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Full text of "Le iournal des sçavans"

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L  E 

JOURNAL 

scavÀns, 

FOUR 
L'ANNE'E     M.    DCC.    XXXIIl 
JANVIER, 


A      PARIS, 

Chez     C  H  A  U  B  E  R  T  ,    à  l'entrée  du  Q^ay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.    DCC.  XXXIIL 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


LE 

JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

JANVIER    M.  DCC.    XXXIII. 

HISTOIRE  ECCLESIASTIQVE  ,  POVR  SERVIR  DE 
continuation  k  celle  de  M.  l'Abbé  Fleury .  Tome  XXFII.depiiis  l'an  1 5  28. 
JHfquen  1535.  Tome  XXVIII.  depuis  l'an  1 5 3(f.  jupju'en  1 545.  A  Paris , 
chez  Hyppolite  Guerin  ^  rue  S.  Jacques  ,  à  S.  Thomas  d'Aquin, 
vis-à-vis  S.  Yves.  1730.  /«-4°.  Tome  iy'pp.  ^14.  Tome  28^  pp.  572. 

CE  S  deux  Volumes  contien-  dant  les  premières  années  du  Pon- 

nent    l'Hiftoire    de   l'Eglife  tificat  de  Paul  III.  les  principaux 

pendant   les  dernières  années  du  objets  des  trois   Livres  qui  com- 

P.ontificat  de  Clément  VII.  &  pen-  mencent  à  l'année  1528.  fie  qui  fir 
Janvier.  A  ij 


4  JOURNAL   D 

niffent  au  mois  de  Septembre  1534. 
qui  cil  letems  auquel  eft  mort  le 
Pape  Clément  VII.  font  la  conti- 
nuation de  la  [?,ucrrc  d'Italie  encre 
l'Empereur  Charles  V.  &  le  Roi 
François  I.  Les  nouveaux  troubles 
que  caufcrcnt  dans  l'Empire  les 
Luthériens  Sc  les  Zuingliens ,  les 
tentatives  que  firent  quelques 
Princes  Proteftans  de  l'Empire 
pour  réunir  ces  deux  parties ,  l'in- 
trodudion  de  l'Héréfie  Luthérien- 
ne en  France  ,  &  les  commence- 
mens  de  l'Hilloire  de  Calvin  ,  le 
divorce  d'Henri  VIII.  Roi  d'Angle- 
terre d'avec  la  Reine  Catherine ,  le 
commencement  du  Schifmc  d'An- 
gleterre ,  &  l'établiffcment  des 
Chevaliers  de  S.  Jean  de  Jcrufalem 
dans  l'Ifle  de  Malthe.  Nous  nous 
bornerons  à  un  trait  important  con- 
cernant le  divorce  d'Henri  VIII. 
il  regarde  une  Bulle  que  des 
Hiftoriens  prétendent  avoir  été  rc- 
mife  par  le  Pape  Clément  VII.  en- 
tre les  mains  du  Cardinal  Campe- 
ge  ,  &  que  d'autres  Hiftoriens 
croyenrn'avoir  jamais  exifté.  Pour 
faire  connoître  l'état  de  la  queftion, 
il  faut  remonter  un  peu  plus  haut. 

Les  claufes  que  le  Pape  avoit 
mifcs  dans  une  première  Bulle  au 
fujet  du  divorce  d'Henri  VIII. 
avoient  fort  chagriné  ce  Prince  ,  Se 
le  Cardinal  deWolfey,  qui  pour  fc 
confervcr  les  bonnes  grâces  de  fon 
maître,  cherchoit  tous  les  moyens 
pour  parvenir  à  faire  déclarer  nul 
d'une  manière  irrévocable  le  maria- 
ge du  Roi  d'Angleterre  avec  Ca- 
therine d'Arragon.  Staphiloy-Gar- 
diner  ,  Secrétaire  de  Wolfey  j  ôc 


ES  SÇAVANS;  ^ 

Edouard-Fox,  grand  Aumônier,  fu- 
rent chargés  de  folliciter  une  nou- 
velle Bulle  qui  calÏÏit  le  mariage  du 
Roi ,  &  qui  le  difpensât  pour  paf- 
ft-r  à  un  autre  mariage,  fms  a\icunc 
reftridion  ,  ou  de  donner  une  nou- 
velle commiluon  au  CardinalWol- 
fey  avec  pouvoir  de  déclarer  nul  le 
mariage  du  Roi ,  s'il  le  trouvoit  à 
propos  ,  3i  une  déclaration  par 
écrit  du  Pape  qu'il  ne  revoqueroit 
point  laCommilTlon  du  Légat. 

Clément  VII.  qui  ne  vouloit- 
point  irriter  le  Roi  d'Angleterre 
par  un  refus  abfolu ,  Se  qui  d'un 
autre  côté  vouloit  tirer  cette  affaire 
en  longueur  ,  appréhendant  les 
fuites  fâcheufes  que  la  déciiîon  en- 
traîneroit  après  elle  ,  prit  le  parti 
d'envoyer  en  Angleterre  le  Cardi- 
nal Campege,  Evcque  de  Salifbu- 
ry.  C'étoit  un  Prélat  recommanda- 
ble  par  fa  vertu  &:  par  fa  fcience , 
qui  étoit  également  agréable  aux 
deux  parties.  Plulieurs  Ecrivains 
difent  que  le  Pape  remit  en  même 
tems  entre  les  mains  de  Campege 
une  Bulle  tavorable  au  Roi  Hen- 
ri VIII.  avec  des  ordres  très-exprès 
de  ne  la  montrer  qu'au  Roi  Se  à 
Wolfey.  De  ceux  qui  ont  parlé  de 
cette  Bulle,  les  uns  ont  dit  qu'el- 
le ne  contcnoit  qu'un  fimple  enga- 
gement de  la  part  du  Pape  de  ne 
point  évoquer  la  caufe  à  Rome  & 
de  confirmer  le  jugement  des  Lé- 
gats,les  autres  ont  prétendu  que  pat 
cette  Bulle  le  Pape  prononçoit  la 
dilTolution  du  mariage  en  cas  que 
les  faits  énoncés  par  le  Roi  ftifïent 
véritables  au  jugement  des  Com- 
nùiraires.  Le  fentiment  de  ces  der- 


J  A  N  V  I 

fliers  eft  fondé  fur  ce  qu'on  a  avan- 
cé ,  que  le  Roi  d'Angleterre  avoit 
témoigné  tant  de  fatishdion  de  la 
Bulle  ,  &  le  Pape  tant  de  regret  de 
l'avoir  donnée ,  qu'on  ne  peut  gué- 
res  douter  ,  fi  le  récit  de  cette  joye 
du  Roi  &  de  ce  chagrin  du  Pape  eft 
vrai ,  qu'elle  ne  tut  dciînitive.  Ces 
Ecrivains  ajoutent  que  le  Cardinal 
Wolfey  voulut  engager  Campege 
à  faire  voir  cette  Bulle  à  quelques 
perfonnesdu  Confeil ,  que  Campe- 
ge le  refufa ,  que  la  conduite  de  ce 
dernier  Commiflaire  fut  approuvée 
par  le  Pape ,  &c  que  la  Bulle  fut  brû- 
lée. 

Plufieurs  Auteurs,  Sc  entr'autres 
M.  le  Grand  dans  fon  Hiltoiredu 
divorce  d'Henri  VIII.  n'ont  pu  fe 
perfuader  que  Clément  VU.  eût 
donné  une  Bulle  qui  cafsât  le  ma- 
riage du  Roi  d'Angleterre  &  de 
Catherine  d'Arragon.  M.  le  Grand 
obferve  ,  pour  appuyer  fon  fenti- 
ment  ,  que  le  Pape  craignant  d'un 
côté  d'ofîenfer  l'Empereur,  &  vou- 
lant d'un  autre  côté  ménager  le 
Roi  d'Angleterre  ,  n'avoit  point 
d'autre  parti  à  prendre  que  celui 
qu'il  prit  effedivement  de  faire  du- 
rer le  procès  ;  qu'on  voit  par  les 
Lettres  du  Cardinal  Wolfey  5c  par 
celles  de  Cafali  ,  que  fi  le  Pape 
avoit  donné  une  pareille  Bulle  ,  il 
auroit  accordé  plus  qu'on  ne  lui 
auroit  demandé.  M.  le  Grand  ajoii- 
te ,  qu'Henri  Vlll.  ne  s'eft  point 
prévalu  de  cette  Bulle  ,  que  Gar- 
diner  qui  avoit  été  employé  dans 
cette  affaire  ,  ne  fait  aucune  men- 
tion de  la  Bulle  dans  fon  Traité  de 
la  véritable  Qhiijfmce,  où  il  attaque 


E  R  ;  !  7  ?  2;  ^  ■'-—    -^ 

de  toutes  fes  forces  l'autorité  de.  la 
Cour  de  Rome  ;  &:  que  de  tous 
ceux  qui  ont  écrit  fur  le  divorce 
d'Henri  VIII.  depuis  15  3o.jufqu'en 
1535.  il  n'y  en  a  aucun  qui  fc 
foit  plaint  que  le  Pape  eût  donné 
une  Bulle  qui  cafsât  ce  manage  ,  & 
qu'il  l'eût  enfuite  fupprimce.  Les 
Auteurs  Ultramontams  font  les 
premiers  qui  ayent  parlé  de  cette 
Bulle  fur  un  bruit  confus  ,  &  de- 
puis ,  dit  M.  le  Grand  ,  une  erreur 
populaire  s'eft  établie  qui  n'avança 
pas  l'aiTaire. 

Qiioique  notre  Auteur  ne  fe  dé- 
clare pas  abfolument  pour  l'une  ni 
pour  l'autre  de  ces  deux  opinions , 
Û  fait  alTez  fentir  qu'il  penche  poux 
celle  que  M.  le  Grand  acmbralfée. 

Les  matières  fur  lefquelles  notre 
Auteur  s'eft  le  plus  étendu  fous  le 
Pontificat  de  Paul  III.  font  celles 
qui  regardent  les  Proteftans ,  tant 
par  rapport  à  l'Allemagne  ,  à  la 
Suifle  &  à  la  France  ,  en  particulier 
fur  la  Ligue  de  Smnlcade  ,  la  publi- 
cation des  Inftitutions  de  Calvin, 
l'établiftcment  du  Calvinifme  » 
Genève  ,  la  fameufe  affaire  des  ha- 
bitans  de  Cabrieres  &  de  Merindol, 
la  punition  de  Jean  Becold  ou  d& 
Leydc ,  fameux  Chef  des  Anabati- 
ftes  ,  qui  s'étoit  fait  déclarer  Roi 
de  Munfter.  Le  Schifme  d'Angle- 
terre né  à  l'occafion  du  divorce 
d'Henri  VIII.  fournit  encore  à 
l'Auteur  plufieurs  traits  qui  inte- 
refferont  les  perfonnes  qui  n'onf 
point  lu  les  Hiftoires  particulières 
que  differensEcrivains  ont  données 
au  public  fur  cette  matière.  La  Vie 
de  S.  Ignace  de  Loyola,  l'établifle- 


^  JOURNAL     DE 

ment  de  la  Socictc  des  .ïcfuitcs  , 
les  Miflîons  de  S.  François  Xavier 
dans  les  Indes  ,  les  pro)ets  de 
Paul  III.  pour  la  reformation  par 
rapport  à  la  difcipline  EcclcliaîU- 
que  ,  les  preparatits  pour  la  tenue 
du  Concile  de  Trcnte,&  l'ouvertu- 
re du  Concile  ,  précédée  de  quel- 
ques Conciles  Provinciaux  rcm- 
pliflent  une  partie  de  cette  Hiftoire 
depuis  les  derniers  mois  de  l'année 
1534.    jufqu'à  la    fin   de   l'année 

Entre  les  cenfures  prononcées 
pendant  «es  neut  années  contre  plu- 
fieurs  Livres ,  une  des  plus  remar- 
quables eft  celle  du  19.  Mai  1558. 
qui  condamne  le  Livre  intitulé  : 
Cimbalum  Mttndi ,  comme  un  Ou- 
vrage pernicieux.  Bonaventure  des 
Periers  ,  né  à  Bar  -  fur  -  Aube  en 
Champagne  ,  &  Valet  de  Chambre 
de  Marguerite  de  Valois  Rcme  de 
Navarre  ,  cft  Auteur  de  cet  Ecrit , 
qui  eft  tout  François ,  quoique  le 
titre  en  foit  Latin.  Il  a  été  imprimé 
en  1538.  pour  la  première  fois.  Il 
ctoit  devenu  très  rare.  Un  Libraire 
de  Hollande  le  fit  réimprimer  au 
commencement  de  ce  fiécle.  Notre 
Auteur  alTure  que  tous  ceux  qui  en 
ont  parlé,  l'ont  traité  d'Ouvrage  dé- 
teftablc ,  de  Livre  impie ,  qui  avoit 
mérité  d'être  jette  au  feu  avec  fon 
Auteur.  Mais  il  croit  en  même  tems 
que  ceux  qui  en  ont  porté  ce  juge- 
ment ne  l'avoient  point  lu.  »  Sa  Icc- 
>B  ture  leur  auioit  lait  voir ,  ajoûte- 
V  t-il  ,  que  cet  Ouvrage  (  àquel- 
»»  ques  obfcenitez  près  que  l'Auteur 
»  auroit  dû  nous  épargner  )  pèche 
»  beaucoup  plus  contre  le  bon  Icns 


S     SÇAVANS; 

5)  que  contre  la  Religion  ,  &:  que 
»  c'elt  une  pkce  beaucoup  moins 
»  recommandable  par  fon  propre 
»  mérite  que  par  la  réputation 
«  qu'on  lui  a  donnée  en  la  cenfu- 
»  tant.  Il  eft  divilc  en  quatre  Dia- 
»  logues  qu'on  appelle  dans  le  titre 
»  du  Livre  des  Dialogues  Poétiques  f 
i)  fort  atttKjues  ^  joyeux  &  facétieux. 
Le  deuxième  Lialogue  qui  contient 
une  raillerie  alfez  fine  de  ceux  qui 
cherchent  la  pierre  philofophale  , 
cft  le  meilleur,  félon  notre  Au- 
teur ,  qui  dit  que  les  trois  au- 
tres ne  méritent  prefque  aucune  at- 
tention. 

Quoique  l'Auteur  parle  de  plu- 
fieurs  Ecrivains  Ecclcfiaftiques  dans 
ces  deux  Volumes  ,  nous  ne  ferons 
ici  mention  que  d'un  feul.  C'eft 
Jean  Major  qui  mourut ,  .1  ce  qu'on 
croit ,  en  1540.  Uètoitd'Admgton 
en  Ecoffe  ,  &  vint  fort  jeune  à  Pa- 
ris ,  où  il  ht  fes  humanitez  dans  le 
Collège  de  Sainte  Barbe.  Il  fut  en- 
fuite  Difciplc  du  fameux  Stan- 
douck  ,  Principal  du  Collège  de 
Montaigu  ,  fous  lequel  il  commen- 
ça à  étudier  la  Théologie.  Stan- 
douck  ayant  été  exilé  en  1498.  Ma- 
jor fe  fit  recevoir  de  la  Maifon  de 
Navarre.  Cependant  il  ne  quitta 
pas  le  Collège  de  Montaigu  où  il 
enfcigna  la  Philofophie  &  la  Théo- 
logie. Ayant  été  reçu  Dodeur,  il 
fit  un  voyage  en  fon  Pays.  Il  enfei- 
gna  même  pendant  quelque  tems 
dans  l'Académie  de  Glifcow.Mais 
peu  de  tems  après  il  revint  en  Fran- 
ce •■,  il  reprit  l'es  leçons  au  Collège 
de  Montaigu.  Il  y  eut  plulieurs 
DJfciples  qui  fe  diilinguerent  pai 


J  A  N  V  I 

îénr  érudition-,  entr'autres  Almain, 
Jérôme  Hangeft  &  Robert  Ccnalis 
Evêque  d'Avranches  ,  qui  ccrivoit 
contre  Calvin.  Cependant  il  alla 
finir  fes  jours  en  EcofTe. 

Son  principal  Ouvrage  eft  un 
Commentaire  fur  le  Maître  des 
Sentcnces.-De  tous  les  Théologiens 
qui  ont  écrit  fur  cette  matière ,  au- 
cun, dit  notre  Auteur ,  ne  l'a  fait 
avec  plus  d'érudition  &  defolidité, 
ce  qui  lui  a  attiré  beaucoup  d'élo- 
ges à  jufte  titre.  Il  a  donné  une  ex- 
pofition  littérale  de  l'Evangile  de 
S.  Mathieu ,  un  Commentaire  fur 


E  B!,     1  7  3  2;  f 

les  quatre  Evangeliftcs  ,  avec  des 
qucftions  de  controvcrfe  contre  les 
Hérétiques ,  &  plufieurs  Ouvrages 
de  Philofophie  imprimés  à  Lyon  en 
15 14.  On  lui  attribue  un  autre  Li- 
vre intitulé  :  le  Miroir  des  Exem- 
ples ^  imprimé  à  Cologne  en  1555, 
&  une  Hiftoire  de  k  grande 
Bretagne,  dédiée  à  Jacques  V.  Roi 
d'Ecofle.  Elle  finit  au  mariaf^c 
d'Henri  VIII.  &  de  Catherine  d'Asv 
ragon. 

Nous  parlerons  dans  un  au^- 
tre  Journal  du  x<f  &  du  }o°  Vo- 
lume de  cette  Hiftoire. 


ORDONNANCES  DES  ROIS  DE  E RylNCE  DE  LA 
troiJUme  Race ,  recueillies  par  ordre  Chronologii^ue.  Troijiéme  Volurfic  , 
contenant  les  Ordonnances  du  Roi  Jean ,  depuis  le  commencement  de  l'an- 
née i^^^.  jufqu'à  fa  mort  arrivée  le  %,  Avril  13^4.  atvec  un  Supplément 
pour  toutes  les  années  de  fin  règne.  Par  M.  Secousse,  ancien  Avocat 
au  Parlement  G"  AJfocié  à  C Académie  Royale  des  Infiriptions  &BelUs- 
Lettres.A  Paris ,  de  l'Imprimerie  Royale.  173 1.  in-folio  ;  pour  le  corps 
de  l'Ouvrage,  pag.  ^^^4.  fans  la  Préface  &  les  Tables  qui  font  fort 
amples. 


NOUS  avons  rendu  compté 
dans  le  Journal  du  mois  de 
Décembre  de  l'année  précédente  , 
de  ce  que  contient  la  Préface  Hi- 
llorique  &  Critique  que  M.  Sc- 
coufle  a  mife  à  la  tête  de  ce  troifié- 
me  Volume  des  Ordonnances  , 
nous  allons  rapporter  dans  celui-ci 
quelques-unes  des  Notes  fur  les 
Ordonnances ,  afin  de  mettre  nos 
Ledeurs  en  état  de  connoître  le 
goût  dans  lequel  elles  font  compo- 
fées. 

Nous  tirerons  les  premiers  exem- 
ples de  l'Ordonnance  du  Roi  Jean, 
«loQnée  À  S.  Quyn  au  mois  d'Aouft 


135 j.  pour  confirmer  les   Statuts- 
des  Orfèvres  de  la  Ville  de  Paris», 
L'Ordonnance  eft  en  Latin ,  mais 
les  Statuts  qui  y  font  inférés  font 
en  François, 

Notre  Auteur  obferve  d'abord 
quel'original  de  cette  Ordonnance 
eft  confervé  dans  le  dépôt  des  Ar- 
chives du  Corps  des  Orfèvres  de 
Paris,  dans  une  layette  de  fer  blanc* 
Il  eft  très-bien  confervé.  C'eft  fur 
cet  original  que  cette  Pièce  a  été 
imprimée  dans  le  Recueil  des  Sta- 
tuts &  Ordonnances ,  accordées  en 
faveur  des  Orfèvres  ,  imprimé  à 
Paris  en  1688.  /«-4°. /?<«£.  j.  mais 


8  JOURNAL  D 

clic  y  cft  défigurée  par  un  gmnd 
nombre  de  tautes ,  dit  M.  Sccouire, 
l'Editeur  s'cll  même  trompe  à  la 
date  ,  &  il  a  lii  1345-  au  lieu  de 
1355.  Ce  qui  l'a  engagé  à  mettre  à 
la  tctc  de  cette  Ordonnance^  qu'el- 
le a  été  donnée  par  Philippe  de 
Valois,  Se  cnfuke  confirmée  par  le 
Roi  Jean. 

Cette  Ordonnance  fe  trouve  auffi 
dans  le  Mémorial  C.  de  la  Cham- 
bre des  Comptes  de  Paiis  ,/ô/.  160, 
reSlo.  Elle  a  été  confirmée  par  une 
Ordonnance  de  Charles  V.  donnée 
au  mois  de  Mars  1 378.  qui  en  rap- 
pelle prefque  toutes  les  difpofi- 
tions  ,  aufquelles  elle  ajoute  quel- 
ques articles  nouveaux.  L'Ordon- 
nance du  Roi  Jean  fait  mention 
d'anciens  Statuts  des  Orfèvres  con- 
fervés  au  Châtelct  de  Paris  ;  notre 
Auteur  croit  que  ces  anciens  Sta- 
tuts font  ceux  qu'Etienne  Babau  , 
Prévôt  de  Paris ,  avoit  rédigés  vers 
l'an  12^0.  fur  de  fimples  ufagcs  non 
écrits  &  confervés  par  tradition. 

Les  Statuts  confirmés  par  cette 
Ordonnance  du  Roi  Jean  font 
remplis  de  termes  d'Oriévrerie  & 
de  Jouailliers  ,  que  notre  Auteur 
avoiie  de  bonne  roi  qu'il  lui  auroit 
été  prefque  impolTible  d'expliquer 
fans  les  éclairciiremens  qui  lui  ont 
été  communiqués  par  M.  le  Roy  , 
Marchand  Ortévre  à  Paris ,  connu 
dans  la  Republique  des  Lettres  par 
fa  DifTertation  fur  l'origine  de 
l'Hôtel  de  Ville  de  Paris ,  impri- 
mée au  commencement  de  l'Hi- 
ftoire  de  cette  Ville  par  les  PP.  Fe- 
libien  &  Lobineau  ,  &  par  fon 
Traité  du  Controlle  des  rentes  fur 


ES  SÇAVANS, 

l'Hôtel  de  Ville  ,  &  qui  travaille 
prefentemcnt  à  l'Hiftoire  de  l'Or- 
tévrerie.  M.  Secoulfe  fouhaiteroic 
de  trouver  dans  chaque  Corps  des 
Arts  tk  Métiers  quelque  perfonnc 
auilî  habile  que  M.  le  Rov ,  afin 
qu'il  en  cxpliqu.u  plus  fùremcnt  les 
termes,  lorfqu'il  en  donnera  les 
Statuts  dans  la  fuite  de  cet  Ouvra- 
ge. Voici  l'explication  de  quel- 
ques-uns de  ces  termes  d'Orfèvre- 
rie. 

L'Article  cinquième  de  ces  Sta- 
tuts porte  :  Nul  Orfèvre  ne  feM 
mettre  amatitre  ,  avec  balais  ne 
émeraudes  Rubis  d'Orient  ne  t^Ali^ 
xandre ,  Ji  ce  n'efl  en  manière  Aen- 
voirrement  fervant  comme  un  crital 
Jerjs  feuille.  Dans  les  Notes  margi- 
nales lur  cet  article  ,  l'Auteur  met 
è!  Alexandrie  ,  au  lieu  à'  Alixandre^ 
&  criftal  au  lieu  de  crital. 

La  Note  fur  cet  article  qui  eft 
au  bas  de  la  page  roule  fur  le  mot 
envoirrement.  Ce  mot ,  obferve  M. 
Secouffe  ,  cft  très-bien  écrit  dans 
l'original  ,  &:  il  fe  lit  aulIl  dans 
l'Ordonnance  du  mois  de  Mars 
1378.  Cepend.int  dans  rédition  des 
Statuts  des  Ortévres  il  y  a  de  miroi- 
remcnt ,  &  dans  le  Mémorial  de  la 
Chambre  des  Comptes  il  y  a  dV«- 
7ioremefit.  Notre  Auteur  s'en  tient  à 
la  leçon  de  l'original.  Voici  comme 
il  explique  ce  terme:  Il  croit  qn'en- 
voirrement  vient  du  mot  voirrines 
qui  fe  trouve  dans  l'article  8.  de 
ces  Statuts ,  &:  qui  fignifie  ouvrage 
de  verre.  Ce  qui  lui  tait  penfer  que 
par  envoirrement  il  faut  entendre 
deux  verres  collés  enfcmble  par 
une  gomme  raifineufe  qui  les  lie  & 
leur 


J  A  N  V 

leur  communique  de  Ja  couleur , 
enforte  que  ces  deux  verres  fe  prê- 
tent de  l'éclat  l'un  à  l'autre.  C'eft  ce 
Îui  cil  nommé  doidlés  de  voimnes 
ans  l'article  n.  de  la  même  Ordon- 
nance, fuivant  cette  interprétation, 
M.Sccoulfe  explique  ainfi  l'article 5. 
»De  la  même  manière  que  l'on  met 
»  ordinairement  un  criftal  fous  une 
«pierre  ,  il  eft  auilî  permis  d'en- 
»  chaircr  des  pierres  de  ditTerentes 
»  efpeces  &  couleurs  dans  un  mê- 
»  me  bijoux,  de  telle  manière  que 
»  par  i'avoihnement  ou  l'opofition 
=  de  leur  (ituation  ,   elles  puilFcnt 
«emprunter  par  reflexion  l'éclat  & 
»  les  couleurs  les  unes  des  autres , 
»  fans  toutefois  que  cet  éclat  em- 
»  prunté  puilTe  être  fortifié  par  au- 
"  cune  feuille  mife  fous  les  pierres, 
=  (  autre  qu'une  feuille  d'argent) 
»  contormcmcnt  à  la  défenfe  por- 
»  tée  par  l'article  4.  qui  porte  que 
»  md  Orfèvre    ne   peut   mettre  Jous 
n  ^-.matinr  ou  fous  garnat  feitille  ver- 
»  medle  ne  d'autre  couleur^  fors  feule- 
ra ment  d^  argent. 

La  raifon  que  rend  M.  SecoulTe 
de  cette  difpolition  ,  cft  que  lorf- 
que  l'on  met  des  pierres  précieufes 
en  œuvre ,  il  ne  taut  rien  y  ajouter 
qui  puiife  leur  donner  un  éclat 
trompeur  ,  &c  capable  de  les  faire 
pafler  pour  plus  précieufes  qu'elles 
ne  font. 

j4mMitre  ,  dont  il  eft  parlé  dans 
cet  article  eft  la  pierre  précieufe 
que  l'on  nomme  prefentement 
amathifle  ,  ik:  plus  communément 
4ifnethiifie.  Le  garnat  eft  la  pierre 
précieufe  nommée  aujourd'hui  ^rf- 
nat.  Ceux  qui  feront  curieux  de 
Janvier.  .    . 


I  E  R,    1755.  9 

cette  matière  pourront  voiries  au- 
tres Notes  de  M.  Secoulfe  fur  ces 
Ordonnances.  Nous  les  omettons 
ici  pour  donner  des  exemples  d'un 
autre  genre. 

Nous  les  tirerons  d'une  Ordon- 
nance de  Charles  hls  aîné  &  Lieu- 
tenant du  Roi  Jean  ,    pendant  la 
prifon  de  fon  père  ,  datée  du  mois 
de  Novembre  12,^6.  èc  donnée  au 
Camp  de  Montlcheri.  Ce  Prince  y 
confirme  une  Chartre  par  laquelle 
Arnoul  Sire  Dodencham  Maréchal 
de  France  ,  &  Lieutenant  du  Roi 
en  Picardie  ,  confirme  aux  habitans 
de  Tournay  le  privilège  de  recevoir 
dans  leur  Ville  ,  comme  dans  un 
heu  de  refuge  les  meurtriers  invo- 
lontaires du  Pays  de  Hainaut.  On 
voit  par  la  Chartre  qui  eft  inférée 
toute  entière  dans  l'Ordonnance  , 
que  c'étoit  le  Procureur  du  Roi  qui 
conteftoit  ce  piivUege  aux   habi- 
tans de  Tournay  ,    comme  étant 
contraire  au  bien  public.  D'un  au- 
tre  côté  la  Ville  de  Tournay  tiroir 
un  grand  avantage  de  ce  privilège  , 
qui  avoir  beaucoup  contribué  à  la 
rendre  &  plus  peuplée  &  plus  ri  • 
che.  Les  habitans  deTournay,  vou  - 
lant  éviter  d'avoir  là-delTus  un  pro- 
ces  contre  le  Roi  ou   contre   fon 
Procureur  ,    s'étoient  adrcfles  au 
Lieuten^'it  du  Roi  en  Picardie,  qui 
après  s'être  informé  cxacflement  de 
cette  afiîiire  avoir  accordé  aux  habi  - 
tans  la    Chartre   de   confirmation 
qu'ils  lui  avoient  demandée. 

Il  cft  dit  dans  cette  Chartre  qut 

la  Ville  de  Tournay  avoir  perdu 

par  Arrêt  du  Parlement  le  droit  de 

Commune,  &c  que  les  prérogatives 

D 


,0  JOURNAL  D 

que  lui  donncit  ce  droit  de  Com- 
mune avoient  cte  iippli^itces  au  Roi 
Philippe. 

M.  SecoulTe  obferve  là  -  defllis 
dans  fes  Notes  que  le  droit  d'avoir 
une  Commune  fur  accordé  à  laVil- 
le  de  Tournay  par  Philippe  Augu- 
ftc,  par  fes  Lettres  de  l'an  1187. 
elles  font  imprimées  dans  le  fpici- 
legcduP.  Dachcry.Tomc  3.P.55  i. 
de  la  féconde  Edition.  Ce  droit 
leur  fut  ôté  par  un  Arrêt  du  Parle- 
ment ,  &  il  lui  tut  rendu  en  1 340. 
par  Philippe  de  Valois ,  pour  rc- 
compenfer  leshabitans  de  Tournay 
de  la  valeur  avec  laquelle  ils  s'é- 
toientdéfcnduSjlorfquelaVilleavoit 
été  alTicgéc  par  Edouard  111.  Roi 
d'Angleterre.  C'eft  ce  que  Frolifard 
dit  exprclTémcnt ,  Livre  1.  Chap. 
^4.  où  il  remarque  que  les  habitans 
de  cette  Ville  furent  fort  joyeux  de 
ce  que  le  Roi  leur  avoir  rendu  leur 
Loi  (c'eft-à  dire  leur  droit  de  Com- 
mune )  cjn'Us  az'oiem  perdue  depuis 
long-tems  ,  îk  qu'ils  refirent  entr'eux 
Prévôts  &  Jurez  ,  fuivant  leur  ufa- 
gc  ancien. 

Mais  en  queltems  étoit  interve- 
nu l'Arrêt  du  Parlement  qui  abolit 
leur  Commune?  M.  SecoufTe  ré- 
pond que  les  termes  de  la  Chartrc 
du  Maréchal  Dodeneham  pour- 
roient  faire  croire  que  cet  Arrêt 
étoit  intervenu  fous  le  règne  de 
Philippe  de  Valois ,  puifqu'il  v  cft 
marque  ,  que  les  droits  de  la  Ville 
avoient  été  applicfués  au  Roi  Philip- 
pe deffus  dit ,  &  que  c'étoit  Philip- 
pe de  Valois  dont  la  Chartre  avoit 
parlé  auparavant  ■■,  mais  en  prenant 
aind  la  Cbaïtrc  à  la  lettre  ;,  il  ne  pa- 


ES  SCAVANS, 
roît  pas  facile  de  la  concilier  avec 
ce  que  rapporte  Froillard  ,  que 
quand  le  droit  de  Com.mune  fut 
rendu  .t  la  Ville  de  Tournay  ,  clic 
l'avoit  perdu  depuis  long-tems. 
C'cll  pourqiioi  M.  SecoufTe  croit 
que  cette  Ville  avoit  perdu  le  droit 
de  Commune  avant  le  règne  de 
Philippe  de  Valois ,  &:  que  le  droit 
avoit  été  appliqué  K  ce  Roi  non 
nommément ,  6^:  par  un  Arrcft  ren- 
du fous  fon  règne  ,  mais  en  qualité 
deRoi  dePrance.  Le  P.Daniel  allure 
que  l'Hilloire  ne  marque  poinc  les 
raifons  pour  IcfqucUts  on  avoit  ôté 
les  privilèges  aux  habitans  de  Tour- 
nay. Notre  Auteur  conjcdure  que 
ce  tut  Philippe  Augufte  même  qui 
leur  ôtala  Commune  ,  parce  qu'ils 
avoient  tait  un  Traite  en  11 97.  avec 
Baudoiiin  Comte  de  Flandres ,  par 
lequel  il  s'étoit  obligé  à  ne  tournir 
à  Philippe  Augufte  aucun  fecours 
contre  le  Comte  deFlandres. 

Il  cfl:  dit  dans  la  Chartrc  du  Ma- 
réchal de  France ,  Lieutenant  du 
Roi  en  Picardie,  que  la  Ville  de 
Tournay  jouilToit  de  ce  droit  d'être 
Ville  d'afile  Ss.  de  refuge  dans  le 
tcms  que  le  droit  de  Commune 
lui  étoit  ôté  ,  6c  qu'elle  en  avoit 
joiii  avant  la  prononciation  de  l'Ar- 
rêt. Cependant  il  n'eft  rien  dit  de 
ce  droit  dans  les  Lettres  de  Com- 
mune accordées  par  Philippe  Au- 
gufte  •,  c'ell:  pourquoi  M.  SecoufTe 
dit  que  cet  ufage  avoit  lieu  même 
avant  la  conceiïlon  du  droit  de 
Commune  ,  &  qu'il  efl  compris 
dans  la  confirmation  des  anciens 
ufages  faite  par  le  préambule  &  par 
l'article  31.  des  Lettres  de  Commu- 
ne. 


J  A  N  V  I 

Ces  deux  exemples  fuffifcnt 
pour  fiire  connoître  combien  M. 
Sccoiifle  a  fait  de  recherches  pour 
celai rcir  les  Ordonnances  dont  il 
donne  le  Texte ,  &  pour  faire  fou- 


E  R  ;  175  ?:  II 

haitcr  qu'il  travaille  avec  la  même 
ardeur  à  continuer  un  Recueil  fi 
nccclTaire  pourl'Hiftoire  &  pour  la 
Jurifprudencc. 


D.  LAURENTII  HEISTERI  PROFES.  PUBL.  HELMSTADIENSIS, 
Academ.  C.xfar.  Rcgii  Londin  :  ac  Berolin.  Collcgi ,  Compendium 
Anatomicum  totam  rem  Anatomicam  brcvidime  compleârens ,  editio 
quarta  prioribus  longe  audiior  atque  emendatior.  Cum  figuris  ^Encis  ; 
Norimbergx ,  Se  Alrorfi ,  fumptibus  Georg.  Chriftoph.  "Webcri  Bi- 
bliop.  5c  Jod.  Guil.  Kohlefii  Acad.  Tvpogr.  1731.  C'eft-à-dire  :  L'a- 
hregé  Anatomicjiie  de  Laurent  Heijler  ,  &c.  avec  des  figures  en  taille-dou- 
ce :  ejuatriérns  Edition  ,  revue  &  corrigée.  A  Nuremberg  &  à  Altorf , 
aux  dépens  de  Georges-Chriftophe  Wcbcr  Libraire  ,  &  dejod.  Guil. 
Kohlefu's,  Imprimeur  de  l'Univerfiré.  1751.  deux  Volumes  /«  -  8°. 
premier  Vol.  pp.  le^.  fécond  Vol.  pp.  190.  fans  compter  une  Table 
des  Auteurs  cités  ,  &  une  Table  des  matières. 


LA  première  Edition  de  cet 
abrège  Anatomiquc  fi  connu 
&  fi  cftimé  des  Sçavans ,  parut  en 
Ï717.  Se  fut  bien-tôt  fuivie  d'une 
féconde  Si  d'une  troifiéme  -,  la  qua- 
trième que  voici  cft  augmentée  de 
pluficurs  citations  d'Auteurs,  de 
plufîeurs  reflexions ,  &  outre  cela  , 
de  diverfes  remarques  conccinant 
un  Livre  intitulé  :  SpUnchnologii 
ou  l'Anatomie  des  Vifcercs  ,  »  publié 
»  (  dit  M.  Heifter  )  par  un  Chirur- 
»  gien  d'ailleurs  diligent  ,  6i  juf- 
»  qu'ici  fort  induftrieux  à  ramafTer 
»  les  Obfervations  des  autres ,  le- 
»  quel  s'appelle  Garengeot  :  «  Liber 
yînai07nicus  Gallicè  confiriptus ,  edi- 
titf<jiie  k  Chirurgo  alias  diligenti ,  & 
in  Ohfervationibus  aliorum  colligen- 
dis  haElenus  perindiifirio  ^  cm  Garen- 
geot nomen. 

Ces  remarques  terminent  l'Ou- 
Vïagc  ,  ôc  font  une  addition  parti> 


culiere  de  l'Edition  dont  il  s'agit , 
nous  nous  bornerons  pour  le  pre- 
fent  à  en  rendre  compte. 

Un  peu  avant  que  la  quatrième 
Edition,  dont  nous  parlons,  fût 
achevée  d'imprimer  ,  M.  Heifter 
reçut  la  Splanchnoiogie  en  que- 
ftion  ;  Livre  qu'il  dit  être  fi  rempli 
de  fautes  ,  ejue  de  vouloir  les  réfuter 
toutes  ,  ne  ferait  pas  moins  ejue  de 
vouloir  netoyer  l'étable  d'Augias. 
C'efl  pourquoi  il  fc  contente  d'en 
rapporter  feulement  quelques  unes, 
n'ayant  pas  le  tems ,  dit  -  il ,  d'en 
relever  un  plus  grand  nombre. 
Augi£  ftabulum  effet  expurgandum  , 
fi  omnes  Chirurgi  noflri  lapfus  pro- 
ferre vellem  ,  cui  negotio  expediendo  , 
nunc  non  vacat. 

Quoique  M.  Heifter  ne  rapporte 

qu'une  très-petite  partie  des  fautes 

du  Chiiurgien  qu'il  reprend  ,  les 

exemples  qu'il  cite  font  néanmoins 

Bij 


12  JOURNAL    DE 

en  trop  gr.-ind  nombre  povir  que 
nous  puillîons  kscxpofcr  tous ,  en 
voici  feulement  quelques-uns. 

M.  Garcngco:  dit  qu'on  ne  fçau- 
roit  fcparcr  de  l.i  peau  ,  la  cuticule 
gc  les  ongles, qu'après  les  avoir  laif- 
fé  macérer  long-tems  •,  &  il  met 
cela  ,  dit  M.  Heilter ,  au  nombre 
de  fes  prétendues  découvertes.  Mais 
M.  Hciftcr  remarque  là-delTus,  que 
cette  cuticule  fe  fépare  à  l'inftant , 
par  le  moyen  de  l'eau  bouillante. 

M.  Garengcot  nie  l'exiftence  de 
la  membrane  rcticulaire  ,  6c  dit 
qu'elle  cft  imaginaire  dans  l'hom- 
me -,  mais  M.  Mcilter  s'oflre  de 
montrer ,  quand  on  voudra  ,  cette 
membrane  ,  non  feulement  dans 
tous  les  cadavres  frais ,  mais  dans 
toutes  les  préparations  qu'il  a.  Non 
folkm  in  ncemionbiis  caJuvcrd-us  , 
fedctiamin  préparât is  meis  hocfem- 
ver  oflendere  poffiim. 

Selon  la  S'plancbnologic  ,  la 
peau  eft  beaucoup  plus  dure  au  ven- 
tre que  par  tout  ailleurs  ,  8c  en  mê- 
me tems  plus  mince.  M.  Hcifter  re- 
marque à  ce  fujet ,  1°.  Q_uc  la  peau 
des  paupières  cft  encore  plus  min- 
ce \  1°.  Qu'il  y  a  des  parties  où  la 
peau  eft  plus  dure  qu'au  ventre. 

M.  Garengcot  cite  dans  fa  Splan- 
chnologic  un  Mémoire  par  lui  prc- 
fenté  à  l'Académie  des  Sciences  en 
lyztf.  où  il  s'explique  ainii.  »  Par- 
!>  mi  plufieurs  erreurs  que  j'ai  re- 
»  marquées  dans  les  Livres  d'Ana- 
»  tomie  ,  tant  anciens  que  moder- 
»  nés ,  les  plus  confidcrables  rcgar- 
»  dent  la  naiftance  des  artères  inter- 
»  coftalcs  fuperieures.  En  effet  tous 
»  les  Anatomiftes ,  don:  j'ai  lu  les 


S    SÇAVANS, 

»  Ouvrages ,  ont  avancé  que  les 
»  trois  &c  quatre  arrcres  intercofta- 
»  les    fuperieures  viennent  de    la 

»  fouclaviere  de  chaque  côté 

»  ayant  donc  voulu  véri^er  fur  les 
»  cadavres  cette  origine  ,  ce  pro- 
i>  grès  iSc  cette  difpofinon  des  trois, 
»  ou  quatre  artères  intercoftales 
»  fuperieures ,  j'ai  trouvé  au  con- 
»  traire  ,  que  femblables  aux  inter- 
»  coltales  inférieures  elles  partoient 
»  toutes  de  l'aorte  intérieure  dans 
»  l'ordre  fuivant ,  &c. 

M.  Garengcot  prétend  donc  que 
les  trois  ^'  quatre  artères  intercofta- 
les fuperieures  ,  au  lieu  de  venir 
des  artères  fouclavieres  ,  viennent 
du  tronc  même  de  laortc  inférieu- 
re :  mais  M.  Heifter  foûticnt  que 
M.  G.irengcot ,  qui  dit  ici  que  tous 
les  Anatomifics  ,  tant  anciens  que 
modernes  ,  fe  font  trompes  ,  fc 
trompe  lui-même  -,  Se  il  alTurc  avoir 
vu  dans  un  grand  nombre  de  cada- 
vres qu'il  a  diflcqués ,  les  artères 
intercoftales  fiipcricures  ,  partit 
non  du  tronc  de  l'aorte  ,  mais  des 
fouc!ivieres  ;  il  ajoute  que  le  Sça- 
vant  lVulth;r  fameux  Anatomifte 
de  LeipHc  ,  qui  au  fujet  de  ce  que 
M.  Garengcot  avance  ici ,  a  voulu 
faire  de  nouvelles  recherches  tou> 
chant  l'origine  des  artères  dont  il 
s'agit ,  les  a  toujours  vues  partir 
des  Souclaviercs  ,  ce  qui  l'a  oblige 
de  fpecitîer  le  fait  dans  une  Difter- 
tation  particulière  fur  les  vaifteaux 
vertébraux  ,  imprimée  il  n'y  a  que 
deux  ans ,  à  Lciplic  ;  Difllrtation  , 
dit  M.  Heifter  ,  dans  laquelle  on 
relevé  comme  on  doit  ,  celui  qui 
ofc  ici  avec  tant  d'alfujancc  &  de 


J  A  N  V  I 

triomphe  ,  accufer  d'erreur  tous 
les  Anaroiniftcs ,  tandis  que  l'er- 
reur eft  de  fon  côté.  Comme  M. 
Garcnocot  a  lîi  fon  Mémoire  à  l'A- 
cademiç.dcs  ScicRces  ,  &  qu'il  a 
grand  foin  d'en  avertir  ,  nous  ne 
pouvons  nous  difpenfer  de  rappor- 
ter ici  la  remarque  que  nous  avons 
faite  à  ce  fujet ,  dans  l'Extrait  que 
nous  avons  donné  de  la  Splanch- 
nologie,  au  mois  de  Mai  i-^ig.  fça- 
voir  que  »  lorfque  cette  Académie 
=  admet  quelque  Auteur  à  lui  faire 
»  part  de  ce  qu'il  croit  avoir  décou- 
»  vert  de  nouveau  ou  de  curieux  ,' 
»  on  n'en  doit  pas  conclure  qu'elle 
»  approuve  toujours  les  Ecrits  dont 
»ellc  a  bien  voulu  écouter  la  Icdure. 
Cet  avis  que  nous  rappelions  eft 
d'autant  plus  digne  d'attention,  que 
nous  ne  le.  donnâmes  point  de  no- 
tre mouvement  propre,  mais  après 
que  l'Académie  ,  à  l'occafion  du 
Mémoire  que  M.  Garcngeot  y 
avoit  lu  ,  nous  eût  fait  demander 
par  M.  l  Abbé  Eignon  même,  d'in- 
férer l'avis  clans  notre  Journal. 

Parmi  un  grand  nombre  de  cada- 
vres que  l'on  ouvre  ,  il  ne  s'en 
trouve  que  quelques-uns  où  l'arte- 
re  intercoftalc  naille  du  tronc  de 
l'Aorte  &  ne  vienne  pas  de  la  Sou- 
claviere  ;  enforte  que  M.  Garen- 
gcot ,  en  foûtenant  comme  il  fait , 
que  l'artère  en  queftion  vient  tou- 
jours du  tronc  de  l'Aorte  •■,  ne  peut , 
félon  la  remarque  de  M.  Hcifter , 
être  excufé  d'erreur.  Qyelques 
Ledeurs  le  reprendront  peut-être 
encore  ici  d'avoir  dit ,  i°.  qu'il  a  lil 
tous  les  Anatomiftcs ,  z".  que  tous 
ces  Anatomiftcs  qu'il  aflurc  avoir 


E  R,     1  7  5  j.  rj 

lus ,  ont  avancé  que  les  artères  in- 
tercoftales  fupericures  viennent  de 
lafouclavieie  :  &  ces  Lcdcurs  ne 
feront  pas  fans  doute  difficulté  de 
conclure  que  M.  Garengeot  n'a  lu 
niRiolan,  ni  M.  Vieultcns -,  Au- 
teurs cependant  de  fa  nation  ,  & 
dont  les  Livres  font  connus  de  tout 
le  monde.  Pour  prouver  première- 
ment qu'il  n'a  pas  lii  Riokn ,  ils 
citeront ,  non  le  paiTagc  qu'on  a 
fiitt  mprer  de  cet  Anatomifte  dans 
la  Splanchnologie  de  M.  Garen- 
geot ,  p^^.  403.  &  qu'on  a  pcrfuadé 
au  même  M.  Garengeot ,  être  le 
feul  endroit  où  Riolan  parle  de 
rameaux  fortans  du  tronc  de  l'Aor- 
te, mais  au  lieu  d'un  tel  pafTage 
qui  ne  vient  point  au  fait ,  ils  cite- 
ront celui-ci  qui  paroît  bien  for- 
mel :  intercofidis  fupirior  &  hitsrco- 
flalis  major f uni  fiElitiéi  aneria  ....  ; 
nam  troncus  aoru  a  corde  ufaiie  ad 
diaphragma ,  ntnnrjuf  jnxta  unam- 
cjiiam^ue  cojlam  ,  rumuhim  tranfmit- 
tit  &  fupped.tat  Jifigulis  coflt!.  Riol. 
animadv.  in  Anatom.  L.tnrcntii  ^ 
cap.  de  aort.  CT  arier.  Ils  ne  man- 
queront pas  non  plus  ,  de  produire 
cet  autre  endroit  du  même  Riolan; 
intcrcojlaks  arteria  inferiores  utrin- 
que  ad  odo  interiorum  coftarum 
intervallamtttuntitr  ;  nec  tantkm  in- 
feriorihns  coftis  diftribimntur  ,  fed 
etidm  fuperioribns  ufcjue  ad  clavicH-^ 
las  ,  proptereaijfits  non  reBè  fcripjît^  à 
fnhcluviâ  cjiialibet  intercoftalemfupe- 
riorem  tribus  (}natuorvè  coftis  fupe- 
riortbus  dtftribui.  Rtol.  Animadv.  in 
Theair.  Anatom.  Cafp.  Banhini. 

A  l'égard  de  M.  VieulTens  ,  ils 
n'oublieront  pas  d'en  rapporter  les 


ï4         JOURNAL    DE 

paroles  fuivantcs  :  De  arieria  inter- 
coflalt  fuperiori  hic  non  lo^uimnr  ejua- 
niam  Imc  à  fuperiori  aori£  inférions 
farte  ,  m  plurimiim  emuiitur.  Fienf, 
de  mixti  principiis  in  ordtn.  ad  ctrp, 
huma». 

Ces  paffages  font  clairs,diront-ils, 
&  M.Garcngcoc  peut  fe  les  taire  tra- 
duire.s'il  en  doute  -,  mais  comment 
après  cela,  continucront-iis,  peut-il 
avancer  i".  Qii'il  a  lu  les  Ouvrages 
de  tous  les  Anatomiftcs  f  i°.  Que 
ce  qu'il  foûtient  de  l'artère  interco- 
ftalc  ,  en  difant  qu'elle  vient  du 
tronc  de  l'aorte  ,  cil  une  découver- 
te qu'il  a  faite  ':  3°.  Que  M.  Winf- 
lov  a  mal-à- propos  fait  inférer 
dans  le  Traité  des  Saignées  de  Ad. 
Silva ,  que  Riolan  cil  le  premier 
qui  ai.t  avancé  que  toutes  les  intcr- 
coftales  ,  tant  fupcricures  qu'inté- 
rieures ,  partent  du  tronc  de  l'aor- 
te infcrieuie  ;  nous  laiiTons  à  Mef- 
fieurs  Winflo'»'  &c  Silva ,  s'ils  ju- 
gent la  chofc  digne  d'eux  ^  le  foin 
de  répondre  à  celui  qui  les  atta- 
que. 

On  trouve  dans  la  Splanchnolo- 
gie  plulîeurs  figures  anatomiques  , 
&  comme  M.  Garcngcot  les  vante 
extrêmement  ,  jufqu'à  prétendre 
qu'elles  font  d'une  perfei5tion  au- 
delTusde  tout  ce  qu'on  a  vu  jufqu'à 
prcfcnt  de  meilleur  en  ce  genre  , 
M.  Heifter  obferve  qu'elles  font  au 
contraire  très-déleducufes  ;  &c  de 
la  manière  qu'il  en  parle ,  ces  figu- 
res bien  loin  d'enrichir  le  Livre  ne 
peuvent  fcrvir  qu'à  le  faire  paroître 
encore  plus  pauvre. 

Il  fait  là-delTus  une  remarque 
gu'il  cft  important  de  ne  pas  ou- 


5  SÇAVANS, 

blier  ici  i  c'eft  ,  1°.  que  les  princi- 
pales figures  de  M.  Garengcot  ont 
été  gravées  fur  des  dcffeins  que  M. 
Stockaufcn  Difciplc  de  M.  Hcifter 

6  DoCl:eur  en  Médecine  deMagde- 
bourg  ,  lequel  étoit  alors  à  Paris, 
d'où  il  cft  parti  depuis ,  lui  a  tracés 
de  fa  propre  main  ,  &  lui  lailTa  en 
partant  de  Paris  :  2".  que  M.  Ga- 
rengcot ,  après  le  départ  de  ce  Mé- 
decin ,  fut  fort  embarralfé  quand 
ce  vint  à  faire  graver  ces  figures  ,  &c 
qu'il  ne  fut  plus  à  portée  de  con- 
fulter  le  Médecin  de  qui  il  les  tc- 
noit  :  5°.  Qiie  faute  de  cefccours , 
le  Graveur  &  M.  Garengeot  ont 
donné  des  figures  difformes  ,  où 
l'on  ne  reconnoît  plus  les  defleins 
de  M.  Stockaufcn  :  Tarn  énormes 
errores  Chalcographi  CT  Chiritrgi  no- 
jïf-i  vitio ,  pojl  abitum  Sttckpfti  ex 
Gallià  ,  commiffifunt ,  cjms  ne  ohfer- 
vare  cjiùdem  valint  Garengeot ,  dur» 
ne^ne  eos  corrigi  curavern ,  ne^jtie  in 
defcriptione  aut  explicatione  indicave- 
rit. 

M.  Heiller  ,  pour  faire  voir 
combien  ces  figures  font  détedueu- 
fcs  ,  cite  pour  échantillon  les  plan- 
ches VI.  VII.  &  X.  où  le  péritoine, 
dit-il,  eft  rcprefcnté  tout  autre- 
ment qu'il  n'eft.  Il  cite  la  planche 
V.  où  il  obferve  que  les  veines  &  les 
artères  umbilicales  font  dépeintes 
dans  une  firuation  toute  différente 
de  la  naturelle,  quoique  M.  Ga- 
rengeot fe  vante  de  donner  des  fi- 
gures où  l.i  firuation  des  parties  eft 
fi  cxaârement  obfcrvéc  qu'à  cet 
égard  on  ne  fçauroit ,  fclon  lui , 
trouver  ailleurs  des  figures  plus 
parfaites. 


J  A  N  V 

Qiioi  qu'il  en  foit ,  M.  Heifter  , 
après  avoir  en  général  jette  les  yeux 
fur  les  figures  de  la  Splanchnolo- 
«rie  ,  s'eft  contenté  d'en  reprendre 
feulement  quelques  -  unes  -,  mais  il 
déclare  qu'elles  font  toutes  indi- 
gnes d'un  Anatomifte  :  on  remar- 
que ,  au  refte ,  que  ce  que  dit  un 
Approbateur  du  Livre  ,  quand 
il  avance  que  les  figures  en  que- 
ftion  ,  ont  été  dejfmées  exprès  fur 
des  cadavres,  fc  trouve  contrarié 
par  un  aveu  de  l'Auteur  même  , 
qui  pag.  472.  eft  obligé  de  confef- 
fer  que  c'cft  d'après  un  cerveau  de 
cire  qui  lui  fut  communiqué  car 
un  de  fes  confrères  ,  qu'il  a  fait 
graver  la  dix-huitiéme  ,  la  dix-neu- 
vicme  &  la  vingtième  planche. 

On  eft  toujours  très  à  reprendre 
quand  on  manque  de  lumière  fur 
les  chofes  dont  on  fe  mêle  de  don- 
ner des  leçons  -,  mais  de  vouloir 
avec  cela  s'attribuer  les  obferva- 
tions  d'autrui ,  eft  un  procédé  que 
M.  Hciftcrne  peut  fouffnr  ;  &  c'eft 
de  quoi  il  prétend  que  M.  Garen- 
geot  eft  encore  coupable.  11  cite 
là  -  dcftus  pour  exemples  ,  1°. 
la  defcription  des  vailTeaux  lym- 
phatiques ,  2°.  la  remarque  , 
qu'il  n'y  a  que  neuf  paire  s  de  nerfs 
qui  dans  le  crâne  fortent  de  la 
moelle  allongée  ,  3".  l'obfervation 
que  les  glandes  miliaires  de  la  peau 
n'exiftent  point.  Il  accufe  enfuite 
M.  Garengeot  de  fe  parer  hardi- 
ment des  plumes  qu'il  a  ramaflees 


I  E  R  ;    I  7  3  5.  I  j- 

de  Meftîeurs  Duverney ,  Winflow, 
Heifter ,  &  de  quantité  d'autres. 
Un  trait  dont  M.  Heifter  nous  a 
paru  ici  très-choqué  ,  c'eft ,  dit-il , 
que  M. Garengeot,  non  content,  de 
s'approprier  des  chofes  qui  ne  lui 
appartiennent  pas  ,  maltraite  en- 
core quelquefois  ceux  même  de 
qui  il  les  tient  ;  mais  fur  quoi  on 
fe  recrie  le  plus  eft  de  lui  voir 
avancer  qu'excepté  lui  ,  tous  les 
Anatomiftes  modernes  n'ont  écrit 
que  d'après  des  idées  de  Cabinet  Sc 
n'ont  jamais  dilTéqué  de  cadavres  ; 
Pr£terea  (  conqucritur  Garengeo- 
tus  )  qiiod  reccntijfimi  Autores  Ana- 
tomies;  tibi  nullum  excifit  ,  /cripta 
fua  m  Mufis.0  confecerint  ,  nec  cadti- 
vera  inciderint  ,  fed  alter  alterum 
defcripferit  ,  fe  vero  folum  gloriatur 
cadavera.  incuiijfe.  Difcouis  inoui , 
s'écrie  M.  Heifter  ,  &  qui  fait  ou- 
trage à  Melïïeurs  Ruifch ,  Duver- 
ney ,  Valfalvit ,  Coiuper  ,  hancifi, 
Morgagni  ,  IVmflo'w  ,  Douglaff  ^ 
Chezelden  ,  Santorinus  ,  Cantius  , 
Albimis ,  IValterus  ,  Heifter  ,  &  à 
nombre  d'autres  qui  ont  palfé  leurs 
vies  à  diffequcr;  mais  difcours  dont 
la  témérité  fans  exemple  ,  pourra 
bien  ,  dit  M.  Heifter  ,  attirer  à  fon 
Auteur ,  s'il  ne  fe  corrige  ,  quelque 
traitement  capable  de  le  rendre 
plus  fage  à  l'avenir  :  Quodfi  vero 
imfofterum  non  modeftius  fe  gerat , 
profeSlo  non  deerunt  i^ui  acriori  lixi- 
vio  capiit  ipfi  lavahnnt; 


j6 


JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


THEOPHILl-SIGEFRIDI- BAYERI,  REGIOMONTANI, 
Acadcmici  Pctropoliuni ,  Grxcirum  Romanarumque  Antiquiratum 
Prot.  Pub.  Ord.  Societ.  Rcgix  Bcrolin.  Sodilis ,  Miifeum  Sinicuni ,  in 
quo  Sinicx  Linp;ux&  Litccrarura:r<inoexplicatur.  Petropoli ,  ex  Ty- 
pographia  Acadcmix  Impcratorix  1730.  C'cllà  dire  :  Le  Cabinet  Chi~ 
VOIS  ,  oit  l'on  explique  en  cjuot  conjtfle  Li  Langue  (ir  la  Littérature  Chinoijè; 
Par  Théophile-Sifroi-Bayer  de  Konigibcr^^  de  l'Académie  de  Peterjbourg^ 
Profejfeur  public  &  ordinaire  des  j^ntiijiittel^G régnes  &  Kjm.^ines  ,  &  de 
la  Société  Royale  de  Berlin.  A  Pctcribouig  ,  de  l'Imprimerie  de  l'Aca- 
démie Impériale.  1750.  /«-8°.  1.  Vol.  Tom.  1.  pp.  145.  pour  1.1  Préta- 
ce  ,  pp.  199.  pour  la  Grammaire  Chinoilc.  Tom.  II.  pp.  372.  Planch. 
détach.  XVI,  pour  le  prcm.  Vol.  LVII.pour  le  Iccond. 


CE  n'eft  proprement  que  de- 
puis envi) on  le  milieu  du  14' 
fiécle  ,  que  les  Européens  ont 
commencé  à  prendre  quelque  légè- 
re connoilHince  de  la  Langue  S<  de 
la  Littérature  Chinoife.  Avant  ce 
tems-là ,  ce  qu'Us  avoient  pu  re- 
cueillir de  leur  commerce  avec  les 
Orientaux  touchant  cette  Nation  , 
fe  reduifoit  à  quelques  taits  fi  incer- 
tains &L  fi  peu  débrouillés  ,  que  l'on 
ne  pouvoit ,  fur  de  pareils  tonde- 
mens ,  rien  établir  de  bien  folide  à 
cet  égard.  C'ell  donc  l'Hilloire  de 
ce  qui  a  putranfpircr  pour  ainli  di- 
re de  ce  vaftc  Pays  jufqu'à  eux  pen- 
dant une  longue  fuite  de  fiécles  , 
&  des  découvertes  qu'ils  y  ont  fai- 
tes par  eux-mêmes  pendant  les 
deux  derniers ,  que  nous  entretient 
M.  Bayer  dans  une  Préface  très- 
étendue  ,  dont  nous  ne  fautions 
nous  difpenler  de  donner  au  pu- 
blic un  Extrait  déraillé  ,  pour  le 
mettre  à  portée  d'apprécier  au  jufte 
tout  l'Ouvrage. 

Depuis    le     Géographe     Grec 
Marcien  d'Hcraclce  ,   qui  vivoit 


dans  le  fécond  fiécle  de  l'Ere  Chré- 
tienne ,  &  qui  fait  mention  d'un 
peuple  qu'il  nomme  i'/»<e  ,  lltué  à 
l'Orient  de  l'Inde  de-là  le  Gange  j 
&  depuis  Cofme  d'Egvpte  qui  fous 
l'Empire  de  Juftinien  avoitvovagc 
chez  les  Seres  voifins  des  Indes, 
mais  que  l'on  prétend  n'avoir  rien 
de  commun  avec  les  Chinois  :  on 
a  été  jufqu'au  milieu  du  treizième 
liécle  fans  rien  apprendre  touchant 
ce  peuple  (1  puiflant,  ii  nombreux 
&  a  floriflant  par  rapport  à  la  cul- 
ture des  arts.  Ce  hit  donc  alors  que 
Hoidacoit  j  fous  les  aufpices  de  fon 
frère  aîné  Mimcac  Grand-Can  de 
Tartarie  ,  avant  envahi  la  Perfe  ,  y 
amena  quelques  Chinois  Lcttics , 
qui  communiquèrent  à  l'Aflrono- 
me  Najjiroddm  leurs  obfcrvations 
lur  la  policion  6c  le  mouvement 
des  aftns.  En  129^  Cafm  arrière 
petit  hls  de  Houlacou ,  &  qui  re- 
gnoit  en  Perfe  fous  l'autorité  de 
Cotibldi-Can  ^  chargea  l'Aiv-bc  Ri- 
xidottin  de  drelfer  uncChronologie, 
à  l'aide  de  deux  Plîilolophes  Chi- 
nois qu'il  avoit  pour  lors  à  fa  Cour, 


J  A  N  V  1 

ic  qui  lui  donnèrent  quelque  tein- 
ture de  la  Médecine  u(îtce  parmi 
leurs  Compatriotes ,  &c  de  leur  Hi- 
ftoire.  On  ignoreroit  totalement 
ces  faits  ,  fans  AbdalU-^houfaid  ^ 
qui  vivoit  il  y  a45^ans,&:quinous 
les  apprend  dans  une  Hiftoire  de 
la  Chine  qu'il  avoir  compofée  fur 
les  Mémoires  des  Chinois  mêmes , 
dont  il  aiïure  avoir  vu  les  Li- 
vres, vantant  au  furplus  l'élégance 
de  leur  écriture  ,  &:  expliquanten 
quoi  confiftoit  chez  eux  l'art  de 
l'Imprimerie. 

En  1 1^ i.Gm\\:L\xm.t  de RubmeiMis 
Ambafladeur  de  S.  Louis  Roi  de 
France  vers  le  Grand-Can  de  Tarta- 
rie  ,  y  apprit  que  les  Chinois  fe  fer- 
voient  du  pinceau  pour  écrire ,  & 
traçoient  pluiJicurs lignes  pour  for- 
mer une  lettre.  Marc -Vend  de  Ve- 
nife  ,  en  1275.  par  le  féjour  qu'il 
fit  chez  ces  peuples  pendant  17  ans, 
&:  par  le  fccours  des  4  Langues  dif- 
férentes qu'il  fçavoit  &  qui  le  metr 
toient  en  relation  avec  eux ,  étoit 
parvenu  à  l'mtelligence  de  leur 
langage  ,  &  à  quelques  notions  de 
leur  Littérature  ■,  quoique  pourtant 
il  foit  difficile  de  juger  ,  par  les 
Ecrits  qui  nous  relient  de  lui ,  juf- 
qu'à  quel  point  il  avoit  pu  s'inftrui- 
re  de  l'érudition  Chinoife.  Ce  fut 
principalement  par  fon  moyen  & 
par  celui  de  Jean  dn  Plan-Carpin  , 
qui  avant  lui  avoit  pénétré  dans 
ces  Pays  Orientaux  ,  que  Vincent 
de  Beauvais ,  Antoine  de  Florence  , 
&  peut-être  quelques  autres  ,  foit 
Italiens  ,  foit  François  ou  Alle- 
mands ,  acquirent  quelque  eon- 
iiûiflance  des  Tartarcs ,  mais  fans 
janvier. 


E  R  ,  r  73  5.  17 

nul  éclairciflemcnt  fur  la  Littératu- 
re des  Chinois. 

Peu  de  tcms  après  Marc-Paul , 
Hciython  l'Arménien  ,  par  fes  liai- 
fons  avec  les  Tartares,  apprit  d'eux 
quelques  circonftances  touchant 
l'écriture  Chinoife  ,  dont  Nicolas 
Salconi ,  auquel  Hay thon  les  avoit 
communiquées ,  fit  part  au  Pape 
Clément  V.  en  1307.  cequi  fe  re- 
duifoit  à  laire  valoir  rextrcme  an- 
cienneté de  leurs  caraâ:eres ,  l'hu- 
manité de  cette  Nation,  fa  po- 
litefle ,  qui  n'empêchoit  pas  cepen- 
dant qu'elle  ne  regardât  les  autres 
peuples  comme  abfolument  aveu- 
gles, les  Européens  comme  n'ayant 
qu'un  œil ,  8c  elle  feule  comme 
joiiilTant  des  deux  yeux. 

Ce  fut  environ  ce  tems-là,  com- 
me en  fait  foi ,  non  feulement  le 
lameux  Monument  Chinois ,  mais 
encore  le  témoignage  de  pluiicurs 
Syriens  &  Arabes ,  que  le  Chriftia- 
nifme  pénétra  jufqu'à  cette  extré- 
mité de  notre  continent  parle  mi- 
nifterc  des  Chrétiens  Nelloriens. 
Mais  les  grandes  révolutions  arri- 
vées peu  de  tems  après  dans  l'Afie 
Orientale  fermèrent  bien-tôt  cette 
porte  à  nos  Voyageurs  Occiden- 
taux ,  qui  ne  pouvant  plus  aller  par 
terre  jufques  dans  ces  régions  fi  re- 
culées ,  ôc  n'ayant  point  encore  par 
mer  aucune  route  ouverte  qui  pût 
les  y  conduire  ,  cefferent  de  porter 
leurs  vues  de  ce  côté -là;  enforte 
que  le  peu  de  lumières  acquifes 
touchant  la  Littérature  des  Ce  ois, 
s'obfcurcit  pendant  l'efpace  de  140 
ans  jufqu'au  point  qu'il  n'en  reftoit 
prcfque  plus  d'idée.  :;j 

C 


i8  fOURNAL    D 

Après  que  1rs  Navigateurs  Por- 
tugais curent  frivé  par  mer  un  nou- 
veau chemin  juf.ju'aux  Ind:s ,  à  la 
Chine  &c  au  Japon  ,  Saint  François 
Xavier  fit  le  voyage  des  Indes  dans 
la  vue  de  prêcher  le  Chriftianifme 
à  celles  de  ces  Nations  Orientales 
qu'il  jugeroit  la  plus  difpofcc  à  pro- 
fiter des  vcritez  qu'il  lui  annonce- 
roit  -,  Se  ce  fut  la  Chinoife  dont  la 
grande  réputation  lui  fit  concevoir 
de  plus  hautes  efperanccs  pour  le 
fuccès  defon  delTcin.  Mais  quelque 
effort  qu'il  fit  pour  vaincre  les  ob- 
ftacles  qui  lui  barroicnt  l'entrée  de 
'la  Chine,  il  n'y  put  mettre  1;  pied,, 
&  mourut  en  i  ^  5  i.  dans  une  Ifle,  à 
la  vue  de  ce  Pays  tant  dcfiré.  Il 
avou  d'avance  fait  traduire  enChi- 
nois  le  Livre  fur  la  création  du 
monde  £c  fur  la  Vie  de  J.  C.  qu'il 
zvoit  compofé  en  Japonois.  Douze 
?.ns  après  fa  mort  (en  1564.)  les 
Efpagnols  conquirent  les  liles  Phi- 
lippines ,  où  ils  lièrent  quelque 
commerce  avec  les  Chinois,  &:  d'où 
furent  pour  la  première  fois  tranf- 
porrés  dans  la  Bibliothèque  Vatica- 
ne  &  dans  le  Monaftcre  de  l'Efcu- 
rial ,  les  premiers  Livres  Chinois 
qu'on  eût  vus  en  Europe. 

Ce  fut  à  Manille ,  Capitale  de 
CCS  Ifles ,  que  Jean-Gonfalcs  A<ïen- 
doça^  Auguftin  ,  &  envoyé  du  Roi 
d'Efpagne  à  la  Chine  ,  fit  traduire 
un  Livre  de  cette  Nation  touchant 
l'Etat  prefent  &  la  pui (Tance  des 
Chinois',&  de  retour  à  Romc,il  pre- 
fenta  au  Pape  Sixte  IV.  la  relation 
de  fon  voyage  écrite  en  Efpagnol , 
&  dans  laquelle  il  avoit  inféré  le 
contenu  de  ce  Livre  Chinois ,  qui 


ES     SÇAVANS, 

n'offroit  qu'un  fort  léger  crayon  de 
h  Langue  &  de  l'ccricurc  de  ce  peu- 
ple ,  &J  qui  pour  la  première  fois 
mettoit  fous  les  yeux  du  public  la 
rcprcfentation  àc  trois  caractères 
de  cette  Langue,  mais  étrangement 
défigurés  ,  ic  qu'il  faut  prefentcr  au 
miroir  pour  les  voir  dans  leur  fitua- 
tion  naturelle, 

L'Auteur  n'oublie  pas  de  nous 
informer  ici  des  progrès  que  firent 
vers  ce  même  tems  dans  la  Litté- 
rature Chinoife  les  PP.  Michel  Ro- 
ger &C  Matthieu  Ricci  ,  Jcfuitcs 
Miffionnaircs  à  la  Chine.  Mais  le  P. 
Alvare  Semcdo  ^  Portugais  ,  de  la- 
même  Société  ,  cft  celui  (  dit  M. 
Bayer  )  qui  a  commencé  à  dévoiler 
ces  myftercs  avec  un  détail  digne 
de  la  curioiîté  des  Savans  ,  mais 
encore  trop  laconiquement  à  cer- 
tains égards ,  (  continue-t-il)  &  un 
peu  obfcurémcnt ,  peut-être  pour 
augmenter  le  merveilleux  ,  fans 
compter  qu'il  ne  fit  graver  aucuns 
caradleres.  Les  Jcfuites  qui  depuis 
Semedo  ont  écrit  fur  les  affaires  de 
la  Chine ,  tels  que  les  PP.Trigiutty 
A4agailla!7S  ^  Martini ,  Couplet  , 
Roitgemont  ,  Grejlon  ,  le  Gobien ,  &C. 
n'ont  rien  ajouté  fur  cet  article  2 
l'Ouvrage  de  leur  Confrère ,  excep- 
té le  P.  Louis  le  Comte  ,  qui  a  ren- 
chéri fur  lui  &:  poufle  plus  loinle* 
éclaircilTemens. 

Au  fujet  des  difputcs  furvenuës 
entre  les  divers  Millîonnaifes  tou- 
chantquclqucs  cérémonies  duCulre 
Chinois&touchantlaPhilofophiedc 
ConfuciHS^  l'Auteur  prend  occ.ifion 
de  nous  informer  des  Editions  dif- 
férentes qui  nous  ont  fait  connoxtw 


J  A  N  V  I 

les  Ouvrages  de  ce  Philofophe.  Le 
P.  Intorcetta ,  Jefiiite  Sicilien  ,  en 
publia  une  première  Edition  Chi- 
noife  &  Latine  en  \6~(>.  impiimcc 
en  partie  à  Qu^xm  Chen ,  Capitale 
de  la  Province  de  Canton  ,  en  par- 
tie à  Goa.  En  1 671.  le  P.  Kircher  en 
donna  une  féconde  Edition  à  Ro- 
me ,  avec  des  Commentaires  La- 
tins -,  &  en  i6-j%.  Confucius  parut 
en  cette  même  Langue  imprimé  à 
Paris.  Mais  toutes  ces  Editions 
comprcnoicnt  à  peine  le  titre  des 
Ouvrages  de  ce  Philofophe  Chi- 
nois, dont  le  Recueil  complet,  que 
les  Jefuitcs  ont  entre  leurs  mains , 
(  dit  notre  Auteur  )  n'a  jamais  vu  le 
.  jour.  En  171 1.  le  P. iVof/ fît  impri- 
mer à  Prague  lîx  Livres  cladîques 
de  l'Empire  Chinois ,  annoncés  par 
les  Journaliftcs  de  Leipfîc  ,  mais 
que  M.  Bayer  n'a  pu  voir  jufqu'à 
prefent. 

Il  revient  à  l'ordre  Chronologi- 
que des  Savans  qui  ont  illuflré  la 
Littérature  Chinoife.  Il  parle  da- 
bord  de  Suitmaife  ,  &:  quoiqu'il  ne 
le  regarde  que  comme  trcs-médio- 
crement  initié  aux  myftercs  de  cet- 
te Langue  ,  il  l'en  croit  cependant 
beaucoup  mieux  inftruit  que  ne 
l'ctoit  Jofeph  Scaliger. 

Eni^54.  le  P.  Martini  revint  en 
Europe  ,  &  amena  avec  lui  un  jeu- 
ne Chinois.  Golius ,  qui  avoir  fait 
grande  provifion  de  Livres  en  cette 
Langue  ,  où  il  ne  connoilToit  rien  , 
ne  manqua  pas  une  occafion  fi  fa- 
vorable de  s'abboucher  avec  ce 
Père  &  de  tirer  de  lui  divers  éclair- 
ciflcmens,  tant  fur  l'Aftronomie  des 
Chinois  que  fur  le  tefte  de  leur 


E  R  ,     173  3«  ip 

Littérature.  Au  bout  de  fix  ans  (  en 
lé'^i.)  le  P.  Martini  retourna  à  11 
Chine,  où  il  mourut  d'une  mala^ 
die  peu  conîiderablc  en  apparence , 
&  qui  devint  (  dit-on)  incurable 
pour  les  Médecins  Chinois,  par  une 
drachme  de  rhubarbe  que  le  ma- 
lade prit  de  fon  chef  &C  mal  à-pro- 
pos. Il  s'agilToit  d'une  crudité  d'e- 
ftomac  &  d'un  dégoiit  pour  les 
alimens. 

Prcfque  dans  ce  même  tems, 
Théophile  Spizel  publia  fon  petit 
Traite  touchant  la  Littérature  Chi- 
noife ,  de  re  Litteraria  Sinenfîiim  , 
Ouvrage  décharné  ,  d'une  doiftrine 
médiocre  ,  dit  M.  Bayer  ,  &  du- 
quel fi  l'on  retranche  les  lieux 
communs  ôc  ce  que  cet  Auteur  a 
emprunte  des  PP.  Mendoca  ,  Se- 
medo,  Langobardi  ^  Trigaault  & 
Martini ,  il  ne  lui  reliera  prefquc 
rien  qui  lui  appartienne  en  propre, 
&  encore  ce  peu  n'eil-il  pas  exempt 
d'erreur. 

En  1 66-j.  parut  la  Chine  Illuflrèe 
du  P.  Kircher  ,  dans  laquelle  il  pu- 
blia en  caraifleresChinois  le  célèbre 
Monument  de  la  Religion  Chré- 
tienne trouvé  à  Si-ngan-fu  en  16 1^. 
imprime  d'abord  en  Latin  &  e» 
Portugais ,  puis  inféré  dans  le  Pro- 
drowHs-Copuis  du  même  .Tefuite , 
qui  croyoit  voir  &  trouver  par  tout 
(  dit  notre  Auteur  )  les  Hiéroglyphes 
Egyptiens. 

Il  ne  parte  point  fous  filence  leî 
fèrvices  rendus  à  l'érudition  Chi- 
noife par  le  P.  Michel  Boym,  Jcfui- 
te  Polonois ,  qui  a  défriché  l'Hi- 
ftoire  Naturelle  &  la  Médecine  de 
cette  Nation  ,  dans  fon  Livre  ia« 

Ci; 


ao  JOURNAL    DE 

titille  Flora  Siftica  ^  &'dans  d'au- 
tres Traitez  envoyez  par  le  P.  Cou- 
plet à  Batavia  pour  être  tranfportés 
en  Europe  ,  mais  qui  lont  rcites  à 
Batavia.  Notre  Auteur  croit  que  la 
Flore  Chimife  n'cft  point  encore 
fortie  du  portefeuille  ;  ignorant 
fans  doute  qu'elle  a  été  imprimée 
deux  fois  ;  l'une  à  Vienne  en  Au- 
ftriche  en  16  ^ë.  in-fil.  l'autre  dans 
ie  Recueil  des  Voyaj^es  de  Mclchi- 
fedcc  Tl:évenot  ,  aufli/«-/o/. 

A  l'égard  des  autres  Ouvrages 
du  P.  Boym  concernant  la  Chine  , 
André  Cleyer  ,  Médecin  à  Batavia  , 
en  fit  fon  profit  pour  le  Traité  qu'il 
publia  en  Allemagne  in-j^.  où  l'on 
trouve  quatre  Livres  fur  itmoiive- 
wem  dn  fouis  compofés  par  le  Mé- 
decin Chinois  Vam-xo-ho  &:  traduit 
en  Latin  avec  des  figures  très-mal 
defluiées  &  très-informes.  Enfin  le 
même  Cleyer  ,  à  la  follicitation  du 
P.  Couplet  £c  de  Men\el ,  infera 
dans  les  Ephemerides  des  Curieux  de 
la  Nature  de  \6Z6.  une  cfpece  de 
clef  Chinoife  telle  qu'il  avoir  pu  la 
recueillir  des  Mémoires  déchirés  &: 
brouillés  du  P,  Boym  qui  étoient 
entre  fes  mains  depuis  ii  an. 

Qi^ielque  fupcrficielle  que  fût  en- 
core alors  la  connoiiTànce  qu'on 
avoit  acquife  de  la  Langue  Chinoi- 
fe ,  i'Anglois  Jean  Vebh  en  166').  fe 
perfuada  qu'elle  étoit  la  mère  de 
toutes  les  Langues  ;  le  P.  Tho- 
maffm  de  l'Oratoire  en  1^57.  crut  y 
reconnoître  des  traces  de  l'Hébreu^ 
bi  Philippe  Maffon  y  eut  recours 
pour  l'explication  d'un  Pfeaume  de 
David.  Mais  parmi  tous  ceux  qui 
.ont  travaillé  à  débrouiller  la  Litte- 


S    SÇAVANS, 

rature  Chinoife  ,  nul  ne  l'a  fait  avec 
plus  de  fuccès  Scpilus  de  perfcve- 
rance.(  dit  M.  Baver)  qu'André 
Muller^Cnx\<^\^i\MenXel. 

Le  premier  avoit  pris  le  goût  des 
Langues  Orientales  dans  le  com- 
merce avec  des  Savans  de  ce  genre, 
tels  que  Calld  ,  Walton  ,  Hyde  ,. 
Clarck? ,  Grave  &  pluficurs  autres. 
Mais  les  diflîcultcz  infurmontables 
qu'il  entrcvoyoit  dans  la  Langue 
Chinoife  lui  en  avoient  infpirc  de 
l'horreur.  Cependant  lorfqu'il  eut 
parcouru  la  Chine  illujlréc  du  Père 
Kirchcr ,  qu'il  eut  rangé  en  ordre 
tous  les  caraâ:cres  du  Monument 
Chinois  ,  &  lu  un  Auteur  Arabe 
qui  traitoit  d'un  autre  genre  d'écri- 
ture ;  il  fe  fentit  comme  divine- 
ment infpiré  ,  (  dit- il  )  de  travailler 
féricufcraent  à  trouver  une  clef 
pour  applanir  ces  dilTîcultez  de  l'é- 
criture &  de  la  Langue  Chinoife.  IL 
apalTétoutle cours defa  vie  à com- 
pofer  &  à  pubher  divers  Ouvrages,' 
dans  lefquels  il  fait  de  magnifiques 
promcflcs  fur  cet  article  ,  vantant 
l'importance  des  découvertes  qu'il 
a  faites  en  ce  genre  ,  mais  qu'il  ne 
peut  expliquer  bien  clairement 
(  dit-il)  que  lorfqu'on  lui  aura  aflî- 
gné  une  recompenfc  proportionnée 
à  la  grandeur  de  fon  travaiL  Notre 
Auteur  juge  par  l'examen  de  tout 
ce  que  Mullcr  a  public  fur  le  Chi- 
nois ,  que  c'étoit  un  habile  Charla- 
tan j  qui  fe  donnoit  au  public  pour 
infiniment  plus  éclairé  fur  ce  point 
qu'il  ne  l'étoit  effedivement ,  & 
qui  cft  mort  fans  avoir  trouvé  cette 
prétendue  clef  dont  il  avoit  fait 
tant  de  bruit ,  &  de  l'efpcrancc  de 


J  A  N  V  I 

laquelle  il  avoit  amufé  &  flatté  fi 
long-temsles  Princes  &  les  gens  de 
Lettres. 

Ces  Ouvrages  de  MuUer  indi- 
qués ici  par  l'Auteur  font,  1°.  fes 
Commentaires  fur  Adarc-Pad  de  Ve- 
nife  (  en  1671.  )  accompagnés  de 
Tes  obfcrvations  fur  le  Cathai ,  de 
la  Chronologie  Chinoife  de  Golius, 
corrigée,  &  de  quelques  remarques 
très-légères  fur  la  Langue  de  ce 
Pays-là  ,  dont  il  avoit  une  fi  belle 
occafion  de  parler  foncièrement  : 
2°.  En  1^71.  VExflicMion  du  Aîa- 
tjumem  Chinois  ,  où  il  fe  glorifie 
d'avoir  corrigé  plufieurs  fautes, 
pendant  qu'il  y  en  a  mis  de  nouvel- 
les ,  donnant  au  furplus  une  très- 
médiocre  opinion  de  fes  lumières 
en  fait  de  Littérature  Chinoife  : 
3°.  Des  conjeElures  fur  les  prières  pu- 
bliées en  Chinois  &  en  Latin  en 
1^74.  avec  la  dilhibution  ou  l'ar- 
rangement d'une  BiblioihéijHe  Chi- 
noife ,  &  7  obfervations  concernant 
la  Chine  :  4".  En  i68o.  une  No- 
menclàture  Géographique  ,  avec  les 
longitudes  &  les  latitudes  des 
lieux  ,  en  quoi  il  eft  prefque  par 
tout  d'accord  avec  la  Carte  du  Père 
Noël  Jefuite  ,  publiée  à  Prague  : 
5'.  La  même  année  des  verfions  des 
Prières  Chrétiennes  &  des  Alphabets 
dans  toutes  les  Langues  de  l'Uni- 
vers •>  on  remarque  dans  cet  Ou- 
vrage plufieurs  fautes  contre  l'écri- 
ture Chinoife  :  c'étoit  pourtant 
alors  (  s'il  faut  l'en ,  croire  )  qu'il 
étoit  enfoncé  le  plus  avant  dans  la 
recherche  de  fa  clef  Chinoife  ,  à  la 
faveur  de  laquelle  les  moindres 
femmelettes ,  ainfi  que  les  enfans , 


E  R  ;    175  ?:  '21 

dévoient ,  à  ce  qu'il  promettoit  ^ 
apprendre  à  lire  le  Chinois  en  peu 
de  jours,  &  cela,en  Latin,  en  Fran- 
çois, en  Allemand ,  en  Anglois,  en 
Flamand  ,  &  en  quelque  autreLan- 
gue  qu'elles  euffent  voulu.  C'eft  fur 
quoi  Becrnan  &  Grebnitz.  (  fur  tout 
ce  dernier)  l'entreprirent  a/Tcz  vive- 
ment ,  pour  l'obliger  à  déclarer  pu- 
bliquement quelque  chofe  d'un  fi 
beau  fecret ,  n'cut-ce  été  qu'en  viàc 
de  fe  laver  du  reproche  d'impoftu- 
re ,  &  de  réduire  au  filence  des 
adverfaircs  mal  intentionnés. 

é^-En  i6%6.  il  publia  une  DilTer-^' 
tation  fur  l'éclipfe  de  Soleil  dont  il 
eft  parlé  dans  les  Annales  Chinoife» 
&  qu'on  a  confondue  avec  les  ténè- 
bres qui  couvrirent  la  terre  à'Ia 
MortdeJ.  C.  Dans  ce  petit  Ou- 
vrage, MuUcr  taifoitunc  cinquiéw 
me  annonce  de  fa  prétendue  Clef 
Chinoife  ,  qu'il  dcvoit  mettre  atr 
jour  dans  fix  mois  au  plus  tard  ,  à 
certaines  conditions  qu'il  propofoit 
au  public.  Il  mourut  à  Stetin  en 
1^95.  &c  fit  brûler  tous  fes  papiers, 
comme  il  en  avoit  menacé.  Le 
bruit  courut  alors  qu'on  avoit 
fauve  de  l'incendie  fa  Clef  Chi- 
noife ,  &  qu'elle  étoit  cachée  en 
quelque  endroit  de  la  Poméra- 
nic. 

Après  MuUer,  Menzel ,  premier 
Médecin  de  l'Electeur  de  Brande- 
bourg fe  diftingua  fort  à  Berlin 
dans  l'érudition  Chinoife ,  &  quoi- 
que fa  réputation  fût  inférieure  à 
celle  de  Muller  en  ce  genre  ;  il  k 
méritoit  beaucoup  mieux  (  dit  no- 
tre Auteur).  Il  publia  en  16^8  y.  un 
Livre  fous  ce  titre  ;  Sylloge  mmmi>i- 


2i  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

rum  Lexici  Sinici  ,  S<.  ce  Didion- 
nairc  pirut  à  M.  Bayer  (  lorfqii'il  le 
vit  )  cnticrcmcnt  femblablc  acciui 
de  la  Bibliothèque  de  Beilin  ,  im- 
primé  par  le  foins  des  Jefuites  à 
Pequin  ,  &  envoyé  à  l'ElcCteurpar 
Cleycr.  La  feule  différence  qu'y  re- 
marqua notre  Auteur  condftoit  en 
ce  que  pour  exprimer  le  motdecem, 
dix^  l'exemplaire  venu  de  la  Chine 
cmplovoit  le  mot  Jîpn  ^  &  celui  de 
Menzcl  le  mot  xé.  Du  reftc  cet  clTai 
de  Diiflionnairc  ne  rcntcrmoit d'au- 
tres mots  que  ceux  du  Monument 
Chinois  ci-deffus  mentionne. Ce  pe- 
titOuvia;j;e  tut  fuivi  la  même  année 
desextraitsqu'infcraMcnzeldansics 
EphemeriJ.es  de  t'ylcademie  Léopol- 
dine ^   touchant  les  vertus  du  Gin- 
fem  ,  Extraits  qu'il  avoit  recueillis 
des  Herbiers  Chinois,  &  quelque 
tcms  après  il  publia  vine  Chronolo- 
gie Chinoife.  11  tira  de  grandes  lu- 
mières  de  fon  commerce   avec  le 
p.  Couplet  ,  qui  alors  étoit  à  la 
Cour  de  Berlin.  L'Auteur  obfcrve 
ici   en  paiTant  que  ce  Jefuitc    &c 
Menzel    écnvoient    les   caradercs 
Chinois  plus  mal  l'un  que  l'autre. 
Le  P.  Couplet  étant  venu  à  Paris  en 
i6Sj.  fit  voira  MeichifcdecThéve- 
not ,  alors  Garde  delà  Bibliothèque 
du  Roi ,  les  lettres  radicales  de  la 
LangueChinoife-,favcur  qu'il  n'a  voit 
point  accordée  à  Menzel ,  qui  em- 
prunta d'ailleurs  cette  connoilîan- 
ce.  La  même  année  le  P.  Couplet 
laiffa  à  Paris  un  Didionnaire  Chi- 
nois bien  écrit ,  mais  fans  ofcr  fe 
promettre  qu'il  pût  y  être  publié  ; 
ce  qui ,   Icion  lui ,  eût  été  exécuté 
en  Ailunagne  dans  i'efpace  d'un 
mois. 


Dans  ce  même  tems  le  P.  Spino- 
la  retournant  en  PortU!;al  avec  un 
jeune  Chinois  nommé  M.chel  Xin- 
fofitm  ,  âç^é  de  jo  ans  ,  pa(Ta  par 
l'Angleterre  ,  &  vit  à  Oxford  Tho- 
mas//y.Vif  ,  très-verfé  dans  les  Lan- 
gues Orientales  ,  fur  tout  d.ins  la 
Pcrl'anc  \  lequel  par  le  fccours  du 
jeune  Chinois ,  s'inftruilît  plus  à 
tond  qu'il  n'avoit  tait  jufqu'à  lors 
de  la  Littérature  Chinoife.  Les 
fruits  de  ce  commerce  parurent  par 
une  Lettre  de  Hyde  écrite  à  Ed- 
vard  Bernard ,  touchant  les  poids 
&  les  mcfurcs  de  la  Chine  ,  en 
1^88  :  par  ce  qu'il  publia  en  ï6$.\. 
touchant  les  jeux  de  ce  Pavs-là,danj 
fes  Livres  fur  les  Jeux  des  Orientaux: 
&  par  une  Chronologie  Chinoife 
plus  eNade  que  celle  de  Golius , 
&c  inférée  dans  fon  Hiftoire  de  la 
Religion  des  anciens  Perfes  ,  impri- 
mée en  1700. 

Le  P.  Grirnaldi ,  pend  int  fon  fc- 
jour  à  Berlin,  fut  encore  d'un  grand 
fecours  à  Menzel,  qui  en  1^96, 
mit  au  jour  en  Allemand  une 
Chronologie  des  Rois  de  la  Chine  , 
avec  les  noms  de  ceux-ci  en  carac- 
tères Chinois ,  tirés  du  petit  Livre 
intitule  .S/tio- «/-/««  ,  dont  il  ht  im- 
primer le  commencement  tr.iduit 
du  Chinois  à  la  tête  de  cette  Chro- 
nologie :  &  notre  Auteur  a  inféré 
ce  commencement  avec  fes  Com- 
mentaires dans  l'Ouvrage  dont 
nous  rendons  compte. 

Menzel  lit  alors  une  entrcprifc 
bien  plus  coniîderablc  :  car  ayant 
reçu  des  Indes  un  double  exem- 
plaire du  Didionnaire  Chinois  ap- 
pelle C,u-guei ,  il  en  partagea  i'uR 


J  A  N  V  I 

en  8  grands  Volumes  qu'il  fit  relier 
avec  du  papier  blanc  entre  les  feuil- 
lets dans  la  vue  d'y  infcrire  les  fi- 
gnifications  de  chique  lettre  ;  &  il 
avoit  déjà  fait  quelque  progrès  dans 
cette  entreprife  ^  loffque  pour  fon- 
der le  gOLir  du  public  il  fit  impri- 
mer un  Elîai  de  cet  Ouvrage  fous  le 
titre  :  Chinenfîum  Lexici  cara&eri- 
ftict  wfcripi  Çu-gueï  ,  hoc  efl  ^  de 
littsrariim generibHS  &fpeciehn5  ^fub 
litterts  nidicalibiis  &  e.tmm  ampo- 
fitis ,  fnmo  caraRerijfiice  ,  Sinici  à" 
LatûJe  verbo  tenus  expîicati,  &  novis 
Lexici  Chim-çu-tam  ,  &  aïiis  ne- 
eejptriis  litteris  pluri'mis  an^i  &  cor- 
reEii  I-^olumenprinjum  ,  inAttu  f.itlum 
&  fcyiptum  a  Chnfliano  MenZ-elio. 
Ce  Didlionnaire  manufcrit  ,  ainfi 
qu'un  ample  Recueil  d'Obferva- 
tions  tirées  de  la.  Grammaire  du 
P.  Martini ,  des  Lettres  du  P.  Cou- 
plet ,  du  Lexique  de  François  Dias^ 
Se  d'autres  Monumens  fervent  au- 
jourd'liui  d'ornement  à  la  Biblio- 
thèque de  Berlin. 

Feu  M.  Lsibiiitz  ,  fi  zélé  pour 
l'avancement  des  Sciences  &  des 
Arts ,  n'eft  point  ici  oublié  parmi 
les  Promoteurs  de  la  Littérature 
Chinoife.  On  y  parle  auflî  de  M. 
K£mpfir  qui  a  donné  les  caraâreres 
Chinois  de  plufieurs  plantes  &  de 
plufieurs  autres  produiflions  de  la 
nature ,  mais  feulement  interprétés 
en  Langue  Japonoife.  On  y  fait 
mention  de  Polycarpe  Lyfer  qui  fe 
difoit  poiïcfieur  d'une  Clef  Chi- 
noife ,  qu'il  devoit  publier ,  Se  que 
notre  Auteur  prétend  être  l'Ouvra- 
ge de  teu  Menzel.  Mais  quoiqu'il 
en  puilTc  être  ,  cette  Clef  n'a  point 


E  R  ;  1755.'  25 

encore  vu  le  jour.  M.  Bayer  nom- 
me aadî  quelques  Savans  d'Italie  , 
recommandablcs  par  quelque  éru- 
dition de  cette  efpece. 

Il  pafTc  delà  aux  François ,  & 
raconte  le  peu  qu'il  a  pu  apprendre 
jufqu'ici  des  travaux  de  cette  jNa- 
tion  par  rapport  à  la  Littérature 
Chinoife  ,  entrepris  par  les  foins 
de  M.  l'Abbé  Bignon  ,  cnjiis  (dit  il) 
/«  omnem  artium  ampUtHdinern  tant  a 
extam  mérita  &  tam  illnjhua  ,  ut  no- 
flram  laudem  ilLiiu  décora  longe  exfii- 
pcrent.  Tout  ce  que  M.  Bayer  z 
donc  pu  f-rt  cet  article  recueillir  de 
fes  converfations  avec  fon  confrère 
M.  Delifie ,  Profefléur  d'Aftrono- 
mie  à  Pctcrfbourg  ,  fc  réduit  à  fa- 
voir  que  le  jeune  Chinois ,  Arcade 
Hoam  3  fut  d'abord  employé  à  in- 
terpréter les  Livres  Chinois  de  la 
Bibliothèque  du  Roi ,  puis  à  com- 
pofer  pour  cette  Langue  une  Gram- 
maire &  un  Didionnaire  ;  qu'on 
lui  aflocia  dans  ce  travail  M.  Frcret^ 
comme  très-verfé  dans  les  Langues 
Orientales  ,  &  dans  la  Géographie 
tant  ancienne  que  moderne  :  que 
MM.  Etienne  5c  Michel  Fourmont , 
Profeffeurs  Royaux  &  de  l'Acadé- 
mie des  Belles-Lettres ,  fe  joigni- 
rent bien-tôt  à  ces  deux  premiers 
A6leurs,&qu'après  la  mort  à'Hoam^ 
les  deux  frères,  mais  fur  tout  l'aîné, 
fc  chargèrent  feuls  de  ce  grand  SC 
pénible  Ouvrage  :■  qu'on  leur  re- 
mit pour  cet  effet ,  tous  les  Livres 
Chinois  ralfemblés  dans  la  Biblio- 
thèque Royale  ,  tous  ceux  qui  fc 
trouvoient  dans  le  Collège  des- 
Miiïïons  étrangères  Se  aiUeurs  : 
qu'on  avoit  déjà   5000  caradere? 


24  JOURNALD 

Chinois  ramalfcs,  &c  graves  en  bois 
par  les  foins  à'Hoam  5c  de  fcs  alTo- 
ciez  pour  la  conftruétion  d'un  Dic- 
tionnaire ;  qu'on  travailloit  à  raf- 
femblcr  les  70000  autres  qui  re- 
ftoient  pour  le  rendre  complet.  Voi- 
la tout  ce  qui  eft  venu  à  la  connoif- 
fance  de  notre  Auteur  touchant  un 
travail,  qui  cfl:  aujourd'hui  poulTc  à 
tel  point  qu'on  peut  le  regarder 
comme  prefquc  achevé  :  en  forte 
que  la  Grammaire  &  le  Diction- 
naire Univcrfel  delà  Langue  Chi- 
noifc  feront  bien-tôt  en  état  d'être 
publiés. 

M.  Bayer  termine  ce  détail  hifto- 
tique  touchant  la  Littérature  Chi- 
noife  par  quelques  particularitcz 
fur  l'Ouvrage  du  P.  Souciet ,  Jcfui- 
tc  ,  concernant  l'Allronomic  &  la 
Chronologie  de  cet  Empire  (Ou- 
vrage qui  n'cft  point  encore  tombé 
entre  fes  mains  )  ôc  par  quelques 
reflexions  fur  ce  que  pcnfoir  au  fu- 
jet  de  l'érudition  des  Chinois  en 
général  feu  l'Abbé  Renaudot  ,  qui 
n'en  pcnfoit  pas  avantageufcmcnt. 

L'Aurcur  vient  enfin  à  ce  qui  le 
regarde  en  particulier  par  rapport  à 
l'Ouvrage  qu'il  public  aujourd'hui. 
Né  avec  beaucoup  de  goût  pour 
l'étude  de  l'antiquité ,  il  s'appliqua 
d'abord  fingulicrement  à  celle  des 
Langues  Orientales  ,  telles  que 
l'Hébraïque ,  l'Arabe  &  la  Cophte. 
Mais  fe  trouvant  à  la  campagne  en 
171 3.  une  belle  paflîon  pour  la  Lit- 
térature Chinoife  le  faifîtauni  fubi- 
tement  qu'auroit  pu  faire  (  dit-il  ) 
un  rhume  de  cerveau  [  gravedo  ^lu- 
dam.  ]  Toutes  fes  démarches ,  tou- 
tes fes  penfécs^  même  jufqu'à  Ils 


ES  SÇAVANS, 

fongcs ,  n'avoient  pour  objet  que 
le  Chinois.  Il  fc  figurou  (  conti- 
nuc-t-il  )  que  s'il  étoit  affez  heureux 
pour  taire  en  ce  genre  quelque  dé- 
couverte ,  le  Roi ,  comme  dit  le 
proverbe  ,  ncfcroit  pas  fou  coufin. 
Semblable  à  ces  lapins  (  pourfuit-il) 
qui  fur  le  point  de  taire  des  petits, 
ramaflcnt  de  tous  cotez  des  provi- 
fions  dans  leurs  nids  :  il  ralfcm- 
bloit  dans  fon  Cabinet  tous  les  ma- 
tériaux qu'il  jugcoit  propres  à  la 
conftruiftion  d'un  Diiflionnairc 
Chinois  &  d'une  Grammaire.  Les 
Opufcules  de  Hyde  ,  de  Mcnzel  & 
dcMullery  tinrcntle  premier  rang. 
Pendant  fon  féjour  à  Berlin ,  fes  ri- 
chclTes  fe  multiplièrent  par  les  fe- 
cours  qu'il  tiia  dç  la  Bibliothèque 
de  cette  Capitale  &  des  conférences 
qu'il  eut  avec  le  favant  M.  P^eyjftêre 
de  la  Croze.  Il  en  publia  un  EHai  en 
1718.  à  Conigfbcrgi  Se  c'eft  un 
Mémoire  touchant  l'Eclipfe  obfcr- 
vée  à  la  Chine  vers  le  tems  de  la 
Padîon  de  J.C.  &;  dont  on  a  déjà 
parlé  plus  haut.  Appelle  enfuite  à 
l'Acadcmic  de  Péterfbourg  ,  il  pcn- 
fa  plus  férieufcment  que  jamais  à 
l'exécution  d'un  projet  formé  tant 
de  fois  inutilement  en  faveur  de  la 
Littérature  Chinoife  ;  &  par  la  pro- 
teilion  &  les  confcils  de  M.  Théo- 
phane  Pricopovhz.  ,  Archevêque  de 
Novogrod ,  il  efl:  venu  à  bout  d'en 
expofer  cet  échantj|ionj?uk  jrêiuj 
du  public.  <  '-■■>'.      ...r,     - 

Il  a  partage  fon  Ouvrage  en 
deux  Tomes ,  dont  le  premier  di- 
vifé  en  deux  Livres ,  roule  fur  U 
Grammaire  &  fur  la  Littérature  ou 
récriture  Chinoife.  Il,, a  tiré:ccttc 


J  A  N  V 

Grammaire  en  partie  de  celJe  du 
P.  Martini,  de  celle  du  P.  Couplet, 
&  d'une  troidémedont  il  ne  nom- 
me point  l'Auteur.  Il  obferve  que 
dans  celle  qu'il  nous  donne  ,  la 
Syntaxe  qui  devroic  en  taire  un  ar- 
ticle important ,  y  eft  abfolument 
omife  ,  faute  de  lumières  fuHilan- 
tcs.  Dans  fon  fécond  Livre  ,  M. 
Bayer  explique  ce  qui  concerne  la 
Littérature  Chinoife  d'après  les  let- 
tres très-exades  Se  très-dctaillées 
écrites  à  Menzel  parle  P. Couplet, 
d'après  les  papiers  &  les  Mémoires 
(de  cet  Allemand  ,  d'après  le  Dic- 
tionnaire de  Dias  ,  &  d'après  fes 
propres  Obfervations.  Il  y  dir  peu 
de  chofe  touchant  l'éloquence  des 
Chinois  ;  de  il  lailTe  à  quelque  au- 
tre (  dit-il  )  ce  point  à  difcuter  plus 
particulièrement.  Il  a  joint  à  tout 
cela  une  Grammaire  de  la  Langue 
vulgaire  de  Chin-cheo ,  qu'il  a  trou- 
vée dans  la  Bibliothèque  de  Berliq 
écrite  fur  du  papier  de  foyc  en 
Efpagnol  par  un  Religieux  Fran- 
cifcain  ,  3c  qu'il  a  déchiffrée  non 
fans  beaucoup  de  peine  ,  à  l'aide 
d'un  Efpagnol,  Cette  Langue  eft 
proprement  un  dialedc  ou  un  jar- 
gon de  la  Chinoife  ,  tel  qu'on  le 
parle  dans  un  petit  Pays  delà  Pro- 
vince de  Hn-quam ,  fur  les  confins 
de  celle  de  Can-ton.  L'Auteur  fou- 
haitcroit  fort  que  l'on  piit  ainfi 
ramaifcr  tous  les  dialedtes  des  Pro- 
vinces de  la  Chine  fur  l'efperancc 
d'en  recueillir  un  fruit  coniîdera- 
ble  •,  &  c'efl:  fur  quoi  il  s'explique- 
ra plus  au  long  dans  la  fuite.  On 
orouvc  ,  outre  cela ,  trois  morceaux 
curieux  à  la  fin  de  ce  premier  Volu- 


I  E  R;    173  5.  2y 

me  :  favoir,  1°.  Une  Lettre  écrite  à 
M.  Bayer  par  les  MiiTionnaircs  de 
Tranguamhar ,  &  très  -  intereflantc 
par  l'érudition  &  les  varietez  qu'el- 
le contient  :  2*.  La  propofition 
d'une  Clef  Chinoife  faite  par  feu 
MuUer ,  &  réimprimée  ici  à  cau- 
fe  de  la  rareté  ,  &  afin  qu'on  puiffc 
comparer  fes  promclTcs  vaines  & 
frivoles  avec  ce  que  ces  deux  Vo- 
lumes offrent  de  réel  &  de  folidc 
fur  la  même  matière  :  5°.  Une  Let- 
tre du  même  Muller ,  écrite  à  Jean 
Hevelius ,  imprimée  ici  d'après  l'o- 
riginal de  l'Auteur  ,  ?.<  qui  concer- 
ne une  EcJipfe  Solaire  vùè-  .à  Pequin 
en  i66y  au  mois  de  Janvier. 

Qiiant  au  fécond  Volume  de  cet 
Ouvrage  ,  il  renferme  deux  Léxi- 
ejites  ou  Dictionnaires  6:  quelques 
DifTcrtations.  Dans  le  premier  Le- 
xique ,  l'Auteur  a  montré  la  mé- 
thode dedifpofer  parclalTcs  les  ca- 
raèlercs  Chinois  &  de  les  rapporter 
à  leurs  premiers  élémens  ou  à  leurs 
racines.  Il  eût  fort  fouhaité  y  met- 
tre beaucoup  plus  d'exaètitude  ; 
mais  il  lui  eut  fallu  pour  cela  fous 
fa  main  les  80  mille  caraèlercs  de 
cette  Langue ,  &  publier  par  confe- 
quent  un  énorme  Volume.  Or  ce 
n'étoit  point  fon  deflein  ,  &  la 
chofe  ne  lui  étoit  pas  poifible  , 
puifqu'il  n'avoit  jufqu'ici  pu  raf- 
fembler  qu'un  peu  plus  de  10  mille 
de  ces  caracfteres.  Encore  n'en  don- 
ne-t-ilàprefentque  zioo  ;  &  cette 
indigence  ne  lui  a  pas  permis  de  les 
ranger  dans  l'ordre  le  plus  conve- 
nable ,  félon  lui ,  &  qui  fcroit  de 
mettre  fous  les  premiers  él  mens , 
les  féconds ,  fous  ceux-ci  les  troifié-; 

D 


25  JOURNAL    DE 

mes  ,  fous  ceux  ci  les  quatrièmes  ^ 
&c.  au  lieu  cjuil  s'cft  vu  contraint 
Ac  placer  fouscesfcconds  ciémcns, 
non  feulement  les  troilieiucs  ,  mais 
encore  les  cjkutriénics  iv  les  cin- 
quièmes ■■,  foiis  les  ttôifiémes ,  les 
fixiémes ,  les  feptiémcs  ,  les  huitiè- 
mes ,  &c.  Cclt  encore  cette  même 
difette  qui  l'a  mis  dans  la  necclTitc 
de  laiÏÏcr  quelques  clalfes  entière- 
ment vuides.  Mais  d'un  autre  côté 
il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  les 
Diftionnaires  Chinois  foient  con- 
ihuits  avec  cette  exaditude  d'arran- 
^»;cment  qu'on  voit  régner  dans  les 
nôtres  ,  &  que  l'Auteur  s'attend 
bien  à  rencontrer  dms  le  Di(ftion- 
rtairc  Chinois  que  nous  prépare  M. 
Fonrmom  l'aînè.  Du  rcfte ,  un  Dic- 
tionnaire comme  celui  ci  ne  peut 
fervir  qu'à  traduire  le  Chinois  en 
Latin  \  il  en  faut  un  autre  pour 
tourner  le  Larin  en  Chinois ,  6:  il 
en  faudruit  même  de  particuliers 
pour  les  différentes  conditions  , 
pour  les  Négocians  ,  pat  exemple  , 
pour  les  Ambalîadeurs  ,  (^c.  M. 
Bayer  donne  ici  l'eflai  d'un  Dic- 
tionnaire de  ce  genre  ,  pour  les  di- 
vers Offices  de  la  Cour  Chinoife  , 
de  même  que  pour  les  differens 
emplois  tant  civils  que  militaires. 

À  l'égard  des  divers  morceaux 
imprimes  à  la  fuite  du  Lexique , 
on  trouve  en  premier  lieu  la  Vie  àç. 
ConfuciuSj  avec  les  caraAeres  Chi- 
nois &  telle  qu'elle  a  paru  dans  l'E- 
dition de  Goa  ,  excepte  les  chan- 
gemens  qu'y  a  faits  le  P.  Couplet 
dans  celle  de  Paris  :  2°.  Le  Livre  du 
même  Philofophe  intitulé /"^î-^/o  , 
en  Chinois  &  en  Latin  :  f.  Le  Li- 


S    SÇAVANS. 

vrc  Si^o-ul-litn  ,  avec  le  Commen- 
taire de  l'Aiircur  fur  les  Origines 
Chinoifcs  ■■,  dans  lequel  il  n'a  d'au- 
tre but  que  de  montrer  que  l'Hi- 
ftoire  &  les  Antiquitcz  Chinoifes 
ne  peuvent  en  rien  prcjudicier  aux 
véritez  qu'enfcigne  l'Ecritme  Sain- 
te touchant  l'origine  du  monde  & 
celles  de  toutes  les  Nations  :  4*. 
Une  Chronologie  Chinoife  em- 
pruntée de  Goluis ,  de  Hvde  ,  du 
P.  Noël ,  &  des  propres  Obfcrva- 
tions  de  l'Auteur  :  5°.  Une  Differ- 
tation  fur  les  poids  Scies  niefures  , 
tirée  des  mêmes  fources  :  ê".  Dct 
Réflexions  fur  les  Tables  des  Eclip- 
fes.  M.  Bayer  en  hit  ici  d'impor- 
tantes (  des  réflexions  )  fur  Icscon- 
fcquenccs  que  les  incrédules  (  un 
Toland  par  exemple  )  pourroient 
tirer  cà  leur  avantage^  de  ce  génie  de 
la  Langue  Chinoife  Ç\  différent  de 
celui  qui  cararterife  toutes  les  au- 
tres Langues  i  d'où  ils  intéreroienc 
que  les  Chinois  n'auroicnt  aulïï  riea 
de  commun  pour  l'origine  avec 
toutes  les  autres  Nations. 

On  peut  voir  de  quelle  manière 
il  réfute  un  tel  fcntiment  ;  &  \n 
Obfervations  fenfées  qu'il  fait  fur 
les  chingemens  que  la  longue  fuite 
des  fiécles  eft  capable  d'introduire 
dans  If";  Langues ,  foit  par  l'allon- 
gement des  mots  ,  foit  par  leur 
accourciffement ,  ce  qui  par  fuc- 
ceffion  de  tcms  les  défigurent  à 
tel  point  qu'ils  ne  font  prefquc 
plus  reconnoiffables ,  5c  ne  confer- 
vent  prefquc  rien  de  leur  première 
origine.  La  Langue  Chinoife  offre 
un  exemple  bien  marqué  de  l'ac- 
courciflèment  des  mots ,  tous  ceux 


J  A  N  V 

de  cette  Langue  notant  prcfquc 
plus  que  des  monofyllabes  :  & 
l'Auteur  en  trouve  un  pour  l'allon- 
gement dans  les  Dialectes  de  la 
Langue  Finlandoife  ,  dont  certains 
'  mots  allongés  outre  mefure  empê- 
chent que  les  Finlandois  ne  s'enten- 
dent les  uns  les  autres  :  il  en  allè- 
gue pour  preuve  ces  mots  :  Leibe  , 
Leihsihébe  ,  Leipeipéveibe  ,  pain  : 
Jomiji ,  Jopomipifl ,  Jomomijvomis  , 
boilTon  :  Peive  ,  Pépeivépe  Péveihé- 
vetbe  ,  jour  :  Tc.iv.ts  ,  Tapaivapa  , 
Taivaivafvaivas ,  ciel  :  IJfa ,  Jpijfc- 
pe ,  Iffifivip  ,  Tpcve. 

D'ailleurs ,  obferve  l'Auteur  ,  il 
n'eft  pas  abfolument  vrai  que  la 
Langue  Chinoife  n'aie  que  des  mo- 
jiofyllabes  (  &  il  produit  quelques 
exemples  du  contraire  )  ni  que  leur 
Langue  n'ait  aucun  rapport  à  celles 
de  tous  les  autres  peuples  ,  puif- 
qu'on  lui  remarque  afiez  d'affinité 
ivcc  celles  des  Nations  du  voifinage 
de  la  Chine,  tels  que  les  Japonois, 
lesTonquinois,  les  Cochincliinois, 
les  Tartares  du  Tangut  &  du  Tibet, 
comme  on  peut  en  juger  par  l'inf- 
cription  écrite  en  cette  dernière 
Langue  ,  envoyée  à  M.  l'Abbé 
Bignoyi  pat  le  teu  Czar  Pierre  le 
Grand  ,  déchiffrée  &  traduite  en 
Latin  par  MM.  Fourmont ,  puis  en 
Mofcovite  par  M.  Sohier  Interprète 
dit  Roi  pour  cette  Langue ,  &  ren- 
Toy/ée  au  Czari  avec  cette  explica- 
tion. M.  Bayer  l'a  fait  imprimer 
dans  fa  Prélacc. 

En  li  finiflant ,  il  s'cflj  teflouve- 
nu.  fort  à  propos  de  deux  Savans  , 
dbnt  les  Ecrits  fur  la  Langue  Chi- 
noife ne  lui  ont  pas  kt/i.  iautiks  , 


I  E  R  ,    1753.  27 

foit  pour  le  confirmer  dans  fes  na- 
tions fur  cette  Langue  ,  foit  pour 
lui  fournir  de  nouvelles  lumières. 
Le  premier  eft  feu  M.  Hadrien  ^c-- 
Und ,  qui  dans  fes  Diflfertations  fat 
les  Langues  Orientales  ,    n'a  pas 
oublié  celle  du  Japon  ,  celle  de  la 
Chine  ,  &  les  caradereS-  de  cette 
dernière.  Nous  ne  répéterons  point 
ici  d'après  M.  Bayer  ,  ce  que  nous 
avons  dit  de  ces  Diflertations,  lorf- 
qu'elles  parurent ,  &  que  nous  en 
rendîmes  compte  dans  notre  Jour- 
nal.   Le  fécond  Savant  que  notre 
Auteur   a    confulté   encore    avec 
fruit ,  eft  M.  Laurent  Lange  ^  Ré- 
fident  du  Czar  à  la  Cour  de  Pequin 
pendant  plufieurs  années  ,  Sc  par 
confequcnt  très-indruit  du  Gouver- 
nement &  de   la    Littérature  des 
Chinois.  M.  Bayer  l'ayant  fçû  de 
retour  à  Mofcou  lui  a  tait  par  Let- 
tres plufieurs  queftions ,  aufqucUes 
M.  Lange  a  répondu  ,  comme  on  le 
peut  voir  ici  ;  lui  envoyant  au  fur- 
plus  la  jufte  mefure  du  pied  Chi- 
nois ,  que  notre  Auteur  compare 
ici  avec  le  pied  de  divcrfes  Nations 
Européennes  i  &  quelques  éclair- 
cilfemens  fur  les  poids.  Il  a  vu  en- 
core un  Calendrier  Chinois  envoyé 
à  la  Bibliothèque  de  Berlin    par 
l'Abbé  Crofdli  revenu  depuis  peu 
de  la  Chine  à  Mofcou  a,vec  l'Am- 
balfadeur    du  Czar    :    Calendrier 
dont  M.  Bayer  donne  ici  la  Noticor, 
de  même  que  celle  de  cinq  aaitre* 
Livres   Clafliques  Chinois-  ariiyé* 
dans  la  même  Bibliothèque. 

L'Auteur  feroit  fort  tenté  (  ditril 
à  la  fin  de  cette  Préface  )  de  com- 
poicE  une  Hiftoite  fuivie  du  Ghri- 
Di^ 


aS  JOURNAL   DES    SÇAVANS; 

ftianifmc  de  h  Chine  &  des  autres  Dans  un  autre  Journal ,  nous  fc- 

Rcrrions  Je  TAlie  Septentrionale  ,  rons  conncître  plus   particulierc- 

depuis  fou  commencement  jufqu'à  ment  au  Piiblic  le  corps  de  cet  Ou 

Vinivéc  des  Millionnaires  dans  ces      ^-'^'  " "'"'^  -  ^'■-  ''' 


e  de  M.  Bayer  ,  c'cil-à-dirc  fa: 
Grammaire  Chinoife  ,  fon  Dic- 
tionnaire pour  la  même  Langue,  Se 
les  Opufculcs  qui  le  fuivcnt. 


Pays  -  là  ,  &  de  faire  de  ce  détail 
liiftorique  un  rroiliéme  Tome  de 
fon  C.'Winn  Chinois.  H  ne  defefperc 
pas  de  pouvoir  exécuter  ce  projet. 

traitb:   des  matières  criminelles  ;   svifant 

V Ordonnance  du  mois  d'Aoâr  i  Sjj.  conwicifit  les  diffircnles  ejinftions  ejui 
■peuvent  n/itrefur  cette  matière^  avec  lesEdits-&  Déclarations  du  Rai ,  Ar-^ 
rets  &  Rcletnens  intervenus  depuis  l'Ordonnance.  A  Paris ,  au  Priais  , 
chez  Théodore  le  Gras ,  au  troifiémc  pilier  de  la  Gïand'Salit ,  à  L  cou- 
ronnée. i73i./K-4°.  pag.  415). 


L'INSTRUCTION  du  procès 
eftune  deschofes  des  plus  im- 
portantes en  matières  Criminelles, 
cependant  il  s'cfc  paffé  pluficurs 
fiécles  fans  qu'on  eût  en  France  des 
Loix  certaines  fur  cette  matière, 
l'ordre  judiciaire  qu'on  y  obfcrvoit 
dépendoit  de  Tufage ,  &  cet  ulage 
étoit  différent  fuivant  les  Jurifdic- 
tions  où  l'affaire  étoit  inftruite. 
François  I.  fit  quelques  Reglemens 
pour  la  procédure  criminelle  par 
l'Ordonnance  de  1559.  mais  le  peu 
de  difpolîtions  de  l'Ordonnance  de 
François  I.  fur  la  procédure  crimi- 
nelle lailToit  encore  de  grandes  in- 
certitudes par  rapport  aux  points 
les  plus  importans  ,  &c  de  grandes 
varierez  dans  l'ulage  des  differens 
Tribunaux,  comme  on  le  voit  par 
les  Ouvrages  fur  la  pratique  depuis 
1559.  jufqu'en  1^70.  que  Louis 
XIV.  ht  publier  l'Ordonnance  Cri- 
minelle. Les  Praticiens  &  les  Jurif- 
confultes  qui  ont  écrit  depuis  ce 
cems-Ià  fui  cette  nutieie,  n'ont 


travaillé  qu'à  expliquer  les  difpo- 
lîtions de  cette  Ordonnance  ,  &  la 
manière  dont  elle  doit  être  obfer- 
véc.  M.  Bomicr  Lieutenant  parti- 
culier enlaSenéchaulTée  de  Mont- 
pellier ,  donna  le  premier  uiv 
Commentaire  fur  cette  Ordonnan- 
ce ,  fous  le  titre  de  Conférence  des^ 
Ordonnances  de  Louis  XIV.  Roi  de 
Erance  &  de  Nuvarre ,  avec  les  an- 
ciennes Ordonnances  du  Royaume 
leDroit  Ecrit  &  les  Arrêts. 

En  171 8.  M.  Bruneau  Avocat  au- 
Parlement,  publia  desObfcrvations 
&  des  Maximes  fur  les  Matières 
Criminelles  :  Livre  où  l'on  trouve 
des  Remarques  utiles,  quand  on 
fçait  les  fcparer  d'une  infinité  de 
chofes  communes  ,  ou  qui  n'onr 
point  de  rapport  aux  fujets  que 
l'Auteur  entreprend  de  traiter. 

Le  Livre  dont  nous  avons  prc- 
fentement  à  rendre  compte  peut 
être  regardé  comme  un  nouveau 
Commentaire  fur  l'Ordonnance  de 
1^70.  chaque  Chapitre  répond  à  ua 


J  A  N  V  I 

des  Titres  de  l'Ordonnance  ,  à  l'cx- 
eeption  des  deux  premiers  Titres 
(]ue  l'Auteur  a  réunis  dans  le  pre- 
mier Chapitre.  Il  y  a  joint  deux 
Chapitres  qui  concernent  les  cri- 
mes en  particulier.  Ce  dernier  Cha- 
pitre eft  compofé  de  zo.  Obfcrva- 
tions  ,  dans  chacune-  defquelles 
l'Auteur  parle  de  quelque  crime 
particulier ,  &  des  peines  aufqucl- 
îes  doivent  être  condamnés  ceux 
qui  en  font  convaincus.  Notre  Au- 
teur aeuloin  de  joindre  aux  difpo- 
iîrions  de  l'Ordonnance  de  i6-jo^ 
celles  des  Edirs  &:  des  Déclarations, 
même  des  Arrêts  de  Règlement  du 
Paidement  de  Paris  qui  y  ont  rap- 
port ,  Se  qui  font  poftericures  à  cet- 
le  grande  Ordonnance.  Par  rapport 
aux  queftions  qui  'ne  font  pas  déci- 
dées par  les  Ordonnances ,  il  a  con- 
fulté  les  Loix  Ronuines ,  les  Au- 
teurs Ciimiualilles ,  &  les  Arrêts 
particuliers.    ■ .  ^ 

Après  cette  idée  générale  de 
l'Ouvrage  ,;  il  ne  nous  reftc  qu'à 
donner  ici.  quelques  exemples. 
Nous  citerons  le  premier  du  Chapi- 
tre II.  de  l'Interrogatoire  desaccu- 
fës.  L'Auteur  commence  par  la  dé- 
finition de  l'interrogatoire  en  ma- 
tière criminelle.  Il  dit  que  c'eft 
»  un  Ade  par  lequel  le  Juge  inter- 
n  roge  l'accufé  qui  le  fubit  ,  fur 
»  la  vérité  des  faits  rcfultans  de  la 
»  plamte  &  de  l'information  ou 
»  autres  pièces,  fecrctes  ,  pour  tâ- 
»  cher  d'en  fçavoir  &  tirer  l'éclair- 
j»  ciffcment  par  fa  bouche ,  &  redi- 
a»  gé  par  écrit  par  le  miniftcre  d'un 
»  Greffier  ou  autre  Officier  ou 
.».•  Commis  ayant  cara(^ere  ,  poui 


E  R,     I  7  5  5.'  1$ 

»fes  réponfes  fervir  ,  fi  faire  fc 
j>  peut ,  à  la  charge  ou  décharge  de 
»  l'accufé.  <c  L'Auteur  remarque 
enfuite  ,  qu'autrefois  les  accufés  fe 
défendoienr  par  le  miniftere  des 
Avocats ,  mais  que  par  l'Ordon- 
nance de  1539.  on  introduiiît  l'in- 
terrogatoire des  accufés  pour  les 
faire  répondre  par  leur  propre  bou- 
che &  fans  fceours  ni  miniftere 
d'autrui.  Cet  interrogatoire  eft  de 
confequencc  pour  avoir  la-  preuve 
entière  du  crime  par  la  confcllionr 
de  l'accufé. 

On  explique  enfuire  de  quelle 
manière  doit  être  fait  cet  interroga-- 
toirc  fuivant  l'Ordonnance  de 
I670.  dont  on  rapporte  les  difpofi- 
tions  fur  ce  fujet.  Cette  Ordon- 
nance permet  à  l'accidc  de  prendre 
droit  par  les  Charges  ,  quand  le 
titre  de  Taccufation  n'eft  point  un 
de  ces  crmres  graves  qui  peuvent' 
donner  lieu  de  condamner  à  des 
peines  aftlidlives.  La  raifon  que 
rend  notre  Auteur  de  la  différence 
par  rapport  à  cet  article  ,  entre  les 
deux  efpeces  de  titres  d'accufation  ' 
eft  que  celui  qui  eft  accufé  d'urt 
crime  grave  ne  doit  point  être  con^ 
damné  fur  fa  feule  confefïïon,  »c» 
audit itr  perire  volens  ,  &  que  ce  fe- 
roit  fa  déclaration  qui  devicndroic 
le  fondement  delà  condamnation, 
fî  l'accufé  déclaroit  en  ce  cas  qu'il' 
veut  prendre  droit  par  les  Charges, 

L'article  21  du  titre  derOrdon- 
nance  criminelle  où  il  eft  parlé  de 
l'interrogatoire ,  veut  que  l'accufé 
fubifle  un  dernier  interrogatoire 
immédiatement  avant  le  jugement 
du  procès.  L'accufé  doit  être  interj 


îo         JOURNAL     DE 

rogé  fur  la  fcllctte  s'il  y  a  des  con- 
clufions  du  miniftere  public  qui 
tendcntà  une  peine  aftlictivc.  Cct- 
tcdifpofition  a  été  rcnouvcUée  par 
deux  Déclarations  du  Roi  du  lo 
Septembre  ifitÇi.  &:  13  Avril  1703. 
elles  ont  ajouté  que  quand  les  con- 
clufious  ne  vont  pas  à  une  peine 
afflidive  ,  les  accufés  fubiront  ce 
dernier  interrogatoire,  derrière  le 
Barreau  Se  debout. 

Cette  formalité  doit  être  obfcr- 
véc  dans  les  OlTicialitez  ,  à  peine 
de  nullité  de  rintcrrogatoirc  &  du 
jugement  rendu  en  confcquence  : 
c'eft ,  ajoute  notre  Auteur ,  la  Ju- 
rifprudence  certaine  du  Parlement 
de  Paris ,  ainfi  qu'il  paroît  parles 
Arrêts  ,  de  cntr'.uitres  par  un  qui  a 
été  rendu  en  la  Chambre  de  la 
Tcurnelle  du  15  Juiikt  1708.  fur. 
les  conclufions  de  M.  T Avocat? 
Général  de  Lamoignon  de  Blanc-^ 
ménil. 

Voici  un  avis  important  que 
l'Auteur  donne  aiux  Juges  flir  l'in- 
terrogatoire. »  Il  ne  doit  point 
»  être  feic  capticufcment  ni  en' 
i>  biaifant  ;  c'eft  -  à  -  dire  ,  par 
u  fubtilité  ,  ni  encore  moins  en 
»  homme  paflîonné  ,  fâché  2c  en- 
a  colcrc  ,  ni  malicieufemcnt.  Le 
»  Ji^e  ne  doit  point  pareillement 
»  abufer  as  l'accufe  ,  comme  de 
ï»  lui  promettre  l'impunité  de  Ion 
î»  crime  lors  de  l'interrogatoire  , 
»  dans  la  vûë  de  lui  faire  avoiicr  le 
J»  crime  dcmt  ileftaccufé;  cela  cft 
»  captieux  &c  étendu  ;  car  comme 
»  il  n'cft  pas  permis  à  ce  Juge  de 
»  tenir  parole  à  cet  accufé ,  s'il  le 
M^  trousœeoupablCj  il  ne  le  fçauroit 


S  SÇ/¥VANS, 
»  abfoudrc  ;  on  ne  pourroit  même 
»  a(feoir  une  condamnation  fur 
»  une  conLcilionainli  extorquée  par 
i>  rufc  &  par  furprife  ,  il  doit  au!lî 
3->  rédiger  les  réponfes  de  l'accufe  , 
u  tant  à  char'c  qu'à  décharge. 

Notre  Auteur  finit  ce  Chapitre 
par  quelques  reflexions  qu'il  fait 
furies  déclarations  d'un  accufé.  Sa 
feule  confeffion  dans  l'interrogatoi» 
re  ne  fuffiroit  pas  poiu  le  condam- 
ner à  une  peine  afflidivc  ,  il  fau- 
droit  encçre d'autres  preuves,  foit 
teftimoniales  ,  foit  par  écrit.  Une 
confcllion  extrajudiciaire  de  l'accu- 
fe ne  fuffiroit  pas  non  plus  pour 
affeoir  une  condamnation  contre 
l'accufe  ,  quand  même  elle  feroit 
écrite,  6a]u'on  l'auroit  trouvée  dan* 
fa  poche  lors  de  la  capture  ou  au- 
trement ,  à  moins  qu'il  ne  la  réite- 
rârdans  lijsinterrogatoires  fubis  de- 
vant le  Juge  ,  &c  qu'elle  ne  fût  foû- 
tenuë  de  quelques  autres  preuves. 
La  déclaration  d'un  accufé  même 
dans  les  interrogatoires-,  qui  font 
p.arric  de  la  procédure  ,  ne  feroient 
qu'une  demie  preuve  contre  let 
complices  qu'il  déclarcroit. 

A  l'égard  du  ferment  qu'on  fait 
prêter  aux  accufés  avant  l'interro- 
gatoire j  notre  Auteur  c(l  perfuadc 
que  c'cll:  prcfque  toû)ours  un  faux 
ferment ,  parce  qu'il  n'y  a  guéres 
de  criminels  qiii  ne  croycnt  qu'ils 
ne  fontpoint  tenus  de  déclarer  leurs 
crimes  au  Juge  qui  les  interroge  au 
préjudice  de  leur  honneur  Se  de  leur 
vie.Néanmoins  le  Juge  eà  obligé  de 
faire  prêter  ce  ferment  à  l'accufe 
pour  fatisfaire  à  l'Ordonnance. 

Qyelques  tr^iits  du  Chapitre  ijl 


J  A  N  V  I 

far  la  queftion  S^torture  nous  four- 
niront un  fécond  exemple.  L'Au- 
teur définit  la  queftion  :  i>  une  ef- 
»  pece  de  peine  prononcée  contre 
«  un  accufé  ,  non  condamné  défi- 
»  nitivemcnt ,  non  pas  comme  une 
r>  peine  par  rapport  au  crime ,  mais 
»à  l'erletderobligcf  àavoiier  fon 
S)  crime  ,  ou  à  déclarer  fes  compli- 
»  CCS.  «  D'où  l'Auteur  conclut 
^n'il  y  a  deux  efpcces  de  qucftions, 
l'une  provrfoire  qui  tend  à  forcer  ce- 
lui qui  doit  fubir  la  mort  à  avouer  le 
crime  pour  lequel  il  cfl:  condamné, 
l'autre  préalable  pour  forcer  un  cou- 
pable condamné  à  déclarer  fes  com- 
plices. Il  y  a  encore  la  queftion  ordi- 
naire &  l'extraordinaire,  L'Auteur 
explique  enfuite  les  différentes  ma- 
nières dont  on  donne  la  queftion  ^ 
foit  au  Parlement  de  Paris  ,  foit 
tlans  les  autres  Parlemens  du 
Royanme.  Il  fait  voir  que  pour 
«ondamncr  à  la  queftion  pro- 
vifoire  ,  fuivant  l'Ordonnance  de 
16-70.  il  fiut  x".  que  celui  qu'on 
condamne  foit  accufé  d'un  crime 
capital  :  2".  Que  le  crime  foitcon- 
ftant  :  3°.  Qii'il  y  ait  des  preuves 
confiderables  que  l'accufé  ait  com- 
mis le  crime.  Cette  troifiéme  con- 
dition eft  celle  qui  peut  don- 
ner lieu  à  plus  de  difficultez.  Sur 
quoi  notre  Auteur  obferve ,  qu'un 
feul  indice  ne  fuffit  pas ,  qu'il  faut 
des  indices  fuijfans  contre  l'accufé 
que  ce  ne  feroit  pas  même  alfez  de 
la  dépofition  d'un  feul  témoin  ^  fi 
elle  n'étoit  accompagnée  d'autres 
indiccSj  que  la  déclaration  d'un  des 
accufés  ne  fuffiroit  pas  pour  con- 
damner un  des  coaccufés  à  la  qiie- 


ftion  ;  il  en  eft  de  même  de  la  dé- 
claration que  l'undes  accufés  fait^à 
la  mort  ,  fi  le  condamné  n'a  poirtt 
été  confronté  à  celui  qu'il  a  charge 
par  fa  déclaration  ,  ou  de  la  décla- 
ration faire  par  un  blcfifé  en  mou- 
rant que  c'eft  l'accufé  qui  l'a  tué. 
Mais  k  confcfiîdn  de  Taccufc  faiéc 
hors  de  jugement ,  &:  depuis  déniée 
par  l'accufé  devant  fon  véritable 
Juge  ,  pourroit  donner  lieu  à  k 
queftion  provifoire ,  pour  peu  que 
la  cofifclîîon  fut  aidée  d'autres  indi- 
ces. ' 

Après  phifieurs  autres  décifions 
tirées  tant  des  Ordonnances  que  de 
la  pratique  fur  la  queftion ,  l'Au- 
teur demande  aux  juges  la  permif- 
fion  de  leur  reprcfenter ,  que  c'eft: 
une  chofe  bien  délicate  de  con- 
damner un  accufé  à  la  queftion  pro- 
vifoire. Un  accufé  qui  a  fubi  la  que- 
ftion fans  rien  avoiicr  eft  fouvcut 
eftropié  pour  le  irefte  de  fes  jours  , 
quoique  par  le  jugement  définitif 
il  fe  trouve  renvoyé  de  l'aecufa- 
tion.  Mais  ce  qui  lui  paroît  mériter 
le  plus  d'attention  ,  c'eft  que  le 
Juge  ne  peut  guéres  s'inftruire  par 
ce  moyen  de  la  vérité  des  faits  •■,  ii 
peut  arriver  que  l'accufé  coupable 
qui  a  beaucoup  de  patience  &  d'ob- 
ftination  ,  ne  déclare  rien  ,  Se  que 
l'innocent  vaincu  par  la  force  des 
tourmeus  déclare  un  crime  dont  il 
n'eft  point  coupable  ;  ce  qui  a  fait 
dire  à  un  ancien  Criminalifte ,  que 
l'invention  de  la  queftion  provi- 
foire eft  plutôt  un  ejfai  de  patience 
que  de  vérité.  L'Auteur  joint  à  ces 
reflexions  un  exemple  tiré  de  Valé- 
re-Maximc  qui  fait  ttembler ,  c'eft- 


3z         jour>:ald 

celui  d'un  cfciavc  dcMarçus-Avius, 
lequel  fut  pendu  après  avoir  décla- 
ré à  la  qucliion  qu'il  avoir  rue  un 
autre  eiclavc  nommé  Alexandre. 
Ce  dernier  revint  enfuite  à  la  mai- 
fon  defon  maître.  M.  Nicolas  Pré- 
fidcnt  au  Parlement  de  Bezançon  , 
a  donné  un  Traité  au  public  en 
1^8 1.  oii  il  rapporte  ce  qu'on  peut 
dire  pour  montrer  que  la  quellion 
provifoire  eft  non  feulement  inuti- 
le ,  mais  encore  dangercufe.  Il  faut 
jiéanmoins  convenir  qu'elle  cft  très- 
ancienne.   On  en  trouve  des  veftj- 


E  S  SÇAVANS, 

gcs  dans  l'ancien  Teilament, &  il  j 
a  dans  le  Digclle  dis  difpofitions 
précifcs  qui  l'autoiifent. 

Le  Volume  finit  par  le  Recueil 
d'Edits ,  des  Déclarations  <5*:  d'Ar- 
rêts de  Reglcmens,  concernant  les 
matières  criminelles  depuis  1^70. 
lequel  cft  fuivi  dun  autre  Recueil 
des  Edits  ëc  des  Déclarations  de 
Louis  XIV.  (Se  de  Louis  XV.  contre 
les  duels  6:  des  Reglemens  des 
Maréchaux  de  France  fur  le  même 
fujct. 


OBSERVATIONS    DE    MEDECINE     SVR     LA     MALADIE 

appellée  Convuljîon.  Par  un  Médecin  de  la  FMitlté  de  Pans.  A  Paris , 
chez  Lambert,  rue  S.  Jacques ,  à  la  SagclTe  ,  vis-à-vis  la  rue  de  la 
Parcheminerie.  1731-  Brochure  /»-j2.pp.  32. 


L'A  U  T  E  U  R  de  ces  Obferva- 
tions  commence  par  avertir 
que  fon  delTein  n'eft  point  de  dif- 
courir  des  mouvcmens  extraordi- 
naires qu'on  a  vu  faire  de  tout  tems 
aux  impoftcurs ,  &  dont  pluficurs 
Auteurs  célèbres  ont  fuflifa;nment 
parlé.  U  met  an  nombre  de  ces  pré- 
tendues merveilles  ce  qui  s'elt  paf- 
fé  autre  fois  chez  les  Religieufcs 
de  Loudun  qu'on  rcgardoit  com- 
me poflcdées  ,  .&  l'Hiftoire  qui  fe 
lit  dans  M.  de  Thou  de  cette  fille 
de  Romorantin  nommée  Marthe  , 
laquelle  faifoit  autant  de  contor- 
llons  que  les  Poètes  en  attribuent  à 
la  Prêtreflc  de  Delphes  :  il  met  au 
même  rang  les  roulcmens  d'veux  , 
les  trcmblcmens  &;  les  poftures  ex- 
traordinaires des  Coakers  d'Angle- 
terre :  après  cet  avis  il  entre  en  ma- 
t  ère  &  définit  cequec'tll,  félon 


lui  3  que  laconvulfion  :  ce  mouve- 
ment ,  dit-il  ,  n'eft  autre  chofc 
qu'un  mouvemcHt  tonique  déran- 
gé,  &  le  mouvement  tonique  eft 
une  certaine  tenfion  des  parties  , 
qui  fait  que  les  liqueurs  paftcnt  fa- 
cilemcnr  par  les  pores  &  pénétrent 
les  vailleau?:  les  plus  déliés.  Ainfi  , 
ajoûte-t-il  ,  quand  l'équilibre  eft 
perdu,  c'eft  alors  que  la  convulfion 
arrive  ;  les  mufcles  ne  font  plus 
d'intelligence  ,  &  le  mouvement 
des  parties  folides  eft  dérangé.  Cela 
pofé  comme  un  principe  reçu  ,  à  ce 
qu'il  prétend  ,  de  tous  les  Méde- 
cins ,  il  parcourt  quelques  caufes 
de  la  convuliion. 

Il  remarque  d'abord  qu'elle  eft 
fouvent  produite  par  des  odeurs  , 
puis  il  décrit  le  mouvement  con- 
vullîf  qu'excite  le  bout  d'un  fétu 
doucement  infinué  dans  le  nez  ; 
prenez 


J  A  N  V  I 

prenez  une  plume ,  dit-il ,  aj;itez- 
cn  légèrement  les  narines  de  1  hom- 
me du  monde  le  plus  fain  &:  qui  fe 
porte  le  mieux  ,  vous  le  voyez  fur 
le  champ  s'agiter  avec  violence  , 
éternuer  avec  force  ,  Se  avoir  des 
convuliîons  horribles  ;  tout  fon 
corps  travaille ,  les  folides  comme 
les  fluides  s'ébranlent  ;  des  mufclcs 
faas  nombre  entrent  en  contrac- 
tion ;  ceux  du  bas-ventre,  de  la  poi- 
if^'  trine,  de  l'emoplate,  &c.  fouffrent 
une  comprcflion  générale  ;  il  fc 
fait  une  expulfion  univcrfclle  de 
toutes  les  liqueurs  ;  les  jnucofîtez 
du  nez  s'échappent-,  la  fahve  ,  les 
pleurs  ,  la  fueur ,  l'urine  ,  &c.  cou- 
lent chacune  de  leurs  cotez. 
Comme  l'éternument  cft  une  eho- 
fe  très-commune  on  ne  s'étonne 
pas  à  la  vûë  de  cette  adion  -,  mais 
quand  on  y  refléchit  on  y  trouve  un 
véritable  fujet  de  furprife  &  on  ne 
peut  s'empêcher  d'admirer  la  liai- 
fon  extrême  qu'ont  enfcmble  tou- 
tes les  parties  du  corps ,  puifqu'un 
mouvement  fi  léger  excité  dans  le 
nez ,  eft  capable  de  mettre  tous  les 
organes  en  trouble  &  en  defordre. 
Notre  Auteur  prend  ici  oocafion 
de  parler  de  ces  convulfions  étran- 
ges que  la  iîmple  vûë  d'un  chat , 
d'une  fouris ,  &:  de  quelques  autres 
objets  ,  caufent  à  certaines  per- 
fonnes  ,  &  de  celles  que  la  pre- 
fence  feule  de  ces  fortes  de  chofes , 
fans  qu'elles  frappent  les  yeux  ,  ne 
laiflc  pas  d'exciter.  On  voit  des 
gens  qui  entrant  dans  une  chambre, 
où  fera  cach('  un  chat,  une  fouris,du 
lard  ,  du  fromage ,  &c.  tombent 
aufll-tôt  en  cpnvulfion  ,  &  ne  rc- 
janvier. 


E  R  ;    T  7  5  ?•"  s  5 

viennent  de  cet  état  que  lorfqu'on 
a  écarté  d'eux  la  caufc  qui  les  y  a 
mis  ,  ce  qui  fait  voir  combien  une 
fimple  émanation  de  corpufcules  a 
de  pouvoir  fur  le  corps  humain.  Il 
y  a  des  chofes ,  obferve  notre  Au- 
teur ,  qui  étant  mifes  fur  le  bord 
des  lèvres  ,  caufent  d'aflreufes  con- 
vulfions .  fur  quoi  il  rapporte  l'e- 
xemple fuivant.  Feu  rnon  pcre  , 
dit  il ,  auifi  Médecin  de  la  Faculté 
de  Paris ,  fut  appelle  pour  voir  un 
jeune  homme  de  17  à  20  ans ,  fort 
fage  &  d'une  vie  très-réglée ,  le- 
quel fans  avoir  fait  aucun  excès  ,' 
devint  comme  furieux  ;  il  s'elevoin 
jufqu'au  ciel  de  fon  lit ,  en  tour- 
nant fes  membres  de  diverfes  ma- 
nières toutes  plus  étranges  les  unes 
que  les  autres ,  fie  faifantdes  cris  ôc 
des  hurlemens  affreux.  De  forte 
que  tous  ceux  qui  le  voyoient ,  le 
croyoient  pofledé.  Ce  jeune  hom- 
me ,  qui  eft  encore  vivant ,  &  qui 
a  bien  35  ans,  apprenoit  à  peindre, 
&  étoit  fi  appliqué  à  fon  travail  , 
qu'un  jour  peignant  à  l'huile ,  il 
mit  fans  y  penfer ,  le  bout  d'un  de 
fes  pinceaux  à  la  bouche  ,  & 
réitéra  la  chofe  plufieurs  fois ,  ce 
qui  le  fit  entrer  dans  les  convul- 
fions qu'on  vient  de  décrire  , 
iBion  perc  par  des  remèdes  conve- 
nables ,  rétablit  dans  ce  jeune 
homme  les  fondions  dérangées,  & 
ic  malade  qui  avoit  été  plufieurs 
mois  dans  ces  convulfions ,  fut  ea- 
tierement  guéri. 

Après  ce  récit ,  l'Auteur  parle 
de  convulfions  produites  par  la  vûë 
de  perfonnes  attaquées  du  même 
mal ,  &  il  cite  là-defTus  l'exemple 


54  JOURNAL  D 

d'un  jeune  homme  qui,  unVendre- 
di-S.iint ,  avant  vi:  à  la  Sainte  Cha- 
pelle de  Paris,  pliiiaui-s  cpilepti- 
qiies  ,  tomba  fur  le  champ  d'cpi- 
lepfie. 

Il  y  a  des  convulfions  qui  vien- 
nent de  colère  ,  d'autres  d'une  paf- 
fîon  violente  d'amour  ^  d'autres  de 
mélancholic  ,  eTc.  Notre  Auteur , 
à  l'occafion  de  ce  dernier  point^dit 
que  le  fon  des  inftrumcns  eft  fou- 
vent  un  excellent  remède  contre  la 
inélancholie,  &  il  raconte  à  ce  fu- 
jct ,  que  fon  père  guérit  un  jour  par 
un  concert  ,  l'efprit  d'un  homme 
qui  fc  difoit  la  quatrième  Perfonne 
en  Dieu  ,  &  s'étoit  mis  en  tête  d'é- 
tablir la  Qu^aterniié.  Le  concert  n'c- 
îoit  pas  encore  fini ,  qu'on  trouva 
au  malade  le  pouls  tout  changé  ,  & 
que  la  raifon  lui  revint  ;  de  quoi 
tous  les  alTiftans  furent  extrême- 


ES  SÇAVANS, 

mcntfurpris.  Mon  père  ,  dit  notre 
Auteur ,  lui  avoit  fait  prendre  au- 
paravant tous  les  remèdes  imagina- 
bles ,  &  la  maladie  contmuant  tou- 
jours ,  il  clTayacnfincc  dernier. 

Comme  le  bâillement  eft  une 
efpecedc  convulfion  ,  l'Auteur  par- 
le ici  du  bâillement ,  puis  il  vicnC 
aux  diverfes  imprellions  que  l'air 
fait  fur  nos  corps  ,  &  il  remarqué 
que  les  fels  qui  s'clcvent  dans  l'air 
èc  les  matières  fulphureufes  &  ter- 
reftrcs  qui  compofent  les  brouil- 
lards ,  font  fouvent  propres  à  pro-» 
duire  des  convidfions  dans  les  pcr- 
fonncs  d'un  certain  tempérament. 
C'eft  la  dernière  obfervation  de  ce 
petit  Livre  ,  dans  lequel  au  refte  on 
ne  paroit  pas  avoir  eu  delVein  d'ap- 
profondir beaucoup  la  matière 
dont  on  y  parle. 


RERUM    ITALICARUMSCRIPTORES,  &c.- 
-  C'eft-à-dire  :  Recueil  des  Ecrivains  ds  l' Hifloire  d' Italie ,  depuis  l'an  500, 

juftjh'àran  1500.  Par  M.  Muratori.  Tome  VU.  col.  I170.  A  Milan  , 

par  la  Société  Palatine.  17^5. 


IL  en  eft  de  ce  fcptiéme  Volume 
comme  de  ceux  qui  l'ont  précé- 
dé s  toutes  les  Pièces  qui  le  compo- 
fent ne  font  pas  également  curieu- 
fes  ;  quelques-unes  paroilTcnt  pour 
la  première  fois.  Les  autres  étoient 
connues ,  mais  les  fautes  des  Copi- 
ftes  on  avoient  affoibli  le  mérite. 
Quand  M.  Muratori  ne  nous  don- 
neroic  que  des  feuilles  volantes  qui 
fe  perdent  dans  les  Bibliothèques , 
il  rendroit  un  fer  vice  trèsconfide- 
lable  au  public.  Il  fejroit  à  fouhaitet 
que  tous  ies  Bibliothécaires  imitaf; 


fent  notre  illuftrc  Editeur.  La  Ré- 
publique des  Lettres  fe  trouveroit 
enrichie  d'un  nombre  infini  d'Ou- 
vrages dévoués  aux  vers  &  dont  1^ 
ledVurc  ferviroit  à  éclaircir  ou  » 
confirmer  des  faits  encore  obfcurs  ^ 
ou  problématiques. 

Poiu  donner  au  public  une  jufte 
idée  de  ce  Recueil,  nousfuivrons 
l'ordre  que  nous  avons  obfcrvé 
dans  nos  Extraits  préccdens. 

Nous  nous  flattons  qu'il  ne  nous 
cchapera  rien  de  ce  qui  pourra  fa» 
voiiferla  cuiiofité  du  JLcÀeuf, 


J  A  N  V  ï 

La  première  Pièce  de  ce  Volume , 
cft  une  Chronique  compofée  par 
Romualdll.  Archevêque  deSalcrne, 
qui  vivoit  vers  la  fin  du  douzième 
flécle.  Elle  renferme  ce  qui  s'eft 
paiïe  depuis. le  commencement  du 
monde  jufqu'en  1177.  Romuald 
fut  un  des  Légats  "envoyé  à  Vcnife 
pour  propofer  les  moyens  d'accor- 
der le  Pape  Alexandre  III.  avec 
l'Empereur  Frédéric  -  Barberoufle  : 
il  eJl  étonnant  qu'un  Ouvrage  fi 
confiderable  ,  &  connu  même  de 
quelques  Sçavans ,  n'eût  point  en- 
core été  imprimé.  Baronius  le  cite 
fur  les  années  1084.  &  1 177.  aiTu- 
rant  qu'il  en  avoit  vus  deux  exem- 
plaires. M.  Muratori  en  indique  4 , 
celui  de  la  Bibliothèque  du  Vati- 
can ,  celui  de  Salerne  ,  celui  de  la 
Bibliothèque  du  Roi ,  &  enfin  ce- 
lui de  Milan.  C'eft  ce  dernier  ma- 
nufcrit  enrichi  des  notes  de  M.Saflî 
que  M.  Muratori  a  inféré  dans  ce 
Volume. 

Alexandre  III.  ayant  fuccedè  à 
Adrien  IV.l'an  1 1 59.troisCardinaux 
iiiècontens  de  cette  èlediion ,  entre- 
prirent d'en  faire  une  autre,  ils  élu- 
rent Odavicn  l'un  d'eux  qui  prit  le 
nom  deVidor  ïll.cet  Antipape  s'in- 
ftalla  par  force,  &  .fit  emprilonner 
fon  Compétiteur,,  mais  le  peuple  fe 
fouleva  &  fe  déclara  en  faveur 
d'Alexandre.  L'Empereur  Fréderic- 
BarberoufTe  étoit  pour  lors  en  Ita- 
lie. Dans  ce  partage  on  eut  recours 
à  lui;  il  cita  les  deux  concurrens 
à  Pavie ,  où  il  indiqua  un  Concile 
pour  les  juger.  Alexandre  relufa 
de  s'y  trouver  i  Vidor  y  affifta ,  de 
après  avoir  fait  confirmer  fon  ékc- 


E  R  ;  1755.  ^; 

tion  irrèguliere  ,  il  porta  une  Sta- 
tence  d'excommunication  contre 
Alexandre ,  qui  de  fon  coté  excom- 
munia Frédéric.  Après  pluiieurs 
tentatives  de  guerre  &  de  négocia- 
tion ,  Frédéric  ménagea  avec  le 
Pape  Alexandre  une  entrevue  à 
Venife  ,  où  la  paix  fut  conclue. 
Quelques  Auteurs  ont  dit  qu'Ale- 
xandre en  levant  les  cenfures  qu'il 
avoit  lancées  contre  l'Empereur  , 
lui  mit  le  pied  fur  le  col ,  &  lai  dit 
ces  paroles  du  Pfeaume  90.  vous  mar- 
cherez^ fur  l'afpic  &  fur  le  h.iftlic  , 
vous  foulerez,  aux  pieds  le  lion  &  le 
dragon.  Que  Frédéric  répondit  :  ce 
n'efi  pas  a  vous  que  ces  paroles  ont  été 
dites ,  mais  a  Pierre  ;  &  qu'Alexan- 
dre répliqua  :  &  ci  moi  &  a,  Pierre, 
Le  Cardinal  Baronius  fe  fert  de  la 
Chronique  de  Romuald  pour 
prouver  que  toutes  ces  chofcs  font 
autant  de  fables  ,  dont  la  fauiTeté 
eft  démontrée  par  les  Lettres  mê- 
mes d'Alexandre  ,  où  il  rapporte 
de  quelle  manière  fe  fit  cette  entre- 
vue. 

2°.  L'Hiftoire  de  Sicile  parHugo- 
Falcandus ,  corrigée  fur  les  ancien- 
nes Editions.  Hugo  -  Falcandus  ; 
Tréforier  de  l'Eglife  de  S.  Pierre  de 
Palerme  en  Sicile  ,  fleurifloit  dans 
le  douzième  fiécle ,  on  le  croit 
originaire  de  Normandie.  Il  ècri- 
voit  fon  Hiftoire  fous  Guillaume  I. 
dit  le  Mauvais ,  qui  régna  depuis 
l'an  II 5 2.  jufqu'en  \\66.  &  il  la 
conduilit  jufqu'aux  trois  premieics 
années  de  Guillaume  IL  d  t  le  Bon. 
Cet  Hiftorien  paroît  d'à  i.ant  plus 
digne  de  foi ,  qu'il  ne  rapporte  que 
les  chofes  dont  il  a  été  témoin.  153,- 
E  ij 


3(S  JOURNAL    D 

ronius  cite  Falcandiis  avec  éloge. 
Gervais  de  Tournay ,  Chanoine  de 
SoilTons  ,  tira  cette  Hilloire  de  la 
Bibliothèque  de  Mathieu  Longne- 
Jouc  ,  Evoque  de  la  même  Ville i  il 
la  publia  l'an  1550.  &  la  dédia  à  ce 
Prélat  -,  on  la  mit  depuis  dans  le 
corps  des  Ecriva-ins  de  Sicile  ,  im- 
primé en  1579.  à  Francfort.  Cette 
Hiftoire  eft  écrite  d'un  ftile  élégant 
&  poli. 

3°.  La  Chronique  Univcrfclle 
de  GodetVoy  ,  Prêtre ,  natif  de  Vi- 
terbe^qui  fleuri{Toitdansle  douzié- 
jne  fiécle.  Godefroy  ou  Géotroy 
fut  fort  el^imé  des  Empereurs  Con- 
rard  III.  Frédéric  I.  bc  Henri  IV.  on 
dit  même  qu'il  fut  Secrétaire  des 
deux  premiers  6c  Aumônier  du 
troifiémeOn  nefçait  ce  qui  a  don- 
né lieu  à  Bafile-Jean  Hérolde  qui  a 
publié  le  premier  cet  Ouvrage  , 
d'afTurer  que  Godefroi  étoit  verfé 
dans  la  connoilTance  des  Langues 
&  particulièrement  de  la  Latine  , 
de  la  Gréquc  ,  de  la  Chaldécnjqg , 
&  qu'il  avoit  employé  plus  de  40 
ans  à  voyager  &  à  parcourir  les  Bi- 
bliothèques les  plus  célèbres  ;  l'Ou- 
vrage dont  il  eft  ici  qucftion  ne 
montre  pas  beaucoup  d'érudition  ; 
&  dans  ce  fiècle ,  il  fuftîfoit  d'avoir 
trouvé  par  hazard  la  Chronique 
d'Eufebe  pour  s'élever  bien-tôt  à  k 
qualité  d'Auteur.  Cette  Chronique 
eft  écrite  partie  en  profe  &  partie 
en  vers  Léonins  ,  fouvent  fans  fa- 
Teur  &  fans  goût,  &  comprend 
f  Hiftoire  de  tous  les  Princes  fous  le 
nom  de  Panthéon.  On  y  trouve  un 
Catalogue  des  Papes  ,  des  Empe- 
ïcuis  éc  des  Rois  depuis  le  coni-. 


ES     SÇAVANS, 

menccmcnt  du  monde  ,  jufqu'ail 
Pape  Urbain  III.  auquel  cet  Ouvra- 
ge eft  dédié  ,  &  il  hnit  l'an  1 186^. 
Martinus-Polonus  avoiie  lui-même 
qu'il  a  fait  entrer  dans  fa  Chroni- 
que une  partie  de  celle  de  Gode- 
froy de  Viterbc. 

4".  La  Chronique  de  Sicard  ou 
Syghard  ,  Evcque  de  Crémone  , 
depuis  la  Naiflance  de  J.  C.  juf- 
qu'en  l'année  1211.  cette  Chroni- 
que eft  tirée  d'un  manufcrit  de  la 
Bibliothèque  d'Eft  ,  &  paroît  pout 
la  première  fois.  Sicard  vivoit  dans 
le  douzième  fiècle  vers  l'an  ii^o- 
comme  il  paroît  certain  qu'il  eft 
mort  en  douze  cens  quinze ,  les 
cinq  années  qui  reftcnt  jufqu'à  l'an 
lizi.  auquel  fa  Chronique  finit, 
ont  été  ajoutées  par  un  autre  Au- 
teur ,  comme  cela  eft  arrivé  à  plu- 
fieurs  autres  Hiftoires. 

M.  Muratori  nous  apprend 
qu'après  avoir  long-tem£  attendu 
lemanufcrit  de  cette  Chronique, 
qu'il  fçavoit  être  dans  la  Bibliothè- 
que de  l'Empereur  ,  il  en  a  trouvé 
un  autre  dans  la  Bibliothèque  d'Eil: 
qui  avoir  échappé  jufqu'alors  à  fes 
recherches.  Cet  exemple  confii  me 
ce  que  nous  avons  dit  ci  -  dertus , 
qu'il  y  a  dans  les  grandes  Bibliothè- 
ques une  infinité  de  morceaux  qui 
s'égarent  &  qui  fouvent  même  pé- 
rilîent  entièrement. 

M.  Muratori  a  retranché  de  cette 
Chronique  tout  ce  qui  précède  Ix 
NailTance  de  J.  C.  comme  inutile  ,' 
5c  peu  cxaifl  j  nous  ne  croyons  pas 
même  que  les  Sçavans  tirent  beau- 
coup de  fruit  de  la  Compilation  de 
Sicard  jufqu'au  tems  de  Cbailcma: 


J  A  N  V  I 

gtic  ,  quoiqu'il  rapporte  des  chofcs 
qu'on  ne  trouve  point  ailleurs.  Il 
feroit  à  fouhaiter  que  cet  Auteur 
fut  moins  crédule  ,  &  que  foûtenu 
par  une  judicieufe  Critique  ,  il 
n'eut  point  énoncé  comme  vrai  des 
faits  fabuleux  ;  mais  il  vivoit  dans 
un  tems  où  les  Hiftoriens  bron- 
choient  à  chaque  pas ,  &  où  l'illu- 
fion  pafloit  pour  la  vérité  même. 
Son  ftile  cft  élégant.  Il  nous  a  paru 
que  dans  la  defcriprion  qu'il  fait  de 
la  dernière  expédition  de  l'Empe- 
reur Frédéric  I.  en  Orient ,  il  eft  fu- 
pericur  à  la  plupart  de  ceux  qui  en 
ont  parlé.  Comme  Sicard  dans  fa 
Chronique  rapporte  plufieurs  ac- 
tions des  peuples  de  Crcmoue  ,  M. 
Muratori  a  cru  devoir  donner  une 
petite  Chronique  de  Crémone , 
écrite  par  un  Anonyme.  Elle  com- 
mence l'an  ir>^(;.  6c finit  l'an  ii^z, 
on  y  a  joint  une  Lifte  des  noms  des 
Magiftrats  de  cette  Ville. 

5".  La  conquête  &  la  perte  de  la 
Terre  Sainte  par  Bernard  Thréfo- 
rier  ,  depuis  l'an  1095.  jufqu'en 
1130.  écrite  en  François  &mifeen 
Latin  vers  l'an  1310.  par  Frerc 
François  Pipino  Dominicain.  Quel- 
ques recherches  que  nous  ayons  fai- 
tes il  nous  a  été  impoffible  de  dé- 
couvrir quel  étoit  ce  Bernad. 

M.  Muratori  conjedure  qu'il  a 
fleuri  vers  l'an  1230.  Ducange  pa- 
roît  confirmer  cette  opinion  dans 
fcs  Obfervations  fur  la  Vie  de 
S.  Louis  ,  écrite  par  le  Sire  de  Join- 
ville  :  cet  Auteur,  en  parlant  de 
Richard  Roi  d'Angleterre  ,  dit  : 
tant  ç/u'ils  le  doublèrent  fi  fort ,  ainfi 
<^n'U  efi  écript  mLivrc  de  l'ivoire  d» 


E  R.  ,    175  j:  57 

Veage  de  la  Sainte  Terre  ^  ejue 
ijHand  les  petits  enfans  des  Sarrazins 
crioient ,  leurs  mères  leur  difoient  ' 
taifez-vous ,  taifel^ ,  véS'cy  le  Roy 
Richert  qui  vient  vous  cjuerir  ,  & 
tantouft  ilsfe  tatfoient.  »  Us  ont  tous, 
»  dit  Ducange  ,  obmis  cette  cir- 
»  confiance  rapportée  par  le  Sire  de 
j'Joinville  qui  l'avoit  tirée,  ainfi 
^  qu'il  le  témoigne  en  cet  endroit 
>j  de  l'Hiftoire  des  Guerres  Saintes  , 
»  écrites  en  Langue  Vulgaire  que 
Ȕ  j'ai  lue  manufcrite  ,  &  qui  rap- 
»  porte  la  même  chofe  en  ces  ter- 
»  mes  :  dont  il  avint,  &c.  «  Le 
Roi  Richard  fut  fi  cremus  en  la  terre 
que  quand  il  y  avoit  une  Sarrazine  & 
fes  enfcs  plouroit  ,  elle  difoit  a  fon 
enfant ,  t  ai  fiez-vous  .-pour  le  Roi  Ri- 
chard: tant  il  étoit  cremus^  &redouté 
ke  li  enfês  en  luiffoitfon  pleurer. 

D'où  M.  Muratori  conclut  que 
l'Hiftoire  dont  il  nous  donne  au- 
jourd'hui la  tradudlion  Latine  , 
eft  précifémcnt  celle  que  M. 
Duchêne  a  connue ,  &  il  infère  de- 
là ,  avec  M.  Ducange  ,  que  cet  Au- 
teur eft  antérieur  à  Joinville  ,  BiO- 
chard  femble  favorifer  ce  fenti- 
ment.  Au  furplus  ,  en  parcourant 
cette  Hiftoire ,  nous  nous  fommes 
apperçû  que  Bernard  a  fuivi  aveu- 
glément les  Auteurs  qui  avant  lui 
ont  écrit  fur  la  conquête  de  laTerre 
Sainte  ,  mais  fpécialement  Guillau- 
me Archevêque  de  Tyr ,  dont  il 
copie  jufqu'aux  fautes.  Quoiqu'il 
en  foit ,  ce  Livre  contient  une  dcf- 
cription  complette  de  tout  ce  qui 
s'eft  paffé  en  Orient,  &  c'en  eft  aflez 
pour  méiitet  i'attention  des  J-eç^ 
teuj(s. 


38  JOURNAL    D 

On  trouve  cnfuirc  les  Chroni- 
ques des  Monafteres  dcFclTa-Nova, 
d'Atcne  &c  de  Cave  ,  comme  elles 
ne  renferment  rien  de  iîngulier  ,  &c 
que  les  Auteurs  en  font  inconnus  , 
nous  ne  nous  y  arrêterons  pas.Nous 
nous  contenterons  auHî  d'indiquer 
celle  de  Richard  de  S.  Germain 
que  Ferdinand-Ughiilc  a  publiée, & 
que  M.  Muratori  nous  donne  plus 
cxade  8c  plus  correcte,  cette  Chro- 
nique expofe  tout  ce  qui  s'cft  fait 
depuis  la  mort  de  Guillaume  Roi 
de  Sicile  arrivée  l'an  11^5.  jufqu'en 
1243. 


ES    SÇAVANS, 

Les  Ephemerides  Napolitâine$ 
de  Mathieu  SpincUo ,  de  G iovcnaz- 
zo  ,  couronnent  ce  Volume  ;  c'eft 
un  Journal  de  tout  ce  qui  eft  arrivé 
dans  le  Royaume  de  Naples  depuis 
1147.  jufqu'en  iziîS.  il  règne  un  fi 
grand  air  de  vérité  dans  cet  Auteur 
qu'il  eft  difficile  de  fe  défendre  de 
ic  croire  ,  fa  Chronologie  n'eft 
point  exaéle  ,  il  confond  fouvent 
les  chofcs  &  fe  trouve  rarement 
d'accord  avec  les  Auteurs  contem- 
porains. M.  Muratori  nous  donne 
l'original  Italien  avec  la  tradudion 
Latine  du  P.  Papebroch. 


lETTRE   A    VAVTEVR    DE  L'EXTRAIT  DV  JOVRN AL, 

des  Sçavans  du  mois  d'Oiîoùre  1731.  aiifujet  du  Livre  intitulé  :  Obfer- 
vationes  Medico-Praâ;icx  ;  f>Ar  M.  le  Thieullier  ,  DoBcur-Régent 
en  laF  iciilté  de  Adedecine  de  Paris,  &c.  A  Paris,  rue  Saint  Jacques  , 
chez  Charles  Ofinont ,  à  l'Olivier  ;  Pierre-Michel  Huart ,  à  k  Juftice  j 
Jacques  Clouzier  ^k  l'Ecu  de  France.  1732.  Broch.  /«-li.pp.  23. 


L'A  U  T  E  U  R  de  cette  Lettre 
fait  d'abord  entendre  qu'il  va 
répondre  à  tous  les  articles  de  l'Ex- 
trait qui  eft  annoncé  dans  le  titre. 
Mais  il  en  ufe  autrement,  il  ne  choi- 
fît  que  ceux  qui  l'interclTcnt  le 
moins  ;  ces  articles  font  lesfuivans: 
1°.  U  fe  plaint  de  ce  qu'ayant  dit 
dans  la  Préface  de  fon  Livre  ,  que 
ce  Livre  étoit  fon  premier  Ouvra- 
ge ,  on  en  a  conclu  qu'il  dilîîmuloit 
en  avoir  déjà  donné  un  ,  lequel  eft 
intitulé  :  Lettre  à  r  Auteur  des  Ob- 
fcrvations  &  Réflexions  fur  la  petite 
véroleÀÏ  répond  que  l'Ouvrage  qu'il 
appelle  ici  fon  premier  Ouvrage 
eft  effectivement  pour  lui ,  le  pre- 
mier en  Obfervations  •■,  &  que  fi 
dans  la  fuite  ,  il  donnoit  un  Traité 


qui  interefsât  toute  autre  matière  ,  ce 
'Traité  feroit  tout  de  même  pour 
lui ,  un  premier  Ouvrage  dans  fon 
efpcce.  Selon  ce  principe  ,  le  Trai- 
té de  l'amitié  par  Ciceron  ,  eft  le 
premier  Ouvrage  de  Ciceron  ;  ce- 
lui qu'il  a  donné  fur  la  VieillelTe  ,' 
eft  tout  de  même  fon  premier  Ou- 
vrage -,  celui  de  fes  Offices  eft  fon 
premier  Ouvrage  encore  ;  &  ainfi 
des  autres.  Comme  da.ns  le  Journal 
o;i  a  traité  de  modeftie  la  dilîimula- 
tion  qu'on  attribue  à  M.  le  Thieul- 
iier  ,  il  déclare  que  ce  mot  de  mode- 
jiie  lui  paroît  très-bien  placé  ,  ôc 
cela  pour  deux  raifons  :  la  premiè- 
re ,  pavce  que  l'Approbateur  de  fa 
Lettre  fur  la  petite  vérole  ,  n'a  pas 
dit  Amplement  qu'il  n'y  trouvoiç 


J  A  N  V  1 

rien  qui  en  pût  empêcher  l'impref- 
preffion  ,  mais  a  beaucoup  enchéri 
fur  cela  ;  la  féconde ,  parce  que  fa 
Lettre  contient  efTcdivement ,  fé- 
lon lui ,  de  fi  bons  préceptes  qu'il 
n'y  a  qu'une  grande  modeftie  qui  eût 
pu  le  porter  à  diilimuler  qu'd  en 
ctoit  l'Auteur.  Quand  cet  Ouvrage  , 
dit-il  au  Journalifte  ,  ent  été  de  la 
nature  ^.^  celui  cjui  fait  votre  objet 
dans  le  Journal  ^  n'aitrois-je  pas  eit 
beaucoup  de  modejiie  de  le  dijfmulcr  ? 
Nouslairtbns  aux  Ledleurs  à  fai- 
re leurs  reflexions  fur  ces  deux  rai- 
fons.  Nous  remarquerons  feule- 
ment fur  la  première ,  que  ceux 
qui  croyent  devoir  prendre  à  la 
lettre  ,  les  éloges  dont  la  plupart 
des  approbations  de  Livres  ,  font 
remplies  ,  pourront  voir  dans  le 
Journal  du  mois  de  Juillet  1715. 
art.y.Quel  fonds  la  raifon  demande 
que  l'on  fafle  fur  ces  fortes  de  com- 
plimens. 

La  féconde  plainte  de  notre  Au- 
teur ,  eft  qu'on  prétend  qu'il  a  ufé 
de  difcernement  &  de  choix  dans 
les  exemples  de  guérifon  qu'il  a  rap- 
portés. Il  s'en  défend  fort  :  ce  n'efi 
pas  avec  choix- ^  dit-il,  ^uej'ai  rap- 
porté ces  faits  ;  mais  pour  y  expoferla 
■méthode  tjui  m'a  réujft ,  fans  captiver 
les  autres  à  l'imiter  i  car  je  ne  fuis  pas 
«ijfez.  préfomptueux  pour  croire  mon 
Livre  exempt  de  fautes ,  &  vouloir 
donner  un  modèle  de  doEînne. 

Le  troifiéme  reproche,  eft  d'avoir 
ait  dans  le  Journal  ,  qu'un  Méde- 
cin expérimenté ,  qui  donneroit  des 
Obfervations  où  il  expoferoit  éga- 
lement fes  bons  &  fes  mauvais  fuc- 
(Cès^  pouiioic  faire  en  cela  un  Livre 


E  Ri  17?  5.  55 

alTez  utile.  L'Auteur  aecufe  ici ,  de 
peu  àtjujieffe^  le  Journalifte  :  A  ces 
conditions ,  lui  dit-il ,  vous  admette! 
des  Obfervations ,  mais  peu  fidèle  à 
voiis-mcm: ,  (  douterois-je  cjue  vous  le 
foyez.  à  d'autres  )  vous  trouvez.  cjiCil 
ferait  a  Jouhaiter  cjue  feuffe  prévenu 
la-deffus  une  difficulté ,  ff  avoir  e^uefi 
les   Aiedecins  donnaient  atnft  leurs 
Obfervations ^  on  verrait fouvent fur 
le  traitement  d'une  même  maladie^  les 
Obfervations  de  l'un  contrarier  cel- 
les de  l'autre  ;    ce  cjui  produirait  en- 
core plus  d'incertitude  dans  l'ejprit 
des  jeunes  Médecins.    Comment ,  en 
un  moment,  les  Obferv.itions  peuvent- 
elles  faire  un  Livre  affe^jnile ,  &  de- 
venir en  même  tems  capables  de  trom- 
per les  jeunes  Médecins  ?  avez-vous 
cru ,  Adonfieur  ,  qu'une  telle  faute 
pHt  cacher  l'Auteur  de  l'Extrait  ?  ou 
venger   un    reffeniiment   particulier 
dont  vous  étiez,  trop  rempli  ?  je  n;  dé- 
cide pas  la  queflion.  Tels  font  \ç% 
termes   du  troifiéme  reproche  de 
notre  Auteur.  Nous  laiflons  à  ceux 
qui  fe  connoilTcnt  tnjuftejfe ,  à  voir 
li  c'eft  en  manquer  que  d:  dire  pre- 
mièrement ,  qu'un  Médecin  expé- 
rimenté (\màor\neto\\.  des  Obferva- 
tions où  il  expoferoit  également  fes 
bons  &  fes  mauvais  fuccès  ,  pour- 
roit  faire  en  cela  ,  un  Livre  allez 
utile ,  &  d'ajouter  enfuite ,  comme 
a  fait  le  Journalifte ,  en  parlant  de 
la  liberté  que  chaque  Médecin  fc 
donneroit  de  taire  des  Obfervations 
à  fa  guife  ,  fans  fe  mettre  en  peine 
d'avoir  acquis   par   une  fuffifante 
expérience  ,  le  pouvoir  d'en  faire 
de  bonnes  ,  que  fi  cet  abus  de  ^0»- 
nerainjidts  e^fervatisnf ,  ésoit  une 


40  JOURNALD 

fois  introduit ,  on  vcrroit  fouvcnt 
fur  le  traitement  d'une  même  mala- 
die ,  les  Obfervations  de  l'un,  con- 
trarier celles  de  l'autre  ,  ce  qui  pro- 
duiroit  encore  plus  d'incertitude 
dans  l'cfprit  des  jeunes  Médecins. 
Quel  défaut  dejuflejfe  ^  demande- 
ront quelques  Ledeui  s ,  trouvera- 
t-on  dans  ce  langage ,  fur  tout  11 
l'on  conlîderc  que  le  Journaliftc  , 
pour  confirmer  ce  qu'il  avance,  cite 
les  Obfervations  même  de  notre 
Auteur  &  dit  qu'elles  n'auroient 
pas  diminué  de  prix  h  elles  étoient 
venues  un  peu  plus  tard. 

Ce  que  notre  mcmcAuteur  ajou- 
te ,  quand  il  demande  fi  le  Journali- 
fte  <i  cru  (jHune  telle  faute  fut  cacher 
l'Auteur  de  l'Extrait ,  ou  venger  un 
rejfentiment  dont  il  était  trop  rempli  : 
cft  une  énigme  pour  nous. 

Le  quatrième  reproche  qu'on  fait 
au  Journalifte ,  eit  d'avoir  dit  que 
des  Obfervations  fur  la  cure  des 
maladies  ,  demanderoient  ,  pour 
être  d'une  véritable  utilité  ,  qi/on 
joignît  aux  circonlliances  de  l'âge, 
du  fexe ,  des  temperamens ,  de  la 
manière  de  vivre  ,  de  l'habitation 
même,  &  de  plulîcurs  autres  points 
qui  regardent  les  maladies  ,  les  cir- 
conftances  qui  concernent  les  Sai- 
fons,  leur  excès ,  par  exemple  ,  ou 
leur  modération  en  chaud, en  froid, 
en  {ec  ,  en  humide  ;  leur  ordre  , 
ou  leur  boulverfemenc ,  leur  fuc- 
cefiîon  fubite  ,  ou  infenfible,  leur 
confiance  ou  leur  inconftance  : 
Qli'cUcs  demanderoient  qu'on  eût 
journellement  égard  aux  differcns 
états  de  l'air  ,  foit  par  rapport  .à  fa 
légèreté ,  foit  par  rapport  au  chaud 


ES  SÇAVANS, 

ou  au  froid ,  au  fec  ou  à  l'humide; 
foit  par  rapport  aux  vents ,  &c.  ce 
qui  jctteroit  un  Obfci  vateur  dans 
de  grandes  difcuflîons,  mais  difcuf- 
fions  aulli  importantes  que  péni- 
bles. 

Voici  la  réponfe  de  notre  Auteur 
fur  cet  article  :  P^ous  exigez.,  AtoH- 
fleur ,  qtConfoit  attentif  aux  Saifonsi 
hé  bien  ,  n'ai  je  pas  datte  les  mots  & 
les  jours  de  chacjue  mois  dans  chaejue 
fait  t^ueje  rapporte^  (T  avois  je  bcfoin^ 
par  extmple  ,  en  nommant  le  premier 
jour  de  Janvier^  de  faire  obferver 
que  c'était  alo^s  l'hiver ,  ou  déflgner 
l'été  ijuandje  p.irle  du  mois  de  JuiUety 
&  atnfi  des  autres  Saifons  î  Voilà  du 
plaifant  •,  mais  ce  que  notre  Auteuc 
ajoure  immédiatement  après  ,  eft 
plus  férieux ,  fçavoir ,  que  dans  la 
dixième  Obfervation  fur  l'apople- 
xie ,  il  fait  fentir  la  faute  que  com- 
mit un  malade  en  fe  faifant  rafer  U 
tête  &  le  vifage  dans  un  tems  ven-^ 
teux  &  extrêment  froid  :  il  appelle 
ce  cas  un  cas  très-digne  de  remar- 
ques. Notatu  dignijfimnm,  il  comprit 
alors ,  à  ce  qu'il  déclare  ,  <]uune 
tranfpiration  fufpendue  parle  froid  ^ 
aurait  donné  lien  a  une  violente  fièvre 
qui  était fttrvenue  ;  ce  qui  le  déter- 
mina ,  dit-il ,  au  parti  de  donner  des 
fudarifiques ,  en  cas  que  la  nature  ne 
fournit  pas  par  elle-même ,  une  fueur, 
&  une  critique  falutaire. 

Voilà  donc  ce  que  notre  Auteuï 
i»  découvert  dans  fon  Livre,  pat 
rapport  à  la  circonftancc  du  froid  Sc 
du  fec  ;  c'cft  un  homme  qui  mal-à- 
propos  fc  fait  faire  rafer  la  tête  &  le 
vifage  lorfque  fouftle  un  vent  im- 
pétueux &glacialiVoici  à  prcfent  ce 
qu'il 


J  A  N  V  I 

jqu'ii  a  trouvé  dans  fon  mcmeLivie, 
par  rapport  à  la  circonftance  du 
.froid  &  de  l'humide  :  c'eft  une  pcr- 
fonne  qui  par  un  teins  [ombre  & 
froid  j  alloit  tans  les  matins  entre  fept 
!&  huit  ^  à  L'Eglife  ,  &  là  fe  tenait 
jup]H'à  dix  heures  ^  à  genoux  fur  le 
pavé  humide  &  froid  de  VEglife. 
Cette  perfonne  ,  que  l'Auteur  ne 
iiomme  point ,  mais  qui ,  à  ce  qu'il 
remarque  dans  l'Obfcrvation,  étoit 
.un  homme  très-noble  ,  mhilijfmtis 
vir  j  s'attira  par  cette  conduite  ,  & 
par  un  mauvais  régime  qu'il  garda 
un  certain  jour ,  où  il  fe  remplit  le 
ventre  de  fèves ,  jufqu'à  n'en  pou- 
voir plus ,  une  hévre  tierce ,  dans 
le  fécond  paroxyfme  de  laquelle  il 
.envoya  quérir  notre  Auteur.  Telle 
eft  la  circonftance  que  l'on  cite  du 
Livre  des  Obfervations  pour  faire 
voir  qu'on  a  eu  égard  au  froid  &  à 
l'humide  ;  après  quoi  l'Auteur 
ajoute  les  paroles  fuivantes  ,  où  il 
paroît  vouloir  donner  dans  le  plai- 
dant ,  comme  il  l'a  déjà  elTayé  plus 
.haut. 

Je  fais  toujours ,  dit-il ,  ces  re- 
marques particulières  ,  lorf^^u'elles 
font  effentielles  ;  mats  dans  les  con- 
jonElures  peu  intereffanies  ,  par  rap- 
port à  ces  changemens  ,  f  ai  jugé  inuti- 
le de  dire  efu'il  y  avait  beaucoup  de 
chaleur  au  mois  de  Juin  ^  ou  de  froid 
en  Décembre  ^  ce  ferait  une  exaSlitttde 
dejournalifle. 

Notre  Auteur ,  comme  on  voit , 
dit  ici  que  par  rapport  à,  ces  change- 
mens ;  c'eft  à-dire ,  aux  changemens 
qui  arrivent  quelquefois  pendant 
le  cours  des  Saifons ,  car  c'eft  de 
ceux-là  qu'il  s'agit,  il  a  jugé  inutile 
Janvier. 


E  R  ,    17?  5:  41 

de  remarquer  qu'il  y  avoit  beaucoup 
de  chaleur  au  mois  de  Juin  &  de 
froid  en  Décembre  :  cependant  ce 
beaucoup  de  chaleur  au  mois  de 
Juin  &  de  troid  au  mois  de  Décem- 
bre ,  n'ayant  rien  d'extraordinaire, 
à  moins  qu'ils  ne  foient  à  un  grand 
excès ,  ne  font  point  du  nombre 
des  changemens  dont  il  eft  ici  que- 
iîion.  Mais  comme  au  mois  de 
Juin,  il  peut  régner  des  vents  froids 
&  au  mois  de  Décembre  des  vents 
chauds ,  &  que  c'eft  de  ces  fortes 
de  changemens  que  le  Journaliftc 
a  dit  qu'un  bon  &  exad:  Obfcrva- 
f  eur  devoit  faire  mention  ,  il  pour- 
roit  bien  arriver  que  quelqu'un  de- 
mandât à  notre  Auteur  ,  fur  quoi 
tombe  fa  plaifantcrie  ,  quand  il  dit 
que  de  manquer  qu'il  y  avoit  beau- 
coup de  chaleur  au  mois  de  Juin  , 
ou  de  froid  en  Décembre ,  ce  fe- 
roit  une  cxaditude  de  Journalifte. 
Le  cinquième  reproche  qu'eftiiyc 
l'Auteur  de  l'Extrait^  eft  d'avoir  dit 
que  l'Auteur  des  Obfervations 
alfurant  dans  fa  Préface  ,  qu'il  ne 
nomme  aucun  de  fes  malades ,  8c 
qu'il  a  jugé  plus  à  propos  de  taire 
les  noms  de  tous  que  d'en  rappor- 
ter feulement  quelques-uns ,  il  gar- 
de cependant  une  conduite  toute 
contraire  à  celle-là  ,  employant 
trois  pages  entières  à  détailler  dans 
fon  Livre  ,  les  noms  &  les  qualitez 
de  25  malades  qu'il  dit  avoir  guéris 
de  la  petite  vérole  ;  fur  quoi  le 
Journalifte  cite  ces  paroles  de  la 
Préface  :  forfitan  hifce  obfervationi' 
bus  major  autoritas  accederet ,  fi  fin- 
gulis ,  itgrorum  namina  pritfixijfm  j 
fednonniiilorKm  tjui  certis  de  caufis  ^ 
F 


42  JOURNAL    D 

fua  nomina  celari  volnrit^piidorem  rc- 
•veritHS ,  fatiiis  cjfe  duxi  omnia  nomi- 
na  fupprimi ,  t^ukm  ejutidam  tanùim 
appo/ii.  On  ne  peut  dire  en  termes 
plus  précis ,  qu'on  s'cft  abftenu  de 
nommer  aucun  malade  ,  quel  qu'il 
foit  ;  cependant  l'Auteur  prétend 
que  lorfqu'il  nomme  les  vingt-cinq 
malades  en  queftion  ,  il  ne  va  point 
contre  ce  qu'il  a  marqué  dans  fa 
Préface  ,  &c  pour  prouver  qu'on  a 
tort  de  croire  qu'il  ne  tient  pas  la 
parole  qu'il  a  donnée  ,  il  dit  entre 
autres  raifons,  que  hpKiti^iie  dont  il 
rend  compte  ^  en  parlant  de  la  petite 
vérole  ,  potivc.nt  fonlever  bien  des 
gens ,  il  devait  la  jitflifier  au  moins 
far  les  citations  de  (jnelques  malades. 
Nous  laiffons  aux  Ledeurs  à  juger 
fi  alléguer  les  raifons  qu'on  a  cru 
avoir  de  ne  pas  tenir  une  parole  , 
c'cft  prouver  qu'on  l'a  tenue  î 

Le  fixiéme  reproche  a  pour  ob- 
jet cette  remarque  du  Journalifte  : 
fçavoir,  que  l'Auteur  des  Obferva- 
tions ,  qui  aiïure  avoir  rapporté  les 
divers  tcmpcramcns  des  malades  , 
omet  néanmoins  trcs-fouvent  de  le 
faire  ;  qu'à  la  vérité ,  en  parlant 
d'une  fille  de  24  ans  qu'il  dit  avoir 
guérie  de  la  rougeole  ,  il  rapporte 
fon  tempérament ,  mais  qu'en  par- 
iant d'une  femme  de  même  âge  , 
qu'il  dit  avoir  guérie  de  la  petite 
vérole ,  il  garde  un  profond  filencc 
fur  le  tempérament  de  cette  fem- 
me ;  ce  qui  pourroit ,  dit  le  Jour- 
nalifte ,  donner  occafion  à  quel- 
ques Ledleurs ,  de  demander  fi  ce 
leroit  que  pour  traiter  la  petite  vé- 
role ,  l'Auteur  des  Obfervations 
ne  cioiroit  pas  que  la  connoiflance 


ES     SÇAVANS, 

du  tempérament  fut  auffi  necelTaire 
que  pour  traiter  la  rougeole  ? 

On  ne  foupçonneroit  pas  fa  ré« 
ponfc  fur  ce  fujct.  »  Si, f/'V-;7, quand 
y>  j'ai  gardé  un  profond  filence  tou-. 
"  chant  le  tempérament  d'une 
»  femmCj  dans  l'article  de  la  petite 
»  vérole  ,  vous  vous  êtes  trouvé  ne 
»  fçavoir  que  répondre  cà  ceux  qui 
»  vous  ont  demandé  fi  pour  traiter 
»  la  rougeole  ,  la  connoilfance  du 
»  tempérament  feroit  abfolumcnC 
»  ncceffaire  ■■,  mais  fi  pour  traiter  la 
»  petite  vérole  ,  cette  connoiflance 
=  feroit  fuperflue  ,  fatisfaites-les  , 
»  Monfieur ,  par  mon  Livre  d'Ob- 
j3  fervations,  dont  vous  avez  vous- 
»  même  tiré  &  traduit  la  réponfc 
»  dans  le  Journal, />.i^.6oi.co/.2.J'ai 
»  employé  à  l'égard  de  tous  la  mê- 
»  me  méthode  ,  qui  a  été  de  don- 
«  ner  des  cordiaux,  cordiaux  qu'il 
»  faut  donner  plus  ou  moins  fou- 
>>  vent  félon  que  l'éruption  eft  plus 
»  ou  moins  rapide. 

Voilà  tout  ce  que  notre  Auteur 
veut  qu'on  réponde  à  ceux  qui  fur- 
pris  de  ce  que  dans  les  cas  de  rou- 
geole ,  il  fait  mention  du  tempéra- 
ment des  malades ,  &  que  lorfqu'il 
s'agit  de  petite  vérole,  il  garde  un 
protond  filence  fur  cet  article  ,  s'a- 
viferont  de  demander  fi  c'cft  que 
cet  Auteur  croye  que  pour  traiter 
la  petite  vérole,  la  connoiffance  do 
tempérament  ne  foit  pas  aufliî  ne- 
ceflaire  que  pour  traiter  la  rougeo- 
le ? 

Voici  donc  ,  pour  le  repeter,' 
comment  il  veut  qu'on  s'y  prenne 
afin  de  les  éclaircir  entièrement  fur 
ce  poJnt;c'efl  de  leur  diie,Meffieuxs> 


J  A  N  V  I 

l'yiutetir  des  Obfervations  a  employé 
à  l'égard  de  toHsJ.a  même  méthode ^qid 
a  été  de  donner  des  cordiaux  ^cordiaux 
^u'ilfuHt  donner  plus  ou  moins  fou- 
vent  ,  félon  que  l'éruption  eft  plus  ou 
moins  rapide. 

Si  l'on  cherche  le  rapport  qu'une 
telle  réponfe  peut  avoir  avec  la  de- 
mande ,  peut-être  aura-t-on  de  la 
peine  à  le  trouver  ■■,  mais  toujours 
voilà  ce  que  l'Auteur  veut  qu'on 
dife  aux  Ledeurs  pour  les  fatisfaire 
pleinement. 

Le  dernier  reproche  de  notre 
Auteur  ,  eft  que  le  Journalifte  l'a 
injuftement  accufé  d'exclure  la 
faignée  dans  les  fièvres  malignes. 
Nous  fçavons  qu'il  n'y  a  dans  tout 
l'Extrait  aucun  mot  qui  puilTe  don- 
ner ni  diredement  ,  ni  indirede- 
ment ,  le  moindre  lieu  à  ce  repro" 
che.  On  n'y  accufe  nulle  part^l'Au- 
teur  des  Obfervations ,  d'exclure 
îa  faignée  dans  les  fièvres  malignes. 
Ainfi  tout  ce  qu'il  dit  fur  ce  fujet 
pour  repoulTer  la  prétendue  accu- 
lation  ,  étant  dit  à  pure  perte,  nous 
croyons  fort  inutile  de  le  rappor- 
ter. 

Qu'il  nous  foit  permis  de  rappel- 
ier  ici  la  remarque  que  nous  avons 
faite  au  commencement  ;  fçavoir , 
que  notre  Auteur  a  lailTé  de  côté 
tous  les  articles  de  l'Extrait  qui 
pouvoient  l'interefler  le  plus. 

Mais  comme  en  général ,  il  fe 
plaint  que  dans  cet  Extrait ,  on  a 
jugé  peu  favorablement  de  fon  Li- 
vre ,  quoique  cependant  on  n'en  ait 
fait  qu'un  fimplc  expofé  ,  ainfi 
qu'entre  autres  exemples  ,  il  eft 
facile  de  le  voir  par  la  manière  nue 


E  R,     I  7  5  5,  45 

dont  on  a  cité  fes  Ordonnances  fur 
la  rougeole  ,  nous  remarquerons 
qu'il  n'y  a  pour  fe  convaincre  s'il  a 
lieu  de  fe  plaindre  de  nous ,  qu'à 
comparer  notre  Extrait  avec  la  cen- 
fure  que  la  Faculté  de  Médecine  de 
Paris ,  vient  de  faire  elle-même  du 
Livre  des  Obfervations ^  dans  un  dé- 
cret exprès  qu'elle  a  rendu  fur  ce 
fujet.  L'on  verra  par  là  fi  nous  pou- 
vions nous  expliquer  fur  de  telles 
Obfervations  ,  avec  plus  de  rete- 
nue &  de  ménagement  que  nous 
l'avons  fait. 

Il  nous  refte  un  mot  à  dire  fur 
ces  paroles  de  l'Auteur  que  nous 
avons  citées  au  commencement  en 
parlant  de  fon  fécond  reproche.  Ce 
nef  pas  avec  choix ,  dit-il ,  ^uej'ai 
rapporté  ces  faits  ,  mais  pour  y  expo- 
fer  la  méthode  cjui  m'a  réuffi  ,  fans 
captiver  les  autres  a.  l'imiter;  car  je 
ne  fuis  pas  ajfez.préjnmptueux  ^  pour 
croire  mon  Livre  exempt  de  fautes  ^ 
&  vouloir  donner  un  modèle  de  docz 
trine. 

Pour  bien  entendre  ces  paroles 
que  notre  Auteur  tire  de  fa  Préfa- 
ce ,  il  ne  faut  point  les  féparer  com- 
me il  fait  ici,  de  ce  qui  les  précède 
&c  de  ce  qui  les  fuit  dans  cette  Pré- 
face ,  mais  les  lier  enfemble  com- 
me nous  allons  faire  ;  on  verra  par 
là  que  quand  il  déclare  qu'il  ne  veut 
point  donner  de  modèle  de  doûri- 
ne  ,  c'eft  pour  faire  comprendre 
qu'il  fe  referve  à  en  donner  de  pra- 
tique j  l'un  &  l'autre  étant  en  effet 
deux  chofes  diftindlcs. 

Il  dit  donc  dans  la  Préface  dont 
il  s'agit  :  i'.  »  Qu'il entreprcnr!  un 
»  Ouvrage  dont  tous  les  Médecins 


44  JOURNAL   D 

})  généralement  fc  font  jufciu'ici 
»  difpenfés  :  dereliElam  igiiitr  ab  om- 
a>  nihiis  frovinciam fnfcepi  ^  Ouvrage 
»>  confiftant  à  donner  des  Obferva- 
30  tioni  qui  dans  les  cas  douteux 
»  puilTcnt  fervrr  de  flambeau  aux 
»  jeunes  Médecins ,  ou  leur  être 
n  comme  itn  fil  d'^riadne  ^  qui  les 
«empêche  de  s'égarer  dans  les  fcn- 
30  tiers  inconnus  de  la  Pratique  : 
»  i°.  Que  fi  l'on  reprend  dans  fon 
»  Livre,  l'ordre  ,  leftylc,  Icman- 
5J  que  d'explications  phyfiqucs ,  la 
j5  trivialité  des  formules  &  autres 
n  chofes  femblables ,  il  ne  s'en  em- 
y  barralTe  pas':  Qii'il  n'efl:  point  af- 
3>  fez  prcfomptueux  pour  croire  là- 
"dellus  fon  Livre  exempt  de  fau- 
"  tes  :  Qu'après  tout  il  ne  prétend 
3>  point  donner  des  modèles  de 
sïdodlrine  &  de  raifonnemenr, 
»  pour  s'acquérir  une  vainc  gloire, 
M  mais  qu'il  n'a  d'autre  but  que  de 
30  tracer  ,  autant  qu'il  eft  en  lui , 
»  aux  Médecins  encore  novices , 
»  un  chemin  court  &  facile  pour  la 
3»  pratique ,  ttt  expeditam  Tyronibus 
3!  viam  &  Compendtariam  pro  viri- 
»)  hns  efficerem  :  Que  s'il  remplir 
»j  cette  intention  ,  il  fe  met  peu  en 
»  peine  de  ce  que  l'envie  pourra 
»  objeder. 

On  voit  outre  cela ,  dans  ce  dif- 
cours ,  que  notre  Auteur  prétend , 
1°.  Qu'aucun  Médecin  excepté  lui, 
n'a  entrepris  de  donner  des  Obfer- 
varions  :  2°.  Que  les  fiennes  font 
des  guides  fûrs  pour  la  pratique  de 
Médecine.  Deux  points  qui  pour- 
roient  bien  avoir  eu  quelque  part 
dans  le  jugement  que  la  Faculté 
de  Médecine  de  Patis  a  porté  con- 
txckLme. 


ES    SÇAVANS; 

Le  fécond  point  furtout  ferfl- 
bleroit  affez  autorifcr  cette  conjec-^ 
ture  :  c'cft  de  quoi  nous  pourrions 
citer  plufieurs  exemples  tires  du 
Livre  des  Obfcrvations  ■■,  mais  celui- 
ci  fuflîra  :  l'Auteur  traitoit  de  la 
rougeole  ,  une  fille  de  14  ans ,  la- 
quelle ,  à  ce  qu'il  obfcrvc  ,  étoit 
maigre ,  d'un  naturel  de  feu  ,  & 
d'un  tempérament  fanguin-bilieux} 
il  déclare  là-defTus  que  pour  la  gué- 
rir ,  il  lui  fit  prendre  entre  autres 
chofes ,  du  vin  animé  de  canelle  , 
de  mufcade  ,  &  de  fucre.  Or  fî  cet- 
te méthode  dans  le  cas  dont  il  s'a- 
git, efl  félon  notre  Auteur ,  un  fur 
modèle  de  pratique ,  un  finmbeau  , 
un  fil  dArtadne  pour  les  jeunes  Me- 
'  decins ,  il  y  a  bien  de  ^apparence 
que  la  Faculté  de  Médecine  de  Pa- 
ris pourra  avoir  eu  en  vue  une  telle 
méthode  avec  plufieurs  autres  fem- 
blables de  rAuteur,en  condamnanc 
le  Livre  des  Obfcrvations. 

Au  refte  ,  dans  l'Extrait  dit 
Livre ,  nous  avons  fait  fur  cette 
méthode  ,  la  reflexion  fuivan- 
te  :  V Auteur  déclare  au* il  fit  pren- 
dre à  la  malade  ,  du  vin  ajpiiforu 
né  de  canelle^  de  mufcade  &  de  fucre ^ 
mais  il  n'expliijue  point  fie' efi  la  mai- 
greur de  cette  fin  e^  fon  efprit  bouillant^ 
&  te  tempérament  fanguin-bilieux  f 
dont  il  avertit  eju'elle  étoit ,  ^iti  le  de" 
terminèrent  à  prefcrire  ce  vin  échauf-, 
fitnt.  Cet  article  ,  qui  fans  doute  ne 
fçauroit  paroître  indifferenr  pour  la- 
pratique  ,  eft  du  nombre  de  quan- 
tité d'autres  non  moins  eflentiels 
que  nous  avons  rapportés  dans  no^ 
tre  Extrait ,  &  que  l'Autcui  paflib- 
ibus  filence  dans  fa  Lettie. 


JANVIER;    1733. 


47 


LETTRE  DE  M.  VETIT  ^  DOCTEVR  EN  MEDECINE  ,  DE 

l'académie  Royale  des  Sciences  :  contenant  des  Reflexions  fur  des  décou- 
vertes faites  fur  les  yeux.  A  Paris  ,  25.  Septembre  ^  1732.  Brochure 
in-i".  pp.  8. 


M  Petit  de  l'Académie  Royale 
.  des  Sciences,  &  Docleur  en 
Médecine  ,  répond  dans  cette  Let- 
tre à  trois  demandes  qu'il  dit  qu'on 
lui  a  faites.  La  première ,  eft  d'où 
vient  que  M.  Winflow  ,  étant  de 
l'Académie  des  Sciences  ,  n'a  pas 
pris  l'approbation  de  cette  Acadé- 
mie pour  VExpoftion  Anatomi(jue 
qu'il  vient  de  donner  au  public  ? 
La  féconde ,  fi  de  la  manière  dons 
M.  Winllow  décrit  le  nerfinterco- 
ftal ,  il  ne  femble  pas  que  cet  Ana- 
tomifte  ait  découvert ,  il  y  a  vingt 
ans ,  que  le  nerf  en  queftion  ne  tire 
pas  fon  origine  du  cerveau  î  La 
troifiéme ,  fî  le  canal  que  le  même 
M.  Wmflow  dit  avoir  trouvé  en- 
tre le  chryftallin  &  fa  capfule ,  il  y 
a  plus  de  dix  ans ,  ne  feroit  pas  le 
canal  gaudronné  que  M.  Petit  le 
Médecin  a  découvert  autour  du 
chryftallin  ,  &  qu'il  a  communi- 
qué à  l'Académie  des  Sciences ,  en 

Quant  à  la  première  queftion ,  il 
dit  qu'on  peut  apprendre  facile- 
ment par  d'autres  pcrfonnes  com- 
ment la  chofe  s'eft  palTée  ;  mais  que 
fi  néanmoins  l'on  fouhaite  abfo- 
lument  en  être  infttuit  de  lui ,  il 
s'en  acquitera  avec  plaifir  dans  une 
autre  Lettre.  Pour  ce  qui  eft  de  la 
féconde  queftion,  M.  Petit  ne  croit 
pas  s'y  pouvoir  mieux  prendre  ^ 
cour  éclaiïcir  le  point  ,   que  de 


rapporter  les  propres  paroles  de  ]Vî. 
"Winflow.  Les  voici  comme  il  les 
rapporte. 

"On  avance  pour  i'ordmaire 
3>  que  ces  nerfs  commencent  cha- 
»  cun  par  un  filet  de  la  fixicme  pai- 
3>re  de  la  moelle  allongée  ^  &  par 
«  deux  filets  de  la  cinquième  ,  Sî 
»  que  ces  filets  compofent  d'abord 
»  un  nerl  fort  grêle  ,  qui  retrogra- 
53  de  pour  fortir  du  crâne  par  le  ca- 
»>  nal  ofleux  de  i'apophyfe  pierrcu- 
a>  fe  de  l'os  des  tempes ,  &  groHIt  à 
»  mefure  qu'il  defcend. 

»  Mais  après  avoir  examiné  avec 
30  attention ,  la  prétendue  nailfan» 
»  ce  de  ces  filets ,  ils  m'ont  paru 
3>  plutôt  monter  de  la  bafe  du  crâ- 
j>  ne  avec  la  carotide  interne  ,  &  al- 
»  1er  de  derrière  en  devant  pour  fe 
"joindre  à  la  fixiéme  &  à  la  cin- 
»  quiéme  paire  ,  &  j'ai  trouvé  l'an- 
j>  gle  de  leur  union  avec  ces  deux 
»  paires ,  tourné  vers  le  devant ,  & 
»  fi  aigu  qu'on  ne  peut  les  regardée 
»  comme  des  nerfs  récurrens. 

»  Ayant  depuis  ce  tems-ià ,  c'eft- 
»  à-dire  depuis  près  de  vingt  ans, 
M  trouvé  la  même  difpofition  de  cet 
»  angle ,  dans  tous  les  fujets  que 
»  j'ai  diiféqués  ,  j'ai  toujours  été 
n  dans  l'opinion  que  ce  qu'on  avoic 
>j  pris  pour  la  première  racine ,  & 
3>  comme  une  efpeee  de  tige  def- 
5>  cendante  du  nerf  appelle  intcrco- 
«  liai  j  n'en  étoit  q,u'une  bianch& 


^6  JOURNAL  D 

»  afcendantc,  qui  ,  en  entrant  dans 
n  le  crâne  ,  fc  divifoit  en  filets ,  & 
»par  ces  filets  s'alTocioit  ctroite- 
j>  ment  avec  les  deux  paires  nom- 
n  mées. 

j)  L'Obfervation  particulière  que 
»  M.  Petit  Dodeur  en  Médecine  , 
n  a  communiquée  à  l'Académie 
»>  Royale  des  Sciences  fiar  la  diffe- 
«  rente  grolTcur  des  portions  du 
n  nerf  de  la  llxiéme  paire  ,  paroît 
)>  entièrement  démonftrative  :  fes 
»  expériences  fur  la  coopération 
»  réelle  de  ce  nerf  dans  l'organe  de 
»  la  vûë  ,  le  confirment  encore  da- 
»  vantage. 

Voilà  comme  s'eft  expliqué  M. 
Winflow  ,  Se  là-delTus  M.  Petit 
s'adrefTant  à  celui  à  qui  il  écrit ,  lui 
dit  :  «Vous  êtes  étonné,  Monfieur, 
M  de  ce  qu'à  la  face  de  l'Académie  j 
»  on  ofe  s'attribuer  une  découverte 
7)  qui  fait  le  fu)et  d'un  Mémoire 
»>  donné  à  cette  Compagnie  au 
«  mois  de  Mars  1717.  p.  i.  Vous  al- 
»  lez  voir  que  vous  n'avez  pas  fujet 
»  de  vous  recrier ,  puifque  ce  que 
j>  vous  croyez  être  une  découverte  , 
M  va  fe  réduire  à  un  limplc  foupçon 
»  Se  peut-être  à  quelque  chofe  de 
i>  moins. 

M.  Petit ,  comme  on  voit ,  trai- 
te ici  àcfoHpfOfi  &  de /impie  fonfço?t 
ce  que  M.  Winflow  donne  néan- 
moins comme  la  véritable  opinion 
&  non  comme  un  doute  ,  puifqu'il 
dit  en  termes  exprès  :  l'ai  toujours 
été  dans  fopinion  cjm  ce  ^u'on  avait 
fris  pour  la  première  racine  ,  & 
comme  une  efpece  de  tige  defcendante 
du  nerf  appelle  intercoflal ,  n'en  éioit 
^'une  branche  afcendante ,  Scç. 


ES  SÇAVANS; 

M.  Petit  ajoiite  que  ces  angles  ai- 
gus que  font  les  filets  de  l' intercoflal 
avec  la  cin<juième  &  lafixiéme  pai- 
re ,  ont  été  donnés  par  M.  Vieitffem , 
il  y  a  envion  48  ans  ,  dans  la  vingt- 
deuxième  planche  de  fa  Nenvrologie 
&  t^iiil  n'y  a  pas  lieu  de  douter  ijue 
Ai.  Viei'.ffcns  en  faifant  deffmer  & 
graver  ce  nerf  ^  nait  eu  le  même  foup- 
çon que  M.  Winflow  ,  fçavoir  ; 
que  ce  qu'on  avoit  pris  pour  la  pre- 
mière racine  &  comme  une  efpece 
de  tige  defcendante  du  nerf  appelle 
intcrcoftal,  n'en  étoit  qu'une  bran- 
che afcendante ,  &c. 

Ces  paroles  de  M.  Petit  paroî- 
tront  fans  doute  extraordinaires  à 
ceux  qui  auront  hi  ce  qu'il  dit  lui- 
même  de  M.  Vieuffens  fur  ce  fujet 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie 
année  17^7.  p.  i.  où  bien  loin  de 
prétendre  que  M.  VieutTcns  aiteu 
le  foupçon  dont  il  s'agit,  il  dit  :  On 
A  toujours  cru  t^ite  les  nerfs  interca- 
ftaux  prenaient  leur  origine  du  cer- 
veau ,  G?"  qu'ils  étaient  formés  par 
quelques  rameaux  de  la  cinquième  & 
de  la  fixiéme  paire  des  ?jerfs  de  la 
moelle  allongée.  U^illis  &  Vieuffens 
qui  ont  donné  de  tris-belles  NeuvrO" 
logies  ^  ont  été  de  ce  fentiment. 

Telles  font  les  paroles  de  M.  Pe- 
titi  comment  après  cela,  demande- 
ront quelques  Ledleurs  ,  ce  Méde- 
cin peut-il  avancer  qu'il  n'y  a  pas 
lieu  de  douter,  que  M.  Vieuflens 
n'ait  foupçonné  que  le  nerf  inter- 
coflal ne  tiroit  pas  fon  origine  du 
cerveau  ? 

M.  de  Fontenelle,  dans  l'Hiftoi- 
re  de  l'Académie  de  la  même  année 
1727.  faifant  le  précis  de  ce  Me- 


J  A  N  V 

moire  de  M.  Petit  ,  dit  :  "  Les 
»  nerfs  de  la  cinquième  &  de  la 
n  fixiéme  paire  ,  fe  diftiibuent  dans 
»  toute  la  tête  ,  8c  les  yeux  reçci- 
)>  vent  certainement  plufieurs  de 
w  leurs  rameaux.  Tous  les  Anato- 
3>  miftes  ,  à  la  tête  defquels  on 
»  doit  mettre  ,  à  l'égard  de  la  def- 
i)  cription  des  nerfs  ,  "Willis  & 
i>  Vieuflens ,  ont  cru  que  le  nerf 
»  intercoftalprenoitfon  origine  des 
3>  nerfs  de  ces  deux  paires  ,  pour 
*  aller  delà  fe  répandre  dans  la  ré- 
sjgion  des  côtes  ,  mais  M.  Petit 
î»  foupçonna  qu'il  vènoit  plutôt  fe 
»  joindre  à  ces  nerfs  qu'il  n'en  par- 
»  toit. 

On  peut  confulter  M.  Vieuffens 
même  dans  fa  Neuvrologie,  &  l'on 
verra  que  M.  Petit  eft  très-bien  fon- 
dé à  dire  ,  comme  il  fait,  que  M. 
Vieuflens  a  cru  que  le  nerf  mterco- 
ftal  prenoitfon  origine  du  cerveau. 
Mais  cela  étant ,  comment  pour  le 
repeter  encore  ,  M.  Petit  peut-il 
avancer  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  dou  - 
ter  que  \I.  Vieuffens  n'ait  foupçon- 
néque  le  nerf  inrercoftal  ne  tiroit 
pas  fon  origine  du  cerveau  î 
C'cft  fur  quoi  on  ne  doit  pas  de- 
mander d'éclaircilTement  à  d'autres 
qu'à  M.  Petit  lui-même.  Quoiqu'il 
en  foit ,  voici  comme  il  continue  t 
Obfervez,  Monpeiir^  cjue  M.  IVinf- 
loiv  cite  mes  Obfervations  &  mes  ex- 
fericrices  par  rapport  à  ce  nerf.  Il  efl 
vrai  que  tout  ce  qui  concerne  cet  arti- 
cle efl  décrit  d'une  manière  qui  lui 
donne  un  air  de  découverte  ,  ce  qui 
vous  a  fait  croire  ,  &  a  <f  autres  per- 
fennes  ,  que  ce  que  j'en  ai  dit  ne  fait 
que  la  confirmer.  La  date  de  dix  an-. 


I  E  Ri    1735;  47 

nées  qu'il  prend /le  contribue  pas  peu  à 
j'etter  dans  cette  erreur  ;  voilà  ,  Mon- 
fieur  ^  ce  qui  vous  a  trompé  &  quel- 
ques autres  S favans  ;  je  vous  dirai 
plus  j  &  vous  ne  le  croirez  peut-être 
pas ,  fy  ai  été  trompé  moi-même;  mais 
après  l' avoir  examiné  ^  je  fuis  revenu 
de  mon  erreur  ,  &  pour  vous  faire  re- 
venir de  la  vôtre  ,  prenez,  garde  que 
Ai.  U^infloiw  ne  la  donne  que  comme 
un  doute  ,  ou  ,  comme  il  dit ,  une  opi- 
nion ;  //  ne  s' eft  pas  mis  en  peine  de  la, 
prouver. 

M.  Petit  avoue,  comme  on  voir, 
que  M.  Winflo'K'  n'a  point  préten- 
du donner  ici  fon  opinion  comme 
une  découverte  ,  &  tout  le  monde 
fera  en  cela  du  fcntiment  de  M. 
Petit.  En  effet ,  M.  Winûow  a  dit 
fon  opinion ,  il  en  a  rapporté  fîm- 
plement  les  motifs,  &c  il  s'en  eft  te- 
nu là  i  car  pour  faire  de  cette  opi- 
nion une  découverte  décifive  il  au- 
roit  fallu  des  expériences ,  &  M„ 
Winflow  n'en  a  rapporté  aucune, 
ce  qui  eft  caufe  qu'il  rend  jufticeà 
M.  Petit  qui  n'en  ayant  eu  d'abord 
que  le  doute,a  pouffé  enfuite  la  cho- 
fe  jufqu'à  la  démonftration  par  le 
moyen  de  fes  expériences ,  fur  quoi 
nous  renvoyons  les  Ledeurs  aux 
propres  paroles  de  M.  WinlloV , 
citées  ci-defTus. 

M.  Petit ,  parlant  des  expériences 
en  queftion ,  dit  :  »  J'avois  fait  à 
=  Namur  des  expériences  à  ce  fujet, 
"je  les  ai  réitérées  à  Paris  i  Mef- 
»  fieurs  "Winflo^ ,  Hunauld  &  Se- 
»  nac  y  ont  été  prefens  ,  &  dans 
»  toutes  ces  occafions  M.  Winflow 
w  n'a  jamais  dit  un  feul  mot  de  fon 
n  opinion ,  ni  dans  les  allembiées 


48         JOURNAL    DE 

i>  de  l' Académie  pendant  la  Icclurc 
>»dc  mon  Mémoire,  ni  dans  les 
jj  converfations  particulières  que 
»  nous  avons  eues  à  ce  liijet  -,  en 
»>  voilà  alTez  pour  vous  prouver  que 
»M.  Winflow  n'a  pas  prétendu 
»  donner  une  découverte  fur  le 
»  nerf  intercoftal ,  malgré  les  ap- 
»»parences  que  donne  fon  Expoli- 
»)  tion  Anatomique. 

Nous  remarquerons  à  ce  fujet 
que  l'ExpolItion  Anatomique  de 
M.  Winllow  ,  ne  renferme  aucun 
terme  qui  puilTe  faire  croire  que 
M.  Winflow  ait  prétendu  donner 
le  fait  dont  il  s'agit  comme  une  dé- 
couverte de  fa  part  ,  puifqu'il  fe 
contente  de  dire  que  c'a  été  fon 
opinion  ,  fans  l'appuyer  d'aucune 
expérience ,  ni  lui  donner  par  con- 
fequent  aucun  air  de  découvertes  ; 
il  paroît  au  contraire  qu'il  en  lailfe 
tout  l'honneur  à  M.  Petit ,  en  re- 
connoiiïaïuquc  cet  Auteur  a  établi 
le  fait  par  des  expériences  inconte- 
ftables ,  Se  que  par  confequent  il  a 
fait  la  découverte.  De  plus ,  M. 
Winflow  ayant  tenu  alors  fcm  opi- 
nion fccrerte  ,  &  ne  prétendant  pas 
que  M.  Petit  ait  pu  tirer  de  lui  fur 
ce  fujetj  aucune  lumière,  il  s'enfuit 
qu'il  laifle  totalement  à  M.  Petit 
l'avantage  de  cette  découverte. 

Quant  à  la  féconde  demande  à 
laquelle  M.  Petit  fe  propofe  de 
répondre  ,  il  déclare  qu'il  ne  s'agit 
point  de  fon  canal  gaudronné  ,  il 
cite  là-dcffus  les  propres  paroles  de 
M.  Winflpw  ,  après  quoi  il  fait 
(Jiverfcs  réflexions  qui  tendent  tou- 
tes à  montrer  que  M.  WinfloW 
ji'a  point  prétendu  faire  paflcr  le 


S     SÇAVANS; 

canal  qu'il  a  trouvé  entre  le  cryftal- 
lin  &  fa  capfule  ,  pour  le  canal  gau- 
dronné de  M.  Petit.  Ceux  qui  fe- 
ront curieux  de  voir  en  quoi  confi- 
fte  toute  cette  difcuflion  ,  peuvent 
lire  la  Lettre  même  de  M.  Petit.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain,c'cft:  qu'il  cfl:  vi- 
fîble  que  M.  Winflow  n'a  point 
prétendu  parler  du  canal  gaudron- 
né de  M.  Petit ,  on  s'en  convaincra 
cnijfant  les  propres  paroles  de  M. 
Winflow  citées  par  M.  Petit ,  c'eft 
tout  ce  que  nous  dirojis ,  car  I4. 
difcuflion  où  entre  à  ce  fujet  l'Au- 
teur de  la  Lettre  ,  eft;  de  fi  petite 
confcquence  qu'il  ne  peut  s'empê- 
cher d'en  convenir  lui-même.  Ces 
chofes  ,  dit-il ,  m^ont  paru  de  fi  feu 
de  confeijuence  ,  ^ue  je  ne  me  ferais 
jamais  mis  en  peine  d'en  parler  fi  ce 
que  j'ai  Ih  dans  le  Journal  des  S^x- 
vans  dn  mois  ^Aou^  J732'  "^  t^'j 
ent  contraint. 

Qu'efl:-ce  donc  que  M.  Petit  a 
trouvé  dans  le  Journal  des  Sça vans, 
qui  ait  pu  lui  donner  occafion  d'en- 
trer dans  des  difcuflfîons  de  fi  peu  de 
conlequcnce ,  ou  plutôt  comme  il 
s'en  explique,  f«i  l'y  ait  contraint} 
C'efi ,  dit-il  à  fon  ami  ,  nne  chofi: 
cjue  vous  ne  [avez,  peut-être  pas  ence. 
re,  &  ijui  va  vousfitrprendrc.  Voici ^ 
continuc-t-il  ,  comme  s'expli(jue  le 
Journal. 

n  Comme  certains  petits  Auteurs 
n  pour  fe  faire  de  la  réputation  à 
»  peu  de  frais ,  ont  publié  comme 
j>  d'eux  ,  piufieurschofçs  qu'ils  ont 
3>  apprifes  de  M.  Winflow  dans  fes 
«  cours  publics  ,  ^c  dans  fes  cours 
»  particuliers ,  nous  croyons  à  pro- 
»  pos  d'avertir  que  ces  plagiaires 
5î  verront 


J  A  N  V  1 

n  verront  ici  leurs  larcins  dccou- 
3>  verts-,  non  que  M.Wirillo'*'  s'ex- 
»î  plique  en  aucune  bçon  fur  cette 
»  matière  ,  mais  parce  qu'en  divers 
»  endroits  de  l'on  Ouvrage  ,  on 
»  trouve  les  dates  de  certaines  Ob- 
jsfervations  qu'il  a  faites  ,  Sc  qu'en 
»  confrontant  ces  dates  ,  on  démê- 
»  le  fans  peine ,  les  plumes  étrange- 
a*  les  dont  fe  font  parés  quelques 
«  Geais. 

M.  Petit  conclut  de  ces  paroles , 
ï°.  Que  tons  les  endroits  ou  il  y  a  des 
dates  ,  marmiton  autant  de  larcins 
que  Von  a  faits  ci  M.  IVinfloiu. 
1°.  Qiie  cela  efl  très-clair.  3°.  Qu'il 
fernble  qiCon  l'accitfe  ,  lui  M.  Petit , 
d'ê,  re  plagiaire. 

Nous  laiflbns  aux  Lecteurs  à 
examiner  fi  cette  conclufion  peut 
être  admife  en  bonne  Logique. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  nous  pourrions 
protefter  que  nous  n'avons  jamais 
eu  ici  en  vue  M.  Petit ,  ni  directe- 
ment, ni  indireiflemenr  ,  6c  que 
rien  n'a  été  plus  éloigné  de  notre 
penfée.  Mais  il  n'importe  ,  il  veut  à 
toute  force  être  un  de  ceux  que 
nous  avons  voulu  défigncr.  Il  dit 
que  nous  nous  en  défendrons,  mais 
il  fait  entendre  que  ce  fera  à  tort,  & 
pour  le  prouver  ,  voici  comme  il 
s'y  prend. 

M  Pour  m'éclaircir  fur  ce  point  , 
«  dit- il ,  j'ai  eu  la  curiohté  de  cher- 
ïïchcr  tous  les  endroits  de  l'Expo- 
»  fition  Anatomique  où  il  fe  trou- 
M  ve  de  celles  dates  ,  &  j'y  ai  vil  les 
»  fuivantes  :  la  première  eft  à  la 
j»  page  373.  où  M.  Winflow  dit 
»qu'en  1719.  il  a  vu  une  commu- 
;»  nication  très-maaifeftc  entre  les 
Janvier. 


E  R  ,  r  7  5  î.  '4^ 

«rameaux  de  la  vciti"  pulmonaire 
M  gauche  &  les  rameaux  d'une  arte- 
»  re  œfophagienne ,  qui  venoir  de 
"  la  première  artère  intercoiTale 
»  gauche  ,  conjointement  avec  une 
»  bronchiale  du  même  côté.  La  fe- 
«conde  &  la  troifiéme  date  font 
»  pag.  374.  il  a  trouvé  l'an  1719.  ou 
«lyio.  une  communication  de 
w  l'artère  bronchiale  gauche  avecla 
«  veine  azigos ,  il  a  encore  vu  l'an 
n  1721.  au  mois  d'Avril,  un  ra- 
is meau  de  l'arterc  bionchiale  gau- 
j>  che  s'anaftomofer  dr.ns  le  corps  de 
»  cette  veine  ,  ces  mêmes  Obferva- 
«  tions  &  ces  nilftics  dates  fe  trou- 
j>  vent  répétées  dans  les  mêmes  ter- 
n  mes ,  pag.  606.  n°  1  zo.  &  12 1. 
nia  quatrième  date  eft  page  iiéi. 
»  où  il  décrit  les  angles  de  l'inter- 
»  coftali  la  cinquième  date  eft  page 
»  666.  où  il  s'agit  du  cercle  tranfpa- 
»  rent. 

j)  Les  trois  premières  dates  ne 
j)  me  regardent  pas  :  il  paroît  que 
n  ce  ne  font  que  de  fimplcs  Obfer- 
n  vations  qui  ne  fe  trouvent  que 
»  très-rarement ,  &  qui  ne  mérite- 
»  roient  pas  de  taxer  de  plagiaires 
»  ceux  qui  en  auroicnt  fait  de  pa- 
u  reilles ,  principalement  lorfquel- 
«les  n'ont  point  été  données  au 
!>  public  :  néanmoins  le  Journalifte 
»  tranche  le  mot.  Il  ne  m'a  pas  fait 
»  plus  de  quartier  ;  car  par  la  qua- 
M  triénie  &:  la  cinquième  date ,  me 
»  voilà  plagiaire  en  lormc.  Il  eft 
>»  vrai  que  je  n'y  fuis  point  nommé, 
M  mais  M.  Winflow  ne  nomme 
n  perfonne.  Il  auroïc  fait  plaifir  au 
«  public ,  de  marquer  les  endroits 
»  des  Ouvrages  où  fe  trouvent  ces 


;o  JOUHNALD 

»  prétendus  pillaç^es  ;  il  nous  au- 
n  Toit  tiré  d'embarras  ,  &:  m'auroit 
»  flms  doute  évité  la  peine  d'écrire 
»j  cette  Lettre.  Il  me  paroît  trop 
«  homme  de  bien  pour  avancer  des 
j)  cl'iOll'S  qu'il  croircit  faulTcs  ;  je 
»  fuis  même  pcrAïadé  que  le  Jour- 
!'  naliîAC  ne  manquera  pas  de  dire 
n  que  dans  cette  occafion  ,  il  n'a 
i>  pas  prétendu  me  mettre  au  nom- 
»  brc  des  plagiaires  dont  il  entend 
»  parler  •■,  je  fuis  prêt  d'en  croire 
r>  tout  ce  qu'il  lui  plaira  ;  mais 
j>  pourtant  de  cinq  dates  dont  il  eft 
»  parlé  ,  il  paroît  au  public  que 
«j'y  fuis  pourd^ix  ;  n'en  voilà-t-il 
»  pas  alTez  pour  induire  les  Sçavans 
n  en  erreur. 

Immédiatement  après  ce  long 
raifonnemcnt  que  nous  avons  cru 
devoir  rapporter  en  entier  pour 
bien  mettre  les  Lecteurs  au  fait ,  M. 
Petit  ajoute  :  Si  le  Jowmalifle  avait 
fns  la  peine  de  confronter  les  matiè- 
res en  cjuefiion  avec  mes  Ademoires  , 
il  aurait  d'abard  reconnu  <jne  les  deux 
dates  ^ui  me  regardent  ,  fartent  à 
faux.  L'on  ne  doit  pas  traiter  de  pla- 
giaires fur  dejîmples  dates ,  des  per- 
finnes  ^tii  font  fort  éloignées  de  ce  ca- 
raHere. 

M.  Petit  a  raifon  de  dire  qu'il  ne 
faut  que  confronter  les  matières  en 
queftion  avec  fes  Mémoires  ,  pour 
reconnoîtrc  que  les  deux  dates 
qu'il  prétend  qui  le  regardent  , 
portent  à  faux  ■■,  nous  ne  voulons 
que  cette  feule  reflexion  de  fa  part 
pour  le  convaincre  que  ces  dates 
dont  il  fait  tant  de  bruit ,  ne  le  re- 
gardent en  aucune  manière  ,  &  que 
pat  confcquent    le  procès   qu'il 


ES  sçavans; 

nous  fait  cfl;  fins  fondement  ;  c'eft 
tout  ce  que  nous  dirons  làdefliis. 
M.  Petit  nous  juftifie  lui-même  , 
&  fe  donne  le  tort,  cela  nous  fuffit. 

Au  rcfte  .  fur  ce  qu'il  dit  :  qu'il 
a  eu  la  curiolité  de  chercher  toutes 
les  dates  qui  fe  trouvent  dans  l'Ex- 
pofition  Anatomique  de  M.  Winf- 
îow  ,  &  qu'il  n'en  a  trouvé  que 
cinq  ,  nous  remarquerons  qu'il  y 
en  a  un  bien  plus  grand  nombre  , 
ôc  fans  nous  arrêter  à  les  citer  tou- 
tes ,  ce  qui  fcroit  inutile ,  nous 
nous  contenterons  de  renvover  M. 
Petit  au  Traité  du  bas-ventre  ,  n" 
41.  n°  161.  &C  au  Traité  de  la  tête  , 
n°  52. 

Monfieur  Winflow  rapport? 
plufieurs  découvertes  de  M.  Petit, 
&  le  cite  comme  Auteur  de  ces 
mêmes  découvertes ,  mais  M.  Petit 
fe  plaint  que  M.  Winflow  n'en  a 
pas  ufé  par  tout  de  la  même  maniè- 
re. 

»  M.  Winflow  ,  dit  il ,  rapporte 
"  plufieurs  de  mes  découvertes  où 
n  il  me  cite  comme  Auteur  ;  mais 
»»  il  en  rapporte  d'autres  où  il  ne 
>»me  nomme  point  ,  fçavoir  1°. 
»  fur  le  croifement  du  nerf  optique, 
"  P^g-  6'3i.  n°  ijy.  car  j'ai  donné 
«cette  découverte  en  1710.  & 
n  \-ji6.  pag.  70.  où  j'ai  dit  que  les 

»  nerfs  optiques  fe 

2°.  Sur  l'irrégularité  de  la  cornée 
tranfparente  dont  M.Winflov  par- 
le pag.  162..  car  j'ai  donné  cette 
Obfervation  dans  les  Mémoires  de 
ï7ztf.  pag.  -ji.  où  il  dit  que 

»  j".  Sur  ce  que  le  centre  de  la 
»  prunelle  ne  répond  pas  au  centre 
(•del'ijcis,  pag,  6Cy  n**  iij.  cas 


J  A  N  V  I 

»  j'annonçai  en  i-ji6.  pag.79.  l'ob- 
»  fervation  que  j'en  ai  faite  après 
"  Galien  ;  je  l'ai  tirée ,  pour  ainfi 
»  dire  ,  de  l'oubli  où  elle  étoitdans 
»'  cet  Auteur ,  piiifque  qui  que  ce 
»>  foit  n'en  a  parlé  depuis ,  encore 
ïï  n'eft-il  pas  certain  qu'il  ait  voulu 
"parler  de  l'excentricité  naturelle 
»  de  la  prunelle. 

M.  Petit ,  comme  on  voit ,  fe 
déclare  l'Auteur  ou  du  moins  le 
'.reftaurateur  de  cette  découverte  \  il 
va  même  plus  loin  ,  &  foûtient  que 
qui  que  ce  foit ,  excepté  lui ,  n'en  a 
parlé  depuis  Galien. 

Il  faut  fans  doute  que  M.  Petit , 
tout  Académicien  qu'il  eft: ,  n'ait 
pas  lu  les  Mémoires  de  l'année 
I7ii.il  y  auroitvij  ,  pag.  317.  que 
la  découverte  dont  il  fe  croit  l'Au- 
teur ,  a  été  faite  cinq  ans  avant  lui 
par  un  autre  Académicien  ,  dont 
voici  les  termes  : 

»  L'Iris  eft  la  partie  que  l'on  en- 
»  vifage  le  plus ,  quand  on  parle  à 
»  quelqu'un  -,  néanmoins  perfonne 
»  que  je  fçache  ne  s'eft  avifé  d'y  re- 
»  marquer  une  particularité  qui  fe 
»  prefente  afTez  fréquemment.  On 
»  croit  pour  l'ordinaire  que  la  pru- 
»  nelle  doit  être  au  milieu  de  l'Iris , 
M  &  que  celle-ci  eft  également  lar- 
*>  ge  entre  fcs  deux  circonlérences. 
î>  Cependant  j'ai  trcs-fouvent  ob- 
n  fervé  que  l'Iris  eft  plus  large  vers 
«les  tempes ,  &  plus  étroite  du  cô- 
»  té  du  nez  ■■,  de  forte  que  l'Iris  &  la 
«prunelle  n'ont  pas  le  même  cen- 
j>  tre  ,  &  que  la  prunelle  eft  plus 
j>  proche  de  la  grande  circonferen- 
a>  ce  de  l'Iris  vers  le  nez  ,  que  du 


»  côté  des  tempes  \  la  même  inéga- 
»lité  de  largeur  m'a  encore  paru 
>»  dans  ce  que  l'on  appelle  commu- 
>»  nément  ligament  ciliaire. 

Ces  paroles  font  de  M.Winflow, 
on  n'en  Içauroit  trouver  de  plus 
précifes  fur  le  point  dont  il  s'agit  j 
nous  le  repetons  ,  il  faut  que  M. 
Petit  ,  tout  Académicien  qu'il  eft, 
ne  les  ait  pas  lues-,  car  s'il  en  avoit 
eu  connoilfance  ,  il  fe  feroit  bien 
gardé  ,  fans  doute ,  de  s'attribuer 
la  découverte  en  queftion,  puifqii'il 
dit  l'avoir  faite  en  i-jt^S.  &  que  ce- 
pendant elle  a  été  faite  en  172 1.  pat 
M.  WinfloW  ,  de  qu'elle  eft  décri- 
te dans  les  Mémoires  de  la  même 
Académie  dont  ils  font  tous  les 
deux. 

Il  y  a  encore  trois  articles  fur  lef~ 
quels  M.  Petit  reproche  à  M. Winf- 
loW de  ne  l'avoir  pas  nomme,  ceux 
qui  feront  curieux  de  les  voir  peu- 
vent recourir  à  la  Lettre  -,  car  ce 
font  des  chofes  de  fi  petite  confé- 
quence ,  que  nous  croyons  pouvoir 
les  palTer  fans  rien  dérober  aux  Lec- 
teurs. 

M.  WinfloW  &  nous ,  ne  fom- 
mes  pas  les  feuls  que  M.  Petit  en- 
treprend dans  fa  Lettre  :  il  entre- 
prend encore  M.  Ferren  Docteur 
en  Médecine  de  la  Faculté  de 
Montpellier  \  le  procès  qu'il  fait  à 
ce  Dodeur ,  concerne  diverfes  Ob- 
fervations  fur  les  yeux  &  fur  l'opé- 
ration de  la  catarade ,  c'cft  tout  ce 
que  nous  dirons ,  car  nous  fçavons 
que  M.  Ferren  fe  difpofc  à  m  '  >  uirc 
pleinement  le  public  fur  ce  diffc- 
lend. 


Gi; 


j2  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

LES     MO  NVMENS     DE    LA      M  O  N  ARCH  lE 

francoife  aiti  comprennent  l'H.jloirede  France  ^  avec  les  figures  de  chaque 
reçn'e  que  l' injure  des  ter/is  a  épargnées.  Tome  IV.  La  fuite  des  Rois  depuis 
Charles  FUI.  jiipjuÀ  François  I.  incluftvement.  Par  le  R.  P.Dom  Bernard 
de  Montfaucon  ,  Religieux  Benediilm  de  la  Congrégation  de  S.  Adaur.  A 
Paris  chez  Michel  Ganiouin  ,  Quai  de  Conty  ,  aux  trois  Vertus  ,  & 
Pierre  F lancois  G:ff.irt ,  rue  S.  Jacques  ,  à  Sainte  Théréfe.  1732.  in-foL 
pages  566.  fans  les  planches. 


LE  P.  de  Montfaucon  obferve 
des  le  commencement  de  fa 
Prétace  ,  qu'à  mcfurc  qu'il  avance 
dans  l'exécution  de  fon  grand  dcf- 
fein  ,  les  Hiftoriens  fc  prefcntent 
en  plus  grand  nombre  ,  &c  que  les 
faits  fe  trouvent  plus  clairs  &  plus 
détaillés  par  rapport  à  l'Hiftoircdes 
Rois  ;  &:  que  les  Monumcns  qui 
font  fon  fujct  principal  fe  multi- 
plient. Du  tems  de  Louis  XII.  on 
faifoit  de  fort  belles  mini.uures 
dans  des  Heures ,  dans  d'autres  Li- 
vres, 5c  fur  tout  dans  des  Hiftoircs, 
où  l'on  mettoit  en  peinture  les 
faits  détaillés  par  l'Hiftorien.  Ce 
goût  fe  maintint  encore  quelque 
tems  pendant  le  règne  de  François 
premier ,  mais  dans  la  fuite  on  s'ap- 
pliqua à  faire  des  cftampcs,à  graver 
fur  le  bois ,  £c  depuis  fur  le  cuivre  ; 
peu  à  peu  l'ufage  des  miniatures 
cefla.  On  mit  en  gravure  dans  les 
Livres  ce  que  les  peintures  repre- 
fentoient  autrefois.  Par  là  les  exem- 
plaires fe  multiplièrent ,  &:  les  Li- 
vres furent  ornés  à  beaucoup 
moins  de  frais  que  fî  on  y  avoit 
mis  de  ces  belles  miniatures  qui 
ne  pouvoient  fe  faire  qu'avec  beau- 
coup de  dépenfes. 

^iotre  Auteur  s'cft  appliqué  à 


choifir  dans  ce  grand  nombre  de 
peintures  ,  de  portraits ,  de  ftatuës 
6i  d'autres  Monumens  ce  qui  lui  a 
paru  de  plus  fur  &  déplus  curieux, 
&  il  a  cité  les  endroits  d'où  il  a  tiré 
ces  figures.  J'en  ai  uft ,  dit-il,  avec 
la  même  fidélité  dans  l'Antiquité 
expliquée  &  dans  le  Supplément. 
Il  eft  perfuadé  que  le  public  lui 
rend  juftice  là  delTus.  Cependant  il 
fc  plaint  de  ce  qu'il  y  a  quelques 
pcrfonnes  qui  l'attaquent  fur  la  fi- 
délité &c  fur  le  choix  des  Monu- 
mens ditm  manière  e^m  blejje  toutes 
hienfeances  ;  &  qui  ofent  avancer 
qu'en  multipliant  les  images  ,  il 
n'a  fait  qu'amufer  les  ignorans  ^ 
qu'il  reprcfente  les  Antiquitez 
qu'il  ignore  lui-même ,  &  qu'il  n'a 
donné  de  nouveau  que  l'encre  & 
le  papier.  Il  appelle  de  ce  jugement 
à  celui  des  Leclcurs  habiles  &  équi- 
tables, aufquels  il  expofe  les  prépa- 
ratifs qu'il  a  hits  pour  le  grand 
Ouvrage  de  l'Antiquité  expliquée, 
les  motifs  qui  le  lui  ont  fait  entre- 
prendre, &:  le  loin  qu'il  a  pris  pour 
le  perfedionncr.  Enfuite  il  remar- 
que que  l'Antiquité  &  le  Supplé- 
ment fe  vendent  très-bien  ,  malgré 
\cs  efforts  de  certaines  gens  poux 
décrier  cet  Ouvrage. 


J  A  N  V  î 

D'autres  Auteurs  l'ont  critique 
avec  plus  de  modération  &:  de  po- 
litefTe.  M.  le  Marquis  Maffci  eft  du 
nombre  de  ces  derniers.  Le  P.  de 
Montfaucon  répond  à  ce  que  ce 
Marquis  lui  a  objecté  au  fujet  d'un 
Monument  confervé  à  Aurun ,  que 
notre  Auteur  croit  être  un  Amphi- 
théâtre, &  fur  quelques  autres 
Morceaux  de  fon  Antiquité. 

Après  la  Préface  vient  une  Dif- 
£èrtation  fur  une  Couronne  qu'on 
a  trouve  dans  un  tombeau  qui  a  été 
découvert  depuis  peu  dans  llfle  de 
Rhé.  Notre  Auteur  croit  que  cette 
Couronne  ,  dont  la  forme  eft  Im- 
guliere ,  étoit  celle  d'Eude  Duc  de 
Touloufe  Se  d'Aquitaine  ,  qu'il 
dit  avoir  été  petit -fils  de  Chari- 
bert  Roi  de  Touloufe  &  d'Aqui- 
taine Se  fccond  fils  de  Clotaire  II. 
Roi  de  France.  Le  P.  de  Montfau- 
con joint  à  cette  Couronne  une  fi- 
gure de  Charlemagne  qui  eft  à  l'en- 
trée de  l'Eglife  de  N.  D.  d'Aix  la 
Chapelle  fondée  par  cet  Empereur. 

Le  corps  de  l'Ouvrage  contient , 
comme  on  l'a  vu  dans  le  titre  , 
l'Hiftoire  de  trois  de  nos  Rois  en 
Latin  &  en  François ,  avec  les  Mo- 
numcns  fur  chaque  règne  qu'il  a 
cru  les  plus  curieux.  Nous  allons 
donner  une  idée  de  quelques  uns 
de  ces  Monumens ,  autant  qu'on 
ie  peut  faire  làns  le  fecours  de  la 
gravure. 

La  planche  quatrième  reprefentc 
ïe  Roi  Charles  VIIL  aflls  fur  fon 
Trône, portant  la  Couionne  Royale 
&  tenant  le  Sceptre  de  la  main  droi- 
te-, il  tend  la  main  gauche  à  Louis  de 
Bruges  _,  Seigneur  de  Gruthunfe  , 


E  b:   ;   Ï755:  55 

qui  lui  prefcnte  fon  Traité  du 
"Tournois ,  dont  cette  figure  fait  le 
frontifpice.  Louis  de  Bruges  porte 
le  Collier  de  l'Ordre  de  la  Toifon 
d'or.  Il  eft  à  genoux  8c  fon  bonnet 
eft  à  terre  ,  on  voit  de  chaque  côté 
du  Trône  un  grand  nombre  de 
Seigneurs  qui  portent  pour  la  plu- 
part des  chaînes ,  (  apparemment 
d'or  en  écharpe  )  ils  font  prefque 
tous  en  habit  long ,  avec  des  bon- 
nets chargés  de  plume.  Celui  de 
ces  Seigneurs  qui  paroîtk  plus  fur 
le  devant  tient  fur  la  main  gauche 
un  oifeau  &c  de  la  droite  le  pied 
coupé  d'un  autre  oifeau.  L'Auteur 
croit  que  ceSeie;neur  pounoit  bien 
être  un  Prince  du  Sang  ,  ou  peut- 
être  Jacques  Odard  Seigneur  de 
Curfay  qui  fut  grand  Fauconnici- 
de  France  fous  Charles  VIII.  au  bas 
du  tableau  on  lit  ces  quatre  vers, 

Por  exemple  aux  Nobles  &  aux  Gens 
d'Armes 
Qui  appctcnt  les  faits  d'armes  hanter  ,. 
Le  Sire  de  Grunthunfe  duyt  aux  armes  j 
Voulut  au  Roi  ce  Livre  prefenter, 

La  troifiémc  planche  repre- 
fente  l'entrée  triomphante  de 
Louis  XII.  dans  la  Ville  de 
Gênes.  Le  Roi  y  eft  à  cheval  , 
fortant d'Alexandrie,  armé  de  rou- 
tes pièces,  portant  un  habit  blanc 
fur  fa  cotte  d'armes.  Il  tient  de  la 
main  droite  un  bâton  de  comman- 
dement. Sur  fon  habit  blanc  on 
voit  une  ruche  &  les  abeilles  d'or 
qui  en  font  fortics  ,  voltigent  tout 
autour.  La  houlTe  de  fon  cheval 
noir ,  qui  eft  aufli  blanche ,  repie- 


^4  JOURNAL  DE 

fente  un  grand  nombre  de  ruches 
&C  d'abeilles.  L'infcription  qu'on 
lit  fur  la  veftc  &  autour  de  la  bouf- 
fe de  fon  cheval  marque  pourquoi 
CCS  abeilles    ont  été  reprefentées  : 

NON  UTITUR  ACULEO  REX, 

Le  Roi  ne  fe  fert  pas  de  l'aiguillon , 

Ce  qui  fignifie  que  le  Roi  ne  traitera 
pas  les  Gennois  avec  rigueur.  Sur  le 
Cafque  du  Roi  cft  un  panache  de 
grandes  plumes  blanches  qui  fe 
tournent  fur  le  derrière.  Sur  quoi 
notre  Auteur  obferve  que  c'cft  une 
chofe  fort  curieufe  &  qui  ne  s'ap- 
prend que  dans  les  peintures,  que 
la  grande  diverfitc  &:  les  formes 
flngulicres  des  aigrettes  des  Sei- 
gneurs qui  fuivcnt  le  Roi  &  de 
ceux  qui  marchent  devant  lui.  Cet- 
te planche  cft  tirée  fur  une  miniatu- 
re qui  fe  trouve  dans  un  Pocme  fur 
l'expédition  de  Gennes  de  Jean 
DefmaTcts,  qui  fe  dit  Ecrivain  de 
la  Reine.  Ce  Poëmea  été  imprimé 
fous  le  nom  de  Jean  Marot.  Ce  qui 
fait  quelque  difficulté.  Car  Defma- 
rêts  &c  Marot  paroilfcnt  deux  noms 
differens.  Cependant  notre  Auteur 
cft  perfuadé  que  c'eft  le  même 
nom,  &  qu'on  peut  fc  fervir  de 
cet  exemple  pour  prouver  que  du 
tems  de  Louis  XII.  il  y  avoir  enco- 
re de5  perfonnes  qui  prononçoient 
&  qui  écrivoient  leur  nom  d'une 
manière  fi  différente  qu'ils  fem- 
bloient  en  avoir  deux.  Cette  varia- 
tion fe  trouve  très  -  fréquemment 
dans  les  tîéclcs  qui  ont  précédé  ce- 
lui de  Louis  XÏI. 


S  SÇAVANS, 

Le  P.  de  Montfaucon  a  inféré 
dans  fon  Hiftoire  de  François  I.  un 
Journal  de  l'cntreviic  de  ce  Roi  & 
d'Henri  VIII.  Roi  d'Angleterre. 
Ce  Journal  tiré  des  porte -feuilles 
de  M.  de  Peyrefc  eft  aujourd'hui 
confcrvé  dans  la  Bibliothèque  de 
M.  de  Mazaugucs  Prélidenr  au  Par- 
lement de  Provence  ;  auOi  eftima- 
ble  ,  dit  notre  Auteur ,  par  fes  bel- 
les connoiffances  que  par  fa  géné- 
rofité  à  communiquer  aux  gens  de 
Lettres  les  Pièces  dont  ils  veulent 
faire  ufage.  Comme  cette  entrevue 
pafTe  pour  une  des  plus  célèbres  & 
des  plus  magnifiques  dont  l'Hiftoi- 
re  faffe  mention  ,  ceux  qui  aiment 
ces  fortes  de  dcfcriptions  liront 
avec  plaifir  ce  Journal.  Il  eft  fuivi 
de  quelques  ballades  faites  à  l'oc- 
cafion  de  cette  entreviàë  ,  où  l'on 
décrit  les  avantages  que  les  deux 
Nations  efperent  en  tirer.  En  voici 
deux  morceaux  ,  où  cette  entrevue 
cft  marquée  fous  le  nom  de  Parle- 
ment. 

Adventiirîers  feront  maigres  cuifînes. 
Poules  &  Coqs  n'auront  plus  en  pluvine  i 
De  leurs  excès  on  a  fait  mention 
Au  Parlement  : 

Religieux  qui  vivent  fansdoflrine  / 
Tremblent  de  peur  comme  au  vent  b 
courtine  , 

Car  il  eft  dit  que  reformation 
Viendra  dcbrief ,  &  pour  conclu/îon  , 

Miche  au  Couvent  poux  leur  vivre  s'alfi* 

gne 

Au  Parlement. 


J  A  N  V  I 

Après  la  defcription  de  cette  en- 
trevue j  &c  les  Ballades  faites  à  cet- 
te occafion  ,  viennent  trois  plan- 
ches qui  la  reprcfentent ,  elles  font 
gravées  d'après  un  bas-relief  en 
cinq  grandes  Tables  de  marbre  qui 
efl  confervé  dans  un  Hôtel  de  la 
Ville  de  Roiien.  On  prétcndoit 
autrefois  que  ce  bas-relief  regardoit 
le  Concile  de  Trente.  Mais  M. 
l'Abbé  Noël  fort  habile  dans  l'Hi- 
ftoire  ,  écrivit  que  ce  Monument 
n'avoit  point  de  rapport  au  Conci- 
le, &  qu'il  ne  pouvoit  convenir 
qu'à  l'cntrevûë  de  François  I.  &C 
d'Henri  VIII.  Ceux  qui  voudront 
prendre  la  peine  d'examiner  ces 
trois  planches,  après  avoir  lii  le 
Journal  de  cette  entrevue  ,  recon- 
noîcront  que  ce  qui  eft  reprefentc 


E  R  ,    t7  5î;  yj 

fur  ces  trois  planches  s'accorde  fort 
bien  avec  le  Journal  &  avec  toute 
l'Hiftoire  de  ce  tems-là.  C'cft  ce 
que  le  P.  de  Montfiucon  juftifie 
dans  fon  Explication. 

Les  portraits  des  Rois,  des  Prin- 
ces ,  des  Officiers  Se  des  Dames  de 
la  Cour  ont  donne  lieu  au  Peïe  de 
Montfaucon  de  faire  des  Obferva- 
tions  fur  la  forme  des  habillemens 
de  ce  tems  là.  Claude  de  France, 
première  femme  de  François  1.  eft 
repiefentéc  à  la  planche  3  9.  avec  un 
Veriugadin  qu'on  appelle  à  prefent 
un  Punicr.  Le  Père  de  Montfaucon 
alTure  que  c'eft  la  première  Dame 
qu'il  ait  vu  rcprtfcnrée  avec  cette 
efpece  d'habillement  ,  qui  com- 
mença ,  dit-il ,  à  eue  en  ufage  fous 
François  L 


S6 


JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


LA    ROSALINDE    IMITEE    DE     L'ITALIEN^ 
A  la  Haye  ,  chez  P.  Gojfe  f^J.  Némlme.  1732.  /W-J2.2.  vol. 
Tom.  I.  pp.  234.  Tom.II.  pp.  294. 


L'OUVRAGE  dont  nous  ren- 
dons compte  ,  n'cft  pas  faci- 
le à  qualifier  :  ce  n'cft:  ni  une  ver- 
flon  ,  ni  une  imitation ,  quoiqu'cn 
dife  le  titre.  Ce  n'eft  point  une  vcr- 
fion  ,  puifque  loin  de  s'y  aiïujetrir 
à  la  lettre,  on  a  retranché  un  bon 
tiers  de  l'original.  Ce  n'ell  pas  non 
plus  une  imitation  ,  puilqu'outrc 
plufieurs  changemcns  confide;  ablcs 
dans  les  hits ,  on  termine  l'adion 
principale  par  un  dénouement  tout 
différent  de  celui  dont  l'Auteur 
Italien  a  fait  choix.  Celui-ci  ne  li- 
vre fcs  Héros  aux  avanturcs  que 
lui  fuggere  une  imagination  fécon- 
de ,  que  pour  en  faire  des  Moines  à 
la  fin  du  Romani  au  lieu  que  l'Au- 
teur François  aime  mieux  en  faire 
d'heureux  époux.  Comment  donc 
pouvoir  définir  au  jufte  cet  Ouvra- 
ge ;  Nous  dirons ,  avec  ce'ui  qui 
le  publie  (  &  que  pour  abréger 
nous  nommerons  tantôt  l'Auteur , 
tantôt  le  Traducteur  )  que  c'cftun 
Roman  Italien  transforme  en  Ro- 
man François  ,  c'eft  à  dire  accom- 
modé au  goût  de  cette  Nation,  ou, 
pour  parler  plus  jiiftc  ,  à  [3.  fantatjte 
de  celui  qui  l'a  remanié.  C'eft  ce 
qu'il  déclare  lui-même,  en  difanr 
qu'il  l'a  remis  dans  l'état  où  il  croit 
que  l'Auteur  Italien  Bernard  Mo- 
rando  l'ci'it  mis  s'il  eut  été  à  portée 
de  confulcer  fur  un  tel  projet  l'E- 
crivain qui  le  donne  aujourd'hui 
en  notre  Lans^ue. 


Celui-ci  ,  dans  fon  Avertifte- 
ment ,  s'applique  d'abord  à  juftifiet 
les  rctianchemens  &i  les  change- 
mcns  qu'il  a  jugé  indifpenfables 
dans  la  RofUinde  ,  pour  lui  confcr- 
ver  en  François  toute  fa  réputation 
&  n'en  pas  faire  un  Ouvrage  mon- 
ftrueux.  Telles  étoient  en  premier 
lieu  des  dcfcriptions  fans  nombre 
&  des  moins  ignorées ,  par  exem- 
ple celles  de  Rome  &  de  Gênes  : 
2".  des  Chanfons  ou  des  Parodies 
de  Pfeaumes,  inférées  fans  difcer- 
nement  dans  la  narration  ,  &  fans 
égard  à  la  vraifcmblancc  qui  doit 
être  fort  blelfée  lorfqu'on  voit 
l'Héroïne  du  Roman  dans  le  tems 
même  qu'elle  doit  fondre  en  lar- 
mes &  gémir  fous  le  poids  de  fes  in- 
fortunes ,  réjoiiir  la  compagnie  en 
jouant  du  Luth  :  3°.  de  mauvaifes 
&  d'cnnuyeufesDilTertations  Phyfi- 
ques,  qui  troublent  &  interrom- 
pent mal-à-propos  l'attention  du 
Leâieur ,  qu'interclTe  uniquement 
alors  la  fuite  des  évencmens  :  4°.des 
Sermons  prodigues  contre  les  erreurs 
de  Luther  &  de  Calvin,  &  contre 
le  Fanatifme  de  Mahomet ,  joints 
à  un  mélange  perpétuel  &  peu  dé- 
cent de  la  Religion  avec  l'amour  : 
5°.  de  fauftcs  citations ,  des  compa- 
railons  mal  allorties ,  &  fur  le  tout 
des  concettt  tréquens  ,  qui  parmi 
nous ,  dit  l'Auteur  ,  paffent  pour 
autant  d'extravagances  :  6°.  des 
Moines  enfin  répandus  par  tout , 
jufque* 


J  A  N  V 

jufqueî  dans  la  conclufion  du  Ro- 
man ,  fingularitc  qui  ameine  cette 
reflexion  du  Tradudleur.  »  J'ai 
»  bien  envie  de  croire  (  dit-il  )  que 
«>  le  Chevalier  Bernard  Moninda 
»  mon  Original ,  n'eft  autre  chofe 
t»  qu'un  Moine  mafqué ,  qui ,  avec 
M  de  i'efprit ,  n'a  pu  s'empêcher  de 
•  s'abandonner  au  plaifir  de  fon 
»  imagination  ,  &  qui  a  trouvé 
»  peut-être  nouveau  &  édifianc  de 
»  faire  de  M  Amour  un  Maître  de 
»  Novices, 

Mais  l'Auteur  ,  en  voulant ,  par 
Ja  critique  févére  de  tant  de  dé- 
fauts, fe  mettre  à  couvert  du  re- 
proche d'avoir  témérairement  re- 
tranché ou  changé  beaucoup  de 
chofes  dans  la  Rofalinde  ,  n'en- 
courra-t-il  pas  celui  d'avoir  perdu 
biendutems  à  reformer  un  Ouvra- 
ge ,  qui ,  au  fond ,  n'en  valoir  pas 
Ja  peine  ?  En  avoiiant  d'un  côté  que 
le  préjugé  ne  lui  eftpas  favorable  , 
il  fupplie  de  l'autre  le  Ledleur  de 
ne  le  point  condamner  fans  l'en- 
tendre ,  c'eft-à-dirc  fans  avoir  lu 
le  Livre  j  après  quoi  il  confent  d'ê- 
tre jugé  fans  quartier.  Il  ne  diffi- 
mulc  pas  j  au  furplus  ,  combien 
fon  amour  propre  a  eu  de  part  dans 
cette  entrcprife  ■■,  &  l'aveu  qu'il  en 
fait  ici  doit  être  regardé  comme 
d'autant  plus  fincere ,  qu'un  Aver- 
tilTement  (  dit-il  )  doit  tenir  heu 
d'une  efpece  de  confejfion  générale. 
Il  n'a  pu  (continue-t-il)  s'empê- 
cher d'être  piqué  de  voir  ,  dans  ce 
Roman ,  le  beau  fi  fouvent  défigu- 
ré par  le  ridicule  qui  l'accompagne-, 
il  s'eft  flatté  qu'à  force  de  corriger  , 
de  fupprimcr ,  ou  de  fupplécr ,  U 
Jatmier. 


I  E  R.  ;    t  7  î  ^  SI 

lui  redonneroit  tout  le  luft:r&  qui 
lui  convient  ;  en  un  mot  ,  //  a  en 
(  ajoiite-t-il  )  la  vanité  de  croire 
(jiCil  feroit  une  C0pie  meilleure  ijue 
rOriginnl.  Il  aflure  du  moins  ,  que 
dans  les  retranchcmens  qu'il  a  faits, 
il  n'a  rien  profcrit  de  ce  qui  pou- 
voit  plaire.  Il  a  même  donné  dans 
l'extrémité  oppolee  ,  en  falfant 
grâce  à  certains  défauts ,  d'où  naif- 
foient  quelques  agrémcns.  Tel  cft 
i'Epifode  d'Alérame  Duc  de  Saxe  , 
6c  d'Adélaïs  fille  de  l'Empereur 
Othon  II.  raconté  dans  le  VIT  Li- 
vre ,  &  qui  ne  tient  au  fujet  princi- 
pal que  par  ce  feul  endroit  ,  qu'il 
apprend  à  un  mourant  la  généalogie 
de  fon  Confefleur. 

Mais  quand  le  Traduiflcur  n'au- 
roit  ici  d'autre  mérite  que  celui 
d'être  plus  court  que  fon  original , 
&  moins  ennuyeux  par  confé- 
quent  j  auroit-il  tout-à-fait  perdu 
fi  peine  ?  Cette  brièveté  qui  de  dix 
Livres  Italiens  n'en  fait  que  huit 
François  ,  n'eft  pas  due  aux  feuls 
rctranchemens ,  elle  l'eft  furtout  à 
la  précifion  du  ftyle ,  que  le  Tra- 
ducteur cependant ,  malgré  les  li- 
bcrtez  de  fa  verfion  ,  n'a  pu  rendre 
(  dit-il)  auflî  ferré  qu'il  l'eût  fou- 
haité  ,  ^  qu'il  paroît  l'être  dans 
les  morceaux  qui  font  uniquement 
de  lui.  Un  autre  mérite  de  la  copie, 
qui  doit  la  mettre  fort  au-deflus  de 
l'original,  qui  n'eft  qu'un  amas  de 
faits  ;  c'eft  celui  des  fentimens  jettes 
dans  la  narration  par  tout  où  ils 
pouvoicnt  entrer  naturellement. 
Le  Chevalier  Aîorando  convient 
lui-même  de  fa  ftérilité  en  ce  genre, 
dans  «ne  Préface ,  qui  n'eft  qu'ua 
H 


5-8  JOURNAL   D 

«hcf  d'oeuvre  d'antithcfcs  imperti- 
nentes (  dit  le  Traducteur }  de  donc 
il  a  bien  fait  de  nous  épargner  la 
verfion.  L'Italien  s'cxcuie  de  fon 
incapacité  à  peindre  les  fincfTes  de 
l'An-.our  fur  ce  qu'il  ignore  cette 
paffion  :  &  quoique  leTradudcur 
foit  connu  de  fes  amis  fur  un  pied 
(dit-il  )  qui  pourroit  établir  quel- 
que conformité  à  cet  égard  entre 
Âdomnâo  ôc  lui  ,  il  prétend  s'être 
acquis  fur  cet  article  un  peu  plus 
d'expérience  que  n'en  doit  avoir  un 
Moine. 

Dureftc,  comme  la  Rofalinde 
eft  un  Roman  qui  paroît  depuis 
long-tems ,  nous  nous  difpenfcronr. 


ES   S  ÇA  VAN  S, 

de  donner  ici  un  fommairô  Azi 
avantures  qui  en  forment  le  rifTur 
Nous  dirons  feulement  que  ceux  a 
qui  la  kifture  de  rOri:;inal  ne  leî 
a  point  encore  fait  cotmoître  ,  les 
trouveront  ici  très- intercflantes  ,  6î 
racontées  d'une  manière  propre  à 
foûtcnir  l'attention  &  à  piquer  la 
curiofité  :  &  que  ceux  qui  les  onc 
déjà  Kiës  en  Italien  ,  les  reliront 
avec  un  nouveau  plaifir  en  Françoi» 
par  le  foin  qu'a  pris  le  TraduClcuf 
d'en  retrancher  ce  qu'il  a  cru  ouï 
pourroit  ennuyer ,  éc  d'y  répandre 
les  grâces  que  le  fujet  pouvoit 
comporter. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 
De    Vérone. 

LE  ProfpeElus  du  grand  Recueil 
d'Infcriptions  que  M.  le  Mar- 
quis Mnffei  eft  dans  le  delTein  de 
donner  au  public  ,  &  que  nous 
avons  annoncé  dans  nos  dernières 
Nouvelles ,  eft  adrelTé  aux  Sçavans 
&  aux  Antiquaires  de  l'Europe  de 
la  part  d'une  Société  qui  s'eft  char- 
gée de  faire  paroître  l'Ouvrage. 

Suivant  ce  Programme  imprimé 
en  Italien  &  en  Latin  ,  M.  Aiaffei 
fe  propofe  de  former  la  Colledtion 
la  plus  ample  &  la  plus  complettc 
qu'on  ait  encore  vue  tant  des  Inf- 
criptions  Grecques  &c  Latines  qui 
ont  été  publiées  depuis  deux  fiéclcs, 
^aed'uQtiès-giandoombrc  d'autres 


dans  les  mêmes  Langues  qui  n'ont 
pas  encore  pai  u ,  &;  qu'il  a  ralTem- 
blées  depuis  vingt  ans  avec  autant 
de  foins  que  de  dépenies. 

On  fent  aifénient  l'importance 
d'une  telle  entreprife  ;  mais  il  n'cft 
pas  moins  facile  d'en  concevoir 
toutes  les  difficulté?.  -,  furtout  li  ont 
ajoute  que  M.  M^'jf'n  doit  non  feu- 
lement ranger  CCS  Infcriptions  dans 
un  meilleur  ordre  qu'elles  ne  lui 
fcmblent  être  dans  les  Recueils  de 
GrHier  ,  de  F-ibretti ,  &c.  mais  en- 
core en  faire  un  choix,  rejetterles 
Infcriptions  qui  lui  paroîtront 
faulTes ,  &■  rétablir  celles  qu'il  juge- 
ra avoir  été  altérées  ou  corrom- 
pues. 

C'eft  pour  donner  à  ce  Recueil 
le  plus  d'étendue  &  de  perfeûioix 
qu'il  eft  pofiîble  ,  que  la  Société 


J  A  N  V  I 

invite  tous  les  Sçavans  &  les  Anti- 
quaires ,  à  aider  M.  Majfei  de  leurs 
lumières  &  de  leurs  confeils,à  taire 
imprimer  au  plutôt  les  Infcrip- 
tions  qu'ils  ont  dans  leurs  Cabinets, 
ou  s'ils  l'aiment  mieux  ,  a.  lui  en 
envoyer  des  copies  fidèlles  ,  en 
marquant  de  quels  endroits  ces 
Infcriptions  font  tirées. 

Ils  pourront  adreffer  les  paquets 
par  la  polie  à  M.  François  Miifelli  ^ 
Cnanoine  &  Archiprêtre  de  l'Egli- 
fe  Cathédrale  de  Vérone  ,  l'un  des 
zfîôciez.  On  les  prie  feulement  d'a- 
voir attention  ,  comme  il  eil  juftc  , 
aménager  les  frais  de  port. 

Quoique  la  Société  déclare  qu'el- 
le ne  cherche  pas  à  prendre  la  voye 
des  Soufcriptions ,  elle  ne  lai  (Te  pas 
de  fouhaiter  que  ceux  qui  agrée- 
ront fon  projet ,  veuillent  bien  en- 
voyer leurs  noms  avec  une  condi- 
tion affez  lingulicre.  C'cfl:  qu'ils 
promettront  d'acheter  tout  l'Ou- 
vrage ,  quand  il  fera  achevé  ,  fup- 
pofé  qu'ils  loient  contens  de  l'or- 
dre &:  de  la  méthode  qu'on  aura 
fuivi  dans  ce  Recueil ,  de  la  maniè- 
re dont  il  fera  imprimé  ,  &  du  prix 
qu'on  en  demandera.  lUud  cjuocjuc 
9ptamtts  (  ce  font  les  termes  Latins 
du  Projet  )  ut  ii  omnes  cjuibus  hac  ar- 
ridehit  cura  ,  Jivt:  citrà  Jlve  ultra 
Jldontes  devant ,  nomcn  dare  velint 
etcjue  Corpus  hocce  redempiiros  fe  fe 
fpondeant ,  modo  tamen  Colletlioms 
ratio  ,  imprejfionis  modiis ,  &  prelii 
x/^uitas  abiuidi fatisfecerint . 

La  Société  ne  commencera  à  faire 
iinprimer  que  dans  dix-huit  mois  , 
&  pendant  ce  tems-la  M.  Maffèi  a 
;:cfolu  de  parcourir  différentes  Pro- 


E   R  ,     175  j.  ye, 

vinces  pour  y  faire  de  nouvelle* 
recherches  ;  elles  ne  contribueront 
pas  peu  fans  doute  à  enrichir  de 
plus  en  plus  la  Collection  à  laquel- 
le il  travaille  depuis  fi  long-tems. 
Tout  l'Ouvrage  fera  imprimé  en 
fix  ou  fept  Volumes /«-/ô/;o. Le  pre- 
mier contiendra  toutes  les  Infcrip- 
tions Grecques  ,  en  commençant 
par  celles  qui  font  de  l'Antiquité  k 
plus  reculée  ,  lefquclles  feront  fui- 
vies  des    Infcriptions  qui  ont  été 
faites  avant  que  les  Romains  euf- 
fcnt  fait  la  conquête  de  la  Grèce. 
On  joindra    enfcmble   toutes  les 
Infcriptions  qui  ont  rapport  à  un 
même  fujet ,  celles  par  exemple  où 
ii  eil:  fait  mention  des  Rois ,  des 
alliances  entre  les  peuples ,  des  Or- 
donnances des  Villes  qui  concer- 
nent les  Jeux  ,  les  Spedlacles ,  &c. 
Après  ces  Infcriptions  paroîtront 
celles  qui  font  du  tems  de  l'Empire 
Romain ,   &c  outre  les  Décrets  des 
Villes  ,  on  mettra  en   ordre    les 
Monumens  de  ce  genre  qui  regar- 
dent les  Empereurs  ,    cnfuite  les 
Infcriptions  Sépulchrales  &  enfin 
les  Infcriptions  Chrétiennes  :  ou 
donnera  au(îî  une  fuite  des  Infcrip- 
tions qui  font  en  vers ,  &  dont  la 
plupart ,  dit-on  dans  le  ProfpeBits , 
font  d'exceliens  morceaux  de  Poë- 
fie  ;  de  forte  qu'on  aura  par  là  uii^ 
efpece  d'Anthologie  nouvelle. 

Les  Infcriptions  qui  ont  quel- 
que étendue  feront  gravées  dans  ce 
Recueil  comme  elles  le  font  fur  les 
marbres  :  on  en  mettra  au-delfous 
le  Texte  en  caraéleres  ordinaires , 
accompagnés  de  la  ponduation  Se 
des  sccens ,  avec  une  Traduction 
Hi; 


6o  JOURNAL   DE 

Latine  à  côté.  Celles  qui  font  en 
vers  feront  rr.iduires  en  vcis. 

Les  Infcriptions  les  plusimpor-- 
tontes,  6^  celles  qui  font  obfciires, 
feront  cclaircics  par  des  Notes,  qui 
fans  contenir  ricnd'inuxile  ,  n'au- 
ront pour  objet  que  le  point  précis 
de  la  difficulté. 

Il  y  aura  à  la  fin  du  Volume  une 
Table  difpofée  de  manière  que 
quelque  Infcription  que  l'on  veuil- 
le chercher  on  puilfe  la  trouver 
fans  peine;  &:  comme  perfonne, 
ajoûte-t-on  j  n'a  encore  travaillé  à 
expliquer  les  abréviations  des  Inf- 
criptions  Grecques ,  le  Volume  Ce- 
ïa  terminé  par  une  fuite  alphabéti- 
que de  ces  atMréviations  avec  leur 
explication. 

Tel  efc  le  plan  que  M.  A'tajfà 
s'cfi;  formé  pour  l'arrangement  des 
Infcriptions  Grecques  que  doit 
rentcrmer  le  premier  Volume  de 
ion  Recueil. 

Ce  plan  ,  à  l'exception  des  tra- 
ductions ,  eft  à  peu  près  le  même 
pour  les  Infcriptions  Latines,  foit 
Payennes  ,  fou  Chrétiennes  que 
dovenr  contenii  les  Volumes  fui- 
vans.  Une  chofe  que  nous  n'avons 
garde  d'oublier,  c'eit  que  M.  Maf- 
fei  aura  foin  de  marquer  au  bas  d'un 
grand  nombre  de  ces  Infcriptions  , 
non  de  quel  Cabinet  elles  font  ti- 
rées ,  mais  en  quel  endroit  font  en- 
core aâuellemcnt  les  marbres ,  ou 
les  métaux  fur  lefquels  elles  ont 
été  gravées. 

Nous  finirons  cet  article  en  ob- 
fervant  que  comme  M.  Maffà  eft 
déterminé  à  fupprimer  de  fa  Col- 
kâioa  une  quantité  conildeiable 


S   SÇAVANS, 

d'Infcriptions  qui  occupent  untf 
place  même  honorable  dans  d'au- 
tres Recueils  ,  ce  fçavant  &  illa- 
ftre  Antiquaire  doit  aulVi  publier 
fous  le  titre  de  Ars  Cntic.i  Ltnera- 
ria  ^  un  Traité  où  il  rendra  compte 
des  raifons  qui  l'ont  porté  à  faijte 
ces  tetranchemcBS. 

De  Bologne. 

Les  Mufes  fcmblent  n'être  occu- 
pées ici  qu'à  cekbrcr  la  jeune  Ma- 
dcmoifelle  B^iJJi  qui  s'cft  attire 
l'année  dernière  tant  d'éloges  & 
d'applaudilicmcns  par  les  Théfes 
publiques  qu'elle  a  foiitcnuës  en 
Latin  fur  toutes  les  parties  de  la 
Philofophie.Son  fçavoir  (i  peu  com- 
mun dans  une  fille  de  vingt  ans  ,  l'a 
faitaggreger  au  Collège  des  Phila- 
fbphcs  de  cette  Univerllté ,  &  lui  a 
mérité  le  titre  de  Docteur  dont  elle 
a  été  honorée  avec  une  folemmté 
extraordinaire.  Elle  étoit  déjà  un 
des  Membres  de  i'Inftitut  des 
Sciences  de  Bologne  ,  fondé  par  le 
feu  Comte  Marjigii. 

Qiioiqu'U  foit  moins  rare  en  Ita- 
lie qu'ailleurs  devoir  des  femmes 
fc  diftingucr  dans  les  Ecoles  publi- 
ques ,  cette  Demoifelie  n'en  ell  pas 
moins  regardée  comme  un  prodi- 
ge ,  à  en  juger  par  les  vers  Italiens 
&  Latins  qu'on  ne  ceffe  de  publier 
à  fa  loiiange.  Ces  vers  qui  font  en 
grand  nombre  ,  i5i  parmi  lefquels 
il  y  en  a  plufieurs  de  quelques  Da- 
mes j  ont  été  recueillis  &  impri- 
més en  différentes  Brochures ,  à  la 
tête  de  l'une  defquelles  on  a  mis  ie 
portrait   gravé  ac   MademoifeUc 


j  A  N  V  I 

Sajfi,  coëffée  galamment ,  &  revê- 
tue de  la  fourrure  de  Dodeur  ;  on 
lit  autour  du  cadre  :  Laura-Maria- 
Catharina  Bajfi,  Phil.  DoEl.  Col, 
jicaâem.  JnjîttKt.  Sciemiar.  Societ. 
tJEtat.  ann.XX.  Au  bas  du  portrait 
eft  ee  diftique  qui  fait  ailufîon  à  la 
fameufe  Laure  ,  tant  chantée  par 
Pétrarque. 

Laura  vale  ,  ingénia  <jHa  &  Carmi- 
ns nota  Petrarcdi, 

Laura  h£c  elo^uio  &  mente  Petrarc4 
Jiot. 

HOLLANDE. 

De  laHaye. 

Pierre  de  Hmdt  vient  de  mettre 
en  vente  Examen  du  Pyrrhonifme 
Sttcie»  &  moderne  ^  par  M.  de  Cran- 
fa\^  de  l'Acadcmic  Royale  des 
Sciences  ,  Gouverneur  de  S.  A.  S. 
ie  Prince  Frédéric  de  Hefle-CaiTel  , 
&c.  1753.  in-folio.  Cet  Ouvrage  qui 
eft  dédié  à  Jvl.  le  Comte  du  Luc ,  fe 
débice  auili  à  Paris  chez  plufieurs 
Libraires. 

Le  même  Pierre  de  Hondt ,  P. 
Gop  ,  &  J.  Néaulme,  W.Schetirléer 
8c  Adrien  Moetjens  ,  ont  imprimé  : 
Hijiotre  Vniverfelle ,  depuis  le  com' 
menccment  du  monde  JHfju^k  prefent  i 
traduite  de  V Anglais  d'une  Société 
de  Gens  de  Lettres.ToME  premier, 
contenant  l'Hiftoire  UniverfelU 
jufqu'à  Abraham  ^  l'Hiftoire  à' Egy- 
pte ,  &  l'Hiftoire  des  anciens  peu- 
ples de  Canaan.  1732.  in-i°. 

Ge  premiei  Tome  avoic  ésé  pïfe-; 


cédé  d'une' IniroduUion  à  h  même 
Hiftoire  Univerfelle  ,  aufli  traduite 
de  l'Anglois ,  &  imprimée  chez  les 
mêmes  Libraires  in-ix.  en  173 1. 
On  difcute  dans  cette  Introduâion 
les  fentimens  des  Philofophes  an- 
ciens &  modernes  de  tomes  les 
Nations  de  l'Univers  ,  fur  l'origiae 
Se  la  création  du  monde.  Nous 
nous  propofons  de  donner  bien-tôt 
des  Extraits  étendus  ,  tant  de  l'In- 
trodudion  que  de  l'Hiftoire  Uni- 
verfelle. 

FRANCE. 

De  Strasbourg. 

M.  Schoepflin  a  publié  chez  Doulfr 
fecker  pcre ,  une  Edition  in-^°.  des 
Annales  des  Arfacides ,  dont  Mo 
l'Abbé  de  Longuern^Â  l'Auteur, 
Annales  Arfacidantm  Aurore  Lu- 
dovico  Dufonr  de  Longnerue ,  Abba- 
te  S.  Joannis  de  Jardo  ad  Melad.  & 
feptem  fomimn  in  Therafcià.  1732. 
Cette  Edition  eft  préférable  à 
celle  du  même  Ouvrage  qui  a  été 
imprimée  à  Paris  il  yalong-tems, 
en  ce  que  Monfieur  Schoepflin 
la  donne  fur  un  Exemplaire 
corrigé  &  augmenté  par  l'illuftre 
Auteur  qui  a  bien  voulu  le  lui 
communiquer  ,  &  en  permettre 
i'impreflion. 

De  Rennes. 

Julien  Vatar  a  achevé  d'impri- 
mer :  DiSlionnaire  Français -Celti- 
que _,  ou  Françffis-Breton ,  neceftai- 
se  à  tous  ceux  qui  veulent  appien^ 


6^  JOURNALD 

drc  à  traduire  le  François  en  Celti- 
que ,  ou  en  Lani^age  Breton  ,  pour 
prêcher  ,  catéchifer  &  confelfer  , 
ielon  les  diffcrens  dialectes  de  cha- 
que Diocéfe  ■■,  utile  &  curieux  pour 
s'inftruire  à  fond  de  la  Langue  Bre- 
tonne ,  &  pour  trouver  l'étymolo- 
.i^ie  de  pluiieurs  mots  François  ic 
Bretons,  de  noms  propres  de  Villes 
&;  de  Maifons.  Parle  P.  F.  Grégoire 
de  Roflrenen  ,  Prêtre  &  Prédicateur 
Capucin.  1731.  /«-4°. 

De     Paris. 

Le  T.trnajfe  Fninçols  ,  dédie  au 
Roi ,  par  M.  Titon  du  Tillet ,  Com- 
miiTaire  Provincial  des  gucrrcSjCTc. 
de  l'Imprimerie  de  Jean-Baptifte 
CoigfiardÇih.  1732.  ^ci\t  in-folio. 

Hifloire  Romaine.  Les  Empe- 
reurs. JideiCêfir.  Avec  des  Nores 
Hiftoriques  ,  Géot;raphiques  & 
Critiques  ;  des  gravures  en  taille- 
douce  ,  des  Cartes  Géographiques , 
^pluficurs  Médailles  authentiques. 
Par  les  RR.  PP.  Cairoit  &c  Roiidlé , 
de  la  Compagnie  de  Jefus.  Tome 
cix-shptie'me.  Depuis  l'an  de  Ro- 
me 705.  jufqu'àran7'o.  Chez  Jac- 
ques Rollin  ,  Qiiai  des  Auguitins  , 
au  Lion  d'or  ^  Delefpim  ,  père  & 
fils ,  5c  Coignard  fils ,  rue  S.  Jac- 
ques. 1732.  '«-4°. 

Tufculane  de  Ciceron  fur  le  mépris 
de  la  mort .,  traduite  par  M.  l'Abbé 
A'Oltvet  de  l'Académie  El ançoilc. 
Avec  des  Remarques  de  M.  le  Pré- 
fident  Hoiihier  de  la  même  Acade- 
jiiie  ,  iiu  le  Texte  de  Ciceron.  On 
y  a  joint  le  Songe  de  Scip:on.  Chez 
GanduHin^  Quai  des  Auguitms,  à  U 


E  S  SÇAVANS. 

Belle  Image.  1732. /«-i  2. 

Les  cent  Nouvelles  -  Nouvelles  j 
par  Madame  de  dmeT^  Chez  1& 
Veuve  Gudlaume  ,  au  bout  de  la 
rue  Dauphine  ,  du  côté  du  Pont 
Neuf  ,  &C  Gandouin  le  jeune  ,  rue 
du  Hurpoix  ,  prés  le  Pont  S.  Mi- 
chel.   1751./W-I2. 

Le  Repos  de  Cyriis  ,  ou  l'Hiftoirc 
de  fa  Vie  ,  depuis  fa  feiziéme  juf- 
qu'à  fi  quarantième  année.  Chez 
Briaffon,  rue  S.  Jacques ,  à  la  Scien- 
ce. 1752. /«-8°. 

Explication  du  Livre  des  Pfeaii- 
mes^  où  félon  la  méthode  des  Saints 
Pcres ,  l'on  s'attache  à  découvrir 
lesMyfteresde  Jesus-Christ  j  & 
les  règles  des  mœurs  ,  renfermées 
dans  la  Icdure  même  de  l'Ecriture. 
Chez  François  B.^buty  ,  rue  S.  Jac- 
ques ,  à  Saint  Chrifoftome.  1733. 
iff~ii.  4.  vol. 

Effai  furies  erreurs  populaires ,  ou 
Examen  de  plufieurs  opinions,  re- 
çues comme  vraycs  ,  qui  font  hauf- 
fcs  ou  douteufes.  Traduit  de  l'An- 
glois  de  Thomas  Bro'wn^  Chevalier 
de  Dodeur  en  Médecine.  Chez 
Pierre  M-^itte ,  rue  S.  Jacques ,  pro- 
che de  S.  Yves ,  &  Didot ,  Quai  des 
Auguftins,  près  du  Pont  S.  Michel. 
1735.  in- II.  2.  vol. 

Alemoires  de  la  Cour  d'Efpagne  y 
depuis  l'année  1679.  jufqu'en  i68i. 
où  l'on  verra  les  Minifteres  de  Dom 
J;:.ù>  Se  du  Duc  de  Médina-  C'ii  , 
&  divciles  chofes  concernant  la 
Monarchie  Ffpagnole.  ChczJ'^è , 
■rue  S.  Jacques ,  à  la  Fleur  de  Lis 
d'or.  1753.  /.?i'i2. 

Eg'ngties  di.MonJîeur  de  S'grais  ^ 
de  l' Académie  l"ran^ûii"e>  avec  le? 


J  A  N  V  I  E  R,-    17??:  (fj 

partages  imités  des  Poètes  Latins.      Auteur.  Nouvelle  Edition.  Chez  la 
iJAthis  ^  Pocmc  Paftoral.  Le  por-     Veuve  ^e  Lon»?/,  rue  du  Foin. 

trait  de  Al-ïdimoifclle  ,    du  même 

Finîtes  a  corriger  dans  le  Journal  de  Décembre  i-j^z. 

PAge  -jëi.  col.  2.  ligne  9.  finit,  lifez.  Sinit  :  Ibid.  ligne  23.  in  eft,  lifez 
ineft  :  Page  7^7.  col.  i.  ligne  28.  Phœbe,  ///??,  Phoebe  :  Page  771. 
eol.  I.  %.  7.  S  mettez  (^  :  Ibid.  ligne  19.  faites  la  même  corredion. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Janvier  1733» 


H 


Ifloire  BcclefiaftiqHe  de  M.  l'Abbé  Fleury,  Tomes  XXFIl.  &  XXVUh 

page  5 

Ordonnances  des  Rois  de  France  de  la  troisième  Race ,  &c.  Tvmelll.  7 

U Abrégé  Anatomique  de  Laurent  Heifter ,  8cc.  1 1 

Le  Cabinet  Chinois  de  KonigHîerg  ,  &c.  i^ 

Traité  des  Matières  Criminelles ,  fmvant  l'Ordonnance  du  mois  diAokt  1^70. 

&c.  ig 

Obfervations  de  Médecine  fur  la  Maladie  afipellée  Convulfîon  3  2 

Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hifloire  d'Italie  ,  Tome  FIL  &c.  34 

Lettre  a  l'Auteur  de  l'Extrait  du,  journal  des  Sçavans  du  mois  d'O^obre 

1732.  &c,  38 

Lettre  de  M.  Petit ,  DcElcur'en  Médecine ,  &c.  4  j 

Les  Monumens  de  la  Monarchie  Françoije  ^  &Ct  Tomelf^»  cz 

La  Rofaltnde  mitée  de  l'Italien ,  5  g' 

Nouvelles  Littéraires ,  S^ 

f  jû  de  la  TaMe 


L  E 


JOURNAL 


DES 


SCAVANS, 

b 

FOUR 

VANNE'E     M.    DCC.    XXXIIl 

FEVRIER. 


A      P  A   R  I  S  , 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Q^ay  des 

Aimiftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  a  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.    DCC.  XXXIIl. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

FEVRIER    M.  DCC.    XXXUI. 

JOVRNAL  DV    RE'GNE    DE    HENRI    I T.  ROI   DE 

France  &  de  Navarre  :  Par  M.  Pierfeàe  l'Etoile  ,  Grand-Audiencier  , 
en  la  Chancellerie  de  Paris  :  tiré  fur  un  Manufcrit  du  tems.  Sans  nom  de 
Ville  ni  d'Imprimeur.  1752.  /«-8°.  1.  Vol.  Tom.  I.  pp.  291.  Tom.  II. 
pp.  300, 


CE  Journal  de  Pierre  de  l'E- 
toile a  été  publié  par  mor- 
ceaux à  différentes  reprifcs.  On  en 
vit  un  premier  fragment  dès  Tanné» 

f-evrier. 


16^3.  lequel  commençoit  au  der- 
nier jour  de  Mai  1 574.  le  lende- 
main de  la  mort  du  Roi  ChirJesIX. 
6c  tîniffoit  au  mois  de  Juin  1 5  89. 


68  JOURNAL    DE 

deux  mois  avant  celle  de  Henri  III. 
comprenant  ainfi  l'Hiftoire  d'un 
peu  plus  de  1 5  ans.  Ce  fragment , 
connu  fous  le  titre  de  lourrid  de 
Henri  III.  fut  réimprimé  à  Colo- 
gne en  i66è.  avec  pluficurs  Pièces 
concernant  l'Hiftoire  de  ce  tems-là. 
Après  quelques  autres  Editions  ,  il 
reparut  dans  la  même  Ville  en 
lyic.  augmenté  de  divcrfes  addi- 
tions de  même  genre  ,  enrichi  de 
figures  ,  &  des  Notes  de  M.  le  Bû- 
chât ,  pour  éclaircir  les  endroits  les 
plus  difficiles.  Mais  un  an  aupara- 
vant ,  M.  Godefroy  ^  DireéVeur  de 
!a  Chambre  des  Comptes  de  l'Ifle  , 
&  fi  cftirnable  pat  fa  vertu  &  par 
fon  habileté  ,  avoit  redonne  au  pu- 
blic ce  même  Journal  plus  ample 
qu'il  n'étoit  d'abord  ,  le  reftituant 
(  comme  avoient  déjà  fait  PéliJJùn 
&  Bayle  )  à  fon  véritable  Auteur  , 
qui  étoit  Pierre  de  l'Etoile  ,  Grand- 
Audiencier  en  la  Chancellerie  de 
Paris ,  iffu  d'une  tamille  honorable 
&  diftinguée  par  fes  alliances  dans 
la  Robbe.  Ce  Journal  commence 
dès  l'année  15 15.  dans  l'Edition  de 
M.  Godefroy  ,  &  après  avoir  rap- 
porté quelques  évenemens  des  rè- 
gnes de  François  I.  Henri  II.  Fran- 
çois II.  &  Charles  IX.  il  entre  dans 
un  détail  plus  particulier  fur  les  rè- 
gnes fuivans  ,  &  le  continue  juf- 
qu'en  i^ii.  c'eft- à-dire  )ufqu'au 
commencement  du  règne  de  Louis 
XIII.  Mais  dans  le  Mf  qu'a  fuivi 
M.  Godefroy  pour  cette  Edition  , 
il  y  avoit  une  lacune  ou  un  vuidc 
confidcrablc  ,  depuis  1594.  jufqu'à 
i6c6.  ou  pendant  12  années  4^  re- 
çue de  Henri  IV. 


S    SÇAVANS, 

C'eft  donc  cette  partie  qui  man- 
quoit ,  que  l'on  publie  aujourd'hui 
dans  ces  deux  Volumes ,  &:  qu'un 
Magiftiat  rcfpeclablc  par  fcs  Char- 
ges 6c  par  fon  mérite  perfonncl  ,  a 
bien  voulu  communiquer  à  l'Edi- 
teur. Mais  ce  Mf.  nouvellement 
découvert  ne  fuppléc  encore  qu'im- 
parfaitement au  vuide  du  premier  j 
puifquc  prenant  l'Hiftoire  au  mois 
de  Mars  1 594.  il  ne  la  conduit  que 
jufqu'en  Décembre  '597.  après 
quoi-rcfte  une  lacune  de  quatre  ans, 
(  qu'on  ne  dcfcfpere  pas  de  pouvoir 
remplir  :  )  puis  le  Journal  recom- 
mence au  mois  de  Mars  1^01.  Se 
continug  jufqu'au  18^  du  même 
mois  de  i6cj.  pour  reprendre  cn- 
fuiteau  moisdc  Mai  itfio.  Maisce 
vuidc  de  trois  ans  n'eft  point  dans 
l'édition  dcGodctroVjlaquellejainfi 
que  celle  dont  nous  rendons  com- 
pte ,  contient  les  années  1 6I0,  Sc 
1611.  avec  cette  différence  ,  que 
cette  dernière  Ediiion  oflrc  divers 
articles  omis  dans  l'autre ,  ou  ac- 
compagnés de  nouvelles  circonilan- 
ces ,  ou  qui  ne  font  pas  conçus  dans 
les  mêmes  termes. 

Il  n'ci^  donc  plus  queftion  pouï 
rendre  complet  ce  Journal  de  Hen- 
ri IV.  que  d'y  joindre  l'Hilloirede 
4  années  qui  y  manquent  ,  fî  l'on 
eft  alTcz  heureux  pour  les  recou- 
vrer, A  l'égard  des  additions  ou  des 
différences  dont  nous  venons  de 
parler,  &  qui  diftinguent  des  im- 
primez le  nouveau  Mf.  on  recon- 
noîtra  fans  peine  qu'elles  partent 
de  la  même  main,  C'eft  partout  le 
même  efprit  ,  le  même  goût  &  le 
même  ftyle.    On  aura  feulement 


F  E  V  R  I 

lieu  de  préfumer  que  P.de  l'Etoile, 
en  relifant  fon  Journal ,  y  ajoûtoit 
çà  &  là  quelques  traits  dont  il  fe 
reflouvenoit  alors  ,  &  que  fa  mé- 
moire ne  lui  avoit  pas  fournis  d'a- 
bord. 

L'Editeur  obferve  (  dans  fon 
Avertiflement  )  que  ces  fortes  de 
Journaux ,  quoiqu'à  certains  égards 
fort  inférieurs  à  une  Hiftoire  en 
forme ,  ne  laiffcnt  pas  de  prefenter 
aux  Ledeurs  l'utile  joint  à  l'agréa- 
ble. C'eft  par-là  que  le  Joitrfid  du 
Maréchal  de  Baffompieri-e  ,  &  ce- 
lui qui  a  paru  fous  le  titre  de  Chro- 
mi]ue  Scandalinft  du  règne  de 
Louis  XL  ont  mérité  l'accueil  du 
public  ;  &  que  les  Ouvrages  de  ce 
genre  ,  cachés  jufqu'ici  dans  les 
meilleures  Bibliothèques  ,  ne  fe- 
roient  peut-être  pas  [  dit-il  ]  indi- 
gnes de  rimprcilion.  L'agrément 
de  ces  Journaux  (  pourluit  l'Edi- 
teur )  confifte  dans  une  variété 
^évcnenicns  tout  difFerens ,  qui  fe 
fucccdent  les  uns  aux  autres ,  qui 
femblent  placer  le  Ledeur  dans  le 
tems  même  où  ih  font  arrivés ,  & 
qui  fans  fatiguer  Ion  attention ,  lui 
permettent  de  quitter  &  de  repren- 
dre fi  kclure ,  fans  rien  perdre  de 
l'enchaînement  des  faits.  A  cet 
agrément  fe  joint  une  utilité  confi- 
der.ible  ;  &c  c'eft  l'exaditude  des 
dates  quii  marquent  dans  ces  Jour- 
naux chaque  événement  particu- 
lier; dattes  fouvent  ignorées  par  les 
Hiftoricns  mêmes ,  ou  négligées  , 
pour  ne  point  cmbarrafler  le  fil 
d'une  Hiftoire  générale.  Quantité 
de  .^^milles  y  trouveront,  outre  ce- 
la ,  de-  faits  intereflans  pour  elles , 


E  R  ,    I  7  ?  ?•  69 

&  dont  leur  tradition  domcftiquc 
ne  leur  a  pas  confervé  le  fouvcnir. 
Au  furplus  l'Auteur  de  ce  Journal 
y  a  peint  fon  caraderc  propre ,  par 
celui  de  fon  ftyle,  qui  eft  libre 
naturel ,  annonçant  partout  la  can- 
deur &  la  probité  de  l'Ecrivain  , 
fon  zélé  pour  le  bien  public,  fon 
amour  &  fi  fidélité  pour  fes  Souve  • 
rains.  On  en  pourra  juger  par  quel- 
ques articles  que  nous  tranfcrirons 
de  ce  Journal  pour  échantillon,      j 

»  Le  Mardi  22  jour  de  Mars  " 
»ji^94.  àfept  heures  du  matin  ,  le 
»  Roi  (  Henri  IV.  )  entra  dedans 
»  Paris  par  la  même  porte  que  le 
»  feu  Roi  en  étoit  fovti ,  &  fat  la 
»  Ville  réduite  en  fon  obéilTance 
»'  fans  faq  &  fans  effufion  de  fang , 
ȕ  fors  de  quelques  Lanfquencts 
»  qui  voulurent  mener  les  mains 
»  éc  deux  ou  trois  Bourgeois  de  la 
»  Ville ,  la  vie  defquels  le  Roi  dit 
»  depuis  avoir  eu  defir  de  rachet- 
»  ter ,  s'il  eut  été  en  fa  puilfance  , 
»  de  la  fomme  de  50  mille  écus , 
M  pour  laiffer  un  fingulier  témoi- 
"  gnage  à  la  pofterité  ,  que  le  Roi 
»  avoit  pris  Paris ,  fans  le  meurtre 
a  d'un  feul  homme.. 

»  Etant  dans  la  rue  S.  Honoré  ' 
j>  vis-à-vis  de  la  barriere,il  demanda 
»  auMaréchalde  Matignon,comme 
«  s'il  eut  été  étonné  de  fe  voir  dans 
M  une  telle  Ville  ,  au  milieu  d'un  Çi 
»  grand  peuple  ,  s'il  avoit  donné 
»  bon  ordre  à  la  porte  ,  &  qu'il  y 
»  regardât  bien.  Puis  ayant  avifé 
n  un  Soldat  qui  prenoit  par  force 
»  du  pain  fur  un  Boulanger ,  y  cou- 
»  rut  lui-même  ,  &  le  voulut  tuer, 

3i  Dès  te  matin ,   ie  Roi  avoie 


70  JOURNAL    D 

j>  envoyé  vers  eux  (  les  Elpagnols  ) 
»  M.  le  Comte  de  S.  Pol ,  avec 
»  charge  de  dire  au  Duc  de  Feria  , 
»  comme  il  fit ,  que  Sa  Majcfté 
)}  tenant  en  fa  main  &c  leurs  vies  & 
»  leurs  biens ,  il  ne  vouloir  toutc- 
»  fois  ni  de  l'un ,  ni  de  l'autre,  ains 
M  que  libéralement  il  le  leur  re- 
>»  mcttoit ,  moyennant  que  prom- 
»  ptemcnt  ils  fortilfent  de  fa  Ville 
«  de  Paris ,  fans  aucune  dilation  ou 
»>  excufe.  Ce  que  ledit  Duc  ayant 
»  promis ,  &  alfez  promptcment , 
»  comme  celui  qui  ne  s'attcndoic 
»  pas  d'en  fortiràfibon  marché  , 
»  s'écria  par  deux  ou  trois  fois  ^ah! 
?j  grand  Roi  !  grand  Roi! 

»  Ce  jour  ,  iur  les  trois  heures 
»  après  midi  ,  le  Duc  de  Fcria  avec 
»  les  garnifons  étrangères  fortirent 
3>  de  Paris  par  la  Porte  S.  Denis  , 
»  au-deiïus  de  laquelle  y  a  une  fe- 
)>  nêtre  ,  où  le  Roi  fe  mit  pour  les 
»  voir  palTer.  Le  Duc  de  Feria  le 
"falua  à  l'Efpagnol,  comme  on  dit, 
»  c'efl- à-dire  ,  gravement  &  mai- 
»  gremcnt.  De  quoi  le  Roi  fe  moc- 
»  qua  ,  8c  lui  otant  à  moitié  fon 
»;  chapeau,  le  contrctaifoit  après 
»  fort  plailammcnt. 

"Pour  le  Secrétaire  Nicolas,  Sa 
»»Majefté  le  manda  à  fon  dîner  pour 
»  en  tirer  du  plaillr.  Lui  avant  de- 
ij  mandé  qui  il  avoir  fuivi  pendant 
M  les  troubles ,  ledit  Nicolas  lui  ré- 
»  pondit ,  qu'il  avoit  à  la  vérité 
»  quitté  le  Soleil  &  fuivi  la  Lune. 
»  Niais  que  veux-tu  dire  ,  de  me 
»  voir  ainfi  à  Paris  comme  j'y  fuis  î 
>ï  Je  dis,  Sire  ,  répondit  Nicolas  , 
»  qu'on  a  rendu  à  Céfar  ce  qui  ap- 
f>  partenoit  à  Céfar ,  comme  il  faut 


ES   SÇAVANS, 

«  rendre  à  Dieu  ce  qui  appartient  i 
»  Dieu.  Ventre-faint-Gris ,  répon- 
n  dit  le  Roi  ,  on  ne  m'a  pas  tait 
»  comme  à  Céfar  ,  car  on  ne  me 
}>  l'a  pas  rendu  à  moi  ,  on  me  l'a 
»  bien  vendu.  Cela  dit-il  en  pre- 
n  fcnce  de  M.  de  Brlfl-ic  ,  du  Prévôt 
»  des  Marchands ,  &  autres  vcn- 
»  dcurs  qu'il  appelloit. 

w  A  Meflieurs  de  la  Ville ,  qui 
)i  lui  prefentcrcnt  ce  jour  de  l'hipo- 
M  cras ,  de  la  dragée  &  des  flam- 
»  beaux  ,  fuppliant  Sa  Majeftc 
»  d'excufer  la  pauvreté  de  fa  Ville 
»  de  Paris ,  il  leur  dit ,  qu'il  les  re- 
»  mcrcioit  de  ce  que  le  )our  de  de- 
»  vant  ils  lui  avoient  fait  prefent  de 
»  leur  coeur  Se  maintenant  de  leurs 
"  biens ,  qu'il  les  acccptoit  de  bon 
M  coeur.  Se  pour  leur  montrer,  qu'il 
»  demeureroit  avec  eux  &  en  leur 
"  garde  ,  6c  qu'il  n'en  vouloir  point 
»  d'autre  que  la  leur. 

»  Comme  il  fe  mertoit  à  t.ablc 
>»  pour  fouper  ,  il  leur  dit  en  riant, 
«qu'il  fentoitbien  à  fes  pieds  qui 
"ctoicnt  moittes  ,  qu'il  s'ctoit 
n  crotté  venant  à  Paris ,  mais  pour 
»  le  moins ,  qu'il  n'avoit  pas  perdu 
»  fes  pas. 

»  Le  Jeudi  24  Mars ,  le  Roi  vint 
«voir  Madame  de  Nemours ,  avec 
«laquelle Madame  de  Monrpenfier 
»  étoit.  Il  leur  demanda ,  cntr'au- 
»  très  propos  ,  il  elles  n'étoient 
»  point  bien  étonnées  de  le  voir  à 
»  Paris,  &  encore  plus,  de  ce  qu'on 
»  n'v  avoir  volé  ni  pillé  perfonnc 
»  ni  fait  tort  à  homme  du  monde 
»  de  la  valeur  d'un  fétu  ,  voire  jut 
»  qu'à  la  racùlle  des  goujats ,  qui 
»  avoient  payé  tout  ce   qu'Us   a- 


F  E  V  R  I 

»  voient  pris  :  &  fe  tournant  vers 
»  Madame  de  Montpcnfier,  lui  dit, 
»  que  dites  vous  de  cela  ,  macou- 
M  fine  5  Sire  ,  lui  rcpondit-elle.nous 
»  n'en  pouvons  dire  autre  chofe^ 
»  finon  que  vous  êtes  un  très  grand 
»  Roi ,  trcs-bening,  très-clément 
■»  &c  très-çénéreux.  A  quoi  le  Roi 
»  fe  fouriant ,  lui  dit  ;  je  ne  fliis  a 
»  je  dois  croire  que  vous  parliez 
«comme  vous  penfez.  Une  chofe 
»  fais-je  bien  -,  c'eft  que  vous  voulez 
»  bien  du  mal  à  Briilac  :  eft  il  pas 
»  vrai  ?  Non  ,  Sire  ,  dit-elle  ; 
»  pourquoi  lui  en  voudrois-je  î  Si 
»  faites ,  il  faites ,  répondit  le  Roi , 
M  je  le  fais  très  bien.  Mais  quelque 
«jour  ,  quand  vous  n'aurez  que 
»»  faire  ,  vous  ferez  votre  paix.  Sire, 
"dit-elle  ,  elle eft  toute  faite  ,  puif- 
M  qu'il  vous  plaît.  Une  chofe  euf- 
»  fai-jc  feulement  defiré  en  la  re- 
»  duiStion  de  votre  Ville  de  Paris  , 
n  c'eft  que  M.  de  Mayenne  mon 
"  frère  vous  eut  abbaififc  le  pont 
»  pour  y  entrer.  Ventre-faint-Gris, 
«répondit  le  Roi  ,  il  m'eût  fait 
»  poflible  attendre  long-tems  & 
»  n'y  fulTe  pas  arrivé  fi  matin. 

»  Le  même  jour  ,  S.  M.  entrant 
»  au  Lourre ,  dit  à  M.  le  Chance- 
»  lier  i  «lois-je  croire  ,  à  votre  avis , 
»  que  je  fois  là  où  je  fuis  ?  Sire ,  lui 
»  répondit-il  ,  je  crois  que  vous 
»  n'en  doutez  point.  Je  ne  fais,  dit 

•  le  Roii  car  tant  plus  j'y  pcnfe  , 
>•  &  plus  je  m'en  étonne.  Car  je 

*  «louve  qu'il  n'y  a  lien  de  l'hom- 


E  R  ,    I  7  5  ?.  71 

n  me  en  tout  ceci.  C'cfl  une  œuvre 
»  de  Dieu  extraordinaire,  voire  des 
»  plus  grandes.  Et  à  la  vérité,  c'cfl: 
«  chofe  fort  miraculcufe  de  dire 
"  qu'une  telle  entreprife  éventée 
«  comme  elle  éroit  ,  &  feiie  de 
"tant  de  perfonnes ,  voire  lon;^- 
»  tcms  auparavant  ,  ait  pu  réulïîr  à 
nfaiàn.  Car  le  fccrctei:  une  chofe 
«  rare ,  &  peu  ufitée  entre  ceux  de 
M  notre  Nation. 

«Le  Mardi  i^'  Mars  ,  on  fit 
>9  proceflion  générale  à  Paris ,  à  la- 
»  quelle  le  Roi  aflîfta  tout  au  long , 
»  nonobftant  la  pluye  S-c  mauvais 
n  teins  qu'il  raifoit.  Tous  les  Men- 
"  dians  s'y  trouvèrent,  hormis  les 
M  Jacobins  ,  aufquels  on  Ht  défcnfe 
«  de  s'y  trouver.  Il  y  eut  aullî  des 
"feux  de  joye  commandés  par  tout, 
«qu'on  fit  avec  une  mcrveiUeufe 
»  allegreffe  ,  &  où  on  cria  à  pleine 
«  voix,  vive  le  Ror.  (mélodie  toute- 
"fois  qui  ne  fonnoit  pas  encore  bien 
M  aux  oreilles  de  plufieurs  )  &  di- 
jjfoit-on  que  Madame  de  Monr- 
»  penfier  oyant  cette  Mufique  , 
»  avoit  dit  en  riant ,  que  Brifiac 
«  avoit  plus  tait  que  fa  femme ,  qui 
»  en  quinze  ans  n'avoit  fait  chanter 
»  qu'un  Cocu ,  au  lieu  que  lui,  en 
»  huit  jours,  avoit  fait  chanter  plus 
»  de  vingt -mille  perroquets  à  Paris. 

En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut 
pour  faire  connoître  le  ftyledcce 
Journal ,  dont  la  ledure  amufe  & 
interefle  également. 


mw 


72  JOURNAL    DES     SÇAVANS, 


TRAITE  DES  TVMEVRS  C  0  NTRE- N  ATV  RE, 
par  Ai.  Deidier  ^  Con/cili:r  ,  Médecin  du  Roy  ^  Chevalier  de  fan  Ordre 
de  S.  Aduhd ,  Profcffcur  Roy. il  de  Chimie  en  l'ZJniverJîté  de  Aïompellier  , 
Ajfocié  a  l''  Acadmij  Roy  de  des  Sciences  d'yingleterre  ,  Afedecin  Con- 
fidtant  de  la  Fdle  de  Montpellier  ^  &  premier  Médecin  des  Galères  de 
France.  Cinquième  Edition  ,  augmentée  d!une  Diffirtation  Prélimm.nre  fur 
la  Chirurgie  Pratique  ,  &  de  plufieiirs  Confidtations  &  Ohfervattons  Chi- 
rurgicales du  même  Auteur  ,  avec  un  Difco/irs  Académique  fur  la  Conta- 
gion de  la  psfle  de  Marfeille. 

A  Paris,  rue  S.  Scverin,  chczd'Houry  ,  fcul  Imprimeur- Libraire  de 
Monfeigneur  le  Duc  d'Orléans.  173 1.  vol.  in-it.  pp.  399. 


NOUS  avons  parlé  delà  qua- 
trième Edition  de  ce  Traité  , 
dans  le  Journal  de  Mars  \j2.6.  Cel- 
le-ci qui  ell  la  cinquième,  contient 
de  plus,  comme  on  le  voit  par  le 
titre  ,  1°.  Une  Dilfertation  fur  la 
Chirurgie-Pratique  :  i°.  Piufieurs 
Confulrations  &  Obfervations 
Chirurgicales  :  3".  Un  Difcoursfur 
la  Pefte  de  Marfeille.  Nous  parle- 
rons par  ordre,  de  ces  trois  articles, 
laifTant  à  part  le  Traité  des  Tu- 
meurs dont  nous  n'avons  autre 
chofe  à  dire  que  ce  que  nous  en 
avons  dit  dans  le  Journal  que  nous 
venons  de  citer. 

La  Diifcrtation  fur  la  Chirurgie- 
Pratique  ,  contient ,  à  proprement 
parler  ,  ce  qu'on  appelle  les  élé- 
mens  de  la  Chirurgie  ,  M.  Deidier 
y  explique  d'abord  ce  que  c'eftque 
les  quatre  Opérations  Chirurgica- 
les ,  fçavoir  la  Synthcfe  ,  la  Dtcrefc  ^ 
\'E.\-herefe  ,  la  Prothefe  ,  &  après 
avoir  dit  làdelTus  ce  qui  fe  dit  or- 
dinairement, il  vient  aux  inftru- 
niens  de  Chirurgie  qu'il  réduit  à  6ic 
principaux ,  fçavoir  les  cifcaux  ,  les 
rafoirs ,  les  lancettes ,  les  fondes  , 


les  pincettes ,  &  les  aiguilles.  Il  paf- 
fe  de- là  aux  cinq  onguens  que  les 
anciens  Chirurgiens  portoient  avec 
eux  dans  une  boete  qu'ils  nom- 
moicnr  leur  Bo'étier  ,  &  enfuite  il 
dit  un  mot  des  maladies  Chirurgi- 
cales en  général ,  6c  de  la  circula- 
tion des  liqueurs  ;  ce  qui  le  conduit 
à  parler  des  tumeurs  internes  &  des 
externes ,  puis  des  playes  ,  des  ul- 
cères, des  fra6lures ,  des  caries ,  des 
diflocitions  &  de  la  conduite  que 
le  Chirurgien  doit  tenir  dans  tous 
ces  diffcrens  cas.  A  l'égard  des  frac- 
tures ,  il  rapporte  un  fait  qu'on  ne 
fera  peut-être  pas  tâché  de  trouver 
ici. 

