs
que M. j4rgelati a fait imprimer
avec fa Lettre , l'une fur les quinze
premicrs_J-ivres de cette Hill:oire
de Sigonius , l'autre fur les cinq
derniers , qui font un Ouvrage po-
ftliilme du même Auteur. M. ylr~
gelati y a ajoilté diverfes Tables
très - utiles à ceux qui voudront
slhTtruire de ce qui regarde l'Ita-
lie.
Malatefta avertit encore dans le
Programme dont il eft ici queftion
qu'il a fous prefTe un Ouvrage en
Italien qu'il appelle y}:treo Libro, 6c
qui eft intitulé : Lettere dtfcorfive
contro ad alctoii Poëtici abaji preghi-
di'^evoli Ji al decoro délia Religione
CattoUca , corne alla biiona morale
CrifttiMa. Opéra pofluma del Dottore
Pier-Francefc9 Bottazzoni , Bolo-
gnefi;
Le même Libraire eft au(îi fur le
point d'achever l'imprellion de
deux DilTertations Latines du Père
hfeph-yiugtiflin Orfi^ l'une, de Bup-
tifmo in tiomine JefuChrifti^ &deHdL-
retKis i^iti B'ipiifmi formant olim adul-
teraritnt, l'autre , de Chrifmate Con-
firmatorio. in-4°. comme les autres
Diflêrtations .du Jiiême Auteur.
A/LtlEMAGN E.
De Fb-ancfort sur le Mein.
iMa.'fhha Biblintheca F'eterum Pa-
triitn :&, AwicfHorum Scnptorum Ec-
çUfiafiiCorHm , poflremâ Lugdiinenji
Editmie multo emendatior , [cleEiior ,
. &, auElior i no vis ejuippe Monumetuis
.iEcclpjMJhcis ^ qflu.digna vidtbantnr^
E S SÇAVANS,
ex recentioribus Patrnm C ollcElioni-
bus , Spicilegiis , Th;fauris ^ rario-
rihiis m.'.ximè illis fuperbiens , fine
hUo partiiimfeElAve Jiudio colligenda^
CBpio/iJJlmif(jiie inftruenia InXicibus.
Franco fHrti ad M^mim. Impenfs
Joannis Georgii Cotte. 1735.
Voilà le titre du Projet que Jenn-
George C)!ta , Libraire de Tiibinge ,
a imprimé en deux tcuilks m-foho ,
pour propofer par Soufcription la
nouvelle Edition de la Biuliothe-
que des Pères qu'il a entrepris de
donner au public. Il eft alTcz inutile
de faire ici l'Extrait des diffcrens ar-
ticles que contient ce Prafpeiius :
Se qui ne font qu'un efpcce de
Commentaire du titre : il nous
fuftît de pouvoir dire fans craindre
de nous tromper que Ci on exécute
exadlement & hdclcmcntles mag-
nifiques promefles qui y font énon-
cées , cette nouvelle Edition fe-
ra préférable à la dernière Edi-
tion de la Bibliothèque des Pè-
res , faite à Lyon en 1^7 7. en
dix - fcpt Volumes in -folio; cel-
le-ci n'eft il chère que parce que
n'y en ayant pas eu d'autres depuis
fi long-teras , elle eft devenue fore
rare.
Des fçavans Catholiques & Pro-
'teftans d'une réputation connue,
qu'on ne nomme cependant pas ,
doivent , à ce qu'on aflure , con-
tribuer de leurs foins à rendre par-
faite cette Edition de Francfort ■■,
tout eft prêt pour en commencer
l'impreflion : il ne s'agit que de
fçavoir le nombre des Soufcrip-
teurs ; parce qu'on né doit en tirer
que très-peu d'exemplaires au delà
de ce nombre. On
JU I
On y cmployera des caraiSleres
tout neufs, & de beau papier , de
Ja même grandeur que celui de l'E-
dition de Lyon.
Il paraîtra deux Volumes à cha-
que foire deFranctortila condition
de la Soufcription eft qu'on payera
toujours un des deux Volumes d'a-
vance , l'autre fera payé en le rece-
vant. Chaque Volume en petit pa-
pier fera de fix florins d'Empire, ce
qui revient à peu près à 15 livres
monnoye de France, Le prix du
grand papier. Ci on en demande ,
fera de neut florins , ou environ de
22 livres 10 fols de la même mon-
noye.
Tel eft le précis que nous pou-
vons donner de ce Pro/^fi7«x , dans
lequel on a ajouté une Lifte des
MonuHiens du premier & du fé-
cond fîécle de l'Eglife , lefquels en-
treront dans le premier & dans le
fécond Volume ; ils font rangés
fuivant l'ordre où ces Pièces feront
imprimées : on a voulu donner par-
là une idée du plan qu'on fuivra
■dans cette Edition.
SUISSE.
X) £ B ASLE.
M. Jean-Rodolphe y/J//», Doc-
teur en Droit , & de la Société
Royale des Sciences de Berlin ,
vient de propofer par Soufcription
un Ouvrage confiderablc en Alle-
mand , dont il fe prépare à donner
l'Edition. Le Projet qu'il en a fait
imprimer eft intitulé : ty£gidit
TJihHdii Gcvclçnen Land-^mniat»-
N . 17 5 5; ^Si
nf-zu Glarus Chyotiicon Hducticnm^
&c. c'cft-à-dire , ChroniciHe Helve-
tique de Gilles Tfchudi Land-j4in-
mann de Glaris , ou Hijloire ZJmver-
felle de ce cjiii s'efl pajfé de plus remar-
(juahle , tant dans l' Empire cjue dam
laSiiijfe &dans les Pays voifms depuis
l'an M. jufijuen l'an mcccclxxi,
cnnpnfée fitr des Mémoires & des
Pièces authentiques tirées des princi-
pales Archives des Cantons^ avec une
Hifloire de la Guerre de l^ Empereur
Adaximilien I. & de la confédération
de la Suabe CT de la Franconie. Le
tout imprimé pour la première fois
d'après un Manufcrit , & accom-
pagné d'une Préface de l'Editeur.
1733-
Cette Hiûoire qui fera imprimée
chez Jean-Jacques Bifchojf^ Si pour
laquelle on foufcrit jufqu'à la fin
de Juin dans les principales Villes
de tous les Pays où on parle l'Alle-
mand, doit être en deux Volumes
infilio. Si les Soufcriptions font
remplies au terme marque. Le pre-
mier Volume paroîtra au mois de
Février de l'année prochaine 1734,
& le fécond au mois d'Oftobre fui-
▼ant.
Le prix de la Soufcription du
premier Volume eft de 8 florins ,
ou 20 livres argent de France , dont
on payera la moitié en foufcrivant,
& l'autre moitié en recevant l'e-
xemplaire. Le fécond ne coûtera
que fix florins , lefquels feront
payés de même.
Ces conditions de la Soufcriptio»
font précédées dans l'imprimé
dont nous rendons compte ^ d'une
courte Préface où l'Editeur faic
Dbb
î64 JOURNAL D
l'éloge de l'Ouvrage 8c de Ion Au-
teur. 11 ne fait cependant connoî-
tre Gilles Tfchttdi que par fa qualité
de premier Magiftrat de Claris,
fans marquer ni le tems où il a vé-
cu , ni s'il cft d'ailleurs connu dans
la Republique des Lettres. C'éroit
lelon Monlieur Ifelin , l'homme
le plus capable par fon fcavoir &
par fon expérience de donner la
plus excellente Hiftoire de la Suif-
fe , parce que perfonne en même
tems n'étoit plus à portée que lui
d'en confulter les principales Ar-
chives , où il faut en effet recou-
rir pour avoir une connoiflan-
ee parfaite , foit des cvenemcns ar-
rivés dans les differens Cantons ,
avant & après leur alliance , foit
des affaires où le Corps Helvétique
à eu quelque part au dehors.
A l'égard du Manufcrit dont on
doit fe fervir , l'Editeur fans indi-
quer de quel endroit il l'a tiré , fe
contente de remarquer qu'il eft en
trois gros Volumes in-folio dans
quelques Bibliothèques &: en qua-
tre dans d'autres. Après s'être arrê-
té un peu fur l'attention qu'il aura
à en donner une Edition correcte ,
& à collationner fur les originaux
les differens Aftes ou Diplômes qui
fe trouveront en entier dans l'Ou-
vrage j audi-bien qu'à mettre au
commencement une Préface & à la
fin uneTable générale.M. //?/'« finit
ainfi , auflî il eft inutile d'en dire
davantage , parce que Vino vendibi-
li non opHs eft fufj>enfa hederâ. Pour
BOUS, nous croyons pouvoir ajouter
fans faire d'autres reflexions qu'il
BQUS garoît qpe ce Cillti Tfcmdt y
ES SÇAVANS,
dont on annonce la Chronique
Helvétique en Allem.ind , pourroit
bien être le même que celui dont
il cft parlé avec éloge dans l'Hiftoi-
re de M. de Thou à l'an 1571. &c
dont il cft aufli fait mention dans
les Eloges des Hommes fcavans
à^ Antoine Teijfter qu'on peut con-
fulter à ce fujct.
HOLLANDE.
D'A M s T E R D A M.
Lettres i^'Henri IV. Roi de Fran-
ce & de Mejfieurs de Villeroi & de
Puifieux , a M. Antoine le Fevre
de la Boderie , AmbafTadeur de
France en Angleterre. Depuis x6o6.
jufqu'cn ï6ii. aux dépens de la
Compagnie. 1733. /»-8°. i.voL
De laHaye.
Mémoires du Sieur Jean Macky ,.
Editer : contenttnt principalemetit les
caraBeres de la Cour d^ Angleterre
fous les règnes de Guillaume Ilî. &
d! Anne I. tracés a la re^ui/ition de
S. A. R. Sophie , EleBrice de Hano-
vre , & publiés furie Manufcrit ori-
ginal de r Auteur. Traduit de l'An-
glois. Chez P. Gojfe & i.Neaulme.
1735, iniz.
FRANCE.
D £ Lyon.
Recueil d'Ouvrages cmteHX de
Mathematiijue & de MécanitfHe^ eu
Defcriftkn d» Cabimt. de M, Gtôt
lier de Scrviere , ttvec des figttres en
tatlle-douce , far [on petit fils M.
GroUier de Serviere , ancien Lieute-
nant Colonel , l'tm des vingt-cb!<j de
l'Acad:mie des Sciences & des Bel-
les-Lettres de Lyon. Seconde Edi-
tion , reviië , corrigée & augmen-
tée de nouvelies machines & de
pluficurs planches. Chez D'ovid
Forey ^ Libraire. 1733. i»-^°.
De ToiTLousE^
Ordonnances ^f L O U I S X V.
Roi d^ France & de Nava-rre , four
'fixer la Jurifpntdencefnr la nature ,
la forme , les Charges & les cendt-
tions des Donations. Donnée à Ver-
JUIN. 17??.
36f
a mis en vente les deux premiers
Volumes in-folio de la nouvdlletdi-
tion des Oeuv/ei d'Origetjes , publiée
par Dom Charles de la Ru'é^ de la
Congrégation de S. Maur. Cette
Edition qui doit être en cinq Volu-
mes eft parfaitement bien exécutée,
foit pour la beauté du papier , foit
pour lanetteté'des caTadetes. Nous
rendrons compte inceflammcnt du
travail du fçavant Editeur.
Pierre-François Grffurt , rue Sairït
Jacques , à 'Sainte Thércfe va irrt-
pri-mer les Généalogies Hrfhriijnès
des ancivnsT'amarchts ^'Errtprrmrs\
Rois & de toutes les Maifons Sott'ûi-
¥aine! , depuis le commencement du
monde jnfcju'a, prtfent ^ e>tpoféts dxni
fiîilles au mois de Fewter ly^i .svcc des Cartes Généàl'agifjÉes ^ tirées de
des Obfervations autorifées parles Hubner & des meillius^^Ameuïs ,
Ordonnances , le Droit Romain ,
&: les Arrêts des Pariemens. Pax^
Maître Jean-Baptifle Furgole , Avo-
cat au Parlement deTouloufc. Ou-
vrage divifé en trois Parties. Chez
Jean-François Forejl , rue de la Por-
-tcrie , à la Couronne, d'or. 1753.
■in-folto.
Ohfervationsfur les Arrefts remar-
ifuables du Parlement de Touloufe ,
recueillis par Meflîre Jean de Cate-
lan , Confciller au même Parle-
ment, enrichies des Arrefts nou-
veaux , rendus fur les mêmes ma-
tières. Par Gabriel dt Fedel^cuyer,
Docteur & Avocat au Parlement de
Touloufe. Chez le même Libraire^
1732. in-j^", 2. vol.
De Paris.
Jacques Vincent ^ rue S. Sevcrin J
avec 3es explications Hijlorijues &
Chronolagicfues , dans lef^ueiles l'on
trouvera Pétablijfement , les révolu-
tions & la durée des differens £tats
du Monde ; 'L'origine dès Maifons
Souveraines , leurs progrès . alliances
droits 5 titres , prétentions & Armo-
ries.
Cet Ouvrage , dont l'Auteuf
fait connoître l'utilité dans le plan
qu'il en a publié , & auquel noUs
renvoyons , fera" en ejuatre Volumes
in-^". qui coûteront 45 livres ^n
blanc lorfqu'ils feront imprimés.
Cependant ceux qui retiendrontun
exemplaire auront un tiers de di-
mmiiitron en donnant d'avance 15
liv. pour les deux premiers Volu-
mes , qu'on leur diftribuera dansr=
l'année prochaine 1734. & 15 liv.
pour les deux derniers , qu'ils au-'
Konc dans l'année fuiva||Ce.
3<56 JOURNAL D
Rollinhk , Qiui des Ausjuftins ,
à S. Athanafe , a fous preiTe , Ht-
fioire des Révolutions cCEfpagne de-
puis la deftruElion de i tmftre des
Goths , jufqu'k l'entière & parfaite
réunion des Royaumes de Cajhlle &
(C Arragon en une feule Monarchie ,
par le P. Jofeph d'Orléans , de la
Compagnie de Jefus. Quoique cet-
te Hiitoirefoit un Ouvrage Pofthu-
nic , on afTure qu'elle n'a pas moins
de mérite que celle des Révolu-
tions d'Angleterre du même Au-
teur. Elle fera en trois Volumes
j«-4°. & paroîtra au commence-
ment de l'année prochaine.
André Cailleau , Place du Pont
S. Michel, à S. André , débite /'^w-
Jies chotjtes de M. l'Ahhé Boileau ,
ES SÇAVANS.
Prédicateur ordinaire du Roi , &
l'un des Quarante de l'Académie
Franfoifc ^fur diffèrens fu/ets de Mo-
rale , mifes par ordre alphahti^ue.
Nouvelle Edition , revue , corri-
gée & augmentée. \yi^. in-ii.
UEpoufe infortunée ^ H iftoire Ita-
lienne , Galante &c Tragique , par
M. D. P. B. Chez Pierre Prault ,
Quai de Gêvres. ly^^.in-ii.
On trouve chez le même Librai-
re Lettre de M. le Marcfuis Scipion-
Maffei , contenant le Récit & l'ex-
plication d'un feu rare & fîngulier ^
femblahle a celui de la foudre ou ton-
nerre ijui s'efl formé dans le corps
<tune femme de la faille de Cefenne ex
Italie, & l'a réduite en cendres, 1733.
ia-S", Brochure de 17 pages.
TABLE
DfiS Articles contenus dans le Journal de Juin 1735.
LE Théâtre efi-il , o« peut-il être u»e Ecole propre s former les msHrs ^
8cc. page 309
EJfaifur les Erreurs Populaires , &c.
La Reitgiên défendue , Poème ,
Oeuvres mêlées de M. ***■ ^ Sec.
Panégyrique de S. François dAffife , ôcc.
Six Livres de Lettres de M. May ans , &c.
Examen du Pyrrhomfme , ancien & moderne , ficç.
Catalogue des Livres du Cabinet de M. * * * ^
Nouvflies Littéraires ^
, r r Pin de h Table.
31*
m
351
354
35»
3^1
L E
JOURNAL
scavÀns,
ï 0 UR
VANNEE M. DCC. XXXIII
JUILLET.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
MrDCC. XXxTlL
AVEC JFFROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
I
LE
JOURNAL
DES
SÇAVANS
JUILLET M. DCC. XXXIIL
DISCOVRS SVR LES SPECTACLES ,TRj4DVIT DV LATlN
Âh p. Charles Porce , de U Compagnie de Jefus. Par le P. Brumoy , de
la même Compagnie. A Paris , de l'Imprimerie de J, B. Coignard Ris à
la Bible d'or. 1735. Brochure i»-^°, pp. 48.
LE Père Brumoy avertit que du brillant defes exprfjfions , les con-
quclquc efiort qu'il ait (m pour mijfeurs verront aJfeT^ iju'il efl extrê-
approcher de la juftejfe des penfées dit mement difficile de rendre dans le tour
P. Porée , de la profondeur de fon François, ce qni a éi Ji heureufemtftt
feus , de la mblejfe defes images , & fenft en Lutin,
Juillet. C c c ij
370 JOURNAL D
A l'égard des pcrfonncs qui ne
font pas obliçtes de fçavotr le gé-
nie des Langues mortrs , & qui ne
peuvent les confronter avec les
Langues vivantes , il les prie de
t' imputer (ju'auTraduReur j oh à la
difficulté de la tradutiion , ce ejui
fourrait leur paroitre répréherijîble.
A k faveur de cet Avertiffemcnt
ieP.Brumoy donne fa tradutiion au
public. Quelques exemples que
nous en rapporterons mettront aifé-
mcnt les Lccîteurs en état d'en ju-
ger. Nous choifirons ces exemples
parmi ceux que la défiance de nos
forces nous a fait éviter de traduire
dans l'Extrait que nous avons don-
né du Difcours duj'. Porée le mois
de Jiiindtrnicr.
Un des Morceaux qui nous a pa-
ru le plus difficile à copier en Fran-
çois j & auquel pour cette raifon
nous avons mieux aimé renvoyer
les Lcfteurs , eft le Dialogue entre
le P. Porée & la Comédie. Le Père
Porée introduit k Comédie , fe
vantant à lui de reformer les
mœurs; ^là-delTus il lui demande
en quoi confiftc cette prétendue
reforme dont elle fe glorifie : la
Comédie répond , le P. Porée ré-
plique i elle infifte , il infifte aufiî.
Voici l'entretien articles par arti-
cles : Nous rapporterons alternati-
vement le Latin du P. Porée & le
François du Traducteur. Les Lec-
teurs par ce moyen pourront com-
parer fans peine la Tradudion avec
le Texte qui cft tout ce que nous
avons ici en vue.
Le Père Porte. Dic nobis , 6
bona , quid apud nos pravi moris
emetïdcs i
ES SÇAVANS.
Tradndiot?. » Dites - nous , de
)> grâce , Mufc prude & rcforma-
»i trice , ce que vous reformez dan«
» nos mœurs.
La Comédie. Ego Juvenes
politulos nimiâ veftium laxitatc
difflucntes coercco.
Le Pcre Porée.JvsTA Coercitic
f\ nihil fuerit in liccntiâ juvenili k-
vcriùs cocrcendum.
Tradu^ioii. » Ce que ]E be-
» forme! N'ai -je pas mes petits
» maîtres avec leurs façons & leurs
» modes burlcfques î Je les réduits
sjaux airs fenfés. Fort bien ;
M pourvu qu'il n'y ait rien dans leur
» licence que vous deviez plus ju-
» ftement réduire aux bornes du-
» bon fens.
La Comédie. Ego Foeminas ',
eruditionis , vcl exquifitx locutio'
nis gloriam captantes reprehend».
Le Père Porée. JEqva repre-
HENsio : fi nihil fit in muliebri
fuperbiâ vel petulantiâ magis re-
prehendendum.
TraduElion. » N'Ai - je pas des
» femmes fçavantes , des précieufes
«ridicules? Je les critique. Ex-
»> CELLENT Sujet de cenfure , fi
» la vanité & Pcnjoiiemcnt outré
" nefournilTent pas des fujetsplus
» importans.
La Comédie. Ego in Hominis
Inimani generis oforcs animad-
verto.
Le Père Porée. Digna for s an
animadverfio : fi priùsin homincs
humani generis corruptores fuerit
animadvcrfum.
TraduSlion. » N'ai-je pas mes mi-
» fantropes ^ leur humeur me di-
J tJ ï L L
>}"vcïtit ~ j'en badine. Votre
si BADiNAGE pcut n'être pas bJa-
»» niable, pourvu que vous n'ayez
M pas épargné les faux complaifans
M qui corrompent les hommes.
La Comédie. Ego Homines
imaginario conflidatos corporis
morbo , ad fanitatcm revoco.
Le P. Porte. Egregia sanatio :
f\ homines vero iaborantes animi
vitio antca fueri^nt ad fanitatem re-
vocati.
TradnS{ion. »>On connoît
3> bien mes malades imaginaires ,
» je les guéris. La cure est di-
w gne de vous -, fi pourtant vous
» avez commencé par la guérifon
» des maux plus eflentiels de i'ef-
>» prit,
La Comédie. Ego Ma r i t i s^
& Uxoribus , aliifque hominibus
erudiendis Scholara multipliccm
inftituo.
Le Père Porèe. Magnifica
p R G R s u s inftitutto : dumadbo-
nos mores étudias.
Tr/tduBio». » J'ai dis Eco-
» LES de toutes forres : Ecole des
» Maris , Ecole des femmes , que
» fçai - je ? Ecoles pour d'autres
i) Etats. Les beaux Etablissemens,
-■» certes , s'ils fe font au profit des
9» mœurs.
Le Père Forée. Q_u i d si a u-
T E M , ( dicam enim quod non
fpeâfavi quidem , fed de te fipiàs
audivi ) quid fi in tuâ multiplici
Scolâ homines ad nequitiam magis
quàm ad virtutem inftituasî
Traduilion. » M A i s qu e d i-
» R 1 e z - vous , ( j'en parle fur le
»iappprt de perfoimes qui vous
E T, 175 j. 371
» connoiflent bien ) Que diriez-
» vous fi dans vos Ecoles fi vantées,
»on enfeignoit tout le rafincment
»> du vice aux dépens de la vertu ?
Quid si Juvenculi &c ado-
lefcentulas per te condifcant fim-
plicitatem animi exuere , furtivos
ignés alere , connubia ex libidinis
confilio , non ex parcntum judicio
contrahere ?
Tradu5iio». » Que seroit - ce
» fi la jeunefie de l'un & de l'au-
»tre fexe y défapprenoit l'anti-
» que fimplicité , pour s'inftruirc à
M tromper la vigilance la plus éclai-
» rée , &c à fuivre pour un engage-
» ment de toute la vie , une aveugle
"paflionj plutôt que la prudence
» définterelîée de ceux à qui l'oR'
» doit le jour ?
Qu 1 D s I p E R te cdocentuï
nuptiac conjugalis padi jura infi-in-
gere , maritorum vigilirtiam fal-
1ère , maritos , modis indignis illu-
derc, à maritis pœnas injuriarum-
quas acceperint ipfi , non intule-
runt , per fummam contumeliam
repofcere ?
TraduUion. » QuB seroit - ce
» fi les droits d'un lien facré
»ctoient livrés d'un côté à la co-
» queterie ouvertement libertine ,
» à fes rufes furtives , à mille indi-
» gnes ftratagêmes , & de l'autre
"immolés à la confufion , à l'igno-
» minie , à l'opprobre que mérite
» mieux le crime qui en eft l'Au-
» teur & qui triomphe ?
QyiD SI Maritis fuades om-
Hem uxoribus vagandi licentiam
permittcre , inearumdelidlis con-
RiYcre , oppiûbria domeftica placi-i
372 JOURNAL D
do ferre animo , 6c iila non culpi,
fcd fortiinx imputare?
TradiiUion. » Que seroit-ce
>♦ fi par un art plus délie , mais
» plus coupable encore dans la
«•même efpecc , vous faifiez pafTer
» une circonfpciftion légitime pour
» une bizarrerie intolérable , une
j> connivence criminelle pour un
» air de oralant homme , une indif-
>i ferencc qui attribue les affronts
" au hazard , pour le phlegmc d'un
n Philofophe ?
Qju iD ST Famulos famu-
lafquc doccs nihil pudcre , alienis
fraudibus infervire , juvenum &
puellarum animos vctitis amoribus
illaquearc ; héros , prxfertim fe-
iiiores , emungere argento , &c na-
fo fufpendere î Rides.
Tradu^ion. » Que seroit-ce
M fi vous enleviez du firont des
» doraeftiques le voile de pudeur
M dont les a couvert le devoir, pour
n leur apprendre à (ervir les crimes
j» d'autrui-, à faire tomber de jeunes
» cœurs en des pièges trop chéris ,
3» à voler , à railler leurs maîtres
» vieillis , ou peu attentifs ? Vous
» riez.
Q^u I D SI T u o s confuefacis
difcipulos vitio p^trocinari , virtu-
tcm explodere ? &c apud te omnis
ferme homo nequam falfus eft , le-
pidus , fcftivus , vir contra probus
6t pet te infulfus , ineptus , ridicu-
ius ? Etiam ridere pcrgis.
TrAdiiUioH. u Que seroit - ce
» fi vous infiiruihez vos élevés
» à embellir le vice , à enlaidir la
» vertu î Si chez vous , le plus fou-
•> vent , rbomm£ vicieux étoit plai-
ÏS SÇAVANS,
» fant , enjoiié, d'agréable humeur?
» Si l'honnête homme au contrai-
» re paroilfoit ridicule , infipide ,
># bourru ; Vous riez encore.
Apagete, magiftra morum im-
proba , corruptrix animorum pef-
iîma , rci familiaris pernicies , dif-
ciplinx domcftici labcs &: ruina.
TraduUton. » Allez , perte cxe-
» crable des mœurs , corruptrice
M du cœur humain , furie des fa-
» milles , Démon perturbateur de
» la difcipline domeftique. Fuyez.
On peut facilement par ces
exemples , juger de la traduction
du P. Brumoy. Si néanmoins on ne
les trouvoit pas fuffifans , en voici
quelques autres : il s'agit des diffe-
rens caradleres de ceux qui vont
ordinairement aux Spedacles , &
des divers motifs qui les y condui-
fent. Le P. Porée , comme nous l'a-
vons remarqué dans l'Extrait de
fon Difcours , trace là-defTus un ta-
bleau aufli curieux qu'interelTant,
& où bien des gens peuvent fe rc-
connoître. C'eft un morceau que
nous nous fommes contentes d'in-
diquer dans notre Extrait , n'ayant
ofé entreprendre d'y toucher de
peur d'en altérer les traits. Le voici
ou du moins en partie, de la main
du P. Brumoy. Nous commence-
rons d'abord par le texte du P. Po-
rée fuivant la méthode que nous
avons obfervée ci-devant.
QyiNAM PLERUMQUE ad Thca-
tra confluunt ?
Primum homincscuriofi, levés,
ultro citroque curfirantes fpetStandi
gratiâ , fpeiflantes omnia , fcipfbs
nunquam rcfpicientcs.
JUILLET, 1755. 57^
TraduBion. »» Quel est, je vous & unde aliéna fpcdrent naufragia^
» prie , le grand nombre desama-
» teurs du Théâtre ?
M Des curieux premièrement :
Mcfprits légers , vrais papillons
» vokigcans çà & là , fans favoir
3» où , faits ( ce femble ) pour être
» fpedateurs de toutes chofes , ex-
» cepté d'eux-mêmes.
QyiNAM DEiNDE ? Homines
otiofi j tardi , deCdes ; quibus
unum eft negotium nihil agere ,
una follicitudo nihil curare , unus
labor txdium fallere \ nunc ad con-
vivium^ nnnc ad colloquium, mo-
do ad nienfam alearoriam , modo
ad Scenam alîîdentes fine confilio ,
fine judicio , fine frudu.
TraduSliân. Qy i ensuite >
» des oifits de toute efpece , des pa-
M reffeux de profeflion , donti'uni-
» que affaire eft de ne rien faire ;
ar l'unique foin, celui de n'en point
«prendre; l'unique occupation,
» ccUe de tromper leurenr.ui ; paf-
« fant de la table aux cercles , ou au
«jeu , & de - là aux Spedaclcs ,
«•pour y afîîiler fans goiâr , fans
a» difcernement , fans fruit.
Imo quicquid fibi périt tempo-
ris in fpedaculis , id omne lucro
apponentes.
TraduBion. » Fort satisfaits
i> zn refte d'avoir rempli le vuidc
» d'un tems qui leur pefoit.
Qu iNAM posTEA? Homi-
rcs negotiis privatis vel publicis
immerfi ac propè obruti ; perpetuis
jadlati curarum fludlibus, & inccr-
ta fortuns turbine abrepti ; diver-
tcntes ad Theatrum tanquam ad
poitum j ubi quiefcanc paululum ,
mox ad fuas procellas, ad fuos fco-
pulos , ad fua pericula fe prxcipi
curfu referentes.
TraduElton. » Q^u i encore?
» Des gens plonges dans des em-
» plois laborieux , accablés d'afFai-
» res foit publiques , foit particu-
» lieres , agités par les flots tumul-
» tueux de mille foucis , emportés
»par le tourbillon de la fortune :
«ils courent au Théâtre comme"
» vers un port : ils y refpirenf
«quelques momens à la vue des
» naufrages étrangers. Puis ils fe
"replongent aulïi tôt dans leurs
» travaux orageux , & courent fc
» livrer à leurs écueils ordinaires.
QoiNAM PR^TFREA? Ho-
mines rixis vexati domefticis ; nuf-
qup.m pejus habitantes , quàm apud
ie. i Comœdiam afïlduè, vel Tragœ-
diam agcntes eu m uxore; cum li-
beris , cum famulis ; atque, ut Sce-
nas œdium privatas , decUnent , ad
Scenam Theatri publicam confii-
gientes.
TraduBion. » Qu els autres
» Spedateurs ; Des hommes fati-
3» gués de querelles domeftiques ,.
5» qui ne fe trouvent nulle part plus
3» mal que chez eux , cù ils cfiliyent
» les travers ou les caprices d'ijne
» maifon mal compofée. Ils fe re-
» fugient au Théâtre public qui
»les diftrait, pour fe dérober aux
» Scènes fecrettes qui les chagri-
» nent.
Quam por.ro ? Homi-
nes omnis & nullius ordinis ; quos'
ncque bonos dixeris , nequc malos,
nequc lèves , nequc gra,ves , ncque-
57* JOURNAL D
ociofos , nequc laboriofos , fcd
confuemdini tanquam Icgi fcrvicn-
tes i alicno viventcs cxemplo -, alic-
no judicantcs ingenio ; fie ad Tliea-
tra , ut ad Templa ; (îc ad tabuhm
coinicain, ut ad fjcram concionem,
Rcligionc pari , vcl pari confide-
rantiâ , id efl nulià , fe confercn-
tcs.
Tradunion.» Qj] els autres
«enfin, des hommes qu'il eftim-
» poffible de définir. Ils ont tous le»
» cara>5lercs , Se n'en ont aucun. Ils
»nc font ni bons, ni mauvais ; ni
3» légers , ni graves -, ni oififs , ni oc-
M cupés. Efclaves de la covjtume
» qui efl leur fuprême loi, ils vi-
» vent fiir l'exemple d'autïui ; ils
» penfent par l'efpritd'autrui. C'eft
« la coutume qui les mène au
" Théâtre comme au Temple ; à la
«Comédie comme au Sermon ,
»avec une pareille déférence aux
j* égards , c'cft-à-dire , une égale
» indifférence.
EjusmodiSpectatores
quis magnopere laborare credat ,
utrùm bcnè an malè morata fit
Theatri Schola : in quâ nihil fec-
ES SÇAVANS.
tantur pnter fterilem 8C otiofam
animi occupationem ? Atqui tamca
Spcctatorum ea pars cft optima ,
vcl mmimè mala. Sunt alii nequc
illi numéro infrequentes, qui, &c.
TraduBion. >» Si persuadera-
» T - OM que de pareils Speda-
» teurs s'embarrafTcnt tort fi l'Eco-
j>le des Spcdacles efl régulière ou
>• ne l'efl pas î Ils n'y vont que pour
» s'amufer , ou fe déiaflcr. Voil^
M pourtant la partie la plus faine ,
» ou plutôt la moins mauvaife des
"Spciflateurs. N'en efl il point
M d'autres ( & les voit-on en petit
» nombre ? ) qui , &c.
Si l'on veut entrer dans un plus
ample examen de la tradudion du
P. Brumoy , il faut examiner les
portraits qu'on y trouve de Cor-
neille , de Racine , & de Molière i
ce font des copies faites d'aptes le
pinceau du P. Porée ; il n'y a qu'à
les conGonter. Nous aurions mis
volontiers lesLedeurs en état de fai-
re ici cette confrontation -, mais ce-
la nous eût engagé à étendre notre
E.vtiait au-delà des bornes.
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES,<^c.
C'efl- à- dire : Recueil des Ecrivains de l'Hifloire d'Italie , depuis l'a»
50C. jitfjH'à l'an 1500. Par AL Muratori. Tonte X.fol. col. 1091. A
Milan , par la Société Palatine. lyztf. Sans compter un Difcours Préli-
minaire qui efl de 3 1^. col.
o
, N voit à la tête de ce Volume
le portrait de Lcopold I. Duc
de Lorraine , auquel il efl dédié.
On trouve cnfuite une DifTcrtation
fur la Carte Géographique de l'I-
talie , telle qu'elle étoit fous l'Em-
pire de Charleraagne. L'Auteur qui
ne fe nommepoint , maisqui n'efl
pas difficile à connoître , puifqu'il
prend la qualité de Ledeur Royai
à Padoiie , nous donne cet Ouvra-
ge comme une Introduction à la
Géographie
J U I L L E
'Géographie Univerfelle du moyen
âge-
/ Apres la chute & le partage de
l'Empire Romain , l'Italie ayant
changé de Maîtres , les differens
Etats qui la compofoient , changè-
rent aulîi de limites. Plufieurs Vil-
les , Châteaux & Bourgades prirent
d'autres noms , ou hirent, ruinés ;
d'autres s'élevèrent en leur place. Il
cft cirentiel de connoître ces diffe-
ïcntes révolutions pour bien fça-
voir l'Hiftoire de l'Italie , & on a
l'avantage de les voir d'un coup
d'œil dans la Carte qui reprefente
la fituation de l'Italie fous la do-
mination des Grecs ^ des Lombards
& des François.
Les occupations dontM.Muratori
cft accablé ne lui ayant pas permis
de s'appliquer à un Ouvrage aufïï
étendu &auffi plein de recherches
que l'explication de cette Carte , il
s'en eft déchargé fur l'Anonyme
qu'il nous aflure avoir toutes les
qualitez &: le tems neceffaire pour
le bien traiter. Ce dernier cepen-
dant excufe les fautes qui auront
pu lui échapper fur ce que le tems
lui a manqué , & fur l'impatience
du public qui l'a contraint de pré-
cipiter un travail d'autant plus diffi-
cile qu'il avoit à parcourir une rou-
te très obfcurc , & qu'aucun Sça-
vant n'avoit encore tentée , mais il
nous fait efpererde donner une fé-
conde Edition de cette Diflertation
qui fera plus exadle , & dans la-
quelle il parlera de plufieurs en-
droits connus dans le moyen âge ,
qu'il n'a- pas jugé à propos de mar-
quer dans la Carte pour éviter la
JhUIci.
confufion. Du refte tjuoiqu'il ait
été obligé de prendre fouvent des
fentimcns contraires aux Sçavans
qui l'ont précédé , il aflure qu'il ns
l'a fait qu'après un examen fcrieiix,
& il promet de corriger toutes les
butes dans lefquelles il aura pu
tomber.
Il avertit que fouvent il n'a pu
répandre aucunes lumières fur ce
quircgardoit le moyen âge fans re-
monter dans la plus profonde An-
tiquité , ainfi quand il lui arrive de
fortir de l'Italie & de rapporter les
anciennes origines des peuples &
des Villes , on ne dort pas toujours
raccufer de s'écarter de fon fujet. A
l'égard de la Carte Géographique ,
comme elle n'a point été gravée
fous les yeux de l'Auteur , il ne fc
rend garand que des chofes qui
feront conformes à fon original.
Cette DilTertation eft divifée en 25
Seâiions, les premières roulent fur
differens points d'Hiftoire 6c de
Critique que l'Auteur s'eft cru
obligé de difcutcr avant de venir
à l'explication de fa Corographie.
Qiioiquc la Sicile ait changé de
face l'an 810. lorfque les Sarrazins
s'en emparèrent , l'Anonyme n'a.
point cru cependant devoir en don-
ner la Carte , parce que fon deflein
cft uniquement de montrer les
changemens arrivés dans l'Italie
fous la domination des Lombards,
èc des François. Mais comme on
le propofe de donner une nouvell»-
Cartc de la fituation de l'Italie au
onzième fiécle jufqu'au feize , tems
oij elle fut partagée en différentes
Seigneuries ôc Republiques. On y
Ddd
37(5 JOURNALD
fera pour lors entrer la Sicile , la
Sardaignc fc ril'iC tic Corle. Parce
movcn le Lecteur trouvera dans ce
Recueil tout ce qui tft neceiraire
pour la parfaite intelligence de
l'Hiftoirc d'Italie jufqu'au fcizitmc
fiéclc.
Après cette longue DifTcrtation,
qui eft imprimée en petits carade-
rcs , M. Muratori nous donne ,
1°. l'Hiftoirede l'Empereur Henri
fepticihe , divifccen lé Livres pat
Albertinus-Mulïatus , Hil^oriogra-
phe & Poète Tragique. Telles font
les qualitez que les MlT. donnent à
i'Autcur , mais il n'étoit pas feule-
ment Homme de Lettres , il étoit
grand Homme d'Etat : quoique
d'une naiirance alTez obfcure , il
parvint non feulement aux premie-
les dignitez de fa patrie , mais il tut
encore Exécuteur de Juftice àPlo-
lence, Executorjiiflititt. C'cft ainfi
qu'on appelloit alors le Magiftrat
de cette Ville ; après avoirétéchar-
gé de pluileurs négociations aurti
honorables qu'importantes, fur la
fin de fa vie il fut exilé de fi patrici
il profita du loifir que l'cloigne-
ment des affaires lui donnoit pour
fe replonger dans l'étude & pour
compofer differens Ouvrages. La
dureté & l'obfcurité qui gâte quel-
quefois fon ftile ne doit point lui
enlever la gloire d'avoir été un des
premiers qui ait commencé à réta-
blir le goût de l'érudition & de l'é-
légance en Italie. Il mourut vers
l'an 1350. il patTa pour le plus
grand Pocte de fontcms & en cette
qualité il fut couronné de LaUrier
en grande cér«moiuc 4 Psidoue^
ES SÇAVANS,
honneur que perfoniyc n'avoit re-
çu depuis philieuis hcclcs.
Les 16 Livres qui compofent
l'Hiftoirc d'Henri VIL font fuivis
de douze autres qui traitent de ce
qui s'eft paffé en Italie depuis la.
mort de cet Empereur -, mais le 9%
10' &: 1 1' Livre font écrits en vers
hexamétjfes.Il les adreiTe à h. Société
Palatine des Notaires de Padoiie ,
ad Notariorum PadiMnomm Palati-
nam Societatem. Ils contiennent la
defcription du Siège de Padoiie par
le grand Cane Dcila Scula , 5c les
évenemcns arrivés à cette occafion.
On trouve enfuite un Livre détache
qui eft intitulé Louis de Bavière ^
c'ciVà dire , l'Hiftoirc de cet Empc^
reur , enfin une Tragédie très-cour-
te intitulée Eccelin , qui a pour fa-
jet la cruauté de ce Tyran 6c le fu-
plice de fon frère Alberic. Ce Poè-
me n'a guércs que 6^00 vers j il eft
plein de feu , mais fins règle ni
fans conduite, & ce n'cft pour ainli
dire qu'une narration coupée par
differens Interlocuteurs. On a en-
core de lui une Tragédie intitulée
Achilleis. 1 8 E pitres en vers élégra-
ques , 10 Eglogues , des Soliloques
Sacrés, quelques autres Elégies,
& des Poches fur diftercns fu)ets.
Félix Ollus Milanois & Profef-
feur d'Eloquence à Padoiie , entre-
prit de donner une Edition com-
plette de tous ces Ouvrages à la.
prière de Dominique Molino noble
Vénitien , qui aimoit les Lettres.
On avoir déjà commencé à les im-
primer à V^enife en 161-7. lorf-
quc Ofius forma k deflein d'y
a^ûcex quelques autres Ecrivains
J U I L L
«5<ii n'a-voicnt point encore vu le
jour , & de les enrichir de notes.
Laurent Pignorius homme d'une
grande Littérature tut alTocicàcc
travail , mais avant c]ii'il fût achevé
l'un Se l'autre périrent dans cette
terrible pefte qui délbla Padoiie ,
Vcnifc & les autres Villes voifines.
D'où il arriva que leurs notes fur
Muflatus reftercnt interrompues,
&: que l'Edition commencée ne put
être finie qu'en 16^6.
Comme elle cft devenue très-
rare & très-chere. M. Muratori a
cru devoir faire réimprimer ici
l'Hiftoire de Muffatus avec le Spi-
cilegium de Pignorius , les correc-
tions & les notes d'Ofius , & celles
de Nicolas Viliani ; il faut avoiier
qu'elles font d'une longueur deme-
furée. Les notes de la féconde ru-
brique , c'eft-à-dire du chapitre
fécond qui n'a pas vingt lignes
rcmplifTent quatre-vingt-trois co-
lonnes. L'érudition y eft prodiguée
à pleines mains , le judicieux Edi-
teur convient que ce n'cft pas là le
goût de notre liéclc. Il fe flatte
néanmoins que tout ce qui vient
de deux perfonnages auifi célèbres
que l'étoient Ofius & Pignorius ,
fera bien re^û. D'ailleurs fon Edi-
tion a un avantage fur celle de Ve-
nife. A la faveur de deux MlT.rrou-
vés l'un dans la Bibliothèque d'Eft
& l'autre dans la Bibliothèque Am-
broifienne , il a rempli plufieurs
lacunes que les premiers Editeurs
avoient été contrains de laifler.
L'Hiftoire de Muffatus eit écrite
jvec beaucoup de liberté & d'exac-
titude i on y remarque par-tout un
ET; 17 î S' î8£
génie élevé Se courageux ; dans h
Préface de l'Hiftoire d'Henri VIL
qu'il dédie à cet Empereur même ,
il lui parle en ces termes : fi parmi
tant de guerres & d'évenemens
differens , vous trouvez quelque
chofe qui blcftc votre gloire ou
celle de ceux qui vous ont été atta-
chés , n'en fovtz point offenfé ,
comme il n'cft pas permis de dire
que vous ayez jamais voulu tomber
en faute , il ell cependant naturel
que vous ayez pu y tomber , dès
que vous êtes obligé d'avoiier que
vous êtes homme. Q^od fi per tôt
bellorHm , rerumcjne evcntus varias ,
titam , vel tuontm , Ufam , culpatam-
ve famiim inveyj'tcs , non eapicras au-
res offcndant , cttm ficmi ^ ut fallere
volueris dicere de te nefas fit , falU
tamen pojfe confet^uens eft ^ cum te
hominem fatearis.
L'Hiftoire de ce qui s'cft pafîé
en Italie depuis la mort d'Henri
VII. eft adrefte à Paganus Della-
Tiirre Evcque de Padoiie ; il le
lotie au commencement du Livre
feptiéme , de ce que pendant le
Siège de cette Ville , lecafqueen
tête il avoit foûtcnu le courage de
fon peuple contre les efforts des
Aftiegeans.
2'. Une Chronique de Sicile
compofèe par un Anonyme. Elle
avoit déjà été publiée dans le Tré-
for des Anecdotes des PP. Martcn-
ne & Durand, mais ce Livre fi cu-
rieux n'étant pas commun en Italie,
M. Muratori a cru qu'il devoit en
donner ici une nouvelle Edition.
L'Auteur commence fon Hiftoireà
l'an 820. qui eft le tems où la Sicile
D d d ij ~
578 JOURNAL D
tomba en la jniilïance des Grecs.
Les deux Editeiivs François difent
que cette Hlftoire va jufqu'à la
mort du Duc Guillaume hls de Fré-
déric II. Roi de Sicile , c'cft-à-dire
environ vers l'an 1340. Peut-être ,
dit M. Muratori , que l'Hiftorien
l'avoit continuée lufqucs-là, car les
dernières feuilles du Mf. ont été dé-
chirées , mais ce qui nous rcftc au -
jourd'hui de cet Ouvrage ne s'é-
tend pas plus loin que l'an 1528.
Le ftile en eft fimple, mais la narra-
tion cft exacTie , & prefquc toujours
appuyée par des ades originaux
qui y font rapportés dans toute leur
étendue.
5°. L'Hiftoire de Sicile par Ni-
colas Specir.lis. Cet Ouvrage avoit
été dé)a donné pat M. Baluzc
.d.^ns \i: Ai^irca Hifpamca. Nicolas
étoit de Notoen Sicile, &: fut dé-
puté , comme on le voit dans fon
Hiftoire , vers le Pape Benoît XII.
par Fridcrie Roi <dc Sicile vers l'an
MUSEUM FLORENTINI'M , SîVE GEMM^ ANTIQUE EX
Thcfauro Mcdicco, & privarorum da(flyliothccis Florcnrix exhibentes
Tabulis C. imagines Virorum Illuftrium , & Dcorum, CTc.C'eft .-i-dirc:
Cent Planches qj-avées d'après les pierres antiejitcs qu'on garde à Florence
dans le Cabinet du grand Duc , dr dans celui de cjndc^nes particuliers , -ou
Von voit reprefentées les images des Hommes Illitff--rs & des Dieux ^ avec
les Obfervations d! Antoine Gorim , Profcpur d' Hiftoire. A Florence , de
l'Imprimerie de Michel ^f/?^««^ & François Moiuke. 173 1. infol.pa-
pier impérial , pp. loo. pour les Planches, 185. pour les Obfervations,
fans compter l'Epître Dédicatoire ^ une Table générale des Matières,
& la Préface q'ij eft de 11. pagas.
ON nous donne cet Ouvrage anciens Monumcns qu'on garde à
comme le premier Tom.c Florence ^ &; dont la plupart n'ont
d'une Collection , dans laquelle on point encore vu le jour. Quelques
fe propofe de raflcmbler tous les perfonncs de cette Ville auffi diitin-
E S SÇAVANS;
1534. d'où il eft certain qi»
PirrhusRocchus le confond avec
un autre Nicolas Spcciilis qui mou-
rut en 1444. après avoir été Viccroi
de Sicile , & qui par confequent eft
pofterieur à. norrc .auteur. Il rap-
porte ce qui s'cft parte fous les Rois
d'Arragon depuis le MatTacre de
Sicile en 1182. jufqu'à la mort de
Fridcrie qui arriva en 1 3 37. un Frc-
le Michel de Platea ou de Placia a.
copié cet Ouvrage & l'a continué
jufqu'en 13 52. comme on le voit
par des fragmens publiés pax
Pirrhus Rocchus dans fai Sicile Sa-
crée. Meilleurs Baluzc &c Muratori
conviennent que Nicolas Spccialis
eft un Auteur très digne de foi i
l'Abbé Morolicus & Nicolas Fazel^
lus ont pris dans fcs Ecrits tout ce
qu'ils rapportent de l'Hiftoire de
ces tems, comme il eft ailé de s'en
convaincre en comparant enlembic
leurs Ecrits.
J U I L L
«uées par leur naiffance que par
leur érudition , font les Auteurs
d'une cntrcpnfe (î utile à la perfec-
tion des beaux Arts.
Le Voluitie dont il s'a;;it aujour-
d'hui contient les pierres gravées
qui font remarquables ou par leur
beauté ou par le fuiet qu'elles re-
prelentcnt. On y compte léoCa-
mêes ou pierres gravées en relief Sc
^■43 pierres gravées en deux.
Elles font tirées pour la plus
grande partie du Cabinet du grand
r Duc , qui palTe pour un des plus
'• beaux Cabinets de l'Europe. M.
Gori n'oublie pas dans fa Préface
que c'eft à i'iliuftre Maifon de Mé-
dicis qu'on doit en Italie l'étude
des anciens Monumens. Il fait l'élo-
ge de tous les Princes de ce nom
qui onr continué ce fameux Cabi-
net depuis Laurent de Médicis fur-
nommé le Magnifique , jufqu'à
Jean Gallon aujourd'hui régnant,
auquel cet Ouvrage eft dédié. Di-
gne héritier du goût de fes ancêtres,
il a augmenté le tréfor qu'ils lui
^voient tranfmis de 300 pierres
gravées d'un travail exquis & de
plufieurs autres antiques , qui ap-
paitenoicnt à M. Andreini Noble
Florentin.
Outre ce Cabinet , ceux de Stioz-
7À, des Marquis Ricardi , des Com-
tes de Gherardefca , du Sénateur
Philippe Buonarota , du Marquis
de Guadagne , &c. ont été ouverts
aux Editeurs ; ils avouent avec re-
connoilfance qu'ils en ont tiré de
grands fecours.
La fuite , La diftribution & l'or-
<dre des pieires gravées font dus en-
E T , 17 J5. 57^
tierement aux foins de M. Blanchi
Garde du Cabinet du grand Duc. Il
a eu principalement en vue de les
difpofcr dune manière commode
& agréable pour les Ledeurs , &
on peut affurer qu'il y a réullî.
On a marqué au bas de chaque
pierre la manière dont elle efb gra-
vée , foit en relief ou en creux , k
nature de la pierre , comme la Cal-
cédoine , le Jafpe, la Sardoine,d^r.
le Cabinet d'où elle cft tirée , fa
figure &: fa grandeur.
A l'égard des Obfervations qui
fuivent les planches, M. Gori à qui
on en eft redevable , s'eft attaché à
donner une idée du caradere , &
même des principales adions des
perlonnes illuftres dont on voit les
têtes. U en a ulé ainfi pour éviter
une trop grande fecherefle , & mê-
me parce qu'il n'écrit pas , dit-il ,
pour les feuls Sçavans , mais pouï
ceux qui ne font qu'initiés dans les
Lettres. Les Obfervations qui rou-
lent fur les Sujets font plus éten-
dues & plus remplies d'érudition j
mais elle y cfl: répandue avec choix
SiaveofagefTe.
Pour éviter la confufion , on a
cru devoir partager toutes les pier-
res qui forment ce Recueil en qua-
tre claffes. La première renferme eil
24 planches les tôtes & quelquefois
même les buftes des Empereurs,
des Céfars , de leurs femmes , &C
des hommes illuftres. Elle com-
mence par Numa - Pompilius. Le
plus grand nombre des pierres de
cette clafte y eft nommé. La con-
formité qu'elles ont avec les Mé-
dailles , & avec les autres Monu*
38o JOURNAL D
mens antiques , certains caraeflcres
(Jiftinctifs qui ont ctc particuliers à
plufieurs grands Perfonnagcs , la
dcfcription des traits de leurs vifa-
ges, qu'on lit dans quelques Au-
teurs , font les preuves fur lefqucl-
les M. Gori établit ce qu'il avance à
cette occafion : par exemple , c'eft
ainft qu'il explique les figures 7 & 8
de la première planche qui repre-
fentent Jules-Céfar.
» On voit dans cette pierre la tê-
jjte de Jules -Céfar, mis au nom-
53 bre des Dieux , clic cft ornée d'u-
» ne couronne de lauriers qu il por-
a> ta toujours , depuis que le peu-
w pie &c le Sénat lui en eun;ntac-
i> corde le droit par un décret. On
» voit derrière fa tête le Lituus , ou
» bâton augurai , pour marquer fa
» qualité d'Augure , l'on apperçoit
»ï devant lui l'étoile qui lui étoic
» confacrée & qui après fa mort ,
» lorfque Augufte cclébroit en fon
» honneur des Jeux dédiés à Venus,
» parut pendant fcpt jours. On en
}> prie occa£on de publier que fon
» ame avoit palfé dans l'étoile de
» Vénus dont on prétcndoit qu'il
» tiroit fon origine.
Nous allons rapporter cet en-
droit en Latin , afin de donner un
échantillon du ftile de l'Editenr.
Cernitur C.Julii-Ctzfansin Deo-
rum numerurn relati caput , Laiirea
Conna redimitum , ejuam perpétua
ge[l^vit lihcnter , Senutus Vopulnjtie
décréta. Pone caput Lituus , y-liigura-
tus infigne. j4r.te frontei/t JTelLi ti fi-
era , (jut. eo extinllo ^ cdetiie Augujlo
in ejus homrem Ludos , Veneri Geni-
trici confccratos , qHumperfeptem dies
ES SÇAVANS,
fulfijfet , creditum efl ejus animam in
afirum l^cneris migrajfe , à <jHtt celi-
fiem originem duxijfe putabatur.
Voici encore comme M. Gori
s'exprime au fujetde la féconde fi-
gure de h fécond: planche. » Lci
■» habiles Antiquaires croyent voir
>' dans cette pierre qui cft parfaitc-
» ment bien travaillée, M. Claude
wMarccllus, fils de Claude Mar-
"cellus homme Confuhire , &
>» d'Antoine fœurd' Augufte. Telles
"font, ajoute t-il, les raifons qui
» me déterminent à être de leur
» fentiment. 1*. Un rapport alTez
» marqué avec les traits d'Augufte,
n des cheveux frifés avec art , &
» gravés merveillcufement à la ma-
» nicre des Ouvriers de ce fiéclc
» d'or. Outre cela une belle figure ,
>• & un vifage un peu trifte , tel que
» Virgile nous le dépeint.
Entre les pierres les plus rares de
cette première clalTe , on peut com-
pter celles qui . reprefentcnt , à ce
que l'on prétend , Antonia fille de
Marc-Antoine leTrium Vir , l'Em-
pereur Othon , Matidia fœur de
Sabine femme d'Adrien , Didius-
Sevcrus-Julianus , Pefcennius-Ni-
ger , & Julie femme de Septimc-
Sévéïe qui eft gravée fur un Béril
très rare.
On abandonne aux conjcdlures
des Sçavans les pierres qui paroif-
fent être du moyen âge j quoi-
qu'elles n'ayent pas cette délicatef-
fe qu'on admire dans le fiéclc d'Au-
gufte , il n'y en a aucune qui n'ait
quelque beauté qui lui foit particu-
lière , &: c'eft même fouvent pat
cette feule raifon , qu'on les 3 plj-
J U I L L
cées dans cet Ouvrage.
On voit dans la féconde clafTe
m i(î planches les images des Rois,
de? Reines .Se des Héros , Alexan-
dre le Grand en eft le premier. Ce
Conquérant cft rcprefenté fur une
très - belle pierre la tcte couverte
d'une peau de lion , à rimiration
des anciens Héros, principalement
d'Hercule , dont les Rois de Ma-
cédoine prctendoient tirer leur ori-
gine. Dans les figures z , 4 , 5 & (î
qu'on remarque à la planche Z5 , &
dont les vifages font tout-à-fiit
fcmblablcs , quelques-uns croyent
reconnoître Annibal , d'autres Af-
drubal, d'autres le célèbre Pyrrkus.
Notre Auteur protefte qu'il eft
bien éloigne de donner , comme
certains Antiquaires , de beaux
noms à des têtes entièrement in-
connues. Cependant perfuadé que
dans les chofcs douteufes ^ les con-
jeJlurcs ne dcplaifent pas , pourvu
qu'elles foient appyces fur des rai-
fons probables , il en propofe plu-
fïcurs , qui le déterminent à croire
que les pierres dont nous venons de
parler , reprefentent Pyrrhus. Pour
ce qui efl: des autres têtes fur lef-
quelles les Sçavans font partagés , il
rapporte ce qu'ils en penfent , fans
rien décider ■■, nous lailTons au Lec-
teur à juger s'il en a ufé par-tout
ivec la même retenue.
On a rangé dans cette clafTc dif-
férentes tcrcs de Medufe remarqua-
bles j ou par la beauté du travail ,
ou pat la fingularité du dcffein.
Une des pierres les plus curieu-
fes de cette clalTe eft celle où l'on
Yoit Hercule debout , qui de cha-
que main ctouffe un Serpent, &
qui foule fous fes pieds unDaupliin.
M. Gori croit que c'cft pour nlqn-
trer qvic ce Héros avoit hiit des pro-
diges de valeur fur terre & fur
mer.
La troifiéme clafle n'a qu'onze
planches , qui nous prefentent les
figures des Mufes , des Philofo-
phes , des Orateurs , & des Poètes
les plus célèbres de l'Antiquité. So-
crate y tient le premier rang. On
nous en offre cinq différentes
images , qui s'accordent avec le<i
traits que les anciens lui donnent,
&011 l'on retrouve cet air de Silène
dont le Philofophe fe glorifioit.
Du refte il faut avoiier que cette
claffe prête beaucoup plus à la con-
jedurc que les précédentes , parce
qu'on manque de pièces de compa-
raifon , pour fe guider dans le juge-
ment qu'on en porte.
On y trouve les Mafques donc
les anciens fe fervoient dans leurs
Speiflacles ■■, les uns qui étoient en
ufage pour la Tragédie , ont un ait
trifte , févérc & formidable , & re-
prefentent des Divinitcz ou des
Héros -, les autres qui étoient defti-
nés pour la Comédie ont la forme
de Satyres , de Silènes , de Faunes,
& de Bacchantes , avec quelque
chofe de Comique , de bouffon &
d'extravagant.
On a placé encore id les pierres
gravées, dont les anciens fè fer-
voient ordinairerïient pour cache-
ter leurs Lettres. On y remarque
des fymboles particuliers qui n'é-
taient conijus que de ceux à qui ils
écrivoienî, Plautc en fait fouveaS
^82 JOURNAL D
mention dans fcs Comédies. Pour
ce qui eft des autres pierres énigma-
tiqucs , où l'on voit des têtes
d'hommes ou de femmes , antées
fur des animaux , &c plufieurs au-
tres figures bizarres & monllrucu-
fcs , on doit les regarder comme
des caradtercs hieroglytîqucs fous
lefquels certains PhiU)foplics , à
l'exemple des Egyptiens, ont en-
veloppé leurs fentimens & les mv-
fteres fecrcts des Sectes aufqucUcs
ils étoient attachés. Notre Auteur
renvoyé là-delTus à Spr.nheim , &c
au P. Chiflet , qui ont traité au
long cette matière.
On a raiTemblé dans la quatriè-
me claiïe en 49 planches les têtes
des Divinitez de la Fable , &c plu-
sieurs Sujets qui y ont rapport, M.
Gori remarque que la Mythologie
des anciens tire Ion origine de l'A-
ftronomie, la plus ancienne dérou-
tes les Sciences. Les premiers Sça-
vans qui obfervoicnt le cours des
Aftres , dans le dclTein de rendre
plus ftnfiblcs leurs ditTcrcns effets,
& pour mieux taire connoître aux
peuples la nature &: les proprietcz
du Soleil & de la Lune , ki repre-
fentercnt comme autant de Divini-
tez j &c les Poètes ayant réalifé ces
chirtieres , infenfiblement elles fe
font répandues dans toutes les Na-
tions.
On commence par les différentes
figures fous lefquclles on adoroit
Jupiter -, parmi celles qui cxpofenc
lès Métamorphofes, on remarque
une Danaé , & une autre pierre, où
Jupiter, fous la forme d'un Tau-
reau avec un vifage d'homme , en-
ES SÇAVANS,
levé Europe. Ces deux fujets foriT
d'une grande rareté.
On met encore de ce nombre les
figures i , 2 & 3 de la planche 55.
Elles paroifTcnt avoir été gravées
en l'honneur de Sérapis par des per-
fonnes qui croyoient en avoir reçu
quelques grâces particulières. Il y
en a une qui reprefente la tête de
Sérapis pofée fur un pied humain.
Ces pierres votives étoient en ufagc
parmi les anciens. On fçait d'ail-
leurs que lorfqu'ils s'imaginoienc
avoir été guéris par le fccours de
quelque Divinité , ils confacroienc
dans fon Temple , en or , en ar-
gent ou dans quclqu'autre métail,
la figure de la partie qui a voit été
malade , c'cfl: ce que M. Gori prou-
ve par plufieurs exemples.
On a fait entrer dans la dernière
planche de l'Ouvrage les pierres
qui reprcfentent les mariages faits
en fe donnant réciproquement les
mains. Il eût peut-être été conve-
nable de leur donner une autre
place, mais on a cru qu'elles pou-
voient venir à la fuite des Divini-
tez qui préfidoient aux Noces,
L'Auteur déclare en finiflant qu'il
fera toujours prêta profiter des avis
que les Sçavans lui donneront avec
bonté fur les fautes qui lui feront
échappées dans une matière qui en
eft naturellement très-fufceptible ,
& que fes occupations ne lui ont
pas permis de traiter avec toute
l'attention & le foin ncceffairc.
On nous promet de travailler
fins relâche aux neuf autres Volu-
mes. Dans le fécond dont on alTurc
que les planche» fon: déjà gravées ,
aufllbien.
J U 1 L L
suffi bien que celles du troifiéme ,
on verra encore des pierres gra-
vées. D'abord celles où l'on trouve
le nom du Graveur ou quelque inf-
cription grecque ou Latine; enfui-
te les pierres qui peuvent fervir a
faire connoître les ufages , l'Hiftoi-
re , la Religion , & la Mythologie
ancienne.
Le troifiéme contiendra les Sta-
tues des DiviniteZ ou des Hommes
Uluftres , elles font pour la plupart
de la dernière beauté , deiTmées par
l'illullre Peintre Jean-Dominique
Campiglia , &i gravées par les meil-
leurs Maîtres.
On rafTemblera dans le quatriè-
me Volume les buftes des Empe-
reurs , des Impératrices Romaines,
& des Hommes Uluftres ^ qui n'a-
voient point encore paru.
On donnera dans le cinquième
toutes les Statues de bronze qui
reprefenteRt des Divinitez , avec
leurs difTerens fimboles , 5c plu-
iîeurs antiques dans ce genre.
Les 6 , 7 & 8' Volumes feront
confacrés aux Médailles choifies
qu'on n'avoit point encore vues.
Elles feront principalement tirées
du Cabinet du Grand Duc , & fe-
ront imprimées par fuite , & fui^
vant les différentes grandeurs.
ET, 175 5. 385
Enfin dans le neuvième on pla-
cera les portraits des fameux Pein-
tres , faits par eux-mêmes , & defîî-
nés avec beaucoup d'exaditude pat
Jean-Dominique Feretti Florentin.
Au refte , on avertit le public que
tous ces Volumes feront indépen-
dans les uns des autres , ainfi cha-
cun pourra les acheter tous enfem-
ble ou féparément, félon fon goût.
Ils feront compofcs de cent plan-
ches , Se même davantage, gravées,
dit-oUj avec tout le foin que mérite
un Ouvrage que les Editeurs n'en-
treprennent que pour augmenter la
gloire de leur Patrie , & que pour
l'avantage des Sçavans. Aulîl l'otî
ne peut s'empêcher de dire qu'on
n'a rien épargné dans ce premier
Volume de tout ce qui peut rendre
une Edition également utile 8c
agréable, la beauté du papier, la
netteté des caraderes ^ l'élégance
& la vérité des gravures, le choix
des vignettes, des lettres gnCes,&c.
tout y annonce le bon goût des
Editeurs , & nous ne doutons pas
que les juftes éloges qu'ils en rece-
vront ne les animent à continuer ce
grand delTein avec autant de zéleôc
decorredion qu'ils l'ont commen-
cé.
JmlleL
Sce
384 JOURNAL DES SÇAVANS,
QUyESTlO MEDICA , CARDIN ALITIIS DISPUTATIONÎBUS,
manè difcuticnda , in Scholis Mcciicorum , die Jovis decimà nonâ
Fcbruarii , 1753. M. David VafTe , Doclore-Mcdico Prilîde.
An CONVIVIA SANITATl CONFERANT?
.C*eft-à dire : Qucfiioif ou Thê/i de Médecine , agitie dam les Ecoles de
Médecine de Paris ^ le Jeudi dix - neuvième de Février 1753.
Si les repas en compagnie font utiles à la fantê ?
A Paris , chez Quillau , Imprimeur de l'Univcrfité de Paris & de la.
Faculté de Médecine en la même Univerûté. 173 3. vol. ;h-4°. pp. 4.
CETTE Théfe a été foûtenuc
aux Ecoles de Médecine de
Paris le premier Jeudi du Carême.
On la commence par demander , fi
hoire & manger en compagnie eji une
chofe utile a la famé ? Si on la ter-
mine par répondre c^Mt <^eft une fa-
Intaire pratiijue.
Cinq articles conduifent l'An-
teur à cette dccifion : il définit
d'aboxd dans le premier , ce qu'il
faut entendre , Iclon lui , par le
mot latin cenvivium : c'eft , dit-il ,
une ajfemblée de perfonnes qui man-
gem enfemble autour dune même îa-
ble. Convivlum efl conviElomm cmas
in circuitu menft ejufÀem loci.
L'Auteur appelle ces fortes de
repas le doux lien de la Société. Il
remarque que quand on en fçait
faire ufage, ils procurent du plaifir,
ic que le plaiiir , quand il eft réglé
par la fageffe , contribue à la fmtéi
mais que lorfque l'excès s'y intro-
duit , la fanté en fouffre , bien loin
d'en tirer avantage. Il veut , pour
cette raifon , que l'on banifle abfo-
lumcnt ces repas , où il femble
qu'on envie aux Payens leurs Bac-
chanales & leurs Saturnales.
Il divife en pluUcuis daÛes les
repas dont il s'agit, fçavoir: le»
ordinaires , où l'on ne fert que des
viandes d'un prix modique ; les
extraordinaires où l'on n'en fert que
d'un grand prix & avec un grand
appareil ; les communs , c'eft-à-dire
ceux où s'affcmblent en commun
plu£eurs familles; les particuliers ou
domelHques, c'cft-àdirequi fe&nt
à part dans chaque famille peur la
nourriture journalière de la famille.
U décrit ceux ci : Il dit qu'ils ont
cela de commode que chacun y
boit S< mange comme il l'entend.
Il y reprefcnte d'un côté le maître
de la maifon , beuvant du vin à
fon aife & à difcrction , &: de l'au-
tre la femme qui le plus fouvent oc
boit que de î'eau pure. L'enfant
qui eft au bout de la table , 3c qui
mange de la bouillie ou tette Ti
nourrice , tandis que foa père Si.ii
mère mangent , termine le tableau.
L'Auteur ne borne pas à cela ia
divifion. Il reconnoît encore d'au-
tres fortes de repas qui fe prennent
cfi compagnie. U y en a , dit-il , de
Religieux ou Légaux comme chez,
les Juifs , la manducation de l'A-
gneau Pafchal -, & chez les premiers
Cfaiétiens , les jigafes , ainlî ap-
J U I L L
peliés parce qu'ils fer voient à entre-
tenu l'union &c la charité ; il y a
les repas de Noces , & ceux qui fe
font à la mort des parens; il y a des
repas fortuits ëc foudains , tels que
ceux qui fe font pour recevoir des
perfonnes qu'on n'attendoit pas; il
met de ce nombre celui de Mclchi-
fedech qui offrit du pain &: du vin
à Abraham , & celui qu'Abraham
& Loth firent aux Anges qu'ils re-
çurent chez eux ; il compte encore
d'autres fortes de repas dont nous
paflTons le détail ; nous obfervcrons
feulement qu'il finit par ceux
<|u'on a coutume de faire à la Saint
Martin, aux Rois, & en Carnaval,
il les appelle des repas de Tolérant,
i caufe des abus qui les accompa-
gnent ordinairement.
L'Auteur expofe dans le fécond
article , les effets afantageux que
produifent , par rapport à la fanté ,
les repas d'invitation. Il établit d'a-
bord trois proprietez de ces fortes
de repas , les unes animales , les au-
tres morales , & les autres naturelles
ou phyfijues. Par les premières il
entend celles qui font du bien au
corps;par les fécondes celles qui en
font à l'efprit , & par les troifiémcs
celles qui en font à l'un & à l'autre,
c'eft-à-dire , comme il J'explique,
àl'horame tout entier.
L'homme eft un animal né pour
la focieté , il fe conduit par l'exem-
ple , & ce qu'il voit faire il l'imite.
Quelqu'un mange-t-il , il veut en
faire autant , éc l'eau lui en vient
aufli-tôt à la bouche ; cette eaaeft
h falive , cette falive , remarque
noue Autcai, dillbutles alimcns.
E T ; 17? j. 5%
&c cette diiTolution les rendant phis
favoureux, excite l'apperit ; i'ap-
petit excité fait qu'an prend plaifit
à manger , & qu'on broyc mieux
entre les dents ce qu'on mange ; la
converfition outre cela , & le rire-
qui accompagnent ordinairement
les repas où l'on eft plufieurs à ta-
ble, fait que l'on retient plus long-
tems l'aliment dans la bouche, ce
qui eft caufe que la falive le pénétre
davantage , éc qu'il fe diflbut pat
confequent beaucoup mieux dans
la bouche , qui eft le lieu où f<f
commence le grand ouvrage delà-
dig^ftion. L'aliment ainfi humeéfé,-
broyé & diftbut , gagne plus aifé-
ment le gofier , & de-là fc glilTc
avec plus de douceur dans l'efto-
mac, d'où ilrcfulte que la dige-
ftion eft plus entière , & par une
fuite neceftaire , que le fang eft
mieux travaillé; que les efprits ani-
maux font plus libres & plus abon-
dans ; que les fucs nourriciers font
plus doux; que la circulation & la
diftribution des liquides s'exécute
d'une manière plus complette; que
le cœur qui eft le théâtre de la joye- .
fe dilate ; que la nutrition fe fait'
plus facilement ; qu'en un moc^
toutes les fontTrion s du corps conf-
pirent comme à renvi,au bien de la
fanté.
Le troifiéme article concerne les
avantages que valent à l'efprit les
repas de focieté ; eft-on trille , dit
l'Auteur , il n'cft rien de tel pour
chafter le chagrin, que d'être à table'
avec plufieurs convives ; la feule
vue de ceux qui mangent , qui boi-
vent, qui chantent , infpire, dic-ii^ »
E c e ij
3^6 JOU RNAL D
1.1 bonne hunT^ur ; les fantcz qu'on
fc porte Ic^ uni aux autres , les pro-
pos agréables qui fe tiennent , les
oifputcs même qui s'élèvent quel-
quefois fur des points defciencc&
de BcUcs-Lcttrcs , tout cela réveille
r.ime &c la rappelle des fombres
idées où elle pourroit être plongée ;
ajoutez à ces biens , l'union que ces
fortes de repas mettent ou entre-
tiennent parmi les Citoyens , les
amis , les parens , les voilîns , fans
parler des racommodemens qu'ils
opèrent fouvent entre les perfon-
nes les plus brouillées •, mais ce
qu'il y a d'agréable parmi les con-
vives , dit notre Auteur , c'eft que
l'un propofe une queftion , l'autre
la refout •■, h l'un eft attaqué d'une
mélancholic qui l'empêche de
manger , l'autre lui prefcnte d'un
mets qui lui rappelle l'appétit ■■, s'il
ne peut boire , on lui offre une
goûte d'excellent vin qui lui rs-
joliit le cœur.
Tous ces avantages font recon-
nus Se perfonne fins doute ne con-
tredira 1.1 dcflus l'Auteur. Il finit
l'article en difant que les repas dont
il s'agit font autant d'Académies
des beaux Arts , & que cela eft fi
confiant qu'il n'y a nulle différence
entre foûtenir le contraire & men-
tir : Talia conviv'ut boTiarum artium
^cademiam negare & memm^ idem.
Notre Auteur , comme nous l'a-
vons vu, a divifé en trois genres les
avantages qui fc retirent des repas
-de focieté : fçavoir ceux qui regar-
dent le corps , ceux qui regardent
l'efprit , & ceux qui regardent
îhomme tout entier •. il a parlé juf-
ES SÇAVANS,
qu'ici des deux premiers , il s'agir
à prefent des derniers , 6c c'cit ce
qui fait la matière du quatrième ar-
ticle : ce qu'il dit fur ce fujet fe ré-
duit à ceci : fçavoir qu'il y a une
telle connexion entre l'ame & le
corps , qu'une chofe ne fcauroit
faire du bien à l'un qu'elle n'en faffe
à l'autre , & qu'ainfî quand d'un
côté on demeure d'accord que les
repas en compagnie font du bien
au corps , il s'enfuit qu'on doit
avoiier qu'ils en font. i l'efprit , &
que lorfque d'un autre côté on de-
meure d'accord qu'ils en font à
l'efprit , il s'enfuit qu'on doit con-
venir aulTi qu'ils en font au corps.
Or l'homme étant eompofé d'amc
& de corps , il refulte que boire &
manger en compagnie tait du bien
à l'homme tout entier , puifqu'il
procure la famé de l'efprit & celle
du corps.
Cen'efi: pastout : notre Auteur
trouve que les repas en compagnie
font faire de l'exercice ; or on içaic
que l'exercice ne contribue pas peu
à la fantéi mais quel cftdonc cet
exercice qu'on fait à table , lorf-
qu'on eftplufieurs convives cnlem-
ble? L'Auteur, demandera-t-on ,
entend-il parler ici de celui qui con-
fifte dans l'adtion des dents l Non,
c'eft i'. de celui qui confifte dans
le mouvement qu'il faut faire des
mains , foit pour recevoir les vian-
des qu'on vous prefente , foit pour
en prefentcr vous-même aux au-
tres. z°. De celui qui fe fait quel-
quefois avant que de fe mettre à ta-
ble , & après en être forti : notre
Auteur ne fpccifie pas quel eft cet
J U I L L
«rercice ] mais il dit qu'il y a des
Tepas qu'on interrompt tout exprès
pour l'exercice dont il s'ac;it.
Le cinquième article ell: une ré-
ponfe à cette cbjetlion : Qiie les-
repas en compagnie donnent fou-
vent occafion à des dcfordrcs , &
qu'ainfî il taudroit bannir abfolu-
ment ces fortes de repas. La répon-
fe de l'Auteur eft i ".qu'il n'y a rien
où le mal ne fe glilTe , & que s'il
falloit interdire tout ce qui donne
occalîon à des abus , il n'y a prcf-
qiie rien de légitime en foi qu'il ne
fallût profcrire. i". Que fi l'on
compare le bien qui arrive de ces
fortes de repas ^ avec le mal auquel
en prétend qu'ils donnent quel-
quefois occafion , l'on verra que le
bien l^emportc beaucoup fur le
maL L'Auteur dit à ce fujet que
des perfonnes de pieté , mais dent le
zèle n'étoit pas félon lafcience ^ ayant
voulu faire abolir les repas que
Meilleurs de Théologie ont coùtu-
E T , 1755. 587
me de donner quand ils prennent
le bonnet de Licence , le Parle-
mcrnc intervint & rendit un Arrêt
pour conferver cette loiiable cou-
tume. Notre Auteur trouve juf-
ques dans les collations du Carême,
de quoi autorifer les repas qu'il ap-
pelle ici du nom de convivia : Les
collations , remarque-t-il , ne font
ainfi nommées que parce qu'elles
font fuppofées fe faire entre plu-
fieurs perfonnes qui confèrent cn-
femble. Voilà donc, félon notre
Auteur , les repas en compagnie
autorifcs par l'Eglife même , &c
dans un tems même de pénitence ,
pourvu toutefois qu'ils foient fo-
bres &: réglés , car il met cette
condition. La conclufion qu'il
tire de ces cinq articles , 5c qui eft
très - fage , c'eft que les repas en
compagnie entretiennent l'union ,
l'amitié , la concorde , la paix , &:
procurent outre cela une joye où
ion ne peut puifer que delafànté.
TRAITE" DE LA MAIN- MORTE ET DES RETRAITS.
Par AI. F. J. Dunod , ancien Avocat an Parlement & ProfejfcHrRoy.il m
VVniverptê de Befançon. A Dijon , chez de Fay , & fe vendent à Befan-
€on, chez Nicolas Marchand, Libraire , en la grande rue. 1733. /w-4°.
pp. 234. pour le Traité de la Main-Morte , pp. 6j. pour le Traité des
Retraits.
PLUSIEURS de nos Cou-
tumes parlent de cette efpece
de fervitude que l'on appelle
Main-Morre, qui eft un Droit .Sei-
gneurial. Mais comme ce Droit a
été aboli dans la plupart des Pro-
vinces du Royaume , même dans
pluficurs Coutumes qui contien-
aem quelques DifpofitJons fur ce
fujer , aucun de nos Jurifconfultes
François n'avoit travaillé fur cette
matière avec l'étendue que demaiv
de une matière fi importante. Elle
paroifToit en quelque manière ré-
lervée à urvjurifconfulte de la Fran-
che-Comté , parce que la plupart
des perfonnes & des biens de k
Campagne y font de conditioa-
j8& JOURNAL D
Main-mortable , que la Coutume
de Province a un titre particulier
des Mains-Mortes qui contient i8
articles , & que l'on y voit tous les
jours naître des contcftations entre
les gens de Main-Morte & les Sei-
gneurs.
M. Dunod , qui eft déjà connu
par Ion Traité des Prcfcriptions, a
entrepris cet Ouvrage fi ncceflaire
pour la Franche-Comté & pour les
Provinces voiimcs , comme celle
du Duché de Bourgogne : il s'atta-
che à expliquer les difpofi rions de
la Coutume du Duché de Bourgo-
gne au fujet des Mains Mortes,
2°. A faire connqjtre la Jurifpru-
dence du Parlement de Bezançon ,
où l'on juge fouvent des procès fur
cette matière. Il y joint lesdécifions
du Droit Romain fur les fervirude*
des perfonnes & fur leurs aîïran-
fihiflemens, & celles des Coutumes
du Royaume , où l'on trouve quel-
ques articles fur cette Servitude.
Cet Ouvrage eft divifé en Cha-
pitres , où l'Auteur. tjaite de l'ori-
gine delà Main-Morte, des diffé-
rentes manières dont un homme
devient main - mortable , de la
communion ou communauté des
Main - mortabies , de la fuccefllon
des Main-mortables entre eux ôc
des cas dans Içfquels le Seigneur
leur fuccede , de l'Aliénation & de
l'Hypoiéquc des biens de Main-
Morte. Î^Ious allons jjpporter quel-
ques traits par lefquels on pourra,
juger de l'Ouyrage entiçr^
La Main - Moite eft , fclon la
defcription qu'en donne notre Au-
tejij: , une fçrviïudç <jui ^Stâc les,
ES SÇAVANS;
perfonnes & les biens , & dont la
effets font differensfuivans les dif-
férentes Coutumes des Pays où eU
les fublîftcnt , ou fuivant qu'elle a
été conftituée par les conventions
faites entre les Seigneurs & les
Main-mortables. C'eft un efclava-
ge modifié , & M. Dunod prétend
que lesMain mortabies font les fuc-
cefleurs desScrfs fi communs dans
l'Empire Romain. Ses raifons font
1'. Que la Main- Morte a commcor
cé dans le tems qu'on a vu difpa-
roître l'efclavage : z". Q_ue la Main-
Morte a été aufll commune que
l'efclavage : 3°. Que les Main-mor>-
tables font occupés à la campagne ,
aux travaux , dont on cbargeoit
les efdaves , dont on a fait des
Main-mortables : 4°. Que les droits
qu'ont lesSeigncurs fur les hommes
de Main morte , font à peu près les
mêmes que ceux que les Patrons
avoient fur leurs Serfs & fur leurs
affranchis. Notre Auteur conclut
de là que les Loix Romaines qui
traitent dfrs fcrvitudes Se des affran-
chiffemens , font la plupart appli-
cables à la Main-morte. Il ne croit
pas néanmoins qu'on doive regar-
der la. Main-morte comme aufli
odieufe que l'ctoit la fervitude chez
les Romains , parce que le Seigneur
a déjà fait une grande faveur à fess
Main-mortables en changeant lai
Servitude en Main - morte, &quc
les Loix de la Main - morte ten-
, dmt à conferver les biens dans
les familles des Main - morta-
bies. D'où vient que les Payfans
des lieux Main-roortables font plus,
, à leur aiie dans le Coaicc de Bour-
J U I L L
gogne que cenx qui habitent les
franchifes.
On clc vient mai n-mortable parla
naiflance , par une convention ex-
prelfe, ou par une convention taci-
te. Une des queftions des plus im-
portantes au fujet de h Mainmorte
qui vient de la nailTance eft de fça-
voir comment doit s'entendre l'ar-
ticle 10^ de la Coutume du Comté
de Bourgogne qui dit i^Wen lieu &
condition de A4ainmorte l'enfant fuit
ta condition du père. Dans le Duché
de Bourgogne , dont la Coutume
cootient unefcmblable difpofition,
on juge que l'enfant né d'un Main-
mortable , mais dans un lieu de
franchife , cil franc , parce que la
Coutume femble exiger pour qu'u-
ne perfonne foit Main - m or table
par nailfance , qu'elle foit née d'un
Main-mortabie & en lieu de Main-
morte. On juge au contraire dans
le Comté de Bourgogne qu'en
quelque lieu que foit né l'enfant
d'un homme de Main-morte , il eft
Main-mortable ; on croit qu'il n'eft
pas fait mention dans cet article du
lieu de la Main-moite pour en faire
«ne condition fans laquelle il n'y
ait pas de lieu à la Main - morte ,
lo^is pour marquer l'endroit où
naiflent ordinairement les enf3ns
des Main-mortabks. Audi voit-on
miç d'autres articles de la Coûtu-
me difent que la condition de
l'homme de Main-morte paffe à fa
pofterité indiftanaement , & qu'il
oe prffcxit jamais la liberté en quel-
que lieu qu'il aille demeurei j jG U
Coutume , dit notre Auteur , a été
ilaprefciijpÙQH &C iUfoswdeU
ET, 175 5- 38p
Seigneurie , la force d'opérer la
franchife , il n'eft pas probable
qu'elle l'ait voulu lailTer à la feu-
le naillanc^ dans v.n Iku franc.
Les perfonnes Main - mortabks
ne peuvent difpofer de leur bien
qu'en faveur de leurs parens qui
font en communion avec elles, &
fi elles n'ont pas difpofé de cette
manière , il n'y a que leurs commu-
niers qui leur fuccedent , & au dé-
faut de communiers , leur fuccef-
fion appartient au Seigneur par
droit d'échûte Main - mortablc»
Notre Auteur explique à cette oc-
cafion en quoi conùfte la commu-
nion des Main - mortabks , com-
ment elle fe dilTout , de quelle ma-
nière elle peut le rétablir après la
diflolurion. Ce qui lui donne lien
de difcuter plufieurs queftions.
Nous ne nous arrêterons qu'à une
feiik au fujet du repret.
On appelle yepret dansla Comté
de Bourgogne l'ade de fait ou de
paroles par lequel la fille mariée
témoigne qu'elle veut conferver U
communion avec fon père. Le repret
fe peut opérer de fait fuivant l'ar-
ticle S du titre des Main-mortes de
la Coutume du Comté de Bourgo-
gne , quand la fille jcetourne gefirla
première nuit defes noces enfin meix
& héritage. On demande fi cet arti-
cle doit fe prendre à la kttre : no-
tre Auteur répond que dans ces
fortes d'affaires le Pailement de
Franche-Comté a toujours eu plun
d égard à l'intention qu'à la maniè-
re de la marquer. Uhc fille ayajjt çsk
diner chez ion père k jour de ki
«ôces ^ ^ couches cbezibii«giari ^
55)o JOURNAL D
mourut laifTant des cnfnns , les frè-
res de la mère de ces entans leur
<lifpuccrenc le droit de fucceder à
leur ayeul , parce que leur mcre n'a-
voit pas couché chez lui le jour de
fes nôccs ; il fut |U!^é tout d'une
voix le dix-feptO(Slobrc de l'année
1600. qu'en dinant chez fon pcre ,
elle avoir fatisfait à ce qu'exige la
Coutume pour conferver la com-
munion. L'Auteur cite un fécond
Arrêt rendu a peu près en pareille
cfpece au mois de Juillet 1^08.
comme la Coutume admet le tc-
pret par des faits , la preuve tefti-
moniale en doit être admife. Car
<e n'eft que pour les conventions
que la preuve tcftimoniale cft rejet-
tée quand la fommc cft au-dclTus de
cent livres.
Nous palTcrons par - deffus les
deux Chapitres qui regardent les
fucceffions teftamentaircs &c ab in-
teftat des Main - mortables , pour
rapporter deux exemples du dernier
Chapitre au fujet de rafiranchifTc-
mentde la Main-morte.
L'article 7 de la Coutume du
Comté de Bourgogne fuppofc que
le Sacerdoce n'affranchit pas le
Main-mortable , mais l'Epifcopat
affranchit-il , comme il aftranchif-
foitdu temsde Jurtinien?M Dunod
foiîtient la négative,Ôiil fc fonde fur
ce que les Seigneurs en fouffriroicnt.
Dès que les a^nsde main-morte font
Gonftitues en quelque dignité qui
ne leur permet pas de remplir par
eux - mêmes , les tondions de la
Main-morte , ils peuvent y fatis-
faire par un tiers ; le droit des Sei-
gneurs à l'égard des Sujets Main-
ES SÇAVANS.
ïTiortablcs qui font élevés en dignî-
té eft de leur fucceder quand ils dé-
cèdent fans communiers , & il n'y
auroit pas d.- jultice de priver les
Seigneurs de ce droit , fur - tout
quand on obferve que la Coutume
donne au Seigneur l'échûtc des
Prêtres ou Clercs de quelque état
qu'ils foicnt , ce qui comprend les
Evêques , comme les fimplcs Prê-
tres.
Cependant notre Auteur croit
^ae s'il plaifoit au Roi d'annoblit
un Main-mortable , il feroit affran-
chi fans le confentemcnt du Sei-
gneur , parce que l'intention du
Roi qui annoblir une perfonne eft
de lever tout ce qui pourroit faire
obftacle à rannoblilTement , & que
lien n'eft plus oppofé à la Nobleffe
que la Main-morte , parce que c'cft
l'état le plus bas de la roture. 11 cite
un Arrêt du Parlement du Duché
de Bourgogne qui l'a jugé de la
forte le 17 Mars i66'j. refervant au
Seigneur à fe faire dédommager
par l'annobli du préjudice que caa-
fe la Nobleffe qui lui a été accordée.
M. Dunod avoiie que M. Talbert
eft d'un avis contraire , & que la
grâce qu'il plaît au Roi de lui ac-
corder ne donne pas d'atteinte au
droit d'un tiers.
Le Seigneur doit être privé de
fon droit , quand il en abufe pour
commettre des excès contre fon
Sujet. La Coiàtume de Bourgogne
veut qu'en ce cas le Main-mortable
relâche au Seigneur le tiers de fes
meubles. Mais M. Dunod dit ,
qu'il fe peut trouver des vexations
fi atroces , que cette peine ne feroit
pas
J U I L L E
pas fuffifante , &c il décide qu'en
ce cas le Main mortablc peut être
affranchi , fans abandonner au Sei-
gneur aucune partie de fes meubles.
T, I 7 5 5- 3Pr
Nous rendrons compte dans un
autre Journal du Traité Lignages-
Féodal & en Cenfive.
TRAITE' DV SVBLIME, A M. DESPREAV X , &c.
Par M. Silvain Avocat en Parlement. A Paris , chez Pierre Prattlt ,
Quai de Gêvres , au Paradis. i732.voL<«-i2. pp. J30.
NOUS avons parlé de la pre-
mière Partie de ceTraité dans
le Journal de Mars dernier. Il
nous refte à parler de la féconde Sc
de la troifiéme -, la féconde concer-
ne la différence que l'Auteur met
entre le Sublime du Difcours , &
plufieurs chofes dans lefquelles il
prétend qu'on le fait confifter mal
à propos. La troifiéme regarde
quelques méprifes que M. Silvain
attribue à Longin , après quoi no-
tre Auteur parle du ftyle du Subli-
me , de la queftion s'il y a un art
du Sublime , & des raifons , pour-
quoi le Sublime eft fi rare. Voici
pour ce qui concerne la féconde
Partie.
M. Silvain s'y propofe d'abord
de montrer que le Grand & le Su-
blime font differens ; & pour ren-
dre la chofe fenfible , il a recours ,
dans un Chapitre exprès , à des
exemples qui femblent mettre la
chofe comme fous les yeux : il en
cite un grand nombre. Nous en
cboifirons quelques-uns après avoii
rapporté une reflexion qu'il tait à la
fin du Chapitre , fçavoir, que la
différence du Grand & du Sublime
cft une chofe de fentiment &: qu'il
n'y a que ceux qui l'ont jufte & dé-
licat qui 1» puiffcnt appcrcevoir. U
établit cependant un principe qu'il
prétend pouvoir tenir ici lieu de
règle : ce principe qu'il a déjà mis
en œuvre au commcncemeut de la
première Partie , Se qu'on ne fçau-
roit , félon lui , trop repeter , eft
que : m Tout difcours qui élevé
«•l'amc avec admiration au-deffiis
» de fes idées ordinaires de gran-
» deur & qui lui donne une haute
M opinion d'elle-même , eft fubli-
» me i « & que tout difcours au
contraire qui manque de ces qua-
litez n'eft point Sublime quand il
auroit d'ailleurs de la nobleffe i cela
pofé , venons aux exemples :
Augufte délibère avec Cinna &
avec Maxime , s'il doit quitter
l'Empire ou le garder ; Cinna h»
confeillc ce dernier parti , mais
Maxime qui eft d'un autre avis ,
parle ainfi à Augufte :
Rome eft à vous , Seigneur, l'Empire
eli votre bien,
Chacun en liberté peut diipofer du fîcn ,
II le peut à fon choix , quitter ou s'en dé-
faire.
Vous feu! ne pourriez pas ce que peut le
Tulgaire î
Et feriez devenu , pour avoir tout douip«
Fff
3P2 JOURNAL DES SÇAVANS;
Efçlave.-dcs Grandeurs, où^Yplis ocriez
monté? , ,- -r
Pofledez-les, Seigneur, fans qu'elles vous
poffedent ;
I,oiade yous captiver , foufftcz qu'elles
^,.\'ouç ccdentj
Et faites hAltciiient connoitre enfin à
tous.
Que tout ce qu'elles ont eft au-deflbus de
vous.
Votre Rome autrefois vous donna la
:>! "^ fiiaiirance ,
ypusiw_voulez donner votre Êoute puir-
■'•" t 'fance,
£t Ci«?na vous impute à crime capital
La libéralité vers le pays natal.
II appelle remords l'amour de la patrie.
Par la haute vertu la gloire eft donc flé-
trie ,
Et ce n'cft qu'un objet digne de nos mé-
pris
Si de fes pleins effets l'infamie ell le prix ,
Je veux bien avouer qu'une adion fî
belle
Donne à Rome bien plus que vous ne
tenez d'elle.
Mais commet-on un crime indigne de
pardon ,
Quand la reconnoiflance eft au - deffus
.du Don?
Suivez, fuivez , SeigneUr, le ciel qui
yousinfpitc,
yotreg^flirc redouble à mépïifer l'Empi-
Et Tous,ferçz femeux chez la polleritc,
Moins pour l'aveir acquis que pour l'a-
voir quitte.
Le bonheur peut conduire à la grandeut
luprcmc }
Mais pour y renoncer il faut la vertu mê-
me.
Et peu de généreux vont jufqu'à dédai-
gner ,
Apres un Sceptre acquis , la douceur de
régner.
M. Silvain trouve que ce Dif-
cours a quelque chofe de grand , il
y voit une éloquence admirable ,
digne d'Augufte &: de Corneille ,
mais il n'y appcrçoit point de Su-
blime. Les fcntimens nobles qu'il y
rccônnoît ne font , fclon lui , que
des reflexions de l'efprit , & non
des mouvemens adlucls du cœuï
de celui qui parle.
Maxime ayant témoigné de l'a-
mour à Emilie, mais craignant la
mort, Emilie lui parle en ces ter-
mes :
Quoi tu m'ofes aimer , & tu n'ofcs
mourir ?
Tu prétends un peu trop ; mais quoique
tu prétendes ,
Rends-toi digne du moins de ce que tu
demandes.
CefTe de fuit en lâche un glorieux trépas.
Ou de m'offirir un cœur que tu fais voir
fi bas.
Fais que je porte envie à la vertu parfaite,
Ne te pouvant aimer , fais que je te re-
grette ,
Montre d'un vrai Romain la dernière
vigueur ,
Et mérite mes pleiir$ au tiefàut de moa
coeur.
Ce vers :
Quoi tu m'ofes aimer j & tu n'ofesinou;
orî
J U I L L
«aroît Sublime & très - Sublime à
notre Auteur. Mais il prétend que
les autres, quoique très-beaux n'ont
que du grand , & poiiît de Subli-
me.
Dans Corneille , la Reine Viriate
parle à Sertorius qui refufoit de 1 e-
■poufer , parce qu'il s'en croyoit
indigne ; & fur ce qu'il difoir qu'il
ne vouloit que le titre de créature
de la Reine -, elle lui répond :
Si vous prenez ce titre , agiflez moins
en maître ,
Ou m'apprenez du moins , Seigneur, par
quelle loi
Vous n'ofez m'accepter , & difpofer de
moi:
'Accordez le refpeft que mon Trône vous
donne
Avec cet attentat fur ma propre perfoti-
ne.
Voit toute mon eftime & n'en pas mieux
ufer.
C'en eft un qu'aucun art ne fcauroit dé-
guifer.
Tout cela n'eft que beau & no-
ble , félon M. Silvaia, mais il
trouve Sublimes les vers fuivans
que la Reine ajoiite :
Puifque vous le voulez , foyez ma aéa-
ture,
Et me laifTant en Reine ordonner de vos
vœux ,
Portez-les jufqu'à moi, parce que je le
veux.
Cela eft fi Sublime , dit M. Sil-
vain , cela élevé l'ame li haut , £c
4vec un tel ravilTcment , que les au-
ET; 17 5 ^- 35,j
très vers, toutgifands qu'ils font ,
paroiiïcnc foibles en çomparaifon
de ces derniers , de forte que le
grand difparoît à la vue du Subli-
me, comme ks Aftre? difparqilTedt
à la vûë du Soleil.
Notre Auteur fait voir enfuitc
que la pcrfedion du Difcours & le
Sublime font fore d.ifferens , la
Bruyère femble avoir cru qu'un
Ouvrage étoit Sublime dès qu'il
étoit parfait dans fon efpecc , mais
M. Silvain fait voir que c'eft là une
grande erreur. Les Odîces de Cicc-
ron , par exemple , .&; quelques au-
tres de fes Traitez de Philofophiei ,
.fes Lettres à Atticus , plyjkurs de
fes Lettres Familières , plufieurs de
celles d<? M. de BuOî , & une partie
de fes Mémoires j les Commentai-
res de Céfar , les ^Mémoires de
Commines & ceux de Bafloippier-
re -, les Satyres & les Epîtrcs d -Ho-
race , celles de M. Dcfprcaux ,
principalement la huitième Epîtrc
Se la neuvième Satyre ; les Eglo-
gues de Théocrite &: de Virgile ; la
plupart des Odes d'Anacréori; cqj-
<taines Epîtres de Marot , & quel-
ques Idiles de Madame des Houlie-
res ; tout .cela , comme l'obfervc
M. Silvain , font des Ouvrages par-
faits , mais dans lefquels cependant
il n'y a point de Sublime ,;ni mqtpe
-de grand , à proprement parler ,
quoiqu'il y ait par-tout un air fort
noble.
M. Silvain avoiic qu'il peut y
avoir des traits Sublimes dans quel-
ques-uns de CCS Ouvrages , mais il
foiàtient qu'il peut n'y -en avoir p^s,
fans qu'ils cclfent pour cela d'eqre
F ffi|
^p^ JOURNAL D
accomplis dans leur genre , & il
fait fur cela une remarque à laquel-
le tous les gens de bon goût fouf-
criront fans doute , c'eft que le Su-
blime cft une qualité à part qui
n'eft ncccffaire à aucun difcours j
mais qui lui donne une beauré parti-
culière quand elle s'y trouve ;
Qu'il y a même des Ouvrages dont
la pcrfedion conlîrte à n'avoir rien
d'élevé ; Qii'une Lettre galante ,
qui avec de la politeffe & des
loiianges délicates a un air de finef-
fe &c d'agrément , eft une chofc par-
faite -, Que fi on y mcttoit dit Su-
blime 8i des traits tort élevés ongâ-
teroit tour •, Que les petits billets ,
les Lettres Familières , les Odes ga-
lantes comme celle d'Horace à Ba-
rine , qui paroît le plus charmant
Ouvrage de l'Antiquité en ce gen-
re , la Satyre , les Eglogues & la
Comédie font de cette efpece ;
Qu'à la vérité on dit que quelque-
fois la Comédie élevé ta voix. Mais
qu'outre que ce n'eft que pour ex-
primer le chagrin d'un père contre
fon fils , ou pour de femblablcs fu-
jets , il faut dans ces endroits
mêmes , garder le caradrere de k
Comédie ■■, fans quoi , pour peu
qu'on s'écarte de l'air fimple & fa-
milier de la converfation , on fe
rend ridicule. Qii'ainfi ces fortes
d'Ouvrages pour être parfaits ex-
cluant neceflairement le Sublime j
il eft clair que le Sublime & la pex-
fedlion font chofes différentes.
Notre Auteur ne montre pas
d'une manière moins fenfiblc , la
différence qu'il y a entre les raifon-
nemens de convidion & le Subli-
ES SÇAVANS,
me , c'eft-à dire , ces raifonnemens
vifs & prcffans qui forcent ks plu-s
opiniâtres à fe rendre , tels par
exemple que ce raifonncment de
M. Pafcal aux Athées ; s'il n'y a
point de Dieu ^ cjite perde\-vous à le
croire , & s'il y en a un & cjue V9iis
ne le croyez, pas , n'êtes-vons pas per-
dus ? Ou cet autre raifonnemcnt
d'Antipatcr , fur le fu)ct de Parme-
nion qu'Alexandre avoir fait mou-
rir : Si Parmenion ejl coupable , a cjui
les Princes fe fieront-ils ? Et s'il efl
innocent , k cjnel Prince fe fiera ton\
M. Silvain prétend que les per-
fonnes fînceres avoueront que as
deux raifonnemens n'ont poiiu fait
fur eux l'effet du Sublime , & qu'ils
trouveront qu'il en eft de même de
tous les autres raifonnemens quel-
que force qu'ils puiffent avoir. Pour
le faire fentir davantage il rapporte
des raifonnemens plus étendus ,
tirés de divers Auteurs tant anciens
que modernes , & après avoir fait
làdeftus fes reflexions , il obfcrvc
que , félon certaines perfonncs , ces
fortes de raifonnemens font Subli-
mes, parce qu'ils entraînent l'efprit,
2 quoi il répond que les raifonne-
mens dont il s'agit , entraînent l'ef-
prit par ce qu'ils convainquent d'a-
bord la raifon , mais que le Sublinxe
entraîne & élevé l'ame par le
moyen de l'admiration , & avec
une efpece de raifonnement : Que
les raifonnemens de convidion ont
pour fondement & pour objet
la vérité feule , mais que le
Sublime a pour objet la grandeur la
plus extraordinaire , que les raifon-
nemens les plus convainquans fc
J U î L L
peuvent faire fur les plus petits fu-
jets , mais que le Sublime ne roule
que fur les fujets les plus grands.
L'on confond fouvent avec le
Sublime les difcours pathétiques,
les difcours vehemens de la raifin ^ de
la venu , de la pieté & de l'amour du
vrai bien , le flyle fublime , & tout
difcours élocjuent , notre Auteur dé-
mêle la différence qu'il y a entre
toutes ces phrafes , & à l'égard du
ftyle fublime , il remarque que çc
ftyle eft fi peu le Sublime même ,
que c'eft fouvent un défaut , & en
partie , ce qui fait la faufle élo-
quence. Nous renvoyons pour
tous ces articles , au Livre même ,
& nous pafTons à la troifiéme partie
où l'Auteur fe propofe de montrii
i". Que Longin eft tombé dans
quelques méprifes au fujet du Su-
blime , 2°. Quel doit être le ftyle
du Sublime, 3". S'il y a un art du
Sublime, 4°. Pourquoi le Sublime
eft fi rare.
A l'égard du premier point , il
prétend que Longin n'a pas connu
le Sublime , & qu'il l'a confondu
avec la grandeur ordinaire du dif-
cours , avec la perfedlion , avec
les figures , avec une efpece d'énu-
meration, avec la périphrafe, avec
ie pathétique , avec l'éloquence ic
avec le ftyle fublime , qui en font
fort differens.
On entreprend de prouver dans
le détail toutes ces méprifes dont
on accufe Longin , nous nous con-
tenterons de rapporter ce qu'on dit
ici pour faire voir que cet Auteur a
confondu le Sublime avec la graa-
deur ordinaire du difcours.
E T ; 1755; 5py
On remarque premièrement que
Longin trouve très - Sublimes les
Ecrits de Platon , d'Hérodote , de
Xénophon & de Thucidide , &: là-
deftlis on foûticnt qu'il n'y a peut-
être pas un feul trait de Sublime
dans ces Auteurs : Que Xénophon
n'a rien de grand , non pas même
de cette grandeur ordinaire qui eft
au-deffous du Sublime : Qu'il y a
feulement dans ces Auteurs , delà
noblelTe , beaucoup d'efprit , &
quelque chofe de plus élevé & de
plus partait que dans les autres Au-
teurs de même genre. Cela pofé, M.
Silvain conclud que puifque Lon-
gin trouve Sublimes des Ecrits qui
n'ont qu'une élévation commune ,
il eft vifible que cet Auteur con-
fond le Sublime avec la grandeut
ordinaire.
Une autre preuve qu'apporte M,
Silvain , c'eft que Longin donne
pour très-Sublime ce paffage d'Ef
chile :
Sur un Bouclier noir fcpt chefe impitoya-
bles
Epouvantent les Dieux de fermcns ef-
froyables.
Près d'un Taureau mourant qu'ils vien-
nent d'égorger ,
Tous la main dans le &ng , jurent de fe
venger.
Ils en jurent la peur, le Dieu Mars 0c
Bellone.
M. Silvain remarque fur ce fujet
que des Chefs en fureur , qui font
des fermens effroyables & les font
la main dans le fang d'un Taureau ,
ne font pas un objet fort capable
5P5 JOURNALD
df'élcvcr l'amc , & d'exciter par con-
fcqucnt la forte d'admiration qui
cft propre au Sublime.
Voici un autre exemple fur le-
quel notre Auteur s'appuyc cncorej
c'cft un exemple tiré d'une dcfcrip-
tion que Platon fait du corps hu-
main , & que Longin rapporte
comme trcs-Sublimc.
Platon appelle la'téte une citadel-
le , il dit que le c^-l cft un Ifime ijui
a été mis entre elle & la poitrine^ Que
les vertèbres font comme des gonds
fitr left^nels elle tourne ; que la volup-
té eft l'amorce de tous les malheurs
^ui arrivent aux hommes , que la
langue c(\.lejnge des faveurs , que le
cœur cft lafource des veines ^ la fon-
taine du fang (jui de-làfe porte avec
rapidité dans toutes les autres parties ,
Û" tjttil cfl difpofé comme une forterejfe
gardée de tous cotez.. Il appelle les
pores , des ruis étroites . . . . Ja par-
lie concupifcible , l'appartement de
la femme , & la partie irafcible ,
l'appartement de l'homme : il dit que
la rate cft la CHifine des inteflins
que le lang cft la pâture delà chair ^
tpiafn ejue toutes les parties puffent
recevoir l'aliment , les Dieux y ont
ereufé , comme dans un jardin, plu-
fieurs canaux ^ par le moyen def quels
les ruijfeaux des veines fartant du
cœur j puffent coidcr dans ces étroits
conduits diicorps humain ; que quand
la mort arrive , les organes fe dé-
nouent comme les cordages d'un vaif-
feau , & qu'ils laijfent l'ame en li-
herté.
M.Silvain, dansce pnflage, dont
nous avons retranché quelques
phrafc's pour abréger , trouve du
ES SÇAVANS;
grand &: de la force , mais il die
qu'il n'y trouve rien davantage ,
d'où il conclut encore, que Longin
a confondu le Sublime , avec la
grandeur ordmaire du difcours.
Nous palfons les autres articles
concernant Longin, pour venir à ce
qui regarde le ftyle que le Sublime
demande. M. Silvain remarque
d'abord que le Sublime demande
un ftyle fcricux. Cela eft dans la.
nature , dit-il , elle nous donne un
ton de voix différent , félon les di-
vers mouvemcnsqui nous agitent ,"
& clic ne peut foufFrir des expref-
fîons badines dans une chofe aulli
grave que le Sublime , aulli voit-
on qu'une image noble & un fenti-
ment élevé perdent leur force &
leur fublimité dans une exprelîîon
qui n'cft pas proportionnée à cette
nobleffe & à cette fublimité. Notre
Auteur citelàdelfus ce trait de M.
de Balfompicrre à Henri IV. lorf-
que ce Prince vouloir aller glifter
fur la Seine : Oh , Sire , vous pefe"^
plus que les autres. Il cite ce mot
d'Henri I V. même au Duc de
Mayenne après l'.ivoir laflc : mo»
coufîn _, voda toute la vengeance ^ue
je tirerai jamais du mal que vous m'a-
vezfait.
Quoique cette image de la gran>-
deur d'un Roi Se ce fentimentdc
clémence foicnt très-beaux , dit M.
Silvain , ils n'élèvent point l'ame ,
ce qui vient du ton plaifant& ba-
din dont ils font exprimés.
Notre Auteur ajoijte encore à cela
le trait fuivant:UnRoi dcSpaite qui
alloit combattre contre les Perfes,
ayant été averti que l'armée des en-
J U I L L
nemis étoit innombrable , 6c qu'ils
cachoient le Soleil avec kurs flè-
ches. Tau: mieux , dit-il , nous com-
hanromafomhij^. Rien ne marque
dav.iiitaç^e une grande intrépidité ,
mais M. Silvain trouve que cet air
railleur empêche que la réponfe ne
faffe reflet du Sublime. Il y a pour-
tant des cas où il prétend que la
raillerie mêlée à un trait fort élevé,
n'eft pas uli obftaclc au Sublime ,
ET, r 7 5 ^ 3P7
nous renvoyons fur cela au Livre
même , auHi-bien que fur la diffé-
rence du Sublime & duftyle fubli-
me , fur la qiieftion s'il y a un art
du Sublime , & fur ce qui rend le
Sublime li rare. Ces articles , com-
me tous les autres du Livre , font
dignes d'être lus. Ceux que nous
avons rapportés nous paroiffent
fuffifans pour donner une idée de
l'Ouvrage,
QU^ESTIONES MEDIC^ DUODECIM, AB ILLUST.
Vir, Franc. Chiccyneaii , CanccUar. ampl. Jo. Bezac, Dec. Ven. Pet.
Rideux , Anton. Magnol , Hcnr. Hagucnot , Jac. Lazerme , & Ger.
Fitzgerald , Reg. Conf Medic. 5c Profelforib. meritiiT. propolît.-e , &c.
pro Reg. Cathedra vacante per abdicationem R. D. Joan.Artruc , in.
CoUeg. Reg. Parif Prof. dign. quas propugnabit , triduo integro ,
manè &: fero, dieb. 5 , <r, &7 Decemb. 1731. Anton. Fizcs, Mouf-
pel. D. M.Monfp. apud Jo. Martel^ Univ. Medic. Typogr. 173 1.
C'eft-à-dire : TfouT^ Queflions de Médecine propofées par AfA'f. Chicoy-
veau , Bezac , Rideux ^ Magnol , Haguenot, Laz.erme &Fitz.gerald, pour
la Chaire Royale vacante par l'abdication de Jean Aflruc , Prof, an Collège
Royal k Paris , & foutenues pendant trois jours , matin & foir ^ '^-^ 5 j ^ j
er 7 Décembre 175 1. par Antoine Fizcs de Adontpellier , DoB. J\ded. A
Montpellier , chez Jean Aiartei , Imprimeur de l'Univerfité de Méde-
cine. i73i./»-4°. pp. 18.
DES douze Queftions de Mé-
decine propofées ici à M. Fi-
zes par la Faculté de Montpellier ,
& dont il donne la folution avec
cette juftclTe & cette fagacité qui
lui font ordinaires , il y en a neuf
qui regardent la Thérapeutique ou
îa curation des maladies , & trois
qui appartiennent à la Pathologie
ou à la Théorie de celles-ci. Dans
les fept du premier genre , on de-
mande 1°. Si pour guérir les enfans
en chartre , le régime eft préférable a
la préparation chymique appdlée Ens
Veneris? ( &: la réponfe eft affirma-
tive ) 1,° .Si pour guérir la Catalépfie^
il vaut mieux plonger brufi^uement le
malade dans Veau froide ^ que de lui
donner Vémetique ? ( & la réponfe
eft négative. ) 3°. Quelles font les
caufes des fièvres tant continues qu'in-
termittentes , & comment il faut les
traiter ? 4°. Si lafaignéefouvent réi-
térée convient à la pleurefie ? 5 ". Si
pour la cure des hêmorrhoides invété-
rées il faut recourir à l'opération Chi-
rurgicale ? 6". Si les purgatifs & les
fuppHratifs conviennent Al'Eréfpele
5p8 JOURNAL D
accompagnée de pourriture & defup'
furation ? 7°. Si dans let playes de
tête avec fracture , il faut trépaner ?
8°. Si le laudanum efl un bon remède
pour la convuljton'i [ & les réponfcs
à ces cinq queftions font affirmati-
ves ] 9". Si le fcorbut efl une maladie
nouvelle ^ & s'il fe guérit mieux par
le mouvement du cheval cjue par les
midicamens ? ( l'Auteur répond af-
firmativement à la première partie
de la queftion , & négativement à h
féconde). Dans les trois Queftions
du fécond genre on demande 1°. Si
dans les maladies chroniques la fièvre
qui les accompagne eft plus avanta-
geufe que vuipble aux malades ? ( &
la réponfe eft négative ) 2°. Si dans
la colique de miferere la partie fupe-
rieure de l'inteflinfeglijji quelquefois
dans l'' inférieure eu au contraire , &
s'il s'enfuit de-tà le mouvement anti-
fériflaltique ou renverfé des inteflins ;
3 •• <$■/' la Pulmonie eft héréditaire , &
pourquoi ? La réponfe à ces deux
dernières Queftions eft affirmative.
La Méthode que fe prefcrit l'Au-
teur en général dans les folutions
qu'il donne à toutes ces QueftioHS ,
confifte 1°. à décrire d'abord exac-
tement la maladie dont il s'agit , &
à la faire connoître par tous les fi-
gnes qui la caraiflerifent eflentielle-
mexit : 1°. à en rechercher les prin-
cipales caufes tant prochaines qu'é-
loignées : 3'. à en établir le prono-
ftic ; & 4°. à décider fur le choix
du traitement , lorfque celui-ci en-
tre dans la QLieftion propofée.
Nous examinerons plus en détail
quelques-uns de ces problêmes de
l'un & 4e l'autre gei>re.
ES SÇAVANS,
I. La Chartre des enfans n'eft
connue en Angleterre que depui$
environ 80 ans ( difoit Glijfon dans
le Traité qu'il en a publié ) & de
très-graves Auteurs [ dit M. Fizes )
la croyent une maladie nou-
velle. La proportion & la figure s'y
trouvent changées dans prcfquc
toutes les parties : la tète groiOt
outre mefure , les bras & les jam-
bes s'exténuent à l'excès , la poitri-
ne devient étroite , latéralement
comprimée & promincnte \ l'épine
tortue -, le ventre grand & tuméfié^
les jointures fe nouent , les os qui
naturellement font droits , fe cour-
bent ici , & ceux qui doivent être
courbés , comme les côtes , fe re-
dreftent ; tout le corps paroît d'une
maigreur affreufc , à l'exception du
vifage qui conferve aftcz d'em-
bonpoint ; la peau eft flafque , &
toutes les articulations fe relâchent.
La nourriture inégalement & irré-
gulièrement diftribuée aux parties
dures &: ^ux molles conftitue(felon
l'Auteur ) l'effence de cette mala-
die : & l'on doit la regarder comme
n'afFedant pas moins les unes que
les autres. Ileftvrai(ajoiîteM.Fizes)
que fi les fondions corporelles
fouffrent par-là un déchet confidc^
rable , celles de l'efprit y gagnent
d'amant , malgré le relTort aftbibli
de prcfque toutes les parties.
Une lymphe , dont le mucilage
eft peu exadement mcïç avec la fe-
rofité , ce qui l.i remplit de gru-
meaux un peu durs &trcs-déliés,eft
la caufe prochaine de tout le defor-
dre , ayant pour principe plus éloi-
gné tantôt quelque germe vénérien,
fcorbutique
JUILLET, 175 ^ .p,
fcorbutiquc ou fcrophuleux, tantôt très-propre à raréfier & atténuer la
& le plus louvent , un air mal fain,
de mauvais ahmens , &c. D'où
il fuit que cette malidic peut être
commune à toutes fortes de Pays ,
mais qu'elle doit régner moins fré-
quemment dans les méridionaux.
Quoiqu'elle vienne originairement
des parents , il eft rare qu'un enfant
naifTc en chartre : cette maladie ne
les attaque d'ordinaire que depuis
un an jufqu'à trois , & les adultes
€n font exemts. Si depuis l'âge de
j ans jufqu'à 7 les parties folidcs ac-
quièrent infenfiblementplus de vi-
gueur , leur figure fe redrefle peu
à peu , & le mal s'évanouit enfin.
Mais a la mauvaife caufe prévaut ,
ou l'enfant périt malheureuferaent
par la fièvre lente , par l'hydrocé-
phale ou quelqu'autre hydropilie ,
par la fuppuration de la poitrine^
ou , s'il parvient à l'adolefcencc ,
il demeure valétudinaire & contre-
fait.
L'unique point de vue que doit
avoir le Médecin pour la cure de
cette maladie fe réduit à fubtilifcr
la lymphe nourricière au point
qu'elle puiffe pénétrer également &
intimement les fibres les plus dé-
liées de toutes les parties , qui font
proprement celles où s'opère la
nutrition. Cela peut s'obtenir ou
par les remèdes ou par le régime.
Parmi les premiers ^0^. Boyle van-
te fort une préparation chymique
appellée Ens Veneris , qui n'eft au-
tre chofe qu'un fel Armoniac em-
preint de quelque portion la plus
fixe du vitriol deChypre,&fublimé
en fleurs par le feu : ce qui le rend
]mUet.
lymphe trop gluante , à la dépouil-
ler de fi férolîté fuperflue en éva-
cuant celle ci par la voye des urines
& delà tranfpiration. Mais comme
la caufe du mal a fouvent jette de
profondes racines , lufques dans les
vailleauK les plus éloignés de la
fource des liquides , & jufques dans
les os mêmes ; M. Fizes doute que
les remèdes quels qu'ils puilTent
être , foient aulTî efficaces pour la
cure d'un mal fi rebelle, que pour-
ra l'être un régime fagement éta-
bli & perfcvcrant , qui renouvelle
en quelque façon toute la mafle de
la lymphe , & par là corrige radi-
calement les vices de h nutrition.
On s'imagine affez fur l'idée de la
nature & des caufes de la maladie ,
quel doit être un pareil régime fans
que nous le particularifions davan-
tage. C'eft de quoi l'on peur s'in-
flruire plus à fond chez l'Auteur
même.
II. M. Fizes décrit la Catalepfîc
une privation fubite du fentiment
& du mouvement volontaire , fins
qu'il arrive nul changement dans
la fituation où le mal a trouvé le
fujet , qui d'ailleurs prend facile-
ment toutes celles qu'il plaît aux
affiftans de lui procurer. C'eft- à-di-
dire ( contmue l'Auteur) que le
Cataleptique , ainfi qu'un autre
Phinée , refte immobile , & ne fcnt
plus , quoiqu'il refpire à peu près
comme en pleine fanté , & qu'on
apperçoive dans fon pouls plus de
lenteur que d'agitation. Si on le
levé fur fts pieds , il s'y tient com-
me une (tatuë , même fur un pied ,
Ggg
400 JOURNAL D
fi on l'y pkce en équilibre ■■, en un
mor il confervc Ci fidèlement tou-
tes les attitudes qu'on lui donne ,
qu'il n'y a que fii guénfon ou quel-
que force étrangère qui foient
capables de les lui faire changer.
Cette maladie auiTî furprcnante que
lare , n'a pas lailTe d'être obfcrvée
plulîeurs rois à Montpellier. Feu
M. ChiceyneMt Chancelier de cette
Univcrlîté , avoit vu deux Catalep-
tiques , dont l'un l'étoit dans tou-
tes les formes , l'autre ne l'étoit
qu'imparfaitement. M. Fizes en a
vij trois -, deux entre les mains de
fes confrères \ fçavoir un homme
prefque fexagenaire , qui avoit la
mâchoire inférieure en convulfion,
ce qui le faifoit regarder comme
cpileptique & cataleptique tout en-
femble i & une fille d'environ lo
ans : il en a guéri un troilîéme âgé
de 50 , qui l'étoit devenu dans le
cours d'une fièvre maligne. Quoi-
que les membres de celui-ci fulFent
moins fouples qu'ils ne le font
d'ordinaire , on nc-pouvoit cepen-
dant y fuppofer de véritable con-
vulfion , puifqu'ils cedoient à un
médiocre effort , pour recevoir
toutes fortes de fituations.
Des deux principaux phénomè-
nes de cette maladie , qiri font
d'une part la privation totale du
fentiment & de l'autre l'exercice
aduel du mouvement des raufcles ;
il refulte ( félon notre Auteur } que
fi d'un côté cette partie du cerveau
où aboutiffent les organes de tous
les fens eft notablement affedtée; de
l'antre les nerfs font toujours fuffi-
famnaent arrofés de leur fluide pror
ES SÇAVANS.
pre, & quclafource n'en cft point
cpuifcc ; que par confcquciu , l'cf-
fcncc de lacataléjMie confifte dans
le flux alTcz abondant & non inter-
rompu du fuc nerveux jufqu'aux
extrcmitez des nerfs, joint à l'im-
polfibiliré d'aucune vibration dan?
les fibres du fens commun. Il fuf-
fit pour cela ( dit M. Fizes ) que la
fubllance cendrée du cerveau foit à
peu près faine , que la blanche ait
beaucoup perdu de fa tenfion &
de fa refiftance naturelle •, & que le
fyftcme des nerfs fc trouve en affez
bon état. Or comme il eft difficile
que ces trois conditions fe rencon-
trent enfembie à point nommé , il
n'eft pas merveilleux que cette ma-
ladie fe falfe voir iî rarement. A l'é-
gard de fes caufes plus éloignées ,
l'Auteur met de ce nombre la com-
plexion mélancolique , une difpo-
iltion fecrette à l'imbécillité , les
foins , les inquiétudes , la trop
grande contention d'efprit , les
mauvais alimens , la fièvre quarte
invétérée , la fièvre maligne , &c.
La cataleplle complette [ dit
l'Auteur] eft ordinairement mor-
telle : Tincomplette tantôt fe gué-
rit , tantôt a des retours périodi-
ques ; l'épileplîe quelquefois s'y
joint , quelquefois y fucccde.
Pour guérir la catalepfie , il n'eft
queftion f félon l'Auteur) que de
rétablir dans le cerveau la liberté &;
la vitefte du cours de tous les liqui-
des, & fur-tout du fuc nerveux,
qui pouffé plus abondamment &
pl,iis vivement devienne capable de
procurer aux petits tuyaux de la
fubftance médullaire , un degré ^
J U I L L
■tenfioii qui fe communique depuis
les carotides jufqu'aux extrémitez
des uerfs , &c par-là fafle revivre les
fondions animales prcfque étein-
tes. On croit l'immerllon fubite du
cataleptique dans l'eau froide très-
propre à produire un pareil effet ,
par le froncement que cela caufc
dans les fibres de la peau , par k
fecouffe qu'en reçoit tout le genrs
nerveux , par l'accélération dans le
mouvement de tous les liquides, &
par le nouveau degré de teniion
dans la partie médullaire du cer-
veau. On ajoute à cela pour plus
grandeconfirmation^qu'^//'/7oc/'^tff
afTurequel'efpece deconvulfion ap-
pcUée Tétanos fe guérit par-là \ fans
compter que IcsAnglois employenr
avec faccès ce remède pour la cure
de plufieuïs grieves maladies. Ce-
pendant M- Fizes eft perfuadé que
i'émetique non feulement opère
tous ces bons effets encore plus effi-
cacement , mais de plus qu'en
évacuant la plus grande partie
delà matière qui entretient la ma-
ladie , il fe giiffe dans la mafle du
fang 8c l'atténue , ce qui devient
un? préparation favorable pour l'u-
fagedu Quinquina j fuppofé qu'on
le voulût mettre en œuvre dans la
fuite , comme le confeilloit feu M.
Chicoymau pour la parfaite guéri-
fon de la maladie dont il s'agit.
111. La fièvre ( félon M. Fizes )
eft annoncée parla fréquence ou la
viteffe du Pouls accompagnée d'un
notable dérangement dans l'écono-
mie animale ; èc cette accélération
n'a d'autre caufe que la contraction
■ du cœur devenue plus fréquente ,
E T , r 73 3. 4*t
toutes les fois qu'une irritation
cauféc en quelque partie du corps
que ce puiffe être , augmente la
tenfion du genre nerveux , & accé-
lère les vibrations de toutes les
fibres élafliqucs. Mais de plus ^ la
fièvre s'allume par robfcaclc que
les liqueurs trouvent à leur cours
dans les plus petits vaiffeaux , d'où
naifient les frilTonncmens , les dou-
leurs fourdes ou aiguës , les tu-
meurs inflammatoires , les hémor-
rhagies & les autres fymptomcs de
la fièvre. Le fang continue cepen-
dant à circuler & à porter la vie
dans tout le corps de l'animal ■■,
d'où il fuit, que quelques arterio-
les fanguines tranfmcttent encore
ce liquide , pendant qu'il y a ob-
ftrudlion dans la plupart. D'un
autre côté , quoique les arterioles
lymphatiques foient dans le même
cas que les fanguines , comme elles
font encore plus étroites & plus
foibles , elles en font d'autant plus
fufceptibles d'embarras.ll arrive de-
là que le fang compofé de fes glo-
bules & de fa partie fibrcufc , le-
quel devroit naturellement pafler
des arterioles dans les veines, foit
par l'union immédiate des extrémi-
tez des unes 6c des autres , foit par
l'entremifc des vaifTeaux lymphati-
ques , trouvent le paflage fermé
dans plufîeurs arterioles fanguines ,
te dans un plus grand nombre en-
core des arterioles lymphatiques.
Ces obftacles ne fufpendent point
la circulation , & ne faifant au con-
traire que redoubler la contrai5tion
du cœur &: des artères , le firg qui
n'cft poulTé dans les veines que par
Gggij
402 JOURNALD
un moindre nombre de canaux , à
caufc de l'obftrcclion des autres ,
doit V couler avec d'autant plus de
viteffe que fon volume total cft
plus grand par rapport à la capacité
totale qu'il occupe alors , & qui eft
plus petite qu'elle n'étoit aupara-
vant , de toute la quantité que
icmplilTcnt alors les diftcrcnrcs ob-
ftruitions des vr.iflcaux capillaires.
Cette accélération dans le mou-
vement du fang fe trouve encore
■augmentée à raifon de fon volume
accru par le féjour qu'y fait la lym-
phe , bute de pouvoir s'en féparer
par la voye des artérioles lympha-
tiques bouchées alors pour la plu-
part. La malfe du fang coulant en
plus grande abondance Se avec plus
de vitelTc des artères dans les vei-
nes , revient donc plus prompte-
ment au cœur , dont les pulfations
doivent par confequent fc multi-
plier. Elles doivent être auffi d'au-
tint plus grandes que la malTe des
liqueurs que contiennent alors les
artères & les veines a plus de volu-
me, par le défaut de dérivation dans
cette partie de la lymphe qui de-
vrait s'en féparer par les artérioles
lymphatiques fi le canal en étoit li-
bre. Plus la dilatation augmente
dans le cœur & dans les artères , &
plus leurs contrarions acquièrent
de nouvelles forces , d'où refulte
plus de vivacité d.ins le mouve-
ment, foit progreflif , foitinteftin
du fang , un poux plus fréquent ,
plus fort , plus plein , & le redou-
blement de la fièvre. Si dans celle-
ci les artères lymphatiques fouf
frcnt obfttuâiion , la plupart des
ES SÇAVANS,
vailTeaux fecretoires n'en font pas
cxemrs , 6c entrent pour beaucoup
dans la caufe de h maladie.
M. Fizes joint aux propofirions
précédentes celles-ci par forme de
Corollaires ; i°. Que dans la lïevre
prefque toute la malTe des liquides
ne roule que par les vailfeaux fan-
guins , qui font ainfi furchargés,
pendant que tous les autres demeu-
rent oififs,5'affai{Tent,fe dellechent,
d'où fe tire l'explication de plu-
lîeurs fymptomes : i". Qu'on peur
regarder la fièvre comme un effort
que fait la nature pour vaincre l'ob-
ftacle que forme l'obftruâiion des
vailfeaux capillaires •, &i que par
cette confideration , l'on peut
cclaircir la do(flrine des crifes qui
ont coiâtume de terminer les fiè-
vres ; & rendre railbn pourquoi les
unes font continues , & les autres
feulement intermittentes , &c.
L'Auteur vient enfin à la cura-
tion qu'il renferme dans la faignéc ,
l'émetique & les purgatifs , com-
me remèdes généraux , & dans l'u-
fage AuQ^in^mn.t 3c ànGafcardla^
comme fpécifiques pour les fièvres
intermittentes.
IV. Dans l'article de lapleurefie
l''A'uteur propofc deux méthodes de
traitement ; l'une incertaine & dan-
gereufe , qui tend de plem-pied à
fubtilifer le fang 6^' à le rendre plus
fluide par le moyen des fudorifi-
ques ; l'autre plus fure , qui en
diminuant par la fréquente faignée
Je volume des liquides , en affoiblic
d'autant la refiftance , £>: les met
en état de lever plus facilement les
obftrudions , qui {brmenr le de-
J U I L L
pôt. Il ne dit rien d'une troifiéme
méthode , qui confifte à mettre en
œuvre les puri^atits antinioniaux
des les premiers jours de la maladie.'
IX. Parmi un grand nombre de
caufes, qui peuvent occafionner la
ptiffion iliaque ou la colique de rnife-
rere, l'engagement de l'inteftin qui
lentre dans fa propre cavité , n'eft
pas une des moins ordinaires, s'il
en faut croire l'ObfervatioH de teu
M. Ruyfch , qui afftire avoir vu ce
phénomène en 4 & en 5 endroits
de l'inteftin dans un même cada-
vre. On demande fi en pareil cas ,
c'eft la partie fuperieure de l'inte-
ftin qui fe glifte dans l'inférieure ,
ou fi c'eft l'inférieure qni fe glille
dans la fuperieure 3 Avant que de
refoudre la queftion , l'Auteur ,
pour ôter toute équivoque , déclare
<ju'd appelle partie fuperieure de
l'inteftm celle qui précede,eu égard
au cours des matières dans ce canal,
& partie inférieure celle qui fuit.
Apjiès quoi il rapporte plufieurs
Obfervations de Sylvius , de Plem-
pius j de Peyer , de Ruyfch , de £la-
Jtus , de Fabrice de Hilden^ qui font
foi que l'un ic l'autre cas arrivent
également , & quelquefois tous les
deux dans un feul & même fujet.
Le regorgement des matières inte-
ftinales par la bouche n'eft pas toiî-
jours une fuite neceftaire de l'acci-
dent dont on parle ici , lors fur-
tout que l'inteftin par l'inflamma-
tion ou la cangrcne voifines de l'en-
droit replié , perd toute fon ac-
tion.
Mais quand il y a regorgement
At nvatierc dans la paffion iliaque ,
ET ; 175 j; 40 j
il eft d'autant plus certain que l'ex-
pulfion de ces matières jufques
dans l'eftomac eft l'effet d'une con-
tradion rétrograde des fibres des
inteftins , que nul liquide ne fc
meut dans ceux-ci que par l'at^ion
de ces mêmes fibres , qui n'eft
pourtant que iucceflîve , parce que
le canal ne fe trouve pas entière-
ment rempli à la fois. Du refte , cet-
te contradion prend toujours fa di-
redion de la partie où elle a pa
commencer. Dans l'état naturel
elle part du ventricule & a fon pro-
grès tout le long des inteftins juf-
qu'à Vamts , & s'appelle mouvement
périftalticjue. Dans le miferere , au
contraire , elle part de l'endroit où
eft l'obftrudion ou la digue &
prend fa diredion vers le ventricu-
le , où elle porte toutes les matières
contenues dans le canal , même
jufqu'aux lavemens & aux fuppofi-
toires , & on la nomme mouvement
antipénflalticjue : fur la mcchaniquc
defquels mouvemens M. Fizes ren-
voyé à la favante Dijfenation de feu
M. Chirac touchant cette horrible
maladie ( de lleo ) imprimée à
Montpellier en i(>94. /«-12.
XI. On appelle maladies hérédi-
taires celles que les pères ou les
mères tranfmettent à leurs enfans.
Elles font de deux fortes. Les unes
£ins attaquer certaine partie du
corps par préférence altèrent en gé-
néral toute la malTe des liquides
comme le mal vénérien, le fcorbut
les écrouelles. Les autres n'endom-
magent q,u'un organe en particu-
lier ; &c c'eft ainfi que les goûteux
les graveleux , les épileptiqucs ^,
40^ JOURNAL D
les boiteux & les pulmonicjues
mettent au monde des cnfans fujets
aux mêmes infirmitez. Si l'on con-
fultc les Auteurs fur les caufes ou
les raifons méchaniques de cette
féconde cfpecede transtufion , l'on
trouve qu'ils gardent là-dcfliis un
profond filcnce,ou qu'ils ne répon-
dent rien de fatishifant. M. Fizes
recherche donc ici comment il fe
peut faire qu'un pulmonique , par
exemple , de l'un ou de l'autre fexe
communique des fcmenccs de fa
maladie à fcs cnfans,ce qui n'eft que
trop réel & trop avère , par tant
de funeftes expériences.
Elle confifte , comme Fon fait
(cette maladie ) dans un ulcère de
poumon , en confequcnce duquel
non feulement ce vifcere , mais le
corps entier fe flétrit Se fedcfleche,
ce qui eft accompagné de toux , de
crachats fanguinolents & puru-
lents , avec quelque difficulté de
rcfpirer. Comment eft-il polUblc
qu'une difpofition prochaine à un
tel ulcère , ou cet ulcère déjà exi-
ftant dans l'un ou l'autre des parcns
en faffe naître un tout pareil dans
leur pofterité ?
Pour le découvrit , M. Fizes
établit d'abord ces trois propofi-
tions -, 1°. Que les maladies des pè-
res ne peuvent palTer aux enfans
que par l'entremifc des fluides ,
puifque ces enfans n'en reçoivent
autre chofe:i'. Que les fluides chez
les pulmoniques ou chez ceux qui
tendent à le devenir , font doiiés
de beaucoup d'acreté : 3". Que nul
vifcere en général n'eft plus fufcep-
tible de cette mauv.iife imprelHon
ES SÇAVANS.
que les poumons ; & cela parce
que leurs vailfeaux , plus que ceux
de tout le refte du corps , font ex-
pofés aux plus grandes dilata-
tions &: aux plus grandes contrac-
tions : d'où il fuit que l'acreté des
fluides les rendant plus mobiles &C
plus capables de raréfaction , les
vailTeaux des poumons en feront
d'autant plus dilatés , d'autant plus
fatigués , d'autant plus affoiblis , &
cela en même proportion q*ieles.
ofcillations de ces vaifleaux l'em-
porteront pour l'extenfîon & pour
la vitefle fur les ofcillations de tous
les autres de même diamètre. Ou-
tre que le mouvement trop vif
dans les tuniques des vailTeaux leur
eft d'autant plus pernicieux , qu'il
les émince , en déligure le canal &
le rend variqueux. Il arrivera donc
que le fœtus fe chargeant des fucs
acres empruntés de parens difpofés
à la pulmonic , les vailTeaux pul-
monaires en feront fetoiiés excefîî-
vement , ce qui les endommagera
peu à peu , les affoiblira , les ren-
dra variqueux & y formera de fc-
crets obftacles à la circulation des
liquides. Le fujet prenant plus
de force avec l'âge , fentira fes
poulmons blelTés des moindres
fautes qu'il fera dans lufage des fîx
chofes non-naturelles. Les vailTeaux
tendres de ces vifceres , leurs lym-
phatiques roulez en pelotons s'en-
gorgeront peu à peu &c fe transfor-
meront en tubercules. L'embarras
dans le cours des fluides augmen-
tant d'une part , Se la reliftance des
vaifleaux s'affoiblillant de l'autre ,
il fe rompra quelques-uns de ceux-r
J U I L L
ci à la moindre occafion , ce qui
caufera un crachement de fang l'a-
vant-coureur de la pulmonie ; d'au-
tres vaifTeaux engorgés feulement
s'ouvriront, d'où naîtra fuppura-
tion j ulcère en confequcncc , &
pulmonie complette tranfmife au
malade par fes parens.
XII. Le fcorbut eflune forte de
Cachexie qui fc manifefte principa-
lement par la tumeur , la molclTe ,
le faignement & i'érofion des gen-
cives ; par la noirceur , la douleur,
l'ébranlement Si la chute des dents-,
par des taches rouges , livides ou
noires aux jambes & ailleurs , lef-
quelles dégénèrent quelquefois en
puftules ; par des hémorrhagics ,
par la pefanteur de tête , la bouffif-
îure & la couleur plombée du vifa-
ge -, les douleurs vagues , les tran-
chées de ventre , la pefanteur d'en-
trailles , la difficulté de refpirer , la
foiblelTe & l'enflure des jambes , les
laflîtudes extrêmes , &c. Le fcor-
but , ainfi que le mal vénérien , fe
cache quelquefois fous le mafque
de plufieurs autres maladies ; en-
forte que les dyfTentcries , les lie-
rres intermittentes , les douleurs
dégoûte & defciatique , les para-
Ivfies , les hydropifies , Se les atro-
phies , &c. tiennent quelquefois à
un principe fcorbutique. L'Auteur
regarde comme la caufe prochaine
-du fcorbut , l'abondance des molé-
cules trop groffieres dans la maffe
des liqueurs & la difette des fpiri-
tueufes , une falure cxceflîve &
huileufe tirant fur le rance , un mé-
lange imparfait de la lymphe muci-
kgineufe avec la féioûté ; ôc pour
E T ; I 75 3: 40J
caufes éloignées il affigne la com-
plexion mélancholiquc , l'air épais
& humide, les viandes falées ou en-
fumées ^ l'eau corrompue Se vermi-
neufe, le chagrin , l'affeftion hy-
pochondriaque , les fièvres inter-
mittentes invétérées , la trop çran-
deoiiîvete.
Le nom Danois impofé à cette
maladie l'a fait croire nouvelle à
quelques-uns ( dit M.Fizes ). Mais,
continue-t-ii , la maladie appelléc
en Grec Stomacacé ( md-de-bouche )
& Scelotyrbé ( md-de-jambe ) a bien
l'air du fcorbut , S>C par la fignilîca-
tion littérale de ces deux mots , &
par les dcfcriptions qu'on en trou-
ve chez Hippocrate , Strabon, Pli>je^
Marcel , Avicenne , &: quelques
autres anciens -, defcriptions que
tout le monde avoiie ne pouvoir
convenir qu'au fcorbut. Cette mala-
die épidemiqne ou familière de tou-
te ancienneté chez les peuples Sep-
tentrionaux voifms de la mer ,
commença vraifemblablement à
faire parmi eux de plus grands rava-
ges à l'occafion des longues & fâ-
cheufes navigations ; &: par cette
circonftance elle s'attira une nou-
velle attention. On voit arriver
C remarque l'Auteur ) pareille cho-
fe dans certaines maladies , qui ve-
nant à frapper extraordinairement
les yeux du public , pafTent pour
des maladies nouvelles. C'eft ainfi
qu'au rapport de Vline , on s'imagi-
na que la colique n'avoit commen-
cé à fe faire fcntir que fous Ti-
bère.
Les Nations Méridionales, quoi-
que beaucoup moins fujettes âii
40<J JOURNAL DE
fcorbut , n'en font pas exemptes ;
& les gens de mer en font les plus
tourmentés. Le régime , c'eft- à-di-
re le changement de nourriture eft
fouvent le feul remède de ces der-
niers. Cela n'empcche pas que pour
la guérifon de cette maladie il n'y
ait divers fpecifiques appelles 4««-
fcorbuticjucs propres à fubtilifer les
fucs , à déboucher les obftrudiions,
à mortifier les fels groflïers & à les
entraîner par la voye des urines. A
l'égard du mouvement du cheval ,
il pourra devenir un bon remède
S SÇAVANS ,
fi le mal eft récent, & cela , en dif-
fipant la mclancholie du nialadc,cn
donnant des fccoulfes aux vifceres ,
en les délivrant par - là des embar-
ras qui s'y étoicnt formés, en accé-
lérant le mouvement des fluides ôc
en corrigeant le vice des digellions.
Mais ( conclut l'Auteur) ii le mal
eft invétéré , il faudra joindre au
mouvement du cheval d'autres fe-
cours plus efficaces , empruntés
des mcdicamens appropriés à cette
maladie.
TRAITE' DE L'OPINION , OU MEMOIRES POVR SERVIR
k l'Hifloire de l'Efpnt Humain. A Paris , chez Briajfon , rue S. Jacques,
àla Science. 1733. Six Volumes/«-i2. Reliés en dix Tomes, premier
vol. pp. 6iif6. fans la Préface, fécond vol. pp. 677. troificme vol. pp. ^83,
quatrième vol. pp. ^30. cinquième vol pp. 594. fîxiémcvol. pp. 593.
LE but de l'Auteur dans ce
Traité , eft de faire voir , par
un expofé des Opinions différentes
qui ont régné dans les Sciences
Profanes , quel eft l'empire de
l'Opinion , combien elle prévaut
fur la vérité , & de montrer par- là
le peu de fond qu'il faut faire fur
les lumières de refprit humain ,
quis'eft laiflc aller .\ tant de fenti-
mens diflerens fur les mêmes
points -, ce qui à cet égard , peut
fetvir à former une Hiftoire de
l'efprit humain.
L'Ouvrage eft partagé en fîx Li-
vres , aufquels l'Auteur a joint
trois Tables ; l'une des Auteurs ci-
tés , la féconde des Matières , & la
troifiéme des noms propres.
Le premier Livre roule fur les
Belles-Lettres & l'Hifloire. Il com-
mence par des Reflexions Prélimi-
naires fur le véritable ufage de la
Science , lefquelles confîftent en di-
verfes Obfervations fur le mérite
des Auteurs , fur le fort de certaines
Sciences eltimées dans des tems , 5c
négligées ou perfécutées dans d'au-
tres. L'Auteur entre à ce fujet dans
le détail des Souverains Se Grands
Seigneurs qui ont compofé des Ou-
vrages. Il fait voir les diftèrens
goûts qui ont régné en matière d'é-
loquence & de Poëfie \ il expofe
les contrarierez des Critiques ; il
montre l'incertitude de l'Hiftoirc
fur les points les plus elTentiels , 8c
découvre les embarras de la Chro-
nologie.
Le fécond Livre concerne la Phi-
lofophie& fes différentes Seâ:es.
On rapporte dans le troifiéme,
lej
J U I L L
les Opinions des Philofophes tant
anciens que modernes fur la Méta-
philîque , & fur les prédictions de
l'avenir attribuées au commerce
des efprits.
Le quatrième renferme d'abord
une courte DifTertation fur les Ma-
thématiques , puis un détail des
Contradictions où font tombés les
Phyficiens , les Agronomes , & les
Médecins ■■, l'Auteur pafTe de-là à la
Chymie , à l'Aftrologie Judiciaire ,
& à quelques autres Divinations
prétendues naturelles. U vient en-
fuite aux Opinions des Naturali-
ftes , & rapporte en Hiftorien , ce
qu'ils ont dit fur la fympatiiie ^ fur
l'homme , fur les animaux , fur
les plantes , fur les eaux &c fur tous
les Minéraux. Puis il palTe à ce qui
a été écrit de plus extraordinaire
touchant les arts , &c enfin au fcnti-
ment des Philofophes touchant
l'imagination Se les fens.
Le cinquième Livre regarde uni-
quement la Politique.
Le fixiémeou dernier a pour ob-
jet la morale.
Quant à l'Ouvrage en gênerai ,
nous pouvons dire que l'Auteur y
defcend dans un aflcz grand détail
des Sciences , pour mettre ceux
même d'entre les Ledeurs qui n'y
font pas verfés , en état d'apperce-
voir l'empire que l'Opinion exerce
fur elles. Il s'accommode par-là à
toutes fortes de Ledeurs : i ". Aux
Sçavans qui retrouveront avec plai-
fir dans cet Ouvrage une infinité
d'Opinions qu'ils ont vues dans un
grand nombre de Volumes : z". A
Juillet.
E T , 175 5. 407
ceux qui n'ayant donné aucune ap-
plication aux matières dont il s'a-
git , pourront par cette unique lec-
ture s'en former une idée , & juger
eux - mêmes des Opinions qu'on
leur expofe.
Qiiant au premier Livre qui cft
celui qui concerne les Belles-Let-
tres , l'Auteur n'y oublie pas les bi-
zarreries de l'Opinion en fait d'élo-
quence & de Poclîe. U remarque
d'abord fur ce fujet , que fuivant
l'aveu même de Ciceron , l'élo-
quence conlifte plus dans l'ooinion
que dans des règles certaines ; puis
il foiàtient que pour fe convaincre
que l'éloquence ne dépend que da
caprice & du hazard , il n'y a qu'à
confîderer que ce qui perfuade &
ce qui plaît dans un tems , eft fans
effet & même méprifédans un au-
tre -, les difFerens jugemcns qu'on a
porté des Orateurs , & les differens
goiJts qui ont régné en fait de ftyle,
montrent bien encore , félon notre
Auteur , qu'il n'y a rien de fixe
dans l'éloquence , ôc que tout y
dépend de l'Opinion. Longin dk
que Démofthéne eft grand en ce
qu'il eft ferré &c concis , & que
Ciceron eft grand en ce qu'il eft
diffus & étendu ; il compare le pre-
mier à une tempête & à un foudre
qui ravage Sc emporte tout avec ra-
pidité , & le fécond à un embrafe-
ment qui fe répand au loin. Il dit
que Démofthéne a effacé tout ce
qu'il y a eu de plus célèbres Ora-
teurs dans tous les fiécles , les laijf-
fant comme abbatus & ébloiiis ,
pour ainfidirc, de fes tonnerres ôc
Hhh
4o8 JOURNAL D
àc fes cclairs : il ajoute que ce:
Orateur dans les parties où il excel-
le, cft tellement élevé au-deiïus
d'eux, qu'il repare entièrement par-
là celles qui lui manquent , & les
reparc à un tel point qu'il eft plus
aifé d'envifagcr fixement les fou-
dres qui tombent du ciel , que de
n'être point ému des violentes paf-
fions qui régnent en foule dans fcs
Ouvrages.
Ciccron employé la même com-
paraifon que Longin , pour expri-
mer le ftyle véhément Se rapide de
Démofthénc.
Mais ces foudres & ces éclairs
«nt été traités par Sénéque , de fc-
chcreffe &: de dureté de difcours:
Riget ejus oratio , dit-il , nthtl m eâ
flacidum , nihil Une. Pytheas n'en
ctoir pas plus charmé , il difoit que
les difcours de Démofthcne avoient
le goût de l'huile , qu'ils man-
quoicnt de naturel, & qu'on voyoit
par-tout qu'ils avoient été travail-
lés à la lampe.
Pline dit que Ciceron a pafle les
bornes de l'cfprit humain , Af.
Tullius extra omnein ingenii aream
■pofitHS , mais cet Orateur n'a pas eu
pr-tout des Juges aufli favorables
que Pline & que Longin s plufieurs
l'ont accufé d'être enflé & trop dif-
fus V Afinius-Gallus publia une Sa-
tyre des Ouvrages de Ciceron :
Calvus l'a trouvé foible & fans nerf;
Btutus, au rapport de Quintilien ,
l'appelloiteftropié Sx. éteinte , Jym-
-mm & elumbem.
Les anciens regardoient une fim-
f licite gieine defoice £c de nobkf-
ES SÇAVANS;
fe, comme feule capable de perfua-
der. Les ornemcns du difcours leur
étoicBC inconnus ; la nature pailoit
elle-même alors , & Tefprit n'affcc-
toit point de briller. Siint enim illi
veteres , dit Ciceron , ^ma mndum
omcre poteram ea t^iia dicebant omrus
propè preclarè lopinti. Mais ce goût
ne dura pas long-tcms. Démctrius
de Phalere , parmi les Grecs , com-
mença le premier à l'altérer , en
joignant l'efprit aux fentimens :
enluite on donna dans les pointes
& dans l'affeftation du ftyle j k
famille "des Annéens dont étoicnt
Florus , Lucain , & les Sénéqucs ,
introduifît à Rome un nouveau
genre d'éloquence : on prêtera le
brillant au folide , l'efprit au juge-
ment , l'affeiflation à la nature.
Horace fait confifter la perfec-
tion d'un Ouvrage d'cfprit à être Cv
fimple &c Cl net , que chacun k.
flatte d'en pouvoir faire autant 3c
n'en puifle néanmoins venir à bouc
quand ce vient à en faire l'expericn-
ce. Mais Quintilien parle d'un-
Rhéteur qui donnoit au contraire
pour précepte à fes Difciples , de
répandre dans tout ce qu'ils diroient
une grande obfcurité pour faire
croire leurs difcours d'autant plus
beaux qu'on auroit peine à les coni-
prendre.
Un autre effet de l'Opinion en
ce qui regarde l'éloquence , dft d'a-
voir perfuadé qu'on pouvoir tout
loiicr indifféremment , jufqu'aux
chofes Ôc aux perfonnes les plus di-
gnes d'avcrfion , comme quand
libaate a fait l'éloge de fiulûis.
J U I L L
Polycrate de Clytemncftre , Pha-
vorin de Terfite , & de l'injuHice ,
Cardan de Néron ^ Erafme de la
folie , &c.
Autre effet de l'Opinion tou-
chant l'éloquence : les Romains
chalTerent trois fois les Orateurs :
la première fous le Confulat de
Fannius-Strabo , & de Valerius-
Meffala , la féconde fous la Cenfu-
re de Domitius-yEnobardus & de
Licinius-Craffus , & la troifiéme
fous l'Empire de Domitien. Si l'on
rappelle plufieurs autres circonftan-
ces qui regardent le crédit ou le
^ifcrédit de l'éloquence , on verra ,
dit notre Auteur, que cette Scien-
ce ambitieufe qui fe vante de ré-
gner fur les volontez des hommes,
£ft dans une dépendance perpétuel-
le de l'ufage & de l'Opinion. Ce
qu'il y a de certain , dit -il, c'eft
que le goût de l'éloquence eft une
image des mœurs des peuples : dans
un fiécle efféminé , l'éloquence eft
molle , lâche & pleine d'affetterie -,
mais elle eft ferme , vigoureufe ,
fans pointe & fans affedation ,
iorfque la fermeté & le courage ré-
gnent p^mi les peuples. Genus di-
cendi imitatur puhlicos mores , c'eft
la remarque de Sénéque.