Une  Demoifellc  de  18  ans  ,  à 
Montpellier  ,  s'étoit  fracalfée  la 
partie  movcnne  &:  latérale  gauche 
de  l'os  coronal,  en  tombant,  la  tête 
première  ,  d'une  lenctre  aflez  haute 
dans  une  cave  ,  fur  un  pavé  égal, 
formé  de  pierres  de  taille.  M.  Dei- 
dier fut  appelle  aiillî-tôt  après  cette 
chute  ,  avec  deux  Maîtres  Chirur- 
giens très -habiles  :  on  trouva  la 
Demoilelle  fans  mouvement  vo- 
lontaire 5c  uns  fcntiment  ,  avec 
une 


F  E  V  R  I 

une  playe  fur  l'os  coronal,  d'où 
avoir  coulé  beaucoup  de  fang.  Cet- 
te playe  fut  agrandie  par  une  inci- 
fion  cruciale  ,  &  les  bords  ayant 
été  emportés  ,  on  apperçut  à  l'os 
coronal  ,  un  enfoncement  de  la 
grandeur  d'un  écu  de  trois  livres. 
On  appliqua  le  trépan  à  la  partie  la 
plus  ferme  de  cet  os  en  prenant  fur 
la  Iradure  par  une  petite  portion 
de  la  couronne  :  lorfqu'il  fallut  cn- 
fuite ,  à  la  faveur  de  ce  trou  du 
trépan  ,  relever  l'os  enfoncé  ,  toute 
la  pièce  fauta  ,  parce  qu'elle  étoit 
•détachée  de  toutes  parts.  Il  relia 
donc  une  grande  ouverture  au  crâ- 
ne. Peu  de  jours  après  on  vit  fortir, 
par  cette  ouverture  ,  la  dure  mère 
enveloppant  une  partie  du  cerveau 
de  la  grandeur  d'un  gros  œuf  de 
poule.  Il  ne  fut  pas  poflîble  de  faire 
rentrer  cette  portion  fortie.  La  du- 
re mère  engagée  dans  le  trou  fe  gan- 
grena bien- tôt  ;  il  fallut  la  fcarifier 
à  coups  de  lancette  ,  &  la  ranimer 
avec  des  liqueurs  fpintueufes ,  pour 
empêcherle  progrès  de  la  gangrené^ 
mais  cela  ne  fervant  de  rien  ,  on  fut 
forcé  de  couper  avec  le  biftouri 
toute  la  tumeur  qui  paroiffoit  en 
dehors  &  de  couper  par  confe- 
quent  une  partie  du  cerveau.  On 
tâcha  enfuite  ,  mais  vainement ,  de 
comprimer  ce  vifcere  ,  &  de  le  te- 
nir enfoncé  par  des  compreffes  py- 
ramidales foîitenuës  d'un  couvre- 
chef;  la  propre  fubftance  du  cer- 
veau qui  en  cet  endroit ,  fe  trou- 
voit  dépourvue  de  fes  deux  enve- 
loppes ,  s'éleva  de  nouveau  &  pro- 
4uiiît  une  tumeur  en  forme  de 
champignon.  Il  falut  couper  cette 
février. 


E  R,     1  7  3  5.  7j 

tumeur  ,  ce  qu'on  fit  à  deux  fois. 
On  eut  enfuite  recours  à  une  pla- 
que d'argent  \  mais  ce  moyen  ne 
rcuilit  pas  mieux  qu'avoient  fait  les 
comprelTes  ;  une  nouvelle  portion 
du  cerveau  fortit ,  &  cette  portion 
étant  devenue  livide,  on  la  retran- 
cha de  même  que  les  autres  ,  fans 
qu'il  furvînt  non  plus  aucun  fâ- 
cheux accident.  La  malade  qui 
avoit  repris  fes  mouvemens  volon- 
taires &  tous  fes  fens ,  depuis  que 
la  pièce  d'os  avoit  été  enlevée  ,  ne 
fentit  aucune  douleur  dans  toutes 
les  incifions  qu'on  lui  fit  au  cer- 
veau. Les  nouvelles  chairs  crureigi 
peu  à  peu  de  tous  les  endroits  de 
l'os  coupé  ,  elles  gagnèrent  le 
deflus  ,  &  recouvrirent  le  cerveau 
en  entier  ,  en  fe  conveitifTant  en 
une  cicatrice  ferme  qui  dans  l'ef- 
pace  de  trois  mois  que  dura  toute 
la  cure  ,  forma  un  véritable  calus. 
Cette  Demoifelle  depuis  ce  tems-là 
joiiit,  d'une  auflî  parfaite  fanté  que 
fi  elle  n'avoit  jamais  reçu  aucune 
bleffurc  à  la  tête. 

Les  Confultations  Chirurgicales 
font  au  nombre  de  1 9,&  concernent 
differens  fujets ,  tels  que  font  une 
dartre  au  vifage,  un  écoulement  in- 
volontaire de  larmes,  une  ophthal- 
mie,une  fiftule  lacrymale,  un  affoi-» 
bliirement  de  vûë  en  confequence 
d'un  coup  d'épée-,un  fcorbufquc,un 
fcorbut  accompagné  d'affediion  hy- 
pochondriaque  ;  un  goitre  naiflànti 
des  tumeurs  écrouelleufes  ,  des 
écrouclles  ouvertes  ,  un  phlegmon 
oedémadeux  de  la  mammelle  ,  une 
dartre  farineufc  ,  des  ulcères  aux 
jambes;  un  flux  hémorrhoïdalex- 
K 


74  JOURNALD 

cclTit  apériodique,  accompagne 
5c  fuivi  clc  plnûeurs  accidcns  p.irti- 
ci'.licrs,  un  foupçon  li'cnipoifonnc- 
mcnr ,  un  ulcère  à  l'oreille ,  un  pif- 
fcment  pcrioLliquc  rie  fang  ,  un  au- 
tre pitremen:  de  fing  furvcnant  de 
fois  à  autre  fans  règle ,  une  léprc 
véritable. 

Nous  ne  fçaurions  parler  de 
toutes  ces  Confukations.  Nous 
nous  bornerons  à.  celle  où  il  s'agit 
d'un  foupçon  d'cnipoifonncment. 

Trois  jeunes  Demoifellcs  qui 
croient  fous  la  conduite  d'une 
belle-mcre  ,  furent  foupçonnées 
d'avoir  été  empoifonnées  par  cette 
belle-mere.  Il  leur  arriva  à  toutes 
trois  de  s'évanouir  dans  le  même 
moment  en  trois  lieux  diffcrens. 

L'aînée  ,  qui  étoit  d'un  tempé- 
rament vif&  délicat,  fentit après 
cet  évanouilTcment ,  un  tcu  dévo- 
rant dans  la  poitrine  ,  tout  fon 
corps  fe  couvrit  déboutons ,  une 
cfpece  de  fièvre  ardente  la  faifit& 
elle  mourut  au  bout  de  l'année.  La 
plus  jeime  qui  étoit  d'un  tempéra- 
ment plus  robufte  Se  moins  vif,  fe 
maria  quelques  tcms  après  fon  éva- 
noiliffcment.  Elle  fut  attaquée  des 
mêmes  fymptomes  que  fa  fœur  aî- 
née ;  mais  de  tréquentes  couches  la 
Ibulagercnt  peu  à  peu.  Ses  premiers 
enfans  fe  reffentirent  de  fon  acci- 
dent ,  ils  moururent  après  de  vio- 
lentes fueurs. 

La  féconde  fille  ^  qui  eft  celle 
dont  il  s'agit  à  prcfcnt ,  eft  une 
perfonne  replette  ,  peu  vive  ,  & 
d'un  tempérament  fort  robuftc. 
Pendant  la  première  année  après 
fon  évanouiircmcnt  ,  elle  devint 


ES   SÇAVANS, 

toute  boutonnée  ,  elle  maigrit  Sc 
changea  h  fort ,  qu'au  bout  de  l'an 
elle  étoit  méconnoiflable.  Elle  eut 
de  même  qu'une  de  fes  autres 
foeurs ,  au  même  inftant ,  un  aijtre 
évanouilfement  qui  dura  près  de 
trois  heures  malgré  les  fccoitrs 
qu'on  lui  donna.  Depuis  ce  mo- 
ment elle  fentit  de  nouvelles  dou- 
leurs dans  les  entrailles ,  des  feux 
dans  la  poitrine  ,  avec  des  tiraille- 
mcns  infuportables  ,  ôcdeviolens 
maux  3e  tête.  Elle  eut  enfuitc 
pendant  fix  mois  des  fueurs  foe- 
tidcs ,  &c  lî  abondantes  ,  qu'il  lui 
falloir  changer  de  linge  jufqu'à  i  j 
fois  par  jour.  11  lui  furvint  dans  les 
jambes  des  teux  cuifans ,  comme  (î 
on  les  lui  avoit  écorchées  :  il  lui 
vint  auOi  fur  la  poitrine  ,  de  ces 
mêmes  teux, avec  de  petits  boutons 
q\n  dans  la  fuite  difparoilToient  8c 
rcparoiflToient  trois  trois  par  mois-, 
Lorfqu'ils  difparoilfoicnt  ,  la  poi- 
trmc  fe  couvroit  d'une  couleur 
d'olive  brune ,  &  s'entloit  extraor- 
dinaircmcnt.  L'enflure  gagnoit 
quelquefois  tout  le  corps  &  étoic 
accompagnée  de  douleurs  qui  fcm- 
bloient  pénétrer  jufques  dans  U 
moelle  des  os.  La  malade  outre  cela 
vomilToit  tout  ce  qu'elle  mangeoit 
excepté  la  foupe. 

Elle  prit ,  il  y  a  environ  quinze 
ans  ,  les  eaux  de  Bourbon  ,  qui  di- 
minuèrent les  accidens  ;  ils  ne  re- 
vinrent plus  11  tréquemment ,  Sc 
même  depuis  quelques  années  ils 
ne  reviennent  que  dans  le  Prin- 
fcms.  Lorfque  les  boutons  demeu- 
rent quelques  tems  fans  difparoître, 
il  arrive  une  pelade ,  ôc  dans  les 


F  E  V  R  I 

premières  années  la  malade  peloit 
cent  fois  par  an.  Une  particularité 
bien  digne  de  remarque  ,  c'eft  que 
dans  le  fort  de  la  maladie,  le  fom- 
meii  fait  difparoîtic  les  boutons.  Se 
qp'alors  tous  les  accidens  ccllcnt , 
iTiais  qu'au  réveil  la  malade  a  des 
palpitations  violentes  qui  la  fufFo- 
queroient  fans  le  fccours  des  cor- 
diaux. 

Les  principaux  remèdes  dont 
elle  a  ufè  ,  font ,  pour  la  fin  de  la 
première  année  ,  le  lait  d'ânelTe 
coupé  avec  l'eau  de  chaux  ,  parce 
qu'il  s'aigrifloit  dans  i'eftomac  , 
puis  pendant  cinq  années  confccu- 
tives ,  le  m.ême  lait  tous  les  Prin- 
tems ,  quelques  légères  purgations 
«levant  &:  après  l'ufage  du  lait  ,  & 
durant  le  cours  de  ce  remède  un 
peu  de  rhubarbe  de  quatre  en  qua- 
tre }ours,ce  qui  la  foulagea  confide- 
rabiement  :  on  lui  donna  cnfuite 
les  bouillons  de  vipère ,  mais  fans 
aucun  effet. 

Elle  a  bon  appétit  §>:  eft  à  prefent 
en  aiïez  bon  point.  Elle  fe  purge 
une  fois  toutes  les  années.  Elle 
prend  a(5tuellement  les  eaux  de  la 
Motte ,  lefquellcs  paffent  fort  bien, 
ramfint ,  dit-on ,  un  grand  comi^at 
avec  le  vemn  dont  fon  fang^îfl  infec- 
té. 

^î.  Deidier  confulté  fur  cette  ma- 
ladie, effaye  d'en  expliquer  tous  les 
accidens.  Il  lui  paioît  mcontcftable 
que  la  malade  &  fes  deux  fœurs  ont 
été  empoifonnées.  Et  ce  qui  le  por- 
te à  taire  ce  jugement ,  eft  qu'elles 
curent  toutes  trois  dans  le  même 
inftant ,  un  évanouilTcmenr  fubit , 
qui  fut   fuivi  d'un  feu  dévorant 


E  R  ,     I7Î  j.  7; 

dans  la  poitrine  ,  &  d'un  change- 
ment univcrfel  de  toute  la  peau  , 
fur  laquelle  il  s'éleva  pluiieurs  bou- 
tons. Il  dit  que  ce  poifon  fut ,  fé- 
lon route  apparence  ,  extrêmement 
fuùttlifé  &  exaBement  mêlé  avec  les 
alimens  communs^  dont  ces  trois  fœurs 
uferent ,  puif^u'il  ne  commença  h  pro- 
duire fin  eff:t  ejiie  lorfcju'il  fut  porté 
avec  les  alimens  ,  dans  les  plus  petits 
vaiffeaux  capillaires  du  poumon  &  de 
la  peau  ,  par  lefcjuels  la  tranfpira- 
tion  a  coutume  de  s'écouler.  Ce  venin 
pourfuit-il ,  bouchant  tout  à  coup  la 
tranfpiration  ,  oùlige  Icfàng  defe  por- 
ter en  abondance  par  les  vaiffeaux 
collatéraux  dans  les  gros  troncs  & 
par-là  dans  le  propre  tiffu  du  cœur  ' 
dont  le  mouvement  fufpetidu  produifît 
Vévanouiffement ,  cju'i  devoit  être  une 
véritable  fyncope  ,  puifqu  on  fut  obligé 
de  recourir  aux  cardiaqites  les  plus 
forts  pour  le  diffiper. 

M.  Deidier  porte  plus  loin  fon 
explication  ,  il  prétend  que  lorfque 
cet  évanouilTement  fut  palTé  ,  le 
cœur  &  les  grofles  artères  fe  con- 
tratfterent  avec  violence  pour  faire 
aller  leurs  liqueurs  au  loin  ,  & 
chaiïer  le  venin ,  mais  que  ce^cnin 
confliamment  arrêté  dans  les  mê- 
mes capillaires  ,  y  donna  occafîon. 
aux  feux  de  poitrine ,  &  au  change- 
ment de  la  peau  boutonnée  ■■,  que 
cet  engagement  produifît  la  fîevrc 
ardente,  &c  le  retour  de  la  fyncope, 
dont  l'aînée  de  ces  trois  Demoifel- 
Ics  mourut  ,  parce  qu'elle  étoit 
d'un  tempérament  plus  délicat ,  & 
qu'ainfl  le  cœur  ne  pouvanr  leiftet 
au  fécond  affaut ,  fuccomba  &:  ceflà 
de  battre. 

Ki} 


76  JOURNALD 

Voilà  pour  ce  qui  rcgirdc  la 
faur  aînée  ;  il  s'agit  à  prcfcncde  la 
cadette  des  trois ,  £<.  voici  com- 
ment on  s'explique  fur  ce  lujet. 

La  plus  cadette  de  ces  trois  filles 
plus  vigoureufe  ,  dit-on  ,  que  fon 
aînée  ,  refifta  à  ce  fécond  orage  ,  & 
s'eft  trouvée  conhdérat lemcnt  fou- 
iagée  par  le  mariage  ,  en  ce  que  fes 
fréquentes  couches  la  délivrèrent 
d'une  partie  du  venin  ,  qui  rcftant 
rencoigné  dans  les  plus  petits  vaif- 
feaux ,  fut  obligé  d'en  fortir  lorf- 
que  ces  mêmes  vaiiTcaux  du  tiiTu 
de  la  matrice  fc  trouvèrent  ouverts 
C^  plus  délicats.  Les  premiers  enfans 
de  cette  Dame  périrent  par  des 
fueurs  abondantes  ,  parce  que  le 
▼enin  toujours  cantonné  dans  la 
peau  y  attira  cette  fueur  mortelle. 

Ce  feroit  peu  de  chofe  de  s'être 
expliqué  fur  ces  deux  fœurs,  fi  l'on 
ne  difoit  ce  qu'on  pcnfe  de  la  fé- 
conde qui  fait  le  fujet  principal  de 
la  Confultation.  Et  c'eft  de  quoi 
s'occupe  principalement  M.  Dei- 
dier.  Il  dit ,  i°.  Qiie  comme  cette 
féconde  s'eft  trouvée  beaucoup 
plus  robufte  que  fon  aînée  ,  il  eft 
arrivé  qu'elle  a  refifté  &  il  arrive 
qu'elte  refifte  encore  aux  violcns 
efforts  du  poifon  pour  fortir  par  la 
peau  :  2°.  Que  cette  fille  fe  trou- 
vant moins  vive  que  fa  cadette  n'a 
pu  contribuer  comme  elle  à  la  for- 
tie  du  poifon  ,  fait  qu'elle  n'ait  pas 
eu  les  mèmesoccafons  de  l'évacuer  par 
Us  vidanges  ,  foit  parce  que  fes  artè- 
res battant  plus  mollement  &  avec 
moins  de  force ,  ne  font  pas  en  état  de 
vaincre  tous  les  obflacles  des  vaiJfeaHX 
capillaires  ohftrue^. 


ES  SÇAVANS, 

Selon  notre  Auteur,  ceS  obftacles 
ont  été  6c  font  encore  la  caufe  an- 
técédente &  ncccflaire  de  tous  les 
accidens  i  c'eft  par  cette  caufe  ,  fé- 
lon lui,  que  le  corps  devmt  d'abord 
tout  boutonné  ,  que  la  malade 
maigrit  5c  que  û  peau  changea  de 
couleur  -,  c'eft  par  cette  caufe  que 
lui  arriva  le  fécond  évanouiftemcnt 
qu'elle  eut  une  année  après  le  pre- 
mier dans  le  même  moment  qu'une 
de  fes  fœurs.  C'eft  de  cette  même 
caufe  que  vinrent  les  douleurs  de 
poitrine  ,  d'entrailles  &  les  maux 
de  tête  violens ,  parce  cjue  lefang  ne 
pouvant  rouler  librement  dans  le  tifpi 
de  la  peau  bouchée ,  feponoit  rude- 
ment dans  le  tijfu  des  membranes  in~ 
ternes  ,  o«  /'/  produifoit  les  rudes  fe- 
couffcs  des  filets  nerveux  lefquelles 
conflitttent  les  douleurs. 

Qiiant  aux  fueurs  abondantes  Sc 
foctidcs  qui  durèrent  iix  mois  , 
Se  obligèrent  la  malade  à  chan- 
ger par  jour  treize  fois  de  lin- 
ge ,  l'Auteur  les  attribue  de  même 
que  les  feux  cuifans  des  jambes ,  à 
ces  embarras  de  la  peau  qui  y  atti- 
roient,  dit  il,  les  fluxions  d'abord 
confiantes  ,  &  enfuite  paffageres  , 
fuivant  les  diverfes  fvfons  de  l'année  y 
&  fur  tout  du  Printems ,  après  que 
les  remèdes  délayans^  comme  les  eaux 
de  Bourbon  ,  eure?it  un  peu  délayé  les 
parties  intégrantes  du  poifon  engage 
dans  les  conduits  cutanez.  ,  c'eft-à- 
dire,  les  conduits  de  la  peau. 

Notre  Auteur  trouve  dans  ces 
embarras,  &  autres  femblablcs ,  de 
quoi  expliquer  avec  la  même  facili- 
té ,  les  trois  autres  accidens  fingu- 
iiers  qu'il  a  rapportés,  fçavoir. 


F  E  V  R  I 

i".  D'où  vient  que  la  malade  vo- 
mifToit  toLis  les  alimcns  excepté  la 
foupe  :  1°.  Pourquoi  lorfque  les 
boutons  de  la  peau  manquoient  de 
difparoître  à  leur  ordinaire ,  tour 
le  corps  de  la  malade  fe  peloit  , 
comme  on  l'a  vu  arriver  jufqu'à 
cent  fois  l'année  :  3°.  D'où  vient 
que  fi  dans  l'efFort  du  mal  la  mala- 
de fe  laifle  aller  au  fommeil  ^  les 
boutons  difparoirtcnt  alors  ,  &c 
tous  les  accidens  ceflent,  mais  qu'à 
fon  réveil  il  lui  arrive  des  palpita- 
tions exceffives  &  des  fuffocations. 

Quant  au  premier  article  ,  M, 
Deidier  fait  venir  le  vomiffement 
en  quell:ion ,  des  embarras  des  vaif- 
feaux  capillaires  de  l'eftomac  ,  lef- 
<]uels  s^ embourbant  davantage ,  dit-il, 
far  les  parties  intégrantes  des  alimens 
ordinaires  ,  occafionnoient  des  con- 
trAUions  violentes  de  ce  vifcere  mem- 
braneux ,  dont  les  rudes  efforts  étaient 
amortis  ,  lorpjuds  agiffoient  contre  de 
la  foupe  molle  dam  leiiffu  e fi  fort  doux 
&  fort  [ouf le. 

Au  regard  de  la  pelure  de  la 
peau  ,  cette  pelure  ,  dit-il ,  eft  une 
luite  de  prefque  toutes  les  maladies 
cutanées ,  fur  tout  lorfque  les  plus 
petits  vailTeaux  de  la  peau  font  em- 
barraiïes. 

Pour  ce  qui  eft  de  la  difparition 
des  boutons ,  &  de  la  ceflation  de 
tous  les  accidens  pendant  le  fom- 
meil ,  M.  Deidier  n'en  allègue 
point  d'autre  caufe  fmon  que^^«- 
dant  le  fommeil  toutes  les  llcjHeiirs 
.•''nient  ,  félon  lui  ,  également  & 
avec  ^l'.fance  dans  les  plus  petits  filets 
nerveux  'J~  lymphatlcjnes  ,  au  lieu 
qu'ait  réveil  le  p0uls  s'élève  toujours  , 


E  R  ;  1755.  77 

parce  e^ue  le  fang  roide  pour  lors  ra- 
pidement des  capillaires  dans  les  gros 
troncs  ,  ce  qui  efl  caufe  ,  pourfuit-il , 
cjiiela  ynalade  efl  faijte  de  vives  palpi- 
tations ,  lorfqtteUe  s'éveille. 

Telles  font  les  explications  que 
notre  Auteur  donne  des  divers  ac- 
cidens de  cette  malade.  Il  feroit  à 
fouhaiter  qu'au  fujct  de  ce  qu'il 
vient  de  dire  de  la  difparition  de 
ces  boutons  pendant  le  fommeil, 
dans  le  fort  du  mal,  il  eût  prévenu 
une  difficulté  que  quelques  Lec- 
teurs ne  manqueront  pas  d'oppofer, 
fçavoir.que  î\  les  boutons  dont  il 
s'agit  doivent  efFeclivement  difpa- 
roître  ,  pendant  le  fommeil ,  parce 
que  alors  ,  comme  il  le  fuppofe  , 
toutes  les  liqueurs  roulent  également 
&  avccaifance  ,  il  s'enfuit ,  C\  cette 
raifon  eft  véritable,  que  les  boutons 
de  la  petite  vérole  devroient  dif- 
paroître  aulîl  pendant  le  fommeil , 
au  lieu  d'augmenter  pendant  ce 
tems  comme  ils  augmentent  ordi- 
nairement. 

Ce  que  notre  Auteur  dit  du 
cours  libre  &  aifé  des  liqueurs  pen- 
dant le  fommeil ,  eft  la  peinture  de 
ce  qui  fe  pafle  dans  l'état  de  fanté  v 
mais  que  la  circulation  pendant  le 
fommeil  ait  cette  liberté  dans  l'état 
de  maladie  ,  c'eft  de  quoi  tout  le 
monde  ne  conviendra  pas. 

Quoi  qu'il  en  foit  ,  on  prétend 
ici  que  ces  trois  fœurs  ont  été  cm- 
poifonnées  ;  mais  on  reconnoît 
qu'il  eft  très-difficile  ,  pour  ne  pas 
dire  impoffibk  ,  de  découvrir 
quelle  eft  la  nature  de  ce  poifon,  & 
ftatuer  fi  c'eft  un  poifon  donné  ,  ou 
quelques  nuuvaifes   herbes  man- 


7»  JOURNAL  D 

gécs  par  hazard  en  falade  ou  autre- 
ment. 

Ce  que  l'on  afTiire  ,  c'eft  que  ce 
poifonou  vcnin,dc  quelque  maniè- 
re qu'il  ait  été  pris  ,  paroît  avoir  agi 
à  peu  près  de  la  même  façon  qu'au- 
roient  agi  des  parties  d'arfenic  très- 
fines,  exaiftcment  niclècs  avec  de  la 
farine  ou  du  fucrc  ,  dont  auroit  été 
fait  du  pain  ou  quelque  gâteau.  On 
icmarque  à  cette  occallon ,  que  les 
parties  arfcnicalcs  ont  cela  de  pro- 
pre ,  qu'étant  avallécs  elles  reftent 
attachées  aux  endroits  du  corps 
dans  lefquels  elles  le  nichent ,  &  y 
demeurent  il  attachées  qu'aucun 
remède  ne  les  en  peut  chaflcr ,  par- 
ce qu'elles  font  indiflolubles  ,  ce 
qui  eft  caufc  qu'on  a  uniquement 
iccours  dans  ces  fortes  de  cas ,  à  ce 
qui  peut  ralentir  le  mouvement 
des  vai (féaux  &  les  relâcher  ,  tels 
que  font  le  lait ,  l'huile  ,  Se  autres 
liqueurs  femblables.  Ainlî ,  fuppo- 
fant  que  la  malade  en  queftion  ait 
avalé  de  l'arfcnic  ,  comme  elle  a 
pris  quantité  de  bons  remèdes  pour 
chalTer  ce  poifon  par  les  fcUes  ,  par 
les  urines ,  par  la  tranfpii  ation  ,  Se 
qu'elle  n'a  été  conlidérablcmcnt 
foukgée  que  par  les  eaux  de  Bour- 
bon ,  qui  peuvent  avoir  un  peu  dé- 
layé les  parties  arfénicalcs ,  fans  les 
pouvoir  diiloudre,  l'avis  de  notre 
Auteur  eft  qu'on  ne  s'attache  plus 
à  vuider  ce  poifon  ,  mais  qu'on  fe 
contente  pendant  lix  mois  de  fuite, 
de  nourrir  la  malade  avec  de  bon 
kit  de  vache  ,  frais  tiré  &:  futîiûm- 
ment  chauffe  fins  ébullition  pour 
en  faire  quatre  foupes  par  four  avec 
un  peu  de  fucrc ,  &  une  fuffifantc 


ES  SÇAVANS. 

quantité  de  pain  ,  fuivant  l'appétit 
de  la  malade.  Il  ordonne  de  pren- 
dre ces  quatre  foupes ,  l'une  le  ma- 
tin deux  heures  avant  le  lever  , 
l'autre  à  midi  ,  la  rroifiémc  qua- 
tre ou  cinq  heures  après ,  &  la  der- 
nière à  l'heure  du  coucher. 

Après  cette  ordonnance,  il  don- 
ne touchant  l'ufage  du  lait  un  autre 
avis  qui  eft  bien  à  confidcrcr ,  c'eft 
qu';7  fi'efl  nullement  neceffiire  ,  félon 
lui  ,  d'employer  aucune  efpecs  de 
purgatifs  avant ,  pendant ,  ni  après 
ledit  lait. 

Nous  citerons  fur  cela  ce  qu'il 
dit  plus  haut  au  fujct  du  lait  d'â- 
ne (Te  que  la  malade  prit  tous  les 
Printcms  pendant  cinq  années  con- 
fécutives  ,  fçavoir  ,  i".  qu'on  la 
purgeait  avant  &  après  ,  2°.  ^HS 
pendant  le  cours  dudit  lait  elle  pre- 
nait de  4  en  j^  jours  de  la  rlmbarhe  , 
3°.  /qu'elle  s'en  trouva  fort  bien  , 
&  s'apperçHt  d  un  foulagemem  confî- 
déraùle^  ce  qui  ne  paroît  pas  tout-à- 
fait  s'accorder  avec  l'avis  que  nous 
venons  de  rapporter  ;  mais  il  faut 
coniîderer  que  dans  cet  avis  l'Au- 
teur parle  du  lait  de  vache  ,  Se  que 
plus  haut  il  parle  du  lait  d'ânefTe. 
Enforte  peut  -  être  que  fon  fenti- 
ment  eil:  que  le  kit  de  vache  ne  de- 
mande point  qu'on  fe  purge  ,  Sc 
que  le  lait  d'ânelîe  le  demande. 
Qiiclques  Lecteurs  oppoferont 
peut-ctre  1°.  que  le  lait  d'ânefic  fait 
moins  d'emb.irras  dans  l'eftomac 
que  le  l^yt  de  vache  ,  le  premier 
étant  plus  déhé  fie  le  fécond  plus 
grofhcr  :  1°.  Que  le  lait  d'ànefTe 
que  prenoit  la  malade  ,  étant  cou- 
pe &  coupé  avec  l'eau  de  chaux  , 


V 


F  E  V  R  I 

tîevoit  caufer  encore  moins  d'em- 
barras. Mais  fans  entrer  dans  cette 
difciifTion  qui  n'eft  point  de  notre 
devoir  de  Journalifte  ,  nous  averti- 
rons que  l'Auteur  pour  prouver 
Qnil  n'eji  nullement  mcejptire  à' em- 
ployer aucune  efpece  de  putatif  ^ 
avant  ,  pendant  ^  m  aprh  ledit  Lin 
de  vache  ,  ajoiite  qn'«wf  longue  ex- 
périence lui  a  appris  que  les  purgatifs 
irritans ,  dérangent  ou  changent  les 
bons  effets  de  cet  aliment  deux  &  hal- 
famiijue;  enforte  que  par  ces  mots  : 
//  n'eji  nullement  necejfiire  d'employer 
aucune  efpece  de  purgatifs ,  il  y  a  tou- 
te apparence  que  l'Auteur  veut  di- 
re qu'il  n'eft  nullement  neceflaire 
d'employer  aucune  efpece  de  purga- 
tifs irritans.  Et  alors  la  propolîtion 
cft  à  couvert  de  toute  cenfure. 
Comme  c'eft  ici  un  fait  de  prati- 
que ,  &  qu'il  eft  important  de  le 
bien  entendre ,  nous  avons  cru  cet 
éclaircilïement  nccelfaire. 

Si  lors  de  l'ufage  du  lait  de  va- 
che ,  le  ventre  venoit  à  fe  refferrer , 
&CJUC  ce  rederrenicnt  caufât  des 
vapeurs  ou  autres  accidens  fâ- 
cheux ,  notre  Auteur  confeille  à  la 
malade  ,  de  recourir  d'abord  à  des 
lavemens  d'eau  de  rivière  &  d'hui- 
le ,  dont  il  remarque  qu'elle  s'eft 
déjà  bien  trouvée  ,  &  (  en  cas  que 
cela  ne  fufiit  pas  )  apprendre  défais 
À  autre  par  la  bouche  en  une  feule  do' 
fe ,  une  livre  &  demie  de  bonne  huile 
d'olive  froide. 

Aurefte  ,  il  lui  permet  pour  fe 
délarter  un  peu  des  foupes  au  lait , 
de  .'eur  fubftituer  des  crèmes  faites 
tantôt  u"ec  l'avoine  mondée  ,  tan- 
tôt avec  i\.  '•ge  aufli  mondé  6c  con- 


E  R  ,    1 7  î  ?."  ,       79 

cafTé ,  ou  avec  des  grains  d'épente , 
cuits  long-tcms  dans  une  fuffifante 
quantité  d'eau,  puis  palTcs  par  un  ta- 
mis  de  fove,  y  ajoutant  enfuite  moi- 
tié lait  de  vache  récemment  tiré.  Il 
permet  au<lî  à  la  malade  de  prendre 
avant  fon  lait  ou  fes  crèmes ,  un  ou 
deux  œufs  frais  cuits  à  la  coque  ,  Sc 
d'y  tremper  quelques  mouillettes 
de  pain  ;  mais  il  lui  défend  expref- 
fément  d'y  mettre  du  fel ,  il  lui  or- 
donne le  fucrc  à  la  place.  Voici  fes 
termes  :  il  fer. t  permis  anjfia  la  ma- 
lade de  prendre  avant  fon  lait  ou  fes 
crèmes  ,  un  ou  deux  œufs  frais  cuits 
en  coque ,  &  dans  lefqnels  on  trempe- 
ra quelques  mouillettes  de  pain  fans 
qu'on  puijjè  ajouter  du  fel  aufdits  œufs^ 
on  peut  y  mettre  un  peu  de  fucre. 

Comme  fouvent  on  fe  dégoiitc  du 
lait,  fur  quelques  incommoditez. 
paffageres  qu'il  caufe  ,  &  que  par- 
là  on  fe  prive  d'un  fecours  dont  on 
pourroit  retirer  de  grands  avanta- 
ges ,  notre  Auteur  avertit  la  malade 
que  s'il  arrivoit  que  le  lait  produi- 
sît au  commencement  ou  dans  la 
fuite  quelque  travail  d'eftomac  ^ 
des  vomilTcmcns ,  ou  des  cours  de 
ventre ,  il  ne  faudroicpas  pour  cela 
qu'elle  le  quittât  ,  parce  que  ces 
;iccïâens  fiirviennent  fouvent  par  un 
refle  d^alimens  a  la  viande  ^  qui  far- 
tent enfuite  d! eux-mêmes  &  laiffent  le 
calme  aux  parties. 

La  Confultation  finit  par  un 
AvertilTcment  qui  n'eft  pas  moins 
utile  &  dont  un  grand  nombre  de 
gens  ont  bcfoin  ;  c'eft  i°.  que  le  lait 
doit  toujours  être  c4îauffé  fur  le  teu,  > 
2°.  qu'il  ne  doit  jamais  bouillir , 
3'^  qu'il  doit  encore  moins  être 
écrémé. 


8o         JOURNAL     DE 

Il  nous  rcfte  à  parler  des  Obfcr- 
vations  de  ce  Livre  ,  £î  du  Dif- 
cours  fur  la  peftc.  Ces  Obfcrva- 
tions  font  au  nombre  de  dix ,  fça- 
voir,  fur  la  cataradc,  fur  une  éryfi- 
pele  négligée  ,  fur  l'ouverture  du 
cadavre  d'une  vieille  Dame,  dans 
lequel  on  trouva  les  branches 
pulmonaires  ,  &  la  plupart  des 
artères,  odcufcs  ;  fur  l'ouverture  du 
cadavre  d'un  liomme  blcifc  au  dcf- 
fous  de  l'orcillc  gauche  ;  fur  l'ou- 
verture du  cadavre  d'un  homme 
bleiïe  à  la  poitrine  &  au  bas-ventre 
par  un  coup  de  feu  ;  fur  un  cancer 
de  l'œil-,  fur  le  délire  mélancholi- 
que  d'un  homme  qui  croyoit  avoir 
des  cfcargots  dans  le  ventre  -,  fur 
l'imagination  d'une  fiUequis'ima- 
ginoit  y  avoir  des  ferptns  -,  fur 
celle  d'une  autre  qui  fe  croyoit  la 
Sainte  Vierge  -,  enfin  fur  une  cata- 
lepfie  &  une  épilepfie  compliquée. 
Nous  rapporterons  les  Obfcrva- 
tions  concernant  les  efcargots  ,  & 
lesferpcns. 

Un  Bourgeois  de  Montpellier  , 
âgé  de  45  ans  ,  &  fujet  à  une  coli- 
que venteufe,  avant  un  jour  apper- 
çû  en  pleine  campagne  ,  dans  fes 
déjedtions  ,  deux  ou  trois  efcargots 
qui  s'y  étoient  mêlés ,  crut  que  ces 
animaux  étoient  fortis  de  fon  ven- 
tre ,  &:  qu'il  en  avoir  encore  :  cette 
penfée  lui  caufa  des  inquiétudes 
j-nortcllcs  ;  il  attribua  à  ces  ani- 
maux la  colique  dont  il  étoit  t.a- 
vaille-,  8i  rien  de  tout  ce  qu'on  piît 
Jui  dire  pour  le  tirer  de  fon  erreur 
n'étant  capable  de  le  perfuadcr  ,  il 
fallut  pour  le  guérir  de  Ion  imagina- 
fion ,   fe  fcrvir  du  ftratagCme  iui- 


S    SÇAVANS. 

vant  :  on  lui  ht  acroire  que  plu- 
ficurs  perfonncs  rendoient  fouvent 
de  femblables  animaux  ,  mais  qu'il 
y  avoit  des  remèdes  fpécifiques 
pour  les  faire  fortir  du  corps  ,  &: 
qu'avec  une  Médecine  particulière 
on  viendroit  à  bout  de  l'en  délivrer 
pour  toujours.  11  confcntit  à  pren- 
dre la  Médecine  ;  on  jetta  adroite- 
ment des  efcargots  dans  ce  qu'elle 
lui  fit  rendre  ;  le  mélancholique 
voyant  enfuite  ces  efcargots  ,  &  les 
croyant  fortis  de  fon  corps  ,  fut 
guéri  de  fon  délire. 

Deux  jeunes  filles  qui  moilTon- 
noient  au  mois  de  Juillet,  fe  fentant 
prelTées  de  la  foif  ,  furent  fur  le 
bord  d'un  ruiHcau  ,  dont  l'eau 
étoit  fort  baffe  ;  n'ayant  rien  pour 
en  puifer ,  elles  [e  courbèrent  &  en 
burent  à  la  manière  des  animaux  , 
quelque  rems  après  l'une  d'elles  fut 
travaillée  d'un  grand  mal  d'efto- 
mac  ,  &  ce  mal  perlîftant ,  le  Mé- 
decin ordonna  à  la  malade  un 
vomitif  qui  lui  fit  rendre  par  la 
bouche  des  efpeces  de  petits  poif- 
fons ,  avec  un  petit  ferpent  aquati- 
que ,  animaux  qu'elle  avoit  avalés 
en  bûvant.Lorfqu'cUe  les  rendit,fon 
amie  qui  étoit  prefcnre  ,  fe  mie  en 
tête  d'en  avoir  autant  dans  le  corps, 
pa  ce  qu'elle  avoit  bcu  de  la  même 
eau  V  &  là  delTus  elle  fe  frappa  fi 
fort ,  qu'elle  fcntit  auflî-tôt  dans 
l'eftomac  un  boulverfement  qui  lui 
fit  dire  qu'elle  avoit  des  fcrpens 
dans  le  corps  ,  &  qu'elle  les  fen- 
roit  remuer  i  la  fièvre  la  fiilit ,  8c 
elle  tomba  réellement  mal.ide.  On 
fut  obligé  ,  après  avoir  tenté  inuti- 
lement pluficurs  remcdc; ,  de  faire 
femblant 


F  E  V  R  I 

Itrtîblant  d'entrer  dans  fon  fcnti- 
ment  :  on  lui  ht  prendre  dans  un 
bouillon  huit  grains  de  tartre  éme- 
tique  foluble  ,  avec  deux  onces  de 
manne  gralTe.  La  malade  vomir,  &; 
fous  prétexte  de  lui  tenir  la  tête  on 
lui  ferma  les  yeux  Hms  affedation. 
Alors  on  tira  de  deiFous  le  lit  un 
grand  plat  de  terre  où  l'on  avoit 
mis  dans  de  l'eau ,  plufieurs  petites 
anguilles  vivantes.  Le  vomiflement 
étant  fini  ,  elle  vit  fes  petites  an- 
guilles qu'elle  prit  pour  des  Ter- 
pens ,  on  n'eut  pas  de  peine  à  lui 
perfuader  alors  qu'elle  n'en  avoit 
plus ,  &  elle  tut  parfaitement  gué- 
rie. 

Le  Difcours  fur  la  Contagion  de  ' 
la  Pefte  de  MarfeiUe  ,  qui  cft  Latin 
&  François ,  comprend  deux  par- 
ties. Dans  la  première  ,  M.  Dcidier 
entreprend  de  montrer  contre  M. 
Chicoineau  ,  aujourd'hui,  premier 
Médecin  du  Roi ,  que  la  pefte  n'eft: 
que  trop  effectivement  contagicufe, 
&  dans  la  féconde  ,  qui  eft  contre 
M.  Aftruc ,  que  la  contagion  ne  fe 
tranfporte  point  par  la  imiple  at- 
mofphcre  des  atomes  pcftilentiels , 
mais  uniquement  par  un  contaift 
immédiat  &c  de  durée. 

M.  Chicoineau  a  publié  un  Dif- 
cours où  il  fc  propofc  de  montrer- 
que  la  pefte  n'eft  pas  contagicufe  , 
ôc  M.  Aftruc  une  Dilfertation  où  il 
fc  propofe  de  montrer  qu'elle  l'eft. 
Le  delfcin  de  M.  Deidier  dans  la 
Pièce  qu'il  donne  ici ,  eft  à  ce  qu'il 
déclare ,  de  pefer  foigneufenient 
les  raifons  de  l'un  &  de  l'autre  ^ 
de  les  adopter  ou  de  les  combattre 
fçlon  qu'elles  lui  paroîtront  favori- 
Fevricr, 


E   R  ,   I  75  j.  8r 

bks  ou  contraires  à  divers  évcnc- 
mens  dont  il  allure  avoir  été  té- 
moin ,  perfuadé  ,  dit-il ,  qu'il  ne 
faut  pas  faire  céder  les  expériences 
aux  fyftémes  ,  mais  les  fvftêmeS 
aux  expériences.  Il  avertit  qu'il  eft 
d'un  fentiment  partie  confo  me  & 
partie  oppofé  à  celui  des  deux  Au- 
teurs donc  il  vient  de  parler  ;  qu'il 
empruntera  alternativement  de  l'un 
de  cjHoi  répondre  ^.iix  objeBions  de 
raiitre  ,  &  qu'il  efpere  que  mar- 
chant  ainfi  au  milieu  d'eux ,  il  évite- 
ra les  chiites.  Nous  renvoyons  hs 
Led:curs  au  Difcours  même  .^i  faut 
pour  en  juger  iaincnient  le  lire  en 
entier. 

Nous  nous  contenterons  de  rap- 
porter la  conclulîon  de  la  Pièce  : 
N'oubliez  )amais  ,  dit  M,  Deidier 
en  s'adrejfant  aux  jeunes  Médecins 
de  Montpellier  ;  n  N'oubliez  jamais 
»  l'avis  falutaire  que  je  vais  vous 
»  donner  avec  toute  l'afFedion  d'un 
»  cœur  paternel  :  c'cft  que  s'il  arri- 
»  voit  ,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaife , 
=  qu'on  vous  envoyât  comme  moi, 
»dans  desVilles  infedccs,  vous  com- 
>j  menciez  à  affermir  votre  courage 
»  &  celui  des  autres  contre  la  ter- 
»  reur  populaire  ;  &  qu'à  l'aide 
»  d'une  bonne  nourriture  ,  d'une 
»  exaéle  tempérance,  &  d'une  foi- 
»  gneufe  propreté  ,  fans  befoin 
j)  d'autre  précaution ,  vous  vous  li- 
»  vriez  hardiment  à  la  curation  des 
«  maladies.  Ce  fera  là  le  moyen  de 
mvous  attirer  la  rccompenfe  du 
»  Seigneur,  la  joye  de  la  confcience, 
M  la  reconnoiffance  de  ceux  que 
»  vous  fauverez  ,  les  gratifications 
»  des  Villes ,  la  libéralité  des  Pria- 


82  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

»  CCS,  l'applaudifTcmcnt  du  public,  »&  les  gloricufes  marques  de  di- 
»  les  bénédictions  de  tout  le  mon-  »  ftindion ,  dont  vous  me  voyez 
3>  de  ,  en  un  mot  tous  les  avantages      =»  honoré, 

HISTOIRE  ECCLESIASTIÇrUE  POVR  SERVIR  DE 
continuation  à  celU  de  A4.  VAbbè Flcury.  Tome  XXIX.  depuis  l'an  i  J4 j, 
jnfiuen  l'an  1550.  Tome  XXX.  depuis  l'an  1550.  juf^u'en  l'an  15^5.  A 
Paris,  chez  Pierre  -  Jean  ^rfW«/e  ,  rue  S.  Jacques,  aux  Colonnes 
d'Hercules.  I730. /«-4°.  Tome  zj'  pp.  754.  Tome  30'  pp.  710. 


CE  S  deux  Volumes  concer- 
nent l'Hiftoirc  Ecclefiaftiquc 
pendant  une  partie  du  Pontificat  de 
Paul  III.  &  pendant  les  Pontificats 
entiers  de  Jules  III. &  de  Marcel  II. 
Le  principal  objet  de  l'Hiftoire  des 
quatre  dernières  années  pendant 
Icfquellcs  Paul  III.  a  occupé  le  Siè- 
ge de  S.  Pierre  eft  le  Concile  de 
Trente  ,  dont  l'ouverture  fe  fit  en 
1545.  &  qui  fut  transféré  à  Boulo- 
gne en  1 547.  Tout  ce  que  l'Auteur 
rapporte  fur  un  point  (1  important 
de  l'Hiftoire  Ecck-fiaftique  eft  tiré 
de  Palavicin ,  il  s'cft  auili  quelque- 
fois fei  vi  des  Lettres  de  Vargas  Sc 
de  Frapaolo.  C'cft  ce  qui  fait  que 
nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
en  donner  le  précis.  Il  nous  fulîira 
d'obferver  ici  une  particularité  re- 
levée par  M.  Fontanini  dans  fon 
Traité  de  l'Eloquence  Italienne. 
Quoiqu'on  n'eût  point  traité  de 
matières  de  doctrine  dans  les  deux 
Sellions  du  Concile  tenu  à  Boulo- 
gne ,  il  y  tut  rcfolu  de  taire  tradui- 
re en  Langue  vul'^aire  les  Sermons 
des  Pères  de  l'Eglife  &  des  anciens 
Dodtcurs.  Comme  cette  cntrcprife 
parut  devoir  être  très-utile  ,  on  en 
charf^eaGalcas-Florimonte  Evêque 
de  Séfla ,  qui  fit  impxipier  à  Venifc 


en  i5  5(f.  &  en  15^4.  des  Sermons 
de  S.  Auguftn  ,  deS.  JeanChrifo- 
ftomc  ,  de  S.  Bafilc  &  d'autres  Pc- 
rcs  de  l'Eglife  ,  traduits  par  lui  en 
Italien  en  deux  Volumes  ;«-4''.  On 
trouve  à  la  tête  du  premier  de  ces 
Volumes  une  Epître  adreilée  par 
Flornnonte  au  Cardinal  Marcel- 
Cervin ,  où  il  parle  de  l'ordre  qu'iï 
avoir  reçu  du  Concile  pour  travail- 
ler à  cette  traduction.  L'Ouvrage 
de  Floi  imonte  tut  continué  par  Ra- 
phaël Caftcucfi  ôc  Zeraphin  ,  tous 
deux  Religieux  Bénédictins  de  Flo- 
rence ,  qui  traduilîrcnt  en  Italiçn 
d'autres  Sermons  des  Percs  de  l'E- 
glife. Ils  furent  imprimés  .î  Floren- 
ce en  léyi.  en  deux  Volumes  in-^°. 
L'Hiftoire  du  Concile  de  Trente, 
pendant  les  cinq  années  dont  il  sV 
git  dans  le  vingt  neuvième  Volu- 
me ,  ne  fc  trouve  interrompue  que 
par  l'Hiftoire  de  l'Intérim  ,  qui 
ayant  été  fait  dans  la  vue  d'arrêter 
les  troubles  d'Allemagne ,  n'a  fair 
que  les  augmenter  ,  que  par  la  ré- 
volution qui  eft  arrivée  en  Angle- 
terre par  rapport  à  la  Religion,  fous 
le  règne  d'Edoiiard  VI.  &  par  ce 
qui  regarde  les  progrès  5c  les  nou- 
veaux établilTcmens  de  la  Société 
dont  S.  Ignace  de  Loyola  eft  le 
Fondateur. 


[^  E  V  R  I 

La  mort  de  Paul  III.  arriva  le 
dixième  Novembre  1 549.  il  étoit 
âgé  de  81  an  8  mois  &  10  jours. 
Après  avoir  tenu  le  Saint  Siège  15 
ans  &  19  jours.  On  croit ,  dit  notre 
Auteur ,  que  s'il  eut  vécu  un  peu 
plus  long-tems ,  il  fe  feroit  ouver- 
tement déclaré  en  faveur  de  la 
France  ,  dans  le  delfein  de  tirer 
vengeance  de  la  mort  de  fon  fils 
Pierre-Louis  Farnefe  ,  dontilfoup- 
çonnoit  fort  l'Empereur.  Au!Iî  , 
dit-on  ,  que  quand  le  Courier  ap- 
porta à  Charles  V.  la  nouvelle  de 
la  mort  du  Pape,  l'Empereur  die 
au  Prince  Piiilippe  fon  tîls  ,  qu'il 
étoit  mort  à  Rome  un  bon  Fran- 
çois ,  &  qu'il  ajouta.  Je  fuis  afTuré  , 
mon  fils ,  que  fi  les  parens  du  Pape 
ont  fait  ouvrir  fon  corps  pour  l'em- 
baumer ,  on  y  aura  trouvé  trois 
fleurs  de  lys  gravées  fur  fon  cœur. 

Sous  le  Pontificat  de  Jules  III. 
l'Auteur  continue  l'Hiftoire  du 
Concile  de  Trente  tirée  des  Hifto- 
riens  qu'il  avoir  fuivis  dans  fa  Rela- 
tion des  Seflions  tenues  fous  Paul 
III.  aufquels  il  a  joint  quelques 
traits  que  lui  ont  fourni  les  Adcs 
recueillis  par  Nicolas  Pfalme  Evê- 
que  de  Verdun  ,  qui  étoit  lui-mê- 
me un  des  Percs  de  ce  Concile.  Il 
y  joint  pour  l'Italie  la  guerre  fur 
l'affaire  de  Parme  ,  pour  l'Allema- 
gne les  guerres  des  Luthériens  con- 
tre Charles  V.  la  prifon  de  l'Elec- 
teur de  Saxe  ,  !k  du  Lanrgravc  de 
Helie  ,  pour  la  France  la  guerre  en- 
tre Charles  V.  Se  Henri  Il.ies  me- 
fiires  que  prit  Henri  II.  pour  arrê- 
ter le  progrès  du  Calvinifme  dans 
(es  Etats ,  pour  l'Angleterre  la  con- 


E  R,     ï  7  5  5.  8j 

tinuation  des  changemens  qui  s'c- 
toient  faits  fur  la  Religion  pendant 
les  dernières  années  du  règne  d'E- 
douard ,  &  la  reconciliation  de 
l'Angleterre  avec  le  S.  Siège  fous  le 
règne  de  la  Reine  Marie.  L'Auteur 
s'étend  beaucoup  fur  les  movens 
que  Charles  V.  employa  pour  em- 
pêcher le  Cardinal  Polus  de  paffer 
en  Angleterre  en  qualité  de  Légat 
du  S.  Siège ,  avant  le  mariage  de 
la  Reine  Marie  &  de  Philippe  Prin- 
ce d'Efpagnc. 

Marcelll.  fut  fi  peu  de  tems  fur 
la  Chaire  de  S.  Pierre  ,  que  notre 
Auteur  n'a  eu,  pour  remplir  cette 
partie  de  fon  Hiltoirc ,  qu'à  faire 
connoître  le  caradere  de  ce  Pape  , 
dont  on  a  fait  de  grands  éloges ,  &c 
donner  une  idée  des  projets  qu'il 
avoit  formés  ,  &  dont  il  avoir  com- 
mencé à  exécuter  une  partie  pour  la 
reformation  de  l'Eglife  ,  tant  dans 
fon  Chef  que  dans  fes  Membres. 
L'Eglife  auroit  été  heureufe ,  dit 
notre  Auteur  ,  fi  elle  avoit  pu  con- 
ferver  long-tems  un  Pontife  fi  bien 
intentionné.  Mais  pendant  qu'il  ne 
s'occupoit  que  des  mefures  qu'il 
pourvoit  prendre  pour  extirper  les 
vices  &  les  hèréfies ,  pour  appaifer 
les  guerres  &  les  divifions  des 
Princes ,  pour  retrancher  les  pom- 
pes &  les  dèpenfcs  inutiles  de.k 
Cour  Romaine,  il  fut  attaqué  d'u- 
ne fièvre  le  il' jour  de  fon  Pontifi- 
cat,  &  le  z  t  il  fut  faifi  d'une  apo- 
plexie qui  l'emporta  la  nuit  fui  van- 
te. Qiielques  perfonnes  foupçonne- 
rent  que  fon  Chirurgien  corrompu 
par  ceux  qui  craignoient  la  refor- 
mation,i'avoit  empoifonné  en  trai- 


«4         JOURNAL     DES     SÇAVANS; 

tant  un  ulccic  caché  ,    qu'il  avoit     depuis  long  tcms  à  h  jambe. 

.THEOPHILI-  SlGEFRIDl  -  BAYERI  ,  REGIOMONTANI  ; 

AcadcmiciPctropoIitani ,  Grarciirum  Ronianarumque  Anriquiratum 
Piof  Pub.  Ord.  Societ.  Rcgi.v  Bcrolin.  Sod.ilis ,  Mufcum  Sinicum  ,  in 
quo  Sinicx  Lincrux  &  Litteraturx  ratio  cxplicatur.  Petropoii ,  ex  Ty- 
pographia  Acadcmix  Impcratorix  1730.  C'cft-àdirc  :  Le  Cibinet 
Chinois  ou  l'on  exflicjue  m  quoi  conjîfle  la  Langue  ds"  la.  Littérature  Chi- 
Tioife.  Par  Théophile  -  Sifroi  -  Bayer  de  Konigibcr^^  de  C Académie  de 
Peterfboiirg,  Profejjèur  public  &  ordinaire  des  yinti^uite'^Gréqites  &  Ro~ 
maines  ^  &  de  la  Société  Royale  de  Berlin.  A  Petcrfbourg  ,  de  l'Impri- 
merie de  l' Académie  Impériale.  1750. /«-8°.  z.  Vol.  Tom.  I.  pp.  14J, 
pour  la  Préface  ,  pp.  199.  pour  la  Grammaire  Chinoife.  Tom.  II. 
pp.  57Z.  Planches  détachées  XVI.  pour  le  premier  Vol.  LVII.  pour  le 
fécond. 


L'HISTOIRE  de  la  Littérature 
Chinoife  déduite  dans  la  Pré- 
face de  cet  Ouvrage ,  a  fait  la  ma- 
tière d'un  premier  Extrait  imprimé 
dans  le  Journal  de  Janvier.  11  nous 
,  Telle  à  rendre  compte  de  la  Gram- 
maire Chinoife ,  du  Didionnaire 
Chinois  &;  de  divers  morceaux. qui 
les  fuivent  l'une  6c  l'autre. 

I.  La  Grammaire  e{t  partagée  en 
deux  Livres.  Dans  le  premier , 
l'Auteur  confîdere  le  Chinois  com- 
me une  Langue  parlée ,  Se  dans  le 
fécond  ,  il  en  traite  comme  d'une 
Langue  écrite.  Car  le  Chinois  à  cela 
de  particulier  &  qui  le  diftinguc  de 
toutes  les  autres  Langues  connues , 
que  fes  caractères  par  leurs  affem- 
blages  ne  forment  ni  fyllabes  ni 
mots ,  &  ne  font  que  reprefcnter 
en  quelque  forte  les  ob;cts  qu'ils 
défigmnt  :  d'où  il  arrive  ,  qu'on  ne 
peut  apprendre  .à  parler  Chinois , 
que  dans  un  commerce  adidii  avec 
les  naturels  du  Pays  ;  au  lieu  qu'on 
peut  entendre  ieurs  Livres  Se  les 


expliquer  ,  fans  favoir  un  feul  mot 
de  cette  Langue.  Il  eft  pourtant 
vrai  de  dire  qu'une  légère  teinture 
de  cette  Langue  parlée  ne  nuit  point 
à  un  Intei  prête  Européen. 

C'ell:  dans  cette  vue  que  M.Baycr 
en  donne  ici  les  premiers  élemens, 
tels  que  les  otîre  le  Dialcéle  de  la 
Cour  qui  eft  le  plus  pur  de  tous,  &: 
qu'on  appelle  Aiandanni(jite  pour 
le  dill:Lnguer  des  jargons  Provin- 
ciaux. C'eft  ce  que  l'Auteur  exécu- 
te en  neuf  Chapitres ,  011  il  traite 
1°.  des  mots  :  2°.  du  nom  &  de  la  dé~ 
clinaifon  :  5°.  des  pronoms  :  4".  des 
verbes  &  de  leur  conjugaifon  :  j°.  des 
adverbes  &  des  prépojïtions  :  6".  des 
conjonÛions  :  7°.  des  imerjsElions  : 
8°.  des  degre^de  comparai/on  :  <)°.des 
noms  de  nombre.  Nous  indiquerons 
fur  tous  ces  points  ce  qui  nous  pa- 
roîtra  de  plus  fingulier. 

1°.  Le  petit  nombre  de  550  mo- 
nofyllabes  conftituc  le  fonds  en- 
tier de  la  Langue  Chinoif: parlée. 
Mais  ia  multitude  des  tons  ou  ac- 


F  E  V  R  I 

cens  qui  diverfifient  la  prononcia- 
tion de  chaque  monofvllabe  ,  re- 
médie à  cette  efpccc  d'indigence. 
Cette  prononciation  ell  exprimée 
ici  fuivant  l'orthographe  Efpagno- 
le  Se  Portugaile.  A  l'égard  des  tons 
ou  accens  ,  que  le  P.  Kircher  a  vou- 
lu reprefenter  avec  afTcz  peu  de  fuc- 
cès  par  nos  fons  Muficaiix  ut  _,  ré  , 
mi  ,fi-,fol'-  le  P.  Triganh  en  a  pu- 
blié un  Traité  ,  divifé  en  trois  Li- 
vres. Ces  accens  font  ou  fimplcs , 
ou  compofés.  Les  (impies,  au  nom- 
bre de  cinq,  n'ont  qu'un  fon  j  les 
compofés  en  ont  deux  ,  &  l'on  en 
compte  de  ceux-ci  neuf  ou  dix.  On 
peut  juger  de-là  ,  combien  les 
mots  Chinois  fe  multiplient  ;  car 
chaque  monofyll.;be  prend  diffé- 
rentes fignifications  ,  félon  l'accent 
qui  le  modifie  \  Se  tel  monof .  il^be 
en  reçoit  jufqu'.i  onze  3  par  exem- 
ple ,po  ,co ,  Sec. 

De  plus,  le  même  mot  prononcé 
avec  le  même  accent  fignifie  plu- 
fîeurs  chofcs  ,  enforte  que  la  fuite 
du  Difcours  eft;  feule  capable  de  dé- 
couvrir en  quel  fens  ce  mot  doit 
être  pris  :  ce  qui  ne  fuffit  pas  tou- 
jours, puifque  celui  qui  parle  eft 
fouvent  obligé  pour  faire  entendre 
le  mot  équivoque  dans  la  pronon- 
ciation ,  d'en  écrire  en  l'air  ou  fur  la 
paume  de  ù  main  le  caraâiere  figni- 
ficatif.  De-là  ,  ainfi  que  d'un  accent 
vicieux,  nailTent  les  fréquentes  am- 
biguitez  qui  troublent  le  commer- 
ce de  la  vie  ,  Se  qui  induifent  en  er- 
reu/:'-émoin  la  fauffeidée  qui  s'étoit 
répanduL  à  la  Chine  ,  Que  les  bri- 
ques en  Euroue  étoicnt  aullî  gran- 
des que  les  plu;  fpacieufes  raailbns 


E  R  ."  1755;  85- 

des  Chinois  ,  &c  cela  ,  fur  la  inau- 
vaife  prononciation  du  monofylla- 
be  j  qui  en  cette  Langue  figniiie 
tantôt  une  brique  Se  t.mtôt  un  navi- 
re :  fur  quoi  rouloit  la  plaifanterie 
de  celui  qui  difoit  que  fi  les  briques 
étoicnt  de  cette  taille  ,  quelle  de- 
voit  donc  être  celle  des  fours  où  on 
les  cuifoit? 

Les  Chinois  ne  peuvent  pronon- 
cer nos  cinq  confonncsB,  D,R, 
X ,  Z ,  &  les  changent  en  P,  T  ,  L  , 
S ,  S.  Ainfi  au  lieu  de  Mana ,  ils 
prononcent  >^<:z//)'^  ;  au  lieu  de 
Chnftus ,  Kl  II  fa  tu  fa  ;  au  lieu  de 
ces  paroles  hoc  efl  corpus  meum  ,  ha 
ke  (  hoc  j  Mffffi-i  tu  (  eft  )  co  ni  pu  fit 
(  corpus  )  me  vmn  (  mcum  )  &;  fi  im 
Chinois  entend  le  fon  de  ces  p'aro- 
les  ,  fins  lavoir  de  quoi  il  eit  que- 
ftion,  il  y  donnera  pluficurs  fens 
diffcrens  ,  qui  n'auront  aucun  rap- 
port à  la  chofe  fienifiée.  Ce  qui  fut 
une  dts  principales  raifons  (  dit 
l'Auteur)  qu'cmplo-  a  le  P.  Couplet 
pour  faire  fcnrir  à  la  Congrégation 
de  la  P-'-opagunie  la  nLcellité  de  duc 
la  Mciïe  en  Chinois. 

2°.  M.  Bayer  obferve  que  le  mê- 
me mot  en  cette  Langue  peut  être 
fubftantif ,  adjeAif ,  verbe  ,  ou  tel- 
le autre  partie  du  difcours ,  fuivant 
que  le  comporte  la  nature  de  la 
chofe  fignifiée  :  par  exemple  Jim 
fionidejacrifice  ^  Sije  facrifie  ;  hin 
fe  prend  pour/ê  réjouir  ^  j'>y^ ,  gti  y 
gayement  :  xo  pour  molle ffe ,]' amollis ^ 
mollement  :  ça  _,  poury^  méfie ^  méfié , 
mélange ,  confuférnent ,  Sec.  Les  ad- 
jedits  ne  différent  des  fubftantifs , 
ni  par  la  terminaifon  ,  ni  par  le  ca- 
raftere  i  mais  ils  en  font  diftingués 


96  JOURNALD 

par  la  feule  place  qu'ils  occupent 
dans  le  difcours,  où  le  plusfouvcnt 
ils  précèdent  le  fubltantif.  Les 
noms  en  général  ne  reçoivent  nulle 
inflexion  qui  marque  les  genres , 
les  nombres  &c  les  cas.  On  indique 
le  pluriel  par  la  répétition  du  mot 
même  ■■,  ou  par  l'addition  de  quel- 
qu'une de  CCS  particules ,  lem  ^  poy  ^ 
men  ;  ou  par  la  fuite  du  difcours. 
Ainfi  fiim  eft  un  grenier ,  çamfam  , 
des  greniers  j/ë'eft  une  couleur  ,fefé 
des  couleurs ,  &c.  Diverfcs  particu- 
les fuppléent  au  défaut  Hes  cas. 

3°.  Les  pronoms  font  à  tous 
égards  de  même  condition  que  les 
noms.  Les  perfonnels  font  ngo,  moi; 
tii  ,  toi  ;  ta  ,  lui  ;  qui  deviennent 
poffefllfs  par  l'addition  de  la  parti- 
cule tie  :  ngo  tie  ^  mon  ;  ni  tie  ,  ton  ; 
ta  fie  ^  [on.  Che ,  pronom  relatif  fe 
met  ordinairement  à  la  lîn  de  la 
phrafc  •,  par  ex.  ngo  kjen  lin  ngo  che  , 
je  vois  regarde  moi  cjui  ;  c'cll-à-dire, 
je  vois  ejui  me  regarde. 

4°.  Dans  les  verbes  ,   l'adif  &Ie 

-paiîîf  ne  diffèrent  que  par  la  place 

qu'on  leur  donne:  l'actif  précédant 

"toujours  fon  régime  ,  &le  pafîîffe 

•  mettant  après ,   avec  les  particules 

fi  &  guci  entre  deux  ,  dont  la  pre- 

-miere    fignifie   recevoir  :    ainfi  ngo 

ngai  ta  veut  dire  à  la  lettre  moi  aime 

ton   8c  ngo  pi  ta  tie  ngai ,    qui  tient 

lieu  du  paffif,  j:  reçois  fon  amour; 

c'eft-à  dire ,  je  fuis  aimé  de  lui.  Ces 

verbes  ont  un  prefcnt ,  un  impar- 

'fait ,  un  jjarfait  &  un  futur.  Ces 

■  j  derniers  tems  s'expriment  à  l'aide 

«•de  certaines  particules ,  fa  voir  de 

'yia  xi  kjen  ou  na  xi  cie  ,  pour  l'im- 

""■^àxhit;  déplia leao^  pour  le  parfaitj 


ES  SÇAVANSi 

de  ciam^  pour  le  futur.  Sur  quoi 
il  eft  bon  d'obfervcr  quelle  eft  la 
force  de  chacune  de  eus  particules. 
Xi  employée  pour  l'impai  fait  Cigni- 
f[C  alors;  ainfi  ngo  n.t  xi  kjen  onn* 
xi  cie  ngai  ,  fignihe  j'aime  alors  ^ 
c'eft-à-dire  J'aimois.  QuoUao  ,  qui 
défigne  le  partait ,  veut  dire  fu-^af- 
fer  la  fin  ;  ainfi  ngo  ngai  tjtio  leao  fi- 
gnifie moi  aimer  ou  mon  amour  paffè 
ta  fin  ,  c'eft-à-dire  ,fai  aimé  ^  com- 
me qui  diroit  c'efl  une  chofe  finie. 
Ciam^  qui  marque  le  futur  fe  prend 
pour  \xne  lance  &  ^ovlX  lancer ,  at- 
teindre de  loin  -,  ainfi  ngo  ciam  ngai 
eft  proprement  je  frappe  de  ma  lan- 
ce ^f  atteins  de  loin  l'amour ,  c'eft-à-. 
dire  ,  j'aimerai.  Qiiant  aux  modes  ,' 
on  met  avant  le  verbe  pour  l'optatif 
les  particules  pa  pu  te  ,  uiinam  :  SC 
l'on  ufe  de  circonlocution  pouK 
rimperatif:ainfi,dans  l'Oraifon  Do- 
minicale ,  au  lieu  de  ces  mots ,  don- 
ne-nous aujourd'hui  notre  pain  ,  ils 
difent  nous  efperons  que  tu  mus  don- 
neras ,  5cc. 

5*^.  6°.  7".  A  l'égard  de  ce  que  les 
Grammairiens  nomment  particules 
indéclinablet  ^  la  Langue  Chinoifc 
(  dit  l'Auteur  )  n'a  proprement  ni 
adverbes ,  ni  prépofitions  :  &  ce 
qui  nous  y  femble  en  faire  l'effet 
n'cft  qu'un  tour  de  conftrudion 
fort  éloigné  de  nos  manières.  Auflî 
emplovc-t-on  fouvent  ces  préten- 
dus adverbes  5c  ces  prétendues  pré- 
pofitions pour  des  noms  &  des  ver- 
bes. L'ufagc  des  conjonclions  eft 
peu  fréquent.  M.  Bayer  nous  don- 
ne ici  des  Catalogues  étendus  de 
toutes  ces  particules. 

8°.  &  9°.  Il  n'oublie  pas  celles 


F  E  V  R  I 

qui  font  deftinées  à  marquer  les  di- 
vers degrez  de  comparaifon;  &  il 
en  compte  neuf  tant  pour  le  com- 
paratif que  pour  le  liiperlanf.  Les 
noms  de  nombre  font  un  article 
alTez  long.  En  voici  les  principaux: 
je  ,  un  ;  ni ,  deux  sjan  ,  trois  \fn  , 
quatre  ;  «  ,  cinq  j  lo ,  fix  -,  cie  ,  fept; 
fa  ,  huit;  kj^U' ,  neuf-,  xe  ,  dix  ;  xe 
ye  j  onze  ;  xe  ul^  douze  ,  &c.  pé , 
cent  ;  ni  fê ,  deux  ctns\  fan  pé ,  trois 
cens,  &c.  cien  ^  mille  ;  ul  cien^  deux 
mille  j  fan  cien  ,  trois  mille ,  &c. 
van  ,  dix  mille  j  ni  van ,  vingt  mil- 
le ;  xévan  ,  cent  mille  ;  yépévan , 
tin  million  ;  pé  pé  van  ^  cent  mil- 
lions. Les  Chinois  ont  leurs  adver- 
verbes  numéraux  ,  une  fois ,  deux 
fois  ,  &c.  Ils  ont  encore  plufieurs 
termes  fuperflus ,  qu'ils  joignent 
au  dénombrement  qu'ils  font  de 
différentes  chofes  fpécihées  par 
l'Auteur  jufqu'au  nombre  de  39, 
qu'on  peut  voir  chez  lui.  A  la  fin 
de  ce  premier  Livre  ,  on  trouve 
huit  planches  ,  fur  lefquellcs  M. 
Bayer  a  fait  graver  les  caractères 
Chinois  qui  ont  rapport  aux  mors 
employés  dans  ce  Livre ,  &  auf- 
quels  il  a  foin  de  renvoyer  par  des 
chiffres. 

Dans  le  fécond  Livre  de  cette 
Grammaire  il  nous  entretient  de 
la  Langue  écrite  des  Chinois  &  de 
leur  Littérature  en  cinq  Chapitres, 
dans  lefquels  il  s'agit  i".  de  \' écritu- 
re Chinoife  ■■,  2°.  des  caraSleres  Chi- 
nois en  gênerai  -,  3°.  de  la  nature  &  de 
l'a,:.^lo^ie  de  ces  caraUeres  \  4°.  des 
DiHionn^.i-'-es  Chinois;  ^°.  de  r élo- 
quence Chinoif^ 

I.  Pour  nous  mettre  mieux  su 


E  R  ;  1755^  87 

fait  de  l'écriture  des  Chinois  en 
général,  M. Bayer  nous  informe  d'a- 
bord de  tout  ce  qui  concerne  leur 
papier ,  leur  encre  ,  leurs  pinceaux 
qui  leur  fervent  de  plumes ,  leur 
Imprimerie  ,  &C  quelques  autres 
points  relatifs  au  même  fujet.  Leur 
papier  fe  fait  de  l'écorce  intérieure, 
cendre  &  blanche  de  l'arbrifTeau 
qu'ils  appellent  Bambit ,  en  Langue 
Provinciale,  Fam-pn ,  en  Langue 
Mandarine,  (  comme  qui  diroic 
cotton  du  Pays  )  d'oii  les  Perfans  Sç 
les  Arabes  ont  pris  leurs  moisBam- 
buk^Pambut::^  ,P ambeh ,  lesGrecs  leurs 

&c  les  Romains  leur  Bombyx,  Les 
Chinois  travaillent  cette  matière 
en  la  triturant  dans  l'eau  à  peu 
près  comme  les  Eg)'ptiens  tra- 
vailloient  leur  Papyrus  ,  &  comme' 
nous  faifons  notre  papier  de  chif- 
fon. Ils  en  tonnent  des  feuilles  de 
dix  à  douze  pieds  de  long ,  &i  fi 
minces  qu'elles  ne  peuvent  loûte- 
nir  l'imprclllon  des  plumes ,  ni  ctiC 
écrites  au  revers.  Ils  ne  les  collent 
point ,  comme  on  tait  parmi  nous, 
mais  ils  les  fortifient  feulement 
avec  l'àlun  ,  qui  les  rend  lilTes  & 
luifantes  &  empêche  qu'elles  ne 
boivent.  Leur  grande  hncffe  les  ex- 
pofe  aux  injures  de  l'air  &:  de  la- 
vermine ,  en  forte  que  les  Livres 
des  Bibliothèques  Chinoifes  ne 
font  nullement  comparables  à  nos 
Manufcrits  pour  l'ancienneté. 

L'Auteur  enfuite  parle  de  l'encre 
Chinoife  dont  il  donne  la  compofî- 
tion  ■■,  &  des  pinceaux  avec  lefquels 
on  écrit ,  dont  la  taille  efl  propor- 
tionnée à  la  groffeur  des  caradercs^, 


88  JOURNAL    DE 

&  qu'ils  empoignent  par  le  milieu 
pour  écrire  comme  on  peut  le  voir 
dansk  Chincillitftrée  du  P.  Kircher. 
La  belle  écriture  cft  tellement  en 
crédit  parmi  ces  peuples ,  qu'il  fuf- 
fit  à  un  Lettré  d'écrire  mal  ,  pour 
être  déshonoré  ,  &  pour  être  re- 
s^ardé  comme  indigne  de  parvenir 
a  aucun  grade.  L'Imprimerie  étoit 
chez  eux  en  ufage  (  s'il  faut  les  en 
croire  )  3  50  ans  avant  l'époque  Dio- 
njflenne.  L'Auteur  en  expofe  ici  la 
manœuvre  ,  &  nous  y  renvoyons 
ie  Ledeur.  Du  reftc ,  les  Chinois 
écrivent  par  colonnes  perpendicu- 
laires de  haut  en  bas ,  &:  difpofent 
ces  colonnes  de  droite  à  gauche  : 
forte  d'écriture,  que  Diodore  de  Si- 
cile (dit  rAuceur)attribuc  aux  Infu- 
laires  de  Taprobane  ,  que  le  Scho- 
liafte  de  Denysle  Géographe  appel- 
le  Jt'OïniTci'y    &    Euilathe  «•UfJuAÔv  >ta1a 

/eâ3>oî  j  c'eft-à-dire  en  colonne  Hc  en 
Tour  de  haut  en  has, 

z.  On  eft  en  peine  de  favoir  fi 
les  caradleres  Chinois  ont  quelque 
chofe  de  commun  avec  les  hiero- 
glvphiques  Egyptiens ,  ou  avec  les 
caradleres  qu'employoient  les  Me- 
xicains pour  conferver  le  fouvenir 
des  principaux  évenemens  de  leur 
Hiftoire.  M.  Bayer  cft  perfuadé 
que  les  caractères  Chinois  ne  ref- 
fembient  ni  aux  uns  ni  aux  autres. 
Dans  les  hiéroglyphiques  d'Egyp- 
te ,  il  y  avoit  du  mvftericux  ,  puif- 
quc  fous  l'apparence  d'un  certain 
objet  rcprefenté  ils  en  fignifioient 
un  autre  ,  &  que  la  figure  d'un  ef- 
carbot  ,  par  exemple  ,  indiquoit  , 
non  cet  infedte  ,  mais  le  Soleil. 
Dans  récriture  Mexicaine  ,  aucon- 


S    SÇAVANS, 

traire ,  les  figures  fe  prenoicnt  prc- 
cifémcnt  pour  ce  qu'elles  reprcfen- 
toient  i  un  fleuve  pour  un  fleuve  , 
un  aigfc  pour  un  aigle  ,  &c.  Rien 
de  pareil  dans  l'écriture  Chinoifc  , 
dont  les  lettres  ne  font  formées 
que  de  lignes  droites  &;  de  lignes 
courbes  différemment  fituces  Sc 
combinées. 

Ces  lettres  (  dit  l'Auteur  )  fem- 
bleroicnt  plutôt  avoir  quelque  rap- 
port avec  ces  caradtercs  Latins  in- 
ventés par  Ennius  ,  perfeclionnés 
par  Tyron  affranchi  de  Ciceron  ,  Sc 
par  quelques  aurres  -,  &  par  le 
moyen  dcjquels  on  venoit  à  bout 
d'écrire  prefqu'aulll  vîre  que  l'on 
parloir.  Mais  ces  Notes  Romaines 
(  pourfuit  M.  Bayer  )  étoient  pure- 
ment arbitraires ,  n'ayant  entre  el- 
les aucune  liaifon  ,  aucune  analo- 
gie fyftématique;  au  lieu  que  les 
caracleresChinois  ont  leurs  racines, 
pour  ainfi  dire  ,  qui  en  découvrent 
les  premiers  veftigcs  &  font  apper- 
cevoir  toute  l'écono.mie  de  leur 
compodtion, 

Qiiant  .\  l'origine  de  ces  racinci 
mêmes  ,  l'Auteur  croit  qu'on 
pourroit  la  chercher  dans  l'ancien 
Livre  Chinois  appelle  Te-k^w  ,  dont 
toutes  les  lettres  ne  font  que  des 
lignes  droites  fituces  horizontale- 
ment &c  différemment  combinées , 
comme  on  le  voit  dans  ce  Volume: 
genre  d'écrire,  que  Joachim  Bou- 
vet [  dit  l'Auteur  ]  a  voulu  trop 
fubtilement  comparer  avec  l'Arith- 
métique binaire  de  M.  Letbnitz  ^ 
&c  que  lui  (  M.  Bayer  )  croit  tout 
fimplcment  avoir  fourni  la  premiè- 
re idée  des  caractères  Chinois,  peu 
compofci 


F  E  V  R  I 

compofés  Si  en  peîit  nombre ,  dans 
les  commencemens ,  mais  qu'on  a 
prodigieiifement  multipliés  dans  la 
Alite  ,  en  combinant  cnfeniblc  les 
anciens  ,  &  parle  privilège  qu'ont 
Jes  Magiftrats  d'en  introduire  de 
Houveaux  ,  quand  il  leur  plaît. 

Les  Chinois  ont  différentes  for- 
tes d'écritures,  dont  M.  Bayer  nous 
offre  ici  des  échantillons,  il  y  a  l'é- 
criture droite  ou quarrée  (  ch'nn  eu  ) 
l'écriture  courante  (  çao  ça  )  l'une 
&  l'autre  en  gros  &  en  petits  carac- 
tères de  plulieurs  degrez  :  il  y  a  une 
écriture  particulière  que  l'on  grave 
fur  les  fccaux  &  fur  les  cachets. 
Parmi  ce  grand  nombre  de  carade- 
res,  on  en  compte  400  radicaux, 
d'où  dérivent  tous  les  autres.  Il 
faut  en  connoître  près  de  7000  (  dit 
l'Auteur  )  pour  être  en  état  d'en- 
tendre les  Livres  d'un  ufage  com- 
mun &  facile.  Si  l'on  veut  s'enga- 
ger dans  la  lc(5î:ure  des  Livres  plus 
Jciemifiijiues  ^  tels  que  les  Livres 
J'Hiftoire  ,  de  Philofophie  ,  de 
Médecine ,  de  Poëae  ,  &c  -,  il  faut 
avoir  fait  une  provifion  bien  plus 
ample  de  caraderes  ,  &  en  poffedcr 
jufqu'à  15000.  On  a  recours  aux 
Dictionnaires  pour  le  furplus  :  car 
l'écriture  Chinoife  a  jufqu'à  80000 
caraderes. 

3.  Les  plus  fimples  caraifleres,  & 
qui  font  fi<^nificatifs  par  cux-mê- 
yncs,  confiftent  en  des  lignes  ou 
traits  plus  larges  par  une  extrémité 
que  par  l'autre,  qui  fe  terminent  en 
pointe  -,  diverfement  fitués  ou  tra- 
.cés  ,  c'eft-à-dirc  horizontalement , 
perpendiculairement  &  recourbés 
en  crochet  ;  obliquement  de  droite 
Février, 


E  R  ,    T75  j.  S9 

à  gauche  &:  au  contraire  -,  en  forme 
de  virgule  renflée  par  le  bas  com- 
me une  larme  ;  en  équerre  ou  po- 
tence dreflce  &  tournée  à  gauche  -, 
en  L  ,  ou  en  Z.  Ces  caradcres  pri- 
mitifs font  au  nombre  de  neuf  ^ 
dont  les  noms  fignifient  i.  &  9. 
V unité  ,  1.  la  relation  entre  le  fitpe- 
rieur  &  P inférieur ,  3.  un  crochet ,  4. 
{'humide  radical ,  5 .  la  chaleur  natu- 
relle ^  6.  \s.  domination  ,  7.  &  8.  ce 
que  l'Auteur  nomme  caraSleres la- 
ter.rux ,  Se  dont  il  ignore  la  fignifi- 
cation.  Deux  de  ces  caractères  lim- 
ples  joints  enfemble  forment  les 
féconds  ;  trois  ,  les  troilîémes  v 
quatre  ,  les  quatrièmes  ,  &  ainfi  de 
fuite  ;  £c  les  caraderes  qui  refultcnt 
de  ces  jorfdiions ,  font  réputés  en- 
core fimples  caradtercs.  Ces  der- 
niers pris  deux  à  deux,  trois  à  trois, 
quatre  à  quatre  ,  &c.  en  forment 
d'autres  plus  compofés  ,  parmi  Icf- 
quels  celui  qui  naît  de  l'union  de 
deux  plus  fimples  pafle  pour  la  ra- 
cine de  celui  qui  fe  forme  par  l'ad- 
dition d'un  troifiéme  caradcre  pri- 
mitit ,  &  ce  triple  caradere  fera  la 
racine  de  celui  que  produira  la  jonc- 
tion d'un  quatrième  ;  &  ainfi  de 
fuite  ;  enforte  ,  qu'une  même  lettre 
tient  lieu  de  racine  &c  de  branche  ; 
de  racine ,  par  rapport  au  caradtere 
plus  compofé;  de  branche,  par  rap- 
port au  caradere  plus  fimple. 

Sur  tout  cela ,  l'Auteur  fait  ces 
cinq  Obfcrvations  :  1°.  Que  quel- 
ques caraèleres  doivent  être  ccnfés 
des  plus  fimples ,  quoiqu'ils  pa- 
roificnt  compoCcs  :  2°.  Que  les  let- 
tres les  plus  fimples  reçoivent  quel- 
quefois dans  leur  figure  quelque 
M 


90  JOURNAL  DE 

légère  varieré ,  fur  tout  dans  récri- 
ture nommée  çao  ,  dont  on  a  parlé 
plus  haut  :  5".  Qu'on  remarque 
îbuvcnt  dans  les  caradcres  compo- 
fcs  une  grande  variété  pour  la  ter- 
me des  caradlcrcs  Imiples  ,  que 
ceux-ci  ne  confcrvcnt  plus  hors  de 
cette  compohtion  :  4".  Qu'il  y  a 
certains  caradlcrcs  (impies  ,  qui 
dans  la  compoiltion  perdent  totale- 
ment leur  première  forme  ,  pour 
en  prendre  une  nouvelle ,  qui  par 
elle-même  ne  fignifie  rien  ,  hors  de 
cette  coinpofition  :  5°.  Qiic  fi  par- 
mi les  divers  carafteres  ,  lefquels 
dans  les  planches  ici  gravées  occu- 
pent les  cellules  égales  qui  parta- 
gent ces  planches ,  il  s'en  rencon- 
tre quelques-uns  dont  les  traits  ex- 
cederoient  l'efpace  qui  doit  les  ren- 
fermer ,  on  accourcit  ces  traits  ;  &c 
que  fi  au  contraire,  quelques  autres 
de  ces  lettres  ont  leurs  traits  trop 
refferrés  pour  remplir  la  cellule  qui 
leur  eft  deftinée  ,  alors  on  allonge 
ces  traits.  L'Auteur  a  foin  de  mettre 
fous  les  yeux  du  Leéleur  par  plu- 
sieurs planches  ,  des  exemples  ou 
des  preuves  de  ce  qu'il  établit  dans 
ces  cinq  Obfervations. 

Du  relie  ,  il  paroît  que  les  Chi- 
nois ,  dans  k  compofition  de  leurs 
caraderes ,  ont  fuivi  quelque  forte 
d'analogie  8c  de  rapport  entre  les 
idées  que  dévoient  réveiller  ces  ca- 
ractères. Nous  en  alléguerons  quel- 
ques exemples,  d'après  M.  Bayer. 
hiicnc  Hoam  qui  fignifie  la /î^<»- 
jejîé  Souveraine  eft  compofée  de  la 
lettre  pe  ,  qui  fignifie  blanc ,  &  de 
la  lettre  F'am  ^  qui  fignifie  ^0/;  & 
la  xaifon  pourquoi  le  Roi  blanc  le 


5  SÇAVANS, 

prend  pour  la  M.'.jcjîé  Suprême  -, 
c'eft  ,  comme  le  con]eiflure  notre 
Auteur ,  que  fous  le  règne  des  Em- 
pereurs Chinois  de  la  féconde  fa- 
mille de  Xam  ,  ces  Princes  taifoicnt 
porterdcvanteux  un  ctandartblanc, 

6  donnoient  à  cette  couleur  la  pré- 
férence -,  comme  on  a  via  d'autres 
familles  de  ces  Empereurs  la  don- 
ner au  noir  ,  au  pourpre  ,  &  com- 
me la  Maifon  régnante  a  fait  choix 
du  jaune.  Maintenant,  le  caradere 
Pe  qui  veut  dire  IjLdic  ,  eft  formé 
du  caraiflcre  Ge  (k  Soleil  )  &  du  ca- 
raélere  Chu  (  émmence  )  comme 
pour  fignifier  que  la  blancheur  eft: 
d'un  éclat  comparable  au  Soleil  le 
plus  (levé  fur  l'horizon.  De  plus ,  la 
lettre  Gé  (  Soleil  )  eft  compofée  des 
caracflercs  Keu  [  bouch:  ,  vipige  ]  & 
ye  {un)  comme  pour  dire  que  le 
Soleil  eft  Vumcjne  vifage  du  monde 
entier.  Enfin  ,  le  caratîlere  f^am 
(Roi)  refulte  des  deux  lettres ^f 
{  un)  Se  Kuen  (  le  rapport  du  Supé- 
rieur à  l' inférieur.  )  Ce  qui  peutdé- 
figner  la  Royauté. 

Voici  encore  quelques  exemples 
allégués  par  l'Auteur  &  qui  confir- 
ment ce  qu'il  vient  d'avancer  tou- 
chant l'analogie  obfervée  par  les 
Chinois  dans  la  compolition  de 
leurs  lettres.  Il  s'agit  de  celles  où 
entre  le  caradrere^fw  (  dire ,  parler.) 
M.  Bayer  pafte  en  reviàc  fcpt  de 
ces  lettres  ,  qu'il  anatomifè  pour 
ainfi  dire  :  favoir ,  1°.  Kt  (fe  rejfou- 
venir  )  compofée à'yen  (  parler,!  8c 
de  ki  (  (ifoi  )  parce  qu'en  fe  rejfoit- 
venant  on  s'entretient  avec/ô;  mê- 
me :  2°.  Tu  [colloque^  formée  à'yen^ 
de  «  (^cinq)  &  de  k^u  (bouche) 


F  E  V  R 

earceque  dans  un  collo(jue  plufieurs 
vouches  parlent  i  cinij  eft  ici  un 
nombre  certain  pour  un  incertain  : 
3°.  Xan  (  fe  vanter ^  fe glorifier) 
compofée  à'yen  &:  de  xan  {  monta- 
gne )  comme  pour  fignifier  dire 
monts  8c  merveilles  :  4°.  Fi  (  chit- 
cheter^murmurer){oïmét  d'yen  &:  de 
fi  (  rien  )  car  murmurer  eft  en  quel- 
que façon  ne  rien  dire  :  j°.  Sin 
(  croire  )  èijen  &c  de  gin  (  homme  ) 
car  pour  croire  ^  il  faut  que  quel- 
qu'un ,  quelque  homme  ait  parlé  : 
é°.  Xe  (  expliquer  )  d'yen  ,  de  fui 
(  tout  )  &  de  yen  (  ligne ,  fiimme  ) 
parce  que  pout  explujuer  ^  il  laut 
parcourir  toutes  les  lignes ,  tous  les 
articles  de  la  chofe  qu'on  veut  ex- 
plitjfuer  :  7°.  Ho  (  reprendre  )  d'yen  & 
de  kp  {je  puis)  car  h  repréhenfion 
fuppofe  quelque  pouvoir  ^  quelque 
autorité  fur  celui  qu'on  reprend. 

4.  Les  remarques  précédentes 
peuvent  déjà  donner  quelque  idée 
de  la  méthode  que  fuivent  les  Chi- 
nois dans  la  conftrutfbion  de  leurs 
Didiionnaires.  L'Auteur  en  fait  ici 
un  dénombrement.  Il  y  en  a  d'a- 
bord quatre  principaux  ;  favoir  , 
1°.  le  Chim  fu  tum ,  ou  ^Interprète  , 
le  Dépenfier  ,  le  Difpenfateur  du 
caratlere  droit  (  dont  on  a  parlé 
plus  haut)  &  qui  fe  trouve  dans  la 
Bibliothèque  de  Berlin  :  2°.  Le  Ta 
fu  guei  j  ou  le  grand  Recueil  Litté- 
raire :  de  ces  deux  Lexiques,  le 
premier  contient  plus  d'érudition 
&  un  plus  grand  nombre  de  fignifi- 
cations  •,  le  fécond  eft  mieux  digéré 
&  d'une  plus  grande  utilité  :  3'.  Le 
Stao  fii  guei ,  ou  le  petit  Recueil  Lit- 
téraire ^  divifé  en  8  petits  Tomes , 


I  E  R,    T  75  5.  9t 

011  font  omis  les  caraiîlcres  les  plus 
rares  ,  &  qui  fc  prefentcnt  à  peine 
une  feule  fois  dans  des  Volumes 
entiers  :  4°.  Le  Hai  pien  ,  ou  la 
pleine  mer  ^  qui  renferme  les  cara6be- 
res  les  plus  anciens  ,  &  qui  fe  voie 
dans  quelques  Bibliothèques  de  la 
grande  Bretagne. 

Outre  ces  Lexiques ,  il  y  en  a 
quelques  -  uns  qui  font  le  fruit  du 
travail  des  Miftionnaires  Euro- 
péens ,  &  dont  nous  avons  déjà  dit 
quelque  chofe  dans  notre  premier 
Extrait  -,  favoir  ,  le  Dictionnaire 
Chinois  &  Efpagnol  de  François 
Dias ,  confervé  dans  la  Bibliothè- 
que de  Berlin  ;  &  dont  M.  Bayec 
a  tiré  quelque  fecours  :  2'.  celui 
du  P.Lazare  Catanée  Jefuite,écrit  en 
caraderes  Latins,  aufquels  l'Auteur 
ignore  fi  l'on  a  joint  les  lettres  Chi- 
noifes:  }°.  &4°.  ceux  des  PP.  Tri~ 
gault  &  Semedo  ,  en  caraderes 
Chinois  :  5'.  celui  de  Chrétien 
Hertric  ,  Chinois  &  Latin  ,  mis 
fous  prefte  à  Vienne  en  Autriche, 
Se  demeuré  imparfait  par  la  mort 
de  l'Auteur  :  6°.  le  petit  Didtion- 
naire  Latin  -  Chinois  ,  imprimé  à 
Pequin  en  papier  rouge ,  &  réim- 
primé prefque  mot  pour  mot  à 
Nuremberg  en  1685.  par  les  foins 
de  A/enzd. 

Quant  à  la  méthode  qu'obfer- 
vent  les  Chinois  dans  la  compofi- 
tion  de  leurs  Dictionnaires  :  la  voi- 
ci ,  telle  que  la  décrit  notre  Auteur. 
La  lettre  qu'ils  veulent  expliquer 
s'imprime  d'abord  en  caractère 
majufi^ule  ;  pour  frapper  davantage 
la  vue  du  Ledeur  ;  &  fous  ce  carac- 
tère font  placées  deux  colonne* 
Mi/ 


S2  JOURNALD 

icmplies de pli'.ficurs  lettres  ,  dont 
les  premières  indiquent  l.i  véritable 
prononciation  du  caini5lcrc  à  inter- 
préter ,  &  les  autres  en  fourni  (Tent 
l'explication  ,  6c  marquent  les  dif- 
férentes fignihcations  donc  il  peut 
être  fufccptible.  Pour  indiquer  la 
véritable  prononciation  du  carad:e- 
rc,  les  Chinois  ufcntd'un  artifice 
afTez  llngulicr.  Qiiclques  exemples 
le  rendront  plus  intelligible  que  ne 
pourroit  le  faire  un  long  difcours.ll 
eftqueftion  d'expliquer  dans  le  Dic- 
tionnaire quelle  doit  être  la  pronon- 
ciation du  caradcrc  Tayi  [fini , /im- 
pie ^fngitUer  :  ]  On  écrit  au-deifous 
les  lettres  ta ,  nan-,  de  ^  fuppofccs 
plus  connues  que  tan  ,  &c  dont  la 
dernière  CignAe  coupez,  en  deux:  ce- 
la veut  dire ,  prenez  la  moitié  de  ta 
qui  eft  f ,  &  la  moitié  de  n^m ,  qui 
cfl  an  ,  joignez  enfemblc  ces  deux 
parties ,  &  vous  aurez  la  vraye  pro- 
nonciation du  caraiftere  dont  il  s'a- 
git ,  qui  cU  tan.  Les  deux  lettres  ta 
&c  nan  ont  leurs  lignifications  parti- 
culières ,  mais  qui  n'entrent  pour 
rien  dans  cette  explication  que  l'on 
cherche.  Autre  exemple  :  on  veut 
favoir  comment  fe  doit  prononcer 
le  caractère  chu  (  hafe  ,  fondement  ) 
on  trouve  écrites  au-delfous^dans  le 
Di<5tionnaire  ,  ces  lettres  :  chi  ,  yu, 
de  ,  yn  ,  chu  \  c'eft-à-dire  ,  coupez 
chi  Se  yu  ^  vous  aurez  ch  d'une  part 
èc  H  de  l'autre  -,  joignez  ces  deux 
pièces  ,  elles  feront  chu  ,  qui  cft  le 
vrai  fon  (  y»  )  du  caractère  ,  dont 
vous  cherchez  la  prononciation  , 
&c. 

A  ces  Notions  générales   con- 
cernant les  Lexiques  Chinois  fuc- 


ES  SÇAVANS; 

cède  un  détail  plus  circonftan-^ 
cié  de  l'ordre  qu'a  (uivi  dans  le 
fien  M.  Bayer.  Il  l'a  divifé  en  14 
Chapitres,  qui  contiennent  autant 
de  clalTes  différentes  de  caraâ:eres 
radicaux  fuivis  de  leurs  dérivez.  La 
première  claflc  n'offre  que  les  neuf 
lettres  primitives  ,  dont  on  a  parlé 
plus  haut  ,  Se  qui  ne  font  que  de 
fimples  traits  :  la  féconde  contient 
les  caraderes  formés  de  la  jontftion 
de  deux  de  ces  lignes  flmplcs  & 
primitives ,  qui  compofcnt  la  pre- 
mière claffc  :  la  troificme  renferme 
les  caraderes  qui  rcfultent  de  l'u- 
nion de  trois  lettres  primitives  : 
dans  laquarriéine  &  la  cinquième 
clalTe  ,  où  quatre  &  cinq  lettres 
primordiales  s'uniffent ,  les  cara<5te- 
rcs  commencent  à  devenir  peu-à- 
pcu  plus  compliques  ^  Se  formés 
non  (euleincnt  de  ces  premiers 
traits  tout  fîmples  de  la  piemiere 
clafTe  ,  mais  encore  de  deux  des 
moins  compofés  de  la  féconde  :  la 
huitième  eft  plus  fertile  en  racines 
formées  des  caractères  fimples ,  8c 
les  clafTes  fuivantes  le  font  de  plus 
en  plus. 

L'Auteur  avoiie  que  dans  l'ar- 
rangement defon  Didionnaire,  il 
anroit  pu  mettre  encore  plus  d'e- 
xa(ilitnde  &  de  régularité  ;  mais  U 
prétend  que  pour  n'avoir  là  delfus 
rien  à  fc  reprocher  ,  il  lui  auroic 
fallu  entreprendre  un  Didionnaire 
Chin -is  univerfcl,  pour  lequel  il 
n'avoit  pas  à  beaucoup  près  les  pro- 
vidons  nccelTaires.  Il  laifTe  donc  à 
des  Savans  plus  heureux  &  plus 
riches  en  ce  genre  à  conduire  un  pa- 
reil Ouvrage  au  point  de  perfecr 


F  E  V  R  I 

tion  où  il  peut  ctre  porté.  Il  a  fans 
doute  en  vue  MM.  Fourmont  lorf- 
qu'il  s'exprime  en  ces  termes  ;  Se  il 
ne  fe  trompe  pas  ;  mais  il  iqnoroic 
alors  que  l'entreprifc  tût  auffi  avan- 
cée ,  qu'elle  l'eft  ,  c'e(l-à-dire  que 
leur  Didionnaire  ,  ou  pour  parler 
plus  Julie ,  leurs  Di(flionnaircs  Chi- 
nois de  toute  efpece  fulTent  entière- 
ment achevés  S<.  tout  prêts  à  pu- 
blier ,  aulli  -  bien  que  leur  Gram- 
maire pour  la  même  Langue. 

5.  M.  Bayer  ne  nous  donne  pas 
une  grande  idée  de  l'éloquence  des 
Chinois.  Il  nous  les  reprefencc  dans 
tous  les  tems  comme  beaucoup 
plus  curieux  de  bien  faire  ,  que  de 
bien  dire.  Ils  ne  laiflent  pas  de  s'é- 
noncer fuffilammcnf,  mais  leur  fty- 
le  eft  concis  &c  laconique  ,  quel- 
quefois obfcur  ,  &  l'es  traits  ont 
moins  de  vivacité  &  de  gentillefTe 
que  de  vérité.  Leur  Dialedique  eft 
des  plus  foibles  ,  &  ils  ne  font  nul 
ufage  de  la  Méthode,  lis  obfervent 
cep;ndant  un  ordre  merveilleux 
dans  leuis  Annales  i  mais  cet  ordre 
reçoit  fouvent  un  préjudice  notable 
par  l'obfcurité  du  difcours.  A  l'é- 
gard de  leur  Pocfie ,  l'Auteur  en 
parle  ici  par  l'organe  de  M.  Fréret , 
ayant  traduit  en  Latin  l'Extrait  du 
Mémoire  ,  dans  lequel  cet  Acadé- 
micien examine  ce  point  de  la  Lit- 
térature Chinoife -,  Extrait,  quife 
lit  dans  le  troifiéme  Tome  de  l'Hi- 
fioire  de  l' Académie  desBellei-Lettres^ 
fag.ti^.Sm  quoil' Auteur  fait  quel- 
ques remarques,  aufquelles  nous 
icnvoyons. 

Nous  en  faifons  autant  par  rap- 
port aux  trois  pièces  qui  tciminent 


E  R  ,    175  5:  pj 

le  premier  Volume  de  ce  Cabinet 
Chinois  ,  &  qui  font  i".  la  Gram- 
maire de  la  Langue  Vulgaire  que 
l'on  parle  dans  le  Chin-cheu  ,  petite 
Province  de  la  Chine  :  1°.  une  let- 
tre écrite  par  les  Mifîîonnaiics.Da- 
nois  de  Trangitambar  que  nous  pro- 
nonçons Trancjnehar ,  dans  laquelle 
on  trouve  quelques  particularisez 
concernant  ces  Pays  Orientaux  : 
3°.  La  propofiBon  d'une  Clef 
Chinoife  taite  par  André  Âitiller. 

IL  Le  fécond  Volume  de  cet 
Ouvrage  comprend  i".  le  Diction- 
naire Chinois ,  fuivi  de  fon  inter- 
prétation Latine  ,  laquelle  y  ré« 
pond  par  des  chiffres  :  2°.  L'ElTaî 
il'un  Lexique  pour  ks  Dignitez  6C 
les  Charges  tant  Civiles  que  Mili- 
litaires  :  3°.  La  vie  du  Philofophc 
Confuciits  réimprimée  fur  l'Edition 
de  Goa  de  l66^.  4°.  La  Philofophic 
du  même  Cotifucms ,  avec  une  vcr- 
fion  Latine  &  quelques  Scholies  : 
5°.  Le  commencement  du  Livre 
Siao  ni  htn  qui  contient  les  origines 
Chinoifes ,  avec  la  verfion  Latine , 
&  les  Commentaires  de  Monfieur 
Bayer  :  6°.  La  dodrine  des  tems 
félon  les  Chinois  :  7°.  Un  Traité 
des  poids  &  des  mefures  de  ce  mê- 
me Pays  :  8*^.  L'Obfervation  del'é- 
clipfe  Solaire  du  19^  Avril  166^. 
Nous  dirons  quelque  chofe  des 
Origines  Chinoifes. 

Le  Livre  qui  en  traite  a  pour  ti- 
tre Shto-id  luit ,  c'eft'à-dire  Vlnftruc- 
tion  du  jeune  enf.mt  ;  &  ce  qu'on  en 
public  ici  efl:  proprement  l'Hiftoire 
rabulcufeduPays ,  laquelle  on  fait 
remonter  jufques  aux  tems  les  plus 
reculés ,  ôc  pour  ainfî  dire  jufqu'i 


94  JOURNAL    D 

la  création  du  monde.  On  y  voit 
d'abord  l'origine  de  tous  les  ctrcs 
corporels  produits  par  l'MWi  con- 
formément au  Syltcmc  de  Th.ilès , 
qui  ,  fclon  notre  Auteur,  l'avoir 
emprunte  des  Phéniciens.  Paroît 
enfuite  Vy^ngufle  famùU  du  Ciel  ^ 
compoféede  treize  hommes ,  tous 
frères ,  les  uns  plus  grands ,  les  au- 
tres plus  petits  ,  Icfquels  vivent 
chacun  dix-huit  mille  ans  :  puis 
\ Augure  famille  de  la  terre ,  com- 
pofée  d'onze  frères ,  les  uns  grands, 
les  autres  petits ,  qui  vivent  aulll 
chacun  dix-huit  mille  ans.  Vient 
après  cela  V  Augufte  famille  des  hom- 
mes au  nombre  de  neuf,  tous  frères, 
qui  vivent  chacun  45  milles  fept 
cens  ans.  A  celle  là  fuccede  la^- 
mille  friiciifiame  ,  qui  enfeigne  aux 
hommes  la  culture  de  la  teire  ,  & 
la  manière  de  conftruire  des  habita- 
tions j  puis  hfiimille  des  forgerons  , 
qui  s'occupe  à  fondre  les  métaux 
&  h.  cuire  différentes  chofes.  Cela 
cft  fuivi  du  dénombrement  de  plu- 
fieurs  familles  qui  ont  régné  ,  dont 
on  voit  la  fuccelÏÏon  ,  &  les  années 
de  chaque  règne  -,  &  quelques-uns 
de  ces  règnes  font  marqués  par 
quelques  faits  mémorables  ,  tels 
que  la  nailTance  d'un  Serpent  à.  tête 
d'homme  ,  qui  invente  les  fons  de 
la  Mufique  ,  qui  exerce  la  Médeci- 
ne ,  &  qui  établit  huit  efpeces  de 
Sorts  :  la  nailTance  d'un  homme  à 


ES   SÇAVANS, 

tcte  de  boeuf,  qui  conduit  la  chair- 
ru-Jfurles  collines  ,  qui  cl^  Méde- 
cin Si  qui  écrit  de  la  Mcdccine,C^c.' 
Sur  un  Texte  aullî  court  que  ce- 
lui-ci ,  M.  Bayer  nous  donne  une 
Glole  très-étendue ,  dans  laquelle 
il  étale  beaucoup  d'érudition  tant 
Orientale  que  Gréque  ,  pour  faire 
fentir  les  rapports  qu'on  peut  ap- 
percevoir  entre  ce  Texte  Se  celui 
des  premiers  Chapitres  de  la  Géné- 
fe  ;  entre  cette  Mythologie  Chi- 
noifc  Se  quelques  articles  de  la  My- 
thologie des  Grecs.  On  s'imagine 
bien  que  dans  un  fcmblable  paral- 
lèle les  Géans  nés  de  la  terre  ne  font 
pas  oubliés ,  non  plus  que  la  pre- 
mière Ville  du  monde  bâtie  pat 
Hénoch  fils  de  Caïn  ;  Tubalcaïn, 
le  père  des  Forgerons ,  Jubal ,  celui 
des  Joiieurs  d'Inftrumens  de  Mufii- 
que  ;  Cecrops  premier  Roi  d'Athè- 
nes ,  moitié  homme  Se  moitié  Ser» 
pent;  les  neuf  Patriarches  qui  ont 
vécu  depuis  Adam  jufqu'à  Noë ,  8c 
plufieurs  autres  rapports ,  que  nous 
ibmmes  contrains  d'omettre,  pour 
abréger  ,  ainfi  que  diverfes  refle- 
xions fenfées  de  M.  Bayer  ,  fur  ce 
qui  concerne  la  Chronologie  Chi' 
noife  ,  à  l'occafion  de  celle  qui  eft 
cxpofée  dans  le  Livre  qu'il  s'efforce 
d'expliquer  Se  de  rendre  plus  intel- 
ligible qu'il  n'a  paru  l'être  jufqu'à 
prefent. 


FEVRIER;    1735; 


^5 


HISTOIRE   DE  I3ANEMARC,AVANTET'DETVIS 

l'étabHjfement  de  la  Monarchie  :  pi.r  AI.  J.  B,  Defroches  ,  Ecnyer-Con- 
feiller  &  Avocat  Gènènzl  dit  Roi  très-Chrétien  ,  au  Bureau  des  Finances  CT 
Chambre  du  Domaitic  de  la  Génc^ali/é  de  la  Rochelle.  Nouvelle  Edition  , 
revue  &  corrigée  fur  l'Edition  d'Hollande  ;  à  laejuelle  on  a  joint  la  fuite  de 
la  même  Hifloire  jufqit'en  l'année  173  2,  A  Paris  ,  chez  les  Frères  Barbou^ 
Libraires,  rue  S.Jacques  ,  aux  Cicognes.  1752.  in-\z.  5.  vol  premier 
vol.  pag.  3J3.  2'  vol.  pag.  570.  j*  vol.  pag.  4^2.  4°  vol.  pag.  41e'. 
5'  vol.  pag.  430.  é'  vol.  pag.  454.  7*  vol.  pag.  344.  8' vol.  pag.  571, 
5*  vol.  pag.  175. 


NOUS  n'avons  eu  jufqu  a 
prefenr  en  François  que  des 
Morceaux  détachés  de  l'Hiftoire  de 
Danemarc  ,  ou  des  Abrégez  très- 
fuccints  de  l'Hiftoire  générale  de 
ce  Rovaume  ,  dont  le  meilleur 
ctoit  celui  qu'on  lit  dans  la  Tra- 
duction Françoife  de  Vint  odudion 
à-l'Hiftoire  de  l'Europe  de  Puffen- 
dorf.  C'eft  ce  qui  a  fait  croire  à  des 
Libraires  de  Paris ,  qu'ils  ne  pou- 
voicnt  trop  fe  prcfTer ,  de  réimpri- 
mer l'Hifloire  de  Danemarc  que 
JM.  Defroches  a  fait  imprimer  de- 
puis peu  en  Hollande.  Son  dcife.n 
etoit  de  la  dédier  au  Roi  Fride- 
ric  IV.  Mais  ce  Prince  étant  mort  le 
12  Novembre  1750.  avant  que  cet 
Ouvrage  lui  eut  été  prefenté,  l'Au- 
Ccur  prit  le  parti  de  le  dédier  au 
Roi  Chriftian  VI.  C'eft  ce  qui  a 
donné  lieu  aux  deux  Epîtrcs  Dédi- 
catoires  qui  font  à  la  tête  du  pre- 
mier Volume. 

Elles  font  fuivies  d'une  Préface 
Hiftorique  ,  dans  laquelle  l'Auteur 
traite  quelques  matières  importan- 
tes qui  méritent  que  nous  en  ren- 
dions ici  un  compte  détaillé.  Le  pre- 
mier article  regarde  la  fuccelHon  à 


la  Couronne  de  Danemarc.  Notre 
Auteur  prétend  qu'elle  a  été  pure- 
ment héréditaire  ,  jufqu'au  règne 
d'Abel  qui  eft  monté  fur  le  Thronc 
en  l'an  i  250.  &  que  quand  le  peu- 
ple renonça  au  droit  d'élire  fon 
Souverain  fous  Frideric  III.  il  ne  fit 
que  rctabhr  l'ancienneConftitution 
duGouvernement.Ainfi  le  droit  d'é- 
ledion  que  les  Etats  s'étoient  attri- 
bué ,  félon  M.  Defroches  ,  étoit 
ufurpé  y  d'où  il  conclut  qu'il  ctoit 
injufte,  nul  &  illégitime  i  auffi, 
dit-il ,  que  les  Nobles  &  le  Clergé 
n'ont  fait  valoir  ce  droit  d'éledion, 
que  contre  les  Princes  foiblcs  &  qui 
avoicnr  bffoin  d'eux  ,  &  qu'ils 
n'ont  ofé ,  par  rapport  aux  Princes 
capables  de  foîitenir  leur  droit  dé- 
ranger l'ordre  fuccellîf.  Lort ,  par 
exemple  ,  que  la  Race  Royale  fuf 
éteinte  en  la  pcrfonne  de  la  Reine 
Marguerite,  fille  du  Roi  Walde- 
mar  IV.  on  eutrccouis  aux  Maifons 
de  Poméranie  &  de  Bavière  qui  fe 
trouvoient  dans  le  degré  le  plus 
proche  en  alliance  -,  &  quand  le 
Roi  Chriftophle  de  Bavière  fut 
mort  fans  poftcrité  ,  on  appella  le 
Comte  Adolphe  de  Hoiftein,  conv 


5&  JOURNAL    D 

me  le  plus  proche  parent  de  la  Li- 
gne féminine  ;  mais  ce  Prince  ayant 
letufé  la  Couronne  ,  engaQ;ea  les 
Etats  à  élire  fon  neveu  Chrillian 
d'Oidembourg  ,  dont  la  Maifon 
règne  depuis  cetems-là  furie  Thrô- 
nc  de  Danemarc. 

Il  eft  vrai  que  Saxon  le  Gram- 
mairien &c  les  Auteurs  Danois  qui 
l'ont  fuivi  nous  donnent  une  idée 
toute  différente  de  l'éleclion  ,  de 
celle  qu'en  a  donné  M.  Defroches  ; 
mais  ce  dernier  répond  que  Saxon 
le  Grammairien  ,  qui  ctoic  Eccle- 
fiaftiquc,  vouloir  flatter  les  Evê- 
qucs  Icfqucls  avoient  la  principale 
autorité  dans  l'éledion  ,  &:  que  les 
Hifl:oriens  fuivans  n'ont  fait  que 
copier  Saxon. 

Ce  que  notre  Auteur  foûticnt 
dans  fa  Préface  au  fujet  de  la  fuccef- 
fion  à  la  Couronne,  n'empêche  pas 
qu'il  ne  rcconnoilfe  que  jufqu'à 
Frideric  III.  c'étoit  une  Loi  fonda- 
mentale du  Royaume  de  convo- 
quer tous  les  ans  les  Etats  Généraux 
du  Royaume  ,  pour  y  traiter  de  ce 
qui  rcgardoit  le  Gouvernement  , 
pour  faire  des  Loix ,  pour  exami- 
ner ce  qui  rcgardoit  la  paix  ou  la 
guerre  ,  les  alliances ,  &c,  Origi- 
naireiflent  les  revenus  du  Roi  ne 
conliftoicnt  que  dans  le  produit  de 
fes  Domaines ,  &.'  dans  des  dons 
gratuits  que  les  aifcmblées  d'Etat 
lui  accordoient  quelquefois.  Par  la 
fuite  les  befoins  du  Royaume  obli- 
gèrent .1  avoir  recours  à  des  tributs 
qu'on  n'impofoit  que  du  confen- 
tcment  des  Etats  Généraux.  Cette 
forme  de  gouvernement  a  duré 
jufqu'à  ces  derniers  tcms  que  les 


ES     SÇAVANS, 

Danois  ayant  reconnu  que  le  peut 
d'autorité  du  Roi  ôc  la  trop  grande 
puill^uice  de  la  NoblefTc  ,  ayant 
réduit  le  Royaume  .à  un  état  déplo- 
rable ,  tous  les  Ordres  du  Dane- 
marc déclarèrent  le  Royaume  pu- 
rement héréditaire  en  faveur  de 
Frideric  III.  &  de  fa  famille  ,  &  le 
p.oi  abfolu.  Ainfi  les  Etats  Géné- 
raux ont  été  abolis ,  &  le  Roi  de 
Danemarc  qui  n'avoir  point  d'au-, 
très  droits  que  celui  de  faire  rendre 
la  juftice  fclon  les  Loix  &  de  comr 
mander  les  armées ,  a  prcfentement 
un  pouvoir  aulli  étendu  que  celui 
d'aucun  autre  Prince  de  l'Europe. 

De  ces  Obfervations  l'Auteur 
palfc  aux  mœurs  &  aux  coutumes 
des  anciens  Danois  ,  nous  n'en  rap- 
porterons que  quelques  traits  pour 
ne  point  palfcr  nos  bornes  ordmai- 
res. 

La  plupart  des  anciens  Hifto- 
riens  ,  fur  tout  les  Romains  qui 
vouloient  élever  leurs  Compatrio- 
tes aux  dépens  des  autres  Nations  , 
ont  dépeint  les  anciensDanois  com- 
me un  peuple  fauvage ,  fans  éduca- 
tion &  fans  police  ;  mais  notre  Au- 
teur prétend  que  fi  on  fait  atten- 
tion aux  Loix  qu'ils  ont  établies  &C 
aux  grandes  aiflions  qu'ils  ont  fai- 
tes ,  on  amvicndra  qu'il  y  a  peu 
de  Nations  dans  le  monde  qui  mé- 
rite plus  d'éloge  que  celle  des  an- 
ciens Danois.  Ce  peuple  a  le  plus 
contribué  à  rcnverfer  la  puiHancc 
monftrueufe  de  l'Empire  Romain. 
Ils  ont  fournis  plufieurs  fois  l'Irlan- 
de &  l'Angletevre  ,  la  Saxe  &  l'E- 
corte  leur  ont  payé  tribut ,  de  mê- 
me que  la  Suéde  -,  la  Norvège  eft 
devenu 


F  E  V  R  I 

devenu  un  Etat  attaché  à  la  Cou- 
îonne  de  Dancmarc.  Leurs  ex- 
ploits fur  mer  ôc  leurs  incurfîons  les 
ont  tait  redouter  ,  de  toutes  les  Na- 
tions de  l'Europe.  La  France  ne  s'en 
délivra  que  par  la  celTion  d'une  de 
fes  plus  belles  Provinces ,  où  les 
Danois  s'établirent.  Il  y  a  même  eu 
des  femmes  parmi  eux  qui  fe  f^.it 
rendu  illuftres  par  l'exercice  des 
armes. 

Notre  Auteur  examine  quelles 
ctoient  les  caufes  de  ce  grand  cou- 
rage des  anciens  Danois.  11  en  re- 
marque deux ,  l'intérêt ,  parce  que 
tous  les  Danois  qui  étoient  dans  une 
armée  avoient  part  au  butin  ,  & 
l'amour  de  la  gloire;  c'étoit  une 
honte  chez  eux  de  mourir  dans  fon 
lit,  &  un  honneur  de  fouffrir  les 
plus  grands  tourmens  ,  fans  laifTer 
échapper  aucune  marque  de  dou- 
leur, lis  élcvoicnt  des  mafles  de  ter- 
re &  enfuite  de  pierre  en  l'honneur 
,de  ceux  qui  s'étoient  diflingués  par 
leur  bravoure  ;  Se  après  leur  mort 
leur  ame  ctoit  reçue  ,  difoient-ils  , 
■dans  le  Valhar  ,  qui  étoit  un  Palais 
magnifique  ,  où  ils  joiiiffoient  de 
tous  les  plaifirsi  &  l'on  bûvoit  après 
leur  mort  à  leur  fanté  ,  de  même 
qu'à  celle  des  Dieux  ,  en  chantant 
des  chanfons  que  les  Poètes  com- 
fofoieot  à  l'honneur  des  uns  6c  des 
autres. 

Quoique  l'Idolâtrie  fût  la  Reli- 
gion des  anciens  Danois  ,  notre 
Auteur  prétend  que  plufieurs  d'en- 
tr'eux  regardoient  leurs  Prêtres 
comme  des  i  m  porteurs  ,  qu'ils  n'a- 
voient  aucune  confiance  en  leurs 
^oles ,  &  que  de  ceux  qui  s'étoient 
février. 


E  r;  175  ^  _97 

ainfi  élevés  au-delfus  des  préjugez 
vulgaires,  il  y  en  avoir  qui  hono- 
roient  le  Ciel ,  &  d'autres  qui  ado- 
roient  le  Créateur  du  Ciel.  Depuis 
l'établilfement  de  la  ReligionChré- 
tienne  dans  le  Danemarc ,  on  y  a  vu 
de  grands  exemples  de  pieté. 

Avant  le  changement  qui  s'in- 
troduifit  dans  la  forme  du  gouver- 
nement fous  le  règne  de  Fride- 
ric  III.  On  diftinguoit  dans  le 
Royaume  cinq  Ordres  ou  Etats  dif- 
ferens  ;  on  comprenoit  dans  le  pre- 
mier le  Roi  avec  la  famille  Royale. 
Le  fécond  Ordre  étoit  celui  de  la 
Noblefle  ;  il  n'y  avoit  point  d'autre 
diftindlion  entr'eux  que  celle  que 
donnoit  la  qualité  de  Chevalier  ou 
de  defcendant  de  Chevalier.  Ils 
pofTedoient  leur  terre  en  franc-al- 
leu ,  mais  avec  droit  de  juftice  ÔC 
de  chaffe.  C'étoit  de  cet  Ordre 
qu'on  tiroit  les  Sénateurs  qui  n'é- 
toient  ordinairement  qu'au  nom- 
bre de  iS.  &  les  grands  Officiers 
de  la  Couronne, 

Le  Clergé  ne  formoit  que  le 
troifiéme  Ordre.  La  révolution  ar- 
rivée dans  la  Religion  par  l'établif- 
fement  du  Lutheranifme,  avoit 
beaucoup  diminué  la  puilTàncc  de 
cet  Ordre  pour  le  temporel.  L'Etat 
de  la  Noblefle  avoit  profité  de  ces 
abailTcment  du  Clergé  ,  pour  aug- 
menter fon  pouvoir.  Et  elle  avoit 
porte  fi  loin  fon  autorité  ,  comme 
l'obferve  l'Auteur  dans  le  corps  de 
l'Ouvrage  ,  qu'elle  penfa  caufer  la 
ruine  du  Royaume  ,  Si  qu'elle  fit 
perdre  à  cette  Nation  la  liberté 
dont  elle  avoit  joiii  pendant  tant  de 
fiécles ,  £c  la  fournit  à  un  pouvoir 
Abfoiu.  N 


98  JOURNAL   D 

Venons  au  corps  de  l'Hiftoire  , 
pour  laquelle  nrus  nous  bornerons 
dans  cet  Extrait  au  tems  qui  précè- 
de TL-tabliiremcnt  du  Chnllianifme 
dans  le  Danemarc.Pour  donner  une 
idée  de  la  méthode  que  notre  Au- 
teur a  fuivie  pour  ces  tems  reculés  i 
il  cft  à  propos  d'obfcrver  qu'il  y  a 
des  Auteurs  qui  crovcnt  qu'on  ne 
peut  rien  avoir  de  fuivi  fur  l'Hi- 
ftoire de  ce  Royaume  avant  la  fin 
du  dixième  fiécle,  tems  auquella 
lleligion  Chrétienne  y  tut  établie  ; 
d'autres  croyent  qu'on  peut  re- 
monter jufqu'à  Gomer  II.  arriére 
petit-hls  de  Japhet  ,  qu'ils  font 
établir  dans  la  Cherfonefe  Cimbri- 
que  193.  ans  après  le  Déluge",  & 
2098.  avantl'Ere  Vulgaire.  Ils  di- 
fcntque  les  defcendans  de  ceux  qui 
s'étoient  établis  dans  ce  Pays  -  là 
fousGomcr  II.  turent  gouvernés  par 
des  Juges  pendant  950.  ans ,  &quc 
lesCimbresdétércrentla  Couronne 
d'un  confentement  unanime  à  Dan 
Prince  courageux,  tîis  d'Humblus, 
qui  polTcdoit  les  Iflcs  de  Zélande  , 
de  Langelland  &  de  Mone  ;  d'où 
ces  Auteurs  forment  une  fuite  de 
-j6  Rois  jufqu'au  commencement 
du  dixième  fiéclc.  C'cil;  le  S'ftême 
Hiftorique  de  Suenon  auquel  on  1 
donné  la  qualité  de  premier  Hifto- 
rien  de  Danncmarc ,  de  Saxon  lé 
Grammairien  qui  vivoit  dans  le 
treizième  fiéclc  comme  Suenon ,  & 
des  Hiftoriens  Danois  du  feiziéme 
&  du  dix-feptiéme  liécle  qui  ont 
donné  l'Hittoirc  ancienne  de  leur 
Pays,  comme  Pontanus,  Mcurfius, 
Berengius ,  Huitfldt ,  &  plufieurs 
autres.  Torfxus  qu'on  regarde  com- 


ES  SÇAVANS; 
me  un  des  plus  fçavans  &  des  pluï 
judicieux  Hiftoriens  de  Dane- 
marc  ,  a  pris  entre  ces  deux  Svftc  - 
mes  un  milieu ,  dans  une  Difterta- 
tion  qui  a  été  imprimée  à  Copenha- 
gue en  170Z.  fous  le  titre  de  Séria 
Dynajliinim  &Regnm  Dit?z/<c.Il  attri- 
bue la  fondation  du  Royaume  de 
l^anemarc  à  Odin  Chef  d'une 
Colonie  d'Afiatiques  qui  s'établit 
dans  le  Nord  vers  l'an  70.  avant  la 
Nailfance  de  J.  C.  Il  dit  qu'après 
avoir  mis  dix  ans  à  conquérir  la 
RulHe ,  le  Dannemarc  ,  la  Norvè- 
ge ,  la  Suéde  &  les  Pays  voifins  ,  il 
établit  Skiold  fon  fils  Roi  de  Da- 
nemaic.  Ce  lont  les  d.fccndans  de 
Skiold  qui  ont  régné  en  Danne- 
marc  pendant  plufieurs  fiècles ,  fui- 
vant  Tortxus,  qui  en  donne  la  fuite 
Chronologique  jufqu'au  dixième 
fiècle.Ccttc  Chronologie  eft  fi  diflè- 
rente  de  celle  de  Suenon,  de  Saxorï 
&  des  autres  qui  les  ont  copié  , 
qu'on  auroit  peine  à  croire  fi  K)n 
n'en  étoit  point  averti  auparavant , 
que  Torfxus  eût  donné  la  Chrono- 
logie des  Souverains  du  Pays  dont 
Suenon  &  Saxon  ont  voulu  écrire 
l'Hiftoire.  Torfxus  a  préféré  dans 
fa  Chronologie  ce  qu'il  a  tiouvé 
dans  les  Chroniques  étrangères , 
à  tout  ce  qu'ont  dit  les  Hiftoriens 
Danois,  dont  les  plus  anciens  n'ont 
travaillé  ni  fur  les  anciens  Monu- 
mens ,  ni  fur  des  Hilloriens  ou  con- 
temporains ou  prefque  contempo- 
rains ,  &  qui  ont  rapporté  des  tra- 
ditions populaires ,  s'ils  n'ont  pas 
eux-mêmes  inventé  des  laits. 

Tortxus  a  donné  une  autre  fuite 
hiftorique  des  Rois  ou  Souverains 


F  E  V  R  I 

de  Jutland  Tributaires  ou  Vaflîiux 
des  Rois  de  Danemarc  ,  entre  lef- 
quels  il  y  en  a  quelques  uns  que  les 
Hiftoricns  Danois  ont  fuppofé 
avoir  été  Rois  de  tout  le  Dane- 
marc. 

Dans  cette  diverfité  de  Syftèmes, 
voici  le  parti  que  M.  Defroches  a 
cru  devoir  prendre.  Il  a  penfé  que 
l'ancienne  Tradition  du  Danemarc 
méritoit  quelque  refped  ,  &  qu'on 
devoit  d'autant  moins  la  négliger , 
que  les  fables  mêmes  cachent  fou- 
vent  des  faits  Hiftoriques  ;  il  étoit 
auflî  perfuadé  qu'en  admettant  le 
Syftême  de  Torfius  fur  l'époque 
de  la  fondation  du  Royaume  de 
Danemarc  ,  il  falloit  convenir  que 
la  Cherfonefe  Cimbrique  avoit  été 
habitée  plullcurs  fiécles  avant  la 
NaifTance  de  J.  C.  &  qu'il  valoit 
mieux  remplir  cette  fuite  de  fiécles 
des  Traditions  Danoifes  ,  que  de 
laifler  un  fi  grand  vuide  dans  l'Hi- 
ftoire  de  ce  Pays -là.  D'un  autre  côté 
il  étoit  frappé  des  raifons  fur  Icf- 
quelles  Torfeus  appuyé  fon  "Syftê- 
me ,  &  il  auroit  cru  qu'on  auroit 
pu  lui  reprocher  un  défaut  de  criti- 
que ,  s'il  n'avoit  point  profité  du 
travail  de  ce  fçavant  Auteur.  Il 
donne  donc  l'Hiftoire  des  Juges  & 
des  anciens  Rois  de  Danemarc , 
telle  que  l'ont  donné  Suenon ,  Sa- 
xon &  les  autres  Hiftoriens  Danois. 
Puis  il  marque  à  la  fin  de  chaque 
règne  ce  qu'on  doitpenfcr ,  fuivant 
Torfacus ,  du  Prince  dont  il  a  parlé, 
foit  que  le  Critique  retranche  ab- 
folumcnt  ce  Prince  du  Catalogue 
des  Rois  de  Danemarc  ,  foit  qu'il 
ae  place  que  plufieurs  fiécles  après 


E  R,    I75J-  99 

l'Ere  Chrétienne  des  Rois  que  les 
autres  Hiftoriens  Danois  ont  fait 
régner  plufieurs  fiécles  avant  h 
Naifiance  de  J.  C. 

Quand  nous  avons  dit  que  M. 
Defroches  avoit  fuivi  dans  l'Hiftoi- 
re d(?ces  Rois  les  anciens  Hiftoriens 
Danois  ,  nous  n'avons  entendu 
parler  que  de  la  Chronologie  &  du 
fond  de  l'Hiftoire  ;  car  il  a  eu  foin 
d'en  retrancher  les  circonftances 
qui  lui  ont  paru  abfolument  fabu- 
leufes ,  &:  qui  font  en  très-grand 
nombre  dans  ces  Ecrivains.  Lorf- 
que  Suenon  Se  Saxon ^  qui  ont  vécu 
dans  le  même  fiécle  ,  ne  font  pas 
d'accord  entr'eux ,  il  a  adopté  celle 
de  leurs  narrations  qui  lui  a  paru  la 
plus  vraifemblable.  Il  eft  vrai  qu'en 
fuivant  cette  méthode  on  ne  donne 
point  une  Hiftoire  fondée  fur  des 
Monumcns  authentiques  :  mais  il 
eft  difficile  de  prendre  un  meilleur 
parti  quand  on  veut  remonter  juf- 
qu'aux  tems  les  plus  reculés ,  fur- 
tout  par  rapport  à  l'Hiftoire  des 
Royaumes  du  Nord ,  dont  il  ne  re- 
fte  point  d'anciens  Ecrivains,  Se 
qui  ont  été  fi  peu  connus  des  Grecs' 
éc  des  Romains.  Au  rcfte ,  c'eft' 
une  partie  de  l'Hiftoire  de  fçàvoir 
ce  qu'ont  dit  les  plus  anciens  Hifto- 
riens ,  &^  il  n'cft  point  inutile 
d'être  inftruit  des  Traditions  reçues 
dans  differens  Etats  fur  leur  origine 
&  fur  la  forme  de  leur  gouverne- 
ment ,  pourvu  qu'on  fçache  juf- 
qu'où  on  peut  s'arrêter  à  ces  Tradi- 
tions. 

Nous  rendrons  compte  dans  un 
autre  Extrait  de  ce  qui  nous  paroî- 
tra  de  plus  remarquable  dans  cette 
Ni) 


100         JOURNAL  DES  SÇAVANS. 

Hiftoirc  Au  Dancmarc  ,  depuis  que      du  ChrilHanifmc  en  Danemarc  juf* 
les  faits  en   font  mieux   prouvés  -,      qu'à  prefcnt. 
c'cft-à-dire  ,  depuis  1  ctabliffemcnt 

iQU^STIO  MEDICA  QUODLIBETARIIS  DISPUTATIONTBUS, 
Parifiis  difcutienda  ,  in  Scholis  Mcdicoruni ,  die  Jovis  quindccimâ 
Novemb.  1751.  M.  Joanne^Claudio-Adriano  Hclvetius,  Rcgi  à  fanc- 
tioribus  confiliis ,  Medico  Régis  perpctiio  ordinario  ,  primario  Rcgi- 
nx  Medico  ,  Rcgia:  Scicntiarum  Academix  Socio  ,  Dodorc  Medico  ^ 
pr.xfidc. 

j^n  in  tonjîllarum  tumorihus  wflammator'iis  Kermès  minérale  ? 

C'eft-à-dirc  :  Queflion  de  Médecine  agitée  dans  les  Ecoles  de  Médecine  de 
Paris  ,  /f  15.  Novembre  ij^i.  fins  la  Prêfidence  de  M.  Jean-Claiide- 
Adrien  Helvetius ,  Confiiller  d^Etat ,  Médecin  perpétuel  ordinaire  die 
Roi  j  premier  Médecin  de  la  Reine  ^  DoReurRégcnt  de  la  Faculté  de  Mé- 
decine de  Paris ,  de  l'' Académie  Royale  des  Sciences. 
Sçavoir  ,Jîle  Kermès  minerai  convient  dans  rinfiammation  des  Amygdales  ? 

A  Paris ,  de  l'Imprimerie  de  Quillau  ,  Imprimeur  de  l'Univcrlité  &  de 
la  Faculté  de  Medccuic.  1 7  3 1  .vol.  /«-4°.  pp.  4. 


M  Helvetius ,  après  de  fçavan- 
.  tes  reflexions  préliminaires, 
obftrve  dans  cette  Diflertation 
qu'il  y  a  un  grand  nombre  de  mala- 
dies ,  pour  la  guérifon  defqucUes  la 
Médecine  n'a  encore  découvert  au- 
cun reraede  propre  &  fpécifique.  Il 
met  de  ce  nombre  ,  les  tumeurs  in- 
flammatoires des  glandes  nommées 
Tbnjtlles  ou  Amygdales  ,  qui ,  com- 
me l'on  fçait ,  font  deux  glandes 
placées  l'une  à  un  côté  de  la  luette 
&  l'autre  à  l'autre  ,  proche  la  raci- 
ne de  la  langue.  Les  Praticiens  re- 
commandent dans  l'inflammation 
de  ces  glandes  ,  1°.  la  faignéc  , 
3.°.  h  diette,  3'.  des  cataplâmes  & 
des  gaigarifmes.  Perfonne  prcfquc 
ne  s'avife  de  prefcrirc  ici  des  remè- 
des intérieurs  :  la  raifon  en  eft  ,  re- 
marque M.  Helvetius ,  qu'entre  îes 
lemedes  de  ce  genre  ,  qui  ont  été 


employés  jufqu'à  prefcnt  contre  la 
maladie  dont  il  eft  qucftion  ,  on 
n'en  a  rencontré  aucun  ^  non  feule- 
ment qui  fût  infaillible  ,  mais  qui 
réufsît,  au  moins,  un  certain  nom- 
bre de  lois. 

C'eft  qu'aucun  de  ces  remèdes  ,. 
dit-il ,  n'eft  pourvu  de  parties  ana- 
logues à  l'humeur  qui  fait  l'ob- 
ftrudion  des  Amygdales  ;  condi- 
tion cependant  fi  neeclTairc  ,  que 
fans  cela  ,  aucun  médicament  quel 
qu'il  foit ,  ne  fçauroit  être  capable 
de  procurer  à  l'humeur  épailfe  des 
Amygdales  enflammées,  la  fluidité 
qu'elle  doit  avoir.  Comment  donc 
s'y  prendre  pour  parvenir  àla  décou- 
verte d'un  remède,  dont  les  parties 
ayent  cette  analogie  î  M.  Helvetius 
l'enfeigne.  Il  veut  pour  cela  qu'on 
fp.  fouvienne  ,  i*".  que  l'humeur 
qui  fe   filtie  par  les  glandes  des^ 


F  E  V  R. 

jfiirrtygdales  ,  cft  une  lymphe  vif- 
queufe  ,  facile  à  fc  durcir  -,  i°.  Qiie 
cette  Ivmphe  approche  de  la  natu- 
re de  celle  qu'on  exprime  des  glan- 
des de  la  trachée  artcre  ,  &:  du  pou- 
mon, lorfqu'on  les  prelTe;  3°.Qu'el- 
le  eft  auifi  trèsreirembhnte  à  celle 
qui  diftille  de  la  plèvre  par  une  lé- 
gère incilîon  laite  à  cette  membra- 
ne,  &  fî  refîemblante  qu'à  s'en  rap 
porter  à  ce  que  l'on  voit ,  elle  n'en 
diffère  que  par  la  confiftance  : 
4°.  Qiie  le  Kermès  minerai  eft  d'un 
fecours  merveilleux  lorfque  les 
glandes  des  poumons ,  celles  de  la 
trachée  artère  ,  ou  celles  de  la  plè- 
vre ,  font  attaquées  d'obftrudions , 
foit  froides ,  foit  inflammatoires , 
puifque  l'expérience  fait  voir  que 
ce  remède  débarrafle  alors  puiffam- 
ment  les  glandes  dont  il  s'agit,  &c 
rend  aux  liquides  qui  s'y  étoient 
épaiflîs  ,  leur  première  fluidité. 
Quels  fecours  étonnans  n'en  tire-t- 
on pas  dans  la  pleurefie ,  dans  la 
péripneumonie  &  dans  la  toux  fc- 
che,  demande  M.  Helvetius  î 

L'illuftre  Auteur  conclut  que  fi 
le  Kermès  minerai  eft  fi  efficace 
pour  refoudre  les  humeurs  engagées 
dans  les  glandes  de  la  trachée  artère 
&  des  poumons ,  il  n'y  a  pas  de 
doute  qu'il  ne  doive  produire  le 
même  effet  fur  l'humeur  qui  caufe 
l'obftrudion  &  l'inflammation  des 
Amygdales,  puifque  cette  humeur, 
comme  on  vient  de  le  remarquer  , 
eft  de  la  même  nature  q^ue  celle  qui 
produit  l'engorgement  des  glandes 
de  la  trachée  artère ,  &  de  celles 
•des  poumons. 
M.  Helvetius  remarque  outre  ce- 


I  E  R;    1755.  ïoi 

la  j  que  le  Kermès  eft  un  m.cdica- 
ment  favoneux  produit  par  le  fou- 
phre  de  l'antimoine  &  par  le  fci 
alcali  ,  que  par  confequent  c'eft  le 
remède  le  plus  propre  pour  refou- 
dre les  fucs  lymphatiques  trop 
épais ,  &  qu'ainfi  rien  ne  doit  em- 
pêcher qu'on  ne  l'emjiloye  dans  les 
tumeurs  inflammatoires  desAmyg- 
dales  j  en  effet  ,  ce  médicament 
étant  analogue  à  l'humeur  de  la  plè- 
vre &  à  celle  des  poumons ,  Ig  fera 
par  confequent  à  celle  des  amygda- 
les ,  &c  ne  pourra  que  contribuer 
puiffamment  à  lever  les  obftruc- 
tions  de  ces  srlandes. 

On  objetliera  que  le  Kermès  mi- 
néral eft  fort  échauffant ,  qu'il  peut 
produire  du  trouble  &  du  defordre 
dans  le  mouvement  des  fluides,  &c 
empêcher  par-là  ,  les  fécrétions. 
M.  Helvetius  répond  qu'on  n'a 
rien  de  tel  à  craindre  de  ce  remède, 
quand  il  eft  adminiftrè  fagement , 
qu'au  contraire  il  refout  alors  les 
humeurs  ,  rétablit  la  tranfpiration, 
excite  les  fueurs  ,  rend  les  urines 
plus  abondantes  ôc  chaffe  par  les 
cribles  des  inteftins  les  fucs  trop 
groflîers.  On  ne  le  voit  point  aug- 
menter la  fièvre  dans  la  péripneu- 
monie ,  ôi  dans  la  pleurefie  ;  il  di- 
minue même  le  crachement  de 
fang  dans  ces  maladies.  Mais  il  faut 
fçavoir  en  faire  ufage.  Ne  le  don- 
nez ,  dit  M.  Helvetius  ,  ni  comme 
émétique  ni  comme  purgatif,  mais 
feulem.ent  dans  la  petite  dofe  que 
doit  être  donné  un  remède  atté- 
nuant. 

Que  le  Malade  ,  par  exemple  ^ 
en  prenne  un  dejni  grain  ou  nsi 


102  JOURNAL  D 

graiii ,  de  trois  heures  en  trois  heu- 
res i  l'inflammation  des  amygdales 
dimmucra  bien -tôt  ■■,  ce  qui  le  re- 
connoîtra  par  une  plus  grande  faci- 
lité de  rcfpircr  ,  d'avaler  ,  &  cTe 
parler  -,  mais  ce  qu'aflure  ici  M. 
Helvetius ,  c'cft  qu'en  deux  fois 
vingt-quatre  heures  ,  toute  l'in- 
flammation fcradifl'ipée. 

Il  y  a  bien  de  l'apparence  que  le 
Kermès  minéral  étant  fî  propre 
poui;^  guérir  l'inflammation  des 
amygdales  ,  ne  le  doit  pas  être 
moins  pour  guérir  l'clquinancic^  & 
c'eft  aufli  ce  que  M.  Helvetius  dc- 
filare  avoir  été  reconnu  par  l'expé- 
rience. Une  autre  remarque  de  pra- 
tique ,  c'cfl:  que  fi  l'inflammation 
des  amygdales  eft  telle  qu'il  y  ait 
apparence  d'un  abfccs  prochain,  on 
préviendra  tout  d'un  coup  l'abfcès, 
en  donnant  le  Kermès  minéral ,  & 
l'on  verra  la  tumeur  fe  refoudre 
fans  fuppurarit)n.  Qiie  il  au  contrai- 
re on  le  donne  trop  tard  ,  &  que  la 
fuppuration  vienne  ,  ce  rcmcde 
adoucira  alors  confiderablcment  les 
fymptômcs  de  la  fuppuration  ,  & 
le  malade  fe  trouvera  très-foulagé. 
Au  refte ,  il  ne  faut  pas  croire 
qu'on  puifle  employer  ici  le  ker- 
mès fans  précaution  ;  M.  Helvetius 
veut  qu'on  ne  néghge  ni  la  faignée 
ni  la  dicttc ,  ni  même  les  cataplà- 
mes  &c  les  gargarifmcs  ,  non  plus 
que  d'autres  remèdes  innocensqui 
font  d'ufage.  ^lais  il  prérend  c^ue 
fans  l'aide  du  kermès  minerai,  tous 
ces  remèdes  auront  peu  d'efiet.  Le 
témoignage  d'un  tel  Praticien  doit 
Être  d'un  grand  poids  &  auprès  des 
Médecins  ôc  auprès  desmalades. 


ES  SÇAVANS, 

Qu^stioMedica  QUODLIBETARIIS 

DifpittationihiisPari/tis  MfcHtienda  in 
ScholisMedicorum^  die  Jovis  21.  Fe~ 
bruarii  1751.  M.  Petro  ^z.evedo , 
Doilore  Afedico  Prajîde. 

An  in  IXFLAMMATIONIBUSjKEa- 

MES  Minérale  ?  C'eft -à- dire: 
Queftion  de  Médecine  ,  agitée 
dans  les  Ecoles  de  Médecine  de 
Paris,  le  vingt  &  un  Février  1732. 
fous  la  Préfidence  de  M.  Pierre 
Azevedo ,  Doftcur  en  Médecine  j 
fçavoir ,  fî  le  Kermès  minerai  con- 
vient dans  les  inflammations'»  k  Paris, 
chez  Qiiillau  ,  Imprimeur  de  l'Uni- 
verfité  &  de  la  Faculté  de  Medeci-. 
ne  17  3 1.  vol.  /«-4°.  pp.  4. 

On  vient  de  voir  dans  la  Difler- 
tation  précédente  ,  les  raifons  qui 
doivent  inviter  les  Médecins  ,  à 
cmplover  le  kermès  minerai ,  dans 
l'inflammation  des  amygdales.  Ici 
au  contraire  on  va  voir  celles  qui , 
félon  M.  Azevedo  ,  doivent  porter 
les  mêmes  Médecins  à  fuir  ce  remè- 
de dans  quelque  inflammation  que 
ce  foit.  L'Auteur ,  pour  parvenir  à 
fon  but  qui  eft  de  prouver  que  le 
kermès  minerai  eft  dangereux  dans 
toutes  les  inflammations,fc  ferc  des 
propodtions  fuivantes  que  nous 
allons  diftinguer  par  articles ,  pour 
les  rendre  plus  fenfibles. 

1°.  Le  fang  eft  compofé  de  deux 
parties ,  l'une  globuleufe ,  &  l'au- 
tre lymphatique.  *>  Il  ne  dèpofe 
>j  que  1.1  féconde  qui  eft  une  hu- 
«  meur  limpide  &  fine  ,  capable 
«  par  fa  fubtilité,  d'entrer  dans  le? 
3}  vailTcaux  où  la  partie  globuleufe 
»  du  fang  ne  peut  s'infinucr.  Cette 


F  E  V  R  I 

»  partie  globuleufe  fe  prefentc  aux 
M  orifices  des  veines  ,  &  elle  y  cft 
»  admife  j  mais  elle  a  beau  fe  prefcn- 
»  ter  aux  orifices  des  vaifTeaux  lym- 
n  phatiques ,  elle  n'y  fçauroit  ja- 
»  mais  pénétrer  ;  il  faut  qu'elle  con- 
»  tinue  fon  chemin  jufqu'au  cœur  , 
«pour  recommencer  enfuite  fon 
ï>  mouvement  ordinaire  de  circula- 
».tion. 

2°.  »  L'inflammation  eft  caufée 
3)  par  l'irruption  du  fing  dans  les 
j>  vaiffeaux  lymphatiques ,  lefquels 
n  vaiffeaux  lymphatiques  font  de 
«petits  canaux  tranfparensdeftincs 
j5  à  rapporter  un  liquide  délié  ,  & 
»  prcfque  aqueux,  qu'ils  ont  reçu 
»  des  parties. 

3°.  Pour  remédier  à  cette  irrup- 
tion &  aux  maux  qu'elle  caufe  ,  il 
faut  calmer  rimpètuofité  des  hu- 
meurs fougueufes  qui  font  forties 
de  leurs  routes  ,  de  affouplir  les 
vaiffeaux  :  ce  qui  demande  qu'on 
employé  tous  les  moyens  pofTîbles 
pour  enlever  promptement  &  fans 
délai ,  à  la  partie  malade  &  enflam- 
mée ,  le  fang  qui  lafurcharge. 

4".  On  ne  doit  point  compter  de 
parvenir  à  ce  but  par  l'ufage  du 
kermès  minéral ,  quand  même  au 
moyen  de  quelques  évacuations 
précédentes ,  le  malade  paroîtroit 
fe  porter  un  peu  mieux.  Car  ce 
mieux  doit  être  confideré  comme 
un  feu  caché  fous  la  cendre  ,  ou 
comme  un  ferpent  que  l'herbe  cou- 
vre :  il  faut  craindre  que  le  fouphre 
antimonial  du  keimés ,  ne  reveille 
la  partie  rouge  fulphureufe  du 
fang.  C'cft  aux  raffraîchilTans  qu'il 
faut  recourir  ici  &  non  aux  échauf- 
fans. 


E  R',     1  7  î  5-      ^         Ï03 

5°.  Le  kermès  minéral  efl:  une 
préparation  connue  depuis  long- 
tems,  mais  qui  n'a  été  mife,  que  de- 
puis quelques  années  ,  dans  l'ufage 
où  on  la  voit  aujourd'hui.  C'eft  un 
fouffre  tiré  de  l'antimoine  par  le 
moyen  d'un  fel  alkali  fixe.  Or  le 
fouphre  n'eft  autre  chofc  qu'un  af- 
femblage  nombreux  de  véficules 
qui  contiennent  toutes  une  matiè- 
re ignée. 

6°.  Le  kermès  dilTout  &c  affine 
principalement  la  lymphe.  Mais 
dans  les  inflammations  le  mal  ne 
vient  pas  de  la  lymphe  ,  il  vient  du 
fang. 

7°.  Le  kermès  minéral  employé 
dans  les  inflammations ,  n'humede 
Se  ne  relâche  point  les  fibres  trop 
tendues  ;  il  ne  calme  point  l'agita- 
tion inteftine  des  parties  fulphureu- 
fes  du  fang.  Rien  de  plus  inflam- 
mable que  le  fouphre ,  rien  de  plus 
difpofé  que  le  fang  à  recevoir  de 
l'inflammation.  Le  kermès  ne  pro- 
duit aucun  effet  qui  puilfe  donner 
lieu  de  juger  qu'il  relâche  les  par- 
ties -,  on  n'a  qu'à  s'en  rapporter  au 
pouls  :  on  apperçoit  quand  on  le 
tâte  alors ,  un  fang  agité  ;  une  artè- 
re qui  heurte  rudement  le  doigt , 
une  fièvre  qui  augmente.  N'atten- 
dez rien  ici  de  l'infenfible  tranfpi- 
ration  ;  il  y  a  pour  cela  trop  de  roi- 
deur  dans  les  parties  pendant  que 
l'inflammation  efl  dans  fa  force. 
Aulfi  le  malade  fenr  une  douleur 
picquante  ;  fon  foufïle  intercepté 
fort  avec  fïfflemenr.  Il  faut  recou- 
rir aux  faignées ,  fans  quoi  il  n'y  a 
que  mortifications  de  parties ,  que 
gangrenés  ôc  que  iphaceles  à  attcn- 


104        JOURÏÎAL    D 

dre.  Ainfi  il  cft  bien  plus  iiir  de  cal- 
mer le  fang  que  de  l'agiter.  Or  le 
kermès  minéral  agite  les  parties 
fluides ,  &:  roidit  les  parties  folides. 
C'eft  un  fouffrc  ,  6c  ce  fouffre  par 
fa  rarétadtion  poufle  le  iàng  avec 
violence;  cette  impulfion  augmen- 
te l'inflammation  ,  &  de  cette  in- 
flammation dépendent  les  fymptp- 
mesles  plus  furieux. 

8°.  L'expérience  parle  ici  elle- 
même  &  dépofc  en  faveur  de  ce 
qui  vient  d'être  dit.  Un  malade  eft 
attaqué  d'une  très-grande  fièvre , 
d'une  toux  continuelle  ,  d'un  cra- 
chement fanguinolent ,  d'une  dou- 
leur picquante  au  côté  ,  ôc  d'une 
difficulté  de  refpirer.  Le  feptiéme 
jour ,  nonobftant  tous  les  remèdes 
qu'on  lui  a  hiits,  le  ventre  fe  trou- 
ve enflé  ,  le  crachement  fupprimé, 
le  pouls  prcfque  éteint ,  la  vûé  ob- 
fcurcie  -,  plus  de  voix  ,  plus  de  fen- 
ciment.  Il  s'agit  de  reveiller  le  fang, 
de  rappeller  le  rciTort  des  vaifleaux ; 
on  donne  alors  le  kermès  ,  Se  peu 
à  peu ,  le  fang  venant  à  fe  raréfier, 
les  artères  auparavant  languiflanteJ 
reprennent  vigueur  ,  les  forces  re- 
viennent ,  &  la  nature  paroît  taire 
des  tentatives  pour  fe  débarrafler. 
Mais  dans  les  maladies  inflamma- 
toires ,  dans  les  maladies  où  la  fiè- 
vre eft  ardente  ,  où  la  douleur  eft 
picquante  ,  où  le  corps  eft  en  feu  , 
i'ufage  des  remèdes  caïmans  a  tou- 
jours prévalu. 

9°.  On  ne  peut  douter  que  le 
kermès  ne  doive  être  profcrit  dans 
toutes  les  maladies  d'mflammation, 
(i  l'on  confidere  les  effets  incertains 
4c  ce  médicament  ;  car  tantôt  il 


ES    SÇAVANS. 

excite  le  vomiffemcnt ,  tantôt  il  lâ- 
che le  ventre  ,  tantôt  il  provoque 
les  urmes  ;  quant  à  la  dofc  il  n'y  ea 
a  point  non  plus  d'affurèe. 

lo".  Dans  les  maladies  aiguës  , 
dans  ces  maladiesoùl'on  n'a  qu'ua 
certain  nombre  de  jours  pour  fe  re- 
connoître  ,  il  ne  faut  pas  perdre  le 
tems  à  employer  des  remèdes  fur 
icfquels  on  ne  peut  compter. 

ji".  On  dira  que  les  inflamma- 
mations  étant  caufées  par  des  ca- 
gorgemens  de  fang ,  il  n'y  a  rien  de 
plus  fur  pour  refoudre  ces  fortes 
d'obftrucTiions,  que  le  fouffire  qui  eft 
fi  capable  de  raréfaction.  A  la  bonne 
heure ,  mais  il  y  a  de  deux  fortes 
d'obftrudions  -,  l'une  qu'on  appelle 
4  Stafi  i  &  l'autre  ,  à  Stagnatione , 
la  première  vient  de  ce  que  le  mou- 
vement des  humeurs  eft  trop  rapi- 
de ,  &  l'autre  de  ce  qu'il  eft  perdu; 
dans  l'une  les  vaifleaux  font  trop 
tendus  &  dans  l'autre  ils  font  trop 
lâches  •,  dans  la  première  il  faut 
calmer  ,  &  dans  la  féconde  il  faut 
exciter.  La  première  ne  demande 
pas  qu'à  un  fang  que  fon  trop  grand 
mouvement  afiitfortirdc  ks  vaif- 
feaux  ,  on  procure  un  mouvement 
encore  plus  grand ,  comme  fait  le 
kermès  \  puifque  ce  feroit  empê- 
cher le  retour  de  ce  fang  dans  les 
conduits  où  il  le  faut  rappeller.  La 
féconde  au  contraire  ,  c'eft-àdire 
celle  qui  vient  d'un  fang  flottant  ôC 
parefteux  demande  un  remède  tel 
que  le  kermès ,  dont  les  parties  in- 
cendiaires portant  avec  elles  l'agita- 
tion 6c  le  feu,  puifTcnt  rendre  aux 
fluides  leur  mouvement  de  circur 
lation  ,  6i  aux  folides  leur  reflbrt, 

12°. 


F  E  V  RI 

iz*.  Il,  cft  vrai  c|ue  quelquefois 
les  vailTcaux  trop  toibics  pour  rch- 
■fter  à  la  force  de  la  mabdie  ,  ont 
befoin  d'une  vive  fccoullc  qui  leur 
^  faflc  prendre  le  dclTus  \  mais  il  y  a 

tant  d'autres  rcmpdes  que  le  Ker- 
mès ,-  &  dont  les  effets  font  très- 
-çcrtains.  ^, 

1 3°.  Si  la  matière  eft  en  orgafmc, 
6i  qu'il  eu  faille  venir  à  quelque 
mouvement,  agitez  l'humeur,  à  la 
bonne  heure  ;  mais  agitez-la  fure- 
ment  ;  ne  donnez  pas  un  médica- 
ment qui  ne  foulage  pas  toujours  le 
malade,  &  qui  loin  de  chalFcr  la 
caufe  du  mal ,  la  rende  capable  de 
£aire  de  plus  grands  defordres. 

14°.  Donc  le  Kermès  minéral  ne 
convient  pas  dans  les  inflamma- 
tions. 

Voilà  en  fubftance,  toute  la  Dif- 
fertation  de  M.  Azevcdo.  Nous 
laiflbns  aux  Médecins  éclairés  le 
foin  d'en  faire  le  parallèle  avec  qz\- 
le  de  M.  Helvctius  ;  puis  de  juger 
laquelle  des  deux  paroît  mériter  le 
plus  le  nom  de  concluante.  Nous 
les  exhortons  furtoutà  lire  attenti- 
vement l'article  huitième  ci-devant 
lapporté ,  &  d'en  comparer  la  fin 
avec  le  corarnencement  :  il  s'agit 
dans  cet  article,d'uu  malade  attaqué 
.d'une  forte  hevre  ,  d'un  crache- 
ment fanguinolent ,  d'une  douleur 
picquante  de  côté,  en  un  mot  d'une 
maladie  réellement  inflammatoire, 
lequel  ^nfuite  par  l'engorgcmcrrt 
énorme  que  le  fang  emporté  d'un 
trop  grand  mouvement,  a  fait  dans 
les  vaifl^eaux  ,  eu  réduit  le  fcptiéme 
jour  à  ne  pouvoir  prcfquc  plus  don- 
|ier  aucun  figne  de  vie.  On  lui  fait 
Ftvrier. 


rci>dre -alors  le  Kchncs  -,  ce  Ker- 
les    qui,  vient    a'cEre' reprcfciuc 
•  pouvant  (['.l'accroîtrcles 
ens  du.  fang  ,    qii-ind'ie 


-E  Jl-  . 

mes    qui , 
comme  ne  ] 

engorgemens  du  Jansi  ,  qu-i 
fang  s'eft  introduit  par  violence  ;  Zc 
ce  Kermès  cependant  rappelle  ia 
vie  au  malade  ','  liîcii  loin  d'iiu»-- 
menter  les  cngorgrmcns  l<  de  tout 
rompre:  c'cfl:  ce  qui  paroîtra  fins 
doute  furprenant  d^ns  les  principes 
de  l'Auteur ,  &  ce' qui  aurait  bien 
mérité, d.(?  fa^pçç.  yn-pctit  Com- 
mentaire.        -     ' 

On  peut  voir  le  récit  de  cette 
maladie  dans  l'Hiftoire  de  l'Acadé- 
mie des  Sciences  année  1710.  page 
410.  Metri-  fur  le  Kcrm.  Min.  Edit. 
de  Paris,  lyzi.  &:  l'on  jugera  ficc 
n'étoit  pas  imci  maladie  véritable- 
ment inflammatoirt  dans  toutes  fes 
circonftanccs. 

On  ne  trouvera  peut-être  pas 
moins  de  difficulté  dans  l'article 
fixiéme  ;  où  l'Auteur  ,  pour  faire 
voir  que  fi  le  Kcrmcs  dilfoutla 
lymphe  ,  il  ne  s'enfuit  pas  pour  cela 
qu'il  puiffe  guérir  l'inflammation  , 
dit  que  dans  l'inflammation  le  mal 
ne  vient  pas  de  la  lymphe  ,  mais  du 
fang.  Lyfnpham  prxfertim  atténuât 
Kermès  ^  fed  in  itijlcjnmationihns  vi- 
t'nim  ne  efl  in  lymphà  ,  an  m  [an  "ni- 
nei  M.  Helvetius  dit  la  même  eho- 
fc  dans  fa  Diflertation  :  Si  vero  in 
pafa  lymphatica  ipfe  fangitis  irnuit 
tumores  generantur  phlegmonodcs. 
Mais  il  lailfe  à  entendre  que  quoi- 
que,l'inflammation  vienne  du  fang 
$c  non  de  la  lymphe  ,  ce  n'eft  pas 
une  confequence  que  le  Kermès  en 
dilfolvant  la  lymphe  ne  puifte  ifll- 
per  l'inflammation  \  puifque  quand  ' 
0 


"iô5  JOURNAL  D 

la  Ivmplic  vient  à  erre  plus  fluide , 
elle  rend  aufll  le  Hmg  plus  fluide, en 
le  dctrcrripant:  déplus,  cette  lym- 
phe étant  devenue  coulante  ,  con- 
"  tiniic  fon  chciriin  ,  Se  il  arrive  de- 
^îà  que'lc,  vaifleau  ayant  plus  de  li- 
'bertc  à  le  rhôûvbir  ,  bat  le  fang 
avec  plus  d'ailance  ,  &:  lui  procure 
par  ce  moyen  plus  de  fluidité.  Ainli 
voilà  comme  le  Kçrmés  en  diflol- 


ES  SÇAVANS, 

vant  la  Ivmphc  ,  peut  gUcrk-I'in- 
flamrriàition ,  quoique  l'inflamma- 
tion vienne  dn  fanç;  &  non  de  la 
Ivmphc  ,  c'cft  à  quoi  M.  Azévédû 
ne  paroît  pas  avoir  pris  garde.  Mais 
c'en  cft  aflez  -,  les  règles  que  noiis 
nous  fommes  propofcc^s  dans  Wcs 
Journaux  ,  ne  nous  permettent  ps 
d'entrer  dans  une. plus  longue dif- 
euflîon. 


'ÉEL^^to'N  ÏÏlSTORlQpE  t)E  VETH 10 flE  OCCIDENTALE^ 

comeyiant  LiDefcrjption  des  Royaumes  de  Congo,  yi finale  &  Aiatarnh^  : 
traduite dcl'ttàlien dit  Pi  Cavazzi  &'iinpnentéi  de pltèfiàtrs  Reh.ùons  Phr- 
tugaifes  des  ' Tneilleiirs  auteurs,  avec  des  Noies ,  dès  Cartes  G é'>g>-aphi- 
^ites ,  &  lin  grand  nombre  de  figuns  en  tailie-dortce.  Par  le  R.  P.  J.  B. 
Labat,  de  T  Ordre  des  Frères  Prêcheurs:  A  Paris,  chez  Cliarlcs  -  Jcan- 
Baptiftc  de  Lefpine  le  fils ,  Libraire  ,  rue  S.  Jacques ,  vis-à-vrs  la  rue 
des  Noyers ,  à  la  Vicfloirc.  1732. /«-i  2.  5.  vol.  premier  vol.  pag.  4^5. 
fécond  vol.  pag.  457.  troifiéme  voL  pag.  462.  quatrième  vol.  pag.  j-o^, 
cinquième  vol.  pag.  408. 


LE  Père  Jean- Antoine  Cavazzi 
de  Afonte'Cavàl'o ,  Capucin, 
çtoit  du  Duché  de  Modche.  Le  zélé 
qii'iifitparpîtiç  pour  les  Miflîo'ns  , 
engagea  le  Procureur  Çéhérâl  de 
fon  Ordre  h.  le  prefenter  .à  la  Con- 
grégation de  la  propagation  de  la 
Foi ,  pour  annoncer  l'Evangile  aux 
peuples  de  l'Afrique  Méridionale. 
11  partit  d'Italie  avec  fcs  Compa- 
gnons en  If  54.  3c  il  arriva  la  rnême 
année  au  Royaume  de  Congo. D'où 
il  alla  prêcher  dans  les  Etats  voilîns. 
Pendant  douze  années  qu'il  a  de- 
meuré dans  cette  partie  de  l'Afri- 
que ,  il  s'eft  inftruit ,  comme  le  re- 
marque le  PI  Labat ,  de  la  fituation 
âc  ces  differens  Etats ,  de  l'Hiftoire 
Naturelle  de  ces  divers  Pays,  des 
iQoeuis  èc  des  coutumes  ;  mcmc  des 


Religions  de  cetix  qui  les  habitent, 
&c  de  ce  qu'on  peut  TçaN'oir  de 
leur  Fïirtoire  Civile  ou  Mihtairc. 
Le  P.  Cavazzi  étant  revenu  à  Rorrtc 
en  166^.  rendit  compte  de' fan 
Voyage  à  la  Congrégation  de  la 
Propagande.  On;  fut  ifi  content  de 
fa  Relation  ^u'on  l'engagea  à  la 
mettre  par  écrit.  Mais  comme  les 
Langues  Barbares  qu'il  avoir  apprî- 
feS",  &:  la'  Langue  Portii^ife  dorit 
il  avoit  été  obligé  de  fe  ferVir  en 
Afrique,  lui  avoicnt  fait  perdre  le 
goût  de  la  Larlgue  Italienne  ,  fc 
Vciè  Fortuné  AïïinîiTiéi  de  BBIo- 
oné  j  célèbre  Prédicatcni-  ,  tt^ail- 
la  à  rédiger  cette  Relation  fous  les 
yeux  du  MlilSoiinaire.  L'Ouvrage 
(nt  examiné  p3r  la  Congrégation  de 
la  Propagande  Se  imprimé  par  fes 


fa 


F  E  V  R  I 

ordres.  C'cfl:  cette  Relation  donc  le 
p.  Labat  donne  la  Trndudion  ; 
mais  une  Tiadudion  libre  dans  la- 
^qucUe  il  s'eft  plus  appliqué  à  ren- 
dre la  penlée  de  l'Auteur  que  fes 
paroles.  Il  y  a  joint  fou  vent  lès  pro- 
pres reflexions  ,  quelquefois  même 
des  traits  paiticuliers  qu'il  a  rires - 
d'Auteurs  Portugais  ou  Efpagnols 
qui  ont  connu  la  partie  de  l'Afri- 
que dont  il  s'agit  ici.  Il  y  a  même 
quelques  endroits  dans  lefquels  il 
prend  des  fentimens  contraires  à 
ceux  du  P.  Cavazzi. 

Le  Pays  auquel  on  donne  ici  le 
nom  d'Ethiopie  Méridionale  ou 
Occidentale  eft  fitué  au  fud  de  la 
ligne  équinodiale  du  côté  du  Pôle 
Antartique  ,  fes  Côtes  font  fur 
i'Ocean  Occidental.  Il  s'étend  de- 
puis le  Cap  de  Lopo-Gonzales  juf- 
<ju'au  Cap  noir.  Ce  qui  comprend 
en  latitude  quatorze  degrez  ou 
deux  cens  quatre-vingt  lieues  ôc  en 
la  longitude  dix  dçgrez  ,  ou  deux 
cens  lieuës  d'Occident  à  l'Orient. 
Les  Etats  les  plus  condderables  de 
ce  vafte  Pays,  font  ceux  de  Congo, 
de  Matamba  &c  de  Dongo  ou 
d'AngoUe. 

Le  Royau.Tie  de  Congo  eft  divi- 
fé  en  fix  grandes  Provinces ,  dont 
les  Gouverneurs  ont  la  qualité  de 
Ducs ,  de  Comtes  ou  de  Marquis , 
depuis  la  fin  du  quinzième  fiécle, 
que  les  Portugais  ont  pénétré  dans 
ce  Pays-là,  &  que  les  Midîonnai- 
res  y  ont  converti  le  Roi ,  &  une 
partie  de  fes  Sujets.  Le!  FleuVe  Zaï- 
re eft  un  des  plus  confiderables  du  • 
Royaume  par  la  quantité  de  fes 
eaux  ,  par  ia  rapidité  de  fôn  cours. 


&  par  des  cataractes  ,  qu'il  eft  im- 
pollîble  de  defcendre  ou  de  re- 
monter ,  qui  caufent  un  bruit 
qu'on  entend  de  trois  lieuës  ,  8c 
qui  rend  fourds  ceux  qui  en  appro- 
chent. Qiielques  Auteurs  que  le 
P.  Cavazzi  a  fuivis ,  ont  cru  que  le 
Zairè  avoit  les  mêmes  fources  que 
le  Nil,  apparemment  parce  qu'on 
trouve  dans  leurs  eaux  &:  fur  leurs 
bordb  les  mêmes  animaux  &  les 
mêmes  arbres.  Mais  le  P.  Labat  af- 
fure  que  leFlcuveZaire  qui  ne  porte 
ce  nom  qu'à  cent  foixante  lieues  au- 
dcflus  de  fon  embouchure  eft  for- 
mé par  l'union  des  rivières  de  Ban- 
caro ,  de  Coango  &  de  Barbora , 
dont  il  n'y  en  a  aucune  qui  ait  la 
même  fource  que  le  Nil. 

Entre  les  Provinces  du  Royau- 
me de  Congo  ,  il  y  eh  a  qui  font 
très  -  fertiles  ,  d'autres  qui  font 
abondantes  en  fel ,  d'autres  où  il  y 
a  des  mines.  On  prétend  même 
qu'il  y  a  des  mines  d'or  ,  mais  que 
les  habitans  ne  connoiflcnt  point  ou 
qu'ils  cachent  aux  Européens  pour 
ne  les  point  attirer  dans  leur  Pays. 

Le  Royaume  de  Matamba  tient 
le  milieu  entre  ceux  de  Congo  & 
de  Bcngala.  Il  eft  éloigné  de  deux 
cens  lieues  ou  environ  de  l'Océan 
&  le  terroir  en  eft  fertilifé  par  le  dé- 
bordement des  rivières  quilctta-' 
verfent.  Celui  de  Dongo  ou  d'Aii- 
golle  dont  les  Portugais  fe  font 
rendu  les  maîtres  étoit  autrefois  di- 
viféendix  fept  Provinces  ,  de  ces 
dix-fept  Provinces  il  n'y  en  a  plus 
que  dix  qui  rcconnoiflent  abfolu- 
mcnt  l'autorité  du  Roi  de  Portu- 
gal-, du  nombre  de  celles-ci  eft  la 
Oi; 


iqs      journal   d. 

Province. de  Bcnj^utla  ,  qui  taifoir 
autrefois  un  Royaume  Icparé  ,  & 
qui  en  porte  encore  le  nom.  Loan- 
da-SMi-Piwlo  ,  qui  ell  la  Capitale 
du  Royauixic  d'Ani^oUe  cfl;  vis-àvis 
de  l'iûc  où  l'on  recucilL;  les  petites 
coquilles  appellées  Zinbis  ^  qui  fer- 
vent de  monnoyc  courante  chez  les 
Nègres.,..,.     .,,,     ,^,-,-_ 

Outre  les  a^iciens  habitans  du 
l^ays  ,  il  y  a  dans  le  Royaume  de 
^iatamba  &dans  lesProvinces  voifi- 
nes  des  Giagues  -peuples  Antro- 
pophages  ,  Sc  que  notre  Auteur 
croit  (oitis  de  l'Empire  de  Monte- 
mugi ,  qui  après  avoir  ravagé  une 
partie  de  l'Ahique  fe  font  établis 
dans  ces  Provinces. 

On  a  cru  autrefois  que  ce  Pays  , 
uni  di  foMS  la  Zone  Torride  ,  ne 
j  pu  voit  être  habité  ,  à  caufe  de  la, 
chaleur  exceffive.  Cependant  cette 
chaleur  eft  fupportable  ,  parce  que 
les  nuits  y  étant  égales  au  jour, 
l'air  a  le  tçms  de  fc  rafraîchir  ,  il  y 
tombe  des  rofées  abondantes  , 
quand  il  n'a  point  plû  j^  &  le  cours 
précipité  des  ruiffeaux  &:  des  riviè- 
res ,  amené  des  fraîcheurs  qui 
tempèrent  la  chaleur  ■■,  de  forte 
que  les  Nègres ,  qui  font  fort  fenfî- 
bles  au  froid  ,  ont  toujours  du  feu 
dans  leur?  cabannes  pendant  la; 
nuit.         '    , 

Quoiqu'ils  divifent  leur  année  en 
Il  mois  Lunaires,  &  ces  12  mois 
en  fix  Saifons  ,  notre  Auteur  dit 
qu'à  propreiTient.  parler  ils  n'en  ont 
que  deux ,  l'été  &  l'hiveir.  L'été  cft 
le  tems  des  pluyes  pendant  lequel 
les  arbres  fc  chargent  de  fleurs  & 
de  fituits ,  &  les  fcmenccs  enfer- 


E  S  ..  S  Ç  A  V  A  N  S  , 
mées  dans  la  terre  &  les  herbes 
pouffent  avec  àbondahcc.  Dans 
la  faifon  oppoiéc  pend.int  laquelle 
la  chaleur  cft  prcique  toujours  aulll 
forte  qu'elle  l'ell  en  Italie  pcud.înc 
la  cjniculç  ,  les  arbres  &:  les  herbes 
fe  dclfcchent  &c  la  terre  ne  peut 
rien  produire. 

11  y  croît  différentes  cfpcccs  de 
bleds ,  dont  le  meilleur  cli  le  bled 
de  Turquie  qui  y  a  été  porté  par 
les  Sarazins.  On  y  recueille  aulll 
des  efpeees  de  pois  H  de  lèves. 
Mais  la  pareiTe  des  Nègres  cft  Ç% 
grande  qu'ils  manquent  fouvcnt  du 
necelTaire  pour  avoir  négligé  d'en- 
fcmencer  une  quantité  lutlilante  de 
terres.  Ce  font  les  femmes  des  Nè- 
gres qui  cultivent  les  terres,  qui  les 
enfeinencent ,  qui  font  les  récoltes,  ' 
quicoupent  le^bois^  ayant  fouvent 
pendant  ces  rudes  travaux-  uncii^ 
tant  fur  leur  do5.  .  ■:ij  ! 

Les  arbres  de  ces  Pays-là  .,:àiVx-' 
ccption  de  ceux  qui  y  pntétç  tranf-) 
portés  par  les  Portugais  ,  font  très-  . 
differelis  de  ceux  d'Europe.  L'éçor-j 
ce  de  quelques-uns  de  ces  arbrcs- 
étant  macérée  &  battue  donne  urï 
fil  qui  fert  à  taire  des  cordes  ,  des 
toiles ,  oc ,  même  des  étoffes.    L'é- 
corce  de  quelques    fruits  eft  aufli'. 

^   eiTjployèe  àf.ùrcdes  vafes;  furtout 
par  rapport  au  Palmier  ,  Coquetier, 
dont  le  fruit  naît  à  la  cime ,  d'où  il 
pend  des  grapcs  chargées  de   25  à 
30  fruits  de  la  grofleur  d'un  raéloiï  , 
médiocre.  Ce  fruit  étant  icune  ,, eft 
plein  d'une  liqueur  blanchâtre  ,  de  ■ 
bonne  odeur  ,  agréable  au  goût  &:  ■ 
très  -  rafraîcliiftantc  ,  &  qui  lorf- 
qu'on  lai  (Te  meurir  le  fruit  ic  chan- 


F  E  V  R  I 

ge  en  un  corps  foliae  d'un  goût  de 
noifette  ou  d'amande. 

Notre  Auteur  palIe  des  arbres  , 
des'  fruits  &  des  herbes  aux  ani- 
maux terreftres  ,  entre  Icfquels  il  y 
a  plus  de  bêtes  féroces  6c  de  mon- 
ftres  qu'en  aucune  autre  partie  du 
monde.  Les  fourmics  dont  il  y  a 
différentes  efpeces  y  font  fort  à 
craindre.  La  falive  du  Caméléon 
eft  venimeufe  -,  cet  animal  ne  fc 
nourrit  pns  d'air  feulement  comme 
pluikurs  perfonnes  l'ont  penié  ,  il 
ne  change,  pas  non  plus  de  couleur 
à 'tout  moment  ,  mais  comme  il 
prend  très-peu  de  nourriture  &  que 
ù  peau  eft  tranfparente  ,  on  voit  au 
travers  de  cet  animal  la  couleur  des 
coirps  fur  lefquels  il  eft  pofé ,  com- 
me on  la  verroit  au  travers  d'un 
verre. 

Dans  un  des  Chapitres  de  l'Hi- 
ftoire  Naturelle  ,  notre  Auteur  par- 
le .des  différentes  efpeces  de  1er- 
pens ,'  de  la  force  des  Crocodiles 
qui  renverfent  les  barques  pour 
manger  les  perfonnes  qui  font  de- 
dans. Un  poillon  lîngulier  qu'on 
trouve  dans  les  rivières  &  fur  tout 
dans  les  lacs  de  ces  Pays-là  ,  eft  ce- 
lui qu'on  y  appelle  Pexe-dora ,  ou 
Fm^on -femme.  Le  P.  Cavazzi  eft 
J'urpris  qu'on  l'ait  réduit  au  genre 
féminin  ,  parce  qu'il  y  en  a  de  mâ- 
les aulll-bien  que  de  femelles.  »  La 
il  gueule  de  ce  poiftbn  eft  extrême- 
3)  ment  fendue  &  garnie  de  dents 
»  comme  celles  des  chiens.  Il  a  le< 
55  yeux  gros  &:  faillans  ,  le  nez  large 
»  &  écrafé ,  prefque  point  de  men- 
»  ton ,  les  oreilles  grandes  &  rele- 
»  vées  j  ôi  de  grands  cheveux  fort 


E  R  ;  175  5;  10^ 

M  durs  qui  lui  flottent  fur  le  dos.  Il 
n  a  le  col  gros  &  court ,  les  épaules . 
»  larges ,  deux  groflcs  mammelles 
55  pendantes ,   le  ventre  couvert  de 
"  longs  poils,  le  fexe  bien  marqué, 
>'  deux  longs    bras   nerveux  ,  des 
»  mains  divifces  en  cinq  doigts  ,  &:. 
>5  chaque  doigt    en  trois,  articles:,. . 
»  mais     unis     cnfcmble    par    des 
5^  membranes  fortes  &  maniables , 
»  comme  les  pattes  de  Canard.   De: 
■5  la  ceinture  en  bas ,  c'eft  un  poif-, 
nfon  couvert  d'éeailles  aircz-fortcs,^  : 
"avec  uue  queue  fourchue.  Il  eft- 
>^  couvert  depuis. k  col  jufqu'aux 
"  deux  tiers  de  toute  fa  longueur,, 
»  d'une  efpece  de  manteau  compo-  • 
»fé  d'une  peau  épailfe  &    forte , . 
»  qui  s'étend,    dont  il  Te  couvre 
55  quand  il  veut,  &  dans  laquelle  il 
»  porte  fes  petits....  La  chair  de  ces 
M  animaux  eil:  gralTe  &  alTez  agréa- 
»  ble  au  goût  ,   mais    dangereufe 
»  pour  les  Européens....  Les  Noirs 
55  les  tuent  à  coups  de  flèches  ;  £c 
»  comme  le  mâle  &  la  femelle  ne 
»  fe  quittent  jamais  ,  dès  qu'on  eii  a 
)»tué  un  on  eft  fur  de  prendre  l'autre 
»  malgré  les  pleurs  qu'il  répand  en 
)5  abondance  &  les  cris  qu'il  jette. 

L'oifeau  nommé  Sengo  n'eft  pas 
plus  gros  qu'un  moineau ,  dès  qu'il 
a  découvert  une  ruche,  il  vole  de 
tout  côté  ,  &  il  cherche  quelque 
partant  pour  lui  en  donner  avis ,  en 
répétant  fans  cefle  le  mot  vttichi  ^ 
qui  en  Langue  Angoloife  fignifie 
du  miel.  Quand  les  Voyageurs  ont 
pris  une  partie  du  miel ,  ilsenlaif- 
fent  une  partie  à  l'oifeau  qui  en  fait 
fa  nourriture  ordinaire.  Un  autre 
oifeau  dont  le  P.  Cavazzi  n'a  point 


lïo       JOURNAL     DE 

marque  le  nom  ,  prononce  diftiiic- 
tement  le  mot  Sefus. 

Il  y  a  des  Ecrivains  qui  ont  avan- 
cé que  le  Royaume  de  Congo  & 
les  Etats  voilîns  étoient  très  peu 
peuplés.  Notre  Auteur  Ibûticnt  le 
contraire.  L'Auteur  alTure  que  du 
tems  qu'il  étoit  fur  ces  Côtes  de  l'A- 
frique ,  il  y  avoit  à  Saint-Salvador, 
Capitale  du  Congo  ,  plus  de  foi- 
xante  mille  habitans  ,  5c  que  le 
Gouverneur  d'une  feule  Province 
de  ce  Royaume  peut  mettre  plus 
de  deux  cens  mille  amcs  fous  les 
armes  ,  &  en  1 66  5.  l'armée  du  Roi 
de  Congo  étoit  compofée  de  cent 
mille  combattans.  Tout  lePayseft 
plein  de  Villages ,  petits  à  la  véri- 
té ,  mais  lî  près  les  uns  des  autres 
qu'ils  femblcnt  ne  compofer  qu'u- 
ne feule  Ville  d'une  grandeur  ex- 
trême. Les  Cabannes  qui  forment 
ces  Villes  fourmillent  de  monde.  Il 
n'eft  pas  rare  d'y  voir  des  pères  qui 
ont  quatre-vingt  &  quatre-vingt- 
dix  enfans. 

Les  défauts  que  notre  Auteur  a 
remarqué  dans  les  Nègres  ,  font 
une  vanité  excellîve ,  une  parelfe 
&  une  lâcheté  portées  à  un  point 
qu'on  a  peine  à  concevoir  ,  une 
dureté  éc  une  inhumanité  qui  va 
jufqu'à  vendre  ,  comme  efclaves , 
non  feMlcmcnt  leurs  propres  en- 
fans  ,  mais  encore  leur  père  &  leur 
mère.  Chez  eux  le  vol  ne  deshono- 
re qde  quand  il  eft  fait  à  l'infçu  du 
pollclïcur  de  la  chofe  volée.  Les 
enfons  b.itardK-v  font  traites  comme 
lûS' légitimes.  Ceux  même  d'entre 
\ts  Nègres  qui  fe  font  gloire  d'être 
Chrétie-ns ,  entretiennent  pluficurs 


5  s  ÇA  VANS. 

concubines,  &  les  femmes  croyent 
qu'elles  peuvent ,  fans  fe  déshono- 
rer ,  partager  leurs  faveurs  entre 
pluficurs  amans  ,  pourvu  qu'elles 
reconnoilTent  leur  mari  pour  celui 
qui  doit  tenir  le  premier  rang.  L'en- 
vie eft  aulîi  un  des  vices  des  plus 
dominans  parmi  les  Nègres. 

Avant  que  les  Portugais  eulTent 
pénétré  dans  cette  partie  de  l'Afri- 
que ,  il  n'y  avoit  pas  d'autre  Reli- 
gion que  l'Idolâtre.  Les  Rois  de 
Congo  &:  les  Gouverneurs  des  Pro- 
vinces voifines  font  très-attachés  àla 
ReligionCatholique,  mais  pour  les 
vaftesPays  qui  font  à  l'Ell:  duCongo 
la  Religion  dominante  eft  l'Idolâ- 
trie. Il  en  eft  de  même  de  plulîeurs 
Provinces  du  Royaume  d'Angole 

6  du  Royaume  entier  deMatamba. 
Il  y  a  même  des  Contrées  où  les 
Seigneurs  craignans  de  perdre  1^ 
bonnes  grâces  des  Princes  Chré- 
tiens ,  dont  dépendent  leur  fortu- 
ne ,  font  une  profefllon  extérieure 
du  Chriftianifme  ,  &  font  néan- 
moins attachés  à  l'Idolâtrie.  Les 
Nègres  Idolâtres  croyent  qu'il  y  a 
un  DieuTout-puiiïant,  mais  ils  foû- 
tiennent  en  même  tems  qu'il  y  a  un 
grand  nombre  d'autres  Dieux  qui 
pour  lui  être  inférieurs  ,  ne  méri- 
tent pas  moins  que  lui  leur  adora- 
tion. Ils  taillent  groilicrcment  leurs 
Images  en  bois ,  &  ils  donnent  à 
chacune  un  nom  &  la  vertu  qu'elle 
doit  avoir  pour  guérir  certaines 
maladies.  On  leur  immole  des  bê- 
tes &  des  hommes  ■■,  dès  que  ces 
vièlimes  font  égorgées ,  les  Nègres 
s'empreffent  à  en  boire  le  fang  tout 
fumant,  après  que  le  M'"'ftrc  en  a 


,         ^  F.  E^V  ^  il 

barbouillé  kvifd^é' de  l'Môle.  Dès 

que  le  fang  ccfTe  de  couler,  oii  ehu-  - 
pe  les  corps  en  pièces ,  on  les  hiet 
fur  le  leu  de  ceux  qui  affiftcnt  aux 
Sacrifices  les  dévorent,  même  avant  - 
qu'ils  foicnr  cuits  '•  • 

Ces  Miniftres  des  Idoles  ,  que 
l'Auteur  diftingue  en  différentes 
claffcs,  font  tous  très-avares,  & 
prennent  un  empire  abfolu  fur  le 
peuple  &  fur  ceux  qui  les  gouver- 
nent ■■,  ils  font  tous  forciers,  fuivant 
le  P.  Cavazzi.  Un  d'entr'eux  qu'on 
nomme  ^tombola  prétend  rcfufci- 
ter  les  morts  ,  &  l'Auteur  affure 
qu'après  que  l'^to?r,ùola  a  fait  fes 
maléfices  ,  le  cadavre  fe  levé  lui- 
même  ,  marche  ,  fe  promené,  qu'il 
reçoit  les  liqueurs  &  les  alimens 
qu'on  lui  met  dans  la  bouche', 
qu'il  rend  quelques  fons  articulés 
éc  qu'il  donne  quelque  figne  de  vie. 
Alors  le  Miniftre  remet  le  cadavre 
à  la  famille ,  &  il  ordonne  qu'on 
obferve  à  l'égard  de  ce  cadavïe  un 
régime  fî  chargé  de  cérémonies  bi- 
zarres &  dont  l'exécution  eft  im- 
poflible  ,  qu'ils  ne  peuvent  s'empê- 
cher de  manquer  en  quelque  cir- 
conftancc  ,  aulll-tôt  le  charme  ceffe 
&c  le  cadavre  devient  dans  le  même 
état  où  il  étoit  avant  d'être  déterré, 
excepté  qu'il  eft  plus  corrompu.  Si 
quelqu'un  étoit  affez  hardi  pour 
douter  de  ces  faits  &  d'autres  opé- 
rations des  Sorciers  &  des  Magi- 
ciens Nègres  dont  parle  le  P.  Ca- 
vazzi ,  nous  le  renvoyerions  à  la 
Préface  du  P.  Labat,  qui  aflure  que 
les  preuves  de  ces  faits  font  fi  clai- 
res &  Cl  convainquantes ,  qu'il  y 
aiîroitrdet^obftination  &  de  l'ente- 


fesnterit  àne-^-y.^Sî'^nà'iL  <  '' :i 
'  •'  Oh  m'fh\.\ir^^ôii^sr:h  TfefffeJl 
plus  loin'  qi»e  le  font  lès  î<régres 
pour  le  Chitofné  ^ui  eft  le  Chef  de 
■'  -ieiir^  Mittift^éfei.'CefiefidaHï  G'orflRie 
ils  croyei>i'iq\ïé--tonfé«dè'f^i-lVô'fi: , 
s'il  mouroit  de  fa  mort  naturelle  ; 
dès  qu'il  eft  attaqué  de  quelque  ma- 
ladie qui  pourroit  le  conduire  au 
tombeau ,  celui  qui  doit  lui  fucce- 
der  entre  dans  fa  Café,  &  il  l'alfom- 
me  avec  un  bâton  noiieux  ,  ou  il 
l'étrangle  avec  une  corde. 

On  fc  fcrvoit  autrefois  en  Eu'O- 
pe  des  épreuves  du  feu  8i  de  l'eau 
dans  les  affines  civiles  în:  criminel- 
les. Cet  ufage  abafif  a  été  défendu 
parmi  faods  -,  mais  il  s'eft  confervé 
chez^ks  Nations  dont  il  s'agic  ici; 
lés  Nègres'  employent  un  grand 
nombrc,d'ép;reuvcs  dinerentes.  Cel- 
le du  feir  chaud  eft  une  des  plus  or- 
dinaires ,  on  l'applique  fur  le  corps 
■^  de  i'a'ç^tif; ';  mais  quand  celui  qui 
fairîépreuve  a  été  bien  payé  ,  l'ac- 
cufé  en  fort  toujours  innocent  & 
fans  mal ,  parce  que  celui  qui  tient 
le  fer  ardent  fans  fe  brûler  par  le 
moyen  d'une  poudre  ,  empêche 
par  la  même  poudre  que  l'autre  ne 
foit  brûlé. 

Pour  ne  pas  pouffer  trop  loin  cet 
Extrait  ,  nous  ne  ferons  qu'indi- 
quer les  drrniers  Chapitres  qui  re- 
gardent les  coutumes  des  Nègres 
de  Congo,  de  Matamba  &  d'An- 
goUe.  L'Auteur  y  traite  des  l'up  r- 
ftitions  des  Nègres  ,  de  leur  fépul- 
ture  ,  de  leurs  meubles  ,  de  l.iirs 
maifons  ,  de  leurs  mariages  ,  de 
leurs  maladies  ,  de  leur  difciplinc 
militaire ,  de  leur  manière  de  ter-: 


iiî  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

miner  les  procès  ,  de  leurmufique  Nous  donnerons  dans  un  autre 


&  de  leurs  d«nfes ,  des  arts  qui  font 
en  ufagc  parmi  eux  &  de  leurs  ha- 
bits. Les  Lecteurs  trouveront  dans 
ces  Chapitres  plufieurs  traits  qui 
méritent  leur  attçnuou. 


Journal  un  précis  de  ce  qui  rcgaidc 
le  gouvernement  politique  de  ces 
Nègres ,  &  de  ce  que  le  P.  Cavazzi 
dit  de  l'HiUoire  de  ces  trois  Royai^ 


RERUM 


F  E  V  R  I  E  R  ;   175?:  nj 

RERUM    ITALICARUM    SCRIPTORES,^<r. 

■C'eû-z-dirc  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hifloire  d'Italie  ,  depuis  Tan  500, 
JHpjii'à  fan  1500.  Par  M.  Muratori.  Tome  FUI.  co/.i  170.  A  Milan, 
par  la  Société  Palatine.  lyzj. 


CE  huitième  Volume  ,  qui  pa- 
roîtfous  les  aufpices  duCom- 
tede  Daun  ,  Gouverneur  du  Mila- 
■nois,  contient  les  Pièces  fuivantcs  ; 
1°.  L'Hiftoire  d'EzzcIin  de  Roma- 
no  ,  ou  Rumano  ,  dit  le  troiliémc, 
parCéraidMaurifius ,  Juge  &  Ci- 
toyen de  Vicence. 

Cet  Ouvrage  fut  imprimé  pour 
la  première  fois  àVenifeen  \6ië. 
•par  les  foins  de  Dominique  Moli- 
■no  noble  Vénitien. 

M.  de  Leibnitz  en  donna  en 
17 10.  une  nouvelle  Edition  dans 
fon  Hiftoire  de  la  Maifon  de  Brunf- 
-wic ,  parce  que  Maurifius  y  parle 
îion  feulement  de  l'Empereur 
Othon  IV.  qui  étoit  forti  de  cette 
Maifon  ,  mais  encore  des  Marquis 
•d'Eft  qui  ont  une  tige  commune 
avecla'branchede  Brunfwic.  C'eft 
ce  qu'on  voit  plus  au  long  dans  la 
Préface  de  M.  Lcibnitz  qu'on  re- 
trouve ici ,  &  où  il  nous  apprend 
que  notre  Hiftorien  étoic  fils  d'un 
Pierre  de  Maurifio  qui  avoit  été  du 
parti  de  Frédéric  II.  contre  les  Pa- 
pes &c  les  Marquis  d'Eft  ;  c'eft-à- 
ciire ,  de  la  faftion  Gibciline  contre 
celle  des  Guelphes. 

En  parlant  d'Othon  ,  Maurifius 
rapporte  que  cePrince  étant  venu  en 
Italie  pour  fc  faire  couronner  Em- 
pereur ,  &  voulant  reconcilier  Ez- 
zelin  avec  le  Marquis  d'Eft  &  un 
autre  Seigneur  du  Pays.  U  leur  par- 
Fevrier. 


la  en  François  &:  qu'il  en  fut  enten- 
du. Voici  les  termes  de  l'Hiftoricn, 
in  Francefco  ,  dixit  Dominus  Rex 
Domino  Eccelim  ,  Jî^^e  Ycelin  ^  falit- 
tem,  ly  Marchez.,  C'eù.à.-àixe  ,  fa- 
luez  le  Marquis. 

M.  Muratori  excufe  Maurifius 
d'avoir  écrit  à  la  loiiangede  ce  Ty- 
ran ,  fur  ce  qu'Ezzclin  ne  s'étoit 
point  encore  laifteallerà  cet  excès 
de  cruauté ,  qui  a  rendu  fa  mémoi- 
re exécrable  ,  dans  le  tems  que 
cette  Hiftoire  fut  compoféc.  Elle 
commence  en  1183.  &  finit  à  la 
prife  de  Frère  Jourdain  de  Padoue  , 
&c  au  Siège  du  Fort  Saint  Boniface  ,' 
évenemens  qui  au  témoignage  de 
Rolandin  ,  tombent  en  l'année 
1237.  o"^  ^^  '^'^^  l^c  depuis  ce 
tems  ,  qu'Ezzclin  qui  au  rapport 
de  tous  les  Hiftoriens  s'étoit  rendu 
eftimable  parles  qualitez  qui  con-. 
viennent  à  un  homme  de  guerre  ,' 
lorfqu'il  n'étoit  que  fimple  particu- 
lier ,  devint  l'horreur  6c  le  flcau 
des  Villes  de  la  Marche  Trevifine  , 
dès  qu'il  régna  en  maître  fous  l'au- 
torité de  l'Empereur. 

Il  faut  avouer  cependant  que 
Maurifius  fait  paroîrre  dans  foH 
Hiftoire  des  fcntimens  bas  &  inte- 
rclTés  ,  qui  d^pivcnt  rendre  fa  fince- 
rité  fufpcde  -,  il  répète  plus  d'une 
fois  les  fervices  qu'il  a  rendu  à 
l'Empereur  &  à  Ezzelin  ;  &c  fc 
plaint  amèrement  de  ce  qu'ils  les 
P 


114       JOURNAL    DE 

ont  oubliés.  Mais  en  tccompcnfc  il 
cite  avec  éloge  les  noms  de  trois  ou 
quatre  pcrfonncs  qui  lui  ont  donné 
de  l'argent  ou  des  habits.  On  a 
joint  à  fon  Hilloire  difFcrcntes 
Pièces  de  vers  Léonins  fur  le  nom 
d'Ezzclin  -,  de  fa  femme ,  &  d'Al- 
beric  frcrc  du  Tyran.  Les  vers  ré- 
pondent au  fond  de  l'Ouvrage  qui 
eft  rempli  d'étymologies  forcées  Se 
de  loiianges  froides  5c  cxceflîvcs,  & 
en  général  le  ftilc  de  Maurilius  eft 
de  la  plus  bafle  Latinité. 

z°.  Une  Chronique  de  Vicenzc 
publiée  pour  la  première  fois  par 
Félix  Oilus.  Deux  nouveaux  Mff. 
qu'on  en  a  trouvé  dans  la  Biblio- 
thèque Ambroiiienne ,  ont  engage 
M.  Sa(îi  Préfet  de  cette  Bibliothè- 
que à  en  donner  une  Edition  plus 
compietre  ;  mais  comme  il  ne  s'eft 
pas  cru  en  droit  d'attribuer  plus 
d'autorité  à  fes  Mlf.  qu'à  ceux  dont 
Félix  Ofîus  s'eft  fcrvi ,  il  a  jugé  à 
propos  de  mettre  au  bas  de  la  page 
les  différentes  leçons  qui  s'y  font 
rencontrées. 

Cette  Chronique  commence  en 
1194.&  vajufqu'cn  12^0.  elle  rou- 
le à  peu  près  fur  les  mêmes  matiè- 
res que  la  précédente  \  c'eft-à-dire  , 
fur  les  malheurs  &:  les  calamiccz  de 
la  Ville  &  du  territoire  deVicence, 
avant  &  depuis  qu'elle  eut  fecoité 
le  joug  des  Padouans.  Antoine 
Godius  qui  écrivoit  cette  Hiftoire 
en  1315.  eft  cité  avec  éloge  par  les 
Hiftoriens  de  Vicegce.  Il  étoit 
d'une  illuftre  famille  ,  &  féconde 
en  grands  Jurifconfultes  •,  les  fça- 
vans  Editeurs  relèvent  un  Anachro- 
nilhie  de  Moiéii  qui  a  confondu  le 


5  S  Ç  A  V  A  N  S  , 

Vicentin  avec  un  autre  Jean-Antoi- 
ne Godius  célèbre  Jurifconfulte  de 
Venifc ,  8c  fameux  Orateur  ,  qui 
vivoit  deux  cens  ans  après  notre 
Hiftorien  ,  &  qu'on  appelloit  le 
Démofthéne  de  fon  fiècle. 

Antoine  Godius  ne  flatte  ni  l'Em- 
pereur ni  Ezzelin,  en  rapportant  les 
cruelles  exécutions  que  ce  Tyran 
laifoit  par  fes  ordres;  il  raconte  mê- 
me comme  un  trait  nouveau  que 
l'Empereur  fe  promenant  avec  Ez- 
zelin  dans  le  Jardin  de  l'Evcque  de 
Vicence ,  coupa  avec  un  petit  cou- 
teau les  fleurs  qui  étoicnt  élevées 
au-defllis  des  autres  ,  enluidifanti 
c'eft  ainiî  que  vous  en  devez  ufer 
pour  vous  foûtenir  dans  le  Gouver- 
nement que  je  vous  confie. 

Cette  Hiftoire  finit  à  la  mort 
d'Ezzelin.  Il  mourut  d'un  coup  de 
flèche  qu'il  reçut  lovfqu'il  marchoit 
à  la  tète  de  fes  Troupes ,  pour  fe 
rendre  maître  de  Milan.  Les  Villes 
de  la  Marche  Trévifanc  protîterent 
d'une  il  heureufe  circonftance  8c 
fe  révoltèrent  contre  fon  trere  Al- 
beric  ,  qui ,  à  la  cruauté  de  fon  aî- 
né ,  joignoit  encore  l'inipudicitc  la 
plus  effrénée.  Il  fut  livré  à  fes  enne- 
mis avec  fa  femme  8c  fes  enfans ,  &C 
ils  périrent  tous  par  la  main  du 
bourreau ,  8c  avec  eux  fut  éteint  le 
nom  de  cette  odieule  famille.       ; 

3".  Une  Chronique  qui  traite  à 
peu  près  les  mêmes  matières  qu'on 
a  viles  dans  les  deux  Pièces  précé- 
dentes. Elle  commence  en  1 100. 

6  finit  en  1 169.  Nicolas  Smeregus 
noble  Vicentin  ,  dont  elle  porte  le 
nom,  nous  y  apprend  qu'il  étoit 
Kotaixe,  Du  reftc  M.  Safll  avoiic 


F  E  V  R  I 

qu'il  n'en  a  pu  rien  découvrir  ds 
plus.  Il  a  joint  à  cet  Ouvrage  un 
Supplément  écrit  par  un  Anonyme 
qui  l'a  continué  depuis  cette  année 
jufqu'à  l'an  1 3 1 2.  Félix  Ofius  avoir 
déjà  publié  ces  Chroniques  ;  mais 
M.  Salïï  nous  les  donne  ici  corri- 
gées fur  deux  MiT.  de  la  Bibliothè- 
que Ambroifienne. 

4'.  UneVie  de  Richard  Comte  de 
S.Bonitace,dont  l'Auteur  eft  incon- 
nu, &  qui  eft  mife  pour  la  première 
fois  en  lumière  par  Félix  Ofuis , 
aufli-bien  que  les  deux  Pièces  fui- 
vantes.  Ce  Richard  ,  autant  par  fon 
«Gurage  que  par  l'antiquité  de  [i 
famille  ,  devint  le  chet  de  la  fac- 
tion des  Guelphes  dans  la  Lombar- 
die  &  dans  la  Marche  Trévifane  ; 
il  fut  par  confequent  toijjours  en 
guerre  avec  les  Gibelins ,  &c  fur 
tout  avec  les  deux  Ezzelins  qui  en 
étoient  les  chefs.  Après  avoir  ren- 
du des  fervices  conllderables  à  fa 
patrie  Ik  à  l'Eglife  Romaine ,  il 
mourut  à  Breflc  dans  un  âge  avan- 
cé l'an  1Z53.  Le  ftile  de  cette  Hi- 
ftoire  paroit  excellent  après  qu'on  a 
lu  celles  qui  l'ont  précédé. 

5°.  Erzerin  IIl.  tiré  du  13' Livre 
de  l'Hiftoire  de  Vcnife  par  Laurent 
de  Monacis  Secrétaire  de  cette 
Republique  &  grand  Chancelier 
du  Royaume  de  Crète. 

Cet  Erzerinus  eft  le  Tyran  Ezze- 
lin,  &  dans  l'Hiftoire  qu'on  donne 
ici  ,  on  rapporte  principalement 
les  démêlez  qu'il  eut  avec  l'Etat  de 
Venife. 

6".  Une  Fliftoire  qui  contient  en 
12  Livres  ce  qui  s'eft  paffè  dans  la 
Marche  Trévifane  depuis  l'an  11 80. 


E  R,  175  ?•  irr 

jufqu'à  l'an  i  zé'o. 

M.  Muratori  a  découvert  le  nom 
de  celui  qui  l'a  compofée  en  fe  fer- 
vant  de  la  manière  qu'il  avoit  indi- 
qué lui-même  dans  le  iS^  Chapitre 
de  /on  dernier  Livre  ;  il  a  fallu  réu- 
nir les  12  premières  fyllabes  des 
mots  qui  font  au  commencement 
de  chaque  Livre.  Jointes  enfemble, 
elles  forment  ces  mots  ChrofiicaRo- 
Lindini  faBa  Padvtt.  Chronique  de 
Rolandin  faite  à  PadoLie.  C'étoitfa 
patrie  ,  il  y  exerça  la  fontlion  de 
Notaire  ,  &  s'y  diftingua  par  fa 
fcience  dans  la  Grammaire  &  dans 
la  Rhétorique;  fon  Epitaphe  qui  fe 
trouve  dans  les  Antiquitez  de  Pa-. 
doiie  parSardeoniuSj  nous  apprend 
qu'il  y  mourut  en  1 1.-76. 

Quoique  fon  iHle  foit  rempli  d'i- 
talicifmes  à  la  manière  des  Ecri- 
vains de  ce  tems ,  on  peut  aflurer 
qu'il  l'emporte  fur  eux  par  l'ordre 
&  par  l'arrangement  des  matières, 
mais  fur  tout  par  le  difccrnement. 
On  ne  trouve  nulle  part  avec  plus 
d'exaditude  que  chez  lui  tout  ce 
qui  regarde  les  cruautez  d'Ezzelin , 
&  les  belles  adions  des  Marquis 
d'Eft. 

M.  Muratori  aidé  de  M.  Safù  & 
de  nouveaux  MIT.  a  cru  faire  plaifir 
au  public  d'inférer  ce  Chronique 
dans  fa  Colleétion  avec  des  aug- 
mentations confiderablcs. 

On  nous  avertit  en  même  tems 
qu'on  n'a  pas  jugé  à  propos  de  faire 
imprimer  ici  une  Hiftoirc  d'Ezze- 
lin qui  a  déjà  paruplulieurs  fois  en 
Italien  ,  &  qu'on  fuppofe  avoir  été 
écrite  par  un  Pierre  Gérard  con- 
temporain de  ce  Tyran.  Voulus  , 
Pi; 


ii(î  JOURNAL  D 

dans  fon  Traité  des  Hiftoriens  La- 
tins ,  a  dccouvcrr  l'importiire  6c  a 
prouvé  que  cet  Ouvrage  a  pour 
Auteur  Faufte  de  Longiano  qui 
n'ayant  fait  que  piller  la  Chroni- 
que de  Rolandin  avoit  prérendu  en 
donner  une  nouvelle  fous  le  taux 
nom  de  Pierre  Gérard. 

On  trouve  à  la  iîn  de  cette  Hi- 
ftoire  difFerens  Catalogues  des  Evo- 
ques &  des  Podeftats  de  Padoiie. 

7°.  Une  petite  Chronique  de 
Ferrarc  depuis  fon  origine  jufqu'à 
l'an  1267.  par  un  Anon}me,  qui 
voit  le  jour  pour  la  première  fois. 
M.  Muratori  n'oublie  pas  que 
l'Auteur  étoit  Gibelin  ;  &c  parcon- 
fequent  on  ne  doit  pas  le  croire 
trop  facilement  fur  la  Maifon  d'Eft^ 
qui  étoit  de  la  fadion  contraire. 

8°.  La  Chronique  de  Nicolas  de 
JamfiUa  ,  contenant  les  adtions  de 
Frideric  IL  de  Conrad  &  de  Main- 
&oy  fes  cntans ,  depuis  l'an  izio. 
julqu'à  l'an  1258.  avec  un  Supplé- 
ment ,  par  un  Anonyme  ,  où  Ion 
trouve  ce  qui  s'eft  palîé  de  plus 
confiderable  fous  les  règnes  du 
mêmeMainfroy ,  de  Charles  d'An- 
jou &  de  Conradin  Rois  de  la 
Fouille  &  de  la  Sicile  ^  depuis  l'an 
I2(î8.  jufqu'à  l'an  1275.  jufqu'ici 
l'Auteur  de  cette  Chronique  avoir 
été  inconnu  ;  mais  un  Mf  qui  a 
été  communiqué  à  M.  Muratori  , 
nous  apprend  i]u'elle  a  été  compo- 
fée  par  Nicolas  de  Jamdlla.  Avec 
tes  fecours  de  ce  même  Mf.  l'habile 
Editeur  s'eft  trouvé  en  état  de  rem- 
plir les  lacunes  qu'on  avoit  été 
obligé  de  laificr  dans  les  différentes 
Ediuons  qui  en  on:  été  faites. 


E  S  SÇAVANS, 

Ughelli ,  dans  le  4'  Tome  de  fon 
Italie  Sacrée,  avoit  publié  l'Ouvra- 
ge cnricrtbus  le  nom  d'un  fculAno- 
nyme.  Mais  depuis  M.  Baluze  a  dé- 
couvert que  deux  Auteurs  y  a- 
voient  mis  la  main.  Nicolas  de 
JamfiUa  grand  Partifan  de  la  fac- 
tion Gibelline ,  nous  montre  tou- 
jours Frideric  vs:  Mainfioy  du  beau 
coté  ,  d'ailleurs  fi  narration  cftfagc 
&  judicieufcj  au  lieu  que  tout  ce  qui 
fuit  le  couronnement  de  Mainfroy 
part  d'une  plume  qui  étoit  livrée  au 
parti  des  Guclphes  ;  quoiqu'on  y 
trouve  de  la  force  &  de  l'efprit ,  le 
ftile  en  eft  dur  &  raboteux  ,  plein- 
de  ces  pcnfées  fàulTes  &  recherchées 
qui  fatiguent  un  Lecteur  éclairé , 
ajoi^itez  à  cela  que  cette  Continua- 
tion ne  paroît  être  qu'un  abrégé  de 
l'Hiftoire  de  Sicile  parMakfpini, 
qu'on  retrouvera  plus  bas  toute  en- 
tière. 

9".  Une  Chronique  de  Vérone 
depuis  l'an  II  17.  jufqu'à  l'an  1278.- 
par  Paiifius  de  Ccreta  Jî  continuée 
par  d'autres  Auteurs  ]ufqu'à  l'an- 
née 1275. 

^L  Muratori  s'étonne  avec  rai- 
fon  qu'une  Ville  auflï  célèbre  que 
Vérone  ,  ait  eu  fi  peu  d'Hiftoriens , 
c'cftdonc  avecraifon  qu'il  s'applau- 
dit d'avoir  découvert  dans  la  Bi- 
bliothèque d'Eft  le  Mf.  fur  lequel 
cette  Chronique  cft  imprimée,  &  il 
aflure  qu'on  n"a  encore  rien  trou- 
vé de  plus  ancien,  ni  de  plus  cu- 
rieux fur  Vérone.  On  y  voit  fur- 
tout  avec  plaidr  les  commence- 
mens  des  Scaligers  dont  les  pre- 
miers régnèrent  fi  glorieulcmcnt 
dans  cette  Ville  ;  &  à  l'égard  de  ce 


F  E  V  R  I 

qu'elle  fouffrit  de  l'efprit  inquiet  Sc 
tyranniqucd'Ezzelin  ,  l'Aiiteiu-qui 
vivoit  de  Ion  teins  n'a  prcfque  rien 
ïapporcc  que  comme  témoin  ocu- 
laire. 

io°.  Une  Chronique  des  princi- 
paux évenemcns  arrivés  dans  la 
Lombatdie  &c  dans  laMarcheTrevi- 
làne  depuis^iioy.  jufqu'en  1270. 

Cet  Ouvrage  parut  pour  la  pre- 
mière foisen  1585.  par  lesfoins  de 
Ghriftien  Urftifius  ^  ProfeiTcur  de 
Mathématique  à  Balle.  Deux  Edi- 
tions qui  en  ont  été  faites  depuis  en 
differens  endroits ,  &  par  ditîerens 
Editeurs  ,  n'empêchent  pas  M. 
Muratori  d'en  enrichir  fon  Recueil. 
Outre  ce  qu'on  y  lit  de  curieux  fur 
ce  qui  s'eft  palTé  dans  toute  l'Italie  , 
&  en  particulier ,  fur  la  Vie  d'Ez- 
zelin ,  il  a  plu  encore  à  M.  Murato- 
îi  par  fon  attention  à  recueillir  tout 
ce  qui  concerne  la  Maifon  d'Eft  ^ 
^it  il  femble  ,  dit-il ,  avoir  toujours 
devant  les  yeux.  On  y  apperçoit 
d'ailleurs  un  air  de  candeur  &c  de 
pieté  qui  prévient  en  faveur  de 
î'Hiftorien.  On  conjedurc  qu'il  a 
été  Bcnediiflin  ■■,  parce  qu'en  par- 
lant dans  Ion  Hiftoire  d'Arnaud 
Abbé  du  Monaftcre  de  S.  Juftine 
de  PadoLie,  il  fc  fcrt  de  ces  termes, 
cet  Abbé  fit  bâtir  notre  Dortoire  ,  & 
c'étoit  un  ufage  ordinaire  aux  Moi- 
nes Benedidins  de  ne  point  mettre 
par  humilité  leur  nom  .1  leurs  Ou- 
vrages. 

M.  Muratori  foufcrit  au  juge- 
ment de  M.  Saiîî  qui  a  cru  apperce- 
voir^la  différence  du  ftile  ,  que  cet 
Auteur  n'a  poulfé  fa  Chronique 
q^iiejufqa'à  l'an  izéo.  En  effet  le 


E  R  ;    T7  5  3f,  117 

Mf.  que  M.  Saflî  en  a  trouvé  dans 
la  Bibliothèque  Ambroiiienne  ,  ne 
va  pas  plus  loin.  Ce  qui  efl:  ajouté 
dans  les  autres  paroît  être  d'une  au- 
tre main,  §c  d'un  homme  moins 
nourri  du  flile  de  l'Ecriture  ,  tel 
qu'étoit  le  Benedidin  ,  que  d'un 
Sçavant  verfé  dans  la  ledure  des 
Auteurs  profanes.  On  remarque- 
encore  que  l'Auteur  de  la  Chroni- 
que de  Ferrare  qui  a  tranfporté 
dans  la  fienne  tout  ce  qu'il  y  avoit 
d'ellcnticl  d.;n3  celle-ci,  devient  fec 
bi  aride  depuis  1260.  fans  doute 
parce  qu'il  n'avoit  plus  le  fecours 
de  ce  judicieux  Ecrivain. 

I  r°.  Une  Hiftoire  de  Sicile  corn- 
pofée  par  un  Anonyme  que  Mj 
Muratori  appelle  l'Anonyme  da 
Vatican  ,  parce  que  le  Mf.  fur  le- 
quel elle  a  été  imprimée  ,  en  eft  for- 
ti.  Elle  commence  à  l'arrivée  des 
Normands  dans  la  Pouille  &  finie 
aux  Vêpres  Siciliennes.  Comme  les 
récits  de  l'Auteur  font  très-abregés- 
&  fouvcnt  même  tronqués ,  prin- 
cipalement depuis  leregne  de  Ro- 
bert Guifcard  ,  &;  de  Roger  fon 
frère  ;  M.  Muratori  avoiie  ,  après 
Carufius,  qui  nous  avoit  déjà  don- 
né cet  Ouvrage  dans  le  deuxième 
Tome  de  fon  Hiftoire  de  Sicile, 
qu'on  peut  s'en  pafter  d'autant  plus 
aifèment  que  cette  partie  de  l'Hi- 
floire  a  été  écrite  par  un  grand 
nombre  d'Hiftoriens  trcs-exadls  ;  il 
a  Cl  u  cependant ,  pour  lafatisfac- 
tion  des  Sçavans ,  qu'elle  devoit 
trouver  ici  place. 

12°.  Une  Hiftoire  de  Sicile  en 
12.  Livres  depuis  1250.  jufqu'en 
I  \-]€,  par  Sallas  ou  Sabas-Maiefpini. 


iiS        JOURNAL    D 

M.  Baluze  eft  le  premier  qui  l'ait 
tirée  de  l'obfcuritc  des  Bibliothè- 
ques. Mais  il  n'a  pas  écé  alTez  heu- 
reux ,non  plus  queM.Muratori  pour 
la  recouvrer  dans  Ion  entier.  L'Au- 
teur étoit  d'une  Maifon  non  moins 
illuftre  parlesLcttres  que  par  les  ar- 
mes. Il  paroît  bien  inftruit  des  affai- 
res de  fon  Pays.  Nous  apprenons 
de  lui-même  qu'il  avoit  été  Doyen 
de  Malthe ,  &  Secrétaire  du  Pape 
Jean  XXI.  il  parle  avec  dignité 
pour  le  fonds  des  chofes  •,  mais  il 
a  gâté  fou  ftilc  par  des  ornemens 
affedés. 

Il  feroit  cependant  à  fouhai- 
ter  ,  dit  le  fçavant  Editeur  ,  que 
les  Hiftoriens  de  ces  tcms  lui 
telTemblalTent  ,  nous  n'aurions 
pas  tant  lieu  de  nous  plaindre 
des  fiéclcs  d'ij^norance.  En  compa- 
rant cette  Hirtoirc  avec  ce  qui  en  a 
été  emprunté  pour  continuer  la 
Chronique  de  JamfiUa  ,  on  fcntira 
combien  elle  y  eft  défigurée ,  & 
avec  quelle  raifon  M.  Muratori 
nous  la  donne  ici  toute  entière  ; 
Malefpini  étoit  certainement  du 
parti  des  Guelphes ,  &  celui  qui  l'a 
pillé,  affecT:e  par  tout  de  le  faire 
malgré  lui  Gibelin. 

13°.  Une  Hiftoire  de  Florence 
écrite  en  Italien  ,  depuis  la  fonda- 
tion de  cette  Ville  jufqu'cn  1151. 
par  Ricordano-Malcfpini  de  la  mê- 
me famille  que  l'Auteur  précédent^ 
&  continuée  jufqu'en  1196.  par 
Jacchctto  fon  neveu. 

Cette  Hiftoire  paroît  d'autant 
plus  préticufe  à  M-  Muratori  qu'el- 
le eft ,  félon  lui ,  la  première  qui 
ait  été  compoféc  en  Italien.  Elle  eft 


ES     SAVANS, 

àla  vérité  remplie  de  fables  ,  d'er- 
reurs,  &:  d'Anacronifnies  dans  ce 
qui  regarde  les  chofes  éloignées  du 
tems  où  vivoit  l'Auteur  ,  mais 
lorfqu'il  approche  de  fon  lîéde  M. 
Muratori  prétend  que  cet  Hillorien 
n'tft  pas  à  mcprifcr.  Il  parut  pour 
la  première  fois  à  Florence  en  15^8, 
il  a  été  depuis  réimprime  plufieuts 
fois.  Dans  une  Edition  qu'on  en  a 
faite  encore  à  Florence  en  1718.  par 
un  refped:  mal  entendu  pour  la 
mémoire  de  S.  Thomas  d'Aquin  , 
on  a  retranché  un  endroit  qui  fe 
trouve  dans  les  Mf.  de  cette  Hi- 
ftoire, on  y  lit  que  ce  Saint  mourut 
à  FolTe-Neuve  ,  lorfqu'il  alloit  à 
Lyon  pour  détruire  L'Ordre  des  Car- 
mes. M.  Muratori  prouve  que  ce 
trait ,  s'il  ell  vrai ,  ne  fait  aucun 
tort  à  la  fainteté  du  Dodreur  Angé- 
lique. Le  Concile  même  de  Lyon 
fe  plaignit  en  général  de  cette  mul- 
titude d'Ordres  Religieux  ,  &  fur- 
tout  de  Mendians  qui  fe  répan- 
doicnt  dansl'Eglifc,  &  en  parti- 
culier pour  ce  qui  eft  de  l'Ordre 
des  Carmes ,  il  ne  fit  que  le  tolé- 
rer par  provifion  ,  fans  l'approuver. 
'  Ne  pourroit-on  pas  dire  cependant 
qu'on  auroit  fupprimé  ce  paflage 
comme  injurieux  à  la  mémoire  de 
S.Thomas,  parce  que  l'Hiilorien 
ajoute  que  la  mort  de  ce  Saint  fiit 
une  punition  de  Dieu  ,  te  qu'un 
Frère  Mineur  qui  alloit  aufti  à 
Lyon  pour  le  même  deflein  ,  de- 
vint tout  d'un  coup  muer.  Quoi- 
qu'il en  foit ,  revenant  à  THiftoirc 
de  Malefpini ,  l'Editeui'  veut  q*i'on 
le  regarde  comme  le  pcre  de  l'Ita- 
lien vulgaire  ,  ë>C  que  li  l'on  y  trou- 


F  E  V  R  I 

ve  quelques  cxpreflîons  dures  & 
furannécs ,  on  penfe  de  lui  comme 
les  Romains  penfoicnt  d'Ennius. 
Loin  de  le  méprifer  à  caufe  de  fes 
phrafes  antiques ,  ils  l'en  refpec- 
toient  davantage. 

Nous  n'avons  rien  trouvé  de  fin- 
gulier  dans  l'Hiftoire  deRicordano, 
mais  il  eft  remarquable  que  Ja- 
chetto  fon  Continuateur  parle  des 
Vêpres  Siciliennes  non  comme 
d'un  complot  prémédité  ,  mais 
comme  d'un  pur  effet  du  bazard.  Il 
raconte  que  le  lundi  de  Pâques 
Tour  le  peuple  de  Palerme  allant , 
fuivantla  coutume  ,  en  dévotion  à 
Montréal  ,  qui  n'étoit  éloigne  de 
la  Ville  que  de  trois  mille  ,  un 
François  voulut  faire  violence  à 
une  femme  ;  qu'aux  cris  qu'elle  fit 
les  Siciliens  déjà  animés  contre  les 
François  ,  accoururent  en  loule. 
On  en  vint  de  part  &  d'autre  aux 
mains,  &  quelqu'un  ayant  crié 
qu'il  falloir  faire  périr  tous  les  Fran- 
çois ,  aulli  rôt  on  fit  main  balTe  fur 
eux  -,  il  ajoLitc  que  les  Barons  étant 
retournés  chacun  dans  leur  terre, 
fuivirent  cet  exemple.  Que  ceux  de 
Meffine  demandèrent  cependant 
quelques  jours  pour  s'y  détermi- 
ner ,  mais  qu'enfin  vaincus  par  les 
înftances  des  Palermitains  ,  ils  tom- 
bèrent fur  les  François  ayec  plus  de 
fureur  que  les  Melfinois  même  n'a- 
voient  fait. 

14".  Un  Sinode  Provincial  tenu 
à  Milan  en  1287.  par  Otron  Vif- 
conti.  Archevêque  de  cette  Ville  , 
avec  les  conftitutions  de  Guifre- 
dus  Cardinal  &  Légat  du  S.  Siège. 

Lesadesde  ce  Concile  n'avoient 


E  R  ï    1735;  IIP 

jamais  encore  été  imprimés,  ce- 
pendant Bernardin  -  Corivis  qui  a 
écrit  l'Hiftoire  de  Milan  ,  en  avoit 
eu  connoilTance.  Mais  il  en  parle 
avec  peu  d'cxaditude  ;  Ughelli, 
dans  fon  Italie  Sacrée  en  fait  auffi 
mention.  L'un  &  l'autre  pré- 
tend qu'on  y  régla  le  duferend 
furvcnu  entre  l'Evcquc  de  Verceil 
&  celui  deBrcfTe  pour  la  prelféance. 
Néanmoins  on  n'en  voit  rien  par  les 
AÛes.  Les  Canons  font  au  nombre 
de  29  ôc  regardent  tous  la  difcipli- 
ne. 

A  l'égard  des  conftitutions  qui 
fuivent  dans  le  Mf  M.  Muratori  a- 
voiie  qu'il  ne  fçait  à  quelle  occafîon 
elles  furent  publiées,  ni  même  quel 
étoit  ce  Légat  dont  elles  portent  le 
nom  ;  elles  regardent  en  général  les 
immunitezEcclefiaftiques.  Le  Mf. 
dont  ces  Adrcs  font  tiiés  ,  eft  gardé- 
dans  la  Bibhothéque  Ambroifien- 
ne  ,  mais  quoiqu'il  ne  foit  pasd'u- 
iK  grande  antiquité,  M.  Muratori 
prétend  qu'il  n'en  eft  pas  moins  au- 
tentique  ,  &  que  par  cette  raifon 
ce  Sinode  mérite  d'avoir  une  place 
dans  cette  Colleéfion  ,  &  même 
dans  celle  des  Conciles. 

Ce  Volume  finie  par  une  Pièce 
intitulée  :  A4émorial  des  Podeflatî  de 
Regio ,  &  de  ce  qui  s'eft  pafte  fous 
leur  tems  depuis  11 54-  jufqu'ert 
1290.  on  en  ignore  l'Auteur.  Néan- 
moins differens  endroits  de  fon  Hi- 
ftoire  donnent  lieu  à  M.  Muratori 
de  conjedurer  qu'il  étoit  de  Régio 
&  même  de  l'Ordre  des  Frères  Mi- 
neurs. Suivant  l'ufage  de  ce  tcms-là 
fon  Hiftoire  commence  à  la  NaiC- 
fapce  de  J.  C.  mais  on  en  a  retraxî^ 


ES    SÇAVANS, 

fond  des  chofcs  que  parla  manière 
même  dont  elles  font  exprimées. 
On  peut  juger  par-Li  quel  écoit  le 
génie  d'un  ficelé  où  de  pareilles  ex- 
travagances étoient  bien  reçues.  A 
la  fuite  de  ces  Prophéties  cft  un 
Catalogue  des  Evoques  de  Récio, 
&:  des  Abbez  du  Monaftere  de 
S.  Profper  ,  connu  aujourd'hui 
fous  le  nom  de  S.  Pierre  de  Régie. 
Cette  Pièce  peur  fervir  à  corriger 
plufieurs  erreurs  qui  fe  font  glilTèes 
dans  l'Italie  Sacrée  d'Ughelli. 


lîo  JOURNAL    D 

chc  dans  cette  Edition  ,  ou  comme 
peu  exad  ,  ou  du  moins  comme 
inutile  ,  tout  ce  qui  précède  le  fié- 
cle  dans  lequel  l'Auteur  écrivoit. 
Ce  n'cft  que  lorfqu'il  vient  à  l'Hi- 
ftoire  de  fon  tcms  qu'il  eft  digne  de 
l'attention  duLedeur,  alors  il  la 
mérite  d'autant  plus  qu'il  cite  les 
Ades  originaux  pour  garands  des 
faits  qu'il  rapporte.  A  la  lin  du  Mf. 
qu'on  confcrve  dans  la  Bibliothè- 
que d'Eft  ,  on  trouve  des  vers  La- 
tins qui  contiennent  les  Prophéties 
de  Merlin  ,  auffi  ridicules  par  le 

•LA    VIE   DE    MESSl  RE  FRANCpIS    PICaUET, 

Conflit  de  France  ,  &  de  Hollande  à  ^lep.  Enfuite  Evêijiie  de  Céfarople  , 
fuis  de  Baùilone  ,  Vicaire  y^pofloli^w  en  Perfe  ^  avec  titre  d' Ambajfadeur 
du  Roi  auprès  dit  Roi  de  Perfe.  Contenant  plufieurs  évcnemens  curieux 
arrivés  dans  le  tems  de  fon  Confulat ,  &  de  fon  Epifcepat  dans  les  Etats 
de  Titrijuie  &  de  Perfe  ,  &  dans  les  Eglifes  de  ces  deuv  Empires.  A  Paris, 
chez  la  Veuve  Mergé ,  rue  S.  Jacques^  au  Cocq.  1731.  in- 1 2.  pp.  J43. 


CETTE  Hiftoire  eft  diviféc 
en  trois  Livres.  Le  premier 
contient  la  Vie  de  M.  Picquct,  de- 
puis fa  nai (Tance  jufqu'a  la  fin  de 
îbn  Confuiat  à  Alep. 

Le  fécond  comprend  fon  retour. 
Se  fon  féjour  en  Europe  jufqu'à  fon 
départ  pour  le  Levant. 

Le  troifiéme  renferme  fon  dé- 
part de  France  pour  retourner  en 
Afie  ,  fes  travaux  Aportoiiques  en 
Turquie  ,  en  Arménie,  &:  en  Perfe, 
fon  Ambaflade  Se  fa  mort. 

Parmi  un  grand  nombre  de  mor- 
ceaux curieux  qui  rendent  cet  Ou- 
vrage aulli  agréable  qu'utile  ,  nous 
nous  attacherons  à  ce  qui  peut  don- 
ner quelque  idée  du  carad;erc  &  de 
Ja  Vie  de  M.  Picquct. 


il  naquit  à  Lyon  en  lëiâ.  «d'u- 
»jie  honnête  &  ancienne  famille 
»  que  l'on  mcttoit  au  nombre  des 
»  Nobles  de  la  Ville.  «  Après  avoir 
palfc  fon  enfance  &  fa  jeunefTe  dans 
une  grande  pureté  de  mœurs ,  l'o- 
pinion qu'il  avoit  donnée  de  fa  pro- 
bité Se  de  fes  talens ,  pour  manier 
les  efprits ,  1*  fit  nommer  à  l'âge  de 
z6  ans  Conful  .1  Alep.  Ce  pofte  don- 
ne beaucoup  d'autorité.  Mais  l'ava- 
rice des  Bâchas  le  rend  très-difficile. 
On  verra  dans  l'Hiftoire  même  juf- 
qu'où  M.Picquet  porta  la  prudence 
&  la  bravoure  dans  les  différentes 
révolutions  qui  arrivèrent  à  Alep 
par  les  difgraces ,  ou  par  la  révolte 
des  Bâchas.  Le  crédit  qu'il  acquit 
auprès  d'eux  le  rendit  necelTaire  à 
tous 


F  E  V  R  I 

tous  les  négocions  ,  &  engagea  les 
HoUandois  à  le  choifir  encore 
pour  leur  Conful  dans  cette  même 
Ville.  >'  Son  Confuiat ,  dit  notre 
1»  Auteur ,  reflembloit  à  un  Tribu- 
«  nal  Ecclefiaftique  ;  il  fut  pour  lui 
oun  prélude  de  l'Epifcopat  ,  fe 
«conduilant  en  toutes  les  ren- 
»  contres  moins  en  Juge  &  en  Con- 
»  fulj  qu'en  Pafteur  &  en  Evêque.« 
Sans  perdre  l'attention  qu'il  devoit 
aux  fondrions  de  fa  Charge  ,  il  cn- 
troic  dans  toutes  fortes  de  bon- 
nes œuvres.  Il  fe  fignala  par  les 
charitez  qu'il  exerçoit  fur  tous  les 
pauvres  fans  diftintlton  de  Pays  & 
de  Religion.  Mais  il  n'étoit  pas 
moins  touché  des  befoins  fpirituels 
que  des  befoins  temporels  des  peu- 
ples parmi  Icfquels  il  vivoit. 

A  l'exception  des  Maronites  ,  les 
Catholiques  de  la  Syrie  vivoient 
dans  une  entière  corruption  de 
TnoEurs,  &  les  Schifmatiques  dans 
une  affrCufe  ignorance.  M.  Picqucc 
fe  propofa  de  remédier  à  tant  de 
maux,  il  s'appliqua  fur-tout  à  ga- 
gner les  Jacobites  Syriens ,  qui  aux 
erreurs  de  Diofcore  dont  ils  fui- 
voient  la  doctrine, en  avoient  ajouté 
plufieurs  autres  trcs-groflieres.  Il 
choifit  un  certain  nombre  d'enfans 
de  leur  Nation  qu'il  envoya  à 
Rome  ,  &  qu'il  y  entretint  à  fes 
dépens  dans  le  Collège  londé  pour 
les  Grecs.  Il  trouva  le  moyen  de 
donner  à  ces  Schifmatiques  un  Ar- 
chevêque Catholique,  &  de  le  foû- 
tenir  par  l'autorité  des  Bâchas  &  de 
la  Porte.  Ce  Prélat  gagna  tellement 
le  cœur  de  toute  la  Nation  ,  que 
quelque  tems  après  les  Syriens  le 
février. 


E  R,    r  75  5.  121 

choilirent  pour  leur  Patriarche  ,  & 
dans  la  fuite  le  S.  Siège  confirma 
cette  éledion. 

La  Congrégation  de  la  Propaga- 
tion de  la  foi  à  laquelle  M.  Picqaet 
s'adrelfoit  fouvent  ,  touchée  des 
grands  fer  vices  qu'il  rendoit  àlaRc- 
ligion  ,  le  prefla  de  joindre  le  Sa- 
cerdoce au  Confuiat.  Il  n'en  étoit 
pas  éloigné  -,  mais  fon  père- qui 
après  la  mort  de  fa  femme ,  étoit 
entré  lui-même  dans  les  Ordres , 
s'y  oppofoit  -,  il  y  confentit  enfin, 
&  fe  démit  en  fa  faveur  de  trois  pe- 
tits Bénéfices  qu'il  polledoit.  M. 
Picquet  prit  \x  tonfure  à  Alep  ,  & 
après  avoir  choifi  une  perfonne  de 
pieté  &  de  confiance  pour  exercer 
le  Confuiat  en  fon  nom  ,  il  fe  pré- 
para à  retourner  en  France. 

Le  fécond  Livre  commence  à 
l'arrivée  de  M.  Picquet  à  Rome.  Il 
s'y  fit  relever  de  diverfcs  irrégulari- 
tez  qu'il  avoir  encourues,  foit  pour 
avoir  été  tonfuré  fans  la  permiilîon 
de  l'Ordinaire  ,  foit  pour  avoir  de- 
puis ce  tcms-là  préfidé  en  qualité 
de  Conful  à  des  jugemens  dont  les 
Clercs  font  exclus.  Il  fut  logé  & 
défrayé  dans  le  Palais  de  la  Propa- 
gation de  la  foi.  Delà  il  pafia  à 
Lyon,  &  ne  s'occupa  plus  qu'à  fc 
rendre  digne  du  redoutable  Mini- 
fterc  auquel  Dieu  l'appelloit.  Il  s'y 
prépara  par  diverfes  retraites  dans 
des  Séminaires  &:  dans  celui  de  fes 
Bénéfices  qui  étoit  le  plus  éloigné 
des  Villes  j  &  reçut  enfin  le  Diaco- 
nat &  la  Prêtrife  à  la  faveur  d'un 
Extratempora.  Il  étoit  pour  lors  âge 
de  38  ans. 

Depuis  ce  tcms-là  il  fe  confacra 


jaa  JOURNAL'D 

tout  entier  aux  fondions  de  fon 
état ,  à  la  dircclion  cics  Rcligieufcs, 
Se  fur-tcut  à  chercher  les  moyens 
d'augmenter  &  d'étendre  les  Mif- 
Cons  du  Levant.  La  DuchelTe  d'Ai- 
guillon qui  s'y  interelToit  beau- 
coup ,  l'aida  dans  cette  bonne  œu- 
vre de  fes  richeffes  &  de  fon  cré- 
dit. Ce  fut  aufll  dans  l'interval- 
le qui  s'écoula  entre  fon  féjour  en 
France  Se  fon  retour  dans  le  Le- 
vant qu'il  travailla  à  faire  venir  ces 
témoignages  éclatans  que  les  Ca- 
tholiques &  les  Schifmatiquds  d'O- 
rient ont  rendu  à  la  réalité  •,  ils  font 
imprimés  dans  le  Livre  de  i.\  Per- 
pétuité de  la  foi. 

Apres  la  mort  de  fon  père ,  M. 
Picquet  renonça  à  tout  ce  qui  pou- 
voit  lui  revenir  de  fa  fucceflion ,  en 
faveur  d'une  de  fes  fœurs  qui  étoit 
mariée  ;  les  autres ,  aufli-bien  que 
fes  frères  ,  ayant  pris  le  parti  de  fc 
confacrer  à  Dieu  dans  différentes 
Maifons  Religieufes ,  il  fc  reduifit 
à  fes  Béiiéfices ,  &  à  cjuelcjues  profits 
qu'il  pouvait  encore  tirer  des  effets 
qu'il  avait  laijfcs  dans  le  commerce. 

La  confideration  où  il  étoit  à  la 
Congrégation  de  la  Propagation  de 
la  foi ,  engagea  les  Cardinaux  qui 
la  compofent  j  à  le  propofer  pour 
Vicaire  Apoflolique  de  Babylone. 
M.  Louis  Placide  du  Chemin  en 
avoit  été  facrc  Evêquc.  Mais  fon 
grand  âge  ,  &  fcsinfirmitczne  lui 
permettant  pas  de  s'y  rendre ,  on 
crut  que  >>  la  connoilfance  des  Lan- 
»  gués  ,  une  longue  expérience  , 
»>  jointe  à  une  teinture  médiocre  de 
o  la  Théologie  &  des  Saints  Ca- 
»nons,  fuppléeroient  dans  M.  Pic- 


ES   SÇAVANS; 

»  quet  a  cette  entière  connoîfTancc 
»  qui  pouvoir  pcut-crrc  lui  man-^ 
>•  quer  ■,  &  pour  lui  donner  plus  de 
31  relict  ,  on  lui  donna  le  titre  d'E- 
»  vêque  de  Céfarople  avec  la  pen-' 
»  fion  ordinaire  de  500  écus  Ro-; 
»  mains. 

Le  troifiéme  Livre  renferme  les 
travaux  Apoftoliques  du  nouvel 
Evéque  dans  le  Levant  jufqu'à  fa. 
mort.  Sa  dignité  ne  changea  rien  à 
la  vie  fimple  5c  mortifiée  qu'il  avoit 
menée  jufqu'alors ,  il  fe  démit  mê- 
me de  fes  Bénéfices  afin  de  fcrvir 
Dieu  avec  plus  de  liberté.  A  fon  ar- 
rivée à  Alep  ,  ayant  appris  qu'il  n'y 
avoit  point  d'autre  moyen  d'empê- 
cher la  dcftruclion  totale  d'une 
Eglife  confidcrable  que  les  Armé- 
niens pofTedoicnt  dans  les  Etats  du 
Roi  de  Perfc  ,  que  d'employer  au- 
près de  ce  Prince  l'autorité  du  Roi 
de  France  ,  ii  confcntit  à  fe  charger 
de  cette  AmbalTadc.  Il  en  écrivit  au 
Père  de  la  Chaifc  ,  Se  pendant 
deux  ans  que  dura  cette  négocia- 
tion ,  l'Evêquc  de  Céfarople  s'oc- 
cupa à  affermir ,  ou  à  défendre  la. 
Religion  à  Alep  ,  &  dans  Us  envi- 
rons de  cette  Ville. 

Les  Chrétiens  y  étoienr  partages 
en  quatre  Nations  qui  avoient  cha- 
cuaes  leurs  fentimens  &  leurs  Ri- 
tes diftcrens  ,  les  Maronites  ,  les 
Grecs ,  les  Arméniens ,  les  Syriens 
oujacobites. 

Les  premiers  font  Catholiques 
&  gouvernés  par  un  Patriarche  que 
le  peuple  élit ,  mais  qui  reçoit  en- 
fuite  le  Pallium  du  Pr.pe.  Ce  Pa- 
triarche a  le  pouvoir  de  taire  chan- 
ger de  Siège  aux  Evoques  de  ia.  N*-. 


F  E  V  R  I 

«on  ,  il  les  envoyé  gouverner  telle 
&  telle  Eglife  pour  le  tcms  qu'il  lui 
plaît ,  enfortc  qu'ils  font  amovi- 
bles. 

L'Eglife  des  Grecs ,  qui  eft  la 
plus  nombreufe  ,  eft  compofée  de 
i8  à  io  mille  Chrétiens.  Ils  font 
Schifmatiques  &  moins  éloignés  de 
la  vérité  que  les  Arméniens  &  les 
Jacobites.  Ces  derniers  ont  à  peu 
près  les  mêmes  fentimens  ,  ils  ne 
jcroyent  en  J.  C.  qu'une  feule  natu- 
re compofée  de  l'humaine  &  de  la 
divine.  L'Evêque  de  Ccfaroplc  eut 
la  fatisfadion  de  voir  les  grands 
fruits  que  le  zélé  qu'il  avoit  eu 
étant  Conful  pour  la  réuaion  des 
Syriens ,  avoit  produits ,  &:  cette 
Eglife  rentra  dans  l'obéiffance  du 
S.  Siège  5  après  en  avoir  été  féparée 
pendant  douze  fiédes. 

On  ne  peut  exprimer  le  regret 
de  tous  les  Chrétiens  lorfqu'ils  vi- 
rent partir  le  S.  Prélat  pour  fon 
Eglife  de  Babylone.  Sur  Ion  che- 
min il  s'arrêta  à  DiarbcKer  ,  qui  eft 
l'ancienne  Amide,  aujourd'hui  Ca- 
pitale de  la  Méfopotamie.  Comme 
il  travailla  beaucoup  à  la  réunion 
des  Chrétiens  de  cette  Province , 
l'Auteur  qui  ne  perd  jamais  l'occa- 
llon  d'enrichir  cetteHiftoire  de  tout 
ce  qui  peut  la  rendre  in  tcreftan te  , 
ne  manque  pas  de  nous  apprendre 
quels  étoientces  ChréticnsSchifma- 
tiques ,  qu'on  appelloit  Chaldéens 
ou  Neftoriens  du  nom  de  la  Sede 
dominante  parmi  eux.  Il  y  en  avoit 
cependant  un  grand  nombre  de 
Catholiques  ,  &  le  Patriarche  qui 
étoit  pour  lors  à  leur  tête  ,  avoit  eu 
beaucoup  à  fouffrir  du  Patriarche 


E  R;    175?'  125 

Neftorien.  Le  premier  qu'on  nous 
reprefente  comme  un  homme  d'un 
mérite  &  d'un  favoir  diftingué  abo- 
lit avec  des  travaux  infinis  plufieurs 
coutumes  bizarres  ou  fcandaleufes, 
qui  étoient  cependant  communes  à 
prefque  tous  les  Chrétiens  d'O- 
rient. On  en  verra  le  détail  avec 
étonnement  dans  l'Ouvrage  même. 

En  paflant  par  Abarénes ,  Ville 
de  la  haute  Arménie  ,  où  l'Arche- 
vêque de  Naxivan  Fait  fa  refidence , 
le  peuple  de  cetteEglife  qui  eft  tou- 
jours gouvernée  par  des  Domini- 
cains à  qui  elle  eft  redevable  de  fa. 
convcrfion  fous  Jean  XXII.  élut 
contre  l'ufage  &  malgré  lui  M.  l'E- 
vêque  de  Célaroplc  pour  leur  Ar- 
chevêque; comme  il  ne  vouloir  paj 
renoncer  à  fon  Diocéfe  de  Bagdat , 
il  les  pria  du  moins  de  trouver  bon 
qu'il  prît  un  Coadjuteur  pour 
Naxivan  ,  &  il  choifit  un  Domini- 
cain. En  attendant  l'arrivée  de  ce 
nouveau  Prélat ,  M.  de  Céfaroplc 
fit  les  fondions  de  Vicaire  Apofto- 
liquc  dans  les  differens  Cantons  de 
cette  Province  ,  &  fe  mit  encore 
plus  au  fait  des  befoins  de  cette 
Eglife  qui  étoient  le  principal  objet 
de  fon  Ambaflade  en  Perfc. 

Etant  arrivé  à  Tauris  ,  il  prit  la 
qualité  d'AmbalTadeur ,  Se  fut  dé- 
trayc  fuivant  la  coutume  aux  dé- 
pens du  Roi  de  Perfc  :  il  fe  crut 
obligé  de  foûtenir  fon  caradere 
d'AmbalTadeur  par  une  entrée  ma- 
gnifique. Le  Sophi  lui  fit  des  hon- 
neurs extraordinaires ,  &  lui  ren- 
voya en  robes  &c  en  tourrures  la  va- 
leur des  prcfens  qu'il  lui  avoit  faits 
de  la  part  du  Roi.  Ces  prefens  con- 


124  JOURNAL   D 

fiftoicnt  en  Ouvrages  ci' Horlogerie 
&  en  Inftriimcns  de  Mathémati- 
que. Il  partit  d'Ifpaham  après  avoir 
obtenu  du  Roi  de  Pcrfc  des  ordres 
très  favorables  aux  Chrétiens  qui 
vivoient  dans  fes  Etats.  M.  du 
Chemin  étant  mort  pour  lors  ,  M. 
Picquet  prit  le  titre  d'Evêque  de 
Babylonc  ,  &  fc  mit  en  marche 
pour  fe  conlacrcr  entièrement  au 
fcrvice  de  cette  Eglife. 

Mais  les  mauvais  fuccès  que  les 
Turcs  avoient  eu  contre  les  Chré- 
tiens après  la  levée  du  Siège  de 
Vienne  ,  les  avoicnt  il  fort  irrités 
contre  eux  qu'ils  les  perfecutoient 
cruellement  par  tout  où  ils  en  trou- 
voient.  M.  de  Babvlonc  ne  crut  pas 
devoir  s'cxpofer  à  leur  vengeance 
dans  une  Ville  qui  étoit  en  leur 
puiflance.  Il  attendit  à  Hamadan  , 
Ville  des  Etats  de  Perfc  que  la  Pro- 
vidence lui  offrît  un  tems  plus  tavo- 
lable  pour  veiller  de  plus  près  à  fon 
Troupeau.  Mais  Dieu  ne  lui  donna 
pas  la  confolation  de  le  rcjomdre. 


ES   SÇAVANS; 

Il  mourut  à  Hamadan  épuifc  de  fa- 
tigues &c  d'infirmitez  âgé  cnviion 
de  60  ans  le  z6  Aoult  \6'i^.  Il  fut 
également  regretté  des  Catholiques 
&  des  Schifmatiquesqui  lui  rendi- 
rent de  grands  honneurs  après  fa 
mort.  Il  difpofa  du  peu  de  biens 
qui  lui  reltoient  en  faveur  des 
Chrétiens  &  des  Eglifcs  du  Levant. 
Il  n'oublia  pas  dans  fon  Teftament 
les  Capucins ,  les  Carmes  Déchauf- 
fés &  les  Jcfuitcs ,  •■■'.vec  lef^uels  il  a 
toujours  en  ,  dit-il  ,  une  liaifon  & 
une  correfpondiince  continuelle. 

L'Auteur  finit  cette  Vie  par  l'é- 
loge que  les  Rcligicufes  du  troifié- 
mc  Monaftere  de  la  Vifitation  de 
Lyon  qu'il  avoir  dirigées ,  donnent 
à  M.  l'Evcque  de  Babylone.  »  Il 
»  avoit,  difent-cllcs,  ainfi  que  no- 
»  tre  S.  Fondateur  ,  une  peifeèlion 
»  cminente  dans  une  vie  commu- 
»  ne  ;  un  zélc  ardent  dans  une  gran- 
»  de  douceur ,  &  il  fçavoit  joindre 
3»  l'art  de  plaire  à  Dieu  avec  celui 
»  de  plaire  aux  hommes. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ITALIE. 

D  E     R  O  M  E. 

LE  P.  Satinas  ,  Chanoine  Ré- 
gulier de  la  Congrégation  de 
Latran  ,  déjà  connu  par  l'Edition 
qu'il  a  donnée  /«-8°.  de  quelques 
Ouvrages  des  Pères  Latins,  a  publié 
en  dernier  lieu  ceux  de  S.  Profper 
&  de  S.  Honorât  fous  ce  titre  : 
San^orum  Profperi  Aquitani  &  Ho- 
norati  Maflllicnfis  Ofera  ,  notis  ob- 
firvatiomi'Hfe[ue  illujirata  à  D.  Joan- 


ne  Salinas  NeapoUtano  Can.  Reg: 
Lat.  ac  S.  Theol.  LeB.  ad  SanElijfi- 
V2Hm  Patrem  Clementem  XII.  Pont. 
Max.  Rom<t.  1732.  ex  Typographia 
j4ntonii  de  Ruheis.  in-8". 

De  Vérone. 
Vallarjt  &c  Berno  ^  Libraires,  ont 
en  vente  le  grand  Ouvrage  en  Ita- 
lien de  M.  le  Marquis  Scipion  Alaf- 
fei,  intitulé  :  Verona  tllitflrata.  1732. 
in-%°.  il  cfl  divifé  en  4  Parties  qui 
font  autant  de  Volumes. 


F  E  V  R  I 

La  première  contient  l'Hiftoire 
générale  de  cetteVilie,  &  THilloire 
deVcnifc,  feulement  depuis  fa  fon- 
dation jufqu'à  l'arrivée  de  Charle- 
magne  en  Italie. 

La  féconde  Partie  comprend 
l'Hiftoire  Littéraire  ou  des  Ecri- 
vains de  Vérone  ,  &  la  troifiéme  eft 
employée  à  décrire  les  chofes  les 
plus  remarquables  qui  s'y  trouvent. 
Dans  la  quatrième  Partie  ,  on 
donne  une  féconde  Edition  du 
Traité  de  M.  Alaffei  fur  les  Amphi- 
théâtres ,  &  en  particulier  fur  celui 
de  VérotK.  Il  y  a  dans  cette  4'^  par- 
tie plus  de  planches  gravées  qu'il  n'y 
en  a  dans  la  précédente  Edition  ,  & 
les  trois  autres  Volumes  font  aullî 
ornés  d'un  grand  nombre  de  figures 
en  taille-douce. 

De  Milan. 
Il  paroît  un  nouvel  AvertiiTement 
en  Latin  ,  dans  lequel  M.  Argelaù 
annonce  d'avance  les  différentes 
Pièces  que  doit  contenir  le  XXIIL 
Tome  des  Hiflonens  ef  Italie  ,  qui 
eft  fous  prelTe  ,  6c  que  la  Société 
PaL-it'me  dédie  à  M.  le  Cardinal  de 
Fleury.  Voici  la  Lifte  de  ces  Pièces , 
telle  qu'elle  eft  imprimée  dans  l'A- 
vcrtiftement.  On  y  verra  qu'excep- 
té l'Hiftoire  de  François  Storce  Vif- 
comti  ,  premier  du  nom ,  Duc  de 
Milan ,  écrite  par  Jean  Simonetta  ^ 
tout  le  refte  paroît  pour  la  premiè- 
re fois. 

ELENCHUS  TOMl  XXIII , 
fed  in  ordine  vigefimiprimi. 

Laurentii  Bonincontrii  Miniaten- 
fis  Années  ab  anm  13^0.  Hfqne  ad 


E  R,     I  7  5  5:  125: 

1458.  nunc  primkm  è  A^ff.  Codice 
Mimatenfi in  publicam  liicem  prolati. 

Joannis  Simonettx  Hijloria  de 
rébus  geftis^  Francifci  I.  Sfortu  Vice- 
corn  iti  s  A^ediolancnJîumDiicis ,  in  30 
Ltbros  difli-ibuta  ,  hoc  efl  ab  anno 
14ZI.  lippue  ad  annum  ij\.é6.  antea 
édita.  In  prefemi  vero  impyejfmie  cum 
autographe  ipjîtis  Aurons  collata 
emendata  &  aitfla. 

Annales  Brixiani  ab  anno  1457. 
Hpjue  ad  annum  146' 8.  Italie  à  linguâ 
confcripti^AiiRoreCbriflophoroàSolda 
Cive  Brixtano  Syncrono  ,  mmc  pri~ 
mitm  in  liicem  efferuntur  ex  Mf.  Codi- 
ce Bibliothecx.  Eflenfis. 

Chronicon  Eugubinutn  ab  anno 
i^^o, itfijue  ad  annum  iA;-jz.AitElore 
Guernerio  Bernio  Eugubino  ,  mtnc 
primiim  prodit  ex  Mf.  Codice  Vati- 
can£  Bibliothecét. 

D'uriàNeapolitana  ab  anno  i  igg. 
ufyue  ad  annum  1478.  Italica  rudi 
Lingua  coyifcripta^AuElore  Anonymo^ 
mtnc  primum  efferuntur  in  lucem  è 
A^f.  Codice  Nob.  Fin  Francifci  Fal- 
let&  Jurifconfulti. 

Jo.  Garzonii  Bononienfîs  de  digni- 
tate  Urbis  Bononia  Commentarius  , 
mtncprimlim  prodit  ex  Mf.  Codice 
Bononienfi. 

De  Laudibus  Fami'itt  de  Auri.t 
AuElore  Fratre  Adam  de  A'fomaldo 
Ord.  Eremitarum  S,  Auguftini  circa 
annum  1480.  Opufcidum ,  nnnc  pri- 
mum in  lucem  prodit  e  Mf.  Codics 
Cenuenfi. 

Pétri  Cyrnxi  Clerici  Alerienfîs 
Commentarius  de  Bello  Ferrarienfîab 
anno  1482.  ad  annum  1484.  nunc 
primiim  in  lucem  prodit  ex  Mf  Codi- 
çe  BibliothecA  Eflenfis. 


126         JOURNALD 

ALLEMAGNE. 
De  Francfort  Se  de  Leipsig, 

On  trouve  dans  ces  deux  Villes 
les  divers  Ouvra<;cs  Philofophi- 
ques  en  Latin  de  Monfieur  Û^ol- 
fiiis ,  f(^avant  &c  célèbre  ProfefTeur 
de  Mathématiques  &:  de  Philofo- 
phie  à  Marpourg  dans  la  HcfTe.  Le 
dernier  de  ces  Ouvrages  qui  cft  un 
Traité  de  VAme  de  l'Homme  ,  im- 
primé en  1752.  cft  intitulé  :  Pfycho- 
logia,  Empirica  methodo  fciemificâ 
■pertraBata ,  ejtta  ea  ,  <jfii£  de  anima, 
humanà  ,  indubiâ  expenenit£  fide 
confiant ,  continentur  ,  &  ad  joli- 
dam  ZJmverpi  Pbdofophia  pra^icd  ^ 
tic  T^eologix  Naturalis  traSlationem  , 
via  fternitur.  ytuHore  Chriftiano 
iWclfio.  173 !•  proftat  in  Officinâ 
Lihrarià  Rengcrianà.  in-/^°.  1.  voL 
De  Tubinge. 

On  a  réimprimé  ici  fur  de  bon 
papier  &  en  beaux  caradcrcs  le  Li- 
vre du  Dodlcur  Speticer ,  de  Legibus 
Ebr^omm  Ritualibus  ^  fur  la  derniè- 
re Edition  de  Cambridge  ,  publiée 
par  M.  Chappelow.  M.  Pfaff:i  mis 
a  la  tête  de  cette  nouvelle  Edition 
une  DilTcrtation  curieufc  fur  la  Vie 
&  les  Ecrits  du  Dodeur  Spencer. 
ANGLETERRE. 
De   Londres. 

On  nous  mande  que  la  magnifi- 
que Edition  de  VHiftoire  Latine  de 
Ai.  de  Thon  ^  fera  infailliblement 
achevée  dans  le  mois  de  Mars  pro- 
chaia  ,  &  inceifament  diftribuée 
aux  Soufcripteurs  qui  l'attendent 
avec  impatience.  On  nous  ajoute 
que  M.  Mangey  ne  vient  que  de 
commencer  à  mettre  fous  la  prcfTe 
les  Ouvrages  de  Fhilon  le  Juif  en 


ES  SÇAVANS. 

Grec  &  en  Latin  ;  cette  Edison 
avoit  été  propofée  par  Stufcription 
dès  l'année  1727. 

M.  IVdkens  fe  prépare  ,  dit-on  j 
adonner  une  nouvelle  Collection 
de  tous  les  Conciles  d'Angleterre  , 
qui  fera ,  à  ce  qu'on  afture ,  trois 
fois  plus  ample  que  celle  de  Spel- 
man  \  il  a  fait  de  grandes  recherches 
dans  les  Archives  des  Eglifes  Cathé- 
drales ,  &  fur  tout  de  celle  de  Cart^, 
torbery  ^  où  il  a  trouvé  beaucoup 
d'Adcs  des  Conciles,  inconnus  juf- 
qu'ici  :  M.Wdkens ào\t  auflî  inférer 
dans  fon  Recueil  un  grand  nombre 
de  Pièces  nouvelles ,  qui  regardent 
la  grande  affaire  des  Templiers. 
HOLLANDE. 

D'A  MS  T  E  RD  AM. 

'LesJanJfons-lVaejberg  débitent  la 
Traduction  Latine  d'un  Recueil 
périodique  commencé  en  Angle- 
terre &  imprimé  en  Anglois  au 
commencement  de  l'année  175 1. 
Ce  Recueil  coniîfte  en  un  mélange 
de  differentesRemarques  Critiques 
furie  Texte  ou  le  fens  des  Auteurs 
anciens  &  fur  les  fentimens  des 
Auteurs  modernes  :  la  Tradudion 
Latine  qui  comprend  audî  de  nou- 
velles notes  &  des  augmentations  , 
eft  intitulée  :  Aiifcellanex  Obferva- 
tiones  in  AuUores  vcteres  &  recentio- 
res.Aberuditis  Bruannisanno  173 1. 
edi  cttpt£  cHtn  notis  &  atiBario  vario- 
rttm  virorum  doHorum.  Vol.  L 
Tom.  I.  Julium  &  Angitftum  men- 
fem  compleSlens.  Vol.  L  Tom.  IL 
Septembrem.  &  OElobrem  menfem, 
1732.  /«-S°. 

De   l  a  h  a  y  e. 

]ean-Van  Dnren  a  imprimé  Sen- 


F  E  V  R  ï 

tîmefli  ctuM  homme  de  guerre  fur  le 
nouveau  Syftème  du  Chevalier  de  Fo- 
lard  ,  ^ar  rapport  à  la  Colomne  &  au 
mélange  des  diffèrones  armes  dune 
armée.  Avec  une  Dijfertationfur  l'or- 
dre de  bataille  de  Céfar  &  de  Pom- 
pée à  la  journée  de  Pharfalc.  Par  M. 
D***  1732.  '«-4°.  Ce  Livre  fe 
trouve  auiÏÏ  à  Paris  chez  Gandouin  , 
à  la  Belle-Image  ,  Quai  des  Augu- 
ftins  &  autres  Libraires  qui  ont  im- 
primé la  Tradudion  dePolyh,  avec 
le  Commentaire  de  M.  Folard. 
FRANCE. 
De  Strasbourg. 
Lettres  dnn  Théologien  de  rZJni- 
verfité  Catholicjue  (^e  Stralbourg ,  à 
un  des  principaux  Adagiftrats  de  cette 
Ville ,  faifant  profeffion  de  futvre  la 
Confejjlon  ^'Aufbourg  ,  fur  les  fîx 
principaux  ohflacles  k  la  converjton 
des  Protejlans.  Chez  Jean-François 
le  Roux  j  au  coin  de  la  rue  des  Or- 
févrcs.  173  z.  /»-4°.  Ces  Lettres 
font  du  R.  P.  Jean-Jacques  Schejf- 
macher  de  la  Compagnie  de  Jefus. 
De  Paris. 
Carte  générale  de  la  Monarchie 
Trançoife  ,  contenant  VHifioire  Mi- 
litaire,  depuis  Clovis  ,  premier 
Roi  Chrétien  ,  jufqu  a  la  xv'  année 
accompUe  du  règne  de  Louis  xv. 
Avec  l'explication  de  plufieurs  ma- 
tières intcreflantcs  ,  tant  pour  les 
gens  de  guerre  que  pour  les  curieux 
de  tous  états  ,  lefquelles  y  font 
traitées  en  vingt  tables  enrichies  de 
figures  en  tailles  -  douces  ,  qui  fe 
joignent  en  une  feule  Carte  prefen- 
tée  au  Roy  le  17  Février  1730.  par 
le  Sieur  Lemau  de  la  Jaijfe  de  l'Or- 
dre de  S.  Lazare ,  &  ancien  Officier 


E  r;  175  ?•  127 

de  S.  A.  R.  feue  MadAme  ,  mifc 
au  jour  par  l'Auteur  en  1733.  Nous 
pourrons  ,  dans  la  iuite  ,  parler 
plus  amplement  de  cet  Ou- 
vrage qui  eft  eftimé.  Il  nous  fuffic 
quant  à  prefent  d'avertir  qu'il  fe 
débite  chez  V Auteur  ^  rue  &  près 
la  Fontaine  de  Richelieu. 

Charles  Ofmont  ,  Imprimeur  8c 
Libraire  ,  doit  débiter  le  premier 
de  ce  mois  les  quatre  premiers  Vo- 
lumes de  la  nouvelle  Edition  du 
Cloffatre  Latin  de  Duc  ange ,  aug- 
mentée par  les  RR.  PP.  Benedidins 
de  la  Congrégation  de  S.  Maur  ^ 
&  propofée  il  y  a  fi  long-tems  par 
Soufcription. 

Le  P.  Poiffon  Cordelier,  &c.  a 
fait  imprimer  /«-4°.  chez  J.  Fran- 
çois hffe ,  rue  Saint  Jacques  ,  le 
Panégyrique  de  Samt  François 
dAjfife  ^  qu'il  a  prononcé  dans  l'E- 
glifc  du  grand  Couvent  des  RR. 
PP.  Cordelier»  de  Paris  le  4  Odo- 
bre  173  z. 

Il  paroît  depuis  peu  un  Recueil 
de  loi  Pierres  gravées  antiques, 
dcflînées  £c  gravées  fur  cuivre  par 
M. de  G.  Ce  Recueil  qui  ne  fçauroit 
que  faire  beaucoup  de  plaifir  aux 
Curieux  ,  cfi:  précédé  d'une  Préface 
bien  écrite  ,  &  d'une  Table  ou  Ex- 
plication claire  &  iimple  de  ces 
pierres  gravées.  Le  tout  de  l'Impri- 
merie de  P.  J.  Mariette  ^  rue  S.  Jac- 
ques ,  aux  Colonnes  d'Hercule, 
1732.  in-a°. 

Sermons  choifis  ou  Difcoursfkr  la 
Vérité  de  la  Religion  Chrétienne  ^  ex- 
traits des  douze  Volumes  du  même 
Autcur,imprimés  en  difFcrens  tems 
chez  Lottin ,  pour  fervir  de  Tome 


128    JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

XIII.  chez  Heriffant  ^   rue  neuve  par  M.  le  Tellier  d'Orvilliers.  Chez 

Nôtre-Dame  ,  &  le  même  Lotttn  ,  Chriftophe  David  ,   rue  de  la  Bou- 

ruc  S.  Jacques ,  à  la  Vérité.  1733.  cleric  ,  près  la  ruii  S.Scverin.  1733. 

in- 11.  ;«-iz.  2.  vol. 

Lettres  Philofephitjues  ^ferieufes  ,  Suite  des  cent  Nouvelles  Nouvel- 

critiejues  &  amu/ames.    Chez  S  au-  /«^  par  Madame  de  Gomez..  Chez 

grain ^  au  Palais  ,  du  côté  de  la  Cour  la  Veuve  Gudlanme  ^  au  bout  de  la 

des  AydcSj  à  la  Providence  1733.  rue  Dauphine,  &  Gandouin  lejeune^ 

in -11.  rue  du  Hurpoix  ,  près  le  Pont  S. 

Le  Roman  Comique,  mis  en  vers,  Michel.  1733.  in-ii. 

Fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  Décembre  dernier. 

PAg,75i.col.  2.  lig.  3.  au  fonds, /{/?  au  fond  :  p.73g.  col.  i.l.  j.cité^ 
lif.  citée  :  Ibid.  1.  36'.  Domafcius,  lif.  Damafcius  :  p.  7  50.  col.premiere, 
1.  1 5.  pafTa ,  lif.  pafsât  :  p.  748.  col.  1. 1.  6.  Margueritte  d'Angleterre  ,  lif. 
Margueritte  d'Autriche  :  ibid.  L  14.  ProfelTcur  de  l'Archiduc  j  lif.  Pré- 
cepteur de  l'Archiduc. 

D^fts  le  Journal  de  Janvier  1733. 
Pag.  1 1.  col.  2. 1.  17.  ^'  1 8.  s'agit,  nous,  lif.  s'agir.  Nous  :  p.  1 5.  col.  2; 
1. 1 1.  .^natomies ,  lif.  yînatomici  :  p.  iiî.  col.  1. 1.  t6.  l'Hiftoire,  lif  de  l'Hi- 
ftoire  :  p.  17.  col.  2. 1.  54.  n'ayant  point  encore,  ///I  n'ayant  encore  :  p.  18. 
col.  i.l.  2.  celles,  /{/Scelle  :  p.  ij.coL  1. 1.  13.  titre, ///^  tiers  :  Ibid.  col.  2. 
1.21  .Trigaault,  lif  Trigaut  :  p.  2 1 .  col.  2. 1.  28.  menacé,  ///?menacé  :  p.  2  2. 
eol.  I.  1.  5.  le  , /«/Tics  :  p.  33.  col.  1. 1.  40.  où  fera  caché  un  chat ,  une  fou- 
ris  ,  du  lard,  lif.  où  fera  caché  un  chat ,  du  lard  :  p.  40.  col.  2. 1.  35.  une  cri- 
ttejHe  falutaire ^  lif  une  crife  falutaire  :  p.  4J.C0I.  i.l.  23.  Chryftallin  ,  lif. 
Criftallin:  p.  50.  col.  2.1.  39.il  dit,  lif.  ]c  dis. 

Dans  /'Errata  de  Décembre ,  à  la  fin  du  Adois  de  Janvier  173  3. 
Lig.  2.  Phœbe,  lif  Phoebe  ;  retablijfez.  ainfi  cette  correElion  Phibe  ,  lif. 
PhcEbe. 

TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Février  175  j.' 

JOumal  du  régne  de  Hoiri  W.  Roy  de  Trancc  &de  Navarre  ^  pag.    ^7 

Traité  des  Tumeurs  contre-nature  ^  ^c.  72 

fJi/loire  Ecclcfiafti^ue  de  M.  l'Abbé  Flcury ,  Tomes  XXIX &  XXX.  28 

Le  Cabinet  Chinois  ,  Scc.  84 

Hifloire  de  Danemarc  ,  &Cc.  9  5 

Queftion  de  Aiedecine  ,  dcc  I  o» 

Relation  Hifloricjtie  de  /'  Ethiopie  Occidentale ,  &c,  1 06 

Recueil  des  Ecrivains  d'Italie,  Tome  VIII.  1 1 3 

La  Fie  de  Alcffre  Truncois  Picqucc ,  &c.  1 20 

Nouvelles  Littéraires  ,  i  24 


L  E 


j 


NAL 

DES 


FOUR 

VANNEE     M.    DCC.     XXXIII 

MARS. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à   l'entrée   du  Quay   des 

Augiiftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.    DCC.   XXXIII. 
JVEC  AFFROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


J 


LE 

RN  A  L 


DES 


GAVA 


ry^ry^ry^rv^ry^rv^rv^rv^  rv^rY^ry^ry^/'iv^ry^ry^ry^rY^ry^ry^ry*> 

B^    1*»    «4^    «^    «^     «^    «^    «^  ■  •♦»    •♦•    «4»»  ■  •♦•    «4^    «♦•    »♦•    ^*o    ^*»    «ifc    «<lit    »♦• 

MARS    M.  DCC.    XXXIII. 

POESIES  DIVERSES,  P  ^  R  M.  TANEVOT. 
A  Paris  ,  de  l'Imprimerie  de  Jacques  Colomhat ,  premier  Imprimeur 
prdinaire  du  Roi ,  du  Cabinet ,  Maifon  Se  Bâtimens  de  Sa  Majefté ,  &c. 
rue  S.  Jacques.  1732.  vol. /«-12.  pp.  258. 


CE  S  Poëfies  diverfes  font  pré- 
cédées d'un  AvertitTemcnroù 
l'Auteur  déclare  quatre  cliofes  :  la 
première ,  qu'engac'.é  des  fa  jeunef- 
|e  dans  des  occupations  férieufes , 


&  qui  n'ont  point  difcontinué  de- 
puis 23  ans  i  il  n'a  pu  donner  aux 
Mufcs  qu'un  tcms  Fort  court ,  ni 
joiiir  qu'en  paffant,  de  leur  agréa- 
ble commerce  ;  que  cependant  1« 
Ri; 


ÏJ2  JOURNAL  D 
fortune  lui  a  piocuié  l'avantage  de 
travailler  ,  du  moins ,  avec  des  Su- 
péricv:rs  qui  les  c'ncriircnt ,  ôc  dont 
le  goût  &  le  crédit  ne  ceflcnt  de  les 
favorifer  ■■,  la  féconde  ,  Qiic  le  ha- 
zard  le  fit  Poète ,  &c  que  dans  la 
fuite  ce  même  hazard  lui  a  prefquc 
toujours  mis  la  plume  à  la  main  : 
la  troifiéme  ,  Que  loin  de  vouloir 
fe  frayer  lui-mcmc  un  chemin,  il 
n'a  marché  que  dans  des  fcnticrs 
battus ,  qu'il  n'a  point  l'art  d'inno- 
ver ,  &c  que  l'on  fçait  bien  qu';/  m 
fera  jamais  iChéré/ies  dans  la  Rcpn- 
hlijKS  des  Lettres.  La  quatrième , 
Qiie  la  clarté  de  Malherbe  ,  la 
pureté  de  Racine  ,  le  badinage  de 
îfclarot ,  l'enjoUemcnt  de  la  Fontai- 
ne ,  ont  été  tour  à  tour ,  l'objet  de 
fon  émulation;  qu'enfin  fon  pen- 
chant 6»:  la  nature  lui  ont  lait  pren- 
dre ces  Auteurs  pour  modèles. 

M.  Tanevot  s'eft  donc  propofé  , 
cntr'autres  chofcs ,  d'imiter  dans 
quelques  Pièces  de  ce  Recueil,  le 
badinage  &  le  ftyle  de  Marot.  En 
voici  une  qui  nous  a  paru  de  ce 
nombre.  Les  Lciilrcurs  en  jugeront  ', 
elle  a  pour  titre  : 

La  Vie  est  un   Songe. 

CAPRICE. 

L'Auteur  commence  d'abord 
par  reprefenter  de  quelle  inconftan- 
ce  font  les  chofes  d'ici-  bas ,  &  le 
peu  de  fond  qu'on  y  doit  faire. 

Bien  eil-il  vrai  que  chacun  s'évertue 

A  rechercher  richefle,  honneurs,  plaifirs> 

£t  qu'indigent  notre  caur  s'habitue 


ES    SÇAVANS, 

Pour  fa  chevance  à  former  des  defiry. 
Mais  de  fçavoir  fi  c'e;  biens  que  l'on  ptife 
Nous  poficdons  ici  l'omlire  ou  !c  corps  , 
C'eft  ,  félon  moi ,  queAion  indécife  : 
Couper  ce  nœud  furpafle  nos  efforts. 

Ce  qui  m'en  fcmble  ell  que  dans  ce  bas 
monde  , 

Compter  (ur  rien  cft  toujours  bien  com- 
pter , 

Que  notre  fort,  mobile  comme  l'onde  , 

A  nul  objet  ne  fçauroit  s'arrêter  , 

Car  remontant  jufqucs  au  premier  !iom- 
mc, 

Et  parcourant  lUnivers  juiîju'au  bout , 

Tout   fupputé  ,  vous  trouverez  qu'en 
fomme , 

Dame  inconfiance  cft  le  centre  de  tour. 

Quoique  l'on  fafle  on  bâtit  fur  le  fable  , 

D'tm  vain  cfpoir  notre  efprit  eft  bercé 

Tel  édifice  à  nos  yeux  paroit  ftable  , 

Qui  croule  &  fond  dès  qu'il  eft  exhauflé  ^ 

C'eft  quelquefois  un  Etat ,  un  Empire , 

Dont  les  dcftins  font  fi- tôt  révolus. 

Avec  le  tcms  il  n'eft  rien  qui  n'empire  ; 

Au  pur  néant  nos  foins  font  dévolus. 

Tout  pafle  ainfi  que  le  fon  d'une  cloche  , 

Ou  comme  au  Ciel  l'éclair  éblouifîant. 

Midi  fijnné  ,  la  nuit  eft  déjà  proche , 

Et  l'œuvre  humaine  eft  caduque  en  naif- 
fant. 

Comme  Sancho  ,  plutôt  comme  fon 
maître , 

Croirois  que  tout  fc  fait  par  enchanteurs, 

£n  moins  de  rien,  dans  une  nuit  peut^ 
êtie> 


M  A  R 

La  fcene  change  à  de  pièce  &  d'Adeuïs. 
J'habite  alors  une  terre  inconnue  , 
L'illunon  exerce  Ton  pouvoir  ; 
J"ai  beau  cligner  ^'^  nie  frotter  ia  vûë , 
Je  ne  vois  plus  ce  que  jecroyois  voir. 

Là  ce  Typhon  fur  qui  Jupiter  tonne  , 
Frappé  foudain  rentre  dans  le  néant , 
Ici  le  fort  autrement  en  ordonne , 
Et  ce  Pygméc  ert  devenu  Géant. 
Tel  fut  jadis  décrié  par  la  Ville , 
Et  reconnu  pour  infigns  vaurien  , 
Qui  de  ducats  formant  plus  d'une  pile  , 

Paflc  aujourd'hui  pour  un  homme   de 

bien.  _■'  ^    •     •  ■ 

Notre  Auteur  rhontre  ,  par  une 
longue  fuite  d'autres  exemples, 
i'mconftancc  perpétuelle  des  cho- 
fes  humaines.  Nous  allons  voir 
d'abord  un  Poiite  qui  après  avoir 
été  quelque  tems  en  vogue ,  tombe 
dans  l'oubli ,  &c  n'a  plus  de  Lec- 
teurs ;  puis ,  la  force  des  préjugez 
iur  la  raifon  -,  6c  après  cela  ,  un 
époux  qui  ayant  obtenu  ce  qu'il  re- 
cherchoit  avec  la  plus  ardente  paf- 
fion,  n'a  plus  que  de  l'indifférence 
pour  ce  qui  faifoit  l'objet  de  fes 
empreflemens. 

Certain  Poète  eut  autrefois  la  vogue  , 
Et  vit  un  tems  ,  fes  écrits  fortunez  ; 
De  l'Hélicon  c'étoit  le  pédagogue , 
Il  rcgentoit  les  Auteurs  nouveaux  nez. 
Mais  fa  fortune  a  bien  changé  de  face , 
Aucun  Leâeur  ne  le  fête  aujourd'hui. 
Ja ,  de  fou  nom  la  mémoire  s'efface  > 


S,    175  5-  m 

Et  fes  enfans  font  tous  morts  avant  lui. 

Trop  bien   fçavez  que  dans  l'âge  o« 
nous  (ommes  , 

Les  préjugtz  tiennent  lie»  de  raifon  , 

Le  fçavez ,  dii  je.',   &  qu'entr  eux  tous 
les  hommes 

Ont  de  penfer  différente  façon. 

Pour  démontrer  l'un  &  l'autre  Diftique 

Pas  n'eft  befoin  d'un  long  raifonnement. 

L'expérience  intime  &  dometHauc 

A  tout  mortel  en  fournit  l'argument. 

D'opinions  le  monde  entier  fourmille  : 

A  tout  propos  naiflent  nouveaux  com- 
bats. 

Dans  (a  maifon ,  dans  fa  propre  famille , 

Sous  même  toît  on  ne  s'accorde  pas. 

L'aimable  Dieu  qui  règne  dans  Cythe- 
rc) 

Forme  un  deflein  que  l'Hymen  accomplit^ 
Gente  pucelle,  &  de  fagelTeauftere  , 
Appas  dottez  entrent  dans  votre  lit. 
Nouvel  époux,  tout  vous  rit,  tout  vous 

flatte, 
Oncques  ne  fut  de  mortel  plus  content  : 

Dans  vos  regards  votre  allegrefle  éclat- 
te. 

Pourquoi  fi-tôt  étes-vous  repentant , 

De  tel  marché  i  Quelle  mouche  vou». 
pique  ? 

Car  quelques  jours  font  à  peine  écoulez  , 

Que  phis  d'Hymen  ne  chantez  la  Rubri- 
que ; 

Ains  contre  lui ,  griefs  articulez. 

L'époulê  n'eft  ce  que  fut  la  maîtrefle  , 

Pas  d'autrçs  yeux  vous  voyei  ks  apgajr 


iH  JOURNAL    DE 

Et  tout  à  coup  vos  tranfpons   de  tcn- 

arcire 
Sont  convertis  en  de  fâcheux  débats. 
Auffi  voit-on  au  fouci  qui  vous  ronge  , 
Que  ce  bonheur  en  naiflànt  fi  vanté , 
Réel  ne  fut ,  mais  bien  plutôt  un  fongc , 
Qu'un  prompt  réveil  a  d'abord  écarté. 

Notre  Auteur  ,  après  plufieurs 
autres  reflexions  femblables  fur  di- 
vers fujcts ,  vient  à  ce  qui  regarde 
l'uiconftance  des  modes  : 

Chez  mon  Tailleur  la  mode  fe  ttanf- 
porte  , 

Prend  fes  cifeaux  &  me  coupe  un  iiabit , 

Dont  la  façon  dégénère  de  forte , 

Qu'en  moins  d'un  mois  n'en  trouverois 

débit  : 
Mettez-en  quatre  &  me  voilà  fans  faute  , 
Dans  mon  harnois  piaifammcnt  accou- 
ûté. 

Manche  trop  courte ,  ou  bien  taillé  trop 
haute. 

Le  tout ,  enfin ,  d'un  ridicule  outré. 

'tesufages  de  la  Cour,  les  di- 
verfes  coutumes  des  Pays  ,  &  la 
différence  de  chique  homme  d'avec 
foi  même,  font  le  fujct  des  vers 
fuivans ,  qui  terminent  la  Pace. 

Ce  que  m'apprend  la  Province  ou  la 
Ville . 
N'cft  .1  la  Cour  que  talens  fuperflus  : 
Il  me  faut  la  ,  changer  d'air  &  de  llyle , 
Et  mon  cfpritne  fe  rcconnoît  plus. 
C'eft  encor  pis  fi  dans  d'autres  contrées 


S    SÇAVANS, 

Le  fort  m'appelle  &  me  bit  voyager: 
Diverfcs  mœurs  ,  coutumes  ignorées. 
Tout  contribue  à  m'y  rendre  étranger. 
Chacun  furpris  s'arrête  à  mon  paiiage, 
Me  montre  au  doigt ,  &  me  conduit  dos 

yeux. 
On  n'a  point  vu  tel  air ,  ni  tel  vifage. 

L'homme  eft  à  l'homme  une  énigme  CQ 
tous  lieux. 

Il  l'eft  pour  foi  ;  car  s'il  rentre  en  fo« 
aine  , 

Pas  n'y  connoi;  plus  d'uniformité. 

Sur  même  point  il  s'approuve  &  fc  blâme 

Et  fon  cfprit  n'cft  qu'ambiguité. 

Quand  icroit-il  d'accord  avec  lui  mê- 
me 

Si  chaque  jour  le  trouve  différent  ? 

La  Girouette  eft  trop  mieux  fon  emblè- 
me. 

Léger  ,  volage  ,   il  tourne  au  premier 
vent , 

Forme  un  projet ,  l'entame  &  puis  le  laif- 
fe; 

Rien  quelquefois  ne  peut  l'apprivoifer  ; 

Dans  d'autre»  tcms  vous  le  menez  en. 

lelfc. 
Sans  cefle  il  voit  fes  defirs  fe  croifer. 
S'éleve-t  il  où  fes  va-ux  ofcnt  tendre  ? 
Son  cœur  bien-tôt  y  moiironne  l'ennui; 
Mont-  trop  haut  il  afpire  à  defcendre. 
Et  le  bonheur  n'atteint  pas  julqu'à  lui. 

Las  cm  i;r.'.nd  monde  il  cherche  la  retrai- 
te , 
Et  loin  du  bruit  fechoiht  un  féjour  ; 
Il  part  tnfin ,  mai.  longue  n'elt  fa  traite  , 


MARS 

Et  tournant  bticie  ,  il  revient  à  la  Cour. 

La  vérité  contre  lui  fe  retranche 

Ses  vains  efforts  ne  fcaiiroient  l'appro- 
cher. 

Et  Cl  raifon  vole  de  branche  en  branche 

Sans  parvenir  à  pouvoir  fe  percher. 

Ce  qu'il  ignore  il  penfc  le  connoître  , 

Entreprend  tout  excepté  ce  qu'il  faut , 

Devient  ami  comme  il  celle  de  l'être. 

Et  trop  bien  foaffle  &  le  froid  &  le  chaud. 

Voilà  un  exemple  des  EfTais  de 
notre  Auteur  pour  imiter  Marot, 
en  voici  un  de  ceux  qu'il  a  faits 
pour  imiter  la  Fontaine. 

Le  Taureau  et  la  Mouche. 
Fable. 

Tel  fe  croit  dans  le  monde  un  mérite 
avéré , 

Qui  de  tous  les  humains  eft  le  plus  ignoré. 
Une  mouche  s'ctoit  pofée 
Sur  les  cornes  d'un  Taureau , 
Et  le  croyant  un  lourd  fardeau  , 

Lui  dit  après  s'être  tranqnillifée  , 

Si  le  poids  vous  lemble  trop  fort, 

Dites-lc  moi  ;  je  m'envole  d'abord  , 

Qui  m'a  parlé  ,  reprit  le  Quadrupède  ? 

C'eft  moijc'eft  la  fœur  duPrintems^ 

Et  de  l'oifeau  de  Ganimede  ; 

Vous  me  portez  depuis  long-tems  ; 

Tous  peinez  :  à  coup  sûr  la  charge  vous 
ennuyé , 

Bon  ,  répond-il ,  nous  y  voilà. 

En  bonne  foi ,  mouche ,  ma  mîe , 


>     ^7  3  3'  15; 

J'ignorois  que  Vous  fufllez-l.î. 

Notre  Auteur  ,  comme  nous 
l'avons  remarqué  ,  aveitit  que  loin 
de voidoii- fe frayrr Utinierrje  un  che- 
min ^  il  n'a  marché  cjue  dans  des  fn- 
tiers  battus.  La  Fable  que  nous  ve- 
nons de  rapporter  ,  pouiroit  fervir 
là-delTus  de  témoignage  :  clic  pa- 
roît  la  même  ,  pour  le  ionds  ,  que 
la  treizième  de  celles  de  W.  de  la 
Motte,  mnis  il  eft  facile  de  voir 
dans  laquelle  des  deux  il  y  a  plus 
de  vivacité  &  de  concifioji.  Voici 
celle  de  M.  de  la  Motte  :  on  les- 
pourra  comparer. 

Le  Boeuf  et  le  CiiloN.  Fable  xm. 

Qu'eft  -  ce  que  l'homme  ?    Ariftote 
répond  : 

C'eft  un  animal  raifonnable. 

Je  n'en  crois  rien  ,  s'il  faut  le  définir  à 
fond , 

C'eft  un  animal  fot ,  fïiperbe  &  mifera- 
ble. 

Chacun  de  nous  foûtit  à  fon  néant , 

S'exagère  fa  propre  idée  , 

Tel  s'imagine  être  un  Géant , 

Qui  n'a  pas  plus  d'une  coudée. 

Atiftote  n'a  pas  trouvé  notre  vrai  nom  ;' 

Orgueil  &  petitefleenfemble. 

Voilà  tout  l'homme  ce  me  fèmble. 

Eft  -  ce  donc  là  ,  ce  qu'on  nomme 
raifon  ? 

Quoiqu'il  en  foit  ,  voici  quelqu'un  qui 

nousreiiêmble. 

Au  bon  cœur  près  ,  tout  homme  eft 
mon  Ciron. 


136  JOURNAL  DE  s  SÇAVANS. 

McflireBœiif,  las  de  vivre  en  Province j 
Partoit  d'Auvergne  pour  Paris. 
Sur  l'animal  épais  l'animal  le  plus  mince, 
Cadet  Ciron  voulut  voir  le  pays. 
Il  prend  place  fur  une  corne  ; 
Mais  à  peine  s'eft-il  logé 

Qu'il  plaint  le  pauvre  Bœuf  &  juge  à  fou 
air  morne, 

Qu'il  fe  fent  déjà  furchargc. 

N'importe  il  faut  fuiv:  e  fa  courfe  , 

Eh  !  comment  fans  cette  rcllburce , 
Pourroit  -  il  voyager  &  contenter  fort 
goût  î 

Le  Bœuf  lui  tiendroit  lieu  de  tout, 

D'Hôtellerie  ainfiquede  voiture. 

De  lit ,  ainfi  que  de  pâture , 
A  fatiguer  le  Bœuf ,  le  bcfoin  le  refout. 

Ils  partent  donc.   Déjà  de  plaine  en 

plaine , 
Ils  ont  franchi  bien  du  chemin , 


Lorfque  le  Bœuf  s'arrête   &  prend  ha- 
laine , 

11  eft  grevé,  mon  Dieu  que  je  lui  fais  de 
peine , 

Dit  le  vejrageur  clandeftin. 

Si  tourmenté  de  la  fiifon  brûlante , 
De  fes  mugiffemcns  l'animal  frappe  l'air , 

Par  vanité  compatîflante  , 

Notre  atome  Ce  fait  léger. 

Même  de  peur  d'amaigrir  fà  mor.turc  , 

Vous  l'eufflez  vu  fobre  dans  fts  repas  , 

Faifons,  fe-difoit-il ,  faiforis  cherc  qwî 
dure  , 

Je  l'affciblirois  trop  ,  il  n'arrivcroit  pas , 

On  arrive  pourtant  jufqu'à  la  Capitale; 


Cadet  Ciron  fain  &  fliuf  arrive  , 

Demande  excufe   au    Bœuf  qu'il  croit 
avoir  crevé  , 

Qui  me  parle  là-haut  ?  dit  d'une  voix    • 
brutale 

Meflire  Bœuf  ,   c'eft  moi ,  qui  ?  me 
voilà. 

Eh  !  l'ami ,  qui  te  fçavoit  là  i 

Je  laiffcrois  la  Fable  toute  nue , 

Qu'ici  plus  d'un  Ciron  fe  reconnoîtroit 
bien. 

Tel  qui  fc  grolTit  à  fa  vue , 

Se  croit  quelque  chofc  &  n'eft  rien.' 

Nous  le  répétons  ,  il  eft  facile 
de  voir  laquelle  de  ces  deux  Fables 
eft  la  plus  vive  &:  la  plus  concife. 

Quoique  M.Tancvot  dife  qu'il  n'a 
marché  que  dans  des  fentiers  bat- 
tus ,  on  trouve  néanmoins  dans  fes 
Pocfics  dlverfcs ,  un  grand  nombre 
de  Pièces  qui  ont  un  air  de  nou- 
veauté ,  &c  qui  font  voir  que  l'Au- 
teur peut  aifcmcnt  fe  paiTer  du  fe- 
cours  d'autrui.  La  Fable  fuivante 
peut  fer  vir  là-deftus  d'exemple. 

Le  Loup  et  le  jeune  Mouton. 

Des  moutons  dans  un  parc  étoient  en 
fureté , 

Les  chiens  dormoient ,  le  berger  écar- 


A  l'ombre  d'un  tilleul  où  pendoit  (à  hou- 
lette , 

Avec  d'autres  Bergers  joiioit  de  la  Mu- 
fctte. 

Certain  loup  ,  du  bétail  l'ordinaire  fléau, 

Aux  environs  rodant  alors  lans  crain- 
te, 

Vinc 


MARS 

Vint  par  les  fentes  de  l'enceinte 

Reconnoître  Tétat  du  paifible  troupeau. 

Un  mouton  jeune  encor ,  fimplefans  dé- 
fiance , 

Et  des  moutons  le  plus  mouton  , 
Tout  prêt  à  faire  connoiffance  > 
S'entretint  avec  le  glouton  : 

Que  cherchez  -  vous  dans  ces  lieux,  je 
vous  prie  ? 

Dit- il  au  loup  :  l'herbe  tendre  &  fleu- 
rie. 

Répond  notre  aflFamé ,  vous  fçavez  com- 
me nous , 

Qu'il  n'elt  point  de  deftin  plus  doux 

Que  de  paître  l'émail  d'une  verte  prairie. 

Et  d'éteindre  fa  foif  au  cours  d'un  clair 
rui fléau. 

J'ai  trouvé  l'un  &  l'autre  auprès  de  ce 
Hameau  ; 

Que  faut-il  de  plus  dans  la  vie  ? 

Se  contenter  de  peu ,  c'eft  ma  philofb- 
phie; 

H  n'eft  donc  vrai ,  reprit  le  mouton  à  ces 
mots, 

Que  vous  mangiez  la  ehair  des  ani- 
maux, 

Moi,  repartit  le  loup,  c'elt  une  injure 
atroce , 

Le  Ciel  ne  m'a  point  fait  d'un  naturel 
féroce , 

Et  comme  déjà  je  l'ai  dit , 
Quelque  brin  d'herbe  me  fuffit. 
S'ileftainfî,  dans  ces  campagnes  chères 

Paiflbns  enfemble  &  vivons  comme 
frères , 

Pourlîiivit  Jean  mouton  ,  qui  du  paro 
aufli-tôt 

Sort  d;^ns  les  prer,  où  de  plein  faut 
Mars. 


,   17  î  5-  137 

Le  fobre  Philofophe  atterre  la  pécore , 
La  met  en  pièce  &  la  dévore. 
Gardez-vous  ,  &  vous  ferez  bien 
De  ces  prétendus  gens  de  bien. 
De  ces  (âges  de  contrebande  , 
Qui  font  eux-mêmes  leur  légende. 

Et  jugez  d'eux  dans  les  occafions , 

Non  pas  fur  leurs  difcours,  mais  fut  leurs 
adions. 

Comme  les  Poëfies  dont  il  s'agit 
font  de  differcns  genres  ,  il  faudroit 
pour  en  donner  une  idée  fuffifante  , 
en  citer  des  exemples  de  chaque 
genre.  En  voici  un  entr'autres  ,  où 
l'on  verra  que  l'Auteur  fçait  joindre 
l'utilité  de  l'inftrudion  avec  l'en- 
jouement de  la  galanterie. 

A  Madame  de  la.  *  fur  l'éducation 
de  Mademoifetle  fi  fille. 

Voilà  donc  cette  fille  ,  image  de  Ce 
mère, 

Unique  rejetton  de  fbn  ilhiflre  père  ; 

Déjà  que  d'efprit  &  de  fens 

On   découvre  au  travers  des  voiles  de 
l'enfance  ! 

Epris  de  fes  attraits  nailTans , 

Déjà  les  cœurs  font  fans  défenfe. 

Ainfi  s'élève  fous  vos  yeux 

Cette  fille  l'objet  de  vos  foins  précieux, 

SageUranie,  en  marchant  fur  vos  tra- 
ces, 

Elle  va  moilTonnei  les  charmer  les  plue 
doux  i 

& 


iiS        JOURNAL    DES    5ÇAVANS, 

Qui  ne  (çait  qu'être  inftruit  par  vous ,        Qui  mciiie  ne  veut  pas  que  le  Cœur  JéK- 

C'eft l'être  à  l'école  lies  eracesî  ^  -m  .,   '        -,-       •.  ■ 

^  Puilîe  - 1  -  elle  au  niuieu  d  une  galante 

rv^  Cour, 

Etre  toujours  aimée,  &  vivre  fans  amour. 


Votre  fille  Uranic ,  étale  des  appas. 

Que  la  nicre  d'amour  en  naiffant  n'avoit 
pas, 

Mais  il  faut  que  l'efprit ,  de  fès  grâces 
naïves , 

Relevé  encor  la  dignité  : 

Il  en  ajoute  de  plus  vives , 

Et  c'eû  le  fard  de  la  beauté. 

Eclairez  (on  intelligence 
Des  lumières  du  fcntiment , 
Donnez-lui  l'art  de  juger  fainement , 
Et  plus  de  goût  que  de  fcience , 
Que  fiir  fon  front  refide  l'enjouement  j 
Mais  que  chez  elle  l'agrément 
Se  joigne  avec  la  bienféance  : 

Q(? 

Sur  elle  ainfi  veillant  de  toute  part, 
Qu'elle  fe  falTe  une  henreufe  habitude 

De  ne  rien  dire  avec  étude. 

Et  moins  encore  par  hazard. 

Oeftfondeftin  que  pour  elle  on  fbw- 
pire. 

Mais  fans  s'aimer  d'un  faitueux  cou» 
toux. 

Que  fur  Ton  caurelle  garde  l'Empire, 

Que  Tes  attraits  prendront  ûir  nous. 

L'honneur  ell  un  juge  févére  > 


La  Picce  fuivante  fera  voir  que 
l'Auteur  ne  s'entend  pas  moins  à 
traiter  les  véritez  de  la  Religion 
qu'à  traiter  d'autres  fujcts ,  c'eft  la 
réfutation  d'un  Ecrit  impie  intitu- 
lé Epure  à  XJnVfiie.  Comme  cette 
réfutation  ,  quelque  courte  qu'elle 
foit  par  clle-mcmc  ,  occupcroit  ici 
trop  de  place  fi  nous  la  voulions 
rapporter  en  entier  ,  nous  nous 
contenterons  d'en  extraire  quel- 
ques endroits  ,  après  avoir  averti 
qu'elle  a  mérité  l'approbation  de 
M.  l'Abbé  Bignon  ^  ainfi  qu'on  le 
voit  par  une  Lettre  qui  la  précède. 

Quelle  audace  effrénée  !  ô  Ciel  !  qu'ai-je 
entendu  ? 

Qui  que  tu  fois  dont  le  fyftéme  impie, 

Infulte  à  la  foi  d'Uranie, 

Par  un  fi  vain  effort  as-tu  donc  prétendu 

Arracher  Je  nos  cœurs  les  profondes  ra- 
cines , 

Qu'y  jetterent  jadis  les  fcmences  divines. 

D'un  culte  antique,  &  du  Ciel  defcen- 
duf 

Pour  la  Religion  que  mon  ame  re^efte 

Ta  haine  me  paroit  fiifpede  , 

La  dellruftion  des  Autels 

Flatte  nos  penchans  criminels- 

Que  ces  penchans  font  doux  ,  que  le  vice 
dt  aimable  ! 


MARS 

Quand  on  ne  connoît  plus  d'avenir  re- 
doutable ! 

Quels  que  foient  tes  raifonemens , 

Certes,  pour  moi ,  je  medeflSe 

De  l'étrange  philofophie , 

Qui  dans  les  paflions  puife  Ces  argumens. 

La  vertM  tyrannife ,  un  Dieu  vengeur 
nous  gêne  ; 

Et  le  cœur  vicieux  qui  redoute  fe  haine  , 
Pour  mieux  s'en  garantir , 
Voudroit  pouvoir  l'anéantir. 

Nul  frein  pour  lors  à  la  licence  : 
Gardez  l'équilibre  un  moment  : 
De  quel  côté  penchera  la  balance , 
Si  le  vice  eft  fans  châtiment , 
Et  la  vertu  fans  recompenfe  ! 

Notre  Auteur,  après  ces  refle- 
xions ,  vient  aux  dogmes  de  l'E- 
vangile ,  aux  témoignages  des  Pro- 
phètes, aux  preuves  qui  fe  tirent  de 
la  mort  des  Apôtres.  Puis  pour 
achever  de  confondre  l'Auteur  im- 
pie qu'il  réfute ,  il  lui  dit  : 

Tune  peux  concevoir  la  chute  déplora- 
ble . 

Qui  de  l'homme  innocent  fit  un  homme 
coupable , 

Tu  ne  peux  concevoir  qu'un  Dieu  (bit 
mort  pour  nous , 

Sans  toutefois  nous  (âuver  tous. 

Et  cet  adorable  myftere 

Pour  ta  raifon  eft  un  joug  trop  aufterCj 

Mais  quand  tu  veux  t'en  affranchir , 

La  révélation  fource  de  l'évidence  » 


Malgré  toi  t'oblige  à  fléchir 

Sous  une  immortelle  puiflance. 

qr> 

De  Lucrèce  aujourd'hui  dangereux  nour- 
rifîbn , 

Sauves- toi  de  l'écart  de  l'humaine  raifon. 
Son  devoir  n'eft  pas  de  comprendre 
Ce  que  Dieu  nous  a  révélé  , 
Mais  de  fe  taire  Se  de  fe  rendre; 
S'il  eft  vrai  qu'il  nous  ait  parlé. 

Cette  raifon  reçoit  des  bornes  légitimes  ; 

C'eft  agir  contre  fcs  maximes , 

Que  de  rcftraindre  ainfi  Dieu  même  & 
ibn  pouvoir, 

A  ce  qu'elle  en  peut  concevoir. 

Le  Poëte  exhorte  ici  le  Déifte  à 
dépoiiiller  l'orgiieil  de  fon  Déif- 
me  ,  &  à  lailTer  fon  vieux  Sophif- 
me  à  Celfe  ,  à  Porphyre ,  à  Julien. 
Puis ,  tout  tranfporté  ,  à  la  vue  du 
Jugement  dernier  dont  il  fe  rap- 
pelle l'image  ,  il  s'écrie  : 

Où  fuis-je  ?  ô  Ciel  !  Quelle  terreur 
fubite 
Se  répand  au  fond  de  mon  cœur  ! 

Tout  s'ébranle ,  la  mer  s'agite , 

Et  fcs  flots  irritez,  font  un  bruit  plein 
d'horreur  , 

Les  antres  au  loin  en  mugiflent  ; 

Le  Soleil  perd  fes  feux ,  les  aftres  s'obC 
curciflcnt , 
Du  firmament  tous  ces  corps  détacher 
Viennent-ils  fondre  fur  ma  tête  î 
Où  fuir  l'effroyable  tempête  ? 
Terre  ouvre- moi  tes  abîmes  cachez. 
De  tout  fecours  mon  ame  eft  ici  4énuée  i 
Si) 


i^o  JOURNAL    DES   SÇAVANS, 

Mais  tout  à  coup  les  Cieux  font  éclair- 
cis  : 

Le  tonnerre  &  fes  feux  partent  de  la 
nuée, 
Où  le  Fils  de  l'Homme  eft  aflis. 

Crains  l'Eternel  ,   crains  fes  ven- 
geances , 

Par  un  prompt  repentir  appaifefon  cour- 
roux , 

Sçache  qu'il  doit  ce  Dieu  jaloux , 


Te  juger  fur  ta  foi ,  comme  fur  tes  offen- 
fes. 

Pour  donner  une  idée  complettc 
de  ces  Poëfies,  il  faudroit,  comme 
nous  l'avons  remarqué  ,  en  citer 
des  exemples  de  tous  les  genres, 
mais  CCS  exemples  nous  condui- 
roient  au  delà  des  bornes  que  nous 
avons  coutume  de  nous  prefcrire 
dans  nos  Journaux. 


VANATOMIE  GENERALE  T>V  CHENAL  ,  CONTENANT 

wm  ample  &  exacle  defcription  de  la  forme  ,  Jttuations  &  Hpiges  de  toutes 
fes  parties  ,  leurs  différences  &  leurs  correfpondames  ,  avec  celles  de  l'hom- 
me i  In  génération  du  Poulet  &  de  celle  dit  L.ipifi ,  un  Difcours  du  mouve- 
ment du  chyle  &  de  la  circulation  dufang  -,  la  manière  de  diffscjuer  certaines 
farties  du  Cheval  difficiles  à  anatomifer ,  &  ^uelçjites  Obfervations  Phyfi- 
ojuss  j  Anatomi(jHes  &  curiettfes  fur  différentes  parties  du  corps  &  fur 
^ueli^ues  maladies.  Le  tout  enrichi  de  figures.  Traduit  de  lAnglois  par 
T.  A.  de  Garfault ,  Capitaine  dn  Haras  du  Roi  en  fiirvivance.  A  Pa- 
lis ,  chez  Barthclemi  Laifnel  ,  rue  S.  Jacques ,  proche  la  rue  du  Plâtre  , 
au  Chef  S.  Denis  •■,  Alexis-Xavier  -  René  Mefnier ,  au  Palais  ;  Antoine 
Candomn^  Qiiai  des  Auguftins,  à  la  Bible  d'or^  &  la  Veuve  Piffot^  Quai 
de  Conty  ,  à  la  defcente  du  Pont-Neuf.  1731.  vol.  /«-4°.  pp.  340. 


LE  Tradudleur  de  ce  Livre  dit 
dans  fa  Préface  que  la  connoif- 
fance  de  la  ftrudurc  du  corps  hu- 
main eft  la  plus  ciïentielle  &  la  plus 
intereflante  ,  mais  que  celle  de  la 
ftrudlurc  du  Cheval  doit  marcher 
immédiatement  après  ,  à  caufe  de 
la  grande  utilité  que  l'on  retire  du 
Cheval ,  pour  divers  befoins  de  la 
vie  ;  utilité  qui  demande  que  l'on 
veille  à  la  confervation  d'un  animal 
fi  nccelTaire  ,  &  par  conlequent 
qu'on  enconnoiflè  laftrudurcjl'un 
étant  prcfque  impoflîble  fans  l'au- 
tre. Les  Maréchaux  devroient  donc 
fonger  féricufement  à  perfediion- 
ner leurs  connoifTances  fui  ce  fujet. 


Notre  Traducteur  obferve  qu'en 
France  deux  chofes  fe  font  oppo- 
fées  jufqu'ici  à  leuravancementdans 
cet  art  :  la  première,  qu'ils  n'ont 
jamais  eu  aucun  fecours  du  côté  de 
l'anatomie  ;  point  d'écoles  pour  en 
être  inftriiits ,  &  aucun  Livre  où  ils 
puilfcnt  l'apprendre  i  la  féconde, 
que  la  plupart  des  Maréchaux  fe 
croiroient  deshonorés  d'ouvrir  le 
cadavre  d'un  cheval ,  &c  s'imagine- 
roient  paffer  pour  des  ccorcheurs. 
Si  pareille  idée ,  dit  il ,  écoit  entrée 
dans  l'cfprit  des  Chirurgiens ,  & 
qu'ils  cuiïent  appréhendé  de  pafict 
pour  des  Bouchers  quand  ils  au- 
roient  ouvert  le  cadavre  d'un  hom- 


M  A  R 

me  ,  il  eft  certain  que  les  Chirur- 
giens &  les  Maréchaux  iroicnt  en- 
core de  pair  enfemble  pour  ce  qui 
regarde  la  Science  des  uns  &  des 
autres.  Si  quelqu'un  ,  continue- 1- 
il ,  qui  n'auroit  aucune  teinture 
du  nom  &  des  ufages  des  différen- 
tes parties  qui  compofent  un  vaif- 
feau ,  entreprenoit  <le  le  conduire , 
il  efl  certain  qu'il  cauferoit  la  perte 
du  vaifTeau,  &  la  ruine  des  interef- 
£és.  Il  en  eft  de  même  du  Maréchal 
qui  ne  fçait  aucune  anatomie  :  la 
ijcience  préliminaire  lui  manque 
tptalement,  &  lî  quelques-uns  des 
refTorts  de  l'animal  viennent  à  fe 
déranger,  comme  il  ne  connoît  ni 
leur  nature  ,  ni  leur  rapport  ,  ni 
leur  difpofition  ,  il  fe  conduit  au 
hazard  dans  les  remèdes  qu'il  em- 
ployé ,  &  s'expofe  à  des  fautes  irré- 
parables. S'agira-t-il  de  faire  quel- 
que opération  ?  il  cftropiera  le 
cheval;  faudra-t-il  ouvrir  un  abfccsî 
il- ouvrira  une  artère  confidcrable, 
&.  caufera  la  mort  n  l'animal. 

Ce  font  ces  conlidcrations  qui 
ont  engaç^é  M.  de  Garfault  à  tra- 
duire en  François  l'Anatomic  dont 
il  s'agit  ;  il  la  propofe  aux  Aïaré- 
chaux  de  bonne  volonté  &  encore  à 
tous  ceux  ijuife  mêlent  de  T art  de  la 
Cavalerie,  aufcjuels  il  la  croit  prepjne 
aujfi  necejfaire  cju'aux  gens  du  métier. 
Il  efperequ'ellefervira  beaucoup  à 
donner  de  l'émulation  aux  Maré- 
chaux François  ,  puifque  c'eft  un 
MarcchalAnglois  qui  l'acompofée, 
&  qui  apurement  ne  tenoitpas  à 
deshonneur  de  difTequer  des  cada- 
vres de  chevaux  pour  parvenir  à  la 
gloire  de  conferver  la  vie  &  la  fan:é 


S,     1755.  r4ï 

des  chevaux  dont  on  lui  confioit  le 
foin. 

Les  planches  qui  fe  trouvei^t 
dans  ce  Livre  ont  été  deflinées  & 
gravées  par  le  Tradudcur  même , 
il  s'eft  chargé  de  cette  peine  pour 
diminuer  le  prix  de  l'Ouvrage  &en 
rendre  par  ce  moyen  l'achat  plus 
facile.  Au  reftc  ,  il  dit  qu'il  fecroit 
le  premier  François  qui  ait  fongé  à 
publier  en  faveur  des  Maréchaux  ,' 
une  Anatomie  complctte  du  che- 
val ;  ce  qu'il  trouve  d'autant  plus 
furprenantque  les  Italiens,  les  Al^ 
lemans  ,  '  les  Ahglois  &  les  Efpa- 
gnbls  fe  font  avifés  depuis  ionc;-^ 
tems  d'écrire  fur  cette  matière  ,  & 
ont  donné  en  cela  un  exemple  qu'il 
étoit  facile  de  fuivre. 

Apres  la  Préface  du  TraduÇlcuï^ 
en  vient  une  où  l'Auteur  parle  îùi'- 
même ,  &  où  il  dit  que  parmi  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  penfent 
être  habiles  Maréchaux  ,  il  eft  rare 
d'en  trouver  qui  ayent  la  connoif- 
fance  de  l'animal  fur  lequel  il^ 
exercent  leur  profeflîoii  i  la  plupart 
ne  fçachant  ni  la  fituation  ni  l'ufa- 
ge  de  fes  paitics  ,  ce  qui  eft  caufe 
qu'ils  ne  peuvent  tirer  que  des 
conjectures  vagues  fur  le  lieu  &  fur 
la  nature  des  maladies  qui  lui  fur- 
viennent  ,  -enforte  ,  dit  il ,  qu'ils 
font  obligés  de  donner  leurs  rerrié- 
des  au  hazard  ,  &  ne  méritent  cjhc 
par  raillerie  le  nom  de  Doreurs  en 
Chevaux. 

L'Anitomie  eft  fans  doute  biert 
neceffaire  aux  Médecins,  mais  no- 
tre Auteur  prétend  qu'elle  l'eft  en- 
core davantage  aux  Maréchaux.  Les 
Médecins  ^  outre  les  lumières  que 


142  JOURNAL   D 

leur  fournifTcnt  le  pouls ,  les  urines 
&  les  fignes  pathognonioniqucs  de 
chaque  malndie  ,  trouvent  encore 
de  bien  plus  grands  fecours  dans 
les  récits  &  les  plaintes  que  font 
les  malades  ;  mais  le  Maréclul  a 
affaire  à  des  malades  incapables 
4'exprimer  ce  qu'ils  Tentent.  Il  lui 
faut  donc  une  connoillance  encore 
plus  grande  de  l'Anatomic  pour 
pouvoir  fe  paffer  de  tant  de  fecours 
qui  fe  prefentent  comme  d'eux- 
mêmes  au  Médecin,  &  connoître 
indépendamment  de  cela  ,  le  ficge 
&  la  qualité  d'une  maladie.  Le 
Medecm  apprend  d'ordinaire  de 
fes  malades  prefque  tout  ce  qu'il 
faut  qu'il  fçache  des  circonftances 
de  leurs  maux  j  mais  pour  le  Ma- 
réchal ,  il  tant  qu'il  découvre  pref- 
que tout  de  lui-mcnie  ,  ce  qui  ne  fc 
peut  faire  ,  s'il  n'a  une  connoiflance 
fingulicre  de  l'anatoniie  ,  c'eft  la 
neceflîté  de  cette  connoilfance  qui 
a  engagé  notre  Auteur  à  l'Ouvrage 
dont  il  s'agit.  Il  dit  qu'il  lui  a  tâllu 
en  cela  rompre  la  glace  ,  n'ayant 
trouvé perfonne  de  fpn  état,  qui 
lui  ait  frayé  le  chemin  ,  &  qu'il  ait 
pu  prendre  pour  modèle.  Il  avertit 
qu'il  a  copié  d'après  la  nature  mê- 
me les  figures  qu'il  donne  ,  mais 
qu'il  n'a  fait  graver  que  les  plus  ne- 
cefTaires  de  peur  de  trop  groffîr  le 
Volume.  Quelque  cxadles  cepen- 
dant que  foient  ces  figures  ,  il  ne 
veut  point  que  le  jeune  Maréchal 
s'y  repol'e  de  telle  manière  qu'il  né- 
glige de  confulter  dans  le  cheval 
même  les  parties  qu'elles  reprefen- 
tcnt  :  &c  pour  l'encourager  à  fe  don- 
ner cette  peine,  il  lui  dit  que  com- 


ES   SÇAVANS, 

me  il  n'clt  pis  polfible  de  former 
un  bon  Général  d'aimée  par  de  feu- 
les reprefentations  de  troupes,  fans 
lui  faire  acquérir  la  pratique  &  l'ex- 
pcricncc  ,  de  même  il  eft  inutile  de 
prétendre  qu'on  parviendra  à  une 
exaèle  connoifTincc  de  l'Anatomic 
du  cheval ,  par  le  feul  examen  des 
figures  Anatomiqucs. 

Mais  trouve-t-on  toujours  fous 
fa  main  ,  des  corps  de  chevaux  tels 
tjfii'U  les  finit  pouy  tes  dijfequer  ? 
L'Auteur  répond  qu'on  peut  fup- 
plcer  à  cette  difctte  ,  en  prenant  un 
Ane  ,  un  Mulet ,  un  Mouton ,  un 
Bœuf,  un  Cochon ,  ou  un  Chien  j 
tous  animaux  ,  dit-il ,  qui  reffem- 
blent  à  peu  de  chofes  près  ,  au  che- 
val pour  ce  qui  en  concerne  les  par- 
ties intérieures.  Au  rcrte  il  avertit 
que  quand'  on  voudra  diflequer  un 
cheval ,  le  plus  vieux  &  le  plus 
maigre  fera  toujours  le  meilleur  , 
parce  que  les  parties  en  feront 
beaucoup  phis  vifibles.  Après  ces 
Préliminaires ,  &  une  Table  con- 
tenant l'explication  de  plufieurs 
termes  anatomiques  ,  l'Auteur 
Anglois  entre  en  matière  :  il  parle 
d'abord  du  poil  du  cheval  j  puis  , 
de  la  peau  ,  du  pannicule  charnu  ^ 
de  la  graiffe  &  de  la  membrane 
commune  des  mufcles ,  des  parties 
propres  qui  entourent  le  bas-ven- 
tre. IlpalFc  de  là  au  péritoine  ,  à  la 
coèffc  ,  qui  couvre  les  intcftins ,  à 
l'éfophage&àl'eftomaCjaux  boïaux, 
aumefentere,  au  pancréas, au  foye,à 
la  rate  ,  &  il  examine  toutes  les  au- 
tres parties  du  bas-ventre.  Il  expo- 
fc  comment  le  poulain  eft  nourri 
dans  le  ventre  de  la  Jument  ,  quel- 


M  A  R 

les  font  les  membranes  qui  l'enve- 
loppent, &c.  il  traire  enfuite,  de  la 
génération  des  animaux  ovipares  &C 
de  celle  des  vivipares  ,  de  la  for- 
mation du  poulet  &  de  celle  du 
Lapin  :  les  parties  de  la  poitrine 
font  un  autre  article ,  tels  que  font 
entr'autres  le  cœur  ,  &  les  pou- 
mons ;  un  troifiérae  article  ou  Li- 
vre ,  comprend  la  tête  &  les  nerfsj 
lin  quatrième  ,  les  mufcles  &  un 
cinquième  les  os. 

Nous  ne  fçaurions  donner  des 
exemples  d'un  fi  grand  nombre  de 
matières  s  nous  nous  bornerons  à 
ce  qui  regarde  le  foye  :  l'Auteur 
examine  d'abord  une  qucftion  qui 
ne  regarde  pas  plus  le  foye  du 
Cheval  que  celui  des  autres  ani- 
maux ;  fçavoir ,  fi  la  tonétion  de  ce 
vifcere  ell  de  fervir  à  la  formation 
du  fang  ,  enforte  qu'il  en  foit  le 
feul  ou  du  moins  le  principal  in- 
ftrument  ;  il  fc  déclare  pour  la  né- 
gative ,  &  il  remarque  avec  tous 
les  Anatomiftes  modernes  que  l'o- 
pinion contraire  ell  une  vieille  er- 
reur, ce  qu'il  explique  au  long. 
Puis  il  examine  le  foye. 

Le  foye  eft  divifé  en  plufieurs 
lobes  dans  les  Chevaux  ,  ce  cjiti  le 
rend  ^  dit-on  ici  ,  bien  différent  de 
celui  des  hommes  ok  c'efi  un  corps  con- 
tinu. Ces  lobes  couvrent  l'eftomac 
du  Cheval ,  fe  prenant  à  lui  &  s'y 
étendant  prefque  comme  une  main  qui 
voudrait  prendre  ejuelque  chofe.  L'e- 
ftomac du  Cheval ,  pourfuit-on  ,  a 
grand  befoin  d'une  telle  couvertu- 
re ,  car  par  ce  moyen  la  chaleur  de 
ce  vifcere,  laquelle  fert  à  la  codion 
de  l'aliment  ^  eft  puifTamment  en- 
tretenue. 


5  ,     17  5?.^  14? 

La  fubftance  du  foye  ,  fa  ficua- 
tion  ,  fes  ligamens ,  fes  veines ,  fes 
artères ,  fes  nerfs,  fes  vaifieaux  lym- 
phatiques ,  &c.  font  ici  expofés  ; 
puis  on  vient  au  porc  biliaire ,  &  à 
la  veficule  du  fiel.    On  remarque 
que  la  plupart  des  animaux  ont  ime 
véficulc  du  fiel  pour  la  coUedion 
de  la  bile ,  &  outre  cela  un  porc  bi- 
liaire ,    mais  que  les  Chevaux  .& 
toutes  les  bêtes  qui  n'ont  point  li 
corne  du  pied  fendue  ,  auilî-bien 
que  les  Cerfs  ,  Daims ,  &  plufieurs 
autres ,  ont  feulement  le  pallagc  oa 
pore  biliaire  ,  &  n'ont  pomt  de  ve- 
ficule du  fiel ,  ce  qui  a  tait  dire  à 
quelques-uns  que  le  Cheval  n'avoit 
point  du  tout  de  fiel  ;  mais  notre 
Auteur  cite  là-delTus   le   Dodeuc 
Brown  qui   met   cette  penfée  au" 
rang  des  erreurs  vulgaires.  La  def- 
cription  du  pore  biliaire  ,  la  maniè- 
re dont  la  bile  eft  féparécdufang  , 
&C  l'uûge  de  cette  bile  ,   font  ici 
trois  petits  articles  -,  on  remarque  , 
à  l'égard  du  dernier,  que  le  fiel 
conjointement  avec  le  fuc  pancréa- 
tique, fait  dans  les  boyaux  du  Che- 
val ,  un  fuc  très-picquant,  &  que 
comme  le  Cheval  n'a  point  de  re- 
fervoir  du  fiel,  il  arrive  que  ce  fiel 
d(Jnt  le  caradere  eft  d'aiguillonner, 
paffant   fans    entremife  dans    \çs 
boyaux  du  Cheval  qui  font  extrê- 
mement longs  ,  y  fert  comme  de 
clyftere  perpétuel ,  ce  qui  fait  que 
les  Chevaux  fientent  plus  fouvent 
que  la  plupart  des  autres  animaux 

6  ce  qui  leur  eft  trcs-neceflàire 
tant  à  caufe  de  l'abondante  nourri- 
ture qu'ils  prennent  ,    que  de  la 
grandeur  6c  des  longues  circonvo- 
lutions  de  leuis  boyaux. 


144^      JOURNALD 

Apres  l'anatomic  du  Cheval,  on 
trouve  dans  l'original  Anglois ,  un 
difcouts  fur  le  mouvement  du 
chyle  &c  fur  la  circulation  du  fang  ; 
Difcours  que  le  Traducteur  a  cru 
devoir  placer  ici  au  commence- 
ment du  livre  qui  concerne  les 
parties  de  la  poitrine.  Ce  que  l'Au- 
teur y  dit  ,  ne  regarde  pas  plus  le 
mouvement  du  chyle  ,  &  la  circu- 
lation du  fang  dans  le  Cheval ,  que 
dans  les  autres  animaux  ;  mais  il  y 
rapporte  fur  ce  fujet  une  expérience 
qu'il  a  faite  fu;  le  Cheval ,  laquelle 
nous  crovons  devoir  expofer.  Il  s'y 
agit  de  la  manière  dont  le  fang  paf- 
fe  des  artères  dans  les  veines  ,  & 
voici  l'expérience  comme illa rap- 
porte lui-même. 

Ayant  faigné  un  Cheval  .\  mort, 
afin  que  fes  veines  &  artères  fuflent 
défemplies  plus  promptement 
dans  le  tems  qu'il  croit  encore 
chaud ,  )e  tirai  une  de  fes  artères 
carotides ,  à  laquelle  je  fis  une  ou- 
verture afTcz  près  de  la  poitrine  •,  je 
mis  une  plume  à  cette  tente  ,  &  je 
fouflflai  dedans  de  toute  ma  force  ; 
alors  j'apperçiJS  les  branches  des  ar- 
tères des  deux  cotez  de  la  face,  &c. 
qui  s'enfloient  auffi  bien  que  les  ar- 
tères carotides  de  l'autre  côté  du 
cou.  Mais  je  n'eus  pas  plutôt  cefTc 
de  fouffler  qu'elles  fe  vuiderent  &c 
s'applatirent  incontinent,  &  le  vent 
fut  poufle  vers  le  cœur-.  Voyant  ce- 
la ,  je  liai  l'artère  de  l'autre  côté 
vers  le  même  endroit  où  j'avois  fait 
le  trou  ,  afin  d'arrêter  le  progrès  du 
fouffle  ,  Si  ayant  foufïlé  une  fécon- 
de fois ,  il  arriva  que  les  artères  des 
deux  côtcz    s'enflèrent    extrême- 


ES  SÇAVANS, 

ment  ;  alors  je  fis  promptement 
une  ligature  au-deffus  du  trou  pour 
arrêter  le  vent,  ce  qui  ht  que  les 
artères  &  toutes  leurs  tranches  dans 
le  col ,  dans  la  face ,  &c.  continuè- 
rent à  être  étendues  ■■,  ce  qu'ayant 
examiné  pendant  un  tems  ,  j'Ôtft 
les  deux  ligatures ,  &  alors  les  ar- 
tères &i  leurs  branches  fc  vuiderentj 
mais  pendant  tout  ce  tems  les  vei- 
nes jugulaires  ne  furent  point  en- 
flées i  fur  quoi  je  crus  pouvoir 
conclure  que  les  artères  n'étoient 
pas  jointes  avec  les  veines ,  mais 
feulement  l'une  avec  l'autre  i  & 
pour  me  confirmer  davantage  dan» 
cette  opinion  ,  je  pris  enfuite  la 
veine  jugulaire  extérieure  d'un  cô- 
té ;  l'y  fis  un  trou  ,  &  )e  liai  la  mê- 
me veine  de  l'autre  côté  -,  je  mis 
ma  plume  dans  le  trou  que  j'avois 
fait ,  &  je  foufllai  dedans  comme 
j'avois  tait  précédemment  dans  les 
artères  ;  là-delTus  la  veine  jugulaire 
de  l'autre  côté  du  cou  s'enfla,  aullî- 
bien  que  celle  dans  laquelle  je  fouf- 
flois ,  &L  leurs  branches  fur  la  face  , 
&c.  Aulli-tôt  qu'elles  turent  toutes 
deux  remplies,je  les  liai  au-delTus  du 
trou  pour  renfermer  l'air  dedans , 
&  alors  les  deux  veines  &  leurs 
branches  continuèrent  à  être  enflées 
jufqu'à  ce  qu'ayant  détaché  les  liga- 
tures ,  les  veines  fe  vuiderent  dans 
le  moment  i  mais  pendant  tout  ce 
tems-là  les  artères  n'étoient  nulle- 
ment remuées  ;  ce  qui  me  perfuada 
de  plus  en  plus  qu'entre  les  veines 
&c  les  artères ,  il  n'y  avoit  point  de 
jonifVion  par  où  le  fing  put  pafler 
de  l'une  dans  l'autre  ,  mais  qu'on 
n'en  trouvoit  qu'entre  les  v.iiileaux 
de 


M  A  R 

de  la  même  efpece.' 

Telle  eft  l'expérience  que  notre 
Auteur  a  faite  pourfe  convaincre 
qu'il  n'y  a  point  d'anaftomofe  ou 
d'abouchement  des  artères  avec  les 
peines  ;  fur  quoi  nous  remarque- 
rons que  quand  il  nie  ces  abouche- 
mens ,  ce  n'eft  que  pour  ce  qui  re- 
garde la  circonférence  du  corps ,  & 
non  pour  ce  qui  regarde  certains 
vifceres  intérieurs  ■,  car  il  recon- 
noît ,  par  exemple ,  la  jonclion  de 
l'arterc  &  de  la  veine  pulmoHaire  , 
dans  les  poumons  :  celle  de  l'arterc 
&c  de  la  veine  fpleniquc  dans  la  ra- 
te, &c.  Il  avoiie  qu'y  ayant  une  cir- 
culation du  fang  ,  non  feulement 
dans  les  vifceres  intérieurs ,  mais 
dans  toute  la  fubftanee  du  corps, 
il  eft  difficile  de  comprendre  que 
cette  circulation  fe  puifle  accom- 
plir Il  les  artères  &  les  veines  ne 
s'abbouchent  pas.  Mais  il  tâche  de 
répondre  à  cette  difficulté ,  en  la 
manière  fuivante  :  les  Anatomiftes 
en  jugeront  ; 

il  faut  confiderer,  dit-il,  que 
dans  les  corps  vivans  toutes  les  par- 
ties font  beaucoup  plus  poreufes 
que  dans  les  corps  morts ,  &  que 
lorfque  le  mouvement  des  humeurs 
vient  à  cefler  ,  plufieurs  des  plus 
petits  partages  qui  leur  donnoient 
entrée,  s'applatilTcnt  &  fc  ferment, 
cnforte  que  li  l'expérience  qui  vient 
d'être  rapportée  ,  ne  laiiTe  voir 
dans  l'animal  mort  aucun  paffage 
par  où  le  vent  puifle  s'mfinuer  des 
artères  dans  les  veines  ,  ni  des  vei- 
nes dans  les  artères ,  il  ne  faut  pas 
dire  pour  cela  ,  qu'il  n'y  en  ait 
point  dans  les  corps  vivans  5  cai; 


S,  17?  ?•  ï^r 

quoi  qu'on  ne  puifle  accorder 
aucunes  jondions  de  l'une  à  l'autre 
dans  l'habitude  du  corps,  comme 
il  a  été  dit  ci-devant,  cependant  il 
y  a  une  voye  par  laquelle  les  hu- 
meurs coulent  de  l'une  à  l'autre , 
&  cela  fc  fait  ainfi  :  le  fang  artériel 
par  la  pulfation  du  cœur  eft  poufle 
hors  des  extiémitcz  des  artères 
dans  la  véritable  fubftancc  des  par- 
ties du  corps  ,  laquelle  étant  rare  & 
poreufe,  permet  au  fang  d'y  couler^ 
mais  ces  pores  étant  trés-étroits  ne 
peuvent  contenir  qu'une  très  petite 
quantité  de  ce  fing  ;  &  comme 
l'écoulement  eft  continuel ,  il  doit 
y  avoir  auffi  une  décharge  conti- 
nuelle i  c'eit  à  cet  ulagc  que  les  vei- 
nes font  deftinées  ;  elles  fuccent  par 
leurs  cxtrémitez  le  fang  des  artères 
qui  s'eft  pour  ainfî  dire  extravafé 
dans  la  fubftancc  des  parties  du 
corps ,  &  elles  le  rapportent  dans 
leurs  plus  larges  branches ,  qui  fc 
déchargent  dans  la  veine-cave  par 
laquelle  il  monte  au  cœur.  Qiie  le 
fang  des  artères  fe  répande  dans  k 
fubftancc  des  parties  où  les  artères 
coulent ,  l'Auteur  le  prouve  par  la 
raifon  qu'on  a  coutume  d'alléguer 
là-delfus  ,  qui  eft  que  fi  cela  n'étoit 
pas  ainfi  ,  ces  parties  ne  recevroicnt 
point  de  nourriture  du  fang.  Notre 
Auteur  dit  qu'il  ne  fçache  rien 
qu'on  puifle  obje(5tcr  contre  cette 
manière  d'expliquer  le  pallige  du 
fang  ,  des  artères  dans  les  veines ,  fî 
ce  n'eft  la  prompte  circulation  que 
les  plus  habiles  Anatomiftes  difenc 
être  fi  vive  que  le  plus  fouvent  tou- 
te la  maflc  du  fang  pafle  par  Iç 
cœur  dans  l'efpace  d'une  hi.ure. 


,4^  JOURNAL   D 

d'où  vient  t|ue  quelques-uns  pen- 
fent  qu'il  cft  abfolument  ncceflairc 
d'admettre  la  jondtion  de  l'arterc 
avec  la  veine,  fur-tout  aux  endroits 
du  corps  par  où  le  fang  coule  en 
plus  grande  abondance  de  l'une  dans 
l'autre  ,  ce  pafTage  ne  pouvant  pas 
pouvoir  fe  faire  fi  promptemcnt 
par  le  moyen  de  l'extravafion  , 
quoique  d'un  autre  côté  fi  l'on  con- 
fidere  la  nourriture  des  parties  , 
on  fe  fente  obligé  de  recourir  à  cet- 
te extravafion.  Mais  l'Auteur  oppo- 
fe  à  cette  objedion  ,  l'expérience 
•que  nous  venons  de  rapporter  ,  la- 
quelle lui  paroît  détruire  entière- 
ment la  jondion  des  veines  avec  les 
artères. 

Au  refte  il  vient  de  dire  que  fé- 
lon les  plus  habiles  Anatomiftes  la 
circulation  du  fang  fe  fait  toute  en- 
tiwc  dans  l'cfpace  d'une  heure , 
mais  nous  ne  fçaurions  guércs  nous 
difpenfer  de  remarquer  à  ce  fujet 
que  félon  d'autres  Anatomiftes  très- 
habiles  ,  ainfi  que  nous  l'avons  rap- 
porté dans  le  dixième  Journal  de 
1703.  il  arrive  très-fouvcnt  qu'elle 
fe  fait  jufqu'à  quinze  fois  &  plus  en 
une  heure ,  promptitude  qui  fem- 
ble  détruire  encore  bien  davantage 
le  fentiment  de  ceux  qui  fe  décla- 
rent pour  l'extravafation. 

Que  le  fang  puifle  circuler  tant 
de  foison  une  heure  ,  c'cft  ce  qui 
fe  démontre  par  le  calcul  fuivant , 
qui  eft  celui  de  M.  Bcrgerus  dans 
fon  Livre  intitulé  Phyjlologia  Ade- 
dica  ,  imprimé  à  Wittcmberg  en 
lyoï.  «Se  dont  on  trouvera  l'Extrait 
dans  le  Journal  que  nous  venons 
de  citer.  Ce  fcavant  Médecin  exa- 


ES   SÇAVANS; 

mine  combien  il  entre  de  fang  daris 
le  cœur  à  chaqn;:  fois  que  le  cœur 
s'ouvre.  Il  en  rcduit  h  quantité  à 
une  once  pour  chaque  ventricule  » 
quand  l'homme  eft  en  pleine  fantc 
éc  dans  la  fleur  de  l'âge ,  en  fortj 
que  quand  le  cœur  fe  reflcne  ,  3 
fort  une  once  de  fang  de  chaque 
ventricule  •,  or  ce  rellcrrement  o» 
cette  contradion  qu'en  terme  de 
Médecine ,  on  appelle  fyftole ,  ar- 
rive trois  mille  cinq  cens  fois  en 
une  heure ,  d'où  s'enfuit  qu'en  une 
heure  il  paffe  par  le  cœur  fept  mil- 
le onces  de  fang.  Cela  pofc ,  refte  à 
examiner  la  quantité  de  fang  conte- 
nue dans  le  corps  :  cette  quantité 
n'eft  pas  égale  dans  tous  les  hom- 
mes ,  les  uns  en  ont  feize  livres  ,' 
les  autres  vingt ,  les  autres  vingt- 
cinq.  Dans  ceux  qui  en  ont  feize  li 
circulation  du  fang  fe  doit  faire 
quinze  fois  toute  entière  dans  l'ef- 
pace  d'une  heure  ,  ce  qu'il  eft  biea 
difficile  de  concevoir  fi  le  fang, 
avant  que  d'entrer  dans  les  veines , 
fe  répand  dans  la  fubftance  des  par- 
ties. 

L'inftrudion  fur  la  manière  de 
diffequer  certaines  parties  du  Che- 
val difficiles  à  diftequer ,  enfeignc 
1°.  à  féparcr  de  la  peau  le  panniculc 
charnu ,  parties  qui  font  jointes 
enfemble  fi  étroitement  &  par  une 
fi  grande  quantité  de  fibres  &  de 
vaifteaux ,  qu'à  moins  d'une  gran- 
de attention  pour  les  féparcr 
on  court  rifque  d'enlever  d'un 
bout  à  l'autre  tout  le  pannicu- 
le  attaché  à  la  peau.  z'.  A  fcicr  le 
crâne  pour  l'ouvrir  j  3^.  à  enlever  la 
cervelle  ',  4°.  à  découvrir  les  ventri- 


'  M  A  R 

culesde  la  cervelle  ;  $".  à.  lever  les 
mufcles  des  yeux. 

Les  Obfervations  Phyfl^ues,  Anet- 
tomicjues  &  curieufes  fur  différentes 
parties  dti  corps  &  fur  quelques  mala- 
dies ^  contiennent  quatorze  articles. 
On  examine  dans  les  fîx  premiers 
ce  que  c'eftque  l'eau  du  péricarde  ; 
pourquoi  les  poiflbns  n'ont  qu'un 
ventricule  au  cœur  ;  quelle  eft  la 
caufe  qui  donne  au  fang  du  ventri - 
cule  gauche  du  cœur ,  la  couleur 
vive  dont  il  eft  ;  ce  que  c'eft  que  la 
réparation  mitoyenne  du  cœ-ur,  & 
les  pores  de  cette  féparation  :  quel- 
le eft  la  fubftance  des  poumons  ;  & 
s'il  eft  vrai ,  comme  l'a  cru  Hippo- 
crate  ,  que  quelque  partie  fine  de 
la  boiflon  fe  puifte  glilferpar  la  tra- 
chée artère  dans  les  poumons. 

Les  huit  autres  concernent  i^.la 
membrane  qui  entoure  les  pou- 
mons •,  i°.  la  morve  des  Chevaux  ; 
3°.  le  relâchement  des  mufcles  de- 
mi épineux  ;  4°.  le  fang  extravafé 
hors  des  vaifteaux  capillaires  de  la 
cuifTe-,  5°.  les  maux  du  gros  tendon 
du  jarret  i  6".  la  touxbure  ;  7°.  les 
jrteres  épigaftriques  Se  mammaires^ 
8°.  la  queftion  fi  un  animal  peut 
vivre  fans  rate. 

De  ces  articles  nous  n'en  ex- 
trairons que  trois ,  fçavoir  :  celui 
du  relâchement  des  mufcles  demi- 
épineux  ,  celui  du  fang  extravafé 
hors  des  vaifteaux  de  la  cuifte  ,  &c 
celui  de  la  fourburc.  Ces  trois 
exemples ,  avec  ce  que  nous  avons 
rapporté  jufqu'ici ,  fuffiront  pour 
donner  une  idée  de  l'Ouvrage. 

1°.  Dans  l'article  du  relâchement 
des  miilcles  demi-épineux ,  l'Au- 


S,     173?.  147 

teur  obferve  que  ce  qu'on  appelle 
l'effort  des  reins  d'un  Cheval  ^  eft 
plus  fouvent  le  relâchement  dont  il 
s'agit ,  qu'une  diflocation  des  ver- 
tèbres des  reins.  La  paire  des  muf- 
cles demi-épineux  ,  dont  on  trou- 
vera la  dcfcription  dans  le  Chapitre 
des  mufcles  du  dos  &  des  reins , 
pag.  244.  eft  fujette  à  divers  acci- 
dens,  dontlesplus  ordinaires  vien- 
nent de  ce  qu'on  aura  trop  chargé 
un  Cheval ,  ou  de  ce  qu'on  l'aura 
trop- tôt  deftelé  quand  il  aura  eu 
chaud ,  ce  qui  caufe  à  ces  muf- 
cles ,  dit  notre  Auteur  ,  tm  refroi' 
diffement  &  un  relâchement  qui  les 
prive  en  quelque  manière  de  fentiment 
&  de  mouvement^  en  forte  que  le  Che- 
val devient  inutile  :  le  même  acci- 
dent vient  auftî  trcs-fouvent  de  lui- 
même  aux  Chevaux  vieux  &  mai- 
gres ,  foit  par  foiblcfte  ,  foit  parce 
qu'ils  abondent  en  humeurs  phleg- 
iTiatiqaes  ;  car  alors  les  mufcles 
dont  il  s'agit  fe  relâchent  fi  tort  , 
qu'à  peine  le  Cheval  peut-il  porter 
Ion  corps.  Notre  Auteur  penfc 
qu'il  n'y  a  rien  de  meilleur  dans  ce 
dernier  cas  ,  que  de  donner  au  Che- 
val une  fortifiante  nourriture ,  8c 
d'appliquer  en  même  tems  quelque 
emplâtre  qui  ranime  &c  confolidc 
la  partie  relâchée. 

A  l'égard  des  Chevaux  qui  ont 
conrradré  ce  mal  pour  avoir  fouffert 
du  refroidiflcment ,  notre  Auteur 
confeille  de  leur  donner  intérieure- 
ment des  remèdes  chauds  &  con- 
fortatifs ,  d'appliquer  auftî  fur  la. 
partie  relâchée  quelque  peau  de 
mouton  toute  chaude  &c  fouvent 
renouvcUée ,    ou  de  les  faire  luer 


148  JOURNAL    D 

dins  un  tas  de  fumier  ,  &  après 
qu'ils  en  font  fortis  de  leur  appli- 
quer fur  les  reins  une  emplâtre 
fortifiante. 

Pluiîeurs  Maréchaux  prennent 
toutes  les  maladies  de  ce  genre  , 
pour  une  diflocation  des  reins  : 
mais  la  plus  commune  caufe  de  cet- 
te foiblefTe  ,  félon  notre  Auteur , 
cft  la  trop  grande  extenfion  des 
mufcles  demi-épineux  -,  il  avoiie 
cependant  que  les  reins  du  Cheval 
fe  trouvent  quclquetois  difloqués, 
£c  il  raconte  avoir  vu  dans  un  Che- 
val ,  non  feulement  toutes  les  par- 
ties mufculaires  comme  brifées ,  & 
plu  fleurs  Àc  leurs  intervalles  rem- 
plis d'une  humeur  congelée  ,  mais 
avoir  vu  encore  dans  ce  Cheval, 
une  forte  diflocation  à  l'endroit  où 
l'os  Sacrum  fe  joint  à  la  dernière 
vertèbre  des  reins.  Il  prétend  que 
cette  maladie  eft  rarement  curable, 
&  que  f\  on  vient  quelquctois  à 
bout  d'y  remédier ,  ce  n'eit  que  par 
de  grands  foins  &  de  longs  ména- 
gemcns. 

Pour  ce  qui  eft  de  l'article  qui 
<:oncerne  le  fang  extravafé  hors  des 
vaifTeaux  capillaires  de  la  cuifle  du 
Cheval,  l'Auteur  obferve  d'abord, 
qu'il  laut  par  la  diffedlion  fe  bien 
mettre  au  fait  des  trois  mufcles  de 
la  cuiiîe ,  nommés  le  droit ,  le  vafte 
externe  ,  Se  le  vafte  interne  j  parce 
<jue  l'on  verra  alors  comme  ces 
mufcles  fe  joignent  tous  trois  &c 
forment  par  leur  union  un  tendon 
très-large  &  très-fort  qui  envelop- 
pe la  rotule  de  la  cuilTe  &  la  main- 
tient fi  ferme  en  fa  place  fur  la  join- 
çoie  de  l'os  du  haut  de  h  cuilTc  avec 


ES    SÇAVANSi 

l'os  du  bas  de  h  cuilfc  ,  que  cette 
rotule  n'en  peut  jamais  ,  ou  que 
très-rarement,  être  déplacée,  cnfor- 
te  que  i\  cette  partie  eft  fouvcnt 
afFcciée  par  des  extenfions  violentes 
&  des  cntorfes ,  notre  Auteur  alfu- 
re  n'y  avoir  cependant  jamais  ap- 
perçû  aucune  véritable  diflocation. 
Il  avoiie  qu'il  peut  arriver  pai 
quelque  accident  que  la  rotule  foit 
amenée  d'un  côté  ou  d'un  autre  ^ 
mais  il  foûtient  qu'alors  elle  eft 
aufli-tôt  remifc  en  fon  lieu  par  l'ac- 
tion de  ce  tendon  compofé  &  liga  - 
menteux  qui  fur  le  champ  revieirt 
comme  un  rcfl^ort,dans  fa  première 
fituation  ,  &  ramené  en  même 
tems  l'os  auquel  il  eft  attaché  -,  de 
forte  ,  dit-il ,  que  ce  qui  eft  com- 
munément pris  pour  une  difl.oca- 
tion  de  h.  rotule  ,  paroît  plutôt  ve- 
nir d'un  fang  extravafé  liors  des 
vailfeaux  capillaires  qui  fouventfe 
rompent  par  de  grandes  extenfions: 
le  fang  s'étant  gâté  &  épaifli  dans 
les  efpaces  qui  fe  trouvent  entre  les 
membranes  &  les  mufcles  ,  afTedlc 
les  parties  fcnfiblcs  du  voifinage, 
ce  qui  cauic  au  Cheval  la  grande 
douleur  qu'on  voit  fucceder  à  de 
tels  accidens.  Les  moyens  dont  no- 
tre Auteur  veut  qu'on  fe  ferve  pour 
guérir  ce  mal ,  font  d'échauffer  d'a- 
bord la  partie  avec  des  huiles  péné- 
trantes avant  que  le  fang  foit  con- 
gelé; mais  lî  ce  remède  ne  fait  rien, 
d'en  venir  à  fendre  la  peau  ,  puis  de 
fouffler  dans  l'ouverture  pour  fépa- 
rcr  l'un  de  l'autre  les  deux  cotez  de 
la  peau ,  &  procurer  par  ce  moyen 
une  libre  fortie  à  la  matière  conge- 
lée r  ce  remède ,  dit  l'Auteui ,  guic- 


M  A  R 

ïitle  Clieval  de  façon  ,  que  dans  la 
fuite  il  ne  fe  teffent  plus  de  fa  mala- 
die ;  par  où  on  voit ,  continue-t-il , 
que  s'il  étoit  vrai  ,  comme  le 
croyent  bien  des  Maréchaux  ,  que 
l'os  fut  déplacé  ,  cette  manière  de 
procéder  qui  eft  d'écarter  les  deux 
peaux ,  donneroit  encore  plus  de 
facilité  à  l'os  de  fortir. 

Pour  ce  qui  efl:  de  la  fourbure  , 
voici  ce  que  l'on  obferve  là-delTus  : 
îorfque  les  fibres  des  tendons  qui 
s'attachent  au  petit  pied  pour  le 
mouvoir  font  affei^ées  par  quelque 
accident ,  ce  qui  s'appelle  fourbu- 
re, les  Chevaux  en  fontlîincom- 
-modés  qu'à  peine  peuvent-ils  mar- 
cher. Cette  maladie  eft  très  difficile 
à  guérir  ,  parce  que  ,  comme  le  re- 
marque notre  Auteur ,  les  fibres 
-dont  il  s'agit  ont  beaucoup  de  por- 
tée &  que  plufieurs  de  ces  fibres 
écoulent  au  côté  fuj)érieur   de  l'os 


S;    ï75  5^  149 

entre  cet  os  &c  la  corne  ;  de  forte 
-que  la  corne  croiffant  fur  les  côtcz 
du  pied,  comme  la  folle  fait  au- 
deilous ,  c'eft  un  grand  hazard  fî  on 
-guérit  ce  mal  en  dcfTolant  feule- 
jnent ,  &  en  n'enlevant  pas  auS 
une  partie  de  la  corne.  Notre  Au- 
teur dit  qu'il  n'efl  pas  le  feul  qui 
foit  de  cette  opinion  &  il  fe  fonde 
fur  l'expérience  de  ceux  qui  ont 
guéri  des  Chevaux  fourbus  ,  en  d4? 
coupant  la  corne  depuis  la  couron- 
ne jufqu'cn  bas  en  cinq  ou  iîx  en- 
droits ,  Se  jufqu'à  y  faire  venir  le 
fang  ;  puis  en  appliquant  les  remè- 
des convenables.  Guérifons  qu'Us 
ne  feroient  pas  venu  à  bout  de  faire, 
en  deiTolant  feulement. 

U  feroit  à  fouhaiter  que  l'Auteur 
ne  fe  fût  pas  contenté  de  quelques 
Obfcrvations  fur  les  maladies  des 
Chevaux  ,  mais  qu'il  eût  donné  là- 
deflus  un  Traité  complet. 


R  E  R  U  M    I  T  A  L  I  C  A  R  U  M     S  C  R  I  P  T  O  R  E  S  ,  C^v; 

C'eft-à-dire  :  Recueil  des  Ecrivains  di  l'Hifloire  d' Italie ,  depuis  l'an  50D. 
jufcjH'hran  1500.  P^^ ^.  MuRAXORi.  Tome  IX.  col.i^'^%.  A  Milan, 
par  la  Société  Palatine.  i-jt6. 


CE  neuvième  Volume  eft  dédié 
à  Antoine  I.  Duc  de  Parme  & 
de  Plaifance.  Toutes  les  Pièces  qui 
le  compofent  n'avoient  pour  la 
plupart  point  encore  vu  le  jour.  On 
y  trouve  1°.  une  Chronique  de  Gê- 
nes ,  depuis  l'origine  de  cette  Ville 
jufqu'à  l'an  1297.  par  Jacques  de 
Varagine,  Archevêque  de  la  même 
"Ville.  Ce  Prélat ,  célèbre  parmi  les 
Ecrivains  Ecclefiaftiques ,  eft  ordi- 
jiairement  connu  fous  le  nom  jde 
yoragine,  nom  qui,  fi  l'on  croit 


Tritheme  ,  lui  avoit  été  donné  à 
caufe  de  la  protondeur  de  fa  fcience 
dans  les  Saintes  Lettres.  M.  Mura- 
tori  rejette  avec  raifon  une  étyrao- 
logie  fi  forcée  ,  &  prétend  que  Je 
véritable  nom  de  l'Auteur  eft  f^a- 
ragine  ,  de  Varagio  lieu  de  fa  najf- 
fance  &:  fitué  à  dix  mille  de  Savonc. 
D'où  ,  fuivant  la  coutume  ordinai- 
re des  Religieux  en  ce  tems-là  ,  il 
avoit  pris  ce  furnom. 

On  fçait  encore  que  Jacques  en- 
tia.d'aboid  dans  l'Ordre  des  f  reies 


lyo  JOURNALD 

Prêcheurs  ,  &c  qu'il  Fut  nommé  Ar- 
chevêque de  Gênes  en  1292.  il  vé- 
cut en  grande  réputation  de  fcicnce 
&  de  pieté  i  on  ne  peut  conteftcr 
ic  premier  ,  mais  à  l'égard  du  fé- 
cond ,  il  fuffitde  fe  rappcUcr  la  Lé- 
gende dorée  dont  il  eft  l'Auteur, 
pour  fc  former  une  juftc  idée  de  cet 
Ecrivain. 

Blondus  ,  &  Philippe  de  Berga- 
me  racontent  que  Bonilace  VIII. 
qui  le  regardoit  comme  attaché  à 
la  fadlion  impériale  ,  en  lui  don- 
nant des  cendres  le  premier  jour  de 
Carême  ,  au  lieu  des  paroles  ordi- 
naires dans  cette  cérémonie ,  em- 
ploya celles-ci  ,  fonvene'^vous  ejue 
vous  êtes  Gibellin  ,  &  cjiie  vous  re- 
toumereX^en  poudre  avec  vos  Gibel- 
lins.  Mais  M.  Muratori  prérend 
que  fi  ce  fait  eft  vrai  ^  il  a  dû  pliitôt 
arriver  à  Porchetto  Spinola  fon 
SuccelTeur  dans  l'Archevêché  de 
Gênes ,  qui  véritablement  tomba 
dans  la  difgrace  dcBoniface  VIII.  au 
lieu  que  refprit  pacifique  dcjacques. 
ne  donne  pomt  lieu  de  croire 
qu'il  fe  foit  jamais  attiré  un  trait  pa- 
reil. Ce  Prélat  mourut  en  1298. 

Les  autres  Ouvrages  qu'il  avoit 
compofés  ,  &  dont  U  nous  donne 
lui-même  le  Catalogne  ,  dans  fx 
Chronique,  font  depuis  long-tems 
entre  les  mains  des  Sçavans  ;  cette 
Chronique  n'avoit  point  encore  vu 
le  jour  i  quoiqu'il  y  ait  des  chofes 
très-curicufcs  &  propres,  fur-tout  .\ 
éclaircir  l'Hiftoire  Ecclciîaltiquc  de 
Gênes  ,  dont  il  oublie  cependant 
quelques  Evêqucs  ,  elle  eft  remplie 
de  tant  de  f.ibles ,  de  digreflîons  6c 
de  bévûLs  que  M.  Muratori  n'a 


ES  SÇAVANS, 

pu  prendre  fur  lui  de  nous  U 
donner  toute  entière  ;  mais  dans  U 
crainte  qu'on  ne  l'accusât  de  facri- 
ficr  à  fon  propre  goiît  les  endroits 
qu'il  retranche  ,  il  a  pris  la  précau- 
tion d'en  donner  le  précis  dans  des 
Notes. 

2°.  Un  Poème  fur  ce  qui  s'cft  fait 
à  Milan  fous  Othon-Vifconti  Ar- 
chevêque de  cette  Ville  ,  par  Ste- 
phanardvis  de  Vicomercato  de 
l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs.  Cet 
Auteur  éroit  de  Milan ,  d'une  fa- 
mille qui  eft  encore  aujourd'hui 
fort  diftinguée  ,  les  liaifons  qu'il 
avoit  avec  Othon-Vifconti ,  le  pre- 
mier qui  a  jette  les  fondemens  de 
lagrandeur  où  cette  famille  eft  par- 
venue depuis ,  l'engagèrent  à  écrire 
ce  qui  s'étoit  palfé  de  fon  tems  àMi- 
lan.  Ce  Prélat,  après  en  avoir  chaftè 
les  Seigneurs  Della-Turre,  fe  rendit 
maître  du  temporel  &  du  fpiritucl 
de  cet  Etat  en  1277.  &  vécut  juf- 
qu'en  1295.  comme  on  le  voit  dans 
fonEpitaphe.Sthcphanardus  a  décrit 
cet  évcncmcnr  avec  exactitude ,  & 
M.  Muratori  affure  qu'il  y  a  peu 
d'Hiftoriens  qui  parlent  plus  judi- 
cieufement  que  lui  de  ce  qui  regar- 
de le  Milanois.  Sa  verlihcation 
n'cft  pas  mauvaife  ,  fi  on  a  égard 
au  tems  où  il  vivoit.   Il  mourut  en 

M.  Muratori  avoit  déjà  donné  au 
public  ce  Pocme  dans  le  troifiéme 
Tome  de  fes  Anecdotes ,  mais  affez 
imparfait.  Il  nous  le  prcfcntc  au- 
jourd'hui plus  exad:  &  enrichi  de 
Notes ,  il  avoiie  cependant  qu'il  y 
a  encore  quelques  lacunes  &  quel- 
ques endroits  obfcurs  ^  fui  lefquels 


M  A  R 

il  n'a  ïépn^u  auamcs  lumières , 
foit  parce  qu'il  a  craint  d'ennuyer 
le  Ledcur  en  multipliant  les  remar- 
t^ues,  foit  même  par  rimpoflibili- 
té  où  il  s'eft  trouvé  de  rien  dire  qui 
le  contentât. 

3°.  Pomaritim  Ravemiatis  Eccle- 
{ÎA  ,  ou  Hiftoire  Univerfelle  depuis 
i'an  700.  jufqu'à  l'an  1297.  L'Au- 
teur, à  qui  les  Manufcrits  donnent 
le  titre  de  Ricobaldo  de  Ferrare,  & 
&  auquel  Jérôme  Rubeus  dans  fon 
Hiftoire  de  Ravenne  ,  ajoute  ,  fans 
nous  en  apporter  de  preuve,  le 
îiom  de  Gervais  avec  k  qualité  dç 
Chanoine  de  Ravenne,  avoit com- 
mencé fon  Ouvrage  avec  la  naif- 
fance  du  monde.  Malgré  l'érudi- 
tion de  Ricobaldo  ,  comme  dans 
tout  ce  qui  regarde  les  anciens 
tems  ,  il  n'avoitfait  fuivantla  cou- 
tume des  Sçavans  de  ce  ficcle  que 
copier  fans  difcernemcnt  ceux  qui 
l'avoient  précédé ,  l'habilç  Editeur 
a  fuprinié  une  compilation  iî  en- 
nuveufe  pour  fe  borner  à  ce  que 
l'Auteur  a  de  curieux  ,  &  d'interef- 
fant.  Dans  les  tems  qui  approchent 
de  celui  où  il  vivoit,  il  n'y  a  per- 
fonne  qui  ne  fente  la  fupcriorité 
qu'il  a  fur  tous  les  autres  Hiftoriens 
de  ce  fiécle ,  foit  pour  le  fonds  des 
chofes  ,  foit  par  la  manière  même 
de  les  raconter.  On  y  lira  fur-tout 
avec  plaifir  ce  qu'il  rapporte  de  la 
groffiereté  des  mœurs  des  Italiens 
en  l'année  1234. 

Cette  Edition  ctoit  déjà  prête 
à  voir  le  jour  ,  lorfque  Monlîeur 
Muratori  apprit  qu'il  avoit  été  pré- 
venu par  Jean-George  Eccard  qui  a 
inféré  notre  Auteur  dans  le  premiei 


S;   1755-  ijT 

Tome  de  la  Colleûlon  des  Ecri- 
vains du  moyen  âge,  impiinuc  en 
a  Tomes  à  Leipfic  fur  un  Mf.  de  la 
Bibliothèque  du  Duc  de  Volfenbu- 
tel. 

Il  y  a  joint  deux  autres  Ouvra- 
ges ^  le  premier  fous  le  titre  de 
Compilation  Chronologique  de- 
puis le  commencement  du  mondç 
jufqu'à  l'an  1313.  Ce  n'eftquel'a-' 
bregé  du  Pomarimn  ,  &  prefquc 
toujours  avec  les  mêmes  expref- 
fions  dont  Ricobalde  s'étoit  fervi ,' 
ce  qui  a  engagé  M.  Eccard  .1  l'attri- 
buer à  cet  Auteur.  Le  fécond  Ou- 
vrage eft  une  Chronique  compofée 
par  le  Chevalier  Jean-Philippe  de 
Lignamine  de  Meflîne  ,  Imprimeur 
Romain ,  qui  a  continué  cette 
Compilation  jufqu'à  l'an  1 4^5 .  il 
la  fit  imprimer  à  Rome  en  1474. 
&  la  dédia  au  Pape  Sixte  IV.  auquel 
il  étoit  attaché.  M.  Muratori  a  cru 
qu'on  reverroit  ici  ces  trois  Auteurs 
avec  d'autant  plus  de  plaifir  que  le 
Mf.  d  Eft  qu'il  a  fuivi  dans  cette 
nouvelle  Edition  eft  plus  complet, 
&  plus  corred:  que  ceux  dont  M. 
Eccard  s'eft  fervi.  Il  relevé  même 
une  erreur  alTez  confiderable  dans 
laquelle  ce  Sçavant  eft  tombé. 

4°.  La  Chronique  des  Empereurs 
Romains  depuis  Charlemagne  juf- 
qu'à Othpn  IV.  traduite  en  Italiea 
par  le  Comte  Mathieu-Marie  Bo- 
jardo-Ferrarois  fur  le  Latin  de  Rico- 
taldo  auiïî  Ferrarois. 

M.  Muratori  avolie  que  quel- 
ques recherches  qu'il  ait  taites ,  Ja- 
mais il  n'a  pu  trouver  le  prétendu 
original  Latin  de  cette  Hiftoire  j  il 
lui  paroît  même  très-probable  que 


tSi.        JOURNAt    DE 

leBojardo  en  cft  le  véritable  Auteur, 
Se  qu'il  ne  l'a  mife  fous  le  nom  de 
Ricobalde  que  pour  mieux  accré- 
diter les  fables  dont  elle  eft  rem- 
plie. Aullî  M.  Muratori ,  avoLic-t- 
U  qu'il  a  long  tems  balancé  à  la  ti- 
rer des  ténèbres  où  jufqu'alors  elle 
avoir  été  cnfévclie.  Il  convient 
que  l'ordre  des  tems  y  eft  par-tout 
renverfé  ,  que  les  Généalogies  des 
familles  y  font  confondues ,  que  le 
îojaido  eft  aulH  Poète  dans  cette 
Chronique  qu'il  l'eft  dans  fôn  Ro- 
land amoureux ,  Orlando  Innarno- 
rato  ,  en  un  mot  que  les  erreurs  y 
fourmillent.  Citiiis  ,  dit-il ,  AugiA 
Stabulnm  ,  quam  Rïcohddi  Librum 
furgares  ,  il  demande  cependant 
qu'il  lui  foit  permis  de  la  donner 
comme  un  Roman ,  ou  comme  il 
s'exprime  encore  veluti  Corvo  tnter 
Olores  lociim  dare.  On  aura  du 
moins  le  plaifir  d'y  voir  les  fources 
où  leBojardo  même  &  l'Ariofteont 
puifé  les  avantures  extraordinaires , 
ôi  les  noms  chimériques  de  ces 
Princes  fameux  dont  ils  ont  bigarre 
leurs  Ouvrages ,  car  ils  ne  font  pas 
les  Auteurs  de  ces  fiâ:ions  ,  elles 
avoient  été  forgées  long-tems  avant 
eux. 

On  ne  fcait  au  jufte  en  quel 
tems  notre  Auteur  publia  cette 
Hiftoire.  Il  faut  qu'il  l'ait  écrite 
entre  l'année  1471.  que  le  Duc  de 
Ferrare  ,  Hercules  Marquis  d'Eft  , 
auquel  il  la  dédia ,  a  commencé  de 
régner  ,  &  l'année  r454.  que  le  Bo- 
)ardo  mourut,  il  avoit  été  en  grande 
condderation  fous  les  Ducs  de  Fer- 
rare  ^  qui  le  firent  Gouverneur  de 
Rcgio.  Cet  Ouvrage  a  été  imprime 


5  SÇAVANS, 

fur  un  Mf  de  la  Bibliothèque  de* 
Religieux  Camaldules  dcRaveime,, 
Se  on  en  a  retranché  tout  ce  qui 
précède  le  tems  de  Charlemagne. 

f".  L'Hiftoire  de  l'Héréiiarquc 
Dulcin  de  Nouarre  depuis  1504.. 
jufquVn  I J07.  par  un  Auteur  con- 
temporain. 

On  doit  cette  Hiftoire  à  l'atten- 
tion de  M.  Saffi ,  qui  l'a  rirt^  de  la 
Bibliothèque  Ambroifienne  ,  65 
qui  y  a  ajouté  quelques  notes. 

Il  cft  furprenant  que  cet  Auteur^ 
qui  ne  parle  jamais  de  Dulcin  ni  de 
fes  fentimens  qu'en  y  joignant  les 
épitétes  de  dércftable  &  d'abomina-; 
ble ,  &  qui  les  raconte  en  détail ,' 
ne  dife  pas  un  feul  mot  des  affreufes 
impudicitcz  dont  ce  chef  d'héréfie 

6  fes  Sénateurs  ont  été  accufés.  M. 
Muratori  convient  que  te  bruit  pu- 
blic grollit  fouvent  les  crimes  de 
ces  fortes  de  gens ,  mais  cependant 
il  croit  qu'on  ne  peut  s'empêcher 
de  croire  Evmeric  qui  rapporte 
qu'ils  prétendoient  que  tout  dévoie 
être  commun  ,  même  jufqu'aux 
femmes  mariées  ;  la  même  chofeeft 
confirmée  par  S.  Bonaventure,  Ber- 
nard de  Luxembourg  ,  Blondus  & 
plufieurs  autres. 

6".  Une  Addition  à  l'Hiftoirc 
précédente  tirée  encore  de  la  Bi- 
bliothèque Ambroifienne 

L'Auteur  qui  l'a  écrite  parle  com- 
me témoin  oculaire ,  il  nous  donne 
l'extrait  de  trois  Lettres  que  ce  fa- 
natique avoit  adreftecs  à  tous  les 
Fidèles  de  J.C  On  y  voit  que  Dul- 
cin le  donnoit  pour  Prophète  ,  &C 
qu'il  prétendoit  prouver  entr'au- 
tres ,  par  difierens  Textes  de  l'E- 
criturç 


M  A  R 

sritufe  que  le  Pape  ,  les  Evêqucs , 
les  Cardinaux  &  fur-tout  les  Frères 
Mineurs  &  les  Prêcheurs  qu'il  haif- 
foit  mortellement ,  dévoient  périr 
par  l'épée  du  Seigneur ,  quand  j  e- 
cris  ceci  en  131^.  dit  l'Auteur,  il  y 
«  <lix  ans  que  le  tems  qu'il  avoit 
marqué  pour  l'accompliirement  de 
ces  Prophéties  ,  eft  palTé.  Il  rappor- 
te en  20.  articles  les  principales  er- 
reurs de  Dulcin  ■■,  le  précis  du  quin- 
zième qui  eft  exprimé  en  termes 
qui  pourroient  allarmer  la  pudeur  , 
eft  que  toutes  fortes  de  libertez 
étoient  permifes  aux  deux  fexes 
l'un  avec  l'autre  ;  l'Auteur  avoiie 
néanmoins  qu'il  étoit  fort  difficile 
de  fçavoir  exaiitement  les  erreurs 
de  ces  Hérétiques  ,  parce  qu'ils 
croyoient  qu'il  leur  étoit  permis  de 
fe  parjurer  pour  cacher  leurs  vrais 
fentimens. 

7°.  Une  Chronique  de  Florence, 
écrite  en  Italien  par  Dino-Compa- 
gni  depuis  l'an  liSo.  jufqu'à  l'an 
1311.  M.  Muratori  s'étonne  qu'un 
Auteur  déjà  connu  ,  &  dont  les 
Académiciens  de  la  Crufca  ont  em- 
ployé plufieurs  expreflîons  avec 
éloge  dans  leur  Diftionnairc  ,  n'ait 
point  encore  trouvé  d'Editeur 
moins  ancien  que  Ricordano-Ma- 
iefpini  ;  &  pofterieur  à  Villani  qui 
ont  aulTi  compofé  l'Hiftoire  de 
Florence  ,  M.  Muratori  le  préfère 
d'ailleurs  àces  deux  Hiftoriens. 

Dino-Compagni  fut  élevé  aux  pre- 
mières dignitez  de  fa  patrie  &  fur- 
toutàcelledeGonfalonier  dejuftice. 
On  n'eft  pomt  alîuré  de  l'année  de 
fa  mort.  Il  a  continué  fa  Chronique 
iufqu'en  1312.  mais  il  a  vécu  plus 
Mars, 


S  .    I  73  î-  lyj 

long-tems  ,  puifqu'ii  fit  depuis  ce 
tems-Ià  un  Difcours  au  Pape  Jean 
XXII.  qui  eft  imprime  ;  il  nous  re- 
fte  quelques-unes  de  fes  Pocfies , 
qui  montrent  qu'il  étoit  aulfi  bon 
Poète  que  bon  Hiftorien.  Il  étoit 
d'un  caractère  11  plein  de  modéra- 
tion ,  qu'on  ne  fçauroit  deviner  par 
la  manière  dont  il  raconte  les  cho- 
fes ,  s'il  étoit  Gibelin. 

8°.  Un  Synode  tenu  à  Bergame 
l'an  13 II.  parCafton  ,  ouCafTon  , 
Archevêque  de  Milan  ,  ce  Prélac 
vivoit  dans  le  tems  où  Ip  Milanois 
croit  défolé  par  la  fadion  des  Guel- 
phes  &c  des  Gibelins ,  il  fouffrit 
beaucoup  de  leur  animofité.  Après 
avoir  été  chafTé  de  fon  Siège  par 
Gui  délia  Turre  ,  un  de  fes  pro- 
ches parens ,  qui  étoit  le  chef  du 
parti  des  Guelphcs  ,  &  rétabli  en- 
fuite  par  l'Empeur  Henri  de  Lu- 
xemboug ,  il  fut  obligé  de  s'exiler 
lui-même  ,  &  il  mourut  Patriarche 
d'Aquilée.  11  eft  aifé  d'apperccvoir 
qu'au  milieu  de  ces  troubles  les 
biens  des  Ecclefiaftiques  étoient 
fouvent  expofès  au  pillage  ;  il  n'cfl: 
donc  pas  furprenant  que  la  plupart 
des  Canons  ,  ou  plutôt  des  Ralin- 
gues de  ce  Concile  ,  car  c'eft  ainfi 
qu'ils  font  intitulés ,  établiflenr  des 
peines  contre  ceux  qui  violeront 
les  immunitez  Ecclefiaftiquesi  dans 
un  Canon  où  la  modeftie  eft  recom- 
mandée aux  Clercs ,  il  leur  eft  dé- 
fendu de  porter  le  capuce  fur  la  tête 
comme  les  Laïques  ;  &  on  leur  en- 
joint au  contraire  de  le  laifler  tom- 
ber fur  les  épaules  ,  &  de  ne  fc 
couvrir  que  d'un  bonnet  Biremm^ 
ufage  que  nos  Prélats ,  ont  encore 
confeivé.  V 


i;4  JOURNAL    D 

M.  Saffi  n'ayant  pu  retrouver  les 
Aftcs  originaux  de  ce  Concile 
qu'on  confervoit  autrefois  dans  les 
Archives  de  l'Archevêché  ,  a  cru 
rendre  un  fervice  important  à  i'E- 
olilc  de  le  faire  imprimer  fur  une 
copie  qui  fe  trouve  dans  la  Biblio- 
thèque Ambroificnne  j  mais  dans 
laquelle  on  a  omis  les  fignatures 
des  Evcques  qui  y  affilièrent.  Il  y  a 
lieu  de  croire  que  Caffon  fit  tenir 
ce  Synode  à  Bergamme ,  dans  un 
tems  où  il  étoit  chafle  de  fa  Ville 
Archiepifcopale. 

9°.  La  Chronique  de  Frère  Fran- 
çois Pipin  de  l'Ordre  des  Prédica- 
teurs. Son  Hiftoire  remonte  juf- 
qu'à  l'origine  des  Rois  de  Fran- 
ce ?c  va  jufqu'cnviron  l'an  1314. 
qui  cft  le  tems  où  l'Auteur  même 
vivoir^mais  comme  depuis  ce  fiéclc 
jufqu'au  12%  il  ne  tait  que  copier 
pour  ainfi  dire  mot  pour  mot  Egi- 
nard ,  F^ugue  de  Flavigny ,  Sige- 
bert,  le  fauxTurpin,  Landulphe 
l'ancien,  Martinus,  Polonus,  Guil- 
laume de  Mamefbury ,  Vincent  de 
Bcauvais  &  plufieurs  autres  Ecri- 
vains ,  tant  bons  que  mauvais,  M. 
Muratori  a  cru  que  le  Ledleur  ai- 
mera mieux  chercher  i'Hiftoire  de 
CCS  tems  dans  les  fourccs  que  dans 
les  ruifleaux  ,  ainfi  il  a  fupprimé 
tout  ce  qui  précède  l'an  117^.  il 
afTurc  même  que  fi  dans  les  pre- 
miers Tomes  il  a  eu  l'indulgence 
d'inférer  en  entier  les  Ouvrages  de 
quelques-uns  de  ces  honnêtes  Vo- 
leurs ,  honeftos  pritdones ,  qu'il  n'en 
ufera  plus  ainfi  à  l'avenir.  Du  reftc, 
îl  fe  flatte  que  cette  Hiftoire  dans 
ïctat  où  il  la  prefènte  ne  fera  pas 


ES   SÇAVANS; 

moins  utile  qu'ajiréable  auT  Lec- 
teurs ,  il  s'cNCufc  d'y  avoir  laifle 
quelques  traits  -./oandus  dans  le 
peuple  par  les  ennemis  de  certains 
Papes.  Il  prefume  que  perfonnc  ne 
fera  ni  aflez  délicat  pour  en  être 
choqué  ,  ni  affez  foible  pour  rica 
perdre  en  les  lifant  du  refped  que 
tous  les  Catholiques  doivent  au 
Saint  Siège. 

10°.  Une  Chronique  par  un  Au- 
teur contemporain  ,  depuis  l'an 
1038.  jufqu'à  l'an  1309.  tirée  d'un 
Mf.  de  la  Bibhotheque  d'Eft  :  ce 
qui  regarde  Parme ,  &  les  autres 
Villes  Voilmcs  v  cft  décrit  avec  un 
air  de  candeur  &  de  vérité  qui  pré- 
vient en  faveur  de  l'Auteur.  Il  eft 
vraifemblable  qu'il  vivoit  fur  la 
fin  du  13°  fiéclc  &  au  commence- 
ment du  14*^  ;  car  il  parle  alors 
comme  témoin  oculaire. 

1 1°.  Relation  du  Voyage  de 
l'Empereur  Henri  VII.  en  Italie, 
écrite  &  dédiée  au  Pape  Clément 
V.  par  Nicolas  Evêque  de  Buthro- 
to  dans  l'Albanie.  11  nous  apprend 
lui-même  qu'il  étoit  de  l'Ordre  des 
Frcres  Prêcheurs  ;  M.  Baluze  qui 
fur  un  Mf.  de  la  Bibliothèque  du 
Roi  ,  l'avoit  déjà  fait  imprimer 
dans  le  fécond  Tome  des  Papes 
qui  Ont  fiégé  à  Avignon  ,  croit 
qu'il  étoit  Allemand.  L'Empe- 
reur l'honoroit  de  fa  familiarité ,  & 
ce  Prélat  mérite  d'autant  plus  de 
confiance  qu'il  ne  raconte  que  les 
chofes  qu'il  a  vues  ,  &  fouvent 
même  qu'il  a  traitées  ,  depuis  l'an 
1 3 1  G.  jufqu'à  l'an  1 3 1 3 . 

12°.  L'Hiftoire  de  ce  qui  s'eft 
pade  en  Italie  depuis  1250.  jufqu'ea 


M  A  R 

ijiSf.  par  Ferretto  de  Viccnce  , 
imprimée  pour  la  première  toisfur 
uir  Mf.  de  la  même  Ville  :  Vollius 
parle  de  cet  Auteur  dans  ces  Hifto- 
riens  Latins  ;  il  le  compte  avec  ju- 
ftice  parmi  ceux  qui  avec  Pétrarque 
qu'il  a  précédé  cependant ,  tirèrent 
les  Lettres  de  la  barbarie  où  elles 
étoientenfevelics.  Il  avoitcompofé 
quelques  autres  Ouvrages  dont 
Jean-Baptifte  Pajarin  ancien  Hifto- 
ïien  de  Vicence,  nous  a  confervc 
ie  Catalogue  ,  parmi  lefquels  il  y 
a  plufieurs  Poëfies.  De  ce  der-- 
nier  genre ,  il  ne  nous  refte  aujour- 
d'hui qu'un  Poëme  à  la  loiiange  du 
grand  Cané-Scaliger,  &  des  vers  fur 
la  mort  de  Benevenuto  de  campé- 
fe.  On  les  trouvera  à  la  fin  de  cette 
Hiftoirc.Elle  commence  à  la  mort  de 
4'Empereur  Frédéric  II.  &:  continue 
jufqu'en  1318.  M.  Muratori  foup- 
çonne  que  nous  ne  l'avons  pas  tou- 
te entière ,  &  fe  plaint  que  les  deux 
MIT.  fur  lefquels  il  a  travaillé  foienc 
û  imparfaits ,  qu'après  en  avoir 
corrigé  une  infinité  d'erreurs  &  d'o- 
miffions  il  ait  été  obligé  d'y  en  laif- 
fer  encore  beaucoup.  Ferretto  pa- 
roîtra  fans  doute  trop  amer  &  trop 
mordant  ,  &  beaucoup  plusdifpo- 
fé  à  blâmer  qu'à  loiier.  Prefque 
rous  les  Princes  dont  il  parle ,  fans 
même  en  excepter  les  Souverains 
Pontifes ,  ont  été  ,  fi  on  l'en  croit , 
ou  des  Tyrans ,  ou  des  gens  fans 
foi^  mais  il  faut  confiderer  qu'au 
milieu  des  violences  &  des  trou- 
bles caufés  par  la  fadion  des  Gibe- 
lins &  des  Guelphes  ,  il  étoit 
prefque  impofliblc  à  ceux  qui  gou- 
yçtnoient ,  d'ufer  de  remèdes  ordi- 


S>    173  3-  15^ 

naires  &  modérés.  On  ne  fçait  rien 
en  particulier  de  notre  Auteur  finon 
qu'il  écrivoit  fon  Hiftoire  environ 
vers  l'an  1318. 

1 3".  Un  Poëme  du  même  Auteur 
fur  l'origine  des  Scaligers  écrit  en- 
viron vers  l'an  1 5 19.  &  adrefïe  au 
grand  Cane  -  Scaliger  ou  dclla  Sca- 
la  ,  Seigneur  de  Vcrpnne-,  dé'.  Vi- 
cence &:  de  PadoLic  ;  Ferretto  dans 
le  6^  Livre  de  fon  Hiftoire  l'accufe 
de  cruauté  &  d'avarice  -,  mais  ici 
perfuadé  apparemment  que  les 
ïoiiaqges  des  Poètes  ne  tirent  point 
à  coniéquence  ,  il  nous  le  reprc- 
fente  comme  un  Prince  capable 
de  fervir  de  modèle  à  tous  les 
autres.  Son  Poëme  eft  divifé  en 
quatre  Livres.  Quoique  les  vers  en 
foient  plutôt  enflés  que  nourris  à, la 
manière  de  Lucain ,  de  Stace  &  de 
Claudien ,  qu'il  n'y  ait  aucune  va- 
riété dans  leur  nombre ,  &  qu'il 
foit  rempli  de  digreffions  inutiles , 
c'ei^  toujours  beaucoup  que  d'avoir 
fait  de  tels  vers  dans  un  pareil  fîé- 
cle. 

14'.  Une  Hiftoire  de  lafituatioà  ; 
de  l'origine  des  habitans  de  Milan 
Se  de  leurs  adions  fous  le  règne 
d'Henri  VII.  depuis  l'an  1 307.  jiif- 
qu'àl'an  15 13.  par  Jean  de  Cerme- 
nate  Notaire  de  Milan.  M;  Murii- 
tori  avoir  déjà  donné  cette  Hiftoi- 
re  au  public  dans  ie  fécond  Tome 
de  fes  Anecdotes^  la  beauté  &  la 
netteté  du  ftyle  de  cet  Hiftorien, 
le  bon  goût  qu'on  y  remarque ,  & 
qui  annonce  le  fiécle  de  Peticarque, 
la  part  qu'il  eut  en  qualité  de  Sin- 
dic  deMilan  aux  affaires  dont  il  trai- 
te, ont  obligé  M.  Muratori  de  le 

y  H 


is6  JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

réimprimer  ici.   On    voit  par  un     Jean  de  Ccrmenate  vivoit  encore 
partage  de  Gualvanciis  de  la  flanv      en  1330. 
ma  dans  fon  Maniputits  Florum  que 

TRAITE'  DV  SVBLIME  ,  A  MONSIEVR  DESPREAVX. 
Ou  l'on  fait  voir  ce  cfue  c'eji  tjue  le  Sublime  ^  &  fes  différentes  efpeces  ;  Quel 
en  doit  être  le  ftile.  S'il  y  a  un  art  du  Sublime ,  &  les  raifons  pourquoi  d 
ejifi  rare.  Par  Ai.  Silvain ,  Avocat  en  Parlement.  A  Paris  ,  chez  Pierre 
Prault ,  Quai  de  Gêvrcs  ,  au  Paradis.  1732.  vol.  in-\i.  pp.  430. 


ON  s'étonnera  fans  doute  , 
que  ce  Livre  ^  qui  paroît  au- 
jourd'hui pour  la  première  fois  , 
foit  addrefléàM.  Defprcaux;  mais 
il  faut  fçavoir  (  comme  en  avertit 
!e  Libraire  )  qu'il/;<;  achevé  dans  les 
premiers  mois  de  17 18.  &  que  c'eft 
ce  qmfi  peut  jtifiifierpar  le  témoigna- 
ge de  plujkurs  perfonnes  de  mérite  cpii 
lurent  cet  Ecrit  en  ce  tems-là  ■■,  l'Au- 
teur ayOMt  toujours  eu  ce  refpeiî  pour 
le  public  ,  1^1?  ne  lui  rien  donner  qua^ 
prés  P  avoir  fait  examiner  auparavant 
par  des  gens  de  bon  goût  &  d^tme  fai- 
ne critique. 

Horace  veut  qu'on  laiflfe  repofcr 
un  Ouvrage  neuf  ans  avant  que  de 
le  publier,  mais  celui-ci ,  comme 
on  voit,  en  a  repofé  quinze. 

Plufieurs  raifons  ont  engagé  M. 
Silvain  à  écrire  fur  le  Sublime  :  la 
principale  eft,  qu'il  n'y  a  point ,  fe- 
Jon  lui ,  de  matière  plus  importan- 
te &  en  même  rems  plus  ignoré2 
qae  celle-ci  : 

Quant  à  l'importance,  il  prétend 
que  de  toutes  les  parties  de  la  Rhe- 

-lorique  ,  il  n'en  eft  aucune  qui  ait 
xant  de  rapporta  la  morale  que  le 

-  Sublime,parce  qu'il  n'en  eft  aucune, 
dit-il,  qui  foit  plus  capable  de  faire 

^entir^à  l'homme  fa  grandeur  nmurti- 


le ,  non  feulement  parce  que  le  Subli- 
me élevé  l'ame  ,  &  qu'il  la  remplit 
d^une  fierté  noble  qui  vient  de  la  vertu 
&  de  la  magnanimité ,  mais  encore 
parce  qu'il  nous  fait  reconnaître  que 
ce  Sublime  fi  merveilleux  qui  nous  ra- 
vit ,  a  fa  principale  fource  dans  notre 
cœur. 

»  Qiiand  par  tout  mon  difcours, 
»  dit  Ai.  Silvain  ,  je  ne  ferois  que 
»9rappeller  mes  Lecteurs  ,  poule 
»  quelques  tems ,  à  leur  cœur  &  à 
«leur  efprit  ,  en  leur  infpirant 
y>  quelque  amour  pour  une  ehofe 
3>  aullî  noble  que  le  Sublime  ,  &  ce 
»qui  le  produit  ,  je  me  croirois 
aalfez  bien  payé  de  ma  peine. 

Tel  eft  le  motif  qui  a  porté  no^ 
tre  Auteur  .\  faire  le  Traité  dorrt 
nous  allons  rendre  compte  :  ce 
Traité  comprend  trois  parties  :  daiîs 
la  première  ,  M.  Silvain  définit 
d'abord  le  Sublime,  puis  il  en  mar- 
que les  différentes  efpeccs.  Il  eflayc 
de  montrer  dans  la  féconde  ,  que  le 
Sublime  ne  coniifte  pas  en  pluiîcuTS 
chofes  où  on  l'a  lait  conlîfter  jufi- 
qu'aujourd'hui.  Il  expofe  dans  k. 
troilîcme  quelques  méprilcs  qu'il 
attribue  à  Longin ,  puis  il  examine 
quel  doit  être  le  ftyie  duSublimcj 
s'il  y  a  un  aie  du  Sublime,  &  enfin 


M  A  R 

par  quelles  raifons  le  Sublime  eft 
quelque  chofe  de  fi  rare. 

Quant  à  la  définition  du  Subli- 
me,elle  n'eft  point  facile  à  faire  :  Sc 
comme  le  remarque  notre  Auteur, 
les  doutes  de  la  Bruyère  &  de  plu- 
fleurs  autres  grands  hommes ,  fur 
ce  fujet ,  font  bien  voir  que  le  Su- 
blime eft  quelque  chofe  de  très- 
obfcur  &  de  très-inconnu.  Longin 
le  définit ,  ce  c/ni  enlevé,  tranfporte, 
entrahe  j  mais  M.  Silvain  appelle 
cette  prétendue  définition  ,  un  élo- 
ge pliitôt  qu'une  définition  ,  &  il 
obferve  qu'un  raifonnement  vif  & 
preflant,  un  récit  animé,  une  paf- 
îîon  bien  touchée  ,  peuvent  tranf- 
porter  &  entraîner,  fans  être  fubli- 
mes.  Qu'eft-ce  donc  que  le  Subli« 
me  ?  Le  voici  ,  félon  l'idée  de  no- 
tre Auteur  :  C'efl  un  Difcours  d'un 
tour  extraordinaire,  qui ,  par  tes  plus 
nobles  images  ,  &  par  les  plus  grands 
fentimens ,  dont  il  fait  fentir  toute  la 
noblejfe  par  ce  tour  même  d^exprcjfion, 
élevé  rame  au-deffiis  de  fes  idées  ordi- 
naires de  grandeur,  &  qui ,  la  portant 
tout  a  coup  ,  avec  admiration  a,  ce 
tjudy  a  de  plus  élevé  dans  la  nature; 
la  ravit ,  &  lui  donne  une  haute  idée 
d'elle-même. 

M.  Silvain  explique  toutes  les 
parties  de  cette  définition  ',  premie- 
lement ,  il  dit  que  le  Sublime  ejî  un 
difcours,  pour  diftmguer  le  Sublime 
dont  il  parle  d'avec  celui  des 
jnœurs  qui  eft  ,  dit-il ,  tout  entier 
Jans  les  mœurs,  dans  les  aûions 
héroïques ,  &  dans  les  plus  nobles 
jmouvemcns  du  cœur  confideiés  en 
♦ux-mêmes. 

De  ce  que  le  Sublime  eft  appelle 


S  .     175  5'  îT? 

ici  un  Difcours  ~,  il  fembleroit  qu'il 
ne  confifteroit  que  dans  les  paroles, 
mais  notre  Auteur  va  au-devant  de 
cette  penfée  ,  en  déclarant  que  le 
Sublime  efl  tout  a  la  fois  &  dans  les 
chofes  &  dans  les  paroles  choiftes  & 
tournées  d!une  certaine  manière. 

Il  dit  en  fécond  lieu  que  ,  le  Su- 
blime eft  un  difcours  d'un  tour  ex- 
traordinaire ,  &  il  avertit  qu'il  en- 
tend par-là ,  un  tour  vif  &  animé  ; 
mais  £  une  vivacité finguliere  &  pro- 
pre à  cette  efpece  de  difcours. 

Pour  montrer  combien  ce  tout 
extraordinaire  eft  effenticl  au  Subli- 
me ,  il  demande  d'où  vient  que  ce 
trait ,  Dieu  dit  que  la  lumière  foit  fai- 
te ,&  la,  lumière  fut  faite  ,  eft  fubli- 
me  ',  tandis  que  cet  autre  ,  le  Souve^ 
rain  arbitre  de  la  nature  ,  d'une  feule 
parole  a  formé  la  lumière ,  ne  l'eft 
pas  i  quoique  aa  fonds  ,  ils  difenC 
tous  deux  la  même  chofe  ?  Il  ré- 
pond que  c'eft  que  ce  dernier  ne 
contient  qu'un  récit  tout  pur  ,  tout 
uni,  &  fans  mouvement j  au  lieu 
que  le  premier  a  un  tour  vif,  ani- 
mé &  extraordinaire  ;  Moyfe ,  dit- 
il  ,  y  peint  la  chofe  aux  yeux  &  en 
fait  une  image  fi  vive  qu'on  y  voit 
tout  à  coup  &  l'adion  divine  &  la 
vitefte  de  l'action  -,  enforte  qu'au 
moment  même  où  le  Seigneur  dit 
que  la  lumière  fe  faffe ,  la  lumière 
fe  trouve  faite.  Voilà ,  s'écrie  M. 
Silvain ,  ce  qui  élevé  l'ame  avec  ad- 
miration ,  voilà  ce  qui  touche  & 
ce  qui  entraîne  ,  au  lieu  qu'on  n'cft 
point  touché  de  l'autre  exemple. 

Notre  Auteur  remarque  à  ce  fu- 
jet ,  que  fl  quelqu'un  difoit  de  lui- 
même  :  On  ne  doit  point  me  pleu^ 


i;8         JOURNAL  DE 

rer  mourant  pour  mon  Pays ,  per- 
fonne  ne  feroit  fort  cicvc ,  ni  tort 
ému  de  ce  difcours  ;  mais  que  dans 
Corneille  ,  Horace  vienne  à  dire  : 

Quoi  !  vous  me  pleureriez  mourant  pour 
mon  Pays  ! 

On  cft  ravi ,  on  efttranfportc  à 
la  vue  de  ce  trait ,  ejui  étale  f  vive- 
ment la  magnanimité  de  ce  Héros. 

M.  Silvain  dit  en  troilîéme  lieu 
que  le  Sublime  fait  fencir  toute  la 
grandeur  des  objets  &  des  fenti- 
mens  par  ce  tour  même  d'expref- 
fion  i  il  juftihe  ia  propofition  en 
faifant  remarquer  que  iorfque  ce 
tour  extraordin.iiie  ne  i'e  trouve 
point  dans  le  difccais  ,  on  n'y 
trouve  plus  le  Subi;  me. 

Il  ajoute  en  quatrième  lieu  ,  que 
ce  Sublime  élevé  l'ame.  Pour  le 
prouver  il  obferve  que  tout  dif- 
cours  étant  deftiné  à  faire  quelque 
impreflion  dans  l'efpritjôi  le  Subli- 
me ,  félon  l'idée  même  que  ce  mot 
prelente  ,  n'étant  pas  fan  fans  dou- 
te,pour  émouvoir  les  partions, pour 
initruire  ,  ni  pour  convaincre  la 
raifon ,  U  s'enfuit  qu'il  ne  lui  reftc 
plus  que  d'élever  l'ame. 

La  quatrième  partie  de  la  défini- 
tion que  nous  venons  de  rapporter 
du  Sublime ,  cft ,  qu'il  élevé  l'ame 
au-dejfus  de  fes  idées  ordinaires  de 
grandeur;  comment  cela  ?  M.  Sil- 
vain en  donne  deux  raifons  :  il  tire 
la  première ,  du  terme  même  de 
Sublime  ,  qui  marque  ,  dit-il ,  tout 
ce  qu'il  y  a  de  plus  élevé  :  il  tire  la 
féconde  de  la  nature  de  l'efprit  hu- 
main :  l'homme  cft  grand  &:  fait 
pour  ia  grandeur  •,  &  iorfque  dans 


5  SÇAVANS. 

des  objets  où  il  n'avoit  apperça 
qu'une  grandeur  commune  ,  le  Su- 
blime vient  à  lui  en  prcfentcr  une 
extraordinaire  ,  &  à  la  lui  prcfentcr 
dans  un  point  de  viâc  avantageux, 
l'ame  eft  alors  ravie  &c  tranfportée  , 
elle  s'élcs'e  tout  à  coup  à  ce  grand 
objet  qui  la  frappe  i  cnforte  que  le 
Sublime  ,  dont  le  propre  eft  d'éle- 
ver les  cfprits  d'une  manière  pro- 
portionnée à  leur  nature  ,  ne  feroit 
pas  Sublime  ,  s'il  ne  les  élevoit  au- 
deftus  de  leurs  idées  ordinaires  de 
grandeur  •,  d'oie  s'enfuit  également  ; 
conclut  notre  Auteur ,  i°.  ^u  il  n'y 
a  <jfne  ce  cjni  fe  trouve  de  fins  élevé 
d^ns  les  f  lus  grands  objets ,  <jui  puijjè 
être  la  matière  du  Sublime ,  2°.  <jue 
cette  quatrième  partie  de  la  définition^ 
eft  indubitable  \  fçavoir ,  que  ce  Su- 
blime élevé  l'ame  au-deJfus  de  fes 
idées  ordinaires  de  grandeur. 

La  cinquième  partie  de  la  même 
définition ,  eft  que  l'ame  ainfi  éle- 
vée ,  fe  porte  à  ces  grands  objets 
avec  admiration  :  ce  qui  ,  dit  M. 
Silvain  ,  n'a  pas  bcfoin  de  preuve  , 
parce  que  l'admiration  eft  l'efTeç 
naturel  &  inféparablc  de  la  vue  des 
chofes  extraordinairement  grandes, 

6  par  confequent  du  Sublime^  qui 
en  doit  être  la  plus  vive  &  la  plus 
noble  image. 

Refte  à  expliquer  le  dernier 
point  de  la  définition ,  fçavoir,  que 
l'admiration  &  les  grands  fenti- 
mens  par  lefquels  l'ame  fe  porte  à 
ces  grands  objets ,  lut  donnent  une 
haute  idée  d elle-même. 

M.  Silvain  dit  que  cette  haute 
idée,  qu'il  prétend  que  l'ame  con- 
çoit d'elle-même  à  l'occalicn  à%. 


MARS 

Sublime,ne  vient  point  de  ce  qu'el- 
le s'imagine  alors ,  comme  l'a  cru 
Lon?in,  avoir  praâuit  ce  qu'elle  vient 
feulement  dentetidre.  Il  trouve  que 
c'eft-là  un  trop  foible  motif;  il  ajou- 
te que  i'ardt;ur  &  la  rapidité  des 
mouvcmens  de  l'ame  n'ont  garde 
de  lui  laijfer  le  loijîr  &  la  liberté  de 
réfléchir  ainft  fur  les  i^ualitez  duflyle. 
D'où  vient  donc  à  l'ame  ce  haut 
fèntiment  d'elle-même  ?  »»  C'eft  , 
j)  dit  Ad.  Sil'vain  ^  qu'elle  conçoit  , 
»par  la  nobleiTc  de  fes  idées  &  de 
»fes  mouvemcns  ,  jufqu'à  quel 
a  point  elle  peut  s'élever  ;  quelle 
»  ell ,  parconfequent ,  la  grandeur 
»  &  l'excellence  de  fa  nature  ,  Si 
»>  combien  elle  eft  capable  des  plus 
»  grandes  penfées  &c  des  plus  hé- 
»  roïques  lentimens. 

Voilà  ce  que  c'eft  que  le  Subli- 
me ,  félon  M.  Silvain.  Il  s'agit  à 
prefent  d'en  marquer  les  différentes 
cfpeces ,  &  c'eft  ce  qu'il  eflaye  de 
faire  dans  le  refte  de  la  première 
partie  :  il  avertit  au  refte  que  quand 
il  parle  de  pluheurs  efpeces  de  Su- 
blime, c'eft  pour  fe  rendre  plus 
clair  ,  &  pour  s'accommoder  à  la 
portée  de  tous  les  Le(5leurs  ;  car  il 
déclare  que  le  Sublime  eft  unique, 
&  ne  fouffre  point  de  divifion. 
Mais  comme  par  rapport  à  la  natu- 
re des  divers  objets  qui  lui  fervent 
de  matière  ,  il  peut  être  confîderé 
différemment ,  M.  Silvain  prétend 
qu'on  peut  divifer  le  Sublime  en 
deux  efpeces ,  fans  qu'il  y  en  puiffe 
avoir  davantage. 

Le  Sublime  dans  le  difcours  eft 
l'expreftion  d'une  grandeur  ex- 
traoïdinaiie  '>  or  cette  grandeur  ne 


;    «75  5^  iTP 

fe  peut  trouvejf  que  dans  les  fenti- 
mens  du  cœur  de  l'homme  ,  ou 
dans  les  autres  objets  de  la  nature , 
foit  animés,  foit  inanimés.  Cela  po- 
fé  ,  il  ne  peut  y  avoir  ,  félon  notre 
Auteur ,  que  deux  efpeces  de  Su- 
blime ,  l'une  qui  regarde  les  fenti- 
mens  &  l'autre  qui  regarde  les  cho- 
fes.  Il  appelle  la  première  efpece , 
\c  Sublime  des  fenttmens  &  la  fécon- 
de ,  lefubltme  des  images ,  ce  n'eft 
pas ,  dit-il ,  que  les  fentimens  ne 
prcfentent  auiîî  en  un  fens ,  de  no- 
bles images ,  puif^u'ils  ne  font  Subli- 
mes tjue  parce  qu'ils  expofent  aux 
yeux ,  Vame  &  le  cœur  de  l'homme 
dans  leur  plus  haute  élévation.  Mais 
comme  le  Sublime  des  images  peint 
feulement  un  objet  fans  mouvement  , 
&  cjue  l'autre  Sublime  manque  un 
mouvement  du  cœur ,  &  un  mouv^'- 
ment  aêiuel ,  il  a  fallu  diflinguerces 
deux  efpeces  ,  par  ce  qui  domine  en 
chacune. 

Nous  croyons  avoir  donné  une 
fuffifante  idée  de  ce  que  notre  Au- 
teur penfe  de  la  nature  du  Sublime. 
îl  eft  tems  à  prefent  d'entrer  dans 
quelque  détail  des  deux  efpeces  de 
Sublime  dont  il  vient  déparier. 

M.  Silvain  établit  d'abord  i°. 
que  tous  les  grands  objets  de  la  na- 
ture peuvent  être  le  fujet  du  Subli- 
me des  images ,  z".  Que  non  feule- 
ment les  chofes,  mais  encore  les 
perfonnes ,  leurs  qualitez  ,  leurs 
vertus  &  fur-tout  leurs  grandes  ac- 
tions peuvent  être  le  fujet  de  ce  Su- 
blime ,  3°.  Qu'il  s'enfuit  de-la  que 
lien  n'eft  plus  fuMime  que  ce  trait 
dont  il  a  déjà  parlé  plus  haut  :  Dieu 
dit  :  ^ue  la  lumière  fe  faffe  ^  &lal»z 


t6o        JOURNAL    D 

miere  fut  faite.  Il  obferve  qu'on  ne 
voit  de  pareilles  exprcflTions  que 
dans  l'Ecriture ,  fi  ce  n'eft ,  dit-il , 
qu'on  voulut  mettre  de  ce  rang  un 
vers  d'Homère  qui  femblc  avoir 
quelque  chofe  d'approchant  :  c'cft 
dans  l'endroit  où  Thétis  va  prier 
Jupiter  de  venger  Achile  fon  fils  , 
qu'Agamemnon  avoir  outragé.  Ju- 
piter dit  à  cette  Déeffe  :  Je  le  com- 
blerai de  gloire  &  pour  vous  en  af- 
furer  ,  je  vais  faire  un  figne  de  tête, 
qui  eft  le  gage  le  plus  certain  de  la 
foi  de  mes  promefles, 

Udit:  Du  tnouTcmentdefa  tête  tmmor« 
telle 

L'Olimpe  eft  ébranlé. 

M.  Silvain  fait  diverfes  refle- 
xions fur  ce  paflage,  il  le  trouve 
d'une  grande  beauté  -,  mais  il  re- 
marque que  rOlimpe  ébranlé  n'eft 
pas  quelque  chofe  de  comparable  à 
la  produÂion  d'un  être  aufli  mer- 
veilleux que  la  lumière.  »  Moyfe  , 
»  dit-sl ,  hit  voir  qu'en  Dieu  ,  par- 
»let  &  créer  ,  n'cft  que  la  mê- 
7>  me  chofe  ;  ce  qui  convient  à 
»  un  Dieu  ,  &  ne  convient  qu'à 
»  lui  feul  ;  au  lieu  qu'il  faut  que 
n  Jupiter  agifie  corporellement 
i>  pour  ébranler  le  CicU  or  une  tcl- 
•»  le  ai5lion  peut  convenir  à  l'hom- 
nme. 

Notre  Auteur  avoiie  cependant 
qu'il  n'y  a  aucun  homme  qui  ait 
aflez  de  force  pour  ébranler  une 
voûte  comme  celle  du  Ciel ,  mais 
il  dit  que  cette  force  n'cft  pas  con- 
traire à  la  nature  de  l'homme  ,  & 
que  Dieu  fans  changer  l'effence  de 


ES     S  A  VA  N  S , 

l'homme  ,  pourroit  augmenter  af- 
fez  les  forces  humaines  pour  ce 
grand  effort. 

M.  Silvain  demeure  néanmoins 
d'accord  que  cet  endroit  d'Homcrc 
eft  fubhme  ,  auftî-bien  que  celui-ci 
qui  eft  cité  par  Longin. 

Neptune  ainfî  marchant  dans  ces  vafies 
campagnes , 

Fait  trembler  fous  Tes  pieds  &  forêts  ft 
montagnes. 

Mais  il  eft  fans  comparaifon  plu$ 
touché  du  partage  fur  la  lumière  & 
de  quantité  d'autres  femblablcs  qui 
fe  trouvent  dans  l'Ecriture  ,  tel» 
que  font ,  par  exemple  j 

Il  parle ,  les  ventt  accourent ,  &  les  flots 
de  la  met  s'élèvent. 

Il  change  l'Aquilon  en  Zéphif)  &  les  flots 
j(è  taifenc. 

II  parla  avec  menaces  à  la  mer,  &  elle 

fut  fechée. 

Il  a  jette  Tes  regards  &  les  Nations  ont 
été  diflipées. 

J'ai  parlé ,  où  fbnt-ils  ? 

Dans  tous  ces  exemples ,  ce  qui 
produit  le  Sublime ,  c'eft  félon  la 
remarque  de  notre  Auteur  ,  l'ima- 
ge de  ces  allions  mervedleufes  ,  celle 
des  effets  (^if  elles  prodnifent  &  de  la 
facilité  avec  lat^itelle  elles  fe  font  , 
farce  que  tout  cela  élevé  l^ame  ^  & 
l'élevé  an-dejfus  de  fes  idées  ordinaires 
de  grandeur. 

On  ne  s'attcndroit  pas  à  voit 
ici  M.  Silvain  en  parlant  d'un  parta- 
ge de  l'Ecriture  lequel  eft  alfez 
ièmbiable  à  ceux  là ,  déclarer  néan- 
moins. 


M  A  R 

moins  qu'il  n'y  apperçoit  pas  de 
Sublime.  C'eft  celui  oà  David  dit  : 
J'ai  vît  l'impie  dans  la  gloire  ,  & 
plus  élevé  cfue  les  cèdres  j  fai  repaffè , 
&  il  néioit  plus  :  je  n'ai  p^s  même 
trouvé  le  lieu  oit  il  était. 

n  Je  vous  avoiie ,  dit  M.  Silvain, 
»  que  ce  palTage  ne  me  paroît  pas 
M  fublime  ,  quoique  j'en  aye  été 
»  frappé  fi  terriblement ,  qu'il  n'y 
»  en  a  prefque  point  dans  l'Ecritu- 
»  re,  dont  je  fois  plus  touché. 

Laraifon  que  notre  Auteur  ap- 
porte pour  juftifier  là-delTus  fon 
îentimcnt ,  ne  paroîtra  pas  peut- 
être  moins  finguliere.  »  J'ai  cher- 
»  ché  quelque  tems  ,  dit-il ,  la  rai- 
»  fon  de  cette  divetfité  de  fenti- 
»  mens ,  &  enfin  j'ai  trouvé  que  cet 
«endroit  étonne  &  effraye  plus 
»  qu'il  n'élevé  l'ame.  Car  il  me 
»  femble  qu'il  y  a  bien  de  la  difte- 
«  rence  entre  ce  qui  étonne  &  ce 
3>  qui  fe  fait  admirer. 

M.  Silvain  ,  comme  on  voit ,  ne 
trouve  pas  que  cet  exemple  prcfen- 
te  rien  qui  éleVe  l'ame  i  nous  ne  ga- 
ïantiffons  pas  que  bien  des  Le(îleurs 
ne  trouvent  au  contraire  qu'il  élevé 
infiniment  l'ame  ,  en  lui  reprefen- 
tant  d'une  manière  fi  vive  le  néant 
des  grandeurs  humaines  &  la  faifant 
remonter  par-là  au  fouverain  être. 
Ce  que  notre  Auteur  ajoute  pour 
juftifier  la  différence  qu'il  veut 
qu'on  mette  entre  ce  qui  étonne  & 
ce  qui  fc  fait  admirer ,  ne  trouvera 
peut-être  pas  moins  de  contradic- 
teurs. 

»  Il  dit  que  l'admiration  eft  toû- 
a»  jours  accompagnée  de  joye  &  de 
»  plaifiri  que  l'étonncmen:  au  con- 
M'Vrs. 


S,  175  j.  ,(?i 

»  traire  abat ,  8c  eft  fuîvi  de  crainte 
»  &  par  confequent  de  trifteffe. 

M.  Silvain  ne  peut  cependant 
s'empêcher  de  reconnoître  que 
cette  im.ige  de  l'impie  anéanti  ^  efl  vi- 
ve &  énergicjue  ,  que  c'efl  une  penfée 
forte  i  mais  il  foûtient  qu'elle  n'eft 
pasfublime,&qu'afin  qu'elle  le  fût, 
il  faudroit  que  dans  le  tems  qu'on 
voit  cette  étrange  deftrudion  de 
l'impie  ,  on  vît  en  même  rems  l'ac- 
tion de  celui  qui  en  eft  l'Auteur.  On 
dira  fans  doute  qu'on  entrevoit 
fuffifamment  ici  l'adion  de  Dieu  ; 
maisnotreAureur  n'en  convient  pas, 
il  veut  qu'on  la  voye  fenfiblement 
comme  on  la  voit  dans  le  paffage 
Dieu  dit  que  la  lumière  fe  fajfe  ;  il 
prétend  c^\idors  l'éclat  &  la  mer- 
veille de  cette  aclion  ^  détournant  les 
efpriis  de  la  conftderation  de  cette  de- 
flru^lion  effrayante ,  les  attirerait  à  foi 
&  les  remplirait  de  cette  admiration 
qui  efl  le  propre  du  Sublime. 

Notre  Auteur,  après  plufieurj 
autres  réflexions  ,  remarque  que 
tout  difcours  qui  découvre  ,  qui 
exprime,  &  qui  peint  quelque  qua- 
lité &  quelque  mérite  extraordinai- 
re dans  les  perfonnes  ,  ne  peut 
manquer  d'être  Sublime.  Il  cite  fur 
cela  divers  exemples  &  entre  autres 
ceux-ci-,  dont  le  premier  regarde 
Jefus-Chrift. 

»0  tout-puiffant  !  paroiffcz  , 
»  marchez  &  régnez  par  votre 
»  beauté  ,  vous  ne  devez  vosadmi- 
»  râbles  progrès  qu'à  votre  droite  ; 
»  votre  Trône  eft  éternel  ,  &  le 
»  Sceptre  de  la  Juftice  eft  le  Scep- 
»  trede  votre  Empire. 

L'Auteu£  réfléchit  fur  toutes  les 


i62         J'OURNAL    D 

parties  de  ce  difcours ,  pour  en  fai- 
re  voir  le  fublimc  -,  après  quoi  il 
vient  à  ces  paroles  touchant  le  paf- 
fage  de  la  mer  rouge  : 
'     La,  mer  vit ,  &  Me  s  enfuit. 

O  mer ,  pourquoi  fuyois-tu  ^  &  toi 
Jourdain  pourquoi  remontes-tu  vers  ta 
fource  ? 

Il  remarque  qu'on  appcrçoit  dans 
ces  paroles  ,  une  image  de  la  gran- 
deur ,  de  la  gloire  ,  &  de  la  Maje- 
fté  de  Dieu  ,  n'y  ayant  qu'un  Dieu 
qui  par  fa  feule  prefencc  puiffe  fai- 
re ainfi  fuir  les  mers  &  remonter  les 
fleuves.  Homère  dit  en  parlant  de 
Neptune  : 

Il  attela  Ton  char ,  &  montant  fièrement. 

Lui  fait  fendre  les  flots  de  l'humide  élé- 
ment. 

Dès  qu'on  le  voit  marcher  llir  ces  liqui- 
des pleines  , 

D'aife  on  entend  fauter  les  pefantes  Ba- 
lemes. 

L'eau  frémit  fous  le  Dieu  qui  lui  donne 
la  loi , 

Et  femble  avec  plaifir  reconnoître  Ibn 
Roi. 

M.  Silvain  fait  le  parallèle  de  ce 
faffage  avec  celui  qu'il  vient  de 
lapporter  ,  &  il  obferve  que  ni  les 
eaux  qui  s'entr'ouvrent  &  font  une 
efpece  de  frémiffcment  fous  un 
char,  fous  un  vaiffeau  ,  ni  les  balei- 
nes qui  fautent  d'aife  à  la  vue  d'un 
objet  agréable ,  n'ont  rien  qiii  éga- 
le l'adion  des  mers  qui  s'enfuient , 
&  des  fleuves  qui  remontent  à  leur 
fource  -,  Que  cependant  comme 
c'cft  la  vue  feule  de  Neptune  qui 
excite  ces  mouvemens ,  S<.  qui  inf- 


ES  SÇAVANS, 
pire  de  li  joye  aux  Baleines  Si  à  la 
mer  même ,  le  pillage  d'Homère 
cftfublime,  parce  qu'il  donne  une 
idée  extraordinaire  de  la  grandeur 
de  Neptune  ,  laquelle  eft  ici  repre- 
fentée  non  en  elle  -  même  ,  mais 
dans  les  effets  que  fa  prefence  pro- 
duit. 

Notre  Auteur  dit  la  même  chofe 
de  ce  trait  d'un  Pfeaume. 

Les  eaux  vous  ont  vu. ,  o  Dieu  î 
elles  vous  ont  vu  ,  &  elles  vous  ont 
craint. 

Mais  il  trouve  que  le  langage 
des  aftres ,  exprimé  dans  le  palfage 
fuivant ,  vaut  bien  à  cet  égard  ,  la 
crainte  &  les  mouveraens  de  U 
mer. 

Les  deux  racontent  la  gloire  du 
Seigneur  ,  le  jour  le  crie  au  jour ,  & 
la  mttt  k  la  nuit.  Et  le  firmament  pu- 
blie ^u'il  efl  l^ ouvrage  défis  mains. 

Ce  font  là ,  dit  notre  Auteur  , 
des  images  d'une  |ufteffe  &d'une  fu- 
bliniité  divine  :  le  jour  le  dit  au  jour. 
Qui  eft-ce,  continue- t-il ,  qui  peut 
entendre  cette  voix  &  cet  entretien 
fans  être  élevé  avec  tranfport  &  hu- 
milié tout  enfemble  î 

Si  l'on  apperçoit  la  grandeur  de 
Dieu  dans  ce  langage  des  aftres  ,  la 
terre  ,  à  ce  qu'obferve  notre  Au- 
teur ,  fait  concevoir  par  un  effet 
contraire  ,  la  grandeur  d'Alexan- 
dre :  La  terre  fe  tutafon  afpeil. 

Dans  uneTragéd  ie  iirtituléeSéjan, 
laquelk ,  dit  M.  Silvain  ,  n'a  point 
paru ,  un  flatteur  veut  exciter  ce 
favori  à  exécuter  le  dclTein  qu'il 
avoit  formé  ,  de  fe  faifir  de  l'Em- 
pire. Il  commence  par  lui  dire  que 
les  Romainsiui  rendoient  leshon- 


MARS 

neurs  qu'on  ne  rend  qu'au  Prince  , 
aprts  quoi  il  ajoute  : 

Mais  croyez-vous ,  Seigneur,  qu'aveu- 
gles dans  leur  zélé  , 

Tant  de  foins  par  caprice  échapent  aux 
Romains  ? 

Leur  cœur  leur  montre  en  vous ,  le  maî- 
tre des  humains. 

Par  ce  fecret  inftinft,  les  araes  entraînées, 

Calent  leurs  devoirs  avec  leurs  deflinées. 

M.  Silvain  prétend  que  la  gran- 
deur perfonncllc  de  Séjan  eft  peinte 
avec  bien  plus  d'avantage  par  ces 
refpeds  &  ces  fentimens  des  Ro- 
mains ,  qu'elle  ne  le  pourroit  être 
diredement  &  en  elle-même. 

Dans  une  autre  Scène  de  la  mê- 
me Pièce  ,  Tibère  effrayé  d'une 
confpiration  de  d'un  foulevement 
qu'on  lui  fait  craindre  de  la  part  des 
Romains ,  dit  avec  une  ficre  indi- 
gnation : 

Ils  rougiflent  d'un  joug  qu'accepta  l'Ut 
Divers. 

Notre  Auteur  demande  là-deflus 
fi  ce  trait  échappé  à  Tibère ,  fi  cette 
image  des  Romains  oppofés  &  fupe- 
rieurs  a  tout  Wnivers ,  ne  donne  pas 
■une  très-grande  idée  de  ce  peuple  > 
Après  quoi  il  conclut  qu'il  eft  donc 
vilible  que  les  images  les  plus  fu- 
blimes  de  la  grandeur  &  de  l'excel- 
lence des  perfonnes  ,  fc  tirent  des 
mouvemens  que  ces  qualitez  exci- 
tent dans  les  autres. 

Pour  le  confirmer  davantage  il 
cite  ce  tranfport  qui  commence  un 
Cantique  de  Moyfe  ; 


deux  écoutez,  ftta  voix  ,  Terre  fois 
attentive  :  je  v.iis  invoquer  le  Sei- 
gneur. 

Il  trouve  dans  ce  difcours  une 
idée  de  Dieu ,  beaucoup  plus  éle- 
vée, que  fi  Moyfe  y  parloit  de  Dieu 
en  termes  dirctfls. 

Il  rapporte  pour  le  même  deflein 
ces  belles  paroles  de  Scipion  répon- 
dant à  Livie  qui  dans  la  même  Pie - 
ce  qu'on  vient  de  citer  ,  exhorte 
Scipion  à  fe  dérober  par  la  fuite  à 
la  fureur  de  Scjan  fon  rival ,  pour 
fe  referver  par  ce  moyen  à  la  gloire 
&  aux  grands  exploits  que  fon  mé- 
rite &  fes  premières  aélions  fai- 
foient  attendre  de  lui  aux  Ro- 
mains. 


Eft-ce  donc  en  fuyant  que  l'on  devient 
Héros? 

Commencerai-je  ainfî  ces  glorieux  tra- 
vaux? 

Mais ,  Madame ,  en  quels  lieux  voulez- 
vous  que  Je  fuye  î 

Sera-ce  dans  l'Afticique  enfin  ou  dans 
l'Afie» 

Quoi  Ton  me  verra  fuir  au  même  en- 
droit fatal 

Où  mes  Ayeux  jadis  faifoient  fuir  Anni-, 
bal? 

]'errerois  en  coupable  à  travers  leurs  tro- 
phées , 

Et  faifant  voit  en  moi  leurs  vertus  éteuf- 
fées  , 

J'irois  plus  avili  que  ceux  qu'ils  ont  vain- 
cus 

Confoler  par  mon  fort,  l'ombre  d'Anti<»« 
chus. 

Le  fentimcnt  de  M.  S  ivâin  fuut 
Xij 


i<?4  JOURNAL    D 

ces  vers  eft  qu'on  y  voit  la  gloire 
des  Scipions  exprimée  avec  une  vi- 
vacité il  extraordinaire  ,  que  i'ame 
de  celui  qui  parle,  élevée  parla  vue 
de  ce  Héros ,  vous  élevé  aullî  haut 
qu'elle-même  ,  &  par  ce  tranfport 
expofc  d'une  manière  brillante 
tous  les  Scipions  comme  environ- 
nés d'une  foule  d'autres  grands  ob- 
jets ,  tels  que  Carthagc  détruite , 
Annibal  fuyant,  Antiochus  vaincu, 
l'Afrique  &:  l'Afic  domptées. 

Il  fe  fait  une  objeftion  à  ce  fujet: 
fçavoir ,  que  l'exemple  dont  il  s'a- 
git ,  femble  regarder  plutôt  le  Su- 
blime des  fentimers.  Mais  il  foû- 
tient  que  ce  qui  frappe  &  domine 
le  plus  dans  ce  difcours  ,  ne  font 
pas  les  Icntimcns  du  jeune  Scipion; 
mais  que  c'eft  l'image  noble  de  Tes 
ancêtres ,  marquée  par  l'effet  qu'el- 
le produit  dans  le  cœur  du  petit 
fils. 

Pour  confirmer  fa  penfée  il  exa- 
mine en  détail ,  ce  paffage  d'Ho- 
mère rapporté  par  Longin. 

L'enfer  s'émeut  au  bruit  de  Neptune 
en  furie , 
Pluton  fort  de  fon  Trône ,  il  pâlit ,  il  s'é- 
crie. 

Il  a  peur  que  ce  Dieu,  dans  cet  affreux 
féjour. 

D'un  coup  de  fon  Trident  ne  fafle  entrer 
ie  jour , 

Itpar  le  centre  ouvert  de  la  terre  ébran- 
lée, 

En  faifant  voir  du  Stix  la  rive  défolée, 

Ne  découvre  aux  mortels  cet  empire 
odieux 

Abhoné  des  humains ,  Si  craint  tpêmc 
des  Dieux. 


ES    SÇAVANS, 

M.  Silvain  convient  que  la  teif- 
rcur  d'un  Dieu  comme  Pluton,  fi 

fiâlcur ,  fcs  cris ,  rinijKtuofité  avec 
aquclle  il  s'élance  de  fon  Trône  , 
la  terre  ébranlée ,  l'enfer  émii ,  il 
convient  que  tout  cela  font  d'alTei 
grands  ob)cts ,  mais  que  cependant 
fî  l'on  y  veut  regarder  de  près  ,  on 
trouvera  que  ce  n'eft  pas  là  précifé- 
mcnt  ce  qui  trappe  le  plus  ;  ces 
mouvemens  ne  fcrvant  qu'à  faire 
voir  toute  la  grandeur  &:  toute  la 
force  de  Neptune  ,  cnforte  que  l'i- 
mage de  ce  Dieu  ,  laquelle  éclate 
dans  ces  grands  effets ,  &  attire  les 
yeux  &  l'attention  ,  ell  ce  qui  ren- 
ferme le  Sublime.  Cela  pofé  ,  notre 
Auteur  en  fait  l'application  à  l'e- 
xemple qu'il  a  rapporté  de  Scipion, 
c'ell ,  félon  lui ,  l'image  de  la  ver- 
tu &:  de  l'élévation  des  ancêtres  de 
Scipion  ,  qui  touche  ôc  qui  enlevé 
principalement.  Ce  n'eft  pas  qu'il 
ne  trouve  dans  le  jeune  Scipion 
beaucoup  de  grandeur  d'ame  -,  il 
reconnoît  même  que  le  Sublime 
des  fcntimens  eft  ici  joint  à  celui  des 
images ,  mais  il  en  revient  toujours 
à  dire  que  ce  dernier  domine  ,  &C 
que  le  premier  ne  fcrt  qu'à  donner 
à  celui  des  images  plus  de  relief. 

M.  Silvain  cite  un  grand  nom- 
bre d'autres  exemples  du  Sublime 
des  images.  Nous  nous  contente- 
rons de  rapporter  celui-ci. 

Epiiftcte  fut  Difciple  d'un  Maître 
violent  qui  lui  donna  un  jour  de 
grands  coups  fur  une  jambe  :  le 
Difciple  fc  voyant  rudement  trap- 
pe ,  dit  froidement  à  fon  maître  : 
Si  voHS  continuez,  vous  me  cadrez,  la 
jambe.  Le  maître  irrité  de  ce  fang 


M  A  R 

froid^redoubla  fes  coups,  &  calfa  la 
jambe  à  Epi*5tete.  Alors  Epidetc , 
fins  s'émouvoir  ,  dit  à  fon  maître  : 
JVe  vous  l'dvois-'je  pas  bien  dit  :  Que 
<voiis  me  cafferieT^  la  jambe. 

On  Philofophe  oppofoit  cette 
Hiltoire  aux  Chrétiens  ,  en  difant  : 
Votre  Jefus-Chrifl  a-t-il  rien  fait  de 
fibeaii  a  fa,  mort  t  Oui ,  dit  S.  Juftin, 
//  s'e^  tu. 

Ces  mots ,  remarque  M.  Silvain, 
ne  prefentent-ils  pas ,  non  feulement 
l'image  de  la  conflancc  même  ,  mais 
un  cœur  maître  de  la  mort  ,  &  élevé 
au-deffus  d'elle  ,  JHfqu'à  ne  s'en  pas 
plaindre  i 

Voilà  un  afTez  grand  nombre 
d'exemples  pour  flaire  voir  ce  que 
notre  Auteur  penfe  du  Sublime. 

Il  examine  enfuite  les  raifons  par 
Isfquclles  les  exemples  qu'il  vient 
■de  citer ,  &  les  autres  que  nous 
ivons  pafles ,  font  fubiimes  -,  puis  il 
vient  au  Sublime  des  fentimens  &c 
à  celui  des  mœurs. 

Les  exemples  précedens  font  fu- 
biimes j  félon  lui  ,  parce  que  le 
tour  extr^iordinaire  qu'on  remarque 
■dans  chacun  de  ces  exemples ,  & 
<jui  vient  d'un  mouvement  extraor- 
dinaire de  celui  qui  parle  ,  impri- 
me dans  l'efprit  du  Lecteur  ou  de 
l'Auditeur  k  même  mouvement. 

Un  Chapitre -en-tier  eft  employé 
àjuiliiîcr  cette  penfée  ;  mais  pour 
abréger  nous  réduirons  à  un  feul 
exemple  tout  ce  que  notre  Auteur 
dit  là-deffus  :  ces  paroles  deMoyfe, 
an  commencement  Dieu  créa  le  Ciel 
<îr  la  terre  ^  Icfquelles  fans  doute 
comprennent  aufli  la  création  de  la 
lumière  ,  ne  font  qu'un  fimple  re- 


s  ;  17  5  r-  ï^j 

cit  où  l'Hiftorien  parle  fans  aucune 
émotion.  Si  l'on  difoit  tout  de  mê- 
me 5  Dieu  d'une  feule  parole  créa  la 
lumière j  on  parleroit  aulîi  fans  émo- 
tion :  maislorfque  Moyfe^pour  ex- 
primer la  même  chofe  ,  fe  fert  de 
l'expreffion  fuivantc  :  Dieu  dit  , 
/^ue  la  lumière  fe  fajp  ,  &  la  lumière 
fut  faite  ,  il  marque  par  ce  tour  ani- 
mé ,  qu'il  eft  émeu  d'admiration  , 
&c  ce  mouvement ,  dont  il  paroît 
tranfporté  ,  fe  communique  à  ceux 
à  qui  il  parle ,  enforte  que  leur  amc 
eft  tout  à  coup  ravie  &  élevée. 

Quant  au  Sublime  des  fentimens, 
qui  elt  ce  qui  conltitue  la  véritable 
grandeur  de  l'homme  ,  notre  Au- 
teur le  fait  confiftercn  trois  cliofes: 
1°.  à  être  élevé  par  une  véritable 
magnanimité,  au-de(Tus  de  la  crain- 
te de  la  mort  :  z°.  à  être  élevé  au- 
dcflus  de  fes  paillons  :  3°.  .à  l'être 
audefTus  des  vertus  communes. 

Il  examine  ces  trois  points  dans 
un  grand  détail ,  &  les  éclaircit  par 
des  exemples  importans  ;  une  des 
chofes  qui  lui  paroilfent  mériter 
place  avec  le  plus  de  juftice ,  dans 
le  fublime  des  fentimens,  c'cft  le 
refped  que  les  âmes  véritablement 
nobles  ,  ont  pour  leur  confcience  , 
enforte  qu'elles  ne  confentent  ja- 
mais à  aucun  mal ,  quelque  fecret 
qu'il  puifTe  être.  Notre  Auteur  mec 
encore  de  ce  rang ,  la  noble  confian- 
ce dans  les  autres  &  en  foi -même  j  & 
comme  il  prévoit  qu'on  fera  fans 
doute  furpris  qu'il  mette  ainlî  au 
rang  des  fentimens  fubiimes  ,  la 
confiance  cjit'on  a  en  autrui  &  en  foi- 
même  ,  il  demande  qu'avant  que  de 
le  condamner ,  on  jette  les  yeux  fut 


j66       journal    de 

l'exemple  fuivant  : 

Un  homme  fort  pauvre  ,  char- 
gé de  fa  mère  6i,  d'une  fille  ,  avoit 
deux  Ultimes  amis.  Etant  fur  le 
point  de  mourir  ,  il  fait  fon  tclla- 
mcnt,  &  lègue  à  l'un  des  deux  amis 
de  fiourrir  fa  mère ,  &  à  l'autre  de 
dotter fa  fille.  Les  deux  amis  acceptè- 
rent le  legs ,  &  l'exécutèrent  fidcl- 
Icment  -,  il  fcmble  d'abord  ,  que  la 
fublimitc  de  fcntiment  foit  ici  tou- 
te de  leur  cotéi  point  du  tout  ;  M. 
Silvain  prétend  avecl'Hiftorien  qui 
rapporte  ce  fait ,  que  le  procédé  du 
Teflateiir  ejl  mille  fou  plus  noble  enco- 
re e^ue  lagénérofté  des  Légataires.  Et 
voici  fa  raifon  :  c'eft  que  ,  dit-il, 
il  faut  avoir  Vame  bien  élevée  &  fe 
fenttr  foi-même  bien  capable  de  ces 
fortes  d'aSliom  ,  pour  les  attendre  ,  & 
four  les  exiger  f  hardiment  des  autres. 

Nous  finirons  notre  Extrait  par 
l'article  qui  concerne  le  Sublime 
des  mœurs  :  ce  Sublime ,  fclon  M. 
Silvain ,  a  cela  de  commun  avec  ce- 
lui des  fentimens ,  qu'il  a  fa  fource 
dans  le  coeur  &c  dans  la  vertu  ■■,  mais 
du  refte  il  eft  différent  &  pour  la 
manière  &  pour  l'effet.  Dans  le  Su- 
blime des  mœurs ,  tel  qu'on  le  voit 
aux  Hiftoires  Grecques  &  Romai- 
nes ,  ce  font ,  dit  M.  Silvain  ,  les 
adfions  des  grands  hommes ,  leurs 
Victoires ,  leurs  bienfaits  ,  leurs  ca- 
taderes ,  leurs  vertus  &  la  fuite  de 
leur  vie  toute  héroïque  ,  qui  tou- 


5  SÇAVANS, 

chent  &  qui  ravifTent ,  indépen- 
damment du  difcours  des  Hifto- 
liens  V  ce  qui  efl  fi  vrai  que  quand 
on  changeroit ,  le  tour ,  le  ftyle  & 
même  le  langage  ,  pourvu  qu'on 
rapportât  fidcllcment  Lui  s  ac- 
tions, elles  toucheroicnt  toujours, 

6  le  Sublime  des  mœurs  fubfiflc- 
roit  également.  Voiià  quant  à  la 
manière  ,  quelle  efl ,  fclon  notre 
Auteur ,  la  différence  du  Sublime 
des  mœurs  ,  d'avec  le  Sublime  dés 
fentimens.  Il  prétend  que  ce  Subli- 
me des  mœurs  n'eft  pas  n^oins  dif- 
férent par  rapport  à  l'effet  d'impref- 
fion  du  Sublime  des  fentimens ,  eft 
plus  profende  ,  félon  lui  ,  plus  vi- 
ve ,  plus  noble  ,  &  elle  cfl:  toijjours 
autTi  prompte  que  celle  d'un  éclair, 
au  lieu  que  l'effet  du  Sublime  des 
mœurs  ,  efl  moins  confiderable  ,  6C 
plus  lent ,  l'admiration  que  caufent 
de  iîmples  récits  ,  étant  plus  lan- 
guiffante  &  plus  rare ,  parce  qu'elle 
naît  infenfiblcment ,  qu'elle  fe  ra- 
lentit ,  &  qu'elle  femble  fe  repolèt 
en  une  infinité  d'endroits  qui  ne 
font  pas  propres  à  l'exciter  :  le  prin- 
cipal but  de  notre  Auteur  eft  de 
bien  faire  connoître  le  Sublime 
dans  le  difcours,  nous  avons  via  en 
qtioi  il  le  faitconfiftcr;nous  expofe- 
rons  dans  un  autre  Extrait  la  diffé- 
rence qu'il  met  entre  ce  Sublime  Sc 
plufieurs  chofes  dans  lefquelles  on 
le  fait  confifter  ordinaixement. 


MARS;  1 7  3  j; 


167 


RELATION  HtSTORlQVE  DE  L'ETHIOPIE  OCCIDENTALE, 

contenant  la  Defcr'rption  des  Roy.mm:^s  de  Cango  ^  Angole  &  Matamba  • 
traduite  de  l'Italien  du  P.  Cavazzi  &augmentéc  de  pliijieiirs  Relations  Por^ 
tugaifes  des  meilleurs  Auteurs ,  avec  des  Notes,  des  Cartes  Géographic^ues^ 
■Cr  un  grand  nombre  de  figures  en  taille-douce.  Par  le  R,  P.  J.  B.  Labat , 
de  POrdre  des  Frères  Prêcheurs.  A  Paris ,  chez  Charles-Jean-Baptifte  de 
Lefpine  le  fils  ,  Libraire,  rue  S.  Jacques  ,  vis-à-vis  la  rue  des  Noyers  ,■ 
à  la  Vidoire.  1732.  in-ii.  5.  vol. 


NOUS  nous  fommes  engagés 
dans  le  dernier  Journal  à  ren- 
dre compte  de  quelques  traits  delà 
Relation  du  P.  Cavazzi  qui  regar- 
dent J'Hiftoiie  des  trois  Royaumes 
-de  Congo  ,  d'Angole  &  de  Ma- 
tamba  &  des  peuples  Giagues. 

Comme  les  habitans  duRoyau- 
ine  de  Congo  n'ont  fçu  ni  lire  ni 
écrire  avant  l'entrée  des  Portugais 
dans  ce  Pays-là  ;  on  ne  peut  fcavoir 
-îd'une  manière  alTurée  de  quelle 
manière  _s'eft  formé  ce  Royaume. 
Ce  qui  s'cftconfervépar  tradition, 
c'eft  que  les  anciens  habitans  vi- 
voient  en  forme  de  République ,  & 
que  leur  premier  Roi  s'appelloit 
Lucjueny.Nfa-cu-clau^  fon  ayeul  du 
côté  maternel  avoit  commencé  en 
partie  par  adrefle  &  en  partie  par 
force  à  fe  rendre  maître  des  habi- 
tans de  la  Contrée  ,  qu'il  habitoit 
fur  les  bords  du  Zaire  ,  &  il  avoit 
établi  le  Siège  de  fes  Etats  entre 
des  rochers  efcarpés  fur  le  bord  de 
•cette  Rivière.  Eminia  -  «  -  zima  , 
gendre  de  Nfa  -eu-  clan  ,  foiitint 
ce  que  fon  beau-pere  avoit  com- 
mencé, l'n  jour  que  ce  Prince  étoit 
abfent  du  Fort  où  il  avoit  laifTé  fon 
£ls  Lucjueny  ,  ce  dernier  voulut 
■ûbliger-iine  de  fes  tantes  ^  Cœur  de 


fon  pcre  ,  à  payer  le  tribut  qu'on 
exigeoit  des  perfonnes  qui  paffoient 
prés  de  ce  Fort.  Cette  femme  ,  qui 
étoit  groffc  ,  reprocha  à  fon  neveu 
fon  avarice  &  fon  peu  de  refpeéf 
pour  elle.  Luqueny  ,  indigné  de  ces 
reproches  ,  lui  ouvrit  le  ventre ,  Sç 
fit  ainfi  mourir  fa  tante  &  le  fruijc 
qu'elle  poitoit.  Eminia  -  n  -  Tima 
voulut  à  fon  retour  punir  fon  fils 
de  cette  barbarie,  mais  les  gens  qui 
crurent  voir  dans  l'aâiion  cruelle 
du  jeune  homnie  quelque  chpfe  dp 
martial  ,  le  retirèrent  d'entre  Icf 
mains  de  fon  pcre  ,  le  mirent  à  leur 
tête ,  &  le  nommèrent  Aiiitina  , 
c'eft-à-dire  Roi. 

Son  armée  s'aunjmenta  peu  à  peu 
par  les  conquêtes  ;  il  fe  rendit  maî- 
tre de  la  Province  qu'on  noramoit 
alors  Npenpacaffi ,  &  qui  a  pris  de- 
puis le  nom  de  Congo  ,  &  il  fubju- 
gua  les  Pays  voifins  ■-,  ayant  choifi 
pour  Capitale  de  fon  Empire  la 
Montagne  Ifolèe  ,  où  eft  encore  au- 
jourd'hui la  Ville  de  Saint  Salvador, 
il  partagea  fes  Etats  en  différentes 
Provinces,  dont  les  Gouverneurs 
firent  de  nouvelles  conquêtes  \  de 
forte  que  fes  dcfccndans  poffede- 
rent  avec  les  trois  Royaumes  de 
Congo ,  d'Angole  &  deMatambaj 


i68        JOURNAL    DE 

ceux  de  ReamorLiJfa  ,  Paghrlingi  ^ 
à.' yin/i<jiti ,  A'^ftacana  ,  de  LoAtigo^ 
de  Chijpima  ,  A'^bondi ,  à''Agoi^  de 
Caccoiigo ,  &:  plufieurs  autres. 

Le  P.  Cavazzi  ne  marque  aucu- 
nes circonftanccs  qui  puilknt  faire 
connoître  en  quel  tcms  vivoit  Lit- 
efueny.li  avoiie  même  qu'on  ne  peut 
connoître  h  fuite  de  fcs  Succef- 
feurs  ,  &  que  toute  la  tradition  fe 
borne  fur  ce  point  ,  à  dire  que  les 
Rois  qui  rcgnoient  à  Congo  &  qui 
avoient  perdu  la  portion  la  plus 
conhderablc  de  leurs  Etats ,  lorf- 
quc  les  Portugais  entrèrent  dans  ce 
Pays-là,  defcendoientdeZ.K^'wwy , 
de  même  que  ceux  qui  y  regnoient 
du  tems  du  P.  Cavazzi. 

Les  Portugais,qui  en  continuant 
leurs  découvertes  fur  les  Côtes  d'A- 
frique en  1484.  y  établirent  bien-tôt 
leur  commerce  ,  &  y  firent  prêcher 
i'Evangile.LeRoi  deCongo  embraf- 
fa  lui-mê.Tie  la  Religion  Chrétienne 
en  1490.  &  reçut  au  baptême  le 
nom  de  Jean  ,  &  fon  fils  aîné  qui 
fuivit  fon  exemple  ,  fut  nommé 
Alphonfe.  Mais  Panfo-Aquitima^ 
le  fécond  des  fils  du  Roi  de  Congo, 
qui  étoit  ennemi  déclaré  des  Chré- 
tiens j  engagea  fon  père  à  abandon- 
ner le  Chriftianifme.  C'cft  ce  que 
dit  le  P.  Labatte  en  fuivantles  Au- 
teurs Portugais  qu'il  croit  avoir  été 
bien  inftruits  de  ces  faits.  Il  aban- 
donne en  cet  endroit  le  Père  Ca- 
vazzi qui  prétend  que  ce  Prince  a. 
continué  jufqu'à  fa  mort  à  faire 
piofclîîon  de  la  Religion  Chrétien- 
ne. 

Après  la  mort  du  Roi  Jean  ^  le 
Prince    Panfa  -  Aquitama   voulut 


S    SÇAVANS, 

s'emparer  du  Trône  ^  mais  le  Prin- 
ce Alphonfe  étant  a  la  tête  d'une 
fetitc  troupe  de  Chrétiens,  défie 
armée  nombrcufe  de  fon  frère  ,  Se 
fut  reconnu  pour  Roi  p.ir  toute  la 
Nation.  On  dit  que  dans  la  bataille 
entre  les  deux  Princes  la  Sainte 
Vierge  parut  à  côté  d' Alphonfe,  & 
S.  Jacques  devant  lui.  Il  s'appliqua 
pendant  fon  règne  à  faire  fleurir 
dans  fes  Etats  la  Religion  Chré- 
tienne ,  Ik  il  eut  la  confolation  de 
lavoir  embrafTer  parle  plus  grand 
nombre  de  fes  fujets.  D.  Pierre  I. 
fut  l'héritier  du  Trône  &i  des  vertus 
de  fon  pcrc.  Il  augmenta  les  fonds 
pour  l'entretien  des  Eglifcs  &  des 
Millionnaires ,  &  il  favorifa  beau- 
coup les  Européens  qui  établirent 
dans  le  Rovaume  de  Congo  les 
arts  qui  y  avoient  été  pour  la  plu- 
part inconnus  jufqu'alois.  Ce  tut 
fous  ce  Prince  que  le  Pape  donna  à 
l'Evcquede  S.  Thomé  toute  la  Ju- 
rifdiclion  fur  le  Royaume  de  Con- 
go. D.  Pierre  mourut  en  1537.  il 
eut  pour  Succefleur  Dom  François 
fon  trere  Prince  zélé  pour  la  foi 
Chrétienne  ,  mais  qui  ne  régna  que 
deux  ans.  Après  fa  mort  Dom  Die- 
go monta  fur  le  Trône  ,  Se  reçut 
les  premiers  Millionnaires  Jefuites 
qui  prêchèrent  avec  beaucoup  de 
fuccès  -,  ce  Prince  étant  mort  huit 
ans  après  fon  avènement  à  la  Cou- 
ronne,les  Portugais  fe  crurent  aflcz 
puilTans  pour  faire  monter  lur  le 
Trône  un  SeigneurCongois  qui  n'é- 
toit  point  du  Sang  Royal ,  mais  les 
Grands  &  le  peuple  également  in- 
dignés de  cette  entreprife  ,  taillè- 
rent en  pièces  les  Portugais  ,  à  l'ex- 
ceptioB 


M   A  R 

ccption  des  'Niiilîonnaircs  qui  fu- 
rent refpedés,  &  élurent  D.  Henri, 
frère  du  dernier  Roi  ,  qui  tut  tué 
l'année  fuivantc  d.ins  une  bataille 
contre  les  Auzicanes,  peuples  féro- 
ces Se  Antropophages.  Dom  Alva- 
rc  fon  lîls  régna  pendant  plus  de 
40.  ans ,  mais  fon  règne  fut  traver- 
fé  par  les  courfes  des  Giagues  ,  par 
la  perte  &  par  la  famine  ,  &  le 
Prince  5c  les  Sujets  fcroient  tous  pé- 
ris ,  fi  les  Portugais ,  aufquels  il  cé- 
da le  Royaume  d'AngoUc  ,  ne  les 
avoient  fecouru.  Les  17  années  du 
règne  de  Dom  Alvare  II.  fils  du 
précèdent ,  furent  beaucoup  plus 
tranquilles ,  de  ce  Prince  en  profita 
pour  faire  refleurir  la  Religion 
Chrétienne.  Dom  Bernard  fon  fils 
aîné  ne  régna  qu'un  an  ,  le  bruit 
courut  qu'il  avoit  été  aflafliné  par 
par  l'ordre  de  Dom  Alvare  fon  frè- 
re. Cependant  ce  Prince  qui  défa- 
volioif  hautement  ce  crime ,  fut 
élevé  fur  le  Trône.  Il  mourut  après 
un  règne  de  fept  ans  fort  regretté 
de  fes  Sujets  &  des  étrangers.  Il 
avoit  envoyé  une  ambalfade  au  Pa- 
pe Paul  V.  Dom  Pierre  II.  fils 
d' Alvare  II.  &  Dom  Garcias  ne  ré- 
gnèrent chacun  que  deux  ans.  Dom 
Ambroife  ,  Prince  jufte  &  pieux  ne 
rcgna  que  cinq  ans.  Le  règne  de 
Dom  Alvare  IV.  ne  fut  pas  plus 
long.  Dès  que  Dom  Alvare  V.  fon 
Succeffeur  fe  vit  fur  le  Trône  ,  il 
voulut  faire  périr  deux  de  fes  cou- 
fins  Dom  Alvare  Duc  de  Bamba , 
&  Dom  Garcias  Marquis  de  Chio- 
va.  Ceux-ci  ayant  levé  des  Trou- 
pes ,  le  Roi  marcha  contr'eux  ,  fut 
Battu  Se  fait  prifonnicr.  Les  Vido- 
Mars. 


S,  17?  ^  i6(} 

rieux  n'abuferent  point  de  leur  vic- 
toire ,  ils  traitèrent  leur  prifonnier 
comme  leur  Souverain ,  &  ils  le 
reportèrent  eux-mêmes  dans  fon 
Hamac  à  fa  Capitale.  Le  Roi  qui 
crut  qu'il  lui  étoit  honteux  de  de- 
voir la  vie  à  fes  Sujets ,  leva  de  nou- 
velles Troupes  ,  attaqua  encore  fes 
deux  coufins  &c  fut  tué  dans  la  ba- 
taille qu'il  perdit.  Le  Duc  de  Bam- 
ba fut  élevé  fur  le  Trône  èc  régna 
pendant  cinq  ans.  Ce  fut  un  grand 
Prince.  Il  envoya  une  ambalfadc 
d'obédience  au  Pape  Urbain  VIII. 
Le  Marquis  de  Chiova  étant  à  la 
tête  d'une  armée  ,  après  la  mort 
d'Alvare  VI.  fit  violence  aux  Elec- 
teurs &  monta  fur  le  Trône.  Il 
fit  paroître  beaucoup  de  zélé  pour 
la  Religion  Chrétienne  au  com- 
mencement de  fon  règne  ,  mais 
l'ambition  de  faire  monter  fon  fils 
fur  le  Trône ,  lui  fit  prendre  la 
refolution  de  faire  mourir  tous  les 
Princes  du  Sang  Royal.  Ceux  qui 
purent  échapper  à  fa  turcur  fe  reti- 
rèrent dans  le  Royaume  d'Angolle. 
Le  Roi  irrité  de  la  manière  dont  les 
Portugais  avoient  reçu  ces  Princes, 
&  des  remontrances  que  lui  fai- 
foient  les  Miflîonnaires ,  rappella 
à  la  Cour  les  Magiciens  que  fes  an- 
cêtres avoient  chaflcs.  Ceux-ci  qui 
connoilfoient  l'attachement  du  fils 
aîné  du  Roi  pour  la  Religion  Chré- 
tienne ,  perfuaderent  à  Dom  Gar- 
cias que  fon  fils  aîné  i'avoit  voulu 
empoifonner.  Le  Roi  fit  auflî-tôt 
élire  &c  couronner  le  Prince  Antoi- 
ne I.  fon  fécond  fils. 

Dom  Antoine  qui  régna  après  l*. 
mort  de  fon  père ,  fe  rendit  odieuK 
Y 


17©         JOURNAL  DE 

par  les  cruautcz  inouïes  qu'il  exer- 
ça contre  les  hcres ,  fes  oncles  ,  fa 
femme,  &:  contre  tous  fes  Sujets. 
Les  remontrances  des  Millionnai- 
res bien  loin  de  l'arrêter  ,  lui  firent 
prendre  la  ïcfolution  non  feule- 
ment de  faire  périr  les  Ecclciiarti- 
qucs,  mais  encore  tous  les  Portu- 
gais qui  croient  fur  cette  Côte  d'A- 
frique. Avant  que  d'exécuter  cette 
cntrepnfe  il  confulta  les  Devins  & 
fit  des  facrifices  aux  faux  Dieux. 
Mais  les  promcflcs  de  ces  lyta^iciens 
n'empêchèrent  point  que  {on  ar- 
mée Hombreufe  ne  fût  défaite  par 
un  petit  nombre  de  Portugais ,  & 
qu'il  ne  pérît  lui-même  dans  la  ba- 
taille. Un  Prince  du  Sang  qui  étoit 
des  derniers  de  la  famille  Rovaie  , 
profita  de  la  contqfion  où  étoit 
alors  le  Royaume  de  Congo  pour 
s'emparer  du  Trône  avec  violence. 
Il  prit  k  nom  d'Alvare  VII.  c'étoit 
un  turieux,un  tyran, un  impudique, 
qui  avoir  reçu  le  baptême  étant  à 
la  mammelle  ,  mais  qui  n'avoir  ja- 
mais tait  aucun  exercice  de  la  Reli- 
gion Chrétienne.  ScsSujcts.lc  çbaf- 
fercflt  en  1666.  &:  ils  élurent  à  fa 
place  un  jeune  Prince  <le  10  ans 
qui  prit  le  nom  d'Alvare  VIII.  On 
en  concevoitde  grandes  efperanccs. 
Mais  le  Marquis  de  Pamba  s'étant 
Kvolté  contre  lui ,  avant  qu'il  eut 
pu  s'affermir  fur  le  Trône  il  l'ea 
chafla  &  s'y  plaça  lui-même.  Ctci 
arriva  en  i6-jo.  Le  P.  Cavazzi  finie 
ici  fes  Mémoires  ftir  la  fucceiîion 
des  Rois  de  Congo.  Ce  Royaume 
n'eft  pas  purement  fucccillf.  Qiund 
le  Trône  eft  vacant  trois  Seigneurs 
«nt  droit  d'élire  uu  Roi  ^  mais  ils 


S  SÇAVANS. 

le  peuvent  choihr  entre  tous  les 
Princes  de  la  Maifon  Royale.  Il 
arrive  fouvcnt  qu'un  de  ces  Princes 
eft  fi  puilTant ,  qu'il  ne  refte  guéres 
de  liberté  .à  ces  Seigneurs  pour  faire 
leur  choix. 

L'Hilloire  du  Royaume  d'An-;, 
gollc  avant  l'entrée  des  Européens 
dans  ce  Pays-là,  n'eft  pas  plus  affu-; 
ré ,  luivant  le  P.  Cavazzi ,  que  l'an-, 
cienne  Hiftoire  de  Congo.  Aufli  ce 
qu'il  en  rapporte  n'eft-il  tonde  quc; 
fur  de  (impies  traditions  fort  coii- 
fufcs  ,  dont  il  refultt  que  le  Royau- . 
me  d'AngoUe  a  eu  long-tcms  des. 
Rois  particuliers  ,  mais  qui  étoient 
fous  la  dépendance  du  Roi  de  Con- 
go. Les  Nègres  de  cette  Contrée 
difent  qu'y^ngola  fut  le  Fçmdateur 
de  ce  Rovaume.  Il  tut  le  premier 
qui  Içut  tondre  le  fer  ,  &  qui  en  ht 
des  outils  &c  des  armes.  Il  les  donna 
à  fesCompatribtcs  en  échange  des 
denrées  que  la  terre  produifoit ,  Se 
de  peaux  de  bctc.  Il  fit  de  grands 
magafins  de  ces  marchandifes ,  & 
la  difette  étant  furvenuti  il  les  di- 
ftribua  toutes  à  une  grantle  partie 
du  peuple  qui  feroit  péric  fans  ce 
fccours  ,  ce  qui  les  détermina  i 
choifir  Angola  pour  leur  premier 
Roi.  Cet  habileforgeron  ,  premier 
Souverain  des  Libitans  de.  foH 
Pavs  ,  étant  parvenu  à  uneextvêi^ 
yieHleffe  fut  mallacrepar  un  de  fqs 
Efclaves  qui  ctoit  fon  premier  Mi- 
niftre  &  qui  s'empara  du  Trône. 
Celui-ci  étant  moit  fubucment  „ 
Zunda-Riangola ,  fille  d'Angola^ 
obtint  la  Courpnne  que  fon  père- 
ivoit  portée.  Mais  cette  Princeflè 
cruelle  ayant  fait  mourir  foiinevcii 


MARS 

^Is  de  fa  fœur  Tumba  -  Rcangola. 
Cette  dernière  voulant  fe  venger 
de  la  Reine  ,  alla  l'attaquer  &  l'é- 
gorgea  de  fa-  propre  main  ,  après 
<]Ue  tous  les  filjets  de  Zunda-Rian- 
gola  l'eurent  abandonnc.LesNégres 
déférèrent  auin-tôt  la  Couronne  à 
Tumba  ,  qui  voulut  la  partager 
avec  fon  mari  \  mais  celui-ci  refu- 
iànt  de  l'accepter  ,  ils  convinrent 
de  faire  couronner  Angola  Chil- 
vanni  leur  iîls.  Ce  fut  un  Prince 
guerrier  qui  augmenta  beaucoup 
fès  Etats  par  fes  conquêtes.  Le  Roi 
d'Angola  qui  ctoit  fur  le  Trône 
dans  le  tems  que  les  Portugais  fc 
rendirent  riiaîtres  du  Royaume 
d'Angolc  ,  étoit  defcendu  d'Ango- 
la -  Chilvanni  ,  &  les  ombres  de 
Rois  que  les  Portugais  ont  confervé 
4ans  un  Canton  du  Royaume  font 
4efeendu$  du  même  Prince.  Ces 


derniers  Rois  d'Angole  dont  parle 
le  P.  Cavazziétoicnt  Chrétiens. 

Nous  palferions  nos  bornes  or- 
dinaires ,  fi  lious  voulions  entrer 
dans  le  détail  de  l'Hiftoire  du 
Royaume  de  Matamba  ^  en  particu- 
lier de  celle  de  la  Reine  Zuingua, 
dont  la  vie  contient  un  grand  nom- 
bre défaits  très- interclîans.  La  vie 
de  cette  Reine  occupe  prefque  un 
Volume  entier.  Le  Pcre  Labatquia 
pris  la  peine  de  confronter  ce  qné 
le  P.  Cavazzi  dit  de  la  Reine  Zuin- 
gua &  de  la  Princelfe  fa  fœur  qui 
lui  a  fuccedé  ,  avec  ce  qu'en  rap- 
portent les  aunes  Auteurs  qui  en 
ont  parlé ,  avertir  que  le  P.  Cavaz^ 
zi  entre  dans  un  plus  grand  détail 
que  les  autres  Hiftoriens  ,  Se  qu'il  s. 
été  mieux  inftruit  qu'eux  d'un 
grand  nombre  de  circonftances  paS; 
ticulieres. 


Yii, 


172  JOURNAL    DES   SÇAVANS, 


HISTOIRE  DE  T)  ANNEM  ARC  l  AVANT  ET  DEPVIS 
fétahltjfement  de  la  Monarchie  :  far  AI.  J.  5.  Dcfroches  ,  Ecuytr-Con- 
feuler  &  Avocat  Général  dit  Roi  très-Chrétien  ^  au  Bureau  des  Finances  & 
Chambre  du  Domaine  de  la  Généralité  de  la  Rochelle.  Nouvelle  Edition  , 
reviïé  &  corriq^éf  fur  l'Edition  d'Hollande  ;  à  lacjuelle  en  a  joint  la  fuite 
de  la  même  Hiftoire  juf<]u'en  l'année  lyji.  A  Paris ,  chez  les  Frères  Bar- 
boH  ,  Libraires ,  rue  S.  Jacques  ,  auxCicognes.  lyji.  /«-i».  5.  vol. 


NOUS  avons  rendu  compte 
dans  le  fécond  Journal  de 
cette  année  de  la  Diflcrtation  Pic- 
liminaire  qui  eft  à  la  tête  de  cette 
Hiftoire  ,  &:  de  la  première  Par- 
tie de  l'Ouvrage  qui  comprend 
ce  que  l'Auteur  a  dit  duDannemarc 
prel(.]ue  depuis  le  tems  du  Déluge 
jufqu'à  celui  de  rétabliffement  de 
la  Religion  Chrétienne  dans  ce 
Pays-là  vers  le  milieu  du  huitième 
lîécle.  Il  nous  refte  à  dire  quelque 
chofe  de  ce  que  nous  pouvions  re- 
garder comme  la  féconde  partie  de 
cette  Hiftoire  ,  c'eft-à-dire  de  ce 
qui  s'eftpafte  en  Danncmarc  depuis 
l'établiiïement  de  la  Religion 
Chrétienne  jufqu'à  prefent. 

On  commence  à  cette  époque  à 
avoir  quelque  chofe  de  moins  in- 
certain fur  le  Dannemarc  que  pour 
les  temsprécedens.  Parce  que  l'Hi- 
ftoire  de  ce  Royaume  ayant  alors 
quelque  liaifon  avec  celle  de  l'Egli- 
fe  j  les  Hiftoricns  Ecclefiaftiques 
ont  eu  quelquefois  occafion  de 
parler  des  Danois  &  de  leurs  Sou- 
verains ,  &  parce  que  les  Danois 
ont  eu  depuis  ce  tcms-là  plus  de 
relation  avec  les  autres  nations  de 
l'Europe.  Il  faut  néanmoins  conve- 
nir qu'il  refte  encore  beaucoupd'ob- 
fcuritez  fur  l'Hiftoire  des  premiers 


Rois  Chrétiens  du  Dannemarc , 
elles  diminuent  peu  à  peu  &  à  me- 
fure  qu'on  approche  plus  du  tems 
auquel  les  Auteurs  Dannois  ont 
commencé  à  écrire  l'Hiftoire  de 
leur  Patrie  &  de  leurs  Souverains. 

Comme  nous  ne  pouvons  fuivre 
l'Auteur  dans  le  détail  d'un  grand 
nombre  de  règnes  ,  nous  nous  bor- 
nerons à  donner  l'Extrait  de  deux 
Morceaux  ,  dont  le  premier  qui 
regarde  le  tems  d'obfcuritez  ,  a 
fourni  à  l'Auteur  la  matière  d'une 
Dilfertation  particulière.  Il  s'v  agit 
des  Rois  qui  ont  régné  en  Danne- 
marc dcpuisRagnard  Lodbroch  juC' 
qu'àGormon  le  vieux.  Saxon  &:  les 
autres  Hiftoricns  Dannois  mettent 
entre  ces  deux  Princes  ,  comme 
Roi  de  tout  le  Dannemarc  Siward 
III.  qui  commença  à  régner  vers 
l'an  850.  Eric  1.  Éric  II.  Canut  I. 
Fronton  VI.  Gormond  II.  Ha- 
rald  VI.  Horda-Knut,  lequel  eut 
pour  Succefteur  Gormond  III.  ou 
le  vieux  ,  qui  commença  à  régner 
vers  Pan  900.  Torphius  met  Si- 
w  ard  à  l'œil  de  Serpent  au  rang  des 
Rois  qui  ont  gouverné  toute  la  Na- 
tion Dannoife.  Mais  les  deux  Eric 
n'ont  été  ,  fclon  lui  ,  que  de  fim- 
plcs  Rois  de  Juthie  ,  tributaires 
ou  Feudataircs  des  Rois  de  Dan- 


M  A  R 

Bemarc ,  Knut  ou  Canut  ii'efl  autre 
ehofe  que  Knut  rcxpofc  Roi  de 
Juthic.  Fronton  qui  elt  marqué  paf 
les  anciens  Hiftoricns  Saxons  com- 
me SucceiTcur  de  Knut  ,  ne  fut 
point  Roi  dcDanncmarc,puifqu  on 
le  fait  Contemporain  du  Pape  Aga- 
pet  II.  qui  ne  tut  élevé  fur  la  Chai- 
re de  S.  Pierre  qu'en  94^.  tems  dans 
lequel  regnoit  en  Dannemarc  Ha- 
raid  à  la  dent  bleue ,  fils  de  Ger- 
mon le  vieux.  Notre  Auteur  croit 
que  ce  Prince  a  régné  dans  la  Ju- 
thic ,  &c  qu'il  a  été  baptifé  vers 
l'an  948.  par  Hunon  Archevêque 
de  Brème.  Pour  ce  qui  efl;  de  Gor- 
mon  II.  ou  l'Anglois  notre  Auteur 
con)eclure  que  c'eft  un  compote  de 
Gormon  fils  de  Knut  l'cxpofé  & 
d'Olaus  l'Anglois  ,  qui  régna  dans 
la  Juthie  comme  ValTal  du  Roi  Si- 
gurd-Hring.  Pour  ce  quieli  d'Ha- 
raid  VI.  l'Hiftorien  Saxon  n'en 
rapporte  aucune  adion  ,  &  il  fc- 
roit  alfez  inutile  de  prendre  de  la 
peine  pour  connoître  ce  Prince. 
Ainfi  Torphxus  fait  fucccder  à  Si- 
ward  à  l'œil  de  SerpentHorda-Knut 
qu'il  croit  fils  de  Siward  3i  perc  de 
Gormon  le  vieux.  Ce  Gormon  doit 
être  regardé  ,  fuivant  que  l'obfcrvc 
M.  Defroches ,  comme  le  Reftau- 
raccur  de  la  Monarchie  Danoife  ; 
car  ne  fe  contentant  point  de  la 
portion  héréditaire  qui  lui  étoit 
échue  ,  il  fubjuga  la  Juthie  &  la 
réunit  au  Dannemarc  dont  elle 
étoit ff parce  depuis long-tems.Ha- 
rald  à  la  dent  bleue  qui  avoit  régné 
pendant  quelque  tems  avec  Gor- 
mon le  vieux  ,  gouverna  feul  après 
lamortdeXon  père ,  &  iaitra  pour 


S  ,     I  7  î  5-     ^  17? 

SuccetTeur  Suenon  à  la  barbe  four- 
chue ,  qui  étoit  foniils.  Depuis  ce 
tems-là  l'ordre  de  la  tuccellion  des 
Rois  de  Dannemarc  eft  conftanc  & 
la  Chronologie  cft  plus  certaine. 

Quoique  la  Chronologie  ne  pei- 
mette  point  d'admettre  autant  de 
Rois  entre  Ragnard  -  Lodbroch  & 
Gormon  le  vieux  ,  qu'en  ont  admis 
Saxon  &;  les  Hiftoriens  de  Danne- 
marc i  Meurfius  s'cft  encore  plus 
écarté  que  ces  autres  Auteurs.  Car 
il  a  joint  aux  Rois  reconnus  par  Sa- 
xon trois  autres  Rois  ;  Olaus  le 
Suédois ,  qui ,  félon  cet  Ecrivain  , 
profita  de  la  grande  jeunetfe  de  Ca- 
nut fils  d'Eric- Lenfant,  pour  s'em- 
parer du  Trône  de  Dannemarc  8c 
qui  régna  cinq  ans,  Siward  petit- 
fils  d'Olaus ,  dont  il  tait  aufli  un 
ufurpateur  delà  Couronne;  &  Sue- 
non  aux  longs  pieds  ,  qu'il  dit 
avoir  été  fils  de  Canut ,  fils  d'Eric- 
Lentant.  Suivant  la  Chronolo- 
gie de  Meurfius ,  la  mort  de  Gor- 
mon l'Anglois  tomba  à  l'année 
954.  il  donne  pour  SuccetTeur  à 
Gormon  l'Anglois, Harald  fon  fils, 
après  lequel  vient  Gormon  le  vieux, 
qu'il  fait  contemporain  de  l'Empe- 
reur Henri  rOifeleur ,  cependant 
cet  Empereur  étoit  mort  des  l'an- 
née 93^.  &  par  confequent  plus  de 
30  ans  avant  la  fin  du  règne  de 
Gormon  l'Anglois ,  fuivant  le  cal- 
cul de  Meurfius. 

Le  changement  dans  la  forme 
du  gouvernement  du  Royaume  de 
Dannemarc,  eft  un  événement  trop 
confiderablc  pour  que  nous  ne  rap- 
portions point  la  matière  dont  no- 
tre Anteur  dit  qu'il  etl  sriivé. 


174        JOURNAL    D 

Le  Royaume  de  Danncmarc  fe 
voyoit  expofé  à  devenir  la  proye  de 
fes  ennemis ,  fes  richcfies  étoient 
épuifées  par  les  guerres  précéden- 
tes ,  &  le  Pays  étoit  entièrement 
ruiné.  Le  Roi  Frédéric  IIL  voulant 
chercher  quelque  remède  à  de  ii 
grands  maux  ,  convoqua  en  1660. 
les  Etats  généraux  du  Royaume. 
Le  Clergé  qui  étoit  fâché  d'avoir 
perdu  le  premier  rang  depuis  l'in- 
troduction de  la  prétendue  Retor- 
mation  de  Luther  dans  le  Royau- 
me ,  &c  les  Communes  quifepic- 
quoient  d'avoir  fauve  la  Capitale 
du  Royaume  &  l'Etat  entier  fe  plai- 
gnirent de  la  Nobleffe  &  prétendi- 
rent que  non  feulement  elle  n'avoit 
point  contribué  aux  Charges  pu- 
bliques pendant  ces  malheurs,  mais 
encore  qu'elle  avoit  abufé  de  fon 
autorité  dans  le  manimcnt  des  affai- 
res dont  elle  s'étoit  emparé ,  ils  de- 
mandèrent que  l'argent  ncceffaire 
pour  la  défenfe  de  l'Etat  fut  levé 
fur  tout  le  monde  ,  &  même  fur  les 
Nobles  qui  pofledoient  toutes  les 
terres.  Othon  Eragge  ,  l'un  des 
principaux  Sénateurs  ,  dit  que  le 
peuple  ne  connoilToit  pas  les  pri- 
vilèges de  la  Noble iTe  ,  &:  que  le 
petiple  n'en  étant  que  l'efclave ,  il 
devoit  avçir  plus  de  refped  pour 
elle.  Nanfon,rréfidcnt  de  Copen- 
hague &;  Député  du  peuple  , 
répliqua  avec  chaleur  qu'il  étoit 
peifuadé  que  les  pei-iples  ne  per- 
mettroicnt  jamais  que  ks  Nobles 
les  traitaltènt  en  efclaves  ,  &  qu'ils 
en  feroicnt  bientôt  convaincus  à 
leurs  dépens,  Il  rompit  aulVi -tôt 
l'alTembléc  pour  exécuter  un  dcf- 


ES     SÇAVANS, 

fcin  qu'il  avoit  formé  ,  quoique- 
toiblement ,  avec  l'Evèque  de  Co- 
penhague. Ce  deiTein  étoit  de  don- 
ner au  Roi  un  pouvoir  nbfolu ,  &C 
de  rendre  la  fucceflion  héréditaire 
dans  h  tanulk  Royale, 

Pour  mieux  faire  goiiter  ce  def- 
fein  au  peuple  on  lui  repéra  qu'on 
ne  pouvoir  imputer  les  nulheurs 
dont  il  étoit  accablé  qu'a  la  mau- 
vaife  conduite  de  la  NoblelTe  qui 
depuis  quelques  lléclcs  s'étoit  mifc 
en  poiïeiTion  de  gouverner  le  Roi 
&c  l'Etat.  Le  peuple  étant  ainfi 
échauffé ,  la  proportion  de  rendre 
le  Roi  maître  abfolu  du  gouverne- 
ment &  le  Royaume  héréditaire  fut 
applaudie  par  tous  les  députez  , 
cependant  l'exécution  fut  remife 
au  lendemain.  Pendant  la  nuit  le 
Chef  du  Clergé  &c  Nanfon  com- 
muniquèrent leur  deflein  au  pre- 
mier Miniftre  d'Etat  Annibal-See- 
flede  qui  étoit  un  grand  politique. 
On  fit  enforte  pendant  toute  U 
nuit  d'entretenir  la  colère  du  peu- 
ple, &  on  rendit  compte  au  Roi  de 
ce  qui  fe  palToit.  Le  Roi  témoigna 
d'abord  qu'il  verroit  avec  plaifu  la 
Souveraineté  perpétuée  dans  fa  fa- 
mille ,  pourvu  que  ce  fut  d'un  con- 
fcntemcnt  unanime  ,  mais  il  protCr 
lia  qu'il  ne  fouhaittoic  en  aucune 
manière  devenir  abfolu.  La  Reine 
moins  fcrupuleufc  engagea  enfaite 
ee  Prince  a  coitfcntir  à  ce  qu'on  lui 
prt)pofoit  de.  la  pa«t  du  Clergé  & 
du  peuple.  Le  Roi  promit  aux 
Communes  de  les  rendre  libres, aux 
Bourgeois  de  leur  permettre  de 
porter  l'épce,  &  .111  Clergé  de  le 
relever  de  l'abaillenicnt  où  la  N»» 
blelfc  le  tcnoit. 


M  A  R 

Cependant  les  Etats  s'étant  af- 
(emblés  ,  Nanlbn  annonça  à  la  No- 
bIe(Te  la  rcfoiution  que  le  peuple 
avoir  prifc ,  &  il  demanda  fur  le 
champ  la  réponfe.  La  Noblclle  ter- 
ralTée  par  ce  difcours  ne  donna  au- 
cune marque  de  courage  ni  de  vi- 
gueur ,  elle  déclara  au  contraire 
qu'elle  ctoit  prête  à  foufcrire  à  la 
propofition  faite  en  faveur  du  Roi, 
mais  elle  demanda  du  tcms  pour 
longer  aux  moyens  d'cxccuter  cette 
propoficion.  Pendant  ces  difputes 
les  Nobles  députèrent  en  fccret  un 
d'entr'eux  pour  fupplier  le  Roi 
d'accepter  l'iaérédité  delà  Couron- 
ne dans  fa  famille  ,  mais  pour  fes 
defcendans  mâles  feulement.  Le 
Roi  ayarjt  reçu  la  propofition  des 
Dépiuex  fins  fiire  paroîtrc  la  moin- 
dre alteîarioo  dans  fon  air  ou  dans 
fes  paroles.,  ieur  répondit  qu'il 
étoit  bien  éloigné  de  vouloir  pref- 
jcrire  des  loix  à  la  NoblclTe  fur  ce 
fujct  ,  mais  qu'il  croioit  qu'on  ne 
trouveroit  pas  mauvais  qu'il  n'ac- 
ceptât point  fur  le  champ  leurs  of- 
fres ,  avec  la  limitation  par  laquel- 
le on  excluoit  les  femmes  de  la  fuc- 
cciïion  i  la  Couronne.  Néanmoins 
le  Clergé  &  le  peuple  impatiens  de 
n'avoir  point  de  réponfe  précife 
de  la  Noble  lîe  ,  allèrent  enfemble 
au  Palais  où  ils  offdrent  au  Roi 
l'hérédité  de  la  Couronne  tant 
pour  les  mâles  que  pour  les  filles , 
&  le  pouvoir  abfolu.  Le  Roi  de- 
manda le  confentement  de  toute  la 
Nation  avant  que  d'accepter  leurs 
offres.  La  NoblelTe  qui  avoit  fçû  la 
démarche  des  deux  autres  Etats ,  fe 
fépara  fans  avoir  pu  prendre  de  re- 


s  ,    173  ?•  i7jr 

folution  dans  une  circonftance  fi 
délicate.  Mais  les  Sénateurs  étant  à 
table  en  la  maifon  d'un  Sénateur , 
à  la  pompe  funèbre  duquel  ils  dé- 
voient affilier  ,  on  leur  vint  annon- 
cer que  les  portes  de  la  Ville  étoient 
fermées.  Ce  fut  alors  que  la  crainte 
de  quelque  violence  plus  funefte  de 
la  part  du  Clergé ,  du  peuple  &c  de 
l'armée  ^  l'emporta  fur  celle  de  la 
perte  de  leur  privilège  ,  &  ils 
refolurcnt  d'approuver  l'offre  que 
les  Députez  du  peuple  avoient 
faite  au  Roi.  Cependant  on  n'ou- 
vrit point  les  poi;tes  de  la  Ville 
avant  qu'on  eût  difpofé  tout  ce 
qui  étoit  neceffaire  pour  la  céré- 
monie de  l'inftallation  ,  ni  même 
avant  que  l'hommage  eût  été  fait 
dans  les  formes.  M.  Defroches  dé- 
crit avec  affez  d'étendue  la  manière 
dont  fe  fit  cette  cérémonie  ,  Se  h 
picflation  du  ferment.  Il  obfcrve 
que  perfonne  n'y  pouiTa  même  de 
foupirs  pour  la  liberté  expirante  j 
&  que  le  grand  Maître  Gerfdorf(ut 
le  feul  qui  ofi  dire  qu'il  efperoit 
que  le  Roi  ne  gouvcrneroit  point 
en  tyran  ,  qu'il  fouhaitoit  que  fes 
fucceffeurs  fuiviiTent  l'exemple  que 
S.  M.  leur  mettroit  devant  les  yeux 
6c  qu'ils  fe  ferviffent  de  ce  pouvoir 
fans  bornes  pour  le  bien  &:  non 
pour  la  ruine  de  leurs  Sujets.  On 
agita  la  queition  dans  toute  l'Euro- 
pe ,  fi  l'on  devoit  approuver  ou 
blâmer  cette  démarche  des  Danois. 
L'Auteur  dit  que  comme  les  diffé- 
rentes formes  de  gouvernement 
ont  chacune  leur  avantage  &  leur 
défavantage ,  il  eft  difficile  de  déci- 
der cette  queftion  par  des  principesi 


17^  JOURNAL    DES   SÇAVANS. 


mais  qu  a  eu  )ugcr  par  i'évcncmcnt 
ce  changement  a  été  tics  -  avanta- 
geux au  Rovaume  de  Danncmarc. 

Le  Journal  Hillorique  qui  fait 
le  9°  Volume  de  ce  Recueil ,  qui 
commence  en  1^99.  &i  qui  finit  en 


1752.  contient  l'I-îirtoirc  de  Chriftî- 
nien  V.  5c  le  commencement  du 
règne  de  Chriftinien  VI.  Ce  ne 
font  que  des  Chroniques  qui  ne 
font  pas  fufceptibies  d'Extraiçs, 


LE77RE 


MARS,  Ï755. 


177 


LETTRE    CRITIQVE    SV  R  LE  D I C  TION  NA 1 RB 

de  Baylc.  A  la  Haye.  1732.  in-i  z.  pp.  45^. 


L' A  U  T  E  U  R  de  cette  Lettre  , 
dans  fes  Remarques  fur  diffe- 
rens  endroits  des  trois  premiers 
Tomes  du  Didionnaire  de  Moréri , 
qui  parurent  fucceffivemcnt  en 
trois  Volumes  dans  les  années 
1709.  1710.  &:  1711.  avoit  avancé 
que  le  Dxftionnaire  de  Baylc  cfl: 
plein  de  traits  qui  tendent  à  hvori- 
fer  l'Atliéifme  ,  d'Hiftoires  ftles  , 
de  partialité  pour  les  Huguenots , 
qu'il  blâme ,  ou  lotie  fouvent  fur 
des  témoignages  rccufables  ,  & 
qu'à  ne  le  confiderer  même  que  par 
rapport  aux  dates ,  aux  faits  &  aux 
citations  ,  on  y  trouve  un  grand 
Bombre  de  fautes. 

Un  Scavant  qui  avoit  été  ami  de 
Bavle  ,  futblelTé  de  ce  jugement  & 
écrivit  à  l'Auteur  une  Lettre  dans 
laquelle  il  foûtenoit  qu'il  n'étoit 
pas  facile  de  furprendre  Bayle  en 
défauts.  Le  but  de  cet  Ouvrage  eft 
de  montrer  que  rien  au  contraire 
n'efl;  plus  aifé.  On  s'y  ùornc  aux  fau- 
tes de  fait  ^  fans  toucher  à  celles  de 
droit ^^Sirce  qu'on  n'a  voulu,  dit-on, 
fane  qu'une  Lettre  de  Critique  & 
non  pas  une  Lettre  de  Théologie 
&  de  Controverfe. 

Bien  des  gens  fe  font  imaginé 
que  Bayle  n'étoit  pas  dans  le  fond 
del'ame  aflTez  attaché  aux  fentimens 
des  Proteftans  pour  avoir  été  fuf- 
ceptible  de  ce  qu'on  appelle  préju- 
gé de  parti  i  pluïieurs  exemples  que 
l'Auteur  rapporte  femblent  prou- 
ver évidemment  le  contraire.  Nous 
Aiars. 


en  choifirons  quelques-uns  ,  fé- 
lon que  le  hazard  nous  les  of- 
frira. Bayle  ,  parlant  de  Noël  Beda 
Doifleur  de  Sorbonne  ,  dit  qu'il  fut 
le  plus  grand  Clabaudeur  &  l'efprit 
le  plus  mutin  &  te  plus  faHieux  de 
fin  tems  ;  il  appuyé  une  cenfure  iî 
odieufe  fur  le  feul  témoignage  d'E- 
rafme  ,  qui  prétendoit  l'avoir  con- 
vaincu d'une  infinité  de  calomnies 
&  de  fauffetez.  Mais  lorfque  Eraf- 
me  lui-même  déclame  contre  Farel 
un  des  premiers  Auteurs  de  la  pré- 
tendue Reforme  ,  Bayle  ne  rappor- 
te le  paffagc  (juen  le garniff.nu  ,  dit 
l'Auteur  ,  haut  &  bas.,  c'eft-à-dire  ^ 
devant  &  après  d'un  long  avertifle- 
ment  pour  précautionner  le  Lec- 
teur. Puifcju' Erafme  ,  dit  il,  était 
pi^ué  an  jeu  l'on  n'cfl  pas  obligé  de 
croire  cjud  a  peint  ici  d! après  nature. 
Pourquoi  Bayle  vciit-il  donc  obliger 
le  Ledcur  à  croire  les  uiveiflives  de 
ce  même  Erafme  contre  Beda  qui 
avoit  dénoncé  à  la  Sorbonne  com- 
me hérétiques  .pluiieurs  prûpQj(I-. 
lions  de  fes  Livres  î  , 

Quand  il  eft  queftion  des  enî- 
ponemens  de  Farel  qui  lui  firent 
arracher  une  image  des  mains  du 
Prêtre  qui  la  portait  en  proceflîon  , 
&  la  jettcr  cnïuite  dans  la  rivière,  & 
qui  devinrent  Ç\  violcns  &  fi  tyran- 
niqucs  que  les  Magiftrats  de  Baflc 
furent  obligés  de  le  chaflcr  de  leur 
Ville ,  de  peur  qu'il  n'y  excitât  une 
fédition  ,  Bayle  fe  contente  d.  dire 
qu'il  étoit  de  ceux  qui  ont  j^ius  bç» 


178  JOURNAL    D 

foin  débride  que  d'cperon. 

Il  ajoute  mùmc  que  félon  quel- 
ques-uns ,  "  il  fut  neccffaire  que 
»>  Luther ,  que  Calvin ,  que  Farel 
«  Se  quelques  autres  ,  fulTent 
j>  chauds  ,  colères  &  bilieux.  Car 
«  fans  cela  ils  n'eulfcnt  pas  fur- 
»  monte  la  rcfiftance.  L'Eglife 
)>  étoit  alors  comme  quand  J.C. 
35  difoit',  le  Royaume  des  deux  efl 
»  forcé  ,  &  les  violens  remperient  & 
>}le  raviJfent.»'M.3.is  quand  il  parle  de 
la  vigueur  avec  laquelle  Bcda  vou- 
lut empêcher  la  Sorbonnc  d'opiner 
en  faveur  du  divorce  d'Henri  VIII. 
il  traite  le  zélé  du  premier  de  muti- 
nerie ,  quoiqu'il  avoiie  qu'il  eut 
raifon  au  fonds.  C'étoit  cependant 
bien  là  une  occa/îon  de  fiire  pa- 
roi rre  ce  feu  que  la  neceflîté  des 
tems  lui  fait  excufer  dans  les  Héré- 
fîarques ,  Se  ce  l'était  encore  plus ,  par 
rapport  au  Luthéranifme  qui  pre- 
noit  tous  les  jours  de  nouvelles  ra- 
cines en  France. 

A  l'égard  de  la  dominatrnn  tyran- 
niqtte  qu'il  prétend  que  le  Théolo- 
gien avoit  exercé  en  Sorbonne  ,  on 
prouve  par  le  fervice  folemnel  & 
par  i'Oraifon  Funèbre  que  Robert 
Cénalis  ,  Evêque  d'Avranches  , 
prononça  à  cette  occafion  que  le 
corps  de  cette  Facu'lté  n'en  pcnfoit 
pas  ainfi.  Car  fila  crainte  fait  qu'on 
refpeârelesTyrans  pendant  leur  vie, 
le  reffentimcnt  agit  avec  liberté 
^     après  leur  mort. 

Donnons  encore  un  eîfcmple  de 
l'efprit  de  partialité  répandu  dans 
le  Didionnaire  Critique.  On  y 
foûtient  que  le  zèle  de  Florimond 
de  Rémond  pour  le  Calviaifme  & 


ES    SÇAVANS, 

fa  haine  pour  le  Protcftantifmc  le 
rendoient  l'hcinnK-  du  monde  k 
moins  propre  à  rcuflir  dans  une  Hi- 
ftoire  de  l'Héréfie  ;  n  on  l'y  accufe 
«d'avoir  mis  du  côté  des  Proteilans 
"toutes  fortes  d'injufticcs  &  du  côte 
"des  Catholiques  toute  forte  de 
»fagefle.«Du  refte,on  n'y  en  donne 
aucune  preuve  •,  5c  comment  y  en 
auroit  on  pu  donner  ?  Le  Miniftre 
Drelincourt  dans  fadéFcnfe  de  Cal- 
vin blâme  à  la  vérité  Rémond  de 
fes  préjugez  contre  lés  Protcllans^, 
mais  il  avoiie  cependant  en  termes 
formels ,  qu'il  a  été  beaucoup  plus 
refcrvè  qu'un  grand  nombre  de 
Catholiques. 

Après  tout,  demande  l'Auteur,' 
Beze  avoit-il  moins  de  haine  pour 
le  Catholicifme  que  de  zèle  pour  le 
Proteftantifme  ,  &;  par  confequcnt, 
félon  Bayle  ,  il  n'étoit  donc  pas 
propre  à  écrire  l'Hiftoire  Ecclella- 
ftiqaedcs  EglifeSjiclormécs?  Néan*- 
moins  Bayle  en  parlant  d«  ce  Livre 
le  loue  comme  un  Ouvrage  tres- 
curieiix ,  le  copie  &  U  recopie  pref- 
que  toujours  fans  difcullîon.  Il  eft 
cependant  à  propos  d'obferver 
qu'il  n'y  a  prefqu'aucun  Proteftant 
dont  il  y  foitfait  mention  qu'on  ne 
nous  donne  pour  un  Saint-,  Se  qu'au 
contraire,  on  n'y  parle  prefque  ja- 
mais d'aucun  Catholique  de  mar- 
que fans  le  Traité  de  Scélérat ,  d'A- 
poftat  ou  d'homme  qui  contre  la 
vérité  connue  ,  Se  confcqucmment 
contre  fa  confcicnce  ,  attaquoit 
le  Calvinifinc. 

» Prefque  partout  Béze  , 

30  comme  s'il  eut  étélc  dépofitaire 
j>  des  fecrcts  de  Dieu  ,  nous  débite 


M  A  R 

«  comme  des  miracles  faits  en  fa- 
»  vcur  du  Calvinilme  ,  &c  contre 
»  l'Eglife  Romaine  les  faits  les  plus 
»  orduiaires  :  «  Sur  quoi  l'Auteur 
dit  que  s'il  avoit  éié  à  tems  pour 
écrire  à  Baylc  lui-même,  il  l'auroit 
défié  de  montrer  dans  Florimond 
de  Rcmond  autant  d'endioits  qui 
montralTent  de  la  partialité. 

Cet  Hiftorien  ,  dit  Bayle,  allè- 
gue pour  témoins  des  gens  de  fon 
parti.  Bcze  fMt  encore  pis  ,  répond 
notre  Auteur,  car  il  n'en  cite  aucun, 
&  d'ailleurs  il  n'écrivoit  que  fur  les 
Mémoires  des  Calviniftes  ;  Bayle 
vouloit  que  Raimond  en  faifint 
l'examen  de  fa  confcience  fc  fût  dit 
à  lui-même  :  »  je  fuis  odieux  aux 
»  Proteftans ,  &  ils  me  le  font  ;  ils 
I»  m'ont  maltraité ,  &  je  les  ai  mal- 
», traités.  J'ai  fait  des  Livres  de  con- 
«troverfe  qu'ils  ont  réfutes  ,  &  )'ai 
»  répondu ,  aurai-  je  la  force  de  ne 
n  rien  donner  à  mon  zélé  ,  à  ma 
»  paifion  ,  à  mon  refTentiment  î 

Mais  en  rnême  tems  Bayle  ne 
marque  qu'un  feul  Proteftant  qui 
ait  écrit  contre  Rémond  ,  au  lieu 
que  Béze  avoit  été  vivement  atta- 
qué par  une  infinité  d'Ecrivains 
Catholiques ,  &  que  fes  Potlîcs  in- 
fâmes connues  fous  le  nom  de  Ju- 
'vemlia  lui  avoienr  attiré  de  leur 
part  les  reproches  les  plus  fanglans. 
Par  conféquent  il  devoir  être  plus 
aigri  contr'eux  que  Rémond  contre 
les  Hérétiques.  Ce  dernier ,  dit  en- 
core Baylc  ,  ne  raconte  rien  fans  fe 
fervir  d'épitctes  injuricufes  &c  de 
mots  atroces  contre  l'hcréfîe  &:  con- 
tre les  Hérétiques  ,  Bayle  n'en  cite 
aucune  preuve  ,  &  ce  qu'on  a  dit 


S;  17?  ?•  179 

ci-delTus  de  Drelincourt  prouve  le 
contraire  ,  au  lieu  que  l'Auteur 
rapporte  une  Lifte  d'injures  groffie- 
res  5i  atroces  lancées  par  Béze  con- 
tre des  Cardinaux ,  des  Evêques , 
des  Moines  &c  des  Dodleurs  célè- 
bres. 

D'où  il  s'enfuit  que  Bayle  a  jugé' 
ces  deux  Hiftoriens  fur  des  princi- 
pes fort  differens.  Nous  nous  foin- 
mes  un  peu  étendus  fur  cet  article  , 
non  feulement  parce  qu'il  eft  déci- 
fit  contre  Baylc ,  mais  parce  qu'il 
eft  bon  de  montrer  que  l'efprit  de 
parti  eft  toujours  le  même  dans 
tous  les  hommes  &'  dans  tous  les 
tems  ,  &  par  conféquent  qu'on  ne 
f(;auroit  être  trop  en  garde  contre 
les  Ecrits  qui  en  portent  le  carac- 
tère. 

Ôr ,  dit  l'Auteur  ,  ces  preuves 
doivent  l'emporter  fur  tous  les  élo- 
ges que  la  malignité,  la  corruption 
ou  la  prévention  ont  fait  donner 
au  Didî:ionnaire  Critique  ;  car  pour 
bien  connoître  un  homme  ,  félon 
Bayle  lui-même  dans  fes  Réflexions 
fur  l'Imprimé  (jui  a  pour  titre  :  Juge- 
ment du  Public  ^  &  en  particulier  de 
Al.  fAibé  Renaudotfur  le  DiUion-^ 
naire  Critique  du  Sieur  Bayle  ,  »>il  le 
»  faut  plutôt  regarder  dans  les 
»  Ecrits  où  on  le  critique  les  prcu- 
»  ves  toujours  à  la  main  ,  que  dans 
»  les  Ecrits  où  on  le  loiie  fans  don- 
»  ner  des  preuves  de  fon  mérite. 

On  montre  en  fécond  lieu  qu'à 
ne  confiderer  Bayle  que  par  rapport 
àl'exaditude  des  dates^des  faits,  & 
femblables  points  ,  il  n'eft  rien 
moins  qu'exad  ,  on  relevé  plus 
d'une  douzaine  de  fautes  dii.s  le 
Zij 


î8o       JOURMAL     DE 

feul  article  de-  le  Fcvre  ^  Se  plus 
d'une  vingtaine  dans  celui  de  Go- 
vc.  Si  Baylc  ,  après  avoir  feulement 
remarque  cjuatre  fautes  dans  Mézc- 
ray  ,  en  concluoit  que  »  des  fauffe- 
»j  tcz  fi  étranges  donnent  de  grands 
«préjugez  contre  cet  Hiftorien," 
Notre  Auteur  qui  foûtient  en 
avoir  trouve  40  oit  ^ofiis  davantage 
dans  Bayle  fe  croit  bien  fondé  à  en 
parler  comme  d'un  Ecrivain  très- 
iufped:.  Il  prétend  donc  que  Baylc 
lui-même  a  jugé  très-fainement  de 
fon  Diiflionnaire,  lorfque  dans  fes 
reflexions ,  n'  11  il  s'en  explique  en 
ces  termes  ;  »  J'ai  dit  &  j'ai  écrit 
5J  cent  fois  à  ceux  qui  m'en  ont  par- 
»lc,  que  ce  n'étoit  qu'une  rapfodie, 
»  qu'il  y  avoit  là-dedans  bien  du 
«fatras  ,  Se  que  le  public  fcroit 
»  bien  trompé  ,  s'il  s'attendoit  à  au- 
»tre  chofc  qu'à  une  compilation 
»  irréguliere.  "  Rien  de  plus  vrai  , 
dit  on  ici ,  les  trois  quarts  de  fon 
Livre  ne  confiifant  qu'en  Extraits 
dont  Bayle  ne  difcute  point  l'exac- 
titude. Cependant  le  titre  de  Dic- 
tionnaire Critique  l'obligeoit  à  une 
exade  difcufllon  des  autoritez  qu'il 
allègue. 

Quand  M.  l'Abbé  Renaudot  eut 
prouvé  dans  fon  jugement  fur  cet 
Ouvrage ,  que  tout  ce  qu'on  y  rap- 
porte de  la  Conférence  du  Pcre 
Audebert  Jefuite  avec  Moyfe  Ami- 
raut  étoirun  menfonge.  Je  n'ai  fait, 
répondit  Bayle  ,  que  fondre  le  Mé- 
moire d'Amiraut  le  fils  ,  c'cft  à  lui 
àlc  garantir.  Mais  ,  réplique  notre 
Auteur ,  un  Hiftorien  &  un  Criti- 
que peuvent-ils  impunément  char- 
ger leurs  Ecrits  de  faulTetez  ,  parce 


5  SÇAVANS, 

qu'ils  les  ont  tires  d'un  Auteur  qui 
ne  méritoit  point  de  foi  ?  N'cft-ce 
pjs  fe  rendre  l'Apologifte  de  ces 
miferables  Hiftoriens  qui  ont  farci 
leurs  Ecrits  de  tout  ce  que  l'igno- 
rance &  la  palfion  ont  didé  à  leurs 
garands  !  Le  devoir  d'un  Hiiforien 
ne  confifte-t-il  qu'à  cautionner  la 
fidélité  de  fes  citations  ;  Baylc  lui- 
même  n'a  t-il  pas  tait  le  procès  à 
une  infinité  d'Hiftoriens  pour  avoir 
fuivi  de  mauvais  guides  &  des  Mé- 
moires peufurs ,  &  fur  tout  à  Va- 
rillas  pour  avoir  cité  Flovimond  de 
Rémond  qu'il  traite  comme  on  l'a 
vu  ,  d'Hiftorien  infidèle  ? 

Il  a  cru  peut  être  prévenir  tous 
les  reproches  dont  il  fe  voyoit  me- 
nacé ,  en  difant  comme  il  fait  à  l'ar- 
ticle de  Béroalde  ,  où  il  rapporte 
une  Anecdote  très-incertainei"qu'il 
)i  confcnt  qu'on  tienne  Ce  difcours 
M  pour  fufpecl:  de  faulTetc  ,  autant 
»  qu'on  voudra;  ik'  s'ileft  faux,  tant 
»  mieux  pour  ce  Dicl:ionnaire  ,  qui 
»  doit  principalement  contenir  les 
sjmenfongcs  des  autres  Livres;  ce 
n  qui  foit  dit,  ajoùtc-t-il ,  à  l'égard 
»  de  cent  fortes  de  pafTages  que  l'on 
M  pourra  citer. 

Il  ell  vrai  ,  répond  l'Auteur , 
qu'un  Dictionnaire  de  la  nature  de 
celui  de  Baylc  eft  deftinc  en  effet 
à  contenir  les  menfingcs  des  autres 
Livres  ,  mais  non  pas  à  les  conte- 
nir purement  &  fmplemem.  C'eft  à 
l'Auteur  à  donner  les  mcnfonges 
comme  des  menfonges  ,  ou  du 
moins  à  précautionner  fon  Lccflcur 
contre  tout  ce  qui  lui  paroît  dou- 
teux. Mais  Bayle  s'eft  laifTé  éblouir, 

6  peut-être  a  cru  éblouir  fes  Lee- 


M  A  R 

teurs  par  ce  grand  nombre  de  cita- 
tions qu'il  étale.  On  le  raille  fur 
i'excufe  qu'il  demande  de  la  préten- 
due lenteur  avec  laquelle  il  a  com- 
pofé  fon  Ouvrage. Comme  ii  moins 
de  cinq  ans  étoit  un  tcms  fuffifant, 
pour  mettre  tout  l'ordre  &  toute 
l'exactitude  nccefTaire  dans  deux 
gros  in-folio  remplis  d'une  diverfitc 
infinie  de  faits. 

Bayle  avoir -il  donc  oublié  qu'il 
nous  avoit  lui-même  averti  qu'en 
matière  de  faits  il  faudroit  en  quel- 
que façon  fuivrele  confeil  que  M. 
Defcartes  donne  à  l'égard  des  fpé- 
culations  philofopbiques  ?  exami- 
ner chaque  chofe  tout  de  nouveau 
ians  avoir  aucun  égard  à  ce  que 
d'autres  en  ont  écrit.  »  Mais  il  eft  , 
»  dit- il,  infiniment  plus  commode 
n  de  s'arrêter  au  témoignage  d'au- 
î>  trui  ,  &c  c'eft  ce  qui  multiplie 
)jprodigieufcment  les  témoins  des 
»  taulfetez,  "  &  ce  qui  lui  elt  arrive 
en  particulier  à  l'article  d'Alégam- 
be  ,  où  Bayle  copi:  fins  examen  tou- 
tes les  fiutes  d.ms  lefquellcsM.Bail- 
let  efl:  tombé.  i°.  On  y  avance  que 
Scioppius  avoit  été  Jefuite  ,  ce  qui 
eft  contraire  à  la  vérité  5  1°.  On  at- 
tribue à  un  Jefuite  le  Livre  publié 
fous  le  nom.  de  Jacques  Vernant , 
quoiqu'il  ait  été  compofé  par  un 
Carme  de  la  Province  de  Bretagne  ', 
&c  en  troifiéme  lieu  après  avoir  dit, 
en  parlant  de  la  Bibliothèque  com- 
pose par  Alégambe ,  qu'il  n'y  a 
prefque  pas  un  Ecrivain  dont  il  y 
foit  parlé ,  qu'on  ne  nous  reprefcn- 
te  comme  un  Saint ,  M.  Baillet  fait 
cette  réflexion  :  <>  il  eft  vrai  que  les 
«perfonnes  raifonnables  doivent 


S  ;    T75  j;  iSi 

»  être  fatisfaites  de  voir  à  îa  tctc  , 
M  &  à  la  fin  du  Livre  une  folem- 
«nelle  proteftàtion  qu'on  ne  pré- 
"tend  pas  être  garand  de  ce  qu'on 
»j  avance  fur  la  fainteté ,  &  les  vejr- 
"tus  qu'on  attribue  à  fes  Confre- 
»  res  j  non  plus  que  fur  les  autres 
»>  éloges  qu'on  leur  a  donnés. 

Si  Bayle  qui  adopte  cette  refle- 
xion en  tranfcrivant  les  paroles  de 
BaïUet ,  avoit  eu  l'attention  de  con- 
fulter  Alégambe  même  ,  il  y  auroit 
VII  que  ces  proteftarions  fignifient 
fimplement  que  ce  fçavant  Hifto- 
rien  n'exige  pas  qu'on  croye  ce 
qu'il  nous  apprend  des  vertus  de 
ks  Confrcrcr,  de  la  même  manière 
qu'on  croit  les  vertus  des  Saints 
que  l'Eglife  a  reconnu  pour  tels  pat 
un  jugement  authentique  -,  mais 
bien  loin  de  vouloir  qu'on  n'ajoute 
pas  à  fes  récits  toute  la  foi  que  mé- 
rite une  autorité  purement  humai- 
ne ,  il  déclare  qu'il  les  garantit 
comme  tout  bon  Hiftorien  eft  obli- 
gé de  le  faire  ,  dans  les  bornes  de 
ce  qu'on  appelle  Critique  ,  perqui- 
fition ,  alfurance  que  tel  fait  eft  ap- 
puyé fur  des  témoignages  non  fuf- 
pcds ,  &c.  Profiteor ,  dit  il  dans  fa 
première  Proteftation  ,  me  hanâ' 
alio  fenfii  cjuidcjHid  in  hoc  Cataîogo 
refera,  accipere  &  accipi  velle ,  tjtiam 
quo  eafolem  ,  qiu  humuna  duntaxat- 
atttorittite,non  autem  divina  Catholicit 
&R.Ecclefϣ ,  am  S.  Se  dis  ^pofloli- 
ca  nitmitur.  Et  dans  fa  féconde  Pro- 
teftation il  s'explique  encore  dans 
des  termes  aufti  forts  &  auflî  pré- 
cis. 

Et  comment  fans  parler  de  l'in- 
térêt de  parti,  de  pareilles  niéprifes 


i82        JOURNAL    DE 

ne  feroicnt  -  elles  pas  échappées  à 
Bayle  ,  puifqu'il  avoiic  dans  fes 
Reflexions  n°  \i.  n  Que  lacrainte 
»  d'être  critiqué  ne  l'empcchoit  pas 
«de  courir  a  bride  abbatue  par 
»)  monts  &i  par  vaux  ,  félon  que  la 
a»  fantaifie  l'en  prenoit  1 

M.  l'Abbé  Rcnaudot  avoir  avan- 
cé que  dans  les  endroits  d'érudition 
un  peu  recherches ,  Bayle  avoic  fait 
plus  de  fautes  que  Moréri.  Notre 
Auteur  en  avoit  penfé  tout  autre- 
ment dans  le  premier  Tome  de  fes 
Remarques  fur  Moréri  ,  &  convc- 
noit  qu'il  y  trouvoit  incomparable- 
ment plus  d'exaditude  que  dans  le 
dernier.  Mais  depuis  19  ans ,  ayant 
eu  plus  de  tems  pour  lire  ces  deux 
Ecrivains  ,  il  a  changé  de  fcnti- 
ment ,  &  paroît  difpoié  à  foufcri.e 
à  celui  du  fçavant  Abbé  :  il  ne  le 
retrade  pas  cependant ,  ajoiàte  til, 
fur  ce  qu'il  avoit  dit  au  même  en- 
droit ,  qu'il  y  a  beaucoup  de  bon 
dans  le  Didionnaire  Critique  , 
fluoique  mêlé  avec  beaucoup  de 
mauvais. 

Quoiqu'il  n'ait  pas  à\x  faire  le 
procès  à  Bayle  dans  les  endroits  , 
où  il  parle  dans  les  principes  de  la 
Religion  Proteftantc  ,  parce  qu'il 
n'a  point  entrepris  de  taire  un  Li- 
vre de  Controverfe ,  il  remarque 
cependant  qu'on  ne  peut  douter 
que  la  ledure  n'en  foit  très-dange- 
reufe  aux  Catholiques. 

Dès  que  Bayle  lui-même  fe  fait 
honneur  d'avoir  écrit  beaucoup  de 
chofes  contre  les  Papes  C"  à  la  gloire 


S    SÇAVANS, 

des  Pr.nsJiMis^  il  s'enfuir  par  une  cen- 
fecjuence  7ieceJJtiire  cju'il  en  a  mis  aujji 
be.iucoup  au  fcandale  des  Catholi- 
<]ues. 

Au  refte ,  l'Auteur  déclare  qu'il 
ne  dit  rien  des  oblcénitez  dont  le 
Didionnaire  Critique  eft  fali.  Ce 
font,  dit-il,  matières  à  ne  pas  trop 
relever.  Mais  en  même  tems  il 
avoiie  qu'il  n'y  en  a  pas  trouve  un  fi 
grand  nombre  qu'il  l'avoit  cru.  Il 
ne  s'étend  point  non  plus  fur  les  en. 
droits  qui  tavorifent  l'Athéifmc  ; 
content  d'en  dire  quelques  .mots 
à  la  fin  de  fa  Lettre  ,  il  rapporte 
tout  au  long  l'excellent  portrait 
qu'on  trouve  du  caradere  de  Bayle, 
dans  les  *  Lettres  fur  les  Anglois  & 
les  François.  Sans  ofer  décider  fî 
Bayle  ,  étoit  abfolument  fans  Reli- 
gion ,  il  montre  qu'il  y  a  de  vio- 
Icns  préjugez  contre  lui  ,  &  qu'ori 
ne  peut  nier  du  moins  que  fon  Li- 
vre n'ait  gâté  le  cœur  &  l'efprit  à 
beaucoup  de  gens  par  rapport  à  la 
Foi. 

L'Auteur  avertit  dans  fa  Préface 
que  lî  cette  Lettre  eft  goûtée  ,  il 
continuera  fes  remarques  fur  Bayle 
en  fuivant  l'ordre  alphabétique  ; 
ainfi  que  le  premier  Tome  fera 
pour  la  lettre  ^  ,  &  le  fécond  To- 
me pour  les  trois  lettres  foufcrites. 
A  l'égard  des  .5  3  articles  qui  font 
la  matière  de  ce  Volume,  il  fe  con- 
tentera d'y  renvoyer  le  Ledeur ,  à 
moins,  dit-il,  qu'il  n'ait  quelque 
chofe  à  y  ajouter. 

*  Lettre  cinquième. 


MARS;   1733- 


185 


NOVVELLES     LIITTERAIRES. 


ESPAGNE. 
De  Valence. 

DO  M  Grégoire  May  ans ,  Pro- 
feffeur  en  Droit  dans  l'Uni- 
vetiîtc  de  cette  Ville  ,  a  publié 
l'année  dernière  un  Recueil  de  Let- 
tres Latines  ,  intitulé  :  Gregorii 
M.rjanfii  ^gencrofî&  amecejjoris  Va- 
lentini  Epijfalarnm  Librifex.  F'alert- 
tia  Edetamritm.  Typis  Ânt.  Borda- 
z.ar  de  ArtaXii.  173  i.  /«-4°.  Ce  Vo- 
lume ,  qui  eft  dédié  au  Cardinal 
de  Fleiiry  ^  comprend  non  feule- 
ment les  Lettres  que  M.  May  ans  a 
écrites  à  fes  amis  fur  divers  fujets 
de  Littérature  ou  dejurifprudence, 
mais  encore  les  Lettres  Latines  qui 
lui  ont  été  adrclfées  par  divers  Sça- 
vans  ,  tant  Efpagnols  que  des  Pays 
étrangers.  Si  ce  I\ecueil  fert  à  faire 
connoître  l'efprit ,  l'érudition  ,  & 
le  goût  de  l'Auteur  ,  il  ne  fert  pas 
moins  à  faire  juger  de  l'état  prefent 
des  Lettres  &  des  Sciences  en  Efpa- 
gne. 

ITALIE. 

De    Vérone. 

SanHi  Eufebit  Hieronymi  Stri- 
àonenfis  Prejbyteri  OperA  ,  in  de- 
CEuToMos  difinbuta  :  pojl  Mona- 
ehorum  Ord.  S.  Bened.  e  Congreg.  S. 
Mawrï  recenjtonem  ,  denuo  ad  Ma- 
«ufcriptos  Codices  Romams ,  Ambro- 
jimos  _,  Veronenfes  ,  AHofque  ^  me 


non  ad  priores  cafligata  ;  cjuibufdam 
ineditis  Monumentis  ,  rnulùfque  aliis 
S.  DoEloris  Liicubrationibits  ^feorfum 
tantitm  antea  vulgatis  ,  aiiEla  ,  &  ad- 
fiotationibiis^  moniiis,  variifcjHe  leElio- 
nibiis  commenter  illufirata.  Opéra  & 
fiiidio  DoMiNici  Vallasii  f^ero- 
nenjîs  Prejbyteri.  Opemferemibus  aliis 
in  eàdem  Civitate  Litteratis  Viris  & 
practptie  March.  Scipione  Maf- 
FEio.  Verons..  1732.  pcrPetrum  Anu 
Bernnrn  ,  &  Jacobum  Vailarpum. 

Voilà  le  titre  latin  d'un  ProfpeElm 
en  Italien  imprimé  in-%°.  ^z.x  Berno 
èc  f^allarfi ^  Libraires  de  cette  Vil- 
le ,  pour  propofer  par  Soufcription 
une  nouvelle  Edition  de  Saint 
Jérôme.  Nous  n'entrerons  pas  dans 
le  détail  de  ce  que  contient  cette 
Brochure  ;  fuivant  la  coutume 
des  nouveaux  Editeurs  ,  on  y  parle 
de  l'excellence  des  Ouvrages  de 
Saint  Jérôme  ,  on  y  critique  les 
Editions  précédentes  qui  en  ont 
été  faites ,  on  tâche  d'y  faire  voir  la 
neceflîté  d'en  donner  une  Edition 
plus  ample  &  plus  correde ,  on 
donne  enfuite  le  plan  de  cette  nou- 
velle Edition,avecune  diftributioa 
exafte  de  ce  que  doit  contenir  cha- 
que Volume ,  &  on  vient  enfin  aux 
conditions  de  la  Soufcription. 

Le  prix  de  chaque  Volume  de 
l'Edition  dont  nous  parlons  fera 
pour  les  Soufcriptcurs  de  25  livres 
de  Venife  ,  Icftjuelles  doivent  être 
payées  d'avance  &  fans  frais  <le 
port ,  à  Véïonnc  aux  deux  Libraires 


i84  JOURNAL    D 

qui  ont  entrepris  riniprcllion  ,  Se 
qui  promettent  de  la  faire  la  plus 
belle  &  la  plus  magnifique  qu'il 
fera  pofllble. 

En  annonçant  ainfi  la  nouvelle 
Edition  des  Oeuvres  de  Saint  Jérô- 
me qu'on  prépare  en  Italie  ,  &c  qui 
fera  en  dix  Volumes  in-folio  ,  quoi- 
qu'elle doive  paroître  d'après  l'E- 
dition des  Oeuvres  de  ce  Père  , 
donnée  à  Paris  ,  par  Dom  A/ar- 
tiiinay  ,  Bencdidin  de  Saint  Maur  , 
feulement  en  cinq  Volumes  :  nous 
ne  crovons  pas  pouvoir  nous  dif- 
penfer  de  faire  part  au  public  d'un 
Avis  qu'on  nous  a  prié  d'inférer  ici. 
Se  que  nous  donnons  tel  qu'il  nous 
a  été  communiqué. 

»  Un  Religieux  de  la  Congrega- 
»  tion  de  Saint  Maur,  qui  impri- 
M  me  actuellement  à  Paris  chez 
»  Ofmont  les  Ouvrages  de  Saint 
»»J«/?/»,  de  Tatie» ,  &c.  donnera 
»au  public  ,  après  avoir  fini  ce 
3»  travail  ,  un  Supplément  pour 
»  l'Edition  de  Saint  Jérôme  ,  pu- 
»  bliée  par  le  Père  Martia7iay  ,  la- 
3>  quelle  contiendra  ,  i°.  ce  qui 
>j  reftc  à  donner  des  Ouvrages  de 
n  Saint  Jérôme,  comme  faChro- 
j>  nique  ,  que  le  Pcrc  Dom  Jean 
n  Martiamzy  n'a  pas  mile  dans  les 
»  cinq  premiers  Volumes ,  la  re-- 
»  fcrvant  pour  un  Supplément , 
»  dont  on  lui  a  fouvent  entendu 
»  parler.  i°.  Des  celai rcilTcmens 
»  fur  le  Texte  de  Saint  Jérôme  par 
«  le. moyen  d'un  très-grand  nombre 
M  de  Manufcrits  ,  la  plupart  fort 
«anciens  que  l'on  coUationne  ac- 
»  tucllcmcnt  avec  toute  l'cxadlitu- 
»>  de  polîiblc  :  5c  afin  que  les  fe- 


ES    SÇAVANS, 

»  cours  qu'on  en  tirera  puilTent  fcr- 
»  vir  à  un  plus  grand  nombre  de 
Mperfonncs,  on  aura  foin  dans  tous 
"les  endroits  que  l'on  corrigera,  de 
>•  marquer  non  feulement  les  pages 
»  de  l'Edition  du  Père  Alanianay  , 
»  mais  encore  celles  des  précedcn- 
»  tes.  3°.  Des  obfervations  fur  plu- 
»  fieurs  points  imporcans  de  ia 
»  dodrine  de  Saint  Jérôme.  4°.  La 
M  Vie  du  Saint  Dodeur ,  avec  la 
«  Critique  de  fes  Ouvrages.  5°. 
»  Des  Tables  générales  que  l'ontà- 
w  chera  de  rendre  commodes  & 
a  utiles  autant  par  l'ordre  &  l'ar- 
»  rangement,  que  par  la  multitude 
"  des  cliofes  qui  y  entreront. 

»  La  feule  idée  de  ce  Supplé- 
»  ment  fuflit  pour  en  faire  voir  la 
»  neceffité  &  pour  convaincre  en 
»  même  tcms  qu'on  a  eu  en  viiëdc 
»  procurer  au  public  les  avantages 
»  d'une  nouvelle  Edition  en  lui  en 
m  épargnant  la  dépenfe.  Car  il  n'y 
»  auroit  guéres  plus  de  travail  .à  re- 
»  commencer  tout  de  nouveau. 
n  Mais  une  telle  entrcprife  feroit 
»  tort.i  ceux  qui  ont  le  Saint  Jerô- 
»  me  du  Perc  Dom  Jean  Martia- 
nnay  ,  &  ce  feroit  dommage  que 
))  tant  d'exemplaires  répandus  dans 
»  les  Bibliothèques  de  l'Europe 
>'  devinflent  en  quelque  façon  inu- 
"tiles,  &  qu'une  Edition  en  cinq 
»  Volumes  in  folio  ,  où  l'on  a  cor- 
n  rigé  un  grand  nombre  d'endioits 
»  par  les  Manufcrits ,  &  qui  d'ail- 
»  leurs  eft  très  bien  conditionnée  , 
»  perdit  ll-tôt  fon  prix.  On  a  donc 
■»  cru  qu'il  valoit  mieux  li  perfcc- 
M  tionner  par  un  Supplément  qui 
»  pourra  même  fer  vir  pour  les  au- 
s  très 


L  E 

JOURNAL 

cavÀns, 

FOUR 
L'ANNEE     M.    DCC.     XXXîll 
AVRIL. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Augiiftins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXXIII. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY, 


JOU 


LE 


DES 


AL 


SCAVANS. 

AVRIL    M.   DCC.    XXXIII. 

LE  SPECTJC LE  DE  LA   NyJTURE  ,  OU  ENTRETIENS 

fur  If  s  fartkidaritez.  dg  l'Hiftoirc  Nuturelle  cjui  ont  parûtes  plus  propres  k 
rendre  les  jeunes  gens  curieux  &  k  leur  former  l'efprit  ;   première  P,mie 
contenant  ce  <jnï  regarde   les  Animaux  &  les  Plantes.  Seconde  Edition. 
A  Paris ,  chez  la  Veuve  Etienne  ^  rue  S.  Jacques  ,  &  Jean  Defaim  ,  vis- 
à-vis  le  Collège  de  Beauvais.  1751. /«-i  2. 

L'A  UT  E  UR  entreprcnddans  re  ,  le  plus  fçavant  &  le  plus  par- 
cet  Ouvrage   de   donner   un  fait ,  dit  il  ,  de  tous  les  Livres  pro- 
Extrait  du  j^rand  Livre  de  la  Natu-  près  à  cultiver  notre  raifon.  Il  fc 
Avrd.  B  b  ij 


192        JOURNAL    D 

borne  à  tout  ce  qui  peut  tomber 
fous  les  Icns ,  ou  comme  il  s'expri- 
me lui  même; ,  à  la  décoration  exté- 
rieure de  ce  monde  ,  &  à  reffct  des 
machines  qui  compofent  le  fpccta- 
ele  -,  il  laifle  à  d'autres  le  foin  d'en 
expliquer  les  rclTorts  &  l'artifice 
qui  en  forme  les  mouvemens. 

L'Ouvrai^e  eft  partagé  en  15  En- 
tretiens qui  roulent  fur  les  Infec- 
tes ,  les  Coquillac,es ,  les  Oifcaux , 
les  Animaux  tcrreftres,  les  PoUTons 
&  les  Plantes.  L'Auteur  ,  en  trai- 
tant ces  matières ,  n'a  point  fuivi 
un  ordre  fcrupuleux  ;  il  a  préféré 
la  route  la  plus  douce  &  la  plus 
amufante  à  la  route  la  plus  droite  , 
dès  qu'elle  le  conduifoit  également 
.(U  terme  qu'il  fe  piopofoit.  C'cft 
par  cette  raifon  qu'il  a  pris  le  l^yle 
du  Dialogue.  Dans  la  Préface  de  la 
nouvelle  Edition  il  prévient  l'ob- 
jeélion  qu'on  peut  lui  faire  fur  le 
choix  de  fcs  Interlocurcurs ,  &  il 
le  jullihefolidement.  U  avertit  en- 
core qu'on  trouve  deux  fortes  de 
changemens  dans  cette  féconde 
Edition.  Les  uns  qui  ne  regardent 
que  des  cxpreiïions  trop  négHgces , 
les  autres  qui  regardent  le  fonds 
même  ,  qu'il  a  fallu  ,  dit-il ,  quel- 
quefois éclaircir  ,  ou  entièrement 
changer.  Il  promet  de  recueillir  les 
changemens  eflèntiels  dans  un  Sup- 
plément qui  fera  délivré  avec  le  fé- 
cond Tome  à  ceux  qui  ont  acheté 
la  première  Edition. 

Venons  maintenant  aux  Entre- 
tiens qui  font  le  corps  de  cet  Ou- 
vrage. 

On  fuppofe  qu'ils  f.nt  comme 
le  précis  des  convcrfacions  qui  fc 


ES    SÇAVANS, 

font  pafTées  entre  un  Gentilhoitr- 
m",  qui  pendant  le  grand  loifir  que 
lui  donnoit  la  paix  ,  avoir  formé  un 
Cabinet  de  Curiofitez  Naturelles  ; 
la  ComtefTe  fi  femme  ,  le  Prieur 
Curé  du  lieu  ,  &  un  jeune  homme 
de  qualité  qui  étoit  venu  pafler  les 
vacances  dans  la  terre  du  Comté  de 
Jonval  i  car  c'efl:  ainfi  que  l'Auteur 
nomme  le  premier  ;  6cil  donne  au 
fécond  le  nom  de  Chevalier  du  l 
Breuil.  Le  goût  qu'il  témoigne  '"* 
pour  l'étude  de  la  Nature  donne 
lieu  aux  Entretiens  dont  nous  s»4v 
Ions  rendre  compte. 

Ce  que  la  politelfe  de  l'efprit  Sc 
du  cœur  jointe  à  un  grand  fonds  de 
pieté  a  de  vrai  &  de  touchant  édi- 
te dans  les  paroles  &  dans  les  fcnti- 
mens  des  Intc-r locuteurs  ;  mais  , 
dans  des  perfonnes  qu'on  fuppofe 
retirées  à  la  Campagne,  l'on  ne  doit 
pas  s'attendre  à  rroirvcr  cetrc  fine 
plaifanteric  ni  ce  brillant  enjoue- 
ment qu'on  ne  peut  acquérir  que 
par  le  commerce  du  grand  monde. 

Les  8  premiers  Entretiens  rou- 
lent fur  les  Infedes.  L'Auteur  y 
montre  que  fi  Dieu  n'a  pas  jugé 
indigne  de  lui  de  les  créer  ,  il  n'eft 
pas  indigne  de  l'homme  de  les  con- 
iiderer.  Il  en  donne  d'abord  une 
notion  générale  &;  prouve  que  leur 
petitcfîe  qui  femblc  d'abord  auto- 
rifer  le  mépris  qu'on  en  fait  eft  att 
contrai,  c  une  nouvelle  raifon  d'ad- 
mirer l'art  &  le  méchanifme  de 
leur  ftruclure  ,  qui  alJic  rr.nt  de 
vaiffeaux  ,  de  liqueurs,  &  de  mou- 
vemens dans  un  point  qui  eftfoit- 
venr  imperceptible. 

Dans  le  fécond  Entretien  on  ex- 


A  V  R  I 

plique  cil  particulier  la  natiiit  des 
Cliciiillcs ,  leur  manière  de  filer,  Si. 
leurs  diverfcs  méthamorphofcs."La 
3>  Chenille  qui  efi:  changée  en  Nim- 
y>  phc  <<:  le  Papillon  qui  en  fort  font 
5>  deux  animaux  totalement  diffe- 
»rens.  Le  picmier  n'avoit  rien  que 
»  de  tcrreftre  ,  &C  rampoit  avec  pe- 
»  fauteur.  Le  fécond  eit  l'agilité 
»  même  ,  il  ne  rient  plus  à  la  terrcj 
»  il  dédaigne  en  quelque  forte  de 
«s'y  pofer.  Le  premier  étoit  hcrilTc 
«  £é  fouvent  d'un  afpecît  hideux  ^ 
>»  l'autre  eft  paré  des  plus  vives  cou- 
pleurs. Le  premier  fe  bornoit  ftu- 
M  pidemcnt  à  une  nourriture  grof- 
1»  iîerc  ,  celui-ci  va  de  fleurs  ch 
»  fleurs.  Il  vit  de  miel  &  de  roféc  , 
»  &  varie  continuellement  fes  plai- 
»■  firs.  Il  )ouit  en  liberté  de  toute  la 
h  Nature  ,  &  l'embellit  lui  même. 

La  Comtelle  y  trouve  une  image 
trcs-agréablc  de  notre  refurrecfti on  j 
Bc  le  Prieur  en  prend  occafiop  de 
tcmarqucr  »  que  toute  la  Nature 
»  eft  pleine  dimiges  fenfibks  des 
»  chofcs  céleftes ,  &  des  véritez  les 
jï  plus  fublimes.  Il  y  a  ,  continue- 
»  t-ii ,  un  profit  certain  à  l'étudier  , 
»  ic  c'eft  une  Théologie  qui  eft  toû- 
»  jours  bien  rcçiàë. 

C'eft  la  Comteflc  feule  qui  porte 
preique  toujours  la  parole  dans  le 
troifiémc  Entretien  ;  fon  mari  mê- 
me ne  s'y  trouve  pas  ,  il  eft  que- 
ftion  des  Vers  à  foye  -,  la  Dame  qui 
dans  fon  enfance  avoit  pris  foin- 
d'en  élever  j  rapporte  là-deftus  fes 
expériences  ,  &  le  Prituï  expofc 
l'anatomie  de  cet  Infeâre. 
■  Dans  le  qurtriéme  on  traite  des 
Araignées ,  &  de  leur  toile.  Mais 


L  ,     I  7  î  î-  ïp5 

pour  en  donner  une  plus  jufte  idée 
au  Chevalier  ,  on  l'a  obligé  à  voir 
un  TiiTerand  ,  &  àfçavoir  bien  di- 
ftingucr  la  chaîne  d'avec  la  trame. 
L'Auteur  profite  de  cet  exemple  , 
pour  fnrc  fcntir  combien  il  eft  uti- 
le de  montrer  aux  jeunes  gens  les 
Arts  &  Métiers.  »  On  apprend 
»  non  feulement  ce  qui  peut  orner 
»  l'efprit  ou  embellir  la  converfa- 
»  tion  i  mais  ce  qui  fait  l'homme 
»  defervice  &de  relfource  en  toute 
»  occafion. 

Le  cinquième  Entretien  fe  pafle 
entre  le  Prieur  &  le  Chevalier ,  le 
Comte  &c  la  Comteffe  étant  occu- 
pés ailleurs.  Le  Prieur  y  traite  des 
Guêpes  ,  &  rapporte  là-defliis  les 
principales  découvertes  de  M.  de 
Réaumur. 

Tous  les  Acteurs  font  prefens  au 
fîxiéme  Entretien.  Les  Abeilles  en 
font  la  matière  ,  ce  qui  regarde  la 
police  de  cette  petite  Republique  y 
eft  développé  avec  beaucoup  de 
netteté  Se  d'agrément. 

On  contmue  encore  le  même 
fujet  dans  le  fcptiéme  Entretien. 
On  y  parle  fur  tout  de  la  manufac- 
ture de  cire  &  de  la  manufadure 
de  miel.  Charmé  de  l'ordre  &  de 
l'union  avec  Icfquels  les  Abeilles 
y  travaillent ,  le  Comte  fait  cette 
reflexion  ,  que  nous  tranfcrirons 
ici  pour  donner  un  échantillon  du 
ftyle  &c  du  caraiflere  de  l'Auteur. 

»  Ce  qui  me  touche  le  plus  dan» 
»ces  petits  Animaux  ,  c'eft  ,  dit-il, 
»  de  voir  parmi  eux  cet  efprit  de 
x>  focicté  ^  qui  en  a  formé  un  corps 
»  policé ,  étroitement  uni  &  parfai- 
»  tement  heureux?  Voyez  un  eflain 


ip4  JOURNAL'    D 

»  iV Abeilles ,  &c  obfcrvez  quel  cf- 
»  prit  conduit  chacune  d'elles, 
»  Toutes  travaillent  pour  le  profit 
«  commun  ,  toutes  font  loimiifes 
»  aux  loix  &c  aux  réglcmcns  de  h 
3*  compagnie.  Nul  efprit  particu- 
i>  lier  ,  nulles  dillinétions  que  ccl- 
»  les  que  la  Nature  ,  eu  le  bcfoin 
»  de  leur  petit  Etat  a  introduites 
»  entr'elies.  On  ne  les  vit  jamais  fe 
«  laircr  de  leur  condition  ,  niaban- 
>»  donner  la  ruche ,  dégoûtées  de  fc 
j»  voir  ou  cfclaves  ,  ou  fans  bien. 
»  Elles  fe  croyent  au  contraire  par- 
»^  faitemcnt  riches ,  Se  elles  le  font 
»>  en  effet.  Elles  font  libres ,  parce 
»  qu'elles  ne  dépendent  que  des 
»  loix.  Elles  font  heureufes  ,  parce 
j>  que  le  concours  de  leurs  diffe- 
«•rcns  fer  vices  produit  à  coup  fur 
»  une  abondance  qui  tait  la  richef- 
»  fe  de  chacune  d'elles.  Comparons 
»  à  cela  les  Societez  humaines.  El- 
it les  nous  paroîtront  monftrueu- 
»  fcs.  Lebefoin  ,  la  raifon  ,  laphi- 
»  lofophie  les  ont  formées  fous  Je 
»  prétexte  loiiable  de  s'cntraider 
o  par. des  fervices  mutuels  :  mais 
»  l'efprit  particulier  y  ruine  tout , 
>»  &  la  moitié  des  hommes ,  poi,ir 
»f^  donner  le  fuperflu  ,  ôte  à  l'au- 
i>  tre  moitié  le  li,mple  necelfaire. 

Dans  le  huitième  Entretien  cha- 
cun fournit  fon  contingent  ;  le 
Comte  donne  la  Mouche  &  le 
Moucheron.  ]Le  Prieur ,  le  GrUlo- 
talpa  avec  la  Foyrmi  ,  &  le  Cheva- 
lier \c  Formicaleo.  En  parlant  des 
Mouches  l'Auteut  explique  la  for- 
mation de  la  Noix  de  Galles  par 
le$_CEu£s  qu'une  certaine  efpece  de 
Mouche  dépofe  dans  les  feuilles  ou 


ES    SÇAVANS, 

même  dans  les  boutons  du  chcne  , 
cnforte  que  la  Noix  de  Galles  n'clt 
pas  un  huit  propre  au  chêne  com- 
me le  Gland  ;  mais  une  limple  ex- 
crelccnce  occalionnée  par  la  pi- 
queure  d'un  Infecte.  Il  prétend 
qu'il  n'y  a  prcfque  point  de  plante 
qui  ne  foie  de  même  piquée  par  un 
Infede  ,  &:  qui  ne  produife  de  ces 
prétendues  Noix  de  toute  couleur 
&  de  toute  grandeur.  Le  vrai  ver- 
millon ,  la  bonne  laque  ,  le  kermès 
&  plullcurs  autres  drogues  eftimécs 
n'ont  point  d'autre  origine  que  la 
piqucure  de  différentes  Mouches  -, 
mais  il  n'en  ell:  pas  de  même  delà 
Cochenille ,  &  l'Auteur  dans  cette 
Icconde  Edition  nous  en  donne  une 
defcription  très-curicufe. 

La  Comtelle  qui  n'avoit  poini 
paru  dans  l'Entretien  précèdent , 
ouvre  le  fuivant,  où  il  y  eft  queftion 
des  Coquillages.  Elle  commence 
par  les  Moules  qu'elle  appelle  lc« 
Fdeufes  de  la  Mer.  Elle  fait  connoî- 
tre  la  Nature  de  cettec-fprcc  de  hl 
qu'elles  produifent  ,  &:  dont  elles 
fe  fervent  pour  s'ancrer  contre  l'ef- 
fort du  vent  Se  des  vjgues.  Elles 
relTcmblent  en  cela  à  la  Pinnc-Ma- 
rinc  qui  eft  une  très  grande  Moule 
de  îiler.  Les  Siciliens  en  tirent  une 
foye  dont  on  fait  des  étoiles  d'une 
beauté  partaite.  On  patTe  cnfuite  à 
la  manière  dont  fe  forme  l'ecaillc 
du  Limaçon  ,  &  en  général  celle  de 
tous  les  coquillages.  On  n'oublie 
pas  les  perles ,  fô  on  foûnent  qu'il 
eft  tort  vraifcmblabk  que  les  perles 
ne  font  qu'un  etlet  de  la  maladie  d» 
l'Animal  qui  les  produit.  On  en 
verra  la  preuve  dans  le  Livre  mç- 
me. 


A  V  R  I 

Dans  le  dixième  Entretien  les  In- 
terlocuteurs bfTcz  de  ramper fiif  la 
terre  avec  les  Limaçons  CT  les  Repti- 
les ,  prennent  fejfor ,  &  vont  recon- 
nohre  les  habitans  de  l'air.  La  Coin- 
telTe  les  mène  près  de  fa  volière  ,  & 
leur  fait  admirer  la  ll;rudl:ure  des 
differens  nids  des  Oifeaux  ,  où  l'on 
trouve  la  propreté  du  Vannier  & 
i'indHflrie  du  Maçon.  Le  Prieur 
efîaye  de  donner  une  idée  du  vol 
des  Oifeaux.  Il  examine  enfuite  fi 
les  hommes  peuvent  voler ,  &  il  fe 
déclare  pour  la  négative. 

On  revient  encore  aux  Oifeanx 
dans  l'onzième  Entretien  &i  on 
montre  par  leurs  différentes  incli- 
nations la  raifon  de  cette  prodi- 
gieufe  divcrfitc  qu'on  remarque 
dans  leurs  aîles  ,  dans  leurs  becs , 
dans  leurs  ongles  &  dans  toutes 
leurs  parties.  On  parle  en  particu- 
lier du  Pivcrd,  du  Héron  ,  de  la  Ci- 
cogne ,  du  Cygne  ,  du  Colibri  qui 
cft  un  petit  Oifcau  de  l'Amérique 
d'une  extrême  beauté  ,  de  l'Autru- 
che ,  du  Paon  ,  des  Oifeaux  de 
proye  &  de  la  manière  de  les  drefler 
pour  la  voleric  ■■,  des  Oifeaux  de 
paffage  ,  des  Oifeaux  de  nuit ,  &c. 

Sur  toutes  ces  matières  il  échape 
à  la  Comteffe  des  obfcrvations , 
qui  rètonncnt  elle-même.  Sur  quoi 
le  Prieur  lui  apprend  que  w  Icmé- 
j>  rite  des  Phyiîciens ,  parmi  \ti- 
»  quels  elle  eft  enrôlée  ,  ne  confifte 
»  pas  toujours  à  deviner  des  chofes 
a  difficiles  ;  mais  à  ouvrir  les  yeux 
»  fur  ce  que  les  autres  ne  regardent 
>»pas  ,  es.  qu'ils  foulent  aux  pieds  le 
M  plus  fouvejit.  «  La  ComtelTe  fait 
fcntir  l'injuftice  de  la  plupart  des 


L  ,    1755.  i95 

hommcsj  qui  fcmblcnt  defund:e 
aux  fmmcs  depenfcr  &:  de  réflé- 
chir ,  &:  qui  par  la  conduite  qu'ils 
tiennent  avec  elles  ,  ne  travaillent 
qu'à  nourrir  dans  leur  efpnt  tous 
les  défauts  qu'ils  leur  reprochent. 

Les  Animaux  terrell:r£S  ^  cojnme 
la  Brebis  ,  le  Bœuf,  le  Lioa/l'E- 
lephant  ,  &c.  font  l'objet  du  dou- 
zième Entretien.  Le  Prieur  fait  re- 
marquer la  Providence  dans  ce 
grand  nombre  d'animaux  domefti- 
ques  qu'elle  a  réunis  fous  la  main 
de  l'homme  ,  &  affujctis  àfon  em- 
pire. Qiiand  on  pourroit  apprivoi- 
fcr  les  Louveteaux ,  les  F.ions  des 
Bicljes  ,  &  les  Lionceaux  ^  il  efl: 
clair  que  l'homme  n'en  tireroit 
point  l'ufage  qu'il  tire  des  aninj^us 
domeftiqucs ,  foit  pour  cultiver  la 
terre  ou  pour  porter  des  fardeaux, 
Pourroit  -  on  d'ailleurs  le's  nourrir 
avec  aufîî  peu  de  frais  ?  On  décou- 
vre encore  la  Providence  dans  les 
inclinations  bienfaifantcs  ^  dociles 
qu'elle  a  données  aux  animaux  do- 
meftiqucs. Cette  matière  donne 
lieu  au  Comte  de  faire  l'éloge  du 
Cheval  ,  au  Chevalier  celui  du 
Chien  ,  &;  le  Prieur  ne  dédaigne 
pas  de  fe  rendre  le  Panègirifte  de 
l'Afne.  Il  avoiic  que  cet  animal  u'a 
pas  les  qualitez  brillantes,  maisil 
prétend  qu'il  a  les  folides  ,  &  il 
montre  que  J'Afne  bien  loin  d'avoir 
befoin  d'indulgence ,  ou  d'apolo- 
gie peut  être  l'objet  d'un  éloge  rai- 
fonnable  &:  même  académique.  Ce 
morceau  qui  fcmbic  d'abord  n'être 
qu'un  Jeu  d'cfprit ,  un  peu  dèpla<:e, 
cft  rempli  de  reflexions  également 
fines  6c  judicieufes. 


\$i5        JOURNAL    DE 

Dc-là  on  pafTe  aux  Caflors  &  à 
leur  manière  de  bâtir,  on  les  compa- 
re au  Rat  Mufjué  qm  cfi  mi  animal 
d'Amérique  ,  ic  qu  on  nous  donne 
en  tourc  manière  pour  un  din^inu- 
tif  du  Cafter. 

Le  treizième  Entretien  roule  fur 
les  PoifTons.  On  y  parcourt  en  dé- 
tail leur  manière  de  refpirer  ,  de 
riager  ,  &  leurs  dificrcntcs  rufcs 
|>our  attraper  leur  proyc.  On  ob- 
serve que  les  PoilTons  dont  la  chair 
cft  faine  &  bicnfaifante  font  d'une 
fécondité  extrême  ,  &  qu'ils  vien- 
nent comme  d'eux-mêmes,  fe  jet- 
ter  dans  les  filets  des  Pêcheurs.  Que 
ceux  au  contraire  dont  la  chair  eft 
peu  agréable  ,  ou  maltaifinte  ,  ou 
que  leur  taille  monftrueufc  rend  re- 
doutables ,  font  communément  vi- 
vipares ,  c'cft-à  dire ,  qu'ils  mettent 
au  monde  des  petits  tout  tormcs  & 
qu'ils  n'en  ont  qu'un  ou  deux  tout 
au  plus.  Tels  font  la  Baleine  ,  le 
Dauphin  ,  le  Marfouin ,  le  Veau- 
Marin  ,  &c. 

La  Comteflè  propofe  pour  fujèt 
du  quatorzième  Entretien  lesplart- 
tes  avec  leurs  fruits  &  leurs  fleurs  ; 
quoique  ce  foit  là  après  fes  Oi- 
feaux  ,  ce  qu'elle  prétend  fçavoir  le 
mieux  ,  elle  y  parle  peu  ,  &-  fe  bor- 
ne aux  chofes  qui  font  de  pure  prati- 
que,&  remet  au  Prieur  &  au  Comte 
le  foin  d'expliqucr,quclle  eft  l'origi- 
ne des  plantes ,  de  quelles  parties 
tflcntielles  elles  font  compofees ,  la 
manière  dont  elles  fe  nourriiTcnt  , 
«elle  de  les  confcrver  5:  de  les  mul- 
tiplier ?  On  V  trouve  aufli  une  nou- 
velle conjedure  fur  la  circulation 
«lu  fuc  nournlîicr.  L'Auteur  y  a  fait 


S    SÇAVANS, 

des  changemens  &  des  additions 
très -importantes  &  a  rendu  dans 
cette  Edition  toute  cette  matière 
fort  intelligible  par  le  fecours  de 
trois  noA.ivclles  planches  qui  font 
proprement  gravées. 

On  reprend  la  même  matière 
dans  le  quinzième  &  dernier  En- 
tretien. Ou  en  lait  fentir  l'utilité. 
»  .l'aine  mieux  ^  dit  le  Prieur ,  M. 
adc  Rèaumur  occupé  à  exterminer 
M  les  Teignes  de  nos  tapilfcries  , 
»  ou  les  Piinaifes  de  tout  un  lo- 
»  gis ,  que  M.  Bcrnoulli  abforbé 
n  dans  fon  Algèbre  ,  ou  M.  de 
»  Lcibnitz.  combinant  les  diver» 
i>  avantages  &  inconveniens  dci 
j>  mondes  poflîbles.  Pour  être  rai- 
»  fonnabk  &  fçavant  faut  -  il  être 
>>  toujours  à  mille  (ieuès  des  autres? 
»  Je  penfc  tout  au  contraire  ,  que 
»la  Philofophie  ne  fçauroit  trop  fc 
»»  raprocher  de  l'homme  ,  &  qu'el- 
»  le  ne  peut  mieux  faire  que  de 
«bien  connoîcrc  ce  qui  i'cnviron- 
â«  ne  6c  ce  qui  a  rapport  à  lui. 

Cette  rc.lexion  permet  à  la 
Comteiïe  de  s'étendre  fur  la  ma- 
nière de  préparer  leLin  ^'  le  Chan- 
vre pour  en  faire  du  fil.  Elle  don- 
ne à  ces  deux  plantes  la  préférence 
fur  les  differens  Cotonniers  que 
produit  l'Amérique  ,  &  même  fut 
i'Aloè  ,  cet  arbre  fi  vanté  par  les 
differens  ufages  que  les  Afiatiques 
en  tirent ,  &  qui  produit  le  Coton 
le  plus  hn.  La  Canne  de  Sucre  ,  la 
Rhubarbe,  la  Manne,leQuinquina, 
&c.  trouvent  ici  leur  place.  On  ex- 
plique phyfiquement  h  manière 
dont  les  drogues  purgent.  On 
les  quitte  pour  des  liqueurs  plus 
réjouijfames  , 


M  A  R 

a>  ttcs  Editions.  Après  avoir  pris 
»  ces  nefures  pour  contenter  ceux 
»  qui  ont  les  Ouvrages  de  Saint 
"Jérôme,  fi  la  rareté  des  exeni- 
ijplairesrendoit  une  nouvelle  Edi- 
»  rion  neccflaire  ,  on  exécutera  ce 
«delTcin  d'autant  plus  volontiers  , 
»  qu'il  ne  pourra  plus  faire  tort  à 
n  perfonne  ,  Se  C[u'U  ne  coûtera  à 
»  l'Editeur  que  le  foin  de  veiller 
»  fur  le  travail  des  Imprimeurs. 

HOLLANDE. 

D'A  MSTERDAM. 

François  Changuion  débite  Re- 
cherches  tnterejfantes  fur  l'origine  ,  la 
formation  ,  le  développement  ,  la 
flruElure  ,  &c.  des  diverfes  efpeces  de 
vers  à  tuyau ,  qui  infeftent  les  vaif- 
feaux  ,  les  Digues ,  &c,  de  quel- 
ques-unes des  Provinces  unies.  Par 
P.  Majfnet ,  Dodeur  en  Médecine. 
On  y  a  joint  les  Procès-Verbaux 
qui  ont  été  drelTés  par  les  Infpec- 
teurs  des  Digues  ,  au  fujet  du 
dommage  caufc  par  ces  vers ,  avec 
leurs  différentes  figures  en  taille- 
douce,  d'après  nature.  173  3./»- 8°. 

FRANCE. 

De  Strasbourg." 

Jean-Renaud  Doulfeckfr  le  père  , 
Libraire  ,  va  imprimer  par  Souf- 
cription  &  en  fîx  Volumes  in-a^°. 
une  Hifloire  Vniverfelle  Sacrée  & 
Profane  depuis  le  commence- 
ment du  monde  jufqu'à  nos  jours. 
Parle  Révérend  Père  DomAugH- 
Mart. 


flm  Calmet ,  Abbé  de  Senoncs.  St 
on  peut  juger  dumérite  &  du  débit 
d'un  Livre  fur  la  réputation  de  fon. 
Auteur  ,  il  eft  à  préfumer  que  le 
public  ne  recherchera  pas  cette 
nouvelle  Hiftoire  Univerfelle  avec 
moins  d'empreirement  ,  qu'il  en  a 
témoif^né  pour  tout  ce  qui  eft  déjà 
forti  de  la  plume  de  Dom  Calmet, 

Le  Libraiee  compte  d'avoir 
achevé  l'imprelTîon  de  ces  fix  Vo- 
lumes au  commencement  de  1736'. 
Le  prix  de  la  Soufcription  entière 
eft  de  50.  livres,  dont  on  payera 
feulement  10.  livres  en  foufcrivant, 
&  8  livres  en  recevant  fuccelTive- 
ment  l'exemplaire  de  chaque  VolU' 
me. 

De     Paris. 

J.  B.  Coignard  &  Hippolyte-Louis- 
Guerin  ,  rue  Saint  Jacques ,  Mon' 
talant  &  Rollin  hls ,  Quai  des  Au- 
guftins  ,  ont  en  vente  Htfloii-e  de 
PEgli/è  Gallicane ,  dédiée  à  Nof- 
feigneurs  du  Clergé  ,  par  le  Perc 
Longueval  ,  de  la  Compagnie  de 
Jefus ,  Tome  cinijuiéme  ,  depuis  l'an 
788.  jufqu'à  l'an  849.  Tome  Jîxième ^ 
depuis  l'an  849.  jufqu'à  l'an  587. 
«■«-4". 

La  Veuve  Madères  8c  Jean-Bap- 
tifte  Garnier  ,  rue  Saint  Jacques  ,' 
à  la  Providence  ,  impriment  la  fui- 
te des  Traitez  de  Théologie  de  feu 
M.  Tournely.  Le  premier  Volume 
paroît  fous  ce  titre  :  Continuatiê 
PraleHionum  Theologtcarum  Hono- 
rati  Tournely  ,  five  TraBatus  de  uni- 
Verfk  Theologiâ  Morali.  î  *  wut 
PRiMUS  ,  conùmm  Tra^latus  I,  df 
Aa 


i86  JOURNAL   D 

Juftitiâ  &  Jirre  ,  //.  de  CotmvMihus. 
Ofus  ad  Jitrts  Romani  &  Gallici 
normam exaBiim.  1753.  /«-S". 

On  trouve  chez  Bauche  ,  Quai 
des  Auguftins ,  &:  autres  Libraires, 
une  nouvelle  Edition  des  Oeuvres 
di-verfes  de  M.  VAhhé  de  ChnulieH , 
en  deux  Volumes  171-%°.  A  Am- 
flerdam  ,   chez  Zacharïe  Châtelain. 

Ï733- 

Entretiens  de  Ciceronfiir  la  Na- 
ture des  Dieux  ,  traduits  par  M. 
i'Abbé  à'Olivet  ,  de  l'Académie 
Françoifc  ,  avec  des  Remarques 
de  M.  le  Préfident  Bouhier ,  de  la 
ïnême  Académie  ,  fur  le  Texte  de 
Ciceron.  Seconde  Edition  ,  chez 
Gandouin ,  à  la  belle  Image ,  Qiiai 
des  Auguftins.  1751.  in-ii.  deux 
Volumes. 

Réflexions  Critiques  fur  la  Poëjîe 
&  fur  la  Peinture  ^  par  M.  l'Abbé 
Dubos  ^  Secrétaire  de  l'Académie 
Françoife.  Nouvelle  Edition^  revue  , 
corrigée  &  confiderablernent  aug- 
mentée. Chez  Pierre- Jean  Mariette^ 
ruii  Saint  Jacques ,  aux  Colonnes 
d'Hercule.  1733.  /»-i  2.  trois  Volu- 
mes. 

Converfations  fur  flufieurs  ftijets  de 
Amorale  propres  à  former  les  jeunes 
Demoiflles  à  la  pteté.  Ouvrage  utile 
à  toutes  les  perfonnes  qui  font 
chargées  de  leur  éducation.  Par  M. 
P.  C.  Dodeur  de  Sorbonne.  Chez 
Jean  Bapttfte  Lamefle  ,  rue  de  la 
vieille  I3ouclerie  ,  à  la  Minerve. 
Jean  François  Hertjfant ,  rue  Neuve 
Notre-Dame  ,  à  la  Pro\  idcnce  ,  & 
Henry ^  luë  Saint  Jacques,  vis-à- 
vis  Saint  Yves  ,  à  Saint  Louis. 
i733.v«-iz. 


ES    SÇAVANS; 

Aléthode  pou-  apprendre  l'ortho- 
graphe ,  &  la  L.f:-ijiie  françoife^  fans 
fçavoir  le  Latin  ,  avec  la  clef  &:  les 
thèmes  tour  préparés  pour  l'cnfei- 
gner.  Troifiéme  Edition  ,  revûë  &: 
corrigée  ,  &  mife  dans  un  nouvel 
ordre.  Par  M.  Jacejitier.  Chez  le 
Clerc  ,  rue  delà  vieille  Bouderie', 
le  Gras  ,  Grand'Salle  du  Palais  , 
Rohitftel  le  jeune,  rue  S.  Jacques , 
&  la  Veuve  Pijfot  ,  Quai  de  Con- 
ty.i-jii.in-%\ 

Voici  le  Programme  publié  par 
i'Academie  de  Chirurgie  pour  le 
prix  de  l'année.  1733. 

»  L'Académie  de  Chirurgie  éta- 
»  blie  à  Paris  fous  la  protection  du 
»  Roi  ,  defirant  contribuer  aux 
3>progrcs  de  cet  Art ,  &  à  l'utilité 
M  publique  ,  propofc  pour  fujctdu 
»  prix  de  l'année  mil  fepr  cens 
»  trente  -  trois  ,  la  queftion  lui- 
»  vante  : 

Quels  ,  félon  les  dtjferens  ca<  ,  les 
avantages  &  les  inconveniens  de 
Vufage  des  Tentes  &  autres  dila-, 
tans  ? 

■n  Ceu:<  qui  travailleront  pour  le 
M  prix  ^  font  invitez  à  fonder  leurs 
»  raifonnemens  fur  des  faits  de 
j^  pratique  choifis  &  bien  avérés  \ 
»  on  les  prie  d'écrire  en  François 
»  ou  en  Latin  ,  autant  qu'il  fc 
n  pourra  ,  &  d'avoir  attention  que 
»  leurs  écrits  foient  fort  lifibles. 

«Ils  mettront  à  leur  Mémoire 
»  une  marque  diftinflive  ,  coramç 
»  Sentence  ,  Devife  ,  Paraphe  ou 
«Signature  ;  &  cette  znar(^ae fer» 


M   A  R 

»  couverte  d'un  papier  blanc.  çoUé 
»>  ou  cacheté  ,  qui  ne  fera  levé 
n  qu'en  cas  que  la  pièce  ait  rcmpor- 
»  té  le  prix. 

3?  Ils  adrefleront  leurs  ouvrages 
«  francs  de  port ,  à  M.  Jldorand  ^ 
»  Secrétaire  de  l'Académie  de  Chi- 
30  rurgie  à  Paris  -,  ou  les  lui  feront 
»  remettre  entre  les  mains. 

»Les  Chirurgiens  de  tous  Pays 
»>  feront  admis  à  concourir  pour  le 
"prix  i  on  n'en  excepte  que  les 
»  Membres  de  l'Académie. 

»  Le  Prix  eft  une  Médaille  d'pr  dp... 
»  la  valeur  de  deux  ceus  liv:es,  qiài. 
»  fera  donnée   à  celui  qui  au  juge- 
»  ment  de  l'Académie ,  aura  fajt  le 
»  meilleur  Mémoire  fur  la  queftion 


»>;  propolee. 

,  3»  La  Médaille  fera  délivrée,  àrj 
»>  l'Auteur  même  ,  qui  fc  fera  con-  ■ 
»noîcre,  ou  au  porteur  d'une  pro- 
»  curation  de  la  part  ;  l'un  oli  l'au- 
»  tre  reprefentant  la  marque  di- 
»  ftindive ,  avec  une  copie  nettp  du 
p,  Mémoire. 

n  Les  ouvrages  ne  feront  reçus 
»  que  jufques  au  dernier  jour  de 
»  l'année  1753.  inclufivement. 

»  L'Académie  à  fon  alTemblée 
»  publique  de  1734.  qui  fe  tiendra 
«  le  Mardy  d'après  la  Trinité  ,  pro- 
»>  clamera  la  pièce  qui  aura  mérité 
»  le  prix. 

Théologie  -  Phyjù^ue ,  ou  Dêmon- 
flration  de  l' Exiflence  &  des  Attri- 
buts de  Dieu  ,  tirée  des  Oeuvres  de 
la  Création  ,  accompagnée  d'un  grand 
nombre  de  Rcmarquei  &  dOhferva- 
lions  curieufes  ,  par  Guillaume  Dé- 
ïham.  Chanoine  de  U^mdfor  ^  Rec- 


UH.t  àVf.minfiix^^  ôcc^u-adiàte  de 
l'ylngloisparjacques  Lufneu,  Doc- 
teur en  Aiedeane  &  Lecteur  en  Ma- 
thématiques :  troijiémc  Edition  ^  re- 
vue &  corrigée  :  à-  Paris  ,  che"^ 
Chaubert,  /«-8".  1732. 

11  ne  faut  que  voir  cette  Edition 
&  lire  l'Avertiflemeniqui  la  précè- 
de pour  fentir  qu'elle  eft  en  tout 
préférable  aux  deux  premières  de 
Hollande  ,  dont  la  féconde  qui  s. 
fervi  de  copie  à  celle-ci  lui  eft  de 
beaucoup  inférieure  pour  la  beauté 
&  k  newe^é  des  caradreres  ;  nous 
n&difons  rien  ici  du  mérite  particu- 
lier &  de  l'importance  de  l'Ouvra- 
ge ,  nous  en  avons  rendu  compte 
dans  notre  Journal  du  mois  de 
Jatmeï  année  1727.  vs 

AVI  S.  :^ 

Dans  le  Journal  de  Décembre 
dernier ,  à  l'article  qui  concerne  h 
Pharmacopée  de  la  Faculté  de  Mé- 
decine de  Paris,  on  a  mis  par mé- 
garde  que  cette  Pharmacopée  fut  en- 
treprife  en  \-]ii.  au  commencement 
du  Décanat  de  AI.  Philippe  Caron  , 
continuée  &  portée  à  fa  fin  fous  le  Dé- 
canat de  M.  Nicolas  Andry ,  au  lieu 
de  cela  il  faut  lire  :  cette  Pharmaco- 
pée fitt  entreprife  en  1714.  fous  le  Dé- 
canat de  Ad.  Philippe  Hecquet ,  qui 
en  ouvrit  l'avis  ,  continuée  fous  les 
Décanats  de  Mejfieurs  Jean-Baptifîe 
Doye  ,  Amand  Douté ,  Guy  Erafme 
Emmerez. ,  &  Philippe  Caron  ;  puis 
achevée  fous  le  Décanat  de  M,  Ni- 
colas  Andry, 


Vi 


fautes  à  corriger  dans  le  Journal  de  Janvier  I7  3  3 . 

Af'C   48.  col.  I.  ligne  34.  féconde  ,  ///f^troifiémc  :  Pag.  49.  col.  iJ 
i<T.  22,  nous  pourrions ,  Uf.  nous  pouvons. 

Dans  /'Errata  qui  eflàlafindu  Journal  de  Février. 


Vers  la  fin  :  Chryftallin  ,  ///fi  Criftallin  ;  retai>l>fe\^ainft cette  correSim 
Chryftallin ,  ///f^CryftaUin, 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Mars  lyn» 

POëfîes  diverfes  ^  par  M.  Tanevot,  page  ijl 

L'Anatomie  générale  du  Cheval  ,  &c.  140 

Recueil  des  Ecrivains  et  Italie  ,  Tome  IX.  145 

Traité  du  Sublime ,  a  M.  Defpreaux  ^  Sec.  x$S 

Relation  Htfloriejue  de  l' Ethiopie  Occidentale  y  &&'  x(j 

tiiftoire  de  Dannemarc ,  &c.  17X 

Jjtttre  Critique  fur  le  DiSlionnaire  de  Bayle  ,  177 

JKçHvelles  Littéraires ,  1 S  j 

Fin  de  la  Table; 


A  V  R  I 

rèjouijfames ,  telles  que  le  CafFé  ,  le 
Thé  &  le  Chocolat.  On  revient  en- 
fuite  au  bled  dont  on  avoit  déjà 
parlé  ,  ôc  on  donne  la  manière  de 
le  conferver  un  fiécle  entier  fans 
qu'il  fe  corrompe. 

Enfin  le  Prieur  loiie  l'amour  du 
Jardinage  ,  &  applaudit  au  goût 
de  beaucoup  d'honnêtes  gens  qui 
s'adonnent  aujourd'hui  à  cet  amu- 
fcment.  Mais  il  voudroit ,  dit-il , 
que  la  culture  des  plantes  ,  fut 
comme  la  vraye  pieté  ,  affranchie 
de  tout  vain  fcrupule  ,  &  débarraf 
fée  de  toute  pratique  fuperftitieufe. 
Il  fait  fentir  le  préjugé  ridicule  qui 
défend  de  planter ,  de  femcr  &  de 
tailler  dans  le  décours  de  la  Lune. 
M.  le  Normand  chargé  de  la  direc- 
tion des  Jardins  fruitiers  &  pota- 
gers du  Roi ,  qu'il  cite  en  cet  en- 
droit affure  ,  »  que  d'un  très-grand 
»  nombre  d'expériences  faites  très- 
»  exadement  fur  les  différentes 
»  opérations  du  Jardinage  ,  il  n'en 
»  avoit  trouvé  aucune  qui  favorisât 
"l'afferviffemcnt  de  nos  pères  aux 
»  differens  afpedts  de  la  Lune. 

A  cette  occafion  l'Auteur  com- 
bat la  fuperftition  de  ceux  qui  at- 
tribuent quelque  vertu  aux  influen- 
ces des  Etoiles.  Il  fait  voir  que  les 
Boms  donnés  par  les  anciens  aux  1 2 
Signes  du  Zodiaque  font  fondés  fur 
des  raifons  naturelles.  A  l'égard 
des  autres  Etoiles  il  prétend  que 
les  Grecs  leur  ontimpofédes  noms 
de  pur  caprice ,  &  qu'il  feroit  ridi- 
cule d'en  chercher  les  convenan- 
ces. 
Ce  premier  Tome  finit  par  une 


L.      1733-  197 

Lettre  du  Prieur  en  réponfe  à  une 
Lettre  du  Chevalier  qui  lui  avoit 
écrit  pour  lui  demander  quels  font 
les  droits  &  les  bornes  de  la  raifonî 
Le  Prieur  montre  que  c'eft  une 
erreur  tort  commune  de  ne  pas 
connoître  le  prix  &  les  droits  de  la 
raifon,  ou  d'avoir  une  idée  trop 
avantageufe  de  fes  forces.  »  Ne 
»  vouloir  rien  connoître  des  chofes 
»  créées  qui  font  fous  nos  yeux  ,  eft 
»  le  propre  d'une  indolence  qui  va 
»  jufqu'à  laftupidité  ,  vouloir  tout 
»y  comprendre  c'eft  une  témérité 
»  qui  eft  toujours  punie.  «  Mais 
l'homme  fage  prend  un  jufte  mi- 
lieu entre  ces  deux  extremitez. 
Sans  ambitionner  ce  qui  eft  au-def- 
fus  de  l'homme ,  il  s'occupe  avec 
modeftie,  &  joiiit  avecreconnoif- 
fance  de  ce  qui  a  été  fait  pour 
l'homme. 

Il  ne  faut  pas  oublier  en  finiffant 
cet  Extrait ,  qu'outre  les  trois  plan- 
ches nouvelles  dont  nous  avons 
fait  mention  ,  l'Auteur  a  embelli 
cette  féconde  Edition  d'un  frontif- 
pice  qui  annonce  le  fujec  du  Livre 
d'une  manière  très-mgénieufe.  Ces 
différentes  augmentations  feront 
fans  doute  grand  tort  à  une  nouvel- 
le Edition  du  même  Ouvrage 
qu'on  vient  de  publier  à  Utrecht , 
elle  fervira  du  moins  à  la  gloire  de 
notre  Auteur.  Il  eft  peu  ordinaire 
de  voir  en  moins  de  fix  mois  trois 
Editions  du  même  Ouvrage.  C'eft 
un  préjugé  bien  favorable  pour  le 
fécond  Tome  qu'il  va  donner  in- 
ceffanunent» 


Avril. 


Ce 


JOURNAL     DES     SÇAVANS; 


EXPLICATIO  N  DV  LITRE  DE  LA  GENESE,. 
OH  félon  la  Aléthadt  dis  S/iints  Péris  ^  ion  s'attache  <è  decottvnrUs  Myflerei 
di  J.  C.  &  les  règles  des  mœurs  renfermées  dans  la  lettre  même  de  l'Ecri- 
ture. A  Paris ,  chez  François  Babnty ,  rue  S.  Jacques ,  à  S.  Chryfofto- 
me  ,  in-ii.  6.  vol. 


LE  Libraire  eft  perfuadé  que 
cet  Ouvrage  fera  plaifir  au  pu- 
blic ,  non  feulement  parce  que  le 
nom  &  le  mérite  de  l'Auteur  font 
déjà  connus ,  mais  encore  parce  que 
le  golît  du  public  s'efl: ,  dit-on  , 
déclaré  par  l'approbation  qu'il 
avoit  donné  aux  Conférences  où 
l'on  taifoit  lecture  de  cet  Ecrit  &  où 
il  étoit  expliqué  de  vive  voix.  Il 
s'en  éroit  répandu  des  copies  en 
afTcz  grand  nombre  ,  qui  ont  fait 
fouhaiter  s.  plulleurs  pcrfonnes 
qu'il  fût  imprimé.  Le  Libraire  re- 
g.:rde  comme  un  bonheur  ,  qu'il 
lui  foit  tombé  entre  les  mains  une 
copie  fort  exade  de  cette  Explica- 
tion. 

L'intention  de  l'Auteur  n'eft 
point  de  donner  une  Explication 
Littérale  du  Texte  de  la  Genéic,  «Se 
encore  moins  d'examiner  les  que- 
ftions  de  critique  :  il  fait  même  af- 
fez  entendre  qu'il  ne  croit  point 
que  ce  foit  entendre  l'Ecriture 
Sainte  d'être  inllruit  à  fond  de  ce 
qui  regarde  ces  queftions.  Voici 
comme  il  s'explique  fur  ce  fnjet , 
en  expliquant  le  verfet  17.  du  cha- 
pitre 47.  de  la  Genéfe. 

M  Le  S.  Efprit  a  voulu  nous  ap- 
»  prendre ,  en  confacrant  dans  les 
"Septante  une  autre  fupputation 
»  que  celle  de  l'original ,  combien 
»  l'étude  qui  fe  termine  à  des  cho- 


»  fcs  qui  ne  reforment  point  le 
n  cœur,  eft  peu  digne  des  Ecritu- 
>•  res  ,  &  combien  l'on  eft  éloigne 
»  de  les  entendre  ,  lorfqu'on  s'ap- 
j)  pliquc  uniquement  à  des  difficul^ 
»  tcz  qui  reg.irdent  les  tems ,  les 
"lieux,  les  Généalogies,  les  coù- 
»  tûmes  &  une  Hilloire  ftcriie  , 
M  pendant  qu'on  néglige  l'efTentiei 
>j  Se  le  deftein  de  Dieu  en  donnant 
»  aux  hommes  fcs  Ecritures. 

Le  but  de  notre  Auteur  eft  uni- 
quement, comme  il  l'explique  dans 
le  titre  ,  de  faire  fur  les  differens 
palfages  de  la  Genéfe  des  Obferva- 
tions  qui  pullfent  contribuer  à  for- 
mer les  mœurs ,  &:  à  découvrir  pref- 
que  dans  tous  les  paflages  le  fens  fi- 
guré. Il  rapporte  à  la  vérité  en 
quelques  endroits  les  termes  de  l'o- 
riginal ,  &  il  s'attache  à  en  faire 
connoître  la  forme  ;  mais  ce  n'eft 
que  quand  il  croit  que  les  expref- 
nons  hébraïques  fourniront  plus 
facilement  que  celles  de  la  Vulgate, 
des  réflexions  morales ,  iSc  le  fens 
figuré  qui  tait  fon  principal  objet. 

Nous  allons  rapporter  quelques 
exemples  dxs  reflexions  morales  & 
des  explications  du  fens  figuré. 

L'Auteur  s'attache  dans  l'cxpolî- 
tion  du  premier  Chapitre  de  la  Ge- 
néfe à  faire  voir  que  l'Univers  & 
les  différentes  parties  qui  le  com- 
pofent  ne  font  pas  l'effet  du  hazard. 


A  V  R  I 

ic  qu'il  porte  par-tout  les  marques 
^'une  Providence  j  d'une  ûgellc  & 
<i'unc  puilTance  infinie.  Il  entre  fur 
ce  fujct  dans  un  gra.d  détail  au  fu- 
jet  des  arbres  6c  des  plantes ,  des 
oifeaux  ,  des  animaux  à  quatre 
pieds  ,  des  poiflons  de  la  mer  ^  & 
aes  aftres.  Les  découvertes  des  Phi- 
lofophes  modernes  fervant  à  l'Au- 
teur à  mettre  ces  véritezdans  un 
plus  grand  jour  ;  &  ce  qui  fera  plus 
de  plaifir  à  ceux  qui  ne  font  pasPhi- 
iofophes  de  profeflion  ;  c'eft  que 
l'Auteur  s'eft  appliqué  à  s'exprimer 
fur  ce  fujet  important  de  la  manière 
la  plus  fendble  ,  &  même  à  répan- 
dre plus  d'agrément  dans  cç%  mor- 
ceaux que  dans  le  refte  de  fes  Ou- 
vrages. 

Outre  ces  réflexions  générales 
fur  l'Ouvrage  des  fix  jours  qui  ont 
fourni  à  plufieurs  Pères  de  i'Eglife 
le  fujet  de  grands  Traitez  ,  on 
trouve  dans  cette  expofîtion  des 
reflexions  mo/ales  particulières  fur 
chacun  des  Ouvrages  du  Créateur. 
On  en  connoîtra  le  goi^it  par  les 
«xemples  fuivans. 

Sur  ce  que  Moyfe  dit  que  Dieu 
créa  un  corps  lumineux  moindre 
que  le  Soleil  pour  préluder  à  la  nuit. 
L'Auteur  s'explique  ainfi.  »  La  Lu- 
»  ne  n'efface  point  entièrement  la 
M  lumière  des  étoiles  :  mais  il  fem- 
»  ble  que  ce  qu'elle  en  iaifle  fubfi- 
i>  ftcr  ne  foit  que  pour  rendre  plus 
»  fenfibles  les  avantages  qu'elle  a 
M  fur  elles  -,  car  toutes  celles  qui 
»  font  trop  voilmesfe  perdent  dans 
j>  fes  rayons  ■,  les  autres  fc  foûti^-n- 
»  nent  un  peu  à  proportion  de  leur 
»  diftance  i  mais  alors  même  tous 


L.  173  5-  199 

>■>  les  yeux  font  tournés  vers  un  fcul 
»  objet ,  Se  les  lumières  foibles  Se 
i>  mouvantes  ,  femées  çà  Se  là  dans 
»j  les  efpaces  lointains  ne  font  pref- 
»  que  aucune  imprelllon.  C'eft  ainlî 
j>  que  l'autorité  des  Ecritures  doit 
«  foûmettre  la  raifon  :  elle  ne  i'é- 
»  teint  pas  ,  mais  elle  l'obfcurcit 
»3  en  la  furpaflant ,  St  moins  les  re- 
»  flexions  humaines  ont  de  pou- 
»  voir  ,  Se  moins  il  eft  nuit  Se  plus 
»  il  fait  clair. 

L'Auteur  avant  parlé  de  différen- 
tes efpeces  d'oifeaux  ,  s'adreffe  à 
Dieu  en  ces  termes.»Qiiels  milleres 
»  couvrez-vous  fous  toutes  ces  dif- 
"tindions  étonnantesî&qucl  parta- 
is 2;e  faites-vous  entre  ceux  qui  font 

'1  ICI  ^ 

)>  noyés  dans  le  lieclc,  &  ceux  a  qui 
»  vous  donnez  des  aîies  pour  le 
«  fuir  Se  s'élever  jufqu'à  vous  ?  *• 
Notre  Auteur  ayant  enfuitc  faitob- 
ferver  qu'entre  les  oifeaux  les  uns 
s'élèvent  fort  haut  5c  s'y  foûticn- 
nent ,  les  autres  ne  font  que  volti- 
ger&;fe  contentent  de  rafer  la  terre, 
&  que  chaque  efpece  eft  reconnoif- 
fable  à  fon  vol  particulier  -,  il  veut 
que  cette  diverllté  foit  pour  nous 
une  leçon  qui  nous  apprenne  à  ne 
pas  réduire  les  vertus  des  fpirituels 
à  un  genre  uniforme. 

Les  oifeaux  foibles  font  la  proyc 
de  ceux  qui  vivent  dé  fang  Se  de 
carnages.  La  fureté  des  premiers 
confifte  à  fe  tenir  à  terre  ,  car  les 
Vautours ,  les  Epreviers  Se  les  au- 
tres Oifeaux  de  même  genre  n'ofe- 
roient  fondre  fur  ceux  qui  ne  s'élè- 
vent point.  Ils  fc  briferoient  au  lieu 
de  leur  nuire.  Ainiî ,  conclut  l'Au- 
teur ,  parmi  les  Oifeaux  ,  comme 
Ce  y 


200  JOURNAL   D 

parmi  nous  ,  rhumilitc  cft  û"iin 
grand  ufagc  ,  ëc  c'eft  l'élcvation 
qui  fait  le  danger. 

Ce  que  fait  la  poule  par  laquelle 
on  a  fait  couver  des  œufs  de  Can- 
nes ,  quand  elle  voit  fcs  petits  s'al- 
ler jetter  à  l'eau  au  fortir  de  la  co- 
que ,  fournit  une  matière  de 
reflexion  à  notre  Auteur.  Cette 
poule  demeure  au  bord  de  l'eau 
très-étonnéc  de  la  témérité  de  fes 
petits  ,  &  encore  plus  de  ce  qu'elle 
leur  réuflît.  Elle  fe  fent  violemment 
tentée  de  les  fuivre ,  elle  en  témoi- 
gne fa  vive  impatience  -,  mais  rien 
n'eft  capable  de  la  porter  à  une  in- 
difcrction  que  Dieu  lui  a  défendue. 
Les  Spedatcurs  en  font  furpris  à 
proportion  de  ce  qu'ils  ont'd'intcl- 
iigcnce.  Mais  il  eft;  rare  ,  continue 
notre  Auteur  ,  que  les  Spectateurs 
apprennent  de  cet  exemple  ,  qu'il 
faut  être  deftiné  par  la  Providence 
aux  fondions  d'un  état  dangereux, 
&  avoir  reçu  d'elle  tout  ce  qui  peut 
mettre  le  falut  en  fureté  ,  &c  que 
c'eft  une  témérité  funefte  pour  les 
autres  qui  n'ont  ni  la  même  voca- 
tion, ni  les  mêmes  qualitez. 

Les  Oifeaux  qui  vivent  de  poif- 
fons ,  fans  qu'ils  Içachent  nager ,  & 
à  qui  Dieu  a  donné  des  jambes 
comme  des  échaffes  &  un  col  fort 
long  pour  qu'ils  puiflent  prendre 
leur  proye  fans  aller  dans  l'eau  plus 
avant  que  leur  taille  ne  le  leur  per- 
met, font  ,  félon  notre  Auteur, 
une  inftrudion  pour  les  perfonnes 
qu'un  zélé  indifcret  féduit  facile- 
ment ,  qui  penlent  qu'elles  ont  du 
talent  pour  tout ,  parce  qu'elles  en 
•nt  pouE  ceuaines  chofes  ^  ou 


ES   SÇAVANS, 

qu'elles  ne  trouveront  aucun  dan- 
ger dans  de  gr:.nàcs  entrcprifes  , 
parce  que  d'autres  plus  proportion- 
nées à  leurs  forces  leur  ont  réuffi. 

Quelques  Pères  de  l'Eglifc  ont 
comparé  les  Démons  aux  Oifeaux 
de  nuit  ;  mais  la  manière  dont 
l'Auteur  pouffe  cette  comparaifon 
a  quelque  chofe  de  fingulicr.  Il  dit 
que  quand  un  Oifeleur  va  à  la  chaf 
fc  à  la  pipée  ,  il  imite  le  cri  de 
quelque  oifeau  de  nuit ,  les  oifeaux 
ae  toute  efpecc  viennent  fe  per- 
cher fur  la  cabanne  de  branches  ou 
t'Oifelcur  eft  caché  ,  pour  être 
plus  à  portée  d'infujter  A  leur  enne- 
mi. Mais  les  branches  font  remplies 
de  gluaux  ,  les  oifeaux  cpai  î'em- 
barraflent  dans  ces  gluaux  tombent 
&  perdent  la  vie  entre  les  mains  de 
rOifeleur.  Ce  qui  nous  apprend  , 
félon  l'Auteur ,  à  fuir  le  cri  du 
Démon  au  lieu  d'y  accourir  fous 
prétexte  de  lui  infulter.  La  haine 
même  contre  lui  doit  être  humble. 
Car  on  devient  fa  proye  Si  même 
fon  joUet ,  quand  on  fe  glorifie  de 
fon  amour  pour  la  lumière  ,  &  l'on 
tombe  dans  la  malédiction  lorf- 
qu'on  s'en  rejouit. 

Venons  aux  exemples  du  fens  fi- 
guré. On  ne  doute  pas  qu'il  n'y  aft 
plufieurs  traits  dans  l'Ecriture  Sain- 
te ,  qui  ne  paroifTcnt  d'abord 
qu'hiftoriques ,  &  qui  font  néan- 
moins des  figures  de  Jefus-Chrift 
&  de  fon  Eglife.  Mais  il  y  a  eu 
jufqu'à  prefent  peu  d'Interprètes 
qui  ayent  étendu  ce  principe  aufli 
loin  que  notre  Auteur.  Il  préterKi 
faire  voir ,  non  feulement  dans  cha- 
que hiAoiie,  mais  encore  dans  cba- 


A  V  R 

que  trait  d'hiftoiïe  un  fens  figuré 
qu'il  croit  que  le  S.Efprit  a  eu  prin- 
cipalement en  viiif  5  de  forte  que 
dansfon  Syftême  le  Livre  de  la  Ge- 
néfc  contient  en  même  tcms  une 
Hiitoire  réelle  &  une  prophétie  al- 
légorique de  J.  C.  &  de  fon  Eglilè 
&c  de  la  convcrfion  des  Juits  avant 
le  jugement  dernier.  On  en  va  voir 
la  preuve  dans  quelques  traits  tirés 
de  l'explication  du  Chapitre  45  de 
la  Genéfe  où  Jefeph  fe  fait  connoî- 
tre  à  fes  frères. 

Il  eft  marqué  dans  le  premier 
verfct  de  ce  Chapitre  ,  que  Jofeph 
commanda  que  l'on  fît  fortir  tout 
le  monde  afin  que  nul  étranger  ne 
fût  prefent  ,  lorfqu'il  fe  fcroit  con- 
noître  à  fes  tVeres.  L'Auteur  trouve 
ici  la  hgare  &  de  J.  C.  qui  fe  ma- 
nifefta  aux  Apôtres  après  fa  Refur- 
redion,  &  de  J.C.qui  fe  manifefte- 
ra  aux  Juifs  avint  la  fin  du  monde. 
Cette  féconde  allégorie  paroît  mê- 
me à  notre  Auteur  la  principale  ; 
car  Jofeph  ,  c'eft-à-  dire  ,  J.  C.  fera 
célèbre  parmi  les  Gentils ,  &  ré- 
gnant en  Egypte  ,  lorfqu'il  fe  fera 
connoître  aux  douze  Tribus  d'If- 
raël  après  un  long  oubli  pareil  à 
celui  qui  eft  la  fuite  de  la  mort  8c 
de  la  fépulture.  La  lumière  fut  ôtée 
à  Ifraël  à  caufe  de  fon  irapénitence, 
lorfque  les  Nations  furent  appel- 
iées  ,  la  lumière  &  la  pénitence  lui 
ièront  rendues ,  lorfqu'il  fera  invité 
à  s'unir  aux  Gentils.  Il  n'y  a  point 
d'endroit  de  l'Ecriture  ,  fuivant 
notre  Auteur  ,  qui  paroiffc  plus 
clair  pour  le  retour  des  Juifs  que 
celui-ci.  Car  il  eft  évident  que  tous 
îes^enfâns  de  Jacob  adorent  Jofeph, 


&  vont  s'établir  auprès  de  lui  après 
l'avoir  vendu  aux  Gentils  &:  l'avoir 
long-fems  oublié,  &  qu'ils  vont  en 
Egypte  ,  après  qu'il  en  eft  devenu 
le  maître  &  qu'il  y  règne  en  Souve- 
rain. 

Sur  ces  paroles  du  troifiéme  ver- 
fet ,  il  dit  .à  fes  frères  :  je  fuis  Jo- 
feph, mon  pcre  vit-il  encore  :  l'Au- 
teur foûtient  (  ce  que  pluficurs  per- 
fonncs  auront  peine  à  adopter  )  que 
plus  on  examine  plufieurs  circon- 
ftances    de  la   vie  de  Jofeph  par 
rapport  à  l'Hiftoire  feule  moins  on 
y  reconnoît  le  caradfere  de  Jofeph, 
moins  l'Hiftoire  eft  vraifemblable  ; 
plus  les  parties  dont  elle  eft  compo- 
fée  fe  combattent  mutueliemenr. 
Il  ne  faut  pas  croire  néanmoins  que 
l'intention  de  l'Auteur  ,  lorfqu'il 
s'explique  de  cette  manière  ,  foit 
de  diminuer  le  refpeèt  qui  eft  dû 
auxLivresSainrs,  mais  il  veut  forcer 
le  Ledcur  obftiné  à  ne  confulter 
que  la  lettre  ,  à  recourir  à  i'efprit 
dont  elle  n'eft  que  l'écorce.  C'eft , 
félon  lui  ^  le  feul  moyen  de  lever 
lesdifficultcz  &  les  contradidions 
qu'il  croit  qui  fe  rencontrent  dans 
l'Hiftoire.  Si  Jofeph  ,  plein  de  ref- 
ped  &  d'amour  pour  fon  père  ,  n'a 
point  envoyé  en  Paleftinc  pour  en 
avoir  des  nouvelles  certaines  depuis 
^n  élévation  ,    s'il  l'a  négligé  de 
même  que  le  refte  de   fa  famille 
pendant  la  famine  ,  s'il  n'a  point  eu 
l'humanité   de  tirer  Jacob  de  l'in- 
quiétude où  il  étoit ,  s'il  fait  enle- 
ver Benjamin  à  un  pcre  donc  il  fai- 
foit  toute  la  confolation,  s'il  ex- 
pofe  Benjamin  à  la  fureur  de  les 
treres  pendant  1&  voyage  y  c'eil 


205  JOURNAL  D 

qu'avant  les  momcns  que  h  miferi- 
corde  a  marques  pour  le  rappel  des 
Juifs,  Jofcph  doit  demeurer  incon- 
nu à  [3.  tamillc.  Jacob  6v:  Benjamin 
doi%'ent  paroître  oubliés.  J.  C.  doit 
palTcr  pour  mort  &  pour  un  hom- 
me ^  dontles  véritez  &  les  prédic- 
tions ne  font  que  des  fondes.  Les 
Saints  Patriarches  doivent  être  dans 
l'affliclion  &  les  larmes  de  ce 
qu'une  bête  cruelle  l'a  dévoré.  Ben- 
jamin tout  aime  qu'il  eft  doit  être 
confondu  avec  fes  frères.  Jacob 
très-cher  &  trèsprcrieux  doit  pa- 
roître oublié.  Mais  lorfque  les  tems 
feront  accomplis ,  &  que  celui  du 
filence  &  de  l'oubli  fera  palTc.  Jo- 
feph  Se  Jacob  feront  vivans  &  mu- 
tuellement attentifs  l'un  à  l'autre  , 
&  Benjamin  fera  l'objet  de  leur  ten- 
drelTe.  Aujourd'hui  les  Juifs  font 
dans  la  défolation  ,  mais  ils  feront 
dans  la  joye  ,  lorfque  le  dernier  des 
enfans  de  Jacob  fera  conduit  à  Jo- 
feph. 

Quoique  l'Ecriture  difeexpref- 
fémcnt  que  Pharaon  fe  rcjoiiitavec 
toute  fa  Maifon  de  l'arrivée  de  Jo- 
feph  en  Egypte.  L'Auteur  ofe  avan- 
cer que  cet  événement  n'était  point  la 
matière  d'une  joye  untverfetle  ,  fclon 
l'Hifloire  ,  mais  ^«'//  en  était  un  très- 
léffitime  ,  fniv.mt  le fens  prophétique^ 
parce  que  c'en  eft  un  célèbre  pour 
l'Eglife ,  que  l'union  des  Ifraëlitcs , 
avec  celui  qu'ils  ont  renoncé  & 
qu'ils  ont  oublié  pendant  tant  de 
fiécles. 

Après  quelques  autres  apphca- 
tionsdes  circonllances  de  l'arrivée 
des  frères  de  Jofeph  en  Egypte  à  la 
convcrfion  des  Juifs  avant  le  juge- 


ES  SÇAVANS, 

ment  dernier,  l'Auteur  cherche  à 
découvrir  dans  les  derniers  verfets 
de  ce  Chapitre  ,  quand  arrivera  ce 
grand  événement.  Il  ne  s'explique 
pas  fur  ce  point  d'une  manière  auili 
politi  ve  que  le  font  quelques  autres 
figuril''tes.  Peut-être  ,  nous  dit-il , 
que  le  conftil  protond  &  caché  qui 
difpofc  tout  pour  le  retour  des 
Juits  a  déjà  lait  attcller  des  Chariots 
fans  qu'aucun  de  nous  en  foit  aver- 
ti i  les  ordres  font  peut-être  déjà 
donnés  &  exécutés  en  p.irtie  fans 
que  nous  fçachions  quel  en  eft  le 
motif.  Les  vices  qui  régnent  parmi 
les  Chrétiens ,  fur-tout  l'ingratitu- 
de envers  J.  C.  que  l'Auteur  alTiirc 
être  devenue  prefque  publique  ,  & 
la  tentation  contre  la  foi,  qu'il  croit 
être  prcfquc  univcrfellc^  lui  paroif- 
fent  être  des  fignes  certains  de  la 
famine.  Mais  il  ajoute  que  perfon- 
ne  ne  peut  dire  jufqu'où  s'étendent 
les  deux  premières  années  ,  &  elles 
font  peut  être  expirées  fansque  nous 
en  avons  obfervé  le  commence- 
ment. Ce  qui  lui  paroîtde  certain  , 
c'eft  que  la  Maifon  de  Jacob  ira  fe 
foijmcrtrc  à  Jofeph  en  Egvpte  , 
lorfque  ceux  qui  devroient  être 
chargés  du  foin  des  brebis  n'aime- 
ront qu'eux-mêmes  ,  &  n'adore- 
ront bien  iinceremcnt  que  leur  vo- 
lonté ,  &c  lorfque  les  véritables  Pa- 
fteurs  feront  regardés  comme  les 
derniers  des  hommes  ,  &  cxpofés  à 
la  haine  publique  ,  de  même  que 
les  Pafteurs  l'étoient  en  Egvpte  au 
tems  de  l'arrivée  de  Jacob  &  de  fa. 
famille. 

L'Auteur  demande  fi  Jofeph  Se 
les  autres  Patriarches ,  qui  éroient 


A  V  R  I 

^es  figures  de  J.  C.  &  de  fon  Egli- 
fe ,  ont  connu  ce  fens  prophétique 
qu'il  donne  à  toutes  leurs  avions  Se 
prefquc  à  toutes  leurs  paroles.  Il  fe 
déclare  d'abord  pour  l'affirmati- 
ve ,  mais  dans  la  fuite  il  dit  qu'il 
infîftera  peu  fur  ce  dernier  fenti- 
tnent^pourvû  qu'on  lui  accorde  que 


le  S.  Efprit  conduifoit  Jofcph  dans 
fcs  paroles ,  auffi-bien  que  dans  fes 
adions  ,  &  qu'il  les  faifoit  fcrvir  à 
couvrir  des  mylleres  qu'il  croit 
qu'on  ne  peut  négliger  fans  mépri- 
fer  le  fens  principal  des  Ecritures  Sc 
celui  que  le  S.  Efprit  a  eu  principa- 
lement en  vue. 


EXPLICATION    DV    LIFRE  DE  JOB  ,    OV  SELON  LA 

Méthode  des  Saints  Pères  ^  on  s'attache  à  découvrir-  les  Myfteres  de  J.  C. 
CT  les  reqles  des  mœurs  renfermées  dans  la  lettre  même  de  V  Ecriture.  A  Pa- 
ris, chez  François -Srf^z/i'^  ,  rue  S.  Jacques,  à  S.  Chryfoftome.  1732.- 
in-ïi.  4.  vol,  premier  &  fécond  vol.  pag.  606.  troifiémc  Vol.  pag.  355. 
quatrième  vol.  pag.  47^. 


CEUX  qui  ont  lu  l'Explica- 
tion de  la  Genéfc  dont  nous 
rendons  compte  dans  ce  même 
Journal  ,  rcconnoîtront  d'abord 
que  l'Explication  du  Livre  de  Job 
eft  faite  dans  le  même  goût  que 
celle  de  ia  Gencfe.  En  efïet  le  prin- 
cipal but  qu'on  fe  propofe  dans 
l'une  &  dans  l'autre  efl:  de  tirer  des 
reflexions  morales  au  Texte  du  Li- 
vre Sacré  ,  &  d'en  expliquer  le 
fens  figuré  ,  fans  s'arrêter  beaucoup 
à  l'interprétation  du  fens  littéral. 
Nous  n'avons  remarqué  entre  l'une 
&  l'autre  de  différence ,  qu'en  ce 
qu'il  y  a  un  peu  plus  de  notes  pour 
k-  fens  littéral  fur  le  Livre  de  Job 
que  fur  la  Genéfc ,  &  qu'en  ce  que 
les  reflexions  morales  en  paroif- 
fent  moins  diredles  &  plus  tournées 
en  forme  de  Paraphrafe  du  Texte 
dans  le  Livre  de  Job  que  dans  l'Ex- 
plication delà  Genéfe.  Nous  allons 
rapporter  quelques  exemples  ,  c'cft 
tout  ce  que  nous  pouvons  faire  dans 
ces  fortes  d'Ouvrages  pour  en  don- 
ner une  idée.. 


Qiielqucs  Interprètes  de  l'Ecri- 
ture ont  ciu  que  le  Livre  de  Job 
n'ctoit  qu'une  parabole  ,  dont 
l'Auteur  avoit  eu  en  vue  d'infl:rujre 
les  Juifs  de  la  patience  avec  laquel- 
le ils  dévoient  fupporter  les  afflic- 
tions après  qu'ils  fe  feroienî  con- 
vaincus ,  que  c'eft  la  divine  Provi- 
dence qui  règle  tout  dans  l'I'nivers 
&:  qui  diftribue  les  biens  &  les 
maux.  D'autres  Interprètes  qui  ont 
cru  ne  pouvoir  regarder  comme 
une  fîmple  parabole  l'Hiftoirc  en- 
tière de  Job  ,  ont  prétendu  que  ce 
qui  efl  dit  dans  les  deux  premiers 
Chapitres  de  Satan  qui  fe  montre 
dans  l'affemblèe  des  Anges  ,  des 
difcours  de  Dieu  à  cet  Ange  de  té- 
nèbres, &:  des  difcours  qu'il  tient  à 
Dieu  pour  obtenir  la  permifîîon 
de  tourmenter  Job  ,  première- 
ment par  la  perte  de  ks  bien* 
&  de  fes  enfans  ,  &  enfuitepar  la 
maladie  la  plus  affreufe  ,  n'étoiî 
proprement  qu'une  allégorie  poéti- 
que. Mais  notre  Auteur  rejette  eO' 


204       JOURNAL    D 

tieremcnt  ce  dernier  fcntiment.  Il 
compare  ce  qu'on  lit  dans  ces  deux 
Chapitres  du  Livre  de  Job  avec  la 
vifion  duProphete  Michce  du  troi- 
ficmc  Livre  des  Rois  ,  chapitre  zi. 
Se  il  foùncnt  que  ces  deux  Textes 
doivent  être  pris  dans  le  fens  litté- 
ral. »  Si  l'artcmblée  des  efprirs  cé- 
30  IcAes  ,  dit  notre  Auteur ,  n'a 
»  point  été  réelle,  h  Satan  n'a  point 
»  été  obligé  d'y  comparoître  ,  fi 
3»  Dieu  ne  lui  a  point  oppoie  en 
5>  prefcnce  de  tous  les  Anges  un 
>i  homme  unique  ,  incapable  d'être 
»  féduit  ni  vaincu.  S'il  ne  lui  a  pas 
»  reproché  fon  impuilTance  &  fa 
»j  foiblelTe  ,  contre  un  homme  de 
»  douleur  &  prêt  à  expirer ,  s'il  ne 
3>  s'eft  pas  glorifié  de  fa  patience  ou 
ï>  de  fon  obciiïance  fans  bornes, 
»  s'il  n'a  pas  réduit  Satan  à  n'ofer 
3>  paroître  après  fa  défaite  ,  com- 
»  bien  tout  ce  qui  donne  ces  augu- 
»  ftes  idées  devient-il  froid  &  lan- 
«  guiiïant ,  &  combien  la  grandeur 
j>  perfonnellc  de  Job  y  perd-elle , 
î>fans  parler  du  cara(5tere  augufte 
N  de  celui  qu'il  reprcfente  ! 

Mais  comment  les  bons  Anges 
font-ils  vus  par  le  Démon  ?  C'eft 
une  qucftion  que  l'Auteur  fe  pro- 
pofe  à  lui-même  ,  &:  à  laquelle  il 
répond  qu'il  y  a  de  l'apparence  que 
tout  commerce  eft  interrompu  en- 
tre le  Démon  &  les  efprits  célcftes, 
&  que  l'anathêmc  qui  l'a  chalTé  du 
Ciel  lui  a.  interdit  non  feulement 
la  focicté  ,  mais  encore  la  vue  de 
ceux  qui  y  fon:  demeurés,  mais  à 
l'égard  des  bons  Anges  ,  il  croit 
que  le  Démon  leur  eft  toujours  de- 
meuré vifible  ,  d'où  l'Auteur  con> 


ES     SÇAVANS, 

dut ,  qu'il  eft  poftiblc  que  le  Dé- 
mon ait  été  vu  de  tous  les  Anges  Se 
qu'il  n'ait  rien  VLi,qu'au  milieu  d'u- 
ne vive  lumière ,  il  foit  demeuré 
dans  les  téné-bres  fans  pouvoir  dif-' 
cerner  fes  juges  ,  ni  remarquer  la 
magnificence  du  Palais  &  du  Tem- 
ple ,  dont  fa  révolte  l'avoit  exclu 
pour  toujours.  Il  ajoute  qu'il  n'y  a 
point  d'inconvénient  à  dire  que  les 
faints  Anges  ont  été  montrés  au 
Démon  ,  Se  qu'Us  couvroicnt  leur 
éclat  qui  ne  fera  pleinement  dévoi- 
lé pour  luiquelorfqu'ils  viendront 
avec  J.  C.  le  foudroyer  dans  un 
dernier  anathême. 

Qiielque  zélé  que  l'Auteur  fafle 
paroître  en  cet  endroit  pour  enga- 
ger fes  Ledeurs  à  entendre  à  la  let- 
tre ce  qui  eft  dit  dans  les  deux  pre- 
miers Chapitres  de  l'aftembléc  des 
Anges  où  Satan  fe  trouva  au  fujet 
de  Job ,  il^'en  eft  pas  moins  pcr- 
fuadé  de  la  vérité  de  fon  Syftcme  , 
que  la  principale  vue  du  S.  Efpnt 
dans  cette  Hiftoire  n'a  point  été  le 
fens  littéral  ,  mais  le  fens  figuré.  Il 
prétend  que  tous  les  traits  que  l'E- 
criture a  employés  pour  reprefenter 
la  vertu  de  Job  ,  font  trop  grands 
6c  trop  majeftueux  pour  être  appli- 
qués à  un  /impie  homme ,  &  que 
c'eil;  moins  lui  que  j.  C.  que  l'Ecri- 
re a  voulu  reprefenter.  Car  en  J.  C. 
(  ce  font  les  termes  de  l'Auteur  ) 
tout  y  efl  exiiEl  &  vrai ,  mais  tout  eji 
euiré  en  Joù. 

Après  ces  paroles  l'Auteur  ex- 
plique en  quoi  il  a  penfé  que 
Job  ait  été  la  figure  de  J.  C.  Se  il 
donne  àcetteoccalion  une  idée  du 
Syftême  de  fon  explication,  qu'il 
ne 


A  V  R  I 

ne  fait  que  développer  dans  la  plus 
grande  partie  du  refte  de  fon  Ou- 
vrage. Il  n'y  a  que  J.  C.  qui  foit 
élevé  par  un  privilège  particulier 
au-dciïus  des  hommes  :  ion  cloi- 
gnement  du  mal  efl:  infini  ,  fon 
obéifTance  Se  fon  refpecl:  pour  lui 
font  fans  bornes.  Il  elt  Roi  de  jufti- 
ce  îk  de  paix  -,  fcs  troupeaux  font 
aufll  fes  fujets ,  &  fes  troupeaux 
font  aufli  fa  famille  j  dont  il  eft  le 
Roi  ,  le  Pafteur ,  le  Père ,  le  Prêtre 
Scie  Médiateur  ;  tous  les  hommes 
ont  été  livrés  au  Démon  ,  Dieu 
lui  en  oppofe  un  fcul  fur  lequel 
Satan  n'a  aucun  pouvoir  -,  cepen- 
dant cet  Ange  de  ténèbres  fe  décla- 
re contre  J.  C.  il  demande  à  Dieu 
qu'il  lui  foit  permis  d'attenter  à  la 
perfonne  &  à  la  vie  du  Sauveur  des 
hommes.  J.  C.  n'oppofe  à  fa  vio- 
lence &  à  fa  fureur  que  la  patience  , 
l'humilité  ,  l'obéiffance  aux  volon- 
tez  de  fon  Père.  L'ignominie  de  fa 
Croix  écarte  pour  quelque  tems 
fon  troupeau.L'Eglife  de  Jerufalem 
dura  peUj  une  efpece  de  tourbillon 
accabla  fes  enfans  fous  fes  ruines , 
&  il  régna  fur  les  Gentils  qui  for- 
mèrent une  nouvelle  famille. 

Mais  qu'eft  ce  que  figuroientles 
amis  de  Job  dont  les  difcours  rem- 
pliflent  la  plus  grande  partie  de  ce 
Livre  de  l'Ecriture.  Ils  figuroient 
les  Juifs  ,  fuivant  notre  Auteur. 
Voici  la  preuve  qu'il  en  rapporte. 
Les  amis  de  Job  n'étoient  point  in- 
ftruits  de  ce  qui  s'étoit  pafle  dans  le 
Ciel  au  fujct  de  leur  ami  ,  &  ils 
étoient  bien  éloignés  de  connoître 
l'intérêt  que  Dieu  même  avoit  au 
triomphe  de  fon  Serviteur.  Ils  fça- 


voient  tout ,  excepté  ce  myftcre  , 
mais  l'ignorance  de  ce  myftere  ren- 
doit  inutile  la  connoiiîance  qu'ils 
avoicnt  du  vrai  Dieu  ,  &  toutes  les 
véritez  dont  ils  fe  faifoient  hon- 
neur. Ils  n'en  connoilToient  ni  l'ap- 
plication^ ni  l'ufage  ,  &  ils  fe  ti-om- 
poient  prefquc  toujours  ,  quoique 
dans  un  fens ,  ils  ne  difent  rien  que 
de  très-vrai.  Ils  étoient  en  cela  l'i- 
mage des  Juifs  qui  ne  comprirent 
rien  dans  la  profonde  fac;ciïc  de 
Dieu  cachée  dans  le  myfteie  de  la 
Croix  de  fon  iîls.  Ils  confcrverent 
toutes  leurs  autres  connoiifances  &c 
s'en  glorifièrent ,  mais  l'ignorance 
du  myftcre  les  leur  rendit  toutes 
infrudueufes  ,  &  elle  contribua 
même  à  les  aveugler  par  leur  lumiè- 
re ,  parce  qu'ils  firent  trop  d'état 
de  la  Loi  &  des  Prophètes  ,  dont 
ils  retinrent  la  lettre ,  en  renonçant 
à  J.  C.  qui  en  ell:  l'accompliifemcnt 
&  la  fin.  Notre  Auteur  veut  que 
cet  état  des  amis  de  Job  &  celui 
des  Juifs  nous  falfe  confîdercr 
combien  l'ignorance  des  myftercs 
de  la  Rédemption  par  J.  C.  répand 
d'obfcuritez  &  de  contradidîions 
dans  les  autres  véritez  révélées ,  Si 
que  nous  apprenions  de  là  à  efti- 
mer  la  grâce  infinie  que  Dieu  nous 
fait  de  nous  dévoiler  un  myftere 
qui  eft  encore  un  fcandale  pour  les 
Juifs  ,  Se  qui  auroit  pu  pour  tou- 
jours paroitre  une  folie  aux  Gentils, 
Se  de  nous  le  dévoiler  non  feule- 
ment dans  les  Livres  du  Nouveau 
Teftament ,  mais  dans  tous  ceux  de 
l'ancien  ,  Se  principalement  dans 
celui  de  Job  ,  où  tout  ce  qui  a  ca- 
ché'J.C.  lorfqu'il  çft  venu  parmi 
Dd 


2o6         JOURNAL'D 

nous  avoit  été  G  clairement  prédit. 
Nous  ne  fiuvrons  point  l'Auteur 
dans  l'application  qu'il  fait  de  ces 
deux  principes  de  l'on  S)  ftême  aux 
différentes  parties  du  Livre  de  Job. 
Il  ne  fera  pas  difficile  aux  Lecteurs , 
pourvu  qu'ils  fcient  exercés  dans 
ces  fortes  d'explications ,  Se  qu'ils  y 
foient  portés  par  un  goût  naturel,dc 
faire  cette  application  fans  avoir  lu 
le  Livre.  Au  refte  ^  quand  ils  en  fc- 
loient  une  application  différente  de 


ES  SÇAVANS, 

celle  de  l'Auteur  ,  il  n'y  auroic 
point  un  grand  inconvénient  ;  car 
quand  le  fens  figuré  n'cff  point 
fondé  fur  un  Texte  précis  de  l'Ecri- 
ture ou  fur  une  Tradition  confian- 
te ,  les  applications  qu'on  en  fait 
font  aflez  arbitraires.  Il  n'cfl;  pas 
rare  de  voir  des  Figuriûes  qui 
donnent  des  explications  qui  font 
oppofecs  les  unes  aux  autres.  On 
en  trouve  même  quelquefois  d'op- 
pofécs  dans  le  même  Auteur. 


DISCOVRS  SVR  LES  DIFFERENTES  FICVRES  DES 
Aftres  -,  d'où  l'on  tire  des  conjeEiures  fur  les  étoiles  qui  paroijfent  changer  dt 
grandeur;  &  fur  l' anneau  de  Saturne.  Avec  une  expojîtion  abrégée  des 
Syftêmes  de  Ad.  Defcartes  &  de  M.  Neivton.  Par  Ai.  de  Aiaufertuis ,. 
de  l'Académie  Royale  des  Sciences  ^  &  de  la  Société  Royale  de  Londres. 
A  Paris  j  de  l'Imprimerie  Rayalc.  1732.  /«-8°.  pp.  83. 


DE  S  huit  Chapitres  qui  com- 
pofent  ce  Difcours  ,  le  lèp- 
tiéme  a  été  écrit  d'abord  en  Latin  , 
&  adreffe  par  l'Auteur  à  la  Société 
Rovale  de  Londres,  comme  un  tri- 
but de  Mathématique  Se  de  Phyfi- 
que  envers  cette  Compagnie ,  dont 
il  eft  Membre  depuis  quelques  an- 
nées. La  Société  a  tait  imprimer  ce 
Morceau  Latin  dans  fes  TranfiSions 
Thilofophicjues  pour  les  mois  de 
Janvier  ,  Février  &  Aiars  de  1731. 
dont  il  fait  le  cinquième  article.  M. 
de  Maupcrtuis  nous  le  donne  ici 
traduit  en  François  &affbrti  de  di- 
vers accompagnemens  qui  le  ren- 
dent très-intereirant ,  même  pour 
ces  Leâ:curs ,  dont  les  vues  encore 
foibles  ne  peuvent  s'élever  jufqu'à 
la  fine  &  fublime  Géométrie  ,  fans 
Être  foiitenuës  par  un  guide  auffl 
fus  &  au^i  capable  de  ié;pandre  Ja 


lumière  &  l'agrément  fur  les  véritez 
les  plus  abffraites.  C'cft  de  quoi 
peut  fournir  une  efpece  d'avant- 
goût  le  fimple  cspoié  des  titres  des 
Chapitres ,  dont  le  premier  con- 
tient des  Reflexions  générales  fur  la 
fgure  de  la  terre  :  le  fécond  eft  une 
Difcujfwn  Met aphyfl'^He  fur  P attrac- 
tion :  le  troificme  ,  une  Explication 
du  mouvement  des  Planètes  par  les 
Tourbillons  :  le  quatrième  ,  une  Ex- 
plication de  la  pefanteur  des  corps 
vers  la  terre ,  par  les  mêmes  Tourbil- 
lons: le  cinquième  explujue  les  mêmes 
Phénomènes  dans  le  Syftême  de  Ad. 
Ne'wton  :  le  fixicme  traite  des  va- 
rietez.  iju:  la  différente  nature  de  lu 
pcftnteur  doit  apporter  à  la  fgure  des 
fluides  qui  tournent  autour  d'un  axe  : 
le  fepriéme  eduneRechercheAdathé- 
■m-iti^ue  des  figures  que  doivent  pren- 
dre les  fluides  ,  qm  tournent  -mtour 


A  V  R  I 

^un  axe  :  le  liuitiémc  &  dernier 
ïoule  fur  les  figures  des  corps  célefles, 
fur  les  étoiles  cjm  nom  paroijfent  chan- 
ger de  grandeur ,  &furl'  Anneau  de 
Saturne.  La  lînguhrité  de  tous  ces 
points  ,  jointe  à  la  manière  égale- 
ment curieufe  &  folide  dont  ils 
font  traités  ,  méritent  bien  que 
nous  entrions  fur  chacun  dans  un 
détail  plus  particulier. 

C  H  A  p.  I.  Malgré  le  préjugé  où 
l'on  eft  touchant  la  figure  de  la  ter- 
re ,  que  l'on  croit  fphériquc  fur  la 
foi  des  phénomènes  :  l'Auteur  ne 
trouve  ce  jugement  guércs  mieux 
fondé  ,  que  celui ,  qui  furies  appa- 
rences les  plus  groffieres  feroit  déci- 
der qu'elle  eft  platte.  En  effet  (  dit- 
il  )  la  rondeur  de  la  terre  ,  quoique 
atteftée  par  les  phénomènes ,  n'em- 
porte point  neceflairemcnt  [ifphé- 
ricité.  C'eft  fur  quoi  commencèrent 
à  faire  naître  des  doutes  très-légiti- 
mes les  Obfervations  Aftronomi- 
ques  faites  en  i^-ji.  par  M.  Richer 
dans  l'Ille  de  Caycnne  ;  Obferva- 
tions d'où  l'on  apprcaoit  que  lePen- 
dulequi  battoit  les  fécondes  à  Paris, 
letardoit  conllderablement  dans 
cette  Ifle  fur  le  moyen  mouvement 
du  Soleil ,  &  dcvoit  être  par  con- 
fequent  raccourci  pour  reprendre 
la  juftefle  de  fes  vibrations.  La  du- 
rée de  celles-ci  dépendant  de  deux 
caufes ,  favoir  de  la  tendance  des 
corps  à  tomber  perpendiculaire- 
ment .à  la  furtace  de  la  terre  ,  &  de 
la  longueur  du  Pendule  ;  comme 
celle-ci  n'étoit  point  changée  dans 
le  cas  dont  U  s'agit ,  la  durée  des 
vibrations  netenoitdonc  plus  qu'à 
la  tendance  dont  on  vient  de  par- 


L  ,     17  5  5-  207 

ier  -,  &:  plus  cette  force  s'affoiblit  , 
plus  cette  durée  augmente.  Or  dans 
l'Obfervation  prefente  ,  la  lon- 
gueur du  Pendule  demeurant  la 
même,  les  vibrations  s'étoientra- 
lentics  :  d'où  il  étoit  naturel  d'in- 
férer que  la  caufe  qui  produit  la 
chute  des  corps  étoit  plus  foible  à 
la  Cayenne  qu'à  Paris ,  &  que  par 
confcquent  le  poids  d'un  même 
corps  étoit  moindre  dans  cette  iHe. 
Cette  découverte  ,  qu'on  n'at- 
tendoit  guércs  ,  n'offroit  cepen- 
dant rien  que  de  conforme  à  la  doc- 
trine des  iotces  centrifuges  ,  c'eft-à- 
dire  de  cette  loi  fuivant  laquelle 
tout  corps  qui  décrit  un  cercle 
tend  à  s'éloigner  du  centre  de  ce 
cercle  -,  Hi.  cette  tendance  ou  cette 
force  eft  toujours  proportionnelle 
aux  differcns  cercles  décrits  en  mê- 
me tems.  Cette  puilTance  fccrétc 
appellée  pefinieur  ^  qui  chafte  (  dit 
l'Auteur  )  ou  attire  les  corps  vers 
le  centre  de  la  terre  ,  rcndroit  cel- 
le-ci fuppofée  fluide  ,  homogène 
Se  fans  mouvement ,  parfaitement 
fphérique.  Mais  fi  on  la  fuppofe 
agitée  autour  de  fon  axe  ,  la  force 
centrifuge  de  toutes  fes  parties ,  de- 
venue d'autant  plus  grande  que 
leurs  cercles  décrits  feront  plus 
grands  &  par  confequent  plus  voi- 
fins  de  l'équateur  :  il  arrivera  dc-là 
que  la  pefantcur  inégalement  dimi- 
nuée par  la  force  centrifiige ,  ne  fe 
trouvant  plus  la  même  par-tout , 
perdra  fous  l'équateur  où  celle-ci 
eft  la  plus  grande  ,  une  partie  d'au- 
tant plus  confidcrable  de  la  fienne  , 
&  par  une  fuite  neceflaire  ,  que  les 
corps  tomberont  plus  km.  ment 
Ddjj 


208         JOURNAL    D 

fous  l'équatcur  ,  qu'en  tout  autre 
cndroitiquc  les  ofciUations  du  Pen- 
dule fe  ralentiront  d'autant  plus 
qu'elles  fc  feront  en  des  lieux  plus 
voifuis  de  ce  cercle  ,  Se  qu'à  la 
Caycnne  ,  qui  n'en  eft  éloignée  que 
de4degrez  55  minutes,  le  Pendule 
de  M.  Richer  devoit  retarder. 

D'un  autre  côté  ,  la  torcc  qui 
rend  les  corps  pcfans  n'étant  pas 
uniforme  par  -  tout  (  remarque 
l'Auteur  )  les  colonnes  fluides  fup- 
pofées  d'égale  longueur  pefcront 
inégalement  ■■,  celle  qui  répond  à 
l'équatcur  ,  moins  que  celle  qui 
répond  au  pôle  ,  enfortc  que  pour 
mettre  ces  deux  colonnes  en  équi- 
libre ,  il  faudra  que  la  première  foit 
plus  longue  que  la  féconde  ;  &  par 
confcquent  ,  h  teire  plus  élevée 
fous  l'équateur  que  fous  les  pôles , 
ou  ce  qui  revient  au  même  ,  il  fau- 
dra que  la  terre  foit  d'autant  plus 
applatie  vers  les  pôles,  que  fa  révo- 
lution fur  fon  axe  ,  d'où  dépend  la 
force  centrifuge ,  fera  plus  rapide. 
En  fuppofant  néanmoins  avec  M. 
Hnyge/is  dans  la  pelànteur  ,  une 
telle  uniformité  ,  qu'elle  demeure 
invariable  à  quelque  dilfance  que 
ce  foit  du  centre  de  la  terre  :  cet 
applatiffement  doit  avoir  fcs  bor- 
nes ,  ôc  ce  grand  Géomètre  a  dé- 
montré ,  que  la  terre  fuppoféc 
tourner  fur  fon  axe  environ  17  fois 
plus  rapidement  qu'elle  ne  fait , 
s'applatiroit  au  point  de  rendre  le 
diamètre  de  fon  équatcur  double 
de  fon  axe  ;  ce  qui  fcroit  le  plus 
grand  applatilTement  quelle  pût 
recevoir  fans  fe  diflîper  toialemcnt. 
M.  HHygens  non  content  de.  cette 


ES    SÇAVANS, 

hvpothéfe  gcnéralj ,  trouva  par  la 
détermination  du  rapport  de  la 
force  centrifuge  fous  l'équinoctial 
à  la  pefanteur  ,  que  la  figure  de  la 
terre  devoit  être  telle  que  le  diamè- 
tre de  fon  équateur  tut  à  fon  axe 
comme  578  à  577. 

D'autre  part  M.  Newton  guidé 
par  une  Théorie  toute  différente  a 
déterminé  le  rapport  entre  le  dia^ 
métré  de  cet  équateur  &  cet  axe 
comme  étant  de  230  à  229.  M. 
Hey-man  ^  en  fuppofant  une  pefan- 
teur proportionnelle  à  la  diftance 
au  centre  ,  a  fait  de  la  terre  unEl- 
lipfoïde  ,  dont  le  diamètre  de  l'é- 
quatcur fcroit  .à  l'axe  comme  Y  289 
à  ^^  z88  :  ce  qui  (dit  l'Auteur)  ap- 
proche fort  de  l'hypothéfc  de  Hiiy- 
gcns. 

M.  de  Maupertuis  avoiie  que 
nulle  de  ces  mefures  n'eft  d'accord 
avec  celle  qui  refulte.  des  obferva- 
tions  de  M^I.  Caffmi  Si  Maraldi  ^ 
les  plus  tamcufcs  (  dit-il  )  qui  fe 
foient  peut  erre  jamais  faites  ,  Se 
qui  font  de  la  Terre  un  Sphé- 
roïde non  applati  ,  mais  allonge 
vers  les  pôles  :  &  il  eft  pcrfuadé 
que  quelque  oppofée  que  paroiffe 
une  telle  figure  aux  loix  de  la  il:ati- 
que,  il  budroit  la  démontrer  [cette 
figurejabfolument  impollible  avant 
qu'il  pût  être  permis  de  donner 
la  moindre  atteinte  à  de  pareilles 
obfervat;ons.  La  figure  d'un  Sphé- 
roïde applarivers  les  pôles  donnée 
à  la  terre  en  confcqucncc  de  la  flui- 
dité &  de  {'homogénéité  qu'on  lui 
attribue  dans  tous  les  calculs  préce- 
dtns ,  n'extlueroit  point  une  figu- 


À  V  R  I 

re  différente  ^  fi  l'on  fuppofoit  la 
Terre  tormce  d'une  matière  nul- 
lement homogène.  Qiiantàla  ma- 
nière dont  M.  de  AiMran  a  ciu 
pouvoir  confcrver  à  la  terre  la  figu- 
re d'un  Sphéroïde  allongé  vers  les 
pôles ,  M.  de  Maupertuis  renvoyé 
aux  Mémoires  de  l'Académie  (  lyzo.) 
&  aux  TranfaSi.  Philofoph.  (  171  j.) 

Chat.  II.  De  ces  reflexions  gé- 
nérales fiir  les  différentes  figures  de 
la  terre  ,  l'Auteur  paffe  .1  diverf-s 
conjeârures  qu'il  propofe  touchant 
plufieurs  Phénomènes  All;ronomi- 
ques.  Mais  comme  jufi^u'ici  pour 
l'explication  de  ces  Phénomènes  on 
a  fuivi  deux  Syftêmes  ,  celui  des 
tourbillons  &  celui  de  VattraBio»  ; 
M.  de  Maupertuis  en  viië  de  difcu- 
ter  l'un  Se  l'autre  plus  à  fond,  com- 
mence par  expofer  quelques  idées 
Métaphy  liques  fur  la  dernière  ■■,  fans 
prétendre  décider  une  queffion  qui 
partage  les  plusgrandsPhilofophes, 
dont  il  fe  borne  à  comparer  les  no- 
tions. Des  deux  proprietez  des 
corps  dont  il  eft  ici  queffion  ,  & 
qui  font  la  force  centrifuge  &  la 
pefanreur  ,  la  première  n'eft  fujette 
à  aucune  variété  defentimens;mais 
il  n'en  cft  pas  de  même  de  la  fécon- 
de. Celle  ci  eft-elle  l'effet  même  de 
la  première ,  qui  circulant  autour 
des  corps  pefans  les  chafle  vers  le 
centre  de  cette  circulation  ;  ou  bien 
eft  elle  une  propriété  inhérente  aux 
corps  ?  Eft-elle  ,  comme  le  veulent 
les  Cartéiiens,  une  fuite  du  princi- 
pe fclon  lequel  tout  corps  en  mou- 
\emcnt  qui  en  rencontre  un  autre , 
a  la  force  de  le  mouvoir  î  Eft- ce, 
çoinme  le  prétend  M.  Newton  _,  un 


L  ;  1755:  2.0$ 

autre  principe  ,  fuivant  lequel  les 
parties  de  la  matière  péfent  récipro- 
quement les  unes  vers  les  autres?Ce 
principe  ,  à  la  vérité  ,  eft  d'une  fé- 
condité merveiUeufe  pour  l'expli- 
cation de  tous  les  Phénomènes  •, 
mais  il  eft  moins  lîmple  :  outre  que 
le  nom  qu'il  porte  à^attraElion  effa- 
rouche les  efprits  ,  dit  l'Auteur. 
Mais  (ajoûte-til)  M.  NeiL'tonn'^ 
jamais  employé  ce  terme  que  pour 
indiquer  un  fait ,  &  nullement  une 
caufc  ;  que  pour  éviter  les  Syftê- 
mes  i  5v  fans  nier  que  cette  tendan- 
ce qu'il  nomme  att7-a^ion  ,  ne  pût 
êtie  l'effet  d'une  vraye  impulhon  : 
ce  principe  ,  tout  inconnu  qu'il 
l'eft  quant  à  fa  caufe  ,  peut  être 
également  l'objet  des  Mathémati- 
ciens ,  comme  il  l'a  été  en  particu- 
lier de  Galilée ,  dans  fa  belle  Théo- 
rie de  la  pcfanteur  ,  dont  il  s'eft 
Contenté  d'expliquer  les  Phénomè- 
nes ,  fins  remonter  aux  premières 
caufes.  L'Auteur  feroit  volontiers 
de  ce  parti.  Mais  il  ne  peur  cepen- 
dant tomber  d'accord  que  l'attrac- 
tion doive  être  regardée  comme  un 
monftre  métaphyftcjHe  ^  que  l'impolît- 
bilité  n'en  foit  point  douteufe  ,  que 
fon  abfurditc  doive  la  bannir  abfo- 
lumcnt  de  toute  explication  phyfi- 
que  ;  &c  il  travaille  à  faire  voir 
que  regardée  comme  une  proprié- 
té de  la  matière ,  elle  n'implique 
rien  d'abfurde. 

L'Auteur  diftingue  d'abord  dans 
les  corps  difterens  ordres  de  pro- 
prietez ,  dont  les  unes  font  elfen- 
tielles  éc  primordiales  :  telles  font 
l'étendue  &:  l'impénéfrabilité.  Mais 
(demande  l'Académicien)  ces  deux 


aïo        JOURNAL   DE 

proprictcz  {bnt-cUcs  tellement  in- 
fcparabks ,  que  l'ctcnduc  ne  puifle 
fubfiftcr  fans  l'impénétrabilité  î  A 
cette  première  qucftion  l'Auteut 
en  joint  une  féconde  :  devois-jc  pré- 
voir {  dit-il  )  pur  U propriété  déten- 
due ,  /quelles  autres  propnetez.  fac- 
compagneroiem  ;  Après  quoi  il  ré- 
pond en  ces  termes  -,  c'efl  ce  (jtie  je 
ne  vois  en  aucune  manière  ;  Si  c'eft 
apparemment  fa  réponfe  aux  deux 
quellions.  A  ces  proprietcz  eflentiel- 
les  il  en  fait  fucceder  quelques  unes 
du  fécond  ordre,  telles  que  le  mou- 
vement que  peuvent  communi- 
quer les  corps  à  ceux  qu'ils  rencon- 
trent. Nous  devons  à  l'expérience 
(  dit  l'Auteur  )  la  connoilfance  de 
CCS  proprietez.  Nous  pouvons  en 
découvrir  d'autres  par  la  même 
voye  ,  &c  nous  ne  devons  regarder 
en  ce  genre  comme  des  découvertes 
impoifibles ,  que  les  qualitez  qui 
feroient  contradiiftoires  à  celles 
que  nous  connoiirons  dans  la  matiè- 
re j  telles  que  feroient  V immobilité , 
la  pétiétrabiliii.  Mais  outre  ces  pro- 
prietez ,  les  corps  ont-ils  encore 
celle  de  pefer  ou  tendre  les  uns  vers 
les  autres  ;  C'eft  (  répond  M.  de 
Maupertuis  )  l'expérience  qui  doit 
en  décider.  Du  moins  [  continue-c- 
il] cette  propriété  n'a-t-ellc  rien  de 
moins  concevable  que  les  autres , 
&  fi  la  vertu  impulfive  cft  moins 
furprenante  pour  le  vulgaire  ,  à 
caufc  de  l'habitude  ;  la  nature  n'en 
eft  pas  plus  clairement  connue ,  Sc 
on  ne  l'eût  jamais  devinée  fans 
avoir  vi'i  le  choc  des  divers  corps. 

On  dira  Gns  doute  que  la  force 
içopuUîve  ne  refidc  point  dans  les 


S    SÇAVANS, 

corps  ;  n'étant  que  la  volonté  de 
Dieu  même  qui  les  met  en  mouve- 
ment ,  félon  certaines  loix  établies 
à  l'occalion  du  choc.  Mais  (  répond 
l'Auteur  )  qui  empêche  que  Dieu 
n'en  ait  établi  de  pareilles  ,  pour  U 
tendance  :  un  tel  établilTement  ren- 
fermc-t-il  contradidion  ?  La  chofe 
n'eft  pas  égale  (ob)cd:era-t-on.)  L'c- 
tablilTcmcnt  d'une  loi  nouvelle 
devient  neceffaire  dans  le  cas  du 
choc  ,  à  caufe  de  l'impénétrabilité 
des  deux  corps  :  mais  ces  deux 
corps  demeurant  éloignés  ,  quelle 
neceffité  d'établir  une  nouvelle  loi  î 
A  cette  objedion  la  plus  folide 
qui  fe  puilTc  faire  contre  l'attraction 
(  de  l'aveu  de  l'Auteur  )  celui-ci 
fe  croiroit  à  la  rigueur  difpenfé  de 
répondre  ,  n'ayant  jamais  prétendu 
prouver  autre  chofe  que  la  polîibi- 
lité  de  la  tendance  ou  attraUion  ^  & 
nullement  fa  neceffité.  Mais  il  ob- 
ferve  ,  pourtant ,  quelorfqu'il  arri- 
ve que  quelques  proprietcz  dedif- 
fercns  ordres  fe  trouvent  en  oppo- 
fîtion ,  il  budra  que  l'inférieure  cè- 
de &  s'accommode  à  la  plus  necef» 
faire  ,  qui  n'admet  aucune  variété. 
Ainfi  deux  corps  dont  le  mou- 
vement eft  empêché  ,  à  caufe 
qu'ils  font  tous  deux  impénétra- 
bles ,  conferveront  inviolable- 
ment  leur  impénétrabilité ,  à  la- 
quelle le  mouvement  comme  pro- 
priété du  fécond  ordre  ,  qui  peut 
s'y  rencontrer  ou  non  ,  s'accom- 
modcradc  quelque  m.jniere  quece 
puiiTe  être  &  fans  blefTtr  la  fubor- 
dination.  M.  de  Maupertuis  a  déjà 
déclaré  ,  qu'il  n'a  ni  prouvé  ,  ni 
voulu  prouver  qu'il  y  eût  attraQion 


À  V  R  I 

dans  la  nature  :  5^  il  le  répète  enco- 
re. Il  la  juge  fuffifamment  garantie 
du  reproche  d'impoflibilité  ou  de 
contradidiion  ,  pour  être  en  droit 
d'examiner  Ci  les  Phénomènes  la 
favorifent  &  la  prouvent  ou  non. 
C'efl:  donc  ce  qu'il  va  chercher  avec 
encore  plus  de  foin  dans  le  Syftême 
de  l'Univers  ,  &  pour  le  faire  avec 
plus  d'étendue  &  d'exaditude  ,  il 
nous  donne  une  idée  de  ce  qu'ont 
penfé  fur  ce  Syftême  deux  grands 
Philofophes  ,  MM.  De/cartes  & 
Newton. 

Chat.  III.  On  fait  que  fui- 
vantle  Syftême  de  Dcfcartcs ,  tou- 
tes les  Planètes  font  entraînées  cir- 
culairement  autour  du  Soleil  dans 
le  vafte  touibillon  dont  cet  aftre 
fait  le  centre  :  ce  qui ,  tout  fimple 
qu'il  paroît  d'abord ,  ne  laiffe  pas 
de  prefcnter  de  grands  inconve- 
niens.  En  premier  lieu  ,  les  routes 
des  Planètes  ne  font  pas  des  cercles: 
ce  font  des  ellipfes  ,  dont  le  Soleil 
occupe  le  foyer  :  i".  C'eft  une  loi 
de  cette  révolution  ,  que  fi  du  lieu 
d'où  eft  partie  une  Planète  &  de 
celui  où  elle  eft  aduellement ,  on 
conçoit  deux  lignes  droites  tirées 
au  Soleil,  l'aire  du  Sedeur  ellipti- 
que formé  par  ces  deux  lignes  & 
par  la  portion  de  l'Ellipfe  que  la 
Planète  a  parcourue  ,  croît  en  mê- 
me proportion  que  le  teins  qui  s'é- 
coule pendant  le  mouvement  de  la 
Planète  :  loi ,  dont  l'accroiftemcnt 
de  vitefte  remarqué  dans  les  Planè- 
tes qui  s'approchent  du  Soleil  eft 
une  fuite  neceffaire.  Cette  loi  eft  in- 
violable  ,  non  feulement  pour  tou- 
tes les  Planètes  principales  qui  cirt 


L;    1755;  2ÏI 

culcnt  autour  du  Soleil ,  mais  en- 
core pour  les  Planètes  fecondaires  , 
qui  font  leur  révolution  autour  de 
quelque  autre  Planète  dont  elles 
font  Satellites  ;  mais  avec  cette  cir- 
conftance^que  les  aires  proportion- 
nelles au  tems ,  font  celles  qui  font 
décrites  autour  de  la  Planète  prin- 
cipale :  3°.  Une  autre  loi  non 
moins  régulièrement  obfcrvèe  que 
la  première ,  c'eft  que  le  tems  de  la 
révolution  de  chaque  Planète  au- 
tour du  Soleil  eft  proportionnel  à 
la  racine  quarrèe  du  cube  de  fa 
moyenne  diftance  au  Soleil  :  loi  qui 
s'étend  aufll  aux  Planètes  fecondai- 
res, avec  les  mêmes  modifications 
que  la  précédente.  Ces  deux  loix 
pofèes  (  dit  l'Auteur  )  il  ne  fuffit 
plus  d'expliquer  en  général  ce  qui 
fait  tourner  les  Planètes  autour  du 
Soleil ,  il  faut  expliquer  pourquoi 
en  y  tournant  elles  obfcrvent  ces 
loix. 