De l'éloquence notre Auteur paf-
fe à la Poëfie. U remarque d'abord
que les plus anciens Auteurs de la
Grèce écrivoient en vers , que l'u-
fage d'écrire en profe n'cft venu
qu'après , & que Cadmus , Phéré-
cide , & Hécatée , furent les pre-
miers qui quittèrent le ftyle mefu-
ti des vers. Il paroît d'abord i&z
E T , I 7 5 J. 40^
furprenant qu'une manière d'écrire
gênante & régulière , telle que 11
Poéfie , ait été en ufige avant la
profe qui eft moins affervie aux rè-
gles -, mais la raifon , dit notre Au-
teur, n'en fera pas difficile à décou-
vrir fi l'on confidere que la premiè-
re intention qu'ont eue les hommes
en écrivant , a été d'aider la mé-
moire , &c que les vers fc retien-
nent beaucoup mieux que la profe.
Après diverfes remarques fur la
Poéhe en général Sc fur les plus
célèbres Poètes en particulier ,
l'Auteur vient aux differens
goûts que l'Opinion a introduits
dans la Poëfie. Les Epithetes d'Ho-
mère font fort fimples &c prifes
dans la nature; il appelle fans fa-
çon , dit notre Auteur , la nége ,
blanche ; le lait , doux 5 le feu ,
ardent ; Ovide ne veut point de
cette fimplicité , il employé des
Epithetes brillantes , qui font au-
tant de penfcesi les Poètes qui font
venus depuis ont cherché des An-
tithéfes & des Pointes. Thifbé dans
Théophile , dit du poignard de Py-
rame :
yih voici le poignard qni dnfang de
fort mattre
S' ejî fouillt lâchement , il tn rougit
U traître.
Racan fit les deux vers fuivans ;
au fujet d'une Bergère dafts un bois.
^nel miracle de voir en ce lien trifle
& fombre
Hhhij
4IO JOURNAL DE S SÇAVANS,
Vne Déeffe en terre , & le Soleil à
l'ombre.
Notre Auteur n'oublie pas ici le
Pocme de b. M.igdelcine comme
l'une des plus grandes preuves
qu'on puifTe apporter de la bizarre-
rie de l'Opinion , en fait de goût
poétique. Dans ce Poème, les yeux
de la PécherefTe pénitente font des
chandelles fondues ; de moulins à
vent qu'ils étoient auparavant, ils
deviennent des moulins à eau ; les
larmes d'un Dieu ne font que
d'eau-de-vie j Jefus-Chrift eft un
grand Operateur qui eut l'adreflc
d'ôrer les cataradies des yeux de
Magdeleine , & l'Hercule qui ne-
îoy a retable de fon cœur.
Muratori , dans fon Traité inti-
tulé : Délia perfetta Po'éfia Italiatia
Spicgata e demoftrata con varie ojfer-
vationi , prétend, à ce que remar-
que notre Auteur , que c'eft de
France que le Cavalier Marin ap-
porta en Italie le mauvais goût des
Pointes , Dcfpreaux alTure au con-
traire que les Pointes vinrent d'Ita-
lie.
Jadis de nos Auteurs les Pointes igno-
rées
Turent de V Italie en nos vers attirées ,
Le vulgaire ébloui de ce faux agré-
ment ^
A ce nouvel appas courut avidtvtent 1
L'Opinion changea bientôt fut
ce point , & ce qu'on avoir cru
donner de la grâce à la Poëfie , pa-
rut bien-tôt infipide. Les Pointes
furent bannies.
Les caprices de l'Opinion à l'é-
gard de l'éloquence 6c de la Poëile,
ne font rien en comparaifon de
ceux qu'elle a exercés dans la Phi-
lofophie , fur-tout par rapport à
Ariftote. C'eft fur quoi notre Au-
teur a foin de recueillir divers
exemples dont il bit un détail fuL-
vi:au commencement du douzième
ficelé , remarque-t-il , lesDilciples.
d'Ariftote fe diviferent en Nomi-
naux 6c en Réaliftes , les Nomi-
naux foûtenoient que les natures
univerfelles n'étoient que des
noms , & les Réahftes prétendoient
qu'elles étoient réelles. Occam
Cordelier Anglois , Difciple de
Scot, fut Chef des Nominaux, &
Jean Duns furnommé Scot , le fut
des Réaliftes. Ces derniers fui-
voient Ariftote plus à la Lettre. Les
Nominaux rejettoient toutes les
Entitez fupcrflucs , s'attachant à
ce principe qu'ils tiroient auflî d'A-
riftote , fçavoir : (jue la nature ne
fait rien en vain.
Les Sedes des Nominaux & des
Réaliftes fe firent en Allemagne
une guerre qui alla jufqu'à la fo-
reur -, on ne foûtenoit plus fon
opinion que par des violences. Ce
defordre s'introduifit en France, &
monta à un tel point que Louis XI.
pour y mettre fin , ordonna que
dans toutes les Bibliothèques les
J U I L L
Livres des Nominaux fcroientliés
avec des chaînes pour empêcher
qu'on ne les ouviîr. Cette guerre
d:s Réahftes &c des Nominaux ,
n'cft pas , remarque notre Auteur,
le feu! exemple des tuteurs excitées
par l'Opinion , fur les plus frivoles
fujets , témoin entre-autres , dit-ii ,
la queftion appellée le Pain des
Cordeliers , laquelle confiftoit à
fçavoir , Ci le domaine des chofes
qui fe confumcntpar l'ufage com-
me le pain & le vin , leur apparte-
noient , ou s'ils n'en avoient qu'un
/impie ufage fans domaine & fans
proprietez.Un fuiet fi mince divifa
les plus fameufes Univerfitez, caufa
un Schifme , & fit paffer le plus
grand nombre des Cordeliers dans
le parti de l'Empereur Louis de Ba-
vière , contre le Pape Jean XXIL
Mais pour revenir à Ariftote, ce
Philofophe , dit notre Auteur , fe
trouva défiguré par les vaines fubti-
litez que la bizarrerie des Opinions
introduifit dans la Philofophie : la
paflîon déréglée que chacun avoit
pour le tirer de fon côté , ne tut pas
une des moindres caufes des perfc-
cutions qu'il y a dans la fuite : les
Livres d'Ariftote avoient été ap-
portés en France dès le commence-
ment du treizième lîécle , par les
François qui avoient pris Conftan-
tinople ; Amauri qui prétendoit
foûtenir fes erreurs par les principes
de ce Philofophe , ayant été con-
damné comme Hérétique par le
Concile de Paris , l'an 1109. Ce
Concile défendit la ledure d'Ari-
ftote . Se condamna au feu fesOu-
E T , 1755; 411
vrages. En 1215. les mêrnesdéfen-
fcs furent renouvcllées par le Légat
qui vint en France , mais feule-
ment pour ce qui concernoit la
Métaphyhque & laPhyfique. En
123 1. une Bulle de Grégoire IX.
adoucit un peu la Sentence pro-
noncée par leConcile deParis,cnce
que cette Bulle défendit feulement
la ledure des Ouvrages d'Ariftote ,
iufqu'à ce que , dit notre Auteur,
le danger des erreurs en eut été retran-
ché. En 1166. les Cardinaux Jean
de S. Marc , ^ Gilles de S. Martin^
délégués par Urbain "V. pour refor-
mer rUniverfité de Paris , permi-
rent la ledhire de plufieurs Ouvra-
ges d'Ariftote & reftreignirent les
anciennes dètcnfes à la feule Phyfi-
que. Le Cardinal d'EftoutevilJe en
1452. faifant par l'autorité de Char-
les VII. plulicurs rcglemens pour
l'Univerlité de Paris, ordonna que
les Ecoliers & Bacheliers feroicnt
examinés principalement fur plu-
fieurs Chapitres de la Mètaphylï-
que &; de la morale d'Ariftote,qu'il
indiqua &: fpccifia , fans faire aucu-
ne mention de faPhyfique. Ramus
ayant attaqué la doftrine d'Arifto-
te , François I. par Lettres-Patentes
du 10 Mai 1 543. lui fait très expref-
fes défenfes d'ufer de médifancc &
d'invedives contre Ariftote , con-
damne & abolit les Livres de
Ramus. Dans la fuite Ramus
ayant été affafliné à la Saint
Barthelemi , cet événement fit
mourir de peur Denis Lambin qui
n'avoit guéres eu plus de ménage-
ment pour Ariftote.
4fi JOURNAL D
Par le règlement fait pour l'Uni-
verfitéde Paris en iiîoi. lalctfturc
des Ouvrages d'Ariftote & même
de fes Livres de Phyfique fut en-
jointe-, toutes les Ecoles rcrcntifcnt
alors de h feule Philofophie Péri-
patéticienne. En i6ij\. la doârrine
d'Ariftote ayant été attaquée par des
Théfes , la Faculté de Théologie
de Paris , & le Parlement fc joigni-
rent enfemble , Se employèrent
leur autorité en faveur d'Ariftote.
La Sorbonne fit un Décret par le-
quel elle cenfura ces Théfes , & 1^
Parlement rendit un Arrcft qui or-
donna trois chofes, la première que
CCS Théfes feroient déchirées , la
féconde que ceux qui les avoient
foiJtenuës feroient bannis du ref-
fort, & la troificme que quiconque
cnfeigneroit quelques maximes
contre les Auteurs anciens & ap-
prouvés feroient punis de mort.
En 1^29. la Sorbonne fit des re-
montrances au Parlement fur lef-
<5uelles intervint Arreft contre des
Chymiftes , Se ces remontrances
portoient entre autres chofes ,
qu'on ne pouvoit choquer les prin-
cipes de la Philofophie d'Ariftote ,
fans donner atteinte à ceux de la
Théologie Scholaftique reçue dans
l'Eglife. Nonobftant tous ces regle-
■mens , tous ces Arrefts , & toutes
ces remontrances, Gaflendi nelaif-
fa pas d'écrire contre la Philofophie
d'Ariftote Se Defcarres fe fit Chef
d'une nouvelle Seéle. Depuis eux
la Philolbphie d'Ariftote a beau-
coup peirdu de fon crédit : voilà
quelles ont été à l'égard d' Ariftote^
ES SÇAVANS,
les viciftitudcs de l'Opinion. Notre
Auteur employé ainn tous les arti-
cles de fes lix Livres , à montrer ce
qu: c'cft que l'Opinion , & ce que
c'cft par confequent , que l'efprit
humain.
Nous devons donner bien - tôt
l'Extrait d'une Dilfcrtation fur
la Fortune 5 notre Auteur dans
le treizième Chapitre de fon
troifiéme Livre , traite la même
matière , mais d'une manière diffé-
rente , &c comme ce qu'il dit là-
deflus , eft une des chofes qui fer-
vent le plus à fon deflcin , c'eft-à-
dire , à faire voir les égaremens de
l'efprit humain dans fes Opinions ,
nous croyons qn'il ne fera pas hors
de propos d'en donner un précis.
Les Péripatéticiens difoient que
la Fortune n'étoit autre chofe que
les loix de la Nature & la volonté
de l'homme. Les Stoïciens enten-
doient par la Fortune , les décrets
d'une neceftlté fupérieure aux
Dieux. Les Platoniciens croyoient
que c'étoit un génie dont Dieu fe
fervoit pour opérer les chofes qui
paroiftbient fortuites aux hommes.
Suivant cette Opinion , la fupério-
rité de la Fortune d'Augufte fur
celle d'Antoine , a été l'afcehdant
du génie d'Augufte fur celui d'An-
toine. S. Auguftin ne s'éloigne pas
de cette opinion des Platoniciens ,
lorfqu'il dit que les évenemehs for-
tuits dont la Fortune a tiré fon
nom doivent être rapportés à Dieu
& aux bons ou aux mauvais Anges.
Les Epicuriens confideroicnt tou-
tes chofes dans la nature comme
J O I L L E
fortuites j attribuant toutes fortes
d'effets, au concours des Atomes,
comme à la caufc unique &: généra-
le. Epicure avoic fuivi l'Opinion
de Démocrite, qui étendoit à tous
les évenemens de la vie , fon Syftê-
me de la rencontte fortuite des
Atomes , foûtenant que comme
l'Univers , félon lui , avoit été for-
mé au hazard par l'accrochement
des Atomes , auili tous les évene-
mens ctoicnt produits par le con-
cours fortuit d'une infinité de cir-
conftances imprévues & inévita-
bles , & par l'aftion de la matière
extérieure fur nos fens ; laquelle
adion entraînoit necelEiirement la
détermination de notre volonté.
Ces idées dont il avoit l'efprit rem-
pli , le faifoient rire continuelle-
ment des projets des hommes, & de
leur vaine prudence.
S. Evremont dit » que comme
» une bonne a(5tion engage ordinai-
»> rement dans une féconde , & une
» mauvaife précipite fouvcnt dans
» beaucoup d'autres , de même en
» fait de Fortune un heureux fuc-
» ces conduit à un autre , & un
3) fâcheux accident entraîne vers un
» fécond , qu'ainfi les évenemens
» ont des liaifons entr'eux , & que
» voilà peut-être en quoi confifte
» ce que les hommes nomment
M bonheur ou malheur.
D'autres prétendent qu'on ne
peut appeller un homme heureux
ou malheureux que par rapport
aux évenemens pafTés , mais que la
borHT€ ou mauvaife Fortune paffée
ne décide as rien pour le pxefent
T , 17 5 l' 4ï J
ni pour l'avenir, D'autccs croyent
que le malheur paflc eft une raifon
pour cfperer un bonheur fytur -,
ainfi parmi les Joiieurs l'un évite
une carte , parce qu'elle eft , dit-il,
en malheur , & l'autre au contraire,
la préfère , parce qu'elle a fouvcnt
perdu , &c que fuivant fon opinion
elle ne doit pas toujours perdre.
D'autres font perfuadés que le
bonheur ou malheur eft quelque
chofe de réel &c d'inhérent aux mê-
mes fujets. Ils oppofent là deflu^
aux raifonnemens , l'expérience
qui fait voir fi fouvent & iivee tai^
d'évidence qu'il y a des perlownc(S
à qui tout réullit , &c d'autres AU
contraire dont tous les efforts font
inutiles. S'il arrive , difent-ils , <jug
je fois hcuné une feule fois par un
palTant , je pourrai me perfu^dei
que c'eft fans deffein de fa part-i
mais fi la même perfonne me heur-
te toutes les fois que je la rencon-
tre , je ne douterai pas que ce ne
foie un effet de fa volonté i il y n
donc , concluent - ils , une çaufc
certaine & déterminée du bonheur
& du malheur, quoique cette c^u-
fc ne fe prefente pas à nos yeux.
Avicenne met la caufe du bonhem:'
dans une forte pcnlée qui remplie
l'imagmation d'un homme , &c
lui perfuade qu'il réuilira. Mais ,
dit notre Auteur , fi le pouvoir de
l'imagination cft grand & furpre-
nant dans les chofes qui ont quel-
que liaifon avec elle , il eft fjîr
qu'elle ne peut agir fur les chofe^
qui lui font abfolument étrangères,,
comme h plupart des choies iQx<^
tuite&
^14 JOURNAL D
Les Aftrologues rapportent la
Fortune aux influences ccleftes.
S. Thomas même , eftimc que de
la même manière que plulleurs
cliofes naturelles , comme des pier-
res , des métaux , des plantes , ont
vraifcmblablcmcnt reçu des Aftres,
•certaines proprictcz que les hom-
mes ne connoifTcnt que parles ef-
fets j auili les hommes peuvent
avoir reçu des influences ccleftes
certaines dilpoiitions générales ,
plus favorables aux uns qu'aux au-
tres , pour réullîr dans ce qu'ils en-
treprennent. Notre Auteur ne
trouve pas cette Opinion plus foli-
de que les prédidions des Aftrolo-
gues ; car de croire , dit-il , qu'un
homme , par exemple , qui gagne
toujours au jeu , rencontre à point
nomme les difpohtions des cartes
& des dez dont il a befoin , parce
qu'il a reçu lui-même des Aftres ,
certaines difpolitions tavorabies ,
& de croire en même tcms que ce
font les influences des Aftres , qui
caufent l'arrangement des cartes &
des dez , c'eft un raifonnement auflî
chimérique que de fonder furies
influences des Aftres , le nombre
d'enfans qu'un homme doit avoir ,
ou le nombre d'années qu'il doit
vivre. Comment , continue notre
Auteur , cette influence des Aftres
peut-elle porter fur un coup de dez?
■& fi c'étoit cette influence qui eût
déterminé l'homme dans le mo-
ment de fa nativité à être heureux ,
comment cette même influence
pourroitellé après foixante ans &:
davantage , arranger ks cartes ou
ES SÇAVANS,
tourner les dez d'une manière
avantageufe pour le Joiicur?
Le Dcftin n'eft pas quelque chofc
de plus réel que la Fortune ; notre
Auteur rapporte les différentes opi -
nions des anciens fur ce prétendu
Deftin , & fait voir que la tatalité
détruit également la Religion , la
focieté , & la morale : il remarque
que le Deitin , félon Plutarque , eft
Dieu même qui nous détermine à
toutes nos aftions, de manière que
nous fommes réellement neceftitez
d'agir , enforte néanmoins que nos
adfions nous paroiflent libres , par-
ce qu'elles font des effets de notre
volonté. Cette Opinion qui n'eft
pas particulière à Plutarque , paroît
horrible à notre Auteur. Il remar-
que que c'eft réduire la liberté de
l'homme à une imagination fédui-
te par la Divinité même , & il cite
làdeflus ces beaux vers de Corneil -
le, tirés de fa Tragédie d'Oedipe ;
vers que 'bA.VAhhcduJarrt ^ dans
la Préface de tts Poëfies Chrétien-
nes , Héroïques & Morales , dit
être au-delTus de tout ce qui fe lit
de meilleur fur la liberté dans bien
des Traitez Théologiques , & où
l'on voit en effet une vive réfuta-
tion de l'horrible Syftême des deux
délégations invincibles.
L'aine eft donc toute cfclave , une loi
fouveraine
Vers le bien & le mal inccflàmment l'en-
traîne ,
Et nous ne recevons ni crainte ni deiîr
De cette liberté ^ui n'aiien à choiiîr ;
Attachez
JUILLET, 175^
41J
Attachez fans relâche à cet ordre fiibli-
me ,
Vertueux fans mérite , & vicieux fans
crime ;
Qu'on raaflacre les Rois , qu'on brife les
Autels ,
Cefl la faute de» EJIeux & non pas des
mortels ;
De toute la vertu (ur la terre épanduc ,
Tout le prix à ces Dieux , toute la gloire
eft due ,
Ils agiflent en nous quand nous penfons
agir,
(Quand l'homme délibère il ne fait qu'o-
béir ,
Et notre vol(3BȎ n'aime , hait, cherche ,
évite ,
Que fuivant que d'en haut leur bras la
précipite.
Ce ne feroit pas donner une idée
aflez entière d'un Ouvrage aulfi
rempli d'érudition que celui-ci ,&:
d'une érudition aulîi curieufc , &
aufli bien entendue , que de nous
en tenir aux exemples que nous
venons de rapporter. Il eft à pro-
pos d'en ajouter encore quelques-
uns i mais comme la longueur de
cet Extrait ne le comporte pas,
nous renvoyons ce furplus au pre-
mier Journal.
On vient de nous communiquer
un petit Supplément à ce Traité j
ce Supplément eft une Brochure
qui contient quelques additions^ &
un Errata plus exaâ:. Ceux qui ont
déjà acheté le Traité pouront y
joindre la Brochure.
DOGMA ECCLESI^ CIRCA USURAM EXPOSITUM ET
vindicatum. C'eft-à-dire : Le Dogme de l'Eglife fur l'ufitre , expofé &
< défendu, A l'Ifle , chez Pierre Mathon ; & fe vend à Paris , chez Phi.
Nie. Lottin , rui: S. Jacques , à la vérité. 1730. 2»-4'». pp. 474.
ON appelle ufure le profit que
l'on tire du prct d'une chofe
qui fe confume par l'ufage, comme
l'argent , le grain & le vin. Calvin
& Dumoulin après lui ont avancé
oue ce profit n'étoit point illicite ,
quand lePréteur ne le portoit point
à l'excès. La plupart des Scâiateurs
de Calvin ont îuivi cette opinion
lie leur maître ; il s'eft même trou-
vé des Catholiques dans ces der-
niers tems en Flandre & en Hollan-
de qui ont cru qu'il falloit tolérer
quelques contrats, qui étoientper-
mis par les Souverains , quoiqu'ils
parurent ufuraires , & d'autres qui
ont foûtenu l'ufure , ou du moins
qui ont prétendu qu'on n'étoit
obligé de prêter gratuitement
qu'aux pauvres , & qu'il n'y avoir
point d'ufure de tirer du profit
d'un prêt d'argent , quand on le
prêtoit à une pcrfonne qui en de-
voit faire un emploi qui lui appor-
tât à elle-même du profit. C'eft le
Syftême de l'Auteur du Traité de
la Pratique des billets qui diftinguc
deux efpeccs de prêtsjl'un de chaii-
lii
41(5 JOURNAL D
té , l'autre cic commerce. C'eft
auflï ce qu'onr foûtcnu les Auteurs
du court Trnité des rentes rachcra-
bles de part is: d'autre , de celui de
la difcurtîon de la rcponfe à quel-
ques ditTicukcz propofccs en ma-
tière d'ufure, ^ décelai de l'exa-
men pacifique par un Théologien
de Brabanr.
Ces trois derniers Traitez font
ceux que nos Auteurs ont principa-
lement en vue ; ils fc propofent de
les combattre en prouvant que l'E-
glife a toujours condamné l'ulure ,
éc que par le terme d'ufure elle a
toujours entendu le profit que le
Préteur tire du prêt , quel qu'il
puifle être.
Les Théologiens diftinguent
deux manières d'établir les Dogmes
de l'Eglife. L'une cft la voye de la
prefcription , l'autre celle de la dif-
cuifion. Nos Auteurs employent
l'un Se l'autre de ces moyens par
rapport à la matière de l'ufure. La
nouveauté du Syftême dont l'Au-
teur du Traité de la Pratique des
billets , & les Partifans de fon Sy-
ftême font obligés de convenir ,
fournit le premier argument de la
prefcription , car on doit rejetter
toute doftrine dont les Auteurs
ont été obligés eux-mêmes de re-
connoître la nouveauté ^ fuivant la
maxime établie par Tcrtulien &:
par Vincent de Lerins. La décifion
des Conciles Oecuméniques eft en-
core une voye abrégée pour termi-
ner les queftions fur ces fortes de
matières. Or le Concile de Nicéc
& celui de Vienne défendent cx-
ES SÇAVANS,
prefTcment toute ufurc comme
contraire à la loi dv Dieu^ 6c ils ont
entendu par le terme d'ufure tout
profit que le Prêteur retire du
prêt. Tous les Théologiens &
lesCafuiftes des derniers hécles ont
condamnés comme ufuraircs les
profits quels qu'ils puffcnt être exi-
gés àl'occafion d'un prêt d'argent.
Le confentement unanime de ces
Auteurs , eft une preuve de la doc-
trine prefcntc de l'Eglife qui a été
Se qui fera également infaillible
dans chaque fiécle. Pour juftifier le
fait fur lequel eft tonde cette der-
nière propofition , nos Auteurs ci-
tent une foule d'Ecrivains de diffe-
rcns Pays , & ils font voir que fur
ce point l'Ecole des Thomiftes s'ac-
corde avec celle des Scotiftes &: des
Difciples de Molina , & que MM.
Arnaud & Nicole , & les PP. Juc-
nin & Qiiefnel ne s'expliquent
point fur ce fujet d'une manière
différente de celle de Valentia , de '
Tolet , de Molina & de LcfTius.
On joint à ces Auteurs les Caté-
chifmes de differens Diocéfes , Icj
Ordonnances des Evêques , les dif-
pofitions des Conciles Provinciaux,
les cenfures de plufieurs Facultez de
Théologie , celles du Clergé de
France aflemblé en 1700. & les
condamnations de plufieurs propo-
fitions fur l'ufure par les Papes
Alexandre VIL & Innocent XI.
Nos Auteurs pafTant de la voye
de prefcription .à celle de difcuf-
fion , commencent par les différent
pafTagcs de l'Ecriture Sainte qu'on
s. coutume de citer contre l'ufure»
J U I L L
Vât rapport à l'ancien Teftament ,
nous ne nous arrêterons ici qu'à ce
que difent nos Auteurs fur les ver-
fets 19 & zo du chapitre 25. du
Deuteronome qui porte , nonfœne-
rabisfratri tuo ad itfumm pecimiam ,
necfniges^ nec (jnamlibet aliam rerriy
fed aliéna. La queftion eft de f^a-
voir ce qu'on doit entendre par le
terme A'alienus ou d'étranger , au-
quel les Juifs pouvoient prêter de
l'argent à ufure fuivant cet endroit
du Deuteronome. La plupart des
Commentateurs ont entendu par
ce terme tous ceux qui n'étoicnt
pas Juifs , bc ils ont cru qu'il ne
s'agilfoit en cet endroit que d'une
fimple tolérance d'un moindre mal
accordée à la dureté du cœur des
Juifs pour empêcher qu'ils ne fif-
fent un plus grand mal. Cette ex-
plication des Commentateurs ne
latisfait point les Auteurs de ce Li-
vre , ils font perfuadés que le ter-
me alienus ne iîgnifie pas tous ceux
qui étoient étrangers à l'égard des
Juifs , qu'un Juif qui entroit
dans l'efprit de la loi^ devoit regar-
der tous les hommes comme fes
frères , & que les étrangers dont il
s'agit dans ce verfet du Deuterono-
me , ne font que les habitans des
Pays voifms de la Palelline , que
Dieu leur avoit commandé de trai-
ter comme leurs ennemis. Ce qui
cmportoit la permilTion de leur en-
lever leur bien de vive force ^ &
par confcquent de leur prêter à u-
fure. U ne faut donc pas étendre,
concluent nos Auteurs, à tous ceux
<iui font étrangers à l'égard des
E T , 175 j; 417
Juifs , ce qui n'étoit permis par k
Loi que par rapport aux Cananéens
& aux autres peuples voifins que
les Juifs étoient obligés d'extermi-
ner. C'eft ainfi que S. Ambroifc ex-
plique ce partage du Deuteronome,
& nos Auteurs foûticnnent qu'on
doit d'autant plutôt s'attacheràcettc
explication que les autres peuvent
fervir de prétexte pour favorifcE
l'ufure , & qu'on doit toujours ex-
pliquer les endroits obfcurs de l'E-
criture fuivant la doiftrine de l'Egli-
fe , qui condamne l'ufure à l'égard
de toute forte de perfonnes.Pour ce
qui eft dupalTage de l'Evangile, mic-
tunm date nihil indi fperantes ; nos
Auteurs font voir que cette Loi eft
générale , & qu'elle ne peut par
confequent être reftrainte à l'ufure
par rapport aux pauvres ou à une
ufurc exceflîve. C'eft ainlî que tous
les Pères ont expliqué ce pallage de
l'Ecriture.
Pour établir cette dernière pro-
pofition , nos Auteurs àtent un
grand nombre de palTages des SS.
PP. contre l'ufure. Ils commencent
par S. Juftin , & ils tînilTent par
S. Bernard , joignant les Pères de
l'Eglife Grecque à ceux de l'Eglifc
Latine. Il ne nous eft pas poftîblc
de fuivre nos Auteurs dans le détail
de ces differens paftages , nous ob-
ferverons feulement après eux ,
1°. Que S. Ambroifc eft celui de
tous les Pères qui s'eft le plus atta-
ché à traiter cette matière , qu'il
condamne comme ufure tout ce
qu'on exige en matière de prêt d'ar-
gent au-delà du fort principal , foit
I iiij
^i8 JOURNAL D
des riches, foit des pauvres , & que
Je commerce ne peut fervir de pré-
texte pour autorifcr l'ufure , parce
que le commerce ctoit très-florif-
fnnt du tcms de S. Ambroife , qui
n'a ccpcadanr point cru qu'on piit
fc fervir de ce moyen pour pallier
l'ufure : z". Que les Pères n'ont
point dillinguc deux cfpeccs d'ufu-
res dont l'une fut licite & l'autre
illicite ; 3°. Qiie quand les Percs
ont décrit les fuites fâcheufes de
l'ufure par rapport aux pauvres ,
c'étoit pour faire mieux fentir l'é-
normitc de ce crime dans certains
cas particuliers , en la condamnant
néanmoins en général : 4°. Si les
Pères fc font attachés par la même
raifon à la condamner particulière-
ment dans les Clercs , c'eft par des
raifons générales qui s'appliquent
aux Laïcs , & qui prouvent feule-
ment qu'il n'y a point de vice qui
foit plus oppofè au défintercire-
ment dont les Clercs doivent faire
profeffion.
Les Auteurs font à peu-près les
mêmes reflexions fur les Conciles ,
tant de l'Eglife Latine que de l'E-
glife Grecque dont ils rapportent
les Canons , en fuivant les Conciles
de fiécle en fiécle , ce qui forme
une chaîne de tradition. Les défen-
feurs de l'ufure fe font un moyen
de ce que le Concile de Florence
ne l'a point expreifément condam-
née , & ils prétendent être bien
fondés à tirer avantage du filence
de ce Concile , parce que quelques-
uns de ceux desThéologiens qui s'é-
jUvent avec le plus de force contre
ES SÇAVANSi
l'ufure, difcnt que les Grecs avoienf
abandonné dés le douzième fiécle
la dodrine de leurs Pères fur l'ufu-
re. Mais nos Auteurs prétendent
qu'il n'eft pas prouvé que les Grecs
foûticnnent fur ce point l'erreur
qu'on leur impute. Ils citent au
contraire Cabafilas Archevêque
de Teffalonique , du quatorzième
fiécle , qui parle de l'ufure com-
me en ont parlé les Pères de l'E-
glife Grecque & ceux de l'Egli-
fe Latine , & qui répond aux ob^
jedions que font aujourd'hui les
partifans de l'ufure.
Aux témoignages des Pcres, nos
Auteurs joignent celui de vingt
Papes , qui ont écrit contre l'ufure,
qui l'ont condamnée par leurs Dé-
crets , ou qui ont cenfuré des pro-
pofitions avancées par quelques
Cafuiftcs pour autorifer l'ufure en
certains cas , comme l'ont fait Ale-
xandre VII. & InHccent XI.
Apres les Papes vienncm: les
Théologiens Scholaftiques qui ft
font élevés contre l'ufure &: contre
les Ufuriers , contre Pierre Lom-
bard, Guillaume de Paris , Alexan-
dre de Halés, Saint Bonaventute ,
S. Thomas, S. Bernardin de Sien-
ne , & quelques Canoniftcs com-
me Navarre , Covarruvias , Fa-
gnen , aufquels ils joignent le Car-
dinal de Laurca. A l'égard des
Théologiens Scholaftiques du der-
nier liécle , nos Auteurs n'en par-
lent point en cet endroit.
Quand nos Auteurs viennent
aux Loix Civiles au fujet des
ufuies ^ ils coRviçnnent que Içi^
J U I L L E
toix Romaines , même celles qui
ont été faites par les Princes Chré-
tiens ne tendent qu'à en condam-
ner l'excès. Mais ils aiTurent que
les Loix des Empereurs Chrétiens
fur cette matière , n'étoient qu'une
iîmple tolérance pour empêcher un
plus grand mal , & que ces fortes
de Loix qui tolèrent ce qui eft con-
damné par le Droit Divin n'exem-
ptent point de péché , ceux qui
contreviennent à la Loi de Dieu.
L'Empereur Bafile le Macédonien
avoit condamné toute ufure. Mais
Léon le Philofophe fut obligé
de remettre les chofes fur le pied
fut lequel elles étoient avant la Loi
de Bafile.
Les Rois de France ont défendu
cxpreflement toute forte d'ufure ,
fur-tout en matière de prêt. On en
trouve la preuve dans les Capitul-
laires pour les Rois de la féconde
Race , Se pour ceux de la troifiéme
Race dans les Ordonnances de
Saint Louis , de Philippe le Bel &c
de plufieurs de leurs SuccelTeurs ^
qui
condamnent comme ufurairc
tout ce qu'on exige en matière de
prêt au-delà du fort principaL Le
parlement de Paris s'attache à fui-
T , 17 5 r- 41J
vre à la lettre ces difpofitions d'Or-
donnance , comme on le voit par
l'Arrcft de Règlement du 7 Mai
17 14. contre l'intérêt pour le {Im-
pie prêt des deniers pupillaircs. A
l'égard des Parlcmens de France qui
n'ont pas porté la févérité fi loin au
fujet des deniers pupillaires,nosAu-
teurs aiTurent que ce n'eft qu'une
fimple tolérance.
Dans les derniers articles ils
traitent la queftion , fi l'ufure eft
contre le droit naturel. Monfietir
Arnaud croyoit qu'on pouvoit al-
léguer des raifons vraifemblables
pour exempter l'ufure de péché ,
quand elle ne paroît pas bleffer la
charité. M. Nicole s'explique à peu
près de la même manière. Nos
Auteurs n'approuvent pas cette ef-
pece de ménagement , ils foûtien-
nent que l'ufure eft défendue par le
droit naturel. Ils fe fervent pout
appuyer leur fentiment des raifonS
ordinaires , qu'un écu n'en produit
pas un autre , S>c que l'argent prêté
fe confommant par l'ufage, il n'eft
pas naturel que l'emprunteur paye
l'intérêt d'une fommc qui lui api
partient , Se fur laquelle Jle PrêteuK'
n'a plus aucun droit.
420 JOURNAL DES SÇAVANS;
ORBIS SACER ET PROPHANUS ILLUSTRATUS ; OPUS
Ecclelîaftica; &: Prophanx Hiftoriae nec non Gcogrnphix (ludiofis ap-
primè utile. C'cft-à-dirc : L'Vnivers Sacré & Prophaue éclairci. Ou-
vrage mile a ceux ijui s'appliquent h Vétude de l'Hifteire Ecclifiajïicjue ou
Prophane , & fur-tout à U Géographie. Parle P. François Orlcndi , de
f Ordre des Frères Prêcheurs ^ & ProfepurenThéologic dans l'Vniverfié
de Pife. A Florence , chez Bernard Paperini , proche l'Eglife de S. Ap-
poUinaire, à l'Enfeigne de Pallas & d'Hercule. /«/»//o, premier vol,
1728. pp. 798. fécond vol. 173 1. pp. 103 1. troifiémc vol. 1751,
pp. 1467.
LE troifiéme Volume de ce
^rand. Ouvrage qui fera fuivi
de plufieurs autres, nous donnera
occafion de parler des deux pre-
miers , qui n'étoient point tombés
entre nos mains dans le tcms qu'ils
ont été imprimés. Le but de l'Au-
teur, comme on vient de le voir
par le titre , eft de donner une Géo-
graphie complette des quatre Par-
ties du Monde , tant ancienne que
moderne , tant pour l'Hiftoire Ec-
clefiaftique que pour l'Hiftoirc
Prophane. Mais comme un fimple
détail des noms des diffcrens Etats ,
des Provinces & des Villes , cft par
lui-même peu agréable , & qu'il ne
feroit que charger la mémoire , le
P. Orlendi fe propofe de donner
une Defcription Géographique de
la fituation des Etats des Provinces
& des Villes , enfuite un abrégé de
leur Hiftoire , tant pour l'Ecclefia-
ftique que pour le Civil , de faire
connoître les mœurs & le caradérc
des habitans, la torme de leur Gou-
vernement , le tems auquel As, ont
été fournis aux Romains , ccln .':,
quel les differens Royaumes k lonc
formés des débris de l'Empire Ro-
main , celui où la Religion Chré-
tienne a été établie , les différentes
révolutions qui y font arrivées,foic
par rapport à la Religion , foit pat
rapport au Gouvernement civil.
L'Auteur s'cft fur-tout attaché i
faire connoître les Métropoles Ec-
clchaftiques ancicmies , & celles
qui ont été établies dans les der-
niers fiécles.
Avant d'entrer dans ce détail
Géographique des quatre parties du
monde , l'Auteur a crû qu'il étoit à
propos, par rapporta l'Hiftoirc de
l'Empire Romain , & par rapport
à celle des premiers fiécles de l'E-
glife de donner un Commentaire
fur la notice de l'Empire Romain ,
tel qu'il étoit depuis Conftantin ,
jufquau tems des Empereurs Arca-
dius & Honorius , fe refervant
d'expliquer avec plus d'étendue ce
qui concerne les differens Pays , &
les différentes Villes dont cette No-
tice lui a donné occafion de faire
mention , lorfqu'il parlera de ces
mêmes Pays 5i de ces mêmes Vil-
les dans fa Defcription détaillée des
J U I L
quatre parties du monde.
Ce Commentaire fur la Notice
de l'Empire Romain fous Conllnn-
tin & fcs Succeireurs engage le Père
Orlcndi à traiter dans un Livre
Préliminaire des différentes divi-
sons de cet Empire , fur-tout de
celles qui ont été faites fous Augu-
fte , fous Hadrien , & enfuite fous
Conftantin , en différentes Préfec-
tures, 6c de ces Préfeduresen Dio-
céfes qui comprcnoient plufleurs
Provinces. Entre les obfervations
critiques que notre Aurcur a faites
fur ce fujet , nous ne rapporterons
ici pour exemple que celle qui re-
garde le fentiment du P. Pagi au
fujet du tems auquel le mot de
Diocéfe a commencé à fe prendre
dans le fens que l'on vient de voir.
Le Critique de Baron ius croit que
ce n'eltque fous l'Empire de Con-
flantin qu'on a commencé àappel-
1er Diocéfe une certaine étendue de
Pays compofce de plufieurs Pro-
vinces. Mais le P. Pagi , dit notre
Auteur, n'avoir pas fait d'attention
fur deux palTagesdesF.pîtresde Ci-
ccron où le mot de Diocéfe eft em-
ployé pour fignifier un Pays étendue
& où il fe trouve plufieurs grandes
Villes. L'Auteur avoiie néanmoins
que fous l'Empire de Conftantin
ce qu'on appelloit Diocéfe compre-
noit une beaucoup plus grande
étendue de Pays que du tems de
Ciceron.
Cette Notice donne lieu à notre
Auteur de parler du rang que te-
noient entre elles les différentes
Eglifes de TEmpiré Romain , paicc
L E T, 1755. 421
que ce rang a été réglé fur celui que
ces Villes tenoient dans l'ordre ci-
vil. Il fûutient cependant contre
le Dodeur du Pin , que ce font les
Apôtres eux-mêmes qui ont établi
des Métropoles aufquellcs ils ont
attribué la Jurifdidion fur les au-
tres Eglifes Epifcopales de la Pro-
vince. Il dit que Tite a été établi
par S. Paul Métropolitain de Crète,
qu'Ephéfe , Corinthe , TefTaloni-
que , ont été auffi établies Métro-
poles par les Apôtres , la première
de l'Alîe Mineure, la féconde de
l'Achaïc , la troifiéme de la Macé-
doine. Ce ne fut que long-tems
après l'établiffement des Métropo-
les d'Afie , qu'il y en eut d'établies
en Occident , comme l'obferve no-
tre Auteur. Il prétend néanmoins
que l'Eglifc de Lyon ctoit la Mé-
tropole desEglifes des Gaules dès la
fin du fécond fîéclc , que Trêves
peu de tems après fut élevée à cette
dignité , &c que ce ne fut que dans
le troifiéme fiécle qu'on commen-
ça à entendre parler d'Eglifes Mé-
tropolitaines en Italie.
Après ce Livre préliminaire ^
notre Auteur divife fon premief
Volume en autant de Livres que la
Notice de l'Empire fous Conflantin
contenoit de Préfedures du Prétoi-
re , celle d'Orient qui comprenoit
cinq Diocéfes ; celle d'Illirie , fous
laquelle il y avoir deux Diocéfes ;
celle d'Italie , où l'on comptoir
trois Diocéfes , & celle des Gaules
qui comprenoit les Diocéfes des
Gaules, d'Efpagne ic de la grande
Bretagne. Nous ne pouvons fuivrc
422 JOURNAL D
notre Auteur dans ce détail ,
où il fc contente de mettre dans
un nouvel ordre , ce qu'ont dit
avant lui un grand nombre d'Ecri-
vainsqui ont travaillé fur l'ancienne
Notice de l'Empire Romain ,d'ap-
puvcr de quelque nouvelle autori-
té les opinions qu'il embralfe , &
d'ajouter quelques reflexions à cel-
les qui avoicnt déjà été faites par
ceux qui l'ont précédé. Il nous a pa-
ru que les Volumes fuivans [ au
moins Ci on en juge pat le fécond &
par le troifiéme ] offriront un
plus grand nombre d'articles qui
contiennent des chofes nouvelles Se
qui méritent d'être particulière-
ment remarquées.
Nous ne pouvons néanmoins
nous difpenfer d'obferver ici , que
l'Auteur fait remonter le plus haut
qu'il lui eft poflîble rétabliffement
des différentes Eglifes , & qu'il en-
treprend de réfuter ce qu'ont dit
là-deffus les Critiques qui ont vou-
lu s'éloigner de la Tradition com-
mune. Il foûtientj par exemple ,
que S. Denis l'Aréopagite a été
premier Evêque de Paris. Pour ap-
puyer ce fentiment il cite les Ad:es
de S. Denis abrégés par Hilduin , &
qu'il croit avoir été écrits par un
Auteur contemporain , la vie de
Sainte Geneviève à laquelle il don-
ne une grande antiquité , Fortunat
de Poitiers, Métaphrafte & Métho-
de Patriarche de Conftantinople ,
qu'il met à la tête de ceux qui ont
fait des Differtations fur la queftion
fi S. Denis l'Aréopagite elHe mê-
me que r Archevêque de Paris. Il
ES SÇAVANS,
ajoute que la plupart des François
fuivcnt ce fentiment, il n'entend
apparemment parler que delà plu-
part de ceux dont il a lu les Ecrits
fur ce fujet.
Selon lui , les Sçavans rejet-
tent avec raifon ce que Sulpicc-
Sévére Se Grégoire de Tours ont
avancé au fu)ct du tems de l'éta-
bliffement de la Rchgion Chré-
tienne dans les Gaules. Ces deux
Auteurs fc contredifent , & ce
qu'ils avancent avec confiance eft,
dit - il , détruit par les Monu-
mens , 8c par les Actes les plus au-
thentiques. Entre ces faits authenti-
ques qu'il oppofe aux Critiques
modernes font ceux de Saint Tho-
phime, Difciple de S. Paul, envoyé
a Ailes, de Saint Crefcent envoyé à
Vienne, & de S.Martial à Limoges.
L'Efpagne eft encore traitée plus
favorablement fur cet article que
la France ; ce n'eftpas que l'Auteur
foûtienne que l'Apôtre S. Jacques
ait été effedlivemcnt en Efpagne. Il
dit que c'cft une queftion fur la-
quelle il n'a point jugé à propos de
prendre de parti , de peur de paiTei
d'un côté pour crédule , s'il fuivoic
fur ce point l'ancienne Tradition ,
ou de peur, s'il prenoit le parti con-
traire, d'attaquer les anciennes Tra-
ditions pour icfquelles il a toujours
eu beaucoup de refped. Mais il lui
paroît conftant que Saint Paul qui
avoir refolu de faire un voyage en
Efpagne pour y prêcher la Foi , a
fair effectivement ce voyage^ qu'il y
a établi des Eglifes , & que d'autres
Eglifes d'Efpagne ont été établies
par
J U I L L E T ; 175 ?• 42?
|)âï des Evêques que s. Pierre avoit autre Journal du fécond Volume
envoyés de Rome. de ce grand Ouvrage de Géogra-
phie.
envoyés
Nous rendrons compte dans un
ELEMENTA CHEMIN , QU^ ANNIVERSARIO LABORE
docuit , in publias privatifque Scliolis , Hermannus Boerhaave : cum
tabulis xneis. Editio altéra , Leydenfi multo correttior &c accuratior-,
cui etiam acceflere ejufdem Au(5toris Opufcula omnia , qux hadcnùs
in lucem prodieront : ea quidem priùs fparfim édita , nunc vero in
unum colleda atque digefta. Parifiis, apud Guilleimum Cavelier , via
Jacobeâ , fub iîgno Lilii aurei. 1733. C'eft-à-dire : Elémms de Chimie ,
enfe'tgnés chaque année dans des Cours publics & particuliers par Hermatt
Boerhaave : féconde Edition , beaucoup plus correÙe ijue celle de Leyde. On
y /(joint tout ce qui a parujufju'k prefent des Opiifcules du même Auteur ^
fubliés féparément , & que l'on a rapmblis ici en un corps. A Paris , chez
Guillaume C4w//>>- , rue S. Jacques , au Lys d'or. 175 3. /«-4°. z. vol.
Tom. I. qui contient l'Hiftoire & la Théorie de l'Art dont il s'agit ;
pp. 47^. Tom. II. qui contient les Opérations Chimiques & les Opuf-
cules; pp. 34e. pour les Opérations-, pp. 231. pour les Opufcules ;
fans les Tables. Planches détachées XVII.
CETTE nouvelle Edition de
la Chimie du célèbre M. Boe-
rhaave ne le cède à celle de Leyde
sii pour la beauté du papier , ni
pour la netteté des caraderes. Mais
elle l'emporte de beaucoup fur
celle - là pour la corredion , com-
me nous l'apprend le Libraire, dans
wn Avertiirement particulier. Il en
allègue pour preuve plus de 200
fautes d'impreffion , ( par deffus
celles qu'indique VErrata ) laiffées
dans l'Edition de Hollande , &
corrigées très-exadement dans cel-
le-ci. Parmi ces fautes il y en a plu-
iîeurs d'importantes , témoin l'o-
jnifllon de trois mots , au commen-
cement du 198" Procédé Chimique,
dans les 12 premières lignes duquel
(è trouYoienc outre cela trois folc:
jHil/eh
cifmes ; de plus , le titre d'un cha-
pitre oublié dans la Table du i" To-
me. C'eft aux foins aflidus ëc à l'at-
tention du Corredeur employé par
le Libraire, & qui eft fuffifamment
au fait des matières traitées dans ces
deux Volumes , que l'on eft rede-
vable de l'exaditude fcrupuleufc
qui fait le principal mérite de cette
féconde impreflion.
A l'égard des Opufcules de M.
Boerhaave raffemblés ici à la fin du
-fécond Tome , ils font au nombre
de douze. On y trouve en premier
lieu , huit Difcours Académiques
prononcés à l'ouverture des Cours,'
îbit de Médecine , foit de Botani-
que & de Chimie , & en d'autres
occafions. Dans le premier le Pro-
fçfTeut recommande aux ieuaes
Kkk
424 JOURNAL D
Médecins l'étude d'Hippocrate ;
dans le fécond il p.irle de l'ufage
que l'on doit faire de la Mcchani-
que dans les raiibnncmcns qui con-
cernent la Médecine -, le troificnie
rouie fur la manière de faciliter &
de fimpiificr la Médecine , en la
dégageant de tout ce qui lui cft in-
utile ou étranger ; le quatrième fur
le moyen d'arriver à la certitude,en
matière dePhyfique : le 5%fur celui
de purger de toutes fes erreurs l'art
de la Chimie : dans le flxicme , M.
Bberhaave fait l'éloge de fon Con-
frère M. Bernard yilbimts : le feptié-
me , eft le compliment qu'il fit en
fe démettant de la ProfeiTion de
Botanique & de celle de Chimie :
dans le huitième , il fait voir que
l'honneur attaché à la profefllon de
Médecin , n'eft qu'une véritable
fervitude : la neuvième Pièce , fur
k ftructure des glandes du corps
Inuaain ;, cofitiçnt de^x Lettres fur
ES SÇAVANS,
ce fujet , l'une de M. BocrhaâVt 3
M. Rityfch j l'autre de celui-ci en
rcponfe à M. Boerhaave : la dixiè-
me Pièce Ss. la onzième ofïrcnc
l'Hiftoire de deux cruelles mûi.-{
dies non encore décrites : te la dou«
2iéme eft un Traité de la miladie
vénérienne , imprimé d'abord pouc
tenir lieu de Préface au grand Re-
cueil des Auteurs qui ont écrit fut
cette maladie ; Recueil publié pre-
mièrement à Vcnife en 156^^. &C
réimprimé à Leyde en 1718. m-fol.
Comme tous ces Ouvrages de
M. Boerhaave font fuffifamment
connus , & que nous avons rendu
compte de la plupart dans notre
Journal , où cnir'autrcs , on trou-
vera l'extrait de ce nouvcaiv Cours
de Chimie , nous n'en difons rien
ici , & nous nous contentons de
renvoyer fur cet article au précis
que nous en avons donné dans ie
mois d'Avril, 17} z,
I
J U ï L L E T, 175 ^^
42 f
'JSIOVVELLES LITTERAIRES.
ANGLETERRE.
De L o n 'd r e s.
Wlnnys , R. Manhy , Impri-
. meurs de la Société Roya-
kj Se L.Gilhver , débitentrEdi-
tion des Oeuvres de M. le Doiteur
tretnd , fous ce titre : Johamiis
Freind , Ad. D. Seremjfima Regitit.
CarolinsE Archiatri Opéra Aiediat
omma. 1733. 'f^f'^'^'
N. Prevoft a entrepris l'impref-
Con d'un DiElionnaire Vniverfel ,
Hiftoriqiie & Critiejiie en Anglois ,
lequel doit renfermer une traduc-
tion nouvelle & exadle du Didion-
caire de M. Bayle , & contiendra
i'Hiftoire des Perfonnages les plus
illuftres -de tous les fiécles & de tou-
tes les Nations , mais plus particu-
lièrement de la grande Bretagne &;
de l'Irlande.
Cet Ouvrage fera cnyu' Volu-
mes in-folio j on en diftribuera tous
les mois vingt feuilles , qui coûte-
ront trois chelins & fix fols.
Samuel Harditig imprime pat
Soufcription le Tréforde la Langue
. Latine de Robert Eflieane ^ en quatre
Tomes in-folio , corrige , augmen-
té & enrichi de plufieurs mots par
plufieurs Membres de l'Univerfitc
de Cambridge.
Le prix de la Soufcription de
fît Ouvrage fera de fix gainées ,
dont deux feront payées en foufcri-
vant , deux en recevant les deux
premiers Tomes , & les deux autres
en recirant les deux derniers Vo-
lumes.
HOLLANDE.
De l a h a y e.
On a imprimé en cette Ville la
Traduction Françoife des Remar-
ques Hiflori-jues & Critiques fur
l'fJifioire d'Angleterre de A-i. de Ra-
pin - Thoyras , par M. Tindal ;
Alditre es Arts & f^icaire du grand
IValthan dans le Comté d'EJfex , &
Abrégé Hi/îori^ue du Recueil des
Acles publics d Angleterre de Tho-
mas Rymer , par A4, de Rapin-
Thoyras , avec les Notes de Aï.
Etienne Whatley.i«-4''. 2. vol.
On foufcrit ici chez Scbeurleer ^
Libraire , pour un Ouvrage qui
doit s'imprimer à Liège ^ chez Eve-
rard Kints , &: dont voici le titre :
Abrégé Chronologique & Hifiorique
de l'origine ^ du progrès & de iétat
a5luei de toutes lesTroupes de France^
par Aï.le P'*** N * * *. Ouvrage
enrichi de vignettes en tailles-douces ^
gravure de Paris , cfiû reprcfentent
tous les Sièges , Attaques & Combats
particuliers oii ces corps fe font trouvés^
ôzc. Cet Ouvrage fera divilé en
trois Parties , dont chacune com-
Kkkij
^2^ JOURNAL DE
prendra pluficurs Volumes. L'Au-
teur ne propofe adueliemcnt par
Soufcription que la première partie
qui fera fubdivifcc en trois To-
mes tn-if. d'environ 600 pages cha-
cun. Elle enfermera toute h Mai-
fon du Roi.
Les Soufcripteurs payeront en
foiifcrivant cin<j florins argent de
Hollande , cinij florins en recevant
ie premier Volume , cin^ florins en
recevant le fécond, & ctncj autres
florins en recevant le troifiéme.
On recevra les Soufcriptions juf-
qu'à la fin du prefenr mois de Juil-
let. On pourra foufcrire à Paris,
chez Bauche , Quai des Auguftins ,
chez qui on trouvera le Profpeilus
imprimé de cet Ouvrage,
FRANCE.
De Lyon.
Antoine Sirvam vient d'impri-
«ler D. D. Francifci Amoftazo , J,
U. D. Alvearenjis , amen illujlns
ville de Colmenar f^iejo , tiunc vero
infignis Oppidi de Vallecas ReHoris ;
de Caufis Piis in génère , & infpeeie
Libri VIIL Opus cjuidemperutilenon
folkm ]udicihus & F'ijîtatoribns Ec-
cle/îaflicis , verkm etiam Secularibus ,
Ecclefiarum Re^oribus^ ConfeJJàribus
& Advocatis, ToMus primus , di-
ligemerrecofftitus , multif^ue mendis
expurgatm , nonnullis etiam additis
yinthoribus , ac Indice rerum Copie-
fiori j nunc denuo in Incem frodit,
*733' 'ti -folio. 1. vol.
S SÇAVANS ;
D'A I X.
Explication de quelques Mttrbres
anticjues, dont les originaux font dans
le Cabinet de M* * *. Chez Jofcpk
David. i733.»»-4°. Cette explica-
tion que nous ferons inceiramment
connoîtrc plus particulierement,cft
de rUluftre M.Sonhter^ ancien Pré-
fident à Mortier au Parlement de
Dijon , & de l'Académie Françoife,
Dr T R o Y E s.
Nouvelle Dijfertaùonfiir les part-
ies de la Confecration de la Sainte
Eucharijiu. Où l'on montre que les
Liturgies Orientales font confor-
mes à la Romaine fur le Rit de la
Confecration , & que les Scholafti-
ques qui ont combattu l'Invoca-
tion des Orientaux , & les nou-
veaux Grecs qui l'ontvoulu foûtc-
nir contr'cux , n'ont pas compris-
le vrai fens de cette Prière , ni étu-
dié le Rie de leurs Liturgies. Chez
Jacques le Fevre le jeune. 17 3 3.'
itt-i".
De B l o I s.
Hifloire de Roehefort , cwtenanf
l'établijfement de cette faille , de fin
Port & Arfenal de Marine , (T
tes AnticjttiteX^ de fin Chateait.
Chez Philbert - Jofeph MaJftH.
i7}3./»-4">.
D £ Paris.
CbAnàcrt, Libniie du Journal;
JUILLET
'Quaî <ïes Auguftins ; Ofmont ,
Huart , Cloujîtr , rue S. Jacques i
Hourdel , David , Quai des Augu-
ftins , & G'Jfiy , rue de la Vieille
Bouderie , ont en vente Hiftoirt
Littéraire de la France , où l'on trai-
te de l'origine & du proirrès , de la
décadence & du retabliffemenc des
Sciences parmi les Gaulois , & par-
mi les François ; du goût & du gé-
nie des uns & des autres pour les
Lettres en chaque fiéclc ; de leurs
anciennes Ecoles , de l'établifTe-
ment des Univerfitez en France ;
des principaux Collèges ; des Aca-
démies des Sciences & des Belles-
Lettres i des meilleures Bibliothè-
ques anciennes &c modernes ; des
plus célèbres Imprimeries , & de
tout ce qui a un rapport particulier
à la Littérature. Avec les Eloges
Hiftoriques des Gaulois & des
François qui s'y font fait quelque
réputation ; le Catalogue & la
Chronologie de leurs Ecrits , des
Remarques Hiftoriques & Criti-
ques fur les principaux Ouvrages ,
le dénombrement des différentes
Editions : le tout juftifié par les ci-
tations des Auteurs originaux. Far
des Religieux de la Con^egation de
S. Ma/tr. Tome premier , Par-
»7nî . 427
TiE PREMIERE , quî comprend les
tems qui ont précédé la Naiffance
de J. C. & les trois premiers fiécles
de l'Eglife. Partie IL qui com-
prend le quatrième fiècle .de l'Egli-
fe. i73 3.;«.4<'.
Dijfertation fur le Teu Boréal ^
par D. J. A. M. R. D. C. Chez Jo-
feph Bnlkt , rue de la Parchemine-
rie. i73 3.;«-8".
Traité de TertitUien fur l'orne-
ment des femmes , les Speftacles ;
le Baptême & la Patience. Avec
une Lettre aux Martyrs , traduits
en François. Chez Rollin fils , Qiiai
des Auguftins , à S. Athanafe. 1735.
in- 12.
Traité de la /implicite de la Foi:.
Chez Lamejle , rue de la vieille
Bouderie , de HeuejHeville , rue
Gift-le-Cœur ^ & Henri ^ rue Saint
Jacques, ij^i.in-ii.
Hifloire du Fanatifine dans la Re-^
ligion Proteflante , depuis fon origine.
Par le P. François Catrott , de la
Compagnie de Jefus. Se vend rue
delà Harpe J au bon Pafteur. 1733*
in-iz. 2. vol.
Anecdotes de la Cour de Philippe:.
'^Hgujie. Par Mademoifelle de Luf-
ptn. Chez la Veuve Pijfot , au bouC
du Pont-Neuf. 1733. in-n. 3. vol.
42? JOURNAL DES SÇAVÀNS,
F.iutes à T-rrrigsr Mfis ie Journal di Aiay 1753.
PAge i^o.col. 1. ligne 3 5.qui ne jfy^îff^ne : pag.z^i.col. i.lig. 51;
Guajas , lif:\G\it\2C : pag. 1^3. col. i. lig. 11. billorce , ///biftorre :
pag. 158. col. I. lig. 14. leXIouvemenrde convcrfion^ ///? le Mcuvcmcnt
droit : pag. 301. col. 2. lig. 20. quoiqu'on en croyc , l'f. quelque chofe
qu'on en croyc.
D-ws le Journal de Jmn;
Pag. 514. col. 2. lig. 16. Se 27. qui mérite, Hfezqmne mérite : pag. 3 3 S.
cgI. I. lig. I. voici celle de l'Epîcre où il prétend, Itfez voici celui de l'E-
pîtrc dans laquelle il prétend : pag. 345. col. 2. lig. 3 j. où voit-on un hom-^,
me^ïïicz on voit un homtne : pag. 34^. col. 2. lig. 29. Durcéen,///fî.Dircécn
pag. 3 50. col. I. lig. 27. Waddnngue , lifez Waddingue : Ibid. lig. 28»
un Lyras : Ufez. un Lyra.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Juillet 173 j;
TR^idiiUion Françoife du Difcours du PereVorcc , pa». j^^
Recueil des Ecrivains de l'Hifloirs d'Italie ^ Sic. Tome X, 374.
Csnt Planches gravées d'après des Pierres antiques , ikc.infii. 37 S
Qneftion OM Thcje de A'iedecine , S«z. 384.
Traité de la Aiain-morte & des Retraits , ficc. 387
Traité du Sublime^ k M. Defpreaux , &c. 351
Dou"^ Queftions de Médecine ^ propofées par MM.ChicqyneAH ^ ^'1^<^ y
&c. " '357
TyMié de l'Opinion , &:c. 40^
Le 'Dogme de l'Eglife fur l'ZJfure] 8cc. 41 j
L'ZJnivers Sf.cré& Prophane éclairci , &c. 410
Etémrns de Chimie , en feignes chaque année dans des Cours publics & parti.
culierSy ScC. 4'^
Nouvelles Littéraires , 4 1 j
Fin de la Table."
L E
JOURNAL
scavÀns,
r 0 u R
VANNEE M. DCC. XXXIIL
A O U S T.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXX III.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
¥
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
AOUST M. DCC. XXXIII.
ELOGE DV REFEREND PERE LE QVIEN.
LE Père Michel le Quien n'eft
pas de ces hommes dont la vie
foit remplie de traits & d'évenc-
mens propres à fatisfaire la curiofi-
té. Il n'eut jamais la vanité de fc
croire propre aux grandes affaires ,
& il feroit refté enfcvéli dans le
filence du Cloître fi l'éclat de fa
Aoufi.
Science ne l'avoir fait connoître '
malgré l'atrention qu'il eut tou-
jours à fe cacher.
Il naquitàBouIogne au mois d'Oc-
tobre 1^6"!. d'une honnête famille»
A l'âge de 20 ans , après avoir fait
un cours de Philofophie au Collè-
ge du Pleflîs à Paris , il entra dans
LU
4îa JOURNAL D
l'Ordre de S. Dominique. Le célè-
bre Pcrc MalToulic lui donna les
premières teintures de la Langue
Hébraïque. L'inclination qu'il
avoir pour les Sciences , & les
frrands progrès qu'il y fit, lui acqui-
rent bien - tôt rcftimc de tout ce
qu'il y avoir alors de gens diftin-
gués par leur érudition. Il fe lia
d'une amitié particulière avec les
Abbez de Longrue , Rcnaudot &
des Thuilcries , avec Meiîieurs Si-
mon , & de la Roques , les Père
Hardouin , de Montfaucon &
Quétif. Ses Ecrits lui firent en peu
/de tems d'iUuftrcs amis dans les
Pays étrangers ; de ce nombre fu-
rent Chryfanthc Patriarche de Je-
rufalem dernier mort , le Prince de
Valaquie Mauro-Covdato , Mcf-
lieurs Fontanini , Palîionei & plu-
tieurs autres.
Le P. le Qiiien n'avoir pas enco-
re 30 ans lorfqu'il écrivit contre
l'Antiquité des tems du Père Pez-
xon.
En 171 1. il fit imprimer dans
les Mémoires de Trévoux une Dif-
fertation fur le Livre du même Au-
teur , intitulé : EJfii àe Commentai-
re fur la Prophètes.
Le bon accueil que le public fit
à ces deux Ouvrages , ou plutôt le
defir de fe rendre utile à l'Eglife ,
engagea le P. le Q.uien à donner en
17 1 i. une nouvelle Edition de faint
Jean Damafcene en Grec & en La-
tin , avec de fçavantes Diffcrta-
tions , ilfe propofoit de l'augmen-
ter d'un troifiéme Tome , dans le-
quel Uauroit raffembléles Ouvra-
ges qui portent faulTement le nom
ES SÇAVANS.
de ce Saint. Mus il paroît par un
papier écrit de fa nuin qu'on a trou-
vé après fa mort qu'il auroit excep-
té de ce nombre un Difcours fur les
Anges qu'on conferve enManufcric
dans la Bibliothèque de Turin Cod
77, & un Dialogue d'un Chrétien
avec un Sarrazin qu'on trouve en
Grec dans la Panoplie d'Euthy-
raius. Il regardoit ces deux Ecrits
comme étant véritablement de
S. Jean Damafcene.
Perfonne n'ignore à prcfenC
qu'il s'eft caché fous le nom d'E-
tienne d' Altimura dans le Livre qui
a pour titre : Panoplie contre les
Grecs.
. On a encore de lui une Hiftoire
abrégée des Comtes de Boulogne ,
Se troisDilfertations qui font impri-
mées dans ^Continuation desAdcmoi-
res de Littérature & d'Hifloir; ^ l'une
fur S. Nicolas , l'autre fur le Portus
Iccms , Si la troihémc- fur Sancho-
niaton Auteur Phénicien.
Ses Difputes avec le P. le Cou-
rayer font ii récentes que tout le
monde fçait qu'il a donné à cette
occafion deux Volumes qui peu
de tems après furent fuivis d'une
Réplique auiïî en deux Volumes. Le
P. le Quien y a épuifè I.1 matière, &:
s'y eft fait d'autant plus admirer de
toutes les pcrfomies qui aiment la
vérité & qui counoillent la Reli-
gion , que fon advcrfaire en avoit
d'abord impofé aux efprits avides
de nouveautcz , & arfèz foibles ,
pour préférer les agrémens du ftyle
à la julleffe des raifonncmens.
Ces différentes occupations l'o-
bligèrent d'interrompre fon Oriens
A ou s
Chriftlanus , entreprife iinmenfe ,
& d'une recherche infinie ■■, le pre-
mier Volume en cft prele]ue entiè-
rement imprime ; hcurculcnient il a
lailîé fon Manufcrit complet , &C
en état de voir inceflamment le
jour , &C nous apprenons avec plai-
iîr que la mort de l'Auteur ne pri-
vera point les Gens de Lettres d'un
Ouvrage qu'ils attendent depuis
long-tems avec impatience.
Il a lailTc encore plufieurs DilTer-
tations en Manufcrit , avec une Hi-
ftoire de Boulogne fur mer , fa pa-
trie.
Quoique d'une complexion déli-
cate , & que fur la fin de fa vie , fa
fanté lut fujette à de grandes alté-
rations , le P. le Quien ctoit infati-
gable à l'étude. L'humilité & la
douceur faifoient fon principal ca-
radere. La même difpofition d'ef-
prit qui le rendoit prodigue de
louanges pour le mérite & la ver-
tu des autres , lui faifoit refufer
les julles éloges qu'on ne pou-
voir s'empêcher de lui donner. Il
paroilloit toujours avec une gayeté
naturelle & modefte qui rendoit
fon commerce extrêmement agréa-
ble. Dans les entretiens ordinaires
fon efprit ne lui fervoit qu'à faire
éclater la bonté de fon cœur. Il
avoit même un extérieur li fîmplc
&c Çi uni que les perfonnes qui
avoient peu de mérite , ne lui en
trouvoient qu'avec peine , & fc de-
mandoient quelquefois à elles-mê-
mes ce qui pouvoir lui avoir attiré
la grande réputation dont il joiiif-
foit.
ESSAT SVR LES ERREVRS VOVVLAIRES , OU EXAMEN
de plujteurs opinions reçîtés comme vraies , qui font faiijfes ou douteufes.Tra-
ditit de l'Angloisde TToomas Broiun , Chevalier & DoElcur en Médecine.
A Paris , chez Pierre IVitte , rue S. Jacques , proche de Saint Yves ,
à l'Ange Gardien : & Didot , Quai des Augullins , près du Pont Saint
Michel, à la Bible d'or. 1733. in- 12. deux Vol. Tom. I. pp. 54e'.
Tom. II. pp. 34Z. fans les Préfaces.
L'AUTEUR, dans les trois
premiers Livres de cet Ouvra-
ge , a combattu les Erreurs Popu-
laires concernant les Minéraux , les
Végétaux & les Animaux -, & c'eft
de quoi nous avons rendu compte
dans notre Journal de Juin dernier.
Il nous reftc prefentcmcnt à donner
quelque détail des Livres fuivans.
Livre IV. Le Dofteur Brown
y examine plufieurs opinions fauf-
îès ou douteufes , qui ont l'Hom-
me pour objet. De ce nombre eft
la figure droite & la faculté de con-
templer le Ciel qu'on Im attribue à
l'exclufion des autres animaux.
Car fans parler des oifeaux , qui
font prefque droits & qui avancent
la tête & la poitrine en marchant ,
n'étant inclinés que dans leur vol ;
s'il eft vrai , comme on l'affure ( dit
l'Auteur ) que le Pengitin ou l'Oye
Magellanique , l' Unas de Bellon ^
ôc i'efpecc de Plongeon appellée
4Î4 JOURNAL DE
AiergusmAJûr marchent droits ,
formant avec le ventre & la poitri-
ne une ligne perpendiculaire à l'axe
de la terre i que devient le privilè-
ge exclufif imaginé en faveur de
l'homme î L'Auteur a vu pluficurs
fois une efpece de Sauterelle , qui
loin de s'incliner , fe tient toujours
droite , & les pattes de devant éle-
vées. Les Naturalirtcs l'appellent
Afantis , & les Provençaux la Pro-
■phctejfe ou laSauterelle qui prie; par-
ce qu'elle paroît d'ordinaire dans
la pofture de ceux qui élèvent les
mains au Ciel. Qiiant à la préroga-
tive de le contempler , dont on fait
honneur à l'homme , elle ne lui cfl:
point particulière , puifque les
poiflbns plats , les cartilagineux &
les peflinaux ( ou ceux dont les arê-
tes imitent les peignes ) lorfqu'ils
fe repofent fur le côté blanc , regar-
dent direifiement le Ciel , ce que
ne fait pas l'homme ; fans compter
que les oifeaux ont le même avanta-
ge & encore plus commodément
par la ftrudure de leur paupière
fuperieure ; Se que plufieurs qua-
drupèdes en regardant le Ciel for-
ment de leurs yeux un arc plus
grand que celui fous lequel l'hom-
me dans fa fîtuation naturelle peut
le regarder.
L'Auteur enfuitc réfute le préju-
gé commun , qui place le cœur au
côté gauche de la poitrine, & celui
qui ne reconnoît qu<; ce même côté
pour le fiége des pleurehes. Il ne
trouve pas mieux fondé le fenti-
ment vulgaire , qui donne au doigt
annulaire de la main gauche une
veitu cordiale , que lui communi-
S SÇAVANS ,
que ( dit-on ) une veine ou une ar-
tère, & qui le rend digne de porter
l'anneau, prcferablement aux au-
tres doigts -, fur quoi l'Auteur étale
une érudition affcz curieufe. 11 n'c:i
débite pas moms dans l'ai ticlc où il
s'efforce de prouver , qu'il n'eft pas
vrai , comme on le croit communé-
ment , que l'homme fe fervc natu-
rellement de h main droite , &
qu'il s'éloigne de la nature , lorf-
qu'il fe fert delà gauche ; & Brown
prétend que la préférence dont il
s'agit doit pafler beaucoup moins
pour l'effet d'une difpofition natu-
relle , que pour celui de la coutume
ou de l'éducation. Il regarde com-
me fauffes ou du moins comme in-
certaines ces opinions populaires ,'
Que l'homme nage naturellement,
lorfqu'il ne craint point l'eau ,
Qu'en fe noyant il tombe au fond ,
mais qu'il fumage le neuvième
jour , la véflcule du fiel fe crevant
alors ; Que les femmes noyées flot-
tent couchées fur le ventre , & les
hommes , couchés fur le dos. Il
met au même rang un faitreçià vul-
gairement , & attefté par Pline
comme véritable par rapport à tous
les animaux , fçavoir. Qu'un hom-
me mort péfe plus que lorfqu'il
étoit vivant : ôc il s'eft affuré du
contraire par diverfes expériences
faites non pas fur le corps humain,
ce qui ne poiirroit s'exécuter que
difficilement , mais fur plufieurs
fortes d'animaux.
Il n'a pas de peine à réfuter une
autre erreur prefquc univerfcllc-
ment reconnue pour telle aujour-
d'hui, mais crue anciennement &
A O U
fîûtenuë p^r Platon , Eratofthéne,
E'.ipolis , Earinide, Euftathe &
Macrobe, qui s'iinaginoient qu'il y
avoit deux differens conduits pour
les alimcns folides & pour la boif-
fon , roefopiiuge pour ceux-là , &
la trachce-arterc pour celle-ci. On
le perfuadc ordinairement que l'u-
fagc de faluer c; ux qui éternuent
tire fon origine d'une maladie épi-
démique , dans laquelle on éter-
nuoit jufqu'à extindion de vie ; &
on met cette maladie fous le Ponti-
ficat de S. Grégoire le Grand. Mais
l'époque de cet ufage , dit i'Au-
teur , eft beaucoup plus ancienne ,
puifque long-tems auparavant il
avoit lieu chez les Grecs qui ti-
roient de t'éterniiment de bons ou
de mauvais augures fuivant les cir-
conftances qui l'accompagnoient ;
ce que détaille ici le DodeuiBrovn.
Il entreprend enfuite la défen-
fc des Juifs contic le préjugé com-
mun j qui leur attribue une mau-
vaifc odeur comme naturelle &
particulière à toute cette nation j &
il traite ce fujet avec alTez d'cten-
duë , facrifiant toujours la préven-
tion à la vérité , même en cette oc-
cafion. Les Juifs en effet font en
butte à toute l'averfion du public
fur tant de titres fi réels , qu'il eft
inutile d'y en ajouter de purement
imaginaires. L'Auteur range parmi
les Fables ce que l'on dit des Pyg-
mces , pris pour une Nation entiè-
re compofée d'hommes qui n'ont
qu'une coudée , ou félon quelques-
uns , que deux pieds ou que trois
palmes de haut ; & cette décifion de
Siovn tefulte d'une dtfcuifion
S T , 175?; 4?i'
cxade , où il péfc les autoritez de
part & d'autre.
La grande année clima(flcriquc
fait après cela l'objet de fes réfle-
xions ; & il traite cette matière
fort au long. On fait les égards fu-
perftitieux de l'antiquité , & même
d'un grand nombre de modernes
pour certains nombres , fur-tout
pour 7 ou 9 , qui multipliés par
eux-mêmes font 49 & 8 1 , Se mul-
tipliés l'un par l'autre font 6 3 . Ces
produits marquoient , félon les an-
ciens , autant d'années climaderi-
ques , avec cette différence que le
dernier ( (73 ) étoit le plus fatal de
tous, C'eft-à-dire qu'on n'arrivoit à
aucun de ces termes de la vie hu-
maine fans courir quelque rifquc -,
mais que le terme de ^3 étoit le
plus périlleux & le plus difficile à
franchir. L'Auteur traite cette
frayeur de puérile , & la trouve
indigne de quiconque fait le moin-
dre ufage de faraifon. C'eft ce qu'il
s'applique à prouver par les argu-
mens folides que celle-ci lui four-
nit , & par la voye de Inexpérience
& des obfervations qui font foi ,
qu'il ne meurt pas plus de gens
dans ce qu'on appelle années climac-
teriejiies , que dans toute autre. Il
termine ce quatrième Livre par des
remarques fenfées fur les jonrs ca-
niculaires , & fur le peu de fonde-
ment de l'opinion qui bannit l'ufa-
ge de toutes fortes de remèdes pen-
dant cette faifon , remettant alors
aux feuls foins de la nature la guc-
rifon de toutes les maladies. Non-
content d'eflrleurer la matière , il a>
foin de l'appïofondii.
43«^ JOURNAL D
Livre V. L'Auteur hit ici une
revue de pluiîcurs cncurs que les
Peintres ont fuivies ou accréditées.
Us donnent au Pélican un plumage
vert ou jaune , au lieu qu'il eft
blanchâtre : ils lui font un bec tort
court , quoique ce bec fou large ,
plat & un peu recourbé : ils le pei-
gnent avec des pieds tendus, com-
me la plupart des oifeaux , au lieu
qu'il eOi palmipède comme les Cy-
gnes : ils omettent dans fa repre-
fentation , ce qu'il a de plus fin-
gulier , c'efl à-dire fon jabot, d'une
capacité prefque incroyable , fitué
au-deflbus du bec , defcendant le
long du col , &c dans lequel il met
en referve des huitres ou autres
coquillages , qu'il y retient, jufqu'à
ce que le poilfon en forte de lui-
même ; &c alors il le rejette , l'avale
de nouveau &c s'en nourrit. S'il
s'ouvre la poitrine à coups de bec
& en tire du fang , ce n'eft que
pour fon foulagement propre &
nullement pour nourrir fes petits,
comme le rcpicfcntent mal-à- pro-
pos les Peintres , fur le rapport des
anciens Naturaliftes. C'eft encore
une erreur de leur part de peindre
les Dauphins courbés j ces poilTons
ne. le font pas davantage que les
Marfouins , les Baleines , &c. &
ont une figure droite , comme
on peut s'en convaincre p.ar l'inf-
pedion des planches qu'en ont fait
graver Gejher , Rondelet , Aldro-
vand , &;c. Ces Peintres fe trom-
pent groirierementjloi fqu'ils repre-
fentent en Angleterre fous la forme
des Sauterelles , les Cigales qu'ils
n'y ont jamais vîiës , & qui n'y
ES S Ç A VA N S ,
exiftcnt point : ce font deux infec-
tes d'un genre fort difFcrent.
C'eft à tort qu'Us peignent avec
une face humaine le Serpent qui
tenta Eve , Ce nous J'o^rcnt à ^'?u-
près fous la tîgurc de Cadmus & de
fa^ tcmmc dans l'inftant de leur
métamorphofc. Eve ne devoit
point ( iclon l'Auteur ) être ef-
trayéc à la vue de cet animal , dans
le Paradis \ encore moins de l'en-
tendre parler , pouvant jufqu'alors
ignorer que la parole fût un privi-
lège de l'homme. Le nombril qu'ils
donnent à nos premiers parens n'eft
pas mieux imaginé ; puifqu'il s'en-
fuivrpit de là que le Créateur au-
roit prodigué au chef d'oeuvre de
fa puilfancc des parties fuperfîués.
La manière dont les Peintres repre-
fentcnt les Orientaux & les Juifs
afîis à table d:j3S leurs feftins , & le
Sauveur , en particulier , dans la
folemnité de Pâques , choque la
vérité hiftoriquc , puifqu'il cft ccr-
tam que ces peuples mangeoicnt
couchés fur des lits. L'Auteur en
met ici l'arrangement fous les
yeux.
Les Tableaux qui nous offrent
Jefus-Chrift avec une longue che-
velure , ne fubiffent point la cenfu-
re du Docteur Brown. Mais il l'e-
xerce fur ceux des Spedateurs qui
fe pcrfuadent que Jefus Chrift por-
toit cette longue chevelure en qua-
lité de Nazaréen , & qui confon-
dent ainfi cette forte de Religieux
avec leshabitans de Nazareth. Dans
le Sacrifice d'Abraham , on peint
d'ordinaire Ifaac comme un en-
fant , ce qui s'accorde mal avec le
Texte
A O U s
Texte Sacré , ainfi qu'avec le té-
moignage de Jofcph , félon lequel
Ifaac avoir alors atteint l'âge de 2 5
ans. On peint au contraire les Si-
bylles comme jeunes , quelque peu
favorable à cette idée que foit l'Hi-
ftoire. Moyfe n'eft reprefenté avec
des cornes , qu'en vertu du terme
équivoque employé dans le Texte
Hébreu , où il fignifie corne &
rayon lumineux : & les armes ou
fymboles affignés ordinairement à
chaque Tribu fur les Cartes de la
Palcftine & ailleurs ne font rien
moins que leurs véritables caractè-
res diftindifs.
Rien n'eft moins certain { dit
l'Auteur ) que le genre de mort par
lequel périt Cléopâtre. Cependant
les Tableaux nous la font voir te-
nant deux afpics attachés à fes
bras , ou à fa gorge , ou à ces deux
parties en même tems. L'Auteur ne
trouve pas moins blâmable la ma-
nière dont on peint quelques Hé-
ros & quelques Saints : Alexandre,
par exemple, monté fur un Elé-
phant , Hector fur un Cheval , &
non fur un Char •, Céfar de même ,
avec une felle 6c des ctriers ; Jcphté
facrihant fa fille de la même taçon
qu'Abraham immole fon fils : faint
Jean-Baptifte vêtu d'une peau de
Chameau , au lieu d'une étoffe
grofTiere tiffue du poil de cet ani-
mal , comme dit l'Ecriture : Saint
Chriftophle fous la forme d'un
Géant qui porte fur fes épaules
l'Enfant Jefus & qui un bâton à la
main traverfe les eaux : S. George
tuant un Dragon , & près du Saint
U fille d'un Roi : S. Jérôme dans
T, 17? ^ 4Î7
fon Cabinet avec une Pendule près
de lui. L'Auteur joint à ces huffes
reprefentations celle d'Aman pen-
du à un gibet trcs-haut , fupplicc
inconnu ( félon lui ) aux anciens
Perfes, quicrucihoient leurs Cri-
minels : celles dcsSirénes , des Li-
cornes , des Baleines , &c. celles
des figures hiéroglyphiques des
Egyptiens.
Le Doifleur Bro'jj'n , dans les
deux derniers Chapitres de ce Li-
vre , n'en veut plus aux feuls Pein-
tres , mais il tourne fa critique fur
plufieurs coutumes , opinions, ob-
fervations, & pratiques populaires,
qu'il regarde comme EiulTcs , ou
trèsdouteufes , ou même fuperfti-
tieufcs , & dont il recherche cu-
rieufement l'origine. Tels font i".
les finiftres préfages tirés d'un Liè-
vre traverfint un grand chemin ;
de la prefence des Hiboux 5c des
Corbeaux, d'une Salière renverfée,
d'une Coque d'oeuf non brifée :
2°. Le nœud des véritables Amans
dont les Anglois font encore beau-
coup de cas dans leurs intrigues
amoureufes : 3°. Le tintement des
oreilles pris pour un avertilfement
que quelqu'un parle de nous :
4°. Le proverbe Anglois qui dit
que la fumée s'adrefle toujours à la
plus belle perfowne : 5°. La créan-
ce où font quantité de gens, qu'il
cft mal-fain d'avoir les jambes croi-
fées ou les doigts entrelacés : 6°. Le
choix de certain tems pour fe cou-
per les cheveux & pour fe rogner
les ongles : 7°. Le foin de laiflcr
croître les poils fur les lignes que
l'on a auvifage : 8°. L'ufage reçu
M mm
438 JOURNAL D
dans prefque toute TEurope d'or-
ner de têtes de lions les aqueducs ,
les tuyaux des Fontaines &c des
Refcrvoirs : 9°. L'imagination de
ceux qui fc figurent de n'avoir pas
été bcnis , lorfqu'ils n'ont pas mis
leur ceinture : lo*^. La reprefenta-
tion du Père Eternel fous la forme
d'un Vieillard : 1 1°. Celle du So-
leil & de la Lune avec des faces hu-
maines : I z°. Celle du Démon avec
des cornes & des pieds fourchus :
1 3°. L'opinion de ceux qui croyent
que le Soleil danfe ordinairement
le jour dePàque : 14°. Le bonheur
que l'on attribue aux enfans nés
coëffés : 1 5°. Le précepte de s'eny-
vrer une fois le mois pour fe bien
porter , mis faulfement fur le
compte d'Hippocrate , & qu'A-
viccnne , fans égard pour le Maho-
métifme dont il faifoit profeffion
femble appiouver : 16°. Les préfa-
ges tirés des taches qui paroilfent
fur les ongles : 17°. La pcnfée où
font quelques-uns , Que les enfans
abandonnés à l'inftrudiion de la na-
ture , parleroient la Langue des
premiers hommes : 18°. La crainte
de quelque malheur fi l'on tue les
Hirondelles , quoique incommo-
des, ou du moins inutiles ; 15°.
L'emploi du corail pour faire per-
cer les dents des enfans : 20°. Celui
de la baguette de coudrier pour la
découverte des Mines, &c.
Livre VL L'Auteur y difcute
plufieurs opinions relatives à la
Cofmographie Se à l'Hiftoire. Il
décide en premier lieu , qu'il cft
impollible de f(;avoir précifcment
le tems de la Création^ puifque l'on
ES SÇAVANS,
ne peut tirer fur cet article aucun
éclaircilTcment , ni de l'Hiftoire
Payenne , ni de la Chronologie ,
foitdes Juifs , foitdes Samaritains,
ni de celle des Chrétiens , auftlpeu
d'accord entr'eux , qu'avec ceux
qui les ont précédés. Il prérend , en
fécond lieu , que les recherches fur
la faifon précife où le monde a été
crée , font incertaines & frivoles ,
la Création appartenant également
aux quatre Saifons , puifque le So-
leil en quelque figne qu'il foit du
Zodiaque, diftinguc & détermine
les Saifons en tout tems , foit pour
toute la terre , foit pour chacune
de fes parties : d'où l'Auteur prend
occafion de faire plufieurs remar-
ques fur la divifion des quatre Sai-
fons de l'année félon les Aftrono-
mes & les Phyficicns. Il montre en-
fuite que les confequenccs que le
peuple tire de certains jours des
mois , font contraires à la vérité. Il
eft faux , par exemple , que les
jours croi fient & diminuent égale-
ment pendant toute l'année ; que d
le jour de la Purification de la Sain-
te Vierge le Soleil luit , le refte de
l'hiver fera rigoureux ; que les dou-
ze jours qui précèdent ôc qui fui-
vent la Fête de Noël caraclcrifent
les douze mois de l'année ; qu'il y
ait des jours heureux & d'autres
malheureux j &c. Après quoi le
Dodeur Brown s'engage dans une
digrefllon qui mérite d'être lue ,
fur la fagefic de Dieu par rapport
au mouvement & à la pofition du
Soleil.
Il examine, après cela, l'opinioB
commune , qui veut qu'avant le
A O US
Déluge , la terre ne fût que mé-
diocrement habitée -, & il conciud
pour la négative , fur plufieurs rai-
fons qui paroiflent très plaufiblcs ,
telles que la longue vie des pre-
miers hommes , d'où il refulte ,
fuivant le calcul de notre Auteur
emprunté du P. Pétau , que le pro-
duit d'une feule tige ou d'une feule
famille , au bout de 700 ans , a dû
monter à 1347 millions 3é'8 mille
410 pcrfonnes. Tel eft encore l'ar-
gument tiré de l'intervalle de 1^55
ans qui s'eft écoulé depuis la Créa-
tion jufqu'au Déluge , & pendant
lequel ( comme le prouve l'Auteur
par un détail où nous ne pouvons
le fuivre ) la terre fe trouva auili
peuplée qu'elle le fut après le Dé-
luge au bout de 1300 ans. Brown
employé un Chapitre entier ( c'eft
le 7^ ) à faire voir , qu'à parler avec
précifion , il n'y a dans la nature ni
Orient ni Occident , l'un & l'autre
n'étant que des points relatifs , qui
varient félon les divcrfes longitu-
des •, en quoi ces deux points font
fort differens de ceux du Nord &:
du Midi , qui font fixes & invaria-
bles , & fur lefquels on doit rai-
fonner tout autrement que fur les
deux premiers. Nous fommes obli-
gés , pour abréger , d'omettre les
reflexions fenfées qu'il fait ici fur
les prétendus avantages attribués
aux pays Orientaux , & qui n'ont
d'autres caufes que les qualitez de
l'air & du terroir, fort indépendan-
tes en général du lever ou du cou-
cher du Soleil.
L'Auteur paffe delà aux erreurs
populaires concernant le Nil , au
T , 173 ?. 4ÎP
fujec des fept embouchures de ce
fleuve , de fa fource , de fa gran-
deur , de fes débordemens périodi-
ques & des pluyes d'Egypte; dif-
cuilîon dont U refulte que le nom-
bre de fes embouchures eft incer-
tain Se a fort varié , que fa fource
eft connue , qu'il n'eft pas le plus
grand de tous les Fleuves , que fes
débordemens ne lui font point par-
ticuliers , qu'il pleut rarement au
grand Caire , mais qu'à Damictte ,
Alexandrie Se ailleurs j il y pleut
beaucoup Se fouvent. L'Auteur,
dans fon neuvième Chapitre , où il
examine les divers fentimens au fu-
jet de la Mer Rouge ou du Golphe
Arabique , regarde comme proba-
ble l'opinion de ceux qui préten-
dent que cette mer doit fon nom
au Roi Erythrus confondu avec
Efali ou Edom, La rougeur de cet-
te mer ( dit il ) n'eft qu'apparente,
& n'a d'autre caufe que la reflexion
qu'elle reçoit de quelques Ifles
rougeàtres & de la couleur de fon
propre fond , où il croît beaucoup
de corail ; ce qui fait qu'aux en-
droits où manque cette couleur da
fond, la reflexion varie Se donne
aux eaux de cette mer une couleur
verte ou même une couleur bleue,
L'Auteur avertit de plus , que le
Golphe Perfique porte auffi le nom
de mer rouge.
Il vient enfuite à la couleur des
Nègres, dont il s'efforce de décou-
vrir la véritable caufe, peu content
de celles qu'en ont alléguées ;uf-
qu'ici les Naturahftes. Ils en ont
afTigné deux principales, l'ardeur
du Soleil, Se la maledidion divine
M mm^
440 JOURNALD
fur Cham Je fa poftcrité. La pre-
mière eft fort doiitcufc &: fouffrcde
très-grandes difticultcz déduites ici
par le Dodcur Brown. i°. La riviè-
re de Senaga établie comme une li-
gne , qui fépare les Maures noirs
d'avec ceux qui ne font que jaunâ-
tres , détruit facilement l'opinion
qui impute cette noirceur aux feuls
rayons du Soleil. i°. Si cet aftre
produit cet effet , pourquoi ne le
remarque-t on pas dans les ani-
maux du même climat ? 5°. Pour-
quoi les Nègres tranfportés dans
un autre climat, confervent- ils leur
couleur à perpétuité, eux ôc leurs
defcendans , s'ils ne s'allient avec
des blancs ? 4°. Si l'ardeucdu Soleil
étoit la feule caufe de la noircear
des Nègres , tous les peuples qui
habitent dans la même latitude ,
devroient être de la même couleur,
ce qui n'eft pas. 5'. Dans l'Afrique
même il y a des Noirs fous le Tro-
pique Méridional, au lieu que fous
le Septentrional , les peuples n'ont
pas tous cette même couleur. 6°.
Quoique au Cap de Bonne-Efpe-
lance firué fort au-delà du Tropi-
que Méridional ^ & où les chaleurs
doivent être tempérées, les peuples
y foient noirs ; en Amérique au
même degré de latitude Septentrio-
nale ils font blancs ; & en Europe ,
ceux de Candie , de Sicile & de
quelques Provinces d'Efpagne font
au plus olivâtres. 7°. Ce n'efl: ni la
fechcrefle de la terre , ni la difettc
des eaux qui rend plus vive & plus
brillante rimprcffion du Soleil iur
les Africains & principalement fur
les Nègres , puifque les régions oc-
E S SÇAVANS,
cupées par ceux-ci, loin dêtrc dé-
pourvues d'eau , font arrofces paï
de grandes rivières , qui rafraîchif-
fent l'air & humedent les terres ,
& que dans les Contrées les plus
arides de la Libye , les habitans ne
font pas noirs , mais font feulement
pâles & olivâtres.
A l'égard de la malédidion pro-
noncée fur Cham ancêtre des Nè-
gres & fur fcs defcendans , S<. aflî-
gnèe pour caufc de leur noirceur,
le Docteur Bro^n la trouve d'au-
tant moins vraifcmblable , que cet-
te malédiction ne tomba que fur
Chanaan le plus jeune des trois fils
de ce Patriarche , & dont la poftc-
rité fe renferma dans la terre de
Chanaan & dans la Syrie , où elle
n'a produit aucuns Nègres , outre
que ceux ci , loin de prendre leur
noirceur pour un effet de quelque
malédidion , fe félicitent eux-
mêmes de cette couleur, attribuant
la blancheur au Diable & à tous les
objets terribles.
Notre Auteur croit donc devoir
chercher ailleurs les caufes de la
noirceur des Nègres ; & il fe tourne
pour cela de difierens cotez. Il a re-
cours dabord à la boilTon de certai-
nes eaux ; & il trouve chez les an-
ciens deux fontaines de Béocie dont
l'une blanchilToit les moutons , &
l'autre les noircifloit. Il v trouve
encore l'eau de Sibéris qui rendoit
noirs les bœufs 6c les hommes mê-
mes. 11 conçoit que ce changement
de couleur. a pu fe faire originaire-
ment de la même manière , que les
moutons de Jacob prirent difFcrcn-
tes couleurs , c'eft-à-dire par ]a foi-
A O U s
ce de rimagin.ition. Il conjecture
que cette noirceur pourrot avoir
eu un principe pareil à celui qui
produit certaines jaunilTes , & que
la combmaifon d'un tel principe
avec d'autres caufcs analogues au-
roit fait paroître enfin cette cou-
leur, qui n'auroit eu que de foibles
commencemens : de même que
l'on a vîi l'altération de certains
organes palTer aux defcendans Se
même s'augmenter de génération
en génération. Telle fut l'origine
des Macrocéphales ou hommes à
tête longue , dont parle Hippocra-
te j celle des Cerfs à'Arginufe à
oreilles fendues , au rapport d'Ari-
ftote -, celle des Nègres aux nez
écrafés & aux groffes lèvres , &c.
Il fuppofe enfin que cette partie de
la pofterité d'Adam a commencé à
prendre cette couleur noire, com-
me l'ont prife certaines efpeces de
Renards , d'Ecureuils , de Lions ,
dans plufieurs Pays ; comme certai-
nes Perdrix ont commencé d'avoir
le bec & les pattes rouges-, comme
les Chameaux de la Badriane ont
deux bolTes fur le dos , au lieu que
tous les autres n'en ont qu'une ;
comme eft arrivée la prodigieufe
différence des Chiens dans leur for-
me , dans leur couleur , dans leur
nature , &c.
Cette recherche fur les caufes de
la noirceur des Nègres engage notre
Auteur à donner quelque idée de la
noirceur en général ; ic il s'appuye
pour cela fur des faits &: des expé-
riences , qui répandent beaucoup
de lumière fur un fujet aflez obfcur
par lui-même j & qui peuvent
T. 173 5- ^ 44Ï
fournir de nouvelles vues fur l'ori-
gine de la noirceur des Nègres.
C'eft à regret que nous ne pouvons
le fuivre dans une difcuflïon fi cu-
rieufe , 5c qui mérite d'être lue en
entier.- Nous pafTcrons légèrement
auflî fur ce qu'il nous apprend tou-
chant l'origine des Bohémiens ou
de ces noirs artificiels qui fe font
répandus dans notre continent ^ Si
fur quelques autres articles moins
intereffans qui terminent ce fixiéme
Livre , &: nous viendrons enfin au
feptiéme & dernier.
Livre VIL II roide fur la réfu-,
tation de plufieurs Opinions Hifto-
riques communément reçues , &
de quelques-unes fur-tout qui font
tirées des Livres Saints. Nous ne fe-
rons qu'indiquer fommairement
ces differcns chefs. On ne peut dé-
cider ( félon lui ) que le fruit dé-
fendu fût une pomme , & il eft
(dit-il) plus affligé fans comparai-
fon qu'Adam ait goûté de ce fruit ,
que d'ignorer ce que c'étoit. Il n'eft
pas vrai que l'homme ait une côte
de moins que la femme ; & il n'cft
pas certain que Mathufalem foit
celui de toute la pofterité d'Adam
qui ait vécu le plus long - tems.
Nulle raifon n'oblige à croire que
l'Arc - en - Ciel n'ait point paru
avant le Déluge -, ni que Japhet fût
le dernier des trois fils de Noé,
quoique nommé en cet ordre dans
l'Ecriture ; ni que la Tour de Babel
ait été bâtie contre un nouveau Dé-
luge. On ne fçait & l'on ne peut
favoir ce que c'étoit que les Man-
dragores de Lia , dont Rachel eut
envie ; & ïien a'cft moins fondé
442 JOURNAL D
que la Tradition qui prend les trois
Rois révérés à Cologne pour les
Mages conduits par l'étoile à Beth-
léhcm , Se qui fixe le nombre de
ces Mages à ti ois.
11 faut (fclon le Dodeur Brown )
entendre à la lettre ce que dit l'E-
criture touchant les Sauterelles
dont S. Jcan-Baptifte fc nourrilfoit;
& ne point croire que S. Jean l'E-
vangelifte n'ait point dii mourir ,
ni que les Oracles du Paganifme fe
foient tiis entièrement à laNaifTan-
ce de J. C. Ariftote ( continue
l'Auteur ) ne s'eft point précipité
dans l'Euripe , de defefpoir de n'a-
voir pu comprendre la raifon du
flux & reflux de ce détroit ; & le
fouhait de Philoxéne d'avoir un
col de grue pour goûter à longs
traits le plaifir de boire Se de man-
der , lui paroît aulîî abfurde que
peu fondé dans l'Hiftoire. Il regar-
de comme un fait encore incertain
ce qu'on aflure communément du
LacAfphaltite ou de la Mer-morte,
Que les corps pefans y furnagent ;
Se il lui femble fort douteux que le
Sauveur n'ait jamais ri , quoique
l'Ecriture n'en dife rien. Tamerlan
(' félon lui) étoit du fang des Em-
pereurs Tartares , & nullement de
baflc nailTance, fuivant l'opinion
vulgaire -, mais il ne fauroit fe pcr-
fuadcrque Bélifaireait été réduit à
la mendicité après avoir eu les yeux
crevés par l'ordre de Juftinien ; il
met au rang des fables l'Hiftoirede
laPapelTe Jeanne,*: il paroît incer-
tain fur la vérité de celle du Juif
errant.
ES SÇAVANS.
Il prend pour autant de faits exa-
gérés ce que l'on raconte de ia pro-
digieufe armée de Xerxès qui ta.if-
foir les fleuvcSjd'Annibal qui perc,,"
les Alpes avec du vinaigre , d'Ar-
chnnédc qui avec fes verres de fi-
gure parabolique brûla les Vaif-
Icaux de MarcelUis à la diftance de
trois milles ; des Fabiens qui péri-
rent au nombre de 306 dans la ba-
taille contre les Veiens , n'ayant
lailfé dans Rome qu'un feul mâle
pour perpétuer leur race ■■, de Sarda-
iiapale , qui bâtit en un feul jour
les deux grandes Villes de Tharfc
& d'Anchiale -, du Vaifleau d'Hic-
ron , qui au rapport d'Athénée ,
contenoit dix écuries , huit Tours ,
des Salles à manger , plufieurs
Chambres pavées d'agathes & d'au-
tres pierres précieufes , des refer-
voiis&des Jardins; de la Mer de
Pamphylie , qui fe retira pour ou-
vrir un palTage à l'armée d'Alexan-
dre, &c.
» Si quelqu'un ( ajoûte-t-il )
» content de croire que l'Afneiïc
» de Balaam ait parlé , retufe de
M croire ce que les Turcs débitent
)j du Chameau de Mahomet , ou ce
» que les Romains ont dit du Bœuf
n de Livie , ou ce que rapporte Ju-
» ftin de l'Anneau de Gygès , &c,
3> je ne puis , je l'avoue , blâmer
') fon incrédulité, a Nous fommes
contraints , pour abréger, de paiTcr
par dclTus pUiiîeurs articles, qu'il
faut lire chez l'Auteur même , le-
quel répand fur la plupart des fu-
jets qu'il traite, une érudition fort
variée.
A O U s T ; 1755:
443
LA 2ldEDEClNE THEOLOGIQVE , OU LA MEDECINE
crê.'e j telle cju'elle fefait voir ^ fortie des mains de Dieu , Gréateitr de la
Nature j & régie par fss loix. Ouvrage oii s'explique rfiygienne par les
principes du M.échanijme : puis par de femblables ?ioticns tirées des Sciences
les plus propres a perfeBionner la Médecine ; l'on y développe les idées des
vrayes caufes des maladies , de l'ordre auquel elles appartiennent & de leurs
vrais remèdes. On y a joint à la fin ^ des Théfes de Médecine de l'Auteur de
ceTraitê A Paris , chez Guillaume Cavelier , rue S. Jacques , au Lys
d'or , près la Fontaine Saint Severin. 1732. deux Tomes in-iz. pre-
mier vol. pp. é^oy. fécond vol, pp. 713.
LA M E D E CI N E eft ici re-
prefentéc comme la Scien-
ce la plus capable de conduire
les efprits à la connoifTance & à l'a-
mour du Souverain Etre -, ce qui
a fait donner à l'Ouvrage le titre de
Médecine Théologique. Il eft divifé
en trois Parties : dans la première
on montre la dignité de la Médeci-
ne par rappoit a fon Auteur qui eft
Dieu : dans la féconde on fuit la
nature dans fes démarches , on
confidere l'accord merveilleux qui
règne dans les fondiions du corps ,
& qui forme pour ainfi dire la dif-
cipiine qui s'exerce dans tous les
vifceres. On examine la ftrudure
de ces vifceres , & on fait fentir
par tout d'une manière frappante ,
qu'il eft jmpoflîble que le Médecin,
qui a toujours à méditer de tels ob-
jets , n'y rcconnoifte le doigt de
Dieu : dans la troifiéme partie on
fait voir que l'art de guérir confifte
uniquement dans l'obfervation des
loix que Dieu a établies à l'égard
des fondions du corps , & l'on re-
cherche à cette occafion , qu'elles
font les Sciences qui peuvent le
plus fervir au Médecin pour le
conduire à l'obfervation de ces
Loix. Nous ne fçaurions compren-
dre tant de chofes dans un Extrait;
nous nous contenterons ici de rap-
porter quelques exemples de ce que
l'Auteur obferve fur la ftrudurc
merveilleufe des parties , dans le
deftein qu'il a de montrer que l'é-
tude de la Médecine conduit necef-
fairement à la connoifTance & à l'a-
mour du Créateur. Nous choilî-
rons , pour cela , ce qu'il dit fur la
peau , fur la ftrudure générale des
vifceres, la circulation du fang vers
les parties fuperieures , fui la dige-
ftion , fur TaccroilTement du fœtus,
Scfur rame,ccs articles nous paroif-
fent à la portée d'un plus grand
nombre de Ledeurs. Nous en fe-
rons le précis pour les pouvoir ren-
fermer dans un Extrait.
Merveilleufe flruSlitre de la peau.
Au premier afped du corps hu-
main & de fa furface, on découvre,
remarque notre Auteur , un mé-
chanifme admirable , & dans ce
méchanifme , des vîiës fi profon-
des , lî étendues , que l'efprit hu-
444 JOURNAL D
main s'y perd ; c'cll de la peau dont
il s'agit. Cette enveloppe fans avoir
la foliditc des métaux a fuffi au
Créateur pour fcrvir de garde à
toutes les parties intérieures du
corps humain : par elle font bou-
chées toutes les ilTuës des vailTcaux,
foit fanguins eu autres , tandis
qu'elle eft elle-même criblée d'un
million de pores ; ainfi en même
Cems qu'elle fcrt de barrière aux
fucs fanguins & lymphatiques ,
dont les vailfeaux aboutifTent & fe
perdent dans fi tilTure , elle s'ouvre
elle - même par autant d'endroits
qu'elle a de pores , pour laiflcr
exhaler une quantité prodigieufe de
matières tranfpirabks qui s'échap-
pent continuellement.Cette contra-
riété perpétuelle d'opérations dans
un organe fi fimple en apparence ,
n'a rien que l'art le plus ingénieux
puifle imiter. Quelle eft: , deman-
de notre Auteur , la main qui fait
ici le triage des fucs qui doivent s'é-
chapper, d'avec ceux qui doivent
retourner au cœur par la circula-
tion ? Quel artifice naturel divifc
cette matière tranfpirable en au-
tant d'atomes qu'il v a de pores î
Car , félon la fupputationdu célè-
bre M. Leuwenhoek , le nombre
de ces porcs , dans l'efpace d'un
feul grain de fable , fe trouve mon-
ter jufqu'à cent vingt-cinq mille.
Ajoutez à ce prodige, autant, ou à
peu-près , de canaux excrétoires cy-
lindriques artériels qui cxpulfent
chaque afômc de cette mjfiere.
Quels doigts partagent ces atomes,
&c les placent dans ces canaux ?
Qiiellcs mains foulevent les petites
ES SÇAVANS.
écailles de i'c;nd:imc , où elles
fervent comme de foupapcs à ces
iiïuës ? Cet épidcrme qui con^me
un fur tout recouvre la peau i'<c
toutes fes papilles ncrveufcs auf-
qucllcs elle torme des tourreaux
ou des gaines , n'eft pas une mem-
brane fimple , elle fe partage en
plulicurs lames colces les unes fur
les autres , pour défendre plus fu-
rement contre les injures de l'air ,
la peau qu'elle couvre ; car il fal-
loir modérer l'imprelîîon de cet air
fur un corps aulîî fenfible que le
tiflu de cette peau.
Un autre avantage de la peau eft:
d'afturer au fang la liberté de fon
cours : c'eft pour cela qu'elle eft
fouple , flexible , molafte. La force
du cœur , puiftante comme elle ell,
auroit expofé le fang à rompre les
artères capillaires fanguines , ou à
les ouvrir dans les lymphatiques, fi
ce fang avoir trouvé trop de refi-
ftance dans l'habitude du corps.
Afin donc de lui ménager fon re-
tour vers le cœur , le Créateur lui a
oppofé à l'extrémité de fon jet ,
comme dans le point de fon heurt,
une membrane lâche qui en amor-
tiftant les coups , ou l'impulfion
du fang que le cœur darde contre
elle , l'oblige à fc rabbatre molle-
ment, & à s'en retourner fans trou-
ble vers l'endroit d'où il eft venu.
Tout cela au refte s'exécute fans
que l'homme s'en apperçotve, ce
qui eft une autre merveille. Le mé-
nagement dont il s'agit , eft telle-
ment de Tinftitution de la nature ,
que dans les endroits où le fang
lancé par les artères , feroit expofé
A O U s T
à s'ailer heurter contre quelque
chofe de dur qui pourroit le ren-
voyer trop brurqu(-ment , le Créa-
teur a eu foin d'intcrpofer une
membrane qui par fa molelfe
rompt les <:Gups & l'impétuofité
du fang. C'eft le méchanifme qui
s'obfcrve dans le cerveau : où le
fang dardé vers ce vifcere par ks
carotides , ne va point donner im-
médiatement contre la voûte du
crâne, mais la dure-mere placée en-
tre le crâne & le globe du cerveau
reçoit les coups de ce fluide impé-
tueux , & renvoyé mollement le
fang qui lui vient des carotides. On
voit en tout cela , remarque notre
Auteur , une attention il détaillée
& (î fuivie , qu'il n'eft pas pofTible
qu'elle foit l'effet d'un aveugle ha-
zard.
Voilà en fubftance ce que notre
Auteur remarque fur la peau. Voi-
ci un abrégé de ce qu'il obferve fur
la ftrudure générale des vifceres.
Struilure admirable des vifceres.
Les fingularitez merveilleufes de
la peau , ne font qu'un léger échan-
tillon de toutes celles qui fe remar-
quent dans les dehors du corps hu-
main ; mais les vifceres cachés au
dedans en renferment qui font
d'autant plus interefTantes qu'el-
les ont plus de rapport à la pra-
tique de la Médecine ; & qu'el-
les s'offrent par confequent davan-
tage à la méditation du Médecin.
ta première reflexion qui fe pre-
fente ici dabord ne regarde encore
que le général des vifceres copfidc-
AoHJi.
.17 5 3- 44;
rés en gros \ mais elle y découvre
d'imc m.miere d'autant plus évi-
dente l'adion de Dieu , que la rai-
fon s'y perd , fans y pouvoir rien
comprendre ; en effet au ilmpk af-
ped: des vifceres vus dans leurs fi-
tuations , leurs aluettes , leurs atti-
tudes , iSi leur ordonnance naturel-
rclie , on n'y apperçoit qu'une fnb-
ffance molle , lâche & flafque ; des
fucs membraneux, flottans, fans
foûticn, fans rermeté , qui paroif-
fenr informes & prefque dénués de
toute organifation. Voilà ce que le
premier coup d'oeil trouve à l'ou-
verture du bas-ventre -, mais en cela
même paroît manifeftement l'ac-
tion du Créateur , à qui il cft ordi-
naire d'employer ce qu'il y a de
plus vil pour exercer fon pouvoir ,
& montrer fa fouverainepuiffance.
La première apparence , & l'arran-
gement extérieur des vifceres, ne
prévient en faveur de leur adnîira-
ble ftruâiure , ni les yeux ni l'efpritj
tout y paroît brutte , groiïier , &c
fans art : ici un amas de vcficules
entaflees , ( ce font les poumons ; )
là un fac membraneux ( c'eft l'efto-
mac ; ) à côté fur la droite , une
maffeépaiffe, groflîere &pefante,
(c'eft le foye; ) fur la gauche, un
parenchyme bizarre dans fa cou-
leur, dans fa figure, & dans ù com-
pofition ; ( c'eft la rate : } les uns Sc
les autres de ces vifceres recouverts
de membranes dont les dehors
n'annoncent rien qui femble mé-
riter la moindre attention.
Le cerveau d'autre part , une
maffe de matière épailT- plt.s ref-
femblai^tc à un fromage maflif fie
44<> JOU FvNl AL D
groflîer qu'à quelque morceau
d'ouvrage que ce foit : il eft enve-
loppé , comme les autres vifceres ,
de membranes qui n'offrent à la
vue rien de recherché ; ajoutez que
ce font par-tout des fubftinces mo-
lafles, fpongieufes , gluantes , poif-
feufes, qui ne femblent annoncer
aucun méchanifme ingénieux. Ce-
pendant quel n'cft point l'ufage
merveilleux de ces parties , &
qu'elle ftrudure incomprehenfible
l'anatomie n'y découvre-telle pas î
L'Auteur compare ici les vifceres
à la terre , qui fous une apparence
grofllere , renferme dans fon fein
non feulement l'or & l'argent , les
pierres précieufes , & tous les au-
tres minéraux , mais des eaux im-
menfes dont le commerce attenti-
vement confideré cil: un prodige
entre les prodiges. C'eft à travers
les lits fecretsde la terre que fe font
les allées & venues des eaux de la
mer, & de celles des fleuves. Com-
me il y a dans le bas monde , plus
d'eau que de terre , l'équilibre en-
tre les deux ne pouvoir s'entrete-
nir que par la circulation de ces
eaux-, il arrive , félon notre Auteur,
quelque chofe de femblable dans le
corps humain : les fluides qui le
compofent en partie , y furpaflent
en quantité les folides , fuivant la
démonftration qu'a donne là-delfus
le fçavantM. KeiH , car par l'exa-
men de cetexaifl Auteur , en calcu-
lant ce qu'il y a de lymphe ou de
partie blanche du fang dans les ca-
pillaires, & de rouge dans les autres
vaifleaux , ce qui relie de partie fo-
lide ne fait qu'environ le tiers du
ES SÇAVANS,
poids de tout le corps. Il falloit
donc accorder enfemble ces deux
volumes de parties différentes qui
en fe contrepefant dévoient con-
courir au maintien de la fanté. C'é-
toit un équilibre à établir entre les
deux , & le Créateur y a ainfi
pourvu : il a fait circuler ces fluides
en les menant 5c les ramenant éga-
lement au travers de la mafle char-
nue du corps , de la même manière
que dans les entrailles de la terre ,
il mené & ramené les eaux d'une
extrémité du monde à l'autre ; car
Dieu voulant arrofer la terre qu'il
venoit de créer , établit des fleuves
dans le milieu de cette terre , &
ces fleuves en fe répandant d'un
bout cl l'autre entretenoient le com-
merce des eaux fuperieures 5c des
eaux fouterraines avec la maffe fo-
lide de la terre qu'elles pénétroienc
fans la fubmerger. Tout de même
le Créateur a établi au centre da
corps , une pompe univerfelle d'où
partent des canaux qui travcrfenr
toutes les parties poreufes , char-
nues , membraneufes , & ces ca-
naux fe repliant fur leurs fins fans
fe rompre , forment des capillaires
qui venant à fe réunir en remon-
tant , compofent des troncs de
vailTeaux par le moyen dcfquels le
fang remonte vers le cœur.
Quelque grande que paroiffe
d'abord cette merveille , elle le pa-
roît encore bien davantage , lorf-
que l'on confideré que tous ces pe-
tits canaux ou vailfeaux capillaires-,
s'ils étoient bout à bout , fcroient
un canal capable d'environner tout
le globe de la terre : cette immenfîo
A O U s
té d'efpace que les fluides parcou-
rent pour faire leur circulation dans
le corps ne peut donc être regardée
que comme un miracle, & ce mi-
racle qui fe fait condnucllement &
à toute heure , s'opcre dans le fe-
crct de parties dont l'afped , com-
me on l'a via ci-deflus , cft fi peu
capable de rien annoncer de mer-
veilleux.
Aderveille de la circulation du fang
vers les parties fuperieures
Le fang qui va vers les parties
inférieures , y defccnd fuivant la
pente naturelle de tous les corps ,
par fon propre poids ; mais lorf-
qu'au fortir du cœur, il fe porte en
haut , il s'engage d'abord dans le
poumon par l'artère pulmonaire ,
puis , contre fon propre poids , il
monte à travers plufieurs courbures
de vaifleaux , diredement par les
carotides & les vertébrales au cer-
veau , &: tranfverfalcmcnt par les
fouclavieres & les axillaires dans les
bras. Tout à la fois donc & par le
même coup de pompe , fçavoir
par la fyftole du cœur , il va tra-
verfer toutes les parties mufculcu-
fes , véficulaires , poreufcs, mem-
braneufes du bras , jufqu'aux extré-
mitez des doigts , tandis que par fa
partie rouge il pénétre toute la ca-
pacité du cerveau, immédiatement
dans fa fubftance corticale , & par
fa partie blanche dans la fubftance
médullaire , à travers la corticale -,
■eft-il coup de pompe fi heureux ,
fi étendu & aufli efficace dans tou-
te la nature î Car outre qu'en raê-
T , I 75 5. 447
me tcms le fang fe trouve pouflfé
dans tous les vailTcaux quitapiflent
les véhculcs innombrables du pou-
mon , & que foudaincment il eft
ramené au cœur , ilfurmonte tou-
tes les refiftances qu'oppofent les
courbures des vaifîcaux &; toutes
celles des cloifons poreufcs véficu-
laires des parties mufculeufes des
bras ; enfin il furmonte des miUions
de refiftanccs qu'il rencontre dans
la double fubftance du cerveau ,
fur-tout dans la médullaire , qui eft
fi denfe dans fa tiflurc & fi ferrée
dans fes filets. Car ce font des mil-
lions de petites fibres plus min-
ces que des cheveux , qui compo-
fent toute la mafte de la fubilancc
médullaire; de ces fibres afTemblécs
fc forment tous les cordons de
nerfs, & de ceux-ci toutes les mem-
branes du corps. Qiiclles profon-
deurs immenfes le fang n'a -t- il
donc pas à pénétrer î fi Galien ,
dit notre Auteur , venoit aujour-
d'hui, pourroic-il , à l'afpciflde ces
myfteres nouvellement découverts
dans l'Anatomie , ne point adorer
en le connoifiant, un Dieu qu'il a
admiré fans le connoître 1 C'eft
dans cette uniformité de diftribu-
tion des fluides , univerfellcment
& également répandus par toute
l'étendue du corps , que confifte ,
félon notre même Auteur, le point
d'équihbrc qui fait la fanté^ &:en
cela qui n'appcrçoit , pourfuit-il,
i'impreflion continuée de cette fa-
gefle éternelle qui préfide à la for-
mation des cieux , à l'affermifle-
ment de la terre , & à l'équilibre
qui fut établi entre elle & les eaux.
Nn ni]
448 JOURNAL DE
Quoi donc de plu<; capable, ajoiite-
t-il , d'éclairer l'cfprit d'un Méde-
cin Chrétien , que d'avoir toujours
à contempler dans l'objet de fon
art , l'œuvre de la SagctTe cter-
Eclle;
Apres avoir confidcré la circula-
tion en général , l'Auteur la confi-
dere en particulier , il la fuit dans
toutes fes circonftances , & fait
voir par le détail où il entre à ce fu-
jet , qu'il faut neceiTairement ad-
mettre pour les fondions du corps
un agent fuprême qui les régit. Il
prouve la même vérité par l'exa-
men qu'il fait de ce qui fe pafle de
merveilleux dans les difFcrens vif-
ceres , & entre autres dans ceux qui
fervent à la digcftion des alimens.
Voici en fubftancc ce qu'il obferve
fur ce fujet.
Merveille deU digcflion des alimens.
Celui des vifceres qui commen-
ce ce travail , efl: l'eliomac ; ce vif-
ccre en confequence du brovcment
qui s'efl: fait dans la bouche , donne
au fuc nourricier fa première for-
me , & la lui donne par un autre
broyement. Il n'eft point d'organe
plus llmplc en apparence que l'efto-
mac : fa vertu ne parcît confifter
que dans celle des hbres qu'on y re-
marque. Ces fibres fembleroient
allez fortes pour le broyement dont
il s'agit , fi comme celles des plus
j)uinans mufcics , tels que le cœur
& le mufcle crotaphite , elles é-
toient courtes , proches les unes
des autres , &: ferrées , au lieu qu'el-
les font longues , molles ^ & fort
5 SÇAVANS ,
diftantesles unes des autres. On se
conçoit pas à cet afpeft , qu'une
telle machine aille commencer la
préparation de ce qu'il y a de plus
fin , &:de plus fpintueux dans tout
le corps. En effet de voir une meu-
le qui écrafc , qui broyé , qni brife,
qui pulverifc , il n'y a rien en cela
de furprenant -, ma:s que des mem-
branes molaffcs puiffent , en fc re-
pliant fur elles-mêmes , & fe fro-
tant les unes & les autres par leurs
rugofitez , venir à bout de diffou-
dre des matières dures & de les dif-
foudre lufqu'à les mettre en bouil-
lie , c'cft à quoi il n'eft pas poffible
de concevoir que l'art ordinaire
puifTe parvenir, fur -tout fi l'on
confidere que ces membranes de
l'eftomac , pour faire une telle dif-
folution , ne font aidées que de la
lymphe gaftrique , c'eft-à-dire ,.
d'une eau fimple , qui détrampc-
feulement & amolit les matières.
Deux caufcs aulïï foibics en appa-
rence , font néanmoins ce qui pro-
duit l'atténuation la plus étonnante
qui foit dans la nature. Car tout ce
qui co'bpere d'ailleurs à la dilTolu-
tion des alimens n'a pas plus de
force ; ce ne font que des mouve-
mcns doux & légers , tels par
exemple , que lacompreffion alter-
native des mafclcs du bas-ventre,
6 lesbattcmens du diaphragment,
on joindra , C\ l'on veut , à toutes
ces caufcs , la chaleur douce & va-
porcufe des artères qui entrent dans
la ftru(5l:ure de l'eftomac ; mais ce
ne fera qu'une vapeur unie à de
l'eau, & à la moUcife d'un organe^
or cela, répond il, a l'effet furpre-
A O U
wantde dilToudre des corps folides,
& de les réduire en chyle j" Natrc
Auteur conclud de l,i qu'il n'y a
qu'une Sagerte au-delFu. de la Sa-
gefle humaine, qui puilTc en avoir
ainfi ordonné.
Ce chyle , au fortir de l'eftomac;
tombe dans le Duodénum , organe
qui n'offre rien par fa ftrudliure, qui
paroifTe plus puilTanf, c'cfl cepen-
dant dans cet inteftin que ce chyle
grisâtre encoie & imparfaitement
travaillé , s'achève & prend fa cou-
leur de lait. Que d'artifices , que de
feux , que de travaux n'employe-
toit point la chymie , pour venir à
bout de produire un tel effet î Ce
ne feroit c^n' ^Ikjli s ^(\\i' Acides ^c^ws
pncipite's dont elle pareroit une tel-
le opération ; au lieu qu'ici tout
eft confondu : la bile du foye, celle
de h véficule , le fuc pancréatique ,
la lymphe inteftinale , tous ces dif-
folvans , fans être de leur nature ,
ni acides , ni alkalis , fe mêlent
avec les parties du chyie , les fcpa-
lent, les changent , les adoucident.
Une (implicite fi grande dans l'o-
pération du corps qui fert de fon-
dement à toutes les autres , ne per-
met pas à un Médecin inftruit des
iuftcs bornes de la Phyfique , de
Uouter qu'une vertu plus éclairée
que celle d'une Phyfique ordinaire,
ne rcgiffe l'œconomie animale.
Nous paffons une infinité d'au-
tres remarques de toutes les fortes ,
pour venir à ce que notre Auteur
obferve fur l'accroifiement de l'en-
fant^ en voici quelques traits.
S T , tjss-
44^
Merveille cencerKant ce tjui fe pAffê
dans l'enfant nouveau né.
L'enfant nouveau ne eft comme
un nouvel être , entant que tout
prend dans fes entrailles une face
différente , par rapport à ce qu'il
étoit au ventre de la mère. C'eft
félon notre Auteur , comme une
création nouvelle, finon d'organes,
du moins de routes & d'arrangc-
mens , pour la confervation & l'ac-
croiffement du corps. Ce change-
ment merveilleux fe fait fans addi-
tion de refforts & de matière : Que
d'une pendule fimple l'on veuille
faire une Horloge fonnante ; qu'à
une Montre l'on veuille joindre un
réveil , ou une répétition , il faut
neceffairement employer pour cela
des pisces nouvelles , parce que
c'eft un ouvrage de main d'hommej
mais dans l'enfant qui eft né les
chofcs fe paffent autrement. L'œ-
conomie de la circulation du fin<ï
y devient différente ; un nouveau
cortTS d'humeurs , des fondlions
nouvelles , des fucs nouveaux dans
les deux fexes , fe montrent avec
ràgc , & tout cela fans addition
d'aucun nouveau rcfforf, parce qug
c'eft l'œuvre du Créateur, œuvre
fort! de fes mains , abfolument par-
fait , & pour le prefent & pour l'a-
venir. Ce Souverain Etre , pour-
voyant d'avance à l'accroiftement
du corps de l'enfant nouveau né , a
difpofé ce corps de manière qu'il
pût , comme de lui-même , fe pré-
parer les voyes nouvelles que dans
la fuite de la vie le fang auïoit à
4;o JOURNAL D
prendre pour fa circulation. Car
après la nailTance ce n'clt plus par
un chemin de traverfe que k fang
palFc dans le ventricule gauche du
cœur , il pénétre dans le poumon
pour être enfuite reçii à plein dans
ce ventricule.
Notre Auteur prend Ici occafion
d'expofer ce qui le paflc de mer-
veilleux dans la mère après la naif-
fance de l'enfant , & il entre enfui-
te dans le détail d'un grand nom-
bre d'autres articles , qui comme
tous les précédens, font employés
à la preuve d'un Souverain Etre ,
dont l'adion règle tout dans l'œco-
nomie animale.
Ce que nous avons rapporté
jufqu'ici d'exemples , ne regarde
pïécifément que les fondions du
corps ; en voici qui concernent les
opérations de l'ame , & que nous
avons pafTé à delTein pour en faire
la clôture de notre Extrait.
ConjeSlures fur lafourçe despenjees.
Les animaux , les arbres & les
plantes ont été créés avec les ger-
mes des efpeces & des individus
qui en dévoient naître. Cela pofé ,
notre Auteur demande comment
on peut ne pas comprendre que
îorfque Dieu a formé les êtres pen-
fans, tels que font les hommes , il a
fait peut-être dans leurs corps quel-
ques arrangemens femblablcs par
rapport aux pcnfécs qui font les
fruits ou les produdions des âmes ,
c'eft-à-dire , qu'il auroit mis dans
les corps des hommes , les germes
matériels de toutes les pcnfées que
ES SÇAVANS,
l'ame immatérielle peut avoir. En-
forte que les manières différentes
de pcnfcr , comme toutes les fa-
çons de fentir , d'imaginer , de ir:
louvcnir , d'aimer ou de hair , s'c-
xecuteroicnt dans l'homme , en
confequcnce de ces difpofitions
que le Créateur y auioit établies.
Toutes opérations que produi-
roient des ébranlemens que l'ame
regiroit , ordonneroit même en
différentes occafions de la vie; tous
ces corps globuleux, ohvaircs, can-
nelés, toutes ces protubérances an-
nulaires , orbiculaires , & autres
qui fe trouvent dans le cerveau, fe-
roient dcspelottons ou faifceaux de
fibres fingulierement contournées ,
dirigées , percées , modifiées ; tou-
tes feroient foùmifcs aux ordres de
l'ame , lorfqu'elle commanderait
aux fibres d'entrer en ofciUation S>C
aux efprits qui y feroient contenus,
d'entrer en ondulation pour fe
mouvoir en conformité des ordres
du Créateur, dont ces différentes
parties du cerveau auroient été fai-
tes les dépcfitaires dans la Créa-
tion. De femblables ufages fuppo-
fés dans la partie du corps humain,
de laquelle , au fentiment de tous
les Philofophes , partent les caufes
de toutes les penfées , & où en font
les organes ic les refforts , feroient-
ils , demande notre Auteur , des
ufages indignes du méchanifmc du
corps humain?Méchanifme qui au-
roit par-là fa fource oufon principe
dans le fouvcraiu ordre du Créa-
teur , dont les mouvcmens des
corps ne feroient que les exécu-
tions & les confequenccî.
A ou s
Notre Auteur prétead que quel-
que chofe de femblable fc rencon-
tre d.îns la mcchaniquc de ces arts
où l'on fabrique des étofîes ou des
rapifleries ornées de figures :
l'Ouvrier dans ces fortes d'Ou-
vrages , comme font les Da-
mas , les Moquêres & les Hautc-
lifles, voit fe peindre fous fes yeux
& entre fes doigts, des perfonna-
ges , des arbres , des fruits , des
fleurs , fans qu'il en voye les def-
feins , parce que ces defTeins font
renfermés ou dans des caflius ou
fur des bobines audcfTus de fa tête ,
ou pofés loin de lui fous quelque
autre forme & hors de fa vue : c'eft
dans CCS caflins ou fur ces bobines ,
que font arrangés les fils de foye
©u de laine qui viennent peindre
entre les doigts de l'Ouvrier le def-
fein renfermé dans le caflin^ S>c qui
l'y peignent à mefure qu'une per-
fonne qui fert à chaque Métier de
Moquête , amené les fils en les ti-
rant. Les doigts de l'Ouvrier exécu-
tent donc ici ce que fes yeux ne
voyent point , 6c dont fon efprit
n'a aucune idée.
Notre Auteur conjedure que ce
pourroit être ainfi que le Créateur
auroit renfermé dans toutes ces pro-
îiiberances , ces émïnences & ces ap-
pendices qui fe remarquent aux
ventricules du cerveau ^ & à la moel-
le allongée , differens fonds maté-
riels de penfées \ en forte que
chaque protubérance feroit com-
me un lieu de referve dans le-
quel , comme dans un entrepos ,
l'ame trouveroit à fes ordres &
comme fous fa main , des efprits
propres à chaque mouvement vo-
lontaire , à chaque fenfation médi-
tée , & à chaque pcnfée.
Si l'on objede que le nombre
extraordinaire de germes qu'il tau-
droit pour fournir à toutes les diffé-
rentes penfées de l'homme , paroît
quelque chofe d'inconcevable ,
l'Auteur répond que ce nombre in-
concevable de penfées poflîbles ou
à naître dans la tête d'un homme ,
n'approche pas de l'immenfe quan-
tité de germes corporels qu'il faut
reconnoître dans le premier œuf du'
genre humain , pour toute la durée
du monde , & il conclut que ces
germes innombrables de penfées ,
feroient un nouveau témoignage
delapuiiïance, de celui quia fait
l'homme. Nous avons , pour nous
conformer aux loix d'un Extrait,
confiderablement abrégé tout ce
que notre Auteur dit là-defTus.
Nous finirons par l'article du fié^e
de l'ame , & nous l'abrégerons tout
de même,
ConjeSîures furlejîège de famé.
M. Defcartes a établi le fiége de
l'ame dans un petit réduit qui eft la
plante pinéale , & il s'eft fait écou-
ter i ceux qui la placent dans la
moelle allongée femblent lui don-
ner une demeure plus noble. Notre
Auteur panche beaucoup pour ce
fentiment , & après un grand nom-
bre de reflexions & de raifonne-
mens fur ce fujet , il cite deux ob-
fervations Anatomiques de M. San-
torini , lefquelles lui paroiflent
comme à M. Santorini , dépofer
4JZ JOURNAL DES SÇAVANS.
pour le ficge de l'amc dans cet en- qiii fe pallc dans une cotd
droit du cerveau. La première de
La première
ces Obfcrvations cft tirée de l'ou-
verture du corps d'un Vieillard ,
lequel , jouiflant d'une parfaite
fantc , ctoit devenu fol tout
d'un coup. Ce Vieillard ayant
ainfi vécu pendant cinq ans , mou-
rut fans aucune canfe apparente de
mort ni de folie. Monfieur Santorini
ayant ouvert la tête du cadavre , y
trouva en plufieurs endroits de la
moelle allongée , des foffes qui
étoient des divulfions profondé-
ment faites entre les fibres de la
fubdance médullaire ^ Se dans lef-
quelles on mettoit aifément le
bout du petit doigt. M. Santorini
jugea que le cours des efprits&leurs
diredions ayant été pervertis par
la comprefllon & racfraduofitédes
fibres médullaires , avoient donné
lieu à la folie de ce Vieillard. L'au-
tre Hiftoire eft d'un Vieillard en-
core qui de tems en tcms avoit l'ef-
prit altéré , 5c dans le cadavre du-
quel M. Santorini trouva à la fub-
ftance médullaire, un enfoncement
affez large pour contenir une aveli-
ne. Notre Auteur dit là-defïus que
de Cl fortes comprelTIons faites dans
les interfticcs des fibres médullai-
res , avoient fans doute intercepté
& dérangé le cours des cfprits qui
fc portent de tous les endroits du
cerveau à la moelle allongée ; il
allègue ià-deffus l'exemple de ce
de Lutbj
laquelle détonne quand elle eft
comprimée en quelque endroit,
parce que Ton ondulation cil chai;- •
géc. Ces réflexions faites , il ob-
ferve que quelque pact que l'oa
place l'amc , rien n'atlcrmit davan-
tage l'efprit dans la Foi que les ob-
fcuritez qui fc trouvent fur cette
matière , parce que l'cfprit n'cft
jamais plus convaincu de laprefcn-
ce ou de l'aéfion de la Divinité,que
dans les chofes furprenantes qui
font vrayes & reconnues pour tel-
les, mais dont on ne comprend pas
la raifon. ^in/i rien , conclut notre
Auteur , n'élevé tant l'homme vers le
Créateur ^ ejiie d'/ippercevoirfousfes
yeux les voyes , les moyens , ou les or-
ganes tjui entretiennent le commerce
inconteftable du corps avec l'ame , Ô"
de l'appercevoir fans connoïtre m eu
cette ame eft placée dans le corps , ni
comment elle peut être mue & ajfeSlée
par cjuel^ue chofe d!auffi matériel
i^u'eft le corps. Tant il eft vrai c^uun
Médecin attentif A l'objet de fa pro-
fejfion cjut ejî le corps humain , fe
trouve par tout porté a la créance &
à U vénération de l'être fuprême , ejui
lui prodigue , pour ainfi dire , les
preuves de fa prefence dans tjueltjHf
opération que ce fait du corps humain,
tant dans celles qui font propres M ce
corps ^que dans celles qui lui font relit'
ttves avec l'ame.
COVTVMES
A O U s T , 173?.
4;j
COVTVMES GE'NERALES ET LOCALES DV PAYS ET
Duché de Bourhonnois ^ avec le Commemmre. Par Mejjlre Matthieu Au-
roux des Pommiers , Prètre-DoEicitr en Théologie ^ Confciller-Clerc en
la SénéchaitJJèe de Boirrbonnois Ô" Siège Préfiii.il de A-foitlifis. A Paris, au
Palais, chez Paulits-dn-Mef>itl , Imprimeur-Libraire , Grand'Salle,
auPillierdesConfultatioHS , au Lion d'or. ïj^i.nifsl. ea deux Par-
ties.
CE Commentaire eft propre-
ment une Conférence de rous
les Commentaires tant imprimés
que manufcrics fur cette Coutume
que M. Auroux a pu recouvrer ,- à
laquelle il joint fes propres Obfer-
vations , avec fon jugement fur l'a-
vis des Auteurs qui ont écrit avant
lui. F<ipon fit imprimer à Lyon en
1 5 jo. un Commentaire Latin fur la
Coutume de Bourbonnois. Mais
comme cet Auteur , l'un des plus
laborieux de fon tems , avoit pa(Té
fa vie dans le Forêt , Pays de Droit
Ecrit , ce qu'on trouve de meilleur
dans fon Commentaire , comme le
remarquent Meffieurs Berroyer &c
de Lauriere dans leur Bibliothèque
des Coutumes , eft une conférence
afièz exad:e du Droit Romain ,
aveclcs difpofitions de la Coutume
de Bourbonnois qui y ont rapport,
à l'égard des ufagcs finguliers de la
Coutume , les deux Auteurs qu'on
vient de citer affurent que Papon
n'en avoit aucune notion. Jean
Durct Avocat en la SénéchaufTée de
Moulins a fait une alliance des
Loix Romaines Si des Coutumes
qu'il rapporte aux differens articles
de la Coutume de Bourbonnois.
On eftime cet Ouvrage. Il n'en eft
pas de même du Commentaire
qu'il a fait imprimeràLyon en 1585.
car outre que dans fon Commen-
taire fur 73. articles , il n'y a que
des matières qui ne font pas d'ua
grand ufage , il a écrit d'une mani«-
rc fort diflufe & qui ne donne au-
cun éclaircifTement fur leTcxte. Le
Commentaire de Jacques Potier
n'a pas plus mérité l'eftime du Pu-
blic que les deux précedens , car
on aflure que quoiqu'il fût origi-
naire du Pays , & juge d'une Pro-
vince Subalterne du Bourbonnois ,
il n'étoit pas mieux inftruit des
ufages du Pays que Papon , & il
n'étoit point aulii bien inftruit que
Papon du Droit Romain qui eft
cependant trcs-necelîaire pour l'in-
telligence de la Coutume de Bour-
bonnois. Quoique M. Auroux ne
s'explique pas aufli précifémenc
fur ces trois Commentateurs que
l'ont fait les Auteurs de la Biblio-
thèque des Coutumes , il fait aftez
entendre , qu'il n'eftime pas beau-
coup leui s Ouvrages.
Nous aurions eu un excellent
Commentaire , fi Dumoulin avoit
continué l'Ouvrage qu'il avoit
commencé fur la Coutume de
Bourbonnois , à la prière des Offi-
ciers de la Séncchaulfée de > 'rulin.
Cet Auteur ayant vu paroîtrc le
Oo*
45-4 JOURNAL D
Commentaire de Papon difconti-
nua fon travail. Mais Papon qui
avoit afTcz de modcftic pour recon-
noîtrc combien l'Ouvrage de Du-
moulin feroitfupericur au ficn , le
piia de continuer à travailler à ce
Commentaire. Ce qu'il fit en effet
jufqu'en 1559. qu'il fut obliç;é de
fe recirer en Allemagne à caufe des
affaires fàcheufcs qui lui furent fuf-
citécs en France. Il nous rcfte des
f) .gmens de cet Ouvrage qui ont
été inférés dans les dernières Edi-
tions des Oeuvr-^ de Dumoulin &:
augmentés de plus des trois quarts
dans la Bibliothèque des Coûca-
mcs.
A l'égard des Manufcrits dont
M. Auroux a eu communication &
qu'il a employés dans fonOuvragc;
ce font des Obfervations d'André
Dubuiflbn , de Jean Rouffcl , de
Jacques Bergier, de Jacques Durer,
d'Antoine Berthonier , de Ploton,
de Jacques Hénois, de JeanGenin,
& de Geninfonfils , Préfîdcnt au
Préfidial de Moulins , des Remar-
ques de Jean Deviilart , célèbre
Avocat à Moulins reçu en iifoy.un
Commentaire fur toute la Coutu-
me de Guillaume Duret Prefidcnt,
un des fins ffavans hommes de fon
Jiécle. Louis Semin AlTeffeur en la
Sénéchauffée de Moulins , Louis
Vincent & François Menudel Avo-
cats en ont fait des Extraits auf-
quels ils ont )oint leurs propres ob-
servations. François Déculant Con-
feiiler en la même Scnéchauffée, &
Jean Cordicr fameux Avocat ont
aufTi fait des Commentaires très-
étendus fur tous les articles de la
ES SÇAVANS.
Coutume, pour lefquels ilsfe font
fouvent fervi des Remarques de
ceux qui avoient travaillé avant
eux. Bordel Profeffcur de Droit &
Baugy ont auiTi fait des Commen-
taires fur la Coutume de Bourbon-
nois. Il y a encore deux Pvcaieils de
Senteaccs rendues en laSénccliauf-
fée de Moulins , en interprétation
des articles de la Coutume du Pais.
L'un àc ces Reçue Is dont 1" Auteur
étoitConfcilicr en la Séncchauffée,
& s'appeiloit RoucjiioiT commence
en 1 5 84.on attribue 1: .cndàVin-
ccnt. Beraur , Menudci Sc Jean
Cordicr ont fait des Remarques
par ordre alphaber>.:u? qui ont rap-
port à la Coûtu.Tie de Bourboo-
nois.
Les Auteurs de la Bibliothèque
des Coutumes avoient déjà parlé
de la plupart de ces Jurifconfultes
du Bourbonnois , ils avoient mê-
me fait connoître plus particulicre-
raent quelques-uns d'entre eux zn
rapportant quelques traits deicuî
vie , Ss. ils ont hit fentir que ce
feroit fiirc plailîr au Public de l'in-
ftruire de l'Hiftoire de ces Jiirifcoa-
fultes , fi on faifoit ufage de leurs
Ecrits; car ces fortes de Remarques
Hiftoriques font fouvent très uti-
les ; cependant M. Auroux n'a
point jugé à propos d'entrer dans
ce détail fur lequel il lui auroitété-
d'autant plus facile de fatisfajre la.
curiofitè des Ledeurs, qu'il étoïc
plus à portée d'avoir les écIaircilTe-
mens neceffaircs , 2c qu'on voit
qu'il en a eu connoi{ïance , par ce
qu'il dit fur i'artu:Ie 299. que Louis
Semifl a eu cc/rnniunication de ce.
A O U s
que Dumoulin avoit fait fur la
Coutume de Bourbonnois , par
Matthieu Maréchal Avocat au Par-
lement de Paris , à qui Bobé gen-
éie de Dumoulin avoit donné le
Manufcrit qui lui avoit été légué
par Dumoulin , avec les autres Iça-
vans Manufcrits de ce Junfcon-
fulte.
M. Auroux avant entrepris de
Tréunir ces Conunentaires &: ces
Obfcrvations fur la Coi^itumc de
Bourbonnois en un feul corps, aifu-
rc qu'il a eu foin de diftingucr les
Obfervations de chaque Auteur &C
de les rapporter fidèlement , com-
me il les a trouvées dans lesManuf-
crits , il s'eft beaucoup étendu fur
les articles qui lui ont paru les plus
importans & les plus difficiles -, par
rapport à d'autres articles plus faci-
les à entendre , il s'eft contenté
d'expliquer le motif de la décifion,
après avoir interprété quelques ar-
ticles qui ne font plus en ufage ^ il
a recherché la raifon de ce change-
ment. Il déclare qu'il a fouvent
employé pour foûtenir fes déd-
iions , les moyens dont s'étoient
fervi les anciens Jurifconfultcs du
Pays , mais qu'il ne les a point fui-
vis aveuglément. Il a même quel-
quefois abandonné leur fentiment ,
éc dans ce cas il a marqué les raifons
de fon avis. Sur les articles qui lui
ont paruobfcurs 6c difficiles , il a
confulté les plus habiles Avocats
<le la SénéchaufTée de Moulms. Il a
auffi conféré les articles de la Cou-
tume avec le Droit Romain & avec
l'ancienne Coutume de Bourbon-
nois , ainfi cette Coutume fc trou-
T . i7;5- 4X5'
ve expliquée par les principes , Se
s'il cft permis de s'expliquer ainfi ,
par la Tradition depuis près de
deux ficelés. Ce qui met ce Com-
mentaire beaucoup au-dcfTus de
ceux qui avoient été imprimes au-
paravant.
L'Auteur avoit eu d'abord en vijc
de fuivre l'ordre des. matières dans
ion Commentaire , & il explique
fi bien l'avantage qu'a cette métho-
de au-deflus de celle des Commen-
taires ordinaires, dans Icfqucls on
fuit Tordre des articles de la Cou-
tume , qu'il y a lieu d'être furpris
qu'il ait facrifié fes propres lumiè-
res à celles des pcrfonnes qu'il a
confultées & qui lui ont fait en-
tendre , qu'en fuivant l'ordre des
articles fon Commentaire feroit
beaucoup mieux reçîi Se plus
goilté.
On voit bien que nous ne pou-
vons entrer dans le détail par rap-
port à un Ouvrage de cette éten-
due qui contient une infinité de
matières différentes. Il nous fuffira
de donner par forme d'exemple le
précis de quelques décifions.
L'article 301. de la Coutume de
Bourbonnois donne à l'aîné noble
dans les fucceffions diredcs le Châ-
teau ou maifon principale en pré-
cipuité ou avantage , fuivant le mê-
me article l'aîné ne peut prendre
pour fon préciput qu'un manoir ,
foit paternel , foit maternel , ainfi
il n'y a dans cette Coutume pour
l'aîné noble qu'un préciput pour
les deux fucceffions. Ce qui a fait
naître la queftion , fi dans cette
Coiàtume l'aîné noble peut preH-
O ooij
4;<î JOURNAL D
drc en cni'cr le nmiiLir qui c!l un
conquct de la conimunr;utc de fes
pcre & mcre. Dumoilin ci Duiet
examinent cette qucllion , & ils
décident que l'aîné ne peut avoir
que la nioiiic du nunoir , parce que
CdiiS cette Coutume IVinc ne peut
prendre qu'un préciput fur l'une
des deux fuccefllons , &: qu'il n'y a
que la moitié du manoir dans l'une
de ces fucceirions. Mais H l'aîné
n'avoit pas pris un principal ma-
noir par préciput dans l'une des
fuccelfions, il peut le prendre en-
tier dans l'autre fucceflîon. On l'a
ainfi jugé dans la Sénéchaulîée de
Moulins au mois de Mars 1670. au
profit d'un aîné auquel on adjugea
le Château entier dans la fucceiîion
de fa mère, quoiqu'il jouît comme
téritiet de fon père d'un Château
qu'il n'avoit retenu qu'en rccom-
penfant fes Cohéritiers.
Une autre queftion que l'Auteur
propole fur l'article 5 o 2. eft de fça-
voir fi dans la Coutume de Bour-
bonnois l'aîné noble peut prendre
fon préciput fur unemaifon en ro-
ture. Dumoulin , Duret , Semin&
2vlenudel ont décidé que ce préci-
put ne pouvoit fe prendre que fur
des maifons féodales *, la raifon
qu'ils eo rendent ell que les termes
ES SÇAVANS,
dont fe fort la Coutume , de Châ-
teau, Place forte, maifon princi-
pale , font tous relatifs à des mai-
fons nobles ou Ic^dalcs, & que k
Coutume de la Marche qui eft voi-
fine de celle de Bour '.-.inois décide
ainfi la quK;ui(,ii en termes exprCs-
Cependant l'Aiitcur alTure que la
.Turifprud^nce d'à p; efcnt en la Sé-
ncchau'^éc de Bourbonnois, &: l'u-
fage général de la Province eft d'ac-
co dcr à laîné pour préciput un
manoir en roture , quand il n'y ca
a pas dans les fuccclîîons qui foit
polfcdé en fief M. Aurrux ajoute
que l'on a mal fait en cela de s'écar-
ter de l'ancien ufage , du fenti-
nicnt des Auteurs & du véritable
efprit de la Coutume.
Il y a deux efpeces d'additions
au corps de l'Ouvrage , les unes
qui contiennent une expofition dé-
taillée des faits furlefquels font in-
tervenues plufieurs fentences de la
Sénéchauffée de Moulins qui font
citées dans Ion Commentaire. Lçs
autres font des additions faites de*
puis l'imprcflTion du corps de l'Ou-
vrage qui contiennent de nouvelles
Obfervations , après Icfquelles cel-
les qui concernent la dernière Or-
donnance fur les donations méri-
tent une attention particulière.
A O U S T , I 7 5 ^^
4f7
•REFUTATION 'DES CRITIQVES DE M. BATLE SVR
S, j^iiÇHJUn , OH font contenu: trois Traite"^ ; le pnmier ^ viriic.hle Clsf
Ms Ouvrages de S. Augiifti-: contre Les J'ètagi:ns. Le fécond, examen des
Cnticjnes répandues dans h DiElionnair^ de M. Eaylefur divers endroits
éles Ecrits dn mîme Saint I oEieKr. Le troifïéme , Dijjertation touchant la
nature de U Loi de Moy:. 1751. A Pans , chez Rolin fils^ Quai des
AugUiUns , in-^". pp. ^ i8. fans I?. Préface & les Tables.
LE delfein que l'Auteur a forraé
de donner une réfutation des
endroits peu favorables à la Reli-
gion dans le Didlionnaire de M.
Bayle , l'a conduit à compofer les
Traitez que nous annonçons au-
jourd'hui. Mais ayant fait reflexion
qu'ils étoient trop étendus , &
trop Théologiques pour entrer
dans le plan général de fon Ouvra-
ge, il a cru devoir les en détacher ,
& les taire imprimer féparément.
A l'article de S. Auguftin , Bayle
©fe avancer qu'*/ e(l fi mamfefle k
tout homme ejHi examine les chofesfam
f réjugé & avec les lumières neceffai-
res j cjue la. doSlrine de S. Auguftin ,
& ceUe de Janfeniusfont unefiule &
même chofe^cju'on ne peut voir fans in-
dignation, cjue la Cour de Rome fe fait
vantée ^ d^ avoir condamné JanfeniuT^
& d! avoir ctnfervé k Saint Auguftin
toute fon autorité & toute fa gloire.
L'Auteur fe propofe de venger le
S. Siège d'une accufation fi atroce ,
& de démontrer >» qu'entre les vrais
» fentimens de S. Auguftin & ceux
» de Janfenius il y a autant d'éloi-
» gnement que du Ciel à la terre.
On commence dans le premier
Traité qui eft divifé en trois Parties
par défabufer certaines gens de k
prévention où ils font en faveur de
Janfenius. Tout homme quifup-
j-Olé de nouveaux termes à un Au-
teur , ne le fait pas fans doute dans
le deiïein d'enfeigner la pure doc-
trine de cet Auteur. Que penfer
donc de .lanfenius qui nous aftiirc
que S. Auguft^in donne fouvent
«0» raro le nom de grâce vi(florieu-
fe , gratia viUrix à la grâce médici-
nale de J. C. tandis que le Saint
Dodeur ne s'eft jamais fervi de
cette exprelîîon. Il en eft à peu près
de même de cette autre deleBati»
viElrix , la déle<îi:ation viâiorieufe :
on aftiire qu'elle ne fe trouve qu'u-
ne feule fois dans les Ouvraages de
S. Auguftin , encore dans un fens
bien différent de celui que Janfe-
nius lui attribue , & cependant ce
dernier ne craint pas de dire que le
Saint Dofteur l'employé fouvent ^
communément , f^jftm, plerumque.
L'Auteur , après avoir donné
encore quelques exemples du peu
de fincerité de Janfenius à citer
S. Auguftin , affure qu'il auroit pU'
aifément les multiplier ; mais il a
voulu , dit-il , les réduire à cinq ,
afin que ce nombre cadrât avec les
cinq famcufes Propofitions. Tout
homme , félon lui , qui prendra k
peine de fe convaincre de ces étran-
ges faififications 3 aura bien-tôt It-
4î8 JOUÏINALD
plaifir de voir tomber le charme
qui i'cmpcchoit d'appercevoir dans
rAuguftin de l'Evêque d'Ypres les
cinq Propolitions condamnées.
On vient enfuite au fonds , &
l'on montre par une Chronologie
cxade du tems où les Ouvrages de
S. Auguftin ont été écrits , que
c'cft très-faudément que Janfeniijs
Toîitient que fon Syftême des deux
dcleiftations victorieufes avoit été
énfeigné par S. Auguftin dans ce
célèbre paffage , ^md amplhis nos
deleUat , fecundum id operemnr necef-
feeft.