C'eft  ce  qui  ne  paroît  guéres 
poflîble  ,  dans  le  Syftême  des  tour- 
billons. Si  l'on  y  veut  alfurcr  une 
de  ces  loix  aux  Planètes  ,  l'autre 
devient  neccflaireraent  incompati- 
ble. Si  l'on  veut  [dit-il]  que  les 
couches  du  Tourbillon  ayent  les 
viteffes  neccftaires  à  chaque  Planè- 
te pour  décrire  autour  du  Soleil 
des  aires  proportionnelles  au  temsj 
il  s'enfuivra ,  par  exemple  ,  que  Sa- 
turne de vroit  taire  fa  révolution  en- 
90  ans ,  ce  qui  dément  fort  l'expé- 
rience. Si  au  contraire  (  pourfuit-il  ). 
on  veut  confervcr  aux  couches  du^ 
Tourbillon  ,  les  viteftes  neceftaires 
pour  rendre  les  tems  des  révolu- 
tions  proportionnels  aux  racine* 


iïi  JOURNAL    D 

quaticcs  des  cubes  des  diftances  -, 
les  aires  décrites  autour  du  Soleil 
parles  Planètes  ne  fuivront  plus  la 
proportion  du  tcms.  M.  de  Mau- 
pertuis  s'arrere  peu  à  d'autres  objec- 
tions faites  contre  les  Tourbillons , 
&qui  ne  lui  paroilTent  pas  invinci- 
bles ,  telle  qu'une  de  M.  Newton  , 
fur  laquelle  celui  -  ci  a  été  relevé 
par    M.  Bemoidli  en  1730. 

Pour  remédier  à  cette  incompa- 
tibilité des  Tourbillons  avec  l'une 
ou  l'autre  des  deux  loix  dont  il  s'a- 
git ,  M.  Letbnitz.  n'a  pu  trouver 
d'autre  expédient  que  celui  d'une 
circulation  qu'il  appelle  ha-nncni- 
^ue ,  qui  conllfteroit  dans  l'établif- 
iement  de  deux  loix  de  vitcfle  , 
l'une  qui  fit  fuivre  aux  Planètes  la 
loi  qui  regarde  la  proportion  entre 
les  aires  &;  les  tems  :  l'autre  qui  fît 
fuivre  aux  mêmes  Planètes  la  loi 
qui  regarde  la  proportion  entre 
leurs  tems  périodiques  &:  leurs  di- 
ftances au  Soleil.  La  necellîté  de  ces 
différentes  loix  dans  le  fluide  qui 
emporte  les  Planètes  (  dit  l'Auteur) 
eft  encore  plus  invinciblement 
prouvée  par  M.  Bulffinger  dans  fa 
Diflertation  de  1728.  Mais  com- 
ment admettre  (  continuc-t-il  )  ces 
différentes  couches  fphèriqucs  fe 
mouvant  avec  des  viteffcs  indépen- 
dantes &  interrompues  ;  fans  com- 
pter une  objection  prcfqu'aulfi  em 
oarraffante ,  tirée  des  Comètes  qui 
fans  que  leur  mouvement  en  foit 
altéré  traverfent  ces  mêmes  cou- 
ches. 

Chat.  IV.  L'Auteur  vient  en- 
fuite  à  l'explication  delà  pefantcur, 
dans  le  Syftême  des  Tourbillons. 


ES    SÇAVANS, 

Elle  dépend  ,  comme  l'on  fait  ^  de 
la  torce  centrifuge  de  toutes  les 
parties  d'un  fluide  mis  en  mouve- 
ment ,  lefquelks  tendant  à  s'éloi- 
gner du  centre  ,  y  pouflent  tout  ce 
qui  a  moins  de  force  qu'elles  pour 
s'en  écarter.  Mais  cette  hypo- 
thèfe  fait  naître  de  grandes  difficul- 
tez  ,  parmi  IcfqucUes  il  y  en  a  deux 
de  M.  Hitygens ,  que  l'Auteur  pro- 
duit ici  accompagnées  des  remèdes 
qu'y  apporte  lui-même  cet  habile 
Hollandois  ;  ce  qui  fc  réduit  à  dire 
i".  Que  la  matière  éthérée  ,  caufe 
de  la  pefanteur  ,  &  qu'il  fuppofe 
circuler  dans  toutes  lesdircèlions  , 
ne  doit  pas,  ainfi  que  le  Tourbillon 
de  Déjeunes  ^  entraîner  horizonta- 
lement les  corps ,  fur  lefquels  l'im- 
pulfion  de  chaque  filet  de  cette  ma- 
tière efl;  comme  anéantie  par  une 
impullion  oppofèe  :  2".  Que  la 
matière  éthérée  qui  circule  dans 
chaque  fuperhcie  fphèrique  chaf- 
fant  vers  l'axe  de  cette  /uperficieles 
corps  pcfans ,  ils  doivent  tomber 
tous  vers  le  centre  de  la  terre  où  fc 
trouve  l'interfedlion  de  tous  ces 
axes.  L'Auteur  avertit  que  M.  San- 
rin  a  répondu  auflî  très-ingénieufe- 
ment  à  ces  deux  difficultez ,  fut 
quoi  il  renvoyé  au  11.  Journal  des 
S^rvans  de  1703.  aux  Mémoires  de 
l' Académie  1709.  &c.  ajoutant  que 
c'eft  le  fort  du  Syftême  de  Defcartes 
de  trouver  toujours  d'habiles  dé- 
lenfcurs.  Malgré  tous  ces  racom- 
modemens ,  &  même  celui  de  M. 
Bulffinger  ^  qui  a  imaginé  dans 
la  matière  éthérée  quatre  Tourbil- 
lons oppofés  deux  à  deux  ,  qui  fc 
traverfent  lans  fc  détruire  -,  on 
cft 


I 


A  V  R  I 

cft  contraint  d'avouer  (  dit  l'Au- 
teur )  que  ce  n'eft  qu'à  des  condi- 
tions un  peu  tâchcufes  ,  qu'on 
vient  à  bout  d'expliquer  les  Phéno- 
mènes aftronomiqucs  par  les  Tour- 
billons ,  dont  l'idée  quelque  belle 
qu'elle  puiffe  être  fe  foutiendra 
mal ,  lorfqueies  raifons  employées 
pour  l'étayer  n'auront  de  fonde- 
ment légitime  que  le  feul  bcfoin 
qu'on  en  a. 

Chap.  V.  M.  de  Maupertuis 
pafle  delà  au  Syllême  de  M.  New- 
ton fur  le  mouvement  des  Planètes 
&  fur  la  pefànteur.  Ce  favant  An- 
glois  démontre  d'abord  qu'un 
corps  quelconque  mû  &  attiré 
dans  un  centre  immobile  ou  mobi- 
le ,  décrira  autour  de  ce  centre 
des  aires  proportionnelles  aux 
tems  ;  &  réciproquement.  Appli- 
quant cnfuitc  CCS  proportions  aux 
Planètes  fuppofées  fe  mouvoir  dans 
Je  vuide  ou  dans  quelque  chofe 
d'équivalent  ■■,  de  ce  que  confor- 
mément aux  obfervations  toutes 
les  Planètes  autour  du  Soleil  & 
tous  les  Satellites  autour  de  leurs 
Planètes  principales  décrivent  des 
aires  proportionnelles  aux  tems ,  il 
conclut  de-là  que  les  Planètes  font 
attirées  vers  le  Soleil  &  les  Satelli- 
tes vers  leur  Planète.  C'eft  ainfi 
qu'une  des  deux  règles  ou  des  deux 
analogies  de  Kepler  hit  découvrir  à 
M.  Neivton  une  force  centrale  en 
général ,  puis  la  loi  de  cette  force 
lui  devient  connue  par  l'autre  ana- 
logie ,  confilhnt  ,  comme  on  l'a 
vil  plus  haut  ,  dans  le  rapport 
eotre  les  tems  des  révolutions  des 
diverfes  Planètes  &  leurs  diftances) 
Avnl. 


tems  proportionnels  aux  racines 
quarrées  des  cubes  de  ces  mêmes 
dillances  ,  foit  au  Soleil  ,  foit  à  la 
Planète  principale.  Cette  propor- 
tion une  fois  connue  ,  M.  Neiuton 
cherche  la  loi  fuivant  laquelle  la 
force  centrale  doit  croître  ou  di- 
minuer ,  pour  alfreindre  des 
corps  mus  par  une  mcme  force 
dans  des  orbites  circulaires  ou  fort 
approchantes ,  à  garder  cette  pro- 
portion entre  leurs  diftnnces  & 
leurs  tems  périodiques  :  &  la  Géo- 
métrie démontre  que  cette  autre 
analogie  fuppofe  que  la  force  qui 
attire  les  planètes  vers  leur  centre 
ou  foyer  ,  eft  réciproquement  pro- 
portionnelle au  quarré  de  leur  di- 
ftance  à  ce  centre.  D'où  il  paroît 
(  obfervc  M.  de  Maupertuis  )  que 
ces  deux  analogies  fi  difficiles  à 
concilier  dans  le  Syflcme  des  tour- 
billons ,  ne  fervent  ici  que  de  faits 
qui  découvrent  &  la  force  centrale 
&:  la  loi  de  cette  force  :  la  fuppofi- 
tion  de  l'une  &  de  l'autre  n'a  plus 
rien  de  fyilématique ,  &  n'elf  que 
la  découverte  d'un  principe  donc 
les  faits  obfervés  ,  font  les  confé- 
quences  necefiaires.  On  n'établit 
point  la  pefànteur  vers  le  Soleil 
(continue  l'Auteur)  pour  expli^ 
quer  le  cours  des  Planètes  ;  le 
cours  des  Planètes  nous  apprend 
qu'il  y  a  une  pefànteur  vers  le  So- 
leil ,  &  quelle  eft  fa  loi. 

M.  Newton  trouve  enfuite ,  à 
l'aide  de  la  plus  fublime  Géomé- 
trie ,  que  la  courbe  décrite  par  un 
corps  ,  dont  le  mouvement  d'a- 
bord rcdiligne  eft  dirigé  vers  ua 
centre  par  une  force  dont  il  vieoc 
Ec 


214  JOURNAL    D 

àc  découvrir  la  loi  ,  cft  neccfTairc- 
ment  l'une  ihs  fcdions  coniques , 
&  que  c'tft  une  ellipfc  ,  Ci  h  route 
de  ce  corps  rentre  en  elle-mcmc. 
Or  telle  etl  la  route  de  toutes  les 
Planètes  ;  elles  décrivent  autant 
d'ellipfes ,  dont  le  Soleil  occupe  le 
foyer. LesComctcs  iî  cmbarrairantcs 
dans  le  Syftême  des  Tourbillons , 
viennent  prefque  fc  ranger  d'elles- 
mêmes  dans  celui-ci ,  en  y  décri- 
vant des  orbites  elliptiques  fl  allon- 
gées ,  qu'elles  peuvent ,  fans  erreur 
fenfible ,  palTer  pour  des  paraboles. 
Elles  s'y  placent  même  avec  tant  de 
jufteffc  ,  que  l'orbite  d'une  d'entre 
elles  déterminée  par  quelques 
points  refultans  des  premières  ob- 
îervations  ,  &  par  l'attradion  vers 
le  Soleil ,  quadre  avec  la  trace  dé- 
crite réellement  par  la  Comète 
dans  le  rclte  de  fon  cours  -,  ce  qui 
cft  digne  d'admiration  (  dit  l'Au- 
teur J  enforte  que  pour  pertcéLion- 
ner  cette  Théorie  ,  il  fcmblc  ne  lui 
manquer  plus  qu'une  fuite  affez 
longue  d'obfcrvations. 

M.  Newton  tire  encore  du  mê- 
me principe  l'explication  de  la  pc- 
fanteur  des  corps.  Dire  que  c'eft  en 
vertu  de  l'attraclion  de  la  terre  que 
les  corps  y  tombent ,  cela  eft  trop 
vague  (  dit  notre  Auteur  ).  Pour 
juger  fl  la  chute  des  corps  telle  que 
nous  la  connoilTons  eft  l'effet  de 
cette  attradion  ^  il  faut  par  quelque 
Phénomène  différent  de  cette  chu- 
te ,  découvrir  la  quantité  de  cette 
force  attractive.  C'eft  la  terre,  com- 
me on  a  vil  plus  haut ,  qui  par  fon 
attradion  fait  mouvoir  autour  d'el- 
le la  Lune  comme  fon  Satellite. 


ES  SÇAVANS, 
L'orbite  de  celle  ci  &:  le  tems  de  fa 
révolution  en  catc  qualité  font 
allez  connus  po;ir  imliqucr  l'cf^ 
pacc  que  la  force  attractive  de  la 
terre  teroit  parcourir  à  la  Lune  en 
un  tems  marqué,  Ç\  celle-ci  per- 
dant fon  mouvementtomboit  per- 
pendiculairement vers  la  terre  avec 
une  telle  force  \  èc  cet  cfpace  feroit 
d'environ  15  pieds  en  une  minute  , 
à  prendre  la  Lune  dans  la  région  où 
elle  eft.  Mais  en  la  prenant  ^ofois 
plus  près  de  la  terre  qu'elle  n'eft  , 
i'anratflion  de  celle-ci  devicndroit 
3600  fois  plus  foi  te  ,  &  feroit  par- 
courir à  la  Lune  ou  à  tout  autre 
corps  qu'elle  attireroit  enviro» 
3600  fois  15  pieds  dans  une  minu- 
te. Or  les  expériences  de  M.  Hity- 
gens  nous  ont  appris  l'efpace  que  la 
feule  pcfanteur  tait  parcourir  à  un 
corps  vers  la  furfaee  de  la  terre  ;  & 
cet  cfpace  cft  précifément  le  même 
que  doit  taire  parcourir  la  force  qui 
retient  la  Lune  dans  fon  orbite  aug- 
mentée comme  elle  doit  l'être  vers 
la  furtace  de  la  terre.  D'où  il  fuie 
que  la  chiàtc  des  corps  vers  celle  ci 
etl:  un  effet  de  cette  même  force ,  & 
que  malgré  le  defavantagc  du  lieu 
où  fe  tout  les  expériences  ,  la  pc- 
fanteur des  corps  plus  éloignés  du 
centre  de  la  terre  eft  moindre  que 
la  pefantcut  de  ceux  qui  en  font 
plus  proches  •  en  un  mot  ,  que 
cette  force  attr.KT:ive  de  la  terre  agit 
proportionnellement  fur  tous  les 
corps  ;  fur  quoi  l'Autc-jr  fait  ob- 
ferverquel'attraiflion  de  ces  corps 
eft  toujours  mutuelle  vl'un  ne  pou- 
vant attirer  l'autre  qu'il  n'en  foit 
également  attiré. 


A  V  R  I 

C'cft  ainfi  (  reprend  rAutcur  ) 
iquc  non  feulement  le  cours  des 
Planètes  &c  tout  ce  qui  lui  appar- 
tient ,  mais  encore  la  pefantcur 
des  corps  s'cxpiicjuent  par  le 
principe  de  l'attraction  :  pour 
{ic  point  parler  de  quelques  irré- 
gularitez  li  peu  importantes  , 
qu'elles  peuvent  fe  négliger  fans 
erreur  ,  ou  fc  reâ:iiîcr  par  le 
principe.  Telles  font ,  par  exemple, 
la  prétendue  immobilité  du  Soleil 
au  foyer  des  ellipfes  décrites  par  les 
Planéres  :  la  même  circonftancc 
par  rapport  à  chaque  Planète  ac- 
compagnée de  fes  Satellites  :  l'at- 
tradion  réciproque  des  autres  Pla- 
nètes ,  fur  tout  entre  Jupiter  &:  Sa- 
turne ,  &c.  L'Auteur  obferve  cnco- 
|:e ,  que  la  chute  des  corps ,  quoi- 
qu'un des  effets  de  l'attraftion  ,  eft 
un  grand  obftacle  à  la  perception  de 
•celle  que  les  corps  exercent  mu- 
tuellement entr'cux  :  ce  qui  n'em- 
pêche pas  ,  cependant ,  que  ceux 
de  ces  corps  qui  font  à  portée  de  la 
manilefter  n'en  oftient  des  effets 
aulTi  continuellement  réitérés  que 
le  font  ceux  de  l'impulfion.  L'Au- 
..teur  ,  en  finiflant  ce  Chapitre ,  lajf- 
fe  à  décider  au  Ledeur  il  l'attrac- 
tion eft  fuffifamment  prouvée  par 
les  faits ,  ou  li  elle  n'cft  qu'une  iîc- 
tion  gratuite  ;  avouant  de  bonne  toi 
AU  furplus  qu'il  ne  fait  pas  mieux 
.ce  que  c'eft  que  la  pcfanteur  de  la 
matière  ,  qu'il  en  connoît  la  force 
impulfive  ■■,  qu'il  feroit  à  fouhaiter 
pour  fimplifier  les  Syftêmes  que 
l'on  pût  démontrer  que  l'une  dé- 
pend de  l'autre  ;  mais  qu'en  atten- 
dant ,  il  croit  qu'on  peut  fe  fetvir 
des  deux. 


L,  1755.  XI  f 

C  H  A  p.  VI.  Il  examine  enfuitç 
les  changemens  que  peuvent  ap- 
porteras divers  Syftêmes  de  la  pc- 
îanteur  dans  l'application  qu'il  fait 
des  problèmes  fuivans  aux  Phéno- 
mènes de  la  nature  :  Problêmes  où 
il  détermine  la  figure  que  doit 
prendre  un  amas  de  matière  homo- 
gène &  fluide  ,  qui  tourne  autour 
d'un  axe  ,  ou  un  torrent  d'une  tel- 
le matière  ,  qui  coule  autour  d'u;» 
axe  pris  hors  de  lui.  Ces  corps  pour 
arriver  à  des  figures  permanentes 
doivent  avoir  toutes  leurs  parties 
dans  un  parfait  équilibre  ,  qui  dé- 
pend de  la  force  centrifuge  Se  de  1* 
pefinteur,dont  l'une  tend  à  les  écar- 
ter du  centre  ,  &C  l'autre  à  les  en  ap- 
procher. La  première  ne  fouffrc 
point  de  difputc.  Il  n'en  eft  pas 
ainfi  de  la  féconde  ,  qui  félon  qu'oa 
la  regardera  comme  l'effet  dei'im- 
puUîon  ,  ou  comme  une  proprié- 
té inhérente  à  la  matière  ,  peut 
mettre  des  changemens  dans  les 
déterminations  fuivantcs.  Si  la 
pefanteur  (  félon  Dsfcartes  &c  Hiiy- 
gens  )  vient  de  l'impulfion  vers 
un  centre,  elle  fera  indépendante 
du  corps  qui  peut  occuper  ce  cen- 
tre &  de  fa  figure.  Si  donc  ,  dans 
ces  Problèmes  ,  on  envifage  fous 
ee  point  de  vue  la  pefanteur  des 
corps  vers  le  centre  ;  leur  folution 
donnera  les  vrayes  formes  des  corps 
céleftes  ,  par  la  détermination  de 
la  loi  félon  laquelle  la  pefanteur 
croît  ou  diminue  par  rapport  à  U 
diftance  du  centre.  Si  au  contraire  , 
on  confidcrc  avec  M.  Newton  li 
pefanteur  comme  une  propriété  des 
corps  i  la  pefanteur  vers  Ic^  corps 
'  E  eij 


zt6  y  OURNAL   D 

centraux  dt-pcnJra  dclcurs  qmnti- 
tez  de  matières  6«:  de  leurs  figu- 
Tes.  L'Auteur  oblcrvc  que  les  loix 
marquées  par  M.  Newton  pour  les 
corps  fphcriques-homogénes  dans 
l'exercice  de  l'attraftion  ,  foit  au 
dehors ,  foit  au  dedans ,  n'ont  plus 
lieu  dans  des  corps  de  figures  diffé- 
rentes. D'où  il  efl  arrive  que  cet 
Anglois  a  trouvé  le  rapport  entre 
le  diamètre  de  l'équateur  &  l'axe 
de  la  terre,  de  229  à  230  différent 
de  celui  de  ^i.Huygensdc  des  nôtres. 
Il  ne  faut  donc  point  prendre  pour 
des  déterminations  exactes  ce  que 
l'Auteur  avance  ici  fur  les  figures 
desPlanétes  &duSoleil.li  allègue  un 
cas ,  fuivant  lequel  les  figures  qu'il 
détermine  approcheroient  plus  des 
véritables.  Qiiant  aux  torrens ,  qui 
circulent  autour  des  Planètes ,  leur 
matière  pourroit  erre  fi  peu  denfe 
eu  égard  à  celle  des  Planètes ,  que 
la  pefanteur  mutuelle  de  leurs  par- 
ties pourroit  paffer  pour  nulle  :  en 
forte  que  regardant  ces  torrens 
comme  pcfans  vers  le  centre  de  la 
Planète  en  raifon  renverfèe  du 
quarré  de  fa  diftarrce ,  la  figure  des 
anneaux  qu'ils  forment  approchera 
fort  de  la  véritable. 

Chat.  VII.  Viennent  après  ce- 
la les  deux  Problèmes  de  M.  de 
Maupertuis ,  concernant  la  recher- 
che des  figures  que  doivent  prendre 
tes  fluides  qui  tournent  autour 
d'un  axe.  Voici  le  premier.  Troti- 
V-r  la  figure  et  un  fphéroi  de  fluide  ejui 
tourne  fur  fon  axe  ^  en  fitppofmt  que 
chacfue  partie  du  fluide  péfe  vers  le 
centre  félon  tjueli^ue  puijptnce  aue  ce 
fin  de  la  diflancf  à  ce  centre.  Voici 


ES  SÇAVANS, 
le  fécond  :  Vn  torrent  de  madère 
fluide  circulant  autour  d'un  axe  hors 
du  torrent ,  par  une  force  centripète 
proportionnelle  à  une  puijfwce  ^uel- 
con^tie  m  de  la  dijtance  au  centre 
pris  fur  fax:  ;  &  dans  chaque  feElion 
perpendiculaire  a  la  révolution ,  la, 
p.fanteur  refultante  des  parties  du 
fluide  vers  im  centre  pris  dans  cette 
fi  B ion  ,  étant  proportionnelle  a  une 
puiffance  ejuclcomjue  n  de  la  diflance  k 
ce  centre  -,  déterminer  la  figure  du  tor- 
rent. Nous  croyons  devoir  renvoyer 
fur  les  folutions  de  ces  deux  Problê- 
mes à  M. de  MaupertuiSjà  caufe  des 
lîgures  qui  doivent  les  mettre  fous 
les  yeux.  Nous  dirons  leulement  ed 
génèrîl  qu'il  refulte  de  ces  deux 
folutions  ,  que  dans  le  premier  cas, 
IcSphèroïde  feroit  compofè  de  deux 
Paraboloïdcs  ,  ou  d'un  Ellipfoïde 
de  toutes  les  efpeces, depuis  laSphé- 
re  jufqu'à  l'Elliploïde  le  plus  appla- 
ci ,  tel  qu'un  plan  circulaire  \  que 
dans  le  fécond  c:s  ,  la  figure  du 
torrent  fera  ,  ou  compofée  de  deux 
figures  ovales  jointes  ;  ou  une  fec- 
tion  conique  ,  ou  un  Sphéroïde. 

Ch  A  p.  VIII.  L'Auteur  ,  dans 
fon  dernier  Chapitre, fait  aux  corps 
cèlelles  qui  tournent  fur  leur  axe  u- 
ne  application  de  tout  ce  que  vient 
de  lui  découvrir  le  calcul.  Quel- 
que fphériques  que  nous  paroilfent 
(  dit  il  )  toutes  les  Planètes ,  à  l'ex- 
ception de  Jupiter  ,  elles  n'en  font 
pas  moins  fujettes  à  toutes  les  figu- 
res déterminées  plus  haut  par  M. 
de  Maupertuis.  Les  Sphéroïdes 
pourront  s'applarir  au  point  de  de- 
venir une  efpece  de  meule  ou  un 
plan  circulaire  Des  Planètes  plates 


A  V  R 

pour'roientne  devenir  vifibles  que 
lorfqu'clles  fcroient  tournées  de 
manière  à  nous  prefenter  cette  fa- 
ce. Pourquoi ,  dit  l'Auteur  ,  nief 
qu'il  y  eût  des  étoiles  plattes  dans 
les  Cicux  -,  fur  -  tout  ignorant  , 
comme  nous  faifons  ,  la  vraye  fi- 
gure des  .étoiles  fixes  ?  Pourquoi 
n'auvoient-ellcs  point  leurs  Planè- 
tes circulant  autour  d'elles ,  com- 
me le  Soleil  a  les  fiennts  î  L'Au- 
teur trouve  dans  fes  hypothcfesde 
quoi  rendre  raifon  du  changement 
de  grandeur  obfcrvé  dans  quelques 
t-roiles ,  Se  de  celles  qui  ont  paru  & 
difparu.  Les  Comètes,  fur  tout  au 
retour  de  leur  périhélie  ,  où  elles 
traînent  de  longues  queues  ,  lui 
fournilîent  des  torrens  immenfes 
de  vapeur  ,  que  l'ardeur  du  Soleil 
élevé  de  leurs  corps-,  &de  ces  queues 
de  Comètes  ou  torrens  ,  M.  de 
Maupertuis  en  forme  des  anneaux 
autour  des  Planètes  :  &  voilà  donc 
l'Anneau  de  Saturne  expliqué. 
Cependant  la  Planète ,  non  con- 
tente de  s'être  en  quelque  forte  ap- 
proprié la  queue  de  la  Comète  , 
entraînera  encore  celle  -  ci ,  &  la 
forcera  de  circuler  autour  d'elle. 
S'emparantainfi  fuccellîvement  de 


I    L  ,    1733.  2/7 

divcrfes  Comètes  fans  queues,  ejie 
s'en  formera  un  cortège  dcSnrellitcs-, 
mais  Cl  la  Comcre  cft  fi  éloignée 
que  la  Planète  n'en  puiflc  entraîner 
que  la  queue  ,  elle  n'aura  qu'un  an- 
neau iJc  point  de  Satellite.  Ces  Phé- 
nomènes font  fi  vraifemblables,quc 
la  plupart  déjà  fe  trouvent  cxi- 
ftans  dans  les  Cieux.  L'Auteur  ob- 
fcrve,en  finilfant,  que  la  matière  de 
ces  anneaux  peur  former  une  efpcce 
d'atmofphèrelumineufe  8c  applatie 
autour  de  certains  aflrcs  ;  &  il  re- 
marque après  MM.  Newton  ^  Hal- 
ley  S^  Whijlon  ^  que  la  vapeur  des 
Comètes  répandue  fur  les  Planètes 
eft  necefiaire  à  celles-ci  pour  les  hu- 
meder ,  qu'elles  peuvent  quelque- 
fois tomber  dans  le  Soleil  ou  dans 
les  étoiles ,  &:  que  e'eft  ainfi  qu'une 
étoile  prête  à  s'éteindre  fe  ralume  ; 
que  fi  quelque  Comète  renrtn- 
troit  notre  terre  ,  elle  y  cauferoit 
ces  grands  accidenSjComme  le  chan- 
gement de  pôles  ,  le  bouleverfe- 
ment  ^  le  déluge  ou  l'embrafement. 
Mais  (  dit  l'ingénieux  Géomètre  ) 
au  lieu  de  ces  finiilrescataftrophes, 
la  rencontre  des  Comètes  pourroit 
ajoiîter  de  nouvelles  merveilles  fie 
des  chofes  utiles  à  notre  terre. 


iiS       JOURNAL  DES  SÇAVANS. 


HISTOIRE    DE   L'ACADEMIE    ROYALE    DES    SCIENCES. 

Annie  1730.  Avec  la  Mémoires  de  Mathématique  &  de  Phyfi^ue  ^  pour 
la  même  année  ,  tirés  des  Regijires  de  cette  Académie  A  Pans  ,  de  rim» 
primerie  Royale.  1731.  '«-4'.  pp.  143.  pour  i'Hiftouc  :  pp.  580. 
pour  les  Mémoires.  Planches  détachées  25. 


DA  N  S  ce  Volume  ,  l'un  des 
plus  gros  que  l'Acadcmic  ait 
publiés  jufqu'ici ,  &  qui  cft  le  33'^ 
depuis  i6y9.  on  trouve  56.  articles, 
dont  25  appartiennent  à  la  partie 
hiftorique  ,  &  ji  aux  Mémoires. 
Mais  comme  parmi  les  divers 
Morceaux  que  renferme  cette  par- 
tie hiftonque  ,  il  y  en  a  16  qu'on 
ne  doit  regarder  que  comme  les 
]Extraits  d'autant  de  Mémoires  ,  qui 
viennent  enfuite  ,  imprimés  en  en- 
tier; il  arrive  delà,  que  les  diffé- 
rentes pièces  comprifes  dans  ce  Vo- 
lume fe  reduifent  au  nombre  de 
40. 

Il  y  en  a  7  de  Phyjîque  générale , 
dont  les  trois  dernières  font  cntie- 
lement  renvoyées  aux  Mémoires  , 
la  féconde  ne  paroît  que  dans  l'Hi- 
ftoire  ,  6c  les  trois  autres  fe  lifent 
dans  celle-ci  &  parmi  les  Mémoi- 
res. La  première  fur  quelques  expé- 
riences de  PAi?»Mit ,  eft  de  M.  ^u 
Fay  :  la  féconde  fur  la  Lumière  Sep- 
tentrionale &  fur  une  autre  lumière , 
cft  le  refultat  de  plulîeurs  Obfer- 
vations  faites  en  divers  lieux  &  par 
differens  Obfervateurs  :  la  troilîé- 
me  fur  une  nouvelle  confîruEliBn  de 
Thermomètre ^  cft  de  M.  de  Réaumur-' 
la  quatrième  encore  du  même  Aci- 
démicien  ,  roule  fur  la  nature  de  la 
terre  en  général ,  &fnrfes  caraEleres: 
\\  cinquième  eft  une  ccmparaifon 


des  Obfervations  Météorologiques  fai- 
tes à  Paris  &  à  Aix  ,  par  MM.  Caf- 
Jtm  &:  de  Momvalon  :  la  fixiérae  eft 
l'Ecrit  de  M.  de  Réaumur  fur  la 
Méchantijue  avec  laquelle  certains 
infeiies  roulent  des  feuilles  :  la  derniè- 
re contient  les  Obfervations  Météo- 
rologiques de  cette  année^  par  ^.Ma- 
raidi.  Nous  entrerons  dans  quelque 
détail  fur  la  première  ,  la  quatriè- 
me &:  la  fixiéme. 

I.  Pour  fe  mettre  au  fait  des  nou- 
velles Obfervations  de  M.  du  Fay 
fur  {'Aimant ,  il  faut  fe  rappeller  ce 
qu'on  a  lu  de  lui  fur  cette  matière 
dans  fon  Mémoire  de  1728.  dont 
nous  avons  donné  l'Extrait  dans  le 
Journal  de  Janvier  173 1.  L'Acadé- 
micien s'cftorçoit  d'y  prouver  par 
quantité  d'expériences  ,  qu'un  ter 
n'cft  aimante  que  iorfque  la  plus 
grande  partie  des  poiJs  qui  rcm- 
pliftent  les  pores  de  ce  métal  (  félon 
l'hypothéfe  de  Defeartes  &  de  la 
plupart  des  Phyficiens  )  font  cou- 
chés du  même  fens. 

11  ne  dilTimule  pas  l'objection 
qu'on  lui  a  t-iire  fur  l'extrême  mo- 
bilité qu'il  fuppofc  dans  ces  petits 
poils  ,  &  qu'il  juge  capable  de  les 
Faire  tomber  comme  par  leur  pro- 
pre poids  ,  en  vertu  de  quelque 
ébranlement.  Ces  poils  (dit -on) 
doivent  être  fi  déliés ,  que  leur  pe- 
fantcur  peut  être  regardée  comme 


A  V  R  I 

nulle  ,  &.'  par  conféqiicnt  peu  pro- 
pre à  tavoiifcr  le  rcnverfcmcnt  de 
ces  poils  d'un  côte  ou  de  l'autre, 
contormcmenc  aux  fecoulles  don- 
nées à  la  barre  de  fer. 

M.  du  Fay  répond  ,  que  comme 
une  plume  ,  dans  un  tuvau  ,  d'où 
l'air  a  été  pompé  ,  y  tombe  avec  la 
même  vitefTe  ou  la  même  pclantcur 
qu'un  morceau  de  bois  :  de  même 
les  petits  poils  qui  hériflent  inté- 
rieurement les  pores  du  fer  ,  où 
l'air  certainement  ne  pénètre  point, 
ont  leur  pefanteur  trcs-réelk  ,  qui 
ks  renverfe  &  les  fait  tomber  fui- 
vant  la  détermination  que  leur 
donne  l'ébranlement. 

Des  diverfes  expériences  qui 
femblent  confirmer  l'exiftence  & 
l'ufage  de  ces  petits  poils  dans  le 
fer  aimanté  ,  il  refaite  que  la  ma- 
tière magnétique  n'a  qu'un  fcul 
courant,  &  n'entre  dans  ce  fer  ai- 
manté que  par  le  côté  qui  fe  tour- 
ire  vers  le  Sud  ;  puifqu'eJle  ne  trou- 
ve qu'en  ce  fens  h  liberté  de  fon 
entrée  &  de  fon  iiluë,  que  lui  per- 
mettent les  petits  poils  couchés  vers 
l'autre  extrémité. 

Ces  deux  hypothéfes  une  fois 
admifes  facilitent  infiniment  l'ex- 
plication de  tous  les  Phénomènes 
magnétiques^  comme  l'Auteur  l'a 
fait  voir  dans  fon  premier  Mémoi- 
re par  rapport  à  ceux  de  ces  Phéno- 
mènes qui  font  les  plus  connus,  & 
comme  il  le  montre  dans  celui-ci 
par  l'application  qu'il  en  fait  à 
quelques  autres.  On  fait  que  dans 
le  fer  aimanté  le  pôle  qui  fc  dirige 
vers  le  Nord  levé  plus  de  fer  que 
eelui  qui  fe  dirige  vers  le  Sud  :  ce 


L,     Ï7Î5.  21^ 

que  les  Cartéfiens  attribuent  au  voi- 
linage  du  pôle  Boréal  de  h  terre. 
Mais  outre  que  le  contraire  devroit 
arriver  au  delà  de  l'Equateur ,  ce 
qui  ellfort  douteux  ;  une  expérien- 
ce imaginée  par  M.  du  Fay  ,  &  que 
l'on  peut  voir  dans  fon  Mémoire  , 
paioît  détruire  entièrement  cette 
explication  ;  au  lieu  que  ce  même 
tait  fuit  naturellement  de  Thypo» 
théfe  d'un  courant  unique. 

Elle  pourroit  encore  s'accommo 
der  merveillcufement  avec  la  con- 
jedure  de  M.  H-tlley ,  &  d'autres 
Phyliciens  ,  qui  ont  cru  que  la  ma- 
tière magiKcique  pouvoit  avoir 
quelque  part  aux  lumières  Boréa- 
les ;  &  M.  du  Fay  expofe  ingénieu- 
fement  cette  convenance.  Mais 
pour  en  tirer  pafti ,  il  faut  attendre 
que  l'idée  de  M.  Halley  foit  fufli- 
famment  établie. 

A  l'égard  des  objedions  faites 
contre  le  courant  unique  ,  elles  fe 
rcduifent  à  deux  principales  ,  & 
qui  reçoivent  la  même  folution.On 
«iit  donc  en  premier  lieu  ,  Qu'une 
aiguille  aimantée  mife  librement 
fur  la  furface  de  l'eau  ,  feroit  pouf- 
fée  par  un  fcul  courant  vers  l'ua 
des  pôles  ■■,  au  lieu  que  l'impulfion 
égale  qui  lui  vient  des  deux  cou- 
ransia  tient  en  équilibre. 

On  objede  en  fécond  lieu  , 
Qu'une  aiguille  mi-partie  de  cuivre 
&  d'acier  aimanté  ,  pofée  fur  fon 
pivot  pour  fc  diriger  vers  le  Sud, 
ne  s'y  tournera  jamais  ,  fi  l'on  fup- 
pofe  que  le  courant  unique  parte 
du  Sud ,  de  même  qu'une  girouet- 
te ne  dirigera  jamais  fa  pointe  du 
côté  d'où  vient  le  vent  :  la  même 


â20  JOURNAL    D 

chofe  4oit  arriver  pour  le  Nord  ; 
d'où  l'on  conclut  la  neccdité  d'ad- 
mettre deux  courans. 

M.  du  Fay  répond  ,  i°.  Que  fiii- 
vant  le  principe  établi  dans  prcfque 
toutes  les  hyporhéfes ,  lavoir ,  que 
la  matière  magnétique  fc  meut  avec 
plus  de  facilité  dans  l'aimant  ou 
dans  le  fer  aimanté  que  dans  l'air  ; 
l'aipuille  pofée  fur  l'eau  ne  *loit 
point  être  poulTce  vers  le  Nord;par- 
ee  que  la  matière  pénétrant  fans 
peine  dans  les  pores  de  l'aiguille  fé- 
lon fa  longueur ,  employé  toute  fa 
force  ,  non  à  pouffer  l'aiguille  vers 
le  Nord  ,  mais  à  la  taire  tourner  de 
la  manière  la  plus  favorable  pour  re- 
cevoir le  courant  de  la  matière  ,  qui 
la  dirige  feulement  vers  le  Nord. 

L'Académicien  répond  ,  en  fé- 
cond lieu  j  Qii€  la  girouette  &  l'ai- 
guille ne  font  nullement  dans  le 
même  cas  ,  puifque  l'effort  du 
vent  n'agit  que  fur  les  parties  exté- 
rieures de  la  girouerte  ,  qu'il  pouf- 
fc  jufqu'à  ce  qu'il  l'ait  dirigée  fui- 
vant  Ion  couiant  -,  au  lieu  que  1* 
matière  magnétique  pénétre  inté- 
rieurement l'aiguille  ,  de  n'a  d'ac- 
tion fur  elle  que  fuivant  la  direc- 
tion des  parties  internes  du  fer. 

A  la  folution  de  ces  deux  objec- 
tions ,  l'Académicien  tait  fuccedcr 
quelques  remarques  importantes 
fur  la  manière  la  plus  avantageufe 
d'aimanter  les  aiguilles  &:  les  lames 
de  fer  ou  d'acier  ,  &  d'armer  les 
pierres  d'aimant.  Ces  remarques 
paroilfent  autant  de  nouvelles  preu- 
ves pour  l'unité  du  courant  •,  &  il 
en  refulte  ,  que  la  meilleure  ma- 
lùere  d'aimanter  une  aiguille  cft  de 


ES   6ÇAVANS; 

la  pofer  fur  la  tête  des  armures 
d'un  aimant  ,  &  de  la  gli(Ter  un 
peu  il  fa  longueur  excède  l'axe  de  la 
pierre  ;  puis  de  la  retirer ,  en  la  dé- 
tachant parallèlement  à  cet  axe  ,  & 
fans  la  glilTer  toute  entière  fur  les 
deux  pôles  ;  ce  qui  afFoibliroit  fa 
vertu  •,  fur  quoi  M.  du  Fay  rapporte 
une  expérience  curieufc,  qu'il  taut 
lire  dans  fon  Mémoire  ^  &  qui  ne 
fe  trouve  point  ailleurs. 

il  faut  recourir  encore  .\  lui  fur 
une  tentative  qu'il  a  faite  pour  dé- 
couvrir (  s'il  étoit  polllble  )  le  de- 
gré de  vitclTc  dans  le  courant  de  la 
matière  magnétique  ;  effai  qui  n'a 
pîi  jufqu'ici  le  conduire  à  détermi- 
ner au  jufte  cette  vitetTe ,  mais  qui 
pounoit  en  occalionner  d'autres  ^ 
dont  lefucccs  feroitplus  heureux. 

Pour  aimanter  une  lame  d'acier^ 
l'Auteur  prefcritla  même  manœu- 
vre qu'il  a  confeillée  pour  les  aiguil- 
les ;  &:  il  termine  fon  Mémoire  par 
quelques  obfervations  fur  le  choix 
de  la  matière  la  mieux  difpoféc  à 
s'aimanter,  qui  (félon  lui)  cfl:  le 
fer ,  par  préterence  à  l'acier  8i  à  l'a- 
cier trempé  i  ce  qu'il  ^uftifie  par 
plutîeurs  expériences  qui  paroificnt 
décifives  ,  de  d'où  il  conclut  que 
les  armures  &  le  portant  d'un  ai- 
mant doivent  être  de  fer.  Nous 
renvoyons  à  fon  Mémoire  pour  le 
détail  de  tons  ces  faits. 

IV.  Le  Mémoire  de  M.  «/f^fW 
mur  fur  la  nature  de  l/i  terre  en  gêner 
rai  &i  fur  fis  difjerens  cara^eres  ^ 
contient  des  découvertes  utiles  & 
interctïantes  fur  un  fujet  qui  paroî- 
troit  peu  capable  d'en  fournir.  En 
effet  ,  chacun  croit  connoîtrc  uifH- 
fammenc 


A  V  R 

famment  ce  que  c'eft  que  de  la  ter- 
re j  &  être  en  état  de  la  diftingucr 
de  toute  autre  matière  ,  du  fable  , 
par  exemple.  Cette  diftinûion  fi 
plaufible  cependant  n'cft  rien 
moins  qu'univerlcUcmcnt  reçue  ; 
ôc  quantité  de  Phyficiens  &  de  Na- 
turaliftcs  ^  tels  que  Rohault  ,  la 
Quinimye ,  &c.  fe  perfuadent  que 
la  terre  n'eft  qu'un  fable  dont  les 
grains  font  d'une  extrême  finelTe. 
M.  de  Réaumur  en  cela  d'accord 
avec  le  préjugé  commun  ,  fait  de 
ces  deux  matières  autant  d'efpeces 
différentes ,  non  feulement  par  k 
groffeur  ,  mais  encore  par  la  con- 
formation intime  de  leurs  molécules. 
Cela  fe  prouve  par  des  expériences 
très-fimples  de  très-faciles  à  véri- 
fier. 

La  terre  imbibée  d'eau  fe  renfle, 
&  s'étend  ,  puis  fe  reflerre  oufe  ra- 
courcit ,  &  reprend  fon  premier 
volume  en  fe  deflechant.  Le  fable 
foit  imbibé  ,  foit  delTeché ,  garde 
conftamment  le  fien  ;  d'où  il  eft 
évident  que  l'eau  ne  fait  que  rem- 
plir les  vuides  que  les  grains  de  fa- 
ble laiflent  entr'cux  -,  au  lieu  que 
par  rapport  aux  grains  de  terre  , 
non  feulement  elle  s'infinue  entre 
leurs  interftices ,  mais  elle  pénétre 
jufques  dans  leur  tiiTure  intérieure, 
&  les  gonfle  par  une  méchanique 
analogue  fans  doute  à  celle  qui  lui 
fait  élever  des  fardeaux  énormes , 
par  le  moyen  des  cordes  qu'elle 
imbibe  ,  &  lui  fait  fendre  &  déta- 
cher des  pièces  de  rocher  par  l'en- 
treniife  des  cordes  qu'elle  renfle  en 
les  humedant.  On  peut  donc  con- 
cevoir la  terre  comme  un    corps 


l    t  ,    17  3  3'  221 

fpongieux  ,  tilfu  de  molécules  flexi- 
bles &  capables  d'extenfion  ,  pen- 
dant que  celles  du  fable  n'en  font 
nullement  fufccptiblcs  à  caufe  de 
leur  roideur. 

Une  féconde  différence  entre  1» 
terre  &  le  fable  ,  c'eft  que  la  pre- 
mière abbreuvée  d'eau  devient  duc- 
tile &  prend  telle  forme  qu'if  plaît 
au  potier  ;  au  lieu  que  le  fable  quel- 
que fin  qu'il  puifle  être  ,  ou  reduif 
en  molécules  aulîî  fubtiles  que  cel- 
les de  la  terre  ,  ne  reçoit  aucune 
dudilité  du  mélange  de  l'eau  -,  ainfi 
que  s'en  eft  convaincu  M.  de  Réau- 
mur, par  les  expériences  les  plus 
cxadcs.  La  dudilité  de  la  terre 
doit  donc  être  attribuée ,  non  à  la 
fineflc  de  fes  grains  ,  mais  à  leur 
tiflure  intérieure  qui  les  rend  fpon- 
gieux ,  8c  propres  à  glilfer  les  uns 
fur  les  autres  fans  fe  défunir.  Or 
c'eft  de  quoi  le  fable  imbibé  d'eau 
eft  abfolument  incapable. 

La  terre  la  plus  parfaite  ou  la 
moins  chargée  de  fable  ,  telle  que 
la  glaifc ,  n'eft  pénétcable  à  l'eau 
quejufqu'à  une  très-petite  épaiffeur. 
La  raifon  qu'en  allègue  l'Académi- 
cien ,  c'eft  que  l'eau  ,  en  imbibant 
la  première  couche  de  cette  glaife  y 
en  a  tellement  &  fi  uniformément 
gonflé  tous  les  grains ,  qu'ils  lui 
bouchent  le  paUage  ,  &  l'empê- 
chent de  pénétrer  jufqu'à  une  fé- 
conde couche.  M.  de  Réaumur 
confirme  fon  fentiment  fur  ce 
point ,  en  réfutant  celui  de  quel- 
ques Phyficiens  ,  qui  eft  démenti 
par  l'expérience. 

A  l'égard  de  ceux  qui,  pour  expli- 
quer la  dudilité  de  la  terre   ont  re- 
Ff 


aiz  J  O  U  R  N  A  L  D 

cours  à  la  configuration  de  fcs  mo- 
lécules faites  en  lames  bien  polies 
&  couchées  les  unes  fur  les  autres  -, 
ils  ont  contre  eux  la  grande  facilité 
qu'auroient  ces  petites  lames  à  fe 
déranger  lorfqu'on  vient  à  pétrir 
la  terre ,  &  l'expérience  des  toiles  & 
des gypfes ,  qui  bien  que  formés  de 
lames,  jufquesdans  leur  tiffure  la 
plus  intime  ,  ne  peuvent ,  étant 
réduits  en  poudre  impalpable  & 
fuffifamment  humedée  d'eau  ,  ac- 
quérir aucune  dudlilité  -,  non  plus 
que  le  fable  ,  &i  les  fcls  concrets , 
tels  que  l'alun,  le  vitriol ,  le  borax, 
la  fonde  ,  &c. 

Cette  nouvelle  Théorie  de  M.de 
Réaumur  fur  la  nature  de  la  terre 
peut  être  d'un  grand  ufage  dans  le 
Syftème  qu'il  a  ébauché  en  1711. 
fur  la  formation  des  pierres  ;  Sc 
c'eft  ce  qu'il  fait  fentir  ici  par  plu- 
fîeurs  exemples  ,  que  nous  palîons 
pour  abréger.  Sa  Théorie  fe  trouve 
de  plus  confirmée  par  ce  que  l'on 
voit  tous  les  jours  dans  l'art  de  la 
poterie  ,  où  les  vafes  de  terre  font 
fî  fujets  à  fe  fendre  &  à  fe  gerfcr ,  fi 
l'on  n'apporte  beaucoup  d'atten- 
tion à  les  faire  fccher  peu  à  peu 
pour  éviter  cet  accident ,  que  l'on 
peut  auiïî  prévenir  par  quelque 
mélange  de  fable  qui  rend  la  terre 
un  peu  moins  dudtile. 

Cette  même  Théorie  de  M.  de 
Réaumur  fournit  encore  une  con- 
fidcration  nouvelle  &  très-impor- 
tante que  l'on  doit  joindre  aux  vâes 
de  M.  Couplet  ,  fur  les  revctemens 
ou  les  murs  ,  qui  ont  des  terres  à 
foûtenir.  L'éboulcmtnt  des  terres 
coupées  à  plomb  fe  leduit  à  iî  peu 


E  S  SÇAVANS, 
de  chofe  (  dit  l'Académicien  )  que 
cette  chute  n'cft  pomt  ce  qu'il  y  a 
de  plus  à  craindre  pour  ces  revête- 
mcns.  Ils  ont  un  effort  beaucoup 
plus  violent  à  foûtenir  ,  &  c'eft  ce- 
lui que  font  pour  s'étendre  les  ter- 
res imbibées  d'eau.  On  peut  dire  à 
la  vérité  que  des  deux  extenfions 
que  foufirent  ces  terres ,  &  qui  font 
la  verticale  6c  l'horizontale  ,  il  n'y 
a  que  celle-ci  qui  agifTe  contre  ces 
revctemens  :  mais  il  faut  obfcrver 
aulli  que  la  verticale  des  couches 
intérieures  gênée  par  le  poids  ex- 
cefiîf  des  fuperieures,  fe  convertit 
en  horizontale  ,  &  qu'alors  la  force 
de  cette  extcnfion  fe  trouve  nota- 
blement accrue ,  comme  en  lait  foi 
une  expérience  alléguée  par  l'Aca- 
démicien. 

La  tacihté  à  s'imbiber  d'eau  don- 
nant aux  terres  d'autant  plus  de 
pouiïee  contre  un  mut  de  revête- 
ment, ôi  n'en  donnant  aucune  de 
cette  efpece  à  des  fables  ;  M.  de 
Réaumur  confcille  ,  pour  prévenir 
cet  inconvénient ,  de  mêler  dans 
les  terres  qu'on  emplove,lorfqu'el- 
les  font  peu  fablonneufes ,  quantité 
de  gravois  comme  étant  incapables 
de  s'imbiber  d'eau  ,  &  qui  dans  les 
vuides  qu'ils  forment  entr'eux  ,  re- 
cevront une  partie  du  renflement 
des  terres  ,  lequel  en  fera  d'autant 
moins  d'effort  contre  le  mur. 

L'Auteur  ne  borne  pas  fon  exa- 
men de  la  nature  des  terres ,  aux 
deux  caraifteres  que  nous  venons 
d'cxpofer  d'après  lui.  Il  en  parcourt 
plulleurs  autres  ,  qui  bien  que 
moins  confîderablcs,  peuvent  néan- 
moins établir  des  diltmdions  entre 


A  V  R  I 

les  terres.   De  ce  nombre  font  les 
couleurs  ,  foit  naturelles ,  foit  ac- 
quifes  par  l'adion  du  feu  :  2°.  La 
faculté  de  fe  vitrifier  ou  de  fe  calci- 
ner :  3°.  Celle  d'être  différemment 
alcalines  ^  par  la  différente  impref- 
Cion  qu'elles  reçoivent  des  divers 
acides  :  4°.  Celle  de  répandre  diffé- 
rentes  odeurs ,    qu'il  n'eft  guéres 
poflîble  de  caraderifer ,  quoiqu'il 
y  en  ait  pourtant  quelques  unes  qui 
reffemblent  a  (fez   à    d'autres   que 
nous  connoiffons.  Il  y  en  a  ,    par 
exemple ,  dont  l'odeur  approche  de 
celle  du  poivre.   Après  les  petites 
pluyes  d'été  ,  les  terres  légèrement 
humedées    exhalent    une    odeur 
agréable ,  qu'on  attribue  mal-à-pro- 
pos  (  ainfi  que  le  prouve  M.   de 
Réaumur  )  aux  plantes  des  bois  & 
des    Jardins  où  l'on  fe   promené. 
Cette  imprelîîon  fî  douce  que  cette 
exhalaifon  fait  fur  l'odorat ,  chan- 
gera bien  de  nature  &  fera  tout  au- 
trement forte  ,  11  Ton  fe  couche 
fur  la  terre. 

Le  curieux  Académicien  a  voulu 
éprouver  s'il  feroit  polTible  d'ôtcr 
entièrement  à  la  terre  fon  odeur. 
Mais  après  avoir  arrofé  &  fait  fecher 
fucceflîvement  pluûeurs  petits  gâ- 
teaux de  terre  pendant  plus  de  1 5 
jours  ,  &  même  pluiieurs  fois  par 
jour,  il  n'a  pas  trouvé  moins  d'o- 
deur à  ces  gâteaux  après  la  dernière 
expérience  y  qu'ils  en  avoient  à  la 
première  ;  ce  qui  n'efl  pas  étonnant 
[  dit  l'Auteur  J  puifque  des  corps 
parfumés  de  mufc  en  confervent 
i'odeur  pendant  des  ficelés.  Il  tire 
encore  de-là  quelques  confcquen- 
ces  que  l'on  peut  lire  dans  fon  Me-, 
mpire. 


L.       17?   î-  22J 

VI.  Celui  dans  lequel  ce  même 
Académicien  expofe  la  Aîécham^de 
employée  par  divers  infeSles  pour  plier 
&  rouler  des  feuilles  de  plumes ,  mé- 
rite aufli  d'être  lu  en  entier,  comme 
on   fe  le  perfuadera  aifément  par 
l'idée  générale  que  nous  allons  en 
donner.  Rien  n'eft  plus  commun 
que  de  voir  dans  les  bois  &  dans  les 
Jardins ,  fur  plufieurs  fortes  d'ar- 
bres ,  &  principalement  fur  des 
chênes  ,    des    feuilles    courbées  , 
pliées ,   roulées ,  ramafTées  en  un 
paquet  informe  ,    &   maintenues 
dans  ces  différentes  fituations  par 
un  grand  nombre  de  fils.  On  fait 
de  plus  que  le  milieu  ou  la  cavité 
de  ces  feuilles  recelé  ordinairement 
une  chenille.   Mais  on  ignore  par 
quelle   méchanique  cet  infede  fe 
conftruit  un  pareil  domicile.  Pour 
s'en  inftruire  parfaitement ,  M.  de 
Réaumur  a  eu  l'induftrie  de  faire 
travailler  fous  fes  yeux  dans  fon 
Cabinet ,  quantité  de  chenilles  ti- 
rées de  leurs  rouleaux  &:  mifes  fur 
des  branches  de  chêne  fraîchement 
caffées   &  tranfplantées  dans    un 
grand  vafe  rempli  de  terre  humide. 
Voici  le  précis  de  fes  Obfervations. 
La  chenille  commence  fon   tra- 
vail ou    par  le  bout  même  de  là 
feuille,  ou  par  une  de  fes  dentelures 
latérales  ;  enforte  que  le  rouleau  , 
dans  le  premier  cas ,  fe  trouve  per- 
pendiculaire à  la  principale  nervu- 
re ,  &  lui  devient  parallèle  ou  in- 
cliné dans  le  fécond  ,  ayant  quel- 
quefois jufqu'à  5  &  é^  tours  en  fpira- 
le  autour  du  même  centre.  L'en- 
dreitde  préférence  où  fe  fixe  cet 
infede  fur  une  feuille ,  eft  toujours 
F  fi/ 


a24  JOURNAL   D 

celui  où  le  bord  de  cette  fenille 
paroît  un  peu  recourbé  en  defTous^ 
&  il  n'y  en  a  guéres  qui  n'offrent 
cette  commodité  à  la  chenille.  Cel- 
le-ci donc  favorablement  portée  ,  ù. 
met  à  produire  les  premiers  fils  , 
dont  la  tenfion  doit  augmenter  peu 
à  peu  la  courbure  naturelle  de  La 
feuille  &  la  contourner  infcnfible- 
ment  de  plus  en  plus.  Elle  les  file  Se 
par  les  mouvemens  alternatifs  de  fa 
tête  femblables  aux  vibrations  d'un 
Pendule  ,  elle  les  attache  à  deux 
endroits  oppofés.  Chacun  de  ces 
mouvemens  qui  font  très-vifs  Se  fe 
fuivent  fans  interruption  jufqu'au 
nombre  de  deux  à  trois  cens  ,  pro- 
duit un  fil  :  &  tous  ces  fils  rarfem- 
blcs  forment  une  efpece  de  lien. 
Ce  premier  étant  achevé  ,  la  che- 
nille en  commence  un  fécond  à  2 
ou  3  lignes  de  diftance  ;  puis  un 
troifiéme  &  autant  qu'il  en  faut 
pour  donner  à  la  feuille  fon  pre- 
mier contour.  A  celui  ci  elle  en  fait 
fucceder  un  fécond ,  en  appliquant 
à  la  teuilk  de  nouveaux  paquets  de 
fils  attachés  par  un  bout  à  un  en- 
droit de  la  feuille  plus  éloigné  du 
bord  ,  Se  par  l'autre  à  un  point  plus 
voifin  de  la  principale  nervure  :  Se 
telle  eft  en  gros  la  méchaniquc  par 
laquelle  chaque  rouleau  reçoit  fes 
divers  contours. 

Mais  (  dira  ton  )  des  fils  îî  dé- 
liés Se  filés  fuccclfivement  ont-ils 
alfez  de  tenfion  Se  de  force  pour 
approcher  l'une  de  l'autre  les  deux 
parties  de  Ja  feuille  ,  Se  pour  la 
courber  malgré  fon  reffort  ?  On 
n'en  doutera  pas  en  lifant  les  Ob- 
fcivations  de  M.  de  Réaiunur ,  qui 


ES   SÇAVANS; 

lui  ont  découvert  tout  l'artifice  de 
cette  méchaniquc.  Chaque  Jien  eft 
compofé  de  deux  plans  de  fils  qui 
fe  croifent  ,  Se  dont  le  fuperieut 
n'eft  filé  que  le  dernier  par  la  che- 
nille ,  qui  pour  ce  travail  appuyé 
tout  fon  corps  fur  le  plan  inférieur; 
enforte  que  c'efi:  proprement  le 
poids  de  cet  infede  fur  ce  plan  qui 
en  approche  les  extrémitez,  &  en 
même  tems  les  parties  de  la  feuille 
où  elles  font  collées  ,  lefquelles 
font  retenues  à  cette  moinare  di- 
ftance par  les  fils  du  plan  fuperieut 
que  file  aclucUemcnt  l'infeclc  ,  Se 
qui  font  plus  courts  que  ceux  du 
plan  inférieur  premièrement  filé. 
Celui<i  devient  inutile  pourla  fuite 
de  l'opération  ,  n'y  avant  ,  à  le 
bien  prendre  ,  que  les  liens  du  der- 
nier tour  qui  tiennent  tout  le  rou- 
leau en  état. 

L'Auteur  nous  fait  part  de  l'in- 
duilrie  de  la  chenille  à  s'applanit 
certaines  difficultez  qui  nailfent 
dans  le  cours  de  fon  travail  :  Se  c'eft 
fur  quoi ,  pour  abréger ,  nous  ren- 
voyons à  fon  Mémoire  Se  aux  figu- 
res qui  l'accompagnent. 

Du  refte  ,  cette  induftricufe  & 
laborieafe  chenille  f  dit  M.  de 
Réaumur)  n'eft  au  plus  que  d'une 
grandeur  médiocre  ,  d'un  gris  ar- 
doifé  ,  quelquefois  d'un  brun  ver- 
datre  ,  &  d'une  extrême  vivacité. 
Elle  vit  &  fe  nourrit  dans  h  feuille 
qu'elle  s'eft  roulée  ,  Se  tant  qu'elle 
y  trouve  une  pâture  fuflîfante  ;  &u» 
te  de  quoi  elle  en  fort  &  fe  fabrique 
un  autre  rouleau  moins  ferré  ,  par- 
ce qu'elle  eft  devenue  plus  groflc.^ 
Elle  y  fubit  enfin  les  diveifesméca^ 


A  V  R  I 

morpliofes  ordinaires  à  ces  fortes 
d'infeâies  -,  c'cft-à-dire  ,  qu'elle  y 
devient  Chryfdide  ,  puis  Papillon  : 
&  CCS  Papillons  s'accouplent  à  la 
manière  des  Hannetons. 

L'Académicien  nous  parle,  après 
cela ,  d'autres  chenilles ,  qui  fe  con- 
tentent de  plier  les  feuilles  ,  fans 
les  rouler  ,  ou  qui  ne  font  que  les 
courber.  Ces  flteufes  font  en  plus 
grand  nombre  que  les  ronlenfes  ; 
leurs  ouvrages  font  plus  fîmples  , 
mais  ils  ne  lai/Tent  pas  d'exiger  une 
forte  d'induftrie.  L'Auteur  en  dé- 
crit ici  la  manœuvre  ,  qui  revient 
pour  le  forvds  à  celle  que  nous  ve- 
nons d'expofer.  Il  faut  en  voir 
les  circonftances  particulières  dans 
fon  Ecrit  ,  compofc  comme  tous 
fes  autres  Mémoires  ,  d'une  ma- 
nière propre  à  piquer  la  curiofi- 
té  du  Lecteur  &:  à  la  fatistake  en 
même  tems. 

Les  articles  à.'Anatomie  font  au 
nombre  de  quatre ,  dans  ce  Volu- 
me ,  fans  compter  celui  des  diverfes 
Ohfervations.  Le  premier  qui  paroîc 
dans  l'Hiûoireeft  le  précis  de  deux 
Mémoires  de  M.  Petit  le  Médecin, 
imprimés  en  entier  ,  l'un  fur  le 
Cryftalim  de  fœil  de  rhomme  ,  des 
animaux  à  cjiwitre  pieds  ,  des  oifeanx 
^  des  foijfnns  :  l'autre  fur  la  capfule 
du  Cryftalim  :  le  fécond  article  eîl 
rObfervation  de  M.  Morand  fur 
une  altération  fnguliere  du  Cryftal- 
lin  &  de  l'humeur  vitréeih  troifirme 
cft  l'Ecrit  de  M.  iVinJlow  fur  les 
mouvemens  de  la  tête ,  du  col ,  &  du 
rejïede  l'épine  du  dos  :  le  quatrième 
eft  celui  de  M.  Hunauld  fur  les  os 
du  crâne  de  l'homme.  Ces  trois  dcr- 


t  ï    »  7  ?  î-  22^ 

nicrs  articles  font  abfolument  ren- 
voyés aux  Mémoires.  Nous  dirons 
quelque  chofe  du  premier  &  du 
dernier. 

L  M.  Petit  qui  s'efl:  charge  d'exa- 
miner l'œil  avec  l'exaclitude  la  pluS 
fcrupuleufc  ,  a  pouffé  fort  loin  fes 
recherches  fur  ce  qui  concerne  le 
Cryftallin ,  fi  necelfaire  pour  per- 
fedionner  la  vifion  ,  &  où  la  plu- 
part des  Oculiftes  ctabliffent  le  fié- 
ge  de  la  catarade.  Il  n'a  pas  borne 
fon  examen  aux  feuls  Cryftallins 
humains  de  tout  âge.  Il  l'a  étendu 
fur  lesCryftallins  de  tous  les  ani- 
maux ,  dont  il  a  pu  dilTcquer  les 
yeux  :  &  il  en  indique  la  figure,  les 
dimenfions ,  le  poids  ,  la  confiftan- 
ce  &  la  couleur. 

Les  Serpens  &  les  Poiflons  ont  k 
Cryftallin  prefque  fphcriquc.  Tous 
les  autres  animaux  anatomifés  paît 
l'Académicien  ,  ont  le  Cryftallin 
lenticulaire  ou  formé  de  deux  feg- 
mens  de  fphércs  très-rarement  éga- 
les ,  &  dont  la  plus  grande  fait 
d'ordinaire  le  fegment  de  la  furfacc 
extérieure  du  Cryftallin,  laquelle 
eft  moins  convexe  que  la  pofterieu- 
re  ,  &  fait  de  moindres  rcfradions. 
Il  faut  admirer  la  patience  qu'a 
dû  avoir  M.  Petit  pour  mefurer 
exadement  tous  les  Cryftallins 
qu'il  a  pu  recouvrer  ,  c'eft  à- dire 
pour  en  prendre  les  dimenfions  , 
foit  en  largeur ,  foit  en  épaifieur  , 
&c  pour  en  déterminer  les  poids  au 
plus  jufte  i  puis  pour  en  dreflcï 
deux  tables ,  dont  la  première  con- 
tient ce  détail  pour  16  Cryftallins 
humains  de  dinerens  âges ,  &  la  fé- 
conde l'offre  pour  36  Cryftallins  de 


^26       JOURNAL     DE 

bœufs ,  qu'il  eft  plus  facile  d'avoir 
en  grand  nombre. 

La  pefantcur  du  Cryftallin  hu- 
main va  depuis  celle  d'un  grainSc 
demi  jufqu'à  celle  de  4  -^  ,  rarement 
de  5-  Lapcfanteur  duCryftallin  de 
bœuf  a  fes  varierez  depuis  38  grains 
jufqu'à  5^.  M.  Petit ,  indépendam- 
ment de  fes  Tables ,  nous  commu- 
nique fur  des  Cryftallins  d'animaux 
de  diverfes  efpeces  beaucoup  d'ob- 
fervations  de  même  genre. 

Il  en  fait  quantité  d'autres  fur 
la  contîftcnce  ou  la  fermeté  de  cette 
partie  ,  lefquellcs  on  peut  voir 
chez  lui  j  &  il  prétend  que  cette 
qualité  n'influe  pas  moins  dans  la 
pefanteur  des  Cryftallins  que  leur 
grolfeur  même. 

On  fiit  que  le  Cryftallin  hu- 
main reçoit  avec  le  tcms  quelque 
déchet  dans  fa  convexité  :  mais 
une  propriété  moins  connue  &  qui 
cft  particulière  à  ce  feul  Cryftallin, 
(  du  moins  à  fe  renfermer  dans 
ceux  que  le  curieux  Académicien  a. 
examinés  )  c'eft  qu'il  change  de 
couleur  :  n'en  ayant  aucune  depuis 
la  nailTance  jufqu'à  25  ans  i  après 
quoi  il  jaunit  légèrement  dans  fon 
centre  ,  Se  cette  couleur  devenant 
toujours  plus  foncée  ,  gagne  peu  à 
peu  la  eircontérence.  M.  Petit  a  vu 
les  deux  Cryflallins  d'un  homme 
de  81  an,  Icfquelsétoient  tout  fem- 
blables  à  deux  morceaux  d'un  bel 
ambre  jaune.  Il  a  remarqué  aulTi  que 
plus  les  CryftalUns  font  fermes, 
plus  ils  jauniffent. 

Il  a  obfcrvé  de  plus  que  les  Cry- 
ftallins  fechés  à  l'air  pendant  un 
certain  tem;  ,   perdent  beaucoup 


S     SÇAVANS, 

de  leur  poids  &  de  leur  matière  en 
confequence  ;  ne  confcrvant  que 
celle  qui  cft;  la  plus  fohde ,  &  qui 
cfl:  tranfparcntc  (  félon  l'Académi- 
cien. )  Elle  devient  opaque  après 
l'évaporation  de  l'autre  ,  parce  que 
celle-là  étoit  comme  un  intermède, 
qui  tcnoit  dans  une  pofirion  conve- 
nable par  rapport  aux  rayons  de 
lumière ,  les  petites  lames  tranfpa- 
rentcs ,  qui  faute  de  ce  fecours  s'af- 
faiflent  les  unes  fur  les  autres  ,  5c 
n'ont  pas  plus  de  tranfparence  que 
du  verre  pilé. 

M.  Petit  confirme  par  le  moyen 
du  Scalpel  &  des  dirfblutions  chi- 
miques ,  l'idée  commune  où  l'on 
cft  que  le  Cryftallin  n'eft  que  l'af- 
femblage  de  plufieurs  couches  ou 
enveloppes  fibreufcs  &c  concentri- 
ques ,  mifes  les  unes  fur  les  autres. 
Il  faut ,  fur  tous  ces  poinK ,  conful- 
ter  l'Académicien  même. 

Il  refulte  du  Mémoire  de  M.  Petit 
{atla  capfule  du  C-ryfldlin^  1°.  Que 
cette  membrane  niée  ou  révoquée 
en  doute  par  d'habiles  Anatomiftes, 
exifte  dans  l'homme  ,  &  n'y  eft 
guéres  moins  fine  qu'une  toile  d'a- 
raignée ;  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'on  ne  puilTe  l'y  démontrer,  mê- 
me uns  injedion ,  quoiqu'à  la  ri- 
gueur elle  puifte  être  injedée  ,  mê- 
i'^  ;  naturellement  ,  lorfqu'elle 
s'enflamme  :  2°.  Qu'elle  rend  le 
CryftaUin  ,  dont  elle  eft  l'envelop- 
pe, moins  diaphane  antérieurement 
que  pofterieurcment  :  3°.  Qii'ellc 
reçoit  pluficurs  vailfcaux  lympha- 
tiques ,  du  ligament  ciliaire  qui  s'y 
attache  antcrianement  par  des  fi- 
bres ^  &  qu'elle  fc  nourrit  de  cette 


A  V  RI 

'ymphe  ,  dont  une  partie  s'épanche 
entre  cette  capfule  &  le  Cryftallin  : 
4°.  Qu'elle  eft  toujours  tranfparen- 
te  dans  l'homme  &  dans  les  ani- 
maux ,  même  dans  des  yeux  à  cata- 
ractes ,  qu'elle  confcrve  cette  tranf- 
parence  dans  l'eau  bouillante  ,  dans 
icsefprits  acides ,  dans  les  folutions 
de  plufieurs  fortes  de  fels ,  &c.  où 
la  cornée ,  la  membrane  hyaloïdc 
&  lesCryftallins  perdent  la  leur, 
&  qu'elle   ne  perd  la  fienne  que 
dansl'efprit  de  nitre  :  5°.  Qu'elle 
n'eft  liée  par  aucuns  vaiiïeaux  avec 
le   Cryftallin  qui   ne  fe  nourrit, 
qu'en  s'imbibant  de  cette  lymphe 
épanchée  dont  on  vient  de  parler,& 
dont  peut-être  elle  ne  prend  que  la 
portion  la  plus  féreufe  ,  laiflant  ex- 
térieurement la  plus  gluante  ,   qui 
devient  enfuite  pour  un  tems  la  pre- 
mière &  la  plus  grande  couche  du 
Cryftallin  ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit 
recouverte  par  une  autre  :  6°.  Qua 
cette  liqueur  dans  l'homme  eft  dé- 
pofée  en  fi  petite  quantité  entre  la 
capfule  &  le  Cryftallin  ,  qu'elle  n'y 
eft  fufceptible  d'aucunes  expérien- 
ces ,  à  moins  qu'on  ne  pût  difpofcr 
de  18  ou  20  yeux  à  la  tois,  ce  qui 
n'eft  pas  facile  ;  &  que  l'Académi- 
cien en  a  fait  plufieurs  fur  la  lym- 
phe Cryftalline  des  bœufs  ,  d'où  il 
n'a  pu  jufqu'ici  rien   conclure  de 
bien  décifif  :  7°.  Que  cette  capfule 
épaiflîe  ,  mais  non  dans  fa  propre 
fubftance ,   a  été  prife  fauffemenc 
pour  une  Catarad:e  membraneufe  , 
au  lieu  que  ce  n'étoit  que  le  Cry- 
ftallin même  delfeché  &  collé  à  fa 
capfule  ,  dont  il  n'étoit  plus  féparé 
par  la  lymphe ,  5c  que  l'opacité  de 


cette  capfule  ne  lui  vient  alors  que 
de  quelques  particules  étrangères 
empruntées  du  Cryftallin  ,  lefquel- 
les  enlevées  une  fois  avec  un  peu 
d'eau ,  lui  rendent  toute  fa  tranf- 
parence. 

IV.  Qui  croiroit  que  les  os  du 
crâne  humain  examinés  avec  tant 
de  foin  quant  à  leur  ftru6lure  &  à 
leur  aftemblage ,  par  les  plus  habi- 
les Anatomiftes  ,  puflent  encore 
donner  lieu  à  de  nouvelles  refle- 
xions ,  échappées  aux  plus  curieux 
Obfervatcurs  en  ce  genre  ?  C'eft 
pourtant  de  quoi  fourniftent  des 
preuves  convanicantes  les  recher- 
ches anatomiques  dont  M-Hunanld 
nous  fait  part  dans  fon  Mémoire. 
On  s'étoit  perfuadé  ,  fur  la  foi  de 
F'éjale ,  A'Euflachi ,  de  Fallope  ,  de 
Spigel ,  &c.  que  les  dents  qui  for- 
ment les  futures  ou  l'union  des  os 
coronal ,  pariétaux  &  occipital  enr 
tr'eux  ,  ne  paroi ftbient  qu'à  la  ta» 
ble  externe  &c  au  diploé  de  ces  mê- 
mes os  ,  &  qu'il  n'y  avoit  aucune 
dentelure  à  leur  table  interne.  Ce- 
pendant c'eft  un  fait  qui  foufFre  dc 
grandes  exceptions  ,  puifque  l'ex- 
trême jeunefie  des  fujcts  rend  très- 
vifible  cette  dentelure  de  la  furfacc 
concave  du  crâne  ;  que  dans  ces 
mêmes  fujets  plus  avancés  en  âge , 
ces  futures  intérieures  perdent  peu 
à  peu  les  dents  qui  les  compo- 
foient ,  ne  laiftant  plus  appcrcevoir 
que  de  fimples  lignes  plus  ou 
moins  irrégulieres  ■■,  èc  qu'enfin  , 
dans  la  vieillefle,  ces  lignes  mêmes 
s'effacent  totalement.  Quelle  peut 
être  la  caufe  d'une  telle  variété  î 
L'ingénieux    Académicien    h 


2a8  JOURNAL    D 

trouve  dans  h  comparaifon  qu'il 
fait  de  la  ftrudurc  du  crâne  avec 
celle  d'une  voûte.  On  fait  que  plus 
une  voûte  a  d'épaiflcur ,  plus  l'éten- 
due de  fa  furface  convexe  l'emporte 
fur  celle  de  fa  furface  concave;  d'où 
il  fuit  que  les  pièces  qui  la  compo- 
fent  ,  doivent  ,  pour  s'appliquer 
exactement  les  unes  à  côté  des  au- 
tres ,  être  taillées  obliquement  :  &c 
CB  fuppofant  que  toutes  ces  pièces 
faffent  un  effort  égal  pour  s'accroî- 
tre fuivant  toutes  les  dimenfions , 
leur  prelfion  réciproque  fera  plus 
forte  vers  la  furface  concave  ,  que 
vers  la  convexe.  Le  crâne ,  dans  les 
enfans ,  eft  une  voûte  fi  mince,  que 
l'obliquité  dans  la  taille  des  pièces 
ofleufes  qui  la  compofcnt  doit  être 
prefque  imperceptible.  Auffi  les 
dents  gravées  dans  toute  l'épaif- 
feur  de  ces  pièces  ,  font-elles  aulîi 
longues  a  la  furface  interne  qu'à 
l'externe  ; 

Dans  le  progrès  de  l'âge  ,  cette 
voûte  olTeufe  acquérant  plus  d'é- 
paiffeur  ,  &  toutes  fes  pièces  par 
leur  accroilTcment  uniforme  fe 
preflant  réciproquement  de  plus  en 
plus  :  elles  doivent  prendre  une 
obliquité  proportionnée  à  l'inégali- 
té d'étendue  entre  la  furface  externe 
&  l'interne  ;  c'eft-à-dire  ,  que  les 
dents  de  la  table  interne  doivent 
infenfiblement  devenir  plus  courtes 
que  celles  de  la  table  externe ,  & 
qu'il  en  doit  être  de  même  des 
échancrures  ,  où  s'engrainent  ces 
dents. 

Mais  dans  la  fuite  cette  preffion 
mutuelle  continuant  toujours ,  fait 
enfin  difparoîtte  enticremcjit  de  la 


ES    SÇAVANS, 

lurface  interne  du  cranc  les  futures 
qu'on  y  remarquoit  auparavant ,  &C 
c'eft  à  quoi  contribuent  ces  deux 
caufes-ci  :  i".  La  pointe  des  dents 
de  la  table  interne  ,  qui  fe  relevant 
vers  le  diploé  ,  forme  un  talus  Sc 
celle  de  paroîtrc  audedans  du  crâ- 
ne :  1°.  La  table  interne  qui  s'avan- 
çant  du  tond  de  chaque  echancrure 
fur  le  talus  de  la  dent  oppofée  ,  di- 
minue la  longueur  des  dents  du 
côté  de  leurs  racines.  Ce  méchanif- 
me  fe  juftifie  par  l'infpedion  des  08 
du  crâne  féparés  les  uns  des  autres  , 
puis  rejoints  exaiftement  enfemble. 

M.  Hunauld  rend  raifon ,  &  dér 
montre  même  par  des  figures  ," 
pourquoi  la  pointe  des  dents  qui 
appartient  à  la  table  interne  ,  fc 
porte  vers  le  diploé ,  &  non  pas  vers 
le  dedans  du  crâne  -,  pourquoi  la 
partie  de  la  dent  qui  tient  à  la  table 
externe  ,  ne  fe  refléchit  point  à 
l'extérieur  du  crâne  ;  &c  d'où  vient 
la  longueur  des  pointes  ofTeufes  en- 
gagées dans  le  diploé.  Nous  ren- 
voyons fur  ces  trois  points  au  Mé- 
moire même ,  ainfi  que  fur  ce  qu'il 
faut  pcnfer  touchant  l'utilité  des 
futures  par  rapport  à  l'affermilTe- 
ment  des  os ,  &  touchant  la  maniè- 
re dont  par  fucceffion  de  tems  les 
différentes  pièces  de  la  calotte  du 
crâne  s'unifient  enfemble  Se  fe  fou- 
dent  au  point  qu'elles  ne  font  la 
plupart  qu'une  feule  pièce. 

L'Auteur  pafle  de  l'examen  des 
futures  vrayes  ou  dentelées  à  celui 
des  futures  faullcs  ou  écailleufes  , 
dans  Icfquelles  ,  de  deux  os  taillés 
en  bizcau  ,  le  bord  de  l'un  eft  appli- 
qué fur  le  bord  de  l'autre.  Comme 
les 


A  V  R  I 

îcs  raifons  que  les  Anatomiftes  ont 
alléguées  de  la  différence  entre  ces 
jdeux  fortes  de  futures  ,  paroifTent 
peu  fatistaifintes  ;  M-  Hunauld  en 
propofe  une  qui  lui  femblc  mieux 
fondée.  Il  l'établit  fur  ce  principe, 
■Qiï'un  fardeau  appuyé  fur  une  voil- 
te  ou  le  poids  feul  de  la  voûte  ten- 
dant à  déjetter  en  dehors  les  murs 
ou  les  piliers  qui  la  foûtiennent ,  ce 
ji'efl  que  par  une  refiftance  placée 
au  dehors  de  la  voûte  qu'on  peut 
s'oppofcr  à  cet  effort  '-,  &  c'eft  à 
jquoi  fervent  les  murs-boutans  & 
les  arcs-boutans.  Or  c'eft  précifé- 
ment  à  l'écartcment  en  dehors  des 
extrémitez  inférieures  des  os  parié- 
taux que  s'oppofent  les  temporaux 
appliqués  par  leur  bizeau  extérieu- 
rement ,  où  ils  font  l'office  de  vrais 
murs-boutans  :  ce  que  n'opérerait 
pas  également  une  future  dentelée 
qui  unircit  ces  mêmes  os.  Elle  rcfi- 
fteroit  feulement  à  une  comprcflîon 
faite  fur  la  partie  latérale  de  la  tête  ; 
mais  elle  n'empêcheroit  en  nulle 
façon  l'écartement  en  dehors  caufé 
par  un  fardeau  que  le  fommct  de 
la  tête  auroit  à  foûtenir  :  au 
lieu  qu'elle  fuffit  pour  s'oppofer  à 
l'enfoncement  du  bord  fupcrieur 
des  pariétaux  ,  comme  on  lapper- 
<;oit  dans  la  future  fagittale.  Cette 
îTicchanique  fournit  [  comme  l'on 
voit  ]  une  réponfe  très-facile  â  la 
queftion-propofée  comme  très-em- 
barraffante  par  divers  Anatomifleî, 
favoir  pourquoi  la  portion  écailleu- 
fe  des  temporaux  recouvre  en  de- 
hors celle  des  pariétaux,  au  lieu 
d'en  être  recouverte  elle-même  î 
Mais  cette  flrudure  fi  propre  à 


L  .    17??'  22^ 

s'oppofer  au  déjettement  des  parié- 
taux en  dehors ,  ne  fait  nul  obflaclc 
.à  leur  enfoncement  en  dedans  par 
leur  partie  inférieure  ,  ni  à  leur  dé- 
jettement en  dehors  parleur  partie 
fuperieure.  L'Auteur  indique  par 
quelle  forte  d'alfemblage  des  os  pa- 
riétaux avec  le  coronal  &  avec  l'os 
des  tempes  ,  les  premiers  peuvent 
refîller  à  l'effort  dont  on  vient  de 
parler.  A  propos  de  quoi  il  obferve 
que  la  coupe  des  os  n'eft  pas  tou- 
jours perpendiculaire  à  l'os  ;  que  le 
bord  d'un  os  a  fouvent  deux  coupes, 
en  forte  que  s'uniffant  avecfon  voi- 
fîn  en  deux  fens  difîerens ,  il  le  foù- 
tient  &  en  cft  foùtenu  ;  que  ces 
coupes  font  plus  ou  moins  obli- 
ques ,  par  rapport  au  corps  de  l'os  ^ 
éc  que  cette  double  coupe,  de  la 
plupart  des  os  du  crâne  femblc 
avoir  échappé  aulli-bien  que  fes  ef- 
fets aux  Obfervations  des  Anatomi- 
ftes. 

M.  Hunauld  ,  dans  l'Obfervi- 
tion  fuivante  ,  travaille  à  détruire 
le  préjugé  qui  fait  regarder  tous  les 
os  du  crâne  comme  des  pièces  unies 
entre  elles  feulement  par  la  diffé- 
rente configuration  de  leurs  bords 
qui  s'ajuftent  mutuellement  enfcm- 
ble.  Il  prétend  qu'originairement 
le  crâne  entier  ne  fait  qu'une  feule 
pièce  ,  continue  &  fans  aucune  in- 
terruption -,  que  cette  pièce  unique 
n'eft  d'abord  que  membraneufe ,  Sc 
que  cette  membrane  fe  cransformc 
peu  à-pcu  en  os  ;  que  cette  olTifica- 
tion  commence  à  même  tems  en 
divers  endroits  de  cette  membra- 
ne ,  s'étendant  à  la  ronde  par  des 
lignes   qui   partent  comme  d'ua 


a3o  JOURNAL    D 

centre ,  &:  qu'infcniiblemcnt  toutes 
ces  portions  mcmbiancufes  ofTi- 
fiées  fc  rencontrent  Se  s'unifTcnt 
plus  ou  moins  intimement  par 
leurs  bords ,  mais  en  telle  manière 
qu'il  rcfte  entre  ces  bords  unis  une 
portion  de  cette  membrane  primi- 
tive ,  qui  ne  s'ollîfie  guéres  que 
dans  l'extrême  vieillelTc.  M.  Hu- 
nauld  s'eft  alTuré  de  cette  confor- 
mation du  crâne  humain  ,  par 
l'infpeclion  de  cette  partie  dans  la 
tête  de  pluheurs  cntans  morts  d'hy- 
drocéphale ,  de  par  celle  de  plu- 
fieurs  fœtus  examinés  à  differens 
termes. 

Nous  renvoyons  à  fon  Mémoi- 
re pour  ce  détail ,  de  même  que 
pour  celui  des  trois  derniers  arti- 
cles qui  s'y  trouvent ,  &  qui  rou- 
lent 1°.  fur  les  fibres  oiTcufes  du 
crâne  de  divers  fœius  compofées  de 
petites  lames  ou  écailles  appliquées 
les  unes  fur  les  autres  -,  z".  Sur  la 
différence  qui  fe  rencontre  prefquc 
toujours  entre  les  deux  trous  par 
où  les  ju;ul  aires  communiquent 
avec  les  lînus  latéraux  ,  ainlî  qu'en- 
tre les  folTcs  où  cft  lot^éc  la  tête  des 
mêmes  jugulaires  :  différence  ,  nul- 
lement obfervée  par  les  Anatomi- 
ftes  (  dit  l'Auteur)  quoiqu'elle  ti- 
re à  confequence  pour  le  choix  de 
la  jugulaire ,  dans  la  faignée  faite  à 
cette  veine  :  3*'  Sur  les  deux  cor- 
nets inférieurs  ou  les  lames  fpon- 
gieufes  inférieures  du  nez  ,  qui  ne 
doivent  point  être  confiderécs  com- 
me des  os  particuliers  ,  mais  com- 
me des  portions  de  l'os  ethmoïde. 

Les  diverjes  Obfervations  Anato- 
Vii^nes  font  ici  au  nombre  de  huit. 


ES   SÇAVANS; 

La  première  due  à  M.  Morand  j 
concerne  un  rein  unique  trouvé  à 
l'ouverture  du  cr.davre  d'un  Suiffc,, 
&  formé  de  h  jonclion  des  deux 
reins ,  fclon  les  apparences.  La  fé- 
conde envoyée  de  Mont{xllier  à 
l'Académie  par  M.  Sonllier  Chirur- 
gien ,  contient  la  relation  du  panfc- 
ment  d'un  abfcès  au  foyc  ouvert 
dans  un  fujct  âgé  de  13  à  14  ans, 
abfcès  cicatrifé  en  très-peu  de  tems, 
après  avoir  rendu  une  matière  fan- 
guinolcnte  très  épaiffc,  quelquefois 
jaunâtre  ,  amcre  &  inflammable  , 
qui  étoit  de  véritable  bile  ,  &  tou- 
jours des  floccons  de  la  p  oprefub- 
ftancc  du  foye  ,  où  l'on  pouvoit 
appercevoir  de  petits  bouts  de  vaif- 
féaux  foit  finguins ,  foit  biliaires. 
Une  fingularité  de  cette  Obferva- 
tion  efl:  l'amertume  de  la  bile  dans 
les  vailfeaux  du  foye  ,  où  elle  eft 
naturellement  infipide  ;  ce  qui  ne 
peut  être  attribue  qu'au  fcioui 
qu'elle  y  faifoit ,  &  qui  lui  donnoit 
cette  amertume  ,  qu'elle  ne  prend 
ordinairement  que  par  fon  féjour 
dans  la  véficule  du  hcl.  Dans  la 
troidéme  obfervation  communi- 
quée par  M.  du  Fay  ^  il  s'agit  d'un 
homme  de  1%  ans  mort  à  Breft  d'u- 
ne douleur  de  poitrine  accompa- 
gnée d'opprclfion ,  d'un  vomiffe- 
ment  &  d'une  pefanteur  au  bas- 
ventre  ;  5c  dans  lequel  on  trouva 
non  feulement  les  poumons  flétris^ 
la  plèvre  très-enflammée  ,  les  inte- 
Itins  gangrenés  ,  la  veflîe  vuide  & 
racornie  j  mais  (  ce  qui  efl:  fort  ex- 
traordinaire ,  dans  un  iujet  qui  n'a- 
voit  jamais  rendu  de  fable  ,  ni  ref- 
fenci  aucune  doukm  uéphiétique  , 


A  V  R  I 

«i  eiî  de  fuppreflîon  d'urine  )  on  lui 
trouva  le  rein  droit  exceffivement 
gros  ,  devenu  cartilagineux  ,  & 
renfermant  une  pierre  du  poids  de 
fix  onces  -^  d'où  partoient  quantité 
de  branches  d'une  figure  irrégulie- 
re  ,  formées  de  l'aiTemblage  de 
graviers  entaiTés  &c  enveloppés  d'u- 
ne lame  olTeufe  ,  tirant  fur  la  cou- 
leur d'un  corail  blanc.  Quant  au 
rein  gauche  ,  dénué  de  toute  fa 
fubftance ,  il  n'avoit  fes  cellules 
remplies  que  d'une  liqueur  verdâ- 
tre.  La  quatrième  Obfervation  , 
due  à  M.  Geoffroy  ,  fait  mention 
d'un  Charpentier  du  port  de  l'O- 
rient ,  âgé  de  84  ans,  à  qui  dans  le 
.cours  de  deux  années  il  étoit  forti  4 
dents  ,  2  incifives  ?<.  i  canines. 
Dans  la  cinquième  ,  communi- 
quée à  M.  de  Adairan  par  M.  Bouil- 
let ,  Secrétaire  de  l'Académie  de 
Béziers ,  il  efl:  queftion  de  quanti- 
té de  vers  ronds  &  longs  ,  rendus 
par  des  perfonnes  de  tout  âge  ,  de 


tout  fexe  ,  de  tout  tempérament 
même  quelquefois  par  la  bouche 
pendant  l'année  1730  ,  dont  la 
grande  douceur  de  l'hiver  a  voit  pu 
occafionner  cette  abondante  géné- 
ration de  vers.  La  ilxiéme  Obfer- 
vation ,  encore  de  M.  Bottillet^  rou- 
le fur  un  foye  de  Coq  pefant  un 
peu  plus  d'une  livre  -,  la  feptiéme  , 
(  de  M.  Garfm  Chirurgien  )  fur  un 
ver  attaché  fortement  dans  l'eilo- 
mac  d'une  Bonite  (  forte  de  poilTon 
marin  )  &  dont  on  voit  ici  la  figu- 
re &  l'exade  defcription  ;  la  hui- 
tième fur  differens  bandages  ima- 
ginés ingénieufement  par  M.  Sor- 
haiz.  (  Chirurgien  des  AmbalTa- 
deurs  d'Efpagne  )  pour  les  différen- 
tes fortes  de  defcentes  ,  pour  les 
incontinences  d'urine, pour  la  com- 
prellïon  de  l'artère  crurale,  &c. 

Nous  renvoyons  à  un  autre 
Journal  les  Articles  concernant 
la  Chimie  ,  la  Botanique  &  les  Ma- 
thématiques. 


LA  BIBLIOTHEQVE    DES    ENFANS  ,    OU    LES 

vremiers  FAémens  des  Lettres ,  contenant  le  Syflême  du  Bureau  Typogra- 
phique ,  a  l'uftge  de  Monfeigneur  le  Dauphin  ^  &  de  Mejfeigncurs  les 
Enfans  de  France.  A  Paris ,  chez  Pierre  Simon  ,  rue  de  la  Harpe.  1732. 
»«-4°.  pp.  120. 


CE  Livre  a  pour  frontifpice 
une  planche  où  l'on  a  repre- 
fenté  le  Bureau  Typographique  , 
pour  en  faire  d'abord  connoître  Fx 
la  forme  &  l'ufage  aux  perfonnes 
qui  n'en  ont  point  d'idée  \  &  com- 
me ce  Bureau  a  l'avantage  d'être 
employé  à  l'inftrudion  des  Enfans 
de  France ,  l'Auteur  en  a  prisocca- 
fîon  de  dédier  fon  Ouvrage  à  Mon- 


feigneur le  Dauphin. 

Le  principal  objet  de  cette  Mé- 
thode étant  de  trouver  dans  la 
vraye  &  jufte  dénomination  des 
Lettres  un  principe  fur  &  facile 
pour  apprendre  aux  Enfans  à  épe- 
ier ,  &  à  lire  couramment ,  l'Au- 
teur ofe  avancer  fans  crainte  de  paf- 
fer  pour  téméraire  ,  que  les  Hé- 
breux ,  les  Grecs ,  les  Latins  SiC 


2J2         JOURNAL    D 

tous  les  peuples  connus  ont  mal 
choifi  la  dcnomination  des  lettres 
à  cet  éçard.  Pour  cnfcigner  à  lire  , 
il  faut  faire  remarquer  deux  chofes 
à  l'Enfant ,  i°.  La  figure  &  2°.  Le 
fou  ou  la  valeur  des  lettres.  On 
doit  donc  en  montrer  la  figure  aux 
yeux  ,  &  en  faire  fcntir  le  fon  à  l'o- 
reille -,  or  c'eft  à  quoi  ne  peut  fervir 
l'ancienne  dénomination  des  lettres 
de  toutes  les  Langues  mortes  5c  vi- 
vantes. 

L'Auteur  convient  qu'il  cft  in- 
diffèrent &  arbitraire  de  prendre 
un  tel  mot  pour  défigner  un  tel  ob- 
jet ,  Si  qu'on  a  pu  donner  aux  let- 
tres le  nom  qu'on  a  voulu,  pour  les 
indiquer  aux  yeux  ■■,  mais  il  loiitient 
qu'il  n'ell  pas  également  vrai  que 
le  nom  des  lettres  foit  arbitraire  , 
pour  en  donner  le  fon  &:  la  valeur 
à  l'oreille.  Le  nom  i^che  .par  exem- 
ple ,  peut  bien  indiquer  aux  yeux 
la  figure  H  ,  mais  ce  nom  n'en 
donnera  jamais  le  fon  ,  ni  la  valeur 
à  rqreille. 

Nous  avons ,  dit-il ,  fecoiié  Is 
joug  des  anciens  pour  la  dénomina- 
tion des  voyelles  :  quand  &  pour- 
quoi ;  c'eft  une  queftion.  Mais  d'où 
vient  que  la  méthode  vulgaire 
ayant  ofé  nommer  d'un  feul  fon  les 
vovelles  <t  ^e  ,  i  ,0  ^it  ^  malf;ré  les 
noms  refpedables  à'aleph  &  A'al- 
fha  j  on  a  néanmoins  continué 
d'exprimer  inutilement  avec  deux 
fyllabes  le  nom  de  certaines  lettres j 
^  qu'on  n'a  pas  enfuitc  également 
vi^i  la  necelllté  de  reformer  la  déno- 
mination de  certaines  confonnes  , 
pour  les  réduire  autant  qu'il  eft 
polîîble  à  leur  jufte  &  fimple  va- 


es  sçavans, 

leur  :  ne  dit-on  pas  tous  les  jours 
que  la  nature  de  la  vovcUc  confiftc 
à  pouvoir  être  prononcée  fans  le  fe- 
cours  d'aucune  autre  lettre  ?  C'eft 
apparemment  l'évidence  de  cette 
vérité  qui  a  fait  rcjetter  ce  qu'il  y 
avoir  de  fuperflu  dans  l'ancienne 
dénomination  des  voyelles.  On  dit 
aulfi ,  il  eft  vrai ,  que  la  confonnc 
ne  peut  fc  faire  entendre  que  par  le 
moyen  d'une  voyelle  auxiliaire. 
Mais  s'cnfuit-il  pour  cela  qu'il  faille 
emprunter  plufieurs  voyelles  5C 
plulicurs  confonnes  ,  pour  donnée 
à  un  petit  enfant  l'idée  de  la  valeur 
d'une  limple  confonne  ?  &  quel 
rapport  y  a-t-il  de  la  iîmple  afpira- 
tion  de  la  figure  H  au  mot  ach;  qui 
en  eft  la  dénomination  ?  On  con- 
vient bien  que  l'ufage  l'emporte  fur 
la  raifon  ;  mais  peu  de  gens  refle- 
chillent  fur  la  caufe  qui  en  eft  h. 
principe. 

On  trouve  après  l'Epître  Dédi- 
catoire  un  paflTage  d^  S.  Jérôme  qui 
paroît  fait  exprès  pour  relever  les 
avantages  di>  Bureau  <S:  de  la  mé- 
thode Tvpographique  ,  &  dans  un 
Avertiflcmcnt  Préliminaire  l'Au- 
teur donne  un  échantillon^  àe  ce 
qu'il  appelle  l'ortographe  yajpigere 
des  fons  &  des  oreilles ,  en  atten- 
dant l'ortographe  permanente  de 
l'ufage  &:  des  yeux  ,  &  dans  la  Pré- 
face j  il  tâche  de  taire  voir  de  quel- 
le importance  il  eft  de  bien  com- 
mencer la  première  démarche  dans 
les  Sciences,  qui  eftdefâvoir  lire. 
Il  trouve  i".  qu'on  met  en  général 
Icsenfans  trop  tard  a.\'a  b  c  ^  Sc 
qu'on  a  tort  de  ne  pas  mieux  pro- 
fiter des  premières  années  de  l'en^ 


A  V  R  I 

fance  ",  que  la  perte  d'un  teins  fi 
propre  à  l'inftruClion  ,  &  le  défaut 
des  anciennes  méthodes  font  la 
caufe  du  dégoût  &  du  peu  de  pro- 
grès des  enrans ,  qu'on  ne  fçauroit 
trop-tôt  les  tamiliarifer  avec  les 
premières  notions  des  Sciences  & 
desArts.  2°.  Il  foûtient  qu'on  man- 
que de  Livres  &c  d'inllrumcns  pro- 
pres pour  montrer  à  un  enfant  les 
premiers  élémens  des  Lettres.  Le 
Volume  des  Alphabets  ordinaires 
eft  trop  périt  ,  &  d'un  caradcrc 
troo  menu  :  chaque  page  eu:  un 
épouventail  pour  l'enfant  ,  &  la 
multitude  des  caraderes  ne  fçau- 
roit manquer  de  produire  de  la 
confufion  ,  au  lieu  qu'en  leur  don- 
nant des  lettres  féparées  &  d'une 
grandeur  convenable  ,  on  leur 
épargne  la  peine  &  le  dégoût. 

3°.  Il  obferve  que  les  Maîtres  ef- 
clavcs  de  l'ancienne  dénomination 
des  Lettres  rebutent  d'abord  les 
enfans ,  en  leur  faifanr  confondre 
les  idées  de  figures  &  de  fon  ;  car 
que  doit  penfer  un  enfant  dont  la 
Logique  eft  encore  toute  faine  , 
lorsqu'il  fent  en  lui  même  la  faulTe- 
te  des  prmcipes  &  des  confequen- 
ces  dont  on  fe  fert  pour  lui  appren- 
dre les  premiers  clemens  des  Let- 
tres >  Suppofons ,  par  exemple  , 
que  le  Maître  lui  faffe  épelcrle  mot 
"jofeph ,  il  lui  donnera  d'abord  le 
,faux  principe  J  ,0  ,  que  l'enfant  ré- 
pétera en  fidèle  écho  ;  enfuite  le 
îvlaître  continuera  par  la  taufle  con- 
séquence Jo\  des  fyllabes  ejfe ,  il  en 
concluera  ^'  ;  des  mors  fé ,  ache ,  il 
.en  concluera  fe.  Et  voilà  juftement 
£c  qui  révolte  les  yeux ,  l'oreille , 


Si  la  raifon  de  l'enfant. 

En  fuivant  au  contraire  la  vrayc 
&  jull:e  dénomination  des  Lettres  , 
c'eft-àdire  ,  en  ne  leur  donnant 
pour  nom  que  leur  propre  fon  ,  en 
les  mettant  fur  des  cartes  détachées, 
&  en  les  arrangeant  fur  la  table  du 
Bureau  Typographique  ,  l'enfant 
en  apprend  aifément  la  vraye  va- 
leur ,  &c  s'en  fait  un  jeu  &  un  ama- 
fement. 

Par  le  moyen  du  Bureau  ,  il  ap- 
prend à  écrire  en  apprenant  à  lire  ; 
mais  il  n'eft;  befoin  ni  d'encre  ni  de 
papier  pour  cette  nouvelle  manière 
d'écrire.  Il  ne  faut  pour  cela  que 
l'exercice  de  l'Imprimerie  du  Bu- 
reau. 

Au  refte  ,  ce  Livre  contient  alter- 
nativement des  leçons  de  pure 
Théorie  pour  les  Maîtres  ,  &  de 
lîmple  pratique  poui:  les  enfans.  On 
fe  flatte  qu'ils  y  apprendront  en 
peu  de  tems  à  lire  à  Livre  ouvert , 
&  plus  par  principe  que  par  routi- 
ne. A  chaque  leçon  de  l'enfant  les 
Maîtres  en  trouveront  une  pour 
eux  qui  les  guidera  dans  la  nouvel- 
le manière  de  montrer  les  premiers 
clemens  des  Lettres.  C'eft  dans  cet- 
te relation  continuelle  de  la  leçon 
du  Maître  à  celle  de  l'enfant,  que 
confifte  le  principal  avantage  de 
cette  Méthode. 

Après  la  Préface  on  trouve  îc 
Certificat  de  la  Société  des  Arts  en 
faveur  de  la  Machine  &  delà  Mé- 
thode du  Bureau  Typographique. 
On  lit  enfuite  la  table  des  noms  des 
dix-huit  fortes  de  caraéferes  em- 
ployés dans  l'impreffion  de  ce  Vo- 
lume. Il  auroit  peut-être  été  mieux. 


^1,4'        JOURNAL    DE 

de  prévenir  le  Lcdeur  fur  cet  arti- 
cle ,  Se  de  l'inftruirc  un  peu  plus 
que  par  le  fciil  nom  des  cara»5lcres  à 
mcfure  qu'on  les  a  em|jlo)  es. 

Le  corps  de  l'Ouv.age  cft  divifé 
en  trois  yl  b  c  ou  en  trois  Parties. 
La  première  donne  vingt  de  une 
Leçon  fur  les  voyelles  &  confonncs 
grandes  &C  petites  ,  relTcmblantcs 
ôc  non  reffcmblantes ,  fiinples  ou 
conipofécs,  grifcs  ou  hilloriées  avec 
Ja  preuve  de  la  véritable  dénomi- 
nation qui  eft  la  bafe  de  tout  le  Sy- 
ftême. 

La  féconde  Partie  donne  quinze 
Leçons  fur  les  combinaifons  des 
voyelles  avec  les  confonnes  finales, 
initiales  &  médiaies  ,  fi  m  pies  & 
compofées ,  ou  fur  les  fvllabes  élé- 
mentaires qui  font  la  clef  de  la  fyl- 
labization. 

La  troifiéme  Partie  dorme  qua- 
torze Leçons  pour  les  monofylla- 
bes  ,  pour  le  Syllabaire  ,  &  enfin 
pour  toutes  fortes  de  mots  faciles  , 
difficiles ,  &:  propres  à  mettre  un 
enfant  en  état  de  bien  épeler  &  de 
lire  à  Livre  ouvert. 

Notre  Auteur  commence  par  les 
voyelles  &  par  les  fons  fimples, 
avant  que  de  pa(Tcr  aux  confonncs. 
Se  aux  ions  compofés.  Il  commence 
par  les  grandes  Lettres  ,  parce 
qu'elles  font  plus  régulières ,  plus 
fîmples  ,  plus  dillindes ,  &  moins 
reflTcmblantcs  que  les  petites. 
Qiiandles  Lettres  ont  plufieurs  va- 
leurs indéterminées ,  on  leur  don- 
ne une  dénomination  compofée. 
Par  exemple ,  on  appelle  ce ,  k^  le 
caradcrc  C  d.uis  les  mots  cdca , 
Cectops.  Et  gega ,  la  Lettre  G  dans 


S    SÇAVANS, 

le  mot  gigas  -,  féz.é  ,  la  Lettre/ 
dans  le  mozfifer;  teci  ,  la  Lettre  t 
dans  le  mot  jitftitia ,  5cc. 

Avant  que  de  combiner  entr'el- 
les  les  quatre  petites  Lettres  relfem- 
blantcs  b  ,  d  ^p  ,  f  ,  on  les  a  com- 
binées avec  leurs  capitales  B  ^  D  ^ 
B  ,  Q^  pour  foulager  la  mémoire 
des  cntans  dont  la  tète  s'embrouille 
ordinairement  à  la  vue  de  ces  peti- 
tes Lettres  refiemblantcs  h,  d,p^  e^^ 
au  lieu  que  les  quatre  grandes  Let- 
tres qui  leur  répondent ,  fe  rete- 
nant plus  facilement ,  fervent  en- 
fuite  .à  fixer  l'imagination  pour  les 
petites  dont  l'idée  cil:  réveillée  pat 
les  grandes ,  &c  dont  le  diftindif  cft 
enfuite  remarqué  par  les  enfans ,  ce 
que  bien  des  grandes  pcrfonnes 
ignorent  toute  leur  vie. 

Le  premier  Abc  roule  encore 
fur  les  voyelles  nazalles  an,enJn^on^ 
un  ,  fur  les  voyelles  à  points ,  à  tré- 
ma ,  à  accens ,  &c.  fur  les  difton- 
gues  vrayes  ou  fauffes ,  fur  les  liga- 
tures ou  lettres  tirées,  fur  les  com- 
binaifons impropres  de  plufieurs 
voyelles  pour  défigner  un  fon  fim- 
ple  ,  &  enfin  fur  la  divifion  des 
confonnes. 

On  voit  dans  la  douzième  Le- 
çon que  Ciccron  &  Quintilien  n'é- 
toient  pas  fi  cfclaves  des  étymolo- 
gies  que  la  plupart  des  Sçavans 
d'aujourd'hui.  On  y  remarque  que 
Chilpéric  ne  fut  pas  afTez  puifiant 
pour  introduire  dans  notre  Alpha- 
bet les  doubles  Lettres  des  Grecs  , 
&  que  MclHeurs  de  P.  R.  auroient 
fouhaité  qu'on  eûtfupprimé  la  Let- 
tre h  des  mots  écho  ^  Bachus ,  pour 
ne  point  tendre  de  piegc  aux  en- 
fans. 


A  V  R  I 

la  vingt-unième  Leçon  contient 
àcs  reflexions  nouvelles  fur  la  natu- 
re des  liquides  / ,  w  ,  n  ,r:  l'Au- 
teur remarque  qu'une  de  leurs  pio- 
prietez  eil:  de  ne  pouvoir  fe  divifer 
en  fortes  ,  ou  en  toibles ,  comme 
les  autres  confonnes.  Il  examine 
enfuite  pourquoi  de  ces  quatre  con- 
fonnes qui  étoient  liquides  chez  les 
anciens ,  il  n'y  en  a  que  deux  qui 
le  foientdans  notre  langue  ,  fçavcir 
t  êcr;  fi  le  nombre  &c  le  choix  des 
liquides  eft  arbitraire  dans  les  lan- 
gues î  Si  toutes  les  confonnes  peu- 
vent devenir  liquides  par  l'habitu- 
de &  le  fréquent  ufage?  L'Auteur 
convient  qu'à  force  de  joindre  deux 
eonfonnes  dans  la  même  fvUabe  , 
en  peut  acquérir  plus  de  facilité  à 
les  prononcer  •,  mais  il  croit  qu'in- 
dépendamment de  l'ufage  il  y  en  a 
qui  font  plus  propres  à  s'unir  en- 
feniblc  les  unes  que  les  autres  ;  & 
que  c'eft  apparemment  dc-là  que 
dépend  le  plus  ou  le  moms  de  dou- 
ceur des  Langages. 

On  verra  dans  le  fécond  y4  b  c 
pour  quelle  raifon  l'Auteur  donne 
les  combinaifons  cih  ^eb  ,  ib  ,  ob^  ub 
avant  les  combinaifons  b^  ,l>e  ,  l'i , 
bo  ^  bti  ■■,  Se  pourquoi  à  l'égard  des 
Lettres  équivoques  &  captieufes  c  ^ 
g ,  f-,  il  a  changé  l'ordre  des  combi- 
naifons vulgaires ,  &  donné  celui 
âQca,fe^fi^co,cn;  ga  Je  Ji,  go, 

gH  ,  &C. 

Au  lieu  de  faire  imprimer  dans 
le  troihémc  Abc  d'une  manière 
disjointe  &  féparée  les  fyllabes  du 
Tater  ^  de  ï  Ave  &  du  Credo ,  l'Au- 
teur a  cru  qu'il  étoit  mieux  de  don- 
îiei  aux  enians  de  vrais  jnonofyila- 


t  ;  17  5  5-  23  j- 

bes  avant  de  les  faire  pafler  aux  po- 
iifvlbbes.  Ce  qui  lui  donne  occa- 
fion  de  difcuter  la  manière  dont 
Ramus  &  Meilleurs  de  P.  R.  pré- 
tendent que  les  confonnes  qui  peu- 
vent fe  joindre  enfembie  au  com- 
mencement d'un  mot  ,  doivent 
aulfi  fe  joindre  au  milieu  fans  être 
féparées ,  &  qu'ainil  il  faut  épelet 
a-ptns ,  do-Biis  ,  &  non  ap-tus ," 
doc-tus  ,  &c.  L'Auteur  ,  malgré  le 
refpeâ:  dû  à  de  fi  habiles  gens^  écho 
peut-être  les  uns  des  autres ,  prend 
la  liberté  d'établir  le  principe  con- 
traire ,  parce  qu'il  le  trouve  plus 
naturel,  plus  fimple  ,  &  plus  faci- 
le à  pratiquer. 

A  l'égard  des  Leçons  38  ,  39  ,  & 
40  ,  qui  femblent  d'abord  être 
pour  l'entant ,  on  les  a  données  au- 
tant &  plus  pour  les  Maîtres  que 
pour  leurs  Difciples.  On  a  mis  tout 
au  long  fur  le  papier  ce  qui  fe  pro- 
nonce en  faifanc  épeler  ;  &  l'on  a 
cru  que  par  cette  voye  les  Maîtres 
dociles  &  capables  de  reflexions 
feroient  plutôt  au  fait  de  la  nouvel- 
le dénomination  des  Lettres. 

L'Auteur ,  dans  l'art  d'épeler  ^ 
imite  la  pratique  des  Muficiens.  li 
s'attache  au  fon  bien  plus  qu'au 
caradlere  ;  &  il  donne  dans  la  qua- 
trième Leçon  beaucoup  de  mots 
faits  exprès  &  épelés  tout  au  long  , 
pour  faire  voir  l'avantage  de  la  nou- 
velle Méthode  ,  &  de  la  vraye  dé- 
nomination des  Lettres  fur  l'anciea 
ufage  &  la  Méthode  vulgaire. 

Les  Leçons  46  &  47  font  d;'S  Pic- 
ces  de  led ures  compofées  de  mots 
faits  exprès  ,  pour  démêler  la  rou-^ 
tine  d'avec  h  fcience  à^s  cnfans^ 


23^         JOURNAL  D 

qui  fouvcnt  p.irtcnt  pour  fçavoir 
lire  fans  bien  connoîtrc  les  Lettres. 
L'eflai  que  l'Auteur  a  fait  de  cette 
pratique  lui  donne  un  ton  de  con- 
fiance qu'il  n'auroit  jamais  ofé 
prendre  avec  la  feule  Théorie. 

Au  reftc  ,  comme  les  difcuiTions 
élémentaires  font  peu  fufccptiblcs 
d'agrémens  ,  Se  qu'il  n'y  a  rien 
qu'on  ne  puilTe  traduire  en  ridicule, 
pour  fatjsfaire  le  goût  de  ceux  qui 


ES  SÇAVANS, 

cherchent  à  rire  plutôt  qu'.i  s'in- 
ftruire  :  il  feroit  aifc  de  travcftir  les 
fingularitez  inftruétjves  dont  ce 
Livre  nous  a  paru  fcmc.  Pour  nou$ 
animes  de  tout  un  autre  efprit,nous 
exhortons  l'Auteur  à  donner  incef- 
famment  h  fuite  defon  Ouvrage  , 
afin  d'enrichir  la  République  des 
Lettres  d'un  Livre  qui  paroît  lui 
manquer. 


LE    REPOS   DE    CTRVS  ,    OU    VHISTOIRE  DE  SA  VIE  ; 

-  depuis  fa  lù'^jitfja'kfa  40=  année.  A  Paris,  chez  Briajfon ,  rue  S.  Jacques, 
a  la  Science.  1731.  voL  /«-iz.  diviféen  3  Tomes-,  le  premier,  pp.  iiz. 
le  fécond,  pp.  103.1e  troifiéme,  pp.  i  jo. 


L'A  U  T  E  U  R ,  après  avoir  ju- 
ftific  dans  fa  Préface  l'inclina- 
tion que  les  hommes  ont  naturelle- 
ment pour  les  fables ,  prévient  les 
objections  qu'on  pourroit  faire  con- 
tre le  titre  même  de  fon  Ouvrage. 
Il  foiitient  qu'un  Roi  pacifique  & 
fage  nous  prefente  toujours  l'ima- 
ge d'un  Roi  en  repos  ,  mais  dans 
un  repos  qui  n'efi:  point  oifif ,  & 
d'où  nailTent  des  adtions  convena- 
bles a  l'épopée  ;  il  nous  en  promet 
donc  de  telles  dans  fon  Hiftoirc , 
mais  en  même  tems  il  avertit  qu'il 
a  cru  devoir  en  bannir  les  Divini- 
tez  fabuleufcs  ,  pcrfuadé  que  les 
belles  adions  de  fon  Héros  en  pa- 
roîtroient  plus  imitables  ,  dès 
qu'elles  feroicnt  regardées  plutôt 
comme  l'effet  de  la  fimple  nature  , 
que  comme  celui  du  fecours  conti- 
Cucldes  Dieux. 

Il  fc  flatte  qu'on  ne  le  chicanera 
point  d'avoir  cherché  à  deviner  les 
fages  mefurts  par  iefqucUcs  Cyrus 


éleva  îes  Perfes  au  comble  de  la 
puifTance  &  de  la  grandeur.  Il  lui 
fuflît  de  ne  rien  avancer  qui  ne  foit 
vraifemblable  5  c'eft  lur  ce  principe 
qu'il  place  les  évenemens  qu'il  en- 
treprend de  décrire,  depuis  la  16* 
année  de  Cyrus  jufqu'à  fa  40^ ,  & 
cela  avec  d'autant  plus  de  raifon , 
que  les  Hiftoriens  Grecs  ne  nous  en 
apprennent  rien  pendant  ce  long 
intervalle. 

Au  refte ,  Jt  l'on  trouve  quelque 
Kipport  entre  cette  Hifloire  &  celle  de 
notre  tems  i  l'Auteur  déclare  que 
c'efl  un  avantage  qui  s'efl  prefente  de 
lui-même ,  &  qi{il  n'a  ofé  refufer  4 
la  vertu  qu'il  y  dépeint. 

Dans  le  premier  Tome  on  nous 
reprefentc  Cyrus  à  la  fleur  de  foi> 
âge  ,  fupcrieur  aux  attraits  de  la 
volupté  Si  de  l'amour.  Son  perc 
Cambyfe  n'avoit  cédé  qu'avec 
peine  à  l'empreflcment  que  témoi- 
gnoit  Aftyages  pour  voir  fon  petit 
fils,  Cambyfe  craignoit  que  la  vie 
molle 


A  V  R  I 

tîiolie  des  Mcdes  n'effaçât  les  heii- 
rcufes  difpofitions  qu'une  éduca- 
tion févére  &  commune  pour  lors 
à  tous  les  enfans  parmi  les  Perles  , 
avoit  formé  dans  le  cocuv  du  jeune 
Cyrus.  »  Il  étoit  dans  l'âge  où  les 
»  grâces  préparent  &  annoncent 
»  feulement  la  Majefté  ;  on  lifoit 
M  dans  fes  yeux  lecaradereadmira- 
i»  ble  de  fon  cœur  -,  la  jeunelTe  avoit 
3>  répandu  tous  fes  charmes  fur  fa 
M  perfonne  ;  les  exercices  du  corps 
»  en  le  perfedionnant ,  lui  avoicnt 
»  donné  un  air  de  force  &  de  vi- 
wgueur  au  de  (Tus  de  fon  âge  ;  fa 
»  taille  &  fa  démarche  achevoient 
»  de  former  en  lui  cet  aflemblage 
»>  de  qualitez.  extérieures ,  qui  ne 
»  décident  que  trop  fouvent  du 
S)  mérite  en  amour. 

Arafpe  ,  à  qui  Cambyfe  avoit 
confié  l'éducation  de  Cyrus  jugea 

3u'il  falloit  le  prémunir  contre  les 
angers  aufquels  il  alloit  être  expo  - 
fé  à  la  Cour  d'Ecbatane  ,  c'eft  dans 
cette  vue  qu'il  fe  crut  obligé  de  lui 
donner  une  véritable  idée  de  l'a- 
mour, &  de  lui  apprendre  à  diftin- 
guer  ce  que  cette  paffion  a  de  légi- 
time &  d'honnête  d'avec  ce  qu'elle 
a  de  déréglé  &  d'odieux. 

Cesleçons  ne  demeurèrent  pas 
îong-tems  inutiles  ^  quatre  Dames 
de  la  Cour  firent  tout  à  la  fois  des 
defleins  fur  Cyrus  ;  elles  l'attaquè- 
rent fur  fon  infenfibilité  dans  une 
promenade  où  elles  le  joignirent 
comme  par  hazard.  L'Auteur  nous 
donne  le  portrait  de  ces  quatre  per- 
fonnes  •,  quoique  toutes  d'un  carac- 
tère très-différent ,  elles  ne  connoif- 
Jbient point ,  dit- il,  d'amour  exempt 
AvrH, 


L,     173  ?•  2J7 

de  vice.  Elles  furent  agréablement 
furprifes  de  voir  que  Cyrus  ne  fc 
délendit  point  d'être  fenfible  au 
mérite  des  femmes  &  de  ce  qu'il 
leur  répondit  même  qu'il  avoit  ap- 
pris d'Arafpe  à  les  aimer.  Cepen- 
dant comme  elles  craignoient  que 
les  infl:ru6tions  de  ce  fage  Gouver- 
neur ne  s'accordafTent  pas  entière- 
ment avec  leurs  vues ,  elles  le  priè- 
rent de  leur  expliquer  fes  fenti- 
mens  fur  l'amour  ■■>  &  c'eft  ce  qu'il 
fit ,  mais  d'une  manière  indirefte  , 
en  leur  racontant  l'Hiftoire  de  Bra- 
ma Roi  des  Indes.  L'Auteur  nous 
la  donne  ici  fous  un  titre  féparé  ,  à 
la  manière  de  ce  qu'on  appelle  Nou- 
velles dans  les  Romans  Efpagnols. 
On  en  trouvera  encore  quatre  au- 
tres du  même  genre  dans  la  fuittf 
de  cet  Ouvrage. 

On  nous  peint  ce  Brama  comme 
un  Prince  naturellement  bon,  mais 
qui  n'aimant  que  par  les  fens  &  qui 
fe  livrant  indifféremment  à  des 
femmes  d'un  même  caradtere  ,' 
tomba  peu  à  peu  dans  des  excès  qui 
penferent  caufer  fa  perte.  Heureu- 
lementpour  lui  il  devint  fenfible 
aux  charmes  d'une  perfonne  qui 
penfoit  plus  finement  &  plus  no- 
blement fur  l'amour  ,  &  bien-tôt 
la  plus  tendre  amante ,  dit  l'Auteur  , 
vint  à  bout  de  former  le  meilleur  &  le 
plus  jufle  des  Rois. 

Les  Dames  s'apperçurent  aifé- 
ment  du  but  d'Arafpe  dans  ce  ré- 
cit ,  mais  Eglé  une  d'entre  elles  , 
fans  s'arrêter  à  le  critiquer  comme 
avoient  fait  fes  compagnes  ,  imagi- 
ne fur  le  champ  une  autre  Hiftoirc 
qu'elle  raconte   dans    l'efperancc 


238        JOURNAL     DE 

d'effacer  l'im picirioii  que  celle  li'A- 
xafpc  auroic  pu  taiicdaiis  rcfprit  de 
Cyrus.  Un  ora.;c  qui  fiuvient ,  l'in- 
terrompt jultcment  dans  l'endroit 
où  la  narration  devenoit  délicate , 
on  cft  obligé  de  s'en  retourner  au 
Palais ,  &  depuis  ce  tems  Eglé  ne 
trouva  plus  l'occalion  d'achever 
fon  Hiftoire.  Elle  prétcndoit  mon- 
trer ,  qu'en  matière  d'amour  les 
plailirs  du  cœur  ne  font  que  chimè- 
res ,  qu'il  faut  le  chercher  ce  plailir 
dans  la  fatisfaction  des  fcns ,  &  que 
l'amour  réduit  aux  Icntimcns  étoit 
un  amour  mét^iphyfi^ue  cjiie  notre  ima- 
gination échauffes  forme  àfes  dépens. 

Cette  première  tentative  de  la 
part  des  Dames  fut  fuivie  d'une  in- 
finité d'autres  ,  elles  firent  entre 
elles  une  efpcce  de  conjuration  con- 
tre la  fagelîe  de  Cyrus.  Ce  Prince 
cfiiiva  des  attaques  de  toutes  les  ef- 
peces.  Les  prudes ,  les  coquettes , 
les  femmes  vraiment  pallîonnées 
comme  celles  qui  fcignoient  de 
l'être  ,  n'oublièrent  rien  pour  s'en 
faire  aimer.  Mais  fa  vertu  &c  les 
confeils  d'Arafpe  rendoient  tous 
leurs  projets  inutiles. 

Aftiage  même  qui  d'ailleurs  fe 
piquoit  de  galanterie  ,  devint  com- 
me jaloux  de  la  fageife  de  fon  petit 
fils.  Il  le  raiUoit  quelquefois  fur  fon 
indifférence  pour  la  beauté.  Cyrus 
répondoit  »  qu'il  n'y  avoit  perfon- 
»  ne  fur  qui  la  beauté  ht  plus  d'im- 
»  preirions  que  fur  lui  -,  mais  qu'il 
»  la  vouloir  accompagnée  d'un 
»cœur  capable  d'aimer  ;  c'eft  ce 
aa  cœur  que  je  cherche  ^  difoitil ,  je 
»  ne  crois  pas  qu'il  foit  impoflîble 
-M  de  le  trouver.  Il  en  defefperoit 


S     SÇAVANS; 

»  cependant  quelquefois  \  parc^ 
»  que  ,  ftlonlui ,  le  cœur  n'cntroit 
w  pour  rien  dans  l'amour  des  fem- 
n  mes  ,  &  qu'il  ne  confuitoit  que 
n  fon  cœur  dans  les  fiens. 

Il  fe  lailfa  pourtant  un  peu  atten- 
drir d'abord  par  les  malheurs ,  Si 
enfuire  par  les  attraits  d'une  Prin- 
celfc  étrangère  qui  s'étoit  réfugiée 
à  la  Cour  d'Ecbatanc  ;  mais  avant 
que  Cyrus  lui  eut  encore  déclaré 
fon  amour ,  elle  eut  l'indifcrction 
de  fe  vanter  des  attentions  particu- 
lières qu'il  avoit  pour  elle.  Il  n'en 
fallut  pas  davantage  pour  l'en  dé- 
goûter fans  retour.  Il  crut  avec 
Aralpe  que  la  même  vanité  qui 
avoit  rendu  cette  PiincelTe  indifcré- 
te  pouroit  aulll  la  rendre  inronftan- 
tc. 

Dans  ce  même  tems  Cyrus  prie 
du  goût  pour  la  chalfe  ,  qui  a  toil- 
jours  été  l'exercice  des  Héros  &:  l'i- 
mage de  la  gueire  ,  &  il  l'envifagea 
par  le  confeil  de  fon  Gouverneur , 
comme  un  moyen  de  fe  préferver  du 
faux  a?noiir  en  attendant  ^u'il  eut 
trouvé  le  véritable. 

L'exemple  de  Cyrus  entraîna  les 
jeunes  Seigneurs  de  la  Cour.  Les 
Dames  en  murmurèrent-,  mais  el- 
les ne  furent  pas  les  feules  -,  des  per- 
fonnesfenfcesaccuferent  Arafpe  de 
fouflrir  que  Cyrus  y  donnât  trop  de 
tems ,  mais  ce  fage  Gouverneur  (s 
confoloit  de  ces  murmures  en  pen- 
fant  que  ceux  qui  font  chargés  de 
l'éducation  dun  Prince  doivent  lui 
facrificr  même  jufqu'à  leur  propre 
réputation  &  parce  que  dans  le 
fonds  il  étoit  vrai  que  ce  divertifle- 
menc  n'étoit  point  pour  Cyrus  une 


A  V  R  I 

occupation  efTcntielle  qui  dimi- 
nuât l'application  qu'il  devoit  aux 
chofes  plus  ftriieules. 

On  verra  dans  l'Auteur  par  quel- 
le avanture  Cyrus ,  dans  une  par- 
tie de  chaire ,  trouva  l'occaiion  de 
;fignaler  fon  courage  contre  Balbys, 
fils  du  Roi  d'Alîyrie  ;  comment 
après  la  défaite  &  la  fuite  de  ce 
Prince  ,  CalTandane  devint  avec  fes 
femmes,  prifoiiniere  de  Cyrus,  & 
l'impreflion  fubitc  qu'il  fit  fur  le 
cœur  de  Ja  PiincelTe  ,  impreiîîon 
d'autant  plus  furprenante  qu'elle 
penfoit  de  l'amour  comme  lui ,  les 
gens  qui  fe  reffemblmt  Ji  fon  ne  font 
pas  ,  dit  l'Auteur ,  long-tcms  à  s'ai- 
mer. Mais  la  timidité  de  l'un  &  la 
modeftie  de  l'autre  les  empêchoient 
de  fe  découvrir  réciproquement 
leurs  fentimens.  Les  Dames  de  la 
Cour  leur  épargnèrent  l'embarras 
d'une  déclaration  ;  elles  obligèrent 
Cyrus  &  Caflândane  à  convenir  de 
bonne  foi  qu'ils  s'aimoient,  mais 
ils  n'en  furent  pas  plus  heureux.  Les 
Ambafladeurs  du  Roi  d'AlTyrie 
vinrent  redemander  la  Princeffe 
d'Arménie  ;  quoiqu'elle  n'eût  ja- 
mais eu  de  goût  pour  Balbys  ,  fon 
devoir  l'obligeoit  à  facriher  fes  in- 
cUnations  à  la  volonté  de  fes  pa- 
ïens ;  d'un  autre  côté  la  générofité 
ne  permettoit  pas  à  Cyrus  d'enle- 
ver à  Balbys  une  perfonne  qui  lui 
étoit  promife.  Il  fit  donc  un  noble 
effort  fur  lui-même ,  &:  confentit 
au  retour  de  CalTandane.  Après 
cette  trille  féparation  ,  Cyrus  ne 
voyant  plus  rien  à  Ecbatane  qui 
n'excitât  fes  regrets ,  &  preffé  d'ail- 
leurs du  defir  de  revoir  fon  père  , 


L  ,    173  5-  239 

quitta  la  Cour  d'Aftyage  ,  »>  &:  les 
>y  jeunes  Seigneurs  le  fuivircnt  fur 
"  les  frontières  de  la  Perfe,  &  ne  fc 
»  fcparerent  qu'avec  peine  d'un 
"  Prince  ,  qu'ils  regardoient  déji 
w  comme  le  modèle  des  hommes 
»  &  des  Rois. 

Dans  le  fécond  Tome  l'Auteur 
développe  les  moyens  dont  Cyrus 
fe  fervit  pour  polir  &  pour  civilifer 
les  Perfes.  Ils  avoient  été  jufqu'a- 
lors  vertueux  ,  fobres  ,  courageux, 
infatigables  ;  Cambyfe  lui-même 
avoir  toutes  les  qualitez  neceffaircs 
pour  fe  faire  craindre  &  fe  faire 
eftimer  5  mais  il  ne  fçavoit  pas  fe 
faire  aimer  ;  &  tel  étoit  en  gênerai 
le  caradere  de  la  Nation  ,  outre 
qu'elle  n'avoit  aucune  teinture  des 
Sciences  ni  des  Arts.  Cyrus,  avec 
l'agrément  du  Roi  fon  pere^  en- 
treprit de  leur  apprendre  à  réunir 
la  vertu  avec  la  douceur ,  &  à  join- 
dre l'amour  du  travail  avec  le  goût 
des  Sciences. 

Il  commença  ce  grand  Ouvrage 
par  l'éducation  des  enfans  i  mais 
pour  le  rendre  plus  folide  S:  plus 
durable  il  partagea  en  différentes 
Académies  les  hommes  qu'il  jugea, 
les  plus  habiles  parmi  les  Perfes  & 
les  Egyptiens ,  il  n'épargna  rien 
pour  les  acquérir  à  fa  Patrie  ,  &  il 
fit  précifément  à  cette  occafion  ce 
qu'on  a  vu  faire  à  Louis  XIV.  pour 
la  perfection  des  Sciences  &  de$ 
Arts. 

Au  milieu  de  ces  occupations , 
Cyrus  reçut  une  Lettre  de  Caffan- 
dane  ,  par  laquelle  elle  lui  appre- 
noit  que  la  mort  de  Balbys avoit  le- 
vé le  feul  obftacle  qui  s'oppofoit  i 
Hhij 


^40  J  O  U  R  N  A  L  D 

leur  amour.  Cette  PrincclTc  avoir 
déjà  déclaré  à  fon  père  toute  fa  ten- 
dreflc  pour  Cyrus ,  elle  la  croyait 
trop  pure  pour  en  rougir.  Cambyfe  & 
Mandane  l'approuvoient,  ainfi  le 
mariage  fut  bien  tôt  conclu  ,  5c 
célébré  à  Hécatonpyle  ,  où  la  Prin- 
celTe  ne  fut  pas  long-tems  a  fe  ren- 
dre. Comme  elle  aimoit  les  beaux 
Arts  ,  les  Poètes  &  les  Mulîciens 
célèbres  qui  compofoient  les  Aca- 
démies dont  nous  avons  parlé  ,  fi- 
rent éclater  leur  génie  &  leur  goût 
dans  les  différentes  fctes  qui  furent 
données  à  cette  occafion.  Les  por- 
traits des  lUuftres  qui  s'y  diftingue- 
rent ,  ou  qui  en  général  firent  hon- 
neur à  la  Perfe  fous  le  règne  de  Cy- 
rus fonttirés  d'aprèsMeflieursLully, 
Quinaut,  Corneille ,  Racine ,  Def- 
preaux  ,  Molière  ,  la  Fontaine ,  de 
Fénélon  ,  de  la  Bruyère  ,  de  la  Ro- 
chefouchaut ,  M.  de  Sévigné  ,  M. 
de  la  Motte  ,  &c.  &c  même  d'après 
quelques-uns  de  nos  célèbres  Au- 
teurs encore  vivans. 

Ce  morceau  eft  travaillé  avec 
beaucoup  de  foin  ,  on  y  a  fait  en- 
trer des  parallèles  ,  des  jugemens 
fur  les  differens  Ouvrages  d'cfprir , 
des  reflexions  fur  les  moyens  de 
rendre  les  fciences  plus  utiles ,  des 
précautions  pour  en  prévenir  l'a- 
bus -,  quelques  traits  de  cette  criti- 
que fage  &  modérée  qui  fçait  in- 
ftruirefans  ofFenfcr,  &  enfin  l'apo 
logie  des  Lettres  contre  ceux  qui 
prétendent  qu'elles  amolilTent  le 
courage. 

Les  exercices  du  corps  avoient 
fait  jufqu'alors  la  feule  gloire  des 
Perfes  ,  Cyrus  n'avoit  garde  de  les 


ES  SÇAVANS, 

fupprimcr  ;  il  n'en  corrigea  qur 
l'abus  ;  $c  il  voulut  que  dans  les 
mêmes  Académies  où  l'on  apprc- 
noit  à  monter  à  cheval  &  à  manier 
les  armes ,  tous  jufqu'aux  Nobles  , 
fans  exception  ,  apprilfcnt  un  mé- 
tier à  leur  choix. 

Ce  Prince  vit  avec  fatisfadion 
que  l'introdudion  des  Sciences 
dans  fcs  Etats  ,  &  la  perfcdlion  des 
Arts  qu'il  avoit  étendue  jufqu'aux 
plus  mécaniques ,  n'alteroit  ni  la 
probité  ni  le  courage  de  fes  peuples, 
fcs  exemples  encore  plus  forts  que- 
les  précautions  qu'il  avoit  prifes 
pour  empêcher  un  mal  fi  ordinaire,' 
les  retenoient  dans  les  principes 
de  la  vertu.  Cyrus  en  donnoit  en 
tout  genre  de  grandes  preuves  ; 
mais  notre  Hiftorien  a  cru  devoir 
rapporter  unirait  de  fa  fidélité  pour 
Ccifflmdane ,  ^tii  lui  a  paru  ,  dit-il , 
««I?  des  plus  belles  allions  de  pt  vie. 
On  le  trouvera  fous  le  titre  êCHi- 
jioire  de  la  Pnncjfe  Corronée. 

Cambyfe  mourut  dans  le  tems 
que  charmé  des  heureux  fuccès  de 
fon  his  pour  civilifer  la  Perfe  ,  il  fc 
propofoit  de  lui  en  remettre  le  gou- 
vernement. Cette  mort  fut  bien- 
tôt fuivie  de  celle  de  Mandane. 
»  Cyrus  fut  proclamé  Roi  avec  de 
«grandes  démonftrations  de  joye. 
»  Ce  que  le  Defpotifme  le  plus  ti- 
»  rannique  n'avoit  pu  faire  arriva 
M  par  la  fagefle  &  par  la  bonté  de 
jîCyrus.  Les  Perfes  qui  a'/oicnttoû- 
»  jours  confcrvé  une  efpcce  de  li- 
>j  berté  fous  les  Rois  les  plus  bclJi- 
»  queux  &  les  plus  féroces ,  fe  cru- 
»  rent  heureux  de  la  perdre  fous 
»  celui -ci  ,  &  ils  éprouveient  ^ 


A  V  R 

j>  qu'il  n'y  a  point  d'indépendance 
c«  préférable  à  l'obéiflance  que  l'on- 
3>  rend  aux  bons  Rois. 

On  voit  dans  le  troifiéme  &  der- 
nier Tome  tout  ce  qu'une  politique 
fage  &  modérée  infpira  à  Cyrus 
pour  adoucir  la  dureté  &  la  barba- 
rie des  loix  qui  avoient  régné  juf- 
qu'alors  parmi  les  Perfcs.  Il  les  ac- 
coutuma fur-tout  à  ne  pas  faire 
eonfifter  leur  gloire  dans  celle  des 
armes  ,  &  à  ne  pas  regarder  la  len- 
teur des  négociations  comme  un 
outrage  fait  à  leur  valeur. 

Arafpe  voyant  que  fes  confeils 
avoient  mis  Cyrus  en  état  de  gou- 
verner par  lui  même  ,  lui  demanda. 
ia  permifïïon  de  fe  retirer.  Ce  Prin- 
ce bien  loin  d'y  confentir  le  décia- 
X3,  au  contraire  fon  premier  Mini- 
ftte  ,  8c  trouva  ainfi  le  moyen  de 
concilier  les  intérêts  des  Perfes  Se 
ceux  de  fa  reconnoiflance.  Arafpe 
contraint  de  fe  foûmettre  à  là  vo- 
lonté du  Prince,  &  qui  ne  crai- 
gnoit  dans  les  travaux  que  les  hon- 
neurs qui  y  font  attachés  ,  obtint 
du  moins  de  Cyrus  qu'il  le  difpen- 
latde  porter  le  titre  de  fa  nouvelle 
dignité. 

Les  premiers  regards  du  Mo- 
narque tombèrent  fur  les  malheu- 
reux. Les  prifons  fuient  ouvertes  à 
ktous  ceux  que  l'avarice  &  l'ambi- 
tion des  Miniftres  de  fon  père  y  te- 
noient  enfermés.  Beroftar  dont  on 
iit  ici  l'hiftoire  ,  étoit  de  ce  nom- 
bre. Ces  difFerens  aftes  de  clémen- 
ce furent  fuivis  de  quelques  ades 
de  rigueur  qui  coûtèrent  beaucoup 
à  la  générouté  de  Cyrus.  De  huit 
Minières  que  fon  père  avoit,  il  n'en 


I  L  ,  17^5.  24r 

garda  que  deux  ;  les  fix  autres  qui 
a.voicnt  abufé  deleur  autorité  ,  fu- 
rent difgraciés.  L'un  d'eux  nommé 
Andros  qui  étoit  le  plus  coupable  , 
mourut  dans  les  fers  ,  &  devint  un 
exemple  mémorable  des  caprices , 
&  des  cruautez  de  la  fortune  , 
l'Auteur  a  cru  devoir  encore  en  rap- 
porter l'Hilloire. 

Ces  changemens  étoient  à  peine 
faits,  qu'il  arriva  de  toutes  parts  deS' 
Ambaffadeurs  pour  complimenter 
Cyrus  fur  fon  avènement  à  la  Cou- 
ronne  ,  il  en  profita  pour  faire 
avec  leurs  maîtres  des  traitez  avan- 
tageux au  commerce  de  fes  Etats, 
Le  mépris  que  les  Perles  avoient 
toiàjours  fait  des  richefles  ,  les 
avoit  rendu  pauvres  ,  Cyrus  crut 
qu'il  étoit  plus  à  propos  de  courir 
le  rifque  de  voir  croître  dans  fon 
Royaume  avec  les  richelfes^les  vices 
&c  les  paffions  qui  les  fuivent  ordi- 
nairement que  de  lailfer  fes  fujets. 
expofés  aux  malheurs  &  aux  incon- 
veniens  qu'entraîne  prefque  tour 
jours  avec  foi  la  pauvreté. 

ïl  travailla  enfuite  à  reformer  les 
anciennes  Loix ,  ou  à  en  compofer 
de  nouvelles.  Comme  il  voulait  les 
voir  execHter^  il  en  fit  peu.  S'il  y  avoit 
des  châtimens  pour  ceux  qui  vio- 
loient  les  Loix ,  la  fidélité  à  les  ob' 
ferver  étoit  auflî  recompenfée.  On- 
faifoit  rarement  mourir  les  coupa- 
bles -,  ils  étoient  condamnés  à  des 
travaux  utiles  au  public.  Il  eft  vrai 
qu'on  voyoit  peu  de  criminels  en 
Perfe  ,  parce  qu'il  y  avoit  peude 
miferablcs  j  l'extrême  necejjité  en  fait- 
toujours  plus  ejue  la  crainte  des  châti" 
mens  n'en  arrête. 


i^z  JOURNAL  D 

Au  rcfte  ,  Cvrus  étoit  aulll  équi- 
table cnveis  les  étrangers ,  qu'avec 
fes  propres  fujcts.  Au  lieu  de  profi- 
ter des  offres  des  Mcdes  qui  lui  dé- 
feroicnt  la  Couronne  de  leur  Em- 
pire ,  à  condition  de  les  i'oîitenir 
dans  leur  révolte  contre  leur  Prin- 
ce légitime  ,  il  donna  géncreufe- 
ment  à  Cyaxarc  des  troupes  qui  le 
mirent  en  état  de  faire  rentrer  les 
rebelles  dans  leur  devoir.  Une  telle 
conduite  étoïc  tris  oppofée  aux  an- 
ciennes mœurs  des  Perfes.  La  mo- 
dération de  Cyrus  éclata  encore 
dans  les  mouvemens  qui  s'élevèrent 
parmi  les  differcns  peuples  de  l'A- 
fîe.  Qiioiquelc  plus  jeune  &  le  plus 
puiflant  de  tous  les  voilîns ,  il  aima 
mieux  devenir  leur  arbitre  que  leur 
vainqueur.  L'origine  de  ces  trou- 
bles vcnoit  des  Chaldécns  &:  des 
Arméniens  ,  Nations  que  l'intérêt 
uniffoit  depuis  long-tems  ;  mais  la 
ialoufie  de  deux  kmmes  les  divifa  5c 
faillit  à  les  détruire.  »  On  n'eft  ja- 
»  mais  alfez  en  garde  contre  leur 
»  Empire  ,  parce  que  ce  font  les 
»  grâces  qui  le  leur  donnent ,  quoi- 
M  qu'on  ne  s'y  livre  prefque  jamais 
»  fans  s'en  repentir. 

Cet  événement  que  notre  Hifto  - 
rien  ne  touche  qu'en  palTant  ,  fit 
fentir  à  Cvrus  le  bonheur  qu'il  goû- 
toit  avec  Caffandane.  Egale  aux 
hommes  les  plus  capables  de  gou- 
verner par  la  fuperiorité  de  fon 
génie,  elle  bornoit  tout  Ion  crédit 
au  foulagcment  des  malheureux. 
On  conçoir  donc  aiiement  quelle 
fut  la  douleur  de  ce  Prince  lorfqu'ii 
fe  vit  menacé  de  la  perdre  ;  elle- 
même  fe  croyant  à  l'article  de  la 


ES   S  AVANS; 

mort  fit  appeller  l'aîné  de  fes  en- 
fans  ,  &  lui  fit  un  difcours  que 
nous  louhaiterions  pouvoir  copier 
ici.  La  fantc  lui  ayant  été  rendue 
contre  l'attente  de  tout  le  monde  , 
ce  retour  incfperé  laiffa  à  Cyrus  la 
liberté  de  parcourir  fes  Etats  ;  la 
longueur  de  cet  Extrait  ne  nous 
permet  point  de  détailler  ici  les  me- 
fures  qu'il  prit  pour  rendre  ce 
voyage  utile  à  fesfujets  ,  non  plus 
que  l'Hiftoire  du  Solitaire  de 
Memphis  que  Cyrus  eut  lacuriofi- 
té  de  voir  fur  les  trontieres  de  U 
Pcrfe. 

Mais  pour  mettre  le  Ledeur  en  é- 
tat  de  juger  de  la  manière  d'écrire  & 
de  penfer  de  notre  Hillorien  ,  nous 
rapporterons  feulement  quelques 
traits  d'une  converfation  que  ce 
fameux  Solitaire  eut  avec  Cyrus. 

»  Eft-il  une  Société  vraiment 
»  aimable  parmi  les  hommes  ,  y  en 
»  a-til  même  d'affurée  ?  Leurs  cr- 
»reurs  pour  être  générales  en  font- 
j>  elles  moins  des  erreurs  î  Ne  font- 
»  ils  pas  fujets  ou  à  des  préjugez 
n  qui  les  égarent,  ou  à  des  paiîions 
»  qui  les  tyrannifcnt?  Connoiffent- 
n  lis  le  vrai  bien  ,  le  cherchent-ils  , 
»  ou  l'embrafTent-ils  quand  ils  l'ont 
»  trouvé  ?  Ne  fuyent-ils  pas  la  rai- 
»  fon  qui  les  éclaire  ^  pour  coui  ir 
1)  après  de  fauffes  lueurs  qui  les 
»  trompent  :  Ils  ne  fçavent  pas  être 
«aimables  fans  être  vicieux  ,  ni 
35  vertueux  lans  celfer  d'être  aima- 
»bles  ■  qui  neconnoîtroitk  vraye 
jjfageffe  que  par  les  exemples 
«qu'ils  en  donnent,  ne  faimeroit 
»  point  ;  ils  la  défigurent  quand  ils 
»  ne  l'effacent  pas ,  ils  font  toi^s  fot^ 


A  V  R  I 

«  ou  nicclians  ,  ils  ne  méritent  pas 
"  la  complaifance  qu'on  a  pour 
M  eux ,  il  hue  être  à  leur  égard  ou 
"dupe  ou  fripon  ,  &  j'ai  éprouvé 
»  qu'il  cfl:  extiémement  difficile  de 
n  n'être  pas  l'un  ou  l'autre  ,  CTc. 

Cyrus  ,  après  avoir  quitté  le  So- 
litaire de  Mcmphis  ,  reprit  le  che- 
min d'Hécatonpyle  dans  larcfolu- 
tion  d'exécuter  les  projets  que  la 
viië  de  fes  peuples  lui  avoit  infpiré 
pour  leur  bonheur. 

L'Auteur  finit  en  difant  que  ce 
fcroit  ici  le  lieu  de  raconter  l'Hi- 
fioire  des  guerres  de  Cyrus ,  &;  qu'il 


l:  175  ?.  245 

ne  doute  pas  qu'elle  ne  fiitlûc  avec 
plus  de  plaifir  que  l'Hiftoircdc  fon 
repos  ■^  mais  il  a  cru  qu'il  feroit 
plus  utile  d'expofcr  aux  yeux  des 
jeunes  gens  les  tableaux  des  vertus 
civiles  de  ce  grand  Prince  que  ce- 
lui de  fes  vertus  guerrières.  Il  pro- 
tefte  »  qu'il  fera  bien  dédommagé  , 
»  (ï  l'on  en  conclut  de  cette  ledure 
»  qu'il  vaut  mieux  faire  le  bon-, 
»  heur  du  monde  par  un  règne  pa- 
jjcifique  ,  qu'en  être  la  terreur  & 
"l'effroi  par  le  carnage  &  par  l'hor- 
»  reur  inféparable  de  la  guerre. 


ARITHMETIQVE  DEMONTREE  ,  PJR  VN  PRESTRE  DE 
l'Oratoire ,  ci-devant  Profejfeiir  Royal  de  Mathématique  dans  Wniverfi- 
tii Angers.  A  Roiien  ,  chez  Vh.'P.  Cabnt ^  rue  du  Bec,  proche  la 
MelTagerie  de  Paris.  1731.  vol.  tn-ii.  pp.  21^.  fans  la  Préface  &  la 
Table. 


IL  n'y  a  guéres  de  matière  fur 
laquelle  on  ait  tant  d'Ouvrages 
que  fur  l'Arithmétique-Pratique  , 
mais  l'Auteur  clu  Livre  que  nous 
annonçons  nefe  borne  pas  à  la  pra- 
tique :  il  y  joint  auffi  toute  la  théo- 
rie de  cette  Science. 

La  méthode  qu'il  fuit  eft  la  mé- 
thode ordinaire  aux  Géomètres , 
dans  laquelle  les  élémens  font  di- 
ftingués  par  propofitions  que  les  dé- 
finitions précédent  au  commence- 
ment de  chaque  Chapitre  :  il  a  di- 
vifé  fon  Traité  en  deux  Parties  :  il 
explique  dans  la  première  ,  les  rè- 
gles du  calcul  pour  les  nombres 
entiers  &  pour  les  fradions.  Il  y  dé- 
montre toutes  les  pratiques ,  & 
pour  cela  il  les  a  fait  précéder  pat 
des  Théorèmes,  &  quand  ces  Théo- 


rèmes font  trop  abftraits  pour  des 
Commençans  ,  il  les  éclaircit  par 
des  exemples  avant  que  de  les  dé- 
montrer. 

Dans  la  féconde  Partie  ,  il  expli- 
que les  proportions ,  avec  les  prin- 
cipaux ufages  du  calcul.  Cette  fé- 
conde partie  contient  fix  Chapitres. 
Dans  le  premier  ilenfeigne  la  Logi- 
que des  proportions ,  les  règles  de 
Trois ,  de  Société ,  &  Teftamentai- 
res.  Dans  le  fécond  il  traite  des  rap/ 
ports  réciproques ,  &  y  enfeigne 
la  Règle  de  Trois  inverfe  ,  les  Rè- 
gles d'alliage  ,  d'égalité  8c  d'inéga- 
lité ;  il  y  montre  .1  refoudre  fans 
fradions  l'alliage  de  trois  chofes. 
Dans  le  troificme  il  traite  de  la 
Multiplication  &:  Divifion ,  des 
rapports  ,  des  puiffances  ^   &  de 


«44        JOURNAL    D 

l'extradlion  des  Racines.  Il  y  fait 
obfcrver  qu'il  y  a  des  Règles  de 
Trois  tant  droites  qu'inverfes ,  de 
divers  dcgrez  ,  &  il  en  explique  la 
pratique  ;  il  y  fait  auflî  une  remar- 
que fur  le  choix  d'une  échelle  de 
numération. 

Le  quatrième  Chapitre  roule  fur 
les  Logarithmes  ,  fur  la  conftruc- 
tion  des  tables  ^  &  fur  leur  ufage. 

Le  cinquième  ,  fur  ces  nombres 
premiers  &  compofcs  ,  l'Auteur  y 
démontre  d'une  manière  très-fim- 
ple  ,  les  incommenfurellcs  ;  il  y 
conftruit  des  tables  de  nombres 
compofés,  dont  il  y  montre  les  ufa- 
ges  qui  font  plus  commodes  &  plus 
étendus  que  ceux  des  logarithmes. 

Enfiti  dans  le  fixiéme  il  propofe 
des  méthodes  pour  les  queftions 
difficiles.  11  fait  voir  quels  font  les 
cas  cil  on  peut  refoudre  une  que- 
ftion  par  la  fuppofition  fimple  ou 
par  la  double  ;  oc  après  avoir  enfei- 
gné  ces  deux  règles  ,  il  montre  à 


ES     SÇAVANS, 

combiner  la  règle  de  fuppofitios 
double  avec  la  règle  de  Société,  ou 
avec  une  autre  règle  de  fuppofi- 
tion ;  cnforte  qu'il  refont  par  ce 
moyen  ,  des  queftions  qui  ont  plu- 
ficurs   nombres  inconnus. 

Il  y  explique  encore  une  règle  de 
rétrogradation  ,  &c  une  règle  de 
commun  divifeur ,  qui  dans  les  cas 
où  elles  conviennent  ,  font  d'un 
grand  fecours  pour  abréger. 

Quoique  cet  Ouvrage  contienne 
beaucoup  de  chofcs ,  comme  on  le 
voit  par  le  détail  que  nous  venons 
de  faire  ,  l'Auteur  ne  laifle  pas  de 
dire  qu'il  auroit  été  facile  de  com- 
pofer  un  Volume  plus  ample  ;  mais 
il  croit  avoir  mis  alfez  de  théorie  , 
pour  rendre  rallbn  de  toute  la  pra-; 
tique  qu'il  enfeigne. 

On  trouve  a  ja  fin  un  Supplé- 
ment où  font  expliquées  quelques 
pratiques  touchant  la  manière  de 
compter  les  monnoyes  de  France. 


IsfOVFELLES     LITTERAIRES. 


FRANCE. 


De     Paris. 


Be  s  ançon. 

NICOLAS  Charmet ,  Librai- 
re de  cette  Ville  ,  débite  Trai- 
tez.  de  la  Mainmorte  &  des  Retraits. 
Par  M.  T.  I.  Dunod,  ancien  Avocat 
au  Parlement,  &  ProfelTcur  Royal 
en  rUniverfité  de  Befançon.  Ce 
Livre  dont  nous  rendrons  compte 
inceffamment ,  eft  imprimé  à  Di- 
jon ,  chez  de  Fay.  in-jf°.  173  j. 


Le  R.  P.  du  Halde ,  de  la  Com-: 
pagnie  de  Jefus  ,  vient  défaire  im- 
primer en  deux  feuilles  in-fol.  le 
plan  d'un  grand  Ouvrage  fur  la 
Chine  ,  qu'il  prépare  depuis  long- 
tems.  Il  eft  intitulé  :  Defcriptioft 
Geagrapbi^ue  ,  Hijioricjue  ,  Chrono- 
logique ,  Politique  &  Phyjlque  de  la 
Chine  &  de  la  Tartarie  Chinoife-y 
enrichie  des  cartes  générales  &  par- 
ticulières de  ces  Pays ,  de  la  Carte 
géaéralej 


À  V  R 

générale ,  &  des  Cartes  particuliè- 
res du  Thibet  &  de  la  Corée ,  &  or- 
née d'un  grand  nombre  de  ligures 
&  de  vignettes  gravées  en  taille- 
douce. 

On  convient  au  commencement 
de  ce  Programme ,  que  nous  ne 
connoiflbns  la  Chine  que  très- im- 
parfaitement ,  &  que  ce  qu'on  en  a 
écrit  en  Europe  a  fervi  plutôt  à  ex- 
citer la  curioiîté  du  public  qu'à  la 
fatisfaire.  C'eft:  ce  qui  a  déterminé 
le  P.  dit  Hulde  à  travailler  fans  re- 
lâche pendant  pluficurs  années  à 
une  defcription  qui  piàt  donner  de 
ce  grand  Empire  &  de  fes  habitans 
des  connoiffances  plus  fures  &  des 
idées  moins  confufes  que  celles  que 
l'on  en  a  eues  jufqu'ici. 

Quelque  difficile  que  foit  en 
elle-même  ou  que  puifle  paroître 
l'exécution  d'une  telle  entreprife  , 
le  P.  du  Hdde  fe  flatte  d'y  avoir 
pleinement  réufïî  ,  non  feulement 
par  fes  propres  recherches  ,  mais 
plus  encore  par  lefecoursdcs  Mif- 
uonnaires  répandus  dans  toutes  les 
Provinces  de  la  Chine ,  avec  ief- 
quels  il  a  un  commerce  aflidu  de- 
puis vingt-deux  ans. 

Le  féjour  qu'a  fait  à  Paris  l'an- 
née dernière  le  V.Conuncin^  ancien 
Miflîonnaire  Jefuite  qui  a  palTé  près 
de  trente-deux  ans  à  la  Chine  ,  a 
été  pour  l'Auteur  un  autre  avantage 
auquel  il  avoue  qu'il  ne  devoit  pas 
s'attendre  ,  mais  dont  il  a  eu  grand 
foin  de  profiter.  Cet  expérimenté 
Miflîonnaire  a  examiné  avec  la  plus 
ierieufe  attention  &  avec  la  plus 
fevere  critique  l'Ouvrage  que  nous 
annonçons ,  &  c'eft  en  profitant  de 
Avril. 


I  L  ;    175  j;  24; 

fes  lumières  &  de  fes  avis  que  le  P. 
d\i  Hdde  s'eft  alTuré  de  l'entière 
exaditude  de  tout  ce  qu'il  y  avance. 
Aux  recherches  particulières 
que  l'Auteur  a  faites  pour  donner 
une  defcription  de  la  Chine  &;  de 
la  Tartarie  Chinoife  auili  complct- 
te  que  le  titre  &  le  projet  le  pro- 
mettent,  il  faut  ajouter  comme  un 
nouveau  mérite  &  comme  un  pré- 
cieux ornement  de  l'Ouvrage  ,  qua- 
rante &  une  Cartes  toutes  nouvel* 
les  de  la  Chuie  ,  de  la  Tartarie  Chi- 
noife ,  de  la  Corée  &  du  Royau- 
me de  Thibet.  Elles  ont  été  levées 
fur  les  lieux  avec  la  dernière  exac- 
titude par  les  Millionnaires  qui  ont 
parcouru  ces  vaftes  Pays  la  mcfurc 
adluelle  à  la  main  ,  &  elles  feront 
rédigées  &  gravées  par  les  foins  de 
M.  à'Anville  ,  dont  nous  avons  dé- 
jà loiié  plus  d'une  fois  les  Talens  , 
la  capacité  ,  &  le  zélé  pour  la  per- 
fetftion  de  la  Géographie. 

Tel  eft  le  précis  de  ce  que  con- 
tient l'imprimé  dont  nous  rendons 
compte.  Il  ne  nous  eft  pas  pofliblc 
d'abréger  le  détail  dans  lequel  en- 
tre le  P.  du  Hdde  de  toutes  les  ma- 
tières que  fa  defcription  renferme  , 
foit  par  rapport  à  la  Géographie  ,  à 
l'Hiftoire  tant  civile  que  naturelle  ,' 
au  Gouvernement ,  à  la  Religion , 
à  la  Police  ,  aux  mœurs ,  à  la  Litté- 
rature &  aux  Sciences  des  Chinois, 
foit  par  rapport  à  la  méthode  que 
les  Millionnaires  Mathématiciens 
ont  cbfervée  en  dreflant  les  Cartes 
dont  nous  venons  déparier.  Nous 
fommcs  forcés  de  renvoyer  là-def- 
fus  nos  Ledieurs  au  ProfpeUits  mê- 
me. Nous  croyons  qu'il  nous  fuflit 
II 


24^  JOURNAL    D 

d'apprendre  tn  général  au  public 
que  ce  curieux  Ouvrage  cft  aduel- 
Icment  en  état  de  paroître  ,  &  qu'il 
ne  peut  être  retardé  que  par  la  gra- 
vure des  Cartes  &  d'un  grand  nom- 
bre de  figures.  Il  doit  être  en  trois 
on  ijuntre  W olumcs  in-fol.  &  corfime 
la  ijUiinthé  de  Cartes  &  de  flanches 
tjii'il  doit  contenir  obligera  à  n'en  ti- 
rer qu'un  certain  nombre  d'exemplai- 
txs  ceux  ejui  en  voudront  avoir  font 
avertis  de  les  retenir  de  bonne  heure. 
Ils  pourront  s'adrcjpr  eu  au  R.  P.  du 
Halde  qui  demeure  à  la.  M  ai  fort 
Trofejfe  ,  rué  S.  Antoine  ,  ou  à  P.  G. 
LE  Mercier  fils  ,  Imprirneur-Li- 
kraire ,  rué  S.  Jacques ,  au  Lion  d'or. 
On  aura  foin  ({informer  ceux  qui 
auront  retenu  des  exemplaires  ,  du 
îerns  auquel  on  comtnencera  l'impref- 
Jton  de  l'Ouvrage  ,  &  du  prix  au- 
quel il  leur  fera  livré.  Ce  fera  au  plus 
t(ird  dans  quatre  on  cinq  mois. 

Une  Compagnie  de  Libraires  a  im- 
primé Journal  des  principales  Au- 
diences du  Parlement  avec  les  Arrêts 
qui  y  ont  été  rendus^  Nouvelle  Edi- 
tion ,  revue  ,  corrigée  &  augmen- 
tée de  plufieurs  Queftions  &;  Re- 
glcmeas  placés  félon  l'ordre  des 
tems.  1753.  m-fol.  4  vol. 

Cet  Ouvrage  a-,  comme  on  fçait, 
pour  Auteurs  trois  Avocats  au  Par- 
lement de  Paris  ,  Meilleurs  Dufref 
ne  ,  Jamet  de  la  Gtiejfiere ,  &c  Nu- 
pied;  il  étoit  ci-devant  en  cinq  Vo- 
lumes ift-fol.  Les  Libraires  aflurent 
qu'il  n'ont  rien  épargné  pour  rendre 
cette  nouvelle  Edition ,  qui  cft  du 
même  caïadere  que  le  Journal  du 
Palais ,  préférable  aux  Editions  pré- 
cédentes _,  foit  pour  l'ordre ,  la  cor- 


ES    SÇAVANS; 
redion,  &  des  augmentations  con- 
fiderables  ,  foit  pour  la  beauté  du 
papier  &:  de  l'imprcllion. 

J.  B.  Coignard  hls  ,  &;  Hippolytt- 
Louis-Guerin  ,  rue  S.  Jacques ,  ont 
en  vente  le  DiElionnaire  des  Cas  de 
Confidence  ^  décidés  fiuivant  les  prin- 
cipes de  la  morale  ^  les  ufiagis  de  la 
Dificipline  Ecclefiafliqite  ,  l'autorité 
des  Conciles  &  des  Canonifles  ^  &  la 
Jitrifprudence  du  Royaume,  Par  feiiS 
Meilleurs  Delamet  Se  Fromageait  ^ 
Docteurs  de  la  Maifon  ôc  Société 
de  Sorbonne.  17J  3.  in-fiol.  2  vol. 

On  a  mis  à  la  tcce  de  ces  deux 
■Volumes  une  Prélace  où  l'on  ap- 
prend entre  autres  chofes  qu'il 
avoir  d.éja  paru  en  1714.  Se  /«-S", 
un  Eftai  de  ce  DicTiionnaire  fous  le 
titre  de  Refioliaions  de  plufieurs  Cas 
de  Coyjficience  touchant  la  morale  dr 
la  dificipline  de  PEglifie  ,  par  feus 
AiM.  de  Lamet  &  From.igeau  ,  & 
que  la  Colleétion  que  l'on  donne 
aujourd'hui  n'eftque  l'exécution  de 
la  promclTc  qu'on  avoit  tait  alors 
de  donner  plufieurs  autrcsVolumes 
femblables  à  ce  premier.  »  Si  le 
»  public  a  long-tems  attendu  ; 
1»  ajoiitent  les  Auteurs  de  la  Préfa- 
»  ce  ,  nous  cfperons  qu'il  fe  trouvc- 
»  ra  dédommagé  par  l'ordre  qu'il 
»  trouvera  dans  ce  Di<flioanaire , 
M  le  choix  des  matières  ,  le  grand 
»  nombre  de  QueftioDS  importan- 
»  tes ,  fur  lefquelles  les  Cafuiftes  ne 
»  s'étoient  point  encore  expliqués , 
w  l'abondance  &c  la  folidité  des 
»  preuves  qui  en  appuycnt  les  dé- 
»  cillons ,  la  netteté  &  la  clarté  du; 
»  ftile  ,  &c. 
A  cet  éloge  du  Livre  fuccedeccs- 


A  V  R  I 

luï  des  deux  célèbres  Auteurs. 

M .  Adrien-Angiiflin  de  Bitjfi  de 
Ldmet ,  dont  on  donne  la  Généalo- 
gie, étoit  d'une  des  plus  illuftres  fa- 
milles dePicardie  dans  leBeauvoifis. 

Il  naquit  en  i6i\.  fans  qu'on 
fpecifie  ici  ni  le  jour  ni  le  lieu  ,  & 
mourut  à  Paris  le  lo   de  Juillet 

M.  Germain  Fromageau  ,  de  la 
naiffance  duquel  on  ne  marque 
point  l'année  ,  étoit  d'une  famille 
honnête  de  Paris.  Il  fut  reçu  de  la 
Maifon  &  Société  de  Sorbonne  en 
\6Si.  &  mourut  le  7  d'Odobre 
1705. 

Le  refte  de  la  Préface  eft  employé 
à  faire  voir  l'utilité  de  cetOuvrage, 
&  il  ne  nous  refte  à  ajouter  à  cet 
article  qu'une  chofe  également  in- 
teredànte  pour  le  public  &  pour  les 
Libraires ,  c'eft  que  ces  deux  Volu- 
mes font  très-bien  imprimés.. 

On  trouve  chez  le  même  Coi- 
gnard  ïc  Difcours  Latin  prononcé 
au  Collège  de  Louis  le  Grand  le  13, 
Mars  dernier ,  par  le  R.  P.  Porée^ 
l'un  des  Profelleurs  de  Rhétorique; 
fous  ce  titre.  Theatrumft  ne  aut  ejfe 
fojfit  Schola  moribus  informandis  ido- 
■nea.  Oratio  ,  &c.  \-ji,i.in-j^°. 

BibliothéijHe  des  Théâtres.  Conte- 
nant le  Catalogue  Alphabétique  des 
Pièces  Dramatiques ,  6c  Opéra  ,  le 
nom  des  Auteurs  &  le  tems  de  k 
ïeprefentation  de  ces  Pièces.  Avec 
des  Anecdotes  fur  les  Auteurs  & 
iur  la  plupart  des  Pièces  contenues 
en  ce  Recueil.  Chez  Pierre  Frauh , 
Quai  de  Gêvres  ,  au  Paradis.  1.7  3  5» 

Jean  Dejaim ,  rue  Saint  Jean  de 


L  i    iT^3\  34-7 

Beauvais ,  vis-à-vis  le  Collège  ,  a 
donné  une  féconde  Edition  du 
DiElionnaire  abrégé  de  la  Fable,  pour 
l'intelligence  des  Poètes  <3  la  connoif- 
fance  des  Tableaux  &  des  Statues  ^ 
dont  les  fiijets  font  tirés  de  la  Fable. 
Par  M.  Chon.fré  Maître  de  penfioii.. 
1733. /»-iz. 

On  a  employé  un  petit  caradiere 
dans  cette  féconde  Edition ,  aSa 
que  le  Livre  étant  réduit  en  un 
moindre  Volume  ,  malgré  les  aug- 
mentations confiderablcs  qu'on  y  a 
faites  ,  on  pût  le  porter  fans  embar- 
ras ,  &  s'en  fervir  plus  aifément 
dansl'occafion.  Quoique  cet  Ou- 
vrage paroilTe  fort  abrégé  ,  l'Auteur 
fe  flatte  cependant  de  n'y  avoir  rien 
omis  de  tout  ce  qu'on  peut  defiret 
fur  cette  matière. 

Hifloire  ancienne  des  Egyptiens^ 
des  Cartaginois ,  des  Ajfyriens ,  &c. 
par  M.  Rollin.  Tome  V°.  Cher  la 
Y evwc  Etienne  ^  rue  S.  Jacques ,  ài 
la  Vertu.  1733  in-ii.- 

Traité  d^  l'Opinion ,  ou  Mémoi- 
res pour  fervir  à  l'Hiiloirc  de  l'cf- 
prit  humain.  Chez  Charles  Ofmont ,, 
êc  Grégoire- AntoîneDw/'w/j.  i>3  3.- 
in-it.  6.  vol. 

Principes  de  l'Hiftoire.  Contenant 

I.  les  Elémrns  de  la  Chronologie. 

II.  un  petit  Traité  de  la  Sphère  6c 
du  Globe  Terreftre  ,  pour  fervit 
d'introdudion  à  la  Géographie  , 
accompagné  de  la  divifion  géogra- 
phique &  Hiftorique  de  l'Empire 
Romain  en  fes  Provinces.  III.  L'a- 
brcgé  de  la  Vie  des  meilleurs  Hi- 
ftoriens,  avec  un  jugement  fur  leurs 
Ouvrages.  IV.  Quelques  reflexions 
fur  l'ufage  de  i'Hiftoire  ^  &  fur  k 


«48  JOURNAL   D 

manière  de  l'étudier  utilement.  V. 
Une  idée  générale  du  Gouverne- 
ment des  principaux  Etats  de  l'Eu- 
lopc  ,  anciens  &:  modernes.  Par  M. 
Juvenel.  Chez  Barthélémy  Alix  ^ 
ïue  S.  Jacques ,  au  Griffon.  173  3. 
in-\z. 

Troifiéme  feuille  de  la  Carte  To- 
pographique des  Environs  de  Paris, 
de  M.  l'Abbé  de  la  Grive ,  laquelle 
comprend  le  Parc  &:  la  Varenne 
S.  Maur  ,  la  Plaine  de  Créteil  juf- 
qu'à  ViUe  -  Neuve  S.  George  ,  le 
Château  de  Gros-bois  &  fes  envi- 
rons ,  Si  la  partie  de  la  Bric  com- 
prife  entre  Emery  &  Servon.  Chez 
l'Auteur  ,  Cloître  S.  Benoît. 

L' Académie  Françoife  a  fait  fça- 
voit  au  Public  que  le  25°  jour 
d'Août  prochain.  175  3.  elle  donne- 
ra le  prix  d'éloquence  fondé  par  M. 
de  Balz.ac.  Le  fujet  fera  ,  de  la 
modération  dans  la  difpute ,  félon  ces 


ES   SÇAVANS; 

paroles  de  l'Ecriture  Sainte  :  Ref- 
fonjio  mollis  frangit  iram.  Cap.  1 5 . 
verf.  I. 

Le  même  jour  elle  donnera  le 
Prix  de  Poefic  ,  fondé  par  M.  de 
Clermont  de  To>inere.  Le  fujet  fera  ; 
Les  Progrès  de  la  Sculpture  fous  le  ri" 
gne  de  Louis  l^Gk AND.  Celui  qui 
remportera  le  Prix  de  Profe  de  cet- 
te année  1753.  recevra  deux  Mé- 
dailles d'or  au  lieu  d'une ,  parce  que 
l'Académie  n'a  point  encore  donne 
le  Prix  de  Profe  en  17  3 1. 

L'AflréedeM.  «^'Urte'  ,  Paflora- 
le  Allégori<^ue  ,  avec  la  Clé.  Nouvel- 
le édition.  Où  fans  toucher  ni  au 
fonds  ni  aux  Epifodes ,  on  s'eft  con- 
tenté de  corriger  le  langage ,  &  d'a- 
bréger les  converfations.  Chez  Pier- 
re Fitte ,  rue  S.  Jacques  ,  &  Didot  ^ 
Quai  des  Auguftins.  1733.  in-iz. 
10  vol.  avec  60.  figures  entailles- 
douces. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  d'Avril  173J.' 

LE  SpeSlacle  de  la  Nature  ,  &c.  page  151 

Explication  du  Livre  de  la  Genéfe  ,  &c.  1^8 

Explication  du  Livre  de  Job ,  &c.  ioi 

Dijcoursfur  les  différentes  figures  des  Aflres  ,  8cC.  2ctf 

Hijloire  de  V Académie  Royale  des  Sciences ,  &c.  a  1 8 

La  Bihliothémte  des  Enfans  ^  &c.  23 1 

Le  Repos  de  Cyrus ,  &c.  23^ 

Arithmétique  démontrée  ,  par  un  Prêtre  de  l'Oratoire ,  &c.  24  j 

Nouvelles  liitteraires ,  244 

Fin  de  la  Table 


L  E 

JOURNAL 

DES 

FOUR 
VANNEE     M.    DCC.    XXXIII 
MAY. 


A     PARIS; 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  de$ 

Auguftins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXX  IIL 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY,, 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

3 

MAY    M.  DCC.    XXXIII. 

TVSCVLANE   DE    CICERON   SVR    LE    MEPRIS  DE    LA 

mort  ;  traduite  par  Ai,  l'Ahbé  cTOUvet ,  de  V Académie  Françoife.  Avec 
des  Remarqua  de  M.  le  Prifiâem  Bouhier  ,  de  la  même  Académie  ,  fur 
le  Texte  de  Ciceron.  On  y  a  joint  le  Songe  de  Sctpion.  A  Paris  chez 
Canâouin  ,  à  la  Belle-Image  ,  furie  Quai  des  Augiiftins.  ijiiJn-n. 
pp.  401. 

L'ELEGANTE   Verfion  Fran-  la  Nature  des  Dieux ,  z  îût  conndi- 

çoife  que  M.  l'Abbé  d'Olivet  tre  plus  univerfellement  au  Public 

a  donnée  des  Livres  de  Ciceron  fur  ce  que  cet  incomparable  Ecrivain 
May.  ]R.  r  ij 


248        JOURNAL    DE 

pcnfoit  fur  ce  point  li  important  de 
la  Religion.  L'on  ne  devoit  pas  être 
moins  curieux  d'apprendre  fcs  vé- 
ritables fentimcns  fur  la  nature  de 
l'Ame  :  &  comme  c'cft  dans  fa  pre- 
mière Tufculane  qu'il  s'en  expli- 
que le  plus  philolophiqucment  ; 
i'habilc  Traducteur  n'a  pas  manqué 
d'être  vivement  follicité  de  prêter 
pour  une  partaite  intelligence  de 
cette  Pièce  ,  les  mêmes  fccours 
dont  on  s'ctoit  (î  bien  trouvé  par 
rapport  à  l'autre  Ouvrage.  Mais 
quelque  porté  qu'il  fût  par  lui-mê- 
me à  l'execiition  d'une  pareille  en- 
treprife  -,  deux  raifons  fcmbloient 
l'en  détourner  ;  l'une  ,  qu'il  paroî- 
troit  extraordinaire  à  beaucoup  de 
gens  ,  que  des  cinq  Tufculancs^  on 
ne  mît  que  la  première  en  notre 
langue  -,  l'autre  ^  que  pour  un  hom- 
me comme  lui  ^  à  qui  cette  forte 
de  travail  (  dit-il  )  coûte  bien  au- 
delà  de  ce  qu'il  ofe  l'avouer ,  ce- 
lui de  traduire  en  François  les  cinq 
Tufculanes ,  devenoit  des  plus  fa- 
tiguans. 

Four  lever  la  première  difficulté, 
il  confentit  donc  à  les  publier  tou- 
tes enfcmble  ,  quelque  peu  de  liai- 
fon  qu'elles  aycnt  cntr'ellcs ,  quant 
aux  fujets  qui  y  font  traités  ;  & 
pour  vaincre  le  fccond  obftacle  ,  il 
rendit  l'Ouvrage  moins  pénible 
pour  lui,  en  s'afTociant  quatre  amis, 
dont  trois  étoient  de  l'Académie 
Françoife.  De  ces  cinq  alTociés  , 
deux  font  morts  en  1718.  &c  1729. 
far.s  avoir  achevé  leur  tâche ,  favoir 
^M.  de  U  Motmoye  &  à'Ciy^  char- 
gés de  la  féconde  &  de  la  dernière 
Tufculane  :  deux  autres  peu  fatif- 


S  SÇAVANS, 
faits  de  leur  vcrhon  ,  l'ont  abfolu- 
ment  abandonnée ,  quoique  très- 
capables  d'y  réuiîîr  au  gré  des  plus 
juftcs  Eflimateurs.  M.  l'Abbé  d'O- 
livet  allègue  ici  pour  principale 
caufe  de  leur  dégoût ,  le  caradîere 
de  ces  deux  Dialogues  ,  peu  faits 
pour  paflcr  dans  notre  langue  & 
pour  s'y  fa'ire  lire  agréablement  •,  ce 
qui  vient  de  la  m,atiere  obfcure  & 
peu  intcrelTante  pour  nous  fur  la- 
quelle ils  roulent ,  &  qui  eft  celle 
des  paillons  traitées  fuivant  le  Sy- 
ftême  des  Stoïciens  ,  fi  peu  confor- 
me (  dit-il  )  aux  idées ,  aux  maxi- 
mes &  aux  motifs  que  nous  avons 
puifés  dans  l'Evangile.  M.  l'Abbé 
d'Olivet  eft  donc  le  feul  qui  ait 
fourni  pleinement  fa  carrière  ,  mais 
il  n'a  pas  tenu  à  lui  ,  comme  l'on 
voit  ,  que  les  cinq  Tufculanes 
n'ayent  paru  traduites  en  François. 
Celle  qu'il  nous  donne  aujour- 
d'hui nous  dédommage  de  ce  que 
nous  perdons  aux  quatre  autres  ,  & 
c'cft  un  bonheur  pour  nous  que  le 
courage  ne  lui  ait  pas  manqué. 
Deux  circonftances  y  ont  eu  k 
meilleure  part  5  l'une,  que  dans  la 
diftriburion  de  l'Ouvrage  ,  le  meil- 
leur lotlui  étoit  échu  ,  c'eft-à-dire, 
la  première  Tufculane  ,  pleine  de 
reflexions  didées  par  le  feiis  com-i 
muil  &  à  la  portée  de  tout  le  mon- 
de :  l'autre ,  &  qui  eft  la  principale, 
c'cft  qu'il  n'ii  pu  fe  refoudre  à  en- 
fouir les  remarques  de  M.  le  Pré/î- 
dcnt  Bonhier  fur  le  Texte  Latin  de 
ce  Dialogue  :  remarques  entreprifes 
uniquement  pour  accompagner  la 
verlîon  deM.  l'Abbé  d'Oliver  ,  Sc 
£  dignes  de  voir  ic  jour ,  par  toute 


M   A 

fotte  de  confîderations.  L'une  des 
plus  prcirantes  ctoit  fans  doute  , 
comme  le  remarque  fort  bien  notre 
Tradudreur ,  le  delîr  de  réveiller  en 
France  le  goût  de  la  Critique  ,  par 
l'exemple  d'un  homme  de  ce  rang 
&  de  ce  mérite.  Il  y  a  200  ans  que 
ee  goût  y  étoit  tellement  répandu  j, 
que  nos  Prélats  même  &  nos  Magi- 
ftrats  faifoient  gloire  de  s'appliquer 
à  ce  gervre  d'étude  ,  fur-tout  par 
rapport  aux  Ouvrages  de  Ciccron. 
Relégués  aujourd'hui  dans  les  Col- 
lèges ,  ils  faifoient  alors  les  délices 
dctout  ce  que  la  Robe  &  le  Clergé 
avoient  de  plus  confiderablc  ;  com- 
me il  eft  aifé  d'en  juger  par  le  dé- 
nombrement qu'on  trouve  ici  des 
Evêques,  des  ^laîtres  des  Requêtes, 
des  Préfidcr.s ,  des  Confeillers  ,  qui 
aidèrent  le  célèbre  Lambin  dans  la 
belle  Edition  qu'il  donna  des  Oeu- 
vres de  cet  Orateur. 

Tels  font  les  motifs  qui  ont  enga- 
gé M.  l'Abbé  d'Olivet  à  publier 
féparément  la  première  Tufculane  ; 
ainlî  qu'il  les  expofc  dans  fa  Préfa- 
ce 5  après  quoi  il  y  travaille  à  com- 
battre deux  fortes  de  préventions  , 
foit  en  faveur  ,  foit  au  défavantagc 
des  Philofophes  anciens  ,  &  qui 
lui  paroilfent  également  outrées. 

Rien  de  moins  raifonnable  (  fé- 
lon lui  )  que  de  chercher  du  Chn- 
ftianifme  dans  leurs  opinions^  com- 
me s'efforcent  de  le  faire  plufieurs 
de  nos  Humaniftes  6c  même  de  nos 
Théologiens.  Les  idées  de  la  Philo- 
fôphie  Payenne  lui  femblent  auffi 
peu  d'accord  entre  elles  &  auffi  peu 
orthodoxes  ici  fur  la  nature  de  1  A- 
Hie ,  qu'aillears  fur  celle  de  la  Divi- 


Y  ,     I  7  5  ?•  a4j> 

nité.  En  effet,  bien  loin  d'en  con- 
clure ,  par  exemple  ,  pour  chaque 
Ame  humaine  ,  une  fubflance  indi- 
viduelle ,  éternellement  la  même  , 
fans  altération  6c  fans  mélange  ;  il 
faut  regarder  au  contraire,  chacune 
de  ces  Ames  ,  au  fortir  du  corps, 
comme  devant  fe  réunir  dans  !'£- 
ther  à  la  prétendue  Ameuniverfel- 
le  ,  où  par  confequent  elle  ne  fub- 
fifte  plus  que  comme  une  goutc 
d'eau  dans  l'Océan, 6cceffe  d'appar- 
tenir à  tel  ou  tel  individu  :  d'où  il 
fuit  que  l'Ame  n'eft  éternelle  que 
comme  la  matière,  fujctte  à  diver- 
fcs  modifications ,  mais  dont  nulle 
portion  ne  périt.  C'eft  en  vûé  de 
recffifier  la  première  Tufculane  fur 
ce  point  capital  ,  que  M.  l'Abbé 
d'Olivet  y  a  joint  le  Songe  de  Sc't- 
pion  ,  qui  nous  offre  deux  Ames  , 
celle  de  Scipion  l'Africain  6c  celle 
de  Paul-Emile  ,  comme  deux  fub- 
ftanccs  permanentes  individuelle- 
ment diftinâics. 

Mais  fi  nous  ne  devons  pas  envi- 
fagcr  les  Philofophes  de  l'antiquité 
comme  nos  oracles  -,  c'eft  donner 
dans  une  autre  extrémité,  d'en  croi- 
re la  ledure  dangereufe  ,  parce  que 
leur  dodrine  contredit  fouvent  les 
aiticles  de  notre  foi.  Nous  lifons 
tous  les  purs  fans  aucun  pcril  les 
relations  de  nos  plus  faints  Mifiion- 
naires ,  qui  nous  entretiennent  des 
impietez  les  plus  abfurdes  de  l'ido- 
lâtrie moderne.  »  Qu'une  rêverie 
»  (  dit  l'Auteur  )  parte  d'un  Stoï- 
»  cien  ou  d'un  Talapoin  ,  que  nous 
»  importe  ?  Aux  yeux  de  l'cfprit, 
»ideux  mille  ans  &  deux  mille 
»j  iicuës  lent  le  même  effet.  Rien  , 


2.S0         JOURNALD 

M  ce  me  fcniblc  ,  n'ell;  plus  digne 
»)  d'un  homme  fagc,  que  d'étudier 
»  hiftoriquement  les  opinions  hu- 
>i  maines.  Par  là  du  moins  on  ap- 
i>  prend  à  ne  point  abonder  en  fon 
»>  fcns,  puifqu'on  voit  les  plus  rares 
»  génies  donner  dans  des  travers. 
«Aucun  des  Philofophes  Grecs 
»  n'en  fut  exempt.  «  Mais  d'un  au- 
tre côté  ,  quelle  obligation  ne  leur 
at-on  pas  de  tant  de  leçons  utiles  à 
la  Société,  d'où  elles  ont  banni  peu 
à  peu  la  barbarie  ?  Ciceronles  a  raf- 
femblées  avec  choix  ,  pour  nous  les 
prefenter  fous  le  point  de  vue  le 
plus  favorable  ;  Sc  M.  l'Abbé  d'Oli- 
vet  croit  pouvoir  le  mettre  à  la  tête 
des  anciens  qui  ont  le  mieux  fervi 
la  raifon ,  fans  craindre  qu'on  pren- 
ne cet  éloge  pour  l'hommage  fervi- 
le  d'un  Traducteur.  Mais  ,  quoi- 
qu'on en  pcnfe  ,  il  demeurera  toià- 
jours  (  cet  hommage  )  fort  au-def- 
fous  de  celui  que  rend  le  dode  E- 
rafme  à  l'Orateur  Romain  ,  qu'il 
canonife  prefque  dans  une  Préface 
de  fa  façon  ,  imprimée  à  la  tête  des 
Tufculaiies  ,  &  dont  M.  l'Abbé 
d'Olivet  nous  donne  ici  le  Texte 
accompagné  d'une  Verfion  Fran- 
çoife.  On  lira  l'un  de  l'autre  avec 
grand  plaifir. 

Il  nous  refte  prefentement  a  ren- 
dre compte  plus  en  détail  de  ce  qui 
compofe  ce  Volum.e.  On  y  trouve 
d'abord  la  Verfion  Françoife  de  la 
Tufculane  dont  il  s'agit  &:  du  Son- 
ge de  Scipion  :  5c  cette  Verfion  ell 
travaillée  avec  tant  de  foin  ,  que 
fans  fe  relâcher  fur  la  fidélité  la 
plus  fcrupuleufe  à  rejidrc  les  pen- 
iées  de  l'Auteur  ^  elle  conferve  par 


ES  SÇAVANS, 

tout  cette  clarté  ,  cette  pureté ,  ccf- 
tc  noblelle  d'expreflion  ,  qui  en  ca- 
raclerifc  principalement  le  ftyle. 
C'cll  de  quoi  l'on  pourra  juger  pat 
le  début  de  ce  Dialogue.  Nous  Tal- 
ions tranfcrirepour  échantillon. 

>'  Qiiand  )'ai  vîi  enfin  qu'il  n'y 
3)  avoir  prefque  plus  rien  à  faire 
»  pour  moi ,  ni  au  Barreau  ,  ni  au 
»  Sénat  i  jai  fuivi  vos  confeils , 
"Brutus,  &  me  fuis  remis  à 
»  une  forte  d'étude  ,  dont  le  goût 
»  m'étoit  toujours  refté  ,  mais  que 
»  d'autres  foins  avoient  fouvcnc 
»>  ralentie  ,  ou  même  interrompue 
»  long-tems.  Par  cette  étude  ,  j'cn- 
)»  tens  la  Philofophie  ,  qui  eft  i'é- 
»i  tude  même  de  la  fagefle  ,  SiÇ 
»  qui  renferme  toutes  les  con- 
»  noiflances ,  tous  les  préceptes  nc- 
»  ceffairesà  l'homme  pour  bien  vi- 
M  vre.  J'ai  donc  jugé  à  propos  de 
n  traiter  en  notre  Langue  ces  im- 
»j  portantes  matières  j  non  pas 
»»  que  la  Grèce  n'ait  à  nous  offrir 
j>  6c  Livres  ,  &  Dodeurs  ,  qui 
•>  pourroient  nous  les  enfeigncr  : 
»  inais  il  m'a  toujours  paru  que  nos 
»  Romains  avoient  ,  ou  inventé 
»  d'eux-mêmes  plusfagcment  que 
»  les  Grecs ,  ou  du  moins  pertec- 
»»  tionné  ce  qu'ils  avoient  cru  de- 
M  voir  en  retenir.  Il  y  a  dans  nos 
n  coutumes  6c  dans  nos  mœurs  ,  il 
»  y  a  dans  la  conduite  de  nos  affai- 
»  res  domeftiques  ,  plus  d'ordre, 
>>  plus  de  dignité.  Pour  legouver- 
»  nement  de  l'Etat  ,  nos  ancêtres 
»  nous  ont  certainement  lailfé  de 
n  meilleures  loix.  Parlerai-je  de  no- 
»  tre  Milice  ,  toujours  recomman- 
»  dable  par  la  valeur ,  Je  plus  ea- 


MAY 

M  core  par  la  bonne  difcipline  ? 
v)  Tour  ce  qui  pDuvoir ,  en  un  mot, 
»  nous  venir  de  la  narure  ,  fans  le 
n  fccours  àj  l'étude  ,  nous  l'avons 
n  eu  ,  iraw  a  un  tel  point ,  que  ni 
30  la  Géce ,  ni  quelque  nation  que 
»  ce  puille  être,  ne  doit  fccompa- 
»  rcr  avec  nous.  Où  trouver  en  effet 
M  ce  fonds  d'honneur  ,  cette  fer- 
»  mcté  ,  cette  grandeur  d'ame  ,  cet- 
»>  te  probité  ,  cette  bonne  toi ,  & 
n  pour  tout  dire  enrin  ,  cette  vtrtu 
}>  fans  reftriclion  ,  au  même  degré 
»  qu'on  l'a  vîië  dans  nos  pères  ? 

Comme  les  citations  en  vers  font 
fréquentes  dans  les  Tufculanes  ^  & 
qu'il  n'eft  pas  aifé  d'y  donner  un 
tour  poétique  en  François  ,  M. 
l'Abbé  d'OÎivet ,  pour  vaincre  cet- 
te difficulté  ,  a  eu  recours  à  M. 
Roujfean  fon  ancien  ami ,  qui  a  bien 
voulu  le  fecourir  en  cette  occalion, 
&  faire  pour  lui  la  plupart  des  vers, 
qui  fe  trouvent  dans  la  fuite  de  ce 
Dialogue. 

La  Verfion  Françoife  eft  accom- 
pagnée des  Remarques  du  Traduc- 
teur ,  imprimées  au  bas  des  pages. 
Elles  font  au  nombre  de  74,  &  elles 
font  principalement  déftinées  à 
éclaircir  quelque  paffage  de  l'Au- 
teur ,  à  chercher  la  vraie  fignifica- 
tion  de  quelque  mot  ,  à  difcuter 
quelque  point  de  Philofophie  ,  de 
Chronologie  ou  d'Hilloire  ,  à  faire 
connoître  plus  particulièrement  les 
grands  hommes  de  tout  genre  dont 
il  eft  parlé  dans  cet  Ouvrage  ,  à  in- 
diquer les  fourccs  où  Ciceron  a 
puifé  ,  &c.  &  tout  cela  s'exécute 
avec  beaucoup  de  précifion  ,  de 
netteté  &  de  juftelfe.i^ais  à  ia  fin. 


j    175  ?•  2;r 

le  Commentateur  fe  trouve  i\  fsti- 
giiépar  l'evcèsde  fa  complaifance  à 
foulagcr  les  befoins  d'un  Lccleur 
ignorant  ou  parcfleux  ,  que  la  pa- 
tience lui  échappe ,  au  fujet  d'Epa- 
minondas,  &  qu'il  s'écrie  ,  »  Qui 
»  ne  connoî:  Epaminondasî  A  quoi 
»  bon  des  remarques  ,  en  pareil  cas? 
M  Aujourd'hui  pour  fitisfaire  des 
n  Leâ:eurs  pareffeux  ,  &  qui  ne 
»  veulent  pas  même  ouvrir  un  Dic- 
«  tionnaire  ,  il  faudroit  qu'un  pau- 
»  vre  Traducteur  prît ,  à  tout  bout 
"de  champ,  la  peine  de  tranfcrire 
1)  des  pages  entières  de  fon  Adoréri. 
M.  l'Abbé  d'OIivet ,  à  propos 
d'un  palTage  du  Poète  Ennius  que 
cite  ici  l'Auteur  ,  &  dans  lequel 
parle  un  revenant  de  l'autre  monde, 
fait  une  obfcrvation  pour  mettre 
dans  un  plein  jour  le  danger  qu'il  y 
a  de  fucconiber  à  la  tentation  de 
mieux  dire  une  chofe  ,  qui  d'abord 
avoit  été  bien  dite.  Les  vers  dont 
il  eft  ici  queftion  font  originaire- 
ment d'Euripide  ,  qui  s'explique 
tout  fimplement ,  &  que  l'on  pour- 
roit  traduire  ainfi  : 

Des  portes  de  l'Erebc  &  des  demeures 
fombres , 

Je  reviens  en  ces  lieux 


La  Verfion  Latine  qu'on  attribue 
à  Ennius ,  &  qu'allègue  Ciceron  , 
tient  beaucoup  de  la  Paraphrafc  ; 
la  voici  : 

Aifum ,  atcjne  advenio  Achereme  > 
vix  via  alta  atque  ardua  ^ 

Ver  Jfeluncas  faxis  JirH^a$  offerts  , 
fendmibHS  , 


25*        JOURNAL    DES    5ÇAVANS; 


Maxlmis,  ubi  rigidA  confiât  crajf^t 
caligo  infemm. 

Enfin  la  Vcrfion  Françoife  fait 
une  nuance  diflcrentc,  &  va  enco- 
re au-delà  en  ces  termes  : 

A  travers  les  horreurs  de  la  nuit  infer- 
nale , 

J'arrive  en  ce  fcjoiir  par  un  affreux  Dé- 
dale 

De  rocs  entrecoupés ,  d'antres  fuUgi- 
neux. 

De  profondes  forets  &  de  monts  cavçr- 


Le  Tradudeur  produit  un  autre 
exemple  en  confirmation  de  fa  re- 
marque, n  C'eft  ce  vers ,  où  Sapho 
n  dit  de  la  manière  du  monde  la 
»  plus  finiple  : 

Celui-là  me  paroît  égal  aux  Dieux: 

M  Catulle ,  non  content  de  rendre 
»  ce  vers ,  en  ajoute  un  fécond,  où 
■»  il  enchérit  de  beaucoup  fur  l'orir 
»  ginal  : 

llle  mi  par  ejfs  Deo  videtur , 
Il  le  ,/îfas  C'A  j  fuperare  divos  : 

«Encore  ruct-il  un  corredif  ,/y^i' 
s>efl: 

Celui-là  me  paroît  égal  aux  Dieux  ; 

Même ,  s'il  eft  permis  de  le  dire  >  au-dcf- 
fus  dcj  Dieux. 


n  Mais  (  continue  M.  d'OIivet  )  M; 
»  Dcfpreaiix  trouveroit  cela  foible  , 
3>  il  demande  hardiment , 

Les  Dieux  en  fon  bonheur  peuvent-ik 
l'égaler .' 

»  Un  quatrième  Auteur  (  ajoûtc- 
55  t-on  )  qui  voudra  employer  la 
»  même  pciifée  ,  fc  croira  obligé  de 
M  pouiïer  encore  plus  loin  ;  fût-ce 
»  d'ailleurs  le  plus  naïf  de  nos 
»  Poètes  : 

Les  Dieux ,  dans  leurs  raviflemcns , 

Les  Dieux  au  milieu  de  leur  gloire  j 

Sont  moins  Dieux  quelquefois ,  que  nC 
font  les  amans  ; 

»  Dit  M.  de  la  Fontaine  dans  fon 
»t Opéra  de  Daphm  ,  Acte  3. 
S  c  E  N  E  4. 

Pag.  78.  Remarq.  9.  »  Au  fujeC 
»  du  lieu ,  où  Ciccron  avoit  pris 
»>  naifiance ,  &  qui  étoit  à  une  lieue 
n  À'.Arpinnm  ,  Ville  du  Pavs  des 
»  Volfqucs  ,  M.  l'Abbé  d'Ôlivec 
3)  obferve  que  c'étoit  là  que  l'Ora- 
»  teur  Romain  avoit  celle  de  fes 
9>  maifons  de  campagne  qu'il  nom- 
«  moit  V Académie  ,  &  dont  Pline 
»  fait  mention  (  L.XXXI.C.  3.) 
»  en  ces  termes  :  Digna  mcmoratit 

»  villa  efl (jHam  vocahat  Ci- 

»  cero  Academiam  ,  ab  exempt» 
»  Athcn.iriim  :  (  ibi  compolitis 
»  Voluminibus  cjufdem  nominis:  ) 
»in  t^iia  &  monument  a  fibi  inllaura- 
K  verat  ^  &c.  Sur  quoi  le  Traduc- 
»  rcur  nous  informe  d'une  Anec- 
»  dote  aflez  llngulicre  j  fcavoir^que 

h 


MAY 

»  le  P.  Hardoiùn  ^  dans  Ti  dernière 
j>  Edition  de  Pline  ,  a  rcnternié 
M  entre  deux  parenthéfes  (  comme 
•'  on  le  voit  ici  )  ces  paroles ,  ibi 
n  compojitis  voluminibus  cJHfdem  no- 
»  mims  j  parce  qu'il  ne  les  croyoit 
»  pas  de  Pline  -,  &  ia  raifon  éroit , 
»>  que  regardant  les  Livres  Acadé- 
i>  miques  de  Ciceron  comme  des 
»  Ouvrages  fuppofés  &  fabriqués 
=  dans  le  douzième  ou  treizième 
j)  fiéclc  ,  par  confequent  il  ne  vou- 
»  loit  pas  que  Pline  en  eût  fait  men- 
"  tion. 

Voici  bien  une  autre  wyFo;^ ,  fur 
l'origine  de  notre  Orateur  ,  &  dont 
nous  fait  part  ici  M.  l'Abbé  d'Oli- 
vet  {V^g-  8i.  rem.  9.  )  C'eft  que/f 
^ere  CT  la  mère  de  Ciceron  étaient  ori- 
ginaires ,  l'un  de  L'j4lbigeois ,  Vautre 
du  Vivares  ,  fait  avancé  dans  le 
Journal  des  Sçavans  du  4'  Juin , 
1685.  &  dont  on  y  affure  avoir  des 
preuves  certaines.  Cela  s'y  débite  à 
l'occafion  du  Livre  intitulé  Furften- 
bergiana  ,  mis  au  jour  par  le  P.  Fri- 
fon  Jefuitc  ;  à  Bourdeaux ,  en  1^84. 
in~  II. 

Sur  le  mot  Grec  {vt£asx«'«  ou 
fc^/eAt'xê'» ,  mis  en  œuvre  par  Arifto- 
te  pour  défigner  l'Ame  ,  &  em- 
ployé ici  par  Ciceron  (pag.éi.) 
M.  l'Abbé  d'Olivet  obferve  com- 
bien il  eft  difficile  de  comprendre 
ce  que  ce  terme  fignihe.  Il  renvoyé 
fur  ce  point  à  divers  Savans  que 
l'on  peut  confulter  ,  tels  que  Poli- 
tien  &  André  Schot  ,  GaJJindi  & 
LeibnitXjt  mais  il  avoiie  »  qu'après 
»tous  les  éclaircilTcmens  fournis 
»  par  ces  Ecrivains ,  on  n'en  fera 
u  peut-être  pas  plus  avancé.  Telle 


;    I  73  ?•         ^  syj 

uelf  l'impoiTibilité  d'y  voir  cl.-.ir, 
»  (  ajoi^ite-C-il  j  qu'elle  a  donne  lica 
»  à  ce  conte  ridicule  ,  C^Hi'Hermo- 
»  liiis  Barbarus  ,  noble  Vénitien  , 
»  &  qui  mourut  Patriarche  d'Aqui- 
>»lée  en  1439.  eut  une  conférence 
"  avec  le  Diable  ,  pour  fçavoir  de 
»  lui  quelle  idée  Ariftote  attachoit 
Ȉ  ce  terme,  dont  il  eft  l'inven- 
»  teur. 

Notre  Traducteur  (  pag.  35.  ) 
s'étonne  que  l'Orateur  Romain  ,  fi 
attentit  à  rehaulfer  par-tout  le  méri- 
te  de  fa  nation  ,  n'ai'jrpas  daic^né 
diftinguer  de  la  foule  des  Epicu- 
riens (  qui  félon  lui  )  écrivoienc 
fort  mal,  un  Poète  tel  que  Lucrèce, 
qu'il  oublie  totalement  dans  tous 
fcs  Ouvrages  Philofophiques  ■■,  n'en 
difant  que  deux  mots  ,  encore  pat 
apoftille ,  dans  une  de  fes  Epîtres. 
M,  l'Abbé  d'Olivet  eft  perfuadé  , 
»  que  le  filcnce  affedé  de  Ciceron 
»  fur  Lucrèce  vient  de  ce  qu'il  fe 
»  faifoit  une  peine ,  &  avec  raifon  , 
5>  de  rien  dire  qui  pût  tourner  à  la 
»  gloire  d'une Sede  ,  qu'on  ne  pou- 
»  voit  trop  décrier  ,  parce  que  les 
»  principes  d'Epicure  ,  pris  littera- 
»  lement,  tiroient  à  des  confcquen- 
>i  ces  intinies  pour  les  moeurs. 

A  la  verfion  &  aux  remarques  de 
M.  l'Abbé  d'Olivet  fuccede  le 
Texte  Latin  de  Ciceron  accompa- 
gné des  remarques  critiques  de  M. 
le  Prélldent  Bouhier  fur  la  premiè- 
re Tufculane  &  fur  le  Songe  de  Sci- 
pion.  Elles  font  précédées  (ces  re- 
marques )  d'une  Lettre  de  ce  favant 
Magirtrat  écrite  au  Tradudeur,  & 
dans  laquelle  il  rend  compte  de  cet 
Ouvrage.  Il  a  tiré  de  grands  fecours 
Ll 


254  JOURNAL    D 

pour  ce  tv.r.'ail  (dit-il)  des  deux 
Editions  des  Tufculancs  données 
en  1709.  &  en  1713.  par  M.D.ww. 
Il  a  de  plus  confukc  avec  fruit  les 
variantes  fournies  par  le  célèbre 
Mf.  de  la  Bibliothèque  du  Roi  ,  & 
celles  qui  fc  font  trouvées  dans 
trois  MIT.  de  la  Bibliothèque  de 
Lcyde.  Les  premières  lui  ont  été 
communiquées  par  M-  l'Abbé  d'O- 
livet ,  &c  les  autres  par  M.  Biirmau. 
L'acquilîtion  qu'il  a  faire  ,  outre 
cela  ,  d'une  ancienne  édition  des 
Tufculancs  ,  &  qui  (  félon  lui  ) 
pourroit  bien  être  la  première  de 
toutes  ,  ne  lui  a  pas  été  peu  utile  ; 
&  la  notice  qu'il  en  donne  ici  en 
fait  concevoir  très-bonne  opinion. 

Comme  il  s'eft  fait  une  loi  de  ne 
rien  repeter  ici  de  ce  que  les  autres 
Commentateurs  ont  obfervé  fur  ces 
deux  Pièces  ,  èc  qu'ils  n'ont  lailfé 
prcfque  rien  à  remarquer  fur  ce 
qu'elles  offrent  de  plus  philofophi- 
que  &  de  plus  agréable  ,  il  craint 
d'être  tombé  quelquefois  dans  la 
fechereife.  Mais  quoique  la  plupart 
de  fes  notes  ne  tendent  qu'à  épurer 
le  Texte  de  Ciceron  ,  fi  fouvent 
défiguré  par  l'ignorance  des  Copi- 
ftes  i  on  peut  dire  qu'outre  la  finef- 
fe  d'une  faine  &  judicieufe  critique 
d'où  ces  remarques  empruntent 
leur  mérite  capital ,  elles  font  écri- 
tes avec  tout  le  goût  &  tout  l'agré- 
ment dont  elles  font  fufceptibles  , 
&  qui  peuvent  en  rendre  la  lecture 
intcrelTantc. 

Du  reftc  ,  M.  le  P.  Bouhier  va 
au  -  devant  d'une  objcélion  que 
font  certaines  gens  •>  Que  c'cft  fe 
tourmenter  en  vain  ,  que  de  pro- 


ES   SÇAVANS, 

pofer  des  conjectures  pour  corrigez 
dans  le  Texte  de  Ciceron  de  préten- 
dues taures  de  Copifte  ,  Icfquelles 
ne  font  le  plus  fouvent  que  de  pu- 
res  négligences  de  l'Ecrivain  même. 
A  quoi  le  fivant  Critique  répond  ,. 
que  fans  pvètendre  difculpcr  abfo- 
lument  Ciceron  de  quelques  négli- 
gences de  ftyle  ,  il  eft  perfuadé 
qu'elles  étoicnt  chez  lui  très-rares 
&  très-légères  ^^  au  lieu  que  les  er- 
reurs des  Copiftes  étoient  il  fré- 
quentes &  fi  groflîercs  ,  dans  le  fié- 
cle  même  de  cet  Orateur ,  qu'il  dit 
quelque  part  à  ce  propos  ,  de  lati- 
nis  ,  ^uo  ms  vertam  nefcio  j  ko,  men- 
dosi  &  fcribitntur  ^  &  veneitnt  : 
(juant  aux  Livres  Latins  ,  je  ne  fais 
de  cjuel  coté  me  tour/ter  ^  tant  d  s  far- 
tent pleins  ds  f Mite  s  ,  &  des  mains 
de  ceux  qui  les  tranfcrivem  ,  &  des 
Boutiques  de  ceux  qui  les  vendent. 
Cette  réponfe  de  M.  le  P.  Bouhier 
paroît  confirmée  par  le  témoigna- 
ge à'^fconius  -  PeJiantts  ,  célèbre 
Grammairien  contemporain  d'Au- 
gultc  ,  &  qui  fur  une  faute  de 
lanîjage  trouvée  dans  quelque  écrit 
de  Ciceron  ,  n'héfita  point  à  dire  , 
qu'il  aimoit  mieux  attribuer  ce  vice  À 
une  faute  de  Copijîe ,  qu'à  l'Orateur 
Romain. 

»  Je  n'ai  donc  garde  (  dit  en  fi- 
»  niflant  fa  Lettre  M.  le  P.  Bou- 
y>  hier  )  je  n'ai  garde  de  me  repen- 
»  tir  d'employer  quelques  momens 
»  de  loifir  à  purger  les  Ouvrages  de 
n  ce  grand  homme,  des  vices  de 
»  cette  nature  qui  peuvent  y  refter. 
»  Il  me  femble  que  je  lui  rends  en 
'>  quelque  manière  le  plailîr ,  que 
»  j'ai  pris  toute  ma  vie  à  le  lire ,  û 


MAY 

«je  parviens  à  le  délivrer  d'une  par- 
»  tie  des  taches  qui  le  défigurent  , 
».&  qui  diminuent  la  vénération  , 
w  qu'on  doit  avoir  pour  lui.  Que 
»s'il  m'arrive  de  m'égarer  quel- 
»  quefois  dans  une  route  auill  in- 
»  certaine  (  continue-t-il  en  s'a- 
»  drclTant  à  M.  l'Abbé  d'Olivet  ^  ) 


.    I  73  3-  2;; 

•»  je  ne  ferai  ni  furpris ,  ni  mortiht- 
»  de  me  voir  redre/Fé  par  une  main 
"habile.  La  vôtre  ,  Monficur,  eft 
>'  plus  propre  qu'aucune  autre ,  à 
M  me  rendre  ,  avant  toute  autre  , 
«  ce  bon  oflice  ;  &  ce  n'cfl:  qu'à 
»  cette  condition  que  je  vous  aban- 
»  donne  mes  remarques. 


DISSERT ATIO  MEDICA  INAUGURALIS  DE  MEDECINE 
utilitate  in  Jurifprudentia  ,  quam  confenfu  gratiofi  Collegii  Mcdici, 
pnrfide  Laurentio  Heijiero  ,  Âlcdicinx  Dodore  ,  Théorie  Chirur".  & 
Botan.  P.  P.  V.  Academ.  CxL  Natur.  Curiof.  ncc  non  Regix  Berolin. 
Colleg.  famigeratiflimi  H.  T.  Decano  ,  &c.  pro  gradu  Dodoris  de- 
fendet  JohannesMartinus  Starck  ,  Moeno-Francofurtenfis.  Die  12. 
Junii,  an.  1730.  Helmxftadii ,  Typis  Pauli  Dicflerici  Schnorrii.  Acad. 
Typog.  C'eft- à-dire  :  Dijfertation  fur  T  utilité  de  la  A'îedecine  dans  la  Jh- 
rifprttdence ,  foûtenue  a  Helmeftad  le  1 2.  ]uin  1730.  fous  la  Vréfîdence  de 
M'  Laurent  Heifler.  Par  ]ean  -  Martin  Starck^  De  l'Imprimerie  de 
PaulSchnorri.  vol.  «-4°.  pp.  60. 


E  but  qu'on  fe  propofe  dans 
cette  Diflerration  eft  de  mon- 
trer que  les  Jurifconfultes  ont  be- 
foin  ,  lînon  de  fçavoir  toutes  les 
parties  de  la  Médecine  ^  au  moins 
d'avoir  une  connoiflancc  fuffifantc 
de  l'Anatomie  ,  &  des  principales 
caufes  des  accidens  qui  arrivent  au 
corps  humain  5  fans  ce  fecours  ,  die 
M.  Hcifter ,  qui  eft  l'Auteur  de  la 
Differtation,  il  eft  difficile  qu'un 
Jurifcoiïfulte  puilTe  ,  par  exemple  , 
difcerner  dans  tous  les  cas  ,  fi  une 
bleflure  eft  mortelle  ou  non  :  fon 
devoir  l'oblige  cependant  en  mille 
rencontres ,  de  prononcer  fur  ce  fu- 
jet ,  foit  qu'il  faffe  la  fon^^ion  de 
Juge  ,  foit  qu'il  fafle  celle  d'Avo- 
cat ,  &  il  n'y  va  pas  moins  que  de 
fa  confcience ,  fi  faute  d'avoir  ac- 
quis les  lumières  necelfaircs  ,  il  lui 


arrive  de  prendre  l'innocent  pour 
le  coupable  ,  ou  le  coupable  pour 
l'innocent.  Tu  ne  tueras  fom^  & 
cjue  lefang  de  celui  (jui  aura  répandu 
le  fang  ^  foit  aujfi  répandu  ,  dit  le 
Seigneur  ;  «0»  occides  &  quifangui- 
nem  profudit,  illius  fangttis  quoque 
profundatur.  Ainfi  un  Avocat ,  un 
Juge  _,  dont  l'ignorance  en  Anato- 
mie,cft  caufe  que  l'innocent  eft  con- 
damné à  mort,&  le  criminel  abfous, 
empêchent  l'exécution  du  précepte 
divin ,  &  font  par  cela  même  cou- 
pables devant  Dieu.  L'Auteur  de- 
mande ici ,  comment  un  Avocat 
un  Magiftrat ,  s'expliqueront  fur 
les  blcftures  des  artères  celiaque 
fplenique  ,gaftrique  ^  érmdgente  me- 
femerique  ,  hyppogaflrique ,  carotide  ' 
crurale  ,  tibiale  ,  fouclaviere  axil- 
laire ,  brachiale ,  cubitale ,  aorte  fur 
Llij 


2f<5  JOURNAL   D 

celles  de  h  veine  paru  ,  de  h  veine 
cave  ,  de  la  veine  azi^os ,  de  hfple- 
Tiiyue ,  de  la  mefentericjue  ,  de  h  ju- 
gulaire \  fur  celles  des  vaijfejiix  Uc- 
tez. ,  du  canal  thorachi^ue  ,A\x  canal 
choliioijHe  ^  &  enfin  fur  celles  des 
uretères  ,  du  diaphragme  ,  du  msdia- 
flin  ic  autres  fcmblables ,  s'ils  n'ont 
aucune  connoillance  de  ces  parties, 
de  leur  fituation  ,  de  leur  nature  , 
de  leurs  fonctions.  Il  demande 
comment  de  tels  Avocats ,  de  tels 
Magiftrats  pourront  juger  perti- 
nemment de  la  qualité  de  ces  blef- 
fures,  par  rapport  à  l'abfolution,  ou 
à  la  condamnation  des  accufés. 

L'on  objectera  que  les  Jurifcon- 
fultes  doivent  s'en  rapporter  ici  au 
jugement  des  Médecins  ,  &  des 
Chirurgiens.  Mais  M.  Heifler  ré- 
pond à  cela  qu'outre  que  parmi  les 
Médecins ,  &:  principalement,  dit- 
il  ,  parmi  les  Chirurgiens  ,  il  fê 
trouve  quelquefois  des  gens  très- 
peu  capables ,  on  n'eft  pas  toujours 
lùr  qu'ils  apportent  dans  leur  exa- 
men toute  l'attention  neccitiire.  Au 
lieu  que  lorfque  le  Jurifconfulte 
cft  au  fait ,  il  afllfte  lui  -  même  à 
l'ouverture  des  cadavres  ,  &  évite 
par  là  toute  furprife.  Notre  Auteur 
remarque  à  cette  occafion  ,  i". 
Qu'anciennement ,  c'ctoit  la  cou- 
tume que  les  Jurifconfultes  feuis 
examinaffent  les  cadavres  de  ceux 
qui  avoient  été  tués  \  z°.  Que  c'eft 
feulement  depuis  deux  lîécles 
qu'on  a  commencé  d'appelkr  les 
Médecins  à  cet  examen  -,  ce  qui  fait 
voir  que  les  Jutiiccnfultcs  n'é- 
coient  pas  alors  fans  connoiffance 
de  rAnatomie  ^  £c  que  c'eft  fane 


E  S  SÇAVANS, 

une  cfpecc  d'injure  aux  Tribunaux 
de  la  Juftice  ,  que  de  prérendre 
qu'il  faille  commettre  le  loin  dont 
il  s'agit  aux  feuls  Médecins,  ou  ,  ce 
qui  fcroit  deteftable  ,  dit  -  il ,  aux 
feuls  Chirurgiens.  Am  quo.irnaxirriè 
detcfîanduin  ,  folis  Chiriygis.  C'eft 
l'ufage  en  plufieurs  Villes  d'Alle- 
magne ,  &  entr'autres  .\  Helme- 
ftad ,  où  cette  DJlfertation  a  été 
foûtenue  ,  que  quelques  MagiftratS 
du  lieu  afliftent  aux  diflecflions  que 
font  dans  ces  fortes  de  cas  les  Méde- 
cins &  les  Chirurgiens  :  ce  qui  fe- 
roit  fort  inutile  11  les  Magiftrats 
dont  il  s'agit  ,  n'avoient  aucune 
connoiffance  de  la  ftrudurc  du 
corps  humain.  Qiielques-uns  objec- 
tent que  i'infpeCtion  des  cadavres 
eft  abfolument  inutile  ici,  &  que 
par  confequent  il  n'eft  nullement 
necelTaire  que  le  Jurifconfuke  fça- 
che  l'Anatomic.  Car  ,  difent-ils , 
dès  que  l'homme  qui  a  été  bleiïé 
eft  mort  ,  Qu'importe  qu'il  foie 
mort ,  parce  que  telle  ou  telle  par- 
tie aura  été  bleftée  ?  Ne  fuffit  il  pas 
pour  prononcer  la  fentence  ,  qu'il 
ait  perdu  la  vie.  Sur-tout  fi  l'on  fait 
réflexion,  i°.  Que  dans  la  condam- 
nation portée  par  l'Ecriture  contre 
rhomicidejiln'eftfaitnuîlemention 
de  cette  différence  de  parties  bief- 
fées  :  2°.  Qiie  dans  l'antiquité  on 
ne  trouve  ni  chez  les  Juifs ,  ni  chez 
les  Grecs ,  ni  chez  les  Romains ,  ni 
chez  les  Germains  ,  ou  autres  peu- 
ples ,  aucun  exemple  de  cette  cir- 
conftance  :  non  plus  que  de  la  di- 
vifion  que  les  modernes  fe  font  avi- 
fés  de  faire  des  playes,en  mortelles, 
&  en  non-mortelles  ;  en  mortelles 


MAY 

abfolufflent ,  &  en  mortelles  par 
accident.  Ils  n'avoielit  point  d'au- 
tre règle  finon ,  que  il  la  blefTuie 
étoit  fuivie  de  la  mort,  elle  écoit 
mortelle  j  foit  qu'elle  le  fût  par  el- 
le-même ou  autrement.  Les  princi- 
pales circonftanccs  qu'ils  exami- 
noient  croient, i ".L'intention  de  ce- 
lui quiavoittué  ,fçavoir  s'ill'avoit 
fait  par  cas  fortuit ,  ou  par  la  neccf- 
fîté  de  Ce  défendre  -,  2°.  La  padicn 
qui  i'avoit  conduit ,  fi  c'étoit ,  par 
exemple  ,  un  premier  mouvement 
décolère,  une  haine  invétérée,  le 
aefir  de  faire  quelque  vol ,  &c. 

Dans  les  premiers  cas ,  on  abfol- 
voit ,  Se  dans  les  féconds  on  con- 
«ïamnoit.  Or  ni  dans  les  uns  ni  dans 
les  autres ,  qui  font  les  cas  ordinai- 
res ,  on  ne  failoit  point ,  &  il  n'eft 
point  non  plus  ncceflaire  de  faire 
aujourd'hui  aucun  examen  desblef- 
{ures  :  donc  ,  conclut- on  ,  l'mfpcc- 
tion  des  cadavres  étant  ici  une  cho- 
fe  abfolument  inutile  ,  les  Jurif- 
confultes  n'ont  nul  befoin  de  fça- 
VoirTAnatomie. 

M.  Heifter  ,  après  avoir  rappor- 
té cette  objedion  ,  avoue  que  non 
feulement  dans  les  cas  propofés', 
mais  dans  plufieurs  autres  qu'il 
marque  ,  il  n'eft  nullement  befoin 
d'ouvrir  &  d'examiner  le  cadavre, 
mais  il  obferve  que  tous  les  cas  ne 
font  pas  de  ce  genre  ;  &  qu'il  y  en 
a  où  abfolument  il  faut  ouvrir  le 
cadavre  du  blefle  pour  s'alfurer  fi  îa 
mort  eft  l'effet  ou  non  de  la  blelfu- 
ic.  Il  cite  fur  cela  le  fait  fuivant  :  il 
y  a  quelque  tems  qu'un  Chafleur 
ayant  pris  querelle  avec  un  Payfan, 
]m  tira  un  coup  de  fufil  à  h  cuilTe  ^ 


.      Ï7  5?-  2n 

un  peu  au-deflus  du  gcnouil.  Le 
blcrte  fut  mis  entre  les  mains  d'un 
Médecin  &  d'un  Chirurgien  ,  qui 
pendant  onze  jours  qu'ils  le  traitè- 
rent ,  ne  trouvèrent  ni  épanche- 
ment  de  fang  ,  ni  inflammation  ,  ni 
gangrené,  ni  pourriture;  cepen- 
dant le  malade  mourut  le  onzième" 
jour ,  après  avoir  marqué  feule- 
ment pendant  un  fort  petit  cfpace 
de  tems ,  qu'il  fe  trouvoit  m.iL  Le 
cadavre  tut  ouvert ,  Si  on  trouva 
dans  la  poitrine  une  pinte  5c  plus 
d'humeur  épanchée;  mais  le  genouil 
&  toute  la  partie  blclTée  étoient 
en  bon  état  :  point  de  carie  ,  point 
de  gangrené  ,  pas  même  le  moin- 
dre figne  de  pourriture.  La  Faculté 
de  Médecine  d'Elmftad  confultée 
fur  ce  cas ,  prononça  que  le  blefle 
n'étoit  point  mort  de  fa  blcffure  , 
puifque  cette  bleflure  n'avoit  été 
accompagnée  d'aucun  accident  qui 
lui  fût  propre  ;  mais  qu'il  étoit 
mort  uniquement  par  cette  abon- 
dance d'humeurs  amaffécs  dans  fi 
poitrine  ,  lefquelles  fans  doute  ,  ne 
pouvoient  provenir  d'une  blelTiire 
au  genouil  ;  arrivant  très-fouvent  à 
des  perfonnes  non  blelTées  ,  de 
mourir  fubitement  par  une  caufe 
femblable  à  celle-là.  On  raconte  à 
cette  occafion  un  autre  fait  dont  on 
dit  avoir  été  témoin  :  une  fille  de 
quinze  ans  ,  s'étant  trouvée  mal 
pendant  un  jour  ou  deux ,  mais  ne 
iaiflant  pas  alors  d'aller  &  de  venir 
dans  la  maifon  ,  tomba  tout  d'un 
coup  en  défaillance ,  &  mourut  un 
moment  après  :  fon  cadavre  fut  ou- 
vert ,  &  on  n'y  apperçut  point 
d^autie  caufe  de  cette  moït,  qu'une 


2;8       JOURNAL    D 

abondance  d'humeurs  qui  s'ctoicnt 
épanchées  dans  la  poitrine.  Or  ,  dit 
notre  Auteur ,  fi  cette  fille  ,  quel- 
ques jours  avant  que  de  mourir^eiit 
été  hlclléc  ou  au  pied,  ou  àla  main  , 
ou  à  quelque  autre  partie  auffi  peu 
danç;ereufe  ,  &c  qu'on  n'eût  pas  ou- 
vert fon  cadavre  ,  bien  des  gens 
n'auroient  pas  manqué  d'attribuer 
fa  mort  à  la  blefiiirc ,  quoique  cette 
mort  ne  fût  venue  que  de  l'amas 
des  humeurs  épanchées  dans  la  poi- 
trine. On  ajoute  à  cet  exemple  ce- 
lui d'une  femme  qui  ayant  été  légè- 
rement frappée  fur  la  tête  (?c  fur  les 
épaules  avec  un  petit  bâton ,  mou- 
ïut  peu  après  ,  &:  dans  le  cerveau 
de  laquelle  on  trouva  quelques 
cuillerées  de  fang  épanché.  On 
donne  ce  fait  comme  étant  de  la 
même  efpece  que  le  précèdent ,  & 
on  s'autorifc  du  témoignage  de  Fré- 
déric Hoftmann  qui  prétend  qu'u- 
ne fi  légère  blelfure  ne  fçauroit 
avoir  caufé  la  mort  :  nous  iailfons 
aux  Leéleurs  à  juger  de  ce  fenti- 
mcnt.  Qiioiqu'il  en  foit ,  notre  Au- 
fieur  fait  voir  qu'il  y  a  nombre  de 
cas  où  rinfpe(flion  des  cadavres  eft 
neceffaire  -,  il  en  joint  plufieurs 
exemples  à  ceux  que  nous  venons 
de  citer  -,  on  les  peut  voir  dans  la 
Dilfertation  même. 

Ce  n'eft  pas  feulement  pour  ce 
qui  concerne  l'ouverture  des  cada- 
vres, que  les  Jurifconfultes  font 
obligés  ,  félon  notre  Auteur  ,  de 
fçavoir  l'Anatomiei  ils  la  doivent 
encore  fçavoir  ,  à  ce  qu'il  prétend  , 
pour  plufieurs  autres  raifons.  U  en 
rapporte  divers  exemples ,  entre 
Jefquels  font  les  cas  où  il  faut  juger 


ES     SÇAVANS, 

de  la  virgmité ,  de  la  ficrilité  &  de 
rimpuilfauce. 

Il  veut  qu'.\  la  connoilTancc  de 
l'Anatomie  ils  joignent  celle  de 
quelques  autres  parties  de  la  Méde- 
cine. Qu'ils  fçachcnt,  par  exemple, 
ce  que  c'eft  que  les  jours  critiques , 
Se  ce  qu'il  en  fautpenfer.  C'eft  une 
erreur  populaire  ,  dit-il ,  de  croire 
qu'une  blcfTure  ne  foit  plus  mortel- 
le lorfqu'elle  laifle  vivre  le  blelTé 
jufqu'au  de-là  du  neuvième  jour , 
&  il  faut  que  le  Jurifconfultc  ait 
affez  de  lumière  fur  ce  fujct  pour  ne 
pas  s'en  lailler  impofer.  Ce  principe 
établi  ,  M.  Heiftcr  tâche  de  fournir 
aux  Jurifconfultes  plufieurs  preuves 
de  ce  qu'il  avance. 

Si  on  examine  la  nature  des 
playes  ,  on  verra  ,  dit  M.  Heifter  , 
qu'il  y  en  a  quelques-unes  qui  par 
rapport  ou  à  leur  grandeur,  ou  à  la 
partie  bleflee ,  ou  à  la  conftitution 
du  malade ,  ou  à  d'autres  circon- 
ftanceSjCaufent  plutôt  ou  plus  tard 
la  mort  des  bleflés.  Si  par  exemple, 
la  grande  artère  ,  la  veine-cave  ,  le 
cœur ,  l'artère  ou  la  veine  pulmo- 
naire ,  le  poumon  lui-même ,  font 
confiderablement  percés  ,  la  mort 
s'enfuir  peu  de  minutes  ou  peu 
d'heures  après  ;  au  lieu  que  fi  ces 
mêmes  parties  ne  font  que  légère- 
ment atteintes ,  la  mort  arrive  plus 
tard  ,  comme  au  bout  d'un ,  de 
deux  ,  de  trois ,  de  quatre ,  de 
fept ,  de  neuf ,  &  quelquefois  d'un 
plus  grand  nombre  de  jours  :  les 
playps  tout  de  même  du  foye  ,  de 
L'  rate ,  des  reins ,  des  intcftins ,  du 
cerveau  ,  caufent  une  prompte 
mort  iorfqu'ellcs  font  grandes,  fur- 


M   A    y  ,    175  J-    ^  2TP 

îoiit  (i  quelques  vaiiTeaux  confide-      mortellement  à  la  tête  \  &  qui  vé- 


rables  de  ces  parties  font  blelTcs.  Il 
y  a  des  bJelTures  au  contraire  où 
feulement  les  petits  vailTeaux  font 
endommagés,  &  celles-ci  n'épui- 
fant  le  fang  qu'à  la  longue ,  laiHcnt 
vivre  plus  long-tems  les  blelTés  ; 
mais  comme  elles  font  mourir  cer- 
tainement ,  quoique  plus  tard ,  il 
n'y  a  point  de  raifon  pour  les  regar- 
der comme  non   mortelles,  &  il 
faut  dire  qu'elles  le  font  autant  que 
celles  qui  font  mourir  le  premier  , 
le  fécond  ,  le  quatre ,  le  fept ,  le 
huit  ou  le  neuf.    La  peine  de  mort 
que  Dieu  a  prononcée  contre  les 
homicides, n'a  point  été  reftrainte  à 
certains  jours  ;  tWe  regarde  unique- 
ment les  perfonncs  qui  tuent ,  foit 
que    la   mort  qu'Us    caufent   foit 
prompte  ou  tardive  ;  &:  comme  un 
poilon  qui  ne  tue  que  lentement , 
rend  l'enipoifonneur  aulli  coupable 
qu'un  poifon  qui  tue  fur  l'heure; 
de  même  ,  dit  l'Auteur ,  une  blef- 
fure  qui   fait  mourir  le  blelTé  non 
feulement  après  le  terme  de  neuf 
jours,  mais  bien  au-delà,  ne  rend 
pas  le  meurtrier  moins  coupable  de 
mort. 

Wedelius  parle  d'un  homme 
qui  ayant  reçu  une  blelTure  au 
cœur  ,  vécut  encore  dix-fept  jours-, 
il  parle  d'un  autre  qui  fut  blelfé 


eut  Cw  Semaines  :  d'un  autre  qui  le 
fut  à  la  veine  jugulaire  interne ,  & 
qui  vécut  i8  jours;  toutes  blelTures 
cependant  qui  ne  laifTerent  pas  d'ê- 
tre déclarées  mortelles  par  les  Mé- 
decins de  hç\}pCic.Dechardingius  fait 
mention  d'une  bleflure  mortelle  du 
cerveau  ,  après  laquelle  le  malade 
vécut  plus  de  neuf  Semaines. 

Notre  Auteur  rapporte  plufieurs 
autres  remarques  que  nous  palTons 
&  il  conclut  que  les  Jurifconfultes, 
foit  Avocats ,  foit  Magiftrats  ,  doi- 
vent avoir  une  teinture  fuffîfante 
d'Anatomie  &  de  Médecine:  qu'Us 
doivent  fçavoir  les  noms  ,  la  Situa- 
tion ,  l'ufage  des  vifceres  &  des 
principaux  vailTeaux  du  corps  hu- 
main ,  connoître  lescaules  de  fteri- 
lité  &  d'impuiffance ,  fçavoir  en 
gros  l'hiftoire  des  os ,  des  mufcles , 
&  des  nerfs  ;  ce  qui  peut ,  dit-il  , 
s'apprendre  en  peu  de  mois ,  avec 
une  étude  médiocre. 

Après  une  telle  DilTertation  ,  où 
un  Médecin  entreprend  de  mon- 
trer que  les  Jurifconfultes  doivent 
fçavoir  la  Médecine  ,  il  ne  faut  pas 
defefperer  qu'un  jour  quelque  Ju- 
rifcon  fuite  ne  fc  mette  à  écrire  pour 
prouver  que  les  Médecins  doivenS 
fçavoir  la  Jmifprudence. 


t6o         JOURNAL  DES  SÇAVANS; 


DISSERT ATIO  MEDICA  INAUGURALIS  DE  MEDICAMENTIS 
Germaniar  indigenis  ,  Gcrmanis  fufficientibus ,  quam  grariolîffimîc 
Facultatis  Mtdici  confcnfu  ,  prxfidc  Laïucntio  Hcillcro  Med.  D. 
Thcoria:  Chirurgie  &  Botanices  P.  P.  V.  &c.  Patrono  atque  Pixcep- 
torc  fuo  in  arte  Mcdicâ  iternùm  vencrando ,  pro  gradu  Docloris  , 
more  majorum  rite  obtincndo  ^  folidi  eruditorum  difquiiitioni  mo- 
deflè  fubmittet  atque  defendet  ,  Johannes  Mauritius  Hengftmann 
Quedlinburgcnfis,  die  ry  Décembre  1730.  Hclmfladii ,  littcrisPauU 
Di(flerici  Schnorrii ,  Acad.  Typogr.  C'eft-à-dire  :  Dijfcrtation  de  Mé- 
decine fur  les  AîédicaTnensJîmples  ^iii  cyoijfera  en  Allemagne  &  ^uifùffi- 
fent  aux  ylllemans  pour  laconfervation  de  leur  Janté  on  la  guéri fon  de  leurs 
maladies.  Dijfertation  foutenue  à  Helmftad  le  5  Décembre  1730.  Par 
Jean-Maurice  Hengflmann  ^fous  la  Préjîdence  de  M.  Hcifter  ^  DoEleur  en 
Médecine  &  Profejfeur  de  Chirurgie  &  de  Botanique.  A  Helmftad  ,  chez 
Paul  Schnorri  ,  Imprimeur  de  la  Faculté  de  Mcd.  1730.  Brochure 
/«-4".  pp.  5i. 


MH  E  ï  S  T  E  R  ,  Auteur  de 
.  cette  Diirertation  ,  eft  de 
fentimcnt  que  les  maladies  fe- 
roient  beaucoup  moins  fréquen- 
tes fi  l'on  avoir  moins  d'emprefle- 
ment  pour  les  drogues  étrangères  : 
il  prétend  même  que  c'eft  à  l'ufage 
que  l'on  fait  de  ces  drogues  dans  les 
Pays  où  elles  ne  croillent  pas ,  qu'il 
faut  attribuer  pluiicurs  maladies 
nouvelles  qui  le  font  introduites 
dans  ces  mêmes  Pays  ,  &  il  met  de 
ce  rang  les  fièvres  miliaircs  &;  le 
fcorbut,  qu'il  croit  qu'on  peut  im- 
puter aux  aromates  qu'on  fait  venir 
de  fi  loiu.  Il  ne  paroîr  pas  avoir 
meilleure  opinion  du  Thée  ,  du 
Caffé  &  du  Tabac  que  Bontekoc  , 
dit-il ,  tout  Médecin  qu'il  eft,  van- 
te fi  fort ,  mais  qu'il  vante  pliâtôt 
en  politique  qu'en  Médecin. 

Chaque  peuple  voit  croître  fous 
fes  yeux  &  comme  fous  fcs  pas,  les 
plantes  qui  lui  font  propres  i  mais 


comme  on  n'eft  jamais  content  des 
biens  que  l'on  poffede ,  on  néglige 
fes  propres  richeffes  pour  en  aller 
chercher  d'étrangères  qui  font  fou- 
vent  préjudiciables  à  la  fanté.  M. 
Heifter  ,  à  cette  occafion  ,  exhorte 
fcs  Compatriotes  à  fe  contenter  des 
plantes  qui  croilTent  dans  leur 
Pays  ,  &  il  leur  fait  voir  par  un 
grand  nombre  d'exemples  qu'il  n'y 
a  forte  de  fecours  que  leur  fanté  ne 
puilTe  retirer  de  ces  plantes  domcr 
ftiqUes. 

Paracelfe  fe  moque  de  la  vaine 
curiofité  de  ceux  qui  veulent  con- 
noître  à  quelque  prix  que  ce  fqit  ; 
les  plantes  étrangères  ,  &  qui  ne 
méprifent  celles  de  leur  climat.  Il 
n'y  a  point  de  Villageois  qui  n'ait  à 
la  campagne  devant  fa  porte  ou 
iutour  de  fa  mazure ,  une  efpece 
d'Apothicaireric  ou  de  droguier,où 
il  trouve  tout  ce  qui  peut  lui  être 
nccefiaire  pour  La  confervation  de 
fa. 


MAY 

fafanté  ,  ou  la  guérifon  de  fes  ma- 
ladies. Cependant  c'cft  à  quoi  l'on 
refait  nulle  reflexion.  Qiii  ne  fçait 
les  vertus  que  les  uns  attribuent  à 
la  pierre  de  Bezoard  pour  la  cure 
des  fièvres  aiguës  &  fur-tout  des 
fièvres  malignes  î  les  autres  pour  le 
même  ufage  ^  à  la  pierre  dite  piedra 
del  porco  qu'on  a  vu  fe  vendre  juf- 
qu'à  deux  cens  ducats ,  les  autres  à 
la  pierre  de  Goa ,  les  autres  à  la  ra- 
cine de  Contrayerva  ;  les  autres  à  la 
Serpentaire  de  Virginie  ,  &c.  De 
même  ,  dit  notre  Auteur  ,  quelle 
confiance  n'a-t-on  pas  à  l'écorce  de 
Quinquina ,  &  à  la  fève  de  S.  Igna- 
ce ,  pour  la  guérifon  des  fièvres  in- 
termittentes :  à  ripécacuanha  pour 
la  cure  de  la  dyrfenterie  ,  &  pour 
procurer  le  vomifiement  ?  Qiiclles 
îoiiangcs  ne  donne-t-on  pas  à  la  ra- 
cine de  Pareym  -  brava,  pour  le* 
douleurs  de  la  gravelle  ? 

Quels  éloges  ne  fait  on  pas  delà 
Salfe-parcille  ,  de  l'Efquinc  ,  du 
SalTaphraSj  du  Guajac  ,  pour  les 
maladies  du  fcorbut  &  pour  les 
maladies  vénériennes.  Plufieurs 
croyent  qu'il  n'y  a  pas  de  meilleur 
remède  pour  fortifier  l'eftomac  &c 
le  cœur  ,  que  la  racine  de  Nifi  ou 
Ninfing.  D'autres  eftiment  particu- 
lièrement pour  cela  ,  le  Cacao  ,  la 
Vanille  ^  V Ambre  ,  la  Confection 
Alkermes ,  les  perles  &  les  pierres 
prétieufcs  ;  d'autres  le  Galanga  ,  le 
Gingembre ,  le  Poivre ,  le  Cardamo- 
me ,  les  Cubebes  ,  le  Cubdaban  ^ 
VAmome.  Nombre  de  gens  eftiment 
par  delTus  tout  ,  le  Curciima ,  pour 
guérir  la  jaunifTe  ,  l'Opium  pour 
jjppaifcr  les  douleurs.  11  n'y  a  per- 
May. 


fonne  qui  criât  être  bien  purgé  s'il 
n'avoir  pris  ou  du  Jjilap  ,  ou  de  ta 
Rhubarbe  ,  ou  du  Senne ,  ou  des 
Tamarinds  ou  de  la  Scammonée  ^  ou 
des  trochifques  â'Alhandal  ,  & 
quelquefois  tout  cela  enfembic. 
Notre  Auteur  ne  prétend  pas  con- 
damner abfolument  toutes  ces  dro- 
gues ;  mais  il  regarde  comme  uuc 
erreur  groffiere  de  les  préférer  à  une 
infinité  d'autres  qu'on  a  dans  fon 
propre  Pays  ,  &  qui  valent fouvent 
beaucoup  mieux. 

Il  veut  j  par  exemple,  qu'au  lieu 
de  ces  Bezoards  fi  recherchés ,  8c 
qu'on  employé  avec  tant  de  fafte 
dans  les  fièvres  malignes ,  dans  les 
petites  véroles  ^  dans  les  rougeoles, 
(^c.  On  s'en  tienne  aux  fimples 
yeux  d'Ecrevifles ,  au  Nitre  dépu- 
ré ,  aux  décodions  de  fleurs  de  Su-! 
reau  ,  aux  eaux  de  chardon  benic  ," 
de  Scabieufe ,  de  Scorfonnaire,  &c. 
aux  infufions  de  Sauge  ^  de  Véràhi- 
cjHe  ,  de  Millefendle ,  de  Scordium  ^ 
de  Plantain  ,  prifes  en  manière  de 
Théc  :  il  veut  que  dans  les  pleure- 
fies ,  les  fluxions  de  poitrine  ,  les 
douleurs  néphrétiques  ,  les  inflam- 
mations du  foye ,  de  la  ratte  ,  de 
l'eftomac  ,  des  inteftins  ,  &  de 
l'utérus  ,  on  applique  fur  la  région 
qui  renferme  le  vifcere  malade, 
une  veflîe  de  veau  remplie  de 
fleurs  de  Camomille  Si  de  Sureau  , 
bouillies  dans  du  lait.  Il  prétend 
que  ce  remède  palTe  infiniment 
en  vertu  tous  les  remèdes  étran- 
gers. Mais  il  loiie  principalement 
la  décoction  de  ces  fleurs  faites 
dans  du  lait  Sc  donnée  en  lavement 
iorfqu'il  y  a  inflammation  aux 
Mm 


^6-2        JOURNAL    DE 

reins ,  aux  intclHns  ,  au  foyc  ou  à 
la  ratte. 

Au  lieu  du  Qiiinquina  qu'on 
donne  dans  les  ficvrcs  intermitten- 
tes ,  il  veut  ,  lorfque  ces  fièvres 
viennent  de  cruditcz  contenues 
dans  ks  premières  voyes  ,  telles 
que  font  ordinairement  les  fièvres 
printanicres ,  il  veut  qu'on  donne 
Ïy4zamm  ou  Cdbaret  pour  faire 
vomir,  qu'cnfuitc  on  recoure  aux 
plantes  amercs  ^  comme  font  l'Ab- 
/inthc  ,  le  Chardon  bénit ,  le  Trifo- 
lium-fibrinum  ^  la  Gentiane  ,  & 
qu'on  applique  fur  le  ventre  une 
ferviette  en  double,  bien  trempée 
d'efprit  de  vin.  L'infufion  de  fleurs 
de  Camomille  eft  ici  foit  recom- 
mandée lorfque  la  fièvre  s'obftine  , 
&  l'on  aflure  avoir  vîi  réuflir  d'u- 
ne manière  merveilleufe  ,  ce  remè- 
de dans  des  fièvres  où  le  Qiiinqui- 
na  n'avoit  jamais  pu  mordre.  On  ne 
vante  pas  moins  dans  cette  DilTerta- 
tion  ,  l'écorce  de  frêne  pour  pro- 
duire le  même  effet.  On  indique 
auffi  la  Noix  de  Galle  comme  un 
excellent  fébrifuge. 

Au  lieu  des  Racines  d'Efjuine , 
&  de  Salfepareille ,  au  lieu  des  bois 
de  Sajfafras  &:  de  Guajas ,  remèdes 
fi  vantes  contre  les  maladies  véné- 
ïiennes ,  notre  Auteur  prétend 
qu'on  peut  employer  ,  avec  autant 
&  quelquefois  avec  plus  de  fuccès , 
les  Racines  de  Bardane ,  A'Héle- 
tiium  ,  &  de  PimprenelU  blanche  , 
lefquelles  ont  une  vertu  fpecifique 
pour  procurer  les  fucurs.  Il  prétend 
qu'on  peut  employer  tout  de  même 
ie  bois  de  Genièvre  Se  la  Saponaire. 

Â^  Ucu  de  ripecacuanha  dans  U 


S    SÇAVANS, 

Dyiïenterie  ,  on  peut ,  félon  notre 
Auteur  ,  prefcrirc  contre  ce  mal , 
divers  moyens  qui  pour  n'être  pas 
étrangers  nelaifienr  pas  d'être  en- 
core plus  fîirs  que  celui  là  :  au  com- 
mencement de  la  maladie  ,  dit-il , 
on  fongcra  d'abord  à  évacuer  les 
humeurs  nuifibles ,  ^  pour  cela  on 
fera  uftr  au  malade  pour  boi(fon  , 
d'une  ptifanne  faite  avec  la  graine 
de  Carvi ,  &  la  rapure  de  corne  de 
Cerf  ;  ou  bien  on  lui  tcra  prendre 
en  manière  de  Thce  une  infulion 
d'orge  légèrement  rôti ,  de  laquel- 
le il  boira  plufieùrs  verres  dans  la 
journée  :  enfuicede  quoi  pour  pur- 
ger avec  fuccès  les  humeurs  acres  , 
on  lui  donnera  i°.au  lieu  deRhubar- 
be ,  de  la  Magnefie ,  ou  une  décoc- 
tion de  racine  de  Polypode ,  2.°.^Un 
peu  de  Tartre  Emétique  ,  l\  l'ello- 
mac  eft  trop  embarralfc  ,  auquel 
tartre  émetique  on  joindra  un  peu 
de  racine  de  tormentille  en  pou- 
dre ,  ou  une  dcmi-once  de  racine 
d'yîfarum.  L'évacuation  faite  on 
continuera  les  ptifanncsci-dclfusfi 
les  douleurs  de  ventre  &  la  fièvre 
perfeverent  ,  atiqucl  cas  pour  é- 
mouflcr  davantage  l'acreté  des 
humeurs,  on  aura  recours  aux  pou- 
dres abforbantes  ,  telles  que  la  pou- 
dre d'yeux  d'Ecrevifles  ,  l'Anti- 
moine diaphoretique  Se  ie  Nitrc  , 
le  tout  mêlé  enfemble  &  donné  de 
trois  heures  en  trois  heures.  Com- 
me on  fe  fert  quelquefois  ici  de 
gomme  arabique  pour  la  même  fin, 
on  fubftitucra  à  cette  gomme,  pour 
ne  rien  emprunter  d'étranger  ,  celle 
de  Cérifier  ou  de  Prunier  qui  dans 
i'occalîon  dont  il  s'agit,  ont  lamê- 


M    A 

me  vertu  que  la  gomme  arabique. 
Si  le  malade  eil  tort  affoibli  ,  Se 
qu'il  ait  bcfoin  de  quelque  elTencc 
qui  le  fortifie  ,  on  a  les  e^ences 
d'imperatoirc  ,  de  milletcuillcs  ,  & 
autres  fcmblablcs  qui  rempliront  à 
fouhait  cette  indication  ,  étant 
prîfcs  à  jeun  dans  un  bouillon  ou 
quelque  autre  liquide  convenable. 
On  a  encore  pour  le  même  effet  les 
racines  deTormentillc&deBiftorcc, 
ou  celle  de  Qu^intfehille ,  fi  recom- 
mandée par  Celfe  ,  lefquellcs  raci- 
nes fe  prennent  broyées  &  expri- 
mées dans  du  vin  ;  l'effence  d'Ab- 
fynthe,  &  celle  de  Gentiane  font 
encore  très-efïicaces  dans  le  même 
cas.  Comme  il  ne  laifTe  pas  quel- 
quefois de  relier  des  épreintes  après 


Y  ,     175  5;  2^5 

qu'on  a  arrêté  la  dysenterie  ,  on 
donnera  alors  des  lavemcns  faits 
avec  la  décoiflion  de  graine  de  lin  , 
ou  avec  le  lait  mêlé  de  miel ,  & 
dans  le  baflîn  dont  fe  fervira  le  ma- 
lade on  aura  foin  de  faire  mettre 
avant  qu'il  s'en  ferve,  une  bonne 
quantité  d'eau  chaude  dans  laquel- 
le on  aura  fait  bouillir  de  la  vervei- 
ne ,  de  la  Guimauve ,  &  autres  her- 
bes émollientes.  Nous  ne  fuivrons 
pas  plus  loin  notre  Auteur  ;  car  il 
n'y  a  prefque  point  de  maladies 
qu'il  ne  parcoure  ici  &  dans  lefquel- 
les  il  ne  taffe  voir  qu'on  peut  fc 
paffer  de  tout  remède  étranger  :  les 
exemples  que  nous  venons  de  rap- 
porter fulîifcnt  pour  donner  une 
idée  de  cette  Dillertation. 


EXAMEN  BV  PYRRHONISME  ANCIEN  ET  MODERNE  : 
■par  M.  de  Croufaz  ,  de  l'Académie  Royale  des  Sciences  ,  Gouverneur  de 
fin  Altejfe  Seremjfime  le  Prince  Frédéric  de  Hejfe-Caffel  ^  &  Confeiller 
d'Ambajfade  de  S.  Ai.  le  Roi  de  Suéde  &  Landgrave  de  Hep-Cajfel. 
A  la  Haye  ,  chez  Pierre  de  Hondt.  i-j^^.infol. 


L'ESTIME  que  plufieurs 
perfonncs  font  paroître  pour 
ies  Ouvrages  de  M.  Bayle ,  ayant 
donné  lieu  à  notre  Auteur  de  croire 
que  le  nombre  des  Pyrroniens 
s'augmentoit  tous  les  jours ,  il  a 
cru  qu'il  ne  pouvoit  rendre  un  plus 
orand  fervice  au  public  ,  que  de 
combattre  un  Syftême  fi  dange- 
reux ,  foit  par  rapport  à  la  Reli- 
gion j  foit  par  rapport  à  la  Société. 
Ce  n'eft  point  qu'il  fe  flatte  de  rame- 
ner ceux  qui  ont  rcfolu  de  douter 
de  tout ,  &  de  s'étourdir  fur  la  Re- 
ligion SrC  fur  la  Morale  -,  mais  il  ef- 
père  que  fon  Ouvrage  fervira  à  faire 


entendre  la  voix  de  la  raifon^à  ceux 
qui  fc  trouvent  éblouis  ^  embarraf- 
lés  &  troublés  par  des  raifonne- 
mensfubtils  &  captieux,  mais  qui 
ne  fc  font  point  encore  obftinés  à 
fermer  les  yeux  pour  ne  point  voir 
la  lumière  qui  les  éclaire. 

L'Ouvrage  cft  divifé  en  trois 
Parties  ,  dont  la  première  peut 
être  regardée  en  quelque  manière 
comme  les  Préliminaires  des  deux 
autres.  M.  Croufaz  y  examine  d'a- 
bord ce  que  c'eft  qu'un  Pyrronien  , 
&  il  refulte  de  fes  reflexions ,  com- 
prifes  en  17  articles ,  que  le  Pyrro- 
nien eft  un  homme  ^  qui  dès  qu'o« 
Ivl  m  ij 


2^4        JOURNAL    D 

commence  à  s'cnrrctcnir  hir  quel- 
que chofe  ,  prend  toujours  un  parti 
oppolc  à  celui  des  autres  ,  qui  per- 
dant de  vue  tout  dclTein  de  s'éclair- 
cir  ne  pcnfe  qu'à  entalfcr  diflicultc 
fur  difficulté,  à  fuir  la  lumière  ,  à 
fc  dérober  aux  plus  lortcs  preuves, 
qui  fait  confiilcr  fou  plaifir  &  fa 
gloire  à  ne  fe  point  rendre.  C'eft 
fur-tout  quand  on  lui  parle  de  Re- 
ligion &  de  Morale  que  rcfpric  de 
doute  &:  de  contradidtion  le  faifit. 
Il  ne  peut  fouffrir  ce  qui  va  à  le  gê- 
ner ,  &  fa  marotte  cil:  de  vivre  dans 
l'indépendance  au  moins  intérieu- 
rement. Lorfque  quelque  chofe  lui 
convient  il  oublie  fa  manière  de 
philofopher ,  il  parle  ,  il  agit  com- 
me les  autres  hommes ,  mais  tout 
ce  qui  l'importune  lui  paroît  pour 
le  moins  douteux  ,  &  de  peur 
qu'on  ne  le  force  à  fortir  de  fes 
doutes  ,  il  ell:  fur  fes  gardes ,  & 
pour  ne  convenir  de  rien  ,  il  eft 
toujours  prêt  de  combattre  les  pro- 
pofitions  les  plus  claires  &  les  plus 
conftantes. 

Le  goiit  pour  la  difpute  qu'on 
prend  dans  les  Ecoles ,  la  mauvaifc 
méthode  qu'on  y  fuit  pour  enfei- 
gner ,  les  conteftations  qui  régnent 
entre  ceux  qu'on  honore  du  titre 
àc  Sçavans ,  la  légèreté  d'efprit  & 
le  goiàt  pour  la  dilfipation  ,  qui 
empêchent  qu'on  ne  s'applique  fé- 
rieufement  à  des  fujets  difficiles  & 
importuns,  l'impatience  &  l'em- 
prefTement  excemf  d'apprendre  , 
Tmdolence  fur  les  intérêts  du  genre 
humain  ,  accompagnée  d'envie  & 
de  vanité  ,  &  fiir-tout  l'éloignc- 
aicnt -du  cœur  humain  pour  ia  Re-^ 


ES    SÇAVANS. 

ligrcn  ,  font  fuivant  notre  AuteuV; 
les  caufcs  les  plus  ordinaives  da 
Pyrronifme. 

Dans  la  Section  troifiéme  ,  M. 
Croufiz  propofe  diffcrcns  moyens- 
pour  fc  prémunir  contre  le  Pyrro- 
nifme. Le  premier  &  celui  dont 
tous  Isi  autres  dépendent  eft  l'a- 
mour de  la  vérité.  Qitand  on  en  eft' 
bien  pénétré  ,  on  ne  néglige  rien 
pour  la  découvrir  &  pour  fuir  l'er- 
reur ,  ou  pour  fortir  de  l'érat  d'in- 
certitude fur  des  fujets  importans. 
L'amour  de  la  vérité  accoûtHme  à- 
la  circonfpcdion  ,  Je  il  dégage  de 
l'impatience  ,  il  donne  de  l'aver- 
flon  pour  l'humeur  contredifante,' 
du  dégoût  pour  la  difpute ,  il  dé- 
termine à  profiter  <.ies  avis  &  des- 
lumières  d'autrui  avec  prudence  & 
avec  circonfpeâion  \  Ibrfqu'on  ai- 
me la  vérité  on  facrifie  toute  ambi- 
tion à  l'envie  de  la  ccnnoître  ,  on 
ne  fe  précipite  point  à  bâtir  dés  Sy- 
ftêmes ,  on  n'cmbralTe  &  on  ne  re- 
jette aucun  fentimcnt  par  cfprit  de 
parti ,  on  examine  les  prmcipes 
dont  conviennent  ceux  qui  paroif- 
fent  les  plus  animés  dans  la  difpute; 
on  s'applique  à  établir  diftindle- 
ment  l'état  de  la  qucftion  &  à  ia 
fuivre  exaiflcmcnt  jufqu'à  ce  qu'on 
foit  parvenu  à  l'avoir  affez  éclaircic 
pour  prendre  fen  parti  avec  une 
plaine  connoilTancc.  L'Auteur fou- 
haiccroit  fur-tout  pour  prévenir  le 
Pyrronifme  qu'on  mfpirât  aux  cn- 
fans  cet  amour  pour  Ja  vérité  , 
qu'on  leur  apprît  à  la  découvrir  par 
eux-mêmes  ;  par-là  on  éviteroit  ce 
qui -n'arrive  que  trop  fouvent,  que 
de  jeunes  gens  qui  n'ont  plus  de- 


M    A   Y 

!^aîtres'^  éécouvrans  des  raifons 
qui  leur  paioilFent  détruire  ce  que 
leurs  Maîtres  leur  ont  enfeignc  ,  Se 
ne  pouvant  d'un  autre  côté  fe  dé- 
terminer à  rejetter  abfolument  les 
préjugez  qu'on  leur  a  tait  prendre , 
tombent  dans  le  Pyrronifme. 

Après  ces  obfervations  prélimi- 
naires, l'Auteur  examine  les  raifons 
qu'ont  allégué  les  anciens  Pyrro- 
niens  ,  &  celles  qu'allèguent  les 
Pyrroniens  modernes ,  pour  fe  foû- 
tenir  dans  l'état  funefte  où  ils  font 
d'un  doute  univerfel  ,  &  pour  fe 
faire  despartifans.  Il  tire  les  argu- 
mens  des  anciens  Pyrroniens  des 
Ecrits  de  Sextus  -  Empiricus ,  & 
ceux  des  modernes  des  Ecrits  de 
M.  Bayle  ,  &  il  répond  aux  uns  & 
aux  autresi 

Notre  Auteur  a  cboifi  entre  les 
anciens  Pyrroniens  Sextus-Empiri- 
cus,  parce  qu'il  ne  refte  aucun  Ou- 
vrage complet  des  Pyrroniens  qui 
a'rtjient  vécu  avant  lui,  dont  il  rap- 
porte les  fcntimens  avec  beaucoup 
de  fubtilité  Si  d'exaditude ,  &  par- 
ce qu'il  a  formé  un  corps  de  Syftc- 
me  Pyrronicn  ,  autant  que  cette 
cfpece  de  Philofophie  en  eil  fufcep- 
tible.  Les  Critiques  ne  nous  difent 
rien  d'alTuré  fur  le  tems  auquel  Sex- 
tus a  vécu.  Il  étoit  Médecin  ,  &  il 
avoit  compofé  fur  cette  Science  des 
Livres  que  nous  n'avons  plus.  M. 
Croufaz  trouve  qu'il  y  a  beaucoup 
d'efprit  Se  d'élégance  dans  les  Ecrits 
de  Sextus  en  faveur  duPyrronifme. 
Il  n'en  donne  point  une  traduction 
f  rançoifc  ,  parce  qu'il  y  a  tant  de 
re-petitions  5c  t-ant  de  fophifmes 
ïYilibles  &  palpables  que  la  patience 


I  t7  5  ?•  2  5/ 

de  la  plupart  des  Ledeurs  auroit  été 
poufléc  à  bout ,  s'ils  avoient  été 
obligés  de  lire  de  fuite  la  tradudion 
de  l'Ouvrage  entier.  C'eft  pourquoi 
il  a  pris  le  parti  de  l'abréger ,  &  de 
donner  un  Sommaire  de  la  dodrinc 
en  fuivant  l'ordre  de  fes  Chapitres. 

II  n'a  même  fait  que  fuivre  l'Ex- 
trait qu'a  donné  M.  le  Clerc  du  Li- 
vre qui  a  pour  titre  Hyppoiypofis' 
Pyrronterines ,  ou  le  tableau  de  li 
manière  de  philofopher  des  pyrro- 
niens. Sextus^mploye  une  partie 
de  fon  Ouvrage  à  accumuler  des 
raifons  pour  foûtenir  qu'il  n'y  a 
aucune  méthode  qui  conduifc  fû- 
rement  à  la  découverte  de  la  véri- 
té ,  aucune  règle  fur  laquelle  on  en 
puilTe  juger  fans  craindre  de  fc 
tromper,  ou  du  moins  il  travaille 
à  rendre  fufped  &  douteux  tout  ce 
qu'onaditfur  un  fujet  fi  important. 
Dans  une  antre  partie  du  Livre  Sex- 
tus parle  de  quelques  principes  qui' 
font  les  plus  incontcftablcs  ^  tels 
que  font  ceux  qui  regardent  la  pro- 
vidence ,  l'cxiftence  des  corps  ,  la 
réalité  du  mouvement ,  &  il  tâche 
de  répandre  des  doutes  fur  chacua 
de  ces  principes. 

Nous  ne  fuivrons  pas  notre  Au- 
teur dans  le  détail  où  il  entre  pouc 
répondre  à  chaque  argument  de 
Sextus ,  il  nous  fuffira  de  rappor- 
ter ici  un  précis  de  quelques  traits- 
de  cci  reponfes. 

L'homme  ,  dit  Sextus,  eft  com- 
pofé d'un  corps  &  d'une  ame; 
quant  au  corps  on  n'en  voit  que  la 
furface ,  i'ame  eft  bien  plus  incom- 
préhenfible  :  comment  ce  qui  ne  fe 
çonnoît  pas  foi-niêmc^  feroit-ii  a.-: 


z66         JOURNAL  DE 

pablc  de  connokrc  quelque  chofc  > 
Notre  Auteur  répond  à  ccsSophif- 
mcs ,  que  Ci  les  yeux  ne  voycnt  que 
lafurface  des  corps ,  le  fens  du  tou- 
cher nous  apprend  que  cette  lurface 
eft  le  dernier  terme  d'une  éccnduc 
folide  ,  6c  que  l'entendement  a 
l'idée  de  l'étendue  &  de  plu- 
ficurs  de  fes  proprietez.  Il  ajou- 
te que  l'on  peut  fentir  rjiielcjites  ac- 
tes ,  &  s'appercevoir  qu'on  les  fent 
quoique  l'on  ne  connoilTe  point  à 
fond  la  nature  de  la  Fjrultc  qui  les 
fent  ou  qui  paroît  les  l'entir.  Je 
fens  que  je  penfe,  cela  me  fuffit 
pour  me  convaincre  que  je  pcnfe  , 
quand  même  je  ne  connoîtrois 
point  à  fond  la  nature  de  la  fubflan- 
cc  qui  pcnfe  :  je  fens  que  j'ai  des 
idées  deTaflirmation  '&  de  la  néga- 
tion ,  je  fens  que  j'ai  des  idées  du 
nombre  pair  ,  je  fens  de  même  que 
l'idée  du  triangle  exclut  celle  du 
cercle.  Cela  me  fuffit  pour  nier 
avec  aCTurance  ,  que  le  triangle  foit 
un  cercle.  L'homme  eft  un  être  fort 
compofé.  Son  ame  auffi-bicn  que 
fon  corps,  peut  renfermer  une  in- 
finité de  chofes  qu'on  ne  connoît 
pas  encore.  Donc  l'homme  ne  doit 
point  fe  promettre  de  connoître 
quelque  chofe.  Afin  que  ce  raifon- 
ncmcnt  fût  au  moins  vraifembia- 
ble  ,  il  faudroit  que  le  principe  fur 
lequel  il  eft  fondé  fût  vraifcmbla- 
ble  lui-même  ,  qu'on  ne  peut  con- 
noître quoique  ce  foit  avec  certitu- 
de ,  à  moins  qu'on  ne  connoiflc 
abfolumcnt  tout ,  &  qu'on  ne  foit 
au  -  dclfus  de  l'ignorance  à  tous 
cgards. 

La  diverfué  des  jugcmcns  des 


S  SÇAVANS, 

hommes  ell  encore  un  des  grandi 
moyens  des  Pyrrqniens  ,  qui  de- 
mandent fi  on  doit  s'en  rappo;tcr  à 
foi-même  ou  aux  autres.  AI.  Crou- 
faz  dit  qu'il  ellaiié  de  répondre  à 
Sextus.  Je  ne  me  rends,  dit-il  ,  ni  à 
mon  autorité ,  ni  .\  celle  des  autres. 
Je  ne  me  rends  qu'à  l'évidence  qui 
me  pénétre  ,  foit  qu'elle  nailTe  de 
mes  propres  reflexions ,  foit  que  je 
la  tire  de  mon  attention  aux  dif- 
cours  des  autres. 

Cette  rcponfe  engage  notre  Au- 
teur dans  une  DitTertation  fur  l'évi- 
dence qui  eft  le  point  principal  dans 
dans  la  difpute  contre  les  Pyrro- 
niens.  Les  obfervations  que  l'Au- 
teur fait  fur  cet  article ,  &z  celles 
qu'il  avoit  déjà  faites  dans  la  Logi- 
que fur  un  fujet  fi  important  méri- 
tent une  attention  particulière. 

Au  fujet  de  l'exiftence  des  corps 
6c  du  mouvement,  Sextus  propofc 
la  difficulté  ordinaire  furladivifi- 
bilité  de  la  matière  &  fur  la  nature 
du  mouvement.  M.  Croufaz  qui 
foûticnt  la  divifibihté  de  la  matière 
à  l'infini ,  met  dans  un  nouveau 
jour  les  preuves  des  Philofophes 
qui  ont  embraffé  ce  Syftême  ,  Se  il 
répond  par  les  principes  des  Ma- 
thématiques au  fameux  Problême 
d'Achille  &  de  la  Tortue  ,  par  le- 
quel les  Pyrroniens  prétendent 
prouver  ,  qu'on  peut  faire  contre 
i'cxii^ence  du  mouvement  des  ob- 
jections invincibles  ,  &  qui  don- 
nent lieu  de  douter  de  l'exiftence 
du  mouvement. 

Notre  Auteur ,  dans  cette  fé- 
conde partie  de  fon  Ouvrage  ne  ré- 
pond guéres  qu'à  des  argumcns  ufés 


MAY 

des  anciens  Pyrroniens  ,  qui  ont 
été  combattus  par  un  grand  nom- 
bre d'Auteurs.  La  féconde  partie 
dont  nous  rendrons  compte  dans 
un  autre  Journal  elt  plus  inrereifan- 
te;  parce  que  l'Auteur  y  répond 
aux  nouveaux  Pyrroniens ,  qui  ont 
tâché  de  répandre  de  nouvelles  té- 
nèbres ,  fur-tout  par  rapport  à  la 


;  I7Î5'  267 

morale  &  à  la  Religion  ,  &  que  M. 
Bayle  a  développés  d'une  manière 
qui  eft  fclon  notre  Auteur,  d'autant 
plus  dangereufe,  qu'il  n'a  point  faie 
un  corps  de  Syftêmc  Pyrronien , 
mais  qu'il  l'a  fait  entrer  en  differens 
endroits  de  fes  Ouvrages  ,  que  les 
agrémcns  qu'il  y  a  répandus  tont 
lire  avec  plaifir. 


HISTOIRE  GENERALE  DES  AVTEVRS  SACRES  ET 
Ecclefiajiiques ,  qui  contient  leur  Vie  ,  le  Catalogue  ,  la  Crititjite  ^  le  Juge- 
ment ,  la  Chronologie  _,  VAnalyfe  ,  &  le  dénombrement  des  différentes  Edi- 
tions de  leurs  Ouvrages  ^  ce  qu'ils  renferment  de  plus  interejfant  fur  le  dogme, 
fur  la  morale  &  fur  la  difcipline  de  l'Egltfe  ,  l'HiJîoire  des  Conciles  ,  tant 
généraux  ejue  particuliers ,  &  les  ABes  choifis  des  Martyrs.  Par  le  R.  P, 
Dom  Remy  Ceillier ,  de  la  Congrégation  de  S.  Vanne  &  de  S.  Hydulphe  ^ 
CoadjHteur  de  Flavigny.  Tome  troifiéme.  A  Pans ,  au  Palais ,  chez  Paulus- 
du-Mefntl ,  Imprimeur-Libraire  ,  au  Pillicr  des  Confuitations,  au  Lion 
d'or.  i7Ji.  in-^.  pp.  -jéi. 


LE  S  Libraires  avertirent  qu'ils 
n'ont  mis  un  long  intervalle 
entre  les  deux  premiers  Volumes 
de  ce  grand  Ouvrage  &  le  troifié- 
me ,  que  parce  que  leur  intention 
avoit  été  de  fonder  le  goût  du  pu- 
blic par  les  deux  premiers  Volu- 
mes. A  prefent  qu'ils  fe  croyent 
fuffifamment  affurés  du  fuccès  des 
Volumes  fuivans  parcelui  des  deux 
premiers  Tomes ,  les  Volumes  fe 
Succéderont  plus  promptcment  les 
uns  aux  autres. 

Comme  nous  nous  fommcs  fuffi- 
famment expliqué  dans  l'Extrait 
des  deux  premiers  Volumes  qui 
ont  paru  en  lyzj.  fur  le  plan  de 
l'Auteur,  &  que  le  titre  qu'on  vient 
de  lire  en  donne  une  idée  ,  nous  ne 
rentrerons  point  dans  ce  détail. 
Nous  commencerons  donc  par  ob^ 


fervcr  que  l'Auteur  parle  dans  ce 
Volume  ,  de  S.  Cypricn  qui  fouffric 
le  martyr  en  15  8.  de  S.  Denys  Evê- 
que  d'Alexandrie  ,  de  S.  Grégoire 
Taumaturge  ,  d'Arnobe  ,  de  Lac- 
tance  ,  de  S.  Pamphile ,  &C  de  quel- 
ques autres  Auteurs  Ecclcfiaftiques 
dont  les  Ouvrages  font  perdus.  Il 
donne  en  fécond  lieu  un  abrégé  des 
Adcs  de  pluficurs  Martyrs  du  troi- 
fiéme fiécle  ,  &  il  joint  à  cet  Extrait 
des  Obfervations  fur  les  Ades  de 
ces  Martyrs  qui  ont  été  publiés  dans 
ces  derniers  tems.  On  trouve  en 
dernier  lieu  à  la  fin  de  ce  Volume 
un  abrégé  des  Conciles  tenus  pen- 
dant les  trois  premiers  fiécles ,  & 
un  extrait  des  Canons  qui  y  ont 
été  faits ,  foit  pour  le  dogme  ,  foie 
pour  la  difcipline  ,  en  Voici  quel- 
ques traits. 


■258  JOURNAL    DES    SÇAVANSi 

Après  un  abrégé  de  la  Vie  de  Ladance  ,  le  fcul  entre  les  défea- 
S.  Cyprien  &  de  îcs  Ecrits  &  des  feursdc  la  vérité  qui  fc  foit  diftia- 
RemarqucsCritiques  fur  lesOuvra-  gué  par  fon  éloquence  ,  fcs  Ouvra- 
ges qui  lui  font  tauflenient  attribués;  ges  font  tous  admirables  ,  chacim 


le  P.  Ceilljcr  donne  un  précis  inte- 
rcllant  de  ce  qu'il  a  trouvé  de  plus 
remarquable  dans  les  Ouvrages  de 
S.  Cyprien  par  rapport  au  dogme  , 
à  la  morale  &  à  la  difcipline ,  5:  il 
rapporte  au  bas  des  pages  les  princi- 
paux palTages  pour  juftiher  te  qu'il 
avance  dans  le  Texte.  Puis  il  vient 
dans  l'article  6.  au  jugement  qu'il 


en  leur  genre ,  6:  il  a  tant  de  grâce 
pour  orner  tout  ce  qu'il  dit  ,  tant 
de  clarté  pour  le  faire  entendre , 
tant  de  force  pour  le  pcifuader , 
qu'il  eft  plus  dilficile  de  juger  e;i 
quoi  il  excelle  le  plus ,  ou  dans  la 
beauté  de  l'expeflion  ,  ou  dans  la 
netteté  du  raifonncment  &  des 
penfées ,  ou  dans  la  force  des  prcu- 


porte  des  Ecrits  de  ce  Saint  Martyr,      ves.  Il  avoit  un  génie  tacile  ,  agréa- 
cn  tirant  fcs  principaux  traits  ,  de      ble ,  abondant ,  Se  ce  qui  eft  une 

des  plus  belles  quaiitez  de  l'Ora- 
teur ,  iort  clair  Se  fort  net ....  Il  a 
inftruit  les  Gaules ,  l'Angleterre  ôc 


ce  qu'en  ont  dit  les  anciens  Au- 
teurs Ecclefiaftiques. 

Il  eft  également  difficile  de  faire 
l'éloge  des  vertus  de  S.  Cyprien,& 
d'exprimer  de  quelle  utilité  fes 
Ecrits  font  à  l'Eglife.  Son  éloquen- 
ce même  ne  fulliroit  pas  pour  faire 
fon  panégyrique  ,  &  tout  ce  que 
nous  pourrions  dire  ne  répondroit 
jamais  à  l'idée  que  fon  nom  feul 
forme  dans  l'efpritde  tout  le  mon- 
de...  .  Ses  Ecrits  répandus  jufques 
dans  les  Eçlifes  d'Orient  &  cités 


jufqu'aux  dernières  extrémitez  de 
l'Elpagne.  Il  a  porté  par  tout  J.  C. 
&  tant  qu'il  y  aura  des  hommes  &C 
des  Livres ,  quiconque  aimera  J.C 
lira  Cyprien  Se  apprendra  de  lui  la 
vérité.  Tous  ces  Ecrits  font  égale- 
ment utiles  &pleins  d'érudition  Sc 
de  force.  On  y  trouve  les  princi- 
paux dogmes  de  la  Religion  bien 
établis ,  la  difcipline  de  l'Eglife  re- 


"■"•■'   '■~"   '^n ; '  1 o 

dans  les  Conciles  pour  la  détenfe      prefentée  dans  fa  beauté  ,  les  maxi- 
de   la  foi  contre  les'  Hérétiques  ,      mes  de  la  Morale  Evangeliquc  foû- 


l'ontfait  regarder  comme  un  Maî- 
tre ou  un  Juge  de  la  doûrine  de 
l'Eglife.  S.  Jérôme  qui  n'en  a  pas 
voulu  fjire  le  Catalogue  ,  parce 
qu'ils  font  ,  dit-il  ,  plus  connus 
que  le  Soleil  ,  les  compare  à  une 
fource  très- pure  ,  dont  les  eaux 
coulent  avec  une  agréable  douceur. 
lis  rclTembleat  aulîî  très-fouvent  à 
un  torrent  qui  marche  avec  impé- 
tuofité  &  rompt  tous  les  obftacles 


tenues  dans  toute  leur  pureté  ,  & 
plnfieurs  Textes  des  Livres  Saints  , 
qu'il  polfcdoit  parfaitement  ,  heii- 
reufement  expliqués. 

Le  P.Ccillierobfcrve  comme  une 
chofe  digne  de  remarque,  que  quel- 
que eftime  que  S.  Cyprien  ht  dts 
Ecrits  de  Tertulicn,  &  que  quelque 
grande  que  fytfon  appUcation  à  les 
lire,  il  ne  donna  jamais  dans  aucun 
des  excès  de  cet  Auteur  :  il  n'a  pris 


qu'on  lui  oppoî'c Il  eft  ,  dit     ,de  lui  que  ce  qu'il  y  a  de  bon  ,  &c 

quan4 


MAY 

quand  il  fe  feit  des  raifonncmens 
éc  des  penfces ,  qu'il  en  a  emprun- 
tées j  c'eft  toujours  en"  leur  don- 
nant un  tour  plus  aifé  &  plus  poli 
qu'ils  n'ont  d^ns  Tertulien.  La  leu- 
ic  chofe  qui  ùûc  delà  pcjnedans 
les  Ecrits  de  S.  Cypricn  eft  l'erreur 
qu'il  a  foûtenuc  fur  le  Baptême  des 
Hérétiques  3  mais  s'il  cft  reprchen- 
fible  d'avoir  foûtenu  un  fentiment 
que  l'Eglife  a  depuis  condamné  ,  il 
<c(i  loiiable  pour  la  conduite  qu'il  a 
tenue  dans  cette  difpute.  S'il  a  foû- 
tenu l'erreur,  c'a  éccivec  douceur 
5c  avec  un  cfprit  de  paix,prct  à  re- 
cevoir les  cclairciffemens  des  au- 
tres j  fi  on  lui  en  eût  donné.  S'il 
«'eft  élevé  quelque  nuage  de  la  fra- 
gilité hiunaine  dans  une  ame  auflî 
éclairée ,  il  a  été  dilîîpé  par  le  glo- 
rieux éciat  de  fon  fang  répandu 
pour  J.  C.  dans  la  paix  de  fon  cœur 
5c  dans  l'unité  de  l'Eglife.  Notre 
Auteur  croit  que  S.  Cyprien  n'a 
point  changé  de  fentiment  au  fujct 
du  Baptême  des  Hérétiques  ,  &: 
que  le  Pape  S.  Etienne  n'a  point  er- 
ré fur  ce  fujet ,  &  qu'il  n'a  point 
approuvé  le  Baptême  qui  n'étoit 
point  donné  au  nom  des  trois  Per- 
fonnes  de  la  Trinité. 

Notre  Auteur  ,  parlant  des  difTe- 
rentes  Editions  de  S.  Cyprien  , 
avertit  que  celle  de  Rigaut  eft  char- 
gée d'un  grand  nombre  de  notes  , 
entre  lefquelles  il  y  en  a  quelques- 
unes  où  il  affoiblit  les  endroits  qui 
établirent  les  prérogatives  de  l'E- 
glife de  Rome,  &  où  il  combat  des 
fcntimens  reçus  dans  l'Eglife,  com- 
me celui  du  Baptême  des  cnfans 
qu'il  nie  être  de  tradition  Apoftoli- 


,     1735.  ^'69 

que.  M.  de  Laubepine  fe  déclara 
contre  Rigaut,  &  Grotius  dit  que 
i\  ce  Prélat  eut  vécu  plus  lonp--tems 
il  auroit  tait  déclarer  hérétique  cet 
Editeur  de  S.  Cyprien. 

Le  Chapitre  qui  concerne  Lac- 
tance  nous  tournira  quelques  traits. 
Le  premier  article  contient  un 
cbrcgé  de  la  vie  de  cet  Orateur 
dans  les  trois  articles  fuivans  il 
donne  un  abrégé  détaillé  dcsTraitez 
de  l'Ouvrage  de  Dieu  ,  des  Inllicu- 
tions  Divines,  &  du  Livre  delà 
Colère  de  Dieu ,  &  dans  l'article  4 
du  Traité  de  la  mort  des  perfécu- 
teurs.  Mais  avant  de  commencer  le 
précis  de  ce  dernier  Ouvrao-e  il 
traite  la  quedion  il  Ladance  en  cft 
véritablement  l'Auteur.  Sur  quoi 
il  rapporte  le  raifons  de  part  & 
d'autre. 

M.  Baiuze  eft  le  premier  qui  aie 
donné  cet  Ecrit  au  public  ,  &  il  n'a 
point  fait  difficulté  de  l'attribuera 
Ladance.  Ce  qui  l'a  déterminé  , 
c'eft  1°.  qu'il  a  cru  que  le  titre  de  la 
mort  des  perfecutcurs ,  qui  eft  ce- 
lui que  porte  cet  Ouvrage  dans  un 
Manufcrit  ancien  de  Spoans,  équi- 
valoir à  celui  de  la  perfecution  cité 
par  Saint  Jérôme  dans  le  Catalogue 
des  Livres  de  Ladance  j  2°.  Que  Ice 
noms  deLucius-Cecilius  qu'on  lit  à 
la  tête  du  Livre  de  la  mort  des  per- 
fécuteurs  dans  ce  Manufcrit ,  font 
joints  à  ceux  de  Firmicn  &  de  Lac- 
tance  dans  un  autre.  Manufcrit  des 
autres  Ouvrages  qui  font  conftam- 
mcnt  de  Ladance  -,  3  '.  Qu'il  a  cru 
voir  dans  ce  Traité  le  ftyle  de  Lac- 
tance  ,  fes  manières  de  parler  &  ki 
citations  fréquentes  de  Virgile. 
Na 


x-jo-        J  O  U  H  N  A  L   D 

Quoique  les  Savans  qui  ont  par- 
ié de  cet  Ecrit,  depuis  qu'il  a  été 
Bublié  ,  l'ayent  prtlqiic  tous  attri- 
bué à  Ladance  ;  le  P.  le  Nourry  n'a 
pu  fc  pcrfuadcr  qu'il  fût  effedtivc- 
ment  de  cet  Auteur.  Le  titre  <^f /.« 
perfecution  &  celui  i>!s  la  mort  des  per- 
fecHtews  n'pnt  pas  paru  au  P.  le 
Nourry  auffi  relîtinblans  qu'ils  l'a- 
voient  paruà  M.  Baluzc.  S.  Jérôme, 
S.  Auguftin  ,  Honorius  d'Autun  & 
i'Abbé  Trithcme  ,  n'ont  cite  Lac- 
tance  que  fous  le  nom  de  Firmien- 
Laclance  ,  le  P.  le  Nourry  ne  fçau- 
roit  fc  perfuadcr  que  celui  de  qui 
vient  cet  ancien  Manufcrit  ,  eût 
fupriraé  le  nom  fous  lequel  Laitan- 
ce étoit  connu  ^  pour  lui  donner 
celui  de  Lucius-Cecilius.  Pour  ce 
qui  efl;  du  ftyle  ,  le  Benediifdn  y  re- 
marque des  exprelîlons  qui  lui  pa- 
roi lient  obfcurcs  ,  peu  latines  ,  & 
tout- à-fait  éloignées  de  la  politelTc 
&  de  l'élégance  qui  ont  fait  regar- 
der ce  Pcre  comme  le  Ciceron  de 
fon  fiécle.  11  obferve  encore  qu'on 
ne  trouve  dans  ce  Traité  aucune  ci- 
tation des  autres  Ecrits  de  Ladan- 

.  ce ,  quoique  cet  Auteur  ait  coutu- 
me de  fe  citer  lui  même  dans  les  au- 
tres Ecrits  qui  font  conHiammeiit 
de  lui.  Il  y  trouve  aullî  quelques 
opinions  contraires  à  celles  que 
Ladance  foiiticnt  dans  fes  autres 
Ecrits.  Le  P.  Ceillicr  ne  paroît  pas 
fort  touché  de  cei  raifons  du  Père 
le  Nourry  pour  ôter  à  Ladtancc  le 
Traité  de  la  mort  des  Pcrfccuteiirs. 
Au  refte  ,  il  femble  à  notre  Auteur 
qu'il  eft  allei  indiflèrent  quel  fenti- 
mcnt  on  cmbraflc  fur  ce  point  de 

•«ritiquc  ,  parce  qu'il  fera  toujours 


ES   SCAVANS; 

confiant  que  ce  Traité  dt  h.  mort  des 
Prrfeciiteurs  eft  un  Monument  rrcs- 
précieux,&:quc  l'Auteur  vivoit  dans 
le  tcms  de  Lactance  ,  puifqu'il  écri- 
voit  après  la  perfccution  de  Dioclc- 
tien ,  6c  avant  celle  de  Licinius  vers 
l'an  514.  Il  le  dédie  à  Donat  qui 
avoit  confelTé  J.  C.  fous  Flavin 
Préfet  du  Prétoire  ,  fous  Hicrocle 
Gouverneur  de  Bythinie  ,  &i  fous- 
Prifcillicn  fuccclTeur  d'Hierccle. 

Qiiûiquc  Ladance  fe  foit  plus 
appliqué  dans  fes  Ecrits  <à  détruire 
la  Religion  des  Paycns,  qu'à  établir 
celle  des  Chrétiens ,  on  ne  lailTc  pas 
de  trouver  dans  fes  Ecrits  pluficurs 
chofes  qu'il  eft  important  de  re- 
marquer ,  foit  pour  le  dogme  ,  foit 
pour  la  morale  Chrétienne.  Le  Père  ' 
Ccillier  réunit  ces  diffcrens  traits 
dans  l'article  3  du  chapitre  de  Lac- 
tance.  Il  marque  cnfuite  quels  font 
les  fentimens  crronnés  qui  ont  en- 
gagé le  Pape  &él.îfe  à  mettre  Lac- 
tancs  au  nombre  des  Auteurs  apo- 
criphcs.  Les  cireurs  qu'on  lui  rc- 
pioche  lui  font  communes ,  dit  le 
P.  Ceillier,  avec  beaucoup  d'autres 
anciens  à  qui  il  faut  moins  les  attri- 
buer qu'au  tems  auquel  ils  ont  vé- 
cu ,  où  Ion  n'avoit  point  encore 
éclaira  certains  articles  de  la  foi 
avec  autant  d'cxaditude  &  de  pré- 
cifion  qu'on  a  fait  depuis.  S.  Jérô- 
me qui  n'approuvoit  pas  les  expref- 
llons  de  Ladance  fur  le  Sain? 
Efprit  ,  rclcvoit  néanmoins  fes 
Livres  des  Inftitutions ,  comme  nn 
Ouvrage  excellent.  Il  admiroit 
également  la  folidité  ^  l'éloquen- 
ce du  Livre  qui  a  pour  titre  de  la 
Colère  de  Dieu.  On  peut  dire  en 


MAY 

■e^et  ,  ajoute  notre  Auteur  ,  que 
perfonue  n'a  combattu  l'Idolâtrie 
avec  plus  de  force  ,  Se  avec  un  ftyle 
plus  beau,  plus  cloquent.  Ses  autres 
Ouvrages  font  écrits  avec  autant  de 
«oblefte  &  de  pureté  ^  Se  c'efl  avec 
juftice  qu'on  le  met  encie  les  hom- 
mes les  plus  éloquens  qu'ait  eu  le 
Chriftianifine  ,  Se  qu'on  le  regarde 
comme  un  fleuve  d'éloquence 
comparable  à  Ciceron ,  fur  qui  mê- 
me il  a  l'avantage  d'avoir  non  feule- 
ment traité  des  matières  plus  fubli- 
riies  Se  plus  interelTantes ,  mais  d'a- 
voir enrichi  fes  Ouvrages  d'un 
grand  nombre    de   maximes  plus 

pures  Se  plus  excellentes Le 

Txaité  de  la  mort  des  Perfecutenrs  eft 
écrit  avec  beaucoup  d'art  &  de  poli- 
tcfle  j  6c  on  y  trouve  pluiieurs  traits 
importans  pour  l'Hiftoire  de  l'E- 
glife. 

Pelage  croyoit  pouvoir  tirer  avan- 
tage de  quelques  endroits  de  Lac- 
tance  où  il  fembloit  que  l'Auteur 
admît  en  J.  C.  un  combat  contre 
les  vices  Se  contre  les  defirs  de  la 
concupifcence.  Mais  S.  Auguftin 
lépondoit  que  les  paflages  cités  par 
Pélase    font    conçus  de  manière 


.  ■  17  5  3-  =71 

qu'on  n'en  peut  rien  conclure  ni 
contre  la  foi  Catholique,  ni  contre 
l'Héréiic  de  Pelage  ;  en  fécond 
lieu  que  les  deilrs  de  la  concupif- 
cence dont  Laâ:ance  parle  en  cet 
endroit,  font  la  faim  ,  la  foif,  le 
defir  du  repos ,  Se  d'autres  paflîons 
femblables  dont  on  peut  bien  ou 
mal  ufcr  ,  mais  dont  le  Sauveur  a. 
toujours  tait  un  ufage  légitime. 

A  l'égard  du  reproche  que  fait 
S.  Jérôme  à  Ladtance  d'avoir  dit  en 
plufieurs  endroits  de  fes  Lettres, 
que  le  S.  Efprit  n'eft  qu'un  nom  re- 
latif ,  tantôt  au  Père  tantôt  au  Fils, 
pour  exprimer  la  fainteté ,  ou  la 
vertu  de  fancftifier  qui  leur  eft  com- 
mune ,  le  P.  Ceillicr  obferve  qu'on 
ne  trouve  point  cette  erreur  dans 
ce  qui  nous  rcfte  des  Ouvrages  de 
Laélance  ,  où  il  ne  parle  point  du 
S.  Efprit.  Il  ajoute  qu'on  pourroit 
donner  un  bon  fcns  aux  paroles  que 
S.  Jérôme  rapporte  de  Ladtance,  en 
difant  que  les  noms  de  Saint  Se  d'ef- 
prit  dans  l'Ecriture  font  communs 
au  Père  Se  au  Fils,  quoiqu'ils  con- 
viennent particulièrement  au  S.  Efr- 
prit,comme  le  dit  S.  Auguftin  dans; 
le  Livre  15.de  la  Cité  de  Dieu. 


HISTOIRE    DE    VJCADEMIE    ROYALE    DES    SCIENCES. 

^nnée  1730.  Avec  les  Mémoires  de  Mathématicjue  &  de  Phyjïcjue  ^  pénr 
la  même  année  ,  tirés  des  Regiflres  de  cette  Acadé?nie.  A  Paris  ,  de  l'Im- 
primerie Royale.  1731.  /»-4°.  pp  143.  pour  l'Hiftoirc  :  pp.  580.  pour 
les  Mémoires.  Planches  détachées  2j. 


AP  R  E'S  avoir  fait  connoître, 
dans  notre  Journal  d'Avril 
dernier  ,  les  articles  de  ce  Volume 
qui  appartiennent  à  la  Phyficjue  gé- 
nérale èis.i'Aiiatomiej  ilrwusrellp 


à  rendre  compte  ici  de  ceux  qui 
font  du  relTort  de  la  Chimie  ^  de  la., 
Botanicjue  Se  des  Adathématiques. 

La  Chimie  nous  offre  quatre  diflTc- 
fejis  articips.  Le  premier  ,  fur  les 
Nn  jj 


272  JOURNAL  D 

louillons  de  vi.mde  ^  cft  de  M.  Geof- 
froy ;  le  fécond  ,  fur  im  grand  mm- 
i>re  de  Phofpkores  nouveaux  ,  cft  de 
yi.dti  Fay  ;  le  troificme,  cft  l'Ecrit 
de  M.  Bourde! in  fur  le  fei  lixiviel 
dn  Giiyac  :  Ss-  le  dernier ,  de  \L 
Bûiddiic  ,  contient  une  manière  fins 
fmfle  (jue  f  ordinaire  pour  faire  le 
f'.blimé  corrofif.  De  ces  quatre  arti- 
cles les  deux  premiers  fe  trouvent 
dans  THiftoire  &  parmi  les  Mé- 
moires i  les  deux  autres  font  entiè- 
rement renvoyés  aux  Mémoires. 
Nous  ferons  feulement  l'Extrait  du 
premier  &:  du  troifiéme. 

I.  Quoique  de  tous  les  alimens 
ceux  que  foumifTcnt  les  Végétaux 
femblent  convenir  le  mieux  aux 
malades  j  cependant  l'ufage  des 
bouillons  de  viande  pour  leur 
principale  nourriture  a  tellement 
prévalu  parmi  nous ,  qu'il  eft-très- 
important  de  favoir  au  julle  com- 
bien ces  bouillons  contiennent  de 
fubrtance  vraiment  nourricière. 
C'eft  le  moyen  le  plus  fur  de  ne 
les  prefcrire  ni  trop  forts ,  lorfque 
ie  malade  a  befoin  d'une  diète  au- 
ftere  ;  niîropfoibles  ,  lorfqu'il  s'a- 
git de  reparer  fes  torces.  M.  Geof- 
froy s'eft  donc  chargé  de  cet  exa- 
men ,  en  continuant  &  en  pouflant 
plus  loin  les  recherches  déjà  faites 
îur  cette  matière  dans  l'Académie. 

Suivant  cette  vue  ^  il  s'eft  propo- 
fe  de  découvrir  par  l'Analyfe  Chi- 
mique i".  la  quantité  &  la  qualité 
des  principes  que  renferment  les 
chairs  crues  mifcs  en  diftillation  : 
2°.  Ce  qu'elles  en  laifTent  aux  ex- 
traits folidcs  qu'on  en  tire  pari'é- 
ï)u.Uition  &  i'évaporation  :  3°.  En 


ES  SÇAVANS, 

quoi  les  fcls  volatils  qui  s'en  échap- 
pent différent  ellcnticllcmcnt  : 
4°.  Ce  que  les  chairs  dépouillées 
de  leurs  fucs  &  fechées  contiennent 
encore  de  principes.  Il  promet  de 
déterminer,  dans  un  autre  Mémoi- 
re ,  ce  que  les  matières  olleufcs 
peuvent  donner  d'extrait  nourtif- 
fant ,  par  la  voye  de  la  cuilTon. 

Nous  ne  faurions  fuivrc  l'Acadé- 
micien dans  le  détail  où  il  entre  fur 
tous  ces  articles.  Nous  dirons  f(?u- 
lement  en  général ,  Que  de  4  onces 
de  pure  chair  de  bœuf  dont  il  avoir 
féparé  la  grailTe  ,.lesos  ,  les  carti- 
lages, les  tendons  &  les  membra- 
nes ,  il  a  tiré  par  la  diftillation  an 
Bain-Marie  plus  de  la  moitié  de 
phlcgme  ,  c'eft-à-dire  2  onces  ,  6 
gros ,  3  6  grains  :  Que  4  onces  de  la 
même  chair,  cuites  dans  un  vaif- 
feau  bien  clos  avec  neuf  pintes 
d'eau  verfées  à  différentes  reprifes , 
ont  donné  après  l'ébuliition  &:  I'é- 
vaporation I  gros  56  grains  d'ex- 
trait, &tfgros  3 <j  grains  de  fibres 
deffechées  :  Qiie  l'extrait  analvfé  a 
fourni  un  fel  volatil  en  cryftaux 
plats  tels  que  ceux  du  fel  volatil 
d'urine  ,  &  que  l'Académicien  ju- 
ge armoniacal  ■■,  le  regardant  au  fur- 
plus  comme  le  fel  eflcntiel  de  la 
viande  &  comme  fe  féparant  du 
fang  par  les  urines  après  la  nutri- 
tion :  Qii'à  ce  fel  volatil  a  fuccedc 
une  huile  ,  &  qu'il  n'eft  rcfté  dans 
la  cornue  qu'une  très- petite  quan- 
tité de  charbon  très-léger  :  Que  les 
fibres  de  la  viande  privées  de  tout 
leur  lue  ont  donné  par  l'analyfe 
prefque  les  mêmes  principes  ,  & 
dans  le  même  ordre  ,  q^ioiqu'ca 


MA 

<3ofes  un  peu  différentes.  On  voit 
afllz  ,  par  ce  qui  vient  d'être  dit, 
cjuc  ce  qu'on  appelle  extrait  con- 
tient tout  ce  qu'il  y  a  de  nourrif- 
fant  dans  la  %'iande  ;  i5c  que  li  4  on- 
ces de  chair  de  bœuf  produifcnt  i 
gros  5^  grains  d'un  pareil  extrait , 
une  livre  de  lé^  onces  en  produira 
7  gros  8  grains  ■■,  d'où  il  fuit  qu'un 
«onfommé  d'une  livre  de  bœuf 
renferme  une  même  quantité  de 
nourriture  fubftantielle. 

Mais  'comme  il  enCi'e  dans  les 
bouillons  des  malades  différentes 
fortes  de  viandes  cuites  cnfcmble  , 
l'Académicien  a  fait  fur  celles  dont 
l'ufageeft  le  plus  ordinaire  les  mê- 
mes recherches  que  fur  la  chair  de 
bœut.  il  a  trouvé  dans  4  onces  de 
celle  de  veau  1 8  grains  de  flegme 
de  plus  que  dans  celle  de  bœuf,  46 
grains  d'extrait  au'H  de  plus  ,  &  â^è 
grains  de  moins  de  fibres  defle- 
chées;  diflerence  proportionnée  à 
l'état  de  ces  deux  animaux  ,  donc 
l'un  demande  plus  de  fuc  pour  fe 
nourrir  &  pour  croître  ,  qu'il  n'en 
faut  à  l'autre  pour  ne  faire  que  fe 
nourrir.  Et  comme  félon  toutes  les 
apparences  ,  il  y  a  parmi  les  fucs  du 
veau  beaucoup  plus  de  ceux  qui 
doivent  fervir  à  la  produ(ftion  des 
os  &  des  cartilages ,  M.  Geoffroy 
croit  pouvoir  inférer  de-là  que  les 
bouillons  de  veau  pourroient  bien 
être  plus  convenables  que  ceux  de 
bœut  aux  malades  qui  ont  encore  à 
croître  ,  ou  qui  font  confiderable- 
ment  exténuez. 

La  chair  de  mouton  mife  aux 
mêmes  épreuves  que  les  deux  au- 
tres ,    a    oifert  une  plus  grande 


Y  ,   I  7  ?  ?•  275 

quantité  de  filcs  nourriciers  &:  de 
principes  volatils.  L'Auteur  a  exa- 
miné avec  le  même  foin  celles  de 
poulet  3  de  coq ,  de  chapon ,  de  pi- 
geon ,  de  faifan,  de  perdrix  &  de 
poulet -d'Inde  5  &  il  a  dreffé  des 
Tables  très- détaillées  des  refultats 
de  toutes  ces  analyfes  ,  mais  où  les 
dofes  des  extraits  font  toijjours  les 
dofcs  extrêmes  ,  c'eft-à-dire  pour 
lefquelles  on  a  tiré  des  viandes  par 
i'ébuUition  tout  ce  qu'elles  pou- 
voient  donner  ;  au  lieu  que  les 
bouillons  ordinaires  ne  laiffcroienf 
après  l'cvaporation  que  des  extraits 
beaucoup  plus  toibles. 

M.  Geoffroy  termine  fon  Mé- 
moire par  un  calcul  exad  de  ce 
qu'un  malade  prend  de  fubftance 
nourriffante  dans  chacun  des  bouil- 
lons ordinaires  compofés  de  demi- 
feptier  de  liqueur.  En  fuppofanc 
ces  bouillons  faits  d'une  livre  de 
tranche  de  bœuf,  d'une  livre  &:  de- 
mie de  rouelle  de  veau ,  &  d'une 
moitié  de  chapon  du  poids  de  14 
onces  ,  ce  qui  péfe  en  tout  3  livres 
è  onces  ,  cuites  dans  trois  pintes  ~ 
d'eau ,  réduites  à  3  chopines  pour 
fix  bouillons  qui  doivent  fe  mettre 
en  gelée;  ces  6  bouillons contien-* 
dront  au  moins  2  onces  5  gros  34 
grains  d'extrait  ,  enforte  qu'étant 
pris  tous  6  dans  les  24  heures ,  le 
malade  en  recevra  une  nourriture 
telle ,  que  comparée  avec  le  poids 
entier  du  pain  &  de  la  viande  qu'il 
peut  manger  en  fanré,  elle  doit  pa- 
roître  trop  forte.  Ainfi  (  continue 
l'Académicien)  c'eft  à  tort  que  le 
Vulgaire  s'imagine  que  les  malades 
r«  font  pas  fuififamment  îîouïïîs 


274-        JOURNAL     D 

par  les  bouillons.  Sur  quoi  l'Hillo- 
rien  obferve  Que  la  Aledccine  d'au- 
J6urd^hni  tend  ajfez.  k  retMir  la 
dietc  iiuflere  des  anciens  ;  mais  (ju-'elle 
a  bien  de  la  peine  à  obtenir  fur  ce 
point  une  grande  fonmiffion  pour  l'an- 
tiquité. 

III.  M.  BourdeliH  ,  peu  d'accord 
dans  fon  dernier  Mémoire  avec  M. 
Stahl  fur  la  formation  des  fcls  alka- 
lis  ,  entreprend  encore  ici  ce  célè- 
bre Chimiftc  au  fujct  dufel  lixiviel 
du  Gayac.  On  s'eft  pcrfuadé  jufqu'à 
prefent  que  pour  la  produdion  de 
CCS  fortes  de  fels ,  le  teun'avoit  be- 
foin  d'aucun  fecours  ni  d'aucune 
induftrie  de  la  part  de  l'Artiile  ,  & 
qu'il  fuffifoit  c^ue  celui-ci  lui  aban- 
donnât tout  fimplement  la  plante 
deffechée  ,  pour  être  réduite  en 
cendres.  M..  Stahl  prétend  au  con- 
traire ,  qu'il  y  a  certains  végétaux 
qui  par  l'incinération  leule  ne  don- 
nent que  très-peu  de  fcl  alkali , 
mais  qui  étant  bouillis  dans  l'eau 
pendant  un  certain  tems ,  puis  en- 
ticreracnt  delTechcs  par  une  lente 
évaporation ,  enfuite  brûlés  &  légè- 
rement calcinés  ,  fburniirent  infini- 
ment plus  de  ce  même  fel  j  &  le  Mé- 
decin Allemand  affure  que  le  bois 
de  Gayac  eft  dans  ce  cas. 

Non  content  d'affirmer  le  fait , 
11  en  allègue  la  raifon  phyfî- 
que  ,  &  pour  cela  il  fuppofc  à  fon 
ordinaire  que  la  formation  du  fel 
alkali  refultc  de  l'union  intime  du 
fcl  elTcntieLde  la  plante  avec  fa  par- 
tie luiileufe.  Suivant  cette  hypo- 
thèfe  ,  il  conçoit  les  parties  falines- 
nitreufes  &  les  parties  huileufes 
in  Gayac  logées  féparçment  àm^ 


ES     SÇAVANS, 

des  cellules  particulières  -,  ce  qui 
les  empêche  de  pouvoir  s'unit 
commodément  &  fc  combiner  dans 
la  dcfiagration  pour  former  beau- 
coup de  fel  alkali  -,  au  lieu  qu'à  la 
faveur  de  l'ébuUition  &  de  h  coc- 
tion,  ces  parties  raprochées  les  unes 
des  autres  s'accrochent  aifément , 
&  après  l'cvaporation  de  toute  la 
matière  aqueufe  ,  fe  trouvent  eii 
état  de  donner  par  la  calcination 
beaucoup  plus  de  fel  alkali. 

On  a  vu  fouventdes  Ph'yficiens 
imaginer  des  hypothéfes  tout-à-faic 
plaufiblcs  ,  pour  l'explication  de 
certains  faits  reconnus  dans  la  fuite 
pour  abfolument  faux.  M.  Bourde- 
liii  ne  laifle  pas  même  l'hypothéfe 
de  M.  Stahl  en  pofTellîon  de  ce  lé- 
ger avantage  ,  &  il  foûtient  qu'elle 
eft  hors  de  toute  vraifcmblancc  : 
que  ces  différentes  cellules  deftinées 
à  loger  féparément  &  à  écarter  les 
unes  des  autres  les  parties  falines  & 
les  parties  huileufes  du  Gayac  font 
purement  imaginaires  ;  que  les  li- 
queurs qui  roulent  &  circulent 
dans  les  vaiffeaux  ou  tuyaux  des 
plantes  y  portent  également  les 
differens  principes  unis  &  combi- 
nés entr'cux  par  la  nature  -,  &  que 
l'analogie  entre  les  plantes  &  les 
animaux  ,  loin  de  favoriier  le  Sy- 
ftème  de  M.  Stahl  ^  fembleroic 
plijtôt  en  mieux  découvrir  i'abfur- 
dité. 

Mais  [  dira-t-on  ]  le  Chimiftc 
Allemand  ne  me  pas  la  combinai- 
fon  aiîluellc  du  fel  &c  de  l'huile  dans 
toute  l'étendue  de  la  plante  ,  puif- 
qu'il  convient  que  du  Gayac  brûle 
tus  autre  préparaiicn,  l'oaeijtirc. 


MAY 

an  fel  alkaîi.  L:^  qucftion  ne  roule 
que  fur  le  plus  ou  le  moins ,  &;  ce 
n'eft  que  pour  ce  nioi^is  que  doit 
valoir  fon  hypothéfc.  C'eft  à  quoi 
M.  Bourdelin  n'oppofe  que  l'expé- 
rience du  nitre  fixé  par  le  charbon  -, 
expérience  ,  qui  ,  iclon  lui ,  met 
dans  un  plein  jour  l'extrême  facili- 
té qu'ont  à  s'unir  cnfemble  deux 
fubftances  tout- à -fait  étrangères 
l'une  à  l'autre  ,  &  bien  moins  à 
portée  de  le  faire  ,  que  ne  le  fe- 
roientles  parties  falincs  &  huileufes 
du  Gayac  déjà  rafTemblécs  &  mê- 
lées dans  une  même  plante ,  quel- 
que écartement  qu'y  fuppofe  M. 
Stahl. 

De  la  réfutation  de  l'hypothéfe, 
î'Auteur  paffe  à  l'examen  du  fait , 
dont  pluiîeurs  expeiiences  diffé- 
remment tournées  ce  répétées 
crainte  de  mcprife,  lui  démontrent 
la  faulTcté.  Sans  vouloir  le  fuivrc 
dans  un  détail  qui  nous  mcncioit 
trop  loin,&:  peur  lequel  il  faut  con- 
fulter  fon  Mémoire  ,  nous  dirons 
en  gros ,  que  de  hx  livres  de  rapu- 
resde  Gavac  brûlées  à  l'ordinaire  , 
il  a  tiré  par  différentes  leiïîves  130 
grains  de  fel  lixiviel  :  Que  de  fix 
autres  livres  de  rapures  du  même 
Gayac  bouillies  pendant  1 1  heures , 
en  renouvellant  l'eau  de  tems  en 
temS ,  la  dcco(fl:ion  évaporée  lui  a 
lailTé  9  gros  d'extrait  rcfineux,  dont 
il  a  tiré  par  ta  calcination  &  par  la 
leffive  47  grains  f  de  fel  lixiviel-,  & 
que  ces  mêmes  rapures  qiuavoient 
jfourni  l'extrait  par  l'ébullition  ,  &: 
4jui  ne  pefoient  plus  que  5  livres , 
Jiyant  été  brûlées  &  calcinées ,  ont 
«CJiGojre  donné  78  grains  du  même 


1  7  5  V 


27f 


fel  :  ce  qui  fait  en  tout  115  grains 
-^.  D'où  il  paroît  que  le  Gayac^bien- 
loin  de  fournir  par  le  procédé  de 
M.  Stahl ,  infiniment  fins  de  ce  fel, 
que  par  le  procédé  ordinaire  ,  en 
donne  quelques  grains  de  moins  : 
encore  faut  -  il  deux  opérations 
pour  obtenir  ce  qu'on  peut  avoir 
par  une  feule  ;  enlbrte  (  dit  M. 
Bourdelin)  que  c'eft  doubler  la 
peine  ,  fans  augmenter  le  profit. 
Après  cela  ,  croyez  -  en  fur  leur 
parole  les  Chimiftes  les  plus  fa- 
meux &  les  plus  expérimentés  , 
fans  vous  mettre  en  peine  de  véri- 
fier leurs  expériences. 

La  Chimie  nous  prefente  encore 
dans  ce  Volume  une  Obfervation 
très-curieufe  ,  rapportée  par  l'Hi- 
ftorien.  Elle  eft  de  M.  le  Févre ,  Mé- 
decin d'Uzés ,  dont  on  a  déjà  fait 
mention  ailleurs   (  en  1728.  )  & 
c'efl  un  fuite  de  fon  Phofphore. 
C'efl  une  manière   trcs-fimplc   & 
très-facile  de  faire  unColeothar  tout 
femblable  à  celui  qu'on  tire  du  vi- 
triol par  une  longue  calcination.  Il 
ne  s'agit  pour  cela  que  de  mêler 
enfemble  de  la  limaille  de  fer  5c  du 
fouffre  fuivant  certaine  proportion, 
de  laiffer  diffoudre  le  ter  par  l'acide 
du  fouffre  ,  de  tirer    cette    pâte 
molle  du  vaifTeau ,  de  l'expofer  à 
l'air,  où  elle  s'échauffera  bien- tôe, 
rendïa  une  odeur  de  fouffre  brû- 
lant ,  &  deviendra  rouge  au  bout 
de  quelques   heures  ,   en  poudre 
fine  ,  flyptique  au  goût ,  &  qui  cil 
le  Colcothar.  L'eau  chaude  ,  où  ou 
le  met  ,   étant  remuée  ,  filtrée  6c 
évaporée  ,  laiffe  au  fond  du  vailfeau 
un  vrai  vitriol  de  Mars ,  qui  eft  ur 


27(î  JOURNAL    D 

corps  falLn  très-diticrcnt  du  foufre 
commun  &  du  fer.  Mais  qu'cfl: 
devenue  dans  un  tel  changcmenc 
la  piitie  inflammable  du  foufre  î 
C'eft  ce  que  M.  le  Fevre  lailTe  à 
chercher  aux  plus  habiles. 