S. Auguftin , dit-on , étoit con-
ftamment Sémipélagien lorfqu'il
écrivit fon Commentaire furTEpî-
trc aux Galates , dont ce Texte eft
emprunté , par confequent ce Tex-
te doit avoir neceflairement un fens
■que les Sémipélagiens admilTent.
On explique avec étendue quel
étoit ce fens , & quelles étoient
alors les erreurs des Manichéens
que S. Auguftin avoit à combattre.
L'auteur qui d.ins des matières tant
de fois rebatues , nous promet , &
nous donne en effet du Nouveau ,
& des chofes très - recherchées ,
l'Auteur , dis je ^ à cet argument
qui eft tiré de M. de Fénélon , Ar-
chevêque de Cambray , en ajoute
plufieurs autres. Il fixe le tems du
Sémipélagianifme de S. Auguftin ,
& prouve que Janfenius fait finir
& commencer ce tems , où il lui
plaît , & toujours par rapport aùX
intérêts de fon Syftême,
C'eft encore ce qui lui faite! re
que le fecours ^ko , dont parle fn>nt
Au2uftindans fcni Livre de la Cor-
ES SÇAVANS,
reption &c de la Grâce , & que
le Saint Dodteur appelle ainfi pat
oppofition au fecours ■,fine ^ho ):on
eft la Grâce Médicinale de J. C.
propre de notre état. Si on en croit
l'Evêque d'Ypres , c'eft là comme Ui
clef des Ouvrages de S. Auguftin ^
Lt ba^fur Licjuelle fa do&nne eft ap-
puyée j & le f.l ^ui peut nous empêcher
de nous égarer d^tis le lahirinthe des
Ecrits dû Saint DoEieur,
Mais eft - il vraifemblable, dit
notre Auteur , qu'un homme qui
fait plufieurs Ouvrages fur la même
matière ne rapporte qu'une feule
fois ce qui fait la clef, le fonde-
ment &: le fil de fa dodrinc. Jan-
fenius lui même en eft la preuve >
N'a-t-il pas copié 170 fois l'endroit
unique où S. Auguftin parle des
deux fecours quo & fine <juo non ?
Si on l'en croit , S. Auguftin aura
lai (Té pendant vingt ans fcs Ecrits
entre les mains de tout le monde
fans en donner la clef. Puifque cet-
te prérendue clef ne fe trouve que
dans un Ouvrage qu'il écrivit par
occafion, à la fin de fa vie , & après
l'entière défaite des Pélagicns. On
fait fentiren mille manières i'abfur-
dité d'une telle fuppofition , d'où
l'on conclut que la diftin(îtion des
d£\.n fecours n'entre pour rien dans
les conrroverfcs de S. Auguftin
avec les Pélagiens , m dans fon Sy-
ftême fur h Nature & la necelîitc
de la Grâce Médicinale de J. C. une
foule de palTages confond la chi-
mère que Janfenius a imaginé ea
prenant le fecours fw de S. Augu-
ftin poui la Grâce aftuclle Se effica-
ce qui opère le vouloir , ôc le fc.
A O U s
toms/îf^e ejuo non pour la Grâce ac-
tuelle & fuffifante qui donne la
poflîbilité. Mais tov:t au contraire
lefccoursy«a dans le fcnscîe Saint
Aupiiftin n'efl qu'une Grâce habi-
tuelle qui e(l donnée aux feuls pré-
deftinés pour peri'evcrer dans la iu-
llice , & il n'alTure rien de ce fe-
cours qui ne foit une conclufion
nccelTÎ'ire de cette définition qu'il a
donnéi , » C'eft la mifericorde du
» Sauveur qui s'attache immcdiare-
» ment aux prédeftincs , foit lorf-
70 qu'ils fe convertifient , foit lorf-
» qu'ils combattent , foit lorfqu'ils
» parviennent à la couronne.
Par tout OH. Janfenius d'accord
avec Calvin croit trouve? dans St
Auguftin le fecours^/.'c qu'il regar-
de comme une Grâce intérieure à
laquelle la volonté humaine ne peut
fe fouftraire , & qu'elle eft incapa-
ble de furmontcr , notre Auteur
foûtient qu'il n'efl queftion que
d'un fccours de providence & d'af-
fiftancc qui fait que la volonté d'un
prédcftiné ne fuccombe pas aux
tentations , ou du moins qu'il s'en
relevé. Et c'eft ainfi qu'il répond à
ce fameux palTage que les Janfeni-
ftcs & les Calviniftcs regardent
comme le principal fondement de
leur doctrine. Snhvefitiim efl igitur
infirmitati humand ut divina rfatia
indecltnahilitir , & infnf>erabiliter
ageretur ,S^c.
On trouve cnfuite une difcuflîon
critique pour montrer que dans cet
endroit de S. Auguftin , il ne fauC
point lire infuperabditer , mais infi-
yarabiliter , le but de S. Auguftin
le demande neGe^aiïemcnt. Or» le
T> I73Î- , -iJP
lifoit dans les dix Editions de ce
Pcrc qui ont précédé celle des Doc-
teurs de Louvain. Us font les pre-
miers qui ont fubftitué le mot A'in-
fiiperaûHiteri. celui A'infeparabUtter^
enouoi ils ont été fui vis pat les Be-
netliiflins, mais les uns ni les autres
n'-jnt apporté aucune raifon pour
jv;ftifier un changement de cette na-
ture. Il n'eft pas cependant indiffè-
rent , car fuppofé qu'il faille lire
infeparabditer , comme notre Au-
teur n'en doute nullement , il eft
démontré que le fecours <juo n'eft
pas une grâce padagere & adtuelle ,
mais une grâce habituelle qui eft
iiiféparable du prédefliné , lors mê-
me qu'il eft en péché mortel.
Mais quelle idée doit on fe faire
du fecours fine cjuo non > Comme
S. Auguftin compare ce fccoui"5
qu'Adam avoir reçu dans l'état
d'innocence , avec le fecours quo
que Dieu accorde aux prédeftincz
dans notre état. Afînquelacompa-
raifon foit jufte , le izcoats fine tjuo
non ne peut être autre choie que
l'ordre de Providence que Dieu
gardoit par rapport à Adam , &
aux Anges avant leur péché dans k
diftribution des moyens de falut.
» La prédeftination dans l'état
» d'innocence n'étoit en foi que
» conditionnelle , & ne dcvenoie
» abfolue que dépendamment de Is:
i>prévif)on des mérites , & parcon-
» fequcnt la grâce de la prédefti-
» nation étoit abandonnée au libre-
» arbitre dont Dieu ne conduifoit
5> pas les démarches par une atten-
» tion & une vigilance fpecialc»
» Maintenant . félon 1» dodiln»'
é^6o JOURNAL D
»clu mêmcS. Augullm , Dieiidi-
Mtigc infailliblement les prcdcfti-
»nezà une heureufc fin. Ainfi la
1» prcdeftination au falut & à la
"gloire cft abfolue. Indcpcndain-
>»raent de la préviïion des mérites ,
» & par confequent le librc-arbi-
»tre des prcdeftinez eft contîé à la
"grâce de la prcdeftination, il cft
«gouverné par cUc^ mais non dans
» le fens de Janfenius.
Après avoir brifé dans la premiè-
re partie de ce Traité lafaullccicf
que Janfenius offre à fes Led:eur,s ,
notre Auteur nous reprefented ns
la féconde la doiftrine de la perfec-
tion de la juftice co:; n.e la virita-
ble clef des Oeuvres de S- Augaftin
contre les Pélagiens. Mais il la
£iut chercher dans fts propres
Ecrits. Les palTagcs de ce Saine
Doâeur dont Janfenius a tiffufon
Livre ne renferment pas plus la do-
(Srinc de S. Auguftin que les vers
d'Homérc dans les Centons de
Proba-Falconia expriment les cir-
conftanccs de la Vie & de la Paflîon
du Sauveur. Car il prétend qu'on
ne doit regarder le Livre de Janfe-
nius que comme un Ccnton artifi-
cieux , où les Textes de S. Auguftin
font non feulement détournés de
la fignificarion qu'ils ont dans les
Ouvrages du Saint Dodeur , mais
font même appliqués à des fujets
tout contraires.
Il ne faut pour s'en convaincre
que fe mettre parfaitement au fait
de Vimpeccance qui étoit un des
principaux Dogmes des Pélagiens ;
il eft vrai que les Janfeniftes & le
p. Quefbei entr'aurxes , ne la regar-
ES SÇAVANS.
dent pas ainfi. Mais on verra d^ns
l'Auteur que S. Auguftin & S. Jo-
rôrae ont toujours parlé de l'im-
peccance comme de la racine d'où
l'Héréfie Pclagiennc étoit forrie.
Ses Partifans s'étoient perfuadés
qu'il étoit au pouvoir de i'hommc,
non feulement de rcfufcr fon con-
fentement au péché, mais encore
de n'être jamais tenté. En un mot
d'éteindre abfolumcnt toute fc-
mence de vie , tout fentimentindé-
liberé de la concupifccnce que la
raifon défaprouvc , & qu'elle pré-
vient. C'ctoit , dit S. Jérôme l'ap-
pathie des Stoïciens. Par cette no-
tion de ïiyipeccafjct Pélagienne que
l'Auteur établit avec beaucoup d'é-
rudition & de critique , il eft aifé
de découvrir , i°. Quel précepte
dans le fens de S. Auguftin cft im-
pofllblc : 2°. Quelle forte de péché
nous cft devenu neccflaire depuis la
chute d'Adam , &c eft attaché à l'i-
gnorance invincible Se à tous fes
ctfets : 5°. Quelle forte de liberté
nous avons perdue : 4". Quelle ef-
pece de grâce eft irrcfiftible de fi
nature , & nous eft ordinairemenC
rcfufée.
Pour commencer par les précep-
tes qui dans le fentimcnt de S. Au-
guftin font quelquefois impolîi-
bles , on montre par plufieurs Tex-
tes du Saint Dodeur qu'il n'eft quc-
ftion alors que des préceptes qui
regardent la perfection de la /ufticc,
& nullement de ceux qui tombent
fur l'adtion de la ) ufticc. Les pre-
miers demandent une extindion
entière de la concupifccnce, enfortc
qu'on falTe ic bien fans oppofition
A O U s
& fans combat j omnino adverfarium
non hahere , ce qui eft impofl'ible
dans cette vie , & les féconds obli-
gent à réprimer les faillies de li
concupifcence , interna confiiiiatio-
nepugnare. C'eft ce que S. Auguftin
prouve par ces paroles de S. Paul.
ydle adjacet mthi , perficere auum
honum non invenio. Quel précepte
ctoit impolllble à S. Paul , finon
celui de la perfedion de la juftice.
Ce feul mo: de pet-Jicere iuiîit pour
confondre le janfcnifme fur ce
point.
Comme S. Auguftin diftingue
deux fortes de préceptes, de même
il diftingue deux fortes de péchez ,
l'un que dans l'Ecole on appeileroit
matériel , qui n'étant que le fenti-
ment du mal n'eft point une faute,
$c que Dieu n'impute pointil'autrc
qui félon le même langage,fcroit un
péché formel , qui eft puniiTable ,
parce qu'il n'eft autre chofe que le
confentement au mal. Le premier
qui eft contraire à la pcrfedtion de
la juftice ne rend l'homme que mi-
férable , parce qu'il eft oppofé à un
précepte que nous ne pouvons pas
accomplir en cette vie ; le fécond ,
qui regarde l'acftion même de la ju-
ftice , devient puniftable , comme
étant contraire à un précepte dont
l'accomplifTement nous eft poflible
en cette vie même. S. Paul l'entcn-
doitdans le premier fens , lorfqu'il
fe plaignoit d'un péché habitant
dans fa chair , lorfqu'il déplore la
tyrannie de la loi de fes membres ,
.& lorfqu'il nous affuroit qu'après
avoir prié trois fois le Seigneur de
le délivrer de cette Servitude ^ il
T, 175 ^ , i^i
n'avoit pu être exaucé.
Cependant il a plu à Janfcnius
dont on relevé ici trois infigncs iii-
fîdclitcz dans l'expofitiond'un feul
Texte de S. Auguftin de tranfpor-
ter au péché formel tout ce que le
Saint Docteur ne dit que du péché
matericl,afin d'avoir droitd'en con-
clure que les juftes font quelque-
fois ncceftités au pcché.
S. Auguftin fc contormoit au lan-
gage Ecclefiaftique & Théologique
qui étoit en vogue de fon tems en
appcllant/'^c/je non feulement une
faute , mais encore tout défaut non
criminel de la volonté qui déroge
à la noblefte de notre origine , &c à
h perfection de l'état d'innocence â
laquelle les Pélagiens vouloicnt
qu'on pût prétendre Se atteindre
en cette vie par les feules forces de
la nature.
Notre Auteur après avoir expofc
l'objet de la controverfe entre les
Catholiques & les Pélagiens fur
l'ignorance , employé encore le
même principe pour expliquer
quelle forte de péché eft attachéàl'i-
gnorance invincible , & quels font
fes effets. Selon S. Auguftin toute
ignorance invincible excufe du pé-
ché qui eft contre l'adion de la ju-
ftice, & nulle ignorance même in-
vincible ne peut excufer du péché
qui eft contre la perfedion de la ju-
ftice. Tel eft , dit-on , le noeud que
Janfenius a feint de ne pas voie
pour rendre le Saint Dodcur comr
plice de fes égaremens.
L'Evêque d'Yprcs par rapport à
la forte de liberté que nous avons
perdue par le péché , déguife enco-.
^62 JOURNAL D
le le véritable crat de la queftioa,
L'Auteur entre là-dclTus dans un
srand détail. Une des erreurs de
/ Il
Pelage etoit que 1 homme avoit un
pouvoir d'indifférence &C une
exemption de la fimple neceffité
non feulement au regard de tout
confcntement au mal , mais au re-
gard de tout fentiment du mal.
S. Auguftin montre au contraire
que depuis le pcché d'Adam notre
volonté n'a plus fur fcs fentimcns
le domaine nccelTaire pour la pcr-
fedion de la jufticc , puifqu'il lui
eft impolTible d'éteindre tous les
mouvemens de la concupifcence -,
mais il foûtientque parla grâce du
Rédempteur nous confervons tou-
jours fur nos fentimcns le domaine
necelTaire pour l'adion de la jufti-
ee -, Se ce domaine fur nos confen-
temens qui n'cft point accompagné
comme dans l'état d'innocence du
domaine fur nos fentimens^efl une
liberté affoiblic.
Refte enfin à fçavoir quelle grâ-
ce , félon S. Augultin , eft irrefifti-
Me de fa nature , Se nous eft ordi-
nairement refufée ; car on trouve
enfin dans le Saint Dodcur une
forte de grâce revêtue de prefquc
toutes les qualitez que Janfcnius
attribue à celle qu'il a imaginée.
Une grâce qui eft eiTentiellement
une délégation , qui eft non feule-
ment efficace , mais même irrefi-
ftible , & que Dieu refufe dans le
befoin même aux plus juftes. Mais
cette grâce , félon Saint Auguftin ^
n'cft pas la grâce médicinale de
J. C. &: voilà , dit-on , la fuperche-
lâcdé Janfenius ; mais la grâce de
ES SÇAVANS;
l'état de fanté neccftaire à la perfec-
tion de la jufticc , & qui appaiticnt
à l'état d'Adam , & à celui des
bienheureux. Or cette feule & der-
nière grâce , félon l'Auteur , eft ef-
fcnticUement une grâce de dcleifla-
tion &:dc charité ; elle feule eft ef-
ficace d'elle-même & par fa natu-
re , il a du refte grand foin d'avertir
qu'en cet endroit & en plufieurs
autres , il n'en veut qu'à la grâce ef-
ficace telle que Janfcnius l'a enfei-
gnée , que fon intention n'eft point
de noter le fentiment des Thomi-
ftes fur la prédérermination phyfi-
que , ni fur la grâce efficace pat
elle-même , au fcns qu'Alvarés &
Lemos l'ont cnfcignée ; mais il ne
craint pas d'alfurer que fur ce point
ils font abfolument contraires à
S. Auguftin.
^Et pour qu'on ne le fbupçonnc pas
d'expliquer les fentimcns du Saine
Docteur d'une manière nouvelle ,.
il foûtient qu'avant la nai (Tance de
Luther & de Calvin, tout le mon-
de avoit entendu la Dodtnne de
S. Auguftin de la même manière
qu'elle eft expofée dans ce Traité ,
ce qu'il prouve en particulier de
S. Thomas & de pluiîeurs autres.
Quoique "Janfenius avance que
fans un miracle , il n'eft pas pollî-
ble à un homme qui n'a lu qu'une
fois les Ecrits du Saint Dodcur
d'en découvrir le véritable fcns , il
eft perfuadé que ce Père n'a pas
compofé un Apocalypfe , Se que
tous ceux qui feront attention au
but de fes Ouvrages , aux défini-
tions qu'il y donne, & aux ar<Tu-
mens avec lefquels il combat les»
A ou s
iPelagiens ^ Ce convaincront aifé-
menf de l'étrange oppofition qui
rcane entre les fentimens de S. Au-
gullin &ceux que Janfenius lui at-
tribue , & par uneconfequence ne-
cefTaire que c'ell: trùs - huirement
3ue Bayle accufe l'Eglife Romaine
'avoir profcnt la Dodrine de faint
Auguftin en profcrivant celle de
Janfenius.
Enfin la troifiémc 8c dernière
Partie de ce Traité a pour titre :
Examen cCime Clef des Ouvrages de
S. Auguftin nonvellemem trouvée a
Tado'Ue. C'eft un Ecrit in-A,^. impri-
mé en 1730. à Padoiie , fous le ti-
tre de Dijfertatio ^nalytico-Theolo-
gica de vero intelleBu trium celeberri-
morum capitum , &c. C'ell-à-dire ,
DilTertation Théologique Se Anali-
îique fur l'intelligence des trois fa-
meux Chapitres X. XI. & XII. du
Traité de la Correption & de la
Grâce de S. Auguftin , ou fur la
véritable &: la fiulTe diftincliondes
fecours de la Grâce par Etienne Lo-
renzoni Prêtre de la Congrégation
de l'Oratoire de Padoiie.
Notre Auteur nous donne la ré-
futation de cet Ecrit , comme une
fuite de fon premier Traité. Il nous
expofe d'abord le but du P. Lo-
renzoni. Ce Théologien fe propofe
de rechercher dans fa Differtation
le fentiment de S. Auguftin tou-
chant le fecours de grâce que reçut
Adam, & en quoi il eft différent du
fecours qui eft accordé à l'homme
après fa chute. Les adverfaires qu'il
y combat font les dcffenfeurs de k
grâce verfatile ; terme , dit notre
Auteur, qui fignifie ce qu'aucun
T ; 1 7 5 ?.^ 4^5
Catholique n'a jamais avancé ,
fçavoir que le libre-arbitre donne
du mouvement & de l'adrion à la
grâce. Or par les détenfeurs de la
Grâce verfatile le Père Lorenzoni
entend les taux Thomiftes qui ex-
cluent de l'état d'innocence la pré-
dérermination phyhque Si la grâce
efficace par elle-même. Il s'engage
de démontrer qu'ils entendent mal
les trois fameux Chapitres du Trai-
té de la Correption &: de la Grâce „
qui font le principal appui de leur
Syftêmc. Nitre Auteur fondé fut
l'explication qu'ila donnée cideffus
au fecours qito 8c fine cjuo non^mon-
tre que le Théologien de Padoiie
n'entend pas mieux ces trois Cha-
pitres que ceux qu'il entreprend de
réfuter , & qu'il ne s'y agit ni de la
grâce verfatile , ni de la prédéter-
mination phyfique ou de la grâce
efficace par elle-même ; en un mot
d'aucune grâce aducUe dans la
comparaifon que hit S. Auguftia
des deux états de l'homme avant dc
après fon péché, mais uniquement
d'une grâce habituelle , au fens
qu'on l'a déjà expliqué, & qui a
été marqué diftinètement par pla-
ceurs Théologiens tant anciens qu*
modernes.
L'importance de la matière, l'ha-
bileté de diffcrens points de Théo-
logie que l'Auteur y fait entrer , &
la manière dont il les traite nous
engageroient à en parler plus au
long , il les bornes qui nous font
prefcrites nous le permcttoient.
Nous donnerons dans le Jour-
nal fuivant l'Extrait du fécond ôff
troiûéme Traité.
Pppij
4^4
JOURNAL" DES SÇAVANS,
GLOSSARIUM AD SCRIPTORES MEDI^ ET INFIMiK
Latinitatis : Aud^orc Carolo diiFrcfne Domino du Cangc^ Régi à Cory-
filiis , Si Francix apud Ambianos Quxftore. Editio nova , locupletior
5c audior V Opcra & ftudio Monaclionim Ordinis Sandli Bcncdidi c
Congregatione Sandli Mauri. Parifiis , fub Oliva Caroli Ofinont , via
San-Jacobià. i73 3.C'eft-à-dire : Glojfure pour l'intelligence des Ecri-
vains de la moyenn: & de la b^ijfe Latinité; par Charles dit Frefne^ Sieur
du Cange ^ Confetller du Roi & Treforier de France à yimicfts. Nouvelle
Edition , conftderabUment aiigmemée , par les foins des Religieux Bénédic-
tins de la Congrégation de S. Maur. A Paris , chez Charles Ofmont ^
luë S. Jacques , à l'Olivier. lyjj. in-folio ^ 4. vol. Tom. I. col. i}9?.
fans les Préfaces de 102. pages. Tom. II. col. 1705. Tom. III. col.
1679. Tom. LV. coi. 1410. planch. dctach. xii.
LORS Q_U E ce grand Ouvrai
ge vit le jour pour la première
fois en 1678. nous en rendîmes un
compte exacl; dans notre Journal ,
où il fit la matière de trois Extraits.
Les gens de Lettres fentircnt d'a-
bord tout le mérite & toute l'utili^
té d'un pareil GlolTaire qui leur
manquoit, & dont on n'avoit vu
jufqu'alors que quelques Eflais
très-informes : ce qui procura un
prompt débit de cette première
Edition , & en confequence , le
befoin preflant d'une féconde. Les
Libraires de Francfort la donnèrent
en 17 10. mais fort inférieure à celle
de Paris , foit pour la beauté du pa-
pier & des caradercs , foit pour
i'cxaditude de la corredion -, les
Editeurs ayant même négligé de
placer jufle chacun en fon lieu les
divers articles de ïyippendix de ce
GlolTaire, imprimée à la fin de celui
qu'ivoit publié M. du Cange pour
k Langue Grecque , en lûKS. Du
rcûe, cette féconde Edition n'ajoû-
toit rien au piemici travail de l'Au-
teur.
Il y a quinze ans que les Reli-
gieux Benedidins conçurent le def-
fein d'une réimpreilîon de cet im-
portant Ouvrage , & de l'enrichir
de nombreufes additions. Le gqnrc
de leurs cnides , qui cmbralfent ,
entre plufieurs connoiflanceSj celle
des Manufcrits de tout âge, les
mettoir à portée de rendre ces noi>
veaux Supplémens très-dignes de
paroîtrc avec ce qui conftituoit le
tonds primitif de ceGloiTaire. Non
contens d'avoir formé un projet û
avantageux à la Republique des
Lettres , ils promirent au Public
de lui donner incelTamment cette
nouvelle Edition. Cependant \ dix
ans fe font écoulés , fans qu'il it
foit apperçu qu'en fe mît en devoir
de remplir les efperances qu'on lui
avoit fait naître. C'eil de quoi les
nouveaux Editeurs lui font des cx-
cufes à la tête de leur Préface : lui
marquant même la crainte où ils
font, que malgré leurs foins aie
payer enfin avec ufure d'une fl lon-
gue attente , il ne fe ctoye eo droic.
A O U
de fe plaindre ' qu'on ne lui livre
encore aujourd'hui qu'une partie de
ee qu'il fe flattoit de reccvoir:car les
quatre Volumes dont il cft ici que-
ftion ne conduifent l'alphabet que
jufqu'i la lettre ( O ) incluiîve-
ment. Mais tous ces retardemens ,
loin d'exciter fes plaintes , doivent
plijtôt l'engager à des fentimens de
reconnoiflance envers les favans
Editeurs, qui ont fçu mettre à pro-
fit pour laperfedion de cet Ouvra-
ge tout le tems que leuro. laifTé le
long délai de fa publication. En
cfFet, ils ont eu le loilir de fouiller
«lans les Bibliothèques & dans ks
Archives , de feuilleter les Car-
«ulaires & les vieuxTitres , de par-
courir les Livres imprimés relatifs
à ces matières , de confulter leuïs
Confrères de tout Pays & grand
nombre de Sçavans en ce genre de
Littérature -, ce qui leur a produit
la plus abondante moilfon.
Ileftvrai, & ils en font l'aveu ,
que leur travail a été ralenti , &
même difcontinué par divers con-
tretems. Ceux de leurs Religieux
qui d'abord s'en étoient chargés &
qui étoient fort capables de s'en
acquitter dignement , ou font
morts , ou font devenus infir-
mes. U a fallu leur en fubftituer
d'autres , & accorder à ceux-ci un
tems fuffifant pour fe mettre en état
d'entrer dans la même carrière , &
de la fournir avec honneur. Car la
grande réputation de l'Ecrivain
dont ils entreprenoient de devenir
les Continuateurs, les a, poux ainll
dire,tenus iong-tenxsen échec; trop
èe. modcftie leur faifant appréhert
S T , 1 7 3 j; 45y
derque leurs travaux comparés avec
ceux d'un homme d'un mérite fu-
périeur & univerfclicment recon-
nu pour tel dans cette forte d'éru^
dition , ne prélcntafTentau Public
un parallèle humiliant pour eux.
D'ailleurs l'étendue immenfe du
fujet qu'ils avoicnt à traiter , étoLc
bien capable ( difcnt-ils ) de leur
infpircr quelque défiance de leurs
forces. Car ce fujet embrafie la dif-
cufliîon de plufieurs points de
Théologie , i'éclairciflement ds
plufieurs difficultés concernant
i'Hiftoire , la Chronologie & la
Géographie ; l'explication de tout
ce qui regarde les Rites,lesMœur&,
les Dignitcz & les Charges , tant
Ecclcfiaftiques que Liïques , l'in-
terprétation de ce qu'il y a d'obfcur
dans les anciennes Loix & les an-
ciennes Coijtumes , ainfi que
dans les Formules du Barreau. Or
c'eft fur quoi M. du Cange ne laif-
fc prefque rien à fouhaiter dans les
divers articles qui compofcnt fon
Glofiaire ; & c'eft fur quoi il n'é-
toit pas facile de fuivre fes traces ,
dans ceux qu'on fe propofoit dé
joindre aux fiens.
Beaucoup de gens s'imaginent
que pour un Ouvrage de cette na-
ture , il fuffit de rafiembler quanti»
té de mots , &c de les infcrire fur
des feuilles volantes aufquelles on
donne dans la fuite un certain ar-
rangement. Tel eft à la vérité le
premier canevas d'unGlofiaircimais
dans cet arrangement quel ufage
ne doit-on pas faire de la critique
la plus judicicufe , pour afligner les
différentes fignifications de chacun.
4^5 JOURNAL D
de CCS mots, pour en dccoiivrir l'é-
tymologie , & pour contirmcr ces
fortes de dccilîonspar des autoritez
capables de dilîîpcr les doutes î II
faut, pour y rcullîr, avoir pallc fa
vie , comme a fait l'Auteur , dans
des recherches fi épincufes , ou
fuppléer par le nombre des Ou-
vriers ce qui manqueroit à chacun
d'eux par rapport à la longue perfe-
vcrance dans un fembiable travail :
& c'cft ce qu'on a fait pour l'Ouvra-
ge dont il s'agit.
Mais ( dira - t - on ) l'Auteur a
franchi les bornes que lui prefcri-
voit fon fujet. 11 devoit s'en tenir à
la fimple interprétation des mots,&
ne point s'engager dans une longue
difcullîon des chofes fignifiées par
ces mots. C'eft de quoi ne convien-
nent pas les nouveaux Editeurs. Ils
prétendent que M. du Cange ayant
deftiné fon GlolTaire à faciliter l'in-
telligence d'un certain genre d'Ecri-
vains , il a dû , conformément à
fon titre , développer & mettre en
un plein jour les moeurs de nos an-
cêtres prefque cnfevelics dans l'ou-
bli , fans fe renfermer uniquement
dans des minuties grammaticales ,
comme ont fait les Compilateurs
de quelques autres GlolTaires. '
Mais ( ajoûtera-t-on ) ces mê-
mes points fe trouvant difcutés élé-
gamment & avec plus d'étendue
par des Auteurs du premier ordre ,
qui en ont traité exprelTcment :
quelle necellité de les approfon-
dir dans un Di^lionnaire ? On
peut répondre à cela , que tout le
monde n'ayant pas fous la main ces
fortes d'Auteurs pour les confulter
ES SÇAVANS.
dans le befoin , il e(l beaucoup plus
commode de trouver dans un feul
& même Livre l'éclaircilTement de
tous fes doutes, par rapport à cer-
taines matières ; fans compter que
le Gloflairc de M. du Cange ren-
ferme une infinité d'articles oii
perfonne n'avoir touché , &: qui
fans fon fccours feroient encore
peut-être totalement ignorés.
Le reproche fait à notre Auteur
par un Ecrivain célèbre , d'avoir
inféré dans fon GlolTaire des termes
étrangers qui ne dévoient point y
entrer , paroît tout auffi mal fondé
à nos Editeurs. Car ces termes , ou
fervent à illuflrer plufieurs faits
concernant notre Hiftoire , ou fe
ilfent dans des ades écrits en Latin,
ou donnent du jour à d'autres ex-
prelBons , qui fans eux refleroient
inexplicables.
Après ces Préliminaires , les
nouveaux Editeurs expofent en
peu de mots quel a été leur plan ou
leur Syllémc dans cette Edition. Ils
fe font propofé en premier lieu d'y
raffembler tous les articles omis pat
M. du Cange , ôc qu'il auroit pu
recueillir lui-même en fort grand
nombre pour en former un Sup-
plément à fon Ouvrage , comme il
le reconnoît , en difant qu'il avoit
laiifé de quoi glaner amplement i
ceux qui voudroicnt s'exercer après
lui dans ce genre d'étude. De plus,
comme depuis la première Edition
de ce Glolfaire , on a publié un
nombre prodigieux de Pièces
Anecdotes, d'Hilloires de Nations,
de Provinces & de Villes , accom-
pagnées de leurs titres juftificjtifs ;
A O U s
nos Editeurs y ont puifé de nouvel-
les richeffcs , en y apportant néan-
moins quelque forte de choix -,
c'eft-à-dire , en retranchant tout ce
qu'avoit déjà fuffifamment cclairci
M. du Cange , & tout ce qu'on au-
roit pu regarder comme étranger à
leur îujct.
Ils fe perfuadent qu'on ne met-
tra point en ce rang , fur-tout par
rapporta un Ouvrage qui doit aflii-
rer aux anciens Diplômes toute leur
autorité , les fuites chronologiques
qu'ils ont dreffées des Chanceliers,
des Notaires & des autres Officiers
qui llgnoient les Lettres , les Dé-
clarations & les Ordonnances des
Souverains.' Les Editeurs en ont
fait autant , à l'exemple de M. du
Cange , par rapport à d'autres ma-
tières beaucoup moins relatives à
ce premier objet : & c'eft de quoi
ils auroient pu fe difpenfer , fans
cette raifon de conformité avec leur
guide.
A plus forte raifon ont-ils dû fai-
re des additions confiderables à ce
que celui-ci avoit déjà obfervé fur
nos Monnoyes Si fur les Palais de
îios Rois. Ce qu'ils ont ajouté a la
Notice des premières , cft d'autant
plus digne d'attention , qu'ils ont
conduit cette recherche jufqvi'à no-
tre tems ; Se la pofterité devra leur
tenir grand compte d'avoir fait pour
elle jufqu'àcetteEpoque tous lesfrais
de cette laborieufe perquifition qui
leur a fourni dans leur quatrième
Volume 459 articles nouveaux &
69 additions fur la Monnoye en
général & fur celles de nos Rois ,
depuis Philippe Augufte jufqu'à
T ; 175 5- 4^7
prefent ; fuivis de 70 articles nou-
veaux & de 25 additions fur les
Monnoyes de nos Barons : le tout
ilUiftré par des planches gravées
qui reprefentent ces Monnoyes.
D'un autre côté , en joignant" aux
noms des anciens Palais fpccifiés
par l'Auteur , ceux qu'ils ont ren-
contrés de nouveau en feuilletant
les vieux Titres , ils fe font appli-
qués à en décrire exadement la fi-
tuation , ce qui jette certainement
de grandes lumières fur plufieurs
circonftances de notre Hiftoire.On
trouvera , de plus , fur le mot Feit^
dum ( Fiet ) 91 articles nouveaux:^:
ainfi de quantité d'autres.
Peut-être (contmuent nos Edi-"
leurs ) ne jugera-t-on pas auffi fa-
vorablement de la DilTertation où
ils s'efforcent de découvrir l'origi-
ne du Collège Eledroral. Cepen-
dant cette queftion fi difficile &C
non encore fuffifamment dévelop-
pée cft d'une grande importance
pour bien démêler pluiieurs faits
hiftoriques du moyen âge ; & ils
s'étonnent que M. du Cange ait tié-
gligé de la traiter. Quant aux autres
additions, ils déclarent en général
qu'ils les ont réduites à ce qui leur
a paru vrayement neceffaire -, bien-
entendu pourtant que dans cette rc--
dudrion , ils ont mieux aimé courir
ic rifque de travailler inutilement à
l'inftrudion.d'un Ledeur déjà au'
fait , que de laifler dans fon igno-
rance UR autre qui fcroit peu in--
ftruit : outre qu'il arrive fouvcnt
q:ue ce qui nous femble trivial cft-
ignoré de plufieurs Sçavans , ou de-
mande à être appuyé fur de nouveSt
^58 JOURNALD
les autoritez : ce qui a oblige nos
Auteurs à multiplier les exemples
dans plufiturs articles.
A l'égard des petites Tables
qu'ils ont mifcs au-delTous des Ta-
bles Clironologiques drelFées par
J'Auteur pour faciliter l'intelligen-
ce des Ecrivains du moyen âge , &
même pour mieux dilccrner les
vrayes Diplômes d'avec ceux qui
font faux ou fuppofcsi nos Editeurs
neles ont ajoutées ('ces petites Ta-
bles ) qu'en vue d'applanir lesdiffi-
cultcz qui nailFent quelquefois des
différentes notes chronologiques ,
Se qui ne lailTcnt pas d'embarralfer
les Sçavans. Pour remédier donc
à cet inconvénient , les Editeurs
ont drefTc cinq petites Tables qui
mettent fous les yeux les Epades
de chaque année avantla corre(fVion
du Calendrier ; le jour des nouvel-
les Lunes pour chaque mois ; le
nombre de ce qu'on appelle en ter-
mes de chronologie Concurrens ou
Epades du Soleil ; l'ufage de ce
que l'on nomme Clefs des termes ,
jqui ctoit d'indiquer le jour où l'on
dcvoit célébrer le Dimanche de la
Septuagéfime & les autres Fêtes
Mobiles ; le premier jour de cha-
que mois pour chaque année avant
&c depuis la corredion Grégorien-
ne ; quel jour du mois répond à
chacun des jours de la Semaine. Ces
petites Tables ont encore , quoique
plus rarement , un ufage qui eft
d'une grande commodité. Quel-
qu'un veut favoir quelle eft l'Epo-
que d'un événement qui l'interelTc,
éc dont il eft fait mention dans une
Chartre dattéc d'une manière ya-
ES sçavans;
gue & incertaine , par exemple , dt
Lajïxiéme Férié , dans le mois d'Oilo'
hre , le premier jour de Li Lune ^ fout
le règne de Philippe Roi de France.
Il fait avec certitude que cet ade
a été expédié depuis l'année 1073.
& avant l'année 10S4. , & qu'il ne
peut être rapporté à aucun autre
tems. Il s'agit donc de trouver à la-
quelle des dix années comprifes en-
tre ces deux termes on doit le frxcr:
& c'cû à quoi fervent les Tables
Chronologiques de M. du Cange ,
accompagnées de celles des Edi-
teurs j comme ils le font voir dans
leur Préface.
Ils foHt cependant fort éloigne*
de prétendre que quelque vice dans
les dqtes d'une ancienne Chartre
doive la faire pa^Ter pour fauffe ou.
du moins pour interpolée ; puifqu'il
eft très - podlble qu'un Notaire,
même des plus exads , fe trompe
aux chiffres , en mette un de trop,
ou en omette un autre. Que fera-cç
( ajoiîtent-ils ) G le Scribe eft ou
trop négligent ou trop hardi ; Le
titre p'en fouffrira-t-il point quel-
que changement ou quelque omif-
fion ? Mais doit-il être regardé
pour cela comme fuppofé 3 On ne
îauroit donc prononcer là - deflus
avec trop de circonfpedion Jufqu'à
ce qu'on ait despreuves convaincan-
tes de faufleté. Ajoutez à cela le peu
d'uniformité dans la manière de
dattcrccs fortes d'Ades parmi les
differens peuples où l'on hxoit di-
verfcment le commencement des
années , des Indidions & des Rè-
gnes; pour ne rien dire des Notaires
ignorans , qui en vue de f^ire para-
de
A O U
^ de leur prétendue habileté , en
taffoient à l'avanture dattes fur
dattes;ce qu'il eft quelquefois trcs-
difïicilc de concilier avec l'ufage
ordinaire. D'où les nouveaux Edi-
teurs prennent occaiîon d'accufer
d'imprudence ceux qui peu verfcs
dans la Diplomatique , décident
fouverainement de la fuppolition
d'un Adle fur quelque tache de
cette nature qu'ils s'imagineront y
avoir découverte.
Les Editeurs pour l'arrangement
des mots de ce Gloifaire , fe font
prefcrit le même ordre <]u'a fuivi
l'Auteur. C'eft-à-dire , que fins
s'attacher trop fcrupuleufemcnt à
l'ordre alphabétique , ils lui ont en
certains cas préféré l'étymologi-
que, ayant égard au fecours mutuel
que plufieurs mots , pour devenir
plus intelligibles , fe prêtent les
uns aux autres à la laveur de cet ar-
rangement. Pour marque de leur
refped: envers M. du Cange , ils
ont diftingué des articles apparte-
nans à cet Auteur ceux qu'Us ont
ajoutés en les indiquant par la mar-
que appcWèe pied-de-mouche en ter-
mes d'imprimerie ■■, une main défi-
gne les éclairciflemens qu'ils don-
nent ou les correftions qu'ils font
aux articles de l'Auteur ; & ils ren-
ferment entre deux crochets les ad-
ditions qu'ils ont cru devoir inférer
dans fon Texte même.
Pour la commodité du Lefteur ,
ils ont eu foin de numéroter les
mots qui à raifon de leurs différen-
tes acceptions forment divers arti-
cles:enforte qu'on peut apperccvoir
d'un coup d'oeil tout ce qui con-
S T, 175 j. 4(^j?
cerne le mot, des fignifîcations du-
quel on veut être inlbuit. C'eft ce
qu'on peut voir dans les mots Ahfi.
da , Commenda , &:c. Ils ont eu en-
core diverfes attentions qui ten-
dent au même but , c'eft-à-dire ,
au foulagement du Ledeur , Se
dont il ne manquera pas de leur fa-
voir gré ; par exemple , d'avoir fait
enforte que chaque Lettre de l'or-
dre alphabétique commençât & fi-
nît toujours dans un même Tome ,'
que chaque Tome fût d'une grof-
feur médiocre Si parla moins fati-
guant à manier, &c.
Si leur attachement fcrupuleax à
fe propofer par-tout M. du Cange
pour modèle , leur attire qaelque
cenfure de la part des Critiques : ils
la fouffriront fans peine , & ils fe-
ront gloire des prétendues erreurs
qui leur feront communes avec ce
fçavant homme. Ainli ils ne feront
nulle difficulté d'avotier qu'ils ont
laiiTé fans explication plulîcurs
mots , faute de les entendre ; que
fur l'interprétation de plufieurs au-
tres , ils n'ont donné que des con-
jeârures -, qu'ils ont admis dans ce
GlolTaire quelques termes barbares
& abiolument étrangers à la Lan-
gue Latine , &c. Quant aux er-
reurs qui leur feront particulières ,'
ils font trés-difpofés a. les reconnoî-
tre & à les corriger. Us prient mê-
me avec inftance lesSçavansqui au-
roient des Colledions de ce genre "
de les leur communiquer , afin
qu'ils puiffent en faire ufage pouc
le Supplément qu'ils préparent , Se
qui fuivra de près les deux derniers
Volumes de ce Gloffaire.
470 JOURNAL D
Us terminent leur Préface par
des témoignages publics de rccon-
noiflancc accompagnes d'éloges ,
envers ceux qui leur ont été de
quelque fccours dans l'important
Ouvrage qu'ils publient. De ce
nombre font les célèbres BoUandi-
ftes ou Compilateurs des Aiftes des
Saints : M. Aiuratori Se la Société
Palatine , dans leurs Ecrivains d'I-
talie ; MM. de Latiriere ScSecouJ/è,
dans le Recueil des Ordonnances
de nos Rois ; les PP. Dom Edmond
A'fartene 6c Dom Urfin Durand ,
dans leurs Anecdotes -, M. Rymer ,
dans fcs Acics publics d'Angleter-
re ; M. de Md\jtHgnes ^ Prélldent
au Parlement de Provence , & di-
gne héritier de M. de Peirefc ; M.
j^itbret , qui travaille adluellement
à l'Hiftoire de la Principauté de
Dombes ; D. Thomas le Foitniier ,
Bénédictin de Marfeille ; M. l'Ab-
bé S ail ter, G2.ràc de laBibliothequc
du Roi-, M. le Beuf ^ Chanoine &
ES SÇAVANS,
Sous-Chantre de l'Eglife d'Auxer-
re ; MM. Maillart & Brunet , Avo-
cats au Parlement de Paris ; M. de
la Curne de Sainte Palaye , qui s'ap-
plique à illuftrer les vieux mots de
la Langue Françoife i & par defTus
tout^M. Lancelot^ à l'érudition très-
variée duquel^ ainfi qu'à fes curieux
Manufcrits & à fon caradere égale-
ment généreux & communicatif ils
déclarent avoir de trés-grandcs obli-
gations. On voit à la tête de tout
l'Ouvrage le portrait gravé de M.
du Cange , accompagné d'une
Lettre de feu M. Baluze à M.
l'Abbé Renaudot , laquelle contient
un détail de la vie Se des Ouvrages
de notre Auteur , avec fon Epita-
phe. Au furplus , le Public trouve-
ra fans doute cette nouvelle Edition
bien exécutée , quant au papier Bc
aux caraderes , au choix defquels il
paroît que le Libraire a donné tous
fes foins.
CONTINUATIO PR^LECTIONUM THEOLOGICARUM
Honorati Tourncly , five Tradatus de univerfa Theologia moral:.
Tomus primus continens Tradatus , primus de Juftitia & Jure. Se-
cundus de Contradibus, &c. C'ell-à-dire : Cominiiatian des Leçons
T^éologiciHes de M. Tournely , ou Traitez fur toute laThéologic Monde.
Tome I. contenant deux Traite"^ , le premier fur le Droit & de la Jnflice
le fécond fur les Contrats. A Paris , chez la Veuve Mazjere , rue S. Jac-
ques , à la Providence. 1733. vol. in-%°.
IL eût été à fouhaiter , dit le
Continuateur dans fa Préface ,
que M.de Tournely eût eu le tcms
de faite fur la Théologie Morale ,
ce qu'il avoit exécuté avec tant de
lumières & de folidité fur la Théo-
logie Spéculative , mais la mort
l'ayant enlevé avant qu'il eût pu
achever un fi grand defTein. On a
cru devoir le continuer pour le
bien de l'Eglife , & principale-
ment pour l'utilité Aa jeunes Ec-
clefiaftiques qui vivent dans les Sé-
minaires.
A O U s
L'Auteur fc plaint de ce qu'on
néglige aiTcz communément cette
partie de la Théologie qui regarde
la pratique , Se qui apprend à déci-
der les cas de confcience. La fource
de cet abus vient , félon lui , de ce
que dans les Univcrlltcz on exami-
ne toujours ceux qui afpirent aux
dcgrez fur des queftions abllraites
5c curieufcs , Se rarement fur les
quellions de pratique. Mais il mon-
tre que s'it-eil: utile de ne pas igno-
rer les premières , il eft abfolumcnt
neccllaii-e d'être inftruit des fécon-
des^ du moins lorfqu'onfedifpofe
aux différentes fon<5l:ions du Sacer-
doce.Sans une profonde connoi (Tan-
ce des décrets des Conciles , 6: de
la difcipline ancienne & nouvelle
de l'Eglife , il eft impolîîble qu'on
ne faite une infinité de fautes dans
le Miniftere. Il ne faut pas fe flat-
ter , dit-il, que l'expérience puilTe
jamais tenir lieu d'étude ; une lon-
gue expérience qui n'eft point foîi-
tcnue par un fond réel de fcience,
n'eft qu'une longue habitude d'er-
reur.
Il exhorte donc les jeunes Eccle-
fiaftiquesà s'appliquer particulière-
ment à la Théologie Morale , 5c il
fe flatte que les Traitez qu'il leur
offre j pourront les aider dans ce
travail. Il a tâché d'y prendre un
jufte milieu également éloigné de
la rigidité & du relâchement. Il
avertit au refte ceux qui les trouve -
roient trop étendus , qu'en jettant
les yeux fur Leffius , le Cardinal de
Lugo, Molinaôi les autres qui ont
traité de la même matière , ils ver-
lont qu'on n'en donne ici qu'un
T ; 1755; 471
fimple abrégé , Sc quand on le pof-
fedcroit parfaitement , l'Auteur
ajoute qu'on devroit alors fe regar-
der moins comme fçavanc , que
comme en état de douter avec fa--
geffe ; ce qui n'eft pas , continue t-
il , un petit avantage dans les que-
ftions de Morale.
Comme il n'eft pas poflible de
donner un Extrait fuivi d'un pareil
Ouvrage , nous nous contenterons
d'en rapporter quelques dccifions ,
afin de faire connoître l'efprit dans
lequel il a été compofé.
Le premier Traité eft divifé en
trois Parties , la première roule fut
la Juftice , la féconde fur le Droit,
& la troifiéme fur l'injuftice & fur
la reffitution.
Après avoir prouvé dans la pre-
mière Partie que la Juffice Légale
eft différente de la juftice propre-
ment dite, en ce que celle-ci oblige
toujours les tranfgrefTeurs à reftitu-
tion,au lieu que celle-là ne les yobli-
ge pas précifément par ellç-mêmc ,
l'Auteur remarque qu'il y a cepen-
dant des cas où il faut raifonner de
la Juftice Légale , comme on rai-
fotine de la Juftice proprement
dite.
Il eft certain , dit-il , que le Prin-
ce a un droit fi inconteffable d'im-
pofer des tributs fur fes peuples,
qu'ils peuvent être contrains à les
payer , même malgré eux. Cui vec-
tigal , vecligd , dit S. Paul , cni tri-
ùittum , tnbutum. Or par ce mot de
veEligal on entend ce que nous ap-
pelions vulgairement en François
Aydes , Entrées , Gabelles , &c,
C'eft fur ce principe que cette pro;
472 JOURNALD
foCition fiil'diti pajjitiii jtifla rnhut.t
non folvere ^ a été condamnée par
l'afTcmblée du Clcrç^é en 1700.
Sur ces fondemcns l'Auteur des
Conférences de Paris , & pluficurs
graves Théologiens avec lui con-
cluent que ceux qui fraudent les
droits des Aydcs , Entrées & Gabel-
les , ordonnés par des Editsenre'^i-
ftrés en Parlement , font obligés à
reftitution , aufll-bicn que ceux qui
achètent des marchindifes ven-
dues en fraude. Usfoûticnnent mê-
me que l'acheteur y eft encore plus
oblige que le vendeur , parce que
le Roi conferve toujours fur les
marchandifes un droit d'hypothé-
qué en vertu duquel il peut s'en
emparer.
Cependant fi l'acheteur doute mê-
me avec fondement que le vendeur
n'ait pas payé les droits ordinaires,
on décide que le premier n'eft pas
tenu à reftituer. L'Auteur renvoyé
aux Conférences de Paris; où cette
qucftioii eft tra'tée plus au long.
Dans la troihéme Partie où il s'a-
git del'injuftice Ss. de la reftitution.
On rapporte ce que les Cafuiftes
difent de part& d'autre au fujetde
ia fameufc queftion fçavoir fi en fe
renfermant dans les bornes d'une
jufte dcfenfe , & lorfqu'il n'y a
point d'autre moyen d'éviter une
mort violente &: certaine , il n'eft
pas permis de tuer un injufte ag-
grefteur.
Quoique l'Auteur ne fe déclare
pas pofitivement , il eft aifé de voir
qu'il incline pour le fcntiment de
ceux qui foûtiennent que dans ce
jas l'homicide eft permis.
ES SÇAVANS;
Il fe demande enfuitc , Ç\ l'on ne
pèche pas non plus contre la chari-
té en ôtant la vie à un injufte aggref-
feur , lorfqu'il n'eft pas polfible de
détendre autrement , la perfonnc
qu'il attaque.
Il répond 1°. qu'on ne pcchc pas
alors , & que c'eft le fentiment de
tous ceux qui foûtiennent qu'il eft
permis de tuer comme on parle, à
fon corps défendant. Parce que ,
difent-ils , comme on eft obligé
d'aimer fon prochain comme foi-
même, on doit aulli le défendre
comme foi-même.
Il répond en fécond lieu que ces
mêmes Théologiens ne convien-
nent pas entr'eux , fi un homme
qui peut fauver la vie d'un autre par
la mort de l'aggrefteur , y eft ne-
ceftairement obligé. Les uns l'aftu-
rent , fondés fur ce qu'en pareil
cas la condition de l'innocent doic
être meilleure que celle du coupa-
ble. D'autres le nient. Ils préten-
dent que lorfque les maux font
égaux des deux cotez, & que ceux
qui les doivent lubir , font égale-
ment notre prochain , on ne peut
point être obligé à tuer l'un pour
défendre l'autre.
C'eft en vain , ajoutent - ils ]
que les premiers allèguent en fa-
veur de leur opinion qu'il faut pré-
férer l'innocent au coupable , car il
eft très - probable que de deux
hommes qui courent rifque de fe
noyer , dont l'un fcroicun jufte &
l'autre un impie , il faudroit com-
mencer par fauver l'impie dans là.
crainte qu'il ne fût damné en jnouif
tin\ dans Ton crime
A O U
Quelques-uns enfin dont l'opi-
nion eft au jugement de notre Au-
teur plus conforme à la Religion &:
à la nature,foi?itiennent qu'on peut
être obligé de tuer un homme qui
en veut injuftement à la vie d'un
autre , i°. lorfque celui qui eft at-
taqué eft ncceftaire au Public , i".
lorfqu'il s'agit d'un père , d'une
mère , d'une femme , d'un fils , ou
d'un frère , en un mot de toute
perfonne a qui l'on tient par des
liens particuliers , mais ils rroyent
en même tems , que cette obliga-
tion cefTeroit , s'il étoit queftion de
défendre leur vie contre quelques-
uns de ceux dont nous venons de
parler.
Us avouent cependant que per-
fonne n'eft proprement obligé à ce
devoir , lorfqu'il ne pourroit le
remplir qu'au péril de fa propre vie.
Parce que chacun fans bleifer les
loix de la charité eft en droit de
préférer fa vie à celle d'autrui. Ils
veulent néanmoins que dans le cas
où il feroit poffible de fauver les
jours d'une perfonne publique ,
dont la perte entraîneroit de
grands maux avec elle , on ne
pourroit fe difpenfer pour la def-
fendre de rifquer à fe faire tuer , la
raifon qu'ils en apportent, eft qu'on
eft obligé de préférer l'avantage du
public à fon avantage particulier.
Les contrats font l'objet du fé-
cond Traité , on y examine i°. ce
qjue c'eft qu'un contrat , &c com-
bien il y en a de fortes : i°. Qui
font ceux qui font habiles à con-
trader :. 3". Quel eft le confen-
jçment: necelTaire pom lendie un
S T , r 7 5 5: 47J
contrat valide ; fî le dol , l'erreur
ou la crainte détruifent le confente-
ment , & en dernier lieu quelle eft
la nature de l'obligation que forme
le contrat.
La matière de l'ufure que l'Au-
teur difcute dans le troihéme Cha-
pitre de la féconde Partie , le con-^
duit à parler des Monts de pieté.
On fçait que les Monts de pieté
confiftent dans un fon<i confidera-
blc d'argent,de bled, de farine.G-c:.
mis en refcrve peur les prêter aux
pauvres. L'objet de cet établilTe-
ment eft d'empêcher qu'ils ne
foient opprimés par l'âviditc des
ufuriers. Ces Monts de pieté font
en général de deux fortes ; ceux
d'Italie qui furent pour la première
fois établis à Pcroufeen 1450. ne
fubfiftent que d'aumônes. Les au-
tres au contraire qui font communs
en Flandre , & qui furent érigés en
1^19. font entretenus par certaines
impofitions qu'on levé fur les peu-
ples. Quelques - uns font mixtes ;
c'eft-à-dire qu'ils font formés tout à
la fois d'aumônes particulières &c
d'impofitions générales.
Ceux qui ont la diredion de ces
lieux ne prêtent qu'aux pauvres Sc
à certaines conditions , 1°. Pour un
tems marqué , comme pour une
année : 1°. Ils ne prêtent que fur
gage , & fi on ne rend pas le prix
de la chofe prêtée au terme marqué^,
le gage eft vendu au profit du
Mont de Pieté , de manière ce-
pendant que le furplus de la valeur
eft rendu fidèlement à l'emprun-
teur : 3". Soit que le gage foir reti-
ré en payant ia fomme dont ii- te---
474 JOURNAt DE
noit lieu , ou qu'en cas de retarde-
ment il foit vendu , on retient tou-
jours quelque argent au - delà de
la jufte valeur de la chofe prêtée ,
&c cet excédent cft appliqué ou à
l'entretien du Mont de Pieté , ou à
paver les Officiers qui l'admini-
ftrent.
C'eft principalement cette der-
nière condition qui allarme la dcii-
catcflc de quelques Théologiens ,
& qui les engage à demander , s'il
n'y a point d'ufure dans ces fortes
de prêts , tout avantageux qu'ils
font au foulagement des pauvres.
On prouve i°. que leurs fcrupu-
les font mal fondés. La chofe a été
décidée dans le Concile de Latran ,
fous Léon X. il y efl: défendu de
difputer , ou de prêcher contre ces
fortes d'établilTcmens , & le Conci-
le de Trente compte les Monts de
Pieté parmi les Maifons pieufesque
i'Evêque doit viiîter.
On montre en fécond lieu qu'ils
ne peuvent dans le fond être accu-
fés d'ufure. Rien n'eft plus légitime
que les Admin'.ftrateurs des Monts
de Pieté prennent quelque chofe
au-deffus du capital ^ foit pour s'in-
5 SÇAVANS ;
dcmnikr des frais ncccllliires pout
confervcr les gages Se les fonds ren-
fermés dans le Mont de Pieté , foie
même pour fe dédommager des frais
6 des foins qu'une pareille admini-
ftration entraîne necelîaiiemcnt.
Or comme ces frais & ces foins
précèdent le prêt , ils font eftima»
blés à prix d'argent , Se Ci pour les
en rccompenfer on n'exigeoit pas
quelque chofe au-de(Tus de la va-
leur du prêt, on feroit contraint de
le prendre fur Mont de Pieté mê-
me, ce qui en diminueroit les fonds
& par confequent tourneroit au dé-
triment des pauvres.
N'eft-il pas vrai , ajoiàte-t-on^quc
fi mon ami m'emprunte quelque
chofe que je fois obligé de lui faire
porter à une certaine diftance , je
fuis en droit outre la chofe prêtée ,
d'exiger encore de lui qu'il me paye
la dépenfe que j'aurai faire à cette
occafion ; Pourquoi les Adminiftra-
teurs des Monts de Pieté ne joiii-
roienc-ils pas du même droit ? De
tous ces raifonnemcns l'Auteur con-
clut qu'ils doivent être permis.
Nous parlerons des Tomes fui-
vans à mefure qu'ils paroîtront.
R E R U M I T A L I C A R ej M S C R I P T O R E S , C^c .
C'eft - à - dire : Suite du Recueil des Ecrivains d'Italie , depuis l'an 500.
jiifç/u'àran i^oo.Par M.MvKATOKi.Tome Xl.fil.col. i4c^.AMilan,
par la Société Palatine, ijiô.
CE onzième Volume eft dédié
au Sénat de la Republique de
Luques , que i'illuftre Editeur
compare à laRepubliquc deLacédé-
mone par fon amour pour la liber-
lé , 5c à celle d'Athènes par fon at-
tachement pour les beaux Arts.
La première Pièce de ce Recueil
eft un petit Ecrit à h loiiange de
la Ville de Pavie. On conjedhirc
qu'il a été écrit environ vers l'an
1 3 30. & que l'Auteur dont on igno-
A O U s T
re le nom ] après avoir été cha(Té de
fa Patrie par la fadion des Gibel-
lins , s'étoit retiré à Avignon à la
Cour du Pape Jean XXÏI. C'eft
apparemment par cette raifon que
quelques Sçavans qui ont eu com-
munication du Manufcrit fur le-
quel cet Ouvrage paroît aujour-
d'hui imprimé pour la première
fois , le citent fous le nom de Conr-
tifan dePavie.
Le fçavan-t Editeur prévoit que
quelques cfprits fuperficiels accu-
'. '7? 5. ^ 47jr
ni avoiie lui-même dans fa Préface,
Se ce que tout homme de goutre-
connoîtra aifément à la différence
du ftilc.
Le fçavant Editeur a cru donc
qu'il lui étoit permis de revendi-
quer un bien qui lui appartenoit, Sc
de donner à cet Ouvrage le titre
d'Annales de Modéne.
3°. Une Chronique d'Aft tirée
des anciennes Chroniques de la mê-
me Ville. On voit par le titre de ce
Livre que cet Ouvrage n'eft que k
feront cet Auteur d'entrer dans des plus petite partie d'un autre plus
détails frivoles ou ridicules , mais confiderable qui a été perdu. Ces
il eft pcrfuadé que les connoiffeurs
n'en jugeront pas ainfi , qu'ils fe-
ront au contraire charmés d'y trou-
ver une peintureexa(5le& fidèle des
mœurs & des coutumes qui étoient
en ufagc il y a 400 ans.
2°. Des anciennes Annales de la
Ville de Modéne depuis l'an 1301
Chroniques font divifées en trois
parties , & raffemblées auflî par 5
differens Auteurs , tous de la même
Ville.
Le premier eft George Alferius
qui commence l'Hiftoire de fa Pa-
trie dès fon origine même ; fans
prefque fuivre l'ordre des tcms , il
jufqu'en 1336'. M. Muratori avoit a continué fa Compilation jufqu'en
jufqu'à prefent cherché dans les Bi- l'an 1294. qui eft probablement le
bliothéques quelque Hiftorien qui tems de fa mort. Durefte, ilparoîc
pût fcrvir à faire connoître l'Hiftoi- ' très-exad fur ce qui regarde le cou-
re de fa Patrie. Ufçavoit à la vérité
qu'on gardoit dans la Bibliothèque
d'Eft une Hiftoire Manufcrite de
Modéne. Mais il y avoit d'abord
fait d'autant moins d'attention
qu'Alexandre TafToni qui en eft
l'Auteur , ayant écrit depuis l'aa
1500. fortoit du plan qu'on s'eft
propofé dans ce Recueil. Cepen-
vernement , la force & la gloire de
fon Pays.
Le fécond eft Guillamc Ventu-
ra , fon Hiftoire commence en-
viron à l'an 12^0. & finit à l'an
1325.
fi, Il n'eft pas non plus fort exad
pour la Chronologie , fon ftile eft
dur & barbare , cependant malgré
dant il s'cft apperçu que le Taflbni ces défauts on peut affurer qu'il
n'avoit fait que ramaffer , & que écrit avec tant de candeur &; d'une
donner de l'ordre aux anciennes manière fi interelîante qu'il attache
Annales de Modcne qui avoientété continuellement, il dit pofitivc-
écrites fucceffivenient par des gens ment que ce fut à Vérone après la,
dignes de foi. C'eft ce que le TalTo- mort de l'Empereur Frédéric lï;
47^ JOURNALD
qu'on donna le nom de Guelphes à
ceux qui foûtcnoient le Parti des
Papes 8c celui de Gibelins aux
Partifans de la Fadion Impériale.
Oiioiqu'il ci'it été éle>c aux pre-
miers honneurs dans fa Patrie , on
voit par fon Tcftament qu'il n'ctoit
pas riche , il y lailTe à fon fils plus
d'avis que de biens; & entr'autres il
iui défend la leéturc de ces Livres
qu'on appelle Romans , ^«; Roman-
z.i dkuntur.
Le troificme Auteur de ces Chro-
niques eftSecundinus ou Secundot-
tus-Ventura fils d'André , Citoyen
Si Notaire de la Ville d'Aft , qui
pouvoit être neveu ou petit neveu
de Guillaume dont nous venons de
parler , fon Hiftoire commence en
1419.& vajufqu'cn i427.C'cftdans
ces trois Auteurs qu'on trouve l'an-
cienne Hirtoire de la Ville d'Aft ^
avantage qui manque à plu^eurs
autres Villes.
Quoique ces Chroniques foient
aujourd'hui publiées pour la pre-
mière fois , elles n'étoient cepen-
dant pas inconnues. Antonius-Afte-
fanus, dans fon Pocme qu'on ver-
ra plus bas , & Guichcnon dans
fcn Hiftoire de Savoye , en font
mention, mais avec peu d'exaâùm-
de ; le Marquis , Abbé Malefpini ,
Confeiller Aidique , de qui M.
Muratori tient ces Chroniques , y
a fait de fçavantes Notes qu'on ver-
ra ici avec plaifir.
4". Un Poëme fur les combats
arrivés en Tofcane. Par Frère Ray-
ncrius de Grancis de la Ville de Pife
6f de l'Ordre des Frères Prêcheurs.
X-C litre de Poëme ténébreux que
ES SÇAVANS,
M. Muratori donne à cet Ouvrage,'
Caligmofiim Poëma , montre afTcr
ce qu'il en penfe. Il dit qu'Oedipc
lui-même ne pourroit pas l'expli-
quer , qu'on y voit une ignorance
entière des règles de la Poclie , &
qu'd y règne une barbarie & une
dureté de ftile qui le rend inintel-
ligible. Pourquoi donc , dira-t on ,
donner une production fi informe?
M. Muratori répond qu'au milieu
des ténèbres dont d eft rempli, on
y apperçoit cependant quelques
traits de lumiere',qu'on y trouve mê-
me certains faits qu'on chercheroic
en vain ailleurs , & qu'à l'aide des
autres Hiftoriens de Tofcane , Se
avec un peu de travail il n'eft pas
impoflibk d'y déchifrer des chofes
utiles. Il ajoute enfin que c'eft le
feul Hiftorien de la Ville de Pife
qui nous refte , & que par cette rai-
fon il a jugé à propos de lui faire
voir le jour.
Raynerius floriffoit en 1 541. foo
Poëme eft divifé en 8 Livres.
5°. Une Hiftoire de Piftoïe écri-
te en Italien par un Anonyme , elle
comprend principalement ce qui
s'eft palTé dans la Tofcane depuis
1300. jufqu'en 1348. il y a lieu de
croire que l'Auteur étoit de Pi-
ftoïe •, en effet il s'attache principa-
lement à raconter ce qui regarde
cette Ville , & c'eft peut-être par
cette raifon qu'on appelle cet Ou-
vrage l'Hilfoire de Piftoïe. Il eft aifé
de voir par la manière dont il dé-
crit les chofes , qu'il en a fouvent
été le fpedateur.JeanVillaniFloren-
tin dont nous avons une Hiftoire
en Italien , vivpit dans le même
tems
A O U s T
fcms &C fiit emporté l'an 1 348. par
cette terrible pefte qui défola la
Tofcane. On conjedure que notre
Auteur eut le même fort , car fon
Hiftoirc finit auflî précifémcnt dans
ce même tems.
Du refte , Ci l'Hiftoire de Vilia-
iii a mérité l'eftime des S^'avans ,
celle donr il eft ici queftion doit
Jieur être d'autant plus précicufe
qu'on y verra beaucoup de tairs
que le premier avoir pafles fous fi-
lence, 6c que la finçcriré du fécond
rend très - croyables. Philippe tk.
Jacques Giunti Imprimeurs Floren
tins , furent les premiers qui la fi-
?ent imprimer àFlorence en 1578.
& on efpere qu'on la retrouvera
avec d'autant plus de plaiiir dans
cette Colledion que l'Académie
de la Crufca la compte parmi les
Livres où l'on peut chercher le
goût & la pureté de la Langue Ita-
lienne.
6°. Une Chronique de Milan
intitulée Alanippihis Florum , par
Gualvaneus délia Flamma , de
i'Ordre des Frères Prêcheurs.
Cet Hiftorien qui tient un rang
Bonfiderable parmi les Hiftoriens
d'Italie , & qui tut de fon vivant
très-célébre entra dans l'Ordre des
Frères Prêcheurs en 1z57.il com-
pofa difterens Ouvrages qu'on
conferve encore en Manufcrit , &
dont M. Muratori nous donne ici
le Catalogue , quoiqu'ils ayent été
fort eftimés de fon tems , & qu'ils
méritalfent même alors de l'être ,
on n'en jugcroit pas de même dans
un fiécle de critique & d'érudition
jei que le nôtre. Ainlî on ne croit
» ' 7 3 5- 477
pas qu'Us voyêllf jamais le jour.
L'FIilloire qu'on donne aujour-
d'hui péchc en plufieurs endroits
contre ces deux points, mais elle a
paru lî recommandablc par plu-
lieurs autres au fçavant Editeut
qu'il a cru qu'on la vcrroit avec
plaiiir. Elle commence à l'origine
de la Ville de Milan , & ne v»
guéres plus loin que jufqu'cn 13 36'.'
car la divcrfité du ftilc montre af-
fcz que tout ce qu'on y lit depuis
ce tems iufqu'à l'an 1371.011 elle fi-
nit , a été ajouté par une autre
main.
(iualvaneus débute par nous rap-
porter une inHuité de fables fur
l'origine de la ViU; de Milan.
Ce qu'on y voit enfuitc de-]
puis la mort d S. /.mbroife juf-
qu'au règne d^ Charles le Gros n'a
rien non plus li inteicfrant ; tout y
eft emprunté de Paul Diacre , de
Godefroy de Vitcrbc, de Martinus
Polonus & d'autres Hiftoriens forp
connus. M. Muratori auroitdonc
volontiers retranche une grande
partie de cette Compilation com-
me il avoit promis de le faire , 5c
comme il l'a réellement fait plus
d'une fois à l'égard de ces Auteurs
Plagiaires qui n'ont fiit que fe rcJ
peter les uns &c les autres. Mais le
goût de plulleurs gens de Lettres
qui n'aiment point qu'on leur don"
ne des Livres ainfi mutilés , l'a.
emporté fur fur fa propre inclina-
tion , & même fur l'engagement
qu'il avoit pris avec le public. Il
avoiie encore que Gualvaneus n'a
pas été fort cxaét fur la Chronolo-
gie. Mais il croit qu'on peut attri-
Rrr
478 JOURNAL B
bucr en partie ce dctaut à fcs Copi-
ftes. On voyoit autrefois à Milaa
des exemplaires de certe même Hi-
ftoire très diffcrcns de celui qu'en
donne aujourd'hui. Le fçavant Pu-
riccllius qui en avoiteu communi-
cation , en cite des endroits qui ne
s'accordent nullement avec les
deux Manufcrits fur lefquels cette
•Edition a été faite. Peut-être qu'il
ne faut pas tant rejetter cette diver-
fîté fur l'ignorance des Copiftes
que fur l'Auteur même qui y aura
fait plulieurs changemens.
On conferve encore à Milan une
autre Chronique en Manufcrit de
la même Ville. Plufîeurs Auteurs
l'ont confondue mal-à-propos avec
le Aianipiilus Florum , parce qu'el-
le porte pour titre Flos Flornm.
Mais ces deux Ouvrages font trcs-
differens , comme NI. Puricellius
l'a fort bien remarqué.
7°. L'Hiftoire Ecclefiaftique de
Ptolomée de Lucque de l'Ordre
des Frères Prêcheurs &c enfuitc
Evêque de Torcelli.
Cet Auteur , après avoir pafTc
par toutes les dignitez de fon Or-
dre où il fut en grande confidera-
tion , fut enfin nommé Evêque de
Torcelli par le Pape Jean XXII.
Otioique fes Ecrits n'ayent point
été encore imprimés ils ont été
connus & cités avec éloge par les
Sçavans d'Italie , de France , d'An-
gleterre Se d'Allemagne. Mais M.
Dupin, dans fa Bibliothèque Eccle-
fiaftique, s'eft trompé en lui attri-
buant trois Ouvrages differcns ,
i". De courtes Annales , 2°. La
©ironique des Pages , Hc en troi^
ES SÇAVANS.
{léme lieu une Hiftoiie Ecclefiafti-
que. Cette Hiftoirc Ecclefiaftique
n'eft autre chofc que l'Ecrit dont
il eft ici qucftion , qui eft conferve-
en Manufcrit dans différentes Bi-
bliothèques de l'Europe.
M. Muratori employé ici deux
grandes pages à prouver , & même
folidcmcnt , qu'après les excellen-
tes Hiftoires Ecclefiaftiqucs , telles
que font , dit-il , entr'autres celle
du C. Baronius , &; du P. Pagi ,
perfonne ne doit ni ne peut s'arrê-
ter à lire ce que Ptolomée a écrit
fur la même matière , du moins
jufqu'au dixième fiécle.
Il commence à la Naiftance de
J. C- ôi ne fait que copier fans fti-
le , fans critique , & fans Chrono-
logie tout ce que les Auteurs qui
l'avoient précédé , & qui font en-
tre les mains de tout le monde ,.
avoient écrit avant lui.
Le judicieux Editeur ctoit donC
dans la refolution de fupprimer les
dix premiers Livres de cette Hi-
ftoire i il avoit, dit-il , encore moins
de compaffion pour Ptolomée que
pour fes Ledeurs ; il fe faifoit con-
fcience de les charger d'une rnar-
chandife fi inutile & fi défagreable.
Cependant les Prières & les inftan-
ces de fcs amis de Milan & de plu-
fîeurs Sçavans du premier Ordre
ont prévalu fur fes propres fenii-
mens & l'ont forcé à donner cet
Ouvrage dans fon entier ; ils ont
prétendu qu'il étoit avantageux de
connoître les erreurs, lesfables^ les
Anachronifmes , & même les ex-
travagances deiiramenta des anciens,
^ que cette connoiffance fervoic»
A ou s
même beaucoup à perfedionncr h
critique. Malgré toutes fes refle-
xions il protelte qu'il s'eft plutôt
rendu à leurs dcfirsqu'à leurs rai-
fons. Il craint même qu'elles ne
foicnt pas infiniment goûtées , il
fupplie cependant ceux qui n'a-
prouveroicnt pas la condefcendancc
qu'il a eue en cette occalion de fc
areprefcnter Ptolomée proftcriié à
leurs pieds , qui y prie de trouver
bon que fes Ecrits voyent lejour,
& il fe flatte qu'ils uferont d'indul-
gence avec un lî bon Religieux , &
qu'en fa faveur Us feront encore
grâce à l'Editeur.
Mais il prétend que Ptotomée
n'en a pas befoin dans les liccles
voifins de celui où il écrivoit. Il
foûticnt qu'on y trouvera un'c exac-
titude & une érudition non com-
mune ; ilavoit vécu à la Gourdes
Papes à Avignon, & éroiten liai-
foH avec les habiles gens de fon flc-
cle. Saint Thomas d'Aquin fut de
ce nombre, il nous apprend même
dans fon Riftoiie, Liv. 15. ch, 8.
que le Dodeur Angélique s'étoit
plufîeurs fois confelTc à lui , ôi tout
ce qu'il y rapporte de fes Ecrits &
xlc fa vie ne peut que faire beau-
coup de plaifir au Lccleur.
On ne fçait point pofitivement
jufqu'où il a continué fon Hilloire;
il paroît cependant vraifemblable ,
comme un Manufcrit de Padoiie
le marque expreflemenc , qu'elle
finit eia 1 3 1 5. ce qu'on y trouve de
plus a été ajouté par d'autres Au-
teurs. La plupart des Manufcrits
vont au-delà de l'année 13 13. &
même au-delà de Ptolcunce qui
T ." 175 ?.\ 47^
mourutj à ce qu'on croit, en 1 3 ij^
On avertit le Ledrcur que M.
Baluze dans fes Vies des Papes d'A-
vignon en a tiré quelques-unes de
l'Appendix de Ptolomée de Luc-
ques. Il croyoit qu'elles étoient vé-
ritablement de cet Auteur, mais il
y a tout lieu de croire qu'elles n'en
font point , & qu'il a fini à Benoît
XI. ou du moins à Boniface VIII.
M. Muratori les ayant comparées
avec les Manufcrits de ces mêmes
Continuateurs qu'il a entre les
mains , l-.s a trouvées fouvent fort
différentes.
On remarque encore que Krunt-
zius, Langius, 'S: fur-tout Meier ^
dans l'onzième Livre de fes Anna-
les de Flandre , fe fert de Ptolomée
de Lucques pour prouver que-
l'Empereur Henri VII. fut empoi-
fonné par un Dominicain avec une
Hoftie conlacrée. Cette fable fc lit
à la vérité dans cette Hiftoirc, mais
ce trait y aura été ajouté par quel-
que main étrangère. Ptolomée n'au-
roit jamais été aflcz imprudent
pour attribuer hardiment à un
Membre de fon Ordre un crime
dont non feulement tous fcsConfrc-
rcs , mais encore tous les Auteurs
contemporains l'ont purgé. Ainiî
on ne conçoit pas comment Spon-
de , dans fes Annales, a pu dire que
le Continuateur de Ptolomée de
Lucques ne parle point de cette ca-
lomnie. Il faut apparemment qu'el-
le n'eût pas été inférée dans le Ma-
nufcrit dont il fe fervoit. Mais on
ne peut s'cmpccher de relever la
malignité de Sandius qui dans fes
Notes fur les Hiftoriens Latins de
Rïrij
48o JOURNAt DE
Volliiis s'efforce de foutcnir cette
impofturc en s'appuyant de l'auto-
rité de Mejer ; pour la rendre plus
vraifcmblable , il rapporte qu'Hcn-
li III. fut tué par un Dominicain,
Se il fc répand en Hiftoire vraies ou
fauffes de femblables crimes. Mais
étoit-il permis à un homme de Let-
tres de dilTimuler que Jean Roi de
Bohême fils d'Henri VII. a recon-
nu par un Ecrit public la faulTeté
d'une calomnie fi atroce. M. de
Leibnitz a public cette Pièce dans
le premier Tome de fon Code du
Droit des gens. Quoiqu'il en foit ,
du moins falloit-il la mettre non
fur le compte de Ptolomée de Luc-
qucs, mais feulement fur celui de
fes Continuateurs.
8°. Courtes Annales compoféei
par le même Auteur. Elles avoient
déjà été imprimées à Lyon en 1^19.
on les retrouve encore dans la gran-
de Bibliothèque des Pères , qui a
paru depuis dans la même Ville ;
mais comme le Manufcrit fur le-
quel ces deux Editions ont été fai-
tes, étoit imparfait & mutilé en
plufieurs endroits , on a été con-
traint d'y laifler plufieurs lacunes ,
M. Muratori en a fuppléé quel-
ques-unes à la faveur de l'Hiftoire
Ecclefiaftique dont nous venons
de rendre compte. Ptolomée eft
toijjoursle même dans fcs Annales,
e'eft-à dire affez crédule & mauvais
Chronologifte , elles commencent
au couronnement d'AIexandie II.
en 1061. &C finiflent en 1303. ce-
pendant on y trouvera bien des
chofes propres à éclaircir l'Hiftoire
àe ce tcms , Si (ur-tout ce <jui tç-
5 $ÇÂVANS ;
garde la Ville de Lucqucs 6i même
toute laTofcane.
Il eft à remarquer que l'Aftrolo-
gie Judiciaire étoit alors fort en
vogue , & que cet Hiftorien & en
général tous les Ecrivains de ce
tems-là. Sacrés ScProphanes, at-
tribuent prefque toujours aux diffe-
rens afpeéls des AlTrres les évene-
mcns confiderablcs , comme les
mortalitcz , les guerres , les fédi-
tions , mais fur-tout les malheurs
&la mort des Grands.
9°. La Vie de Caftruccio-Antel-
minelli , Souverain de Lucqucs, de-
puis l'an 1301. jufqu'en 1328. pas
Nicolas Tegrimo Jurifconfulte de
Lucques.
Cette Ville eft très-illuftre , la
lèule autrefois au-delà de l'Appenin
qui eût le droit de faire battre
monnoye , Se tout récemment
elle vient d'être érigée en Métro-
pole par Benoît XIII. M. Muratori
s'étonne donc qu'elle ait eu Ci peu
d'Hiftoriens, ou qu'il y ait des gens
aftez infenfibles à la gloire de leur
Patrie pour ne les pas tirer de l'ob-
fcuritéoù ils font peut-être cnfeve-
iis. Ne pouvant donc en faire da-
vantage , il fe contente de donner
la Vie de Caftruccio. Sous la domr-
nation de ce Prince , h Ville de
Lucqucs parvint au comble de là
grandeur. Il convient qu'il avoitde
grands vices , mais ils étoient repa-
rés par de grandes vertus , il joi-
gnoit à la réputation de grand
Guerrier celle de grand Politique ,
6 fi «ne mort prématurée ne l'a-
voit arrêté au milieu de fes conquê-
tes j on ne doute pas que toutes les
A O US
Villes 3e la Tofcane ne fuflènt
tombées fous fa puifTance. Machia-
vel qui a auffi écrit fa Vie en Ita-
lien , prétend qu'il n'étoit inférieur
ni à Philippe Roi de Macédoine, ni
au fameux Scipion , &c qu'il les eût
furpafle tous deux , fi au lieu de
Lacques il avoit eu Rome ou la
Macédoine pour Patrie.
Outre cette Vie Alde-Manuce en
a donné encore une autre très-éten-
due , imprimée à Rome en 1590.
Comme l'une Scl'autre ne convien-
nent point au delfem de l'Editeur _,
parce qu'elles font écrites depuis
l'an i;oo. il a choiiî celle que Ni-
NOVVELLE TRADVCTION TRJNCfilSE DV
Paftor Fido , tevec le Texte à coté. A Paris , chez Nyon fils , Place
de Conty, à Sainte Monique. 1733. '«-12. 2.V0I. Tom. I. & II. pp,
J83.
T ï 1755' 4S1
colas Tegrimo , fameux Juïifcon-
fulte de Lucques , a compofée en
Italien. Eli a été imprimée pour la
première fois à Modéne en 149g'.
qui cft l'année de la mort de
Tegrimo & depuis elle a paru
en Italien en 155^. à Lucques ;
elle eft écrite avec alfez de pureté
& d'agrément , l'Auteur qui étoic
d'une iliultre famille qui fubfidc
encore aujourd'hui , paflbit pour
un des plus habiles hommes de fon
fiécle , &; il fut chargé de plufieurs
négociations très - importantes ea
différentes Cours,
CETTE Paftorale Italienne 1
traduite dans toutes les Lan-
gues vulgaires de l'Europe , l'a été
plus d'une fois en François. Nous
en avons une ancienne verfion en
profe , mife au jour à côté du Texte
à Paris , chez Guillemot , en i^io.
in-ïi. & une en vers faite par l'Ab-
bé de Torches , & imprimée plu-
fieurs fois en France & ailleurs:fans
parler de la Scène d'Amaryllis tra-
duite auffi envers par l'Abbé Ré-
gnier des Marais^ qui fc l'eft reven-
diquée fur la Comtelfe de la Sii^e ,
à qui on l'avoit faulfemcnt attri-
buée i & fans compter encore le
PajlorFido ^ Paftorale Héroïque en
Ters & en trois Ades , précédés
d'un Prologue , du Chevalier Pf/ff-
frin , Paftoiale publiée à Parîs eo
lynS". & qui eft plutôt une imitai-
tion de la Pièce Italienne qu'une
Traduâiion. Celle qu'on nous
donne ici , quoiqu en profe , ne
laiffe pas de mériter l'attention de
ceux , qui fans favoir l'Italien
fouhiitentde fefamiliarifera/ecks
plus excellens Ouyjages écrits en
cette Langue.
• L'Anonyme à qui nous devons
cette verfion , fe plaint d'abord ,
dans une Préface , du trop peu de
cas que l'on fait aujourd'hui du ta-
lent d'un Traducteur, qu'on n'en-
vifage pour l'ordinaire que comme
une glace , ^«/ ne pan rendre i^ue Ut
ohjets qn'en prifente vis-k-vis d'flle.
Sur ee pied- là on doitlefuppofèr
dénué ou ne faifant prefque nul
ufage des ïJçbeffesdei'imaginatioiiy
^84 JOURNAL D
dont les productions ontàprcfcnt
toute la préférence dans le goût du
public. C'cft fans douce le delir de
s'y conformer (^dit-on) qui a fait
naître les Tradudions hardies &
peu fidèles , qui malgré la cenfure
de CCS Lc6tcurs difficiles 6c cho-
qués de trouver dans unTraduclcut
un Auteur , ne laillènt pas de rece-
voir des éloges.
Elles deviennent cependant afTcz
inutiles aux diftcrentes vûe's que
chacun peut fe propofer en Icslilant,
&c qui font de fe procurer un fc-
cours pour i'acquilîtion plus facile
&plus prompte de la connoilTancc
d'une Langue étrangère ; de juger
par foi-même fi un Auteur fameux
cft digne de toute la réputation
dont il jouit ; de fatisfaire fimple-
ment fa curiolîté, fans nuldelîein
d'exercer fa critique^ de puffer dans
la ledure de cette verfion une no-
tion cxadle des mœurs , des coûtu-
• mes , des opinions , des fentimens,
du génie ou de l'élocution du peu-
ple chez qui écrivoit l'Auteur.
Quelques beautez qui paroiflent
éclater dans des Traductions de ce
genre, il fuffit pour les condamner,
qu'elles déguifent la vérité du Ta-
bleau' qtf^Hes doivent ofirir aux
yeux du Ledeur; &: l'on ne pour-
roit tenter quelque forte de juftifi-
cation pour ces verfions infidèles ,
qu'en faveur de ces Led:eurs qui ne
cherchent dans leurs ledures que
l'amufcment & la récréation. Ils
font véritablement en grand nom-
brei',imais ils ne méritent en nulle
• façon la préférence fur ceux qui
«n'ont d'autre motif en lifant les
ES SÇAVANS.
Traductions que l'amour des Let^
très , ôc l'envie de s'y perfedion»
ner.
Cependant la fidélité qui rend
utile un Traducteur, ne doic jamais
aller jufqu'à lui faire négliger ce
qui peut le rendre agréable ; ces
deux quaiitez ne font point incom-
patibks , & il peut ( dit-on ) ailier
cnfcmblc les deux Syftcmes de la
Tradudion hardie & de la Traduc-
tion Littérale. Il n'eft qucftion
pour cela ( continue-ton ) que de
chercher dans la Langue de quoi
faire fentir toutes les beautez d'une
Langue étrangère ; ce qui peut s'e-
xécuter par des expreiïions toutes
pareilles ou du moins équivalentes.
Mais le principal foin d un Traduc-
teur qui veut plaire , doit être de
choihr un Auteur interelfant pat
lui-même , & qui puifle attacher
alTez un Le<fleur pour l'engager à
pardonner les fautes de l'Inter-
prète.
Tel eft ( félon notre Auteur ) le
Paj^or Ftdo , chef-d'œuvre du Gua-
rini , & dont le fujet ne touche pas
moins le cœur , que la conduite de
la Pièce occupe agréablement l'cf-
prit , à l'exception de l'Epifode de
Dorinde. Il avoLie cependant que
cette Paflorale peut blelfcr le goiàt
de notre Nation par divers en-
droits , tels que les comparaifons
longues & ennuyeufcs , les Scènes
dont retendue exceffive devient
fatiguante , les jeux de mots prof-
crits en France, quoique goijtcs
encore en Italie , quelques expref-
fions un peu trop libres , & que la
bienféance ne comportcioit point
A O U s
en notre langue. Mais malgré ces
défauts prétendus , & dont les Ita-
liens ne conviennent point , la Pie-
ce eft toujours trcsproprc à fédui-
re un Ledeur & à fe le rendre fa-
vorable. On y voit par-tout Ama-
lyllis^ quoique paflîonnce pour un
Berger qui ne l'aime pas moins ,
toujours inviolablcmcnt attachée
aux loix de l'honneur : la vertu &
l'innocence y triomphent par-tout,
quoique attaquées d'abord avec fuc-
cès par la conduite artificieufe de
Corifquc , dont k retour & le re-
pentir édifient le Spedtateur à la fin
de la Pièce.
Ces égards &ces précautions du
Gtiarini ne l'ont point garanti des
reproches les plus mortifians. Si
l'on en croit certains Critiques , le
Paflor Fido n'eft capable que d'in-
troduire la corruption dans les
cœurs les plus purs , & d'y étouf-
fer toute femence de vertu. Mais
( répond le Traducteur ) outre que
les fentimens vicieux produits fur
là Scène par quelques perfonnages
de ce caraftere portent avec eux
leur condamnation , & font fuffi-
famment contrebalancés par les
maximes de quelques autres per-
fonnages abfolument vertueux :
» Nos meilleurs Poètes François
» ont hazardé fur le Théâtre des
a> exemples de paffion bien moins
» ménagés , telle , entr'autres , que
M celle de Phèdre , qui n'a excité
>» d'autre mouvement dans le cœur
a» & du Speâ:ateur & du Ledeur ;
« que celui de l'admiration fur la
n manière de rendre fupportable la
w'geinture du csime le plus affieux.
5' On ne trouve' aflurémcnt rien
»i d'auffi fort dans tout le Pa/ior
» Fido.
Qiielque abus que l'on puifTc
faire de la ledure de cette Pafto-
rale ; car tout devient ccueil pour
la fragilité humaine ( ditTAnony--
me ) les Ledeurs de bonne foî
tomberont d'accord que ce qui for-
me eflcnticUement tout l'mtei'ct de
cettePiéce n'eft quele fentiment de
commiferaiion fur le malheur d'A-
maryllis £c de Myrtil. C'cft ainll
que le Tradudeur s'efforce de ju-
ftifier fon Auteur , avec lequel il
reconnoît que fa propre caufe de-
vient tellement compliquée , qu'if
ne feroit guéres moins coupable
que le Gitarini , fi celui-ci méritoic
une pareille qualification.
Il n'entreprend point au furplus
de paiïer ici en revue tous les juge-
mens portés fur cette Paftorale Ita-
lienne , quant à la conduite généra-
le , au ftylc peu proportionné à de
fimples Bergers , aux infradions
des règles de l'art Poétique. Il ne
fait qu'indiquer légèrement la viva-
cité avec laquelle le Guarini rcpouf-
fa les accufations de Jacques Dene-
res fon plus cruel advcrfaire , êc qui
fort heureufcment pour lui mourut
avant la publication de cette Apo-
logie , où le Guarini le déchiroit fi
impitoyablement , que cet advcr-
faire ( dit M. de Thon ) auroit peut-
être eu le fort de Lycambe ,
que les invedives du PoëteArchilo-
que reduifirent à fe pendre de de-
fefpoir. Le Tradudeur n'ofe déci-;
der fur la préférence , entre l'A-
nùntç du lafe êc ie PaJiorFié-^
484 JOURNAL D
les fentimens ( félon lui ) fe trou-
vant fort partages fur ce point.
Il prononce plus décifivement
fur le mérite des Traduc"tions de
cette Paltojale. Il n'y en a aucune ,
félon lui , qui foit fupportablc , ni
pour l'agrément, ni pour k hdcli-
té. » On n'y voit revivre ( dit-ii )
#> aucune des bcautez de l'originaL
>j On n'yrcconnoît plus ces grâces
» qui font répandues par-tout dans
j> l'Italien. Ces fleurs qui en tont le
jsplus riche ornement y trouvent le
i3 même dcperiircment , qu'elfuye
}) le plus délicieux parterre aux ap-
» proches de l'hiver ; & comme
» cette rofe dont parle Tityre à la
» 4° Scène du i" Àde , on les mé-
jj connoît entièrement. « Du refte,
l'Anonyme fouhaiteroit tort ( dit-il
À la fin de fa Prétace ) d'avoir fuivi
ponftuellemcnt dans cette Traduc-
tion toutes les règles qu'il vient
d'établir, ScaufqucUes il alTujettit
les Traducteurs ; trop content
( ajoûte-t-il avec modeÎHe ) il par
les efforts pour s'élever au - delîus
des Interprètes qui ont avant lui
tenté la même entreprife , il peut
frayer une route à ceux , qui char-
inés du Piiflor Fido , voudront en
donner une verfion Francoife qui
ne lailTe rien à defirer pour fon en-
tière perfe(5l:iGn.
Il n'eft plus queftion , pour faire
mieux fentir tout le mérite de cel-
le-ci , que d'en trapfcriie quelques
morceaux pris au hazard. Nous
donnerons d'abord le commence-
ment du Monologue de Corifque ,
lequel fait la troilîéme Scène du
premiej Ade.
ES SÇÀVANS;
» Fut-il jamais une palTîon plu4
»> £trange , plus folle , plus cruelle,
» plus miportune ? L'amour & la
»j haine font fi également mêlés
» dans mon cœur , que l'un pat
» l'autre , &: je ne puis dire com-
» ment, ils croitfcnt &; fc détrui-
«fcnt, ils nailTent & meurent. Si
»je confiderc dans Myrtil toutes
» les grâces qui font répandues fur
'» fa perfonnc , fa démarche noble ,
'> fon air , fes adipns , fcs manières,
» fcs paroles , fes regards , je me
n ftns briller de tous les feux qu'A-
» niour peut allumer ; toute autre
» paillon me paroît céder à celle-là:
» mais bien-tôt je me dis qu'il en
>} aime obftinément une autre, que
0 pour elle il néglige , il méprife
» une beauté , que mille Se mille
w Amans ont adorée ■, dans ce mo-
n ment je le hais, je l'abhorre, je le
» luis , & il me paroît impolllble
J5 que jamais mon cœur ait pu de-
» venir fenlible pour lui. Quelque-
wfojç je me dis, ah! Corifque, que
>» tufeioisheureufc , fi tu pouvois
)> pofTcder fans partage ton cher
u Myrtil , & cette penfée fait naî-
»tre en mon cœur un doux pen-
» chant qui m'invite à le fuivre , à
N tenter de le fléchir par mes prie-
» res, & à lui découvrir mon cœur:
M alors ma pallion eft ii vive , que
3» j'irois jufqu'à l'adorer. Mais fur le
» champ l'amour propre parle iJc
»>me dit , qu'il eft infenfîble ,
» fier , dédaigneux , qu'il peut
» en aimer une autre que moi ,
» qu'il peut me voir & ne m'a-
»> dorer pas , qu'il peut fe défen-
» dre de mes charmes jufqu'à ne-
pas
A O U s
m pas mourir de tcndrciïe ; & moi
«qui devrois le voir comme mil-
1) le autres , foupirant tSc pleurant à
M mes genoux , je pourrois moi-
» même porter aux lîens des foupiis
»■> & des pleurs î Non , me dis je ,
>» il n'en fera jamais rie;». Alors tou-
» te ma haine contre lui fe réveille ,
» )e me reproche d'avoir tourné
n vers lui mes penfees & mes yeux:
w le nom de Myrtil , ma foiblelTc ,
V me deviennent plus affreufe c]ue
» la mort , je voudrois le voir le
»»plus trifte &c le plus malheureux
» Berger du monde ; & s'il croit en
» mon pouvoir , je le tucrois de
3» mes propres mains : ainfî la her-
» té & les defirs , la haine & l'a-
w mour me font un.e guerre conti-
5» nuelle , & moi qui ai fait jufqu'à
» prefent mille padîons , qui ai
») tourmenté mille amans , je ref-
wfcns dans les mouvemens de ma
>» tendrelTe & de ma jaloulîe tous
»sles maux que je fis fouffrir, G'ç.
Nous tranfcrirons encore ce que
dit Amaryllis , au commencement
de la 5^ Scéjie de l'Ade fécond.
j' Heureufe & précieufe folitude,
rt retraites fombres & écartées , où
j> feule on peut goûter le repos &c
»la paix , qu'avec plaifir je vous
j» revois! Hélas, le Ciel me per-
» mettoit de vivre indépendante ,
3D &; de n'avoir que ma volonté
M pour règle de mes adions , je ne
f> changerois pas cette ombre dé-
M licieufe conti'e les champs Elyfées
nféjour fortuné des Héros & des
» Demi-Dieux. Ces biens périfTa-
ji'bles ne font , à dire vrai , que 1»
T ; 1 7 5 ?• 48;*
» fourcc de tous maux : ce qu'on
3i nomme abondance eft réclle-
» ment pauvreté ; nous fommes
>i leurs cfclavesbicn plus que leurs
« maîtres : ce ne font point de
•> vraies richefles.mais des liens qui
» forment notre fervitude. Que fer-
i>ventdans la plus brillance jeuneflc
» ces grâces de la beauté , la repu-
w ration d'honneur? Qiie fcrt à une
» mortelle l'extraôfion divine? Qiiç
» fervent de vertes Se riantes cara-
» pagnes , de fertiles coteaux , d'a-
l'bondans pâturages & des trou-
» peaux nombreux , tous dons da
» Ciel ou prcfcns de la terre , fi le
» cœur au milieu de tant de biens
n n'eft pasfatisfait ? Bien plus, heu-
n reufe une Bergère que couvre à
>• peine une étoffe commune , mais
M propre. Riche d'elle-même , pa-
» rée des feuis dons de la nature,
» dans une pauvreté qui n'a rien de
» trop dur , elle ne connoîc point
» les horreurs de la milcre , elle
w ignore le poids des richcffes.Tout
» ce qu'elle a , elle le pollede fans
» avoir été tourmentée du dehr de
«l'acquérir : elle efl: pauvre, mais
» elle eft contente. Les dons de U
» nature fans apprêt font fa feule
j»nourriture.Le lait dont elle prend,
» le miel des abeilles dont elle fe
» nourrit, confervent fa blancheur,
» & entretiennent fes grâces natu-
» relies -, cette fontaine d'eau pure
j> dont elle boit , eft le feul bain 8c
»le feul miroir qu'elle connoifTe :
« le monde n'a point de droit fur
» elle. En vain le Ciclfe couvriroiç
"de nuages épais, en vain il s'ar-
Sff
48<J JOURNAL D
» mcroit de giélcs , ù pauvreté
» l'exempte de toute frayeur. Elle
M ert pauvre , cette Bergère , mais
«eîlccrt contente. Un Icul foin,
» tranquille, & qui ne craint point
» d'obftûcie occupe fon cœur ; pcn-
Mclant que le troupeau qu'elle con-
>»duit piît dans la verte prairie , la
" douceur de fes regards repaît le
5» jeune Bercer que l'amour Icul lui
» adonné pour Amant , 5c non pas
" les Dieux ni les hommes. Un
n Myrte favorable à leurs amours ,
n efl: dcpofitairc de leurs carctfes
» mutuelles. Tout ce qu'elle fent
» d'ardeur pour lui , elle le lui dit,
» Se elle ne lui dit rien qu'il ne fen-
ES SÇAVANS.
» te de même : elle cft pauvre^ mai*
» elle cft contente. Heureux état ,
» où l'on ne connoît jamais qu'une
" mort.Qae ne puis-je changer mon
» deftin contre un deftin pareil !
En voilà plus qu'il n'en faut pour
faire connoîtrc é<. apprétier le ftilc
du Traducteur. A l'égard de fa fidé-
lité , il a eu foin de fournir lui-
même à fes Leifleurs un moven fur'
& facile pour s'en éclaircir. Us n'au-
ront qu'à comparer la verlion Fran-
çoifc avec l'original Italien , qu'il a
fait imprimer à côté , d'après l'édi-
tion de Jcan-Baptifte Ciotii , faite
àVcnifeen i(?oi. & qui pafle pour
la plus correiflc de toutes.
NOVVELLES LITTERAIRES,
FRANCE.
De Paris.
ON débite à l'Imprimerie Roya-
le les Tomes fepùéme & huitiè-
me de i'HiJîoire de l'Académie Roytt-
le des Infcriptions & Belles-Lettres ,
avec les Mémoires de Littérature
tirés des Regiftres de cette Acade -
niie , depuis l'année \-jz6. jufques
compris l'année 1730. /«-4°. l, vol.
Jacques Colomhat , rue S. Jac-
ques , a imprimé Ecole de Cavale-
rie , contenant la connoiiïance ,
l'infirudion & la confervation du
Cheval7avec figures en taille-dou-
ce. Par M. de U Giterinicre , Ecuyer
du Roy. i-j II. in-folio.
Paulus-du-Mefiil _, Grand'SalIc
du Pahis , au Pillier des Confulta-
tions , a en vente le Tome If^. de
VHiJioire générale des Auteurs Sacrés
& Eccleji.:fliijues , qui contient leur
Vie , le Catalogue , la Critique, le
Jugement, la Chronologie, l'Ana-
lyfe & le dénombrement des diffé-
rentes Editions de leurs Ouvrages^
ce qu'ils renferment de plus inte-
reffant fur le Dogme , fur la Mora-
le & fur la Difciplme de l'Eglife ,
l'Hiftoirc des Conciles tant géné-
raux que particuliers , & les Aftes
choifîs des Martyrs. Par le R, P.
Dom Remy Ceillier , Benedidin ,
de la Congrégation de S. Vanne &C
de S. Hydulphe , Coadjuteur de
Flavigny. i735.;>;-4°.
A O U s
Ofi trouve c'-iCï Michel-Etienne
î)avii, Qii.i des Auguftins , à U
Providence 3i au 'IdI David, Us
CaraBerts de TTié 7 pk,.-ifie , avec tes
CaraElcres onles Mœurs de cejïécle ,
par ^i.de la Bruyère. Nouvelle Edi-
tion , augmentée de la défenle de
M. de la Bruyère & de fes caraderes.
Vzr M. Cofie. ij^^.in-iz. i. vol.
La Vie de Gufman d'Alfarache ,
T ï 17 55- 457
nouvelle Fuition , tevûë & corri-
gée. Chez Guillaume Cavelier^ rue
S. Jacques , au Lys d'or. 1733.
in-i%. 2. vol.
La nouvelle Afer des Hifloiret.
Chez Charles Guillaume ^ Qiiai des
Auguftins , à S. Charles & P. Gan-
douin le jeune , rue du Hurpoix ,
aux trois Fleurs de Lys. i 7 3 J.
in - 1 2.
Fautes k corriger dam le Journal de Juin 1733.
PAge 345. col. 2. ligne 5. après ces mots , combien de partages de
Pères le Perc Poiiïon ne cite-t-il point à ce fujet ? ajoutez. : nous
exhortons les Ledeurs à chercher dans ces partages , quelle efl: la diffé-
rence qu'il prétend que les Pères ont mife entre h pauvreté d'efpric ÔC
l'efprit de pauvreté.
Dans le Journal de Juillet:
Page 371. colonne 2. lig. 22. nuptix, lifeznu^tx: pig. 372. coL i;
ïig. 34. talfus , lif. falfus : pag. 373. col. 2. lig. 39. Quam , ///. Qui-
KAM : pag. 384. col. 2. lig. 23. mangent, lif. mangent de la viande :
pag. 385. col. I. lig. 1^. tolérant ^ M. tolérance : pag. 388. col. 2. lig. ij„
dont, lif.&c dont : pag. 389. col. i. lig. pen. a été , lif. a ôté : pag. 394,
colonne féconde, ligne 8. croyez , ///^ croyiez : Ibid. lig. 3(f. raifonne-
mcnt , lif. ravilTement : Ibid. ligne pénultième , extraordinaire , que '
///extraordinaire : Que : p.395. col. i. L 11. phrafes, lifezchofes : p. 411,
«ol. I. lig. 30. qu'il y a , /{/T qu'il cffuya : pag. 418. col. 2. lig. 28. contre^'
lif. comme : pag. 422. col. i. lig. dcrn. Archevêque, lif, Eviquc.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Aouft 1735:
ELogt d» Père le QuieH] page 431
EJpii fur les Erreurs PophUires ^ Scc. 433
La Médecine néologiif ne , 5cc. 445
Coutumes générales & Locales du Pays & Duché de Bouriontisis , &c. 455
Réfutation des Criti(juts de M. Baylefur S. jiitgufiin , &c. 457
Cloffaire de du Cange , &c. 4^4
Continuation des Levons Théologiennes de M. Tournely ^ &e, 479
Suite du Recueil des Ecrivains d'Italie , &c. Terne XL 474
Nouvelle Tradu^ion du Paftor Fido , 4S i
^0HV(fl(i J^immtss ; tk^(
fin de U Tâbjift
L E
JOURNAL
scavÀns
FOUR
VANNEE M. DCC. XXXUl
SEPT EMBRE.
À PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Qiiay de«
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCCTICXXIIL
AVEC A2TKOBATI0N ET PRIVILEGE DU ROYi
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
SEPTEMBRE M. DCC. XXXIII.
TRAITE DE L'OPINION , OU MEMOIRES POVR SERFIR.
4 l'Hifloire de i'Efprit Humniti. A Paris , chez Briajfon ^ rue S. Jac-
ques, à la Science. 1733. Six Tomes in-ii. reliés en dix Volumes.
Tom. I. pp. 646'. Tom. II. pp. 6-j-j. Tom. III. pp. (f 83. Tom. lV.pp.^40,
Tom. V. pp. 594. Tom. VI. pp. 593.
POUR mettre les Lcdeurs
plus au fait de ce Traité , dont
nous avons donné un premier Ex-
tcait dans le Journal de Juin dcr-
Seftemb.
nier , nous en rapporterons encore
ici quelques exemples , félon que
nous nous y fommcs engagés dans
k même Extrait. Nous nous bornc-
Tttii
4P2 JOURNAL D
ions à trois arrides , à celui de
l'Hiftoire , à celui des Naturaliftcs
&z à celui de h Divination-, non par
préférence à aucun des aurrcs, mais
parce qucii'crant pas pofllble de les
cxpolcr tous , il faut necelfaire-
ment fc déterminer à quelques-
uns.
Varktê d' Opinions dnns ce qui con-
crrne l'tiifloire.
iTeft difficile , pour ne pas dire
impolTible , comme le remarque
Plutarque dans la ViedePériclés ,
de difcerner le vrai par la lecture
de l'Hiftoire : fi elle cft écrite après
pluiîeurs fîecles , elle a contre elle
l'Antiquité des tems qui lui déro-
be la connoiflance des chofcs paf-
fées , & fi elle l'cfi: du vivant de
ceux dont elle parle , l'envie ou la
flatterie la portent à corrompre ou
à déguifer la vérité. Tacite a beau
Tîrotcfter qu'il n'a aucun fujet de
prévention favorable ou de haine :
le Ledeur défiant ajoutera plus de
foi à Strabon qui dit que pour être
bon Hiftorien , il faudroit n'être
d'aucune Pvcligicn , d'aucun Pays ,
d'aucune protellîon, d'aucun parti,
& peut-être même n'être pas hom-
me.
Le témoignage de l'Abbé de
S. Real dans fcs Oeuvres Pofthu-
mcs , n'eft pas oublié ici par notre
Auteur. Onferoit fort fimple , du
cet Ecrivain , d'étudier l'Hiftoire,
avec l'efperance d'y découvrir ce
qui s'cft pafle : c'eft bien affez qu'on
Içache ce qu'en ont dit tels & tels
Auteurs , & ce n'eft pas tant i'Hi'.
ES SÇAVANS.
ftoire des faits qu'on doit cberchcr ^
que l'Hiftoire de ce qu'ont écrit les
hommes. Clio celle des Mufcs qui
préfide à l'Hiftoire , a été de tout
tems regardée comme une Count-
fannc qui, pourlapl-us vile récom-
penfe , fe livre au premier venu.
Velleius - Patcrculus , obfcrve
l'Auteur de ce Traité , a plutôt
compofé des Panégvriqucs qu'une
Hiftoire , parcequ'ilétoit tout dé-
voilé à Tibère & à Séjan i Zozimc
fe laiife emporter à fi paiTion contre"
Conftantin ; Eufebe flatte toujours
cet Empereur. Tite - Live favori-
foit fi ouvertement le parti de
Pompée , qu'Augufte ne pouvoit
s'empêcher de l'en plaifanter, en
l'appellant le Pompéien , Dion étoic
trop partial pour Céfar.
Un autre défaut des Hiftoriens ;
félon notre Auteur , c'eft: d'ajufter
chacun cà leur caràdere paiticulicr ,
l'Hiftoire qu'ils écrivent. Salluftc
eft moral. Tacite cft politique, Ti-
tc-Live eft fuperftitieux & haran-
gueur ; mais en quoi ils convien-
nent tous , c'eft de vouloir appren-
dre à leurs Leifi:eurs les caufes des
évenemens , quoique ces caufes
foient ignorées non feulement des
contemporains , mais de ceux mê-
mes qui ont eu part aux affaires.
Une remarque importante fur
l'incertitude de l'Hiftoire , &; que
notre Auteur n'oublie pas ici , c'eft;
que les Poètes ont pris .î tâche de
mêler leurs fictions avec la vérité ;
témoin cntr'autres, l'Hiftoire de
Jupiter , & de toute la famille des
.Titans, l'Hiftoire d'Ifis,de Medéc,
de Didon 5 d'Hcrcuk, l'expedi-
s E P T E M
îion des Argonautes , le Siège de
Troyes , &c.
L'amour du merveilleux eft une
des caufcs qui ont encore le plus
contribué à rendre l'Hiftoire incer-
taine. Quelques Hiftoriens , obfer-
ve notre Auteur après Scnéque , fc
plaifent à conter des chofes incroya-
bles comme s'ils partageoient avec
les faulTes merveilles qu'ils racon-
tent , l'admiration qu'ils font naître
dans i'efprit des Lcifteurs crédules,
C'eft cet amour de l'extraordi-
naire qui a donné lieu à tant de
fiiîtions eu d'exagérations. Notre
Auteur cite fur cela ce que raconte
Jurtin de ccSoldat Athénien nommé
Cyncgire, qui pourfuivanr les Per-
fes qui i^ jcttoient confufément
dans leurs VailTcaux , faifit un de
ces Vaitreaux avec fes deux mains
l'une après l'autre , & les ayant eu
cnfuire toutes deux coupées , retint
le Vaiffeau avec les dents. Il cite ce
que Plutarque rapporte de Pyr-
rhus , fça voir que ce Prince blcffé à
la tète dans un combat contre les
Maures , ayant été obligé de
quitter la mêlée, un de ces Maures
le défia de fe montrer , qu'alors
Pyrrhus irrité de ce défi , retourna
au combat malgré fa blelTure d'où
le fang couloir de toutes parts , &
pouffant au travers des bataillons
droit au Barbare qui venoit de le
défier , lui déchargea fur le milieu
de la tète un fi grand coup de fon ci-
meterre,que le tranchant defcendit
jufqu'à la felle du chcval,&fendit le
Maurre en deux , de forte que dans
ie moment les deux moitiez tom-
bèrent chacune de leur côté. Il cite
B R E i 1755: 49}
Cf. qu'on lit dans MafFée : qu'un
Soldat Portugais n'ayant plus de
balles , s'arrachoit les dents pour
charger fon moufquet.
La variété des Opinions en ma-
tière d'Hiftcire , fait ici le fujet de
plufieurs articles. Hérodote qui
pafie pour le père de l'Hiftoire , eft
traité par Ciceron,d'Autcur rempli
de fables : A^uâ Herodotum patrem
Htftoria , fiint tnnmfierabiles fabula.
(Cic.de Lcg:Lib.i.)Strabon, Qiiin-
tilicn , Cafaubon , ne déférent pas-
plus à l'autorité d'Hérodote qu'à
celle d'Homère , d'Héfiodc & des
Poètes Tragiques. Lucien dans fon
Voyage aux Enfers , trouve Héro-
dote parmi ceux qui étoient punis
pour en avoir irapofé à la pofterité.
Pline avance que Diodore eft le
premier Hiftorien Grec qui fe foir
abftenu de conter des fables. Vives
en juge autrement, il foûtient qu'il
n'y a rien de plus frivole que touC
ce qu'a écrit Diodore; & Diodore de
fon côté traite d'Ecrivains fabuleux
tous ceux qui l'ont précédé.
Les Sçavans ont été fort partagés
fur la Cyropedie de Xénophon.
Plufieurs ont fuivi le fentiment de
Ciceron , qui a regardé cet Ouvra-
gc,comme un portrait fait d'imagi-
nation, pour reprefcnter un Prince
accompli ; aujourd'hui l'opinion
oppofée qui foiitient que la Cyro-
pedie eft une Hiftoire véritable
femble prévaloir , mais ne fournit
cependant rien de certain.
Les Commentaires de Céfaj
n'ont pas été moins en bute aux
traits de l'opinion , & notre Auteuu
rapporte que Pollio-Afinius les re-.
4<>4 JOURNAL D
gardoit comme un Ouvrage peu
finccre ; qu'un autre Ecrivain dont
Volfius fait mention , avoit com-
pofc unLivre où il prétendoit mon-
trer par des preuves invincibles
que jamais Céfar n'avoic palTé les
Alpes , & que tout ce qu'il racon-
te de la guerre des Gaules cft faux.
Ce n'cft pas feulement entre plu-
ficurs Hiftoricns qu'on voit de la
divcrfité. Souvent un même Hifto-
ricn n'eft pas d'accord avec lui-mc-
jnc ; notre Auteur rapporte là-def-
fus l'exemple de Procope qui dans
fon Hiftoire dopne beaucoup de
loiianges à l'Empereur Juftinien , à
l'Impératrice Théodore Ci femme ,
à Bellifaire & à fa femme Antoni-
ne , & qui , dans fes Anecdotes les
déchire d'une manière impitoyable.
Il joint à cet exemple celui de l'A-
retin qui fe vantoit d'être l'arbitre
de la réputation des Princes , leur
difpcnfant les louanges & le blâme,
fuivant qu'il en étoit bien ou mal
payé. La réponfe qu'il fit à Charles-
Quint qui après l'expédition de
Tunis lui avoit envoyé une chaîne
d'or , fcavoir que c'étoit là un pre-
fent bien médiocre pour une entre-
prife C\ mal concertée , n'cft pas
oubliée.
Au relie ^ le marbre & l'airain ,
ne font pas des garands alTurés de
la vérité des faits , &c l'opinion la
moins fondée donne quelquefois
occafion aux monumcns les plus
authentiques : notre Auteur en ap-
pelle là-defiiis à l'Infcription qui
fut mife à l'arc de triomphe de Ti-
tus,pour relever la conquête de Je-
rufalem. L'Infcription portoit qu'a-
ES SÇAVANS.
vant Titus, pcrfonnc n'avoit pris
cette Ville ni même ofc l'alliegcr ,
quoique cependant ( fans parler ici
de la Sainte Ecriture qui pouvoic
être peu connue des Romains )
Pompée foit appelle par Ciccron ,
dans fes Lettres à Atticus , notre
Jérofolymaire , hic nofier Hierofo-
lymariHs TraàuSlor adpUbnn , parce
que perfonnc n'ignoroic à Rome
que Jerufalcm étoit une des con-
quêtes de Pompée. Nous palTonï
touchant l'incertitude de l'Hiftoi-
rc , un nombre conCdcrable d'au-
tres exemples , pour obfcrver avec
notre Auteur , que les évcnemeas
les plus importans &c les plus célè-
bres font ordinairement ceux fut
lefquels les Hiftoriens s'accordent
le moins: Quelle diverfité d'opi-
nions fur la guerre de Troyes ! Les
uns en ont fait une des plus con-
fiantes & des plus réelles époques
de l'Hiftoire , & les autres ont re-
gardé cet événement comme entiè-
rement fabuleux.
Dion - Chryfoflomca foûtenu
fur la foi des Prêtres Egyptiens
qu'Hélène recherchée par les plus
grands Princes de l'Alîe & de la
Grèce , fut mariée par fon perc
Tyndare à Alexandre fils de Priam:
Que ces Princes irrités de ce maria-
ge , firent la guerre aux Troyens ;
que les Grecs affoiblis par la pefte ,
par la famine , & par les di(Tentions
qui fe mirent entr'eux , firent h
paix avec les Troyens ; Qiie pour
perpétuer la mémoire de ce Traite
il fut conftruit un Cheval de bois
fur lequel on marqua en gros carac-
tères la paix qui venoit d'être coa-i
s E l' T E M B R E , 1 7 n^ 4PT
eia'é : Que les Troyens abbatirent que en doute par Dcnys d'Halicar-
un pan de muraille pour faire en- naffe
trer dass leur Ville ce Cheval qui
ne pouvoir paffer par les portes.
Paufanias dit au contraire, que k
Cheval dont i) s'agit avoir été fait
pour battre les murailles deTroyes,
il ajoute que T'i^toit une machine
d'airain , qu'il la vue dans la cita-
delle d'Athènes , & qu'on s'en fer-
vir alors , comme on s'cfl- fcrvi de-
puis du Bélier.
Pluficur"; o.-it écrit qu'Hcl:ne ne
fut jamais à Troyf s : Que Paris &:
Hélène furent poufTés par la tem-
pête à une des embouchures du Nil
nommée Canope , & delà con-
duits à Memphis: QuePiothée qui
y regnoit reprocha à Paris fa perfi-
die , le chafTa de fes Etats & retint
Hélène avec toutes fes richefles :
Que Paris fc retira à Troycs : Que
les Grecs croyant qu'il y avoir em-
mené Hélène , l'y fuivircnt de près,
êc fommcrent les Troyens de la
rendre , avec toutes fes richeffes :
Que lesTroyens ayant répondu que
ni la PrincefTe ni fes richelTes n'è-
toient dans leur Ville , les Grecs
refufèrent de les croire , ce qui al-
luma une guerre cruelle -, mais que
Mènélas, à fon retour, pafla en
Egypte chez le Roi Prothéc , qui
lui rendit Hélène avec toutes fes
richefles.
La différence des opinions n'eft
pas moins grande fur ce qui con-
cerne Enée : Notre Auteur remar-
que que fuivantqu piques Ecrivains
ce Prince trahit fa Patrie, & livra
une porte deTroycs aux Grecs:Quc
le yoyage d'Enée en Italie eft rcv(>
& entre les modernes, par
Jufte-Lipfe , par Philippe Cluvier,
par Samuel Bochart , & par plu-
fîeurs autres : Que Mctrodore de
Lampfaque n'hèfîce point à dire
que les Héros d'Homère , Aga-
memnon , Achille, Hector , Paris,
Enée n'ont jamais cxifté.
Notre Auteur fait voir que lt>
variété des opinions n'eft pas moins
grande fur ce qui concerne la fon-i
dation de Rome.
Les uns difent que les Pélaf-
ges , après avoir fubjugué plu-
fieurs Nations , fondèrent en Ita-
lie uneVille qu'ils nommèrent R«.
me , pour marquer leur puiflancc
& leur force , Rome en Grec ligni-
fiant force ; d'autres racontent que
le jour de la prife de Troyes , quel-
ques Troyens s'étant embarqués fur
des Vaiflèaux qu'ils trouvèrent
heureufement dans le port , 8c
ayant été jettes par les vents fur les
Côtes de la Tofcane , defcendirenc
près du Tibre : Que parmi leurs
Femmes qui ne pouvoient plus fup-
portcr les fatigues de la mer , il y
en eut une nommée Rome , qui»
confeilla à fes compagnes de brûler
leurs Vaiflèaux , que la chofe ayant
été exécutée , leurs maris qui con-
nurent la fertilité du Pays , fçûrcnt
bon gré à leurs femmes de les avoir,
contraints de s'y fixer , & y bâti-
rent une Ville , qu'ils nommèrent
du nom de la pcrfonne qui avoit
confeiilé de brûler les Vaiflèaux. îl
y en a qui difent que Tèlèphus fils
d'Hercule , eut une fille nommée
Reme , laquelle fut mariée à Enécj;
4P5 JOURNAL D
ou à fon fils Afcanius , & que c'eft
cette fiUc qui donna le nom à laVil-
le i d'autres prétendent que Rome
fut bâtie par un fils d'UlilTc & de
Circé, appelle Romanus. On trouve
aullî des Auteurs qui écrivent qu'el-
le doit fon origine à un fils d'E-
mathion qui fut envoyé en ce Pays-
Ii par Diomcde , & qui fe nom-
moit Romus -, félon d'autres elle
fut bâtie par un Romus Roi des
Latins , lequel chaffa les Tyrrhc-
niens. Anthiochusde Syracufe^qui
vivoit cent ans avant Ariftotc, écrit
que long tems avant la guerre de
Troyes , il y. avoit en Italie une
-A'^ille appellée Rome. Mais ce qui
eft digne Ac remarque , c'eft que
parmi ceux mêmes qui attribuent
ia fondation de cette Ville à Ro-
mulus , il n'y a pas moins d'opi-
nions différentes fur l'origine, la
naiflance , & l'éducation de ce
Fondateur.
La diverfité des opinions fur les
Sabines , fur Licurgue & fur les
Amazones , fait ici la matière de
pluficurs articles. Pour ce qui eft
des Amazones , Hérodote , Diodo-
re, Trogue-Pompée , Juftin , Pau-
fanias , Plutarque , Quint Curcc ,
&: plufieurs autres Auteurs, en ont
parlé. Mais Strabon nie que cette
Nation ait jamais exiftéc. Paléphatc
eft de même avis que Strabon. Ar-
rien regarde comme fort fufpeA
tout ce qu'on a écrit des Amazo-
nes. D'autres ont entendu par les
Amazones , des armées d'hommes
commandées par des femmes guer-
rières , ôi ils montrent que ces
exemples ne font pas racs dans
ES SÇAVANS,
l'antiquité ■■, les Médes , par exem-
ple , Se ks Sabiens obéiftoient ï
des Reines , Sémiramis comman-
doit aux Aftyriens , Tomyns aux
Scytes , Cléopàcre aux Egvpticns ,
Baudiccc aux Anglois,Zénobieaux
Palmyréniens.
Appien croit que les Amazones
n'étoient pas une Nation particu-
lière , m.iis qu'on appelloit aind
toutes les femmes qui alloient.àla
guerre, de quelque Nation qu'elles
f ulTent -, d'autres ont avancé que les
prétendues Amazones ont été des
peuples barbares , vêtus de longues
robes , Icfquels rafoient leurs bar-
bes , & avoicnt des ornemcns de
tête femblables à ceux qui étoienc
en ufage paimi lestemmesde Thri-
ce ; félon Dioddre de Sicile , Her-
cule fils d'Alcméne , à qui il avoit
été enjoint par Euryfthée de rap-
porter le baudrier d'Hyppolitc
Reine des Amazones, alla les com-
battre fur les bords duThermodon,
6c détiuifit cette Nation guerrière;
cependant les traits les plus célèbres
de l'Hiftoire des Amazones , font
plus récens que l'Hercule Grec fils
d'Alcméne ; on le montre par di-
vers exemples.
Notre Auteur a fait mention un
peu plus haut , de Cirus ; il y re-
vient ici , & remarque que fuivant
Xcnophon Cirus meurt tranquille-
ment dans fon lit ; mais qu'Onéh-
crite , Arricn , Hérodote , Juftin,
Valérc - Maxime rapportent que
Tomiris Reine des Madagcttes
l'ayant fait prifonnier, ht plonger
fa tête dans un Outre plein de fang.
Ctéfias écrit que Cirus fut tué d'uo
couig
I
SEP T E M
Coup de flèche par un Indien.
Si on en croit Diodore , il fut fait
prifonnier par une Reine des Scy-
thes , Se enfuite attaché à une croix
par l'ordre de cette Reine : i'uivant
Lucien , il mourut de douleur , de
ce que Carîibyle Ion iîls avoir tait
tuer fous le prétexte d'un faux or-
dre , la plupart de ceux que Cirus
aimoit.
Il n'y a guéres d'évenemcns plus
unanimement atteftés dans l'Hi-
iloire Romaine, que celui de la dé-
faite des Fabiens à la journée de
Crémére. Tite-Live , Ovide , Au-
rclius-Vidor , SiHus , Feftus , Va-
lére-Maxime le rapportent d'une
manière conforme , Denysd'Hali-
carnaiïc cependant le rejette com-
me abfolument fabuleux.
Notre Auteur après avoir rap-
porté plufieurs autres exemples de
la variété des opinions en matière
d'Hiftoire , vient aux divers fcnti-
mens des Hill:oriens fur la caufe du
changement de nom des Papes , 8c
à ce qui a été écrit touchant la
mort de Léoni Médecin de Laurent
de Médicis , par Variiias & par
d'autres- Nous terminerons par ces
deux exemples l'article de l'Hi-
ftoirc.
Les Ecrivains font fort partagés
fur la caufe du changement de nom
des Papes : Fra-Paolo l'attribue aux
Allemans qui ont été élevés au
Pontificat, &: dont les noms étoient
rudes & mal fonnans aux oreilles
Italiennes j coutume, ajoiàte-t-ii ,
que les Papes ont depuis gardée ,
pour marquer qu'ils changeoient
leurs affedions privées en d'autres
Septemù.
B R E , 1 7 î 5. , 4i>7
plus nobles. Platine prétend que
Sergius II. a le premier changé de
nom , parce qu'il s'appelloit Gra-
tien de Porc. Baronius fe mocquc
de cette raifon, & attribue le chan-
gement dont il s'agit à Sergius III.
qui fe nommant Pierre , refufa pat
humilitéjde porter le nom du Prin-
ce des Apôtres. Onophre croit que
Jean XII. qui auparavant s'appel-
loit Octavien , prit le nom de Jean,
parce que celui d'Oâ:avicn lui pa-
rut trop tenir du Gentiiifme. D'au-
tres prétendent que ce changement
de nom des Papes n'a été introduit
que pour imiter S. Pierre qui s'ap-
pelloit Simon avant que Notre-
Seigneur l'eût appelle Céphas.
Quant à ce qui concerne la mort
de Léoni , Variiias , dans fes Anec-
dotes de Florence , rapporte que
ce Médecin n'ayant pu guéri»
Laurent de Médicis , père de
Pierre de Médicis , ce dernier
voyant fon père mort , fut fi tranf-
porté de colère , qu'il fit jetter le
Médecin dans un puits où il
fe noya. Ange Politien qui étoit
prefent à la mort de Laurent
de Médicis , dit dans une de fes
Lettres , où il raconte toutes les
circonftances de cette mort , que
Léoni s'étant promis de guérir ce
Seigneur , eut un fi grand déplaifir
de ne l'avoir pii faire , qu'il fe noya
lui-même. A qui des deux ajoîitera-
t-on foi , demande ici notre Au-
teur ? Croira-t-on Ange Politiea
ou Variiias ; » Peut être , continue-
» t-il , que les ennemis de Pierr»
»de Médicis pour noircir fi repu-
M tation, lui ont attribué ceae br*-
VVY
,jj.5>8 JOURNAL DE
p talité d'avoir noyé le Médecin
>> Lconi i ptut-étre aufli cju'Ange
» Politicn j attaché à la maifon de
»Mcdicis , a voulu épargner à
»Picrre,la hcnte de ce crime. Voilà,
»» pourfuit-il , où nous en fommes
M en lifantl'tiiftoite ; nousnefça-
» vons à qui nous fier , toujours en
» danger d'être les dupes ou de la
M flatterie des Ecrivains , ou de
»» leurs calomnies.
Notre Auteur, quelques pages
plus haut , cite un trait d'Hérodo-
te^qui fortifie bien cette reflexion :
Hérodote , à ce que rapporte Dion-
Chryfoftome , demanda aux Co-
rinthiens, une recompenfc en ar-
gent, pour les Hiftoircs Grecques
qu'il avoit écrites à leur fujct ; les
Corinthiens lui répondirent qu'ils
ne vouloient pas acheter de l'iion-
neur à prix d'argent; Hérodote
choqué de la réponfe , refondit
alors tout le récit de la bataille na-
vale de Salamine , & chargea Adi-
manthius Général des Corinthiens,
d'avoir fui des le commencement
de la bataille avec toute l'Efcadrc
qu'il commandoit. Quel fonds
après cela doit-on faire fur les Hi-
ftoriens ? Mais un autre doute qui
ne paroît pas moins raifonnable en
cette occalion , c'cft qu'eft-il bien
fur que Dion-Chryfoftome ait eu
raifon d'accufcr Hérodote d'une
telle perfidie; Ainfi de quelque côté
qu'oH fc tourne , il n'y a ici qu'in-
certitude.
Il nous refte à dire un mot de
l'article des Naturaliftes , & de ce-
lui delà Divination.
Il y a peu de Sçavans qui aycnt
S SÇAVANS ;
pouffé aufll loin que lesNaturaliftes
la licence de bazarder les idées les
plus incertaines , & quelquefois
même les plus extravagantes.
C'eif ce que notre Auteur fait
voir par un grand nombre d'exem-
ples. Les effets naturels qu'il rap-
porte font de trois efpeces , il y en a
de vraisjil y en a de doureux^il y en
a de faux , & ces derniers font le
plus grand nombre. Il expofefim-
plemcnt ce que les NaturaliftcS
ont avancé , i°. Sur la Sympathie y
2". Sur les hommes , 3'. Sur les
animaux , 4°. Sur les plantes» 5°.
Sur les pierres.
Nous rapporterons quelques en-
droits du fécond article qui cft ce-
lui des hommes.
Marc - Polo affure qu'autrefois
les héritiers du Royaume de Géor-
gie vcnoient au monde avec l'em-
preinte d'une aigle fur l'épaule
droite. On a dit que les Sekucides
nai/foicnt tous avec une ancre mar-
quée fur la cuilTe ; que les enfans
de PvthondeNifibeapportoicntfut
le corps la marque d'une hache; que
ceux deSémés dcThébes avoient fur
la peau la figure d'une l«nce;que les
Héraclides qui regnoient à Sparte
croient pareillement rcconnoifla-
bles par cette figure qu'ils avoient
naturellement tracée fur la peau.
Pline bc Photius témoignent
que plufieurs hommes ont à certaU
nés heures la tête brillante de clar-
té, & qu'ils n'ont qu'à fe la peigner
ou à fe la Irorter rudement pour ca
faire fortir des étincelles.
Il y a dans l'épine du dos , félon
les Rabins , un os qui ne peut ctrr
s E P T E M
ni brûlé , ni moulu , ni brife , ils
dilenc qu'il eft la racine & la baze
de tout l'aircmblagc du corps hu-
main , &c que le cœur , le foye , le
cerveau , & toutes les vertèbres
en tirent leur origine. Ils ajoutent
qu'il eft: le germe de la Refurrec-
tion. Plutaïque dans la Vie de Pyr-
rhus , dit que ce Roi avoit au lieu
de dents féparées , un os continu
qui s'étendoit d'un bout de la mâ-
choire à l'autre. Valcre - Maxime ,
Pline & Solin écrivent la même
chofe du iîls de Prufias Roi de Bi-
thynie : le même Valére - Maxime
afllire que Drépétine fille de Mitri-
date Roi de Pont , avoit une dou-
ble rangée de dents.
On rapporte de Louis II. Roi de
Hongrie , qui fut tué à la bataille
de Moachs^qii'il avoit de la barbe à
15 ans , & les cheveux blancs à 18.
Notre Auteur cite un grand
nombre d'exemples fur les Geans
& fur les Pigmées. A l'égard de
ceux-ci il remarque que l'extrême
petiteffe n'a pas toujours été renter-
mée dans le Pays des Pigmées, Se il
raconte à cette occafion , qu'au
rapport de Jonfton , le Poëte Phi-
litas Grec , & contemporain d'Hip-
pocrate , étoit fi petit & fi léger
qu'on fut contraint de lui mettre du
plomb à fes fouliers , pour empê-
cher que le vent ne l'emportât. Il
ajoute que félon Athénée , Arche-
ftratus mis dans une balance, fut
trouvé du poids d'une obole.
Ceux qui font curieux d'exem-
ples de rajeunilTemens en trouve-
ront quantité dans cet articlcjaulTi-
bicn que d'extrêmes viciUelTes ;
mais parmi les faits qui concernent
la nature humaine , il en eil peu
d'aufli furprenans que ceux qui
font attelles par plufieurs Auteurs ,
touchant les talens précoces de cer-
tains enfans. Notre Auteur en cite
un grand nombre d'exemples ,
nous n'en rapporterons qu'un feul
pour abréger : Chrétien - Henri-
Hcinecken qui naquit en lyii.à
Lubcc , & y mourut fçavant en
1715. parloit à l'âge dedixmoisj
il fçavoit à un an , les principaux
évenemens du Pentateuque ■■, à trei-
ze mois toute l'Hiftoire de l'ancien
Teftament ; à quatorze mois toute
celle du nouveau ; à deux zns 5c de-
mi , la Géographie, & l'Hiftoire
ancienne &: moderne , jufi-ju'à ré-
pondre pertinemment à toutes les
queftions qu'on lui faifoit fur ces
matières. Il parloit latin alors avec
facilité , & François palTablement.
Parvenu à fa troifiéme année , il
connoiffoit les Généalogies des
principales Maifons de l'Europe ,
& quand il eût atteint l'âge de qua-
tre ans , il voyagea en Dannemarc
où il harangua avec une grâce fur-
prenantc,le Roi & les Princes de la
famille Royale. A fon retour qui
fut dans fa quatrième année , il ap-
prit à écrire pouvant àpeine tenir fa
plume. C'étoit un enfant délicat '
infirme, fouvent malade. Ilhai(Toic
tout autre aliment que le lait de fa
nourrice. Il ne futfevréque peu de
mois avant fa mort, qui arriva dans
fa cinquième année , le 27 de Juin,'
& qu'il envifagcaavec une termetc
encore plus étonnante que fes pro-
grès. M. Chrétien de Schoneich,
V V V ij
500 JOURNÂID
Précepteur de cet enfant , a écrit fa
Vie. M. Béhm a auln publié une
Brochure fur fon fujct. M. de Sce-
len a parlé de lui dans un article de
l'Ouvrage intitulé SeleHa Liiiera-
ria , M. Martini a, dit-on, expli-
qué les raifons naturelles de cette
capacité prématurée. Nous paflons
une infinité d'autres faits merveil-
leux de toutes fortes de genres ,
pour venir à l'article de la Divina-
tion , article au rcfte rempli de fa-
bles (I extraordinaires qu'il eft
étonnant qu'elles ayent pu tomber
dans l'efprit. Pline & S. Ilîdorc ont
écrit qu'une petite pierre qui fe
trouve dans la tète des Tortues des
Indes donne à ceux qui la portent
fous la langue , la faculté de devi-
ner l'avenir. Marbodée Evêque de
Rennes dans le onzième fiécle , n'a
pas cru qu'il fût indigne de lui
d'expofer en vers le fcntiment des
Mages fur cette prétendue merveil-
le. Ils foûtiennent à ce qu'il écrit,
que félon le croifl'ant , le plein , ou
le déclin de la Lune , cette pierre
fait deviner ou jufqu'à midi , ou
tout le jour , ou feulement la nuit
& avant le lever du Soleil. Voici fcs
vers :
Indien Tefludo mitth lapidem chelo-
tiitetn
Cratttm furpureo varioque colore ni-
tentem.
'^uemfi fub linguk latoijuis gfjferit
ors ,
fojfe Magi çrtdunt tim div'mm
futHrti,
ES DÇAVAi^S;
Orto mane die , fextam dmuxal ai
horaffi ,
Tempore <juo LmA fiiccrefcens cemi'
tur orbis.
Sed Lunâ prima lapidis prAdiSïa pt-
teflas ,
Totius fertur fpatio dur are diei.
Quint A poft decimam concordant tir»»
pora prim* ;
yft décrément i limari tempère toto ,
Ante diem Upidi tAMum manu Ut*
potejias.
Il y a eu chez les anciens plu-
fieurs manières de deviner l'avenir,
toutes plus fauffes & plus ridicules
les unes que les autres , fçavoir :
l'Hydromantie , la Lécanomantic ,
l'Aéromantie , la Gaftromantic ^.
l'Amniomantie, la Catoptroman-
tie , l'Alphilomatie , l'Axinoman-
tie , la Cofcinomantie, le Sort , la
Celaphalonomantie, rOnichoman-
tie , la Rabdomantie , la Xylô-
nuntie , la Céromantie Se quantité
d'autres ufages ridicules qu'on peut
voir dans le Livre de notre Au-
teur , & que nous rapporterions
avec les explications curieufes &c
fçavantes qu'il en donne , fi cet Ex-
trait n'étoit pas déjà aiïcz étendu.
Il f audroit pour donner une idée
fufSfante de ce Traité de l'Opinion
en faire autant d'Extraits qu'il ren-
ferme de Volumes, Se peut-être en-
core feroit-ce trop peu.
Nous remarquerons , au reflc ,
(^u'on ne fcauroit cojiûdercx yjc
SE PT E M B R E, Ï735Î Jôï
feu attentivement cctOuvrage fans l'orcLre avec lequel y font difpofées
admirer & la prodigicufc Icdure & traitl^s tant de matières différent
qu'il faut que l'Auteur ait faite teJ.
pour le compofer,& en même tcms
TRAITE' DE LA FORTVNB. PAR Ai. * * *;
A Paris, chez François le Breton , Quai de Conty , à l'Aigle
d'or. 17 j2. Brochure i»-iz, pp. ^o.
AP R E' S avoir lu avec atten-
tion ce Traité , nous ne
croyons pas en pouvoir donner
d'abord une idée plus jufte , & par
rapport au deffein , & par rapport
à l'exécution , que de copier ici ce
que l'Auteur dit lui-même à ce fu-
jet dans la Préface 6c dans la con-
clufion de fon Livre.
» On voit tous les jours dans le
• monde, dit-il , des perfonnes,
o même d'efprit , dire fort férieu-
» fement , quejî la Fortune n'efl fa-
rt vorable , on ne vient à bout de rien;
» ^n'un tel Général eji habile , mais
M tjiiil n'eft pas heureux , ^k'«» ai{-
» tre ne remporte fur lui , tjue parce
a» !^h'iI a plus de bonheur. Ces ex-
» preiTions prifes dans un fens litte-
» rai , ont quelque chofe de fi peu
»fcnfé, que l'on auroit peine à
5» croire que des gens raifonnables
» puflent s'en fcrvir , fi l'experien-
j> ce n'aidoit à nous en convaincre.
a> Le même fonds de raifonne-
« ment a fait dire à pkifieurs Phy-
n ficicns , ijH'nne chofe tend à refier
t» dans l'état oii elle fe trêuve , ^u'ttn
j» corps en mouvement ne doit ceffer de
t>fe mouvoir , à moins que quelque
P chofe ne l'Arrête , Sic.
"Ces deux efpeces d'erreurs ne
à i«nc pas ailées à dénuire. U faut
» pour la dernière , approfondir k
» nature , 5c rendre fes Phcnomér
» nés fenfibleSjCe que je remets à un
» autre tems. il ù.it pom combattre
» la première développer les adions
»>des hommes & découvrir les liai-
» fons qu'elles ont , non feulement
» les unes avec les autres , mais avec
»le cours de la nature. C'efl: cette
» forte d'erreur que j'ai en vue dans
» ce Traité , où mon deffein eft de
» montrer l'abfurdité des raifonne-
M mens que l'on fait fur la Fortune.
» J'aurois pu prendre dans lesdcr-
» nieres révolutions , des exemples
» aulîî convaincans , & peut-être
» plus fenfiblcs que ceux que j'ai ti-
M rés de l'ancienne Hiftoire j mais
» cela m'auroit aflujetti à des mé-
3»nagemens que l'on doit particu^
jjlierement éviter dans un Ouvra-;
w gc de cette efpece.
Voilà pour ce qui regarde la
Préface de notre Auteur, Quant à
laconelufion, il s'explique ainfi :
» De tout ce que je viens de dire
» dans mon Traité , on peut con-
» dure avec Sénéque, que chacm
neflk foi-même fa fortune ^ c'eft-à-
»dire que notre conduite dctermi-
» ne ce qui nous arrive de bon ou
» de mauvais , & que la manière
» de faire une chofç décide de fon
yluccèst
yo3 JOURNAL
» Qu'on fe fcrve , à la b^nnc
t> heure , des termes de tor-iinc &
a» de hazard , pour éviter de lon-
i> gués circonlocutions , mais
M dju'on en fcparc l'idée , & qu'on
» ne s'imagine point que les évcne-
j> mens de la vie en dépendent.
» Regardons le bonheur ou le mal-
n heur , comme l'effet de l'état où
>» l'on fe trouve , &C non pas comme
» la caufe de ce qui nous arrive j
M rien n'eft plus contraire au fc"s
3» commun , & ricu â mon avis ne
M caraderife plus le vulgaire que
»> ces fortes d'opinions.
Il ne nous relk plus , après cet
cxpofé de la Préface Sc de la con-
clufion du Livre , qu'à rendre
compte de l'Ouvrage même.
L'Auteur remarque d'abord que
l'opinion des hommes touchant la
Fortune a pris fa fource dans leur
ignorance , & s'eft enfuite mainte-
nu parleur amour propre. Embar-
raffés à rendre raifon de certains
évencmens qui arrivoient contre
leur attente , ils fe font laiffés aller
à croire qu'il y avoit une Fortune
qui préfidoit aux adions de la vie ,
indépendamment de l'ordre établi
dans la nature par la Providence -,
cette facilité à expliquer ainfi ce
qui leur paroiffoit inconcevable,
leur a fourni en même tems la
commodité de pouvoir fe difcul-
per de leurs fautes en les rcjettant
fur cette Fortune.
Notre Auteur prétend que les
Payens ont donné d'une manière
moins grolTierc dans cette erreur ;
ils adoroient la Fortune comme
une Divinité , de laquelle ils atten-
DES SÇAVANSi
doient les bons fuccès ; mais on ntf
voir pas dans leur conduite ni dans
leurs Auteurs les plusfenfés, qu'ils
les actendilfent indépendamment
de l'ordre de la nature , ou des
mouvemcns qu'ils pouvoient fe
donner : ainfi quand ils lui facri-
fioient , c'étoit feulement pour en
obtenir les difpolîtions & la ma-
nière d'agir necellaircs à leurs entre-
prifes.
Il cft vrai que quelques - uns
d'entr'cux ont cru que la Fortune
décidoit de tout , mais dit l'Au-
teur , c'étoit par un effet du même
aveuglement qui leur faifoit pren-
dre pour Divinité tout ce qu'ils ne
comprenoient pas , aveuglement
qui les a portés jufqu'à ériger des
Autels à l'Amour , à la Haine , à la
Vengeance , &c.
Le tems &c la raifon qui ont dé-
truit ces erreurs , n'ont pu encore
ôter de l'efprit de certaines gens ,
celle de la Fortune. Ils avoiient
bien que les vents, par exemple ,
ne font pas autant de Dieux qui
foufflent à pleine bouche , cette
idée étant plus difficile à concevoir
que celle d'un air agité, mais pouK
les differcns fuccès des adions delà
vie , ils ne veulent pas convenir
qu'ils arrivent toujours par une
fuite naturelle des chofes qui ont
précédé. Comme ils ne compren-
nent pas le cours de ces chofes , ils
attribuent à la Fortune tout ce que
ia foibleffe de leurs lumières ne
leur permet pas de voir.
Sans doute que par cette Fortune
on ne veut pas entendre un Etre
qui fubfifte. Il n'y a perfoni\e alTeï
s E P T E M B R E ; 1 7 5 j: yoj
infenfé pour cela; il faut donc, foit la route qu'ils tiennent, felle ne
dit l'Auteur , qu'on veuille enten- peut jamais l'être de manière , que
dre quelque chofe de particulier à «ous les deux en même tems fc
chaque adion , ou à chaque hom- trouvent dans les mêmes endroits ,
me , qui détermine la bonne ou la de plus on fçait qu'il ne faut qu'un
mauvaife réuflîte de ce qu'on en- inftant, qu'une voile, qu'un coup
treprend. Ce quelque chofe de par-
culier feroit difficile à définir, mais
fans s'arrêter à faire voir l'embarras
où l'on fe jetteroit Ci on vouloir en-
treprendre de donner une telle dé-
finition , l'Auteur foûtient que ce
qui fait la détermination dont il
s'agit , n'eft autre chofe que la con-
duite de l'homme jointe aux cir-
conftancesquiont précédé ^ ou qui
accompagnent ces mêmes aâ:ions •,
de gouvernail mal à propos , pour
être caufe d'un naufrage.
Si l'on dit que le VaifTeau qui a
péri , a été cependant le mieux
gouverné, notre Auteur prétend
que c'eft: une objeûion infoûtena-
ble , dont la faulfetc fe fait fentir
d'elle-même : & voici fon raifon-
nemcnt : » Ce qui cft continuelle-
» ment bien fait, a toujours un bon
3» fucct s; mais un petit change mène
il rapporte là-deffus des exemples » en mal, cft capable de tout dé-
de tout genre. Nous nous borne- «ranger. Je veux que celui qui
ions à quelques - uns : deux Vaif-
feaux partent en même tems du
même port pour aller au même en-
droit i l'un arrive, l'autre périt. Il
n'y a rien là de furprenant : ces dit-
ferens fucccs étant une fuite necef-
faire des circonftances qui les
avoient précédés , & qui ont dé-
pendu de ceux qui ont conftruit
les Vaifleaux , qui les ont menés ,
ou qui en ont difpofé. En effet ,
dit notre Auteur , fi l'un cft plus
vieux que l'autre , ce n'efi: pas la
Fortune qui l'a rendu tel , ni qui
oblige .à s'en fcrvir. S'il eft plus mal
conftruit , c'eft la faute de ceux qui
l'ont fait. Si tous les deux font
égaux en bonté , & que l'un périf-
fe , ou que même l'un étant meil-
leur que l'nutrc, il arrive que le
meilleur falTe naufrage , c'eft par la
M commande le VailTeau foit plus
» entendu ; que le Pdote foit plus
» habile , ils n'ont pas pour cela, le
» privilège de ne pouvoir fe trom-
» per. Et même leurs fautes feront
» quelquefois plus grandes & plus
» dangereufes ; parce que celui qui
» fe fie en fjn habileté , s'endort
» trcs-fouvent , ou pou/^é Icscho-
» fes jufqu'à la témérité , ce qui le
»perd. « Notre Auteur afliire en
avoir vu des exemples *• & entre-
autres celui-ci : Une Flotte aftez
nombreufeTur laquelle il éroit, ar-
riva à l'entrée d'un t^meux port de
l'Océan , dans le tems que la Ma-
rée defcendoit i on fe confulta d'a-
bord les uns "--5 autres fur ce que
l'on devoir ''iite-, les uns trouvèrent
à propo<- ^^ rcfter à la rade , & les
autres de profiter d'un petit vent
rnauvaifc conduite de ceux qui le qui foufïloit ; les premiers mouil-
mcnent. Quelque Semblable que lerent , Ôi les autres q,ui avoienK
soi JOURNAL D
pratique ce port plus long-tcms , fc
mirent en devoir d'entrer ; avec
cette différence qu'une partie prit
le vcHt de manière à pouvoir éviter
d'être portés par la Marée fur des
rochers aflez près delà, & les au-
tres fans s'embarraflcr de rien cin-
glèrent droit au port. Ce qui en ar-
riva , fut que le vent ayant ccflé,
ceux-ci briferent fur les rochers -, ôc
que ceux qui avoient pris le large ,
eurent le tems de les éviter , ^ en
furent quittes pour la peur , tandis
que ceux qui avoient mouillé fe
trouvèrent en fureté , & en état de
prêter fecours aux autres.
Notre Auteur rpmnrqiie qu'il n'y
a rien dans cet événement que l'on
puilTe attribuer à la Fortune, puif-
qu'on voit dans les différentes ma-
nœuvres la caufe des differens fuc-
cès. Il eft vrai qu'on peut objeder
que chacun d'eux fut porté par fa
bonne ou mauvaife Fortune , à
prendre le bon ou le mauvais parti ^
maisilrépond que c'eftune mauvai-
fe objection , & la raifon qu'il en
donne , c'-ftque ce qui nous déter-
mine dans tos délibérations , n'eft
autre chofe que notre volonté; que
fi notre jugement l'a féduit en lui
faifant prendre le mal pour le bien,
c'efl: notre Gute.
Un Officier ou un Soldat eft tué
dans une bataille ; c'cfi le malheur ,
difent certaines ?cns, c'eji le fort
^ui décide de ces eoHy-. g^ J^^ yjg ^'eft
prolongée ou racourc» qu'autant
que la Fortune eft favoratu. L'Au-
teur tâche d'expliquer ceci pour
faire voir qu'on n'y fçauroit trou-
Tcr ni malheur, ni fort , ni fortuiie.
ES SÇAVANS;
Il n'entre point ià-deffus dans les
matières de la piédeftination , il
laifTe cette difculfion aux Théolo-
giens , & fe borne à examiner en
Phyfîcien , l'ordre de la nature pat
lequel tous les êtres nailTent, fub-
fiftenr& fîniffcnt.
Il remarque cnfuite qu'on voit
fouvent des gens qui font tués pout
s'être expofés mal à propos , ou
pour avoir fait quelque chofe à
contre-tems •, fur quoi il cite l'e-
xemple de plufîcurs gens de guerre
qui s'étant toujours bien conduits,
ont payé de leur vie,la première té-
mérité ou la première imprudence.
Il y a des caufes éloignées qui ne
font pas moins tunefles : Un Offi-
cier Général que notre Auteur dit
avoir connu , & qui étoit fort bon
homme de guerre , avoit un pen-
chant extrême à l'avarice. » Cedé-
"faut qui fembloit n'avoir rien de
» commun avec fa profellîon , l'y
>» fît pourtant périr. Au commen-
» cément d'une bataille , il palToit
» a. cheval d'une ligne à l'aune pour
» aller donner quelques ordres , &
w ayant vii fur fes pas , une belle
» Epée , il s'arrêta pour la faire ra-
» mafTer par un Soldat ; comme il
y> la recevoit de fes mains , une
»j baie lui donna dans la tête , &c le
» tua.
Voilà , dit l'Auteur , ces rencon-
tres de circonftances avantageufes
ou fatales fuivant le cours qu'on
leur a donné.