Par  des  opérations  à  peu  près 
femblables ,  il  trouva  que  l'eau  de 
chaux  pouvoit  changer  en  fcl  ce 
même  foutre  commun  -,  Se  qu'ap- 
paremment ,  on  pourroit  opérer  ia 
même  transformation  fur  les  bitu- 
mes ,  les  reiîncs ,  les  huiles  es:  les 
grairtcs.  Or  comme  le  fel  tiré  du 
mélange  de  l'eau  de  chaux  &  du 
foufre  eft  un  alkali  fort  femblable  à 
celui  que  rccellcnt  quelques  eaux 
minérales  de  Languedoc  ,  celles 
d'Yeuzec  ,  par  exemple  ,  de  S.Jean 
d'Aiais;  M.  le  Fevre  ne  doute  pref- 
quc  pas  que  la  nature  ne  rende  mi- 
nérales ces  mêmes  eaux  par  une 
opération  toute  pareille  ,  &  il  en 
croit  par  confequent  le  myftere  dé- 
couvert. Ce  qui  le  confirme  dans  fa 
conjedure  ,  c'eft  qu'il  a  réulTi  à  fai- 
re artificiellement  de  ce  i  eaux  ,  qui 
ont  les  mêmes  vertus  que  les  natu- 
relles ,  c'eft-à-dire  qui  font  rarraî- 
chifTantes  ,  purgatives  &  diuréti- 
ques. Celles  d'Yeuzct  expofécs 
quelques  momens  fijr  le  feu  font 
voir  à  leur  furface  de  petites  aiguil- 
les blanches,  tranfparentcs  ,  égales, 
d'une  parfaite  régularité  ,  êc  qui 
relTemblent  au  fcl  fcdatit  de  M, 
Homhrg. 

La  Botanique  peu  féconde  dans 
ce  Volume  ^  ne  contient  que  deux 
articles,  l'un  &;  l'autre  de  M.Duha- 
mel  \  le  premier  fur  les  Greffes  ,  le 
fécond  l'ur  VAnatomic  de  la  Poire, 


ES   SÇAVANS, 

On  L-s  lit  tous  deux  ,  Si  dansL 
partie  hiftorique  ,  &  parmi  les  Mé- 
moires. Nous  dirons  quelque  cho-» 
fe  du  dernier. 

La  plupart  des  fruits  ,  par  la  mo- 
leffc  &  l'iniformité  de  leur  fub- 
ftance  ,  fi  ion  en  excepte  leur  peau, 
leurs  noyaux  >?^:  i?uvs  pépins  ,  pa- 
roiïïcnt  très  peu  lufceptibles  d'une 
exacte  diiïcûion.  D;  célèbres  Ob- 
servateurs en  ce  genre ,  tels  que 
Aldpighi ,  G'-rw  ,  Lsavenhoek^  & 
Rityfch  ont  tenté  celle  de  la  Poi.c ,' 
comme  moins  difficile  ,  à  caufe  de 
la  connrtarice  plus  folidc  de  ce 
fruit  ;  &  M.  Ditlu^mel ,  en  fuivant 
leurs  traces,  s'eft  piOpofé  de  per- 
fedionner  ce  qu'ils  n'avoient,  pouï 
ainlî  dire ,  qu'ébauché. 

Entre  plufieurs  moyens  ciïayéj 
afTez  inutilement  pour  pénétrejc 
avec  moins  de  peine  dans  la  tiflure 
intime  de  la  Poire  ,  il  n'a  rien  trou- 
vé de  plus  fivorable  à  ce  delTein 
qu'une  longue  macération  du  fruit 
dans  l'eau  commune.  Mais  ce  fe- 
ccurs  n'agit  pour  l'ordinaire  que 
très-lentement  ;  fouvent  il  n'ache- 
vé de  détacher  un  relîe  de  nletou 
de  vaifTeau  qu'au  bout  de  15  jours; 
Se  il  faut  quelquefois  deux  ans  de 
macération  pour  développer  Se  ren- 
dre vifibies  certaines  parties.  La 
diiïedion  ,  pour  plus  grande  faci- 
lité ,  doit  toujours  fe  faire  fur  le 
fruit  nageant  dans  l'eau  ,  &  avec 
les  inftrumensles  plus  délicatsi&ce 
qu'ils  ne  peuvent  découvrir  aux 
yeux  doit  être  examiné  avec  les 
meilleurs  Microfcopcs.  La  lenteur 
&  h  difficulté  de  pareilles  opéra- 
tions n'ont  permis  jufqu'ici  à  1"A- 
cademicieg 


MAY 

çademicien  que  la  feule  difTcdion 
de  la  peau  du  fruit  qui  cft  l'objet 
de  fes  recherches.  Elle  fait  la  matiè- 
re de  ce  premier  Mémoire  ,  qui 
fera  fuivi  de  plufieurs  autres  que 
promet  le  travail  perfcverant  de 
i'Aiîatomifte  fur  ce  même  fujet. 

M.  Duhamel  diftingue  dans  la 
feule  peau  de  la  Poire  4  envelop- 
pes différentes ,  favoir  1°.  VEpider- 
me  ou  la  furpeait ,  1°.  le  TiJJh  Mh- 
^ueux  ^  3°.  le  Tijfii  pierreux  ^  4°.  le 
Tijfu fibreux. 

1'.  VEpiderme  de  la  Poire  eft; 
une  membrane  d'untilfu  plus  ferré 
.que  la  chair  du  truit ,  percée  d'un 
grand  nombre  de  pores ,  &  par  ces 
4eux  circonftances  ,  propre  à  dé- 
fendre le  fruit  contre  les  accidens 
extérieurs ,  &  à  lui  procurer  une 
médiocre  tranfpiration.  Ce  tégu- 
JTient ,  ainfi  que  dans  l'homme  ,  fe 
fépare  &  tombe  par  écailles  ,  fe  re- 
produifant  enfuite  fans  aucune  ci- 
/ratrice.  Mais  quelle  en  eft  l'origine? 
C'eft  fur  quoi  manque  jufqu'à  pre- 
fentde  lumières  fuEÛantes  l'Anato- 
mifte  ,  qui  feroit  pourtant  alfez 
ilifpofé  à  croire  que  l'Epiderme 
en  queftion  pourroit  bien  être  la 
dernière  fuperficie  du  tiflii  muqueux 
rondenfée  par  l'air. 

1°.  Ce  Tiflu  rnuqmux ,  très-diffi- 
cile à  détacher  de  l'Epiderme  qui 
Je  couvre  ,  n'eft  félon  toute  appa- 
rence^  qu'un  lacis  de  vaifleaux  très- 
fins  ,  &  remplis  d'un  fuc  un  peu 
jvifqueux.  Sa  couleur  naturelle- 
ment verte  ,  emprunte  quelque- 
fois la  rougeur  de  l'épiderme  &  il 
s'en  laiffe  entièrement  pénétrer.  Les 
coups  de  grêle  le  racurcriflent  & 


>    17  5  J-  f'.77 

le  dcflechent ,  l'exceffive  humidité 
le  corrompt ,  il  fert  de  pâture  à  cer- 
taines chenilles  &  à  une  efpece  de 
mire  très  petite  qui  le  ronge  ,  fans 
endommager  l'Epiderme.  Deftruic 
dans  toute  fon  cpaifTeur  ,   il  ne  fc 
reproduit   point ,  &  une  forte  de 
gale  gommeufe  en  occupe  la  place. 
3°.  Le  tiffu  pierreux  eft  compofé 
de  ces  petits  grains  durs  &  cro- 
quants appelles  pierres  dans  cette 
forte  de  fruit ,  ranges  afTez  regulie- 
rement  les  uns  à  côté  des  autres 
pour  former  le  tégument  dont  il  s'a- 
git. Ces  pierres  ne  lui  font  nulle- 
ment particulières ,  mais  elles  font 
répandues   dans   tout  le  refte   du 
fruit ,   dont  elles  rendent  la  chair 
cajfante  on  fondante  ^  félon  qu'elles 
s'y  trouvent  en  plus  grande  ou  eu 
moindre  quantité  :  ce  qui  engage 
l'Académicien  à  confiderer  ces  pier- 
res toutes  enfcmble.  Elles  forment 
une  efpece  de  canal  pierreux  dans 
tout  l'intérieur  de  la  Poire ,  depuis 
la  queue  jufqu'à  l'ombilic  ou  la  tê- 
te. Ce  canal  toujours  ferré  jufqu'à 
la  région  des  pépins  ,  y  prend  plus 
de  largeur  dans  toute  fa  circonfé- 
rence i  après  quoi  il  fe  rétrécit  juf- 
qu'à l'ombilic ,  où  il  rencontre  le 
tifTu  pierreux ,  avec  lequel  il  forme 
un  rocher  trèsvillble.  Outre  ces 
pierres  difpofées  en  canal ,  il  y  en  a 
quantité  d'autres   plus  ou  moins 
fenfibles  femées  dans  tout  le  corps 
du  fruit ,  &  dont  les  Poires  les  plus 
fondantes  ne  font  pas  même  dé- 
nuées. 

Il  n'eft  pas  facile  de  deviner  à 
quoi  fervent  ces  pierres  ;   &  M.' 
Duhamel  a  fait  plufieurs  recherches 
Go 


278        JOURNAL    D 

pour  découvrir  c]ucl  en  eft  l'ufagc , 
&  à  quelle  forte  d'organes  on  pour- 
roit  les  compar;;r.  Elles  ne  font 
qu'un  afiemblage  de  petits  grains 
plus  ou  moins  durs,  qui  parvenus 
à  leur  grolîcur  naturelle  font  voir 
dans  toute  leur  circonférence  quan- 
tité de  filets  ou  de  vaiffeaux  qui  y 
entrent  ou  qui  en  fortent.  Ces  pier- 
res à  peine  fenfibles  &c  fans  folidité 
dans  les  fruits  nouvellement  noués, 
durcilTent  &  groffilTent  au  point  de 
rendre  prefque  totalement  pierreux 
les  fruits  encore  très-petits.  A  me- 
fure  qu'ils  groflîflcnt  &  approchent 
de  leur  maturité  ,  ces  pierres  croif- 
fcnt  peu  ou  ne  croilTent  plus ,  ôc 
même  difparoiflent  en  partie. 

Sur  de  telles  Obfervations  ,  M. 
Duhamel  incline  fort  à  prendre  ces 
pierres  pour  autant  de  glandes  vé- 
gétales ,  analogues  aux  animales,  & 
deftinées  à  la  fecretion  des  fucs. 
Comme  ces  fucs  ne  font  jamais 
plus  neceflaires  aux  fruits  pour  le 
développement  de  leurs  pépins  , 
que  lorfqu'ils  fe  nouent ,  auffi  ces 
glandes  végétales  font-elles  alors 
plus  molles  &  plus  nombreufes. 
Elles  durciffent  &:  ceffent  de  grofllr 
îorfque  les  fucs  tartareux  s'y  étant 
amafles ,  les  rendent  moins  pro- 
pres aux  filtrations.  L'Académicien 
ne  les  croit  pas  inutiles  même  en 
cet  état ,  &  leur  attribue  la  fonc- 
tion des  os  ,  c'cft-à-dire  qu'elles  fer- 
vent d'appui  aux  autres  parties  de 
la  Poire  qui  ont  moins  de  folidité. 
Le  rocher  ou  l'amas  de  pierres  qui 
paroît  à  l'ombilic  de  ce  fruit ,  d'où 
naiflbient ,  au  tems  des  fleurs,  leurs 
étamincs  &  leurs  pétales,  ferablcnt 


ES    SÇAVANS; 

confirmer  Tiddc  de  l'Académicien. 
Nulle  partie  de  la  plante  n'avoit 
alors  bcfoin  de  fucs  plus  parfaite- 
ment filtrés  3  &  par  confequcnt  il 
ne  pouvoit  s'y  rencontrer  un  trop 
grand  nombre  de  glandes. 

4°.  La  4'  enveloppe  de  la  Poire 
Se  la  plus  intérieure  eft  le  tilfu  fi- 
brcHX  tormé  d'un  lacis  perpétuel  de 
vai  fléaux  qui  s'anaftomofent  réci- 
proquement ,  &  qu'on  ne  peut 
démêler  bien  diftinÂemcntque  par 
une  manœuvre  induftrieufe  qu'il 
faut  voir  dans  le  Mémoire  même. 
*>  Mais  (  dit  l'Hiftorien  )  il  fau- 
»  dfbit  encore  plus  de  fagacité  d'ef» 
»  prit  &  prefque  de  la  divination 
»>  pour  déterminer  précifcment  les 
»  ufages  particuliers  de  chacun  de 
»  ces  4  tégumens.  M.  Duhamel 
»  (  continue-t-il  )  ne  s'eft  pasenga- 
»  gé  dans  un  détail  qui  ne  feroic 
"pas  aflcz  fondé  fur  l'expérience. 
»  Il  efl:  plus  fage  d'éviter  des  rai- 
»  fonnemens  où  l'on  n'eft  pas  con- 
»duitpar  les  faits. 

Les  diverfes  Obfervations  Botani- 
ques font  au  nombre  de  quatre. 
Dans  la  première ,  due  à  M.  Dantf 
d^lfnard ,  à  qui  l'a  communiquée 
M.  Benoît  Stehélin  de  Bâle ,  il  eft 
parlé  de  hfilicula  faxatilis  cornicH- 
lata ,  où  celui-ci  a  découvert ,  que 
l'anneau  qui  entoure  l'ovaire  des 
plantes  capillaires ,  en  doit  être  la 
partie  fpermatique ,  c'eft-à-dire  , 
celle  où  efl:  renfermée  cette  poulîîe- 
re  ,  qui  féconde  l'ovair:.  11  s'agit 
dans  la  féconde  (  qui  eft  encore  de 
M.  Stehélin  )  de  l'E^uifetum  ou  de 
\z -prêle,  dont  la  pouflîere  ^  envi- 
ronnée de  fes  lames  ciaftiques ,  eft 


d'un  verfl  foncé 

cendré  pâle  ,  après  la  détente  de 
ces  lames  ,  &  reprend  fon  premier 
verdj  pour  peu  qu'elle  foit  humec- 
tée. M.  Sarrazin  ,  Médecin  de 
Québec  ,  dans  la  troifiémc  Obfer- 
vation  ,  fait  part  à  l'Académie  de 
ia  fingularité  d'une  efpece  d'Erable 
de  l'Amérique  Septentrionale,  qui 
s'élève  60  ou  80  pieds ,  &  dont  la 
fève  depuis  le  commencement  d'A- 
vril jufqu'à  la  mi-Mai  eft  aflez  fou- 
vent  fucrée ,  fortant  de  l'arbre  pat 
incifion  ,  &  laiflant  après  l'évapo- 
ration  la  20°  partie  de  fon  poids 
qui  eft  de  véritable  fucre  ;  mais 
xette  fève  ,  pour  être  fucrée ,  de- 
jnande  ijueiques  circonftances 
qu'on  ne  devineroit  pas ,  &  qu'ex- 
pofe  M.  Sarra^n.  La  dernière  Ob- 
fervation  contient  la  defcription  de 
deux  Plantes  des  Indes  Orientales, 
donnée  par  M.  Garjîn  plus  exade- 
ment  qu'on  n'a  voit  fait  jufqu'ici. 
La  première  eft  le  Mangouftan  ,  ar- 
bre pomifere  des  Moluques  ^  très- 
propre  à  orner  les  Jardins  par  la 
beauté  ,  la  régularité  &c  l'égalité  de 
fa  touffe  ,  portant  un  fruit  excel- 
lent, rafraîchiffant  &  très-fain  ,  & 
une  écorce  fpecifique  pour  les  dyf- 
fenteries  :  la  féconde  eft  une  efpece 
de  fenjitive  dont  les  feuilles  ,  au 
toucher  ,  fe  ferment ,  non  en  def- 
fus,  comme  les  autres  efpeces,  mais 
en  deflous. 

Parmi  les  articles  qui  concernent 
les  MathématicjHes ,  il  y  en  a  de  Géo' 
métrie  ,  A' Aflronomie  ,  de  Géogra- 
phie ,  &  de  Méchan'ujue. 

La  Géométrie  en  tournit  cinq.  Le 
|>remier  fur  une  théorie^  générale  des 


M    A    Y  ;  175  5;  27J? 

puis  d'un  gris  lignes  du  quatrième  ordre  eft  le  précis 
de  deux  Mémoires  trèsétendus  de 
M.  l'Abbé  de  Bmgelongne  imprimés 
en  entier  :  \cizcov\eii\itles  tourbes 
tautocrones ,  eft  de  M.  BemouUi  ;  le 
troifiéme  fur  la  Courbe  aux  appro- 
ches égales  ,  eft  de  M.  de  Mauper- 
tuis  :  le  quatrième  roule  fur  queU 
ques  queflions  qui  regardent  les  Jeux  ' 
Se  contient  deux  Mémoires  de  M. 
Nicole  :  le  dernier  eft  l'Ecrit  de 
M.  Ai^hieu  fur  de  nouvelles  proprie- 
tez.  de  l' Hyperbole.  Ces  deux  der- 
niers articles  font  entièrement  ren- 
voyés aux  Mémoires.  Les  autres  s'y 
lifent  aufti ,  &  de  plus  dans  la  par- 
tie hiftorique.  Nous  donnerons 
quelque  détail  du  premier  ,  du 
troifiéme  &  du  quatrième. 

L  Entre  les  lignes  courbes  Géo- 
métriques nonmièes  aulîî  Courbet 
Algébriques  ou  rationnelles  ,  celles 
du  fécond  ordre  ou  dont  les  équa- 
tions  ne  montent  qu'au  fécond  de- 
gré ,  fe  reduifent  uniquement  aux 
quatre  ferions  coniques.  Quanc 
aux  Courbes  du  troifiéme  ordre  , 
on  n'en  connoiftoit ,  il  y  a  50  ans  , 
qu'un  très-petit  nombre  ,  favoir  les 
deux  Paraboles  cubiques ,  la  CiiToï- 
de  de  Diodes  ,  le  Folium  de  Defcar- 
tes  ,  la  Paraboloïde  du  même  ,  & 
le  fécond  Hyperboli/me  parabolique. 
Mais  feu  M.  Newton ,  dans  fon 
énumeration  des  Lignes  du  fécond  or- 
dre ,  publiée  en  Latin  à  Londres  en 
170^.  fit  paroître  72  Courbes  juf- 
qu'alors  inconnues  ,  à  l'exception 
des  fix  qu'on  vient  de  nommer. 
Comme  l'Auteur  n'a  voit  point  in- 
diqué l'analyfe  qui  l'avoit  conduit 
à  cette  grande  découverte,  M.  Stir- 
O  o  ij 


2«o  JOURNAL    D 

^ng ,  autre  Géomètre  de  la  même 
nation  ,  entreprit  de  développer 
cette  analyfe  ,  dans  un  Livre  inti- 
tulé Illujlratio  TraBtîtusD.  Neicio- 
'fni  de  enumerattone  Uneanim  tertïl 
oràtnis  imprime  à  Oxford,  en  1717. 
M.  Nicole  en  1719.  lut  à  l'Acadc- 
mie  un  Mémoire  très-inftrudiif  fur 
cette  matière  -,  &  M.  l'Abbé  de  Bra- 
gelofigfie ^qu'i  avoit  dcffein  d'en  don- 
ner unTraité  complet,  y  avoit  auflî 
travaillé  pendant  quelque  tems. 

Mais  un  tel  Ouvrage  ,  après  ceux 
âe  ces  trois  grands  Géomètres  ,  ne 
pouvant  plus  avoir  la  grâce  de  la 
nouveauté,  l'Académicien  a  tourné 
fes  vues  du  côté  des  Courbes  du 
troifiéme  genre  ,  ou  lignes  du  qua- 
trième ordre  ;  fujet  tout  nouveau  , 
qui  pouvoit  être  de  quelque  utili- 
té au  public  ,  &  pour  l'intelligence 
duquel  on  peut  fe  paffer  d'une 
exad;e  connoiffancc  des  Courbes  du 
fécond  genre  ,  dont  il  fuffira  de 
connoître  les  plus  fimples  ,  ainfi 
que  l'application  de  l'Algèbre  à  la 
Géométrie  ,  &  les  premiers  princi- 
pes du  calcul  différentiel.  De  ces 
Courbes  dont  M.  de  Bragelongne 
entreprend  d'expliquer  les  proprie- 
tez ,  il  n'y  en  a  jufqu'ici  qu'un  très- 
petit  nombre  qui  foient  connues 
des  Géomètres,  fa  voir  trois  ou  qua- 
tre Paraboles  &  autant  d'Hyperbo- 
ies  du  quatrième  ordre  ,  la  Con- 
ehoïde  de  Nicoméde  ,  la  Lemnifcate 
de  MM.  BernoMi ,  Se  une  Hyper- 
bole du  quatrième  ordre  décrite 
par  M.  Stirling.  On  a  de  plus ,  fut 
cette  matière  ,  le  Traité  de  M. 
Mac-Laurin  imprimé  à  Londres 
isn.iyio,  fous  le  titre  de  Geometria 


ES    SÇAVANS, 

Organica  ,  5c  l'on  doit  regarder  ce 
Géomètre  comme  celui  qui  a  le 
plus  manié  les  lignes  du  quatrième 
ordre  ,  fans  pourtant  s'être  propofé 
de  les  faire  connoître  en  détail  ,. 
d'examiner  leurs  cfpeccs  particuliè- 
res ,  &  de  nous  apprendre  en  quoi 
elles  différent  les  unes  des  autres. 

C'eft  donc  d'une  difcuffîon  fi 
cpineufe  que  fe  charge  ici  le  fivanc 
Académicien, qui  dès  l'année  1708. 
à  l'occafion  d'une  méthode  annon- 
cée par  M.  Neivton  fans  être  dé- 
montrée ,  pubha  dans  le  Journal 
des  Savans  (  du  mois  de  Septembre  ) 
comme  un  avant-coureur  dt  l'Ou- 
vrage important  qu'il  nous  donne 
aujourd'hui ,  &  dont  les  deux  Me-, 
moires  imprimés  dans  ce  Volume  , 
où  ils  remplifl^ent  131  pages,  font 
à  peine  la  moitié  de  la  première 
Sedtion  de  tour  le  Traité  ,  qui  doit 
former  plufieurs  Serions.  Comme 
un  détail  particulier  du  Géométiir- 
que  de  ces  deux  Mémoires  nous 
nieneroit  trop  loin  ,  nous  avons 
cru  devoir  nous  renfermer  dans  le 
pur  hiftorique  ,  &  fur  le  refte  nous 
renvoyons  les  curieux  en  ce  genre  à 
l'Extrait  approfondi  qu'en  a  donné 
M.  de  Fontenelle. 

in.  La  Courbe  aux  approches 
égales  (  defcenfus  mcjuabilis  )  eft  celle, 
dans  laquelle  un  corps  tombant  par 
la  feule  force  de  la  pcfanteur  ,  s'ap- 
proche également  de  l'horizon  dans, 
des  tems  égaux.  M.  Leibnitz.  tn 
i6%-j.  propofa  de  trouver  cette 
Courbe  ,  à  quelques  adverfairci 
qu'il  avoit  alors  au  fujet  àts  forces- 
vives  y  èc  par  lefquels  ce  problème 
D&  fut  point  lefolu.  Il  le  fut  de  dif« 


M   A 

fereates  manières  en  1594.  par  les 
plus  célèbres  Géomètres  ,  qui  au 
lieu  de  prendre  l'horizon  pour  ter- 
me des  approches  du  corps,  prirent 
un  point  quelconque  :  &  de  ce 
nombre  furent  M.  Leihnitz.  lui-mê- 
me, MM.  BemoiiUi  ôc  M-Farignon^ 
qui,  en  16^99.  donna  au  problême 
une  forte  de  généralité ,  en  ne  l'af- 
fujettiflant  ni  à  l'Hypothéfe  de  Ga- 
lilée fur  les  vitelTes  ,  ni  au  rapport 
d'égalité  entre  les  chûtes  hc  les 
tcras.  Us  trouvèrent  tous  que  cette 
Courbe  étoit  une  féconde  parabole 
cubique,  pofée de  façon,  que  fon 
point  de  rebrouflement  fijt  le  plus 
élevé.  Malgré  l'univerfalitc  donnée 
par  M.  Varigmrt  à  ce  Problême ,  les 
chûtes  fe  faifoient  toujours  dans  le 
vuide  ou  dans  un  milieu  non  refi- 
ftant  y  ce  qui  tcnoit  ce  Problême 
renfermé  dans  des  bornes  très- 
étroites. 

M.  de  Maupertuis  l'en  tire  ,  &  le 
jconfidere  dans  un  milieu  rclîftant 
comme  une  puifTance  quelconque 
de  la  vitelTe ,  ce  qui  change  nota- 
blement la  nature  de  la  Courbe 
dont  il  s'agit  ,  laquelle  devient 
Iranfcendante  du  fécond  degré.  Il 
cherche  d'abord  cette  Courbe  dans 
l'Hypothéfe  particulière  d'une  re- 
fiftance  proportionnelle  au  quarré 
tle  la  vitefle  v&  après  l'avoir  trou- 
vée :,.  il  nous  apprend ,  qu'ayant 
communiqué  la  conftrudion  ds 
cette  Courbe  à  M.  Bernoulli ,  celui- 
ci  lui  envoya  une  manière  de  per- 
.fedionner  cette  conftru6tion  ,  & 
1- Académicien  nous  en  fait  part  icL 
.La  folution  du  Problême  dans 
l'Hypothéfe  d'un  milieu  ïefiûant 


Y  ,     T  7  î  J-  aSi: 

comme  le  quarré   de  la  viteiïe 
joint  à  l'avantage  d'être  ailcz  con- 
forme 3.  la  nature  ,  cette  commodi- 
té pour  le  calcul ,   de  faire  tiouvcr 
en  termes  finis  l'expreffion  de  la 
vitefTe  ;  ce  qui  n'arrive  pas  dans  les 
autres  Hypothéfes,    Mais  (  ajoute 
M.  de  Maupertuis }  on  peut  refou- 
dre le  Problême  en  général ,  &  fe 
pafTer  de  l'expreffion  de  la  vitefle* 
Il  donne  enfuite  toutes  les  Courbes 
defcenfiis  <ie,!jHabUis    pour   quelque' 
hypothéfe  de  refiftance  que  ce  foit  : 
fur  quoi  il  obferve  que  bien  qu'un 
milieu  refiftant  en  raifon  inverfe  de 
la  vitefTe  du  mobile  n'exifte  poinc 
apparemment  dans  la  nature  ;  ce- 
pendant la  féconde  Parabole  cubi- 
que ,  qui  dans  le  vuide  eft  la  Com- 
be en  queftion ,   l'eft  encore  dans 
cette  hypothéfe  ;   ce  qui  eft  très- 
digne  de  remarque.  Mais  (  conti- 
nue-t-il  )  la  Cycloïde  fe  trouve  ea 
quelque  façon  dans  le  même  cas. 
Durefte,  parmi  toutes  ces  Cour- 
bes que  nous  offre  ici  l'ingénicuxv 
Géomètre  ,  il  y  en  a  que  l'on  ne 
conftruit  que  par  des  quadratures 
d'autres  Courbes  •■,  &  celles-ci  font 
des  exponemiellesy  ou  font  tranfcen- 
ilantes  par  rapport  à  celles  qu'on  a; 
d'abord  qualifiées  de  ce  nom  rela- 
tivement aux  Courbes  algébriques. 
Nous  avons  oublié  d'avertir  dans 
l'article  précèdent  ,    que   M.   de 
Maupertuis  en  1719.  avoit  donné 
un  Mémoire  fut  une  affedion  fin- 
guliere  de  quelques-unes  des  lignes 
du  quatrième  ordre. 

IV.  M.  Nicole  ,  dans  fes  deux 
Mémoires ,  examine  &  refaut  <juel- 
«Liies  «jueftions  fui  ies  Jeyxdç  ha- 


I 


28a         JOURNAL  DE 

2ard  ,  dont  il  fait  deux  cfpcccs  :  les 
uns  ,  qui  font  de  pur  hazard  ,  & 
ui  par  leur  nature  donnent  à  l'un 
es  Joiicurs  l'avantage  fur  l'autre  , 
comme  la  Baflette  ,  le  Pharaon ,  les 
trois  Dcz ,  &c.  les  autres ,  où  le 
hazard  étant  égal  pour  les  Joueurs, 
leurs  forces  font  inégales ,  comme 
dans  le  Piquet  ,  &c.  La  première 
qucftion  dont  l'Académicien  entre- 
prend ici  l'examen  ,  eft  commune  à 
ces  deux  efpeces  de  Jeux ,  c'cft-à- 
dire ,  que  la  plus  grande  probabili- 
té de  gagner  pour  l'un  des  Joueurs 
tient  également  à  la  nature  du  Jeu 
qui  lui  donne  l'avantage ,  ou  à  fa 
plus  grande  habileté.  Voici  le  Pro- 
blême :  Deux  ]oïunrs  ,  dont  Us  for- 
ces font  entre  elles  comme  p  ^  q  , 
jouant  au  Vianet  un  certain  norrwre 
de  parties  ,  on  demande  quelle  proba- 
bilité il  y  a  cjue  le  Joueur  le  plus  fort 
gagne  ce  tjuon  appelle  la  queue  des 
paris ,  &  quel  eft  fon  avantage  ;  ce- 
lui  qui  perd  étant  celui  qui  eft  marqué 
le  plus  de  fois  dans  le  cours  des  parties 
^u'on  eft  convenu  déjouer  ? 

Pour  la  folution  de  ce  Problème 
à  laquelle  M.  Nicole  employé  la 
méthode  analytique ,  il  s'agit  d'a- 
bord de  découvrir  l'avantage  du 
Joueur  pour  deux  parties  feule- 
ment ,  enfuite  pour  quatre ,  puis 
pour  fix  ,  huit ,  dix  ,  &c.  fuivant 
la  convention.  Son  fort  en  effet , 
iorfqu'on  en  jolie  iz  par  exemple  , 
doit  refulter  de  l'examen  des  divers 
états  où  cette  partie  de  jeu  peut  fe 
trouver  dans  tout  le  cours  de  ces  1 1 
parties,quelqucs  uns  de  ces  états  ré- 
pondant à  la  fituation  où  (croient 
les  deux  Joiieurs ,  s'ils  ne  jouoient 


S  SÇAVANS. 

qu'en  i,cn4,entf,  8&10  pat^ 
ties-  Le  refultat   du  calcul  de  M. 
Nicole  ,  pour  ces  differens  cas ,  eft 
qu'en  fuppofant  que  les  forces  oa 
habiletez  des  Joueurs  foicnt  com- 
me 5^4,  l'avantage  du  Joiicur  le 
plus  fort  fur  le  plus  foible  n'eft  que 
la  9°  partie  de  ce  qui  eft  au  jeu , 
lorfqu'ils  jouent  en  deux  parties ,  & 
cet  avantage  devient  un  peu  plus 
des  deux  tiers  de  ce  qui  eft  au  jeu  , 
lorfqu'Us    joiient    en    24    parties. 
C'eft-à-dite  ,  que  deux  Joueurs  , 
dans  cette  fuppofition  ,  jouant  au 
Piquet,  &  mettant  au  jeu  chacun 
5  Louis  pour  ce  qu'on  appelle  la 
queue  des  pans  -,  le  Joiieut  le  plus 
foible  fait  prefent  à  l'autre  de  6 
Louis  ,  1 3  livres ,  o.  f.  1  den.  des  9 
Louis  qu'il  a  mis  au  jeu  :  fur  quoi 
l'Academiciai  fait  quelques  remar- 
ques,fuivics  de  quelques  corollaires 
qu'on  peut  lire  chez  lui. 

Son  fécond  Mémoire  fournit 
une  Méthode  pour  déterminer  le 
fort  de  tant  de  Joiicurs  que  l'on 
voudra  ,  ^  l'avantage  des  uns  fut 
les  autres ,  lorfque  dans  un  nombre 
de  parties  fixé  ,  ils  jouent  à  qui  en 
gagnera  le  plus,  M.  Nicole ,  dans 
ce  Mémoire ,  employé  auffi  d'a- 
bord la  méthode  analytique  ,  que 
la  complication  des  cas  à  exami- 
ner ,  &  la  multitude  des  Equations 
qu'il  faudroit  mettre  en  œuvre , 
l'obligent  enfin  à  abandonner,  pour 
une  autre  beaucoup  plusfimple,5c 
qui  fatisfait  à  tous  les  cas  pollîblcs. 
Elle  a  de  plus  cette  commodité 
qu'elle  offre  une  méthode  générale 
pour  élever  un  Ainltimme  compolp 
de  tant  de  parties  que  l'on  voudra^ 


à  une  puifTance  quelconque  \  mé- 
thode beaucoup  plus  finiple,  & 
qui  exige  beaucoup  moins  de  cal- 
cul. Nous  renvoyons  fur  tout  cela 
aii  Mémoire  même,  qui  n'eft  guéres 
fufceptible  d'extrait. 

Les  articles  à' Aftronomie  font  au 
nombre  de  quatre.  Le  premier ,  fur 
la  Comète  de  \-]x<).  &  de  1730.  eft 
deM.CaJfmi.  Le  fécond  ,  fur  une 
Ohfervation  de  VEcUpfe  de  Lune  du 
S  Aoufl  i-ji^.  faite  à  la  nouvelle  Or- 
léans dans  la  Louifiane ,  eft  dû  à  M. 
Baron  ,  envoyé  dans  ce  Pays-là  par 
le  Roi ,  pour  des  recherches  d'Hi- 
ftoire  naturelle  ôc  desObfervations 
Aftronomiques.  Le  troifiémc  eft 
l'Ecrit  de  M.  Godin  fur  la  folutioa 
d'un  Problême  ,  d'où  l'on  tire  une  mê' 
^ode  nouvelle  de  déterminer  les  nœuds 
des  Planètes.  Le  quatrième  eftl'O^- 
fervation  de  M.  Cajfmi  de  l'Eclipfe 
folâtre  du  1^  Juillet.  De  ces  quatre 
articles  le  premier  fe  lit  dans  l'Hi- 
ftoire  Se  parmi  les  Mémoires  ;  le 
fécond  ne  paroît  que  dans  l'Hiftoi- 
xe  -,  les  deux  derniers  font  abfolu- 
ment  renvoyés  aux  Mémoires. 
Nous  nous  bornerons  à  dire  quel- 
que chofe  du  premier. 

La  Comète  dont  M.  Cajfmi  nouS 
entretient  dans  ce  Volume ,  a  déjà 
fait  le  fujet  d'un  Mémoire  fourni 
en  1719.  Elle  eft  remarquable  par 
plus  d'un  endroit.  Elle  a  été  vifi- 
ble  (  mais  feulement  pour  quel- 
ques Aftronomes  )  pendant  plus 
de  fix  mois  ,  c*eft-à-dire  depuis  le 
dernier  Juillet  1729.  jufqu'au  zi' 
Janvier  1730.  enforte  qu'il  y  a  plus 
dfe  cent  ans  qu'on  n'a  vu  une  Comè- 
te de  li  longue  duxéc.  Elle  a  été  de 


M    A  Y  ;    1755'  285 

plus  des  mieux  conditionnées  pour 
tavorifer  l'établiflcment  d'un  Syftê- 
me  général  de  ces  Phénomènes.  El- 
le a  été  rétrograde  jufqu'au  20* 
Odlobre  ,  puis  dircde  le  refte  du 
tems  ,  comme  i'avoit  prévu  Mo 
Caflînî.  Il  ht  voir  le  rapport  du 
mouvement  de  cette  Comète  avec 
ceux  des  Planètes  fuperieurcs  dans 
le  tems  de  leurs  oppolîtions  avec  le 
Soleil  ;  &  il  eflaya  même  de  dé-, 
montrer  qu'elle  étoit  placée  entre 
les  orbes  de  Mars  &  dejupiter  ,etî 
lui  fuppofant  un  mouvement  réel 
félon  la  fuite  des  fignes  :  fur  quoi 
il  obferve  qu'on  peut  auflî  bien  re- 
prefcnter  les  mouvemens  rétrogra- 
des de  quelques  autres  Comètes  en 
leur  donnant  ce  mouvement  réel  ; 
&  c'eft  de  quoi,  pour  abréger,  il 
fupprime  le  détail ,  fe  contentant 
d'avertir  que  les  mouvemens  de 
plufieurs  Comètes  rétrogrades  eiî 
apparence  ne  fervent  de  rien  pour 
combattre  le  Syftême  de  Defcartes' 
&  celui  des  Tourbillons.  Après  ce- 
la il  s'applique  à  faire  voir  que  le 
mouvement  direél  qu'il  attribue  à 
la  Comète  en  queftion  comme  le 
plus  vraifemblable,  eft  ,  par  la  fuite 
de  fes  Obfervations ,  devenu  fuf- 
ceptible d'une  démonftration  exac- 
â:e  ,  qu'il  explique  ,  &  à  laquelle 
nous  renvoyons. 

Pour  déterminer  enfuitc  aVec 
plus  de  juftefte  la  diftance  de  la  Co- 
mète au  Soleil  &  à  la  Terre  ,  ainlî 
que  la  quantité  ,  la  diredion  de  fon 
mouvement  propre  &  les  élémens 
de  fa  Théorie ,  M.  Caflîni  emprun- 
te des  circOiiftanccs  même  de  cette- 
Obfervation  une  méthode  nouvel!©' 


HM       JOURNAL   DE 

beaucoup  plus  fimplc  &  plus  aiféc 
<^u'ime  ancienne  propofce  en  1727. 
&  c'eft  de  quoi  il  donne  une  idée 
des  plus  fcnlibles,  fur  laquelle  il 
faut  encore  le  confulter.  Par  cette 
nouvelle  méthode  ,  M.  Caflîni  a 
déterminé  la  diftance  qu'il  y  avoit 
tant  de  cette  Comète  à  laTerre  que 
de  cette  Comète  au  Soleil. 

Sa  diltance  à  la  Terre  trouvée  pat 
deux  différentes  Obfervations  du 
a'  Sept.  1 7  2  9 .  a  été  de  113  millions 
572  mille  lieues  ,  &  de  113  mil- 
lions 413  mille  lieues  ,  où  l'on 
voit  que  ces  deux  diitances  ne  dif- 
férent l'une  de  l'autre  que  d'un 
millième.  M.  Calnni ,  par  fes  der- 
nières Obfervations  du  18'  Janvier 
1730.  a  trouvé  que  la  diftance  de  la 
Comète  à  la  Terre  étoit  de  171 
millions  io6  mille  lieues  ;  d'où  il 
paroît  qu'en  4  mois  &  demi ,  elle 
£'eft  éloignée  de  la  Terre  d'environ 
cinquajnte-huit  millions  de  lieues. 

Quant  à  la  diftance  de  la  Comè- 
te au  Soleil ,  qu'on  peut  regarder 
comme  le  principe  du  mouvement 
de  ces  corps  céleftes  ^  en  attendant 
que  d'autres  fuppoiltions  foient 
confirmées  par  des  obfervations 
plus  évidentes  -,  le  favant  Aftrono- 
lîie  a  trouvé  cette  diftance  le  2  Sept. 
de  139  raillions  66 j  mille  lieues: 
le  22  Nov.  de  144  millions  12^ 
mille  lieues  ,  &  le  18  Janvier  de 
148  millions  quatre  -  vingt  -  neuf 
mille  lieues.  Or  (  continue  M.  Caf- 
fini  )  la  moyenne  diftance  du  So- 
leil à  la  Terre  étant  à  celle  de  cet 
Aftre  à  Jupiter  comme  100  à  521  : 
il  s'enfuit  que  la  diftance  de  la  Co- 
inéce  au  Soleil  étoit  le  2  Sept,  à  cel- 


S    SÇAVANS, 

le  de  Jupiter  au  même  aftre  enviren 
comme  4  à  5  ^  enforte  qu'elle  étoic 
alors ,  conformément  à  la  fuppofi- 
tion  du  Mémoire  précèdent ,  entre 
les  orbes  de  Mars  &  de  Jupiter ,  où 
elle  eft  demeurée  pendant  tout  le 
tcms  qu'on  a  pu  l'appercevoir. 

A  l'égard  de  la  quantité  de  fon 
mouvement ,  l'Académicien  la  dé- 
termine aulfi  ;  après  quoi  il  exami- 
ne Il  les  dcgrez  de  viteflc  obfervez 
dans  cette  Comète  s'accordeiK  à  la 
legle  de  Kepler  ,  &  il  reconnoîc 
que  cette  règle  reçoit  de  la  théorie 
de  cette  même  Comète  un  nouveau 
degré  de  confirmation.  Suivant 
cette  règle  ,  M.  Caffini  préfume 
que  la  révolution  de  la  Comète  fur 
fon  orbe  doit  être  d'environ  10  an- 
nées ,  &  fon  moyen  mouvement 
journalier  de  6  minutes.  Il  en  trou- 
ve aufli  le  nœud  &  l'inclinaifon  de 
fon  orbite  à  l'écliptique  -,  détermi- 
nant enfin  les  lieux  par  où  elle  a  du 
pafter  depuis  qu'elle  a  difparu,  ceux 
où  elle  eft  prefentemcnt  ,  Se  ceux 
où  l'on  pourra  l'appercevoir  ou  1» 
cherther  à  l'avenir. 

La  Géographie  ne  prefente  ici  que 
deux  articles.  Le  premier  annonce 
une  nouvelle  Carte  du  Golphe  de 
Mexique  &  des  Ifles  de  l'Améri- 
que ,  dreftec  par  M.  B Hache.  Le  fé- 
cond contient  les  remarques  de  M. 
de  Mairan  fur  la  comparaifon  de 
Paris  &  de  Londres  ;  &  eft  entière- 
ment renvoyé  aux  Memoires.Nous 
en  donnerons  le  précis. 

Feu  M.  Delifie  ,  d^ns  fon  Mé- 
moire de  1725.  où  il  compare  U 
grandeur  de  Paris  avec  celle  de 
Londres ,  taie  cette  dcrniçre  Ville 


M    A 

au  moins  d'un  vingtième  plus  peti- 
te que  Paris.  M.  Davall  de  la  So- 
ciété Royale  de  Londres ,  a  publié 
en  1728.  dans  les  TnmfaBions  Philo- 
fophicjues  un  Ecrit ,  où  il  prétend 
montrer  que  Paris  loin  d'être  d'un 
vingtième  plus  grand  que  Londres^ 
eft  plus  petit  d'environ  une    14° 
partie  ,  ce  qui  eft  (  félon  lui  )  une 
fuite  neceffaire  du  calcul  même  de 
M.  Delijle  &C  d'une  erreur  de  fait  où 
celui -ei  femWc  être  tombé.   M. 
de  Alairan  ,  qui  fe  propofe  de  ju- 
ilifier  ici  fon  Confrère  ,  convient 
4'abord  que  celui  -ci  s'eft  mépris 
•dans  l'énoncé  de  fa  méthode  pour 
ia  comparaifon  de  ces  deux  Villes 
&  pour  drefler  fon  plan  de  Paris. 
Mais  il  nie  que  la  méprife  du  Géo- 
graphe tombe  fur  les  opérations  ou 
Jur  les  confequences  qui  en  relul- 
tent ,  &  que  la  conclufion  favora- 
ble de  M.  Davall  pour  l'étendue 
de  Londres  foit  une  fuite  de  l'er- 
reur qu'il  a  reprochée  à  M.  Delijle. 
Pour  le  prouver ,  M.  de  Mairan 
.cxpofe  en  premier  lieu  tout  le  rai- 
ibnnement  de  M.  Davall  ^  quifc 
séduit  à  ces  4  propofitions ,  i°.Quc 
M.  Delijle  a  tracé  un  Plan  de  Paris ,' 
tel  qu'il  devoit  être  dans  toutes  fes 
dimenfions  :  2°.  Qu'il  a  divifc  ce 
Plan  par  dcsquariez  ,  au  lieu  de  ic 
divifcr  par  des  re^angles  :  3°.  Que 
ces  quarrez  fe  trouvant  plus  petits 
que  ne  l'auroient  été  les  rectangles  , 
l'aire  totale  de  Paris  contient  plus 
de  ces  quarrez  qu'elle  n'auroit  con^ 
tenu  de  redangles  ;  4°.Que  chacun 
de  ces  quarrez  ,  quoique  trop  petit, 
a  été  évalué  par  M.  Delijle  au  même 
rvombre  de  toifes  quarrécs ,  qu'au- 
May. 


Y,    I  73  3-  sgy 

roit  contenu  réellement  chaque  rec- 
tangle :  5".  Qiie  par  conlequenc 
l'aire  totale  de  Paris  refultante  de 
lafomme  de  ces  quarrez  ,  fe  trouve 
plus  grande  qu'il  ne  faut  d'une 
quantité  ,  qui  a  le  même  rapport  i 
fa  véritable  aire  ,  que  celle  de  cha- 
que rectangle  à  chacun  de  «es  quar- 
rez. 

M.  de  Mairan  répond  ,  qu'il  eft 
fi  peu  vrai  que  le  Plan  de  Paris  fur 
lequel    M.  Delijle  a  comparé   le5 
deux  Villes ,  ait  été  divifécn  quar- 
rez &  non  en  redangles  ,  qu'il  fuf- 
fit  de  jettcr  les  yeux  fur  ce  Plan 
pour  être  convaincu  du  contraire  : 
en  effet  les  reiftangles  s'y  voyent  tels 
que  M.  Davall  allure  qu'ils  doivent 
être.  Il  avoiie  que  M.  Delijle  dit 
pofitivement  qu'il  a  calculé  l'éten- 
due de  Paris  fur  des  quarrez  par- 
faits. Mais  ce  ne  peut  être  qu'une 
inadvertance  ou  un  défaut  de  mé- 
moire qui  lui  ait  fait  alléguer  dansfa 
DilTertation/wr  l'étendue  des  grandes 
Villes ,  les  prétendus  quarrez  qui 
partageoient  fon  Plan  de  Paris,  §i 
qui  n'y  ont  jamais  paru.  Cette  mé- 
prife   deviendra   moins  difficile  à 
comprendre ,  lorfqu'on  faura  que 
le  Mémoire  de  M.  Delijle  dont  il 
s'agit ,  n'a  été  imprimé  que  plus  de 
fix  mois  après  fa  mort ,  comme  le 
prouve  ici  M.  de  Mairan. 

Mais  ce  qui  lui  paroît  vraiement 
inccmpréhenfible  ,  c'eft  que  M. 
Davall ,  qui  a  vu  les  reètangles  du 
Plan  dont  nous  parlons  ^  comme  il 
en  fait  l'aveu  ,  ait  pu  s'imaginer 
que  M.  Delijle  (  contre  le  témoi- 
^age  que  celui  ci  en  rend  lui  mê- 
me )  aitdreiTépour  la  comparailon 
PP 


a85  J  OURNAL  D 

des  deux  Villes  ,  un  Plan  exprès 
diviféen  quarrc?.  :  !k  que  d'une  (i 
fauflc  hypothcfc  l'Anglois  puilfe 
tirer  une  concluilon  en  faveur 
de  l'étendue  de  Londres.  Car  il 
cft  villblc  que  li  M.  'Delip  a  fait 
ufage  de  la  divilion  par  quarrez 
pourlaVille  de  Paris,  il  a  du  en  fai- 
ïe  autant  pour  celle  de  Londres  ; 
&  qu'ainfi  la  même  proportion 
doit  fc  rencontrer  entre  les  gran- 
deurs de  ces  deux  Villes.  Auffi  M. 
Delifle  alTure-t-ilqu'//  a  mis  le  Plan 
de  Londres  fur  la  même  échelle  <jne 
tel  ni  de  Paris. 

M.  de  Mairan  tombe  d'accord 
que  M.  Delijle  ne  fait  nulle  men- 
tion de  la  quantité  de  fécondes  en 
longitude  qu'il  a  donnée  à  la  por- 
tion des  petits  cercles  ou  des  paral- 
lèles de  Londres ,  relativement  aux 
1 5  fécondes  de  latitude  qu'il  a  pri- 
fcs  fur  les  Méridiens  ou  grands 
cercles  \  ce  qui  ,  dcpendamment 
de  la  faulTe  hypothéfe  des  quarrez , 
peut  s'entendre  de  pluficurs  façons; 
mais  dont  nulle  ne  tavorife  la  con- 
fequenfe  tirée  par  M.  Davall.  C'eft 
ce  que  l'ingénieux  Académicien 
fait  démêler  parfaitement  &  mettre 
dans  une  pleine  évidence  ,  &  c'eft 
à  regret  que  pour  abréger,  nous  ne 
pouvons  le  fuivre  dans  cette  dif- 
cufllon  également  fine  &  folide.  Il 
faut  lire  fon  Mémoire  en  entier. 
Du  refte  ,  il  a  eu  foin  de  vérifier 
tout  ce  qu'il  avance  ici  par  l'infpec- 
tion  des  deux  feuilles  mêmes  des 
Pians  de  Paris  &  de  Londres ,  fur 


E  S   SÇAVANS, 
Icfquelles    ^L  Delijle  avoit  établi 
fes  dimcnlîons  &  fon  calcul  ,  Se 
qui  lui  ont  été  communiquées  pai 
M.Bitache  gendre  du  défunt. 

La  Méchanicjue  a  deux  articles 
employés  dansl'Hiftoire  6c  parmi 
les  Mémoires  :  l'un  de  M.  Couplet 
fur  les  Voûtes  ;  l'autre  de  M.  Pitot  ^ 
fur  le  mtttvemcnt  des  eaux  ,  &  qu'on 
doit  regarder  comme  une  fuite  de 
ceux  qu'il  a  donnes  fur  cette  matiè- 
re en  1715.  1727.  &  1729.  Les 
machines  ou  inventions  approu- 
vées par  l'Académie  en  175c.  font, 
1°.  Une  efpece  de  Martinet  de  fer  , 
prefenté  par  M.  Campagnol ,  pc- 
fant  trois  cens  litres  ,  &  que  deux 
hommes  élèvent  a(Tez  facilement.' 
2°.  Une  Machine  Arithmétique  de 
M.  de  Boijfendeau ,  qui  l'a  imaginée 
fans  connoitre  celle  de  M.  Pafcal. 
3°.  Un  Chandelier  prefenté  pat 
Mlle  du  Château  ,  &  dont  la  bobè- 
che cft  garnie  d'un  fond  mobile  qui 
fe  haulîe  ou  fe  bailfc. 

La  partie  hiftoiique  de  ce  Volu- 
me eft  terminée  par  les  éloges  de 
MM.  de  F'al incourt  ,  du  f^erney  Sc 
le  Comte  Aî.:rjïgit  :  &  l'on  trouve 
à  la  fin  des  Mémoires  celui  de  M. 
Nijfale  fur  deux  Plantes  (  une  efpe- 
ce de  Phaféole  ,  te  une  efpece  de 
Luffa-^rabum  )  envoyé  à  l'Acadé- 
mie par  la  Société  Royale  des 
Sciences  de  Montpellier ,  pour  en- 
tretenir l'union  qui  doit  être  entre 
elles ,  comme  ne  faifant  qu'un  fcul 
corps. 


mm^ 


M    A    Y  ;    I  7  3  5< 


287 


SENTI  MENS    D'VN   HOMME    DE  GVERRE  SVR  LE 

nouveau  Syflème  du  Chevalier  Folard  ,  p^r  rapport  à  la  Colonne  &  au 
mélange  des  dtjfercnles  armes  d'une  armée  ,  avec  une  DiJ/èrtation  fur  l'ordre 
de  Bataille  de  Céfar  &  de  Pompée  à  la  journée  de  Pharjale.  P^r  Jl^.D^**. 
A  la  Haye  ,  chez  Jean  Van-Duren.  1751.  /«-4°. 


RIEN  n'eft  plus  beau  que  de 
voir  plufieurs  guerriers  profi- 
ter du  loifir  que  leur  a  procuré  la 
paix  de  l'Europe,  pour  communi- 
quer au  Public  &  pour  tranfmetrre 
à  la  pofterité les  reflexions  que  l'e- 
xercice d'un  grand  nombre  d'an- 
nées &  la  ledure  des  Livres  anciens 
ou  modernes  leur  a  fait  faire  fur 
l'art  militaire.  Entre  les  Ouvrages 
qui  ont  paru  fur  cette  matière  de- 
puis vingt  ans  ceux  de  M.  le  Che- 
valier de  Folard  ont  fait  le  plus  de 
bruit.  Comme  fon  Syftême  eft  fort 
«ppofé  à  ce  qui  fe  pratique  en  Eu- 
rope depuis  long-tems  ,  il  étoit 
bien  difficile  qu'il  ne  fût  expofé  à 
bien  des  Critiques.  Entre  ceux  qui 
l'ont  attaqué  il  y  en  a  qui  vou- 
droient  que  tout  fût  mauvais  ,  & 
qui  condamnent  tout,  fur  le  fonde- 
ment que  ce  Syftême  ne  s'accorde 
point  avec  ce  qu'ils  ont  pratiqué  ou 
via  pratiquer  pendant  une  longue 
fuite  d'années.  Notre  Auteur  n'eft 
point  du  nombre  de  ces  Critiques. 
Il  alfure  en  parlantde  M.  de  Folard 
fur  la  fin  de  la  féconde  Lettre  que 
n  ce  digne  &  généreux  Officier 
r>  s'immortalife ,  en  fourniftant  aux 
j>  gens  de  guerre  une  infinité  d'cx- 
»  cellens  &  fupcrbcs  matériaux  ra- 
»  maffés  par  un  travail  long  &:  pé- 
«  nible,  dont  ils  ne  fauroicnt  tous 
»  enfemble  lui  marquer  trop  d'obli- 


Mgation.  «  Les  remarques  de  M. 
de  Folard  fur  les  défauts  de  nos  ar- 
mes &:  de  notre  Tadique  lui  paroif- 
fcnt  très-naturelles  ;  il  eft  perfuadé 
que  la  fupreffion  totale  de  la  Pique 
ou  d'une  arme  équivalente  ,  aftoi- 
blit  confiderablement  l'Infanterie , 
4ue  la  grande  étendue  en  front  Sc 
îe  peu  de  hauteur  de  nos  bataillons, 
eft  en  bien  des  occafions  une  difpo- 
fition  des  plus  incommodes  èc  des 
plus  dangereufes ,  que  le  nombre 
exceflif  de  Cavalerie  dans  les  ar- 
mées ,  eft  auffi  inutije  que  ruineux ," 
&  que  la  féparation  qu'on  fait  dans 
l'ordre  de  bataille  de  ces  deux  armes 
eft  également  contraire  aux  règles 
&  à  la  droite  railbn. 

Notre  Auteur  eft  donc  d'accord 
avec  M.  de  Folard  fur  les  principe*, 
mais  il  lui  eft  bien  oppofé  par  rap- 
port à  la  méthode.  Il  foîiticnt  que 
celle  de  M.  de  Folard  ne  peut  en 
aucune  façon  mener  au  but  qu'on 
fe  propofe  en  la  fuivant ,  que  plus 
on  y  réfléchit,  plus  on  trouve  que 
le  remède  feroit  pire  que  le  mal ,  fi 
on  avoir  à  faire  à  un  ennemi  qui  en 
connoiflant  le  fort  &  le  foible  de 
cette  méthode  ,  fçût  fe  mettre  à 
couvert  de  l'un  &  profiter  de  l'au- 
tre. C'cft  ce  que  l'Auteur  explique 
dans  trois  Lettres ,  dont  la  premiè- 
re regarde  la  Colonne  ,  la  féconde 
le  mélange  des  diflerentes  arme* 
Ppij 


588  JOURNAL   D 

dans  une  armcc.  M.  de  Folard  s'c- 
toit  propofc  de  rtpondrc  à  ces  deux 
•Lettres  dans  fon  iîxicme  Tome  de 
la  Préface  de  Poh  be  v  &  la  répli- 
que à  cette  réponfe  de  M.  de  Folard 
fait  le  fujct  de  la  troifiéme  Lettre. 
Ces  trois  Pièces  avoient  été  inférées 
dans  le  Recueil  des  Lettres  férieu- 
fes  &  badines  fur  les  Ouvrages  dej 
Sçavans  &  fur  d'autres  matières. 
On  a  engagé  le  Libraire  à  les  réunir 
en  un  feul  Volume  de  la  même 
forme  que  le  Polybe  de  M.  de  Fo- 
hrd ,  &c  à.  joindre  une  quatrième 
lettre  qui  eft  une  Diflertation  fur 
l'ordre  de  bataille  de  Céfar  &  dx 
Pompée  à  la  Journée  de  Pharfale. 

Nous  allons  rapporter  quelques- 
uns  des  principaux  traits  de  ces 
Lettres  contre  la  Méthode  de  M. 
de  Folard. 

Une  des  objections  que  notre 
Auteur  fait  contre  la  Colonne  de 
M.  de  Folard  ,  eft  qu'elle  ne  peut 
fournir  autant  de  feu  qu'un  même 
Hombre  de  bataillons  agilTans  fur 
le  iront  &  la  hauteur  ordinaire. 
D'où  il  conclut  que  la  Colonne  ne 
fçauroit  fournir  allez  de  feu  pour 
pouvoir  être  oppofée  à  ces  batail- 
lons. Il  eft  vrai  que  la  Colonne  peut 
enlever  cet  avantage  à  l'ennemi  en 
le  joignant;  mais  elle  ne  peut  join- 
dre l'ennemi  ,  s'il  ne  le  veut  pas  : 
pourquoi  ?  C'eft  ,  répond  notre 
Auteur  j  que  la  Colonne  a  deux 
défauts  qui  l'accompagnent  tou- 
jours ,  &  qui  procèdent  d'une  mê- 
me fource  le  peu  de  front  Se  la 
grande  hauïeuv.  Si  grande  hauteur 
lui  ôtc  l'ufage  libre  de  fon  feu  ,  &C 
par-là  donne  àrenncmi  un  avanta- 


ES   SÇAVANS, 

gc  infini  fur  elle  ;  le  peu  de  front 
fait  qu'elle  eft  roû jours  débordée, 
&  que  l'ennemi  peut  l'empêcher 
de  joindre.  Il  n'a  pour  cela  qu'à 
replier  fur  cette  Colonne  ,  avec 
une  partie  du  bataillon  qui  ia  dé- 
borde ,  &  qu'à  fe  refufer  à  elle. 

Les  endroits  de  la  Colonne  que 
notre  Auteur  regarde  comme  les 
plus  foibles  font  les  angles.  La  raL- 
fon  qu'il  en  rend  eft  que  tout  angle 
qui  n'eft  pas  flanqué  ou  couvert 
eft  fans  détenfes  ,  parce  que  les  an- 
gles n'en  peuvent  recevoir  aucune 
de  leur  centre.  D'ailleurs  il  n'y  a' 
point  d'ordonnances  d'un  corps 
d'Infanterie  fur  quatre  fronts,  qu'il 
n'y  ait  en  même  tems,  dit  l'Auteur, 
fur  chaque  face  une  portion  hors 
de  défenfe  égale  au  nombre  des 
rangs  fur  lefquels  elle  combat 
C'eft  pourquoi  h  ce  corps  combat 
fur  dix  de  hauteur  à  toutes  les  far- 
ces ,  il  faut  de  nccclîîté  qu'il  y  ait  à 
chaque  face  vers  les  angles  dix 
hommes  qui  prêtent  le  flanc.  Il  ell 
vrai  que  ces  hommes  peuvent  être 
couverts  par  autant  de  piquiers  j 
mais  tout  Piquier  non  couvert  par 
quelques  armes  à  feu  eft  fans  défen- 
fes  contre  un  Cavalier  qui  a  des 
piftolets  :  d'ailleurs  les  deux  Pi.- 
quiers  qui  fc  trouvent  joints  fur 
chaque  angle  en  prefentant  leur 
pique  dans  une  ligne  perpendiciv 
laire  fur  leur  face ,  ne  peuvent  évi- 
ter de  laifler  entre  leurs  pointes 
un  vuide  aflez  fpacieux  pour  deux 
ou  trois  Cavalliers ,  ou  bien  en  le 
rempliflant  de  biais ,  de  dégarnir 
par-là  à  proportion  kuï  face  &  d't- 
prêter  l'épaule. 


MAY 

L'Auteur  ies  Lettres  foûticnt 
contre  M.  de  Fokrd  que  le  feu  de 
lîiais  ,  ne  peut  remédier  aux  incon- 
veniensde  la  foiblefic  des  angles  de 
la  Colonne  ,  parce  que  ce  teu  ne 
peut  jamais  taire  un  eflet  confidera- 
ble.  H  ajoute  que  ce  feu  ne  pour- 
ïoit  avoir  aucun  effet  dans  le  cas 
d'une  attaque  environnante  ,  parce 
qu'alors  l'ennemi  fe  prefentant  à 
toutes  les  faces ,  il  faut  défendre 
également  toutes  les  faces ,  de  forte 
que  les  angles  ne  font  plus  défen- 
dues par  le  feu  de  biais.  La  petitcfle 
de  l'angle  dont  M.  de  Folard  fe  fait 
un  moyeu  contre  les  objeûions  fur 
la  Colonne ,  n'arrête  point  notre 
Auteur.  Il  prétend  que  cet  angle  eft 
toujours  affez  grand  pour  donner 
un  partage  à  plufieurs  Cavaliers. 
Énfuite  il  ajoute  que  quand  ils  fc- 
xoient  auffi  petits  que  fon  adverfaire 
voudroit  le  faire  entendre  ,  ic  qu'ils 
feroient  défendus  par  la  Pertuifan- 


■.175?-  aSp 

ne  ,  l'ennemi  pourroit  détruire  les 
Pertuifannes  par  fon  feu  ,  &  enfui- 
tc  attaquer  la  bayonnectc  au  bout 
du  fufil ,  des  gens  qui  font  déjà  en 
defordre  ,  &  qui  de  quelque  ma- 
nière qu'ils  s'y  prennent  doivent 
neceflairemcnt  prêter  le  flanc  à  l'en- 
nemi. Nous  ne  pouvons  rapporter 
ici  les.  autres  argumens  dont  notre 
Auteur  fe  fertpour  faire  voir  que  la 
Colonne  peut  dans  certaines  ciï- 
conftances  être  facilement  battue  ,' 
parce  que  ces  derniers  raifonne- 
mens  dépendent  de  figures  qu'il 
faut  avoir  fous  les  yeux  pour  bien 
entendre  ces  articles. 

Dans  la  Differtation  l'Auteur  fe 
propofe  de  prouver  qu'à  la  bataille 
de  Pharfalc  ,  l'Infanterie  de  Céfar 
&  celle  de  Pompée  ,  ont  combatru 
fur  trois  lignes ,  ce  qui  eft  fuivi  de 
quelques  reflexions  fur  l'ordre  de 
bataille  de  ces  deux  Généraux, 


C^RTE    GENERALE   DE    LA    MONARCHIE 

Françoife  ^  contenant  l'Hifloire  Jiiilhatre  depuis  Clovis  premier  Roi  Chré- 
tien juf^H'k  la  (Quinzième  année  accomplie  du  Règne  de  Louis  XV.  avec 
V explication  de  plusieurs  matières  interejfantes  ^  tant  pour  les  gens  de  guerre 
^Hepour  les  curieux  de  tous  états  ,  lepjuelles  y  font  traitées  en  vingt  tahle 
enrichies  de  tailles-douces  cjui  fe  joignent  en  une  feule  Carte.  Prefentée  au 
Roi  le  ij  Février  1730.  par  le  Sieur  le  Mau  de  la  Jaiffe  ,  de  l'Ordre  de 
S.  Lazare  ,  &  ancien  Officier  de  feue  Madame.  Aïife  au  jour  par  l'Au- 
teur ff«  17  3  3 .  Avec  approbation  &  privilège  du  Roi. 


LA  première  de  ces  Feuilles 
fcrt  de  frontifpice  aux  fuivan- 
tes  ,  &  d'Epître  Dédicatoire  au 
Roi,  l'Auteur  en  employé  auflî 
xme  petite  partie  à  expliquer  le  plan 
de  l'Ouvrage  entier  ,  la  deuxième 
Bcuille  contient  des  portraits  de 


tous  les  Rois  de  France ,  &  quel- 
ques lignes  d'explications  pour  cha- 
que regnejce  qui  regardeLouisXIV. 
eft  plus  étendu^  l'Auteur  l'a  difpofc 
en  forme  de  Chronique  abrégée  & 
il  y  rapporte  les  évenemens  les  plus 
marqués  du  Règne  de  Louis  XIV- 


290        JOURNAL    D 

it  y  a  une  devife  autour  du  portrait 
de  chaque  Roi.  Celle  de  Clovis  clt 
SMhs  mihi  conjuge  parta  efl  :  celle  de 
Charles  VII.  C œlum fuh  f^irgine  fan- 
flum  :  celle  de  Pharamond  Impe~ 
rium (trie  fine  dedi.  M.  de  la  Jaiflc  ne 
dit  point  d'où  il  a  tiré  le  portrait  de 
C£  Prince. 

Dans  la  féconde  feuille  font  des 
Liftes  Chronologiques  des  grands 
Officiers  Militaires  de  la  Couronne 
&C  de  la  Maifon  du  Roi.  Elles  com- 
mencent par  les  Sénéchaux  ,  dont 
le  premier  indiqué  par  l'Auteur  cft 
Geoffroy  Comte  d'Anjou  ,  &  le 
dernier  eft  Thibaut  mort  en  1191. 
cnfuite  viennent  les  Connétables, 
depuis  Dreux  de  Mcllo  fous  Phi- 
lippe-Augufte ,  iufqu'au  Connéta- 
ble de  Lefdiguieres ,  puis  les  Maré- 
chaux de  France^  depuis  118 5.  juf- 
qu'en  lyjo.  Les  Portes-Oriflames  , 
les  Grands  -  Maîtres  des  Arbalet- 
triers ,  les  Grands-Maîtres  de  l'Ar- 
tillerie &  les  Colonels  Généraux  de 
l'Infanterie  Françoife  créés  en 
1544.  fous  François  L  &  mis  au 
rang  des  grands  Officiers  de  la 
Couronne  fousHetiri  II.Le  tems  de 
la  création  des  Charges  de  la  Mai- 
fon Militaire  du  Roi ,  &  le  nom  de 
ceux  qui  ont  rempli  ces  Charges 
occupent  une  partie  de  cette  feuille 
dont  le  furplus  eft  occupé  par  une 
Lifte  des  Chevaliers  de  l'Ordre  du 
S.  Efprit. 

L'état  aduel  de  la  Maifon  Mili- 
taire du  Roi ,  avec  le  tems  de  l'éti- 
blilTement  des  difFerens  Corps  , 
leurs  Etendards  &  leurs  Armures 
■font  le  fujet  de  h  quatrième  plan- 
che ,  de  même  que  la  Gendarmerie 


ES     SÇAVANS, 

&  les  Chevaux-Légers  font  le  fu- 
jet de  la  cinquième  feuille.  Le  mê- 
me ordre  eft  fuivi  dans  les  feuilles 
qui  regardent  l'Infanterie  Françoifc 
&C  Etrangère  ,  la  Cavalerie  &  les 
Dragons.  On  a  eu  foin  de  rcprefen- 
ter  non  feulement  les  étendards  de 
chaque  Corps,  mais  encore  la  ma- 
nière dont  font  habillés  &  armés 
ceux  qui  les  compofcnt,  &  la  ma- 
nière dont  étoient  habillés  &  armés 
ceux  qui  fervoient  autrefois ,  foie 
dans  l'Infanterie ,  foit  dans  la  Gai 
Valérie  Françoife. 

Les  noms  des  Officiers  Généraux 
des  Armées  du  Roi  au  mois  de 
Février  1730.  des  Gouverneurs  & 
des  Lieutenans  Généraux  des  Pro- 
vinces remphflent  la  dixième  feuil- 
le ,  au  bas  de  laquelle  font  les  ba- 
tailles mémorables  que  les  François 
ont  gagné  depuis  le  commence- 
ment de  la  Monarchie  jufqu'à  pre- 
fent. 

Un  abrégé  du  règne  de  Louis  XV. 
des  états  de  l'Artillerie  &  du  Corps 
des  Ingénieurs,  un  autre  état  des  Ii> 
tcndans  des  Provinces,5«:  des  Com- 
milTaires  des  Guerres  remplit  la 
onzième  feuille.  Dans  la  douzième 
eft  le  détail  des  Officiers  &:  des 
Troupes  de  France  qui  étoient  fujc 
pied  le  15  Février  1730. 

Enfuite  viennent  les  Plans  d'un 
grand  nombre  de  Places  de  France , 
.avec  leurs  armoiries  &  les  noms  des 
Officiers  qui  y  commandent ,  les 
bordures  font  ornées  de  plans , 
de  Maifons  Royales  fc  d'autres 
chofes  femblables.  On  voit  alTez 
par  ce  que  nous  venons  d'ob- 
ierver  que  l'Auteur  n'a  pu  donneï 


MAY 

dans  un  pareil  Ouvrage  qu'une  idée 
légère  de  l'Hiftoire  Militaire  de 
France. Mais  on  ne  trou veroit  point 
ailleurs  tant  de  chofes  différentes 
réunies  fous  le  nicme  point  de  vûë, 
difpofces  d'une  manière  aulli  com- 


mode  ,  &  où  l'on  eiàt  recueilli  plus 
de  chofes  utiles  pour  le  commerce 
de  la  vie  civile.  En  jettant  les  yeux 
fur  cette  Carte  on  pourra  fe  rappel- 
1er  bien  des  chofes  qu'on  oublieroit 
facilement  fans  un  pareil  fecours.    . 


PRINCIPES    DE    L'HISTOIRE  ,   CONTENANT  i«.  LES 

Elémens  de  la  Chronologie ,  i°.  Vn  petit  Traité  de  la  Sphère  &  dn  Globe 
Terrcflre  ^pourfervird'introdunion  k  la  Géographie  ^  3".  V abrégé  de  la 
Vie  des  meilleurs  Htfloriens,  avec  un  jugement  fur  leurs  Ouvrages^  4°.  Quel- 
ques réflexions  fur  Ihtfage  de  l'Hiftoire  &  fur  la  manière  de  L'étudier  utile- 
ment^ 5°.  Une  idée  générale  du  Gouvernement  des  principaux  Etats  de  l'Eu- 
rope ,  anciens  &  modernes.  Par  M.  de  Juvenel.  A  Paris  chez  ,  Barthele- 
mi  Alix ,  Libraire ,  rue  S.  Jacques,  près  la  Fontaine  S.  Severin  ,  aia 
Griffon.  1733. /«-ii.  pp.  237. 


PLUSIEURS  Auteurs  ont 
donné  des  Introdudlions  à 
l'Hiftoire  ,  fuivant  trois  différentes 
Méthodes.  Les  uns  ont  tiré  des  Hi- 
ftoriens  plufieurs  traits  fur  lefquels 
ils  ont  fait  des  reflexions  par  rap- 
port à  la  Religion  ,  ou  par  rapport 
aux  caraderes  des  hommes  ,  d'au- 
tres ont  donné  des  abrégez  de  l'Hi- 
ftoire Univcrfclle  ,  d'autres  ont  pu- 
blié des  Méthodes  Introduâiives  à 
i*étude  de  l'Hiftoire.  Le  Livre  de 
M.  Langlet  eft  un  de  ceux  de  cette 
troifiérrie  claffe  qui  ait  été  plus  efti- 
mé.M  Juvenel  qui  dit  n'en  avoir  vu 
que  la  première  Edition  ,  avoiie  de 
bonne  foi  qu'il  s'en  eft  ntilement 
fervi  dans  quelques  endroits. 

Notre  Auteur  s'eft  en  effet  pro- 
pofé  de  traiter  les  mêmes  matières 
que  M.  Langlet  a  traitées  dans  fa 
Méthode  pour  étudier  l'Hiftoire  , 
comme  on  le  voit  par  les  cinq  Dif- 
fertationî  qui  font  annoncées  dans 
ie  titre.  Chacune  de  ces  Diffeita- 


lions  auroit  pu  faire  la  matière  de 
pluiîeurs  Volumes  ,  fi  l'Auteur 
avoit  entrepris  de  développer  ces 
fujets  avec  une  jufte  étendue.  Mais 
il  n'a  eu  en  vûë  que  d'en  donner 
une  idée  aux  jeunes  gens  qui  com- 
mencent à  s'appliquer  à  l'Hiftoire. 

Après  avoir  parlé  dans  les  éle- 
mens  de  Chronologie  ,  de  l'année 
Solaire ,  des  Egyptiens ,  des  Hé- 
breux ,  Se  des  Romains  de  l'année 
Lunaire  des  Grecs  &  des  Juifs ,  de 
la  corrcdtion  du  Calendrier  Ro- 
main par  Jules-Céfar  &  par  Gré- 
goire XIII.  de  la  manière  dont  les 
anciens  ont  compté  les  jours  Se  les 
mois ,  de  la  Période  Julienne  8c  des 
années  du  monde ,  il  parcourt  les 
différentes  Eres  fuivant  l'ordre  des 
tems ,  il  infifte  principalement  fur 
les  Confulats  &  fur  la  puiffancc 
Tribunitiaine  qui  fervent  à  fixeï 
les  dattes  dans  l'Hiftoire  des  Ror 
mains. 

La  féconde  DilTeïtatioiv  eft  divif 


as>2  JOUHNALD 

fée  en  deux  Scdions ,  la  première 
cft  un  petit  Traite  du  Globe  Terre- 
ftre  &  de  la  Sphère  que  l'Auteur 
déclare  avoir  tire  en  partie  de  Clu- 
vier  Se  d'Ozanam.  La  féconde  Sec- 
tion contient  une  Defcription  en 
manière  de  Tables,  de  l'Empire 
Romain  divifc  en  fes  Provinces 
Proconfulaires  &  Proprétoriennes. 

Le  titre  de  la  troiliéme  DiiTerta- 
tion  en  fait  fuffifamment  connoîrrc 
ie  fujct.  Nous  obferYerons  feule- 
ment ,  que  l'Auteur  qui  s'eil:  étendu 
autant  que  les  bornes  qu'il  s'étoit 
prefcriptcsle  lui  permettoient ,  fur 
les  Hilloriens  Grecs  &  fur  les  Ro- 
mains ,  parle  à  peine  des  Hiftoriens 
des  differens  Etats  de  l' Europe  qui 
fublîftent  aujourd'hui.  Nous  allons 
xapporteic  quelques  traits  de  cette 
partie. 

A  l'article  de  Suétone  ,  l'Auteur 
dit  que  les  Vies  des  douze  Céfars  , 
écrite  avec  plus  d'exadlitude  que 
■d'élégance  donnent  une  aflezmau- 
vaife  idée  de  la  pureté  des  mœurs 
de  l'Hiftorien  ,  qui  eft  aullî  infâme 
dans  fa  narration  que  les  Empercurô 
jdont  il  parle  l'étoicnt  dans  leurs  ac- 
tions. M.  Juvenel  lotie  les  Editions 
de  Suétone  de  la  Haye  en  1^91.  & 
d'Utrecht  en  1714- 

Quinte  -  Curfc  lui  paroît  avoir 
fait  l'Hiftoire  des  Conquêtes  d'A- 
lexandre ,  fans  fc  laifler  prévenir 
par  les  grandes  qualitez  de  fon  Hé- 
ros ,  dont  il  dit  le  bien  &  le  mal 
avec  une  finccrité  admirable.  Cet 
Hiftoriea  excelle  à  peindre  les 
mœurs  d'un  air  aigfréable  &  naturel. 


ES  SÇAVANS, 

L'Auteur  trouve  le  rt\Ic  d'Ana- 
mien-Marcelin  dur  &  barbare,  mais 
il  dit  après  Vollius ,  que  ce  défaut 
ell  recompenfc  par  les  bonnes  qua- 
litez de  l'Hilf orien ,  qui  eft  grave  , 
férieux  ,  prudent  &:  amateur  de  la 
vérité. 

Par  rapport  aux  Hiftoriens  mo- 
dernes ,  notre  Auteur  adopte  ce 
que  difoit  S.  Evremont ,  que  »  nos 
»  meilleurs  Auteurs  ont  un  mérite 
»  tort  médiocre ,  &  que  fans  l'envie 
»  naturelle  qu'ont  les  hommes  de 
»  fçavoir  ce  qui  s'eft  paffc  dans  leur 
»  Pays  ,  lorfqu'on  a  le  goiàt  des 
»  Hiftoires  anciennes ,  on  ne  fçaur 
»  roit  fouffrir  l'ennui  que  caufent 
»>  les  nôtres- 

Dans  la  quatrième  DifTertation 
l'Auteur  donne  quelques  avis  fur 
ce  qu'on  doit  apprendre  avant  d'é- 
tudier l'Hiftoire  ^  fur  le  choix  des 
Hiftoriens ,  fur  les  points  d'Hiftoir 
re  aufquels  il  croit  qu'on  doit  parti- 
culièrement s'appliquer.  Il  y  donne 
auÛî  quelques  règles  de  critique 
qu'il  cft;  à  propos  d'avoir  en  vue  ea 
iifant  les  différentes  Hiftoires.  Il 
montre  enfuite  quels  font  les  avanr 
tages  qu'on  peut  tirer  de  la  Icdurc 
de  l'Hiftoire. 

Le  titre  que  l'Auteur  a  donné  à  fa 
cinquième  Dilfcrtation  fuffit  pour 
faire  coniioître  qu'il  ne  s'eft  propo- 
féqucde  donner  une  légère  idée  de 
la  lorme  du  Gouvernement  des  dif- 
férentes Nations  ;  il  cite  cependant 
à  la  marge  quelques  Auteurs  qui 
traitent  ce  fujet  avec  plus  d'étendue 
&ç  aufquels  on  pourra  avoir  recours 


qluestiones 


M    A   Y  ,    17  5  j; 


^9} 


.QU^STIONES  UEDICJE  DUODECïM  AB  ILLUSTRISSIMIS 
Viris  R.  D.  Francifco  Chixoincau,  Cancellario  amplilîimo,  Joanne 
Befac  Dccano  venerando  ,  Petro  Rideux  ,  Antoiiio  Magnol ,  Henrico 
Haguenot ,  Jacobo  Lazerme  &  Gerardo  Fitz-Gerald  ^  Régis  Confilia- 

tiis  Medicis  &:  ProtelToribus  meritillunis  propoilt.r Pro  Regiâ 

-Cathedra  vacante  per  abdicatiojiem  R.  D.  Joannis  Aftruc quas 

•Deo  favcnte  &  aufpice  Deiparâ  propugnabit  in  Auguftiiîîmo  Apol- 
linis  Fano  Triduo  mtegro ,  manè  Se  fcrô ,  diebus  3  4  &:  5  menfis  Apri- 
lis  ,  anni  173  2.-  Antonius  Ferr-en  Dodor  Medicus  Monfpelienfis. 
Monfpelii ,  apud  Joannem  Martel  llniverfitatis  Mcdicinx  Typo^ra- 
phum.  1731.  C'eft-à-dire  :  T>ouz.s  Quefliom  de  Médecine  propofées  Par 
Mejfieurs  Chicoinean ,  Befac  ,  Kideiix ^  Magnol  ^  Haguenot,  Laz.c-rme  & 
■Fitz.-Çerald  /Doreurs  &  Profejfeurs  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Monu 
fellier ,  four  la  Chaire  de  Médecine  vacante  par  l'abdication  de  M. 
uifirnc ,  lefjuelles  ont  étéfoùtenuës  fendant  trois  jours  foir  &  matin^fçavoir 
le  ije  ^&  le  ^  d  Avril  de  l'année  1732.  par  M.  Antoine  Ferren  Doc~ 
^ileur  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Montpellier.  A  Montpellier  ,  cher 
Jean  Martel^  Imprimeur  de  la  Faculté  de  Médecine.  1731.  in-^°. 
pages  49. 


LES  douze  Queftions  ici  pro- 
pofées  par  les  fept  Dodleurs 
jnommés  dans  le  titre  ,  puis  traitées 
J&c  réfoluës  par  M.  Ferren  Doc- 
.teur  de  la. même  Faculté  de  Mede- 
.cine  de  Montpellier,  font  au  nom- 
ire  de  douze.  On  demande  dans  la 
.première  ,  fi  les  muets  de  naijfance 
peuvent  gttérir  ?  Dans  la  féconde  _, 
fi  laTransfufion  dnfang  dans  les  anir 
maux  de  même  on  de  différente  efpece^ 
efipoffible ,  &  en  cas  quelle  lefi)it ,  fi 
Von  en  peut  tirer  quelque  utilité'i  Dans 
la  troifiéme  ,  ft  pour  guérir  la  colique 
les  purgatifs  font  préférables  aux 
Anoàyns  ,  ou  les  Anodyns  aux  purga- 
tifs ?  Dans  la  quatrième  ,  fi  lafri- 
cjuente  faignée  convient  à  l'ophthal-- 
mie  ->  Dans  la  cinquième  ,  fi  le  ritre- 
ciffement  contre-nature  du  pajfage  de 
l  artère  pulmonaire ,  &  celui  de  l'/tor- 
May. 


te  ,  font  accompagnés  du  mêmefymp- 
tome  pathognomonique  ?  Dans  la  fixié- 
mc  ,  fi  pour  procurer  une  prompte  & 
falutaire  fuppuration  à  une  playe  ré- 
cente j  /,•  laudanum  efi  convenable  J 
Dans  la  fcptiéme ,  fi  toutes  les  mala- 
liies  ou  contagjeufis  on  malignes ,  peu~ 
vent  fe  guertr par  une  certaine  métho- 
de ,  fans  le  fecows  des  fpecifiques  ; 
Dans  la  huitième  ,  files  bonnes  on 
les  mauvaifes  crifesfont  annoncées  par 
desfignes  certains-iDzns  la  neuvième 
fil'Anevrifine  vrai  fe  diflingue  de  I4 
Varice  par  le  pouls^  Dans  la  dixième^ 
par  quel  méchanifme  on  peut,  expliquer 
la  fréquence  du  pouls  dans  les  fièvres  ? 
Pans  la  onzième  ,  quels  font  les  effets 
des  ligatures^  des  Ventoufes  &  des  an- 
tres remèdes  ,  tant  dérivatifs  que  re- 
vidfifs^  &  quel  choix  on  doit  faire  dea 
parties  pour  pratiquer  ces  remèdes  î 

.Q-q 


a94        JOURNAL    D 

Dans  la  douzième  enfin,  (juelles  font 
Us  principales  maladies  du  Cryfiatlir3->. 
comment  on  peut  les  expliquer  &  les 
guérir  ; 

Nous  ne  fçaiirions  entrer  dans  le 
détail  de  tant  de  Queftions  ■■,  nous 
nous  bornerons  à  quelques  articles 
que  nous  détacherons  delà  premiè- 
re ,  de  la  quatrième  ,  de  la  cinquiè- 
me ,  &  de  la  douzième  ,  lefqucls 
paroi  (Tent  avoir  quelque  chofe  de 
nouveau. 

Sur  la  VOIX  &  les  ions  de  la  voix. 
Qjieflion  première  ,  pag.  5  &  5. 

La  Glotte,  félon  notre  Auteur,  fc 
met  en  état  de  former  la  voix  ,  par 
l'approche  mutuelle  de  fes  deux  lè- 
vres ,  &  par  le  nouveau  degré  de 
tendon  que  celles  ci  prennent  alors. 
Voici  à  quoi  il  attribue  la  caufe  de 
cette  tendon  :  le  Cartilage  Tirdtde 
porte  fur  le  Cricoide  ,  avec  lequel  il 
eft  articulé  ,  de  manière  qu'il  peut 
tourner  en  devant  &:  en  bas  ,  ou  au 
contraire.  Les  deux  lèvres  de  la 
Glotte  en  fe  rèunilTant ,  s'attachent 
par  leur  extrémité  antérieure  ,  au 
dedans  de  l'angle  Tiroïde ,  de  forte 
que  celui-ci  ne  peut  tourner  fur  le 
Cricoide  de  derrière  en  devant  , 
fans  augmenter  la  tenfion  des  lè- 
vres de  la  Glotte,  comme  on  peut 
s'en  convaincre  en  examinant  un 
larynx  fèparé  du  refte  du  corps  ,  & 
voilà  ,  félon  M.  Ferren  ,  ce  qui 
met  la  Glotte  en  état  de  former  la 
voix. 

On  attribue  aujourd'hui ,  après 
l'illuftre  M.  Dodart  le  père  ,  la 
différence  des  tons  de  la  voix    aux 


ES    SÇAVANS, 

difFercns  deijrcz  de  rétréci ifement 
de  la  Glotte  ;  cnforte  qu'un  rcffer- 
rement  plus  grand  donne  le  ton 
aigu.  Mais  lorfque  la  voix  eft  fem- 
blable  à  celle  d'une  perfonne 
qu'on  étrangle  ,  (  comme  celle 
des  Epileptiques  ,  &  de  ceux  qui 
veulent  contrefaire  le  faufTct  )  la 
Glotte  eft  certainement  plus  rctre- 
cie  que  dans  l.i  voix  ordinaire,  &  ce- 
pendant cette  voix  ne  lailfe  pas  d'ê- 
tre aftez  fouvent  grave.  Une  telle 
expérience  prouve  que  le  grave 
n'eft  pas  incompatible  avec  un  plus 
grand  rclTcrrement  de  la  Glotte ,  ni- 
VaigH  avec  un  moindre.  Or  voici  à 
quoi  M.  Ferren  attribue  principale- 
ment les  changemens  de  ton  :  il  eft 
conftant  (  comme  l'expérience  le 
montre  )  que  l'angle  du  Tiroïde 
s'avance  davantage  dans  les  tons  ai- 
gus ,  &  moins  dans  les  tons  graves , 
&  qu'ainll  il  tend  davantage  les  lè- 
vres de  la  Glotte  dans  le  premier 
cas  ,  moins  dans  le  fécond ,  fuivant 
les  principes  déjà  pofés.  C'eft  donc 
ce  mouvement  du  Tirotde  qui  met 
les  lèvres  de  la  Glotte  en  état  de 
faire  des  vibrations  plus  ou  moins 
fréquentes,  &  de  donner  différent, 
tons  (  car  on  fçait  d'ailleurs  que 
Xaigu  vient  des  vibrations  plus 
preffées  ou  plus  fréquentes  ,  & 
qu'une  tenfion  plus  grande  produit 
cet  effet  ;  au  lieu  que  le  grave  dé- 
pend d'une  caufe  toute  oppoféc  ). 

Sur  ce  qui  rend  la  paralyfie  de  l'orga- 
ne de  l'ouie  &  de  celui  de  Ui  vûié 
plus  ordinaire  que  celle  de  tous  les 
autres  fem  ;  &  la  paralyfie  du  pre- 


MAY 

mier  encore  fins  commune  que  celle 
dufecond. 

Queflion  première  ,  p.  5  ?f  ^. 

On  ne  fçauroit  douter  que  la  fur- 
dité  &  ravcuglement ,  quand  ils 
font  fans  aucun  vice  local  qui  puif- 
fe  au  moins  fe  découvrir  ou  avant 
ou  après  la  mort ,  ne  dépendent 
ordinairement  d'une  paralyfie  du 
nerf  acouflicjtte  ou  du  nerf  opti<fne. 
Cela  pofé  on  fent  bien  que  cette 
paralyfie  doit  être  plus  ordinaire 
que  celle  de  tous  les  autres  nerfs  , 
&  la  première  plus  que  la  féconde. 
Il  s'agit  d'en  chercher  la  caufc  ,  & 
voici  ce  que  M.  Ferren  obferve 
fur  cela. 

1°.  Il  remarque  que  les  nerfs  qui 
animent  les  principaux  organes  des 
fens^  font  d'autant  plus  mois  &  lâ- 
ches dans  prefque  toute  leur  éten- 
due j  qu'ils  ont  moins  de  chemin  à 
faire  depuis  leur  origine  jufqu'à 
leur  fin:  qu'ainfi  l'olfaAif  &  le  nerf 
mol  de  l'oreille  ,  faifant  moins  de 
chemin  que  l'optique  ,  font  aulîi 
d'un  tiffu  plus  moli&  que  l'optique 
qui  fait  un  trajet  moins  confidera- 
ble  que  les  autres  nerfs  qui  fournif- 
fent  aux  autres  organes  des  fens , 
cfl  d'un  tilTu  plus  lâche  que  le  leur; 
qu'enfin  le  nerf  mol  de  l'oreille  a 
bien  moins  de  confiftance  que  le 
nerf  dur  qui  va  beaucoup  plus  loin. 

ï°,  M.  Ferren  obferve  qu'on  voit 
partir  du  quatrième  ventricule  un 
trait  médullaire  extrêmement  mol, 
employé  à  former  le  nerf  mol  de 
i'oreiile  ,  &  que  ce  trait  médullaire 


»    175  ?•  ^P! 

(  qui  eft  afiez  gros  )  ell  toujours 
mouillé  par  les  humiditez  du  qua- 
trième ventricule  ,  mais  fur  -  tout 
lorfque  ces  humiditez  fe  ramafient 
en  une  certaine  quantité  ,  comme 
il  arrive  afiez  fouvent. 

3°.  Il  remarque  que  les  nerfs  op-; 
tiques ,  un  peu  avant  leur  réunioa, 
ôc  à  l'endroit  même  de  leur  réu- 
nion ,  terminent  en  partie ,  le  tioi- 
fiéme  ventricule  ,  c'eft  -  à  -  dire  , 
comme  il  l'explique  ,  font  immé- 
diatement portion  des  parois  de  ce 
troiiiéme  ventricule ,  de  manière 
qu'ils  trempent  dans  les  ferofitez 
qui  fe  ramalTent  fouvent  au  com- 
mencement de  l'entonnoir,  8c  qu'il 
n'y  en  peut  couler  une  feule  goûte 
fans  mouiller  ces  nerfs;cc  qui  mérite 
d'autant  plus  d'être  examiné  par  les 
perfonnes  curieufcs  ,  qu'on  pourra 
voir  que  la  jondion  des  nerfs  opti- 
ques empêche  les  eaux  du  troifié- 
me  ventricule  de  fe  répandre  (  pat 
l'entre-deux  )  fur  la  bafe  du  cranc. 

Toutes  ces  obfervations  font 
comprendre  ,  1°.  Que  le  cerveau 
pouvant  être  trop  lortement  ébran- 
lé ,  en  confcquence  des  impreilîons 
communiquées  à  ces  ncrts ,  dont  U 
fin  eft  fi  voifine  de  leur  origine  ,  la 
nature  a  prévenu  cet  inconvénient 
par  le  degré  de  mollcfle  qu'elle  a 
donné  à  ces  nerfs ,  1°.  Que  la  para- 
lyfie des  nerfs  de  l'ouie  &  de  la 
vue ,  doit  être  plus  ordinaire  que 
celle  de  tous  les  autres  ;  &  cela 
parce  que  de  tous  les  nerfs  il  n'y  a 
que  ceux-là  qui  foient continuelle- 
ment humed:és  par  la  ferofité  des 
ventricules  ;  3°.  Que  cette  paraly- 
fie venant  d'une  caufe  toute  parti- 


29<J  JOURNAL  D 
culiere  à  ces  nerfs ,  doit  ariiver  le 
plus  fouvcnt  fans  que  les  autres- 
nerfs  foicnt  attaqués  d'une  fembla- 
ble  maladie  -,  par  où  on  voit  d'où 
vient  que  dans  les  fourds  &  dans 
les  aveugles ,  les  autres  organes  ne 
lailfent  pas  d'être  bien  difpofés ,  au 
lieu  que  la  paralyfie  d'une  partie 
différente  de  celles  dont  il  s'agit , 
cft  ordinairement  jointe  à  quelque 
autre  paralyfie,  ou  donne  du  moins 
Heu  de  l'appréhender.  On  voitaulîi 
que  la  paralyfie  du  nerf  mol  de  l'o- 
reille ,  n'cft  pas  ordinairement  join- 
te avec  celle  du  nerf  dur,  &C  cela 
parce  que  le  nerf  dur  n'eft  pas  hu- 
medé  comme  l'autre  ,  &  qu'il  a 
beaucoup  plus  de  fermeté  -,  4".  Que 
le  nerf  mol  de  l'oreille  ayant  moins 
defermeté  que  l'optique  ,  doit  être 
auffi  plus  fujet  à  l'accident  dont  il 
s'agit;  ce  qui  eft  caufe  qu'il  y  a  plus 
de  fourds  que  d'aveugles  ■■,  5°.  Que 
la  paralyfie  des  nerfs  en  queftion 
doitêtreplus  fréquente  dans  le  fœ- 
tiis ,  &  dans  les  perfonnes  d'un  âge 
très-avancé ,  que  dans  les  autres , 
parce  que  les  humiditez  des  ventri- 
cules du  cerveau  font  alors  plus 
abondantes  ,  comme  l'ouverture 
des  cadavres  le  fait  voir  ;  6-°.  Que 
cette  efpece  de  paralyfie  doit  ordi- 
nairement affeder  l'une  &  l'autre 
oreille ,  l'un  &  l'autre  œil ,  parce 
que  les  nerfs  des  deux  cotez  font 
également-  expofé-s  à  l'adion  de  la 
caufe  par  laquelle  clic  eft  produite  ; 
7".  Que  quand  elle  vient  de  naiflan- 
ce  ,  ou  qu'on  en  cft  attaqué  dans  la 
vieilleiTe ,  elle  eft  toujours  ou  pref- 
que  toujours,  incurable  ;  parce  que 
ce  qui  en  eft  la  caufe  la  fomente 


ES  SÇAVANS, 

toujours,  ou  pi cfque  toujours.  Ce 
que  l'Auteur  dit  ici  de  la  paralyfie 
qui  rend  fourd  ou  aveugle  ,  il  le  dit 
de  celle  qui  rend  muet  :  §c  cela  lui 
fait  conclure ,  avec  encore  plus  de 
raifon  ,  que  les  muets  de  naiflance 
font  incurables. 

Sur  lejïége  de  l'ophthalmie.  Quefl.  4, 
page  12. 

Le  Globe  de  l'œil  eft  couvert 
antérieurement  &  extérieurement, 
d'une  tunique  extrêmement  mince 
&  tranfparente  qui  cft  la  conjonc- 
tive i  M.  Ferren  reconnoît  auflî- 
bien  que  M.  Winflow  dans  for>' 
Expofition  Anatomique  ,  une  fub* 
ftance  cellulaire  qu'on  peut  aifè- 
ment  fouffler ,  placée  entre  la  con- 
jondive  &:  le  globe  ,  exceptcà  l'en» 
droit  de  la  cornée  tranfparente  ,  & 
il  remarque ,  1°.  Qiie  la  conjondi- 
ve ,  qui-,  bien  loin  de  former  le 
blanc  de  l'œil ,  comme  on  le  croit 
communément ,  le  lailfc  feulement 
paroître  par  fon  extrême  tranlpa- 
rence,n'eft  qu'une  produdion  de  la 
cuticule  qui  couvre  le  refte  du 
corps  &  qui  fe  redouble  au  bord  des 
paupières  pour  aller  former  la  con- 
jondive.  Il  dit  même  avoir  fou-^ 
vent  obfervé  la  conjondive  jointe 
au  refte  de  la  cuticule  dont  les  fer- 
pens  ont  coutume  de  fe  dépouiller 
en  certain  tems. 

i".  Que  les  petits  vaiflcaux 
qu'on  voit  au  blanc  de  l'œil  ,  &- 
qui  fe  gonflent  fi  fort  dans  l'ophr 
thalmie  ,  ne  font  en  aucune  maniè- 
re ,  diftribués  dans  cette  membrane 
comme  les  Anatomiftes  le   veat 


M   A 

lent ,  mais  feulement  dans  les  par- 
ties qu'elle  couvre  ;  enforte  que 
l'ophthalmie  a  fon  ficge ,  non  com- 
me on  le  croit ,  dans  la  membrane 
dont  il  s'agit ,  mais  dans  la  fubftan- 
ce  celluleure,&  dans  les  autres  par- 
ties plus  enfoncées. 

Sur  la  cure  de  l'Ophthalmie. 

Les  Vaisseaux  gonflés  dans 
rophthalmie ,  étant  prefque  entiè- 
rement dépourvus  de  foûtien  ,  &C 
continuellement  abbreuvés  des  hu- 
miditez  qui  arrofent  l'œil',  doivent 
au  bout  d'un  certain  tems  que  l'en- 
gorgemftit  a  duré  ,  fçavoir  après 
Vétat  de  l'inflammation  ,  perdre 
«ntierement  leur  ton ,  Se  devenir 
comme  variqueux  ;  enforte  que 
l'effort  du  fang  qui  les  a  gonflés  , 
étant  fuffifammcnt  diminué  ,  il 
leur  foit  prcfquc  impofllble  de  fe 
remettre  dans  leur  état  naturcl,con- 
tre  l'ordinaire  des  vaifleaux  engor- 
gés fans  être  variqueux  ;  d'où  il  fuit 
1°.  Que  l'inflammation  de  l'œil ,  à 
la  différence  des  autres ,  deviendra 
fouvent  un  mal  chronique  &  habi- 
tuel,  fur-tout  dans  les  fujets  où  le 
ton  des  parties  manque  ,  comme 
dans  les  enfans,  les  vieillards ,  &c. 
2°.  Que  les  indications  qui  avoient 
d'abord  été  les  mêmes ,  à  peu  de 
chofe  près ,  que  dans  les  autres  in- 
flammations, doivent  changer  lorf- 
4jue  les  vaifleaux  ont  commencé  de 
prendre  un  état  variqueux,  de  forte 
qu'il  faut  alors  mettre  en  œuvre  les 
.aftringens ,  Se  les  remedes'propres 
à  rendte  le  Ton  aux  parties  ; 
5**.  Que  ks  defiicatifs ,  les  purgatifs 


Y  ,     17  5  5-  297 

feront  ici  d'un  plus  grand  ufagequc 
dans  les  autres  inflammations ,  Se 
que  le  cautère  même  pourri  y 
avoir  lieu  ;  parce  que  ces  remè- 
des diflipent  la  férofité  qui  re- 
lâchant les  vaifleaux  ,  contribue  à 
leur  faire  prendre  cet  état  vari- 
queux :  ainli  ces  derniers  remèdes 
ne  doivent  pas  être  employez  in-  ■ 
différemment  avant  6c  après  l'état 
de  l'ophthalmie ,  comme  ils  le  font 
par  bien  des  perfonnes. 

Sur  la  nature  &  la  caufede  la  palpi- 
tation du  cœur, 
f^eflion  cinquième  ^  pag.  ij. 

On  peut  dire  que  la  nature  Sc 
là  caufe  de  la  palpitation  du  cœur  , 
ont  été  jufqu'ici  la  pierre  d'achop- 
pement de  ceux  qui  ont  écrit  fur  la 
nature  &  les  caufes  des  maladies  :  il 
femble  cependant  que  M.  Ferren 
ait  beaucoup  éclairci  l'une  &  l'au- 
tre, &  les  ait  même  mis  en  éviden- 
ce -,  on  en  jugera  par  le  précis  que 
nous  allons  faire  de  ce  qu'il  dit  fur 
Ce  fujet. 

Non  feulement  le  cœur  fe  con- 
fradre  &  fe  dilate  ,  mais  il  a  encore 
deux  mouvemens  dont  M.  Ferren 
s'efl:  afluré  par  l'ouverture  d'un 
très  -  grand  nombre  d'animaux  vi- 
vans  :  ces  deux  mouvemens  appar- 
tiennent à  la  maffe  entière  du 
cœur  :  il  nomme  l'un  mouvement 
droit ,  &  l'autre  ■mouvement  de  con^ 
verjîon.  Le  mouvement  droit ,  dans 
le  moment  que  le  cœur  fe  contrac- 
te ,  fait  avancer  toute  la  maffe  du 
cœur  vers  la  partie  antérieure  &c 
gauche  de  la  poitrine ,  &  cela  pref- 
qUe  fuivant  la<lireition  dé  l'axe  du 


298  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

cœur.  Ce  mcme  mouvement  droit      palpitation, 
agit  différemment  dans  le  tems  de 
la  dilatation  du  CŒur,&  le  fait  reti- 


rer en  un  fens  contraire  au  premier. 
M.  Feiren  affure  avoir  très-fou- 
vent  obfcrvé  ce  mouvement  droit 
dans  les  chiens  &  dans  les  chats  , 
ayant  ouvert  le  leul  côté  gauche  de 
la  poitrine  ■,  mais  il  remarque 
qu'on  le  voit  encore  plus  maniteftc- 
ment  dans  la  grenouille  5:  dans  le 
ferpcnt ,  comme  la  vipère  ,  &c. 

Le  mouvement  de  converjîon  fe 
fait  autour  d'un  point  placé  près 
du  milieu  de  la  bafe  -,  eiii'orte  que 
toute  la  malTe  du  cœur  tourne  fur 
ce  point  ,  &  tourne  de  derriè- 
re en  devant  dans  le  tems  de  la 
contradion  ,  ce  qui  fe  fait  de  ma- 
nière que  la  pointe  du  cœur  s'ap- 
proche des  côtes  par  la  force  de  ce 
mouvement ,  tandis  que  dans  le 
tems  de  la  dilatation  le  mouvement 
de  converllon  ,  fait  tourner  en  un 
fens  contraire,  &  éloigne  des  côtes 
cette  même  pointe. 

Les  deux  mouvemens  dont  l'Au- 
teur vient  de  donner  une  idée  , 
tendent  également  lorfque  le 
cœur  fe  contrac^te  ,  à  en  taire  avan- 
cer la  pointe  vers  la  partie  ante- 
rieure-gauche  de  la  poitrine. ,  &  à 
la  retirer  lorfqu'il  fe  dilate. 

Quand  ces  mouvemens  pouffent 
tranquillement  la  pointe  du  cœur 
vers  les  côtes  ,  on  fent  feulement 
une  pulfation  modérée  en  portant 
la  main  fut  cet  endroit  ;  c'cft  ce 
qui  arrive  dans  Tétat  naturel.  Mais 
n  la  force  du  mouvement  va  à  un 
certain  point ,  alors  au  lieu  d'une 
pulfation  modérée  ^  il  fe  fait  une 


Voilà  ,  félon  M.  Fcrrcii  ,  en 
quoi  confiile  la  palpitation  :  voici 
à  prefent ,  fclon  le  même  Auteur  , 
ce  qui  la  produit. 

Les  finus  de  la  veine-cave  &:  de 
la  veine  pulmonaire  ,  ont  un  mou- 
vement de  contra(flion  &  de  dila- 
tation,lequel  eft  alternatif  avec  ce- 
lui du  cœur  ■■,  enforte  que  lorfque 
le  cœur  fe  contrade^  les  deux  finus, 
en  fe  dilatant  ,  pouffent  la  malfe 
du  cœur  fuivant  la  diredion  de 
l'axe  &  lui  impriment  le  mouve- 
ment droit  ,  de  la  même  manière 
qu'on  l'excite  dans  un  cadavre  en 
pouffant  une  liqueur  dans  l'un  ic 
l'autre  finus. 

Quant  au  mouvement  de  Con- 
verjîon, M.  Ferren  en  explique  ainfi 
la  caufc  efficiente. 

Les  deux  (înus  ,  dans  le  tems  de 
leur  dilatation  ,  ne  pouffent  pas 
également  le  côté  droit  &  le  côté 
gauche  de  la  bafe  du  cœur  ;  le  finus 
gauche  ou  le  finus  pulmonaire  eft 
applati ,  &  comme  écrafé  du  côté 
de  la  bafe  du  ca-ur ,  &  du  côté  op- 
pofé  -,  d'ailleurs  il  porte  fur  les  ver- 
tèbres du  dos ,  lefquelles  l'empê- 
chent de  s'étendre  en  ce  fens.  Ainfi  la 
quantité  dont  il  s'étend  lorfqu'il  fe 
dilate  vers  le  côté  gauche  de  la  bafe 
du  cœur  ^  l'emporte  de  beaucoup 
fur  la  quantité  dont  le  finus  droit 
s'étend  vers  le  côté  de  la  bafe  qui 
lui  répond  ;  ainfi  la  partie  gauche 
de  la  bafe  ,  s'avance  plus  que  la 
droite  ,  &  par  une  necefllté  mécha- 
niquCj.de  laquelle  il  eft:  aifédefe 
convaincre  fur  un  cadavre  ^  la  maf- 
fe  du  cœur  eft  obligée. de  cournçr 


MAY 

autour  d'un  point ,  Se  de  tourner 
de  derrière  en  devant,  c'eft-à  dire 
de  faire  le  mouvement  de  conver- 
finn  \  mouvement  qui  fe  fera  auffi 
en  un  fens  oppofé,lorfque  les  fmus 
fe  contraderont. 

Telle  cft  la  caufe  que  M.  Ferren 
donne  du  mouvement  droit  &  du 
mouvement  de  converjion  ■■,  on  voit 
par-là  ,  que  fi  l'adlion  de  cette  cau- 
fe eft  modérée ,  il  n'en  arrive  qu'u- 
ne pulfatton  tranquille  8<.  naturelle , 
mais  que  fi  cette  adlion  eft  violente, 
k  palpitation  doit  s'enfuivre. 

Il  y  a  dans  la  page  17  bien  des 
shofes  fur  le  pouls,  lefquelles  pour- 
ront paroître  nouvelles  j  la  dixiè- 
me queftion  ,  page  30  &fuivantes, 
contient  auffi  diverfes  Obfervations 
que  les  perfonnes  curieufes  ne  trou- 
veront peut  être  pas  communes  ; 
mais  elles  demanderoient  un  grand 
détail  pour  être  mifes  ici  à  la  por- 
tée de  tous  les  Ledeurs. 
Des  Louches  &  de  ceux  qui  voyent 
double. 

On  fçait  qu'en  prefTant  l'un  des 
yeux  ,  enforre  que  les  prunelles 
foient  tournées  en  deux  fens  diffe- 
rens  ,  on  fait  paroître  les  objets 
doubles  :  cependant  les  loucher 
ont  les  yeux  de  travers  ,  &  voyent 
ordinairement ywwp/e  ,  tandis  qu'il  y 
a  ,  quoique  rarement ,  des  perfon- 
nes qui  voyent  double  fans  avoir 
les  yeux  de  travers.  Il  faut  donc  di- 
ftinguer ,  à  cet  égard  ,  trois  fortes 
de  perfonnes  :  1°.  Ceux  qui  voyent 
double  fans  avoir  les  yeux  de  tra- 
vers :  2*.  Ceux  qui  regardent  de 
travers  fans  voit  double ,  comme 
Axas,  le  Strabifme  ordinaire  ;  3". 


ï   175  5-      ^  2p5> 

Ceux  qui  en  même  tems  regardent 
de  travers  &  voyent  double.  Nous 
ne  fçachons  pas  que  perfonne  juf- 
qu'ici  ait  établi  les  cairfes  de  toutes 
ces  différences  ,  ou  donné  des 
principes  capables  de  les  établir. 
Peut-être  trouverat-on  que  M.  Fer- 
ren peut  avec  juftice  prétendre  à 
cet  avantage  :  ce  qu'il  dit  fur  cette 
matière  ne  fçauroit  être  facilement 
entendu  fans  figure  ;  cependant  il 
n'en  donne  point  j  c'eft  pourquoi 
nous  croyons  qu'il  ne  fera  pas  inu- 
tile de  fuppléer  à  cela  par  la  figure 
fuivante.  Notre  expofé  en  fera 
beaucoup  plus  clair  &  plus  intelli- 
gible : 

S: 


300        JOURNAL   DE 

Soit  l'objet  à  égale  dillance  des 
.deux  yeux  B  &  C.  foit  B  D  h  li- 
gne que  décrit  dans  l'ccil  gauche  le 
rayon  A  B ,  par  le  moyen  duquel 
cet  oeil  voit  Tobjet  ;  foit  C  E 
la  ligne  que  décrit  dans  l'œil  droit 
le  rayon  A  C  par  le  moyen  duquel 
-cet  œil  voit  le  même  objet.  Mainte- 
nant prolongés  hors  de  l'œil  la  li- 
gne D  B  5:  la  ligne  E  C  -,  fi  ces  H- 
gncs  prolongées  ic  reunilient  au 
même  point  de  l'objet  ,  l'objet 
paroîtra  fimple  -,  mais  fi  l'on  fuppo- 
le ,  par  exemple  ,  que  le  rayon  AC 
■fe  coupe  en  pénétrant  l'œil  droit 
autrement  que  le  rayon  A  B  dans 
l'œil  gauche  ,  &  que  ce  rayon  A  C  , 
après  avoir  péijétré  l'œil  droit  dé- 
crive la  ligne  G  F  ,  enforte  qu'en 
prolongeant  hors  de  l'œil ,  la  ligne 
F  G  vers  H  ,  -elle  ne  fe  léunifle  pas 
avec  la  ligne  D  B  prolongée  ,  l'ob- 
jet fera  vu  en  deux  endroits  diffe- 
rens  ,  fçavoir  ,  en  A  &  en  H  ,  &; 
par  confcquent  paroîtra  double , 
comme  les  loix  de  l'optique  l'ap- 
prennent ;  d'où  il  fuit  que  li  le  Glo- 
be de  l'œil  ell  bien  conûitué ,  Sc 
que  les  deux  yeux  foient  tournés 
vers  le  même  point ,  on  vcrrayTwz- 
ple  ,  parce  qu'en  prolongeant  hors 
de  l'œil  les  lignes  décrites  par  les 
rayons  qui  font  diftinguer  un  point 
de  l'objet  ,  le  concours  de  ces  li- 
gnes fe  fera  de  la  manière  qu'on 
dit,  au  lieu  que  fi  l'un  des  yeux 
étoit -tourné  en  un  fens  différent  de 
l'autre ,  le  rayon  fe  détourneroit  en 
entrant ,  de  façon  qu'étant. prolon- 
gé bors  de  l'œil ,  il  ne  pourroit  pîs 
le.réunir  avecl'autre,  de la.manie- 
•re  qu'il  convient ,   Se  pour  lors 


S    S-ÇAVANS, 

l'objctleverroit  double.  Cela  fup- 
pofé  ,  voici  l'explication  que  notre 
Auteur  donne  des  différences  dont 
il  s'agit. 

Le  Cryftallin  peut  être  fitué  dif- 
féremment dans  les  deux  yeuxj 
être  ,  par  exemple  ,  pofé  oblique- 
ment dans  l'œil  droit  C  tandis  iju'il 
fera  comme  il  doit  être  dans  l'œil 
gauche  B.  Cette  pofition  vitieufc 
du  Cryll:allin  étant  donnée  ,  M. 
Fcrren  dit  que  fi  les  yeux  fe  tour- 
nent alors  en  même  fens ,  l'objet 
paroîtra  double  -,  car  par  cela  même 
que  les  deux  yeux  font  tournés  en 
même  fens  ,  les  deux  Cryftallins 
font  tournés  en  deux  fens  differcns, 
comme  on  peut  voir  dans  la  figure^ 
ainli  l'objet  doit  paroîrre  double  j 
delà  même  manière  que  fi  les  deux 
yeux  bien  conftitués  étoien»  eux- 
mêmes  tournés  en  deux  fens  diffé- 
rons ,  puifqu'il  cft  évident  qu'alors 
le  rayon  A  C  fe  coupe  en  traverfant 
ceCryftallin  mal  poféj&fe  coupe  de 
manière  qu'il  décrit  une  ligne  G  F, 
qui  prolongée  hors  de  l'œil  ne  fc 
réunira  pas  avec  le  rayon  D  B  A  de 
la  manière  qu'on  a  remarqué  être 
neceffaire  pour  voir  fimple.  Or  Ci 
ce  changement  arrive  dans  un 
adulte  par  un  coup  fur  l'œil  ou  au- 
trement ,  comme  cet  adulte  habi- 
tué depuis  long  tems ,  à  tourner  les 
deux  yeux  en  même  fens  ,  ne  fçau  - 
roit  prendre  une  habitude  contrai- 
re ,  il  verra  double ,  comme  plu- 
fîeurs  Obfervateurs ,  tels  entr'au- 
tres  que  Gaifendi  &Forreftus,difent 
être  arrivé  à  quelques  uns ,  &  voi- 
là ,  félon  notre  Auteur ,  comment 
on  peut  voir  double  lans  regardci 
de  travers.  Cette 


MAY 

Cette  memepofition  vitieufedu 
Cryftallin  étant  encore  fuppofée  , 
il  eft  certain  qu'en  concevant  que 
l'œil  fain  refte  immobile ,  &  qu'on 
tourne  l'autre  dans  tous  les  fens 
imaginables,  il  doit  y  avoir  une 
fîtuation  où  le  Cryftalliii  de  l'œil 
mal  conftituc ,  fe  trouvera  tourné 
en  même  fens  que  le  Cryftallin  de 
l'autre  œil,  tandis  que  l'œil  lui-mê- 
me fera  tourné  difFeremment,&  M. 
Ferren  dit  qu'alors  ,  avec  des  yeux 
de  travers ,  l'objet  paroîtra  fimple  , 
(  parce  qu'alors  le  rayon  A  I  fuivra, 
en  pénétrant  l'œil ,  la  ligne  I  K  , 
^ui  étant  prolongée  hors  de  cet  œil, 
ira  -concourir  avec  l'autre  rayon , 
de  la  manière  qu'il  a  été  dit.)  Que 
"Il  cette  pofition  vitieufe  du  Cry- 
■ftallin ,  fc  fait  dans  un  âge  extrême- 
ment tendre ,  comme  la  nature  fe 
plie  alors  aifément ,  &  que  la  con- 
fufion  qui  naît  de  la  duplicité  appa- 
rente des  objets,  détermine  l'enfant 
à  chercher  le  moyen  d'y  remédier, 
l'enfant  s'accoutumera  à  tourner  les 
yeux  inégalement  jufqu'à  ce  qu'il 
ait  trouvé  ce  point  d'obliquité  qui 
peut  l'empêcher  de  voir  double.  Il 
fera  louche  ,  mais  il  ceflera  par-là 
de  voir  double.  Ainfi  le  ftrabifmc 
de  cette  forte  ,  bien  loin  d'être  un 
mal  en  foi-même  ,  eft  un  moyen 
par  lequel  la  nature  remédie  aux 
accidcns  d'un  mal  réel  •,  c'eft  ainfi 
qu'on  vokjmple  avec  des  yeux  de 
travers. 

Il  y  a  un  troifiéme  cas  où  l'on 
voit  double  avec  les  yeux  de  tra- 
vcrS4  ç'cft  lorfque  les  parties  du 


.    Ï73  5-  ^  301 

Globe  étant  en  bon  état,  U  furvicnt 
quelque  accident  qui  empêche  de 
tourner  les  deux  yeux  en  même 
fens,  tandis  que  cela  feroit  alors 
neceflaire  pour  s'empêcher  de  voit 
double.  Cet  accident  vient  d'ordi- 
naire d'une  paralyfie  de  quelque 
mufclede  l'œil,  foit  après  une  apo- 
plexie ou  autrement;  il  arrive  aufïï 
quelquefois  par  convulllon  ,  & 
quelquefois  en  confequence  d'une 
cicatrice  qui  arrête  le  mouvement 
d'un  œil.  Le  ftrabifme  de  cette  ef- 
pecc  ,  n'a  rien  de  commun  avec  le 
premier  ,  &  ordinairement  on  n'ap- 
pelle pas  louches  ceux  qui  en  font 
atteins.  Dans  le  ftrabifme  de  la  pre- 
mière efpece  le  mouvement  de 
l'œil  eft  libre  ,  &  fes  mufclcs 
(  quoiqu'on  en  croyc  communé- 
ment )  font  en  bon  état  ;  mais  il  eft 
neceffaire  qu'ils  agiflent  autrement 
que  dans  les  perfonnes  ordinaires  , 
pour  voir  fimple  -,  au  lieu  que  dans 
la  féconde  efpece  de  ftrabifme  ,  le 
mouvement  du  Globe  eft  gêné  tan- 
dis qu'il  feroit  neceffairc  qu'il  fût 
libre  pour  s'empêcher  de  voir  dou- 
ble. 

U  nous  reftcroit  à  rapporter  ici 
quelque  exemple  de  ce  que  remar- 
que M.  Fcrren  fur  l'opération  de  la 
Cataradte  ;  mais  ce  qu'il  en  dit  eft 
fi  concis,  qu'à  moins  que  de  l'éten-' 
dre  pour  le  rendre  intelligible  à 
tout  le  monde ,  nous  ne  fçatirions 
èîi  faire  l'expofé  ,  &  comme  cet 
Extrait  eft  déjà  aftez  étendu  par 
lui-même  ,  nous  croyons  plus  i 
propos  de  le  terminer  ici. 


May. 


«§§» 


Rr 


iox  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


PORTUGAL. 
De  Lisbonne. 

JOfcph-Antoinc  de  Sylva  a  ache- 
vé dès  l'année  dernière  l'impref- 
fion  du  trcijïctne  Tome  des  Mémoires 
■pDuy  Çervir  a  l'Hiftoire  de  Portugal , 
contenant  l'Hiftoire  du  Règne  de 
Jean  T.  depuis  l'an  1383  jufqu'en 
1433.  compcfés  par  M,  Jofeph 
Soares  de  Sylva  ^  de  l'Académie 
Royale  de  l'Hiftoire  de  PortugaL 
Le  premier  Volume  de  cet  Ouvra- 
ge ,  qui  clt  en  Portugais  ,  parut  en 
17301  &  le  fécond  en  173 1. 

Le  même  Imprimeur  qui  a  im- 
primé tous  les  ans  un  Volume  des 
Mémoires  de  l'Académie  Royale 
de  r  Hiftoire  ,  depuis  fon  établilTe- 
ment  en  171 1.  a  aâ:uellemcnt  fous 
Preffe  le  Volume  des  Mémoires  de 
cette  Académie  pour  l'année  173 1. 

ALLEMAGNE. 

De  Ratisbonne. 

Conrad  Peez.  Se  Félix  Bader  ont 
propofé  par  Soufcription  l'Edition 
de  tgus  les  Ouvrages  du  P.  Jacques 
Gretl^r  ^  célèbre  Jcfuite  Allemand, 
fous  ce  titre  :  Jacobi  Gretseri  , 
Societatis  Jefu  Theologi ,  fublimioriun 
fcientiarum  in  Univerfnate  Ingolfla- 
àienfiunnos  16.  Profejfohs  OPERA 
©MNIA ,  arttehac  ah  iffomct  Auc- 


tore  accuratè  recognita  ,  OfufcuUs 
multis  ,  Notis  ,  &  Parai ipomenii 
tlimbus  j  proprits  locis  in  hac  editio- 
ne  infertis  ,  aiiSla  &  illuftrata  ^  nunc 
feleSlo  ordine  ad  certes  titulos  revocata 
&  itiTomos  XFII.  Digefta.  j4ccejfu 
Aurons  Vit  a  ,  cHm  adjunElo  Jîngulit 
ad  calcem  Tomis  proprio  Indtce  ca- 
piojlffime.  In  folio. 

Le  Profpedus  de  cette  Edition 
eft  une  brochure  de  cinq  feuilles 
m-fol.  imprimées  fur  du  papier  & 
avec  des  caraderes  femblables  à 
ceux  qu'on  employera  pour  l'im- 
preffion  de  tout  l'Ouvrage ,  excep- 
té les  caraderes  grecs  dont  on  ne 
donne  point  ici  d'échantiljon.  Les 
Editeurs  qui  font  des  Jefuites  du 
Collège  de  Ratifbonne  ,  ont  mis  à 
la  tête  de  cet  Imprimé  une  Préface 
dans  laquelle  ils  parlent  des  divers 
Catalogues  des  Ouvrages  du  Pcrc 
Gretfer.  Il  avoit  publié  lui  même 
deux  Catalogues  de  tout  ce  qui 
avoit  paru  de  lui  depuis  l'annàc 
1589.  jufqu'en  1611.  Comme  il  a 
vécu  jufqu'en  1615.  &  que  jufqu'à 
ce  tems-ïà  il  n'avoit  prefque  ceflc 
d'écrire  ,  on  avoit  fouhaité  d'avoir 
un  Catalogue  plus  complet  qui 
comprît  non  feulement  k$  Ouvra- 
ges du  P.  Gretfer  mis  au  jour  avant 
1611.  mais  encore  ceux  qu'il  a 
compofés  depuis.  C'eft  ce  qui  a  été 
exécuté  en  1674.  que  fut  imprimé 
»V7-4°.  à  Munich  chez  Luc  Staub^  un 
cioifiénie  Catalogue  des  Ouvrages 


MAY 

de  cet  Auteur. 

Mais  les  Editeurs  peu  contens 
de  ce  travail ,  foit  par  rapport  à  la 
fidélité  ,  foit  par  rapport  à  l'exadi- 
tude ,  ont  jugé  à  propos  de  donner 
une  nouvelle  Lifte  de  cesOuvrages, 
laquelle  fait  partie  du  Pr-oJieHus,  &c 
qui  fert  en  même  tems  à  faire  con- 
noîtrele  plan  de  toute  l'Edition.  Ils 
font  rangés  d'abord  fuivant  l'ordre 
des  matières  ,  &  par  confequenr  fé- 
lon le  rang  qu'ils  occupent  dans 
chacun  des  17  Volumes  -,  on  en  fait 
cnfuite  l'énumeration  fuivant  l'or- 
dre des  tems  aufquels  ils  ont  été 
publiés  féprément  depuis  15S3. 
jufqu'en  i6z^. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  ce 
que  remarquent  les  Editeurs  ,  que 
quoique  prefquc  tous  les  Ouvrages 
du  P.  Gretfer  ayent  été  imprimés 
aufli-tôt  qu'ils  ont  été  compofés ,  il 
s''cn  eft  cependant  égaré  quelques- 
uns  qui  n'ont  pas  vu  le  jour,commc 
les  Lettres  de  S.  Ignace  Martyr ,  & 
à.'Avitus  Archevêque  de  Païenne  ,  de 
les  Oeuvres  de  Câlins  Pocte  Chré- 
tien ,  fur  lefquelles  il  avoir  fait  des 
Remarques  ou  des  DifTcrtations;  & 
qu'on  affure  qu'il  avoit  fait  remet- 
tre à  Paris  à  Scbafticn  Cramoify  ^ 
Imprimeur  du  Roi  pour  les  impri- 
mer. Suppofé  que  ces  Pièces  ne 
fulTent  pas  abfolument  perdues  , 
on  prie  ceux  qui  en  pourroient 
avoir  quelque  connoiffance  d'en 
donner  avis  aux  Editeurs. 

Les  17  Volumes  de  cette  Edition 
reviendront  en  total  aux  Soufcrip- 
teurs  à  85  florins  d'Allemagne  , 
dont  on  payera  feulement  10  flo- 
jrins  en  foufcrivant  On  recevra  aa 


,  17?  ^  50J 

bout  de  fix  mois  les  deux  premiers 
Tomes ,  &  on  donnera  d'avance 
lo  autres  florins  pour  les  deux  To- 
mes fuivans  qui  paroîtront  de  fix 
mois  en  fix  mois ,  &  ainfi  jufqu'à 
la  fin  de  l'imprefllon  de  l'Ouvrage. 
On  pourra  foufcrire  dans  tous  les 
Collèges  ou  Maifons  des  Jefuites  , 
&:  chez  les  principaux  Libraires  des 
Villes  dont  les  noms  font  marqués 
à  la  fin  du  ProfpeBus.  A  Paris  ,  cher 
Coignard  &  Montalant. 

ITALIE. 

De  Florence. 

Bernard  Paperini  vient  d'impri- 
mer un  Traité  fur  la  Fête  de  PâejHcs^ 
compofé  en  Latin  par  le  Sieur  Jac- 
ques Betta"^  de  Crato  ^  Curé  de 
S.  Hippolyte  i»  Piazzanefe  ^  Dio- 
céfc  de  Piftoye.  L'Auteur  s'attache 
d'abord  à  démontrer  que  la  Rtfor- 
mation  Grégorienne  a  befoin  d'être 
reformée  elle-même ,  à  caufe  des 
erreurs  qu'elle  contient  par  rapport 
à  la  Fête  de  Pâques  ;  il  examine  en- 
fuite  tout  ce  qui  fe  rencontre  de 
difficultez  dans  cette  matière  ,  & 
tout  ce  qu'on  a  imaginé  jufqu'à 
cette  heure  pour  pertccîlionner  le 
Calendrier  ;  après  quoi  il  propofc 
de  nouveaux  Cycles ,  en  développe 
l'ufage  ,  &  montre  qu'avec  ce  le- 
cours  on  peut  éviter  tous  les  rncon- 
venienSj  fans  rien  changer  au  Ca- 
lendrier ni  au  Martyrologe  Ro- 
main. Ce  Traité  ,  qui  eft  imprime 
;«-4°.  n'eft  que  l'abrégé  d'un  pluî 
grand  Ouvrage  ,  dont  on  donne 
cependant  en  entier  quelques  Dif- 


j04        JOURNAL     D 

fcrtations  ,  qui  renferment  les  ré- 
folutions  des  plus  grandes  difficul- 
reZk  II  à  été  approuvé  avec  éloge 
pax  le  R.  P.  D,.  ÇtiUo  Grandi ,  Vi- 
(kciir.  Gépérai  des  Camaldules  , 
Pr^fcireur:  de  Mnthém3C>c]ucs  dans 
r_L'aiverbt<^,aePife  ,  &  parle  Doc- 
te^y:  È,uft.T£h,e  Ajtanfredi  ^  Prokf- 
feu,r,de  Mathcjjiatiqucs  darsl'Uni- 
yex^cé  de  Bologne  ,  &c  Astronome 
^fi.feliiftitoit  de  iftjmffWt^  Ville. 

HOLLANDE. 

De    la  Haye. 

Vanlom  ,  Van-duren  ,  &  Pierre 
de,  Hottdt  impriment  par  Soufcrip- 
tiori,  Hijîoire  cC  An^etsrrc  de  M.  de 
Rapin  -  Tljoyras  j  continuée  jitpjHà 
l^avenemem  de  George  I.  au  T'hrone 
de  La  grande  Bretagne.  Far  ^/.D^** 
TOIVtES  XI.  &  XII. 

Ces  deux  Volumes  contiendront 
l'Hiftoire  des  Règnes  de  Guillau- 
me III.  &  de  la  Reine  Anne  ,  lef- 
quels  manquoicnt  à  l'Hiftoire  de 
M.  de  Râpjn-Thoyrîts.  Us  ferqn^ 
imprimés  in-j^.".  $c  ferpnt  epnchis 
de  deux  nouvelles  Cartes  Géogra- 
phiques ,  dont  l'une  reprcfente  les 
Royaumes  d'Angleterre  ,  d'EcolTe 
&  d'Irlande  ,&:  l'autre  la,Mpiiarr 
chie  Britannique  anciençe  &  laa-r 
derne. 

Les  Soufcripteurs  payeront  pour 
chaque  exemplaire  en  blanc  dixflo. 
rins  argent  de  Hollande  pour  le  pe- 
tit papier  &  vingt  ficnns  pour  le 
grand  papier ,  la  moitié  en  foufcri- 
vant  &  l'autre  moitié  en  recevant 
l'Ouvrage. 


ES     S  Ç  A  VA  N  S , 

FRANCE. 

D  i  Xov'-L. 

Syfltme  Chranolagicfue  fur  les  trots 
Te>:tei  de  la  Bihle  ^  avec  l''Hifloirè 
des  anciennes  Monarchies ,  expli^iée 
&  retaille^.,  ; O u.y  r agp  di  v iïe  e'iti  o.eu^ 
Parties..  ■  'j ..  /  •;'V"/'.^,  .  .  •■" 

La  première  comprend  les  A'nt|- 
quitcz,  des  premiers  BaBylonicns , 
des  premiers  &  des  fcconds  Affy- 
riens  ,  des  féconds  Se  troillémes 
Babyionie;iS:„  avec  l'Hiftoire  des 
Medes.  i  , 

La  fcconoe,  cornprendra  l'ancien- 
ne Hiftx)]re  des  Perfcs  ,  des  Egyp- 
tiens &:  des  Scythes,  les  Antiquitez 
Chinoifes,  Phéniciennes  &  Lydich- 
Hes,  celles  de  l'A  fie  ^  de  l'i^fti^ue, 
avec  l'ancienne  Hjftoire  Grecque  8c 
Latine,  Par  M.  Mtctiel  de  Toul. 
Chez  Claude  K/wf«.  1731. /»-4"'. 

De    Lyon. 

Antoine. 5tfrz;<<w  ,  Librairé/a  en 
vente  les  nouvelles  Editions  de» 
trois  Ouvrages  fuivans. 

ylllegaiionitmfifcdiiim  pars  prima^ 
auHore  D.  D.  Joan.  Bapt.  Lak- 
JUA  ,  E^itite  ordinis  D.  Jacùbi ,  Tu- 
rifbonfnlio  Hifpafi»  ,  olim  apiidS^l- 
tnanticenfes  Collegii  Majoris  Con- 
chenfis  AUtmno  é^  F~efpertinte  Le^tth 
Cathedra  proprietario  interprète  ;  Re- 
galis  Patrimonii  Fifci  Patrono  :  poftea 
vero  à  Con/îliis  Potentijfmi  Hifpa- 
niarum  Régis  PhilippiW  .in  fupren» 
CaflelU  Jiiflitid  Senatu.  Cum  Indice 
Jwritim  qiu  explicantttr  ^  altcro^ue 


MAY 

allegAlionum  &  Ouitfllonum  ,  ac  ter- 
tio tandc7n  rernm  &  verborttmlocH- 
pL'tijfima.  Editio  poftrema  ab  Auc- 
un recognltA  &  eviendata,  1731. 
in-folio. 

D.  Antùnii  Gomezii  in  Acade- 
miâ  Salmiifnicenji  Jtms  Civilis  Pri- 
marii  ProfiJJoris  ,  va-id  refôlutiones 
Juris  Civilis  j  Câmmnnii  &  Regii , 
ToMié  TRIBUS  difiin&je ,  cjiionim  L 
iiUim.irnm  volmnatitm  ^  II.  contrac- 
rtmm  ,  ///.  delithr-iimmatenas  con- 
tt'Ht.  Quibus  accejferiint  eruiitijfima 
Annotationes  Emamtelis  Soarez  à 
Rib^int  J.  r".  D.  Editio  nova ,  eut 
brMer  aiâitiones  &  notas  editionis 
Sjilmamic£  anni  1 579.  nufquam  ali- 
bi imTn-eJfiis  ,  adjungitur  novits  ad 
caiccm  totins  (rperis  Index  feu  reperto- 
rium  ,  oprra  &  fîngidari  fludio  nobi- 
hs  Joan.  B^pt.  Antoniijuris  utriuf- 
'^m  DoSforis,  C^i/iCuriâ  Parlamenti , 
yhdifcjue  Lugdnnenfibiis  Patroni. 
ijff.  in-fol-.  1  vok 

Georgii  Bagliyi  Mfdic.7%eonc, 
in  Romano  Archdyc.  Profef.  Societa- 
tis  Regim  Lond.  Academ.  Imp.  Leop, 
&c.  Collega^  Opéra  omnia  Medico- 
PraUica  &  Anatomica.  Editio  nona, 
Cui  prutter  Dijjèrtationes  &  alios 
TraBatHi  feptimdi  Editioni  adjunElos 
ticcedunt  ejufdem  Baglivi  Canones  de 
Jtiedicina  folidorum  ;  Dijfertatio  de 
progreffione  Romani  Terra  motus  ;  de 
Syftemate  &  ufu  motus  folidorum  in 
corpore  animato  ;  de  vegetatione  lapi- 
dum  &  Analogifno  circulationis  ma- 
ris ad  circulationem  fanguinis  ;  nec 
non  J.  D.  Sanctorini  Opufcula 
i^mtuor  ;  de  flru^ura  &  motufibrA , 


»     175  3-  jof 

de  nutritione  animali  ;  de  Hamotrho'i- 
dibuSj  &  de  Catameniis,  1733.  in- 4°. 

De     Paris. 

Hifloire  Critiijue  de  la  Gaule  Nar- 
bonnoife,  qui  comprenoit  la  Savoye, 
le  Danphiné,  la  Provence  ,  le  Lan- 
guedoc ,.le  Roufullon  &  le  Comté 
de  Foix.  Avec  des  Diflcrtations, 
par  M.  de  A-l.wdaja/s  de  l' Académie 
Royale  des  Infcriprions  o:  BcUer- 
Letrrcs.  Chez  Grégoire  Dupais  ^ 
rue  S.  Jacques ,  proche  la  Fontaine 
S.  Benoît  ,  à  la  Couronne  d*or. 
1735.  in-ii. 

Nouvelle  Tradwffion  Franfoife  du 
Paftor  fido  ^  avec  le  Texte  a  coté. 
Chez  Nyon  fils ,  Place  de  Conty  ^  à 
Sainte  Monique.  1731-  in-11. 

Hi/loire  d'Hippolyte  Comte  de  Du- 
glas.  Par  Madame  à'Aidnoy.  Nou- 
velle Edition  ,  enrichie  de  figures, 
en  taille  douce.  Chez  Gabriel  P^al- 
Uyr-e  fils,  rue  de  la  vieille  Bouderie, 
&  la  Veuve  Langlois  ,  Qiiai  de 
Conty  ,  aux  Armes  d'Angleterre. 
i-jll.in-ii.  2 vol. 

Difcours  fur  les  Spe£îaclés ,  traduit 
du  Latin  du  P.  Charles  Pore'e  de  la 
Compagnie  de  Jefus.  Parle  P.  Bru- 
moy  de  la  même  Compagnie.  Chez 
J.  B.  Coignard  fils  ,  rue  S.  Jacques, 

Le  Catalogue  des  Livres  de  fieu 
M.  Huguet  de  Semonville ,  Doyen 
du  Parlement  ,  fe  diftribue  chez 
Martin  &  Guerin  Libraires  ,  rue 
S.  Jacques.  La  vente  de  cette  Bi- 
bliothèque fe  doit  faire  en  détail  au 
commencement  de  ce  mois  de 
Mai. 


JOÔ 


JOURNAL   D 


Prix  Littéraire  fondé  dam  l' Acadé- 
mie Royale  des  Infcriptions  & 
Belles  -  Lettres. 

L'Académie  Royale  des  Infcrip- 
tions  &  Belles-Lettres  diftribucra 
tous  les  ans  ,  à  commencer  à  Pâ- 
ques prochain ,  une  Médaille  d'or 
delà  valeur  de  quatre  cens  livres ,  à 
l'Auteur  qui  aura  le  mieux  traité  le 
fujet  d'Hifloire  ou  de  Littérature 
qu'elle  aura  indiqué. 

Toutes  perfonncs  ,  de  quelque 
Pays  &  condition  qu'elles  foient , 
excepté  celles  qui  compofent  ladite 
Académie  ,  feront  admifes  à  con- 
courir pour  ce  prix  ,  &  leurs  Ou- 
vrages pourront  être  écrits  en  Fran- 
çois ou  en  Latin,  à  leur  choix.  Il 
faudra  feulement  les  borner  à  une 
^eure  de  ledure  au  plus. 

Les    Auteurs  mettront  fimple- 


ES  SÇAVANS. 
ment  une  Dcvifc  à  leurs  Ouvragcsi 
mais ,  pour  fc  faire  connoître  ,  ils  y 
joindront ,  dans  un  papier  cacheté  » 
&  écrit  de  leur  propre  main  ,  leurs 
nom ,  demeure  &  qualitez  ,  îk  ce 
papier  ne  fera  ouvert  qu'après  l'ad- 
judication du  Prix. 

Les  Pièces ,  affranchies  de  tous 
ports  ,  feront  remifes  entre  les 
mains  du  Secrétaire  de  l'Académie 
avant  le  premier  Décembre  de  cha- 
que année. 

On  déclarera  dans  l'Affemblée 
publique  d'après  Pâques ,  la  Pièce 
qui  aura  remporté  le  Prix  ,  &  on  y 
indiquera  enfuitc  le  fujet  que  l' Aca- 
d.emie  aura  déterminé  pour  le  con- 
cours de  l'année  fuivante.  Celui 
que  l'Académie  donne  à  traiter  cet- 
te année  ,  eft  \' Etat  des  Sciencet 
dans  l^ étendue  de  lu  Monarchie  Fran- 
çoifefoHs  Charlemagne. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Mai  1733. 

TVfculane  de  Ciceronfar  le  mépris  de  la  mort ,  5cc.  pag.  147 

Dijfertationfur  l'utilité  de  la  Médecine  dans  lajurifprudeiice  ,  &  c.  2  5  J 
-~  Differtation   de  Médecine  fur  les  Aiédicamens  fîmples  qui  croijfent  en 

Allemagne  ,  &:c.  160 

Examen  du  Pyrronifme  ancien  &  moderne  ,  ^'c.  ztf  j 

Hiftoire  générale  des  Auteurs  Sacrés  &  Ecclefiajiitjues  ,  &C.  Tome  Hl.  iS-j 
Hiftoire  de  l^ Académie  Royale  des  Sciences  ,  &c.  27 1 

^entimens   d'un   Homme   de  guerre  fur  le  nouveau  Syflème  du  Chevalier 

Folard ,  Sec.  187 

Carte  générale  de  la  Monarchie  Françoife  ,  &,c.  iï$ 

Principes  de  l' Hiftoire  ,  contenant  \° .  Les  Elémens  de  la  Chronologie  ^  i°.  "Un 

petitTraité  de  la  Sphère  &  du  Globe  Terreftre  ^  &c.  ijt 

Dou'^e  Queflions  de  Médecine ,  propofées  par  Meffeurs  ChicoineaH ,  Befac , 

&c.  29J 

tJoHvelles  Littéraires  ,  3  ai 


\ 


L  E 


JOURNAL 

scavÀns 

6 

FOUR 

VANNEE    M.    DCC    XXXIIl 

JUIN. 


A     PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Qyay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXXIIL 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


r'\ 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

b 

JUIN  M.  D  ce.    XXXIII. 

THEATRUM  SIT  NE  ,  VEL  ESSE  POSSIT  SCHOLA 
informandis  moribus  idonea  î  Oratio  ,  habita  die  1 3  Mardi ,  anno 
17^3.  In  Rcgio  Ludovic]  Magni  Collegio.  Societatis  Jefii.  A  Carolo 
?oi-ée  ^  ejufdem  Societatis  Saccrdote. 

LutetLx-Parifiorura.  Excudebat  Joanncs-Baptifta  Coignard  filius  ,  Type- 
graphus  Regius.  1733. 

C'eft-à  dire  :   Le  Théâtre  efl-il ,  eupeiitil  être  une  Ecole  propre  k  formeriez 
mœurs  ?  Difeours  prononcé  k  Paris  le  i^  Mars  1753.  dans  le  Collece  de 
Louis  le  Grand.  Par  le  P.  Porée  de  la  Compagnie  de  Je  fus.  Imprimé  à  Pa- 
lis ,  chez  JeanB3ptiftcCo;>«<ir<^  fils.  173  3.  Brochure /»-4°.  pagesjz, 
Juin.  •  S(\) 


jro        JOURNAL    DES    SÇAVANS 


LE  Dessein  du  P.  Poréc  , 
dans  ce  Difcours ,  eft  de  mon- 
trer qu'après  toutes  les  difputes 
qui  fc  font  jufqu'ici  élevées  pour 
Si  contre  le  Théâtre  ,  fie  dont  il  fait 
un  court  expofé  dans  fon  Exordc  , 
rout  doit  fe  réduire  à  rcconnoître  , 
1**.  Qiie  le  Théâtre  peut  être  une 
Ecole  propre  à  tonner  les  moeurs  ; 
1°.  Qii'il  ne  l'cft  pas  \  &  que  c'eft  U 
faute  des  Auteurs ,  des  Adcurs , 
&  principalement  des  Spe(5tateurs. 
Qiic  le  Théâtre  puifïc  être  une 
Ecole  propre  à  former  les  mœurs , 
l'Orateur  pour  le  prouver  met  en 
œuvre  les  raifons  fuivantes  -,  non 
comme  nous  les  allons  rapporter  , 
mais  avec  des  tours  &  des  traits  qui 
leur  donnent  une  nouvelle  force  , 
5c  qu'il  ne  nous  efl;  pas  pofllbie  de 
rendre  en  François. 

Deux  chofes  peuvent  contribuer 
1  former  les  mœurs:  fçavoir  ,  l'ex- 
cellence des  Préceptes ,  ic  celle  des 
exemples.  On  ne  compte  la  Phiio- 
fophie  Se  l'Hiftoirc  au  nombre  des 
Ecoles  utiles ,  que  parce  que  l'une 
fournit  les  premiers  ,  &  l'autre  les 
féconds  ;  or  ce  que  ces  d'eux  maî- 
treflcs  des  mœurs  offrent  chacune 
féparémcnt  ,  le  Théâtre  peut  le 
fournir  feul  ;  enforte  que  par  cet 
endroit ,  il  l'emporte  en  quelque 
forte,  fur  laPhilofophie  &c  fur  l'Hi- 
itoire. 

Les  préceptes  moraux  que  don- 
ne la  PhilofophiCj  s'étendent  à  tou- 
tes les  conditions.  Ceux  que  le 
Théâtre,  confideré  dans  fa  nature  , 
eft  en  état  de  donner ,  n'ont  pas 
.noins  d'étendue  :  Nulle  profeflîon. 


nul  fexe  n'cft  à  couvert  des  Leçons 
du  Théâtre  ,  foit  dans  la  Tragédie  , 
foit  dans  la  Comédie. 

Le  Théâtre  cnvifagé  fclon  les 
loix  de  fon  inftitution  ,  n'cnfcignc- 
t-il  pas  aux  enfans ,  ce  qu'ils  doi- 
vent à  leurs  parens  .''  aux  parcns 
ce  qu'ils  doivent  à  leurs  enfans.**  aux 
domcftiques  ce  qu'ils  doivent  à 
leurs  maîtres  î  aux  maîtres  ce  qu'ils- 
doivent  à  leurs  domcftiques  ?  auX' 
Citoyens  ce  qu'ils  doivent  aux  Ma- 
giftrats  ?  aux  Magiftrats  ce  qu'ils 
doivent  auxCitoyensî  aux  fujcts  ce 
qu'ils  doivent  à  leurs  Rois  ;  aux 
Rois  même  ,  ce  qu'ils  cioivencà^ 
leurs  fujets  ?  &c. 

Il  n'y  a  guéres  de  vertu  donr 
Fenfeignement  ne  foit  de  l'appana- 
ge  du  Théâtre  :  tel  eft  par  exem- 
ple, la  patience  dans  l'adverfité ,  la- 
modeftie  dans  la  profpcrité  ,  la 
Gonftance  dans  les  promcfles ,  la  fi- 
délité dans  l'amitié  ,  la  clémence 
envers  les  ennemis ,  la  miféricorde 
envers  les  malheureux  ,  l'équité  à 
l'égard  de  tous. 

Iln'y  a  non  plus  aucune  forte  de 
vice  que  le  Théâtre  ne  foit  en  droit 
de  reprendre  ;  &  ne  reprend-il  pas 
même  tous  les  jours,les  baftelfes  de 
l'avarice  ,  les  excès  de  la  prodiga- 
lité ,  les  traits  mordans  de  la  médi- 
fance  ,  Icsfouplcftcs  de  la  flatterie., 
les  fourberies  de  la  diflîmulation  , 
les  folies  de  l'oftcntation  ,  &c. 

Il  n'eft  ,  outre  cela  ,  forte  d'in- 
congruité qu'il  ne  lui  appartienne 
auffi  de  corriger  :  rudcflc  dans  la 
focicté  ,  rufticité  dans  le  difcours  , 
bizarrerie  dans  l'habillement ,  &c> 


JUIN 

fout  cela  eft  fournis  à  fa  ccnfurc.  La 
fhilofophie  n'attaque  que  ce  qui 
peut  rendre  l'homme  coupable  ; 
niais  l'Ecole  du  Théâtre  va  plus 
loin  ;  elle  n'épargne  rien  de  tout 
ce  qui  peut  mériter  la  moindre  ré- 
préhenfion  :  elle  ne  fe  propofe  pas 
feulement  d'empccher  que  l'hora- 
me  ne  foit  méchant ,  elle  ne  veut 
pas  même  qu'il  foit  ridicule. 

On  voit  par-là  que  l'Ecole  du 
Théâtre  n'a  prefque  point  de  bor- 
nes. Le  Pcre  Porée  à  cette  occafion 
examine  dans  quelles  fources  le 
Théâtre  doit  puifcr  ici  fes  préceptes 
pour  être  tel  qu'on  vient  de  le  re- 
prefenter  ;  puis  il  pafle  à  ce  qui 
concerne  la  manière  dont  ces  pré- 
ceptes doivent  être  donnés  ■,  Se  il 
fait  voir  qu'à  cet  égard  l'Ecole  du 
Théâtre  l'emporte  encore  fur  ccUe 
âc  laPhilofophie. 

Le  Philofophe  parle  d'un  ton  de 
rtiaître ,  &  ne  dit  rien  que  d'un  air 
de  leçon.  Le  Poète  Dramatique  s'y 
prend  d'une  manière  plus  infinuan- 
te  :  il  cache  la  leçon ,  6c  inftruit 
d'autant  mieux. 

Le  Philofophe ,  par  fes  Dilemmes 
&  fes  Syllogifmes,  veut  emporter 
à  force  ouverte ,  notre  confente- 
ment.  Le  Poète  Dramatique  fc 
conduit  avec  plus  de  douceur  :  il 
invite ,  il  attire,  Se  fans  qu'on  s'ap- 
perçoive  de  l'art  qu'il  employé  ,  il 
perfuadc  la  vertu,&  gagne  le  cœur. 

Le  Père  Porée  continue  fur  plu- 
fieurs  autres  points  ,  le  parallèle 
du  Philofophe  &  du  Poète ,  par 
rapport  à  la  manière  d'enfeigner  la 
vertu;puis  il  paflc  à  ce  que  lePocme 
Dramatique  &c   i'Hiftoire  ont  de 


commun,  qui  font  leJ  exemples,  & 
il  fait  voir  qu'à  cet  égard  le  Théâtre 
a  l'avantage  fur  I'Hiftoire  :  celle-ci 
eft  un  amas  de  toutes  fortes  d'e- 
xemples :  l'Hiftoricnncchoifitpas 
&  ne  doit  pas  choifir  ;  mais  le  Poè- 
te Dramatique  qui  a  la  liberté  du 
choix,  n'expofc  aux  yeux  que  des- 
exemples  iliuftres  &  capables  de 
frapper  ,  que  des  exemples  propres- 
à  infpirer  la  vertu  ;  &  s'il  lui  arrive 
d'en  prefenter  quelquefois^ ,  qui  ne 
foicnt  pas  à  imiter ,  c'eft  pour  don- 
ner aux  autres  plus  de  relief  &  les 
faire  trouver  par  ce  contrafte  en- 
core plus  aimables.LaMufeDrama- 
tique  ne  doit  rien  propofer  qui  ne 
foit  utile  aux  mœurs. 

La  vertu  traverfée  dans  le  cours 
d'une  Tragédie  ,  doit  être  recom- 
penfée  fur  la  fin  ;  &  le  vice 
triomphant  doit  être  enfuite  puni. 

Quelque  éclatans  que  puilfent 
être  des  exemples  de  vertu  quand 
on  les  lit  dans  I'Hiftoire ,  ils  n'ont 
jamais  par  la  Ic^lure ,  l'éclat  que 
l'appareil  d'une  Scène  pompcufe 
&  magnifique  leur  donne  fur  le 
Théâtre  oii  les  chofes  font  repre- 
fcntées  coxtimc  fi  elles  fe  palToient 
fous  vos  yeux. 

Le  P.  Porée  ,  après  plufieurs  au- 
tres reflexions  qui  tendent  toutes  à. 
faire  voir  combien  grande  eft  l'uti- 
lité qu'on  peut  retirer  du  Théâtre 
par  rapport  aux  mœurs  ,  cite  l'e- 
xemple de  Socrate  qui  afliftoit  fou- 
vent  aux  reprefcntations  des  Pièces 
d'Euripide  ,  foit  pour  y  puifer  de 
fages  préceptes  de  morale  ,  foit 
pour  y  reconnoître  ceux  qu'il  don- 
noit  lui-même  à  fes  Difciplesj  iî 


512         JOURNAL  D 

cite  l'exemple  d'Ariftotc,  qui  après 
avoir  fait  une  Ecole  du  Lycée  ,  n'a 
fi  exadement  écrit  du  Pocme  Dra- 
matique ,  que  pour  en  faire  une  au- 
tre du  Théâtre.  Mais  fans  recourir 
aux  exemples  anciens  &  aux  exem- 
ples profanes,  il  cite  celui  du  faint 
&  fçavant  Archevêque  de  Milan  , 
qui  ne  crut  pas  qu'il  fût  indigne  de 
fes  foins  de  s'appliquer  à  corriger 
des  Pièces  Dramatiques  ,  tant  il 
ctoit  perfuadé  que  ces  fortes  d'Ou- 
vrages bien  épurez  pouvoient  tour- 
ner au  profit  des  mœurs.  Il  cite 
l'exemple  du  Cardinal  de  Richelieu 
qui  tout  occupé  des  affaires  de  l'E- 
alife  &  de  l'Etat ,  ne  laiffoit  pas  de 
donner  une  partie  de  fon  tems  à  per- 
fe(flionnerleThéatrc,  non  fans  dou- 
te pour  ménager  de  vains  Spectacles 
au  peuple  ,  mais  pour  former  une 
Ecole  où  les  Citoyens  &  les  Rois 
pulîent  trouver  à  sinftruire.  Il  cite 
l'exemple  de  Louis  XIV.  qui  enga- 
gea le  célèbre  Racine  à  compofer 
des  Tragédies  pour  les  jeunes  éle- 
vés de  S.  Cyr  ,  non  fans  doute  dans 
le  deffein  de  leur  procurer  un  fim- 
ple  amufement ,  mais  pour  les  for- 
mer à  la  pieté:  Tragédies  fi  pures  & 
fi  inftrudives,  remarque  le  P.  Po- 
tée ,  que  fi  toutes  les  Pièces  de 
Théâtre  ctoient  du  caradere  de 
celles  là ,  il  ne  faudroit  pas  deman- 
der (i  leThcatre  peut  être  une  Ecole 
propre  à  former  les  mœurs  ,  mais 
s'il  feroit  polTible  qu'il  ne  le  fût  pas. 
Allofis  plus  loin ,  continue  l'Ora- 
teur ,  &  carions-nous  dans  une  af- 
femhléefi  célcire ,  d  abandonner  p.ir 
une  maiivaife  honte  Ja  caufe  du  néa- 
tre.  A  quel  dejfàn  en  France  ,  en  ItA' 


ES  SÇAVANS, 

lie  ,  en  Efpagne  ,  en  Allemagne  ,  & 
en  plufieurs  autres  lieux  célèbres  ,  tant 
de  fçavans  hommes  prépofts  à  l'ia- 
firu^lion  de  la  jeunejfe  ^  érigent- il  s  des 
Th.'atres  dans  les  Collèges ,  ou  ils  font 
réciter  par  leurs  élevés,  desTragédies, 
&  des  Comédies  ?  Efl-ce  uniijiiement 
pour  façonner  le  gefte  aux  enfans  ,  leur 
former  la  voix  &  régler  leur  conte- 
nance  ?  non  ;  ces  Maîtres  fages  & 
éclairés  ,  portent  leurs  vues  plus 
avant ,  ils  tirent  de  l'obfcurité  des 
Claffes  leurs  Difciples ,  &  les  expo- 
fent  au  grand  jour  du  Théâtre; 
afin  que  ces  Difciples  dont  plu- 
fieurs doivent  un  jour  remplir  de« 
places  confiderables  dans  le  mon- 
de ,  apprennent  de  bonne  heure  à 
méprifcr  ou  à  cftimcr  ,  ce  qu'ils 
auront  vu  fur  la  Scène ,  s'attirer 
le  mépris  ou  l'ellime. 

Il  eft  difficile ,  conclut  le  P.  Po- 
rée  ,  de  ne  pas  convenir  que  le 
Théâtre ,  &  par  rapport  .à  la  Tragé- 
die 5c  par  rapport  à  la  Comédie , 
ne  puiiîe  être  une  Ecole  propre  à 
former  les  mœurs.  Mais ,  demandc- 
t  -  il  ,  pcnfera  -  t  -  on  auilî  avan- 
tageufement  de  ce  moderne  &  bi- 
zarre Théâtre ,  où  tout  fc  palTe  en 
chants  ôc  en  daiifcs  ?  de  ce  compo- 
fé  de  Spedacles  ,  qui  a  tiré  fa:  naif- 
fince  de  la  Tragédie  Grecque  ,  & 
qui  n'a  rien  retenu  de  fa  première 
origine?  De  ce  Spcdacle  qui  eft  tel 
dans  fon  alfemblage ,  que  comparé 
avec  les  véritables  règles  du  Poemc 
Dramatique,  il  ne  lailfc  rien  voir 
en  fci  que  de  monftrueux  ,  &  qui 
en  effet ,  a  cela  de  commun  avec 
les  monfrres ,  qu'il  excirc  une  gran- 
de curiofité  j  qu'il  paroît  plus  mer- 


J  U    I 

■veiJleux  que   les  Ouvrages  légiti- 
mes de  la  nature  ,  &  qu'il  attire 
plus  l'admiration   que  l'approba- 
tion ?   Le  Père  Porce  répond  que 
lien  n'en  empêche  ,  &  là-defTus  il 
demande,   i".  fi  la  Mufiquc,  par 
exemple  ,  eft  nuifible  aux  mœurs  ? 
Si  au  lieu  de  l'employer  pour  re- 
veiller ou  entretenir  des  paflïons 
«langereufes ,  on  ne  peut  pas  l'em- 
ployer à  infpirer  des  fentimcns  no- 
bles Se  vertueux  ?  2°.  Si  la  danfe 
tout  de  même,  a  quelque  chofe  de 
pernicieux  dans  fa  nature  ;   Si  un 
mouvement  mefuré  des  bras  &  des 
pieds,  un  balancement  léger  &  agi- 
le du  corps  ,  offrent  quelque  chofe 
qui  foit  à  reprendre»,  lorfqu'il  ne 
s'y  mêle  rien  d'indécent  î  3'.  Si  les 
grandes  adlions  &  les  grandes  qua- 
litez  des  Héros  font  des  fujets  qui 
puiffent  être  traitez  en  vers  Lyri- 
ques, &c  accommodés  aux  règles 
de   la  Mufique  î  4°.  Si  ces  fujets 
ainfi  traitez,  peuvent  flatter  l'oreil- 
le ,    faire   d'agréables    imprciîîons 
fur  l'efprir  Se  exciter  de  l'émulation 
pour  la  véritable  gloire  î  Comme 
ces  queftions  font  telles  qu'il  n'eft 
pas  polTible  d'y  faire  des  réponfes 
qui  ne  fuppofent  que  le  Théâtre 
dont  il  s'agit,  eft  innocent  par  lui- 
même  ,  &  peut  devenir  une  Ecole 
propre  à  former  les  mœurs  ;  le  Père 
Poréc  conclut  au  fujet  des  chants 
&  des  danfes  de  l'Opéra ,  ce  qu'il  a 
conclu  au  fujet  de  la  fimple  Tragé- 
die &  de  la  fimple  Comédie. 

Qu'aux  vers  &  aux  chants  effé- 
minés de  l'Opéra  ,  on  fubftitue  des 
vers  fententieux  &  des  chants  gra- 
.vcs  &  nobles ,  qu'on  y  joigne  des 


N  ;    175  5.  515 

danfes  légères ,  mais  modeftes ,  qui 
ayent  rapport  au  fujet  &  don:  les 
mouvemens  expreffifs  foient  com- 
me une  Poëfie  muette  ,  alors  on 
aura  un  Théâtre  de  Mufique  qui  fe- 
ra propre  &  à  divertir  l'efprit ,  &  à 
exciter  à  la  vertu. 

La  seconde  Propofition  du  Perc 
Porée ,  eft  que  fi  le  Théâtre  ,  confi- 
deré  dans  fa  nature  ,  peut  être  une 
Ecole  propre  à  former  les  mœurs  , 
il  ne  fçauroit  néanmoins  pafTer  pour 
tel,  à  confiderer  l'état  où  il  fe  trou- 
ve aujourd'hui  ;  qu'au  contraire  on 
le  doit  plutôt  regarder  comme  une 
Ecole  de  vice  ;  Se  que  c'eft  la  faute 
des  Auteurs  ,  des  Adeurs,  &  prin- 
cipalement des  Spectateurs. 

C'eftla  faute  des  Auteurs;  qui 
ne  veulent  pas,  dit  leP.Porée,  faire 
attention  à  ce  qu'exige  d'eux  la  na- 
ture du  Pocme  Dramatique. 

Le  but  de  laTragédie  &  de  laCo- 
médie,  comme  l'ont  reconnu  les 
Fondateurs  du  Théâtre  d'Athènes  , 
eft ,  pour  ce  qui  regarde  la  premiè- 
re ,  d'cnfcigner  la  fagefTe  ;  &  pour 
-ce  qui  regarde  la  féconde  ,  de  cen- 
furer  le  vrc^.  Et  c'eft  ce  que  ne  veu- 
lent point  comprendre  les  Poètes 
d'aujourd'hui  ;  leurs  Tragédies  ne 
refpirent  que  la  fureur  de  la  ven- 
geance ,  Se  h  paillon  de  l'amour. 

Quant  à  la  vengeance ,  le  P.  Po- 
rée ne  manque  pas  de  citer  là-de(fus 
Corneille  dans  fa  Tragédie  du  Cid, 
Se  pour  ce  qui  regarde  la  paffion  de 
l'amour,  il  en  appelle  aux  Pièces  de 
Racine. 

Il  fait  à  cette  occafion  le  parallèle 
de  ces  deux  grands  Hommes,  6c 
ceux  qui  aiment  les  portraits  d'a-r 


jr4        JOURNAL    DE 

près  nature,  trouveront  dans  ce  pa- 
rallèle de  quoi  l'itistaire  pleinement 
leur  "oiit.  Au  rcftc,ii  compare  Cor- 
neille à  l'Aigle  de  Jupiter,  5c  Raci- 
ne à  la  Colombe  àcYenus.C omeltus 
fublime  voLms ,  Ht  Jovis  Aies  ,  tnter 
fiilgura  &  fulmina  ludibundus  omnia 
fragore  contpleverat  :  R.icinius  ,   ut 
yeneris  Cclnmi>nlus  ,  circum  rofaria 
&  myruta  volitAtis  ,  omnia gemttibui 
ferfonnit ......  Divifum  Imperium 

cum  fiilminame  Afiilâ  ^  gemensCo- 
tumbulus  impeiravit. 

La  plupart  des  Poètes  qui  font 
venus  aprcs  Racine  ,  l'ont  imité 
dans  ce  genre  d "écrire  ,  ils  n'ont 
rempli  leurs  Pièces  que  de  pallions 
tendres ,  &  lorfqu'ils  ne  lient  pu 
faire  fans  renoncer  à  divcrfes  règles 
duPocnie  Dramatique,  comme  à 
l'unité  de  l'adion  ,  à  la  vérité  du 
fujet ,  à  la  vraifemblance  de  la  fic- 
tion, à  la  variété  des  objets ,  ils  ont 
mieux  aimé  violer  toutes  ces  règles, 
que  de  ne  pas  introduire  dans  leurs 
Tragédies ,  foit  prophancs,  foitfa- 
crées,la  paillon  de  l'amour^  c'eft  par 
tout  même  ton  &  même  langage 
fur  ce  point,  mêmes  jaloufies ,  mê- 
mes tranfports. 

Eft-il  donc  de  l'efleace  du  Théâ- 
tre qu'on  y  vpye  de  telles  foiblelTcsî 
ou  bien  i'cfprit  des  Poètes  eft-il  R 
borné  qu'il  n€  puifle  fournir  à  une 
Pièce  entière  fans  recourir  à  des  ex- 
pedicns  û  ufcs  î  Encore  Ci  la  paffion 
dont  il  s'agit  ctoit  traitée  de  maniè- 
re à  en  infpircr  de  l'cloigncment 
pourroit-elle  trouver  place  fur  les 
Théâtres  -,  mais  de  l'accompagner 
comme  l'on  fait ,  de  toutes  les  cx- 
pteflions  les  plus  capables  de  l'aliu- 


5  SÇAVANS, 

mer ,  c'eil  ce  qui  ne  fe  peut  fouffrir,' 

6  ce  qui ,  félon  le  Père  Porée  , 
doit  couvrir  de  honte  les  Auteurs 
qui  travaillent  pour  le  Théâtre. 
O  malheureufe  Tragédie,  s'écrie 
l'Orateur ,  Toi  qui  dans  les  lîécles 
partes  avois  été  inftituée  pour  pleu- 
rer les  maux  d'autrui  ,  fonges  à 
prefcnt  à  pleurer  les  tiens.Souviens- 
toi  de  ce  que  tu  étois  fous  Efchiles,' 
fous  Sophocles ,  fous  Euripide  ,  SC 
confidcre  ce  que  tu  es  aujourd'hui. 

Qu'eft  devenue  cette  chaftcté,^ 
cette  feverité  ,  cette  noblefTe  que 
tu  tenois  de  tes  pères  î  Reconnois 
ta  honte  &  gémis. 

Le  P.  Porée  ne  fe  déclare  pas  avec 
moins  de  zélé  &  de  force  contre  U 
Comédie  :  il  l'introduit  plaidant 
elle-même  fa  caufe  devant  lui ,  & 
U  répond  par  manière  de  Dialogue 
à  ce  qu'elle  lui  allègue  pour  fa  dé- 
fenfe  ;  ce  qui  fait  un  article  très-cu  - 
rieux  &  très-intcreffant.  Molière 
n'eft  pas  oublié  dans  cette  occafion, 
&  l'Orateur  en  fait  un  portrait  qui 
mérite  pas  moins  l'attention  des 
connoifTeurs  que  celui  qu'il  a  tracé 
plus  haut  deCorneilie  &  de  Racine. 
Au  rcfte ,  il  s'eft  glifle  dans  ce  por- 
trait une  faute  confidcrable  que 
nous  avons  appris  être  uac  faute 
d'imprefllon  ,  &  dont  pour  cette 
raifon  nous  nous  croyons  obligés 
d'avertir  ici.  U  y  cft  dit  de  Molière, 
faSlns  ,H:/lno  non  fortitnt  ini<^nitute  , 
SED  riTiy£  LICENTIA,S<  il 
faut  lire  SED  JVrBNT^^  U- 
CENTIA,  ce  qui  fait  un  fcns  plus 
juftc. 

Les  Imitateurs  de  Molière  ,  ou 

plutôt    ces     petits   Auteurs    qui 

n'ay»nt 


J   U    I    N 

.n'ayant  pas  aflez  de  gcnie  pour  ex- 
primer en  eux  ce  que  Molière  avoit 
Ac  bon  ,  ont  copié  fes  obfccnitcz 
i3<:  les  ont  même  portées  plus  loin, 
n'échappent  pas  ici  à  la  cenfure  du 
P.  Porée  ,  non  plus  que  ces  autres 
Comiques  qui  fe  croyent  à  couvert 
de  tout  reproche  fur  cette  matière  , 
lorfqu'ils  ont  fçiî  envelopper  des 
infamies  fous  des  termes  ambigus  , 
qui  les  rendent  encore  plus  dange- 
reufes  par  la  curiofité  qu'ils  exci- 
tent. Les  Pièces  de  Mufique  qui  fc 
jouent  fous  le  nom  d'Opéra  ,  &  où 
ia  licence  de  la  galanterie  cclattc  de 
tous  cotez  j  partent  auflî  en  revue  : 
le  P.  Porée  en  fait  voir  au  long  les 
dangers ,  &  n'en  épargne  point  les 
Auteurs. 

Mais  les  Adeurs,  foit  Tragiques, 
foit  Comiques,  foit  lyriques ,  ces 
Adeurs  qui  appliquent  tous  leurs 
foins  à  exprimer  de  la  manière  la 
plus  vive,  les  partions  dangereufes 
>qu'on  leur  donne  à  reprcfenter  , 
n'ont  pas  moins  de  part  que  les 
Auteurs  aux  juftcs  reproches  du  P. 
Porée. 

L'Orateur  pafle  de-là  aux  Spec- 
tateurs &  fait  voir  qu'ils  font  ici 
encore  plus  coupables  que  les  Au- 
teurs &:  les  Ad:eurs  -,  parce  quec'eft 
fur  le  goût  de  ceux  qui  fréquentent 
les  Théâtres ,  que  fe  règlent  les 
Auteurs  Si  les  Adeurs.  La  chofe 
cft  facile  à  prouver  ,  &  le  P.  Porée 
n'oublie  rien  de  ce  qui  en  peut 
convaincre  les  perfonnes  cenfées  Se 
faifonnables.  S'il  échappe  à  un  Poè- 
te quelque  vers  qui  cloche  ,  fi  un 
Adeur  fait  un  faux  gcfte  ,  aulTi-tôt 
iebxuit  du  fifflet  marqvie  le  mécon- 


rentement  de  l'alTembléc.  Et  pour- 
quoi ,  dit  le  P.  Porée ,  ne  ferecrie- 
t-on  pas  de  même  contre  une  maxi- 
me licenrieufe  ,  &  contre  un  geftc 
immodefte  ?  Les  Athéniens,  pour 
avoir  un  jour  entendu  loiier  fur 
leur  Théâtre  les  richeiïes  comme 
le  plus  grand  de  tous  les  biens ,  fu- 
rent à  l'heure  même  Ci  tranfportés 
d'indignation  ,  que  fans  attendre  la 
fin  du  difcours  où  cette  pernicieufc 
maxime  alloit  être  refutée  ,  ils  fc 
levèrent  tous  de  leurs  fiéges  pouc 
faire  chafler  l'Acleur  qui  vcnoit  de 
la  proférer.  Si  l'on  avoit  aujour- 
d'hui la  même  délicatcffe  pour  tout 
ce  qui  fe  débite  fur  le  Théatre,quel 
cft,âemandeleP.Porée,lsPoëte  qui 
osât  écrire,&  l'Adicur  qui  osât  pro- 
noncer. Que  dans  la  ieunelîe  il  faut 
laifTer  crier  la  raifon,qu'on  ne  la  doit 
écouter  que  dans  la  vicillefTe  :  Qiic 
tout  doit  céder  à  l'amour  ,  8c 
qu'on  y  eft  entraîné  par  une  fatale 
neceffité  :  Que  la  condition  des  ani- 
maux qui  fuivenr  leurs  penchans 
fans  remords^  cftdignc  d'envierPer- 
fonne  ne  l'oferoit ,  répond-t  il ,  & 
le  defir  que  les  Auteurs  &  les  Ac- 
teurs auroient  de  plaire  aux  Spedla- 
teurs ,  obligeroit  les  premiers  à  re- 
former leurs  compoiitions ,  &  les 
féconds  à  n'adopter  aucune  Pièce 
qui  ne  fut  dans  les  règles  de  la  bicn- 
féance.  C'eft  donc  principalement 
des  Spedlateurs  ,  qu'il.dépcnd  que 
le  Théâtre  ne  foit  pas  une  Ecole  de 
vice ,  &  qu'il  foit  au  contraire  une 
Ecole  de  vertu.  Le  P.  Porée  finit  en 
les  invitant  de  travailler  tous  de 
concert  à  une  reforme  fi  defirable  , 
Se  de  ne  plus  fouffrir  déformaic 
Te 


i6  JOURNAL    D 

Qu'il  foit  rien  dit  devant  eux  ,  qui 
puifle  aller  contre  la  fin  pour  la- 
quelle le  Théâtre  a  été  inl^itué.  Les 
difFerens  caradcrcs  de  ces  Spe(fla- 
tcurs  ,  Se  les  divers  motifs  qui  les 
conduifent  au  Théâtre ,  tont  ici  le 
fujet  d'un  tableau  auflî  curieux 
qu'interelTant  ,  mais  difficile  à  ce 
pier  :  nous  y  renvoyons  les  Lec- 
teurs. Celui  que  l'Auteur  trace 
plus  haut  des  reprefentations  ds 
rOpera ,  &  que  nous  avons  pafTé  , 
ne  feroit  pas  moins  difficile  à  expri- 
mer ;  nous  y  renvoyons  tout  de 
même  les  Ledeurs,  ou  plutôt  nous 
les  renvoyons  à  la  Pièce  entière. 
L'Analyfe  feche  que  nous  venons 
d'en  faire ,  &  à  laquelle  nous  avons 


ES    SÇAVANS; 

ttc  obii2;és  de  nous  réduire  de  peut 
d'cxccder  les  bornes  d'un  Extrait, 
n'eft  pas  capable  d'en  donner 
une  idée  fuffifantc.  Quoiqu'il  en 
foit,  l'impreffion  que  cette  Pièce  a 
faite  fur  les  Auditeurs  quand  elle  a 
été  prononcée  ,  &  les  applaudiiTe- 
mens  qu'elle  a  reçus ,  laifTent  tout 
lieu  de  juger  qu'elle  ne  fera  pas  fans 
fruit.  Il  en  paroît  depuis  peu  une 
Tradudion  Françoifc  ;  nous  en  au- 
rions parlé  dans  cet  article ,  fans 
qu'elle  ne  vient  que  de  nous  tom- 
ber entre  les  mains ,  &  que  nous 
n'avons  pas  encore  eu  le  tems  d'j 
jetter  les  yeux  ;  ce  fera  poui  le  pro- 
chain Journal. 


ESS^r  SVR  LtS  ERREVRS  POPVLAJRES ,  OU  EXAMEN 

de  plufeurs  opinions  récités  comme  vraies ,  cjuï  font  JMtjfes  on  douteufes. 
Traduit  de  lAfioloisde  Thomas  Bro'wn  .  Chevalier  &  DoReur  en  Medeci- 
ne.  A  Paris ,  chez  Pierre  Witte  ,  ruii  S.  Jacques,  proche  de  SaintYvcs, 
à  l'Ange  Gardien  :  &  Didot  ^  Quai  des  Auguftins  ,  près  du  Pont  Saint 
Michel,  à  la  Bible  d'or.  1753.  /«-12.  deux  Vol.  Tom.  L  pp.  546'. 
Tom.  II.  pp.  341.  fans  les  Prétaces  &  les  Tables. 


PARMI  ceux  qui  ont  entre- 
pris de  combattre  les  erreurs 
populaires  établies  dans  la  pliipart 
des  Sciences  &l  des  Arts  les  plus 
utiles  à  la  Société  :  on  peut  dire  que 
les  Médecins  fe  font  fignalés  fur 
tous  les  autres.  En  effet ,  dès  l'an 
1578.  Laurent  Jw<^f>-r  fameux  Mé- 
decin de  Montpellier  publia  en 
François  la  première  Partie  d'un 
Ouvrage  fur  les  erreurs  populaires 
touchant  la  Médecine  &  le  régime  de 
fumé  ;  &  cette  première  Pajtic 
étoit  divifée  en  cinq  Livres.  Elle 
fut  fuivie  en  1575.  d'une  féconde 


Partie  comprife  en  15  Chapitres: 
mais  les  deux  enfemble  remplif- 
fsient  à  peine  le  tiers  du  projet  de 
l'Auteur ,  qui  devoit  fournir  fix 
Parties  ,  diftribuées  en  30  Livres. 
Cela  n'empêcha  pas  que  ces  deux 
premières ,  les  feules  qui  ayent  pa- 
ru ,  ne  fuflent  réimprimées  à  Paris 
en  1587.  /w- 8°.  &r  que  le  premier 
Livre  de  la  première  ne  fut  traduit 
en  Latin  par  Jean  Borghés ,  &  pu- 
blié en  1600.  à  Anvers,  /ff-8°.  avec 
des  Remarques  du  Tradudeur.  Il 
parut  à  Florence  en  1592.  unever- 
îîon  Italienne  de  ce  premier  Livre 


JUIN 

gcdes  4fuivans ,  mife  au  jour  par 
Luchi.  Gafpard  Bachot,  Médecin 
Bouibonnois ,  donna  cinq  Livres 
en  François  fur  la  racme  matière  , 
pour  fervir  de  fuite  à  ceux  àzJou- 
hen  :  &  ils  furent  imprimés  à  Lyon 
en  1616.  /';j-8".  Le  Traité  Latin  de 
Jacques  Pnmerofe  Médecin  origi- 
naire d'Ecofle  fur  le  même  fujcc 
(  de  vulgi  erroribtis  in  Aîedicina  ) 
partagé  en  4  Livres,  s'acquit  beau- 
coup de  réputation  vers  le  milieu 
du  liécle  palfé  ,  ayant  été  mis  fous 
la  pielTe  à  Amfterdam  en  1(^39. 
in-iz.  puis  à  Roterdam  en  1^58. 
augmenté  de  plus  d'un  tiers.  Les 
erreurs  populaires  d Italie  en  fait  de 
Médecine  trouvèrent  auflî  un  cen- 
fcur  en  la  perfonne  de  Scipiou  Mer- 
curii  Médecin  Romain  ,  qui  eut 
foin  de  les  recueillir  dans  un  gros 
Volume  y«-4°.  publié  en  Italien  à 
Vérone,  en  1^45.  &diviféen  fept 
jLivtes. 

Mais  nul  ne  s'eft  propofé  en  ce 
genre  de  cenfure  ,  un  delTein  plus 
vafte  que  le  Doâ:eur  Thomas 
Brovn  ,  dans  fon  Traité  publié  en 
Anglois  fous  ce  titre  Pfeiidodoxia 
Epidemica  ^  or ,  eniftiiries  into  very 
many  received  tenents ,  &c.  qui  ell 
l'Ouvrage  dont  nous  rendons  com- 
pte. C'eft-à-dire  que  fans  vouloii 
ie  borner  aux  feules  erreurs  parti- 
culières à  la  Médecine  ,  il  attaque 
généralement  toutes  les  erreurs  po- 
pulaires ,  toutes  les  faufles  opi- 
nions accréditées  ,  &  il  les  réfute 
par  tout  où  elles  s'offrent  à  lui  , 
jfHais  principalement  dans  la  Phyfi- 
que  ,  dans  l'Hiftone  naturelle  ^ 
dans  la  Cofmographie ,  dans  i'Hî- 


.    i73J.  ?i7 

ftoire  Civile,  dans  la  Peinture,  &c. 
Se  CCS  differcns  fujets  font  autant 
de  fources  fécondes ,  qui  ne  le  l.uf- 
fcnt  à  fec  ni  pour  la  ûngularité  ,  ni 
pour  la  variété. 

Cet  Auteur  étoitdéja  connu  par 
divers  autres  Ouvrages  qui  lui  ont 
fait  honneur ,  &c  qui ,  pour  la  plu- 
part ,  ont  été  écrits  originairement 
en  Anglois.  De  ce  nombre  cil:  le 
Livre  intitulé/<î^^//V/a»  duMedecin, 
imprimé  dès  l'année  i6'42.  avec  les 
notes  du  Chevalier  Digby  &  d'ua 
Anonyme,  puis  traduit  en  Latin, 
Préimprimé  en  1^44.  &  enfin  en 
id^i.  à  Stralbourg  ,  avec  les  trot- 
lîémes  notes  d'un  Allemand.  On 
l'a  traduit  aulli  en  François ,  &  les 
Editions  s'en  font  extrêmement 
multipliées  dans  ces  divcrfes  Lan- 
gues. Brownadonnc  deplusdeut 
Diflcrtations  curieufcs  s  l'une  fous 
le  titre  d'Hydriotaphia  ,  où  il  dé- 
crit 45  urnes  fépulcrales  déterrées 
dans  la  Province  de  Norfolk,  & 
d'où  il  prend  occafion  de  parcourir 
favamment  toutes  les  cérémonies 
funèbres  ufitées  chez  les  Romains , 
lesBretons,  les  Saxons  &  les  Danois; 
l'autre,  intitulée  le  Jardin  de  Cyrns^ 
dans  laquelle  on  trouve  desObfen 
vations  fur  la  defcription  du  Jardin 
qu'avoit  à  Sardes  le  jeune  Cyrus , 
telle  que  nous  l'a  laifféeXénophon; 
Obfervations  qui  roulent  particu- 
lièrement fur  les  allées  de  Jardin 
plantées  en  quinconce  &  fur  tout  ce 
qui  peut  y  avoir  quelque  rapport. 
En  168^.  on  raifembla  en  un  corps 
toutes  les  oeuvres  de  Thomas 
Bro's/n  ,  &  l'on  en  fit  une  Edition 
Angloiie  à  Londres  infol. 
Ttii 


ji8  JOURNAL    D 

A  regard  de  l'Ouvrage  dont  il 
cft  ici  qucftion  ,  il  a  été  fi  tavora- 
blcmcnt  rci,ù  dans  fa  Langue  origi- 
nale ,  qu'il  s'en  eft  fait  jufqu'à  fcpt 
Editions  en  Angleterre  ,  fans  com- 
pter  une    vcrfion    Allemande   de 
Chrifticn  KncrrsBaronde  Rofenrotb, 
publiée  à  Nuremberg  ,  en  léSo. 
comme  nous  l'apprenons  des  Jour- 
naux de  Leipfic.On  avertit  d'abord, 
dans  une  première  Prétace  (  car  ce 
Livre  en  a  deux  ,  l'une  de  l'Auteur  , 
i'autrc  du  Traducteur  )   on  nous 
avertit  donc  d'abord  de  nous  défier 
beaucoup  du  fentimcnt  de  Platon  , 
qui  prétendoit  que  la  fcience  n'é- 
îoit  qu'une  rémimfcence  ou  un  rcf- 
fouvenir  de  ce  que  nous  avions  dé- 
jà fçû  :  au  lieu  que  ,  félon  notre 
Auteur  ,    ce  n'cft  qu'en  oubliant 
quantité   de   dogmes  &   de  faits 
adoptés  avec  trop  de  précipitation, 
que  nous    pouvons  parvenir  à  la 
connoillance  d'un  certain  nombre 
de  véritez  incontcftables.C'eft  pour 
y  arriver  plus  furemcnt  que  non 
content  de  détailler  les  erreurs  po- 
pulaires ,  il  ofe  les  examiner ,  en 
jueer  &  les  profcrire  fur  les  lumiè- 
res qu'il  cmpruirtc  de  la  raifon  & 
de  l'expérience.  Il  connoît  toute  la 
hardiefie  de  fon  projet ,  qui   pour 
être  parfaitement  exécuté  deman- 
deroit  les  fecours  de  plufieurs  per- 
ibnnes  également  éclairées ,  chacu- 
ne en  fon  gcnie.  Mais  le  fuccès  fa- 
vorable dont  fcs  premiers   Eflais 
ont  été  fuivis ,  i'a  fuffifamment  en- 
couragé contre  les  critiques  &  les 
contradidions ,  que  l'erreur  oppo- 
fc  quelquefois    fi   long-tcnis    aux 
^ogrcs  de  la  vérité.  Il  l'exroit  d'aur 


ES    SÇAVANS. 

tant  plus  digne  d'indulgence  dans 
un  travail  comme  celui-  ci  ,  que 
perfonnc  (  dit-il  )  ne  lui  a  fervi  de 
guide  ,  non  pas  même  fon  Compa- 
triote Primerofe  ^  avec  lequel  il  n'a 
de  commun  que  deux  ou  trois  arti- 
cles -,  enforte  que  le  plus  fouvcnt  il 
s'eft  vu  réduit  à  tirer  de  fon  propre 
fonds  les  armes  neceiTaires  pour 
combattre  l'opinion  &  l'autorité. 
C'eft  de  quoi  il  fc  flatte  que  les 
Doclcs  lui  fauront  quelque  gré  , 
puifqu'en  dciftarraffant  ainlî  les  rou- 
tes qui  doivent  les  conduire  à  de 
nouvelles  découvertes  ,  il  rendra, 
celles-ci  plus  promptes &: plus  nom- 
breufcs. 

Cet  Eflai  fur  les  erreurs  populai-: 
ïcs  eft  partagé  en  fept  Livres.  On 
recherche  dans  le  premier  quelle3 
font  les  caufes  de  ces  erreurs  en  gé- 
néral. On  examine  dans  le  fécond 
plufieurs  opinions  populaires  tou- 
chant les  minéraux  &  les  végétaux^ 
lefquellcs  quoique  fauflcs  ou  dou- 
teufes  font  univerfcllement  prifcî 
pour  vrayes.  Dans  le  troifiémc  on 
en  fait  autant  par  rapport  aux  ani- 
maux. On  vient  àl'Homxne  ,  dans 
le  quatrième  ,  &  les  erreurs  qui  le 
concernent  en  particulier  y  fubif- 
fent  le  même  é7;amcn.  Dans  le  cin- 
quième on  développe  différentes 
erreurs  fuivies  ou  accréditées  par 
les  Peintres.  On  difcutc  dans  le  6' 
plufieurs  préjugez  relatifs  à  la  Cof- 
mographic  £c  à  l'Hiftoiie.  Le  fcp- 
tiéme  Livre  enfin  rouit  fur  diverfes 
«pinions  hiftoriques  communé- 
ment reçues ,  &  fur  quelques  unes 
principalement  qui  font  tirées  des 
Livres  Saints. 


J    U^    I 

r.  Le  Dodeitï  Brown  allègue 
ffiour  première  caufe  des  erreurs  po- 
pulaires ,  la  foibleite  de  l'efprit  hu- 
ïttain  ,  qui  dès  l'inftant  de  la  créa- 
tion fat  fujet  à  l'erreur.  »  Il  femblc 
»  (  dit-il  )  que  nous  foycns  en  droit 
»  d 'imputeï  notre  foiblefle  à  nos 
»  premiers  parens  ,  parce  qu'Us 
î>  nous  ont  communiqué  l'être 
3»  avec  des  impctfedions ,  qu'ils  ne 
»  tenoient  point  du  Créateur.  Ce- 
3>  pendant ,  s'il  eft  permis  à  leur 
»  pofterité  de  les  jugcr,tout  parfaits 
3»  qu'ils  étoiént  ,  ils  furent  bien 
»  groiîierement  déçus  j  &  peu  s'en 
«  faut  que  la  facilité  avec  laquelle 
»  ils  tombèrent ,  ne  noas  rende 
»  leur  chute  inconcevable.  «  C'eft 
ce  que  l'Auteur  s'efforce  de  mettre 
éans  un  plein  jour  par  l'examen  dé- 
taillé de  toutes  les  circonftances 
qui  accompagnèrent  cette  réduc- 
tion. Si  les  hommes  ont  été  affez 
foibles  pour  donner  dans  l'erreur  , 
même  avant-  leur  défobéiffance  ,  il 
n'eft  pas  merveilleux  qu'après  leur 
prévarication  ,  les  fauffes  idées  fc 
foient  multipliées  chez  eux  ,  & 
ayent  le  plus  fouvent  fait  la  matiè- 
re la  plus  ordinaire  de  leurs  dif- 
cours.  Auflî  Moyfe  ,  dans  l'Hiftoi- 
re  des  tems  antérieurs  au  Déluge  , 
n'ayant  fait  parler  les  hommes  que 
fix  fois ,  leur  a-t-il  mis  cinq  fois  à' 
la  bouche  des  difcoursqui  vontdi- 
rciflcment  contre  la  vérité.  On  en 
peut  voir  les  preuves  chez  l'Au- 
teur. 

Une  féconde  caufe  des  erreur? 
populaires  doit  être  piife  dans  ce 
penchant  naturel  6c  prcfqu'invinci- 
àic  de  cette  partie  du  genre  humain 


appeliée  peuple ,  a.  faifir  le  faux  Se  à 
l'embraffer  aveuglément  :  difpofi- 
tion  produite  &  fomentée  par  le 
peu  de  jugement  de  ce  peuple  ,  paï 
les  bornes  étroites  de  fon  intelli- 
gence &  par  la  foibleffe  de  fon  dif- 
cerncment.  Livré  fins  referve  à 
toute  l'infidélité  du  rapport  dea 
fens ,  il  eft  prefque  incapable  de 
rechercher  la  vérité  -,  &  les  diverfe3 
paflîçns  qui  le  maîtrifent  éteignant 
ou  obfcurciffant  en  lui  quelques 
étincelles  de  raifon  qu'il  tenoit  en- 
core de  fon  origine ,  il  fe  trouve  de 
furcroît  intedé  des  vices ,  qui  font 
les  fuites  naturelles  de  fcs  erreurs^ 
Rien  ne  l'y  fortifie  davantage  que 
l'autorité  ou  le  confentement  una- 
nime d'un  grand  nombre  de  gens  ; 
enforre  que  lorfqu'ils  font  alTem- 
blés ,  on  peut  affurcr  [  dit  l'Au- 
teur J  qu'ils  font  l'erreur  même.  A> 
cet  éloignemcnt  du  vrai  qui  fait  le- 
propre  caradere  du  peuple  ,  s'il  fc 
joint  d'ailleurs  quelque  adrelTe  à  lui 
prefcntcr  le  faux  ,  on  doit  être 
perfuadè  qu'infailliblement  il  l'a- 
doptera. C'cft  ainfi  que  les  Prêtres" 
du  Paganifme  l'ont  féduit  par  leur 
divination  prétendue  ;  que  plu-- 
fleurs  Médecins  lui  font  croire 
qu'ils  trouvent  dans  les  urines  leS' 
mêmes  vertus  (  dit  notre  Auteur  ) 
qu'avoit  VEphod  oCAaron  ,  &  fur 
ce  principe  raffemblent  autour 
d'eux  cette  multitude  empieiîéc 
d'entendre  leurs  décilîons  fur  h,' 
virginité  ,  fur  la  groireffc  ,  fur  la' 
fécondité ,  fur  les  maladies  les  plus- 
impénétrables  :  c'eft  ainfi  que  lui- 
cn  impofent  les  Aftrologucs  ,  les 
Difcuis  de  bonne: avamuic ,  ôc  aw^r. 


320  JOURNAL  D  E  s  SÇAVANS; 

très  fourbes    fcmblablcs.     Brown     du  vrai  que  cette  aveugle  déférence- 


n'en  excepte  pas  même  ces  politi- 
ques ,  à  qui  la  raifon  d'état  tient 
lieu  de  tout ,  &  qui  ont  toujours 
employé  le  peuple  à  i'exccudon 
des  grands  dcffcins ,  en  ne  lui  laif- 
fant  prefquc  jamais  entrevoir  le  vé- 
ritable but  qu'Us  fe  propofoient. 

De  ces  caufes  générales  des  er- 
reurs populaires ,  l'Auteur  palTe  i 
celles  qu'on  peut  regarder  comme 
immédiates  _,    &  qui   font  i".  les 
taufles  idées  que  l'on  fe  forme  des 
objets  dans  l'inftant  qu'ils  s'offrent 
aux  yeux  ,  ou  fur  des  rapports  in- 
fidèles ,  &  c'eft  ainfî  que  s'établit 
autrefois  l'opinion  fabuleufe  aufu- 
jet  des  Centaures  &  une  infinité  de 
femblables  :  2.°.  Les  confequences 
étrangères  que  l'on  tire  de  ces  fauf- 
fes  idées ,  &c  d'où  naiffent  ordinai- 
rement les  Sophifmes  qui  roulent 
ou  fur  les  termes  ou  fur  les  chofes 
mêmes ,  &  dontBrovn  donne  plu- 
fieurs  exemples  :   3°.  La  crédulité 
qui  fait  recevoir  fans  examen  tout 
ce  qui  cft  prefcnté  comme  vrai  j 
telles  font ,  entre  autres  ,  les  abfur- 
direz  du  culte  idolâtre  ,  &  celles 
de  l'Alcoran:  4°.  L'incrédulité,  qui 
fait  rejetter  des  véritcz  confiantes  ; 
&  de  ce  genre  font  les  doutes  des 
Sceptiques  &dcsAcadémiciens  con- 
tre l'évidence  des  fcns  &  de  la  rai- 
fon :  j".  La  pareffe  ou  la  négligence 
qui  fait  croire  ou  douter  fans  fon- 
dement, épargnant  ai  nfi  la  fatigue 
de  l'examen  :   6°.  La  prévention 
pour  les  anciens  &  l'entêtement  à 
fuivre  leurs  décifions  :  or  (  dit  le 
Dodeur  Brown  )  lien  n'eft  plus 


a  l'autorité  des  anciens. 

Car  ,  en  premier  lieu  ,  c'eft  foû- 
mcttre    nos   contemporains   à    uq 
joug  infuportable  ,  contre  l'inten- 
tion même  des  anciens  les  plus  pré- 
fomptucux.     C'eft  en  fécond  lieu 
oublier  que  les  anciens  ne  l'ont  pa* 
toujours  été   ,   que  nous  devien- 
drons pour  la  pofterité  ce  qu'ils 
font   aujourd'hui   par    rapport    à 
nous ,  ic  que  nos  droits  fur  cette 
préférence  feront   peut  être    alors 
suffi  mal  fondes  que  les  leurs.  C'eft 
en  troifiéme   lieu  fuppofcr  pous 
vrayes  des  opinions  faulfcs  ou  dou- 
teufcs  &  reconnues  pour  telles  pat 
les  plus  fimplcs  &  les  plus  grof-j 
fiers.  C'eft  (  4°.  )  ne  pas  confideres 
que  les  plus  anciennes   opinions  ^ 
celles   des  Grecs  ,  par  exemple  ; 
font  les  plus  éloignées  du  vrai.C'eft 
(  en  cinquième  lieu  )   prodiguer 
notre  admiration  pour  des  vérités 
qui  fouvent  n'ont  rien  d'extraordi- 
naire ni  qui  approche  des  produc- 
tions de  plufieurs  modernes   :   té- 
moin les  Sentencei  des  feft  Sages  , 
qui  pour  en  juger  fans  prévention 
n'oHt  rien  que  de  trivial  ni  qui  foie 
au-deffus  de  la  portée  du  commua 
des  hommes.   C'eft   enfin   ne  pas 
nous  relTouvenir  que  fur  beaucoup 
d'articles  cfTcntiels ,  nousfommes, 
&  avec  grande  raifon  ,   diametrallc- 
mcnt  oppofés  aux  anciens. 

Une  fepticme  fource  d'errcuj; 
(dit  notre  Anglois  )  eft  la  déféren- 
ce aveugle  à  l'autorité  ou  aux  té- 
moignages de  quelques  Auteurs  5c 
même  de  quelque  Nation  :  défe- 


injuftc  .&  tic  nous  éloigne  davantage     rcn,ce ,  dont  il  faut  s'a/Trancbir  avec 


JUIN.   175  5-.  521 

(^'autant  plus  de  foin  ,  que  l'autori-     ftiges  des  Sorciers  &C  des  Magiciens. 


té  ne  doit  pas  l'emporter  fur  une 
iîinple  aflîrmation  ■■,  qu'il  y  a  des 
Sciences  qui  l'excluent  abfolu- 
ment ,  telles  que  les  Matliémati- 
ques  ■■,  &  que  l'Hiftoire  naturelle  fi 
cultivée  aujourd'hui ,  ne  la  refpec- 
îc  guéres.  L'Auteur  avoiic  cepen- 
dant qu'elle  a  fes  droits  (  cette  au- 
torité )  fur  la  Rhétorique  ,  la  Jii- 
rifprudence  &  l'Hiftoire  :  mais  ces 
drçits  ont  leurs  bornes  &  leurs  re- 
flriâ:ions,  &  il  n'oublie  pas  de  les 
marquer. 

Enfin  la  derhiere  caufc  des  er- 
reurs populaires  ,  il  la  trouve  dans 
ics  efforts  de  Satan  notre  ennemi 
commun  ,  qui  hait  fou verainement 
toute  vérité ,  &  qui  cherche  fans 
celTe  à  nous  tromper.  On  peut  dire 
^u'il  lui  fait  joiier  ici  un  grand  Rô- 
le ,  car  voici  toutes  les  erreurs  dont 
il  le  regarde  comme  le  père.  C'eft  lui 
(  dit  le  Docfteur  Brown  )  qui  s'eft 
îbijjours  efforcé  &  qui  s'efforce  en- 
core de  perfuader  à  l'homme  qu'il 
n'y  a  point  de  Dieu,  ou  tout  au 
moins  qu'il  n'cft  pas  unique  ;  que 
lui  même  eft  Dieu  ;  qu'il  efl  le  maî- 
ere  de  la  vie  &c  de  la  mort ,  &  qu'il 
peut  ranimer  la  poufïîere  des  tom- 
beaux. C'eft  lui  qui  dans  la  même 
rue  a  mis  en  œuvre  l'illufion  des 
fonges  ,  la  révélation  des  chofes 
futures  pendant  le  fommeil ,  ces 
Ottck-s  Cl  célèbres  &  fi  accrédités. 
C'eft  lui  qui  changeant  de  batterie  a 
voulu  perfuader  aux  hommes  qu'il 
leur  étoit  inférieur ,  &  qu'il  étoit 
fournis  à  l'adion  de  certains  Etres 
qui  n'ont  aucun  pouvoir  fur  nous-, 
Se  de-là  tirent  leur  origine  les  pre- 


II  a  fait  plus  -,  il  a  perfuadé  aux 
hommes  que  les  Démons  étoicnt 
des  Etres  purement  imaginaires  , 
il  a  fait  rcjetter  aux  Chrétiens  une 
partie  des  Livres  Sacrés  ,  il  en  a  fait 
corrompre  une  autre  par  les  Héré- 
tiques ,  il  a  eifayé  de  les  abolir  tota- 
lement par  le  niiniftere  des  perfc- 
cuteurs.  C'eft  lui  encore  (  félon' 
notre  Auteur  )  qui  nous  abufc  au 
fujet  des  Etoiles ,  des  Planètes  & 
des  Météores ,  en  leur  attribuant , 
outre  leurs  véritables  fondions,  des 
effets  produits  pardescaufes  libres. 
C'eft  lui  qui  nous  fait  imputer  à  des 
caufes  que  nous  croyons  évidentes 
certains  effets  qui  font  uniquement 
fon  ouvrage  ,  Se  dont  il  nous  cache 
les  refforts;  &  de-là  cette  divina- 
tion empruntée  du  vç!  des  oi- 
fcaux  ,  de  l'infpedion  des  entrail- 
les des  vidimes ,  &c.  de-là  encore 
les  filtres, les  ligatures,  les  charmes,' 
les  amulétes,&  la  guerifon  fupcrfti- 
tieufc  de  certaines  maladies.  A  ces 
différentes  iliufions  qui  influent  fut 
notre  conduite  ôc  nous  entraînent 
dans  le  crime,  Satan  (  dit  l'Auteur) 
en  joint  encore  qui  font  de  pure 
fpeculation,  &  qui  fans  tirer  à  con- 
fequence  en  elles-mêmes  nous  en- 
gagent infcnfiblement  dans  l'er- 
reur :  Bro'yn  en  fait  ici  l'énumerfi;* 
tion. 

Il  fait  auflî  un  dénombrement 
fuccind  des  Ecrivains ,  qui  bien 
qu'utiles  à  certains  égards  ,  onî 
pourtant  contribué  le  plus  à  répan- 
dre l'erreur,  ôCqui  entraînes  par  le 
torrent ,  &  devenus  copiftes  fervi- 
les  de  leurs  piédàcelTeuis  doivent 


32Î  JOUHNAL   D 

nous  tenir  en  défiance.  De  ce  nom- 
bre font  Hérodote  ,  Ctéfias  ,  Anti- 
gonc  ,  Phlégon  ,  Philoftr.uc  ,  dans 
la  Vie  d'Apollonius  de  Thyane  , 
Diofcoride  ,  Pline,  Elien  ,  Solin  , 
Athénée ,  les  Poètes  Nicandrc  & 
Philé  ,  Tzctzès  ,  S.  Bafde  &  S.  Am- 
brcùfc ,  dans  leur  Héxamcron  ,  faint 
Epiphane  ,  dans  Ion  Phyfiolvgiftc , 
S.  Ifidorc  de  Se  ville  ,  dans  fes  origi- 
nes ,  Albert  le  Grand ,  Vincent  de 
Beauvais ,  Barthelemi  Glanvil ,  Ki- 
ranidès  ,  Marc  -  Paul  de  Vcnife  , 
Paul  Jove  ,  Cardan,  Alexis  Pié- 
montois  [  &  non  pas  jllexiindre  , 
comme  l'a  rendu  le  Tradudlcur , 
trompé  fans  doute  par  le  mot  abré- 
gé ^lex.  ]  Antoine  Mizauld,  Jcan- 
Baptifte  Portaj  aufqucIsBrown  af- 
focie  quantité  de  Moraliftes ,  de 
Rhéteurs ,  de  Pcl'tes  &  de  Roman- 
.cicrs,  d'Orateurs  tant  facrés  que 
profones  ,  &  de  Peintres ,  qui  fans 
affirmer  dirediemcnt  le  faux ,  ont 
infiniment  contribués  l'accréditer. 
II.  L'Auteur ,  après  ces  vues  gé- 
nérales fur  les  caufcs  des  erreurs 
populaires ,  les  examine  £n  détail , 
&  commence  par  celles  qui  roulent 
furies  proprietcz  des  Minéraux  & 
des  Végétaux  ,  lefquelles  quoique 
faulTes  ou  trcs-douteufcs ,  croient 
univerfellemeat  reconnues  pour 
vrayes,  lorfque  l'Auteur ccrivoit. 
Le  premier  objet  qui  s'offre  à  lui  en 
ee  genre ,  eft  k  cryrtal  pris  pour  de 
la  glace  ou  de  la  neige  tcÛement 
çojndenfc^c  par  le  tems  ,  qu'elle  ne 
peut  plus  fe  fondre.  Il  n'a  pas  de 
peine  à  détruire  cette  opinion  en 
failant  voir  que  le  cryftd  eft  une 
concreticn  pierreufe ,  indépen.dao: 


ES  SÇAVANS; 

te  du  froid  :  que  fa  diffolution  ri'» 
rien  de  commun  avec  celle  de  U 
glace  :  qu'il  ne  fe  foûtient  pas  com- 
me clic  fur  l'eau  :  qu'il  eft  plus 
compare  &  plus  tranfparent  que  1« 
glace  :  qu'il  a  une  figure  le  plus 
fouvent  déterminée  ,  c'eft-à-dire  , 
hexagone  ou  de  lîx  cotez  :  qu'il  te 
forme  également  dans  les  climats 
les  plus  chauds ,  comme  dans  les 
plus  froids  :  qu'il  eft  doiiéde  vertus 
médicinales  qui  ne  fe  rencontrent 
point  dans  l'eau  glacée  ,  &c.  L'Au- 
teur ,  après  avoir  ainfi  expolc  ce 
que  le  cryftal  n'eft  point  ,  e/Iayc 
d'expliquer  ce  que  c'eft  ,  d'après  ce 
que  lui  en  apprennent  les  meilleurs 
Naturaiiftcs  :  &  c'eft  fur  quoi  l'on 
peut  le  confultcr. 

Il  vient  enfuitc  à  la  pierre  d'ai»' 
mant ,  &c  traite  ce  fujet  avec  beau- 
coup d'étendue  ,  xliflinguant  ce 
qu'il  y  a  de  certain  ou  de  probable 
fur  ce  point  d'avec  ce  qui  eft  com- 
munément reçu  ,  quoiqu'évi- 
dcmmcnt  ou  probablement  faux.' 
Il  traite  de  la  vertu  magnétique  de 
la  terre ,  de  la  vertu  dire<5bricc  de 
l'aimant,  de  fa  vertu attradive,  de 
fa  déclinaifon  &  de  fa  variation. 
Il  parle  de  ce  que  nous  en  a  tranf- 
mis  l'Antiquité,  Il  réfute  à  ce  pro- 
pos plufieurs  opinions  touchant  les 
proprietez  naturelles  ic  médicina- 
les de  cette  pierre ,  de  même  qae 
divers  faits  hiftoriques  &  qui  pa- 
roiflent  furnaturels.  On  treuvera 
dans  les  deux  Chapitres  qui  concer- 
nent ce  fujct  diverfes  recherches 
curieufcs  &  intercftàntes.  Mais 
quant  aux  erreurs  populaires  occa- 
fîonnécs  par  les  vertus  de  l'aimant, 
i'Auteujc 


JUIN 

l'Auteuï  foûtient  qu'il  cft  faux , 
1°.  que  l'ail  l'cmpcche  d'attirer  le 
fer  ;  i°.  que  le  diamant  ait  la  même 
vertu;  3°.  que  trotté  d'huile  mer- 
curielle  ou  plongé  dans  le  vif-ar- 
gent ,  il  perde  pour  toujours  fa  ver- 
tu attradive  ,  comme  l'afTure  Pa- 
racelfe  ;  4°.  que  rougi  au  feu  &:  fou- 
vent  trempé  dans  l'huile  de  Mars  il 
acquierrc  la  force  de  tirer  un  clou 
fiché  dans  une  muraille  ,  félon  le 
même  Paracelfe.  L'Auteur  ne  trou- 
ve pas  la  moindre  vraifemblance 
dans  ce  que  die  Pline  ,  que  l'aimant 
outre  les  corps  ferrugineux  ,  attire 
aufll  le  verre  liquéfié.  II  n'en  trou- 
ve guéres  <lavantage  dans  ce  qu'af- 
fure  Eufebe  Nieremberg  ^  que  les 
cadavres  humains  font  magnéti- 
ques, &  que  s'ils  font  étendus  dans 
un  batteau,  cebatteau  tournera  juf- 
qu'à  ce  que  la  tête  du  cadavre  regar- 
de le  Nord.  Il  n'eft  pas  vrai^comme 
le  difent  C<e.Jtus  Se  Porta  ,  que  des 
aiguilles  touchées  par  un  diamant 
contradlcnt  une  verticité  pareille  à 
celle  qui  eft  communiquée  par  l'ai- 
mant. 

A  l'égard  des  Relations  Hiftori- 
ques  aufujet  de  cette  pierre,  il  y  en 
a  deux  qui  paroiflent  très-douteu- 
fes  à  notre  Auteur ,  &  fur  lefquel- 
les  il  entre  dans  une  difcufllon  allez 
particulière.  L'une  concerne  ces 
rochers  magnétiques  ou  ces  monta- 
gnes attradives  fituées  ,  à  ce  qu'on 
prétend  ,  fur  la  Côte  des  Indes , 
d'où  elles  attirent  tout  le  fer  des 
vairteaux  qui  voguent  dans  le  voifi- 
nage  ,  ce  qui  fait  qu'on  n'employé 
dans  leur  conftru6tion  que  des  che- 
villes de  bois  au  lieu  dexlous.  L'au- 
Jnin. 


175?-  323 

tre  regarde  le  tombeau  de  Maho- 
met &  divers  corps  fufpendus  en 
l'air  :  fur  quoi  nous  renvoyons  au 
Docfteur  Brown.  Parmi  les  vertus 
médicinales  purement  imaginaires 
de  l'aimant ,  il  range  celle  de  cal- 
mer les  douleurs  de  la  goûte  ,  &  de 
guérir  les  douleurs  de  tête  lorf- 
qu'on  le  tient  dans  la  main.  Mais  il 
ne  fait  pas  le  même  jugement  de  la 
vertu  qu'on  attribue  à  cette  pierre 
de  tirer  des  blelTures  les  balles  de 
moufquet  &  les  pointes  des  flèches, 
quoique  plulieurs  rejettent  cette 
propriété  comme  frivole  ;  &  ils'efi: 
convaincu  par  fa  propre  expérien- 
ce ,  que  l'aimant  réduit  en  poudre 
groffîere  &  mêlé  dans  des  emplâ- 
tres ,  conferve  aflez  de  fa  force  at- 
traiflive  pour  faire  mouvoir  des  ai- 
guilles i  ce  qu'il  confirme  par  la  cu- 
re de  ce  Payfan  Pruflicn  qui  avoit 
avallé  un  couteau  long  de  dix  pou- 
ces ,  &  pour  l'extradion  plus  faci- 
le duquel  par  la  voye  de  l'incifion  , 
l'on  appliqua  fur  l'eftomac  du 
Pruflîen  un  emplâtre  chargé  de 
beaucoup  de  poudre  d'aimant  -, 
comme  en  fait  foi  la  Relation  de 
cette  cure  merveilleufe  ,  publiée 
par  Becker  Cous  le  titre  de  Cnltriv»- 
rtis  PmjftacHs.  Nous  ne  pouvons 
fuivre  l'Auteur  dans  tout  ce  qu'il 
rapporte  &  qu'il  réfute  en  même 
tems  fur  les  vertus  magiques ,  fym- 
pathiques  &  antipathiques  de  cette 
pierre ,  &  que  l'on  peut  lire  chez 
lui. 

L'Auteur  parte  de  l'aimant  aux 
corps  éleShicjues  ,  c'eft-à-dire  à  ces 
corps  ,  qui  non  feulement  à  l'aide 
d'ime  fridion  un  peu  vive  élèvent 

y  v 


324  JOURNAL   D 

les  pailles  &  autres  choies  légères  , 
mais  qui  placés  d  une  diftance  con- 
venable attirent  toutes  fortes  de 
fubftances  d'une  médiocre  pcfan- 
teur.  Il  en  compte  un  grand  nom- 
bre de  cette  cfpcce  ,  6c  dont  plu- 
fieurs  agiiTent  lur  une  aiguille  prcf- 
qu'aulTi  efficacement  que  la  pierre 
d'aimant  même.  Mais  il  alFure  que 
nul  métal  &  nul  corps  dur  produit 
dans  l'homme ,  n'a  cette  vertu  d'at- 
tirer ,  dont  il  nous  donne  ici  l'ex- 
plication phyfiquc.  Il  met  au  rang 
des  erreurs  populaires  l'opinion  gé- 
néralement reçue  ,  qui  excepte 
quelques  corps  trottes  d'huile  &  la 
plante  du  balîlic  du  nombre  des 
corps  légers  qu'attirent  le  jayet  & 
î'ambre  jaune  ,  &  celle  qui  regarde 
cet  ambre  jaune  comme  une  refine 
ou  gomme  de  pin  ou  de  peuplier, 
au  lieu  que  c'eft  un  véritable  miné- 
ral du  genre  des  bitumes. 

Il  n'eft  pas  vr.ii  (continue  Brown) 
que  le  diamant  foit  amolh  &  brifé 
par  le  fang  de  bouc  ,  &  il  eft  tort 
douteux  que  ce  fang  brife  ou  ditTol- 
ve  la  pierre  des  reins  &  de  la  veflle  : 
le  verre  par  lui  même  n'eft  pas  un 
poifon ,  &  il  ne  caufe  une  dytfentc- 
rie  mortelle  que  par  accident ,  ou 
lorfqu'on  l'avalle  groffierement 
pulverifc.  L'Auteur  examine  fi  l'or 
eft  un  excellent  cordial ,  ou  s'il  n'a 
aucune  vertu  \  &:  il  prend  un  jufte 
milieu  entre  ces  deux  opinions  ex- 
trêmes. Il  nie ,  malgré  la  décifion 
d'Ariftote  ,  qu'un  pot  rempli  de 
cendres  puiile  contenir  autant 
d'eau  que  s'il  étoit  abfolument  vui- 
de.  Il  traite  fort  au  long  ce  qui  re- 
garde la  poudre  blanche  ,  qui  agit 


ES    SÇAVANS; 

fans  bruit  ou  fans  explofion  ,  &  il 
approfondit  cette  matière. Il  y  a  lieu 
de  douter  (  lllon  lui)  que  le  corail 
foit  mou  fous  l'eau  &  s'endurcilTc 
à  l'air  ;  mais  Brown  manquoit  alors 
d'expériences  fuffifantes  pour  bien 
décider  ce  point  d'hiftoire  naturel- 
le, &  il  n'en  fait  guércs  davantage 
fur  la  Porcelaine,  qu'on  croit  com- 
munément faite  d'une  terre  qui  a 
refté  enfouie  pendant  un  fiécle  pour 
acquérir  les  qualitcz  ncceflaires.  Il 
termine  le  Chapitre  des  Minéraux 
par  l'examen  des  vertus  attribuées 
aux  différentes  pierres  précieufcs  ,■ 
&  qui  font  prelque  toutes  très-in- 
certaines pour  ne  pas  dire  chimerir 
qucs. 

Il  vient  en£iite  aux  Végétaux  & 
aux  Infcdtes ,  &;  difcutc  avec  foin 
pluficurs  opinions  faulTes  ou  dou- 
teufes  fur  la  Mandragore  ,  qui  ne 
reprefente  les  deux  fexes  que  par 
l'impollure  des  Charlatans  -,  fur  la 
Caneile  ,  le  Gingembre,  le  Giiofle, 
le  Aîacis  &  la  Noix  Mufcadc,  que 
l'on  prend  pour  les  différentes  pro- 
dudiions  du  même  arbre-,fur  les  ver- 
tus du  Gui  de  Chêne  ;  fur  la  Rofc 
de  Jéricho  ,  qui  refleurit  (  dit-on  ) 
tous  les  ans  la  veille  de  Noël  ;  fur 
la  Secitr'tditca  ou  la  Lunaire  ,  que 
l'on  croit  déferrer  les  Chevaux  qui 
palTent  par  dcfiuSj&rompre  les  fer- 
rures ;  fur  le  Laurier-femelle,  le 
Figuier,  0~c.qui  préfervent  du  ton- 
nerre ;  fur  les  amandes  amercs  em- 
ployées contre  rivrelTc  ■,  fur  le 
Camphre  accufé  de  rendre  l'hom- 
me impuilTant  ;  fur  la  plante  du  Ba- 
lîlic foupçonncc  d'engendrer  ou  de 
multiplier  les  Scorpions ,  quoique 


J    U    I 

félon  les  Africains ,  clic  foie  plutôt 
un  antidote  contre  ceslnfeâ:es,err. 
III.  Des  Végétaux  l'Auteur  paf- 
fe  aux  Animaux  ,  &  commence 
par  l'Eléphant  ^  auquel  on  a  eu 
grand  tort  (  dit-il  )  de  refufcr  des 
jointures  en  le  faifant  dormir  de- 
bout appuyé  contre  un  arbre  ;  après 
quoi  il  examine  il  l'ivoire  qu'on 
croit  être  les  dents  de  cet  animal , 
ne  feroit  pas  plutôt  ce  qui  lui  tient 
lieu  de  cornes.  Le  Cheval  a  un  fiel , 
quoique  la  véficuleen  foit  différen- 
te de  celle  des  autres  animaux  -,  & 
les  Pigeons  en  ont  aulîî  un  qui  cft 
adhérent  aux  inteftins ,  malgré  le 
préjugé  contraire.  Il  eft  faux  que  le 
Caftor  fe  mutile  lui-même  pour  fe 
dérober  à  la  pouvfuite  des  Chaf- 
feurs  ,  &c  que  le  C.ifloreum  qu'il 
fournit  doive  être  confondu  avec  fes 
tefticules.  Il  n'eft  pas  plus  vrai  que 
le  Blereau  ait  les  jambes  plus  cour- 
tes d'un  côté  que  de  l'autre  ,  quoi- 
que cette  inégalité  fe  remarque 
quelquefois  dans  les  ferres  des  écre- 
vilTes  de  mer  -,  ni  que  l'Ourfe  don- 
ne la  forme  à  fes  petits  en  les  lé- 
chant ^  ce  foin  ne  fe  reduifant  à  au- 
tre chofe  qu'à  écarter  avec  fes  dents 
îa  membrane  épaiffe  qui  cache  le 
jeune  Ours. 

Ce  font  encore  autant  d'erreurs 
populaires  de  croire  que  le  Bafilic 
(  forte  de  Serpent  dont  l'exiftencc 
n'eil  pas  encore  bien  déterminée  ) 
naiffe  de  l'œuf  d'un  Coq  couvé  par 
un  Serpent  ou  par  un  Crapaud,  & 
qu'il  empoifonne  de  fon  regard  ce- 
lui qu'il  voit  le  premier  -,  que  le 
Loup  enroue  l'homme  également 
s'il  eft  le  premier"  à  l'aijjpercevoir  ; 


N  ,"  175  3.  525- 

que  les  Cerfs  &  les  Corneilles  vi- 
vent plufieurs  fiéclcs  ;  que  l'Hal- 
cyon  Ibit  une  Girouette  naturelle  , 
&  que  fufpendu  parle  becildéfi- 
gne  le  côté  d'où  vient  le  vent ,  en 
tournant  û  poitrine  vers  cette  par- 
tie de  l'horizon.  Le  Gryphon  &  le 
Phénix  (  dit  notre  Auteur  )  n'exi- 
ftent  point  dans  la  nature ,  non  plus 
qùel'Amphifbéne,  efpece  de  Ser- 
pent qu'on  prétend  avoir  deux  tê- 
tes ,  une  à  chaque  extrémité  ,  & 
cela  fur  ce  fondement  unique  qu'il 
marche  en  avant  &  en  arrière. 

C'eft  de  plus  une  faulfe  pcrfua- 
fion  de  fe  figurer  ,  Qiie  les  Gre- 
nouilles s'engendrent  de  pourritu- 
re i  Que  le  Crapaud  jette  fon  venin 
en  piffant ,  &:  que  tout  ce  qui  s'ap- 
pelle Crapaudine  foit  réellement 
une  pierre  trouvée  dans  la  tête  de 
cet  animal  ;  Qiic  la  Salamandre  re- 
fifte  au  feu  &  l'étcignc  -,  Que  la  Vi- 
père dans  l'accouplement  coupe 
avec  fes  dents  la  tête  du  mâle  ,  & 
que  les  petits  à  leur  tour,  pour  le 
venger,  déchirent  le  fein  de  leur 
mère,  &  fe  fafient  ainfi  paflagc  avec 
leurs  dents.  Il  n'cft  pas  vrai  Que 
les  Lièvres  foient  hermaphrodites  ; 
Que  les  Taupes  foient  aveugles , 
puifqu'on  leur  voit  des  yeux  bien 
îormés-,Qiie  lesLamproyes  en  aycnt 
jufqu'à  neuf ,  au  lieu  qu'elles  n'en 
ont  que  deux  ,  &  que  les  neuf 
qu'on  leur  prodigue  par  méprife , 
étant  placés ,  comme  ils  le  font  fur 
une  feule  &:  même  furtace  ,  cette 
pluralité  de viendi  oit  fuperflue.  Il 
cft  faux  encore  que  le  Chaméleon 
ne  vive  que  de  l'air  ,  puifqu'il  fc 
nourrit  de  mouches  ;  Que  l'Autru- 
Vvij 


32^  JOURNAL   D 

che  digère  le  fer  ;  Qiic  ce  que  nous 
pourrions  prendre  pour  corne  de 
Licorne  ,  loit  celle  que  les  anciens 
ont  tant  vantée  ;  fur  quoi  l'Auteur 
fait  des  recherches  curieufcs  qui 
méritent  d'être  lues. 

Il  termine  fon  troifiémc  Livre 
en  examinant  s'il  eft  vrai  que  toutes 
les  fortes  d'animaux  qu'on  voit  fur 
la  terre  ,  fe  trouvent  auili  dans  la 
mer  -,  fi  le  choix  de  certaines  vian- 
des à  l'exclufion  des  autres  pour  la 
nourriture   eft  appuyé  en  général 


ES   SÇAVANS. 

fur  des  tondemcns  bien  folides  i  /f 
le  blanc  de  Baleine  eft  le  fperme  de 
ce  poiflbn  ;  s'il  eft  vrai  que  le  Cy- 
gne ait  un  chant  mélodieux  ;  Que 
la  Fourmi  morde  l'extrémité  du 
grain  pour  le  garantir  de  la  corrup- 
tion -,  Que  les  Serpens  piquent  ou 
empoifonncnt  parla  queue,  &c.  Se 
fur  tous  ces  points  l'Auteur  prend 
le  parti  de  la  négative.  Nous  nous 
contentons  de  les  indiquer  fimple- 
mcnt ,  Se  nous  renvoyons  à  un  au- 
tre Journal  les  Livres  fuivans. 


ZA    RELIGION   DE'FENDVE.    POEME. 

Brochure  in  -  8°.  pages  ^ë. 


1733^ 


UN E  Pièce  impie  ,  intitulée  : 
Epure  a  Vranie  ^  s'cft  depuis 
peu  attiré  une  réponfe  aufli  édir 
fiante  que  folide  ,  de  laquelle  nous 
avons  fait  mention  dans  le  Journal 
de  Mars  dernier  ,  en  donnant  l'Ex- 
trait des  Poëfies  diverlcs  de  M. 
Tanevot ,  parmi  Icfquelles  elle  fc 
trouve. 

La  Religion  détendue  que  nous 
annonçons  ,  &  dont  nous  allons 
rendre  compte,  a  pour  objet  ,  la 
même  Pièce  impie.  On  y  réfute  de 
fuite  &  avec  méthode,  tous  les  arti- 
cles de  l'indigne  Epître. 

On  commence  par  établir  que  la 
Foi  ne  craint  point  le  flambeau  de 
la  raifon  ,  mais  que  tout  n'eft  pas 
fournis  à  cette  raifon  ;  puis  on  dit 
qu'elle  juge  uniquement  des  faits , 
&  que  le  refte  eft  pour  elle  une  c- 
nigme  qu'elle  ne  doit  pas  chercher  à 
pénétrer. 

Un  groupe  d'ombie  &  de  lumière 


IR  le  feul  terme  de  nos  foins  ; 
Et  l'Eternel  ne  nous  éclaire 
Qu'autant  qu'il  faut  pour  nos  befoins. 
Inftruits  comme  nous  devons  l'être ,. 
Reprimons  notre  orgueil ,  &  bien  -  tôt 
nous  verrons 
Que  tout  ce  que  nous  ignorons 
Nous  eft  inutile  à  connoitre. 

Le  culte  tranfmis  par  Moyfe ,  eft 
traité  d'abfurdc  par  l'Auteur  de 
l'Epître  à  Uranie  :  Mais  on  tait  voit 
dans  le  Poème  dont  nous  rendons 
compte,  qu'il  eft  impolîlble  d'ob- 
fcurcir  là-deflus  les  témoignages  de 
tous  les  tems.  On  cite  à  ce  fujet  le 
peuple  Juif  qui  garde  avec  refpcd 
un  Livre  antique  qui  eft  le  feul  6<; 
précieux  refte  des  biens  que  cette 
Nation  pofledoit  ;  Livre  où  l'on 
voit  la  naiifance  d'un  Univers ,  que 
déjà  la  nouveauté  des  artï  momroic- 
cue  dans  Ibneivfance. 


JUIN 

L'on  faiticî  une  peinture-  vive  & 
fuccinte  des  évencmcns  Jes  plus  re- 
marquables arrives  dans  l'ancien 
Teftamcnt;  on  rappelle  enfuite  les 
Oracles  des  Prophètes  ,.  &ron  s'é- 
crie : 

Quoi  i'Hiftoire  prophane  aura  ma  con- 
fiance 

Pour  les  éveneinens  qu'elle  vient  m'atte- 
fter  .' 

Et  mon  caprice  injufte  ofcra  rejettet 

Des  Ecrits  infpirés  qui  la  marquent  d'a-i 
vanceî 

Puis  palTant  tout  d'un  coup  au 
Mellïe  ,  on  remarque  que  toutes  les 
circonftances  qui  le  regardent,  ont 
été  exadement  annoncées  par  les 
Prophètes  ■-,  fur  quoi  l'on  dit  : 

L'impoftute  jamais 
Pouvoit-ellc  à  fon  choix  s'arroger  tant 
de  traits  ? 

Qui  ies  raflembic  tous  eft  donc  le  vrai 
MeflSe  ; 

Sans  Ilii  ce  grand  dépôt  que  les  Jiii&  ont 
reçu, 

L'Ecriture  &  la  Prophétie , 

Decontrarietez  paroîtroit  un  tiflii. 

Mais  elle  eft  avec  lui  pleinement  éclair- 
cie. 

Aux  couleurs  dont  lé  Chrifi  eft  peint 
dans  Ifaye , 

N'eft-il  pas  d'abord  apperçû^ 

Du  Minillre  d'Ethiopie  I 

Les  Miracles  des  Apôtres  ,  leur 
Martyre ,  la  promptitude  étonnan- 
te avec  laquelle  lesNations  ont  em- 
bialTé  ia  Foi  Chrétienne ,  jfont  des 


^  î  7  5  r:  527 

preuves  dont  le  Poète  ne  manque 
pas  de  faire  l'ufage  qu'il  doit.  Il 
vient  enfuite  à  la  ruine  dejerufa- 
1cm  : 

Quel  autre  objet  frappe  ma  vûë! 

J'apperçois  les  Vainqueurs  par  le  Giel 
révélés  ; 

L'Aigle  Romaine  fend  la  nue  ; 

Elle  fond  fur  les  Juifs  dans  leur  Ville  af; 

femblés , 

L'aveugle  Synagogue  eft  prife  dans  !< 

piège. 

Mais  l'Eglife  eft  en  fureté. 

Une  guerre  inteflinc  accroît  l'horreur  du 
Siège , 

Elle  n'eft  plus  enfin  cette  fiere  Cité. 

Sot  murs  font  démolis ,  &c> 

L'Auteur  revient  ici  aux  Apôtres; 
&  répond  à  diverfes  objedioris  que 
fait  contre  la  vérité  de  leurs  témoii-J 
gnages  &  de  leurs  Ecrits ,  l'impie 
Auteur  de  l'Epître  à  Uranie  ;  puis 
reprenant  les  chofes  dés  le  com- 
mencemenr  du  monde ,  il  monfcït 
par  une  chaîne  inaltérable  de  faits  , 
que  ces  faits  fuivis  font  la  preuve 
la  plus  conftante  de  la  Religion 
Chrétienne  ,  &  en  même  tems  la 
preuve  la  plus  convenable  à  la  rai- 
fon  humaine.  L'incrédule  objeéte 
que  la  Religion  renferme  des  My- 
ftéres  qu'on  ne  fçauroit  pénétrer." 
Notre  Auteur  l'avoiie  ;  mais  il  ob- 
ferve  que  cette  même  Religion  a 
des  preuves  fi  palpables ,  qu'on  ne 
fçauroit  fans  vouloir  s'égarer ,  s'a- 
bandonner aux  préjugez  contraires. 

Le  Dodcur  d'Uranie  reprefente 
ie  Dieu   d'Abraham'  comme  uis 


328         JOURNAL  D 

Dieu  cruel  qui  fc  rend  le  flcau  des 
humains;  qui  les  forma  dans  la  vue 
de  les  rendre  malheureux  ,  &  qui, 
pour  avoir  droit  de  les  punir  ,  leur 
donna  des  cœuis  coupables.  Le 
Poète  oppofe  à  cette  horrible  pein^ 
ture ,  un  tableau  naïf  de  ce  qui  s'cfl 
pafTc  dans  le  Paradis  Terrcftrc  entre 
Dieu  &  le  premier  Homme  ,  & 
après  avoir  décrit  avec  les  traits  les 
plus  vifs ,  la  -punition  de  l'homme 
rebelle ,  il  fait  voir  que  la  colère 
de  Dieu  &  fa  clémence  ont  tou- 
jours agi  de  concert. 

Mais  prenons  confiance: 

Jufques  dans  fon  couroiix  le  Seigneur  eft 
clément , 

II  fçait  d'Adam  profcrit  ranimer  l'cfpe- 
rance  : 

En  prononçant  l'anct  fatal 
ïl  annonce  le  bien  qu'il  doit  tirer  du  mal- 
Dans  l'ordre  de  fa  providence. 
Il  promet  un  Libérateur , 
Qui  de  notre  efclavage  écrafera  l'auteur. 
Et  qui  ,  &c. 

Ici  s'offre  à  notre  Pocte,une  vafte 
matière  touchant  le  péché  originel: 
il  obferve  qu'héritiers  du  premier 
de  nos  percs  ,  nous  ne  pouvions 
ivoir  des  droits  differens  des  Tiens  ; 
qu'ainfi  il  étoit  de  la  juftice  que 
dans  notre  origine  nous  fuflions 
privés  des  biens  qu'il  avoir  perdus. 
D'où  il  conclud  que  c'cft  unique- 
ment par  un  effet  de  la  bonté  divi- 
ne ,  que  nous  y  fommcs  rappelles  j 
après  quoi  il  compare  l'homme  à 
un  Roi  dépoîTedé  qui  conferve  tou- 
jours l'idée  lie  fon  premier  rang. 


ES  SÇAVANS, 

lien  appelle  là  dcllus  à  ce  com- 
bat que  l'homme  éprouve  en  lui- 
même  entre  le  bien  &:  le  mal  ,  & 
qui  l'avertit  qu'il  rcfte  encore  en 
lui  un  Monument  de  fa  grandeur 
pallee. 

Cette  inipreffion  de  vertu  qui 
dure  encore  en  nous ,  eft  ,  dit  no- 
tre Auteur  ,  un  don  gratuit  que  la 
clémence  divine  a  daigné  nous  con- 
confervcr  pour  nous  fervirànous 
relever.  A  cette  occafion  il  deman- 
de s'il  eft  dans  le  monde  un  fcul 
homme  qui  puilTe  méconnoîtrc 
cette  voix  qui  l'avertit  intexieHrcT 
ment  de  fes  devoirs. 

Qu'on  parcoure  les  tems  &  les  climats 

divers  , 
La  nature  jamais  a-t-elle  fait  paroîtrs 
D'homme  en  qui  la  vertu  ne  fit  quelques 
efforts 
Pour  détourner  fes  pas  du  vice? 
D'injufte  fans  avoir  des  rayons  de  juftice? 
Et  de  coupable  fans  remords  ? 

Cela  pofé  ,  il  obferve  que  c'efl: 
la  providence  qui  voulant  fauvct 
par  J.  C.  tous  les  hommes ,  leur  a  ,' 
par  le  moyen  de  la  Loi  gravée  dans 
leur  cœur ,  applani  le  chemin  qu'ils 
doivent  fuivre.  Il  remarque  que  la 
pratique  exade  de  cette  Loi  natu- 
relle ,  avec  la  croyance  au  Ré- 
dempteur qui  devoit  venir  ,  fervit 
long-tems  à  l'homme ,  Se  lui  fut 
d'un  grand  fccours  pourfe  rejoindre 
à  fon  Auteur.  11  eft  vrai  qu'obfédc 
fans  ccilc  par  la  concupifcence  ,  il 
lui  étoit  difficile  d'obfcrver  avec  fi- 
délité cette  Loi,  mais  enfin  il  le 


JU  I 

{jouvûit ,  dit  notre  Poète  : 

Et  Dieu  l'a  prononcé  lui-même. 
Pénétrant  de  Gain  la  ja'.ouiîe  extrême  , 

Et  le  barbare  meurtre  en  fon  cœur  mé- 
dité. 

L'on  reprcfente  ici  l'ingratitude 
de  l'homme  qui,  par  une  nouvelle 
ïevolte^attire  le  déluge  fur  la  terre  j 
Se  comme  les  defordres  ne  laiiTenc 
pas  de  continuer  après  une  telle 
punition  ,  il  obferve  qu'il  impor- 
te peu  à  la  providence,  quelefang 
d'.Abraham  forme  un  peuple  qui  fe 
laiife  aller  aux  fuperftitions  ;  puif- 
que  Dieu  n'en  a  fait  que  mieux 
éclater  fa  puifTance  ,  &  qu'impéné- 
trable dans  fes  defleins ,  il  a  fçii  , 
pour  les  accomplir  ,  s'ouvrir  des 
chemins  où  toute  la  prudence  hu- 
maine eft  confondue  •,  c'eft  de  l'In- 
carnation qu'il  s'agit.  Notre  Poctc 
entre  à  ce  fujet  dans  un  court  détail 
de  l'Hiftoire  du  Mcflie  ,  &  après 
avoir  remis  devant  les  yeux  ,  fa 
vie  cachée  ,  fa  vie  publique  ,  fes 
Miracles  &  fa  Mort ,  il  répond  à  la 
queftion  qu'on  a  coutume  de  faire 
fur  ce  point ,  fçavoir  fi  Dieu  ne  pou- 
voit  pas  racheter  les  hommes  fans 
fe  rabaifler  ainfi  jufqu'à  naître  àc  à 
mourir  ;  voici  fa  réponfe  : 

Sans  doute  que  Dieu  peut  tout  faire  ; 

Mais  dans  ce  qu'il  a  fait  nous  devons 
l'adorer. 

Ce  ne  feroit  plus  un  Myflere , 

Si  nous  pouvions  le  pénétrer. 

<5aïdons-nous  d'y  portes  un  regard  tc- 
fneriiiie , 


N  ;    1  7  5  5-  52P 

Contcns  d'appercevoîr  ce  point  de  véri- 
té; 

Que  Dieu  fcul  pouvoit  fàtiefairc 
A  Dieu  juHement  irrité. 

Piiifquc  le  fait  eft  fur  ,  l'objeâion  efi 
vaine , 

Et  nous  méptifons  l'infcnfé 
Qui  veut  qu'en  s'uniflant  à  la  nature  hu- 
maine , 
Le  verbe  fe  Toit  abailTé. 

Une  autre  objection  fe  prefente  i 
l'Auteur  de  l'Epître  à  Uranie  ,  ne 
peut  concevoir  qu'un  Dieu  étant 
mort  pour  tous  les  hommes ,  il  ne 
les  ait  pas  fauves  tous.  On  répond  à 
cela  : 

Oui  le  Sang  d'un  Dieu  mort  pour  nous, 

Fut  fans  doute  aflez  noble  &  d'un  prix 
afTez  rare 
Pour  fuffire  au  falut  de  tous. 

Nul  n'en  eft  excepté  ,    malheur  à  qui 
s'égare  ; 

Il  périt  par  fa  faute  &  les  fecours  divins 
Ne  manquèrent  jamais  aux  coupablec 
humainso 

On  entre  là-deflus  dans  la  difcuf- 
fion  d'un  point  qui  fait  un  des  arti- 
cles les  plus  profonds  de  la  Théolo- 
gie : 

Il  eft  des  grâces  générales 

Que  Dieu  par  fa  bonté  difpenfeaux  Nat- 
tions , 

Que  l'orage  des  partions 

Plongea  dans  ks  ombres  fatales 


530         JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

Vous  en  qui  du  preiniet-rcbcHc 

Dieu  ne  trouve  à  punir  que  l'infidélité , 

D'un  jufte  châtiment  fa  bonté  paternelle 

Adoucit  la  fcvéritc , 

Etfes  jugeiiiens  adorables 

Comme  lui-même  impénétrables^ 

Tiennent  de  fa  clémence ,   &  font  pleine 
d'équité. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  les 
Payens  &  les  cnfans  -,  le  Poëtc  vient 
cnfuite  aux  Chrétiens  : 


Des  plus  foUcs  Religions. 
Muni  de  ce  bienfait  il  n'eft  point  d'infi- 

délie 
Qui  ne  puiffe  obferver  >  mais  difficile- 
ment > 

Les  fenfibles  devoirs  de  la  Loi  naturelle, 
DiflTiper  fou  aveuglement , 

S'arracher  aux  horreurs  d'un  culte  abo- 
minable , 
Et  dans  le  fecret  de  fon  cœut 
Adorer  le  Dieu  véritable. 

Qui  poutroit  affirmer  qu'avec  tant  de 
candeur. 

Un  homme  éprouvât  la  riguetu 

Du  Dieu  qui  chérit  l'innocence  î 

Non ,  mais  en  lui  fa  providence 

Eût  mis  pour  le  fauver ,  la  foi  du  Redeoi^ 
ptcur. 
Vous  Nations  hyperboréesi 
Vous  peuples  des  autres  contrées^ 

OA  le  Sauveur  du  monde  eft  encore  in-i 
connu; 

De  l'étemelle  nuit  vous  n'êtes  tributaires 

Que  par  vos  crimes  volontaires , 

Et  non  faute  d'un  bien  qui  ne  vous  eft  pas 
dû. 

ï.a  condition  des  cnfans  qui 
meurent  privés  de  la  grâce  du  Bap- 
tême, ne  fait  pas  une  des  moindres 
queftions  de  la  Théologie.  Notre 
Auteur  s'explique  fur  ce  point,en  h 
manière  fuivante  : 

Pour  vous  que  le  trépas,  dès  l'âge  le  plus 
tendre , 

Eft  venu  frapper  &  furprendrc 

pans  la  maffe  d'iniquité , 


Pour  nous  qu'avec  furcroît ,  Dieu  ptJJ 
vient  de  fa  grâce. 

Sans  rien  ôter  aux  Nations  ; 

Des  plus  grands  maux  il  nous  menaeé 

Si  nous  lui  préferons  l'attrait  des  pallions, 

N'eft-il  pas  jufte  qu'à  bien  faire 

Les  Chrétiens  par  le  Ciel  aidés  fi  puiC 
lâmment, 

Lorfqu'ils  ont  fait  un  choix  contraire 
Soient  punis  plus  févéremcnt  i 

Ceux  qui  croyent  qu'on  ne  refi- 
fte  jamais  à  la  grâce ,  Se  que  lorf- 
qu'on  pèche  c'eft  que  la  grâce  man- 
que ,  trouveront  dans  les  vers  fui- 
vans  une  fufflfante  matière  à  leurs 
réflexions  : 

Nous  pouvons  par  nos  propres  forces» 
Nous  perdre  &  jaaiais  nous  fauver. 
Dieu  feul ,  par  fes  douces  amorces , 
S^ait  jufqu'à  lui  nous  élever. 

Mais  nous  devoiK  alors  fiiivrc  fans  refi- 

ftance. 

Le  jour  luiroit  en  vain ,  B  nous  fermionj 
les  yeux  : 

Nous 


JUIN 

Nous  fuivons  feulement  &  Dieu  nous 
recompenfe 

D'avoir  f^û  correfpondrc  à  fes  dons  pré- 
cieux. 

A  fon  Tribunal  redoutable 

Le  pécheur  ne  peut  s'excufer  : 

Il  avoit  eu  la  grâce  &  fon   coeur  trop 
coupable 

N'a  pas  craint  de  s'y  refufer. 

Le  jufte  aiiffi  de  fa  juftice 

Ne  (çaufoit  Ce  glorifier  : 

C'eft  la  grâce  employée  à  le  fortifie* 

Qui  l'a  fait  triompher  du  vice. 

Cette  dotStrine  ,  félon  quelques- 
uns  ,  eft  contraire  à  h  toute-puilTan- 
ce  de  Dieu.  Notre  Auteur  va  con-. 
ciller  l'un  &  l'autre. 

Que  l'homme  (bit  docile  ou  défobéif- 
lànt, 

Le  Créateur  fur  lui  n'en  a  pas  moinj 
d'empire  ; 

Et  plaçant  comme  il  veut  le  charme  qui 
l'attire  , 

Il  laifle  l'homme  libre  ,   &  refle  tout- 
puifTant. 

Quant  au  manque  de  grâce  à  quoi 
certains  Dodeurs  ofent  attribuer 
ia  chiite  dans  le  péché  ,  &  fur  quoi 
ils  ne  font  pas  difficulté  de  citer  le 


.    17  5?-  33 1 

reniement  de  S.  Pierre  ,  voici  ce 
que  notre  Poète  enfeigne  là-deifus 
à  Uranie,  comme  un  contre-poifon 
de  la  doâ:rine  répandue  fur  ce  fujet 
dans  l'Epître  de  Ion  impie  Docteur. 

A  ces  fidelles  traits  reconnois  Uranie , 

Le  Dieu  qu'adorent  les  Chrétiens  ; 

Non  ce  n'eft  point  ce  Dieu ,  qui ,  dans  fa 
tyrannie , 

Des  vertus  qu'il  prefcrit  nous  otant  les 
moyens, 

Nous  punit  de  fa  barbarie. 


Notre  Dieu,jufte,  égal,  8:  rempli  de  bon- 
té , 

N'ordonne  rien  qu'il  n'aide  à  faire. 

Ne  punit  que  l'iniquité , 

Se  donne  à  la  vertu  lui  même,  pourCi-; 
laire , 

Et  fa  fagelTe  éclate  en  tout  ce  qu'il  opère. 

De  cette  bonté  immenfe  que  le 
Poète  reconnoît  en  Dieu  ,  il  con- 
clut contre  l'impie  &  infenfé  Doc- 
teur d'Uranie,  i°.qu'onne  fçauroit 
trop  aimer  un  Etre  fi  bienfaifmt, 
2°.  que  fi  nous  devons  l'aimer  , 
nous  devons  le  feivir  dans  la  Reli- 
gion qu'il  a  établie  :  c'eft  par-là  qu'il 
termine  fonPocme  &  que  nous  ter-, 
minons  auûi  notre  Extrait. 


J«/»; 


Xt 


^j2         JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


OEVFRES  MESLE'ES,    DE  M.*  *  *  ,  C  O  NT  E  N^  NT 

un  Difconrs  fur  la  fin  cjua  en  f^irgtle  en  comp'>fant  fes  Bucoliijues ^  une  tra.^ 
àntiion  de  fis  Eglogues  ,  en  vers  François  -,  un  aut^e  Difcours  fur  les 
règles  deP Eglogue  ,  des  Paraphrafis  en  vers  fur  les  Pfiaumes  de  David  ^ 
&  fur  quelques  chapitres  de  Proverbes  de  Salomon  j  des  Lettres  ,  des  Epu 
très  en  vers  ,  des  Refi,tXions  Morales  ;  quelques  Odes  ,  quelques  autres  Pie- 
ces  de  Poefte  ,  &  pou-- fin  ,  uu  Traité  fur  la  manière  de  juger  des  Ouvrages 
d'efprit.  A  Paris,  chez  Barrais  ^  Quai  des  Auguftins ,  à  la  Ville  de 
Nevers  -,  Nidly  ,  au  Palais ,  à  l'Ecu  de  France  ;  ^Ux  ,  rue  S.  Jacques  , 
au  Griffon.  1733.  \ol.in-ii.  pp.  42.0. 


CE  S  Oeuvres  mêlées  ,  comme 
on  le  voit  par  le  titre  ,  confi- 
ftcnt  en  un  grand  nombre  de  Pièces 
différentes  ;  nous  allons  rendre 
compte  des  unes  &  des  autres  dans 
îe  même  ordre  qu'elles  font  annon- 
cées. 

Le  but  du  Difcours  fur  la  fin 
que  Virgile  s'efl  propofée  en  com- 
pofant  fes  Bucoliques ,  eft  de  prou- 
ver que  ce  Poète ,  y  a  eu  en  vûë 
d'inftruirc  &  de  divertir. 

On  dit  en  premier  lieu  que  les 
Bucoliques  par  des  fictions  naturel- 
les &  touchantes  ,  font  fentir  aux 
Lei5leurs,  quelle  doit  être  la  recon- 
noiff^ince  d'un  bienfait ,  combien  la 
fortune  efl  capricieufe,  combien  lajîm- 
plicité  champêtre  renferme  de  charmes, 
combien  font  louables  ces  pajfions  que  le 
point  d'honneur ,  &  l'avidité  pour  la 
gloire  nourrijfetit  dans  les  coeurs  \  com- 
bien la.  naijfance  d'un  bon  Prince  en- 
traîne avec  elle  de  biens  dans  unEtat: 
combien  la  vertu  reçoit  d'honneur  ^ 
fait  pendant  la  vie  ,  fait  après  la  mort 
de  i homme  vertueux,  &c.  Voilà  pour 
ce  qui  regarde  l'inftrudtion.  No- 
tre Auteur  dit  en  fécond  lieu ,  qu'il 
n'y  a  rien  de  plus  charmant  que  de. 


voir  dans  les  Eglogues  de  Virgile  ^ 
des  Paflres  &  des  Bergers  qui  met- 
tent leur  fouverain  bien  ,  fait  dans 
les  doux  accents  qu'ils  tirent  à  l'envi , 
âtun  rufiique  pipeau;  fait  dans  la  cul- 
ture de  leur  terre  ,  &.'c.  Voilà  pour 
ce  qui  concerne  l'agréable. 

De  ces  Remarques  Se  de  plu- 
fieurs  autres  fcmblables ,  l'Auteur' 
conclut  que  le  dellcin  de  Virgile 
en  compofant  fes  Bucoliques ,  a  été 
d'inftruire  &  de  divertir. 

Le  fécond  article  du  Recueil  efl; 
une  traduâiion  de  ces  mêmes  Buco- 
liques ,  voici  le  commencement  de 
la  première  Eglogue  : 

Pendant  quS  je  m'occupe  à  chanter  de 
nos  Rois 

Les  naiflantes  vertus  &  les  premiers  ex- 
ploits. 

Du  fçavant  Hclicon  la  plus  aimable  Mu- 
fe 

Commence  à  m'infpirer  des  vers  dont 
Syracufe 

Retentit  autrefois  dans  les  charmans  por- 
traits 

QuoThcocrite  fit  des  ehamps  &  desf*»" 
rets. 


JUIN 

Et  quoiqu'accoûtumée    aux  héroïques 
Scènes  > 

Elle  daigne  aujourd'hui  me  mener  fous 
les  chênes. 

Pour  me  montrer  de  près,  les  innocens 
plailtrs , 

Et  m'infpirerpour  eux  d'impatiens  defirs. 

En  effet,  aufli-tôt  que  des  épais  feuillages 

J'eus  d'un  pas  chancelant  pénétré  les  om- 
brages , 

J'apperçûs  dans  un  fond,  ce  Dieu  dont  les 
neuf  Sœurs 

Reçoivent  à  fouhait  les  divines  douceurs; 
Quis'approchantde  moi,  me  dit  d'un 
ton  de  maître: 

■Que  fais-tu  là  ,  Berger  î  Eh  !  Que  ne 
fais-tu  paître 

Quelque  jeune  troupeau  qui  manque  de 
Palteur , 

Pliitôt  que  de  chanter  un  éloge  flatteur  ? 

Non ,  non ,  ne  le  crois  pas ,  que  le  bois 
&  la  plaine 

Soient  indignes  des  feux  de  ta  féconde 
veine  , 

Le  devoir  d'un  Berger  eft  de  paître  un 
troupeau  , 

Et  de  tirer  des  fons  d'un  ruftique  pipeau  ! 

A  ces  mots  ,  à  l'inftant  je  fentis  dans 
mon  ame, 

Kenaître  la  chaleur  d'une  divine  flamme , 

J'obéis ,  &  fitét  qu'un  Dieu  me  l'ordon- 
na, 

A  ces  ten.lres  plaîfîrs  mon  cœur  s'aban- 
donna , 

Et  pour  apprendre  mieux  les  champêtres 
mylteres , 

J'avançois  plus  avant ,  &c. 


Nous  croyons  cet  exemple  fuffi- 
fanc  ,  pour  doiinet  de  la  veifion 
Françoile  dont  il  s'agit^  l'idée  qu'on 
en  doit  avoir  -,  mais  nous  ne  fçau- 
rions  nous  empêcher  de  remarquer 
à  ce  fujet ,  ce  que  le  Tradudeur  lui- 
même  dit  de  ù  Tvadudion,  fçavoir 
qu'il  y  a  ejpiyé  de  faire  admirer  dans 
notre  Langue  le  plus  parfait  Poète 
Bucoliijue.  Il  n'alTutcc-jendantpas 
y  avoir  rcullî  ,  &  il  reconnoît 
qu'/7  a  lien  de  craind'^e  ^;t'il  if  en 
fait  peM-êtri:  de  fa  tr^idiiUion  com- 
me des  copies  des  tahleAHX  a,  l'é- 
gard dj  leur  original. 

Qu  A  N  T  au  Difcours  fur  les 
Règles  de  l'Eglo^^ue  ,  l'Autcut 
commence  d'abord  par  définir  ce 
que  c'eft,  félon  lui ,  que  ce  genre 
de  Poëfie.  Voici  la  définition  qu'il 
en  donne  ;  elle  mérite  d'être  remar- 
quée :  UEglogue  n'eft  autre  chajè 
^ue  le  langage  ou  l'entretien  de  per- 
fonnes  dégagées  de  foins  &  d'ifi.juietu- 
des  j  ejtu  refUchifJint  pour  l'ordinaire 
fur  les  évensmens  pajjès  ou  prefens  ; 
ejui  par  des  termes  naturels  &  fans 
fard ,  expriment  plmot  les  fentimens 
de  leur  cœur  ^  que  les  fubttlitez.  de 
leur  efprit  ,  &  dont  l'éloquence  eft 
toujours  fublime  quand  elle  eftfoàtenue 
par  des  exprejjions  noblement  fimvle s  ^ 
&  fîmplement  nobles. 

L'Auteur  du  Traité  du  Sublime  ^ 
dont  nous  avons  donné  un  pre- 
mier Extrait  dans  le  Journal  du 
mois  de  Mars  dernier  ,  ne  s'accom- 
modera pas  fans  doute,de  cette  dé- 
finition ,  lui  qui  foiitient,  &  qui  en 
cela  ne  manque  pas  de  Partifans  , 
1°.  que  ce  qui  n'eft  que  noble  n'eft 
pas  fublime  ,  z".  que  les  Lmres  fa- 
Xxij 


3H  JOURNAL  D 

milieres  ^  tes  Odes  galantes ,  les  Eglo- 
gties  ,  &  autres  Ouvrages  de  ce 
genre  ,  font  défc(fl:ucux  qviand  le 
fublime  s'y  rencontre.  Quoi  qu'il 
enfoit,  voici  les  principales  rcs^lcs 
que  notre  Auteur  prcfcrit  pourl'E- 
glogue  ,  après  \c  mblemetnjtmple  &C 
Icjimplemem  mule  c^ii'A  y  exige. 

1°.  Comme  les  perfonnes  qu'on 
fait  parler  dans  l'Eglogue,  doivent 
être  dégagées  de  foins  &  d  inquié- 
tudes ,  il  eft  plus  convenable  d'in- 
troduire pour  cela,  des  Bergers  &c 
des  Bergères,  Ik  de  tes  faire  parler 
dans  des  bocages,  dans  des  prairies, 
&  autres  lieux  féparés  du  tumulte 
des  Villes. 

2°.  Toute  matière  ne  peut  fc 
tourner  en  Poëfic  Paftorale  :  les 
■pompeitfes  defcriptions ,  par  exemple  , 
défaits  extraordinaires  ,  les  prodiges 
de  la  nature  ,  les  louanges  des  Hé- 
ros ,  le  règlement  des  Etats  ,  les 
Sièges, les  Batailles  &  autres fujets 
femblables ,  ne  conviennent  point  à 
l'Eglogue  ;  Ion  véritable  goût ,  dit 
notre  Auteur  ,  eft  de  traiter  des 
charmes  de  la  vie  tranquille  ,  des 
liberalitcz  de  la  terre  ,  des  varietez 
des  faifons ,  des  plaifirs  de  la  focie- 
té ,  des  tendres  liens  de  l'amour  & 
de  l'amitié  ,  des  douceurs  &  des 
amertumes  qu'on  éprouve  dans  les 
engagcmens,  des  plaintes  d'un  Ber- 
cer malpAyé  de  fis  peines ,  &  d'une 
Bergère  trop  crédule  auxbelles  paroles. 
Voilà  ,  continue-t-il ,  les  fujets  con- 
venables à  l'Eglogue. 

3".  La  matière  de  l'Eglogue  doit 
être  inteteffante ,  il  y  a  desEglogucs 
qui  ne  concernent  que  des  Pé- 
cheurs ,  des  Chailcurs ,  des  Brebis., 


ES  SÇAVANS, 
des  Oifeaux  ,  des  Fleurs.  Peut-on 
dire  ,  demande  notre  Auteur  ,  que 
ce  foicnt  là  des  fujets  interclTans  ? 
Non  fans  doute  ,  répond-t-il ,  les 
plus  belles  pcnfées  qu'on  y  peut  fai- 
re entrer  font  ufées  à  force  de  fer- 
vir. 

La  troifiéme  Règle  de  notre  Au- 
teur ,  ic  dont  perfonne  fans  doute, 
ne  difconviendra,  c'eft  qu'il  faut 
que  toutes  les  idées  fc  foûtienncnt. 
Il  remarque  à  ce  fujet ,  qu'il  eft:  rare 
de  trouver  des  Eglogues  dont  la  fia 
ne  dégénère  pas  du  commence- 
ment. Il  arrive  fouvent ,  remarquc- 
t-il  ,  qu'après  quelques  premiers 
vers  qui  promettent  beaucoup , 
on  s'étend  en  defcriptions  vaines, 
on  peint  des  objets  qui  n'ont  aucun 
rapport  au  fujet ,  on  s'arrête  ,  com- 
me dit  Horace  ,  à  tous  les  bocages , 
à  tous  les  antres  d'un  bois ,  à  tous 
les  détours  d'un  ruilfeau  ,  à  toutes 
les  couleurs  de  l'arc-en-ciel. 

La  quatrième  Règle  eft  qu'en 
faifint  parler  des  Bergers  ,  on  ne 
leur  mette  rien  dans  la  bouche  qui 
foit  trop  relevé. 

La  cinquième  ,  qu'ils  ne  difent 
rien  non  plus  de  trop  bas  ,  car  tout 
Bergers  qu'ils  font ,  il  ne  leur  doit 
rien  échapper  qui  rcffente  la  grof- 
fiereté  du  Hameau  ■■,  leurconverfa- 
tion  ,  pour  être  fans  étude  ,  ne  doit 
pas  être  fans  politcfle. 

La  fixiéme  Règle  ,  eft  qu'il  doit 
entrer  dans  l'Eglogue  plus  de  faits 
que  de  reflexions.  Notre  Auteur 
déclare  cependant  qu'il  ne  prétend 
pas  tout-à-fait  exclure  de  l'Eglo- 
gue les  reflexions  :  il  fçait  que  dans 
Virgile  il  s'en  rencontre  qui  xen- 


JUI 

dent  le  fujet  plus  intereflânt  par  les 
fcntimcns  qu'elles  tirent  du  cœuï  > 
mais  il  veut  que  les  reflexions  ne 
compofent  pas  le  corps  de  la  Pièce, 
Se  que  leur  rareté  ferve  à  les  faire 
trouver  plus  belles. 

La  feptiéme  Règle  ,  eft  qu'il  n'y 
ait  point  trop  de  galanterie  dans  les 
Adeurs  d'une  Scène  Paftorale. 

La  huitième ,  que  les  Difcours 
Bucoliques  foient  doux  &  tranquil- 
les ,  enlorte  que  les  perfonnages  ne 
îe  difent  jamais  rien  de  défobli- 
geant.  Quelque  libres  que  puifTent 
être  dans  Théocrite  ,  Comptas  &c 
Lacon  ;  Se  dans  Virgile  ,  Menalque 
&c  Damete,  notre  Auteur  ne  fçau- 
ïoit  approuver  l'impérieux  afcen- 
dant  qu'ils  tâchent  de  prendre  , 
i'un  fur  l'autre. 

Voilà  le  précis  de  ce  qu'il  penfâ 
fut  l'Eglogue.  U  dit  au  refte  qu'il 
croit  être  le  premier  qui  ait  donné 
des  règles  pour  ce  genre  d'écrire. 
Mais  il  n'efl:  point  entêté  de  fes  fen- 
timens  ;  il  déclare  que  bien  loin  de 
les  vouloir  deffendre  ,  il  les  foûmet 
à  la  cenfure  ,  &  que  même  il  s'efti- 
mera  trop  heureux  fi  elles  la  méri- 
tent. 

Nous  voici  au  quatrième  article 
du  Recueil ,  qui  font  divers  Pfeau- 
mes  de  David  traduits  en  vers 
François  ;  nous  rapporterons  pour 
exemple  j  le  commencement  de  la 
tradu(5lion  du  Pfeaume  Beatus  vir 
^lii  non  abiit  in  concilia  imviorum  ^ 
kquelle  eft  la  première. 

Qu'heureux  eft  le  mortel  de  qui  l'ainC 
innocente 

A  fçû  fe  détourner  du  chemin  des  mi- 
shanij 


N;  17??-  sir 

Qui ,  ferme  en  Tes  deflcins ,  refiftc  .i  la 
tourmente 

Qu'élèvent  contre  lui  leurs  difcours  fé- 
duifans. 

Mais  <]ui  cherche  au  contraire  à  connoî- 
tre  la  force 

De  la  loi  que  Con  Dieu  prefente  à  fbiî 
amour , 

Et  qui  l'ayant  connue  y  trouve  tant  d'a^ 
morce 

Qu'il  en  fait  fon  étude  &  la  nuit  &  le 
jour. 

Ah  cet  homme  ell  lemblablc  aux  arbres 
inflexibles , 

Qui  femblent  fe  mocquer  de  l'eifort  des 
torrens  ; 

En  vain  font-ils  battus  par  les  ondes  ra-; 
pides. 

Leur  tête  eft  toujours  verte  &  porte  tous 
les  ans. 

« 

Nous  paflbns  aux  Lctres  fur  dit 
ferens  fu)ets ,  elles  font  au  nombrs 
de  43.  Nous  n'en  rapporterons  que 
deux. 

Lettre  à  Monfteur  *  *  *. 

»Quel  fcrupuie  que  j'aye  ds 
«  manquer  à  ma  parole ,  je  ne  vous 
»  promets  pas  ,  Monfieur,  de  vous 
n  tenir  celle  que  je  vous  ai  donnée. 
»  Je  de  vois  me  réunir  à  vous  cette 
»  Semaine  ;  trop  heureux  fi  je  puis 
»  le  dire  dans  la  fuivante.  Car  fi 
»  vous  fçaviez  combien  ,  pendant 
»  mon  abfence  ,  mes  devoirs  m'ont 
J5  taillé  d'ouvrage  ,  vous  en  feriez 
«  étonné.  Quelle  vie  ,  mon  cher 
5)  ami ,  que  celle  d'un  homme  pu^ 
yblicl  Quand  je  la  compare  avec 


3îtf        JOURNAL   DE 

»  une  vie  particulicrc  &  champc- 
3»  tre  ,  je  l'appcllerois  volontiers 
«une  galère.  Je  vous  eflimcrois 
»  heureux  fi  vous  aviez  jamais  goû- 
jjté  votre  bonheur.  Car  quelle  étoit 
»  la  vie  que  nousmcnions  dans  vo- 
n  tre  campagne  ?  Vous  le  fçavcz  : 
»>  Un  Caffé  velouté  ralTembloit  le 
»  matin  les  Acteurs:  Quelques  hcu- 
3)rcs  d'étude  nous  (cparoient  :  So- 
X  nus  epnUntis  nous  réunilToit  ;  La 
»  joye  fe  bcuvoit  à  pleins  verres:  de 
«longues  promenades  nous  excr- 
»  coient  :  Un  petit  jeu  nous  délaf- 
M  foit  :  D'aimables  difputes  nous 
M  animoient  :  Enfin  un  doux  fom- 
.j>  mcil  qui  charmoit  infcnfible- 
«  ment  nosfens ,  fembloit  ne  met- 
5)  tre  aucun  intervalle  ^  entre  la  fin 
j>d'un  jour  &  le  commencement 
»  de  l'autre. 

n  Voilà ,  Monficur  ,  une  confef- 
^  fion  fincere  de  ma  conduite.  Mais 
j>  quelle  pénitence  n'en  fais-je  pas 
»  à  prefent  !  On  ne  me  reconnoî- 
»  troit  pas  avec  les  meilleures  lu- 
s)  nettes  ;  mes  manières  font  auffi 
j>  empefées  que  le  rabat  d'un  jeune 
»  Abbé.  Je  ne  parle  que  comme 
30  les  Oracles  \  je  ne.crache  que  des 
«  Sentences  \  je  ne  ris  pas  plus 
a>  qu'un  Efpagnol.  Quelle  vie  ,  en- 
»>  core  un  coup  ,  que  celle  d'un 
n  homme  public  !  Je  ne  defefpcre 
»  cependant  pas  de  m'aller  dérider 
»  encore  une  lois  chez  vous.  Je  ne 
»  vous  dirai  point  dans  quel  rems  , 
>ï  je  n'en  fçai  rien  ,  6c  quand  je  le 
»  fçaurois ,  je  ne  vous  le  marque- 
»  rois  pas ,  pour  ne  nous  pas  déro- 
>»  ber  l'un  à  l'autre  le  plaifir  de  la 
»  iurprife. 


S    SÇAVANS, 

Lettre  k  Monfieur  B.***. 

»  Je  ne  l^ai  fi  vous  me  ferez  U 
"grâce  de  lire  ma  Lettre  ;  mais  je 
»fçai  bien  que  jefuis  trcshontcux 
»>  en  l'écrivant.  Qiic  direz-vous  de 
»  moi  j  que  j'aye  tant  tardé  à  vous 
»  remercier  de  vos  bontez  ?  Mais 
»  en  voici  la  raifon  :  Vous  f^avez 
»  que  je  me  propofois  d'aller  pafiet 
»  une  quinzaine  chez  notre  amie  la 
»  ComtefTe  de  B**.  De  jour  en  jout 
j»  je  me  fuis  flatté  de  pouvoir  exe- 
j'  cuter  mon  delTein.  Je  voulois  mê- 
«  me  vous  écrire  pour  vous  y  don- 
»  ner  rendez-vous.  La  gloire  m'a 
»  appelle  aiUeursi&voilà  c  •  qui  fait 
»  que  je  fuis  un  impoli.  Niais  de 
»  grâce  ,  ne  me  châtiez  pas  double- 
»  ment ,  en  ne  me  pardonnant  pas. 
»  Car  fi  vous  fçaviez  combien  j'ex- 
»  pie  ma  faute ,  votre  juftice  tour- 
»  neroit  en  pitié.  Figurez-vous  que 
»je  fuis  actuellement  entre  quatre 
«  montagnes;  dans  un  lieu  oh  il  y 
»  a  plus  d'animaux  que  d'hommes; 
i>  où  le  peu  d'hommes  qu'il  y  a  ,  ne 
»  font  que  des  figures  ébauchées ,  Sc 
>]  où  je  n'cfpere  pas  même  en  voit 
»  d'autres  d'un  bon  mois,  que  ceux 
»  qui  pourront  s'égarer.  Voilà  ^ 
»  Monfieur  ,  où  je  fais  mon  Carê- 
>5  me.  A  votre  avis,  eft-il  trop  doux? 
»  11  eft  vrai  que  j'ai  le  plaifir  de  fai- 
i>  re  efliiyer  mabile  à  une  trentai- 
i'  ncdeNonnettcs  que  je  querelle 
»  à  gogo  ,  &  qui  cependant  ne  laif- 
V  fent  pas  de  me  donner  autant  de 
»j  douceurs  que  je  leur  dis  de  véri- 
»  fez.  Car  ne  doutez  pas  que  le 
»  Caffc ,  le  Thé ,  le  Chocolat ,  les 


J  U   î  N 

MConfituïes  de  toute  efpece  ,  le 
»  bois  de  ccdre  dans  mon  feu,  l'eau 
.'■>  rofe  pour  me  laver  les  mains ,  le 
jj  poiiron  nourri  debifcuits ,  ne  me 
3»  foient  prodigués.  Mais  quand  je 
5>  rappelle  nos  Societez  de  Verfail- 
i>  les  ,  tous  ces  bonbons  font  chico- 
»  tin  pour  moi.  Plaignez-moi  donc 
»  un  peu ,  Monfieur  ,  &  fi  vous 
!>  vouliez  mériter  infiniment ,  ce 
S'  feroit  de  m'écrire  quelques  nou- 
»>  velles.  O  que  vous  feriez  aima- 
■->  ble  j  &  que  je  vous  aurois  d'obli- 
»j  gation!  Vous  me  rendriez  la  vie  en 
Mme  tirant  de  deux  grandes  in- 
»  quiétudes  ,  la  première  de  fçavoir 
»  fi  vous  m'aimez  encore  ,  ôc  la  fe- 
3>  conde  s'il  y  a  encore  des  hommes 
«dans  le  monde. 

Comme  ces  deux  Lettres  ne  font 
pas  bien  longues  ,  nous  avons  cru 
que  nous  pouvions  les  rapporter. 

Après  les  Lettres  fur  divers  fujcts 
viennent  deux  Epîtres  en  vers-  ; 
l'une  de  la  France  à  l'Efpagne  & 
l'autre  de  l'Efpagne  à  la  France  fur 
ia  mort  de  Monfeigneur  le  Dau- 
phin &  de  Madame  la  Dauphine  , 
arrivée  prefque  dans  le  même  tems. 
La  première  de  ces  deux  Epîtres  eft 
appellée  par  l'Auteur  une  imita- 
tion de  l'Epître  Latine  de  M.  Gre- 
nan  fur  le  mêmefujet ,  &  la  fécon- 
de ,  une  imitation  de  l'Epître  Lati- 
ne de  M.  d'Hérouville  fur  le  même 
fujet  encore.  Ceux  qui  ont  lu  les 
deux  Epîtres  Latines  verront  fi  les 
deux  Françoifes  dont  nous  allons 
feulement  rapporter  le  début ,  ré- 
pondent au  modèle  qu'on  s'eft  pro- 
pofé  d'imiter,  • 


Epître  de  la  Vramt  à  VEfpagne. 

Pardonnes  -  moi  ma  fœur  ,   fi  d'aucuns 
complimens 

Ne  font  accoinpagncs  mes  premiers  fen- 
tiinens  ; 

Pardonnez  fi  le  trouble  fi  les  larmes 

améres 

Qui  coulent  de  mes  yeux  fouillent  mes 
carafteres. 

Comment  en  bute  aux  traits  du  plus  crue! 
chagrin , 

Faire  parler  fon  caeur  &  conduire  fâ 
main  î 

Vous  le  fçavez  hélas  î  que  depuis  tant 
d'années , 

Je  fuis  le  trille  objet  des  dures  deftinées 

Que  les  fléaux  de  l'Olympe  irrité  contre 
nous , 

Par  la  faim ,  par  le  fer ,  ont  marqué  fou 
courroux , 

Qu'cnvieufe  des  droits  donnés  à  la  jeu» 

nelle  , 

La  Parque  m'a  ravi  l'objet  de.ma  ten- 
dreffe , 

Et  par  ce  premier  coup  de  fon  reflênti- 
ment. 

Peut  -  être  nous  punit  de  notre  attache- 
ment, 

Nous  l'avons  regretté ,  mais  vos  pleurs  & 
les  nôtres, 

N'ont  coulé  que  pour  faire  un  pafTage  à 
bien  d'autres  : 

Ce  premier  coup  de  foudre  ne  tranfîe 
tous  nos  cœurs 

Que  pour  les  préparer  à  mille  autres 
douleurs. 


Tel  eft  le  prélude  de  l'Epître 
que  le  Poëte  François  appelle  une 
imitation  de  celle  de  M.  Grenan^- 


338  JOURNAL    DES    SÇAVANSj 

voici  celle  de  l'Epître  où  il  prctcnd 
tout  de  même  avoir  imité  M.  d'Hc- 
rouvillc. 


Oui ,  ce  Prince  arraché  d'entre  les  bras 
du  tcms , 


Rèpotife  de  l'Efpagne  à  ta  France. 

Si  le  même  dellin  qui  m'apporta  vos 
larmes 

N'avoit  en  même  tems  augmenté  mes  al- 
iarmes , 

Je  ferois  mes  efforts   pour  calmer  vos 

ennuis  , 
Mais  le  puis-je ,  ma  fœur ,  dans  l'état  où 
je  fuis  , 

Et  ce  crêpe  commun  qui  couvre  nos 
empires , 

1,0^1  d'adoucir  nos  maux  j  ne  les  rend  il 
pas  pires  î 

Si  du  Juge  ofFenfé  le  trop  jufte  couroux 

M'eft  pas  affez  vangé  de  ces  deux  pre- 
miers coups  , 

Si  pour  nous  accorder  le  pardon  de  nos 

crimes , 

Il  exigeoit  le  fang  des  plus  grafles  vifti- 
mes> 

Dcoule,  j  e  le  vois,  qui  fumant  fiir  l'Au- 
tel, 

Fait  à  nos  cœurs  confus  un  reproche  éter- 
nel. 

Oui ,  ce  Dauphin  parfait  digne  fruit 
de  fes  pères , 

Qui  des  vertus  en  foi  portoit  les  cataftc- 
res. 

Qui  promettoit  un  règne  où  la  fàinte 
ferveur , 

La  probité  fans  fard,  la  bonne  foi ,  l'hon- 
neur, 

Les  Sciences ,  les  arts  afliiroient  à  la  Fran- 


De  former  dans  fon  fein  une  éKoite  al- 
liance J 


Avecque  notre  Automne  emporte  fon 
l-'nnteins. 

Pourquoi  nous  le  montrer ,  gnnà  Dieu  j 
ce  jeune  fage , 

Si  d'un  fi  beau  prefent  tu  retranches  l'ur 

fage  î 

Pourquoi  vers  le  matin  éclairer  une  Cour 

Que  tu  dois  éclipfer  vers  le  milieu  du 
jour? 

Je  le  dis ,  éclipfer.  Car  combien  d'heu- 
reux luilres 

Faut  -  il  pour  rallumer  l'efpoir  dont  tU 
nous  fruflrcs  ? 


En  voilà  fuffîfammenf  pour  met- 
tre ceux  qui  ont  lii  les  deux  excel- 
lentes Pièces  Latines  ,  en  état  de  ju- 
ger fi  on  en  a  imité  ici  la  délicatefTe 
&  l'élégance.  Car  les  vers  que  nous 
venons  de  rapporter  font  de  fidèles 
échantillons  des  autres  qui  les  fiji- 
vent. 

Au  refte  ,  comme  ce  font  ici  des 
Oeuvres  mêlées,  ilfaut  les  prendre 
comme  elles  fe  prefentent  6c  don- 
ner une  idée  de  chacune  pour  les 
faire  connoître  ;  c'eft  pourquoi 
nous  allons  continuer  comme  nous 
avons  commencé.  11  ^'agit  des  Re- 
flexions Morales  annoncées  dans 
le  tiue.  Elles  font  au  nombre  de 
quarante  ;  &  pour  ne  point  choifir, 
nous  rapporterons  les  huit  premiè- 
res. T 

Reflexions  Morales, 


»  Quatre  chofes  dans  la  vie  pcu- 

i>  vent  la  rendre  utile  Se  agréable  : 

a>  uo 


JUIN.    173;-      ,  35i> 

»  un  fond  de  Religion  ,  un  peu  de     »  fiance  ,  à  l'abri  de  cette  inquié 


»  Philofophie  ,    certain  ufage   du 

»  monde  ,  &  une  aifance  bornée. 

M  La  Religion    nous   fait  regarder 

»comme  necelTaircs  les  peines  atta- 

»  chées   à  la  condition   mortelle. 

»  La  Philofophie  nous  fait  raifon- 

»>  ner  ,  nous  rend  fupérieurs  à  mille 

"évenemens.    L'ufage  du    monde 

»  nous  foûmettant ,  nous  empêche 

,   "de  paroître  auftéres  &  incommo- 

»  des.    Enfin  ,    l'aifance  bornée  , 

»  c'eft-à-dire  ,  celle  qui  tient  le  mi- 

»  lieu  entre  la  pauvreté  &  l'abon- 

"dancc  ,  nous  met  d'un  côté  à  l'a- 

"  bri  de  la  crainte  du  necelTaire  ,  8c 

M  nous  délivre  de  l'autre ,  des  tour- 

»>  mens  attachés  aux  grandes  places 

»  &  aux  grandes  richeffes. 

Quand  l'Auteur  dit  ici,  que  le 
milieu  entre  la  pauvreté  Se  l'abon- 
dance met  à  l'abri  de  la  crainte  dit 
neceffkïre  ,  nous  ne  croyons  pas 
qu'il  foit  befoin  d'avertir  qu'il 
veut  dire  fans  doute ,  que  ce  milieu 
met  <i  l'abri  de  la  crainte  de  manqHer 
du  neceffaiie. 

II. 

»  L'homme  fe  propofe  dans  fa 
»  conduite  mille  différentes  fins , 
»  félon  les  differens  caratfteres  dont 
»  la  nature  l'a  pétri.  Pour  moi ,  je 
«  n'en  crois  point  de  plus  digne  de 
»  l'homme  raifonnable  &  de  l'hon- 
n  ncte  homme  ,  que  la  focieté  & 
M  l'honneur.  Vivre  Amplement 
M  n'appartient  qu'à  l'animal  que  la. 
»  comparaifon  que  fon  Créateur 
»  fait  de  lui  avec  les  oifeaux  du  ciel, 
»  doit  mettre  à  l'égard  de  fa  fubfi- 


tude.  Mais  vivre  dans  une  belle 
■»  focieté  ,  être  aimé  dans  cette  fo- 
ra cieté  ,  être  aimé  d'un  amour  fon- 
"dé  fur  l'eftime  ;  voilà  ,  s'il  en  peut 
"être,  un  plaifir  parfait. 

IIL 

»  La  Religion  dans  le  monde  eft 
»  ce  qui  eft  le  plus  necelfaire  ,  ce 
»  qui  s'acquiert  plus  difficilement, 
»  &  ce  qui  fe  perd  plutôt. 

IV. 

»  La  Religion  &  l'éducation  font 
»  deux  grandes  reffources.  La  jeu- 
»  neffe  s'écarte  ,  &  c'eft  un  privilé- 
»  ge  qu'on  ne  peut  prefquc  pas  lui 
j>refufcr-,  mais  quand  elle  a  eu  de 
»  l'éducation ,  &  que  la  Religion 
»  en  a  tait  partie  ,  tôt  ou  tard  elle 
»  revient  de  fes  égaremens. 


"  Le  Bigotifme  &  le  débordc- 
»  ment  font  deux  extrêmes  diffici- 
»  les  à  mettre  en  règle.  Cependant 
»  le  premier  fe  rend  plutôt  que 
»  l'autre.  Pourquoi  cela  ?  c'eft  que 
M  l'homme  ayant  une  pente  natu- 
»  relie  au  relâchement ,  il  eft  plus 
»  facile  de  le  faire  defcendre  de 
»  l'extrémité  refferrée,  dans  le  mi- 
»  lieu  où  règne  la  vertu  ,  que  de  l'y 
»  faire  remonter  de  l'extrémité  re- 
»  lâchée. 

VL 

»  Les  Beautez  Evangeliques  & 
»  Académiques  font  également  di- 
)♦  gnes  de  nos  admirations.  La  feule 


^40        JOURNAL    DE 

i>  différence  qui  cftcntie  elles  (  dit- 
M  ference  qui  elt  un  attvait  pour 
»  ceux  qui  Tout  une  tois  fcnti;  c'ell 
»  que  les  Bcautcz  Académiques 
»  charment  l'efpTit ,  au  lieu  que  les 
M  Beautez  Ev.ingeliques  le  char- 
V  ment  tout  cnfemblc  &  le  con- 
»  tentent. 

VII. 

»Rien  n'eft  plus  commun  au- 
jj  jourd'hui ,  où  la  corruption  eft 
»  prefque  générale  ,  que  d'entendre 
»  crier ,  avec  ces  termes  adoptés 
»>  d'un  Payen  ,  ô  tempora  ,  ô  moyes  1 
:>  ô  tems  ,  ô  mœurs  corrompues  ! 
«  Cependant  rien  n'eft  moins  rai- 
.»  fonnable  dans  la  bouche  des 
^  Chrétiens.  Les  Payera  n'ctoient 
»  pas  initiés  au  myftere  du  petit 
»  nombre  des  Elus ,  &  pouvoient 
!>  être  furpris  de  voir  le  nombre  des 
u  méchans  furpalTer  celui  des  bons. 
»  Mais  pour  nous,  qui  avons  tous 
»  les  jours  à  la  bouche  ,  &  qui  abu- 
j>  fons  même  fouvent  de  cet  ada- 
»  ge  Evangelique ,  beaucoup  d'ap- 
»  pelles  &  peu  d'élus  ,  loin  de  di- 
»  re  ,  ô  tems ,  ô  mœurs  !  Eciions- 
j>  nous  plutôt ,  ô  probité  ,  ô  Reli- 
«  gion  l 

VIII. 

M  Rien  n'eft  plus  commun  dans 
»le  monde  ,  que  ce  difcours  :  cet 
j>  homme  n'a  point  d'cfprit.  Propo- 
M  fition  faufle  ,  s'il  en  fut  jamais  ; 
»  car  quelle  différence  y  a-t-il  entre 
5>  l'efprit  &  l'ame  î  Tout  homme  a 
»  une  ame ,  tout  homme  a  donc  de 
»  l'efprit.  ïi  eft  vrai  qu'il  paroît 
»  moins  dans  les  uns  que  dans  les 


S    SÇAVANS; 

»  autres  ;  mais  c'cft  par  la  même 
uraifon  qu'une  bougie  brille  plus 
»  dans  une  lanterne  bien  percée 
»que  dans  une  autre  qui  l'cft 
n  moins.  C'eft  par  nos  organes  que 
»  s'explique  notre  efprit.  Sont-ils 
»  bien  difpofés  ?  Nos  lumières  in- 
Mterieures  s'élancent  mieux  aude- 
»  hors.  Sont-ils  mal  affeclés  ;  Ces 
»  mêmes  lumières  font  captivées. 
»  Donc  ,  pour  parler  plus  juftc ,  au 
«  Leu  de  dire  :  cet  homme  n'a 
»  point  d'efprit  :  il  vaudroit  mieux 
M  dire  :  cet  homme  ne  montre 
»  point  d'cfprit. 

Selon  cette  reflexion  de  notre 
Auteur,  il  ne  faudra  plus  dire  d'un 
poltron  :  qu'//  n'a  point  de  cœur  ., 
mais,  qu'/7  ne  montre  point  de  caur; 
ni  d'un  homme  dur  &c  impitoya- 
ble, qu'//  n'a  point  d'entratlles^  mais 
qu'//  ne  montre  point  d'entrailles. 

Nous  fommes  en  rcfte  de  trois 
articles  de  ce  Recueil  :  l'un  eft  une 
Ode  fitr  les  défauts  ejui  triomphent 
de  la  mort  de  M.  Defpreaiix,  l'autre 
une  Ode  contre  la  Fortune ,  Se  le  der- 
nier, un  Traité  de  la  manière  déju- 
ger des  Ouvrages  d'efprit. 

Voici  quelques  exemples  des  uns 
ic  des  autres. 

Les    deffauts  qui    triomphent 

Dï  LA  MORT  DE  M.  DeSPREAUX. 

ODE. 

Erreur ,  abus ,  dérèglement , 
Triomphez  :  fous  ce  monument 
Gift  votre  (ëvereAriftarquc, 
Les  venus  en  portent  le  deuil» 


JUIN 

Mais  vous  venez  à  fon  cercueil , 
Pour  en  féliciter  la  Parque. 


;  i75i. 


341 


Le  vice  d'un  pas  chancelant , 
N'avançoit  encor qu'en  tremblant, 

Tant  il  redoutoit  la  Satyre  ; 
Mais  aujourd'hui  qu'il  eft  fans  frein , 
Et  que  le  cœur  s'y  ftnt  enclin , 
Jugez  s'il  ne  fera  pas  pire. 

Nous  nous  contenterons  de  ce 
début ,  pour  venir  à  celui  de  l'Ode 
contre  la  Fortune. 

Contre  la  Fortune. 

ODE. 

O  caprtcieufè  Fortune  ! 

Te  jouras  -  tu  toujours  de  moi  ; 

N'ai-je  donc  pas  afTcz  fléchi  deffous  ta 
loi. 

Sans  encor  me  chercher  rancune. 

De  jours  bons  Se  mauvais  eft  chargé  mon 
fufeau , 

Ma  vie  échape  à  peine  au  fimefte  cifêau  ; 

De  ces  affaults ,  cruelle ,  hé ,  n'es-tu  pas 
contente  î 

Tu  troubles  des  momens  autant  rares  que 
chers , 

Et  de  ta  laain  dure  &  pefance 
Tu  me  fais  fcntir  le  revers. 

On  peut  par  ces  deux  débuts  ] 
juger  furement  des  deux  Odes. 
Nous  palTons  au  dernier  article  du 
Recueil. 


Ds  la  manière  de  juger  des  Ouvrages 
d'efpnt. 

Parnîi  une  foule  de  préceptes  gé- 
néraux &  univcrfellement  con- 
nus que  l'Auteur  donne  pour  ju- 
ger fainemenr  des  Ouvrages  d'cf- 
prit  les  plus  confiderabics  font 
ceux  -  ci ,  que  nous  rapporterons 
feulement  pour  faire  voir  de  quel 
caraiflcrceft  ce  Traité. 

"  Pour  bien  juger  des  Ouvra<Tes 
■n  d'efprit  il  faut  en  fçavoir  les  re- 
«gles  :  &  pour  en  convaincre,  je 
»  n'ai  bcfoin  que  d'une  comparai- 
n  fon  :  Que  penfericz-vous  d'un 
"  homme  qui  fe  ferviroit  de  la  mê- 
»  me  pierre  de  touche  pour  con- 
»  noître  tous  les  Métaux?je  le  traite 
j>  rois  de  ridicule  ,  direz- vous.  Hé 
»  bien  il  en  eft  de  même  d'un  cen- 
>j  feur  qui  venant  de  juger  d'un 
il  Ouvrage  grave  ,  épuré  ,  concis , 
»j  juge  dans  le  même  efprit  une  Pie- 
»  ce  familière  ,  enjoiiée ,  champê- 
»  tre  i  on  connoît  aifément  que  le 
»>  ridicule  eft  le  même. 

35  Un  abus  qui  eft  prefque  infépa- 
»  rable  des  jugemens  critiques  , 
»  c'eft  le  fiel  &  l'aigreur.  On  ne  fe 
»  contente  pas  de  fe  recrier  fur  des 
»  défauts  tant  réels  qu'imaginaires, 
»  on  aflaifonne  encore  fa  décifion  , 
wde  paroles  aigres  &  partiales.Quel- 
»  que  exprelïîon  qui  fouffre  un  dou- 
M  ble  fens ,  eft- elle  échappée  dans 
»  un  Ouvrage  ?  auflî-tôt  elle  eft  mal 
»  interprétée ,  on  accufe  l'Auteur 
»  àc  Novateur  ,  quelquefois  même 
»  de  SeSiaire  :  quelle  paftioii  ! 

Au  fujet  de  ces  termes  :  on  accnfi 
Yyij 


ES    SÇAVANS, 

au  bcfom  ,  fabriquer  de  nouvelles 
cxprcirions  ;  Que  cette  hanlicirc 
rend  les  Langues  riches  &c  fécon- 
des ,  Si  que  CCS  expreflîons  acqué- 
rant à  force  de  tems ,  les  droits  de 
l'ufagc  ,  prennent  infenfiblemcnt 
place  dans  te  DialeHe. 

Nous  doutons  que  l'cxprelfion 
dont  il  s'agit ,  &  quelques  autres 
que  nous  palfons  ,  foicnt  de  ce 
nombre. 


542         JOURNAL    T> 

l'y^uteur  de  Nov.uatr  ^  cjuel^uefois 
même  deScH-iire^  nous  remarquerons 
qu'il  y  a  dans  ces  Oeuvres  mêlées 
un  grand  nombre  d'cxprcllions  qui 
ne  paroiflcnt  pas  moins  fingulieres 
que  celle-là-,  mais  nous  obfcrvcrons 
en  même  tems  ,  &  nous  finirons 
par-là  notre  Extrait ,  que  l'Auteur, 
pag.  401.  de  ce  même  Traité  de  la 
manière  de  juger  des  Ouvrages  d'ef- 
frit ,  dit  :  Que  les  grandes  plumes 
&  les  perfonncs  de  goût  peuvent 

fANECrRlQVE  DB  SAINT   FRANC^OIS  D'ASSISE  ; 

prononcé  dans  i' Eglife  du  grand  Couvent  des  RR.  PP.Cordeliers  de  Paris ^ 
le  4°  OElobre  173  2.  Parle  P.  Poijfon  ,  Cordelier  ,  Prédicateur  ordinaire  du 
Roi ,  ExdéfinitcHr  Général  de  tout  l'Ordre  de  S.  François  ,  ancien  Pro- 
vincial &  premier  Père  de  la  grande  Provime  de  France  ,  &c.  A  Paris  , 
chez  Jean-François  Jo/7?,  rue  S.  Jacques ,  à  la  Fleur  de  Lys  d'or.  1735. 
groffe  Broch.  /«-4".  pp.  1 14.  y  compris  la  Préface  qui  eft  de  12  pages. 


CEUX  qui  aiment  dans  un 
Difcours ,  les  nombreufes  & 
amples  citations ,  trouveront  dans 
celui  ci ,  de  quoi  fatisfaire  plcme- 
jncnt  leur  goût.  Auteurs  Propha- 
nes.  Pères  de  l'Eglife  ,  Ecrivains 
Ecclefiadiqucs ,  Poètes ,  Orateurs, 
Pbilofophes ,  rien  n'efl  épargné  ,  & 
on  peut  dire  que  le  Père  PoifTon 
-déployc  ici  toutes  les  richefles  de 
fes  Recueils  en  faveur  de  Saint 
François. 

Une  Préface  de  douze  pages 
/«-4°.  eft  employée  à  l'Apologie  de 
cette  Méthode  \  ôc  pour  ce  qui 
concerne  les  citations  profanes  , 
l'exemple  de  S.  Paul  qui  cite  quel- 
ques Poètes,  n'eft  pas  oublié  dans 
cette  même  Préface  ,  non  plus  que 
celui  des  Pères  de  l'Eghfe  qui  n'ont 
pas  appréhendé  de  recourir  en  cer- 


taines occafions,à  de  fcmblabies  au- 
toritcz. 

Ce  que  notre  Auteur  ajoute  de 
plus,  pour  fermer  la  bouche  à  ceux 
qui  ne  veulent  pas  qu'on  rcmpUlfe 
de  citations  profanes ,  les  difcours 
Evangeliques,  eft  digne  de  remar- 
que :  c'eft  que  J.  C.  donne  quelque- 
fois la  Geniilité  en  fpeSlacle  à  fes  Dif- 
ciples  ,  ijuil  leur  en  rappelle  certains 
traits  ,  certains  exemples ,  &  cjue  pour 
premier  degré  de  doEirine  avant  de  les 
élever  jiifijii' à  la  hauteur  de  fes  Com- 
mandemens ,  &  à  la  fciince  divine  de 
fa  révélation  ,  il  leur  demande  :  eft-ce 
^ue  les  Puhlicains  ne  font  pas  ces  cho- 
fes  ?  Eji-ce  tjue  les  Payens  no  les  oh  - 
fervent  pas  ?  Nonne  &  Pnblicani 
hocfaciimt  ?  Nonne  &  Ethnicihoç 
faciunt  ? 

Quant  aux  Pcrcs  de  l'Eglifc ,  le 


.       J  u  I 

p.  PoKTon  dit  qu'il  a  cru  pouvoir 
les  citer  dans  ce  Panégyrique ,  pnf- 
çjue  avec  la  même  profufon  qu'il  a 
refolu  de  les  citer  à  l'avenir  dans  fes 
autres  Sermons  ;  il  prétend  o  Qiie 
»  par  de  telles  citations  on  abrège 
»  à  ceux  qui  entrent  dans  lacarrie- 
»re  Apoftolique,  le  tems  des  re- 
30  cherches ,  &  que  tandis  qu'on 
7>  inftruit  les  peuples  on  a  l'avan- 
i>  tage  de  former  des  élevés  ,  en 
»  leur  mettant  fous  les  yeux  ,  félon 
H  l'arrangement  des  fujets ,  tout  ce 
»  qui  doit  être  tiré  des  Saints  Pcrcs 
»  fur  chaque  matière. 

On  voit  par-là  que  le  P.  Poiflon 
fe  propofe  de  fournir  aux  com- 
mençans  un  riche  amas  ,  &  pour 
ainfi  dire ,  un  tréfor  de  citations  où 
ils  puiiïcnt  trouver  commodément 
toutes  les  autoritez  dont  ils  auront 
befoin.  A  l'égard  de  la  Pièce  pre- 
fcnte ,  il  auroit  pu ,  pour  fe  rendre 
en  cela  plus  utile  aux  élevés  qu'il 
veut  former ,  &  leur  épargnc-r  tou- 
te peine  ,  joindre  à  fon  difcours 
une  table  de  citations  par  ordre  des 
matières. 

C'eftl'ufage  chez  les  Auteurs  qui 
remplirent  de  paffages  leursLivres, 
de  mettre  à  la  fin  ou  au  commence- 
ment de  ces  Livres ,  une  Lifte  Al- 
phabétique des  Auteurs  cités  ;  une 
îemblable  Lifte  ne  feroit ,  ce  fcm- 
ble ,  pas  mal  convenue  à  la  fin  ou 
au  commencement  de  cet  éloge  de 
S.  François. 

Quoiqu'il  en  foit ,  le  P.  Poiftbn 
11 'oublie  rien  de  tout  ce  qu'il  croit 
propre  à  juftifier  les  longues  & 
rombreufes  citations  qui  accompa- 
gnent le  Panégyrique  dont  nous 


allons  rendre  compte  ;  &:  pr.r  rap- 
port à  celles  des  Philofophes 
Payens  ,  il  s'aiitorifc  même  là-def- 
fus  ,  d'un  difcours  de  Clément  XI. 
dans  lequel  ce  Pape  ,  en  parlant  de 
Louis  Xl'V.  fans  néanmoins  rappor- 
ter aucun  paflage  de  Philofophes  , 
dit  que  Louis  Xl'V.  a  fait  paroître 
par  fa  conduite  plus  de  mépris  peut 
la  mort,  que  n'en  ont  témoisné 
par  tous  leurs  Ecrits  pompeux  ,' 
les  plus  grands  Philofophes  de  l'an- 
tiquité. 

Ces  feules  paroles  font  dire  au 
P.  PoilTon  ,  6c  c'eft  parla  qu'il  finit 
fa  Préface  •,  Que  la  fiiitjji  délicate ffe 
s'anéantit  fur  lis  citations  des  Philofg- 
p'hes  ,  (jftand  on  voit  cjitnn  de  nos 
plusfçavans  Papes  les  citoit  il  y  a  peu 
d'années  ,  en  prefence  du  facré  Collè- 
ge ,  dans  l'éloge  magnifique  ejuil  fit  de 
Louis  XIV.  k  l'endroit  même  ou  il  ad- 
miroit  la  venu  héroïque  &  toute  chré- 
tienne de  ce  grand  Roi. 

Muni  de  ces  exemples  ,  le  Pané- 
gyrifte  vient  à  l'Eloge  de  S.  Fran- 
çois d'Affife  ,  &  s'en  acquitte  d'une 
manière  qui  ne  dément  en  rien  le 
Syftême  de  fa  Préface. 

Il  prend  pour  Texte  les  paroles 
fuivantes,  tirées  du  onzième  Chapi- 
tre de  l'Ecclefiaftique  ,  vevf  12,15. 
Eft  homo  mc.rcidus  egens  recuperatio- 
ne  ,  plus  deficiens  virtute  ^  &c.  C'eft- 
à-dirc  :  où  voit-on  un  homme  langmf- 
fant ,  dans  un  befioin  de  toutes  chofes  ^ 
dam  là  défaillance  ,  &  dans  l'extrê- 
me pauvreté  :  cependant  l'œil  de  Dieu 
regarde  ce  pauvre  avec  complaifance  , 
le  tire  de  fon  humiliation  ,  l'élevé  en 
honneur  \  plufieurs  font  furpris  d'ad- 
miration en  le  voyant  ^  &  en  rendenc 
gloire  à  Dieu. 


544  JOURNAL    D 

Ces  paroles  donnent  lieu  au  Perc 
PoifTon  de  comparer  S.  François  à 
J,  C.  naiflant  &  à  J.  C.  immole,  &c 
de  dire  que  les  traits  frappans  de  l'o- 
riçhiiil,  furent  exprimés  dans  la  cepie: 
Que  François  d'Affife  ,  choilî  pour 
accréditer  dans  l'Univers  par  fon 
exemple ,  la  pauvreté  del'étable  & 
la  moititîcation  du  Calvaire  ,  réu- 
nit en  lui  l'indigence  du  Dieu  ca- 
ché dans  la  Crcche  ,  &  les  playes 
du  Dieu  expirant  fur  la  Croix  :  cela 
fuppofé  ,  il  prétend  que  l'Ecrivain 
infpiré  envifageoit  François  à  tra- 
vers i'obfcuritc  des  tems  futurs  , 
quand  il  s'écria  :  on  voit  un  homme 
langmjjant ,  dans  un  befoin  de  toutes 
chofes ,  dans  la  défaillance  &  dans 
l'extrême  pauvreté  ,    &c. 

Le  Panégyrifte  ,  après  diverfes 
réflexions  fur  ce  fujet ,  fait  remar- 
quer dans  S.  François  d'Affife  une 
pauvreté  optdente  ,  &  une  pénitence 
glor'teufe ,  un  homme  qui  au  centre 
de  la  pauvreté  cft  plus  révéré  t^ue  les 
riches  ,  plus  heureux  que  les  riches  , 
plus  di flingue^  plus  puijfant  que  les  ri- 
ches ;  un  homme  qui  au  milieu  de 
la  pénitence  eft  plus  recherché  que 
les  grands ,  plus  élevé  en  honneur  que 
les  grands  ;  qui  fe  montre  avec  plus 
d' autorité  fur  la  cendre  ,  que  les  Prin- 
ces fur  le  Trône  ;  Qjti  efl  plus  refpeBé 
(ouvert  d'un  cilice  ,  que  les  Rois  parés 
de  leur  pourpre  ,  &  le  rcfte  qu€ 
nous  paiTons  pour  venir  à  la  divi- 
fion  du  difcours  :  il  eft  partagé  en 
deux  points.  Dans  le  premier  ,  le 
P,  Poiflbn  rcprcfcnte  avec  quelle 
complaifance  Dieu  regarda  la  pau- 
vreté de  S.  François  ;  &  dans  le  fé- 
cond ,  avec  quelle  diftinSlton  Dieu 


ES    SÇAVANS, 

illitfira  lu  pénitence  de  S.  François. 

Le  premier  Point  commence 
ainfi  :  »  La  pauvreté  ni  l'opulence 
»  ne  font  en  elles  mêmes  ni  des 
»  vertus  ni  des  vices.  La  fcve  qui 
i>  n'eft  encore  que  dans  le  tronc  des 
«arbres  ,  eft  indifférente  à  tous  les 
)>  fruits  ,  &c  ne  choifit  les  efpeces 
»  qu'en  entrant  dans  les  canaux  dé- 
»  liés  des  entes  &  des  greffes ,  à  peu 
»  près  comme  une  eau  docile  qui 
»  fuit  la  pente  qu'elle  trouve  ,  &C 
»  qui  eft  limpide  ou  limonneufe, 
1)  félon  le  terrain  qu'elle  arrofe.  S'J 
»  eft  écrit  :  le  Seigneur  eft  le  refu- 
>>  ge  du  pauvre  ,  le  S.  Efprit  ajoute: 
»  je  hais  un  pauvre  fuperbe  ;  Sc 
u  quand  il  dit  :  heureux  eft  le  riche,' 
»  il  parle  du  riche  qui  eft  fans  tache 
»  &  qui  n'a  point  mis  fon  efperan- 
»  ce  dans  les  tréfors.  Ainfi  Tindi- 
»  gence  &  les  richefles  deviennent , 
»  félon  le  penchant  qu'elles  trou- 
3>  vent  dans  notre  cœur  ,  &i  félon  le 
»  rang  qu'elles  y  prennent ,  un 
î3  des    grands   biens  ,   ou  un  des 

»  grands  maux  des  hommes 

»  Il  n'y  a  que  le  double  efpri:  d'E- 
»  lie  ,  l'efprit  de  pauvreté  ,  &  la 
»  pauvreté  d'efprit  .  vertus  diffe- 
n  renciées  avec  juftefle  par  les 
.jfaints  Pères  ,  qui  puiflent  les 
n  tourner  en  mérite. 

La  pauvreté  ni  l'opulence  ,  vient 
de  dire  le  P.  Poiffon,  ne  font  en  elles- 
mêmes  m  des  vertus  ni  des  vices  :  Il  ci- 
te fur  ces  paroles ,  divers  paffagcs 
de  S.  Ambroifc  ,  de  S.  Auguftin  , 
de  S.  Bernard  i  &  fur  celles  ci  :  lu 
fève  qui  n'eft  encore  que  d>ins  le  trons 
de  l'arbre  ejl  indifférente  a  tous  les 
fruits ,  il  en  rapporte  plufieiirs  de 


JUIN 

Pline  le  Naturalifte  au  fujct  des  en- 
tes &  des  greffes ,  &  même  quel- 
ques-uns de  S.  Bernard  &  de  S.  Jé- 
rôme. A  l'égard  de  Pline  ^  il  cite 
celui-ci  du  Livre  i6.  chap.  43.  Hac 
prima  origo  liis:urï&  arborem  alla  inte- 
gi;  puis  cet  autre  du  Livre  17.  chap. 
19.  eji  ct'iAm  nova  inferendi  ratio .  .  . 
ColuKciU  excogitata,  ut  affirmât  ipfe, 
^nâ  veL  diverfa  infociabilepjHe  fiatit- 
r<s  iirborum  copnUKtnr  ,  Ht  fici  at^ne 
elcx  i  il  cite  enfin  cet  autre  du  mê- 
me Livre  de  Pline  chap.  \6.  au  fujet 
d'un  arbre  qui  par  le  moyen  de  di- 
vers entes  qu'on  y  avoit  laits ,  étoit 
chargé  de  noix  fur  une  branche  -, 
d'autre  menu  fruit  fur  une  autre  ; 
de  raifins  fur  une  autre  -,  de  figues , 
de  poires ,  de  grenades  ,  fur  d'au- 
tres ,  &c.  Tôt  modis  infttam  arborent 
vidimus  juxtA  Tiburtes  Ttdias ,  omni 
génère  pomomm  onujlam .,  alto  ramo 
mtcibus  ,  aho  buccis  ,  aliunde  vite  , 
ficis ,  pyris ,  pMiicis ,  mdorumqHe ge- 
nerihus. 

Quant  aux  paroles  de  Pline ,  ci- 
tées en  premier  lieu  ,  fçavoir ,  Hm 
prima  origo  luxuria  arborem  aliâ  inte- 
gi ,  quelques  Ledeurs  ne  manque- 
ront pas  de  dire  qu'il  ne  s'y  agit 
nullement  des  entes  ni  des  greffes , 
&  que  Pline  y  parle  feulement  de 
cet  art  que  le  luxe  a  inventé ,  de 
faire  des  ouvrages  de  bois  incruftés 
&  recouverts  de  lames  minces  d'au- 
tres bois ,  appliquées  &  collées  par 
deffus ,  ce  qu'on  appelle  placage  ; 
mais  ce  n'elî  pas  à  nous  à  entrer 
dans  cet  examen  ;  ceux  qui  en  fe- 
ront curieux-peuvent  confulter  Pli- 
ne même  dans  le  chapitre  cité  , 
l'examen  eft  facile  à  faire  ,  il  n'en 


coûtera  que  quatre  lignes  de  levu- 
re. 

Pour  ce  qui  cft  de  la  pauvreté  d'ef- 
pnt^  combien  de  palTiiges  de  Pcrcs  , 
le  P.  PoilTon  ne  cite-t-il  point  à  ce 
fujet  ?  Mais  ne  perdons  pas  de  vûë 
S.  François  :  l'Orateur  par  le  début 
que  nous  venons  de  copier,  s'ouvre 
un  vafte  champ  pour  l'éloge  de  fon 
Héros.  Nous  nous  bornerons  à  l'ar- 
ticle de  la  pauvreté. 

Dieu  ,  dit  le  P.  Poiflon  ,  rendit 
la  pauvre  lé  de  S.  François  ^  fai7Ue  ^ 
confolatite  &  heureufe  ,  glorieiife  & 
pmjfatrte  ,  héroicjue  &  privilégiée. 

Epaminondas  Capitaine  Thé- 
bain  qui  voulut  vivre  &  mourir 
dans  l'indigence  cfl  cité  ici  par  le 
Panégyrifte ,  pour  faire  voir  qu'une 
pauvreté  éclatante  n'eft  pas  tou- 
jours une  pauvreté  fainte  ,  qu'il  y 
a  eu  des  pauvres  par  goût  ,  des 
hommes  dédaigneux  pour  l'opu- 
lence ,  &  qui  méprifoient  les  ri- 
chefles  de  la  terre  fans  attendre  que 
le  Ciel  leur  tînt  compte  de  ce  mé- 
pris. Fabius  &  Fabricius  ,  illuftres 
Romains  (î  connus  par  leur  mépris 
pour  les  richcffes  font  cités  ici  tout 
de  même  ,  aufTi-bien  que  le  célèbre 
Quintius  qui  eft  rappelle  au  Con- 
fulat  lorfqu'il  conduit  fa  charue  & 
qui  revient  de  la  didature  au  labou- 
rage i  exemples  fameux  dont  le  P, 
Poiffon  fait  ufagc  pour  relever  la 
pauvreté  de  S.  François ,  &  mon- 
trer combien  elle  l'emporte  en  mé- 
rite fur  celle  de  ces  grands  hom- 
mes de  l'antiquité.  Un  ample  pafTa- 
ge  de  S.  Chryfoftome  ,  un  autre  de 
l'Hiftorien  Juftin ,  un  autre  de  Sal- 
vicn,  confirment  la  remarque  du 


54<? 


JOURNAL  D 


Panégyrifte.  Aurclius  -  Vidor  , 
M.  tfcTourrcil,  M.  Boiruct ,  Vir- 
gile ,  Scncqiie ,  Si.  grand  nombre 
d'autres  Auteurs  font  aullî  produits 
en  témoignage  par  le  P.  PoilTon. 

François  montre  une  pauvreté 
tout  à  la  fois  fainte  &  éclatante  , 
SAINTE,  dit  le  P.  Poison,  parce 
qu'elle  eft  encore  plus  le  choix  de 
la  vertu ,  que  celui  de  l'inclinationi 
ECLATANTE  ,  parce  qu'il  en 
fait  un  vœu  folcmncl  Se  un  état 
marqué  :  SAINTE.  ,  parce  qu'il 
l'embrafic  plus  par  amour  pour  la 
perfecl:ion ,  que  par  dédain  pour  les 
richelTes  :  ECLATANTE  ,  parce 
qu'elle  le  dépouille  avec  célébrité  : 
SAINTE,  parce  qu'elle  eft  infpirée 
par  l'Evangile  :  ECLATANTE  , 
parce  qu'elle  eft  accompagnée  de 
merveilles  :  SAINTE  ,  parce  qu'el- 
le mérite  la  complaifance  du  Ciel  : 
ECLATANTE  ,  parce  qu'elle  eft 
révérée  fur  la  terre  :  SAINTE,  par- 
ce qu'elle  eft  humble  Se  modefte  : 
ECLATANTE  ,  parce  qu'elle  eft 
ferme  &  invincible  :  SAINTE  , 
parce  qu'elle  eft  l'ouvrage  de  la  grâ- 
ce: ECLATANTE,  parce  qu'elle 
va  triompher  de  la  nature. 

Il  eft  aifé  de  voir  où  cela  mené  le 
p.  Poifton.  Nous  pourrions  nous  en 
tenir  là  ;  mais  nous  rapporterons 
un  exemple  de  ce  qu'il  dit  de  l'en- 
treprife  de  Saint  François  pour  la 
conftruclion  de  l'édiiîce  de  S.  Da- 
mien  ,  &  pour  l'établilTement  de 
l'Ordre  qu'il  a  fondé. 

»  Pauvreté  glorieufe  !  j'entends 
»  l'ordre  du  Ciel  pour  reparer  un 

»  Temple  ruineux C'eft  à 

»  François  que  la  voix  fortie  du 


ES  SÇAVANS, 

"  Crucifix  a  commandé  de  rétablir 
»  le  Temple  ....  Admirons  un 
»  pauvre  qui  s'encourage  à  la  vue 
"  du  vafte  Editîce  de  S.  Dainicn  , 
»  qui  en  confidcre  les  ruines ,  qui 
»  en  fonde  les  fondemens  ,  qui 
3>  tient  en  main  la  truelle  pour  rc- 
»  parer^ou  le  pic  pour  abattre. Nou- 
»  vel  AMPHION,  non  Meilleurs, 
«  il  n'y  a  rien  ici  de  la  Fable  ,  Uni- 
»  que  Amphion  ,  qui  remue  les  pier- 
»  res,  qui  les  élevé,  quilcsconduk 
»  6.C  les  place  à  fon  gré  ,  bien  plus 
»  par  la  vertu  de  fcs  prières  fervcrir 
»tes,  que  par  la  force  de  fcs  bras 
»  endurcis. 

Ce  feroit  trop  nous  écarter  de 
l'cfprit  du  Pcre  Poifton  ,  que  d'o- 
mettre ici  les  citations  qu'il  em- 
ployé pour  faire  connoître  ce  que 
c'étoit  qa'  Amphion.  11  cite  fur  ce 
fujet,S.  Clément  d'Alexandrie  qui 
dit  qu'AmphîonThébain, Se  Arion 
de  la  Ville  de  Méthymne  ,  étoient 
deux  perfonnages  habiles  dans  l'arc 
de  chanter,  &  que  l'un  &  l'autre 
ont  donné  lieu  à  la  Fable  ;  il  cite 
Caffiûdore  qui  écrit  qu'Ainphion- 
Durcéen  joiiant  d'un  Inftrument 
à  cordes ,  éleva  les  murs  de  Thé- 
bes.  Si  fit  tant  par  fes difcours  qu'il 
reveilla  de  leur  aftbupiftement  & 
de  leur  parefte  ,  des  gens  oilifs  Sc 
fans  acl;ion ,  qui  étoient  immobiles 
comme  des  pierres  ;  il  cite  Frécul- 
fus  Evéque  de  Lificux  ,  qui  die 
qu'Amphion  regnoit  à  Thébcs ,  Se 
a  palfé  pour  un  homme  qui  taifoit 
mouvoir  les  rochers  au  fon  de  fa 
Harpe  ■■,  il  cite  ces  vers  traduits 
d'Euripides  : 

VenerH»t 


1 


JU  I 

Venerunt  cœlefles  DU  ,    Chharat^ne 
mœnia  Th:burnm  ^ 

/imphiofiiàjite  à  Lyrà. ,  Turris  fiir- 
rexit. 

Il  cite  ceux-ci  de  l'Art  Poétique 
d'Horace  : 

J):&iis  &  '^mfhion  ThebariA  concUtor 
Arcis 

Sa.va  movere  fono  Tefludinis,  &  pr£- 
ce  blandâ 

Dttcere  ij/ito  vellet. 

\\  cite  Origcne  ,  Ladance  ,  Pla- 
ton ,  Ciceron  ,  Virgile,  Sénéque 
le  Tragique  ,  Pline  le  Naturalilte  , 
Plutarque  ,  Macrobe  ,  &c. 

Et  afin  qu'on  puifle  trouver  fure- 
ment  tous  les  endroits  qu'il  mar- 
que,  il  fpcciiîe  comme  dans  toutes 
les  autres  citations ,  le  Tome  ,  les 
Chapitres ,  l'Edition,  i^u  rcfte  il 
avertit  que  quelques  Pères  de  l'E- 
pi ife  ont  employé  la  Fable  dAm- 
phion  contre  des  honiïnes  durs  &  in- 
fenjibles ,  &  qu'^/w//  (/  a  bien  pu  nom- 
mer Amphion  dans  un  endroit ,  oit  il 
s'agit  unicjuement ,  dit- il ,  de  donner 
un  beau  coloris  an  tableau  d'un  Saint ^ 
occupé  a  relever  les  murs  f acres  d'un 
Ter/,ple.  Il  ajoute  que  S,  Jérôme  com- 
pare David  à  Simomdes ,  à  Ftndare  , 
à  jilcée  j  à  FlaccHs,  h  Catule  ,  à  Se- 
rene  ,  &  c^ue  par  confcquent  on  peut 
bien  comparer  Saint  François  à  Am- 
phwn. 

Nous  ne  finirions  pas  fi  voulant 
Juin. 


N  .    r  75  ?.  347 

fuivre  par-tout,  l'cfprit  du  P.  Poif- 
fon  ,  il  falloit  ainlî  à  chaque  arti- 
cle ,  nous  arrêter  aux  citations  qui 
fe  prcfentent ,  celles  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  fijffiront. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  l'Edi- 
fice relevé  par  S.  François;  venons 
à  ce  qui  concerne  l'établilTement 
de  fon  Ordre. 

"  J'oublie ,  dit  le  P.  Poijfon ,  les 
M  Temples  matériels  pour  voir  po- 
jjfer  à  François  la  première  pierre 
»  de  cet  Edifice  fpirituel  qui  eft  au 
»  milieu  du  Chriftianifine  comme 
j>  une  tour  imprenable,  d'où  pen- 
»  dent  mille  boucliers  pour  défen- 
>jdre,  &  les  armes  des  plus  vail- 
»  lans  pour  attaquer.  J'aime  à  lui 
3>  voir  jctter  les  fondemens  d'un 
»  Ordre  qui  comme  la  petite  fon- 
»  taine  de  l'Ecriture  ,  devint  un 
^■!  fleuve  multiplié  en  pliifieurs  b^as  par 
n  V  abondance  de  [es  eaux.  Ordre  va- 
M  rie  pour  tous  les  états  &;  pour 
»  tous  les  fexes 

»  François  vidlorieux  de  tous  les 
33  obftacles  qu'il  trouva  pour  fon- 
}>  dcr  fi)n  Ordre  ,  elT:  honoré  d'une 
»  ample  milllop  pour  toutes  les 
>j  Régions  du  monde  ;  fes  enfiinsfc 
»  multiplient  chaque  jour  ,  &  cinq 
»  mille  Difi:ipies  dans  un  Chapitre 
»  général ,  font  le  riche  échantillon 
»  d'un  Ordre  qui  doit  fe  répandre 
»  fur  toute  la  terre. 

Le  Panégyrifte  remarque  ici  que 
les  pofieifions  de  S.  Paulin  étoient 
fi  grandes  ,  lorfqu'il  embralTa  la 
pauvreté,  qu'on  les  appelloit  des 
Royaumes  ,  Paulini  Régna.  Il  ap- 
plique cela  à  S.  François ,  &  dit 
que  les  acquifitions  de  la  pauvreté 
Z  z 


348*  JOURNAL  DE 
de  ce  Saint  font  lî  ércnducs ,  qu'on 
peut  dire  ['^ fie  de  FrAnpis.  V  .ifn- 
que  de  français  ,  l' Europe  de  Fran- 
çois ,  &  qu'à  prcfent  que  fon  Or- 
dre compte  plus  de  dix-fept  Pro- 
vinces dans  l'Amérique  ,  on  doit 
s'écrier ,  les  mondes  de  François. 

Bâtir  aux  Francifcains  des  Mai- 
fons  dans  tous  les  climats ,  les  y 
maintenir  à  des  trais  que  la  Provi- 
dence garantit  depuis  près  de  lîx 
fiédes  ,  pouvoit-on  pouffer  plus 
îoin  l'opulence  de  la  pauvreté  ? 
C'eft  la  demande  que  fait  le  Pcre 
Poiflbn  ,  &  là-dciïus  il  rapporte  ce 
qu'on  fçait  de  Soliman  II.  qui  Rit  fi 
frappé  de  voir  qu'un  feul  homme 
^vec  rien ,  eût  pu  venir  à  bout  de 
cette  merveille ,  qu'il  voulut  avoir 
le  portrait  de  S.  François ,  comme 
•d'un  des  plus  grands  hommes  qui 
eût  jamais  été.  Le  Panégyrifte  ajou- 
te que  cette  fécondité  de  l'indigen- 
ce de  S.  François ,  a  rendu  la  Foi 
Chrétienne  rcfpedlable  aux  Infidè- 
les mêmes  ,  &  il  cite  là-deffus  la 
Bibliothèque  des  gens  de  Cour. 
Nous  pafTons  un  nombre  confidera- 
ble  d'articles  pour  venir  à  la  fécon- 
de partie  dont  nous  ne  rapporte- 
rons non  plus  que  quelques  traits. 

Le  P.  PoifTon  ,  comme  nous  l'a- 
vons remarqué ,  fc  propofe  de  faire 
vok  dans  cette  féconde  partie,avec 
quelle  diftindion  Dieu  a  illuftré  la 
pénitence  de  S.  François ,  &  rien 
3ie  lui  réufllt  mieux  pour  remplir 
ce  deflein  ,  que  le  récit  de  certains 
faits  :  le  jeûne ,  par  exemple,  qu'il 
remarque  que  S.  François  foûtint 
pendant  quarante  jours  dans  le  de- 
vax  du  Lac  de  Pcroufe  ou  de  Tiail- 


S  SÇAVANS. 

mene,rcndit  les  bords  de  ccLac  plus 
célèbres  qu'ils  ne  l'avoient  été  par 
la  défaite  de  Flaminius  ;  toute  l'Ita- 
lie voulut  entrer  dansl'Ifle  pour  y 
révérer  la  Cabanne  du  Saint  •■,  les 
miracles  y  furent  nombreux  ,  6c  il 
s'y  forma  une  Ville  &  un  établilTe- 
mcnt  pour  l'Ordre  de  S.  François. 
On  préteroit  aux  vins  délicieux,les 
fontaines  ovi  il  fe  défaltcroit  ;  on  y 
mangcoit  avec  dévotion  le  pain 
groflîer  que  ce  faint  homme  por- 
toit  à  la  table  des  Cardinaux  lorf- 
qu'il  y  étoit  invité  ;  on  vifitoit  avec 
componilion  les  retraites  fauvages, 
les  grottes  ruftiques  où  il  avoir  été 
vu  dans  des  ravilTemens  &  des  ex- 
tafes  ;  on  cherchoit  fes  vertiges 
dans  les  campagnes  ,  avec  la  même 
ardeur  que  les  guerriers  Je  remplif- 
fent  des  murches  &  des  campagnes 
des  grands  Capitaines.  On  le  recc- 
voit  dans  les  Villes  &  dans  les  Tem- 
ples ,  au  bruit  des  acclamations  & 
des  Cantiques.  Son  partage  étoit 
jonché  de  rameaux  &  de  fleurs.  La 
pourpre  Romaine  s'abbairtbit  de- 
vant lui  ,  le  Vicaire  de  J.  C.  révé- 
roit  en  lui  l'image  de  J.  C.  même.... 
LeP.Poiflon  remarque  que  la  fagef- 
fe  de  S.  François  dans  le  gouverne- 
ment de  fon  Ordre  ,  n'eft  pas  une 
des  chofes  qui  ait  le  moins  contri- 
bué à  rendre  illuftrc  ce  faint  péni- 
tent :  il  décrit  à  cette  occafion  ,  ce 
que  c'eft ,  félon  lui ,  qu'un  Ordre 
Religieux. 

»  Qu'eft-ce  qu'un  Ordre  Reli- 
sjgieux  ,  Mertîcurs  ?  demande  le 
«  P.  Peijfon  :  c'eft  ,  répond-U  ^  une 
»  Milice  Spirituelle  5c  auxiliaire 
M  dans  l'armée  de  Dieu.Ce  fojQt  des 


»  troupes  de  referve ,  rangées  fur  la 
»  dernière  ligne  de  la  bataille,  pour 
»>  foùrenir  les  Prêtres  Ca  holiques , 
«»  &c  pour  voler ,  contre  les  mœurs 
9*  corrompues ,  &  contre  les  doc- 
wtrincs  perverfes  ,  au  lecours  &  à 
M  la  voix  des  Evcques  ,  que  le  faint 
»  Efprit  a  établis  pour  gouverner 
»  l'Eglife  de  Dieu.  Ce  font  ces 
)>  guerriers  deGabaa  ,  qui  combat- 
ajtcnt  de  la  gauche  comme  de  la 
M  droite  ,  qui  défendent  d'une  main 
»  l'Autel ,  &  de  l'autre  le  Trône. .. 
M  Ce  font  ces  Anges  forts  &  puif- 
j)  fans  qui  tiennent  ouvert  dans 
}>  leurs  mains  ,  le  Livre  de  leurs 
!>  obligations  fur  l'Etat  &  fur  la  Re- 
»  ligion  ,  &  ^ni  mettent  leur  pied 
n  gauche  fur  la  terre  pour  s'attacher 
»  à  leur  Roi  &  à  leur  patrie  ,  &  le 
j>  vied  droit  fur  la  mer ,  pour  ne  pas 
»  perdre  de  vue  la  barque  de  Pier- 
»  re ,  ni  le  falut  des  peuples. 

L'Orateur,  après  quelques  autres 
traits ,  ajoute  qu'un  Ordre  Reli- 
gieux »  eft  une  famille  nombreufe, 
»  oià  Jofeph  eft  quelquefois  jette 
jo  dans  la  Citerne  par  fes  frères,  qui 
»  ne  s'effrayent  qu'au  fpedacle  de 
M  fa  grandeur  :  que  c'eft  une  famille 
j>  où  les  deux  fils  de  Zébédée  de- 
3j  mandent  les  premières  places 
»  avant  de  les  mériter  -,  une  famille 
»  où  l'on  trouve  des  enfans  de  tout 
»  caradere  ,  de  toute  humeur  , 
»  de  tout  talent  j  une  famille  où 
a  l'acception  des  perfonnes  eft 
»)  odieufe  ,  &  où  la  préférence  ne 
»  doit  tomber  que  fur  la  capacité 
»  &  fur  la  vertu  -,  une  famille  où  la 
»  Religion  &  l'Etat  puifent  égale- 
V  ment  dans  leurs  befoins  :  où  les 


N  ;  175  3;     ^  Î4P 

»  Rois  ont  trouvé  des  Miniftres  , 
»  des  hommes  de  Confcil ,  comme 
»  Jofeph  -,  où  l'Eglife  a  pris  des 
»  Apôtres  comme  les  fils  cie  Zébé- 
n  dée. 

Le  tableau  ne  finit  pas  ici  % 
»  Qii'eft  ce  qu'un  Ordre  Religieux, 
3j  demande  encore  le  P.  PoiJJon  ^  c'eft 
»  un  corps  ,  dit-il ,  où  il  entre , 
»  comme  dans  les  autres ,  des  bra- 
>3ves  &  des  lâches  ,  des  fçavans  8c 
"  des  ignorans ,  des  nobles  &  des 

*»  roturiers Un   corps  où 

»  comme  dans  l'armée  de  Gédéon^ 
»  on  peut  confier  an  moins  à  trois  cens^ 
n  l'honneur  du  combat  ^  Its  irom- 
»  pettes  de  la  parole  ,  &  les  lampes 

«  de  la  dod:rine Un  corps 

ȕque  les  libertins  ne  maudilTenc 
»  que  comme  l'impie  Balac  vou- 
»  loit  qu'on  maudît  l'armée 
»  d'Ifraël. 

Après  ces  reflexions  il  lailfe  à  ju- 
ger quelle  eft  la  fagefte  d'un  Fon- 
dateur ,  d'un  Général  ,  qui  fait 
mouvoir  ces  grands  corps  pour  la 
gloire  du  Chriftianifme  ,  &:  pour 
leur  propre  honneur  ?  d'un  Chef 
qui  lie  enfemble  tant  d'inclinations 
différentes,  qui  tient  dans  le  calme 
tant  d'humeurs  oppofées  ^  &c  qui 
leur  fait  refpeifter  fcs  Commande- 
mens  fans  que  perfonne  ofe  y  con- 
trevenir. Il  remarque  que  jamais 
Fondateur  d'Ordre  n'alla  plus  loin 
là  -  deflus  que  S.  François.  Nous 
n'entrerons  point  dans  le  détail  des 
faits  qu'il  rapporte  pour  le  prouver. 
On  peut  voir  fur  cela  ce  qu'il  dit  de 
ces  Millions  pénibles  &  hazardeu- 
fes  que  les  enfans  de  S.  Fi.  nçois 
embraflerent  avec  tant  de  prompti- 
Zzij 


35-0  JOURNAL    DE 

tude  pour  obcii"  a  leur  Fondateur. 
Le  P.  PoifTon  ,  dont  le  but  dans 
cette  fccordc  Partie  ,  cft  de  mon- 
trer combien  Dieu  a  illuftré  la  péni- 
tence de  S.  François  ,  n'oublie  rien 
jAc  tout  ce  que  lui  fournit  là-dedus 
de  plus  effenticl ,  la  vie  du  Saint. 

Il  rcpiefcnte  vers  la  fin  de  fon 
Difcours ,  S.  François  agonifant  fur 
la  cendre  ,  &  beniflant  plufieurs 
fois  fes  Difciples  fur  ce  lit  de  fa 
pauvreté  &  de  fa  pénitence  ;  après 
quoi  il  s'écrie  :  »  Bcnédidion  fé- 
w  conde  pour  un  Ordre  qui  a  reçu 
«dans  fon  fcin  tant  de  grands 
»  hommes ,  &  vii  parmi  fes  mcm- 
»brcs  un  Prince  du  Sang  de  nos 
5>  Rois-,bénédiâ:ion  abondante  pour 
"  un  Ordre  qui  compte  quatre  Sou- 
;>  verains  Pontifes ,  des  Eledeurs 
»  de  l'Empire  ,  plus  de  cinquante 
='  Cardinaux  ,  un  grand  nombre  de 
»  Patriarches  &c  d'Archevêques  , 
«plus  d'Evêqucs,  plus  de  Martyrs 
»>  (S:  de  faints  Contcffeurs ,  qu'il  n'y 
M  a  de  Maifoiis  qui  le  compofcnt. 
»  Un  Waddringuc  ^  un  Sixte  V.  un 
5j  Ximenés,  un  Lyras  ,  un  Scot ,  un 
M  Bonaventure  ,  un  Alexandre 
wd'Halés  ,  un  Antoine  de  PadoiJe; 
as  Qiiels  noms  ,  Meflleurs  !  quels 
ï»  noms  1  Bénédiction  glorieufe 
M  pour  un  Ordre  que  la  Providence 
3j  a  établi  dans  le  Capitole ,  &:  dans 
M  Jerufalem  ,   dans  le  lieu  que  la 


S    SÇAVANS, 

»  grandeur  des  Romains  a  rendu  le 
»  plus  célèbre  de  la  terre,  6c  dans  le 
»  lieu  que  les  Mvftcresdc  l'Hom- 
»  me  Dieu  ont  rendu  le  plus  augu- 
»  (le  de  l'Univers  :  là  pour  décorer 
"l'humilirc  de  François  pauvre,  ici 
»  pour  diflinguer  la  pénitence  de 
»  François  crucifié.  '' 

Nous  finirons  notre  Extrait  en 
remarquant  que  pour  avoir  une  ju- 
ftc  idée  de  ce  Panégvrique  ,  dont 
nous  n'avons  pu  rapporter  qu'un 
petit  nombre  d'exemples  ,  il  faut 
le  lire  en  entier  •■,  mais  que  comme 
les  citations  y  font  fi  abondantes 
qu'elles  abforbcnt  quelquefois  le 
Texte  jufqu'à  lui  lai  (fer  à  peine  eiv 
certaines  pages,  l'cfpacc  d'une  feule 
ligne  ,  ce  qui  le  fait  perdre  de  vue, 
il  fcroit  à  propos  de  lire  la  Pièce- 
deux  fois  :  l'une  fans  égard  aux 
citations  ,  &:  l'autre  avec  les  cita- 
tions. 11  eft  vrai  que  voilà  deux  lec- 
tures pour  une  ,  ce  qui  n'eft  pas  du 
gré  de  tout  le  monde  :  mais  après 
tout ,  chacun  cil  libre  de  fuivre  là- 
delTus  fon  goût  ;  6c  ceux  qui  n'ai- 
ment pas  les  citations  n'ont  qu'à 
regarder  ce  Panégvrique  comme 
s'il  n'y  en  avoir  point  ;  quoique  ce- 
pendant celles  qui  y  font  en  falTent 
le  principal  caradlere  ,  &  que  le 
deiïein  de  l'Auteur  qui  les  y  a  mi- 
fes ,  foit  qu'on  s'applique  particU'- 
lierement  à  les  conlîdercr. 


J  U    I    N  ,     r  73  5.^  35-1 

iGREGORII  MAYANSII  GENEROSl  ET  ANTECESSORIS 
Valentini  Epiftolavum  Libri  fex.  C'cft-à-dirc  :  Six  Livres  de  Lettres  de 
M.  Majans  j  ProfeJJeur  en  Droit  ett  VUtuvcrfitê  de  Valence  en  Efpagne. 
A  Valence  en  Efpaj;ne  ,  de  l'Imprimerie  d'Antoine  BordaBor  de  Ar- 

tkui.   1731.  in  -  4".  pages  420. 


IL  nous  tombe  rarement  entre 
les  mains  des  Livres  imprimés 
en  Efpagne  dont  nous  puilîions 
rendre  compte  au  public  i  mais  il 
n'y  perd  pas  beaucoup  ,  fi  on  s'en 
rapporte  à  ce  que  mande  Monfieur 
Mayans  à  M.  îvlenken ,  qui  l'avoit 
prié  de  lui  faire  connoître  les  Li- 
vres qui  s'impriment  en  Efpagne 
pour  en  faire  mention  dans  les 
A<îfes  des  Savans  de  Leipfic.  Notre 
Auteur  ayant  dit  d^ns  cette  Lettre 
à  M.  Menkcn  &  dans  piulieurs 
autres  ,  qu'on  imprime  un  nombre 
prodigieux  de  Livres  en  Efpagne  , 
fur-tout  à  Madrid  ,  comme  on  le 
voit  parles  Gazettes  où  on  en  don- 
ne les  titres ,  allure  en  même  tems 
qu'il  n'y  a  prelque  point  de  ces  Li- 
vres qui  méritent  quelque  atten- 
tion. Il  ajoute  que  les  Sciences  font 
très-peu  cultivées  en  Efpagne  :  ce 
n'efl;  point  qu'il  n'y  ait ,  comme  il 
le  remarque,  de  très  bons  efprits 
chez  lesEfpagnols.  Mais  ceux  qui  fc 
fentiroient  de  l'inclination  pour  l'é- 
tude manquent  de  Maîtres  &  de 
Guides  pour  les  conduire.  S'ils  fur- 
montcnt  cet  obftacle  ,  ils  font  en- 
core arrêtés  parle  défaut  de  fecours, 
parce  qu'ils  n'ont  pas  même  ordi- 
nairement de  quoi  acheter  des  Li- 
vres ,  &  qu'ils  n'efperent  aucune 
recompenfe  de  leurs  travaux.  Ce 
q^ui  les  arrête  encore  dans  leurs  étu- 


des 5  félon  M.  Mayans ,  c'eft  ta  rè- 
gle rigoureufe  de  l'Inquifition  de 
faire  examiner  tous  les  Livres  qui 
fe  mettent  en  vente  ,  &  de  défen- 
dre la  led;ure  &  le  débit  de  la  plîi- 
part  de  ceux  qui  viennent  des  au-- 
très  PaySj  parce  qu'ils  ont  été  com- 
pofés  par  des  Hérétiques  ou  par  des 
Catholiques  qui  établiflent  fur  cer- 
taines matieres,des  maximes  ou  des- 
opinions  qui. ne  font  pas  du  goût 
des  Inquiuteurs. 

Notre  Auteur  eft  fi  perfuadédu 
peu  de  protection  que  trouvent  les 
gens  de  Lettres  en  Efpagne  ^  qu'il 
a  pris  le  parti  de  chercher  un  Mé- 
cène en  France.  C'eft  dans  cette 
viië  qu'il  dédie  fon  Recueil  de  Let- 
tres à  M. 4e  Cardinal  de  Fleury.  Il' 
expofe  dans  fon  Epître  Dédicatoirc 
l'état  dms  l.quel  il  fe  trouve ,  &  il 
y  dit  qu'à  caufe  de  fon  amour  pour 
les  Lettres  qui  font  peu  cultivées 
par  fes  Compatriotes  ,  il  fe  voit 
condamné  pour  l'Oftracifme  que 
quelques  -  uns  regardent  comme 
une  peine  infamante  ,  mais  qui  lui 
eft  bien  glorieufe. 

Apr  s  l'Epître  Dédicatoire  vient 
une  Préface  ,  dans  laquelle  l'Auteur 
parle  d'abord  du  ftyle  épiitolaire, 
dont  il  avoiie  que  le  ftvle  fimple  & 
naturel  eft  le  véritable  caradere, 
mais  qui  doit  quelquefois  s'élever 
fuivant  les  matières  qui  en  font  le 


^5-2  JOURNAL  D 

fujet.  Il  y  admet  même  les  figures 
IfS  plus  fortes  ,  quand  on  rend 
compte  à  un  ami  du  fujet  de  quel- 
que grand  cliagrin  ,  ou  dans  d  au- 
tres occafions  femblables.  Il  porte 
cnfuite  fon  jugement  fur  les  Au- 
teurs qui  ont  écrit  des  Lettres  en 
Latin.  Selon  lui ,  il  faut  lire  les  Let- 
tres des  Saints  Pères  pour  y  trouver 
la  pureté  de  la  dodrme  ,  des  règles 
de  conduite^  des  exemples  de  ver- 
tu ,  mais  c'cft  dans  Ciceron  qu'il 
faut  chercher  l'élégance  du  ftyle,  &c 
la  pureté  du  langage.  S.  Jérôme 
même  lui  paroît  trop  diffus  ,  fes 
Lettres  font  remplies  de  mouve- 
mens  trop  véhémens  ,  il  parle  toià- 
jours  en  Orateur.  A  l'égard  des  Au- 
teurs qui  ont  écrit  des  Lettres  en 
Latin  depuis  le  retablilTement  des 
Sciences  en  Europe  ,  il  n'y  en  a 
point  dont  notre  Auteur  paroiflê 
abfolument  content.  Le  ftyle 
d'Hermolaus  -  Barbarus  lui  paroît 
dur  -,  Ange-Policien  oublie  le  fujet 
qu'il  traite  pour  faire  paroître  fon. 
érudition.  Pic  de  la  Mirande  auroit 
été  "admirable  ,  s'il  avoit  eu  autant 
de  jugement  que  d'cfprit  &  de  mé- 
moire :  les  Lettres  de  Sadolet  font 
écrites  avec  beaucoup  de  netteté  , 
le  ftyle  en  eft  pur ,  mais  plufieurs 
de  ces  Lettres  font  trcs-ennuyeufcs, 
&c.  L'Auteur  ne  prétend  point  en 
critiquant  ainfi  ceux  qui  ont  publié 
des  Lettres  Launes  avant  lui  ,  fe 
donner  pour  un  Auteur  qui  ait  évi- 
té tous  les  défauts  qu'il  a  remarqués 
dans  les  autres ,  il  eft  même  perfua- 
dé  qu'on  ne  le  traitera  pas  avec  févé- 
ritè  ,  quand  on  voudra  bien  réflé- 
chit <jue  CCS  Lettres  écrites  en  Latin 


ES  SÇAVANS; 

font  d'un  Efpagnol.  Quelques  faa-' 
tes  qu'il  remarque  dans  lesOuvragei" 
d'aucrui  ne  l'empêchent  pas  de  i.s 
eftimer.  Il  fouhaite  que  fes  Lcdeurs 
le  traitent  d  ■  la  même  manière. 

Les  Lettres  contenues  d..ns  ce 
Volume  font  la  plupart  rang'.tS 
dans  un  ordre  chronolo.;ique ,  les 
premières  font  de  l'année  1710.  & 
ks  dernières  de  l'année  1731.  elles 
ne  font  pas  toutes  de  M.  Mayans  ,' 
on  y  trouve  plufieurs  réponfes  qui 
lui  ont  été  faites  par  des  Savans 
d'Efpagncjd'Italie  &  d'Allemagne^ 
qui  font  en  commeïcc  de  Lettres 
avec  lui. 

On  voit  par  les  Lettres  conte- 
nues dans  les  deux  premiers  Livres^ 
que  l'Auteur  s'étoit  appliqué  très-, 
jeune  à  l'étude  du  Droit  Romain.' 
Ce  qui  l'avoit  animé  dans  une  étude 
fi  pénible  ,  c'eft  l'exemple  d'un 
grand  nombre  de  Jurifconfuites 
qui  s'étoient  diftingués  dans  cette 
Science  dés  leur  plus  tendre  jeunef- 
fe.  Nerva  avoit  répondu  fur  le 
droit  n'étant  encore  âgé  que  de 
dix  fept  ans ,  Balde  au  même  âge 
de  dix-fept  ans  s'étoit  déjà  fait  ad- 
mirer. Il  y  a,  fe  difoit- il  à  lui-mê- 
me, environ  cent  ans  que  Franco» 
Ramos  de  Manzano ,  a  difputé  une 
Chaire  de  Droit  dans  l'Univerfité 
de  Valence  à  1 8  ans.  Faber  n'avoic 
que  vingt  ans  quand  il  a  fait  fon 
Commentaire  fur  les  règles  de 
Droit ,  à  peine  Alciat  avoit-il  vingt 
ans  lorfqu'il  fit  paroître  fes  pre- 
miers Ouvrages  de  Jurifprudence. 

En  même  rems  que  Ât.  Mayans 
étudioit  le  droit  Romain  dans  les 
Loix  ôc  dans  les  Commentatcuts^i] 


J   U    ï    N 

S°appîique  à  faire  clcs  Commentai- 
yes  fur  des  Loix  qiii  Jui  paroifToient 
les  plus  difficiles  &  les  plus  impor- 
tantes. Il  lifoit  dans  cette  vûë  les 
Auteurs  qui  avoient  commenté  ces 
Loix  ,  &  il  s'attachoit  aufentiment 
de  celui  qui  lui  paroifToit  en  avoir 
mieux  pénétré  l'efprit  ,  il  tachoit 
d'exprimer  d'une  manière  claire  &C 
précife  l'opinion  qu'il  embraflbit , 
-3e  la  fortifier  de  nouvelles  preuves, 
&  quelquefois  il  cherchoit  quelque 
interprétation  nouvelle.  Entre  les 
■Commentateurs  il  a  toiÀjours  pré- 
féré les  modernes  aux  anciens ,  ÔC 
il  a  préféré  entre  les  modernes  , 
ceux  qui  ont  fçu  allier  l'étude  des 
Belles-Lettres  avec  celles  de  la  Jtt- 
rifprudence. 

Il  paroît  avoir  balancé  quelque 
tems ,  s'il  prendroit  le  parti  du  Bar- 
reau ou  s'il  fe  borneroit  à  l'étude 
du  Droit  pour  les  Ecoles.  Un  de  fes 
meilleurs  amis  lui  fit  une  peinture 
de  la  profeflion  d'Avocat  quin'efl: 
guéres  avantageufe  ,  afin  de  l'empê- 
cher par-là  d'cmbralTer  cette  pro- 
feflion. Il  lui  en  parloir  comme 
d'un  état  où  régnent  la  Chicannc 
&  la  barbarie.  Un  autre  de  fes  amis 
lui  en  fit  un  portrait  tout  différent. 
Ce  qui  lui  fit  prendre  le  parti  de 
s'attacher  aux  Ecoles  ,  c'eft  qu'il 
crut  qu'il  y  meneroit  une  vie  plus 
tranquille  que  dans  le  Barreau  ,  & 
qu'il  auroit  la  liberté  de  s'appliquer 
aux  Belles  -  Lettres.  Les  premiers 
Ouvrages  qu'il  donna  au  public 
fur  les  Loix  Romaines  ,  lui  attirè- 
rent de  grandes  éloges  de  la  part  de 
.quelques  Savans,  qu'on  voit  répan- 
dus dans  plufieurs  Lettres.  Ilsl'ex- 


horterent  à  continuer  comme  il 
avoit  commencé  ,  ils  lui  firent  ef- 
perer  qu'il  releveroit  l'honneur  de 
i'Efpagne  dans  cette  efpece  de  Lit- 
térature ,  &  qu'il  fe  feroitunc  répu- 
tation pareille  à  celle  d'Antoinc- 
AugufHn  ,  de  Govean  Se  de  quel- 
ques autres  Jurifconfultes  Efpa- 
gnols  qui  ont  mérité  l'eftime  non 
feulement  de  leurs  Compatriotes  ,' 
mais  encore  de  toute  l'Europe. 

M.  Mayans  eut  néanmoins  âes 
jaloux  ,  &  ce  ne  fut  qu'avec  peine 
qu'il  parvint  à  avoir  une  Chaire  de 
Droit  dans  i'Univerfité  de  Valen- 
ce. On  voit  par-là  que  la  plupart 
de  ces  Lettres  ne  regardent  que  la 
jjerfonne  de  l'Auteur.  Celles  quj 
font  dans  les  quatre  derniers  Livres 
regardent  plus  de  matières  ,  quel- 
ques-uns conseillent  l'Auteur  &c  fa 
famille  ,  d'autres  roulent  fur  des 
matières  d'érudition  ,  fur-tout  pajc 
rapport  aux  Infcriptions  anciennes, 
d'autres  contiennent  des  nouvelles 
de  Littérature,  d'autres  font  des  ré- 
ponfes  à  plufieurs  Savans  qui  lui 
avoient  écrit  de  France  ,  d'Italie  ^ 
&c  d'Allemagne. 

Par  exemple  dans  l'une  de  ces 
Lettres ,  qui  eft  la  onzième  du  Li- 
vre quatrième ,  l'Auteur  fe  propo- 
fe  de  prouver  que  les  Jurifconfultes 
Caius ,  Tertulien  j  Hermogénien  , 
Licinius  -  Rufinus  &  Archadius- 
Chrifius  étoient  Payens.  Dans  un 
autre  il  envoyé  à  M.  Camufat  qui 
lui  avoit  demandé  un  Catalogue 
de  fa  Bibliothèque  ,  une  Lifte  de 
de  fes  Livres  de  Jurifprudence. 
Ils  ont  prcfque  tous  rapport  au 
Pioit  Romain,  tel  qu'on  l'erifcignc 


3f4  JOURNAL   D 

dans  les  Ecoles  ;  ils  ne  lont  pas  en 
fort  çrand  nombre  ;  mais  ils  l.^nc 
bien  choiiis  ,  &  nous  croyons  que 
le  jugement  critique  que  l'Auteur 
porte  de  chacun  de  ces  Livres  fera 
philir  aux  connoiffeurs.  Nous  n'eu 
rapporterons  ici  que  deux  exem- 
ples. Il  dit  de  Fabcr  qu'il  avoit  un 
grand  génie  ,  ^  qu'il  auroir  plutôt 
paffé  pour  un  Lcgiflateur  que  pour 
un  Interprète  du  Droit ,    fi  on  ne 
lui  avoir  pas  reproché  de  s.'ctietrop 
élevé  contre  Tribonien  ,  qui ,   fé- 
lon notre  Auteur,  n'avoir  pas  mé- 
rité cette  cenfure  ,   s'il  n'avoit  pas 
voulu  paroître  plus  grand  queCu- 
jas  ,    qu'il  loiic  en   plufienrs  en- 
droits, 5c  dont  ilenvioit  la  réputa- 
tion.  Le  ftyle  de  Faber  lui  paroît 
clair  ,  élégant ,  mais  trop  diffus.  Le 
Trai-té  de   l'orif^inc    du    Droit  d.' 
Gravina  ,  cft  ,  Iclon  notre  Auteur  , 
t  es  loli'le ,  rempli  d'crudition  3c 
de  bon  f  ns ,   le  ftyle  tn  cif  poli; 
mais  après  fcs  éloges  ,  il  conij  are 
Gravina  au  Geay  de  la  Fable  ,  5:  il 
dit  que  fi  Antoine- Auguliin  ,  Jac- 
ques God.frov  &■  deux  ou  trois  au- 
tres Auteurs  icprtnoicnt  chacun  ce 
que  Gravina  a  emprunté  d'eux  ,  il 
ne  reftcrcit  ner  dans  fon  Ouvrage.. 


ES   SÇAVANS. 

Notre  Auteur  joint  à  ce  Catalogua 
une  Liltc  de  les  Ouvrages  de  Jurif- 
piudencc  ,  dont  il  paroî^ri  ap- 
paremment par  la  fuite  un  Recueil 
qui  nous  donnera  lieu  d'en  rendre 
un  compte  exact. 

M.  Mayans  lait  âi^uellcmenC 
imprimer  à  Lvon  les  Ouvrages  de 
Jean  Puga  Profedeurdc  Drojt  dans 
l'Univerlité  de  Salamanque  ,  il  dé- 
die cet  Ouvrage  à  M.  le-  Cardinal 
de  Fieury ,  8c  il  donne  dans  fon  Ci- 
xicme  Livre  ,  non  feulement  l'Epi-' 
trc  Dédicatoire  de  ce  Recueil,  mais 
encore  la  Piétacc  qui  contient  la 
Vie  de  Puga.  Comme  no  s  pour- 
rons rendre  compte  par  la  fuite  des 
Ouviagesde  ce  Jurifconfulte,  nous 
y  donnerons  en  même  tcms  un  pré- 
cis de  fa  Vie.  Notre  Auteur  taie 
auflî  imprimer  en  Hollande  une 
Continuation  del'Hiftoire  d'Efpai 
gne  de  Mariana  ,  par  M.  Miniana, 
dont  il  tait  de  grands  éloges  dans 
phifieurs  de  les  Lettres. 

Si  on  juge  des  Efpagnols  par 
nipport  aux  Sciences  ,  fur  ce  qu'en 
dit  M.  Mayans ,  on  ne  fauroit  trop 
le  loiicr  de  s'être  ainfi  clcyé  par  lui^ 
même  au-deffus  de  fcs  Compatrio- 
tes, 


EX^AïEI^    DV    PYRRONISME  ANCIEN    ET  AtODERNE  , 

par  Aï.  de  Croul^  ^  Vf  l' Académie  Royale  des  Sciences  ,  Coiivertieu'-  de  S, 
A.  R.  le  P-irwe  hridcnc  de  Hfe-C^ffd  ^  Confetller  d" Amb^iffads  de  S.  M. 
le  Roi  de  Suéde  &  Land-Grave  de  H.fe  .  Cajfel.  A  la  Haye  ,  chez  Pierre 
de  Hondt.  17J3.  m  -folio ,  pages -j-j6. 


NOUS  avons  expliqué  dans  le 
Journal  précèdent  ce  que  M. 
de  Crouzaz  dit  du  Pvrronifmc  en 
général,  &  la  manière  dont  U  com- 


bat les  .  anciens  Pvrronicns  en  ré- 
pondant au  Livre  de  Sextus  fmpi- 
ricus.  Dans  la  troifiénie  partie  qui 
clt  beaucoup  plus  étendue  que  les 
deuy' 


JUIN,    I7Î5.  ?;5 

deux  précédentes  ,   &  dont  nous      »  fé,  à  éclairci ries  matière j  les  plus 

»obfcurcs  ,  à  mettre  une  preuve 
»  dans  tout  Ion  jour  ,  &  à  faire  fen- 
»  tir  tout  le  poiJ.s  d'une  difficulté.» 
M.  de  Crouzaz  ajoute  que  ce  quia 
encore  beaucoup  contribué  à  don- 
ner plus  de  cours  aux  Ecrits  de  M. 
Bayle  ,  c'eftfa  réputation  ,  la  pré- 
vention d'un  grand  nombre  de  per- 
fonnes  en  fa  faveur ,  la  corruption 
du  cœuriiumain  qu'il  favorife,  & 
la  multiplication  des  Editions  de 
fes  Ouvrages. 

C'eft  cet  advcrfaire  qui  paroîc 
d'abord  ii  redoutable  que  M.  de 
Crouzaz  ne  craint  point  d'attaquer 
&  fe  confiant  dans  la  bonté  de  fa- 
caufe  ,  il  alfure  qu'il  fera  connoître 
à  toutes  les  perfonnes  dont  le  cœur 
&  l'efprit  ne  font  pas  encore  cor- 
rompus, que  M.  Bayle  qui fc  donne 
pour  un  raifonncur  des  plus  cxads, 
qui  prétend  trouver  du  foible  dans 
tout  ce  que  les  autres  croyent  très- 
folidement  prouvé  ,  n'oppofe 
très-fouvent  à  des  raifons  folides 
que  des  raifons  très-faciles  à  réfu- 
ter. Mais  avant  que  d'entrer  dans 
ce  détail  il  a  cru  devoir  employer 
deux  SesHiions  à  développer  le  cara- 
(fferc  de  fon  advcrfaire  &;  le  defTein 
qu'il  s'eft  propofé  dans  fes  Ouvra- 
ges ,  fur-tout  dans  fon  Didlionnai- 
re  Critique  ,  il  examine  dans  cette 
viàë  la  prétace  du  Dictionnaire , 
l'apologie  que  l'Auteur  en  a  faite , 
&  les  éclaircilTemens  qu'il  a  donnés 
fur  quelques  endroits. 

Il  refulte  de  toutes  les  obferva- 

tions  que  l'Auteur  a  faites  fur  ce  fu- 

jet ,  que  M.   Bayle  fous  prétexte 

d'être  rapporteur  exad  &  hdtle* 

A  a  a 


allons  rendre  compte  ,  ilfepropo 
fe  de  répondre  aux  Pyrroniens  mo- 
dernes ,  en  réfutant  les  Ecrits  de 
M.  Bayle  qu'il  rce;arde  comme  leur 
Chef.  Car  M.  Crouzaz  ne  fiuroit 
fe  perfuader  que  M.  Bayle  n'ait  eu 
en  vûë  dans  fori  Dictionnaire  & 
dans  fes  autres  Ouvrages  que  de 
faire  fentir  la  foibleffe  de  l'efprit 
humain  ,  &  la  neceiTité  de  foûmet- 
tre  la  raiîbn  à  la  foi  ;  il  dit  que  M. 
Bayle  fe  moque  bien  clairement  en 
plufieurs  endroits  des  Théologiens 
qu'il  femblc  avoir  voulu  ménager 
dans  d'autres  endroits ,  pour  mieux 
cacher  fon  delTein  d'établir  un  Pyr- 
ronifme  univerfel. 

La  ledure  de  fes  Ouvrages  eft 
d'autant  plus  dangereufe,qu'il  fau- 
droit  être  bien  aveugle  ou  de  bien 
mauvaife  foi  ,  dit  M.  de  Crouzaz 
pour  contclter  à  M.  Bayle  ,  »  unp 
M  grande  légèreté  de  ll;yle  ^  une 
»  netteté  parfaite,  un  efprit  qui  fait 
i>  s'emparer  de  fes  Lecteurs ,  qui 
«  ne  fatigue  point ,  qui  n'ennuyé 
3> jamais,  une  fécondité  inépuifa- 
i>  bie  ,  une  facilité  qui  fe  tait  Ci 
«agréablement  fentir  Ôi  fi  infinuan- 
»te  qu'elle  femble  fe  communi- 
»  quer  à.  fes  Lecteurs,  une  vafte  lec- 
»  ture,  une  critique  ordinairement 
«  fine  &  exade  ,  une  mémoire  à 
»  qui  tout  eft  prefent ,  des  citations 
n  qui  fembient  s'offrir  d'clles-mê- 
«  mes ,  des  que  l'occalîon  de  les 
n  mettre  en  œuvre  fe  prefente,  une 
»  habileté  fans  égal  à  établir  [quand 
n  il  lui  plaît  &:  qu'il  y  a  intérêt]  l'é- 
»  tat  de  la  qucftion  très-prccifé- 
>»  mentj  à  partager  un  fujctcompo- 


3;5        JOURNAL    DE 

cherché  à  innodiiire  le  Pynonifmc 
univerfcl  ,  f'.irtour  pr  rapport  aux 
vcritcz  de  la  Religion  ,  que  ce  n'ell: 
que  dans  cette  vue  qu'il  a  mis  dans 
le  plus  grand  jour  qu'il  lui  a  été 
pollible  ,  Icsraifonncmcntsdcs  an- 
ciens Pyrroniens ,  qu'il  a  cherché  à 
leur  fournir  de  nouveaux  nioyais 
aullî-bien  qu'aux  Athés ,  aux  M.\- 
nichéens  Se  aux  Paulicicns ,  que 
s'il  a  paru  embralTcr  en  quelques 
endroits  le  fcntimcnt  des  Théolo- 
giens les  plus  rigides  d'entre  les 
Calviniftes  ,  ce  n'étoit  que  pour 
avoir  occafion  de  faire  fcncir  ail- 
leurs combien  ces  fentimens  paroif- 
fcnc  oppofés  à  la  raifon  naturelle  , 
&  que  c'eft  dans  le  même  delTein 
que  M.  Bavle  a  tant  écrit  pour  don- 
ner la  préférence  à  une  Société  d'A- 
thées ,  fur  celles  qui  font  compo- 
fées  de  perfonnes  qui  font  protcl- 
fion  d'une  Religion.  Notre  Auteur 
ne  peur  fe  perfuader  que  ceux  qui 
foûticnnent  que  la  révélation  eft 
contraire  à  la  raifon  ,  fe  foûmct- 
tent  fincérement  à  la  révélation  , 
parce  que  l'efprit  humain  ne  fçau- 
roit  fe  foûmettrc  à  croire  des  cho- 
fcs  qu'il  penfe  être  abfoiumcnt 
contraires  à  la  raifon  ,  quoiqu'il  fe 
foûmette  à  ce  qui  ne  lui  paroît  être 
qu'audelTus  de  la  raifon  ,  lorfqu'il 
cfl:  bien  perfuadé  de  la  vérité  de  la 
révélation,  dont  un  Pyrronien  n'eft 
pas  convaincu. 

Un  autre  avantage  que  M.  Baylc 
a  voulu  tirer  de  cette  qualité  de 
prétendu  rapporteur  hdélc  6c  exact 
aétédcremplirfonDiclionnaired'un 
nombre  prodigieux  d'obcénitcz  , 
tantôt  en  citant  des  Auteurs  qui 


S  SÇAVANS , 
s'expliquent  avec  le  plus  d'effron- 
terie ,  tantôt  en  parlant  lui  même 
d'une  manière  qui  iait  rougir  ceux 
qui  ont  de  la  pudeur.  Mais  quel 
a  été  en  cela  le  but  de  Monucuc 
Bayle  .''  Il  ne  le  dilllmule  point, 
c'a  été  d'égaler  les  Leéleurs  dont 
le  cœur  eft  corrompu  ,  &  de  pro- 
curer plus  de  débit  à  fon  Libraire. 
Un  autre  motif  dont  M.  Bayle  ne 
parle  pas  ,  mais  que  M.  de  Crouzaz 
n'en  croît  pas  moins  véritable ,  a 
été  de  favorifer  l'irréligion  ,  car  il 
n'y  a  point  de  vice  qui  y  conduife 
plus  ordinairement  que  celui  de 
l'impureté.  Notre  Auteur  ajoute 
que  rien  n'eft  plus  trifte  pour  un 
parfait  Pyrronien  qui  doute  de  l'e- 
xiftcnce  de  Dieu  &  de  l'immorta- 
lité de  i'ame  que  de  s'occuper  de 
reflexions  féricufcs  qui  lejettcroient 
dans  une  efpece  de  dcfefpoir  ,  Se 
qu'ainfî  il  eft  naturel  qu'il  s'occu- 
pe de  la  lecture  des  Livres  qui  ré- 
veillent fon  imagination  corrom- 
pue, qu'il  recueille  les  traits  qui  lui 
ont  paru  les  plus  piquants  ,  qu'il 
aime  à  les  repeter  ,  pour  divertir 
ceux  qu'il  croit  être  dans  une  dif- 
pofition  d'efprit  à  peu  près  fembla- 
ble  à  la  fienne. 

Après  ces  trois  Sedions  prélimi- 
naires, l'Auteur  entre  dans  le  fond 
du  fujet  qui  fait  le  principal  objet  de 
cette  partie.  Il  divifc  fes  reflexions 
en  onze  Sections  dans  lefquelles  il 
fe  propofe  de  répondre  à  ce  qu'a 
avancé  M.  Bayle  en  faveur  des 
Pyrroniens,  fur  la  Logique  ,  l'Hi- 
ftoire  ,  la  Phylique  ,  la  Morale, 
l'exiftence  de  Dieu ,  la  conferva- 
tion  des  êtres  créés ,  l'amc  humai- 


JUIN 

nt ,  la  liberté  ,  la  félicité  de  l'hom- 
me, h  providence,  &  par  rapport  à 
l'influence  de  la  Religion  fur  la  So- 
ciété. Nous  nous  bornerons  à  quel- 
ques traits  de  chacune  de  ces  Sec- 
tions. 

M.  Bayle  avance  fouvent  des 
propofition-s  très-affirmativement , 
&  il  les  prouve  par  l'évidence  ;  ce- 
pendant il  parle  en  d'autres  en- 
droits ,  comme  s'il  croyoit  qu'il  n'y 
eût  aucune  vérité  évidente,  ou  que 
l'évidence  ne  fût  point  une  marque 
certaine  pour  diftinguer  la  vérité 
d'avec  l'erreur.  Notre  Auteur  ayant 
expofé  en  peu  de  mots  les  raifons 
dont  fe  fervent  les  Philofophes 
pour  établir  la  torce  de  l'évidence  , 
renvoyé  à  fa  Logique  ceux  qui 
voudront  s'inftruire  plus  à  fond  de 
cette  matière.  Enfuite  il  fait  voir 
que  notre  ame  peut  connoîtrc  plu- 
Ceurs  véritez  ,  fans  fe  connoîtrc 
elle  -  même  partaitement ,  &  que 
l'évidence  ne  fe  trouve  jamais  en 
oppolîtion  avec  les  véritez  révé- 
lées. Il  obferve  par  exemple  au  fu- 
jet  de  la  Trinité ,  qu'il  peut  y  avoir 
dans  le  même  être  unité  &:  plurali- 
té ,  parce  qu'il  y  a  une  infinité  de 
chofesqui  à  un  égard  font  différen- 
tes ,  &  qui  ne  le  font  pas  à  un  autre 
égard.  Toutes  nos  idées ,  tous  nos 
fentimens  ,  toutes  nos  volontez  , 
(ont  des  états  d'une  même  fubftan- 
ce  ,  &  à  cet  égard  font  la  même 
fubftancc  ,  niais  elles  n'en  font  pas 
les  mêmes  états.  Si  après  cette  re- 
ponfe  ,  un  Pyrronien  poulie  notre 
Auteur  &  lui  dit  :  expliquez-moi 
en  quoi  confifte  cette  diverfité  ou 
cette  pluralité  ^  qui  dans  l'être  fu- 


17  3  h  3S7 

prême  donne  lieu  aux  trois  r,oin. 
de  Pcre ,  de  Fils  ?c  de  S.  Efprit.  Ms 
de  Crouzaz  leur  répond  ,  qu'il  ne 
connoît  pas  afTcz  l'Etre  infini  pour 
donner  là-de(Tus  un  parfait  éclair- 
ciifement ,  qu'il  lui  i'uffit  d'avoir 
prouvé  que  ce  myftere  n'eft  oppo- 
fé  cl  aucune  vérité  naturelle  con- 
ftantc.  Quelques  obfcurités  qui  fe 
trouvent  dans  une  vérité  ne  doi- 
vent pas  nous  empêcher  de  la  croi- 
re, quand  nous  avons  d'ailleurs  des 
preuves  affurées  de  fon  cxiftence. 

Par  rapport  aux  fûts  hiftoriques, 
notre  Auteur  avoue  qu'il  y  a  bien 
des  cas  où  il  eft  de  la  prudence  de 
ne  rien  prononcer  ,  mais  il  prouve 
qu'il  y  en  a  d'autres  fur  lefqucis  il  y 
auroit  une  opiniâtreté  déraifonna- 
blc  à  vouloir  demeurer  en  fufpens. 
Il  donne  des  règles  pour  diftinguer 
cesdifferens  cas  ,  parla  qualité  des 
témoins  qui  les  atteftent ,  par  la 
matière  même  de  ces  faits  ,  &:  en 
diftinguant  quelquefois  le  fond  d'a- 
vec les  circonftances  particulières. 
M.  Baylc  a  lui-même  adopté  plu- 
fieursde  ces  règles  de  critiques  ,  & 
il  en  a  fait  ufage  ,  quand  il  n'a  pas 
eu  envie  de  fournir  des  armes  aux 
ennemis  de  la  Religion. 

Notre  Auteur  raifonne  à  peu 
près  de  la  même  manière  fur  la 
Phyfique  que  fur  l'Hiftoire.  Quoi- 
qu'il foit  convaincu  que  cette 
Science  n'eft  point  portée  au  degré 
de  perfedion  que  quelques  Phyfi- 
cicns  imaginent  ,  il  ne  croit  pas 
qu'on  doive  regarder  les  Livres  de 
Phyfique  comme  des  Romans  où 
l'imagination  s'eft  tout  permis.  Il  fe 
borne  néanmoiois  danscetteSedio» 
A  a  a  i j 


5y8  JOURNAL    D 

à  établir  contre  les  objertions  de 
M.  Baylc  la  vente  de  l'exiftence  des 
corps  &  de  celle  du  mouvement ,  à 
l'égard  du  vuidc  il  fe  contente  de 
dire  qu'il  ne  fe  trouve  rien  de  con- 
tradicloire  dans  riivpothéfe  qui  ad- 
met le  vuide ,  &c  que  s'il  y  a  une 
étendue  folidc  &  impénétrable,  il 
n'eft  pas  contradictoire  qu'il  y  ait 
une  étendue  réelle  &  créée  qui  foit 
pénétrable. 

Le  but  de  M.  de  Crouzaz  n'eft 
point  de  donner  un  Traité  complet 
de  morale  ,  mais  d'établir  qu'il  y  a 
une  diftindion  naturelle  des  vices 
avec  la  vertu ,  &  de  tirer  de  ce  prin- 
cipe des  conféquences  toutes  oppo- 
fées,aux  propofitions  par  lefquel- 
les  M.  Bayle  fournir  aux  Pyrro- 
niens  des  moyens  pour  attaquer 
les  premiers  principes  de  la  mo- 
mie. 

Dans  la  Seâiion  où  l'Auteur  parle 
de  l'exiftence  de  Dieu  ,  il  la  prouve 
par  les  argumens  ordinaires  tirés  de 
la  pcrfualîon  générale  de  l'exirtcnce 
d'une  divinité ,  de  la  neccllué  d'u- 
ne caufe  intelligente  ,  Se  d'un  pre- 
mier principe  du  mouvement.  Il 
employé  auffilcs  réponfcs  ordinai- 
res aux  argumcns  contre  l'unité  de 
principe  ,  qu'on  veut  tirer  de  ce 
qui  paroît  d'irrégulicr  dans  le  mon- 
de, &  par  rapport  aa  mal  phyfique 
6^  par  rapport  au  mal  moral.  Il  re- 
jette auflTi  les  formes  plaftiques  de 
M.  de  Cudw'or  ,  dont  M.  Bayle , 
croyoit  que  les  Athées  pouvoient 
tirer  avantage.  Il  foûticnt  néan- 
moins que  ce  Syftêmc  des  tormcs 
plaftiques,  quoi  qu'abfolumcnt  in- 
utile    &c   contraire  aux  principes 


ES    SÇAVANS, 

fuppofe   un    premier   principe  de 
toute  chofc. 

Il  eft  auflî  perfuadé  que  c'cft  de 
bonne  foi  &  avec  de  bonnes  inten- 
tions que  la  plupart  des  Tliéolo- 
giens  ont  foûtenu  que  la  conferva- 
tion  des  créatures  étoit  une  créa- 
tion continuée  ,  mais  il  ne  croit  pas 
que  ce  fentimcnt  doive  cti  e  adopté, 
parce  que  comme  la  volonté  de 
l'être  infini  eftaftez  eflîcace  ,  pour 
que  ce  qui  n'exiftoit  point  com- 
mence à  exiftcr  lorfqu'elle  l'ordon- 
ne ,  il  faut  auffi  rcconnoître  que 
cette  volonté  eft  auflTi  aftcz  efficace, 
pour  que  l'Etre  dont  elle  ordonne- 
î'exiftencc  réelle  &  durable,  com- 
mence non  feulement  d'exifter  , 
mais  continue.  La  confcrvation  ne 
pourroit  donc  être  regardée  comme 
une  création  continuée  que  d'une 
manière  impropre  ,  qu'en  ce  que 
l'exillcnce  continuée  des  créatures 
eft  une  fuite  efficace  de  la  volonté 
de  Dieu.  C'elt  par  une  fuite  du  mê- 
me principe  que  l'Auteur  rejette  le 
Syftème  des  caufes  occalîonnelles. 
Il  prérend  que  l'un  ^'  l'autre  de  ces 
Syftêmcs  fournit  des  armes  aux 
Atbées  contre  l'intention  de  ceux 
qui  les  ont  admis. 

Il  ne  nous  a  paru  rien  de  fingu- 
lier  dans  la  manière  dont  notreAu-  ' 
teur  traite  la  qucftion  de  l'immor- 
talité de  l'amc.  Nous  obferverons 
feulement  au  fu|ct  des  bêtes ,  que 
M.  de  Crouzaz  ne  fçauroit  fe  refou- 
dre à  en  faire  de  pures  machines. 
Selon  lui ,  elles  ont  une  amc  ,  mais 
qui  eft  bornée  à  fentir  &  à  vouloir  ^ 
&  dont  la  capacité  ne  va  point  juf- 
q^u'à  réfléchir.  11  avoUc  qu'on  peut 


faire  bien  des  difficnltez  contre  ce 
Syftême  ,  mais  il  dit  que  ce  qu'il  y 
a  d'obfcur  fur  ce  fujet ,  ne  doit  pas 
nous  faire  rejcttcr  ce  que  nous  con- 
noilTons  certainement.  Mais  cette 
ame  eft-elle  immortelle  ?  L'Auteur 
répond  qu'il  n'en  fçait  rien  j  mais 
que  quand  elle  feroit  immortelle, 
on  n'en  pourroit  tirer  aucune  con- 
fequence  contre  l'mimortalitc  de 
l'ame  humaine  ,  attendu  la  diffé- 
rence qu'il  met  dans  fon  Syftéme 
entre  nos  âmes  &  celles  des  bctes. 

Les  difficultez  que  M.  Bayle  fait 
fur  la  liberté  ,  fur  la  félicité  des 
hommes ,  fur  la  providence  ,  ont 
fait  le  fujet  de  tant  de  Livres  difFe- 
rens  depuis  le  commencement  de 
ce  fiécle  ,  que  nous  ne  ferions  que 
repeter  ce  que  nos  Ledteurs  ont  dé- 
jà via  plufieurs  lois ,  fi  nous  vou- 
lions iuivie  l'Auteur  dans  ce  dé- 
tail. Il  nous  luffira  de  remarquer 
qu'il  a  réuni  ce  qu'on  a  dit  de 
meilleur  fur  ce  fuiet  ,  de  qu'il  en 
met  les  preuves  dans  un  nouveau 
jour, de  même  que  fu<  cette  Société 
d'Athées  ,  qui  fuivant  M.  Bayle, 
ne  feroit  pas  moins  bien  réglée  que 
celle  de  perfonnes  qui  feroient  pro- 
feifion  d'une  Rehgion,  qui  admet- 
troit  la  recompcnfe  des  bons  &  la 
-punition  des.  méchans.    Nous  re- 


N  ,     175  5-  3^9 

marquerons  encore  que  quand  M. 
de  Crouzaz  a  occafion  de  parler  de  , 
la  nature  de  la  grâce  &  de  la  préde- 
ftination,  il  n'embraJîe  pas  le  fenti- 
ment  des  Calviniftes  rigides  ,  & 
qu'il  fait  valoir  en  plufieurs  occa- 
fions  les  principes  de  la  tolérance. 

Les  oblervations  fur  les  articles 
du  Dictionnaire  de  M.  Bayle  qui, 
regardent  ks  Patriarches ,  ont  déjà 
été  laites  plufieurs  fois. 

A  l'égard  du  Traité  de  la  foiblef- 
fe  de  l'efprit  que  notre  Auteur  ne  ; 
fait  point  difficulté  d'attribuer  à 
M.  Huet ,  nous  n'en  rapporterqns . 
rien  ici  ,  parce  qu'on  ne  trouve 
guéres  dans  ce  Traité  que  les  objec- 
tions des  anciens  Pyrroniens ,  & 
celles  de  quelques  Pyrroniens  mo- 
dernes aufquels  M.  de  Crouzaz  n'a 
fait  qu'appliquer  ce  qu'il  avoit  dit 
contre  Sextus-Empiricus  &  contre 
M.  Bayle.  L'Auteur  du  Traité  de 
la  toibleire  de  l'efprit  humain  s'eil 
imaginé  que  ce  Pyrronifme  pou- 
voir s'accorder  avec  une  profelîîon 
fincére  du  Chriftianifme  qui  feroit: 
un  pur  effet  de  la  grâce ,  mais  M. 
de  Crouzaz  ne  «peut  fe  perfuader 
que  la  véritable  Religion  puilTe 
ainfî  n'être  fondée  dans  l'efprit 
d'un  homme  raifonnabie  que  fur 
une  efpece  d'anthoufiafme. 


CATALOGVE    DES   LIVRES  DV  CABINET   DE    M.  ***. 

A  Paris,  chez  Jacques  Giierin ,  Libraire- Imprimeur,  Quai  des 

Auguftins.  1733. /»-i2.pp.  450. 


CE  n'efl:  point  ici  une  de  ces 
Bibjiothéques  nonibreufes  , 
ralTemblées  au  hazard  pour  être 
difperfées  de  même.  C'ell  un  Cabi- 


net formé  par  le  travail  aflidu  d'un 
grand  nombre  d'années  ,  &  dans, 
lequel  on  a  eu  le  bonheur  de  faire 
entrer  prefque  tout  ce  que  notre 


^60         JOURNAL    DE 

Hiftoire  &  notre  Poclle  ,  notre  Lit- 
térature &c  nos  Amcnitcz  Françoi- 
fes  ont  de  plus  intcrcllant  :  ce  qui 
compofc  un  aircmblage  de  près  de 
6ooo  Volumes  ,  rangés  ious  diffe- 
rentfs  claires  générales  partagées  en 
plulicurs  titres  ou  Sections. 

De  ces  Sections  comprifcsdans 
la  clafTe  des  Belles-Lettres  ,  celles 
qui  s'attirent  une  particulière  atten- 
tion ,  par  la  quantité  prodigicufc 
de  Livres  finguliers  &  rares  qu'elles 
contiennent  font  les  fuivantes  : 
celle  des  Poètes  François  anciens 
&  modernes ,  ranges  félon  l'ordre 
de  l'alphabet ,  &  qui  remplirent 
11  pages  d'impreluon  :  celle  des 
Poèmes  Dramatiques  en  la  même 
Langue,  parmi  lefquels  fe  trou- 
vent prefquc  toutes  ces  anciennes 
Pièces  ,  oià  l'on  rcprefcntoit  par 
perfonnages  les  Mvlteres  de  notre 
Religion  &  les  principales  actions 
des  Saints  &  des  Saintes  :  celle  des 
Romans  François  de  Chevalerie,  & 
des  Hilloircs  Romanefques  ancien- 
nes &  modernes ,  le  tout  par  ordre 
alphabétique  :  celle  des  Contes  & 
Nouvelles ,  des  Facéties  &  des  Piè- 
ces burlefques,  &c.  celle  des  mé- 
langes de  des  morceaux  finguliers 
de  Philologie  Françoife  ,  &c. 

Dans  la  clafle  des  Hiftoriens,  on 
clt  étonné  du  recueil  immcnfe  qui 
s'y  trouve  de  Traitez  particuliers  & 
de  Pièces  iîgitives  concernant  l'Hi- 
ftoire  de  France  ;  ce  qui  s'étend  de- 
puis la  page  lo6  de  ce  Volume  juf- 
qu'à  la  page  409.  Les  principaux  ar- 
ticles de  cette  précicufe  Collection 
regardent  i".  l'Hiftoire  des  règnes 
des  Rois  de  France  ;  1°.  les  Trai- 


5  SÇAVANS, 

tez  qui  concernent  le  Gouverne- 
ment du  Royaume  ,  c'elt-à-dire  , 
les  Loix  ,  les  Ordonnances ,  les 
Coutumes  ,  les  Droits  de  la  fucccf- 
fion  à  la  Couronne  ,   les  Régences 

6  les  Majoritez  ,  les  Ftats  géné- 
raux ,  les  Domaines  &  Appanages  , 
les  Finances  ,  les  Monnoycs ,  le 
Commerce ,  les  Droits  de  la  Cou- 
ronne fur  divers  Etats,  les  alliances 
politiques ,  les  Traitez  de  paix  ,dc 
Trêves ,  de  Neutralité  ,  de  confé- 
dération ,  G'c.  les  ufages  &  céré- 
monies obfervées  aux  folemaitez  ; 
les  Mariages  &c  les  Teftarriens  des 
Rois ,  des  hls  &  des  filles  de  Fran- 
ce ;  3°.  les  Traitez  des  Offices  & 
des  Olîiciers  duRoyaume;  4°.ies  gé- 
néalogies tant  de  la  Maifon  Royale 
que  des  differens  Seigneurs  ;  5°. 
l'Hiftoire  des  Maifons  ,  des  Famil- 
les &:  des  perfonnages  illuftres  ,  en 
général  &  en  particulier  ;  6".  l'Hi- 
ftoire  Ecclefiaftique  &C  Civile  des 
Provinces  &c  des  Villes  de  France , 
&c.  Nous  ne  taifons  qu'indiquer 
en  gros  les  divifions  générales  qui 
partagent  cette  moitié  du  Catalo- 
gue ,  fans  nous  arrêter  aux  fubdi- 
vifions ,  dont  le  détail  nous  menc- 
roit  trop  loin. 

Ce  que  nous  en  avons  annoncé 
fuflira  pour  juftifier  ce  qui  eft  dit 
dans  l'avertilTement  qu'on  lit  à  la 
tête  de  ce  Volume,  »  Qiicl'acqui- 
«  fition  de  ce  Cabinet  en  entier  de- 
>•  vroit  fiiire  un  extrême  plaifir  à 
»  quiconque  pourroit  former  le 
»  projet  d'un  fcmblable  Recueil  ; 
»  Qiie  ce  feroit  une  grande  confo- 
»  iation  pour  celui  qui  y  étoit  par- 
»  venu  ,  que  de  le  voir  palTcr  fans 


J  U  I  N  ,    I  7ÎÎ-  3<?i 

»  démembrement  en  des  mains  ca-      »qui    pourront  fe  déterminer  par 


y  pables  d'en  taire  ufage  ;  Que  c'eft 
a  lin  entant  précieux  ,  élevé  avec 
»  beaucoup  de  loin  ,  de  peine  &  de 
«dépcnfc  ,  dont  la  confcrv.uion 
»  cft  toujours  chère  ,  lots  même 
«qu'on  fe  départ  de  toute  l'autori- 
»  té  qu'on  a  voit  fur  lui  -,  Qiie  ceux 


1)  des  vues  fieftimables  (Se  en  mênic 
»  teins  11  naturelles ,  trouveront  le 
"  Maître  du  cabinet  tr}s  dilpofé  à 
»  facriher  de  bonne  grâce  une  par- 
»  tie  de  les  intérêts  aux  divers  ar- 
«rangemens  qu'ils  auront  à  lui 
»  propofer. 


NOVVELLES     LITTERAIRES, 


ITALIE. 

De  Milan. 

JOSEPH  Richini-Mdatefla  , 
Imprimeur  de  la  Société  Palati- 
ne a  public  un  Programme  Italien  , 
pour  apprendre  au  public  qu'il  a 
mis  en  vente  le  cinquième  &  le  fi- 
xiéme  Tome  du  Recueil  des  anciens 
Poètes  Latins ,  avec  la  Traduâion 
Italienne  en  vers  à  côté  du  Texte 
Latin.  Ces  deux  nouveaux  Volu- 
mes contiennent  l'fweVW^  de  Virgi- 
le traduire  par  le  Commandeur 
Annibal  Caro.  Les  Georgiejues  &  les 
Bucoliques ,  avec  les  autres  Pièces 
de  Poéfie  attribuées  par  les  anciens 
à  Virgile,  occuperont  les  deux  Vo- 
lumes fuivans. 

Le  même  Imprimeur  avertit  de 
plus  qu'il  a  achevé  d'imprimer  le 
fécond  Volume  de  la  nouvelle  Edi- 
tion des  Oeuvres  de  i"/^ow/«/. Com- 
me les  conditions  de  la  Soufcrip- 
tion  propofée  pour  cet  Ouvrage  , 
n'avoicnt  pas  d'abord  été  tout-àfait 
réglées ,  on  a  jugé  à  propos  de  les 
expliquer  clairement  dans  cette 
feuille.  Nous  dirons  feulement  en 


général  que  l'exemplaire  en  grand 
papier  &:  en  5  Tomes  in-foL^oux  le- 
quel on  aura  foufcrit ,  reviendra  en 
total  à  151  livres  monnoye  de  Mi- 
lan. 

Le  prix  des  cinq  Tomes  en  petit 
ppier  ne  fera  que  de  105:  à  l'égard 
de  la  manière  dont  ces  fommcs 
doivent  être  payées  en  differens 
tems,  6i  de  leur  évaluation  en  ar- 
gent de  France  ,  on  pourra  s'adref- 
fer  à  Paris ,  chez  de  Bure  ^  Librai- 
re ,  Qiiai  des  Auguftins  ,  qui 
donnera  les  cclaircilTemens  ne- 
ceiTaires ,  fans  qu'il  foit  befoin  que 
nous  nous  arrêtions  plus  long-tems 
à  ce  détail. 

Ce  fécond  Tome  qui  vient  de 
paroître  a  aulli  été  annoncé  par  une 
Lettre  Latine  de  M.  Argelati  qui 
eft  l'Editeur  de  tout  l'Ouvrage  ,  & 
qui  eft  à  prefent  honoré  du  titre  de 
Secrétaire  de  Sa  Majefté  Impériale. 
Les  XX  Livres  de  Sigonius  ,  de  Reg- 
no  Italiit  ,  dont  on  donne  une 
nouvelle  Edition  dans  ce  Volume, 
y  font  accompagnés  des  notes  & 
des  obfervations  de  M.  Jofeph- 
Antoine  Sajfi  fçavant  Bibliothécai- 
re de  la  Bibliothèque  Ambroifîen- 


j<Ja  JOURNALD 

ne  :  il  y  a  joint  deux  Prétaccs 
que  M.  j4rgelati  a  fait  imprimer 
avec  fa  Lettre  ,  l'une  fur  les  quinze 
premicrs_J-ivres  de  cette  Hill:oire 
de  Sigonius ,  l'autre  fur  les  cinq 
derniers  ,  qui  font  un  Ouvrage  po- 
ftliilme  du  même  Auteur.  M.  ylr~ 
gelati  y  a  ajoilté  diverfes  Tables 
très  -  utiles  à  ceux  qui  voudront 
slhTtruire  de  ce  qui  regarde  l'Ita- 
lie. 

Malatefta  avertit  encore  dans  le 
Programme  dont  il  eft  ici  queftion 
qu'il  a  fous  prefTe  un  Ouvrage  en 
Italien  qu'il  appelle  y}:treo  Libro,  6c 
qui  eft  intitulé  :  Lettere  dtfcorfive 
contro  ad  alctoii  Poëtici  abaji  preghi- 
di'^evoli  Ji  al  decoro  délia  Religione 
CattoUca  ,  corne  alla  biiona  morale 
CrifttiMa.  Opéra  pofluma  del  Dottore 
Pier-Francefc9  Bottazzoni  ,  Bolo- 
gnefi; 

Le  même  Libraire  eft  au(îi  fur  le 
point  d'achever  l'imprellion  de 
deux  DilTertations  Latines  du  Père 
hfeph-yiugtiflin  Orfi^  l'une,  de  Bup- 
tifmo  in  tiomine  JefuChrifti^  &deHdL- 
retKis  i^iti  B'ipiifmi  formant  olim  adul- 
teraritnt,  l'autre  ,  de  Chrifmate  Con- 
firmatorio.  in-4°.  comme  les  autres 
Diflêrtations  .du Jiiême  Auteur. 

A/LtlEMAGN  E. 

De  Fb-ancfort  sur  le  Mein. 

iMa.'fhha  Biblintheca  F'eterum  Pa- 

triitn  :&,  AwicfHorum  Scnptorum  Ec- 

çUfiafiiCorHm  ,  poflremâ  Lugdiinenji 

Editmie  multo  emendatior  ,  [cleEiior  , 

.  &,  auElior  i  no  vis  ejuippe  Monumetuis 

.iEcclpjMJhcis ^  qflu.digna  vidtbantnr^ 


E  S  SÇAVANS, 

ex  recentioribus  Patrnm  C ollcElioni- 
bus  ,  Spicilegiis  ,  Th;fauris  ^  rario- 
rihiis  m.'.ximè  illis  fuperbiens  ,  fine 
hUo  partiiimfeElAve  Jiudio  colligenda^ 
CBpio/iJJlmif(jiie  inftruenia  InXicibus. 
Franco fHrti  ad  M^mim.  Impenfs 
Joannis  Georgii  Cotte.  1735. 

Voilà  le  titre  du  Projet  que  Jenn- 
George  C)!ta  ,  Libraire  de  Tiibinge  , 
a  imprimé  en  deux  tcuilks  m-foho  , 
pour  propofer  par  Soufcription  la 
nouvelle  Edition  de  la  Biuliothe- 
que  des  Pères  qu'il  a  entrepris  de 
donner  au  public.  Il  eft  alTcz  inutile 
de  faire  ici  l'Extrait  des  diffcrens  ar- 
ticles que  contient  ce  Prafpeiius  : 
Se  qui  ne  font  qu'un  efpcce  de 
Commentaire  du  titre  :  il  nous 
fuftît  de  pouvoir  dire  fans  craindre 
de  nous  tromper  que  Ci  on  exécute 
exadlement  &  hdclcmcntles  mag- 
nifiques promefles  qui  y  font  énon- 
cées ,  cette  nouvelle  Edition  fe- 
ra préférable  à  la  dernière  Edi- 
tion de  la  Bibliothèque  des  Pè- 
res ,  faite  à  Lyon  en  1^7  7.  en 
dix  -  fcpt  Volumes  in  -folio;  cel- 
le-ci n'eft  il  chère  que  parce  que 
n'y  en  ayant  pas  eu  d'autres  depuis 
fi  long-teras ,  elle  eft  devenue  fore 
rare. 

Des  fçavans  Catholiques  &  Pro- 
'teftans  d'une  réputation  connue, 
qu'on  ne  nomme  cependant  pas  , 
doivent ,  à  ce  qu'on  aflure ,  con- 
tribuer de  leurs  foins  à  rendre  par- 
faite cette  Edition  de  Francfort  ■■, 
tout  eft  prêt  pour  en  commencer 
l'impreflion  :  il  ne  s'agit  que  de 
fçavoir  le  nombre  des  Soufcrip- 
teurs  ;  parce  qu'on  né  doit  en  tirer 
que  très-peu  d'exemplaires  au  delà 
de  ce  nombre.  On 


JU   I 

On  y  cmployera  des  caraiSleres 
tout  neufs,  &  de  beau  papier  ,  de 
Ja  même  grandeur  que  celui  de  l'E- 
dition de  Lyon. 

Il  paraîtra  deux  Volumes  à  cha- 
que foire  deFranctortila  condition 
de  la  Soufcription  eft  qu'on  payera 
toujours  un  des  deux  Volumes  d'a- 
vance ,  l'autre  fera  payé  en  le  rece- 
vant. Chaque  Volume  en  petit  pa- 
pier fera  de  fix  florins  d'Empire,  ce 
qui  revient  à  peu  près  à  15  livres 
monnoye  de  France,  Le  prix  du 
grand  papier.  Ci  on  en  demande  , 
fera  de  neut  florins  ,  ou  environ  de 
22  livres  10  fols  de  la  même  mon- 
noye. 

Tel  eft  le  précis  que  nous  pou- 
vons donner  de  ce  Pro/^fi7«x  ,  dans 
lequel  on  a  ajouté  une  Lifte  des 
MonuHiens  du  premier  &  du  fé- 
cond fîécle  de  l'Eglife  ,  lefquels  en- 
treront dans  le  premier  &  dans  le 
fécond  Volume  ;  ils  font  rangés 
fuivant  l'ordre  où  ces  Pièces  feront 
imprimées  :  on  a  voulu  donner  par- 
là  une  idée  du  plan  qu'on  fuivra 
■dans  cette  Edition. 

SUISSE. 

X)  £    B  ASLE. 

M.  Jean-Rodolphe  y/J//»,  Doc- 
teur en  Droit  ,  &  de  la  Société 
Royale  des  Sciences  de  Berlin  , 
vient  de  propofer  par  Soufcription 
un  Ouvrage  confiderablc  en  Alle- 
mand ,  dont  il  fe  prépare  à  donner 
l'Edition.  Le  Projet  qu'il  en  a  fait 
imprimer  eft  intitulé  :  ty£gidit 
TJihHdii  Gcvclçnen  Land-^mniat»- 


N  .     17  5  5;  ^Si 

nf-zu  Glarus  Chyotiicon  Hducticnm^ 
&c.  c'cft-à-dire  ,  ChroniciHe  Helve- 
tique  de  Gilles  Tfchudi  Land-j4in- 
mann  de  Glaris ,  ou  Hijloire  ZJmver- 
felle  de  ce  cjiii  s'efl  pajfé  de  plus  remar- 
(juahle  ,  tant  dans  l' Empire  cjue  dam 
laSiiijfe  &dans  les  Pays  voifms  depuis 
l'an  M.  jufijuen  l'an  mcccclxxi, 
cnnpnfée  fitr  des  Mémoires  &  des 
Pièces  authentiques  tirées  des  princi- 
pales Archives  des  Cantons^  avec  une 
Hifloire  de  la  Guerre  de  l^ Empereur 
Adaximilien  I.  &  de  la  confédération 
de  la  Suabe  CT  de  la  Franconie.  Le 
tout  imprimé  pour  la  première  fois 
d'après  un  Manufcrit ,  &  accom- 
pagné d'une  Préface  de  l'Editeur. 
1733- 

Cette  Hiûoire  qui  fera  imprimée 
chez  Jean-Jacques  Bifchojf^  Si  pour 
laquelle  on  foufcrit  jufqu'à  la  fin 
de  Juin  dans  les  principales  Villes 
de  tous  les  Pays  où  on  parle  l'Alle- 
mand, doit  être  en  deux  Volumes 
infilio.  Si  les  Soufcriptions  font 
remplies  au  terme  marque.  Le  pre- 
mier Volume  paroîtra  au  mois  de 
Février  de  l'année  prochaine  1734, 
&  le  fécond  au  mois  d'Oftobre  fui- 
▼ant. 

Le  prix  de  la  Soufcription  du 
premier  Volume  eft  de  8  florins , 
ou  20  livres  argent  de  France ,  dont 
on  payera  la  moitié  en  foufcrivant, 
&  l'autre  moitié  en  recevant  l'e- 
xemplaire. Le  fécond  ne  coûtera 
que  fix  florins  ,  lefquels  feront 
payés  de  même. 

Ces  conditions  de  la  Soufcriptio» 

font    précédées    dans     l'imprimé 

dont  nous  rendons  compte  ^  d'une 

courte   Préface    où  l'Editeur  faic 

Dbb 


î64  JOURNAL    D 

l'éloge  de  l'Ouvrage  8c  de  Ion  Au- 
teur. 11  ne  fait  cependant  connoî- 
tre  Gilles  Tfchttdi  que  par  fa  qualité 
de  premier  Magiftrat  de  Claris, 
fans  marquer  ni  le  tems  où  il  a  vé- 
cu ,  ni  s'il  cft  d'ailleurs  connu  dans 
la  Republique  des  Lettres.  C'éroit 
lelon  Monlieur  Ifelin  ,  l'homme 
le  plus  capable  par  fon  fcavoir  & 
par  fon  expérience  de  donner  la 
plus  excellente  Hiftoire  de  la  Suif- 
fe  ,  parce  que  perfonne  en  même 
tems  n'étoit  plus  à  portée  que  lui 
d'en  confulter  les  principales  Ar- 
chives ,  où  il  faut  en  effet  recou- 
rir pour  avoir  une  connoiflan- 
ee  parfaite  ,  foit  des  cvenemcns  ar- 
rivés dans  les  differens  Cantons , 
avant  &  après  leur  alliance  ,  foit 
des  affaires  où  le  Corps  Helvétique 
à  eu  quelque  part  au  dehors. 

A  l'égard  du  Manufcrit  dont  on 
doit  fe  fervir  ,  l'Editeur  fans  indi- 
quer de  quel  endroit  il  l'a  tiré  ,  fe 
contente  de  remarquer  qu'il  eft  en 
trois  gros  Volumes  in-folio  dans 
quelques  Bibliothèques  &:  en  qua- 
tre dans  d'autres.  Après  s'être  arrê- 
té un  peu  fur  l'attention  qu'il  aura 
à  en  donner  une  Edition  correcte  , 
&  à  collationner  fur  les  originaux 
les  differens  Aftes  ou  Diplômes  qui 
fe  trouveront  en  entier  dans  l'Ou- 
vrage j  audi-bien  qu'à  mettre  au 
commencement  une  Préface  &  à  la 
fin  uneTable  générale.M. //?/'«  finit 
ainfi  ,  auflî  il  eft  inutile  d'en  dire 
davantage  ,  parce  que  Vino  vendibi- 
li  non  opHs  eft  fufj>enfa  hederâ.  Pour 
BOUS,  nous  croyons  pouvoir  ajouter 
fans  faire  d'autres  reflexions  qu'il 
BQUS  garoît  qpe  ce  Cillti  Tfcmdt  y 


ES  SÇAVANS, 
dont  on  annonce  la  Chronique 
Helvétique  en  Allem.ind  ,  pourroit 
bien  être  le  même  que  celui  dont 
il  cft  parlé  avec  éloge  dans  l'Hiftoi- 
re  de  M.  de  Thou  à  l'an  1571.  &c 
dont  il  cft  aufli  fait  mention  dans 
les  Eloges  des  Hommes  fcavans 
à^ Antoine  Teijfter  qu'on  peut  con- 
fulter à  ce  fujct. 

HOLLANDE. 

D'A  M  s  T  E  R  D  A  M. 

Lettres  i^'Henri  IV.  Roi  de  Fran- 
ce  &  de  Mejfieurs  de  Villeroi  &  de 
Puifieux  ,  a  M.  Antoine  le  Fevre 
de  la  Boderie  ,  AmbafTadeur  de 
France  en  Angleterre.  Depuis  x6o6. 
jufqu'cn  ï6ii.  aux  dépens  de  la 
Compagnie.  1733. /»-8°.  i.voL 

De   laHaye. 

Mémoires  du  Sieur  Jean  Macky  ,. 
Editer  :  contenttnt  principalemetit  les 
caraBeres  de  la  Cour  d^ Angleterre 
fous  les  règnes  de  Guillaume  Ilî.  & 
d! Anne  I.  tracés  a  la  re^ui/ition  de 
S.  A.  R.  Sophie  ,  EleBrice  de  Hano- 
vre ,  &  publiés  furie  Manufcrit  ori- 
ginal de  r  Auteur.  Traduit  de  l'An- 
glois.  Chez  P.  Gojfe  &  i.Neaulme. 
1735,  iniz. 

FRANCE. 

D  £    Lyon. 

Recueil  d'Ouvrages  cmteHX  de 
Mathematiijue  &  de  MécanitfHe^  eu 
Defcriftkn  d»  Cabimt.  de  M,  Gtôt 


lier  de  Scrviere  ,  ttvec  des  figttres  en 
tatlle-douce  ,  far  [on  petit  fils  M. 
GroUier  de  Serviere  ,  ancien  Lieute- 
nant Colonel  ,  l'tm  des  vingt-cb!<j  de 
l'Acad:mie  des  Sciences  &  des  Bel- 
les-Lettres  de  Lyon.  Seconde  Edi- 
tion ,  reviië  ,  corrigée  &  augmen- 
tée de  nouvelies  machines  &  de 
pluficurs  planches.  Chez  D'ovid 
Forey  ^  Libraire.  1733.  i»-^°. 

De  ToiTLousE^ 

Ordonnances  ^f  L  O  U  I  S  X  V. 
Roi  d^  France  &  de  Nava-rre  ,  four 
'fixer  la  Jurifpntdencefnr  la  nature  , 
la  forme  ,  les  Charges  &  les  cendt- 
tions  des  Donations.  Donnée  à  Ver- 


JUIN.   17??. 


36f 


a  mis  en  vente  les  deux  premiers 
Volumes  in-folio  de  la  nouvdlletdi- 
tion  des  Oeuv/ei  d'Origetjes  ,  publiée 
par  Dom  Charles  de  la  Ru'é^  de  la 
Congrégation  de  S.  Maur.  Cette 
Edition  qui  doit  être  en  cinq  Volu- 
mes eft  parfaitement  bien  exécutée, 
foit  pour  la  beauté  du  papier  ,  foit 
pour  lanetteté'des  caTadetes.  Nous 
rendrons  compte  inceflammcnt  du 
travail  du  fçavant  Editeur. 

Pierre-François  Grffurt ,  rue  Sairït 
Jacques  ,  à  'Sainte  Thércfe  va  irrt- 
pri-mer  les  Généalogies  Hrfhriijnès 
des  ancivnsT'amarchts  ^'Errtprrmrs\ 
Rois  &  de  toutes  les  Maifons  Sott'ûi- 
¥aine! ,  depuis  le  commencement  du 
monde  jnfcju'a,  prtfent  ^  e>tpoféts  dxni 


fiîilles  au  mois  de  Fewter  ly^i .svcc  des  Cartes  Généàl'agifjÉes  ^  tirées  de 
des  Obfervations  autorifées  parles  Hubner  &  des  meillius^^Ameuïs , 
Ordonnances  ,  le  Droit  Romain  , 


&:  les  Arrêts  des  Pariemens.  Pax^ 
Maître  Jean-Baptifle  Furgole ,  Avo- 
cat au  Parlement  deTouloufc.  Ou- 
vrage divifé  en  trois  Parties.  Chez 
Jean-François  Forejl ,  rue  de  la  Por- 
-tcrie  ,  à  la  Couronne,  d'or.  1753. 
■in-folto. 

Ohfervationsfur  les  Arrefts  remar- 
ifuables  du  Parlement  de  Touloufe , 
recueillis  par  Meflîre  Jean  de  Cate- 
lan  ,  Confciller  au  même  Parle- 
ment, enrichies  des  Arrefts  nou- 
veaux ,  rendus  fur  les  mêmes  ma- 
tières. Par  Gabriel  dt  Fedel^cuyer, 
Docteur  &  Avocat  au  Parlement  de 
Touloufe.  Chez  le  même  Libraire^ 
1732.  in-j^",  2.  vol. 

De     Paris. 

Jacques  Vincent  ^  rue  S.  Sevcrin  J 


avec  3es  explications  Hijlorijues  & 
Chronolagicfues  ,  dans  lef^ueiles  l'on 
trouvera  Pétablijfement  ,  les  révolu- 
tions &  la  durée  des  differens  £tats 
du  Monde  ;  'L'origine  dès  Maifons 
Souveraines  ,  leurs  progrès  .  alliances 
droits  5  titres ,  prétentions  &  Armo- 
ries. 

Cet  Ouvrage  ,  dont  l'Auteuf 
fait  connoître  l'utilité  dans  le  plan 
qu'il  en  a  publié  ,  &  auquel  noUs 
renvoyons  ,  fera"  en  ejuatre  Volumes 
in-^".  qui  coûteront  45  livres  ^n 
blanc  lorfqu'ils  feront  imprimés. 
Cependant  ceux  qui  retiendrontun 
exemplaire  auront  un  tiers  de  di- 
mmiiitron  en  donnant  d'avance  15 
liv.  pour  les  deux  premiers  Volu- 
mes ,  qu'on  leur  diftribuera  dansr= 
l'année  prochaine  1734.  &  15  liv. 
pour  les  deux  derniers  ,  qu'ils  au-' 
Konc  dans  l'année  fuiva||Ce. 


3<56  JOURNAL   D 

Rollinhk  ,  Qiui  des  Ausjuftins , 
à  S.  Athanafe  ,  a  fous  preiTe  ,  Ht- 
fioire  des  Révolutions  cCEfpagne  de- 
puis la  deftruElion  de  i  tmftre  des 
Goths  ,  jufqu'k  l'entière  &  parfaite 
réunion  des  Royaumes  de  Cajhlle  & 
(C  Arragon  en  une  feule  Monarchie  , 
par  le  P.  Jofeph  d'Orléans  ,  de  la 
Compagnie  de  Jefus.  Quoique  cet- 
te Hiitoirefoit  un  Ouvrage  Pofthu- 
nic ,  on  afTure  qu'elle  n'a  pas  moins 
de  mérite  que  celle  des  Révolu- 
tions d'Angleterre  du  même  Au- 
teur. Elle  fera  en  trois  Volumes 
j«-4°.  &  paroîtra  au  commence- 
ment de  l'année  prochaine. 

André  Cailleau ,  Place  du  Pont 
S.  Michel,  à  S.  André  ,  débite /'^w- 
Jies  chotjtes  de  M.  l'Ahhé  Boileau , 


ES   SÇAVANS. 

Prédicateur  ordinaire  du  Roi  ,  & 
l'un  des  Quarante  de  l'Académie 
Franfoifc  ^fur  diffèrens  fu/ets  de  Mo- 
rale ,  mifes  par  ordre  alphahti^ue. 
Nouvelle  Edition  ,  revue  ,  corri- 
gée &  augmentée.  \yi^.  in-ii. 

UEpoufe  infortunée  ^  H iftoire  Ita- 
lienne ,  Galante  &c  Tragique ,  par 
M.  D.  P.  B.  Chez  Pierre  Prault  , 
Quai  de  Gêvres.  ly^^.in-ii. 

On  trouve  chez  le  même  Librai- 
re Lettre  de  M.  le  Marcfuis  Scipion- 
Maffei  ,  contenant  le  Récit  &  l'ex- 
plication d'un  feu  rare  &  fîngulier  ^ 
femblahle  a  celui  de  la  foudre  ou  ton- 
nerre ijui  s'efl  formé  dans  le  corps 
<tune  femme  de  la  faille  de  Cefenne  ex 
Italie,  &  l'a  réduite  en  cendres,  1733. 
ia-S",  Brochure  de  17  pages. 


TABLE 

DfiS  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Juin  1735. 

LE  Théâtre  efi-il ,  o«  peut-il  être  u»e  Ecole  propre  s  former  les  msHrs  ^ 
8cc.  page  309 

EJfaifur  les  Erreurs  Populaires ,  &c. 
La  Reitgiên  défendue ,  Poème  , 
Oeuvres  mêlées  de  M.  ***■  ^  Sec. 
Panégyrique  de  S.  François  dAffife  ,  ôcc. 
Six  Livres  de  Lettres  de  M.  May  ans  ,  &c. 
Examen  du  Pyrrhomfme  ,  ancien  &  moderne  ,  ficç. 
Catalogue  des  Livres  du  Cabinet  de  M.  *  *  *  ^ 
Nouvflies  Littéraires  ^ 

,  r         r  Pin  de  h  Table. 


31* 

m 

351 
354 
35» 
3^1 


L  E 

JOURNAL 

scavÀns, 

ï  0  UR 

VANNEE    M.    DCC.    XXXIII 

JUILLET. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

MrDCC.   XXxTlL 
AVEC  JFFROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


I 


LE 

JOURNAL 

DES 

SÇAVANS 

JUILLET  M.  DCC.    XXXIIL 

DISCOVRS  SVR  LES  SPECTACLES  ,TRj4DVIT  DV  LATlN 

Âh  p.  Charles  Porce  ,  de  U  Compagnie  de  Jefus.  Par  le  P.  Brumoy  ,  de 
la  même  Compagnie.  A  Paris ,  de  l'Imprimerie  de  J,  B.  Coignard Ris  à 
la  Bible  d'or.  1735.  Brochure  i»-^°,  pp.  48. 

LE  Père    Brumoy  avertit  que  du  brillant  defes  exprfjfions  ,  les  con- 

quclquc  efiort  qu'il  ait  (m pour  mijfeurs  verront  aJfeT^  iju'il  efl  extrê- 

approcher  de  la  juftejfe  des  penfées  dit  mement  difficile  de  rendre  dans  le  tour 

P.  Porée  ,  de  la  profondeur  de  fon  François,  ce  qni  a  éi  Ji  heureufemtftt 

feus ,  de  la  mblejfe  defes  images ,  &  fenft  en  Lutin, 

Juillet.  C  c  c  ij 


370  JOURNAL   D 

A  l'égard  des  pcrfonncs  qui  ne 
font  pas  obliçtes  de  fçavotr  le  gé- 
nie des  Langues  mortrs ,  &  qui  ne 
peuvent  les  confronter  avec  les 
Langues  vivantes  ,  il  les  prie  de 
t' imputer (ju'auTraduReur  j  oh  à  la 
difficulté  de  la  tradutiion  ,  ce  ejui 
fourrait  leur  paroitre  répréherijîble. 

A  k  faveur  de  cet  Avertiffemcnt 
ieP.Brumoy  donne  fa  tradutiion  au 
public.  Quelques  exemples  que 
nous  en  rapporterons  mettront  aifé- 
mcnt  les  Lccîteurs  en  état  d'en  ju- 
ger. Nous  choifirons  ces  exemples 
parmi  ceux  que  la  défiance  de  nos 
forces  nous  a  fait  éviter  de  traduire 
dans  l'Extrait  que  nous  avons  don- 
né du  Difcours  duj'.  Porée  le  mois 
de  Jiiindtrnicr. 

Un  des  Morceaux  qui  nous  a  pa- 
ru le  plus  difficile  à  copier  en  Fran- 
çois j  &  auquel  pour  cette  raifon 
nous  avons  mieux  aimé  renvoyer 
les  Lcfteurs  ,  eft  le  Dialogue  entre 
le  P.  Porée  &  la  Comédie.  Le  Père 
Porée  introduit  k  Comédie  ,  fe 
vantant  à  lui  de  reformer  les 
mœurs;  ^là-delTus  il  lui  demande 
en  quoi  confiftc  cette  prétendue 
reforme  dont  elle  fe  glorifie  :  la 
Comédie  répond  ,  le  P.  Porée  ré- 
plique i  elle  infifte  ,  il  infifte  aufiî. 
Voici  l'entretien  articles  par  arti- 
cles :  Nous  rapporterons  alternati- 
vement le  Latin  du  P.  Porée  &  le 
François  du  Traducteur.  Les  Lec- 
teurs par  ce  moyen  pourront  com- 
parer fans  peine  la  Tradudion  avec 
le  Texte  qui  cft  tout  ce  que  nous 
avons  ici  en  vue. 

Le  Père  Porte.  Dic  nobis  ,  6 
bona ,  quid  apud  nos  pravi  moris 
emetïdcs  i 


ES   SÇAVANS. 

Tradndiot?.  »  Dites  -  nous  ,  de 
)>  grâce  ,  Mufc  prude  &  rcforma- 
»i  trice  ,  ce  que  vous  reformez  dan« 
»  nos  mœurs. 

La  Comédie.  Ego  Juvenes 
politulos  nimiâ  veftium  laxitatc 
difflucntes  coercco. 

Le  Pcre  Porée.JvsTA  Coercitic 
f\  nihil  fuerit  in  liccntiâ  juvenili  k- 
vcriùs  cocrcendum. 

Tradu^ioii.  »  Ce  que  ]E  be- 
»  forme!  N'ai -je  pas  mes  petits 
»  maîtres  avec  leurs  façons  &  leurs 
»  modes  burlcfques  î  Je  les  réduits 
sjaux  airs  fenfés.  Fort  bien  ; 
M  pourvu  qu'il  n'y  ait  rien  dans  leur 
»  licence  que  vous  deviez  plus  ju- 
»  ftement  réduire  aux  bornes  du- 
»  bon  fens. 

La  Comédie.  Ego  Foeminas  ', 
eruditionis ,  vcl  exquifitx  locutio' 
nis  gloriam  captantes  reprehend». 

Le  Père  Porée.  JEqva  repre- 
HENsio  :  fi  nihil  fit  in  muliebri 
fuperbiâ  vel  petulantiâ  magis  re- 
prehendendum. 

TraduElion.  »  N'Ai  -  je  pas  des 
»  femmes  fçavantes ,  des  précieufes 
«ridicules?  Je  les  critique.  Ex- 
»>  CELLENT  Sujet  de  cenfure  ,  fi 
»  la  vanité  &  Pcnjoiiemcnt  outré 
"  nefournilTent  pas  des  fujetsplus 
»  importans. 

La  Comédie.  Ego  in  Hominis 
Inimani  generis  oforcs  animad- 
verto. 

Le  Père  Porée.  Digna  for  s  an 
animadverfio  :  fi  priùsin  homincs 
humani  generis  corruptores  fuerit 
animadvcrfum. 

TraduSlion.  »  N'ai-je  pas  mes  mi- 
»  fantropes  ^  leur  humeur  me  di- 


J  tJ  ï  L  L 

>}"vcïtit  ~  j'en  badine.  Votre 
si  BADiNAGE  pcut  n'être  pas  bJa- 
»»  niable,  pourvu  que  vous  n'ayez 
M  pas  épargné  les  faux  complaifans 
M  qui  corrompent  les  hommes. 

La  Comédie.  Ego  Homines 
imaginario  conflidatos  corporis 
morbo  ,  ad  fanitatcm  revoco. 

Le  P.  Porte.  Egregia  sanatio  : 
f\  homines  vero  iaborantes  animi 
vitio  antca  fueri^nt  ad  fanitatem  re- 
vocati. 

TradnS{ion.  »>On  connoît 
3>  bien  mes  malades  imaginaires  , 
»  je  les  guéris.  La  cure  est  di- 
w  gne  de  vous  -,  fi  pourtant  vous 
»  avez  commencé  par  la  guérifon 
»  des  maux  plus  eflentiels  de  i'ef- 
>»  prit, 

La  Comédie.  Ego  Ma  r  i  t  i  s^ 
&  Uxoribus  ,  aliifque  hominibus 
erudiendis  Scholara  multipliccm 
inftituo. 

Le  Père  Porèe.  Magnifica 
p  R  G  R  s  u  s  inftitutto  :  dumadbo- 
nos  mores  étudias. 

Tr/tduBio».  »  J'ai  dis  Eco- 
»  LES  de  toutes  forres  :  Ecole  des 
»  Maris ,  Ecole  des  femmes  ,  que 
»  fçai  -  je  ?  Ecoles  pour  d'autres 
i)  Etats.  Les  beaux  Etablissemens, 
-■»  certes ,  s'ils  fe  font  au  profit  des 
9»  mœurs. 

Le  Père  Forée.  Q_u i  d  si  a u- 
T  E  M  ,  (  dicam  enim  quod  non 
fpeâfavi  quidem  ,  fed  de  te  fipiàs 
audivi  )  quid  fi  in  tuâ  multiplici 
Scolâ  homines  ad  nequitiam  magis 
quàm  ad  virtutem  inftituasî 

Traduilion.  »  M  A  i  s  qu  e  d  i- 
»  R  1  e  z  -  vous  ,  (  j'en  parle  fur  le 
»iappprt  de  perfoimes  qui  vous 


E  T,   175  j.  371 

»  connoiflent  bien  )  Que  diriez- 
»  vous  fi  dans  vos  Ecoles  fi  vantées, 
»on  enfeignoit  tout  le  rafincment 
»>  du  vice  aux  dépens  de  la  vertu  ? 

Quid  si  Juvenculi  &c  ado- 
lefcentulas  per  te  condifcant  fim- 
plicitatem  animi  exuere  ,  furtivos 
ignés  alere  ,  connubia  ex  libidinis 
confilio ,  non  ex  parcntum  judicio 
contrahere  ? 

Tradu5iio».  »  Que  seroit  -  ce 
»  fi  la  jeunefie  de  l'un  &  de  l'au- 
»tre  fexe  y  défapprenoit  l'anti- 
»  que  fimplicité ,  pour  s'inftruirc  à 
M  tromper  la  vigilance  la  plus  éclai- 
»  rée ,  &c  à  fuivre  pour  un  engage- 
»  ment  de  toute  la  vie ,  une  aveugle 
"paflionj  plutôt  que  la  prudence 
»  définterelîée  de  ceux  à  qui  l'oR' 
»  doit  le  jour  ? 

Qu  1  D  s  I  p  E  R  te  cdocentuï 
nuptiac  conjugalis  padi  jura  infi-in- 
gere  ,  maritorum  vigilirtiam  fal- 
1ère ,  maritos  ,  modis  indignis  illu- 
derc,  à  maritis  pœnas  injuriarum- 
quas  acceperint  ipfi  ,  non  intule- 
runt ,  per  fummam  contumeliam 
repofcere  ? 

TraduUion.  »  QuB  seroit  -  ce 
»  fi  les  droits  d'un  lien  facré 
»ctoient  livrés  d'un  côté  à  la  co- 
»  queterie  ouvertement  libertine , 
»  à  fes  rufes  furtives  ,  à  mille  indi- 
»  gnes  ftratagêmes ,  &  de  l'autre 
"immolés  à  la  confufion  ,  à  l'igno- 
»  minie  ,  à  l'opprobre  que  mérite 
»  mieux  le  crime  qui  en  eft  l'Au- 
»  teur  &  qui  triomphe  ? 

QyiD  SI  Maritis  fuades  om- 
Hem  uxoribus  vagandi  licentiam 
permittcre  ,  inearumdelidlis  con- 
RiYcre ,  oppiûbria  domeftica  placi-i 


372  JOURNAL    D 

do  ferre  animo  ,  6c  iila  non  culpi, 
fcd  fortiinx  imputare? 

TradiiUion.  »  Que  seroit-ce 
>♦  fi  par  un  art  plus  délie  ,  mais 
»  plus  coupable  encore  dans  la 
«•même efpecc  ,  vous  faifiez  pafTer 
»  une  circonfpciftion  légitime  pour 
»  une  bizarrerie  intolérable  ,  une 
j>  connivence  criminelle  pour  un 
»  air  de  oralant  homme ,  une  indif- 
>i  ferencc  qui  attribue  les  affronts 
"  au  hazard  ,  pour  le  phlegmc  d'un 
n  Philofophe  ? 

Qju  iD  ST  Famulos  famu- 
lafquc  doccs  nihil  pudcre  ,  alienis 
fraudibus  infervire  ,  juvenum  & 
puellarum  animos  vctitis  amoribus 
illaquearc  ;  héros  ,  prxfertim  fe- 
iiiores ,  emungere  argento  ,  &c  na- 
fo  fufpendere  î  Rides. 

Tradu^ion.  »  Que  seroit-ce 
M  fi  vous  enleviez  du  firont  des 
»  doraeftiques  le  voile  de  pudeur 
M  dont  les  a  couvert  le  devoir,  pour 
n  leur  apprendre  à  (ervir  les  crimes 
j»  d'autrui-,  à  faire  tomber  de  jeunes 
»  cœurs  en  des  pièges  trop  chéris , 
3»  à  voler ,  à  railler  leurs  maîtres 
»  vieillis ,  ou  peu  attentifs  ?  Vous 
»  riez. 

Q^u  I  D  SI  T  u  o  s  confuefacis 
difcipulos  vitio  p^trocinari ,  virtu- 
tcm  explodere  ?  &c  apud  te  omnis 
ferme  homo  nequam  falfus  eft ,  le- 
pidus  ,  fcftivus ,  vir  contra  probus 
6t  pet  te  infulfus ,  ineptus ,  ridicu- 
ius  ?  Etiam  ridere  pcrgis. 

TrAdiiUioH.  u  Que  seroit  -  ce 
»  fi  vous  infiiruihez  vos  élevés 
»  à  embellir  le  vice  ,  à  enlaidir  la 
»  vertu  î  Si  chez  vous ,  le  plus  fou- 
•>  vent ,  rbomm£  vicieux  étoit  plai- 


ÏS   SÇAVANS, 

»  fant ,  enjoiié,  d'agréable  humeur? 
»  Si  l'honnête  homme  au  contrai- 
»  re  paroilfoit  ridicule  ,  infipide  , 
>#  bourru  ;  Vous  riez  encore. 

Apagete,  magiftra  morum  im- 
proba  ,  corruptrix  animorum  pef- 
iîma  ,  rci  familiaris  pernicies ,  dif- 
ciplinx  domcftici  labcs  &:  ruina. 

TraduUton.  »  Allez  ,  perte  cxe- 
»  crable  des  mœurs ,  corruptrice 
M  du  cœur  humain  ,  furie  des  fa- 
»  milles  ,  Démon  perturbateur  de 
»  la  difcipline  domeftique.  Fuyez. 

On  peut  facilement  par  ces 
exemples ,  juger  de  la  traduction 
du  P.  Brumoy.  Si  néanmoins  on  ne 
les  trouvoit  pas  fuffifans ,  en  voici 
quelques  autres  :  il  s'agit  des  diffe- 
rens  caradleres  de  ceux  qui  vont 
ordinairement  aux  Spedacles  ,  & 
des  divers  motifs  qui  les  y  condui- 
fent.  Le  P.  Porée ,  comme  nous  l'a- 
vons remarqué  dans  l'Extrait  de 
fon  Difcours ,  trace  là-defTus  un  ta- 
bleau aufli  curieux  qu'interelTant, 
&  où  bien  des  gens  peuvent  fe  rc- 
connoître.  C'eft  un  morceau  que 
nous  nous  fommes  contentes  d'in- 
diquer dans  notre  Extrait ,  n'ayant 
ofé  entreprendre  d'y  toucher  de 
peur  d'en  altérer  les  traits.  Le  voici 
ou  du  moins  en  partie,  de  la  main 
du  P.  Brumoy.  Nous  commence- 
rons d'abord  par  le  texte  du  P.  Po- 
rée fuivant  la  méthode  que  nous 
avons  obfervée  ci-devant. 

QyiNAM  PLERUMQUE  ad  Thca- 
tra  confluunt  ? 

Primum  homincscuriofi,  levés, 
ultro  citroque  curfirantes  fpetStandi 
gratiâ  ,  fpeiflantes  omnia  ,  fcipfbs 
nunquam  rcfpicientcs. 


JUILLET,     1755.  57^ 

TraduBion.  »»  Quel  est,  je  vous     &  unde  aliéna  fpcdrent  naufragia^ 


»  prie  ,  le  grand  nombre  desama- 
»  teurs  du  Théâtre  ? 

M  Des  curieux  premièrement  : 
Mcfprits  légers  ,  vrais  papillons 
»  vokigcans  çà  &  là  ,  fans  favoir 
3»  où ,  faits  (  ce  femble  )  pour  être 
»  fpedateurs  de  toutes  chofes  ,  ex- 
»  cepté  d'eux-mêmes. 

QyiNAM  DEiNDE  ?  Homines 
otiofi  j  tardi  ,  deCdes  ;  quibus 
unum  eft  negotium  nihil  agere  , 
una  follicitudo  nihil  curare  ,  unus 
labor  txdium  fallere  \  nunc  ad  con- 
vivium^  nnnc  ad  colloquium,  mo- 
do ad  nienfam  alearoriam ,  modo 
ad  Scenam  alîîdentes  fine  confilio  , 
fine  judicio ,  fine  frudu. 

TraduSliân.  Qy i  ensuite  > 
»  des  oifits  de  toute  efpece  ,  des  pa- 
M  reffeux  de  profeflion  ,  donti'uni- 
»  que  affaire  eft  de  ne  rien  faire  ; 
ar  l'unique  foin,  celui  de  n'en  point 
«prendre;  l'unique  occupation, 
»  ccUe  de  tromper  leurenr.ui  ;  paf- 
«  fant  de  la  table  aux  cercles ,  ou  au 
«jeu  ,  &  de  -  là  aux  Spedaclcs , 
«•pour  y  afîîiler  fans  goiâr  ,  fans 
a»  difcernement ,  fans  fruit. 

Imo  quicquid  fibi  périt  tempo- 
ris  in  fpedaculis ,  id  omne  lucro 
apponentes. 

TraduBion.  »  Fort  satisfaits 
i>  zn  refte  d'avoir  rempli  le  vuidc 
»  d'un  tems  qui  leur  pefoit. 

Qu  iNAM  posTEA?  Homi- 
rcs  negotiis  privatis  vel  publicis 
immerfi  ac  propè  obruti  ;  perpetuis 
jadlati  curarum  fludlibus,  &  inccr- 
ta  fortuns  turbine  abrepti  ;  diver- 
tcntes  ad  Theatrum  tanquam  ad 
poitum  j  ubi  quiefcanc  paululum  , 


mox  ad  fuas  procellas,  ad  fuos  fco- 
pulos  ,  ad  fua  pericula  fe  prxcipi 
curfu  referentes. 

TraduElton.  »  Q^u  i  encore? 
»  Des  gens  plonges  dans  des  em- 
»  plois  laborieux  ,  accablés  d'afFai- 
»  res  foit  publiques  ,  foit  particu- 
»  lieres ,  agités  par  les  flots  tumul- 
»  tueux  de  mille  foucis  ,  emportés 
»par  le  tourbillon  de  la  fortune  : 
«ils  courent  au  Théâtre  comme" 
»  vers  un  port  :  ils  y  refpirenf 
«quelques  momens  à  la  vue  des 
»  naufrages  étrangers.  Puis  ils  fe 
"replongent  aulïi  tôt  dans  leurs 
»  travaux  orageux  ,  &  courent  fc 
»  livrer  à  leurs  écueils  ordinaires. 

QoiNAM    PR^TFREA?  Ho- 

mines  rixis  vexati  domefticis  ;  nuf- 
qup.m  pejus  habitantes ,  quàm  apud 
ie.  i  Comœdiam  afïlduè,  vel  Tragœ- 
diam  agcntes  eu  m  uxore;  cum  li- 
beris  ,  cum  famulis  ;  atque,  ut  Sce- 
nas  œdium  privatas ,  decUnent ,  ad 
Scenam  Theatri  publicam  confii- 
gientes. 

TraduBion.  »  Qu  els  autres 
»  Spedateurs  ;  Des  hommes  fati- 
3»  gués  de  querelles  domeftiques  ,. 
5»  qui  ne  fe  trouvent  nulle  part  plus 
3»  mal  que  chez  eux  ,  cù  ils  cfiliyent 
»  les  travers  ou  les  caprices  d'ijne 
»  maifon  mal  compofée.  Ils  fe  re- 
»  fugient  au  Théâtre  public  qui 
»les  diftrait,  pour  fe  dérober  aux 
»  Scènes  fecrettes  qui  les  chagri- 
»  nent. 

Quam  por.ro  ?  Homi- 
nes omnis  &  nullius  ordinis  ;  quos' 
ncque  bonos  dixeris  ,  nequc  malos, 
nequc  lèves ,  nequc  gra,ves ,  ncque- 


57*         JOURNAL  D 

ociofos  ,  nequc  laboriofos  ,  fcd 
confuemdini  tanquam  Icgi  fcrvicn- 
tes  i  alicno  viventcs  cxemplo  -,  alic- 
no  judicantcs  ingenio  ;  fie  ad  Tliea- 
tra  ,  ut  ad  Templa  ;  (îc  ad  tabuhm 
coinicain,  ut  ad  fjcram  concionem, 
Rcligionc  pari  ,  vcl  pari  confide- 
rantiâ  ,  id  efl  nulià  ,  fe  confercn- 
tcs. 

Tradunion.»  Qj]  els  autres 
«enfin,  des  hommes  qu'il eftim- 
»  poffible  de  définir.  Ils  ont  tous  le» 
»  cara>5lercs ,  Se  n'en  ont  aucun.  Ils 
»nc  font  ni  bons,  ni  mauvais  ;  ni 
3»  légers  ,  ni  graves  -,  ni  oififs ,  ni  oc- 
M  cupés.  Efclaves  de  la  covjtume 
»  qui  efl  leur  fuprême  loi,  ils  vi- 
»  vent  fiir  l'exemple  d'autïui  ;  ils 
»  penfent  par  l'efpritd'autrui.  C'eft 
«  la  coutume  qui  les  mène  au 
"  Théâtre  comme  au  Temple  ;  à  la 
«Comédie  comme  au  Sermon  , 
»avec  une  pareille  déférence  aux 
j*  égards  ,  c'cft-à-dire  ,  une  égale 
»  indifférence. 

EjusmodiSpectatores 
quis  magnopere  laborare  credat , 
utrùm  bcnè  an  malè  morata  fit 
Theatri  Schola  :  in  quâ  nihil  fec- 


ES  SÇAVANS. 

tantur  pnter  fterilem  8C  otiofam 
animi  occupationem  ?  Atqui  tamca 
Spcctatorum  ea  pars  cft  optima , 
vcl  mmimè  mala.  Sunt  alii  nequc 
illi  numéro  infrequentes,  qui,  &c. 

TraduBion.  >»  Si  persuadera- 
»  T  -  OM  que  de  pareils  Speda- 
»  teurs  s'embarrafTcnt  tort  fi  l'Eco- 
j>le  des  Spcdacles  efl  régulière  ou 
>•  ne  l'efl  pas  î  Ils  n'y  vont  que  pour 
»  s'amufer ,  ou  fe  déiaflcr.  Voil^ 
M  pourtant  la  partie  la  plus  faine , 
»  ou  plutôt  la  moins  mauvaife  des 
"Spciflateurs.  N'en  efl  il  point 
M  d'autres  (  &  les  voit-on  en  petit 
»  nombre  ?  )  qui ,  &c. 

Si  l'on  veut  entrer  dans  un  plus 
ample  examen  de  la  tradudion  du 
P.  Brumoy  ,  il  faut  examiner  les 
portraits  qu'on  y  trouve  de  Cor- 
neille ,  de  Racine ,  &  de  Molière  i 
ce  font  des  copies  faites  d'aptes  le 
pinceau  du  P.  Porée  ;  il  n'y  a  qu'à 
les  conGonter.  Nous  aurions  mis 
volontiers  lesLedeurs  en  état  de  fai- 
re ici  cette  confrontation -,  mais  ce- 
la nous  eût  engagé  à  étendre  notre 
E.vtiait  au-delà  des  bornes. 


RERUM    ITALICARUM    SCRIPTORES,<^c. 

C'efl-  à-  dire  :  Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hifloire  d'Italie ,  depuis  l'a» 
50C.  jitfjH'à  l'an  1500.  Par  AL  Muratori.  Tonte  X.fol.  col.  1091.  A 
Milan ,  par  la  Société  Palatine.  lyztf.  Sans  compter  un  Difcours  Préli- 
minaire qui  efl  de  3 1^.  col. 


o 


,  N  voit  à  la  tête  de  ce  Volume 
le  portrait  de  Lcopold  I.  Duc 
de  Lorraine  ,  auquel  il  efl  dédié. 
On  trouve  cnfuite  une  DifTcrtation 
fur  la  Carte  Géographique  de  l'I- 
talie ,  telle  qu'elle  étoit  fous  l'Em- 


pire de  Charleraagne.  L'Auteur  qui 
ne  fe  nommepoint  ,  maisqui  n'efl 
pas  difficile  à  connoître  ,  puifqu'il 
prend  la  qualité  de  Ledeur  Royai 
à  Padoiie  ,  nous  donne  cet  Ouvra- 
ge comme  une  Introduction  à  la 
Géographie 


J  U  I  L  L  E 

'Géographie  Univerfelle  du  moyen 

âge- 
/  Apres  la  chute  &  le  partage  de 

l'Empire  Romain  ,  l'Italie  ayant 
changé  de  Maîtres  ,  les  differens 
Etats  qui  la  compofoient ,  changè- 
rent aulîi  de  limites.  Plufieurs  Vil- 
les ,  Châteaux  &  Bourgades  prirent 
d'autres  noms ,  ou  hirent,  ruinés  ; 
d'autres  s'élevèrent  en  leur  place.  Il 
cft  cirentiel  de  connoître  ces  diffe- 
ïcntes  révolutions  pour  bien  fça- 
voir  l'Hiftoire  de  l'Italie  ,  &  on  a 
l'avantage  de  les  voir  d'un  coup 
d'œil  dans  la  Carte  qui  reprefente 
la  fituation  de  l'Italie  fous  la  do- 
mination des  Grecs  ^  des  Lombards 
&  des  François. 
Les  occupations  dontM.Muratori 
cft  accablé  ne  lui  ayant  pas  permis 
de  s'appliquer  à  un  Ouvrage  aufïï 
étendu  &auffi  plein  de  recherches 
que  l'explication  de  cette  Carte  ,  il 
s'en  eft  déchargé  fur  l'Anonyme 
qu'il  nous  aflure  avoir  toutes  les 
qualitez  &:  le  tems  neceffaire  pour 
le  bien  traiter.  Ce  dernier  cepen- 
dant excufe  les  fautes  qui  auront 
pu  lui  échapper  fur  ce  que  le  tems 
lui  a  manqué  ,  &  fur  l'impatience 
du  public  qui  l'a  contraint  de  pré- 
cipiter un  travail  d'autant  plus  diffi- 
cile qu'il  avoit  à  parcourir  une  rou- 
te très  obfcurc ,  &  qu'aucun  Sça- 
vant  n'avoit  encore  tentée ,  mais  il 
nous  fait  efpererde  donner  une  fé- 
conde Edition  de  cette  Diflertation 
qui  fera  plus  exadle  ,  &  dans  la- 
quelle il  parlera  de  plufieurs  en- 
droits connus  dans  le  moyen  âge , 
qu'il  n'a- pas  jugé  à  propos  de  mar- 
quer dans  la  Carte  pour  éviter  la 
JhUIci. 


confufion.  Du  refte  tjuoiqu'il  ait 
été  obligé  de  prendre  fouvent  des 
fentimcns  contraires  aux  Sçavans 
qui  l'ont  précédé ,  il  aflure  qu'il  ns 
l'a  fait  qu'après  un  examen  fcrieiix, 
&  il  promet  de  corriger  toutes  les 
butes  dans  lefquelles  il  aura  pu 
tomber. 

Il  avertit  que  fouvent  il  n'a  pu 
répandre  aucunes  lumières  fur  ce 
quircgardoit  le  moyen  âge  fans  re- 
monter dans  la  plus  profonde  An- 
tiquité ,  ainfi  quand  il  lui  arrive  de 
fortir  de  l'Italie  &  de  rapporter  les 
anciennes  origines  des  peuples  & 
des  Villes ,  on  ne  dort  pas  toujours 
raccufer  de  s'écarter  de  fon  fujet.  A 
l'égard  de  la  Carte  Géographique  , 
comme  elle  n'a  point  été  gravée 
fous  les  yeux  de  l'Auteur ,  il  ne  fc 
rend  garand  que  des  chofes  qui 
feront  conformes  à  fon  original. 
Cette  DilTertation  eft  divifée  en  25 
Seâiions,  les  premières  roulent  fur 
differens  points  d'Hiftoire  6c  de 
Critique  que  l'Auteur  s'eft  cru 
obligé  de  difcutcr  avant  de  venir 
à  l'explication  de  fa  Corographie. 

Qiioiquc  la  Sicile  ait  changé  de 
face  l'an  810.  lorfque  les  Sarrazins 
s'en  emparèrent ,  l'Anonyme  n'a. 
point  cru  cependant  devoir  en  don- 
ner la  Carte  ,  parce  que  fon  deflein 
cft  uniquement  de  montrer  les 
changemens  arrivés  dans  l'Italie 
fous  la  domination  des  Lombards, 
èc  des  François.  Mais  comme  on 
le  propofe  de  donner  une  nouvell»- 
Cartc  de  la  fituation  de  l'Italie  au 
onzième  fiécle  jufqu'au  feize ,  tems 
oij  elle  fut  partagée  en  différentes 
Seigneuries  ôc  Republiques.  On  y 
Ddd 


37(5  JOURNALD 

fera  pour  lors  entrer  la  Sicile  ,  la 
Sardaignc  fc  ril'iC  tic  Corle.  Parce 
movcn  le  Lecteur  trouvera  dans  ce 
Recueil  tout  ce  qui  tft  neceiraire 
pour  la  parfaite  intelligence  de 
l'Hiftoirc  d'Italie  jufqu'au  fcizitmc 
fiéclc. 

Après  cette  longue  DifTcrtation, 
qui  eft  imprimée  en  petits  carade- 
rcs  ,  M.  Muratori  nous  donne  , 
1°.  l'Hiftoirede  l'Empereur  Henri 
fepticihe  ,  divifccen  lé  Livres  pat 
Albertinus-Mulïatus ,  Hil^oriogra- 
phe  &  Poète  Tragique.  Telles  font 
les  qualitez  que  les  MlT.  donnent  à 
i'Autcur ,  mais  il  n'étoit  pas  feule- 
ment Homme  de  Lettres  ,  il  étoit 
grand  Homme  d'Etat  :  quoique 
d'une  naiirance  alTez  obfcure  ,  il 
parvint  non  feulement  aux  premie- 
les  dignitez  de  fa  patrie  ,  mais  il  tut 
encore  Exécuteur  de  Juftice  àPlo- 
lence,  Executorjiiflititt.  C'cft  ainfi 
qu'on  appelloit  alors  le  Magiftrat 
de  cette  Ville  ;  après  avoirétéchar- 
gé  de  pluileurs  négociations  aurti 
honorables  qu'importantes,  fur  la 
fin  de  fa  vie  il  fut  exilé  de  fi  patrici 
il  profita  du  loifir  que  l'cloigne- 
ment  des  affaires  lui  donnoit  pour 
fe  replonger  dans  l'étude  &  pour 
compofer  differens  Ouvrages.  La 
dureté  &  l'obfcurité  qui  gâte  quel- 
quefois fon  ftile  ne  doit  point  lui 
enlever  la  gloire  d'avoir  été  un  des 
premiers  qui  ait  commencé  à  réta- 
blir le  goût  de  l'érudition  &  de  l'é- 
légance en  Italie.  Il  mourut  vers 
l'an  1350.  il  patTa  pour  le  plus 
grand  Pocte  de  fontcms  &  en  cette 
qualité  il  fut  couronné  de  LaUrier 
en  grande  cér«moiuc  4  Psidoue^ 


ES   SÇAVANS, 

honneur  que  perfoniyc  n'avoit  re- 
çu depuis  philieuis  hcclcs. 

Les  16  Livres  qui  compofent 
l'Hiftoirc  d'Henri  VIL  font  fuivis 
de  douze  autres  qui  traitent  de  ce 
qui  s'eft  paffé  en  Italie  depuis  la. 
mort  de  cet  Empereur  -,  mais  le  9% 
10'  &:  1 1'  Livre  font  écrits  en  vers 
hexamétjfes.Il  les  adreiTe  à  h.  Société 
Palatine  des  Notaires  de  Padoiie  , 
ad  Notariorum  PadiMnomm  Palati- 
nam  Societatem.  Ils  contiennent  la 
defcription  du  Siège  de  Padoiie  par 
le  grand  Cane  Dcila  Scula  ,  5c  les 
évenemcns  arrivés  à  cette  occafion. 
On  trouve  enfuite  un  Livre  détache 
qui  eft  intitulé  Louis  de  Bavière  ^ 
c'ciVà  dire  ,  l'Hiftoirc  de  cet  Empc^ 
reur ,  enfin  une  Tragédie  très-cour- 
te intitulée  Eccelin  ,  qui  a  pour  fa- 
jet  la  cruauté  de  ce  Tyran  6c  le  fu- 
plice  de  fon  frère  Alberic.  Ce  Poè- 
me n'a  guércs  que  6^00  vers  j  il  eft 
plein  de  feu  ,  mais  fins  règle  ni 
fans  conduite,  &  ce  n'cft  pour  ainli 
dire  qu'une  narration  coupée  par 
differens  Interlocuteurs.  On  a  en- 
core de  lui  une  Tragédie  intitulée 
Achilleis.  1 8  E pitres  en  vers  élégra- 
ques  ,  10  Eglogues ,  des  Soliloques 
Sacrés,  quelques  autres  Elégies, 
&  des  Poches  fur  diftercns  fu)ets. 

Félix  Ollus  Milanois  &  Profef- 
feur  d'Eloquence  à  Padoiie  ,  entre- 
prit de  donner  une  Edition  com- 
plette  de  tous  ces  Ouvrages  à  la. 
prière  de  Dominique  Molino  noble 
Vénitien  ,  qui  aimoit  les  Lettres. 
On  avoir  déjà  commencé  à  les  im- 
primer à  V^enife  en  161-7.  lorf- 
quc  Ofius  forma  k  deflein  d'y 
a^ûcex  quelques  autres  Ecrivains 


J  U  I  L  L 

«5<ii  n'a-voicnt  point  encore  vu  le 
jour ,  &  de  les  enrichir  de  notes. 
Laurent  Pignorius  homme  d'une 
grande  Littérature  tut  alTocicàcc 
travail ,  mais  avant  c]ii'il  fût  achevé 
l'un  Se  l'autre  périrent  dans  cette 
terrible  pefte  qui  délbla  Padoiie , 
Vcnifc  &  les  autres  Villes  voifines. 
D'où  il  arriva  que  leurs  notes  fur 
Muflatus  reftercnt  interrompues, 
&:  que  l'Edition  commencée  ne  put 
être  finie  qu'en  16^6. 

Comme  elle  cft  devenue  très- 
rare  &  très-chere.  M.  Muratori  a 
cru  devoir  faire  réimprimer  ici 
l'Hiftoire  de  Muffatus  avec  le  Spi- 
cilegium  de  Pignorius ,  les  correc- 
tions &  les  notes  d'Ofius ,  &  celles 
de  Nicolas  Viliani  ;  il  faut  avoiier 
qu'elles  font  d'une  longueur  deme- 
furée.  Les  notes  de  la  féconde  ru- 
brique ,  c'eft-à-dire  du  chapitre 
fécond  qui  n'a  pas  vingt  lignes 
rcmplifTent  quatre-vingt-trois  co- 
lonnes. L'érudition  y  eft  prodiguée 
à  pleines  mains  ,  le  judicieux  Edi- 
teur convient  que  ce  n'cft  pas  là  le 
goût  de  notre  liéclc.  Il  fe  flatte 
néanmoins  que  tout  ce  qui  vient 
de  deux  perfonnages  auifi  célèbres 
que  l'étoient  Ofius  &  Pignorius , 
fera  bien  re^û.  D'ailleurs  fon  Edi- 
tion a  un  avantage  fur  celle  de  Ve- 
nife.  A  la  faveur  de  deux  MlT.rrou- 
vés  l'un  dans  la  Bibliothèque  d'Eft 
&  l'autre  dans  la  Bibliothèque  Am- 
broifienne  ,  il  a  rempli  plufieurs 
lacunes  que  les  premiers  Editeurs 
avoient  été  contrains  de  laifler. 

L'Hiftoire  de  Muffatus  eit  écrite 
jvec  beaucoup  de  liberté  &  d'exac- 
titude i  on  y  remarque  par-tout  un 


ET;   17  î  S'  î8£ 

génie  élevé  Se  courageux  ;  dans  h 
Préface  de  l'Hiftoire  d'Henri  VIL 
qu'il  dédie  à  cet  Empereur  même  , 
il  lui  parle  en  ces  termes  :  fi  parmi 
tant  de  guerres  &  d'évenemens 
differens  ,  vous  trouvez  quelque 
chofe  qui  blcftc  votre  gloire  ou 
celle  de  ceux  qui  vous  ont  été  atta- 
chés ,  n'en  fovtz  point  offenfé  , 
comme  il  n'cft  pas  permis  de  dire 
que  vous  ayez  jamais  voulu  tomber 
en  faute ,  il  ell  cependant  naturel 
que  vous  ayez  pu  y  tomber  ,  dès 
que  vous  êtes  obligé  d'avoiier  que 
vous  êtes  homme.  Q^od  fi  per  tôt 
bellorHm  ,  rerumcjne  evcntus  varias  , 
titam ,  vel  tuontm ,  Ufam ,  culpatam- 
ve famiim inveyj'tcs  ,  non  eapicras au- 
res  offcndant ,  cttm  ficmi  ^  ut  fallere 
volueris  dicere  de  te  nefas  fit  ,  falU 
tamen  pojfe  confet^uens  eft  ^  cum  te 
hominem  fatearis. 

L'Hiftoire  de  ce  qui  s'cft  pafîé 
en  Italie  depuis  la  mort  d'Henri 
VII.  eft  adrefte  à  Paganus  Della- 
Tiirre  Evcque  de  Padoiie  ;  il  le 
lotie  au  commencement  du  Livre 
feptiéme ,  de  ce  que  pendant  le 
Siège  de  cette  Ville  ,  lecafqueen 
tête  il  avoit  foûtcnu  le  courage  de 
fon  peuple  contre  les  efforts  des 
Aftiegeans. 

2'.  Une  Chronique  de  Sicile 
compofèe  par  un  Anonyme.  Elle 
avoit  déjà  été  publiée  dans  le  Tré- 
for  des  Anecdotes  des  PP.  Martcn- 
ne  &  Durand,  mais  ce  Livre  fi  cu- 
rieux n'étant  pas  commun  en  Italie, 
M.  Muratori  a  cru  qu'il  devoit  en 
donner  ici  une  nouvelle  Edition. 
L'Auteur  commence  fon  Hiftoireà 
l'an  820.  qui  eft  le  tems  où  la  Sicile 
D  d  d  ij  ~ 


578  JOURNAL  D 

tomba  en  la  jniilïance  des  Grecs. 
Les  deux  Editeiivs  François  difent 
que  cette  Hlftoire  va  jufqu'à  la 
mort  du  Duc  Guillaume  hls  de  Fré- 
déric II.  Roi  de  Sicile  ,  c'cft-à-dire 
environ  vers  l'an  1340.  Peut-être  , 
dit  M.  Muratori  ,  que  l'Hiftorien 
l'avoit  continuée  lufqucs-là,  car  les 
dernières  feuilles  du  Mf.  ont  été  dé- 
chirées ,  mais  ce  qui  nous  rcftc  au  - 
jourd'hui  de  cet  Ouvrage  ne  s'é- 
tend pas  plus  loin  que  l'an  1528. 
Le  ftile  en  eft  fimple,  mais  la  narra- 
tion cft  exacTie ,  &  prefquc  toujours 
appuyée  par  des  ades  originaux 
qui  y  font  rapportés  dans  toute  leur 
étendue. 

5°.  L'Hiftoire  de  Sicile  par  Ni- 
colas Specir.lis.  Cet  Ouvrage  avoit 
été  dé)a  donné  pat  M.  Baluzc 
.d.^ns  \i:  Ai^irca  Hifpamca.  Nicolas 
étoit  de  Notoen  Sicile,  &:  fut  dé- 
puté ,  comme  on  le  voit  dans  fon 
Hiftoire ,  vers  le  Pape  Benoît  XII. 
par  Fridcrie  Roi  <dc  Sicile  vers  l'an 

MUSEUM  FLORENTINI'M  ,  SîVE  GEMM^  ANTIQUE  EX 
Thcfauro  Mcdicco,  &  privarorum  da(flyliothccis  Florcnrix  exhibentes 
Tabulis  C.  imagines  Virorum  Illuftrium  ,  &  Dcorum,  CTc.C'eft  .-i-dirc: 
Cent  Planches  qj-avées  d'après  les  pierres  antiejitcs  qu'on  garde  à  Florence 
dans  le  Cabinet  du  grand  Duc ,  dr  dans  celui  de  cjndc^nes  particuliers , -ou 
Von  voit  reprefentées  les  images  des  Hommes  Illitff--rs  &  des  Dieux  ^  avec 
les  Obfervations  d! Antoine  Gorim  ,  Profcpur  d' Hiftoire.  A  Florence  ,  de 
l'Imprimerie  de  Michel  ^f/?^««^  &  François  Moiuke.  173 1.  infol.pa- 
pier  impérial ,  pp.  loo.  pour  les  Planches,  185.  pour  les  Obfervations, 
fans  compter  l'Epître  Dédicatoire  ^  une  Table  générale  des  Matières, 
&  la  Préface  q'ij  eft  de  11.  pagas. 

ON  nous  donne  cet  Ouvrage  anciens  Monumcns  qu'on  garde  à 

comme     le    premier  Tom.c  Florence  ^  &;  dont  la  plupart  n'ont 

d'une  Collection  ,  dans  laquelle  on  point  encore  vu  le  jour.  Quelques 

fe  propofe  de  raflcmbler  tous  les  perfonncs  de  cette  Ville  auffi  diitin- 


E  S  SÇAVANS; 

1534.  d'où  il  eft  certain  qi» 
PirrhusRocchus  le  confond  avec 
un  autre  Nicolas  Spcciilis  qui  mou- 
rut en  1444.  après  avoir  été  Viccroi 
de  Sicile ,  &  qui  par  confequent  eft 
pofterieur  à.  norrc  .auteur.  Il  rap- 
porte ce  qui  s'cft  parte  fous  les  Rois 
d'Arragon  depuis  le  MatTacre  de 
Sicile  en  1182.  jufqu'à  la  mort  de 
Fridcrie  qui  arriva  en  1 3  37.  un  Frc- 
le  Michel  de  Platea  ou  de  Placia  a. 
copié  cet  Ouvrage  &  l'a  continué 
jufqu'en  13 52.  comme  on  le  voit 
par  des  fragmens  publiés  pax 
Pirrhus  Rocchus  dans  fai  Sicile  Sa- 
crée. Meilleurs  Baluzc  &c  Muratori 
conviennent  que  Nicolas  Spccialis 
eft  un  Auteur  très  digne  de  foi  i 
l'Abbé  Morolicus  &  Nicolas  Fazel^ 
lus  ont  pris  dans  fcs  Ecrits  tout  ce 
qu'ils  rapportent  de  l'Hiftoire  de 
ces  tems,  comme  il  eft  ailé  de  s'en 
convaincre  en  comparant  enlembic 
leurs  Ecrits. 


J   U   I  L  L 

«uées  par  leur  naiffance  que  par 
leur  érudition  ,  font  les  Auteurs 
d'une  cntrcpnfe  (î  utile  à  la  perfec- 
tion des  beaux  Arts. 

Le  Voluitie  dont  il  s'a;;it  aujour- 
d'hui contient  les  pierres  gravées 
qui  font  remarquables  ou  par  leur 
beauté  ou  par  le  fuiet  qu'elles  re- 
prelentcnt.  On  y  compte  léoCa- 
mêes  ou  pierres  gravées  en  relief  Sc 
^■43  pierres  gravées  en  deux. 

Elles  font  tirées  pour  la  plus 
grande  partie  du  Cabinet  du  grand 
r  Duc ,  qui  palTe  pour  un  des  plus 
'•  beaux  Cabinets  de  l'Europe.  M. 
Gori  n'oublie  pas  dans  fa  Préface 
que  c'eft  à  i'iliuftre  Maifon  de  Mé- 
dicis  qu'on  doit  en  Italie  l'étude 
des  anciens  Monumens.  Il  fait  l'élo- 
ge de  tous  les  Princes  de  ce  nom 
qui  onr  continué  ce  fameux  Cabi- 
net depuis  Laurent  de  Médicis  fur- 
nommé  le  Magnifique  ,  jufqu'à 
Jean  Gallon  aujourd'hui  régnant, 
auquel  cet  Ouvrage  eft  dédié.  Di- 
gne héritier  du  goût  de  fes  ancêtres, 
il  a  augmenté  le  tréfor  qu'ils  lui 
^voient  tranfmis  de  300  pierres 
gravées  d'un  travail  exquis  &  de 
plufieurs  autres  antiques  ,  qui  ap- 
paitenoicnt  à  M.  Andreini  Noble 
Florentin. 

Outre  ce  Cabinet ,  ceux  de  Stioz- 
7À,  des  Marquis  Ricardi ,  des  Com- 
tes de  Gherardefca ,  du  Sénateur 
Philippe  Buonarota  ,  du  Marquis 
de  Guadagne  ,  &c.  ont  été  ouverts 
aux  Editeurs  ;  ils  avouent  avec  re- 
connoilfance  qu'ils  en  ont  tiré  de 
grands  fecours. 

La  fuite  ,  La  diftribution  &  l'or- 
<dre  des  pieires  gravées  font  dus  en- 


E  T  ,     17  J5.  57^ 

tierement  aux  foins  de  M.  Blanchi 
Garde  du  Cabinet  du  grand  Duc.  Il 
a  eu  principalement  en  vue  de  les 
difpofcr  dune  manière  commode 
&  agréable  pour  les  Ledeurs ,  & 
on  peut  affurer  qu'il  y  a  réullî. 

On  a  marqué  au  bas  de  chaque 
pierre  la  manière  dont  elle  efb  gra- 
vée ,  foit  en  relief  ou  en  creux  ,  k 
nature  de  la  pierre  ,  comme  la  Cal- 
cédoine ,  le  Jafpe,  la  Sardoine,d^r. 
le  Cabinet  d'où  elle  cft  tirée ,  fa 
figure   &:  fa  grandeur. 

A  l'égard  des  Obfervations  qui 
fuivent  les  planches,  M.  Gori  à  qui 
on  en  eft  redevable  ,  s'eft  attaché  à 
donner  une  idée  du  caradere  ,  & 
même  des  principales  adions  des 
perlonnes  illuftres  dont  on  voit  les 
têtes.  U  en  a  ulé  ainfi  pour  éviter 
une  trop  grande  fecherefle  ,  &  mê- 
me parce  qu'il  n'écrit  pas  ,  dit-il , 
pour  les  feuls  Sçavans ,  mais  pouï 
ceux  qui  ne  font  qu'initiés  dans  les 
Lettres.  Les  Obfervations  qui  rou- 
lent fur  les  Sujets  font  plus  éten- 
dues &  plus  remplies  d'érudition  j 
mais  elle  y  cfl:  répandue  avec  choix 
SiaveofagefTe. 

Pour  éviter  la  confufion  ,  on  a 
cru  devoir  partager  toutes  les  pier- 
res qui  forment  ce  Recueil  en  qua- 
tre claffes.  La  première  renferme  eil 
24  planches  les  tôtes  &  quelquefois 
même  les  buftes  des  Empereurs, 
des  Céfars ,  de  leurs  femmes ,  &C 
des  hommes  illuftres.  Elle  com- 
mence par  Numa  -  Pompilius.  Le 
plus  grand  nombre  des  pierres  de 
cette  clafte  y  eft  nommé.  La  con- 
formité qu'elles  ont  avec  les  Mé- 
dailles ,  &  avec  les  autres  Monu* 


38o         JOURNAL    D 

mens  antiques ,  certains  caraeflcres 
(Jiftinctifs  qui  ont  ctc  particuliers  à 
plufieurs  grands  Perfonnagcs  ,  la 
dcfcription  des  traits  de  leurs  vifa- 
ges,  qu'on  lit  dans  quelques  Au- 
teurs ,  font  les  preuves  fur  lefqucl- 
les  M.  Gori  établit  ce  qu'il  avance  à 
cette  occafion  :  par  exemple  ,  c'eft 
ainft  qu'il  explique  les  figures  7  &  8 
de  la  première  planche  qui  repre- 
fentent  Jules-Céfar. 

»  On  voit  dans  cette  pierre  la  tê- 
jjte  de  Jules -Céfar,  mis  au  nom- 
53  bre  des  Dieux  ,  clic  cft  ornée  d'u- 
»  ne  couronne  de  lauriers  qu  il  por- 
a>  ta  toujours  ,  depuis  que  le  peu- 
w  pie  &c  le  Sénat  lui  en  eun;ntac- 
i>  corde  le  droit  par  un  décret.  On 
»  voit  derrière  fa  tête  le  Lituus ,  ou 
»  bâton  augurai ,  pour  marquer  fa 
»  qualité  d'Augure  ,  l'on  apperçoit 
»ï  devant  lui  l'étoile  qui  lui  étoic 
»  confacrée  &  qui  après  fa  mort , 
»  lorfque  Augufte  cclébroit  en  fon 
»  honneur  des  Jeux  dédiés  à  Venus, 
»  parut  pendant  fcpt  jours.  On  en 
}>  prie  occa£on  de  publier  que  fon 
»  ame  avoit  palfé  dans  l'étoile  de 
»  Vénus  dont  on  prétcndoit  qu'il 
»  tiroit  fon  origine. 

Nous  allons  rapporter  cet  en- 
droit en  Latin  ,  afin  de  donner  un 
échantillon  du  ftile  de  l'Editenr. 

Cernitur  C.Julii-Ctzfansin  Deo- 
rum  numerurn  relati  caput ,  Laiirea 
Conna  redimitum  ,  ejuam  perpétua 
ge[l^vit  lihcnter  ,  Senutus  Vopulnjtie 
décréta.  Pone caput  Lituus ,  y-liigura- 
tus  infigne.  j4r.te  frontei/t  JTelLi  ti  fi- 
era ,  (jut.  eo  extinllo  ^  cdetiie  Augujlo 
in  ejus  homrem  Ludos  ,  Veneri  Geni- 
trici  confccratos ,  qHumperfeptem  dies 


ES    SÇAVANS, 

fulfijfet ,  creditum  efl  ejus  animam  in 
afirum  l^cneris  migrajfe  ,  à  <jHtt  celi- 
fiem  originem  duxijfe  putabatur. 

Voici  encore  comme  M.  Gori 
s'exprime  au  fujetde  la  féconde  fi- 
gure de  h  fécond:  planche.  »  Lci 
■»  habiles  Antiquaires  croyent  voir 
>'  dans  cette  pierre  qui  cft  parfaitc- 
»  ment  bien  travaillée,  M.  Claude 
wMarccllus,  fils  de  Claude  Mar- 
"cellus  homme  Confuhire  ,  & 
>»  d'Antoine  fœurd' Augufte.  Telles 
"font,  ajoute  t-il,  les  raifons  qui 
»  me  déterminent  à  être  de  leur 
»  fentiment.  1*.  Un  rapport  alTez 
»  marqué  avec  les  traits  d'Augufte, 
n  des  cheveux  frifés  avec  art ,  & 
»  gravés  merveillcufement  à  la  ma- 
»  nicre  des  Ouvriers  de  ce  fiéclc 
»  d'or.  Outre  cela  une  belle  figure  , 
>•  &  un  vifage  un  peu  trifte  ,  tel  que 
»  Virgile  nous  le  dépeint. 

Entre  les  pierres  les  plus  rares  de 
cette  première  clalTe  ,  on  peut  com- 
pter celles  qui .  reprefentcnt  ,  à  ce 
que  l'on  prétend  ,  Antonia  fille  de 
Marc-Antoine  leTrium  Vir ,  l'Em- 
pereur Othon  ,  Matidia  fœur  de 
Sabine  femme  d'Adrien  ,  Didius- 
Sevcrus-Julianus ,  Pefcennius-Ni- 
ger ,  &  Julie  femme  de  Septimc- 
Sévéïe  qui  eft  gravée  fur  un  Béril 
très  rare. 

On  abandonne  aux  conjcdlures 
des  Sçavans  les  pierres  qui  paroif- 
fent  être  du  moyen  âge  j  quoi- 
qu'elles n'ayent  pas  cette  délicatef- 
fe  qu'on  admire  dans  le  fiéclc  d'Au- 
gufte ,  il  n'y  en  a  aucune  qui  n'ait 
quelque  beauté  qui  lui  foit  particu- 
lière ,  &:  c'eft  même  fouvent  pat 
cette  feule  raifon  ,  qu'on  les  3  plj- 


J  U  I  L  L 

cées  dans  cet  Ouvrage. 

On  voit  dans  la  féconde  clafTe 
m  i(î  planches  les  images  des  Rois, 
de?  Reines  .Se  des  Héros ,  Alexan- 
dre le  Grand  en  eft  le  premier.  Ce 
Conquérant  cft  rcprefenté  fur  une 
très  -  belle  pierre  la  tcte  couverte 
d'une  peau  de  lion  ,  à  rimiration 
des  anciens  Héros,  principalement 
d'Hercule ,  dont  les  Rois  de  Ma- 
cédoine prctendoient  tirer  leur  ori- 
gine. Dans  les  figures  z  ,  4  ,  5  &  (î 
qu'on  remarque  à  la  planche  Z5  ,  & 
dont  les  vifages  font  tout-à-fiit 
fcmblablcs ,  quelques-uns  croyent 
reconnoître  Annibal ,  d'autres  Af- 
drubal,  d'autres  le  célèbre  Pyrrkus. 

Notre  Auteur  protefte  qu'il  eft 
bien  éloigne  de  donner  ,  comme 
certains  Antiquaires  ,  de  beaux 
noms  à  des  têtes  entièrement  in- 
connues. Cependant  perfuadé  que 
dans  les  chofcs  douteufes  ^  les  con- 
jeJlurcs  ne  dcplaifent  pas ,  pourvu 
qu'elles  foient  appyces  fur  des  rai- 
fons  probables ,  il  en  propofe  plu- 
fïcurs ,  qui  le  déterminent  à  croire 
que  les  pierres  dont  nous  venons  de 
parler  ,  reprefentent  Pyrrhus.  Pour 
ce  qui  efl:  des  autres  têtes  fur  lef- 
quelles  les  Sçavans  font  partagés ,  il 
rapporte  ce  qu'ils  en  penfent ,  fans 
rien  décider  ■■,  nous  lailTons  au  Lec- 
teur à  juger  s'il  en  a  ufé  par-tout 
ivec  la  même  retenue. 

On  a  rangé  dans  cette  clafTc  dif- 
férentes tcrcs  de  Medufe  remarqua- 
bles j  ou  par  la  beauté  du  travail , 
ou  pat  la  fingularité  du  dcffein. 

Une  des  pierres  les  plus  curieu- 
fes  de  cette  clalTe  eft  celle  où  l'on 
Yoit  Hercule  debout  ,  qui  de  cha- 


que  main  ctouffe  un  Serpent,  & 
qui  foule  fous  fes  pieds  unDaupliin. 
M.  Gori  croit  que  c'cft  pour  nlqn- 
trer  qvic  ce  Héros  avoit  hiit  des  pro- 
diges de  valeur  fur  terre  &  fur 
mer. 

La  troifiéme  clafle  n'a  qu'onze 
planches ,  qui  nous  prefentent  les 
figures  des  Mufes  ,  des  Philofo- 
phes ,  des  Orateurs  ,  &  des  Poètes 
les  plus  célèbres  de  l'Antiquité.  So- 
crate  y  tient  le  premier  rang.  On 
nous  en  offre  cinq  différentes 
images  ,  qui  s'accordent  avec  le<i 
traits  que  les  anciens  lui  donnent, 
&011  l'on  retrouve  cet  air  de  Silène 
dont  le  Philofophe  fe  glorifioit. 
Du  refte  il  faut  avoiier  que  cette 
claffe  prête  beaucoup  plus  à  la  con- 
jedurc  que  les  précédentes  ,  parce 
qu'on  manque  de  pièces  de  compa- 
raifon  ,  pour  fe  guider  dans  le  juge- 
ment qu'on  en  porte. 

On  y  trouve  les  Mafques  donc 
les  anciens  fe  fervoient  dans  leurs 
Speiflacles  ■■,  les  uns  qui  étoient  en 
ufage  pour  la  Tragédie  ,  ont  un  ait 
trifte  ,  févérc  &  formidable ,  &  re- 
prefentent des  Divinitcz  ou  des 
Héros  -,  les  autres  qui  étoient  defti- 
nés  pour  la  Comédie  ont  la  forme 
de  Satyres ,  de  Silènes  ,  de  Faunes, 
&  de  Bacchantes ,  avec  quelque 
chofe  de  Comique  ,  de  bouffon  & 
d'extravagant. 

On  a  placé  encore  id  les  pierres 
gravées,  dont  les  anciens  fè  fer- 
voient ordinairerïient  pour  cache- 
ter leurs  Lettres.  On  y  remarque 
des  fymboles  particuliers  qui  n'é- 
taient conijus  que  de  ceux  à  qui  ils 
écrivoienî,  Plautc  en  fait  fouveaS 


^82  JOURNAL    D 

mention  dans  fcs  Comédies.  Pour 
ce  qui  eft  des  autres  pierres  énigma- 
tiqucs  ,  où  l'on  voit  des  têtes 
d'hommes  ou  de  femmes ,  antées 
fur  des  animaux  ,  &c  plufieurs  au- 
tres figures  bizarres  &  monllrucu- 
fcs  ,  on  doit  les  regarder  comme 
des  caradtercs  hieroglytîqucs  fous 
lefquels  certains  PhiU)foplics  ,  à 
l'exemple  des  Egyptiens,  ont  en- 
veloppé leurs  fentimens  &  les  mv- 
fteres  fecrcts  des  Sectes  aufqucUcs 
ils  étoient  attachés.  Notre  Auteur 
renvoyé  là-delTus  à  Spr.nheim  ,  &c 
au  P.  Chiflet ,  qui  ont  traité  au 
long  cette  matière. 

On  a  raiTemblé  dans  la  quatriè- 
me claiïe  en  49  planches  les  têtes 
des  Divinitez  de  la  Fable  ,  &c  plu- 
sieurs Sujets  qui  y  ont  rapport,  M. 
Gori  remarque  que  la  Mythologie 
des  anciens  tire  Ion  origine  de  l'A- 
ftronomie, la  plus  ancienne  dérou- 
tes les  Sciences.  Les  premiers  Sça- 
vans  qui  obfervoicnt  le  cours  des 
Aftres  ,  dans  le  dclTein  de  rendre 
plus  ftnfiblcs  leurs  ditTcrcns  effets, 
&  pour  mieux  taire  connoître  aux 
peuples  la  nature  &:  les  proprietcz 
du  Soleil  &  de  la  Lune  ,  ki  repre- 
fentercnt  comme  autant  de  Divini- 
tez j  &c  les  Poètes  ayant  réalifé  ces 
chirtieres  ,  infenfiblement  elles  fe 
font  répandues  dans  toutes  les  Na- 
tions. 

On  commence  par  les  différentes 
figures  fous  lefquclles  on  adoroit 
Jupiter  -,  parmi  celles  qui  cxpofenc 
lès  Métamorphofes,  on  remarque 
une  Danaé  ,  &  une  autre  pierre,  où 
Jupiter,  fous  la  forme  d'un  Tau- 
reau avec  un  vifage  d'homme ,  en- 


ES    SÇAVANS, 

levé  Europe.  Ces  deux  fujets  foriT 
d'une  grande  rareté. 

On  met  encore  de  ce  nombre  les 
figures  i  ,  2  &  3  de  la  planche  55. 
Elles  paroifTcnt  avoir  été  gravées 
en  l'honneur  de  Sérapis  par  des  per- 
fonnes  qui  croyoient  en  avoir  reçu 
quelques  grâces  particulières.  Il  y 
en  a  une  qui  reprefente  la  tête  de 
Sérapis  pofée  fur  un  pied  humain. 
Ces  pierres  votives  étoient  en  ufagc 
parmi  les  anciens.  On  fçait  d'ail- 
leurs que  lorfqu'ils  s'imaginoienc 
avoir  été  guéris  par  le  fccours  de 
quelque  Divinité  ,  ils  confacroienc 
dans  fon  Temple  ,  en  or  ,  en  ar- 
gent ou  dans  quclqu'autre  métail, 
la  figure  de  la  partie  qui  a  voit  été 
malade ,  c'cfl:  ce  que  M.  Gori  prou- 
ve par  plufieurs  exemples. 

On  a  fait  entrer  dans  la  dernière 
planche  de  l'Ouvrage  les  pierres 
qui  reprcfentent  les  mariages  faits 
en  fe  donnant  réciproquement  les 
mains.  Il  eût  peut-être  été  conve- 
nable de  leur  donner  une  autre 
place,  mais  on  a  cru  qu'elles  pou- 
voient  venir  à  la  fuite  des  Divini- 
tez qui  préfidoient  aux  Noces, 
L'Auteur  déclare  en  finiflant  qu'il 
fera  toujours  prêta  profiter  des  avis 
que  les  Sçavans  lui  donneront  avec 
bonté  fur  les  fautes  qui  lui  feront 
échappées  dans  une  matière  qui  en 
eft  naturellement  très-fufceptible , 
&  que  fes  occupations  ne  lui  ont 
pas  permis  de  traiter  avec  toute 
l'attention  &  le  foin  ncceffairc. 

On  nous  promet  de  travailler 
fins  relâche  aux  neuf  autres  Volu- 
mes. Dans  le  fécond  dont  on  alTurc 
que  les  planche»  fon:  déjà  gravées , 
aufllbien. 


J  U  1  L   L 

suffi  bien  que  celles  du  troifiéme , 
on  verra  encore  des  pierres  gra- 
vées. D'abord  celles  où  l'on  trouve 
le  nom  du  Graveur  ou  quelque  inf- 
cription  grecque  ou  Latine;  enfui- 
te  les  pierres  qui  peuvent  fervir  a 
faire  connoître  les  ufages ,  l'Hiftoi- 
re  ,  la  Religion  ,  &  la  Mythologie 
ancienne. 

Le  troifiéme  contiendra  les  Sta- 
tues des  DiviniteZ  ou  des  Hommes 
Uluftres ,  elles  font  pour  la  plupart 
de  la  dernière  beauté  ,  deiTmées  par 
l'illullre  Peintre  Jean-Dominique 
Campiglia ,  &i  gravées  par  les  meil- 
leurs Maîtres. 

On  rafTemblera  dans  le  quatriè- 
me Volume  les  buftes  des  Empe- 
reurs ,  des  Impératrices  Romaines, 
&  des  Hommes  Uluftres  ^  qui  n'a- 
voient  point  encore  paru. 

On  donnera  dans  le  cinquième 
toutes  les  Statues  de  bronze  qui 
reprefenteRt  des  Divinitez  ,  avec 
leurs  difTerens  fimboles  ,  5c  plu- 
iîeurs  antiques  dans  ce  genre. 

Les  6  ,  7  &  8'  Volumes  feront 
confacrés  aux  Médailles  choifies 
qu'on  n'avoit  point  encore  vues. 
Elles  feront  principalement  tirées 
du  Cabinet  du  Grand  Duc  ,  &  fe- 
ront imprimées  par  fuite  ,  &  fui^ 
vant  les  différentes  grandeurs. 


ET,    175  5.  385 

Enfin  dans  le  neuvième  on  pla- 
cera les  portraits  des  fameux  Pein- 
tres ,  faits  par  eux-mêmes  ,  &  defîî- 
nés  avec  beaucoup  d'exaditude  pat 
Jean-Dominique  Feretti  Florentin. 
Au  refte ,  on  avertit  le  public  que 
tous  ces  Volumes  feront  indépen- 
dans  les  uns  des  autres  ,  ainfi  cha- 
cun pourra  les  acheter  tous  enfem- 
ble  ou  féparément,  félon  fon  goût. 
Ils  feront  compofcs  de  cent  plan- 
ches ,  Se  même  davantage,  gravées, 
dit-oUj  avec  tout  le  foin  que  mérite 
un  Ouvrage  que  les  Editeurs  n'en- 
treprennent que  pour  augmenter  la 
gloire  de  leur  Patrie  ,  &  que  pour 
l'avantage  des  Sçavans.  Aulîl  l'otî 
ne  peut  s'empêcher  de  dire  qu'on 
n'a  rien  épargné  dans  ce  premier 
Volume  de  tout  ce  qui  peut  rendre 
une  Edition  également  utile  8c 
agréable,  la  beauté  du  papier,  la 
netteté  des  caraderes  ^  l'élégance 
&  la  vérité  des  gravures,  le  choix 
des  vignettes,  des  lettres  gnCes,&c. 
tout  y  annonce  le  bon  goût  des 
Editeurs ,  &  nous  ne  doutons  pas 
que  les  juftes  éloges  qu'ils  en  rece- 
vront ne  les  animent  à  continuer  ce 
grand  delTein  avec  autant  de  zéleôc 
decorredion  qu'ils  l'ont  commen- 
cé. 


JmlleL 


Sce 


384  JOURNAL    DES    SÇAVANS, 


QUyESTlO  MEDICA  ,  CARDIN ALITIIS  DISPUTATIONÎBUS, 

manè  difcuticnda ,  in  Scholis  Mcciicorum  ,  die  Jovis  decimà  nonâ 

Fcbruarii ,  1753.  M.  David  VafTe  ,  Doclore-Mcdico  Prilîde. 

An       CONVIVIA      SANITATl      CONFERANT? 

.C*eft-à  dire  :  Qucfiioif  ou  Thê/i  de  Médecine  ,  agitie  dam  les  Ecoles  de 

Médecine  de  Paris  ^  le  Jeudi  dix  -  neuvième  de  Février  1753. 

Si  les  repas  en  compagnie  font  utiles  à  la  fantê  ? 

A  Paris  ,   chez  Quillau  ,  Imprimeur  de  l'Univcrfité  de  Paris  &  de  la. 

Faculté  de  Médecine  en  la  même  Univerûté.  173 3.  vol.  ;h-4°.  pp.  4. 


CETTE  Théfe  a  été  foûtenuc 
aux  Ecoles  de  Médecine  de 
Paris  le  premier  Jeudi  du  Carême. 
On  la  commence  par  demander ,  fi 
hoire  &  manger  en  compagnie  eji  une 
chofe  utile  a  la  famé  ?  Si  on  la  ter- 
mine par  répondre  c^Mt  <^eft  une  fa- 
Intaire  pratiijue. 

Cinq  articles  conduifent  l'An- 
teur  à  cette  dccifion  :  il  définit 
d'aboxd  dans  le  premier ,  ce  qu'il 
faut  entendre  ,  Iclon  lui  ,  par  le 
mot  latin  cenvivium  :  c'eft ,  dit-il  , 
une  ajfemblée  de  perfonnes  qui  man- 
gem  enfemble  autour  dune  même  îa- 
ble.  Convivlum  efl  conviElomm  cmas 
in  circuitu  menft  ejufÀem  loci. 

L'Auteur  appelle  ces  fortes  de 
repas  le  doux  lien  de  la  Société.  Il 
remarque  que  quand  on  en  fçait 
faire  ufage,  ils  procurent  du  plaifir, 
ic  que  le  plaiiir  ,  quand  il  eft  réglé 
par  la  fageffe  ,  contribue  à  la  fmtéi 
mais  que  lorfque  l'excès  s'y  intro- 
duit ,  la  fanté  en  fouffre  ,  bien  loin 
d'en  tirer  avantage.  Il  veut ,  pour 
cette  raifon  ,  que  l'on  banifle  abfo- 
lumcnt  ces  repas  ,  où  il  femble 
qu'on  envie  aux  Payens  leurs  Bac- 
chanales &  leurs  Saturnales. 
Il  divife  en  pluUcuis  daÛes  les 


repas  dont  il  s'agit,  fçavoir:  le» 
ordinaires ,  où  l'on  ne  fert  que  des 
viandes  d'un  prix  modique  ;  les 
extraordinaires  où  l'on  n'en  fert  que 
d'un  grand  prix  &  avec  un  grand 
appareil  ;  les  communs  ,  c'eft-à-dire 
ceux  où  s'affcmblent  en  commun 
plu£eurs  familles;  les  particuliers  ou 
domelHques,  c'cft-àdirequi  fe&nt 
à  part  dans  chaque  famille  peur  la 
nourriture  journalière  de  la  famille. 
U  décrit  ceux  ci  :  Il  dit  qu'ils  ont 
cela  de  commode  que  chacun  y 
boit  S<  mange  comme  il  l'entend. 
Il  y  reprefcnte  d'un  côté  le  maître 
de  la  maifon  ,  beuvant  du  vin  à 
fon  aife  &  à  difcrction  ,  &:  de  l'au- 
tre la  femme  qui  le  plus  fouvent  oc 
boit  que  de  î'eau  pure.  L'enfant 
qui  eft  au  bout  de  la  table ,  3c  qui 
mange  de  la  bouillie  ou  tette  Ti 
nourrice  ,  tandis  que  foa  père  Si.ii 
mère  mangent ,  termine  le  tableau. 
L'Auteur  ne  borne  pas  à  cela  ia 
divifion.  Il  reconnoît  encore  d'au- 
tres fortes  de  repas  qui  fe  prennent 
cfi  compagnie.  U  y  en  a  ,  dit-il ,  de 
Religieux  ou  Légaux  comme  chez, 
les  Juifs ,  la  manducation  de  l'A- 
gneau Pafchal  -,  &  chez  les  premiers 
Cfaiétiens ,  les  jigafes ,  ainlî  ap- 


J  U  I  L  L 

peliés  parce  qu'ils  fer  voient  à  entre- 
tenu l'union  &c  la  charité  ;  il  y  a 
les  repas  de  Noces ,  &  ceux  qui  fe 
font  à  la  mort  des  parens;  il  y  a  des 
repas  fortuits  ëc  foudains ,  tels  que 
ceux  qui  fe  font  pour  recevoir  des 
perfonnes  qu'on  n'attendoit  pas;  il 
met  de  ce  nombre  celui  de  Mclchi- 
fedech  qui  offrit  du  pain  &:  du  vin 
à  Abraham  ,  &  celui  qu'Abraham 
&  Loth  firent  aux  Anges  qu'ils  re- 
çurent chez  eux  ;  il  compte  encore 
d'autres  fortes  de  repas  dont  nous 
paflTons  le  détail  ;  nous  obfervcrons 
feulement  qu'il  finit  par  ceux 
<|u'on  a  coutume  de  faire  à  la  Saint 
Martin,  aux  Rois,  &  en  Carnaval, 
il  les  appelle  des  repas  de  Tolérant, 
i  caufe  des  abus  qui  les  accompa- 
gnent ordinairement. 

L'Auteur  expofe  dans  le  fécond 
article ,  les  effets  afantageux  que 
produifent ,  par  rapport  à  la  fanté  , 
les  repas  d'invitation.  Il  établit  d'a- 
bord trois  proprietez  de  ces  fortes 
de  repas ,  les  unes  animales ,  les  au- 
tres morales ,  &  les  autres  naturelles 
ou  phyfijues.  Par  les  premières  il 
entend  celles  qui  font  du  bien  au 
corps;par  les  fécondes  celles  qui  en 
font  à  l'efprit ,  &  par  les  troifiémcs 
celles  qui  en  font  à  l'un  &  à  l'autre, 
c'eft-à-dire  ,  comme  il  J'explique, 
àl'horame  tout  entier. 

L'homme  eft  un  animal  né  pour 
la  focieté ,  il  fe  conduit  par  l'exem- 
ple ,  &  ce  qu'il  voit  faire  il  l'imite. 
Quelqu'un  mange-t-il ,  il  veut  en 
faire  autant ,  éc  l'eau  lui  en  vient 
aufli-tôt  à  la  bouche  ;  cette  eaaeft 
h  falive  ,  cette  falive ,  remarque 
noue  Autcai,  dillbutles  alimcns. 


E  T  ;  17?  j.  5% 

&c  cette  diiTolution  les  rendant  phis 
favoureux,  excite  l'apperit  ;  i'ap- 
petit  excité  fait  qu'an  prend  plaifit 
à  manger  ,  &  qu'on  broyc  mieux 
entre  les  dents  ce  qu'on  mange  ;  la 
converfition  outre  cela  ,  &  le  rire- 
qui  accompagnent  ordinairement 
les  repas  où  l'on  eft  plufieurs  à  ta- 
ble, fait  que  l'on  retient  plus  long- 
tems  l'aliment  dans  la  bouche,  ce 
qui  eft  caufe  que  la  falive  le  pénétre 
davantage ,  éc  qu'il  fe  diflbut  pat 
confequent  beaucoup  mieux  dans 
la  bouche  ,  qui  eft  le  lieu  où  f<f 
commence  le  grand  ouvrage  delà- 
dig^ftion.  L'aliment  ainfi  humeéfé,- 
broyé  &  diftbut ,  gagne  plus  aifé- 
ment  le  gofier  ,  &  de-là  fc  glilTc 
avec  plus  de  douceur  dans  l'efto- 
mac,  d'où  ilrcfulte  que  la  dige- 
ftion  eft  plus  entière  ,  &  par  une 
fuite  neceftaire  ,  que  le  fang  eft 
mieux  travaillé;  que  les  efprits  ani- 
maux font  plus  libres  &  plus  abon- 
dans  ;  que  les  fucs  nourriciers  font 
plus  doux;  que  la  circulation  &  la 
diftribution  des  liquides  s'exécute 
d'une  manière  plus  complette;  que 
le  cœur  qui  eft  le  théâtre  de  la  joye- . 
fe  dilate  ;  que  la  nutrition  fe  fait' 
plus  facilement  ;  qu'en  un  moc^ 
toutes  les  fontTrion  s  du  corps  conf- 
pirent  comme  à  renvi,au  bien  de  la 
fanté. 

Le troifiéme  article  concerne  les 
avantages  que  valent  à  l'efprit  les 
repas  de  focieté  ;  eft-on  trille ,  dit 
l'Auteur ,  il  n'cft  rien  de  tel  pour 
chafter  le  chagrin,  que  d'être  à  table' 
avec  plufieurs  convives  ;  la  feule 
vue  de  ceux  qui  mangent ,  qui  boi- 
vent,  qui  chantent ,  infpire,  dic-ii^  » 
E  c  e  ij 


3^6         JOU  RNAL  D 

1.1  bonne  hunT^ur  ;  les  fantcz  qu'on 
fc  porte  Ic^  uni  aux  autres ,  les  pro- 
pos agréables  qui  fe  tiennent ,  les 
oifputcs  même  qui  s'élèvent  quel- 
quefois fur  des  points  defciencc& 
de  BcUcs-Lcttrcs ,  tout  cela  réveille 
r.ime  &c  la  rappelle  des  fombres 
idées  où  elle  pourroit  être  plongée  ; 
ajoutez  à  ces  biens ,  l'union  que  ces 
fortes  de  repas  mettent  ou  entre- 
tiennent parmi  les  Citoyens ,  les 
amis ,  les  parens ,  les  voilîns  ,  fans 
parler  des  racommodemens  qu'ils 
opèrent  fouvent  entre  les  perfon- 
nes  les  plus  brouillées  •,  mais  ce 
qu'il  y  a  d'agréable  parmi  les  con- 
vives ,  dit  notre  Auteur  ,  c'eft  que 
l'un  propofe  une  queftion  ,  l'autre 
la  refout  •■,  h  l'un  eft  attaqué  d'une 
mélancholic  qui  l'empêche  de 
manger  ,  l'autre  lui  prefcnte  d'un 
mets  qui  lui  rappelle  l'appétit  ■■,  s'il 
ne  peut  boire  ,  on  lui  offre  une 
goûte  d'excellent  vin  qui  lui  rs- 
joliit  le  cœur. 

Tous  ces  avantages  font  recon- 
nus Se  perfonne  fins  doute  ne  con- 
tredira 1.1  dcflus  l'Auteur.  Il  finit 
l'article  en  difant  que  les  repas  dont 
il  s'agit  font  autant  d'Académies 
des  beaux  Arts ,  &  que  cela  eft  fi 
confiant  qu'il  n'y  a  nulle  différence 
entre  foûtenir  le  contraire  &  men- 
tir :  Talia  conviv'ut  boTiarum  artium 
^cademiam  negare  &  memm^  idem. 

Notre  Auteur  ,  comme  nous  l'a- 
vons vu,  a  divifé  en  trois  genres  les 
avantages  qui  fc  retirent  des  repas 
-de  focieté  :  fçavoir  ceux  qui  regar- 
dent le  corps  ,  ceux  qui  regardent 
l'efprit  ,  &  ceux  qui  regardent 
îhomme  tout  entier  •.  il  a  parlé  juf- 


ES  SÇAVANS, 

qu'ici  des  deux  premiers  ,  il  s'agir 
à  prefent  des  derniers  ,  6c  c'cit  ce 
qui  fait  la  matière  du  quatrième  ar- 
ticle :  ce  qu'il  dit  fur  ce  fujet  fe  ré- 
duit à  ceci  :  fçavoir  qu'il  y  a  une 
telle  connexion  entre  l'ame  &  le 
corps  ,  qu'une  chofe  ne  fcauroit 
faire  du  bien  à  l'un  qu'elle  n'en  faffe 
à  l'autre  ,  &  qu'ainfî  quand  d'un 
côté  on  demeure  d'accord  que  les 
repas  en  compagnie  font  du  bien 
au  corps  ,  il  s'enfuit  qu'on  doit 
avoiier  qu'ils  en  font. i  l'efprit  ,  & 
que  lorfque  d'un  autre  côté  on  de- 
meure d'accord  qu'ils  en  font  à 
l'efprit ,  il  s'enfuit  qu'on  doit  con- 
venir aulTi  qu'ils  en  font  au  corps. 
Or  l'homme  étant  eompofé  d'amc 
&  de  corps ,  il  refulte  que  boire  & 
manger  en  compagnie  tait  du  bien 
à  l'homme  tout  entier  ,  puifqu'il 
procure  la  famé  de  l'efprit  &  celle 
du  corps. 

Cen'efi:  pastout  :  notre  Auteur 
trouve  que  les  repas  en  compagnie 
font  faire  de  l'exercice  ;  or  on  içaic 
que  l'exercice  ne  contribue  pas  peu 
à  la  fantéi  mais  quel  cftdonc  cet 
exercice  qu'on  fait  à  table  ,  lorf- 
qu'on  eftplufieurs convives  cnlem- 
ble?  L'Auteur,  demandera-t-on  , 
entend-il  parler  ici  de  celui  qui  con- 
fifte  dans  l'adtion  des  dents  l  Non, 
c'eft  i'.  de  celui  qui  confifte  dans 
le  mouvement  qu'il  faut  faire  des 
mains ,  foit  pour  recevoir  les  vian- 
des qu'on  vous  prefente  ,  foit  pour 
en  prefentcr  vous-même  aux  au- 
tres. z°.  De  celui  qui  fe  fait  quel- 
quefois avant  que  de  fe  mettre  à  ta- 
ble ,  &  après  en  être  forti  :  notre 
Auteur  ne  fpccifie  pas  quel  eft  cet 


J   U    I   L  L 

«rercice  ]  mais  il  dit  qu'il  y  a  des 
Tepas  qu'on  interrompt  tout  exprès 
pour  l'exercice  dont  il  s'ac;it. 

Le  cinquième  article  ell:  une  ré- 
ponfe  à  cette  cbjetlion  :  Qiie  les- 
repas  en  compagnie  donnent  fou- 
vent  occafion  à  des  dcfordrcs  ,  & 
qu'ainfî  il  taudroit  bannir  abfolu- 
ment  ces  fortes  de  repas.  La  répon- 
fe  de  l'Auteur  eft  i ".qu'il  n'y  a  rien 
où  le  mal  ne  fe  glilTe ,  &  que  s'il 
falloit  interdire  tout  ce  qui  donne 
occalîon  à  des  abus ,  il  n'y  a  prcf- 
qiie  rien  de  légitime  en  foi  qu'il  ne 
fallût  profcrire.  i".  Que  fi  l'on 
compare  le  bien  qui  arrive  de  ces 
fortes  de  repas  ^  avec  le  mal  auquel 
en  prétend  qu'ils  donnent  quel- 
quefois occafion  ,  l'on  verra  que  le 
bien  l^emportc  beaucoup  fur  le 
maL  L'Auteur  dit  à  ce  fujet  que 
des  perfonnes  de  pieté  ,  mais  dent  le 
zèle  n'étoit  pas  félon  lafcience  ^  ayant 
voulu  faire  abolir  les  repas  que 
Meilleurs  de  Théologie  ont  coùtu- 


E  T  ,     1755.  587 

me  de  donner  quand  ils  prennent 
le  bonnet  de  Licence ,  le  Parle- 
mcrnc  intervint  &  rendit  un  Arrêt 
pour  conferver  cette  loiiable  cou- 
tume. Notre  Auteur  trouve  juf- 
ques  dans  les  collations  du  Carême, 
de  quoi  autorifer  les  repas  qu'il  ap- 
pelle ici  du  nom  de  convivia  :  Les 
collations ,  remarque-t-il ,  ne  font 
ainfi  nommées  que  parce  qu'elles 
font  fuppofées  fe  faire  entre  plu- 
fieurs  perfonnes  qui  confèrent  cn- 
femble.  Voilà  donc,  félon  notre 
Auteur  ,  les  repas  en  compagnie 
autorifcs  par  l'Eglife  même  ,  &c 
dans  un  tems  même  de  pénitence  , 
pourvu  toutefois  qu'ils  foient  fo- 
bres  &:  réglés  ,  car  il  met  cette 
condition.  La  conclufion  qu'il 
tire  de  ces  cinq  articles ,  5c  qui  eft 
très  -  fage ,  c'eft  que  les  repas  en 
compagnie  entretiennent  l'union , 
l'amitié ,  la  concorde ,  la  paix  ,  &: 
procurent  outre  cela  une  joye  où 
ion  ne  peut puifer que  delafànté. 


TRAITE"  DE  LA  MAIN-  MORTE  ET  DES  RETRAITS. 
Par  AI.  F.  J.  Dunod  ,  ancien  Avocat  an  Parlement  &  ProfejfcHrRoy.il  m 
VVniverptê  de  Befançon.  A  Dijon  ,  chez  de  Fay  ,  &  fe  vendent  à  Befan- 
€on,  chez  Nicolas  Marchand,  Libraire  ,  en  la  grande  rue.  1733. /w-4°. 
pp.  234.  pour  le  Traité  de  la  Main-Morte ,  pp.  6j.  pour  le  Traité  des 
Retraits. 


PLUSIEURS  de  nos  Cou- 
tumes parlent  de  cette  efpece 
de  fervitude  que  l'on  appelle 
Main-Morre,  qui  eft  un  Droit  .Sei- 
gneurial. Mais  comme  ce  Droit  a 
été  aboli  dans  la  plupart  des  Pro- 
vinces du  Royaume  ,  même  dans 
pluficurs  Coutumes  qui  contien- 
aem  quelques  DifpofitJons  fur  ce 


fujer ,  aucun  de  nos  Jurifconfultes 
François  n'avoit  travaillé  fur  cette 
matière  avec  l'étendue  que  demaiv 
de  une  matière  fi  importante.  Elle 
paroifToit  en  quelque  manière  ré- 
lervée  à  urvjurifconfulte  de  la  Fran- 
che-Comté ,  parce  que  la  plupart 
des  perfonnes  &  des  biens  de  k 
Campagne   y    font  de  conditioa- 


j8&  JOURNAL   D 

Main-mortable  ,  que  la  Coutume 
de  Province  a  un  titre  particulier 
des  Mains-Mortes  qui  contient  i8 
articles  ,  &  que  l'on  y  voit  tous  les 
jours  naître  des  contcftations  entre 
les  gens  de  Main-Morte  &  les  Sei- 
gneurs. 

M.  Dunod  ,  qui  eft  déjà  connu 
par  Ion  Traité  des  Prcfcriptions,  a 
entrepris  cet  Ouvrage  fi  ncceflaire 
pour  la  Franche-Comté  &  pour  les 
Provinces  voiimcs  ,  comme  celle 
du  Duché  de  Bourgogne  :  il  s'atta- 
che à  expliquer  les  difpofi  rions  de 
la  Coutume  du  Duché  de  Bourgo- 
gne au  fujet  des  Mains  Mortes, 
2°.  A  faire  connqjtre  la  Jurifpru- 
dence  du  Parlement  de  Bezançon  , 
où  l'on  juge  fouvent  des  procès  fur 
cette  matière.  Il  y  joint  lesdécifions 
du  Droit  Romain  fur  les  fervirude* 
des  perfonnes  &  fur  leurs  aîïran- 
fihiflemens,  &  celles  des  Coutumes 
du  Royaume  ,  où  l'on  trouve  quel- 
ques articles  fur  cette  Servitude. 

Cet  Ouvrage  eft  divifé  en  Cha- 
pitres ,  où  l'Auteur. tjaite  de  l'ori- 
gine delà  Main-Morte,  des  diffé- 
rentes manières  dont  un  homme 
devient  main  -  mortable  ,  de  la 
communion  ou  communauté  des 
Main  -  mortabies ,  de  la  fuccefllon 
des  Main-mortables  entre  eux  ôc 
des  cas  dans  Içfquels  le  Seigneur 
leur  fuccede  ,  de  l'Aliénation  &  de 
l'Hypoiéquc  des  biens  de  Main- 
Morte.  Î^Ious  allons  jjpporter  quel- 
ques traits  par  lefquels  on  pourra, 
juger  de  l'Ouyrage  entiçr^ 

La  Main  -  Moite  eft ,  fclon  la 
defcription  qu'en  donne  notre  Au- 
tejij: ,  une  fçrviïudç  <jui  ^Stâc  les, 


ES   SÇAVANS; 

perfonnes  &  les  biens ,  &  dont  la 
effets  font  differensfuivans  les  dif- 
férentes Coutumes  des  Pays  où  eU 
les  fublîftcnt  ,  ou  fuivant  qu'elle  a 
été  conftituée  par  les  conventions 
faites  entre  les  Seigneurs  &  les 
Main-mortables.  C'eft  un  efclava- 
ge  modifié  ,  &  M.  Dunod  prétend 
que  lesMain mortabies  font  les  fuc- 
cefleurs  desScrfs  fi  communs  dans 
l'Empire  Romain.  Ses  raifons  font 
1'.  Que  la  Main- Morte  a  commcor 
cé  dans  le  tems  qu'on  a  vu  difpa- 
roître  l'efclavage  :  z".  Q_ue la  Main- 
Morte  a  été  aufll  commune  que 
l'efclavage  :  3°.  Que  les  Main-mor>- 
tables  font  occupés  à  la  campagne  , 
aux  travaux  ,  dont  on  cbargeoit 
les  efdaves  ,  dont  on  a  fait  des 
Main-mortables  :  4°.  Que  les  droits 
qu'ont  lesSeigncurs  fur  les  hommes 
de  Main  morte  ,  font  à  peu  près  les 
mêmes  que  ceux  que  les  Patrons 
avoient  fur  leurs  Serfs  &  fur  leurs 
affranchis.  Notre  Auteur  conclut 
de  là  que  les  Loix  Romaines  qui 
traitent  dfrs  fcrvitudes  Se  des  affran- 
chiffemens ,  font  la  plupart  appli- 
cables à  la  Main-morte.  Il  ne  croit 
pas  néanmoins  qu'on  doive  regar- 
der la.  Main-morte  comme  aufli 
odieufe  que  l'ctoit  la  fervitude  chez 
les  Romains ,  parce  que  le  Seigneur 
a  déjà  fait  une  grande  faveur  à  fess 
Main-mortables  en  changeant  lai 
Servitude  en  Main  -  morte,  &quc 
les  Loix  de  la  Main  -  morte  ten- 

,  dmt  à  conferver  les  biens  dans 
les  familles  des  Main  -  morta- 
bies. D'où  vient  que  les  Payfans 
des  lieux  Main-roortables  font  plus, 

,   à  leur  aiie  dans  le  Coaicc  de  Bour- 


J  U  I  L  L 

gogne  que  cenx  qui  habitent  les 
franchifes. 

On  clc  vient  mai  n-mortable  parla 
naiflance  ,  par  une  convention  ex- 
prelfe,  ou  par  une  convention  taci- 
te. Une  des  queftions  des  plus  im- 
portantes au  fujet  de  h  Mainmorte 
qui  vient  de  la  nailTance  eft  de  fça- 
voir  comment  doit  s'entendre  l'ar- 
ticle 10^  de  la  Coutume  du  Comté 
de  Bourgogne  qui  dit  i^Wen  lieu  & 
condition  de  A4ainmorte  l'enfant  fuit 
ta  condition  du  père.  Dans  le  Duché 
de  Bourgogne  ,  dont  la  Coutume 
cootient  unefcmblable  difpofition, 
on  juge  que  l'enfant  né  d'un  Main- 
mortable ,  mais  dans  un  lieu  de 
franchife ,  cil  franc  ,  parce  que  la 
Coutume  femble  exiger  pour  qu'u- 
ne perfonne  foit  Main  -  m  or  table 
par  nailfance ,  qu'elle  foit  née  d'un 
Main-mortabie  &  en  lieu  de  Main- 
morte. On  juge  au  contraire  dans 
le  Comté  de  Bourgogne  qu'en 
quelque  lieu  que  foit  né  l'enfant 
d'un  homme  de  Main-morte ,  il  eft 
Main-mortable  ;  on  croit  qu'il  n'eft 
pas  fait  mention  dans  cet  article  du 
lieu  de  la  Main-moite  pour  en  faire 
«ne  condition  fans  laquelle  il  n'y 
ait  pas  de  lieu  à  la  Main  -  morte  , 
lo^is  pour  marquer  l'endroit  où 
naiflent  ordinairement  les  enf3ns 
des  Main-mortabks.  Audi  voit-on 
miç  d'autres  articles  de  la  Coûtu- 
me  difent  que  la  condition  de 
l'homme  de  Main-morte  paffe  à  fa 
pofterité  indiftanaement ,  &  qu'il 
oe  prffcxit  jamais  la  liberté  en  quel- 
que lieu  qu'il  aille  demeurei  j  jG  U 
Coutume ,  dit  notre  Auteur ,  a  été 
ilaprefciijpÙQH  &C  iUfoswdeU 


ET,   175  5-  38p 

Seigneurie  ,  la  force  d'opérer  la 
franchife  ,  il  n'eft  pas  probable 
qu'elle  l'ait  voulu  lailTer  à  la  feu- 
le naillanc^  dans  v.n  Iku  franc. 

Les  perfonnes  Main  -  mortabks 
ne  peuvent  difpofer  de  leur  bien 
qu'en  faveur  de  leurs  parens  qui 
font  en  communion  avec  elles,  & 
fi  elles  n'ont  pas  difpofé  de  cette 
manière ,  il  n'y  a  que  leurs  commu- 
niers  qui  leur  fuccedent ,  &  au  dé- 
faut de  communiers  ,  leur  fuccef- 
fion  appartient  au  Seigneur  par 
droit  d'échûte  Main  -  mortablc» 
Notre  Auteur  explique  à  cette  oc- 
cafion  en  quoi  conùfte  la  commu- 
nion des  Main  -  mortabks ,  com- 
ment elle  fe  dilTout ,  de  quelle  ma- 
nière elle  peut  le  rétablir  après  la 
diflolurion.  Ce  qui  lui  donne  lien 
de  difcuter  plufieurs  queftions. 
Nous  ne  nous  arrêterons  qu'à  une 
feiik  au  fujet  du  repret. 

On  appelle  yepret  dansla  Comté 
de  Bourgogne  l'ade  de  fait  ou  de 
paroles  par  lequel  la  fille  mariée 
témoigne  qu'elle  veut  conferver  U 
communion  avec  fon  père. Le  repret 
fe  peut  opérer  de  fait  fuivant  l'ar- 
ticle S  du  titre  des  Main-mortes  de 
la  Coutume  du  Comté  de  Bourgo- 
gne ,  quand  la  fille  jcetourne  gefirla 
première  nuit  defes  noces  enfin  meix 
&  héritage.  On  demande  fi  cet  arti- 
cle doit  fe  prendre  à  la  kttre  :  no- 
tre Auteur  répond  que  dans  ces 
fortes  d'affaires  le  Pailement  de 
Franche-Comté  a  toujours  eu  plun 
d  égard  à  l'intention  qu'à  la  maniè- 
re de  la  marquer.  Uhc  fille  ayajjt  çsk 
diner  chez  ion  père  k  jour  de  ki 
«ôces  ^  ^  couches  cbezibii«giari  ^ 


55)o  JOURNAL    D 

mourut  laifTant  des  cnfnns  ,  les  frè- 
res de  la  mère  de  ces  entans  leur 
<lifpuccrenc  le  droit  de  fucceder  à 
leur  ayeul ,  parce  que  leur  mcre  n'a- 
voit  pas  couché  chez  lui  le  jour  de 
fes  nôccs  ;  il  fut  |U!^é  tout  d'une 
voix  le  dix-feptO(Slobrc  de  l'année 
1600.  qu'en  dinant  chez  fon  pcre  , 
elle  avoir  fatisfait  à  ce  qu'exige  la 
Coutume  pour  conferver  la  com- 
munion. L'Auteur  cite  un  fécond 
Arrêt  rendu  a  peu  près  en  pareille 
cfpece  au  mois  de  Juillet  1^08. 
comme  la  Coutume  admet  le  tc- 
pret  par  des  faits  ,  la  preuve  tefti- 
moniale  en  doit  être  admife.  Car 
<e  n'eft  que  pour  les  conventions 
que  la  preuve  tcftimoniale  cft  rejet- 
tée  quand  la  fommc  cft  au-dclTus  de 
cent  livres. 

Nous  palTcrons  par  -  deffus  les 
deux  Chapitres  qui  regardent  les 
fucceffions  teftamentaircs  &c  ab  in- 
teftat  des  Main  -  mortables ,  pour 
rapporter  deux  exemples  du  dernier 
Chapitre  au  fujet  de  rafiranchifTc- 
mentde  la  Main-morte. 

L'article  7  de  la  Coutume  du 
Comté  de  Bourgogne  fuppofc  que 
le  Sacerdoce  n'affranchit  pas  le 
Main-mortable ,  mais  l'Epifcopat 
affranchit-il  ,  comme  il  aftranchif- 
foitdu  temsde  Jurtinien?M  Dunod 
foiîtient  la  négative,Ôiil  fc  fonde  fur 
ce  que  les  Seigneurs  en  fouffriroicnt. 
Dès  que  les  a^nsde  main-morte  font 
Gonftitues  en  quelque  dignité  qui 
ne  leur  permet  pas  de  remplir  par 
eux  -  mêmes  ,  les  tondions  de  la 
Main-morte  ,  ils  peuvent  y  fatis- 
faire  par  un  tiers  ;  le  droit  des  Sei- 
gneurs à  l'égard  des  Sujets  Main- 


ES   SÇAVANS. 

ïTiortablcs  qui  font  élevés  en  dignî- 
té  eft  de  leur  fucceder  quand  ils  dé- 
cèdent fans  communiers ,  &  il  n'y 
auroit  pas  d.-  jultice  de  priver  les 
Seigneurs  de  ce  droit  ,  fur  -  tout 
quand  on  obferve  que  la  Coutume 
donne  au  Seigneur  l'échûtc  des 
Prêtres  ou  Clercs  de  quelque  état 
qu'ils  foicnt ,  ce  qui  comprend  les 
Evêques ,  comme  les  fimplcs  Prê- 
tres. 

Cependant  notre  Auteur  croit 
^ae  s'il  plaifoit  au  Roi  d'annoblit 
un  Main-mortable  ,  il  feroit  affran- 
chi fans  le  confentemcnt  du  Sei- 
gneur ,  parce  que  l'intention  du 
Roi  qui  annoblir  une  perfonne  eft 
de  lever  tout  ce  qui  pourroit  faire 
obftacle  à  rannoblilTement ,  &  que 
lien  n'eft  plus  oppofé  à  la  Nobleffe 
que  la  Main-morte ,  parce  que  c'cft 
l'état  le  plus  bas  de  la  roture.  11  cite 
un  Arrêt  du  Parlement  du  Duché 
de  Bourgogne  qui  l'a  jugé  de  la 
forte  le  17  Mars  i66'j.  refervant  au 
Seigneur  à  fe  faire  dédommager 
par  l'annobli  du  préjudice  que  caa- 
fe  la  Nobleffe  qui  lui  a  été  accordée. 
M.  Dunod  avoiie  que  M.  Talbert 
eft  d'un  avis  contraire  ,  &  que  la 
grâce  qu'il  plaît  au  Roi  de  lui  ac- 
corder ne  donne  pas  d'atteinte  au 
droit  d'un  tiers. 

Le  Seigneur  doit  être  privé  de 
fon  droit ,  quand  il  en  abufe  pour 
commettre  des  excès  contre  fon 
Sujet.  La  Coiàtume  de  Bourgogne 
veut  qu'en  ce  cas  le  Main-mortable 
relâche  au  Seigneur  le  tiers  de  fes 
meubles.  Mais  M.  Dunod  dit , 
qu'il  fe  peut  trouver  des  vexations 
fi  atroces ,  que  cette  peine  ne  feroit 
pas 


J  U  I  L  L  E 

pas  fuffifante  ,  &c  il  décide  qu'en 
ce  cas  le  Main  mortablc  peut  être 
affranchi ,  fans  abandonner  au  Sei- 
gneur aucune  partie  de  fes  meubles. 


T,     I  7  5  5-  3Pr 

Nous  rendrons  compte  dans  un 
autre  Journal  du  Traité  Lignages- 
Féodal  &  en  Cenfive. 


TRAITE'  DV  SVBLIME,   A   M.  DESPREAV  X ,  &c. 

Par  M.  Silvain  Avocat  en  Parlement.  A  Paris ,  chez  Pierre  Prattlt , 
Quai  de  Gêvres ,  au  Paradis.  i732.voL<«-i2.  pp.  J30. 


NOUS  avons  parlé  de  la  pre- 
mière Partie  de  ceTraité  dans 
le  Journal  de  Mars  dernier.  Il 
nous  refte  à  parler  de  la  féconde  Sc 
de  la  troifiéme  -,  la  féconde  concer- 
ne la  différence  que  l'Auteur  met 
entre  le  Sublime  du  Difcours ,  & 
plufieurs  chofes  dans  lefquelles  il 
prétend  qu'on  le  fait  confifter  mal 
à  propos.  La  troifiéme  regarde 
quelques  méprifes  que  M.  Silvain 
attribue  à  Longin  ,  après  quoi  no- 
tre Auteur  parle  du  ftyle  du  Subli- 
me ,  de  la  queftion  s'il  y  a  un  art 
du  Sublime ,  &  des  raifons  ,  pour- 
quoi le  Sublime  eft  fi  rare.  Voici 
pour  ce  qui  concerne  la  féconde 
Partie. 

M.  Silvain  s'y  propofe  d'abord 
de  montrer  que  le  Grand  &  le  Su- 
blime font  differens  ;  &  pour  ren- 
dre la  chofe  fenfible  ,  il  a  recours  , 
dans  un  Chapitre  exprès  ,  à  des 
exemples  qui  femblent  mettre  la 
chofe  comme  fous  les  yeux  :  il  en 
cite  un  grand  nombre.  Nous  en 
cboifirons  quelques-uns  après  avoii 
rapporté  une  reflexion  qu'il  tait  à  la 
fin  du  Chapitre  ,  fçavoir,  que  la 
différence  du  Grand  &  du  Sublime 
cft  une  chofe  de  fentiment  &:  qu'il 
n'y  a  que  ceux  qui  l'ont  jufte  &  dé- 
licat qui  1»  puiffcnt  appcrcevoir.  U 


établit  cependant  un  principe  qu'il 
prétend  pouvoir  tenir  ici  lieu  de 
règle  :  ce  principe  qu'il  a  déjà  mis 
en  œuvre  au  commcncemeut  de  la 
première  Partie  ,  Se  qu'on  ne  fçau- 
roit ,  félon  lui  ,  trop  repeter ,  eft 
que  :  m  Tout  difcours  qui  élevé 
«•l'amc  avec  admiration  au-deffiis 
»  de  fes  idées  ordinaires  de  gran- 
»  deur  &  qui  lui  donne  une  haute 
M  opinion  d'elle-même ,  eft  fubli- 
»  me  i  «  &  que  tout  difcours  au 
contraire  qui  manque  de  ces  qua- 
litez  n'eft  point  Sublime  quand  il 
auroit  d'ailleurs  de  la  nobleffe  i  cela 
pofé  ,  venons  aux  exemples  : 

Augufte  délibère  avec  Cinna  & 
avec  Maxime  ,  s'il  doit  quitter 
l'Empire  ou  le  garder  ;  Cinna  h» 
confeillc  ce  dernier  parti  ,  mais 
Maxime  qui  eft  d'un  autre  avis , 
parle  ainfi  à  Augufte  : 

Rome  eft  à  vous ,  Seigneur,  l'Empire 
eli  votre  bien, 

Chacun  en  liberté  peut  diipofer  du  fîcn , 

II  le  peut  à  fon  choix ,  quitter  ou  s'en  dé- 
faire. 

Vous  feu!  ne  pourriez  pas  ce  que  peut  le 
Tulgaire  î 

Et  feriez  devenu ,  pour  avoir  tout  douip« 
Fff 


3P2    JOURNAL  DES  SÇAVANS; 


Efçlave.-dcs   Grandeurs, où^Yplis  ocriez 
monté?  ,  ,-         -r 

Pofledez-les,  Seigneur,  fans  qu'elles  vous 
poffedent ; 

I,oiade  yous  captiver ,  foufftcz  qu'elles 
^,.\'ouç  ccdentj 

Et  faites  hAltciiient  connoitre  enfin  à 
tous. 

Que  tout  ce  qu'elles  ont  eft  au-deflbus  de 
vous. 

Votre  Rome  autrefois   vous  donna  la 
:>!  "^  fiiaiirance  , 

ypusiw_voulez  donner  votre  Êoute  puir- 
■'•"  t  'fance, 

£t  Ci«?na  vous  impute  à  crime  capital 
La  libéralité  vers  le  pays  natal. 
II  appelle  remords  l'amour  de  la  patrie. 

Par  la  haute  vertu  la  gloire  eft  donc  flé- 
trie , 
Et  ce  n'cft  qu'un  objet  digne  de  nos  mé- 
pris 
Si  de  fes  pleins  effets  l'infamie  ell  le  prix , 

Je  veux  bien  avouer  qu'une  adion  fî 
belle 

Donne  à  Rome  bien  plus  que  vous  ne 
tenez  d'elle. 

Mais  commet-on  un  crime  indigne  de 
pardon  , 

Quand  la  reconnoiflance  eft  au  -  deffus 
.du  Don? 

Suivez,  fuivez  ,  SeigneUr,  le  ciel  qui 
yousinfpitc, 

yotreg^flirc  redouble  à  mépïifer  l'Empi- 

Et  Tous,ferçz  femeux  chez  la  polleritc, 

Moins  pour  l'aveir  acquis  que  pour  l'a- 
voir quitte. 

Le  bonheur  peut  conduire  à  la  grandeut 
luprcmc  } 


Mais  pour  y  renoncer  il  faut  la  vertu  mê- 
me. 

Et  peu  de  généreux  vont  jufqu'à  dédai- 
gner , 

Apres  un  Sceptre  acquis ,  la  douceur  de 
régner. 

M.  Silvain  trouve  que  ce  Dif- 
cours  a  quelque  chofe  de  grand  ,  il 
y  voit  une  éloquence  admirable , 
digne  d'Augufte  &:  de  Corneille  , 
mais  il  n'y  appcrçoit  point  de  Su- 
blime. Les  fcntimens  nobles  qu'il  y 
rccônnoît  ne  font ,  fclon  lui ,  que 
des  reflexions  de  l'efprit ,  &  non 
des  mouvemens  adlucls  du  cœuï 
de  celui  qui  parle. 

Maxime  ayant  témoigné  de  l'a- 
mour à  Emilie,  mais  craignant  la 
mort,  Emilie  lui  parle  en  ces  ter- 
mes : 

Quoi  tu  m'ofes  aimer  ,  &  tu  n'ofcs 
mourir  ? 

Tu  prétends  un  peu  trop  ;  mais  quoique 
tu  prétendes  , 

Rends-toi  digne  du  moins  de  ce  que  tu 
demandes. 

CefTe  de  fuit  en  lâche  un  glorieux  trépas. 

Ou  de  m'offirir  un  cœur  que  tu  fais  voir 
fi  bas. 

Fais  que  je  porte  envie  à  la  vertu  parfaite, 

Ne  te  pouvant  aimer  ,  fais  que  je  te  re- 
grette , 

Montre  d'un  vrai  Romain  la  dernière 
vigueur , 

Et  mérite  mes  pleiir$  au  tiefàut  de  moa 
coeur. 

Ce  vers  : 

Quoi  tu  m'ofes  aimer  j  &  tu  n'ofesinou; 
orî 


J  U  I  L  L 

«aroît  Sublime  &  très  -  Sublime  à 
notre  Auteur.  Mais  il  prétend  que 
les  autres,  quoique  très-beaux  n'ont 
que  du  grand  ,  &  poiiît  de  Subli- 
me. 

Dans  Corneille  ,  la  Reine  Viriate 
parle  à  Sertorius  qui  refufoit  de  1  e- 
■poufer ,  parce  qu'il  s'en  croyoit 
indigne  ;  &  fur  ce  qu'il  difoir  qu'il 
ne  vouloit  que  le  titre  de  créature 
de  la  Reine  -,  elle  lui  répond  : 

Si  vous  prenez  ce  titre ,  agiflez  moins 
en  maître , 

Ou  m'apprenez  du  moins ,  Seigneur,  par 
quelle  loi 

Vous  n'ofez  m'accepter ,  &  difpofer  de 
moi: 

'Accordez  le  refpeft  que  mon  Trône  vous 
donne 

Avec  cet  attentat  fur  ma  propre  perfoti- 
ne. 

Voit  toute  mon  eftime  &  n'en  pas  mieux 
ufer. 

C'en  eft  un  qu'aucun  art  ne  fcauroit  dé- 
guifer. 

Tout  cela  n'eft  que  beau  &  no- 
ble ,  félon  M.  Silvaia,  mais  il 
trouve  Sublimes  les  vers  fuivans 
que  la  Reine  ajoiite  : 

Puifque  vous  le  voulez ,  foyez  ma  aéa- 
ture, 

Et  me  laifTant  en  Reine  ordonner  de  vos 
vœux  , 

Portez-les  jufqu'à  moi,  parce  que  je  le 
veux. 

Cela  eft  fi  Sublime  ,  dit  M.  Sil- 
vain  ,  cela  élevé  l'ame  li  haut ,  £c 
4vec  un  tel  ravilTcment ,  que  les  au- 


ET;   17  5  ^-  35,j 

très  vers,  toutgifands  qu'ils  font  , 
paroiiïcnc  foibles  en  çomparaifon 
de  ces  derniers  ,  de  forte  que  le 
grand  difparoît  à  la  vue  du  Subli- 
me, comme  ks  Aftre?  difparqilTedt 
à  la  vûë  du  Soleil. 

Notre  Auteur  fait  voir  enfuitc 
que  la  pcrfedion  du  Difcours  &  le 
Sublime  font  fore  d.ifferens  ,  la 
Bruyère  femble  avoir  cru  qu'un 
Ouvrage  étoit  Sublime  dès  qu'il 
étoit  parfait  dans  fon  efpecc ,  mais 
M.  Silvain  fait  voir  que  c'eft  là  une 
grande  erreur.  Les  Odîces  de  Cicc- 
ron  ,  par  exemple ,  .&;  quelques  au- 
tres de  fes  Traitez  de  Philofophiei , 

.fes  Lettres  à  Atticus ,  plyjkurs  de 
fes  Lettres  Familières ,  plufieurs  de 
celles  d<?  M.  de  BuOî ,  &  une  partie 
de  fes  Mémoires  j  les  Commentai- 
res de  Céfar  ,  les  ^Mémoires  de 
Commines  &  ceux  de  Bafloippier- 
re  -,  les  Satyres  &  les  Epîtrcs  d -Ho- 
race ,  celles  de  M.  Dcfprcaux  , 
principalement  la  huitième  Epîtrc 
Se  la  neuvième  Satyre  ;  les  Eglo- 
gues  de  Théocrite  &:  de  Virgile  ;  la 
plupart  des  Odes  d'Anacréori;  cqj- 

<taines  Epîtres  de  Marot ,  &  quel- 
ques Idiles  de  Madame  des  Houlie- 
res  ;  tout  .cela  ,  comme  l'obfervc 
M.  Silvain ,  font  des  Ouvrages  par- 
faits ,  mais  dans  lefquels  cependant 
il  n'y  a  point  de  Sublime  ,;ni  mqtpe 

-de  grand  ,  à  proprement  parler , 
quoiqu'il  y  ait  par-tout  un  air  fort 
noble. 

M.  Silvain  avoiic  qu'il  peut  y 
avoir  des  traits  Sublimes  dans  quel- 
ques-uns de  CCS  Ouvrages  ,  mais  il 
foiàtient  qu'il  peut  n'y -en  avoir  p^s, 
fans  qu'ils  cclfent  pour  cela  d'eqre 
F  ffi| 


^p^        JOURNAL    D 

accomplis  dans  leur  genre  ,  &  il 
fait  fur  cela  une  remarque  à  laquel- 
le tous  les  gens  de  bon  goût  fouf- 
criront  fans  doute  ,  c'eft  que  le  Su- 
blime cft  une  qualité  à  part  qui 
n'eft  ncccffaire  à  aucun  difcours  j 
mais  qui  lui  donne  une  beauré  parti- 
culière quand  elle  s'y  trouve  ; 
Qu'il  y  a  même  des  Ouvrages  dont 
la  pcrfedion  conlîrte  à  n'avoir  rien 
d'élevé  ;  Qii'une  Lettre  galante  , 
qui  avec  de  la  politeffe  &  des 
loiianges  délicates  a  un  air  de  finef- 
fe  &c  d'agrément ,  eft  une  chofc  par- 
faite -,  Que  fi  on  y  mcttoit  dit  Su- 
blime 8i  des  traits  tort  élevés  ongâ- 
teroit  tour  •,  Que  les  petits  billets , 
les  Lettres  Familières ,  les  Odes  ga- 
lantes comme  celle  d'Horace  à  Ba- 
rine  ,  qui  paroît  le  plus  charmant 
Ouvrage  de  l'Antiquité  en  ce  gen- 
re ,  la  Satyre ,  les  Eglogues  &  la 
Comédie  font  de  cette  efpece  ; 
Qu'à  la  vérité  on  dit  que  quelque- 
fois la  Comédie  élevé  ta  voix.  Mais 
qu'outre  que  ce  n'eft  que  pour  ex- 
primer le  chagrin  d'un  père  contre 
fon  fils  ,  ou  pour  de  femblablcs  fu- 
jets  ,  il  faut  dans  ces  endroits 
mêmes ,  garder  le  caradrere  de  k 
Comédie  ■■,  fans  quoi  ,  pour  peu 
qu'on  s'écarte  de  l'air  fimple  &  fa- 
milier de  la  converfation  ,  on  fe 
rend  ridicule.  Qii'ainfi  ces  fortes 
d'Ouvrages  pour  être  parfaits  ex- 
cluant neceflairement  le  Sublime  j 
il  eft  clair  que  le  Sublime  &  la  pex- 
fedlion  font  chofes  différentes. 

Notre  Auteur  ne  montre  pas 
d'une  manière  moins  fenfiblc  ,  la 
différence  qu'il  y  a  entre  les  raifon- 
nemens  de  convidion  &  le  Subli- 


ES    SÇAVANS, 

me  ,  c'eft-à  dire  ,  ces  raifonnemens 
vifs  &  prcffans  qui  forcent  ks  plu-s 
opiniâtres  à  fe  rendre  ,  tels  par 
exemple  que  ce  raifonncment  de 
M.  Pafcal  aux  Athées  ;  s'il  n'y  a 
point  de  Dieu  ^  cjite  perde\-vous  à  le 
croire  ,  &  s'il  y  en  a  un  &  cjue  V9iis 
ne  le  croyez,  pas ,  n'êtes-vons  pas  per- 
dus ?  Ou  cet  autre  raifonnemcnt 
d'Antipatcr  ,  fur  le  fu)ct  de  Parme- 
nion  qu'Alexandre  avoir  fait  mou- 
rir :  Si  Parmenion  ejl  coupable  ,  a  cjui 
les  Princes  fe  fieront-ils  ?  Et  s'il  efl 
innocent  ,  k  cjnel  Prince  fe  fiera  ton\ 
M.  Silvain  prétend  que  les  per- 
fonnes  fînceres  avoueront  que  as 
deux  raifonnemens  n'ont  poiiu  fait 
fur  eux  l'effet  du  Sublime ,  &  qu'ils 
trouveront  qu'il  en  eft  de  même  de 
tous  les  autres  raifonnemens  quel- 
que force  qu'ils  puiffent  avoir.  Pour 
le  faire  fentir  davantage  il  rapporte 
des  raifonnemens  plus  étendus  , 
tirés  de  divers  Auteurs  tant  anciens 
que  modernes ,  &  après  avoir  fait 
làdeftus  fes  reflexions  ,  il  obfcrvc 
que ,  félon  certaines  perfonncs ,  ces 
fortes  de  raifonnemens  font  Subli- 
mes, parce  qu'ils  entraînent  l'efprit, 
2  quoi  il  répond  que  les  raifonne- 
mens dont  il  s'agit ,  entraînent  l'ef- 
prit  par  ce  qu'ils  convainquent  d'a- 
bord la  raifon ,  mais  que  le  Sublinxe 
entraîne  &  élevé  l'ame  par  le 
moyen  de  l'admiration  ,  &  avec 
une  efpece  de  raifonnement  :  Que 
les  raifonnemens  de  convidion  ont 
pour  fondement  &  pour  objet 
la  vérité  feule  ,  mais  que  le 
Sublime  a  pour  objet  la  grandeur  la 
plus  extraordinaire  ,  que  les  raifon- 
nemens les  plus  convainquans  fc 


J  U  î  L  L 

peuvent  faire  fur  les  plus  petits  fu- 
jets ,  mais  que  le  Sublime  ne  roule 
que  fur  les  fujets  les  plus  grands. 

L'on  confond  fouvent  avec  le 
Sublime  les  difcours  pathétiques, 
les  difcours  vehemens  de  la  raifin  ^  de 
la  venu  ,  de  la  pieté  &  de  l'amour  du 
vrai  bien  ,  le  flyle  fublime  ,  &  tout 
difcours  élocjuent ,  notre  Auteur  dé- 
mêle la  différence  qu'il  y  a  entre 
toutes  ces  phrafes  ,  &  à  l'égard  du 
ftyle  fublime  ,  il  remarque  que  çc 
ftyle  eft  fi  peu  le  Sublime  même  , 
que  c'eft  fouvent  un  défaut  ,  &  en 
partie  ,  ce  qui  fait  la  faufle  élo- 
quence. Nous  renvoyons  pour 
tous  ces  articles ,  au  Livre  même  , 
&  nous  pafTons  à  la  troifiéme  partie 
où  l'Auteur  fe  propofe  de  montrii 
i".  Que  Longin  eft  tombé  dans 
quelques  méprifes  au  fujet  du  Su- 
blime ,  2°.  Quel  doit  être  le  ftyle 
du  Sublime,  3".  S'il  y  a  un  art  du 
Sublime,  4°.  Pourquoi  le  Sublime 
eft  fi  rare. 

A  l'égard  du  premier  point ,  il 
prétend  que  Longin  n'a  pas  connu 
le  Sublime  ,  &  qu'il  l'a  confondu 
avec  la  grandeur  ordinaire  du  dif- 
cours ,  avec  la  perfedlion ,  avec 
les  figures ,  avec  une  efpece  d'énu- 
meration,  avec  la  périphrafe,  avec 
ie  pathétique  ,  avec  l'éloquence  ic 
avec  le  ftyle  fublime  ,  qui  en  font 
fort  differens. 

On  entreprend  de  prouver  dans 
le  détail  toutes  ces  méprifes  dont 
on  accufe  Longin  ,  nous  nous  con- 
tenterons de  rapporter  ce  qu'on  dit 
ici  pour  faire  voir  que  cet  Auteur  a 
confondu  le  Sublime  avec  la  graa- 
deur  ordinaire  du  difcours. 


E  T  ;   1755;  5py 

On  remarque  premièrement  que 
Longin  trouve  très  -  Sublimes  les 
Ecrits  de  Platon ,  d'Hérodote  ,  de 
Xénophon  &  de  Thucidide ,  &:  là- 
deftlis  on  foûticnt  qu'il  n'y  a  peut- 
être  pas  un  feul  trait  de  Sublime 
dans  ces  Auteurs  :  Que  Xénophon 
n'a  rien  de  grand  ,  non  pas  même 
de  cette  grandeur  ordinaire  qui  eft 
au-deffous  du  Sublime  :  Qu'il  y  a 
feulement  dans  ces  Auteurs ,  delà 
noblelTe  ,  beaucoup  d'efprit  ,  & 
quelque  chofe  de  plus  élevé  &  de 
plus  partait  que  dans  les  autres  Au- 
teurs de  même  genre.  Cela  pofé,  M. 
Silvain  conclud  que  puifque  Lon- 
gin trouve  Sublimes  des  Ecrits  qui 
n'ont  qu'une  élévation  commune  , 
il  eft  vifible  que  cet  Auteur  con- 
fond le  Sublime  avec  la  grandeut 
ordinaire. 

Une  autre  preuve  qu'apporte  M, 
Silvain  ,  c'eft  que  Longin  donne 
pour  très-Sublime  ce  paffage  d'Ef 
chile  : 

Sur  un  Bouclier  noir  fcpt  chefe  impitoya- 
bles 

Epouvantent  les  Dieux  de  fermcns  ef- 
froyables. 

Près  d'un  Taureau  mourant  qu'ils  vien- 
nent d'égorger , 

Tous  la  main  dans  le  &ng ,  jurent  de  fe 
venger. 

Ils  en  jurent  la  peur,  le  Dieu  Mars  0c 
Bellone. 

M.  Silvain  remarque  fur  ce  fujet 
que  des  Chefs  en  fureur ,  qui  font 
des  fermens  effroyables  &  les  font 
la  main  dans  le  fang  d'un  Taureau , 
ne  font  pas  un  objet  fort  capable 


5P5  JOURNALD 

df'élcvcr  l'amc  ,  &  d'exciter  par  con- 
fcqucnt  la  forte  d'admiration  qui 
cft  propre  au  Sublime. 

Voici  un  autre  exemple  fur  le- 
quel notre  Auteur  s'appuyc  cncorej 
c'cft  un  exemple  tiré  d'une  dcfcrip- 
tion  que  Platon  fait  du  corps  hu- 
main ,  &  que  Longin  rapporte 
comme  trcs-Sublimc. 

Platon  appelle  la'téte  une  citadel- 
le ,  il  dit  que  le  c^-l  cft  un  Ifime  ijui 
a  été  mis  entre  elle  &  la  poitrine^  Que 
les  vertèbres  font  comme  des  gonds 
fitr  left^nels  elle  tourne  ;  que  la  volup- 
té eft  l'amorce  de  tous  les  malheurs 
^ui  arrivent  aux  hommes  ,  que  la 
langue  c(\.lejnge  des  faveurs ,  que  le 
cœur  cft  lafource  des  veines  ^  la  fon- 
taine du  fang  (jui  de-làfe  porte  avec 
rapidité  dans  toutes  les  autres  parties  , 
Û"  tjttil  cfl  difpofé  comme  une  forterejfe 
gardée  de  tous  cotez..  Il  appelle  les 
pores  ,  des  ruis  étroites .  .  . .  Ja  par- 
lie  concupifcible ,  l'appartement  de 
la  femme  ,  &  la  partie  irafcible  , 
l'appartement  de  l'homme  :  il  dit  que 

la  rate  cft  la  CHifine  des  inteflins 

que  le  lang  cft  la  pâture  delà  chair ^ 
tpiafn  ejue  toutes  les  parties  puffent 
recevoir  l'aliment  ,  les  Dieux  y  ont 
ereufé ,  comme  dans  un  jardin,  plu- 
fieurs  canaux  ^  par  le  moyen  def quels 
les  ruijfeaux  des  veines  fartant  du 
cœur  j  puffent  coidcr  dans  ces  étroits 
conduits  diicorps  humain  ;  que  quand 
la  mort  arrive  ,  les  organes  fe  dé- 
nouent comme  les  cordages  d'un  vaif- 
feau ,  &  qu'ils  laijfent  l'ame  en  li- 
herté. 

M.Silvain,  dansce  pnflage,  dont 
nous  avons  retranché  quelques 
phrafc's  pour  abréger  ,  trouve  du 


ES  SÇAVANS; 

grand  &:  de  la  force ,  mais  il  die 
qu'il  n'y  trouve  rien  davantage  , 
d'où  il  conclut  encore,  que  Longin 
a  confondu  le  Sublime  ,  avec  la 
grandeur  ordmaire  du  difcours. 

Nous  palfons  les  autres  articles 
concernant  Longin,  pour  venir  à  ce 
qui  regarde  le  ftyle  que  le  Sublime 
demande.  M.  Silvain  remarque 
d'abord  que  le  Sublime  demande 
un  ftyle  fcricux.  Cela  eft  dans  la. 
nature  ,  dit-il ,  elle  nous  donne  un 
ton  de  voix  différent ,  félon  les  di- 
vers mouvemcnsqui  nous  agitent ," 
&  clic  ne  peut  foufFrir  des  expref- 
fîons  badines  dans  une  chofe  aulli 
grave  que  le  Sublime  ,  aulli  voit- 
on  qu'une  image  noble  &  un  fenti- 
ment  élevé  perdent  leur  force  & 
leur  fublimité  dans  une  exprelîîon 
qui  n'cft  pas  proportionnée  à  cette 
nobleffe  &  à  cette  fublimité.  Notre 
Auteur  citelàdelfus  ce  trait  de  M. 
de  Balfompicrre  à  Henri  IV.  lorf- 
que  ce  Prince  vouloir  aller  glifter 
fur  la  Seine  :  Oh  ,  Sire  ,  vous  pefe"^ 
plus  que  les  autres.  Il  cite  ce  mot 
d'Henri  I V.  même  au  Duc  de 
Mayenne  après  l'.ivoir  laflc  :  mo» 
coufîn  _,  voda  toute  la  vengeance  ^ue 
je  tirerai  jamais  du  mal  que  vous  m'a- 
vezfait. 

Quoique  cette  image  de  la  gran>- 
deur  d'un  Roi  Se  ce  fentimentdc 
clémence  foicnt  très-beaux  ,  dit  M. 
Silvain ,  ils  n'élèvent  point  l'ame  , 
ce  qui  vient  du  ton  plaifant&  ba- 
din dont  ils  font  exprimés. 

Notre  Auteur  ajoijte  encore  à  cela 
le  trait  fuivant:UnRoi  dcSpaite  qui 
alloit  combattre  contre  les  Perfes, 
ayant  été  averti  que  l'armée  des  en- 


J  U  I  L  L 

nemis  étoit  innombrable ,  6c  qu'ils 
cachoient  le  Soleil  avec  kurs  flè- 
ches. Tau:  mieux ,  dit-il ,  nous  com- 
hanromafomhij^.  Rien  ne  marque 
dav.iiitaç^e  une  grande  intrépidité  , 
mais  M.  Silvain  trouve  que  cet  air 
railleur  empêche  que  la  réponfe  ne 
faffe  reflet  du  Sublime.  Il  y  a  pour- 
tant des  cas  où  il  prétend  que  la 
raillerie  mêlée  à  un  trait  fort  élevé, 
n'eft  pas  uli  obftaclc  au  Sublime  , 


ET,    r  7  5  ^  3P7 

nous  renvoyons  fur  cela  au  Livre 
même  ,  auHi-bien  que  fur  la  diffé- 
rence du  Sublime  &  duftyle  fubli- 
me  ,  fur  la  qiieftion  s'il  y  a  un  art 
du  Sublime  ,  &  fur  ce  qui  rend  le 
Sublime  li  rare.  Ces  articles ,  com- 
me tous  les  autres  du  Livre  ,  font 
dignes  d'être  lus.  Ceux  que  nous 
avons  rapportés  nous  paroiffent 
fuffifans  pour  donner  une  idée  de 
l'Ouvrage, 


QU^ESTIONES  MEDIC^  DUODECIM,  AB  ILLUST. 
Vir,  Franc.  Chiccyneaii ,  CanccUar.  ampl.  Jo.  Bezac,  Dec.  Ven.  Pet. 
Rideux  ,  Anton.  Magnol ,  Hcnr.  Hagucnot ,  Jac.  Lazerme  ,  &  Ger. 
Fitzgerald  ,  Reg.  Conf  Medic.  5c  Profelforib.  meritiiT.  propolît.-e  ,  &c. 
pro  Reg.  Cathedra  vacante  per  abdicationem  R.  D.  Joan.Artruc ,  in. 
CoUeg.  Reg.  Parif  Prof.  dign.  quas  propugnabit ,  triduo  integro , 
manè  &:  fero,  dieb.  5  ,  <r,  &7  Decemb.  1731.  Anton.  Fizcs,  Mouf- 
pel.  D.  M.Monfp.  apud  Jo.  Martel^  Univ.  Medic.  Typogr.  173 1. 
C'eft-à-dire  :  TfouT^  Queflions  de  Médecine  propofées  par  AfA'f.  Chicoy- 
veau  ,  Bezac  ,  Rideux  ^  Magnol ,  Haguenot,  Laz.erme  &Fitz.gerald,  pour 
la  Chaire  Royale  vacante  par  l'abdication  de  Jean  Aflruc ,  Prof,  an  Collège 
Royal  k  Paris ,  &  foutenues  pendant  trois  jours ,  matin  &  foir  ^  '^-^  5  j  ^  j 
er  7  Décembre  175 1.  par  Antoine  Fizcs  de  Adontpellier  ,  DoB.  J\ded.  A 
Montpellier ,  chez  Jean  Aiartei ,  Imprimeur  de  l'Univerfité  de  Méde- 
cine. i73i./»-4°.  pp.  18. 


DES  douze  Queftions  de  Mé- 
decine propofées  ici  à  M.  Fi- 
zes  par  la  Faculté  de  Montpellier  , 
&  dont  il  donne  la  folution  avec 
cette  juftclTe  &  cette  fagacité  qui 
lui  font  ordinaires  ,  il  y  en  a  neuf 
qui  regardent  la  Thérapeutique  ou 
îa  curation  des  maladies  ,  &  trois 
qui  appartiennent  à  la  Pathologie 
ou  à  la  Théorie  de  celles-ci.  Dans 
les  fept  du  premier  genre  ,  on  de- 
mande 1°.  Si  pour  guérir  les  enfans 
en  chartre  ,  le  régime  eft  préférable  a 
la  préparation  chymique  appdlée  Ens 


Veneris?  (  &:  la  réponfe  eft  affirma- 
tive )  1,° .Si  pour  guérir  la  Catalépfie^ 
il  vaut  mieux  plonger  brufi^uement  le 
malade  dans  Veau  froide  ^  que  de  lui 
donner  Vémetique  ?  (  &  la  réponfe 
eft  négative.  )  3°.  Quelles  font  les 
caufes  des  fièvres  tant  continues  qu'in- 
termittentes ,  &  comment  il  faut  les 
traiter  ?  4°.  Si  lafaignéefouvent  réi- 
térée convient  à  la  pleurefie  ?  5  ".  Si 
pour  la  cure  des  hêmorrhoides  invété- 
rées il  faut  recourir  à  l'opération  Chi- 
rurgicale ?  6".  Si  les  purgatifs  &  les 
fuppHratifs  conviennent  Al'Eréfpele 


5p8  JOURNAL    D 

accompagnée  de  pourriture  &  defup' 
furation  ?  7°.  Si  dans  let  playes  de 
tête  avec  fracture  ,  il  faut  trépaner  ? 
8°.  Si  le  laudanum  efl  un  bon  remède 
pour  la  convuljton'i  [  &  les  réponfcs 
à  ces  cinq  queftions  font  affirmati- 
ves ]  9".  Si  le  fcorbut  efl  une  maladie 
nouvelle  ^  &  s'il  fe  guérit  mieux  par 
le  mouvement  du  cheval  cjue  par  les 
midicamens  ?  (  l'Auteur  répond  af- 
firmativement à  la  première  partie 
de  la  queftion  ,  &  négativement  à  h 
féconde).  Dans  les  trois  Queftions 
du  fécond  genre  on  demande  1°.  Si 
dans  les  maladies  chroniques  la  fièvre 
qui  les  accompagne  eft  plus  avanta- 
geufe  que  vuipble  aux  malades  ?  (  & 
la  réponfe  eft  négative  )  2°.  Si  dans 
la  colique  de  miferere  la  partie  fupe- 
rieure  de  l'inteflinfeglijji  quelquefois 
dans  l'' inférieure  eu  au  contraire ,  & 
s'il  s'enfuit  de-tà  le  mouvement  anti- 
fériflaltique  ou  renverfé  des  inteflins  ; 
3  ••  <$■/'  la  Pulmonie  eft  héréditaire ,  & 
pourquoi  ?  La  réponfe  à  ces  deux 
dernières  Queftions  eft  affirmative. 
La  Méthode  que  fe  prefcrit  l'Au- 
teur en  général  dans  les  folutions 
qu'il  donne  à  toutes  ces  QueftioHS , 
confifte  1°.  à  décrire  d'abord  exac- 
tement la  maladie  dont  il  s'agit ,  & 
à  la  faire  connoître  par  tous  les  fi- 
gnes  qui  la  caraiflerifent  eflentielle- 
mexit  :  1°.  à  en  rechercher  les  prin- 
cipales caufes  tant  prochaines  qu'é- 
loignées :  3'.  à  en  établir  le  prono- 
ftic  ;  &  4°.  à  décider  fur  le  choix 
du  traitement ,  lorfque  celui-ci  en- 
tre dans  la  QLieftion  propofée. 
Nous  examinerons  plus  en  détail 
quelques-uns  de  ces  problêmes  de 
l'un  &  4e  l'autre  gei>re. 


ES    SÇAVANS, 

I.  La  Chartre  des  enfans  n'eft 
connue  en  Angleterre  que  depui$ 
environ  80  ans  (  difoit  Glijfon  dans 
le  Traité  qu'il  en  a  publié  )  &  de 
très-graves  Auteurs  [  dit  M.  Fizes  ) 
la  croyent  une  maladie  nou- 
velle. La  proportion  &  la  figure  s'y 
trouvent  changées  dans  prcfquc 
toutes  les  parties  :  la  tète  groiOt 
outre  mefure  ,  les  bras  &  les  jam- 
bes s'exténuent  à  l'excès  ,  la  poitri- 
ne devient  étroite  ,  latéralement 
comprimée  &  promincnte  \  l'épine 
tortue  -,  le  ventre  grand  &  tuméfié^ 
les  jointures  fe  nouent ,  les  os  qui 
naturellement  font  droits  ,  fe  cour- 
bent ici ,  &  ceux  qui  doivent  être 
courbés ,  comme  les  côtes  ,  fe  re- 
dreftent  ;  tout  le  corps  paroît  d'une 
maigreur  affreufc  ,  à  l'exception  du 
vifage  qui  conferve  aftcz  d'em- 
bonpoint ;  la  peau  eft  flafque ,  & 
toutes  les  articulations  fe  relâchent. 
La  nourriture  inégalement  &  irré- 
gulièrement diftribuée  aux  parties 
dures  &:  ^ux  molles  conftitue(felon 
l'Auteur  )  l'effence  de  cette  mala- 
die :  &  l'on  doit  la  regarder  comme 
n'afFedant  pas  moins  les  unes  que 
les  autres.  Ileftvrai(ajoiîteM.Fizes) 
que  fi  les  fondions  corporelles 
fouffrent  par-là  un  déchet  confidc^ 
rable  ,  celles  de  l'efprit  y  gagnent 
d'amant ,  malgré  le  relTort  aftbibli 
de  prcfque  toutes  les  parties. 

Une  lymphe  ,  dont  le  mucilage 
eft  peu  exadement  mcïç  avec  la  fe- 
rofité  ,  ce  qui  l.i  remplit  de  gru- 
meaux un  peu  durs  &trcs-déliés,eft 
la  caufe  prochaine  de  tout  le  defor- 
dre  ,  ayant  pour  principe  plus  éloi- 
gné tantôt  quelque  germe  vénérien, 
fcorbutique 


JUILLET,    175  ^  .p, 

fcorbutiquc  ou  fcrophuleux,  tantôt      très-propre  à  raréfier  &  atténuer  la 


&  le  plus  louvent ,  un  air  mal  fain, 
de  mauvais  ahmens  ,  &c.  D'où 
il  fuit  que  cette  malidic  peut  être 
commune  à  toutes  fortes  de  Pays  , 
mais  qu'elle  doit  régner  moins  fré- 
quemment dans  les  méridionaux. 
Quoiqu'elle  vienne  originairement 
des  parents ,  il  eft  rare  qu'un  enfant 
naifTc  en  chartre  :  cette  maladie  ne 
les  attaque  d'ordinaire  que  depuis 
un  an  jufqu'à  trois ,  &  les  adultes 
€n  font  exemts.  Si  depuis  l'âge  de 
j  ans  jufqu'à  7  les  parties  folidcs  ac- 
quièrent infenfiblementplus  de  vi- 
gueur ,  leur  figure  fe  redrefle  peu 
à  peu  ,  &  le  mal  s'évanouit  enfin. 
Mais  a  la  mauvaife  caufe  prévaut , 
ou  l'enfant  périt  malheureuferaent 
par  la  fièvre  lente  ,  par  l'hydrocé- 
phale ou  quelqu'autre  hydropilie  , 
par  la  fuppuration  de  la  poitrine^ 
ou ,  s'il  parvient  à  l'adolefcencc  , 
il  demeure  valétudinaire  &  contre- 
fait. 

L'unique  point  de  vue  que  doit 
avoir  le  Médecin  pour  la  cure  de 
cette  maladie  fe  réduit  à  fubtilifcr 
la  lymphe  nourricière  au  point 
qu'elle  puiffe  pénétrer  également  & 
intimement  les  fibres  les  plus  dé- 
liées de  toutes  les  parties ,  qui  font 
proprement  celles  où  s'opère  la 
nutrition.  Cela  peut  s'obtenir  ou 
par  les  remèdes  ou  par  le  régime. 
Parmi  les  premiers  ^0^.  Boyle  van- 
te fort  une  préparation  chymique 
appellée  Ens  Veneris ,  qui  n'eft  au- 
tre chofe  qu'un  fel  Armoniac  em- 
preint de  quelque  portion  la  plus 
fixe  du  vitriol  deChypre,&fublimé 
en  fleurs  par  le  feu  :  ce  qui  le  rend 
]mUet. 


lymphe  trop  gluante  ,  à  la  dépouil- 
ler de  fi  férolîté  fuperflue  en  éva- 
cuant celle  ci  par  la  voye  des  urines 
&  delà  tranfpiration.  Mais  comme 
la  caufe  du  mal  a  fouvent  jette  de 
profondes  racines  ,  lufques  dans  les 
vailleauK  les  plus  éloignés  de  la 
fource  des  liquides ,  &  jufques  dans 
les  os  mêmes  ;  M.  Fizes  doute  que 
les  remèdes  quels  qu'ils  puilTent 
être  ,  foient  aulTî  efficaces  pour  la 
cure  d'un  mal  fi  rebelle,  que  pour- 
ra l'être  un  régime  fagement  éta- 
bli &  perfcvcrant ,  qui  renouvelle 
en  quelque  façon  toute  la  mafle  de 
la  lymphe  ,  &  par  là  corrige  radi- 
calement les  vices  de  h  nutrition. 
On  s'imagine  affez  fur  l'idée  de  la 
nature  &  des  caufes  de  la  maladie  , 
quel  doit  être  un  pareil  régime  fans 
que  nous  le  particularifions  davan- 
tage. C'eft  de  quoi  l'on  peur  s'in- 
flruire  plus  à  fond  chez  l'Auteur 
même. 

II.  M.  Fizes  décrit  la  Catalepfîc 
une  privation  fubite  du  fentiment 
&  du  mouvement  volontaire  ,  fins 
qu'il  arrive  nul  changement  dans 
la  fituation  où  le  mal  a  trouvé  le 
fujet ,  qui  d'ailleurs  prend  facile- 
ment toutes  celles  qu'il  plaît  aux 
affiftans  de  lui  procurer.  C'eft- à-di- 
dire  (  contmue  l'Auteur)  que  le 
Cataleptique  ,  ainfi  qu'un  autre 
Phinée  ,  refte  immobile ,  &  ne  fcnt 
plus ,  quoiqu'il  refpire  à  peu  près 
comme  en  pleine  fanté  ,  &  qu'on 
apperçoive  dans  fon  pouls  plus  de 
lenteur  que  d'agitation.  Si  on  le 
levé  fur  fts  pieds ,  il  s'y  tient  com- 
me une  (tatuë  ,  même  fur  un  pied  , 
Ggg 


400  JOURNAL    D 

fi  on  l'y  pkce  en  équilibre  ■■,  en  un 
mor  il  confervc  Ci  fidèlement  tou- 
tes les  attitudes  qu'on  lui  donne  , 
qu'il  n'y  a  que  fii  guénfon  ou  quel- 
que force  étrangère  qui  foient 
capables  de  les  lui  faire  changer. 
Cette  maladie  auiTî  furprcnante  que 
lare  ,  n'a  pas  lailTe  d'être  obfcrvée 
plulîeurs  rois  à  Montpellier.  Feu 
M.  ChiceyneMt  Chancelier  de  cette 
Univcrlîté  ,  avoit  vu  deux  Catalep- 
tiques ,  dont  l'un  l'étoit  dans  tou- 
tes les  formes  ,  l'autre  ne  l'étoit 
qu'imparfaitement.  M.  Fizes  en  a 
vij  trois  -,  deux  entre  les  mains  de 
fes  confrères  \  fçavoir  un  homme 
prefque  fexagenaire  ,  qui  avoit  la 
mâchoire  inférieure  en  convulfion, 
ce  qui  le  faifoit  regarder  comme 
cpileptique  &  cataleptique  tout  en- 
femble  i  &  une  fille  d'environ  lo 
ans  :  il  en  a  guéri  un  troilîéme  âgé 
de  50  ,  qui  l'étoit  devenu  dans  le 
cours  d'une  fièvre  maligne.  Quoi- 
que les  membres  de  celui-ci  fulFent 
moins  fouples  qu'ils  ne  le  font 
d'ordinaire  ,  on  nc-pouvoit  cepen- 
dant y  fuppofer  de  véritable  con- 
vulfion  ,  puifqu'ils  cedoient  à  un 
médiocre  effort  ,  pour  recevoir 
toutes  fortes  de  fituations. 

Des  deux  principaux  phénomè- 
nes de  cette  maladie  ,  qiri  font 
d'une  part  la  privation  totale  du 
fentiment  &  de  l'autre  l'exercice 
aduel  du  mouvement  des  raufcles  ; 
il  refulte  (  félon  notre  Auteur }  que 
fi  d'un  côté  cette  partie  du  cerveau 
où  aboutiffent  les  organes  de  tous 
les  fens  eft  notablement  affedtée;  de 
l'antre  les  nerfs  font  toujours  fuffi- 
famnaent  arrofés  de  leur  fluide  pror 


ES   SÇAVANS. 

pre,  &  quclafource  n'en  cft  point 
cpuifcc  ;  que  par  confcquciu  ,  l'cf- 
fcncc  de  lacataléjMie  confifte  dans 
le  flux  alTcz  abondant  &  non  inter- 
rompu du  fuc  nerveux  jufqu'aux 
extrcmitez des  nerfs,  joint  à  l'im- 
polfibiliré  d'aucune  vibration  dan? 
les  fibres  du  fens  commun.  Il  fuf- 
fit  pour  cela  (  dit  M.  Fizes  )  que  la 
fubllance  cendrée  du  cerveau  foit  à 
peu  près  faine  ,  que  la  blanche  ait 
beaucoup  perdu  de  fa  tenfion  & 
de  fa  refiftance  naturelle  •,  &  que  le 
fyftcme  des  nerfs  fc  trouve  en  affez 
bon  état.  Or  comme  il  eft  difficile 
que  ces  trois  conditions  fe  rencon- 
trent enfembie  à  point  nommé  ,  il 
n'eft  pas  merveilleux  que  cette  ma- 
ladie fe  falfe  voir  iî  rarement.  A  l'é- 
gard de  fes  caufes  plus  éloignées , 
l'Auteur  met  de  ce  nombre  la  com- 
plexion  mélancolique  ,  une  difpo- 
iltion  fecrette  à  l'imbécillité  ,  les 
foins  ,  les  inquiétudes  ,  la  trop 
grande  contention  d'efprit  ,  les 
mauvais  alimens ,  la  fièvre  quarte 
invétérée  ,  la  fièvre  maligne  ,  &c. 
La  cataleplle  complette  [  dit 
l'Auteur]  eft  ordinairement  mor- 
telle :  Tincomplette  tantôt  fe  gué- 
rit ,  tantôt  a  des  retours  périodi- 
ques ;  l'épileplîe  quelquefois  s'y 
joint ,  quelquefois  y  fucccde. 

Pour  guérir  la  catalepfie  ,  il  n'eft 
queftion  f  félon  l'Auteur)  que  de 
rétablir  dans  le  cerveau  la  liberté  &; 
la  vitefte  du  cours  de  tous  les  liqui- 
des, &  fur-tout  du  fuc  nerveux, 
qui  pouffé  plus  abondamment  & 
pl,iis  vivement  devienne  capable  de 
procurer  aux  petits  tuyaux  de  la 
fubftance  médullaire ,  un  degré  ^ 


J    U    I   L  L 

■tenfioii  qui  fe  communique  depuis 
les  carotides  jufqu'aux  extrémitez 
des  uerfs  ,  &c  par-là  fafle  revivre  les 
fondions  animales  prcfque  étein- 
tes. On  croit  l'immerllon  fubite  du 
cataleptique  dans  l'eau  froide  très- 
propre  à  produire  un  pareil  effet , 
par  le  froncement  que  cela  caufc 
dans  les  fibres  de  la  peau  ,  par  k 
fecouffe  qu'en  reçoit  tout  le  genrs 
nerveux  ,  par  l'accélération  dans  le 
mouvement  de  tous  les  liquides,  & 
par  le  nouveau  degré  de  teniion 
dans  la  partie  médullaire  du  cer- 
veau. On  ajoute  à  cela  pour  plus 
grandeconfirmation^qu'^//'/7oc/'^tff 
afTurequel'efpece  deconvulfion  ap- 
pcUée  Tétanos  fe  guérit  par-là  \  fans 
compter  que  IcsAnglois  employenr 
avec  faccès  ce  remède  pour  la  cure 
de  plufieuïs  grieves  maladies.  Ce- 
pendant M-  Fizes  eft  perfuadé  que 
i'émetique  non  feulement  opère 
tous  ces  bons  effets  encore  plus  effi- 
cacement ,  mais  de  plus  qu'en 
évacuant  la  plus  grande  partie 
delà  matière  qui  entretient  la  ma- 
ladie ,  il  fe  giiffe  dans  la  mafle  du 
fang  8c  l'atténue  ,  ce  qui  devient 
un?  préparation  favorable  pour  l'u- 
fagedu  Quinquina  j  fuppofé  qu'on 
le  voulût  mettre  en  œuvre  dans  la 
fuite  ,  comme  le  confeilloit  feu  M. 
Chicoymau  pour  la  parfaite  guéri- 
fon  de  la  maladie  dont  il  s'agit. 

111.  La  fièvre  (  félon  M.  Fizes  ) 
eft  annoncée  parla  fréquence  ou  la 
viteffe  du  Pouls  accompagnée  d'un 
notable  dérangement  dans  l'écono- 
mie animale  ;  èc  cette  accélération 
n'a  d'autre  caufe  que  la  contraction 
■  du  cœur  devenue  plus  fréquente  , 


E  T  ,      r  73  3.  4*t 

toutes  les  fois  qu'une  irritation 
cauféc  en  quelque  partie  du  corps 
que  ce  puiffe  être  ,  augmente  la 
tenfion  du  genre  nerveux  ,  &  accé- 
lère les  vibrations  de  toutes  les 
fibres  élafliqucs.  Mais  de  plus  ^  la 
fièvre  s'allume  par  robfcaclc  que 
les  liqueurs  trouvent  à  leur  cours 
dans  les  plus  petits  vaiffeaux  ,  d'où 
naifient  les  frilTonncmens ,  les  dou- 
leurs fourdes  ou  aiguës  ,  les  tu- 
meurs inflammatoires  ,  les  hémor- 
rhagies  &  les  autres  fymptomcs  de 
la  fièvre.  Le  fang  continue  cepen- 
dant à  circuler  &  à  porter  la  vie 
dans  tout  le  corps  de  l'animal  ■■, 
d'où  il  fuit,  que  quelques  arterio- 
les  fanguines  tranfmcttent  encore 
ce  liquide  ,  pendant  qu'il  y  a  ob- 
ftrudlion  dans  la  plupart.  D'un 
autre  côté  ,  quoique  les  arterioles 
lymphatiques  foient  dans  le  même 
cas  que  les  fanguines  ,  comme  elles 
font  encore  plus  étroites  &  plus 
foibles  ,  elles  en  font  d'autant  plus 
fufceptibles  d'embarras.ll  arrive  de- 
là que  le  fang  compofé  de  fes  glo- 
bules &  de  fa  partie  fibrcufc  ,  le- 
quel devroit  naturellement  pafler 
des  arterioles  dans  les  veines,  foit 
par  l'union  immédiate  des  extrémi- 
tez des  unes  6c  des  autres ,  foit  par 
l'entremifc  des  vaifTeaux  lymphati- 
ques ,  trouvent  le  paflage  fermé 
dans  plufîeurs  arterioles  fanguines , 
te  dans  un  plus  grand  nombre  en- 
core des  arterioles  lymphatiques. 
Ces  obftacles  ne  fufpendent  point 
la  circulation  ,  &  ne  faifant  au  con- 
traire que  redoubler  la  contrai5tion 
du  cœur  &:  des  artères ,  le  firg  qui 
n'cft  poulTé  dans  les  veines  que  par 
Gggij 


402  JOURNALD 

un  moindre  nombre  de  canaux  ,  à 
caufc  de  l'obftrcclion  des  autres  , 
doit  V  couler  avec  d'autant  plus  de 
viteffe  que  fon  volume  total  cft 
plus  grand  par  rapport  à  la  capacité 
totale  qu'il  occupe  alors ,  &  qui  eft 
plus  petite  qu'elle  n'étoit  aupara- 
vant ,  de  toute  la  quantité  que 
icmplilTcnt  alors  les  diftcrcnrcs  ob- 
ftruitions  des  vr.iflcaux  capillaires. 

Cette  accélération  dans  le  mou- 
vement du  fang  fe  trouve  encore 
■augmentée  à  raifon  de  fon  volume 
accru  par  le  féjour  qu'y  fait  la  lym- 
phe ,  bute  de  pouvoir  s'en  féparer 
par  la  voye  des  artérioles  lympha- 
tiques bouchées  alors  pour  la  plu- 
part. La  malfe  du  fang  coulant  en 
plus  grande  abondance  Se  avec  plus 
de  vitelTc  des  artères  dans  les  vei- 
nes ,  revient  donc  plus  prompte- 
ment  au  cœur ,  dont  les  pulfations 
doivent  par  confequent  fc  multi- 
plier. Elles  doivent  être  auffi  d'au- 
tint  plus  grandes  que  la  malTe  des 
liqueurs  que  contiennent  alors  les 
artères  &  les  veines  a  plus  de  volu- 
me, par  le  défaut  de  dérivation  dans 
cette  partie  de  la  lymphe  qui  de- 
vrait s'en  féparer  par  les  artérioles 
lymphatiques  fi  le  canal  en  étoit  li- 
bre. Plus  la  dilatation  augmente 
dans  le  cœur  &  dans  les  artères ,  & 
plus  leurs  contrarions  acquièrent 
de  nouvelles  forces  ,  d'où  refulte 
plus  de  vivacité  d.ins  le  mouve- 
ment, foit  progreflif ,  foitinteftin 
du  fang  ,  un  poux  plus  fréquent  , 
plus  fort ,  plus  plein  ,  &  le  redou- 
blement de  la  fièvre.  Si  dans  celle- 
ci  les  artères  lymphatiques  fouf 
frcnt  obfttuâiion  ,  la  plupart  des 


ES  SÇAVANS, 

vailTeaux  fecretoires  n'en  font  pas 
cxemrs ,  6c  entrent  pour  beaucoup 
dans  la  caufe  de  h  maladie. 

M.  Fizes  joint  aux  propofirions 
précédentes  celles-ci  par  forme  de 
Corollaires  ;  i°.  Que  dans  la  lïevre 
prefque  toute  la  malTe  des  liquides 
ne  roule  que  par  les  vailfeaux  fan- 
guins  ,  qui  font  ainfi  furchargés, 
pendant  que  tous  les  autres  demeu- 
rent oififs,5'affai{Tent,fe  dellechent, 
d'où  fe  tire  l'explication  de  plu- 
lîeurs  fymptomes  :  i".  Qu'on  peur 
regarder  la  fièvre  comme  un  effort 
que  fait  la  nature  pour  vaincre  l'ob- 
ftacle  que  forme  l'obftruâiion  des 
vailfeaux  capillaires  •,  &i  que  par 
cette  confideration  ,  l'on  peut 
cclaircir  la  do(flrine  des  crifes  qui 
ont  coiâtume  de  terminer  les  fiè- 
vres ;  &  rendre  railbn  pourquoi  les 
unes  font  continues ,  &  les  autres 
feulement  intermittentes ,  &c. 

L'Auteur  vient  enfin  à  la  cura- 
tion  qu'il  renferme  dans  la  faignéc  , 
l'émetique  &  les  purgatifs ,  com- 
me remèdes  généraux  ,  &  dans  l'u- 
fage  AuQ^in^mn.t  3c  ànGafcardla^ 
comme  fpécifiques  pour  les  fièvres 
intermittentes. 

IV.  Dans  l'article  de  lapleurefie 
l''A'uteur  propofc  deux  méthodes  de 
traitement  ;  l'une  incertaine  &  dan- 
gereufe  ,  qui  tend  de  plem-pied  à 
fubtilifer  le  fang  6^'  à  le  rendre  plus 
fluide  par  le  moyen  des  fudorifi- 
ques  ;  l'autre  plus  fure  ,  qui  en 
diminuant  par  la  fréquente  faignée 
Je  volume  des  liquides ,  en  affoiblic 
d'autant  la  refiftance  ,  £>:  les  met 
en  état  de  lever  plus  facilement  les 
obftrudions  ,  qui  {brmenr  le  de- 


J  U  I  L  L 

pôt.    Il  ne  dit  rien  d'une  troifiéme 
méthode  ,  qui  confifte  à  mettre  en 
œuvre  les    puri^atits  antinioniaux 
des  les  premiers  jours  de  la  maladie.' 
IX.  Parmi  un  grand  nombre  de 
caufes,  qui  peuvent  occafionner  la 
ptiffion  iliaque  ou  la  colique  de  rnife- 
rere,  l'engagement  de  l'inteftin  qui 
lentre  dans  fa  propre  cavité  ,  n'eft 
pas  une  des  moins  ordinaires,  s'il 
en  faut  croire  l'ObfervatioH  de  teu 
M.  Ruyfch  ,  qui  afftire  avoir  vu  ce 
phénomène  en  4  &  en  5  endroits 
de  l'inteftin  dans  un  même  cada- 
vre. On  demande  fi  en  pareil  cas , 
c'eft  la  partie  fuperieure  de  l'inte- 
ftin qui  fe  glifte  dans  l'inférieure  , 
ou  fi  c'eft  l'inférieure  qni  fe  glille 
dans  la  fuperieure  3  Avant  que  de 
refoudre  la  queftion  ,    l'Auteur  , 
pour  ôter  toute  équivoque  , déclare 
<ju'd  appelle  partie  fuperieure  de 
l'inteftm  celle  qui  précede,eu  égard 
au  cours  des  matières  dans  ce  canal, 
&  partie  inférieure  celle  qui  fuit. 
Apjiès  quoi   il  rapporte  plufieurs 
Obfervations  de  Sylvius ,  de  Plem- 
pius  j  de  Peyer  ,  de  Ruyfch ,  de  £la- 
Jtus ,  de  Fabrice  de  Hilden^  qui  font 
foi  que  l'un  ic  l'autre  cas  arrivent 
également  ,  &  quelquefois  tous  les 
deux  dans  un  feul  &  même  fujet. 
Le  regorgement  des  matières  inte- 
ftinales  par  la  bouche  n'eft  pas  toiî- 
jours  une  fuite  neceftaire  de  l'acci- 
dent dont  on  parle  ici  ,  lors  fur- 
tout  que  l'inteftin  par  l'inflamma- 
tion ou  la  cangrcne  voifines  de  l'en- 
droit replié  ,   perd  toute  fon  ac- 
tion. 

Mais  quand  il  y  a  regorgement 
At  nvatierc  dans  la  paffion  iliaque  , 


ET  ;  175  j;  40  j 

il  eft  d'autant  plus  certain  que  l'ex- 
pulfion  de  ces  matières  jufques 
dans  l'eftomac  eft  l'effet  d'une  con- 
tradion  rétrograde  des  fibres  des 
inteftins  ,  que  nul  liquide  ne  fc 
meut  dans  ceux-ci  que  par  l'at^ion 
de  ces  mêmes  fibres  ,  qui  n'eft 
pourtant  que  iucceflîve  ,  parce  que 
le  canal  ne  fe  trouve  pas  entière- 
ment rempli  à  la  fois.  Du  refte ,  cet- 
te contradion  prend  toujours  fa  di- 
redion  de  la  partie  où  elle  a  pa 
commencer.  Dans  l'état  naturel 
elle  part  du  ventricule  &  a  fon  pro- 
grès tout  le  long  des  inteftins  juf- 
qu'à  Vamts ,  &  s'appelle  mouvement 
périftalticjue.  Dans  le  miferere  ,  au 
contraire  ,  elle  part  de  l'endroit  où 
eft  l'obftrudion  ou  la  digue  & 
prend  fa  diredion  vers  le  ventricu- 
le ,  où  elle  porte  toutes  les  matières 
contenues  dans  le  canal  ,  même 
jufqu'aux  lavemens  &  aux  fuppofi- 
toires ,  &  on  la  nomme  mouvement 
antipénflalticjue  :  fur  la  mcchaniquc 
defquels  mouvemens  M.  Fizes  ren- 
voyé à  la  favante  Dijfenation  de  feu 
M.  Chirac  touchant  cette  horrible 
maladie  (  de  lleo  )  imprimée  à 
Montpellier  en  i(>94. /«-12. 

XI.  On  appelle  maladies  hérédi- 
taires celles  que   les  pères  ou  les 
mères  tranfmettent  à  leurs  enfans. 
Elles  font  de  deux  fortes.  Les  unes 
£ins  attaquer  certaine    partie  du 
corps  par  préférence  altèrent  en  gé- 
néral toute  la  malTe  des  liquides 
comme  le  mal  vénérien,  le  fcorbut 
les  écrouelles.  Les  autres  n'endom- 
magent q,u'un  organe  en  particu- 
lier ;  &c  c'eft  ainfi  que  les  goûteux 
les  graveleux  ,  les  épileptiqucs  ^, 


40^  JOURNAL    D 

les  boiteux  &  les  pulmonicjues 
mettent  au  monde  des  cnfans  fujets 
aux  mêmes  infirmitez.  Si  l'on  con- 
fultc  les  Auteurs  fur  les  caufes  ou 
les  raifons  méchaniques  de  cette 
féconde  cfpecede  transtufion  ,  l'on 
trouve  qu'ils  gardent  là-dcfliis  un 
profond  filcnce,ou  qu'ils  ne  répon- 
dent rien  de  fatishifant.  M.  Fizes 
recherche  donc  ici  comment  il  fe 
peut  faire  qu'un  pulmonique  ,  par 
exemple  ,  de  l'un  ou  de  l'autre  fexe 
communique  des  fcmenccs  de  fa 
maladie  à  fcs  cnfans,ce  qui  n'eft  que 
trop  réel  &  trop  avère ,  par  tant 
de  funeftes  expériences. 

Elle  confifte  ,  comme  Fon  fait 
(cette  maladie  )  dans  un  ulcère  de 
poumon  ,  en  confequcnce  duquel 
non  feulement  ce  vifcere  ,  mais  le 
corps  entier  fe  flétrit  Se  fedcfleche, 
ce  qui  eft  accompagné  de  toux ,  de 
crachats  fanguinolents  &  puru- 
lents ,  avec  quelque  difficulté  de 
rcfpirer.  Comment  eft-il  polUblc 
qu'une  difpofition  prochaine  à  un 
tel  ulcère  ,  ou  cet  ulcère  déjà  exi- 
ftant  dans  l'un  ou  l'autre  des  parcns 
en  faffe  naître  un  tout  pareil  dans 
leur  pofterité  ? 

Pour  le  découvrit  ,  M.  Fizes 
établit  d'abord  ces  trois  propofi- 
tions  -,  1°.  Que  les  maladies  des  pè- 
res ne  peuvent  palTer  aux  enfans 
que  par  l'entremifc  des  fluides  , 
puifque  ces  enfans  n'en  reçoivent 
autre  chofe:i'.  Que  les  fluides  chez 
les  pulmoniques  ou  chez  ceux  qui 
tendent  à  le  devenir  ,  font  doiiés 
de  beaucoup  d'acreté  :  3".  Que  nul 
vifcere  en  général  n'eft  plus  fufcep- 
tible  de  cette  mauv.iife  imprelHon 


ES   SÇAVANS. 

que  les  poumons  ;  &  cela  parce 
que  leurs  vailfeaux  ,  plus  que  ceux 
de  tout  le  refte  du  corps ,   font  ex- 
pofés    aux    plus    grandes     dilata- 
tions &:  aux  plus  grandes  contrac- 
tions :    d'où  il  fuit  que  l'acreté  des 
fluides  les  rendant  plus  mobiles  &C 
plus  capables   de  raréfaction  ,  les 
vailTeaux  des   poumons  en  feront 
d'autant  plus  dilatés ,  d'autant  plus 
fatigués ,  d'autant  plus  affoiblis ,  & 
cela  en  même  proportion  q*ieles. 
ofcillations  de  ces  vaifleaux  l'em- 
porteront pour  l'extenfîon  &  pour 
la  vitefle  fur  les  ofcillations  de  tous 
les  autres  de  même  diamètre.  Ou- 
tre  que    le   mouvement  trop  vif 
dans  les  tuniques  des  vailTeaux  leur 
eft  d'autant  plus  pernicieux  ,  qu'il 
les  émince  ,  en  déligure  le  canal  & 
le  rend  variqueux.  Il  arrivera  donc 
que  le  fœtus  fe  chargeant  des  fucs 
acres  empruntés  de  parens  difpofés 
à  la  pulmonic  ,  les  vailTeaux  pul- 
monaires en  feront  fetoiiés  excefîî- 
vement ,  ce  qui  les  endommagera 
peu  à  peu  ,   les  affoiblira  ,  les  ren- 
dra variqueux  &  y  formera  de  fc- 
crets  obftacles  à  la  circulation  des 
liquides.    Le   fujet    prenant  plus 
de  force  avec    l'âge  ,   fentira  fes 
poulmons    blelTés    des    moindres 
fautes  qu'il  fera  dans  lufage  des  fîx 
chofes  non-naturelles. Les  vailTeaux 
tendres  de  ces  vifceres ,  leurs  lym- 
phatiques roulez  en  pelotons  s'en- 
gorgeront peu  à  peu  &c  fe  transfor- 
meront en  tubercules.  L'embarras 
dans  le  cours  des  fluides  augmen- 
tant d'une  part ,  Se  la  reliftance  des 
vaifleaux  s'affoiblillant  de  l'autre  , 
il  fe  rompra  quelques-uns  de  ceux-r 


J  U  I  L  L 

ci  à  la  moindre  occafion  ,  ce  qui 
caufera  un  crachement  de  fang  l'a- 
vant-coureur de  la  pulmonie  ;  d'au- 
tres vaifTeaux  engorgés  feulement 
s'ouvriront,  d'où  naîtra  fuppura- 
tion  j  ulcère  en  confequcncc  ,  & 
pulmonie  complette  tranfmife  au 
malade  par  fes  parens. 

XII.  Le  fcorbut  eflune  forte  de 
Cachexie  qui  fc  manifefte  principa- 
lement par  la  tumeur  ,  la  molclTe  , 
le  faignement  &  i'érofion  des  gen- 
cives ;  par  la  noirceur  ,  la  douleur, 
l'ébranlement  Si  la  chute  des  dents-, 
par  des  taches  rouges  ,  livides  ou 
noires  aux  jambes  &  ailleurs  ,  lef- 
quelles  dégénèrent  quelquefois  en 
puftules  ;  par  des  hémorrhagics , 
par  la  pefanteur  de  tête ,  la  bouffif- 
îure  &  la  couleur  plombée  du  vifa- 
ge  -,  les  douleurs  vagues ,  les  tran- 
chées de  ventre  ,  la  pefanteur  d'en- 
trailles ,  la  difficulté  de  refpirer ,  la 
foiblelTe  &  l'enflure  des  jambes  ,  les 
laflîtudes  extrêmes ,  &c.  Le  fcor- 
but ,  ainfi  que  le  mal  vénérien  ,  fe 
cache  quelquefois  fous  le  mafque 
de  plufieurs  autres  maladies  ;  en- 
forte  que  les  dyfTentcries  ,  les  lie- 
rres intermittentes ,  les  douleurs 
dégoûte  &  defciatique  ,  les  para- 
Ivfies  ,  les  hydropifies ,  Se  les  atro- 
phies ,  &c.  tiennent  quelquefois  à 
un  principe  fcorbutique.  L'Auteur 
regarde  comme  la  caufe  prochaine 
-du  fcorbut ,  l'abondance  des  molé- 
cules trop  groffieres  dans  la  maffe 
des  liqueurs  &  la  difette  des  fpiri- 
tueufes  ,  une  falure  cxceflîve  & 
huileufe  tirant  fur  le  rance ,  un  mé- 
lange imparfait  de  la  lymphe  muci- 
kgineufe  avec  la  féioûté  ;  ôc  pour 


E  T  ;    I  75  3:  40J 

caufes  éloignées  il  affigne  la  com- 
plexion  mélancholiquc  ,  l'air  épais 
&  humide,  les  viandes  falées  ou  en- 
fumées ^  l'eau  corrompue  Se  vermi- 
neufe,  le  chagrin  ,  l'affeftion  hy- 
pochondriaque  ,  les  fièvres  inter- 
mittentes invétérées  ,  la  trop  çran- 
deoiiîvete. 

Le  nom  Danois  impofé  à  cette 
maladie  l'a  fait  croire  nouvelle  à 
quelques-uns  (  dit  M.Fizes  ).  Mais, 
continue-t-ii ,  la  maladie  appelléc 
en  Grec  Stomacacé  (  md-de-bouche  ) 
&  Scelotyrbé  (  md-de-jambe  )  a  bien 
l'air  du  fcorbut ,  S>C  par  la  fignilîca- 
tion  littérale  de  ces  deux  mots ,  & 
par  les  dcfcriptions  qu'on  en  trou- 
ve chez  Hippocrate ,  Strabon,  Pli>je^ 
Marcel ,  Avicenne  ,  &:  quelques 
autres  anciens  -,  defcriptions  que 
tout  le  monde  avoiie  ne  pouvoir 
convenir  qu'au  fcorbut.  Cette  mala- 
die épidemiqne  ou  familière  de  tou- 
te ancienneté  chez  les  peuples  Sep- 
tentrionaux voifms  de  la  mer  , 
commença  vraifemblablement  à 
faire  parmi  eux  de  plus  grands  rava- 
ges à  l'occafion  des  longues  &  fâ- 
cheufes  navigations  ;  &:  par  cette 
circonftance  elle  s'attira  une  nou- 
velle attention.  On  voit  arriver 
C  remarque  l'Auteur  )  pareille  cho- 
fe  dans  certaines  maladies  ,  qui  ve- 
nant à  frapper  extraordinairement 
les  yeux  du  public ,  pafTent  pour 
des  maladies  nouvelles.  C'eft  ainfi 
qu'au  rapport  de  Vline  ,  on  s'imagi- 
na que  la  colique  n'avoit  commen- 
cé à  fe  faire  fcntir  que  fous  Ti- 
bère. 

Les  Nations  Méridionales,  quoi- 
que beaucoup  moins  fujettes  âii 


40<J        JOURNAL    DE 

fcorbut ,  n'en  font  pas  exemptes  ; 
&  les  gens  de  mer  en  font  les  plus 
tourmentés.  Le  régime  ,  c'eft- à-di- 
re le  changement  de  nourriture  eft 
fouvent  le  feul  remède  de  ces  der- 
niers. Cela  n'empcche  pas  que  pour 
la  guérifon  de  cette  maladie  il  n'y 
ait  divers  fpecifiques  appelles  4««- 
fcorbuticjucs  propres  à  fubtilifer  les 
fucs ,  à  déboucher  les  obftrudiions, 
à  mortifier  les  fels  groflïers  &  à  les 
entraîner  par  la  voye  des  urines.  A 
l'égard  du  mouvement  du  cheval , 
il  pourra  devenir  un  bon  remède 


S    SÇAVANS , 

fi  le  mal  eft  récent,  &  cela  ,  en  dif- 
fipant  la  mclancholie  du  nialadc,cn 
donnant  des  fccoulfes  aux  vifceres , 
en  les  délivrant  par  -  là  des  embar- 
ras qui  s'y  étoicnt  formés,  en  accé- 
lérant le  mouvement  des  fluides  ôc 
en  corrigeant  le  vice  des  digellions. 
Mais  (  conclut  l'Auteur)  ii  le  mal 
eft  invétéré ,  il  faudra  joindre  au 
mouvement  du  cheval  d'autres  fe- 
cours  plus  efficaces  ,  empruntés 
des  mcdicamens  appropriés  à  cette 
maladie. 


TRAITE'  DE  L'OPINION  ,  OU  MEMOIRES  POVR  SERVIR 
k  l'Hifloire  de  l'Efpnt  Humain.  A  Paris ,  chez  Briajfon  ,  rue  S.  Jacques, 
àla  Science.  1733.  Six  Volumes/«-i2.  Reliés  en  dix  Tomes,  premier 
vol.  pp.  6iif6.  fans  la  Préface,  fécond  vol.  pp. 677.  troificme  vol.  pp.  ^83, 
quatrième  vol.  pp.  ^30.  cinquième  vol  pp.  594.  fîxiémcvol.  pp.  593. 


LE  but  de  l'Auteur  dans  ce 
Traité  ,  eft  de  faire  voir  ,  par 
un  expofé  des  Opinions  différentes 
qui  ont  régné  dans  les  Sciences 
Profanes  ,  quel  eft  l'empire  de 
l'Opinion  ,  combien  elle  prévaut 
fur  la  vérité  ,  &  de  montrer  par- là 
le  peu  de  fond  qu'il  faut  faire  fur 
les  lumières  de  refprit  humain , 
quis'eft  laiflc  aller  .\  tant  de  fenti- 
mens  diflerens  fur  les  mêmes 
points  -,  ce  qui  à  cet  égard  ,  peut 
fetvir  à  former  une  Hiftoire  de 
l'efprit  humain. 

L'Ouvrage  eft  partagé  en  fîx  Li- 
vres ,  aufquels  l'Auteur  a  joint 
trois  Tables  ;  l'une  des  Auteurs  ci- 
tés ,  la  féconde  des  Matières ,  &  la 
troifiéme  des  noms  propres. 

Le  premier  Livre  roule  fur  les 
Belles-Lettres  &  l'Hifloire.  Il  com- 


mence par  des  Reflexions  Prélimi- 
naires fur  le  véritable  ufage  de  la 
Science  ,  lefquelles  confîftent  en  di- 
verfes  Obfervations  fur  le  mérite 
des  Auteurs  ,  fur  le  fort  de  certaines 
Sciences  eltimées  dans  des  tems ,  5c 
négligées  ou  perfécutées  dans  d'au- 
tres. L'Auteur  entre  à  ce  fujet  dans 
le  détail  des  Souverains  Se  Grands 
Seigneurs  qui  ont  compofé  des  Ou- 
vrages. Il  fait  voir  les  diftèrens 
goûts  qui  ont  régné  en  matière  d'é- 
loquence &  de  Poëfie  \  il  expofe 
les  contrarierez  des  Critiques  ;  il 
montre  l'incertitude  de  l'Hiftoirc 
fur  les  points  les  plus  elTentiels ,  8c 
découvre  les  embarras  de  la  Chro- 
nologie. 

Le  fécond  Livre  concerne  la  Phi- 
lofophie&  fes  différentes  Seâ:es. 

On  rapporte  dans  le  troifiéme, 
lej 


J  U  I  L  L 

les  Opinions  des  Philofophes  tant 
anciens  que  modernes  fur  la  Méta- 
philîque  ,  &  fur  les  prédictions  de 
l'avenir  attribuées  au  commerce 
des  efprits. 

Le  quatrième  renferme  d'abord 
une  courte  DifTertation  fur  les  Ma- 
thématiques ,  puis  un  détail  des 
Contradictions  où  font  tombés  les 
Phyficiens ,  les  Agronomes ,  &  les 
Médecins  ■■,  l'Auteur  pafTe  de-là  à  la 
Chymie ,  à  l'Aftrologie  Judiciaire , 
&  à  quelques  autres  Divinations 
prétendues  naturelles.  U  vient  en- 
fuite  aux  Opinions  des  Naturali- 
ftes ,  &  rapporte  en  Hiftorien ,  ce 
qu'ils  ont  dit  fur  la  fympatiiie  ^  fur 
l'homme ,  fur  les  animaux  ,  fur 
les  plantes ,  fur  les  eaux  &c  fur  tous 
les  Minéraux.  Puis  il  palTe  à  ce  qui 
a  été  écrit  de  plus  extraordinaire 
touchant  les  arts ,  &c  enfin  au  fcnti- 
ment  des  Philofophes  touchant 
l'imagination  Se  les  fens. 

Le  cinquième  Livre  regarde  uni- 
quement la  Politique. 

Le  fixiémeou  dernier  a  pour  ob- 
jet la  morale. 

Quant  à  l'Ouvrage  en  gênerai , 
nous  pouvons  dire  que  l'Auteur  y 
defcend  dans  un  aflcz  grand  détail 
des  Sciences  ,  pour  mettre  ceux 
même  d'entre  les  Ledeurs  qui  n'y 
font  pas  verfés  ,  en  état  d'apperce- 
voir  l'empire  que  l'Opinion  exerce 
fur  elles.  Il  s'accommode  par-là  à 
toutes  fortes  de  Ledeurs  :  i  ".  Aux 
Sçavans  qui  retrouveront  avec  plai- 
fir  dans  cet  Ouvrage  une  infinité 
d'Opinions  qu'ils  ont  vues  dans  un 
grand  nombre  de  Volumes  :  z".  A 
Juillet. 


E  T  ,   175  5.  407 

ceux  qui  n'ayant  donné  aucune  ap- 
plication aux  matières  dont  il  s'a- 
git ,  pourront  par  cette  unique  lec- 
ture s'en  former  une  idée  ,  &  juger 
eux  -  mêmes  des  Opinions  qu'on 
leur  expofe. 

Qiiant  au  premier  Livre  qui  cft 
celui  qui  concerne  les  Belles-Let- 
tres ,  l'Auteur  n'y  oublie  pas  les  bi- 
zarreries de  l'Opinion  en  fait  d'élo- 
quence &  de  Poclîe.  U  remarque 
d'abord  fur  ce  fujet ,  que  fuivant 
l'aveu  même  de  Ciceron  ,  l'élo- 
quence conlifte  plus  dans  l'ooinion 
que  dans  des  règles  certaines  ;  puis 
il  foiàtient  que  pour  fe  convaincre 
que  l'éloquence  ne  dépend  que  da 
caprice  &  du  hazard  ,  il  n'y  a  qu'à 
confîderer  que  ce  qui  perfuade  & 
ce  qui  plaît  dans  un  tems  ,  eft  fans 
effet  &  même  méprifédans  un  au- 
tre -,  les  difFerens  jugemcns  qu'on  a 
porté  des  Orateurs ,  &  les  differens 
goiJts  qui  ont  régné  en  fait  de  ftyle, 
montrent  bien  encore  ,  félon  notre 
Auteur  ,  qu'il  n'y  a  rien  de  fixe 
dans  l'éloquence ,  ôc  que  tout  y 
dépend  de  l'Opinion.  Longin  dk 
que  Démofthéne  eft  grand  en  ce 
qu'il  eft  ferré  &c  concis  ,  &  que 
Ciceron  eft  grand  en  ce  qu'il  eft 
diffus  &  étendu  ;  il  compare  le  pre- 
mier à  une  tempête  &  à  un  foudre 
qui  ravage  Sc  emporte  tout  avec  ra- 
pidité ,  &  le  fécond  à  un  embrafe- 
ment  qui  fe  répand  au  loin.  Il  dit 
que  Démofthéne  a  effacé  tout  ce 
qu'il  y  a  eu  de  plus  célèbres  Ora- 
teurs dans  tous  les  fiécles  ,  les  laijf- 
fant  comme  abbatus  &  ébloiiis  , 
pour  ainfidirc,  de  fes  tonnerres  ôc 
Hhh 


4o8  JOURNAL   D 

àc  fes  cclairs  :  il  ajoute  que  ce: 
Orateur  dans  les  parties  où  il  excel- 
le, cft  tellement  élevé  au-deiïus 
d'eux, qu'il  repare  entièrement  par- 
là  celles  qui  lui  manquent ,  &  les 
reparc  à  un  tel  point  qu'il  eft  plus 
aifé  d'envifagcr  fixement  les  fou- 
dres qui  tombent  du  ciel  ,  que  de 
n'être  point  ému  des  violentes  paf- 
fions  qui  régnent  en  foule  dans  fcs 
Ouvrages. 

Ciccron  employé  la  même  com- 
paraifon  que  Longin  ,  pour  expri- 
mer le  ftyle  véhément  Se  rapide  de 
Démofthénc. 

Mais  ces  foudres  &  ces  éclairs 
«nt  été  traités  par  Sénéque  ,  de  fc- 
chcreffe  &:  de  dureté  de  difcours: 
Riget  ejus  oratio  ,  dit-il ,  nthtl  m  eâ 
flacidum ,  nihil  Une.  Pytheas  n'en 
ctoir  pas  plus  charmé ,  il  difoit  que 
les  difcours  de  Démofthcne  avoient 
le  goût  de  l'huile  ,  qu'ils  man- 
quoicnt  de  naturel,  &  qu'on  voyoit 
par-tout  qu'ils  avoient  été  travail- 
lés à  la  lampe. 

Pline  dit  que  Ciceron  a  pafle  les 
bornes  de  l'cfprit  humain  ,  Af. 
Tullius  extra  omnein  ingenii  aream 
■pofitHS ,  mais  cet  Orateur  n'a  pas  eu 
pr-tout  des  Juges  aufli  favorables 
que  Pline  &  que  Longin  s  plufieurs 
l'ont  accufé  d'être  enflé  &  trop  dif- 
fus V  Afinius-Gallus  publia  une  Sa- 
tyre des  Ouvrages  de  Ciceron  : 
Calvus  l'a  trouvé  foible  &  fans  nerf; 
Btutus,  au  rapport  de  Quintilien  , 
l'appelloiteftropié  Sx.  éteinte  ,  Jym- 
-mm  &  elumbem. 

Les  anciens  regardoient  une  fim- 
f  licite  gieine  defoice  £c  de  nobkf- 


ES   SÇAVANS; 

fe,  comme  feule  capable  de  perfua- 
der.  Les  ornemcns  du  difcours  leur 
étoicBC  inconnus  ;  la  nature  pailoit 
elle-même  alors  ,  &  Tefprit  n'affcc- 
toit  point  de  briller.  Siint  enim  illi 
veteres  ,  dit  Ciceron ,  ^ma  mndum 
omcre  poteram  ea  t^iia  dicebant  omrus 
propè  preclarè  lopinti.  Mais  ce  goût 
ne  dura  pas  long-tcms.  Démctrius 
de  Phalere ,  parmi  les  Grecs  ,  com- 
mença le  premier  à  l'altérer ,  en 
joignant  l'efprit  aux  fentimens  : 
enluite  on  donna  dans  les  pointes 
&  dans  l'affeftation  du  ftyle  j  k 
famille  "des  Annéens  dont  étoicnt 
Florus ,  Lucain  ,  &  les  Sénéqucs  , 
introduifît  à  Rome  un  nouveau 
genre  d'éloquence  :  on  prêtera  le 
brillant  au  folide  ,  l'efprit  au  juge- 
ment ,  l'affeiflation  à  la  nature. 

Horace  fait  confifter  la  perfec- 
tion d'un  Ouvrage  d'cfprit  à  être  Cv 
fimple  &c  Cl  net ,  que  chacun  k. 
flatte  d'en  pouvoir  faire  autant  3c 
n'en  puifle  néanmoins  venir  à  bouc 
quand  ce  vient  à  en  faire  l'expericn- 
ce.  Mais  Quintilien  parle  d'un- 
Rhéteur  qui  donnoit  au  contraire 
pour  précepte  à  fes  Difciples ,  de 
répandre  dans  tout  ce  qu'ils  diroient 
une  grande  obfcurité  pour  faire 
croire  leurs  difcours  d'autant  plus 
beaux  qu'on  auroit  peine  à  les  coni- 
prendre. 

Un  autre  effet  de  l'Opinion  en 
ce  qui  regarde  l'éloquence  ,  dft  d'a- 
voir perfuadé  qu'on  pouvoir  tout 
loiicr  indifféremment  ,  jufqu'aux 
chofes  Ôc  aux  perfonnes  les  plus  di- 
gnes d'avcrfion  ,  comme  quand 
libaate  a  fait  l'éloge  de  fiulûis. 


J  U  I  L  L 

Polycrate  de  Clytemncftre  ,  Pha- 
vorin  de  Terfite  ,  &  de  l'injuHice  , 
Cardan  de  Néron  ^  Erafme  de  la 
folie  ,  &c. 

Autre  effet  de  l'Opinion  tou- 
chant l'éloquence  :  les  Romains 
chalTerent  trois  fois  les  Orateurs  : 
la  première  fous  le  Confulat  de 
Fannius-Strabo  ,  &  de  Valerius- 
Meffala  ,  la  féconde  fous  la  Cenfu- 
re  de  Domitius-yEnobardus  &  de 
Licinius-Craffus  ,  &  la  troifiéme 
fous  l'Empire  de  Domitien.  Si  l'on 
rappelle  plufieurs  autres  circonftan- 
ces  qui  regardent  le  crédit  ou  le 
^ifcrédit  de  l'éloquence ,  on  verra  , 
dit  notre  Auteur,  que  cette  Scien- 
ce ambitieufe  qui  fe  vante  de  ré- 
gner fur  les  volontez  des  hommes, 
£ft  dans  une  dépendance  perpétuel- 
le de  l'ufage  &  de  l'Opinion.  Ce 
qu'il  y  a  de  certain  ,  dit -il,  c'eft 
que  le  goût  de  l'éloquence  eft  une 
image  des  mœurs  des  peuples  :  dans 
un  fiécle  efféminé  ,  l'éloquence  eft 
molle  ,  lâche  &  pleine  d'affetterie  -, 
mais  elle  eft  ferme  ,  vigoureufe  , 
fans  pointe  &  fans  affedation  , 
iorfque  la  fermeté  &  le  courage  ré- 
gnent p^mi  les  peuples.  Genus  di- 
cendi  imitatur  puhlicos  mores  ,  c'eft 
la  remarque  de  Sénéque. 

De  l'éloquence  notre  Auteur  paf- 
fe  à  la  Poëfie.  U  remarque  d'abord 
que  les  plus  anciens  Auteurs  de  la 
Grèce  écrivoient  en  vers  ,  que  l'u- 
fage d'écrire  en  profe  n'cft  venu 
qu'après ,  &  que  Cadmus ,  Phéré- 
cide  ,  &  Hécatée ,  furent  les  pre- 
miers qui  quittèrent  le  ftyle  mefu- 
ti  des  vers.  Il  paroît  d'abord  i&z 


E  T  ,   I  7  5  J.  40^ 

furprenant  qu'une  manière  d'écrire 
gênante  &  régulière  ,  telle  que  11 
Poéfie  ,  ait  été  en  ufige  avant  la 
profe  qui  eft  moins  affervie  aux  rè- 
gles -,  mais  la  raifon  ,  dit  notre  Au- 
teur, n'en  fera  pas  difficile  à  décou- 
vrir fi  l'on  confidere  que  la  premiè- 
re intention  qu'ont  eue  les  hommes 
en  écrivant  ,  a  été  d'aider  la  mé- 
moire ,  &c  que  les  vers  fc  retien- 
nent beaucoup  mieux  que  la  profe. 
Après  diverfes  remarques  fur  la 
Poéhe  en  général  Sc  fur  les  plus 
célèbres  Poètes  en  particulier  , 
l'Auteur  vient  aux  differens 
goûts  que  l'Opinion  a  introduits 
dans  la  Poëfie.  Les  Epithetes  d'Ho- 
mère font  fort  fimples  &c  prifes 
dans  la  nature;  il  appelle  fans  fa- 
çon ,  dit  notre  Auteur ,  la  nége , 
blanche  ;  le  lait  ,  doux  5  le  feu  , 
ardent  ;  Ovide  ne  veut  point  de 
cette  fimplicité ,  il  employé  des 
Epithetes  brillantes ,  qui  font  au- 
tant de  penfcesi  les  Poètes  qui  font 
venus  depuis  ont  cherché  des  An- 
tithéfes  &  des  Pointes.  Thifbé  dans 
Théophile ,  dit  du  poignard  de  Py- 
rame  : 

yih  voici  le  poignard  qni  dnfang  de 
fort  mattre 

S' ejî  fouillt  lâchement  ,  il  tn  rougit 
U  traître. 

Racan  fit  les  deux  vers  fuivans  ; 
au  fujet  d'une  Bergère  dafts  un  bois. 

^nel  miracle  de  voir  en  ce  lien  trifle 
&  fombre 

Hhhij 


4IO  JOURNAL  DE  S  SÇAVANS, 


Vne  Déeffe  en  terre  ,  &  le  Soleil  à 
l'ombre. 

Notre  Auteur  n'oublie  pas  ici  le 
Pocme  de  b.  M.igdelcine  comme 
l'une  des  plus  grandes  preuves 
qu'on  puifTe  apporter  de  la  bizarre- 
rie de  l'Opinion  ,  en  fait  de  goût 
poétique.  Dans  ce  Poème,  les  yeux 
de  la  PécherefTe  pénitente  font  des 
chandelles  fondues  ;  de  moulins  à 
vent  qu'ils  étoient  auparavant,  ils 
deviennent  des  moulins  à  eau  ;  les 
larmes  d'un  Dieu  ne  font  que 
d'eau-de-vie  j  Jefus-Chrift  eft  un 
grand  Operateur  qui  eut  l'adreflc 
d'ôrer  les  cataradies  des  yeux  de 
Magdeleine  ,  &  l'Hercule  qui  ne- 
îoy  a  retable  de  fon  cœur. 

Muratori ,  dans  fon  Traité  inti- 
tulé :  Délia  perfetta  Po'éfia  Italiatia 
Spicgata  e  demoftrata  con  varie  ojfer- 
vationi  ,  prétend,  à  ce  que  remar- 
que notre  Auteur  ,  que  c'eft  de 
France  que  le  Cavalier  Marin  ap- 
porta en  Italie  le  mauvais  goût  des 
Pointes ,  Dcfpreaux  alTure  au  con- 
traire que  les  Pointes  vinrent  d'Ita- 
lie. 

Jadis  de  nos  Auteurs  les  Pointes  igno- 
rées 

Turent  de  V Italie  en  nos  vers  attirées , 

Le  vulgaire  ébloui  de  ce  faux  agré- 
ment ^ 

A  ce  nouvel  appas  courut  avidtvtent  1 


L'Opinion  changea  bientôt  fut 
ce  point  ,  &  ce  qu'on  avoir  cru 
donner  de  la  grâce  à  la  Poëfie  ,  pa- 
rut bien-tôt  infipide.  Les  Pointes 
furent  bannies. 

Les  caprices  de  l'Opinion  à  l'é- 
gard de  l'éloquence  6c  de  la  Poëile, 
ne  font  rien  en  comparaifon  de 
ceux  qu'elle  a  exercés  dans  la  Phi- 
lofophie  ,  fur-tout  par  rapport  à 
Ariftote.  C'eft  fur  quoi  notre  Au- 
teur a  foin  de  recueillir  divers 
exemples  dont  il  bit  un  détail  fuL- 
vi:au  commencement  du  douzième 
ficelé  ,  remarque-t-il ,  lesDilciples. 
d'Ariftote  fe  diviferent  en  Nomi- 
naux 6c  en  Réaliftes ,  les  Nomi- 
naux foûtenoient  que  les  natures 
univerfelles  n'étoient  que  des 
noms ,  &  les  Réahftes  prétendoient 
qu'elles  étoient  réelles.  Occam 
Cordelier  Anglois  ,  Difciple  de 
Scot,  fut  Chef  des  Nominaux,  & 
Jean  Duns  furnommé  Scot ,  le  fut 
des  Réaliftes.  Ces  derniers  fui- 
voient  Ariftote  plus  à  la  Lettre.  Les 
Nominaux  rejettoient  toutes  les 
Entitez  fupcrflucs  ,  s'attachant  à 
ce  principe  qu'ils  tiroient  auflî  d'A- 
riftote ,  fçavoir  :  (jue  la  nature  ne 
fait  rien  en  vain. 

Les  Sedes  des  Nominaux  &  des 
Réaliftes  fe  firent  en  Allemagne 
une  guerre  qui  alla  jufqu'à  la  fo- 
reur -,  on  ne  foûtenoit  plus  fon 
opinion  que  par  des  violences.  Ce 
defordre  s'introduifit  en  France,  & 
monta  à  un  tel  point  que  Louis  XI. 
pour  y  mettre  fin  ,  ordonna  que 
dans  toutes  les  Bibliothèques  les 


J  U  I  L   L 

Livres  des  Nominaux  fcroientliés 
avec  des  chaînes  pour  empêcher 
qu'on  ne  les  ouviîr.  Cette  guerre 
d:s  Réahftes  &c  des  Nominaux  , 
n'cft  pas  ,  remarque  notre  Auteur, 
le  feu!  exemple  des  tuteurs  excitées 
par  l'Opinion  ,  fur  les  plus  frivoles 
fujets ,  témoin  entre-autres ,  dit-ii , 
la  queftion  appellée  le  Pain  des 
Cordeliers  ,  laquelle  confiftoit  à 
fçavoir  ,  Ci  le  domaine  des  chofes 
qui  fe  confumcntpar  l'ufage  com- 
me le  pain  &  le  vin ,  leur  apparte- 
noient ,  ou  s'ils  n'en  avoient  qu'un 
/impie  ufage  fans  domaine  &  fans 
proprietez.Un  fuiet  fi  mince  divifa 
les  plus  fameufes  Univerfitez,  caufa 
un  Schifme  ,  &  fit  paffer  le  plus 
grand  nombre  des  Cordeliers  dans 
le  parti  de  l'Empereur  Louis  de  Ba- 
vière ,  contre  le  Pape  Jean  XXIL 
Mais  pour  revenir  à  Ariftote,  ce 
Philofophe  ,  dit  notre  Auteur ,  fe 
trouva  défiguré  par  les  vaines  fubti- 
litez  que  la  bizarrerie  des  Opinions 
introduifit  dans  la  Philofophie  :  la 
paflîon  déréglée  que  chacun  avoit 
pour  le  tirer  de  fon  côté  ,  ne  tut  pas 
une  des  moindres  caufes  des  perfc- 
cutions  qu'il  y  a  dans  la  fuite  :  les 
Livres  d'Ariftote  avoient  été  ap- 
portés en  France  dès  le  commence- 
ment du  treizième  lîécle  ,  par  les 
François  qui  avoient  pris  Conftan- 
tinople  ;  Amauri  qui  prétendoit 
foûtenir  fes  erreurs  par  les  principes 
de  ce  Philofophe  ,  ayant  été  con- 
damné comme  Hérétique  par  le 
Concile  de  Paris  ,  l'an  1109.  Ce 
Concile  défendit  la  ledure  d'Ari- 
ftote .  Se  condamna  au  feu  fesOu- 


E  T  ,    1755;  411 

vrages.  En  1215.  les  mêrnesdéfen- 
fcs  furent  renouvcllées  par  le  Légat 
qui  vint  en  France  ,  mais  feule- 
ment pour  ce  qui  concernoit  la 
Métaphyhque  &  laPhyfique.  En 
123 1.  une  Bulle  de  Grégoire  IX. 
adoucit  un  peu  la  Sentence  pro- 
noncée par  leConcile  deParis,cnce 
que  cette  Bulle  défendit  feulement 
la  ledure  des  Ouvrages  d'Ariftote  , 
iufqu'à  ce  que  ,  dit  notre  Auteur, 
le  danger  des  erreurs  en  eut  été  retran- 
ché. En  1166.  les  Cardinaux  Jean 
de  S.  Marc  ,  ^  Gilles  de  S.  Martin^ 
délégués  par  Urbain  "V.  pour  refor- 
mer rUniverfité  de  Paris  ,  permi- 
rent la  ledhire  de  plufieurs  Ouvra- 
ges d'Ariftote  &  reftreignirent  les 
anciennes  dètcnfes  à  la  feule  Phyfi- 
que.  Le  Cardinal  d'EftoutevilJe  en 
1452.  faifant  par  l'autorité  de  Char- 
les VII.  plulicurs  rcglemens  pour 
l'Univerlité  de  Paris,  ordonna  que 
les  Ecoliers  &  Bacheliers  feroicnt 
examinés  principalement  fur  plu- 
fieurs Chapitres  de  la  Mètaphylï- 
que  &;  de  la  morale  d'Ariftote,qu'il 
indiqua  &:  fpccifia  ,  fans  faire  aucu- 
ne mention  de  faPhyfique.  Ramus 
ayant  attaqué  la  doftrine  d'Arifto- 
te ,  François  I.  par  Lettres-Patentes 
du  10  Mai  1 543.  lui  fait  très  expref- 
fes  défenfes  d'ufer  de  médifancc  & 
d'invedives  contre  Ariftote ,  con- 
damne &  abolit  les  Livres  de 
Ramus.  Dans  la  fuite  Ramus 
ayant  été  affafliné  à  la  Saint 
Barthelemi  ,  cet  événement  fit 
mourir  de  peur  Denis  Lambin  qui 
n'avoit  guéres  eu  plus  de  ménage- 
ment pour  Ariftote. 


4fi        JOURNAL    D 

Par  le  règlement  fait  pour  l'Uni- 
verfitéde  Paris  en  iiîoi.  lalctfturc 
des  Ouvrages  d'Ariftote  &  même 
de  fes  Livres  de  Phyfique  fut  en- 
jointe-, toutes  les  Ecoles  rcrcntifcnt 
alors  de  h  feule  Philofophie  Péri- 
patéticienne. En  i6ij\.  la  doârrine 
d'Ariftote  ayant  été  attaquée  par  des 
Théfes  ,  la  Faculté  de  Théologie 
de  Paris ,  &  le  Parlement  fc  joigni- 
rent enfemble  ,  Se  employèrent 
leur  autorité  en  faveur  d'Ariftote. 
La  Sorbonne  fit  un  Décret  par  le- 
quel elle  cenfura  ces  Théfes ,  &  1^ 
Parlement  rendit  un  Arrcft  qui  or- 
donna trois  chofes,  la  première  que 
CCS  Théfes  feroient  déchirées  ,  la 
féconde  que  ceux  qui  les  avoient 
foiJtenuës  feroient  bannis  du  ref- 
fort,  &  la  troificme  que  quiconque 
cnfeigneroit  quelques  maximes 
contre  les  Auteurs  anciens  &  ap- 
prouvés feroient  punis  de  mort. 

En  1^29.  la  Sorbonne  fit  des  re- 
montrances au  Parlement  fur  lef- 
<5uelles  intervint  Arreft  contre  des 
Chymiftes  ,  Se  ces  remontrances 
portoient  entre  autres  chofes  , 
qu'on  ne  pouvoit  choquer  les  prin- 
cipes de  la  Philofophie  d'Ariftote  , 
fans  donner  atteinte  à  ceux  de  la 
Théologie  Scholaftique  reçue  dans 
l'Eglife.  Nonobftant  tous  ces  regle- 
■mens  ,  tous  ces  Arrefts ,  &  toutes 
ces  remontrances,  Gaflendi  nelaif- 
fa  pas  d'écrire  contre  la  Philofophie 
d'Ariftote  Se  Defcarres  fe  fit  Chef 
d'une  nouvelle  Seéle.  Depuis  eux 
la  Philolbphie  d'Ariftote  a  beau- 
coup peirdu  de  fon  crédit  :  voilà 
quelles  ont  été  à  l'égard  d' Ariftote^ 


ES    SÇAVANS, 

les  viciftitudcs  de  l'Opinion.  Notre 
Auteur  employé  ainn  tous  les  arti- 
cles de  fes  lix  Livres ,  à  montrer  ce 
qu:  c'cft  que  l'Opinion  ,  &  ce  que 
c'cft  par  confequent ,  que  l'efprit 
humain. 

Nous  devons  donner  bien  -  tôt 
l'Extrait  d'une  Dilfcrtation  fur 
la  Fortune  5  notre  Auteur  dans 
le  treizième  Chapitre  de  fon 
troifiéme  Livre  ,  traite  la  même 
matière  ,  mais  d'une  manière  diffé- 
rente ,  &c  comme  ce  qu'il  dit  là- 
deflus  ,  eft  une  des  chofes  qui  fer- 
vent le  plus  à  fon  deflcin  ,  c'eft-à- 
dire  ,  à  faire  voir  les  égaremens  de 
l'efprit  humain  dans  fes  Opinions  , 
nous  croyons  qn'il  ne  fera  pas  hors 
de  propos  d'en  donner  un  précis. 

Les  Péripatéticiens  difoient  que 
la  Fortune  n'étoit  autre  chofe  que 
les  loix  de  la  Nature  &  la  volonté 
de  l'homme.  Les  Stoïciens  enten- 
doient  par  la  Fortune  ,  les  décrets 
d'une  neceftlté  fupérieure  aux 
Dieux.  Les  Platoniciens  croyoient 
que  c'étoit  un  génie  dont  Dieu  fe 
fervoit  pour  opérer  les  chofes  qui 
paroiftbient  fortuites  aux  hommes. 
Suivant  cette  Opinion  ,  la  fupério- 
rité  de  la  Fortune  d'Augufte  fur 
celle  d'Antoine  ,  a  été  l'afcehdant 
du  génie  d'Augufte  fur  celui  d'An- 
toine. S.  Auguftin  ne  s'éloigne  pas 
de  cette  opinion  des  Platoniciens , 
lorfqu'il  dit  que  les  évenemehs  for- 
tuits dont  la  Fortune  a  tiré  fon 
nom  doivent  être  rapportés  à  Dieu 
&  aux  bons  ou  aux  mauvais  Anges. 
Les  Epicuriens  confideroicnt  tou- 
tes chofes  dans  la  nature  comme 


J  O  I  L  L  E 

fortuites  j  attribuant  toutes  fortes 
d'effets,  au  concours  des  Atomes, 
comme  à  la  caufc  unique  &:  généra- 
le. Epicure  avoic  fuivi  l'Opinion 
de  Démocrite,  qui  étendoit  à  tous 
les  évenemens  de  la  vie ,  fon  Syftê- 
me  de  la  rencontte  fortuite  des 
Atomes  ,  foûtenant  que  comme 
l'Univers  ,  félon  lui ,  avoit  été  for- 
mé au  hazard  par  l'accrochement 
des  Atomes ,  auili  tous  les  évene- 
mens ctoicnt  produits  par  le  con- 
cours fortuit  d'une  infinité  de  cir- 
conftances  imprévues  &  inévita- 
bles ,  &  par  l'aftion  de  la  matière 
extérieure  fur  nos  fens  ;  laquelle 
adion  entraînoit  necelEiirement  la 
détermination  de  notre  volonté. 
Ces  idées  dont  il  avoit  l'efprit  rem- 
pli ,  le  faifoient  rire  continuelle- 
ment des  projets  des  hommes,  &  de 
leur  vaine  prudence. 

S.  Evremont  dit  »  que  comme 
»  une  bonne  a(5tion  engage  ordinai- 
»>  rement  dans  une  féconde  ,  &  une 
»  mauvaife  précipite  fouvcnt  dans 
»  beaucoup  d'autres ,  de  même  en 
»  fait  de  Fortune  un  heureux  fuc- 
»  ces  conduit  à  un  autre  ,  &  un 
3)  fâcheux  accident  entraîne  vers  un 
»  fécond  ,  qu'ainfi  les  évenemens 
»  ont  des  liaifons  entr'eux  ,  &  que 
»  voilà  peut-être  en  quoi  confifte 
»  ce  que  les  hommes  nomment 
M  bonheur  ou  malheur. 

D'autres  prétendent  qu'on  ne 
peut  appeller  un  homme  heureux 
ou  malheureux  que  par  rapport 
aux  évenemens  pafTés ,  mais  que  la 
borHT€  ou  mauvaife  Fortune  paffée 
ne  décide  as  rien  pour  le  pxefent 


T  ,     17  5  l'  4ï  J 

ni  pour  l'avenir,  D'autccs  croyent 
que  le  malheur  paflc  eft  une  raifon 
pour  cfperer  un  bonheur  fytur  -, 
ainfi  parmi  les  Joiieurs  l'un  évite 
une  carte ,  parce  qu'elle  eft  ,  dit-il, 
en  malheur ,  &  l'autre  au  contraire, 
la  préfère  ,  parce  qu'elle  a  fouvcnt 
perdu ,  &c  que  fuivant  fon  opinion 
elle  ne  doit  pas  toujours  perdre. 

D'autres  font  perfuadés  que  le 
bonheur  ou  malheur  eft  quelque 
chofe  de  réel  &c  d'inhérent  aux  mê- 
mes fujets.  Ils  oppofent  là  deflu^ 
aux  raifonnemens  ,  l'expérience 
qui  fait  voir  fi  fouvent  &  iivee  tai^ 
d'évidence  qu'il  y  a  des  perlownc(S 
à  qui  tout  réullit ,  &c  d'autres  AU 
contraire  dont  tous  les  efforts  font 
inutiles.  S'il  arrive  ,  difent-ils  ,  <jug 
je  fois  hcuné  une  feule  fois  par  un 
palTant ,  je  pourrai  me  perfu^dei 
que  c'eft  fans  deffein  de  fa  part-i 
mais  fi  la  même  perfonne  me  heur- 
te toutes  les  fois  que  je  la  rencon- 
tre ,  je  ne  douterai  pas  que  ce  ne 
foie  un  effet  de  fa  volonté  i  il  y  n 
donc  ,  concluent  -  ils ,  une  çaufc 
certaine  &  déterminée  du  bonheur 
&  du  malheur,  quoique  cette  c^u- 
fc  ne  fe  prefente  pas  à  nos  yeux. 
Avicenne  met  la  caufe  du  bonhem:' 
dans  une  forte  pcnlée  qui  remplie 
l'imagmation  d'un  homme  ,  &c 
lui  perfuade  qu'il  réuilira.  Mais  , 
dit  notre  Auteur  ,  fi  le  pouvoir  de 
l'imagination  cft  grand  &  furpre- 
nant  dans  les  chofes  qui  ont  quel- 
que liaifon  avec  elle  ,  il  eft  fjîr 
qu'elle  ne  peut  agir  fur  les  chofe^ 
qui  lui  font  abfolument  étrangères,, 
comme  h  plupart  des  choies  iQx<^ 
tuite& 


^14  JOURNAL    D 

Les  Aftrologues  rapportent  la 
Fortune  aux  influences  ccleftes. 
S.  Thomas  même  ,  eftimc  que  de 
la  même  manière  que  plulleurs 
cliofes  naturelles ,  comme  des  pier- 
res ,  des  métaux  ,  des  plantes ,  ont 
vraifcmblablcmcnt  reçu  des  Aftres, 
•certaines  proprictcz  que  les  hom- 
mes ne  connoifTcnt  que  parles  ef- 
fets j  auili  les  hommes  peuvent 
avoir  reçu  des  influences  ccleftes 
certaines  dilpoiitions  générales  , 
plus  favorables  aux  uns  qu'aux  au- 
tres ,  pour  réullîr  dans  ce  qu'ils  en- 
treprennent. Notre  Auteur  ne 
trouve  pas  cette  Opinion  plus  foli- 
de  que  les  prédidions  des  Aftrolo- 
gues  ;  car  de  croire  ,  dit-il ,  qu'un 
homme  ,  par  exemple ,  qui  gagne 
toujours  au  jeu ,  rencontre  à  point 
nomme  les  difpohtions  des  cartes 
&  des  dez  dont  il  a  befoin  ,  parce 
qu'il  a  reçu  lui-même  des  Aftres  , 
certaines  difpolitions  tavorabies  , 
&  de  croire  en  même  tcms  que  ce 
font  les  influences  des  Aftres  ,  qui 
caufent  l'arrangement  des  cartes  & 
des  dez  ,  c'eft  un  raifonnement  auflî 
chimérique  que  de  fonder  furies 
influences  des  Aftres ,  le  nombre 
d'enfans  qu'un  homme  doit  avoir  , 
ou  le  nombre  d'années  qu'il  doit 
vivre.  Comment ,  continue  notre 
Auteur  ,  cette  influence  des  Aftres 
peut-elle  porter  fur  un  coup  de  dez? 
■&  fi  c'étoit  cette  influence  qui  eût 
déterminé  l'homme  dans  le  mo- 
ment de  fa  nativité  à  être  heureux  , 
comment  cette  même  influence 
pourroitellé  après  foixante  ans  &: 
davantage  ,  arranger  ks  cartes  ou 


ES    SÇAVANS, 

tourner    les     dez    d'une    manière 
avantageufe  pour  le  Joiicur? 

Le  Dcftin  n'eft  pas  quelque  chofc 
de  plus  réel  que  la  Fortune  ;  notre 
Auteur  rapporte  les  différentes  opi  - 
nions  des  anciens  fur  ce  prétendu 
Deftin  ,  &  fait  voir  que  la  tatalité 
détruit  également  la  Religion  ,  la 
focieté  ,  &  la  morale  :  il  remarque 
que  le  Deitin  ,  félon  Plutarque ,  eft 
Dieu  même  qui  nous  détermine  à 
toutes  nos  aftions,  de  manière  que 
nous  fommes  réellement  neceftitez 
d'agir ,  enforte  néanmoins  que  nos 
adfions  nous  paroiflent  libres ,  par- 
ce qu'elles  font  des  effets  de  notre 
volonté.  Cette  Opinion  qui  n'eft 
pas  particulière  à  Plutarque  ,  paroît 
horrible  à  notre  Auteur.  Il  remar- 
que que  c'eft  réduire  la  liberté  de 
l'homme  à  une  imagination  fédui- 
te  par  la  Divinité  même  ,  &  il  cite 
làdeflus  ces  beaux  vers  de  Corneil  - 
le,  tirés  de  fa  Tragédie  d'Oedipe  ; 
vers  que  'bA.VAhhcduJarrt  ^  dans 
la  Préface  de  tts  Poëfies  Chrétien- 
nes ,  Héroïques  &  Morales  ,  dit 
être  au-delTus  de  tout  ce  qui  fe  lit 
de  meilleur  fur  la  liberté  dans  bien 
des  Traitez  Théologiques ,  &  où 
l'on  voit  en  effet  une  vive  réfuta- 
tion de  l'horrible  Syftême  des  deux 
délégations  invincibles. 

L'aine  eft  donc  toute  cfclave  ,  une  loi 
fouveraine 

Vers  le  bien  &  le  mal  inccflàmment  l'en- 
traîne , 

Et  nous  ne  recevons  ni  crainte  ni  deiîr 
De  cette  liberté ^ui  n'aiien  à  choiiîr  ; 

Attachez 


JUILLET,    175^ 


41J 


Attachez  fans  relâche  à  cet  ordre  fiibli- 
me , 

Vertueux  fans  mérite  ,  &  vicieux  fans 
crime  ; 

Qu'on  raaflacre  les  Rois ,  qu'on  brife  les 
Autels , 

Cefl  la  faute  de»  EJIeux  &  non  pas  des 
mortels  ; 

De  toute  la  vertu  (ur  la  terre  épanduc  , 

Tout  le  prix  à  ces  Dieux ,  toute  la  gloire 
eft  due , 

Ils  agiflent  en  nous  quand  nous  penfons 
agir, 

(Quand  l'homme  délibère  il  ne  fait  qu'o- 
béir , 

Et  notre  vol(3BȎ  n'aime ,  hait,  cherche , 
évite , 

Que  fuivant  que  d'en  haut  leur  bras  la 
précipite. 


Ce  ne  feroit  pas  donner  une  idée 
aflez  entière  d'un  Ouvrage  aulfi 
rempli  d'érudition  que  celui-ci  ,&: 
d'une  érudition  aulîi  curieufc ,  & 
aufli  bien  entendue  ,  que  de  nous 
en  tenir  aux  exemples  que  nous 
venons  de  rapporter.  Il  eft  à  pro- 
pos d'en  ajouter  encore  quelques- 
uns  i  mais  comme  la  longueur  de 
cet  Extrait  ne  le  comporte  pas, 
nous  renvoyons  ce  furplus  au  pre- 
mier Journal. 

On  vient  de  nous  communiquer 
un  petit  Supplément  à  ce  Traité  j 
ce  Supplément  eft  une  Brochure 
qui  contient  quelques  additions^  & 
un  Errata  plus  exaâ:.  Ceux  qui  ont 
déjà  acheté  le  Traité  pouront  y 
joindre  la  Brochure. 


DOGMA  ECCLESI^  CIRCA  USURAM  EXPOSITUM  ET 
vindicatum.  C'eft-à-dire  :  Le  Dogme  de  l'Eglife  fur  l'ufitre  ,   expofé  & 

<  défendu,  A  l'Ifle  ,  chez  Pierre  Mathon  ;  &  fe  vend  à  Paris ,  chez  Phi. 
Nie.  Lottin  ,  rui:  S.  Jacques  ,  à  la  vérité.  1730. 2»-4'».  pp.  474. 


ON  appelle  ufure  le  profit  que 
l'on  tire  du  prct  d'une  chofe 
qui  fe  confume  par  l'ufage,  comme 
l'argent ,  le  grain  &  le  vin.  Calvin 
&  Dumoulin  après  lui  ont  avancé 
oue  ce  profit  n'étoit  point  illicite  , 
quand  lePréteur  ne  le  portoit  point 
à  l'excès.  La  plupart  des  Scâiateurs 
de  Calvin  ont  îuivi  cette  opinion 
lie  leur  maître  ;  il  s'eft  même  trou- 
vé des  Catholiques  dans  ces  der- 
niers tems  en  Flandre  &  en  Hollan- 
de qui  ont  cru  qu'il  falloit  tolérer 
quelques  contrats,  qui  étoientper- 


mis  par  les  Souverains ,  quoiqu'ils 
parurent  ufuraires ,  &  d'autres  qui 
ont  foûtenu  l'ufure ,  ou  du  moins 
qui  ont  prétendu  qu'on  n'étoit 
obligé  de  prêter  gratuitement 
qu'aux  pauvres ,  &  qu'il  n'y  avoir 
point  d'ufure  de  tirer  du  profit 
d'un  prêt  d'argent  ,  quand  on  le 
prêtoit  à  une  pcrfonne  qui  en  de- 
voit  faire  un  emploi  qui  lui  appor- 
tât à  elle-même  du  profit.  C'eft  le 
Syftême  de  l'Auteur  du  Traité  de 
la  Pratique  des  billets  qui  diftinguc 
deux  efpeccs  de  prêtsjl'un  de  chaii- 
lii 


41(5  JOURNAL   D 

té  ,  l'autre  cic  commerce.  C'eft 
auflï  ce  qu'onr  foûtcnu  les  Auteurs 
du  court  Trnité  des  rentes  rachcra- 
bles  de  part  is:  d'autre ,  de  celui  de 
la  difcurtîon  de  la  rcponfe  à  quel- 
ques ditTicukcz  propofccs  en  ma- 
tière d'ufure,  ^  décelai  de  l'exa- 
men pacifique  par  un  Théologien 
de  Brabanr. 