Pour ce qui regarde les autres
évenemens de la guerre , on enfci-
gnetout de même ici , que la For-
tune n'y a aucune part , & l'on faij
vojj;
s E P T E M
voir que \cgatn <^un Siège ^ ou d'une
bataille , n'ell: qu'un effet de la fu-
fériorité ■, par cette fupériorité
Auteur n'entend pas feulement
le nombre & la bonté des Troupes,
mais encore la conduite , qui eft
d'une importance bien plus confî-
derable , 6i d'où dépend en quel-
que manière, tout le refte, puifque
quelque nombreufe que foit une ar-
mée , pour courageux que foient
les Soldats , s'ils ne font bien me-
nés d'ailleurs , le nombre & le cou-
rage leur deviennent inutiles &
quelquefois périlleux. Comme c'eft
faute de comprendre cette vérité ,
que certaines gens attribuent les
chofes au bonheur ou au malheur ,
i'on prend foin de la leur faire fen-
tir ici pour leur faire avoiicr qu'ils
fe trompent. On leur reprefentc en
premier lieu , qu'il ne fuffit pas d'a-
voir des Troupes, de les entretenir,
de les faire fubfifter , qu'il faut les
difcipliner. Que cela n'eft encore
rien par rapport à ce qui eft requis
pour les commandera propos , les
mener au combat , & les faire vain-
cre -, en fécond lieu , qu'il eft rare
de trouver dans un leul homme
toutes les qualitez neceflaires pour
cela \ qu'un Général courajreux Se
intrépide eft quelquefois impru-
dent , & pour trop précipiter ne
fait rien •, qu'un autre qui a la pru-
dence n'aura pas cette adivité , &
ce feu fi neceflairc dans certaines
occafions , & ne fçaura que tempo-
lifer lorfqu'il feroit queftion de
combattre ; en troifiéme lieu, que
celui-ci péchera faute de connoif-
lance & d'expérience •> que celui là
Stfttmb.
B R E, 175 j. yo5
qui a l'une & l'autre , y compte
trop j qu'il ne s'embarralFe pas de
prévenir les événemens pour profi-
ter des circonftanccs favorables ; &
qu'il fe trouve furpris lorfqu'il y
penfe le moins ; enfin , qu'un au-
tre aime le plaifir &c le repos , &
manque tout à force de remettre.
On conclut que de ces vertus ou
de ces Tices dans un Général, vien-
nent fouvent ces avantages ou ces
pertes conlîdcrables qui arrivent
contre toutes les apparences \ un
feul homme qui commande une
armée, balance tout par lui-même,
il la rend forte ou foible , félon
qu'il eft tort ou foible lui-même ;
fes Troupes ne deviennent capables
de vaincre , qu'autant qu'il eft lui-
même capable de les commander.
L'exemple des Perfes fous Darius
& celui des Grecs fous Alexandre,
ne font pas oubliés ici par notre
Auteur, la plupart des Soldats de
Darius étoient, remarque -t- il,
pour le moins auffi belliqueux que
ceux d'Alexandre : les bons Capi-
taines ne lui manquoient point.
Son armée riche & abondante , eft
formidable par l'appareil & par le
nombre ; mais il l'aifoiblit lui-mê-
me par fon peu de capacité ; ac-
coutumé au luxe & à la molefie , il
ne veut aller à la guerre que com-
me à une partie de plailir. Il fe
charge d'un tram inutile , &c d'une
fuite embarralfante. Ne comptant
que fur le nombre , il néglige l'os-
dre (îi la difcipline , & entêté de
lui-même , fe laiffe aller jufqu'à
punir ceux qui lui xemontre.u ioR
erreur.
Xx*
$06 JOURNAL DE
Les Grecs au contraire , qui ne
faifoicnt pas la vingtième partie des
Perfans , font commandes par un
Chef qui vaut lui feul , une grande
armée : fa capacité pour la guerre
égale chaque Soldat à plufieurs en-
ftemis. Il devient lui fcul l'ame de
trente mille hommes, & lui-même
multiplie & cenditit les coups cjni doi-
vent le faire vaincre. La confequcn-
ce que notre Auteur tire de là ,
c'eftque ce a'eft donc point la For-
tune qui a renverfé Darius , mais
le génie d'Alexandre.
Au refte, comme dans la guerre
chaque adioii en particulier , n'exi-
ge pas toutes les vertus militaires,
mais feulement celles qui lui font
proportionnées, on remarque que
pour vamcre un ennemi tatigué , il
ne faut fouvent que l'attaquer :
qu'une armée où la divifion fe met,
aide elle-même à fe vaincre , que
les pluyes , les inondations , la con-
tagion , la difette , préparent fou-
vent la vidoire ; qu'il y a des occa-
fîons où la prudence fuffit , &
d'autres où c'ell le courage; Que la
patience même fait tout lorfqu'il
s'agit d'attendre que l'ennemi dé-
perifle •, & qu'il vienne au point de
foibleffe où il peut être vaincu.
Mais on remarque que ce n'eft pas
par un efïct de la Fortune , que ces
circonftances de tcms arrivent , ou
que ce Chef qui n'eft pas autre-
ment pourvu de bonnes qualitez ,
a précifément celle qui eft neceflai-
re dans une telle occafion.
Il faudroit , dit notre Auteur ,
rapporter ici toutes les caufes d'une
yidloire ou d'une défaite , entier
S SÇAVANS ;
dans un détail intîni. Combien la
France , fans que la Fortune s'en
foit mêlée , n'a telle pas dû de
conquêtes aux bonnes difpofitions
qu'avoit établies le Cardinal de Ri-
chelieu ? Ce qu'on a fait depui»
long tcms à des fuites dans le pre-
fcnt fans que la Fortune s'en mêle
non plus -, & ce qui fe paflc aujour-
d'hui de bien ou de mal , prépare
des évenemens dans l'avenir. Il y a
par la même raifon, remarque-ton
encore , des dérangemens qui font
l'effet d'une longue fuite de fautes.
Les circonftances font tournées en
mal , il faut pour en arrêter le
cours , de grands efforts de génie
ou de conduite. L'Auteur cite fur
cela , la Bataille de Dénain , qui
fuppofe plus de capacité dans le
Général qui la gagna , que ne
font plufieurs autres viéloires
remportées durant les profperitez
de la France.
Les guerres civiles de Rome en-
tre Céfar S<. Pompée , font ici le
fujct d'un article conlidcrable. On
fait voir , à l'égard de Pompée, que
tout ce qui s'y eft pafte , dépofc
d'une manière évidente contre ceux
qui n'avant rien de judicieux à rap-
porter pour juftitier une mauvaife
conduite , qu'ils auront tenue , ont
recours .1 l'excufe générale, fçavoir
que la prudence a été de leur côté ,
mais que la Fortune a été de l'au-
tre.
L'on palfe de- là à l'examen de
CCS exprefîîons qui ont tourné en
proverbes: Qu'il f.sHt avoir la fortu-
ne favorable pour riuffir dans les
Cours j Que c^efi. - /* q\iilk domine
SE P T EM
plus qu'ailleurs ^ & qu'elle montre fes
caprices. Ondécouve la faufTeté de
ce langage , & l'on fait voir que ce
qui eit caufe qu'on réullït ou qu'on
cchoue à la Cour , n'a rien de com-
mun avec la Fortune. On entre à ce
fujct dans des particularitez qu'ij
icroit trop long de déduire , nous
cous bornerons à un exemple.
Entre les obftacles qui empêchent
de s'avancer à la Cour , l'Auteur de
ce Traité met la haine du Miniftre.
» Si c'eft votre figure , dit-il ^ qui
» déplaife au Miniftre , n'en accu-
j> fez pas la Fortune , la caufe en cft
M infailliblement , ou dans vous-
M même , ou dans votre manière
» d'agir , ou dans la prévention &
» le caprice de celui à qui vous ne
a» plaifez pas , ou enfin dans la dit-
3» îerence de fes difpofitions inte-
» rieurcs d'avec les vôtres -, difie-
» rence qui elt proprement cette
« antipathie dont rey.plication
t> tourmente tant de Phiiofophes ,
x> tout comme la conformité &c la
>5 reflemblance de ces mêmes dif-
» pofitions , n'eft autre chofe que
» cette fympathie que plufieurs ont
» regardée comme impénétrable.
Notre Auteur annonce qu'il ef-
pere approfondir cette queûion
dans un Traité exprès fur la Nature.
En attendant il donne fur ce fujet
l'explication que voici : il dit i".
Que la difpofition intérieure de
l'homme de laquelle dépend fon
naturel , fe découvre fur fon exté-
rieur , par les rapports &: les pro-
portions qu'il y a de l'un à l'autre ,
îoit dans le fon de la voix , foie
.«iansie gefte , ibit daos les uaiits du
B R E ; r 7 j j; ^qj
vifage , qui font ce qui s'appdic
phylîonomie : z°. Qu'encore qu'ij
foit hors de la portée du commun
àz connoître clairement les rapr
ports de ces indices avec l'intérieur,
il n'eft perfonne fur qui ils ne faf-
fent des imprelîions fccrettes : 3°,
Que quand on veut examiaer ces
indices, & les recoanoître ^ l'efforç
que l'on fait pouf cela les obfcur-
cit , & les diftlpe : 4". Que c'eft ce
qui a fait donner le nom de je m
ffai t^uei , à quelques - uns de ces
mêmes indices qui font plaire , oij
déplaire , fans qu'on en voye U
caufe.
Cette connoîflapce intérieure
fuppofée , notre Auteur prétend
qu'il eftfacile de comprendre ce qui
fait que l'on plaît pu que l'on dé-r
plaît à certaines gens , & voici en
cela , fur quoi il fe tonde.
Chacun aime ou hait naturelle-
ment un objet, félon qu'il y trouve
de cette conformité ou de cette op-
poiition avec fes difpolitions pro-
pres; de forte, dit-iî , (\nç fi l'on
étoit moins attaché a V intérêt ^«/ re-
vient de la fiiveur d'un Aiiniflre ,
loin de s'affliger de fa haine , on la
regarderait fouvent comme un avan-
tage par la i^onfequence heureufe de
ne pas lui rejfembler.
On a dit depuis longtems , que
la Fortune & le mérite étaient rare-
ment d'accord , l'Auteur obfefve
que cette expreiîîon ne peut être
prifedans le fens littéral que paj
des gens qui ne rcflechilTent pas;
mais il foiiticnt que le fens allégori-
^ue en ejl beau & véritable ^ pu la
laifon, dit-il, que Jeméri.c nefl;
Xxxi)
5o8 JOURÏÏAL
bien reçu que par ceux qui en ont
eux-mêmes , & qu'il n'arrive pas
toujours que les gens en place en
foient le mieux pourvus , ce qui
cft caufe qu'il eft néglige.
On dir fouvent de l'élévation Se
de la décadence des Etats , que ce
font des jeux de la Fortune. L'Au-
teur employé les dernières pages de
fon Livre , à combattre cette er-
reur , & fait voir par l'exemple des.
Romains^qu'un Etat n'eft florilfant
ou ne dépérit que par les vertus ou
les vices de ceux qui gouvernent ,
ce qu'il prouve aulîi par l'exemple
de Charles-Quint , & de fes fuc-
cefleurs. Charles - Quint pendant
fon règne, avoit porté la Monar-
chie au plus haut point de gran-
deur ; mais ceux qui lui fuccede-
DÏS SÇAVANS,
rcnt manquant des qualitez neceT-
faircs pour foûtenir le poids de
cette Monarchie , la.laiflcrcnt enfin
tomber dans l'état où on l'a vue fur
la fin du dernier fiécle : il en eft de
cela, remarque l'Auteur , comme
de ces Horloges d'un ouvrage rare,
qui fe dérange bien-tôt Ci quel-
qu'un à peu-près aulfi habile que
ceux qui les ont faites, n'en fçait
maintenir les relforts.
Ce que notre Auteur dit de la For-
tune dans ce Traité , fe peut dire
de même de cette prétendue Etoile
que tant de gens veulent être la
caufe de tout le bien & de tout le
mal qui arrive dans la vie. Il n'y a
que le nom de changé. C'eft la mê-
me chimère.
ORBIS SACER ET PROPHANUS ILLUSTRATUS : OPUS
Ecclefiafticx & Prophana: Hiftorix ncc non Geographix ftudiofis ap-
primè utile. C'eft-à-dirc : LVmvcrs Sacré & Prophane éclairci. Ouvra-
ge utile a ceux cjui s'appUifuent à rétudede l'Hifloire Ecclejtaflii^ue ou Pra-
pharte , & fur-tout à la Géographie. Parle P. François Qrlcndi , de l'Or-
dre des Frères Prêcheurs ^ & Profeffeur enTToéologte dans iVniverJîtéde
Pife. A Florence , chez Bernard Paperini , proche l'Eglife de S. Ap_
poUinaire , à l'Enfeigne de Pallas & d'Hercule. Seconde Partie , 173 !•
m folio , premier vol. pp. 790.
NOUS avons remarqué dans
le Journal de Juillet dernier,
crurendant compte du premier Vo-
lume de ce grand Ouvrage , que le
Père Orlendi s'ctoit propofé d'y
expliquer la Notice de l'Empire
Romain tel qu'il ctoit du tcms de
Conftantin , 6: que cette Partie de
fon Ouvrage n'en ctoit en quel-
que manière que des Préliminaires.
Jl commence dans le fécond Volu-
me à entrer dans fa matière & à dé-
crire chaque partie de l'Univers en
fuivant l'ordre des différentes Pro-
vinces. Il a donné a l'Europe le
premier rang dans cette defcrip-
tion , & il a mis l'Italie à la sête de
toutes les Parties de l'Europe. H
ctoit naturel que dans cet ar-
rangement qui eft affez arbitraire ,
il donna la préférence à. fa Patrie ,
comme l'ont fait plufieurs autres
s E P T E M
Géographes. Mais ce qui paroît
l'avoir particulièrement déterminé;
c'cft que l'Italie lui femble être de-
venue la principale Partie de l'Eu-
rope par la Ville de Rome , qui a
été pendant long tems l^Reiriedii
monde , &c qui eft depuis l'établif-
fement de la Religion Chrétienne ,
le Siégc du Vicaire de J. C. fur la
terre &c du fuccelTeur du Prince des
Apôtres.
Dans le premier Livre de cette
féconde Partie ^ notre Auteur par-
le des differens noms qu'on a don-
nés au Pays qui porte depuis long-
tcms celui d'Italie , de fa fituation,
de fes Ports , de fes Montagnes, de
fes Fleuves & de fes Lacs , de la
température de l'air , de la fertilité
des terres , des Mines qu'on y trou-
ve , du grand nombre de Villes
conlldcrables , du caractère des ha-
bitans , de la divifion de l'Italie
par les Romains en dix-fept Pro-
vinces , du partage qui s'eft fait de-
puis la décadence de l'Empire Ro-
main, en Souverainetés & en Re-
publiques.
Notre Auteur divife enfuite l'Ita-
lie en trois Parties , dont la premiè-
re qu'il appelle fupericurc , com-
prend le Piémont , la Republique
de Gcncs , le Montferrat , les Du-
chcz de Milan , de Parme , de Mo-
dénc , de Mantoiie, la Republique
de Venife &: la Principauté dcT ren-
te. Dans la Partie moyenne de l'Ita-
lie il comprend les Etats du Pape ,
le grand Duché de Tofcane & la
Republique de Lucques. La der-
nière Partie regarde le Royaume
de Naples , auquel il a joint les
B R E, I7Î ?• ^05
Ifles adjacentes à l'Italie.
Le fécond Livre de ce Volume
comprend toute l'Italie fupericurcj
Se le troifiéme les Erats du Pape.
Les autres Parties de l'Itahe font
renvoyées aux Volumes fuivans.
Nous rapporterons quelques traits
de chacun des trois Livres qui
compofent ce Volume.
Dans le cinquième Chapitre da
fécond Livre , l'Auteur examine
dans quel tems l'Italie a commencé
à être habitée ; il rejette d'abord
comme une fable ce que ditAnnius
de Viterbe , que Noc avec fes trois
enfans avoit parcouru toute la mer
Méditerranée , qu'il avoit montré
à chacun de fes enfans le Pays que
leurs defcendans dévoient occuper,
&c qu'après une navigation de dix
années , il étoit retourné dans le
lieu d'où il étoit parti, & qu'il
avoit envoyé de là fes defcendans
pour habiter les différentes Con-
trées qu'il leur avoit deftinées.
Le P. Orlendi eft néanmoins per-
fuadé que l'Europe eft échue à Ja-
phct , & que ce font les fils , ou
les petits-fils de Japhet , ou leurs
defcendans qui ont habité les pre-
miers l'Italie , & qu'ils y étoient
venus de h Grèce. Mais il n'oferoit
déterminer combien de tems après
le Déluge cela eft arrivé , ni qui
étoient les chefs de ces Colonies ;
quoiqu'Annius de Viterbe en ait
donné les noms , &C qu'il ait appel-
lé Comenus , celui qui s'eft établi
le premier en Italie. L'Auteur pa-
roît avoir beaucoup de penchant à
croire que les Tofcans font les plus
anciens peuples de l'Italie , & il
Sio JOURNAL DES SÇAVANS;
renvoyé là-dclTus à Titc-Livc Se k La première difficulté qui fc pre-
Juftin.
Voici le portrait que l'Auteur
fait des Italiens dans le quatrième
Chapitre du premier Livre. Ils cul-
tivent avec foin les Sciences & les
beaux Arts ^ ils les enrichirent , ils
favorifcnt ceux qui les cultivent , Se
ils en font les Âléccnes : ce qui a
donné lieu à rctablilfement de tant
d'Académies dans les différentes
Villes d'Italie. Ilsfe font diftingués
dans la guerre Se dans la paix. Us
fervent de modules de vertus aux
autres Nations , à ce qu'affurc no-
tre Auteur , par h pureté de leurs
mœurs , & par les bonnes qualitez
du cœur Se de l'cfprit. Il ajoute que
les Italiens font au-dcffus de toutes
les autrcsNâtions par leur politelTe,
par les agrémens de la converfation,
par la grandeur d'ame. Leur génie
heureux Se fécond les rend propres
i inventer , à cultiver les Sciences
& les Arts , Se à Icsperfcâionner;
ils font avides d'honneur Se de
gloire , ce qui les engage à cher-
cher à fe venger , lorfqu'on leur fût
quelque affront. Au reftc , s'il y a
quelque tache qui oblcurcilTc
l'éclat de cette illuilire Nation , ce
font les termes de notre Auteur ,
elle cil entièrement dillïpée par
leur attachement à la véritable Re-
ligion.
L'Auteur ayant parlé dans le
troiûémc Chapitre du fccond Li-
vre , de l'origine de la Ville de Mi-
lan , & cnfuite donné un abré-
gé de l'Hifloire Civile du Milanès,
il employé plufieurs Chapitres à
ll'Hifloire £cdeiîalkiqac de Milan.
fente fur ce fujet cft de fçavoir fi
S. Barn.ibé cft: le Fondateur de cette
Eglife , l'une des plus illuflres du
monde Chrétien. C'efl une Tradi-
tion de cette Eglife qu'elle a été éta-
blie par S. Barnabe ; le Cardinal Ba-
roniusalfure que cette tradition eft
appuyée fur des Monumcns fi au-
thentiques qu'on doit regarder ce
point d'Hiftoire , comme un des
plus affurcs. Cependant quelques
Auteurs , Se cntr'autrcs les PP. Ma-
billon &: Papebioc , n'ont pas cru
devoir avoir pour cette Tradition
le même refped que les Ecrivains
d'Italie. Le P. Mabillon trouva
dans la Bibliothèque Ambroifiennc
un ancien Catalogue des Evcques
de Milan, où il vit le nom de Saine
Barnabe écrit d'une main plus ré-
cente que le refte du Catalogue. Il
ajoute que S. Ambroifc dans fon
Difcours contre Auxcnce , parlant
de l'Eglife de Milan qifil appelle
le Patrimoine qui lui vient de fes
Pcres , ne tait pas mention de faint
Barnabe, mais feulement de Denis,
d'Eudorge , de Mirocle , Se des
autres Saints Evêques fes prédecef-
feurs. Le P. Papebroc fe fonde auflî
fur le iîlcnce de S. Ambroife Se de
S. Gaudence , Se il croit que le faux
Dorothée cft le premier Auteur de
cette Tradition. M. Muratori n'a
point pris de parti fur cette quc-
llion, il fe contente d'obferver que
cette tradition cfl très-ancienne.
Notre Auteur fe propofant de
prouver que cette Tradition re-
monte jufqu'aux premiers fiécles
d.e l'Eglife , cite des vers qui font
s E P T E M B R E, I7 3Î.' T"
au-deflus d'un tableau de S. Ana- attaquer diredement aucunes des
talon , & qui juftifieroient cffed:i-
vcment que cetteTradition rcmon
teroit jufqu'au commencement du
quatrième fiécle , long-tems avant
S. Ambroife , fi ces vers étoient ef-
feitivement de S. Mirocle, comme
le prétend notre Auteur. Il rappor-
te enfuite deux Infcriptions , dont
l'une avoit été mife , dit-on , pat
S. Protais auprès d'une fontaine où
S. Barnabe adminiftroit le Baptê-
me i & il conclut de-là que S. Am-
broife n'ignoroit pas que S. Barnabe
eût établi l'Eglife de Milan ; mais
qu'il n'avoit parlé contre Auxence
que de ceu^ de fes prédecelTeurs qui
avoient combattu l'Arianifme. Le
P. Orlendife plaint vivement, de
€e que des Auteurs François qui ont
écrit fi folidement contre l'argu-
ment négatif , en répondant au
Dodeur de Launoy ^ ont employé
ce même argument contre une tra-
dition qui eft adoptée par tous les
Auteurs Italiens. Il oppofe enfiaite
au Catalogue dont parle le P. Ma-
billon , un autre ancien Catalogue
des Evèques de Milan ^ publié par
M. Muratori , beaucoup plus am-
ple que ceux qui avoient été impri-
més auparavant, à la tète duquel on
trouve le nom de S. Barnabe écrit
de la même main que le refte du
Manufcrit.
Les Archevêques de Milan ont
prétendu que S. Grégoire Pape leur
avoit donné le droit de couronner
les Rois d'Italie avec une couronne
de fer,&qu'enfiiite ils avoient eu le
droit d'élire les Rois & de les dé-
polèr , notre Auteur qui ne ve«t
anciennes Traditions , ne foûticnt
point que ces Traditions foient ab-
îblument fluiflcs , mais il fait alfez
fentir , que le prétendu privilège
donné par S. Grégoire lui eft fort
fufpeâ:. Il affedc particulièrement
de faire obferver que les Hiftoriens
François n'ont pas parlé de ce cou-
ronnement par les Archevêques de
Milan , des Princes François qui
ont été Rois d'Italie. "
Le Chapitre 8 du fécond Livre
regarde la Ville de Pavie ; notre
Auteur y traite d'abord la queftion
fi l'Eglife Epifcopale de Pavie a été
foûmife de tout tems immédiate-
ment au S. Siège. Tous les Ecrivains
de Pavie foûtienncnt l'affirmative.
Ughelli a pris le même parti dans
fon Italie Sacrée, mais les Ecrivains
de Milan , & plufieurs autres Au-
teurs étrangers , comme Baron ius ,
M. de Marca , le P. Tomaffin 6c
d'autres ont cru que Pavie avoit
été long - tems foûmife à la Mé-
tropole de Milan. Notre Auteur
fait voir que pendant plufieurs
fiecles les Evêques de Pavie ont été
facrés par les Archevêques de Mi-
lan , qu'ils ont affilié au Concile
de la Province avec les autres
Evêques \ mais vers le commen-
ment du feptiéme fiecle les Evê-
ques de Pavie fe firent couronner à
Rome , & quand S. Benoît Arche-
vêque de Milan voulut s'oppofer à
cet ufage, la prétention fut con-
damnée dans un Concile tenu à
Rome, parce que depuis long-tems
les Evêques de Pavie étoient en
poffeffion de lè faire facrer par le
yi2 JOURNAL D
Pape , comme le rapportent Paul-
Diacre dans l'Hiftoirc des Lom-
bards , 5i Anaftafc le Bibliothécai-
re dans la Vie du Pape Conftantiii.
Ce privilège de fe faire facrcr par
le Pape , tut une occafion à l'Evê-
que de Pavie de fe fouftraire cntic-
ment à la Jurifdiction de l'Arche-
vêque de Milan.
Cet Evêquc porte le Pallium.
Ughelli croit que ce privilège lui a
été accordé par le Pape Hormifdas,
notre Auteur ne penfe point que
ce privilège foit fi ancien , & il
foûtient , aprCs M. Muratori , que
les Evcques de Pavie tiennent cette
prérogative du Pape Jean VllI. qui
vouloit par-là humilier Afpert Ar-
chevêque de Milan qui retufoit de
lui obéir. C'cft: par la même raifon,
fuivant notre Auteur, que ce Pape
attiibua à l'Evêque de Pavie le
droit de convoquer des Conciles
des deux Métropoles de Milan &
de Ravenne. Mais on ne voit pas
que les Evêqucs de Pavie aient ja-
mais joiii de ce privilège. Cet Evc-
que eft encore foûmis immédiate-
ment au Saint Siège -, mais il doit ,
fuivant notre Auteur , ailîfter aux
Conciles de la Province de Milan ,
félon les Décrets du Concile de
Trente , & du dernier Concile te-
nu à Rome fous Benoît XIII.
Dans le Livre III. où il s'agit de
la Ville de Rome &c des Villes voi-
lines , l'Auteur entre dans un grand
détail , qu'on peut voir dans le
Livre même , au(Iî-bien que les élo-
ges & l'abregc de la Vie du Pape
Benoît Xlll. qui attireront l'atten-
tion des Lcéleurs. Nous nous bor-
E S SÇAVANS,
nerons ici à un feul point qui regar-
de rEvéché d'Eu2;ubio. Selon no-
tre Auteur , l'Evéque d'Eugubio
avoit éti fournis immédiatement au
S. Siège )urqu'cn i jiîj. que le Pape
Pie IV. érigea la Ville d'Urbain en
Métropole , & i.ii donna l'Evêque
d'Eugubio pour un de fes fuffiragans.
L'Evêque d'Eugubio Marianus-Sa-
bcUi s'y oppofaj&i il obtin: du Pape
que du moins pendant fa vie l'Ar-
chevêque d'Uibain n'excrceroit fur
lui aucune Junfdiêlion Métropoli-
taine; après le Concile de Trente
Sabelli déclara , conformément à
la difpofition du Concile , qu'il af-
fifteroit à ceux qui fe tiendroient à
Urbain , fans préjudice de la liber-
té de fon Eglife. Ses SuccefTeurs
n'avoient pu fe refoudre à fe foû-
mettre à l'Archevêque d'Urbain ,
ôi ils s'étoient toijjours qualifiés
Evêques foiîmis immédiatement au
S. Siège. Ce qui avoit fouvcnt
donné lieu à de vives contellationj
entre ces deux Prélats , fans qu'il
(ùz intervenu aucun jugement défi-
nitif. Le Pape Clément XI. ayant
nommé un Evêque d'Eugubio en
1707. fit mettre dans les Bulles que
cet Evêché ètoit foûmis immédia-
tement au S. Siège , mais fans pré-
judice du droit prétendu par l'Ar-
chevêque d'Urbain. Le Pape Be-
noît XIII. avoit fait alfifter l'Evê-
que d'Eugubio au Concile de Ro-
me en 1715. comme un Evêquc
immédiatement foûmis au S.Siége.
Mais la même année le Pape Be-
noît XIII. décida la conteltatioa
qui duroit depuis fi long-tems , en
donnant une Bulle qui foûmet l'E-
vcchc
s E P T E M
Y^ché d'Eugubio à l'Archevcquc
d' Jrbain L'Eglife d'Eugubio ayant
vaqué quelque tems aprts , Benoît
"XlII. la conféra comme Eglifefuf-
fragsntc de la Métropole d'Urbain.
La Bulle de Benoît XIII. eft rap-
portée toute entière par notre Au-
teur. Il y a d'autres remarques de
B R E , 173 5. 51 j
cette nature dans le cours de l'Ou-
vrage fur l'état prcfent de l'Eglife
d'Italie qui feront plaifir à ceux qui
font curieux de ces matières.
Nous rendrons compte du troi-
fiéme Volume dans un autre Jour-
nal.
TRAITE' DE LJ MAIN-MORTE ET DES RETRAITS.
Par M. F. J. Dunod , ancien Avocat au Parlement & Profejfeur Royd
en L'VniverJïié de Pefançon. A Dijon , chez de Fay , & fe vend à Be-
fancon, chez Nicolas Marchand , Libraire, en la grande rue. 1733.
/«-4°. pp. Z54. pour le Traité de la Main-Morte , pp. ëj. pour le Trai-
té des Retraits.
EN rendant compte dans le
Journal de Juin dernier du
Traité des Main - mortes de M.
Dunod , nous nous fommes en-
gagés à parler en particulier du
fécond Traité compris dans ce Vo-
lume qui regarde les Retraits.
Dans les neufs premiers Chapi-
tres du Retrait Lignagcr , dans
le dixième du Retrait Féodal ,
& dans le onzième du Retrait
en ccnllves. Il n'en eft pas de ce
Traité comme de celui de la Main-
morte , qui a en quelque ma-
nière le mérite de la nouveauté ,
parce que les Jurifconfultes Fran-
çois ne s'étoient point encore appli-
qués à traiter cette matière avec or-
dre & avec une jufte étendue. Mais
nous avons plufieurs Traitez fur
les trois cfpeccsde Retraits dont il
s'agit dans cet Ouvrage , & tous
les Commentateurs des Coutumes
fe font attachés à les expliquer. M.
Dunod avoiie dans fa Préface qu'il
a tiré de ces Auteurs les principes
Seftcmb.
généraux , il a feulement ajouté à
ces principes ce qu'il y a de particu-
lier pour le Comté de Bourgogne ,
foit dans les difpofitions de la Cou-
tume , foit dans les Arrefts du
Parlement de Bczançon. Nous al-
lons rapporter quelques - uns des
exemples de cette dernière efpecc ,
fans nous arrêter aux principes
du Droit Commun fur cette matiè-
re.
Suivant le Droit Commun le
Retrait Ligirager ne fe divife point,
& quand plufieurs héritages pro-
pres font vendus par le même
contrat & pour un feul prix , le pa-
rent lignager doit les retirer tous.
11 y a même des Coutumes qui veu-
lent qu'on retire l'acquêt qui a été
vendu avec l'héritage propre , par-
ce qu'il arrive fouvent qu'une per-
fonne n'acquiert un héritaec
qu en conlideration d un autre qui
lui eft vendu pour le même con-
trat , & qu'on ne peut diviitr les
fonds acauis par le même conuat
Yyjr
514 JOURNAL D
pour un fcul p'ix , fins lui faire un
tort trop coniidcrablc , &: fans di-
minuer le prix de ce qui lui rcftc.
Les rcdicleurs de la Coutume
du Comté de Bourgogne n'ont
point été frappés de ces raifons. Us
ont regardé comme autant de ven-
tes différentes celles de chaque
fond , & ils ont voulu par l'article
5 du titre des rachapts que quand
il y avoir pluiîeurs héritages an-
ciens vendus pour le même prix,
avec leurs appartenances 6i leurs
dépendances , le Lignagcrpût reti-
rer un de ces fonds avec fes ap-
partenances &c fes dépendances ,
fans retirer l'autre.
Notre Auteur obferve que cette
difpofition de la Coijtume du
Comté de Bourgogne elt non feu-
lement finguliere , mais encore im-
parfaite ■■, c'cft pourquoi le Parle-
ment de cette Province l'a rellrain-
te le plus qu'il a été po'lîblc. M.
Dunod cite là-defTus un Arrcftdu
mois de Mars 1621. par lequel on
a jugé qu'un particulier ayant ven-
du une maifon qui ne pouvoir fe
partager commodément , dont la
moitié éroit propre au vendeur &
la moitié acquêt , le parent n'étoit
point recevable à ne retirer que la
r:oitié qui éroit propre. A l'occa-
flon de cet Arrcll l'Auteur donne
pour règle générale que lorfque
des fonds ont été unis par la difpofi-
tion du perc de famille, cnforte que
l'un eft neceflairc à l'autre , comme
s'il s'agiflToit d'un Jardin acquis
pour fervir à une maifon qui fût
propre à l'acquéreur de ce Jardin,
on ne doit pas les féparer par le Re-
E S S Ç A VA N S ,
trait , parce que la maifon Si le
jardin ne font plus cenfés en ce cas
qu'un feul héritage. Ce qui paroît
pouvoir être appuyé par les termes
delaCoîitume , qui veut qu'en
retirant un des deux fonds vendus
on retire les dépendances de ce
fond fans diftingucr fi ces dépen-
dances font acquêts ou propres.
Comme la Coutume du Comté
de Bourgogne n'a pas force de Loi
dans la Ville de Bcfançon , &
qu'elle n'y eit regardée que comme
une autorité écrite , qui ne doit
point être fuivie quand la difpofi-
rion cfl: contraire aux principes; on
a jugé au Parlement de Befançon le
7 Mars 1729. que celui qui exerce
un retrait de fonds (îtués dans cette
Ville doit retirer tous les fonds qui
ont été vendus par un fcul prix , à
moins que l'acquéreur ne veuille
bien retenir une partie.
Voici un fécond exemple. L'ar-
ticle li du titre des rachaptsdela
Coutume du Comté de Bourgo-
gne , décide que le retrait lignager
n'a point lieu en vente par dccrct.
Notre Auteur remarque que cet
article ne s'entend que des ventes
forcées qui fc font à l'inftance des
créanciers , il rapporte là dcfTus un
Arreft du 17 Février 161 ?. qui fut
noté , dit l'Auteur après M. Jobe-
lot , fur l'exemplaire de la Coutu-
me dont on fe fert au Parlement ,
pour fervir de règle à l'avenir. M.
Dunod conclut delà que le retrait
lignager a lieu dans la lubhaftarion
des biens des mineurs , dans celles
qui fe font cnfuite de l'acceptation
d'une fucceflion par benerice d'in-
s E P T E M
vcntaire, ou quand le débiteur fait
lui - même adjuger en juftice fes
biens à fes créanciers ^ pour en pur-
ger les hypothèques , parce que
dans tous ces cas la vente eft volon-
taire de la part du propriétaire, qui
ne fait faire le décret que pour la
fureté de l'acheteur. Il s'enfuit en-
core de cette Jurifprudencc du
Parlement de Franche-Comté , que
quand une perfonne acquiert un
fond à la charge d'en faire faire un
décret fur lui-même , il y a lieu au
retrait lignager. Ce qui a même été
jugé le 29 Aouft 1669. dans tte cas
où il n'y'avoit qu'une /impie pro-
mefle de vendre un fond , & d'en
faire avoir la délivrance par un dé-
cret pour 4500 liv. on regarda cette
promeiïe comme une vente , à la-
quelle on n'avoit ajouté le décret
que pour la fcureté de l'acquéreur.
Le tems du retrait ne court pas en
ce cas du jour de l'adjudication du
bien faite en juiTiice , mais du jour
de la prife de poflellion en vertu
de la vente volontaire.
Le Chapitre du retrait féodal
nous fournira deux autres exem-
ples.
Dans le Comté de Bourgogne le
Seigneur doit ufer du droit de re-
trait féodal dans l'an 5c jour de
l'exhibition du contrat,& rcmbour-
fer le prix & les loyaux-couftsdans
l'année. Si l'acquéreur ne veut
point accepter le rcmhourfement ,
il faut lui faire des offres réelles du
prix & des loyaux-coufts dans l'an
& jour du retrait, finon le Seigneur
B R E, 175 ^ ;r;
efl: déchu de fon droit , quand mê-
me il auroit déclaré qu'il vouloit
ufer du droit de retrait féodal , &
qu'il fc feroit mis en poffeÛîon du
fret. On a m;me jugé an Parlement
de Befançon le 7 Septembre 1713.
qu'un Seigneur qui avoit formé fi
demande pour le retrait féodal en
étoit déchu, parce que le rembour-
fcment n'avoit été fait qu'après
l'année , à un tuteur qui n'avoit pas
du recevoir au préjudice du droit
acquis à fon mineur.
Quand on acquiert par un mê-
me contrat & pour un fcul prix
plulîeurs fiefs mouvans d'une ou de
différentes Seigneuries , l'acquéreur
prefentant fon contrat au Seigneur,
doit faire ladiftindiion des prix, ce
qui n'empêche pas que le Seigneur
ne puitfe faire taire la ventilation ,
fi celle de l'acheteur ne lui paroît
pas jufte. Il allure qu'on l'a ainfi ju-
gé au Parlement de Befançon par
Arreft du zi Mars 1701. & qu'on
a décide par le même Arreft que le
tems du retrait ne courrcroir que
du jour que la ventilation auroit
été faite.
Il ne nous refte qu'à fouhaitcr ,
en fàniffant cet Extrait, que M. Du-
nod , à qui 50 années d'exercice de
fa profcflion au Parlement de Be-
fançon ont donné lieu de fe mettre
au fait de la Jurifprudence de ce
Parlement , continue d'en inftruire
le public par fes Ouvrages fur la
Coiàtume du Comté de Bourgo-
gne.
•^H»
Y yyij
Sx6
JOURNAL DES SÇAVANS.
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES, Ctt..
C'e(l-à-dirc : R;ciicil des Ecnva'ms de TH^Poire d^ Italie, depuis l'an
^oo.jitfju'àl'an 1500. par Al. Muratori , Tome Xll, A Milan , parla
Socictc Palatine. 1728. iti-fol. col. 1235.
ON a juge d'autant plus conve-
nable de dédier ce Volume à
la Republique de Vcnife , qu'il
commence par une Chronique de
cette Ville depuis le Pontificat de
S, Marc jufqu'à l'an 1339.
André d'Andolo Auteur de cette
Hiftoirc , fortoit d'une iiluftie fa-
mille qui avoit déjà donné trois
Doges au Sénat de Vcnile , il n'a-
voitcnccHfe que 37 ans , lorfqu'cn
1333. il parvint lui-même à cette
c'minenre dignité. On remarque
qu'il fut le premier des Nobles
Vénitiens, qui prit le bonnet de
Doftcur. Comme il étoit égale-
ment propre aux Sciences & aux
affaires , il gouverna avec beau-
coup de prudence dans des tems
très-difficiles & peu favorables à la
grandeur de fa Patrie. Il régna
pendant onze ans , c'eftà-dire , juf-
qu'à ià mort qui arriva en 1 3 54.
Cette Chronique eft divifée en
10 Livres, mais les trois premiers
fint été perdus , ou peut-être mê-
me retranchés comme inutiles. El-
le a été continuée en 1341. ou du
moinsl'année fuivante d'abord par
un Anonyme, cnfuite par Raphaël
ou Raphainus-Carefinus Chance-
lier de Venife. Ces deux Auteurs
l'ont conduite jufqu'à l'an 1588.
On nous les donne ici comme une
fuite de l'Ouvrage principal.
M. Muratori, après avoir loçg-
tcms hélîté à faire imprimer tout
ce qui précède la fondation de Vc-
nife , s'eft fait euhn fcrupulc d'en-
lever à la Ville d'Aquiléc les Mo-
numens antiqu.s dont elle fe glo-
rifie. Mais il ne les garantit pas.
Comme les grandes Maifons ne
manquent jamais de faire remonter
leur origine jufqu'à quelque hom-
me hmeux dans l'antiquité 5 ainll'
les Eglifes di.Qiinguées ont covitumc
de s'attribuer des commencernens
d'autant plus iliuftres que l'ecLit de
leurs prérogatives ou de leurs ri-
chellcs leur donne un rang plus
confiderable dans la Chrétienté. Il
ne s'enfuit pas de - là cependant
qu'on doive méprifer ce que Dan-
doio rapporte de l'origine des Evê-
ques d'Aquiléc , puilqu'il l'a puifé
dans l'Hiftoire &dans la Tradition
de cette Eglife. A l'égard des com-
mencemens & des divers accroilîc-
mcns de fa Patrie , il en parle avec
tant de modeftie & de déiintercire'
ment qu'on ne peut s'empêcher
d'ajouter foi à fes récits. Dans les
Hiftoires anciennes de Venife fbit
Manufcriccs , foit imprimées, cette
Republique eft toujours reprefen-
tée comme viiflorieufc , comme
triomphante de fes ennemis. Dan-
doloaeu plus de iîncerité, il rap-
porte avec une égale candeur les
bons & les mauvais fuccès de là
Patrie, enfoxte que fur ce point on
s E P T E M
peut le propqfcr'comme un nioàc-
le. Mais on ne portera pas le même
jugement de Carefmus fou Conti-
nuateur.
Il cft vrai c^u'cn pludeurs en-
droits Dandolo fc prête aux Tradi-
tions populaires, & qu'il lui échap-
pe quelques Anachronifmes ; mais
comme on l'a dcja remarqué
plufieurs fois , il but pardonner
ces fautes à des Hiftoriens qui vi-
voient dans un tems où l'art de la
critique étoit abfolument ignoré.
2°. Des Annales Romaines
écrites en Italien par Louis Bon-
conte Monaldefco. La fimille qui
porte ce nom eft une des plus an-
ciennes d'Italie , & n'avoit pas be-
foin qu'Alphonfe - Ceccarellus de
Bevagna eût recours à des pièces
fuppolées , & à de taux titres
pour en relever l'éclat. Il fit impri-
mer i'Hiftoire des Monaldefchi à
Alcoli en 1580. & la remplit de
tant de fables qu'il rendit douteux
ce qu'il y avoit de plus certain fur
l'Antiquité de cette iUuftrc îvïai-
fon •, mais ce fimeux impofteur
paya chèrement l'illufion qu'il
avoit eflayé de faire au public ; fes
diverfes falllhcations ayant été dé-
couvertes , Grégoire XIII. le fit
arrêter , & il fut puni du dernier
fupplice.
Les Menaldefchi gardèrent
long-temsla Souveraineté d'Orvie-
te, Louis Boncomes dont il eft ici
queftion , dcfcendoit de ces Sei-
gneurs. Si on en croit ce qu'on lit
au commencement de fon Hiftoire,
il vécut 115 ans fans avoir jamais
été malade , il nous y alïlire lui mê-
B R E , 173?-' fn
me qu'il mourut , comme il vint
au monde , fans aucun fentiment
de douleur. Des gens peu fcrupu-
leux à tranfcrire fidèlement les
Manufcrits , auroicnt fupprimé cet
endroit -, il n'y a pas d'apparence
comme M. Muratori l'obferve ,
que Monaldefchi nous ait envoyé
ce récit des Champs Elyfées , ce-
pendant l'Editeur n'a pas ofc pren-
dre cette liberté par refped pour
les deux Manufcrits fur Icfquels il
a travaillé.
Ce début ne doit point prévenir
le Ledeur contre cette Hiftoire ;
on nous aifure qu'elle eft écrite
avec exactitude , &c qu'on y trouve
des choies très - curieufes fur les
grandes 8c illuftres familles de Ro-
me. Elle commence en 1328. Se
finit en 1340. mais il y a lieu de
croire que nous ne l'avons pas tou-
te entière , ce qui fait qu'on la pu-
blie ici fous le titre de Fragniens
des Annales Romaines. Cependant
les Manufcrits dont nous venons de
parler , & même un troifiéme
qu'on garde dans la Bibliothèque
du Roi ne vont pas plus loin.
3°. La Chronique de Domini-
que Gravina contenant les évenc-
mens arrivés depuis 1333. jufqu'en
1350. cette Edition a été faite fur
un Manufcrit de la Bibliothèque
Impénale. M. Muratori en parle
dans des termes magnifiques ; il
nous allure qu'elle eft remplie d'u-
ne quantité étonnante de Manuf-
crits, ad/liiporem^ & que depuis le
célèbre Pierre Lambeccius qui l'en-
richit extraordinairement par fes
recherches ^ on y a fait encore des
yi8 JOURNAL D
augmentations très - confidcrables
fous l'Empereur Charles VI. au-
jourd'hui régnant. C'cll par les
foins de M. CircUi , Bolonois ,
Chevalier de l'Ordre de Chrift ,
premier Médecin Se Bibliothécaire
de l'Empereur, que M. Muratori a
profité de la permillîon que ce
Prince lui a donnée de faire copier
le Manufcrit de la Chronique de
Gravina ; c'cftlellui qu'on encon-
noifTe ; on croit donc faire plaiCit
au public en 1-^ prefcntantun Au-
teur qui )ufqu'alors avoit été igno-
ré, &c qui mérite d'autant plus de
confiance qu'il écrit en témoin
oculaire , &: quelquefois même en
homme qui a eu part aux chofes
qu'il raconte. Son ftyle eft clair ,
mais peu élégant , il lui cchape mê-
me certains dérails qui paroîtronc
petits à ceux qui ne veulent que du
grand. Mais ces détails toutmcpri-
fables qu'ils paroiffcnt d'abord ont,
dit -on , l'avantage d'attacher le
Lcdeur , & de lui mettre pour ainfi
dire les choils fous les yeux.
D'ailleuis le fujet que Gravina
entreprend de traiter cil très-inte-
relTant par lui-même ; en voici le
précis. Jeanne de Naples ayant fuc-
cedé au Roi Robert fon ayeulen
1343. & non en 1342.. comme
quelques - uns l'ont écrit , époufa
André fils du Roi de Hongrie.
Mais elle s'en dégoûta bien-tc)t , ce
jeune Prince fut trouvé mort Se jet-
te par les fenêtres. Notre Auteur
raconte fort féricufemcnt que les
infâmes Minières de la fureur de la
Reine furent contraints d'ctrangler
fon mari , parce que fa mcrc lui
ES SÇAVANS.
avoir donné un Ct-rcain anneau qui
l'empéchoit d^ craindre la violence
du fer & du poifon. Qiioiqu'il en
foit , Louis Roi de Hongrie vint
en 1 547. en Itahe pour venger cet
attentat. Jeanne*:édaà l'oray.e & fe
réfugia en Piovencc , mais dès
qu'elle fçut que le Roi de Hongrie
s'étoit retiré dans les Etats après
avoir puni les principaux compli-
ces de la mort de fon frcrc , elle
revint à Naples , & fe rendit en
peu de tems maîrrefle de toutes les
places qui lui avoient été enlevées
par les Hongrois.
Gravina qui avoir pris leur parti
& qui leur rendit de grands fervi-
ccs , fouffrit beaucoup dans ces
troubles , Se les araires du Roi de
Hongrie ayant été entièrement
ruinées en Italie , il lut contraint
de s'exiler lui-même de fa patrie où
il avoit d'abord exercé la profefllon
de Notaire.
4". Fragmens de l'Hiftoire de
Parme pjr Jean de Cornazanis , de
l'Ordre des Frères Prêcheurs. Ils
avoient d'abord été écrits en Latin,
mais il ne nous en refle aujourd'hui
qu'une Tradu.^l:ion Italienne , fai-
te par Ange- Marie Herba. On ne
fçait rien en particulier de Jean de
Cornazanis ; il n'eft pas même fur
qu'il foit l'Auteur . de l'Ouvrage
qu'on donne fous fon nom , il ne
s'étend que depuis l'an 1503. ;uf-
qu'à l'an 1355. "'^'^ en attendant
qu'on trouve quelque chofc de
plus complet fur la Ville de Par-
me , on a cru que ce morceau ne
lailTeroit pas d'être bien reçu du
public.
s E P T E M
5°. Hiftoire des Evcnemcns arri-
vés à Padoiie & dans la Lombardic
par Guillaume &c Albrigctus-Cor-
tuhi.
Ces deux Auteurs ctoient de
P.jdoiie , & d'une tamille qui y te-
noit un rang très-diftingué. Guil-
laume nous apprend qu'en l'année
13 3(5'. il ctoic nn des Magiftrats
nommés pour gouverner la Ville.
Son Hiftoire commence en 125^.
Albrigetus ou Alberghettus fon pa-
rent l'a non feulement corrigée &
adgmentée, mais il l'a continuée
jufqu'cn 1364. On prétend qu'il
avoit plus de talent pour écrire que
le premier. Mais en général il fe
font tous deux plus attachés aux
chofes qu'à la manière de les racon-
ter.
Il cil étonnant que ces Hiftoriens
contemporains de Philippe le Bel ,
racontent comme un fait certain
qu'il mourut d'un coup de flèche
qu'il reçut à la chalfe. Si on les en
croit , un Seigneur de fa Cour
voulant tuer un Sanglier qui atta-
quoit ce Prince , eut le malheur de
le percer lui-même. Ilsfe trompent
encore fur l'année de fa mort.
Cet Ouvrage fot imprimé à Vc-
nife en 16^56. avec ceux de Rollan-
din , d'Albcrtipus - MalTutus , du
\îoine de Padoiie, &c. par les foins
de Félix Ofius. Mais M. Muratori
ayant eu l'avantage de trouver cinq
differcns Manufcrits de l'Hiftoire
des Cortufii , on ne peut douter
que cette Edition ne foit infini-
ment meilleure que la première.
6°. Deux additions à la Chroni-
gue des Auteurs précedenSj laprc-
B R E , 175 5. j-i^
miere depuis 1359. jufqu'en i3(rj.
l'autre depuis l'an 1354. jufqu'à
l'an I3yi. On en a retranché tout
ce qui préccdoit l'année 1359. dans
la crainte de fatiguer le Ledcur par
la répétition de ce qu'il avoit déjà
viî dans les Kiftoricns de Padoiic.
Ces deux Ecrivains qui font Ano-
nymes ont écrit dans la Dinleclre
qui étoit pour lors en ufagc à Pa-
doiie , il eût été facile de les retou-
cher £c de les donner en Italien
pur , mais on a jugé à propos d'y
lai/Ter tout ce qui fcnt la P^navini-
té en faveur de ceux qui font ja-
loux de voir les Auteurs non com-
me ils devroient être , mais comme
ils ont véritablement été.
7°. Abrégé des adions d'Azon ,
de Lucchini , & de Jean Vifconti ,
depuis 1328. jufqu'en X34Z. par
Gualvaneus de laFlarnmade l'Or-
dre des Frères Prêcheurs.
Mathieu 'Vifconti appuyé du
crédit & des intrigues d'Othon
Vifconti Archevêque de Milan jet-
ta les premiers fondemens de la
puifTance de fa Maifon dans le Mi-
ianois. Galcas Vifconti fon fils la
foijtintavec beaucoup de courage,
jufques fous le règne de Louis de
Bavière ; dans la fuite ce Prince
ayant oublié les fervices qu'il en
avoit reçus , les Vifconti perdirent
la Souveraineté de Milan. Mais
Azon fils de Galeas y rentra les ar-
mes à la main, & trouva le moyen
d'agrandir fon Etat par la conquê-
te de plufieurs Villes voifines. Il
fut fécondé dans fes expéditions
par fes oncles Luchini & Jean Vif-
conti Archevêque de Milan. Guai-
S20 JOURNAL D
vaneus de la Flamma qui croit Se-
crétaire & Chapelain de ce Prclat ,
entreprit de décrire des évcnemens
fi glorieux à k tamille de fon maî-
tre.
Sa narration eft courte , mais
l'exaditude qui y rcgne,dcdonima-
gerabicn , félon M. Muratori , le
Lecteur du dégoût qu'il auraelïïiyé
en lifant les fables innombrables
dont Gualvaneus a farci fon Aitini-
fulus Flo-mm. Il l'accufe feulement
d'exagération dans les éloges qu'il
donne à la magnificence des Vif-
conti en décrivant les divers Edih -
ces qu'ils firent conftruire à Milan.
Mais dans une Lettre écrite à M.
Murarori en lui envoyant le Ma-
nufcrit de cctteHiftoire qu'on garde
dans la Bibliothèque Ambroifienne,
M. Salîî avaiie naturellement que
notre Auteur emporté par le goût
qu'il avoir pour le merveilleux n'a
pu s'empêcher de mêler des traits
fabuleux & romanefqucs parmi
quantité de faits fur Icfquels il doit
être cru en qualité de témoin ocu-
laire j il l'accufe encore d'avoir par
un efprit de partialité déchiié in-
juftement la mémoire de plufieurs
Papes , & entr'autres , celle de Be-
noît XII. il s'eft cru même obligé
de réfuter Gualvaneus par quelques
notes qui accompagnent cette Edi-
tion.Cependant il fe réunit avecM.
Muratori fur l'utilité qu'on peut
tirer de ce petit Ouvrage, & il alTu-
re qu'on y trouve l'éclairciflement
de plufieurs points d'hiftoirc qui
avoient été jufqu'alors peu connus.
8°. Chronique de la Ville de
Monza , où l'on traite de l'origine
ES SÇAVANS;
de cette Ville , ik des premiers
Princes de la Maifon de Vifcoiiti
par Bonincontro Morîgia.
S il en falloir croire Gafpar Bu-
gatus & Paul Morigia- Jefuate,&:
non pas .Itluitc , comme le dit
Moreri; la famille de Mo igia pafla
de Rome .\ Milan dès letenisdc
S. Ambrcife ; mais fans recourir à
la cliimcrc , on fjait que cette Mai-
fon ell très-ancienne, ôc qu'elle a
été féconde en illufiresperfonnages.
Corius dans fon Hiftoire de Milan^
parle de l'Auteur de cette Chroni-
que , mais il ne nous en apprend
rien de particulier. Son ftile elltrcs-
mauvais , mais d'un autre côté il
cft (i rempli d'expreffions tirées de
l'Ecriture qu'on feroit tenté de
croire que Morigia étoit Moine , il
paroît cependant qu'il étoit homme
d'épée , &c qu'en cette qualité il fut
chargé de plufieurs expéditions
très - importantes dans les guerres
qui régnèrent de fon tems. On voit
encore qu'il rendit de grands fcrvi-
ccs au parti des Gibelins , &: fur-
tout aux Vifconti , il fe montre
très zélé pour leurs intérêts , &
fur-tout pour foûtenir les Miracles
arrives par l'interceflîon de S. Jean-
Baptifte Patron de Monza. Il fait
profelîîon de ne raconter que ce
qu'il a vu ou entendu de témoins
non fupcds. Aulll exige- t-il de fcs
Lecteurs une crédulité aveugle.
C'eft ainfi qu'il s'en explique dans
des vers qu'il a mis à la tête de fon
Ouvrage.
Qui legts , ô Leclor , qtiodfcripjî ^
omuin vem
Snnt
SEP T E M
Sant j& ab his rtHne^uam detrahcnda
fides :
Plura mire vidi , <fuaffi/î bos cit'iHS
iret
t^thera per cœlum , i^uam avis ulU
volât.
Malgré cette proteft.ition , c'cft
alTez d'en croire Movigia fur ce
qu'il raconte depuis l'an 1300. juf-
qu'en l'an 1549. que finirent ces
Mémoires , mais dans les ficelés
prcccdens il a trop fuivi les erreurs
populaires , & cherchoit trop à re-
lever la gloire de fa Patrie pour ne
pas avoir befoin de l'indulgence
ordinaire du Lefteur pour les Au-
teurs qui ont écrit avant 1 500.
11 foûtient par exemple que tous
les Empereurs jufqu'à Henri VII.
fc font fait couronner Rois d'Italie
à Monza. Il eft vrai que cette Ville
a toujours tenu le fécond rang après
la capitale du Milanois , & que
quelques Empereurs après avoir
pris la Couronne d'Italie à Milan ,
fe font encore cru obliges de repe-
ter la même cérémonie dans Mon-
za , mais il y en a peu qui fe foient
aflujettis à cette formalité. Cette
B R E , 175 5. ^ 521
Ville a du moins été toujours fous
la protection particulière de l'Em-
pire. Elle fut fondée par Théodc-
lindc Reine des Lombards qui y fit
conftruire un Palais magnifique ,
& qui lui accorda des privilèges
confidcrablcs. Monza a confervc
fon ancienne fplcndeur long-tems
après la chute du règne des Lom-
bards , elle fut même érigée depuis
en Evêché. Sa fituation S<. fes ri-
cheflcs la rendirent l'objet de l'envie
des Guelphes & des Gibelins pen-
dant les troubles qui .igitcrent ces
fadtions , elle fut pendant long-
tems le Théâtre des guerres qui dc-
folerent l'Etat de Milan.
Il ne fiut donc pas regarder cet-
te Hiftoire comme celle d'une Vil-
le obfcurc , dont les évencmens
font peu propres à exciter la cufio-
fité. On efpcre qu'on en jugera au-
trement îc qu'on fçaura d'autant
plus de gré à M. Muratori de l'a-
voir tirée de l'obfcurité , que le
Manufcrit qui nous en relie eft
unique , mais auili par cette raifon
on a été contraint d'y lailTer des
fautes & d'en abandonner la correc-
tion au loifir 5c à la pénétration des
Ledeurs.
E FLEXIONS CRITIQVES SVR LA POESIE ET SUR LA
Peinture. Nouvelle Edition ^ revkë , corrigée O eonfidérablement augmen-
tée. A Paris , chez Manette , rue S.Jacques , aux Colonnes d'Hercule.
i73j./»-ii. î.voLTom.I.pp.49z. Tom. II, pp. 5^7. Tom. IIL pp.
3 3 8. fans la Table des matières.
CE T Ouvrige dans les Edi- avons rendu compte dans nos
tions précédentes étoit parti- Journaux du mois d'Aouftd.- i'.n-
gé en deux Volumes dont nous née 171J. il paroît aujourd'hui
Septimif. "^^^
S22 JOURNAL D
augmenté d'un troifR-nic Volume ,
dans lequel l'Auteur a placé les dé-
couvertes qu'il a faites fur les re-
prcf.ntations théâtrales des an-
ciens. Cette matière eft d'autant
plus interefiantc que l'Auteur y
combat un grand nombre de pré-
jugez que la plupart des Sçavans
avoient reçu jufqu'ici fans examen.
Comme il y a peu de gens qui
ayent une jufte idée de ce que les
anciens entendoient par ce mot de
Mufique , il y en a auffi très-peu
qui ne foicnt furpris des éloges que
les Grecs &: les Romains donnoient
à cette Science. Les modernes con-
çoivent à peine qu'on ait pu la re-
garder comme un Art dont la con-
noilTance fût d'un ufage fi univer-
fel & en même tcms 11 ncccfTaire ^
que ceux qui l'ignoroicnt paffoient
pour des gens fans éducation , Sc
comme on regarde parmi nous
ceux qui ne fçavent pas lire.
Mais cet étonnement cefTe ^
lorfqu'cn fuivant notre Auteur, on
voie clairement que la Mufique des
anciens avoir un objet beaucoup
plus étendu que la nôtre , &c qu'el-
le comprenoit plufieurs Arts diffe-
renSjdont les uns fe fontinfcnfible-
mcnt perdus , & dont les autres
qui nous reftent aujourd'hui , ne
font plus cenfcs faire partie de tout
ce qu'ils comprenoient fous le nom
général de Mufique.
Dans l'antiquité , la Poétique
ctoit un art fubordonné à la Mufi-
que -, il en étoit de même de ce
qu'on appelloit Saltation , ou l'arc
du gefte , & cet art renfermoit non
ieuletnent la déclamation avec la
ES sçavans;
manière de l'écrire en notes , mais
encore la danfe proprement dite.
Ce qui fait que les anciens Auteurs
déhnilTcnt en général la Mufique ,
tin an cjui enfeigne k fe fervir rie la
VOIX & k régler toits les mouvemens du
corps avec grâce, ^rs decoris m voci-
hns & moiibns.
Nos Sçavans perfuadés que les
termes de chant éc de da?7fe avoient
parmi les Grecs &: les Romains la
même fignification que ces mots
ont aujourd'hui parmi nous , fè
font trouvés dans de grands embar-
ras , lorfqu'ils ont été obligés d'ex-
pliquer plufieurs endroits des an-
ciens qui avoient rapport à leur
Mufique. L'Auteur montre que
dans l'antiquité ces termes étoient
pris dans un fens beaucoup plus
étendu , & l'explication qu'il en
donne fait évanoiiir les difficultez
qu'on avoir trouvées dans differens
partages d'Ariftote, de Quintilien,
de Ciceron, &c.
On trouve dans le premier Cha-
pitre une idée générale de tout ce
qu'enfeignoit la Mufique chez les
anciens , elle étoit diviféc en diffe-
rens arts qui avoient chacun leur
objet particulier. Ariftides-Quinti-
lianus & Porphyre font partagés
fur le nombre de ces Arts Mufi-
caux. L'un en compte 6 6c l'autre
n'en admet que 5. Notre Auteur,
après avoir montré qu'il n'eft pas
diflîciie de concilier ces Ecrivains ,
croit qu'on peut réduire à quatre
tous ces Arts Muficaux. Le pre-
mier, félon lui, étoit l'Art Rhit-
mique , le fécond l'Art Organique,
le troificme l'Ait Poétique , & k
SEPTEMBRE; 1755: 5-2}
iîernicr l'Art du Gcfte. ner par là une entière connoiiïaacc
L'Art Rhitmique donnoit des de leurs Arts Muficaux , il efpcre
îfcgles pour alfujettir A une mefure
certaine tous les mouvemens du
corps , &c toutes les inflexions de h
voix. L'Art Organique enfeignoit
la compoiîtion , & Texccution de
toute forte de Mufiquc inftrumen-
tale. L'Art Poétique pris dans toute
fon étendue , contenoit les précep-
tes nccclTaircs , foit pour faire des
du moins parvenir à nous taire
comprendre l'ufage qu'ils en fai-
foient dans leurs rcprefenta tiens
Théâtrales.
Pour ce qui regarde la MuHquc
des anciens confidcrce comme une
Science qui enfcigne les règles des
accords & les principes de l'har-
monie proprement dite , il n'en
vers de toute efpcce , foit pour parle qu'en palTant , il s'en rappor-
compofer toute forte de mélodie , te là-delTus à M. Burette , éc aux
ce qui comprenoit non feulement autres Sçavans qui ont traité ces
le chant mulical, ou le chant pro- matières, à quoi nous ajouterons
prement dit , mais la déclamation qu'il n'efl pas inutile de les avoir
en général. Enfin fous l'art du gefte lus pour bien entendre le Chapitre
ctoient renfermés les principes con- fécond , où notre Auteur parle de
venables pour former avec grâce
tous les mouvemens du corps ;
c'eft-à-dire , que cet artapprenoit
à exécuter par une méthode établie
fur des règles conftantes , ce que
nous ne faifons plus aujourd'hui
que conduits parl'inftind , ou gui-
dés par une routine foûtenue de
quelques obfervations.
Malheureufemcnt nous n'avons
plus ce que les anciens avoient écrit
fur la Méchanique de ces differens
Arts. Elle étoit fi connue de leur
tems que S. Auguftin dans fon Li-
vre de la Mufiquc, dit qu'il n'en-
trera là - defius dans aucun détail
de pratique , parce que le com-
mun des gens de Théâtre en étoit
la Mufique Rhitmique.
Le Chapitre troifiéme roule fur
la Mufique Organique ou inftru-
mentaie. On y fait voit par un
grand nombre d'autoritez très pré~
cifes que les anciens en avoient h
même idée que les François en ont
aujourd'hui. Les premiers en fai-
foient confifter la beauté non dans
la bizarrerie d'un chant extraordi-
naire Se recherché , mais dans une-
imitation exadc des fons que la na-
ture diverfifie à l'infini. Sans parler
des Grecs ^ les Romains avoieng
porté fi loin la Mufique Inftrumen-
tale que Quintilicn ne craint pas
d'attribuer la fuperiorité que leut
Milice avoit fur toutes les autres , à
inftruit. L'Auteur a été contraint l'habileté aveclaquelle ils fçavoienc
pour nous donner quelque notion fe fervir de la Trompette & des au-
de la Mufique ancienne , de raf-
fembler tout ce que les Grecs S>c les
Latins en ont dit par occafion. S'il
ne peut pas fe flatter de nous don-
qu4
très Inftrumcns Militaires
étoient pour lors en ufagc.
Nous remarquerons ici que l'Au-
teur prie plus d'une fois fes Lccs
Zzzij
S2A. JOURNAL t)
teurs de faire reflexion que la fcnfi-
bilité des Grecs & des Romains
ctoit infiniment plus ?,rande que la
notre. Ainh la \lufique a dû fiirc
fur eux une bien plus forte impref-
fîon qu'elle n'en fait fur nous de fur
les peuples nos voifins, à propor-
tion qu'ils font éloignes du Midi.
Cette obfervation ell nccelfiire
pour ne pas fe révolter contre ce
que les Auteurs les plus dignes de
foi parmi les anciens nous rappor-
. tent des effets furprenans que cau-
foit la Mulîquc.
Dans le quatrième Chapitre
l'Auteur explique en quoi conli-
ftoit l'Art ou la Mufique Poétique,
elle avoit deux principaux objets ,
<lont l'un regardoir la manière de
faire des vers de toute efpecc , &c
dont l'autre apprenoit à compofer
la mélodie , & ce qu'ils appelloient
chants, c'eft-à-dire & les chants
qui n'étoient proprement qu'une
déclamation, & ceux dont il reful-
toit une Muiiquc véritable, prife fé-
lon l'idée que nous attachons ordi-
nairement à ce terme. Par rapport à
la manière dont la Mélodie traitoit
fon Mode, les anciens la divifoient
en Nomique , en Dithirambiquc
& en Tragique.
Or notre Auteur foûticnt qu'en
lifanc avec attention Ariftides-
Qiiintilianus 8c Martianus Capel-
la qui ont parlé de ces trois genres
de Mélopée , on verra clairement
qu'il n'y avoit que le Dithirambi-
quc qui fcrvît à compofer des
chants proprement dits , & que
les deux autres n'étoient qu'une dé-
clamation afFujcctie aux loix de la
ES SÇAVANS.
Mefurc & du mouvcmcnr. "Peut-
on croire, dit - il , que les Athé-
niens de les autres Villes de la Grèce
qui cmployoient la Mulîque No-
mique dans la publication de leurs
Loix , les hlfent chanter par le
Crieur public , à prendre le terme
de chanter dans la lignification
que nous lui donnons aujourd'hui.
A l'égard de la Mufique Tragique,
il avoiic qu'il pouvoit y entrer
quelques chants proprement dits ,
mais il prétend en général que le
chaut qui lui étoit particulier , ne
conliftoic que dans une certaine
manière de reciter.
Cependant comme c'eftune nou-
veauté dans la Republique des Let-
tres de loûtenirque la mélodie chez
les anciens n'étoit communément
qu'une fimple déclamation , l'Au-
teur fe trouve dans la necclîîté de
rapporter un grand nombre d'auto-
ritez pour prouver la vérité du fcn-
timcnt qu'il avance , ou du moins
pour montrer fu'il n'a point grand
tort de le fo/hcTiir.
Il a pouifé même fes recherches
jufqu'à trouver la manière dont le»
anciens pouvoicnt noter la Mufi-
que Nomique ôc la Mulîque Tra-
gique. Il lui paroît très vraifembla-
blc qu'ils l'écrivoicnt avec les mê-^
mes caraiflercs , dont on fe fervoit
pour marquer les accents , & quel-
ques-uns de nos Muficiens l'ont af-
furé , qu'il ne fcroit pas impollîble
de noter ainiî la déclamation qui
cft en ufage fur nés Théâtres.
Après avoir touché quelque cho-
fe de h Mufique Nomique ou Lé-
gale , il xcovoyc pour la Mufique
s E P T E M
Dithirambiquc à ce qu'en a écrit
M. Burette Tome cinq de l'Hilloi-
re de l'Académie des Belles-Lettres;
mais il s'attache particulièrement à
la Mélodie Tragique ou Théâtrale,
^ il montre que quoiqu'elle s'écri-
vît en notes , c'eiî s'en former une
idée trcs-faufTe , que delà regarder
comme un chant proprement dit.
En partant de ce principe , il a
l'avantage d'expliquer aiiément
( chapitre cinq ) pludeurs endroits
de la Poétique d'Ariftotc qui a-
voient été jufqu'alors l'écueil &C le
defefpoir des Commentateurs. Il
nous fait fentir par deux palTagcs ,
l'un de Quintilien & l'autre d'O-
vide , que ces mots Carmen &c Fer-
fus , quoique fouvent employés
l'im pour l'autre , fignihoient ce-
pendant quelque choie de très-dif-
rerent i pat le fécond en n'enten-
doit proprement que Je Rithme
& le Métré qui conftituoit le vers ,
mais le premier fignifioit de plus
que la manière de le reciter étoit dé-
terminée par certains caradercs qui
étoient écrits au-dtffus du vers mê-
me. Il montre cnfuite que les
Grecs & les Romains fe fervoient
du mot de chanter , non feulement
pour exprimer le chant mufical ,
mais auiïï toute forte de déclama-
tion & même de recitation. Il faut
lire cet endroit dans l'Auteur.
Il y répond en particulier àl'ob-
jedion tirée des Chœurs que
les anciens faifoient entrer dans
leurs Tragédies , où il femble que
les Afteurs chantaffent en Mufique
harmonique.
La déclamation théâtrale étoit fi
B R E , 175?; rîT
variée que pour empêcher l'Adeur
de faire de faulTcs inflexions de
voix , il étoit toujours foûtenu d'un
inftrument qui l'accompagnoit, &
l'on n'ignore pos que C. Gracchus
lorfqu'il harangiioit , avoit toû-
jonrs près de lui un cfclave qui lui
donnoit fur une flûte les tons pro-
pres à fon fujct. Mais il ne faut pas
fe faire de cet accompagnement la
même idée que nous nous for-
mons de la Baflc continue des
Opéras. Il efl; vrai que dans les Mo-
nologues que les anciens appel-
loicnt Camica , la Bafle étoit beau-
coup plus travaillée que celle des
Dialogues ; parce que la déclama-
tion des Monologues étant remplie
pour l'ordinaire de grans mouve-
mens,elle approchoit davantage du
chant proprement dit.
Il y avoit encore une grande
différence dans la manière dont on
déclamoit la Tragédie & la Comé-
die. Le Comédien recite , difoic
Apulée , celui qui joiie la Tragédie
crie à pleine tête , Comitdus femio-
clnatur , Tragadus vociferatur.
Parmi les Grecs les Poètes fai-
foient eux - mêmes la Mufique ,
c'cft-à-dire la déclamation de leurs
Pièces , mais chez les Romains
l'art de compofer la déclamation
des Ouvrages de Théâtre faifoit
une profclHon particulière. On au-
ra moins de peine à concevoir la
poiîîbilité de cet art , quand on
fera reflexion que dans leurMufi-
3ue les progreflîons fe faifoient par
rt intervalles moindres encore
que les intervalles ■ les plus petits
qui foient en ufage dans la nôtre.
S26 JOURNAL D
Une preuve qui paroît dccifivc
en faveur de l'Auteur , c'cfi; que
dans l'anciquitc h déclamation
théâtrale ctoit fouvL-nt partagée
entre deux Acteurs , dont l'un
étoit charoc de prononcer , & l'au-
tre de gefticulcr-, & comment au-
roient-iis pu s'accorder r.ntr'cux &
avec l'accompagnateui , fi la dé-
clamation n'avoit pas été notée ? ce
qu'on appelloit Canticurn ou Mo-
nologue s'exccutoit toujours de la
forte , il n'y avoit que les Dialo-
gues Div:rbia dont l'action ell or-
dinairement lente 6c modcice , où
le même Adlcur récitât & fit en
même temsle gefte. QiieJque bizar-
re que paroiire cet ulagc Tite-Live
en rapporte l'origine d''me manière
Ç\ claire & fi pitcile qu'il n'cft pas
polîîble de îui donner un autre
fens ; cependant l'Auteur à cru de-
voir enccve appuyer cette décou-
verte par le témoignage de plu-
fieurs anciens Auteurs. Diverfes re-
flexions qu'il fait enfuite fur la
conftrudion des Théâtres des an-
ciens & fur la forme du mafque
que les A(îteurs portoient , mon-
trent que cette manière de partager
ainfi la déclamation entre deux
pcrfonnes pouvoir avoir fcs avan-
tages , & qu'elle ne devoit produi-
re aucuns des mauvais effets qui fe
prefentent d'abord à l'efprit ,
quand on juge des reprefcntations
des anciens par celles que nous
voyons aujourd'hui.
Ces remarques conduifent l'Au-
teur à parler ( chap. 15. ) de l'art
du gcftc , qui étoit chez les anciens
une des efpeces dans Icfquelles l'art
ES SÇAVANS,
delà dani'.- ie divifoit. Les Grecs le
nommoient orch:/is & 1rs Latins
faltaiio. Mais rh;bituds où font
nos Traducteurs de rendre indiffé-
remment ces deux mots par celui
de danfcjfait qu'on leur donne fou-
vent un fens tout oppofé à celui
qu'ils ont dans les originaux. Les
anciens entendoienrlouvent parle
mot Az f.dtation , l'art du gelîe qui
n'etoit qu'une imitation des diffé-
rentes démonftrations dont les
hommes accompagnci^t ordinaire-
ment leurs difcours , Se dont ils
fe fervent quelquefois pour faire
connoître leurs fentimens fans les
exprimer par des paroles. » C'cft
» ainfi , dit-il, que David dinfoit
« devant l'Arche en témoignant
n par fon attitude 3c par des geftes,
y> le profond rcfpcct qu'il avoit
n pour le gage de l'alliance du Sei-
» gneur avec le peuple Juif. « La
danfe prife dans ce fens était celui
de tous les arts que les Romains
cultivoient avec le plus d'attention,
& l'Auteur prouve qu'ils em-
ployoicnt le mot àcfaltation dans
des rencontres où il eft impolfible
de l'entendre d'une danfe pareille à
la nôtre.
De h faltation en général l'Au-
teur paffe ( chap. 1 5, ) à la faltation
théâtrale , on y voit les différentes
méthodes qu'elle prefcrivoit félon
les differcns genres des Pièces.
Comment , dira-ton , les anciens
avoient - ils pu réduire cet art en
préceptes. Se trouver des caracfteres
propres pour l'exprimer ? Mais ,
répond l'Auteur , eft-il plus diffici-
le d'apprendre par des notes la ma-
SE P T E M
niere de déclamer une pièce de vers
que de s'inftruir; aulîl par certains
caraderes des diferens pas qu'il
faut former pour exécuter telle &
telle danfe. Cependant la Corégra-
phie de Fcuillée n^ontreque le der-
nier eft très - poiîîble , pourquoi
donc le premier ne le feroit-il pas î
Les Critiques qui ont travaillé
fur la Poétique d'Ariftote trouvent
très-ridicule que les chœurs des an-
ciens danfaflent même dans les en-
droits les plus triftes desTragedies.
Mais ce qu'ils appellent danfe n'a-
voit rien de femblable à nos Balets.
Ce n'étoit autre chofe que des ge-
ftcs & des démonftrations par lef-
quelles les perfonnages des chœurs
cxprimoient leurs fentimens , foit
qu'ils parlaiTent , foit qu'ils témoi-
gnaflent par un jeu muet , combien
ils étoient touchés de l'événement
auquel ils dévoient s'interclTer.
L'Auteur nous fait un tableau des
Chœurs des anciens d'autant plus
curieux qu'il eft fort différent de
l'idée que chacun s'en forme d'a-
près les Chœurs de nos Opéras.
On verra avec furprife dans le
chap. 15. jufqu'où les anciens por-
toient l'exécution de leurs Pièces
de Théâtre, la paflïon qu'ils avoient
pour ces fortes de reprefentations ,
les dépenfes immenfes qu'ils y pro-
diguoient, les récompenfes excelîî-
ves qu'ils donnoient aux Aifleurs ,
l'étude que ceux-ci faifoient pour
B R E , 1755:
le perfedionner dans leur art , &
les précautions extraordinaires
qu'ils prcnoient pour fortifier ou
pour confcrvcr leur voix.
Cette matière engage l'Auteur
à parler des Pantomimes. Tout ce
qu'il en dit ( chap. 1^. ) eft égale-
ment interelTant & propre à nous
faire connoître le Théâtre des an-
ciens. Enfin il examine dans le der-
nier chapitre quels étoient les avan-
tages & les inconveniens qui pou-
voient refulter d'une déclamation
eompofée & tout balancé de part &
d'autre , il la croit préférable à la
déclamation arbitraire. En fuppo-
fant même qu'une recitation fixée
Ci déterminée par des notes dût ra-
lentir le feu Se l'aiftion des bons
Comédiens , il paroîc certain que
ce qu'on perdroit dans leur jeu, fe-:
roit bien compenfé par ce qu'on
gagneroit dans celui des Comédiens
qui joiient les féconds rolles. D'un
côté elle fuppléeroit au défaut d'in-
telligence dans le Comédien fans
génie , &c de l'autre comme il feroit
impofllble qu'elle pût tout expri-
mer j elle iaifteroit encore beau-
coup à faire à l'homme qui fer(A
confonimé dans fon art. L'afTuje?
tiftement à fuivre laMufique de nos
Opéras empêche-t-il nos excellens
Adeurs de mettre des grâces dans
leurs geftes & de l'expreffion dans
leurs chants.
J28 JOURNAL DES SÇAVANS,
RECVEIL DES PRINCIPALES DECISIONS SVR LES
J^aticrcs Bénéficiales , extraites des Canons des Conciles , des plus cHébres
Jouteurs , conformes aux Edits & Déclarations d:i Roi & à U^urifpru.
dence des Parlemens du Royaume & du gr^nd Confeil. Nouvelle Edition ,
revûë , corrigée & augmenté de plus de moitié. Par M. R. Drapier , Avocat
ait Parlement. A Paris , chez. Nicolas-Pierre Armand ^ rue S. Jacques,
àrimage S. Benoît. 1732. in-ii. 1. voL Tom. I. pp. ^84. Tom. II.
pp. 564.
CE T Ouvrage cft un peu chan-
gé par rapport à la forme de
ce qu'il étoi: dans la première Edi-
tion. L'Auteur avoit cru mettre
fon Livre plus à portée de ceux
qui commencent a étudier les ma-
tières Bénclïciales , en Icûifpofant
par demandes &: par rcponfes.Mais
le public ayant fait connoître à NL
Drapier qu'il fouhaitoit que ce Re-
cueil ne fut point tn terme de Ca-
techifme , il retrancha les deman-
des , & il reduifit ce qui formoit
des réponfes en fimples maxi-
mes. Au fond ce Recueil cfl:
augmenté ttcs -confiderablement,
les maximes ou les décilîons
qui le compofcnt , montent, à ce
que l'Auteur affure , a plusde quin-
ze cens. Pluficurs de ces maximes
"font fondées fur ceux dcsTextes du
Droit Canonique qui on: été fuivis
dans la Jurifprudencc Ecclefialti-
quc du Royaume , fur des difpofi-
tions d'Ordonnances , & fur des
Arrcfts de reglemcns. Il y en a d'au-
tres qui ne font fondées que fur des
confequcnces tirés des principes ou
des loix , d'autres que l'Auteur n'a
appuyées que de l'avis de quelques
Canoniftes & des Arrefts. M. Dra-
pier avertit à l'égard de cette der-
nière efpccc de décifîon? , qu'il ne
faut pas leur donner plus d'étendue
qu'elles n'en ont en elics-mcmes.
Quand j'appuye , dit-il, une déci-
fion d'un Arreft , il n'en faut pas
conclure que cette maxime foit ab-
folument certaine , cela fignific
feulement que tel Tribunal a déci-
dé telle chofe. On fçait que les Ju-
nfprudenccs ne font pas uniformes
&c qu'un feul Aircft ne forme pas
une Junfprudcnce.
Ces décifions font rangées fous
27 Titres qui compofent autant de
Chapitres. L'Auteur ayant parlé
dans les premiers Chapitres des Bé-
néfices & de leur origine, vient aux
différentes efpcces de vacances de
Bénéfices par dévolut, par le défaut
de capacitez & les inhabilitez de
ceux qui font pourvus de Bénéfi-
ces , par l'mobfervation dans les
titres des pourvus des règles de la
Chancellerie Romaine qui font ad-
mifes en France. De ces différentes
cfpeces de vacances il paffe à la
collation des Bénéfices par lesCol-
lateurs ordinaires , ce qui lui donne
lieu de tuiter de la dévolution , de
la prévention , du droit de patro-
nage , de larcfignation , de la pcr-
mucacion , de la régale. Les Cha-
pitrée
I
s E P T E M B R E. I 75 5. S^^
pitres fuivans regardent les diffe- font déclarés incapables de polTe-
rentes efpeces d'expeûatives , l'in
dult du Parleinent , les brevets
de joicux avènement & de fer-
ment de hdélité , & les graduez ;
l'Ouvrage finit par des Obferva-
tions fur la procédure par rapport
au poffeHoire des Bénéfices. Il y a
des matières imuortantcs qui n'en-
troient point naturellement dans
•cet ordre, & que l'Auteur a placées
iur les îi'rcs qui lui ont paru y
avoir plus de rapport. Il a traité par
exemple des peniions , après avoir
parlé des refignations en laveur &
<àcs permutations.
iJ Jious lliftîra de rapporter ici un
exemple des additions faites dans
cette nouvelle Edition. La queftion
s'eft prefentée au grand Confeil , fi
un Bénéfice-Cure de l'Ordre des
Prémontré ayant été pofledé pen-
dant un ficelé & demi par plufieurs
Séculiers , devoit être conféré à un
Prémontrés, de manière qu'un gra-
dué feculier ne la put requérir. Cet-
te queftion fut jugée le 4 Aouft
1730. en faveur du Frère Charles
Dupont Prémontré , au fujet de la
Cure de S. Maxtin des Champs au
Diocéfc de Coutance contre les
Sieurs Claude le Paige & Gilles le
Loutre. Les motifs de l'Arreft rap-
porté par notre Auteur , font que
ce Patronage avoit été aumône avec
l'Eglife & fes dépendances aux
Chanoines Réguliers de la Luzer-
ne , par les Patrons Laïcs de cette
Parroiffe -, que par une Bulle de
Clément V. du 3 Odobre 1308.
«ue Jean XXIII. a confirmé par
une Bulle de 141 3. les Séculiers
Se.ptemk.
der les Cures qui font de l'Ordre
de Prémontré , &: que les Supé-
rieurs peuvent en difpofer en fa-
veur de leurs Religieux toutes hs
fois qu'ils le jugent à propos. Les.
privilèges de cet Ordre ont été au-
torifés parle Concile de Balle & par
des Lettres-Patentes cnregiftrces au
grand Confeil. M. Drapier ajoute
qu'il y avoit déjà plulîeurs Arrefts
fcmblables rendus en faveur de
l'Ordre de Prémontré. Il en cite un
de l'année 1713. pour la Cure de
Marcelcaure dans le Diocéfe d'A-
miens.
Cependant notre Auteur rappor-
te un Arrcft rendu au grand Cort-
feil le 27 Novembre 1724. par le-
quel un Séculier a été maintenu en
poifciiion de la Cure d'Odeville
contre le Frère Boivin Prémontré ,
parce que ce Bénéfice avoit été pof-
fedé de tems immémorial par des
Séculiers. Vous ne pouvez faire va-
loir , difoit - on au Frère Boivin ^
l'imprefcriptibilité de la régularité,
parce que cette Cure étoit Séculiè-
re dans l'origine , & que le Sei-
gneur du lieu qui a cédé le Patrona-
ge dans le quatorzième fiécle ,'
n'ayant pu y prefenter que des Sé-
culiers , les Religieux de Blanche-
Lande n'avoient pu avoir plus de
droit que leur Auteur. On avoic
même été dans cette caufe , jufqu'à
attaquer le privilège que prétend
avoir fur ce fujet l'Ordre de Pré-
montré , & l'on prétendoit que
cette Bulle dérogeant au droit
commun qui établit la prefcription
par rapport à la régularité des Bç=
y5o JOURNAL D
néficcs, il ne futlîfoit pas pour
qu'elle cîit fon cflct , qu'elle eût été
pour ainli dire glifféc au nombre
des privilèges dont on avoir de-
mandé au Roi le renouvellement ,
.& qu'il en faudroit un cnrcgiftre-
ment particulier. Maisl'Arreft du
4 Aouft 1730. fait préfumer qu'on
ES SÇAVANS,
ne s'étoit pas arrêté à ce moyen en
jugeant l'affaire de la Cure d'Ocle-
villc , mais feulement à celui qui
éroit fondé fur la circonftancc par-
ticulière qu'il n'y avoir que le Pa-
tronage de cette Cure Séculière qui
eût été cédé à une Abbaye de
l'Ordre de Prémontre.
HISTOIRE ANCIENNE DES EGYPTI EN S , D ES
Carthaginois , des Ajfynens , des B-^hy Ioniens ^ des Médes & des Perfes ^
des Macédoniens , des Grecs. Par M, Roiltn , ancien ReEleur de l'Vni~
verjtté de Pans , Profcjfenr d' Elo(^Hence , au Collège Royal , & Aff'Cti à
l'Académie Royale des Infcriptioiu & Belles-Lettres. Tome V. A Paris ,
chez la Veuve £//>««? , Libraire, rue S. Jacques , vis-à-vis la rue du
Plâtre, à la Vertu. 1733. /M-12. pp. ^50.
CO M M E ce cinquième Vo-
lume publié dès le commen-
cement de cette année doit être fui-
vi d'un fixiéme vers le mois d'Août
prochain ; l'Auteur s'eft cru obligé
de nous appiendrc dans un Aver-
tilfement , les railbns de cette ex-
trême diligence qu'il marque à fer-
vir le Public , en lui fournilTanc le
double du tribut annuel qu'il avoit
coutume de lui payer. Deux caufes
y ont principalement contribué,
outre l'affiduité ordinaire de l'Au-
teur à ce travail. En premier lieu ,
les fecours confiderablcs qu'il a ti-
ïés de plufieurs Livres où font trai-
tées à tond la plupart des matières
<jui dévoient remplir les deux Vo-
lumes dont il eil queftion *, rien
n'épargnant plus de rems ( dit-il^
«jue la commodité de trouver une
partie de la bcfogne faite par d'ha-
biles Ouvriers , flc de n'avoir plus
qu'à l'adopter. En fécond lieu , l'a-
.Vantage de pouvoir palier près de
4 mois de fuite au voifinagc de Pa*;
ris dans une agréable cimpagnc ,
qui lui offre tout ce qu'il peut fou-
haiter pour l'étude & pour le délaf-
fcmcnt ; Ck où deux illuftres frères^
également diftingués l'un dans l'E-
glife tk l'autre dans l'Epée , veulent
bien lire & relire fes Ouvrages
avant qu'ils paroilfcnt, & l'aider
de leurs cxccUcntPs reflexions. Ces
deux circonftanccs ont beaucoup
accéléré la publication de ce Volu-
me , qui contient le reftc du dixic^
me Livre & les trois fuivans.
En donnant l'Extrait du Tome
précèdent , nous en demeurâmes
au commencement de ce dixième
Livre , où il s'agit des mœurs &
det coutumes des Grecs , & nous-
remîmes ce détail au tcms où l'Au-
teur acheveroit de nous en inftrui-
re -, ce qu'il exécute à la tête de ce
cinquième Tome. Nous commen-
cerons donc ici notre Extrait par la
fin du quatrième Volume. L'Au-
s E P T E M
tenr y réduit d'abord fa matière à
trois principaux chefs , qui font
1°. le Gouvernement Civil , z°. h
Guerre , 3'. la Religion , & il fc
renferme fur tout cela dans ce qui
concerne les Lacédémoniens de les
Athéniens , qui ont toujours tenu
le premier rang parmi les Grecs.
I. Le Gouvernement à Sparte,
dépendoitdc deux Rois , de z8 Sé-
nateurs , & de cinq Ephores , qui
avoicnt autorité , &C fur les Séna-
teurs, Se furies Rois mêmes , qu'ils
croient en droit de faire emprifon-
ner , préfidant de plus à l'éledion
des Magiftrars , aufquels ils fai-
foient rend) e compte de leuradmi-
niftration. Le pouvoir des Rois
«toit fort borné , fur-tout dans la
Ville 5c pendant la paix. Mais en
tcms de guerre, le commandement
des flottes & des armées les ren-
doit plus puifTans , quoiqu'ils fuf-
fent brides alors par des Infpec-
teurs qui leur tenoient lieu d'un
Confcil neceffaire. Les affaires fe
propofoicnt dans le Scnat ; mais fes
Décrets n'avoient nulle force , fans
la ratification du peuple. Tant que
les fages loix de Lycurgue domi-
nèrent à Sparte & y furent pour
ainfî dire , l'ame du Gouverne-
ment , jamais on n'y vit de fedi-
tions populaires , jamais aucun par-
ticulier ne tenta d'y ufurper l'auto-
rité fouvcrainc , jamais Roi n'en-
treprit de s'élever au - deflus des
loix.
Rien ne contribuoit d'avantage
au maintien de celles - ci , que le
refped & la foûmiflîon que l'on
infpiroit poui eUes ôc pour lesMa-
B R E , 17 ? ?: yji
giftrats aux jeunes gens dès l'âge le
plus tendre ; ce qui joint à la vie
dure , frugale &c tempérante à la-
quelle on les accoûtumoit , les ren-
doit toujours prêts à obcjr, & mer-
veilleufement propres à fouîcnir
les fariçTUcs de la guerre. A ce par-
raitallujettillcmcnt aux loix , Ly-
curgue joignit l'amour de la pau-
vreté qu'il fçut introduire à Lacé-
démone, en y décriant les richefles,
le luxe , la magnificence , & ea
fubftituant la monnoye de fera cel-
le d'or & d'argent , qui jufqu'alors
y avoir eu cours.
M. RoUin regarde le violement
ouvert des loix de ce grand Légif-
lateur co.mme l'Epoque de la pre-
mière décadence de Sparte. Ce fut
l'ambition de régner fur toute la
Grèce qui lui fit naître l'envie d'a-
voir des armées navales & des trou-
pes étrangères : il fallu: , pour les
entretenir , rappeller avec l'or 8c
l'argent tous les vices 8c tous les
crimes que la monnoye de fer avoit
bannis, ôc qui après pluficurs révo-
lutions caufcrent la ruine de cette
Republique. L'Auteur termine
l'article du Gouvernement de Spar-
te par un parallèle des loix de cet
Etat avec celles que Minos avoit
établies en Crète : d'où il paroît
manifeftement que Lycurgue s'é-
toit prefque toujours propofé cel-
les ci pour modèle dans l'établilTe-
ment des fienncs.
M. Rollin ne confidcre ici le
gouvernement des Athéniens , que
depuis qu'ils devinrent un Etat po-
pulaire, & fe conduifirent félonies
loix de Soion : fur quoi il ex-mittC
A a a a ij
jr?a JOURNAL D
diffcrcns chefs , tels que le tonds de
ce gouvernement , les habirans
d'Athènes , le Confeil des 500 ,
l'Aréopage & les divcrsTribunaiix,
les Airembifces du peuple , les reve-
nus de la Republique , l'éducation
de la jeunefTc.
Solon , dont la principale vue
étoit d'établir , autant qu'il fcroit
poflîble , une forte d'égalité entre
les Citoyens , h'ûTi. les Charges ,
comme auparavant , entre les
mains des riches , mais en donnant
aux pauvres quelque part au gou-
vernement. C'eft-à-dire , qu'il di-
flribua le peuple entier en 4 claffes
fuivant le revenu annuel de chaque
particulier ; que feulement dans les
trois premières on choiiilToit les
Magiftrats Se IcsConimandans , ic
que la dernière ou celle des Merce-
naires & des Ouvriers n'avoir d'au-
tre droit que celui d'opiner dans
les aflcmblées & dans les jugemens
du peuple.
Athènes avoit trois fortes d'ha-
bitans ; i". Les Citoyens , qui l'é-
toicnt ou par nai (Tance ou paï
adoption , &: fur la lifte defqucls on
n'étoit infcrit qu'à l'âge de 10 ans ,
5c après avoir prêté le ferment que
rapporte ici l'Auteur , & dont la
formule eft très - remarquable '• 2".
Les étrangers-, qui fans entrer pour
rien dans l'adminiltration des aftai-''
res publiques , exerçoient feuie-
nienrle commerce &: diffcrcns mé-
tiers , en payant tribut à l'Etat : j°.
Les Serviteurs, qui étoientdedcux
cfpcces -, les uns de condition libre,
mais réduits par le mauvais état de
leurs affaires à fe mettre en fervitu-
ES SÇAVAKTS,
de -, les autres, efclavcs, ou pris à la
guerre , ou achetés de ceux qui en
taifoicnt trafic. La condition des
rmsotdes autres étoit beaucoup plus
douce dans Athènes , que par-tout
ailleurs. Ils y avoienc des azyles
contre la tyrannie de leurs maîtres,,
qu'ils pouvoicnt même en certains
cas appcUcr en jufticc.
Le Confeil ou Sénat des joo-
preparoit les affaires qui dévoient
être portées devant le peuple. Ces
Sénateurs étoicnt tirés au fort dans'
les dix Tribus qui compofoicnt le
peuple d'Athènes , &C dont chacune-
en tourniffoit 50. Ils avoient leurs.
Préfidens appelles Prytaaes , &:
dont la Prèlldencc ne duroit que-
3 5 jours. L'Aréopage étoit un autre
Confeil, où le nombre des Séna-
teurs n'étoit point fixe , montant,
quelquefois jufqu'à deux & trois-
cens. Ce Sénat étoit chargé du foin
de faire obfervcr les loix, dcl'inf-
peèlion des mœurs, & fur-tout du
jugement des caufcs criminelles lie
des affaires delaReligion.il tenoitfcs-
Séances à découvert & pendant la
nuit; fa févérité étoit extrêmement'
redoutée , 8c il étoit défendu aux
Orateurs qui y plaidoicnt d'em-
plover ni exorde , ni péroraifon, ni-
rien qui put exciter les pallions
dans les Auditeurs. Ces Aièopagi--
tes étoicnt inexorables pour les
meurtriers ; Se l'on dit qu'ils con-
damnèrent un enfant qui mcttoit
fon plâilir à crever les yeux des
Cailles ; cette inclination fangui-
naire leur paroiffant la marque d'un
très-mauvais naturel , qui pourroit
un joui devenir funeftc à pluficurs,.
s E P T E M
^ on la laifibit croître impunc-
inent. L'Auteur paffe légèrement
fur ce qui conccrnoit les Archontes
& plufieurs autres Magiftrats.
Il s'étend d'avantage fur les af-
femblécs du peuple , fur la maniè-
re dont on les tcnoit, fur les affaires
qui s'y décidoient : fur les divers
Tribunaux & fur la manière dont
on y jugeoit les procès : il parle
aufll du fameux Confeil des Am-
phidvons , quoiqu'il ne fût point
particulier aux Athéniens , mais
qu'il fut comme la tenue des Etats
de toute la Grèce. Il fait mention
des revenus d'Athènes, qui du tems
de la !J;uerrc du Péloponnéfe , mon-
tèrent à zooo talens ou à fix rail-
lions de notre monnoyc -, & qui
croient de quatre cfpcces , félon
qu'ils provenoient de la culture
des terres , des contributions tirées
des alliés , des importions par tête,
&^ des amendes.
M. Rollin termine ce qu'il avoit
à nous apprendre fur le gouverne-
aient de cette Republique par ce
qui regardoit l'éducation des jeunes
gens , laquelle ne faifoit pas uns
partie peu importante de îa politi-
que d'Athènes. Elle confiftoit,cette
éducation , dans les exercices du
corps , tels que la danfe , la mufi-
quc ; la chafTe , les autres fortes de
gymnaftique , & dans les exercices
de l'efprit , tels que l'étude de la
Grammaire , de la Poëfie, de l'Elo-
quence , de la Philofophie & des
Mathématiques ; toutes ces Scien-
ces ne brillant nulle part avec plus
d'éclat , que dans une Ville qui en
étoit proprement l'Ecole ôc le do-
B R E ; 175 5; 5-5 î
micile. L'Auteur fe contente de
toucher légèrement ici tous ces
points. '
1. Il palTe à l'article de la guerre,
& il pofe d'abord comme un fait
confranc ^ qu'à l'exception des Ro-
mains , aucun peuple de l'Antiqui-
té ne peut le difputer aux Grecs
pour la vertu militaire ; & qu'en ce
genre les Lacédémoniens & le»
Athéniens l'emportèrent fur tous
les autres. Toutes les loix de Sparte
Si tous les établiflTemens de Lycur-
gue n'avoient d'autre objet que k
guerre , &: ne tendoicnr qu'à faire
de la Republique un peuple de Sol-
dats. Une de ces loix étoit de vain-
cre ou de mourir , & de ne jamais
fe rendre à lennemi. Les Athéniens
élevés moins durement que les La-
cédémoniens n'avoient pas moins
de courage. Ils joignoicnt à la gloi-
re des armes celle des Lettres & de
tous les arts utiles à la focieté. Les
fameufes batailles de Marathon &
de Salamine , où feuls ils avoient
foûtenu le choc des Baibares &
remporté fur eux une vidoire fi-
gnalèe ; des recompenfes & des
marques d'honneur accordées à
ceux qui s'étoient diftingués dans
les combats ; laloi quiordonnoit
que ceux qui auroient été eftropiés
à la guerre feroient nourris aux dé-
pens du public ; toutes ces confidc-
rations rehaulfoient infiniment le
courage des Athéniens , &: ren-
dodent leurs Troupes invincibles ,'
quoique d'ailleurs peu nombreu-
fes.
Les armées , tant à Sparte qu'à
Athènes , écoient compofée» de
J34 JOURNAL D
quatre fortes deTroupcs; Citoyens,
allies , mercenaires, efckvcs ■ & les
alliés y faifoient le plus grand nom-
bre , étant payés par les Villes qui
les envoyoicnt. L'Infanterie croît
compofée de Soldats ou pefam-
ment armés qui en taifoient la prin-
cipale force , ou armés à la légère ,
c'eft- à-dire d'arcs 8c de frondes. A
l'égard de la Cavalerie , les Spartia-
tes ne commencèrent à s'en fervir
que depuis la guerre de MclTene ,
où ils en fentirent le befoin. Elle
étoit encore plus rare chez les
Athéniens , à caufe de la fituation
du pays coupé de montagnes : &
dans les plus beaux tems de la Gré-
ce la Cavalerie Athénienne mon-
toit à peine à 300. Chevaux , ne s'é-
tant multipliée dans la fuite que
jufqu'à 1 200. En recompenfe ,
Athènes s'étoit acquis , dans la
Marine, une grande fupériorité fur
tous les Grecs par le nombre de fcs
Vaiflcaux de guerre & de fes trou-
pes qui y fervoient. L'Auteur dé-
crit les différentes formes de ces
Vaiffcaux , leurs diverfes parties ,
leurs ufagcs , leur manœuvre ; &
il emprunte ce détail de Dom Ber-
nard de Montfaucon , dans Ion An-
tiquité expliquée. Il parle aulli de la
paye que rcccvoient les Rameurs ,
les Matelots & les Soldats tant fur
terre que fur mer.
Il nous donne à la fin de ce cha-
pitre le caraélerc particulier des
Athéniens , dont Plutarquc lui
fournit prcfque tous les traits. Le
peuple d'Athènes ( félon cet Au-
teur ) 1°, fe laiflToit ailément em-
porter à la colère , Se ca icvenoit
ES SÇAVANS.
avec la mcinc f icilitè : z". Il aimoit
mieux failir brufqucmcnt une affai-
re par lui-même , que de s'en faire
inrttuirc à fond & à loifir : 3*'.
Comme il fccouroit volontiers les
gens de baffe condition , il écou-
toit de même les difcours affaifon-
nés de plailanterics : 4°. Il prenoic
plaifir à être loiié , &: fouftroitfans
peine la raillerie & la critique : 5**.
Il fe rendoit redourable à ceux
même qui le gouvcrnoicnt , Si. il
avoir de l'humanité même pour fes
ennemis : 6°. Il étoit attentif aus
règles de la politcffc- , &c trcs-déli-
cat fur les bien - féances : 7°. Son
goût pour tous les Arts & pour
toutes les Sciences eft fuffifàmment
connu : 8°. Il avoit de très grandes
vues & portoit fes prétentions très-
haut : 9". Ce peuple (î grand &C fi
fier dans fes projets ne coiifervoit
rien de ce caradere dans tout le re-
fte ; il étoit frugal , fimple , mode-
fte , pauvre , dans tout ce qui con-
cernoitla vie privée ; mais en mê-
me tems fomptucux &: magnifique
pour tout ce qui pouvoit faire bon-
heur à l'Etat: 10". » Athènes a eu
n la gloire d'avoir nourri & formé
» dans fon fein tant d'hommes ex-
» ccUens pour l'art militaire, pour
j> le gouvernement , pour la Philo-
)>fophie , pour l'Eloquence , pour
» la Poëfic , pour la Peinture , la
» Sculpture , l'Archftedure ; d'a-
»voir fourni elle feule plus de
» grands Hommes en tout genre
» qu'aucune autre Ville du mon-
» de i d'avoir été en quelque forte
» l'Ecole & la maîrrcffe de prefquc
» tout l'Univers } d'avoir fcrvi Sc
s E PT E M
M de fervit encore de modèle à
» toutes les Nations qui fe font pi-
» quécs de bon goût ; de leur avoir
» donné le ton ic prcfcrit la loi
»pour tout ce qui regarde les ta-
» iens & les produâiions de refpiit:
11°. Enfin l'amour & le zélé pour
la liberté éroit la qualité dominan-
te des Athéniens de le grand mobi-
îe de leur gouvernement. L'Auteur
termine ce caraûere des Athéniens
en le comparant avec celui des La-
cédémoniens ; & il tranfcrit ce pa-
rallèle d'après M. Boffuet.
3. M. Rollin, après quelques
réflexions générales fur le Paganif-
me ( pai lefqu elles d.bute le cin-
quième Voli!me ) vient à ce qui
concerne en particulier la Religion
des Grecs ; &c il réduit cette matiè-
re fi vafte pareile-mcme , à 4 arti-
cles , qui Ibnt i". les Fêtes ■, 1°. les
Oracles , les Augures , les Divina-
tions -, 3". les Jeux & les Combats ;
4° les Spedlacles &i les Rcprefenta-
tions de Théâtre.
Parmi le nombre prefque infini
de Fêtes qui le ci icbroient dans
différentes Vill'-j d la Grèce , &
fur-tout dans Athènes; TAuteurfc
renfi:rme dans la defcription des
trois plus célèbres , qui font les Pa-
nathénées , celles de Pacchus & les
Eleufiniennes. Les Panathénées ,
grandes & petites , dans iefquellcs
les Athéniens fe mettoicnt fous h
protedion de Minerve , confi-
ftoient en trois fortes de combats ,
pour icfquels on diftribuoit des
prix , & qui étoient ceux de la
courfe à pied & à cheval , avec des
flambeaux aUuxnési les Gymniqucj
B R E ; 175 ?J SiS
ou ceux des athlètes , & ceux de
Mufique & de Poefie , où l'on
chantoit les loiiangcs d'Harmodius
& d'Ariftogiton, aufquelles enjoi-
gnit dans la fuite l'éJoge de Thra-
fybule. Ces combats étoient fuivit
d'une proceflion générale , où l'on
promenoit en grande pompe un
Vaiffeau équipé de voiles & de
mille rames , & qu'accompa-
gnoient tous les Citoyens partagés
en quatre troupes , celle des vieil-
lards , celle des hommes faits ^
celle des jeunes gens de l'un
& de l'autre fèxe , & celle des en-
fans. L'Auteur décrit adez au long
la Fête 6i les Myftéres d'Elcufis u
fameux dans toute l'Antiquité
Payenne.
Entre les Oracles de la Grèce , il
ne s'arrête que fur les plus accrédi-
tés, tels que celuj de Dodonc en
Epirc où prélidoit Jupiter , celui
de Trophonius en Bcorie , celui
des Branchides àixxs le voifinagcde
Milet , ainfi nommé de Branchas
fils d'Apollon , celui de Claros
près de Colophon dans l'Afie Mi-
neure , & celui d'Apollon à Del-
phes . le plus fameux de tous , flc
fur lequel il s'étend fort au long ,
renvoyant pour plus (;rand éclaircit
fementà plufieurs Diflcrtationsfut
ce fujetj imprimées dans les Mé-
moires de l'Académie des Belles- Let-
tres , & dont il déclare avoir fait
bon ufagc.
Comme les Jeux & les Combats
gymniques entroient pour beau^
coup dans le culte religieux cher
les Grecs , l'Auteur a dû leur don-
ner place ici. Soit qu'on m £on^'
5-35 JOUR AL DE
derc l'origine , qu'Us ckvoicnt aux
plus grands Héros de l'Antiquité ,
foit qu'on en examine le but qui
ctoit de préparer les jeunes gens à
la protefilon des arrnes , de forti-
fier leur fanté & de les rendre plus
robuftes , il ne faut pas s'étonner
que ces Jeux aycnt eu un fi t;rand
cours parmi les peuples les mieux
policés. Les plus foiemnels de ces
Jeux dans la Grèce étoicnt ( com-
me l'on fait } au nombre de quatre,
favoir les Olympiques , célébrés de
4 en 4 ansenl'honneur de Jupiter
auprès d'Olympie Ville de l'Elidc
dans le Péloponnefe ; les Pythi-
ques confacrés à Apollon , 5c célé-
brés à Delphes auffi tous les 4 ans ;
les Némcens , établis ou renouvel-
les par Hercule auprès de Némée,
Ville du Péloponnefe , Se célébrés
de deux en deux ans ; les Ifthmi-
ques , confacrés à Neptune , dcf-
qnelsThéfée fut le reftaurateur , 6c
3 ut fe célébroicnt de 4 en 4 ans
ans rifthme de Corinthe.
M. Rollin fc borne à décrire ici
• dt qui avoir rapport à la célébra-
tion des Jeux Olympiques , aux
divers combats qui en taifoient la
principale partie , & aux athlètes
qui y joiioient le plus grand rôle-
Il a confulté pour cela ( dit-il ) plu-
sieurs DilTertations imprimées dans
les Mémoires de f Académie des Bel-
les-Lettres , & dans lefquellcs il eft
traité des athlètes en gèiiéral , de la
Lutte , du Pugilat , du Pancrace ,
du Difque ou Palet, du Pentathle,
de Ja Courfc en général , de la
Courfe à pied , de la Courfe à che-
val , de la Courfe des Chars , des
5 SÇAVANS,
honneurs 6c des rccompcnfcs ac-
cordées aux athlètes vainqueurs. Il
traite tous ces points dans autant
d'articles lepirès , aufquels auront
recours les curieux en ce genre.
M. PvoUin termine ce détail par
une réflexion très-fenfée fur la dif-
férence de goût entre les Grecs &
les Romains , par rapport aux Spec-
tacles ^ & qui met les Romains
pour la conduite & la fageffe fore
au-delTous des Grecs ^ dont le ca-
raiftcre plein de douceur <?<: d'hu-
manité ne s'aceommodoit point de
ces Spcdlacles fanguinaires de Gla-
diateurs , qui faifoicnt les délices
des premiers & qui reflcntoient
encore l'ancienne férocité de cette
Nation.
L'Auteur pafTe des combats ath-
létiques où décidoient la force , l'a-
gilité & l'adrede du corps , aux
combats d'efprit , où les Orateurs ,
les Hiftoricns , les Poètes faifoient
preuve de leur habileté , foûmet-
tant leurs production à la critique
6 au jugement du public. Ce lujcc
ouvre à M. RoUin un champ fort
vaile , qu'il partage en cinq princi-
paux articles , pour la difcuflîoti
defquels il fait grand ufage de ce
qu'a publié fur cette matière le R.
P. Brumoy , dans fon Théâtre des
Grecs. Nous nous contenterons ,
pour abréger , d'indiquer en gros
ce qui ell contenu dans ces cinq ar-
ticles. On faiu dans Je premier des
reflexions fur l'extrême vivacité
du goût qu'avoicnt les Grecs , &c
fur- tout des Athéniens, pour les
Reprefentations de Théâtre j fur
l'cmulation des Poctcs pour y dif-
putcs
s E P T E M
putcr les prix ; & Ton donne une
idée abrégée -du Poëme Dramati-
que. On parle , dans le fécond , de
l'origine &c du progrès de la Tragé-
die , des Poètes qui s'y font diftin-
gués à Athènes , tels qu'Efchyle ,
Sophocle , Euripide. Dans le troi-
sième on en hit autant par rapport
aux trois efpeces de Comédies Gré-
ques , la vieille , la moyenne & la
nouvelle. Le quatrième prefente
\xne Defcription du Théâtre des
anciens, tirée de la DifTertation de
M. BoindinÇ\ix cefujet, imprimée
dans les Mémoires de l'Académie des
Belles-Lettres. On montre , dans le
•dernier article, que l'extrême paf-
fîon pour les Reprefentations du
Théâtre , fut l'une des principales
caules du déclin , du relâchement
& de la corruption d'Athènes.
Nous voici arrivés au XF Livre
de cette Hiftoire. Il contient celle
des deux Denys Tyrans de Syracu-
fe : & comme cette Hiftoire n'a au-
cune liaifon avec ce qui fe pafloit
en même tems dans la Grèce , on
la rapporte ici tout de fuite & fépa-
rément , en prenant la précaution
d'avertir , que les lo premières an-
nées , dont on raconte ici les èvcnc-
mens concourent à peu près avec
les 10 dernières du Volume précè-
dent. » L'Hiftoire de l'ancien De-
»> nys ( dit M. RoUin ) offre aux
» yeux un fpeAaclc bien horrible ,
ï»mais en même tems bien inftruétif.
» On y voit d'un côté un Prince
a» ennemi de la liberté & de la jufti-
»ce , fouler aux pieds les droits les
M plus facrés de la nature 6c de la
Scpttmb.
B R E, 175 ^ n?
» Religion , faire fouffrir les plus
"Cruels fupplices à fes Citoyens,
M décapiter les uns & brûler les au-
'• très pour un mot , fe repaître du
^ fing humain , & fatisfaire fa
"barbarie par le meurtre de perfon-
»nes de tout âge & de toute condi-
» tion. D'un autre côté , on y voit
» ce même Prince l'effroi & la tet-
» reur du Syracufe , inquiet lui-
» même & tremblant pour fa pro-
» pre vie , livré |our & nuit à fes re-
»mors, ne pouvant trouver per-
n fonne dans fes Etats , pas même
jj fes femmes ni fes enfans , à qui il
n ofe fe tier. On y voit de p]us,tout
»ce qu'une ambition démefurée ,
» foiitenuc d'un grand courage ,
» d'un cfprit étendu , & de talents
«propres à gagner la confiance du
M peuple , eft: capable d'entrepren-
» dre pour s'élever à la Souveraine-
» té : tous les moyens qu'elle a fça
» employer pour s'y maintenir
M malgré les efforts de fes ennemis ,
J> &: malgré la haine publique : en-
» fin le bonheur qu'a eu ce Tyran
>j d'éviter pendant un règne de 38
» ans le péril de tant de confpira-
» tions formées contre lui & de
» tranfmettre paifiblement à fon
n fils la Tyrannie , comme un héri-
n tage fucceifif & un biendomefti-
wque. « L'Auteur, après ces traits
qui nous peignent Denys en géné-
ral , entre dans le détail de fa vie ,'
» dont il recueille lescirconftances,
principalement deDiodore deSicilc
& de Plutarque. Nous ne pouvons
en donner ici qu'une idéefommai-;
re.
Bbbb
J38 JOURNAL D
Dcnys , félon quelques-uns , if-
fii d'une famille iliuftre dcSyracu-
fe , félon d'autres , d'une bafie cx-
eradion , fc diftinjnia par fon cou-
rage , dans la guerre contre les Car-
thaginois , & s'y acquit une grande
réputation. Après la prifc d'Agri-
gentc par ceux-ci , laquelle Hit im-
putée à la lenteur des Syraculains à
îecourir cette Place airicgée -, il fe
tint fur cette affaire une afTembléc
publique à Syracufc , où Denys qui
s'ctoit exercé d'avance au talent de
la parole , accufa hautement de
trâhifon les Magiftrats , Se fut d'a-
vis de les dépofcr fur le champ : ce
qui fut exécuté. On leur enfubfti-
tua de nouveaux , ôc Denys fut mis
à la tête de ces derniers. Il ne s'arrê-
ta point à ce premier pas qui l'achc-
xninoit vers la Tyrannie : il entre-
prit de fupplanter auffi les Chefs de
l'armée , pour s'en taire donner le
commandement. Il y réuflilt en
procurant le rappel des exi-
lés qui étoient en grand nom-
bre , Se dont il fe fit autant de
Créatures •, en décriant la conduite
des Généraux Se les rendant fuf-
pcds de trâhifon ; en fe faifant
mettre à la tête de quelques Trou-
pes envoyées au fccours des alliés ,
qu'il engageoit dans fon parti par
des fervices fignalés •, en répandant
de faux bruits fur les préparatifs
des Carthaginois pour le Siège de
Syracufe. On le nomma donc Gé-
néralilTîme , Se fous prétexte des
embûches qu'il fe plaignit qu'on lui
avoir drefîées pour l'alTaffiner, il k
fit donner des Gardes. Il ne lui en
fallut pas davantage pour fc rendre
E S SÇAVANS.
maître & Tyran de Syracufe.
Il eut une violente fecouffe à ef-
fuycr dès le commencement de fon
règne , à l'occafion de la Ville de
Gèle , qu'il fecourut foiblement
contre les Carthaginois. De retour à
Syracufe , ceux qui ne l'y aimoient
pas lui fermèrent les portes -, mais
il fut par le moyen du feu s'ouvrir
un paffage ; il entra dans la VilLe
avec les Troupes qui l'accompa-
gnoicnt. Se y fit malfacrcr tous fcs
ennemis. Cette première révolte
fut fuivie de quelques autres , Se le
Tyran crut ne pouvoir mieux faire
pour en arrêter le cours,que dcfon-
gcr à porter la guerre chez lesCartha-
ginois très - puifTans alors enSicilc.
Il travailla donc aux préparatifs de
cette guerre avec un loin Se un fuc-
cès merveilleux. Il fit venir à Syra-
cufe tant des Villes de Sicile qui lui
étoient foûmifes , que de la Grèce
& de l'Italie , un grand nombre
d'Artifans Se d'Ouvriers de toute
cfpece. Toute la Ville , devenue
un atelier général , retcntiifoit du
bruit des Travailleurs. Il s'appliqua
fur-tout à la Marine ■■, il fit conftrui-
rc une flotte de 200 Galères , & en
fit radouber plus de cent autres. Il
changea totalement de conduite ,
s'efforçant de gagner les cœurs tant
de fcs propres fujets que des au-
tres habitans de la Sicile ■-, & il en
vint à bout. L'Hiftorien nous parle
ici du Voyage de Platon en Sicile ,
Se de la liaifon intime de ce Philo-
fophc avec Dion , bcau-frerc du
Tyran.
Cclui<i voyant fcs préparatifs
achevés , déclara ia guerre aux Cas,
s E P T E M
riiagînois. Elle eut des fuccts alTez
divers qu'on peut lire dans notre
Auteur.On y voit Syracufe affiegée
par l'ennemi , &c bien-tôc après dé-
livrée i de nouveaux inouvemens
contre Denys;ladétaitcd'Imilcon,
puis celle de Magon , deux Chefs
de l'armée Carthaginoife : le fort
funcftc de la Ville de Rhége en Ita-
lie , prife & faccagée par Denys. Il
voulut une féconde fois tenter l'ex-
çulfion des Carthaginois encore
■trop puilTans en Sicile. Une premiè-
re vi(5l:oire remportée fur eux le
mit prefque en état d'y réufllr; mais
la perte d'une féconde bataille où
ion frerc fut tué , ruina toutes fcs
«fperances , &: l'obligea de con-
clure avecles Carthaginois un Trai-
té peu avantageux.
Il en fut dédommagé en quel-
que forte par une victoire d'un gen-
re fort diffèrent ; ayant été déclaré
vainqueur dans une Tragédie qu'il
avoit fait reprefentcr à Athènes
pour difputer le prix dans la Fête
célèbre de Bacchus. Il en fit à Syra-
«ufe de grandes réjoiiiffanccs ; mais
dans un repas fomptueux dont il
faifoit les honneurs , il fut faifi
d'une violente colique dont il mou-
rut.
M. RoUin, à cette occafion, nous
entretient de la paflîon violente de
ce Prince pour la Poëfie , où il
n'exccUoit pasj il fait defagesre-
;flexions fur ce goût , qu'entrctc-
noit & fortifioit chez lui la flatte-
rie de fes Courtifans •■, & il n'ou-
blie pas de raconter l'avanture du
Poète Philoxénc que fon peu de
«omplaifance 5c fon. excès de fran-
B R E, 173 ^ S39
chife au fujet de la Poefie du Tyran
mit à deux doigts de fa perte. M.
RoUin finit cet article par un dé-
nombrement & une cenfure de*
mauvaifes qualitez de Denys.
Nous avons cru devoir nous
étendre un peu fur l'article de ce
Tyran , comme étant un point
d'hiftoire moins univerfellcmcnc
connu : ce qui nous met dans la
neceflité de ne faire qu'efîleursr les
faits rapportés dans le relie de ce
Volume. M. Rollin , dans le fé-
cond Chapitre du XT Livre , fait
l'Hiftoire du fécond Denys Tyran
de Syracufe , fils du premier & cel-
le de Dion fon proche parent. Il y
eft parlé d'abord du fécond voyage
de Platon à la Cour de Syracufe où
Denys l'avoit mandé à la follicita-
tion de Dion i du merveilleux
changement qu'y caufa la prcfencc
de ce Philofophc , & de la confpi-
ration des Courtifans , pour en pré-
venir les fuites. Us rcuflirent à faire
exiler Dion ; & peu de tems après,
Platon quitta la Cour &c retourna
en Grèce , où Dion fe fit admirer
de tous les Savans. Platon fit un
fécond voyage à Syracufe , où il ne
féjourna pas long-tems. Dion re-
vint en Sicile pour délivrer Siracu-
fc de la tyrannie de Denys. Les Sy»
racufains le payèrent delà plus hor-i
riblc ingratitude ; ce qui ne l'empê-
cha pas d'ufcr d'une bonté inouic à
leur égard &c à l'égard de fcs plus
cruels ennemis. Il mourut alTafliné.
M. Rollin en fait l'Eloge. Là finie
le Xr Livre.
Le Xir contient principalement
l'Hiftoire de deux Chefs de Thébcd
Bbbby
54© JOURNAL
foit illuftrcs , Epaminondas & Pc-
lopidas: la morcd'Agéfihs Roi de
Sparte , Se celle d'Artaxerxc-Mné-
mon Roi de Perfe.
L'Auteur expofc en premier liea
l'état de la Grèce depuis la paix
d'Antalcidc. Cette paix fut rompue
par IcsLaccdcmonicnsqui déclarè-
rent la guerre à la Ville d'Olynthe ,
qu'ils contraignirent de fe rendre ,
après s'être emparés par fraude &c
par violence , de la Citadelle de
Thébes. Cette profperite de Sparte
ne fur pas de longue durée. Epami-
nondas & Pélopidas dont on peint
ici le caradere , formèrent le def-
fcin de rendre la liberté à leur Pa-
trie. Pélopidas confpira contre les
Tyrans , Se conduifit fi fagemcnt la
confpiration , que la Citadelle fut
tcprife. D'un autre côté le Lacédé-
monien Sphodrias fit une entreprifc
inutile contre le Pirée , ce qui dé-
termina Athènes à fe déclarer pour
les Thébains , entre lefquels & les
Lacédémoniens il fe donna plu-
fieurs petits combats. Les Lacédé-
moniens déclarèrent la guerre aux
Tliébains , mais ils furent vaincus
& mis en fuite par ceux-ci à la fa-
meufe bataille de Leudres , après
laquelle Epaminondas ravagea la
Laconie , Se s'avança jufqu'aux
portes de Sparte. Les deux Géné-
raux Thébains de retour à Thébes
furent accufés & abfous. Lacédé-
raonc implora le fecours d'Athè-
nes. Les Grecs députèrent vers
Artaxerxc, à la Cour duquel Pélo-
pidas avoit grand crédit. Celui-ci
marcha contre Alexandre Tyran de
Phcrés j & le niit à Uraifon ; après
DES SÇAVANS,
quoi il palli en Macédoine , oîi il
appaifa les troubles qui agitoient
cette Cour, d'où il amenaPhilippe
à Thébes pour orage. Il retourna en
ThclTalie , où il fut arrêté &: fait
prifonnier , mais Epaminondas le
délivra. Il remporta une victoire
contre le Tyran , & fut tué dans le
combat. Sa mort flit fuivic de la fin
tragique du Tyran Alexandre. Epa-
minondas devenu Chef de l'armée
Thébainc , fit une double tentative
contre Sparte , après quoi il-gr.gna
la célèbre bataille de Mantinée, où
il fut mortellement blefle.
Dans ce inêmc tems arriva la
mort d'Evagore Roi de Salamine ,
aifalfinè par un de fes Eunuques ,
& à qui fucceda fon fils Nicoclcs ,
dont l'Auteur peint ici l'admirable
caradere. D'autre part, Artaxerxe
entreprit de réduire rEg>'pte , qui
depuis pluficurs années avoit fe-
coiièle joug des Perfes ; Se Iphicra-
tc Athénien fut mis à la tête des
Troupes Gréqucs qui étoient à la
folde de ceux-ci : mais l'enrrcprilc
éehoLia par la faute de Pharnabaze
Général des Perfes. Plufieurs an-
nées après y les Lacédémoniens en-
voyèrent Agéfilas au fccoars de Ta-
chos Roi d'Egypte, laquelle le R©i
de Pcrfê fongeoit à attaquer de
nouveau , malgré le mauvais fuccès
des entreprifes qu'il avoit déjà fai-
tes pour la redudion de ce Royau-
me. Agéfilas vint à bout d'affermir
Ncdlanebus fur le Thrône d'E-
gypte , au préjudice de Tachos,
dont il avoit lieu d'être mécontent;
après quoi il mourut en retournant
à Sparte âgé de 84 ans ; & la plâ-
SE P T EM
part des Provinces fe rcvoltcrent
contrcArtaxerxe.Lcs troubles exci-
tés à laCour de cePrincc au fujet de
fon luccelTeur lui cauferent tant de
chagrin qu'il en mourut, après un
règne de 44 ans. L'Auteur recherche
ici les caufes des foulevemens &
des révoltes qui arrivoicnt fi hc-
qucmiTîent dans l'Empire des Per-
fcs.
Les principaux évenemens ra-
contés dans le XIIP Livre font 1°.
L'avcnement d'Ochus à la Cou-
ronne de Perfe ; fes cruautcz , &
en confequence les révoltes de plu-
sieurs peuples : 2°. La guerre des
AUiés contre les Athéniens qui
avoient pour Chefs les grands Ca-
pitaines Chabrias , Iphicrate & Ti-
mothée fils de Conon : 3°. Les pre-
mières occafions où Démofthéne
fit briller fon éloquence : 4°. La
mort de Maufole Roi de Carie , &
la douleur extraordinaire qu'en eut
fa femme Artcmife : 5°. L'expédi-
tion heureufe d'Ochus contre la
Phénicie , contre Chypre & enfui-
te contre l'Egvpte : 6°. La mort du
Roi Ochus , celle d'Arfés fon fuc-
cclTeur , après deux ans de règne ,
& le commencement de celui de
Darius-Codoman : 7°. Le retablif-
fement du jeune Denys fur le
Tfarône de Syracufc , dix ans après
B R E ; 173 5- j'41
en avoir été cha(Té i l'arrivée de Ti-
moléon en Sicile , où il s'empare
de Syracufe , & contraint Denys de
lui remettre la Citadelle ôi de fe
retirer à Corinthe , où ce Prince
devient Maître d'Ecole : 8°. Le«
autres exploits de Timoléon en Si-
cile , où il rend la liberté à Syracu-
fe , en y établiiïant de fages loîx j
la mort de ce grand Homme , après
s'être démis de fon autorité , &
avoir pafTc le refte de fa vie dans la.
retraite ; les honneurs rendus à fa
mémoire.
L'Auteur donne à la fin de ce
. Livre un abrégé de la Vie de Dé-
mofthéne jufqu'au tems où il com-
mença à paroître avec éclat dans la
Tribune aux Harangues contre
Philippe Roi de Macédoine j ce
qui eft fuivj d'une digreffion de M.
Rollin fur l'équippement des Galè-
res à Athènes , & fur les exemp-
tions & les autres marques d'hon-
neur, que cette Ville accordoità
ceux qui lui avoient rendu de grans
fervices. C'eft à regret que nous ne
pouvons nous étendre fur tant de
faits Hiftoriques intcrelTans par
eux-mêmes , & qui le deviennent
encore plus par les reflexions plei-
nes de juftefle & de folidité dont le
favant Auteur a foin de les accom-
pagner.
y^a JOURNAL DES SÇAVANS;
LETTRE DE MONSIEVR LE MARQVIS SCIPION MÂFFEI,
contenant le récit & l'explication (Chh feu rare & Jîngtdier fcmbL^ble i
celui de la foudre ou du tonnerre , lequel s'eff formé d^ns le corps d'uns
femme de la Vdle de Cefenne en Italie ^ & l'a réduite en cendres. A Pa-
ris , chez Pierre Pr^lt , Quai de Gcvres , au Paradis , 1733. Brochure
in - 12. pages 17.
CE T Ecrit de M. le Marquis
Matfeieft une Rcponfe à une
lettre du PcrelrpoLiTo Belliva-
6A , au fujct d'un feu que ce Père
prétend s'être formé dans le corps
de la Dame Cornelia-BandIj de
la Ville de Ccfennc en Italie , &
t fur quoi il avoir demandé à M.
MafFei quelque explication phyli-
que.
M. Maffei hazarde fes conjeda-
res fur la merveille dont il s'agit ,
Se pour cela A refume la narra-
tion du P. Ippolito , & en abrège le
<iétail : mais ce qui ne farisfera pas
beaucoup les Lcdeurs , c'eft qu'il
fupprime toutes les preuves que le
Père Ippolito a rapportées pour
conftaterla vérité de l'évcncmcnt,
& ne fongc qu'à expliquer le fait.
La Dame dont il s'agit étoit âgée
de foixante & deux ans , & avoit
coutume , dit-on , de fe frotter el-
le-même tous les jours fans le fc-
■cours de perfonne , avec de l'cfprit
de vin camphré , à caufe d'unrha-
matifme qui la tourmentoit. Le 14
de Mars 175 1. elle fe retira le foir
dans fa chambre à fon heure accou-
tumée , fans qu'il parut rien d'ex-
traordinaire en elle , iînon qu'elle
avoit l'air trifte & abbatu. Il n'7
avoit point alors de feu dans fon
appartement , le ciel fut csdme &
fcrein toute la nuit , & le lende-
main on la trouva près de fon lit ,
réduite en cendre , à l'exception
des jambes & des pieds , d'une par-
tie de la tête bc de trois doigts d'u-
ne main.
Cette cendre étoit imbibée d'un*
liqueur vifqueufe , & de fort mau-
vaife odeur. Les murs , le lit , ic«
meubles étoicnt couverts d'une
poulîicre line & humide qui avoir
pénétré jufqucs dans les armoires
d'une chambre voifîne. Les murs
de l'appartement au-delTus étoicnt
teints d'une liqueur jaunâtre fort
fétide. Les parties du corps qui n'a-
voient pas été confumées étoient
feulement noircies. Rien dans la
chambre ne paroi/Toit endomma-
gé hormis deux chandelles qui
éroient près du lit , & dont le fuif
fut trouvé difllpé fans que le coton
fijt brûlé.. Le ciel , comme on l'a
remarqué , fut calme & fercin
toute la nuit , enforte qu'il n'y 4
pas lieu dcfoupçonner ici aucun
effet du tonnerre. Le feu commun
n'y eut non plus, à ce qu'on afTurc,
aucune part. Voilà le fait tel que
le rapporte M. Maffei fur la Rcla-
•tion qui lui en a été envoyée. Voi-
ci à prefent l'explication' qu'il en
donne : il reconnoît d'abord dan«
révcnemcnt dont il eft queftion, la.
s E P T E M
plupart des effets du feu commun ,
qui font , dit-il , de noircir ^ de di-
vifer & de mettre en cendres , mais
en même tems il y trouve une cir-
conftance qui l'empêche d'actïi-
buer à ce feu la caufe du mal. Il
prétend que le feu commun auroit
confumé le lit , la chambre , la
maifon même , fans avoir été capa-
ble de réduire en fi peu de tems un
corps en cendres.
Là-deffus il penfe que le feu dont
il s'agit^a été femblablc à celui de la
foudre. 11 appelle de ce nom tout
feu qui fans le miniftere de l'art ,
s'allume en un inftant par lui-mê-
me , pénétre avec une adlivitc
prodigieufc les corps les plus durs ,
les di(Tbut , lesdivife, lesdifper-
fe , les rompt dUtne manière , en-
cors plus difficile à concevoir ej/ne fa
nature même. Mais comment celte
Ifoudre a-t-elle pu s'engendrer dans
le corps de cette femme ? M. Maf-
fei répond qu'elle y a été produite
par les particules i6lives des hu-
meurs jointes à un régime & un
temperammentfingulier; & qu'el-
le s'eft allumée par le mouvement im-
primé au tourbillon des exhalaijèns
^ui environnaient le corps.
Pour confirmer fon fentiment ,
il avertit que leP.Ippoliro &lui,ont
connoiflance d'une infinité d'acci-
dens arrivés depuis peu dans des
magafins à poudre qui ont fauté en
l'air , fans qu'aucun feu venu de
dehors en fût la caufe.
Cela pofé , il dit qu'un feu de la
même nature que celui de la foudre
s'eft formé dans ces magafins ^ Se
s'y eft formé d'autant plus facile-
B R E , 1 7 3 j. 5-43
ment que l'air de ces lieux eft tout
rempli d'exhalaifons fulphureufcs
& nitreufcs.
M. Maffei fait ici un deffi à Def-
cartcs & à GafTendi : Je voudrais
bien , ditil , que les Seïiateurs de la
nouvelle opinion ^ les De/cartes ^ les
Gajfendi , & autres modernes , me
donnaient des raifons fatisfaifantes
pourquoi la foudre attacjue fi fouvent
de pareils édifices , car on ne peut ei§
accufer ni leur élévation , ni aucun
bruit qui occafionne l'agitation de
l'air , & l'ouverture du nuage ; d'où
je conclus que non feulement la foudre
fe forme dtins le magafin même ou elle
agit , mais encore ^ que fî on néoligè
certaines précautions capables de pré',
venir de tels accidens , par tout ou il y
aura un grand amas de poudre , l'em-
brafement s'y formera tôt ou tard^ fur--
tout dans ces tems ou les particules les
plus fubtiles & les plus volatiles dtt
fouphre & du nitre , ont de la difpojî-
tion àfe mettre en mouvement.
M. Maffei n'oublie pas ici de re-
marquer que le corps humain eft
rempli de particules fulphureufes ,
falincs , acides , & d'autres fembla-
bles ; Que la fucur de quelques-uns
a une odeur qui ne diffère en rien
de celle du fouphre : Qu'on fait
un phofphorc avec de l'urine fet«
mentéc & diftillée ; toutes expé-
riences qui font voir qu'il n'eft pas
impoflible qu'il fe forme dans nos
corps des matières inflammables ,
propres cnfuite à produire des era-
btafemens fi des exhalaifons exté-
rieures fe mettent de la partie , &
c'eft ce qui fonde l'explication que
notre Auteui va donner du Phéne-
y44 JOURNAL DES SÇAVANS
peine comment les humeurs dii
corps de cette femme difpofees à U
longue par l'iifigc fréquent de l'ef-
prit de vin camphré dont elle fc
frottoir , ont pu fe fubtilifer au
point de caufer l'enibrafement
dont il s'i'nt , far tout li l'on lait
reflexion que lorfqu'avcc un flam-
beau allumé , on entre dans un lica
clos où l'on a fait évaporer du cam-
phre , tout l'air enferme s'enflam-
me & rend une lumière femblablc
à celle d'un éclair.
Mais pourquoi la même caufe
n'a-t elle pas produit plutôt le mê-
me effet ? M. Miffei répond que
c'eft que toute la matière n'avoir
pas acquis un degré fuffîfant de fer-
mentation -, il dit que la nature
avoir bcfoin d'une plus longue ope-
ration, d'une plus longue digeftion,
pour mélanger , exalter & fubli-
mer toutes ces matières. Il remar-
que qu'il ne fuffifoit pas d'ailleurs
que ces matières fuifent devenues
frottoir le corps, ont pénétré la fub- capables de prendre feu , mais qu'il
ftance de fon corps , fe font mêlées falloit de plus , un agent intérieur
mène de Céfennc.
Il obferve d'abord que les fou-
phrcs & les fels du corps humain
pour acquérir une adivité capable
de brûler , doivent être aidés de
fccours étrangers , & il prétend que
ces fecours fe font trouvés abon-
damment dans la Dame Cornelia
par le moyen de l'cfprit de vin
camphré dont elle avoit coutume
de fe trotter. Il fait à ce fujet , l'a-
nalyfe de l'cfprit de vin & du cam-
phre : il remarque que l'clprit de
vin eftun compofé de parties fub-
tilcs , pénétrantes , huilcufes & in-
flammables -, que le camphre eft
une rclme compofée d'im fouphrc
& d'un fci fi volatils qu'il eft pref-
que impoillble d'en empêcher l'é-
vaporation , ce qui fait que le cam-
phre brûle dans l'eau & dans la nei-
Cela pofé , il juge que les parties
les plus légères de i'efprit de vin
camphré dontlaDamcdeCéfennefe
avec fon fang & en ont tellement
agité les humeurs qu'elles les ont
enfin rendues capables de s'enflam-
mer à la dernière fridion qu'elle a
faite , le frotement , comme on
le remarque, étant une des cho-
fcs les plus propies à faire fortir du
feu de la plupart des matières.
Une fubftance craflc , épailTe &
qui femble par elle-même incapa-
ble d'aucune adion , fe change
tous les jours par la chaleur du So-
leil, en exhalaifons fubtiles &: brij-
lantcs : Qui comprendra-bien cela,
dit notre Auteur , comprendra fans
qui ralTemblàt & réunît leur ac-
tion , que cet agent étoit l'air im-
prégné de quelques fels Si de quel-
ques minéraux.
Mais pourquoi cette adion que
M. Maffei compare à celle de la
foudre , n'a-t-elle été accompagnée
d'aucun bruit ? Il répond que c'elj;
qu'il n'y avoit dans les exhalaifons,
que peu ou point de nitre pour
rompre avec impéruofité l'air d'a-
lentour. Mais pourquoi encore, les
jambes de cette femme &: une par-
tie de la tête n'ont - elles pas été
briiiées î Cette queftion ne l'em-
barraflc
s E P T E M
tarrafle pas plus que l'autre , il dit
que c'eft que la tête &c les jambes
n'ayant pas été frottées , les corpuf-
cuks qui en fortoicnt n étoient pas
préparés & difpofés à l'inflamma-
tion , comme ceux qui fortoient
du reftc du corps.
Une troifiéme queftion fe pre-
fente touchant les trois doigts qui
turent trouves entiers a une main.
M. MafTei ne dit point fi ces doigts
étoient de la main droite , de la-
quelle fans doute fe fervoit la Da-
me en fe frottant avec fon efprit
de vin , ou s'ils étoient de la main
gauche dont félon toute apparence
elle fe fervoit moins que de l'autre,
& qui par confequent devoit avoir
itioins de part à i'imprefiîon de
l'efprit de vin. Mais de la manière
qu'il répond :, il y a lieu de croire
qu'ils étoient de la main droite : Il
dit qu'à l'égard de ces trois doigts,
ils peuvent avoir été confervés par
quelque humeur froide & anltpatiij»e
^ui s'efl oppofée en cette partie à l'ac-
tivité de V embrasement.
La cendre étoit grafle & onc-
tueufe, notre Auteur rend raifon
de cette circonftance en difant que
e^efl que les exhalaifons fortoient d'un
torps c]ui a desfolides , des liquides &
des vifcofîtez.
Le corps a été réduit en cendres
en très-peu de tems : C'eft , remar-
que M. Maffei , parce que la matière
du feu étoit tris -fubtile & très-péné-
trante. La lampe d'un Emailleur
fond le verre & les métaux en très-peu
de tems ; un morceau defouphre appli-
aué fur de V acier rougi au feu le re-
ânit en poudre.
Septetulf,
B R E , 17 îj; 5-4$
Les effets de ce teu ont été juf-
qùcs dans la chambre au-delfus. M.
Maffei trouve que c efi que la fiâtiii
dont le propre efi de s'élever , a entraî-
né avec elle les parties du corps les
plus fubtiles, les plus oléagineufes , &
les plus fulphitrcufes.
Ce même feu a épargné les meu-
bles & lamaifon : comment cela ?
C'eft , continue notre Auteur ,
parce qu'il y a des fnbftcinces qui na-
giffsnt point fur les corps les plus ten-
dres , & qui détruifent les plus durs,
L'efprit de nitre ne diffont ni le bois ni
la cire^ & il change le fer en une efpe-
ce d: liqueur.
Mais des meubles comme des
armoires & autres chofes fembla-
bles , ne font-ils pas plus durs que
la chair des corps , & les murs d'u-
ne maifon ne font -ils pas encore
plus durs ; M. Maffei omet de ré-
pondre à cette difficulté.
Nous ne devons pas finir fans
rappeller un fait que notre Auteur
rapporte plus haut & qu'il dit
avoir lu dans un Livre imprimé à
Amfterdarncn 1717. intitulé : Lu-
men novum Phofphoris accenfum.
» Une Dame de Paris , étoit dc-
» puis fort long-tems dans l'habi-
» tude de boire beaucoup d'efpric
n de vin ■■, cette Dame étant un
» jour au lit , il fortit de fon corps
» une flamme qui la reduifit en
» cendre & en fumée , à l'excep-
» tion du crâne de des extremitez
» des doigts.
Notre Auteur remarque là-defj
fus que l'accident de Céfenne n'eft
donc pas unique , ôc que pe it-étre
y en a-t-il d'autres femblables qu'on
Cccc
54<J JOURNAL DES SÇAVANS.
a négligé de tranfmctrrc à la pofte- pas venus à la connoiffancc du pa-
rité , ou dont les Mémoires qui en blic.
font mention , s'il y en a , ne font
NOVVELLES LITTERAIRES,
ALLEMAGNE.
De Leipsik.
MBofe avoir public dès le 17
. Avril dernier fcs Obferva-
tions fur l'Edipfe de Soleil qui de-
voit aniver le Mercredi 13 Mai
fuivant : cet Ouvrage qui cft/«-4°.
eft intitulé : /« Edipfln Terre.
cioccxxxiu. D. ^^ Mail. T. C. P.
M. Commintatur M. George. Ma-
thias Bofe , Lipjïefif. Mad. Bacc.
Lipf£. 175 3- -D. 17 A^nlts :iTy-
■pografhiâ B>-eiikofiffiafia.
Cafpar Fritfch a imprime une
nouvelle Edition du Livre de M.
Heineccius , intitulé : Jo. Gotil. Hei-
neccii fmdamema jiili cuit ion s , Re-
oidis perfpicuis , excmpltfjue feleEîif-
Jtmii ex optimis jiiiEloribns in nfim
miditorii adornata. Accedmit Sylloge
exemflorim & hidd. renm Cr verho-
rum locitpletif. Editi» anSlior & cate-
ris correÙior. 173 3. '«-S".
D' I t' N E.
M. Joach. Jiifli Rau , Barolinenjts ,
'Diatribe Hijlorico - Philofophica de
Philofiphia Lucii Cécilii LaElantii
Eirmiani. Accedit ejitfdem alia cri-
licoTheologica compie^ens Hijioriam
veurem & rcccmierem vtcis tKUJîa-
fHc£ Sfiiviriii. Ciim Prafiitione Jo.
Jacobi Lehmanni , Morulis Profef.
public, ord. de optimâ ratione & via
ftudiorum. lena. Proftat apud Chrijl,
Franc. Buchiitm. 1753. /«-8°.
De B r. e m e.
Henrici Heifenii Bibliotheearii &
Pétdagogearcht, oratio de elo^uentiâ
veternm Germamrum , &c. AdjeBA
mults, & ampU fitnt nota ejua Teuto-
nicis pajftm atiti^uitatibus non nihil
lucis fxnerantiir. Brenut impenfs
Hermanni Jageri BibliopoU, Typis
Hermanni Braneri. in-4°.
On trouve les exemplaires des
Ouvrages que nous venons d'indi-
quer , à Paris , chez Cavelier Li-
braire , rue Saint Jacques, au Lys
d'or.
HOLLANDE.
D'A M s t E R D A M.
Zacharie Châtelain a en venté
le Temple des Mufes orné de lx. Tâ-
kleaux j ou font reprefentés les évene-
mensles plus remanjuables de l'Anti-
quité Fabule ufe ; dejfuiés & gravés
par B. PicART LE Romain , &
autres habiles Aianres \ & accompa-
gnés d'explications & de remarques j
qui dtcoHvrem le vraifem des f *
s E P T E M B
hles , & le fondement cju' elles ont dans
rH'ifloire. 1733. in-folio. Nous re-
fervons au teins où nous donnerons
l'Extrait de cet Ouvrage , à mar-
quer en quoi il eft différend de ce-
lui que l'Abbé de MaroUe fît im-
primer à Paris en 1^55. chez An-
toine de fommaville , fous le titre
de Tableaux du Temple des- Mufes ,
tirés du Cabinet de feu M.Favereau^
Confeiller du Roi en fa Cour des Ay^
des, Sec.
FRANCE.
De Dijon.
Antoine de Fay , Imprimeur des
Etats , de la Ville & de l'Univerfi-
té ,• débite Nouvelle Hiftoire de
Vy)bbaye Royale & Collégiale de
S, Filibert de la Fille de Tourrms ,
enrichie de figures ; avec une Ta-
ble Chronologique , &; quelques
Remarques Critiques fur le IV^
Tome de la nouvelle Gaule Chrc-i
tienne : les preuves de l'Hiftoire ,
un Recueil d'Epitafes choifies , le
Fouillé des Bénéfices dépendans de
l'Abbaye , hc un Eflai fur l'origine
& la généalogie des Comtes de
Châlon & de Mâcon , & des Sires
de Baugé. Par M. Fierre 'iuenin ^
Chanoine de la même Abbaye.
i73j,/»-4''.2. vol.
RE; 173 3; y^^
De Paris.
Julien-Michel Gandouin , Quai
de Conty , aux trois Vertus , &
Pierre-François Gtffart , rue S. Jac-
ques, à Sainte Théréfe, délivrent
aux Soufcripteurs le cinquième &C
dernier Tome des A'îonumens de lit
Monarchie Françoife^ qui compren-
nent l'Hiftoire de France , avec les
figures de chaque Règne que l'in-
jure des rems a épargnées. Par le
R. P. Dom Bernard de MomfaHCon»
T.-]^^. m-folio. Ce dernier Volume
contient la fuite des Rois depui»
Henri II. jufqu'à Henri IV. induû-
vement.
C«ufes célèbres & intereffantes ""
Avec les ]ugemens njni les ont décidées.
Recueillies par M.Gayotde Pitaval
Avocat au Parlement. Chez Guil-
laume Cavelier^ rue S. Jacques^ au
Lys d'or. 173 3. in-12.. 1. vol.
Le Breton lïls , Quai des Auçru-
ftins, z impnmé Injîitutiones Pi.ilo-
fophica ad faciliorem veterum <y ré-
cent iorum Philofophorum imelli.jcn-
tiam comparât a. Opéra & fiiJio V.
Cl. Edmundi Purchotii Senomi.fis-
in confultiffima Jitrts mriufquc Fa-
ctdtate Licentiati , Vniverfitatis Pa-
rifienfts cjuondam ReHons , pnfe^
Syndici , & emeriti Philofophit, Pro-
fefforis. Editio quarta. Prioribus /eu
cupktior, 173 j. in-\x. 5. voL
f^9
Fautes k corriger dans le Journal d'Aoufll'jii.
PAge 440. col. i.lig. 5. Scnaga, lifez. Scnega : pag. 448. col. 2. lig.
35. Diaphragment,/'/. Diaphragme : pag, 451. col. 2. lig. 30. plan-
te pinéale, lif. glande pincale : pag. 467. coi. 2. lig. 16. Fict Jif. Fief.
addition À l'Extrait du Traité de l'Opinion.
Après la dernière ligne de cet Ex- fent qu'on n'en faffc plus un myfte-
ttzit , ajeûte"^ : Nous venons d'ap- re : c'eft M. le Gendre j Marquis
prendre que l'Auteur ^ après avoir de S. Aubin fur Loire , ci-devant
quelque tems caché fon nom , con- Maître des Requêtes.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Sept. 173?.
TRaité de l'Opinion , &C. page 491
Traité de la Fortune , joi
Wnivers Sacré & Prophane éclairci , &c. 508
Traité de la Main-morte & des Retraits , &c. 513
Recueil des Ecrivains de l'Hiftoire d'Italie , &c. Tonu XII. j itf
Réflexions Crititjues fur la Poe fie & fur la Peinture , 521
Recueil des principales Décijîons fur les Matières Bénéficiales , &c. 528
Htftoire ancienne des Egyptiens , des Carthaginois , des Ajfyiens , &c.
TomeV. 530
Lettre de M. Maffei fur un feu rare & fngulier , 541
KtHVclles Littéraires , 14^
Fia de la Table.
S
)
L E
JOURNAL
cavÀns,
FOUR
L'ANNEE M, DCC. XXXIII
OCTOBRE.
A PARIS,
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIII.
AVEC AFFROBATION ET FRIVILEGE DU ROYi
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
OCTOBRE M. DCC. XXXIII.
HISTOIRE DE UAC^DEA^IE ROYALE DES INSCRIPTIONS
& Belles-Lettres , avec les Mémoires de Littérature ^ tirés des Re^ijlres de
cette Académie , depuis l'année \-jx6. jufqties & compris l'année 1730.
A Paris , de l'Imprimerie Royale. 173}. '«-4°. deux vol. Tom. I.
pp. 454. pour l'Hiftoire, pp. 487. pour les Mémoires. Tom. II. pp. 740.
Planches détachées ix.
CE S deux Volumes , qui , feur médiocre , offrent au Public
comme on le voit , pour- les fruits du travail de l'Académie
roient en former quatre d'une grof- produits pendant cinq années, &
OBobre. D d d d ij
Xsa JOURNAL DES SÇAVANS,
ont ainfi prcfque ratrapé le cou- par M. Mahudel. lo. Que tes W»-
rant , autant que peut le permet-
tre rimprcflîon d'un Ouvrage de
cette nature. Ils feront bien-toc
fuivis de deux autres Volumes, qui
conduiront cette Hiftoirc jufqu a
la prefcnte année 1733.
La partie Hillorique de cet Ou-
vrage , laquelle remplit 1- moitié
du premier Tome , renterme 47
articles , partages en quatre clalTes ,
comme ils le font dans les Volu-
mes prccedens.
A la première fe rapportent les
articles dcftinés à déveiopper difle-
rens points concernant ou l'ancien-
ne Hiftoire ou la Mythologie. Ils
font au nombre de 2 1 , dont voici
les titres. 1°. Suite du Traité des Au-
tels confucrès ait vrai Dieu depuis la
Création du Mondejufjuk la Naif-
fance de J. C. par M. l'Abbé de
Fontenu. 1. Du rapport de la A<fa-
gie avec ta Tliittogie Payenne , par
M. Bonamy. 3. De toriginede l'E-
^mtation dans la Grèce , par M.
l'Abbé Sallier. 4. Remarques fur les
fofidemens hifloriques de la Fable de
BelUrophon , & fur la manière de
V expliquer , par M. Fréret. 5. Rcfié-
xions fur les F'oyages de Perfée ^ &
fur fin combat avec Phinée ^ par M.
l'Abbé Banier. è. Ol^fervations géné-
rales furies Tribunaux établis kj4thè-
nes pour le maintien des Loix , &
pour régler les dijferens qui s'élevaient
entre les particuliers , par M. Blan-
chard. 7. Surl'origine& les fondions
des Prytanes , & fur les Prytanies ^
par le même. 8. Sur les Hciiafles ^
par le même. 9. Réflexions Critiques
fur l'Hifioire de Héro & de Léandre^
ciens ont fan le tour de l'y^frique , Ù"
qtt^ils en connoiffoient les Côtes Méri-
dionales ^ par M. l'Abbé Paris. 11.