Ces  trois  derniers  Traitez  font 
ceux  que  nos  Auteurs  ont  principa- 
lement en  vue  ;  ils  fc  propofent  de 
les  combattre  en  prouvant  que  l'E- 
glife  a  toujours  condamné  l'ulure  , 
éc  que  par  le  terme  d'ufure  elle  a 
toujours  entendu  le  profit  que  le 
Préteur  tire  du  prêt  ,  quel  qu'il 
puifle  être. 

Les  Théologiens  diftinguent 
deux  manières  d'établir  les  Dogmes 
de  l'Eglife.  L'une  cft  la  voye  de  la 
prefcription  ,  l'autre  celle  de  la  dif- 
cuifion.  Nos  Auteurs  employent 
l'un  Se  l'autre  de  ces  moyens  par 
rapport  à  la  matière  de  l'ufure.  La 
nouveauté  du  Syftême  dont  l'Au- 
teur du  Traité  de  la  Pratique  des 
billets ,  &  les  Partifans  de  fon  Sy- 
ftême font  obligés  de  convenir , 
fournit  le  premier  argument  de  la 
prefcription  ,  car  on  doit  rejetter 
toute  doftrine  dont  les  Auteurs 
ont  été  obligés  eux-mêmes  de  re- 
connoître  la  nouveauté  ^  fuivant  la 
maxime  établie  par  Tcrtulien  &: 
par  Vincent  de  Lerins.  La  décifion 
des  Conciles  Oecuméniques  eft  en- 
core une  voye  abrégée  pour  termi- 
ner les  queftions  fur  ces  fortes  de 
matières.  Or  le  Concile  de  Nicéc 
&  celui  de  Vienne  défendent  cx- 


ES   SÇAVANS, 

prefTcment  toute  ufurc  comme 
contraire  à  la  loi  dv  Dieu^  6c  ils  ont 
entendu  par  le  terme  d'ufure  tout 
profit  que  le  Prêteur  retire  du 
prêt.  Tous  les  Théologiens  & 
lesCafuiftes  des  derniers  hécles  ont 
condamnés  comme  ufuraircs  les 
profits  quels  qu'ils  puffcnt  être  exi- 
gés àl'occafion  d'un  prêt  d'argent. 
Le  confentement  unanime  de  ces 
Auteurs ,  eft  une  preuve  de  la  doc- 
trine prefcntc  de  l'Eglife  qui  a  été 
Se  qui  fera  également  infaillible 
dans  chaque  fiécle.  Pour  juftifier  le 
fait  fur  lequel  eft  tonde  cette  der- 
nière propofition  ,  nos  Auteurs  ci- 
tent une  foule  d'Ecrivains  de  diffe- 
rcns  Pays ,  &  ils  font  voir  que  fur 
ce  point  l'Ecole  des  Thomiftes  s'ac- 
corde avec  celle  des  Scotiftes  &:  des 
Difciples  de  Molina  ,  &  que  MM. 
Arnaud  &  Nicole ,  &  les  PP.  Juc- 
nin  &  Qiiefnel  ne  s'expliquent 
point  fur  ce  fujet  d'une  manière 
différente  de  celle  de  Valentia  ,  de  ' 
Tolet  ,  de  Molina  &  de  LcfTius. 
On  joint  à  ces  Auteurs  les  Caté- 
chifmes  de  differens  Diocéfes ,  Icj 
Ordonnances  des  Evêques ,  les  dif- 
pofitions  des  Conciles  Provinciaux, 
les  cenfures  de  plufieurs  Facultez  de 
Théologie  ,  celles  du  Clergé  de 
France  aflemblé  en  1700.  &  les 
condamnations  de  plufieurs  propo- 
fitions  fur  l'ufure  par  les  Papes 
Alexandre  VIL  &  Innocent  XI. 

Nos  Auteurs  pafTant  de  la  voye 
de  prefcription  .à  celle  de  difcuf- 
fion  ,  commencent  par  les  différent 
pafTagcs  de  l'Ecriture  Sainte  qu'on 
s.  coutume  de  citer  contre  l'ufure» 


J  U  I  L  L 

Vât  rapport  à  l'ancien  Teftament , 
nous  ne  nous  arrêterons  ici  qu'à  ce 
que  difent  nos  Auteurs  fur  les  ver- 
fets  19  &  zo  du  chapitre  25.  du 
Deuteronome  qui  porte  ,  nonfœne- 
rabisfratri  tuo  ad  itfumm  pecimiam  , 
necfniges^  nec  (jnamlibet  aliam  rerriy 
fed  aliéna.  La  queftion  eft  de  f^a- 
voir  ce  qu'on  doit  entendre  par  le 
terme  A'alienus  ou  d'étranger  ,  au- 
quel les  Juifs  pouvoient  prêter  de 
l'argent  à  ufure  fuivant  cet  endroit 
du  Deuteronome.  La  plupart  des 
Commentateurs  ont  entendu  par 
ce  terme  tous  ceux  qui  n'étoicnt 
pas  Juifs  ,  bc  ils  ont  cru  qu'il  ne 
s'agilfoit  en  cet  endroit  que  d'une 
fimple  tolérance  d'un  moindre  mal 
accordée  à  la  dureté  du  cœur  des 
Juifs  pour  empêcher  qu'ils  ne  fif- 
fent  un  plus  grand  mal.  Cette  ex- 
plication des  Commentateurs  ne 
latisfait  point  les  Auteurs  de  ce  Li- 
vre ,  ils  font  perfuadés  que  le  ter- 
me alienus  ne  iîgnifie  pas  tous  ceux 
qui  étoient  étrangers  à  l'égard  des 
Juifs  ,  qu'un  Juif  qui  entroit 
dans  l'efprit  de  la  loi^  devoit  regar- 
der tous  les  hommes  comme  fes 
frères ,  &  que  les  étrangers  dont  il 
s'agit  dans  ce  verfet  du  Deuterono- 
me ,  ne  font  que  les  habitans  des 
Pays  voifms  de  la  Palelline  ,  que 
Dieu  leur  avoit  commandé  de  trai- 
ter comme  leurs  ennemis.  Ce  qui 
cmportoit  la  permilTion  de  leur  en- 
lever leur  bien  de  vive  force  ^  & 
par  confcquent  de  leur  prêter  à  u- 
fure.  U  ne  faut  donc  pas  étendre, 
concluent  nos  Auteurs,  à  tous  ceux 
<iui  font  étrangers  à  l'égard  des 


E  T  ,  175  j;  417 

Juifs ,  ce  qui  n'étoit  permis  par  k 
Loi  que  par  rapport  aux  Cananéens 
&  aux  autres  peuples  voifins  que 
les  Juifs  étoient  obligés  d'extermi- 
ner. C'eft  ainfi  que  S.  Ambroifc  ex- 
plique ce  partage  du  Deuteronome, 
&  nos  Auteurs  foûticnnent  qu'on 
doit  d'autant  plutôt  s'attacheràcettc 
explication  que  les  autres  peuvent 
fervir  de  prétexte  pour  favorifcE 
l'ufure  ,  &  qu'on  doit  toujours  ex- 
pliquer les  endroits  obfcurs  de  l'E- 
criture fuivant  la  doiftrine  de  l'Egli- 
fe  ,  qui  condamne  l'ufure  à  l'égard 
de  toute  forte  de  perfonnes.Pour  ce 
qui  eft  dupalTage  de  l'Evangile,  mic- 
tunm  date  nihil  indi  fperantes  ;  nos 
Auteurs  font  voir  que  cette  Loi  eft 
générale  ,  &  qu'elle  ne  peut  par 
confequent  être  reftrainte  à  l'ufure 
par  rapport  aux  pauvres  ou  à  une 
ufurc  exceflîve.  C'eft  ainlî  que  tous 
les  Pères  ont  expliqué  ce  pallage  de 
l'Ecriture. 

Pour  établir  cette  dernière  pro- 
pofition  ,  nos  Auteurs  àtent  un 
grand  nombre  de  palTages  des  SS. 
PP.  contre  l'ufure.  Ils  commencent 
par  S.  Juftin  ,  &  ils  tînilTent  par 
S.  Bernard  ,  joignant  les  Pères  de 
l'Eglife  Grecque  à  ceux  de  l'Eglifc 
Latine.  Il  ne  nous  eft  pas  poftîblc 
de  fuivre  nos  Auteurs  dans  le  détail 
de  ces  differens  paftages  ,  nous  ob- 
ferverons  feulement  après  eux , 
1°.  Que  S.  Ambroifc  eft  celui  de 
tous  les  Pères  qui  s'eft  le  plus  atta- 
ché à  traiter  cette  matière  ,  qu'il 
condamne  comme  ufure  tout  ce 
qu'on  exige  en  matière  de  prêt  d'ar- 
gent au-delà  du  fort  principal ,  foit 
I  iiij 


^i8  JOURNAL    D 

des  riches,  foit  des  pauvres ,  &  que 
Je  commerce  ne  peut  fervir  de  pré- 
texte pour  autorifcr  l'ufure ,  parce 
que  le  commerce  ctoit  très-florif- 
fnnt  du  tcms  de  S.  Ambroife  ,  qui 
n'a  ccpcadanr  point  cru  qu'on  piit 
fc  fervir  de  ce  moyen  pour  pallier 
l'ufure  :  z".  Que  les  Pères  n'ont 
point  dillinguc  deux  cfpeccs  d'ufu- 
res  dont  l'une  fut  licite  &  l'autre 
illicite  ;  3°.  Qiie  quand  les  Percs 
ont  décrit  les  fuites  fâcheufes  de 
l'ufure  par  rapport  aux  pauvres  , 
c'étoit  pour  faire  mieux  fentir  l'é- 
normitc  de  ce  crime  dans  certains 
cas  particuliers ,  en  la  condamnant 
néanmoins  en  général  :  4°.  Si  les 
Pères  fc  font  attachés  par  la  même 
raifon  à  la  condamner  particulière- 
ment dans  les  Clercs ,  c'eft  par  des 
raifons  générales  qui  s'appliquent 
aux  Laïcs ,  &  qui  prouvent  feule- 
ment qu'il  n'y  a  point  de  vice  qui 
foit  plus  oppofè  au  défintercire- 
ment  dont  les  Clercs  doivent  faire 
profeffion. 

Les  Auteurs  font  à  peu-près  les 
mêmes  reflexions  fur  les  Conciles  , 
tant  de  l'Eglife  Latine  que  de  l'E- 
glife  Grecque  dont  ils  rapportent 
les  Canons ,  en  fuivant  les  Conciles 
de  fiécle  en  fiécle ,  ce  qui  forme 
une  chaîne  de  tradition.  Les  défen- 
feurs  de  l'ufure  fe  font  un  moyen 
de  ce  que  le  Concile  de  Florence 
ne  l'a  point  expreifément  condam- 
née ,  &  ils  prétendent  être  bien 
fondés  à  tirer  avantage  du  filence 
de  ce  Concile  ,  parce  que  quelques- 
uns  de  ceux  desThéologiens  qui  s'é- 
jUvent  avec  le  plus  de  force  contre 


ES    SÇAVANSi 

l'ufure,  difcnt  que  les  Grecs avoienf 
abandonné  dés  le  douzième  fiécle 
la  dodrine  de  leurs  Pères  fur  l'ufu- 
re. Mais  nos  Auteurs  prétendent 
qu'il  n'eft  pas  prouvé  que  les  Grecs 
foûticnnent  fur  ce  point  l'erreur 
qu'on  leur  impute.  Ils  citent  au 
contraire  Cabafilas  Archevêque 
de  Teffalonique  ,  du  quatorzième 
fiécle ,  qui  parle  de  l'ufure  com- 
me en  ont  parlé  les  Pères  de  l'E- 
glife Grecque  &  ceux  de  l'Egli- 
fe Latine  ,  &  qui  répond  aux  ob^ 
jedions  que  font  aujourd'hui  les 
partifans  de  l'ufure. 

Aux  témoignages  des  Pcres,  nos 
Auteurs  joignent  celui  de  vingt 
Papes ,  qui  ont  écrit  contre  l'ufure, 
qui  l'ont  condamnée  par  leurs  Dé- 
crets ,  ou  qui  ont  cenfuré  des  pro- 
pofitions  avancées  par  quelques 
Cafuiftcs  pour  autorifer  l'ufure  en 
certains  cas  ,  comme  l'ont  fait  Ale- 
xandre VII.  &  InHccent  XI. 

Apres  les  Papes  vienncm:  les 
Théologiens  Scholaftiques  qui  ft 
font  élevés  contre  l'ufure  &:  contre 
les  Ufuriers  ,  contre  Pierre  Lom- 
bard, Guillaume  de  Paris  ,  Alexan- 
dre de  Halés,  Saint  Bonaventute  , 
S.  Thomas,  S.  Bernardin  de  Sien- 
ne ,  &  quelques  Canoniftcs  com- 
me Navarre  ,  Covarruvias  ,  Fa- 
gnen ,  aufquels  ils  joignent  le  Car- 
dinal de  Laurca.  A  l'égard  des 
Théologiens  Scholaftiques  du  der- 
nier liécle  ,  nos  Auteurs  n'en  par- 
lent point  en  cet  endroit. 

Quand  nos  Auteurs  viennent 
aux  Loix  Civiles  au  fujet  des 
ufuies  ^  ils  coRviçnnent  que  Içi^ 


J  U  I  L  L  E 

toix  Romaines  ,  même  celles  qui 
ont  été  faites  par  les  Princes  Chré- 
tiens ne  tendent  qu'à  en  condam- 
ner l'excès.  Mais  ils  aiTurent  que 
les  Loix  des  Empereurs  Chrétiens 
fur  cette  matière  ,  n'étoient  qu'une 
iîmple  tolérance  pour  empêcher  un 
plus  grand  mal ,  &  que  ces  fortes 
de  Loix  qui  tolèrent  ce  qui  eft  con- 
damné par  le  Droit  Divin  n'exem- 
ptent point  de  péché  ,  ceux  qui 
contreviennent  à  la  Loi  de  Dieu. 
L'Empereur  Bafile  le  Macédonien 
avoit  condamné  toute  ufure.  Mais 
Léon  le  Philofophe  fut  obligé 
de  remettre  les  chofes  fur  le  pied 
fut  lequel  elles  étoient  avant  la  Loi 
de  Bafile. 

Les  Rois  de  France  ont  défendu 
cxpreflement  toute  forte  d'ufure  , 
fur-tout  en  matière  de  prêt.  On  en 
trouve  la  preuve  dans  les  Capitul- 
laires  pour  les  Rois  de  la  féconde 
Race  ,  Se  pour  ceux  de  la  troifiéme 
Race  dans  les  Ordonnances  de 
Saint  Louis ,  de  Philippe  le  Bel  &c 
de  plufieurs  de  leurs  SuccelTeurs  ^ 


qui 


condamnent  comme  ufurairc 


tout  ce  qu'on  exige  en  matière  de 
prêt  au-delà  du  fort  principaL  Le 
parlement  de  Paris  s'attache  à  fui- 


T  ,     17  5  r-  41J 

vre  à  la  lettre  ces  difpofitions  d'Or- 
donnance ,  comme  on  le  voit  par 
l'Arrcft  de  Règlement  du  7  Mai 
17 14.  contre  l'intérêt  pour  le  {Im- 
pie prêt  des  deniers  pupillaircs.  A 
l'égard  des  Parlcmens  de  France  qui 
n'ont  pas  porté  la  févérité  fi  loin  au 
fujet  des  deniers  pupillaires,nosAu- 
teurs  aiTurent  que  ce  n'eft  qu'une 
fimple  tolérance. 

Dans  les  derniers  articles  ils 
traitent  la  queftion  ,  fi  l'ufure  eft 
contre  le  droit  naturel.  Monfietir 
Arnaud  croyoit  qu'on  pouvoit  al- 
léguer des  raifons  vraifemblables 
pour  exempter  l'ufure  de  péché , 
quand  elle  ne  paroît  pas  bleffer  la 
charité.  M.  Nicole  s'explique  à  peu 
près  de  la  même  manière.  Nos 
Auteurs  n'approuvent  pas  cette  ef- 
pece  de  ménagement ,  ils  foûtien- 
nent  que  l'ufure  eft  défendue  par  le 
droit  naturel.  Ils  fe  fervent  pout 
appuyer  leur  fentiment  des  raifonS 
ordinaires  ,  qu'un  écu  n'en  produit 
pas  un  autre ,  S>c  que  l'argent  prêté 
fe  confommant  par  l'ufage,  il  n'eft 
pas  naturel  que  l'emprunteur  paye 
l'intérêt  d'une  fommc  qui  lui  api 
partient  ,  Se  fur  laquelle  Jle  PrêteuK' 
n'a  plus  aucun  droit. 


420         JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

ORBIS  SACER  ET  PROPHANUS  ILLUSTRATUS  ;  OPUS 
Ecclelîaftica;  &:  Prophanx  Hiftoriae  nec  non  Gcogrnphix  (ludiofis  ap- 
primè  utile.  C'cft-à-dirc  :  L'Vnivers  Sacré  &  Prophaue  éclairci.  Ou- 
vrage mile  a  ceux  ijui  s'appliquent  h  Vétude  de  l'Hifteire  Ecclifiajïicjue  ou 
Prophane  ,  &  fur-tout  à  U  Géographie.  Parle  P.  François  Orlcndi  ,  de 
f  Ordre  des  Frères  Prêcheurs  ^  &  ProfepurenThéologic  dans  l'Vniverfié 
de  Pife.  A  Florence  ,  chez  Bernard  Paperini ,  proche  l'Eglife  de  S.  Ap- 
poUinaire,  à  l'Enfeigne  de  Pallas  &  d'Hercule. /«/»//o,  premier  vol, 
1728.  pp.  798.  fécond  vol.  173 1.  pp.  103 1.  troifiémc  vol.  1751, 
pp.  1467. 


LE  troifiéme  Volume  de  ce 
^rand.  Ouvrage  qui  fera  fuivi 
de  plufieurs  autres,  nous  donnera 
occafion  de  parler  des  deux  pre- 
miers ,  qui  n'étoient  point  tombés 
entre  nos  mains  dans  le  tcms  qu'ils 
ont  été  imprimés.  Le  but  de  l'Au- 
teur, comme  on  vient  de  le  voir 
par  le  titre  ,  eft  de  donner  une  Géo- 
graphie complette  des  quatre  Par- 
ties du  Monde ,  tant  ancienne  que 
moderne ,  tant  pour  l'Hiftoire  Ec- 
clefiaftique  que  pour  l'Hiftoirc 
Prophane.  Mais  comme  un  fimple 
détail  des  noms  des  diffcrens  Etats , 
des  Provinces  &  des  Villes ,  cft  par 
lui-même  peu  agréable  ,  &  qu'il  ne 
feroit  que  charger  la  mémoire  ,  le 
P.  Orlendi  fe  propofe  de  donner 
une  Defcription  Géographique  de 
la  fituation  des  Etats  des  Provinces 
&  des  Villes ,  enfuite  un  abrégé  de 
leur  Hiftoire ,  tant  pour  l'Ecclefia- 
ftique  que  pour  le  Civil ,  de  faire 
connoître  les  mœurs  &  le  caradérc 
des  habitans,  la  torme  de  leur  Gou- 
vernement ,  le  tems  auquel  As,  ont 
été  fournis  aux  Romains ,  ccln  .':, 
quel  les  differens  Royaumes  k  lonc 


formés  des  débris  de  l'Empire  Ro- 
main ,  celui  où  la  Religion  Chré- 
tienne a  été  établie ,  les  différentes 
révolutions  qui  y  font  arrivées,foic 
par  rapport  à  la  Religion  ,  foit  pat 
rapport  au  Gouvernement  civil. 
L'Auteur  s'cft  fur-tout  attaché  i 
faire  connoître  les  Métropoles  Ec- 
clchaftiques  ancicmies  ,  &  celles 
qui  ont  été  établies  dans  les  der- 
niers fiécles. 

Avant  d'entrer  dans  ce  détail 
Géographique  des  quatre  parties  du 
monde  ,  l'Auteur  a  crû  qu'il  étoit  à 
propos,  par  rapporta  l'Hiftoirc  de 
l'Empire  Romain  ,  &  par  rapport 
à  celle  des  premiers  fiécles  de  l'E- 
glife de  donner  un  Commentaire 
fur  la  notice  de  l'Empire  Romain  , 
tel  qu'il  étoit  depuis  Conftantin  , 
jufquau  tems  des  Empereurs  Arca- 
dius  &  Honorius  ,  fe  refervant 
d'expliquer  avec  plus  d'étendue  ce 
qui  concerne  les  differens  Pays ,  & 
les  différentes  Villes  dont  cette  No- 
tice lui  a  donné  occafion  de  faire 
mention ,  lorfqu'il  parlera  de  ces 
mêmes  Pays  5i  de  ces  mêmes  Vil- 
les dans  fa  Defcription  détaillée  des 


J  U  I  L 

quatre  parties  du  monde. 

Ce  Commentaire  fur  la  Notice 
de  l'Empire  Romain  fous  Conllnn- 
tin  &  fcs  Succeireurs  engage  le  Père 
Orlcndi  à  traiter  dans  un  Livre 
Préliminaire  des  différentes  divi- 
sons de  cet  Empire  ,  fur-tout  de 
celles  qui  ont  été  faites  fous  Augu- 
fte  ,  fous  Hadrien  ,  &  enfuite  fous 
Conftantin  ,  en  différentes  Préfec- 
tures, 6c  de  ces  Préfeduresen  Dio- 
céfes  qui  comprcnoient  plufleurs 
Provinces.  Entre  les  obfervations 
critiques  que  notre  Aurcur  a  faites 
fur  ce  fujet ,  nous  ne  rapporterons 
ici  pour  exemple  que  celle  qui  re- 
garde le  fentiment  du  P.  Pagi  au 
fujet  du  tems  auquel  le  mot  de 
Diocéfe  a  commencé  à  fe  prendre 
dans  le  fens  que  l'on  vient  de  voir. 
Le  Critique  de  Baron ius  croit  que 
ce  n'eltque  fous  l'Empire  de  Con- 
flantin  qu'on  a  commencé  àappel- 
1er  Diocéfe  une  certaine  étendue  de 
Pays  compofce  de  plufieurs  Pro- 
vinces. Mais  le  P.  Pagi ,  dit  notre 
Auteur,  n'avoir  pas  fait  d'attention 
fur  deux  palTagesdesF.pîtresde  Ci- 
ccron  où  le  mot  de  Diocéfe  eft  em- 
ployé pour  fignifier  un  Pays  étendue 
&  où  il  fe  trouve  plufieurs  grandes 
Villes.  L'Auteur  avoiie  néanmoins 
que  fous  l'Empire  de  Conftantin 
ce  qu'on  appelloit  Diocéfe  compre- 
noit  une  beaucoup  plus  grande 
étendue  de  Pays  que  du  tems  de 
Ciceron. 

Cette  Notice  donne  lieu  à  notre 
Auteur  de  parler  du  rang  que  te- 
noient  entre  elles  les  différentes 
Eglifes  de  TEmpiré  Romain ,  paicc 


L  E  T,   1755.  421 

que  ce  rang  a  été  réglé  fur  celui  que 
ces  Villes  tenoient  dans  l'ordre  ci- 
vil. Il  fûutient  cependant  contre 
le  Dodeur  du  Pin  ,  que  ce  font  les 
Apôtres  eux-mêmes  qui  ont  établi 
des  Métropoles  aufquellcs  ils  ont 
attribué  la  Jurifdidion  fur  les  au- 
tres Eglifes  Epifcopales  de  la  Pro- 
vince. Il  dit  que  Tite  a  été  établi 
par  S.  Paul  Métropolitain  de  Crète, 
qu'Ephéfe  ,  Corinthe  ,  TefTaloni- 
que ,  ont  été  auffi  établies  Métro- 
poles par  les  Apôtres ,  la  première 
de  l'Alîe  Mineure,  la  féconde  de 
l'Achaïc  ,  la  troifiéme  de  la  Macé- 
doine. Ce  ne  fut  que  long-tems 
après  l'établiffement  des  Métropo- 
les d'Afie ,  qu'il  y  en  eut  d'établies 
en  Occident ,  comme  l'obferve  no- 
tre Auteur.  Il  prétend  néanmoins 
que  l'Eglifc  de  Lyon  ctoit  la  Mé- 
tropole desEglifes  des  Gaules  dès  la 
fin  du  fécond  fîéclc  ,  que  Trêves 
peu  de  tems  après  fut  élevée  à  cette 
dignité ,  &c  que  ce  ne  fut  que  dans 
le  troifiéme  fiécle  qu'on  commen- 
ça à  entendre  parler  d'Eglifes  Mé- 
tropolitaines en  Italie. 

Après  ce  Livre  préliminaire  ^ 
notre  Auteur  divife  fon  premief 
Volume  en  autant  de  Livres  que  la 
Notice  de  l'Empire  fous  Conflantin 
contenoit  de  Préfedures  du  Prétoi- 
re ,  celle  d'Orient  qui  comprenoit 
cinq  Diocéfes  ;  celle  d'Illirie  ,  fous 
laquelle  il  y  avoir  deux  Diocéfes  ; 
celle  d'Italie  ,  où  l'on  comptoir 
trois  Diocéfes  ,  &  celle  des  Gaules 
qui  comprenoit  les  Diocéfes  des 
Gaules,  d'Efpagne  ic  de  la  grande 
Bretagne.  Nous  ne  pouvons  fuivrc 


422        JOURNAL    D 

notre  Auteur  dans  ce  détail  , 
où  il  fc  contente  de  mettre  dans 
un  nouvel  ordre  ,  ce  qu'ont  dit 
avant  lui  un  grand  nombre  d'Ecri- 
vainsqui  ont  travaillé  fur  l'ancienne 
Notice  de  l'Empire  Romain  ,d'ap- 
puvcr  de  quelque  nouvelle  autori- 
té les  opinions  qu'il  embralfe  ,  & 
d'ajouter  quelques  reflexions  à  cel- 
les qui  avoicnt  déjà  été  faites  par 
ceux  qui  l'ont  précédé.  Il  nous  a  pa- 
ru que  les  Volumes  fuivans  [  au 
moins  Ci  on  en  juge  pat  le  fécond  & 
par  le  troifiéme  ]  offriront  un 
plus  grand  nombre  d'articles  qui 
contiennent  des  chofes  nouvelles  Se 
qui  méritent  d'être  particulière- 
ment remarquées. 

Nous  ne  pouvons  néanmoins 
nous  difpenfer  d'obferver  ici ,  que 
l'Auteur  fait  remonter  le  plus  haut 
qu'il  lui  eft  poflîble  rétabliffement 
des  différentes  Eglifes  ,  &  qu'il  en- 
treprend de  réfuter  ce  qu'ont  dit 
là-deffus  les  Critiques  qui  ont  vou- 
lu s'éloigner  de  la  Tradition  com- 
mune. Il  foûtientj  par  exemple  , 
que  S.  Denis  l'Aréopagite  a  été 
premier  Evêque  de  Paris.  Pour  ap- 
puyer ce  fentiment  il  cite  les  Ad:es 
de  S.  Denis  abrégés  par  Hilduin ,  & 
qu'il  croit  avoir  été  écrits  par  un 
Auteur  contemporain  ,  la  vie  de 
Sainte  Geneviève  à  laquelle  il  don- 
ne une  grande  antiquité  ,  Fortunat 
de  Poitiers,  Métaphrafte  &  Métho- 
de Patriarche  de  Conftantinople , 
qu'il  met  à  la  tête  de  ceux  qui  ont 
fait  des  Differtations  fur  la  queftion 
fi  S.  Denis  l'Aréopagite  elHe  mê- 
me que  r  Archevêque  de  Paris.  Il 


ES    SÇAVANS, 

ajoute  que  la  plupart  des  François 
fuivcnt  ce  fentiment,  il  n'entend 
apparemment  parler  que  delà  plu- 
part de  ceux  dont  il  a  lu  les  Ecrits 
fur  ce  fujet. 

Selon  lui  ,  les  Sçavans  rejet- 
tent avec  raifon  ce  que  Sulpicc- 
Sévére  Se  Grégoire  de  Tours  ont 
avancé  au  fu)ct  du  tems  de  l'éta- 
bliffement  de  la  Rchgion  Chré- 
tienne dans  les  Gaules.  Ces  deux 
Auteurs  fc  contredifent  ,  &  ce 
qu'ils  avancent  avec  confiance  eft, 
dit  -  il  ,  détruit  par  les  Monu- 
mens ,  8c  par  les  Actes  les  plus  au- 
thentiques. Entre  ces  faits  authenti- 
ques qu'il  oppofe  aux  Critiques 
modernes  font  ceux  de  Saint  Tho- 
phime,  Difciple  de  S.  Paul,  envoyé 
a  Ailes,  de  Saint Crefcent  envoyé  à 
Vienne,  &  de  S.Martial  à  Limoges. 
L'Efpagne  eft  encore  traitée  plus 
favorablement  fur  cet  article  que 
la  France  ;  ce  n'eftpas  que  l'Auteur 
foûtienne  que  l'Apôtre  S.  Jacques 
ait  été  effedlivemcnt  en  Efpagne.  Il 
dit  que  c'cft  une  queftion  fur  la- 
quelle il  n'a  point  jugé  à  propos  de 
prendre  de  parti ,  de  peur  de  paiTei 
d'un  côté  pour  crédule  ,  s'il  fuivoic 
fur  ce  point  l'ancienne  Tradition  , 
ou  de  peur,  s'il  prenoit  le  parti  con- 
traire, d'attaquer  les  anciennes  Tra- 
ditions pour  icfquelles  il  a  toujours 
eu  beaucoup  de  refped.  Mais  il  lui 
paroît  conftant  que  Saint  Paul  qui 
avoir  refolu  de  faire  un  voyage  en 
Efpagne  pour  y  prêcher  la  Foi ,  a 
fair  effectivement  ce  voyage^  qu'il  y 
a  établi  des  Eglifes ,  &  que  d'autres 
Eglifes  d'Efpagne  ont  été  établies 
par 


J  U  I  L  L  E  T  ;  175  ?•  42? 

|)âï  des  Evêques  que  s.  Pierre  avoit      autre  Journal  du  fécond  Volume 
envoyés  de  Rome.  de  ce  grand  Ouvrage  de  Géogra- 

phie. 


envoyés 

Nous  rendrons  compte  dans  un 


ELEMENTA  CHEMIN  ,  QU^  ANNIVERSARIO  LABORE 
docuit ,  in  publias  privatifque  Scliolis  ,  Hermannus  Boerhaave  :  cum 
tabulis  xneis.  Editio  altéra ,  Leydenfi  multo  correttior  &c  accuratior-, 
cui  etiam  acceflere  ejufdem  Au(5toris  Opufcula  omnia  ,  qux  hadcnùs 
in  lucem  prodieront  :  ea  quidem  priùs  fparfim  édita ,  nunc  vero  in 
unum  colleda  atque  digefta.  Parifiis,  apud  Guilleimum  Cavelier ,  via 
Jacobeâ ,  fub  iîgno  Lilii  aurei.  1733.  C'eft-à-dire  :  Elémms  de  Chimie  , 
enfe'tgnés  chaque  année  dans  des  Cours  publics  &  particuliers  par  Hermatt 
Boerhaave  :  féconde  Edition ,  beaucoup  plus  correÙe  ijue  celle  de  Leyde.  On 
y  /(joint  tout  ce  qui  a  parujufju'k  prefent  des  Opiifcules  du  même  Auteur  ^ 
fubliés  féparément ,  &  que  l'on  a  rapmblis  ici  en  un  corps.  A  Paris  ,  chez 
Guillaume  C4w//>>- ,  rue  S.  Jacques ,  au  Lys  d'or.  175  3. /«-4°.  z.  vol. 
Tom.  I.  qui  contient  l'Hiftoire  &  la  Théorie  de  l'Art  dont  il  s'agit  ; 
pp.  47^.  Tom.  II.  qui  contient  les  Opérations  Chimiques  &  les  Opuf- 
cules;  pp.  34e.  pour  les  Opérations-,  pp.  231.  pour  les  Opufcules  ; 
fans  les  Tables.  Planches  détachées  XVII. 


CETTE  nouvelle  Edition  de 
la  Chimie  du  célèbre  M.  Boe- 
rhaave ne  le  cède  à  celle  de  Leyde 
sii  pour  la  beauté  du  papier ,  ni 
pour  la  netteté  des  caraderes.  Mais 
elle  l'emporte  de  beaucoup  fur 
celle  -  là  pour  la  corredion  ,  com- 
me nous  l'apprend  le  Libraire,  dans 
wn  Avertiirement  particulier.  Il  en 
allègue  pour  preuve  plus  de  200 
fautes  d'impreffion  ,  (  par  deffus 
celles  qu'indique  VErrata  )  laiffées 
dans  l'Edition  de  Hollande  ,  & 
corrigées  très-exadement  dans  cel- 
le-ci. Parmi  ces  fautes  il  y  en  a  plu- 
iîeurs  d'importantes  ,  témoin  l'o- 
jnifllon  de  trois  mots  ,  au  commen- 
cement du  198"  Procédé  Chimique, 
dans  les  12  premières  lignes  duquel 
(è  trouYoienc  outre  cela  trois  folc: 
jHil/eh 


cifmes  ;  de  plus ,  le  titre  d'un  cha- 
pitre oublié  dans  la  Table  du  i"  To- 
me. C'eft  aux  foins  aflidus  ëc  à  l'at- 
tention du  Corredeur  employé  par 
le  Libraire,  &  qui  eft  fuffifamment 
au  fait  des  matières  traitées  dans  ces 
deux  Volumes ,  que  l'on  eft  rede- 
vable de  l'exaditude  fcrupuleufc 
qui  fait  le  principal  mérite  de  cette 
féconde  impreflion. 

A  l'égard  des  Opufcules  de  M. 
Boerhaave  raffemblés  ici  à  la  fin  du 
-fécond  Tome  ,  ils  font  au  nombre 
de  douze.  On  y  trouve  en  premier 
lieu  ,  huit  Difcours  Académiques 
prononcés  à  l'ouverture  des  Cours,' 
îbit  de  Médecine ,  foit  de  Botani- 
que &  de  Chimie  ,  &  en  d'autres 
occafions.  Dans  le  premier  le  Pro- 
fçfTeut  recommande  aux  ieuaes 
Kkk 


424         JOURNAL  D 

Médecins  l'étude  d'Hippocrate  ; 
dans  le  fécond  il  p.irle  de  l'ufage 
que  l'on  doit  faire  de  la  Mcchani- 
que  dans  les  raiibnncmcns  qui  con- 
cernent la  Médecine  -,  le  troificnie 
rouie  fur  la  manière  de  faciliter  & 
de  fimpiificr  la  Médecine  ,  en  la 
dégageant  de  tout  ce  qui  lui  cft  in- 
utile ou  étranger  ;  le  quatrième  fur 
le  moyen  d'arriver  à  la  certitude,en 
matière  dePhyfique  :  le  5%fur  celui 
de  purger  de  toutes  fes  erreurs  l'art 
de  la  Chimie  :  dans  le  flxicme  ,  M. 
Bberhaave  fait  l'éloge  de  fon  Con- 
frère M.  Bernard  yilbimts  :  le  feptié- 
me  ,  eft  le  compliment  qu'il  fit  en 
fe  démettant  de  la  ProfeiTion  de 
Botanique  &  de  celle  de  Chimie  : 
dans  le  huitième  ,  il  fait  voir  que 
l'honneur  attaché  à  la  profefllon  de 
Médecin  ,  n'eft  qu'une  véritable 
fervitude  :  la  neuvième  Pièce  ,  fur 
k  ftructure  des  glandes  du  corps 
Inuaain  ;,  cofitiçnt  de^x  Lettres  fur 


ES  SÇAVANS, 

ce  fujet  ,  l'une  de  M.  BocrhaâVt  3 
M.  Rityfch  j  l'autre  de  celui-ci  en 
rcponfe  à  M.  Boerhaave  :  la  dixiè- 
me Pièce  Ss.  la  onzième  ofïrcnc 
l'Hiftoire  de  deux  cruelles  mûi.-{ 
dies  non  encore  décrites  :  te  la  dou« 
2iéme  eft  un  Traité  de  la  miladie 
vénérienne  ,  imprimé  d'abord  pouc 
tenir  lieu  de  Préface  au  grand  Re- 
cueil des  Auteurs  qui  ont  écrit  fut 
cette  maladie  ;  Recueil  publié  pre- 
mièrement à  Vcnife  en  156^^.  &C 
réimprimé  à  Leyde  en  1718.  m-fol. 
Comme  tous  ces  Ouvrages  de 
M.  Boerhaave  font  fuffifamment 
connus ,  &  que  nous  avons  rendu 
compte  de  la  plupart  dans  notre 
Journal ,  où  cnir'autrcs ,  on  trou- 
vera l'extrait  de  ce  nouvcaiv  Cours 
de  Chimie ,  nous  n'en  difons  rien 
ici  ,  &  nous  nous  contentons  de 
renvoyer  fur  cet  article  au  précis 
que  nous  en  avons  donné  dans  ie 
mois  d'Avril,  17} z, 


I 


J  U  ï  L   L  E  T,    175  ^^ 


42  f 


'JSIOVVELLES     LITTERAIRES. 


ANGLETERRE. 
De   L  o  n 'd  r  e  s. 

Wlnnys ,  R.  Manhy ,  Impri- 
.  meurs  de  la  Société  Roya- 
kj  Se  L.Gilhver ,  débitentrEdi- 
tion  des  Oeuvres  de  M.  le  Doiteur 
tretnd  ,  fous  ce  titre  :  Johamiis 
Freind  ,  Ad.  D.  Seremjfima  Regitit. 
CarolinsE  Archiatri  Opéra  Aiediat 
omma.  1733.  'f^f'^'^' 

N.  Prevoft  a  entrepris  l'impref- 
Con  d'un  DiElionnaire  Vniverfel , 
Hiftoriqiie  &  Critiejiie  en  Anglois , 
lequel  doit  renfermer  une  traduc- 
tion nouvelle  &  exadle  du  Didion- 
caire  de  M.  Bayle  ,  &  contiendra 
i'Hiftoire  des  Perfonnages  les  plus 
illuftres  -de  tous  les  fiécles  &  de  tou- 
tes les  Nations ,  mais  plus  particu- 
lièrement de  la  grande  Bretagne  &; 
de  l'Irlande. 

Cet  Ouvrage  fera  cnyu'  Volu- 
mes in-folio  j  on  en  diftribuera  tous 
les  mois  vingt  feuilles ,  qui  coûte- 
ront trois  chelins  &  fix  fols. 

Samuel  Harditig  imprime  pat 
Soufcription  le  Tréforde  la  Langue 
.  Latine  de  Robert  Eflieane  ^  en  quatre 
Tomes  in-folio  ,  corrige  ,  augmen- 
té &  enrichi  de  plufieurs  mots  par 
plufieurs  Membres  de  l'Univerfitc 
de  Cambridge. 

Le  prix  de  la  Soufcription  de 
fît  Ouvrage  fera  de  fix  gainées , 


dont  deux  feront  payées  en  foufcri- 
vant  ,  deux  en  recevant  les  deux 
premiers  Tomes ,  &  les  deux  autres 
en  recirant  les  deux  derniers  Vo- 
lumes. 

HOLLANDE. 

De   l  a  h  a  y  e. 

On  a  imprimé  en  cette  Ville  la 
Traduction  Françoife  des  Remar- 
ques Hiflori-jues  &  Critiques  fur 
l'fJifioire  d'Angleterre  de  A-i.  de  Ra- 
pin  -  Thoyras  ,  par  M.  Tindal  ; 
Alditre  es  Arts  &  f^icaire  du  grand 
IValthan  dans  le  Comté  d'EJfex  ,  & 
Abrégé  Hi/îori^ue  du  Recueil  des 
Acles  publics  d  Angleterre  de  Tho- 
mas Rymer  ,  par  A4,  de  Rapin- 
Thoyras  ,  avec  les  Notes  de  Aï. 
Etienne  Whatley.i«-4''.  2.  vol. 

On  foufcrit  ici  chez  Scbeurleer  ^ 
Libraire  ,  pour  un  Ouvrage  qui 
doit  s'imprimer  à  Liège  ^  chez  Eve- 
rard  Kints ,  &:  dont  voici  le  titre  : 
Abrégé  Chronologique  &  Hifiorique 
de  l'origine  ^  du  progrès  &  de  iétat 
a5luei  de  toutes  lesTroupes  de  France^ 
par  Aï.le  P'***  N  *  *  *.  Ouvrage 
enrichi  de  vignettes  en  tailles-douces  ^ 
gravure  de  Paris ,  cfiû  reprcfentent 
tous  les  Sièges ,  Attaques  &  Combats 
particuliers  oii  ces  corps  fe  font  trouvés^ 
ôzc.  Cet  Ouvrage  fera  divilé  en 
trois  Parties  ,  dont  chacune  com- 
Kkkij 


^2^        JOURNAL   DE 

prendra  pluficurs  Volumes.  L'Au- 
teur ne  propofe  adueliemcnt  par 
Soufcription  que  la  première  partie 
qui  fera  fubdivifcc  en  trois  To- 
mes tn-if.  d'environ  600  pages  cha- 
cun. Elle  enfermera  toute  h  Mai- 
fon  du  Roi. 

Les  Soufcripteurs  payeront  en 
foiifcrivant  cin<j  florins  argent  de 
Hollande  ,  cinij  florins  en  recevant 
ie  premier  Volume ,  cin^  florins  en 
recevant  le  fécond,  &  ctncj  autres 
florins  en  recevant  le  troifiéme. 

On  recevra  les  Soufcriptions  juf- 
qu'à  la  fin  du  prefenr  mois  de  Juil- 
let. On  pourra  foufcrire  à  Paris, 
chez  Bauche  ,  Quai  des  Auguftins , 
chez  qui  on  trouvera  le  Profpeilus 
imprimé  de  cet  Ouvrage, 

FRANCE. 

De    Lyon. 

Antoine  Sirvam  vient  d'impri- 
«ler  D.  D.  Francifci  Amoftazo ,  J, 
U.  D.  Alvearenjis  ,  amen  illujlns 
ville  de  Colmenar  f^iejo  ,  tiunc  vero 
infignis  Oppidi  de  Vallecas  ReHoris  ; 
de  Caufis  Piis  in  génère  ,  &  infpeeie 
Libri  VIIL  Opus  cjuidemperutilenon 
folkm  ]udicihus  &  F'ijîtatoribns  Ec- 
cle/îaflicis ,  verkm  etiam  Secularibus  , 
Ecclefiarum  Re^oribus^  ConfeJJàribus 
&  Advocatis,  ToMus  primus  ,  di- 
ligemerrecofftitus ,  multif^ue  mendis 
expurgatm  ,  nonnullis  etiam  additis 
yinthoribus  ,  ac  Indice  rerum  Copie- 
fiori  j  nunc  denuo  in  Incem  frodit, 
*733'  'ti -folio.  1.  vol. 


S   SÇAVANS ; 

D'A  I  X. 

Explication  de  quelques  Mttrbres 
anticjues,  dont  les  originaux  font  dans 
le  Cabinet  de  M*  *  *.  Chez  Jofcpk 
David.  i733.»»-4°.  Cette  explica- 
tion que  nous  ferons  inceiramment 
connoîtrc  plus  particulierement,cft 
de  rUluftre  M.Sonhter^  ancien  Pré- 
fident  à  Mortier  au  Parlement  de 
Dijon  ,  &  de  l'Académie  Françoife, 

Dr    T  R  o  Y  E  s. 

Nouvelle  Dijfertaùonfiir  les  part- 
ies de  la  Confecration  de  la  Sainte 
Eucharijiu.  Où  l'on  montre  que  les 
Liturgies  Orientales  font  confor- 
mes à  la  Romaine  fur  le  Rit  de  la 
Confecration ,  &  que  les  Scholafti- 
ques  qui  ont  combattu  l'Invoca- 
tion des  Orientaux ,  &  les  nou- 
veaux Grecs  qui  l'ontvoulu  foûtc- 
nir  contr'cux  ,  n'ont  pas  compris- 
le  vrai  fens  de  cette  Prière  ,  ni  étu- 
dié le  Rie  de  leurs  Liturgies.  Chez 
Jacques  le  Fevre  le  jeune.  17  3  3.' 
itt-i". 

De  B  l  o  I  s. 

Hifloire  de  Roehefort ,  cwtenanf 
l'établijfement  de  cette  faille ,  de  fin 
Port  &  Arfenal  de  Marine  ,  (T 
tes  AnticjttiteX^  de  fin  Chateait. 
Chez  Philbert  -  Jofeph  MaJftH. 
i7}3./»-4">. 

D  £     Paris. 

CbAnàcrt,  Libniie  du  Journal; 


JUILLET 

'Quaî  <ïes  Auguftins  ;  Ofmont  , 
Huart ,  Cloujîtr ,  rue  S.  Jacques  i 
Hourdel ,  David ,  Quai  des  Augu- 
ftins ,  &  G'Jfiy  ,  rue  de  la  Vieille 
Bouderie  ,  ont  en  vente  Hiftoirt 
Littéraire  de  la  France ,  où  l'on  trai- 
te de  l'origine  &  du  proirrès ,  de  la 
décadence  &  du  retabliffemenc  des 
Sciences  parmi  les  Gaulois ,  &  par- 
mi les  François  ;  du  goût  &  du  gé- 
nie des  uns  &  des  autres  pour  les 
Lettres  en  chaque  fiéclc  ;  de  leurs 
anciennes  Ecoles  ,  de  l'établifTe- 
ment  des  Univerfitez  en  France  ; 
des  principaux  Collèges  ;  des  Aca- 
démies des  Sciences  &  des  Belles- 
Lettres  i  des  meilleures  Bibliothè- 
ques anciennes  &c  modernes  ;  des 
plus  célèbres  Imprimeries ,  &  de 
tout  ce  qui  a  un  rapport  particulier 
à  la  Littérature.  Avec  les  Eloges 
Hiftoriques  des  Gaulois  &  des 
François  qui  s'y  font  fait  quelque 
réputation  ;  le  Catalogue  &  la 
Chronologie  de  leurs  Ecrits  ,  des 
Remarques  Hiftoriques  &  Criti- 
ques fur  les  principaux  Ouvrages  , 
le  dénombrement  des  différentes 
Editions  :  le  tout  juftifié  par  les  ci- 
tations des  Auteurs  originaux.  Far 
des  Religieux  de  la  Con^egation  de 
S.  Ma/tr.  Tome  premier  ,  Par- 


»7nî  .        427 

TiE  PREMIERE ,  quî  comprend  les 
tems  qui  ont  précédé  la  Naiffance 
de  J.  C.  &  les  trois  premiers  fiécles 
de  l'Eglife.  Partie  IL  qui  com- 
prend le  quatrième  fiècle  .de  l'Egli- 
fe. i73  3.;«.4<'. 

Dijfertation  fur  le  Teu  Boréal  ^ 
par  D.  J.  A.  M.  R.  D.  C.  Chez  Jo- 
feph  Bnlkt ,  rue  de  la  Parchemine- 
rie.  i73  3.;«-8". 

Traité  de  TertitUien  fur  l'orne- 
ment  des  femmes ,  les  Speftacles  ; 
le  Baptême  &  la  Patience.  Avec 
une  Lettre  aux  Martyrs ,  traduits 
en  François.  Chez  Rollin  fils ,  Qiiai 
des  Auguftins ,  à  S.  Athanafe.  1735. 
in-  12. 

Traité  de  la  /implicite  de  la  Foi:. 
Chez  Lamejle  ,  rue  de  la  vieille 
Bouderie  ,  de  HeuejHeville  ,  rue 
Gift-le-Cœur  ^  &  Henri  ^  rue  Saint 
Jacques,  ij^i.in-ii. 

Hifloire  du  Fanatifine  dans  la  Re-^ 
ligion  Proteflante ,  depuis fon  origine. 
Par  le  P.  François  Catrott ,  de  la 
Compagnie  de  Jefus.  Se  vend  rue 
delà  Harpe  J  au  bon  Pafteur.  1733* 
in-iz.  2.  vol. 

Anecdotes  de  la  Cour  de  Philippe:. 
'^Hgujie.  Par  Mademoifelle  de  Luf- 
ptn.  Chez  la  Veuve  Pijfot ,  au  bouC 
du  Pont-Neuf.  1733.  in-n.  3.  vol. 


42?        JOURNAL    DES    SÇAVÀNS, 


F.iutes  à  T-rrrigsr  Mfis  ie  Journal  di  Aiay  1753. 

PAge  i^o.col.  1.  ligne  3  5.qui  ne  jfy^îff^ne  :  pag.z^i.col.  i.lig.  51; 
Guajas ,  lif:\G\it\2C  :  pag.  1^3.  col.  i.  lig.  11.  billorce  ,  ///biftorre  : 
pag.  158.  col.  I.  lig.  14.  leXIouvemenrde  convcrfion^  ///?  le  Mcuvcmcnt 
droit  :  pag.  301.  col.  2.  lig.  20.  quoiqu'on  en  croyc  ,  l'f.  quelque  chofe 
qu'on  en  croyc. 

D-ws   le  Journal  de  Jmn; 

Pag.  514.  col.  2.  lig.  16.  Se  27.  qui  mérite,  Hfezqmne  mérite  :  pag.  3  3  S. 
cgI.  I.  lig.  I.  voici  celle  de  l'Epîcre  où  il  prétend,  Itfez  voici  celui  de  l'E- 
pîtrc  dans  laquelle  il  prétend  :  pag.  345.  col.  2.  lig.  3  j.  où  voit-on  un  hom-^, 
me^ïïicz  on  voit  un  homtne  :  pag.  34^.  col.  2.  lig.  29.  Durcéen,///fî.Dircécn 
pag.  3  50.  col.  I.  lig.  27.  Waddnngue  ,  lifez  Waddingue  :  Ibid.  lig.  28» 
un  Lyras  :  Ufez.  un  Lyra. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Juillet  173  j; 

TR^idiiUion    Françoife   du  Difcours  du  PereVorcc  ,  pa».     j^^ 

Recueil  des   Ecrivains  de  l'Hifloirs  d'Italie  ^  Sic.  Tome  X,  374. 

Csnt  Planches  gravées  d'après  des  Pierres  antiques ,  ikc.infii.  37 S 

Qneftion  OM  Thcje  de  A'iedecine  ,  S«z.  384. 

Traité  de  la  Aiain-morte  &  des  Retraits  ,  ficc.  387 

Traité  du  Sublime^  k  M.  Defpreaux ,  &c.  351 

Dou"^  Queftions  de  Médecine  ^  propofées  par  MM.ChicqyneAH  ^  ^'1^<^  y 

&c.       "  '357 

TyMié  de  l'Opinion  ,  &:c.  40^ 

Le  'Dogme  de  l'Eglife  fur  l'ZJfure]   8cc.  41  j 

L'ZJnivers  Sf.cré&  Prophane  éclairci  ,  &c.  410 
Etémrns  de  Chimie  ,  en  feignes  chaque  année  dans  des  Cours  publics  &  parti. 

culierSy  ScC.  4'^ 

Nouvelles  Littéraires  ,  4 1  j 

Fin  de  la  Table." 


L  E 

JOURNAL 

scavÀns, 

r  0  u  R 
VANNEE     M.    DCC.    XXXIIL 
A    O    U   S   T. 


A      PARIS, 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay   des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXX III. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


¥ 


LE 

JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

AOUST  M.  DCC.    XXXIII. 
ELOGE  DV  REFEREND  PERE   LE   QVIEN. 


LE  Père  Michel  le  Quien  n'eft 
pas  de  ces  hommes  dont  la  vie 
foit  remplie  de  traits  &  d'évenc- 
mens  propres  à  fatisfaire  la  curiofi- 
té.  Il  n'eut  jamais  la  vanité  de  fc 
croire  propre  aux  grandes  affaires  , 
&  il  feroit  refté  enfcvéli  dans  le 
filence  du  Cloître  fi  l'éclat  de  fa 
Aoufi. 


Science  ne  l'avoir  fait  connoître  ' 
malgré  l'atrention  qu'il  eut  tou- 
jours à  fe  cacher. 
Il  naquitàBouIogne  au  mois  d'Oc- 
tobre 1^6"!.  d'une  honnête  famille» 
A  l'âge  de  20  ans  ,  après  avoir  fait 
un  cours  de  Philofophie  au  Collè- 
ge du  Pleflîs  à  Paris ,  il  entra  dans 
LU 


4îa         JOURNAL  D 

l'Ordre  de  S.  Dominique.  Le  célè- 
bre Pcrc  MalToulic  lui  donna  les 
premières  teintures  de  la  Langue 
Hébraïque.  L'inclination  qu'il 
avoir  pour  les  Sciences  ,  &  les 
frrands  progrès  qu'il  y  fit, lui  acqui- 
rent bien  -  tôt  rcftimc  de  tout  ce 
qu'il  y  avoir  alors  de  gens  diftin- 
gués  par  leur  érudition.  Il  fe  lia 
d'une  amitié  particulière  avec  les 
Abbez  de  Longrue  ,  Rcnaudot  & 
des  Thuilcries ,  avec  Meiîieurs  Si- 
mon ,  &  de  la  Roques  ,  les  Père 
Hardouin  ,  de  Montfaucon  & 
Quétif.  Ses  Ecrits  lui  firent  en  peu 
/de  tems  d'iUuftrcs  amis  dans  les 
Pays  étrangers  ;  de  ce  nombre  fu- 
rent Chryfanthc  Patriarche  de  Je- 
rufalem  dernier  mort ,  le  Prince  de 
Valaquie  Mauro-Covdato  ,  Mcf- 
lieurs  Fontanini ,  Palîionei  &  plu- 
tieurs  autres. 

Le  P.  le  Qiiien  n'avoir  pas  enco- 
re 30  ans  lorfqu'il  écrivit  contre 
l'Antiquité  des  tems  du  Père  Pez- 
xon. 

En  171 1.  il  fit  imprimer  dans 
les  Mémoires  de  Trévoux  une  Dif- 
fertation  fur  le  Livre  du  même  Au- 
teur ,  intitulé  :  EJfii  àe  Commentai- 
re fur  la  Prophètes. 

Le  bon  accueil  que  le  public  fit 
à  ces  deux  Ouvrages  ,  ou  plutôt  le 
defir  de  fe  rendre  utile  à  l'Eglife , 
engagea  le  P.  le  Q.uien  à  donner  en 
17 1  i.  une  nouvelle  Edition  de  faint 
Jean  Damafcene  en  Grec  &  en  La- 
tin ,  avec  de  fçavantes  Diffcrta- 
tions ,  ilfe  propofoit  de  l'augmen- 
ter d'un  troifiéme  Tome  ,  dans  le- 
quel Uauroit  raffembléles  Ouvra- 
ges qui  portent  faulTement  le  nom 


ES  SÇAVANS. 

de  ce  Saint.  Mus  il  paroît  par  un 
papier  écrit  de  fa  nuin  qu'on  a  trou- 
vé après  fa  mort  qu'il  auroit  excep- 
té de  ce  nombre  un  Difcours  fur  les 
Anges  qu'on  conferve  enManufcric 
dans  la  Bibliothèque  de  Turin  Cod 
77,  &  un  Dialogue  d'un  Chrétien 
avec  un  Sarrazin  qu'on  trouve  en 
Grec  dans  la  Panoplie  d'Euthy- 
raius.  Il  regardoit  ces  deux  Ecrits 
comme  étant  véritablement  de 
S.  Jean  Damafcene. 

Perfonne  n'ignore  à  prcfenC 
qu'il  s'eft  caché  fous  le  nom  d'E- 
tienne d' Altimura  dans  le  Livre  qui 
a  pour  titre  :  Panoplie  contre  les 
Grecs. 

.  On  a  encore  de  lui  une  Hiftoire 
abrégée  des  Comtes  de  Boulogne  , 
Se  troisDilfertations  qui  font  impri- 
mées dans  ^Continuation  desAdcmoi- 
res  de  Littérature  &  d'Hifloir;  ^  l'une 
fur  S.  Nicolas ,  l'autre  fur  le  Portus 
Iccms ,  Si  la  troihémc-  fur  Sancho- 
niaton  Auteur  Phénicien. 

Ses  Difputes  avec  le  P.  le  Cou- 
rayer  font  ii  récentes  que  tout  le 
monde  fçait  qu'il  a  donné  à  cette 
occafion  deux  Volumes  qui  peu 
de  tems  après  furent  fuivis  d'une 
Réplique  auiïî  en  deux  Volumes.  Le 
P.  le  Quien  y  a  épuifè  I.1  matière, &: 
s'y  eft  fait  d'autant  plus  admirer  de 
toutes  les  pcrfomies  qui  aiment  la 
vérité  &  qui  counoillent  la  Reli- 
gion ,  que  fon  advcrfaire  en  avoit 
d'abord  impofé  aux  efprits  avides 
de  nouveautcz  ,  &  arfèz  foibles  , 
pour  préférer  les  agrémens  du  ftyle 
à  la  julleffe  des  raifonncmens. 

Ces  différentes  occupations  l'o- 
bligèrent d'interrompre  fon  Oriens 


A  ou  s 

Chriftlanus  ,  entreprife  iinmenfe  , 
&  d'une  recherche  infinie  ■■,  le  pre- 
mier Volume  en  cft  prele]ue  entiè- 
rement imprime  ;  hcurculcnient  il  a 
lailîé  fon  Manufcrit  complet  ,  &C 
en  état  de  voir  inceflamment  le 
jour ,  &C  nous  apprenons  avec  plai- 
iîr  que  la  mort  de  l'Auteur  ne  pri- 
vera point  les  Gens  de  Lettres  d'un 
Ouvrage  qu'ils  attendent  depuis 
long-tems  avec  impatience. 

Il  a  lailTc  encore  plufieurs  DilTer- 
tations  en  Manufcrit ,  avec  une  Hi- 
ftoire  de  Boulogne  fur  mer  ,  fa  pa- 
trie. 

Quoique  d'une  complexion  déli- 
cate ,  &  que  fur  la  fin  de  fa  vie  ,  fa 
fanté  lut  fujette  à  de  grandes  alté- 
rations ,  le  P.  le  Quien  ctoit  infati- 
gable à  l'étude.  L'humilité  &  la 
douceur  faifoient  fon  principal  ca- 


radere.  La  même  difpofition  d'ef- 
prit  qui  le  rendoit  prodigue  de 
louanges  pour  le  mérite  &  la  ver- 
tu des  autres  ,  lui  faifoit  refufer 
les  julles  éloges  qu'on  ne  pou- 
voir s'empêcher  de  lui  donner.  Il 
paroilloit  toujours  avec  une  gayeté 
naturelle  &  modefte  qui  rendoit 
fon  commerce  extrêmement  agréa- 
ble. Dans  les  entretiens  ordinaires 
fon  efprit  ne  lui  fervoit  qu'à  faire 
éclater  la  bonté  de  fon  cœur.  Il 
avoit  même  un  extérieur  li  fîmplc 
&c  Çi  uni  que  les  perfonnes  qui 
avoient  peu  de  mérite  ,  ne  lui  en 
trouvoient  qu'avec  peine ,  &  fc  de- 
mandoient  quelquefois  à  elles-mê- 
mes ce  qui  pouvoir  lui  avoir  attiré 
la  grande  réputation  dont  il  joiiif- 
foit. 


ESSAT  SVR  LES  ERREVRS  VOVVLAIRES  ,    OU   EXAMEN 

de  plujteurs  opinions  reçîtés  comme  vraies ,  qui  font  faiijfes  ou  douteufes.Tra- 
ditit  de  l'Angloisde  TToomas  Broiun  ,  Chevalier  &  DoElcur  en  Médecine. 
A  Paris ,  chez  Pierre  IVitte  ,  rue  S.  Jacques ,  proche  de  Saint  Yves , 
à  l'Ange  Gardien  :  &  Didot ,  Quai  des  Augullins  ,  près  du  Pont  Saint 
Michel,  à  la  Bible  d'or.  1733.  in-  12.  deux  Vol.  Tom.  I.  pp.  54e'. 
Tom.  II.  pp.  34Z.  fans  les  Préfaces. 


L'AUTEUR,  dans  les  trois 
premiers  Livres  de  cet  Ouvra- 
ge ,  a  combattu  les  Erreurs  Popu- 
laires concernant  les  Minéraux  ,  les 
Végétaux  &  les  Animaux  -,  &  c'eft 
de  quoi  nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  Journal  de  Juin  dernier. 
Il  nous  reftc  prefentcmcnt  à  donner 
quelque  détail  des  Livres  fuivans. 

Livre  IV.  Le  Dofteur  Brown 
y  examine  plufieurs  opinions  fauf- 
îès  ou  douteufes ,  qui  ont  l'Hom- 


me pour  objet.  De  ce  nombre  eft 
la  figure  droite  &  la  faculté  de  con- 
templer le  Ciel  qu'on  Im  attribue  à 
l'exclufion  des  autres  animaux. 
Car  fans  parler  des  oifeaux  ,  qui 
font  prefque  droits  &  qui  avancent 
la  tête  &  la  poitrine  en  marchant , 
n'étant  inclinés  que  dans  leur  vol  ; 
s'il  eft  vrai ,  comme  on  l'affure  (  dit 
l'Auteur  )  que  le  Pengitin  ou  l'Oye 
Magellanique  ,  l' Unas  de  Bellon  ^ 
ôc  i'efpecc  de  Plongeon  appellée 


4Î4        JOURNAL    DE 

AiergusmAJûr  marchent  droits , 
formant  avec  le  ventre  &  la  poitri- 
ne une  ligne  perpendiculaire  à  l'axe 
de  la  terre  i  que  devient  le  privilè- 
ge exclufif  imaginé  en  faveur  de 
l'homme  î  L'Auteur  a  vu  pluficurs 
fois  une  efpece  de  Sauterelle  ,  qui 
loin  de  s'incliner  ,  fe  tient  toujours 
droite ,  &  les  pattes  de  devant  éle- 
vées. Les  Naturalirtcs  l'appellent 
Afantis  ,  &  les  Provençaux  la  Pro- 
■phctejfe  ou  laSauterelle  qui  prie;  par- 
ce qu'elle  paroît  d'ordinaire  dans 
la  pofture  de  ceux  qui  élèvent  les 
mains  au  Ciel.  Qiiant  à  la  préroga- 
tive de  le  contempler ,  dont  on  fait 
honneur  à  l'homme ,  elle  ne  lui  cfl: 
point  particulière  ,  puifque  les 
poiflbns  plats ,  les  cartilagineux  & 
les  peflinaux  (  ou  ceux  dont  les  arê- 
tes imitent  les  peignes  )  lorfqu'ils 
fe  repofent  fur  le  côté  blanc ,  regar- 
dent direifiement  le  Ciel ,  ce  que 
ne  fait  pas  l'homme  ;  fans  compter 
que  les  oifeaux  ont  le  même  avanta- 
ge &  encore  plus  commodément 
par  la  ftrudure  de  leur  paupière 
fuperieure  ;  Se  que  plufieurs  qua- 
drupèdes en  regardant  le  Ciel  for- 
ment de  leurs  yeux  un  arc  plus 
grand  que  celui  fous  lequel  l'hom- 
me dans  fa  fîtuation  naturelle  peut 
le  regarder. 

L'Auteur  enfuitc  réfute  le  préju- 
gé commun  ,  qui  place  le  cœur  au 
côté  gauche  de  la  poitrine,  &  celui 
qui  ne  reconnoît  qu<;  ce  même  côté 
pour  le  fiége  des  pleurehes.  Il  ne 
trouve  pas  mieux  fondé  le  fenti- 
ment  vulgaire  ,  qui  donne  au  doigt 
annulaire  de  la  main  gauche  une 
veitu  cordiale  ,  que  lui  communi- 


S    SÇAVANS , 

que  (  dit-on  )  une  veine  ou  une  ar- 
tère, &  qui  le  rend  digne  de  porter 
l'anneau,  prcferablement  aux  au- 
tres doigts  -,  fur  quoi  l'Auteur  étale 
une  érudition  affcz  curieufe.  11  n'c:i 
débite  pas  moms  dans  l'ai  ticlc  où  il 
s'efforce  de  prouver  ,  qu'il  n'eft  pas 
vrai ,  comme  on  le  croit  communé- 
ment ,  que  l'homme  fe  fervc  natu- 
rellement de  h  main  droite  ,  & 
qu'il  s'éloigne  de  la  nature  ,  lorf- 
qu'il  fe fert  delà  gauche  ;  &  Brown 
prétend  que  la  préférence  dont  il 
s'agit  doit  pafler  beaucoup  moins 
pour  l'effet  d'une  difpofition  natu- 
relle ,  que  pour  celui  de  la  coutume 
ou  de  l'éducation.  Il  regarde  com- 
me fauffes  ou  du  moins  comme  in- 
certaines ces  opinions  populaires  ,' 
Que  l'homme  nage  naturellement, 
lorfqu'il  ne  craint  point  l'eau  , 
Qu'en  fe  noyant  il  tombe  au  fond , 
mais  qu'il  fumage  le  neuvième 
jour ,  la  véflcule  du  fiel  fe  crevant 
alors  ;  Que  les  femmes  noyées  flot- 
tent couchées  fur  le  ventre ,  &  les 
hommes  ,  couchés  fur  le  dos.  Il 
met  au  même  rang  un  faitreçià  vul- 
gairement ,  &  attefté  par  Pline 
comme  véritable  par  rapport  à  tous 
les  animaux ,  fçavoir.  Qu'un  hom- 
me mort  péfe  plus  que  lorfqu'il 
étoit  vivant  :  ôc  il  s'eft  affuré  du 
contraire  par  diverfes  expériences 
faites  non  pas  fur  le  corps  humain, 
ce  qui  ne  poiirroit  s'exécuter  que 
difficilement ,  mais  fur  plufieurs 
fortes  d'animaux. 

Il  n'a  pas  de  peine  à  réfuter  une 
autre  erreur  prefquc  univerfcllc- 
ment  reconnue  pour  telle  aujour- 
d'hui, mais  crue  anciennement  & 


A  O  U 

fîûtenuë  p^r  Platon  ,  Eratofthéne, 
E'.ipolis  ,  Earinide,  Euftathe  & 
Macrobe,  qui  s'iinaginoient  qu'il  y 
avoit  deux  differens  conduits  pour 
les  alimcns  folides  &  pour  la  boif- 
fon  ,  roefopiiuge  pour  ceux-là ,  & 
la  trachce-arterc  pour  celle-ci.  On 
le  perfuadc  ordinairement  que  l'u- 
fagc  de  faluer  c;  ux  qui  éternuent 
tire  fon  origine  d'une  maladie  épi- 
démique  ,  dans  laquelle  on  éter- 
nuoit  jufqu'à  extindion  de  vie  ;  & 
on  met  cette  maladie  fous  le  Ponti- 
ficat de  S.  Grégoire  le  Grand.  Mais 
l'époque  de  cet  ufage  ,  dit  i'Au- 
teur  ,  eft  beaucoup  plus  ancienne , 
puifque  long-tems  auparavant  il 
avoit  lieu  chez  les  Grecs  qui  ti- 
roient  de  t'éterniiment  de  bons  ou 
de  mauvais  augures  fuivant  les  cir- 
conftances  qui  l'accompagnoient  ; 
ce  que  détaille  ici  le  DodeuiBrovn. 
Il  entreprend  enfuite  la  défen- 
fc  des  Juifs  contic  le  préjugé  com- 
mun j  qui  leur  attribue  une  mau- 
vaifc  odeur  comme  naturelle  & 
particulière  à  toute  cette  nation  j  & 
il  traite  ce  fujet  avec  alTez  d'cten- 
duë  ,  facrifiant  toujours  la  préven- 
tion à  la  vérité ,  même  en  cette  oc- 
cafion.  Les  Juifs  en  effet  font  en 
butte  à  toute  l'averfion  du  public 
fur  tant  de  titres  fi  réels  ,  qu'il  eft 
inutile  d'y  en  ajouter  de  purement 
imaginaires.  L'Auteur  range  parmi 
les  Fables  ce  que  l'on  dit  des  Pyg- 
mces ,  pris  pour  une  Nation  entiè- 
re compofée  d'hommes  qui  n'ont 
qu'une  coudée  ,  ou  félon  quelques- 
uns  ,  que  deux  pieds  ou  que  trois 
palmes  de  haut  ;  &  cette  décifion  de 
Siovn  tefulte    d'une   dtfcuifion 


S  T  ,    175?;  4?i' 

cxade ,  où  il  péfc  les  autoritez  de 
part  &  d'autre. 

La  grande  année  clima(flcriquc 
fait  après  cela  l'objet  de  fes  réfle- 
xions ;  &    il  traite  cette  matière 
fort  au  long.  On  fait  les  égards  fu- 
perftitieux  de  l'antiquité ,  &  même 
d'un  grand  nombre  de  modernes 
pour  certains  nombres  ,    fur-tout 
pour  7   ou  9  ,  qui  multipliés  par 
eux-mêmes  font  49  &  8 1 ,  Se  mul- 
tipliés l'un  par  l'autre  font  6  3 .  Ces 
produits  marquoient ,  félon  les  an- 
ciens ,    autant  d'années  climaderi- 
ques ,  avec  cette  différence  que  le 
dernier  (  (73  )  étoit  le  plus  fatal  de 
tous,  C'eft-à-dire  qu'on  n'arrivoit  à 
aucun  de  ces  termes  de  la  vie  hu- 
maine fans  courir  quelque  rifquc  -, 
mais  que  le  terme  de  ^3  étoit  le 
plus  périlleux  &  le  plus  difficile  à 
franchir.     L'Auteur    traite    cette 
frayeur  de  puérile  ,  &  la  trouve 
indigne  de  quiconque  fait  le  moin- 
dre ufage  de  faraifon.  C'eft  ce  qu'il 
s'applique  à  prouver  par  les  argu- 
mens  folides  que  celle-ci  lui  four- 
nit ,  &  par  la  voye  de  Inexpérience 
&  des  obfervations  qui  font  foi , 
qu'il  ne  meurt   pas  plus  de  gens 
dans  ce  qu'on  appelle  années  climac- 
teriejiies  ,  que  dans  toute  autre.   Il 
termine  ce  quatrième  Livre  par  des 
remarques  fenfées  fur  les  jonrs  ca- 
niculaires ,  &  fur  le  peu  de  fonde- 
ment de  l'opinion  qui  bannit  l'ufa- 
ge  de  toutes  fortes  de  remèdes  pen- 
dant cette  faifon  ,  remettant  alors 
aux  feuls  foins  de  la  nature  la  guc- 
rifon  de  toutes  les  maladies.  Non- 
content  d'eflrleurer  la  matière  ,  il  a> 
foin  de  l'appïofondii. 


43«^        JOURNAL     D 

Livre  V.  L'Auteur  hit  ici  une 
revue  de  pluiîcurs  cncurs  que  les 
Peintres  ont  fuivies  ou  accréditées. 
Us  donnent  au  Pélican  un  plumage 
vert  ou  jaune  ,    au  lieu  qu'il  eft 
blanchâtre  :  ils  lui  font  un  bec  tort 
court ,  quoique  ce  bec  fou  large  , 
plat  &  un  peu  recourbé  :  ils  le  pei- 
gnent avec  des  pieds  tendus,  com- 
me la  plupart  des  oifeaux  ,   au  lieu 
qu'il  eOi palmipède  comme  les  Cy- 
gnes :  ils  omettent  dans  fa  repre- 
fentation  ,   ce  qu'il  a  de  plus  fin- 
gulier ,  c'efl  à-dire  fon  jabot,  d'une 
capacité  prefque  incroyable  ,  fitué 
au-deflbus  du  bec  ,   defcendant  le 
long  du  col ,  &c  dans  lequel  il  met 
en  referve  des   huitres  ou  autres 
coquillages ,  qu'il  y  retient,  jufqu'à 
ce  que  le  poilfon  en  forte  de  lui- 
même  ;  &c  alors  il  le  rejette  ,  l'avale 
de    nouveau  &c   s'en  nourrit.  S'il 
s'ouvre  la  poitrine  à  coups  de  bec 
&  en  tire  du  fang ,  ce  n'eft  que 
pour  fon  foulagement  propre  & 
nullement  pour  nourrir  fes  petits, 
comme  le  rcpicfcntent  mal-à- pro- 
pos les  Peintres ,  fur  le  rapport  des 
anciens  Naturaliftes.  C'eft  encore 
une  erreur  de  leur  part  de  peindre 
les  Dauphins  courbés  j  ces  poilTons 
ne.  le  font  pas  davantage  que  les 
Marfouins ,  les  Baleines  ,  &c.  & 
ont  une  figure   droite  ,    comme 
on  peut  s'en  convaincre  p.ar  l'inf- 
pedion  des  planches  qu'en  ont  fait 
graver  Gejher  ,   Rondelet ,  Aldro- 
vand ,  &;c.  Ces  Peintres  fe  trom- 
pent groirierementjloi  fqu'ils  repre- 
fentent  en  Angleterre  fous  la  forme 
des  Sauterelles ,  les  Cigales  qu'ils 
n'y  ont  jamais  vîiës  ,    &  qui  n'y 


ES     S  Ç  A  VA  N  S , 

exiftcnt  point  :  ce  font  deux  infec- 
tes d'un  genre  fort  difFcrent. 

C'eft  à  tort  qu'Us  peignent  avec 
une  face  humaine  le  Serpent  qui 
tenta  Eve  ,  Ce  nous  J'o^rcnt  à  ^'?u- 
près  fous  la  tîgurc  de  Cadmus  &  de 
fa^  tcmmc  dans  l'inftant  de  leur 
métamorphofc.  Eve  ne  devoit 
point  (  iclon  l'Auteur  )  être  ef- 
trayéc  à  la  vue  de  cet  animal  ,  dans 
le  Paradis  \  encore  moins  de  l'en- 
tendre parler  ,  pouvant  jufqu'alors 
ignorer  que  la  parole  fût  un  privi- 
lège de  l'homme.  Le  nombril  qu'ils 
donnent  à  nos  premiers  parens  n'eft 
pas  mieux  imaginé  ;  puifqu'il  s'en- 
fuivrpit  de  là  que  le  Créateur  au- 
roit  prodigué  au  chef  d'oeuvre  de 
fa  puilfancc  des  parties  fuperfîués. 
La  manière  dont  les  Peintres  repre- 
fentcnt  les  Orientaux  &  les  Juifs 
afîis  à  table  d:j3S  leurs  feftins ,  &  le 
Sauveur  ,  en  particulier  ,  dans  la 
folemnité  de  Pâques ,  choque  la 
vérité  hiftoriquc  ,  puifqu'il  cft  ccr- 
tam  que  ces  peuples  mangeoicnt 
couchés  fur  des  lits.  L'Auteur  en 
met  ici  l'arrangement  fous  les 
yeux. 

Les  Tableaux  qui  nous  offrent 
Jefus-Chrift  avec  une  longue  che- 
velure ,  ne  fubiffent  point  la  cenfu- 
re  du  Docteur  Brown.  Mais  il  l'e- 
xerce fur  ceux  des  Spedateurs  qui 
fe  pcrfuadent  que  Jefus  Chrift  por- 
toit  cette  longue  chevelure  en  qua- 
lité de  Nazaréen ,  &  qui  confon- 
dent ainfi  cette  forte  de  Religieux 
avec  leshabitans  de  Nazareth.  Dans 
le  Sacrifice  d'Abraham  ,  on  peint 
d'ordinaire  Ifaac  comme  un  en- 
fant ,  ce  qui  s'accorde  mal  avec  le 
Texte 


A  O  U   s 

Texte  Sacré  ,  ainfi  qu'avec  le  té- 
moignage de  Jofcph  ,  félon  lequel 
Ifaac  avoir  alors  atteint  l'âge  de  2  5 
ans.  On  peint  au  contraire  les  Si- 
bylles comme  jeunes ,  quelque  peu 
favorable  à  cette  idée  que  foit  l'Hi- 
ftoire.  Moyfe  n'eft  reprefenté  avec 
des  cornes  ,  qu'en  vertu  du  terme 
équivoque  employé  dans  le  Texte 
Hébreu  ,  où  il  fignifie  corne  & 
rayon  lumineux  :  &  les  armes  ou 
fymboles  affignés  ordinairement  à 
chaque  Tribu  fur  les  Cartes  de  la 
Palcftine  &  ailleurs  ne  font  rien 
moins  que  leurs  véritables  caractè- 
res diftindifs. 

Rien  n'eft  moins  certain  {  dit 
l'Auteur  )  que  le  genre  de  mort  par 
lequel  périt  Cléopâtre.  Cependant 
les  Tableaux  nous  la  font  voir  te- 
nant deux  afpics  attachés  à  fes 
bras  ,  ou  à  fa  gorge ,  ou  à  ces  deux 
parties  en  même  tems.  L'Auteur  ne 
trouve  pas  moins  blâmable  la  ma- 
nière dont  on  peint  quelques  Hé- 
ros &  quelques  Saints  :  Alexandre, 
par  exemple,  monté  fur  un  Elé- 
phant ,  Hector  fur  un  Cheval  ,  & 
non  fur  un  Char  •,  Céfar  de  même  , 
avec  une  felle  6c  des  ctriers  ;  Jcphté 
facrihant  fa  fille  de  la  même  taçon 
qu'Abraham  immole  fon  fils  :  faint 
Jean-Baptifte  vêtu  d'une  peau  de 
Chameau ,  au  lieu  d'une  étoffe 
grofTiere  tiffue  du  poil  de  cet  ani- 
mal ,  comme  dit  l'Ecriture  :  Saint 
Chriftophle  fous  la  forme  d'un 
Géant  qui  porte  fur  fes  épaules 
l'Enfant  Jefus  &  qui  un  bâton  à  la 
main  traverfe  les  eaux  :  S.  George 
tuant  un  Dragon  ,  &  près  du  Saint 
U  fille  d'un  Roi  :  S.  Jérôme  dans 


T,    17?  ^  4Î7 

fon  Cabinet  avec  une  Pendule  près 
de  lui.  L'Auteur  joint  à  ces  huffes 
reprefentations  celle  d'Aman  pen- 
du à  un  gibet  trcs-haut ,  fupplicc 
inconnu  (  félon  lui  )  aux  anciens 
Perfes,  quicrucihoient  leurs  Cri- 
minels :  celles  dcsSirénes ,  des  Li- 
cornes ,  des  Baleines  ,  &c.  celles 
des  figures  hiéroglyphiques  des 
Egyptiens. 

Le  Doifleur  Bro'jj'n  ,  dans  les 
deux  derniers  Chapitres  de  ce  Li- 
vre ,  n'en  veut  plus  aux  feuls  Pein- 
tres ,  mais  il  tourne  fa  critique  fur 
plufieurs  coutumes  ,  opinions,  ob- 
fervations,  &  pratiques  populaires, 
qu'il  regarde  comme  EiulTcs ,  ou 
trèsdouteufes ,  ou  même  fuperfti- 
tieufcs  ,  &  dont  il  recherche  cu- 
rieufement  l'origine.  Tels  font  i". 
les  finiftres  préfages  tirés  d'un  Liè- 
vre traverfint  un  grand  chemin  ; 
de  la  prefence  des  Hiboux  5c  des 
Corbeaux,  d'une  Salière  renverfée, 
d'une  Coque  d'oeuf  non  brifée  : 
2°.  Le  nœud  des  véritables  Amans 
dont  les  Anglois  font  encore  beau- 
coup de  cas  dans  leurs  intrigues 
amoureufes  :  3°.  Le  tintement  des 
oreilles  pris  pour  un  avertilfement 
que  quelqu'un  parle  de  nous  : 
4°.  Le  proverbe  Anglois  qui  dit 
que  la  fumée  s'adrefle  toujours  à  la 
plus  belle  perfowne  :  5°.  La  créan- 
ce où  font  quantité  de  gens,  qu'il 
cft  mal-fain  d'avoir  les  jambes  croi- 
fées  ou  les  doigts  entrelacés  :  6°.  Le 
choix  de  certain  tems  pour  fe  cou- 
per les  cheveux  &  pour  fe  rogner 
les  ongles  :  7°.  Le  foin  de  laiflcr 
croître  les  poils  fur  les  lignes  que 
l'on  a  auvifage  :  8°.  L'ufage  reçu 
M  mm 


438  JOURNAL  D 

dans  prefque  toute  TEurope  d'or- 
ner de  têtes  de  lions  les  aqueducs  , 
les  tuyaux  des  Fontaines  &c  des 
Refcrvoirs  :  9°.  L'imagination  de 
ceux  qui  fc  figurent  de  n'avoir  pas 
été  bcnis  ,  lorfqu'ils  n'ont  pas  mis 
leur  ceinture  :  lo*^.  La  reprefenta- 
tion  du  Père  Eternel  fous  la  forme 
d'un  Vieillard  :  1 1°.  Celle  du  So- 
leil &  de  la  Lune  avec  des  faces  hu- 
maines :  I  z°.  Celle  du  Démon  avec 
des  cornes  &  des  pieds  fourchus  : 
1 3°.  L'opinion  de  ceux  qui  croyent 
que  le  Soleil  danfe  ordinairement 
le  jour  dePàque  :  14°.  Le  bonheur 
que  l'on  attribue  aux  enfans  nés 
coëffés  :  1 5°.  Le  précepte  de  s'eny- 
vrer  une  fois  le  mois  pour  fe  bien 
porter  ,  mis  faulfement  fur  le 
compte  d'Hippocrate  ,  &  qu'A- 
viccnne  ,  fans  égard  pour  le  Maho- 
métifme  dont  il  faifoit  profeffion 
femble  appiouver  :  16°.  Les  préfa- 
ges  tirés  des  taches  qui  paroilfent 
fur  les  ongles  :  17°.  La  pcnfée  où 
font  quelques-uns ,  Que  les  enfans 
abandonnés  à  l'inftrudiion  de  la  na- 
ture ,  parleroient  la  Langue  des 
premiers  hommes  :  18°.  La  crainte 
de  quelque  malheur  fi  l'on  tue  les 
Hirondelles  ,  quoique  incommo- 
des, ou  du  moins  inutiles  ;  15°. 
L'emploi  du  corail  pour  faire  per- 
cer les  dents  des  enfans  :  20°.  Celui 
de  la  baguette  de  coudrier  pour  la 
découverte  des  Mines,  &c. 

Livre  VL  L'Auteur  y  difcute 
plufieurs  opinions  relatives  à  la 
Cofmographie  Se  à  l'Hiftoire.  Il 
décide  en  premier  lieu  ,  qu'il  cft 
impollible  de  f(;avoir  précifcment 
le  tems  de  la  Création^  puifque  l'on 


ES  SÇAVANS, 

ne  peut  tirer  fur  cet  article  aucun 
éclaircilTcment  ,  ni  de  l'Hiftoire 
Payenne  ,  ni  de  la  Chronologie , 
foitdes  Juifs ,  foitdes  Samaritains, 
ni  de  celle  des  Chrétiens ,  auftlpeu 
d'accord  entr'eux  ,  qu'avec  ceux 
qui  les  ont  précédés.  Il  prérend  ,  en 
fécond  lieu ,  que  les  recherches  fur 
la  faifon  précife  où  le  monde  a  été 
crée  ,  font  incertaines  &  frivoles  , 
la  Création  appartenant  également 
aux  quatre  Saifons  ,  puifque  le  So- 
leil en  quelque  figne  qu'il  foit  du 
Zodiaque,  diftinguc  &  détermine 
les  Saifons  en  tout  tems ,  foit  pour 
toute  la  terre ,  foit  pour  chacune 
de  fes  parties  :  d'où  l'Auteur  prend 
occafion  de  faire  plufieurs  remar- 
ques fur  la  divifion  des  quatre  Sai- 
fons de  l'année  félon  les  Aftrono- 
mes  &  les  Phyficicns.  Il  montre  en- 
fuite  que  les  confequenccs  que  le 
peuple  tire  de  certains  jours  des 
mois  ,  font  contraires  à  la  vérité.  Il 
eft  faux  ,  par  exemple  ,  que  les 
jours  croi  fient  &  diminuent  égale- 
ment pendant  toute  l'année  ;  que  d 
le  jour  de  la  Purification  de  la  Sain- 
te Vierge  le  Soleil  luit ,  le  refte  de 
l'hiver  fera  rigoureux  ;  que  les  dou- 
ze jours  qui  précèdent  ôc  qui  fui- 
vent  la  Fête  de  Noël  caraclcrifent 
les  douze  mois  de  l'année  ;  qu'il  y 
ait  des  jours  heureux  &  d'autres 
malheureux  j  &c.  Après  quoi  le 
Dodeur  Brown  s'engage  dans  une 
digrefllon  qui  mérite  d'être  lue  , 
fur  la  fagefic  de  Dieu  par  rapport 
au  mouvement  &  à  la  pofition  du 
Soleil. 

Il  examine,  après  cela,  l'opinioB 
commune  ,  qui  veut  qu'avant  le 


A  O  US 

Déluge  ,  la  terre  ne  fût  que  mé- 
diocrement habitée  -,  &  il  conciud 
pour  la  négative  ,  fur  plufieurs  rai- 
fons  qui  paroiflent  très  plaufiblcs , 
telles  que  la  longue  vie  des  pre- 
miers hommes  ,  d'où  il  refulte  , 
fuivant  le  calcul  de  notre  Auteur 
emprunté  du  P.  Pétau  ,  que  le  pro- 
duit d'une  feule  tige  ou  d'une  feule 
famille  ,  au  bout  de  700  ans ,  a  dû 
monter  à  1347  millions  3é'8  mille 
410  pcrfonnes.  Tel  eft  encore  l'ar- 
gument tiré  de  l'intervalle  de  1^55 
ans  qui  s'eft  écoulé  depuis  la  Créa- 
tion jufqu'au  Déluge ,  &  pendant 
lequel  (  comme  le  prouve  l'Auteur 
par  un  détail  où  nous  ne  pouvons 
le  fuivre  )  la  terre  fe  trouva  auili 
peuplée  qu'elle  le  fut  après  le  Dé- 
luge au  bout  de  1300  ans.  Brown 
employé  un  Chapitre  entier  (  c'eft 
le  7^  )  à  faire  voir  ,  qu'à  parler  avec 
précifion  ,  il  n'y  a  dans  la  nature  ni 
Orient  ni  Occident ,  l'un  &  l'autre 
n'étant  que  des  points  relatifs  ,  qui 
varient  félon  les  divcrfes  longitu- 
des •,  en  quoi  ces  deux  points  font 
fort  differens  de  ceux  du  Nord  &: 
du  Midi ,  qui  font  fixes  &  invaria- 
bles ,  &  fur  lefquels  on  doit  rai- 
fonner  tout  autrement  que  fur  les 
deux  premiers.  Nous  fommes  obli- 
gés ,  pour  abréger ,  d'omettre  les 
reflexions  fenfées  qu'il  fait  ici  fur 
les  prétendus  avantages  attribués 
aux  pays  Orientaux  ,  &  qui  n'ont 
d'autres  caufes  que  les  qualitez  de 
l'air  &  du  terroir,  fort  indépendan- 
tes en  général  du  lever  ou  du  cou- 
cher du  Soleil. 

L'Auteur  paffe  delà  aux  erreurs 
populaires  concernant  le  Nil ,  au 


T  ,   173  ?.  4ÎP 

fujec  des  fept  embouchures  de  ce 
fleuve ,  de  fa  fource  ,  de  fa  gran- 
deur ,  de  fes  débordemens  périodi- 
ques &  des  pluyes  d'Egypte;  dif- 
cuilîon  dont  U  refulte  que  le  nom- 
bre de  fes  embouchures  eft  incer- 
tain Se  a  fort  varié ,  que  fa  fource 
eft  connue  ,  qu'il  n'eft  pas  le  plus 
grand  de  tous  les  Fleuves  ,  que  fes 
débordemens  ne  lui  font  point  par- 
ticuliers ,  qu'il  pleut  rarement  au 
grand  Caire  ,  mais  qu'à  Damictte , 
Alexandrie  Se  ailleurs  j  il  y  pleut 
beaucoup  Se  fouvent.  L'Auteur, 
dans  fon  neuvième  Chapitre  ,  où  il 
examine  les  divers  fentimens  au  fu- 
jet  de  la  Mer  Rouge  ou  du  Golphe 
Arabique  ,  regarde  comme  proba- 
ble l'opinion  de  ceux  qui  préten- 
dent que  cette  mer  doit  fon  nom 
au  Roi  Erythrus  confondu  avec 
Efali  ou  Edom,  La  rougeur  de  cet- 
te mer  (  dit  il  )  n'eft  qu'apparente, 
&  n'a  d'autre  caufe  que  la  reflexion 
qu'elle  reçoit  de  quelques  Ifles 
rougeàtres  &  de  la  couleur  de  fon 
propre  fond  ,  où  il  croît  beaucoup 
de  corail  ;  ce  qui  fait  qu'aux  en- 
droits où  manque  cette  couleur  da 
fond,  la  reflexion  varie  Se  donne 
aux  eaux  de  cette  mer  une  couleur 
verte  ou  même  une  couleur  bleue, 
L'Auteur  avertit  de  plus ,  que  le 
Golphe  Perfique  porte  auffi  le  nom 
de  mer  rouge. 

Il  vient  enfuite  à  la  couleur  des 
Nègres,  dont  il  s'efforce  de  décou- 
vrir la  véritable  caufe,  peu  content 
de  celles  qu'en  ont  alléguées  ;uf- 
qu'ici  les  Naturahftes.  Ils  en  ont 
afTigné  deux  principales,  l'ardeur 
du  Soleil,  Se  la  maledidion  divine 
M  mm^ 


440  JOURNALD 

fur  Cham  Je  fa  poftcrité.  La  pre- 
mière eft  fort  doiitcufc  &:  fouffrcde 
très-grandes  difticultcz  déduites  ici 
par  le  Dodcur  Brown.  i°.  La  riviè- 
re de  Senaga  établie  comme  une  li- 
gne ,  qui  fépare  les  Maures  noirs 
d'avec  ceux  qui  ne  font  que  jaunâ- 
tres ,  détruit  facilement  l'opinion 
qui  impute  cette  noirceur  aux  feuls 
rayons  du  Soleil.  i°.  Si  cet  aftre 
produit  cet  effet  ,  pourquoi  ne  le 
remarque-t  on  pas  dans  les  ani- 
maux du  même  climat  ?  5°.  Pour- 
quoi les  Nègres  tranfportés  dans 
un  autre  climat,  confervent- ils  leur 
couleur  à  perpétuité,  eux  ôc  leurs 
defcendans ,  s'ils  ne  s'allient  avec 
des  blancs  ?  4°.  Si  l'ardeucdu  Soleil 
étoit  la  feule  caufe  de  la  noircear 
des  Nègres ,  tous  les  peuples  qui 
habitent  dans  la  même  latitude  , 
devroient  être  de  la  même  couleur, 
ce  qui  n'eft  pas.  5'.  Dans  l'Afrique 
même  il  y  a  des  Noirs  fous  le  Tro- 
pique Méridional,  au  lieu  que  fous 
le  Septentrional ,  les  peuples  n'ont 
pas  tous  cette  même  couleur.  6°. 
Quoique  au  Cap  de  Bonne-Efpe- 
lance  firué  fort  au-delà  du  Tropi- 
que Méridional  ^  &  où  les  chaleurs 
doivent  être  tempérées,  les  peuples 
y  foient  noirs  ;  en  Amérique  au 
même  degré  de  latitude  Septentrio- 
nale ils  font  blancs  ;  &  en  Europe , 
ceux  de  Candie  ,  de  Sicile  &  de 
quelques  Provinces  d'Efpagne  font 
au  plus  olivâtres.  7°.  Ce  n'efl:  ni  la 
fechcrefle  de  la  terre  ,  ni  la  difettc 
des  eaux  qui  rend  plus  vive  &  plus 
brillante  rimprcffion  du  Soleil  iur 
les  Africains  &  principalement  fur 
les  Nègres ,  puifque  les  régions  oc- 


E  S  SÇAVANS, 

cupées  par  ceux-ci,  loin  dêtrc  dé- 
pourvues d'eau  ,  font  arrofces  paï 
de  grandes  rivières  ,  qui  rafraîchif- 
fent  l'air  &  humedent  les  terres  , 
&  que  dans  les  Contrées  les  plus 
arides  de  la  Libye  ,  les  habitans  ne 
font  pas  noirs ,  mais  font  feulement 
pâles  &  olivâtres. 

A  l'égard  de  la  malédidion  pro- 
noncée fur  Cham  ancêtre  des  Nè- 
gres &  fur  fcs  defcendans  ,  S<.  aflî- 
gnèe  pour  caufc  de  leur  noirceur, 
le  Docteur  Bro^n  la  trouve  d'au- 
tant moins  vraifcmblable ,  que  cet- 
te malédiction  ne  tomba  que  fur 
Chanaan  le  plus  jeune  des  trois  fils 
de  ce  Patriarche  ,  &  dont  la  poftc- 
rité fe  renferma  dans  la  terre  de 
Chanaan  &  dans  la  Syrie ,  où  elle 
n'a  produit  aucuns  Nègres  ,  outre 
que  ceux  ci ,  loin  de  prendre  leur 
noirceur  pour  un  effet  de  quelque 
malédidion  ,  fe  félicitent  eux- 
mêmes  de  cette  couleur,  attribuant 
la  blancheur  au  Diable  &  à  tous  les 
objets  terribles. 

Notre  Auteur  croit  donc  devoir 
chercher  ailleurs  les  caufes  de  la 
noirceur  des  Nègres  ;  &  il  fe  tourne 
pour  cela  de  difierens  cotez.  Il  a  re- 
cours dabord  à  la  boilTon  de  certai- 
nes eaux  ;  &  il  trouve  chez  les  an- 
ciens deux  fontaines  de  Béocie  dont 
l'une  blanchilToit  les  moutons ,  & 
l'autre  les  noircifloit.  Il  v  trouve 
encore  l'eau  de  Sibéris  qui  rendoit 
noirs  les  bœufs  6c  les  hommes  mê- 
mes. 11  conçoit  que  ce  changement 
de  couleur. a  pu  fe  faire  originaire- 
ment de  la  même  manière ,  que  les 
moutons  de  Jacob  prirent  difFcrcn- 
tes  couleurs ,  c'eft-à-dire  par  ]a  foi- 


A  O  U  s 

ce  de  rimagin.ition.  Il  conjecture 
que  cette  noirceur  pourrot  avoir 
eu  un  principe  pareil  à  celui  qui 
produit  certaines  jaunilTes ,  &  que 
la  combmaifon  d'un  tel  principe 
avec  d'autres  caufcs  analogues  au- 
roit  fait  paroître  enfin  cette  cou- 
leur, qui  n'auroit  eu  que  de  foibles 
commencemens  :  de  même  que 
l'on  a  vîi  l'altération  de  certains 
organes  palTer  aux  defcendans  Se 
même  s'augmenter  de  génération 
en  génération.  Telle  fut  l'origine 
des  Macrocéphales  ou  hommes  à 
tête  longue  ,  dont  parle  Hippocra- 
te  j  celle  des  Cerfs  à'Arginufe  à 
oreilles  fendues ,  au  rapport  d'Ari- 
ftote  -,  celle  des  Nègres  aux  nez 
écrafés  &  aux  groffes  lèvres ,  &c. 
Il  fuppofe  enfin  que  cette  partie  de 
la  pofterité  d'Adam  a  commencé  à 
prendre  cette  couleur  noire,  com- 
me l'ont  prife  certaines  efpeces  de 
Renards ,  d'Ecureuils ,  de  Lions , 
dans  plufieurs  Pays  ;  comme  certai- 
nes Perdrix  ont  commencé  d'avoir 
le  bec  &  les  pattes  rouges-,  comme 
les  Chameaux  de  la  Badriane  ont 
deux  bolTes  fur  le  dos ,  au  lieu  que 
tous  les  autres  n'en  ont  qu'une  ; 
comme  eft  arrivée  la  prodigieufe 
différence  des  Chiens  dans  leur  for- 
me ,  dans  leur  couleur ,  dans  leur 
nature ,  &c. 

Cette  recherche  fur  les  caufes  de 
la  noirceur  des  Nègres  engage  notre 
Auteur  à  donner  quelque  idée  de  la 
noirceur  en  général  ;  ic  il  s'appuye 
pour  cela  fur  des  faits  &:  des  expé- 
riences ,  qui  répandent  beaucoup 
de  lumière  fur  un  fujet  aflez  obfcur 
par  lui-même  j    &  qui  peuvent 


T.    173  5-  ^  44Ï 

fournir  de  nouvelles  vues  fur  l'ori- 
gine de  la  noirceur  des  Nègres. 
C'eft  à  regret  que  nous  ne  pouvons 
le  fuivre  dans  une  difcuflïon  fi  cu- 
rieufe  ,  5c  qui  mérite  d'être  lue  en 
entier.- Nous  pafTcrons  légèrement 
auflî  fur  ce  qu'il  nous  apprend  tou- 
chant l'origine  des  Bohémiens  ou 
de  ces  noirs  artificiels  qui  fe  font 
répandus  dans  notre  continent  ^  Si 
fur  quelques  autres  articles  moins 
intereffans  qui  terminent  ce  fixiéme 
Livre  ,  &:  nous  viendrons  enfin  au 
feptiéme  &  dernier. 

Livre  VIL  II  roide  fur  la  réfu-, 
tation  de  plufieurs  Opinions  Hifto- 
riques  communément  reçues  ,  & 
de  quelques-unes  fur-tout  qui  font 
tirées  des  Livres  Saints.  Nous  ne  fe- 
rons qu'indiquer  fommairement 
ces  differcns  chefs.  On  ne  peut  dé- 
cider (  félon  lui  )  que  le  fruit  dé- 
fendu fût  une  pomme ,  &  il  eft 
(dit-il)  plus  affligé  fans  comparai- 
fon  qu'Adam  ait  goûté  de  ce  fruit , 
que  d'ignorer  ce  que  c'étoit.  Il  n'eft 
pas  vrai  que  l'homme  ait  une  côte 
de  moins  que  la  femme  ;  &  il  n'cft 
pas  certain  que  Mathufalem  foit 
celui  de  toute  la  pofterité  d'Adam 
qui  ait  vécu  le  plus  long  -  tems. 
Nulle  raifon  n'oblige  à  croire  que 
l'Arc  -  en  -  Ciel  n'ait  point  paru 
avant  le  Déluge  -,  ni  que  Japhet  fût 
le  dernier  des  trois  fils  de  Noé, 
quoique  nommé  en  cet  ordre  dans 
l'Ecriture  ;  ni  que  la  Tour  de  Babel 
ait  été  bâtie  contre  un  nouveau  Dé- 
luge. On  ne  fçait  &  l'on  ne  peut 
favoir  ce  que  c'étoit  que  les  Man- 
dragores de  Lia  ,  dont  Rachel  eut 
envie  ;  &  ïien  a'cft  moins  fondé 


442  JOURNAL    D 

que  la  Tradition  qui  prend  les  trois 
Rois  révérés  à  Cologne  pour  les 
Mages  conduits  par  l'étoile  à  Beth- 
léhcm ,  Se  qui  fixe  le  nombre  de 
ces  Mages  à  ti  ois. 

11  faut  (fclon  le  Dodeur  Brown  ) 
entendre  à  la  lettre  ce  que  dit  l'E- 
criture touchant  les  Sauterelles 
dont  S.  Jcan-Baptifte  fc  nourrilfoit; 
&  ne  point  croire  que  S.  Jean  l'E- 
vangelifte  n'ait  point  dii  mourir , 
ni  que  les  Oracles  du  Paganifme  fe 
foient  tiis  entièrement  à  laNaifTan- 
ce  de  J.  C.  Ariftote  (  continue 
l'Auteur  )  ne  s'eft  point  précipité 
dans  l'Euripe  ,  de  defefpoir  de  n'a- 
voir pu  comprendre  la  raifon  du 
flux  &  reflux  de  ce  détroit  ;  &  le 
fouhait  de  Philoxéne  d'avoir  un 
col  de  grue  pour  goûter  à  longs 
traits  le  plaifir  de  boire  Se  de  man- 
der ,  lui  paroît  aulîî  abfurde  que 
peu  fondé  dans  l'Hiftoire.  Il  regar- 
de comme  un  fait  encore  incertain 
ce  qu'on  aflure  communément  du 
LacAfphaltite  ou  de  la  Mer-morte, 
Que  les  corps  pefans  y  furnagent  ; 
Se  il  lui  femble  fort  douteux  que  le 
Sauveur  n'ait  jamais  ri  ,  quoique 
l'Ecriture  n'en  dife  rien.  Tamerlan 
(' félon  lui)  étoit  du  fang des  Em- 
pereurs Tartares  ,  &  nullement  de 
baflc  nailTance,  fuivant  l'opinion 
vulgaire  -,  mais  il  ne  fauroit  fe  pcr- 
fuadcrque  Bélifaireait  été  réduit  à 
la  mendicité  après  avoir  eu  les  yeux 
crevés  par  l'ordre  de  Juftinien  ;  il 
met  au  rang  des  fables  l'Hiftoirede 
laPapelTe  Jeanne,*:  il  paroît  incer- 
tain fur  la  vérité  de  celle  du  Juif 
errant. 


ES   SÇAVANS. 

Il  prend  pour  autant  de  faits  exa- 
gérés ce  que  l'on  raconte  de  ia  pro- 
digieufe  armée  de  Xerxès  qui  ta.if- 
foir  les  fleuvcSjd'Annibal  qui  perc,," 
les  Alpes  avec  du  vinaigre  ,  d'Ar- 
chnnédc  qui  avec  fes  verres  de  fi- 
gure parabolique  brûla  les  Vaif- 
Icaux  de  MarcelUis  à  la  diftance  de 
trois  milles  ;  des  Fabiens  qui  péri- 
rent au  nombre  de  306  dans  la  ba- 
taille contre  les  Veiens  ,  n'ayant 
lailfé  dans  Rome  qu'un  feul  mâle 
pour  perpétuer  leur  race  ■■,  de  Sarda- 
iiapale  ,  qui  bâtit  en  un  feul  jour 
les  deux  grandes  Villes  de  Tharfc 
&  d'Anchiale  -,  du  Vaifleau  d'Hic- 
ron  ,  qui  au  rapport  d'Athénée  , 
contenoit  dix  écuries ,  huit  Tours , 
des  Salles  à  manger  ,  plufieurs 
Chambres  pavées  d'agathes  &  d'au- 
tres pierres  précieufes  ,  des  refer- 
voiis&des  Jardins;  de  la  Mer  de 
Pamphylie  ,  qui  fe  retira  pour  ou- 
vrir un  palTage  à  l'armée  d'Alexan- 
dre, &c. 

»  Si  quelqu'un  (  ajoûte-t-il  ) 
»  content  de  croire  que  l'Afneiïc 
»  de  Balaam  ait  parlé  ,  retufe  de 
M  croire  ce  que  les  Turcs  débitent 
)j  du  Chameau  de  Mahomet ,  ou  ce 
»  que  les  Romains  ont  dit  du  Bœuf 
n  de  Livie  ,  ou  ce  que  rapporte  Ju- 
»  ftin  de  l'Anneau  de  Gygès ,  &c, 
3>  je  ne  puis ,  je  l'avoue  ,  blâmer 
')  fon  incrédulité,  a  Nous  fommes 
contraints ,  pour  abréger,  de  paiTcr 
par  dclTus  pUiiîeurs  articles,  qu'il 
faut  lire  chez  l'Auteur  même  ,  le- 
quel répand  fur  la  plupart  des  fu- 
jets  qu'il  traite,  une  érudition  fort 
variée. 


A  O  U  s  T  ;    1755: 


443 


LA    2ldEDEClNE   THEOLOGIQVE  ,    OU    LA    MEDECINE 

crê.'e  j  telle  cju'elle  fefait  voir  ^  fortie  des  mains  de  Dieu  ,  Gréateitr  de  la 
Nature  j  &  régie  par  fss  loix.  Ouvrage  oii  s'explique  rfiygienne  par  les 
principes  du  M.échanijme  :  puis  par  de  femblables  ?ioticns  tirées  des  Sciences 
les  plus  propres  a  perfeBionner  la  Médecine  ;  l'on  y  développe  les  idées  des 
vrayes  caufes  des  maladies  ,  de  l'ordre  auquel  elles  appartiennent  &  de  leurs 
vrais  remèdes.  On  y  a  joint  à  la  fin  ^  des  Théfes  de  Médecine  de  l'Auteur  de 
ceTraitê  A  Paris  ,  chez  Guillaume  Cavelier  ,  rue  S.  Jacques  ,  au  Lys 
d'or  ,  près  la  Fontaine  Saint  Severin.  1732.  deux  Tomes  in-iz.  pre- 
mier vol.  pp.  é^oy.  fécond  vol,  pp.  713. 


LA  M  E  D  E  CI  N  E  eft  ici  re- 
prefentéc  comme  la  Scien- 
ce la  plus  capable  de  conduire 
les  efprits  à  la  connoifTance  &  à  l'a- 
mour du  Souverain  Etre  -,  ce  qui 
a  fait  donner  à  l'Ouvrage  le  titre  de 
Médecine  Théologique.  Il  eft  divifé 
en  trois  Parties  :  dans  la  première 
on  montre  la  dignité  de  la  Médeci- 
ne par  rappoit  a  fon  Auteur  qui  eft 
Dieu  :  dans  la  féconde  on  fuit  la 
nature  dans  fes  démarches  ,  on 
confidere  l'accord  merveilleux  qui 
règne  dans  les  fondiions  du  corps , 
&  qui  forme  pour  ainfi  dire  la  dif- 
cipiine  qui  s'exerce  dans  tous  les 
vifceres.  On  examine  la  ftrudure 
de  ces  vifceres  ,  &  on  fait  fentir 
par  tout  d'une  manière  frappante  , 
qu'il  eft  jmpoflîble  que  le  Médecin, 
qui  a  toujours  à  méditer  de  tels  ob- 
jets ,  n'y  rcconnoifte  le  doigt  de 
Dieu  :  dans  la  troifiéme  partie  on 
fait  voir  que  l'art  de  guérir  confifte 
uniquement  dans  l'obfervation  des 
loix  que  Dieu  a  établies  à  l'égard 
des  fondions  du  corps  ,  &  l'on  re- 
cherche à  cette  occafion  ,  qu'elles 
font  les  Sciences  qui  peuvent  le 
plus  fervir  au   Médecin  pour  le 


conduire  à  l'obfervation  de  ces 
Loix.  Nous  ne  fçaurions  compren- 
dre tant  de  chofes  dans  un  Extrait; 
nous  nous  contenterons  ici  de  rap- 
porter quelques  exemples  de  ce  que 
l'Auteur  obferve  fur  la  ftrudurc 
merveilleufe  des  parties  ,  dans  le 
deftein  qu'il  a  de  montrer  que  l'é- 
tude de  la  Médecine  conduit  necef- 
fairement  à  la  connoifTance  &  à  l'a- 
mour du  Créateur.  Nous  choilî- 
rons ,  pour  cela  ,  ce  qu'il  dit  fur  la 
peau  ,  fur  la  ftrudure  générale  des 
vifceres,  la  circulation  du  fang  vers 
les  parties  fuperieures ,  fui  la  dige- 
ftion  ,  fur  TaccroilTement  du  fœtus, 
Scfur  rame,ccs  articles  nous  paroif- 
fent  à  la  portée  d'un  plus  grand 
nombre  de  Ledeurs.  Nous  en  fe- 
rons le  précis  pour  les  pouvoir  ren- 
fermer dans  un  Extrait. 

Merveilleufe  flruSlitre  de  la  peau. 

Au  premier  afped  du  corps  hu- 
main &  de  fa  furface,  on  découvre, 
remarque  notre  Auteur  ,  un  mé- 
chanifme  admirable  ,  &  dans  ce 
méchanifme  ,  des  vîiës  fi  profon- 
des ,  lî  étendues ,  que  l'efprit  hu- 


444  JOURNAL   D 

main  s'y  perd  ;  c'cll  de  la  peau  dont 
il  s'agit.  Cette  enveloppe  fans  avoir 
la  foliditc  des  métaux  a  fuffi  au 
Créateur  pour  fcrvir  de  garde  à 
toutes  les  parties  intérieures  du 
corps  humain  :  par  elle  font  bou- 
chées toutes  les  ilTuës  des  vailTcaux, 
foit  fanguins  eu  autres  ,  tandis 
qu'elle  eft  elle-même  criblée  d'un 
million  de  pores  ;  ainfi  en  même 
Cems  qu'elle  fcrt  de  barrière  aux 
fucs  fanguins  &  lymphatiques  , 
dont  les  vailfeaux  aboutifTent  &  fe 
perdent  dans  fi  tilTure ,  elle  s'ouvre 
elle  -  même  par  autant  d'endroits 
qu'elle  a  de  pores  ,  pour  laiflcr 
exhaler  une  quantité  prodigieufe  de 
matières  tranfpirabks  qui  s'échap- 
pent continuellement.Cette  contra- 
riété perpétuelle  d'opérations  dans 
un  organe  fi  fimple  en  apparence  , 
n'a  rien  que  l'art  le  plus  ingénieux 
puifle  imiter.  Quelle  eft: ,  deman- 
de notre  Auteur ,  la  main  qui  fait 
ici  le  triage  des  fucs  qui  doivent  s'é- 
chapper, d'avec  ceux  qui  doivent 
retourner  au  cœur  par  la  circula- 
tion ?  Quel  artifice  naturel  divifc 
cette  matière  tranfpirable  en  au- 
tant d'atomes  qu'il  v  a  de  pores  î 
Car ,  félon  la  fupputationdu  célè- 
bre M.  Leuwenhoek  ,  le  nombre 
de  ces  porcs ,  dans  l'efpace  d'un 
feul  grain  de  fable  ,  fe  trouve  mon- 
ter jufqu'à  cent  vingt-cinq  mille. 
Ajoutez  à  ce  prodige,  autant,  ou  à 
peu-près ,  de  canaux  excrétoires  cy- 
lindriques artériels  qui  cxpulfent 
chaque  afômc  de  cette  mjfiere. 
Quels  doigts  partagent  ces  atomes, 
&c  les  placent  dans  ces  canaux  ? 
Qiiellcs  mains  foulevent  les  petites 


ES   SÇAVANS. 

écailles  de  i'c;nd:imc  ,  où  elles 
fervent  comme  de  foupapcs  à  ces 
iiïuës  ?  Cet  épidcrme  qui  con^me 
un  fur  tout  recouvre  la  peau  i'<c 
toutes  fes  papilles  ncrveufcs  auf- 
qucllcs  elle  torme  des  tourreaux 
ou  des  gaines ,  n'eft  pas  une  mem- 
brane fimple  ,  elle  fe  partage  en 
plulicurs  lames  colces  les  unes  fur 
les  autres ,  pour  défendre  plus  fu- 
rement  contre  les  injures  de  l'air  , 
la  peau  qu'elle  couvre  ;  car  il  fal- 
loir modérer  l'imprelîîon  de  cet  air 
fur  un  corps  aulîî  fenfible  que  le 
tiflu  de  cette  peau. 

Un  autre  avantage  de  la  peau  eft: 
d'afturer  au  fang  la  liberté  de  fon 
cours  :  c'eft  pour  cela  qu'elle  eft 
fouple ,  flexible ,  molafte.  La  force 
du  cœur ,  puiftante  comme  elle  ell, 
auroit  expofé  le  fang  à  rompre  les 
artères  capillaires  fanguines ,  ou  à 
les  ouvrir  dans  les  lymphatiques,  fi 
ce  fang  avoir  trouvé  trop  de  refi- 
ftance  dans  l'habitude  du  corps. 
Afin  donc  de  lui  ménager  fon  re- 
tour vers  le  cœur ,  le  Créateur  lui  a 
oppofé  à  l'extrémité  de  fon  jet , 
comme  dans  le  point  de  fon  heurt, 
une  membrane  lâche  qui  en  amor- 
tiftant  les  coups ,  ou  l'impulfion 
du  fang  que  le  cœur  darde  contre 
elle  ,  l'oblige  à  fc  rabbatre  molle- 
ment, &  à  s'en  retourner  fans  trou- 
ble vers  l'endroit  d'où  il  eft  venu. 

Tout  cela  au  refte  s'exécute  fans 
que  l'homme  s'en  apperçotve,  ce 
qui  eft  une  autre  merveille.  Le  mé- 
nagement dont  il  s'agit ,  eft  telle- 
ment de  Tinftitution  de  la  nature  , 
que  dans  les  endroits  où  le  fang 
lancé  par  les  artères  ,  feroit  expofé 


A  O  U  s  T 

à  s'ailer  heurter  contre  quelque 
chofe  de  dur  qui  pourroit  le  ren- 
voyer trop  brurqu(-ment ,  le  Créa- 
teur a  eu  foin  d'intcrpofer  une 
membrane  qui  par  fa  molelfe 
rompt  les  <:Gups  &  l'impétuofité 
du  fang.  C'eft  le  méchanifme  qui 
s'obfcrve  dans  le  cerveau  :  où  le 
fang  dardé  vers  ce  vifcere  par  ks 
carotides ,  ne  va  point  donner  im- 
médiatement contre  la  voûte  du 
crâne,  mais  la  dure-mere  placée  en- 
tre le  crâne  &  le  globe  du  cerveau 
reçoit  les  coups  de  ce  fluide  impé- 
tueux ,  &  renvoyé  mollement  le 
fang  qui  lui  vient  des  carotides.  On 
voit  en  tout  cela  ,  remarque  notre 
Auteur ,  une  attention  il  détaillée 
&  (î  fuivie ,  qu'il  n'eft  pas  pofTible 
qu'elle  foit  l'effet  d'un  aveugle  ha- 
zard. 

Voilà  en  fubftance  ce  que  notre 
Auteur  remarque  fur  la  peau.  Voi- 
ci un  abrégé  de  ce  qu'il  obferve  fur 
la  ftrudure  générale  des  vifceres. 

Struilure  admirable  des  vifceres. 

Les  fingularitez  merveilleufes  de 
la  peau  ,  ne  font  qu'un  léger  échan- 
tillon de  toutes  celles  qui  fe  remar- 
quent dans  les  dehors  du  corps  hu- 
main ;  mais  les  vifceres  cachés  au 
dedans  en  renferment  qui  font 
d'autant  plus  interefTantes  qu'el- 
les ont  plus  de  rapport  à  la  pra- 
tique de  la  Médecine  ;  &  qu'el- 
les s'offrent  par  confequent  davan- 
tage à  la  méditation  du  Médecin. 
ta  première  reflexion  qui  fe  pre- 
fente  ici  dabord  ne  regarde  encore 
que  le  général  des  vifceres  copfidc- 
AoHJi. 


.17  5  3-  44; 

rés  en  gros  \  mais  elle  y  découvre 
d'imc  m.miere  d'autant  plus  évi- 
dente l'adion  de  Dieu  ,  que  la  rai- 
fon  s'y  perd  ,  fans  y  pouvoir  rien 
comprendre  ;  en  effet  au  ilmpk  af- 
ped:  des  vifceres  vus  dans  leurs  fi- 
tuations  ,  leurs  aluettes ,  leurs  atti- 
tudes ,  iSi  leur  ordonnance  naturel- 
rclie ,  on  n'y  apperçoit  qu'une  fnb- 
ffance  molle ,  lâche  &  flafque  ;  des 
fucs  membraneux,  flottans,  fans 
foûticn,  fans  rermeté  ,  qui  paroif- 
fenr  informes  &  prefque  dénués  de 
toute  organifation.  Voilà  ce  que  le 
premier  coup  d'oeil  trouve  à  l'ou- 
verture du  bas-ventre  -,  mais  en  cela 
même  paroît  manifeftement  l'ac- 
tion du  Créateur  ,  à  qui  il  cft  ordi- 
naire d'employer  ce  qu'il  y  a  de 
plus  vil  pour  exercer fon  pouvoir  , 
&  montrer  fa  fouverainepuiffance. 
La  première  apparence  ,  &  l'arran- 
gement extérieur  des  vifceres,  ne 
prévient  en  faveur  de  leur  adnîira- 
ble  ftruâiure  ,  ni  les  yeux  ni  l'efpritj 
tout  y  paroît  brutte  ,  groiïier  ,  &c 
fans  art  :  ici  un  amas  de  vcficules 
entaflees  ,  (  ce  font  les  poumons  ;  ) 
là  un  fac  membraneux  (  c'eft  l'efto- 
mac  ;  )  à  côté  fur  la  droite  ,  une 
maffeépaiffe,  groflîere  &pefante, 
(c'eft  le  foye;  )  fur  la  gauche,  un 
parenchyme  bizarre  dans  fa  cou- 
leur, dans  fa  figure,  &  dans  ù  com- 
pofition  ;  (  c'eft  la  rate  : }  les  uns  Sc 
les  autres  de  ces  vifceres  recouverts 
de  membranes  dont  les  dehors 
n'annoncent  rien  qui  femble  mé- 
riter la  moindre  attention. 

Le  cerveau  d'autre  part  ,  une 
maffe  de  matière  épailT-  plt.s  ref- 
femblai^tc  à  un  fromage  maflif  fie 


44<>  JOU  FvNl  AL   D 

groflîer  qu'à  quelque  morceau 
d'ouvrage  que  ce  foit  :  il  eft  enve- 
loppé ,  comme  les  autres  vifceres  , 
de  membranes  qui  n'offrent  à  la 
vue  rien  de  recherché  ;  ajoutez  que 
ce  font  par-tout  des  fubftinces  mo- 
lafles,  fpongieufes ,  gluantes ,  poif- 
feufes,  qui  ne  femblent  annoncer 
aucun  méchanifme  ingénieux.  Ce- 
pendant quel  n'cft  point  l'ufage 
merveilleux  de  ces  parties  ,  & 
qu'elle  ftrudure  incomprehenfible 
l'anatomie  n'y  découvre-telle  pas  î 
L'Auteur  compare  ici  les  vifceres 
à  la  terre  ,  qui  fous  une  apparence 
grofllere  ,  renferme  dans  fon  fein 
non  feulement  l'or  &  l'argent ,  les 
pierres  précieufes  ,  &  tous  les  au- 
tres minéraux  ,  mais  des  eaux  im- 
menfes  dont  le  commerce  attenti- 
vement confideré  cil:  un  prodige 
entre  les  prodiges.  C'eft  à  travers 
les  lits  fecretsde  la  terre  que  fe  font 
les  allées  &  venues  des  eaux  de  la 
mer,  &  de  celles  des  fleuves.  Com- 
me il  y  a  dans  le  bas  monde  ,  plus 
d'eau  que  de  terre  ,  l'équilibre  en- 
tre les  deux  ne  pouvoir  s'entrete- 
nir que  par  la  circulation  de  ces 
eaux-,  il  arrive  ,  félon  notre  Auteur, 
quelque  chofe  de  femblable  dans  le 
corps  humain  :  les  fluides  qui  le 
compofent  en  partie  ,  y  furpaflent 
en  quantité  les  folides ,  fuivant  la 
démonftration  qu'a  donne  là-delfus 
le  fçavantM.  KeiH  ,  car  par  l'exa- 
men de  cetexaifl  Auteur ,  en  calcu- 
lant ce  qu'il  y  a  de  lymphe  ou  de 
partie  blanche  du  fang  dans  les  ca- 
pillaires, &  de  rouge  dans  les  autres 
vaifleaux  ,  ce  qui  relie  de  partie  fo- 
lide  ne  fait  qu'environ  le  tiers  du 


ES  SÇAVANS, 
poids  de  tout  le  corps.  Il  falloit 
donc  accorder  enfemble  ces  deux 
volumes  de  parties  différentes  qui 
en  fe  contrepefant  dévoient  con- 
courir au  maintien  de  la  fanté.  C'é- 
toit  un  équilibre  à  établir  entre  les 
deux  ,  &  le  Créateur  y  a  ainfi 
pourvu  :  il  a  fait  circuler  ces  fluides 
en  les  menant  5c  les  ramenant  éga- 
lement au  travers  de  la  mafle  char- 
nue du  corps  ,  de  la  même  manière 
que  dans  les  entrailles  de  la  terre  , 
il  mené  &  ramené  les  eaux  d'une 
extrémité  du  monde  à  l'autre  ;  car 
Dieu  voulant  arrofer  la  terre  qu'il 
venoit  de  créer ,  établit  des  fleuves 
dans  le  milieu  de  cette  terre  ,  & 
ces  fleuves  en  fe  répandant  d'un 
bout  cl  l'autre  entretenoient  le  com- 
merce des  eaux  fuperieures  5c  des 
eaux  fouterraines  avec  la  maffe  fo- 
lide  de  la  terre  qu'elles  pénétroienc 
fans  la  fubmerger.  Tout  de  même 
le  Créateur  a  établi  au  centre  da 
corps  ,  une  pompe  univerfelle  d'où 
partent  des  canaux  qui  travcrfenr 
toutes  les  parties  poreufes  ,  char- 
nues ,  membraneufes  ,  &  ces  ca- 
naux fe  repliant  fur  leurs  fins  fans 
fe  rompre ,  forment  des  capillaires 
qui  venant  à  fe  réunir  en  remon- 
tant ,  compofent  des  troncs  de 
vailTeaux  par  le  moyen  dcfquels  le 
fang  remonte  vers  le  cœur. 

Quelque  grande  que  paroiffe 
d'abord  cette  merveille  ,  elle  le  pa- 
roît  encore  bien  davantage ,  lorf- 
que  l'on  confideré  que  tous  ces  pe- 
tits canaux  ou  vailfeaux  capillaires-, 
s'ils  étoient  bout  à  bout ,  fcroient 
un  canal  capable  d'environner  tout 
le  globe  de  la  terre  :  cette  immenfîo 


A  O  U  s 

té  d'efpace  que  les  fluides  parcou- 
rent pour  faire  leur  circulation  dans 
le  corps  ne  peut  donc  être  regardée 
que  comme  un  miracle,  &  ce  mi- 
racle qui  fe  fait  condnucllement  & 
à  toute  heure  ,  s'opcre  dans  le  fe- 
crct  de  parties  dont  l'afped  ,  com- 
me on  l'a  via  ci-deflus ,  cft  fi  peu 
capable  de  rien  annoncer  de  mer- 
veilleux. 

Aderveille  de  la  circulation  du  fang 
vers  les  parties  fuperieures 

Le  fang  qui  va  vers  les  parties 
inférieures  ,  y  defccnd  fuivant  la 
pente  naturelle  de  tous  les  corps , 
par  fon  propre  poids  ;  mais  lorf- 
qu'au  fortir  du  cœur,  il  fe  porte  en 
haut  ,  il  s'engage  d'abord  dans  le 
poumon  par  l'artère  pulmonaire  , 
puis ,  contre  fon  propre  poids ,  il 
monte  à  travers  plufieurs  courbures 
de  vaifleaux  ,  diredement  par  les 
carotides  &  les  vertébrales  au  cer- 
veau ,  &:  tranfverfalcmcnt  par  les 
fouclavieres  &  les  axillaires  dans  les 
bras.  Tout  à  la  fois  donc  &  par  le 
même  coup  de  pompe  ,  fçavoir 
par  la  fyftole  du  cœur  ,  il  va  tra- 
verfer  toutes  les  parties  mufculcu- 
fes ,  véficulaires ,  poreufcs,  mem- 
braneufes  du  bras  ,  jufqu'aux  extré- 
mitez  des  doigts ,  tandis  que  par  fa 
partie  rouge  il  pénétre  toute  la  ca- 
pacité du  cerveau,  immédiatement 
dans  fa  fubftance  corticale  ,  &  par 
fa  partie  blanche  dans  la  fubftance 
médullaire ,  à  travers  la  corticale  -, 
■eft-il  coup  de  pompe  fi  heureux  , 
fi  étendu  &  aufli  efficace  dans  tou- 
te la  nature  î  Car  outre  qu'en  raê- 


T  ,    I  75  5.  447 

me  tcms  le  fang  fe  trouve  pouflfé 
dans  tous  les  vailTcaux  quitapiflent 
les  véhculcs  innombrables  du  pou- 
mon ,  &  que  foudaincment  il  eft 
ramené  au  cœur ,  ilfurmonte  tou- 
tes les  refiftances  qu'oppofent  les 
courbures  des  vaifîcaux  &;  toutes 
celles  des  cloifons  poreufcs  véficu- 
laires des  parties  mufculeufes  des 
bras  ;  enfin  il  furmonte  des  miUions 
de  refiftanccs  qu'il  rencontre  dans 
la  double  fubftance  du  cerveau  , 
fur-tout  dans  la  médullaire  ,  qui  eft 
fi  denfe  dans  fa  tiflurc  &  fi  ferrée 
dans  fes  filets.  Car  ce  font  des  mil- 
lions de  petites  fibres  plus  min- 
ces que  des  cheveux  ,  qui  compo- 
fent  toute  la  mafte  de  la  fubilancc 
médullaire;  de  ces  fibres  afTemblécs 
fc  forment  tous  les  cordons  de 
nerfs,  &  de  ceux-ci  toutes  les  mem- 
branes du  corps.  Qiiclles  profon- 
deurs immenfes  le  fang  n'a -t- il 
donc  pas  à  pénétrer  î  fi  Galien , 
dit  notre  Auteur  ,  venoit  aujour- 
d'hui, pourroic-il ,  à  l'afpciflde  ces 
myfteres  nouvellement  découverts 
dans  l'Anatomie  ,  ne  point  adorer 
en  le  connoifiant,  un  Dieu  qu'il  a 
admiré  fans  le  connoître  1  C'eft 
dans  cette  uniformité  de  diftribu- 
tion  des  fluides ,  univerfellcment 
&  également  répandus  par  toute 
l'étendue  du  corps  ,  que  confifte  , 
félon  notre  même  Auteur,  le  point 
d'équihbrc  qui  fait  la  fanté^  &:en 
cela  qui  n'appcrçoit ,  pourfuit-il, 
i'impreflion  continuée  de  cette  fa- 
gefle  éternelle  qui  préfide  à  la  for- 
mation des  cieux  ,  à  l'affermifle- 
ment  de  la  terre  ,  &  à  l'équilibre 
qui  fut  établi  entre  elle  &  les  eaux. 
Nn  ni] 


448        JOURNAL    DE 

Quoi  donc  de  plu<;  capable,  ajoiite- 
t-il ,  d'éclairer  l'cfprit  d'un  Méde- 
cin Chrétien ,  que  d'avoir  toujours 
à  contempler  dans  l'objet  de  fon 
art  ,  l'œuvre  de  la  SagctTe  cter- 
Eclle; 

Apres  avoir  confidcré  la  circula- 
tion en  général ,  l'Auteur  la  confi- 
dere  en  particulier  ,  il  la  fuit  dans 
toutes  fes  circonftances  ,  &  fait 
voir  par  le  détail  où  il  entre  à  ce  fu- 
jet  ,  qu'il  faut  neceiTairement  ad- 
mettre pour  les  fondions  du  corps 
un  agent  fuprême  qui  les  régit.  Il 
prouve  la  même  vérité  par  l'exa- 
men qu'il  fait  de  ce  qui  fe  pafle  de 
merveilleux  dans  les  difFcrens  vif- 
ceres ,  &  entre  autres  dans  ceux  qui 
fervent  à  la  digcftion  des  alimens. 
Voici  en  fubftancc  ce  qu'il  obferve 
fur  ce  fujet. 

Merveille  deU  digcflion  des  alimens. 

Celui  des  vifceres  qui  commen- 
ce ce  travail ,  efl:  l'eliomac  ;  ce  vif- 
ccre  en  confequence  du  brovcment 
qui  s'efl:  fait  dans  la  bouche  ,  donne 
au  fuc  nourricier  fa  première  for- 
me ,  &  la  lui  donne  par  un  autre 
broyement.  Il  n'eft  point  d'organe 
plus  llmplc  en  apparence  que  l'efto- 
mac  :  fa  vertu  ne  parcît  confifter 
que  dans  celle  des  hbres  qu'on  y  re- 
marque. Ces  fibres  fembleroient 
allez  fortes  pour  le  broyement  dont 
il  s'agit ,  fi  comme  celles  des  plus 
j)uinans  mufcics ,  tels  que  le  cœur 
&  le  mufcle  crotaphite ,  elles  é- 
toient  courtes  ,  proches  les  unes 
des  autres ,  &:  ferrées  ,  au  lieu  qu'el- 
les font  longues  ,  molles  ^  &  fort 


5  SÇAVANS , 

diftantesles  unes  des  autres.  On  se 
conçoit  pas  à  cet  afpeft  ,  qu'une 
telle  machine  aille  commencer  la 
préparation  de  ce  qu'il  y  a  de  plus 
fin  ,  &:de  plus  fpintueux  dans  tout 
le  corps.  En  effet  de  voir  une  meu- 
le qui  écrafc  ,  qui  broyé  ,  qni  brife, 
qui  pulverifc  ,  il  n'y  a  rien  en  cela 
de  furprenant  -,  ma:s  que  des  mem- 
branes molaffcs  puiffent ,  en  fc  re- 
pliant fur  elles-mêmes  ,  &  fe  fro- 
tant  les  unes  &  les  autres  par  leurs 
rugofitez  ,  venir  à  bout  de  diffou- 
dre  des  matières  dures  &  de  les  dif- 
foudre  lufqu'à  les  mettre  en  bouil- 
lie ,  c'cft  à  quoi  il  n'eft  pas  poffible 
de  concevoir  que  l'art  ordinaire 
puifTe  parvenir,  fur -tout  fi  l'on 
confidere  que  ces  membranes  de 
l'eftomac  ,  pour  faire  une  telle  dif- 
folution  ,  ne  font  aidées  que  de  la 
lymphe  gaftrique  ,  c'eft-à-dire  ,. 
d'une  eau  fimple  ,  qui  détrampc- 
feulement  &  amolit  les  matières. 
Deux  caufcs  aulïï  foibics  en  appa- 
rence ,  font  néanmoins  ce  qui  pro- 
duit l'atténuation  la  plus  étonnante 
qui  foit  dans  la  nature.  Car  tout  ce 
qui  co'bpere  d'ailleurs  à  la  dilTolu- 
tion  des  alimens  n'a  pas  plus  de 
force  ;  ce  ne  font  que  des  mouve- 
mcns  doux  &  légers  ,  tels  par 
exemple  ,  que  lacompreffion  alter- 
native des  mafclcs  du  bas-ventre, 

6  lesbattcmens  du  diaphragment, 
on  joindra  ,  C\  l'on  veut ,  à  toutes 
ces  caufcs ,  la  chaleur  douce  &  va- 
porcufe  des  artères  qui  entrent  dans 
la  ftru(5l:ure  de  l'eftomac  ;  mais  ce 
ne  fera  qu'une  vapeur  unie  à  de 
l'eau,  &  à  la  moUcife  d'un  organe^ 
or  cela,  répond  il,  a  l'effet  furpre- 


A  O  U 

wantde  dilToudre  des  corps  folides, 
&  de  les  réduire  en  chyle  j"  Natrc 
Auteur  conclud  de  l,i  qu'il  n'y  a 
qu'une  Sagerte  au-delFu.  de  la  Sa- 
gefle  humaine,  qui  puilTc  en  avoir 
ainfi  ordonné. 

Ce  chyle  ,  au  fortir  de  l'eftomac; 
tombe  dans  le  Duodénum  ,  organe 
qui  n'offre  rien  par  fa  ftrudliure,  qui 
paroifTe  plus  puilTanf,  c'cfl  cepen- 
dant dans  cet  inteftin  que  ce  chyle 
grisâtre  encoie  &  imparfaitement 
travaillé ,  s'achève  &  prend  fa  cou- 
leur de  lait.  Que  d'artifices ,  que  de 
feux  ,  que  de  travaux  n'employe- 
toit  point  la  chymie  ,  pour  venir  à 
bout  de  produire  un  tel  effet  î  Ce 
ne  feroit  c^n' ^Ikjli s ^(\\i' Acides ^c^ws 
pncipite's  dont  elle  pareroit  une  tel- 
le opération  ;  au  lieu  qu'ici  tout 
eft  confondu  :  la  bile  du  foye,  celle 
de  h  véficule  ,  le  fuc  pancréatique  , 
la  lymphe  inteftinale  ,  tous  ces  dif- 
folvans ,  fans  être  de  leur  nature , 
ni  acides  ,  ni  alkalis  ,  fe  mêlent 
avec  les  parties  du  chyie  ,  les  fcpa- 
lent,  les  changent ,  les  adoucident. 
Une  (implicite  fi  grande  dans  l'o- 
pération du  corps  qui  fert  de  fon- 
dement à  toutes  les  autres  ,  ne  per- 
met pas  à  un  Médecin  inftruit  des 
iuftcs  bornes  de  la  Phyfique  ,  de 
Uouter  qu'une  vertu  plus  éclairée 
que  celle  d'une  Phyfique  ordinaire, 
ne  rcgiffe  l'œconomie  animale. 

Nous  paffons  une  infinité  d'au- 
tres remarques  de  toutes  les  fortes , 
pour  venir  à  ce  que  notre  Auteur 
obferve  fur  l'accroifiement  de  l'en- 
fant^ en  voici  quelques  traits. 


S  T  ,    tjss- 


44^ 


Merveille  cencerKant  ce  tjui  fe  pAffê 
dans  l'enfant  nouveau  né. 

L'enfant  nouveau  ne  eft  comme 
un  nouvel  être  ,  entant  que  tout 
prend  dans  fes  entrailles  une  face 
différente  ,  par  rapport  à  ce  qu'il 
étoit  au  ventre  de  la  mère.  C'eft 
félon  notre  Auteur  ,  comme  une 
création  nouvelle,  finon  d'organes, 
du  moins  de  routes  &  d'arrangc- 
mens ,  pour  la  confervation  &  l'ac- 
croiffement  du  corps.  Ce  change- 
ment merveilleux  fe  fait  fans  addi- 
tion de  refforts  &  de  matière  :  Que 
d'une  pendule  fimple  l'on  veuille 
faire  une  Horloge  fonnante  ;  qu'à 
une  Montre  l'on  veuille  joindre  un 
réveil ,  ou  une  répétition  ,  il  faut 
neceffairement  employer  pour  cela 
des  pisces  nouvelles  ,  parce  que 
c'eft  un  ouvrage  de  main  d'hommej 
mais  dans  l'enfant  qui  eft  né  les 
chofcs  fe  paffent  autrement.  L'œ- 
conomie de  la  circulation  du  fin<ï 
y  devient  différente  ;  un  nouveau 
cortTS  d'humeurs ,  des  fondlions 
nouvelles ,  des  fucs  nouveaux  dans 
les  deux  fexes  ,  fe  montrent  avec 
ràgc  ,  &  tout  cela  fans  addition 
d'aucun  nouveau  rcfforf,  parce  qug 
c'eft  l'œuvre  du  Créateur,  œuvre 
fort!  de  fes  mains ,  abfolument  par- 
fait ,  &  pour  le  prefent  &  pour  l'a- 
venir. Ce  Souverain  Etre  ,  pour- 
voyant d'avance  à  l'accroiftement 
du  corps  de  l'enfant  nouveau  né ,  a 
difpofé  ce  corps  de  manière  qu'il 
pût ,  comme  de  lui-même ,  fe  pré- 
parer les  voyes  nouvelles  que  dans 
la  fuite  de  la  vie  le  fang  auïoit  à 


4;o        JOURNAL    D 

prendre  pour  fa  circulation.  Car 
après  la  nailTance  ce  n'clt  plus  par 
un  chemin  de  traverfe  que  k  fang 
palFc  dans  le  ventricule  gauche  du 
cœur  ,  il  pénétre  dans  le  poumon 
pour  être  enfuite  reçii  à  plein  dans 
ce  ventricule. 

Notre  Auteur  prend  Ici  occafion 
d'expofer  ce  qui  le  paflc  de  mer- 
veilleux dans  la  mère  après  la  naif- 
fance  de  l'enfant ,  &  il  entre  enfui- 
te dans  le  détail  d'un  grand  nom- 
bre d'autres  articles  ,  qui  comme 
tous  les  précédens,  font  employés 
à  la  preuve  d'un  Souverain  Etre , 
dont  l'adion  règle  tout  dans  l'œco- 
nomie  animale. 

Ce  que  nous  avons  rapporté 
jufqu'ici  d'exemples  ,  ne  regarde 
pïécifément  que  les  fondions  du 
corps  ;  en  voici  qui  concernent  les 
opérations  de  l'ame ,  &  que  nous 
avons  pafTé  à  delTein  pour  en  faire 
la  clôture  de  notre  Extrait. 

ConjeSlures  fur  lafourçe  despenjees. 

Les  animaux  ,  les  arbres  &  les 
plantes  ont  été  créés  avec  les  ger- 
mes des  efpeces  &  des  individus 
qui  en  dévoient  naître.  Cela  pofé  , 
notre  Auteur  demande  comment 
on  peut  ne  pas  comprendre  que 
îorfque  Dieu  a  formé  les  êtres  pen- 
fans,  tels  que  font  les  hommes ,  il  a 
fait  peut-être  dans  leurs  corps  quel- 
ques arrangemens  femblablcs  par 
rapport  aux  pcnfécs  qui  font  les 
fruits  ou  les  produdions  des  âmes , 
c'eft-à-dire  ,  qu'il  auroit  mis  dans 
les  corps  des  hommes  ,  les  germes 
matériels  de  toutes  les  pcnfées  que 


ES     SÇAVANS, 

l'ame  immatérielle  peut  avoir.  En- 
forte  que  les  manières  différentes 
de  pcnfcr ,  comme  toutes  les  fa- 
çons de  fentir ,  d'imaginer ,  de  ir: 
louvcnir ,  d'aimer  ou  de  hair ,  s'c- 
xecuteroicnt  dans  l'homme  ,  en 
confequcnce  de  ces  difpofitions 
que  le  Créateur  y  auioit  établies. 
Toutes  opérations  que  produi- 
roient  des  ébranlemens  que  l'ame 
regiroit  ,  ordonneroit  même  en 
différentes  occafions  de  la  vie;  tous 
ces  corps  globuleux,  ohvaircs,  can- 
nelés, toutes  ces  protubérances  an- 
nulaires ,  orbiculaires ,  &  autres 
qui  fe  trouvent  dans  le  cerveau,  fe- 
roient  dcspelottons  ou  faifceaux  de 
fibres  fingulierement  contournées  , 
dirigées  ,  percées ,  modifiées  ;  tou- 
tes feroient  foùmifcs  aux  ordres  de 
l'ame  ,  lorfqu'elle  commanderait 
aux  fibres  d'entrer  en  ofciUation  S>C 
aux  efprits  qui  y  feroient  contenus, 
d'entrer  en  ondulation  pour  fe 
mouvoir  en  conformité  des  ordres 
du  Créateur,  dont  ces  différentes 
parties  du  cerveau  auroient  été  fai- 
tes les  dépcfitaires  dans  la  Créa- 
tion. De  femblables  ufages  fuppo- 
fés  dans  la  partie  du  corps  humain, 
de  laquelle  ,  au  fentiment  de  tous 
les  Philofophes  ,  partent  les  caufes 
de  toutes  les  penfées ,  &  où  en  font 
les  organes  ic  les  refforts ,  feroient- 
ils ,  demande  notre  Auteur  ,  des 
ufages  indignes  du  méchanifmc  du 
corps  humain?Méchanifme  qui  au- 
roit par-là  fa  fource  oufon  principe 
dans  le  fouvcraiu  ordre  du  Créa- 
teur ,  dont  les  mouvcmens  des 
corps  ne  feroient  que  les  exécu- 
tions &  les  confequenccî. 


A  ou  s 

Notre  Auteur  prétead  que  quel- 
que chofe  de  femblable  fc  rencon- 
tre d.îns  la  mcchaniquc  de  ces  arts 
où  l'on  fabrique  des  étofîes  ou  des 
rapifleries     ornées    de    figures    : 
l'Ouvrier  dans   ces  fortes   d'Ou- 
vrages ,    comme    font   les    Da- 
mas ,  les  Moquêres  &  les  Hautc- 
lifles,  voit  fe  peindre  fous  fes  yeux 
&  entre  fes  doigts,  des  perfonna- 
ges ,   des  arbres  ,  des  fruits  ,  des 
fleurs ,  fans  qu'il  en  voye  les  def- 
feins ,  parce  que  ces  defTeins  font 
renfermés  ou  dans  des  caflius  ou 
fur  des  bobines  audcfTus  de  fa  tête  , 
ou  pofés  loin  de  lui  fous  quelque 
autre  forme  &  hors  de  fa  vue  :  c'eft 
dans  CCS  caflins  ou  fur  ces  bobines , 
que  font  arrangés  les  fils  de  foye 
©u  de  laine  qui  viennent  peindre 
entre  les  doigts  de  l'Ouvrier  le  def- 
fein  renfermé  dans  le  caflin^  S>c  qui 
l'y  peignent  à  mefure  qu'une  per- 
fonne  qui  fert  à  chaque  Métier  de 
Moquête  ,  amené  les  fils  en  les  ti- 
rant. Les  doigts  de  l'Ouvrier  exécu- 
tent donc  ici  ce  que  fes  yeux  ne 
voyent  point  ,  6c  dont  fon  efprit 
n'a  aucune  idée. 

Notre  Auteur  conjedure  que  ce 
pourroit  être  ainfi  que  le  Créateur 
auroit  renfermé  dans  toutes  ces  pro- 
îiiberances  ,  ces  émïnences  &  ces  ap- 
pendices qui  fe  remarquent  aux 
ventricules  du  cerveau  ^  &  à  la  moel- 
le allongée ,  differens  fonds  maté- 
riels de  penfées  \  en  forte  que 
chaque  protubérance  feroit  com- 
me un  lieu  de  referve  dans  le- 
quel ,  comme  dans  un  entrepos , 
l'ame  trouveroit  à  fes  ordres  & 
comme  fous  fa  main  ,  des  efprits 


propres  à  chaque  mouvement  vo- 
lontaire ,  à  chaque  fenfation  médi- 
tée ,  &  à  chaque  pcnfée. 

Si  l'on  objede  que  le  nombre 
extraordinaire  de  germes  qu'il  tau- 
droit  pour  fournir  à  toutes  les  diffé- 
rentes penfées  de  l'homme  ,  paroît 
quelque  chofe  d'inconcevable  , 
l'Auteur  répond  que  ce  nombre  in- 
concevable de  penfées  poflîbles  ou 
à  naître  dans  la  tête  d'un  homme  , 
n'approche  pas  de  l'immenfe  quan- 
tité de  germes  corporels  qu'il  faut 
reconnoître  dans  le  premier  œuf  du' 
genre  humain  ,  pour  toute  la  durée 
du  monde  ,  &  il  conclut  que  ces 
germes  innombrables  de  penfées  , 
feroient  un  nouveau  témoignage 
delapuiiïance,  de  celui  quia  fait 
l'homme.  Nous  avons ,  pour  nous 
conformer  aux  loix  d'un  Extrait, 
confiderablement  abrégé  tout  ce 
que  notre  Auteur  dit  là-defTus. 
Nous  finirons  par  l'article  du  fié^e 
de  l'ame ,  &  nous  l'abrégerons  tout 
de  même, 

ConjeSîures  furlejîège  de  famé. 

M.  Defcartes  a  établi  le  fiége  de 
l'ame  dans  un  petit  réduit  qui  eft  la 
plante  pinéale ,  &  il  s'eft  fait  écou- 
ter i  ceux  qui  la  placent  dans  la 
moelle  allongée  femblent  lui  don- 
ner une  demeure  plus  noble.  Notre 
Auteur  panche  beaucoup  pour  ce 
fentiment ,  &  après  un  grand  nom- 
bre de  reflexions  &  de  raifonne- 
mens  fur  ce  fujet ,  il  cite  deux  ob- 
fervations  Anatomiques  de  M.  San- 
torini  ,  lefquelles  lui  paroiflent 
comme  à  M.  Santorini  ,   dépofer 


4JZ         JOURNAL  DES  SÇAVANS. 

pour  le  ficge  de  l'amc  dans  cet  en-      qiii  fe  pallc  dans  une  cotd 
droit  du  cerveau.   La  première  de 


La  première 
ces  Obfcrvations  cft  tirée  de  l'ou- 
verture du  corps  d'un  Vieillard  , 
lequel  ,    jouiflant  d'une    parfaite 
fantc  ,    ctoit    devenu    fol   tout 
d'un    coup.    Ce  Vieillard    ayant 
ainfi  vécu  pendant  cinq  ans  ,  mou- 
rut fans  aucune  canfe  apparente  de 
mort  ni  de  folie.  Monfieur  Santorini 
ayant  ouvert  la  tête  du  cadavre  ,  y 
trouva  en  plufieurs  endroits  de  la 
moelle  allongée  ,  des  foffes   qui 
étoient  des  divulfions    profondé- 
ment faites  entre  les  fibres  de  la 
fubdance  médullaire  ^  Se  dans  lef- 
quelles    on    mettoit  aifément  le 
bout  du  petit  doigt.  M.  Santorini 
jugea  que  le  cours  des  efprits&leurs 
diredions  ayant  été  pervertis  par 
la  comprefllon  &  racfraduofitédes 
fibres  médullaires  ,  avoient  donné 
lieu  à  la  folie  de  ce  Vieillard.  L'au- 
tre Hiftoire  eft  d'un  Vieillard  en- 
core qui  de  tems  en  tcms  avoit  l'ef- 
prit  altéré  ,  5c  dans  le  cadavre  du- 
quel M.  Santorini  trouva  à  la  fub- 
ftance  médullaire,  un  enfoncement 
affez  large  pour  contenir  une  aveli- 
ne. Notre  Auteur  dit  là-defïus  que 
de  Cl  fortes  comprelTIons  faites  dans 
les  interfticcs  des  fibres  médullai- 
res ,  avoient  fans  doute  intercepté 
&  dérangé  le  cours  des  cfprits  qui 
fc  portent  de  tous  les  endroits  du 
cerveau  à  la  moelle  allongée  ;  il 
allègue  ià-deffus  l'exemple  de  ce 


de  Lutbj 
laquelle   détonne    quand  elle   eft 
comprimée  en   quelque  endroit, 
parce  que  Ton  ondulation  cil  chai;-    • 
géc.  Ces  réflexions  faites ,    il  ob- 
ferve  que  quelque  pact  que  l'oa 
place  l'amc  ,  rien  n'atlcrmit  davan- 
tage l'efprit  dans  la  Foi  que  les  ob- 
fcuritez  qui  fc  trouvent  fur  cette 
matière  ,   parce  que  l'cfprit  n'cft 
jamais  plus  convaincu  de  laprefcn- 
ce  ou  de  l'aéfion  de  la  Divinité,que 
dans  les   chofes  furprenantes  qui 
font  vrayes  &  reconnues  pour  tel- 
les, mais  dont  on  ne  comprend  pas 
la  raifon.  ^in/i  rien ,  conclut  notre 
Auteur ,  n'élevé  tant  l'homme  vers  le 
Créateur  ^  ejiie  d'/ippercevoirfousfes 
yeux  les  voyes ,  les  moyens ,  ou  les  or- 
ganes tjui  entretiennent  le  commerce 
inconteftable  du  corps  avec  l'ame  ,  Ô" 
de  l'appercevoir  fans  connoïtre  m  eu 
cette  ame  eft  placée  dans  le  corps ,  ni 
comment  elle  peut  être  mue  &  ajfeSlée 
par   cjuel^ue  chofe    d!auffi  matériel 
i^u'eft  le  corps.  Tant  il  eft  vrai  c^uun 
Médecin  attentif  A  l'objet  de  fa  pro- 
fejfion  cjut    ejî  le  corps  humain ,  fe 
trouve  par  tout  porté  a  la  créance  & 
à  U  vénération  de  l'être  fuprême  ,  ejui 
lui  prodigue  ,   pour  ainfi  dire  ,  les 
preuves  de  fa  prefence  dans  tjueltjHf 
opération  que  ce  fait  du  corps  humain, 
tant  dans  celles  qui  font  propres  M  ce 
corps  ^que  dans  celles  qui  lui  font  relit' 
ttves  avec  l'ame. 


COVTVMES 


A   O  U  s  T  ,    173?. 


4;j 


COVTVMES  GE'NERALES  ET  LOCALES     DV    PAYS    ET 

Duché  de  Bourhonnois  ^  avec  le  Commemmre.  Par  Mejjlre  Matthieu  Au- 
roux  des  Pommiers ,  Prètre-DoEicitr  en  Théologie  ^  Confciller-Clerc  en 
la  SénéchaitJJèe  de  Boirrbonnois  Ô"  Siège  Préfiii.il  de  A-foitlifis.  A  Paris,  au 
Palais,  chez  Paulits-dn-Mef>itl  ,  Imprimeur-Libraire  ,  Grand'Salle, 
auPillierdesConfultatioHS ,  au  Lion  d'or.  ïj^i.nifsl.  ea  deux  Par- 
ties. 


CE  Commentaire  eft  propre- 
ment une  Conférence  de  rous 
les  Commentaires  tant  imprimés 
que  manufcrics  fur  cette  Coutume 
que  M.  Auroux  a  pu  recouvrer  ,-  à 
laquelle  il  joint  fes  propres  Obfer- 
vations  ,  avec  fon  jugement  fur  l'a- 
vis des  Auteurs  qui  ont  écrit  avant 
lui.  F<ipon  fit  imprimer  à  Lyon  en 
1 5  jo.  un  Commentaire  Latin  fur  la 
Coutume  de  Bourbonnois.  Mais 
comme  cet  Auteur ,  l'un  des  plus 
laborieux  de  fon  tems ,  avoit  pa(Té 
fa  vie  dans  le  Forêt ,  Pays  de  Droit 
Ecrit ,  ce  qu'on  trouve  de  meilleur 
dans  fon  Commentaire  ,  comme  le 
remarquent  Meffieurs  Berroyer  &c 
de  Lauriere  dans  leur  Bibliothèque 
des  Coutumes ,  eft  une  conférence 
afièz  exad:e  du  Droit  Romain  , 
aveclcs  difpofitions  de  la  Coutume 
de  Bourbonnois  qui  y  ont  rapport, 
à  l'égard  des  ufagcs  finguliers  de  la 
Coutume ,  les  deux  Auteurs  qu'on 
vient  de  citer  affurent  que  Papon 
n'en  avoit  aucune  notion.  Jean 
Durct  Avocat  en  la  SénéchaufTée  de 
Moulins  a  fait  une  alliance  des 
Loix  Romaines  Si  des  Coutumes 
qu'il  rapporte  aux  differens  articles 
de  la  Coutume  de  Bourbonnois. 
On  eftime  cet  Ouvrage.  Il  n'en  eft 
pas  de  même    du  Commentaire 


qu'il  a  fait  imprimeràLyon  en  1585. 
car  outre  que  dans  fon  Commen- 
taire fur  73.  articles  ,  il  n'y  a  que 
des  matières  qui  ne  font  pas  d'ua 
grand  ufage  ,  il  a  écrit  d'une  mani«- 
rc  fort  diflufe  &  qui  ne  donne  au- 
cun éclaircifTement  fur  leTcxte.  Le 
Commentaire  de  Jacques  Potier 
n'a  pas  plus  mérité  l'eftime  du  Pu- 
blic que  les  deux  précedens  ,  car 
on  aflure  que  quoiqu'il  fût  origi- 
naire du  Pays  ,  &  juge  d'une  Pro- 
vince Subalterne  du  Bourbonnois , 
il  n'étoit  pas  mieux  inftruit  des 
ufages  du  Pays  que  Papon  ,  &  il 
n'étoit  point  aulii  bien  inftruit  que 
Papon  du  Droit  Romain  qui  eft 
cependant  trcs-necelîaire  pour  l'in- 
telligence de  la  Coutume  de  Bour- 
bonnois. Quoique  M.  Auroux  ne 
s'explique  pas  aufli  précifémenc 
fur  ces  trois  Commentateurs  que 
l'ont  fait  les  Auteurs  de  la  Biblio- 
thèque des  Coutumes  ,  il  fait  aftez 
entendre  ,  qu'il  n'eftime  pas  beau- 
coup leui  s  Ouvrages. 

Nous  aurions  eu  un  excellent 
Commentaire  ,  fi  Dumoulin  avoit 
continué  l'Ouvrage  qu'il  avoit 
commencé  fur  la  Coutume  de 
Bourbonnois ,  à  la  prière  des  Offi- 
ciers de  la  Séncchaulfée  de  >  'rulin. 
Cet  Auteur  ayant  vu  paroîtrc  le 
Oo* 


45-4  JOURNAL    D 

Commentaire  de  Papon  difconti- 
nua  fon  travail.  Mais  Papon  qui 
avoit  afTcz  de  modcftic  pour  recon- 
noîtrc  combien  l'Ouvrage  de  Du- 
moulin feroitfupericur  au  ficn  ,  le 
piia  de  continuer  à  travailler  à  ce 
Commentaire.  Ce  qu'il  fit  en  effet 
jufqu'en  1559.  qu'il  fut  obliç;é  de 
fe  recirer  en  Allemagne  à  caufe  des 
affaires  fàcheufcs  qui  lui  furent  fuf- 
citécs  en  France.  Il  nous  rcfte  des 
f)  .gmens  de  cet  Ouvrage  qui  ont 
été  inférés  dans  les  dernières  Edi- 
tions des  Oeuvr-^  de  Dumoulin  &: 
augmentés  de  plus  des  trois  quarts 
dans  la  Bibliothèque  des  Coûca- 
mcs. 

A  l'égard  des  Manufcrits  dont 
M.  Auroux  a  eu  communication  & 
qu'il  a  employés  dans  fonOuvragc; 
ce  font  des  Obfervations  d'André 
Dubuiflbn  ,  de  Jean  Rouffcl ,  de 
Jacques  Bergier,  de  Jacques  Durer, 
d'Antoine  Berthonier  ,  de  Ploton, 
de  Jacques  Hénois,  de  JeanGenin, 
&  de  Geninfonfils  ,  Préfîdcnt  au 
Préfidial  de  Moulins ,  des  Remar- 
ques de  Jean  Deviilart  ,  célèbre 
Avocat  à  Moulins  reçu  en  iifoy.un 
Commentaire  fur  toute  la  Coutu- 
me de  Guillaume  Duret  Prefidcnt, 
un  des  fins  ffavans  hommes  de  fon 
Jiécle.  Louis  Semin  AlTeffeur  en  la 
Sénéchauffée  de  Moulins  ,  Louis 
Vincent  &  François  Menudel  Avo- 
cats en  ont  fait  des  Extraits  auf- 
quels  ils  ont  )oint  leurs  propres  ob- 
servations. François  Déculant  Con- 
feiiler  en  la  même  Scnéchauffée,  & 
Jean  Cordicr  fameux  Avocat  ont 
aufTi  fait  des  Commentaires  très- 
étendus  fur  tous  les  articles  de  la 


ES  SÇAVANS. 
Coutume,  pour  lefquels  ilsfe  font 
fouvent  fervi  des  Remarques  de 
ceux  qui  avoient  travaillé  avant 
eux.  Bordel  Profeffcur  de  Droit  & 
Baugy  ont  auiTi  fait  des  Commen- 
taires fur  la  Coutume  de  Bourbon- 
nois.  Il  y  a  encore  deux  Pvcaieils  de 
Senteaccs  rendues  en  laSénccliauf- 
fée  de  Moulins  ,  en  interprétation 
des  articles  de  la  Coutume  du  Pais. 
L'un  àc  ces  Reçue Is  dont  1" Auteur 
étoitConfcilicr  en  la  Séncchauffée, 
&  s'appeiloit  RoucjiioiT  commence 
en 1 5 84.on  attribue  1:  .cndàVin- 
ccnt.  Beraur  ,  Menudci  Sc  Jean 
Cordicr  ont  fait  des  Remarques 
par  ordre  alphaber>.:u?  qui  ont  rap- 
port  à  la  Coûtu.Tie  de  Bourboo- 
nois. 

Les  Auteurs  de  la  Bibliothèque 
des  Coutumes  avoient  déjà  parlé 
de  la  plupart  de  ces  Jurifconfultes 
du  Bourbonnois  ,  ils  avoient  mê- 
me fait  connoître  plus  particulicre- 
raent  quelques-uns  d'entre  eux  zn 
rapportant  quelques  traits  deicuî 
vie ,  Ss.  ils  ont  hit  fentir  que  ce 
feroit  fiirc  plailîr  au  Public  de  l'in- 
ftruire  de  l'Hiftoire  de  ces  Jiirifcoa- 
fultes ,  fi  on  faifoit  ufage  de  leurs 
Ecrits;  car  ces  fortes  de  Remarques 
Hiftoriques  font  fouvent  très  uti- 
les ;  cependant  M.  Auroux  n'a 
point  jugé  à  propos  d'entrer  dans 
ce  détail  fur  lequel  il  lui  auroitété- 
d'autant  plus  facile  de  fatisfajre  la. 
curiofitè  des  Ledeurs,  qu'il  étoïc 
plus  à  portée  d'avoir  les  écIaircilTe- 
mens  neceffaircs  ,  2c  qu'on  voit 
qu'il  en  a  eu  connoi{ïance  ,  par  ce 
qu'il  dit  fur  i'artu:Ie  299.  que  Louis 
Semifl  a  eu  cc/rnniunication  de  ce. 


A  O  U  s 

que  Dumoulin  avoit  fait  fur  la 
Coutume  de  Bourbonnois  ,  par 
Matthieu  Maréchal  Avocat  au  Par- 
lement de  Paris  ,  à  qui  Bobé  gen- 
éie  de  Dumoulin  avoit  donné  le 
Manufcrit  qui  lui  avoit  été  légué 
par  Dumoulin  ,  avec  les  autres  Iça- 
vans  Manufcrits  de  ce  Junfcon- 
fulte. 

M.  Auroux  avant  entrepris  de 
Tréunir  ces  Conunentaires  &:  ces 
Obfcrvations  fur  la  Coi^itumc  de 
Bourbonnois  en  un  feul  corps,  aifu- 
rc  qu'il  a  eu  foin  de  diftingucr  les 
Obfervations  de  chaque  Auteur  &C 
de  les  rapporter  fidèlement ,  com- 
me il  les  a  trouvées  dans  lesManuf- 
crits ,  il  s'eft  beaucoup  étendu  fur 
les  articles  qui  lui  ont  paru  les  plus 
importans  &  les  plus  difficiles  -,  par 
rapport  à  d'autres  articles  plus  faci- 
les à  entendre  ,  il  s'eft  contenté 
d'expliquer  le  motif  de  la  décifion, 
après  avoir  interprété  quelques  ar- 
ticles qui  ne  font  plus  en  ufage  ^  il 
a  recherché  la  raifon  de  ce  change- 
ment. Il  déclare  qu'il  a  fouvent 
employé  pour  foûtenir  fes  déd- 
iions ,  les  moyens  dont  s'étoient 
fervi  les  anciens  Jurifconfultcs  du 
Pays  ,  mais  qu'il  ne  les  a  point  fui- 
vis  aveuglément.  Il  a  même  quel- 
quefois abandonné  leur  fentiment , 
éc  dans  ce  cas  il  a  marqué  les  raifons 
de  fon  avis.  Sur  les  articles  qui  lui 
ont  paruobfcurs  6c  difficiles  ,  il  a 
confulté  les  plus  habiles  Avocats 
<le  la  SénéchaufTée  de  Moulms.  Il  a 
auffi  conféré  les  articles  de  la  Cou- 
tume avec  le  Droit  Romain  &  avec 
l'ancienne  Coutume  de  Bourbon- 
nois ,  ainfi  cette  Coutume  fc  trou- 


T  .    i7;5-  4X5' 

ve  expliquée  par  les  principes ,  Se 
s'il  cft  permis  de  s'expliquer  ainfi , 
par  la  Tradition  depuis  près  de 
deux  ficelés.  Ce  qui  met  ce  Com- 
mentaire beaucoup  au-dcfTus  de 
ceux  qui  avoient  été  imprimes  au- 
paravant. 

L'Auteur  avoit  eu  d'abord  en  vijc 
de  fuivre  l'ordre  des.  matières  dans 
ion  Commentaire  ,  &  il  explique 
fi  bien  l'avantage  qu'a  cette  métho- 
de au-deflus  de  celle  des  Commen- 
taires ordinaires,  dans  Icfqucls on 
fuit  Tordre  des  articles  de  la  Cou- 
tume ,  qu'il  y  a  lieu  d'être  furpris 
qu'il  ait  facrifié  fes  propres  lumiè- 
res à  celles  des  pcrfonnes  qu'il  a 
confultées  &  qui  lui  ont  fait  en- 
tendre ,  qu'en  fuivant  l'ordre  des 
articles  fon  Commentaire  feroit 
beaucoup  mieux  reçîi  Se  plus 
goilté. 

On  voit  bien  que  nous  ne  pou- 
vons entrer  dans  le  détail  par  rap- 
port à  un  Ouvrage  de  cette  éten- 
due qui  contient  une  infinité  de 
matières  différentes.  Il  nous  fuffira 
de  donner  par  forme  d'exemple  le 
précis  de  quelques  décifions. 

L'article  301.  de  la  Coutume  de 
Bourbonnois  donne  à  l'aîné  noble 
dans  les  fucceffions  diredcs  le  Châ- 
teau ou  maifon  principale  en  pré- 
cipuité  ou  avantage ,  fuivant  le  mê- 
me article  l'aîné  ne  peut  prendre 
pour  fon  préciput  qu'un  manoir , 
foit  paternel ,  foit  maternel ,  ainfi 
il  n'y  a  dans  cette  Coutume  pour 
l'aîné  noble  qu'un  préciput  pour 
les  deux  fucceffions.  Ce  qui  a  fait 
naître  la  queftion  ,  fi  dans  cette 
Coiàtume  l'aîné  noble  peut  preH- 
O  ooij 


4;<î  JOURNAL    D 

drc  en  cni'cr  le  nmiiLir  qui  c!l  un 
conquct  de  la  conimunr;utc  de  fes 
pcre  &  mcre.  Dumoilin  ci  Duiet 
examinent  cette  qucllion  ,  &  ils 
décident  que  l'aîné  ne  peut  avoir 
que  la  nioiiic  du  nunoir ,  parce  que 
CdiiS  cette  Coutume  IVinc  ne  peut 
prendre  qu'un  préciput  fur  l'une 
des  deux  fuccefllons ,  &:  qu'il  n'y  a 
que  la  moitié  du  manoir  dans  l'une 
de  ces  fucceirions.  Mais  H  l'aîné 
n'avoit  pas  pris  un  principal  ma- 
noir par  préciput  dans  l'une  des 
fuccelfions,  il  peut  le  prendre  en- 
tier dans  l'autre  fucceflîon.  On  l'a 
ainfi  jugé  dans  la  Sénéchaulîée  de 
Moulins  au  mois  de  Mars  1670.  au 
profit  d'un  aîné  auquel  on  adjugea 
le  Château  entier  dans  la  fucceiîion 
de  fa  mère,  quoiqu'il  jouît  comme 
téritiet  de  fon  père  d'un  Château 
qu'il  n'avoit  retenu  qu'en  rccom- 
penfant  fes  Cohéritiers. 

Une  autre  queftion  que  l'Auteur 
propole  fur  l'article  5  o  2.  eft  de  fça- 
voir  fi  dans  la  Coutume  de  Bour- 
bonnois  l'aîné  noble  peut  prendre 
fon  préciput  fur  unemaifon  en  ro- 
ture. Dumoulin  ,  Duret ,  Semin& 
2vlenudel  ont  décidé  que  ce  préci- 
put ne  pouvoit  fe  prendre  que  fur 
des  maifons  féodales  *,  la  raifon 
qu'ils  eo  rendent  ell  que  les  termes 


ES    SÇAVANS, 

dont  fe  fort  la  Coutume  ,  de  Châ- 
teau, Place  forte,  maifon  princi- 
pale ,  font  tous  relatifs  à  des  mai- 
fons nobles  ou  Ic^dalcs,  &  que  k 
Coutume  de  la  Marche  qui  eft  voi- 
fine  de  celle  de  Bour  '.-.inois  décide 
ainfi  la  quK;ui(,ii  en  termes  exprCs- 
Cependant  l'Aiitcur  alTure  que  la 
.Turifprud^nce  d'à  p;  efcnt  en  la  Sé- 
ncchau'^éc  de  Bourbonnois,  &:  l'u- 
fage  général  de  la  Province  eft  d'ac- 
co  dcr  à  laîné  pour  préciput  un 
manoir  en  roture  ,  quand  il  n'y  ca 
a  pas  dans  les  fuccclîîons  qui  foit 
polfcdé  en  fief  M.  Aurrux  ajoute 
que  l'on  a  mal  fait  en  cela  de  s'écar- 
ter de  l'ancien  ufage  ,  du  fenti- 
nicnt  des  Auteurs  &  du  véritable 
efprit  de  la  Coutume. 

Il  y  a  deux  efpeces  d'additions 
au  corps  de  l'Ouvrage  ,  les  unes 
qui  contiennent  une  expofition  dé- 
taillée des  faits  furlefquels  font  in- 
tervenues plufieurs  fentences  de  la 
Sénéchauffée  de  Moulins  qui  font 
citées  dans  Ion  Commentaire.  Lçs 
autres  font  des  additions  faites  de* 
puis  l'imprcflTion  du  corps  de  l'Ou- 
vrage qui  contiennent  de  nouvelles 
Obfervations ,  après  Icfquelles  cel- 
les qui  concernent  la  dernière  Or- 
donnance fur  les  donations  méri- 
tent une  attention  particulière. 


A  O  U   S  T  ,    I  7  5  ^^ 


4f7 


•REFUTATION    'DES    CRITIQVES     DE    M.     BATLE    SVR 

S,  j^iiÇHJUn  ,  OH  font  contenu:  trois  Traite"^  ;  le  pnmier  ^  viriic.hle  Clsf 
Ms  Ouvrages  de  S.  Augiifti-:  contre  Les  J'ètagi:ns.  Le  fécond,  examen  des 
Cnticjnes  répandues  dans  h  DiElionnair^  de  M.  Eaylefur  divers  endroits 
éles  Ecrits  dn  mîme  Saint  I  oEieKr.  Le  troifïéme  ,  Dijjertation  touchant  la 
nature  de  U  Loi  de  Moy:.  1751.  A  Pans  ,  chez  Rolin  fils^  Quai  des 
AugUiUns ,  in-^".  pp.  ^  i8.  fans  I?.  Préface  &  les  Tables. 


LE  delfein  que  l'Auteur  a  forraé 
de  donner  une  réfutation  des 
endroits  peu  favorables  à  la  Reli- 
gion dans  le  Didlionnaire  de  M. 
Bayle  ,  l'a  conduit  à  compofer  les 
Traitez  que  nous  annonçons  au- 
jourd'hui. Mais  ayant  fait  reflexion 
qu'ils  étoient  trop  étendus  ,  & 
trop  Théologiques  pour  entrer 
dans  le  plan  général  de  fon  Ouvra- 
ge,  il  a  cru  devoir  les  en  détacher  , 
&  les  taire  imprimer  féparément. 

A  l'article  de  S.  Auguftin ,  Bayle 
©fe  avancer  qu'*/  e(l  fi  mamfefle  k 
tout  homme  ejHi  examine  les  chofesfam 
f  réjugé  &  avec  les  lumières  neceffai- 
res  j  cjue  la.  doSlrine  de  S.  Auguftin  , 
&  ceUe  de  Janfeniusfont  unefiule  & 
même  chofe^cju'on  ne  peut  voir  fans  in- 
dignation, cjue  la  Cour  de  Rome  fe  fait 
vantée  ^  d^ avoir  condamné  JanfeniuT^ 
&  d! avoir  ctnfervé  k  Saint  Auguftin 
toute  fon  autorité  &  toute  fa  gloire. 
L'Auteur  fe  propofe  de  venger  le 
S.  Siège  d'une  accufation  fi  atroce  , 
&  de  démontrer  >»  qu'entre  les  vrais 
»  fentimens  de  S.  Auguftin  &  ceux 
»  de  Janfenius  il  y  a  autant  d'éloi- 
»  gnement  que  du  Ciel  à  la  terre. 

On  commence  dans  le  premier 
Traité  qui  eft  divifé  en  trois  Parties 
par  défabufer  certaines  gens  de  k 
prévention  où  ils  font  en  faveur  de 


Janfenius.  Tout  homme  quifup- 
j-Olé  de  nouveaux  termes  à  un  Au- 
teur ,  ne  le  fait  pas  fans  doute  dans 
le  deiïein  d'enfeigner  la  pure  doc- 
trine de  cet  Auteur.  Que  penfer 
donc  de  .lanfenius  qui  nous  aftiirc 
que  S.  Auguft^in  donne  fouvent 
«0»  raro  le  nom  de  grâce  vi(florieu- 
fe  ,  gratia  viUrix  à  la  grâce  médici- 
nale de  J.  C.  tandis  que  le  Saint 
Dodeur  ne  s'eft  jamais  fervi  de 
cette  exprelîîon.  Il  en  eft  à  peu  près 
de  même  de  cette  autre  deleBati» 
viElrix ,  la  déle<îi:ation  viâiorieufe  : 
on  aftiire  qu'elle  ne  fe  trouve  qu'u- 
ne feule  fois  dans  les  Ouvraages  de 
S.  Auguftin  ,  encore  dans  un  fens 
bien  différent  de  celui  que  Janfe- 
nius lui  attribue  ,  &  cependant  ce 
dernier  ne  craint  pas  de  dire  que  le 
Saint  Dofteur  l'employé  fouvent  ^ 
communément ,  f^jftm,  plerumque. 
L'Auteur  ,  après  avoir  donné 
encore  quelques  exemples  du  peu 
de  fincerité  de  Janfenius  à  citer 
S.  Auguftin  ,  affure  qu'il  auroit  pU' 
aifément  les  multiplier  ;  mais  il  a 
voulu  ,  dit-il ,  les  réduire  à  cinq  , 
afin  que  ce  nombre  cadrât  avec  les 
cinq  famcufes  Propofitions.  Tout 
homme  ,  félon  lui ,  qui  prendra  k 
peine  de  fe  convaincre  de  ces  étran- 
ges faififications  3  aura  bien-tôt  It- 


4î8  JOUÏINALD 

plaifir  de  voir  tomber  le  charme 
qui  i'cmpcchoit  d'appercevoir  dans 
rAuguftin  de  l'Evêque  d'Ypres  les 
cinq  Propolitions  condamnées. 

On  vient  enfuite  au  fonds ,  & 
l'on  montre  par  une  Chronologie 
cxade  du  tems  où  les  Ouvrages  de 
S.  Auguftin  ont  été  écrits  ,  que 
c'cft  très-faudément  que  Janfeniijs 
Toîitient  que  fon  Syftême  des  deux 
dcleiftations  victorieufes  avoit  été 
énfeigné  par  S.  Auguftin  dans  ce 
célèbre  paffage  ,  ^md  amplhis  nos 
deleUat ,  fecundum  id  operemnr  necef- 
feeft. 

S.  Auguftin  ,  dit-on  ,  étoit  con- 
ftamment  Sémipélagien  lorfqu'il 
écrivit  fon  Commentaire  furTEpî- 
trc  aux  Galates ,  dont  ce  Texte  eft 
emprunté  ,  par  confequent  ce  Tex- 
te doit  avoir  neceflairement  un  fens 
■que  les  Sémipélagiens  admilTent. 
On  explique  avec  étendue  quel 
étoit  ce  fens ,  &  quelles  étoient 
alors  les  erreurs  des  Manichéens 
que  S.  Auguftin  avoit  à  combattre. 
L'auteur  qui  d.ins  des  matières  tant 
de  fois  rebatues ,  nous  promet ,  & 
nous  donne  en  effet  du  Nouveau  , 
&  des  chofes  très  -  recherchées  , 
l'Auteur ,  dis  je  ^  à  cet  argument 
qui  eft  tiré  de  M.  de  Fénélon  ,  Ar- 
chevêque de  Cambray  ,  en  ajoute 
plufieurs  autres.  Il  fixe  le  tems  du 
Sémipélagianifme  de  S.  Auguftin  , 
&  prouve  que  Janfenius  fait  finir 
&  commencer  ce  tems ,  où  il  lui 
plaît ,  &  toujours  par  rapport  aùX 
intérêts  de  fon  Syftême, 

C'eft  encore  ce  qui  lui  faite!  re 
que  le  fecours  ^ko  ,  dont  parle  fn>nt 
Au2uftindans  fcni  Livre  de  la  Cor- 


ES  SÇAVANS, 

reption  &c  de  la  Grâce  ,  &  que 
le  Saint  Dodteur  appelle  ainfi  pat 
oppofition  au  fecours  ■,fine  ^ho  ):on 
eft  la  Grâce  Médicinale  de  J.  C. 
propre  de  notre  état.  Si  on  en  croit 
l'Evêque  d'Ypres ,  c'eft  là  comme  Ui 
clef  des  Ouvrages  de  S.  Auguftin  ^ 
Lt  ba^fur  Licjuelle  fa  do&nne  eft  ap- 
puyée j  &  le  f.l  ^ui  peut  nous  empêcher 
de  nous  égarer  d^tis  le  lahirinthe  des 
Ecrits  dû  Saint  DoEieur, 

Mais  eft  -  il  vraifemblable,  dit 
notre  Auteur  ,  qu'un  homme  qui 
fait  plufieurs  Ouvrages  fur  la  même 
matière  ne  rapporte  qu'une  feule 
fois  ce  qui  fait  la  clef,  le  fonde- 
ment &:  le  fil  de  fa  dodrinc.  Jan- 
fenius lui  même  en  eft  la  preuve  > 
N'a-t-il  pas  copié  170  fois  l'endroit 
unique  où  S.  Auguftin  parle  des 
deux  fecours  quo  &  fine  <juo  non  ? 
Si  on  l'en  croit  ,  S.  Auguftin  aura 
lai  (Té  pendant  vingt  ans  fcs  Ecrits 
entre  les  mains  de  tout  le  monde 
fans  en  donner  la  clef.  Puifque  cet- 
te prérendue  clef  ne  fe  trouve  que 
dans  un  Ouvrage  qu'il  écrivit  par 
occafion,  à  la  fin  de  fa  vie ,  &  après 
l'entière  défaite  des  Pélagicns.  On 
fait  fentiren  mille  manières  i'abfur- 
dité  d'une  telle  fuppofition  ,  d'où 
l'on  conclut  que  la  diftin(îtion  des 
d£\.n  fecours  n'entre  pour  rien  dans 
les  conrroverfcs  de  S.  Auguftin 
avec  les  Pélagiens  ,  m  dans  fon  Sy- 
ftême fur  h  Nature  &  la  necelîitc 
de  la  Grâce  Médicinale  de  J.  C.  une 
foule  de  palTages  confond  la  chi- 
mère que  Janfenius  a  imaginé  ea 
prenant  le  fecours  fw  de  S.  Augu- 
ftin poui  la  Grâce  aftuclle  Se  effica- 
ce qui  opère  le  vouloir ,  ôc  le  fc. 


A  O  U  s 

toms/îf^e  ejuo  non  pour  la  Grâce  ac- 
tuelle &  fuffifante  qui  donne  la 
poflîbilité.  Mais  tov:t  au  contraire 
lefccoursy«a  dans  le  fcnscîe  Saint 
Aupiiftin  n'efl  qu'une  Grâce  habi- 
tuelle qui  e(l  donnée  aux  feuls  pré- 
deftinés  pour  peri'evcrer  dans  la  iu- 
llice  ,  &  il  n'alTure  rien  de  ce  fe- 
cours  qui  ne  foit  une  conclufion 
nccelTÎ'ire  de  cette  définition  qu'il  a 
donnéi  ,  »  C'eft  la  mifericorde  du 
»  Sauveur  qui  s'attache  immcdiare- 
»  ment  aux  prédeftincs  ,  foit  lorf- 
70  qu'ils  fe  convertifient ,  foit  lorf- 
»  qu'ils  combattent ,  foit  lorfqu'ils 
»  parviennent  à  la  couronne. 

Par  tout  OH.  Janfenius  d'accord 
avec  Calvin  croit  trouve?  dans  St 
Auguftin  le  fecours^/.'c  qu'il  regar- 
de comme  une  Grâce  intérieure  à 
laquelle  la  volonté  humaine  ne  peut 
fe  fouftraire  ,  &  qu'elle  eft  incapa- 
ble de  furmontcr  ,  notre  Auteur 
foûtient  qu'il  n'efl  queftion  que 
d'un  fccours  de  providence  &  d'af- 
fiftancc  qui  fait  que  la  volonté  d'un 
prédcftiné  ne  fuccombe  pas  aux 
tentations  ,  ou  du  moins  qu'il  s'en 
relevé.  Et  c'eft  ainfi  qu'il  répond  à 
ce  fameux  palTage  que  les  Janfeni- 
ftcs  &  les  Calviniftcs  regardent 
comme  le  principal  fondement  de 
leur  doctrine.  Snhvefitiim  efl  igitur 
infirmitati  humand  ut  divina  rfatia 
indecltnahilitir  ,  &  infnf>erabiliter 
ageretur  ,S^c. 

On  trouve  cnfuite  une  difcuflîon 
critique  pour  montrer  que  dans  cet 
endroit  de  S.  Auguftin  ,  il  ne  fauC 
point  lire  infuperabditer ,  mais  infi- 
yarabiliter ,  le  but  de  S.  Auguftin 
le  demande  neGe^aiïemcnt.  Or»  le 


T>  I73Î-     ,  -iJP 

lifoit  dans  les  dix  Editions  de  ce 
Pcrc  qui  ont  précédé  celle  des  Doc- 
teurs de  Louvain.  Us  font  les  pre- 
miers qui  ont  fubftitué  le  mot  A'in- 
fiiperaûHiteri.  celui  A'infeparabUtter^ 
enouoi  ils  ont  été  fui  vis  pat  les  Be- 
netliiflins,  mais  les  uns  ni  les  autres 
n'-jnt  apporté  aucune  raifon  pour 
jv;ftifier  un  changement  de  cette  na- 
ture. Il  n'eft  pas  cependant  indiffè- 
rent ,  car  fuppofé  qu'il  faille  lire 
infeparabditer ,  comme  notre  Au- 
teur n'en  doute  nullement ,  il  eft 
démontré  que  le  fecours  <juo  n'eft 
pas  une  grâce  padagere  &  adtuelle , 
mais  une  grâce  habituelle  qui  eft 
iiiféparable  du  prédefliné  ,  lors  mê- 
me qu'il  eft  en  péché  mortel. 

Mais  quelle  idée  doit  on  fe  faire 
du  fecours  fine  cjuo  non  >  Comme 
S.  Auguftin  compare  ce  fccoui"5 
qu'Adam  avoir  reçu  dans  l'état 
d'innocence  ,  avec  le  fecours  quo 
que  Dieu  accorde  aux  prédeftincz 
dans  notre  état.  Afînquelacompa- 
raifon  foit  jufte  ,  le  izcoats  fine  tjuo 
non  ne  peut  être  autre  choie  que 
l'ordre  de  Providence  que  Dieu 
gardoit  par  rapport  à  Adam  ,  & 
aux  Anges  avant  leur  péché  dans  k 
diftribution  des  moyens  de  falut. 

»  La  prédeftination  dans  l'état 
»  d'innocence  n'étoit  en  foi  que 
»  conditionnelle  ,  &  ne  dcvenoie 
»  abfolue  que  dépendamment  de  Is: 
i>prévif)on  des  mérites ,  &  parcon- 
»  fequcnt  la  grâce  de  la  prédefti- 
»  nation  étoit  abandonnée  au  libre- 
»  arbitre  dont  Dieu  ne  conduifoit 
5>  pas  les  démarches  par  une  atten- 
»  tion  &  une  vigilance  fpecialc» 
»  Maintenant  .  félon  1»  dodiln»' 


é^6o  JOURNAL    D 

»clu  mêmcS.  Augullm  ,  Dieiidi- 
Mtigc  infailliblement  les  prcdcfti- 
»nezà  une  heureufc  fin.  Ainfi  la 
1»  prcdeftination  au  falut  &  à  la 
"gloire  cft  abfolue.  Indcpcndain- 
>»raent  de  la  préviïion  des  mérites  , 
»  &  par  confequent  le  librc-arbi- 
»tre  des  prcdeftinez  eft  contîé  à  la 
"grâce  de  la  prcdeftination,  il  cft 
«gouverné  par  cUc^  mais  non  dans 
»  le  fens  de  Janfenius. 

Après  avoir  brifé  dans  la  premiè- 
re partie  de  ce  Traité  lafaullccicf 
que  Janfenius  offre  à  fes  Led:eur,s , 
notre  Auteur  nous  reprefented  ns 
la  féconde  la  doiftrine  de  la  perfec- 
tion de  la  juftice  co:; n.e  la  virita- 
ble  clef  des  Oeuvres  de  S-  Augaftin 
contre  les  Pélagiens.  Mais  il  la 
£iut  chercher  dans  fts  propres 
Ecrits.  Les  palTagcs  de  ce  Saine 
Doâeur  dont  Janfenius  a  tiffufon 
Livre  ne  renferment  pas  plus  la  do- 
(Srinc  de  S.  Auguftin  que  les  vers 
d'Homérc  dans  les  Centons  de 
Proba-Falconia  expriment  les  cir- 
conftanccs  de  la  Vie  &  de  la  Paflîon 
du  Sauveur.  Car  il  prétend  qu'on 
ne  doit  regarder  le  Livre  de  Janfe- 
nius que  comme  un  Ccnton  artifi- 
cieux ,  où  les  Textes  de  S.  Auguftin 
font  non  feulement  détournés  de 
la  fignificarion  qu'ils  ont  dans  les 
Ouvrages  du  Saint  Dodeur  ,  mais 
font  même  appliqués  à  des  fujets 
tout  contraires. 

Il  ne  faut  pour  s'en  convaincre 
que  fe  mettre  parfaitement  au  fait 
de  Vimpeccance  qui  étoit  un  des 
principaux  Dogmes  des  Pélagiens  ; 
il  eft  vrai  que  les  Janfeniftes  &  le 
p.  Quefbei  entr'aurxes ,  ne  la  regar- 


ES    SÇAVANS. 

dent  pas  ainfi.  Mais  on  verra  d^ns 
l'Auteur  que  S.  Auguftin  &  S.  Jo- 
rôrae  ont  toujours  parlé  de  l'im- 
peccance  comme  de  la  racine  d'où 
l'Héréfie  Pclagiennc  étoit  forrie. 

Ses  Partifans  s'étoient  perfuadés 
qu'il  étoit  au  pouvoir  de  i'hommc, 
non  feulement  de  rcfufcr  fon  con- 
fentement  au  péché,  mais  encore 
de  n'être  jamais  tenté.  En  un  mot 
d'éteindre  abfolumcnt  toute  fc- 
mence  de  vie ,  tout  fentimentindé- 
liberé  de  la  concupifccnce  que  la 
raifon  défaprouvc  ,  &  qu'elle  pré- 
vient. C'ctoit ,  dit  S.  Jérôme  l'ap- 
pathie  des  Stoïciens.  Par  cette  no- 
tion de  ïiyipeccafjct  Pélagienne  que 
l'Auteur  établit  avec  beaucoup  d'é- 
rudition &  de  critique  ,  il  eft  aifé 
de  découvrir ,  i°.  Quel  précepte 
dans  le  fens  de  S.  Auguftin  cft  im- 
pofllblc  :  2°.  Quelle  forte  de  péché 
nous  cft  devenu  neccflaire  depuis  la 
chute  d'Adam ,  &c  eft  attaché  à  l'i- 
gnorance invincible  Se  à  tous  fes 
ctfets  :  5°.  Quelle  forte  de  liberté 
nous  avons  perdue  :  4".  Quelle  ef- 
pece  de  grâce  eft  irrcfiftible  de  fi 
nature  ,  &  nous  eft  ordinairemenC 
rcfufée. 

Pour  commencer  par  les  précep- 
tes qui  dans  le  fentimcnt  de  S.  Au- 
guftin font  quelquefois  impolîi- 
bles ,  on  montre  par  plufieurs  Tex- 
tes du  Saint  Dodeur  qu'il  n'eft  quc- 
ftion  alors  que  des  préceptes  qui 
regardent  la  perfection  de  la  /ufticc, 
&  nullement  de  ceux  qui  tombent 
fur  l'adtion  de  la  ) ufticc.  Les  pre- 
miers demandent  une  extindion 
entière  de  la  concupifccnce,  enfortc 
qu'on  falTe  ic  bien  fans  oppofition 


A  O  U   s 

&  fans  combat  j  omnino  adverfarium 
non  hahere  ,  ce  qui  eft  impofl'ible 
dans  cette  vie  ,  &  les  féconds  obli- 
gent à  réprimer  les  faillies  de  li 
concupifcence  ,  interna  confiiiiatio- 
nepugnare.  C'eft  ce  que  S.  Auguftin 
prouve  par  ces  paroles  de  S.  Paul. 
ydle  adjacet  mthi ,  perficere  auum 
honum  non  invenio.  Quel  précepte 
ctoit  impolllble  à  S.  Paul  ,  finon 
celui  de  la  perfedion  de  la  juftice. 
Ce  feul  mo:  de  pet-Jicere  iuiîit  pour 
confondre  le  janfcnifme  fur  ce 
point. 

Comme  S.  Auguftin  diftingue 
deux  fortes  de  préceptes,  de  même 
il  diftingue  deux  fortes  de  péchez  , 
l'un  que  dans  l'Ecole  on  appeileroit 
matériel ,  qui  n'étant  que  le  fenti- 
ment  du  mal  n'eft  point  une  faute, 
$c  que  Dieu  n'impute  pointil'autrc 
qui  félon  le  même  langage,fcroit  un 
péché  formel ,  qui  eft  puniiTable  , 
parce  qu'il  n'eft  autre  chofe  que  le 
confentement  au  mal.  Le  premier 
qui  eft  contraire  à  la  pcrfedtion  de 
la  juftice  ne  rend  l'homme  que  mi- 
férable  ,  parce  qu'il  eft  oppofé  à  un 
précepte  que  nous  ne  pouvons  pas 
accomplir  en  cette  vie  ;  le  fécond  , 
qui  regarde  l'acftion  même  de  la  ju- 
ftice ,  devient  puniftable  ,  comme 
étant  contraire  à  un  précepte  dont 
l'accomplifTement  nous  eft  poflible 
en  cette  vie  même.  S.  Paul  l'entcn- 
doitdans  le  premier  fens ,  lorfqu'il 
fe  plaignoit  d'un  péché  habitant 
dans  fa  chair ,  lorfqu'il  déplore  la 
tyrannie  de  la  loi  de  fes  membres , 
.&  lorfqu'il  nous  affuroit  qu'après 
avoir  prié  trois  fois  le  Seigneur  de 
le  délivrer  de  cette  Servitude  ^  il 


T,  175  ^       ,        i^i 

n'avoit  pu  être  exaucé. 

Cependant  il  a  plu  à  Janfcnius 
dont  on  relevé  ici  trois  infigncs  iii- 
fîdclitcz  dans  l'expofitiond'un  feul 
Texte  de  S.  Auguftin  de  tranfpor- 
ter  au  péché  formel  tout  ce  que  le 
Saint  Docteur  ne  dit  que  du  péché 
matericl,afin  d'avoir  droitd'en  con- 
clure que  les  juftes  font  quelque- 
fois ncceftités  au  pcché. 

S.  Auguftin  fc  contormoit  au  lan- 
gage Ecclefiaftique  &  Théologique 
qui  étoit  en  vogue  de  fon  tems  en 
appcllant/'^c/je  non  feulement  une 
faute  ,  mais  encore  tout  défaut  non 
criminel  de  la  volonté  qui  déroge 
à  la  noblefte  de  notre  origine ,  &c  à 
h  perfection  de  l'état  d'innocence  â 
laquelle  les  Pélagiens  vouloicnt 
qu'on  pût  prétendre  Se  atteindre 
en  cette  vie  par  les  feules  forces  de 
la  nature. 

Notre  Auteur  après  avoir  expofc 
l'objet  de  la  controverfe  entre  les 
Catholiques  &  les  Pélagiens  fur 
l'ignorance  ,  employé  encore  le 
même  principe  pour  expliquer 
quelle  forte  de  péché  eft  attachéàl'i- 
gnorance  invincible  ,  &  quels  font 
fes  effets.  Selon  S.  Auguftin  toute 
ignorance  invincible  excufe  du  pé- 
ché qui  eft  contre  l'adion  de  la  ju- 
ftice, &  nulle  ignorance  même  in- 
vincible ne  peut  excufer  du  péché 
qui  eft  contre  la  perfedion  de  la  ju- 
ftice. Tel  eft  ,  dit-on ,  le  noeud  que 
Janfenius  a  feint  de  ne  pas  voie 
pour  rendre  le  Saint  Dodcur  comr 
plice  de  fes  égaremens. 

L'Evêque  d'Yprcs  par  rapport  à 
la  forte  de  liberté  que  nous  avons 
perdue  par  le  péché ,  déguife  enco-. 


^62  JOURNAL    D 

le  le  véritable  crat  de  la  queftioa, 

L'Auteur  entre  là-dclTus  dans  un 

srand  détail.  Une  des  erreurs  de 

/  Il 

Pelage  etoit  que  1  homme  avoit  un 

pouvoir  d'indifférence  &C  une 
exemption  de  la  fimple  neceffité 
non  feulement  au  regard  de  tout 
confcntement  au  mal ,  mais  au  re- 
gard de  tout  fentiment  du  mal. 
S.  Auguftin  montre  au  contraire 
que  depuis  le  pcché  d'Adam  notre 
volonté  n'a  plus  fur  fcs  fentimcns 
le  domaine  nccelTaire  pour  la  pcr- 
fedion  de  la  jufticc  ,  puifqu'il  lui 
eft  impolTible  d'éteindre  tous  les 
mouvemens  de  la  concupifcence  -, 
mais  il  foûtientque  parla  grâce  du 
Rédempteur  nous  confervons  tou- 
jours fur  nos  fentimcns  le  domaine 
necelTaire  pour  l'adion  de  la  jufti- 
ee  -,  Se  ce  domaine  fur  nos  confen- 
temens  qui  n'cft  point  accompagné 
comme  dans  l'état  d'innocence  du 
domaine  fur  nos  fentimens^efl  une 
liberté  affoiblic. 

Refte  enfin  à  fçavoir  quelle  grâ- 
ce ,  félon  S.  Augultin  ,  eft  irrefifti- 
Me  de  fa  nature  ,  Se  nous  eft  ordi- 
nairement refufée  ;  car  on  trouve 
enfin  dans  le  Saint  Dodcur  une 
forte  de  grâce  revêtue  de  prefquc 
toutes  les  qualitez  que  Janfcnius 
attribue  à  celle  qu'il  a  imaginée. 
Une  grâce  qui  eft  eiTentiellement 
une  délégation ,  qui  eft  non  feule- 
ment efficace  ,  mais  même  irrefi- 
ftible  ,  &  que  Dieu  refufe  dans  le 
befoin  même  aux  plus  juftes.  Mais 
cette  grâce  ,  félon  Saint  Auguftin  ^ 
n'cft  pas  la  grâce  médicinale  de 
J.  C.  &:  voilà  ,  dit-on  ,  la  fuperche- 
lâcdé  Janfenius  ;  mais  la  grâce  de 


ES   SÇAVANS; 

l'état  de  fanté  neccftaire  à  la  perfec- 
tion de  la  jufticc  ,  &  qui  appaiticnt 
à  l'état  d'Adam  ,  &  à  celui  des 
bienheureux.  Or  cette  feule  &  der- 
nière grâce ,  félon  l'Auteur ,  eft  ef- 
fcnticUement  une  grâce  de  dcleifla- 
tion  &:dc  charité  ;  elle  feule  eft  ef- 
ficace d'elle-même  &  par  fa  natu- 
re ,  il  a  du  refte  grand  foin  d'avertir 
qu'en  cet  endroit  &  en  plufieurs 
autres ,  il  n'en  veut  qu'à  la  grâce  ef- 
ficace telle  que  Janfcnius  l'a  enfei- 
gnée  ,  que  fon  intention  n'eft  point 
de  noter  le  fentiment  des  Thomi- 
ftes  fur  la  prédérermination  phyfi- 
que  ,  ni  fur  la  grâce  efficace  pat 
elle-même  ,  au  fcns  qu'Alvarés  & 
Lemos  l'ont  cnfcignée  ;  mais  il  ne 
craint  pas  d'alfurer  que  fur  ce  point 
ils  font  abfolument  contraires  à 
S.  Auguftin. 

^Et  pour  qu'on  ne  le  fbupçonnc  pas 
d'expliquer  les  fentimcns  du  Saine 
Docteur  d'une  manière  nouvelle ,. 
il  foûtient  qu'avant  la  nai  (Tance  de 
Luther  &  de  Calvin,  tout  le  mon- 
de avoit  entendu  la  Dodtnne  de 
S.  Auguftin  de  la  même  manière 
qu'elle  eft  expofée  dans  ce  Traité  , 
ce  qu'il  prouve  en  particulier  de 
S.  Thomas  &  de  pluiîeurs  autres. 

Quoique  "Janfenius  avance  que 
fans  un  miracle ,  il  n'eft  pas  pollî- 
ble  à  un  homme  qui  n'a  lu  qu'une 
fois  les  Ecrits  du  Saint  Dodcur 
d'en  découvrir  le  véritable  fcns  ,  il 
eft  perfuadé  que  ce  Père  n'a  pas 
compofé  un  Apocalypfe  ,  Se  que 
tous  ceux  qui  feront  attention  au 
but  de  fes  Ouvrages ,  aux  défini- 
tions qu'il  y  donne,  &  aux  ar<Tu- 
mens  avec  lefquels  il  combat  les» 


A  ou  s 

iPelagiens  ^  Ce  convaincront  aifé- 
menf  de  l'étrange  oppofition  qui 
rcane  entre  les  fentimens  de  S.  Au- 
gullin  &ceux  que  Janfenius  lui  at- 
tribue ,  &  par  uneconfequence  ne- 
cefTaire  que  c'ell:  trùs  -  huirement 

3ue  Bayle  accufe  l'Eglife  Romaine 
'avoir  profcnt  la  Dodrine  de  faint 
Auguftin  en  profcrivant  celle  de 
Janfenius. 

Enfin  la  troifiémc  8c  dernière 
Partie  de  ce  Traité  a  pour  titre  : 
Examen  cCime  Clef  des  Ouvrages  de 
S.  Auguftin  nonvellemem  trouvée  a 
Tado'Ue.  C'eft  un  Ecrit  in-A,^.  impri- 
mé en  1730.  à  Padoiie  ,  fous  le  ti- 
tre de  Dijfertatio  ^nalytico-Theolo- 
gica  de  vero  intelleBu  trium  celeberri- 
morum  capitum  ,  &c.  C'ell-à-dire  , 
DilTertation Théologique  Se  Anali- 
îique  fur  l'intelligence  des  trois  fa- 
meux Chapitres  X.  XI.  &  XII.  du 
Traité  de  la  Correption  &  de  la 
Grâce  de  S.  Auguftin  ,  ou  fur  la 
véritable  &:  la  fiulTe  diftincliondes 
fecours  de  la  Grâce  par  Etienne  Lo- 
renzoni  Prêtre  de  la  Congrégation 
de  l'Oratoire  de  Padoiie. 

Notre  Auteur  nous  donne  la  ré- 
futation de  cet  Ecrit  ,  comme  une 
fuite  de  fon  premier  Traité.  Il  nous 
expofe  d'abord  le  but  du  P.  Lo- 
renzoni.  Ce  Théologien  fe  propofe 
de  rechercher  dans  fa  Differtation 
le  fentiment  de  S.  Auguftin  tou- 
chant le  fecours  de  grâce  que  reçut 
Adam,  &  en  quoi  il  eft  différent  du 
fecours  qui  eft  accordé  à  l'homme 
après  fa  chute.  Les  adverfaires  qu'il 

y  combat  font  les  dcffenfeurs  de  k 
grâce  verfatile  ;  terme  ,  dit  notre 

Auteur,  qui  fignifie  ce  qu'aucun 


T  ;  1 7  5  ?.^  4^5 

Catholique  n'a  jamais  avancé  , 
fçavoir  que  le  libre-arbitre  donne 
du  mouvement  &  de  l'adrion  à  la 
grâce.  Or  par  les  détenfeurs  de  la 
Grâce  verfatile  le  Père  Lorenzoni 
entend  les  taux  Thomiftes  qui  ex- 
cluent de  l'état  d'innocence  la  pré- 
dérermination  phyhque  Si  la  grâce 
efficace  par  elle-même.  Il  s'engage 
de  démontrer  qu'ils  entendent  mal 
les  trois  fameux  Chapitres  du  Trai- 
té de  la  Correption  &:  de  la  Grâce  „ 
qui  font  le  principal  appui  de  leur 
Syftêmc.  Nitre  Auteur  fondé  fut 
l'explication  qu'ila  donnée  cideffus 
au  fecours  qito  8c  fine  cjuo  non^mon- 
tre  que  le  Théologien  de  Padoiie 
n'entend  pas  mieux  ces  trois  Cha- 
pitres que  ceux  qu'il  entreprend  de 
réfuter ,  &  qu'il  ne  s'y  agit  ni  de  la 
grâce  verfatile ,  ni  de  la  prédéter- 
mination phyfique  ou  de  la  grâce 
efficace  par  elle-même  ;  en  un  mot 
d'aucune  grâce  aducUe  dans  la 
comparaifon  que  hit  S.  Auguftia 
des  deux  états  de  l'homme  avant  dc 
après  fon  péché,  mais  uniquement 
d'une  grâce  habituelle  ,  au  fens 
qu'on  l'a  déjà  expliqué,  &  qui  a 
été  marqué  diftinètement  par  pla- 
ceurs Théologiens  tant  anciens  qu* 
modernes. 

L'importance  de  la  matière,  l'ha- 
bileté de  diffcrens  points  de  Théo- 
logie que  l'Auteur  y  fait  entrer ,  & 
la  manière  dont  il  les  traite  nous 
engageroient  à  en  parler  plus  au 
long  ,  il  les  bornes  qui  nous  font 
prefcrites  nous  le  permcttoient. 

Nous  donnerons  dans  le  Jour- 
nal fuivant  l'Extrait  du  fécond  ôff 
troiûéme  Traité. 

Pppij 


4^4 


JOURNAL"    DES     SÇAVANS, 


GLOSSARIUM  AD  SCRIPTORES  MEDI^  ET  INFIMiK 
Latinitatis  :  Aud^orc  Carolo  diiFrcfne  Domino  du  Cangc^  Régi  à  Cory- 
filiis ,  Si  Francix  apud  Ambianos  Quxftore.  Editio  nova  ,  locupletior 
5c  audior  V  Opcra  &  ftudio  Monaclionim  Ordinis  Sandli  Bcncdidi  c 
Congregatione  Sandli  Mauri.  Parifiis ,  fub  Oliva  Caroli  Ofinont ,  via 
San-Jacobià.  i73  3.C'eft-à-dire  :  Glojfure  pour  l'intelligence  des  Ecri- 
vains de  la  moyenn:  &  de  la  b^ijfe  Latinité;  par  Charles  dit  Frefne^  Sieur 
du  Cange  ^  Confetller  du  Roi  &  Treforier  de  France  à  yimicfts.  Nouvelle 
Edition  ,  conftderabUment  aiigmemée  ,  par  les  foins  des  Religieux  Bénédic- 
tins de  la  Congrégation  de  S.  Maur.  A  Paris  ,  chez  Charles  Ofmont  ^ 
luë  S.  Jacques  ,  à  l'Olivier.  lyjj.  in-folio  ^  4.  vol.  Tom.  I.  col.  i}9?. 
fans  les  Préfaces  de  102.  pages.  Tom.  II.  col.  1705.  Tom.  III.  col. 
1679.  Tom.  LV.  coi.  1410.  planch.  dctach.  xii. 


LORS  Q_U  E  ce  grand  Ouvrai 
ge  vit  le  jour  pour  la  première 
fois  en  1678.  nous  en  rendîmes  un 
compte  exacl;  dans  notre  Journal , 
où  il  fit  la  matière  de  trois  Extraits. 
Les  gens  de  Lettres  fentircnt  d'a- 
bord tout  le  mérite  &  toute  l'utili^ 
té  d'un  pareil  GlolTaire  qui  leur 
manquoit,  &  dont  on  n'avoit  vu 
jufqu'alors  que  quelques  Eflais 
très-informes  :  ce  qui  procura  un 
prompt  débit  de  cette  première 
Edition  ,  &  en  confequence  ,  le 
befoin  preflant  d'une  féconde.  Les 
Libraires  de  Francfort  la  donnèrent 
en  17 10.  mais  fort  inférieure  à  celle 
de  Paris ,  foit  pour  la  beauté  du  pa- 
pier &  des  caradercs  ,  foit  pour 
i'cxaditude  de  la  corredion  -,  les 
Editeurs  ayant  même  négligé  de 
placer  jufle  chacun  en  fon  lieu  les 
divers  articles  de  ïyippendix  de  ce 
GlolTaire,  imprimée  à  la  fin  de  celui 
qu'ivoit  publié  M.  du  Cange  pour 
k  Langue  Grecque  ,  en  lûKS.  Du 
rcûe,  cette  féconde  Edition  n'ajoû- 
toit  rien  au  piemici  travail  de  l'Au- 
teur. 


Il  y  a  quinze  ans  que  les  Reli- 
gieux Benedidins  conçurent  le  def- 
fein  d'une  réimpreilîon  de  cet  im- 
portant Ouvrage  ,  &  de  l'enrichir 
de  nombreufes  additions.  Le  gqnrc 
de  leurs  cnides  ,  qui  cmbralfent  , 
entre  plufieurs  connoiflanceSj  celle 
des  Manufcrits  de  tout  âge,  les 
mettoir  à  portée  de  rendre  ces  noi> 
veaux  Supplémens  très-dignes  de 
paroîtrc  avec  ce  qui  conftituoit  le 
tonds  primitif  de  ceGloiTaire.  Non 
contens  d'avoir  formé  un  projet  û 
avantageux  à  la  Republique  des 
Lettres ,  ils  promirent  au  Public 
de  lui  donner  incelTamment  cette 
nouvelle  Edition.  Cependant  \  dix 
ans  fe  font  écoulés ,  fans  qu'il  it 
foit  apperçu  qu'en  fe  mît  en  devoir 
de  remplir  les  efperances  qu'on  lui 
avoit  fait  naître.  C'eil  de  quoi  les 
nouveaux  Editeurs  lui  font  des  cx- 
cufes  à  la  tête  de  leur  Préface  :  lui 
marquant  même  la  crainte  où  ils 
font,  que  malgré  leurs  foins  aie 
payer  enfin  avec  ufure  d'une  fl  lon- 
gue attente  ,  il  ne  fe  ctoye  eo  droic. 


A  O  U 

de  fe  plaindre  '  qu'on  ne  lui  livre 
encore  aujourd'hui  qu'une  partie  de 
ee  qu'il  fe  flattoit  de  reccvoir:car  les 
quatre  Volumes  dont  il  cft  ici  que- 
ftion  ne  conduifent  l'alphabet  que 
jufqu'i  la  lettre  (  O  )  incluiîve- 
ment.  Mais  tous  ces  retardemens  , 
loin  d'exciter  fes  plaintes ,  doivent 
plijtôt  l'engager  à  des  fentimens  de 
reconnoiflance  envers  les  favans 
Editeurs,  qui  ont  fçu  mettre  à  pro- 
fit pour  laperfedion  de  cet  Ouvra- 
ge tout  le  tems  que  leuro.  laifTé  le 
long  délai  de  fa  publication.  En 
cfFet,  ils  ont  eu  le  loilir  de  fouiller 
«lans  les  Bibliothèques  &  dans  ks 
Archives  ,  de  feuilleter  les  Car- 
«ulaires  &  les  vieuxTitres ,  de  par- 
courir les  Livres  imprimés  relatifs 
à  ces  matières ,  de  confulter  leuïs 
Confrères  de  tout  Pays  &  grand 
nombre  de  Sçavans  en  ce  genre  de 
Littérature  -,  ce  qui  leur  a  produit 
la  plus  abondante  moilfon. 

Ileftvrai,  &  ils  en  font  l'aveu  , 
que  leur  travail  a  été  ralenti ,  & 
même  difcontinué  par  divers  con- 
tretems.  Ceux  de  leurs  Religieux 
qui  d'abord  s'en  étoient  chargés  & 
qui  étoient  fort  capables  de  s'en 
acquitter  dignement  ,  ou  font 
morts  ,  ou  font  devenus  infir- 
mes. U  a  fallu  leur  en  fubftituer 
d'autres ,  &  accorder  à  ceux-ci  un 
tems  fuffifant  pour  fe  mettre  en  état 
d'entrer  dans  la  même  carrière  ,  & 
de  la  fournir  avec  honneur.  Car  la 
grande  réputation  de  l'Ecrivain 
dont  ils  entreprenoient  de  devenir 
les  Continuateurs,  les  a,  poux  ainll 
dire,tenus  iong-tenxsen  échec;  trop 
èe.  modcftie  leur  faifant  appréhert 


S  T  ,  1 7  3  j;  45y 

derque  leurs  travaux  comparés  avec 
ceux  d'un  homme  d'un  mérite  fu- 
périeur  &  univerfclicment  recon- 
nu pour  tel  dans  cette  forte  d'éru^ 
dition  ,  ne  prélcntafTentau  Public 
un  parallèle  humiliant  pour  eux. 
D'ailleurs  l'étendue  immenfe  du 
fujet  qu'ils  avoicnt  à  traiter  ,  étoLc 
bien  capable  (  difcnt-ils  )  de  leur 
infpircr  quelque  défiance  de  leurs 
forces.  Car  ce  fujet  embrafie  la  dif- 
cufliîon  de  plufieurs  points  de 
Théologie  ,  i'éclairciflement  ds 
plufieurs  difficultés  concernant 
i'Hiftoire  ,  la  Chronologie  &  la 
Géographie  ;  l'explication  de  tout 
ce  qui  regarde  les  Rites,lesMœur&, 
les  Dignitcz  &  les  Charges ,  tant 
Ecclcfiaftiques  que  Liïques  ,  l'in- 
terprétation de  ce  qu'il  y  a  d'obfcur 
dans  les  anciennes  Loix  &  les  an- 
ciennes Coijtumes  ,  ainfi  que 
dans  les  Formules  du  Barreau.  Or 
c'eft  fur  quoi  M.  du  Cange  ne  laif- 
fc  prefque  rien  à  fouhaiter  dans  les 
divers  articles  qui  compofcnt  fon 
Glofiaire  ;  &  c'eft  fur  quoi  il  n'é- 
toit  pas  facile  de  fuivre  fes  traces  , 
dans  ceux  qu'on  fe  propofoit  dé 
joindre  aux  fiens. 

Beaucoup  de  gens  s'imaginent 
que  pour  un  Ouvrage  de  cette  na- 
ture ,  il  fuffit  de  rafiembler  quanti» 
té  de  mots  ,  &c  de  les  infcrire  fur 
des  feuilles  volantes  aufquelles  on 
donne  dans  la  fuite  un  certain  ar- 
rangement. Tel  eft  à  la  vérité  le 
premier  canevas  d'unGlofiaircimais 
dans  cet  arrangement  quel  ufage 
ne  doit-on  pas  faire  de  la  critique 
la  plus  judicicufe  ,  pour  afligner  les 
différentes  fignifications  de  chacun. 


4^5  JOURNAL  D 

de  CCS  mots, pour  en  dccoiivrir  l'é- 
tymologie  ,  &  pour  contirmcr  ces 
fortes  de  dccilîonspar  des  autoritez 
capables  de  dilîîpcr  les  doutes  î  II 
faut,  pour  y  rcullîr,  avoir  pallc  fa 
vie  ,  comme  a  fait  l'Auteur  ,  dans 
des  recherches  fi  épincufes  ,  ou 
fuppléer  par  le  nombre  des  Ou- 
vriers ce  qui  manqueroit  à  chacun 
d'eux  par  rapport  à  la  longue  perfe- 
vcrance  dans  un  fembiable  travail  : 
&  c'cft  ce  qu'on  a  fait  pour  l'Ouvra- 
ge dont  il  s'agit. 

Mais  (  dira  -  t  -  on  )  l'Auteur  a 
franchi  les  bornes  que  lui  prefcri- 
voit  fon  fujet.  11  devoit  s'en  tenir  à 
la  fimple  interprétation  des  mots,& 
ne  point  s'engager  dans  une  longue 
difcullîon  des  chofes  fignifiées  par 
ces  mots.  C'eft  de  quoi  ne  convien- 
nent pas  les  nouveaux  Editeurs.  Ils 
prétendent  que  M.  du  Cange  ayant 
deftiné  fon  GlolTaire  à  faciliter  l'in- 
telligence d'un  certain  genre  d'Ecri- 
vains ,  il  a  dû  ,  conformément  à 
fon  titre  ,  développer  &  mettre  en 
un  plein  jour  les  moeurs  de  nos  an- 
cêtres prefque  cnfevelics  dans  l'ou- 
bli ,  fans  fe  renfermer  uniquement 
dans  des  minuties  grammaticales , 
comme  ont  fait  les  Compilateurs 
de  quelques  autres  GlolTaires.  ' 

Mais  (  ajoûtera-t-on  )  ces  mê- 
mes points  fe  trouvant  difcutés  élé- 
gamment &  avec  plus  d'étendue 
par  des  Auteurs  du  premier  ordre , 
qui  en  ont  traité  exprelTcment  : 
quelle  necellité  de  les  approfon- 
dir dans  un  Di^lionnaire  ?  On 
peut  répondre  à  cela  ,  que  tout  le 
monde  n'ayant  pas  fous  la  main  ces 
fortes  d'Auteurs  pour  les  confulter 


ES   SÇAVANS. 

dans  le  befoin ,  il  e(l  beaucoup  plus 
commode  de  trouver  dans  un  feul 
&  même  Livre  l'éclaircilTement  de 
tous  fes  doutes,  par  rapport  à  cer- 
taines matières  ;  fans  compter  que 
le  Gloflairc  de  M.  du  Cange  ren- 
ferme une  infinité  d'articles  oii 
perfonne  n'avoir  touché  ,  &:  qui 
fans  fon  fccours  feroient  encore 
peut-être  totalement  ignorés. 

Le  reproche  fait  à  notre  Auteur 
par  un  Ecrivain  célèbre  ,  d'avoir 
inféré  dans  fon  GlolTaire  des  termes 
étrangers  qui  ne  dévoient  point  y 
entrer ,  paroît  tout  auffi  mal  fondé 
à  nos  Editeurs.  Car  ces  termes ,  ou 
fervent  à  illuflrer  plufieurs  faits 
concernant  notre  Hiftoire  ,  ou  fe 
ilfent  dans  des  ades  écrits  en  Latin, 
ou  donnent  du  jour  à  d'autres  ex- 
prelBons  ,  qui  fans  eux  refleroient 
inexplicables. 

Après  ces  Préliminaires  ,  les 
nouveaux  Editeurs  expofent  en 
peu  de  mots  quel  a  été  leur  plan  ou 
leur  Syllémc  dans  cette  Edition.  Ils 
fe  font  propofé  en  premier  lieu  d'y 
raffembler  tous  les  articles  omis  pat 
M.  du  Cange  ,  ôc  qu'il  auroit  pu 
recueillir  lui-même  en  fort  grand 
nombre  pour  en  former  un  Sup- 
plément à  fon  Ouvrage ,  comme  il 
le  reconnoît ,  en  difant  qu'il  avoit 
laiifé  de  quoi  glaner  amplement  i 
ceux  qui  voudroicnt  s'exercer  après 
lui  dans  ce  genre  d'étude.  De  plus, 
comme  depuis  la  première  Edition 
de  ce  Glolfaire  ,  on  a  publié  un 
nombre  prodigieux  de  Pièces 
Anecdotes,  d'Hilloires  de  Nations, 
de  Provinces  &  de  Villes  ,  accom- 
pagnées de  leurs  titres  juftificjtifs  ; 


A  O  U  s 

nos  Editeurs  y  ont  puifé  de  nouvel- 
les richeffcs ,  en  y  apportant  néan- 
moins quelque  forte  de  choix  -, 
c'eft-à-dire  ,  en  retranchant  tout  ce 
qu'avoit  déjà  fuffifamment  cclairci 
M.  du  Cange  ,  &  tout  ce  qu'on  au- 
roit  pu  regarder  comme  étranger  à 
leur  îujct. 

Ils  fe  perfuadent  qu'on  ne  met- 
tra point  en  ce  rang  ,  fur-tout  par 
rapporta  un  Ouvrage  qui  doit  aflii- 
rer  aux  anciens  Diplômes  toute  leur 
autorité  ,  les  fuites  chronologiques 
qu'ils  ont  dreffées  des  Chanceliers, 
des  Notaires  &  des  autres  Officiers 
qui  llgnoient  les  Lettres  ,  les  Dé- 
clarations &  les  Ordonnances  des 
Souverains.'  Les  Editeurs  en  ont 
fait  autant ,  à  l'exemple  de  M.  du 
Cange  ,  par  rapport  à  d'autres  ma- 
tières beaucoup  moins  relatives  à 
ce  premier  objet  :  &  c'eft  de  quoi 
ils  auroient  pu  fe  difpenfer ,  fans 
cette  raifon  de  conformité  avec  leur 
guide. 

A  plus  forte  raifon  ont-ils  dû  fai- 
re des  additions  confiderables  à  ce 
que  celui-ci  avoit  déjà  obfervé  fur 
nos  Monnoyes  Si  fur  les  Palais  de 
îios  Rois.  Ce  qu'ils  ont  ajouté  a  la 
Notice  des  premières ,  cft  d'autant 
plus  digne  d'attention  ,  qu'ils  ont 
conduit  cette  recherche  jufqvi'à  no- 
tre tems  ;  Se  la  pofterité  devra  leur 
tenir  grand  compte  d'avoir  fait  pour 
elle  jufqu'àcetteEpoque  tous  lesfrais 
de  cette  laborieufe  perquifition  qui 
leur  a  fourni  dans  leur  quatrième 
Volume  459  articles  nouveaux  & 
69  additions  fur  la  Monnoye  en 
général  &  fur  celles  de  nos  Rois , 
depuis  Philippe   Augufte  jufqu'à 


T  ;    175  5-  4^7 

prefent  ;  fuivis  de  70  articles  nou- 
veaux &  de  25  additions  fur  les 
Monnoyes  de  nos  Barons  :  le  tout 
ilUiftré  par  des  planches  gravées 
qui  reprefentent  ces  Monnoyes. 
D'un  autre  côté  ,  en  joignant" aux 
noms  des  anciens  Palais  fpccifiés 
par  l'Auteur ,  ceux  qu'ils  ont  ren- 
contrés de  nouveau  en  feuilletant 
les  vieux  Titres ,  ils  fe  font  appli- 
qués à  en  décrire  exadement  la  fi- 
tuation  ,  ce  qui  jette  certainement 
de  grandes  lumières  fur  plufieurs 
circonftances  de  notre  Hiftoire.On 
trouvera  ,  de  plus ,  fur  le  mot  Feit^ 
dum  (  Fiet  )  91  articles  nouveaux:^: 
ainfi  de  quantité  d'autres. 

Peut-être  (contmuent  nos  Edi-" 
leurs  )  ne  jugera-t-on  pas  auffi  fa- 
vorablement de  la  DilTertation  où 
ils  s'efforcent  de  découvrir  l'origi- 
ne du  Collège  Eledroral.  Cepen- 
dant cette  queftion  fi  difficile  &C 
non  encore  fuffifamment  dévelop- 
pée cft  d'une  grande  importance 
pour  bien  démêler  pluiieurs  faits 
hiftoriques  du  moyen  âge  ;  &  ils 
s'étonnent  que  M.  du  Cange  ait  tié- 
gligé  de  la  traiter.  Quant  aux  autres 
additions,  ils  déclarent  en  général 
qu'ils  les  ont  réduites  à  ce  qui  leur 
a  paru  vrayement  neceffaire -,  bien- 
entendu  pourtant  que  dans  cette  rc-- 
dudrion  ,  ils  ont  mieux  aimé  courir 
ic  rifque  de  travailler  inutilement  à 
l'inftrudion.d'un  Ledeur  déjà  au' 
fait  ,  que  de  laifler  dans  fon  igno- 
rance UR  autre  qui  fcroit  peu  in-- 
ftruit  :  outre  qu'il  arrive  fouvcnt 
q:ue  ce  qui  nous  femble  trivial  cft- 
ignoré  de  plufieurs  Sçavans ,  ou  de- 
mande à  être  appuyé  fur  de  nouveSt 


^58  JOURNALD 

les  autoritez  :  ce  qui  a  oblige  nos 
Auteurs  à  multiplier  les  exemples 
dans  plufiturs  articles. 

A  l'égard  des  petites  Tables 
qu'ils  ont  mifcs  au-delTous  des  Ta- 
bles Clironologiques  drelFées  par 
J'Auteur  pour  faciliter  l'intelligen- 
ce des  Ecrivains  du  moyen  âge  ,  & 
même  pour  mieux  dilccrner  les 
vrayes  Diplômes  d'avec  ceux  qui 
font  faux  ou  fuppofcsi  nos  Editeurs 
neles  ont  ajoutées  ('ces  petites  Ta- 
bles )  qu'en  vue  d'applanir  lesdiffi- 
cultcz  qui  nailFent  quelquefois  des 
différentes  notes  chronologiques , 
Se  qui  ne  lailTcnt  pas  d'embarralfer 
les  Sçavans.  Pour  remédier  donc 
à  cet  inconvénient  ,  les  Editeurs 
ont  drefTc  cinq  petites  Tables  qui 
mettent  fous  les  yeux  les  Epades 
de  chaque  année  avantla  corre(fVion 
du  Calendrier  ;  le  jour  des  nouvel- 
les Lunes  pour  chaque  mois  ;  le 
nombre  de  ce  qu'on  appelle  en  ter- 
mes de  chronologie  Concurrens  ou 
Epades  du  Soleil  ;  l'ufage  de  ce 
que  l'on  nomme  Clefs  des  termes , 
jqui  ctoit  d'indiquer  le  jour  où  l'on 
dcvoit  célébrer  le  Dimanche  de  la 
Septuagéfime  &  les  autres  Fêtes 
Mobiles  ;  le  premier  jour  de  cha- 
que mois  pour  chaque  année  avant 
&c  depuis  la  corredion  Grégorien- 
ne ;  quel  jour  du  mois  répond  à 
chacun  des  jours  de  la  Semaine.  Ces 
petites  Tables  ont  encore  ,  quoique 
plus  rarement  ,  un  ufage  qui  eft 
d'une  grande  commodité.  Quel- 
qu'un veut  favoir  quelle  eft  l'Epo- 
que d'un  événement  qui  l'interelTc, 
éc  dont  il  eft  fait  mention  dans  une 
Chartre  dattéc  d'une  manière  ya- 


ES  sçavans; 

gue  &  incertaine  ,  par  exemple  ,  dt 
Lajïxiéme  Férié ,  dans  le  mois  d'Oilo' 
hre  ,  le  premier  jour  de  Li  Lune  ^  fout 
le  règne  de  Philippe  Roi  de  France. 
Il  fait  avec  certitude  que  cet  ade 
a  été  expédié  depuis  l'année  1073. 
&  avant  l'année  10S4.  ,  &  qu'il  ne 
peut  être  rapporté  à  aucun  autre 
tems.  Il  s'agit  donc  de  trouver  à  la- 
quelle des  dix  années  comprifes  en- 
tre ces  deux  termes  on  doit  le  frxcr: 
&  c'cû  à  quoi  fervent  les  Tables 
Chronologiques  de  M.  du  Cange  , 
accompagnées  de  celles  des  Edi- 
teurs j  comme  ils  le  font  voir  dans 
leur  Préface. 

Ils  foHt  cependant  fort  éloigne* 
de  prétendre  que  quelque  vice  dans 
les  dqtes  d'une  ancienne  Chartre 
doive  la  faire  pa^Ter  pour  fauffe  ou. 
du  moins  pour  interpolée  ;  puifqu'il 
eft  très  -  podlble  qu'un  Notaire, 
même  des  plus  exads ,  fe  trompe 
aux  chiffres ,  en  mette  un  de  trop, 
ou  en  omette  un  autre.  Que  fera-cç 
(  ajoiîtent-ils  )  G  le  Scribe  eft  ou 
trop  négligent  ou  trop  hardi  ;  Le 
titre  p'en  fouffrira-t-il  point  quel- 
que changement  ou  quelque  omif- 
fion  ?  Mais  doit-il  être  regardé 
pour  cela  comme  fuppofé  3  On  ne 
îauroit  donc  prononcer  là  -  deflus 
avec  trop  de  circonfpedion  Jufqu'à 
ce  qu'on  ait  despreuves  convaincan- 
tes de  faufleté.  Ajoutez  à  cela  le  peu 
d'uniformité  dans  la  manière  de 
dattcrccs  fortes  d'Ades  parmi  les 
differens  peuples  où  l'on  hxoit  di- 
verfcment  le  commencement  des 
années  ,  des  Indidions  &  des  Rè- 
gnes; pour  ne  rien  dire  des  Notaires 
ignorans ,  qui  en  vue  de  f^ire  para- 
de 


A  O  U 

^  de  leur  prétendue  habileté  ,  en 
taffoient  à  l'avanture  dattes  fur 
dattes;ce  qu'il  eft  quelquefois  trcs- 
difïicilc  de  concilier  avec  l'ufage 
ordinaire.  D'où  les  nouveaux  Edi- 
teurs prennent  occaiîon  d'accufer 
d'imprudence  ceux  qui  peu  verfcs 
dans  la  Diplomatique  ,  décident 
fouverainement  de  la  fuppolition 
d'un  Adle  fur  quelque  tache  de 
cette  nature  qu'ils  s'imagineront  y 
avoir  découverte. 

Les  Editeurs  pour  l'arrangement 
des  mots  de  ce  Gloifaire  ,  fe  font 
prefcrit  le  même  ordre  <]u'a  fuivi 
l'Auteur.  C'eft-à-dire  ,  que  fins 
s'attacher  trop  fcrupuleufemcnt  à 
l'ordre  alphabétique  ,  ils  lui  ont  en 
certains  cas  préféré  l'étymologi- 
que, ayant  égard  au  fecours  mutuel 
que  plufieurs  mots ,  pour  devenir 
plus  intelligibles  ,  fe  prêtent  les 
uns  aux  autres  à  la  laveur  de  cet  ar- 
rangement. Pour  marque  de  leur 
refped:  envers  M.  du  Cange  ,  ils 
ont  diftingué  des  articles  apparte- 
nans  à  cet  Auteur  ceux  qu'Us  ont 
ajoutés  en  les  indiquant  par  la  mar- 
que appcWèe  pied-de-mouche  en  ter- 
mes d'imprimerie  ■■,  une  main  défi- 
gne  les  éclairciflemens  qu'ils  don- 
nent ou  les  correftions  qu'ils  font 
aux  articles  de  l'Auteur  ;  &  ils  ren- 
ferment entre  deux  crochets  les  ad- 
ditions qu'ils  ont  cru  devoir  inférer 
dans  fon  Texte  même. 

Pour  la  commodité  du  Lefteur  , 
ils  ont  eu  foin  de  numéroter  les 
mots  qui  à  raifon  de  leurs  différen- 
tes acceptions  forment  divers  arti- 
cles:enforte  qu'on  peut  apperccvoir 
d'un  coup  d'oeil  tout  ce  qui  con- 


S  T,   175  j.  4(^j? 

cerne  le  mot,  des  fignifîcations  du- 
quel on  veut  être  inlbuit.  C'eft  ce 
qu'on  peut  voir  dans  les  mots  Ahfi. 
da  ,  Commenda  ,  &:c.  Ils  ont  eu  en- 
core diverfes  attentions  qui  ten- 
dent au  même  but ,  c'eft-à-dire  , 
au  foulagement  du  Ledeur  ,  Se 
dont  il  ne  manquera  pas  de  leur  fa- 
voir  gré  ;  par  exemple  ,  d'avoir  fait 
enforte  que  chaque  Lettre  de  l'or- 
dre alphabétique  commençât  &  fi- 
nît toujours  dans  un  même  Tome  ,' 
que  chaque  Tome  fût  d'une  grof- 
feur  médiocre  Si  parla  moins  fati- 
guant à  manier,  &c. 

Si  leur  attachement  fcrupuleax  à 
fe  propofer  par-tout  M.  du  Cange 
pour  modèle ,  leur  attire  qaelque 
cenfure  de  la  part  des  Critiques  :  ils 
la  fouffriront  fans  peine  ,  &  ils  fe- 
ront gloire  des  prétendues  erreurs 
qui  leur  feront  communes  avec  ce 
fçavant  homme.  Ainli  ils  ne  feront 
nulle  difficulté  d'avotier  qu'ils  ont 
laiiTé    fans    explication    plulîcurs 
mots ,  faute  de  les  entendre  ;  que 
fur  l'interprétation  de  plufieurs  au- 
tres ,  ils  n'ont  donné  que  des  con- 
jeârures  -,   qu'ils  ont  admis  dans  ce 
GlolTaire  quelques  termes  barbares 
&  abiolument  étrangers  à  la  Lan- 
gue Latine  ,    &c.  Quant  aux  er- 
reurs qui  leur  feront  particulières  ,' 
ils  font  trés-difpofés  a.  les  reconnoî- 
tre  &  à  les  corriger.  Us  prient  mê- 
me avec  inftance  lesSçavansqui  au- 
roient  des  Colledions  de  ce  genre  " 
de   les    leur  communiquer  ,    afin 
qu'ils  puiffent  en  faire  ufage  pouc 
le  Supplément  qu'ils  préparent  ,  Se 
qui  fuivra  de  près  les  deux  derniers 
Volumes  de  ce  Gloffaire. 


470       JOURNAL    D 

Us  terminent  leur  Préface  par 
des  témoignages  publics  de  rccon- 
noiflancc  accompagnes  d'éloges  , 
envers  ceux  qui  leur  ont  été  de 
quelque  fccours  dans  l'important 
Ouvrage  qu'ils  publient.  De  ce 
nombre  font  les  célèbres  BoUandi- 
ftes  ou  Compilateurs  des  Aiftes  des 
Saints  :  M.  Aiuratori  Se  la  Société 
Palatine  ,  dans  leurs  Ecrivains  d'I- 
talie ;  MM.  de  Latiriere  ScSecouJ/è, 
dans  le  Recueil  des  Ordonnances 
de  nos  Rois  ;  les  PP.  Dom  Edmond 
A'fartene  6c  Dom  Urfin  Durand , 
dans  leurs  Anecdotes  -,  M.  Rymer  , 
dans  fcs  Acics  publics  d'Angleter- 
re ;  M.  de  Md\jtHgnes  ^  Prélldent 
au  Parlement  de  Provence  ,  &  di- 
gne héritier  de  M.  de  Peirefc  ;  M. 
j^itbret ,  qui  travaille  adluellement 
à  l'Hiftoire  de  la  Principauté  de 
Dombes  ;  D.  Thomas  le  Foitniier  , 
Bénédictin  de  Marfeille  ;  M.  l'Ab- 
bé S  ail  ter, G2.ràc  de  laBibliothequc 
du  Roi-,  M.  le  Beuf  ^  Chanoine  & 


ES     SÇAVANS, 

Sous-Chantre  de  l'Eglife  d'Auxer- 
re  ;  MM.  Maillart  &  Brunet ,  Avo- 
cats au  Parlement  de  Paris  ;  M.  de 
la  Curne  de  Sainte  Palaye ,  qui  s'ap- 
plique à  illuftrer  les  vieux  mots  de 
la  Langue  Françoife  i  &  par  defTus 
tout^M.  Lancelot^  à  l'érudition  très- 
variée  duquel^  ainfi  qu'à  fes  curieux 
Manufcrits  &  à  fon  caradere  égale- 
ment généreux  &  communicatif  ils 
déclarent  avoir  de  trés-grandcs  obli- 
gations. On  voit  à  la  tête  de  tout 
l'Ouvrage  le  portrait  gravé  de  M. 
du  Cange  ,  accompagné  d'une 
Lettre  de  feu  M.  Baluze  à  M. 
l'Abbé  Renaudot ,  laquelle  contient 
un  détail  de  la  vie  Se  des  Ouvrages 
de  notre  Auteur ,  avec  fon  Epita- 
phe.  Au  furplus ,  le  Public  trouve- 
ra fans  doute  cette  nouvelle  Edition 
bien  exécutée  ,  quant  au  papier  Bc 
aux  caraderes ,  au  choix  defquels  il 
paroît  que  le  Libraire  a  donné  tous 
fes  foins. 


CONTINUATIO  PR^LECTIONUM  THEOLOGICARUM 
Honorati  Tourncly  ,  five  Tradatus  de  univerfa  Theologia  moral:. 
Tomus  primus  continens  Tradatus ,  primus  de  Juftitia  &  Jure.  Se- 
cundus  de  Contradibus,  &c.  C'ell-à-dire  :  Cominiiatian  des  Leçons 
T^éologiciHes  de  M.  Tournely  ,  ou  Traitez  fur  toute  laThéologic  Monde. 
Tome  I.  contenant  deux  Traite"^ ,  le  premier  fur  le  Droit  &  de  la  Jnflice 
le  fécond  fur  les  Contrats.  A  Paris ,  chez  la  Veuve  Mazjere  ,  rue  S.  Jac- 
ques ,  à  la  Providence.  1733.  vol.  in-%°. 


IL  eût  été  à  fouhaiter  ,  dit  le 
Continuateur  dans  fa  Préface  , 
que  M.de  Tournely  eût  eu  le  tcms 
de  faite  fur  la  Théologie  Morale , 
ce  qu'il  avoit  exécuté  avec  tant  de 
lumières  &  de  folidité  fur  la  Théo- 
logie Spéculative  ,  mais  la  mort 


l'ayant  enlevé  avant  qu'il  eût  pu 
achever  un  fi  grand  defTein.  On  a 
cru  devoir  le  continuer  pour  le 
bien  de  l'Eglife  ,  &  principale- 
ment pour  l'utilité  Aa  jeunes  Ec- 
clefiaftiques  qui  vivent  dans  les  Sé- 
minaires. 


A  O  U  s 

L'Auteur  fc  plaint  de  ce  qu'on 
néglige  aiTcz  communément  cette 
partie  de  la  Théologie  qui  regarde 
la  pratique  ,  Se  qui  apprend  à  déci- 
der les  cas  de  confcience.  La  fource 
de  cet  abus  vient ,  félon  lui ,  de  ce 
que  dans  les  Univcrlltcz  on  exami- 
ne toujours  ceux  qui  afpirent  aux 
dcgrez  fur  des  queftions  abllraites 
5c  curieufcs ,  Se  rarement  fur  les 
quellions  de  pratique.  Mais  il  mon- 
tre que  s'it-eil:  utile  de  ne  pas  igno- 
rer les  premières  ,  il  eft  abfolumcnt 
neccllaii-e  d'être  inftruit  des  fécon- 
des^ du  moins  lorfqu'onfedifpofe 
aux  différentes  fon<5l:ions  du  Sacer- 
doce.Sans  une  profonde  connoi  (Tan- 
ce des  décrets  des  Conciles ,  6:  de 
la  difcipline  ancienne  &  nouvelle 
de  l'Eglife  ,  il  eft  impolîîble  qu'on 
ne  faite  une  infinité  de  fautes  dans 
le  Miniftere.  Il  ne  faut  pas  fe  flat- 
ter ,  dit-il,  que  l'expérience  puilTe 
jamais  tenir  lieu  d'étude  ;  une  lon- 
gue expérience  qui  n'eft  point  foîi- 
tcnue  par  un  fond  réel  de  fcience, 
n'eft  qu'une  longue  habitude  d'er- 
reur. 

Il  exhorte  donc  les  jeunes  Eccle- 
fiaftiquesà  s'appliquer  particulière- 
ment à  la  Théologie  Morale  ,  5c  il 
fe  flatte  que  les  Traitez  qu'il  leur 
offre  j  pourront  les  aider  dans  ce 
travail.  Il  a  tâché  d'y  prendre  un 
jufte  milieu  également  éloigné  de 
la  rigidité  &  du  relâchement.  Il 
avertit  au  refte  ceux  qui  les  trouve - 
roient  trop  étendus  ,  qu'en  jettant 
les  yeux  fur  Leffius ,  le  Cardinal  de 
Lugo,  Molinaôi  les  autres  qui  ont 
traité  de  la  même  matière  ,  ils  ver- 
lont  qu'on  n'en  donne  ici  qu'un 


T  ;  1755;  471 

fimple  abrégé ,  Sc  quand  on  le  pof- 
fedcroit  parfaitement  ,  l'Auteur 
ajoute  qu'on  devroit  alors  fe  regar- 
der moins  comme  fçavanc  ,  que 
comme  en  état  de  douter  avec  fa-- 
geffe  ;  ce  qui  n'eft  pas  ,  continue  t- 
il ,  un  petit  avantage  dans  les  que- 
ftions  de  Morale. 

Comme  il  n'eft  pas  poflible  de 
donner  un  Extrait  fuivi  d'un  pareil 
Ouvrage  ,  nous  nous  contenterons 
d'en  rapporter  quelques  dccifions  , 
afin  de  faire  connoître  l'efprit  dans 
lequel  il  a  été  compofé. 

Le  premier  Traité  eft  divifé  en 
trois  Parties  ,  la  première  roule  fut 
la  Juftice  ,  la  féconde  fur  le  Droit, 
&  la  troifiéme  fur  l'injuftice  &  fur 
la  reffitution. 

Après  avoir  prouvé  dans  la  pre- 
mière Partie  que  la  Juffice  Légale 
eft  différente  de  la  juftice  propre- 
ment dite,  en  ce  que  celle-ci  oblige 
toujours  les  tranfgrefTeurs  à  reftitu- 
tion,au  lieu  que  celle-là  ne  les  yobli- 
ge  pas  précifément  par  ellç-mêmc  , 
l'Auteur  remarque  qu'il  y  a  cepen- 
dant des  cas  où  il  faut  raifonner  de 
la  Juftice  Légale  ,  comme  on  rai- 
fotine  de  la  Juftice  proprement 
dite. 

Il  eft  certain  ,  dit-il ,  que  le  Prin- 
ce a  un  droit  fi  inconteffable  d'im- 
pofer  des  tributs  fur  fes  peuples, 
qu'ils  peuvent  être  contrains  à  les 
payer  ,  même  malgré  eux.  Cui  vec- 
tigal ,  vecligd  ,  dit  S.  Paul ,  cni  tri- 
ùittum ,  tnbutum.  Or  par  ce  mot  de 
veEligal  on  entend  ce  que  nous  ap- 
pelions vulgairement  en  François 
Aydes  ,  Entrées  ,  Gabelles ,  &c, 
C'eft  fur  ce  principe  que  cette  pro; 


472  JOURNALD 

foCition  fiil'diti  pajjitiii  jtifla  rnhut.t 
non  folvere  ^  a  été  condamnée  par 
l'afTcmblée  du  Clcrç^é  en  1700. 

Sur  ces  fondemcns  l'Auteur  des 
Conférences  de  Paris ,  &  pluficurs 
graves  Théologiens  avec  lui  con- 
cluent que  ceux  qui  fraudent  les 
droits  des  Aydcs  ,  Entrées  &  Gabel- 
les ,  ordonnés  par  des  Editsenre'^i- 
ftrés  en  Parlement ,  font  obligés  à 
reftitution  ,  aufll-bicn  que  ceux  qui 
achètent  des  marchindifes  ven- 
dues en  fraude.  Usfoûticnnent  mê- 
me que  l'acheteur  y  eft  encore  plus 
oblige  que  le  vendeur  ,  parce  que 
le  Roi  conferve  toujours  fur  les 
marchandifes  un  droit  d'hypothé- 
qué en  vertu  duquel  il  peut  s'en 
emparer. 

Cependant  fi  l'acheteur  doute  mê- 
me avec  fondement  que  le  vendeur 
n'ait  pas  payé  les  droits  ordinaires, 
on  décide  que  le  premier  n'eft  pas 
tenu  à  reftituer.  L'Auteur  renvoyé 
aux  Conférences  de  Paris;  où  cette 
qucftioii  eft  tra'tée  plus  au  long. 

Dans  la  troihéme  Partie  où  il  s'a- 
git del'injuftice  Ss.  de  la  reftitution. 
On  rapporte  ce  que  les  Cafuiftes 
difent  de  part&  d'autre  au  fujetde 
ia  fameufc  queftion  fçavoir  fi  en  fe 
renfermant  dans  les  bornes  d'une 
jufte  dcfenfe  ,  &  lorfqu'il  n'y  a 
point  d'autre  moyen  d'éviter  une 
mort  violente  &:  certaine ,  il  n'eft 
pas  permis  de  tuer  un  injufte  ag- 
grefteur. 

Quoique  l'Auteur  ne  fe  déclare 
pas  pofitivement ,  il  eft  aifé  de  voir 
qu'il  incline  pour  le  fcntiment  de 
ceux  qui  foûtiennent  que  dans  ce 
jas  l'homicide  eft  permis. 


ES  SÇAVANS; 

Il  fe  demande  enfuitc  ,  Ç\  l'on  ne 
pèche  pas  non  plus  contre  la  chari- 
té en  ôtant  la  vie  à  un  injufte  aggref- 
feur  ,  lorfqu'il  n'eft  pas  polfible  de 
détendre  autrement  ,  la  perfonnc 
qu'il  attaque. 

Il  répond  1°.  qu'on  ne  pcchc  pas 
alors ,  &  que  c'eft  le  fentiment  de 
tous  ceux  qui  foûtiennent  qu'il  eft 
permis  de  tuer  comme  on  parle,  à 
fon  corps  défendant.  Parce  que  , 
difent-ils  ,  comme  on  eft  obligé 
d'aimer  fon  prochain  comme  foi- 
même,  on  doit  aulli  le  défendre 
comme  foi-même. 

Il  répond  en  fécond  lieu  que  ces 
mêmes  Théologiens  ne  convien- 
nent pas  entr'eux ,  fi  un  homme 
qui  peut  fauver  la  vie  d'un  autre  par 
la  mort  de  l'aggrefteur ,  y  eft  ne- 
ceftairement  obligé.  Les  uns  l'aftu- 
rent ,  fondés  fur  ce  qu'en  pareil 
cas  la  condition  de  l'innocent  doic 
être  meilleure  que  celle  du  coupa- 
ble. D'autres  le  nient.  Ils  préten- 
dent que  lorfque  les  maux  font 
égaux  des  deux  cotez,  &  que  ceux 
qui  les  doivent  lubir  ,  font  égale- 
ment notre  prochain  ,  on  ne  peut 
point  être  obligé  à  tuer  l'un  pour 
défendre  l'autre. 

C'eft  en  vain  ,  ajoutent  -  ils  ] 
que  les  premiers  allèguent  en  fa- 
veur de  leur  opinion  qu'il  faut  pré- 
férer l'innocent  au  coupable  ,  car  il 
eft  très  -  probable  que  de  deux 
hommes  qui  courent  rifque  de  fe 
noyer ,  dont  l'un  fcroicun  jufte  & 
l'autre  un  impie  ,  il  faudroit  com- 
mencer par  fauver  l'impie  dans  là. 
crainte  qu'il  ne  fût  damné  en  jnouif 
tin\  dans  Ton  crime 


A  O  U 

Quelques-uns  enfin  dont  l'opi- 
nion eft  au  jugement  de  notre  Au- 
teur plus  conforme  à  la  Religion  &: 
à  la  nature,foi?itiennent  qu'on  peut 
être  obligé  de  tuer  un  homme  qui 
en  veut  injuftement  à  la  vie  d'un 
autre ,  i°.  lorfque  celui  qui  eft  at- 
taqué eft  ncceftaire  au  Public  ,  i". 
lorfqu'il  s'agit  d'un  père  ,  d'une 
mère  ,  d'une  femme ,  d'un  fils ,  ou 
d'un  frère  ,  en  un  mot  de  toute 
perfonne  a  qui  l'on  tient  par  des 
liens  particuliers  ,  mais  ils  rroyent 
en  même  tems  ,  que  cette  obliga- 
tion cefTeroit ,  s'il  étoit  queftion  de 
défendre  leur  vie  contre  quelques- 
uns  de  ceux  dont  nous  venons  de 
parler. 

Us  avouent  cependant  que  per- 
fonne n'eft  proprement  obligé  à  ce 
devoir  ,  lorfqu'il  ne  pourroit  le 
remplir  qu'au  péril  de  fa  propre  vie. 
Parce  que  chacun  fans  bleifer  les 
loix  de  la  charité  eft  en  droit  de 
préférer  fa  vie  à  celle  d'autrui.  Ils 
veulent  néanmoins  que  dans  le  cas 
où  il  feroit  poffible  de  fauver  les 
jours  d'une  perfonne  publique  , 
dont  la  perte  entraîneroit  de 
grands  maux  avec  elle  ,  on  ne 
pourroit  fe  difpenfer  pour  la  def- 
fendre  de  rifquer  à  fe  faire  tuer  ,  la 
raifon  qu'ils  en  apportent,  eft  qu'on 
eft  obligé  de  préférer  l'avantage  du 
public  à  fon  avantage  particulier. 

Les  contrats  font  l'objet  du  fé- 
cond Traité  ,  on  y  examine  i°.  ce 
qjue  c'eft  qu'un  contrat ,  &c  com- 
bien il  y  en  a  de  fortes  :  i°.  Qui 
font  ceux  qui  font  habiles  à  con- 
trader  :.  3".  Quel  eft  le  confen- 
jçment:  necelTaire  pom  lendie  un 


S  T  ,    r  7  5  5:  47J 

contrat  valide  ;  fî  le  dol ,  l'erreur 
ou  la  crainte  détruifent  le  confente- 
ment ,  &  en  dernier  lieu  quelle  eft 
la  nature  de  l'obligation  que  forme 
le  contrat. 

La  matière  de  l'ufure  que  l'Au- 
teur difcute  dans  le  troihéme  Cha- 
pitre de  la  féconde  Partie  ,  le  con-^ 
duit  à  parler  des  Monts  de  pieté. 

On  fçait  que  les  Monts  de  pieté 
confiftent  dans  un  fon<i  confidera- 
blc d'argent,de  bled,  de  farine.G-c:. 
mis  en  refcrve  peur  les  prêter  aux 
pauvres.  L'objet  de  cet  établilTe- 
ment  eft  d'empêcher  qu'ils  ne 
foient  opprimés  par  l'âviditc  des 
ufuriers.  Ces  Monts  de  pieté  font 
en  général  de  deux  fortes  ;  ceux 
d'Italie  qui  furent  pour  la  première 
fois  établis  à  Pcroufeen  1450.  ne 
fubfiftent  que  d'aumônes.  Les  au- 
tres au  contraire  qui  font  communs 
en  Flandre  ,  &  qui  furent  érigés  en 
1^19.  font  entretenus  par  certaines 
impofitions  qu'on  levé  fur  les  peu- 
ples. Quelques  -  uns  font  mixtes  ; 
c'eft-à-dire  qu'ils  font  formés  tout  à 
la  fois  d'aumônes  particulières  &c 
d'impofitions  générales. 

Ceux  qui  ont  la  diredion  de  ces 
lieux  ne  prêtent  qu'aux  pauvres  Sc 
à  certaines  conditions  ,  1°.  Pour  un 
tems  marqué  ,  comme  pour  une 
année  :  1°.  Ils  ne  prêtent  que  fur 
gage  ,  &  fi  on  ne  rend  pas  le  prix 
de  la  chofe  prêtée  au  terme  marqué^, 
le  gage  eft  vendu  au  profit  du 
Mont  de  Pieté  ,  de  manière  ce- 
pendant que  le  furplus  de  la  valeur 
eft  rendu  fidèlement  à  l'emprun- 
teur :  3".  Soit  que  le  gage  foir  reti- 
ré en  payant  ia  fomme  dont  ii-  te--- 


474       JOURNAt   DE 

noit  lieu  ,  ou  qu'en  cas  de  retarde- 
ment il  foit  vendu  ,  on  retient  tou- 
jours quelque  argent  au  -  delà  de 
la  jufte  valeur  de  la  chofe  prêtée  , 
&c  cet  excédent  cft  appliqué  ou  à 
l'entretien  du  Mont  de  Pieté  ,  ou  à 
paver  les  Officiers  qui  l'admini- 
ftrent. 

C'eft  principalement  cette  der- 
nière condition  qui  allarme  la  dcii- 
catcflc  de  quelques  Théologiens , 
&  qui  les  engage  à  demander  ,  s'il 
n'y  a  point  d'ufure  dans  ces  fortes 
de  prêts  ,  tout  avantageux  qu'ils 
font  au  foulagement  des  pauvres. 

On  prouve  i°.  que  leurs  fcrupu- 
les  font  mal  fondés.  La  chofe  a  été 
décidée  dans  le  Concile  de  Latran  , 
fous  Léon  X.  il  y  efl:  défendu  de 
difputer  ,  ou  de  prêcher  contre  ces 
fortes  d'établilTcmens  ,  &  le  Conci- 
le de  Trente  compte  les  Monts  de 
Pieté  parmi  les  Maifons  pieufesque 
i'Evêque  doit  viiîter. 

On  montre  en  fécond  lieu  qu'ils 
ne  peuvent  dans  le  fond  être  accu- 
fés  d'ufure.  Rien  n'eft  plus  légitime 
que  les  Admin'.ftrateurs  des  Monts 
de  Pieté  prennent  quelque  chofe 
au-deffus  du  capital  ^  foit  pour  s'in- 


5  SÇAVANS ; 

dcmnikr  des  frais  ncccllliires  pout 
confervcr  les  gages  Se  les  fonds  ren- 
fermés dans  le  Mont  de  Pieté  ,  foie 
même  pour  fe  dédommager  des  frais 

6  des  foins  qu'une  pareille  admini- 
ftration  entraîne  necelîaiiemcnt. 

Or  comme  ces  frais  &  ces  foins 
précèdent  le  prêt ,  ils  font  eftima» 
blés  à  prix  d'argent ,  Se  Ci  pour  les 
en  rccompenfer  on  n'exigeoit  pas 
quelque  chofe  au-de(Tus  de  la  va- 
leur du  prêt,  on  feroit  contraint  de 
le  prendre  fur  Mont  de  Pieté  mê- 
me, ce  qui  en  diminueroit  les  fonds 
&  par  confequent  tourneroit  au  dé- 
triment des  pauvres. 

N'eft-il  pas  vrai ,  ajoiàte-t-on^quc 
fi  mon  ami  m'emprunte  quelque 
chofe  que  je  fois  obligé  de  lui  faire 
porter  à  une  certaine  diftance  ,  je 
fuis  en  droit  outre  la  chofe  prêtée  , 
d'exiger  encore  de  lui  qu'il  me  paye 
la  dépenfe  que  j'aurai  faire  à  cette 
occafion  ;  Pourquoi  les  Adminiftra- 
teurs  des  Monts  de  Pieté  ne  joiii- 
roienc-ils  pas  du  même  droit  ?  De 
tous  ces  raifonnemcns  l'Auteur  con- 
clut qu'ils  doivent  être  permis. 

Nous  parlerons  des  Tomes  fui- 
vans  à  mefure  qu'ils  paroîtront. 


R  E  R  U  M    I  T  A  L  I  C  A  R  ej  M    S  C  R  I  P  T  O  R  E  S  ,  C^c . 

C'eft  -  à  -  dire  :  Suite  du  Recueil  des  Ecrivains  d'Italie ,  depuis  l'an  500. 
jiifç/u'àran  i^oo.Par  M.MvKATOKi.Tome  Xl.fil.col.  i4c^.AMilan, 
par  la  Société  Palatine,  ijiô. 


CE  onzième  Volume  eft  dédié 
au  Sénat  de  la  Republique  de 
Luques  ,  que  i'illuftre  Editeur 
compare  à  laRepubliquc  deLacédé- 
mone  par  fon  amour  pour  la  liber- 
lé  ,  5c  à  celle  d'Athènes  par  fon  at- 


tachement pour  les  beaux  Arts. 

La  première  Pièce  de  ce  Recueil 
eft  un  petit  Ecrit  à  h  loiiange  de 
la  Ville  de  Pavie.  On  conjedhirc 
qu'il  a  été  écrit  environ  vers  l'an 
1 3  30.  &  que  l'Auteur  dont  on  igno- 


A  O  U  s  T 

re  le  nom  ]  après  avoir  été  cha(Té  de 
fa  Patrie  par  la  fadion  des  Gibel- 
lins  ,  s'étoit  retiré  à  Avignon  à  la 
Cour  du  Pape  Jean  XXÏI.  C'eft 
apparemment  par  cette  raifon  que 
quelques  Sçavans  qui  ont  eu  com- 
munication du  Manufcrit  fur  le- 
quel cet  Ouvrage  paroît  aujour- 
d'hui imprimé  pour  la  première 
fois ,  le  citent  fous  le  nom  de  Conr- 
tifan  dePavie. 

Le  fçavan-t  Editeur  prévoit  que 
quelques  cfprits  fuperficiels  accu- 


'.  '7?  5.  ^  47jr 

ni  avoiie  lui-même  dans  fa  Préface, 
Se  ce  que  tout  homme  de  goutre- 
connoîtra  aifément  à  la  différence 
du  ftilc. 

Le  fçavant  Editeur  a  cru  donc 
qu'il  lui  étoit  permis  de  revendi- 
quer un  bien  qui  lui  appartenoit,  Sc 
de  donner  à  cet  Ouvrage  le  titre 
d'Annales  de  Modéne. 

3°.  Une  Chronique  d'Aft  tirée 
des  anciennes  Chroniques  de  la  mê- 
me Ville.  On  voit  par  le  titre  de  ce 
Livre  que  cet  Ouvrage  n'eft  que  k 


feront  cet  Auteur  d'entrer  dans  des     plus  petite  partie  d'un  autre  plus 
détails  frivoles  ou  ridicules  ,  mais     confiderable  qui  a  été  perdu.  Ces 


il  eft  pcrfuadé  que  les  connoiffeurs 
n'en  jugeront  pas  ainfi  ,  qu'ils  fe- 
ront au  contraire  charmés  d'y  trou- 
ver une  peintureexa(5le&  fidèle  des 
mœurs  &  des  coutumes  qui  étoient 
en  ufagc  il  y  a  400  ans. 

2°.  Des  anciennes  Annales  de  la 
Ville  de  Modéne  depuis  l'an  1301 


Chroniques  font  divifées  en  trois 
parties  ,  &  raffemblées  auflî  par  5 
differens  Auteurs ,  tous  de  la  même 
Ville. 

Le  premier  eft  George  Alferius 
qui  commence  l'Hiftoire  de  fa  Pa- 
trie dès  fon  origine  même  ;  fans 
prefque  fuivre  l'ordre  des  tcms  ,  il 


jufqu'en  1336'.  M.  Muratori  avoit  a  continué  fa  Compilation  jufqu'en 
jufqu'à  prefent  cherché  dans  les  Bi-  l'an  1294.  qui  eft  probablement  le 
bliothéques  quelque  Hiftorien  qui  tems  de  fa  mort.  Durefte,  ilparoîc 
pût  fcrvir  à  faire  connoître  l'Hiftoi-  '  très-exad  fur  ce  qui  regarde  le  cou- 


re de  fa  Patrie.  Ufçavoit  à  la  vérité 
qu'on  gardoit  dans  la  Bibliothèque 
d'Eft  une  Hiftoire  Manufcrite  de 
Modéne.  Mais  il  y  avoit  d'abord 
fait  d'autant  moins  d'attention 
qu'Alexandre  TafToni  qui  en  eft 
l'Auteur ,  ayant  écrit  depuis  l'aa 
1500.  fortoit  du  plan  qu'on  s'eft 
propofé  dans  ce  Recueil.    Cepen- 


vernement ,  la  force  &  la  gloire  de 
fon  Pays. 

Le  fécond  eft  Guillamc  Ventu- 
ra ,  fon  Hiftoire  commence  en- 
viron à  l'an  12^0.  &  finit  à  l'an 
1325. 

fi,  Il  n'eft  pas  non  plus  fort  exad 
pour  la  Chronologie ,  fon  ftile  eft 
dur  &  barbare  ,  cependant  malgré 


dant  il  s'cft  apperçu  que  le  Taflbni  ces   défauts  on  peut  affurer  qu'il 

n'avoit  fait  que  ramaffer  ,  &  que  écrit  avec  tant  de  candeur  &;  d'une 

donner  de   l'ordre  aux  anciennes  manière  fi  interelîante  qu'il  attache 

Annales  de  Modcne  qui  avoientété  continuellement,   il  dit  pofitivc- 

écrites  fucceffivenient  par  des  gens  ment  que  ce  fut  à  Vérone  après  la, 

dignes  de  foi.  C'eft  ce  que  le  TalTo-  mort  de  l'Empereur  Frédéric  lï; 


47^        JOURNALD 

qu'on  donna  le  nom  de  Guelphes  à 
ceux  qui  foûtcnoient  le  Parti  des 
Papes  8c  celui  de  Gibelins  aux 
Partifans  de  la  Fadion  Impériale. 
Oiioiqu'il  ci'it  été  éle>c  aux  pre- 
miers honneurs  dans  fa  Patrie  ,  on 
voit  par  fon  Tcftament  qu'il  n'ctoit 
pas  riche  ,  il  y  lailTe  à  fon  fils  plus 
d'avis  que  de  biens;  &  entr'autres  il 
iui  défend  la  leéturc  de  ces  Livres 
qu'on  appelle  Romans ,  ^«;  Roman- 
z.i  dkuntur. 

Le  troificme  Auteur  de  ces  Chro- 
niques eftSecundinus  ou  Secundot- 
tus-Ventura  fils  d'André  ,  Citoyen 
Si  Notaire  de  la  Ville  d'Aft ,  qui 
pouvoit  être  neveu  ou  petit  neveu 
de  Guillaume  dont  nous  venons  de 
parler ,  fon  Hiftoire  commence  en 
1419.&  vajufqu'cn  i427.C'cftdans 
ces  trois  Auteurs  qu'on  trouve  l'an- 
cienne Hirtoire  de  la  Ville  d'Aft  ^ 
avantage  qui  manque  à  plu^eurs 
autres  Villes. 

Quoique  ces  Chroniques  foient 
aujourd'hui  publiées  pour  la  pre- 
mière fois ,  elles  n'étoient  cepen- 
dant pas  inconnues.  Antonius-Afte- 
fanus,  dans  fon  Pocme  qu'on  ver- 
ra plus  bas ,  &  Guichcnon  dans 
fcn  Hiftoire  de  Savoye  ,  en  font 
mention,  mais  avec  peu  d'exaâùm- 
de  ;  le  Marquis ,  Abbé  Malefpini , 
Confeiller  Aidique  ,  de  qui  M. 
Muratori  tient  ces  Chroniques ,  y 
a  fait  de  fçavantes  Notes  qu'on  ver- 
ra ici  avec  plaifir. 

4".  Un  Poëme  fur  les  combats 
arrivés  en  Tofcane.  Par  Frère  Ray- 
ncrius  de  Grancis  de  la  Ville  de  Pife 
6f  de  l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs. 

X-C  litre  de  Poëme  ténébreux  que 


ES  SÇAVANS, 

M.  Muratori  donne  à  cet  Ouvrage,' 
Caligmofiim  Poëma  ,  montre  afTcr 
ce  qu'il  en  penfe.  Il  dit  qu'Oedipc 
lui-même  ne  pourroit  pas  l'expli- 
quer ,  qu'on  y  voit  une  ignorance 
entière  des  règles  de  la  Poclie  ,  & 
qu'd  y  règne  une  barbarie  &  une 
dureté  de  ftile  qui  le  rend  inintel- 
ligible. Pourquoi  donc  ,  dira-t  on  , 
donner  une  production  fi  informe? 
M.  Muratori  répond  qu'au  milieu 
des  ténèbres  dont  d  eft  rempli,  on 
y  apperçoit  cependant  quelques 
traits  de  lumiere',qu'on  y  trouve  mê- 
me certains  faits  qu'on  chercheroic 
en  vain  ailleurs  ,  &  qu'à  l'aide  des 
autres  Hiftoriens  de  Tofcane  ,  Se 
avec  un  peu  de  travail  il  n'eft  pas 
impoflibk  d'y  déchifrer  des  chofes 
utiles.  Il  ajoute  enfin  que  c'eft  le 
feul  Hiftorien  de  la  Ville  de  Pife 
qui  nous  refte  ,  &  que  par  cette  rai- 
fon  il  a  jugé  à  propos  de  lui  faire 
voir  le  jour. 

Raynerius  floriffoit  en  1 541. foo 
Poëme  eft  divifé  en  8  Livres. 

5°.  Une  Hiftoire  de  Piftoïe  écri- 
te en  Italien  par  un  Anonyme  ,  elle 
comprend  principalement  ce  qui 
s'eft  palTé  dans  la  Tofcane  depuis 
1300.  jufqu'en  1348.  il  y  a  lieu  de 
croire  que  l'Auteur  étoit  de  Pi- 
ftoïe •,  en  effet  il  s'attache  principa- 
lement à  raconter  ce  qui  regarde 
cette  Ville  ,  &  c'eft  peut-être  par 
cette  raifon  qu'on  appelle  cet  Ou- 
vrage l'Hilfoire  de  Piftoïe.  Il  eft  aifé 
de  voir  par  la  manière  dont  il  dé- 
crit les  chofes  ,  qu'il  en  a  fouvent 
été  le  fpedateur.JeanVillaniFloren- 
tin  dont  nous  avons  une  Hiftoire 
en  Italien ,  vivpit  dans  le  même 
tems 


A  O  U  s  T 

fcms  &C  fiit  emporté  l'an  1 348.  par 
cette  terrible  pefte  qui  défola  la 
Tofcane.  On  conjedure  que  notre 
Auteur  eut  le  même  fort ,  car  fon 
Hiftoirc  finit  auflî  précifémcnt  dans 
ce  même  tems. 

Du  refte  ,  Ci  l'Hiftoire  de  Vilia- 
iii  a  mérité  l'eftime  des  S^'avans  , 
celle  donr  il  eft  ici  queftion  doit 
Jieur  être  d'autant  plus  précicufe 
qu'on  y  verra  beaucoup  de  tairs 
que  le  premier  avoir  pafles  fous  fi- 
lence,  6c  que  la  finçcriré  du  fécond 
rend  très  -  croyables.  Philippe  tk. 
Jacques  Giunti  Imprimeurs  Floren 
tins ,  furent  les  premiers  qui  la  fi- 
?ent  imprimer  àFlorence  en  1578. 
&  on  efpere  qu'on  la  retrouvera 
avec  d'autant  plus  de  plaiiir  dans 
cette  Colledion  que  l'Académie 
de  la  Crufca  la  compte  parmi  les 
Livres  où  l'on  peut  chercher  le 
goût  &  la  pureté  de  la  Langue  Ita- 
lienne. 

6°.  Une  Chronique  de  Milan 
intitulée  Alanippihis  Florum ,  par 
Gualvaneus  délia  Flamma  ,  de 
i'Ordre  des  Frères  Prêcheurs. 

Cet  Hiftorien  qui  tient  un  rang 
Bonfiderable  parmi  les  Hiftoriens 
d'Italie  ,  &  qui  tut  de  fon  vivant 
très-célébre  entra  dans  l'Ordre  des 
Frères  Prêcheurs  en  1z57.il  com- 
pofa  difterens  Ouvrages  qu'on 
conferve  encore  en  Manufcrit ,  & 
dont  M.  Muratori  nous  donne  ici 
le  Catalogue  ,  quoiqu'ils  ayent  été 
fort  eftimés  de  fon  tems  ,  &  qu'ils 
méritalfent  même  alors  de  l'être  , 
on  n'en  jugcroit  pas  de  même  dans 
un  fiécle  de  critique  &  d'érudition 
jei  que  le  nôtre.   Ainlî  on  ne  croit 


»    '  7  3  5-  477 

pas  qu'Us  voyêllf  jamais  le  jour. 
L'FIilloire  qu'on  donne  aujour- 
d'hui péchc  en  plufieurs  endroits 
contre  ces  deux  points,  mais  elle  a 
paru  lî  recommandablc  par  plu- 
lieurs  autres  au  fçavant  Editeut 
qu'il  a  cru  qu'on  la  vcrroit  avec 
plaiiir.  Elle  commence  à  l'origine 
de  la  Ville  de  Milan  ,  &  ne  v» 
guéres  plus  loin  que  jufqu'cn  13  36'.' 
car  la  divcrfité  du  ftilc  montre  af- 
fcz  que  tout  ce  qu'on  y  lit  depuis 
ce  tems  iufqu'à  l'an  1371.011  elle  fi- 
nit ,  a  été  ajouté  par  une  autre 
main. 

(iualvaneus  débute  par  nous  rap- 
porter une   inHuité  de  fables  fur 
l'origine   de    la   ViU;    de  Milan. 
Ce    qu'on     y    voit    enfuitc    de-] 
puis  la  mort  d     S.  /.mbroife  juf- 
qu'au  règne  d^  Charles  le  Gros  n'a 
rien  non  plus  li  inteicfrant  ;  tout  y 
eft  emprunté  de  Paul  Diacre  ,  de 
Godefroy  de  Vitcrbc,  de  Martinus 
Polonus  &  d'autres  Hiftoriens  forp 
connus.  M.  Muratori  auroitdonc 
volontiers  retranche    une    grande 
partie  de  cette  Compilation  com- 
me il  avoit  promis  de  le  faire  ,    5c 
comme  il  l'a  réellement  fait  plus 
d'une  fois  à  l'égard  de  ces  Auteurs 
Plagiaires  qui  n'ont  fiit  que  fe  rcJ 
peter  les  uns  &c  les  autres.  Mais  le 
goût  de  plulleurs  gens  de  Lettres 
qui  n'aiment  point  qu'on  leur  don" 
ne  des  Livres  ainfi    mutilés  ,   l'a. 
emporté  fur  fur  fa  propre  inclina- 
tion ,   &   même  fur  l'engagement 
qu'il  avoit  pris   avec  le  public.  Il 
avoiie  encore  que  Gualvaneus  n'a 
pas  été  fort  cxaét  fur  la  Chronolo- 
gie. Mais  il  croit  qu'on  peut  attri- 
Rrr 


478        JOURNAL    B 

bucr  en  partie  ce  dctaut  à  fcs  Copi- 
ftes.  On  voyoit  autrefois  à  Milaa 
des  exemplaires  de  certe  même  Hi- 
ftoire  très  diffcrcns  de  celui  qu'en 
donne  aujourd'hui.  Le  fçavant  Pu- 
riccllius  qui  en  avoiteu  communi- 
cation ,  en  cite  des  endroits  qui  ne 
s'accordent  nullement  avec  les 
deux  Manufcrits  fur  lefquels  cette 
•Edition  a  été  faite.  Peut-être  qu'il 
ne  faut  pas  tant  rejetter  cette  diver- 
fîté  fur  l'ignorance  des  Copiftes 
que  fur  l'Auteur  même  qui  y  aura 
fait  plulieurs  changemens. 

On  conferve  encore  à  Milan  une 
autre  Chronique  en  Manufcrit  de 
la  même  Ville.  Plufîeurs  Auteurs 
l'ont  confondue  mal-à-propos  avec 
le  Aianipiilus  Florum  ,  parce  qu'el- 
le porte  pour  titre  Flos  Flornm. 
Mais  ces  deux  Ouvrages  font  trcs- 
differens  ,  comme  NI.  Puricellius 
l'a  fort  bien  remarqué. 

7°.  L'Hiftoire  Ecclefiaftique  de 
Ptolomée  de  Lucque  de  l'Ordre 
des  Frères  Prêcheurs  &c  enfuitc 
Evêque  de  Torcelli. 

Cet  Auteur  ,  après  avoir  pafTc 
par  toutes  les  dignitez  de  fon  Or- 
dre où  il  fut  en  grande  confidera- 
tion  ,  fut  enfin  nommé  Evêque  de 
Torcelli  par  le  Pape  Jean  XXII. 
Otioique  fes  Ecrits  n'ayent  point 
été  encore  imprimés  ils  ont  été 
connus  &  cités  avec  éloge  par  les 
Sçavans  d'Italie  ,  de  France  ,  d'An- 
gleterre Se  d'Allemagne.  Mais  M. 
Dupin,  dans  fa  Bibliothèque  Eccle- 
fiaftique, s'eft  trompé  en  lui  attri- 
buant trois  Ouvrages  differcns  , 
i".  De  courtes  Annales  ,  2°.  La 
©ironique  des  Pages  ,  Hc  en  troi^ 


ES    SÇAVANS. 

{léme  lieu  une  Hiftoiie  Ecclefiafti- 
que. Cette  Hiftoirc  Ecclefiaftique 
n'eft  autre  chofc  que  l'Ecrit  dont 
il  eft  ici  qucftion ,  qui  eft  conferve- 
en  Manufcrit  dans  différentes  Bi- 
bliothèques de  l'Europe. 

M.  Muratori  employé  ici  deux 
grandes  pages  à  prouver  ,  &  même 
folidcmcnt ,  qu'après  les  excellen- 
tes Hiftoires  Ecclefiaftiqucs  ,  telles 
que  font ,  dit-il ,  entr'autres  celle 
du  C.  Baronius  ,  &;  du  P.  Pagi  , 
perfonne  ne  doit  ni  ne  peut  s'arrê- 
ter à  lire  ce  que  Ptolomée  a  écrit 
fur  la  même  matière  ,  du  moins 
jufqu'au  dixième  fiécle. 

Il  commence  à  la  Naiftance  de 
J.  C-  ôi  ne  fait  que  copier  fans  fti- 
le  ,  fans  critique  ,  &  fans  Chrono- 
logie tout  ce  que  les  Auteurs  qui 
l'avoient  précédé  ,  &  qui  font  en- 
tre les  mains  de  tout  le  monde  ,. 
avoient  écrit  avant  lui. 

Le  judicieux  Editeur  ctoit  donC 
dans  la  refolution  de  fupprimer  les 
dix  premiers  Livres  de  cette  Hi- 
ftoire  i  il  avoit,  dit-il ,  encore  moins 
de  compaffion  pour  Ptolomée  que 
pour  fes  Ledeurs  ;  il  fe  faifoit  con- 
fcience  de  les  charger  d'une  rnar- 
chandife  fi  inutile  &  fi  défagreable. 
Cependant  les  Prières  &  les  inftan- 
ces  de  fcs  amis  de  Milan  &  de  plu- 
fîeurs Sçavans  du  premier  Ordre 
ont  prévalu  fur  fes  propres  fenii- 
mens  &  l'ont  forcé  à  donner  cet 
Ouvrage  dans  fon  entier  ;  ils  ont 
prétendu  qu'il  étoit  avantageux  de 
connoître  les  erreurs,  lesfables^  les 
Anachronifmes ,  &  même  les  ex- 
travagances deiiramenta  des  anciens, 
^  que  cette  connoiffance  fervoic» 


A  ou  s 

même  beaucoup  à  perfedionncr  h 
critique.  Malgré  toutes  fes  refle- 
xions il  protelte  qu'il  s'eft  plutôt 
rendu  à  leurs  dcfirsqu'à  leurs  rai- 
fons.  Il  craint  même  qu'elles  ne 
foicnt  pas  infiniment  goûtées  ,  il 
fupplie  cependant  ceux  qui  n'a- 
prouveroicnt  pas  la  condefcendancc 
qu'il  a  eue  en  cette  occalion  de  fc 
areprefcnter  Ptolomée  proftcriié  à 
leurs  pieds ,  qui  y  prie  de  trouver 
bon  que  fes  Ecrits  voyent  lejour, 
&  il  fe  flatte  qu'ils  uferont  d'indul- 
gence avec  un  lî  bon  Religieux ,  & 
qu'en  fa  faveur  Us  feront  encore 
grâce  à  l'Editeur. 

Mais  il  prétend  que  Ptotomée 
n'en  a  pas  befoin  dans  les  liccles 
voifins  de  celui  où  il  écrivoit.  Il 
foûticnt  qu'on  y  trouvera  un'c  exac- 
titude &  une  érudition  non  com- 
mune ;  ilavoit  vécu  à  la  Gourdes 
Papes  à  Avignon,  &  éroiten  liai- 
foH  avec  les  habiles  gens  de  fon  flc- 
cle.  Saint  Thomas  d'Aquin  fut  de 
ce  nombre,  il  nous  apprend  même 
dans  fon  Riftoiie,  Liv.  15.  ch,  8. 
que  le  Dodeur  Angélique  s'étoit 
plufîeurs  fois  confelTc  à  lui ,  ôi  tout 
ce  qu'il  y  rapporte  de  fes  Ecrits  & 
xlc  fa  vie  ne  peut  que  faire  beau- 
coup de  plaifir  au  Lccleur. 

On  ne  fçait  point  pofitivement 
jufqu'où  il  a  continué  fon  Hilloire; 
il  paroît  cependant  vraifemblable  , 
comme  un  Manufcrit  de  Padoiie 
le  marque  expreflemenc  ,  qu'elle 
finit  eia  1 3 1 5.  ce  qu'on  y  trouve  de 
plus  a  été  ajouté  par  d'autres  Au- 
teurs. La  plupart  des  Manufcrits 
vont  au-delà  de  l'année  13 13.  & 
même    au-delà  de  Ptolcunce  qui 


T   ."   175  ?.\  47^ 

mourutj  à  ce  qu'on  croit,  en  1 3  ij^ 
On  avertit  le  Ledrcur  que  M. 
Baluze  dans  fes  Vies  des  Papes  d'A- 
vignon en  a  tiré  quelques-unes  de 
l'Appendix  de  Ptolomée  de  Luc- 
ques.  Il  croyoit  qu'elles  étoient  vé- 
ritablement de  cet  Auteur,  mais  il 
y  a  tout  lieu  de  croire  qu'elles  n'en 
font  point ,  &  qu'il  a  fini  à  Benoît 
XI.  ou  du  moins  à  Boniface  VIII. 
M.  Muratori  les  ayant  comparées 
avec  les  Manufcrits  de  ces  mêmes 
Continuateurs  qu'il  a  entre  les 
mains ,  l-.s  a  trouvées  fouvent  fort 
différentes. 

On  remarque  encore  que  Krunt- 
zius,  Langius,  'S:  fur-tout  Meier  ^ 
dans  l'onzième  Livre  de  fes  Anna- 
les de  Flandre ,  fe  fert  de  Ptolomée 
de  Lucques  pour  prouver  que- 
l'Empereur  Henri  VII.  fut  empoi- 
fonné  par  un  Dominicain  avec  une 
Hoftie  conlacrée.  Cette  fable  fc  lit 
à  la  vérité  dans  cette  Hiftoirc,  mais 
ce  trait  y  aura  été  ajouté  par  quel- 
que main  étrangère. Ptolomée  n'au- 
roit  jamais  été  aflcz  imprudent 
pour  attribuer  hardiment  à  un 
Membre  de  fon  Ordre  un  crime 
dont  non  feulement  tous  fcsConfrc- 
rcs  ,  mais  encore  tous  les  Auteurs 
contemporains  l'ont  purgé.  Ainiî 
on  ne  conçoit  pas  comment  Spon- 
de  ,  dans  fes  Annales,  a  pu  dire  que 
le  Continuateur  de  Ptolomée  de 
Lucques  ne  parle  point  de  cette  ca- 
lomnie. Il  faut  apparemment  qu'el- 
le n'eût  pas  été  inférée  dans  le  Ma- 
nufcrit dont  il  fe  fervoit.  Mais  on 
ne  peut  s'cmpccher  de  relever  la 
malignité  de  Sandius  qui  dans  fes 
Notes  fur  les  Hiftoriens  Latins  de 
Rïrij 


48o       JOURNAt   DE 

Volliiis  s'efforce  de  foutcnir  cette 
impofturc  en  s'appuyant  de  l'auto- 
rité de  Mejer  ;  pour  la  rendre  plus 
vraifcmblable  ,  il  rapporte  qu'Hcn- 
li  III.  fut  tué  par  un  Dominicain, 
Se  il  fc  répand  en  Hiftoire  vraies  ou 
fauffes  de  femblables  crimes.  Mais 
étoit-il  permis  à  un  homme  de  Let- 
tres de  dilTimuler  que  Jean  Roi  de 
Bohême  fils  d'Henri  VII.  a  recon- 
nu par  un  Ecrit  public  la  faulTeté 
d'une  calomnie  fi  atroce.  M.  de 
Leibnitz  a  public  cette  Pièce  dans 
le  premier  Tome  de  fon  Code  du 
Droit  des  gens.  Quoiqu'il  en  foit , 
du  moins  falloit-il  la  mettre  non 
fur  le  compte  de  Ptolomée  de  Luc- 
qucs,  mais  feulement  fur  celui  de 
fes  Continuateurs. 

8°.  Courtes  Annales  compoféei 
par  le  même  Auteur.  Elles  avoient 
déjà  été  imprimées  à  Lyon  en  1^19. 
on  les  retrouve  encore  dans  la  gran- 
de Bibliothèque  des  Pères ,  qui  a 
paru  depuis  dans  la  même  Ville  ; 
mais  comme  le  Manufcrit  fur  le- 
quel ces  deux  Editions  ont  été  fai- 
tes, étoit  imparfait  &  mutilé  en 
plufieurs  endroits ,  on  a  été  con- 
traint d'y  laifler  plufieurs  lacunes , 
M.  Muratori  en  a  fuppléé  quel- 
ques-unes à  la  faveur  de  l'Hiftoire 
Ecclefiaftique  dont  nous  venons 
de  rendre  compte.  Ptolomée  eft 
toijjoursle  même  dans  fcs  Annales, 
e'eft-à  dire  affez crédule  &  mauvais 
Chronologifte  ,  elles  commencent 
au  couronnement  d'AIexandie  II. 
en  1061.  &C  finiflent  en  1303.  ce- 
pendant on  y  trouvera  bien  des 
chofes  propres  à  éclaircir  l'Hiftoire 
àe  ce  tcms ,  Si  (ur-tout  ce  <jui  tç- 


5  $ÇÂVANS ; 

garde  la  Ville  de  Lucqucs  6i  même 
toute  laTofcane. 

Il  eft  à  remarquer  que  l'Aftrolo- 
gie  Judiciaire  étoit  alors  fort  en 
vogue  ,  &  que  cet  Hiftorien  &  en 
général  tous  les  Ecrivains  de  ce 
tems-là.  Sacrés  ScProphanes,  at- 
tribuent prefque  toujours  aux  diffe- 
rens  afpeéls  des  AlTrres  les  évene- 
mcns  confiderablcs  ,  comme  les 
mortalitcz  ,  les  guerres  ,  les  fédi- 
tions  ,  mais  fur-tout  les  malheurs 
&la  mort  des  Grands. 

9°.  La  Vie  de  Caftruccio-Antel- 
minelli ,  Souverain  de  Lucqucs,  de- 
puis l'an  1301.  jufqu'en  1328.  pas 
Nicolas  Tegrimo  Jurifconfulte  de 
Lucques. 

Cette  Ville  eft  très-illuftre  ,  la 
lèule  autrefois  au-delà  de  l'Appenin 
qui  eût  le  droit  de  faire  battre 
monnoye  ,  Se  tout  récemment 
elle  vient  d'être  érigée  en  Métro- 
pole par  Benoît  XIII.  M.  Muratori 
s'étonne  donc  qu'elle  ait  eu  Ci  peu 
d'Hiftoriens,  ou  qu'il  y  ait  des  gens 
aftez  infenfibles  à  la  gloire  de  leur 
Patrie  pour  ne  les  pas  tirer  de  l'ob- 
fcuritéoù  ils  font  peut-être  cnfeve- 
iis.  Ne  pouvant  donc  en  faire  da- 
vantage ,  il  fe  contente  de  donner 
la  Vie  de  Caftruccio.  Sous  la  domr- 
nation  de  ce  Prince  ,  h  Ville  de 
Lucqucs  parvint  au  comble  de  là 
grandeur.  Il  convient  qu'il  avoitde 
grands  vices ,  mais  ils  étoient  repa- 
rés par  de  grandes  vertus ,  il  joi- 
gnoit  à  la  réputation  de  grand 
Guerrier  celle  de  grand  Politique  , 

6  fi  «ne  mort  prématurée  ne  l'a- 
voit  arrêté  au  milieu  de  fes  conquê- 
tes j  on  ne  doute  pas  que  toutes  les 


A  O  US 

Villes  3e  la  Tofcane  ne  fuflènt 
tombées  fous  fa  puifTance.  Machia- 
vel qui  a  auffi  écrit  fa  Vie  en  Ita- 
lien ,  prétend  qu'il  n'étoit  inférieur 
ni  à  Philippe  Roi  de  Macédoine,  ni 
au  fameux  Scipion  ,  &c  qu'il  les  eût 
furpafle  tous  deux  ,  fi  au  lieu  de 
Lacques  il  avoit  eu  Rome  ou  la 
Macédoine  pour  Patrie. 

Outre  cette  Vie  Alde-Manuce  en 
a  donné  encore  une  autre  très-éten- 
due ,  imprimée  à  Rome  en  1590. 
Comme  l'une  Scl'autre  ne  convien- 
nent point  au  delfem  de  l'Editeur  _, 
parce  qu'elles  font  écrites  depuis 
l'an  i;oo.  il  a  choiiî  celle  que  Ni- 

NOVVELLE   TRADVCTION  TRJNCfilSE   DV 

Paftor  Fido ,  tevec  le  Texte  à  coté.  A  Paris ,  chez  Nyon  fils  ,  Place 
de  Conty,  à  Sainte  Monique.  1733.  '«-12.  2.V0I.  Tom.  I.  &  II.  pp, 
J83. 


T  ï   1755'  4S1 

colas  Tegrimo  ,  fameux  Juïifcon- 
fulte  de  Lucques ,  a  compofée  en 
Italien.  Eli  a  été  imprimée  pour  la 
première  fois  à  Modéne  en  149g'. 
qui  cft  l'année  de  la  mort  de 
Tegrimo  &  depuis  elle  a  paru 
en  Italien  en  155^.  à  Lucques  ; 
elle  eft  écrite  avec  alfez  de  pureté 
&  d'agrément  ,  l'Auteur  qui  étoic 
d'une  iliultre  famille  qui  fubfidc 
encore  aujourd'hui  ,  paflbit  pour 
un  des  plus  habiles  hommes  de  fon 
fiécle  ,  &;  il  fut  chargé  de  plufieurs 
négociations  très  -  importantes  ea 
différentes  Cours, 


CETTE  Paftorale  Italienne  1 
traduite  dans  toutes  les  Lan- 
gues vulgaires  de  l'Europe  ,  l'a  été 
plus  d'une  fois  en  François.  Nous 
en  avons  une  ancienne  verfion  en 
profe ,  mife  au  jour  à  côté  du  Texte 
à  Paris ,  chez  Guillemot ,  en  i^io. 
in-ïi.  &  une  en  vers  faite  par  l'Ab- 
bé de  Torches  ,  &  imprimée  plu- 
fieurs fois  en  France  &  ailleurs:fans 
parler  de  la  Scène  d'Amaryllis  tra- 
duite auffi  envers  par  l'Abbé  Ré- 
gnier des  Marais^  qui  fc  l'eft  reven- 
diquée fur  la  Comtelfe  de  la  Sii^e , 
à  qui  on  l'avoit  faulfemcnt  attri- 
buée i  &  fans  compter  encore  le 
PajlorFido  ^  Paftorale  Héroïque  en 
Ters  &  en  trois  Ades  ,  précédés 
d'un  Prologue  ,  du  Chevalier  Pf/ff- 
frin ,  Paftoiale  publiée  à  Parîs  eo 


lynS".  &  qui  eft  plutôt  une  imitai- 
tion  de  la  Pièce  Italienne  qu'une 
Traduâiion.  Celle  qu'on  nous 
donne  ici  ,  quoiqu  en  profe  ,  ne 
laiffe  pas  de  mériter  l'attention  de 
ceux  ,  qui  fans  favoir  l'Italien 
fouhiitentde  fefamiliarifera/ecks 
plus  excellens  Ouyjages  écrits  en 
cette  Langue. 

•  L'Anonyme  à  qui  nous  devons 
cette  verfion  ,  fe  plaint  d'abord  , 
dans  une  Préface ,  du  trop  peu  de 
cas  que  l'on  fait  aujourd'hui  du  ta- 
lent d'un  Traducteur,  qu'on n'en- 
vifage  pour  l'ordinaire  que  comme 
une  glace  ,  ^«/  ne  pan  rendre  i^ue  Ut 
ohjets  qn'en  prifente  vis-k-vis  d'flle. 
Sur  ee  pied- là  on  doitlefuppofèr 
dénué  ou  ne  faifant  prefque  nul 
ufage  des  ïJçbeffesdei'imaginatioiiy 


^84        JOURNAL  D 

dont  les  productions  ontàprcfcnt 
toute  la  préférence  dans  le  goût  du 
public.  C'cft  fans  douce  le  delir  de 
s'y  conformer  (^dit-on)  qui  a  fait 
naître  les  Tradudions  hardies  & 
peu  fidèles ,  qui  malgré  la  cenfure 
de  CCS  Lc6tcurs  difficiles  6c  cho- 
qués de  trouver  dans  unTraduclcut 
un  Auteur ,  ne  laillènt  pas  de  rece- 
voir des  éloges. 

Elles  deviennent  cependant  afTcz 
inutiles  aux  diftcrentes  vûe's  que 
chacun  peut  fe  propofer  en  Icslilant, 
&c  qui  font  de  fe  procurer  un  fc- 
cours  pour  i'acquilîtion  plus  facile 
&plus  prompte  de  la  connoilTancc 
d'une  Langue  étrangère  ;  de  juger 
par  foi-même  fi  un  Auteur  fameux 
cft  digne  de  toute  la  réputation 
dont  il  jouit  ;  de  fatisfaire  fimple- 
ment  fa  curiolîté,  fans  nuldelîein 
d'exercer  fa  critique^  de  puffer  dans 
la  ledure  de  cette  verfion  une  no- 
tion cxadle  des  mœurs ,  des  coûtu- 

•  mes ,  des  opinions ,  des  fentimens, 
du  génie  ou  de  l'élocution  du  peu- 
ple chez  qui  écrivoit  l'Auteur. 

Quelques  beautez  qui  paroiflent 
éclater  dans  des  Traductions  de  ce 
genre,  il  fuffit  pour  les  condamner, 
qu'elles  déguifent  la  vérité  du  Ta- 
bleau' qtf^Hes  doivent  ofirir  aux 
yeux  du  Ledeur;  &:  l'on  ne  pour- 
roit  tenter  quelque  forte  de  juftifi- 
cation  pour  ces  verfions  infidèles , 
qu'en  faveur  de  ces  Led:eurs  qui  ne 
cherchent  dans  leurs  ledures  que 
l'amufcment  &  la  récréation.  Ils 
font  véritablement  en  grand  nom- 
brei',imais  ils  ne  méritent  en  nulle 

•  façon  la  préférence  fur  ceux  qui 
«n'ont  d'autre   motif  en  lifant  les 


ES  SÇAVANS. 

Traductions  que  l'amour  des  Let^ 
très  ,  ôc  l'envie  de  s'y  perfedion» 
ner. 

Cependant  la  fidélité  qui  rend 
utile  un  Traducteur,  ne  doic  jamais 
aller  jufqu'à  lui  faire  négliger  ce 
qui  peut  le  rendre  agréable  ;  ces 
deux  quaiitez  ne  font  point  incom- 
patibks  ,  &  il  peut  (  dit-on  )  ailier 
cnfcmblc  les  deux  Syftcmes  de  la 
Tradudion  hardie  &  de  la  Traduc- 
tion Littérale.  Il  n'eft  qucftion 
pour  cela  (  continue-ton  )  que  de 
chercher  dans  la  Langue  de  quoi 
faire  fentir  toutes  les  beautez  d'une 
Langue  étrangère  ;  ce  qui  peut  s'e- 
xécuter par  des  expreiïions  toutes 
pareilles  ou  du  moins  équivalentes. 
Mais  le  principal  foin  d  un  Traduc- 
teur qui  veut  plaire ,  doit  être  de 
choihr  un  Auteur  interelfant  pat 
lui-même  ,  &  qui  puifle  attacher 
alTez  un  Le<fleur  pour  l'engager  à 
pardonner  les  fautes  de  l'Inter- 
prète. 

Tel  eft  (  félon  notre  Auteur  )  le 
Paj^or  Ftdo  ,  chef-d'œuvre  du  Gua- 
rini ,  &  dont  le  fujet  ne  touche  pas 
moins  le  cœur ,  que  la  conduite  de 
la  Pièce  occupe  agréablement  l'cf- 
prit ,  à  l'exception  de  l'Epifode  de 
Dorinde.  Il  avoLie  cependant  que 
cette  Paflorale  peut  blelfcr  le  goiàt 
de  notre  Nation  par  divers  en- 
droits ,  tels  que  les  comparaifons 
longues  &  ennuyeufcs ,  les  Scènes 
dont  retendue  exceffive  devient 
fatiguante ,  les  jeux  de  mots  prof- 
crits  en  France,  quoique  goijtcs 
encore  en  Italie  ,  quelques  expref- 
fions  un  peu  trop  libres  ,  &  que  la 
bienféance  ne  comportcioit  point 


A  O  U  s 

en  notre  langue.  Mais  malgré  ces 
défauts  prétendus ,  &  dont  les  Ita- 
liens ne  conviennent  point ,  la  Pie- 
ce  eft  toujours  trcsproprc  à  fédui- 
re  un  Ledeur  &  à  fe  le  rendre  fa- 
vorable. On  y  voit  par-tout  Ama- 
lyllis^  quoique  paflîonnce  pour  un 
Berger  qui  ne  l'aime  pas  moins  , 
toujours  inviolablcmcnt  attachée 
aux  loix  de  l'honneur  :  la  vertu  & 
l'innocence  y  triomphent  par-tout, 
quoique  attaquées  d'abord  avec  fuc- 
cès  par  la  conduite  artificieufe  de 
Corifquc  ,  dont  k  retour  &  le  re- 
pentir édifient  le  Spedtateur  à  la  fin 
de  la  Pièce. 

Ces  égards  &ces  précautions  du 
Gtiarini  ne  l'ont  point  garanti  des 
reproches  les  plus  mortifians.  Si 
l'on  en  croit  certains  Critiques  ,  le 
Paflor  Fido  n'eft  capable  que  d'in- 
troduire la  corruption  dans  les 
cœurs  les  plus  purs  ,  &  d'y  étouf- 
fer toute  femence  de  vertu.  Mais 
(  répond  le  Traducteur  )  outre  que 
les  fentimens  vicieux  produits  fur 
là  Scène  par  quelques  perfonnages 
de  ce  caraftere  portent  avec  eux 
leur  condamnation  ,  &  font  fuffi- 
famment  contrebalancés  par  les 
maximes  de  quelques  autres  per- 
fonnages abfolument  vertueux  : 
»  Nos  meilleurs  Poètes  François 
»  ont  hazardé  fur  le  Théâtre  des 
a>  exemples  de  paffion  bien  moins 
»  ménagés ,  telle ,  entr'autres ,  que 
M  celle  de  Phèdre  ,  qui  n'a  excité 
>»  d'autre  mouvement  dans  le  cœur 
a»  &  du  Speâ:ateur  &  du  Ledeur  ; 
«  que  celui  de  l'admiration  fur  la 
n  manière  de  rendre  fupportable  la 
w'geinture  du  csime  le  plus  affieux. 


5'  On  ne  trouve'  aflurémcnt  rien 
»i  d'auffi  fort  dans  tout  le  Pa/ior 
»  Fido. 

Qiielque  abus  que  l'on  puifTc 
faire  de  la  ledure  de  cette  Pafto- 
rale  ;  car  tout  devient  ccueil  pour 
la  fragilité  humaine  (  ditTAnony-- 
me  )  les  Ledeurs  de  bonne  foî 
tomberont  d'accord  que  ce  qui  for- 
me eflcnticUement  tout  l'mtei'ct  de 
cettePiéce  n'eft  quele  fentiment  de 
commiferaiion  fur  le  malheur  d'A- 
maryllis £c  de  Myrtil.  C'cft  ainll 
que  le  Tradudeur  s'efforce  de  ju- 
ftifier  fon  Auteur ,  avec  lequel  il 
reconnoît  que  fa  propre  caufe  de- 
vient tellement  compliquée  ,  qu'if 
ne  feroit  guéres  moins  coupable 
que  le  Gitarini ,  fi  celui-ci  méritoic 
une  pareille  qualification. 

Il  n'entreprend  point  au  furplus 
de  paiïer  ici  en  revue  tous  les  juge- 
mens  portés  fur  cette  Paftorale  Ita- 
lienne ,  quant  à  la  conduite  généra- 
le ,  au  ftylc  peu  proportionné  à  de 
fimples  Bergers  ,  aux  infradions 
des  règles  de  l'art  Poétique.  Il  ne 
fait  qu'indiquer  légèrement  la  viva- 
cité avec  laquelle  le  Guarini  rcpouf- 
fa  les  accufations  de  Jacques  Dene- 
res  fon  plus  cruel  advcrfaire ,  êc  qui 
fort  heureufcment  pour  lui  mourut 
avant  la  publication  de  cette  Apo- 
logie ,  où  le  Guarini  le  déchiroit  fi 
impitoyablement ,  que  cet  advcr- 
faire (  dit  M.  de  Thon  )  auroit  peut- 
être  eu  le  fort  de  Lycambe  , 
que  les  invedives  du  PoëteArchilo- 
que  reduifirent  à  fe  pendre  de  de- 
fefpoir.  Le  Tradudeur  n'ofe  déci-; 
der  fur  la  préférence  ,  entre  l'A- 
nùntç  du  lafe  êc  ie  PaJiorFié-^ 


484  JOURNAL  D 

les  fentimens  (  félon  lui  )  fe  trou- 
vant fort  partages  fur  ce  point. 

Il  prononce  plus  décifivement 
fur  le  mérite  des  Traduc"tions  de 
cette  Paltojale.  Il  n'y  en  a  aucune , 
félon  lui ,  qui  foit  fupportablc  ,  ni 
pour  l'agrément,  ni  pour  k  hdcli- 
té.  »  On  n'y  voit  revivre  (  dit-ii  ) 
#>  aucune  des  bcautez  de  l'originaL 
>j  On  n'yrcconnoît  plus  ces  grâces 
»  qui  font  répandues  par-tout  dans 
j>  l'Italien.  Ces  fleurs  qui  en  tont  le 
jsplus  riche  ornement  y  trouvent  le 
i3  même  dcperiircment ,  qu'elfuye 
})  le  plus  délicieux  parterre  aux  ap- 
»  proches  de  l'hiver  ;  &  comme 
»  cette  rofe  dont  parle  Tityre  à  la 
»  4°  Scène  du  i"  Àde  ,  on  les  mé- 
jj  connoît  entièrement.  «  Du  refte, 
l'Anonyme  fouhaiteroit  tort  (  dit-il 
À  la  fin  de  fa  Prétace  )  d'avoir  fuivi 
ponftuellemcnt  dans  cette  Traduc- 
tion toutes  les  règles  qu'il  vient 
d'établir,  ScaufqucUes  il  alTujettit 
les  Traducteurs  ;  trop  content 
(  ajoûte-t-il  avec  modeÎHe  )  il  par 
les  efforts  pour  s'élever  au  -  delîus 
des  Interprètes  qui  ont  avant  lui 
tenté  la  même  entreprife  ,  il  peut 
frayer  une  route  à  ceux  ,  qui  char- 
inés  du  Piiflor  Fido  ,  voudront  en 
donner  une  verfion  Francoife  qui 
ne  lailTe  rien  à  defirer  pour  fon  en- 
tière perfe(5l:iGn. 

Il  n'eft  plus  queftion  ,  pour  faire 
mieux  fentir  tout  le  mérite  de  cel- 
le-ci ,  que  d'en  trapfcriie  quelques 
morceaux  pris  au  hazard.  Nous 
donnerons  d'abord  le  commence- 
ment du  Monologue  de  Corifque  , 
lequel  fait  la  troilîéme  Scène  du 
premiej  Ade. 


ES  SÇÀVANS; 

»  Fut-il  jamais  une  palTîon  plu4 
»>  £trange ,  plus  folle  ,  plus  cruelle, 
»  plus  miportune  ?  L'amour  &  la 
»j  haine  font  fi  également  mêlés 
»  dans  mon  cœur  ,  que  l'un  pat 
»  l'autre ,  &:  je  ne  puis  dire  com- 
»  ment,  ils  croitfcnt  &;  fc  détrui- 
«fcnt,  ils  nailTent  &  meurent.  Si 
»je  confiderc  dans  Myrtil  toutes 
»  les  grâces  qui  font  répandues  fur 
'»  fa  perfonnc  ,  fa  démarche  noble , 
'>  fon  air ,  fes  adipns ,  fcs  manières, 
»  fcs  paroles  ,  fes  regards ,  je  me 
n  ftns  briller  de  tous  les  feux  qu'A- 
»  niour  peut  allumer  ;  toute  autre 
»  paillon  me  paroît  céder  à  celle-là: 
»  mais  bien-tôt  je  me  dis  qu'il  en 
>}  aime  obftinément  une  autre,  que 
0  pour  elle  il  néglige  ,  il  méprife 
»  une  beauté  ,  que  mille  Se  mille 
w  Amans  ont  adorée  ■,  dans  ce  mo- 
n  ment  je  le  hais,  je  l'abhorre,  je  le 
»  luis ,  &  il  me  paroît  impolllble 
J5  que  jamais  mon  cœur  ait  pu  de- 
»  venir  fenlible  pour  lui.  Quelque- 
wfojç  je  me  dis,  ah!  Corifque,  que 
>»  tufeioisheureufc  ,  fi  tu  pouvois 
)>  pofTcder  fans  partage  ton  cher 
u  Myrtil ,  &  cette  penfée  fait  naî- 
»tre  en  mon  cœur  un  doux  pen- 
»  chant  qui  m'invite  à  le  fuivre  ,  à 
N  tenter  de  le  fléchir  par  mes  prie- 
»  res,  &  à  lui  découvrir  mon  cœur: 
M  alors  ma  pallion  eft  ii  vive  ,  que 
3»  j'irois  jufqu'à  l'adorer.  Mais  fur  le 
»  champ  l'amour  propre  parle  iJc 
»>me  dit  ,  qu'il  eft  infenfîble  , 
»  fier  ,  dédaigneux  ,  qu'il  peut 
»  en  aimer  une  autre  que  moi  , 
»  qu'il  peut  me  voir  &  ne  m'a- 
»>  dorer  pas  ,  qu'il  peut  fe  défen- 
»  dre  de  mes  charmes  jufqu'à  ne- 
pas 


A  O  U  s 

m  pas  mourir  de  tcndrciïe  ;  &  moi 
«qui  devrois  le  voir  comme  mil- 
1)  le  autres  ,  foupirant  tSc  pleurant  à 
M  mes  genoux  ,  je  pourrois  moi- 
»  même  porter  aux  lîens  des  foupiis 
»■>  &  des  pleurs  î  Non  ,  me  dis  je , 
>»  il  n'en  fera  jamais  rie;».  Alors  tou- 
»  te  ma  haine  contre  lui  fe  réveille  , 
»  )e  me  reproche  d'avoir  tourné 
n  vers  lui  mes  penfees  &  mes  yeux: 
w  le  nom  de  Myrtil ,  ma  foiblelTc  , 
V  me  deviennent  plus  affreufe  c]ue 
»  la  mort ,  je  voudrois  le  voir  le 
»»plus  trifte  &c  le  plus  malheureux 
»  Berger  du  monde  ;  &  s'il  croit  en 
»  mon  pouvoir  ,  je  le  tucrois  de 
3»  mes  propres  mains  :  ainfî  la  her- 
»  té  &  les  defirs ,  la  haine  &  l'a- 
w  mour  me  font  un.e  guerre  conti- 
5»  nuelle  ,  &  moi  qui  ai  fait  jufqu'à 
»  prefent  mille  padîons  ,  qui  ai 
»)  tourmenté  mille  amans ,  je  ref- 
wfcns  dans  les  mouvemens  de  ma 
>»  tendrelTe  &  de  ma  jaloulîe  tous 
»sles  maux  que  je  fis  fouffrir,  G'ç. 