Sur la durée du règne de Seleucns-
Nicaior ^ par M. de la Nau7e. 12.
Réflexions fur le caractère , les ou-
vrages C~ les éditions de Celfe le Mé-
decin , par M. Mahudel. 13. Reflé-
xiotiS fur le caraUcre d'efprit & fur
le Paganifme de Julien , par M. Bo-
namy. 14. Eclaircijfemens fnr quel-
ques dijjîculiez. générales qui fe trou-
vent dans les Auteurs Grecs , par M.
l'Abbé Gédoyn. 15. Remarques fur
la Vie d£ Romulus ^ par M. de la
Curne. 1 6. Remarques fur la Fie de
Cr.tjfus , compofie par Plutarque ,
par M. Secouffc. 17. Remarques fur
la Vie de Caton dXJtique , par le
même. 18. Remarque^ fur la Vie de
Céfar , par le même. 19. Remarques
far la Vie de Ciceron , par le même.
20. Remarques fur la Vie de Srutus ,
par le même. 21. Remarques fur la
Vie d'Antoine ^ par le même.
Les articles appartenans à la le-
conde clafle ^ & qui regardent les
matières de Critique , ont pour
titres 1°. Examen Critique de quel-
ques correUions d'Auteurs Grecs &"
Latins , par M. l'Abbé Sallicr. 2.
Explication & correUion d'un pajfa-
ge de la Poétique dAriftote , par M.
l'Abbé Vatry. 3. CorreEîion dun
pajfage d'Euripide , par M. Har-
dion. 4. Remarques fur lafigniflc.i-
tion de ces mots , H'f»»i yuïîT^a ^ par
M. l'Abbé Sallier. 5. Réflexions fur
taflgniflcation du mot i^>x'S , par le
même. 6. Du mérite des anciens
Grammairiens , &quel cas «n en doit
O C T O B
faire] avec de nouvelles remarcjues
fnr la fignifictttioii du mot l'yyji , par
• le même , & par M. Fourmont
l'aîné. 7. Explication & correUion
de cjHelcjUss endroits de Pline , par
M. de la Barre. 8. Remarques fur un
pafage de Paufinias , par M. l'Abbé
Banicr. 9. Sur l'utilité des Langues
Orientales pour la connoijfmce de
VHifloire ancienne de la Grèce ^ pat
AI. Fourmont l'aîné.
Les articles raffemblés fous la
troifiéme clalfe , & qui roulent fur
les Monumens antiques de tout
genre , font i". IJn Recueil d'Inf-
criptions antiejjites , avec <jnel<]nes ob-
fervations , par M. Lancelot. 2. Re-
marcjnes fur une Infcription anti<jue
fippellée le Monnmeyit de Ventavon ^
par M. de Valbonnays. ^.Nouvelle
defcriplion d'un ancien Moiiument de
Provence , par M. de Mautour. 4.
Reflexions fur le caraUere & Vufage
des Médailles anti(jues , par M. Ma-
hudel. ç. Notice de cjitelijues Livres
de la Bibliothé(jue du Roi , chargés de
notes manufcrites , par M. l'Abbé
Sallier.
La quatrième clarté , enfin .con-
tient les morceaux qui tendent à
éclaircirTHiftoire du moyen âge ,
tels que les fuivans , 1°. ^uefaint
Grégoire de Tours n\ft pas Auteur de
la Vie de S. Trier , par M. de Fon-
cemagne. 2. Notice d'un Aîanufcrit
intitulé Vn A Caroli Magni , par
M. de la Curne. ^.Notice d'un Ma-
nufcrit de la Cour amoureufe & des
Roisde l'Epinette , par M, de Mau-
tour. 4. Su^ ?ws premiers TraditBeiirs
avec un EJJai de Bibliothèque Fran-
foife , par M.Fakonct. 5. Obferva-
tion Critique fur deux endroits de la
Notice des Gaides de Ad. de F'alois ^
par M. de Fonccmagne. 6. Projet
d'une nouvelle Notice des Gaules Û"
des Pays fournis aux François , depuis
la fondation de la Adonarchie , par
M. Secouiïe. 7. Examen de l'opinion
de Ai. Aiaitiaire _, touchant l'éfocjae
d.e l'ètablijfement de V Imprimerie en
France , par M. de Fonccmagne. 8.
Examen Critique de la f^ie de Ca-
Jtruccio , par Aiachiavel ^ par M.
l'Abbé Sallier. 5. Hifioire d'une re-
vohition arrivée en Perfe , dans le
fixiéyne fiecle ^ par M. Fourmont le
cadet. 10. Relation abrégée d'un
Voyage Littéraire que M. l'Abbé Se-
vin a fait dans le Levant par ordre
du Roi ^ dans les années 1725*. &
1730. II. Relation abrégée d'un
Voyage Littéraire que M. Fourmont
le cadet a fiit dans le Levant par
ordre du Roi , dans les années 1729.
& 1730. 12. Devifes , Infcriptions
& Aièdadles faites par l'Académie.
Avant que de s'engager dans le
détail hiftorique de tous ces arti-
cles , M. de Boze rend compte en
général d'un événement, quiinte-
reffe également la République des
Lettres & l'Académie. C'eil: le
Voyage Littéraire fait à Conftanti-
nople & en divers autres lieux du
Levant par MM. l'Abbé Scvin ôc
Fourmont le cadet. Il fut entrepris
par ordre du Roi , en partie fur
i'cfperance que Zaïd - Aga fils de
Méhémer-Eftendi ci-devantAmbaf-
fadeur de la Porte en France , avoit
donnée par Lettre , que s'il fe trou-
voit à Conftantinoplc quelque
Ac.idcmicien intelligent , on pour-
5^4 JOURNAL D
roit le faire pénétrer jiilqvics dans la
Bibliothèque du Grand-Seigneur ,
qui étoit celle des Empereurs
Grecs , foigneufcmcnt confcrvce
par le commandement exprès de
Mahomet II. après la prife de cette
Ville-là. Mais à cette cfpcrauce ,
qu'on avoit Aijet de regarder com-
me peu certaine , par les raifons
fortes qui fembloicnt devoir per-
fuadcr que cette ancienne Biblio-
thèque nefubliftoit plus, fc joignit
•un autre motif plus capable de dé-
terminera un tel voyage. Ce fut le
^cdr d'acquérir pour la Bibliothè-
que du Roi quelques-uns des an-
ciens Manufcnts qu'on ne doutoit
pas que les Grecs n'eulfent confcr-
vés chez eux jufqu'à prcfent. L'é-
vénement a juftitîé cette penfce ,
puifque d'un côté M. l'Abbé Scvin
eft revenu chargé de plus de 600
Manufcrits d'élite , fans compter
les correfpondances qu'il a établies
pour de nouvelles acquifitions en
ce genre ; & que d'autre part M.
Fourmont le cadet, outre un grand
Recueil de Médailles , a rapporté
les deffeins de plulieurs Monumens
antiques très fmguliers & la copie
figurée de près de 3000 Infcrip-
tions des premiers tems , & non
encore publiées.
Au récit de cet événement fuc-
ccde celui des changcmens arrivés
dans la Lifte des Académiciens
pendant les années ï-]z6. 27. z8.
29. & 30.
Quant aux Pièces nombreufes
que nous venons d'indiquer fom-
mairement & dont le précis qu'en
donne avec tant d'exaditude & de
ES SÇAVANS.
julleffe le lavant Secrétaire For-
me la partie hiftorique de cet Ou-
vrage -, nous fouhaiterions les faire
ici connoître toutes plus particuliè-
rement au Lecteur. Maisdansl'im-
polibilité où nous mettent pour
l'exécution d'un pareil dclfcin les
bornes étroites de quelques Jour-
naux , nous nous propofons d'en-
tretenir le Public de ce que rcnter-
nient ces deux Volumes -, nous nous
trouvons réduits à lui en produire
feulement comme autant d'échan-
tillons , quelques morceaux que
nous prendrons çà &: là , &: dont
nous lui donnerons l'Extrait.
I. Nous commencerons par les
Obferv.-itions» générales de M. Blan-
chard fur les Tribunaux établis à
^thénts pour le m.iintien des Loix, (^
pour nqler les diffirens fui s'élevoient
entre Issp.irticuhers. Des dix Tribu-
naux d'Athènes , dont les Juges
étoient éledifs , il y en avoit qua-
tre pour le Criminel & lîx pour le
Civil. L'Aréopage n'étoit point
compris dans ce nombre -, & l'Aca-
démicien renvoyé pour ce qui re-
garde ce fameux Tribunal aux deux
Diffeitations de M. l'Abbé de C<«-
n.iy! imprimées dans ce Volume. Il
obfcrve que la procédure , chez les
Athéniens , étoit principalement
fondée fur les fages Loi^ de Solon ,
& que ce peuple lut le premier
d'entre les Grecs , qui établit une
Jurifprudence pour alfurcr le repos
des plus foibles contre les vcxa^-
tionsinjuftes. Tous les Officiers de
Juftice y étoient pris parmi les ai-
fés , & dévoient avoir pour garans
de leur adininiftration , des bien*-
O C T O B
fonds dans l'Attiqvic , & même des
enfans. Il y avoit trois manières dit-
ferentes d'élire ces Officiers ; le
fort , l'élévation de la main & le
Scrutin.
Pour les cledions par le fort, on
mettoit dans une urne les noms
des prctendans écrits fur des Bulle-
tins i &c dans une autre , autant de
fëves blanches qu'il y avoit de Pla-
ces à remplir , 5c autant de fèves,
noires qu'd y avoit d'afpiransi après
ouoi , on tiroit un bulletin &c une
lève; s'il en venoit une noire, on
tJEoitun autre bulletin & une autre
fève , jufqu'à ce qu'il en vint une
blanche , qui marquoit la préféren-
ce accordée par le fort à celui dont
le nom fe trouvoit infcrit fur le
bulletin. C'étoit un crime capital de
jetter dans l'urne deux bulletins
chargés du même nom , excepté le
cas de la concurrence de deux frè-
res , & alors chacun de ces deux
noms devoit porter fa marque
de diftindion. Nous obfcrverons
ici , que comme les frères chez les
Grecs portoient d'ordinaire des
noms differens , un tel cas devoit
être extrêmement rare. Le? élec-
tions par l'élévation ou l'extenfion
de la main fe faifoient dans les af-
femblées du peuple. Les Magiftrats
appelles Thefmothhes ou Légijlateurs
lui prcfentoient divers fujets , & le
peuple témoignoit approuver l'un
â'entr'eux en élevant les mains ,
comme par acclamation. L'éledion
•par Scrutin à la pluralité des voix
eft reavoyée par M- Blanchard à fa
Diflertation fur les Prytanées , qui
fdit immédiatement cet article , &
dans laquelle on pourra chercher
quelque détail fur ce point.
Les Officiers élus dévoient fubir
devant le Tribunal des Archontes ,
un interrogatoire juridique fur le
refped qu'ils avoient toujours eu
pour leurs père & merc ou ceux
qui leur en tenoient lieu , fur leur
alîîduité à porter les armes pour le
fervice de la Republique pendant
le tcms prefcrit par les Loix , fur
l'exercice de la Religion reçue dans
le Pays , & fur l'état de leur fortu-
ne , tel , qu'il pi^it être une caution
fuffifante de leur geftion. A Toc-
cafion du fervice militaire , dont
l'article faifoit partie de l'interro-
gatoire en queftion , l'Académicien
obfcrve que les jeunes Athéniens
étoient envoyés en garni fon , où ils
fcrvoient depuis l'âge de i8 jufqu'à
celui de 20 ans -, après quoi ils pré-
tOKnt un ferment dont la formule
réglée par la Loi , rouloit fur plu-
ficurs chefs qu'il a foin de fpccifier
ici , & qui tous tendoient à mainte-
nir la Religion & le gouvernement
politique.
Nul Officier ne pouvoit exercer
deux emplois en même tcms , ni
palTer d'un emploi à un autre , s'il
n'avoit auparavant rendu compte
defoH adminiftration pardevant les
Magiftrats nommés Logifles , qui
prcnoient féance avec les Archon-
tes pour cet examen, dont M Blan-
chard particularife ici les formali-
tez. Faute d'avoir rendu fes comp-
tes , on étoit incapable d'aucuns
effets civils, même de l'adoption ,
on n'avoit pas la permillion de for-
tir de l'Attique , & on ne joUifloit
;;<J JOURNAt DE
d'aucuns des honneurs aufquclson
eût été d'ailleurs en droit de préten-
dre. En un mot , d.ins nul Tribu-
nal on n'étoit exemt de cette reddi-
tion de compte , & un Arcopagite
même y étoit foûmis comme tout
autre Magiftrat.
M. Blanchard nous parle après
cela des Greffiers employés dans
chacun de ces Tribunaux, & qui
ctoicnt pris au nombre de trois
pour chacun , parmi les efclaves
publics. Ils n'avoient d'autres fonc-
tions que celles d'écrire les Arrefts
& de lire les Ordonnances & les
Loix à la requifition des Orateurs,
comme on le voit parlcsHarangues
de ' Démofthéne & d'Efchine , où
ceux-ci interrompent fouvent leurs
'difcours pour dncjifez Greffier.
L'interprétation des Loix obfcu-
rcs éroit déférée au Tribunal des
neuf Archontes , Juges tirés origi-
nairement des plus lilufties famil-
les. Le premier de ces neuf don-
roit le nom à l'année de fa Magi-
ftrature ; le fécond s'appelloit le
Roi ; le troifiéme le Polémarejite , &
les fix autres fc nommoient Tlocf-
mothétes. L'Académicien nous in-
forme touchant ces Archontes de
la manière de les élire , des preuves
de vie & mœurs qu'on exigeoit
d'eux , des articles du ferment
qu'on leur faifoit prêter , des rcf-
ped:s qui leur étoient rendus com-
me à. la Republique même, & de
quelques autres circonftances qui
iesconcernoient , & qu'on peut li-
re dans la Pièce dont il s'agir.
II. 1>L Secoujfe ^ à l'exemple de
pluficurs Savans qui ont recueilli
S SÇAVANS ;
les fautes qu'ils ont remarquée*
dans Plutarque , a fait fur quel-
ques Vies des illuftrcs Romains ,'
écrites par cet Auteur , des Obfer-
vations de ce genre , par lefquelles
il paroîc que l'ignorance de la lan-.,
gue latine , dont cet Ecrivain Grec
n'avoir qu'une connoilTance très-
fuperficiellc , a eu fouvent grande
part aux méprifes où il ell tombé :
ce que l'Académicien a foin de ju-
ftitier en conférant ces Vies avec le
récit qu'on en trouve chez plufieurs
autres Hilloriens. On a dé)a vu fes
Remarques fur lesVies de Camille,
de LucuUus & de Pompée , dans le
cinquième Volume de l'Hiftoirc
de l'Académie; & dans celui-ci on
lit fes Obfcrvations furies Vies de
CralTus , de Caton d'Utique , de
Céfar , de Cicéron , de Brutus , Sc
d'Antoine. Nous rendrons compte
de fes Remarques fur la Vie de Cé-
far.
I. La première page de cette Vie
comparée avec la narration de Sué-
tone , fourmille de fautes ( fuivant
M. SecoulTe ) non feulement pat
rapport à quelques circonftances
clTentielles , mais encore dans l'ar-
rangement des faits Hil^oriques fut
lefquels ces deux Ecrivains con-
viennent. Ce ne fut point , comme
le dit Plutarque , pour fc fouftrairc
à la colère de Sylla que Céfar palfa
dansl'Afie ; mais ce fut pour y por-
ter les armes & pour y fervir fous
le Préteur Thermus. Ce ne fut
point en revenant de la Cour de
Nicomédie qu'il fut pris par les Pi-
rates; mais ce tut dans le trajet qu'il
fit une féconde fois en quittant
Rome
I
O C T O B
Rome pour fe retirer à Rhodes. De
cette l(le Céfar palfa dans l'Afie ,
où il fit , contre un Lieutenant de
Mithridate , une expédition dont
Plutarque n'a point parlé.
2. En lifant fans beaucoup d'at-
tention un endroit de cet Auteur ,
gÙ il raconte tout de fuite deux faits
concernans Céfar ; l'un qu'allant en
Efpagne , comme Gouverneur de
cette Province , il avoit dit qu'il
aimeroit mieux être le premier
dans une petite Ville que le fécond
à Rome ; l'autre qu'étant en Efpa-
gne , &: lifant la Vie d'Alexandre,
ii fe mit à pleurer , honteux de
n'avoir encore fait rien d'éclatant à
l'ace où ce Prince avoit conquis
tant de Royaumes : on fe figure-
loit d'aboid que Plutarque auroit
ref^ardé ces deux faits comme con-
temporains. Mais en examinant de
plus près le paflage , on reconnoî-
tra ainfî que l'a reconnu M. Se-
coulfe , qucl'Hiftorien n'eft point
tombé dans l'Anachronifme de
placer en même tems deux faits en-
tre lefquels il y a au moins dix ans
(^'intervalle ; le premier étant arrivé
lorfque Céfar alloit en Efpagne en
qualité de Proprétcur à l'âge de 3 z
ans ; & le fécond , lorfqu'il fe trou-
voit dans la même Province dix
ans auparavant , en qualité de Qiie-
fteur. Ainfi ce fera une méprife de
moins dans Plutarque. Mais il de-
voit , par une expreflîon moins
équivoque , épargner ce mal enten-
du à un Ledeur peu attentif
5. C'eft encore un fait déplacé
que le fonge abominable que fit
Ccfat la nuit qui pré«çeda le paffage
O^okre.
RE; Ï75?' sn
duRubicon, félon Plutarque j au
lieu qu'il eut ce fongc long-tems
auparavant , &: lorfqu'il n'ctoit en-
core que Queftcur en Efpagne , s'U
en faut croire Suétone & Dion.
4. La quatrième Remarque de
M. Secoufle roule fur ce que dit
Plutarque au fujct de l'Ide Britan-
nique dans un palfage un peu em-
brouillé & dont il paroît c^u'^myoî
&C Dacier n'ont point pris le vrai
fcns. Selon eux l'Auteur y aiïurc
qu'o« doutait que cette Jjls exiflàt , à
caitfe de fon excejfive grandeur. Selon
M. SecoulTe , & l'Interprète Latin,
il n'a voulu dire autre chofe , finon
qu'»« ne croyait pas que ce Pays fàî
une IJle , à caufe de l'excejfive gran-
deur quon lui donnait j & c'cft le
fcns le plus naturel que fcmble pré-
fenter l'cxpreflîon gréque : vITirovà^i-
rK;u«v»ï u-arô^ejï'Srt. Le palfage entier
fîgnifieroit donc Que les uns s'imagi-
noiem que ce Pays n'exiflnit pas , &
que les autres ne pouvaient croire que
cefiit une IJle. Cela revient à ce que
témoignent Dion & Tacite , que
lorfque cette Ifle fut venue à la
connoiflance des Grecs &c des Ro-
mains , on agira la queftion , favoir
fi c'étoit une Ifle ou un Continent,
& que plufieurs écrivirent fur ce
fujct •, mais que ce ne fut que du
tems d'Agricola , que les Romains
s'aflurerent par eux-mcmcs que c'é-
toit une Ifle , en ayant tait le tour.
Tacite paroît fe contredire ailleurs
fur ce point lorfqu'il dépofe que
deux Ecrivains Romains , l'un an-
cien , l'autre moderne , avoienc
dit que la grande Bretagne refle n-
bloit à une efpece d'écucUc ou d«
Eec c
nS JOURNAL DE
hache ; d'où il ctoitnarurcldc con-
clure que c'ctoit une lllc. C'cft ce
que certifie , & fans en douter ,
Polvbc , plus ancien que tous ceux
qu'on vient de citer , & dont l'A-
cadémicien allègue le palTagc , où
il eft fait mention des //?« Britan-
Tii^iies au pluriel : ce qui prouveroit
que de ion tcms on connoilfoit
même l'Irlande.
5. M. Secoulfe trouve que le ré-
cit que tait Plutarquc de la guerre
d'Alexandrie n'eft nullement exadl.
Celui-ci raconte , que Céfar pen-
dant fon fcjour à Alexandrie, ayant
découvert que l'Eunuque Pothin
&c Achillas Général des Egyptiens
avoient complortc de le tuer dans
un feftin , il lit mourir Pothin , èc
qu'Achillas s'ctant fauve à l'armée,
excita contre Céfar une guerre très-
dangercule. Il paroît parle témoi-
gnage de Céfar lui-même , qu'A-
chillas a voit quitté Alexandrie
long-tems avant la mort de Po-
thin i mais qu'il y revint à la foUi-
citation de celui-ci pour attaquer
Céfar ; que ce fut alors que fe don-
nèrent les combats dont parle Plu-
tarque, & qu'il place mal-à-propos
après la mort de Pothin : Que Cé-
far fit tuer cet Eunuque , parce
qu'on découvrit qu'il exhortoit fe-
crettcment Achillas à ne point fe
décourager & à pourfuivte l'execu-»
tion du projet formé entr'eux. Cé-
far ne nous en apprend pas davan-
tage, Lucain nous entretient fort
au long de ce projet. Dion dans le
récit de ce dernier événement s'ac-
corde affcz avec Céfar.
i. Plutaxque (apporte que Ip
S SÇAVANSi
lendemain de la mort de Céfar , le
Sénat ordonna que Icdétunt feroit
honoré comme un Dieu. Il y a deux
fautes dans ce palfage , au fenti-
mentdcM. SccoutTc , & il rcfulte
de la difcullîon hiftoriquc allez
étendue où il s'engage pour l'c-;
claircilfcmcnt de ce tait , que véri-
tablement-peu de tems après la
mort de Céfar , le peuple établit en
l'honneur de ce Conquérant un
culte religieux, que Dolabella bien-
tôt après abolit : mais que Plutar-
que s'eft mépris en affurant que de»
le lendemain de la mort de Céfar ,
les honneurs divins lui furent dé-
cernés par le Sénat , puifque le té-
moignage de Cictron 3c les induc-
tions tirées des Hilloriens de ce
tcms-là font foi, que ce ne fut que
fept mois après ou le premier de
Septembre, qu'Antoine fe crut af-
fez puilfant pour contraindre le Sé-
nat à honorer Céfar d'un culte reli-
gieux , qui fe rcduifoit au mélange
des cérémonies funcbres o.dinaircs
& desfupplicat'on;. telles qu'on les
adreffoitaux Dieux ; mais qu'à par-
ler exadlement on ne peut pas dire
qu'avant le tems d'Augufte , le Sé-
nat ait décerné les honneurs divins
à Céfar.
7. M. SecoulTe termine ces Re-
marques en avertidant que la Vie
de Céfar eft celle de toutes les Vies
compofées par Plutarque , où las
faits font moins détaillés & les
omillîons plus nombreufes ; cet Hi-
ftorien s'étant fur-tout néglige dans
ce qu'il nous raconte de la guerre
des Gaules.
III. La DilTçitatioa de M. Ffm^^
I
9Hêttt î'aîné fur l'utilité des Langues
Orientales , pour la cannoijfance ds
VHijiofi-e ancienne de la Grèce , éta-
blit cette vérité fur cette coniîdera-
tion : Que la Grèce ayant été peu -
plée par des Colonies venues de
l'Orient & de l'Egypte , la Langue
de celles - ci mêlée avec l'idiome
naturel du Pays , a dû jetter fur
l'Hiftoire de ce même Pays une
grande obfcurité , qui lui donne le
plus fouvent l'air de Fable , & qui
ne peut être difîîpée que par le fe-
cours des Langues mêmes , d'où
partoicnt ces Traditions Hiftori-
ques fouvent mal exprimées ou
mal entendues. C'eft conformé-
ment à ce principe , que l'Acadé-
micien prétend qu'on peut corriger
toutes les fautes de nos Chronolo-
giftes , tels que Marsham, Neivton^
le Père VeTron , &c. & il pr^^uit
quelques exemples de ces correc-
tions. Mais pour donner là-deflus
quelque chofe de plus méthodi-
que, il fc renferme dans deux arti-
«les \ l'un emprunté de la Mytho-
logie & qui cft la Fable de Perfée &
Jes Gorgones , où la fagacité de
tous les Critiques a échoiié , de leur
propre aveu : l'autre puifé dans
l'Hiftoire même , & c'eft la fameu-
fe Infcriptiondu Tombeau de Sar-
danapale. M. Fourmomt fe flatte de
trouver dans l'ancienne Langue
Phénicienne le véritable dénoiie-
mcnt de ces deux faits fi difficiles à
expliquer,
I. Il commence par la Fable dcf
Gorgones , & il la réduit à cinq
points cipitaux, i°. Phorcys Dieu
Maria 5c fa femme C*fc. z°. Ses
O C T OB R E ; I7Î5.
SS9
cinq hlles , deux appellées Grées
( Graia ) fa voir Enyo & Péphred» ;
trois autres nommées Gorgones ^ fa-
voir Stioéno , Eitryale Se Alédup.
3°. Les Gorgones n'ont à elles trois
qu'une dent , une corne & un œil.
4°. Du chef ou de la tête de Médufe
coupée fortent un homme [ c'eft le
Forgeron Chryfaor ] & un cheval
( c'eft le Pégafe ). f. Ce Cheval ailé
ne fert dans la Grèce qu'à Perfée 8c
à Bellérophon. Qui devineroit ja-
mais que fous une fidlion lî bizarre
fcroit caché l'événement qui fuit î
Polydede Prince Grec , Roi de
Sériphe envoyé ù Flotte fous la
conduite de Perfée fon Amiral con-
tre celle de Phoscys Prince Phéni-
cien, Roi d'Itaque , de Cephalo-
nic &c de Corcyre^ laquelle compo-
fée de cinq vaiflcaux , revenoit
d'Afrique chargée des richefTes que
lui fournifloit fon commerce en ce
Pays-là. Ces richefles portées par
trois de ces vaiiTeaux , lefquek
ktoicntCorcyréem , confiftoienten
or ^ en y voire ou â^f»?j d'Eléphans ,
en cornes rares de divers animaux
en;'f«.vd'Hyaines & autres pierretf
précieufes. Les deux autres vaif-
feaux pris fur les Grecs , portoient
l'eau douce & le rcfte des provi/îonï
neceflaires. C'eft aux trois premiers
que Perfée s'attache principale-
ment ; il fe rend maître de celui
que montoit l'amiral Phénicien ;
il lui coupe la tête ; & il trouVc'
dans ce vaifTeau beaucoup d'or ^ ua'
Ouvrier pour le mettre en œuvre
& un de ces animaux fauvages ap-
pelles Pacajfes , dont parle Pline, Sc
qui font une efpece de Bufle à lo»z
E c e c i j
S6o JOURNAL D
fucs oreilles qui paroiircnt comme
des aîlcs , fur-tout lorfquc cet ani-
mal court. Voyons picfcntement
avec quelle probabilité l'Académi-
cien fait découvrir toutes ces cir-
conftances dans la Fable des Gorgo-
nes , à l'aide des termes Phéniciens
mal expliqués par les Grecs.
Il tait d'abord ces deux Remar-
ques préliminaires ^ 1°. Que dans
toutes les Langues Orientales ,
CCS mots Bei^i , Befiei ^ Bat , Ba-
tioth , { fils 5c filles ) défignent
également la 7nujfance &C la pojjèf-
fion ; Se qu'en vertu de cet ufage
les vailfcaux d'un Prince s'appel-
lent/^^//-f , & {es Galères fes filles :
2°. Que dans tous les tems chaque
vaifleau a eu fon nom particulier ,
le Centaure , la Baleine , &:c. Cela
pofé , les c'mc\filles de Phorcys font
les cinq F'aiJJeaux de fa flotte,dont
tous les noms font Phéniciens.
1°. £«^'0 , en Phénicien 0»ia , eft
un FaipdH de charge : z°. Péphrédo^
par tranfpolltion , pour Perphédo ,
en Phénicien Béer-Phaitfa , cft un
Vaijfeau chargé d'eau douce : 3*.
Stheino , en Phénicien Stèina , cft
un Vaijfeau k rames , une Galère :
4°. Euriale , en Phénicien Evria-
léi eft une Chaloupe -. 5°. Mcdiifa
( en grec yâvç ftîivra ) le Vaijfeau du
Chef de la Flotte , a confcrvé feul
fa dénomination gréquc, fans l'em-
prunter comme les quatre autres ,
du Phénicien , qui feroit Malca en
fous-enteiidant^f/'/;/«<Î3C'eft-à-dire
Vaijfeau Royal.
De ces cinq Vaiflcaux , trois
ctoicnt de l'Ifle de CorcyrefKîfWfu)
^.QÙ fe tiic , fuivant M. Fourmonc,
ES SÇAVANS;
le nom Patronvmique Kotir.k» ,
(Kofx») & en adoucilfant la pro-
nonciation , Gorgo : & voilà ( ditr
il ) les trois Gorgones. Les deux au-
tres Vaifteaux a voient été pris fut
les Grecs ( ffaT.i ) par ces mêmcs-
Phéniciensqui exerçoicnt la Pirate-
rie dans les Ifles de l'Archipel : Sc
voilà les deux G^ées [ {fuimi^. Les
Grecs ont dit que les Gorgones n'a.-
voient à elles tiois qu'une dent^ une
,eorne &c un œil , en rapportant mal-
à-propos à chacune de ces trois for-
tes de marchandifcs le terme Phé-
nicien ( Echad ) un , chacun , au
lieu de ne l'appliquer qu'à chacun
des trois premiers Vaifteauxi & de-
là eft venue l'équivoque. La tête de
Médiife coupée n'cft autre chofe
que l'amiral Phénicien décapité. Le
venin dangereux que répand htète
de ^I^édufe , eft une autre équivo-
que autorifée par la double lïgnih-
cation du mot Phéniciciv Rojchaut
fc prend pour le chef ou la tête ^ Sc
pour un poifon. Chryj'aor &L Pégafe
fortis de cette tête , ne font ^ ccm-
mc l'on voit, que {'ouvrier tr. orSC
le Pacajfe , qu'on avoit fans doute
apprivoifé , & que l'on moiîtoit.
comme un cheval,
A l'égard des pétrifications étran-
ges opérées par la tête de Médufe -,
on fait que le Pays où fe palTa cet
événement , & qui cft le voillnagc
des Syrres & de Cyréne, a toujours
été renommé pour ces fo. tes de pé-
trifications , puifqu'au rappoitdes
Ecrivains Arabes, on y trouve des
Villes entières , où les Hommes ôc
les animaux pétrifiés paroilfcnt en-
core dans les mêmes attitudes;
O C T O
flti'ils avoient au moment de leur
pétrification.
Cette Fable ainfi rendue au Phé-
nicien par M. Fourmont , devient
( félon lui ) très-claire &C trcs-intel-
ligible. Voyons comment il fe tire
du fait hiflorique ou de l'Infcrip-
tion de Sardanapale.
2. Cette Infcription fe lifoit fur
un Monument érigé en l'honneur
de ce Roi d'AiTyrie à Anchialé pe-
tite Ville de Cilicie voifine de Tar-
fe , à laquelle même elle fervoit de
port. Ce Monument ( félon notre
Académicien ) n'étoit point un
Tombeau , puifque Sardanapalc
avoit le fien à Ninive ; c'était plu-
tôt une forte d'Arc de Triomphe
conftruir par ks Ciciliens en recon-
noilTance des bienfaits de ce Prince.
Du confcntement de tous les Au-
teurs , r Infcription ttoit en carade-
res Chaldaïques , Se par confe-
qucnt les Grecs en parjoicnt», non
pour l'avoir lue eux-mêmes , & l'a-
voir entendue , mais feulement
d'aprcs les habitans des lieux-. Voici
en quels termes ils luppofoicnt que
traduite en prec elle devoir être
conçue. SAPAANAHAAOS ANAKTN-
AAPASEft AFXIAAHN EAtlME KAI
TAP20N MiH hmEPH , après quoi
on lifoit ces trois mots : es©ie , ni-
tiE , nAiZE , ou comme on lit ail-
leurs, OXLrE : c'eft-à dire : Sarda-
tiavale jils £ Anakyndarax , en un
fsul jour , hâtit Anchialé & Tarfe :
pour toi , paffant , mange , bois ,
réjouis-toi , ou , fais l'amour. Nous
cbfcrverons d'abord que l'Acadé-
iriicicn a eu foin d'écarter de l'inf-
ciiptiontout ce qui pouvoit l'em-
B R E, Ï75 ?: s'St
barralTer , comme ces trois mots :
AAAA NYN TE0NHKEN , mais à prc-
Jent d ejl mon , qui fuivcnt immé-
diatement HMEPH : 8c ces quatre
autres , tv Si a %hi , four toi ^ paf-
fant : & allègue pour raifon du
premier retranchement , que les
trois dernières paroles ne font que
l'addition ordinaire des Epitaphes.
Pour les quatre autres petits mots ,
il les fupprimc , félon toute appa-
rence , par la même railbn.
L'Infcription ainfi réduite à fa
juftc valeur , quant aux termes ,
voici comme l'Académicien conjec-
ture qu'elle pourroit être reftituéc
en Chaldéen : Sartan - Phid ban*
Koundarras , eth-Achayialam veeth-
Tarfchifit bejoma cheda. Akeleih ^
Schteih , abedeih. C'efl: - à - dire :
Sardan-Phttl a bâti U Forterejfe de
Quindafur le torrent , Anchialé &
Tarfe en unfeuljour , en les élevant
depuis leurs fondemens ^& en y met-
tant ponts-levh , portes & verroitx.
Les reflexions de M. Fourmont fur
ce Texte en font fentir toutes les
équivoques aux moins verfés dans
les Langues Orientales.
Ces mots Chaldéens bana Koun-
da aras fignifient à. la lettre a bâti
la Forterejfe du torrent. Mais en pre-
nant le h de bana pour l'abrégé du
mot ben , fils , comme il fe prend
tous les jouis dans les Infcriptions
Juives , on aura fait à^ana-Kounda-
aras ^ le nom d'un homme pcre de
Sardanapalc & abfolument incon-
nu parmi les Rois Affyricns, De
plus, l'Hiftoire Grcque nous ap-
prend que Quinda eft une Fortcref-
fe de Cilicie j & Ras ou Amts ^
5^2 JOURNALD
«l'où dérive le nom d'A^axh Flcu-
YC célèbre , figiuhc en Chaldécn
Fluentiim , fur-tout un torrent , un
eoHr.wt impétueux.
Il ne rcfte plus à c:çpliquer que
les trois derniers mots, yikjleih ,
prétérit du verbe Calah , lignihc
il A perfeclionné , achevé ^ mis lit der-
nière mata ; impéiatit du verbe
Acal , il veut dire rn^nge. Scheteih ,
en prétérit fianific // .tjeitélesfonde-
mens d'un éMfice \ Se en impératif ,
tais. Abédeih , prétérit tiré de Bad^
£îgnific // a mis les clô'ures & leurs
verroux:8c impèrM( isBada Jais ou
dis des obfcenitez.. Cette explication
(dit THiftorien ) eft fiinple , &
préférable à tout ce que ks Grecs
en ont écrit.
IV. L'ancien Monument de faint
Rcmi , Ville de Provence, nouvel-
lement décric pat M. de Mautour ,
l'avoir été déjà par Honoré Bouche^
Hiftorien de cette Province , par
Sport j dans fes Recherches , & par
le R. P. de Mintfmcoti , dans fon
Antiquité explicjnéche. delTein qu'en
a fait graver ici l'Académicien , cft
beaucoup plus grand &: plus exad: ,
ayant été tait fur les lieux par un
habile dellînatcur. C'eft [ dit-on ]
une cfpece de Maufolée , compofé
de trois parties ; i°. d'une bafe
quarrée, chargée de bas reliefs li
effacés qu'à peine y dill:inguc-t-on
les traces de quelques batailles }
2°. d'un bâtiment quatre plus éle-
vé que la bafe , percé à [our des
quatre cotez par autant d'arcades ,
& dont les angles en forme tic pi-
laftrcs d'ordre corinthien , font ca-
nçlés & charges d-'oroemens ; 3".
ES SÇAVANS;
d'une cfpece de rotonde ou de Iiri'»
terne que termine une calotte for-
mée par dix colonnes d'ordre co-
rinthien , ifolées ic canelées , &
dans laquelle on voyoit du tcms dç
Bouche deux Statues debout , dra-
pées &c vêtues à la Romaine , mais
fans têtes aujourd'hui & appuyées
contre deux piiliers.Cc Maufolée a
un peu plus de 5 1 pieds de hau-
teur -, on ne trouve point ici la mc-
fure de fon diamètre , mais on con;
çoit lifémenc de quelle folidité
doit être un pareil édifice pour
avoir pu jufques ici rcfîftcr aux in-
jures du tems.
Sur la frifc d'une des arcades rè-
gne cette Infcription abrégée ^ ea
lettres majufcules : S E X. L. M.
JULI^. I. C. F. PARENTIBUS
SUIS. Les Auteurs cités plus haut
en ont donné jufqu'à onze explica-
tions, toutes peu vraifemblablcs.'
M. de Mautour qui n'ofe fe flatter
d'être plus heureux en conjed urcs,
attribue ce Monument à un Sextius
de la famille de Caïus-Sextius-Cal-
vinus , Conful Romain , Fonda-
teur ou Reflaurateur de la Ville
d'Aix , en ^50. ou tfj i. de Rome ,"
fuppofant d'abord avec quelque
vraifemblance que ce Sextius de
rinfcription avoit pour prénom
Cdius , marqué par un C. effacé pa«-
le tems eu omis par le Dcfllnateur}
prénom attaché à la famille de Sex-
tius , commeon le juftifie par une
ancienne Infcription. Pour les deux
lettres initiales fuivantes , L. M.
r.Académicicn fe croit bien fondé à
les expliquer par Luciiis & par A'ftX-
ritHs , mot ( dit-il } Ci fouvcnt cm-
O C T O
j>îoyé dans les Epitaphes. Il fuppo-
le encore que le Sextiiis dont il s'a-
git , avoit époufé une Julie , de
l'ancienne famille des Jules , & al-
liée à Julie, tante de JulesCéfar &
femme du grand Marius , qui 22
ans après la viiftoire remportée par
Caïus-Sextius fur les Saliens , l'an
de Rome 852. défit aux environs
d'Aix les Cimbrcs , les Teutons &
les Ambrons. M. de Mautour ex-
plique donc ainfi l'Infcription :
Cams SEXtius Liicius Maritus JU-
Z,Ity£ Incompambilis Curavit Fieri
PARENTJBVS SUIS. C'ell-à-di-
fe : Sextius mari de l'incomparable
Julie a fait ériger ce Monument a la
mémoire de [es MJcctres ; à caufe des
vi<5toires qu'ils ont remportées dans
k Provence,
L'Hiftoricn par ces mots .yfAr/i«/-
Liberttts mwens Jiilia Julii C<efaris
film , ( en fupplcantyî'C'^ , fofmt ou
dicavit ) fournit une autre explica-
tion fort naturelle, mais dans la-
quelle , ainfi qu'il l'obferve lui-
même, CCS deux mots parentHus
yî</i n'auroient aucun fens raifonna-
ble. Tout auprès de ce Monument
on rencontre les débris d'un aut.c
qui étoit un bel Arc de Triomphe
compofé d'une feule arcade , fans
Infcription. M. de Mautour l'a fait
graver ici fur un nouveau deffcin
qu'on lui en a fait tenir.
Quant à la Ville de Saint Rémi,
âont ces Monumens font voifins ,
elle s'appelloit anciennement Gla-
mtm , Se fe trouvoit dans cette con-
trée de Provence qu'occupaient les
Saliens. Mais en 501. elle quitta ce
premier nom poïix prendre celui de
B R E , I 7 5 j; j^5
S. Rémi , à l'occafion d'un voyatre
que fit en Provence cet Archevê-
que de Reims à la fuite de Clovis;
ainfi que le raconte fort au long
BoHcke /'Hifloncn.
V. Les Reflexions de l.i.A'îahu-
del fur le caratlere & l'ufage des Mé-
daillons Antiques , tendent à prou-
ver ; Qiie ces Médaillons ont été
de véritables monnoyes courantes ,
contre l'opinion commune qui les
fait paflcr pour des Pièces analo-
gues à nos Médailles modernes , 6c
deftinées uniquement par les Prin-
ces qui s'en refervoicnt la fabrica-
tion , à confacrcr plus particulière-
ment la mémoire de quelques évé-
némens fignalés , &: à être jettées
au peuple dans des jours delargef-»
fe publique. Il établit d'abord le
C3ra<n:crediftindif des Médaillons,
pour quelque métal que ce foit,
dans la quantité de matière , qui
par fon poids , fon étendue & fa'
fabrique , excède le volume & la
forme du plus grand module des
monnoyes antiques ordinaires.
Sur ce principe l'Académicien
exclut du nombre des Médaillons
1°. des Pièces d'un poids plus con-
fiderablc que celui du grand modu-
le ordmaire , parce qu'il leur man-
que quelque fingularité dans la fa-
brique : 2". des Pièces qui excé-
dent en étendue ce qu'on appelle
le grand bronze , parce qu'elles
n'en font point différentes par le
poids : 3'. les Tctradrachmes d'ar-
gent des Villes Autonomes de là
Grèce , &e. 5c même leurs Pièces
onciales de même métal : 4°. le?
Téttadlraçhmcs d'argent des Empe-
SS^ JOURALDE
rcurs , pris long tems pour Mcdail-
lons à ciufc de leur rareté.
11 appuve l'on fcntiment , pat
rapport à l'ufagc des Médaillons
fur lîx raifons principales.
1°. Ces Pièces n'avoient point
d'autre nom que ceux de nutnmi ou
numifmata , toujours employés par
les Romains pour défigner h mon-
tioye en général &: en particulier.
i°. Ces Pièces , à l'augmentation
près du volume , lont femblablcs
en tout à celles ijui font reconnues
pour monnoyes ■■, même métal ,
même forme , mêmes types , mê-
mes légendes.
3°. La figure de la Déefle révé-
lée fous le nom de A'îoneta , Mon-
noy: , étant une indication naturelle
que Its Pièces où elle eft repicfcn-
téc ont encours dans le commerce,
on doit faire le même jugement de
celles du plus grand volume , puif
qu'elles portent la figure de cette
Déité.
4°. Les deux lettres .S". C. mar-
quées ordinairement au revers des
Pièces de grand , de moyen & de
petit module du haut Empire ,
pour exprimer ces deux mots
Senatus Confulto , le font également
fur beaucoup de Pièces réputées
Médaillons , d'où il refulte que
pour difcerner ceux-ci l'augmenta-
tion du poids & celle du volume
font des caraderes équivoques.
5*. En fuppofant , comme il y a
grande apparence, que les formules,
fnus un tel Proconful , un tel j4rchon-
te , un tel Préteur ^ &;c. marquées
dans les Légendes des Méd.iillons
& des Médailles Gréqucs Impéria-
S SÇAVANS;
les répondent au S. C. des Latins ^
on doit en inférer que les Grecs
foûmis aux Romams avoient une
forme de monn 'ye d un module
au-dclTus du grand bronze, & qu'il
y a tout lieu de prélumer qu'il en
étoit de même à Rome.
6°. Entre les Pièces rcputcci
Médaillons que l'on découvre tous
les jours , la pLiipart font moins
défigurées par l'injure du tems que
par le frai , ou le maniement
continuel , qui tombe beaucoup
plus fur des Pièces deftinées à être
dans le commerce , que fur cellej
qui ne doivent fervir qu'à la gloire
& à la curiofité.
Après toutes ca raifons allé-
£;uces , M. Mahudel va audevant
des objections qu'on pounoit lui
faire & qui fc reduifcnt à 4.
1°. On objecle que la rareté de
ces Pièces femble prouver que ce
n'étoient point des monnoyes. U
répond; Que c'a toujours été la pra-
tique dans la fabrication des mon-
noyes , d'en frapper beaucoup
moins du plus grand volume que
de tous les volumes inférieurs.
On oppofe en fécond lieu ladif-
ficidté de les y?-*î^.')' dans le com-
merce , augmentée par leur poids
extraordinaire & par l'épailTeur du
relief de leurs types. L'Académi-
cien répond; Qiie dans les premiers
tems de la Republique les Pièce*
de monnoye qui pcfoicnt 4 & 5 li-
vres & dont le type avoit i à j li-
gnes de relief , n'en étoient pal
moins une monnoye courante.
On objede en troifiéme lieu ,
l'inégalité de poids & de volume
entre
O C T O
rrxtre les Mcdiillons d'un même
'Empereur 6c d'un même type ,
contraire aux règles de la tabrica-
tion légitime de Pièces d'une mê-
îne efpece & d'une même valeur.
M. Mahudel répond que cette iné-
galité ne lui paroît point un argu-
ment valable contre l'uniformirc
qu'on devoir garder dans la fabri-
-que des monnoyes d'un même mo-
<lule, attendu le peu_ de certitude
<jue nous avons fur toutes les for-
mes Se toutes les proportions obfer-
vées dans les différentes monnoyes
Je chaque Empereur ; de qu'au lieu
làes quatre modules aufqucls nous
prétendons les réduire toutes, peut-
-être y en avoir il plus de 1 2 , puif-
que dans chaque forme on peut
compter trois différences manife-
ûes , tant en étendue ^ qu'en épaif-
fcur & en poids.
4°. On oppofe , enfin , la necef-
.(îté d'admettre pour des libcralitez
un genre de pièces diftingué des
monnoyes courantes par un volume
extraordinaire, par des types plus
hiftoriques , par une gravure plus
cxquife , & par une fabrique fm-
gulicre : & c'cft: la plus forte des
objedions. L'Académicien y ré-
pond en avouant: Que les pièces du
plus grand volume , à caufe de l'é-
légance de leur fabrique , pou-
voient bien être ces pièces de libé-
ralité , fans ceffcr , pour cela , d'ê-
tre de vrayes monnoyes, & d'avoir
cours , ainfi que l'ont eu nos plus
grofles pièces de Varin : il foûtient
qu'il n'y a pas plus d'apparence
que ces pièces ayent fervi aux libc-
lalitez , que celles qui en tout mé^
B R E i 175 ?. T^T
tal ont pour type une diftributioa
de quelques largeffes : Que les ty-
pes des plus beaux Médaillons fc
voycnt également fur le grand Ik le
rnoven bronze , fur l'or &c l'argent,
où il n'a pas falu moins d'art à re-
prefcnter plufieurs petites figures ,
que fur le volume le plus étendu
des grands Médaillons : &C qu'au
regard du droit de les tabriquer rc-
fervé aux Empereurs , ce n'ell: qu'u-
ne fuppofition fondée fur l'omif-
fion du S. C. preuve négative &
très-équivoque, puifqu'on trouve
plufieurs pièces de grand &c de
moyen bronze , qui fans cette mar-
que , ne lailToient pas d'être des
monnoyes.
Cependant M. Mahudel ne refu-
fe pas d'admettre quelques pièces
fingulieres de largelte , en bronze ,
qui bien que deftinées par le pre-
mier motif de leur fabrication à
être monnoyes , ont été converties
à d'autres ufages , par les change^
mens faits a leur forme ordinaire
dès le tems de cette fabricatio.n.
Telles font celles qui ont été argen-
tées , dorées & furdorées -, celles
dont les flaons font compofés
de deux métaux de diverfcs cou-
leuis parfaitement foudcs : cel-
les dont les mêmes flaons avant
toute leur grandeur ordinaire font
terminés à leur circonférence par
des cercles ornés de moulures, qui
doublent l'étendue de volume
qu'auroicnt ces pièces naturelle-
ment , &c.
VI. Les Obfervations de M. Fal-
eonet fur nos premiers Tradu'l ttrs
François font dues à fes recherches
Ffff
S66 JOURNAL D
fur l'époque SiTonquic de la Bouf-
fole , qu'il promet toujours de pu-
blier. Les ledures alllducs de nos
Manufcnts François du inovcu âge
te denosanciensTraductcurs Fran-
çois , qu'il a cntrepnle dans cette
vûëj l'ont conduit, chemin faifant,
à la découverte de plulicurs faits
Singuliers & curieux. C'cft de quoi
il nous fait part ici , en exhortant
dans fon Mémoire ceux de fes Con-
frères qui cultivent en particulier
ce genre de littérature à concouiir
avec lui dans le dclTein de perfec-
tionner l'Hiftoire de France & de
la rendre plus utile par le moyen
<le pluficurs Ouvrages dont elle
auroit crand befoin. Il en trace le
plan , après avoir donne une idée
générale de nos anciens Traduc-
teurs , & un détail plus circonftan-
cié du Livre de Bninctto Latini.
Le plus ancien Tradudeur Fran-
çois que connoille l'Académicien
eft celui du Poème Latin de Gemmn
de Marbodus , dont ce Tradudeur
étoit contemporain i &parconfc-
quent il vivoit au commencement
du douzième fiecle fous Louis le
Gros, Mikius ( ou Michel ) de
Hantes du tems de Philippe-Augu-
fte jtradui fit la Chronologie Latine
de l'Archevêque Turpin , compo-
fée ( félon Papvre Majjon ) du terni
de Charles le Chauve, & [félon Oi-
henart ] par un Efpagnol , dans Je
douzième ficde. Le Texte en étoit
Latin ( félon M. Falconct ) de mê-
me que celui de nos plus anciens
■Romans , tels que ceux de la Ta-
ble ronde , premièrement traduits
<ti rimes Fiançoifes , puis en profe.
ES SÇAVANS,
tels qu'on les lit aujourd'hui. Scvi«
Je règne de S. Louis , au milieu du
treizième [\cz\z, Brimetto Latnii tra-
duifit les morales d'Ariftotc -, & pa-
rut aufîl la première vcriion Fran-
co! fc de la Bible en entier faite par
ordre de Saint Louis, que fuivit
bientôt celle de Qnvixtdes MoH'
/'«/Chanoine d'Aire en 1294. &
quelques autres traduclions,fur lef-
quelies on renvoyé au P. le Long,
Le Livre du Gouvernement des
Rois , de Frère Gilles de Rome , tra-
duit par Henri de GnHchi , fut dé-
dié à Philippe le Bel , avant qu'ii
fût Roi : ^ Guillaume de Ntingis ,
Moine de S. Denis, traduifitlui-
même fa Chronique au commence-
ment du quatorzième lîecle.LeTra-
dudeur Anonyme des Métamor-
phofes d'Ovide moralifécs , paroît
être du même tems. Viennent en-
fiùte les verdons Françoiles de 'Vc-
géce , de la confojation de Bocce ,
& de quelques auures Ouvrages, pat
icdiVide Meitn^ fous Philippe Je BcLv
celle du même Livre de Bocce ,
faite en profe , l'an 1336. par Jean
de Langres Dominicain , puis en
vers , par Renaud de Lottens autrt
Dominicain , puis encore en vers ,
par Jean de This, fous CharlesVIIL
celle du Traité du Jeu des Echecs ,
de Jacques de Cojfole ou de CtJfoUs^
par Jean «/f Fignay Hofpitalier ,cn
1330. puis en 1347. par Jean Ferron
Dominicain : ceJle de Tite - Live
entier , par Pierre Bsrchoire Bénc-
didin , fous le Roi Jean : celle de»
Livres de la Cité de Dieu de S. Au-
guftin, fous Charles V. par Raoul
Me Fratlles , qui fut auffi l'Auteur
O C T O B R E ; 173 J. S^7
delà verfion de la Bible attribuée for de cet Auteur compofé en Fran-
fauflcment ( félon l' Académicien )
\ Nicole Orefme par la, Croix-du-
Maint , & fur la toi de celui ci par
plufîeurs autres : celle de quelques
Livres d' A -litote, de Ciccron &: de
Pétrarque , par Orefme : celle de k
Vie de J. C. en 13 S®, par un Ano-
nyme , laquelle cft d'autant plus
curieufe , qu'elle paroît être une
Traduction de l'Evangile de l'en-
fance , dont il y a des Manufcrits
Latins dans la Bibliothèque du
Roi.
Nous omettons quelques - unes
de ces vctfions , pour abréger ; &
M. Falconet palTe légèrement aulîî
fur les Tradudeurs qui ont vécu
depuis Charles V. jufqu'au tems de
Claude Seijfel. Il ne s'anéte que fur
Laurent de Premier - fm Valet de
Chambre du Roi , Traducteur de
Bocace & desOeconomiquesd'A-
liftote fous le règne de Charles VL
qu'il qualifie du titre de Roitrès-
Chrétien ; d'où il fuit ( obfcrve M,
Falconet ) que Louis XI. n'eft pas
le premier de nos Rois qui ait eu
cette qualité, comme on le croit
communément.
De-là , il palTc à Bru-net Latin ,
iju'il nous fait connoître plus parti-
culièrement. Cet Auteur , né à Flo-
rence peu après le commencement
du treizième ficelé , tcms de barba-
rie pour les Lettres , fut un des pre-
miers qui en reveilla le goût , en
formant une Ecole d'où fortirent
Cavalcanti Se le fameux Dame. On
peut voir dans l'article même les
autres circonltances de fa Vie , auf-
quelles fuccedc la Notice du Tre»
çois tel qu'on le parloit à Paris cki
tcms de S. Louis , Livre au furplu%
qui n'a jamais été imprimé , ic qui-
cil une clpece d'Encyclopédie , dont
voici le début : Cy co^nr/ience le Li-
vre don Tréfor , lequel trarijlat*
Aîaiflre Brunet Latin de Florence ,
de Latin en Romans , &c. D'où l'on
ne doit nullement conclure que
l'Auteur ait d'abord écrit ce Traite
en Latin , pour enfuite le traduire
en François , toute la TranflMiox
dont il parle fe reduifant à celle des
Auteurs Latins dcfquels il em-
prunte les matériaux de fon Ouvra-
ge. M. Falconet en rapporte ici
quelques morceaux que nous ne
tranfcrirons point , nous bornant à
obfcrvcr , qu'outre la /Ingularitc
des expreflions dans lefquelics ils
font conçus , & qui les rend dignes
de remarque , il y en a un qui con-
cerne la vertu diredrice de l'ai-
mant, &quidoitfervir à l'hiftoirc
de la BoulTole , que prépare l'Aca-
démicien.
Quant aux Ouvrages qu'il fou-'
haiteroit pour la perfedion de no-
tre Hiftoire i il y en a trois princi-
paux , fçavoir 1°. un Didionnairc
Géographique de la France , indi-
quant toutes les particularitez de
chaque lieu , fes differcns noms
dans les differens fiecles & Ls di-
vers idiomes provinciaux-, fes chan-
gemens , foit pour le civil , foit
pour le phyfiquc : 1". Une Biblio-
thèque Françoife , ou du moins cel-
les êiz la-Croix-du-Maine &c àe d»
^ifr^/fr exaâiemcnt corrigées ; 5"".
Un GloiTaire François contenant^
Ffïfij *
r^S JOURNAL DES SÇAVANS,
non feulement tous les mots de me cft: tcrmmcc par la not'rcc des
rotrc Langue dans tous les âges , diverfes Infcriptions & Médailles
mais encore leurs origines Celti- faites dans l'Académie , & par les
que , Teutonne, Grccjue ou Lati- éloges des Académiciens morts dc-
nc. A ces trois Ouvrages princi- puis l'année 17^^. jufqucs en 1730.
paux^ M. F.ilconetvoudroit qu'on 6c c[ui [ont i". M. Bignon , 1°. M.
en joignît plufîeurs autres ■, furies le Péleiierdc Souz.y , ^°. l,{. Boivin
poids &: les mefurcsj fur les Mo- le cadet , 4°. M. le Cardinal Çiml-
numens , Infcriptions, Edifices de trr-io , 5". M. l'Abbé Fr^gnier ^ 6°.
toute efpcce -, fur les monnoyes des M. de La Neuville , 7°. M. Coittnre^
Rois & des Seigneurs ; fur l'origi- 8°. M. l'Abbé Bomard , 9". M. de
ne de notre Pociîe , nos Trouba- la Loubêre ^ 1 0°. M. l'Abbé <^f ^"'JJy,
dours , les commencemens &C les 11°. M. Iç PrcCu^cnz de p'"all;oftnays,
changemens du Théâtre François i Dans un autre Journal , nous-
fur l'établifTement de la Religion rendrons compte des Mémoires
dans les Gaules , &c. qui font la féconde Partie de ce Vo-
La partie hiftoriquede ce Vola- lume.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE, OV VOFT
traite de l'origine & du progrès , de la décadence & du retabhjfemsm des
Sciences parmi les Gaulois & parmi les François ; du goût & du génie det
uns & des autres pour les Lettres en chaque Jiecle ; de leurs anciennes
Ecoles ; de l'éiablijfemcnt des Vniverjitez. en France ; des principaux Col-
lèges \ des Acade mies des Sciences & des Belles Lettres; des meilleures
Biblmheciues anciennes & modernes ; des plus célèbres Imprimeries ; & de
tout ce qui a un rapport particulier à laLitteratur: : avec les Eloges Hijto-
riques des Gaulois & des François , qui s y font fait quelque r.putation ; le
Catalogue & la Chronologie de leurs Ecrits , des Remarques Hftoyi(jues &
Critiques fur les principaux Ouvrages i le dénombrement des différentes
Editions : le toutjuliifié par les citations des Auteurs originaux. Far des
Religieux Benedi£lins de la Congre gatiorude S.Aiaur.Tome I. qui compreneC
les tems qui ont précédé la Naijfance ds ] efus-C hrift & les quatre premiers
Jïecles de l'Eglife. A Paris , chez Chaul^ert ^ Libraire du Journal , Quai
des Auguftins , à la Renommée & à la Prudence -, Gijpy , rue de la
vieille Bouderie , à l'Arbre de Jeffé-, Ofmont ^ à l'Olivier -, Huarti'aî-
. né , à la Julîice ; C/o«/»i?r , à l'Ecu de France, rue S. Jacques ; /fwr-
del ; 8c Dtivtd \c ']eunc , à l'Efperance , Qiiai des Auguftns. 1733.
j»-4°. première Partie , pages 414. fans la Préface & la Table des
citations qui en remphffent 64. féconde Partie , pages 450. fans la Ta-
ble des Auteurs & des Matières. Planches détachées i.
LES difierens articles annoncés donnent une idée afTez complette
dans ie titre de ce Volume , de ce gm doit former en général
O C T O
}*Hiftoire Littéraire d'une Nation ,
ôc font connoître en même rems
que la Françoife n'a eu jufqu'ici au-
cun Ouvrac;e qui cmbrafljc toutes
les parties d'un fi vaftc fujet. On
s'cft contenté d'en ébauciier quel-
ques-unes , & d'en traiter quelques
autres avec plus d'étendue. La
Croix-dti-M-iine & du Merdier ont
publié des Bibliothèques aflez peu
cxades des Auteurs François qui
ont fleuri jufqu'à leur tems. Egajfe
du Boull^'.y 3. mis au jour une Hiftoi-
rc très-dcrâillée de l'Univerfiré de
Paris. D'autres Univerfitez de Fran-
ce bc pluficurs Académies ont eu
auflî leurs Hiftoriens. On a vu pa-
roîtie des DilTerrations Hiftoriques
& Critiques compofées par Chevil-
ler & la Caille fur l'origine Se les
progrès de l'Imprimerie de Paris.
Divers Ecrivains , tels que Saime-
Adanhe , de Thon, Teijficr^ Perrault]^
dic. ont recueilli les Vies &: les Elo-
ges des Sçavans François de toute
cfpcce. IJ'autrcs fe font bornés à
écrire en particulier lesVies ouïes E-
loges de ceux qui fe font dirtingués
dans les Sciences & dans les beaux
Arts , chacun en fon genre. Quel-
ques Auteurs fe font renfermés
dans l'Hiftoire Littéraire de quel-
que Province ou de quelque Ville
de France. C'eft ainfi que le P. de
Colonia Jefuite a donné depuis peu
THiftoire Littéraire de la Ville de
Lyon. Mais tous ces morceaux raf-
fcmbiés ne feroient , comme l'on
voit , qu'une très petite partie de
ce que nous prefente le feul titre de
ce grand Ouvrage. Deux Ecrivains
infatigables ^ ie P. Lal'l^e Jefu!.te ,
B R E , 1 7 5 j: s^9
le P. Louis] aceb Carme, & un troi-
fiéme plus moderne en avoient
conçu le deflein, qui eft reité fans
exécution.
Les favans & laborieux Bénédic-
tins ont eu le courage de fe charger
d'une fi pénible cntreprife ; Si ils
s'obligent de fournir fans interrup-
tion une fi longue carrieie , pour
laquelle ils ont déjà prefque toutes
leurs provifions. Le Volume qu'ils
publient aujourd'hui fait augurer
beaucoup du fuccès de leur travail,
5c doit taue fouhaiter au Public
qu'ils foient fidèles à remplix les
cngagemens qu'ils prennent avec
lui. Ils ont grande raifon de regar-
der l'Hiftoire Littéraire de la Fran-
ce comme la partie la plus noble,
la plus utile , la plus cuneufe , mais
d'un autre côté la plus ample & la
plus diificile à traiter de toute l'Hi-
ftoire de cette Nation. C'eft en en-
vifigeant un tel projet fous ce dou-
ble point de vûii , que d'une part
ils font furpris que parmi tant d'E-
crivains célèbres qui ont illuftré la
France dans le dernier fiecle , nul
n'ait exercé fes talensfurun fujet fi
digne de les occuper , & que d'au-
tre part ils reconnoiiïênt que Té-
tendue immenfe de ce même fujet
jointe aux recherches longues &:
épineufes dont il impofoit la ne-
cefllté à quiconque auroit voulu
l'approfondir & l'épuifer , a décou^
ragé les efprits les plus entrcprc-
nans , quoique paftîonnés d'ailleurs
pour la gloire de leur Patrie.
Ce font toutes ces diffîcultcz
prefque infurmontables que nos
Auteurs n'oublient pas d'cxpcfet
S7<y JOURNAL DE
en détail dans leur PréUcc , d'où
ils prennent occallon d aller au-
devant du reproche de rtmerité
qu'on pourroir leur faire fur une
cntrcprilc qu'ils avouent modeftc-
mcnt être beaucoup au delfus de
leurs forces , &.' qu'ils n'ofent fe
flatter ( difentils ) de voir exécutée
par leurs foins les plus alfidus auiîl
partaitement qu'elle mcriteroit de
l'être. Mais ( ajoi'itent-ils) » une
3> noble ardeur , qui nous a faifis
»ÔC infpiré le deilr de faire quel-
» que chofe pour l'utilité de l'E-
>• glife &: de l'Etat, ce qui eft du
i> devoir d'un Chrétien & d'un boa
» Citoyen , nous a élevés au defTus
» de nous-mêmes , en nous laifinc
n oublier notre foibleirc. L'amour
» pour la gloire de la Nation nous a
» perfuadé comme pollîble ce que
« nous tenterions pour contribuer
» à la faire paroître dans un nou-
» veau jour , &i l'a emporté lur la
» perfuafion de notre propre inca-
» pacité.De Ci loiiables raotits nous
»ont fait furmonter , ou il l'on
» veut j ont dérobé à nos yeux tou-
•> tes les ditïicultez qu'un fi vafte
ndeflein prefente de lui-même. En-
j> tieremcnt livrés à leur attrait ,
» nous n'avons pcnfé qu'à les fui-
» vre , &c moins fongé à plaire par
» notre cntreprife , qu'à nous ren-
M dre utiles.
Après rexpofition de ces motifs
fi propres à juftitier leurs tentati-
ves , ils rendent un compte exacft
Se circonftancié du plan iSc de toute
i'occonomie de cet important Ou-
vrage. Ils prétendent , en premier
lieu , y faire entrer tous les Ecri-
5 SÇAVANS ;
vains tant François que Gaulois ,'
dont on a connoilfance & qui ont
laiifé quelque monument de Litté-
rature , foit que leurs Ecries ne fc
trouvent plus , foit qu'il en reftc
des Ouvrages , en quelque langue
6 fur quelque matière que ce puif-
fe être. Ils n'en excluront pas mê-
me les gens de Lettres , qui fans
avoir tait ufage de leur plume , ont
excellé dans les Sciences; mais ils
n'auront cet égard pour ces fortes
de Savans que jufques au fixiémc
ficelé , après lequel ils fe difpenfe-
ront d'en parler , s'ils n'y font dé-
terminés par quelque raifon parti-
culière. Ils joindront de plus aux
Ecrivains Gaulois ou Fiancois de
nation , ceux qui ont vécu long-
tems dans les Gaules , fur-tout s'ils
y font morts ; foit qu'ils y ayenc
gouverné quelque Eglifc , comme
S.Irenée/oit qu'ds y aycnt enfeignc
les Belles-Lettres, ou publié quel-
ques-uns de leurs Ouvrages , com-
me La(flancc au quatrième ficelé ;
mais on n'ufcra que fobrenicnt de
cette liberté , fans l'étendre jufqu'à
ceux qui n'ont fait que fe montrer
dans ce même Pays , tels que
S. Athanafe , S. Jérôme -, le Méde-
cin Oribafc , &c. ou à tous ceux
qui fans être François ont illuftrc
la Langue FrançoÙe par quelque»
Ecrits.
On examine ici une difficulté
qui fe prefente fur les bornes que
l'on doit donner à notre France ,
dans les differens fieclcs. Cette dif-
ficulté qui eft nulle , par rapport
aux tems les plus reculés , ne tom-
be que fur les fieclcs pollcrieurs, où.
O C T O B
les François érigèrent les Gaules
en Monarchie après s'en être empa-
rés. Nos Auteurs , félon l'avis des
Savans qu'ils ont confultcs ^ ont
pris le parti de lailler à notre Mo-
narchie jufqu'au neuvième fiecle
toute l'étendue qu'avoir l'ancienne
Gaule ; mais depuis la fin de ce
iîccle , d'abandonner aux Allemans
le Diocéfe entier de Trêves avec
les Métropoles de Cologne , de
Maïence & leurs Evêchez fuf&a-
gans-, les Dioccfes de Bade, d'Yver-
dun j d'Avcnchcs ou de Laufanc ;
en confeivant Strafbcurg , ainfi
que les Archcvêchez d'Utrecht Se
de Malines, mais ces deux, derniers
feulement jufqu'après le commen-
cement du quatorzième fiecle , en
y joignant même le Diocéfe de Liè-
ge quoique fuiTragant de Cologne.
Au-defious de cette époque, ils
donneront pour limites à la France
de ces cotez - L\ les Pays enfermés
aujourd'hui fous les Métropoles de
Reims , de Cambrai , & fous les
trois Evêchez , ce qui comprend ,
comme l'on voit ^ la Lorraine. On
leur a confeillé d'en ufcr de même
par rapport à la Savoye & à la Ville
de Genève. S'il leur anive , quoi-
que rarement , de taire , à l'xxem-
ple des Géographes, quelques ex-
curfions au delà des bornes qu'ils
fe prefcrivent , ils efperent qu'on
voudra bien les leur pardonner en
faveur de l'imitation qui les autori-
fe. Ils n'ont eu garde de déférer à
l'avis de ceux qui vouloient que
pour éviter l'embarras de toutes ces
^iftindionSj ils s'en fuflent tenus
aux diviUons de la Gaule Chiétien*
RE, ï7M^ Sir
ne \ ce qui ei"it introduit dans l'Hi-
ftoire de la Littérature de France ,'
quantité d'Auteurs qui ne font
François ni de nation,ni de mœurs,
ni de langage. Ils déclarent donc
que dans cette Hiftoire , il n'en pa- ,
roîtra aucun qui ne foit ou natif ,
ou originaire du Pays qu'ils vien-
nent de limiter , ou du moins qui
ne s'y foit habitué.
Nos Auteurs fe font propofé en
fécond lieu , de préférer à tout au-
tre l'ordre Chronologique , dans
l'arrangement des Ecrivains qu'ils
raffcmblent ici , & qui dans cha-
que fiécle , foit avant , foit depuis
la Nairtance de J. C. prendront
leur rang , ou de la date de leur
mort , quand on la faura , ou de
l'époque de leurs dernières allions,
ou du tems auquel ils ont fleuri.
Tout ce qu'on a deflein de nous en
apprendre dans cette Hiftoire fç
peut réduire en général à fept arti-
cles -, favoir i°. la Vie de chacun
de ces Ecrivains ; i°. fes Ouvrages
véritables & qui exiftent actuelle-
ment , dont on indique l'ordre,
la Chronologie , le fujet & l'occa-
fîon ■■, 5°. fes Ecrits perdus j 4°. fes
Ecrits douteux ■, 5°. ceux qu'on lui
a fuppofés ; 6". fa doiftrine , fon
ftyle , 5i les jugemens qu'on en a
portés ; 7°. le dénombrement des
différentes Editions de fes Ouvra-
ges , defquelles on a grand foin de
marquer les meilleures.
Dans ce détail de la Vie des Sa-
vans , nos Auteurs ont pris à tâche
fdifentils) de faire entrer tout ce
qui leur a paru necelTaite pour faire
connoître l'homme extérieur & l'hom-
/7* J O U R NA L D
me intérieur -, £■ tenant cgalenicnc
en garde contre trop de prolixité
ou trop de fcchcrcffe. Par cette at-
tcncten, ils épargnent à un Lcdicur
la peine de recourir ailleurs pour
s'inllruirc plus à fond du mérite
d'un Ecrivain qui l'intcreflc, foit
par rapport à la Littérature , foit
^u regard de la pieté chrétienne &
de la fainteté : 5c par cette condui-
re ih ne craignent point d'encourir
le reproche d'avoir trop chargé les
portraits des hommes de Lettres &
de s'être écartés des devoirs d'Hi-
ftoricns. C'eft pour les remplir plus
parfaitement , qu'cxemts de toute
partialité Se de toute prévention ;
ils nous peignent les S.wans dont
ils nous entretiennent , tels qu'ils
ont été réellement & non tels
qu'on voiidroit qu'ils fiilTcnt ; Se
que fans vouloir s'é ';Lr ni en pa-
négyriftes ni en cenfcurs , ils nous
les reprcfentenr avec leurs bonnes
qualitez & avec leurs défauts. Or
ç'cllifur quoi ils ne s'attendent pas à
une approbation générale. Ils ter-
minent fouventJes Eloges Hiftori-
qucs des Ecrivains par les Epita-
phes confacrées à leur mémoire ^
lorfqu'on a pu les déterrer.
Delà ils paiïent à la difcuffion
des Ecrits que kur fournit chaque
Savant dont il eft queftion : & c'eft-
là que l'on trouve quantité de re-
cherches curieufcs , de découver-
tes intcrciïantes , de remarques
critiques & hifloriques , dont nous
donnerons quelques échantillons.
Ces remarques font prcfque tou-
jours accompagnées des extraits ,
fpuvcnt des fonimaires ou même
E S SÇ AV ANS.
des analyfes entières des Ouvragcî
les plus importans. On s'imagine
bien qu'Us ne font pas le même hon-
neur à cette foule de Cafuillcs , de
Sermonaires &deMyftiqucs,i]ui ont
inondé la Republique des Lettres
dans le fciziéme ficelé & au com-
mencement du fuivant , Si qu'ils fe
contentent d'en faire une très-légè-
re mention. Ils n'en ufcront pas de
même à l'égard des adcs des Mar-
tyrs Se des autres Vies des Saints
écrites en France ou par des Fran-
çois : mais ils y apporteront tout le
choix & tout le difcerncmcnt poUi-
ble. Les Ades Se les Canons dcB
Conciles , comme autant de Mo-
numens des plus précieux , ont
aufTi leur rang dans cette Hiftoirc ,
& font placés fuivant le fieclc Se
l'année , où ces Conciles ont été
célébrés ce qui eft précédé d'une
courte relation de ce qui concerne
chacune de ces alTemblées.
Nos Auteurs ne fe bornent point
à faire connoître feulement les
Ecrivains & leurs Ouvrages. ïlsex-
pofent quel a été le fort des Lettres
parmi les François en chaque fiecle;
leur progrès , leur décadence , leur
rctablilTemcnt , l'origine &: la con-
ftruiflion de tant de fameufcs Aca-
démies anciennes ou modernes ;
érigées pour y perpétuer l'amour
des Lettres , Se y faire briller les
Sciences Se les Arts ; la fondation
de tant de Collèges Se d'Univerfi-
tez devenues autant de pépinières
de Savans : quel a été dans le
Royaume le fuccès du fecret im-
mortel de l'Imprimerie; & jufqu'où
l'on a porté dans les derniers âges
le
O C T O B
le goût & l'ardeur à tormcr des Bi-
bliothèques. On voit par ce plan
de l'Ouvrage dont il s'agit , que ce
ji'cll: point un fîmple Catalogue
d'Auteurs François & de leurs
Ecrits ; mais que ce font [ nous dit-
on ici ] » les Monumens connus
» de la Littérature GauJoife & Fian-
» coifc recherchés avec foin , réunis
» avec méthode , rangés dans leur
» ordre naturel , éclaircis avec une
» jufte étendue , accompagnés des
» liaifons convenables j dont nous
» formons l'Hiftoire Littéraire de
«France. On y aura ( continuant
« nos Auteurs ) un tableau vivant
» & animé , non des faits d'une na-
» tion policée, puidinte 6v: bclli-
» queufc , qui fe borne à former
•> de5 Politiques , des Héros , des
«Conquerans ; mais des adions
» d'un peuple favant , qui tendent
» à former des Sages , des Doi5tcs ,
» de bons Citoyens , de fidèles fu-
w jets.
Cependant quelque avantageu-
fe que foit l'idée que l'on pourra
prendre de cet Ouvrage fur un
tel plan , nos Auteurs n'ont garde
de le donner comme une Hiftoire
régulière , complctte & achevée.
Mais leur travail ne laiffcra pas
( continuent-ils ) d'être de quelque
utilité , 1°. pourl'Eglife Gallicane,
laquelle y trouvera réunis tous fcs
Ecrivains, jufques aux moins con-
nus ; 1°. pour le Royaume entier ,
qui y verra ce grand nombre de
beaux efprits de de gens de Lettres
qu'il a produits , & ce fuccès mer-
veilleux dans la culture des Scien-
ces ôc des Arts -, & pour la Rcpu-
O£lol/re.
bliquc des Lettres en particulier
par l'alTemblage d'Ecnvains de
tout genre le plus ample c< peut-
être le plus méthodique dont on
l'ait jufqu'à prefcnt enrichie. Cette
méthode , néanmoins , ne s'étend
pas jufqu'à former de cet alfembla-
ge une Hilloire fuivie & continue,
ce qui ne peut convenir à une Hi-
lloire Littéraire , dont les faits dé-
tachés & indépendans les uns des
autres ne peuvent guércs être bien
traites , fi on ne la divife par titres
ou articles. Des difcours placés à k
tête de chaque ficcle. Se des Tables
Chronologiques mifes à la fin de
chaque Volume , auront de quoi
faristaire ceux qui aiment l'enchaî-
nement dans les faits Hillioriques.
A l'égard du ftvie de cette Hiftoire,
nos Auteurs ont cru devoir y facri-
fier toujours l'élévation & les orne-
mcns à la ilmplicité , .à la pureté dc
à la clarté.
Quant à la vérké ou à la certi-
tude des faits qu'ils rapportent , ils
l'ont puifée dans les Auteurs origi-
naux , ou dans les Ecrivains les
plus proches des tems dont il s'agitj
fans négliger les Auteurs les plus
modernes , qui fouvent leur ont été
d'un grand fecoui s pour l'éclaircif-
fement des difficulrez , 6c fouvent
audî leur en ont fait naître de nou-
velles. Ils ont foin de citer exade-
mcnt les uns 6c les autres en ren-
voyant ces citations à la marge j &
par là ils fuppléent à la méthode
introduite depuis quelque tems
d'accompagner les Ouvrages Hifto-
riques de preuves juftificativc n
entier qui tiennent quelquefois au-
Gggg
n4 JOURNALt)
tant -de place cjuc ks Hiftoircs mê-
mes , & qui en erolFilTant cxcc-nî-
vemcnt les Volumes deviennent
fouvent à charge au public. Com-
me CCS citations qui rcmpliffentles
marges des Volumes de cet Ouvra-
sse s'v trouvent iort multipliées , Se
en confequence nccciraircment
abrégées 6c par-là un peu obfcurcs,
on a remédié à cet inconvénient en
mettant à la tête de chaque Volu-
me une Table alphabétique de ces
citations, où on les explique dans
toute leur étendue. En quoi nos
Auteurs ont fuivi la méthode de
feu M. de TilUmont , fans pourtant
s'aiïujettir dans le Texte de leur
Hiftoire , à l'ufage de fes crochets ,
quoique très - utiles à certains
égards , mais d'ailleurs un peu em-
baraffans pour les Lefteuis & trop
^ênans pour les Auteuis qui s'y af-
fujettiflent. Durcfte certamesdiffi-
cultcz & certains points de criti-
que trop longs à difcuter pour
«tre inférés dans le corps de l'Ou-
vrage j font renvoyés à des notes
imprimées au bas des pages.
Nos Auteurs avertilTent ici que
uniquement occupés du foin de
rapporter exa»5lcment les faits , ils
ne s'engagent en aucune fai^on à
répondre des confequences qu'on
en pourroit tirer , non plus qu'à
réfuter les dogmes des Hérétiques
dont ils font obliges de parler :
foutenant par-tout ( difent-ils ) le
perfonnage d'Hiftoricn ^ même
dans les Conciles , dont ils font la
relation.
Ils terminent leur Préface en
fii»ppliaDt les Savans de leur faire
ES SÇAVANS,
connoîrrc les fautes qui ont pu
leur échapper dans le cours d'un fi
longOuvrage Se de les aider en leur
communiquant de nouvelles lumiè-
res & en kur faifant part des richef-
fes littéraires qui leur manquent.
Us s'adreffcnt fur - tout dans cette
vûë aux divers Ordres Religieux
du Royaume , fournis déjà prefque
tous des Bibliothèques de leurs Au-
teurs , ôc par-là plus à portée d'in-
diquer les autres Ecrivains qu'ils
ont eu depuis la publication de ces
inêmes Bibliothèques. Nos Auteurs
leur donnent pour garans de la re-
connoilTance qu'ils en auront , les
témoignages publics qu'ils rendent
ici des obligations qu'ils ont à ceux
dont le commerce littéraire leur a
été de quelque fecours ; 6c ils en
nomment jufqu'à onze ^ parmi les
étrangers. Entre leurs Confrères, ils
fe regardent comme très - redeva-
bles aux veilles de Guillaume Ronf-
fel, à D. François Adcry ^ qui prepa-
roit les matériaux pour une Biblio-
thèque des Ecrivains du Berry fa
patrie ; à Dom François Chaz.nl ^
qui leur a communiqué plufieurs
découvertes fur les Savans de l'Ab-
baye de Fleury fur Loire ; à Dom
Charles Conrade & à Dom Pierre
Maloet ^ qui ont fouillé pour eux
dans les premières Bibliothèques
de Rome , d'où ils ont tiré divers
Mémoires inftruftits fur la matière
dont il eft queftion ; à D. Maurice
Poncet & à D. Jean Colonh , qui fe
font alfociés avec eux pour l'exécu-
tion de leur delTein , dont ils ont
partagé le travail, le premier des
l'année 1713. le fécond, en 1717.
O C T O
Pour venir maintenant au corps
de l'Ouvrage , nous dirons que ce
premier Volume , comme l'annon-
ce le titre , comprend de cette Hi-
ftoire les tems antérieurs à l'Ere
Chrétienne ôc les quatre premiers
Cecles de l'Eglife. Nos favans Au-
teurs commencent l'Hiitoire Litté-
raire de France par nous expofer
l'état des Lettres dans les Gaules
durant ces ficelés qui précédèrent la
Naiflance de J. C. Se ce morceau
Hiftorique^ déjà traité &c appro-
fondi par d'habiles Ecrivains , fe
prefenre ici fous une forme li inte-
reffante par l'ordre S< la netteté qui
y régnent, qu'il mérite que nous
en tracions aux Leifleius un léger
crayon.
Nos Auteurs , loin d'adopter les
idées magnifiques , mais imaginai-
res & peu fondées de plufieurs
Ecrivains fur le premier goût de
nos ancêtres pour les Sciences , fe
bornent là - dclTus à leur rendre la
jufticequi leur eft due. Ils tombent
d'accord , fur le témoignage de
Clément-Alexandrin, que les Gau-
lois ont précédé les Grecs*dans la
connoi(Tance & la profellîon pu-
blique de U Philofophie ; mais ils
ne conviennent pas que les Grecs
ayent pris des Gaulois les premiè-
res notions, foit de la Philofophie,
foit des autres Sciences. Us préten-
dent au contraire que c'eft à la Gré-
ç,e que les Gaules font en grandp
partie redevables de la poUtefle &
du favoir qui ont éclaté dans
quelques-unes de leurs Provioces.
\l ne manquoit au^ Gaulois aucu-
ne de* dJifpofi.tioD> naturelles pour
B R E , 17 3^.' syf
aimer & cultiver les Lettres. JJj
paffoientdCs les rems les plus recii-
lés pour une Nation mgénieufe, &?
d'une indulhie incomparable , joi-,
gnant à cela une grande çuriofitc
d'apprendre des nouvelles de ce qui
ariivoit dans les Pays éloignés.
S'il eft vrai , comme le difent U
Chronique d'Alexandrie & Sijidaç,
que Mercure fils de Jupiter ait re-f
gnc dans les Gaules ^ il n'y auroit
pas lieu de douter quj les Gaulpi.5
n'enflent commencé dellors à cultu
ver les Sciences & les Arts. Or cç
Prince regnoit dans l'Occident en,
même tems que Jofeph gouvcrnojf
l'Egypte i & on le regarde coranis
l'Inventeur des Arts les plus utile?
i la Société. C'eft fans doute pons
cette raifon que les Gaulois a voienc
pour Mercure une vénératio;^ fin-
guliere. Ils n'en avoient pas moi/15
pour Hercule , qui ctoit chez ey^
le Dieu de l'Eloquence , & qu'ij^
dépeignpicnt fur ce pied-là fymbçc
liquemcnt ; l'aflociant dç plus av^C
les Mufes. Us révéroicnt encore
Apollon fous le nom de Belérms ,
comme le Dieu de la Médecine ^
rendant outre cela un culte à M-i^
nervc , fur la créance qu'elle aKiOJC
enfeigné aux hpmmes |es premier^
clémcns des Sciences & des be^^ijc,
Arts. Leur Tfiéologic étoit plusaiti.
ciennc , plus raifcnnable & plijj;
fublime que cel|e de tous les aiji.t
très peuples dj,i Paganifme. \]^
croyoiçnt l'irn mortalité del'ame ,
6c felpn notre Auteur , ils ne ppyh
vqient tenir un tel dogme , que 4g
leur première çrigine , c'c^-\-^xp ,
duteiij^.flc la difperfion 1^^ If^^5
Ggggi/
j7lf JOUHNALD
tioDJ : car ( ajoutent - ils ) d'où
l'cuirent- ils pu apprendre > C'eft
( ftion eux ) dans la même fource
qu'ils ont puifc les Sciences & les
Arts , fur - tout: la Philofophic,
qu'ils n'ont point empruntée des
Grecs , encore moins des peuples
de la grande Bretagne , comme Cc-
far mal entendu (Imbkroit l'afTu-
rér."
Quoique les anciens Gaulois
h'avent rien lailTc par 6crit de leur
Hiftoirc , ils n'iqnoroient pas le fc-
crct de récriture , employant les
caraderes Grecs pour les ufages ,
tant publics que particuliers de la
vie civile : fur quoi l'on réfute quel-
aiies objedions hiites par François
Homan, par Boiiterone^ & que fcm-
blcroit favorifer rautoritc même de
Céfar. Ils fc fervircnt de ces carac-
tères après s'être fournis aux Ro-
mains , quoiqu'ils cufTent adopté
l'écriture de ces derniers , la mélan-
geant le plus fouvent avec celle des
Grecs , & quelquefois hifant ufage
de celle-ci fans aucun mélange ;
comme on k prouve ici par une
jnfcription. Il n'y a guéres que
deux -opinions fur l'origine del'é-
crituie thez les Gaulois. Où ils la
recurent par le canal des Phocéens,
établis à Maifeille près de Coo ans
avant J. C où ils l'apportèrent
avec eux d'Afie en Europe. La pre-
mière de ces deux opinions paroît
la plus naturelle à -nos Auteurs, qui
après une longire & fèricufe difcuf-
fion de ce problême hiftorique
dont ils balancent cxadcnicnt les
raifons de part & d'autre , con-
fluent ^ue ces deux opinions ne
ES SÇAVANS,
font pas exemtes de difiîcultcz,
quoique la première en fouffre
moins que la féconde. Nous paf-
fons par defTus pluficurs Obfcrva-
tions de nos Auteurs^i^-touchant les
différentes manières d'écrire , foit
de la droite à la gauche , foit de la
gauche à la droite , foit de l'une &
de l'autre façon alternativement ;
1°. Touchant les différentes matiè-
res mifcs en œuvre pour l'écritu-
re ; &: nous croyons devoir nous y
arrêter d'autant moins , que ces
Obfervations générales n'ont pref-
que rien qui intereffe les Gaulois en
particulier. Venons maintenant à
ce qui concerne leurs Savans &
leurs Docteurs.
On range parmi les plus anciens
-ceux qui ont cultivé chez eux 1<\
Pocfie, & qu'ils appelloicnt B.rrdss^
c'cftàdire Chantres ou Chanteurs,
Leur occupation ordinaire étoit de
compofcr desPoëmcs fur les actions
éclatantes des Héros de leur Na-
tion , &: d'en tranfmcttre la mc-
moirc .\ la poftcrité. Mais les loiian-
ges n'étoient pas le feul objet de
leur Pocfie , & la Satire en pre-
noit quelquefois la place. Ils fai-
foient valoir leur talent non feule-' ..
ment durant la paix , mais encore ^t*«
& avec plus de fruit pendant la
guerre, où ils s'attiroient une telle
vénération , qu'on a vu fouvcnf
( félon Diodore de Sicile ) deux>
armées en prefence & prêtes à c|n
venir aux mains , terminer leur
querelle fins coup férir , à la vue
des Bardes.
Dans la fuite ( otfervent nos
Auteurs ) les Bardes fe trouvèrent
O C T O B
«confondus avec les Druides ; ainfi
qu'une autre forte de Savans nom-
més f'''ates ^d'où le mot latin f^aus
femble avoir tiré fon origine } 6c
quictoicnt les Devins des Gaules,
occupés du foin des Saciihccs où ils
immoloicnt fouvent des Vidlimes
humaines , & de l'étude de la Phy-
fique. Nos Auteurs prétendent que
ce font ces t^Mes mêmes qui font
nommés Euhages ou E-ul^'^ges, dans
le Texte d'Ammien-Marcellin , qui
en parle d'après l'Hiftorien Grec ,
Timagénc ( iSc non pas Timogéne,
comme Oin le lit ici plus d'une fois)
6c ils conjecturent qu'il aura lîi
dans le Texte de cet Hiftorien i^Tifi
pour vayiH dont on aura fait Euha-
ges ou Eub.igss au lieu de fautes
( «arsiç ) comme on lit dans Dio-
dore Se dans Strabon.
Delà nos Auteurs pa(Tent aux
Druides , fous le nom defquels on
comprenoit tous les gens de Lettres
des Gaules. Il n'y avoit qu'eux fculs
qui y cultivalTent les Sciences. On
les refpcdoit & on les cftimoit
comme les plus fpiritucls &: les
plus favans de la Nation. Us étoient
tout enfemble , les Prêtres , les
Philofophes , les Théologiens , les
Jurifconfultes , les Médecins , les
Rhéteurs , les Orateurs , les Ma-
thématiciens , les Géomètres , les
Aftrologues , & peut-être même les
Magiciens des Gaulois. Leur pou-
voir étoit immenfe , & les loix de
l'Etat leur donnoient l'autorité d'é-
tablir les Chefs de la Republique ,
lefqucls ne pouvoient , fans eux ,
faire aucune entreprife , ni met-
jcre en déliijeration aucune af-
faire importante. Ils étoient cxcmts
de toute forte d'impc)t & de routes
les Charges onéreufes. La Nation
avoit une lî haute opinion de leut
intégrité qu'elle portoit à leur Tri-
bunal tous les differens civils ou cri-
minels , communs ou particuliers ;
& pcrfonne n'appelloit de leurs
décidons fans palTer pour infâme
Sx pour fcélérat.
Us enfeignoient l'immoitalitéde
l'ame &: l'cxiftence d'un autre mon-
de ; ce qui rendoit plus courageux
& plus intrépides les Gaulois im-
bus de cette dodrine. Elle faifoit
fur leur efprir tant d'impredion ,
que fouvent ils fc prêtoient de l'ar-
gent en ce monde fans autre condi-
tion que celle de fe le rendre en
l'autre. Delà ce dévouement aveu-
gle des Soldnres , dont parle Céfar ,
pour leurs Patrons. Quelques Ecri-
vains ont prétendu que l'opinion
des Druides fur l'immortalité de
l'ame, ne devoitêtre entendue que
félon le Syftême de la Métcmpfy-
cofe ; mais c'eft de quoi ne con-
viennent pas nos Auteurs , &: ils eri
allèguent les raifons. Us avoiient
qu'en fait de Médecme les Druides
favoicnt très-peu de chofc , & que
cet art chez eux étoit prefque tota-
lement dégénéré en magie. Le Gui
de Chêne qu'ils cucilloient & la
glu qu'ils en exprimoient avec
beaucoup de cérémonies fuperfti-
ticufes , compofoient à l'aide de
Quelques autres plantes leurs reme-
cs les plus efficaces. L'inftrudrion
de la jeuncfTe leur ctoit confiée , &
faifoit une de leurs principales oc-
cupations , dont ils tiroienr un lu-
578 JOURNAL D
creconlîdcrable. Ils tcnoicnt leurs
Ecoles dans le fond des bois , Se ne
faifoient rien écrire à leurs Difci-
ples dans la vue d'exercer davanta-
ge h mémoire de ceux-ci , & de
rendre les Sciences plus myftericu-
fes &: moins vulgaires. Leurs tem-
mcs s'en méloicnc à leur exemple ,
5: s'adonnoienc principalement
aux Augures &: à la Magie.
Tel ctoit l'érat delà Republique
des Lettres dans les Gaules , lorf-
Cjue les Sciences des Grecs s'y intro-
duifirent par le canal des Marfeil-
lois i & c'eft fur quoi s'étendent
beaucoup nos Auteurs , en ralfem-
fclant ici avec foin tout ce qu'ils
ont pu découvrir touchant l'établif-
fcment 8c le gouvernement de
cette célèbre Colonie Grcquc. Le
gouvernement en étoit Ariftocrati-
que, de commis à é'oo Sénateurs ,
qui avoient à leur tête quinze d'en-
tre eux , 5c ces 1 5 en avoient trois
qui leur préfidoient. On fuivoit à
Marfeille les loix Ioniques , expo-
fées en un lieu public , où chacun
les pouvoit voir pour s'y confor-
mer. Le droit d'hofpitalité y étoit
en finguliere vénération -, on y
maintenoitla fureté publique en ne
permettant à pcrfonne d'y entrer
armé ; les rcprefentations licencieu-
fes du Théâtre en étoient baniûcs ,
ainfi que la moleffe , la volupté Se
lemenfonge.&l'on y voyoit régner
en la place,la bonne foi ^ la frugali-
té & la modcftie. Ciceron fajfoit
tant de cas d'une telle police, qu'il
doutoit féricufcment fi Marfeille
n'étoit pas préférable non feule-
ment à toute la Grèce j mais enco-
ES SÇAVANS.
rc à toutes les Nations de l'Uni-
Ycrs.
C'étoit une Ecole de politclTe où
l'on cultivoit toutes les Sciences ,
&C elle a eu la gloire de donner aux
Gaules d'illuftres Ecrivains , tels
que Pythéas ^ Euthymencs, long-
tems avant que Rome fit à l'Italie
de pareils prefens. Aullî les pre-
miers de cette Capitale du mon-
de choiiiiToient-ils Marfeille pour
le lieu de leurs études préférat-
blcmcnt à Athènes. Souvent Içj
Grecs, malgré la diftance des lieux,
en ufoient de même. Les Marfeil-
lois s'appliquoicnt beaucoup plus
à la navigation qu'à l'agriculture :
ce qui les mit dans la necedîté de
cultiver l'Aftronomie Se les autres
parties des Mathématiques , les fit
exceller dans la Marine , les rendit
très-puilîans fur mer , & leur méri-
ta le titre & les privilèges d'amis &C
d'alliés du peuple Romain. Leurs
Colonies bâtirent dans les Gaules
les Villes d'Agde , de Nice , d'An-
tibe , d'Olbic , de Taurcnce, 8c
peut-être celles d'Arles & de Fré-
jus. Us répandirent dans les prin-
cipales Villes Gauloifes le goût
des Lettres , & ces Villes firent
fucceder aux Ecoles des Drm-
des , des Académies , où elles ga-
geoient des ProfelTeurs pour y en-
feigner à l'exemple des Marfeiilois
toutes fortes de Sciences. Telle*
étoient Narbone , Corbilon , Arles,
Vienne , Touloufe _, Autun , Lyon,
Nifmc, Bourdcaux , &: les Colo-
nies MarfeilloLfes dont jious ve-
nons de parler. Nous ne fcaurions
fuivre nos Auteurs dans tout ce
O C T O B
qu'ils nous apprennent de ces diffé-
rentes Villes par rapport à la Litté-
rature & à divers Savans qu'on y
vit fucceflivement fleurir. Ce dé-
tail nousmeneroit trop loin.
Nos Auteurs prétendent que de
la Gaule Narbonoife les Sciences
fe répandirent non feulement dans
le refte des Gaules , mais auffi dans
les Pays étrangers du voifinage i en
Efpagne , à Rome , dans la Gaule
que les Romains nommoientCifal-
pine. Celle ci fourniroit à nos Au-
teurs une riche moiffon d'Ecri-
vains j dont ils font une forte d'é-
mimération 5c qu'ils pourroient à la
rigueur s'approprier. » Mais ( ajoû-
Mtent-ils) quelque droit que nous
j) ayons fur ces riche(Tcs , nous
» voulons bien les céder à ceux qui
3> en font en pollelîîon , pour nous
» renfermer dans les bornes que
M nous nous fommes prefcrites dès
» la Préface de cet Ouvrage.
Ils reviennent donc à nos Gaules
proprement prifes , &c après les
avoir reprefentées comme s'étant
pour la plupart conformées aux loix
&auxufagesde la Grèce, ils nous
les font voir devenues toutes Ro-
maines en joignant aux maximes des
Grecs les coutumes des Romains ,
lefquelles enfin prévalurent fur les
autres. Nos Auteurs s'appliquent à
développer & à fuivre le fil de ces
révolutions littéraires , examinant
en confequence celles qu'ont eues
dans les Gaules les diverfes langues
qu'on y a parlé fuccelTivement. On
ne peut douter [ félon eux ] que la
Langue Greque n'ait été durant
long-tems la langue vulgaire des
R E, 1735; si9
Marfeillois , très-connue dans tou-
te la Narbonoife & à Lyon même _,
&■ c'eft de quoi nos Auteurs pro-
duifent diverfes preuves. A l'égard
de la Langue Latine , il eft confiant
qu'elle a été pendant plufieurs fic-
elés la langue vulgaire des Gaulois,
& que Rome n'a guéres eu d'avan-
tage fur les Gaules , pour avoir
mieux parlé qu'elles fa langue na-
turelle. Quant à la Langue Gauloi-
fc ou Celtique^ difent nos Auteurs,
les anciens nous en donnent fi peu
de lumière , que les modernes ne
favent prefque à quoi s'en tenir.
Borel Se Marcel fuppofent fans le
prouver , que cette langue n'eft
qu'un dialeftcde l'Hébraïque. Bo-
chart prétend qu'elle tiroit fon ori-
gine de la Phénicienne , ce qu'il apr
puye fur la conformité entre plu-
fieurs termes de ces deux langues.
D'autres foûtiennent que cette lan-
gue étoit Ja même que celle qu'ap-
porta Cadmus de la Phénicie en
Gïéce. Boxhoni alTure, au contraire,
que la Langue Celtique vient de
celle des Scythes , originairement
commune dans tout l'Occident ,
félon lui , & la feule qu'on y parlât.
Nos Auteurs peu contens de toutes
ces hypothéfes , aiment mieux re-
monter jufqu'à la confufion de Ba-
bel & en faire naître l'ancien Celti-
que.
Ils ne trouvent guéres plus de
certitude fur la nature de cette lan-
gue , que fur fon origine. Valérc
yîtidréVoL confondue avec celle des
Flamands modernes , trompé par
le témoignage de S. Jérôme , qui
aflure que de fon tems les peuples
jSo JOURNAL D
de la Belgique parloicnc à peu près
le même langage que les Galatcs
fortis des Gaules; ^ fans conlîderer
que les Flamands du quatrième ilc-
clc ccoicnt bien differcns de nos
Flamands d'aujourd'hui. Au regard
de l'opinion de ceux qui croyent
que notre Bas-Breton elî l'ancienne
langue Celtique , nos Auteurs con-
viennent que les peuples de la gran-
de Bretagne parloient une langue
peu différente de celle des Gaulois •,
mais on n'en peut pas conclure ,
félon eux , que le jargon de nos bas-
Bretons foit l'ancien Ccltique,dont
il n'eft tout au plus qu'un di3le(ile ,
bien loin d'crrc une langue matric?,
comme fe l'ctoit perfuadé Dom
Pez.ron. Quoiqu'il en foit , la Lan-
gue Celtique , par la dUperlion des
Gaulois, fe répandit dans la Ger-
manie , dans la Gaule Cifalpinc , &
dans ces parties de la Grèce & de
la Macédoine qu'ils conquirenr.De
cette langue Gauloife, jointe à la
Gréque , à la Latine & à celle des
Francs , s'eft formée notre Langue
Françoife , qui à l'aide de quelques
accroilTemens qu'elle a reçus des
Langues de nos voifins , a pris la
confirtance où clic eft prefcnte-
ment.
La domination des Romains dans
les Gaules en y répandant la Lan-
gue Latine infpira aux Gaulois une
nouvelle ardeur pour la culture de
toutes les Sciences , qui ctoit h
vpye ordinaire pour parvenir aux
Charges & aux Dignitez delà Re-
publique > & comme ceux qui en
étoicnt revêtus ne les rcmplilToicnt
que pour un tcms ^ faifoicnt pla-
ES SÇAVANS,
ce à d'autres , cela jettoit parmi
ceux qui pouvoient y prétendre ,
une vive émulation , qui tournoit
à l'avantage des Lettres ; d'où il at-
rivoit que les Sciences & les hon-
neurs fe prétoicnt un fccours mu-
tucl. Nos Auteurs obfervent que
l'ordre que l'on tenoit alors dans
les études , n'étoit pastout à-fait le
même qu'on y fuit à prcfent ; &
ils expofent en quoi conHftoit cette
différence, conformément à ce que
nous en apprend un bel endroit de
Pétrone , qu'ils tranfcrivent ici.
Mais comme le Barreau étoit la
porte la plus ordinaire qui condui-
foit aux grandes Charges, &quc
l'éloquence étoit le plus fur moyen
de s'y dirtinguer ; cette confidera-
tion porta les Gaulois à cultiver
l'Eloquence & la Jurifprudencc
Latine par préférence à tout autre
genre de littérature , & ils fe ren-
dirent exccllens dans l'art de bien
parler & dans la connoilTance du
Droit.
Mais ( ajoijtent nos Auteurs)
» tous ces Savans ont mieux aime
» fervir leur patrie & le public de
«vive voix que parccrit.Que il quel-
» qucs-uns d'entr'eux ont laiifé des
« Ouvrages de leur façon , la lon-
n gucur Scies malheurs des tems en
» ont privé la poftcrité. Ils nous ont
n même envié non feulement la
» connoilTIince de prcfque tous ces
» grands Hommes , mais aulîi juf-
» qu'à leurs noms , 6i au nioindr?
i> trait de leur Hiftoire. <■ Il ne faut
donc pas s'étonner du petit nombre
de Gaulois lettrés que leur ont
fournis les ficelés antérieurs à J. C.
Se
O C T O
& dont on tf ouvc ici les éloges. Ce
font 1°. Pytheas , Philofophe ,
Aftronome & Géographe ; z". £«-
ihyménes , Géographe &: Hiftoricra;
5°. Eratoflhénes , Philofophe & Hi-
ilorien ■■, 4°. Lucius-Ploims , Rhé-
teur i 5°. MarcHS-Antonius-G/iipho^
ProfefTeur de Belles-Lettres & d'E-
loquence -, 6°. Falerius-Cato , Poè-
te & Grammairien ; 7°. Q^ Rofeius,
Comédien ; 8°. Divitiac , Philofo-
phe j 9°. C. Fderiiis-Procilhts ^ Fa-
B R E ; 175 J.^ i-8r
vori & Ambaffadeur de Céfar •
10°. Telon ôc Gyarêe , Aftrowomes
& Mathématiciens ; 11°. Corne-
lius-Gallm , Pocte i iz". PMiiis-
TeretitiHS-Varro , Poëte & Hifto ■
rien -, 15°. Trogus - Pompeius , Hi-
ftorien.
Nous rendrons compte , dans un
autre Journal , du détail de cette
Hiftoirc Littéraire de France , par
rapport aux quatre premiers fieclet
de l'Ealife.
LETTRES PHILOSOPHIQVES , SERIEUSES, CRITIQVES ET
jimufantes , traitant de la Pierre Philofophale , de l'incertitude de la
Médecine ^ de la félicité temporelle de l'homme , de la nature de l'ame des
prétendus efprits forts qui révoquent en doute l'immortalité de l'ame , du re-
tour.des efprits en ce monde , des Génies , de la Mttgie , du Célibat du
Mariage , de la comparaifon des deux Sexes , des Ris , des Pleurs de la
Mort , des Richeffes , des plaiflrs du monde ^ de la véritable Nobleffe ^ de
l'erreur des fens , de l'excellence de la raifon , & autres fujets interejfans.
A Paris , au Palais, chez Saugrain^lh Prudence. 1733. '«-12. 2. vol,
Tom. L pp. Z40. Tom. IL pp. Z35.
ON voit par le détail de ce ti-
tre , fur quoi roulent les Let-
tres dont il s'agit i nous nous dif-
pcnferons donc d'en rapporter les
differens Sujets , ëc noas nous bor-
nerons à quelques exemples que
nous tirerons des Lettres fur les Gé-
nies , fur la Magie , & fur le retour
des Efprits. Qiiant à la première ,
l'Auteur commence par remarquer
que la Théologie , la Philofophie ,
& l'Hiftoire , font mention des Gé-
nies -, & il foîiticnt qu'il faudroit
être bien incrédule pour douter de
l'exiftencedeces Etres. Cela pofé ,
il obferve que Platon a reconnu
trois fortes de natures raifonnables,
1°. les Dieux , qu'il place dans le
OUohre.
Ciel, z". les Hommes , qui ont eu
en partage la terre , 3". les Ef-
prits , qui occupent l'efpacc con-
tenu entre la Lune & la Terre.
Il sppelle ceux-ci du nom de Gé-
nies , ou de Démons i ces Génies
qae les Platoniciens ont cru être
des corps fubtils , font, félon eux ,
de trois fortes , ignées , aériens , &:
aqueux. La créance de l'Antiquité
étoit , que chaque homme avoit
deux génies , lun bon qui l'invi-
toit à la vertu , tel étoit le génie de
Socrate ; l'autre mauvais qui lefoi-
licitoit au mal, tel étoit , dit-on ici
celui qui s'apparut à Brutus.
Quoique fclon cette Doiftrinc
des Platoniciens tous les honuncs
Hhhh
82 JOURNAL DE
aycnt àc bons génies qui font com-
me kii.s P-dago^ucs , ils ne peu-
Ycnt pas toiisrclïlntir leur affiftan-
cc mais ceux - là feulement qui
n'ont pas l'ame troublée pût les
partions.
Notre Auteur cite furccfujet,
Avicenne qui die qu^il n'y a que les
Prophètes , & autres Saints Pcrfon-
hages qui aycnt dans la conduite
de leur vie éprouvé le fecours
des bons génies -, mais après cette
citation , il avertit que pour lui , il
penfc que les génies , foit bons ou
mauvais , ne font autre chofe que
nos Ames , dont la partie intellec-
tuelle & fupcricure tient lieu de
bon génie , Se la partie fenfirive ou
inférieure tient lieu de mauvais gé-
nie.
Un autre fentimcntde notre Au-
teur cft que fi les génies font quel-
que chofe hors de nous , ils ne font
autres que nos bons Se nos mauvais
Anges, les premiers pour nous gar-
der , ôc les autres pour nous exer-
cer par les combats qu'ils nous li-
vrent. Il va plus loin : il prétend
que non feulement les hommes ,
mais toutes les parties qui compo-
fent le monde , ont des Anges Tu-
telaires , deftincs à leur conferva-
tion. La raifon qu'il apporte pour
prouver l'exiftence réelle des gé-
nies tant tutelaircs que mauvais ,
c'eft qu'il n'y a perfonne qui ne fen-
te des mouvcmcns qui le pouffent
à certaines chofes ou avantageufes
ou nuifibles , fans y rien mettre du
ficn , & fouvent contre fa volonté
même. A l'égard des bons génies ,
il raconte que Socrate fe prome-
S SÇAVANS.
nant un jour hors de la Ville avec
plufieurs amis , fit appcllcr ceux
qui alloient devant , & leur dit
que fon cfprit tamilier lui défendoit
de prendre le chemin qu'ils al-
loient prendre ; quelques-uns ne
tinrent pas compte de l'avis , &:
pourfuivirent leur route ; mais ils
turent bien-tôt rcnverfés & maltrai-
tés par une troupe de pourceaux.
Notre Auteur appuyé encore beau-
coup fur un fait qui fe voit journel-
lement : un homme ^ dit - il , fera
toujours malheureux , & tout fitcce-
dera a un autre \ ce cjuifcmble ne pou-
voir provenir :jue des génies,
Platon appelle le bon génie le
gardien de notre vie -, Epiclete , le
curateur & la fentinelle de notre
ame i c'eft proprement , dit l'Au-
teur de la Lettre, notre Ange Gar-
dien.
Varron , dans le huitième Livre
de la Cité de Dieu de S. Auguftin ,,
après avoir divifé les âmes en im-
mortelles , qui font dans l'air , Sc
en mortelles qui font dans l'eau &
fur la terre , dit qu'entre la Lune tC
la moyenne région il y a des amcs
aériennes appellées Lares & Génies,
dont félon un ancien , l'air eft
autli rempli en tout tcms , qu'il eft
rempli de mouches en été.
Notre Auteur n'oublie pas de
remarquer que félon Pythagore ,
l'air fourmille d'Ames , il trouve
même que l'opinion de ce Philofo-
phe , approche fort de la créance de
l'Eglife cjui tient ^ue le nombre desEf-
prits cfl infiniment plus grand cjiie ce-
lui des fubftances corporelles, \\ bazar-
de là dcfius , un raifonnemcnt donc
O C T O
ics Lcâ:eurs jugeront : il dit que
«comme les corps céleftes font
»> plus exccilens , & par cette rai-
1» Ion même plus nombreux que les
V corps l'ublunaires , de même les
» purs efprits étant les plus nobles
»> ouvrages de Dieu , doivent être
i> en plus grand nombre que les
» autres créatures.
Il palTe de là à la manière dont
les Poètes rcprefentent le Génie ;
ils le peignent tantôt fous la figure
d'un Icrpent , comme fait Virgile
celui qui fe prefenta à Enée, tantôt
fous la figure d'une corne d'abon-
dance qui étoit le fymbole du Gé-
nie du Prince , & par lequel ju-
roicnt leurs flatteurs.
Après cette remarque , il foû-
ticnt qu'il y a bien de l'apparence
qu'outre notre ame , nous avons
un bon & un mauvais génie , le
premier qui porte au bien & le fé-
cond qui porte au mal -, & là-
delTus il veut qu'on fe figure deux
Avocats qui plaident chacun leur
caufe devant le Libre-Arbitre. De
CCS deux Avocats l'un plaide quel-
quefois avec tant de force pour
porter au bien , que le Libre-Arbi-
tre convaincu par fes raifons , va
jufqu'à faire des adions héroïques,
& l'autre plaide avec unt d'artifice
pour porter au mal , que ce même
Libre - Arbitre fe laine aller quel-
quefois à des allions fi noires qu'on
ne les fçauroit attribuer à la feule
niture humaine.
Le nombre des bons génies eft
très - grand , félon notre Auteur ,
mais n on l'en croit , celui des mau-
vais ne l'cft pas moins. Il cite là-
B R E , I 7 5 j. 58J
delfus S. Athanafe qui dans la Vie
de S. Antoine , dit que l'air eft tout
rempli de Démons ; & à cette cita-
tion il joint celle de Mercure-Trif-
megifte qui avance la même chofc.
Le témoignage de Jean Wicr trou-
ve aullî fa place dais cette occa-
fion , mais avec des reflexions qui
ne paroilfent pas hors àz propos.
» Voulez-vous fçavoir au juftc ,
» ( dit notre Auteur ) le nombre
» des mauvais génies , Jean Wier
» vous le dira : il en a fait le comp-
» te dans fon Livre des Prcftiges ,
» & il trouve qu'il fe monte à fept
»> millions quatre cens cinq mille
M neuf cens vmgt-fix , ayant à leur
» tête foixantc Sc douze Princes
» dont il donne dans fou inventaire
» les noms & furnoms , le tout
a> fauf erreur de calcul. Il enfeignc
»> aufli leurs qualitez & proprietsz.
» Admirez l'étendue du génie de
» cet Auteur , & ne me demandez
» pas où il a pris ce qu'il débite.
On accumule dans la Lettre
un grand nombre d'autres Fables
fur le fait des Génies ; nous n'en
rapporterons que quelques-unes.
Il y a une forte de Génie qui ne
fe montre que vers l'heure de midi.
Ce Génie du midi eft fort craint Sc
révéré des Ruffiens , à ce qu'ésrit
Cimerarius. Il n'apparoît jamais
que vctu de noir : » il fe montre
>• fur-tout lorfquc l'on fauche les
y* foins & que l'on fait les moifiTons;
» mais il cil crnel, rompant fans pi-
» tic, bras & jambes aux faucheurs,
» & aux moiiTonneurs , fi lorsqu'ils
» le Yoyent , ils ne fe jettent h tatc
1) contre terre.
Hhhhii
j84 JOURNAL D
On clit que Piracclfc avoit un
Génie fimilicr qu'il tcnoit enferme
dans le pommeau de fon cpcc.
Mais n'ctoit ce pas plutôt , de-
mande notre Auteur , quelques do-
fes de Laudanum , dont il uc vou-
loit jamais erre dcpoun-û , Se dont
il fe fcrvoit comme d'une médecine
univerfellc contre toutes fortes de
Tnaladies }
Le fameux Médecin Pierre d'A-
pono l'un dcf plus fçavans hom-
mes de fon lîcclc , paffoit pour s'ê-
tre acquis une profonde connoif-
fance des fcpt Arts libéraux , pat
le moyen de fcpt Génies familiers
qu'il tcnoit enfermés dans une boë-
tc de cliryftal. On prétend aufli
qu'il avoit le fecret de faire revenir
dans fa bourfc l'argent qu'il avoit
dépenfé. Notre Auteur donne ces
fortes de faits pour ce qu'ils valent,
ic finit fa Lettre en difant des Ecri-
rains qui les ont débitez :
jQ«<e vos démentit cepit î
La Lettre fur la Magie eft un
détail de divers effets attribués aux
lilagiciens , l'Auteur remarque
qu'entre ces effets il y en a de véri-
tables , & d'autres qui ne font que
des prcftiges. Il met au rang des
derniers l'Anneau deGigés qui ren-
doit Gigés invifible ; les feftins ,
d'où l'on fortoit plus affamé qu'on
n'y ctoit entré , & les pifloles vo-
lantes.
Il raconte , au fujct des prcfti-
ges , ce que Clément d'Alexandrie
rapporte de Simon le Magicien ;
fçavoir , que cet Impofteur fabri-
quoit d'air un homme , fc rendoic
invillbî'c, paroiflbitfouj divers vi-
ES SÇAVANSi
fages , voloit en l'air, pénctroitics
rochers , fe changeoiten brebis , Sc
en chèvre , coramandoit à une fau-
cille d'aller moifonncr , laquelle
faucille abbatoit plus de bled que
n'auroient pu faire dix Ouvriers.
Tous preftiges par Icfqucls il
cblouifloit les yeux.
Pour ce qui eft des effets réels;
notre Auteur prétend que les Ma-
giciens peuvent caufer des tremblc-
mens de terre , en amalfaiit def
cxhalaifons dans les cavernes, oir
en agitant violemment l'air qui y
eft renfermé ; exciter des orages Sc
des tempêtes , par l'union de ces
mêmes exhalaifons , & calmer les
vents ^ en dillïpant leur matière. Il
n'oubhc pas ici l'Hiftoiie de Sopa-
tcr , qu'on tir mourir, pour avoir ,
à ce qu'on lui iruputoit, enchaîne
les vents , de telle manière qu'il
ctoit impolUblc de tranfporter au-
cune denrée à Byfancc : il n'oublie
pas non plus , ce que rapporte Phi-
loftrate de ces deux tonneaux qui
étant ouverts excitoient des vents
&: des pluyes extraordinaires , au
lieu que lorfqu'ils éroicnt fermes
l'air deveroit tranquille ic fercin.
Olaus alfure que les Lapons i:
les Finlandois vendent les vents
aux Matelots. On remarque là-dcf-
fus dans la Lettre , qu'aufti les Dé-
mons font-ils appelles par l'Apô-
tre , les Princes de l'air ; on ajoute
qu'ils font tomber où bon leur
femblc , la grêle , la foudre , h
pluye , & le feu ; mais toujours
fous le bon plaifîr du maître de la
nature, qui quand il veut, leur
lâche la bride, comjncil fitlor^
O C T OB
qu'ils brûlèrent les fcrvitcurs & les
troupeaux de Job', & qu'ils rcnver-
fercnt par un tourbillon de vent, la
mailbn oii fcs cnfans étoient a(Tcm-
blés.
Nous laiflbns quantité d'autres
articles pour venir au dernier delà
Lettre , dans lequel on va voir que
le Quinquina a. été regardé par un
célèbre Médecin de Paris comme
«n remède dont on ne peut fe fervii
fans faire un padc implicite avec
le Diable. Voici l'article mot à
mot :
»> Lamy ancien DoAeur en Mc-
M decine , dans la quatrième Let-
» tre au - devant de fes Difcours
a Anatomiques, dit de M. Blondel
» Médecin de Paris , qu'un Etu-
» diant en Médecine l'a affuré , que
» ledit Blondel avoit dit une fois
M dans les Ecoles,que ceux qui em-
« ploy oient leQuinquina péchoicnt
>* mortellement , & qu'ils faifoient
» un padc implicite avec le Diable-,
» ic pour monrrcr que la guérifon
» qu'on obtient par ce remède eft
» magique , c'eft difoit-il , qu'il
» agit fur toutes fortes de tempe-
3» ramens , & qu'après un certain
s* tems , la maladie revient -, ce qui
» a été reconnu de tous ceux qui
»ont écrit contre les Magiciens,
» posr le véritable caradlerc d'une
55 guérifon diabolique.
Rifum tentatis amici , dit là-defTus
notre Auteur, c'eft par-là qu'il finit
fa Lettre.
L'autre Lettre , oià l'on parle du
retour des âmes des défunts , ne
nous tiendra pas long - tems , ,en
voici le précis.
R E ; 1755; jSj
Toute l'Antiquité j félon notre
Auteur , convient du retour des
Efprits en ce monde , & il prétend
qu'il y auroit de la témérité de la
contredire fur ce point.
Il remarque que l'Ecriture Sain-
te, dont l'autorité doit impoferfi-
lence à la critique , fait appaioîtrc
Moyfe &r Samuel après leur mort ,
ce qui ne peut _, dit-il , être enten-
du que de leurs âmes. Il cite Ari-
ftote qui dit que les Efprits appa-
roiflent fouvent aux hommes pour
les necefîîtez des uns &i des autres,
d'où il conclud eci paffant qu'il faut
neceflairement qu'Ariftote ait cru
l'immortalité de l'amc.
Il vient enfuite aux trois diffe»
rentes fortes d'Efprits, qu'au rap-
port d'Apulée, les Platoniciens ont
établis , fçavoir 1°. les âmes qui
font aètucllement dans des corps.
2°. Les Lares ou Pénates qui font
les mêmes Ames forties de leurs
corps après avoir bien vécu , & qui
alors font réputées Dieux Tutélai-
res des maifons qu'elles ont habi-
tées. 5°. Les Lémures ou Larves qui
font les Ames des méchans , occu-
pées à mal faire après la féparation
de leur corps , comme elles l'ont
été avant cette féparation.
La divifîon que les Poètes ont
faite de l'homme en trois différen-
tes fubftanccs -, fçavoir , le corps ,
l'ame & l'ombre n'eft pas omife
par l'Auteur de la Lettre : Ils
croyoient qu'après la mort le corps
n'étant plus qu'une maffe informe ,'
& l'ame étant au Ciel ou aux Enfers,
l'ombre erroit dans les Champs
Elifécs , jufqu'à ce que le corps lut
cnfeveli
f^6 JOURNAL DE
Notre Auteur , après cette re-
marque , examine ce que c'cft que
la vifion , l'apparition &c le phan-
tômc. Il dit que « la vifion cft lorf-
» que nous pcnfons voir une cHofe
a, qui cnfuite arrive telle qu'elle
» nous a paru : Qiie l'apparition
>> ( laquelle cft pour le plus fou-
j» vent imaginaire ) le tait lorfqu'en
M veillant ou en dormant il fe pre-
» fente à nous quelque figure vifi-
» ble , que ce fut par cette appari-
Mtion imaginaire, que Judas Ma-
» chabée reconnut le grand Prêtre
a> Onias &c le Prophète Jérémie ;
» que Conftantin vit S. Pierre &
» S. Paul , & que Samuel apparut à
» Saiil , quoique félon plufieurs
» Ecrivains Ecclcfiaftiques l'appari-
M tion de Samuel fût corporelle.
Refte à prefent à expliquer ce
S SÇAVANS ;
que c\Û que k phantôme -, mais
notre Auteur n'en dit rien , foit
qu'il juge que la chofc n'a pas bc-
foin d'explication , foit qu'il l'ou-
blie eflcdtivemcnt.
Au refte , ces Lettres font au
nombre de trente - fept ■■, mais cela
étant, comment pouvoir , diront
quelques Critiques , juger d'un fi
grand nombre de Lettres par les
trois feulement qui viennent d'être
rapportées î La plainte eft jufte , &
nous avouons que pour donner une
valable idée de ce Recueil , il fau-
droit un plus long Extrait ; mais
plainte pour plainte nous avons en-
core mieux aimé nous expofer à
celle-là j qu'à celle que nous nous
ferions peut - être attirée fi nou»
avions voulu nous étendre divaa-
tage.
OCTOBRE, î7îî;
S^7
ORBTS SACER ETPROPHANUS; PARS SECUNDA ;
Europam compledtens Volumen Iccundiim. C'eft - à - dire : Wnivers
Sacré & Prophane ; fécond f-^ohtme de la féconde Partie. Ouvrage utile à
ceux qui s\:pplic]uent a l' Hifloire EccUJîaftic^ite on Prophane , & fur-tout à
la Géographie. Par le P. François Orlendi , de l'Ordre des Frères Prê-
cheurs , DoEleitr & Profcffcitr en Théologie en rVniverJité de Pife. A Flo-
rence , chez Bernard Paperini , à l'Enfeigne d'Hercule & de Pallas.
1753, in-folio , pp. 6îl.
L'AUTEUR s'étoit propofé
de renfermer dans un feul Vo-
lume la defcription de ce qui eft
compris dans les deux premières
Parties de l'Italie , fuivantladivi-
flon qu'il en a faite dans le fécond
Volume de cet Ouvrage. Mais la
grande quantité de matière qu'il a
eu à traiter avant que d'en venir à
la Tofcane , l'a mené plus loin ,
il a employé un Volume entier à la
defcription de ce grand Duché. Il
commence par ce qui regarde la
Tofcane ou Etrurie en général ; il
y explique les differens fentimens
îlir l'origine des premiers habitans
de la Tofcane , & il donne un
abrégé de l'Hiftoire Civile de ce
Pays- là. Nous ne nous arrêterons
qu'à un feul point de critique fut
cet article.
Plufieurs Auteurs aflurent que
Louis le Débonnaire ayant refervé
Florence , Luques , Pife , & d'au-
tres Villes de la Tofcane , céda le
furplus au S. Siège ; ils prétendent
même que Louis le Débonnaire n'a
fait que confirmer par cetafte, la
donation qui en avoit été faite par
Pépin & par Charlemagnc. Gratien
a rapporté dans le décret une partie
du Diplôme de Louis le Débonnai-
re dans le Canon egs Ludovictis,
Anfelme de Luc , Ive« de Chartres,
S. Antonin , & Valabcran ^ ont ci-
té ce Diplôme , & Baronius qui l'a
tiré des Archives du Vatican , le
rapporte tout entier dans fes Anna-
les fur l'année 817.
Le P. Pagi a foûtenu au contraire
fur cet article des Annales de Baro-
nius , que cette pièce a été fabri-
quée quelque tems avant le onziè-
me fiecle. Il fe fonde fur ce qu'en-
tre un grand nombre de Papes qui
ont parlé des donations faites au
S. Siège par Pépin & par Charle-
magne , il n'y en a aucun qui ait
parlé de celle d'une partie de la
Tofcane qu'on dit avoir été confir-
mée par Louis le Débonnaire , que
les Empereurs Othon & Henri
ayant confirmé les donations faites
par Pépin &c par Charlemagne
n'ont fait aucune mention de celles
qu'on prétend que Louis le Débon-
naire a confirmées.Le P. Pagi obfer-
ve en fécond lieu que fuivant ce
Diplôme Louis le Débonnaire au-
roit donné au S. Siège l'Ifle de
Corfe , la Sardaigne Ec la Sicile î
cependant la Sicile n'a jamais ap-
partenu à Charlemagne ni à Louis
le Débotmaiie. Eafin on fait àix&
588 JOURNAL D
dans ce Diplôme à Louis le Débon-
naire ; que le Pape ayant été confi-
cré auiri-tôt après fon clcdion , cn-
voycra un Légat à l'Empereur 5c à
fcs fucccfleurs Rois d:s trancs^a^no\-
quc le Pape Eugène II. eut déclaré
même pendant la vie de Louis le
Débonnaire ^ que le Pape ne feroit
facré qu'en prcfcnce des Envoyés
des Empereurs , ce qui tutobfervc
même fous les Empereurs fucccf-
fcurs de Louis le Débonnaire ,
quoique le Clergé Romain eût de
la peine à fe foumcttrc à cette rè-
gle qu'il regardoit comme une ef-
pece de fervitudc.
Il y a plufieurs Auteurs François
qui n'ont pas fuivi ce fentiment du
P. Pagi. Le P. Orlendi cite entre au-
tres Hiftoriens François le Père
Alexandre qui embraffc fur cet ar-
ticle le fentiment de Baronius , &
après s'être déclaré pour ce parti , il
allègue Léon d'Oftic , Ecrivain du
onzième ficclc qui parle de cette
confirmation faite par Louis le Dc-
bojanaire , comme d'une pièce au-
tentique , & cette pièce n'a point
été fabriquée , dit le Pcrc Orlendi ,
peu de tems avant Léon d'Oftic ,
puifquc Baronius l'a copiée fur
quatre Manufcrits de la Bibliothé-i
oue du Vatican. L'Auteur ne mar- i
que point l'àgc de ces Manufcrits,
il répond au moyen du Père Pagi
tiré du filence de plufieurs Papes
fur cette donation , que c'eft un ar-
gument négatif qui n'cft pas d'un
grand poids. Il ajoute qu'il y a tout
lieu de croire que Louis le Débon-
naire n'avoit point parlé de la Sici-
le dans fon Diplôme , & que ce
ES SÇAVANS,
mot a été aioûté par quelque Copi-
ftc dans une des copies , & qu'en-
fuite il a ctè mis dans toutes les au-
tres copies. Enfin on dit contre le
troifiéme moyen du Pcrc Pagi que
l'Empereur Louis le Débonnaire
avant permis au Clergé Romain de
faire facrer le Pape aullî-tot après
fon élection , le Pape Eugène II.
jugea à propos d'ordonner par la
fuite que les nouveaux Papes ne fc-
roicnr facrés qu'en prelcnce des
Envoyez de l'Empereur, afin de
prévenir par-là un fchifme fcmbla-
ble à celui qui ètoit arrivé lors de
fon éledion.
Dans cette defcription du Duché
de Tofcanc l'Auteur s'cft particu-
lièrement attaché à ce qui regarde
les Villes de Pife & de Florence
qui font le fujet de la plus grande
Partie de ce Volume. Nous nous
bornerons à quelques-uns des traits
qui regardent l'Eglife de Pife.
C'eft; une ancienne Tradition de
cette Eglife que S. Pierre annonça
le premier l'Evangile dans cette
Ville , &c qu'il y bâtit un Autel de
pierre, qu'après la mort du Prince
des Apôtres , S. Clément tomba
pendant trois heures dans une efpe-
ce de lètargie , dans le tems qu'il
offroit le Saint Sacrifice , qu'étant
enfuite revenu de cette lètargie il
avoit déclaré au peuple , que pen-
dant ces trois heures ilavoitétédc
Rome à Pife, où il avoit conlacré
l'Eglife que les Fidèles avoient bâ-
tie fur l'Autel que S. Pierre avoit
érigée. Notre Auteur attaché parti-
culièrement à la Ville de Pife foû-
tient avec le plus de zèle qu'il lui
cft
O C T O
eft pofllble , ces deux points de la
Tradition du Pays. Pour tonifier ce
qu'il a dit furie premier article qui
concerne l'Autel confacré par lamt
Pierre , il a fait inférer à la fin de
ce Volume une Dilfertation de M.
Frofini Archevêque de Pifc déjà
connu par fes Poëfies Sacrées &
par des confultations fur les Ma-
tières Canoniques. L'Archevêque
foûticnt qu'on ne peut douter que
S. Pierre n'ait fait conftruire cet
Autel , fi l'on veut faire attention
fur le concours du peuple , à h vé-
nération duquel la pierre de cet
Autel efl expofé à certains jours,
2°. à la voix publique qui rend ce
fait notoire, 3°. aux peintures an-
ciennes de l'Eglife qui reprefen-
tent l'ai.ivée de S. Pierre à Pife &
l'Autel dont il s'agit , 4°. fur ce que
difentles HiftoriensduPays, dont
le plus ancien qui foit cité eft un
Dominicain du feiziéme fiecle ,
5°. fur l'autorité de Baronius , 6°.
fur le rapport de l'Empereur Char-
les IV. pour cet Autel , enfin fur les
Bulles d'Innocent VI. &: de Bonifa-
cc VIII. qui fuppofent la vérité de
cette Tradition. C'eft une Tradi-
tion , dit M. Frofini après S. Chry-
foftome , ne cherchez d'autre preu-
ve pour croire. Il y aura des per-
fonnes qui feront étonnées de cette
application du pafiàge de S. Chry-
foftome , à un point de fait tel que
celui de fçavoir fi Saint Pierre a fait
conftruire un Autel à Pife , & fi
cet Autel eft encore confervé dans
cette Ville.
A l'égard de la Confecration de
l'Eglife de Pife par S. Clément ,
B R E ; I7Î 5. ysp
l'Auteur cite un grand nombre de
traits de l'Hiftoire Ecclefiaftique ;
dans la vûif de prouver qu'on y
rapporte beaucoup de faits qui ne
font pas moins extraordinaires que
ce qu'on dit de la Confecration de
l'Eglife de Pife par S. Clément.
Les hibitans de Luques font
ceux qui fe font le plus attachés à
combattre cette Tradition de l'E-
glife de Pife. Leur vue étoit de fai-
re valoir leur prétention que l'Egli-
fe de Luques a été autrefois l'Egli-
fe Métropolitaine de l'Etrurie. No-
tre Auteur adure que l'Eglife de
Luques n'a jamais eu cette préroga-
tive. Il n'y avoit , dit-il , autrefois
que deux Métropoles dans l'Italie,
Rome & Milan , Pife eft la premiè-
re & la plus ancienne Métropole
de l'Etrurie, les deux autres de Flo-
rence Se de Sienne,n'ontété érigées
que quelques fiécles après celle de
Pife. Mais pourquoi l'Evêque de
Luquei a-t-ille droit de faire por-
ter la Croix haute devant lui &c
d'avoir un Pallium comme les
Archevêques. Ce n'cft , répond
notre Auteur ^ par rapport .à la
Croix qu'un fimple privilège qui
leur a été accordé par le Pape Luce
III. &c par rapport au Pallium une
prérogative de cette Eglife confir-
mée par la même Bulle de Luce III.
Il y a pluficurs autres Eglifes dont
les Evêques joiiiftent des mêmes
prérogatives, fans être Métropoli-
tains. L'Evêque de Luques eut bien
de la peine en 17 2. 6". d'obtenir du
Pape Benoît XIII. le titre d'Arche-
vêque , fans avoir néanmoins au-
cun Suffragant. A l'égard des Tia-
liii
S90 JOURNAL tVïSSÇAVANS;
ditions de l'Eglifc de Luques , no-
tre Auteur croit avoir des raifons
elTcntielles pour fe difpenfcr d'y
ajouter foi.
Ladcfcription que l'Auteur fait
de la Ville de Florence, Se ce qu'il
y dit des Princes de la Maifon de
Médicis mérite l'attention de ceux
qui n'ont pas vîi d'autre defcrip-
tion de ce qu'il y a de curieux dans
cette Ville là , & qui n'ont pas une
teinture de l'Hiftoiie de la Maifon
de Médicis.
OBSERVATIONS SVR VORDONNANCE DV MOIS DE
Février mil fept cens trente & iin^ & Quefiions remarquables fur les manières
des Vonatiom. Par Maure JeanBaptiJle Furgole ^ Avocat au Parlement
de Toulonfe. A Touioufe , chez .lean-François Foreji , rue de la Porterie,
à la Couronne d'or. 1733. in folio , pp. 195. pour les Obfcrvations fur
l'Ordonnance , pp. 325. pour les Queftions.
COMME l'ufagc eft le meil-
leur interprète des Loix , ce
n'eft ordinairement qu'après qu'u-
ne Loi a été obfervée pendant un
certain nombre d'années qu'on
s'attache à en donner des Commen-
taires : ce n'efi: même que par une
longue expérience qu'on peut s'in-
ftruire des queftions aufquellcs les
différentes difpofitions de la Loi ,
ou les termes dans Icfquels elles
font conçôës peuvent donner lieu.
M. Furgole n'a pas cru devoir at-
tendre ce fecours pour donner un
Commentaire fur l'Ordonnance du
mois de Février 173 1. pour fixer
la Jurifprudence dans toute l'éten-
due du Royaume , fur la nature ,
la forme , les Charges & les Condi-
tions des donations. Apparemment
que le Commentateur a été perfua-
dé qu'en confrontant les différen-
tes difpofitions de l'Ordonnance
emr'elles , qu'en les comparant
avec les Loix précédentes fur cette
matière , & avec la Jurifprudence
wcienne des diffeiens Pailemens
du Royaume , il feroit connoître
la véritable intention du Légifla-
tcur, & qu'il pré voyeroit les diffi-
cultez qui pourroient naître par U
fuite dans l'exécution de cette Or-
donnance. Le précis du Commcrb-
taire fur quelques articles mettra
nos Ledeurs en état de juger de
l'Ouvrage entier.
L'article de l'Ordonnance du
mois de Février 173 1. porte que
tous ades portans donation entre
vifs feront paffcs par devant Notai-
res , & qu'il en reliera minute à
peine de nullité. Notre Auteur ob-
ferve d'abord fur cet article , qu'il
y a plufieurs chofes à confideret
pour la validité de la donation en--
tre vifs , la capacité du Donateur ,'
celle du Donataire , la nature des
biens dont il peut difpofer , les for-
malitcz de l'ade qu'il appelle fub-
ftanticlles , & celles qui font extrin-
feques ou féparées du même afte.
Ce font principalement les forma-
litez & les conditions de l'ade qui
font l'objet de l'Oidonnance dont
O C T O
il s'agit ici. Notre Auteur diftingue
ces formalitez en deux clafTes , il
appelle les unes fublbntielles ,
comme celle qui eft prefcrite par
le premier article que l'ade foit
paiïe pardevant Notaires , qu'il en
refte une minute , ou celle qui re-
garde l'acceptation des donations
& dont il eft fait mention dans les
articles fuivans , il nomme les au-
tres formalitez extrinfeques ou fé-
parées de l'ade , &c il met dans ce
nombre celles de ne point délivrer
la minute aux parties & de faire
infinuer la donation. Il vient en-
fuite à l'explication de chaque par-
tie de cet article.
Suivant l'ancien droit Romain ^
il falloit que les donations fuiïent
rédigées par écrit , dans la fuite il
avoit été permis par les Loix 29 &
30 au Code de Donattomh, de faire
des donations fans écrit, pourvu
que la preuve en pût être confiante.
Dans le tems même qu'il étoit ne-
ccflaire chez les Romains que la
<lonation fût rédigée par écrit , on
n'exigeoit pas qu'elle fût palTcc par-
<levant un Officier public, mais la
nouvelle Ordonnance pouiïe plus
loin la précaution , elle a voulu
que tout adle de donation fût palTc
pardevant Notaires , afin de préve-
nir les fraudes en rendant l'aCle pu-
blic , & pour que le Donateur foit
moins fujet aux furprifes. Cette
difpofition de l'Ordonnance doit
être exécutée , même par rapport
aux donations les plus favorables ,
comme celles qui font faites par les
afccndans aux defcendans , parce
que le Légiflateuï employé les ter-
B R E , I 7 5 |; jpr
mes les plus généraux , tom a£Ies
portant donation entre -vifs.
Qiiand l'Ordonnance dit que le»
donations feront palTces pardevant
Notaires ; ces termes , félon M.
Furgolc , ne font que démonftra-
tifs des perfonnes qui font prépo-
fécs le plus communément , pour
recevoir les adcs publics. De-la il
conclut que les autres perfonnes
qui ont le pouvoir d'initrumcnrcr
de la même manière que les Notai-
res , comme les Chanceliers oa
Greffiers des Confiilats de la nation
Françoife dans les Pays étrangcis,
& les Secrétaires d'Etat qui ont
droit de recevoir les contrats de
mariage ùc.^ Princes , peuvent re-
cevoir des ades contenant des do-
nations, les premiers en toute forte
d'occaiîon , les féconds feulement
dans les contrats de mariage des
Princes. Mais les Juges ou leurs
Greffiers aufquels il ell deffendu
par l'Ordonnance du mois de No-
vembre 154Z. de recevoir aucun
contrat volontaire ne peuvent rece-
voir des ades de donations , quoi-
qu'une pareille donation dût être
valable aux termes du droit Ro-
main. Les Curés qui ne font les
fondions des Officiers publics que
pour les teftamens ne peuvent non
plus recevoir des ades de donation.
Il en eft de même des Greffiers de
Chapitres qui ne font établis que
pour recevoir & pour expédier les
délibérations capitulaires.
L'Ordonnance voulant qu'il rc-;
ftc une minute des donations ,
l'Auteur demande fi la minute »c
trouve perdue après que le Njtairc
I i i i i j
yija JOURNAL D
aura délivré une expédition en
bonne forme au Donataire , la do-
nation fera déclarée nulle. Il décide
qu'en ce cas la donation fera vala-
ble , nonobftant la perte de la mi-
nute. La raifon qu'il rend de fa dé-
cifion , eft qu'on ne peut pas dire
que le Donateur ne fe foit pas dé-
faifi des biens , &: qu'il ait la liber-
té de rendre la donation inutile ,
parce que l'expédition délivrée au
Donataire établit l'exiftence , l'ir-
révocabilité , & la validité de la
donation. Il cite pour confirmer fa
décifion d'Argcntré fur la Coutu-
me de Bretagne ^ & l'Auteur des
Loix Civiles.
L'Ordonnance prononçant la
peine de nullité contre les dona-
tions qui n'ont pas été palTécs parde-
vantNotaires, l'Auteur e(l pcrfuadé
qu'on ne peut fiippléerà la prefen-
ce des Notaires par quelque nom-
bre de témoins que ce foit , quand
même il s'agiroit d'une fommeau-
deffus de cent livres, il eftime mê-
me qu'on ne pourroit obliger le
Donateur à faire le ferment fur la
vérité de la donation. Mais il aver-
tit qu'il ne faut pas confondre avec
les donations les prefens qu'on fait
manuellement , &: pour lefquels il
ne faut ni écritures publiques , ni
écritures privées , non plus que les
donations faites entre perfonnes
mariées , ou celles faites par les
pères aux cnfans de famille qui font
fous leur puidance, attendu que
ic Roi a déclaré exprelTcmcnt par
l'article 46 de fon Ordonnance que
par rapport .à cette efpece de libéra-
lité j il ne prétendoit rien innover
ÏS SÇAVANS.
jufqu'à ce qu'il en eût autrement
ordonné.
Mais que doit-on penfcr des do-
nations tacites ? font-elles abfolu-
ment abrogées par cet article , ou
faut-il que les laits fur lefquels on
fonde la préfomption de la dona-
tion foient conllatés par un aéle
public ; C'eft ia dernière queftion
que notre Auteur examine fur l'ar-
ticle i. de l'Ordonnance. Il eftime
que l'intention du Légiflateur n'a
point été d'abroger les donations
tacites qui font préfumées par les
Loix dans certains cas , non plus
que les quittances gratuites lous
leing privé , la raifon qu'il en rend
eft que ces donations font moins du
tait de l'homme que de celui de la
Loi , & qu'il ne faut rien autre cho-
fe pour les faire fubfifter que ia
preuve des fûts fur lefquels li Loi
établit la préfomption de la dona-
tion.
L'article 3 9 de l'Ordonnance du
mois de Février 1731. &; les fi x ar-
ticles fuivans regardent la revoca-
tion des donations par la furvenan-
ce d'enfans. Nous rapporterons
pour fécond exemple quelques
traits du Commentaire fur ces fcpt
articles, après avoir obfcrvé en gé-
néral que l'Auteur s'attache à faire
voir le rapport de ces difpofitions
de l'Ordonnance avec la Loi fi un-
<jnam , 6c en quoi l'Ordonnance a
étendu cette Loi , ou rcfolu des
queftions que la Loi lailfoit indéci-
fes.
Quelques généraux que foient
les termes de l'article 39 pour la
révocation de la donation par la
O C T O
furvcnance cies enfans ; notre Au-
teur croit qu'il en faut excepter ,
comme on en exccptoit avant l'Or-
donnance , la donation faire pour
tenir lieu de titre Sacerdotal ; parce
que ce cas lui paroat cxtraordinai-
remcnt digne de faveur , 6c qu'on
ne peut préfumer par cette raifon
que l'intention du Légiflatcur ait
été de le comprendre dans la règle
générale. Mais il veut en ce cas que
ce qui eft donné pour tenir lieu de
titre Sacerdotal n'excède point le
revenu requis pour ce titre par les
Statuts du Diocéfe, & que la dona-
tion n'ait fon effet que pour la
jouiffance pendant la vie de l'Eccle-
flaftique. Il prétend encore que la
donation feroit révoquée file Do-
nateur avoir des enfans avant que
le Donataire eût été ordonne.
L'article 40 de l'Ordonnance
porte que la donation eft révoquée
parla furvenance d'cnfans, encore
que l'enfant du Donateur ou de la
Donatrice fut conçii au tems de la
donation. Quoique cette difjrofi-
tion décide bien cxpreffément la
queftion fur laquelle les Interprètes
du droit étoient autrefois partagés,
M. Furgole a cru la devoir traiter
de nouveau à caufe du cas qui fe
peut prefenter pour les donations
feitcs avant l'enregiftrement de
l'Ordonnance. Ceux qui croyoient
que la donation n'étoit pas révo-
quée par la furvenance d'enfans ,
quand l'enfant étoit conçu lors de
la donation , fe fondoient fur ce
qu'on ne pouvoit pas préfumer ,
qu'une femme qui fait une dona-
tion étant enceinte , ou un maii
B R E ; 175 5; j-^j
qui donne une partie de fon bien '
fâchant que fa femme efl enceinte ,
n'ait point penfé à l'enfant qui de-
voit bien-tôt naître , &: que le Do-
nateur ou la Donatrice n'ait pomt
fcnti l'affcd ion paternelle ou mater-
nelle qui les auroit empêché de fai-
re la donation ; le Parlement de
Touloufe l'avoit ainfi jugé au fujet
d'une donation faite par une fem-
me pendant fa groirelTe. M. de Ca-
tellan rapporte cet Arreft.
D'un autre côté on difoit que
pour que la donation pût être révo-
quée par la furvenance d'enfans i il
fuiïifoit j aux termes de la Loi , que
le Donateur n'eût point encore
d'enfans, Jilios non habens ^ que la
Loi ne regardoit comme étant déjà
nés les enfans conçus , que quand
il s'agilToit de chofcs qui leur
étoient favorables , enfin qu'un pè-
re n'a pas la même tendreffe pour
un enfant qui n'eft que conçu qu'il
auroit pour un enfant né. C'efî: ce
que le Parlement de Toulouze
avoit jugé le 3 Septembre 1^97. en
faveur de Françoife Abbadie mère
^-'légitime adminillratrice des biens
d'un enfant dont elle étoit enceinte
dans le tems que fon mari avoit fait
une denarion. Cette dernière Jurif-
prudence qui a donné lieu à la dif-
pofition de l'Ordonnance dont il
s'agit , paroît à notre Auteur la plus
équitable , &: c'efl: celle qu'il efl
perfuadé qu'on doit fuivre pour les
donations faites avant l'enregiftre-;
ment de l'Ordonnance de 173 1.
Les queftions remarquables fur
la matière des donations qui font
la féconde Paxtic de ce Volume
S9i JOURNAL DE
font au nombre de $0 , Ôc voici le
précis de cjuclqucs-uncs des répon-
fes à ces quellions.
Il s'ar;it dans la trente-quatrième
de fçavoir (î les donations entre vits
ôi les difpofitions teftamcntaires
faites par les Domeftiques en fa-
veur de leurs maîtres , ou par les
maîtres en faveur de leurs domefti-
ques font valables. Charondas &
Brodeau , ont cru que les maîtres
étoient compris dans la difpolîtion
de l'article 151 de l'Ordonnance de
16^9. à caufe du pouvoir que les
maîtres ont fur l'efprit de leurs do-
meftiques , Si que par confcquent
les liberalitcz des domeftiques
au profit de leurs maîtres étoient
nulles , comme n'ayant point été
faites avec la libert^neceffaire pour
les faire valoir. Ricard croyoit qu'il
y a tant de baftclfe dans la conduite
d'un maître qui accepte une dona-
tion de fon domeftique , au lieu de
reconnoître fes fervices , ou du
moins de laifler les biens au fuccef-
fcur , qu'il ne faudroit que très peu
de circonlfanccs pour condamner
l'avarice du maître & faire déclarer
nulle la donation -, mais il étoit per-
fuadé qu'en examinant la qucftion
indépendamment des circonftances
particulières , on ne peut déclarer
la difpofition nulle fous le prétexte
des qualitez de maître & de dome-
fl;ique , parce que parmi nous les
domeftiques ne font point efcla-
ves , & qu'Us ne font fous la dé-
pendance de leur maître qu'autant
qu'ils le veulent bien. Notre Au-
teur cft aufti convaincu que l'arti-
cle 131 de l'Ordonnance de 1.639.
5 SÇAVANS ;
ne p.ut s'appliquer au maître paf
rapport au domeftique , parce que
cet article ne parle que des Tu-
teurs , Curateurs , Gardicns-Bailli-
ftres &c autres Adminiftrateurs , Se
qu'il n'cft pas dit un feul mot des
maîtres dans cet article de l'Or-
donnance , Se que dans les Loix qui
reftraignent la tacultc de difpofer ,
6 qui gênent la liberté , il ne faut
pas étendre une difpofttion d'un
cas à un autre -, en fécond lieu parce
que le motif de l'Ordonnance ne
peut être appliqué au maître ^ at-
tendu que les maîtres n'ont pas fur
leurs domeftiques une puiftancc
légale Se publique dont ils ne puif-
fent fc fouftraire pendant un cer-
tain tems , comme eft la puilfancc
que les Tuteurs exercent fur leurs
pupilles. M. Furgole paroît peu
touché de ce qui paroît à Ricard
être une indignité qu'un maître
profite des liberalitez de fon do-
meftique. Il avoiie cependant que
l'autorité qu'a le maître fur fon do-
meftique peut déterminer plus ai-
fément à faire déclarer la donatioa
nulle , quand il y a d'ailleurs des
préfomptions de captation ou de
force. Mais il ne met point aa
nombre des préfomptions contre le
maître , que le domeftique qui a
fait une difpolîtion en fa faveur ait
demeuré long-tcms dans fa maifon,
il veut au contraire qu'on regarde
cette circonftance comme une preu-
ve de l'amitié que le domeftique
avoit conçue pour fon maître , Sc
comme une marque de fa recon-
noifTance à caufe des bons traite-
mcns «ju'il en avoit regiàs , à ïhr.
0 C T O B
gard des donations faites par les
maîtres aux domeftiques. Notre
Auteur ne voit pas qu'on puifle ti-
rer de l'Ordonnance de 1539. le
moindre prétexte pour les contc-
ûer.
Notre Auteur examine dans la
35' qucftion quelques dtfficultez
au fujet de la déclaration du mois
de Février 1 549, qui défend aux
Tuteurs èc aux autres Adminiftra-
teurs de recevoir des donations de
leurs pupilles par des perfonnes in-
terpolées. Il décide à cette occa-
fion que c'eft à celui qui prétend
que le Donataire eft une perfonne
intcrpofée pour ifaire profiter le
Tuteur de la Donation à prouver
ce qu'il avance^ attendu que le dol
& la fraude ne fe préfumcnt point.
Cette décifion doit même être fui-
vie , félon M. Furgole , quand la
difpofition eft faite par le pupille
au profit des enfans du Tuteur ,
parce que la feule proximité ne fuf-
fit pas pour établir la fraude. Néan-
moins quand les enfans ne font pas
émancipés la donation qui leur
cû faite par les pupilles qui font
RE, 1755: S9T
fous la tutelle de leur pare cft nulle;
parce que le père en profitcroit .1
caufc de l'ufufruit qu'il a en pays de
Droit Ecrit du bien de fes enfans
qui ne font pas émancipés. L'Au-
teur croit par la même raifon que
les pupilles ne peuvent difpofer de
leur bien au profit des femmes de
leurs Tuteurs , lorfqu'eiles font en;
communauté de biens avec leurs
maris , ou quand elles fe font con-
ftitué tout leur bien en doc , parce
qu'en ce cas le mari profitcroit de
lajoiiiflance dubien qui auroit été
donné par fon pupille. On voit que
l'Auteur dans les décifions fur cet
article , raifonne relativement aa
Droit Ecrit , car il y a des Coutu-
mes qui ont ajouté des difpofitions
plus rigourcufes à celles de la dé-
claration de 1549.
Nous ne nous étendrons pas da-
vantage fur cet Ouvrage dont il
n'cft pas poflîble de donner un Ex-
trait détaillé , il nous fuffit d'avoir
rapporté des exemples de chacune
des parties qui compofent ce Volu-
me.
S$6 JOURNAL DES SÇAVANS;
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES, 6~(.
C'eft-à-dire : Recueil des Ecrivais de l'Hj'hire d'Italie, depuis l'an
^oo.jufyiiàl'an 1500. par AI. Muracori ^ Tome Xlll. A Milan , parli
Société Palatine. 1728. iihfol. col. 1308.
L'Hiftoire Univcrfcllc de Jean
Villani depuis la fondation de
Florence jufqu'à l'an 1348. rem-
plit la plus grande partie de ce Vo-
lume. Quoique cet Auteur tienne
le premier rang parmi les Hiiloricns
qui parurent au quatorzième ficelé,
il fcroic cependant inutile de dilfi-
muler , que dans tout ce qui regar-
de l'origine de Florence , & en
quelques autres occafions , il n'ait
adopté les Fables qui étoient pour
lors communément reçues fur la
foi d'une tradition aveugle ; mais
ce défaut qui lui eft commun avec
le grand nombre des Auteurs qui
l'ont précédé eft bien compcnfé
par l'exaditude & la fidélité qui
règne dans ce qu'il nous raconte
des évenemens qui approchent de
fon tems ^ & fur-tout de celui dans
lequel il vivoit , il faut avoiier en-
core que la haine qu'il avoit pour
laFadion Gibelline le féduit quel-
quefois. Il eft aifé de le voir à la ma-
nière dont il parle de l'Empereur
Frideric II. & defes fuccelleurs. Du
refte on voit éclater par-tout dans
fon Hiftoire de grands fcntimens
de fagefle & de probité , fcs vertus
& fes talens ne furent pas fans re-
compenfe. Il fut revêtu des Char-
ges les plus confidcrables de la Pa-
trie , 6c il les exerça avec la réputa-
tion d'habile homme & de bon Ci-
toyen.
Il nous apprend qu'il alla à Ro-
me en 1 300. à l'occahon du J ubilc,
& qu'il en revint pour compofct
fon Hiftoire , il mourut en 1348.
qui eft l'année, où des Villes en-
tières furent défolées par une des
plus cruLllcs pertes qu'on ait jamais
vu en Italie.
Son Hilloire , quoique connue
des Sçav.ins , refta cnfevelie dans
les Bibhothéques environ pendant
200 ans ; Jacques Fafolus en donna
enfin une Edition affez imparfaite
àVenife en 1537. Icsjuntes la firent
réimprimer d'abord dans la même
Ville en 1559. & enfuitc à Florence
en 1 5S7. corrigée fur differens Ml.
& avec les Notes de Remy Nanni-
ni Florentin. Le Didionnaire de la
Crufca contribua beaucoup à ren-
dre cet Hiftoricn célèbre en le ran«
géant parmi les Auteurs qui ont
perfedionné l'Italien vulgaire. Un
témoignage fi éclatant n'a cepen-
dant pas empêché Alexandre JalTo-
ni fameux Poète de Modéne d'ac»
cufer ViUani de plufieurs fautes
dans le ftile &i dans l'expreftîon, &c
defoLitcnir que la Langue Italienne
n'ctoit point encore parvenue au
point de perfcâ:ion où elle s'éleva
dans le 15* fiecle. M. Murarori
foufcrit à ce jugement , & il le flat-
te d'en avoir prouvé l'équité dans
un de fes Ecrits , il convient néan-
moins qu'on doit regarder l'Hiftoi-
O C T O B
te de Villani comme une des four-
ces qui a le plus enrichi la Langue
de fon Pays.
C'eft même une des raifons qui a
engagé le fçavant Editeur à cher-
cher les moyens d'en donner une
Edition plus exade que toutes cel-
les qui en avoient paru jufqu'alors ,
il a été aidé dans ce dcfTein par
Jean-Baptifte Rccanuti Noble Vé-
nitien j déjà fort connu par fon
amour pour les Lettres , il lui a
confié un Mf. de cette Hiftoire
très - bien confervé , & qui paroît
écrit du tems de Villani même.
C'eft le Mf. comparé par M. Safll
avec un autre qu'on garde dans la
Bibliothèque Ambroifienne que M.
Muratori a fuivi dans cette Edition,
il a fait imprimer les Variantes les
plus confiderables au bas de chaque
page , mais à l'égard de celles qui
étoient peu importantes , & que la
fuite de l'Ouvrage demandoit ne-
ceflairemenr , il les a fait entrer
dans le Texte même ; on y verra
des Chapitres entiers qui ne fe
trouvoient pas dans les précedetUes
Editions. Il ne doute donc pas que
celle - ci ne foit parfaitement bien
reçîië non feulement des Italiens ,
mais encore dcS étrangers. Il foû-
tient que Villani eft fi cxzQ: qu'on
peut le regarder comme un témoin
non fufpeâ: jufques dans les récits
qu'il fait des évenemens qui font
arrivés hors de l'Italie. Il obferve
cependant qu'il a écrit fur les Mé-
moires que les amis qu'il avoit en
France , en Angleterre & en Flan-
dre lui envoyoïent , & fur les nou-
velles publiques telles que nosGa-
OUobre.
R E, 175 5. 5-97
zettcs. Il a donc pu lui arriver de
les tranfporter dans fon Hiftoire ,
tels qu'il les avoit reçus fans y fai-
re les changemens necelTaires : M.
Muratoii croit en voir un exem-
ple dans le 8^ Liv. ch. ^8. où l'on
trouve la relation de la bataille de
Mons en Puelle que Philippe le
Bel gagna contre les Flamans , on y
lit que ce Prince étoit fi irrité con-
tre eux qu'il ne voulut pas permet-
tre qu'on enterrât leurs morts , &
la narration finit ainfi , io Scrittore
fojfo cio per veduta teflimoniare , che
pochi di apprejfo fui in fui campo ,
enc fia la bataglia , & vidi tutti Ica-
pi Aîorti , moi qui écris ceci , j'en
puis parler comme témoin oculai-
re , car peu de jours après je fus fur
le champ de bataille , & je vis les
morts. Or il n'y a pas d'apparence
que Villani fût pour lors en Flan-
dre. On ne peut pas du moins l'ex-
cufcr d'avoir copié des pages entiè-
res de Ricordans Malefpini , fans
le citer , & fans s'appercevoir que
le fait qu'il en empruntoit contre-
difoit nettement ce qu'il avoit
avancé ailleurs , fur-tout en parlant
de l'Empereur Rodolphe premier,
Liv. 7. ch. 44.
Cet Ouvrage eft fuivi de trois
autres moins confiderables , le pre-
mier eft une Hiftoire de Sicile de-
puis izjo. jufqu'en 1194. l'ordre
Chronologique que M. Muratori a
toujours fuivi jufqu'à prefent en
publiant les anciens Ecrivains de
i'Hiftoire d'Italie , eiit demandé
que celle-ci eût été placée dans les
Volumes préccdens , mais l'ayant
reçu plus tard qu'il n'eût fouhaité ,
Kkkk
^p8 JOURNAL DE
il a été contraint de la bire impri-
mer ici comme un hors d'oeuvre.
Il doit cette découverte à Paul
Agliotus Jurifconliiltc de MclTme
qui jaloux de la gloire de fa Patrie,
lui a envoyé le Mf. original de cette
Hiftoire ou du moins une copie
très ancienne faite fur l'original.
On prétend qu'elle a été dans un
coffre de plomb fous un Autel de
de l'Eglife de S. Sauveur à Mcfllne.
M. Agliotus , dans la Préface qu'il
a niife à la tête de cet Ouvrage ,
fuppofe qu'il a été compofé par
Barthélemi de Néocaftro Jurifcon-
fulte de Meflînc & cnfuite Avocat
Fifcal de Sicile ; en effet le titre du
Mf. en fait foi. Cependant M. Mu-
latori croit qu'on en peut douter ,
parce qu'on ajoute dans ce même
titre que notre Auteur lut envoyé
en Ambaffade par Pierre d'Arragon
au Pape Honoré II. Or dans le 105"
Chapitre de fon Hiftoire on lit
qu'un Barthélemi de Néocaftro fut
en effet chargé de cette honorable
Commiflîon, mais on en parle d
féchement & avec fi peu de détail
qu'il ne paroît pas probable que cet-
te Hiftoire foit l'Ouvrage de Bar-
thélemi de NéocaftrOjd'autant plus
que l'Auteur y parle toujours en
première perfonne , qu'il affurc
n'avoir eu d'autre but en l'écrivant
que l'inftrudion de fon nls à qui il
adreffe fa narration. Or il étoit na-
turel que par cette raifon , il ne lui
cachât rien de tout ce qui pouvoit
ïegarder l'honneur de fa famille.
Quoiqu'il en foit , il écrivoit en
1188. après la mort de Frideric ; il
l'avoit d'abord compofée en veis ,
S SÇAVANS,
mais à la prière de fon fils il la re-
mit en profc , on y trouve même
encore des hémiftiches entiers ,
plufieurs tours poétiques , & il ne
faut pas cependant la regarder com-
me un Ouvrage de pure imagina-
tion. C'étoit un Poëme Hiftorique,
tel qu'on en a vu plufieurs dans ce
Recueil. M. Aglioto foupçonne
qu'on y a cependant inféré quel-
ques Epifodes fabuleux pour y jet-
ter du merveilleux , Se M. Murato-
ri foufcrit à ce jugement, mais du
refte le premier par un amour ex-
ceftifpourfa Patrie à qui il prodi-
gue les louanges les plus outrées ,
nous reprefente Barthélemi de
Néocaftro un Hiftoricn fincére 8c
judicieux , & d'autant plus croya-
ble qu'il étoit plus a portée d'être
inftruit de la vérité des évenemens
arrivés de fon tems , parce qu'il te-
noit un rang confiderable dans la
Sicile. M. Aglioto parmi les belles
adions qui doivent rendre le nom
de fes Compatriotes immortels , il
compte les Vêpres Siciliennes, mais
il ajoute en même tems que cette
entreprife toute illuftre & toute
fameufe qu'elle eft a eu cependant
le malheur d'être écrite avec fi peu
d'exaâ:itude qu'elle a laiffé une
abondante matière de doutes , & il
affure que Barthélemi eft le feul qui
ait bien traité ce point d'Hiftoire.
Il avertit en même tems que le ftile
de cet Hiftoricn n'cft pas élevé , &C
qu'on y trouvera quelques endroits
obfcurs. L'habile Editeur va plus
loin , il convient qu'en beaucoup
d'endroits cet Hiftorien eft abfolu-
mcnt inintelligible , diffus dans fes
O C T O B
narrations ~ Se fur-tout dans les
longs difcours qu'il met dans la
bouche de la plupart des perfonnes
qu'il introduit fur la Scène. Et à
l'égard du fonds de l'Ouvrage il dit
fimplemcnt qu'en parlant des cho-
fes qui s'étoient paflees de fon tems
ilavoitfuivi la vérité autant qu'il
étoit permis de le faire à un hom-
me qui foûtenoit le parti des Arra-
gonois , mais dans les évenemens
tort éloignes du fiecle , où on pré-
tend qu'il a vécu , M. Muratori ne
diflïmule pas que cet Auteur n'ait
tombé dans des fautes Se des con-
tradidions énormes. On en peut
voir un exemple dans ce qu'il rap-
porte de Guillaume I. Roi de Sici-
le & des defcendans de ce Prince.
Les méprifesy fontfigroflîeres&en
fi grand nombre que c'eft une nou-
velle raifon pour perfuader à M.
Muratori que Barthélemi de Néo-
caftro qui ne vivoit qu'environ
cent ans après la mort de ce Prin-
ce , ne peut avoir compofé cette
Hiftoire , il protefle néanmoins
que fon intention n'eft pas de di-
minuer la confidération que méri-
te cet Hiftorien , ni empêcher
qu'on ne le regarde comme un té-
moin digne de toi dans tout ce qui
s'eft palfé en Sicile, &c fur-tout dans
ia Ville de Mefline pendant les dé-
mêlez de Charles d'Anjou & de
Pierre d'Arragon. Il veut même
que les habitans de Mefline l'ap-
plaudilfent d'avoir nourri un Ci-
toyen qui a tranfmis avec tant de
zélé leurs belles adions à la pofteri-
té ; après avoir loiié leur courage 8c
leur amoui pour la guerre , il fou-
haite que l'Empereur rende à cette
illuftre Ville fon ancienne fplen-
deur , & lui hfle fentir que c'cfi:
par une faveur du Ciel qu'un Prin-
ce fi bienfaifant y eft remonté fut
le Thrône de fes ancêtres. Il ajoute
que le peuple de Modéne s'unit
avec celui de Mefline pour former
les mêmes vœux , & que depuis
qu'en l'an 1628. l'Academie de
Mefline s'eft: unie par des liens éter-
nels à celle des Dijpnans de Modé-
ne,les loix de la reconnoilfance de-
mandent que Modéne compte par-
mi fes propres avantages tous ceux
qui arrivent à la Ville de Mefline.
t°. Un Commentaire fur la Vie
& les aftions de Nicolas Accia;oli
Florentin , Grand Sénéchal de la
Pouille , par Mathieu Palmerius,
aufli Florentin , depuis l'an 1310.
jufqu'àl'an 11,66 .
Nicolas Acciajoli doit être regar-
dé comme un homme des plus il-
iuftres du 14' ficelé , il naquit à
Florence en 13 10. d'une famille
très - difl;inguée parmi les célèbres
Ncgotians de ce fiecle. Son princi-
pal commerce confift:oit dans l'a-
cier , d'où on prétend qu'elle a tiré
le nom d'Acciajoli , Acciaio en Ita-
lien fignifiant de l'acier. Nicolas
alla à Naples pour y fuivre la pro-
feiîion de fes pères; mais l'élévation
de fes fenrimens lui fit fentir cu'il
étoit né pour quelque chofe de
plus grand. Il étudia la politique ,
& comme il joignoit les grâces du
corps aux agrémens de lefprit , il
gagna en peu de tems les bonnes
grâces de Louis Prince de a i nre,
enfuite Roi de la Pouille & il plut
Kkkkij
(îoo JOURNALB
également à fa femme la Reine
Jeanne I.il les fcrvoic l'un de l'autre
en paix comme en f;uerre , 5c dans
des' tcms fort difficiles avec une
grande réputation de droiture Se de
fagefTe. Ses fervices furent rccom-
penfés par la dignité de Grand Sé-
néchal de Sicile ou de la Pouille ,
ii il fut chargé de plufieurs Am-
bafTades célèbres auprès de l'Em-
pereur Charles IV. &c du Pape In-
nocent VI. il mourut en 136e. &
iailTa de grands biens qu'il avoir ac-
quis tant par fa propre induftrie
que par la libéralité de fcs maures.
Un homme de ce mérite étoit
bien digne de trouver un Hiftorien
tel que Mathieu Palmerius. Ce fça-
vant déjà connu par plufieurs Ou-
vrages , fleurilToit au commence-
ment du quinzième fiecle & mou-
rut en 1475. Nous avons plufieurs
Catalogues de fes Ouvrages -, mais
le plus exaâ: de tous eft celui qu'en
a donné Apoftolus-Zémis dans le
dixième Tome des Ephémérides
d'Italie , on y trouve encore grand
nombre de traits qui fervent à
mieux faire connoître la Vie de
Palmerius -, il fut Gonfalonier de
Florence en 1453. & c'eft depuis
ce tcms-là qu'il a recueilli tout ce
qui regarde les aérions d'AcciajoIi.
Cette Hiftoire fut traduite en Ita-
. lien èc imprimée à Florence en
içiiS. avec l'Hiftoirc de la famille
Ubaldine. L'original qui a été écrit
en latin n'avoit encore jamais paru
&: mérite fans doute d'être préféré
à la traduélion. On le donne d'a-
près deux MIT. qu'on conferve à
JMéritc. Tout homme qui aura lu
ES SÇAVANS;
avec attention l'HiftoiredeNaples
écrite par Ange Conftantius vcna
aifèmcnt corr.bien il a profité de
l'Ouvrage de Palmerius pouï
éclaircir l'Hiftoire de Jeanne I. &c
de Louis de Tarentc fon mari.
3°. Fragmens des Annales de
Viana par Confortus - Pulea de la
même Ville.
Jean-Baptifte Pajarini que Vof-
fîus met au nombre des Hiftoriens
Latins , quoiqu'il aie écrit fon Hi-
ftoire de Vicenze en Italien, comp-
te parmi les Auteurs dont il s'eft
fervi pour compofer fon Hilloire
d'un Pulea de Cuftodia ou Cullo-
za Village du Territoire de Vicen-
ze : dans un autre endroit il en par-
le encore comme d'un Texte célè-
bre , &C il remarque qu'il avoit dé-
crit en vers l'arrivée de l'Empereur
Charles IV. en Italien. Il lui donne
pour frère un Confortus, mais fans
jamais attribuer à ce dernier la qua-
lité d'Hillorien , ce qui donne lieu
à M. Muratori de douter que le
Pulei dont parlent Volfius 6c Paja-
rini & le ConfontusPulea dont on
imprime ici les Fragmens pour k
première fois ne foient un feul &
même Auteur.
Ces Fragmens commencent à
l'an 1371. ôc finiffent à l'an 1387.
ils ne font pour la plupart remplis
que d'évenemens peu confidera-
bles , de prodiges , d'apparitions
d'cfprits , & de petits faits , qui ne
regardent que des particuliers; mais
l'air de candeur Se d'ingénuité avec
lequel ils font écrits faitcfpLtcrà
M. Muratori que la Icdure n'en fe-
ra pas déiagréable au publie.
OCTOBRE; 17 3 3^
€ot
HISTOIRE DE L'EGLISE GALLICANE DE'DIE'E A
Nopigneurs du Clergé par le P. Jacques Longueval , de la Comfagme de
Jcfus. Tome V. A Paris , chez François Momalam , Quai des Auguftins;
Jean-Baptifte Coignard , Imprimeur àw Roi , rue S. Jacques , à la Bi-
ble d'or. 173 ;. /«-4°. pp. ^6%. fans la Table des Matières.
NOUS avons parlé dans nos
Journaux préccdens des pre-
miers Volumes de cet Ouvrage à
mefure qu'ils ont paru ^ & en parti-
culier du IV^ Tome dans notre
Journal du moisde Juin 173 1. Lé
cinquième Tome dont nous allons
rendre compte , renferme les 1 5, 14
& 1 5 Livres de l'Hiftoire de l'Egli-
fe Gallicane depuis l'an 708. )ufqu'.i
l'an 840.
Le treizième Livre commence à
la nailTance de l'Héréfie d'Elipard
Evêque de Tolède qui entreprit de
faire revivre l'Héréfie de Neftorius,
Mais pour fe rendre moins odieux ,
il en ndoucit les dogmes , fans nier
ouvertement l'unité de Pcrfonnes
enJ.C. ni combattre direcflement fa
Divinité, il fe borna à enfeigncr que
ce Divin Sauveur n'étoit pas Fils de
Dieu par nature , mais feulement
par adoption. Félix Evêque d'Urgel
le rendit le défenfeurde ce dogme
impie. Ces deux Evêqucs , dit l'Au-
teur , qui joignoient à une grande
réputation de pieté & de vertu , les
dangereux talens propres à faire
une Seâ:e , eurent bien tôt des par-
tifans dans leur Pays &: même dans
les Provinces de la Gaule , voifines
de l'Efpagne. La Catalogne que Fé-
lix d'Urgel infcdoit defts erreurs ,
faifoit partie des Etats de Charlc-
magne. Ce grand Prince , quoi-.
qu'engagé pour lors dans la guer-
re des Huns ou Abarcs , voyant
les progrès que cette Hèrèfie faifoit
dans la Septimanie , fit afiembler à
ce fujet un Concile à Ratiibone. Fé-
lix y comparut, fes erreurs y fu-
rent condamnées, & il lesanathc-
matifa lui-même , mais pour s'afiu-
rer encore mieux de fa foi , le Roi
l'obligea d'aller à Rome , là en pre-
fence du Pape Adrien , Félix abjura
de nouveau fon hérèlie , après quoi
le Pape & le Roi croyant n'avoir
plus aucun fujet de fe défier de fa
fincerité lui permirent de retourner
à fon Siège.
Mais , dit l'Auteur , » le chan-
Y) gemcnt véritable d'un Chef de
n Parti eft un miracle de la grâce
» aufli rare qu'il eft difficile. " Fé-
lix ne fur pas plutôt de retour à
Urgel qu'il fit éclater fe mauvaife
foi. Ehpard d'un autre côté publia
divers Ouvragespour raflurer ceux
de fes Partifans que les variations
de fon Collègue avoitnt pu ébran-
ler , il y a quelque apparence que
ces Ouvrages n'ètoient pas de fa fa-
çon , parce qu'ils font affez bien
écrits , au lieu que nous avons une
Lettre particulière de ce Prélat à
fon ami Félix , qui eft d'un fort
mauvais ftile, & pleine de barbarie
mes.
Adrien perfuadé par fes Ecrits
6qi journal D
de l'opiniâtreté des nouveaux Hé-
tétiques' , confcilU au Roi d'alTem-
bler un Concile National comme
le remède le plus efficace qu'on put
employer dans ces conjondurcs.
Charicmagne ne délibéra pas , il
envoya ordre à tous les Evd-ques
de fcs Etats & même d'Italie de le
rendre à Franctort •, le Pape y dépu-
ta en qualité de fcs Légats deux
Evêques, & il s'y trouva environ
300 Prélats , l'Héréhe d'Elipard y
fut de nouveau condamnée , on y
lut différentes réfutations de la
Lettre de cet Hérélîarquc , la pre-
mière au nom du Pape qui repre-
fentoit le fentimcnt de l'Eglifcde
Rome , & des Evêques qui ctoicnt
plus immédiatement fous fa dépen-
dance , le fécond par S. Paulin Pa-
triarche du Frioul , ou d'Aquilée ,
pour les Provinces les plus voillncs
des Alpes , & le troifiéme conte-
noit la foi ortliodoxe des Evêques
de la Germanie , de la Gaule , de
l'Aquitaine Se de la Bretagne. L'Au-
teur , fuivant fa coutume , nous
donne un précis exaifl de tous ces
Ouvrages. Ils furent approuvés par
le Concile , &c Charlemagne qui y
fut toujours prefent , alfis avec les
Evêques tandis que les Prêtres ôc
les Docteurs croient debout , en-
voya ces trois écrits à Elipard^ avec
une Lettre en réponfe à celle que
ce Prélat lui avoit écrite , o Le
x> Prince fins y faire le Théologien
K & fans fortir des bornes de Ion
« Etat fe contente pour ramener
j> les Scclaiic» à l'unité , d'em-
» ployer avec force l'argument tiré
m de l'autorité & du confentement
ES SÇAVANS.
» de l'Eglifc UniverfcUe.
On agita encore dans le Concile
de Francfort une Qiicllion impor-
tante au fujet du culte des Imajjcs.
Les actes du fécond Concile de
Nicée tenu contre les Iconoclalles ,
venoient d'arriver en France , on y
étoit pour lors tr^s-indifpofé contre
les Grccs.l'Iniperatricc Ircnéc avoit
fait époufer àrÈmpercui Conltantiii
fon tîls une fille Arménienne , tan-
dis qu'il étoit accordé avec la Prin-
ccfTe Rorrude fille du Roi , & qui
avoit même auprès d'elle un Eunu-
que Grec pour lui apprendre la lan-
gue & les ufages du Pays.
On eft , dit le Père Longueval ^
toujours porté à interpréter en mal
ce qui vient d'un ennemi , la plu-
part des Evêques François n'enten-
doient pas le Grec , & ils ne ju-
geoient des ades du fécond Conci-
le de Nicée qu'ils nomment par
erreur de Conftantinople , que fur
une verfîon infidelle ; on y faifoit
dire à Conftantin Evêquc de Chy-
pre cju' il embrajfoit Us famtes & vé-
nérables Images félon le culte & l'a-
doration ijit'il rendait à la confubfta».
ticlle & vivifiante Trinité. Et fut
cette fuppofItion(le Texte Grec dit
précifément le contraire ) le Conci-
le de Nicée fut rejette avec mépris
dans le fécond Canon de celui de
Francfort. Les autres Canons qui
font au nombre de 54 concernent
les affaires d'Etat , ou quelques dif-
férends arrivés fur la Jurifdi(ition.
On en peut voir le détail dans
l'Auteur.
Le 45 Canon montre combien
on jugeoit alors d'étroite obliga-
O C T O
tion la refidence des Evêcjues :
Charlemagne après en avoir obte-
nu la difpcnfe pour Hildebolde Ar-
chevêque de Cologne fon Archi-
chapeliain qu'il vouioit toujours
avoir à fa Cour , fe crut obligé de
faire notilîcr cette permilîlon par le
Concile.
Trois ans avant qu'il fût affem-
blé, avoient paru les Livres Caro-
lins contre le concile de Nicée ;
quelques-uns ont cru qu'ils avoient
été compofés par l'oidre de Charle-
magne, & par Alucin mêmCj mais
notre Auteur les tiouve remplis de
termes (1 injurieux & de laiîbnne-
mens fi faux , qu'il ne peut foufcri-
re à cette opinion. Il cft cependant
certain que Charlemagne ht pu-
blier un Ecrit contre ce Concile, &
qu'il le fit porter au Pape par l'Ab-
bé Engilbert. Adrien mourut
quelque tems après. Charlemagne ,
qui avoit pour lui une amitié parti-
culière , fut très - fenfible <à cette
perte ; l'Auteur nous rapporte l'E-
pitaphe que ce Prince fit pour lui ,
elle refpire la tcndreffe la plus vive.
Léon III. ne fut pas moins attaché
au Roi que fon prédecefleur ; peu
de tems après fon éledion il lui en-
voya les clefs de la confeffion de
S. Pierre , & l'ctendart de k Ville
de Rome pour marque qu'il le re-
connoifibit Patrice des Romains.
L'union parfaite qui régna tou-
jours entre les deux Puiflances les
mit en état l'un & l'autre de porter
enfin les derniers coups àl'Héréfie
d'Elipard. Malgré les Décrets du
Concile de Francfort , comme Fé-
lix d'Urgelj toujours opiniâtre dans
B R. E , 1 7 3 5; (To j
fes erreurs , continuoit de les foû-
tenir par de longs Ecrits ; cet Hé-
rétique fut encore condamne dans
un Concile tenu à Rome. Dans le
même tems Charlemagne en fit af-
femblcr un autre à Urgcl même. }{
étoit compofé d'Evêquesdela Pro-
vince du Languedoc , mais en petit
nombre;Felix s'étant fcrvi de ce pré-
texte pour ne pas fe foiimettre à leur
jugement, ils lui obtinrent un fauf-
conduit de la part du Pvoi pour l'en-
gager à venir lui-même défendre fa
caufe dans un Concile que le Roi
fitaflenibler à Aix la Chapelle.
Félix y fut confondu , mais
n'ayant pas voulu fe retrader , il
fut dépofé de l'Epifcopat. Cette
humihation le fit revenir à lui-mê-
me , & il parut condamner fes er-
reurs avec une entière finceritc dans
une confeflîon de foi adrelTée aux
Prêtres , aux Diacres & aux autres
Fidèles de fon Eglife , il fe nomme
dans Pinfcription : Félix autrefois
Eveque cjiwicjh' indigne. Cependant
comme il s'ctoit déjà parjuré trois
fois,Charlemrgne le relégua à Lyon
fous les yeux de l'Archevêque Lci-
drade qui tut chargé de l'obferver.
Elipard qui ne fcavoit pas fa re-
traèlation , lui écrivit pour l'exhor-
ter à fouffrir avec conllancc , & à
fe fouvenir que J. C. a déclaré heu-
reux ceux qui font perfécutés pour
lajuftice , & il lui promet d'ordon-
ner à tous fes Prêtres de dire la
Méfie pour lui , pour donner plus
de poids à (es avis , il lui marquoit
qu'il étoit pour lors âgé de 82 ans.
Il écrivit en même tems à Alcuin
dans des termes pleins de mépris
^04 JOURNALD
& d'aigreur , en l'accufant de pcr-
fecutcr un faint ConfclTcur rccom-
mandablc par la pureté &: par la
fagcfle de fcs mœurs. L^Archevê-
quc de Tolède fans doute changea
bien de langage en apprenant la
foûmilfion de Félix; mais,pour-
fuit l'Auteur , » quand les retraela-
» tions des Hérétiques faute de fin-
«ccriré ne ferviroicnt pas aies ju-
» ftifier devant Dieu , elles fervent
» du moins à les dccrcditcr devant
»> les hommes , &c c'eft toujours un
» avantage pour l'Eglife.
On ne doutoit pas alors que Fé-
lix ne fût fincerement converti, ce-
pendant par un exemple de la ma-
ledidion ordinairement attachée
aux chefs de parti , il lailfa en mou-
rant un Ecrit dans lequel il profcf-
foit hautement fes erreurs , &c où il
retra(5l;oit pour ainfi dire toutes ces
retradations mêmes. Pour Elipard
de Tolède on prétend qu'il revint
à la vérité , &: qu'il mourut dans le
fein de l'Eglife , mais les autoritcz
furlefquelles on l'alTure, ne paroif-
fent pas Éort folides.
L'Auteur ne porte pas le même
jugement de celles qui regardent le
miracle arrivé en la perionnc du
Pape Léon III. à qui des féditieux
coupèrent la langue & crevèrent les
yeux. Il prouve la vérité de ce mi-
racle contre quelques Auteurs dont
les uns le révoquent en doute , &
dont les autres vont même jufqu'à
le nier abfolument. Chailemagne
fe crut obligé d'aller à Rome pour
venger lePape-, le faint Pontife pro-
fita de cette occafion pour le cou-
ronner Empereur d'Qccidcnt. »> Et
ES SÇ A VAN S,
>» c'eft ainlî que l'Empire pafTa aux
» François dans la pcrfonnc d'un
«Prince capable par fa valeur &c
» par fa pieté de foûtenir tout le
» poids de la gloire des Conllantins
» &: desThéodofcs.«LaVie dcChar-
Icmagne a une liaifon necelTaire
avec l'Hiftoire Ecclelîaftique de Ion
tems ; comme on le voit par diffc-
rens capitulaircs donnés dans les
AlTemblécs ou Conciles qui furent
convoqués par fon ordre à Franc-
fort & en pluficurs autres endroits.
On en trouve ici des Extraits fort
curieux.
Nous ne pouvons fuivrc l'Auteur
dans le détail particulier où il entre
fur la Vie ou lurlcs Ecrits des Evè-
ques , des Abbez & de toutes les
perlonncs diftingutes par leurs
fciences ou par leur pieté. La mul-
titude &: la variété des faits qu'il
raconte , l'oblige d'interrompre à
tous momens fa narration , mais il
le fait avec tant d'oidre & de clarté'
que fon Hiftoire ne laifTe pas d'être
fort fuivie & fort interelTante.
Ce premier Livre finit par la
mort & l'éloge de Charlemagne.
n La troifiéme Race de nos Rois,
n dit l'Auteur au commencement
» du quatorzième Livre , avoir eu
n jufqu'ici dans la perfonne d'un
j> Pépin d'Hériftale , d'un Charles-
>j Martel, d'un Pépin le Bref, 8c
Il d'un Charlemagne une fuite de
>j Héros plus grands les uns que les
» autres , qui par leurs exploits
» avoient porté leur gloire & celle
»de la Nation au plus haut point,
D Nous verrons déformais , ajoûte-
» t-il , leu):s defçcndans plus foi-
bles
OCTOBRE. 1755. ^o;
" blés les uns que les autres dcfcen- aâe de ce partage , le fit fîgncr &c
dearcs d
n dus comme par dettes de cette
«• élévation , & fe laiffcr enfin enle-
" ver un couronne dont le poids les
» accabloit plus que Ion éclat ne les
» ornoit.
Louis le Débonnaire que Charle-
magne avoir aflocié à l'Empire de
fon vivant, commença fon règne
par des aérions de jufticc & de pie-
té qui firent d'abord efpercj: qu'il
conferveroitfurfes fujets l'autorité
que l'Empereur fon père s'étoit ac-
quife. Comme lui il s'appliqua à
reformer les defordres qui re-
gnoient dans l'Eglifc. La multitude
des Reglemens, des Capitulaires &
des AlTemblées qui fe tinrent à cet-
te occafion, & que l'Auteur conti-
nue de rapporter , marque alTez &c
la grandeur des maux , & le peu de
fruit qu'on tiroit des remèdes que
l'Empereur & lesEvêques bien in-
tentionnés efTayercnt d'y apporter.
Il chargea diffcrens CommiOaircs
de la reforme des Monafteres , de
fes Etats & de l'exécution des rè-
gles qui avoient été publiées au
Concile d'Aix la Chapelle en Sié".
pour contenir les Chanoines & les
Moines dans les bornes de la difci-
pline & des faints Canons.
Dans ce même Concile Louis le
Débonnaire déclara qu'il afTocioit à
l'Empire Lothaire fon fils aîné , &
qu'il nommoit Rois fes deux autres
fils, fçavoir Pépin Roi d'Aquitaine,
& Louis Roi de Bavière. Enfortc
cependant que Lothaire en qualité
d'Empereur devoir conferver un
droit de fouvcraineté fur les Etats
de fes autres frères. Il fit drefler un
OMn.
jurer par les Seigneurs & l'envoya
à Rome pour le taire approuver du
Pape.
C'étoit Pafcal I. qui venoit d'ê-
tre élevé au Saint Siège. Il envoya à
Louis une célèbre AmbaiLide pour
lui taire part de fon élection , &c
pour lui demander la confirmation
des Traitez conclus avec les Papes
préccdens. Il ne fut pas trompé
dans fes efperanccs. On prétend
même que Louis donna une célè-
bre Conftitution qui commence
par ces mots Ego Lndovicits , par
laquelle il confirmoit le Pape & fes
SuccelTeurs dans la potTènion de la
Ville de Rome , de fon Duché
avec fes dépendances , des Villes
de Tofcane ^ de laCampanie, de
l'Exarcat de Ravenc, CTc. des Ifles
de Corfe , de Sardaigne , de Sicile,
& de plufieurs autres Villes & Sei-
gneuries qu'on fuppofe avoir été
accordées à l'Eglife Romaine par
les Rois de France.
Mais le P. Longueval ne diflîmu-
le pas que d'habiles Critiques
croyent que cette donation de
Louis le Débonnaire n'cll pas
moins fuppoféc que celle qu'on at-
tribue à Conftantin , & il la regar-
de du moins comme une pièce dou-
tcufe.
De-Ià il palTe au récit des trou-
bles qui agitèrent le règne da
Louis le Débonnaire. Ce Prince ne
jouit pas long-tems de la tranquilli-
té qu'il s'étoit promife en parta-
geant fes Etats entre fes enfans ;
Pépin & Louis furent moins fatis-
faits d'être Rois qu'ils ne furent
LUI
6o6 JOURNAL DES SÇAVAN S,
morrifiésde n'ctrc pas Empereurs, même pour ce qui regarde le Con-
D'un autre côté Bernard Roi d'Ita-
lie qui en cette quilité prétendoità
l'Empire , après la mort de Louis le
Dcbonnaiie fon oncle, vivement
pique de s'en voir e>:clus, leva avec
précipitation l'étcndart de la ré-
volte , mais elle lui fut funeftc.
Qiioique Charlcmagnc eût défen-
du à les cnfans de faire mourir ou
aveugler les fils de leurs frères ,
l'Empereur lui ht crever les yeux ,
& le jeune Prince en mourut trois
jours après •, les autres coupables
obtinrent leur pardon , mais les
Evcques qui étoient entrés dans
cette confpiration furent dépoft: &
retenus prifonniers dans des Mona-
ftcrcs ■, en même tems pour préve-
nir de pareils troubles , l'Empereur
fit couper les cheveux aux Piinces
Drogin , Hugues & Thierry fcs
frères , &: il les mit dans des Cloî-
tres pour y être inllruits des Scien-
ces propres de l'état Ecclcliaftique.
L'Impératrice Iimingatde étant
morte peu de tems après , ce Prince
marqua tant de goi'it pour lafoli-
tudc & d'^ffeclion pour la vie Mo-
nalliqtie que les Seigneurs François
craignirent qu'il ne prît enfin la
refolurion de renoncer à la Cou-
ronne pour fe taire Moine ; pour
détourner ce coup, ils le prelTerent
de fe remarier ; Louis fe rendit en-
fin à leurs conleils & il époufa Ju-
dith Princeffe d'une grande beauté
& de beaucoup d'efpiit. Mais l'af-
ccndant qu'elle prit fur lui fut cau-
fc de tous les troubles qu'on lira
dans le dernier Livre de ce Volu-
me. Nous renvoyons à l'Ouvrage
cile de Thionviilc , la conférence
tenue à Paris au fujet du cuire des
Images , les Ecrits qui furent faits
à cette occadon plulieurs auttcs
Conciles & difFerens points d'hi-
Aoire & de critique dont il nous
eft impolllble de taire ici mention.
" La bonté .S: l.i clémence de
'» Louis le Débonnaire qui auroient
» dû le faire aimer , firent qu'on le
» craignît moins , & dès qu'on eut
" celTé de craindre fon autorité on
» en vint bien-tôt au mépris de fon
>» augui^te perfonnc.o Le P. Longue-
"val » voudroit que pour l'honneur
» de la Nation , il lui fut perinis
» d'enfevclir dans un éternel oubli
n les indignes outrages qui furent
» faits pour lors à la Majefté Roya-
» le 5c Impériale. Mais comme on
» tâcha de couvrir l'horreur de ces
» attentats du voile ficré de la Re-
» ligion qui les déteftoit & que
» pluiicurs Evèques , s'y lailfetent
>o tromper ; il ne peut , dtt-U , fè
"difpenfer d'en parler dans cette
»» Hiftoire , ne feroit-ce que pour
M faire fentir comment l'Eglife de
» France punit alors ceux de fes
» Minières qui entrèrent dans ces
j> factions.
Louis avoiteu de Judith fa nou-
velle époufc un iîls nommé Char-
les, l'amour qu'il avoit pour elle /
ëc la tendreffe qu'il relTentoit pour
ce fîls , l'engagèrent à lui faire un
appanage confidcrablc , il fallut
pour cela démembrer les Etats qu'il
avoit alîîgnés à fes autres cntatM.
Ceux-ci irrités de ce nouveau parta-
ge fe liguèrent contre l'Empercui
O C T O
îeurpcre, & fous le prétexte ordi-
naire du bien public , & de quel-
ques dcfoidiics qui rcgnoient dans
le Royaume , ils mirent dans leur
parti la plupart des Seigneurs Fran-
çois , Se même plalieurs Prélats
diltingués par leurs lumières & par
leur régularité. » Tant il eft vrai,
i> dit r^ntear , que la pieté fe hilfe
!» quelquefois furprendre, &quela
» vertu de ceux qui embraffent un
>» parti n'eft pas une raifon de le ju-
» ftifier. « Leur première tentative
ne fut pas hcureufc ; la Majefté
Royale y fouffrit quelque éclipfe ,
mais elle rep;:rut bien - tôt avec
éclat, & dans l'alTemblée de Nimé-
gue Louis recouvra toute fon auto-
rité.
S'il s'en ctoit fervi avec plus de
?/igucur , peut-être qu'il auroit pré-
venu une féconde révolte dans la-
quelle il fe vit trahi & abandonné
par tous les François , condamné
dans i'Aflemblée de Compiegne à
être mis pour le refte de fes jours en
pénitence , contraint de foufcrire
lui-même à fa propre dépofition ,
de faire à SoifTons une conteffion
publique de crimes qu'il n'avoit
pas commis , 5c dont les Evêques
lui avoicnt prefcrit la formule ;
2> Rien ne doit paroître plus fur-
» prenant que la témérité d'une
»entreprife fi criminelle, fi ce n'eft
n peut-être la douceur & la foiàmif-
n fion avec laquelle ce Prince parut
ij la fouffrir.
Il fut renfermé dans le Mona-
ftcrc de S. Médard de Soiffbns fous
une bonne garde , & delà transte-
rç à Aix la Chapelle Se cnfuitc à
B R E , I 7 J j. 6oj
Pans. Toutes ces violences fe fii-
foient par l'autorité dcLothairc qui
fe portoit pour Empereur ; mais
Louis Roi de Bavière , & Pépin
Roi d'Aquitaine fes frères , ouvri-
rent enfin les yeux fur les indignes
traitemens qu'on faifoit au Roi leur
père , ils s'unirent enrr'eux pour
travailler à fi liberté ; la plupart
des Grands du Royaume étant re-
venus à eux-mêmes , Louis reprit à
S. Denis les marques de l'autorité
Royale , &c dans un Concile qui fc
tint à Thionvillc les Prélats qui
étoient entrés dans le parti des re-
belles lurent dépofés , entre autres
Ebbon Archevêque de Rheims.
Jamais la fituation de la France
n'avoit été plus trifte. Epuifée par
les guerres civiles, défoléc par les
courfes des Sarrazins Se fur - tout
des Normans , elle étoit encore en
proye à la violence de Seigneurs
particuliers qui profitoient des
troubles du Royaume Se de la foi-
bleffc du Gouvernement pour op-
primer l'Eglife Se leurs ValTaux.
Louis eiTayoit en vain d'arrêter le
cours de ces dcfordres dans difFe-
rens Conciles qu'il taifoit aflem-
bler. Cependant malgré la corrup-
tion qui regnoit alors dans tous les
Etats , on ne vit jamais tant de
tranflations de Reliques qu'en ce
fiecle , l'Auteur les raconte en dé-
tail aufîî-bien que les miracles arri-
vés dans ces cérémonies. L'empref-
fement d'avoir des Reliques étoit fi
grand qu'on employoir quelquefois
la violence & la fupcrcherie pour
les enlever , comme fi le Yol des
chofcs faintes étoit licite.
L 1 1 1 ij
6o3 JOURNAL DE
Il parut dans ce rems là une Co-
mète qui alLirma le Roi, dans l'ap-
préhcnfion où il étoit qu'elle pro-
noftiquât un changement de règne
& la mort d'un Prince , il confulta
fon Aftrologue , celui ci lui répon-
dit , pour le rafTurer , qu'il ne fal-
loir pas craindre les figncs du Ciel;
Louis ne laiffa p.:s de taire des priè-
res , d'ordonner des MelTes &: de
diftribucr des aumônes pour dé-
tourner ce mauvais préfage , mais
il en arriva un nouveau qu'il regar-
da comme une prédiiflion de fa
mort prochaine -, c'étoit une cdipfe
de Soleil, il avoit pour lors un gros
rhume & ne doutant pas que fa
mort ne tût prochaine , il s'y difpo-
fa avec de grands fentimcns de Re-
ligion , & il mourut en effet quel-
ques jours après dans la 6^ année
de fon âge.
" On ne rcconnoît en lui , dit le
» P .Longueval ^ le hls de Charlema-
a> gnc qu'à fon zèle pour la Reli-
H gion qu'il protégea conftammcnt.
)> Mais il ne fçut pas comme ce
» Héros allier toujours les intérêts
M de la pieté avec ceux de fa dignité;
» fa délicatelfe de confciencc trop
» fcrupuleufe même pour un parti-
)>culier lui fit plus d'une toisoublier
» ce qu'il devoir à fon rang , défaut
» qui en l'avilirtant aux yeux des
«hommes ne le rendit peut-être
» pas moins grand aux yeux de
» Dieu.
Sa mort ne rendit pas la tran-
3uillité à fon Empire , Louis Roi
e Bavière , & Charles Roi de
Neuftrie prirent les armes contre
l'Empereuï Lothaire, 5c gagnèrent
S SÇAVANS ,
contre lui une fanglante bataille.
Ils le firent déclarer incapable de
gouverner dans une affembléc d'E-
vcques tenue à Aix la Chapelle , &
partagèrent enrr'cux fcs Etats.» Ces
» Prélats fuppofant mal-à-propos ,
» dit l'auteur j que les Princes per-
jsdcnt par leur mauvaife conduite
» des droits qu'ils tiennent de leur
» NailTance , conclurent que Dieu
» avoit juftement privé Lothaire de
" fon Royaume pour le donner à
»fes frères qui monrroient plus
M d'amour pour la jullice. « Mais
comme il le remarque dans une au-
tre occafion , les Evêques en vou-
lant alors ufurpcr l'autorité qui ne
leur appartenoit pas dans les affaires
de l'Etat , perdirent une partie de
celle qui leur appartient de droit
divin dans le gouvernemsntde l'E-
glife. C'eft ce qu'on peut voir par
les Conciles de Verncuil , &c. qui
furent alfemblés dans le tems , &
fur- tout parPAlfcmblée d'Epenay,
où l'Epifcopat reçut un outrage
fanglant. Au rcfie la difpodtion ir-
reguliere dont nous venons de par-
ler n'eut point de lieu , &: les trois
treres s'accordèrent enfin à faire un
nouveau partage qui rétablit l'u-
nion enrr'cux.
Les révoltes de Nomenoy pre-
mier Duc de Bretagne terminent le
quinzième & dernier Livre. Elles
entrent d'autant plus naturellement
dans cette Hiltoire que dans le dcf-
fein d'ériger fes Etats en Royaume,
NoiVienoy donna de fon autorité
privée le titre de Métropolitain à
i'Evcque de Dol. Son fils Erifpoi
qui lui fucceda obligeaChailes à lui
O C T O B R E ; 17 5 5. 609
accorder la paix avec la qualité de l'Archevêque de Tours.
Roi , &c l'Evêque de Dol continua Nous ne manquerons pas de par-
de fon côté à s'arroger les droits de 1er du fixiéme Volume dans le
Métropolitain au préjudice de Journal fuivant.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ALLEMAGNE.
HOLLANDE.
De L e I p s ik.
M Hoffmann publia en 175 1. le
. premier Volume d'un Re-
cueil intitulé : Nova Scriptonim ac
A-îonitmentoritm ^partim rarijjlmomm,
pariim ineditorurn ColleUio. Opits ad
iliuftrandam Hifioriam Civilem ,
Ecclejijfticam , Liiterariam , necnon
Jiirifprudenttam publicam & priva-
tam ckm maxime contparatum. To. L
pr&ter alla frc. XFl. Aionumenta ,
Samit'élis Guichenoni Bibliothecam
Sebujlanam , & Paridis de Crajfis
diarmrn cimA Romanét complexes,
Recenfuit Chrift. Godofredus Hoff-
mannus , Je."" Reg. Bonus. Maj.
Conf. intimiis & ordin. fjitr. inAcad.
Francof. ordin. LïpjÎA fumpt . Hered.
Lanckjs. in-4°. Le fécond Tome de
ce Recueil , lequel a été imprimé
cette année a pour titre : Nova
Scriptornm , &c. To. II. prater va-
ria ad Cerernoniarum difciplinam
pertinentia , Lthrum diurnum Roma-
noritm Pomificum , & ylugHJlini Pa-
trxii Picolominei , Epifcopi Pientini
Librum Sacraria cerernoniarum, qui'
bus Romani Pontifices uti confueve-
rum , exhibens , Sic. in-4'. 173 J.
D'A M s T H R D A M.
Pierre Humbert débite Mémoire!
de Frederic-Henri de Naiïau, Prin-
ce d'Orange , ijui contiennent fes ex-
peditions militaires depuis lézi.juf-
<juà Pannêe 16^6. enrichis du por-
trait du Prince & de figures repréfen-
tant fes aHions , dejfmées & gravées
par Bernard Picart. /«-4°.
Voici un Projet de Soufcription
que Jean-Frederic-Bernard , Librai-
re , tait diftribuer pour l'édition
qu'il fe prépare à donner de ï'Hi-
ftoire des Tncas , Rois du Pérou de-
puis Manco - Capac , Fondateur de
la Adonarchie du Pérou , jufcjua la
Concjtike de cet Empire par les Ej'pa-
gnols^foiis Atahudpa, dernier Tnca.
Avec l'Hiftoire de la Floride ^ & de
la Conquête des Provinces de l' Amc-
ricjue Septentrionale , qui portent ce
nom , par Ferdinand Soto. Ecrites
l'une & l'autre en Efpagnol par l'Yn^
ca GarcilafTo de la Vega , & enri-
chies défigures gravées d'après les défi
fieins de Bernard Picard le Romain.
I. Le prix de cet Ouvrage , divifé
en trois Tomes in-^°. fera de neuf
florins pour ceux qui s'engageront
à le prendre loifqu'il fera en état
tfro JOURNAL D
de paroître : c'cft à dire au io Sep-
tembre 1734. Ceux qui ne s'enga-
geront pas le payeront quatorze; &
comme on n'en imprimera que
très peu , on ofe afTurer qu'il ne fc
vendra jamais à moins.
II. A l'égard du grand papier, on
fc propofe de n'en imprimer que
75 exemplaires à 1 5 florins la pièce,
& feulement par ibiifcriprion. Mais
pour ce qui cil du grand papier,
on demande la moitié de la louf-
cription d'avance ; c'eft-àciire7 fl.
lo f. s'il s'en foufcrit moins de 75
on en imprimera moins. Nîais quoi-
qu'il en foit , le Libraire n'en ven-
dra jamais aucun exemplnre au-de-
là des exemplaires foufcncs, &:cela
fans équivoque , ni rcftridion.
m. Les planches font i'i-^^. au
nombre de ^5, y compris une plan-
che pour le titre, fans compter une
vignette & deux cartes.
IV. A quatre delTeins près tous
les autres font de feu M. Picart.Um
grande partie des planches étant
faite , les curieux pourront donner
ordre de les voir chez le Libraire
afin qu'il n'v ait aucune furprife.
V. Comme on fc propofe d'im-
primer cet Ouvrage en Janvier pro-
chain , on ne recevra des engage-
mcns que jufqu'à ce tems-là, &i
palfé le premier Janvier i-34.quel«
que prix qu'on offre du grand pa-
pier , on n'en vendra jamais aucun.
Cfux cjiù voudrom s'engager À
prendre ledit Ouvrage quAtid il fera
achevé , oit foiifcrire pour le gnind
papier s' addrcjfsront à Paris , ehei.
Jean Villetre hls , Libraire ^ rué
Saint Jacques , k S/iifit Bernard,
ES SÇAVANS.
Le même J. F. Bernard avertit le
public qu'il publiera fans faute au
commencement de 1735. le Tome
6 fc dernier des Cérémonies Rcli-
gieufes , lequel contiendra tout ce
qui refte à décrire des Cérémonies
Rcligicufcs. Les delfeins qui entre-
ront dans ce Volume ne feront pas
moins beaux que ceux des Volumes
précedens. Il y entrera pluficurs
pièces dirigées & deflînées par feu
B. Picart le Romain , & h mort de
ce célèbre Deinnatcur ne portera
aucun obllacle à la publication de
ce Volume , on n'y négligera rien
de ce qui peut contribuer à la fatis-
fadion du public.
FRANCE.
De Bordeaux.
h' Académie Royale des Belles -
Lettres , Sciences & Ans , établie à
Bou^de^ux, propofe à tous les Sça-
vans de l'Europe , un prix fondé
par tcii M. le Duc de la Force. C'eft
uue Médaille d'or de la valeur de
trois cens livres.
Ellecft deftinée àcelui qui expli-
quera avec le plus de probabilité ,
la Formation des Pierres. Ce prix fe-
ra diftribué le zj Aoufl; de l'année
1734. jour de la Fête de S. Louis.
Il fera libre d'envoyer les DilTer-
tations , en François ou en Latin i
mais elles ne icront reçues pour le
concours , que jufqu'au premier
Mai prochain incluiivement.
Au bas des Dillertations , ify au-
ra une Sentence , & l'Auteur met-
tra dans un billet féparé 6c cacheté.
O C T O B
la mêrnc Sentence , avec fon nom ,
fes qualitez 5c fon adrelfc.
Les Pacjiiets feront affranchis de
fort , & adrejfés h Al. Sarrau , Se^
cretairs de FJc^idemic, nié des Gottr-
guss , Oit au Sieiv Bvun , Imprimeur
de V Académie ^ rué S. James.
De Paris.
La Compagnie (i:s Libraires af-
fociez dilbibue aux Soufciipteurs
les Tomes VIL VIIL & ÎX. de
VHiftoire Généalogi<jne & Chronolo-
gi^ite de Li Maijon Royale de Fraftce,
lies Pairs , Grands Officiers de la Cou-
ronne & de la Afaifo» du Roi ^ & des
f.nciens Barons dit Royaume , avec
les qualitez, l'origine , le progrès
& les r.rmes de leurs familles , en-
fcmble les Statuts & le Catalogue
des Chevaliers , Commandeurs 5c
Officiers de l'Ordre du S. Efprit.
Le tout drefle fur titres originaux ,
fur les Regillrcs des Chartres du
Roi, du Parlement , de la Chambre
des Comptes , & du Châtelet de
Paris , Cartulaircs , Manufcrits de
il Bibliothèque du Roi 5c d'autres
Cabinets curieux. Par le V.Anfelme^
Anguflin Déchatijfé : continuée par
M. DttfoHmy. Revue , corrigée &
augmentée par les foins du V.Ange^
6c du P. Simplicien , Auguflins Dé-
ehaujfgs. 173 3- in-fol.
Ohfervations importantes fur le
Manuel des Accouchemens. Premiè-
re Partie , oit l'on trouve tout ce cjui
efl neceffaire tour les opérations ^ui
les concernent , & l'on fait voir de
quelle manière ^ dans le cas d'une ne-
cejfiié prejfante , o?ipeHt , fam Avoir
R E i 175 ?: 6 II
recours aux infirumens, remettre dam
uK-e filiation convenable , ou tirer par
les pieds , d'une matrice oblicjue ou
direEle , les enfans malfitués vtvans ^
ou morts , fans les endomiruiaer , ni la,
mère. Seconde Partie , ou l'on fait
voir la neceffué d'examiner les corps
des femmes mortes fans accoucher^ ajîti
de connoitre fila Sage-femme a été la,
caufe de la mort de la merc & de l'en-
fant ^ & oii l'on donne des avis tmpor-
tans à tous les maris cjui s'interejjcnt k
la confrvation de Isitrs femmes & de
leurs enfans. Traduites du Latin de
M. Hmri de Deventer ^ Docteur en
Médecine , par Jacques-Jean Bru-
f.'ier d'?ibbaincourt , Dotîteur en la
même Faculté. Chez Pierre Prjult,
Qiiai de Gcyres. i73}./«r4°. a-vec
figures.
La Veuve Etienne a en vente le
Tome fixiéme de {' Htfloire ancienne
des Egyptiens^ des Carthaginois^ ^ç.
par M. Rollin. 173 3 . /«-i 2.
Lettres k M. H **'* fur les pre-
miers Dieux ou Rois d^ Egyptiens.
Chez la VcMve RiboH. 1753./VM1.
La Jeune Alcidiane. Par Mada-
me de Gomez.. Chez David , rue du
Hurpoix, 5c Henri ^ rue S. Jacques.
173 3. /«-i 1. 3. vol.
JnfiriiBion fur la Religion ^ ou Pon
traite des fentimens fju'il faut avoir de
Dieu , de Je fus - Chrift , de l'Eglife
Catholique & de la vertu. Par M.
Charles Gobinet , Prêtre-Dod:cur en
Théologie de la Maifon 8c Société
de Sorbonne , Principal du Pleffis-
Sorbonne. Seconde édition. Chez la
Veuve Etienne ^ rue Saint Jacques.
1733. /w-iz.
6ii
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal d'Ocl. 1733.
Hifloire de l'Académie Royale des Infcriptions & Belles-Lettres , Sic.
page;; 3
H'Jioire Littéraire de la France^ &Cc. 568
Lettres Philofophi^ttes ^férieufes^ ent icônes & amufantes j &C. j8i
L'Vnivers Sacré & Prophane éclairci , &c. 587
Obfervations fur l'Ordonnance duAdois de Février 17 31. &c. 590
Recueil des Ecrivains de l' Hifloire d'Italie , &c. Tome XIIL 596"
Hifloire de l'Eglife Gallicane^ ôicTomeF'. 601
Nouvelles Littéraires , ^09
Fin de la Table.
Fautes à corriger dans le Journal de Septembre ij ^ ^.
PAge 5©8. col. l' lig. pénultième , il donna , lif. il donnât : pag. 511.
col. z. lig. 35. couronner , Hf. facrer: pag. 513. col. i. lig. 1 2. de l'E.
glife , lif. des Eglifes : pag. 518. col. 2. lig. 11. fon frère , lif. fon fils ;
pag. 5 28. col. i.lig. i6. tirez j ///tirées : pag. 537. col. 2. lig. lo.duSyra-
cufe , lif. de Syracufe.
L E
JOURNAL
cavÀns,
6
FOUR
L'ANNEE M. DCC. XXXIII
NOVEMBRE.
A PARIS;
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins, du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIII.
'AVEC AFFROBATIQN ET IRÏVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
NOVEMBRE M. DCC. XXXIII.
APirEKOrS TA EYPi 2K0MENA nANTA. Origenis Opéra omnia qu.T Gix-
cè vel Latine tantum extant (^: ejus nomine circumferuntur. C'eft-à-di-'
rc : Tout ce Cjnon a pie recouvrer d'Ouvrages d'Orlgêne en Grec ou feule-
ment en Latin , & ce cju'en a fublié fous fin nom , revns fur les différentes
éditions & fur les A^anufcrits , tant de France ^ite d'Italie , d'Allemagne
& A' Angleterre • traduits en Latin , & éclaircis par des notes , avec des
Tables très-amples , la Fie de V Auteur & plitfteurs Dijfertations. Par Dont
Charles de la Rue , Religieux BenediUin de la Congrégation de S. Aiaur.
A Paris, chez Jacques F/Wf»? , rue Saint Severin , à l'Ange. 1733.
in -fol. i- vol. Tom. I. pp. 575. Tom. II. pp. 934.
Novembre. M m m m ij
€i6 JOURNAE DES SÇAVANS ;
IL n'yapoint d'nnciens Auteurs
Ecclcfiaftiqucs de l'Eglifc Grec-
que dont la réputation ait été plus
grnndc que celle d'Origcne. Eufebe
ôc S. Jérôme ont parlé de lui com-
me d'un excellent îslaîtrc pour tou-
tes les Sciences Prophancs , la Dia-
Icftique , la Géométrie , la Mufi-
quc , la Grammaire , la Rhétori-
que de pour la Philofophie , fur-
tout pour celle de Platon. Le grand
nombre d'Auditeurs qu'il a eu ,
quand il expliquoit l'Ecriture fain-
tc , êc les éloges que de grands
Hommes ont tait de fcs Ouvrages
après fa mort font des preuves de
fon érudition dans les matières Ec-
clefuftiques. C'eft ce qui faifoit
fouhaiter depuis long - tems une
nouvelle édition de toutes les Oeu-
vres d'Origêne plus exaéle & plus
complette que celles qui -avoicnt
paru dans le feizicme ficelé. C'eft
aufli ce qui a engagé Dom Charles
de la Rue à rendre ce fervice au
public , comme il l'explique dans
fa Préface.
Deux chofes auroicnt pu détour-
ner le P. de la Rue de ce deflein ; la
première, que s'il y a des Ecrivains
Ecclefiaftiques qui ont fait de
grands éloges d'Origcne , d'autres
l'ont regardé comme le Précurfcur
d'un grand nombre d'Hérélîarqucs;
la féconde , que plulîcurs Auteurs
afllirent qu'on ne peut connoître
ies fentimcns d'Origcne par hs
Ouvrages publiés fous fon nom ,
parce que les uns ont été , dit-on ^
corrompus par les Hérétiques, dc
les autres al^rés dans la trada(5tion
de Rufin , qui ne s'cft point con-
formé à fon original , à quoi l'Edi-
teur répond que ceux mêmes qui fe
font élevés avec le plus de force
contreOrigênc, ont admiré certains
endroits de fcs Ouvrages , de qu'en
expliquant en détail comme ils ont
fait les difFcrens morceaux d'Ori-
gêne qui leur ont paru mauvais ,
ils ont fait connoître qu'il y avoir
ians les Ecrits d'Origêne infini»
ment plus de chofes utiles que de
mauvaifes.
11 eft vrai qu'Origêne fc plaint de
quelques Hérétiques qui avoient
corrompu fes Ouvrages , ou qui
lui en avoient fuppofé , aufquelsil
n'avoit aucune part , mais la fraude
ayant été découverte pendant Ja vie
même de l'Auteur ; il n'y a point
d'apparence, dit le Père de la Rue,
que les Catholiques inftruits des
plaintes qu'avoit faites Origênc ,
ayent copié cesOuvragcscorrompus
ou taufîement attribués à Origcnc.
Rufin Se un autre Apologifle d'O-
rigêne dont parle Pharius , font les
fculs Auteurs anciens , qui ayent
dit que les Ouvrages d'Origcne
ayent été corrompus depuis fa mort
par les Hérétiques. Mais faint Jé-
rôme a réfuté là-defTus Rufin , &c il
a fait voir que Didyme & Eufebe
convenoient également des en-
droits des Ouvrages d'Origêne ,
dont les Ariens prétendoient tirer
avantage. Mais Eufebe prenant ces
pafTages à la lettre foii tient qu'O-
rigêne favorifoit l'Héréfie d'Arius,
Se Dydime tâchoit d'expliquer ces
pafTages dans un fens Catholique.
N O V E M
On pourroit plus aifémetit fuppo-
fcr que les Livres d'Origcne au-
roient été corrompus par les Héré-
tiques , fi l'on n'y trouvoit à re-
prendre que quelques morceaux
des Livres des principes -, mais la
même dodrine qu'on a condamnée
dans ces morceaux des Livres des
principes , fe trouve répandue dans
tous les autres Ouvrages d'Origè-
ne, 8c forme le fonds de fon Syftê-
me. I>e forte que pour foûtcnir
l'opinion de Rufin il taudroit dire
que les Hérétiques ont altéré 5c
corrompu tous les Ouvrages d'Ori-
gêne , même ceux que le Martyr
Pamphilc avoit écrits de fa main &
qu'il avoit donnés à l'Eglife de Ce-
farée.
Pour ce qui cft des Ouvrages
d'Origêne dont il ne nous refte que
la traduâion Latine de Rufin ^ il y
en a , comme les Homélies fur les
Livres de Jofué &; furies Pfcaumcs
où Rufin dit qu'il a rendu fidèle-
ment ce qu'il a trouvé dans le
Grec ; il y en a d'autres où il avoiie
qu'il a ajouté piuiieurs morceaux
entiers, comme dans les Commen-
taires fur la Genéfe , fur le Léviti-
quc. Dans d'autres Ouvrages com-
me dans celui des principes , il a
retranché ou expliqué ce qu'il a
€ru avoir été a)oûté par les Héréti-
ques-, dans quelques autres endroits
il a expliqué ce qui ne lui paroilfoit
pas alfcz clair dans fon original.
Mais ce qui refte de la verfion de
Rufin ne fait pas la troifiéme partie
des Ouvrages d'Origcne , &c Dom
Charles d^- la Rue afTure que fi l'on
excepte quelques endroits qui re-
B R E ,' 175 5; ^ly
gardent la Trinité, on ne trouvera
rien dans les verfions de Rufin qui
ne fe life dans quelque autre Ou-
vrage d'Origcne , & qui ne foit
conforme à les principes. Il ajoute
qu'on rcconnoît par deux Chapitres
du Livre des Principes dont le
Grec a été confervé , que fi la ver-
fion que Rufin a faite de cet Ouvra-
ge d'Origcne n'eft point cxadc , on
ne peut du moins larejetter comme
contenant des chofes oppofées à
l'efprit de l'Auteur.
De-là le Père de la Rue conclue
qu'une nouvelle édition d'Origcne
étoit non feulement utile , mais
encore necelfaire. Jacques Merlin
Dodeur en Théologie de la Maifon
de Navarre ^ avoit tenté de donner
un Recueil complet des Ouvrages
d'Origêne qu'il fit imprimer en
1 5 1 2. Génébrard en publia une édi-
tion beaucoup plus ample en 1574.
mais comme le Grec d'Origcne ne
fe trouve point dans ces deux
éditions , & qu'elles font d'ailleurs
très-imparfaites, le Clergé de Fran-
ce affemblécn 16^6. fit une déli-
bération pour qu'on travaillât à une
nouvelle édition d'Origcne : il
chargea du foin de cette édition M.
Aubert DoiSteur de Sorbonnc _,
qui n'a rien exécuté.
Depuis ce tems-là M. Huet fe
propofa de donner une édition
complettc des Ouvrages d'Origê-
ne, & des fragmens dont les ori'^i-
naux font venus jufqu'à nous. U
commença par deux Volumes
in-folio des Commentaires fur l'E-
criture Sainte , dont il y avoit une
partie qui n'avoit point encore été
5i8 JOURNAL" DE
imprimée -, Mais M. Hiict n'a point
continué cette entrcprife , & il re-
fte , fuivant le P. de la Rue , plu-
lieurs hagmcns grecs qui auioienc
dû naturellement entrer dans ces
deux Volumes , qui n'y ont point
été inférés.
Le P. de Montfaucon publia en-
fuite ce qui rcftc des Exanlcs d'Ori-
gcne ; ces deux Volumes lurent re-
çus Il favorablement du public,quc
JDom Charles de la Rue crut qu'il
ne pouvoir rien faire de plus unie
que de travailler à une nouvelle
édition d'Origcne qui comprcn-
droit ce qui refte des Ouvrages de
cet Auteur en Grec , Se les Ecrits
dont il n'y a que les vcrfions qui
ayent été confcrvécs. Le premier
Volume de cette nouvelle édition
comprend les Traiter. Dans les
quatre Volumes fuivans feront les
Commentaires fur l'Ecriture Sain-
te. A la fin du cinquième Volume
l'Editeur fera imprimer les Orige-
niana de M. Huet , qui compren-
nent la Vie d'Origcne , & des Dif-
fertacions fur la Doctrine & fur les
Ouvrages de cet Auteur. Le P. de
La Rue fe contentera de mettre des
notes au bas des pages des Origtnia-
na j par le moyen defquellcs il af-
fûte qu'on verra d'un coup d'oeil ce
qu'on a dit pour la défenfe d'Ori-
gcne ou contre lui.
Le corps du premier Volume
commence par quelques fragmens
de Lettres d'Origcne , après lef-
quels vient la Lettre d'Africain à
Origêne , & la réponfe d'Origcne
contre l'Hifloire de Suzanne. Le
P. de la Rue a reformé le Texte fur
S SÇAVANS;
plufieurs Manufcrits ôi il a fait unff
nouvelle verlion. Il a fait mettre au
bas des pages celles d'entre les no-
tes de Weftem qui ne contiennent
rien de contraire à la foi Catholi-
que , &c il promet de rctutcr les
notes de W'cifcin qui font contrai-
res à la foi dans le cinquième Volu-
me où il donnera fcs notes fur les
Ongeniaiia.
Après la réponfe à Africain vien-
nent des Fragmens des Traitez de
la Refurredtion , & des Strooiates ,
puis le Livre des Principes. Jl ne
refte que quelques Fragmens du
Grec de ce dernier Ouvrage. La
vcrfion que S. Jérôme en a laite eft
perdue , on n'a confervé que celle
de Rufin , qui avoiie lui-même
qu'il a changé quelques endroits ,
aufquels des Auteurs ont tâché de
donner un fens Catholique , & que
d'autres ont regardé comme vérita-
blement hérétiques. Le Dodeut
Merlin a fait imprimer la traduc-
tion du Livre des Principes par Ru-
lin , fur un Manufcrit de Sorbonnc
aftez cxa(ft , mais dans lequel il y
avoir des abréger fi difficiles que
Merlin en voulant deviner ^ a fou-
vent mis dans fon édition des le-
çons abfurdes & ridicules , de for-
te qu'il y a des phrafes qu'unOcdi-
pe même ne pourroit deviner. Gé-
nébrard a fuivi Merlin ^ à l'excep-
tion de quelques morceaux où il 4
fait quelques changemens Si de
nouvelles fautes d'imprcfiîon qui
ont été ajoutées à celles qui étoient
dans l'édition de Merlin.
Le Père de la Rue a revu cette
vcrfioi; du Livre des Principes par
N O V E M
jR.ufin fur d'anciens Manufcrits ,
quand l'Editeur a pu découvrir
dans d'anciens Ecrivains , quelques
paOTagcs grecs tirés du Livre des
Principes, ou, quelques morceaux
de Ja vcrficn de S. Jérôme , il les
joint à la traduiftion de Rufin , de
forte qu'il y a quclquetois trois
colones , & même quatre , lorfque
l'Editeur a jugé à propos d'y join-
dre une nouvelle vtrlion de fa fa-
çon.
Le Manufcrit du Livre de la
Prière qui fuit celui des Principes
étoit tombé entre les mains de
_^l. Huet qui avoit rcfolu de le don-
ner au Public. Cependant l'Ouvra-
ge ne fut imprimé à Oxford qu'en
1^85. il fe fit d'autres éditions fur
celle d'Oxford. Mais elle étoit rem-
plie de plufieurs fautes , parce
qu'on n'avoit pas lii le Maiiufcric
avec aflez d'attention. Ce Manuf-
crit a été confronté avec l'édition
d'Oxford par M. "Walker Prêtre
An^lois. Il a communiqué ces ob-
fervationsau P. de la Rue , qui en a
profité de même que d'un Manuf-
crit de la Bibliothèque de M. Col-
bert , à prcfcnt de la Bibliothèque
du Roi , dans lequel il y a un Frag-
ment très - confîderable. Il a joint
Tiux leçons de ces Manufcrits les
conjc dures de M. Bentlei , & il a
fait imprimei à la fin de ce Volume
les notes de M. Guillaume Rca-
dingfur ce Traité de la Prière. La
verfion latine que l'Editeur a em-
ployée cfl celle deM.fAbbéFkury
Auteur de l'Hiftoirc Ecclefîaftique
qui y avoir travaillé à la prière de
M. Huet j dans ks Manufcrits du^
B R E , 175?' ^15»
quel on a trouvé cette verfion que
le P. Tourncmine a communiquée
au P. de la Rue.
•M. Huets'étoit aulli propofé de
donner au public le Livre de l'E-
xhortation au martyr , mais ce ne
fut que Rodolphe Weflcin qui Iç
fit imprimer à Bafle en 1674. le P.
de la Rue a rejette la verfion de
Weftcin , afin de fe fervir de la
tradudion que M. Fleury avoit:
faite pour M. Huet.
Le Livre contre Celfe peut être
regardé comme le Chefd'œuvre
d'Origêne , & la plus excellente
des Apologies Chrétiennes faites
dans les premiers fiécles. Chriffo-
phe-Perfbna en fit imprimer une
verlion latine en 1481. le même
Ouvrage fut imprimé en Grec en
1^05. avec la tradudion latine de
Sigifmond Geflin , & les notes de
David Hoefchel. PlufieursAuteiirs
célèbres ont parlé avec éloge de Ja
traduction de Geflin. Néanmoins
le P. de la Rue l'a trouvée peu exac-
te , & il étoit embarraffé fur le par-
ti qu'il prcndioit , lorfque Dora
Vincent Thui Jicr fon Confrère &
fon ami , lui offrit une traduction
qu'il avoit faite des Livres contre
Cclfe. Cette traduction lui parut
fedelle, élégante & claire, & c'efl:
celle qu'il a fait mettre à côté du
grec des Livres contre Celfe. Le
Texte Grec a été formé fur plu-
fieurs Manufcrits , fur des leçons
différentes qui ont été inférées à la
fin delà traduction des Livres con-
tre Celfe imprimée en Hollande en
i7®o. &c fur les conjectures du P.
Guiet Jcfuite. Les notes qui accoyn-
éao JOURNAL D
pagnent IcTcxtc i5c fa verfion font
la plupart tirées de celles de Speii-
fer.
Dans le préambule qui précède
le Livre contre Cclfe , le l\rc de la
Rue a parlé de Celfe , du tems au-
quel a été écrite cette Apolooie de
la Religion Chrétienne , Se des élo-
ges qu'en ont fait tant les anciens
ES SÇAVANS,
que les modernes.
Ce premier Volume finit paf
deux Ouvrages que le P. de la Rue
afTure avoir été bufTement attri-
bués à Origcne , dont le premier
eft le Dialogue de lafeie» Dieu ou
contre les Marcionites -, le fécond,
des Ouvrages de Philofophie ou
desfentimens des Philofophcs.
RERUM ITALICARUM SCRIPTORES, &c.
C'eft-à-dire : Recneil des Ecrivains de t'HiJïoire d'It.ilie, depuis l''an
500 jiiftju'à l'an 1 500. par M. Muratori ^ Tome XIV, A Milan ^ par la
Société Palatine. \-ji^.in-fol. col. iiii.
CE quatorzième Volume cft
dédié au CardinalCienfuegos
comme à un des plus grands Pro-
tecteurs des Gens de Lettres, parmi
lefquels il tient lui-même un rang
diftingué. La Société Palatine lui
donne cet éloge , qu'également
propre à contempler les chofes di-
vines &: à traiter les affiires civiles,
il a montré pu fes Ecrits & par fcs
actions qu'il eft né pour l'accroilTe-
mcnt d-e laRciigion, &c pour l'avan-
tage de la Republique entière.
La première Pièce qui fuit l'Epi-
tre Dédicitoire , eft l'Hiftoire de
Mathieu Villani continuée par Phi-
lippe fon fils depuis 1348. jufqu'en
I36'4. le premier étoit frère du célè-
bre Hillorien dont M. Muratori a
donné une nouvelle édition dans le
Tome précèdent. On y a vu que
cet Auteur va jufqu'en l'année
1 348. qui eft celle où il mourut de
la peftc ; Mathieu fon frère qui eut
le bonheur d'échapper à h tureur
de ce fléau , a continué cet Ouvra-
ge jufqu'en l'année 1^61. où une
nouvelle perte qui ravagea la Tof-
cane , l'emporta pareillement. Phi-
lippe fon fils entreprit de pourfui-
vre le même Ouvrage , mais il
n'alla pas loin , car fi narration fi-
nit en 1^6 Af Si on compare Ma-
thieu à Jean Villani , on y trouvera
une grande différence dans le ftile ,
& dans les exprellîons. Mathieu eft
diffus , & fans conecîlion dans le
langage. Philippe s'éloigne encore
plus du bon goût qui règne dans
les Ecrits de fon oncle. Du côté de
la fmccrité , dé l'exaiflitude & du
difcernement , Mathieu Villani ne
le cède en rien à fon frère. Toiis
ceux qui ont non feulement écrit
l'Hiftoire d'Italie , mais encore cel-
le de France , & des Pays voifîns
ont toujours fait honneur à la fidé-
lité de Mathieu , & l'en ont cru
fans héfîter fur fon témoignage,
Philippe & Jacques Juntes célèbres
Imprimeurs furent les premiers qui
tirèrent cette HifroiredesTcnébrcs;
ils la firent imprimer à Vcnifc en
15^1. Mais il y manquoit pludeur?
Livres.
N O V E M B R E. 175 ?. 62t
nouveau Manufcrit N. S. M. Fontanini combattit ce
Livres. 'IJn
qu'ils trouvèrent enfuite les mie en
état d'en donner à Florence deux
autres éditions complettes, l'une en
1577.5»: l'autre en 15^1.
Ces éditions étoient devenues
fort rares , outre cela le dellein de
M. Muratori demandoit qu'il fit
entrer Mathieu Villani dans l'on
jR.ecueil ; quoiqu'il n'ait rien épar-
gné pour faire enforte que le Pu-
blic gagnât confiderablement à le
revoir de nouveau , il eft obligé
d'avouer qu'on y trouvera peu
d'additions , & qu'il lui a été im-
polTible de remplir quelques lacu-
nes & même des Chapitres entiers
/qui manquent dans les éditions
précédentes ; il defefpcre même
de pouvoir jamais les fupplccr tan-
te de Manufcrits , il ne lailîc pas
néanmoins d'y avoir fait nombre
^e corredions , & d'avoir mis au
ias des pages plufieurs variantes
qu'il a remarquées dans deux Ma-
nufcrits qui font les fculs qu'il ait
pu recouvrer.
Cette matière donne occafion à
M. Muratori de parler de la difpu-
te qu'il a eue avec Monfeigneur
Fontanini , aujourd'hui Archevê-
que d'Ancyre , au fujet du Com-
mentaire fur la Couronne de fer ,
de Corona ferrea , que le premier fit
imprimer à Milan en 1^98. dans le
Tome fécond de fes Anecdotes. Il
y foûtient qu'il n'y a rien de plus
récent que l'opinion de certains
Auteurs qui ont avancé que le cer-
cle de fer de la Couronne que plu-
sieurs Empereurs ont prife en Ita-
lie , ctpit un clop de la Croix de
Novembre,
fentiment par une autre DilTcrta-
tion imprimée en 1717. &luiop-
pofa le témoignage de Mathieu
Villani. Cet Hiftoiien dit, Liv. 4.
chap. 59. en parlant de Charles IV.
que le jour de l'Epiphanie il fut
couronné de la faintc Couronne ,
fn coro7iMo délia fauta Corona. M.
Muratori répliqua par une Lettre
qu'on trouve dans le Tréfor des
Antiquitez d'Italie par Pierre Van-
der - Aa , & montra que quand
même on auroit appelle faintc la
Couronne dont il eft queftion ,
il ne s'cnfuivroit pas de - là qu'el-
le eût renfermé un clou de la vrayc
Croix , puifqu'on voit en differens
endroits que les ornemens Impé-
riaux en général font appelles fa-
crés ,facra.
Mais aujourd'hui il va plus loin,
& prétend qu'il y a même beau-
coup d'apparence que cette Cou-
ronne n'eft appelléc Stin£ÎA dans
Mathieu ViUani que par une erreur
de Copifte , d'autant plus que dans
un autre Mf. du même Auteur
qu'on conferve à Florence , elle eft
nommée fecondit Corona , la fcconr-
de Couronne , qui eft en effet le
nom fous lequel k Couronne de
fer qu'on gardoit à Monza étoit
connue par les anciens Auteurs ;
Jean Villani faifant mention du
couronnement d'Henri VII. qui fc
fit à Milan en 1 500. fe fert encore
du mot de féconde Couronne. On
fçait que les Empereurs depuis le
tems d'Othon le Grand prenoient
trois Couronnes. La première , à
Aix - la - Chapelle , à caufç dit
Nnnn
62ti JOURNAL D
Royaume d'Allemagne ; ils rece-
voicnt la fçcondc , c'cft - à - dire , la
Couronne de fer , à Milan , Si
quelquefois même à Monza , com-
me nous l'avons remarqué ailleurs,
pour marque qu'ils croient Rois
d'Italie , tk enfin la troificmc , qui
ctoit l'Impériale, leur étoit donnée
par les mains du Pape. Selon le fça-
vanr Editeur , la coutume des Co-
piftes étoit d'abréger le mot de /f-
cimda par le monofyllabcyrf i il ap-
porte plufieurs exemples , où il clt
certain que les mêmes fyllabesyô ,
fa lignifient neceflairementy^c;<«^^,
fecundo , d'où les Copiftes auront
formé )pzx cïîQMï fanta ^finto.
Ainfi M. Muratori ayant enlevé
à fon adverfaire le témoignage de
Villani qui étoit le feul ancien Au-
teur qu'il citoit en fa hveur , il eft
aifc de voir ce qu'on doit penfer des
Ecrivains modernes qui afTurent
qu'on avoit renfermé dans la Cou-
ronne de fer un clou de la vraye
Croix.
a". On trouve une Chronique
de Brefce depuis l'origine de cette
"Ville jufqu'à l'an 1330. par Jacques
Malvecius.
Quoiqu'il n'ait guércs que 300
ans d'antiquité , on ne connoît
point de plus ancien Hiftoricn de
la Ville de Brefce. Voflîus en fait
mention , Liv. 3. Ch. 9. des Hi-
ftoriens Latins. C'étoit , dit-il , un
fçavant Médecin & un Hiftorien
exad, mais qu'on accufc cepen-
dant à juftc titre d'avoir porté l'a-
mour de fa Patrie jufqu'à la fupcr-
ûition. Il fleurifloit au commence-
ment du quin ziéme fieclc 3 il nous
ES SÇAVANS;
apprend lui - même qu'en l'année
141 1. la perte dcfolant la Ville de
Brefce , il fe retira àTofcolane Vil-
lage du BrelTan , & qu'il y forma le
dclTein de compofcr cet Ouvrage.
H y prend la qualité de Dodeur en
Médecine , ou comme on parloir
alors, en Phyfiquc. Quoiqu'il tût
d'une famille trcs-diftinguée , con-
nue fous le nom de Malvecius ,
Malvezzus , & Malvitius ; il ne
laifla pas d'exercer la Médecine.
Car les Perfonnes Nobles ne
croyoient pas autrefois que la prati^
que de cet Artfutau-dcflous d'eux,
comme il arrive de nos joiurs , dit
M. Muratori, où pluileurs d'entre
eux préfèrent une lâche oifiveté à
une profertion utile & honnête.
Malvecius ne négligea rien pour
rendre fon Hiftoire exadc. On voit
qu'il fit ufage des anciens Chrono-
graphes de la Ville , & qu'il con-
fulta les Regirtres de fa Republi-
que , mais dans ce qtii regarde les
cvencraens éloignés de fon fiecle ,
il ne fait que fuivre aveuglément
les Auteun les plus connus , Se
fur - tout Paul - Diacre -, il adopte
religieuièmentles fables qui étoient
pour lors reçues. Ce qu'il y a de
plus trifte , c'eft que fa narration
ne va que jufqu'cn 1331. ainfi ce
qui auroit dû être écrit avec plus
d'exactitude & de fidélité , nous
manque , foit que nous ayons per-
du la fuite de fon Hiftoire jufqu'à
fa mort , foit qu'il n'ait écrit préci-
fément que ce qui nous en relie.
Le Manufcrit fur lequel M. Mu-
ratori nous donne cet Ouvrage eft
du fieck même où vivoit l'Auteur,
N O V E M
il fait par tout proteilion d'une
morale rigide , & parle avec force
contre la corruption des Ecclefiafti-
qucs de fon tcms , mais ceux qui
en connoîtront les mœurs ne fe-
ront ni étonnés ni fcandalifés de ce
qu'il rapporte des dcfordres qui
regnoient alors dans les Monaftercs
d'Hommes & de Filles, &: en par-
ticulier , dans celui de Sainte Julie.
D'ailleurs M. Muratori nous afTure
que la régularité des pieufesVierges
qui l'habitent aujourd'hui , a effacé
la mémoire de ces fiecles malheu-
reux , & rendu à ce faint lieu l'hon-
neur & la réputation qui lui étoient
dûs.
3 *'. Un Poëme intitulé : de la va-
riété de la Fortune , ou abrégé de
l'Hiftoire de la Ville d'Aft par An-
toine Aftefanus.
M. Muratori a. cru devoir join-
dre cet Hiftorien aux trois autres
qu'il nous a déjà donnés fur le mê-
me fujet.Pour l'ordinaire, & de fon
propre aveu , Aftefanus ne fait que
mettre en vers ce qu'on trouve en
profe dans Ogier- Alpherius , &
Guillaume - Ventura , mais quel-
ques particularitez que notre Au-
teur y a ajoutées font efperer qu'on
le verra ici avec plaifir. Ce Poëmc
cft divifé en fix Livres qui font
écrits en vers Elegiaques aflcz bons
pour le flecle qui les a vu naître.
On y trouve l'Hiftoire abrégée de
la Ville d'Aft jufqu'àl'an 1 3 51. il y
* lieu de croire que tout l'Offvragc
n'eft pas venujufqu'à nous. Le der-
nier Chapitre confirme ce fbupçon.
On fera peut - être choqué des
ioiiangcs que l'Auteur fe donne à
B R E , ï 7 3 j; <?25
lui-même , fur-tout dans les deux
premiers Livres de fon Poëme , où
il ne parle guéies que de lui & de
fa famille , mais fans alléguer en ù
laveur la coutume qui femble dif-
penfer les Poëtes des rcgles ordi-
naires de la modeftie , on peut l'ex-
cufer fur ce qu'il n'avoir écrit que
pour fon trere Nicolas demenrAnt en
France. C'eft tout ce qu'il nous dit
de ce frère auquel il dédie ces \'îers.
Quant à ce qui le regarde en par-
ticulier , il nous apprend qu'il na-
quit en 141Z. à Villeneuve , lieu
affez conliderable du Territoire
d'Aft. C'eft de-là que f.i famille prit
le nom d'Aftcfan. Son perc y exer-
ça la foniîlion de Chartcelier^Scriba.
Publicus , &c y enfcigna la Gram-
maire Se les Mathématiques. Les
heureufes difpofitions qu'il remar-
qua dans fon fils l'engagèrent à
l'envoyer faire fes études dans les
plus fameufes Ecoles d'Italie ; le
jeune Aftefanus y fit des progrès
qui le diftinguerent de tous les
Ecohers de fon âge dans l'Art Ora-
toire , èc dans l'Art Poétique.
Après difterens Voyages , il fe
fixa par le confeil de fon père à Aft.
Ll y ouvrit une Ecole publique , où
il enfeigna les Belles-Lettres. On
ne fçait guéres depuis ce tems quel-
le fut fa deftince , fi ce n'eft qu'il
dit que le Prince le nomma Capi-
taine d'un certain Fort. Par ce Prin-
ce M. Muratori entend Charles
Duc d'Orléans qui en 1447. reprit
la Ville d'Aft ; Aftefan eft fouvent
qualifié du titre de premier Secré-
taire Ducal , ce qui montre aflez
.qa'ii (avoir été Secicuire du J>uc
' N n n n ij
<524 JOURNAL DE
o'Orlcans. C'cfi: tout ce que nous
fçavons de ce Podrc.
4°. Annales de Céféne , par un
Anonyme, depuis l'an ikTz. juf-
qu'cn l'an ijtfi.
Ces Annales ne contiennent pas
feulement ce qui ell arrivé de plus
remarquable dans la Ville de Ce-
fénc , mais encore dans les Villes
Se les Provinces %'oilnies, enforte
qu'elles peuvent être d'une grande
utilité pour cclaircir l'Hiftoirc de
ces tcms. M. Muratoii avoiie que le
flilc en cfl; fimpic pour ne pas dire
barbare , mais comme il ne s'agit
que defçavoir prendre le côté favo-
rable des chofcs pour y trouver tou-
jours des avantages, l'Editeur pré-
tend que cette fimplicité donne un
plus grand air de vérité à tout ce
que fou Anonyme nous raconte ; il
eft d'ailleurs trcs-exad pour l'ordre
des tcms , on peut même dire que
fon Hiftoire contient plutôt l'épo-
que des faits que les faits mêmes ,
il fpccifie l'année , le mois & fou-
vent le jour où ils font arrivés , ce
qui marque un Hiftorien qui n'é-
crit que ce qu'il a vij.
Auflî ces Annales ne font pas
l'Ouvrage d'unfeul homme,mais de
pluficurs Auteurs, qui y ont raiïem-
blé tout ce qui regarde l'Hiftoire
de la Romagne. L'Anonyme qui
les a recueillis , nous en avertit
dans le commencement de fon Ou-
vrage , il donne même les noms de
ceux qui y ont travaillé.
Scipio-Claramontius qui a pu-
blié en Latin une Hiftoire de Céfé-
ne, imprimée dans cette Ville en
1^41. iesavoit eus entre les mains.
S SÇAVANS,
lien parle très- avantagcufemenf.
On y trouve beaucoup d'endroits
qu'il en a empruntés , & qu'il n'a
fait que copier dans fon Hiftoire ; il
ne les cite plus depuis l'année
1362. ce qui montre qu'elles ns
vont réellement pas plus loin.
Quoique Claramontius ait fondu
dans fon Ouvrage tout ce que ces
Annales ont de plus curieux , ce-
pendant M. Muratori fe fert de cet
exemple pour montrer combien il
eft plus utile de remonter jufqu'aux
fourccs toutes grolfiercs qu'elles
paroifFcnt que de puifer dans les
ruiffeaux des Auteurs modernes ,
quoique plus agréables.En effet Ck'-
ramontius dans dans endroits de
ces Annales qu'il explique , &: qu'il
accommode à fa façon , leur fait
dire précifément le contraire ck ce
qu'on lit dans l'original.
On y trouve une Lettre écrite à
tous les Frères Mineurs par Michel
de Ceféne Général de cet Ordre ,
dans laquelle il traite te Pape Jean
XXII. d'Hérétique, & où il appelle
au jugement de l'Eglife Romaine
de la décifion que le Souverain
Pontife avoit donnée fur la fameu-
fe queftion de la pauvreté de J. C.
M. Baluze avoit déjà fait imprimer
cette Lettre dans fes Notes fur les
Vies des Papes qui ont fiégé à Avi-
gnon. Michel fut condamné & dé-
pofc publiquement à caufe de fes
fentimens hérétiques , de fa témé-
rité 5 de fon impudence. On peut
voir là - defliis Oderic - Reynald ,
Bzovius & Sfondrate dans le Gallix
Vmdicata. Ces Auteurs juftifient
Jean XXII. des accufations dont
N O V E M
Michel de Ccfénc le charge , & ré-
futent les extravagances de ce Moi-
ne téméraire. On ne doit point
trouver mauvais qu'on conferve de
pareils nionumens ; ils font necef-
laires , dit M. Muratori , pour
connoître l'Hiftoire de ccj: tems: Se
puifque nous lifons les rêveries des
autres Hérétiques fans blelTer la foi,
ni le refpcâ; que nous devons aux
Souverains Chefs de l'Eglife , nous
B R E ; ^7 3 3' (Sif
n'avons pas cru, ajoiite-il, devoir
fupprimcr cette Pièce , d'autant
plus qu'elle efl déjà connue^ & im-
primée , ni craindre qu'elle fîtim-
preffion fur les cfprits foibles. Au-
trement il y auroit une infinité de
monftres dont il faudroit purger
l'Hiftoire Ecclefiaftique , expédient
que la fa^efle & k prudence ne
pourront jamais ni diéler ni com-
mander.
DE LEGITIMA LAUDATIONE , ORATIO HABITA A CAROLO
le Beau , Profciïore in Collegio SorbonaE-PlcfTxo. Die Martii vigcfimâ
ottavâ Aprilis 1753. in Aulâ Sorboni-Pleftxâ. Parifiis , apud C. L.
Thibouft , Univerfitatis Parifienfîs Bibliopolamac Typographum Ju-
ratum. E. RcgioneCollegiiRegii. -1733.
C'efl:-à-dire : Dit légitime ufage de la Louange. Difconrs frononci au Col-
lège du Plejfis-Sorbourje ^ le 28 yivril 1733. Par M. Charles le Beau
Profejfenr dans le même Collège. A Paris , chez C. L. Thibouft , Libraire
& Imprimeur de i'Univcrfité , vis-à-vis le Collège Royal. Broch. /» 4°.
pp. 40.
LA plus grande rccompenfe de
l'homme de bien pendant la
vie eft le témoignage de fa conf-
cience. Il n'en doit préférer aucune
à celle là, & tout ce qui fe fait dans
l'unique vue d'être loUc des hom-
mes , eft indigne non feulement
d'un Chrétien , mais d'une ame en
qui il reftc quelque noblefte. Ce
principe tout conftant qu'il eft ,
n'empêche pas qu'on ne puifleêtre
fenfible à la loiiange pourvu qu'on
n'en fafte pas fa fin : l'Auteur le fait
voit dans fon Exorde , oh il mon-
tre les avantages qui fe retirent de
la louange quand elle eft jufte &
donnée à bon titre. Car il ne faut
pas la confondre aveC' la flatterie*,
qui eft la pefte du gciyre humain^ôc
qui en canonifantlc vice, dégrade
la vertu , décourage l'homme de
bien encore chancelant, & anime au
mal l'homme pervers.
La loiiange , pour être utile ,'
doit être véritable, & outre cela
modérée : ces deux propofitioi»
divifent en autant départies le DiC
cours dont nous allons rendre
compte.
L'Orateur commence d'abord
par rcprefenter en général de quel
prix eft la vérité , & il remarque à
ce fujet , que les Poètes mêmes qui
font profeftîon de feindre , ne peu-
vent fe pafter pour faire valoir leurs
fidtions , de leur donner quelque
apparence de vérité , tant l'amour
du ym eft profondément grave
626 JOURNAL D
dans le cœur de l'homme.
Mais fi l'ou aime le vrai, c'eR fur-
tout dans la loiiangc qu'on l'exige ,
fans tiuoi elle infultc à celui qui ell
loiié, elle deshonore celui qui loiic,
ic révolte ceux devant qui on loiie.
L'Orateur fait ici de la flatterie
un portrait d'autant plus capable
d'infpirer l'horreur qu'on en doit
avoir , qu'il ell: fimple & naturel.
M. le Beau n'exagère rien , & en
fe renfermant dans le vrai , il en
dit plus fur ce fujct qu'on ne
^urroit faire par toutes les hyper-
boles.
S'il n'y avoit que des cfprits
d'un cara(flere notoirement mau-
vais <jui fuflent capables d'em-
ployer la flatterie , elle feroit beau-
coup moins dangercufe , mais ce
qui eft déploiablc en cette ocça-
fion , remarque notre Auteur, c'eft
qu'il fc trouve des gens de bien mê-
me qui fe laiiïent aller à un vice Ci
honteux. M. le Beau cite Hir cela
Qiiintilien , cet homme d'ailleurs
fî fage & fi vertueux , ce Maître
aiifll admirable quand il donne des
préceptes pour les mœurs,que joiff-
^qu'il en donne pour l'éloquence. Il
le cite comme ayant donrté lâchc-
■ment dans la plusbaflc flatterie, en
loiiant comme un grave Rsfù-nnA-
ttur , Se une favorable Divinité , le
'.plus cruel , Se le plus infenfé de
<ous les hommes , l'Empereur Do-
mitien : cet Empereur avoit cliar-
gédu foin des petits fils de fa fœur,
»le oBind Quintilien, & celui-ci ,
)pour marquer fa reconnoitfance
d'un tel honneur , prodigue à Do-
anitien Jcs ;plys axtravAgantes
ES SÇAVANS.
loiianges. Mais quel honneur , ô
Quililien,cctEmpcrcur t'a-t-il pro-
curé \ demande ici M. le Beau , fi ce
n'eft d'avoir pat la confecration ri-
dicule que tu as faite de fon nom ,
imprimé à tes Ecrits , une tache
que toutes les vertus que tu as d'ail-
leurs , pourront à peine laver ?
Si l'on ne peut cxcufcr dans un
Payen une telle flatterie , comment
en pourra-t-on excufer defcmbla-
bles dans des Chrétiens î C'eft la
demande que fait l'Orateur , &: à
cette occafion il rapporte divers
exemples d'éloges que certains Pa-
négyriftes qui font néanmoins pro-
fi:ffion de Chriftianifrne , n'ont pas
appréhendé de donner à des Prin-
ces , & où ils ont eu la hardicfle de
mettre les prétendues vertus de ces
Princes en parallèle avec les plus
auguftes attributs de Dieu.
On dira pour leur excufe que h
crainte de quelque mal _, ou l'efpe-
rance de quelque avantage eft la
caufe ordinaire de ces fortes de flat-
teries. Mais quoi , s'écrie l'Orateur
juftemcnt indigné , eft-ce qu'il eft
-permis de trahir la vérité pour
quelque fujet de crainte ou pour
-quelque fujet d'efpetance que ce
ibit i II oppofe à cette lâche con-
duite celle du Poëtc Phijoxé-
ae qui ne voulut pas même éloi-
gner de lui par une complaifancc
d'ailleurs aflez légeare , mais qui ne
Yaccordoit pas tout-à-fâit avec la
vérité , un danger eonîfiderablc qui
it menaçoit : la Pocfp: écoit florif-
fante dans la Cour de Denis le Ty-
ran i ceiPrincc qui fe mêlokde fai-
are des vers, & qBi^ne ctpyoitpas
N O V E M
mériter le dernier rang fur le Par-
naiïe , ayant fait une Picce alTez
mauvaife que Philoxéne ne put fe
lefoudre d'approuver , fit mettre
ce Poète en prifon pour le punir de
ce qu'il n'avoit pas approuvé la Pie-
ce. Rien , pour la fupeibc & le fot
orgueil^n'eft comparable à un mau-
vais Prince & à un mauvais Poète ,
l'un & l'autre fc trouvoientdans le
Prince dont il s'agit : cependant
Philoxéne , à la prière de fcs amis,
fiit dès le lendemain tiré de prifon,
& rentra fi bien en grace,que Denis
finvita à fbuper. Le repas tut
fplendide , on y but à longs traies ,
& Denis animé par le vin , comme
il arrive à la plupart des Poètes ,
entra en humeur de faire des vers ,
mais des vers qui ne valoicnt pas
mieux que ceux que Philoxéne
avoit déjà méprifés. Denis charmé
de la fécondité de fa veine , fe met
à reciter fes vers devant les convi-
ves ; aa!H-tôt chacun d'applaudir ,
les uns par leur gefte , les autres par
leurs difcours , les autres par le
mouvement de leurs yeux , Philo-
xéne feul demeura froid. Denis fur-
pris de cette tranquillité, demande
au Poëte ce qu'il penfe des vers en
queftion , mais le Poëte fans répon-
dre , fe tourna du côté des Gar-
des du Prince , & leur dit : ah ,
MelTieurs, remettez-moi en prifon.
Le Prince qui ne s'attendoit pas à
ee trait de Philoxéne , ne put s'em-
pêcher d'en rire, & tout préoccupé
qu'il étoit de la prétendue beauté de
fes vers , il crut cependant devoir
en demeurer là.
On voit par cet exemple , dit
B R E; 175 j: 62^
l'Orateur , que felouLPÎiiloxéne , il
R'eft pas permis dans les chofcs m&
mes les plus légères & les plustjdi-
voles , de faciificr k vérité à là
crainte.
A cet exemple fuccede celui
d'Alexandre le Grapd, qui quel-
que avide qu'il fût de loiianges,, ne
pouvant néanmoins fouftrir celle
que dans un Livre lui donnoit,
contre toute apparence de vérité ,
Ariftobule , lui arracha le Livre
des mains , &: le jetta dans le fleuve
Hydafpe , en difant que l'Auteui
méritoit un même traitement pour
avoir menti aulîî hardiment qu'il
avoit fait , & avoir ofé dire, entre
autres chofes^ qu'Alexandre , d'un
feul coup de dard, tuoit les plus
gros Eléphans.
Nous paflbns un grand novdaxc
d'autres articles où l'Orateur fait
voir par differens faits tirés de-
l'Hiftoire , combien dans les
loiianges la vérité eft recommanda-
ble & la flatterie odieufc ; mais ce
n'cft pas affez que la louange foit
fondée fur la vérité , il faut encore
qu)elle foit diferete & modérée , &
c'eft le fujet de la féconde Partie.
La loijange pour être fage & dif-
erete , doit éviter la prefence de
ceux dont elle exalte les vertus.
Pline a loiié Trajan , mais félon le
fentiment de la pliipart des Criti-
ques , c'a été enfon abfence -, il eut
été difficile autrement que ce Prin-
ce eût pu foûtcnir en face les éloges
quoique juftes , que lui donnoit
l'Orateur. Sa modeftie en auroit
eu trop à fouffrir , & l'Orateur
eût été coupaUe de la plus giatit
^28 JOURNALD
de des indifcrccions , de mettre
à une épreuve fi rude le meil-
leur de tous les Prmccs. M. le
Beau tait à cette occasion diverfes
reflexions fur les loijangcs qui fe
prononcent en prefcncc de ceux
que l'on loiie , nous les palfons en
faveur de la brièveté ; nous remar-
querons feulement qu'il a cru pou-
voir lolicr en leur prefcnce trois
perfonnes illullres qu'il avoit in-
vitées à fon difcours.
Une autre condition de la loiian-
ge pour être difcrete, &c modérée ,
c'eft de ne point venir hors de
tems , de n'être point prématurée ,
& de fe contenir dans de certaines
bornes. M. le Beau cite pour exem-
ple fur ce fujet , les éloges qu'on a
coiîtume de donner. aux entans. Il
faut loiier les entans pour les ani-
mer au bien, cela eft conftant, mais
il ne faut pas les eny vrer de loiian-
ges. Bien des pères & des mères ont
befoin d'avis là - deflus : on en voit
qui charmés de tout ce que font ou
difent d'un peu à propos leurs en-
ES SÇAVANS,
fans , les loiient fans celTe en leur
piefence , &c ne gardent fur cela
aucune mcfurc. Qii'en arrive-t-il j
remarque M. le Beau -, Us rcmplif-
fent de vanité le cerveau tendre de
leurs enfans -, ces enfans fe croyant
parfaits , méprifent l'inftruction ,
Se de gens fenfes & aimables qu'ils
auroicnt été durant le cours de leur
vie , ils deviennent des hommes
vains , ridicules & infupponabks
dans lafocieté.
Nous citerions volontiers d'au-
tres articles de cette féconde Partie}
mais comme ils roulent fur l'exagé-
ration de la louange , &: fur cette
forte d'exagération qui empêche
abfolument la loiiange d'être véri-
table , quelques Lcfteurs Critiques
ne manqueroicnt peut-être pas de
les regarder comme appartenant
plutôt à la première Partie , qu'à la
féconde ; c'eft pourquoi nous
croyons plus à propos de nous en
tenir à ceux que nous venons de
rapporter.
DISSERTATIO MEDICA , DE DOLORE EX CALCULO
Renum quam Favcnte numinedivino , fub Prxlidio D. Friderici HofF-
manni Facultatis MedicrScnioris & H. T. Decani pro dignitate Doc-
toral! légitime impetranda ad D. tertiam Maii anno 1752. publicx
difquifuioni exponit, Johannes-Bernhardus Doblin Hollandia-Boruf-
fus. Hais Magdeburgicx, Typis Joh. Chriftiani Hilligeri , Acad.Typ.
C'eft-à-dire : De la Douleur Néphréticjtie , ou DiJfert.nionfoHmife à la dif-
pHte pul'liijne ^par Jean- Bernard Doblin le 3. Mai 1731. A Leide. Pour
obtenir le bonnet de Dodeur en Médecine. De l'Imprimerie de Chré-
tien Hilligcr Imprimeur de l'LJnivcrfité de Leide 1731. Broch. /w-8°.
pages Z4.
M Doblin , Auteur de
. Dllfcrtation
cette
commence
d'abord par m>rquç>:les /îgn,esqui
diftinguent la douleur néphréti-
que , c'eft-à dire celle qui vicnp
de pierre ou de gravier dans le rein,
d'avec
N O V E M
d'avec les autïcs douleurs des lom-
bes. Car il ell bcile de les confon-
dre , de les Médecins même s'ils
n'y font attentifs , peuvent s'y mé-
prendre.
Dès qu'on fcnt quelque douleur
vers la région des lombes , on s'i-
magine d'ordinaire que c'eft une
néphrétique , quoique cependant il
y ait dans cet endroit un grand
nombre de parties très-fufceptiblcs
de douleur : indépendamment
d'aucune affection des reins. Tels
font les mulcles externes &c inter-
nes des lombes, les ligamens des
vertèbres lombaires, le plexus mé-
fentérique fupérieur , le rameau de
l'artère méfcnterique fuperieure ,
& une portion de l'inteftin colon.
Lorfque ces parties viennent à être
trop tendues ou trop comprimées ,
ce qui arrive par divers embarras de
matières , on y fent une grande
douleur. Elles font auiîi quelque-
fois attaquées de rhumatifme , &c
alors on y fouffre de fi grandes
douleurs , qu'on eft contraint de
marcher couibc , & qu'on ne fçau-
roit fe redrelfcr. Il ne faut quelque-
fois cju'un efïort ( comme celui de
lever quelque fardeau ) pour eau-
fer dans les vertèbres & dans les
cerfs de l'épine un dérangement
capable d'y exciter les plus grands
tourmcns. U arrive fouvcnt qu'une
trop grande abondance de fang
amalTc vers le plexus méfcnterique
ou vers les artères émulgcntes,ainfi
que l'éprouvent les perîbnnes trop
fanguines , ou fujettes aux hémor-
ihoides , caufe dans les lombes une
douleur femblablc à celle de la pier-
Novemhf,
B R E , 1755. 62^
re. Ceux qui ayant coutume de fc
taire faigncr en certains tems, vien-
nent à le négliger, ne manquent
guércs lorfque ce tems eft arrivé ,
de fentir la même douiei-'r ; mais la
feule faignée du pied gui rit les uns
& les autres , & les guéxic tout à
coup.
Il n'y a point de douleur que l'on
confonde plus aifémcnt avec la né-
phrétique , que celle qui vient du
gonflement du colon par des vents
enclos , cette douleur ne fe fait pas
feulement fentir dans la région des
lombes , mais elle porte fon im-
prelTion jufqu'aux vilceres-,clle cau-
fe des envies de vomir, des fup-
prellions d'urine , des refferrcmcns
de ventre , &: excite dans le bas-
ventre des douleurs fpafmodiques
qui ne différent en rien de celles
qu'y excite la pierre, (î non que cel-
les de la pierre ou gravcile ne font
ni continuelles , m accompagnées
d'un grand abbateraent de forces ,
ôCqu'elles diminuent d'une manière
confiderable , par le fecours des la-'
vemens -, au lieu que les autres ,
c'eft-à-dire celles qui font produites
par des vents enclos dans l'inteftin
colon , reduifent le malade dans ua
abatcment général de tout le corps,
ne lui laiffent aucun relâche , Sc
ne permettent pas même de mar-
cher. D'ailleurs, les nauféesou en-
vies de vomir qui viennent de li
gravellc ou de la pierre , arrivent le
plus fouvent à jeun , au lieu que
celles qui font caufées par le bour-
fouflement venteux du colon , ar-
rivent principalement après qu'on,
a bû & mangé -, une autre differen-
Oo 0»
ê^o JO URNAL D
ce encore, c'cft que dans la douleur
de la pierre l'extrémitc de l'urctrc ,
cil vivement picotée.
L'Auteur , après ces remarques
ic quelques autres que nous paf-
fons, obfervc que la pierre fe for-
me plus fouvcnt dans le rein gau-
che que dans le droit , ce qui eft
caufc que les graveleux font aulll
plus fujets à fcntir de la douleur à
ce côté qu'à l'autre. Mais quelle
raifon rendre de ce phénomène ?
Voici celle qu'en donne M. Do-
blin. Le rein droit eft recouvert du
foye , & jouit par -là d'une plus
grande chaleur que le gauche ;
cette douce chaleur ^noduit deux
effets , le premier , que le fang cir-
cule plus librement dans le rein
droit ■, le fécond , que la féparation
de l'urine s'y tait par confequent
beaucoup mieux ■, au lieu que le
rein gauche,fitué comme il ell:, vers
l'arc du colon , cil: fans celle preilc
par le gonflement & le bourfoufflc-
meni de cet intellin , qui ell: pref-
que toujours rempli de vents , ce
qui empêche le fang d'avoir fon
cours libre dans ce rein , & y retar-
de par confequent la filtration de
l'urine , enforte que la matière tar-
tareufe de cette urine a le tems de
s'accumuler & de s'épaiflîr.
Nous laifTons plufîeurs autres re-
flexions de notre Auteur pour venir
à la manière dont il explique la gé-
nération de la pierre dans les reins:
Lorfqu'iin fang trop impétueux ,
dit-il, fe porte avec violence dans
les reins , & qu'il n'efl pas repris
avec facilité par les veines qui l'en
doivent rapporter, il gonâe de tel-?
ES SÇ AVANS,
le manière les artères capillaires de
ces parties, qu'il s'y fait des crevaf-
fes -, ces crevalTes donnent lieu à la
férofiré du fang de s'épancher-,cctte
fcrofité épanchée féjourne & crou-
pit , & produit parla de petits ul-
cères dans les reins ; ces ulcères
grandiffenr avec le tems , &: lailfent
fuinter une matière tartareufe qui
venant à fe durcir peu à peu , n'efl
d'abord que du fable, mais devient
à la longue , une pierre.
Les prognoftics qu'on peut tirer
dans cette maladie , par rapport à
fa cure, font marques en peu de
mots par notre Auteur. Puis il exa-
mine les remèdes qui y font pro-
pres. De ces remèdes , les uns con-
viennent dans les accès des dou-
leurs , &: les autres hors des accès.
Quant aux premiers , M. Doblin
recommande une certaine liqueur
que prépare M. Frédéric Hofl-
mann , fous la Prélidence duquel
il a foiitcnu la Diflertation dont il
s'agit ; mais il ne dit point ce que
c'ell que cette liqueur. Il fe conten-
te d'avertir que ceux qui ne feront
pas afîez riches pour en pouvoir
acheter , peuvent y fubftiruer l'ef-
prit de nitre , préparé félon la mé-
thode rapportée par le même Au-
teur dansfes Obfcrvations Phyfico-
Chymiqucs. Il recommande encore
pour la même fin , c'eft à-dire pour
appaifer les violentes douleurs de
la pierre , les eaux de cérifes noires,
de fleurs d'acacia, de tilleul, de
primevère , de lis des vallées, avec
un peu defyrop de coquelicot, ou
de pavot blanc. Il recommande
(^ut de même , l'huUe d'aui^dee
N O V E M B
(îouces tirée fans feu , les cmulfions
des quatre femenccs froides , celles
de milium folis & de graines de
daucus , mêlées avec ks eaux ci-def-
fus marquées. Si la violence des
douleurs n'obéit pas à ces remèdes,
ii veut qu'on recoure à l'opium ,
mais à un opium bien châtié &: bien
corris^é , comme font les pillules
de Wildegans & de Starck , le lau-
danum liquide de Sydenham , & la
Thériaque celeffc.
Le nitre purifié eft encore, félon
notre Auteur , un fouverain cal-
mant dans les douleurs néphréti-
ques étant mêlé ou avec les yeux
d'écrevilTes , ou avec le blanc de
baleine , ou avec le petit lait.
On peut joindre à ces fecours les
lavcmens faits avec les décodions
émollientcs , de fleurs de fureau ,
de coquelicot, de camomille, de
bouillon blanc , avec un peu de fy-
rop de dialthœa , Se un peu de fel
d'ébfon.
M. Doblin ne manque pas de
propofcr ici les demi-bains d'eau
tiède, & fur tout ceux d'eau de
pluye i il n'eft guéres , dit il, de
douleurs néphrétiques , pour vio-
lentes qu'elles foient , que ce fe-
cours n'appaifc-, s'il eftfouvent réi-
téré.
Les linimens avec la grailTe hu-
maine, avec l'onguent dialtha:a &
autres chofes femblablcs , ne font
pas oubliés par notre Auteur , non
plus que l'application d'une veffie
Tcmplie de lait chaud, dans lequel
on * fait bouillir des herbes cmoU
lientes.
Quand les douleurs font appai-
R E, r 75 5. 63 r
fées , & qu'on a lieu de croire
qu'elles ne font caufées que par du
gravier , il faut tenter de le faire
Ibrtir , mais n'employer pour cela
que des remèdes doux. Notre Au-
teur confcille fort ici l'infufion de
théc, celle de véronique, celle de
pcrfil , celle de bayes d'aikckcn-
gc Se celle de mille-feuilles ; après
quoi il veut qu'on boive quelques
goûtes d'eau fpiritueufe de geniè-
vre. Si avec ces fecours , le gravier
ne fort pas Se qu'il faille employer
des moyens plus forts , M. Doblin
recommande la cendre de coquilles
d'huitres , mêlée avec du jus de ci-
tron.
Il s'agit à prefent de la conduite
qu'il faut garder pour ù preferver
de la pierre : rien n'eft meilleur
pour cela , félon notre Auteur, que
de birc beaucoup d'exercice, d'u-
fer d'alimens de facile digcftion
d'éviter les légumes , & de boire de
l'eaii où l'on ait fait bouillir de l'é-
corce de racine d'Acacia, ou des
graines de genièvre torefices. Il
confeille outre cela , la poudre
d'yeux d'écrcviiTe^cclle de coquilles
d'oeufs , Si. de coquille d'hui-
tres.
LïS huiles comme celle d'aman-
des douces , celle d'olives & autres
femblables , étant prifes en dedans
font auffi de bons préfervatifs con-
tre la pierre des reins ; la raifon en
cft , félon notre Auteur , que le
propre des fucs gras Se huileux eft
d'empêcher les fels de s'unir enfcm-
ble , cette union étant ce qui fait les
concrétions pierreufes.Que les liics
gras Se huileux empêchent l'union
O o o 0 i j
6^2 JOURNAL DE
dont il s'agit , c'cli ce qu'on ap-
prend dans les clémcns de chymie ,
&C M. Doblin y renvoyé les Lec-
teurs.
Le petit lait, au rcftc, cft une des
cViofcs que notre Auteur recom-
mande le plus à ceux qui font ou
menacés ou attaques de la pierre.
Il veut qu'on le prenne chaud ou
du moins tiède. Il a recommande
plus haut, l'ufage du bain aux gra-
veleux -, mais il avertit ici que
quelque bon que leur foit ce remè-
de par lui-même , ils doivent s'en
abftcnit s'il y a difficulté de refpi-
ler , & fi la repletion efl: trop gran-
de , auquel cas , la faignée , la
purgation &; les potions adouciflan-
tes 5c délayantes doivent précéder.
L'opium qu'il a aufli recomman-
dé dans les violentes douleurs de la
gravelle ou de la pierre , n'y con-
vient pas toujours ; &c il avoiie que
ANECDOTES DE LA COTJR DE PHILIPPE - AVGVSTE.
A Paris, chez la Veuve Pijfot , au bout du Pont-NeuF, Quai des Augu-
ftins , à la Croix d'or. 17 5 3. Trois vol. w-ii.Tom. I. pp. 354. Tom. IL
pp. 384. Tom. III. pp. 333.
S SÇAVANS,
ce remède , quelque calmant qu'il
foit , peut faire de grands ravages
dans ces occalions , fi les forces du
malade font entièrement abbatucs ,
s'il cft dans un âge avancé & que le
pouls foit langui(Tanî , auquel cas
il but employer les eaux fpiritueu-
fes de menthe , de canelle , lie au-
tres femblables , y ajoutant quel-
ques grains d'ambre , ou d'extrait
de fiffran.
Le régime qu'il faut obfervcr,
foit pour fe garantir, foit pour fc
guérir de la graveUe , fait le fujet du
dernier article de la Difiertatioru
Ce régime confifte à éviter les laita-
ges & les légumes , à boire peu de
vin , à ne boire jamais d'eau dc-vic,
amener une vie qui ne foit point
trop fédentaire , 5c 11 l'on eft replet,
à fc purger de tems en tems avec la
manne ou la cafte.
CE S Anecdotes qui roulent
principalement fur les A-
mours fortunés ou infortunés de
divers Seigneurs de la Cour de
Philippe- Auguite , tels que Roger,
Comte de Rethcl ; Raoul , Sire de
Coucy -, Guillaume, Comte des
Barres , & Alberic Seigneur du
Mez , ne laiftent pas de renfermer
d'autres articles plus convenables
au caracflere de nos Journaux , &
c'eft à ces derniers que nous nous
ianêterons.
Nous rapporterons d'abord pont
exemples de ces articles , ce qui eft
dit des grandes qualité?, de Philip-
pe-Augufte , &c de celles de fou
Gouverneur ; puis nous viendrons
à la mort de Geoffroy Duc de Bre-
tagne Si au récit d'une viéloire ex-
traordinaire que le Comte des Bar^
res remporta fur des Anglois.
Le Voyage de Philippe-Auguftc
pour la Paleftine , la mort d'Albe-
lic , le Siège d'Acre , & le retout
du Roi/ont des points curieux que
N O V E M
noîis ferons obliges de fupprimer ^
parce qu'ils font écrits d'une ma-
nière qui les rend très-peu fufccpti-
bles d'abrégé.
Voici pour ce qui conecine Phi-
lippe-Augulk & fon Gouverneur.
Philippe connu par le fur-nom
d' Auguste , fi juftement mérité &
acquis , avoit fuccedé à fon perc
Louis le Jeune. Le nouveau Mo-
narque , en prenant les Rênes de
fon Empire , n'étoit appliqué qu'au
bien de fon Etat , & cela dans un
âge où les Princes fs repofcnt vo-
lontiers fur l'habileté de leurs Mi-
niftres. Le dedans du Royaume
étoit tranquille •, les voifins envieux
en redoutoient la puilTance & l'e-
xemple récent de Philippe Comte
de Flandres , puni par Philippe-
Augufte d'une cntreprife audacicu-
•fc , faifoit connoître de quoi ce
jeune & fage Roi feroit capable.
Dans fes convcrfations qui étoient
prefque toujours fcrieufes& utiles,
il déploroit les malheureux règnes
des derniers Rois de la féconde
Race , &c oppofoit toujours à la
mclelTe de ces Princes, l'activité de
Charlemagnc. C'étoit en effet le
Hcros que le jeune Monarque fe
propofoit pour modèle. Il parloit
des Conquêtes de ce grand Roi ,
avec un plaifir animé & rappclloit
avec douleur les triftes époques où
la Monarchie Françoifc avoit fouf-
fert de fi confiderables démembrc-
mcns.
La nature en formant Philippe-
Augufle , dit un jour l'Empereur
Frédéric au Vicomte de Melun ,
â'eftplu dans fon Ouvrage : elle a
B R E ; 1755.'^ ^33
voulu que ce Prince méritât , pref-
que en naiffant , l'cftime de l'Euro-
pe. Elle n'a point tormc un cnhnt;
elle a d'abord fait un homme. Sa
jeunelfe laiffoit douter de ce que la
Renommée publioit de lui -, mais
toutes fes adions , foûtcnues juf-
qu'en ce jour , ont triomphé de
l'incrédulité.
L'Empereur Frédéric , après îç
difcours qui vient d'être rapporté,
continua de cette forte : Je fcns
cependant que la nature a été fé-
condée dans Philippe par une édu-
cation qui a avancé en lui ce que les
plus grands Hommes n'acquièrent
que par l'expérience. Cette réfle-
xion m'a donné une grande idée de
celui à qui on a confié ce précieux
dépôt. Il falloir que le Maréchal du
Mez , tût un homme que le Dieu
Tutelaire de la France eiltfait naî-
tre exprès dans le fein de la Cour
pour élever votre Monarque. Je
me fouviens de vous avoir oui dire
que vous étiez amis. Vos lumières
vous mcttoient en état de juger de
fon génie. Qiiel éroit-il î Son carac-
tère , repartit le Vicomte , étoit
doux & ferme en même tenis. Son
unique ambition fut de remplir
t^us fes devoirs. L'étendue de fon
génie le faifoit juger , non feule-
ment de tout ce qu'il falloit qu'il
fît , mais encore du tems & des
circonftances où il devoir placer
fes infiruèlions. Chargé de l'éduca-
tion de Philippe , il fe croyoit rcf-
ponfiblc du bonheur ou du mal-
heur des fujcts de ce Prince. Bien
plus, il fe croyoit rcfponfable de
la peifonne même de Philippe. Pà^
<554 JOURNAL D
nécré d'une vérité lî importante ,
il avoit cette noble hardicnc fi nc-
ccfTairc pour reprendre & inllruirc
fon Maître. Son attention étoit
continuelle pour développer les
germes de vertus que le Ciel avait
mis dans le cœur du Roi , & pour
étouffer dès leur nainance,dc petits
mouvcmens qui en fe fortifiant par
l'habitude , auroient pu taire tort à
fes grandes qualitez. La fcvérité de
ce Gouverneur corrigée par la dou-
ceur &c par le refpeâ;, lui taifoit tout
ofer &c tout dire. Dans certaines oc-
cafions , il fe contentoit de jctter
des leçons comme au hazard ; dans
d'autres il les appuyoit & les forti-
fioit. Mais un de fts principaux
foins étoit d'éloigner de fon illuftre
pupille , les fades adulateurs. Il ne
vouloit point accoutumer aux
louanges , les oreilles de ce jeune
Héros. Contentez-vous , luidifoit-
il , de mériter qu'on vous loiie , &
ne foyez jaloux que des éloges qui
ne viendront pas jufqu'à vous , ou
du moins qui ne vous feront pas
adreffes. Ce font ceux du peuple.
Que les Princes font malheureux!
difoit le fage Maréchal duMez au
jeune Roi : La vérité ne les appro-
che prefque jamais. Une crainte
fervile qu'imprime l'éclat de la
grandeur , une balTe complaifancc
fille de l'orgueil , un faux refped
qui cache un véritable intérêt , la
retiennent en efclavagc. Qu'on
doit peu fovoir mauvais gré aux
Princes , de leur aveuglement fur
eux-mêmes ! Comment fçauroient-
-^s qu'ils font des atfiions qu'on dé-
faprouvc ? Ils n'ont que des créatu-
ES SÇAVANS.
tes , & point d'amis. Tout ce qui
les entoure les abufc : on nomme
leur avarice , fage prévoyance : on
qualifie du beau titre de magnifi-
cence , une prodigalité qui en les
cpuifant les force de vexer leurs fu-
Jets. S'ils font cruels , on leur dit
qu'ils font (uftcs ; s'ils commettent
quelque injuftice criante , on le*
cxcufe en difant qu'ils ne peuvent
ni tout voir ni tout fçavoir. En un
mot on careffe leurs vices ; le
Courtifan les approuve &s'y prête
pour arriver à la faveur. De la ma-
nière qu'on parle aux Princes il
femble que tout leur foit licite. Les
Princes cependant doivent rendre
compte à l'Univers , de tout ce
qu'ils font ; rien ne leur eft permis
que le bien. C'cft d'eux que nous
attendons les exemples de juftice ,
de douceur , de géncrofité , de
magnanimité. La clémence eft le
partage de ceux qui ont en main le
pouvoir de fe vanger. Voilà comme
penfoit & comme parloit le Maré-
chal du Mez; voilà les leçons qui
ont gravé dans le cœur de Philippe,
les vertus qui le font admirer de
tous les peuples de la terre , & le
font chérir de ceux qui ont le bon-
heur de lui obéir : le Maréchal du
Mcz , continua le Vicomte de Mé-
lun, eft encote aujourd'hui cher au
Roi , dans la pcrfonne d'Alberic.
La reconnoidmcc qu'il doit au pè-
re , fe manitefte dans les bontez
pour le fils , Se le fils juftific les
bontez de Philippe,
Voici le fécond article dont nous
avons promis de parler. Geof-
froy Duc de Bretagne , étant avec
N O V E M
la Duchcflc Confiance fa femme ,
à la Cour de Philippe-Augufte , y
fut attaque à la fleur de fon âge^d'u-
ne violente maladie qui l'enleva en
cinq jours. Ses fujcts perdirent par
cette mort , un Prince équitable ^
généreux , finccre , toujours occu-
pé du bien de fon Etat. Il venoit de
donner un nouveau luftre à la No-
bleffe Bretonne , par cette loi ap-
peliée l'Affife du Comte Geoffroy,
laquelle met le chef de chaque mai-
fon en état de foutcnir par fcs ri-
chefles une illuftrc naifTance ; il y
avoir chez le Duc de Bretagne une
foule de Seigneurs de la Cour de
Philippe - Augufte. Chacun y par-
loit diverfcment de la mort prom-
pte & furprcnante de Gcoifroy ;
Philippe qui apprit les differens
biuits qui couroicnt à ce fujet ,
voulut démêler la vérité , &c fit
venir pour cela, dans fon Cabinet,
Roger Comte de Rethel que Geof-
froy avoit honoré d'une amitié par-
ticulière i il interrogea le Comte
de Rethel : le féjour , lui dit - il ,
que ^ous avez fait à la Cour de
Geoffroy, vous a fans doute donné
occafion de pénétrer un fccret qui
n'elt pas venu jufqu'à moi. C'eft ce
fccret que je veux fçavoir. Puifque
votre Majcfté me l'ordonne je vais
lui obéir. Ce que j'ai vu pendant
mon féjour en Bretagne , m'avoit
fait foupçonner ce que le Prince
Geoffroy , une heure avant que de
mourir , a juftifié , en me confiant
le fccret de fon cœur. Ce qu'il m'a
dit , Si le genre de la maladie qui
l'a conduit fi promptement au
sombeau j me f©nt douter que fa
B R E , 1 7 3 ?• <^îy
mort foit naturelle. Je foupçonnc
que Madame de Fougères eft la
caufe innocente delà mort du Duc
de Bretagne , comme cette Dame
pouvoit être le véritable fujet qui
avoit engagé le Duc à quitter ûs
Etats pour venir à la Cour de votre
Majeffé. J'étois à celle de Geoffroy,
iorfque Ivladame de Fougères, en-
core Mademoifelle de Rhédon y
parut. Je vis le Duc de Bretagne
cmpreffé à lui rendre fes foins, il
trouva des prétextes pour donner
des têtes qui paroifloient n'avoir
pour but qu'un divertiffement gé-
néral, mais blanche de Rhédon en
étoitle véritable objet. Evrard,Sci-
gneur de Rhédon , fon père , allar-
mé de la paflîon qu'il s'appcrcûï
que fa fille infpiroit à fon Souve-
rain , fongea d'abord à la marier ;
le Seigneur de Fougères fut celui
qu'il lui choifit pour époux. Le
Duc , malgré le chagrin que lui
pouvoit caufer ce mariage , étoit
trop jufte pour s'y oppofer. Fou-
gères , fut bien-tôt aufll pénétrant
qu'Evrard. Il craignit que la vertu
de fa femme , ne fût pas une barriè-
re affez forte contre les attaques
d'un Prince aimable, & cette crain-
te lui fit prendre la refolution de
paffer fecrétemcnt à la Cour de vo-
trcMajefté,oùVotreMajefté le reçut
avec bonté. Depuis près de deux
ans qu'il y eft avec Madame de Fou-
geies il a tori jours flatte Geoffroy
de retourner en Bretagne. Ce Duc
fatigué des délais de Fougères , a
cru que le plus fur parti qu'il lui
reftoit à prendre , pour voir Mada-
me de Fougères, étoit de \enir Iwi-
6i6 JOURNAL D
même en France. Dans ce dclTcin ,
il a couvert fa démarche , & s'cft
fervi du prétexte d'unir , fous la
protedlioD de votre Majefté , l'An-
jou à la Bretagne. J'ai fçu depuis
par le Comte de Rieux , confident
de ce Prince , que Fougères n'avoit
point paru alJarmé de l'arrivée du
Duc de Bretagne , qu'il avoit mê-
me été au-devant des carcfles de ce
Prince , &c qu'il l'avoit plusieurs
fois traité magnifiquement ; le Duc
de Bretagne enfin s'eft trouvé mai
ie lendemain d'une fête que fougè-
res lui avoit donnée, C'efl; fans dou-
te , dans cette tète , que Fougères ,
pour fe défaire d'un rival redouta-
ble , a ofé attenter fur la vie de fon
Souverain ; je ne forme cependant
qu'avec peine un tel jugement ,
mais fi Fougères eft connu en Bre-
tagne pour fpirituel & pour brave,
il n'eft pas moins comiu pour être
vm dangereux ennemi. Mais voici
une particularité , Sire , qui du
doute femble conduire à la certitu-
tude ; le Comte de Rieux m'a con-
fié ce matin , que Geoffroy lui
voyant le vifage couvert de larmes,
lui a dit : tu pleures ma mort , &
tu dois la pleurer , d'autant qu'une
malheurefe paillon m'a forcé .\ venir
chercher en France , cette mort. Je
connois , comme tu la connois , la
main qui me tue , mais je ne dois
pas m'en plaindre: J'ai forcé Fougè-
res à commettre ce crmie.
La conduite que garda le Roi
dans cette occafion , ne doit pas
être paffée fous filence : voici ce
qu'en raconte notre Auteur.
Roger, dit Philippe, gardez le
ES SÇAVANS,
fecict que vous venez de m'appren-
dre: s'ilétoirfçû il feroit tort à U
mémoire d'un grand. Prince. L'cfti-
me que j'ai eue pour le Duc d? Bre-
tagne pendant fa vie, demande que
je lui facrifie fa propre vengeance.
Fougères devra l'impunité de fon
crime à ma politique. Mais allez
lui dire que je ne lui donne que 24
heu; es pour fortir de mes Etats.
Recommandez de ma part , au
Comte de Rieux , de garder un fe-
cret qui doit être renfermé dans le
tombeau avec le Prince que nous
pleurons. La difcretion là-delTus efl:
la dernière marque de refped &dc
fidélité qu'il puiffe donner à fon
Souverain.
Le fort de Fougères ne mérite
pas moins d'être rapporté ici •■, le
voici dans les propres termes qu'il
eft raconté par l'Auteur de ces
Anecdotes. Roger , en fortant du
Cabinet du Roi, alla chez le Sei-
gneur Fougères , il ne trouva que
fa femme. Mais quel fpeélacle frap-
pa dans l'inlîant ks yeux de cette
infortunée 1 C'étoit fon mari qu'on
rapportoit mort d'un coup d'épéc
qui lui perçoit le cœur. Un des
gens de Fougères , que Roger in-
terrogea , lui dit que ce coup ctoit
parti de la main du Comte de
Rieux, qui , à la porte du Palais du
Duc de Bretagne , s'étoit battu
avec le Seigneur de Fougères. Le
Comte de Rieux , à qui Roger ne
put s'empêcher de faire des repro-
ches d'une telle action , répondit ,'
j'ai vangé mon maître, & puni un
perfide ; fon crime étoit certain -, il
ralloit que la punition le fuivît de
près.
N O V E M
yrcs. Je me félicite d'avoir terrafle
4:c monftre. Roger fe chargea d'al-
ler demander au Roi la grâce du
Comte de Rieux-, & le Roijugeane
del'attachementduComtepourfon
maître , par l'emportement où ce
Comte s'étoic laifle aller ^ ne put
blâmer le Comte de Rieux. Il l'en
cftima davantage , mais fans le
loiier.
Un autre article que nous avons
à rapporter eft la vidoire extraor-
dànairc du Comte des Barres fur
des Anglois.
Philippe - Augufte qui étoit en
guerre avec l'Anglois, &qui avoit
refolu le voyage de la Terre Sainte,
fçachant que l'on murmuroit de ce
que cette guerre fufpcndoit le voya-
ge qu'il méditoit , voulut eniin ter-
miner cette guerre , & pour cela il
jetta toutes fes forces dans le Pays
du Maine. Henri y avoit aulîî raf-
femblé toutes les fiennes. Mais ce
Prince évitoit d'en venir à une ac-
tion générale. Philippe- Augufte la
defiroit , &c en cherchoit l'occafion
avec empreflemenr. L'Anglois crut
ralentir l'ardeur de fon ennemi , en
mettant devant lui la petite rivière
de Mayenne ; il la pafîa, & enfuitc
rompit les deux ponts qui avoient
favorifé fa retraite. Il fe campa
fur le bord oppofé à celui qu'occu-
poit l'armée Françoife. Philippe
mortifié de n'avoir pas prévu cette
manœuvre , fortit de fon camp ac-
compagné feulement du grand Sé-
néchal, Comte des Barres, & du gé-
néral Alberic , Comte du Mez. Il
voulut aller examiner par quel en-
dlroit il pourroit pafTer la rivière. U
Navcmbre.
B R E, 17^^. <J37
la cottoyoit lorfque s' étant un peu
trop approché d'un petit bois, il
en fortit vingt GendarmcsAnglois,
qui vinrent à eux la lance en arrêt.
Le Maréchal & le grand Sénéchal,
fans connoître d'autre péril que ce-
lui où le Roi fc trouvoit expofé ,
fe mirent au-devant de lui , pour
arrêter la première impétuofité de
l'ennemi : le Maréchal fut d'abord
renverfé fous fon cheval , &: le
grand Sénéchal vit tomber par
éclats fon cimeterre. Mais ce guer-
rier eut alors recours à une maifc
d'armes qu'il portoit toujours pen-
due à r.irçon de fa fclle. Il en frap-
pe l'ennemi qui tombe fraLiifc
un coup fuccede à l'autre & pro-
duit le même effet. Philippe ou-
blie que c'eft un fujet qui combae
pour fon Roy , il va au fecours du
Sénéchal. Déjà la moitié des An-
glois mordent la pouflicrc , les au-
tres effrayés fe fauvcnt avec préci-
pitation dans les bois. La fageflc
de Philippe arrête le grand Séné-
chal qui veut les pourfuivre: le Roi
& lui vont fecourir le Maréchal
qui, étourdi d'un coup fur la tête ,
étoit fans connoiffance ; ils le font
revenir, l'aident à fe relever , le
remettent en felle , & prennent le
chemin du camp.
Les Anglois échappés à la maffc
du Comte des Barres , &c à l'épéc
de Philippe, furent forcés d'avoiier
que ce fait d'armes tenoit du prodi-
ge. Ils difoient qu'on ne racontoit
rien des Héros fabuleux , qui fur-
paffât ce qu'ils avoient vu faire à ce
François. Ils le nommèrent l'Acl il-
Ic de la France ; titre qu'il dut tvx
Pppp
éî8 JOURNAL D
ennemis mêmes de fon Roi, & qui
le fui vit dans le tombeau.
Ce feroit ici le lieu de parler du
voyage du Roi pour h Terre Sain-
te , du Siège de la Ville d'Acre , &
du retour de ce Prince en France,
mais comme nous l'avons lemar-
ES SÇAVANS;
que , ce ne font pas des articles af-
fez fufccptibles d'abrégé pour pou-
voir entrer dans notre Extrait. Au
refte , tout cet Ouvrage eft écrit de
manière que quand on en a une fois
commencé la lecture, il eft diffici-
le de la quitter.
rRAlTE DE LA SIMPLICITE' DE LA FOY.
A Paris , chez J. B. Lamcjls , rue de la vieille Bouderie j Antoine de
HeucjHeville , rue Gift-le- Cœur ; Henri, rue S. Jacques. 1733. vol.
in - 12. pages 245.
LA fimplicité de la Foi confifte
à croire fins difputer j & le
retranchement de toute difpute,
dit notre Auteur, eft abfolument
ncccftaire en matière de Religion.
C'eft ce qu'il fe propofe de montrer
à l'incrédule par des raifons fi for-
tes & fi convainquantes , dit - il ,
que fi l'incrédule a quelque droitu-
re, // les honorera de [on approhatiari^
ce font fes termes.
11 commence d'abord par repre-
fenter que tous les peuples de la
terre , foit barbares , foit policés ,
foit ignorans , foie fçavans , fe font
réunis en faveur de cette fimplicité,
& l'ont tous jugée abfolument ne-
eeftaire pour maintenir les diverfes
Religions qu'ils avoient inventées,
-OU qu'ils avoient reçues de leurs
pères. Ces Religions étoient pour
b plupart autant d'amas d'erreurs
Se de fuperftitions qui défiguroicnt
la Divinité , & l'ourrageoient au
lieu de l'honorer ; mais ces erreurs
&C ces fuperftitions , remarque ici
notre Auteur , avec quelle /i//,plici-
tifefaifoient-elles refpeEler? Les hom-
mes les plus fages. n'avaient pas la li-
berlè de les contredire : il fallait s'y
foîmettre , oh bien on éioit aiijjt - tôt
déclaré emicmi de la Religion & trai-
té de perturbateur de L'Etat.
Mahomet qui a eu foin de fou-
ftraire à la curiofité de fes Difciples
l'examen de fa Religion nouvelle ,
en leur interdifant fur ce fu^et toute
étude & toute difpute , n'eft pas
oublié ici. Puis on dit à l'incrédule
que itChriflianifme fondé fur le même
principe naturel tjue les autres Reli-
gions , défend aulli les difputes fur
les points de créance , & comman-
de de même la fimplicité , mais
qu'en même tems qu'il propofe des
Myfteres profonds où fe perd l'cf-
prit , il découvre les motifs qui les
rendent évidemment croyables.
Morih que le Chriftianifmc foû-
met aux raifonnemens de l'homme,
& dont il lui ordonne d'examiner
le fond &c les confequenccs , ce qui
donne à la Religion Chrétienne
l'avantage fur toutes les autres Re-
ligions , & ennoblit en même temt
la fimplicité qu'elle exige.
Pour procéder avec ordre , on
divifc le Traité en deux Parties»
N O V E M
dans la premicre on montre la fim-
plicité de la Foi par l'étibliflcmcnc
du Chriltianifmc -, puis on en fait
voir la neceiîîté 8c la fagciTe par
rincompreheniibilité de Dieu -, par
la nature de l'homme ; par la foi -
blcfle des connoiflances de l'hom-
tne ; par les égaremens de l'cf-
çrit humain abandonné à lui - mê-
me , ic par le témoignage de la
confcience.
Dans la féconde Partie on fe pro-
pe(e de montrer : Que les princi-
pes de la morale font fondes fur la
implicite : que cette fimplicité eft
la bafe de la Religion naturelle, de
la Religion Chrétienne , de la par-
faite charité & du Culte Divin, que
ce Culte Divin n'eft point l'effet
d'une crainte fervile, & que la /Im-
plicite n'eft pas la mcre de la fupcr-
ftition -, voilà ce que l'Auteur fe
propofe de montrer à l'incrédule.
Nous nous contenterons de quel-
ques exemples ; & ces exemples
nous les choifirons dans les répon-
fes que l'Auteur fiit aux objedrions
qu'il rapporte de l'incrédule.
Ohjeilion : » Ce Dieu qui félon
»i vous , a jette un voile obfcur fur
n fa face , peut-il me forcer à croire
»> ce que je ne puis ni comprendre
H ni même admettre dans mon
» imagination , fans doute il eft
3> fage , & par confequent s'il a pris
*> plaifir à fc cacher , il n'a pas pré-
» tendu que je le connuffe jamais.
» Ainfi ccsMyfteresincomprehe^-
>• fibles que la Religion propofe ne
« peuvent mériter la créance d'un
» efprit raifonnable. Ce font les
itj^wexki de quelque efprit écbauf-
B R E ; 173 3. 6j$
» fé , ou la production d'une poli-
»> tique induftrieufe.
Réponfe : » Je vous demande ,"
)' efprit fublime , qui avez affiftc
M aux confcils du Tout-puiffant, &:
" qui avez dirigé fes Ouvrages ,
» vous qui concevez admirable-
n ment bien les convenances & les
a proportioHs de chaque partie qui
» compofe l'Univers : Dieu eft-il en
» droit de fe refervcr quelques con-
" noiffances pleines &: parfaites ,
» dont il ne veuille vous donnée
» que de légères traces , & une idée
» confufe? Faut il que pour fe faire
» obéir j il découvre à vos yeux les
» fccretsdefa fagclTr , c-: nu'ti pre-
»ï fente à votre efprit une évidence
» qui le détermine à fc foûmectre i
"Car enfin ce qu'un père cfl en
» droit d'exiger de fon fils dont
n l'cfprit commence à s'ouvrir ; ce
» qu'un maître attend de fon Difci-
» pie i un Sçavant de celui qui n'i
» aucune teinture de fcience; Dieu
>• ne peut- il pas le commander à
» l'homme , & lui ordonner en
= vertu de fon pouvoir fuprêmc ,
» de le croire fur fa parole ;
ObjeElion : » On pourroit conve-
n nir fans que cela tire à confcquen-
» ce,queDieu peut exiger de i'hom-
n me , qu'il croyc ce qu'il ne com-
» prend pas ; maisl'exige-t ilcn ef-
» fet ? & quelles preuves pouvez-
»> vous apporter pour m'en con-
n vaincre?
Réponfe : » Quelles preuves ? ah
M plût au Ciel que le feul amour
«de la vérité mît ces paroles fut
«nos lèvres. Si vous l'autiiez avec
sautant; d'ardeur qu'elle le mérite,
Ppppg
^4» JOURNAL DE
» vous chercheriez , fans doute , un
» moyen fur qui vous aidât à la
a> découvrir , & vous conviendriez
i> de quelque principe qui conten-
» tât vorrc cfprit. Je vous en pro-
» duirois alors de fi fenfibles , que
» quiconque eft capable d'apperce-
» voir un principe dans les confe-
» quences , avoiieroit ou que Dieu
» 3 parlé , ou qu'il n'eft aucune re-
>» gle pour connoître la vérité.
Notre Auteur , par ce difcours ,
tient l'incrédule en fufpens fans le
fatisfairc , mais il va lui parler plus
précifément.
»Il eft une Religion , vous di-
» rois-je d'abord , il eft donc quel-
» ques principes infaillibles pour
" dlftingucr fi elle eft divine ou
» non -, ces principes doivent être
=ofondés fur la fagefle &proporticn-
" nés à la portée de l'homme ; j'a-
wjoûteroisenfujte, qu'il eft certains
"figues extérieurs qui nous élèvent
» à la connoiftance de la volonté
» divine. Je vous citerois des Pro-
» phcties qui paftent la pénétra-
»» rion de tout efprit créé , juftifices
» par l'évencmenr, j'étalerois à vos
30 yeux un nombre infini de mira-
» des opérés en preuve deladivi-
w nité de l'Evangile; je vous parle-
»rois de la converfion du monde ,
« du courage des Martyrs , de la
» vertu héroïque des Confefteurs ,
» &: des Vierges , & fi vous traitiez
M toutes ces preuves avec mépris ,
» je vous dirois enfin qu'il a été
» prédit que cette parole divine
ïjferoitméprifée &c rejettéc dcsfu-
» pcrbes & des voluptueux. De Ces
nuits incooteilabks^ quelle con-
S SÇAVANS ,
M fcqucnce ne pourrois je pas tfrer?
)j Que lui manqueroit - il , pour
» avoir la force de la démonftra-
» tion la plus claiie i qu'en penfcz-;
» vous ?
Telle eft la manière dont l'Au-
teur réplique à l'inftance que vient
de faire l'incrédule. Ces deux feuls
exemples pourroient fuffire pour
donner de ce Traité l'idée qu'on
en doit avoir ; mais on en aura une
notion encore plus complettc par
les deux autres qui fuivent -, & que
nous prenons dans leur rang com-
me les deux premiers -, c'eft-à-dirc,
fans leschoifir.
Oije^ion : Notre Auteur fait di~
rc à l'incrédule , que » Dieu doit
»» proportionner les moyens aux
» fins particulières qu'il fe propofe.
>j Que par confequent fi Dieu avoit
» voulu s'attacher l'homme par
» des nœuds indifiblubles , il étoit
» à propos qu'il l'élevât au-deftiis
» de fon infirmité naturelle , &
x qu'il délivrât fon efprit de l'efcla-
» vage des fens v Qu'il pouvoir tc-
» pandre fur lui quelques rayons
» de fa gloire, S< diffiper lesnua-
» gcs dont l'efprit de l'homme eft
» couvert ; que cela étoit neceffairc
>> afin que l'homme formé pour
«connoître Dieu, le conniàt fans
» peine, & ne pijtrefufer uncon-
» fentement qui n'eft dû qu'à l'évi-
» dence de la vérité.
^e)?. Notre Auteur répond qu'cf-
fedivement Dieu pouvoit faire
tout ce que dit là l'incrédule ; mais
qu'il étoit de la fagefle divine d'éta-
blir parmi les créatures intelligen-
tes , quelque inégalité. Qji'àla véiif
N O V E M
té il pouvoit donner à l'homme des
connoiflànces plus claires de la Di-
vinité, mais que s'il l'avoit fait,
l'homme auroit changé de nature ,
cnforte que ce ne feroit plus cet
animal raifonnable , autant fournis
à la matière, que conduit par la
raifon ; que ce ne feroit plus un
être foible , inconftant , limité ;
Qu'il ne tiendroit plus la dernière
place parmi les créatures douées
d'intelligence -, Qu'il n'y auroit
prefquc plus de foi pour lui , pref-
que plus d'efperance ; Que ces
deux vertus reléguées fuv la terre ,
en érant bannies, priveroient Dieu
d'un hommage qui lui eft dû , & ne
laifTeroient aucun lieu à fa juftice.
Notre Auteur ne termine pas à
cela fa réponfe : il croit necelTaire
d'ajouter que Dieu pouvoit élever
l'homme à la condition des fub-
ûances purement fpirituelles, ou
lui donner un corps plus fubtil &
plus délié; qu'il pouvoit embellir
îbn efprit des connoiiïances les
pUis parfaites , que l'homme au-
roit trouvé fon avantage à ce chan-
gement , que la brute auroit auilî
trouvé le fien de refTembler à
l'homme , mais que Dieu n'y au-
roit pas trouvé fa gloire : Qu'il fal-
loit , pour étabhr quelque ordre
parmi les créatures , tenir l'homme
au-defTous des fubftanccs dégagées
de la matière craiïe ; & que Dieu
ne pouvoit mieux y réuflir qu'en
ne donnant à l'homme que des con-
noiflànces bornées , touchant les
véritez céleftes , tandis qu'il les ré-
pand avec une efpece de profufion,
fus ks autres créatures intelligçn-
B R E , 17 3 3' ^41
tes : Qu'enfin Dieu a voulu que
l'homme ne l'apperçût qu'à tra-
vers d'épais nuages , ^fn ^uil
fût in état de mériter, par la /im-
plicite Je fa foi , f avant âge de con-
templer un jour fa beauté divine face
àface.
L'Auteur introduit ici un Philo-
fophe qui fe joint à l'incrédule , &
qui dit que l'intelligence de l'hom-
me n'eft point fi bornée qu'on pré--
tend le taire entendre dans la ré-
ponfe précédente ; qu'au contraire
l'homme a reçu du Ciel un efprit
fupericur , capable de s'élever par
fes propres forces jufqu'à la con-
noilTance d'un premier principe i
Que cet efprit vafte , fublime , dé-
gagé de matière, parcourt le pafle,
pénétre dans l'avenir , découvre les
caufês naturelles dans leurs effets ,
réunit en un même point fes objets
les plus éloignés ; qu'il n'eft rien où
fon adivité ne puifle le porter.
L'Auteur répond qu'il demeure
d'accord de tout cela, & que c'eft
pour cette raifon qu'il place l'hom-
me entre Dieu que l'homme peut
connoître, & le vermiflcau qui ne
fçauroit s'élever au-deflus du fenfi-
ble; mais que malgré les rapports
qui fe trouvent entre l'homme &
la Divinité, il y a encore plus de
proportion entre l'homme & le ver-
mifleau ^ qu'il n'y en a entre l'être
fuprême & l'homme le plus éclairé.
Voici la preuve qu'il en donne r
l'homme , dit-il , connoît qu'il y a
un Dieu , parce que tout ce qu'il
apperçoit le fait remonter à un
premier principe ; l'infecîte remué
frappé, coupé, fcnc qu'il y a «a.
6^z JOURNAL DE
agent plus tort que lui , &qui peut
le détruire. L'homme ne fçauroit
ComprendrercfTcncc divine , il ne
la connoîc que confufèment , &
plutôt par conjecture que par aucu-
ne pcrfuifion. L'mfcde ne connoît
l'homme que par les rapports qu'il
a avec l'homme ; l'infcde a peut-
t-trc le fcntiment plus exquis ^ mais
ce font mêmes principes de viefen-
iïtivc, mêmes moyens de la confer-
ver , mêmes opérations naturelles.
Cela pofé , notre Auteur deman-
de il cet animal eft donc en droit
de fe mefurer avec l'homme ? &: il
répond qu'on ne fçauroit lui conte-
fter ce droit , (î l'homme a celui de
fc mefurer avec Dieu. L'infecle ,
pourfuit - il , pourra donc entrer
dans les confeils de l'homme , di-
riger fes cntreprifes , critiquer fes
ouvrages , 5c qui pourroit l'en em-
pêcher ? puifqu'il a reçu de la natu-
re autant de force pour connoîtrc
ce qui eft renfermé dans la matière ,
qu'en a reçu l'homme pour connoî-
tre Dieu.
Comme cette idée révolte l'ef-
prit , l'Auteur conclut , qu'elle
doit lervir à faire rentrer l'incrédu-
le en lui-même, ôcà le convaincre
de l'excès de fa témérité , lorfqu'il
ofe demander à Dieu raifon de fes
ouvrages j l'incrédule allègue pour
autorifer fon incrédulité , qu'il ne
peut comprendre pourquoi Dieu ,
prévoyant que l'homme feroitun
mauvais ufige de fa liberté & s'en
ferviroit contre fbn Créateur , ce
Dieufagc ^ jaloux de fi gloire, ami
de l'homme , ne lui a pas donne
ic plut fortes iaclinations pour le
S S Ç A V A N S ,
bien. Il ne le peut comprendre '
répond l'Auteur , qu'il fe contente
donc de le croire , » puifque s'jllc
n comprenoit il cclferoit d'être
» homme , de même que cet infec-
>> te dont on vient de parler , chan-
» geroic de nature , s'il pouvoir
» comprendre pourquoi l'homme
» le coupe & le taille.
Pour faire mieux fentir quelle eft
l'injuftice de l'incrédule , lorfquc
au lieu de fe conduire avec la fim-
plicité qu'exige la Foi, il veut alTer-
vir la Religion à fes idées , & faire
dépendre fa foi de l'évidence , no-
tre Auteur le compare à un aveugle
de nailTance , qui n'ayant aucune
idée des couleurs , nieroit ce qu'il
en entendroit dire.
L'incrédule ne veut aucun culte
de Religion : voici fur ce fujet (es
objedions, & les réponfes qu'y fait
notre Auteur.
0''jeBion : L'on fait dire à
l'incrédule « que Dieu étant un
n être infiniment grand par lui-
)> même , n'a befoin ni de nos œu-
» vres ni de notre cuire ; Que feul
» arbitre de fes volontez , il ne peut
» être déterminé par nos bonnes
» actions à nous tavorifer , ni arrê-
>»té dans le mal qu'il a refolu de
1» nous faire ; Que les prières frc-
» qucntes , les jeûnes , les facrifi-
>»ccs, les pratiques de dévotion ,
» qui réunilTent les Fidèles dans
» une même forte de culte exte-
» rieur , font autant d'inventions
» humaines que Dieu regarde d'un
» œil indiffèrent ; Que cette indiffe-
» rence paroît en ce que les chofes
1- de ce monde vont toujours leur
wmcmc cours.
N O V E M B
Rtfonfe : » Attaquons fcparé-
» ment chacune de ces propofitions
» §c cxpofons-lcs dans un jour où
» elles excitent la pitié de l'incré-
»dule même : Qiioi donc Dieu en
» agilTant hors de lui-même , a-t-il
» rendu fcs créatutes tout-à-fait in-
*j dépendantes 'i Les a-t-il entiere-
» ment détachées de leur principe ,
M iorfqu'il leur a donné la vertu
s d'agir î Elles ne feroient plus
5> dans l'ordre , fi elles n'étoient
» fubordonnécs ; & Dieu ne fcroit
» pas Dieu , s'il y avoir quelque
» chofe dans la nature qui ne fût
n pas fournis à fes loix. Mais fi les
» créatures font toujours dépcn-
» dantes , elles tiennent à Dieu par
w des liens indiffolubles , & par
« conlequent Dieu peut exiger des
» hommages particuliers de celles
i> qu'il a rendues capables de le
» connoître , Se de fentir leur dé-
» pendance.
Notre Auteur en appelle ici au
témoignage de la nature même
dont la voix , dit il , fe fait enten-
dre à tous les hommes , &c qui par
les fentimcns de crainte & de ref-
peâ: , d'amour & d'efperance
qu'elle a gravés en eux , les porte
fans ceffe à honorer le principe de
leur être.
Mais s'enfuit - il , demande l'in-
crédule » que l'on foit obligé
« de témoigner cet an^our & ce
ai refped par des fignes extérieurs
» plus propres , dit- il ^ à fixer l'ima-
3) gination des fimples qu'à toucher
» le cœur du Tout-puifTant î Com-
» ment Dieu qui n'eft fcafible
wq^u'aux affections de l'efprjt ,
R E ; 1 7 5 5; (^45
» pourroit - il être touché de ces
» mortifications volontaires qui
" n'affligent que le corps ; de ces
5> humiliations extérieures qui ne
» tiennent rien de 15 grandeur de
» Dieu , ni de la noblefic de l'hom-
« me ; de ces exercices de pieté qui
»> fervent à remplir le vuidc de la
» vie de certaines perfonncs oifi-
»ves ?
Réponfe : Ah ! dites plutôt que
Dieu regarde avec indiflercnce les
adultères ^ les meurtres , les rapi-
nes , les parjures , parce que le
corps fcrt d'inftrument à ces œu-
vres d'iniquité. Il efi vrai que Dieu
par rapport à lui-même , n'a pas be-
ibin de nos actions , non plus que
de notre amour ; mais répondez-
moi , ne peuril pas exiger de nous
quelques marques de rcfpedl 6<: de
foûmiflîon qui lui procurent une
gloire accidentelle , dont tout le
fruit fera pour nous ? N'eft - il pas
également le maître du corps S>C
de l'efprit ? or comme il a irrpiimé
dans l'ame un fentiment religieux
qui la porte à s'unir à fon Créateur
par l'amour & l'eftime , n'a - 1- il
pas droit d'attendre que l'ame im-
prime au corps des mouvemens
conformes à fa foûmiflîon & à fon
rcfped ? Et s'il n'eft pas fenfible
aux mouvemens du corps , il l'eft
du moins aux affedions de l'ame
qui les lui confacre , il l'eft aux mo-
tifs qui les animent.
Quant à ce que le Déifte objeûc,
que ces pratiques & ces cérémonies
font des inventions humaines ,
établies pour contenir le peuple
dans le devoir , & pour le frappes
<r44 JOURNALD
par des images fenfibles \ mais
qu'elles n'ont rien de divin , &
que chacun peut à fon gré les omet-
tre , ou les remplacer par d'autres
qui lui plairont davantage , notre
Auteur répond i°. que les hommes
Étant compofés d'un corps aullî-
bien que d'une ame dégagée de ma-
tière , ont befoin de fignes fenlibles
qui les réunitîent dans la même
forme de culte , & qui expriment
à leurs yeux les fenrimens dont
chacun eft intérieurement pénétré :
z°. Que fi la Religion eft divine
dans les véritez qu'elle enfeigne, &
dans les loix qu'elle propofc , il
faut qu'elle le foit auflTi dans le cul-
te extérieur qu'elle rend au premier
Etre -, parce que ce culte eft de l'ef-
fence de la Religion , qu'il en eft
la forme , qu'il vient de la même
fource , & qu'il a le même objet que
les véritez dogmatiques , & les rè-
gles de morale : 3°. Que l'Eglife
dcpofitaire de l'autorité de Dieu ^
eft en droit de prefcrire au culte
qu'elle rend à fon Chef, la forme
qu'elle juge la plus convenable ;
Qu'étant toujours gouvernée par
le S. Efprit elle ne peut fe tromper
dans la forme qu'elle prcfcrit poivr
ce culte ; Qii'il n'en faut pas davan-
tage pour élever le culte divin au-
delTus de tout ce que la fagefte hu-
maine peut imaginer. Notre Au-
teur dit en quatrième lieu j que
quand même Dieu n'auroit pas aflî-
fté particulièrement l'Egliie dans
l'établilTement du culte qu'elle exi-
ge des Fidèles , l'Eglife n'auroit pu
lui donner une forme plus noble &
plus fainte que celle qui révolte
E S SÇAVANS.
l'impie, & qui choque l'Hérétique.'
Mais il remarque que » pours'ap-
I» percevoir de la noblefle & de la
» fainteté dont il s'agit , il faut
» avoir un fond de Religion &: de
» (Implicite i & que fans cela on
» eft incapable d'aucun fcntiment
« envers le père commun.
Nous ne croyons pas nccefTairc
de rapporter un plus grand nombre
d'exemples de ce Traité. On peut
furement juger de tous les autres
par ceux-là •, nous les avons abrégés
quant au difcours , mais nous n'en
avons rien retranché pour le fonds.
Peut-être même que l'abrégé que
nous en avons fait ne les aura pas
rendu moins intelligibles.
Au rtfte l'Auteur compte beau-
coup fur l'approbation de fes Lec-
teurs , pourvu Toutefois que ce
foient gens de henfeni & eCefprit :
car il met cette condition. Comme
j'ai compofé mon Ouvrage avec toute
la di-oiture pojfible , dit - il dans fa
Préface , j'ofe mi flatter cjue les per-
fonnss de bon [cm & d^ efprit tjui le
liront en feront fatisfaites , & tfu^ elles
fuppléront par elles-mêmes 4 ce qne
l'amour de la brièveté m' a fait oufup*
primer ou traiter légèrement.
Notre Auteur , comme on voit,
reconnoît qu'il a laiifé dans fon Ou-
vra?e certaines chofes en arrière ,
aufquelles il eft à propos que les
perfonnes éclairées fuppléent. Quel-
ques Ledleurs diront , fans doute ,
qu'il peut efperer cette grâce ow
cette juftice de ceux qui font pro-
feffion de la foi -, mais qu'il ne doit
pas avec la même confiance , l'at-
tendre de l'incrédule, qui eft celui
poui
N O VE M B R E ; 17??. ^4J
pcfur qui il écrit , & qui bien loin qu'on lui fait , tâchera même , s'il
,de vouloir fuppléer à ce qui peut lui efl: polllble , d'affoiblir tout ce
ïTianquer de bon aux réponfes qu'il y trouvera de ce caradtere.
HISTOIRE DE L'EGLISE GALLICANE DE'DIE'E A
Noffeigneurs du Clergé; p^ir le P. Jacques Longueval, de la Compagnie de
Jefits. Depuis l'an î^^.jufju'àl'an 987. Tome VI. A Paris .chez François
Momalant ^ Quai des Auguftins i Jean-Baptifte Coignard , Imprimeur
du Roi, rue S. Jacques , à la Bible d'or , Hyppolire-Louis Cjnerin ,
&: Jacques Rollin fils. 1733. in-/^. pp. 576^. fans y comprendre k Table
des Matières.
L'HISTOIRE dcGothef-
calc qui entreprit de renou-
veller les pernicieux dogmes du
Prédertinatianifme remplit la plus
grande partie du ié° Livre de cette
Hiftoire. L'Auteur y remarque que
fi l'Eglife avoit perdu la plus gran-
de partie de fon temporel par la
licence des Guerres - Civiles &
étrangères dont il acte parlé dans
les Livres précédens , elle avoit
eu néanmoins la confolation de
tonferver fans atteinte le précieux
dépôt de la Foi. Gothefcalc eut la
témérité de l'attaquer , Si s'il ne
léuflît pas à faire un grand nombre
de Seifiateurs , il fut du moins af-
fèz malheureux pour femer la divi-
fion dans le corps des Evêques.
Le Novateur étoit fils d'un
Comte Saxon , & fut ofert dans
£bn enfance au Monaftcre de Fulde;
mais quand il fut plus avancé en
iPÇ. , il trouva le moyen de récla-
mer contre les engagemens que (es
parens avoient contradé à fon inf-
cû l'Archevêque de Mayence à la
tête d'un Concile, lui permit de les
rompre Se de quitter le Monaftere
de fulde. Raban qui en étoit pour
Novtmbre.
lors Abbé , écrivit contre cette dé-
cifîon , & foûtint par plufieurs au-
toritez que les liens des enfans of-
ferts en bas-âge dans les Monafte-
res étoient indiffolubles. On croit
même que l'Empereur touché de
fes raifons engagea l'Archevêque de
Mayence à révoquer fa fentence.
Quoi qu'il en foit , Gotlicfcalc re-
prit fon premier état , & fembla fc
fixer depuis dans le Monallerc
d'Orbais au Diocéfe de Soiffons;
mais comme il étoit Moine malgré
lui , il fe mit peu en peine de rem-
plir les devoirs de fa Profcflîon.
» C'étoit , dit le P. Longueval
» un homme inquiet &; entêté qui
>» avoit toutes les difpofitions pro-
» près à devenir un dangereux No-
» vateur. Car il avoit de l'efprit ,'
» alTez peu d'étude , & un grand
» fond de prcfomption. L'artifice
»fuppléoit aux qualités qui lui man-
» quoient ■■, il étoit naturellement
«adroit & dilllmulé. L'efprit de
» l'Héréfie le rendit tourbe jufques
» dans fes Profeffions de foi : il
» pourroit cependant paroître fin-
M cére dans un portrait qu'il fait de
» lui-même , où il fe donne pour
<r4^ JOURNAt DE
M un étouidi Si un avanturier.
Stultomm Prificeps ,
jibruptii per omnia praceps.
Il fut quelque tcms fous la con-
duite de Valafride - Strabon qui lui
donna de grandes loiianges dans
fes vers. » Outre qu'elles cou-
vrent peu aux Poètes , peut-être
sj que le Moine Allemand paroif-
»i loit alors les mériter \ « mais
l'inquiétude de fon efprit l'ayant
livré à des recherches téméraires
fur les matières les plus prolondes
de la Théologie , il s'égara fur tout
par rapport à la Trédeftination.
L'impiété de fes fentimens ne vmt
pas plutôt aux oreilles de Raban
qui depuis peu avoit été élevé fur
le Siège de Mayence , que ce Prélat
compofa un Livre pour les réfuter;
& en même tems il écrivit au
Comte Eberard un des prmcipaux
Seigneurs de la Cour de Lothaire ,
chez qui Gothcfcalc s'éroit retiré
fous prétexte d'un pcl-érinage qu'il
avoit hit en Italie , & il lui ht con-
noîtrc tout le rifqu^ qu'il couroit à
carder plus long-tems un Hôte fi
dangereux •■, le Comte qui n'étoit
pas de ces pcrfonnes quilorfqu'el-
îes fe font une fois entêtées d'un
faux Docteur , n'écoutent plus que
lui, chaffa Gothcfcalc de fa maifon,
èc ce Moine alla répandre fes er-
reurs dans quelques Provinces de
la baffe Allemagne.
Il répondit à l'Ecrit que Ra-
ban avoit compofé contre lui , &c
pour le rendre odieux , = il ne
»■ manqua pas de l'accufer de Sémi-
» pébgianifmc , calomnie que fes
S SÇAVANS;
» Scdateurs ont fouvent renouvel-
n lée depuis pour noircir les Au-
» tcurs Catholiques qui les ont
«combattus.
Mais ayant eu la préfomption de
venir débiter fes erreurs à Mayence
d:.ns le tems même que Loujs y te-
noit une affemblée d'Evêques & de
Seigneurs au mois d'Octobre de
l'an S48. Raban w qui n'étoit pas
» pas de ces Paftcurs timides & in-
« dolens qui fc cachent d'abord à
>» eux-mêmes les progrès de l'er-
» reur pour s'épargner la peine de
M s'y oppofer , &c qui cnfuite s'en
jîlaiffent effiayer jufqu'à croire le
» mal fans remède pour fe difpcn-
"fer d'y en appliquer quelqu'un, <«
Raban cita Gothcfcalc à comparoî-
tre devant l'alTemblée des Prclits •>
fes blafphêmes y furent condam-
nés , & dans la crainte qu'il ne
continuât à les répandre , on l'en-
voya fous bonne garde à Hincmare
Archevêque de Rheims , & fon
Métropolitain.
Raban , au nom du Concile , lui
écrivit la Lettre fuivante : » Nous
» avons cru devoir vous donner
» avis qu'un Moine vagabond
» nommé Gothcfcalc . . . féduit les
» peuples par une dodrine perni-
» cicufe fur la Prédeftination , il
»enfe!gne que Dieu prédcftine au
M mal comme au bien , & qu'il y a
î» des hommes qui ne peuvent fe
» corriger de leurs péchez ni de
» leurs erreurs à caufe de la Prédc-
wftination, qui les entraîne mal-
3> gré eux à la perte , comme fi-
» Dieu les avoit créés incorrigibles-
»> S< pour les damner. ... A ce que
N O V E M
»5 j'en ai appris , il a perverti bien
"des Chrétiens, en qui il a éteint
» le zclc &c l'ardeur qu'ils avoient
i> pour Icurfalut ; à quoi bon , di-
»> lent-lis, me donner tant de peine
j> pour fcrvir le Seigneur , fi je fuis
» prcdeftiné pour la mort éterncl-
»j le , je ne l'éviterai pas; aucon-
» traire fi je fiais prédeftiné pour
» k vie , j'aurai beau vivre mal ,
"j'arriverai certainement au règne
»> éternel î
Un Hiftorien récent , M. Flcury,
dit que l'expofition que Raban
fait ici de la dodrine de Gothef-
calc lui paroît peu fidclle , parce
qu'elle n'efl: pas exadement con-
forme à l'Ecrit qu'Hincmare cite
de Gothefcalc ; mais Raban ne dit
point que les blafphêmcs qu'il rap-
porte, foicnt contenus dans l'Ecrit
dont il cft qucftion , il allure qu'il
les a ouis de la bouche même de
Gothefcalc lorfqu'U tut forcé d'ex-
pliquer dans le Concile ce que la
confeilîon de foi qu'il prcfentoit ,
avoit d'ambigu & de captieux.
Voudroit-on , ajoute l'Auteur , ac-
cufer d'infidélité les faints Doc-
teurs qui ont écrit contre Pelage &
Celcftius , parce qu'ils en rappor-
tent des traits qui ne fe trouvent
point dans les artificieufcs profef-
fions de foi que ces Hérétiques
prefenterent ?
Hincmare jugea mieux des lu-
mières &C de la pieté de Raban , 8c
profitant d'une artemblée d'Evê-
ques & de Seigneurs que le Roi
avoit indiquée à Kicrfi l'an 849.
Gothefcalc y fut conduit , mais
loin d'y abjurer fes erreurs , il les
B R E i I7Î 5« <?47
foûtintavec une audace & un em-
portement qui obligèrent les Evê-
ques au nombre de 12 , à pronon-
cer contre lui une fentence qui
l'interdifoit de toutes les fondions
du Sacerdoce qu'il avoit, difent ils,
deshonoré par des mœurs corrom-
pues & par une dodrine perverfc;
ils le condamnèrent de plus à être
rudement fouetté. Si enfuite renfer-
mé en une prifon. La fentence finit
par ces paroles , » Se afin que vous
w ne vous ingériez plus dans le Mi-
» niftere d'enfeigner , nous vous
» impofons par la vertu du Verbe
» Eternel, un filence perpétuel.
Le fouet étoit félon la Règle de
S. Benoît , la punition des Moines
refradaires , & le Supérieur de Go-
thefcalc qui étoit prefent , l'avoit
jugé digne de cette peine avec les
autres Abbez ; un châtiment fi
humiliant qu'il reçut devant les
Pères du Concile , ne fit qu'irriter
l'orgueil de ce Moine ; Se fur le
refus qu'il fit de figner une efpece
de formulaire contraire à fes er-
reurs qui lui tut envoyé par Hinc-
mare , ce Prélat défendit qu'on
l'admît à la participation des Sacre-
mens. D'un autre côté Gothefcalc
s'offrit de prouver la pureté de fa
dodrine par l'épreuve de l'huile
bouillante , & répandit dans le
monde deux profeflions de foi
captieufes qui ne laifTercnt pas d'en
impofer à pludeurs perfonncs , &
fur-tont aux Moines -, comme les
Solitaires les plus ignorans & les
plus aufteres font fouvent les plus
opiniâtres dans l'erreur quind ils
ont une fois le malheur de s'y iaif-
<48 JOURNALD
fer engager , Ilincmarc compofa
pour leur inrtruclion un Ecrit qu'il
adrelTa aux llmplcs , & aux reclus
de fon Dioccfe.
Qiiciqucs Evcques prirent mê-
me la dcfenfe de Gothefcalc , mais
en condamnant fa doctrine , ils en-
treprirent de juftihcr fa perfonne Sc
fes Ecrits. Cette diftinction du fait
& du droit, fut comme un fort, où
l'erreur fe retrancha pour fe mettre
à couvert des coups qu'on lui por-
toir. On publia de part & d'autre
un grand nombre d'Ecrits , dont
on trouve un précis exa(ft dans
l'Auteur. Le Roi Charles lui-même
qui aimoit ces fortes de guerres
Théologiques , plus que celles
qu'il auroit dû faire pour la détenfe
de fon Royaume , attifa le feu , &c
engagea les Sçavans hommes de la
France à écrire fur les matières de
la Prédefttnation.
Hincmare voyant la divifion
s'augmenter de plus en plus tint
par l'ordre du Roi un fécond Con-
cile à Kierfi au mois de Mai de l'an
S 5 3. Sc y drefla quatre fameux arti-
cles fur la Grâce & la Prédeftina-
tion. Ils furent fignés par le Roi
Charles , par tous les Evêques , les
Abbez du Concile , & même par
Prudence Evêque de Troye qui
avoit été toi^ijours favorable à Go-
thefcalc.
Ces quatre articles firent grand
bruit , éc diviferent tellement les
Evêques, que le Concile de Valen-
ce tenu en 8 5 5. leur en oppofa fix
autres , ôc fit un Canon pour dé-
fendre d'enfcigner les quatre arti-
cles de KkiCi comme iniuileg^
ES SÇAVANS,
même nuifiblcs, & renfermant une
erreur contraire à la vérité.
On voit par ce Canon , dit le P.
Longueval , que ces Prélats , pout
combattre les articles deKicrfi,leu^
attribuèrent un fens que le fcul ef-
prit d'animofité Se de critique peut
controuver , ils firent entendre
qu'on enfeignoit dans ces articles
que J. C. étoittellement mort pout
tous les hommes , qu'il avoit déli-
vré tous les damnez de l'enfer.
Ebbon de Grenoble , neveu
d'Ebbon Archevêque de Rheims,
par cette raifon ennemi d'Hincma-
re , & le principal Auteur des d-Â
articles de Valence , alla de la pare
de l'Empereur Lothaire les portcif
au Roi Charles. Ce Prince les re-*
mit .\ Hincmare qui y répondit pat
un Ouvrage qui eft perdu.
L'Empereur Lothaire qui pan-
choit du côté des Evêques de Va-
lence , & qui ne prenoit pas moins
de part à ces difputcs que le Roi
Charles , mourut cette même an-
née , dans des fcntimens bien dif-
ferens de ceux qu'il avoit témoi-
gnés pendant toute fa vie ; fs
voyant près de fa fin , il renonça à
l'Empire , & s'étant tait porter an
Monaftere de Prum , il y prit l'ha-
bit Religieux plutôt pour mourir
que pour vivre en Moine ; il ne
furvêcut en effet que fix jours a
cette cérémonie , & il mourut dans
la foixantiéme année de fon âge.
Quelque tardive , & quelque
courte qu'ait été cette pénitence,
après tant de crimes , des Auteurs
Bénédictins l'ont cru fuffifante poui
k mcttie au combie do Uast
N O V E M
Saints -, mais le P. Mabilion s'cft
contenté de dire que cet Empereur
écoit de pieufe Mémoire. Un autre
Auteur a écrit , qu'après la mort
de Lothaire , les bons Anges & les
Démons difputcrent à qui i'auroif ;
& que les bons Anges en prenant
fon ame , dirent aux Démons , mus
vous abandonnons l' tnipereur ^ mais
noies emportons le Adoine an Ciel.
Cette mort prodiiifit de grands
troubles dans l'Etat & dans l'Egli-
fe; les E vcques fe partagèrent entre
les trois hJs de Lothaire, & Charles
Roi de Neuftrie.L'Auteur dévelop-
pe ces troubles autant qu'ils ont
rapport à fon fujet -, mais la necefli-
té de fe défendre contre les ravages
des Normands , fembla enfin réu-
nir ces Princes Se leur faire oublier
tout autre intérêt. Charles Roi de
Neuftrie , Louis Roi de Germanie,
& Lothaire Roi de Lorraine s'étant
alTemblés à Coblentz le quatrième
de Juin de l'année %6o. ils firent
cntr'citx une paix qui parut fincere,
& dans laquelle ils comprirent
Charles Roi de Provence & l'Em-
reur Loais.
Ces Princes ayant aînfi concilié
leurs intérêts , tâchèrent aufTi de
concilier ceux des Evoques de leurs
Royaumes \ Charles le Chauve &
Lothaire convoquèrent à ce delTein
un nombreux Concile à Touzi
proche de Toul. Dans la crainte
d'irriter les efprits , on ne jugea pas
à propos d'y parler formellement
des articles de Kierfi , ni de ceux
de Valence fur lefquels les Prélats
étoient toujours divifés , on fe con-
tenta d'cxpliquei la foi del'Eglife
B R E , I 7 5 j: <r4^
fur les matières de la Grâce & de la
Prédeftination ; mais d'une maniè-
re qui afTure la vidoire aux Evc-I
ques de Kierfi. Ce fut Hincmare
lui-même qui drcffa la Lettre que
le Concile adrtfla à ce fujctà tous
les Fidèles. Ainfit'ut terminée une
difpute quijdcpuis quelques années,
partagcoit l'Epifcopac en France,
a on peut dire qu'elle ne dura fl
s>long-tems que parce qu'on ne
» vouloir pas s'entendre , car il pa>
» roît que les Prélats qui y curent
» part , étoient d'accord fur le fond
» du dogme.
On ne peut pas alTurer la même
chofe de Gothefcalc \ toujours opi-
niâtre dans fes erreurs , le chagrin
& la piifon lui avoicnt encore^ af-
foibli l'efprit, qu'il n'avoit jamais
eu fort folide. D'Hérétique il de-
vint Vifionnaire & Fanatique , il r
a peu de chemin de l'un à î'aUtre. ÏI
fe mck même de faire des prédic-
tions dont il reconnut la fauiïetc
fans revenir de fes illufions.
Etant tombé dangereufcment
malade , les Moines d'Hautvilliers
chez qui il étoit enfermé , en don-
nèrent avis à Hincmare. Ce Prélat
drerta une courte confelîîon de foi
& les chargea d'exhorterGothefcalc
à la foufcrire pour mériter d'être
admis à la participation des Sacre-
mens , mais il la rejetta avec ai.
grcur j & mourut ainfi dans l'im-
pénitencc & dans l'opiniâtreté ^
j> fruits ordinaires de Terreur , fur-
» tout pour les perfonnes qui s'y li-
» vrent dans une profellîon fainte»^
Le Prédcftinatianifme , grâce à la
fermeté d'Hincmare fut comme
<?;o JOURNAL DE
cnfevcli dins li prifoa &c dans le
tombeau de Goch.-fcalc.
Les bornes écroircsdanslefqucl-
Ics nous fommes obligés de nous
renfermer , nous ont concraincs de
rapporter de fuite toute cette Hi-
floire , &c de palTer fous iilence le
divorce de Lothaireavcc la Reine
Tcutbcrge , l'a'Tiirc de Rhothadc
Evèque de Soillons , celle des
Clercs de Rheims qui avoient été
ordonnes pat Ebbon. Differcns
Conciles , la Vie Se la Mort des
Hommes Illuflrtes par leurfcience,
& par leur pieté , &c une infinité
d'autres traits que le P. Longucvai
fait entrer dans ce Livre avec l'or-
dre &c la netteté qui lui font ordi-
naires.
On voit dans le dix - feptiéme
Livre la nailTance du Schifme de
Photius •, diffcrens extraits des Ou-
vrages que plulîeurs Evcques de
France cornpoferent à la prière du
Pape Nicolas l. pour répondre aux
accufations <Sc aux calomnies que le
Patriarche de Conftantinople ré-
pandoit contre l'Eglife Romaine ,
& un morceau très-curieux fur la
manière dont on proccdoit à l'exa-
men des Evcques avant de les or-
donner. Depuis que Louis le Dé-
bonnaiie avoit rendu la liberté des
Eledions , l'ambition des préten-
dans exciroit fouvent des btftions
dont les fuites étoient quelquefois
très - funcftcs aux Eglifes qui en
étoient agitéesice qui arriva à l'Egli-
fe de Rhcims après la mort d'Hinc-
marc en tournit un exemple ter-
rible. Il faut avoiicr cependant que
lesMctropolitains&lesEvêques de
S SÇAVANS ;
la Province prcnoient les plus fj-
ges précautions pour s'aifurcr de la
canonictté de l'éleiflion , aulTi bien
que de la pieté Se de la dodrinc du
fuiec qui étoit élu. On eu trouve
une preuve dans ce que le Perc
Longucvai nous rapporte de l'exa-
men que Villebert élu Evêque de
Chalons fur Maine fut obligé de
fubir. Aurefte , cet examen n'étoit
point une finiple formalité. On
voit dans cette Hiftoire des Evc-
ques nommés ou élus qui furent
refufés Se déclarés indignes de l'E-
pifcopat pour leur incapacité. Se à
cette occafion notre Auteur nous
donne un détail des règles qui
étoient en ufage pour l'élcdion
desEvêques, & pour leur ordina-
tion ; le tout tiré d'Auteurs auten-
tiques qu'il ne fait , dit- il , que tra-
duire.
Il reprend aufll dans le même
Livre la fuite des inftances que fit
Lothaire pour faire calTer fon ma-
riage avec la Reine Teutbcrge. Ce
Prince qui avoit d^fefperé de flé-
chir la fermeté du Pape Nicolas L
fc flatta qu'il pourroit trouver plus
de facilité auprès d'Adrien II. fon
Succcfleur. Déjà le Pape avoit levé
l'excommunication que Nicolas I.
avoit lancé contre Valdrade Con-
cubine de Lothaire fur les alfuran-
ces qu'on lui donna qu'elle n'avoit
plus aucune liaifon criminelle avec
lui , <]uoiqu'il fût toujours dans la
refolution de l'époufer. Teutbergc,
d'un autre côté , laHce des dégoûts
de des mauvais traitemens qu'elle
avoit à fouffrir d'un époux à qui
elle étoit odieufe , fc rendit à Ro-
N 0 V E M
me pour prcffcr cUe-mcme fon di-
vorce , elle allégua quelques infir-
mitcz , &: de pi étendues irrégulari-
tez qui s'étoit'ut trouvées dans la
célébration de fon mariage , & un
grand dellr de fe confacier à Dieu
dans le Cloître.
Adrien voyant bien quels motifs
k faifoient agit , n'eut point d'é-
gard à fes raifons , & perfifta tou-
jours à demander que Lothaire vînt
lui-même porter la caufe à Rome.
Il lui épargna cependant une partie
du chtminj & il fe rendit au Mont^
Gaffin , où le Prince le vint trou-
ver , & pour montrer qu'on ne le
regardoir pas comme un excommu-
nié, il fupplia le Pape de lui don-
ner la communion de fa propre
main. Cette grâce lui fut promife à
la follicitation de l'Impératrice fa
belle-fœur; mais il lut étrangement
furpris lorfqu'Adrien avant de le
communier , tenant en main le
Corps de J. C. lui adrelfa ces paro-
les : » Prince , fi vous ne vous re-
» connoifTez pas coupable de l'a-
» dultere que le Seigneur Nicolas
n vous avoit détendu de commet-
» tre , ôc Cl vous avez une ferme
» refolution de n'avoir plus de
:> commerce avec votre concubine
y Valdrade , approchez avec con-
w fiance , & recevez ce Sacrement
» de la vie éternelle ; mais fi votre
» confcience vous reproche ce cri-
5» me , & fi vous êtes dans la difpo-
» fition de vous replonger dans vos
3» delordres , ne foycz pas aflez té-
» meraire pour recevoir le Corps
» & le Sang de Notre Seigneur j
a»de peur que vous ne trouviez vo-
B R E , 17 5 ?^ ^j-i
» tre condamnation dans le Sacre-
» ment de fa mifericorde. « Lothai-
re n'ofa reculer , & reçut la com-
munion avec un cœur livré au pé-
ché.
L'horreur de fe parjurer fur le
Corps du Seigcur fit impreffion fur
quelques Seigneurs de fa fuite , car
le Pape leur dit de même à tous eiî
les communiant : » Si vous n'avez
» ni contribué ni confenti aux adul-
M teres de votre Roi avec Valdrade,
» 8c fi vous n'avez pas communiqué
M avec les autres excommuniez par
» le S. Siège , que le Corps du Sei-;
»gneur vous profite pour la vie
3> éternelle ; « mais le plus grand
nombre fui vit l'exemple de Lothai-
re Scen reçut aulfi comme lui la pu-
nition. Jamais péché , dit le Père'
Longue val , ne tut plus vifiblcmcnt
puni. Lothaire alla du Mont-CaOîn
à Rome , où il ne trouva perfomic
parmi le Clergé qui voulût lui ren-
dre les honneurs qu'on a coutume
de rendre aux têtes couronnées ^ le
Pape lui fit cependant quelques
prefens , & tout ce qu'il obtint de
lui, c'cft qu'il nomma des Légats
pour examiner fur les lieux avec les
Evêques l'affaire du divorce, &lui
en faire enfuite le rapport au Con-
cile qu'il indiqua à Rome pour le
commencement de Mars de l'année
870.
Lothaire partit ainfi de Rome l
mais étant arrivé à Lucqucs lui &
la plupart des pcrfonnes qui l'ac-
compagnoient turent attaqués d'u-
ne fièvre maligne. Ce Prince en
mourut en peu de jours , fans qu'il
jeconnut la main qui le frappoit 5
tfr*
JOURNAL D
on remarque que tous ceux qui
avoicnt commis avec lai le facrUege
d'une communion indigne , eurent
le mcme fort , &c que la contagion
n'épargna que ceux qui s'ccoient
retires de la Sainte Table , cnforte
qu'on ne put méconnoître la ven-
geance du Ciel.
Qiioique l'Empereur Louis fon
frère fut fon héritier légitime ,
Charles le Chauve qui eut toujours
plus d'ambition que de courage,
s'empara de la Lorraine ; nous ren-
voyons à l'Auteur où l'on verra la
part que le Pape & les Evêqucs pri-
rent , ou pour mieux dire , furent
forcés de prendre dans cette affaire
& dans toutes les autres femblables
que l'ambition & le grand nombre
des defcendans de Charlcmagne
qui partagèrent alors les differens
Etats de la France , de l'Allemagne
& de l'Italie , firent naître pendant
tout ce fiec'e. C'eft à regret que
nous ne pouvons fuivre l'Auteur
dans le détail où il entre fur tous
CCS évenemens qui donnèrent lieu
à differens Conciles ou affemblées
donc il continue de rapporter les
principaux reglemens. Le dix-fep-
tiéme Livre finit avec l'Hilloirc du
neuvième fiecle , & le Pcre Lon-
gueval remarque qu'il fut tout à la
fois glorieux à l'Êglife de France
par le grand nombre de Saints^
de fçavans Evêques qu'elle porta ,
& malheureux pour elle , par les
courfes prefque continuelles des
Nations barbares ^ ôc par la fureur
des factions Se des guerres civiles
qui firent de grandes brèches à fon
autorité & à fa difciplinc.
ES SÇAVANS,
Dans le dix-huitiémc & dernier
Livre de cette Hiftoire qui com-
mence avec celle du dixième fiecle,
on trouvera encore de plus triftes
objets pour la Religion , ce fiecle
eft appelle à juftc titre le fiecle ob-
fcur , ou le fiecle de fer. » Nous
M y verrons , dit f Auteur ^ l'autori-
» té E^oyalc avilie & ufurpée , celle
= des Comtes & des Ducs s'élever
» fur les débris du Thrône qu'ils
3» avoient renverfé , le Royaume
» en proyc aux peuples barbares ,&
!•' à prefqu'autant de Tyrans qu'il y
» avoit en France de Seigneurs par-
» ticuliers .... » L'Eglife qui gé-
= milToit de ces troubles en rcffen-
» tit les funeftcs atteintes. Elle
» eut la douleur de voir fes plus
3> faintes Loix violées , fes biens en-
» vahis , fes dignitcz vendues à Ii
» fimonic , ou ufurpées par l'ambi-
» tion. Pour furcroît de malheur ,
» Ja fource où l'on devoir puifer le
=0 remède à tant de maux parut elle-
» même empoifonnée. On vit le
» vice aflîs fur la Chaire de S. Pier-
30 re , & des femmes débauchées
» établir ou deftituer à leur gré les
» Vicaires de Jefus - Chrift.
Mais Dieu ne permit pas que ces
Pontifes livrés aux plus infâmes
paflions filTent aucune décifion qui
piît donner la plus légère atteinte
à la pureté de la Morale Chrétien-
ne ou de la Créance Catholique.
Cependant quoiqu'en général l'i-
gnorance ait régné dans ce fiecle ,
on ne lailTe pas d'y trouver plu-
fîeurs habiles Dpéleurs qui nous
ont confcrvé fidèlement le dépôt
de la foi Se de la tradition» ils n'ont
pas
N O V E M
pas eu à la vérité le même foin
pour écrire IHilloirc de leur tems,
pciit- être parce quiis craignoienc
.d'en rranlmettre les horreurs à la
pollieriré. Cette difette d'Hiftoriens
redouble , comme on le içait , le
îravail du P. de Lon^ueval , &c lui
B R E , I 7 5 î« <^yî
donne plus de peine pour démêler
parmi le peu de Monumcns qui re-
ilent de ce tems la fuite des évenc-
mens qu'il eft obligé de raconter ,
& dont la longueur de cet Extrait
ne nous permet pas de donner une
idée plus étendue.
DISSERTATION SVR LE EEV BOREAL. PAR D. J. A. M. R.
D. C. A Paris', chez Jofeph Bullot , Imprimeur-Libraire , rue de la Par-
.chemincrie j près S. Severin , à l'Image S. Jofeph. 1733. ^ol- '^- S°.
pages 1 1 1..
LE Feu Boréal dont il s'agit,
n'eft autre chofe que ce Feu
<]ui fe voit ordinairement dans
la moyenne région de l'air , du
côté du Nord , en Automne & en
Hyver , tel fut celui qui parut
fur l'horifon , à Paris & en plu-
fieurs Provinces , le 19 Odiobre
IJ16. & le lé Novembre 1729.
c'eft fur ce dernier principalement
que l'Auteur de la Differtation ,
entreprend de donner fes conjedu-
res : il définit le Feu Boréal , un
timas d'exhalaifons nitro-fulphureufes
répandues dans l'air , vers le Nord ^
$u le reflux de l'air les a accumulées ,
lefcjuelies r^ étant renfermées dans au-
cun nuage fenfihle , reprefement à nos
yeux une admirable alternative de lu-
mière & d'ohfcurité , après avoir été
emhrafées , [oit par le mouvement na-
turel des efprits de nitre , [oit par les
vents contraires ^ fait enfla par le re-
flux de l'air.
De cette définition l'Aateur tire
huit confequences : la première ^
que les Feux Boréaux , tels que fu-
rent ceux du 16 Odobre 172^. &
du i^ Novembre 1729. doivent
Ntvtnfhe,
paroîtrc ordinairement après l'é-
quinoxe d'Automne, p.îr(r(? i^iie c'efl
vers ce tems- là que le Soleil cjuittc no-
tre pôle j & cjue l'air commence à re-
fluer vers la partie feptentrionale. La
féconde , Qiie le reflux de l'air
d'un pôle à l'autre, donne occafioti
à differens embrafemens , félon
que la quantité d'exhalaifons qu'il
a ramenées , eft conliderable ; en
forte que ceux qui paroifTent les
premiers , doivent toujours être les
plus vils & les plus lumineux ,
comme trouvant beaucoup plus de
nourriture que ceux qui arrivent
après. Tel fut celui du z6 OAobrc
172^. qui jetta beaucoup de frayeur
dans l'efprit du peuple.
La troifiéme confequence de
notre Auteur, eft que les hyvers
fecs doivent être regardés comme
des préfages prefque alTurés de
quelques Feux Boréaux ; parce
qu'en premier lieu , de tels hyvers
dénotent , que les fouffres & les ni-
trcs de l'air font plus épurés de va-
peurs terreftres ■■, &c en fécond lieu,
que des hyvers de cette nature font
ordinairement accompagnés de
Rrrs
<;;4 JOURNAL D
quelques petits vents de Nord ca-
pables de refouler les vapeurs dont
il s'agit , &. de les embrafer par ce
refoulement.
La quatrième confcquencc que
tire l'Auteur, cft que la lumière du
Feu Boréal , doit toujours prendre
fon origine dans la région Septen-
trionale , & que c'eft; peut - être à
raifon de cet embrafcmcnt qui pa-
loît de tems à autre , vers cette par-
tie de l'Univers , que le Talniud
des Juifs alfuie ridiculement que
Dieu , malgré fa Toutc-puilTancc ,
n'a pu fermer la machine du mon-
de du côté du Nord , mais qu'il a
été obligé de la laiiTer ouverte de ce
côté-là.
La cinquième confequence que
l'on tire , eft que ce qui arrive fous
un pôle , peut en fon tams arriver
fous un pôle oppofé.
La fixiéme, Qiie la lumière du
jour doit nous cacher ces Feux ,
qui , alors , ne fcroicnt apperçûs
que de ceux qui habitent fous
un même méridien &: fous les
points oppofés d'un même paral-
lèle de latitude , enfortc que la
différence de leur longitude eft tou-
jours de i8o degrez , quoiqu'ils
foient en même Zone , en même
climat, & en même élévation de
pôle.
La feptiéme confequence , eft
que les peuples qui n'ont , que
très-peu,ouqui n'ont point du tout
d'élévation de pôle , tels que ceux
qui habitent fous la Zone Torride ,
ne doivent point appercevoirla lu-
mière du Feu Boréal , cette lumière
ne pouvant touc au plus étic à
ES SÇAVANS;
leur égard , que comme celle du
crépufcule.
La huitième confequence enfin ,
eft que les vents qui foufflent du
Nord , entre l'équinoxe d'Autom-
ne Si l'équinoxe du Printems ,
doivent être extraordinairement
froids , parce que dans cet interval-
le de tems , l'air abonde en un fel
dcnitre^dont les particules font au-
tant de petits aiguillons , qui pico-
tent la chair , & lui caufenr par ce
picotement , le fcntimcnt du froid.
L'hypothéfe du flux & reflux de
i'air d'un Pôle à l'autre , fur laquel-
le eft appuvé le fyftême dont il
s'agit , fouffrc de grandes diflîcul-
tez : l'Auteur les eypofe cc enfuitc
y répond j mais avant que de rap-
porter ces difticultez & ces répon-
fes , il eft à propos de dire ce que
c'ell , félon notre Auteur , que ce
flux &c ce reflux de l'air.
Lorfque le Soleil éclaire une con-
trée , fes rayons ne peuvent tomber
fur la terre fans t-averfcr la maflc
de l'air , & quand ils font tombés
fur cette terre , ils reflechiflent
plus ou moins , félon qu'ils ont
plus ou moins de force. Or ces
rayons ne peuvent ainfi pafler &
repaflcr dans l'air , fans communi-
quer une partie de leur pirouerte-
ment à la maife d'air la plus proche
de la terre , laquelle mafle eft plus
à portée de recevoir l'aétion des
ravons réfléchis.
Ces petits corps aériens étant ain-
fi contraints de pirouetter , fe cho-
quent & fe chaflent les uns les au-
tres; puis fe trouvant plus au large,
ils fe déplient , fc ledrefTent & ('c-
N O V E M
«eadent autant qu'il cft poffible , ce
qui ne fe peut taire , qu'une por-
tion conliderable de cet air ne s'é-
coule au loin , ôc ne foit portée
hors de l'horifon , c'eft-à dire vers
les contrées que le Soleil n'écliauffe
point alors ; d'où il fuit qu'une
grande quantité des parties qui
avant que d'être raréfiées étoient
contenues dans un certain horifon,
ne peuvent plus y être renfermées,
lorfque le Soleil les a dilatées. Ces
parties d'air font donc obligées ,
pour la plupart, de fe retirer par
tous les points du cercle horizon-
tal , principalement h le Soleil
éclaire à plomb le centre de l'hori-
2on , en répondant perpendiculai-
rement au point vertical. Tel cft ,
félon notre Auteur , l'état de l'air
atiedi &c raréfié. Cela pofé , il
prétend que lorfque le Soleil dif-
paroît de l'horifon , & que fes
rayons n'ont plus , ou n'ont que
très-peu de force & d'adion , les
particules de l'air celTentpeu à peu
de pirouetter, & fe rapprochent in-
fenfiblementlcsunesdesautres;mais
que comme elles font trop flexibles
pour pouvoir foîitenir l'effet que
l'air , qui s'étoit écoulé dans les en-
virons, fait pour refluer , elles fe
leflerrcnt , fe replient, feconden-
fent, & donnent par ce moyen à
l'air froid , occafion de revenir Se
de s'éhouier vers les endroits où il
trouve moins de refiftance , qui
font les climats que leSoleil quitte.
L'Auteur fait là-deflus trois ob-
fervations : la première , Que cet
effort de l'air froid n'eft autre chofe
que fa propre pefanteur , qui le
B R E ; 17??: 3;T
pouiTc vers le centre de la terre : la
féconde , que l'air qui revient n'eft
pas toujours celui que la chaleur a
écarté , mais que c'elf prefque tou-
jours celui qui cft fuperieur , c'eft-
à-dire , le plus éloigné de la refle-
xion des rayons folaires. La raifon
en cft, dit notre Auteur, que cet air
étant moins raréfié que celui qui
cft voifin de la terre , il s'éboule
naturellement par des lignes dit-fe-
rentcs, fur celui qui cft delTous.Or
cet éboiilemem fait qu'un air voifin
prend la place de celui qui s'ébou-
le , ce qui forme une efpcce de cir-
culation dans cette partie de l'At-
mofphere. En un mot , la raréfac-
tion caufant une efpece de vuidc
dans l'air inférieur , oblige l'air fu-
perieur , à s'affaiffer par fon pro-
pre poids, & à venir occuper ce
vuide.
La troifiéme Obfervation eft que
l'air fuperieur , quoique très - éloi-
gné de la terre , & par confequent
hors d'état d'être beaucoup échauf-
fé , & fermenté , ne lai Ile pas de
l'être fufiïfamment , eu égard à l'au-
tre air fuperieur qui n'eft pas éclai-
ré du Soleil , &c qui répond à une
autre contrée ; enforte qu'il doit fc
faire dans cette partie de la maflc
élémentaire , un changement à peu
près fcmblable ( toutes propor-
tions gardées ) à celui qui arrive à
l'air inférieur.
La quatrième Obfervation eft ,
1°. Que ce flux & ce reflux de l'air
ne peuvent fe faire , fans caufer un
peu de vent , félon que la raréfac-
tion a été plus ou moins grande ;
a°. Que c'eft à cette fermen:atioffl
R r r r ij
6s6 JOURNAL DE
de .1 cet éboulemoit do l'.iir , qu'on
doit attribuer plulicurs vents règles
6c périodiques ,tel , par exemple,
qu'eft celui qui fous la Zone Torri-
de fouftle tous les matins d'Orient
en Occident, & celui qu'on éprou-
ve par-tout avant le lever duSoleil,
petit vent frais auquel M. Picr-
quin , dans le Journal Hiftorique
du mois de Février , attribue le
chant ducocq avant l'aurore.
Cela pofé , voici les ob)c(5lions
que nous venons d'annoncer , &
les rcponles qu'y fait notre Auteur.
Ces objed:ions fe reduifcnt à trois,
la première eft qu'on ne s'eft jamais
apperçu de ce flux & de ce reflux
de l'air d'un pôle à l'autre , & la fc-
conde que fi ce mouvement étoit
réel, il ne regncroit pendant lix
mois de l'année^que le même vent,
fcavoir , le vent de Nord dans le
Printems & dans l'Eté ; S< le vent
de Sud dans l'Automne & dans
l'Hyver ■■> ce qui eft contraire à l'ex-
périence , puifqu'on voit régner en
différentes contrées , plufieurs for-
tes de vents fixes & réglés , tel
qu'cft celui qui fouftle tous les
jours fous la ZoneTorride; tels
que font aufll les vents de Nord &
Sud-Eft , qui fouftlent entre les
Tropiques, &: qui font appelles
Volts Alizez. Il y a outre cela des
vents qu'on nomme périodiques ,
parce qu'ils foufflent félon ladivcr-
iîté des Saifons , tels que font ceux
qui régnent fur les mers de l'Inde
éc de l'Arabie , & qui fouftlent
d'un côté de l'horizon pendant fix
mois, & de l'autre pendant les fix
autres mois i ce font ceux que les
S SÇAVANS,
Marins appellent Vents de Monfon.
On rcfTent en France , de grands
vents de Nord Oucft à la fin dtf
Mars , ou au commencement d'A-
vril. Il y fouflflc aullî à la fin d'Oc-
tobre, un vent de Sud. Les autres
climats ont tout de mémo difterens
vents qui leur font particuliers. Or
dans l'hyporhéfc du flux & reflux
de l'air , il eft difficile , dit-on , dcf
concilier la diverfité de ces vents.
La troihémc objeftion efl: que les
vents devroient plutôt porter l'ait
vers l'endroit où fe fait la raréfac-
tion , que vers l'endroit oppofé , Si
que cependant danslcSyftêmc à\X
flux &; du reflux dont il s'agit,
tout le contraire arrive. En effet ,
en fuppofant ce flux & ce reflux,
l'air s'éloigncroit du cercle polaire,
lorfque dans cette région le Soleil
agit fur ce même air , «Se le dilate
par fa chaleur , au lieu que l'air en
queftion devroic accourir alors
dans cet endroit , comme fon ref-
fort & la necelTité de fbn équilibre,
fcmble l'exiger.
L'Auteur répond à la première
objedion , qu'il ne faut pas s'éton-
ner fi le flux & reflux de l'air, dans
les Equinoxes , n'eft point abfolu-
mentfenfible , puifquc celui de la
mer ne l'eft point à ceux qui vo-
guent fur fes ondes , & loin dn ri-
vage , quoique ceux qui font fut
les côtes , en apperçoivent parfai-
tement ks mouvcmens ^ les diffé-
rences. Mais notreAuteur craignant
que cette réponfc ne fatisfaff'e pas
pleinement , demande » qui nous
» a dit que les peuples qui habitent
55 fous ces Zones glaciales , ou fous
N O V E M
* les Pôles ( en cas qu'il y ait là des
* hommes ) ne s'apperçoivent d'au-
ï> cuns changemcns périodiques
« aux environs des Equinoxes ,
» après le coucher & le lever du
» Soleil. Car cela , dit-il , peut fort
» bien être fans que ceux qui habi-
» tent fous lesZonesTorride &:tcm-
» pcrée puiflent s'en appeicevoir.
Mais quand mcme ce flux & ce
teflux ne feroicnt fenfibles à aucun
peuple de la terre ^ ils n'en feroieiit
pas moins réels , félon notre Au-
teur, parce que l'on conçoit, dit-
il , qu'ils peuvent fe taire d'une
manière tout-à-lait infenlîble , en
ce que le Soleil qui eftla caufe effi-
ciente de ces deux mouvemens, ne
paroît & ne difparoît pas tout à
coup de la région polaire , niais peu
à peu & infenlîblement.
Quant à la féconde difficulté ,
fcavoir, qu'il n'y auroit dans toute
la malTe de l'air , & dans toutes les
Contrées du monde , que deux
renrs périodiques de fix mois cha-
cun , on répond, que quoique tou-
te cette made élémentaire ait un
mouvement général & commun
vers un des Pôles , il ne s'enfuit pas
qu'en différentes Contrées il ne
pui(fc s'élever des vents de divers
cotez , félon qu'ils y feront déter-
minés , foit par une ardeur du So-
leil , plus grande dans une plage
que dans une autre , foit par des
vapeurs & des cxhalaifons qui s'élè-
veront en plus grande abondance
dans certains Pays qu'ailleurs, foit
par des montagnes &des côtes qui
teflechiront les vents ; foit enfin
par des mets ou des fables ■, toutes
B R E , I 7 3 ?• 6sn
caufcs qui peuvent faire naître des
vents d'une certaine régularité 5c
d'une certaine étendue.
Pour rendre la chofe fcnfiblc ,
l'Auteur piopofc l'exemple de la
mer, & obferve que quoique les
ondes de cette maffe d'eau , ayent
dans le tems du flux un mouve-
ment général & commun vers un
rivage, cela n'empêche pas qu'en
divers endroits l'on expérimente
divers courans très-réglés , tel que
celui d'Orient en Occident, qui,'
fans dilcontinuer , règne fur l'O-
céan entre les deux Tropiques.
Comme cela n'empêche pas non
plus qu'en d'autres endroits on n'en
éprouve de très-variables , tels que
ceux que les Marmicrs expérimen-
tent tous les jours hors des tropi-
ques.
Ces divers courans qui femblent
oppolés au mouvement commun
de toute la maiïe des eaux , ont
fans doute des caufes particulières
qui les déterminent, & l'Auteur
remarque avec M. Régis , Qu'il y
a apparence qu'ils procèdent ou de
lararéfadion del'air , ou du mou-
vement diurne de la terre , ou de
ce que les eaux font plus relTerrées
en certains endroits qu'en d'autres,
ou de la décharge de quelques fleu-
ves qui coulent par delfous la furfa-
cc de la terre ; ou enfin , de ce que
les vents poufljnt continuellement
les eaux , les obligent à former di-
vers courans. Toutes ces caufes dif-
férentes peuvent produire dans les
eaux de la mer des mouvemens dif-
férées , mais ces mouvemens n'ap-
porteront jamais aucun obftacle aw
(^5-8 JOURNAL D
mouvement commun &: uniforme
de toute la maffe des eaux.
Notre Auteur conclut delà qu'il
n'cll pas étonnant que l'air en cer-
taines Contrées ait des mouvcmens
réglés & périodiques , ôc qu'en
d'autres il en ait de variables ; il re-
marque même qu'il peut arriver
que la région fupcrieure de l'air foit
emportée d'un côté Se que l'inté-
rieure le foit de'l'autrc ; enforte que
fur la terre on fente un vent d'O-
rient , tandis qu'en la haute région
il foufflera un vent d'Occident.
Il n'en faut pas davantage, fclon
lui , pour faire voir que le poids de
l'air peut être porté vers un côté
par un mouvement général & uni-
forme , 6c en même tems recevoir
des déterminations particulières
dans pluficurs portions de la malTe.
Il prétend outre cela , qu'il eft fort
probable que l'air dans fon mouve-
ment général , décrit une ligne
fpiralc, ce qui eft plus que fuffifant
pour empêcher qu'on ne s'apper-
çoive de ce flux & reflux de l'air. Il
eft cependant perfuadc que fi on
vouloir examiner la chofc de près ,
peutêtre trouveroit-on que le flux
&c reflux dont il s'agit , n'eft pas
aulfi imperceptible qu'on fe l'ima-
gine , principalement fi on faifoit
attention aux vents périodiques
dont il eft parlé dans l'objetlion, &
à ceux qui foufflcnt en France pen-
dant les Saifons du Printems Se de
l'Automne.
A l'égard de la troifiéme objec-
tion , fçavoir , que les vents de-
vroient plutôt porter l'air vers l'en-
droit de la raréfaction que vers i'cn-
ES SÇAVANS.
droit oppofc , on répond qu'il faut
diftinguer ici deux rems : celui ou
la raréfaclion fc fait Se celui où elle
ne fublifte plus. On avoiie que le
vent doit porter l'air vers le lieu de
la raréfaction , après qu'elle s'eft
faite , mais non pas dans le tems
qu'elle dure , Se que lacaufe dila-
tante continue ion action. Oa
éclaircit cela par un exemple con-
nu : renvcrfez fur une alViette , un
Gobelet de chryllal , enfermez - y
une bougie allumée , Se foulcvez
un peu le Gobelet , afin de donner
lieu à l'air enfermé qui s'attiédit, de
fc dilater , Se de fortir du vafe fans
le rompre , puis lorfque le vafe fe-
ra échauff'é & que la flamme de la
bougie commencera à s'éteindre,
pofez-lc entièrement fur l'alfiette
dans fa même fituation , Scaufll-
tôt verfez de l'eau fur l'afliette ,
vous verrez alors monter cette eau
dans le Gobelet renveifé Se y de-
meurer fufpendue. Mais (ion pou-
voir toijjours confcrvcr dans le
Gobelet , la bougie allumée , l'eau
de l'aftîette demeureroit tranquil-
le & fans monter. Cette expérience
fait voir que l'air ne doit point cou-
ler vers le Pôle tandis que le Soleil
continue à échaufler le Pôle , mais
qu'il doit au contraire, tendre alors
à s'en éloigner , pour n'y refluer
que lorfque l'action du Soleil y cef-
fe, c'eft ce qui fe comprend aifé-
ment par la manière dont notre
Auteur, après les Phyliciens mo-
dernes , explique l'expérience que
nous venons de rapporter. La rai-
fon de ce Phénomène, dit-il, eft:
cjue le feu dilatant pat fa chaleur ,
N O V E M
l'air contenu dans le vafe , oblige la
plus grande partie de cet air de fe
lépandre au dehors , & de donner
lieu à celui qui efl: refté , de fe dé-
■ployer plus ou moins félon le degré
de chaleur qu'il a reçu. Mais l'eau
que l'on verfefur l'allietce arrêtant
tout à coup par fa troideur ce
mouvement^ il arrive que ces petits
corps aériens , renfermés dans le
Vafe , n'ayant plus la force de fe
mouvoir fculs , ni par confcquent
de foii tenir le poids de la colomnc
de l'air extérieur , qui les prefTe ,
fe condcnfent au (11 tôt , fe replient
Se cèdent à l'effort de l'eau qui efl
pouiïée dans le vale par le poids de
l'air ; de forte qu'il entre dans le
Gobelet , un volume d'eau égal à
celui de l'air qui en fort -, Que li au
lieu de renverfer le vafe fur une
alFiette , & de l'environner d'eau ,
on le renverfe fur la chair nue , en
allumant dans ce vafe , des étoupes,
ou une bougie , alors l'air extérieur
qui , à mcfure que l'air contenu
dans ce vafe , fc refroidit , tend
avec effort à rentrer dans le vafe,&
y trouve de l'obftacle , eft oblige
de pouffer à fa place le volume de
chair qui lui fait obftaclc , & c'eft
ce qui arrive dans les ventoufes.
Qiielques Ledteurs , infifteront
peut-être, en difant que le feu qui
cft allumé dans une chambre , di-
late l'air qui y efl: contenu , & que
cependant cet air bien loin de fortir
aie la chambre comme il femble
que cela devroit arriver félon le
Syftcme du flux & reflux de l'air ,
il accourt vers le feu avec tant de
.véhémence , qae l'air qui eft hors
B R E , 1 7 5 j; gy^
de la chainbre , eft forcé d'y entrer^
Se y entre même avec fifiicment, fi
les portes ik les fenêtres font fer-
mées j ce qui paroît prouver que
l'air tend vers l'endroit de la fer-
mentation , dans le tems même
qu'elle dure. Mais la fimple expli-
cation que l'Auteur donne de cet
exemple , paroît détruire la confe-
quence dont il s'agit.
Le feu allumé dans une chambre
raréfie l'air qui y efl: contenu , cela
eft indubitable , dit-il , fur-tout fî
la chambre eft bien calfeutrée. Il
cft encore vrai , continue-t-il , que
plus le feu cft grand ^ plus il entre
d'air nouveau par les fentes Se les
jointures des portes Si des fenêtres}
mais en tout cela, remarque-t-il ,
il n'y a qu'une fimple ciiculation
de mouvement & l'air qui entre
dans la chambie , ne fait que rem-
placer celui qui en fort par le tuyaa
de la cheminée. Carenfin, obferva»
t-il encore , la flamme Se la fumée
entraînant avec elles l'air qui les
environne immédiatement Se qu'el-
les rencontrent dans la cheminée ,
dégagent celui de la chambre , d'u-
ne partie du poids de la colomne de
l'air extérieur , & lui facilite le
moyen de fe dilater à fon aife en
s'échauffant; mais comme la fumée
qui continue de fortir par le tuyau
de la cheminée , entraîne toujours
avec elle beaucoup d'air , cet air ne
pourroit fortir , îi un autre ne lui
ccdoit fa place , &: ne pouffoit l'air
voifm pour faire auffi place à celui
qui le preffe ; enforte que l'air qui
rcfte dans la chambre fe trouvant
trop affoibli poux refifter à i'effoïî
€6o JOURNALD
de l'air extérieur qui cherche uhc
retraite , ce dernier fc glilTc par
toutes ks ouvertures qui peuvent
l'introduire dans la diambrc , où il
n'entre que pour en forcir après par
la cheminée; de forte qu'il ne s'é-
chappe par la cheminée qu'autant
d'air qu'il en arrive de nouveau
dans la chambre , & il n'en arrive
de nouveau, qu'autant qu'il en fort
par la cheminée.
Notre Auteur fait fur ce fujct
plufieurs autres reflexions que nous
paflbns , &c qui tendent toutes ,
comme les précédentes, à montrer
que la maffe aérienne ne doit point
s'écouler vers le lieu de la raréfac-
tion , dans le tenis que la.raréfac-
tlon dure.
La Diiïertation finit par unecon-
clufion générale qui fe réduit à ces
quatre articles , i °. Qii'on peut ad-
mettre dans la maffe de l'air , un
■flux & reflux d'un Pôle à l'autre ,
ES SÇAVANS.
lequel arrive au Pôle Arctique dans
le tems des Equinoxes, c'elià-dire,
le flux à l'Equinoxe du Pruitcms ,
& le reflux à celui de l'Automne :
2". Qiie le Soleil par les rayons
peut être la caufe du flux & reflux
de l'air •, comme la Lune par le
pielfemcnt de fon tourbillon peut
être la caufe du flux 5: reflux de la
mer ; avec cette différence , que la
mer paroît deux fois haute &: bafTc
dans l'efpace de 24 heures , & que
l'air ne flue & ne reflue qu'une fois
tous les ans; 3°. Qu'on peut attri-
buer au reflux de l'air vers le Pôle ,
la quantité prodigicufe d'exhalai-
fons qui s'y ramalTent & s'y embra-
fent en Automne & en Hyver ;
4°. Qiie c'eft dans cetembrafement
que confifle la nature du Feu Boréal
tel que celui qui parut le 19 Oélo-
bre 172^. celui qui parut le 16 No?>
vcmbrc 1725. & autres fembiabiçSi
niSTOÎRÊ
K O V E M B R. E , r 7 3 5-'
6tir
fllSTOIRE CRITIQVE DELA GAVLE NARBONNOISE , QVl
comvrenoit la Savoy s , le Dituphiné , la Provence , le Langiudoc , le Rouf-
(îllon , ^ le Comté de Foix. Avec des Dijfertations. A Paris , chez
Grégoire Dupuis , rue S. Jacques , proche la Fontaine S. Benoît , à
la Couronne d'or. 173 3. /«-ii. pp. 574.
L'HISTOIRE ancienne de
l'Europe Orientale nous eft
beaucoup plus connue par les Ecri-
vains foie Grecs foit Latins , que
celle -de l'Europe Occidentale.
Nous fçavons fi peu de chofe de
l'Hiftoire de laGauie en particulier,
que tout ce que nous en appren-
nent les paffages recueillis des di-
vers Auteurs qui en ont fait men-
tion jufqu'à la mort d'Augufte ,
(.fans y comprendre les Commen-
taires de Céfar ) rempliroit à peine
dix ou douze feuilles d'impreflîon;
ainll que nous en aflure dans la Pré-
face de cetOuvrage M. deManda-
jors , qui en eft Auteur. Ses recher-
ches curieufes & approfondies fur
cette matière lui ont déjà fait hofi-
neur par les divers morceaux qui en
ont été publiés dans les Mémoires
de l'Académie Royale des Infcriptions
& Belles-Lettres dont il eft Mem-
bre. Ce Volume mérite d'autant
mieux l'accueil favorable du pu-
blic , que tous les anciens paftages
raflemblés & traduits en François y
forment une efpece de tilTu hiftori-
que & chronologique de tous les
cvencmens arrivés dans cette partie
des Gaules , qui la première fubit
le joug de l'Empire Romain , &
qui dans la fuite fut appellée Gaule
Narbonnoife. Comme dans cette
Hiftoire la narration eft quelquefois
Novembre.
interrompue par des difculîîons
critiques , l'Auteur s'attend bien
qu'elle fera moms fatisfaifantc
pour ces Leéleurs qui ne cherchent
qu'à s'amufer agréablement , qu'in-
tereftante pour les Amateurs de
l'Antiquité, qui fe plaifenc à éclair-
cir des faits obfcurs ou mcerrains ,
&c à. découvrir des véiitez même
indifférentes. 11 confeille donc aux
premiers de s'épargner la lefture de
cet Ouvrage^ & il invite les féconds
à augmenter les matériaux qu'il
leur prefenteici, & aies employer
pour une Hiftoire complette des
peuples Occidentaux.
Ce qu'il nous en donne ici , pat
rapport à la Gaule Narbonnoife ,
eft partagé en deux Livres , dontlc
premier conduit cette Hiftoire de-
puis les temsles plus reculés |ufques
à Julcs-Céfar ; & le fécond depuis
ce Conquérant jufques à la mort
d'Augufte. L'Auteur a eu foin de
faire imprimer à la fin di.- chaque
Livre , comme autant de preuves
juftifîcatives , les palTages mêmes
de tous les Auteurs ailcgués à la
marge , & dont la verfion Françoi-
fe accompagnée des reflexions de
l'I^iftorien compofe le Texte 5c les
Notes de cet Ouvrage : ce qu'il a
fait principalement en faveur de
ceux , qui n'ayant pas fous la main
les Ecrivains cités , ne pourroient
Sfff
€6i JOURNALD
y avoir recours commodément. Il
avertit encore , qu'il entend par la
Gaule Cifalpine , la Gaule d'Italie-,
£c par la Tranfalpine , celle que
nous habitons au-dcçà des Alpes :
Qu'il compte les années de Rome
fuivant la Chronologie de Varron,
qui retarde d'une année la date
des Confulats : en quoi l'Auteur
s'eft conformé aux fçavans Béné-
dictins dans leur Hifloire du Lan-
guedoc. 11 a fait imp.imeràla fin
de fa Préface une fuite Chronolo-
gique de tous les Auteurs qu'il ci-
te : & cela dans la vue de mettre le
Ledcur en état d'apprcticr plus au
juftc ces autoritez , lorfqu'ellcs fe
trouvent peu d'accord entre elles.
Ces anciens Auteurs font au nom-
bre àz \ S.
I. M. de Mandajors , après une
divihon générale de la Gaule, re-
cherche qui font les premiers peu-
ples de l'Orient qui aycnt pénétré
dans cette partie de l'Europe ; &
fans remonter jufqu'aux tems fabu-
leux des Argonautes Si d'Hercule ,
comme ont fait quelques Auteurs ,
il trouve qu'après le Siège de
Troye, les Rhodiens qui y avoient
fervi fous la conduite deTlépolémc
petit-hls de ce Héros , s'établirent
dans les Ifles Baléares , d'où ils pu-
rent venir fur nos Côtes y bâtir
la 'Ville de Rhode au voifinage du
Rhône , & lui donner même le fur-
nom à'Hiradée ^ relativement à
Tlépolcme defccndant d'Hercule.
Cette 'Ville dont quelques anciens
parlent fous les noms de Rhode ^
Hhoé , Rhodia , Rhodamifia , ne fub-
fifta que très-peu de tems , comme
ES SÇAVANS;
le conjecture notre Auteur fur ce
qu'.à l'arrivée des Phocéens Fonda-
teurs de MarlLiUc dans ce même
Pays , l'art de cultiver la terre &; de
tailler la vigne y étoic encore igno-
ré ; ce que n'auroit pu permettre
un plus long fc)our des Rhodiens
dans cette Contrée.
Après quelques reflexions fur les
caufes des migrations fi fréquentes
dans les premiers tems , M. de
Mandajors vient à la fondation de
Marfeille , qu'il met vers l'an 590.
avant J. C. S'il en but croire Tite-
Live , les Phocéens firent cet éta-
bliflement malgré lesSaliens , Peu-
ple de ce Pays , contre lefquels
Bellovefe Chef des Gaulois qui-
pafloient en Italie , les protégea.
L'affaire , félon Juftin , fe pafTa
plus pacifiquement & fut la fuite
d'un mariage. Quoi qu'il en foit,
l'Auteur regarde cette fondation
comme l'époque de la perfedion
de l'agriculture &: de l'introduc-
tion des Sciences & des beaux Arts
dans les Gaules -, & Marfeille , fé-
lon lui, efl la plus ancienne des 'Vil-
les qui fubfiftent entre les Alpes &
les Pyrénées. Il en allègue pour
preuves , qu'avant l'établilfement
des Marfeillois , il ne s'étoit point
formé de grande Monarchie en Oc-
cident •, Que les peuplades d'Egyp-
tiens , de Troycns , de Phéniciens-
n'a voient pénétré ni dans l'Aquitai-
ne , ni dans la Celtique , ni dans Ja
Belgique -, Que , félon Polybe , les
Gaulors d'Italie habicoient d'abord
dans des Villages & dans des Ha-
meaux ; Que les Germains du tems
de Tacite , ne s'étoient point enco^;
N O V E M
ïc âvifcs de fe renfermer dans des
Villes -, qu'en un mot , la conftitu-
tion du gouvernement des Gaulois
Se leur ignorance étoient de grands
obllacles à la conûrudion d'un
grand nombre de maifons conti-
gucs : ce qui donne occalion à M.
de Mandajors de s'étendre fur le
gouvernement & les mœurs des
Gaulois dont les Commentaires de
Ccfar lui fourniflent prefque tout
le détail. De toutes ces confidera-
tions , il croit pouvoir inférer ,
qu'avant l'expédition de Bellovéfe
éc de Sigovéfe , les Gaulois n'a-
voient point bâti de Villes ; Que
ce fut des Marfeillois qu'ils appri-
rent cet art , ainfi que quantité
d'autres utiles à la vie i 5c que les
Villes de la Gaule Narbonnoife ,
comme les plus voilmes de Marfeil-
le , doivent avoir été fondées avant
toute autre Ville de la Celtique &
4c la Belgique.
L'Auteur parle , après cela , de
quelques entrepriles des Liguriens
voifins de Marfeille fur cette Ville,
de plufieurs colonies des Marfellois
fur la côte ^ telles que Nice , Anti-
be , Athénopolis à l'Orient , ^ga-
tha ou Agde à l'Occident •, de
leur alliance avec les Romains , de
leur gouvernement &: de leurs
mœurs -, de la première origine
prétendue de la Ville de Lyon.
L'Auteur , après avoir parcouru
fommairement les premiers tems
de la Republique Romaine & la
première guerre Punique,vient à la
féconde , qui par le paflage d'Anni-
bal à travers la Gaule Narbonnoife
pour entrer en Italie, ramené M.
3 R E ; I 7 3 j; 66}
de Mandajors à fon principal fujcr.
Les Romains ne trouvèrent d'amis
dans les Gaules contre cette irrup-
tion des Carthaginois , que les
Marfeillois & les ï-^olcjnes Arécomi-
ejHes , peuples du bas Languedoc ,
qui occupoicnt les deux bords du
Rhône. Ceux-ci ne purent empê-
cher le paffage d'Annibal; 5c l'Au-
teur con)ed:ure que ce fut vers ce
tems-là que les Auvergnacs peuples
de la Celtique , après avoir rejette
l'alliance des Romains, travcrfe-
rent les montagnes , & s'emparè-
rent du Pays des Foltjues , à l'occa-
fion du paiïage des Carthaginois :
ce que femble confirmer Strabon
lorfqu'il témoigne que les Auver-
gnacs avoient étendu leur domina-
tion jufques aux Confins des Mar-
feillois &c du voifinage de Narbon-
ne : d'où l'Auteur conclut que ce
fut chez les Volques mêmes, ik non
en Auvergne , qu'Annibal rencon-
tra les Auvergnacs : ce qu'il a prou-
vé plus au long dans une Dilîerta-
tion particulière. Il prétend que ce
fut vraifemblablement lorfque ces
Auvergnacs étendoient leur domi-
nation jufqu'aux Pyrénées , & au
voifinage de Marfeille , qu'ils éta-
blirent entr'eux &C les Marfeillois
un commerce de marchandifes &;
de denrées qu'on tranfportoit ( fé-
lon Diodore ) fur des Mulets ou
fur des Chevaux à travers les mon-
tagnes des Cevennes -, & qu'ils ap-
prirent des Marfeillois les évene-
mens arrivés en Orient , d'où ils
s'imaginèrent ( dit Lucain ) avoir
une origine commune avecles Ro-
mains iflus des Troyens.
Sfffij
664: JOURNAL D
Les vexations continuelles que
faifoicnt les Salicns aux Marfeillois
alliés des Romains occafionncrcnt
les premières guerres de ceux ci en-
tre les Alpes &; le Rhône. S'ctant
alTurés des Educns rivaux des Au-
vcrgnacs, ils attaquèrent IcsSaliens
& les vainquirent fous la conduite
de Fulvius £< de Sextius-Calvinus ,
qui jctta les Fondemens de la Ville
d'Aix , l'an de Rome (Î30. Deux
ans après les Allobroges fe liguè-
rent contre les Romains avec les
Auvergnacs& ceux du Roiiergue ;
mais ils furent tous défaits dans
deux batailles ; en i" licu^ par Do-
mitius-itnobarbus , puis par Fa-
bius-Maximus- /Emilianus : &: ce
fut la dernière fois que l'on vit les
Auvergnacs en armes fur les bords
du Rhône. La défaite des Allobro-
ges fournir ce peuple pour toujours
aux Romains , & fit perdre aux
Auvergnacs ce qu'ils avoient juf-
qu'alors occupe entre les Cévennes
éc la Mer Méditerranée. Les Ro-
mains s'étant ainfi rendu maîtres de
cette partie des Gaules , la rcduiii-
rent en Province l'an de Rome tf 3 fi',
fous le nom de Gaule Tranfalpine
Ultérieure ou Narbonnoife , à cau-
fe de Narbonne, Colonie Romaine
établie fous le Confulat de M. Por-
tius - Cato ik de CV Martius Rex.
Cette nouvelle Province fut bor-
née au Nord par le Lac de Genève
& le Rhône jufqu'à fon confluent
avec la Saône -, à l'Orient , par les
Alpes i au Midi, par la Mer, par
les terres des Marfeillois & par les
Pyrénées , & à l'Occident par la
Garonne , & par le Tara depuis la
ES SÇAVANS;
montagne de Laufére où il prend
fa fourcc jufqu'à fon embouchu-
re. Les Romains défignoient h
Narbonnoife, xintot p^r ProvDtcia^
dont le nom s'eft confcrvé dans ce-
lui de Provence •■, tantôt par celui dé
Gdlia Bracchata , d'une chaufTu».
rc appeliée Braccha , d'où dérive
notre mot François Braye ; tantôt
Gallia Tranfalpina : fur quoi l'Au-
teur obferve que les Romains
avoient d'abord entendu pzïGMiA
Bracchata une région plus étendue
que ne le fut la Narbonnoife en des
tems poftericurç. Les Romains
donnèrent tous leurs foins à la con-
fervation d'une Province qui leur
étoit aufli importante que la Nar-
bonnoife,laquelle fans compter fon
agrément & fa fertilité , leur ou-
vroit un chemin par terre d'Italie
en Efpagne , & leur fervoit de
rempart contre les peuples de Iî
Celtique. Dans cette vue ils y iaif-
ferent des troupes en garnifon , &
ils y établirent fucccflîvement plu-
fieurs Colonies. Les conditions des
peuples n'y étoient pas les mêmes :
les uns y joiiiflant du Droit Latin,
les autres du Droit Italique , êc
quelques-uns moins favorifés étant
alTujettis au Droit Provincial , le
plus onéreux de tous : d'où il arriva
que ces derniers qui étoient voi-
fins des Alpes , fe foulevcrent
quelquefois contre les Pvomains.
Cette Province devint le princi-
pal théâtre de la guerre des Teu-
tons & des Cimbres , puifque ce
fut entre h Ville d'Aix & les Alpes
que Marius tailla en pièces les pre-
miers. Nous ne fuivrons pas l'Au»-
N O V E M
tèut dans le détail où il entre tou-
chant cet exploit mémorable Se
touchant les Guerres Civiles de
Marius , de Sylla & de Sertoriils.
Nous obferverons feulement que
l'an de Rome 671. C. Vnlerius-Flàc-
cus gouvernoit la Narbonnoife , où
quelque bataille gagnée fur les Gau-
lois lui valut le titre à'Imperator.
Nous remarquerons encore que
félon notre Auteur , ce ne fut pas
dans la guerre de Sertorius le Pro-
conful Manilius qui vint au fecours
de Metellus , comme le difent les
nouveaux Hiftoriens du Langue-
doc-, mais que ce fut LoUius Gou-
verneur de la Narbonnoife , à qui
ces Hirtoriens donnent Manihus
pour fucceffeur contre le témoigna-
ge de Plutarque. Il faut voir dans
îe Livre même la difcuffion criti-
que de ce fait. L'an de Rome 6^78.
M. Fonteius fut défigné Gouver-
neur de la Narbonnoife en qualité
de Proprétcur. A fon retour , il fut
accufc de concuflîon par les AUo-
broges & par les Volques, & dé-
fendu par Ciceron , dont nous
avons encore le Plaidoyer. On ne
fçait quel en fut le fuccès.L'Auteur
en donne ici un Extrait , qui jette
quelques lumières fur le fujet qu'il
traite.
Pendant le gouvernement de
Fonteius , Pompée qui pour aller
en Efpagne pafla par la Narbon-
noife, donna aux Marfeillois quel-
ques terres de cette Province dont
il pacifia les troubles. Revenant
d'Efpagne à Rome par la même
route, il fit élever dans les Pyreiiées
\m Trophée , dont l'infciiption
portoit Qu'/7 avoit fournis à la Repu-
ùli^ite 846 F'illes depuis les u4lpes
juf^u'à l'extrémité de l' Efpagne ulté-
rieure. Sans doute ( obferve l'Au-
teur ) fous ce nombre prodigieux
ctoient compris avec les Villes tous
lés Châteaux , comme ils le furent
nommément dans une autre inf-
cription placée long-tems après
dans le Temple de Minerve , &
fur laquelle on lifoit Que Pompée
avait réduit fous l'obéi fijtice du peu-
ple Romain \ 5 5 8 Filles oh Châteaux
depuis le Palus Aiéotide jufqu'a la
Mer rouge.
Il ne fe pafTa rien de confidc; ablc
dans la Narbonnoife jufqu'au terris
de la Conjuration de Catilina i cw
les Ailobroges mccontens de leurs
Magiftrats , excitèrent dans cette
Province divers mouvenrns que
les Romains curent aflez de peine
à reprimer. Ces peuples furent enfin
battus & foûmis par le Proprcteur
Pontinius , qui par là rendit le cal-
me à la Province. A l'occafion de
la guerre de Catilina , M. de Man-
dajors examine im palTage de Salu-
fte , où les nouveaux Hiftoriens du
Languedoc prétendent que cet Au-
teur s'eft trompé ; fur quoi M. de
Mandajors s'efforce de le juftifier
en montrant qu'on lui fait dire ce
qu'il n'a point dit. La guerre des
Âuvergnacs & desSequanois contré
les Educns , fuivie du paffage dès
Germains dans les Gaules fous Ja
conduite d'Ariovifte , termine le
premier Livre de cette Hiftoire.
IL La venue de Jules-Céfar dans
ce même Pays , en qualité de Gou-
verneur de la Cifalpine & de là
666 JOURNAL DE
Narbonnoifc , ouvre le fccond Li-
vre. La tranquillité régna dans ces
deux Provinces durant les huit pre-
mières années de fon Gouverne-
ment fignalécs par fept campagnes
qui le rendirent maître de toutes
les Gaules non encore foûmifes aux
Romains. C'ell de cjuoi l'Auteur
nous dojinc un détail abrégé qu'il
emprunte des Commentaires où ce
Conquérant nous entretient lui-
même de fes exploits. Au com-
mencement de la guerre civile ( en
705. de R. ) MaifeiUc ayant fermé
fes portes à Céfar , fous prétexte de
garder la neutralité , foûtint un
fiége lontj & opiniâtre , qui finit
par la reddition de la Place. Après
la pnfe de Marfcille , Claude Né-
ron père de l'Empereur Tibère tut
chargé de conduire deux Colonies
de Vétérans à Arles & à Narbonne^
& cette dernière Ville auparavant
appellée Narho-Aidrtius prit le fur-
nom de Colonla-Decu7n,inoriim , des
Soldats de la dixième Légion que
Néron y établit, comme Arles prit
celui de Colonia - Sextanoritm , de
ceux de la (ixicme Légion. Céfar
fit accorder le titre de Citoyen Ro-
main à un grand nombre d'habitans
delà Narbonnoifc ; entre autres à
tous les Soldats de la Légion appel-
lée Alaiidii qu'il y avoit levée , &
qu'il entrctenoit à fes dépens •, £c il
en honora plufieurs,même de la di-
gnité de Sénateur. Cette Province
lui fut redevable aufli de divers
changemens avantageux qui s'y fi-
rent de fon tems dans la difcipline
tant civile que militaire. » Ce tut
» donc ( dit l'Auteur ) pendant I9
5 SÇAVANS,
» calme dont elle joiiit fous le gou-
» verncmcnt de Céfar , que ces éta-
» blilTcmens s'affermirent &: fe mul-
» tiplierent : & que les habitans de
« la Narbonnoifc ,dc)a civilifés par
» la longue fréquentation des Mar-
» feiUois , fe pcriicclionncrent dans
>» cette politclfe , qui les diftin-
» guant du rcfte des Gaulois , fit
» regarder la Narbonnoifc comme
» une partie de l'Italie, plutôt que
i> comme une Province.
Les troubles qui fuivirent le
meurtre de Céfar ciuferent quel-
ques mouvemens dans la Gaule
Narbonnoifc & dans la Cifalpine.
Lépide avoit été nommé au gou-
vcrnem.ent de la première , & An-
toine à celui de li féconde par le
peuple , quoique D. Brutus l'un
des Conjurés en fût adutllerncnt
en poiïeOion. Plancus d'un autre
côté qui avoit eu ordre du Sénat de
bâtir la Ville de Lyon , avoit paffc
le Rhône pour mener fes troupes
en Italie par la Narbonnoifc , lorf-
qu'il apprit qu'Antoine défait prè«
de Modéne par l'armée d'OÀave
6 des Confuls fe difpofoit à fe jet-
ter dans cette même Province,
L'Auteur pafTe légèrement fur les
opérations de cette campagne de
7 II . & renvoyé là-de(Tus pour plus
ample éclairciflement à la nouvel-
le Hiftoire du Languedoc. Par l'ac-
cord du Triumvirat , Antoine eue
le gouvernement des Gaules con-
quifes par Céfar , & Lépide celui
de la Narbonnoifc & de l'Efpagne,
qu'il conferva jufqu'aprcs la défaite
de Brutus & de Caflîus. Cette vic-
toire fut i'occaûon d'un nouveau
K O V E M
partage entre les Triumvirs ; &c
Antoine , déjà maître des Gaules ,
eut encore la Narbcnnoiic , où il
ne fe palTa rien de remarquable juf-
qu'à ce qu'en 714. cette Province
fut enlevée à Antoine parOétave,
qui y lailîa un corps de troupes fous
le commandement de Salvidienus ,
qu'il fit depuis condamner à mort
commetraitre. Vers l'an 717. Oc-
tave fit un fécond voyage dans les
Gaules avec Agrippa fon Favori
pour y reprimer quelques fouleve-
niens. En 714, MeiTala - Corvinus
envoyé dans ces mêmes Provinces
par Odave y mérita les honneurs
du triomphe par la défaite de quel-
ques Peuples , parmi lefquels il y
en avoir quelques-uns de la Nar-
bonnoife qui ne font point défi»
gnés plus particulièrement.
Enfin Ôdlave ayant été déclaré
Augufte , vint pour la troifiéme
fois dans les Gaules , qu'il partagea
pour lors en quatre Provinces ou
Gouvernemens.qui furent la Gaule
Naibonnoife , l'Aquitaniqiie , la
Lyonnoife Se la Belgique. Trois
ans après ( en 735. ) Agrippa fut
envoyé dans les Gaules avec une
autorité fuperieure ; & c'eft au
féjour qu'il y fit alors qu'on doit
lapportcr [ dit notre Auteur ] la
conftrndion des quatre grands che-
mins que Strabon lui attribue, dont
le premier pafTant par les Cévennes
aboutiiïbit à l'Aquitaine & à laSain-
tonge •, le fécond au Rhin ; le troi-
fiéme par Beauvais & Amiens, à
l'Océan -, le quatrième à la Narbon-
noife & à la Côte des Marfeillois.
Qumtà la conftrndion de plufieurs
B R E , 1 7 3 3: 667
autres Edifices publics , tels que le
Pont du Gard , les Arènes de Nif-
mes , la Maifon quarrée de la mê-
me Ville j &c. dont on ignore l'é-
poque , il croit qu'on ne Içaiiroit la
placer mieux que dans un tems dis
tranquillité parfaite , lequel ne
commença guércs que fous le
commandement d'Agrippa. Augu-
ftc mourut l'an de Rome j6j. Les
peuples de la Gaule , non plus que
les autres , n'avoient pas attendu
jufqu'alors à lui décerner les hon-
neurs divins. Ils lui avoient érigé
le fameux Autel de Lyon ; & les
Villes deNarbonne & deNifmes
avoicnt établi pour lui des fêtes ,
des Sacrifices & des Prêtres nom-
més dans les infcriptions Seviri ou
Flamines AuguflaUs Narb. ou Nem.
C'eft-là que M. de Mandajors
borne fon tilTu hiftorique & fuivi
touchant la Gaule Narbonnoife ;
auquel il fait fucceder une notice
de l'Etat de cette Province fous
Augufte par rapport au pouvoir &
aux fondions defes Gouverneurs ,
à l'adminiftranon de la Juftice , de
la Police & des Finances •, aux dif-
férentes conditions des peuples &
des particuliers ; à la manière dont
ils pofTedoient leurs fonds de tcrrev
à leur commerce , 5i aux Miniftres
de leur Religion. C'eft à regret
que pour abréger nous fommes
obligés de nous en tenir à la fimple
indication de ces divers articles que
l'Auteur nous développe avec tou-
te l'exaditudc &c la juftefTe que l'on
doit attendre de fes foins à puifeï
fur tout cela dans l'Antiquité les
iumieies qu'elle gouv oit lui four-
668 J O U R N A L D
nir. On trouve, dans cette Notice,
une fuite Chronologique des Gou-
verneurs de la Gaule Narbonnoile,
8c de ceux de la Cifalpinc qui ont
pu gouverner la Narbonnoifc par
leurs Lieutenans , jufqu'à la mort
d'Augufte. Cette première Notice
eft fuivie d'une autre , qui eft la
Géographique ou le dcnombre-
inent des Villes de la Narbonnoifc
fous ce même Empereur, c'eft-à-
dire des Colonies de Marfeille ;
des Villes Marfeilloifes , dont les
portions ne font pas connues ; des
Colonies Romaines ; des Capitales
des Peuples ; des autres Villes qui
n'étoient ni Colonies ni Capitales ;
des Villes 8c des lieux , dont la fi-
tuation eft ignorée ; des Ifles voifi-
nes de la Naibonnoife , .de fes Ri-
vières & de fes Montagnes.
Les fept DilTertations imprimées
à la fin de ce Volume , tiennent en
quelque forte au corps de l'Ouvra-
ge, puifqu'elles font deltinées à dif-
cuter plus au long & à éclaircir plu-
sieurs points de l'Hiftoire dont il
s'agit. Dans la première fur la Celti-
que d'Ambigat , on recherche fî les
Peuples qui étoient placés fur les
bords de la Méditerranée , entre
les Pyrénées & les Alpes ^ étoient
foûmis à Ambigat , Chef ou Roi
de la Celtique , lorfque BcUovéfe
& Sigovéfe fortitent de leur Pays.;
& l'on décide pour la négative. La
féconde DilTertation roule fur la
fondation de Ai-trfeille , dont les uns
fixent l'époque à la 47' Olympia-
de , les autres à la ^1' , &: l'Auteur
trouve dans un palTage de Juflin
E S SÇAVANS,
de quoi concilier ces deux fcnti-
mens. La troifiéme Differtarion fur
la route d'yinnibal entre le Rhône &
leSftyUlpes ^ a été déjà publiée par
extraits dans les III" & V' Volumes
de l'Hiftoire de l'Académie des
Belles - Lettres , &: nous en rendî-
mes compte alors dans le Journal
de Novembre 1719. La Guerre des
Ctmhes fait le fujct de la quatrième
DilTertation. Dans la cinquième,
l'Auteur examine 1°. Si Pompée &
Fonteius fe font trouvés dans la
Gaule Narbonnoife , le dernier
comme Propréteur de cette Pro-
vince & Pompée avec une autorité
fupérieurcj 2". Si Fonteius gouver-
na la Narbonnoifc en qualité de
Propréteur pendant trois années
confecutives , ou s'il n'étoit que
Lieutenant du Proconful Cotta ,
lorfque Pompée vint paflerl'hyvcr
dans la Gaule , après avoir levé le
Siège de Calahorra en Efpagne;
3°. Quels étoient les Peuples que
Fonteius dèpoiiilla d'une partie de
leurs terres & de leurs Villes : & à
ce fujet M. de Manda jors fait quel-
ques obfervations fur le payement
des Subjides & fur U Dreit Latin.
Dans la fixiéme Diftertation , il
s'agit de la fignification du mot
Gallia employé fans adjcdrif ; &
dans la dernière , il eft queftion
des limites de U Gaule Narbonnoife ^
& de l'endroit où étoi: htuèe la
Ville de F'indomams. Nous ren-
voyons au Livre même pour le dé-
tail de toutes ces Dilfertations qui
ménitent d'être lues en entier.
NOVFELLES
N O VE M B R E ; 17??-
€<Sp
NOVVELLES LITTERAIRES.
SICILE.
ITALIE.
De Palermb.
SIciLiA Sacra difcjuijttiomhm &
mtitUs illufirata , uùi Libris tjua-
tHor , pojîijuam de iUius Patrtarcha ,
& Afetropolita difcjuiptum efl , k
^Chriflianx Religionts exordio adno-
,ftra nfcfHC tempora citjufejHe Pritfula-
tus , Âiajommejue Beneficiorum Injii-
■tHtio ^ Archiepifcopi ^ Epifcopi ^ j4b-
■hates , Priores , Singulorum Jura ^
Privilégia , pradara Monumcnta ,
Civitates Ditecefeon cum pracipuis
■earurn Templis , Religiojîfijue Fami-
liis , at^ue Viri Sicitli^ -vel SanBitatc,
velDoBrina llluflres continenttir^ ex-
flicaniur^ ylitSore j^bbate Nettno &
■Regio Hifloriographo DoN RoccHO
PiRRO S. T. ac V. J. D. Regio Ca-
Vellano Canonico , y4p«floiico Proto-
not. atjue in SanUo QHétjitorum fidei
TribKnali Cenfore , & Confultore.
Editio tertia , emendata , & conti-
vuatiom anMa , cura & findio S. T,
D. D. Antonini Mongitore Métro-
■politanA EccleJÏ£ Pamrmitana Cano^
«ici , Indicis Symdalis , & in SS,
JnqHtJîtionis Sicdia Tnhunali Quali-
ficateris & Confultoris. Acceffere ad-
ditions & noûÙA Abbatiarum S, Be-
nediBi , Ciflercienjîmn , & alia quA
dejlderabantur ^ AuBore P. Domino
Vito Maria Amico. A Catana S.
T. D. *c Decano Cajtnenji. Panor-
mi , apud Haredes Pétri CoppitU.
^•Jll, in-felio , deux Volumes.
Ntvtmbrf,
De V e r o n I.
Jean-Albert Turnermani , Impri-
meur de cette Ville, va donner pat
Soufcription une belle Edition du
Traité du Sublime de Longin , eu
Grec , en Latin , en Italien , & en
Trançois. Cette Edition fera in-j^°.
grand papier, & à qviatre colomnes.
Le prix de la Soufcription cft de
fept Ivres de Vcnife qui feront
payées en foufcrivant , &: de fepc
autres livres qui feront remifcs en
recevant l'exemplaire.
De Milan,
D. Jo. Andréa de Aftefatis 5r/-
xiani BenediBino-Cajfimnfis EpiJioU
in ijHa Anniis decimus feptimns fiiprtt
oUingentefmum Bernardi lta\i& Ré-
gis emortualis oftenditur ; & alia
Lotharii Imperatoris , ac Ludovic!
Junioris ejiis filii à vidgatis noviter
obfervau epocha exhibentur. Broch,
/«-4°. de 49 pages.
Jo/ephi - Antonii Saxii Collegii &
Bibliotheca Ambrojîans, PrxfeBi Dif-
fertatio Hiflorica ad vindicandam an-
ti/juam AmbrofianA Ecclefia , difci^
plinam^contra Nicolaum Sormanum
Collegii Ambrojîani Doflorem , CHJus
Apologia fubnetlitur. 1733. in-^.
HOLLANDE.
D'A MSTERDAM.
François V Honoré débite Hlfloi-
n des Rois de Pologne & du Gouver-
nement ^ ce Royaume ^ où l'on tiou-
Tttt
éyo JOURNALD
Te un détail très - circonftantit: de
tout ce qui s'efl p^Té de plus re-
marquable fous le Rcgnc de Frédé-
ric Âugufle , & pendant les deux
derniers Interrègnes. Par M. Ad.
173 5. in-%°. 3. vol.
Le même Ouvrage fc vend à
Paris en 4. vol. in 1 1. chez Gijjiy ^
rue de la Vieille Bouderie , à l'Ar-
bre de Jeffe.
Dh Sauzet a en vente ]on>inis
Uarduim è Societate Jefit Opéra va-
ria^ ciim Indicibiis & Tabulisty^/ieis.
173 3. in-folio. Cet Ouvrage fe trou-
ve au(Ti à la Haye chez de Hondt.
Les iVetJfeins & Smiih ont achevé
en deux Volumes in-folio l'impref-
iion du Livre A' -^ndré Morel^ inti-
tulé : AndrcA Morellii Thefaurns
NumifmaticHS , &:c.
De laHaye.
Réflexions fur la Poefie en général ,
fur r Eglogue , fur la Fable ^ fur l'E-
légie, fur la Satire , fur l'Ode &fur
Us autres petits Poèmes : comme Son-
net , Rondeau , Madrigal , &c. fui-
vies de trois Lettres fur la décaden-
ce du goût en France. Par M. R. D.
S. M. Chez C. de Rogiffart & Smrs.
^733.;»-8^
FRANCE.
De Dijon.
Antoine de Fay a imprimé Comi-
Timtivn de l'Hifloire du Parlement de
Bourgogne depuis Vannée \6\^. juf-
^uen 1733. contenant les noms,
iurnoms , qualitez , armes &c bla-
■ fons des Préfidens , Chevaliers ,
Confcillers , Avocats & Procureurs
Généraux ic Greffiers qui y ont été
reçus dans cet intervalle , avec un
piccis des Edits & Déclaïaùons du
E S SÇAVANS;
Roi , portant création de Charge
en ce Parlement , & des Regle-
mens de la Cour. Par le Sieur Fran-
çois/^/'W. \-jii. in-folio.
De Paris.
Claude Robitjïel , rue S. Jacques,,
à l'Image S. Jean , viejit de mettre
en vente Traité de la Communauté
entre mari & femme , avec un Trai-
té des CommunauteX^ou Societez. taci-
tes. Par Maître Denis le Brun^ AvO'
cat au Parlement. Ouvrage Pofthu-
me , donné d'abord au Public pat
les foins de Maître Louis Hideux ^
Avocat au Parlement. Nouvelle édi-
tion , augmentée confiderablcment
de nouvelles Décidons & de Notes
Critiques par M^..& M'... Avocats
au Parlement. 1733. in-folio.
On trouve chez la Veuve RiboH,
vis - à - vis la Comédie Françoife ;
Boivm , rue S. Honore , à la Règle
d'or , & le Clair , rue du Roule , à
la Croix d'or, l'Art d'apprendre la
Mufisfue expofé d'une manière ?wu.
veUe & intelligible par une fuite de
lefons^uife fervent fuccejjîvement de
préparation. Par M. Prague. 1733.
grand in-.\^. gravé. j^
Alix ^ rue S. Jacques, au Grif-
fon, & Babuty, auflî rue S. Jacques,
à S. Chrifoftome , débitent aéluel-
lement le grand Ouvrage de M. dn^
Guet fur la Paffion de Notre Sei-
gneur Jésus - Christ , félon la
concorde. 1733. in-ii. 14. vol.
Il paroît un Ouvrage Pofthumt
du R. P. du Cerceau , de la Compa-
gnie de Jcfus , intitulé : Conjura-
tion de Nicolas Gabrini , dit de Rien~
zi , Tyran de Rome en 1 347. Chez
la Veurc Etienne , rue S. Jacques^
N O V E M
à la Vertu. 1 7 3 j. /»- 1 2.
Il paroît auffi chez la même Veu-
ve une nouvelle Edition , revijë ,
corrigée & augmentée du Recueil
de Poéjïes diverfes du même Père du
Cerceau. 1733. in-ii.
Smte des maladies Chronit^ues , où
f on traite celles qui arrivent à
rœil , & des remèdes les plus con-
venables pour les guérir fans opéra-
tion manuelle. Ouvrage très-utile
dans toutes les familles. Par P. V.
Dubtis , ancien Prévôt & Garde
des Maîtres Chirurgiens de Paris.
Tome V. chez Paulus-du-McfiH ^
Grand'Salle du Palais, ij^i-in-ii.
Le Comte Roger ^ Souverain de la
Calahre XJlteneure. Nouvelle Hi-
ftorique. Chez PrMlt , Quai de
Gèvrcs. 1733. 171-11,
y^urere & Phtthhs. Hiftoire Efpa-
gnole. Chez Pierre- Jacques RiboH ,
lu Palais. 1733. /«-12,
lia Confiance des promptes Amours,
avec le Jtïtet del'yimour. Chez An-
dré Morin , rue S. Jacques , à faint
André ; Nyon fils , Quai de Conty,
5C Alexis Mefnier , rue S. Sevcrin.
1733. »«-ii.
Infiitmiones Philofiphicit ad faci-
liorem veterum & recentiorum Philo-
fophorum inteUigemiam comparât* ,
Opéra & fludio V. Cl. Edmundi
Purchotii , Editio cjuarta prioribus
lociipletior. 1733. inii. 5. vol. &
/«-4°. 1. vol. à Paris , chez Vincent,
3ruë S. Severin ; & à Lyon , chez les
Frères Bruyfet.
AVIS AVX SOVSCRIPTEVRS
du Recueil de l'Hifiaire & des Mé-
moires de l'Académie Royale des
B R E; 175?.' ^7»
Sciemes depuis \6€6JMf(jii*en iS'jy;
tel ^u'il nous a été envoyé.
G. Martin , Coignard fils & Gae~
rin l'aîné , Libraires à Paris , rue
S. Jacques , délivreront au Public
le 23 du prefent mois de Novem-
bre les quatre Volumes qui rc-
ftoient à fournir du Recueil des Mé-
moires de l'Académie Royale desScien^
ces depuis 1666, jufijH'k i6^j. Ces
Volumes font ïf/ijhire de cette jiC4-
defnie de ces années-là; avec une
Lifte générale de tous les Académi-
ciens jufqu'à prefent , &c un Cata-
logue de leurs Ouvrages , en 2 vol.
Les Mémoires pourfervir à l'Hifioire
Nature! te des Animaux , avec 6Î
planches en taille-douce , un Tome
en 2 Volumes : & le Traité d'Ana-
lyfe générale , &c. Par M. de Lagny^
un vol.
Les Soufcripfeurs font invités à
retirer inceflamment ces Volumes,
afin de profiter de l'avantage des
premières épreuves des figures.
On ne donne pas cette fois ci la
Table des Volumes du prefent Re-
cueil ; on y a fubftitué le Volu-
me de VAnalyfe de M. de Lagny ,
dont la dépcnfe a été de plus du
double pour les Libraires -, la raifon
eft que comme ils ont aducllemcnt
fous Predé une fuite de l'Hiftoire
Naturelle des Animaux ( Troifiéme
Partie ) qui n'a jamais paru , & que
comme cette fuite en fait , dans
l'ordre des tcms , une du Recueil
qu'ils donnent , il eft ncceflairc
que la matière de ce nouveau Vo-
lume foit comprife dansccTom©
de Tables.
(J72 JOURNALD
On pourra voir chez les Libraires
ci - devant nommés , les planches
qu'ils ont fait graver de cette nou-
-vclle fuite d'Hiftoire des Animaux,
fur les Originaux de M. Perrault ,
qui leur ont été remis par MM. de
r AcadcmieRovale des Scienccs.On
donnera incelTamment ce nouveau
Volume qui fera accompagné du
Volume de Tables pour tous les
Tomes de ces anciens Mémoires, &
d'un autre Volume de Tables de
ES SÇAVANS.
l'Hiftoire, Se Mémoires de la même
Académie depuis lyzo. jufqu'eft
1730.
Ces mêmes Libraires achèvent de
faire graver routes les Aiichines oh
Inventions ijni ont iii approuvées par
l'académie Royale des Sciences^ de-
puis fon établilTement jufqu'à pre-
îent ■> il y f n a actuellement plus de
3 jo planches gravées : ces planche*
feront accompagnées de defcrip-
tions.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Nov. lyn*
TRaduElion Latine de toutes les Oeuvres d^Origêtie , &c. page 6i<
Recueil des Ecrivains de l'Hiftoire d^ Italie , &cc. Tome XFI. 6xé
Difcours prononcé fur le légitime ufage de la louange ^ &c. (i f
Dijfertation delà Douleur Néphrétique , &c. ÉzS
anecdotes de la Cour de PhtlippeAugufle^ é}i
Traité de la Simplicité de la Foi , ^ 3 1
Htjioire de l'EgUfe Gallicane ^ 8cc. Tome FI. i/^$
DiJJèrtation fur le Feu Boréal ^ éj^
Hifioire Criti<jue de la Gaule Norbonnoife , 5cc. ^61
Siouvelles Littéraires , f£X
Fia de la Table.
L E
JOURNAL
DES
SCAVANS
6
ï 0 U R
VANNEE M. DCC. XXXIll
DECEMBRE.
A PARIS;
Chez CHAUBERT, à l'entrée du Quay des
Auguftins , du côté du Pont Saint Michel, à la
Renommée & à la Prudence.
M. DCC. XXXIll.
AVEC APPROBATION ET PRIVILEGE DU ROY.
LE
JOURNAL
DES
SCAVANS
DECEMBRE M. DCC. XXXIII.
HISTOIRE DE L'y4CJDEMIE ROTULE DES INSCRIPTIONS
■ & Belles-Lettres , avec les Aiemoires de Littérature ^ tirés des Regijlns de
cette Académie ^ depuis l'année iji6. jupettes & compris l'année i-j 7,0.
A Paris, de l'Imprimerie Royale. 1735. '«-4°. deux vol. Tom. I.
pp. 434. pour l'Hiftoire : pp. 4S7. pour les Mémoires. Tom. II. pp. y^o.
Planches détachées i;:c.
LA Partie Hiftoriquedecc Vo- premier Extrait imprimé dans no-
lume , dont elle remplit la tre Journal d'Odobre. Nous
moitié , a fourni la matière d'un rendrons compte ici des Mémoires
Décembre. V v v v i;
€7S JOURNAL DE
d^ Littérature , qui , au nombre de
vingt cinq ^ fmvcnt dans le iriL-me
Volume cette Partie Hiftùriquc ,
&: qui tendent à éclaircir pluficurs
points d'ancienne Hifloire ou de
Myrboloaie. En voici les titres.
1°. D>J[snation oit l^on montre cjii'il
ti'y a jamais eu ijiiim A-îrrciire , par
M. Fourmont le Cadet. z.D.Jferta-
tion fur la Vénus des anciens , dans
lajuelle on fait voir qu'il n'y en a ja-
mais en cjiCun; \ par le même. l-Dif-
fertation fur les Décffes A léres ; par
M. l'Abbé Banicr. 4. Dijfenationfur
Hercule Mtifagete ; par M. l'Abbé
de Fontenu. 5. Hijïoire de Bellero-
phon ; par M. l'Abbé Banier. 6. Oh-
fervation fur le tcms attcjuel a vécu
Bellérophon ; par M. Fréret. 7. Re-
cherches fur les Hyperhoréens \ par
M. l'Abbé Gédoyn. 8. Nouvelles
Reflexions fur les Peuples appelles
Hyperboréens ; par M. l'Abbé Ba-
nier. Çj. Recherches Hifioriques fur les
dijferens Peuples cjui s'établirent en
Epire ^ avant la dernière Guerre de
Iroyes ; par M. de la Nauze. 10. &
II. Recherches fur l'Aréopage', par
M. l'Abbé de Canayc. iz. 1 3.& 14.
Hiftotre de la première Guerre Sacrée;
par M. de Valois, i ^.Rsmarnjuesfiir
VHifioire d'Héro & de Lé.mdre ; par
M. de la Nauze. 16. Dijfertation fur
le Saut de Leitc.^de \ par M. Har-
dion. 17. Eclairciffemens fur r Hifloi-
re de Lycurgue ; par M. de la Barre.
1 8. Difcours fur les Pfylles ; par M.
l'Abbé Souchay. 19. Recherches fur
Vancicnueté & fur V origine de l'art de
V Eijuitation dans la Grèce ; par M.
Fréret. 20. Difcours fitr l'Elégie; par
M. l'Abbé Souchay. ii. & 22. Pre-
S SÇAVANS;
mier & fécond Difcours fur les Poètes
Elégiiicjues i par le même. ti. Dif-
cours fur l^ origine & fur le caraHere
delà Parodie; par M. l'Abbé Sallicr.
24. Syflème d'Homère fur l'Olympe ;
par M. Boivin le Cadet. 25. Ohfer-
vatiensfur la Cyropéiie de Xénophon^
féconde Partie; par M. Fréret.
Qiielque propres à piquer la
curiolité que paroilfcnt tous ces ar-
ticles , on ne s'attend pas , fans
doute, que pour la Satisfaire plei-
nement , nous entrions fur chacun
dans un détail plus ciicunftnncié.
Contens de nous en tenir fur la ;ilû-
part à la (Impie indic.'.tion , nous
en prendrons feulement un petit
nombre au hazard , dont nous en -
tretiendrons plus particulièrement
le Public , le renvoyant lur tous les
autres au Livre même , où ils méri-
tent d'être lus en entier.
I. Nous commencerons pat la
DilTertation qui fe prefcnte la pre-
mière & dans laquelle M. Fourmont
le Cadet montre qu'il n'y a jamais
eu qu'un Mercure. Ciceron en com-
pte pourtant jufqu'à cinq , dans le
troifiéme Livre de la Nature des
Dieux. Voici le paffage de cet Au-
teur , tel que l'a traduit en François
M. l'Abbé à'Olivet. Des Mercures ,
le premier eut pour père le Ciel , C$*
pour mère la lumière. Le fécond , qui
habite un antre fouterratn , & qui eji
le même que Trophonius , eflfils de
falens & de Phoronis. Le troifiéme ,
qu'on dit avoir eu Pan de Pénélope ,
eft né du troifiéme Jupiter & de Maia.
Ls quatrième , dont les Egyptiens
croyenî ne pouvoir fans crime proférer.
le mm , eftfli du NU. Le cinquimt ,
D ï C E M
tfu^ih mmment en leurlangueThoth,
comme s'appelle chez eux le premier
mois de l\mnée , efi celui cjue la Ville
de Phènée révère , & cjiu s'étanifait-
vi en Egypte pour avoir tué Argus ,
y fit recevoir [es lois: ^ & fleurir les
beaux Arts. Pour faire voir que ces
cinq Mercures de Ciceron fe redui-
fent à un feul , l'Académicien s'ef-
force de prouver , i°. Qiic dans le
palfagc dont il s'agit , le Ciel ou
Cœ/«/ eft Jupiter : 2°. Que Valefis
n'eft qu'une épitiiéte de ce Dieu :
3°. Que le Nil ne défigne que le
Pavs de Mercure : 4". Que celui
que les Egyptiens n'ofoient nom-
mer , eft leur Thoth ou Thoyth adoré
par les Phénéates , & le même que
le fils de Jupiter & de Maïa : 5°.
Que Dies ( le jour , la lumière )
Maia 6c Phoronis ^ l'ont les mêmes.
I. Le Ciel , en premier lieu , eft
Jupiter chez les Latins , fuivant
Cicéi on même -, 6c ils donnent en-
core à ce Dieu le nom d'i^ther ^
qu'ils avoicnt emprunté des Grecs ,
comme en font foi divers pafTages
allégués par M. Fourmont. D'où il
fuit , que malgré la différence mife
par l'Orateur Latin entre Cœlus
( le Ciel ) & Jupiter, ces deux
noms ne déiîgnent qu'une même
Divinité, &c que par confequent le
premier Mercure ne diffère pas du
troifiéme.
1, Le Valens que Ciceron fait pè-
re de Mercure 6c de Trophonius,
& qui eft le participe du verbe va-
leo j valcre , ( être puijfant ) n'eft au-
tre encore que Jupiter , ôc répond
aux Epitliétes Gréques fiiyaviiik,
«fire6v»'ç,«>wï<«ç , attribuées par les
B R E , 175 3' <?7
anciens Poètes à ce Dieu tout-puif-
fant. Quant à Trophonius confon-
du avec Mercure par Ciceron , l'A-
cadémicien s'infcrit en faux contre
cette autorité , fur ce fondement ,
que Mercure , quoique reconnu
pour un Dieu terrcftre &c polTcfteur
d'un antre , ainfi que Trophonius,
n'en faifoit ufage que pour intro-
duire les âmes fous la terre, au lieu
que Trophonius rendoit des Ora-
cles dans le fien ; fans compter fa
généalogie que nous devons à Pau^
fanias 6c qui n'a rien de commun
avec relie de Mercure.
Le quatrième fans mcre èc fils du
Nil , fuivant Ciceron , n'eft pas dif-
férent des deux premiers , félon
notre Auteur. Il ne peut être re-
gardé comme fils du Roi d'Egypte
Fhrouron furnommé Nilus , puif-
que ce Prince n'ayant régné que
peu de tems avant la deftrudion
de Troye , il éroit bien plus récent
que Mercure honoré comme Dieu
en Egypte S^ en Grèce de toute an-
cienneté. On ne peut donc le dire
fils du Nil que pour marquer le
Pays d'où il tiroit fon origine. Et
de-là M. Fourmont conclut que ce
quatrième Mercure eft le même
que le cinquième que Ciceron fait
régner en Egypte , y donner des
loix , y introduire les beaux arts. II
le confond avec Thoth , révéré des
Egyptiens comme un de leurs plus
grands Dieux , &c pris chez eux,
( félon Jambhque ôcProclus ) pour
le Dieu l'htha fils de Kf7eph qui n'a
ni commencement ni fin , 6c qui
peut , à cette infinité près , palier
pour le Jupiter des Giecs & des
6yS JOURNAL D
Romiins. C'cft de quoi ne coiivien-
droient pas tout-à-tait ceux qui
comin^ Ciceron , prétendent que
Phthit ell Vulciin en Egypte , &
noa pas M.-rcHrc ; iSc que c'ell de-là
que les Grecs ont cmpiunté la dé-
nomination d'H^tpais-eî qu'ils don-
nent à leur Dieu Forgeron.
A l'égard du troilîcme Mercure
de Ciceron , fils du troilu-me Jupi-
ter & de Maïi , il n'cil queftion
pour fçavoir quel il ell , que de
démêler ce que c'eft que ce troifié-
me Jupiter. Ciceron en compte
trois ; le premier hls de ïn^ther ;
le fécond lils du Ciel ■■, le troiiléme
né en Crête , £c qui eft le Jupiter
Grec. Les deux premiers, comme
on l'a vîi plus haut, n'en font qu'un.
LeCrétoisffuivant Ciceron) eR fils
de Saturne. Or Saturne eft Hoc ,
félon Boch.rrt , & Jupiter fon fils
eft ï Amman des Egyptiens , le Bi-
Itts des Phéniciens , & le père de
Mercure. Que le Jupiter des Grecs
foit Ammon , c'eft ce que décla-
rent formellement Hérodote , Plu-
tarque & Ariftote cité par Hefy-
chius. Qli'U foit le Bclus des Phé-
niciens , on en trouve la preuve
dans Eufcbe & dans Xiphilin.
Mais [ dira-t-on J le Jupiter Grec
eft né en Crète , il y a régné , on
y montre fon tombeau. A cela no-
tre Auteur oppofe ces trois refle-
xions : I?. Rien n'eft moins fondé
( félon Paufanias ) que cette pré-
tention des Cretois : z°. Callima-
que n'y a nul égard , & nous appre-
nons de fon Scholiaftc que le pré-
tendu tombeau de Jupiter en Crète
n'étoit que celui de Minos , dooc
ES SÇAVANS ,
le nom s'étoit effacé par le tems :
3°. Tout ce qui conccrnoit le cul-
te des Dieux , & de Jupiter en par-
ticulier , avoir pris naiftancc en
Egypte ( félon Hérodote ) & de-là
s'étoit répandu chez tous les autre,ï
peuples. Or ( félon Paulanias )
Meicure étoit fils de Jupiter Am-
mon , d'où les L}biens l'appel-
\ohnt P ar.-irn*tion , qui vifiblcincnc
n'eft autre que Bar-CLim en Hé-
breu ou en Phénicien , c'cft-à-dirc
fîls Àe Cham ou de Himmon. Pat
confcquent { conclud M. Four-
mont) le Mercure fils du troifiémc
Jupiter , dont parle Ciceron , eft
le même que leMcrcure fils duNi],
que le Mercure furnommé T^jotlt
par les Egyptiens , &c que le Mer-
cure fils du Ciel ou fils de Valens.
Il n'y a donc eu qu'un feul Mer-
cure.
Mais ( obfervera-t-on encore )
que deviendront les trois mères
que Ciceron lui donne , la Litrnic^
re j PhoroKÏs Se M^^ia ? L'Académi-
cien répond que de ces trois , \t
première ne marque uniquement
que l'origine orientale de Mercure ,
que l'on peut regarder pour cette
raifon comme le fils du Jour ^ de U
Lumière , de V Aurore : que la fé-
conde P/7flro«;.f indique l'Egypte en
particulier comme le lieu de la
naiffance de Mercure , & dont les
fouveiains étoient connus fous le
nom de Pharaon , d'où s'eft formé
celui de Phornnis : qu'enfin la troi-
ûémc A<f ai a ^ comme fille d'Atlas
dépofc en faveur de l'origine Egy-
ptienne attribuée à Mercure & le
rapproche beaucoup de ce Pays-là.
D E C E M
ÏI. M. l'Abbé de fontetm , dans
fa DifTertation fur Hercule Mufigé-
ie , entieprcnd àc taire voir que ce
Héros conçu d'ordinaire fous l'idée
d'un dcftrudcur de monftrcs , d'un
exterminateur de brigands &: de
Tyrans , ne s'eft pas moins diftin-
gué par la beauté de fon génie &C
par l'étendue de fes connoilTanccs ,
que par fon adrelfe & par la force
de fon corps. L'Académicien a
pour garants de cette efpece de pa-
radoxe Diodore de Sicile , Denys
d'Halicarnalfe, Paufanias, Ariftore,
Ifocrate 6c divers autres Ecrivains,
qui parlent des foins que l'on prit
de l'éducation d'Hercule , des
Maîtres excellens qui y préfide-
rent , tels que Chiron , Linus^ Eu-
molpe , Efculape , &c. des progrès
étonnans qu'il fit dans les Sciences
ic dans les beaux arts. M. l'Abbé de
Fontenu , en un mot , prétend
qu'Hercule polTedoit également la
Théologie Payenne , la Philofo-
phie, la Médecine, la Botanique ,
l'Hydraulique, la Géométrie Pra-
tique , l'Aftronomie , la Naviga-
tion, la Mufiquc, laPocfie & l'Elo-
quence.
1°. Qu'Hercule ait été très-in-
ftruit de la Théologie de fon Pays ,
ClémentAlcxandrin en rend témoi-
gnage en difant que ce Héros ap-
prit de Chiron tout ce qui concer-
noit la Religion & le Cuke des
Dieux. Il ne s'en tint point là def-
lus à la fimple Théorie •, il y joignit
la pratique. Il paffa (félon Diodore)
par toutes les fortes d'expiations
ufirées en Grèce , & voulut en con-
uoîttc à fond les ufages ; il fe fit
B R E , 1755: ^7p
initier dans les Myftcres de Cerésà
Athènes , ?<. il fignala fa pieté par
le retablillcmenr des Jeux Olympi-
ques confacrés à Jupiter , ainfi que
par la fondation d'un grand nom-
bre de Temples iSc d'Autels.
2°. 11 cultiva, dès fa jcunelfe 3,
la Philofophie Morale, dit Xéno-
phon ; s'étant déclaré dcllors pour
le parti de la vertu contre celui du
vice. Il fçut C dilcnt Elien & Syne-
fius ) vaincre fes paillons , comme
il avoit triomphé des monftres -, &c
Sénéque le met avec UlyfTe & Ca-
ton au rang des Philofophes les plus
fages.
3°. Il étudia fous le Centaure
Chiron la Médecine, & devint tel-
lement expert à l'aide des lumières
qu'il emprunta d'Efculape fon ami,
qu'il guérit Alcefte d'une maladie
mortelle; d'où les Poètes [ dit Plu-
tarque J ont feint qu'Hercule l'a-
voit retirée des enfers. Il délivra
l'Elide & la 'Ville de Selinontc des
maladies peSilentielles qui les ra-
vagcoient; & il mit en ufage les
bains d'eau chaude pour la gueri-
fon de plufieurs infirmitcz, De-ià
vient qu'on le reclame , de même
qu'Apollon & Efculape , comme
un des Dieux Tutclaires de la fan-
té , ainfi qu'en font foi les titres
qu'on lui donne fur plufieuis Mé-
dailles.
4°. L^s connoiffances qu'il ac-
quit dans la Botanique le mirene
en état de perfedlionner la Médeci-
ne , où il introduifit l'ufage de pla-
fieurs firaples de grande vertu , Sc
aufqucUes on donna fon nom ; fans
parler des arbres qu'il fit tranfplan-
680 JOURNAL D
ter de divcrfes contrtes,tcls que l'O-
livier fauvage Si le Peuplier blanc.
5°. Son expérience dans la Géo-
métrie-Pratique & dans l'Hydrau-
lique ou l'art de conduire les eaux
cft atteftc par Diodoré , Denys
d'Halicarnalfe , Paufanias &: d'au-
tres, qui mettent fur fon compte
des marais dclfcchés , des fleuves
reflcrrés dans leur lit ou détournés
de leur cours ordinaire , des canaux
crcufés dans des lieux fteriles , des
aqueducs percés à travers plufieurs
montagnes , les flpts même de la
mer arrêtés par des digues -, des
monts applaniSj des chauffées con-
ftruites ainfi que des grands che-
mins ■■, ce qui lui valut un rang par-
mi les Divinitcz Protcdriccs des
routes publiques.
6". il n'excella pas moins dans
l'Artronomic & dans la Sphère ,
qu'il enfeigna le premier auxGrecs,
fuivant Diodore, & qu'il poffeda fi
parfaitement que les Poètes en ont
pris occafîon de teindre qu'Atlas le
plus célèbre Aftronome de ce
tems-là s'étoit déchargé fur ce Hé-
ros du fardeau de l'Univers. On lui
attribue ( dit l'Académicien ) plu-
fieurs découvertes en Aftronomie -,
& la connoiffance qu'il avoit du
cours des Aftrcs le fit choillr par les
Argonautes pour le Chef de leur
navigation.
7°. M. l'Abbéde Fontenu , non
content de nous avoir donné Her-
cule pour un Sijavant du premier
ordre , en tait un homme de Let-
tres , c'eft à-dire un Dialcdicien ,
un Orateur , un Poète , un Mufi-
cicn ; & tous ces talens doivent
£S SÇAVANS.
effectivement fe rencontrer danî
ce Héros pour juftificr fon titre de
Aiufagéte ou de ConduEleur des Mu-
fa. Platon te Piurarquc le regardent
comme un grand Dialcclicien , qui
avoit l'art de renvcrfcrpar la force
de fcs raifonnemens , les argumens
captieux des Sophiftes. Son élo-
quence l'avoit fait affocier à Mer-
cure dans les Académies , où l'oR
voyoit leurs ftatues enfemblc ; &
on leur avoit dédié des Temples &
des Autels en commun ; ce qui \z%
fît quelquefois prendre l'un pour
l'autre. Les Gaulois le révéroient
même comme le Dieu de l'Elo-
quence fous le titre à'Ogmio» , an-
nonçant à tout le monde par fa fi-
gure fymboliquc , qu'il en avoit
beaucoup plus fait par l'énergie de
fes difcours que par la force de fes
armes : fur quoi l'Académicien al-
lègue l'autorité de Pindare.
Mais ( condnue-t-il } c'eft beau-
coup plus par le talent de la Mufi-
que & de la Poéfie qu'il s'eft figna-
lé , que par tout autre : & ce furent
Linus &c Chiron qui l'initièrent
dans ces arts , cultivés alors par pré-
férence àThébes Patrie d'Hercule.
La Poëfîe le conduifit à la Divina-
tion , dans laquelle , ainfi que dans
la première , il ofa même entrer
avec Apollon en concurrence; d'oîi
virnt qu'on les reprefentoit l'un &
l'autre une lyre à la main , comme
Chefs & Conduifleurs des Mufes,
& que la Comédie avoit reconnu
Hercule pour fa DivinitcTutelairc,
comme le montrent quelques an-
ciens Monumens Grecs produits
par l'Auteur. Il en paffe d'autres
fouc
D E C E M
fous filencc, pour en venir plus
promptement aux Romains , &
faire voir que ceux-ci ^ à l'imitation
des Grecs , honorèrent d'un culte
particulier ce Dieu fous le titre
à! Hercules Mufariim.
Ce fut le Conful M. Fulvius-
Nobilior , qui l'an de Rome ^66. le
leur fit connoître au retour de fon
expédition dans l'Etolie qu'il fub-
jugua. Il confacra donc à ce Co-n-
duSleur des Miifes un magnifique
Temple dans le Cirque de Flami-
nius , qui occupoit une partie de
la neuvième région de Rome ; Se il
décora cet Edifice en y plaçant à la
fuite d'Hercule les ftatuës de bronze
des neut Mufes qu'il avoit appor-
tées d'Ambracie Capitale de l'Eto-
lie fa nouvelle conquête. Ce Tem-
ple devint l'un des plus fréquentés
qu'il y eût à Rome ; & l'on en cele-
broit la dédicace la veille des Ca-
lendes de Juillet. Négligé dans la
fuite & ptefque tombé en ruine,
L. Marcus-Philippus , fils d'un des
plus grands Orateurs de fon fiécle ,
& beau-pere d'Augufte le fitreb.a-
tir à fes trais , l'orna des ftatuës des
plus grands Maîtres , & d'un porti-
<]uc fuperbc décrit par Pline l'Hi-
ftorien. Les gens de lettres tenoient
dans ce Temple de fréquentes af-
femblées , ainfi que dans celui d'A-
pollon qu'Auguftc avoit fait con-
flruire dans fon Palais.
Mais [ajoute M. de Fontenu] c'eft
la famille Pomponia qui a le plus
contribué! tranfmettre chez la po-
llerité la plus reculée la mémoire
d'Hercule Ahtfagéte , par les Mé-
dailles de Pomponius-Mufa fur lef-
Decembre.
B R E; I7Î j; tfSi
quelles on voit ce Dieu la Lyre à
la main avec l'infcription A' Hercu-
les Mufarum , &i au revers les figu-
res des neuf Mufes comme à la fui-
te de cette Divinité.L'Academicien
a même conçu une opinion il avan-
tageufe de ces petites figures , où il
croit appercevoir toute la correc-
tion du deffein & toute l'élégance
de la fculpture gréque , qu'il les re-
garde comme des copies fidelles des
ftatuës des neut Mufes tranfportces
d'Ambracie & placées à Rome
dans le Temple d'Hercule Adufagé-
te. Quant aux motifs qui ont pu dé-
terminer ce Pomponius à rendre
fur fes Médailles cet hommage pu-
blic à Hercule & aux Mufes , l'A-
cademicien en allègue pluficurs
fondés fur les conjed ures de Patin
& fur les fiennes , que nous omet-
tons pour abréger , comme il fup-
prime pour la même raifon , quan-
tité d'autres preuves qu'il pourroit
( dit - il ) pioduire en faveur de
l'Hercule Miifagéte contre quel-
ques Sçavans d'avis contraire au
fien , & qu'il pourroit appuyer de
plufieurs Monumcns antiques rela-
tifs à ce même fujet.
in. VHiftoirede Bellerophon dif-
cutée par M. l'Abbé Banier entre
fort naturellement dans les viiës
qu'il s'eft toiîjours propofées de
chcrcher&de découvrir h vérité ca-
chée fous le voile des fidions dont
l'ancienne Mythologie a coutume
de l'envelopper. Le Héros dont il
eftqueftionfe nommoiten premier
lieu Hipponome , &c naquit à
Ephyre , depuis rippcUéeCorinthe.
Il étoit fils de Glaucus , & petit fils
Xx X X
^82 JOURNAL D
de Sifyphe , Fondateur &: Roi de
cette même Ville. Hipponome s'é-
tant battu pour quelque différend
contre un jeune Corinthien nom-
mé Biller j il le tua -, d'où il
fut furnommé BelUrophon , com-
me qui diroit h meurtrier de Bél-
ier. Tout meurtre , même invo-
lontaire , mettoit dans la nccef-
fîtéde fe bannir de fa Patrie & d'al-
ler follicitcr dans quelque Cour
étrangère l'expiation de Ion crime.
Bellerophon h trouva chez Prœ-
tus , qui en fit la cérémonie.
L'Academicien,avant que de s'en-
gager plus avant, examine un point
de Chronologie fujet à de grandes
difficultez , fçavoir , fi le Piœtus
chez qui fe retira Bellerophon ,
ctoit le trere d'Acrife Roi d'Argos ,
fuivant l'opinion commune. C'cft
ce que ne peut fe perfuader notre
Auteur , fur ce principe , Que ce
Roi d' Arcjos vivoit prcs de 200 ans
avant la guerre de Troye ; au lieu
qu'il eft certain que Bellerophon
ne précedoit cette guerre que de
deux générations , puifque Glaucus
& Sarpédon cou fins germains &:
fes petits-fils y combattirent l'un
& l'autre fuivant Homère. C'eft ce
que M. Banier s'efforce de mettre
dans un plein jour , par l'érabliiTe-
ment des Synchronifmes de plu-
fîeurs Héros de l'antiquité , dont le
détail nous meneioit trop loin. Il
croit donc que le Prœtus dont il
s'agit n' eft rien moins que le frère
d'Acrife i qu'il y a eu d'autres Prœ-
tus plus recens , & qu'Homcre en
Sualifiant celui dont il parle, de Vun
(S fins ptijfam Primes tt^rgos ,
ES SÇAVANS,
ne défigne en cet endroit par le
mot y^r^s que la Grèce en géné-
ral.
Après ce préliminaire chronolo-
gique , l'Académicien vient au ré-
cit des avantures de fon Héros ,
Icfquelles il raconte d'après l'Iliade
d'Homère , & qui font trop con-
nues pour avoir bcfoin d'être tranf-
crites dans cet Extrait. Aulfi notre
Auteur s'applique ici principale-
ment à démêler ce qu'elles contien-
nent d'hiftoiiquc d'avec ce qu'elles
ont de fabuleux , & à découvrir
d'où ce fabuleux tire fon origin.*.
C'eft fur quoi nous allons k fuivro
exaètement.
L'article capital de cet examen
roule certainement fur la Chimère,
ce monftrcà tête de lion , à queue
de dragon , dont le corps étoit ce-
lui d'une chèvre, & qui vomilfoit
des flammes. » On ne s'attend pas
» fans doute ( dit M. l'Abbé Ba-
» nier ) que j'entreprenne de réali-
» fer un monftre dont le nom eft
n devenu fynonvme avec le néant,
n & avec les êtres de raifon . qui
nfouvent ne font eux-mêmes que de
» fpecieufes chimères. Je n'ai pas
» befoin non plus ( continuc-t-il )
» de prendre la chofc auftî fèrieu-
» fement que Lucrèce , qui a prc-
» tendu prouver par bonnes raifons
« que la chimère ne fubfifta jamais.
11 cherche donc dans les Mytholo-
gues tant anciens que moderne*
quel peut être le fondement d'une
pareille fidion -, &c il n'y trouve que
trop de con;eclurcs , dont le détail
dcviendroit cnnuveux. De ces ex-
plications les unes font ph)iîq^uc5a
D E C E M B
6c les autres morales.
Du piemier genre font i". celle
de Plutarque qui a recours aux
rayons du Soleil réfléchis par une
roche de Lycie fur les campagnes
voilines qu'ils brûlent : i°. Celle de
Nicandre leColophonieii qui trou-
ve beaucoup de rapport entre la
queue d'un dragon <Ji des toirens
impétueux qui ravagent pendant
l'hyver les campagnes où Us 1er-
pentent , & entre les flèches dont
le Héros perce le monftre &c les
rayons du Soleil qui pendant l'été
tarifl^tnt & delfechcnt ces torrens.
Si ces explications phylîques pa-
roiOent peu heureufesà l'Académi-
cien , les morales que nous fuppri-
mons méritent beaucoup moins
fon fuffrage.
Il ne l'accorde pas plus volontiers
ni à la conjeâ:urc de Caryftius cité
parTzetzcs qui a cru découvrir dans
la chimère les caradleres differcns
des trois fortes d'ennemis contre
lefquels combattit BcUcrophon-, fa-
voir des Solymes , peuple coura-
geux comme des lions i des Ama-
zones , qui , comme des chèvres ,
habitoient des lieux cfcarpés , &c
des Lyciens cachés en embufcadc
comme des ferpens ; ni à celle du
fçavant Bochan qui va chercher
dans le Phénicien le dénoUement
de cette fable , & trouve que les
noms des trois chefs des Solymes
( Argu! , Arfalus Si Trofbius ) ré-
pondent aux trois animaux du
monllre, le premier nom fignifiant
en cette langue un lion, le fécond un
chevreuil , le troiliéme la tête d'un
ferpent^û l'on n'aime mieux fuppo-
H E ; 1 7 5 5; (J8j
fer que c'cto r les trois Divinitez
principales de ce peuple , dont les
noms étoicnt ceux des animaux re-
prefentés fur leurs enfeignes mili-
taires.
L'explication d'Agatharchide of-
fre d'abord quelque chofc de plus
fpecieux. Selon lui , Aniifodar ,
Roi d'un Canton montagneux de
laLycie, avoit une femme nommée
Chimère , dont les di?ux frçres inti-
mement unis avec elle , s'appel-
loient Lio?i & Dragon , 8z faifoicnt
des courfcsdans les Etats du Roi
lobate , qui t.itiguc d: ces hoHili-
tez envo) a contr'eux Bellerophon
pour en délivrer le Pays; d'où le
bruit fe répandit qu'il avoit vaini:u
la Chimère. Il ne manque à cette
explication que d'être appuyée fur
quelque fondement plus certain
que celui qu'on lui donne. Ainlî
M. Banier tâche d'en trouver une
plus folide en marchant fur les tra-
ces de Strabon , de Plme , de Set-
vius , & d'autres anciens Auteurs.
Il remarque d'abord qu'entre les
montagnes d; la Lycie où regnoit
lobate ctoit le mont Cragusà huit
fommets , l'un defquels s'appelloit
Chimère à cauie des chèvres fauva-
ges qui y paifloient , & jettoit per-
pétuellement des flammes. Toutes
CCS montagnes étoient remplies de
lions , de cli'jvreiiils & de ferpens ,
qui infeftoient les pâturages d'alen-
tour &C les rcndoient peu furs pour
les troupeaux. lobate chargea le
jeune Bellerophon de don; er la
chalTe à tous ces animaux & d'en
purger le Pays , comme Hercule
avoit nettoyé les Marais de Lernc
Xx XX i;
«84 JOURNAL DE
des fcrpcns & autres bctcs veni-
meufcs dont ils ctoicnt pleins :
d'oii il paroît f dit notre Auteur )
que la Chimère &c l'Hydre ont eu
la même origine. Il croit que ce fut
en reconnoilTance d'un fi grand fer-
vice que le Roi de Lycie donna
Philonoe ù fille en mariage à ceHé-
ros , & non pas après fes autres ex-
ploits , comme le dit Homère ,
puifquc ce Prince y perdit un de
les fils qui l'y avoit accompagné.
Ce fut dans la guerre des Solymes ,
peuple de Pilidie, dont il fit un
grand carnage. Leur défaite fut
bien-tôt fuivie de celle des Ama-
zones : & Bcllcïophon attaqué au
retour par les Lyciens mêmes qui
jaloux de fa gloire lui avoient dref-
fé une embufcade , il les tailla en
pièces ôi revint à la Cour vain-
queur de tant d'ennemis.
Il régna en Ly^ie après lobate
qui de fon vivant lui avoit déjà
donné la moitié de ce Royaume
comme la dot de Philonoe ; dont
il eut trois entans , Ifandre , qui tut
tué dans le combat des Solymes ,
Hippoloque qui fucceda à fon père
& Laodamie , qui d'une galanterie
qu'elle mit fur le compte de Jupiter,
devint mère deSarpedon , &: mou-
rut enfuite frappée des traits deDia-
nc , félon Homcre , c'eft-à-dire , en
langage ordinaire & non poétique,
qu'elle mourut fubitement ou d'u-
ne maladie contagicufe. La mort
de ces deux enfans plongea Bellero-
phon dans une ii noire mélancho-
lie , qu'ayant abandonné à fon fils
le foin des affaires, il vécut dans la
Kiraitc j fequeftré du commerce
S SÇAVANS,
des hommes.Hcrodotc affure que la
poftcrité de ce Héros régna dans
i'Ionie.
L'Académicien a eu foin , à l'e-
xemple d'Homère , d'écarter de ce
récit hiftorique plulieurs fiLlions
que d'autres v ont ajoutées. Telle
eft celle du Pégafe donné à Bellero-
phon par Minerve elle-même , SC
qui ( félon M. l'Abbé Banier ) n'cft
autre qu'un navire fur la proue du-
quel étoit reprefenté un chcval.TeJlc
e(l encore celle de Neptune donné
pour père à ce Prince , parce qu'ii
étoit regardé comme un célèbre
Navigateur venu par mer d'un
Pays éloigné. Telle eft aulîi la Ly-
cie inondée par Neptune irrité,
puis délivrée du débordement à la
prière de fon fils Bcllcrophon ,
c"eft-à-dire par le moyen d'une di-
gue que Celui ci fit élever contre
l'inondation. Telle eft enfin i'en-
treprife de ce Prince qui veut à
l'aide du Pégafe monter au Ciel ,
d'où il eft précipité par Jupiter qui
l'aveugle &c le fait errer fur la terre
le refte de fes ]ours dans une extrê-
me mifere : ce qui parodie en ftvle
fabuleux , comme l'on voit , ce
que nous en avons raconté plus
haut hiftoriquemcnt. » La vérité
» [ dit l'Académicien en finiftant ]
» avoit-elle donc autrefois fi peu
^ de charme , qu'il ait fallu , pour
» nous la tranfmettre , la parer de
» tant de bizarres ornemcns ?
IV. Les Recherches de M. l'Abbc
de Canay: fur V Aréopage , ce Ti i-
bunal d'Athènes firefped:able,rem.
pliftent ici deux Diftcrtaticns , de-
fUnées l'une à dccouvrii l'écymolo-
D E C E M
gie de ce nom , à fixer l'époque
d'un établiffement Ci utile, Se à dé-
terminer quel en hir le Fondateur ;
l'autre à donner un détail de la for-
me obfervée par les Aréopagitesdans
l'indrudlion &: le jugement des affai-
res qu'ils dévoient décider. L'Aca-
démicien avoiie d'abo.d que Jïdenr-
fus a ralTemblé , dans un Traire ex-
près , tout ce qui fe pouvoit dire fur
un pareil fujct , & qu'il lui a touini
prefquc tous les matériaux que nous
trouvons employés fi ingénicufe-
nient dans les deux Difcours dont
nous faifons l'Exrrair. Mais il aver-
tir en même tems qu'il y a mis pins
d'ordre que le premier Compila-
teur i qu'il a rcdrcflé celui ci fur le
Fondateur de l'Aréopage , & fur
le tems de cette londarion : & qu'il
a réuni fous le même point de vue
tous les traits fur lefqucls on peut
fe former une aflTez jufte idée de
cette iliuftre compagnie. «Heureux
» ( dit avec modeftic l'Auteur en
» s'adreffant .à l'Académie ) fi dans
» l'impuiiïance où je fuis de vors
» rien offrir fur cette matière qui
» ait les grâces de l'invention, vous
» avez l'indulgence de penfer que
»> je n'ai du moins rien gâté dans ce
■D qui n'étoit pas de moi.
i.U fait en premier lieu une revue
exade de différentes étymologies
du mot aréopage pioduites par les
anciens; & il en rapporte cinq ou
fix auflii peu fatisfaifantcs les unes
que les autres, & entre Icfquelles il
lailTe prudemment le choix indécis.
De-là il paffe à la recherche d'un
point beaucoup plus intereffant fur
ce Tribunal, & qui eft l'époque de
B R E , I 7 5 j: 69^
fa fondation. Ciceron l'attribue ,
fans héfiter, à Solon leLégiflateur
des Athéniens ■■, &c Plutarque eft du
même avis qu'il regaide comme
l'opinion commune de fon tems.
Lucien dans un de fes Dialogues
introduit Solon , qui fc rend à lui-
même ce ténioignage. Mais Plutar-
que bien-tôt contre la propre déci-
fion , rcconnoîr que l'Aréopage
exiftoit avant l'Archontat de So-
lon , qui par confequent n'avoir pu
rétablir : &; Ariftote ed du mcinc
fentimcnt. D'un autre côté Paufa-
nias racontant la guerre de Mefléne,
parle d'un Polycharés qu'on vou-
ioit traduire devant l'Aréopage
pour crime de meurtre , dont ce
Tribunal depuis long- tems étoic
en poffefllon de juger : cr cet évé-
nement , fuivant la fupputation de
Paufanias , eft arrivé 141. ans avant
Solon.
De plus , Lycurgue , félon Ifo-
crate ^ avoit formé fon Sénat de
Sparte fur le modèle de l'Aréopage.
Or Lycurgue , comme contempo-
rain d'Homère, fuivant Ciceron &c
Strabon , avoit précédé Solon cîc
300 & tant d'années , ou au moins
de 29Z ans. Mais, félon le même
Paufanias , après la mort de Co-
drus , les Lacédémoniens reftés
dans Athènes, & fur le point d'être
immolés à la cruauté du vain-
queur , fe réfugièrent dans l'Aréo-
page comme dans un afyle facré :
or Codrus vivoit 5 1 1 ans avant So-
lon. Apollodore , affurequc Déda-
le condamné par l'Aréopage s'en-
fuit chez Minos ; & que Céphalc
pour le meurtre involontaire de Îa.
€S6 JOURNALD
femme Procris , fut condamne par
le même Tribunal à un exil perpé-
tuel : or le premier de ces deux
évenemcns cil antérieur à Solon de
É98 ans, &c le troiiîéine l'eft de
800. Eniîn, fuivant le témoignage
des mSixhTcs à' yirondel , l'Aréopage
fubhlloit 941 ans avant Solon.
L'Aréopage humilié par Dracon
premier Légiflatcur d'Athènes &c
Fondateur duTri'ounal dtsEphétes,
reprit fous Solon fon ancienne
fplcndcur , c'eft-à dire le premier
rang & l'infpeclion générale des
Loix. L'Académicien nous fait part
ici du beau portrait qu'a tracé Ifo-
crate de ces hommes merveilleux ,
&de l'ordre qu'ils établirent dans
Athènes. Il faut le lire dans la Dif-
fertation même. La Religion ctoit
aullî durelTort des Aréopagitcs , &c
leur Junfdiâiion s'étcndoit au dé-
tail du culte des Dieux. En un mot
tout ce qui interelToit la Republi-
que dans quelque genre que ce tùt,
étoit réglé par la fagelTe de l'Aréo-
page. Cependant ce pouvoir fans
bornes étoit lui-même foi^imis aux
Loix qui déterminoient les recom-
penfes Sc les punitions , Se ces Ma-
giftrats rendoient compte de l'e-
xercice de leur pouvoir à des Cen-
feurs publics , placés entre les
Aréopagites & le Peuple. Solon or-
donna par une Loi expreffe que
l'entrée de l'Aréopage ne feroit dé-
formais ouverte qu'a ceux qui au-
roient été Archontes pendant l'an-
née -, & il s'alTujettit lui-même .\ la
Loi pour lui donner plus de poids.
On interrogeoit les Archontes fur
leur adminiltration , & le œoindjrc
ES SÇAVANS;
écart les cxcluoit pour jamais de
l'Aréopage. On rcfpedoit lesAiéo-
pagitcs au point de n'ofcr rire en
leur prélcnce , & l'on avoit une fi
haute opinion de leur équité , que
ceux même qui étoicnt condamnés
ou dcb:^utés de leurs demandes par
ces Juges , ne fc plaignoient jamais
de l'avoir été mjuftement.
Mais Périclés , environ 100 ans
après Solon , en vûë de fe rendre
agréable au peuple , prit à tâche
ii'affoiblir l'autoriré de l'Aréopage,
en lui retranchant la connoiflance
de beaucoup d'affaires. Ce Tribu-
nal fembla même hâter fa propre
décadence , en fe relâchant fur le
choix des Sujets qu'il admit dans
la fuite i la corruption s'y glida
peu à peu &: y fit de tels progrès ,
qu'on le joiia fur le Théâtre dans
une Comédie intitulée VAréopagtte^
dans laquelle ( dit l'Académicien )
on démafquoit ces Sénateurs hypo-
crites , que les prefens &: la beauté
corrompoient également. Le paral-
lèle de l'Aréopage dans fa gloiic
avec l'Aréopage déchu , compofé
par Ifocrate , mérite d'être lu ; &C
rAcadémicien en a raffemblé les
principaux traits .à la fin de fa pre-
mière DilTertarion à laquelle nous
renvoyons le Leèleur fur ce point.
2. M. l'Abbé de Canaye , dans fa
féconde DilTertation fur l'Aréopa-
ge , obfervc d'abord qu'il étoit lî-
tué , non pas hors de la Ville, com-
me le dit Héfychius , mais au mi-
lieu d'Athènes , fur une Colline
qui faifoit face à la Citadelle , ce
qu'il juftifie par diverfcs autoritcz.
Rien n'étoit plus fimple que cet
D E C E M
Edifice , dont l'argile compofoit Je
toît j ainfi qu'on Je voyoit encore
du tems de Vitruve. Ovefte y fit
élever un autel à Minerve ; Se Ion
y pJaça deux fiégcs argentés , J'un
pourl'accufe, l'autre pour l'accu-
fateur ; l'unconfacré à l'injuie, &
l'autre à l'impudence. Dans la fui-
te Epimenide fit drelfcr à ces Divi-
nité/ allégoriques des autels dans
les formes , &c bien-tôt aprf s , un
Temple dont parle Ciceron , & qui
répondoit à celui qu'Orefte avoit
eonfacré aux Furies ou aux Eun>t'ni-
des. On s'imagmoit que ces redou-
tables DéefTcs n'avoicnt un Temple
iî voifin de l'Aréopage que pour
infpiier les Juges & les garantir des
méprifes inévitables à la fiagilitc
humaine. AulTî avoit - on grand
foin de leur culte , & le Sénat leur
nonimoic lui même des Sacrifica-
teurs. Epimenide leur aiïocia dans
leur Temple les Statues de Pluron ,
de Mercure & de la Terre , auf-
quelles facrihoient en adlion de
grâces ceux que l'Aréopage dccla-
foitabfous. On voyoit dans l'rn-
ceinte extérieure de cet Edifice le
Tombeau d'Oedipc , 8i un vaificau
deftiné à relever la pompe des
Jeux publics.
La fatigue pour des Vieillards ,
tels que les Aréopagitcs , de mon-
ter tous les jours au fommet d'une
GoUine pour y tenir leurs aflem-
blécs , les détermina dans la fuite
à tranfportcr leur Tribunal dans la
place nommée le Ptrticjue Royal ^
expofée aux injures de l'air. C'é-
toit-li que les Juges fe rendoienr
en gr jund lîlence 7 & <!" on les en;
B R E , ï 7 ? ?• 6^7
fermcit dans une forte d'enceinte
tracée par une corde , après quoi le
peuple fe rctiroit au cri d'un Hé-
rault. Us n'y don noient audience
que pendant Ja nuit pour ne laire
attention qu'aux railons de ceux
qui parloicnt , & nullcrocnt à
leur figure. Au refte l'ulage de ju-
ger en plein air ctoit commun à ce
Tribunal avec tous les aut:es , où
l'on connoilloit du crime de meur-
tre. L'Académicien en allègue les
raifons.
On tiroit au fort les caufes que
l'on devoit juger à l'Aréopage àc
les Juges i qui on les difiribuoir.
Les Parties cxpofoient cilrs-mi!-mcs:
le lait dont il s'agidoit , ou elles eni-
ployoientie miniftere des Avocats,
qui déduiloicnt leurs lailons avec
toute la fimpliciié qu'evigcoienC
la févérité &. l'irtégiité de ce Tri-
bunal : fur quoi l'Aurrur n'oublie
pas de relever une niéprifc de Sex-
tus-Empiricus. L.> modicité dufa-
laireque reccvoientces Avocats &-
qui étoit fixé à une drachme , ré-
duite enfin à trois oboles , étoit
plus que fufffanre pour contenir
leur éloquence dans les bornes-
qu'on leur prefcrivoir. L'accufa-
tcur & l'accufé ne parloicnt qu'a-
près s'être engagés de dire Ja vérité'
par Jes fcrmens Jes plus facrés , ac-
compagnés des in^précations les'
plus affrcufes dont ilsfe chargeoient-
cux mêmes. Les Juges ne décer»
noient la peine que fur l'autorité
des Loix , qui défcndoient qu'on
abandonnât le coupable à la dif-
crétion de l'accufateur.CeJui-là pou-
yoitfe louAraiie i la puniuon , en
6SÎ JOURNAL D
difparoilTant imincdiatemcnt après
fcs prcmicrcs détcnl'es Se fans don-
ner aux Juges le tcms d'aller aux
opinions. Qiiant à la hçon de don-
ner Ion luffrage dans ces jui^cnicns,
l'Auteur la décrie ici avec roin,fans
oublier les changemcns que les 30
Tyrans y apportèrent pourferendre
maîtres des décifions de l'Aréo-
page.
Les Juges , au furplus , croient
au(îî mal payés que les Avocats ; Ôc
û la décilion d'une affaire étoit ren-
voyée au lendemain , lesCommif-
faires ne recevoient ce jour - là
qu'une obole. C'eft ce qui tonde ,
dans Lucien , la plaifanterie de
Mercure, étonné que des vieillards
auilî lenfés que les Aréopagites ,
vendent à fi bon marché la peine
qu'ils ont de monter fi haut. Ce
pafTage ( félon M. l'Abbé de Ca-
naye ) femble démentir l'opinion
de Adeurfus fur le Portique Royal ,
devenu ( félon lui ) l'unique en-
droit où s'aiTcmbloicnt tous les
Magiftrats ; fuppofition qu'il n'ap-
puve que d'un Icul paflage de Dé-
mofthéne, que l'Académicien ne
trouve rien moins que décifif fur
le fait en queftion , fur quoi l'on
peut confultcr fes preuves qui ont
beaucoup de vraifemblance.
Il croit pouvoir encore établir,
malgré k filcnce de Mewjîus , que
ces deux propofitions , Tune que
les Aréopagites jugeoicnt en plein
air ( fub dio ) , l'autre , Qu'ils ne
s'affembloient que l.-i nuit , ont be-
foin de modifications. Il cft certain
( dit l'Auteur ) qu'au moins avant
la tranllation de l'Aréopage dans
ES SÇAVANS.
le Portique Royal , on ne jugcoic
pas en plein air , puifqu'on s'affem-
bloitdans un lieu couvert d'argile ,
qui fubfiftoit encore fous Augufte,
& dans lequel rien n'empcchoic
qu'on ne s'alfemblât pour certaines
affaires. A l'égard des aflemblécs
nodurnes tenues dans le Portique,
pour éviter l'niconvenient du
bruit & de la toule j elles n'ex-
cluoient en aucune manière celles
qui pouvoient fe tenir pendant le
jour 5i à couvert dans l'ancien
Aréopage.
L'Académicien termine fa Dif-
fcrtation par quelques remarques
fur le nombre des juges qui com-
pofoient ce Tribunal , & fur fes
principales décifions depuis fon
établilîement. On ne fçait point au
jufte quel étoit le nombre des
Aréopagites. Ceux qui condamnè-
rent Socrate étoientde bon compte
3^1 , mais on ignore le nombre de
ceux qui perfifterent 3. l'abfoudre.
Parmi les décidons de l'Aréopage,
une des plus fingulieres ell celle
qui ordonna à une tcmme meur-
trière de fon mari & de fon fils ,
& à fon accufateur , de fe repre-
fentcr dans cent ans , à compter
du jour que la caufe avoir été mife
en délibération : tant cette affaire
lui parut embarraffante. Nous ren-
voyons pour le détailàlaDifferta-
tion même.
V. M. de yalois quis'eft propo-
fc de nous donner une Hiftoirc fui-
vie du tameux Confeil des Am-
phi(5tyons que l'on pouvoit regar-
der comme la tenue des Etats de
toute la Grèce, a conduit fon fujct
dans
D E C E M B R E, I7 3S- ^S^
•dans deux Differtations du III. êc pillcreiit le Temple d'Apollon mê-
du V. Volume des Mémoires de
t'Acixdemie , depuis le premier cta-
blilîementdeces Magifiratsjufqucs
au tems des Guerres Sacrées entrc-
prifes fous leur autorité. On ne
compte que trois de ces Guerres
dans l'Antiquité Gréque , &la pre-
mière feule fait la matière de trois
Mémoires de l'Académicien , im-
primés dans ce VII. Volume. Com-
snc l'enchaînement des faits racon-
tés dans ces trois Pièces ne permet
guéres que nous en partagions l'Ex-
trait , qu'un détail trop exadl ren-
droit d'ailleurs d'une longueur ex-
celTive ; nous prendrons le parti de
ne faire qu'indiquer fommairement
les principaux évenemcns de cette
Guerre , ôc de renvoyer à M. de
Valois même pour un plus ample
cclaircilTement.
I. Elle fut déclarée aux Crif-
féens , peuple de la Phocide voifin
du Golfe de même nom, & dont la
Ville Capitale étoit Crilfa, éloignée
de Delphes d'environ 3 lieues & de-
mie. CePaïs n'avoit que 7 à 8 lieues
me , &; exercèrent fur les Del-
phiens toutes fortes de violences.
L'Oracle du Dieu confulté fur une
affaire fi importante , ordonna
d'armer incetiamment contre les
Crilféens , de leur birc la guerre
fans quartier , de les réduire à l'ef-
clavage , de ruiner leur Pays , & de
le confacrer à ces quatre Divmitcz,
Apollon-Pythien , Diane , Latone
& Minerve.
Sur cette réponfe de l'Oracle, les
Amphii5lyons, & Solon à leur tête,
rendirent un décret en conformité.
On leva des troupes , on mit à leur
tête EuryloqueThelTalien, l'un des
defcendans d'Hercule , & Clifthé-
ne Souverain de Sicyone, on mar-
cha contre les Crilu-ens qui furent
défaits dans une première bataille ,
& l'on forma le flége de Griffa.
Cette Place fit une longue refiflan-
ce \ 8c huit ans s'étoient écoulés
fans que les afîîégeans euffent fait
beaucoup de progrès , lorfque la
pefte s'étant mife dans leur camp ^
ôc l'ayant ravagé , ils recoururent
delongfur4à 5de large ; ne polTe- à l'Oracle de Delphes, qui leur
dant d'autres Villes , outre fa Ca-
pitale, quele Portde Cirrha, très-
fréquenté à caufe de l'Oracle voi-
fin , &c Anticirrha très-célébre par
fon grand commerce d'Ellébore.
Le fujct de cette déclaration de
guerre fut le facrilége commis par
les Crifleens, qui non contens de
rançonner les Pèlerins que la dévo-
tion ou la curiofité conduifoient à
l'Oracle de Delphes , de faire des
côurfes fur les terres de leurs voi-
promit un heureux fucccs dans
leurs entrcprifes , à condition
qu'ils feroient venir au plutôt de
1 Ifle de Cos le Faon d'une Biche
avec de Vor.
Cet Oracle Myfterieux commu-
niqué aux habitans de Cos par des
Députez , y trouva fon explication
en la perfonne de Nebrus & de fon
61s Chryfits , dont les noms fîgni-
fient en Grec le Faon d'une Biche
& de L'or. Ce Nebrus , trifjyeul
Êns & de les mettre à contribution, d'Hippocrate , étoit grand Mede
Décembre. Y y y y
€$0 journald
cin. Il offrit fcs fccours aux Dépu-
tez des AmphictyonSj il équippa
une Galère à fcs trais , la remplit
des meilleurs niédicamcns ainfique
de toutes fortes de provifions de
guerre & de bouche , & partit avec
Ton fils. Son arrivée au camp des
Amphiiïlyons y rendit h fuite aux
malades par l'ufage des cxcellens
remèdes qu'il mit en auvre.
Mais il deshonora bien-tôt fa
protellîon par l'indigne expédient
dont il fe fervit pour faire périr les
CrilTcens. Ayant découvert l'aque-
duc qui fournilToit l'eau aux alfié-
gez , il en empoifonna la fource,&
par-là reduifit en peu de tems ces
malheureux aux dernières extrémi-
tez. Ils foûtinrent cependant un
premier affaut où fut tué le jeune
Chryfus. Mais dans un fécond , la
Place fut emportée , pillée , facca-
gée, puis brûlée & démolie , après
dix ans de fiége.
2. Pendant qu'Euryloque ctoit
occupé au Siège de CrifTa , un Dé-
tachement de fon armée fous la
conduite de Clifthéne aflîfté des
confeils de Soion , faifoit celui de
Cirrha^donton ignore les particula-
ritez , & qu'on prefume avoir eu la
même durée. Il eut à peu-près la
même iflue. En confcquence d'un
troifiéme Oracle rendu par la Py-
thie, & expliqué par Solon , les
Grecs confacrercnt au Dieu tout
le territoire qui s'étendoit depuis
Delphes jufqu'à la Mer , ce qui
rendit celle-ci voilîne. de la Terre
Sacrée , comme l'ordonnoit l'Ora-
cle. Ce fage Légiflateur imagina de
plus un ftratagéme aflez femblable
ES SÇAVANS.
à celui de Ncbrus , quoique fnoinJ
meurtrier.
Il détourna le cours d'un aque-
duc dont il ht couler les eaux dans
un badin crcufé exprès & rempli
de racines d'Elleborc. Les eaux fuf-
fifimment chargées de la vertu
émétique èc purgative de cette
plante , furent enfin rendues au ca-
nal ordinaire qui les portait dans la
Place. Tous les habitans en burent,
&cn tuicnt purges fi violemment,
qu'incapables de garder leurs po-
lies , quclqu'importans qu'ils ruf-
fent , ils ne purent empêcher que la
Place ne fût emportée par an alTauc
général , & n'eût le même fort que
Criffa , la féconde année de la 47'
Olympiade , fous l'Archontat de
Simon chez les Athéniens , & la
Magiftrature de Gylidas chez les
Delphiens.
Ce fut alors qu'Euryloque réta-
blit les Jeux Pythiques , difconti-
nués depuis long tems , &: leur
donna une nouvelle forme par les
combats Gymniques qu'il joignit
aux anciens combats de Mufiquc ,
èc par les nouveaux prix qu'il y at-
tacha , comme l'attefte la Chroni-
que de Paros.
3. M. de "V^alois termine cette
Hiiloirc de la Guerre Sacrée par di-
veifes remarques , 1°. Sur l'époque
du retablilTement de ces Jeux fixée
cinq ans plus tard par Paufanias :
z". Sur les differens prix propofés
en divers tems pour les Jeux Py-
thiques : 3°. Sur la fouverainctc de
Sicyone accordée à Clifthéne par
les AmphicVyons : 4°. Sur les coui-
fes de chevaux , intioduitcs par ce»
D E C E M
MagiftratS dans le renouvellement
des Jeux Pytluques : 5°. Sur l'année
d'où l'on doit compter la première
Pythtiide ^ &cc. L'Académicien ré-
pand fur la diftullion de tous ces
points beaucoup d'érudition.
VI. Les Remarcjnes de M. del*
Naitze fut VHijlorre d'Héro & de
Léandre tendent à établir la vérité
de cet événement contre l'opinion
du P. Hardoiiin , qui le traite de fa-
buleux -, & à nous mettre en état
d'apprétierlc mérite des deux prin-
cipaux Ouvrages de Poëfie que
l'Antiquité nous ait laiffés fur cette
avanture amoureufe.
1°. Sans nous amufer à en tranf-
crire ici les circonftances, qui font
fuffifamment connues -, nous indi-
querons feulement les témoins fur
la dépofition dcfquels l'Académi-
cien appuyé fcs preuves pour la réa-
lité de cette Tradition Hiftorique.
Ces témoins font Ovide , dans les
Poëfics qui font incontcftablement
de lui i Virgile fon contemporain ,
^ Servius Commentateur de Virgi-
le; Strabon , Pomponius - Mêla ,
Lucain , Silius-Italicus , Stace &
Martial ; une Epigrammc de l'An-
thologie Gréque, & par deifus tout,
l'Auteur du petit Poëme en cette
Langue , lequel fous le nom de
Mufée raconte cette Hiftoire avec
étendue , & l'orne de toutes les
grâces de la Poéfie. M. de la Nau-
ze prétend qu'il eft bien plus natu-
rel de mettre ce Poète au rang de
ceux qui en même tems étoient
Hiftoriens , que de le confondre
avec ces anciens Romanciers , tels
qu'Ariftidc de Milet , lambliquc
B R E, I 75 ^ 691
& plufieurs autres qui n'ont débité
que des Fables Miledenncs.
A cette toulc de témoignages ,'
l'Académicien joint l'autorité des
anciennes Médailles , fur le revers
defquelles on voit avec les noms
des deux amans , Léandre précédé
d'un amour le flambeau à la main ,
nager vers Héro qui el1: au haut
d'une tour. Il avoiie que parmi les
évenemcns reprefentés fur les Mé-
dailles 3 il s'en trouve quelquefois
de fabuleux , &C qui ont rapport à
l'ancienne Mythologie conlàcréc
alors par le culte religieux. Mais il
eft perfuadé que pour les faits parti-
culiers tels que celui dont il eft
queftion, qui n'intereftoicnt ni la
Religion , ni l'Etat, la feule perfua-
fion de leur vérité , dont on vouioit
étcrnifcr la mémoire , les faifoit
graver fur des Médailles. Qiiant à
la datte de l'événement laquelle n'y
eft point marquée , qu'en peut on
conclure de raifonnable contre la
vérité d'un fait qui ne tient ni à
l'Hiftoire générale d'un peuple , ni
.à l'Hiftoire particulière d'un Prin-
ce ; Pour rendre croyable un tel
événement , dit l'Auteur , c'eft
aft^ez qu'étant vraifemblable par
lui-même il foit appuyé fur une
tradition confiante.
Cela n'a pas été fuffifant pour le
garantir des idées fingulieres du P.
HardoHtn ^ qui le traite de pure fa-
ble , &c foûtient que fur les Mé-
dailles où l'on croit voir HPft
AHAKAPOS [ Héy-o & Léandre ] il
faut lireHPiîMH ANAP02 , la force
de rhomme , ce qui fignifie ( lelon
lui ) f «* l'Hellefpom , entre Sefte &
Yyyy i^
Cpî JOURNAL D
Ahyie ^ e(î affcz. ârcit pour être p.'tjfé
ttlan.iae paru» homme robafte. Il
fonde cette nouvelle leçon fur ce
que dans cette Légende Gréquc
mal tranfcrite , le A lui a paru fi
voifin dcl'ii j qu'il n'a pas héfité
d'en bire un m &: de la lire en con-
fequcnce -, ce qu'il s'efforce de jufti-
fier par les reflexions qui fuivent ,
& aufqucUes nous joindrons les ré-
ponfes de M. de la Nauzc.
T°. Le mot Lénndre (dit ce Pcre)
s'écrit toujours en Grec par un e au
lieu que fur la Médaille il s'écriroit
par un h. Rien de fi commun ( re-
pond l'Académicien ) que cette va-
riation de quelques lettres dans un
même nom entre les Hiftoriens &
les Monumens publics ; entre les
divers palTages d'un même Auteur,
reloue celui dont il s'agit, qui écrit
le nom Léandre , tantôt par un s ^
tantôt par la diphthongue e/.2°.Pour
quoi ( demande le P. H. j le nom
d'une femme dans une Médaille
précéderoit-il celui d'un homme ?
Rien de plus arbitraire qu'un pareil
arrangemeht ( répond M- de la
Nauze ) l'Auteur du Poème en ufe
comme a fait le Graveur de la Mé-
daille , qui peut-être a donné la
première place à Héro comme
étant diftinguéc par fa naiiTance &c
par fa dignité-de Prêtrelfe. 3*. Mais
( continue le P. H. ) les amours de
deux particuliers méritent-ils d'être
Tranfmis à la pofterité par des Mé-
dailles ; Il ne leur manque pour
cela auprès du P. H. [ répond l'A-
cadémicien ] que le témoignage de
Pline ; car ce n'ell: qu'en vertu d'u-
*c telle autorité <jue ce Père con-
ES SÇAVANS,
fcnt que les Médailles ^laffie rc-
prcfcntent l'accident du jeune Her-
mias , qui porté fur un Daiipliin ,
fe noya , &: fut cnfuiee reporté par
le Dauphin fur le rivage. Mais ce
qui rend l'opinion du P. H.irdouin
plus fingulicre, c'eft de prétendre
que CCS Médailles d'Hero & de
Léandre mal entendues ont donné
occafion aux anciens Ecrivains de
forger leur Hiftoirc fabuleufe ■■,
pendant que ces Ecrivains vivoient
à la nailfancc de l'Empire Romain,
& que les Médailles ne font que
du truilîémc fii,-clc des Empereurs.
2. A l'égard des deux pic ;cs an-
ciennes qui nous relient fur cette
Hiftroire , & qui font les Epîtres de
ces deux Amans imprimées parmi
les Hèroides d'Ovide , & le Poème
de Muféc i on ignore quels en font
les véritables Auteurs. J. C. ScMi~
ger qui juge indigne d'Ovide ic5
deux Epîtres , les donne à Sabmus,
Auteur de trois Lettres qui fervent
de réponfes à quelques-unes du
premier. Mais notre Auteur recon-
noît dans ces deux Epîtres , quoi-
qu'intérieurcsaux autres Héroides ^
le ftyle pur & coulant d'Ovide ,
l'efprit de ce Poète & cette affecta-
tion d'en faire paroîtrc , qui le ca-
raèlerife. » Ovide , à qui l'on ne
» peut guéres contefter les deux
n Lettres de Léandre & d'Héro
3» ( continue l'Académicien ) y fait
» paroître , comme par - tout ail-
}> leurs , un art infini , des traits
» vifs & ingénieux , des fentimens
» toiàjours foûtenus & toujours va-
M ries , des allufions fréquentes s
» l'ancienne fable , une adreHè
D E C E M
» merVeilleufe à placer toutes les
^ circonftances de i'Hiftoire de ces
"Amans avant même fon accom-
» pliffemcnt en leur failint racon-
j> ter ce qui s'étoit déjà palfé , & en
j> leur faifant prelTenrir ce qui de-
»» voit aiTiver dans la fuite.
Pour ce qui eft de Mufée , fur-
nommé le Grammairien par Tzer-
2ès Si. Auteur du Poème , il femble
avoir emprunté plufieurs de fes
vers des Dionyfiaques de Ncnnus
Auteur du quatrième fiecle , vers
lequel Cdfauhon croit qu'on peut
placer notre Mufée. » Son Ouvra-
Ji gc ( dit M. de la N.uize ) efl: plein
M d'cxaditude & de délicateOe 5 le
)>ftyle en eft pur , & les expreffions
«toujours choifies : le grand mé-
» rite de cette Pièce ( ajoûte-til )
"cftune douceur pleine d'élégance
» qui ne fe dément point ; ce qui ,
« dans un Ouvrage de longue ha-
» leine, auroit été un début. " J.C.
Sealigcr ttoit fi charmé de ce Poè-
me , qu'il le mcrtoit au-delfus de
ceux d'Homère , & le croyoit bon-
nement l'Ouvrage de l'ancien Mu-
fée. l^ojfiHs d'un autre côté y trouve
plus d'art que de génie. L'Acadé-
micien termine fon Mémoire par
un parallèle de ces deux Ouvrages,
quant à leur caradere , à leurs pcn-
fées & à leurs expreffions qui fe
Teflemblcnt quelquefois i & par
quelques remarques fur la verfion
Françoife de ce Poëmc que nous a
donnée Clément Marot , verfion
fore éloignée ( dir-on ) de la no-
blefle & de l'élégance de l'original,
«juoiqu'elk en imite aflez bien la
4oucear & la aaivetc,.
B R E , I 7 3 j. dpj
VIL La Nation des Pfylles inac-
cefîîble au venin des ferpens , &c
qui en guerifToit les morfures , fait
le fujctd'un Mémoire de M. l'Ab-
bé donchiiy , où il recueille tout ce
que l'Antiquité nous atranfmis de
mémorable fur le compte de ce
peuple;après quoi il examine fi tout
ce qu'elle nous en apprend peut
fubfifter.
I. L'incertitude des anciens Géo-
graphes fur l'endroit de l'Afrique
où habiroient les Pfylles , n'empê-
che pas l'Académicien d'adopter
fur ce point le fentiment de Stra-
bon , qui les place au midi de la
Cyrénaïque , entre les Nafamons &
les Gétules , dans un Pays brûlé du
foleil , & tout couvert de ferpents^
au milieu defquels ils vivoicnt fans
crainte & fans danger : leur feule
prefence rendoit impuilfans les
reptiles les plus venimeux , & les
jettoit dans un afloupiflement pro-
fond , qui ne cefloit que lorfque
les Pfylles s'éloignoicnt. Les mâles
feuls , parmi eux , joiiifToicnt d'un
fi rare privilège ; & pour éprouver
la fidélité de leurs femmes , ilsex-
pofoient aux Cérafies , comme aux
plus dangereux de ces ferpens,leurs
enfans nouveaux nés,qui périffoient
infailliblement s'ils étoient un fruir
de l'adultère. Evagon, l'un de ces
hommes merveilleux , conduit à
Rome , fut enfermé par ordre des
Confuls dans un tonneau plein de
ferpens , d'où il fortit fain & fauf.
Non feulement ces Pfylles
étoient invulnérables aux ferpens,
mais ils guérifibient par le feul at-
touchement ou par l'application de
éP4 JOURNAL D
leur falivc ceux qui avoicnt été
mordus. Au!ïï Caton en avoit - il
avec lui , en traverfant les fables
brûlans de la Libye , & Augufte
en dcpccha-t-il vers Cléopatre ,
qui s'étoitfaic mordre par un afpic:
mais ceux-ci arrivèrent trop tard.
M. l'Abbé Souchay doute que
CCS Pfyllcs de Caton & d' Au-
gufte fufTent dcfccndus des anciens
Pfyllcs , qui , au rapport d'Héro-
dote , furent tous enfevclis fous les
fables par le venr de midi. Pline
alTurc au contraire qu'ils furent tail-
lés en pièces par les Nafamons , qui
envahirent leur Pays , mais qu'il
en échappa quelques - uns qui en
perpétuèrent la race.
2. Dans la féconde partie de ce
Mémoire M. l'Abbé Souchay s'ef-
force de réduire à fa jufte valeur
cette vertu merveillcufe attribuée
aux Pfylles. Etoit - elle véritable-
ment attachée à cette Nation? C'eft
de quoi il y a tout lieu de douter à
s'en tenir même au témoignage de
l'Hiftoricn Callias , qui fait confi-
fter cette vertu du Pfylle .à mettre
fur la blelIiMTe , de ù propre falive,
ou à tenir quelque tcms de l'eau
dans fa bouche & la faire boire en-
fuite au biciTé, ou à fe coucher nud
fur le malade auffi nud. Car toute
cette manœuvre , comme on le
voit , n'exclut pas l'ufige des anti-
dotes mêlés fubtilement avec la fa-
live ou avec l'eau tenue dans la
bouche; fans compter un autre ar-
tifice , qui fera bien-tôt expliqué.
D'ailleurs le filence de quelques
Hiftoricns , fur-tout d'Hérodote
au fujct de cette vertu des Pfylks ,
ES SÇAVANS,
joint aux variations dans la mi-
nière dont plufieurs Ecrivains ra-
content ce merveilleux , le rend
infiniment fufped ; & fur i'arciclc
de ces variations l'Académicien
prend à témoin Lucain, Piutarquc,
Aulu-Gelle, Pline , Solin; des té-
moignages de quil'on pourroit au
plus inférer que les Pfylles avoient
des remèdes , ou même des préfer-
vatifs contre la morfure des fcrpcns;
mais nullement en conclure qu'ils
fufTent des Magiciens ou des En-
chanteurs.
Il leur fulTfoit d'être grands
Charlatans : & àl'occafîon des pré-
fervatifs dont on vient de parler ,
l'Académicien en fait pafTer en re-
vue plufîcurs tant anciens que mo-
dernes -, tels font la falive humaine,
le citron , le bois de couleuvre , le
mufc, le Didamne de Virginie, qui
tue les ferpens à fonnettes , l'herbe
nommée par Ludolph dans fon Hi-
ftoire d'Ethiopie j4JJkz.oë , dont la
racine mangée permet de toucher
impunément les Hydres & les
Cherfyires , & même de s'en faire
des colliers ; \i fcorfoncre ou vipé-
rine, eJ^c. Mais, furladécifionde
Redi Se de Kampfer ^ qui nient ab-
folument l'exillence de femblables
prefcrvatifs ( dit notre Auteur) il
aime mieux regarder les Pfylles
comme dcsimpolleurs , tels qu'en
fourmlfent tous les Pays & tous les
fieclcs -, & tels que furent autrefois
les Âiarfes d'Italie , qui s'attri-
buoient la même vertu que les
Pfylles & accompagnées des mêmes
cérémonies prétendues magiques.
Tels font aujourd'hui parmi les In-
D E C E M B
dtens ceux qui promènent & font
comme danfer les lerpcns à chap-
peron -, tels font encore les Charla-
tans d'Italie appelles Sauveurs , qui
ont empreinte fur leur chair la figu-
re d'un ferpent.
Sur toutes ces confiderations, M.
î'Abbc Souchay croit être bien
fondé à s'infcrire en taux contre
tout le merveilleux prodigué aux
Pfylles , tel que l'épreuve de la fi-
délité de leurs femmes , l'Hiftoirc
d'Evagon , &c. & à conclure qu'ils
n'avoient d'autre fccret pour gué-
rir h morfure des ferpcns , que ce-
lui de la SuElion d'où leur vint leur
dénomination de Pfylles , parce
que comme les puces ( en Grec
4vMai ) fucent le iang , de même
ils fucceoient le venin des playesjce
qu'ils pouvoient faire fans rifquer
leur vie , comme en font foi les au-
toritez & les expériences inconte-
ftables alléguées ici par l'Académi-
cien , auquel nous renvoyons pour
ce détail.
VIII. Les Recherches de M. Fré'
rst fur {^ancienneté O' forigine de
l'art de l'Efuitation ( ou de monter
à cheval ) dans la Gréée , remplif-
fent un Mémoire très - étendu , &
dans lequel il s'efforce de prouver
Que bien que du tems d'Homère
cet art fût commun dans l'Ionie &
dans la Lydie , comme on doit l'in-
■ férer des comparaifons que ce Poète
eu emprunte ■■, il n'étoit point con-
nu en Grèce nienPhrygie au tems
de la Guerre de Troye , puifque
dans tous les combats , foit militai-
res , foit agoniftiques , décrits par
ce même Poète , il n'eft fait aucune
RE; 175?- <îp j-
niention de cet art, dont celui de
conduire des Chars prend par-tout
la place. L'Académicien ne dilllmu-
le pas cependant l'avanture de
Rhéfus , dont Homère dans l'Ilia-
de fait enlever les chevaux par Dio-
mede , qu'il bit monter fur l'un
d'eux, pour cet exploit. Mais com-
me ce Héros , dit - on , n'a recours
à un tel expédient que pour obéir
aux ordres de Minerve même , &:
dans rimpolfibilité de pouvoir en
ufer autrement ; cet exemple uni-
que de l'Equitation dans un cas fi
extraordinaire doit être compté
prefque pour rien , & ne doit
point tirer à conféquence , pour
î'affbibliiTement de la preuve ,
quoique négative , fur laquelle M.
Fréret établit fa propofition en
vertu de ce principe. Que des preu-
ves de ce genre deviennent démon-
ftratives , lorfqu'on n'en a aucunes
de pofitives à leur oppofer.
Il partage donc fon Mémoire en
quatre articles, dans le premier dcf-
quels il difcute les témoignages
fur la qucftion dont il s'agit oppo-
fés à l'argument négatif, & les ré-
fute : il examine dans le fécond
les ftatuës , les bas - reliefs & autres
Monumens de la Grèce , & montre
qu'il n'y en a aucun qui démence
fa propofition : il fait voir , dans le
troifiéme , que la Fable des Cen-
taures n'a originairement nul rap-
port à i' Ecjuitation : & dans le der-
nier , il propofe quelques conjedu-
res fur la première Epoque de l'u-
fage de cet art dans la Grèce.
I. Pline fait remonter l'origine
de l'Equitation jufqu'aiix tems hé-
69^ JOURNAL D
roïqucs^en difant que BcUerophon,
antérieur à la guerre deTroye , fut
inventeur de cet art. Mais M. Fré-
rct a montre ailleurs , que cette Fa-
ble avoit plus de rapport à l'art de
la navigation qu'à celui de monter
à cheval. Hygin , un peu plus an-
cien que Pline , dit la même cKofe
que lui , ajoiltant que Bcllerophon
remporta le prix de la courfe à che-
val aux Jeux Funèbres de Pelias cé-
lébrés au retour des Argonautes.
Mais Hygin ( félon M.Fréret ) cft
un Compilateur fans goût , fans
critique , fur l'exadlitude duquel
en ne peut compter. D'ailleurs ces
Jeux reprefentés fur l'ancien cof-
fre des Cypfélides de Corinthe ,
dont nous parierons plus bas, n'of-
froient aux yeux nulle courfe à che-
val.
Paufanias affure que l'Arcadien
lafius remporta le prix de la cour-
fe aux Jeux Funèbres de Pélops à
Olympie. Mais ( obferve l'Acadé-
micien ) £\ cette tradition étoit an-
cienne , pourquoi Pindare n'en
fait-il aucun ufage en célébrant les
victoires remportées dans les cour-
fes de chevaux f Lui fur- tout, qui
rappelle G. volontiers dans fes Odes
les anciens évenemens qui peuvent
illuftrer les Athlètes dont il chante
les combats : pourquoi ne trouve-
roit-on aucun exemple de ces cour-
fes à cheval jufqu'à li 3 3' Olympia-
de célébrée 700 ans après les Jeux
Funèbres de Pélops ? Pourquoi
cette courfe à cheval n'efl: - elle
point comprife dans la defcription
que fait Homère des Jeux funé-
bï-cs de Patrocle î II cfl vrai cj^uc le
ES SÇAVANS,
cheval y^r^o/?, qui avoit appartcns*
à Hercule , puis a Adrafte, ell nom-
mé fcul , d'où l'on a conclu que
c'étoit un cheval de fcUc. Mais
( remarque l'Académicien ) ce che-
val avoir un camarade appelle Cai^
rss par le Poc'te Antimaque, con-
temporain d'Hérodote : Hc l'on ar-
telloit ces deux chevaux au Chai
d'Adrafte.
z. M. Fréret revient au coffre
des Cypfélides dont nous venons
de parler , qui étoit de bois de cè-
dre, & dont toutes les faces étoicnt
ornées de bas - reliefs , au - dcflui
defquels on lifoit des infcriptions
& des vers compofés par le Poète
Euméie & écrits enfilions ( Bouflro.
fhedon ) : ce qui joint à l'âge du
Poëte qui fleurilfoit vers l'an 778.
avant .T. C. atteiloit une trcs-graH-
de antiquité. Dans ces bas-reliefs ,
parmi plufieurs évenemens des
rems héroïques , étoient reprefen-
tés des Jeux Funèbres , des expé-
ditions militaires , des combats ,
où l'on voyoit des Chars à deux Sc
à quatre chevaux j mais il n'y pa-
roiiïoit nul Cavalier. L'Auteur pré-
fume que le plus ancien Monu-
ment où l'on voyoit des Cavaliers
étoit le Thrône ou le mailîf qui
foûtenoit la ftatuë d'Apollon, dans
le Temple d'Amvcles. Les bas-re-
liefs dont ce MaflTif étoit revêtu , &
qui faifoicnt voir Caftor & Pollux
à cheval, étoicnt l'ouvrage du Scul-
pteur Bathyclcs. Or il refulte d'une
difcuflîon chronologique très-cu-
rieufe & très - recherchée que fait
ici M. Fréret par rapport à plufieurs
faits lyftoriqucs de ces tems-là , ôc
que
D E C E M
que nous omettons pour abréger ,
Que ce Sculpteur n'étoit pas plus
ancien que l'an 560. avant J. C. &
il y avoit déjà long-tems que l'art
de VEeiuitation ctoit connu des
Grecs , puifque des la neuvième
Olympiade , les Spartiates 6c les
Mefleniens avoient de la cavalerie.
Le groupe d'Olympie qui repre-
fentoit le combat d'Hercule contre
une Amazone à cheval , & qui
étoit du Sculpteur Ariftocle de
Cydonic , n'a pu être dédié par
Evagore de Zancle en Sicile que
140 ans depuis la première guerre
de MelTéne , où la Cavalerie com-
inençoit à être en ufage : ce que
prouve l'Académicien en fixant l'é-
poque de l'établilTcment de Zancle
& l'âge du Sculpteur Ariftocle.
M. Fréret , a l'occafion des Sta-
tues équeftres les plus anciennes
qu'il paffe en revue , tâche de dé-
terminer au jufte le terns où ont
fleuri plufieurs Sculpteurs fameux,
tels queDipœnus & Scyllis^Teiteus
& Argelion , Gallon & Ouatas ,
qui avoit fait plufieurs ftatues éque-
ftres pour les Tarentins. On voyoit
à Athènes du tems de Paufanias les
ftatues de Caftor & de Pollux de-
bout, & leurs fils Mnafinoiis &:
Anaxias montés fur des chevaux ;
mais quoique l'Hiftorien ne mar-
que ni le nom ni le tems du Scul-
pteur , l'Académicien croit ce
groupe pofterieur à l'expédition de
Xerxès en Grèce. A l'égard des fta-
tues équeftres desTyndarides,&des
attributs avec lefquels on les re-
prefentoit , ce que l'Auteur exami-
ne ici fort au long ; comme ni les
Décembre.
B R E , 1755. 6^1
unes ni les autres n'étoient fondés
fur aucune circonftance del'Hiftoi-
rcdeces dcmi-Dicux , ni foûtcnus
d'aucune ancienne tradition , ils ne
peuvent fervir [dit l'Académicien]
à décider la queftion touchant l'an-
cienneté de ['Eqiiitdtion chez les
Grecs.
Quant au Monument de Tégéc ,
érigé en l'honneur d'Iafîus , & où
( félon Paufanias ) il étoit rcprefen-
té avec un cheval aupr.s de lui ; les
Partifans de l'ancienneté de l'Equi-
tation ne peuvent tirer de là aucun
avantage , puifque la ftatuc n'cil
point véritablement équellre -, fins
compter que ce Monument , com-
me s'applique à le découvrir M.
Fréret , femble être pofterieur à la
féconde guerre deMefféne & à l'in-
troduiftion des courfes de chevaux
à Olympie , l'an 645. avant J. C.
fur quoi il faut confulter l'Acadé-
micien lui-même , qui termine en-
fin le fécond article de ù DifTcrta-
tion en déclarant qu'il n'eft point
de l'avis du Poète Lucrèce , qui re-
gardoit l'art de conduire un Chat
attelé de plufieurs chevaux comme
plus combiné , & par confequent
plus moderne que celui de monter
&c de conduire un feul cheval. De-
là notre Auteur paffe à la Fable des
Centaures.
3. Elle tiroit fon origine de la
célébrité des chevaux &c desCava-
liersThefTaliens, qui depuis l'ufagc
établi de VEijititation fourn ftoient
de la Cavalerie à prcfque toutes les
Villes Gréqucs. Pindare ( félon
M. Fréret ) femble être le premier
Poète , (jui ait fait les Centaures
Zz zz
6$S JOURNALD
demi - hommes & dcmi-chcvaux.
Les monumens qui lui font anté-
rieurs les reprcfcntoient autrement.
Parmi les bas reliefs du coffre des
Cypfélidcs j paroiffbit le Centaure
Chiron comme un autre homme
porté fur fes pieds 5c traînant après
lui la croupe^ les flancs & les jam-
bes de derrière d'un cheval : & l'A-
cadémicien ne doute prcfquc pas
que du tems d'Eudoxe & d'Aratus
laconftcllation de ce Centaure ne
fût ainfi reprcfcntce fur les planif-
pheres. Mais ( obfcrve t il ) cette
ibrte de rcprefentation n'étoit pas
la plus ancienne , puifque fur les
planifpheresEgypticnSj le Sagittai-
re ou le Centaure du Zodiaque
n'étoit reprefenté qu'avec deux
pieds de cheval &c une queue , à
peu-près comme un Satyre : ce qui,
comme l'on voit , bien loin d'a-
voir quelque rapport à {'Exulta-
tion j défignoit au plus un homme
qui élevoit & qui nourriflbit des
chevaux •, encore taudroit-il pour
cela qu'on n'eût pas pris fur les
figures des Centaures , groffie-
rcment faites des pieds de bœuf
pour des pieds de cheval ; ce qui
conviendroit beaucoup mieux à
leur nom qui ne fignifie que des
■pi^ue-bœufs ou des bouviers,
Hélîode & Homère , en parlant
des Centaures , ne leur attribuent
ni figures monftrueufes , ni le foin
de nourrir des chevaux , ni aucune
habileté à les monter , comme le
juftifient divers paiïages de ces Poè-
tes allégués par l'Auteur ; qui re-
marque de plus, qu'il s'en falloit
beaucoup eue toutes les Fables
E S SÇAVANS,
Gréques cuffcnt la même antiqui-
té , la pkip.irt n'étant que le fruit
des imaginations bizarres des Poè-
tes poftcrieurs à Homère , ou de la
hardiefTc des Sculpteurs. Telle eft
( félon lui ) la Fable des Centaures,
qui s'eft formée peu à peu & char-
gée fuccelfivcment de plufieurs
circonftanccs , fur lefquclles on
fonde mal-àpropos l'ancienneté de
VE^ttitatton : 6c il prendra toujours
ces monftres pour des êtres pure-
ment poétiques , malgré le témoi-
gnage de l'Empereur Claude , qui
dans fon Hiftoirc Romaine parloit
d'un Centaure né d'une Femme en
Theflalie , & malgré celui qu'on
envoya d'Egypte à Rome fallé &
enduit de miel fous le même Em-
pereur-, 5c que M. Frèret eft fort
difpofé à regarder comme un Cen-
taure artificiel &: comme l'ouvrage
des Embaumeurs Egyptiens.
4. Qiiant à l'époque de VEcjuita-
tion dans la Grèce , NI. Fréret avoiie
de bonne toi qu'il n'a fur ce point
que des conjecT:ures à propofer aux
Ledeurs , loin de pouvoir là deffus
pleinement remplir leur curiofitc.
On a déjà vu plus haut que du-
tems d'Hérodote VEcjuitation étoit
en ufage dans l'Ionic & la Lydie ;
mais que ce Poète condderoit cet
art dans ces Contrées Afiatiques
comme nouveau 5c comme poftc-
rieur à la guerre de Troye. Mais
d'où s'étoit-il répandu dans l'Afie
Mineure ? L'Académicien croit
qu'il y fut apporté par \cs Trérons
& les Cimmcriens ^ Nations Sep-
tentrionales , chez qui les chevaux
étoicnt communs , qui vivoient da
D E C E M
lait de leurs cavales ( ino/xtAyt'i )
& qui firent dans cette partie de
l'A(ie diverfes incuriions , dont la
plus ancienne eft placée par Stra
bon vers le tems d'Homère ou mê-
me un peu avant lui , & qui font
pofterieures de 150 ans au moins à
la prife de Troye. Hérodote fuppo-
fe que les Amazones du Thermo-
don dès les tems héroïques com-
battoicnt à cheval ; mais Homère
qui parle d'elles en plufîeurs en-
droits , ne dit rien fur cette circon-
ftance , & c'eft-là tout ce qu'a pu
recueillir M. Fréret fur l'origine de
l'E^uitatian dans l'Afic Mineure.
Sa plus ancienne époque dont on
ait connoilTance au regard de laGré-
ce Européenne, ne remonte pas plus
haut ( comme on l'a déjà infinué
ci-dertus ) que la première guerre
de Meflene : c'eft- à-dire , environ
743 ans avant J. C. Mais cette Ca-
valerie étoit des plus mauvaifes
[ dit Paufanias ] par le peu d'habi-
leté des Péloponnèliens dans l'art
de monter à cheval. Il patoiiroit ,
pat les bas-reliets du Coffre des
Cypfélides , qu'on croyoit l'ufage
de l'Equitation pofterieur à la con-
quête de Corinthe parlesHéracli-
des. Cependant s'il étoit vrai , com-
me i'alfuroit Philoftephanus con-
temporain de Callimaque, queLy-
curgue eût le premier diftribué la
Cavalerie Lacèdémonienne en
Compagnies de 50 hommes , elle
feroit ( dit l'Auteur ) auflî ancien-
ne dans la Grèce d'Europe que dans
i'Afie Mineure.
Il n'eft queftion que de fçavoir
au viai û ces Cavaliers, de Lycur-
B R E , I 7 5 j. 6^9
gue fcrvoient à cheval -, &M. Fré-
ret croit fur quelques preuves qui
ne font pas à mcprifer , qu'ils ne
fervoient qu'à pied. Les Lacédé-
moniens négligèrent très long tems
leur Cavalerie : elle étoit encore
rrès-mauvaife à la bataille de Leuc-
trcSj de elle ne commença à s'amé-
liorer Se à devenir plus nombreufe
tant à Sparte que dans le relie de la
Grèce qu'au tems d'Agèfdas. En
général les chevaux ètoient rares &
d'un très-grand prix chez les Grecs,
où la feule Thcll'alie en fourniflToit,
& où les races de chevaix étrangers
dègénèroient , faute de pâturages
convenables.
Du reftc , M. Fréret feroit fort
porté à croire que la Macédoine eft
le Pays de la Grèce où l'art de l'E-
quitation a commencé , d'où il a
paiïe en ThelTalie , & dc-là dans la
Grèce Méridionale. Mais ce ne font
( dit - il ) que des conjeètures qui
malgré leur probabilitén'étabhircnc
rien de certain : aufli ( a;oûte-t-il )
ne me fuis-je point engagé à déci-
der la quelHon. Elle reftera vrai-
femblabiement toujours indècife ,
l'ufage de l'Equitation s'étant fans
doute introduite à la lois en divers
endroits de li Grèce , dans un tems
d'ignorance Se de barbarie , qui efl:
celui de l'irruption des Doriens
fous la conduite des Hèrachdes ,
tems dont l'Hiftoire nous efl: tota-
lement inconnue , où les Ecrivains
étoient très - rares , & dont il ne
nous refte aucun Monument.
L'Académicien termine fon cu-
rieux Mémoire par quelques recher-
clic&fur les caufes qui ont fait eul-
Z z z z ij
700 JOURNAL DE
tiver l'Equitation de li bonne heure
en Italie , que dès le tems de Ro-
mulus elle y ctoi: très commune ;
cnforte que n'ayant qu'un corps de
3000 hommes d'Infanterie, il eût
un corps de Cavalerie de 500 hom-
mes , qui faifoit la dixième partie
S SÇAVANS ,
de fes Fantaffins ; au lieu que la
Cavalerie des Armccs Gréqucs n'en
hifoit ordinairement que la tren-
tième Se quelquefois la quatrième
partie. Nous renvoyons lur les rai-
fons de cette différence au Mémoi-
re même.
SrSTESME CHRONOLOGIQVE SVR LES TROIS TEXTES
de la Bihle , avec l'Hifloire des anciennes Monarchies explic^née & réta-
blie. Ouvrage divifé en deux Parties ■■, la première comprend les ^niicjuiieX^
des premiers Babyloniens , des premiers & féconds AJJyriens , des féconds &
troijîémes Babyloniens , avec l^Hiftoire des Médes. La féconde Partie com-
prendra V ancienne Hiftoire des Perfes , des Egyptiens ^ & des Scythes , les
yinticjuiteT^ Chinoifes , Phéniciennes & Lydiennes , celles de l\lfie & de
P jijfriijite , avec l'ancienne Hiftoire Gréqtie & Latine. Par Ad. Adidjei
de Toul. Avec un Canon Chronologic^ue de ^.^ pages , & un dialogue al-
phabétique & hiflorique des anciens Auteurs cités dans le corps de l'Ouvrage,
Imprimé à Toul , & fe vend à Paris , chez Alitfter fils , fur le Quai
5c au coin de la rue des grands Auguftins. 1731. /«-4°. pages 371.
M Michel fepropofe dans cet
. Ouvrage d'approfondir les
Antiquitez anciennes pour en faire
une fuite conforme aux Auteurs
Sacrés. Il reconnoît que ce deffein
n'efl: pas nouveau, mais il allure en
même tems que perfonne n'a eu
encore la gloire d'y réuflîr.
» Cependant quelque hardie
» qu'ait été l'entreprife de dé-
»>broiiiller ce cahos hiftorique ,
» jufqu'ici inexphcable , & d'en
» faire un Syftcmc fuivi & confor-
» me aux Hiftoriens Sacrés : je ne
» l'ai pas cru , dit-il , impofiîble ,
>» perfuadé que parmi tant de diff^e-
»rens fcntimcns il doit s'en trou-
« ver un vrai : j'ai cherché dans les
» Hiftoriens anciens ce qui pou-
» voir m'en convaincre , j'ai fup-
« pléé pat des conjcdurcs à ce que
»le tems nous en a fait perdre.
L'Auteur commence par fe for-
mer un Syftcme Chronologique
furies diffcrcns Textes de la Bible ,
fçavoir l'Hébreu , le Samaritain, &
le Grec ; fans partialité pour l'un des
trois , il a pris autant de foin de les
concilier entr'eux qu'avec la Chro-
nologie Prophane. » Cette voye-,
"quoique nouvelle, fera, conti-
» nuc-t-il , du goût des Sçavans qui
«conviennent qu'il y a de l'erreur
j' dans les trois Textes , & que l'on
» doit les redifier l'un par l'autre ,
» afin d'accorder la Chronologie
« des Juifs avec celle des autres
n Nations.
Il obferve d'abord qu'il ferort
difficile de trouver deux Chronolo-
giftes qui s'accordent fur les tems
qui fc font écoulés depuis la Cié»:
D E C E M B
tion du monde jufqu'à Cyrus. Cet-
te oppolltion vient de la différence
qu'on remarque entrt; le Texte Hé-
breu , le Grec 6c le Samaritain. Il
expofe en quoi ils différent princi-
palement entr'eux Se pour les con-
cilier plus aifémenr , il partage en
cinq intervalles le tems qui s'ell
paffe depuis la Création du monde
jufqu'à Cyrus.
Il étend le premier intervalle de-
puis la Création du Monde juf-
qu'au Déluge. La difficulté de le
fixer vient de ce qu'aucun des trois
Textes ne fe rencontre fur le tems
auquel les Patriarches ont eu des
enfans. L'Auteur apporte de part
& d'autre les raifons fur lefquelles
chaque Chronologifte s'appuye
pour fuivre un des trois Textes
préterablement à l'autre , fur-tout
l'Hébreu, à l'exclufion de celui des
Septantes, & réciproquement. Car,
quoique le Texte Samaritain ne
foit pas moins autentique , il y a
néanmoins peu de Chronologiftes
qui s'y foient attachés. Nous ne
pouvons fuivre M. Michel dans
toutes les preuves & les conjedures
par lefquelles après avoir balancé
entre les Variations it% troisTextes,
il nous donne une Table des années
aufquelles les Patriarches ont en-
gendré. Ces années réunies cnfem-
ble forment , félon lui , depuis la
Création du Monde jufqu'au Dé-
luge 1^56^.
Le fécond intervalle depuis le
Déluge jufqu'à la Vocation d'A-
braham eft , félon lui , le plus im-
portant à examiner. II varie dans
les trois Textes , le Samaritain fait
-R E i 175 ?. 701
cet intervalle de 1017 ans, l'Hé-
breu feulement de 417 , &C les
Scptantesde 1147.
Le Samaritain & les Septantes
donnent une jufte étendue , non
feulement pour accorder l'Ecritu-
re avec elle-même , mais encore
pour concilier avec elle les Monu-
mens les plus certains des autresNa-
tions. Si on vouloit s'attacher fcru-
puleufement à l'Hébreu ou à laVuI-
gate^ il faudroit retrancher une par-
tie des anciens Rois de Babylone, &
d'Alfyrie, regarder comme fabuleu-
fe lâChronologie des Chinois,aban-
donncr le moyen de réduire à de
juftes bornes les Antiquitez Egyp-
tiennes , &c.
Ces motifs déterminent l'Auteur
à régler cet intervalle fur les Sep-
tantes & fur le Samaritain, qui à
l'exception de ce qui regarde un fé-
cond Caïnan, font affez uniformes
fur cette partie de la Chronologie,
M. Michel croit cependant " qu'on
M pourroit fe fervir avec avantage
» duTcxtcHébrcu en ajoutant cent
n ans au tems que lesPatriarchcsd'a-
» près le Déluge ont eu des enfans^
»&qui peut-être auront étéfous-
" entendus, a Découverte heureufe
&: que l'Auteur ne trouvera pas
mauvais que nous rendions au P.
de Tournemine qui l'a publiée
pour la première fois dans les Mé-
moires de Trévoux fous les mois de
Mars & d'Aouft de l'année 1703. il
l'a depuis inférée dans les fçavantes
Diifcrtations Chronologiques qu'ai
a jointes à l'Edition de Menochius
qui a paru en 1719. & qui a été
réimpiimé à Vcnife en 1722. dès
702 JOURNALD
l'année lyotf. M. Duhamel avoic
adopté cette découverte dans fa Bi-
ble , Se n'avoir pas oublié dt; don-
ner à fon véritable Auteur les élo-
ges qu'elle mérite.
MjIs pour revenir à M. Miclicl ,
le fécond Intervalle dont nous
avons parlé , fera par les raifons
qu'on a vues de 1158 ans , & fi on
retranche le fécond Cainan dont il
cft tait mention dans les Septantes ,
il ne fera que de 1 1 18 ans.
Les trois Textes , & Saint Paul
donnent foixante - treize ans au
troilîémc Intervalle depuis la Vo-
cation d'Abraham jufqu'à la Sortie
d'Egypte. On oppofe à cette fup-
putation un padagc du Texte Hé-
breu , où il ell: dit que l'habitation
•des enfans d'Ifaac en Egypte a été
de 430 ans , mais l'Auteur fetire
aifément de cette difficulté.
Le quatrième Intervalle depuis
la fortie de l'Egypte jufqu'à la Fon-
dation du Temple paroît plus era-
barrallant. M. Michel rapporte là-
delTus tout ce qu'en ont pcnié les
Auteurs Sacrés fc Prophanes , &
fixant enfuite par une Table les an-
nées des divers évenemcns arrivés
parmi le peuple Juit depuis fa forrie
de l'Egypte jufqu'à la Fondation du
Temple, il trouve une durée de
éSoans.
Le cinquiénae Intervalle depuis
la Fondation du Temple jufqu'à fa
ruine , & jufqu'à la première an-
née de Cyrus fouffre encore beau-
coup de difficulté! : elles viennent
principalement de l'obfcurité qui
eft répandue fur le tems où les
Rois ColUturaax de Juda & d'If-
ES SÇ AVANS.
rael ont commencé de régner ;
l'Auteur ellayc d'en donner une Ta-
ble exacte & compte 475 ans de-
puis la Fondation du Temple juf-
qu'à la première année de Cyrus
qui commence 55^ ans avant l'Ere
vulgaire.
Par confcqucnt, fclon fon calcul,
i> depuis la Création du Monde
» jufqu'à l'Ere Vulgaire ^ il y aura
» 5035 ans , & fi on retranchclc
» fécond Caïnan , il y en aura
«4905 i ouenconnptant les années
» depuis le Déluge jufqu'à l'Ere
» Vulgaire, il y aura 3 379 ans , & fi
» on retranche le fccondCaïnan,il y
» en aura 3 249." Il nous afTure que
l'un ou l'autre nombre fuffira pour
expliquer toutes les Antiquitcz
Prophanes depuis le Déluge.
Avant que d'entrer dans ce dé-
tail il fait quelques obfervations
fur la forme de gouvernement qui
étoit en ufage au commencement
du monde , & fur la manière dont
les premières Monarchies fc font
établies. De-là il vient à celle des
Babyloniens dont il prouve en gé-
néral l'Antiquité par un grand
nombre d'cutoritez. » L'on verra,
« dit il lui-même dans fa Préf.tce^ par
» la toule des témoignages des an-
» cicns,que j'ai cherché dans toutes
>»les fources qui pouvoient iarcn-
» dre complette. «« Il n'oublie pas
non plus d'avertir qu'il eft le pre-
mier qui ait réduit en une fuite
conforme à l'Ecriture ces Antiqui-
tcz Babyloniennes avant & après le
Déluge. Elles commencent avec la
Création du monde, &: continuent
pendiftC uue fuite de dix Rois juf-
D E C E M
qu'au Déluge qui arriva fous le Roi
Xifuthus qui cft Noé & le même
que Saturne & que Jupiter.
Cependant , quoique les Baby-
loniens ne fiflcnt mention que de
dix Rois jufqu'au Déluge , & qui
fans doute font les mêmes qu'A-
dam ëi. fa Pofterité ; ces peuples
n'ont pas feint de donner à chacun
d'eux des milliers d'années de rè-
gne. Mais en reduifant , comme
plufieurs Auteurs l'ont penfé , ces
années à des jours , toute la diffi-
culté s'évaroiiit ; les Antiquitez
Babyloniennes n'ont plus rien de
fabuleux , &: il eft très-aifc de les
rapprocher de l'HiftoiredeMoyfe.
George le Syncelle nous a con-
fcrvé les fragmcns de Bérofe , de
Palxphate furnommé Abydéne ,
d'Apollodore , & d'Alexandre-
Polyhiilor. Ce font les feuls Hiflo-
riens connus qui traitent des Anti-
quitez Chaldaïques , on ne laiffe
pas cependant de trouver dans
Diodore de Sicile, & dans quel-
ques autres Auteurs certains traits
qui ont rapport à cette matière ,
mais ils n'ajoutent prefque rien à ce
qui nous en rcftc dans les premiers
qu'on vient de citer ; feulement, ils
confirment leur témoignage. C'eft
fur ces autoritez que M. Michel
établit l'Hiftoirc des premiers Ba-
bvloniens. Il commence par la
Théologie de ces peuples , toute
mêlée Ae. Fables qu'elle eft , il mon-
tre qu'elle s'accorde du moins avec
Movfe fur l'origine du monde. Il
trouve cnfuite moyen de concilier
leur Chronologie avec le Texte Sa-
cré , en convertilTant en jours les
B RE; 1755; 705
Sares des Chaldécns qui étoit une
cfpace de 3600 ans.& à la faveur de
plufieurs conjcâures fçavamcsfur
les divcrfitez qui fe trouvent dans
Bérofe , Pol) hiftor , Palxphate , &
Apollodore par rapport aux dix
premiers Rois des Babyloniens , il
afufte cnfemble ces quatre Au-
teurs , les corrige l'un par l'autre,
& il trouve que la fuite des années
du règne de ces dix Rois, joints en-
femble, loime la femme de 1185
ans 125 jours.
Et pour faire mieux quadrer cet-
te fupputation avec celle de Moyfe
qui compte 165^ ans depuis la
Création jufqu'au Déluge ; il n'y a,,
dit-il , qu'à mettre un intervalle
de 473 ans depuis Ja Création juf-
qu'àAlorusle premier des dix Rois,
& en y ajourant les 1183 ans écou-
lés depuis Aiorus jufqu'au Déluge,
on aura 1656 ans.
Parmi toutes ces obfcuritez U en
ufc comme un arbitie , qui perfua-
dé qu'il y a réciproquement quel-
que chofede )ufl:e & d'mjufte dans-
les demandes que forment fes par-
tics , mais qui deftitué de titres &
de pièces jufiificatives pour procc^
der furement dans la décifion de
leurs conteflations , les engage à
fe relâcher mutuellement fur cer-
tains Points , quoique par cette
voyc il lui foit impoflîble de £e
convaincre lui-même , ni de con-
vaincre les autres de l'équité de
fon jugement.
Dès que l'Auteur eft forcé de
fuivre une telle méthode , on fent
en même tems qu'il eft obligé d'en-
trer dans des détails & dam des
704 JOURNAL DE
conjedures qui ne peuvent faire
aucune imprelHon , à moins qu'on
ne les life en entier , & dont par
confcquent le public ne doit point
s'attendre à trouver ici un Extrait
fuivi.
Nous nous contenterons de
donner une idée générale du refte
de l'Ouvrage. Après avoir parlé
des Rois Babvloniens jufqu'au Dé-
luge , M. Michel nous prelente
leur fuite depuis ce tems jufqu'a la
prife de Babylone par Ninus. Ce
qui comprend 1145 ans après le De-
luge , en admettant le fécond Caï-
nan, ou 1015 fi on le retranche.
On y voit ce qui s'eft pafTé dans la
BabylonieoulePaysdeSennaar fous
Noé 5 fes fils , fcs petits fils , &
fous les Rois Chaldécns Se Arabes.
Mais en même tems » on avoiie
» que ce qui nous eft reftc de ces
i> anciens tems, ne fuffit pas pour en
» développer toutes les difficultez ,
» ce qui laifie un champ libre aux
»j con)eâ:urcs.
C'cft en s'y abandonnant que l'Au-
teur place l'époque du règne de Ni-
nuSjFondatcur de l'Empire des AlTy-
riens l'an 1 13 9. après le Déluge en
admettant le fécond Caïnan,ou l'an
IC09. en le retranchant^ mais avant
que de donner l'Hiftoire de ce Roi
& de fcs Succcfieurs , il cxpofe les
differens fentimens des anciens fur
la grandeur de cet Empire , fur fi
durée , fur le nombre de fcs Mo-
narques , & fur les differens noms
qu'ils ont eus. Comme leurs fenti-
mens font fort oppofés , l'Auteur
qui foûticnt toujours le rôle d'un
Conciliateur , déclare qu'il aime
S SÇAVANS;
mieux chercher un moyen de les
réunir que d'en admettre un au
préjudice de l'autre. Il préfère ce-
pendant le témoignage de Ctélias à
celui d'Hérodote fur la durée de
l'Empire d'Alfyric ; outre que ce
dernier n'a pas alTez éclairci ce qu'il
en a écrit pour en faire un SylKme,
il ajoute qu'il n'a aucun partilan
dans l'Antiquité, l'i l'on excepte
Appien d'Alexandrie.
On reprend après toutes ces dif-
cuflTions i'Hill:oire d'AlTyrie depuis
Ninus, & on la continue jufqu'à
Sardanapale dont le règne finit l'an
du monde 4199. i543- ans après le
Déluge , 1404 avant l'Ere Vul-
gaire.
Si l'origine & les progrès des
AlTyriens font remplis de ténèbres,
on n'en trouve pas moins dans le dé-
membrement de leur Empire. M.
Michel avoiie qu'il n'a encore rien
vu qui pût le fatisfaire dans les dif-
ferens Syftêmes que les modernes
en ont donné , » s'ils s'accordent
» avec l'Ecriture ils abandonnent
j> l'Hiftoire Prophane , comme s'il
» n'y avoit pas de liaifon entr'cUes,
» & qu'il n'y ait de vérité que dans
7) les Livres Saints. « Pour lui il
tâche de les réunir entr'eux fur ce
point. Tous s'accordent à dire que
les Médes furent les premiers qui
fc fouleverent contre les Alfyriens,
mais il n'ell pas aifé de fixer le tems
de cette révolte ni de pourfuivre
l'Hiftoire des differens Etats qu'el-
le produifit.
On verra dans l'Auteur même
les efforts qu'il fut pour fortir d'u-
ne route Cl obfcure. Il s'arrête beau-
coup
D E C E M
coup fur Aflarrhadon qui réunit
Babylone à fon Empire de Ninive ,
il prétend que ce Prince cft le Na-
buchodonofor fous lequel arriva
l'Hiftoire de Judith. Peu content des
Âijferens Syftèmes que les anciens &
les modernes ont inventés pour
prouver la vérité de cette Hiftoire,
il les combat tous , il propofe en-
fuite le ficn , comme le feul qui
foit capable de refoudre les diffi-
cultcz tirées de l'Ecriture , & des
Hiftoriens Prophanes ; & par occa-
lîon il éclaircir ce qu'Hérodote dit
des années du règne de Déjocés^ &
des 128 ans de la domination qu'il
attribue aux Médes dans toute l'A-
fie. C'eft en cette rencontre , &
Icrfqu'il s'agit encore d'accorder
Daniel avec Jérémie fur le tcms
auquel Nabuchodonofor le Grand
fit la Conquête de la Judée , que
M. Michel nous affure qu'on verra
par fon exemple qu'il y a encore
des découvertes à faire pour l'inter-
prétation des Ecritures.
Il a encore la confiance d'être le
premierqui ait développé l'Hiftoire
de Darius le Méde. Il foûtient que
Balthazar & Darius ont porté tous
deux le iiom de Nabonnades , &
que toutes les contradidions dans
lefqucUes les Sçavans font tombés
fur ce point ne viennent que de ce
qu'on n'a point diltingué ces deux
Nabonnades. Darius le Méde eft
celui que Cyrus alTocia à fon Em-
pire , & qui ayant cabale contre lui
fut relégué dans la Caramanie. C'eft
Q\\ finit l'Hiftoire des Babyloniens,
& où commence celle des Médes i
Décembre.
B R E, Ï73 j. 70
elle eft peu connue jufqu'à Arbacr
qui fie révolter ces peuples conti
le fécond Sardanapale , mais noti
Auteur prétend qu'ilsacqnirentfei
lement la liberté de fe gouverner ps
leurs propres loix,& qu'ils ne laifte
rent pas d'être fournis à l'autorit
des Rois du z' Empire d'Alfyrie
& c'eft par ce dcnoliement qu'i
concilie Hérodote avec Ctéfias , f
avec l'Ecriture. Cette matière 1
conduit jufqu'au tcms de Cyrus qr
réunit l'Empire des Médes à ceh
desPerfes, &; quife vit alors fei
Monarque de l'Orient. Il en donn
ra l'Hiftoire dans la fuite. C'eft a
fez pour lui d'avoir écïairci dans c
Volume tour ce qu'il y avoit d'oî
fcur dans l'Antiquité jufqu'à ce f
meux Conquérant.
Du refte , la Préface fait fi bien
fentir l'utilité & les avantages de
ce Livre, l'étendue des lumières
de l'Auteur, la parfaite connoiftàn-
ce qu'il a de tous les anciens , & de
la plupart des modernes , la pro-
fondeur de fes recherches , la nou-
veauté , la folidité de fes découver-
tes & la certitude qu'il a d'avoir
pour lui la raifon, & la vérité qu'il
nous feroit impoftiblc de rien ajoij-
ter au témoignage que M. Michel
fe rend à lui - même fur tous fes
points.
Il y a joint un Canon Chronolo-
gique qui montre d'un coup d'œil
les dates des principaux évenemens
de toutes les Hiftoires dont il a par-
lé , & aux inftances de M. l'Abbé
de Villefroy connu , dit-il, par fon
érudition «Si fon fçavoir dans les
A aàaa
7o6 JOURNAL DES SÇAVANS,
Langues Orientales, il a termine rique des anciens Auteurs qu'il y ^
fon Livre par un Catalogue Hifto- cités.
PANEGTRIOV E DE SAINT LOVIS , PRONONCE'
à l'^kadémii Fr.mçoijc le 1 5 Aoufl 1733. par le R. P. Tournemine, de U
Co7npagnie de Jefiis. A Paris , chez Coignard fils , Imprimeur de l'Aca-.
demie Françoifc. 1733. in-^". pp. 2.0.
CE que ^L l'Abbé du Bos dans
fes Reflexions Critiques fur
la Pocfie & la Peinture avoit ilbien
prouvé , que dans ces deux arts , il
n'y avoit point de fujets épuifcs
pour les hommes d'un vrai génie ,
on peut le dire également de l'Elo-
quence. Rien de plus rebattu que
le Panégyrique de S. Louis , rien
cependant de plus neuf ni de plus
intereflant que le Difcours que
nous annonçons aujourd'hui.
Qui croiroit , comme on le fait
fentir dans l'Exorde ^ que ces pa-
roles de S. Paul , mihi autem abjtt
gloriari ritf in Cmce Domini mftri
J. C. per ^uem mihi mtmdits cmcifi-
xus eft j & ego mimdo J. C. me
fait regarder le monde comme un
crucifié , tandis qu'aux yeux du
monde , je parois moi-même cru-
cifié , qui croiroit, dis je , que ce
Texte pût être appliqué à un Roi ,
& à un grand Roi. Cependant le
Père Tournemine montre que cet-
te difpofition dans laquelle fe trou-
voit S. Paul eft necefTaire à tous les
Chrétiens, & qu'elle a été le prin-
cipe de toutes les adions qui ont
rendu S. Louis un Roi véritable-
ment grand. C'eft par une fidélité
confiante à fuivrc les impreflîons
que cette difpofition infpire.» Que
» fur le premier Tbrône de l'Uni-
» vers , attiré fortement par le
» monde , il l'a rebuté conftam-
» ment , & qu'il s'eft attaché con-,
n ftamment à Dieu , quoiqu'expo--
wfé continuellement aux rigueurs-,'
»dirai-je , aux rebuts de Dieu. La
» profperité la plus enchantcrelTe
j> n'a pu le corrompre , l'àdvcrfité
» la plus accablante n'a pu l'ab-
» batre. C'eft là le caraiftere de Saint
» Louis , il fe diftinguc par ces
» deux traits des autres Saints dont
» notre Religion a confacré la me-
» moire. Ces deux vertus l'élevent
M au de (Tus des Héros que l'Anti-
" quité Prophane a fi prodigale-
» ment encenfés , Se que trompés
» par elle , nous admirons trop lé-
» gérement.... Mcifieurs , qu'on les
» mette en parallèle devant des Ju-
» ges tels que vous , le triomphe du
» Saint Roi fera certain. , Maîtres &
» modèles de l'art ^e lç!ucr , vous
» pofiedés un talent Bc plus rare ôc
j> plus précieux , le difcernement
wfur de ce qu'il faut loiier , le
» goût de la véritable fagefle , & du
» véritable Héroïfme. Er comment
» ne vous connoîtricz-vous pas en
»» ûgcfie , en Héroïfme , on a vu &
» on voit encore parmi vous des
»î figes qui ont enfeigné les routes
» de la vraye gloire &: des Héros de
» guerre & de paix qui font arrives
D E C E M
«au terme heureux de ces routes
b peu connues , &c.
Le malheur de la condition des
Rois , dit l'Auteur dans la première
Partie , eft que la fainteté leur eft
plus neceflaire, & cependant moins
pratiquable qu'au peuple. S. Louis
avoit deux grands défavantages
dans le combat que le monde ve-
noit lui livrer. Il étoit jeune, il étoit
Roi. On fait fentir par une def-
cription aulfi touchante que forte
îes dangers du monde , & le pou-
voir que le plaifir a fur une jeu-
neiïe vive & bouillante.
Mais fila jeuneflc expofoit Saint
Louis , fon rang l'expofoit encore
plus. » Tout confpire à pervertir
» un Prince. Entouré de flateurs in-
«tereffés à le tromper, la vérité
s> parvient - elle jufqu'à lui ? La
» beauté , l'efprit gagnent trop à
» le corrompre pour n'y pas em-
» ployer tous leurs charmes. La
" Cour offre peu d'exemples des
M véritables vertus , & ils devien-
» nent inutiles par le foin qu'on
» prend de les décrier. Les Princes
» qui s'égarent font-ils donc excu-
3» fables devant Dieu ; Non. Pour
ï> quoi ne fentcnt-ils pas que vcn-
3> geurs de fa loi , ils font engagés
î> à l'obferver ? . . . Après tout, s'ils
»> cèdent aux attaques du monde ,
5> c'eft Dieu fcul qui doit les juger.
ïj Bornons-nous à les plaindre \ ad-
» mirons la fagcfle ôi la torce de
»» S.Louis.
Après avoir rapporté les traits
qui montrent jufqu'à quel point le
faint Roi poffedoit ces vertus , 8c
les avoir relevées de toute la force
BUE; 175?' 707
d'expreflîon & defcntiment qu'un
génie heureux fait employer moins
pour être éloquent, que parce qu'il
i'eft naturellement, il nous repre-
fente S. Louis aux pics des pauvres,
îes fervant à genoux , &c.
» J'entrevois , dit-ïl , ce que l'or-
>» gueil inondain oppofcra à un
M exemple fi décifif , on taxera de
>j fciblelTe le plus grand de nos
» Rois. Arrêtez , impies , ce Roi
» que je vous peins aux pieds des
y> pauvres , c'eft le Roi qui a retenu
39 pendant fon règne dans la fujct-
» tion des Vaflaux puiiTans & tur-
» bulens, qui depuis plus d'un (\z-
» cle a voient fatigué tous fcs ancê-
» très par leurs révoltes , quelque-
>» fois heure.ufes ; c'eft le Vainqueur
» des Anglois , qui fur un pont a
» foûtenu l'effort d'une armée -, c'eft
» ce Héros qui aborda le premier
» à un rivage couvert de troupes
M nombreufes , & les mit en fuite,
» toujours Vainqueur quand il a
5> pu combattre -, c'eft ce génie fu-
= périeur,rame de fon Confeil; c'eft
» ce Prince que la juftice & fa pru-
» dence connues ont rendu l'arbi-
» tredu Roi & du peuple d'Angle-
» terre , & qui leur a prefcrit des
i> loix qu'ils fuivenr encore aujour-
» d'hui ; c'eft ce Prince choifi pouï
" J"g^ 5 ^^^ P°^'' Médiateur par
» toutes les Puiftances de l'Europe,
»> que le courageux , le rufé Empe-
*> reur Frédéric II. a craint , & n'a
M pu tromper -, dont le Prince de la
«'Montagne , la terreur des autres
» Rois , a recherché l'amitié , qui a
»refufé l'Empire; c'eft ce Légifla-
i> tcut qui le premier a donné la
A a a a a ij
JOURNALDES SÇAVANS,
708
» forme à nos Loix par fcs fages
s.ttablifTcmcns. Le plus fain: de
M nos Rois a été le plus grand de
» nos Rois , parce qu'il a niéprifc
» les jugcmens du monde , rejette
n caietres du monJe^
« Ce Vainqueur du monde ,
» pourfiut le Père ToHrnemine en fi-
» Kijfint /à première Partie , va com-
J3 battre en quelque taçon contre
» Dieu , contra Dettmfortis. Admi-
» rable , parce qu'attiré puiflam-
« ment par le monde , il l'a con-
» ftammcnt rebuté : plus admira-
» ble ^ parce qu'il a furmonté les
=0 rebuts de Dieu par un attache-
» ment inviolable , par une patien-
».ce héroïque.
Dans la féconde Partie le Père
Tournemine , à l'exemple de fon
Héros , femble tirer de nouvelles
forces de tout ce qu'il y a de plus
accablant & de plus humiliant dans
les difgraces de S. Louis , & fans
trop s'arrêter à un ordre fcrupu-
Icux , que la grande éloquence ne
connoît point , parce que les
grands mouvemens de l'amc ne
peuvent ni ne doivent être affujet-
tis à la lenteur des reflexions de
l'art , il nous le montre toujours
également fidèle à Dieu , toujours
également grand dans fes malheursi
2c Dieu lui-même toujours égale-
ment bon , & toiijours également
adorable au milieu des rigueurs ap-
parentes qu'il exerce contre le faint
B.OU
1 11 expire fur la paille &furlîv
» cendre , la rigueur dt Dieu , &•
»la fidélité de S. Louis font con-
» fommécs. Confummattim efl. Fran-
» cois gémidans , cachez votre
» douleur , cachez aux Infidèles le
n fort de votre Roi , ne annuncietis
n in Geth. Ne détournez pas les
» Infidèles du fervice de Dieu pat
3> le terrible exemple d'un Roi fi-;
» déle , & toujours infortuné.
» Qiiclle erreur m'aveugle ! Provi-
j> dence de mon. Dieu , ie vous
a adore , & vous êtes certainement
«adorable. Annonçons , annon-
jj çons à toute la terre qu'un Roi
» accablé fous le bras de Dieu l'a
» toujours aimé , l'a toujours bcni.
» Apprenons par cet exemple à
» tous les hommeSj combien notte-
»Dieu eft aimable. Qu'èprouve-
» rons-nous dans la joiiiflancc des
» délices que vous nows refcrvés ,
» ô bonté infinie, fi votre févérité,
» fi vos rebuts ont tant de char-
'» mes ?
Le même efprit de Religion 5c
de pieté qui règne dans ce morceau,
règne dans toutes les parties du
Difcours , & l'on peut dire que le
Père Tournemine y a parfaite-
ment rempli le but qu'il s'étoic,
propofé , qui étoit de montrer ,
» combien le Chriftianifme efl, pro-
» pre à former des Héros , ic
n quelle eft la fupériorité des Hé-
»-ros qu'il forme.
D E C E M B R E , 1 7 5 j:
-jop
jiPirES'OTS TA EïPi SKOMEKA HANTA. Origénis Opéra omnia qua? Gr.-t-
ce vel Latmc tantum cxtant & cjus nominc circumferuntur. C'cft-à-
dire : Tout ce cjiion a pu recouvrer dOuvrages d'Or-gcne en Grec on feu-
hment en Latin , & ce t^u'on a public foits fin nom ^ nvH fur les dijftremes
éditions & fur les Manufcrits , tant de France t^ue d'Italie ^ d^lllcmagne
& â' Angleterre : traduit en Latin , & éclairci par des notes avec des
Taules très-amples , la Fie de l'Auteur & plnfieurs Differtations. Par Dont
Charles de ia Rue , Religieux BenediUin de la Congrégation de S, Aîaur.
A Paris, chez Jacques Fincent ^ rue Saine Severin ^ à l'Ange. 1753.
in -fol, 1. vol. Tom. 1. pp. jyj^Tora. II. pp. 534.
COMME ce fécond Tome
contient une partie des Ou-"
vrages n'Origêne fur les premiers
Livras de l'ancien Tellament. Le'
Père de la Rue a jugé à propos de
mettre à la tête de ce Volume une
Dilferiation fur la manière dont
Ojriocne sxpUquoit l^Ecriture Sain-
te. Cette Pièce dont nous allons
donner le précis mérite une atten-
tion particulière.
Ongêne diftingue avec les autres
Interprètes , trois fens differens
dans L'Ecviture Sainte, le littéral,
le moral , le mylUque ou allégori-
que. Il y a , félon lui, des.mor-
eeaux de l'Ecriture pour lefquels
il faut rciinir ces trois fens diffe-
rens •, d'autres aufquels convien-
nent le fens littéral & le fcnsmyfti-
que , d'autres qu'on doit neceiïai-
rement expliquer à la lettre , &
d'autres qu'on ne doit prendre que
dans le fcns myftlque ou allégori-
que. Quand nous trouvons dans
L'Ecriture Sainte , dit Origêne , des
préceptes moraux , tels que ceux-
ci : vous ne tuereT^point , vous ne fe-
rez pas d'adultère , il faut les expli-
k Loi purement myftiques , quf
n'étoient que la figure de la Lot
nouvelle , doivent toujours fe
prendre dans le fens myftique ou
allégorique : il va même jufqu'à
foûtenir qu'il y a plufieurs mor-
ceaux tant de l'ancien que du nou-
veau Teftament , qui étant pris àla^
lettre , contiennent beaucoup de
chofes faufles , abfurdcs & impolîi-
blés. Ce qu'Origêne applique mê-
me aux Livres Hiftoriqucs de l'ani»
cien & du nouveau Teftament , où'
il dit que les Auteurs Sacrés ont
rapporté comme des faits certains
des chofes qui ne font jamais arriJ
vécs , & d'autres qui peuvent être
vrayes en elles-mêmes , mais qui
font fauiîes de la manière dont el--
les font rapportées. Le grand avafi--
tage qu'Origêne. prétend qu'on
doit retirer de ce Syftême , c'eft
qu'en appercevant dans l'Ecriture
beaucoup de chofes qui femblenc
fauiTes , abfurdes ou impo/îîblcs ,;,•
en les prenant dans le fens littéral. '/
©n reconnoît que Dieu même nous*'
avertit par-là d'avoir fouvent re-^
cours au fens allégorique pour l'ex-^
quer à la lettie.Mais les préceptes de piication de l'£cntuic Sainte,
7IO jOURNAt D
Après cette cxpofition du Syftc-
tnc d'Origcnc , le P. de la Rue fait
quelques obfervations fur ceSyftc-
me. Les deux premières en faveur
d'Origcne font i". qu'il a parle en
plulîeurs endroits avec éloge du
îens littéral de l'Ecriture Sainte,qui
ell le fondement de la Religion &
qui lutHt pour l'édification des Fi-
dèles : 2°. Qu'il a fait voir que les
explications myftiques qu'on a
données de quelques endroits de
IfEcricurc Sainte, ne font pas toutes
de purs effets de l'imagination , &
qu'il y en a quelques unes qui font
fondées fur la révélation. Mais
quand on voit que pour faire va-
loir le fens allégorique , il va juf-
qu'à détruire le fens littéral , &
prétendre y trouver des chofes
faufles, abfurdes, impodiblcs, onfe
fcnt indigné contre un Syftcme qui
fappe par le fondement l'autorité
des Livres Saints , tant par rapport
aux Infidèles que par rapport aux
Hérétiques. & aux Catholiques, La.
Loi Mofaïque contient plufieurs
figures de la Loi nouvelle ; mais le
fens figuré, dont on ne peut douter
par rapport à quelques endroits, ne
détruit pas, le fens littéral. On ne
fç^uraitagir avec trop de circotif-
peâion , quand on veut pouffer ces,
explications hguratiïcs. plus loin
que i>e l'ont faitks Apôtres. Car
ceux qui veulent expliquer de cette
manière routes les parties du Lévi-
tique & de l'Exode , fc rendent
fouvent ridicuies par de fades allé-
gcvries qwi diminuent le refped:
qu'on doit avoir pour l'Ecriture
Sainte. Il oe £aut pas même poulfer
ES SÇAVANS,
trop loin les explications myfti-
ques qui fe trouvent autorifécs
dans le Nouveau Teftamcnt. Saint
Paul dit qu'il y a une Jerufalem
Célcfte, dont la Jerufalem terrc-
ftre eft la figure , mais il ne s'enfuie
point delà qu'on doive appliquer
à la Jerufalem Célcfte tout ce qui
eft dit dans l'Ecriture Sainte de la
Ville de Jcrufilem &dcs environs,
& encore moins qu'il taille avec
Origêne affigner dans le Ciel des
lieux qui répondent à l'Egypte , à
Babylone , à Tyr & à Svdon. Loin
d'ici , dit le P. de la Rue, ce mé-
lange prophanc Sc monftrueux de
Platonifme & de Pytagorifme avec
l'Ecriture Sainte.
L'Auteur examine enfuite ce qui
a engagé Origêne à fe livrer à ce
goût de figures. Il obferve d'abord
là - deffus qu'Origêne étoit grand
admirateur des Juife , fur -tout de
Philon S>c d'Ariftobule qui fe plai-
foient à expliquer l'Ecriture Sainte
d'une manière figurée. Il avoir lu
avec attention les Ouvrages des
Platoniciens & des Pytagoricicns ,
qui aimoient ces fortes d'explica-
tions allégoriques. Cette miftago-
gie étoit du goût du iléde d'Origê-
ne , &; il s'y eft conformé pour plai-
re à fes Ledeurs & à fes Auditeurs.
Mais ce qui a pu le plus contribuer
à l'entretenir dans ce goût , c'eft
que travaillant fort vite pour fatis-
faire à l'empredcmcnt de fes Lec-
teurs &: de fes Auditeurs , il lui
était plus tacile de trouver des fens
myftiques , qui fc prefentcnt aifé-
ment à ceux qui fe font exercésdans
ces efpeccs d'explications Ibuvenç
D E C E M
arbitraires , que de lever les diffi-
cultez que font naître les explica-
tions littérales pour lefquelleson
manquoitde fecours neceffaires du
tems d'Origêne. Enfin ce qui a en-
tretenu Origcne dans ce Syftcme ,
c'efl: qu'il confondoit le fens litté-
ral avec la lettre de l'Ecriture Sain-
te, Dans les métaphores la lettre
peut être faufTe , & contenir cepen-
dant un fens très - véritable fous
l'apparence d'une faulfeté , & c'eft:
ce dernier fens qui eft le fens litté-
ral, C'eft donc à tort qu'Origêne
voulant juftifier fa méthode d'a-
néantir en plufieurs endroits le fens
littéral pouy y fubftituer des figu-
res , cite l'exemple des métaphores
dont le véritable fens littéral eft ce
que l'Ecrivain Sacré a voulu figtii-
iîer par la métaphore.
Il eft vrai que M. Huet a tâché
d'excufer Origêne fur ce que cet
Auteur n'a point été l'Inventeur
de cette manière d'expliquer l'Ecri-
ture Sainte , 5c qu'il a pris ce goût
dans la Icdure des Epîtres de Saint
Paul. Mais ce défaut de Philon ou
même de quelques Auteurs Payens
qui ont ainfi expliqué les Pocfies
d'Homère ne juftifie pointOrigcne.
Saint Paul a donné à la vérité des
explications myftiques de quelques
endroits de l'Ecriture , mais Saint
Paul n'a point anéanti le fens litté-
ral de ces morceaux de l'ancien Te-
ftament pour n'en faire que de fim-
ples paraboles , & en donnant
à quelques traits de l'ancien Tefta-
nient un fens myftique qui lui avoit
été infpirc , il n'a point ajouté
qu'on devoit expliquer de cette
B R E, T7 3j; 711
manière tous les pafTages de l'E-
criture Sainte,
Pluficurs anciens Auteurs entre
autres , S. Euftate Martyr d'Antio-
che , S. Epiphane j Théophile.,
S. Jérôme & S. Auguftin , fe font
élevés contre la manière dont Ori-
gêne expliquoit l'Ecriture Sainte ,
enreduifant à une fimple allégorie
les principaux traits de l'ancien Te-
ftament , comme ce qui y eft rap-
porté du Paradis Terrcftre, ou de
la chute d'Adam, .
Les Ouvrages d'Origêne fur l'E-
criture Sainte dont ce Volume
contient une partie , font de trois
efpcces. Des notes ou des Obferva-'
tions courtes fur le Texte , des To-
mes qui font des Commentaires
fuivis & des Homélies. De ces Ou-
vrages il y en a qui ont été confer-
vés en Grec , d'autres dont il ne
nous rcfte que la tradudion Latine
de Rufin , &: d'autres dont il n'y a
que des fragmens qui ayent été
confervés , foit dans d'anciens Ecri-
vains Ecckfiaftiques , foit dans les
Chaines des Pères, Au fujetde ces
Chaines,lcP. de la Rue avertie ,
qu'il a vîi tous les endroits attri-
bues à Origcne ^ tant dans les Ma-
nufcrits des Chaines qui font à Pa-
ris j & qui ont été recueillis par le
P. Combcfis j que dans ceux d'An-
gleterre , & dans les a"utres Chaines
des Percs. Mais le choix qu'il a été
obligé de faire dans cesOuvrages lui
a caufé beaucoup de peines , car des
morceaux qui font attribués à Ori-
gêne dans quelques-uns de ces Re-
cueils , font attribués dans d'autres
à £ufebe , à Théodoxet ou à quel^
712 JOURNAt DE
qucs autres Auteurs Grecs. Il cft
même arrivé quelquefois qu'on
a inféré dans ces Chaincs fous le
nom d'Origène des traits qu'on fait
ctre de quelque autre Auteur.
Ce que le P. de la Rue nous don-
ne d'Origène fur la Genéfe, confi-
fte en des fragmens Grecs tirés des
Tomes fur la Genéfe , avec une
traduction latine , &c en dix-fept
Homélies traduites par Rufin ;
Merlin avoit attribué cette traduc-
tion à S. Jérôme. Apres la Genéfe
viennent des Extraits en Grec &: des
traductions d'Homélies fur les qua-
tre Livres fuivans du Pcntateu-
que.
Sur le Livre de Jofué, il y a quel-
S SÇAVANS ,
ques tragmcns que fournit la Phi-
locolie , & des Homélies de la tra-
dudion de Rufin. Viennent enfui-
te des Fragmens fur le Livre des
Juges & des Rois ^ des Homélies
fur les mêmes Livres , &c des Frag-
mens fur les Pfeaumes , qu'on trou-
ve dans differens Auteurs , ou dans
différentes Collections des Chai-
ncs.
Le Volume finit par le Com-
mentaire d'un Anonyme fur le Li-
vre de Job, qui dans les Editions
précédentes eil; attribué à Origcnc.
Dans un autre Journal nous rap-
porterons quelques exemples des
nouvelles traductions & des notes
de l'Editeur,
ALLEGATIONUM FISCALIUM, PARS PRIMA ET SECUNDA :
Autore D. D. Joanne - Baptiitâ Larreà ^ Equité ordinis divi Jacobi
Jurifconfulto - Hifpano. C'cft-à-dire : Dijfertat ions fur UDroit duFifc
divifées en deux parties : par Jean-Baptijîe Larrea , Chevalier de l'Ordre
de S. Jacques ^^urifconfulte. Nouvelle édition. A Lyon , chez Antoine
Servant. 173 2. ;>?yô//o, première Partie, pp. 5 5 6. féconde Partie, pp. 22S.
JE A N de Larrea a été un des
plus fameux Jurifconfultes que
i'Efpagnc ait eu dans le dernier fié-
cle. Verfé dans le Droit Romain &
inftruit des Loix particulières &
des ufages del'Efpagne , il remplit
a.vec honneur les places de Prûfef-
fcur de Droit dans l'Uni verfité de
Salamanque, &: d'Avocat Fifcal -, le
Roi Philippe IV. poaar le rccom-
penfer des fervices qu'il lui avoit
rendus dans ce dernier emploi le fit
ConfeiUer au Confeil Royal de
CaftiUe. Il a donné au Public
deux Ouvrages , l'un des décifions
de Grenade , l'autre ett celui qui
nous fournit aujourd'hui l'occafion
de parler de ce Jurifconfulte. Ce
dernier Ouvrage fut imprimé à
Madrid du vivant de l'Auteur en
1^41. il y en eut une féconde édi-
tion à Lyon en i ^4Z- cette nouvell
édition a été faite fur celle de Lyoi
de i6^z. fans aucune addition , n
augmentation. Ces DifTertation
font au nombre de i lo. Elles con
tiennent un très - grand nombr
d'obfervarions utiles pour le Droit
Public d'Efpagne ; c'eft ce qui fait
que cet Ouvrage eft très-recherché
en Efpagne , & par ceux qui veu
lent s'inftiuirc des Droits du Ri
d'Efpagi
DECEMBRE, 1715. yrj
d'Efpagnc par rapport à fon Fifc. nous en rapportions ici des excm-
Ce Livre eft trop connu pour que pies.
LETTRE CRITIQVE SVR VN DISCOVRS LATIN , QVl
a pour titre : De légitima Laudatione. A Paris, chez Briajfoti^ Libraire,
rue S.Jacques , à la Science. 17} 3. Brochure /«-iz. pages 55.
LA perfedion d'un Difcours
demande que le plan en foit
bon , que ce plan foit bien rem-
pli ôi que toutes les parties qui
compofent le Difcours ayent
une telle liaifon entre elles , qu'il
en réfulte un tout où il ne man-
que aucune proportion : elle
demande outre cela , de la varie-
té dans les tours ,du naturel dans les
cxpreflions, & fur-tout une grande
convenance de ces expreflîons avec
le fujet.
L'Auteur de la Lettre Critique
dont il s'agit , fbûtient que rien de
tout cela ne fe rencontre dans le
Difcours Latin intitulé , de légitima
Liiudatione , c'eft-à dire ^ de l'ufage
légitime de la Louange. Nous rappor-
terons d'abord ce qu'il juge du plan
de la Pièce.
Ce plan , félon lui , n'eft ni
jufte ni bien exécuté , 8c voici
de quelle manière il s'y prend
pour le prouver. Le but de l'O-
rateur , dans ce Difcours , eft
de faire voir 1°. Que la louange
doit être vraye, z". Qu'elle doit
être modérée : » elle doit être
a> vraye , dit-il , parce que la loiian-
» ge faufle perd celui à qui en la
j> donne, déshonore celui qui la
j> donne , & rebute ceux qui l'en-
» tendent. Elle doit être modérée ,
« parce qu'elle reflcmble à la vertu
Décembre.
» dont le caradtere cil de fc cacher ,
» de ne fe montrer qu'en tcms 5c
» lieUjde ne point pafTer les bornes,
» & il conclud de-là qu'elle doit
» être modefte comme la vertu ,
» placée à propos & modérée , ce
c'eft en abrégé à quoi fe réduit la.
Pièce.
La louange doit être vraye , elle
doit être moderée.Cela eft conftant;
mais , dit l'Auteur de la Lettre ,
la fuite du Difcours fait voir que
les deux Parties de cette divifion
n'en font proprement qu'une : on
entend par une louange vraye, cel-
le qui eft jufte &:raifonnable, celle
qui ne pèche ni par défaut ni par ex-
cès i or l'Auteur de la Pièce ne fc
plaint point ici de la loiiangc qui
pèche par dctaut , mais feulement
de celle qui pèche par excès : les
exemples qu'il rapporte des Prin-
ces , des Rois , des Empereurs , les
portraits qu'il fait de ceux qui les
flattent , le démontrent. En prou-
vant, comme il fait , que la loiiangc
ne doit point être faulfe , il prouve
qu'elle ne doit point être excelîive,
& par confequent qu'elle doit être
modérée , ainfi la modération de
la loiiange étant renfermée dans la
première Partie du Difcours , elle
ne fçauroit plus en être féparée
pour compofer la féconde , qui pat
là devient inutile. Pour mettre k
Bbbbb
714 JOURNALD
chofc hors de doute , notre Auteur
en vient aux exemples , Se il remar-
que que dans la première Partie la
laifon qui fait que Démetrius fc
mocquc des Athéniens^ pag. 20, de
Alexandre d'Ariftobule ^ pag. îi j
cft précifcmcnt la même qui dans la
2' détermine Alexandre à rebu-
ter le Sculpteur qui vouloit donner
au mont Athos la figure de ce con-
quérant , & lui faire tenir un fleuve
d'une main , & une ville de l'autre.
L'Hirtoire vrayc ou faufle du Scul-
pteur de la féconde Partie , p. 53.
n'ajoute rien aux Hiftoircs de la
première , qui font plus que fuffi-
fantes pour prouver que la Loiian-
gc ne doit point être cxccflive ^ &
qu'elle doit erre modérée.
On prétend tout de même dans
la Lettre , que les fousdivifîons de
la Pièce dont il s'agit , ne font pas
plus juftes que la divillon 5 & on
dit qu'il eft prefque auflî difficile
d'appercevoir la liaifon qu'elles ont
avec les deux parties de la divifion,
qu'il eft aifé de fentir comment ces
deux parties n'en font qu'une. La
ioiiange doit être vraye , dit l'Ora-
teur , parce que la losange faujje
j/erd celui qui la reçoit , deshomre ce-
lui ^ui U donne , rebute ceux qui
l'entendent , ôcc. Ces preuves néga-
tives , remarque l'Auteur de la Lct-
tte, feroienf, ce femble , plus con-
venables , fi l'Orateur fe propofoit
de combattre directement la flatte-
lie ; mais le titre du Difcours étant
de légitima Laudatione , il paroît
annoncer des règles déterminées
pour loiier comme il faut ; cepen-
dant l'Orateur fe home à des invec-
ES SÇAVANS;
tives centre les flatteurs ', & ne
donne de règles , à ce que prétend
l'Auteur de la Lettre , que celles
qui fe lifent dans une petite Pièce
devers, imprimée depuis quelques
années , de gêner: laudativo. Il ne
dit , continue-t-on , que ce qu'elle
contient dans la valeur de cin-
quante vers. L'Auteur de cette Pie-
ce & lui n'admettent que des
loiianges indiredes , quand elles fe
prononcent en prefence de ceux
qu'elles regardent , ou fi elles ne
font pas indiredes , ils veulent
qu'elles foicnt très - courtes , &C
qu'elles palTent comme un éclair.
L'Auteur de la Lettre trouve
que ce fentiment combat la prati'.
que confiante des plus grands Maî-
tres d'Eloquence : il cite fur cela
Démofthéne & Ciceron. Il obferve
que le premier a fouvent loiié
magnifiquement & fort au long les
Athéniens en leur prefence , & que
le fécond a tout de même loiié plu-
fieurs fois , avec étendue , le peu-
ple Romain , & les Juges devant
qui il prononçoit fcs plaidoyers.
Notre Auteur joint à ces exem-
ples anciens celui des Orateurs mo-
dernes : on loiie tous les jours le
Roi , les Princes , les Magiftrats ,"
en leur parlant, & s'il arrive quel-
quefois qu'on ne le fafle pas en peu
démets, l'exemple de Ciceron ^
dit-il, qui dans toute fa Harangue
pour Marcellus , loiie Céfar en hii
adrefiant la parole , prouve qu'on
peut avoir des raifons particulières
d'en ufer ainfi.
Les loiianges indiredes, conclud-
on dans la Lettre ^ ne font donc
D E C E M
•pas les feules dont on puiflTc & dont
on doive toujours fc fervir à l'égard
de ceux à qui l'on parle. C'eft ce-
pendant ce que l'Auteur du Dif-
cours de légitima Landiitione ^ veut
infinuer en s'attachant fcrupuleu-
fcment à l'idée de la Pièce dont on
vient de faire mention , & qui a
pour titre de génère laudativo , avec
cette différence néanmoins , ajoû-
te-t-on , que de ce qu'elle rapporte
en deux mots^l'Orateur dont il s'a-
git tf« fiiit de longues Hiftoires qu'il
circrnfliuncie comme fi l^on n'en avait
jamais entendu parler.
Nous paffons plufieurs autres re-
flexions concernant la première
Partie pour venir à celles qui con-
cernent la féconde. On remarque
que dans celle-ci il falloit montrer
comment la loiiange doit être mo-
dérée , qu'il falloit eufuite rendre
le tout fenfible par des exemples ,
& des exemples accompagnés de
réflexions inftruâiives. Maison ob-
ferve que l'Orateur dit là - deffus
très - peu de chofe ; puifque pour
prouver que la loiiange doit être
modérée , tout fon raifonnement
fe réduit à ceci : la véritable loiian-
ge reffemble à la vertu -, le carade-
re de la vertu eft de fe cacher , de
ne fe montrer qu'à propos , de ne
point pafler les bornes , donc la
îoiiange doit être modefte , placée
à propos èc modérée. Cette parfai-
te refferablance que l'Orateur éta-
blit ici entre la véritable loiiange
& la vertu , rapproche effedive-
ment ces trois qualitez , modefte ,
placée à propos , modérée , mais
cela n'empêche pas <^ue l'Au-
B RE; 1755. 715-
tcur de la Lettre ne regarde les
deux premières , comme étrangè-
res au plan de la Pièce , & ce qui
les lui fait regarder comme telles ,
c'eft qu'elles n'établiffent nulle-
ment la propofition à laquelle l'O-
rateur s'eft reftraint : en effet ,
ayant avancé comme il a fait d'a-
bord , que la louange doit être mo-
dérée , on attend qu'il en donne
tour de fuite la preuve , & non pas
qu'il faffe voir antérieurement que
la loiiange doit être modefte SC
placée à propos.
Notre Auteur fait à ce fujet ui>c
reflexion , fçavoir, que/o^wi? les
fous-divifions conviennent aujjî peu
tjue celles-là avec les proportions ejui
partagent le difcours ^ L'ordre des ma-
tières ne ff aurait être fort fuivi &
^u'aujft ne l'eft-il pas ici. il cite pour
preuve de cette dernière propofi-
tion , l'Hiftoire de Quintilien qui
termine la première partie de la
fous-divifion , pag. 16. Se qui eft,
félon lui , abfolument hors d'œu-
vre. Quintilien , dit l'Orateur , pro.
digue k Domitten des loiiances t^ui
n'appartiennent qu'à Dieu ^ & en ce-
la ilfe couvre d'une éternelle infamie:,
la remarque eft vrayc , mais c'eft
dommage , félon l'Auteur de la
Lettre , que cette infamie qui re-
tombe fur le flatteur ne doive , fé-
lon les règles , trouver place que
dans la féconde partie de la fous-
divifion. Il s'agit de prouver dans
la première , que les Princes qui
écoutent les flatteurs , en font hor-
riblement punis -, cependant il n'ar-
rive rien ici de funefte à Domiticn,
il n'y a que Quintilien qui en fouf-:
Bbbbbi^
>jx6 JOURNAL D
frc i n'eft-cc pas là un manque de
jurtcfTc ? La crainte de nous trop
ctcnùrc nous oblige de pafler plu-
jfieurs autres remarques pour venir
à ce qui concerne les éloges que
l'Orateur fait de M. M. les Car-
dinaux de Polignac , de Biiïy , &
de M. le Nonce. Selon cette Lettre
Critique , les raifonncmcns où fe
jette l'Orateur pour venir aux élo-
ges dont il cft queflion , font C en-
tortillés qu'il n'cft prefque pas pof-
iîble de les démêler , ni de voir
comment ces éloges font liés avec
le rcfte de la Pièce ; on cite fur cela
plufieujrs lignes latines que nous
fupprimons pour abréger , & après
les avoir rapportées on demande ce
que fignifie de telles phr.ifes , quel
rapport elles ont les unes avec les
autres , & fur-tout où eft l'applica-
fion du précepte que donne l'Ora-
teur quand il dit : laus exf édita effe
débet & (jitafivolucris. Lausfulgiiris
inftur pratervdet. La lokunge donnée
à ceux à qui l'on paris don être rapi-
de elle ne doit pas avoir plus de du-
rée ait un éclair : on demande fi cet-
te application fe trouve dans le prc-
ipicr de ces éloges , & on fait ob-
ferver qu'il eft aflcz long pour
donner le temsl de confiderer fans
précipitation le mérite du grand
Cardinal qui en eft le fujet. On
ne prétend pas cependant dans la
Lettre j blâmer l'Auteur par cet
endroit , mais on prétend qu'il de-
voit au moins avertir que la fécon-
dité de lamatiere difpenfe quelque-
fois de la règle qu'il a pofée^quand
il a dit : Laiis fiitgttris infiar pntter-
volet. Quelque vrai que foit aufli
ES SÇAVANS.
le fécond éloge , on foûtienï
que ces mots , fut negUgens , le
terminent mal. Quant au troifié-
mc on trouve qu'il contient deux
penfées fuiccpribles chacune d'un
faux fens. Si quelqu'un , dit l'Ora-
teur , avance , en parlant de M. le
Nonce, c[\.\'il efl fiaéle ^exaB , ha-
bile à remplir fe s devoirs , lui JchI au-
ra peine àfe recmnoltre : folus ipfe ft
'vix agnofcet ^ on remarque là-delTus
dans la Lettre , qu'au fentimentde
tout le monde , perfonne ne mérite
cet éloge à plus jufte titre que M.
le Nonce , mais on paroît en peine
de fçavoir pourquoil'Orateur pré-
tend que M. le Nonce fera le feu!
qui ait peine à s'y reconnoître , vu
que la modeftie n'empêche pas que
fon Excellence ne fe rende à elle-
même juftice fur ce fujet , en recon-
noiffant qu'elle eft fidelle, & exac-
te à remplir fcs devoirs , qui eft
l'unique louange que l'Orateur lui
donne ici. La penféc fuivante ne
paroît pas plus uifte à notreAutc ur,
GT impatiens Lmdis chjhs fafligio ex-
celfior eft , comme fi , dit-il , M. le
Nonce n'avait peine à foiifrir les
louanges ^u'o:i lui donne ^ que parce
qu'elles font trop au-deffous de lui ?
L'Auteur de la Lettre palTe de-là
à la Critique d'un grand nombre
d'expreifions ou forcées ou affcc--
téeSj ou peu latines ou trop répétées
©u mal placées , 5: il finit en obfer-
vant que ce n'eft pas afTcz qu'il y
ait de l'imagination dans un Dif»-
cours,mais qu'il y faut outre cela de
la juftefle dans le plan , de l'ordre
dans l'exécution ^ du choix danslc5
penfées ^ des tranfitions , des figa-
D E C E M
îes , âci cxprciTions nouvelles , &
dans chacune de ccS parties une va-
riété qui plaife , qui réveille , fans
quoi tout languit dans unDifcours,
tout y eft froid & ennuyeux.
Voilà une légère idée de cette
Lettre Critique , "ù nous nous
croyons au rcfte obligés de remar-
quer que l'on n'employé aucun ter-
me dur & qui ne foit dans les rè-
gles de la politefie. Des Critiques,
B R E; Ï7Î î. ^ 717
comme celles-ci, font toiijoursuti-
les : les Auteurs qu'elles regardent 5
ne fcauroicnt s'en irriter s'ils font
fages ( car il f>iut mettre cette con-
dition ) & ils en prolitent. Quant à
ceux d'entre les Leâeurs qu'elles ne
regardent pas , ils ont toujours l'a-
vantage d'y trouver des remarques
qui peuvent beaucoup fervir à foï-
mer le goût ou à le reveiller.
NOVVELLES LITTERAIRES.
ALLEMAGNE.
De T u b I n g e»
JEAN-GEORGE Cotu ic
Charles-Théophile Hébert ^ qui
ont déjà entrepris une nouvelle
Edition de la grande Bibliothèque
des Pères , comme nous l'avons
annoncé ci - devant , viennent de
propofer par Soufcription une au-
tre Edition nouvelle des Annales
de Stiab-e , publics vers la fin du 16°
fiécle par Martin Crujius. Cette
Edition qui doit paroîrre pat les
foins de M. J. Michel Hdl'Wach ,
ProfclTeurd'Hifloire , d'Eloquence
Si de Poëfie dans cette Univerfîté ,
fera en deux Volumes /«yô/Zo, dont
voici le titre : Annales Suevicijlve
Chronicn remm ah dntiejmjfima &
inclyta gente Suevicageftarum , qui-
hus e^iiidejitid fere huberi de illa petuit
ex Lctims & Gracis aliarum^He
linguarum auSloribHS , monumentif-
t^m ply.rimis prithim nihildum exper-
mfHwmafide & diligemiâ enarratur,
adJHnBis fubinde c£tera quocjne Ger-
maniit Orientis ati^ue Ocfidentis , vi-
cinarumcjite Provinctarum rébus me-
rnorabdibHS acfcttii dignis , opiis no-
lum qmd Martinus Cru-
fius Gï&CA & Latine Linguét cum
Oratoria in Academiâ Tubingenfi
Prefejfor ac Hifloriciis frimitm edidit^
jam vcro quanta fieri potait cara re^
cenfmt atc^ue maximum partem ex ip-
fs AuBoris Schedis Auxit Jo, Aii-
chaël HM'Wichfms. 1733.
FRANCE.
D
Pa
Le Père de Momfaueon vient de
publier le Projet d'un grand Re-
cueil qui aura pour titre : Biblis-
theca Bibiioihecarum nova , c'eft-à-
dire , Nouvelle Bibliothet^ue des Bi-
bliothèques. Il fe propofe d'y faire
connoître les Manufcrits que l'oa
eonferve dans les grandes Biblio-
thèques & dans les Cabinets àt
pluficurs Sçavans de r£uropc.-
7i8 JOURNAL D
L'Auteur n'a pas borné fes recher-
ches aux Manufcrits Grecs ou La-
tins ; il promet de faire connoître
où l'en pourra trouver les Manuf-
crits d'un grand nombre d'Ouvra-
ges en Langues Vulgaires , fur-tout
en Italien , en Efpagnol ou en
François , & cela en tout genre de
Science. Il en excepte les Manuf-
crits qu'on voit prefque dans tou-
tes les Bibliothèques , & qui font
néanmoins peu recherchés des Sça-
vans , comme certains Livres qui
regardent l'Office Ecclelîaftique
des Grecs & des Commentaires des
Ouvrages d'Ariftote. Ce Recueil
ne pourra être que très-utile aux
gens de Lettres ^ fur-tout à ceux
qui veulent donner de nouvelles
Editions des Ecrivains ^ foit Sacrés,
foit Prophanes, ou quife difpofenc
à enrichir le public de quelque Ou-
vrage ancien qui n'ait point encore
été imprimé. Cette nouvelle Bi-
bliothèque fera d'autant plus atten-
due des Sçavans , qu'ils fçavent que
le Pcre de AiamfMicon s'eft appli-
qué depuis un grand nombre d'an-
nées à faire des recherches , pour
connoître les Manufcrits des diffé-
rentes Bibliothèques : ce que l'on
voit fur cet article dans fon Voya-
ge d'Italie imprimé en 1701. eft
pour ainlî dire un EiTai de la gran-
ac Compilation à laquelle il donne
la dernière main. Depuis fon Voya-
ge d'Italie le grand Duc de Tofca-
ne Cofme III. a bien voulu lui en-
voyer & lui permettre de faire
tranfcrirc le nouveau Catalogue de
la lameufe Bibliothèque de Laurent
de Médicis auquel des pcrfonnes
ES SÇAVANS,
habiles ont travaillé pendant di.K
ans : fes amis lui ont envoyé des
Catalogues des Manufcrits con-
fervès dans un grand nombre de Bi-
bliothèques de France. Mais ce qui
contribuera le plus à enrichir cette
CoUedion eft h Bibliotliéqnc du
Roi , la plus nombrcufe en Manuf-
crits qu'il y ait eu )ufqu'.i prcfent
dans le monde , & aullî célèbre par
le mérite que par le nombre de fes
Manufcrits. On y en compte au-
jourd'hui 30 mille, dont il y en a 10
mille qui y font entrés depuis trois
années ; ces augmentations vien-
nent des Manufcrits qu'ont appor-
té d'Orient des perfoniies fçavantes
que le Roi y avoit envoyées , & des
acquifitions que le Roi a faites de
la Bibliothèque de M. Colbert,de
celle de S. Martial de Limoge , &
de quelques autres Bibliothèques
moins confiderables.
Gallia Amiijuitates e]iii,iam [dec-
tA atcjiie in plures Epiftolas diflributit.
Parifiis^ fiib Olivâ Caroli Ofmont ,'
via San-J^uobaâ. 1733. '«-4°.
Ces Lettres qui ont été écrites
par M. le Marquis Scipion Maffei à
plufieursdefcsamis , foit dans le
cours de fon Voyage de Vérone 3.
Paris , foit pendant le féjour que
cet illuftre Auteur a fait à Paris mê-
me j font précédées d'un Epîtrc
Dédicatoire en vers Latins adrelTéc
au Roi.
Poejtes diverfes de M. de Segrais
de V Académie Françoife , les Èglo-
gues , l'Athis , Poème Paftoral , lei
Odes , Epures ^ Elégies , Chanfins ,'
Stances. Nouvelle Edition. Chez
la Veuve de Lormel, rue du foin.
D E C E M
Se René Jop , au coin du Marché
Neuf. i73 3./»-8'.
V ylrithmetiijue Militaire , ou
l'arithmétique Pratique de l'Inge-
rtieur & de l'Officier , divifée en trois
Parties. Ouvrage également necejjaire
aux Officiers , aux Ingénieurs & aux
Commenfans. Troiiicme Edition ,
corrigée & beaucoup augmentée. Par
M. Clermont , Officier d'Artillerie.
Chez Pierre ÎVitte , rue S. Jacques,
ècDidot, QuaidcsAuguftins.1733.
vol. in - 4°.
Voici la Lifte de pluficurs Livres
nouveaux d'Hollande 6v d'ailleurs,
qui fe débitent à Paris chez Bnaf-
yê« , Libraire , rue S. Jacques, à la
Science. Quoique nous en ayons
déjà annoncé quelques-uns , nous
croyons qu'on ne fera pas fâché
d'en revoir ici les titres , puifqu'en
les indiquant de nouveau , nous
donnons en même tems le moyen
de les avoir phis facilement.
Hiftoire des Rois de Pologne , &
du gouvernement de ce Royaume ; où
l'on trouve un détail trcs-circon-
ftancié de tout ce qui s'cft paflé de
plus remarquable fous le Règne de
Frédéric - Jiugufle , & pendant les
deux derniers Interrègnes , par M.
***,4.vol./»-i 1. ^mflerd. 1734. cet
Ouvrage fe trouve auffi chez Giffiey,
luë de la vieille Bouderie , à l'Ar-
bre de Je (Te -, & chez Charles 'O/-
mont ^ rue S.Jacques, à l'Olivier.
Le cinquième Volume fous preffie ,
contiendra l'Hiftoire de ce qui s'eft
paffe depuis la Dicte de Convoca-
tion jufqu'à l'Eledion du Roi Sta-
nislas , &: jufqu'à prefent.
Mémoires très-fidéles & trh-ex/itls
B R E ; 1735:'^^- 7,p
des Expéditions Aiilit aires qui fe font
faites en Allemagne , en Hollande &
ailleurs depuis le Traité d'Aix-la-
Chapelle jifqu a celui de Nimegue ^
aufquels on a joint la Relation de
la Bataille de Senefpar M. le Prin-
ce, & quelques autres Mémoires
fur les principales adions qui fe
font pafTtcs pendant cette guerre;
in-11. 2. voL 1734.
Le Droit de la Nature &des Cens "^
ou Syftême général des Principes
les plus importans de la Morale ,
de la Jurifprudence & de la Politi-
que , traduit du Latin de Puffen-
dorf, & avec les Notes de M. de
Barbeyrac. Nouvelle Edition très-
augmcntée. /«-4°. 2. vol. tArnfierd.
1734- ,
Réflexions fur la Po'éfîe en général ,
fur l'Eglogue , la Fable , l'Idylle ,
la Satyre, l'Ode, & fur les autres
petits Poèmes , &c. fuivics de trois
Lettres fur la décadence du Goût
en France par M. R.D. S. M. in-%°.
La Haye y 1733.
Mémoires de ce qui s'eft pafTé fuE
Mer pendant la guerre de iC%%.
jufqu'à 1^97. entre la France Sc
l'Angleterre , par M. Burchett J
/«-12. Londres. ij-i,i.
Continuation de l'Hifloire du Parle-
ment de Bourgogne depuis \6^^,jufi
qu'en 1733. avec les Armes & BJa-
fons des Préfidens & autres Ofiî.'
ciers de ce Parlement , in-folio^
Dijon, i-jii.
Nmvelle Hiftoire de la Ville de
Tournus , & de l'Abbaye de S. Phili-
bert, avec une Table Chronologi-
que, les preuves de l'HiUoire , ' &
le Poiiilié des Bénéfices , §c l'Hi-
720 JOURNAL" DÈS SÇAVANS;
ftoire des Comtes de Châlons , de Traitez. Géographi(jues & fiijfort-
Mâcon &c des Sires de Bauge , avec f«« , pour Liciiicer 1 intelligence
figures, /«-4°. 2. vol. Dijon ,1733. ^'^ l'Ecriture Sainte , recueillis pat
Recherches imerej[antes fur l'Ori- M. de la Aianmiere ^ in-12. 1. vol.
gine , la Formation , &c. des Vers la Haye. 173 ?.
à tuyau qui infcftent les VaiU'eaux Nouvelle Diprtatim furies paro-
& les Digues de Hollande , par M. les de la Confccration de l'EucharJ-
M^ijfuet l avec figures, irl-ii. jîmji. ftie , avec une Lettre de M. l'Abbc
175 3. DngHi.in-%°. 1733.
Fautes 4 corriger dans le Journal d'Otlobre 17 3 5.
PAge 5 54. col. 2. lig. 9. Journaux , nous , Ay^^ Journaux , où nous :
Pag. 555. col. I. lig. II. fcvcs , noires, lif. fèves noires ; Pag. <:,6i,
col. I. lig. 19. Ciciliens, //,/? Ciliciens : Pag. 577. col. i. lig. 17, vitTiTç
pour vajïTç lif. v«>6î5 pour ia-n^i : Pag. 579. col, i. lig. 39. parlé,///! parlées:
Pag. 5 %6. col. 2. lig. 14, valable , lif. véritable : Pag. ^03. col. i. lig. 14.
Alucin, ///Alcuin.
TABLE
Des Articles contenus dans le Journal de Decl^ iTîJ*
H
Ifloire de V Académie Rcyaîe des Lvfcrjp:io»s & Selles-Lettres , Scc.
— — P^g^ ^75
Syflème Chronologique fur les trtis Textes de la Bible , &c. 700
Fanégyri^ue de S. Louis , &c. yotf
TraduElion Latine de toutes les Oeuvres (^Origine , &c. 705
Dijfertations fur le Droit du Fifc , &c. -712
Lettre Critique fur un Difcours Latin , de Légitima Laudatiooc ^ 7 1 j
iltHvelles Littéraires , 717
Fift4c la Table.
BIBLIOGRAPHIE
7it
BIBLIOGRAPHIE,
O U
CATALOGUE
PES LIVRES DONT IL EST PARLE' DANS LES
Journaux de l'Année 1733-
Les Titres ctes Livres qui ne font qu* annoncés dans les Nouvelles
Littéraires Jeront indiqués far une Etoile.
BIBLIA SACRA, INTERPRETES, CONCILIA,
fur le même plan que l'Ouvrage
précèdent, 201
* La Pallîon de Nôtre - Seigneur
Jefus-Chrift félon la Concorde ,
par M. du Guet , £-jo
Syftcme Chronologique fur les
trois Textes de la Bible , &c. pat
yi. Michel , 700
* Traitez Géographiques & Hifto-
riques pour tacilirer l'intelligen-
ce de l'Ecriture Sainte , recueil-
lis par M. 1^1? la Martiniere , 710
*T:J XPLICATION du Livre
JC» des Pfeaumes , page 61.
* Nouvelle CoUedion des Conci-
les d'Angleterre , par M. JVil-
kens , 1x6
Explication du Livre de la Genéfe ,
où félon la np.éthode des Saints
Pères , l'on s'attache à découvrii"
les Myfteres de J.C. & ks règles
des mœurs renfermée dans la
lettre même de l'Ecriture , 198
Explication du Livre de Job faite
PATRES,THEOLOGI,ASCETlCl,LITURGlCL
SCRIFTORES ECCLESIASTICI , 5CC. HetERODOXI.
* SanUerum Profperi^cimtani & ho-
norati Adajfiltenfs ^ opéra , nous ,
obfervationibufqne illitjirata k D.
Joanne Salinas , &c. 1 24
* Spencer de Legihus EhrMrnm Ri-
tudibus , 116
Dieemhe,
Lettre d'un Théologien de l'Unï-
verfité Catholique de Straf-
bourg à un des principaux Magi-
ftrats de cette Ville , faifant pro-
feflîon de fuivre la Confeflion
d'Aulbourg , fur les fix princi-
G c ce c
721 B I B L I O G
paux obftadcs à la convcrfion
des Proteftans , 127
* Sermons choilis , ou Difcours fur
la vérité de la RcIi_L',ion Chré-
tienne , Ibid.
* Nouvelle Edition des Oeuvres de
S.JeroniCj propoféc par les Li-
braires de Vérone , 185
* Projet d'un Supplément pour
l'Edition que le P. Manianuy a
donnée des Oeuvres de S. Jérô-
me annoncé &: promis par l'Edi-
teur des Oeuvres de S. Juftin,de
Ta tien , &c. 184
* Converfations fur plufieurs fujcts
de morale propres à former les
Jeunes Demoifelles à la pieté ,
lîS
* Théologie Pbyfiquc, on Démon-
ftration de l'Exiftcnce & des At-
tributs de Dieu , tirée des Oeu-
vres de la Création , &e. tradui-
te de l'Anglois de Guillaume
Derham. Troifiéme Edition, i S 7
* Le Didionnairc des Cas de con-
fcience , par feu MelTîeurs de
Lamet & Promageau , z^C
* Traité fur la Fête de Pâques , par
le Sieur Jacques Bcttazai de
Crato ^ 303
La Religion détendue , Poëme ,
Panégyrique de S. François d'Affi-
fe , par le P. To/^^w , 342
* Lettere difcorfive camro ad ^Icuni
foétïci abufi pregmdi^evolifi al
Àecora délia Religione Cattolica
R A P H I E.
corne alla buona morale Ch-ifhla"
w<t. Opéra Pofltima del Dottore
Pier-Fraricefco Bottzzzoni , ^6t
* DiJ/èrtatio de Bapttfmo in nomine
Jefii Chrtfli , &c. Ibid.
* DiJJènatio de Chrifmate confirwa-
torio , Ibid.
* Maxima Bibtioiheca F'eterum Pa-
trum & jinti^Horum Scripomm
Ecclefiaflicorum , Ibid.'
* Penfées choifies de M. l'Abbé
Boileati fur diffcrcns fujets de
morale , ^66
Doqrna Ecclejt<t Circa ufiii-am expo-
Jiium& vtndicatum ^ 415
* Nouvelle Dirtertation fur les pa-
roles de la Confecration de li
Sainte Eucharifcie , 4;6&72o
* Traité de Tertullicn fur l'orne-
ment des femmes , &c. 247
Réfutation des Critiques de M.
Bayle fur S. Auguftin , 457
Contimiatio PraleUiotmm Théologie
carum Homrati Tournely , Jive
Traclatus de nniverfa Theologia
Adorait , 470
* ïnftrudion fur la Religion , par
M. Charles Gobmet , 6 n
Origenis Opéra omnia cjUA Grâxevel
Latine tantitm ex tant & ejus no-
mine circumferuntur , tf 1 5 & 709
Traité de la Simplicité de la Foi ,
^38
Panégyrique de S. Louis , pronon-
cé à l'Académie Françoifc par le
Père Toumemine , jo6
HISTORICI SACRI ETPROPHANI.
"Hiftoire Ecclefiaftiquc pour fervir l'Abbé Fleury ^ Tomes XXVII.
io. Continuation à celle de M. & XXVÎIL z
B I B L I ac
-" Tomes XXIX. &: XXX. 82
Semm ItalicammScriptores ^ Tom.
VIL 34
— Tom.Vm. 113
— - Tom. IX. 149
— Tom. X.. 574
— Tom. XL 474
— Tom.XIL su
— Tom. XIII. $96
— Tom. XIV. €10
Les Monumens de la Monarchie
Françoife , par le R. P. Dom
Bernard de Montfaucon ^ Tome
IV. 5i
— * Tome V. 54^
La Rofalinde imitée de Tltalicn ,
* Programme du grand Recueil
d'Infcriptions que M. le Mar-
quis Maffei eft dans le defifcin de
donner au public , 58
*Hiftoire Univeffelle depuis le
commencement du monde juf-
qu a prefent , traduite l'Anglois
d'une Société de Gens de Let-
tres , 6 1
? Annales Arfacidamm Aurore Lh-
dovico du Four de Longueruë ,
Ibid.
f Le ParnafTe François , par M. Ti-
ton an Tille t ^ 61
:* Le 17' Tome de l'Hiftoire Ro-
maine Ats Pères Catrou & Rouil-
lé, Ibid.
* Les cent Nouvelles-Nouvelles ,
par M.' de G ornez. ^ (Îi-i28
* Mémoires de la Cour d'Efpagne,
depuis l'année 1^79. jufqu'en
1^81. 61
Journal du Règne de Henri IV. par
M. Pierre de l'Etoile , dj
Hiftoixe de Danemarc , par M.
R A P H I Ê.
7iJ
Jean-Baptiûe Defi-oches ^ 95 iSc
Relation Hiftorique de l'Ethiopie
Occidentale , traduite de l'Ita-
lien du Pcre Cavaz.z.i , par le
K.V.J.B.Lithat, io6Sci6y
La Vie deMeflîre François Picquet,
Conful de France Se de Hollan-
de à Alcp , 120
* Verona illnfirata-. du Marquis Sci-
^ïonMaffet^ 1,4
* Edition Latine de l'Hiftoire de
M. de Thon ^ 1 2,g
* R-ecueil de Pierres antiques dcf-
finces 5c gravées fur cuivre avec
une Table ou explication claire
& fimple de chacune décès Picr-
r«, 127
* Hiftoire Univerfelle Sacrée &
Prophane depuis le commence-
ment du monde jufqu'à nos
jours , par le R. P. Dom Augu-
ftin Calmet , j g ^
Hiftoire de l'Académie Royale des
Sciences, année 173©. avec les
Mémoires de Mathématique &
de Phyfique pour la même an-
née, 218 & 271
Le Repos de Cyrus,o« l'Hiftoire de
fa vie depuis fa feiziéme année
jufqu'à la quarantième, z^s
*Defcription Géographique, Hi-
ftorique , Chronologique , Po-.
iitique & Phyfique de la Chine
& de la Tartarie Chinoife , par
le Père Duhalde , iaa
* Didionnaire abrégé de la Fable
par M. Chompré , ^^y
* Troifiéme Feuille de la Carte To-
pQgraphiquedes environs de Pa-
ris , par M. de la Grive , 24g
C c c c c ij
724 B I B L I O G
* L'Aftrce de M. <^:Vrfé , PaftoraU
le allégorique avec la Clé , nou-
velle Edition , 248
Hiftoire générale des Auteurs Sa-
crés & Ecclefiaftiqucs , par le
R. P. DomRemyCf///fr, To-
me III. i6-j
— * Tome IV. 48 <C
Carte générale de la Monarchie
Françoife , contenant l'Hilloirc
Militaire depuis Clovis premier
Roi Chrétien jufqu'à la quinziè-
me année accomplie du règne de
Louis XV. par le Sieur le Mch de
la Jaijfe , 289
Principes de l'Hiftoire , par M. de
Juvenel , 291
* Mémoires pour fervir à l'Hiftoire
de Portugal , par M. Jofeph
S 0 ares de Sylva , 301
* Le Volume des Mémoires de l'A-
cadémie Royale de l'Hiftoire
établie en Portugal pour l'année
173 1. Ibid.
* Hiftoire d'Angleterre de M. de
Rapin - Thoyras ; continuée juf-
qu'à l'avènement de Georges I.
au Thrône de la grande Breta-
gne , Tome XI. &:XII. 304
Syftême Chronologique fur les
trois Textes de la Bible , avec
l'Hiftoire des anciennes Monar-
chies expliquée , par M. Michel^
700
* Hiftoire d'Hippolyte , Comte
de DugliS , par Madame Daul-
noy. Nouvelle Edition, 30^
* Le fécond Tome de la nouvelle
Edition des Oeuvres de Sigonim ^
dans lequel fe trouvent réimpri-
més les XX. Livres de Reono lia.'
Itt^ avec des Notes & Obferva-
R AP H I E.
tions de M. Jofcpk - Antoine
Safi. , 3^1
*«x^ff/V//7-77c^«£///Gcvencfen-Land-
Anmanus - zu - Glarus Chronicon
Hdv:ticum , 3^ j
* Lettres à' Henri IF. Roi de Fran-
ce , & de Mcffieurs de Filleroi 8c
de Puifi'itx ,1 M Antoine le Fc-
vre de la Bodene , Ambaftadcut
de France en Angleterre , 36'4
* Mémoires du Sieur Jean Macl0^
Ibid.
* Les Généalogies Hiftoriques des
anciens Patriarches , Empereurs,.
Pvois & de toutes les Maifons
Souveraines , depuis le comme;v
cement du Monde jufqu'à pre-
fent , &o. 3é'5
"* Hiftoire des Révolutions d'Efpa-
gne , depuis la dcftrudion de
l'Empire des Goths jufqu'à l'en-
tière & parfaite réunion des
Royaumes de Caftille & d'Ar-
ragon en une feule Monarchie ,
par le Père Jofeph d'Orléans ,
* L'Epoufe infortunée\^ Ibid.
Aïufeum Floremitinm , 378
Orhis Sacer & Prophanus illiiftratus
340-508 & yS7
* Didionnaire Univerfcl , Hiftori-
que & Critique en Anglois , 42 j
* Remarques Hiftoriques & Criti-
ques fur l'Hiftoire d'Angleterre
de RapinThoyras , par M. 7;»-
dd , ' Ibid.
* AbregéChronologique & Hiftc
rique de l'origine , du progrès &
de l'état adtuel de toutes les
Troupes de France , Ibid.
* Explication de quelques Mar-
bres antiques , j^z(
B I BL î O G
* Hlftoire deRocliefort , ^16
* Hiftoire du Fanatifme dans Ja
Religion Proteftante , depuis
fon orif'ine , 4^7
Eloge du R. P. le Quien , 43 1
* La Vie de Gufman d'Alfarache.
Nouvelle Edition , 487
* La nouvelle Mer des Hiftoires ,
Ibid.
Hiftoire ancienne des Egyptiens,
des Carthaginois , des Alîyricns,
^c. par M. ^o^/« , 550
* M. Joah. Jh/Ii Rau Diatribe Hi-
fiorico- Philofophica de PhUnfophia
Lucii Cœcilii LnBantii Firrniani.
Accedit ejufàem aliA Critico-Theo-
logica , cemple^ens Htftoriam ve-
terem & recennorem -vocis Eccle-
fiaflics. ^ Bfairteç ,&C. ^0^6
? Le Temple des Mufes , orné de
5 9 Tableaux , où font reprefen-
cés les éveneniens les plus remar-
quables de l'Antiquité fabuleu-
fe , Ibid.
"* Nouvelle Hiftoire de l'Abbaye
Royale & Collégiale de S. Fili-
bert de laVille deTournus , 547
&719
Hiftoire de l'Académie des Infcrip-
tions& Belles-Lettres , avec les
Mémoires de Littérature tirés
des Regiftres de cette Académie,
Tome L Si II. 5 52 & 675
— * Tome VII. &VIIL 486
Hiftoire Littéraire de la France ,
Tome 1. 5^8
Hiftoire de l'Eglife Gallicane , par
le Perc de Longneval , Tome V.
601
-— Torae VI. ^45
* Nova Scriptorum ac Monumento-
rum , parUm rarijfmorum pArtim
R A P H I E. 71J
Ineditomm CûlleElio J 609
* Mémoires de Frédéric-Henri de
Nalfau , Prince d'Orange , Ibid.
* Hiftoire des Yncas , Rois du Pé-
rou , Ibid.
* Les Tomes VU. VIII. & IX. de
l'Hiftoire Généalogique de la
Maifon Royale de France . des
Pairs , Grands Officiers de la
Couronne, &c. ^11
* Lettres fur les premiers Dieux
ou Rois des Egyptiens , Ibid.
* La Jeune Alcidiane, par Madame
de Comex> , Ibid.
Anecdotes de la Cour de Philippe-
Augufte, 651
Hiftoire Critique de la GaulîNar-
bonoife , par M. de Mandajors ,
66t
* Sictlia Saera difcjuifinonibHS & tio-
titiis illuftrata, Editio tertia , 66^
* D. Jo. Andréa de Aftefatis Epiflo-
la in cjua annm decimits feptimus
fitpra o^lingentejimum Bernardi j
Italie Régis emortalis oftenditur ^
&CC. Ibid.
* Jofephi - Antonii S^xii DlJfertaM
Hiflorica ai vindtcandam emti-
^Ham AmbroJia.n£ Ecclejïit difci'
plinam , &c. ibid.
* Hiftoire des Rois de Pologne &
du Gouvernement de ce Royau-
me , Ibid. & 71^
* Andre£ Moreliii The/àurm. Nit-
mifmaticm , 6jo
•*» Continuation de l'Hiftoire du
Parlement de Bourgogne , de-
puis l'année 1^49. jufqu'en 1733.
Ibid. & 715.-
* Conjuration de Nicolas Gabrini_,
dit de Rienzi , Tyran de Rome
en 1347. Ouvrage Pofthume da
^l6 B I B L I O G R
Pcrc du Cerceau , 6-jo
* Le Comte Roger , Souverain de
la Calabre ulrericurc , 6^71
* Aurore & Phxbus, Hiftoirc Ef-
pagnole , Ibid.
* La Conftance des promptes A-
mours , avec le Joiict de l'A-
mour , Ibid.
* Recueil de l' Hiftoirc & des Mé-
moires de l'Acadcmic Royale
des Sciences , depuis 1666. juf-
qu'en 1^99. <>7i
* Annales Suevici , 717
* Blbliotheca Bibliothecarum nova ,
Ibid.
A P H I E.
* Cilliét Antitjuitaies tjtudam felec-
U atq»e in plures Epijlolas diflrh
huu , -718
* Mémoires très - fidèles & très-
exads des expéditions militaires
qui fc font faites en Allemagne ,
en Hollande & ailleurs , depuis
le Traité d'Aix-la-Cbapelle juf.
qu'à celui de Nimeguc , 719
* Mémoires de ce qui s'cft pafl^
fur mer pendant la guerre de
16 88. juiqu'à 1^97. entre la
France &: l'Angleterre , par M.
BHrchelt , Ibid.
ORAT.ë)RES,POETi£,GRAMMATlCI.
Theophili-Sigefridi Bayeri Mufetim
Sinicum , 1^ & 84
* Recueil de vers Italiens & Latins
à la loiiange de Madcmoifellc
* DifSionnaire François ou François
Breton j par le P. F. Grégoire de
Roflrenen , 61
* Eglogues de M. de Segrais. Nou-
velle Edition , 62 & 718
* Le Roman Comique , mis en
vers par M. Le TelUer d' Orvilliers ^
128
Poëfics diverfes , par M. Tanevot ^
^ Ml
Traité du Sublime , à M. Def-
preaux, }^zïyi. Sthain , ijé Se
391
* Oeuvres diverfes de M. l'Abbé de
Chaulieu , > 8tf
* Méthode pour apprendre l'Or-
thographe & la Langue Françoi-
fe , par M. Jaccjuier , Ibid.
La Bibliothèque des Enfans , oh les
premiers Elémens des Lettres^
V contenant le Syftême du Bureau
Typographique , à l'ufage de
Monfeigneur le Dauphin, & de
Mefleigneurs les Enfans de Fran-
ce , 231
Th-^trumfine vel ejfe po£it Schola in-
firmandis moribus idonea ? Oratio
habita die 13 Aiartii anno 1733.
* Carolo Porée , 309
* Bibliothèque des Théâtres , 247
Tradudion Françoife du Difcours
précèdent , par le Perc Bnanoy ,
* Recueil des anciens Poètes La-
tins, Tome V. & VI. 3^1
* Le Thréfor de la Langue Latine
^c Robert-Etienne j 425
Glojfafium ad Scriptores medU & in-
fima Latinitatis , Autore Carol»
Dufrcfne, Domino duCangc,46^4
Nouvelle Traduction du Paftor Fi-
do, 481
* Jo. Cottl. Heineccii fundamtntK
Stili Cultiorls ,
* Henrici Heifenii Onxùo de Elo
quentiâ Vcterum Germanorum ,
Ibid.
De légitima laudatione oratio habita
^ C/î)'o/o le Beau j 61^
Lettre Critique fur le précèdent
Difcours, 715
■* Nouvelle Edition du Traité du
1 B L I O GR AP-ni E. 7^7
$â,6 Sublime de Longin en Grec ^ en
Latin , en Italien & en François,
* Reflexions fur la Pocfie en géné-
ral , fur l'Eglogue , fur la Fable,
* Nouvelle Edition du Recueil de
Pocfies diverfes du Père du Cer-
ceau , £JQ
PHILOSOPHL
* Wolfîi PJychologia empirica , iië
Le Spedacle de la Nature ^ oh En-
tretien fur les particularitez de
i'Hiftoire Naturelle , &c. fécon-
de Edition, 192
Difcours fur les différentes figures
des Aftres , &c. par M. de Mati-
pertuis , io^
Tufculane de Ciceron fur le mépris
de la mort ; traduite par M.
l'Abbé d'Olivet , avec des remar-
<5ues de M. le Préfident Bouhier ^
248
* Entretiens de Ciceron fur la Na-
ture des Dieux , de la même tra-
duction , & avec les mêmes re-
marques : féconde Edition, i%6
Examen du Pyrrhonifme ancien &
moderne , par M. de Cronfaz. ,
2^3 &354
Traité de la Fortune , 501
Lettre de M. le Marquis Scipion
Maffei ^ contenant le récit &
l'explication d'un feu rare &fîn-
gulier femblable à celui de la
foudre ou du tonnerre , lequel
s'eft formé dans le corps d'une
femme de iaVille de Céfenne en
Italie , j4i
* Obfervations de M. Befe fur TE-
clipfe de Soleil qui devoit arri-
ver le Mercredi ij Mai 1733.
54tf
Lettres Philofophiques , Sérieufes^
Critiques & Amufantes , &c.
Diflèrtationfur le Feu Boréal , 5^55
* Edmundi Purchotii Inftitutiones
Phihfophica Editio cjuarta , 67 r
* Recherches intereflantes fur l'o-
rigine , la formation , le déve-
loppement , la ftrudure , &c.
des diverfes efpeces de vers à
tuyauj &c. par M. Mafuet , 710
& + 185
MATHEMATICL
Arithmétique démontrée , 243
* Recueil d'Ouvrages curieux de
Mathématique & de Mcchani-
qvie , «H Dcfcription du Cabinet
de M. GroUier de Serviere avec
des figures en taille-douce, ^6/^
L'Arithmétique Militaire , o« l'A-
lithraétique-Pratiquc de i'Ingé-
7i8 BIBLIOGRAPHIE;
nieut }C de l'Oificier , pir M. CUrmom ,
M E D I C I.
7»?
Z). Latiretitii Hcifteri ,Compett4iitm
/InMomicHm, EMtio ^narta , 1 1
Obfer varions de Médecine fur la
maladie appcllce convuUion , 3 z
Lettre à l'Auteur de l'Extrait du
Journal des Sçavans du mois
d'Octobre 17 3 1. au fujet du Li-
vre intitulé : Objervatlones Me-
dico-Pra^ica ^ par M. le Thieul-
lier^ j8
Lettre de M. Petit , Doâeur en
Médecine , contenant des refle-
xions fur des découvertes faites
fur les yeux 3 45
Traité des Tumeurs contre-nature,
par M. Déifier ^ 72
Qu£^h .M:dica M. J. C. A. Helve
tius prsfîie ciifcHtienia an in
TonfîU.tmm tnmoribiis inflammato-
riis Kerrnes Jidirtsrale? lOo
Quitfli') Msdica M. P. Azevedo,
Profile dtfcutienda nn in inflam-
matiombHS ^ If.ermes Minérale ,
loi
L'Anatoraie générale du Cheval ,
traduite de l'Anglois par T* A.
de Garfault , 140
* Pharmacopée de la Faculté de
Médecine de Paris , 1S7
IDijfertatio Aïedica inaugundis de
Medicmài HttUtate m Jitrifpmden-
tia ^ 155
'Dijfertatio Medica, inaugiiralu ds
Aied.icamentisGermams, indigents ^
Germants fufficiemthus , 160
QH^sftioncs Âfedtce diiodecim ah An-
tonio'^tixzw , DoSlore Medico ^
propugnatx disbus 3 ^ 4 C?" 5 men-
ps Aprilis anni 1 7 3 2 . 295
* Georgti Baglivi opéra omnia Medi~
co-Praiîtca & Anatomica. Editi»
nona , 30J
Qu^iflio Medica an Conviviafanita-
ti conférant.^ 384
{^u^ifliones Medic£ duodecim ab An~
tonio Fizes , DaHore - Medico ,
p'-opiignatit dtebus J , 6& J De~
cembrts 1751. 397
Hermanni Boerhaave Elementa Che-
rrn£ , 42 j
* Johannis _F reind opéra Medica
omnia ^ 42 j
La Médecine Thcologiquc , 443
* Obfervations importantes fur le
Manuel des Accouchemens ,
traduites du Latin de M. Henri
de D ev enter ^ par Jacques- Jean
Briihier d^Abbaincourt , é'il
Diprtatio Medica , de Dolore ex cal-
cula Renum , ^28
* Suite des Maladies Chroniques ,
par P. V. Dubois , Tome V.
«71
JUR I DIC I ET POLITICI.
Ordonnances des Rois de France M. Secoujfe , 3 vol. 7
de la troifiéme Race , recueillies Traité des Matières Criminelles ,
par ordre Chronologique , par fuivant i'Or<k)nnance du mois
* d'Aouft
B IB L I O G
d'Aouft 1^70. 80
* Journal des principales Audien-
ces du Parlement , avec les Ar-
refts qui y ont été rendus. Nou-
velle Edition, 1^6
* D. y^ntonii Gomelîi "varu Refolu-
tiones Juris Civilts ^ Commums &
Rigii. Ediiio nova , 505
Ci^egoni Mayanfii generofi & ante-
cejfom Valentinï Epiflolarum Li-
brifex , 351
* Obfervations fur les Arrefts re-
marquables du Parlement de
Touloufe , recueillis par M. de
Catelan ^ enrichies des Arrefts
nouveaux , &c. pat Gabriel de
Vedel, 36^5
Traitez de la Main - morte & des
Retraits , par M. F. J. Dimod ,
387&513
* D. D. Francifci Amoftazo de
Caufis Piis in génère & fpecia ,
Coutumes Générales & Locales du
Pays & Duché de Bourbonnois ,
R A P H I E. 719
avec le Commentaire , par M.
Mathieu Auroux des Pemmicrs ^
Recueil des principales Décifions
furies matières Bénéhciales, par
M. R. Drapier ^ 52.S
*Caufes célèbres & intcreflantcs ,
avec les Jugemens qui ks ont
décidées : recueillies par M.
Gayot de Pitaval , 547
Obfervations fur l'Ordonnance du
mois de Février 1731. & Qiie-
ftions remarquables fur. les ma-
tières des donations , par M. J.
B. Furgole , 590
* Traité de la Communauté entre
mari &c femme , par M. Denis
le Brun , cjo
u4llegationum Fifcal'tum , Pars prima
& fecunda , Autore D. D.JoaU'
ne-BaptiJtâ Larreâ , 7 1 z
* Le droit de la nature & des gens,
traduit du Latin de Puffendorf ^
avec les notes de M. Barbeyrac ,
MISCELLANEI ET POLIGRAPHL
* Mifcellaneu Ohfervationes in An-
tores veteres & recentiores ab eru-
ditis Britannis anno 1731. edi
CApu , 37J
Lettre Critique fur le Diâionnaire
dcBayle, 177
* Programme publié par l'Acadé-
mie de Chirurgie pour le Prix de
l'année 1733. x8(?
Scntimens d'un Homme de Guer-
re fur le nouveau Syftêmc du
Chevalier Folard , par rapport à
la colomne Sc au mélange des
DeciVtbrc,
différentes armes d'une armée ,
287
* Jacobi Gretferi Opéra omnia ^ 302
* Programme publié par l'Acadé-
mie Royale des Infcriptions &
Belles-Lettres, 30^
Eflai fur les Erreurs Populaires ,
traduit de l'Anglois de Thomas
Bro'wn , 3ié&43|
Oeuvres mêlées de M. *** , 3J1
Catalogue des Livres du Cabinet
àclA. de Cangé , 355
Traité de l'Opinion , ^06 5c 43 2
Ddddd
7îo B I B L I O G
* Ecole de Cavalerie , par M. de la
Guertniere , 48^
* Les Caraderes de Thcophrafte ,
avec les caraderes ou les mœurs
de ce fiécle , 487
Reflexions Critiques fur la Poëfic ,
la Peinture & la Mufique , par
M. l'Abbé Dnbos. Nouvelle Edi-
tion , 521
* Programme publié par l'Acadé-
mie Royale des Belles - Lettres ^
R A P H I E.
Sciences S<. Arfs , établie à Bor-
deaux , pour le Prix de l'année
i734-_ ^ 610
* Harduini è Societate Jeftt Opéra
omnia , ^^q
* L'Art d'apprendre la Mufique ,
expofé d'une manière nouvelle
& intelligible par une fuite de
leçons qui fe fervent fucceflîve-
ment de préparation ^ par M.'
^^g»f, ibid;
T R IV 1 L EG E D V ROT.
LOUIS, pat la giace de Dieu , Roi de
France & de Navarre; A nos amez & féaux
C'onfeiUers , les Gens tenans nos Cours de Par-
lement, Maîtres ies Requêtes ordinaires deno-
treHôtel, Grand-Confeil ,Baillifs , Sénécliauic,
Prévôts, leurs I.ieutenans & à tous autres nos
Jufticiers qu'il appartiendra : SaLUT. Notre amé
Aféallefieut JEAN PAUL BIGNON notre
Bibliothécaire & Confeiller ordinaire en notre
Confcil d'Etat , Nous a fait expofer qu'ayant
conduit la compofition & impreffion du Journal
des S^avans depuis le commencement rie ce fié-
cle, il auroit obtenu de Nous parrapport audit
Ouvrage deux Privilèges , l'un en datte du fept
Aoui^ mil fept cent un , Se l'autre en datte du
trente Juin mil fept cent quatorze pour quinre
années, â compter dud. iour trente Juin , Nous
fuppliant de lui en accorder un nouveau , pour
faire continuer un Ouvrage auffi utile au Public
par les foins de Pcrfonnes auflî verfées en tou-
tetfortes de Littératures que ceux qui s'y font ap-
pliquez jufqu'à prefcnt. Nous demandant de
marquer pour terme dud. nouveau Privilège la
fin d'une année , chaque Volume dudit Ouvrage
n'ayant fa peifeûion qu'après l'imprcffion des
douze mois ; Nous lui avons permis & accordé
par ces Préfentes de fajre imprimer led. Joiunal
des Sçavans en François & en Latui , en grand
& petit Volume , & en telle forme , marge &
caraûere qu'il feia jugé convenable par lui
ou pa; ceux qiu feront prépofez à, la compo-
fition d'icelui ; lequel Journal contiendra ,
conformément à nos Lettres cy-devant accor-
dées aux. Sieuts de Salo , Gallois & de la Roque,
V^'irtgé , Extrdir mjufemenr de rouies fortci di
Uvro, en (fKc'.que L^n^ue & Pay> & f«T quel-
^«fi mixiierii (juiii fcicnt imprimez, , de Religitn ,
dt juriffruienu Civile & Ctnoniijut, de Ge'c^rar
fhii, de Chrtnclt^iti A'Hijintt S*(r%t & frc-
fhaxr, Centrale & Parilcu'iert, d'Hifiaire'H.tiU'
relie t de Médecine , ^naromie, Chymie , 'Sota-
nique , de Pitathématiijue , Gécmerrie . .Afircaù-
mie , :Me'chaniqiu , d'^nhirelture , Printure &
Sculpture, de'Di-utrfit Experlencri, de ReUinni de
Voyage! fnr mer & pur terre, du Explications de
i}.tédailles , Infcrtpiions & autres S^tottumens , 4cs
Hiftcriettes , Romans & Poejies ; comme aujfi les
^rrefts des Parlemens , & Sentences des autres
Sièges , & Jurifdiaions Ectlefiaftiques & Se'culic
rei , Ordonnances ùa Evêquts , •De'ciftonsdes "Uns-
'jerJîteT. , Rejolutions des 'Dtltes jur toutes fortes
de Quefiims Hiftoriques ir Sisentijiques , des
mémoires & "Difciurs .Acade'miifues , £hges des
Hommes lUufires & Sfavans , Nouvelles fur les
•^rts & les Sciences tirées des 'journaux qui fe font
dans les Pays e'trangers à fimitation de celui de
France , & généralement tout ce qui a été juge' di-
gne de la curiofilé & de l'attention des Cens de
Lettres , ou mile à l'avancement & à la perfec-
tion des beaux ^rts » ainfî que. nous l'avons per-
mis pàrnos Lettres précédentes , même défaire
imprimer lefd. Journaux des Sçavans depuis l'an
I S6.:f. jufqu'à ce jour, en tout & en partie .lef-
quels Journaux led. Sieur Expofant delîreroit fin-
ie imprimer Se donner au Public , pourquoril
nous a três-humblcment fait fupplierlut vouloir
accorder nos Letticsde Privilège Se Peimiflion
fur ce neceflaires , nous lui avons permis & ac-
cordé , permettons & accordons de faire réim-
primer , vendre & débiter dans tous les lieux de
notre Royaume led. Livre en telle mvge , caïa-
âere, volume &auiant de foisque bonluifem-
blera durant le tems de quinze années & de-
mie confccutives , à commencer du jour de la
datte des préfentes, pendant lequel tems Nous
faifons tiès-exprefl'es inhibitions & dcffenfes à
tous Imprimeurs-Libraires Si autres d'imprîmcr ,
vcfidie, dilbibuer ni débitet led, Livic foiw
quelque ptctexte que eefoif» lt>ême 3^mp«êffifl*
étran5;ere ou autrement.fans le confentement du-
dit Sieiir Expofant, à peine de qiiinie cens livieS
d'amende , confilcarion des Exemplaires contre-
faits & de tous dépens , dommages & intetefts ,
à condition qu'il fera lemis trois Exemplaires
dud. Livre en notre Bibliothèque publique, &
un en celle de notre très-cher & féal Chevalier ,
Garde des Sceaux de France le Sieur Chauvelin ,
avant que de l'expofer en vente , à la charge
auffi que l'impreffion en fera faite en notre
Royaume & non ailleurs , fur de bon papier &
beaux caraôéres , conformément aux Reglemens
faits pour la Librairie & Imprimerie, le tout à
peine de nullité des Préfentes, Icfquelles feront
legiftrées fut le Livre de la Communauté des
Libraires de Paris : & vous mandons & enjoi-
gnons que du contenu en ces Préfentes vous
faffici jouir ledit Expofant ou ceux qui auront
droit de lui pleinement & pailîblement , fans
fouffrir qu'il leur fou fait aucun uouble
ni empêchement. Voulons qu'en mettant copie
des Préfentes à la fin ou au commencement dud-
Livre , elles foient tenues pour bien & dûëment
fîgnifiées , & que foi y foit ajoutée & aux copies
coUationnées par l'un de nos Confeillers Secré-
taires , Maifon , Couronne de France & de nos
Finances comme à l'original. Commandons au
premier notre Huiflfier ou Seigent Royal fur ce
requis , de faire pour l'exécution des Préfentes
tous Exploits de fignifications , défenfes , faifics
&.-iuties Aâes de Jufticc requis & neceflaires ,
fans demander autre permiffion , Placet , Vifa ni
Parcatis , & nonobflant Clameur de Haro ,
Chattre Normande & lettres à ce contraires ;
Car tel cft notre plaifir. Donné à Paiis le hm-
ti^me jflut ie Juillet, Vinie piti mil fept rtuS
vingt-neuf, & de noue Règne le quatoriiéme.
Par le Roi en fon Confeil , Sainson.
Keiiflrc fur le R,0re VII. de U cimmbre
XcyMe & Syndicale de la /.itraine & l»iprimerie
JeParis . "K.', } 90- fol. }ii.ecnformeme>it au Ht-
1723. qui fan defeitfei, art. IV. i
toutes perfonnei de tjue
alité i
/„,
au:rei i]ue tes Libraires & Imj'rimettn de ■vendre,
Hckiter & fane afficher aucum Livres fcur tel
•vendre en leurs noms, fuir qu'ils s'en difetn les .Au-
teurs . eu autrement , & à la charge de fournir tes-
txemfUires prefcrits par l'article CVIII, du mé"
me Règlement, .A Paris le on^e Juillet mil feft
cent vingt-neuf. P. A. lE MERCIER , Syndic.
NOUS JEAN-PAUL BIGNON , Cott-
feillcr d'Etat ordinaire. Bibliothécaire du
Roi , ayant obtenu le Privilège du Roi en datte
du huitième Juillet 1 7^9. pour l'impreffion du
Journal des Sçavans pendant l'elpace de quinze
années & demie , à commencer au premier Juil-
let dernier, & finiflant au trente-un Décembre
174.^. avons cédé & tranfporré au Sieur Huruei-
"Otnirl Chaubtri, Libraire a Paris, ledroit dudit
Privilège, aux claufes & conditions fpécifiées
dans le Traité fait entre Nous & leditSieur Chau-
beit. Fait en l'Hôtel de la Bibliothèque du Roi,
à Paris le »«. Décembre 17*9. J.P.BiGNON.
Regiflré fur te Regiflre Vil. de la ( emmunauté
des Imprimeurs & Libraires de Paris , pag. 4.50.-
conformément aux Reglemens , & notamment i
l'^trrejf du Confeil du If. ~Aiiufi 1 705 . A Paris le
3P, listmlni iTlfi.V' A. IEMsRCIER, Sytidic,
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