Nous  tranfcrirons  encore  ce  que 
dit  Amaryllis ,  au  commencement 
de  la  5^  Scéjie  de  l'Ade  fécond. 

j' Heureufe  &  précieufe  folitude, 
rt  retraites  fombres  &  écartées ,  où 
j>  feule  on  peut  goûter  le  repos  &c 
»la  paix  ,  qu'avec  plaifir  je  vous 
j» revois!  Hélas,  le  Ciel  me  per- 
»  mettoit  de  vivre  indépendante  , 
3D  &;  de  n'avoir  que  ma  volonté 
M  pour  règle  de  mes  adions  ,  je  ne 
f>  changerois  pas  cette  ombre  dé- 
M  licieufe  conti'e  les  champs  Elyfées 
nféjour  fortuné  des  Héros  &  des 
»  Demi-Dieux.  Ces  biens  périfTa- 
ji'bles  ne  font ,  à  dire  vrai ,  que  1» 


T  ;  1 7  5  ?•  48;* 

»  fourcc  de  tous  maux  :  ce  qu'on 
3i  nomme  abondance  eft  réclle- 
»  ment  pauvreté  ;  nous  fommes 
>i  leurs  cfclavesbicn  plus  que  leurs 
«  maîtres  :  ce  ne  font  point  de 
•>  vraies  richefles.mais  des  liens  qui 
»  forment  notre  fervitude.  Que  fer- 
i>ventdans  la  plus  brillance  jeuneflc 
»  ces  grâces  de  la  beauté  ,  la  repu- 
w  ration  d'honneur?  Qiie  fcrt  à  une 
»  mortelle  l'extraôfion  divine?  Qiiç 
»  fervent  de  vertes  Se  riantes  cara- 
»  pagnes  ,  de  fertiles  coteaux ,  d'a- 
l'bondans  pâturages  &  des  trou- 
»  peaux  nombreux  ,  tous  dons  da 
»  Ciel  ou  prcfcns  de  la  terre  ,  fi  le 
»  cœur  au  milieu  de  tant  de  biens 
n  n'eft  pasfatisfait  ?  Bien  plus,  heu- 
n  reufe  une  Bergère  que  couvre  à 
>•  peine  une  étoffe  commune  ,  mais 
M  propre.  Riche  d'elle-même  ,  pa- 
»  rée  des  feuis  dons  de  la  nature, 
»  dans  une  pauvreté  qui  n'a  rien  de 
»  trop  dur ,  elle  ne  connoîc  point 
»  les  horreurs  de  la  milcre  ,  elle 
w  ignore  le  poids  des  richcffes.Tout 
»  ce  qu'elle  a  ,  elle  le  pollede  fans 
»  avoir  été  tourmentée  du  dehr  de 
«l'acquérir  :  elle  efl:  pauvre,  mais 
»  elle  eft  contente.  Les  dons  de  U 
»  nature  fans  apprêt  font  fa  feule 
j»nourriture.Le  lait  dont  elle  prend, 
»  le  miel  des  abeilles  dont  elle  fe 
»  nourrit,  confervent  fa  blancheur, 
»  &  entretiennent  fes  grâces  natu- 
»  relies  -,  cette  fontaine  d'eau  pure 
j>  dont  elle  boit ,  eft  le  feul  bain  8c 
»le  feul  miroir  qu'elle  connoifTe  : 
«  le  monde  n'a  point  de  droit  fur 
»  elle.  En  vain  le  Ciclfe  couvriroiç 
"de  nuages  épais,  en  vain  il  s'ar- 
Sff 


48<J  JOURNAL   D 

»  mcroit  de  giélcs  ,  ù  pauvreté 
»  l'exempte  de  toute  frayeur.  Elle 
M  ert  pauvre  ,  cette  Bergère  ,  mais 
«eîlccrt  contente.  Un  Icul  foin, 
»  tranquille,  &  qui  ne  craint  point 
»  d'obftûcie  occupe  fon  cœur  ;  pcn- 
Mclant  que  le  troupeau  qu'elle  con- 
>»duit  piît  dans  la  verte  prairie  ,  la 
"  douceur  de  fes  regards  repaît  le 
5»  jeune  Bercer  que  l'amour  Icul  lui 
»  adonné  pour  Amant ,  5c  non  pas 
"  les  Dieux  ni  les  hommes.  Un 
n  Myrte  favorable  à  leurs  amours  , 
n  efl:  dcpofitairc  de  leurs  carctfes 
»  mutuelles.  Tout  ce  qu'elle  fent 
»  d'ardeur  pour  lui ,  elle  le  lui  dit, 
»  Se  elle  ne  lui  dit  rien  qu'il  ne  fen- 


ES   SÇAVANS. 

»  te  de  même  :  elle  cft  pauvre^  mai* 
»  elle  cft  contente.  Heureux  état  , 
»  où  l'on  ne  connoît  jamais  qu'une 
"  mort.Qae  ne  puis-je  changer  mon 
»  deftin  contre  un  deftin  pareil  ! 

En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour 
faire  connoîtrc  é<.  apprétier  le  ftilc 
du  Traducteur.  A  l'égard  de  fa  fidé- 
lité ,  il  a  eu  foin  de  fournir  lui- 
même  à  fes  Leifleurs  un  moven  fur' 
&  facile  pour  s'en  éclaircir.  Us  n'au- 
ront qu'à  comparer  la  verlion  Fran- 
çoifc  avec  l'original  Italien  ,  qu'il  a 
fait  imprimer  à  côté  ,  d'après  l'édi- 
tion de  Jcan-Baptifte  Ciotii  ,  faite 
àVcnifeen  i(?oi.  &  qui  pafle  pour 
la  plus  correiflc  de  toutes. 


NOVVELLES     LITTERAIRES, 


FRANCE. 


De     Paris. 


ON  débite  à  l'Imprimerie  Roya- 
le les  Tomes  fepùéme  &  huitiè- 
me de  i'HiJîoire  de  l'Académie  Roytt- 
le  des  Infcriptions  &  Belles-Lettres  , 
avec  les  Mémoires  de  Littérature 
tirés  des  Regiftres  de  cette  Acade  - 
niie ,  depuis  l'année  \-jz6.  jufques 
compris  l'année  1730. /«-4°.  l,  vol. 
Jacques  Colomhat ,  rue  S.  Jac- 
ques ,  a  imprimé  Ecole  de  Cavale- 
rie ,  contenant  la  connoiiïance  , 
l'infirudion  &  la  confervation  du 
Cheval7avec  figures  en  taille-dou- 
ce. Par  M.  de  U  Giterinicre ,  Ecuyer 
du  Roy.  i-j II.  in-folio. 


Paulus-du-Mefiil  _,  Grand'SalIc 
du  Pahis  ,  au  Pillier  des  Confulta- 
tions  ,  a  en  vente  le  Tome  If^.  de 
VHiJioire générale  des  Auteurs  Sacrés 
&  Eccleji.:fliijues ,  qui  contient  leur 
Vie ,  le  Catalogue ,  la  Critique,  le 
Jugement,  la  Chronologie,  l'Ana- 
lyfe  &  le  dénombrement  des  diffé- 
rentes Editions  de  leurs  Ouvrages^ 
ce  qu'ils  renferment  de  plus  inte- 
reffant  fur  le  Dogme  ,  fur  la  Mora- 
le &  fur  la  Difciplme  de  l'Eglife  , 
l'Hiftoirc  des  Conciles  tant  géné- 
raux que  particuliers  ,  &  les  Aftes 
choifîs  des  Martyrs.  Par  le  R,  P. 
Dom  Remy  Ceillier  ,  Benedidin  , 
de  la  Congrégation  de  S.  Vanne  &C 
de  S.  Hydulphe  ,  Coadjuteur  de 
Flavigny.  i735.;>;-4°. 


A  O  U  s 

Ofi  trouve  c'-iCï  Michel-Etienne 
î)avii,  Qii.i  des  Auguftins ,  à  U 
Providence  3i  au  'IdI  David,  Us 
CaraBerts  de  TTié 7 pk,.-ifie  ,  avec  tes 
CaraElcres  onles  Mœurs  de  cejïécle  , 
par  ^i.de  la  Bruyère.  Nouvelle  Edi- 
tion ,  augmentée  de  la  défenle  de 
M.  de  la  Bruyère  &  de  fes  caraderes. 
Vzr M. Cofie.  ij^^.in-iz.  i.  vol. 

La  Vie  de  Gufman  d'Alfarache , 


T  ï    17  55-  457 

nouvelle  Fuition  ,  tevûë  &  corri- 
gée. Chez  Guillaume  Cavelier^  rue 
S.  Jacques  ,  au  Lys  d'or.  1733. 
in-i%.  2.  vol. 

La  nouvelle  Afer  des  Hifloiret. 
Chez  Charles  Guillaume  ^  Qiiai  des 
Auguftins ,  à  S.  Charles  &  P.  Gan- 
douin  le  jeune  ,  rue  du  Hurpoix  , 
aux  trois  Fleurs  de  Lys.  i  7  3  J. 
in  -  1 2. 


Fautes  k  corriger  dam  le  Journal  de  Juin  1733. 

PAge  345.  col.  2.  ligne  5.  après  ces  mots  ,  combien  de  partages  de 
Pères  le  Perc  Poiiïon  ne  cite-t-il  point  à  ce  fujet  ?  ajoutez.  :  nous 
exhortons  les  Ledeurs  à  chercher  dans  ces  partages  ,  quelle  efl:  la  diffé- 
rence qu'il  prétend  que  les  Pères  ont  mife  entre  h  pauvreté  d'efpric  ÔC 
l'efprit  de  pauvreté. 

Dans  le  Journal  de  Juillet: 

Page  371.  colonne  2.  lig.  22.  nuptix,  lifeznu^tx:  pig.  372.  coL  i; 
ïig.  34.  talfus  ,  lif.  falfus  :  pag.  373.  col.  2.  lig.  39.  Quam  ,  ///.  Qui- 
KAM  :  pag.  384.  col.  2.  lig.  23.  mangent,  lif.  mangent  de  la  viande  : 
pag.  385.  col.  I.  lig.  1^.  tolérant  ^  M.  tolérance  :  pag.  388.  col.  2.  lig.  ij„ 
dont,  lif.&c  dont  :  pag.  389.  col.  i.  lig.  pen.  a  été  ,  lif.  a  ôté  :  pag.  394, 
colonne  féconde,  ligne  8.  croyez  , ///^  croyiez  :  Ibid.  lig.  3(f.  raifonne- 
mcnt ,  lif.  ravilTement  :  Ibid.  ligne  pénultième ,  extraordinaire  ,  que  ' 
///extraordinaire  :  Que  :  p.395.  col.  i.  L  11.  phrafes,  lifezchofes  :  p.  411, 
«ol.  I.  lig.  30.  qu'il  y  a , /{/T qu'il cffuya  :  pag.  418.  col.  2.  lig.  28.  contre^' 
lif.  comme  :  pag.  422.  col.  i.  lig.  dcrn.  Archevêque,  lif,  Eviquc. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  d'Aouft  1735: 

ELogt  d»  Père  le  QuieH]  page    431 

EJpii  fur  les  Erreurs  PophUires  ^  Scc.  433 

La  Médecine  néologiif ne  ,  5cc.  445 
Coutumes  générales  &  Locales  du  Pays  &  Duché  de  Bouriontisis  ,  &c.  455 

Réfutation  des  Criti(juts  de  M.  Baylefur  S.  jiitgufiin  ,  &c.  457 

Cloffaire  de  du  Cange  ,  &c.  4^4 

Continuation  des  Levons  Théologiennes  de  M.  Tournely  ^  &e,  479 

Suite  du  Recueil  des  Ecrivains  d'Italie ,  &c.  Terne  XL  474 

Nouvelle  Tradu^ion  du  Paftor  Fido ,  4S  i 

^0HV(fl(i  J^immtss  ;  tk^( 
fin  de  U  Tâbjift 


L  E 

JOURNAL 

scavÀns 

FOUR 

VANNEE     M.    DCC.    XXXUl 

SEPT  EMBRE. 


À      PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Qiiay  de« 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.    DCCTICXXIIL 
AVEC  A2TKOBATI0N  ET  PRIVILEGE  DU  ROYi 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 


SEPTEMBRE  M.  DCC.    XXXIII. 

TRAITE  DE  L'OPINION  ,  OU  MEMOIRES  POVR  SERFIR. 
4  l'Hifloire  de  i'Efprit  Humniti.  A  Paris ,  chez  Briajfon  ^  rue  S.  Jac- 
ques,  à  la  Science.  1733.  Six  Tomes  in-ii.  reliés  en  dix  Volumes. 
Tom.  I.  pp. 646'.  Tom.  II.  pp.  6-j-j.  Tom.  III.  pp.  (f  83.  Tom.  lV.pp.^40, 
Tom.  V.  pp.  594.  Tom.  VI.  pp.  593. 


POUR    mettre   les    Lcdeurs 
plus  au  fait  de  ce  Traité  ,  dont 
nous  avons  donné  un  premier  Ex- 
tcait  dans  le  Journal  de  Juin  dcr- 
Seftemb. 


nier  ,  nous  en  rapporterons  encore 
ici  quelques  exemples ,  félon  que 
nous  nous  y  fommcs  engagés  dans 
k  même  Extrait.  Nous  nous  bornc- 
Tttii 


4P2  JOURNAL   D 

ions  à  trois  arrides ,  à  celui  de 
l'Hiftoire  ,  à  celui  des  Naturaliftcs 
&z  à  celui  de  h  Divination-,  non  par 
préférence  à  aucun  des  aurrcs,  mais 
parce  qucii'crant  pas  pofllble  de  les 
cxpolcr  tous  ,  il  faut  necelfaire- 
ment  fc  déterminer  à  quelques- 
uns. 

Varktê  d' Opinions  dnns  ce  qui  con- 
crrne  l'tiifloire. 

iTeft  difficile  ,  pour  ne  pas  dire 
impolTible  ,  comme  le  remarque 
Plutarque  dans  la  ViedePériclés  , 
de  difcerner  le  vrai  par  la  lecture 
de  l'Hiftoire  :  fi  elle  cft  écrite  après 
pluiîeurs  fîecles ,  elle  a  contre  elle 
l'Antiquité  des  tems  qui  lui  déro- 
be la  connoiflance  des  chofcs  paf- 
fées  ,  &  fi  elle  l'cfi:  du  vivant  de 
ceux  dont  elle  parle  ,  l'envie  ou  la 
flatterie  la  portent  à  corrompre  ou 
à  déguifer  la  vérité.  Tacite  a  beau 
Tîrotcfter  qu'il  n'a  aucun  fujet  de 
prévention  favorable  ou  de  haine  : 
le  Ledeur  défiant  ajoutera  plus  de 
foi  à  Strabon  qui  dit  que  pour  être 
bon  Hiftorien  ,  il  faudroit  n'être 
d'aucune  Pvcligicn  ,  d'aucun  Pays  , 
d'aucune  protellîon,  d'aucun  parti, 
&  peut-être  même  n'être  pas  hom- 
me. 

Le  témoignage  de  l'Abbé  de 
S.  Real  dans  fcs  Oeuvres  Pofthu- 
mcs ,  n'eft  pas  oublié  ici  par  notre 
Auteur.  Onferoit  fort  fimple  ,  du 
cet  Ecrivain  ,  d'étudier  l'Hiftoire, 
avec  l'efperance  d'y  découvrir  ce 
qui  s'cft  pafle  :  c'eft  bien  affez  qu'on 
Içache  ce  qu'en  ont  dit  tels  &  tels 
Auteurs ,  &  ce  n'eft  pas  tant  i'Hi'. 


ES   SÇAVANS. 

ftoire  des  faits  qu'on  doit  cberchcr  ^ 
que  l'Hiftoire  de  ce  qu'ont  écrit  les 
hommes.  Clio  celle  des  Mufcs  qui 
préfide  à  l'Hiftoire  ,  a  été  de  tout 
tems  regardée  comme  une  Count- 
fannc  qui,  pourlapl-us  vile  récom- 
penfe  ,  fe  livre  au  premier  venu. 

Velleius  -  Patcrculus  ,  obfcrve 
l'Auteur  de  ce  Traité  ,  a  plutôt 
compofé  des  Panégvriqucs  qu'une 
Hiftoire  ,  parcequ'ilétoit  tout  dé- 
voilé à  Tibère  &  à  Séjan  i  Zozimc 
fe  laiife  emporter  à  fi  paiTion  contre" 
Conftantin  ;  Eufebe  flatte  toujours 
cet  Empereur.  Tite  -  Live  favori- 
foit  fi  ouvertement  le  parti  de 
Pompée  ,  qu'Augufte  ne  pouvoit 
s'empêcher  de  l'en  plaifanter,  en 
l'appellant  le  Pompéien ,  Dion  étoic 
trop  partial  pour  Céfar. 

Un  autre  défaut  des  Hiftoriens  ; 
félon  notre  Auteur ,  c'eft:  d'ajufter 
chacun  cà  leur  caràdere  paiticulicr  , 
l'Hiftoire  qu'ils  écrivent.  Salluftc 
eft  moral.  Tacite  cft  politique,  Ti- 
tc-Live  eft  fuperftitieux  &  haran- 
gueur ;  mais  en  quoi  ils  convien- 
nent tous ,  c'eft  de  vouloir  appren- 
dre à  leurs  Leifi:eurs  les  caufes  des 
évenemens  ,  quoique  ces  caufes 
foient  ignorées  non  feulement  des 
contemporains ,  mais  de  ceux  mê- 
mes qui  ont  eu  part  aux  affaires. 

Une  remarque  importante  fur 
l'incertitude  de  l'Hiftoire  ,  &;  que 
notre  Auteur  n'oublie  pas  ici ,  c'eft; 
que  les  Poètes  ont  pris  .î  tâche  de 
mêler  leurs  fictions  avec  la  vérité  ; 
témoin  cntr'autres,  l'Hiftoire  de 
Jupiter  ,  &  de  toute  la  famille  des 
.Titans,  l'Hiftoire  d'Ifis,de  Medéc, 
de  Didon  5   d'Hcrcuk,   l'expedi- 


s  E  P  T  E  M 

îion  des  Argonautes  ,  le  Siège  de 
Troyes ,  &c. 

L'amour  du  merveilleux  eft  une 
des  caufcs  qui  ont  encore  le  plus 
contribué  à  rendre  l'Hiftoire  incer- 
taine. Quelques  Hiftoriens  ,  obfer- 
ve  notre  Auteur  après  Scnéque  ,  fc 
plaifent  à  conter  des  chofes  incroya- 
bles comme  s'ils  partageoient  avec 
les  faulTes  merveilles  qu'ils  racon- 
tent ,  l'admiration  qu'ils  font  naître 
dans  i'efprit  des  Lcifteurs  crédules, 
C'eft  cet  amour  de  l'extraordi- 
naire qui  a  donné  lieu  à  tant  de 
fiiîtions  eu  d'exagérations.  Notre 
Auteur  cite  fur  cela  ce  que  raconte 
Jurtin  de  ccSoldat  Athénien  nommé 
Cyncgire,  qui  pourfuivanr  les  Per- 
fes  qui  i^  jcttoient  confufément 
dans  leurs  VailTcaux  ,  faifit  un  de 
ces  Vaitreaux  avec  fes  deux  mains 
l'une  après  l'autre  ,  &  les  ayant  eu 
cnfuire  toutes  deux  coupées ,  retint 
le  Vaiffeau  avec  les  dents.  Il  cite  ce 
que  Plutarque  rapporte  de  Pyr- 
rhus ,  fça  voir  que  ce  Prince  blcffé  à 
la  tète  dans  un  combat  contre  les 
Maures  ,  ayant  été  obligé  de 
quitter  la  mêlée,  un  de  ces  Maures 
le  défia  de  fe  montrer  ,  qu'alors 
Pyrrhus  irrité  de  ce  défi  ,  retourna 
au  combat  malgré  fa  blelTure  d'où 
le  fang  couloir  de  toutes  parts ,  & 
pouffant  au  travers  des  bataillons 
droit  au  Barbare  qui  venoit  de  le 
défier  ,  lui  déchargea  fur  le  milieu 
de  la  tète  un  fi  grand  coup  de  fon  ci- 
meterre,que  le  tranchant  defcendit 
jufqu'à  la  felle  du  chcval,&fendit  le 
Maurre  en  deux ,  de  forte  que  dans 
ie  moment  les  deux  moitiez  tom- 
bèrent chacune  de  leur  côté.  Il  cite 


B  R  E  i    1755:  49} 

Cf.  qu'on  lit  dans  MafFée  :  qu'un 
Soldat  Portugais  n'ayant  plus  de 
balles  ,  s'arrachoit  les  dents  pour 
charger  fon  moufquet. 

La  variété  des  Opinions  en  ma- 
tière d'Hiftcire  ,  fait  ici  le  fujet  de 
plufieurs  articles.  Hérodote  qui 
pafie  pour  le  père  de  l'Hiftoire ,  eft 
traité  par  Ciceron,d'Autcur  rempli 
de  fables  :  A^uâ  Herodotum  patrem 
Htftoria  ,  fiint  tnnmfierabiles  fabula. 
(Cic.de  Lcg:Lib.i.)Strabon,  Qiiin- 
tilicn  ,  Cafaubon  ,  ne  déférent  pas- 
plus  à  l'autorité  d'Hérodote  qu'à 
celle  d'Homère  ,  d'Héfiodc  &  des 
Poètes  Tragiques.  Lucien  dans  fon 
Voyage  aux  Enfers ,  trouve  Héro- 
dote parmi  ceux  qui  étoient  punis 
pour  en  avoir  irapofé  à  la  pofterité. 
Pline  avance  que  Diodore  eft  le 
premier  Hiftorien  Grec  qui  fe  foir 
abftenu  de  conter  des  fables.  Vives 
en  juge  autrement,  il  foûtient  qu'il 
n'y  a  rien  de  plus  frivole  que  touC 
ce  qu'a  écrit  Diodore;  &  Diodore  de 
fon  côté  traite  d'Ecrivains  fabuleux 
tous  ceux  qui  l'ont  précédé. 

Les  Sçavans  ont  été  fort  partagés 
fur  la  Cyropedie  de  Xénophon. 
Plufieurs  ont  fuivi  le  fentiment  de 
Ciceron  ,  qui  a  regardé  cet  Ouvra- 
gc,comme  un  portrait  fait  d'imagi- 
nation, pour  reprefcnter  un  Prince 
accompli  ;  aujourd'hui  l'opinion 
oppofée  qui  foiitient  que  la  Cyro- 
pedie eft  une  Hiftoire  véritable 
femble  prévaloir ,  mais  ne  fournit 
cependant  rien  de  certain. 

Les  Commentaires  de  Céfaj 
n'ont  pas  été  moins  en  bute  aux 
traits  de  l'opinion ,  &  notre  Auteuu 
rapporte  que  Pollio-Afinius  les  re-. 


4<>4       JOURNAL    D 

gardoit  comme  un  Ouvrage  peu 
finccre  ;  qu'un  autre  Ecrivain  dont 
Volfius  fait  mention  ,  avoit  com- 
pofc  unLivre  où  il  prétendoit  mon- 
trer par  des  preuves  invincibles 
que  jamais  Céfar  n'avoic  palTé  les 
Alpes ,  &  que  tout  ce  qu'il  racon- 
te de  la  guerre  des  Gaules  cft  faux. 
Ce  n'cft  pas  feulement  entre  plu- 
ficurs  Hiftoricns  qu'on  voit  de  la 
divcrfité.  Souvent  un  même  Hifto- 
ricn  n'eft  pas  d'accord  avec  lui-mc- 
jnc  ;  notre  Auteur  rapporte  là-def- 
fus  l'exemple  de  Procope  qui  dans 
fon  Hiftoire  dopne  beaucoup  de 
loiianges  à  l'Empereur  Juftinien  ,  à 
l'Impératrice  Théodore  Ci  femme  , 
à  Bellifaire  &  à  fa  femme  Antoni- 
ne  ,  &  qui ,  dans  fes  Anecdotes  les 
déchire  d'une  manière  impitoyable. 
Il  joint  à  cet  exemple  celui  de  l'A- 
retin  qui  fe  vantoit  d'être  l'arbitre 
de  la  réputation  des  Princes  ,  leur 
difpcnfant  les  louanges  &  le  blâme, 
fuivant  qu'il  en  étoit  bien  ou  mal 
payé.  La  réponfe  qu'il  fit  à  Charles- 
Quint  qui  après  l'expédition  de 
Tunis  lui  avoit  envoyé  une  chaîne 
d'or  ,  fcavoir  que  c'étoit  là  un  pre- 
fent  bien  médiocre  pour  une  entre- 
prife  C\  mal  concertée  ,  n'cft  pas 
oubliée. 

Au  relie  ^  le  marbre  &  l'airain  , 
ne  font  pas  des  garands  alTurés  de 
la  vérité  des  faits ,  &c  l'opinion  la 
moins  fondée  donne  quelquefois 
occafion  aux  monumcns  les  plus 
authentiques  :  notre  Auteur  en  ap- 
pelle là-defiiis  à  l'Infcription  qui 
fut  mife  à  l'arc  de  triomphe  de  Ti- 
tus,pour  relever  la  conquête  de  Je- 
rufalem.  L'Infcription  portoit  qu'a- 


ES     SÇAVANS. 

vant  Titus,  pcrfonnc  n'avoit  pris 
cette  Ville  ni  même  ofc  l'alliegcr  , 
quoique  cependant  (  fans  parler  ici 
de  la  Sainte  Ecriture  qui  pouvoic 
être  peu  connue  des  Romains  ) 
Pompée  foit  appelle  par  Ciccron  , 
dans  fes  Lettres  à  Atticus  ,  notre 
Jérofolymaire  ,  hic  nofier  Hierofo- 
lymariHs  TraàuSlor  adpUbnn  ,  parce 
que  perfonnc  n'ignoroic  à  Rome 
que  Jerufalcm  étoit  une  des  con- 
quêtes de  Pompée.  Nous  palTonï 
touchant  l'incertitude  de  l'Hiftoi- 
rc  ,  un  nombre  conCdcrable  d'au- 
tres exemples ,  pour  obfcrver  avec 
notre  Auteur ,  que  les  évcnemeas 
les  plus  importans  &c  les  plus  célè- 
bres font  ordinairement  ceux  fut 
lefquels  les  Hiftoriens  s'accordent 
le  moins:  Quelle  diverfité  d'opi- 
nions fur  la  guerre  de  Troyes  !  Les 
uns  en  ont  fait  une  des  plus  con- 
fiantes &  des  plus  réelles  époques 
de  l'Hiftoire  ,  &  les  autres  ont  re- 
gardé cet  événement  comme  entiè- 
rement fabuleux. 

Dion  -  Chryfoflomca  foûtenu 
fur  la  foi  des  Prêtres  Egyptiens 
qu'Hélène  recherchée  par  les  plus 
grands  Princes  de  l'Alîe  &  de  la 
Grèce  ,  fut  mariée  par  fon  perc 
Tyndare  à  Alexandre  fils  de  Priam: 
Que  ces  Princes  irrités  de  ce  maria- 
ge ,  firent  la  guerre  aux  Troyens  ; 
que  les  Grecs  affoiblis  par  la  pefte  , 
par  la  famine  ,  &  par  les  di(Tentions 
qui  fe  mirent  entr'eux  ,  firent  h 
paix  avec  les  Troyens  ;  Qiie  pour 
perpétuer  la  mémoire  de  ce  Traite 
il  fut  conftruit  un  Cheval  de  bois 
fur  lequel  on  marqua  en  gros  carac- 
tères la  paix  qui  venoit  d'être  coa-i 


s  E  l'  T  E  M  B  R  E  ,  1 7  n^  4PT 

eia'é  :  Que  les  Troyens  abbatirent  que  en  doute  par  Dcnys  d'Halicar- 
un  pan  de  muraille  pour  faire  en-  naffe 
trer  dass  leur  Ville  ce  Cheval  qui 
ne  pouvoir  paffer  par  les  portes. 
Paufanias  dit  au  contraire,  que  k 
Cheval  dont  i)  s'agit  avoir  été  fait 
pour  battre  les  murailles  deTroyes, 
il  ajoute  que  T'i^toit  une  machine 
d'airain  ,  qu'il  la  vue  dans  la  cita- 
delle d'Athènes  ,  &  qu'on  s'en  fer- 
vir  alors  ,  comme  on  s'cfl-  fcrvi  de- 
puis du  Bélier. 

Pluficur";  o.-it  écrit  qu'Hcl:ne  ne 
fut  jamais  à  Troyf  s  :  Que  Paris  &: 
Hélène  furent  poufTés  par  la  tem- 
pête à  une  des  embouchures  du  Nil 
nommée  Canope  ,  &  delà  con- 
duits à  Memphis:  QuePiothée  qui 
y  regnoit  reprocha  à  Paris  fa  perfi- 
die ,  le  chafTa  de  fes  Etats  &  retint 
Hélène  avec  toutes  fes  richefles  : 
Que  Paris  fc  retira  à  Troycs  :  Que 
les  Grecs  croyant  qu'il  y  avoir  em- 
mené Hélène  ,  l'y  fuivircnt  de  près, 
êc  fommcrent  les  Troyens  de  la 
rendre  ,  avec  toutes  fes  richeffes  : 
Que  lesTroyens  ayant  répondu  que 
ni  la  PrincefTe  ni  fes  richelTes  n'è- 
toient  dans  leur  Ville  ,  les  Grecs 
refufèrent  de  les  croire  ,  ce  qui  al- 
luma une  guerre  cruelle  -,  mais  que 
Mènélas,  à  fon  retour,  pafla  en 
Egypte  chez  le  Roi  Prothéc  ,  qui 
lui  rendit  Hélène  avec  toutes  fes 
richefles. 

La  différence  des  opinions  n'eft 
pas  moins  grande  fur  ce  qui  con- 
cerne Enée  :  Notre  Auteur  remar- 
que que  fuivantqu piques  Ecrivains 
ce  Prince  trahit  fa  Patrie,  &  livra 
une  porte  deTroycs  aux  Grecs:Quc 
le  yoyage  d'Enée  en  Italie  eft  rcv(> 


&  entre  les  modernes,  par 
Jufte-Lipfe  ,  par  Philippe  Cluvier, 
par  Samuel  Bochart ,  &  par  plu- 
fîeurs  autres  :  Que  Mctrodore  de 
Lampfaque  n'hèfîce  point  à  dire 
que  les  Héros  d'Homère  ,  Aga- 
memnon  ,  Achille,  Hector ,  Paris, 
Enée  n'ont  jamais  cxifté. 

Notre  Auteur  fait  voir  que  lt> 
variété  des  opinions  n'eft  pas  moins 
grande  fur  ce  qui  concerne  la  fon-i 
dation  de  Rome. 

Les  uns   difent  que  les  Pélaf- 
ges  ,     après  avoir  fubjugué  plu- 
fieurs  Nations  ,  fondèrent  en  Ita- 
lie uneVille  qu'ils  nommèrent  R«. 
me ,  pour  marquer  leur  puiflancc 
&  leur  force ,  Rome  en  Grec  ligni- 
fiant force  ;  d'autres  racontent  que 
le  jour  de  la  prife  de  Troyes  ,  quel- 
ques Troyens  s'étant  embarqués  fur 
des   Vaiflèaux    qu'ils    trouvèrent 
heureufement  dans   le  port  ,    8c 
ayant  été  jettes  par  les  vents  fur  les 
Côtes  de  la  Tofcane  ,  defcendirenc 
près  du  Tibre  :  Que  parmi  leurs 
Femmes  qui  ne  pouvoient  plus  fup- 
portcr  les  fatigues  de  la  mer ,  il  y 
en  eut  une  nommée  Rome  ,   qui» 
confeilla  à  fes  compagnes  de  brûler 
leurs  Vaiflèaux  ,  que  la  chofe  ayant 
été  exécutée  ,  leurs  maris  qui  con- 
nurent la  fertilité  du  Pays ,  fçûrcnt 
bon  gré  à  leurs  femmes  de  les  avoir, 
contraints  de  s'y  fixer  ,  &  y  bâti- 
rent une  Ville  ,  qu'ils  nommèrent 
du  nom  de  la  pcrfonne  qui  avoit 
confeiilé  de  brûler  les  Vaiflèaux.  îl 
y  en  a  qui  difent  que  Tèlèphus  fils 
d'Hercule  ,  eut  une  fille  nommée 
Reme ,  laquelle  fut  mariée  à  Enécj; 


4P5         JOURNAL  D 

ou  à  fon  fils  Afcanius ,  &  que  c'eft 
cette  fiUc  qui  donna  le  nom  à  laVil- 
le  i  d'autres  prétendent  que  Rome 
fut  bâtie  par  un  fils  d'UlilTc  &  de 
Circé, appelle  Romanus.  On  trouve 
aullî  des  Auteurs  qui  écrivent  qu'el- 
le doit  fon  origine  à  un  fils  d'E- 
mathion  qui  fut  envoyé  en  ce  Pays- 
Ii  par  Diomcde  ,  &  qui  fe  nom- 
moit  Romus  -,  félon  d'autres  elle 
fut  bâtie  par  un  Romus  Roi  des 
Latins  ,  lequel  chaffa  les  Tyrrhc- 
niens.  Anthiochusde  Syracufe^qui 
vivoit  cent  ans  avant  Ariftotc,  écrit 
que  long  tems  avant  la  guerre  de 
Troyes  ,  il  y.  avoit  en  Italie  une 
-A'^ille  appellée  Rome.  Mais  ce  qui 
eft  digne  Ac  remarque  ,  c'eft  que 
parmi  ceux  mêmes  qui  attribuent 
ia  fondation  de  cette  Ville  à  Ro- 
mulus ,  il  n'y  a  pas  moins  d'opi- 
nions différentes  fur  l'origine,  la 
naiflance  ,  &  l'éducation  de  ce 
Fondateur. 

La  diverfité  des  opinions  fur  les 
Sabines ,  fur  Licurgue  &  fur  les 
Amazones ,  fait  ici  la  matière  de 
pluficurs  articles.  Pour  ce  qui  eft 
des  Amazones  ,  Hérodote  ,  Diodo- 
re,  Trogue-Pompée  ,  Juftin  ,  Pau- 
fanias ,  Plutarque  ,  Quint  Curcc  , 
&:  plufieurs  autres  Auteurs,  en  ont 
parlé.  Mais  Strabon  nie  que  cette 
Nation  ait  jamais  exiftéc.  Paléphatc 
eft  de  même  avis  que  Strabon.  Ar- 
rien  regarde  comme  fort  fufpeA 
tout  ce  qu'on  a  écrit  des  Amazo- 
nes. D'autres  ont  entendu  par  les 
Amazones  ,  des  armées  d'hommes 
commandées  par  des  femmes  guer- 
rières ,  ôi  ils  montrent  que  ces 
exemples  ne  font  pas  racs  dans 


ES  SÇAVANS, 

l'antiquité  ■■,  les  Médes  ,  par  exem- 
ple ,  Se  ks  Sabiens  obéiftoient  ï 
des  Reines ,  Sémiramis  comman- 
doit  aux  Aftyriens  ,  Tomyns  aux 
Scytes  ,  Cléopàcre  aux  Egvpticns , 
Baudiccc  aux  Anglois,Zénobieaux 
Palmyréniens. 

Appien  croit  que  les  Amazones 
n'étoient  pas  une  Nation  particu- 
lière ,  m.iis  qu'on  appelloit  aind 
toutes  les  femmes  qui  alloient.àla 
guerre,  de  quelque  Nation  qu'elles 
f  ulTent  -,  d'autres  ont  avancé  que  les 
prétendues  Amazones  ont  été  des 
peuples  barbares ,  vêtus  de  longues 
robes ,  Icfquels  rafoient  leurs  bar- 
bes ,  &  avoicnt  des  ornemcns  de 
tête  femblables  à  ceux  qui  étoienc 
en  ufage  paimi  lestemmesde  Thri- 
ce  ;  félon  Dioddre  de  Sicile  ,  Her- 
cule fils  d'Alcméne  ,  à  qui  il  avoit 
été  enjoint  par  Euryfthée  de  rap- 
porter le  baudrier  d'Hyppolitc 
Reine  des  Amazones,  alla  les  com- 
battre fur  les  bords  duThermodon, 
6c  détiuifit  cette  Nation  guerrière; 
cependant  les  traits  les  plus  célèbres 
de  l'Hiftoire  des  Amazones ,  font 
plus  récens  que  l'Hercule  Grec  fils 
d'Alcméne  ;  on  le  montre  par  di- 
vers exemples. 

Notre  Auteur  a  fait  mention  un 
peu  plus  haut ,  de  Cirus  ;  il  y  re- 
vient ici ,  &  remarque  que  fuivant 
Xcnophon  Cirus  meurt  tranquille- 
ment dans  fon  lit  ;  mais  qu'Onéh- 
crite  ,  Arricn  ,  Hérodote  ,  Juftin, 
Valérc  -  Maxime  rapportent  que 
Tomiris  Reine  des  Madagcttes 
l'ayant  fait  prifonnier,  ht  plonger 
fa  tête  dans  un  Outre  plein  de  fang. 
Ctéfias  écrit  que  Cirus  fut  tué  d'uo 
couig 


I 


SEP  T  E  M 

Coup  de  flèche  par  un  Indien. 
Si  on  en  croit  Diodore  ,  il  fut  fait 
prifonnier  par  une  Reine  des  Scy- 
thes ,  Se  enfuite  attaché  à  une  croix 
par  l'ordre  de  cette  Reine  :  i'uivant 
Lucien  ,  il  mourut  de  douleur ,  de 
ce  que  Carîibyle  Ion  iîls  avoir  tait 
tuer  fous  le  prétexte  d'un  faux  or- 
dre ,  la  plupart  de  ceux  que  Cirus 
aimoit. 

Il  n'y  a  guéres  d'évenemcns  plus 
unanimement  atteftés  dans  l'Hi- 
iloire  Romaine,  que  celui  de  la  dé- 
faite des  Fabiens  à  la  journée  de 
Crémére.  Tite-Live  ,  Ovide  ,  Au- 
rclius-Vidor  ,  SiHus ,  Feftus  ,  Va- 
lére-Maxime  le  rapportent  d'une 
manière  conforme  ,  Denysd'Hali- 
carnaiïc  cependant  le  rejette  com- 
me abfolument  fabuleux. 

Notre  Auteur  après  avoir  rap- 
porté plufieurs  autres  exemples  de 
la  variété  des  opinions  en  matière 
d'Hiftoire  ,  vient  aux  divers  fcnti- 
mens  des  Hill:oriens  fur  la  caufe  du 
changement  de  nom  des  Papes ,  8c 
à  ce  qui  a  été  écrit  touchant  la 
mort  de  Léoni  Médecin  de  Laurent 
de  Médicis  ,  par  Variiias  &  par 
d'autres-  Nous  terminerons  par  ces 
deux  exemples  l'article  de  l'Hi- 
ftoirc. 

Les  Ecrivains  font  fort  partagés 
fur  la  caufe  du  changement  de  nom 
des  Papes  :  Fra-Paolo  l'attribue  aux 
Allemans  qui  ont  été  élevés  au 
Pontificat, &:  dont  les  noms  étoient 
rudes  &  mal  fonnans  aux  oreilles 
Italiennes  j  coutume,  ajoiàte-t-ii  , 
que  les  Papes  ont  depuis  gardée  , 
pour  marquer  qu'ils  changeoient 
leurs  affedions  privées  en  d'autres 
Septemù. 


B  R  E  ,    1 7  î  5.    ,      4i>7 

plus  nobles.  Platine  prétend  que 
Sergius  II.  a  le  premier  changé  de 
nom  ,  parce  qu'il  s'appelloit  Gra- 
tien  de  Porc.  Baronius  fe  mocquc 
de  cette  raifon,  &  attribue  le  chan- 
gement dont  il  s'agit  à  Sergius  III. 
qui  fe  nommant  Pierre  ,  refufa  pat 
humilitéjde  porter  le  nom  du  Prin- 
ce des  Apôtres.  Onophre  croit  que 
Jean  XII.  qui  auparavant  s'appel- 
loit Octavien ,  prit  le  nom  de  Jean, 
parce  que  celui  d'Oâ:avicn  lui  pa- 
rut trop  tenir  du  Gentiiifme.  D'au- 
tres prétendent  que  ce  changement 
de  nom  des  Papes  n'a  été  introduit 
que  pour  imiter  S.  Pierre  qui  s'ap- 
pelloit Simon  avant  que  Notre- 
Seigneur  l'eût  appelle  Céphas. 

Quant  à  ce  qui  concerne  la  mort 
de  Léoni ,  Variiias ,  dans  fes  Anec- 
dotes de  Florence  ,  rapporte  que 
ce  Médecin  n'ayant  pu  guéri» 
Laurent  de  Médicis  ,  père  de 
Pierre  de  Médicis  ,  ce  dernier 
voyant  fon  père  mort ,  fut  fi  tranf- 
porté  de  colère ,  qu'il  fit  jetter  le 
Médecin  dans  un  puits  où  il 
fe  noya.  Ange  Politien  qui  étoit 
prefent  à  la  mort  de  Laurent 
de  Médicis  ,  dit  dans  une  de  fes 
Lettres ,  où  il  raconte  toutes  les 
circonftances  de  cette  mort ,  que 
Léoni  s'étant  promis  de  guérir  ce 
Seigneur  ,  eut  un  fi  grand  déplaifir 
de  ne  l'avoir  pii  faire ,  qu'il  fe  noya 
lui-même.  A  qui  des  deux  ajoîitera- 
t-on  foi ,  demande  ici  notre  Au- 
teur ?  Croira-t-on  Ange  Politiea 
ou  Variiias  ;  »  Peut  être ,  continue- 
»  t-il  ,  que  les  ennemis  de  Pierr» 
»de  Médicis  pour  noircir  fi  repu- 
M  tation,  lui  ont  attribué  ceae  br*- 

VVY 


,jj.5>8        JOURNAL   DE 

p  talité  d'avoir  noyé  le  Médecin 
>>  Lconi  i  ptut-étre  aufli  cju'Ange 
»  Politicn  j  attaché  à  la  maifon  de 
»Mcdicis  ,  a  voulu  épargner  à 
»Picrre,la  hcnte  de  ce  crime.  Voilà, 
»»  pourfuit-il ,  où  nous  en  fommes 
M  en  lifantl'tiiftoite  ;  nousnefça- 
»  vons  à  qui  nous  fier ,  toujours  en 
»  danger  d'être  les  dupes  ou  de  la 
M  flatterie  des  Ecrivains  ,  ou  de 
»»  leurs  calomnies. 

Notre  Auteur,  quelques  pages 
plus  haut ,  cite  un  trait  d'Hérodo- 
te^qui  fortifie  bien  cette  reflexion  : 
Hérodote ,  à  ce  que  rapporte  Dion- 
Chryfoftome  ,  demanda  aux  Co- 
rinthiens, une  recompenfc  en  ar- 
gent, pour  les  Hiftoircs  Grecques 
qu'il  avoit  écrites  à  leur  fujct  ;  les 
Corinthiens  lui  répondirent  qu'ils 
ne  vouloient  pas  acheter  de  l'iion- 
neur  à  prix  d'argent;  Hérodote 
choqué  de  la  réponfe  ,  refondit 
alors  tout  le  récit  de  la  bataille  na- 
vale de  Salamine  ,  &  chargea  Adi- 
manthius  Général  des  Corinthiens, 
d'avoir  fui  des  le  commencement 
de  la  bataille  avec  toute  l'Efcadrc 
qu'il  commandoit.  Quel  fonds 
après  cela  doit-on  faire  fur  les  Hi- 
ftoriens  ?  Mais  un  autre  doute  qui 
ne  paroît  pas  moins  raifonnable  en 
cette  occalion  ,  c'cft  qu'eft-il  bien 
fur  que  Dion-Chryfoftome  ait  eu 
raifon  d'accufcr  Hérodote  d'une 
telle  perfidie;  Ainfi  de  quelque  côté 
qu'oH  fc  tourne ,  il  n'y  a  ici  qu'in- 
certitude. 

Il  nous  refte  à  dire  un  mot  de 
l'article  des  Naturaliftes  ,  &  de  ce- 
lui delà  Divination. 

Il  y  a  peu  de  Sçavans  qui  aycnt 


S   SÇAVANS ; 

pouffé  aufll  loin  que  lesNaturaliftes 
la  licence  de  bazarder  les  idées  les 
plus  incertaines  ,  &  quelquefois 
même  les  plus  extravagantes. 

C'eif  ce  que  notre  Auteur  fait 
voir  par  un  grand  nombre  d'exem- 
ples. Les  effets  naturels  qu'il  rap- 
porte font  de  trois  efpeces  ,  il  y  en  a 
de  vraisjil  y  en  a  de  doureux^il  y  en 
a  de  faux  ,  &  ces  derniers  font  le 
plus  grand  nombre.  Il  expofefim- 
plemcnt  ce  que  les  NaturaliftcS 
ont  avancé  ,  i°.  Sur  la  Sympathie  y 
2".  Sur  les  hommes  ,  3'.  Sur  les 
animaux  ,  4°.  Sur  les  plantes»  5°. 
Sur  les  pierres. 

Nous  rapporterons  quelques  en- 
droits du  fécond  article  qui  cft  ce- 
lui des  hommes. 

Marc  -  Polo  affure  qu'autrefois 
les  héritiers  du  Royaume  de  Géor- 
gie vcnoient  au  monde  avec  l'em- 
preinte d'une  aigle  fur  l'épaule 
droite.  On  a  dit  que  les  Sekucides 
nai/foicnt  tous  avec  une  ancre  mar- 
quée fur  la  cuilTe  ;  que  les  enfans 
de  PvthondeNifibeapportoicntfut 
le  corps  la  marque  d'une  hache;  que 
ceux  deSémés  dcThébes  avoient  fur 
la  peau  la  figure  d'une  l«nce;que  les 
Héraclides  qui  regnoient  à  Sparte 
croient  pareillement  rcconnoifla- 
bles  par  cette  figure  qu'ils  avoient 
naturellement  tracée  fur  la  peau. 

Pline  bc  Photius  témoignent 
que  plufieurs  hommes  ont  à  certaU 
nés  heures  la  tête  brillante  de  clar- 
té, &  qu'ils  n'ont  qu'à  fe  la  peigner 
ou  à  fe  la  Irorter  rudement  pour  ca 
faire  fortir  des  étincelles. 

Il  y  a  dans  l'épine  du  dos  ,  félon 
les  Rabins ,  un  os  qui  ne  peut  ctrr 


s  E  P  T  E   M 

ni  brûlé ,  ni  moulu  ,  ni  brife  ,  ils 
dilenc  qu'il  eft  la  racine  &  la  baze 
de  tout  l'aircmblagc  du  corps  hu- 
main ,  &c  que  le  cœur  ,  le  foye  ,  le 
cerveau  ,  &  toutes  les  vertèbres 
en  tirent  leur  origine.  Ils  ajoutent 
qu'il  eft:  le  germe  de  la  Refurrec- 
tion.  Plutaïque  dans  la  Vie  de  Pyr- 
rhus ,  dit  que  ce  Roi  avoit  au  lieu 
de  dents  féparées ,  un  os  continu 
qui  s'étendoit  d'un  bout  de  la  mâ- 
choire à  l'autre.  Valcre  -  Maxime  , 
Pline  &  Solin  écrivent  la  même 
chofe  du  iîls  de  Prufias  Roi  de  Bi- 
thynie  :  le  même  Valére  -  Maxime 
afllire  que  Drépétine  fille  de  Mitri- 
date  Roi  de  Pont ,  avoit  une  dou- 
ble rangée  de  dents. 

On  rapporte  de  Louis  II.  Roi  de 
Hongrie ,  qui  fut  tué  à  la  bataille 
de  Moachs^qii'il  avoit  de  la  barbe  à 
15  ans ,  &  les  cheveux  blancs  à  18. 
Notre  Auteur  cite  un  grand 
nombre  d'exemples  fur  les  Geans 
&  fur  les  Pigmées.  A  l'égard  de 
ceux-ci  il  remarque  que  l'extrême 
petiteffe  n'a  pas  toujours  été  renter- 
mée  dans  le  Pays  des  Pigmées,  Se  il 
raconte  à  cette  occafion  ,  qu'au 
rapport  de  Jonfton  ,  le  Poëte  Phi- 
litas  Grec ,  &  contemporain  d'Hip- 
pocrate ,  étoit  fi  petit  &  fi  léger 
qu'on  fut  contraint  de  lui  mettre  du 
plomb  à  fes  fouliers  ,  pour  empê- 
cher que  le  vent  ne  l'emportât.  Il 
ajoute  que  félon  Athénée ,  Arche- 
ftratus  mis  dans  une  balance,  fut 
trouvé  du  poids  d'une  obole. 

Ceux  qui  font  curieux  d'exem- 
ples de  rajeunilTemens  en  trouve- 
ront quantité  dans  cet  articlcjaulTi- 
bicn  que  d'extrêmes  viciUelTes  ; 


mais  parmi  les  faits  qui  concernent 
la  nature  humaine ,  il  en  eil  peu 
d'aufli  furprenans  que  ceux  qui 
font  attelles  par  plufieurs  Auteurs  , 
touchant  les  talens  précoces  de  cer- 
tains enfans.  Notre  Auteur  en  cite 
un  grand  nombre  d'exemples  , 
nous  n'en  rapporterons  qu'un  feul 
pour  abréger  :  Chrétien  -  Henri- 
Hcinecken  qui  naquit  en  lyii.à 
Lubcc  ,  &  y  mourut  fçavant  en 
1715.  parloit  à  l'âge  dedixmoisj 
il  fçavoit  à  un  an  ,  les  principaux 
évenemens  du  Pentateuque  ■■,  à  trei- 
ze mois  toute  l'Hiftoire  de  l'ancien 
Teftament  ;  à  quatorze  mois  toute 
celle  du  nouveau  ;  à  deux  zns  5c  de- 
mi ,  la  Géographie,  &  l'Hiftoire 
ancienne  &:  moderne  ,  jufi-ju'à  ré- 
pondre pertinemment  à  toutes  les 
queftions  qu'on  lui  faifoit  fur  ces 
matières.  Il  parloit  latin  alors  avec 
facilité  ,  &  François  palTablement. 
Parvenu  à  fa  troifiéme  année  ,  il 
connoiffoit  les  Généalogies  des 
principales  Maifons  de  l'Europe , 
&  quand  il  eût  atteint  l'âge  de  qua- 
tre ans ,  il  voyagea  en  Dannemarc 
où  il  harangua  avec  une  grâce  fur- 
prenantc,le  Roi  &  les  Princes  de  la 
famille  Royale.  A  fon  retour  qui 
fut  dans  fa  quatrième  année  ,  il  ap- 
prit à  écrire  pouvant  àpeine  tenir  fa 
plume.  C'étoit  un  enfant  délicat  ' 
infirme,  fouvent  malade.  Ilhai(Toic 
tout  autre  aliment  que  le  lait  de  fa 
nourrice.  Il  ne  futfevréque  peu  de 
mois  avant  fa  mort,  qui  arriva  dans 
fa  cinquième  année  ,  le  27  de  Juin,' 
&  qu'il  envifagcaavec  une  termetc 
encore  plus  étonnante  que  fes  pro- 
grès. M.  Chrétien  de  Schoneich, 
V  V  V  ij 


500         JOURNÂID 

Précepteur  de  cet  enfant ,  a  écrit  fa 
Vie.  M.  Béhm  a  auln  publié  une 
Brochure  fur  fon  fujct.  M.  de  Sce- 
len  a  parlé  de  lui  dans  un  article  de 
l'Ouvrage  intitulé  SeleHa  Liiiera- 
ria  ,  M.  Martini  a,  dit-on,  expli- 
qué les  raifons  naturelles  de  cette 
capacité  prématurée.  Nous  paflons 
une  infinité  d'autres  faits  merveil- 
leux de  toutes  fortes  de  genres  , 
pour  venir  à  l'article  de  la  Divina- 
tion ,  article  au  rcfte  rempli  de  fa- 
bles (I  extraordinaires  qu'il  eft 
étonnant  qu'elles  ayent  pu  tomber 
dans  l'efprit.  Pline  &  S.  Ilîdorc  ont 
écrit  qu'une  petite  pierre  qui  fe 
trouve  dans  la  tète  des  Tortues  des 
Indes  donne  à  ceux  qui  la  portent 
fous  la  langue  ,  la  faculté  de  devi- 
ner l'avenir.  Marbodée  Evêque  de 
Rennes  dans  le  onzième  fiécle  ,  n'a 
pas  cru  qu'il  fût  indigne  de  lui 
d'expofer  en  vers  le  fcntiment  des 
Mages  fur  cette  prétendue  merveil- 
le. Ils  foûtiennent  à  ce  qu'il  écrit, 
que  félon  le  croifl'ant ,  le  plein ,  ou 
le  déclin  de  la  Lune ,  cette  pierre 
fait  deviner  ou  jufqu'à  midi ,  ou 
tout  le  jour ,  ou  feulement  la  nuit 
&  avant  le  lever  du  Soleil.  Voici  fcs 
vers  : 

Indien  Tefludo  mitth  lapidem  chelo- 
tiitetn 

Cratttm  furpureo  varioque  colore  ni- 
tentem. 

'^uemfi  fub  linguk  latoijuis  gfjferit 
ors , 

fojfe  Magi  çrtdunt  tim  div'mm 
futHrti, 


ES  DÇAVAi^S; 

Orto  mane  die  ,  fextam  dmuxal  ai 
horaffi , 

Tempore  <juo  LmA  fiiccrefcens  cemi' 
tur  orbis. 

Sed  Lunâ  prima  lapidis  prAdiSïa  pt- 
teflas  , 

Totius  fertur  fpatio  dur  are  diei. 

Quint  A  poft  decimam  concordant  tir»» 
pora  prim*  ; 

yft  décrément i  limari  tempère  toto  , 

Ante  diem  Upidi  tAMum  manu  Ut* 
potejias. 

Il  y  a  eu  chez  les  anciens  plu- 
fieurs  manières  de  deviner  l'avenir, 
toutes  plus  fauffes  &  plus  ridicules 
les  unes  que  les  autres ,  fçavoir  : 
l'Hydromantie  ,  la  Lécanomantic  , 
l'Aéromantie  ,  la  Gaftromantic  ^. 
l'Amniomantie,  la  Catoptroman- 
tie  ,  l'Alphilomatie  ,  l'Axinoman- 
tie  ,  la  Cofcinomantie,  le  Sort ,  la 
Celaphalonomantie,  rOnichoman- 
tie  ,  la  Rabdomantie  ,  la  Xylô- 
nuntie  ,  la  Céromantie  Se  quantité 
d'autres  ufages  ridicules  qu'on  peut 
voir  dans  le  Livre  de  notre  Au- 
teur ,  &  que  nous  rapporterions 
avec  les  explications  curieufes  &c 
fçavantes  qu'il  en  donne ,  fi  cet  Ex- 
trait n'étoit  pas  déjà  aiïcz  étendu. 

Il  f  audroit  pour  donner  une  idée 
fufSfante  de  ce  Traité  de  l'Opinion 
en  faire  autant  d'Extraits  qu'il  ren- 
ferme de  Volumes,  Se  peut-être  en- 
core feroit-ce  trop  peu. 

Nous  remarquerons ,  au  reflc  , 
(^u'on  ne  fcauroit  cojiûdercx  yjc 


SE  PT  E  M  B  R  E,  Ï735Î  Jôï 

feu  attentivement  cctOuvrage  fans  l'orcLre  avec  lequel  y  font  difpofées 

admirer  &  la  prodigicufc  Icdure  &  traitl^s  tant  de  matières  différent 

qu'il  faut  que  l'Auteur  ait   faite  teJ. 
pour  le  compofer,&  en  même  tcms 

TRAITE'    DE    LA    FORTVNB.     PAR    Ai.    *  *  *; 

A  Paris,  chez  François  le  Breton ,  Quai  de  Conty  ,  à  l'Aigle 

d'or.  17 j2.  Brochure  i»-iz,  pp.  ^o. 


AP  R  E'  S  avoir  lu  avec  atten- 
tion ce  Traité  ,  nous  ne 
croyons  pas  en  pouvoir  donner 
d'abord  une  idée  plus  jufte  ,  &  par 
rapport  au  deffein  ,  &  par  rapport 
à  l'exécution  ,  que  de  copier  ici  ce 
que  l'Auteur  dit  lui-même  à  ce  fu- 
jet  dans  la  Préface  6c  dans  la  con- 
clufion  de  fon  Livre. 

»  On  voit  tous  les  jours  dans  le 
•  monde,  dit-il  ,  des  perfonnes, 
o  même  d'efprit ,  dire  fort  férieu- 
»  fement ,  quejî  la  Fortune  n'efl  fa- 
rt vorable ,  on  ne  vient  à  bout  de  rien; 
»  ^n'un  tel  Général  eji  habile  ,  mais 
M  tjiiil  n'eft  pas  heureux  ,  ^k'«»  ai{- 
»  tre  ne  remporte  fur  lui  ,  tjue  parce 
a»  !^h'iI  a  plus  de  bonheur.  Ces  ex- 
»  preiTions  prifes  dans  un  fens  litte- 
»  rai ,  ont  quelque  chofe  de  fi  peu 
»fcnfé,  que  l'on  auroit  peine  à 
5»  croire  que  des  gens  raifonnables 
»  puflent  s'en  fcrvir  ,  fi  l'experien- 
j>  ce  n'aidoit  à  nous  en  convaincre. 

a>  Le  même  fonds  de  raifonne- 
«  ment  a  fait  dire  à  pkifieurs  Phy- 
n  ficicns ,  ijH'nne  chofe  tend  à  refier 
t»  dans  l'état  oii  elle  fe  trêuve  ,  ^u'ttn 
j»  corps  en  mouvement  ne  doit  ceffer  de 
t>fe  mouvoir ,  à  moins  que  quelque 
P  chofe  ne  l'Arrête ,  Sic. 

"Ces  deux  efpeces  d'erreurs  ne 
à  i«nc  pas  ailées  à  dénuire.  U  faut 


»  pour  la  dernière  ,  approfondir  k 
»  nature  ,  5c  rendre  fes  Phcnomér 
»  nés  fenfibleSjCe  que  je  remets  à  un 
»  autre  tems.  il  ù.it  pom  combattre 
»  la  première  développer  les  adions 
»>des  hommes  &  découvrir  les  liai- 
»  fons  qu'elles  ont ,  non  feulement 
»  les  unes  avec  les  autres  ,  mais  avec 
»le  cours  de  la  nature.  C'efl:  cette 
»  forte  d'erreur  que  j'ai  en  vue  dans 
»  ce  Traité  ,  où  mon  deffein  eft  de 
»  montrer  l'abfurdité  des  raifonne- 
M  mens  que  l'on  fait  fur  la  Fortune. 
»  J'aurois  pu  prendre  dans  lesdcr- 
»  nieres  révolutions ,  des  exemples 
»  aulîî  convaincans  ,  &  peut-être 
»  plus  fenfiblcs  que  ceux  que  j'ai  ti- 
M  rés  de  l'ancienne  Hiftoire  j  mais 
»  cela  m'auroit  aflujetti  à  des  mé- 
3»nagemens  que  l'on  doit  particu^ 
jjlierement  éviter  dans  un  Ouvra-; 
w  gc  de  cette  efpece. 

Voilà  pour  ce  qui  regarde  la 
Préface  de  notre  Auteur,  Quant  à 
laconelufion,  il  s'explique  ainfi  : 

»  De  tout  ce  que  je  viens  de  dire 
»  dans  mon  Traité  ,  on  peut  con- 
»  dure  avec  Sénéque,  que  chacm 
neflk  foi-même  fa  fortune  ^  c'eft-à- 
»dire  que  notre  conduite  dctermi- 
»  ne  ce  qui  nous  arrive  de  bon  ou 
»  de  mauvais ,  &  que  la  manière 
»  de  faire  une  chofç  décide  de  fon 
yluccèst 


yo3  JOURNAL 

»  Qu'on  fe  fcrve  ,  à  la  b^nnc 
t>  heure  ,  des  termes  de  tor-iinc  & 
a»  de  hazard  ,  pour  éviter  de  lon- 
i>  gués  circonlocutions  ,  mais 
M  dju'on  en  fcparc  l'idée  ,  &  qu'on 
»  ne  s'imagine  point  que  les  évcne- 
j>  mens  de  la  vie  en  dépendent. 
»  Regardons  le  bonheur  ou  le  mal- 
n  heur  ,  comme  l'effet  de  l'état  où 
>»  l'on  fe  trouve ,  &C  non  pas  comme 
»  la  caufe  de  ce  qui  nous  arrive  j 
M  rien  n'eft  plus  contraire  au  fc"s 
3»  commun  ,  &  ricu  â  mon  avis  ne 
M  caraderife  plus  le  vulgaire  que 
»>  ces  fortes  d'opinions. 

Il  ne  nous  relk  plus  ,  après  cet 
cxpofé  de  la  Préface  Sc  de  la  con- 
clufion  du  Livre  ,  qu'à  rendre 
compte  de  l'Ouvrage  même. 

L'Auteur  remarque  d'abord  que 
l'opinion  des  hommes  touchant  la 
Fortune  a  pris  fa  fource  dans  leur 
ignorance  ,  &  s'eft  enfuite  mainte- 
nu parleur  amour  propre.  Embar- 
raffés  à  rendre  raifon  de  certains 
évencmens  qui  arrivoient  contre 
leur  attente  ,  ils  fe  font  laiffés  aller 
à  croire  qu'il  y  avoit  une  Fortune 
qui  préfidoit  aux  adions  de  la  vie , 
indépendamment  de  l'ordre  établi 
dans  la  nature  par  la  Providence  -, 
cette  facilité  à  expliquer  ainfi  ce 
qui  leur  paroiffoit  inconcevable, 
leur  a  fourni  en  même  tems  la 
commodité  de  pouvoir  fe  difcul- 
per  de  leurs  fautes  en  les  rcjettant 
fur  cette  Fortune. 

Notre  Auteur  prétend  que  les 
Payens  ont  donné  d'une  manière 
moins  grolTierc  dans  cette  erreur  ; 
ils  adoroient  la  Fortune  comme 
une  Divinité  ,  de  laquelle  ils  atten- 


DES     SÇAVANSi 

doient  les  bons  fuccès  ;  mais  on  ntf 
voir  pas  dans  leur  conduite  ni  dans 
leurs  Auteurs  les  plusfenfés,  qu'ils 
les  actendilfent  indépendamment 
de  l'ordre  de  la  nature  ,  ou  des 
mouvemcns  qu'ils  pouvoient  fe 
donner  :  ainfi  quand  ils  lui  facri- 
fioient ,  c'étoit  feulement  pour  en 
obtenir  les  difpolîtions  &  la  ma- 
nière d'agir  necellaircs  à  leurs  entre- 
prifes. 

Il  cft  vrai  que  quelques  -  uns 
d'entr'cux  ont  cru  que  la  Fortune 
décidoit  de  tout  ,  mais  dit  l'Au- 
teur ,  c'étoit  par  un  effet  du  même 
aveuglement  qui  leur  faifoit  pren- 
dre pour  Divinité  tout  ce  qu'ils  ne 
comprenoient  pas  ,  aveuglement 
qui  les  a  portés  jufqu'à  ériger  des 
Autels  à  l'Amour  ,  à  la  Haine  ,  à  la 
Vengeance  ,  &c. 

Le  tems  &c  la  raifon  qui  ont  dé- 
truit ces  erreurs ,  n'ont  pu  encore 
ôter  de  l'efprit  de  certaines  gens  , 
celle  de  la  Fortune.  Ils  avoiient 
bien  que  les  vents,  par  exemple  , 
ne  font  pas  autant  de  Dieux  qui 
foufflent  à  pleine  bouche  ,  cette 
idée  étant  plus  difficile  à  concevoir 
que  celle  d'un  air  agité,  mais  pouK 
les  differcns  fuccès  des  adions  delà 
vie ,  ils  ne  veulent  pas  convenir 
qu'ils  arrivent  toujours  par  une 
fuite  naturelle  des  chofes  qui  ont 
précédé.  Comme  ils  ne  compren- 
nent pas  le  cours  de  ces  chofes ,  ils 
attribuent  à  la  Fortune  tout  ce  que 
ia  foibleffe  de  leurs  lumières  ne 
leur  permet  pas  de  voir. 

Sans  doute  que  par  cette  Fortune 
on  ne  veut  pas  entendre  un  Etre 
qui  fubfifte.  Il  n'y  a  perfoni\e  alTeï 


s  E  P  T  E  M  B  R  E  ;  1 7  5  j:           yoj 

infenfé  pour  cela;   il  faut  donc,  foit  la  route  qu'ils  tiennent,  felle  ne 

dit  l'Auteur  ,  qu'on  veuille  enten-  peut  jamais  l'être  de  manière ,  que 

dre  quelque  chofe  de  particulier  à  «ous  les  deux  en  même  tems  fc 

chaque  adion  ,  ou  à  chaque  hom-  trouvent  dans  les  mêmes  endroits  , 

me  ,  qui  détermine  la  bonne  ou  la  de  plus  on  fçait  qu'il  ne  faut  qu'un 

mauvaife  réuflîte  de  ce  qu'on  en-  inftant,  qu'une  voile,  qu'un  coup 


treprend.  Ce  quelque  chofe  de  par- 
culier  feroit  difficile  à  définir,  mais 
fans  s'arrêter  à  faire  voir  l'embarras 
où  l'on  fe  jetteroit  Ci  on  vouloir  en- 
treprendre de  donner  une  telle  dé- 
finition ,  l'Auteur  foûtient  que  ce 
qui  fait  la  détermination  dont  il 
s'agit ,  n'eft  autre  chofe  que  la  con- 
duite de  l'homme  jointe  aux  cir- 
conftancesquiont  précédé  ^  ou  qui 
accompagnent  ces  mêmes  aâ:ions  •, 


de  gouvernail  mal  à  propos ,  pour 
être  caufe  d'un  naufrage. 

Si  l'on  dit  que  le  VaifTeau  qui  a 
péri  ,  a  été  cependant  le  mieux 
gouverné,  notre  Auteur  prétend 
que  c'eft:  une  objeûion  infoûtena- 
ble  ,  dont  la  faulfetc  fe  fait  fentir 
d'elle-même  :  &  voici  fon  raifon- 
nemcnt  :  »  Ce  qui  cft  continuelle- 
»  ment  bien  fait,  a  toujours  un  bon 
3»  fucct  s;  mais  un  petit  change  mène 


il  rapporte  là-deffus  des  exemples     »  en  mal,  cft  capable  de  tout  dé- 
de  tout  genre.  Nous  nous  borne-     «ranger.    Je   veux  que    celui  qui 


ions  à  quelques  -  uns  :  deux  Vaif- 
feaux  partent  en  même  tems  du 
même  port  pour  aller  au  même  en- 
droit i  l'un  arrive,  l'autre  périt.  Il 
n'y  a  rien  là  de  furprenant  :  ces  dit- 
ferens  fucccs  étant  une  fuite  necef- 
faire  des  circonftances  qui  les 
avoient  précédés  ,  &  qui  ont  dé- 
pendu de  ceux  qui  ont  conftruit 
les  Vaifleaux  ,  qui  les  ont  menés  , 
ou  qui  en  ont  difpofé.  En  effet , 
dit  notre  Auteur ,  fi  l'un  cft  plus 
vieux  que  l'autre  ,  ce  n'efi:  pas  la 
Fortune  qui  l'a  rendu  tel ,  ni  qui 
oblige  .à  s'en  fcrvir.  S'il  eft  plus  mal 
conftruit ,  c'eft  la  faute  de  ceux  qui 
l'ont  fait.  Si  tous  les  deux  font 
égaux  en  bonté ,  &  que  l'un  périf- 
fe  ,  ou  que  même  l'un  étant  meil- 
leur que  l'nutrc,  il  arrive  que  le 
meilleur  falTe  naufrage ,  c'eft  par  la 


M  commande  le  VailTeau  foit  plus 
»  entendu  ;  que  le  Pdote  foit  plus 
»  habile ,  ils  n'ont  pas  pour  cela,  le 
»  privilège  de  ne  pouvoir  fe  trom- 
»  per.  Et  même  leurs  fautes  feront 
»  quelquefois  plus  grandes  &  plus 
»  dangereufes  ;  parce  que  celui  qui 
»  fe  fie  en  fjn  habileté  ,  s'endort 
»  trcs-fouvent ,  ou  pou/^é  Icscho- 
»  fes  jufqu'à  la  témérité  ,  ce  qui  le 
»perd.  «  Notre  Auteur  afliire  en 
avoir  vu  des  exemples  *•  &  entre- 
autres  celui-ci  :  Une  Flotte  aftez 
nombreufeTur  laquelle  il  éroit,  ar- 
riva à  l'entrée  d'un  t^meux  port  de 
l'Océan ,  dans  le  tems  que  la  Ma- 
rée defcendoit  i  on  fe  confulta  d'a- 
bord les  uns  "--5  autres  fur  ce  que 
l'on  devoir  ''iite-,  les  uns  trouvèrent 
à  propo<-  ^^  rcfter  à  la  rade  ,  &  les 
autres  de  profiter  d'un  petit  vent 


rnauvaifc  conduite  de  ceux  qui  le     qui  foufïloit  ;  les  premiers  mouil- 
mcnent.   Quelque  Semblable  que    lerent ,   Ôi  les  autres  q,ui  avoienK 


soi         JOURNAL  D 

pratique  ce  port  plus  long-tcms ,  fc 
mirent  en  devoir  d'entrer  ;  avec 
cette  différence  qu'une  partie  prit 
le  vcHt  de  manière  à  pouvoir  éviter 
d'être  portés  par  la  Marée  fur  des 
rochers  aflez  près  delà,  &  les  au- 
tres fans  s'embarraflcr  de  rien  cin- 
glèrent droit  au  port.  Ce  qui  en  ar- 
riva ,  fut  que  le  vent  ayant  ccflé, 
ceux-ci  briferent  fur  les  rochers  -,  ôc 
que  ceux  qui  avoient  pris  le  large , 
eurent  le  tems  de  les  éviter ,  ^  en 
furent  quittes  pour  la  peur ,  tandis 
que  ceux  qui  avoient  mouillé  fe 
trouvèrent  en  fureté  ,  &  en  état  de 
prêter  fecours  aux  autres. 

Notre  Auteur  rpmnrqiie  qu'il  n'y 
a  rien  dans  cet  événement  que  l'on 
puilTe  attribuer  à  la  Fortune,  puif- 
qu'on  voit  dans  les  différentes  ma- 
nœuvres la  caufe  des  differens  fuc- 
cès.  Il  eft  vrai  qu'on  peut  objeder 
que  chacun  d'eux  fut  porté  par  fa 
bonne  ou  mauvaife  Fortune  ,  à 
prendre  le  bon  ou  le  mauvais  parti  ^ 
maisilrépond  que  c'eftune mauvai- 
fe objection  ,  &  la  raifon  qu'il  en 
donne  ,  c'-ftque  ce  qui  nous  déter- 
mine dans  tos  délibérations  ,  n'eft 
autre  chofe  que  notre  volonté;  que 
fi  notre  jugement  l'a  féduit  en  lui 
faifant  prendre  le  mal  pour  le  bien, 
c'efl:  notre  Gute. 

Un  Officier  ou  un  Soldat  eft  tué 
dans  une  bataille  ;  c'cfi  le  malheur , 
difent  certaines  ?cns,  c'eji  le  fort 
^ui  décide  de  ces  eoHy-.  g^  J^^  yjg  ^'eft 
prolongée  ou  racourc»  qu'autant 
que  la  Fortune  eft  favoratu.  L'Au- 
teur tâche  d'expliquer  ceci  pour 
faire  voir  qu'on  n'y  fçauroit  trou- 
Tcr  ni  malheur,  ni  fort ,  ni  fortuiie. 


ES  SÇAVANS; 

Il  n'entre  point  ià-deffus  dans  les 
matières  de  la  piédeftination  ,  il 
laifTe  cette  difculfion  aux  Théolo- 
giens ,  &  fe  borne  à  examiner  en 
Phyfîcien  ,  l'ordre  de  la  nature  pat 
lequel  tous  les  êtres  nailTent,  fub- 
fiftenr&  fîniffcnt. 

Il  remarque  cnfuite  qu'on  voit 
fouvent  des  gens  qui  font  tués  pout 
s'être  expofés  mal  à  propos  ,  ou 
pour  avoir  fait  quelque  chofe  à 
contre-tems  •,  fur  quoi  il  cite  l'e- 
xemple de  plufîcurs  gens  de  guerre 
qui  s'étant  toujours  bien  conduits, 
ont  payé  de  leur  vie,la  première  té- 
mérité ou  la  première  imprudence. 
Il  y  a  des  caufes  éloignées  qui  ne 
font  pas  moins  tunefles  :  Un  Offi- 
cier Général  que  notre  Auteur  dit 
avoir  connu  ,  &  qui  étoit  fort  bon 
homme  de  guerre  ,  avoit  un  pen- 
chant extrême  à  l'avarice.  »  Cedé- 
"faut  qui  fembloit  n'avoir  rien  de 
»  commun  avec  fa  profellîon  ,  l'y 
>»  fît  pourtant  périr.  Au  commen- 
»  cément  d'une  bataille  ,  il  palToit 
»  a.  cheval  d'une  ligne  à  l'aune  pour 
»  aller  donner  quelques  ordres ,  & 
w  ayant  vii  fur  fes  pas ,  une  belle 
»  Epée  ,  il  s'arrêta  pour  la  faire  ra- 
»  mafTer  par  un  Soldat  ;  comme  il 
y>  la  recevoit  de  fes  mains  ,  une 
»j  baie  lui  donna  dans  la  tête  ,  &c  le 
»  tua. 

Voilà ,  dit  l'Auteur  ,  ces  rencon- 
tres de  circonftances  avantageufes 
ou  fatales  fuivant  le  cours  qu'on 
leur  a  donné. 

Pour  ce  qui  regarde  les  autres 
évenemens  de  la  guerre ,  on  enfci- 
gnetout  de  même  ici ,  que  la  For- 
tune n'y  a  aucune  part ,  &  l'on  faij 
vojj; 


s  E  P  T  E  M 

voir  que  \cgatn  <^un  Siège ^  ou  d'une 
bataille  ,  n'ell:  qu'un  effet  de  la  fu- 

fériorité  ■,  par  cette  fupériorité 
Auteur  n'entend  pas  feulement 
le  nombre  &  la  bonté  des  Troupes, 
mais  encore  la  conduite ,  qui  eft 
d'une  importance  bien  plus  confî- 
derable ,  6i  d'où  dépend  en  quel- 
que manière,  tout  le  refte,  puifque 
quelque  nombreufe  que  foit  une  ar- 
mée ,  pour  courageux  que  foient 
les  Soldats  ,  s'ils  ne  font  bien  me- 
nés d'ailleurs  ,  le  nombre  &  le  cou- 
rage leur  deviennent  inutiles  & 
quelquefois  périlleux.  Comme  c'eft 
faute  de  comprendre  cette  vérité , 
que  certaines  gens  attribuent  les 
chofes  au  bonheur  ou  au  malheur  , 
i'on  prend  foin  de  la  leur  faire  fen- 
tir  ici  pour  leur  faire  avoiicr  qu'ils 
fe  trompent.  On  leur  reprefentc  en 
premier  lieu ,  qu'il  ne  fuffit  pas  d'a- 
voir des  Troupes,  de  les  entretenir, 
de  les  faire  fubfifter  ,  qu'il  faut  les 
difcipliner.  Que  cela  n'eft  encore 
rien  par  rapport  à  ce  qui  eft  requis 
pour  les  commandera  propos  ,  les 
mener  au  combat ,  &  les  faire  vain- 
cre -,  en  fécond  lieu  ,  qu'il  eft  rare 
de  trouver  dans  un  leul  homme 
toutes  les  qualitez  neceflaires  pour 
cela  \  qu'un  Général  courajreux  Se 
intrépide  eft  quelquefois  impru- 
dent ,  &  pour  trop  précipiter  ne 
fait  rien  •,  qu'un  autre  qui  a  la  pru- 
dence n'aura  pas  cette  adivité  ,  & 
ce  feu  fi  neceflairc  dans  certaines 
occafions ,  &  ne  fçaura  que  tempo- 
lifer  lorfqu'il  feroit  queftion  de 
combattre  ;  en  troifiéme  lieu,  que 
celui-ci  péchera  faute  de  connoif- 
lance  &  d'expérience  •>  que  celui  là 
Stfttmb. 


B  R  E,    175  j.  yo5 

qui  a  l'une  &  l'autre ,  y  compte 
trop  j  qu'il  ne  s'embarralFe  pas  de 
prévenir  les  événemens  pour  profi- 
ter des  circonftanccs  favorables  ;  & 
qu'il  fe  trouve  furpris  lorfqu'il  y 
penfe  le  moins  ;  enfin  ,  qu'un  au- 
tre aime  le  plaifir  &c  le  repos  ,  & 
manque  tout  à  force  de  remettre. 

On  conclut  que  de  ces  vertus  ou 
de  ces  Tices  dans  un  Général,  vien- 
nent fouvent  ces  avantages  ou  ces 
pertes  conlîdcrables  qui  arrivent 
contre  toutes  les  apparences  \  un 
feul  homme  qui  commande  une 
armée,  balance  tout  par  lui-même, 
il  la  rend  forte  ou  foible ,  félon 
qu'il  eft  tort  ou  foible  lui-même  ; 
fes  Troupes  ne  deviennent  capables 
de  vaincre  ,  qu'autant  qu'il  eft  lui- 
même  capable  de  les  commander. 

L'exemple  des  Perfes  fous  Darius 
&  celui  des  Grecs  fous  Alexandre, 
ne  font  pas  oubliés  ici  par  notre 
Auteur,  la  plupart  des  Soldats  de 
Darius  étoient,  remarque -t- il, 
pour  le  moins  auffi  belliqueux  que 
ceux  d'Alexandre  :  les  bons  Capi- 
taines ne  lui  manquoient  point. 
Son  armée  riche  &  abondante ,  eft 
formidable  par  l'appareil  &  par  le 
nombre  ;  mais  il  l'aifoiblit  lui-mê- 
me par  fon  peu  de  capacité  ;  ac- 
coutumé au  luxe  &  à  la  molefie  ,  il 
ne  veut  aller  à  la  guerre  que  com- 
me à  une  partie  de  plailir.  Il  fe 
charge  d'un  tram  inutile ,  &c  d'une 
fuite  embarralfante.  Ne  comptant 
que  fur  le  nombre  ,  il  néglige  l'os- 
dre  (îi  la  difcipline  ,  &  entêté  de 
lui-même ,  fe  laiffe  aller  jufqu'à 
punir  ceux  qui  lui  xemontre.u  ioR 
erreur. 

Xx* 


$06        JOURNAL    DE 

Les  Grecs  au  contraire  ,  qui  ne 
faifoicnt  pas  la  vingtième  partie  des 
Perfans  ,  font  commandes  par  un 
Chef  qui  vaut  lui  feul ,  une  grande 
armée  :  fa  capacité  pour  la  guerre 
égale  chaque  Soldat  à  plufieurs  en- 
ftemis.  Il  devient  lui  fcul  l'ame  de 
trente  mille  hommes,  &  lui-même 
multiplie  &  cenditit  les  coups  cjni  doi- 
vent le  faire  vaincre.  La  confequcn- 
ce  que  notre  Auteur  tire  de  là , 
c'eftque  ce  a'eft  donc  point  la  For- 
tune qui  a  renverfé  Darius  ,  mais 
le  génie  d'Alexandre. 

Au  refte,  comme  dans  la  guerre 
chaque  adioii  en  particulier  ,  n'exi- 
ge pas  toutes  les  vertus  militaires, 
mais  feulement  celles  qui  lui  font 
proportionnées,  on  remarque  que 
pour  vamcre  un  ennemi  tatigué  ,  il 
ne  faut  fouvent  que  l'attaquer  : 
qu'une  armée  où  la  divifion  fe  met, 
aide  elle-même  à  fe  vaincre  ,  que 
les  pluyes ,  les  inondations ,  la  con- 
tagion ,  la  difette  ,  préparent  fou- 
vent  la  vidoire  ;  qu'il  y  a  des  occa- 
fîons  où  la  prudence  fuffit  ,  & 
d'autres  où  c'ell  le  courage;  Que  la 
patience  même  fait  tout  lorfqu'il 
s'agit  d'attendre  que  l'ennemi  dé- 
perifle  •,  &  qu'il  vienne  au  point  de 
foibleffe  où  il  peut  être  vaincu. 
Mais  on  remarque  que  ce  n'eft  pas 
par  un  efïct  de  la  Fortune  ,  que  ces 
circonftances  de  tcms  arrivent ,  ou 
que  ce  Chef  qui  n'eft  pas  autre- 
ment pourvu  de  bonnes  qualitez  , 
a  précifément  celle  qui  eft  neceflai- 
re  dans  une  telle  occafion. 

Il  faudroit ,  dit  notre  Auteur  , 
rapporter  ici  toutes  les  caufes  d'une 
yidloire  ou  d'une  défaite ,  entier 


S    SÇAVANS ; 

dans  un  détail  intîni.  Combien  la 
France  ,  fans  que  la  Fortune  s'en 
foit  mêlée  ,  n'a  telle  pas  dû  de 
conquêtes  aux  bonnes  difpofitions 
qu'avoit  établies  le  Cardinal  de  Ri- 
chelieu ?  Ce  qu'on  a  fait  depui» 
long  tcms  à  des  fuites  dans  le  pre- 
fcnt  fans  que  la  Fortune  s'en  mêle 
non  plus  -,  &  ce  qui  fe  paflc  aujour- 
d'hui de  bien  ou  de  mal  ,  prépare 
des  évenemens  dans  l'avenir.  Il  y  a 
par  la  même  raifon,  remarque-ton 
encore  ,  des  dérangemens  qui  font 
l'effet  d'une  longue  fuite  de  fautes. 
Les  circonftances  font  tournées  en 
mal  ,  il  faut  pour  en  arrêter  le 
cours ,  de  grands  efforts  de  génie 
ou  de  conduite.  L'Auteur  cite  fur 
cela ,  la  Bataille  de  Dénain  ,  qui 
fuppofe  plus  de  capacité  dans  le 
Général  qui  la  gagna  ,  que  ne 
font  plufieurs  autres  viéloires 
remportées  durant  les  profperitez 
de  la  France. 

Les  guerres  civiles  de  Rome  en- 
tre Céfar  S<.  Pompée ,  font  ici  le 
fujct  d'un  article  conlidcrable.  On 
fait  voir ,  à  l'égard  de  Pompée,  que 
tout  ce  qui  s'y  eft  pafte ,  dépofc 
d'une  manière  évidente  contre  ceux 
qui  n'avant  rien  de  judicieux  à  rap- 
porter pour  juftitier  une  mauvaife 
conduite  ,  qu'ils  auront  tenue  ,  ont 
recours  .1  l'excufe générale, fçavoir 
que  la  prudence  a  été  de  leur  côté  , 
mais  que  la  Fortune  a  été  de  l'au- 
tre. 

L'on  palfe  de- là  à  l'examen  de 
CCS  exprefîîons  qui  ont  tourné  en 
proverbes:  Qu'il  f.sHt  avoir  la  fortu- 
ne favorable  pour  riuffir  dans  les 
Cours  j  Que  c^efi.  -  /*  q\iilk  domine 


SE  P  T  EM 

plus  qu'ailleurs  ^  &  qu'elle  montre  fes 
caprices.  Ondécouve  la  faufTeté  de 
ce  langage  ,  &  l'on  fait  voir  que  ce 
qui  eit  caufe  qu'on  réullït  ou  qu'on 
cchoue  à  la  Cour  ,  n'a  rien  de  com- 
mun avec  la  Fortune.  On  entre  à  ce 
fujct  dans  des  particularitez  qu'ij 
icroit  trop  long  de  déduire ,  nous 
cous  bornerons  à  un  exemple. 

Entre  les  obftacles  qui  empêchent 
de  s'avancer  à  la  Cour  ,  l'Auteur  de 
ce  Traité  met  la  haine  du  Miniftre. 
»  Si  c'eft  votre  figure  ,  dit-il  ^  qui 
»  déplaife  au  Miniftre  ,  n'en  accu- 
j>  fez  pas  la  Fortune  ,  la  caufe  en  cft 
M  infailliblement  ,  ou  dans  vous- 
M  même  ,  ou  dans  votre  manière 
»  d'agir ,  ou  dans  la  prévention  & 
»  le  caprice  de  celui  à  qui  vous  ne 
a»  plaifez  pas ,  ou  enfin  dans  la  dit- 
3»  îerence  de  fes  difpofitions  inte- 
»  rieurcs  d'avec  les  vôtres  -,  difie- 
»  rence  qui  elt  proprement  cette 
«  antipathie  dont  rey.plication 
t>  tourmente  tant  de  Phiiofophes , 
x>  tout  comme  la  conformité  &c  la 
>5  reflemblance  de  ces  mêmes  dif- 
»  pofitions ,  n'eft  autre  chofe  que 
»  cette  fympathie  que  plufieurs  ont 
»  regardée  comme  impénétrable. 

Notre  Auteur  annonce  qu'il  ef- 
pere  approfondir  cette  queûion 
dans  un  Traité  exprès  fur  la  Nature. 
En  attendant  il  donne  fur  ce  fujet 
l'explication  que  voici  :  il  dit  i". 
Que  la  difpofition  intérieure  de 
l'homme  de  laquelle  dépend  fon 
naturel ,  fe  découvre  fur  fon  exté- 
rieur ,  par  les  rapports  &:  les  pro- 
portions qu'il  y  a  de  l'un  à  l'autre  , 
îoit  dans  le  fon  de  la  voix  ,  foie 
.«iansie  gefte ,  ibit  daos  les  uaiits  du 


B  R  E  ;  r  7  j  j;  ^qj 

vifage  ,  qui  font  ce  qui  s'appdic 
phylîonomie  :  z°.  Qu'encore  qu'ij 
foit  hors  de  la  portée  du  commun 
àz  connoître  clairement  les  rapr 
ports  de  ces  indices  avec  l'intérieur, 
il  n'eft  perfonne  fur  qui  ils  ne  faf- 
fent  des  imprelîions  fccrettes  :  3°, 
Que  quand  on  veut  examiaer  ces 
indices,  &  les  recoanoître  ^  l'efforç 
que  l'on  fait  pouf  cela  les  obfcur- 
cit ,  &  les  diftlpe  :  4".  Que  c'eft  ce 
qui  a  fait  donner  le  nom  de  je  m 
ffai  t^uei  ,  à  quelques  -  uns  de  ces 
mêmes  indices  qui  font  plaire  ,  oij 
déplaire  ,  fans  qu'on  en  voye  U 
caufe. 

Cette  connoîflapce  intérieure 
fuppofée  ,  notre  Auteur  prétend 
qu'il  eftfacile  de  comprendre  ce  qui 
fait  que  l'on  plaît  pu  que  l'on  dé-r 
plaît  à  certaines  gens ,  &  voici  en 
cela  ,  fur  quoi  il  fe  tonde. 

Chacun  aime  ou  hait  naturelle- 
ment un  objet,  félon  qu'il  y  trouve 
de  cette  conformité  ou  de  cette  op- 
poiition  avec  fes  difpolitions  pro- 
pres; de  forte,  dit-iî  ,  (\nç  fi  l'on 
étoit  moins  attaché  a  V intérêt  ^«/  re- 
vient de  la  fiiveur  d'un  Aiiniflre , 
loin  de  s'affliger  de  fa  haine  ,  on  la 
regarderait  fouvent  comme  un  avan- 
tage par  la  i^onfequence  heureufe  de 
ne  pas  lui  rejfembler. 

On  a  dit  depuis  longtems  ,  que 
la  Fortune  &  le  mérite  étaient  rare- 
ment d'accord  ,  l'Auteur  obfefve 
que  cette  expreiîîon  ne  peut  être 
prifedans  le  fens  littéral  que  paj 
des  gens  qui  ne  rcflechilTent pas; 
mais  il  foiiticnt  que  le  fens  allégori- 
^ue  en ejl  beau  &  véritable ^  pu  la 
laifon,  dit-il,  que  Jeméri.c  nefl; 
Xxxi) 


5o8  JOURÏÏAL 

bien  reçu  que  par  ceux  qui  en  ont 
eux-mêmes ,  &  qu'il  n'arrive  pas 
toujours  que  les  gens  en  place  en 
foient  le  mieux  pourvus ,  ce  qui 
cft  caufe  qu'il  eft  néglige. 

On  dir  fouvent  de  l'élévation  Se 
de  la  décadence  des  Etats ,  que  ce 
font  des  jeux  de  la  Fortune.  L'Au- 
teur employé  les  dernières  pages  de 
fon  Livre  ,  à  combattre  cette  er- 
reur ,  &  fait  voir  par  l'exemple  des. 
Romains^qu'un  Etat  n'eft  florilfant 
ou  ne  dépérit  que  par  les  vertus  ou 
les  vices  de  ceux  qui  gouvernent , 
ce  qu'il  prouve  aulîi  par  l'exemple 
de  Charles-Quint ,  &  de  fes  fuc- 
cefleurs.  Charles  -  Quint  pendant 
fon  règne,  avoit  porté  la  Monar- 
chie au  plus  haut  point  de  gran- 
deur ;  mais  ceux  qui  lui  fuccede- 


DÏS     SÇAVANS, 

rcnt  manquant  des  qualitez  neceT- 
faircs  pour  foûtenir  le  poids  de 
cette  Monarchie ,  la.laiflcrcnt  enfin 
tomber  dans  l'état  où  on  l'a  vue  fur 
la  fin  du  dernier  fiécle  :  il  en  eft  de 
cela,  remarque  l'Auteur ,  comme 
de  ces  Horloges  d'un  ouvrage  rare, 
qui  fe  dérange  bien-tôt  Ci  quel- 
qu'un à  peu-près  aulfi  habile  que 
ceux  qui  les  ont  faites,  n'en  fçait 
maintenir  les  relforts. 

Ce  que  notre  Auteur  dit  de  la  For- 
tune dans  ce  Traité  ,  fe  peut  dire 
de  même  de  cette  prétendue  Etoile 
que  tant  de  gens  veulent  être  la 
caufe  de  tout  le  bien  &  de  tout  le 
mal  qui  arrive  dans  la  vie.  Il  n'y  a 
que  le  nom  de  changé.  C'eft  la  mê- 
me chimère. 


ORBIS  SACER  ET  PROPHANUS  ILLUSTRATUS  :  OPUS 
Ecclefiafticx  &  Prophana:  Hiftorix  ncc  non  Geographix  ftudiofis  ap- 
primè  utile.  C'eft-à-dirc  :  LVmvcrs  Sacré  &  Prophane  éclairci.  Ouvra- 
ge utile  a  ceux  cjui  s'appUifuent  à  rétudede  l'Hifloire  Ecclejtaflii^ue  ou  Pra- 
pharte  ,  &  fur-tout  à  la  Géographie.  Parle  P.  François  Qrlcndi  ,  de  l'Or- 
dre des  Frères  Prêcheurs  ^  &  Profeffeur  enTToéologte  dans  iVniverJîtéde 
Pife.  A  Florence  ,  chez  Bernard  Paperini ,  proche  l'Eglife  de  S.  Ap_ 
poUinaire  ,  à  l'Enfeigne  de  Pallas  &  d'Hercule.  Seconde  Partie ,  173  !• 
m  folio  ,  premier  vol.  pp.  790. 


NOUS  avons  remarqué  dans 
le  Journal  de  Juillet  dernier, 
crurendant  compte  du  premier  Vo- 
lume de  ce  grand  Ouvrage  ,  que  le 
Père  Orlendi  s'ctoit  propofé  d'y 
expliquer  la  Notice  de  l'Empire 
Romain  tel  qu'il  ctoit  du  tcms  de 
Conftantin  ,  6:  que  cette  Partie  de 
fon  Ouvrage  n'en  ctoit  en  quel- 
que manière  que  des  Préliminaires. 
Jl  commence  dans  le  fécond  Volu- 


me à  entrer  dans  fa  matière  &  à  dé- 
crire chaque  partie  de  l'Univers  en 
fuivant  l'ordre  des  différentes  Pro- 
vinces. Il  a  donné  a  l'Europe  le 
premier  rang  dans  cette  defcrip- 
tion  ,  &  il  a  mis  l'Italie  à  la  sête  de 
toutes  les  Parties  de  l'Europe.  H 
ctoit  naturel  que  dans  cet  ar- 
rangement qui  eft  affez  arbitraire  , 
il  donna  la  préférence  à.  fa  Patrie  , 
comme  l'ont  fait  plufieurs  autres 


s  E  P  T  E  M 

Géographes.  Mais  ce  qui  paroît 
l'avoir  particulièrement  déterminé; 
c'cft  que  l'Italie  lui  femble  être  de- 
venue la  principale  Partie  de  l'Eu- 
rope par  la  Ville  de  Rome  ,  qui  a 
été  pendant  long  tems  l^Reiriedii 
monde ,  &c  qui  eft  depuis  l'établif- 
fement  de  la  Religion  Chrétienne , 
le  Siégc  du  Vicaire  de  J.  C.  fur  la 
terre  &c  du  fuccelTeur  du  Prince  des 
Apôtres. 

Dans  le  premier  Livre  de  cette 
féconde  Partie  ^  notre  Auteur  par- 
le des  differens  noms  qu'on  a  don- 
nés au  Pays  qui  porte  depuis  long- 
tcms  celui  d'Italie ,  de  fa  fituation, 
de  fes  Ports ,  de  fes  Montagnes,  de 
fes  Fleuves  &  de  fes  Lacs  ,  de  la 
température  de  l'air ,  de  la  fertilité 
des  terres ,  des  Mines  qu'on  y  trou- 
ve ,  du  grand  nombre  de  Villes 
conlldcrables ,  du  caractère  des  ha- 
bitans  ,  de  la  divifion  de  l'Italie 
par  les  Romains  en  dix-fept  Pro- 
vinces ,  du  partage  qui  s'eft  fait  de- 
puis la  décadence  de  l'Empire  Ro- 
main, en  Souverainetés  &  en  Re- 
publiques. 

Notre  Auteur  divife  enfuite  l'Ita- 
lie en  trois  Parties ,  dont  la  premiè- 
re qu'il  appelle  fupericurc  ,  com- 
prend le  Piémont ,  la  Republique 
de  Gcncs ,  le  Montferrat ,  les  Du- 
chcz  de  Milan  ,  de  Parme ,  de  Mo- 
dénc  ,  de  Mantoiie,  la  Republique 
de  Venife  &:  la  Principauté  dcT ren- 
te. Dans  la  Partie  moyenne  de  l'Ita- 
lie il  comprend  les  Etats  du  Pape  , 
le  grand  Duché  de  Tofcane  &  la 
Republique  de  Lucques.  La  der- 
nière Partie  regarde  le  Royaume 
de  Naples ,  auquel  il  a  joint  les 


B  R  E,    I7Î  ?•  ^05 

Ifles  adjacentes  à  l'Italie. 

Le  fécond  Livre  de  ce  Volume 
comprend  toute  l'Italie  fupericurcj 
Se  le  troifiéme  les  Erats  du  Pape. 
Les  autres  Parties  de  l'Itahe  font 
renvoyées  aux  Volumes  fuivans. 
Nous  rapporterons  quelques  traits 
de  chacun  des  trois  Livres  qui 
compofent  ce  Volume. 

Dans  le  cinquième  Chapitre  da 
fécond  Livre  ,  l'Auteur  examine 
dans  quel  tems  l'Italie  a  commencé 
à  être  habitée  ;  il  rejette  d'abord 
comme  une  fable  ce  que  ditAnnius 
de  Viterbe  ,  que  Noc  avec  fes  trois 
enfans  avoit  parcouru  toute  la  mer 
Méditerranée  ,  qu'il  avoit  montré 
à  chacun  de  fes  enfans  le  Pays  que 
leurs  defcendans  dévoient  occuper, 
&c  qu'après  une  navigation  de  dix 
années  ,  il  étoit  retourné  dans  le 
lieu  d'où  il  étoit  parti,  &  qu'il 
avoit  envoyé  de  là  fes  defcendans 
pour  habiter  les  différentes  Con- 
trées qu'il  leur  avoit  deftinées. 
Le  P.  Orlendi  eft  néanmoins  per- 
fuadé  que  l'Europe  eft  échue  à  Ja- 
phct ,  &  que  ce  font  les  fils  ,  ou 
les  petits-fils  de  Japhet ,  ou  leurs 
defcendans  qui  ont  habité  les  pre- 
miers l'Italie  ,  &  qu'ils  y  étoient 
venus  de  h  Grèce.  Mais  il  n'oferoit 
déterminer  combien  de  tems  après 
le  Déluge  cela  eft  arrivé  ,  ni  qui 
étoient  les  chefs  de  ces  Colonies  ; 
quoiqu'Annius  de  Viterbe  en  ait 
donné  les  noms ,  &C  qu'il  ait  appel- 
lé  Comenus  ,  celui  qui  s'eft  établi 
le  premier  en  Italie.  L'Auteur  pa- 
roît avoir  beaucoup  de  penchant  à 
croire  que  les  Tofcans  font  les  plus 
anciens  peuples  de  l'Italie  ,  &  il 


Sio         JOURNAL  DES  SÇAVANS; 

renvoyé  là-dclTus  à  Titc-Livc  Se  k     La  première  difficulté  qui  fc  pre- 


Juftin. 

Voici  le  portrait  que  l'Auteur 
fait  des  Italiens  dans  le  quatrième 
Chapitre  du  premier  Livre.  Ils  cul- 
tivent avec  foin  les  Sciences  &  les 
beaux  Arts  ^  ils  les  enrichirent ,  ils 
favorifcnt  ceux  qui  les  cultivent ,  Se 
ils  en  font  les  Âléccnes  :  ce  qui  a 
donné  lieu  à  rctablilfement  de  tant 
d'Académies    dans  les  différentes 
Villes  d'Italie.  Ilsfe  font  diftingués 
dans  la  guerre  Se  dans  la  paix.  Us 
fervent  de  modules  de  vertus  aux 
autres  Nations ,  à  ce  qu'affurc  no- 
tre Auteur  ,  par  h  pureté  de  leurs 
mœurs  ,  &  par  les  bonnes  qualitez 
du  cœur  Se  de  l'cfprit.  Il  ajoute  que 
les  Italiens  font  au-dcffus  de  toutes 
les  autrcsNâtions  par  leur  politelTe, 
par  les  agrémens  de  la  converfation, 
par  la  grandeur  d'ame.  Leur  génie 
heureux  Se  fécond  les  rend  propres 
i  inventer  ,  à  cultiver  les  Sciences 
&  les  Arts  ,  Se  à  Icsperfcâionner; 
ils  font  avides  d'honneur   Se   de 
gloire ,  ce  qui  les  engage  à  cher- 
cher à  fe  venger ,  lorfqu'on  leur  fût 
quelque  affront.   Au  reftc ,  s'il  y  a 
quelque     tache     qui     oblcurcilTc 
l'éclat  de  cette  illuilire  Nation  ,  ce 
font  les  termes  de  notre  Auteur , 
elle    cil  entièrement  dillïpée    par 
leur  attachement  à  la  véritable  Re- 
ligion. 

L'Auteur  ayant  parlé  dans  le 
troiûémc  Chapitre  du  fccond  Li- 
vre ,  de  l'origine  de  la  Ville  de  Mi- 
lan ,  &  cnfuite  donné  un  abré- 
gé de  l'Hifloire  Civile  du  Milanès, 
il  employé  plufieurs  Chapitres  à 
ll'Hifloire  £cdeiîalkiqac  de  Milan. 


fente  fur  ce  fujet  cft  de  fçavoir  fi 
S.  Barn.ibé  cft:  le  Fondateur  de  cette 
Eglife  ,  l'une  des  plus  illuflres  du 
monde  Chrétien.  C'efl  une  Tradi- 
tion de  cette  Eglife  qu'elle  a  été  éta- 
blie par  S.  Barnabe  ;  le  Cardinal  Ba- 
roniusalfure  que  cette  tradition  eft 
appuyée  fur  des  Monumcns  fi  au- 
thentiques qu'on  doit  regarder  ce 
point  d'Hiftoire  ,    comme  un  des 
plus  affurcs.  Cependant  quelques 
Auteurs ,  Se  cntr'autrcs  les  PP.  Ma- 
billon  &:  Papebioc  ,  n'ont  pas  cru 
devoir  avoir  pour  cette  Tradition 
le  même  refped  que  les  Ecrivains 
d'Italie.   Le   P.    Mabillon    trouva 
dans  la  Bibliothèque  Ambroifiennc 
un  ancien  Catalogue  des  Evcques 
de  Milan,  où  il  vit  le  nom  de  Saine 
Barnabe  écrit  d'une  main  plus  ré- 
cente que  le  refte  du  Catalogue.  Il 
ajoute  que  S.  Ambroifc  dans  fon 
Difcours  contre  Auxcnce  ,  parlant 
de  l'Eglife  de  Milan  qifil  appelle 
le  Patrimoine  qui  lui  vient  de  fes 
Pcres ,  ne  tait  pas  mention  de  faint 
Barnabe,  mais  feulement  de  Denis, 
d'Eudorge  ,  de  Mirocle  ,  Se  des 
autres  Saints  Evêques  fes  prédecef- 
feurs.  Le  P.  Papebroc  fe  fonde  auflî 
fur  le  iîlcnce  de  S.  Ambroife  Se  de 
S.  Gaudence  ,  Se  il  croit  que  le  faux 
Dorothée  cft  le  premier  Auteur  de 
cette  Tradition.  M.  Muratori  n'a 
point  pris  de  parti  fur  cette  quc- 
llion,  il  fe  contente  d'obferver  que 
cette   tradition  cfl    très-ancienne. 
Notre    Auteur  fe    propofant   de 
prouver    que    cette  Tradition  re- 
monte   jufqu'aux  premiers   fiécles 
d.e  l'Eglife ,  cite  des  vers  qui  font 


s  E  P  T  E  M  B  R  E,  I7  3Î.'  T" 

au-deflus  d'un  tableau  de  S.  Ana-     attaquer  diredement  aucunes  des 


talon  ,  &  qui  juftifieroient  cffed:i- 
vcment  que  cetteTradition  rcmon 
teroit  jufqu'au  commencement  du 
quatrième  fiécle  ,  long-tems  avant 
S.  Ambroife  ,  fi  ces  vers  étoient  ef- 
feitivement  de  S.  Mirocle,  comme 
le  prétend  notre  Auteur.  Il  rappor- 
te enfuite  deux  Infcriptions ,  dont 
l'une  avoit  été  mife  ,  dit-on  ,  pat 
S.  Protais  auprès  d'une  fontaine  où 
S.  Barnabe  adminiftroit  le  Baptê- 
me i  &  il  conclut  de-là  que  S.  Am- 
broife n'ignoroit  pas  que  S.  Barnabe 
eût  établi  l'Eglife  de  Milan  ;  mais 
qu'il  n'avoit  parlé  contre  Auxence 
que  de  ceu^  de  fes  prédecelTeurs  qui 
avoient  combattu  l'Arianifme.  Le 
P.  Orlendife  plaint  vivement,  de 
€e  que  des  Auteurs  François  qui  ont 
écrit  fi  folidement  contre  l'argu- 
ment négatif  ,  en  répondant  au 
Dodeur  de  Launoy  ^  ont  employé 
ce  même  argument  contre  une  tra- 
dition qui  eft  adoptée  par  tous  les 
Auteurs  Italiens.  Il  oppofe  enfiaite 
au  Catalogue  dont  parle  le  P.  Ma- 
billon  ,  un  autre  ancien  Catalogue 
des  Evèques  de  Milan  ^  publié  par 
M.  Muratori ,  beaucoup  plus  am- 
ple que  ceux  qui  avoient  été  impri- 
més auparavant,  à  la  tète  duquel  on 
trouve  le  nom  de  S.  Barnabe  écrit 
de  la  même  main  que  le  refte  du 
Manufcrit. 

Les  Archevêques  de  Milan  ont 
prétendu  que  S.  Grégoire  Pape  leur 
avoit  donné  le  droit  de  couronner 
les  Rois  d'Italie  avec  une  couronne 
de  fer,&qu'enfiiite  ils  avoient  eu  le 
droit  d'élire  les  Rois  &  de  les  dé- 
polèr  ,  notre  Auteur  qui  ne  ve«t 


anciennes  Traditions ,  ne  foûticnt 
point  que  ces  Traditions  foient  ab- 
îblument  fluiflcs  ,  mais  il  fait  alfez 
fentir ,  que  le  prétendu  privilège 
donné  par  S.  Grégoire  lui  eft  fort 
fufpeâ:.  Il  affedc  particulièrement 
de  faire  obferver  que  les  Hiftoriens 
François  n'ont  pas  parlé  de  ce  cou- 
ronnement par  les  Archevêques  de 
Milan  ,  des  Princes  François  qui 
ont  été  Rois  d'Italie.  " 

Le  Chapitre  8  du  fécond  Livre 
regarde  la  Ville  de  Pavie  ;  notre 
Auteur  y  traite  d'abord  la  queftion 
fi  l'Eglife  Epifcopale  de  Pavie  a  été 
foûmife  de  tout  tems  immédiate- 
ment au  S.  Siège.  Tous  les  Ecrivains 
de  Pavie  foûtienncnt  l'affirmative. 
Ughelli  a  pris  le  même  parti  dans 
fon  Italie  Sacrée,  mais  les  Ecrivains 
de  Milan  ,  &  plufieurs  autres  Au- 
teurs étrangers  ,  comme  Baron  ius  , 
M.  de  Marca  ,  le  P.  Tomaffin  6c 
d'autres  ont  cru  que  Pavie  avoit 
été  long  -  tems  foûmife  à  la  Mé- 
tropole de  Milan.  Notre  Auteur 
fait  voir  que  pendant  plufieurs 
fiecles  les  Evêques  de  Pavie  ont  été 
facrés  par  les  Archevêques  de  Mi- 
lan ,  qu'ils  ont  affilié  au  Concile 
de  la  Province  avec  les  autres 
Evêques  \  mais  vers  le  commen- 
ment  du  feptiéme  fiecle  les  Evê- 
ques de  Pavie  fe  firent  couronner  à 
Rome  ,  &  quand  S.  Benoît  Arche- 
vêque de  Milan  voulut  s'oppofer  à 
cet  ufage,  la  prétention  fut  con- 
damnée dans  un  Concile  tenu  à 
Rome,  parce  que  depuis  long-tems 
les  Evêques  de  Pavie  étoient  en 
poffeffion  de  lè  faire  facrer  par  le 


yi2  JOURNAL  D 

Pape  ,  comme  le  rapportent  Paul- 
Diacre  dans  l'Hiftoirc  des  Lom- 
bards ,  5i  Anaftafc  le  Bibliothécai- 
re dans  la  Vie  du  Pape  Conftantiii. 
Ce  privilège  de  fe  faire  facrcr  par 
le  Pape  ,  tut  une  occafion  à  l'Evê- 
que  de  Pavie  de  fe  fouftraire  cntic- 
ment  à  la  Jurifdiction  de  l'Arche- 
vêque de  Milan. 

Cet  Evêquc  porte  le  Pallium. 
Ughelli  croit  que  ce  privilège  lui  a 
été  accordé  par  le  Pape  Hormifdas, 
notre  Auteur  ne  penfe  point  que 
ce  privilège  foit  fi  ancien  ,  &  il 
foûtient ,  aprCs  M.  Muratori ,  que 
les  Evcques  de  Pavie  tiennent  cette 
prérogative  du  Pape  Jean  VllI.  qui 
vouloit  par-là  humilier  Afpert  Ar- 
chevêque de  Milan  qui  retufoit  de 
lui  obéir.  C'cft:  par  la  même  raifon, 
fuivant  notre  Auteur,  que  ce  Pape 
attiibua  à  l'Evêque  de  Pavie  le 
droit  de  convoquer  des  Conciles 
des  deux  Métropoles  de  Milan  & 
de  Ravenne.  Mais  on  ne  voit  pas 
que  les  Evêqucs  de  Pavie  aient  ja- 
mais joiii  de  ce  privilège.  Cet  Evc- 
que  eft  encore  foûmis  immédiate- 
ment au  Saint  Siège  -,  mais  il  doit , 
fuivant  notre  Auteur ,  ailîfter  aux 
Conciles  de  la  Province  de  Milan  , 
félon  les  Décrets  du  Concile  de 
Trente  ,  &  du  dernier  Concile  te- 
nu à  Rome  fous  Benoît  XIII. 

Dans  le  Livre  III.  où  il  s'agit  de 
la  Ville  de  Rome  &c  des  Villes  voi- 
lines ,  l'Auteur  entre  dans  un  grand 
détail ,  qu'on  peut  voir  dans  le 
Livre  même  ,  au(Iî-bien  que  les  élo- 
ges &  l'abregc  de  la  Vie  du  Pape 
Benoît  Xlll.  qui  attireront  l'atten- 
tion des  Lcéleurs.  Nous  nous  bor- 


E  S  SÇAVANS, 

nerons  ici  à  un  feul  point  qui  regar- 
de rEvéché  d'Eu2;ubio.  Selon  no- 
tre Auteur  ,  l'Evéque  d'Eugubio 
avoit  éti  fournis  immédiatement  au 
S.  Siège  )urqu'cn  i  jiîj.  que  le  Pape 
Pie  IV.  érigea  la  Ville  d'Urbain  en 
Métropole  ,  &  i.ii  donna  l'Evêque 
d'Eugubio  pour  un  de  fes  fuffiragans. 
L'Evêque  d'Eugubio  Marianus-Sa- 
bcUi  s'y  oppofaj&i  il  obtin:  du  Pape 
que  du  moins  pendant  fa  vie  l'Ar- 
chevêque d'Uibain  n'excrceroit  fur 
lui  aucune  Junfdiêlion  Métropoli- 
taine; après  le  Concile  de  Trente 
Sabelli  déclara  ,  conformément  à 
la  difpofition  du  Concile  ,  qu'il  af- 
fifteroit  à  ceux  qui  fe  tiendroient  à 
Urbain  ,  fans  préjudice  de  la  liber- 
té de  fon  Eglife.  Ses  SuccefTeurs 
n'avoient  pu  fe  refoudre  à  fe  foû- 
mettre  à  l'Archevêque  d'Urbain , 
ôi  ils  s'étoient  toijjours  qualifiés 
Evêques  foiîmis  immédiatement  au 
S.  Siège.  Ce  qui  avoit  fouvcnt 
donné  lieu  à  de  vives  contellationj 
entre  ces  deux  Prélats ,  fans  qu'il 
(ùz  intervenu  aucun  jugement  défi- 
nitif. Le  Pape  Clément  XI.  ayant 
nommé  un  Evêque  d'Eugubio  en 
1707.  fit  mettre  dans  les  Bulles  que 
cet  Evêché  ètoit  foûmis  immédia- 
tement au  S.  Siège ,  mais  fans  pré- 
judice du  droit  prétendu  par  l'Ar- 
chevêque d'Urbain.  Le  Pape  Be- 
noît XIII.  avoit  fait  alfifter  l'Evê- 
que d'Eugubio  au  Concile  de  Ro- 
me en  1715.  comme  un  Evêquc 
immédiatement  foûmis  au  S.Siége. 
Mais  la  même  année  le  Pape  Be- 
noît XIII.  décida  la  conteltatioa 
qui  duroit  depuis  fi  long-tems  ,  en 
donnant  une  Bulle  qui  foûmet  l'E- 
vcchc 


s  E  P   T  E  M 

Y^ché  d'Eugubio  à  l'Archevcquc 
d' Jrbain  L'Eglife  d'Eugubio  ayant 
vaqué  quelque  tems  aprts  ,  Benoît 
"XlII.  la  conféra  comme  Eglifefuf- 
fragsntc  de  la  Métropole  d'Urbain. 
La  Bulle  de  Benoît  XIII.  eft  rap- 
portée toute  entière  par  notre  Au- 
teur. Il  y  a  d'autres  remarques  de 


B  R  E  ,    173  5.  51  j 

cette  nature  dans  le  cours  de  l'Ou- 
vrage fur  l'état  prcfent  de  l'Eglife 
d'Italie  qui  feront  plaifir  à  ceux  qui 
font  curieux  de  ces  matières. 

Nous  rendrons  compte  du  troi- 
fiéme  Volume  dans  un  autre  Jour- 
nal. 


TRAITE'  DE  LJ  MAIN-MORTE  ET  DES  RETRAITS. 

Par  M.  F.  J.  Dunod  ,  ancien  Avocat  au  Parlement  &  Profejfeur  Royd 
en  L'VniverJïié  de  Pefançon.  A  Dijon  ,  chez  de  Fay  ,  &  fe  vend  à  Be- 
fancon,  chez  Nicolas  Marchand  ,  Libraire,  en  la  grande  rue.  1733. 
/«-4°.  pp.  Z54.  pour  le  Traité  de  la  Main-Morte  ,  pp.  ëj.  pour  le  Trai- 
té des  Retraits. 


EN  rendant  compte  dans  le 
Journal  de  Juin  dernier  du 
Traité  des  Main  -  mortes  de  M. 
Dunod  ,  nous  nous  fommes  en- 
gagés à  parler  en  particulier  du 
fécond  Traité  compris  dans  ce  Vo- 
lume qui  regarde  les  Retraits. 
Dans  les  neufs  premiers  Chapi- 
tres du  Retrait  Lignagcr  ,  dans 
le  dixième  du  Retrait  Féodal  , 
&  dans  le  onzième  du  Retrait 
en  ccnllves.  Il  n'en  eft  pas  de  ce 
Traité  comme  de  celui  de  la  Main- 
morte ,  qui  a  en  quelque  ma- 
nière le  mérite  de  la  nouveauté  , 
parce  que  les  Jurifconfultes  Fran- 
çois ne  s'étoient  point  encore  appli- 
qués à  traiter  cette  matière  avec  or- 
dre &  avec  une  jufte  étendue.  Mais 
nous  avons  plufieurs  Traitez  fur 
les  trois  cfpeccsde  Retraits  dont  il 
s'agit  dans  cet  Ouvrage  ,  &  tous 
les  Commentateurs  des  Coutumes 
fe  font  attachés  à  les  expliquer.  M. 
Dunod  avoiie  dans  fa  Préface  qu'il 
a  tiré  de  ces  Auteurs  les  principes 
Seftcmb. 


généraux  ,  il  a  feulement  ajouté  à 
ces  principes  ce  qu'il  y  a  de  particu- 
lier pour  le  Comté  de  Bourgogne  , 
foit  dans  les  difpofitions  de  la  Cou- 
tume ,  foit  dans  les  Arrefts  du 
Parlement  de  Bczançon.  Nous  al- 
lons rapporter  quelques  -  uns  des 
exemples  de  cette  dernière  efpecc  , 
fans  nous  arrêter  aux  principes 
du  Droit  Commun  fur  cette  matiè- 
re. 

Suivant  le  Droit  Commun  le 
Retrait  Ligirager  ne  fe  divife  point, 
&  quand  plufieurs  héritages  pro- 
pres font  vendus  par  le  même 
contrat  &  pour  un  feul  prix  ,  le  pa- 
rent lignager  doit  les  retirer  tous. 
11  y  a  même  des  Coutumes  qui  veu- 
lent qu'on  retire  l'acquêt  qui  a  été 
vendu  avec  l'héritage  propre  ,  par- 
ce qu'il  arrive  fouvent  qu'une  per- 
fonne  n'acquiert  un  héritaec 
qu  en  conlideration  d  un  autre  qui 
lui  eft  vendu  pour  le  même  con- 
trat ,  &  qu'on  ne  peut  diviitr  les 
fonds  acauis  par  le  même  conuat 
Yyjr 


514        JOURNAL     D 

pour  un  fcul  p'ix  ,  fins  lui  faire  un 
tort  trop  coniidcrablc  ,  &:  fans  di- 
minuer le  prix  de  ce  qui  lui  rcftc. 

Les  rcdicleurs  de  la  Coutume 
du  Comté  de  Bourgogne  n'ont 
point  été  frappés  de  ces  raifons.  Us 
ont  regardé  comme  autant  de  ven- 
tes différentes  celles  de  chaque 
fond ,  &  ils  ont  voulu  par  l'article 
5  du  titre  des  rachapts  que  quand 
il  y  avoir  pluiîeurs  héritages  an- 
ciens vendus  pour  le  même  prix, 
avec  leurs  appartenances  6i  leurs 
dépendances ,  le  Lignagcrpût  reti- 
rer un  de  ces  fonds  avec  fes  ap- 
partenances &c  fes  dépendances  , 
fans  retirer  l'autre. 

Notre  Auteur  obferve  que  cette 
difpofition  de  la  Coijtume  du 
Comté  de  Bourgogne  elt  non  feu- 
lement finguliere  ,  mais  encore  im- 
parfaite ■■,  c'cft  pourquoi  le  Parle- 
ment de  cette  Province  l'a  rellrain- 
te  le  plus  qu'il  a  été  po'lîblc.  M. 
Dunod  cite  là-defTus  un  Arrcftdu 
mois  de  Mars  1621.  par  lequel  on 
a  jugé  qu'un  particulier  ayant  ven- 
du une  maifon  qui  ne  pouvoir  fe 
partager  commodément  ,  dont  la 
moitié  éroit  propre  au  vendeur  & 
la  moitié  acquêt ,  le  parent  n'étoit 
point  recevable  à  ne  retirer  que  la 
r:oitié  qui  éroit  propre.  A  l'occa- 
flon  de  cet  Arrcll  l'Auteur  donne 
pour  règle  générale  que  lorfque 
des  fonds  ont  été  unis  par  la  difpofi- 
tion  du  perc  de  famille, cnforte  que 
l'un  eft  neceflairc  à  l'autre ,  comme 
s'il  s'agiflToit  d'un  Jardin  acquis 
pour  fervir  à  une  maifon  qui  fût 
propre  à  l'acquéreur  de  ce  Jardin, 
on  ne  doit  pas  les  féparer  par  le  Re- 


E  S     S  Ç  A  VA  N  S  , 

trait  ,  parce  que  la  maifon  Si  le 
jardin  ne  font  plus  cenfés  en  ce  cas 
qu'un  feul  héritage.  Ce  qui  paroît 
pouvoir  être  appuyé  par  les  termes 
delaCoîitume  ,  qui  veut  qu'en 
retirant  un  des  deux  fonds  vendus 
on  retire  les  dépendances  de  ce 
fond  fans  diftingucr  fi  ces  dépen- 
dances font  acquêts  ou  propres. 

Comme  la  Coutume  du  Comté 
de  Bourgogne  n'a  pas  force  de  Loi 
dans  la  Ville  de  Bcfançon  ,  & 
qu'elle  n'y  eit  regardée  que  comme 
une  autorité  écrite  ,  qui  ne  doit 
point  être  fuivie  quand  la  difpofi- 
rion  cfl:  contraire  aux  principes;  on 
a  jugé  au  Parlement  de  Befançon  le 
7  Mars  1729.  que  celui  qui  exerce 
un  retrait  de  fonds  (îtués  dans  cette 
Ville  doit  retirer  tous  les  fonds  qui 
ont  été  vendus  par  un  fcul  prix  ,  à 
moins  que  l'acquéreur  ne  veuille 
bien  retenir  une  partie. 

Voici  un  fécond  exemple.  L'ar- 
ticle li  du  titre  des  rachaptsdela 
Coutume  du  Comté  de  Bourgo- 
gne ,  décide  que  le  retrait  lignager 
n'a  point  lieu  en  vente  par  dccrct. 
Notre  Auteur  remarque  que  cet 
article  ne  s'entend  que  des  ventes 
forcées  qui  fc  font  à  l'inftance  des 
créanciers ,  il  rapporte  là  dcfTus  un 
Arreft  du  17  Février  161  ?.  qui  fut 
noté ,  dit  l'Auteur  après  M.  Jobe- 
lot ,  fur  l'exemplaire  de  la  Coutu- 
me dont  on  fe  fert  au  Parlement , 
pour  fervir  de  règle  à  l'avenir.  M. 
Dunod  conclut  delà  que  le  retrait 
lignager  a  lieu  dans  la  lubhaftarion 
des  biens  des  mineurs ,  dans  celles 
qui  fe  font  cnfuite  de  l'acceptation 
d'une  fucceflion  par  benerice  d'in- 


s  E  P  T  E  M 

vcntaire,  ou  quand  le  débiteur  fait 
lui  -  même  adjuger  en  juftice  fes 
biens  à  fes  créanciers  ^  pour  en  pur- 
ger les  hypothèques  ,  parce  que 
dans  tous  ces  cas  la  vente  eft  volon- 
taire de  la  part  du  propriétaire,  qui 
ne  fait  faire  le  décret  que  pour  la 
fureté  de  l'acheteur.  Il  s'enfuit  en- 
core de  cette  Jurifprudencc  du 
Parlement  de  Franche-Comté  ,  que 
quand  une  perfonne  acquiert  un 
fond  à  la  charge  d'en  faire  faire  un 
décret  fur  lui-même  ,  il  y  a  lieu  au 
retrait  lignager.  Ce  qui  a  même  été 
jugé  le  29  Aouft  1669.  dans  tte  cas 
où  il  n'y'avoit  qu'une  /impie  pro- 
mefle  de  vendre  un  fond  ,  &  d'en 
faire  avoir  la  délivrance  par  un  dé- 
cret pour  4500  liv.  on  regarda  cette 
promeiïe  comme  une  vente  ,  à  la- 
quelle on  n'avoit  ajouté  le  décret 
que  pour  la  fcureté  de  l'acquéreur. 
Le  tems  du  retrait  ne  court  pas  en 
ce  cas  du  jour  de  l'adjudication  du 
bien  faite  en  juiTiice  ,  mais  du  jour 
de  la  prife  de  poflellion  en  vertu 
de  la  vente  volontaire. 

Le  Chapitre  du  retrait  féodal 
nous  fournira  deux  autres  exem- 
ples. 

Dans  le  Comté  de  Bourgogne  le 
Seigneur  doit  ufer  du  droit  de  re- 
trait féodal  dans  l'an  5c  jour  de 
l'exhibition  du  contrat,&  rcmbour- 
fer  le  prix  &  les  loyaux-couftsdans 
l'année.  Si  l'acquéreur  ne  veut 
point  accepter  le  rcmhourfement , 
il  faut  lui  faire  des  offres  réelles  du 
prix  &  des  loyaux-coufts  dans  l'an 
&  jour  du  retrait,  finon  le  Seigneur 


B   R   E,    175  ^  ;r; 

efl:  déchu  de  fon  droit  ,  quand  mê- 
me il  auroit  déclaré  qu'il  vouloit 
ufer  du  droit  de  retrait  féodal ,  & 
qu'il  fc  feroit  mis  en  poffeÛîon  du 
fret.  On  a  m;me  jugé  an  Parlement 
de  Befançon  le  7  Septembre  1713. 
qu'un  Seigneur  qui  avoit  formé  fi 
demande  pour  le  retrait  féodal  en 
étoit  déchu,  parce  que  le  rembour- 
fcment  n'avoit  été  fait  qu'après 
l'année ,  à  un  tuteur  qui  n'avoit  pas 
du  recevoir  au  préjudice  du  droit 
acquis  à  fon  mineur. 

Quand  on  acquiert  par  un  mê- 
me contrat  &  pour  un  fcul  prix 
plulîeurs  fiefs  mouvans  d'une  ou  de 
différentes  Seigneuries ,  l'acquéreur 
prefentant  fon  contrat  au  Seigneur, 
doit  faire  ladiftindiion  des  prix,  ce 
qui  n'empêche  pas  que  le  Seigneur 
ne  puitfe  faire  taire  la  ventilation , 
fi  celle  de  l'acheteur  ne  lui  paroît 
pas  jufte.  Il  allure  qu'on  l'a  ainfi  ju- 
gé au  Parlement  de  Befançon  par 
Arreft  du  zi  Mars  1701.  &  qu'on 
a  décide  par  le  même  Arreft  que  le 
tems  du  retrait  ne  courrcroir  que 
du  jour  que  la  ventilation  auroit 
été  faite. 

Il  ne  nous  refte  qu'à  fouhaitcr , 
en  fàniffant  cet  Extrait,  que  M.  Du- 
nod  ,  à  qui  50  années  d'exercice  de 
fa  profcflion  au  Parlement  de  Be- 
fançon ont  donné  lieu  de  fe  mettre 
au  fait  de  la  Jurifprudence  de  ce 
Parlement ,  continue  d'en  inftruire 
le  public  par  fes  Ouvrages  fur  la 
Coiàtume  du  Comté  de  Bourgo- 
gne. 


•^H» 


Y  yyij 


Sx6 


JOURNAL   DES   SÇAVANS. 


RERUM  ITALICARUM  SCRIPTORES,  Ctt.. 
C'e(l-à-dirc  :  R;ciicil  des  Ecnva'ms  de  TH^Poire  d^ Italie,  depuis  l'an 
^oo.jitfju'àl'an  1500.  par  Al.  Muratori ,  Tome  Xll,  A  Milan  ,  parla 
Socictc  Palatine.  1728.  iti-fol.  col.  1235. 


ON  a  juge  d'autant  plus  conve- 
nable de  dédier  ce  Volume  à 
la  Republique  de  Vcnife  ,  qu'il 
commence  par  une  Chronique  de 
cette  Ville  depuis  le  Pontificat  de 
S,  Marc  jufqu'à  l'an  1339. 

André  d'Andolo  Auteur  de  cette 
Hiftoirc  ,  fortoit  d'une  iiluftie  fa- 
mille qui  avoit  déjà  donné  trois 
Doges  au  Sénat  de  Vcnile ,  il  n'a- 
voitcnccHfe  que  37  ans ,  lorfqu'cn 
1333.  il  parvint  lui-même  à  cette 
c'minenre  dignité.  On  remarque 
qu'il  fut  le  premier  des  Nobles 
Vénitiens,  qui  prit  le  bonnet  de 
Doftcur.  Comme  il  étoit  égale- 
ment propre  aux  Sciences  &  aux 
affaires  ,  il  gouverna  avec  beau- 
coup de  prudence  dans  des  tems 
très-difficiles  &  peu  favorables  à  la 
grandeur  de  fa  Patrie.  Il  régna 
pendant  onze  ans ,  c'eftà-dire  ,  juf- 
qu'à ià  mort  qui  arriva  en  1 3  54. 

Cette  Chronique  eft  divifée  en 
10  Livres,  mais  les  trois  premiers 
fint  été  perdus ,  ou  peut-être  mê- 
me retranchés  comme  inutiles.  El- 
le a  été  continuée  en  1341.  ou  du 
moinsl'année  fuivante  d'abord  par 
un  Anonyme,  cnfuite  par  Raphaël 
ou  Raphainus-Carefinus  Chance- 
lier de  Venife.  Ces  deux  Auteurs 
l'ont  conduite  jufqu'à  l'an  1588. 
On  nous  les  donne  ici  comme  une 
fuite  de  l'Ouvrage  principal. 

M.  Muratori,  après  avoir  loçg- 


tcms  hélîté  à  faire  imprimer  tout 
ce  qui  précède  la  fondation  de  Vc- 
nife ,  s'eft  fait  euhn  fcrupulc  d'en- 
lever à  la  Ville  d'Aquiléc  les  Mo- 
numens  antiqu.s  dont  elle  fe  glo- 
rifie. Mais  il  ne  les  garantit  pas. 
Comme  les  grandes  Maifons  ne 
manquent  jamais  de  faire  remonter 
leur  origine  jufqu'à  quelque  hom- 
me hmeux  dans  l'antiquité  5  ainll' 
les  Eglifes  di.Qiinguées  ont  covitumc 
de  s'attribuer  des  commencernens 
d'autant  plus  iliuftres  que  l'ecLit  de 
leurs  prérogatives  ou  de  leurs  ri- 
chellcs  leur  donne  un  rang  plus 
confiderable  dans  la  Chrétienté.  Il 
ne  s'enfuit  pas  de  -  là  cependant 
qu'on  doive  méprifer  ce  que  Dan- 
doio  rapporte  de  l'origine  des  Evê- 
ques  d'Aquiléc  ,  puilqu'il  l'a  puifé 
dans  l'Hiftoire  &dans  la  Tradition 
de  cette  Eglife.  A  l'égard  des  com- 
mencemens  &  des  divers  accroilîc- 
mcns  de  fa  Patrie  ,  il  en  parle  avec 
tant  de  modeftie  &  de  déiintercire' 
ment  qu'on  ne  peut  s'empêcher 
d'ajouter  foi  à  fes  récits.  Dans  les 
Hiftoires  anciennes  de  Venife  fbit 
Manufcriccs ,  foit  imprimées,  cette 
Republique  eft  toujours  reprefen- 
tée  comme  viiflorieufc  ,  comme 
triomphante  de  fes  ennemis.  Dan- 
doloaeu  plus  de  iîncerité,  il  rap- 
porte avec  une  égale  candeur  les 
bons  &  les  mauvais  fuccès  de  là 
Patrie,  enfoxte  que  fur  ce  point  on 


s  E  P  T  E  M 

peut  le  propqfcr'comme  un  nioàc- 
le.  Mais  on  ne  portera  pas  le  même 
jugement  de  Carefmus  fou  Conti- 
nuateur. 

Il  cft  vrai  c^u'cn  pludeurs  en- 
droits Dandolo  fc  prête  aux  Tradi- 
tions populaires,  &  qu'il  lui  échap- 
pe quelques  Anachronifmes  ;  mais 
comme  on  l'a  dcja  remarqué 
plufieurs  fois  ,  il  but  pardonner 
ces  fautes  à  des  Hiftoriens  qui  vi- 
voient  dans  un  tems  où  l'art  de  la 
critique  étoit  abfolument  ignoré. 

2°.  Des  Annales  Romaines 
écrites  en  Italien  par  Louis  Bon- 
conte  Monaldefco.  La  fimille  qui 
porte  ce  nom  eft  une  des  plus  an- 
ciennes d'Italie ,  &  n'avoit  pas  be- 
foin  qu'Alphonfe  -  Ceccarellus  de 
Bevagna  eût  recours  à  des  pièces 
fuppolées  ,  &  à  de  taux  titres 
pour  en  relever  l'éclat.  Il  fit  impri- 
mer i'Hiftoire  des  Monaldefchi  à 
Alcoli  en  1580.  &  la  remplit  de 
tant  de  fables  qu'il  rendit  douteux 
ce  qu'il  y  avoit  de  plus  certain  fur 
l'Antiquité  de  cette  iUuftrc  îvïai- 
fon  •,  mais  ce  fimeux  impofteur 
paya  chèrement  l'illufion  qu'il 
avoit  eflayé  de  faire  au  public  ;  fes 
diverfes  falllhcations  ayant  été  dé- 
couvertes ,  Grégoire  XIII.  le  fit 
arrêter  ,  &  il  fut  puni  du  dernier 
fupplice. 

Les  Menaldefchi  gardèrent 
long-temsla  Souveraineté  d'Orvie- 
te,  Louis  Boncomes  dont  il  eft  ici 
queftion  ,  dcfcendoit  de  ces  Sei- 
gneurs. Si  on  en  croit  ce  qu'on  lit 
au  commencement  de  fon  Hiftoire, 
il  vécut  115  ans  fans  avoir  jamais 
été  malade ,  il  nous  y  alïlire  lui  mê- 


B  R  E  ,    173?-'  fn 

me  qu'il  mourut  ,  comme  il  vint 
au  monde  ,  fans  aucun  fentiment 
de  douleur.  Des  gens  peu  fcrupu- 
leux  à  tranfcrire  fidèlement  les 
Manufcrits ,  auroicnt  fupprimé  cet 
endroit  -,  il  n'y  a  pas  d'apparence 
comme  M.  Muratori  l'obferve  , 
que  Monaldefchi  nous  ait  envoyé 
ce  récit  des  Champs  Elyfées  ,  ce- 
pendant l'Editeur  n'a  pas  ofc  pren- 
dre cette  liberté  par  refped  pour 
les  deux  Manufcrits  fur  Icfquels  il 
a  travaillé. 

Ce  début  ne  doit  point  prévenir 
le  Ledeur  contre  cette  Hiftoire  ; 
on  nous  aifure  qu'elle  eft  écrite 
avec  exactitude  ,  &c  qu'on  y  trouve 
des  choies  très  -  curieufes  fur  les 
grandes  8c  illuftres  familles  de  Ro- 
me. Elle  commence  en  1328.  Se 
finit  en  1340.  mais  il  y  a  lieu  de 
croire  que  nous  ne  l'avons  pas  tou- 
te entière  ,  ce  qui  fait  qu'on  la  pu- 
blie ici  fous  le  titre  de  Fragniens 
des  Annales  Romaines.  Cependant 
les  Manufcrits  dont  nous  venons  de 
parler  ,  &  même  un  troifiéme 
qu'on  garde  dans  la  Bibliothèque 
du  Roi  ne  vont  pas  plus  loin. 

3°.  La  Chronique  de  Domini- 
que Gravina  contenant  les  évenc- 
mens  arrivés  depuis  1333.  jufqu'en 
1350.  cette  Edition  a  été  faite  fur 
un  Manufcrit  de  la  Bibliothèque 
Impénale.  M.  Muratori  en  parle 
dans  des  termes  magnifiques  ;  il 
nous  allure  qu'elle  eft  remplie  d'u- 
ne quantité  étonnante  de  Manuf- 
crits, ad/liiporem^  &  que  depuis  le 
célèbre  Pierre  Lambeccius  qui  l'en- 
richit extraordinairement  par  fes 
recherches  ^  on  y  a  fait  encore  des 


yi8         JOURNAL  D 

augmentations  très  -  confidcrables 
fous  l'Empereur  Charles  VI.  au- 
jourd'hui régnant.  C'cll  par  les 
foins  de  M.  CircUi ,  Bolonois  , 
Chevalier  de  l'Ordre  de  Chrift  , 
premier  Médecin  Se  Bibliothécaire 
de  l'Empereur,  que  M.  Muratori  a 
profité  de  la  permillîon  que  ce 
Prince  lui  a  donnée  de  faire  copier 
le  Manufcrit  de  la  Chronique  de 
Gravina  ;  c'cftlellui  qu'on  encon- 
noifTe  ;  on  croit  donc  faire  plaiCit 
au  public  en  1-^  prefcntantun  Au- 
teur qui  )ufqu'alors  avoit  été  igno- 
ré, &c  qui  mérite  d'autant  plus  de 
confiance  qu'il  écrit  en  témoin 
oculaire  ,  &:  quelquefois  même  en 
homme  qui  a  eu  part  aux  chofes 
qu'il  raconte.  Son  ftyle  eft  clair , 
mais  peu  élégant ,  il  lui  cchape  mê- 
me certains  dérails  qui  paroîtronc 
petits  à  ceux  qui  ne  veulent  que  du 
grand.  Mais  ces  détails  toutmcpri- 
fables  qu'ils  paroiffcnt  d'abord  ont, 
dit -on  ,  l'avantage  d'attacher  le 
Lcdeur ,  &  de  lui  mettre  pour  ainfi 
dire  les  choils  fous  les  yeux. 

D'ailleuis  le  fujet  que  Gravina 
entreprend  de  traiter  cil  très-inte- 
relTant  par  lui-même  ;  en  voici  le 
précis.  Jeanne  de  Naples  ayant  fuc- 
cedé  au  Roi  Robert  fon  ayeulen 
1343.  &  non  en  1342..  comme 
quelques  -  uns  l'ont  écrit ,  époufa 
André  fils  du  Roi  de  Hongrie. 
Mais  elle  s'en  dégoûta  bien-tc)t ,  ce 
jeune  Prince  fut  trouvé  mort  Se  jet- 
te par  les  fenêtres.  Notre  Auteur 
raconte  fort  féricufemcnt  que  les 
infâmes  Minières  de  la  fureur  de  la 
Reine  furent  contraints  d'ctrangler 
fon  mari  ,  parce  que  fa  mcrc  lui 


ES  SÇAVANS. 

avoir  donné  un  Ct-rcain  anneau  qui 
l'empéchoit  d^  craindre  la  violence 
du  fer  &  du  poifon.  Qiioiqu'il  en 
foit ,  Louis  Roi  de  Hongrie  vint 
en  1 547.  en  Itahe  pour  venger  cet 
attentat.  Jeanne*:édaà  l'oray.e  &  fe 
réfugia  en  Piovencc  ,  mais  dès 
qu'elle  fçut  que  le  Roi  de  Hongrie 
s'étoit  retiré  dans  les  Etats  après 
avoir  puni  les  principaux  compli- 
ces de  la  mort  de  fon  frcrc  ,  elle 
revint  à  Naples ,  &  fe  rendit  en 
peu  de  tems  maîrrefle  de  toutes  les 
places  qui  lui  avoient  été  enlevées 
par  les  Hongrois. 

Gravina  qui  avoir  pris  leur  parti 
&  qui  leur  rendit  de  grands  fervi- 
ccs  ,  fouffrit  beaucoup  dans  ces 
troubles  ,  Se  les  araires  du  Roi  de 
Hongrie  ayant  été  entièrement 
ruinées  en  Italie ,  il  lut  contraint 
de  s'exiler  lui-même  de  fa  patrie  où 
il  avoit  d'abord  exercé  la  profefllon 
de  Notaire. 

4".  Fragmens  de  l'Hiftoire  de 
Parme  pjr  Jean  de  Cornazanis ,  de 
l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs.  Ils 
avoient  d'abord  été  écrits  en  Latin, 
mais  il  ne  nous  en  refle  aujourd'hui 
qu'une  Tradu.^l:ion  Italienne  ,  fai- 
te par  Ange- Marie  Herba.  On  ne 
fçait  rien  en  particulier  de  Jean  de 
Cornazanis  ;  il  n'eft  pas  même  fur 
qu'il  foit  l'Auteur .  de  l'Ouvrage 
qu'on  donne  fous  fon  nom  ,  il  ne 
s'étend  que  depuis  l'an  1503.  ;uf- 
qu'à  l'an  1355.  "'^'^  en  attendant 
qu'on  trouve  quelque  chofc  de 
plus  complet  fur  la  Ville  de  Par- 
me ,  on  a  cru  que  ce  morceau  ne 
lailTeroit  pas  d'être  bien  reçu  du 
public. 


s  E  P  T  E  M 

5°.  Hiftoire  des  Evcnemcns  arri- 
vés à  Padoiie  &  dans  la  Lombardic 
par  Guillaume  &c  Albrigctus-Cor- 
tuhi. 

Ces  deux  Auteurs  ctoient  de 
P.jdoiie  ,  &  d'une  tamille  qui  y  te- 
noit  un  rang  très-diftingué.  Guil- 
laume nous  apprend  qu'en  l'année 
13  3(5'.  il  ctoic  nn  des  Magiftrats 
nommés  pour  gouverner  la  Ville. 
Son  Hiftoire  commence  en  125^. 
Albrigetus  ou  Alberghettus  fon  pa- 
rent l'a  non  feulement  corrigée  & 
adgmentée,  mais  il  l'a  continuée 
jufqu'cn  1364.  On  prétend  qu'il 
avoit  plus  de  talent  pour  écrire  que 
le  premier.  Mais  en  général  il  fe 
font  tous  deux  plus  attachés  aux 
chofes  qu'à  la  manière  de  les  racon- 
ter. 

Il  cil  étonnant  que  ces  Hiftoriens 
contemporains  de  Philippe  le  Bel  , 
racontent  comme  un  fait  certain 
qu'il  mourut  d'un  coup  de  flèche 
qu'il  reçut  à  la  chalfe.  Si  on  les  en 
croit  ,  un  Seigneur  de  fa  Cour 
voulant  tuer  un  Sanglier  qui  atta- 
quoit  ce  Prince  ,  eut  le  malheur  de 
le  percer  lui-même.  Ilsfe  trompent 
encore  fur  l'année  de  fa  mort. 

Cet  Ouvrage  fot  imprimé  à  Vc- 
nife  en  16^56.  avec  ceux  de  Rollan- 
din  ,  d'Albcrtipus  -  MalTutus  ,  du 
\îoine  de  Padoiie,  &c.  par  les  foins 
de  Félix  Ofius.  Mais  M.  Muratori 
ayant  eu  l'avantage  de  trouver  cinq 
differcns  Manufcrits  de  l'Hiftoire 
des  Cortufii  ,  on  ne  peut  douter 
que  cette  Edition  ne  foit  infini- 
ment meilleure  que  la  première. 

6°.  Deux  additions  à  la  Chroni- 
gue  des  Auteurs  précedenSj  laprc- 


B  R  E  ,     175  5.  j-i^ 

miere  depuis  1359.  jufqu'en  i3(rj. 
l'autre  depuis  l'an  1354.  jufqu'à 
l'an  I3yi.  On  en  a  retranché  tout 
ce  qui  préccdoit  l'année  1359.  dans 
la  crainte  de  fatiguer  le  Ledcur  par 
la  répétition  de  ce  qu'il  avoit  déjà 
viî  dans  les  Kiftoricns  de  Padoiic. 
Ces  deux  Ecrivains  qui  font  Ano- 
nymes ont  écrit  dans  la  Dinleclre 
qui  étoit  pour  lors  en  ufagc  à  Pa- 
doiie ,  il  eût  été  facile  de  les  retou- 
cher £c  de  les  donner  en  Italien 
pur  ,  mais  on  a  jugé  à  propos  d'y 
lai/Ter  tout  ce  qui  fcnt  la  P^navini- 
té  en  faveur  de  ceux  qui  font  ja- 
loux de  voir  les  Auteurs  non  com- 
me ils  devroient  être  ,  mais  comme 
ils  ont  véritablement  été. 

7°.  Abrégé  des  adions  d'Azon  , 
de  Lucchini ,  &  de  Jean  Vifconti , 
depuis  1328.  jufqu'en  X34Z.  par 
Gualvaneus  de  laFlarnmade  l'Or- 
dre des  Frères  Prêcheurs. 

Mathieu  'Vifconti  appuyé  du 
crédit  &  des  intrigues  d'Othon 
Vifconti  Archevêque  de  Milan  jet- 
ta  les  premiers  fondemens  de  la 
puifTance  de  fa  Maifon  dans  le  Mi- 
ianois.  Galcas  Vifconti  fon  fils  la 
foijtintavec  beaucoup  de  courage, 
jufques  fous  le  règne  de  Louis  de 
Bavière  ;  dans  la  fuite  ce  Prince 
ayant  oublié  les  fervices  qu'il  en 
avoit  reçus ,  les  Vifconti  perdirent 
la  Souveraineté  de  Milan.  Mais 
Azon  fils  de  Galeas  y  rentra  les  ar- 
mes à  la  main,  &  trouva  le  moyen 
d'agrandir  fon  Etat  par  la  conquê- 
te de  plufieurs  Villes  voifines.  Il 
fut  fécondé  dans  fes  expéditions 
par  fes  oncles  Luchini  &  Jean  Vif- 
conti Archevêque  de  Milan.  Guai- 


S20  JOURNAL   D 

vaneus  de  la  Flamma  qui  croit  Se- 
crétaire &  Chapelain  de  ce  Prclat  , 
entreprit  de  décrire  des  évcnemens 
fi  glorieux  à  k  tamille  de  fon  maî- 
tre. 

Sa  narration  eft  courte  ,  mais 
l'exaditude  qui  y  rcgne,dcdonima- 
gerabicn  ,  félon  M.  Muratori ,  le 
Lecteur  du  dégoût  qu'il  auraelïïiyé 
en  lifant  les  fables  innombrables 
dont  Gualvaneus  a  farci  fon  Aitini- 
fulus  Flo-mm.  Il  l'accufe  feulement 
d'exagération  dans  les  éloges  qu'il 
donne  à  la  magnificence  des  Vif- 
conti  en  décrivant  les  divers  Edih  - 
ces  qu'ils  firent  conftruire  à  Milan. 
Mais  dans  une  Lettre  écrite  à  M. 
Murarori  en  lui  envoyant  le  Ma- 
nufcrit  de  cctteHiftoire  qu'on  garde 
dans  la  Bibliothèque  Ambroifienne, 
M.  Salîî  avaiie  naturellement  que 
notre  Auteur  emporté  par  le  goût 
qu'il  avoir  pour  le  merveilleux  n'a 
pu  s'empêcher  de  mêler  des  traits 
fabuleux  &  romanefqucs  parmi 
quantité  de  faits  fur  Icfquels  il  doit 
être  cru  en  qualité  de  témoin  ocu- 
laire j  il  l'accufe  encore  d'avoir  par 
un  efprit  de  partialité  déchiié  in- 
juftement  la  mémoire  de  plufieurs 
Papes  ,  &  entr'autres ,  celle  de  Be- 
noît XII.  il  s'eft  cru  même  obligé 
de  réfuter  Gualvaneus  par  quelques 
notes  qui  accompagnent  cette  Edi- 
tion.Cependant  il  fe  réunit  avecM. 
Muratori  fur  l'utilité  qu'on  peut 
tirer  de  ce  petit  Ouvrage,  &  il  alTu- 
re  qu'on  y  trouve  l'éclairciflement 
de  plufieurs  points  d'hiftoirc  qui 
avoient  été  jufqu'alors  peu  connus. 

8°.  Chronique  de  la  Ville  de 
Monza  ,  où  l'on  traite  de  l'origine 


ES   SÇAVANS; 

de  cette  Ville  ,  ik  des  premiers 
Princes  de  la  Maifon  de  Vifcoiiti 
par  Bonincontro  Morîgia. 

S  il  en  falloir  croire  Gafpar  Bu- 
gatus  &  Paul  Morigia- Jefuate,&: 
non  pas  .Itluitc  ,  comme  le  dit 
Moreri;  la  famille  de  Mo  igia  pafla 
de  Rome  .\  Milan  dès  letenisdc 
S.  Ambrcife  ;  mais  fans  recourir  à 
la  cliimcrc  ,  on  fjait  que  cette  Mai- 
fon ell  très-ancienne,  ôc  qu'elle  a 
été  féconde  en  illufiresperfonnages. 
Corius  dans  fon  Hiftoire  de  Milan^ 
parle  de  l'Auteur  de  cette  Chroni- 
que ,  mais  il  ne  nous  en  apprend 
rien  de  particulier.  Son  ftile  elltrcs- 
mauvais  ,  mais  d'un  autre  côté  il 
cft  (i  rempli  d'expreffions  tirées  de 
l'Ecriture  qu'on  feroit  tenté  de 
croire  que  Morigia  étoit  Moine  ,  il 
paroît  cependant  qu'il  étoit  homme 
d'épée  ,  &c  qu'en  cette  qualité  il  fut 
chargé  de  plufieurs  expéditions 
très  -  importantes  dans  les  guerres 
qui  régnèrent  de  fon  tems.  On  voit 
encore  qu'il  rendit  de  grands  fcrvi- 
ccs  au  parti  des  Gibelins ,  &:  fur- 
tout  aux  Vifconti  ,  il  fe  montre 
très  zélé  pour  leurs  intérêts  ,  & 
fur-tout  pour  foûtenir  les  Miracles 
arrives  par  l'interceflîon  de  S.  Jean- 
Baptifte  Patron  de  Monza.  Il  fait 
profelîîon  de  ne  raconter  que  ce 
qu'il  a  vu  ou  entendu  de  témoins 
non  fupcds.  Aulll  exige- t-il  de  fcs 
Lecteurs  une  crédulité  aveugle. 
C'eft  ainfi  qu'il  s'en  explique  dans 
des  vers  qu'il  a  mis  à  la  tête  de  fon 
Ouvrage. 

Qui  legts  ,    ô  Leclor  ,  qtiodfcripjî  ^ 
omuin  vem 

Snnt 


SEP   T  E  M 

Sant  j&  ab  his  rtHne^uam  detrahcnda 
fides  : 

Plura  mire  vidi ,  <fuaffi/î  bos  cit'iHS 
iret 

t^thera  per  cœlum ,  i^uam  avis  ulU 
volât. 

Malgré  cette  proteft.ition  ,  c'cft 
alTez  d'en  croire  Movigia  fur  ce 
qu'il  raconte  depuis  l'an  1300.  juf- 
qu'en  l'an  1549.  que  finirent  ces 
Mémoires  ,  mais  dans  les  ficelés 
prcccdens  il  a  trop  fuivi  les  erreurs 
populaires ,  &  cherchoit  trop  à  re- 
lever la  gloire  de  fa  Patrie  pour  ne 
pas  avoir  befoin  de  l'indulgence 
ordinaire  du  Lefteur  pour  les  Au- 
teurs qui  ont  écrit  avant  1 500. 

11  foûtient  par  exemple  que  tous 
les  Empereurs  jufqu'à  Henri  VII. 
fc  font  fait  couronner  Rois  d'Italie 
à  Monza.  Il  eft  vrai  que  cette  Ville 
a  toujours  tenu  le  fécond  rang  après 
la  capitale  du  Milanois  ,  &  que 
quelques  Empereurs  après  avoir 
pris  la  Couronne  d'Italie  à  Milan  , 
fe  font  encore  cru  obliges  de  repe- 
ter la  même  cérémonie  dans  Mon- 
za ,  mais  il  y  en  a  peu  qui  fe  foient 
aflujettis  à  cette  formalité.  Cette 


B  R  E  ,    175  5.     ^        521 

Ville  a  du  moins  été  toujours  fous 
la  protection  particulière  de  l'Em- 
pire. Elle  fut  fondée  par  Théodc- 
lindc  Reine  des  Lombards  qui  y  fit 
conftruire  un  Palais  magnifique  , 
&  qui  lui  accorda  des  privilèges 
confidcrablcs.  Monza  a  confervc 
fon  ancienne  fplcndeur  long-tems 
après  la  chute  du  règne  des  Lom- 
bards ,  elle  fut  même  érigée  depuis 
en  Evêché.  Sa  fituation  S<.  fes  ri- 
cheflcs  la  rendirent  l'objet  de  l'envie 
des  Guelphes  &  des  Gibelins  pen- 
dant les  troubles  qui  .igitcrent  ces 
fadtions  ,  elle  fut  pendant  long- 
tems  le  Théâtre  des  guerres  qui  dc- 
folerent  l'Etat  de  Milan. 

Il  ne  fiut  donc  pas  regarder  cet- 
te Hiftoire  comme  celle  d'une  Vil- 
le obfcurc  ,  dont  les  évencmens 
font  peu  propres  à  exciter  la  cufio- 
fité.  On  efpcre  qu'on  en  jugera  au- 
trement îc  qu'on  fçaura  d'autant 
plus  de  gré  à  M.  Muratori  de  l'a- 
voir tirée  de  l'obfcurité  ,  que  le 
Manufcrit  qui  nous  en  relie  eft 
unique  ,  mais  auili  par  cette  raifon 
on  a  été  contraint  d'y  lailTer  des 
fautes  &  d'en  abandonner  la  correc- 
tion au  loifir  5c  à  la  pénétration  des 
Ledeurs. 


E  FLEXIONS    CRITIQVES    SVR   LA    POESIE   ET  SUR  LA 

Peinture.  Nouvelle  Edition  ^  revkë ,  corrigée  O  eonfidérablement  augmen- 
tée. A  Paris  ,  chez  Manette  ,  rue  S.Jacques  ,  aux  Colonnes  d'Hercule. 
i73j./»-ii.  î.voLTom.I.pp.49z.  Tom.  II,  pp.  5^7.  Tom.  IIL  pp. 
3  3  8.  fans  la  Table  des  matières. 

CE  T  Ouvrige  dans  les  Edi-  avons    rendu    compte  dans   nos 

tions  précédentes étoit  parti-  Journaux  du  mois  d'Aouftd.-  i'.n- 

gé  en   deux  Volumes  dont  nous  née    171J.  il  paroît   aujourd'hui 

Septimif.  "^^^ 


S22  JOURNAL   D 

augmenté  d'un  troifR-nic  Volume  , 
dans  lequel  l'Auteur  a  placé  les  dé- 
couvertes qu'il  a  faites  fur  les  re- 
prcf.ntations  théâtrales  des  an- 
ciens. Cette  matière  eft  d'autant 
plus  interefiantc  que  l'Auteur  y 
combat  un  grand  nombre  de  pré- 
jugez que  la  plupart  des  Sçavans 
avoient  reçu  jufqu'ici  fans  examen. 

Comme  il  y  a  peu  de  gens  qui 
ayent  une  jufte  idée  de  ce  que  les 
anciens  entendoient  par  ce  mot  de 
Mufique  ,  il  y  en  a  auffi  très-peu 
qui  ne  foicnt  furpris  des  éloges  que 
les  Grecs  &:  les  Romains  donnoient 
à  cette  Science.  Les  modernes  con- 
çoivent à  peine  qu'on  ait  pu  la  re- 
garder comme  un  Art  dont  la  con- 
noilTance  fût  d'un  ufage  fi  univer- 
fel  &  en  même  tcms  11  ncccfTaire  ^ 
que  ceux  qui  l'ignoroicnt  paffoient 
pour  des  gens  fans  éducation  ,  Sc 
comme  on  regarde  parmi  nous 
ceux  qui  ne  fçavent  pas  lire. 

Mais  cet  étonnement  cefTe  ^ 
lorfqu'cn  fuivant  notre  Auteur,  on 
voie  clairement  que  la  Mufique  des 
anciens  avoir  un  objet  beaucoup 
plus  étendu  que  la  nôtre ,  &c  qu'el- 
le comprenoit  plufieurs  Arts  diffe- 
renSjdont  les  uns  fe  fontinfcnfible- 
mcnt  perdus ,  &  dont  les  autres 
qui  nous  reftent  aujourd'hui ,  ne 
font  plus  cenfcs  faire  partie  de  tout 
ce  qu'ils  comprenoient  fous  le  nom 
général  de  Mufique. 

Dans  l'antiquité  ,  la  Poétique 
ctoit  un  art  fubordonné  à  la  Mufi- 
que -,  il  en  étoit  de  même  de  ce 
qu'on  appelloit  Saltation  ,  ou  l'arc 
du  gefte ,  &  cet  art  renfermoit  non 
ieuletnent  la  déclamation  avec  la 


ES  sçavans; 

manière  de  l'écrire  en  notes  ,  mais 
encore  la  danfe  proprement  dite. 
Ce  qui  fait  que  les  anciens  Auteurs 
déhnilTcnt  en  général  la  Mufique  , 
tin  an  cjui  enfeigne  k  fe  fervir  rie  la 
VOIX  &  k  régler  toits  les  mouvemens  du 
corps  avec  grâce,  ^rs  decoris  m  voci- 
hns  &  moiibns. 

Nos  Sçavans  perfuadés  que  les 
termes  de  chant  éc  de  da?7fe  avoient 
parmi  les  Grecs  &:  les  Romains  la 
même  fignification  que  ces  mots 
ont  aujourd'hui  parmi  nous  ,  fè 
font  trouvés  dans  de  grands  embar- 
ras ,  lorfqu'ils  ont  été  obligés  d'ex- 
pliquer plufieurs  endroits  des  an- 
ciens qui  avoient  rapport  à  leur 
Mufique.  L'Auteur  montre  que 
dans  l'antiquité  ces  termes  étoient 
pris  dans  un  fens  beaucoup  plus 
étendu  ,  &  l'explication  qu'il  en 
donne  fait  évanoiiir  les  difficultez 
qu'on  avoir  trouvées  dans  differens 
partages  d'Ariftote,  de  Quintilien, 
de  Ciceron,  &c. 

On  trouve  dans  le  premier  Cha- 
pitre une  idée  générale  de  tout  ce 
qu'enfeignoit  la  Mufique  chez  les 
anciens ,  elle  étoit  diviféc  en  diffe- 
rens arts  qui  avoient  chacun  leur 
objet  particulier.  Ariftides-Quinti- 
lianus  &  Porphyre  font  partagés 
fur  le  nombre  de  ces  Arts  Mufi- 
caux.  L'un  en  compte  6  6c  l'autre 
n'en  admet  que  5.  Notre  Auteur, 
après  avoir  montré  qu'il  n'eft  pas 
diflîciie  de  concilier  ces  Ecrivains  , 
croit  qu'on  peut  réduire  à  quatre 
tous  ces  Arts  Muficaux.  Le  pre- 
mier, félon  lui,  étoit  l'Art  Rhit- 
mique ,  le  fécond  l'Art  Organique, 
le  troificme  l'Ait  Poétique  ,  &  k 


SEPTEMBRE;    1755:  5-2} 

iîernicr  l'Art  du  Gcfte.  ner  par  là  une  entière  connoiiïaacc 

L'Art   Rhitmique  donnoit  des     de  leurs  Arts  Muficaux  ,  il  efpcre 


îfcgles  pour  alfujettir  A  une  mefure 
certaine  tous  les  mouvemens  du 
corps ,  &c  toutes  les  inflexions  de  h 
voix.  L'Art  Organique  enfeignoit 
la  compoiîtion  ,  &  Texccution  de 
toute  forte  de  Mufiquc  inftrumen- 
tale.  L'Art  Poétique  pris  dans  toute 
fon  étendue  ,  contenoit  les  précep- 
tes nccclTaircs ,  foit  pour  faire  des 


du  moins  parvenir  à  nous  taire 
comprendre  l'ufage  qu'ils  en  fai- 
foient  dans  leurs  rcprefenta tiens 
Théâtrales. 

Pour  ce  qui  regarde  la  MuHquc 
des  anciens  confidcrce  comme  une 
Science  qui  enfcigne  les  règles  des 
accords  &  les  principes  de  l'har- 
monie   proprement  dite  ,    il  n'en 


vers  de  toute  efpcce  ,  foit  pour  parle  qu'en  palTant ,  il  s'en  rappor- 

compofer  toute  forte  de  mélodie  ,  te  là-delTus  à  M.  Burette  ,  éc  aux 

ce  qui  comprenoit  non  feulement  autres  Sçavans  qui   ont  traité  ces 

le  chant  mulical,  ou  le  chant  pro-  matières,  à  quoi  nous  ajouterons 

prement  dit ,  mais  la  déclamation  qu'il  n'efl  pas  inutile  de  les  avoir 

en  général.  Enfin  fous  l'art  du  gefte  lus  pour  bien  entendre  le  Chapitre 

ctoient  renfermés  les  principes  con-  fécond  ,  où  notre  Auteur  parle  de 


venables  pour  former  avec  grâce 
tous  les  mouvemens  du  corps  ; 
c'eft-à-dire  ,  que  cet  artapprenoit 
à  exécuter  par  une  méthode  établie 
fur  des  règles  conftantes  ,  ce  que 
nous  ne  faifons  plus  aujourd'hui 
que  conduits  parl'inftind  ,  ou  gui- 
dés par  une  routine  foûtenue  de 
quelques  obfervations. 

Malheureufemcnt  nous  n'avons 
plus  ce  que  les  anciens  avoient  écrit 
fur  la  Méchanique  de  ces  differens 
Arts.  Elle  étoit  fi  connue  de  leur 
tems  que  S.  Auguftin  dans  fon  Li- 
vre de  la  Mufiquc,  dit  qu'il  n'en- 
trera là  -  defius  dans  aucun  détail 
de  pratique ,  parce  que  le  com- 
mun des  gens  de  Théâtre  en  étoit 


la  Mufique  Rhitmique. 

Le  Chapitre  troifiéme  roule  fur 
la  Mufique  Organique  ou  inftru- 
mentaie.  On  y  fait  voit  par  un 
grand  nombre  d'autoritez  très  pré~ 
cifes  que  les  anciens  en  avoient  h 
même  idée  que  les  François  en  ont 
aujourd'hui.  Les  premiers  en  fai- 
foient  confifter  la  beauté  non  dans 
la  bizarrerie  d'un  chant  extraordi- 
naire Se  recherché ,  mais  dans  une- 
imitation  exadc  des  fons  que  la  na- 
ture diverfifie  à  l'infini.  Sans  parler 
des  Grecs  ^  les  Romains  avoieng 
porté  fi  loin  la  Mufique  Inftrumen- 
tale  que  Quintilicn  ne  craint  pas 
d'attribuer  la  fuperiorité  que  leut 
Milice  avoit  fur  toutes  les  autres ,  à 


inftruit.  L'Auteur  a  été  contraint     l'habileté aveclaquelle ils fçavoienc 
pour  nous  donner  quelque  notion      fe  fervir  de  la  Trompette  &  des  au- 


de  la  Mufique  ancienne  ,  de  raf- 
fembler  tout  ce  que  les  Grecs  S>c  les 
Latins  en  ont  dit  par  occafion.  S'il 
ne  peut  pas  fe  flatter  de  nous  don- 


qu4 


très    Inftrumcns     Militaires 
étoient  pour  lors  en  ufagc. 

Nous  remarquerons  ici  que  l'Au- 
teur prie  plus  d'une  fois  fes  Lccs 
Zzzij 


S2A.  JOURNAL   t) 

teurs  de  faire  reflexion  que  la  fcnfi- 
bilité  des  Grecs  &  des  Romains 
ctoit  infiniment  plus  ?,rande  que  la 
notre.  Ainh  la  \lufique  a  dû  fiirc 
fur  eux  une  bien  plus  forte  impref- 
fîon  qu'elle  n'en  fait  fur  nous  de  fur 
les  peuples  nos  voifins,  à  propor- 
tion qu'ils  font  éloignes  du  Midi. 
Cette  obfervation  ell  nccelfiire 
pour  ne  pas  fe  révolter  contre  ce 
que  les  Auteurs  les  plus  dignes  de 
foi  parmi  les  anciens  nous  rappor- 
.  tent  des  effets  furprenans  que  cau- 
foit  la  Mulîquc. 

Dans  le  quatrième  Chapitre 
l'Auteur  explique  en  quoi  conli- 
ftoit  l'Art  ou  la  Mufique  Poétique, 
elle  avoit  deux  principaux  objets , 
<lont  l'un  regardoir  la  manière  de 
faire  des  vers  de  toute  efpecc  ,  &c 
dont  l'autre  apprenoit  à  compofer 
la  mélodie ,  &  ce  qu'ils  appelloient 
chants,  c'eft-à-dire  &  les  chants 
qui  n'étoient  proprement  qu'une 
déclamation,  &  ceux  dont  il  reful- 
toit  une  Muiiquc  véritable, prife  fé- 
lon l'idée  que  nous  attachons  ordi- 
nairement à  ce  terme.  Par  rapport  à 
la  manière  dont  la  Mélodie  traitoit 
fon  Mode,  les  anciens  la  divifoient 
en  Nomique  ,  en  Dithirambiquc 
&  en  Tragique. 

Or  notre  Auteur  foûticnt  qu'en 
lifanc  avec  attention  Ariftides- 
Qiiintilianus  8c  Martianus  Capel- 
la  qui  ont  parlé  de  ces  trois  genres 
de  Mélopée  ,  on  verra  clairement 
qu'il  n'y  avoit  que  le  Dithirambi- 
quc qui  fcrvît  à  compofer  des 
chants  proprement  dits  ,  &  que 
les  deux  autres  n'étoient  qu'une  dé- 
clamation afFujcctie  aux  loix  de  la 


ES   SÇAVANS. 

Mefurc  &  du  mouvcmcnr.  "Peut- 
on  croire,  dit  -  il ,  que  les  Athé- 
niens de  les  autres  Villes  de  la  Grèce 
qui  cmployoient  la  Mulîque  No- 
mique dans  la  publication  de  leurs 
Loix  ,  les  hlfent  chanter  par  le 
Crieur  public  ,  à  prendre  le  terme 
de  chanter  dans  la  lignification 
que  nous  lui  donnons  aujourd'hui. 
A  l'égard  de  la  Mufique  Tragique, 
il  avoiic  qu'il  pouvoit  y  entrer 
quelques  chants  proprement  dits  , 
mais  il  prétend  en  général  que  le 
chaut  qui  lui  étoit  particulier  ,  ne 
conliftoic  que  dans  une  certaine 
manière  de  reciter. 

Cependant  comme  c'eftune  nou- 
veauté dans  la  Republique  des  Let- 
tres de  loûtenirque  la  mélodie  chez 
les  anciens  n'étoit  communément 
qu'une  fimple  déclamation  ,  l'Au- 
teur fe  trouve  dans  la  necclîîté  de 
rapporter  un  grand  nombre  d'auto- 
ritez  pour  prouver  la  vérité  du  fcn- 
timcnt  qu'il  avance  ,  ou  du  moins 
pour  montrer  fu'il  n'a  point  grand 
tort  de  le  fo/hcTiir. 

Il  a  pouifé  même  fes  recherches 
jufqu'à  trouver  la  manière  dont  le» 
anciens  pouvoicnt  noter  la  Mufi- 
que Nomique  ôc  la  Mulîque  Tra- 
gique. Il  lui  paroît  très  vraifembla- 
blc  qu'ils  l'écrivoicnt  avec  les  mê-^ 
mes  caraiflercs ,  dont  on  fe  fervoit 
pour  marquer  les  accents ,  &  quel- 
ques-uns de  nos  Muficiens  l'ont  af- 
furé  ,  qu'il  ne  fcroit  pas  impollîble 
de  noter  ainiî  la  déclamation  qui 
cft  en  ufage  fur  nés  Théâtres. 

Après  avoir  touché  quelque  cho- 
fe  de  h  Mufique  Nomique  ou  Lé- 
gale ,  il  xcovoyc  pour  la  Mufique 


s  E  P  T  E  M 

Dithirambiquc  à  ce  qu'en  a  écrit 
M.  Burette  Tome  cinq  de  l'Hilloi- 
re  de  l'Académie  des  Belles-Lettres; 
mais  il  s'attache  particulièrement  à 
la  Mélodie  Tragique  ou  Théâtrale, 
^  il  montre  que  quoiqu'elle  s'écri- 
vît en  notes  ,  c'eiî  s'en  former  une 
idée  trcs-faufTe ,  que  delà  regarder 
comme  un  chant  proprement  dit. 

En  partant  de  ce  principe  ,  il  a 
l'avantage  d'expliquer  aiiément 
(  chapitre  cinq  )  pludeurs  endroits 
de  la  Poétique  d'Ariftotc  qui  a- 
voient  été  jufqu'alors  l'écueil  &C  le 
defefpoir  des  Commentateurs.  Il 
nous  fait  fentir  par  deux  palTagcs , 
l'un  de  Quintilien  &  l'autre  d'O- 
vide ,  que  ces  mots  Carmen  &c  Fer- 
fus  ,  quoique  fouvent  employés 
l'im  pour  l'autre  ,  fignihoient  ce- 
pendant quelque  choie  de  très-dif- 
rerent  i  pat  le  fécond  en  n'enten- 
doit  proprement  que  Je  Rithme 
&  le  Métré  qui  conftituoit  le  vers , 
mais  le  premier  fignifioit  de  plus 
que  la  manière  de  le  reciter  étoit  dé- 
terminée par  certains  caradercs  qui 
étoient  écrits  au-dtffus  du  vers  mê- 
me. Il  montre  cnfuite  que  les 
Grecs  &  les  Romains  fe  fervoient 
du  mot  de  chanter  ,  non  feulement 
pour  exprimer  le  chant  mufical  , 
mais  auiïï  toute  forte  de  déclama- 
tion &  même  de  recitation.  Il  faut 
lire  cet  endroit  dans  l'Auteur. 
Il  y  répond  en  particulier  àl'ob- 
jedion  tirée  des  Chœurs  que 
les  anciens  faifoient  entrer  dans 
leurs  Tragédies  ,  où  il  femble  que 
les  Afteurs  chantaffent  en  Mufique 
harmonique. 
La  déclamation  théâtrale  étoit  fi 


B  R  E  ,     175?;  rîT 

variée  que  pour  empêcher  l'Adeur 
de  faire  de  faulTcs  inflexions  de 
voix  ,  il  étoit  toujours  foûtenu  d'un 
inftrument  qui  l'accompagnoit,  & 
l'on  n'ignore  pos  que  C.  Gracchus 
lorfqu'il  harangiioit  ,  avoit  toû- 
jonrs  près  de  lui  un  cfclave  qui  lui 
donnoit  fur  une  flûte  les  tons  pro- 
pres à  fon  fujct.  Mais  il  ne  faut  pas 
fe  faire  de  cet  accompagnement  la 
même  idée  que  nous  nous  for- 
mons de  la  Baflc  continue  des 
Opéras.  Il  efl;  vrai  que  dans  les  Mo- 
nologues que  les  anciens  appel- 
loicnt  Camica ,  la  Bafle  étoit  beau- 
coup plus  travaillée  que  celle  des 
Dialogues  ;  parce  que  la  déclama- 
tion des  Monologues  étant  remplie 
pour  l'ordinaire  de  grans  mouve- 
mens,elle  approchoit  davantage  du 
chant  proprement  dit. 

Il  y  avoit  encore  une  grande 
différence  dans  la  manière  dont  on 
déclamoit  la  Tragédie  &  la  Comé- 
die. Le  Comédien  recite  ,  difoic 
Apulée  ,  celui  qui  joiie  la  Tragédie 
crie  à  pleine  tête  ,  Comitdus  femio- 
clnatur ,  Tragadus  vociferatur. 

Parmi  les  Grecs  les  Poètes  fai- 
foient eux  -  mêmes  la  Mufique  , 
c'cft-à-dire  la  déclamation  de  leurs 
Pièces  ,  mais  chez  les  Romains 
l'art  de  compofer  la  déclamation 
des  Ouvrages  de  Théâtre  faifoit 
une  profclHon  particulière.  On  au- 
ra moins  de  peine  à  concevoir  la 
poiîîbilité  de  cet  art  ,  quand  on 
fera  reflexion  que  dans  leurMufi- 

3ue  les  progreflîons  fe  faifoient  par 
rt  intervalles  moindres  encore 
que  les  intervalles  ■  les  plus  petits 
qui  foient  en  ufage  dans  la  nôtre. 


S26        JOURNAL    D 

Une  preuve  qui  paroît  dccifivc 
en  faveur  de  l'Auteur  ,  c'cfi;  que 
dans  l'anciquitc  h  déclamation 
théâtrale  ctoit  fouvL-nt  partagée 
entre  deux  Acteurs  ,  dont  l'un 
étoit  charoc  de  prononcer  ,  &  l'au- 
tre de  gefticulcr-,  &  comment  au- 
roient-iis  pu  s'accorder  r.ntr'cux  & 
avec  l'accompagnateui  ,  fi  la  dé- 
clamation n'avoit  pas  été  notée  ?  ce 
qu'on  appelloit  Canticurn  ou  Mo- 
nologue s'exccutoit  toujours  de  la 
forte  ,  il  n'y  avoit  que  les  Dialo- 
gues Div:rbia  dont  l'action  ell  or- 
dinairement lente  6c  modcice  ,  où 
le  même  Adlcur  récitât  &  fit  en 
même  temsle  gefte.  QiieJque  bizar- 
re que  paroiire  cet  ulagc  Tite-Live 
en  rapporte  l'origine  d''me  manière 
Ç\  claire  &  fi  pitcile  qu'il  n'cft  pas 
polîîble  de  îui  donner  un  autre 
fens  ;  cependant  l'Auteur  à  cru  de- 
voir enccve  appuyer  cette  décou- 
verte par  le  témoignage  de  plu- 
fieurs  anciens  Auteurs.  Diverfes  re- 
flexions qu'il  fait  enfuite  fur  la 
conftrudion  des  Théâtres  des  an- 
ciens &  fur  la  forme  du  mafque 
que  les  A(îteurs  portoient ,  mon- 
trent que  cette  manière  de  partager 
ainfi  la  déclamation  entre  deux 
pcrfonnes  pouvoir  avoir  fcs  avan- 
tages ,  &  qu'elle  ne  devoit  produi- 
re aucuns  des  mauvais  effets  qui  fe 
prefentent  d'abord  à  l'efprit  , 
quand  on  juge  des  reprefcntations 
des  anciens  par  celles  que  nous 
voyons  aujourd'hui. 

Ces  remarques  conduifent  l'Au- 
teur à  parler  (  chap.  15.  )  de  l'art 
du  gcftc  ,  qui  étoit  chez  les  anciens 
une  des  efpeces  dans  Icfquelles  l'art 


ES     SÇAVANS, 

delà  dani'.-  ie  divifoit.  Les  Grecs  le 
nommoient  orch:/is  &  1rs  Latins 
faltaiio.  Mais  rh;bituds  où  font 
nos  Traducteurs  de  rendre  indiffé- 
remment ces  deux  mots  par  celui 
de  danfcjfait  qu'on  leur  donne  fou- 
vent  un  fens  tout  oppofé  à  celui 
qu'ils  ont  dans  les  originaux.  Les 
anciens  entendoienrlouvent  parle 
mot  Az  f.dtation ,  l'art  du  gelîe  qui 
n'etoit  qu'une  imitation  des  diffé- 
rentes démonftrations  dont  les 
hommes  accompagnci^t  ordinaire- 
ment leurs  difcours  ,  Se  dont  ils 
fe  fervent  quelquefois  pour  faire 
connoître  leurs  fentimens  fans  les 
exprimer  par  des  paroles.  »  C'cft 
»  ainfi  ,  dit-il,  que  David  dinfoit 
«  devant  l'Arche  en  témoignant 
n  par  fon  attitude  3c  par  des  geftes, 
y>  le  profond  rcfpcct  qu'il  avoit 
n  pour  le  gage  de  l'alliance  du  Sei- 
»  gneur  avec  le  peuple  Juif.  «  La 
danfe  prife  dans  ce  fens  était  celui 
de  tous  les  arts  que  les  Romains 
cultivoient  avec  le  plus  d'attention, 
&  l'Auteur  prouve  qu'ils  em- 
ployoicnt  le  mot  àcfaltation  dans 
des  rencontres  où  il  eft  impolfible 
de  l'entendre  d'une  danfe  pareille  à 
la  nôtre. 

De  h  faltation  en  général  l'Au- 
teur paffe  (  chap.  1 5,  )  à  la  faltation 
théâtrale  ,  on  y  voit  les  différentes 
méthodes  qu'elle  prefcrivoit  félon 
les  differcns  genres  des  Pièces. 
Comment ,  dira-ton  ,  les  anciens 
avoient  -  ils  pu  réduire  cet  art  en 
préceptes.  Se  trouver  des  caracfteres 
propres  pour  l'exprimer  ?  Mais  , 
répond  l'Auteur ,  eft-il  plus  diffici- 
le d'apprendre  par  des  notes  la  ma- 


SE  P  T  E  M 

niere  de  déclamer  une  pièce  de  vers 
que  de  s'inftruir;  aulîl  par  certains 
caraderes  des  diferens  pas  qu'il 
faut  former  pour  exécuter  telle  & 
telle  danfe.  Cependant  la  Corégra- 
phie  de  Fcuillée  n^ontreque  le  der- 
nier  eft  très  -  poiîîble  ,  pourquoi 
donc  le  premier  ne  le  feroit-il  pas  î 

Les  Critiques  qui  ont  travaillé 
fur  la  Poétique  d'Ariftote  trouvent 
très-ridicule  que  les  chœurs  des  an- 
ciens danfaflent  même  dans  les  en- 
droits les  plus  triftes  desTragedies. 
Mais  ce  qu'ils  appellent  danfe  n'a- 
voit  rien  de  femblable  à  nos  Balets. 
Ce  n'étoit  autre  chofe  que  des  ge- 
ftcs  &  des  démonftrations  par  lef- 
quelles  les  perfonnages  des  chœurs 
cxprimoient  leurs  fentimens ,  foit 
qu'ils  parlaiTent ,  foit  qu'ils  témoi- 
gnaflent  par  un  jeu  muet ,  combien 
ils  étoient  touchés  de  l'événement 
auquel  ils  dévoient  s'interclTer. 
L'Auteur  nous  fait  un  tableau  des 
Chœurs  des  anciens  d'autant  plus 
curieux  qu'il  eft  fort  différent  de 
l'idée  que  chacun  s'en  forme  d'a- 
près les  Chœurs  de  nos  Opéras. 

On  verra  avec  furprife  dans  le 
chap.  15.  jufqu'où  les  anciens  por- 
toient  l'exécution  de  leurs  Pièces 
de  Théâtre,  la  paflïon  qu'ils  avoient 
pour  ces  fortes  de  reprefentations  , 
les  dépenfes  immenfes  qu'ils  y  pro- 
diguoient,  les  récompenfes  excelîî- 
ves  qu'ils  donnoient  aux  Aifleurs  , 
l'étude  que  ceux-ci  faifoient  pour 


B  R  E ,  1755: 

le  perfedionner  dans  leur  art ,  & 
les  précautions  extraordinaires 
qu'ils  prcnoient  pour  fortifier  ou 
pour  confcrvcr  leur  voix. 

Cette  matière  engage  l'Auteur 
à  parler  des  Pantomimes.  Tout  ce 
qu'il  en  dit  (  chap.  1^.  )  eft  égale- 
ment interelTant  &  propre  à  nous 
faire  connoître  le  Théâtre  des  an- 
ciens. Enfin  il  examine  dans  le  der- 
nier chapitre  quels  étoient  les  avan- 
tages &  les  inconveniens  qui  pou- 
voient  refulter  d'une  déclamation 
eompofée  &  tout  balancé  de  part  & 
d'autre ,  il  la  croit  préférable  à  la 
déclamation  arbitraire.  En  fuppo- 
fant  même  qu'une  recitation  fixée 
Ci  déterminée  par  des  notes  dût  ra- 
lentir le  feu  Se  l'aiftion  des  bons 
Comédiens ,  il  paroîc  certain  que 
ce  qu'on  perdroit  dans  leur  jeu,  fe-: 
roit  bien  compenfé  par  ce  qu'on 
gagneroit  dans  celui  des  Comédiens 
qui  joiient  les  féconds  rolles.  D'un 
côté  elle  fuppléeroit  au  défaut  d'in- 
telligence dans  le  Comédien  fans 
génie ,  &c  de  l'autre  comme  il  feroit 
impofllble  qu'elle  pût  tout  expri- 
mer j  elle  iaifteroit  encore  beau- 
coup à  faire  à  l'homme  qui  fer(A 
confonimé  dans  fon  art.  L'afTuje? 
tiftement  à  fuivre  laMufique  de  nos 
Opéras  empêche-t-il  nos  excellens 
Adeurs  de  mettre  des  grâces  dans 
leurs  geftes  &  de  l'expreffion  dans 
leurs  chants. 


J28         JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

RECVEIL     DES    PRINCIPALES    DECISIONS     SVR     LES 

J^aticrcs  Bénéficiales  ,  extraites  des  Canons  des  Conciles  ,  des  plus  cHébres 
Jouteurs  ,  conformes  aux  Edits  &  Déclarations  d:i  Roi  &  à  U^urifpru. 
dence  des  Parlemens  du  Royaume  &  du  gr^nd  Confeil.  Nouvelle  Edition , 
revûë ,  corrigée  &  augmenté  de  plus  de  moitié.  Par  M.  R.  Drapier ,  Avocat 
ait  Parlement.  A  Paris ,  chez.  Nicolas-Pierre  Armand  ^  rue  S.  Jacques, 
àrimage  S.  Benoît.  1732.  in-ii.  1.  voL  Tom.  I.  pp.  ^84.  Tom.  II. 
pp.   564. 


CE  T  Ouvrage  cft  un  peu  chan- 
gé par  rapport  à  la  forme  de 
ce  qu'il  étoi:  dans  la  première  Edi- 
tion. L'Auteur  avoit  cru  mettre 
fon  Livre  plus  à  portée  de  ceux 
qui  commencent  a  étudier  les  ma- 
tières Bénclïciales  ,  en  Icûifpofant 
par  demandes  &:  par  rcponfes.Mais 
le  public  ayant  fait  connoître  à  NL 
Drapier  qu'il  fouhaitoit  que  ce  Re- 
cueil ne  fut  point  tn  terme  de  Ca- 
techifme ,  il  retrancha  les  deman- 
des ,  &  il  reduifit  ce  qui  formoit 
des  réponfes  en  fimples  maxi- 
mes. Au  fond  ce  Recueil  cfl: 
augmenté  ttcs  -confiderablement, 
les  maximes  ou  les  décilîons 
qui  le  compofcnt ,  montent,  à  ce 
que  l'Auteur affure  ,  a  plusde  quin- 
ze cens.  Pluficurs  de  ces  maximes 
"font  fondées  fur  ceux  dcsTextes  du 
Droit  Canonique  qui  on:  été  fuivis 
dans  la  Jurifprudencc  Ecclefialti- 
quc  du  Royaume  ,  fur  des  difpofi- 
tions  d'Ordonnances ,  &  fur  des 
Arrcfts  de  reglemcns.  Il  y  en  a  d'au- 
tres qui  ne  font  fondées  que  fur  des 
confequcnces  tirés  des  principes  ou 
des  loix  ,  d'autres  que  l'Auteur  n'a 
appuyées  que  de  l'avis  de  quelques 
Canoniftes  &  des  Arrefts.  M.  Dra- 
pier avertit  à  l'égard  de  cette  der- 


nière efpccc  de  décifîon?  ,  qu'il  ne 
faut  pas  leur  donner  plus  d'étendue 
qu'elles  n'en  ont  en  elics-mcmes. 
Quand  j'appuye  ,  dit-il,  une  déci- 
fion  d'un  Arreft  ,  il  n'en  faut  pas 
conclure  que  cette  maxime  foit  ab- 
folument  certaine  ,  cela  fignific 
feulement  que  tel  Tribunal  a  déci- 
dé telle  chofe.  On  fçait  que  les  Ju- 
nfprudenccs  ne  font  pas  uniformes 
&c  qu'un  feul  Aircft  ne  forme  pas 
une  Junfprudcnce. 

Ces  décifions  font  rangées  fous 
27  Titres  qui  compofent  autant  de 
Chapitres.  L'Auteur  ayant  parlé 
dans  les  premiers  Chapitres  des  Bé- 
néfices &  de  leur  origine,  vient  aux 
différentes  efpcces  de  vacances  de 
Bénéfices  par  dévolut,  par  le  défaut 
de  capacitez  &  les  inhabilitez  de 
ceux  qui  font  pourvus  de  Bénéfi- 
ces ,  par  l'mobfervation  dans  les 
titres  des  pourvus  des  règles  de  la 
Chancellerie  Romaine  qui  font  ad- 
mifes  en  France.  De  ces  différentes 
cfpeces  de  vacances  il  paffe  à  la 
collation  des  Bénéfices  par  lesCol- 
lateurs  ordinaires ,  ce  qui  lui  donne 
lieu  de  tuiter  de  la  dévolution  ,  de 
la  prévention  ,  du  droit  de  patro- 
nage ,  de  larcfignation  ,  de  la  pcr- 
mucacion  ,  de  la  régale.  Les  Cha- 
pitrée 


I 


s  E  P  T  E  M  B  R  E.  I  75  5.  S^^ 

pitres  fuivans  regardent  les  diffe-     font  déclarés  incapables  de  polTe- 


rentes  efpeces  d'expeûatives  ,  l'in 
dult   du  Parleinent  ,  les    brevets 
de  joicux    avènement    &   de  fer- 
ment de  hdélité ,   &  les  graduez  ; 
l'Ouvrage  finit  par   des  Obferva- 
tions  fur  la  procédure  par  rapport 
au  poffeHoire  des  Bénéfices.  Il  y  a 
des  matières  imuortantcs  qui  n'en- 
troient  point   naturellement  dans 
•cet  ordre,  &  que  l'Auteur  a  placées 
iur  les  îi'rcs  qui  lui  ont  paru  y 
avoir  plus  de  rapport.  Il  a  traité  par 
exemple  des  peniions ,  après  avoir 
parlé  des  refignations  en  laveur  & 
<àcs  permutations. 

iJ  Jious  lliftîra  de  rapporter  ici  un 
exemple  des  additions  faites  dans 
cette  nouvelle  Edition.  La  queftion 
s'eft  prefentée  au  grand  Confeil ,  fi 
un  Bénéfice-Cure  de  l'Ordre   des 
Prémontré  ayant  été  pofledé  pen- 
dant un  ficelé  &  demi  par  plufieurs 
Séculiers ,  devoit  être  conféré  à  un 
Prémontrés,  de  manière  qu'un  gra- 
dué feculier  ne  la  put  requérir.  Cet- 
te queftion    fut  jugée  le  4  Aouft 
1730.  en  faveur  du  Frère  Charles 
Dupont  Prémontré ,  au  fujet  de  la 
Cure  de  S.  Maxtin  des  Champs  au 
Diocéfc   de  Coutance   contre  les 
Sieurs  Claude  le  Paige  &  Gilles  le 
Loutre.  Les  motifs  de  l'Arreft  rap- 
porté par  notre  Auteur ,  font  que 
ce  Patronage  avoit  été  aumône  avec 
l'Eglife    &    fes    dépendances  aux 
Chanoines  Réguliers  de  la  Luzer- 
ne ,  par  les  Patrons  Laïcs  de  cette 
Parroiffe  -,   que  par  une  Bulle  de 
Clément  V.  du  3  Odobre  1308. 
«ue  Jean  XXIII.  a  confirmé  par 
une  Bulle  de  141 3.  les  Séculiers 
Se.ptemk. 


der  les  Cures  qui  font  de  l'Ordre 
de  Prémontré  ,  &:  que  les  Supé- 
rieurs peuvent  en  difpofer  en  fa- 
veur de  leurs  Religieux  toutes  hs 
fois  qu'ils  le  jugent  à  propos.  Les. 
privilèges  de  cet  Ordre  ont  été  au- 
torifés  parle  Concile  de  Balle  &  par 
des  Lettres-Patentes  cnregiftrces  au 
grand  Confeil.  M.  Drapier  ajoute 
qu'il  y  avoit  déjà  plulîeurs  Arrefts 
fcmblables  rendus  en  faveur  de 
l'Ordre  de  Prémontré.  Il  en  cite  un 
de  l'année  1713.  pour  la  Cure  de 
Marcelcaure  dans  le  Diocéfe  d'A- 
miens. 

Cependant  notre  Auteur  rappor- 
te un  Arrcft  rendu  au  grand  Cort- 
feil  le  27  Novembre  1724.  par  le- 
quel un  Séculier  a  été  maintenu  en 
poifciiion  de  la  Cure  d'Odeville 
contre  le  Frère  Boivin  Prémontré  , 
parce  que  ce  Bénéfice  avoit  été  pof- 
fedé  de  tems  immémorial  par  des 
Séculiers.  Vous  ne  pouvez  faire  va- 
loir ,  difoit  -  on  au  Frère  Boivin  ^ 
l'imprefcriptibilité  de  la  régularité, 
parce  que  cette  Cure  étoit  Séculiè- 
re dans  l'origine  ,  &  que  le  Sei- 
gneur du  lieu  qui  a  cédé  le  Patrona- 
ge   dans  le    quatorzième  fiécle  ,' 
n'ayant  pu  y  prefenter  que  des  Sé- 
culiers ,  les  Religieux  de  Blanche- 
Lande  n'avoient  pu  avoir  plus  de 
droit  que  leur  Auteur.  On  avoic 
même  été  dans  cette  caufe ,  jufqu'à 
attaquer  le  privilège  que   prétend 
avoir  fur  ce  fujet  l'Ordre  de  Pré- 
montré ,  &  l'on    prétendoit  que 
cette    Bulle    dérogeant    au    droit 
commun  qui  établit  la  prefcription 
par  rapport  à  la  régularité  des  Bç= 


y5o  JOURNAL   D 

néficcs,  il  ne  futlîfoit  pas  pour 
qu'elle  cîit  fon  cflct ,  qu'elle  eût  été 
pour  ainli  dire  glifféc  au  nombre 
des  privilèges  dont  on  avoir  de- 
mandé au  Roi  le  renouvellement , 
.&  qu'il  en  faudroit  un  cnrcgiftre- 
ment  particulier.  Maisl'Arreft  du 
4  Aouft  1730.  fait  préfumer  qu'on 


ES   SÇAVANS, 

ne  s'étoit  pas  arrêté  à  ce  moyen  en 
jugeant  l'affaire  de  la  Cure  d'Ocle- 
villc ,  mais  feulement  à  celui  qui 
éroit  fondé  fur  la  circonftancc  par- 
ticulière qu'il  n'y  avoir  que  le  Pa- 
tronage de  cette  Cure  Séculière  qui 
eût  été  cédé  à  une  Abbaye  de 
l'Ordre  de  Prémontre. 


HISTOIRE  ANCIENNE  DES  EGYPTI  EN  S ,  D  ES 

Carthaginois  ,  des  Ajfynens  ,  des  B-^hy Ioniens  ^  des  Médes  &  des  Perfes  ^ 
des  Macédoniens ,  des  Grecs.  Par  M,  Roiltn  ,  ancien  ReEleur  de  l'Vni~ 
verjtté  de  Pans ,  Profcjfenr  d' Elo(^Hence  ,  au  Collège  Royal ,  &  Aff'Cti  à 
l'Académie  Royale  des  Infcriptioiu  &  Belles-Lettres.  Tome  V.  A  Paris , 
chez  la  Veuve  £//>««?  ,  Libraire,  rue  S.  Jacques ,  vis-à-vis  la  rue  du 
Plâtre,  à  la  Vertu.  1733.  /M-12.  pp.  ^50. 


CO  M  M  E  ce  cinquième  Vo- 
lume publié  dès  le  commen- 
cement de  cette  année  doit  être  fui- 
vi  d'un  fixiéme  vers  le  mois  d'Août 
prochain  ;  l'Auteur  s'eft  cru  obligé 
de  nous  appiendrc  dans  un  Aver- 
tilfement ,  les  railbns  de  cette  ex- 
trême diligence  qu'il  marque  à  fer- 
vir  le  Public  ,  en  lui  fournilTanc  le 
double  du  tribut  annuel  qu'il  avoit 
coutume  de  lui  payer.  Deux  caufes 
y  ont  principalement  contribué, 
outre  l'affiduité  ordinaire  de  l'Au- 
teur à  ce  travail.  En  premier  lieu  , 
les  fecours  confiderablcs  qu'il  a  ti- 
ïés  de  plufieurs  Livres  où  font  trai- 
tées à  tond  la  plupart  des  matières 
<jui  dévoient  remplir  les  deux  Vo- 
lumes dont  il  eil  queftion  *,  rien 
n'épargnant  plus  de  rems  (  dit-il^ 
«jue  la  commodité  de  trouver  une 
partie  de  la  bcfogne  faite  par  d'ha- 
biles Ouvriers ,  flc  de  n'avoir  plus 
qu'à  l'adopter.  En  fécond  lieu ,  l'a- 
.Vantage  de  pouvoir  palier  près  de 


4  mois  de  fuite  au  voifinagc  de  Pa*; 
ris  dans  une  agréable  cimpagnc  , 
qui  lui  offre  tout  ce  qu'il  peut  fou- 
haiter  pour  l'étude  &  pour  le  délaf- 
fcmcnt  ;  Ck  où  deux  illuftres  frères^ 
également  diftingués  l'un  dans  l'E- 
glife  tk  l'autre  dans  l'Epée ,  veulent 
bien  lire  &  relire  fes  Ouvrages 
avant  qu'ils  paroilfcnt,  &  l'aider 
de  leurs  cxccUcntPs  reflexions.  Ces 
deux  circonftanccs  ont  beaucoup 
accéléré  la  publication  de  ce  Volu- 
me ,  qui  contient  le  reftc  du  dixic^ 
me  Livre  &  les  trois  fuivans. 

En  donnant  l'Extrait  du  Tome 
précèdent ,  nous  en  demeurâmes 
au  commencement  de  ce  dixième 
Livre ,  où  il  s'agit  des  mœurs  & 
det  coutumes  des  Grecs  ,  &  nous- 
remîmes  ce  détail  au  tcms  où  l'Au- 
teur acheveroit  de  nous  en  inftrui- 
re  -,  ce  qu'il  exécute  à  la  tête  de  ce 
cinquième  Tome.  Nous  commen- 
cerons donc  ici  notre  Extrait  par  la 
fin  du  quatrième  Volume.  L'Au- 


s  E  P  T  E  M 

tenr  y  réduit  d'abord  fa  matière  à 
trois  principaux  chefs  ,  qui  font 
1°.  le  Gouvernement  Civil ,  z°.  h 
Guerre  ,  3'.  la  Religion  ,  &  il  fc 
renferme  fur  tout  cela  dans  ce  qui 
concerne  les  Lacédémoniens  de  les 
Athéniens  ,  qui  ont  toujours  tenu 
le  premier  rang  parmi  les  Grecs. 

I.  Le  Gouvernement  à  Sparte, 
dépendoitdc  deux  Rois  ,  de  z8  Sé- 
nateurs ,  &  de  cinq  Ephores ,  qui 
avoicnt  autorité  ,  &C  fur  les  Séna- 
teurs, Se  furies  Rois  mêmes  ,  qu'ils 
croient  en  droit  de  faire  emprifon- 
ner  ,  préfidant  de  plus  à  l'éledion 
des  Magiftrars  ,  aufquels  ils  fai- 
foient  rend)  e  compte  de  leuradmi- 
niftration.  Le  pouvoir  des  Rois 
«toit  fort  borné  ,  fur-tout  dans  la 
Ville  5c  pendant  la  paix.  Mais  en 
tcms  de  guerre,  le  commandement 
des  flottes  &  des  armées  les  ren- 
doit  plus  puifTans ,  quoiqu'ils  fuf- 
fent  brides  alors  par  des  Infpec- 
teurs  qui  leur  tenoient  lieu  d'un 
Confcil  neceffaire.  Les  affaires  fe 
propofoicnt  dans  le  Scnat  ;  mais  fes 
Décrets  n'avoient  nulle  force ,  fans 
la  ratification  du  peuple.  Tant  que 
les  fages  loix  de  Lycurgue  domi- 
nèrent à  Sparte  &  y  furent  pour 
ainfî  dire  ,  l'ame  du  Gouverne- 
ment ,  jamais  on  n'y  vit  de  fedi- 
tions  populaires ,  jamais  aucun  par- 
ticulier ne  tenta  d'y  ufurper  l'auto- 
rité fouvcrainc  ,  jamais  Roi  n'en- 
treprit de  s'élever  au  -  deflus  des 
loix. 

Rien  ne  contribuoit  d'avantage 
au  maintien  de  celles  -  ci ,  que  le 
refped  &  la  foûmiflîon  que  l'on 
infpiroit  poui  eUes  ôc  pour  lesMa- 


B  R  E  ,    17  ?  ?:  yji 

giftrats  aux  jeunes  gens  dès  l'âge  le 
plus  tendre  ;  ce  qui  joint  à  la  vie 
dure  ,  frugale  &c  tempérante  à  la- 
quelle on  les  accoûtumoit ,  les  ren- 
doit  toujours  prêts  à  obcjr,  &  mer- 
veilleufement  propres  à  fouîcnir 
les  fariçTUcs  de  la  guerre.  A  ce  par- 
raitallujettillcmcnt  aux  loix  ,  Ly- 
curgue joignit  l'amour  de  la  pau- 
vreté qu'il  fçut  introduire  à  Lacé- 
démone,  en  y  décriant  les  richefles, 
le  luxe  ,  la  magnificence  ,  &  ea 
fubftituant  la  monnoye  de  fera  cel- 
le d'or  &  d'argent ,  qui  jufqu'alors 
y  avoir  eu  cours. 

M.  RoUin  regarde  le  violement 
ouvert  des  loix  de  ce  grand  Légif- 
lateur  co.mme  l'Epoque  de  la  pre- 
mière décadence  de  Sparte.  Ce  fut 
l'ambition  de  régner  fur  toute  la 
Grèce  qui  lui  fit  naître  l'envie  d'a- 
voir des  armées  navales  &  des  trou- 
pes étrangères  :  il  fallu: ,  pour  les 
entretenir  ,  rappeller  avec  l'or  8c 
l'argent  tous  les  vices  8c  tous  les 
crimes  que  la  monnoye  de  fer  avoit 
bannis,  ôc  qui  après  pluficurs  révo- 
lutions caufcrent  la  ruine  de  cette 
Republique.  L'Auteur  termine 
l'article  du  Gouvernement  de  Spar- 
te par  un  parallèle  des  loix  de  cet 
Etat  avec  celles  que  Minos  avoit 
établies  en  Crète  :  d'où  il  paroît 
manifeftement  que  Lycurgue  s'é- 
toit  prefque  toujours  propofé  cel- 
les ci  pour  modèle  dans  l'établilTe- 
ment  des  fienncs. 

M.  Rollin  ne  confidcre  ici  le 
gouvernement  des  Athéniens ,  que 
depuis  qu'ils  devinrent  un  Etat  po- 
pulaire, &  fe  conduifirent félonies 
loix  de  Soion  :  fur  quoi  il  ex-mittC 
A  a  a  a  ij 


jr?a        JOURNAL    D 

diffcrcns  chefs ,  tels  que  le  tonds  de 
ce  gouvernement  ,  les  habirans 
d'Athènes  ,  le  Confeil  des  500 , 
l'Aréopage  &  les  divcrsTribunaiix, 
les  Airembifces  du  peuple  ,  les  reve- 
nus de  la  Republique  ,  l'éducation 
de  la  jeunefTc. 

Solon  ,  dont  la  principale  vue 
étoit  d'établir ,  autant  qu'il  fcroit 
poflîble ,  une  forte  d'égalité  entre 
les  Citoyens  ,  h'ûTi.  les  Charges , 
comme  auparavant  ,  entre  les 
mains  des  riches  ,  mais  en  donnant 
aux  pauvres  quelque  part  au  gou- 
vernement. C'eft-à-dire  ,  qu'il  di- 
flribua  le  peuple  entier  en  4  claffes 
fuivant  le  revenu  annuel  de  chaque 
particulier  ;  que  feulement  dans  les 
trois  premières  on  choiiilToit  les 
Magiftrats  Se  IcsConimandans ,  ic 
que  la  dernière  ou  celle  des  Merce- 
naires &  des  Ouvriers  n'avoir  d'au- 
tre droit  que  celui  d'opiner  dans 
les  aflcmblées  &  dans  les  jugemens 
du  peuple. 

Athènes  avoit  trois  fortes  d'ha- 
bitans  ;  i".  Les  Citoyens ,  qui  l'é- 
toicnt  ou  par  nai (Tance  ou  paï 
adoption  ,  &:  fur  la  lifte  defqucls  on 
n'étoit  infcrit  qu'à  l'âge  de  10  ans , 
5c  après  avoir  prêté  le  ferment  que 
rapporte  ici  l'Auteur ,  &  dont  la 
formule  eft  très  -  remarquable  '•  2". 
Les  étrangers-,  qui  fans  entrer  pour 
rien  dans  l'adminiltration  des  aftai-'' 
res  publiques  ,  exerçoient  feuie- 
nienrle  commerce  &:  diffcrcns  mé- 
tiers ,  en  payant  tribut  à  l'Etat  :  j°. 
Les  Serviteurs,  qui  étoientdedcux 
cfpcces  -,  les  uns  de  condition  libre, 
mais  réduits  par  le  mauvais  état  de 
leurs  affaires  à  fe  mettre  en  fervitu- 


ES    SÇAVAKTS, 

de  -,  les  autres,  efclavcs,  ou  pris  à  la 
guerre ,  ou  achetés  de  ceux  qui  en 
taifoicnt  trafic.  La  condition  des 
rmsotdes  autres  étoit  beaucoup  plus 
douce  dans  Athènes  ,  que  par-tout 
ailleurs.  Ils  y  avoienc  des  azyles 
contre  la  tyrannie  de  leurs  maîtres,, 
qu'ils  pouvoicnt  même  en  certains 
cas  appcUcr  en  jufticc. 

Le  Confeil  ou  Sénat  des   joo- 
preparoit  les  affaires  qui  dévoient 
être  portées  devant  le  peuple.  Ces 
Sénateurs  étoicnt  tirés  au  fort  dans' 
les  dix  Tribus  qui  compofoicnt  le 
peuple  d'Athènes ,  &C  dont  chacune- 
en  tourniffoit  50.  Ils  avoient leurs. 
Préfidens  appelles  Prytaaes  ,     &: 
dont  la  Prèlldencc  ne  duroit  que- 
3  5  jours.  L'Aréopage  étoit  un  autre 
Confeil,  où  le  nombre  des  Séna- 
teurs n'étoit  point  fixe  ,  montant, 
quelquefois  jufqu'à  deux  &  trois- 
cens.  Ce  Sénat  étoit  chargé  du  foin 
de  faire  obfervcr  les  loix,  dcl'inf- 
peèlion  des  mœurs,  &  fur-tout  du 
jugement  des  caufcs  criminelles  lie 
des  affaires  delaReligion.il tenoitfcs- 
Séances  à  découvert  &  pendant  la 
nuit;  fa  févérité  étoit  extrêmement' 
redoutée  ,  8c  il  étoit  défendu  aux 
Orateurs    qui  y  plaidoicnt  d'em- 
plover  ni  exorde  ,  ni  péroraifon,  ni- 
rien  qui   put  exciter   les  pallions 
dans  les  Auditeurs.  Ces  Aièopagi-- 
tes  étoicnt   inexorables  pour  les 
meurtriers  ;  Se  l'on  dit  qu'ils  con- 
damnèrent un  enfant  qui  mcttoit 
fon  plâilir  à  crever  les  yeux  des 
Cailles  ;  cette  inclination  fangui- 
naire  leur  paroiffant  la  marque  d'un 
très-mauvais  naturel ,  qui  pourroit 
un  joui  devenir  funeftc  à  pluficurs,. 


s  E  P  T  E  M 

^  on  la  laifibit  croître  impunc- 
inent.  L'Auteur  paffe  légèrement 
fur  ce  qui  conccrnoit  les  Archontes 
&  plufieurs  autres Magiftrats. 

Il  s'étend  d'avantage  fur  les  af- 
femblécs  du  peuple  ,  fur  la  maniè- 
re dont  on  les  tcnoit,  fur  les  affaires 
qui  s'y  décidoient  :  fur  les  divers 
Tribunaux  &  fur  la  manière  dont 
on  y  jugeoit  les  procès  :  il  parle 
aufll  du  fameux  Confeil  des  Am- 
phidvons  ,  quoiqu'il  ne  fût  point 
particulier  aux  Athéniens  ,  mais 
qu'il  fut  comme  la  tenue  des  Etats 
de  toute  la  Grèce.  Il  fait  mention 
des  revenus  d'Athènes,  qui  du  tems 
de  la  !J;uerrc  du  Péloponnéfe ,  mon- 
tèrent à  zooo  talens  ou  à  fix  rail- 
lions de  notre  monnoyc  -,  &  qui 
croient  de  quatre  cfpcces  ,  félon 
qu'ils  provenoient  de  la  culture 
des  terres ,  des  contributions  tirées 
des  alliés ,  des  importions  par  tête, 
&^  des  amendes. 

M.  Rollin  termine  ce  qu'il  avoit 
à  nous  apprendre  fur  le  gouverne- 
aient  de  cette  Republique  par  ce 
qui  regardoit  l'éducation  des  jeunes 
gens  ,  laquelle  ne  faifoit  pas  uns 
partie  peu  importante  de  îa  politi- 
que d'Athènes.  Elle  confiftoit,cette 
éducation  ,  dans  les  exercices  du 
corps ,  tels  que  la  danfe  ,  la  mufi- 
quc  ;  la  chafTe  ,  les  autres  fortes  de 
gymnaftique ,  &  dans  les  exercices 
de  l'efprit ,  tels  que  l'étude  de  la 
Grammaire ,  de  la  Poëfie,  de  l'Elo- 
quence ,  de  la  Philofophie  &  des 
Mathématiques  ;  toutes  ces  Scien- 
ces ne  brillant  nulle  part  avec  plus 
d'éclat ,  que  dans  une  Ville  qui  en 
étoit  proprement  l'Ecole  ôc  le  do- 


B  R  E  ;   175  5;         5-5 î 

micile.  L'Auteur  fe  contente  de 
toucher  légèrement  ici  tous  ces 
points.  ' 

1.  Il  palTe  à  l'article  de  la  guerre, 
&  il  pofe  d'abord  comme  un  fait 
confranc  ^  qu'à  l'exception  des  Ro- 
mains ,  aucun  peuple  de  l'Antiqui- 
té ne  peut  le  difputer  aux  Grecs 
pour  la  vertu  militaire  ;  &  qu'en  ce 
genre  les  Lacédémoniens  &  le» 
Athéniens  l'emportèrent  fur  tous 
les  autres.  Toutes  les  loix  de  Sparte 
Si  tous  les  établiflTemens  de  Lycur- 
gue  n'avoient  d'autre  objet  que  k 
guerre  ,  &:  ne  tendoicnr  qu'à  faire 
de  la  Republique  un  peuple  de  Sol- 
dats. Une  de  ces  loix  étoit  de  vain- 
cre ou  de  mourir  ,  &  de  ne  jamais 
fe  rendre  à  lennemi.  Les  Athéniens 
élevés  moins  durement  que  les  La- 
cédémoniens n'avoient  pas  moins 
de  courage.  Ils  joignoicnt  à  la  gloi- 
re des  armes  celle  des  Lettres  &  de 
tous  les  arts  utiles  à  la  focieté.  Les 
fameufes  batailles  de  Marathon  & 
de  Salamine  ,  où  feuls  ils  avoient 
foûtenu  le  choc  des  Baibares  & 
remporté  fur  eux  une  vidoire  fi- 
gnalèe  ;  des  recompenfes  &  des 
marques  d'honneur  accordées  à 
ceux  qui  s'étoient  diftingués  dans 
les  combats  ;  laloi  quiordonnoit 
que  ceux  qui  auroient  été  eftropiés 
à  la  guerre  feroient  nourris  aux  dé- 
pens du  public  ;  toutes  ces  confidc- 
rations  rehaulfoient  infiniment  le 
courage  des  Athéniens  ,  &:  ren- 
dodent  leurs  Troupes  invincibles ,' 
quoique  d'ailleurs  peu  nombreu- 
fes. 

Les  armées  ,  tant  à  Sparte  qu'à 
Athènes  ,   écoient  compofée»  de 


J34         JOURNAL    D 

quatre  fortes  deTroupcs;  Citoyens, 
allies  ,  mercenaires,  efckvcs  ■  &  les 
alliés  y  faifoient  le  plus  grand  nom- 
bre ,  étant  payés  par  les  Villes  qui 
les  envoyoicnt.  L'Infanterie  croît 
compofée  de  Soldats  ou  pefam- 
ment  armés  qui  en  taifoient  la  prin- 
cipale force  ,  ou  armés  à  la  légère  , 
c'eft- à-dire  d'arcs  8c  de  frondes.  A 
l'égard  de  la  Cavalerie  ,  les  Spartia- 
tes ne  commencèrent  à  s'en  fervir 
que  depuis  la  guerre  de  MclTene  , 
où  ils  en  fentirent  le  befoin.  Elle 
étoit  encore  plus  rare  chez  les 
Athéniens  ,  à  caufe  de  la  fituation 
du  pays  coupé  de  montagnes  :  & 
dans  les  plus  beaux  tems  de  la  Gré- 
ce  la  Cavalerie  Athénienne  mon- 
toit  à  peine  à  300.  Chevaux  ,  ne  s'é- 
tant  multipliée  dans  la  fuite  que 
jufqu'à  1 200.  En  recompenfe  , 
Athènes  s'étoit  acquis  ,  dans  la 
Marine,  une  grande  fupériorité  fur 
tous  les  Grecs  par  le  nombre  de  fcs 
Vaiflcaux  de  guerre  &  de  fes  trou- 
pes qui  y  fervoient.  L'Auteur  dé- 
crit les  différentes  formes  de  ces 
Vaiffcaux  ,  leurs  diverfes  parties , 
leurs  ufagcs  ,  leur  manœuvre  ;  & 
il  emprunte  ce  détail  de  Dom  Ber- 
nard de  Montfaucon ,  dans  Ion  An- 
tiquité expliquée.  Il  parle  aulli  de  la 
paye  que  rcccvoient  les  Rameurs  , 
les  Matelots  &  les  Soldats  tant  fur 
terre  que  fur  mer. 

Il  nous  donne  à  la  fin  de  ce  cha- 
pitre le  caraélerc  particulier  des 
Athéniens  ,  dont  Plutarquc  lui 
fournit  prcfque  tous  les  traits.  Le 
peuple  d'Athènes  (  félon  cet  Au- 
teur )  1°,  fe  laiflToit  ailément  em- 
porter à  la  colère  ,  Se  ca  icvenoit 


ES    SÇAVANS. 

avec  la  mcinc  f icilitè  :  z".  Il  aimoit 
mieux  failir  brufqucmcnt  une  affai- 
re par  lui-même  ,  que  de  s'en  faire 
inrttuirc  à  fond  &  à  loifir  :  3*'. 
Comme  il  fccouroit  volontiers  les 
gens  de  baffe  condition  ,  il  écou- 
toit  de  même  les  difcours  affaifon- 
nés  de  plailanterics  :  4°.  Il  prenoic 
plaifir  à  être  loiié  ,  &:  fouftroitfans 
peine  la  raillerie  &  la  critique  :  5**. 
Il  fe  rendoit  redourable  à  ceux 
même  qui  le  gouvcrnoicnt  ,  Si.  il 
avoir  de  l'humanité  même  pour  fes 
ennemis  :  6°.  Il  étoit  attentif  aus 
règles  de  la  politcffc- ,  &c  trcs-déli- 
cat  fur  les  bien  -  féances  :  7°.  Son 
goût  pour  tous  les  Arts  &  pour 
toutes  les  Sciences  eft  fuffifàmment 
connu  :  8°.  Il  avoit  de  très  grandes 
vues  &  portoit  fes  prétentions  très- 
haut  :  9".  Ce  peuple  (î  grand  &C  fi 
fier  dans  fes  projets  ne  coiifervoit 
rien  de  ce  caradere  dans  tout  le  re- 
fte  ;  il  étoit  frugal ,  fimple ,  mode- 
fte  ,  pauvre  ,  dans  tout  ce  qui  con- 
cernoitla  vie  privée  ;  mais  en  mê- 
me tems  fomptucux  &:  magnifique 
pour  tout  ce  qui  pouvoit  faire  bon- 
heur à  l'Etat:  10".  »  Athènes  a  eu 
n  la  gloire  d'avoir  nourri  &  formé 
»  dans  fon  fein  tant  d'hommes  ex- 
»  ccUens  pour  l'art  militaire,  pour 
j>  le  gouvernement ,  pour  la  Philo- 
)>fophie  ,  pour  l'Eloquence  ,  pour 
»  la  Poëfic ,  pour  la  Peinture  ,  la 
»  Sculpture  ,  l'Archftedure  ;  d'a- 
»voir  fourni  elle  feule  plus  de 
»  grands  Hommes  en  tout  genre 
»  qu'aucune  autre  Ville  du  mon- 
»  de  i  d'avoir  été  en  quelque  forte 
»  l'Ecole  &  la  maîrrcffe  de  prefquc 
»  tout  l'Univers }  d'avoir  fcrvi  Sc 


s  E  PT  E  M 

M  de  fervit  encore  de  modèle  à 
»  toutes  les  Nations  qui  fe  font  pi- 
»  quécs  de  bon  goût  ;  de  leur  avoir 
»  donné  le  ton  ic  prcfcrit  la  loi 
»pour  tout  ce  qui  regarde  les  ta- 
»  iens  &  les  produâiions  de  refpiit: 
11°.  Enfin  l'amour  &  le  zélé  pour 
la  liberté  éroit  la  qualité  dominan- 
te des  Athéniens  de  le  grand  mobi- 
îe  de  leur  gouvernement.  L'Auteur 
termine  ce  caraûere  des  Athéniens 
en  le  comparant  avec  celui  des  La- 
cédémoniens  ;  &  il  tranfcrit  ce  pa- 
rallèle d'après  M.  Boffuet. 

3.  M.  Rollin,  après  quelques 
réflexions  générales  fur  le  Paganif- 
me  (  pai  lefqu  elles  d.bute  le  cin- 
quième Voli!me  )  vient  à  ce  qui 
concerne  en  particulier  la  Religion 
des  Grecs  ;  &c  il  réduit  cette  matiè- 
re fi  vafte  pareile-mcme  ,  à  4  arti- 
cles ,  qui  Ibnt  i".  les  Fêtes  ■,  1°.  les 
Oracles  ,  les  Augures  ,  les  Divina- 
tions -,  3".  les  Jeux  &  les  Combats  ; 
4°  les  Spedlacles  &i  les  Rcprefenta- 
tions  de  Théâtre. 

Parmi  le  nombre  prefque  infini 
de  Fêtes  qui  le  ci  icbroient  dans 
différentes  Vill'-j  d  la  Grèce  ,  & 
fur-tout  dans  Athènes;  TAuteurfc 
renfi:rme  dans  la  defcription  des 
trois  plus  célèbres ,  qui  font  les  Pa- 
nathénées ,  celles  de  Pacchus  &  les 
Eleufiniennes.  Les  Panathénées  , 
grandes  &  petites  ,  dans  iefquellcs 
les  Athéniens  fe  mettoicnt  fous  h 
protedion  de  Minerve  ,  confi- 
ftoient  en  trois  fortes  de  combats  , 
pour  icfquels  on  diftribuoit  des 
prix  ,  &  qui  étoient  ceux  de  la 
courfe  à  pied  &  à  cheval ,  avec  des 
flambeaux  aUuxnési  les  Gymniqucj 


B  R  E  ;    175  ?J  SiS 

ou  ceux  des  athlètes  ,  &  ceux  de 
Mufique  &  de  Poefie  ,  où  l'on 
chantoit  les  loiiangcs  d'Harmodius 
&  d'Ariftogiton,  aufquelles  enjoi- 
gnit dans  la  fuite  l'éJoge  de  Thra- 
fybule.  Ces  combats  étoient  fuivit 
d'une  proceflion  générale ,  où  l'on 
promenoit  en  grande  pompe  un 
Vaiffeau  équipé  de  voiles  &  de 
mille  rames  ,  &  qu'accompa- 
gnoient  tous  les  Citoyens  partagés 
en  quatre  troupes ,  celle  des  vieil- 
lards ,  celle  des  hommes  faits  ^ 
celle  des  jeunes  gens  de  l'un 
&  de  l'autre  fèxe ,  &  celle  des  en- 
fans.  L'Auteur  décrit  adez  au  long 
la  Fête  6i  les  Myftéres  d'Elcufis  u 
fameux  dans  toute  l'Antiquité 
Payenne. 

Entre  les  Oracles  de  la  Grèce ,  il 
ne  s'arrête  que  fur  les  plus  accrédi- 
tés, tels  que  celuj  de  Dodonc  en 
Epirc  où  prélidoit  Jupiter  ,  celui 
de  Trophonius  en  Bcorie  ,  celui 
des  Branchides  àixxs  le  voifinagcde 
Milet  ,  ainfi  nommé  de  Branchas 
fils  d'Apollon  ,  celui  de  Claros 
près  de  Colophon  dans  l'Afie  Mi- 
neure ,  &  celui  d'Apollon  à  Del- 
phes .  le  plus  fameux  de  tous  ,  flc 
fur  lequel  il  s'étend  fort  au  long  , 
renvoyant  pour  plus  (;rand  éclaircit 
fementà  plufieurs  Diflcrtationsfut 
ce  fujetj  imprimées  dans  les  Mé- 
moires de  l'Académie  des  Belles- Let- 
tres ,  &  dont  il  déclare  avoir  fait 
bon  ufagc. 

Comme  les  Jeux  &  les  Combats 
gymniques  entroient  pour  beau^ 
coup  dans  le  culte  religieux  cher 
les  Grecs  ,  l'Auteur  a  dû  leur  don- 
ner place  ici.  Soit  qu'on  m  £on^' 


5-35  JOUR  AL   DE 

derc  l'origine  ,  qu'Us  ckvoicnt  aux 
plus  grands  Héros  de  l'Antiquité  , 
foit  qu'on  en  examine  le  but  qui 
ctoit  de  préparer  les  jeunes  gens  à 
la  protefilon  des  arrnes  ,  de  forti- 
fier leur  fanté  &  de  les  rendre  plus 
robuftes  ,  il  ne  faut  pas  s'étonner 
que  ces  Jeux  aycnt  eu  un  fi  t;rand 
cours  parmi  les  peuples  les  mieux 
policés.  Les  plus  foiemnels  de  ces 
Jeux  dans  la  Grèce  étoicnt  (  com- 
me l'on  fait }  au  nombre  de  quatre, 
favoir  les  Olympiques ,  célébrés  de 
4  en  4  ansenl'honneur  de  Jupiter 
auprès  d'Olympie  Ville  de  l'Elidc 
dans  le  Péloponnefe  ;  les  Pythi- 
ques  confacrés  à  Apollon  ,  5c  célé- 
brés à  Delphes  auffi  tous  les  4  ans  ; 
les  Némcens  ,  établis  ou  renouvel- 
les par  Hercule  auprès  de  Némée, 
Ville  du  Péloponnefe  ,  Se  célébrés 
de  deux  en  deux  ans  ;  les  Ifthmi- 
ques  ,  confacrés  à  Neptune  ,  dcf- 
qnelsThéfée  fut  le  reftaurateur ,  6c 

3 ut  fe  célébroicnt  de  4  en  4  ans 
ans  rifthme  de  Corinthe. 
M.  Rollin  fc  borne  à  décrire  ici 
•  dt  qui  avoir  rapport  à  la  célébra- 
tion des  Jeux  Olympiques  ,  aux 
divers  combats  qui  en  taifoient  la 
principale  partie  ,  &  aux  athlètes 
qui  y  joiioient  le  plus  grand  rôle- 
Il  a  confulté  pour  cela  (  dit-il  )  plu- 
sieurs DilTertations  imprimées  dans 
les  Mémoires  de  f  Académie  des  Bel- 
les-Lettres ,  &  dans  lefquellcs  il  eft 
traité  des  athlètes  en  gèiiéral ,  de  la 
Lutte  ,  du  Pugilat ,  du  Pancrace  , 
du  Difque  ou  Palet,  du  Pentathle, 
de  Ja  Courfc  en  général  ,  de  la 
Courfe  à  pied  ,  de  la  Courfe  à  che- 
val ,  de  la  Courfe  des  Chars ,  des 


5  SÇAVANS, 

honneurs  6c  des  rccompcnfcs  ac- 
cordées aux  athlètes  vainqueurs.  Il 
traite  tous  ces  points  dans  autant 
d'articles  lepirès ,  aufquels  auront 
recours  les  curieux  en  ce  genre. 

M.  PvoUin  termine  ce  détail  par 
une  réflexion  très-fenfée  fur  la  dif- 
férence de  goût  entre  les  Grecs  & 
les  Romains ,  par  rapport  aux  Spec- 
tacles ^  &  qui  met  les  Romains 
pour  la  conduite  &  la  fageffe  fore 
au-delTous  des  Grecs  ^  dont  le  ca- 
raiftcre  plein  de  douceur  <?<:  d'hu- 
manité ne  s'aceommodoit  point  de 
ces  Spcdlacles  fanguinaires  de  Gla- 
diateurs ,  qui  faifoicnt  les  délices 
des  premiers  &  qui  reflcntoient 
encore  l'ancienne  férocité  de  cette 
Nation. 

L'Auteur  pafTe  des  combats  ath- 
létiques où  décidoient  la  force  ,  l'a- 
gilité &  l'adrede  du  corps  ,  aux 
combats  d'efprit ,  où  les  Orateurs , 
les  Hiftoricns  ,  les  Poètes  faifoient 
preuve  de  leur  habileté  ,  foûmet- 
tant  leurs  production  à  la  critique 

6  au  jugement  du  public.  Ce  lujcc 
ouvre  à  M.  RoUin  un  champ  fort 
vaile  ,  qu'il  partage  en  cinq  princi- 
paux articles  ,  pour  la  difcuflîoti 
defquels  il  fait  grand  ufage  de  ce 
qu'a  publié  fur  cette  matière  le  R. 
P.  Brumoy  ,  dans  fon  Théâtre  des 
Grecs.  Nous  nous  contenterons  , 
pour  abréger ,  d'indiquer  en  gros 
ce  qui  ell  contenu  dans  ces  cinq  ar- 
ticles. On  faiu  dans  Je  premier  des 
reflexions  fur  l'extrême  vivacité 
du  goût  qu'avoicnt  les  Grecs ,  &c 
fur- tout  des  Athéniens,  pour  les 
Reprefentations  de  Théâtre  j  fur 
l'cmulation  des  Poctcs  pour  y  dif- 

putcs 


s  E  P  T  E  M 

putcr  les  prix  ;  &  Ton  donne  une 
idée  abrégée  -du  Poëme  Dramati- 
que. On  parle  ,  dans  le  fécond ,  de 
l'origine  &c  du  progrès  de  la  Tragé- 
die ,  des  Poètes  qui  s'y  font  diftin- 
gués  à  Athènes  ,  tels  qu'Efchyle  , 
Sophocle ,  Euripide.  Dans  le  troi- 
sième on  en  hit  autant  par  rapport 
aux  trois  efpeces  de  Comédies  Gré- 
ques  ,  la  vieille  ,  la  moyenne  &  la 
nouvelle.  Le  quatrième  prefente 
\xne  Defcription  du  Théâtre  des 
anciens,  tirée  de  la  DifTertation  de 
M.  BoindinÇ\ix  cefujet,  imprimée 
dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des 
Belles-Lettres.  On  montre ,  dans  le 
•dernier  article,  que  l'extrême  paf- 
fîon  pour  les  Reprefentations  du 
Théâtre  ,  fut  l'une  des  principales 
caules  du  déclin  ,  du  relâchement 
&  de  la  corruption  d'Athènes. 

Nous  voici  arrivés  au  XF  Livre 
de  cette  Hiftoire.  Il  contient  celle 
des  deux  Denys  Tyrans  de  Syracu- 
fe  :  &  comme  cette  Hiftoire  n'a  au- 
cune liaifon  avec  ce  qui  fe  pafloit 
en  même  tems  dans  la  Grèce  ,  on 
la  rapporte  ici  tout  de  fuite  &  fépa- 
rément ,  en  prenant  la  précaution 
d'avertir  ,  que  les  lo  premières  an- 
nées ,  dont  on  raconte  ici  les  èvcnc- 
mens  concourent  à  peu  près  avec 
les  10  dernières  du  Volume  précè- 
dent. »  L'Hiftoire  de  l'ancien  De- 
»>  nys  (  dit  M.  RoUin  )  offre  aux 
»  yeux  un  fpeAaclc  bien  horrible  , 
ï»mais  en  même  tems  bien  inftruétif. 
»  On  y  voit  d'un  côté  un  Prince 
a»  ennemi  de  la  liberté  &  de  la  jufti- 
»ce  ,  fouler  aux  pieds  les  droits  les 
M  plus  facrés  de  la  nature  6c  de  la 
Scpttmb. 


B  R  E,  175  ^        n? 

»  Religion  ,  faire  fouffrir  les  plus 
"Cruels  fupplices  à  fes  Citoyens, 
M  décapiter  les  uns  &  brûler  les  au- 
'•  très  pour  un  mot ,  fe  repaître  du 
^  fing  humain  ,  &  fatisfaire  fa 
"barbarie  par  le  meurtre  de  perfon- 
»nes  de  tout  âge  &  de  toute  condi- 
»  tion.  D'un  autre  côté  ,  on  y  voit 
»  ce  même  Prince  l'effroi  &  la  tet- 
»  reur  du  Syracufe  ,  inquiet  lui- 
»  même  &  tremblant  pour  fa  pro- 
»  pre  vie  ,  livré  |our  &  nuit  à  fes  re- 
»mors,  ne  pouvant  trouver  per- 
n  fonne  dans  fes  Etats ,  pas  même 
jj  fes  femmes  ni  fes  enfans ,  à  qui  il 
n  ofe  fe  tier.  On  y  voit  de  p]us,tout 
»ce  qu'une  ambition  démefurée  , 
»  foiitenuc  d'un  grand  courage  , 
»  d'un  cfprit  étendu  ,  &  de  talents 
«propres  à  gagner  la  confiance  du 
M  peuple  ,  eft:  capable  d'entrepren- 
»  dre  pour  s'élever  à  la  Souveraine- 
»  té  :  tous  les  moyens  qu'elle  a  fça 
»  employer  pour  s'y  maintenir 
M  malgré  les  efforts  de  fes  ennemis , 
J>  &:  malgré  la  haine  publique  :  en- 
»  fin  le  bonheur  qu'a  eu  ce  Tyran 
>j  d'éviter  pendant  un  règne  de  38 
»  ans  le  péril  de  tant  de  confpira- 
»  tions  formées  contre  lui  &  de 
»  tranfmettre  paifiblement  à  fon 
n  fils  la  Tyrannie  ,  comme  un  héri- 
n  tage  fucceifif  &  un  biendomefti- 
wque. «  L'Auteur,  après  ces  traits 
qui  nous  peignent  Denys  en  géné- 
ral ,  entre  dans  le  détail  de  fa  vie  ,' 
»  dont  il  recueille  lescirconftances, 
principalement  deDiodore  deSicilc 
&  de  Plutarque.  Nous  ne  pouvons 
en  donner  ici  qu'une  idéefommai-; 
re. 

Bbbb 


J38  JOURNAL  D 

Dcnys  ,  félon  quelques-uns  ,  if- 
fii  d'une  famille  iliuftre  dcSyracu- 
fe  ,  félon  d'autres ,  d'une  bafie  cx- 
eradion  ,  fc  diftinjnia  par  fon  cou- 
rage ,  dans  la  guerre  contre  les  Car- 
thaginois ,  &  s'y  acquit  une  grande 
réputation.  Après  la  prifc  d'Agri- 
gentc  par  ceux-ci  ,  laquelle  Hit  im- 
putée à  la  lenteur  des  Syraculains  à 
îecourir  cette  Place  airicgée  -,  il  fe 
tint  fur  cette  affaire  une  afTembléc 
publique  à  Syracufc  ,  où  Denys  qui 
s'ctoit  exercé  d'avance  au  talent  de 
la  parole  ,  accufa  hautement  de 
trâhifon  les  Magiftrats ,  Se  fut  d'a- 
vis de  les  dépofcr  fur  le  champ  :  ce 
qui  fut  exécuté.  On  leur  enfubfti- 
tua  de  nouveaux ,  ôc  Denys  fut  mis 
à  la  tête  de  ces  derniers.  Il  ne  s'arrê- 
ta point  à  ce  premier  pas  qui  l'achc- 
xninoit  vers  la  Tyrannie  :  il  entre- 
prit de  fupplanter  auffi  les  Chefs  de 
l'armée  ,  pour  s'en  taire  donner  le 
commandement.  Il  y  réuflilt  en 
procurant  le  rappel  des  exi- 
lés qui  étoient  en  grand  nom- 
bre ,  Se  dont  il  fe  fit  autant  de 
Créatures  •,  en  décriant  la  conduite 
des  Généraux  Se  les  rendant  fuf- 
pcds  de  trâhifon  ;  en  fe  faifant 
mettre  à  la  tête  de  quelques  Trou- 
pes envoyées  au  fccours  des  alliés  , 
qu'il  engageoit  dans  fon  parti  par 
des  fervices  fignalés  •,  en  répandant 
de  faux  bruits  fur  les  préparatifs 
des  Carthaginois  pour  le  Siège  de 
Syracufe.  On  le  nomma  donc  Gé- 
néralilTîme  ,  Se  fous  prétexte  des 
embûches  qu'il  fe  plaignit  qu'on  lui 
avoir  drefîées  pour  l'alTaffiner,  il  k 
fit  donner  des  Gardes.  Il  ne  lui  en 
fallut  pas  davantage  pour  fc  rendre 


E  S  SÇAVANS. 

maître  &  Tyran  de  Syracufe. 

Il  eut  une  violente  fecouffe  à  ef- 
fuycr  dès  le  commencement  de  fon 
règne  ,  à  l'occafion  de  la  Ville  de 
Gèle  ,  qu'il  fecourut  foiblement 
contre  les  Carthaginois. De  retour  à 
Syracufe  ,  ceux  qui  ne  l'y  aimoient 
pas  lui  fermèrent  les  portes  -,  mais 
il  fut  par  le  moyen  du  feu  s'ouvrir 
un  paffage  ;  il  entra  dans  la  VilLe 
avec  les  Troupes  qui  l'accompa- 
gnoicnt.  Se  y  fit  malfacrcr  tous  fcs 
ennemis.  Cette  première  révolte 
fut  fuivie  de  quelques  autres ,  Se  le 
Tyran  crut  ne  pouvoir  mieux  faire 
pour  en  arrêter  le  cours,que  dcfon- 
gcr  à  porter  la  guerre  chez  lesCartha- 
ginois  très  -  puifTans  alors  enSicilc. 
Il  travailla  donc  aux  préparatifs  de 
cette  guerre  avec  un  loin  Se  un  fuc- 
cès  merveilleux.  Il  fit  venir  à  Syra- 
cufe tant  des  Villes  de  Sicile  qui  lui 
étoient  foûmifes ,  que  de  la  Grèce 
&  de  l'Italie  ,  un  grand  nombre 
d'Artifans  Se  d'Ouvriers  de  toute 
cfpece.  Toute  la  Ville  ,  devenue 
un  atelier  général ,  retcntiifoit  du 
bruit  des  Travailleurs.  Il  s'appliqua 
fur-tout  à  la  Marine  ■■,  il  fit  conftrui- 
rc  une  flotte  de  200  Galères  ,  &  en 
fit  radouber  plus  de  cent  autres.  Il 
changea  totalement  de  conduite  , 
s'efforçant  de  gagner  les  cœurs  tant 
de  fcs  propres  fujets  que  des  au- 
tres habitans  de  la  Sicile  ■-,  &  il  en 
vint  à  bout.  L'Hiftorien  nous  parle 
ici  du  Voyage  de  Platon  en  Sicile  , 
Se  de  la  liaifon  intime  de  ce  Philo- 
fophc  avec  Dion  ,  bcau-frerc  du 
Tyran. 

Cclui<i  voyant  fcs  préparatifs 
achevés ,  déclara  ia  guerre  aux  Cas, 


s  E  P  T  E  M 

riiagînois.  Elle  eut  des  fuccts  alTez 
divers  qu'on  peut  lire  dans  notre 
Auteur.On  y  voit  Syracufe  affiegée 
par  l'ennemi ,  &c  bien-tôc  après  dé- 
livrée i  de  nouveaux  inouvemens 
contre  Denys;ladétaitcd'Imilcon, 
puis  celle  de  Magon  ,  deux  Chefs 
de  l'armée  Carthaginoife  :  le  fort 
funcftc  de  la  Ville  de  Rhége  en  Ita- 
lie ,  prife  &  faccagée  par  Denys.  Il 
voulut  une  féconde  fois  tenter  l'ex- 
çulfion  des  Carthaginois  encore 
■trop  puilTans  en  Sicile.  Une  premiè- 
re vi(5l:oire  remportée  fur  eux  le 
mit  prefque  en  état  d'y  réufllr;  mais 
la  perte  d'une  féconde  bataille  où 
ion  frerc  fut  tué  ,  ruina  toutes  fcs 
«fperances  ,  &:  l'obligea  de  con- 
clure avecles  Carthaginois  un  Trai- 
té peu  avantageux. 

Il  en  fut  dédommagé  en  quel- 
que forte  par  une  victoire  d'un  gen- 
re fort  diffèrent  ;  ayant  été  déclaré 
vainqueur  dans  une  Tragédie  qu'il 
avoit  fait  reprefentcr  à  Athènes 
pour  difputer  le  prix  dans  la  Fête 
célèbre  de  Bacchus.  Il  en  fit  à  Syra- 
«ufe  de  grandes  réjoiiiffanccs  ;  mais 
dans  un  repas  fomptueux  dont  il 
faifoit  les  honneurs  ,  il  fut  faifi 
d'une  violente  colique  dont  il  mou- 
rut. 

M.  RoUin,  à  cette  occafion,  nous 
entretient  de  la  paflîon  violente  de 
ce  Prince  pour  la  Poëfie  ,  où  il 
n'exccUoit  pasj  il  fait  defagesre- 
;flexions  fur  ce  goût  ,  qu'entrctc- 
noit  &  fortifioit  chez  lui  la  flatte- 
rie de  fes  Courtifans  •■,  &  il  n'ou- 
blie pas  de  raconter  l'avanture  du 
Poète  Philoxénc  que  fon  peu  de 
«omplaifance  5c  fon. excès  de  fran- 


B  R  E,    173  ^  S39 

chife  au  fujet  de  la  Poefie  du  Tyran 
mit  à  deux  doigts  de  fa  perte.  M. 
RoUin  finit  cet  article  par  un  dé- 
nombrement &  une  cenfure  de* 
mauvaifes  qualitez  de  Denys. 

Nous  avons  cru  devoir  nous 
étendre  un  peu  fur  l'article  de  ce 
Tyran  ,  comme  étant  un  point 
d'hiftoire  moins  univerfellcmcnc 
connu  :  ce  qui  nous  met  dans  la 
neceflité  de  ne  faire  qu'efîleursr  les 
faits  rapportés  dans  le  relie  de  ce 
Volume.  M.  Rollin  ,  dans  le  fé- 
cond Chapitre  du  XT  Livre  ,  fait 
l'Hiftoire  du  fécond  Denys  Tyran 
de  Syracufe  ,  fils  du  premier  &  cel- 
le de  Dion  fon  proche  parent.  Il  y 
eft  parlé  d'abord  du  fécond  voyage 
de  Platon  à  la  Cour  de  Syracufe  où 
Denys  l'avoit  mandé  à  la  follicita- 
tion  de  Dion  i  du  merveilleux 
changement  qu'y  caufa  la  prcfencc 
de  ce  Philofophc  ,  &  de  la  confpi- 
ration  des  Courtifans ,  pour  en  pré- 
venir les  fuites.  Us  rcuflirent  à  faire 
exiler  Dion  ;  &  peu  de  tems  après, 
Platon  quitta  la  Cour  &c  retourna 
en  Grèce  ,  où  Dion  fe  fit  admirer 
de  tous  les  Savans.  Platon  fit  un 
fécond  voyage  à  Syracufe  ,  où  il  ne 
féjourna  pas  long-tems.  Dion  re- 
vint en  Sicile  pour  délivrer  Siracu- 
fc  de  la  tyrannie  de  Denys.  Les  Sy» 
racufains  le  payèrent  delà  plus  hor-i 
riblc  ingratitude  ;  ce  qui  ne  l'empê- 
cha pas  d'ufcr  d'une  bonté  inouic  à 
leur  égard  &c  à  l'égard  de  fcs  plus 
cruels  ennemis.  Il  mourut  alTafliné. 
M.  Rollin  en  fait  l'Eloge.  Là  finie 
le  Xr  Livre. 

Le  Xir  contient  principalement 
l'Hiftoire  de  deux  Chefs  de  Thébcd 
Bbbby 


54©  JOURNAL 

foit  illuftrcs ,  Epaminondas  &  Pc- 
lopidas:  la  morcd'Agéfihs  Roi  de 
Sparte  ,  Se  celle  d'Artaxerxc-Mné- 
mon  Roi  de  Perfe. 

L'Auteur  expofc  en  premier  liea 
l'état  de  la  Grèce  depuis  la  paix 
d'Antalcidc.  Cette  paix  fut  rompue 
par  IcsLaccdcmonicnsqui  déclarè- 
rent la  guerre  à  la  Ville  d'Olynthe , 
qu'ils  contraignirent  de  fe  rendre  , 
après  s'être  emparés  par  fraude  &c 
par  violence  ,  de  la  Citadelle  de 
Thébes.  Cette  profperite  de  Sparte 
ne  fur  pas  de  longue  durée.  Epami- 
nondas &  Pélopidas  dont  on  peint 
ici  le  caradere  ,  formèrent  le  def- 
fcin  de  rendre  la  liberté  à  leur  Pa- 
trie. Pélopidas  confpira  contre  les 
Tyrans ,  Se  conduifit  fi  fagemcnt  la 
confpiration  ,  que  la  Citadelle  fut 
tcprife.  D'un  autre  côté  le  Lacédé- 
monien  Sphodrias  fit  une  entreprifc 
inutile  contre  le  Pirée ,  ce  qui  dé- 
termina Athènes  à  fe  déclarer  pour 
les  Thébains ,  entre  lefquels  &  les 
Lacédémoniens  il  fe  donna  plu- 
fieurs  petits  combats.  Les  Lacédé- 
moniens déclarèrent  la  guerre  aux 
Tliébains ,  mais  ils  furent  vaincus 
&  mis  en  fuite  par  ceux-ci  à  la  fa- 
meufe  bataille  de  Leudres  ,  après 
laquelle  Epaminondas  ravagea  la 
Laconie  ,  Se  s'avança  jufqu'aux 
portes  de  Sparte.  Les  deux  Géné- 
raux Thébains  de  retour  à  Thébes 
furent  accufés  &  abfous.  Lacédé- 
raonc  implora  le  fecours  d'Athè- 
nes. Les  Grecs  députèrent  vers 
Artaxerxc,  à  la  Cour  duquel  Pélo- 
pidas avoit  grand  crédit.  Celui-ci 
marcha  contre  Alexandre  Tyran  de 
Phcrés  j  &  le  niit  à  Uraifon  ;  après 


DES     SÇAVANS, 

quoi  il  palli  en  Macédoine  ,  oîi  il 
appaifa  les  troubles  qui  agitoient 
cette  Cour,  d'où  il  amenaPhilippe 
à  Thébes  pour  orage.  Il  retourna  en 
ThclTalie  ,  où  il  fut  arrêté  &:  fait 
prifonnier  ,  mais  Epaminondas  le 
délivra.  Il  remporta  une  victoire 
contre  le  Tyran  ,  &  fut  tué  dans  le 
combat.  Sa  mort  flit  fuivic  de  la  fin 
tragique  du  Tyran  Alexandre.  Epa- 
minondas devenu  Chef  de  l'armée 
Thébainc  ,  fit  une  double  tentative 
contre  Sparte  ,  après  quoi  il-gr.gna 
la  célèbre  bataille  de  Mantinée,  où 
il  fut  mortellement  blefle. 

Dans  ce  inêmc  tems  arriva  la 
mort  d'Evagore  Roi  de  Salamine  , 
aifalfinè  par  un  de  fes  Eunuques , 
&  à  qui  fucceda  fon  fils  Nicoclcs , 
dont  l'Auteur  peint  ici  l'admirable 
caradere.  D'autre  part,  Artaxerxe 
entreprit  de  réduire  rEg>'pte  ,  qui 
depuis  pluficurs  années  avoit  fe- 
coiièle  joug  des  Perfes  ;  Se  Iphicra- 
tc  Athénien  fut  mis  à  la  tête  des 
Troupes  Gréqucs  qui  étoient  à  la 
folde  de  ceux-ci  :  mais  l'enrrcprilc 
éehoLia  par  la  faute  de  Pharnabaze 
Général  des  Perfes.  Plufieurs  an- 
nées après  y  les  Lacédémoniens  en- 
voyèrent Agéfilas  au  fccoars  de  Ta- 
chos  Roi  d'Egypte,  laquelle  le  R©i 
de  Pcrfê  fongeoit  à  attaquer  de 
nouveau  ,  malgré  le  mauvais  fuccès 
des  entreprifes  qu'il  avoit  déjà  fai- 
tes pour  la  redudion  de  ce  Royau- 
me. Agéfilas  vint  à  bout  d'affermir 
Ncdlanebus  fur  le  Thrône  d'E- 
gypte ,  au  préjudice  de  Tachos, 
dont  il  avoit  lieu  d'être  mécontent; 
après  quoi  il  mourut  en  retournant 
à  Sparte  âgé  de  84  ans  ;  &  la  plâ- 


SE  P  T  EM 

part  des  Provinces  fe  rcvoltcrent 
contrcArtaxerxe.Lcs  troubles  exci- 
tés à  laCour  de  cePrincc  au  fujet  de 
fon  luccelTeur  lui  cauferent  tant  de 
chagrin  qu'il  en  mourut,  après  un 
règne  de  44  ans. L'Auteur  recherche 
ici  les  caufes  des  foulevemens  & 
des  révoltes  qui  arrivoicnt  fi  hc- 
qucmiTîent  dans  l'Empire  des  Per- 
fcs. 

Les  principaux  évenemens  ra- 
contés dans  le  XIIP  Livre  font  1°. 
L'avcnement  d'Ochus  à  la  Cou- 
ronne de  Perfe  ;  fes  cruautcz  ,  & 
en  confequence  les  révoltes  de  plu- 
sieurs peuples  :  2°.  La  guerre  des 
AUiés  contre  les  Athéniens  qui 
avoient  pour  Chefs  les  grands  Ca- 
pitaines Chabrias ,  Iphicrate  &  Ti- 
mothée  fils  de  Conon  :  3°.  Les  pre- 
mières occafions  où  Démofthéne 
fit  briller  fon  éloquence  :  4°.  La 
mort  de  Maufole  Roi  de  Carie ,  & 
la  douleur  extraordinaire  qu'en  eut 
fa  femme  Artcmife  :  5°.  L'expédi- 
tion heureufe  d'Ochus  contre  la 
Phénicie  ,  contre  Chypre  &  enfui- 
te  contre  l'Egvpte  :  6°.  La  mort  du 
Roi  Ochus ,  celle  d'Arfés  fon  fuc- 
cclTeur  ,  après  deux  ans  de  règne  , 
&  le  commencement  de  celui  de 
Darius-Codoman  :  7°.  Le  retablif- 
fement  du  jeune  Denys  fur  le 
Tfarône  de  Syracufc ,  dix  ans  après 


B  R  E  ;  173  5-  j'41 

en  avoir  été  cha(Té  i  l'arrivée  de  Ti- 
moléon  en  Sicile  ,  où  il  s'empare 
de  Syracufe  ,  &  contraint  Denys  de 
lui  remettre  la  Citadelle  ôi  de  fe 
retirer  à  Corinthe  ,  où  ce  Prince 
devient  Maître  d'Ecole  :  8°.  Le« 
autres  exploits  de  Timoléon  en  Si- 
cile ,  où  il  rend  la  liberté  à  Syracu- 
fe ,  en  y  établiiïant  de  fages  loîx  j 
la  mort  de  ce  grand  Homme ,  après 
s'être  démis  de  fon  autorité  ,  & 
avoir  pafTc  le  refte  de  fa  vie  dans  la. 
retraite  ;  les  honneurs  rendus  à  fa 
mémoire. 

L'Auteur  donne  à  la  fin  de  ce 
.  Livre  un  abrégé  de  la  Vie  de  Dé- 
mofthéne jufqu'au  tems  où  il  com- 
mença à  paroître  avec  éclat  dans  la 
Tribune  aux  Harangues  contre 
Philippe  Roi  de  Macédoine  j  ce 
qui  eft  fuivj  d'une  digreffion  de  M. 
Rollin  fur  l'équippement  des  Galè- 
res à  Athènes  ,  &  fur  les  exemp- 
tions &  les  autres  marques  d'hon- 
neur, que  cette  Ville  accordoità 
ceux  qui  lui  avoient  rendu  de  grans 
fervices.  C'eft  à  regret  que  nous  ne 
pouvons  nous  étendre  fur  tant  de 
faits  Hiftoriques  intcrelTans  par 
eux-mêmes ,  &  qui  le  deviennent 
encore  plus  par  les  reflexions  plei- 
nes de  juftefle  &  de  folidité  dont  le 
favant  Auteur  a  foin  de  les  accom- 
pagner. 


y^a  JOURNAL  DES  SÇAVANS; 


LETTRE  DE  MONSIEVR  LE  MARQVIS  SCIPION  MÂFFEI, 
contenant  le  récit  &  l'explication  (Chh  feu  rare  &  Jîngtdier  fcmbL^ble  i 
celui  de  la  foudre  ou  du  tonnerre  ,  lequel  s'eff  formé  d^ns  le  corps  d'uns 
femme  de  la  Vdle  de  Cefenne  en  Italie  ^  &  l'a  réduite  en  cendres.  A  Pa- 
ris ,  chez  Pierre  Pr^lt ,  Quai  de  Gcvres  ,  au  Paradis  ,  1733.  Brochure 
in  -  12.  pages  17. 


CE  T  Ecrit  de  M.  le  Marquis 
Matfeieft  une  Rcponfe  à  une 
lettre  du  PcrelrpoLiTo  Belliva- 
6A  ,  au  fujct  d'un  feu  que  ce  Père 
prétend  s'être  formé  dans  le  corps 
de  la  Dame  Cornelia-BandIj  de 
la  Ville  de  Ccfennc  en  Italie  ,  & 
t  fur  quoi  il  avoir  demandé  à  M. 
MafFei  quelque  explication  phyli- 
que. 

M.  Maffei  hazarde  fes  conjeda- 
res  fur  la  merveille  dont  il  s'agit , 
Se  pour  cela  A  refume  la  narra- 
tion du  P.  Ippolito ,  &  en  abrège  le 
<iétail  :  mais  ce  qui  ne  farisfera  pas 
beaucoup  les  Lcdeurs  ,  c'eft  qu'il 
fupprime  toutes  les  preuves  que  le 
Père  Ippolito  a  rapportées  pour 
conftaterla  vérité  de  l'évcncmcnt, 
&  ne  fongc  qu'à  expliquer  le  fait. 

La  Dame  dont  il  s'agit  étoit  âgée 
de  foixante  &  deux  ans ,  &  avoit 
coutume  ,  dit-on  ,  de  fe  frotter  el- 
le-même tous  les  jours  fans  le  fc- 
■cours  de  perfonne ,  avec  de  l'cfprit 
de  vin  camphré  ,  à  caufe  d'unrha- 
matifme  qui  la  tourmentoit.  Le  14 
de  Mars  175 1.  elle  fe  retira  le  foir 
dans  fa  chambre  à  fon  heure  accou- 
tumée ,  fans  qu'il  parut  rien  d'ex- 
traordinaire en  elle  ,  iînon  qu'elle 
avoit  l'air  trifte  &  abbatu.  Il  n'7 
avoit  point  alors  de  feu  dans  fon 
appartement ,  le  ciel  fut  csdme  & 


fcrein  toute  la  nuit ,  &  le  lende- 
main on  la  trouva  près  de  fon  lit , 
réduite  en  cendre  ,  à  l'exception 
des  jambes  &  des  pieds ,  d'une  par- 
tie de  la  tête  bc  de  trois  doigts  d'u- 
ne main. 

Cette  cendre  étoit  imbibée  d'un* 
liqueur  vifqueufe  ,  &  de  fort  mau- 
vaife  odeur.  Les  murs  ,  le  lit ,  ic« 
meubles  étoicnt  couverts  d'une 
poulîicre  line  &  humide  qui  avoir 
pénétré  jufqucs  dans  les  armoires 
d'une  chambre  voifîne.  Les  murs 
de  l'appartement  au-delTus  étoicnt 
teints  d'une  liqueur  jaunâtre  fort 
fétide.  Les  parties  du  corps  qui  n'a- 
voient  pas  été  confumées  étoient 
feulement  noircies.  Rien  dans  la 
chambre  ne  paroi/Toit  endomma- 
gé hormis  deux  chandelles  qui 
éroient  près  du  lit ,  &  dont  le  fuif 
fut  trouvé  difllpé  fans  que  le  coton 
fijt  brûlé..  Le  ciel ,  comme  on  l'a 
remarqué  ,  fut  calme  &  fercin 
toute  la  nuit ,  enforte  qu'il  n'y  4 
pas  lieu  dcfoupçonner  ici  aucun 
effet  du  tonnerre.  Le  feu  commun 
n'y  eut  non  plus,  à  ce  qu'on  afTurc, 
aucune  part.  Voilà  le  fait  tel  que 
le  rapporte  M.  Maffei  fur  la  Rcla- 
•tion  qui  lui  en  a  été  envoyée.  Voi- 
ci à  prefent  l'explication' qu'il  en 
donne  :  il  reconnoît  d'abord  dan« 
révcnemcnt  dont  il  eft  queftion,  la. 


s  E  P  T  E  M 

plupart  des  effets  du  feu  commun  , 
qui  font ,  dit-il ,  de  noircir  ^  de  di- 
vifer  &  de  mettre  en  cendres  ,  mais 
en  même  tems  il  y  trouve  une  cir- 
conftance  qui  l'empêche  d'actïi- 
buer  à  ce  feu  la  caufe  du  mal.  Il 
prétend  que  le  feu  commun  auroit 
confumé  le  lit  ,  la  chambre  ,  la 
maifon  même ,  fans  avoir  été  capa- 
ble de  réduire  en  fi  peu  de  tems  un 
corps  en  cendres. 

Là-deffus  il  penfe  que  le  feu  dont 
il  s'agit^a  été  femblablc  à  celui  de  la 
foudre.  11  appelle  de  ce  nom  tout 
feu  qui  fans  le  miniftere  de  l'art , 
s'allume  en  un  inftant  par  lui-mê- 
me ,  pénétre  avec  une  adlivitc 
prodigieufc  les  corps  les  plus  durs , 
les  di(Tbut ,  lesdivife,  lesdifper- 
fe  ,  les  rompt  dUtne  manière  ,  en- 
cors  plus  difficile  à  concevoir  ej/ne  fa 
nature  même.  Mais  comment  celte 
Ifoudre  a-t-elle  pu  s'engendrer  dans 
le  corps  de  cette  femme  ?  M.  Maf- 
fei  répond  qu'elle  y  a  été  produite 
par  les  particules  i6lives  des  hu- 
meurs jointes  à  un  régime  &  un 
temperammentfingulier;  &  qu'el- 
le s'eft  allumée  par  le  mouvement  im- 
primé au  tourbillon  des  exhalaijèns 
^ui  environnaient  le  corps. 

Pour  confirmer  fon  fentiment , 
il  avertit  que  leP.Ippoliro  &lui,ont 
connoiflance  d'une  infinité  d'acci- 
dens  arrivés  depuis  peu  dans  des 
magafins  à  poudre  qui  ont  fauté  en 
l'air  ,  fans  qu'aucun  feu  venu  de 
dehors  en  fût  la  caufe. 

Cela  pofé ,  il  dit  qu'un  feu  de  la 
même  nature  que  celui  de  la  foudre 
s'eft  formé  dans  ces  magafins  ^  Se 
s'y  eft  formé  d'autant  plus  facile- 


B  R  E  ,  1 7  3  j.  5-43 

ment  que  l'air  de  ces  lieux  eft  tout 
rempli  d'exhalaifons  fulphureufcs 
&  nitreufcs. 

M.  Maffei  fait  ici  un  deffi  à  Def- 
cartcs  &  à  GafTendi  :  Je  voudrais 
bien  ,  ditil ,  que  les  Seïiateurs  de  la 
nouvelle  opinion  ^  les  De/cartes  ^  les 
Gajfendi ,  &  autres  modernes  ,  me 
donnaient  des  raifons  fatisfaifantes 
pourquoi  la  foudre  attacjue  fi  fouvent 
de  pareils  édifices  ,  car  on  ne  peut  ei§ 
accufer  ni  leur  élévation  ,  ni  aucun 
bruit  qui  occafionne  l'agitation  de 
l'air ,  &  l'ouverture  du  nuage  ;  d'où 
je  conclus  que  non  feulement  la  foudre 
fe  forme  dtins  le  magafin  même  ou  elle 
agit  ,  mais  encore  ^  que  fî  on  néoligè 
certaines  précautions  capables  de  pré', 
venir  de  tels  accidens ,  par  tout  ou  il  y 
aura  un  grand  amas  de  poudre  ,  l'em- 
brafement  s'y  formera  tôt  ou  tard^  fur-- 
tout  dans  ces  tems  ou  les  particules  les 
plus  fubtiles  &  les  plus  volatiles  dtt 
fouphre  &  du  nitre ,  ont  de  la  difpojî- 
tion  àfe  mettre  en  mouvement. 

M.  Maffei  n'oublie  pas  ici  de  re- 
marquer que  le  corps  humain  eft 
rempli  de  particules  fulphureufes  , 
falincs  ,  acides ,  &  d'autres  fembla- 
bles  ;  Que  la  fucur  de  quelques-uns 
a  une  odeur  qui  ne  diffère  en  rien 
de  celle  du  fouphre  :  Qu'on  fait 
un  phofphorc  avec  de  l'urine  fet« 
mentéc  &  diftillée  ;  toutes  expé- 
riences qui  font  voir  qu'il  n'eft  pas 
impoflible  qu'il  fe  forme  dans  nos 
corps  des  matières  inflammables  , 
propres  cnfuite  à  produire  des  era- 
btafemens  fi  des  exhalaifons  exté- 
rieures fe  mettent  de  la  partie  ,  & 
c'eft  ce  qui  fonde  l'explication  que 
notre  Auteui  va  donner  du  Phéne- 


y44        JOURNAL   DES    SÇAVANS 


peine  comment  les  humeurs  dii 
corps  de  cette  femme  difpofees  à  U 
longue  par  l'iifigc  fréquent  de  l'ef- 
prit  de  vin  camphré  dont  elle  fc 
frottoir ,  ont  pu  fe  fubtilifer  au 
point  de  caufer  l'enibrafement 
dont  il  s'i'nt ,  far  tout  li  l'on  lait 
reflexion  que  lorfqu'avcc  un  flam- 
beau allumé ,  on  entre  dans  un  lica 
clos  où  l'on  a  fait  évaporer  du  cam- 
phre ,  tout  l'air  enferme  s'enflam- 
me &  rend  une  lumière  femblablc 
à  celle  d'un  éclair. 

Mais  pourquoi  la  même  caufe 
n'a-t  elle  pas  produit  plutôt  le  mê- 
me effet  ?  M.  Miffei  répond  que 
c'eft  que  toute  la  matière  n'avoir 
pas  acquis  un  degré  fuffîfant  de  fer- 
mentation -,  il  dit  que  la  nature 
avoir  bcfoin  d'une  plus  longue  ope- 
ration, d'une  plus  longue  digeftion, 
pour  mélanger ,  exalter  &  fubli- 
mer  toutes  ces  matières.  Il  remar- 
que qu'il  ne  fuffifoit  pas  d'ailleurs 
que  ces  matières  fuifent  devenues 
frottoir  le  corps,  ont  pénétré  la  fub-  capables  de  prendre  feu ,  mais  qu'il 
ftance  de  fon  corps ,  fe  font  mêlées     falloit  de  plus ,  un  agent  intérieur 


mène  de  Céfennc. 

Il  obferve  d'abord  que  les  fou- 
phrcs  &  les  fels  du  corps  humain 
pour  acquérir  une  adivité  capable 
de  brûler  ,  doivent  être  aidés  de 
fccours  étrangers  ,  &  il  prétend  que 
ces  fecours  fe  font  trouvés  abon- 
damment dans  la  Dame  Cornelia 
par  le  moyen  de  l'cfprit  de  vin 
camphré  dont  elle  avoit  coutume 
de  fe  trotter.  Il  fait  à  ce  fujet ,  l'a- 
nalyfe  de  l'cfprit  de  vin  &  du  cam- 
phre :  il  remarque  que  l'clprit  de 
vin  eftun  compofé  de  parties  fub- 
tilcs ,  pénétrantes ,  huilcufes  &  in- 
flammables -,  que  le  camphre  eft 
une  rclme  compofée  d'im  fouphrc 
&  d'un  fci  fi  volatils  qu'il  eft  pref- 
que  impoillble  d'en  empêcher  l'é- 
vaporation  ,  ce  qui  fait  que  le  cam- 
phre brûle  dans  l'eau  &  dans  la  nei- 

Cela  pofé  ,  il  juge  que  les  parties 
les  plus  légères  de  i'efprit  de  vin 
camphré  dontlaDamcdeCéfennefe 


avec  fon  fang  &  en  ont  tellement 
agité  les  humeurs  qu'elles  les  ont 
enfin  rendues  capables  de  s'enflam- 
mer à  la  dernière  fridion  qu'elle  a 
faite  ,  le  frotement ,  comme  on 
le  remarque,  étant  une  des  cho- 
fcs  les  plus  propies  à  faire  fortir  du 
feu  de  la  plupart  des  matières. 

Une  fubftance  craflc ,  épailTe  & 
qui  femble  par  elle-même  incapa- 
ble d'aucune  adion  ,  fe  change 
tous  les  jours  par  la  chaleur  du  So- 
leil, en  exhalaifons  fubtiles  &:  brij- 
lantcs  :  Qui  comprendra-bien  cela, 
dit  notre  Auteur ,  comprendra  fans 


qui  ralTemblàt  &  réunît  leur  ac- 
tion ,  que  cet  agent  étoit  l'air  im- 
prégné de  quelques  fels  Si  de  quel- 
ques minéraux. 

Mais  pourquoi  cette  adion  que 
M.  Maffei  compare  à  celle  de  la 
foudre  ,  n'a-t-elle  été  accompagnée 
d'aucun  bruit  ?  Il  répond  que  c'elj; 
qu'il  n'y  avoit  dans  les  exhalaifons, 
que  peu  ou  point  de  nitre  pour 
rompre  avec  impéruofité  l'air  d'a- 
lentour. Mais  pourquoi  encore,  les 
jambes  de  cette  femme  &:  une  par- 
tie de  la  tête  n'ont  -  elles  pas  été 
briiiées  î  Cette  queftion  ne  l'em- 
barraflc 


s  E  P  T  E  M 

tarrafle  pas  plus  que  l'autre  ,  il  dit 
que  c'eft  que  la  tête  &c  les  jambes 
n'ayant  pas  été  frottées ,  les  corpuf- 
cuks  qui  en  fortoicnt  n  étoient  pas 
préparés  &  difpofés  à  l'inflamma- 
tion ,  comme  ceux  qui  fortoient 
du  reftc  du  corps. 

Une  troifiéme  queftion  fe  pre- 
fente  touchant  les  trois  doigts  qui 
turent  trouves  entiers  a  une  main. 
M.  MafTei  ne  dit  point  fi  ces  doigts 
étoient  de  la  main  droite  ,  de  la- 
quelle fans  doute  fe  fervoit  la  Da- 
me en  fe  frottant  avec  fon  efprit 
de  vin  ,  ou  s'ils  étoient  de  la  main 
gauche  dont  félon  toute  apparence 
elle  fe  fervoit  moins  que  de  l'autre, 
&  qui  par  confequent  devoit  avoir 
itioins  de  part  à  i'imprefiîon  de 
l'efprit  de  vin.  Mais  de  la  manière 
qu'il  répond  :,  il  y  a  lieu  de  croire 
qu'ils  étoient  de  la  main  droite  :  Il 
dit  qu'à  l'égard  de  ces  trois  doigts, 
ils  peuvent  avoir  été  confervés  par 
quelque  humeur  froide  &  anltpatiij»e 
^ui  s'efl  oppofée  en  cette  partie  à  l'ac- 
tivité de  V  embrasement. 

La  cendre  étoit  grafle  &  onc- 
tueufe,  notre  Auteur  rend  raifon 
de  cette  circonftance  en  difant  que 
e^efl  que  les  exhalaifons  fortoient  d'un 
torps  c]ui  a  desfolides ,  des  liquides  & 
des  vifcofîtez. 

Le  corps  a  été  réduit  en  cendres 
en  très-peu  de  tems  :  C'eft  ,  remar- 
que M.  Maffei ,  parce  que  la  matière 
du  feu  étoit  tris  -fubtile  &  très-péné- 
trante. La  lampe  d'un  Emailleur 
fond  le  verre  &  les  métaux  en  très-peu 
de  tems  ;  un  morceau  defouphre  appli- 
aué  fur  de  V  acier  rougi  au  feu  le  re- 
ânit  en  poudre. 
Septetulf, 


B  R  E  ,    17  îj;  5-4$ 

Les  effets  de  ce  teu  ont  été  juf- 
qùcs  dans  la  chambre  au-delfus.  M. 
Maffei  trouve  que  c  efi  que  la  fiâtiii 
dont  le  propre  efi  de  s'élever  ,  a  entraî- 
né avec  elle  les  parties  du  corps  les 
plus  fubtiles,  les  plus  oléagineufes ,  & 
les  plus  fulphitrcufes. 

Ce  même  feu  a  épargné  les  meu- 
bles &  lamaifon  :  comment  cela  ? 
C'eft  ,  continue  notre  Auteur  , 
parce  qu'il  y  a  des  fnbftcinces  qui  na- 
giffsnt  point  fur  les  corps  les  plus  ten- 
dres ,  &  qui  détruifent  les  plus  durs, 
L'efprit  de  nitre  ne  diffont  ni  le  bois  ni 
la  cire^  &  il  change  le  fer  en  une  efpe- 
ce  d:  liqueur. 

Mais  des  meubles  comme  des 
armoires  &  autres  chofes  fembla- 
bles ,  ne  font-ils  pas  plus  durs  que 
la  chair  des  corps ,  &  les  murs  d'u- 
ne maifon  ne  font -ils  pas  encore 
plus  durs  ;  M.  Maffei  omet  de  ré- 
pondre à  cette  difficulté. 

Nous  ne  devons  pas  finir  fans 
rappeller  un  fait  que  notre  Auteur 
rapporte  plus  haut  &  qu'il  dit 
avoir  lu  dans  un  Livre  imprimé  à 
Amfterdarncn  1717.  intitulé  :  Lu- 
men novum  Phofphoris  accenfum. 

»  Une  Dame  de  Paris ,  étoit  dc- 
»  puis  fort  long-tems  dans  l'habi- 
»  tude  de  boire  beaucoup  d'efpric 
n  de  vin  ■■,  cette  Dame  étant  un 
»  jour  au  lit ,  il  fortit  de  fon  corps 
»  une  flamme  qui  la  reduifit  en 
»  cendre  &  en  fumée ,  à  l'excep- 
»  tion  du  crâne  de  des  extremitez 
»  des  doigts. 

Notre  Auteur  remarque  là-defj 

fus  que  l'accident  de  Céfenne  n'eft 

donc  pas  unique  ,  ôc  que  pe  it-étre 

y  en  a-t-il  d'autres  femblables  qu'on 

Cccc 


54<J         JOURNAL    DES    SÇAVANS. 

a  négligé  de  tranfmctrrc  à  la  pofte-      pas  venus  à  la  connoiffancc  du  pa- 
rité ,  ou  dont  les  Mémoires  qui  en      blic. 
font  mention  ,  s'il  y  en  a  ,  ne  font 


NOVVELLES     LITTERAIRES, 


ALLEMAGNE. 
De  Leipsik. 

MBofe  avoir  public  dès  le  17 
.  Avril  dernier  fcs  Obferva- 
tions  fur  l'Edipfe  de  Soleil  qui  de- 
voit  aniver  le  Mercredi  13  Mai 
fuivant  :  cet  Ouvrage  qui  cft/«-4°. 
eft  intitulé  :  /«  Edipfln  Terre. 
cioccxxxiu.  D.  ^^  Mail.  T.  C.  P. 
M.  Commintatur  M.  George.  Ma- 
thias  Bofe  ,  Lipjïefif.  Mad.  Bacc. 
Lipf£.  175  3-  -D.  17  A^nlts  :iTy- 
■pografhiâ  B>-eiikofiffiafia. 

Cafpar  Fritfch  a  imprime  une 
nouvelle  Edition  du  Livre  de  M. 
Heineccius ,  intitulé  :  Jo.  Gotil.  Hei- 
neccii  fmdamema  jiili  cuit  ion  s  ,  Re- 
oidis  perfpicuis  ,  excmpltfjue feleEîif- 
Jtmii  ex  optimis  jiiiEloribns  in  nfim 
miditorii  adornata.  Accedmit  Sylloge 
exemflorim  &  hidd.  renm  Cr  verho- 
rum  locitpletif.  Editi»  anSlior  &  cate- 
ris  correÙior.  173  3.  '«-S". 

D'  I  t'  N  E. 

M.  Joach.  Jiifli  Rau ,  Barolinenjts , 
'Diatribe  Hijlorico  -  Philofophica  de 
Philofiphia  Lucii  Cécilii  LaElantii 
Eirmiani.  Accedit  ejitfdem  alia  cri- 
licoTheologica  compie^ens  Hijioriam 
veurem  &  rcccmierem  vtcis  tKUJîa- 


fHc£  Sfiiviriii.  Ciim  Prafiitione  Jo. 
Jacobi  Lehmanni ,  Morulis  Profef. 
public,  ord.  de  optimâ  ratione  &  via 
ftudiorum.  lena.  Proftat  apud  Chrijl, 
Franc.  Buchiitm.  1753.  /«-8°. 

De  B  r.  e  m  e. 

Henrici  Heifenii  Bibliotheearii  & 
Pétdagogearcht,  oratio  de  elo^uentiâ 
veternm  Germamrum  ,  &c.  AdjeBA 
mults,  &  ampU  fitnt  nota  ejua  Teuto- 
nicis  pajftm  atiti^uitatibus  non  nihil 
lucis  fxnerantiir.  Brenut  impenfs 
Hermanni  Jageri  BibliopoU,  Typis 
Hermanni  Braneri.  in-4°. 

On  trouve  les  exemplaires  des 
Ouvrages  que  nous  venons  d'indi- 
quer ,  à  Paris  ,  chez  Cavelier  Li- 
braire ,  rue  Saint  Jacques,  au  Lys 
d'or. 

HOLLANDE. 

D'A  M  s  t  E  R  D  A  M. 

Zacharie  Châtelain  a  en  venté 
le  Temple  des  Mufes  orné  de  lx.  Tâ- 
kleaux  j  ou  font  reprefentés  les  évene- 
mensles  plus  remanjuables  de  l'Anti- 
quité Fabule ufe  ;  dejfuiés  &  gravés 
par  B.  PicART  LE  Romain  ,  & 
autres  habiles  Aianres  \  &  accompa- 
gnés d'explications  &  de  remarques  j 
qui  dtcoHvrem  le  vraifem  des  f  * 


s  E  P  T  E  M  B 

hles  ,  &  le  fondement  cju' elles  ont  dans 
rH'ifloire.  1733.  in-folio.  Nous  re- 
fervons  au  teins  où  nous  donnerons 
l'Extrait  de  cet  Ouvrage  ,  à  mar- 
quer en  quoi  il  eft  différend  de  ce- 
lui que  l'Abbé  de  MaroUe  fît  im- 
primer à  Paris  en  1^55.  chez  An- 
toine de  fommaville  ,  fous  le  titre 
de  Tableaux  du  Temple  des-  Mufes , 
tirés  du  Cabinet  de  feu  M.Favereau^ 
Confeiller  du  Roi  en  fa  Cour  des  Ay^ 
des,  Sec. 

FRANCE. 

De  Dijon. 

Antoine  de  Fay ,  Imprimeur  des 
Etats ,  de  la  Ville  &  de  l'Univerfi- 
té  ,•  débite  Nouvelle  Hiftoire  de 
Vy)bbaye  Royale  &  Collégiale  de 
S,  Filibert  de  la  Fille  de  Tourrms , 
enrichie  de  figures  ;  avec  une  Ta- 
ble Chronologique  ,  &;  quelques 
Remarques  Critiques  fur  le  IV^ 
Tome  de  la  nouvelle  Gaule  Chrc-i 
tienne  :  les  preuves  de  l'Hiftoire  , 
un  Recueil  d'Epitafes  choifies  ,  le 
Fouillé  des  Bénéfices  dépendans  de 
l'Abbaye  ,  hc  un  Eflai  fur  l'origine 
&  la  généalogie  des  Comtes  de 
Châlon  &  de  Mâcon  ,  &  des  Sires 
de  Baugé.  Par  M.  Fierre  'iuenin  ^ 
Chanoine  de  la  même  Abbaye. 
i73j,/»-4''.2.  vol. 


RE;     173  3;  y^^ 

De     Paris. 

Julien-Michel  Gandouin ,  Quai 
de  Conty  ,  aux  trois  Vertus  ,  & 
Pierre-François  Gtffart ,  rue  S.  Jac- 
ques, à  Sainte  Théréfe,  délivrent 
aux  Soufcripteurs  le  cinquième  &C 
dernier  Tome  des  A'îonumens  de  lit 
Monarchie  Françoife^  qui  compren- 
nent l'Hiftoire  de  France  ,  avec  les 
figures  de  chaque  Règne  que  l'in- 
jure des  rems  a  épargnées.  Par  le 
R.  P.  Dom  Bernard  de  MomfaHCon» 
T.-]^^.  m-folio.  Ce  dernier  Volume 
contient  la  fuite  des  Rois  depui» 
Henri  II.  jufqu'à  Henri  IV.  induû- 
vement. 

C«ufes  célèbres  &  intereffantes  "" 
Avec  les  ]ugemens  njni  les  ont  décidées. 
Recueillies  par  M.Gayotde  Pitaval 
Avocat  au  Parlement.  Chez  Guil- 
laume Cavelier^  rue  S.  Jacques^  au 
Lys  d'or.  173  3.  in-12..  1.  vol. 

Le  Breton  lïls ,  Quai  des  Auçru- 
ftins,  z  impnmé  Injîitutiones  Pi.ilo- 
fophica  ad  faciliorem  veterum  <y  ré- 
cent iorum  Philofophorum  imelli.jcn- 
tiam  comparât  a.  Opéra  &  fiiJio  V. 
Cl.  Edmundi  Purchotii  Senomi.fis- 
in  confultiffima  Jitrts  mriufquc  Fa- 
ctdtate  Licentiati ,  Vniverfitatis  Pa- 
rifienfts  cjuondam  ReHons  ,  pnfe^ 
Syndici  ,  &  emeriti  Philofophit,  Pro- 
fefforis.  Editio  quarta.  Prioribus  /eu 
cupktior,  173  j.  in-\x.  5.  voL 


f^9 


Fautes   k  corriger  dans  le  Journal  d'Aoufll'jii. 

PAge  440. col.  i.lig.  5.  Scnaga,  lifez.  Scnega  :  pag.  448.  col.  2. lig. 
35.  Diaphragment,/'/.  Diaphragme  :  pag,  451.  col.  2. lig.  30.  plan- 
te pinéale,  lif.  glande  pincale  :  pag.  467.  coi.  2.  lig.  16.  Fict  Jif.  Fief. 

addition  À  l'Extrait  du  Traité  de  l'Opinion. 

Après  la  dernière  ligne  de  cet  Ex-  fent  qu'on  n'en  faffc  plus  un  myfte- 

ttzit ,  ajeûte"^  :  Nous  venons  d'ap-  re  :  c'eft  M.  le  Gendre  j  Marquis 

prendre  que  l'Auteur ^  après  avoir  de   S.  Aubin  fur  Loire ,  ci-devant 

quelque  tems  caché  fon  nom ,  con-  Maître  des  Requêtes. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Sept.  173?. 

TRaité  de  l'Opinion ,  &C.                                                          page  491 

Traité  de  la  Fortune  ,  joi 

Wnivers  Sacré  &  Prophane  éclairci ,  &c.  508 

Traité  de  la  Main-morte  &  des  Retraits  ,  &c.  513 

Recueil  des   Ecrivains  de  l'Hiftoire  d'Italie ,  &c.  Tonu  XII.  j  itf 

Réflexions  Crititjues  fur  la  Poe  fie  &  fur  la  Peinture  ,  521 

Recueil  des  principales  Décijîons  fur  les  Matières  Bénéficiales ,  &c.  528 

Htftoire  ancienne  des  Egyptiens  ,  des  Carthaginois  ,  des  Ajfyiens  ,  &c. 

TomeV.  530 

Lettre  de  M.  Maffei  fur  un  feu  rare  &  fngulier  ,  541 

KtHVclles  Littéraires ,  14^ 

Fia  de  la  Table. 


S 

) 


L  E 


JOURNAL 

cavÀns, 

FOUR 
L'ANNEE     M,    DCC.    XXXIII 
OCTOBRE. 


A      PARIS, 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.   DCC.  XXXIII. 
AVEC  AFFROBATION  ET  FRIVILEGE  DU  ROYi 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 


OCTOBRE  M.  DCC.    XXXIII. 

HISTOIRE  DE  UAC^DEA^IE  ROYALE  DES  INSCRIPTIONS 

&  Belles-Lettres  ,  avec  les  Mémoires  de  Littérature  ^  tirés  des  Re^ijlres  de 
cette  Académie  ,  depuis  l'année  \-jx6.  jufqties  &  compris  l'année  1730. 
A  Paris  ,  de  l'Imprimerie  Royale.  173}.  '«-4°.  deux  vol.  Tom.  I. 
pp.  454.  pour  l'Hiftoire,  pp.  487.  pour  les  Mémoires.  Tom.  II.  pp.  740. 
Planches  détachées  ix. 

CE  S    deux   Volumes  ,  qui  ,  feur  médiocre  ,  offrent  au  Public 

comme  on  le   voit  ,    pour-  les  fruits  du  travail  de  l'Académie 

roient  en  former  quatre  d'une  grof-  produits  pendant  cinq  années,  & 
OBobre.  D  d  d  d  ij 


Xsa  JOURNAL  DES  SÇAVANS, 

ont  ainfi  prcfque  ratrapé  le  cou-     par  M.  Mahudel.  lo.  Que  tes  W»- 


rant ,  autant  que  peut  le  permet- 
tre rimprcflîon  d'un  Ouvrage  de 
cette  nature.  Ils  feront  bien-toc 
fuivis  de  deux  autres  Volumes,  qui 
conduiront  cette  Hiftoirc  jufqu  a 
la  prefcnte  année  1733. 

La  partie  Hillorique  de  cet  Ou- 
vrage ,  laquelle  remplit  1-  moitié 
du  premier  Tome  ,  renterme  47 
articles ,  partages  en  quatre  clalTes , 
comme  ils  le  font  dans  les  Volu- 
mes prccedens. 

A  la  première  fe  rapportent  les 
articles  dcftinés  à  déveiopper  difle- 
rens  points  concernant  ou  l'ancien- 
ne Hiftoire  ou  la  Mythologie.  Ils 
font  au  nombre  de  2 1  ,  dont  voici 
les  titres.  1°.  Suite  du  Traité  des  Au- 
tels confucrès  ait  vrai  Dieu  depuis  la 
Création  du  Mondejufjuk  la  Naif- 
fance  de  J.  C.  par  M.  l'Abbé  de 
Fontenu.  1.  Du  rapport  de  la  A<fa- 
gie  avec  ta  Tliittogie  Payenne ,  par 
M.  Bonamy.  3.  De  toriginede  l'E- 
^mtation  dans  la  Grèce  ,  par  M. 
l'Abbé  Sallier.  4.  Remarques  fur  les 
fofidemens  hifloriques  de  la  Fable  de 
BelUrophon  ,  &  fur  la  manière  de 
V expliquer  ,  par  M.  Fréret.  5.  Rcfié- 
xions  fur  les  F'oyages  de  Perfée  ^  & 
fur  fin  combat  avec  Phinée  ^  par  M. 
l'Abbé  Banier.  è.  Ol^fervations  géné- 
rales furies  Tribunaux  établis  kj4thè- 
nes  pour  le  maintien  des  Loix  ,  & 
pour  régler  les  dijferens  qui  s'élevaient 
entre  les  particuliers ,  par  M.  Blan- 
chard. 7.  Surl'origine&  les  fondions 
des  Prytanes  ,  &  fur  les  Prytanies  ^ 
par  le  même.  8.  Sur  les  Hciiafles  ^ 
par  le  même.  9.  Réflexions  Critiques 
fur  l'Hifioire  de  Héro  &  de  Léandre^ 


ciens  ont  fan  le  tour  de  l'y^frique ,  Ù" 
qtt^ils  en  connoiffoient  les  Côtes  Méri- 
dionales ^  par  M.  l'Abbé  Paris.  11. 
Sur  la  durée  du  règne  de  Seleucns- 
Nicaior  ^  par  M.  de  la  Nau7e.  12. 
Réflexions  fur  le  caractère  ,  les  ou- 
vrages C~  les  éditions  de  Celfe  le  Mé- 
decin ,  par  M.  Mahudel.  13.  Reflé- 
xiotiS  fur  le  caraUcre  d'efprit  &  fur 
le  Paganifme  de  Julien  ,  par  M.  Bo- 
namy. 14.  Eclaircijfemens  fnr  quel- 
ques dijjîculiez.  générales  qui  fe  trou- 
vent dans  les  Auteurs  Grecs  ,  par  M. 
l'Abbé  Gédoyn.  15.  Remarques  fur 
la  Vie  d£  Romulus  ^  par  M.  de  la 
Curne.  1 6.  Remarques  fur  la  Fie  de 
Cr.tjfus  ,  compofie  par  Plutarque , 
par  M.  Secouffc.  17.  Remarques  fur 
la  Vie  de  Caton  dXJtique  ,  par  le 
même.  18.  Remarque^  fur  la  Vie  de 
Céfar ,  par  le  même.  19.  Remarques 
far  la  Vie  de  Ciceron ,  par  le  même. 
20.  Remarques  fur  la  Vie  de  Srutus , 
par  le  même.  21.  Remarques  fur  la 
Vie  d'Antoine  ^  par  le  même. 

Les  articles  appartenans  à  la  le- 
conde  clafle  ^  &  qui  regardent  les 
matières  de  Critique  ,  ont  pour 
titres  1°.  Examen  Critique  de  quel- 
ques correUions  d'Auteurs  Grecs  &" 
Latins  ,  par  M.  l'Abbé  Sallicr.  2. 
Explication  &  correUion  d'un  pajfa- 
ge  de  la  Poétique  dAriftote  ,  par  M. 
l'Abbé  Vatry.  3.  CorreEîion  dun 
pajfage  d'Euripide  ,  par  M.  Har- 
dion.  4.  Remarques  fur  lafigniflc.i- 
tion  de  ces  mots  ,  H'f»»i  yuïîT^a  ^  par 
M.  l'Abbé  Sallier.  5.  Réflexions  fur 
taflgniflcation  du  mot  i^>x'S  ,  par  le 
même.  6.  Du  mérite  des  anciens 
Grammairiens ,  &quel  cas  «n  en  doit 


O  C  T  O  B 

faire]  avec  de  nouvelles  remarcjues 
fnr  la  fignifictttioii  du  mot  l'yyji  ,  par 
•  le  même  ,  &  par  M.  Fourmont 
l'aîné.  7.  Explication  &  correUion 
de  cjHelcjUss  endroits  de  Pline ,  par 
M.  de  la  Barre.  8.  Remarques  fur  un 
pafage  de  Paufinias ,  par  M.  l'Abbé 
Banicr.  9.  Sur  l'utilité  des  Langues 
Orientales  pour  la  connoijfmce  de 
VHifloire  ancienne  de  la  Grèce  ^  pat 
AI.  Fourmont  l'aîné. 

Les  articles  raffemblés  fous  la 
troifiéme  clalfe  ,  &  qui  roulent  fur 
les  Monumens  antiques  de  tout 
genre ,  font  i".  IJn  Recueil  d'Inf- 
criptions  antiejjites  ,  avec  <jnel<]nes  ob- 
fervations ,  par  M.  Lancelot.  2.  Re- 
marcjnes  fur  une  Infcription  anti<jue 
fippellée  le  Monnmeyit  de  Ventavon  ^ 
par  M.  de  Valbonnays.  ^.Nouvelle 
defcriplion  d'un  ancien  Moiiument  de 
Provence  ,  par  M.  de  Mautour.  4. 
Reflexions  fur  le  caraUere  &  Vufage 
des  Médailles  anti(jues  ,  par  M.  Ma- 
hudel.  ç.  Notice  de  cjitelijues  Livres 
de  la  Bibliothé(jue  du  Roi ,  chargés  de 
notes  manufcrites  ,  par  M.  l'Abbé 
Sallier. 

La  quatrième  clarté  ,  enfin  .con- 
tient les  morceaux  qui  tendent  à 
éclaircirTHiftoire  du  moyen  âge  , 
tels  que  les  fuivans ,  1°.  ^uefaint 
Grégoire  de  Tours  n\ft  pas  Auteur  de 
la  Vie  de  S.  Trier ,  par  M.  de  Fon- 
cemagne.  2.  Notice  d'un  Aîanufcrit 
intitulé  Vn A  Caroli  Magni  ,  par 
M.  de  la  Curne.  ^.Notice  d'un  Ma- 
nufcrit  de  la  Cour  amoureufe  &  des 
Roisde  l'Epinette  ,  par  M,  de  Mau- 
tour. 4.  Su^  ?ws  premiers  TraditBeiirs 
avec  un  EJJai  de  Bibliothèque  Fran- 
foife  ,  par  M.Fakonct.  5.  Obferva- 


tion  Critique  fur  deux  endroits  de  la 
Notice  des  Gaides  de  Ad.  de  F'alois  ^ 
par  M.  de  Fonccmagne.  6.  Projet 
d'une  nouvelle  Notice  des  Gaules  Û" 
des  Pays  fournis  aux  François ,  depuis 
la  fondation  de  la  Adonarchie  ,  par 
M.  Secouiïe.  7.  Examen  de  l'opinion 
de  Ai.  Aiaitiaire  _,  touchant  l'éfocjae 
d.e  l'ètablijfement  de  V Imprimerie  en 
France ,  par  M.  de  Fonccmagne.  8. 
Examen  Critique  de  la  f^ie  de  Ca- 
Jtruccio  ,  par  Aiachiavel  ^  par  M. 
l'Abbé  Sallier.  5.  Hifioire  d'une  re- 
vohition  arrivée  en  Perfe ,  dans  le 
fixiéyne  fiecle  ^  par  M.  Fourmont  le 
cadet.  10.  Relation  abrégée  d'un 
Voyage  Littéraire  que  M.  l'Abbé  Se- 
vin  a  fait  dans  le  Levant  par  ordre 
du  Roi  ^  dans  les  années  1725*.  & 
1730.  II.  Relation  abrégée  d'un 
Voyage  Littéraire  que  M.  Fourmont 
le  cadet  a  fiit  dans  le  Levant  par 
ordre  du  Roi ,  dans  les  années  1729. 
&  1730.  12.  Devifes  ,  Infcriptions 
&  Aièdadles  faites  par  l'Académie. 
Avant  que  de  s'engager  dans  le 
détail  hiftorique  de  tous  ces  arti- 
cles ,  M.  de  Boze  rend  compte  en 
général  d'un  événement,  quiinte- 
reffe  également  la  République  des 
Lettres  &  l'Académie.  C'eil:  le 
Voyage  Littéraire  fait  à  Conftanti- 
nople  &  en  divers  autres  lieux  du 
Levant  par  MM.  l'Abbé  Scvin  ôc 
Fourmont  le  cadet.  Il  fut  entrepris 
par  ordre  du  Roi ,  en  partie  fur 
i'cfperance  que  Zaïd  -  Aga  fils  de 
Méhémer-Eftendi  ci-devantAmbaf- 
fadeur  de  la  Porte  en  France  ,  avoit 
donnée  par  Lettre  ,  que  s'il  fe  trou- 
voit  à  Conftantinoplc  quelque 
Ac.idcmicien  intelligent ,  on  pour- 


5^4         JOURNAL    D 

roit  le  faire  pénétrer  jiilqvics  dans  la 
Bibliothèque  du  Grand-Seigneur  , 
qui  étoit  celle  des  Empereurs 
Grecs  ,  foigneufcmcnt  confcrvce 
par  le  commandement  exprès  de 
Mahomet  II.  après  la  prife  de  cette 
Ville-là.  Mais  à  cette  cfpcrauce , 
qu'on  avoit  Aijet  de  regarder  com- 
me peu  certaine  ,  par  les  raifons 
fortes  qui  fembloicnt  devoir  per- 
fuadcr  que  cette  ancienne  Biblio- 
thèque nefubliftoit  plus,  fc  joignit 
•un  autre  motif  plus  capable  de  dé- 
terminera un  tel  voyage.  Ce  fut  le 
^cdr  d'acquérir  pour  la  Bibliothè- 
que du  Roi  quelques-uns  des  an- 
ciens Manufcnts  qu'on  ne  doutoit 
pas  que  les  Grecs  n'eulfent  confcr- 
vés  chez  eux  jufqu'à  prcfent.  L'é- 
vénement a  juftitîé  cette  penfce  , 
puifque  d'un  côté  M.  l'Abbé  Scvin 
eft  revenu  chargé  de  plus  de  600 
Manufcrits  d'élite  ,  fans  compter 
les  correfpondances  qu'il  a  établies 
pour  de  nouvelles  acquifitions  en 
ce  genre  ;  &  que  d'autre  part  M. 
Fourmont  le  cadet,  outre  un  grand 
Recueil  de  Médailles ,  a  rapporté 
les  deffeins  de  plulieurs  Monumens 
antiques  très  fmguliers  &  la  copie 
figurée  de  près  de  3000  Infcrip- 
tions  des  premiers  tems  ,  &  non 
encore  publiées. 

Au  récit  de  cet  événement  fuc- 
ccde  celui  des  changcmens  arrivés 
dans  la  Lifte  des  Académiciens 
pendant  les  années  ï-]z6.  27.  z8. 
29.  &  30. 

Quant  aux  Pièces  nombreufes 
que  nous  venons  d'indiquer  fom- 
mairement  &  dont  le  précis  qu'en 
donne  avec  tant  d'exaditude  &  de 


ES    SÇAVANS. 

julleffe  le  lavant  Secrétaire  For- 
me la  partie  hiftorique  de  cet  Ou- 
vrage -,  nous  fouhaiterions  les  faire 
ici  connoître  toutes  plus  particuliè- 
rement au  Lecteur.  Maisdansl'im- 
polibilité  où  nous  mettent  pour 
l'exécution  d'un  pareil  dclfcin  les 
bornes  étroites  de  quelques  Jour- 
naux ,  nous  nous  propofons  d'en- 
tretenir le  Public  de  ce  que  rcnter- 
nient  ces  deux  Volumes  -,  nous  nous 
trouvons  réduits  à  lui  en  produire 
feulement  comme  autant  d'échan- 
tillons ,  quelques  morceaux  que 
nous  prendrons  çà  &:  là  ,  &:  dont 
nous  lui  donnerons  l'Extrait. 

I.   Nous  commencerons  par  les 
Obferv.-itions» générales  de  M.  Blan- 
chard   fur   les  Tribunaux  établis  à 
^thénts  pour  le  m.iintien  des  Loix,  (^ 
pour  nqler  les  diffirens  fui  s'élevoient 
entre  Issp.irticuhers.  Des  dix  Tribu- 
naux d'Athènes  ,  dont  les  Juges 
étoient  éledifs ,  il  y  en  avoit  qua- 
tre pour  le  Criminel  &  lîx  pour  le 
Civil.    L'Aréopage    n'étoit  point 
compris  dans  ce  nombre  -,  &  l'Aca- 
démicien renvoyé  pour  ce  qui  re- 
garde ce  fameux  Tribunal  aux  deux 
Diffeitations  de  M.  l'Abbé  de  C<«- 
n.iy!  imprimées  dans  ce  Volume.  Il 
obfcrve  que  la  procédure  ,  chez  les 
Athéniens  ,    étoit  principalement 
fondée  fur  les  fages  Loi^  de  Solon  , 
&  que    ce  peuple   lut  le  premier 
d'entre  les  Grecs  ,  qui  établit  une 
Jurifprudence  pour  alfurcr  le  repos 
des  plus  foibles  contre  les  vcxa^- 
tionsinjuftes.  Tous  les  Officiers  de 
Juftice  y  étoient  pris  parmi  les  ai- 
fés  ,  &  dévoient  avoir  pour  garans 
de  leur  adininiftration  ,  des  bien*- 


O  C  T  O  B 

fonds  dans  l'Attiqvic  ,  &  même  des 
enfans.  Il  y  avoit  trois  manières  dit- 
ferentes  d'élire  ces  Officiers  ;  le 
fort ,  l'élévation  de  la  main  &  le 
Scrutin. 

Pour  les  cledions  par  le  fort,  on 
mettoit  dans  une  urne  les  noms 
des  prctendans  écrits  fur  des  Bulle- 
tins i  &c  dans  une  autre  ,  autant  de 
fëves  blanches  qu'il  y  avoit  de  Pla- 
ces à  remplir ,  5c  autant  de  fèves, 
noires  qu'd  y  avoit  d'afpiransi  après 
ouoi ,  on  tiroit  un  bulletin  &c  une 
lève;  s'il  en  venoit  une  noire,  on 
tJEoitun  autre  bulletin  &  une  autre 
fève  ,  jufqu'à  ce  qu'il  en  vint  une 
blanche  ,  qui  marquoit  la  préféren- 
ce accordée  par  le  fort  à  celui  dont 
le  nom  fe  trouvoit  infcrit  fur  le 
bulletin.  C'étoit  un  crime  capital  de 
jetter  dans  l'urne  deux  bulletins 
chargés  du  même  nom  ,  excepté  le 
cas  de  la  concurrence  de  deux  frè- 
res ,  &  alors  chacun  de  ces  deux 
noms  devoit  porter  fa  marque 
de  diftindion.  Nous  obfcrverons 
ici  ,  que  comme  les  frères  chez  les 
Grecs  portoient  d'ordinaire  des 
noms  differens ,  un  tel  cas  devoit 
être  extrêmement  rare.  Le?  élec- 
tions par  l'élévation  ou  l'extenfion 
de  la  main  fe  faifoient  dans  les  af- 
femblées  du  peuple.  Les  Magiftrats 
appelles  Thefmothhes  ou  Légijlateurs 
lui  prcfentoient  divers  fujets ,  &  le 
peuple  témoignoit  approuver  l'un 
â'entr'eux  en  élevant  les  mains , 
comme  par  acclamation.  L'éledion 
•par  Scrutin  à  la  pluralité  des  voix 
eft  reavoyée  par  M-  Blanchard  à  fa 
Diflertation  fur  les  Prytanées ,  qui 
fdit  immédiatement  cet  article  ,  & 


dans  laquelle  on  pourra  chercher 
quelque  détail  fur  ce  point. 

Les  Officiers  élus  dévoient  fubir 
devant  le  Tribunal  des  Archontes  , 
un  interrogatoire  juridique  fur  le 
refped  qu'ils  avoient  toujours  eu 
pour  leurs  père  &  merc  ou  ceux 
qui  leur  en  tenoient  lieu  ,  fur  leur 
alîîduité  à  porter  les  armes  pour  le 
fervice  de  la  Republique  pendant 
le  tcms  prefcrit  par  les  Loix  ,  fur 
l'exercice  de  la  Religion  reçue  dans 
le  Pays  ,  &  fur  l'état  de  leur  fortu- 
ne ,  tel ,  qu'il  pi^it  être  une  caution 
fuffifante  de  leur  geftion.  A  Toc- 
cafion  du  fervice  militaire  ,  dont 
l'article  faifoit  partie  de  l'interro- 
gatoire en  queftion ,  l'Académicien 
obfcrve  que  les  jeunes  Athéniens 
étoient  envoyés  en  garni  fon  ,  où  ils 
fcrvoient  depuis  l'âge  de  i8  jufqu'à 
celui  de  20  ans  -,  après  quoi  ils  pré- 
tOKnt  un  ferment  dont  la  formule 
réglée  par  la  Loi ,  rouloit  fur  plu- 
ficurs  chefs  qu'il  a  foin  de  fpccifier 
ici ,  &  qui  tous  tendoient  à  mainte- 
nir la  Religion  &  le  gouvernement 
politique. 

Nul  Officier  ne  pouvoit  exercer 
deux  emplois  en  même  tcms  ,  ni 
palTer  d'un  emploi  à  un  autre  ,  s'il 
n'avoit  auparavant  rendu  compte 
defoH  adminiftration  pardevant  les 
Magiftrats  nommés  Logifles  ,  qui 
prcnoient  féance  avec  les  Archon- 
tes pour  cet  examen,  dont  M  Blan- 
chard particularife  ici  les  formali- 
tez.  Faute  d'avoir  rendu  fes  comp- 
tes ,  on  étoit  incapable  d'aucuns 
effets  civils,  même  de  l'adoption  , 
on  n'avoit  pas  la  permillion  de  for- 
tir  de  l'Attique ,  &  on  ne  joUifloit 


;;<J       JOURNAt   DE 

d'aucuns  des  honneurs  aufquclson 
eût  été  d'ailleurs  en  droit  de  préten- 
dre. En  un  mot  ,  d.ins  nul  Tribu- 
nal on  n'étoit  exemt  de  cette  reddi- 
tion de  compte  ,  &  un  Arcopagite 
même  y  étoit  foûmis  comme  tout 
autre  Magiftrat. 

M.  Blanchard  nous  parle  après 
cela  des  Greffiers  employés  dans 
chacun  de  ces  Tribunaux,  &  qui 
ctoicnt  pris  au  nombre  de  trois 
pour  chacun  ,  parmi  les  efclaves 
publics.  Ils  n'avoient  d'autres  fonc- 
tions que  celles  d'écrire  les  Arrefts 
&  de  lire  les  Ordonnances  &  les 
Loix  à  la  requifition  des  Orateurs, 
comme  on  le  voit  parlcsHarangues 
de  '  Démofthéne  &  d'Efchine ,  où 
ceux-ci  interrompent  fouvent  leurs 
'difcours  pour  dncjifez  Greffier. 

L'interprétation  des  Loix  obfcu- 
rcs  éroit  déférée  au  Tribunal  des 
neuf  Archontes ,  Juges  tirés  origi- 
nairement des  plus  lilufties  famil- 
les. Le  premier  de  ces  neuf  don- 
roit  le  nom  à  l'année  de  fa  Magi- 
ftrature  ;  le  fécond  s'appelloit  le 
Roi  ;  le  troifiéme  le  Polémarejite ,  & 
les  fix  autres  fc  nommoient  Tlocf- 
mothétes.  L'Académicien  nous  in- 
forme touchant  ces  Archontes  de 
la  manière  de  les  élire  ,  des  preuves 
de  vie  &  mœurs  qu'on  exigeoit 
d'eux  ,  des  articles  du  ferment 
qu'on  leur  faifoit  prêter  ,  des  rcf- 
ped:s  qui  leur  étoient  rendus  com- 
me à.  la  Republique  même,  &  de 
quelques  autres  circonftances  qui 
iesconcernoient ,  &  qu'on  peut  li- 
re dans  la  Pièce  dont  il  s'agir. 

II.  1>L  Secoujfe  ^  à  l'exemple  de 
pluficurs  Savans  qui  ont  recueilli 


S    SÇAVANS ; 

les  fautes  qu'ils  ont  remarquée* 
dans  Plutarque  ,  a  fait  fur  quel- 
ques Vies  des  illuftrcs  Romains  ,' 
écrites  par  cet  Auteur ,  des  Obfer- 
vations  de  ce  genre ,  par  lefquelles 
il  paroîc  que  l'ignorance  de  la  lan-., 
gue  latine  ,  dont  cet  Ecrivain  Grec 
n'avoir  qu'une  connoilTance  très- 
fuperficiellc  ,  a  eu  fouvent  grande 
part  aux  méprifes  où  il  ell  tombé  : 
ce  que  l'Académicien  a  foin  de  ju- 
ftitier  en  conférant  ces  Vies  avec  le 
récit  qu'on  en  trouve  chez  plufieurs 
autres  Hilloriens.  On  a  dé)a  vu  fes 
Remarques  fur  lesVies  de  Camille, 
de  LucuUus  &  de  Pompée  ,  dans  le 
cinquième  Volume  de  l'Hiftoirc 
de  l'Académie;  &  dans  celui-ci  on 
lit  fes  Obfcrvations  furies  Vies  de 
CralTus  ,  de  Caton  d'Utique  ,  de 
Céfar ,  de  Cicéron ,  de  Brutus ,  Sc 
d'Antoine.  Nous  rendrons  compte 
de  fes  Remarques  fur  la  Vie  de  Cé- 
far. 

I.  La  première  page  de  cette  Vie 
comparée  avec  la  narration  de  Sué- 
tone ,  fourmille  de  fautes  (  fuivant 
M.  SecoulTe  )  non  feulement  pat 
rapport  à  quelques  circonftances 
clTentielles ,  mais  encore  dans  l'ar- 
rangement des  faits  Hil^oriques  fut 
lefquels  ces  deux  Ecrivains  con- 
viennent. Ce  ne  fut  point ,  comme 
le  dit  Plutarque ,  pour  fc  fouftrairc 
à  la  colère  de  Sylla  que  Céfar  palfa 
dansl'Afie  ;  mais  ce  fut  pour  y  por- 
ter les  armes  &  pour  y  fervir  fous 
le  Préteur  Thermus.  Ce  ne  fut 
point  en  revenant  de  la  Cour  de 
Nicomédie  qu'il  fut  pris  par  les  Pi- 
rates; mais  ce  tut  dans  le  trajet  qu'il 
fit  une  féconde  fois  en  quittant 
Rome 


I 


O  C  T  O  B 

Rome  pour  fe  retirer  à  Rhodes.  De 
cette  l(le  Céfar  palfa  dans  l'Afie , 
où  il  fit ,  contre  un  Lieutenant  de 
Mithridate ,  une  expédition  dont 
Plutarque  n'a  point  parlé. 

2.  En  lifant  fans  beaucoup  d'at- 
tention un  endroit  de  cet  Auteur  , 
gÙ  il  raconte  tout  de  fuite  deux  faits 
concernans  Céfar  ;  l'un  qu'allant  en 
Efpagne  ,  comme  Gouverneur  de 
cette  Province ,  il  avoit  dit  qu'il 
aimeroit  mieux  être  le  premier 
dans  une  petite  Ville  que  le  fécond 
à  Rome  ;  l'autre  qu'étant  en  Efpa- 
gne ,  &:  lifant  la  Vie  d'Alexandre, 
ii  fe  mit  à  pleurer  ,  honteux  de 
n'avoir  encore  fait  rien  d'éclatant  à 
l'ace  où  ce  Prince  avoit  conquis 
tant  de  Royaumes  :  on  fe  figure- 
loit  d'aboid  que  Plutarque  auroit 
ref^ardé  ces  deux  faits  comme  con- 
temporains. Mais  en  examinant  de 
plus  près  le  paflage  ,  on  reconnoî- 
tra  ainfî  que  l'a  reconnu  M.  Se- 
coulfe  ,  qucl'Hiftorien  n'eft  point 
tombé  dans  l'Anachronifme  de 
placer  en  même  tems  deux  faits  en- 
tre lefquels  il  y  a  au  moins  dix  ans 
(^'intervalle  ;  le  premier  étant  arrivé 
lorfque  Céfar  alloit  en  Efpagne  en 
qualité  de  Proprétcur  à  l'âge  de  3  z 
ans  ;  &  le  fécond  ,  lorfqu'il  fe  trou- 
voit  dans  la  même  Province  dix 
ans  auparavant ,  en  qualité  de  Qiie- 
fteur.  Ainfi  ce  fera  une  méprife  de 
moins  dans  Plutarque.  Mais  il  de- 
voit  ,  par  une  expreflîon  moins 
équivoque  ,  épargner  ce  mal  enten- 
du à  un  Ledeur  peu  attentif 

5.  C'eft  encore  un  fait  déplacé 
que  le  fonge  abominable  que   fit 
Ccfat  la  nuit  qui  pré«çeda  le  paffage 
O^okre. 


RE;  Ï75?'  sn 

duRubicon,  félon  Plutarque  j  au 
lieu  qu'il  eut  ce  fongc  long-tems 
auparavant ,  &: lorfqu'il  n'ctoit  en- 
core que  Queftcur  en  Efpagne ,  s'U 
en  faut  croire  Suétone  &  Dion. 

4.  La  quatrième  Remarque  de 
M.  Secoufle  roule  fur  ce  que  dit 
Plutarque  au  fujct  de  l'Ide  Britan- 
nique dans  un  palfage  un  peu  em- 
brouillé &  dont  il  paroît  c^u'^myoî 
&C  Dacier  n'ont  point  pris  le  vrai 
fcns.  Selon  eux  l'Auteur  y  aiïurc 
qu'o«  doutait  que  cette  Jjls  exiflàt ,  à 
caitfe  de fon  excejfive  grandeur.  Selon 
M.  SecoulTe  ,  &  l'Interprète  Latin, 
il  n'a  voulu  dire  autre  chofe ,  finon 
qu'»«  ne  croyait  pas  que  ce  Pays  fàî 
une  IJle  ,  à  caufe  de  l'excejfive  gran- 
deur quon  lui  donnait  j  &  c'cft  le 
fcns  le  plus  naturel  que  fcmble  pré- 
fenter  l'cxpreflîon  gréque  :  vITirovà^i- 
rK;u«v»ï  u-arô^ejï'Srt.  Le  palfage  entier 
fîgnifieroit  donc  Que  les  uns  s'imagi- 
noiem  que  ce  Pays  n'exiflnit  pas  ,  & 
que  les  autres  ne  pouvaient  croire  que 
cefiit  une  IJle.  Cela  revient  à  ce  que 
témoignent  Dion  &  Tacite ,  que 
lorfque  cette  Ifle  fut  venue  à  la 
connoiflance  des  Grecs  &c  des  Ro- 
mains ,  on  agira  la  queftion ,  favoir 
fi  c'étoit  une  Ifle  ou  un  Continent, 
&  que  plufieurs  écrivirent  fur  ce 
fujct  •,  mais  que  ce  ne  fut  que  du 
tems  d'Agricola  ,  que  les  Romains 
s'aflurerent  par  eux-mcmcs  que  c'é- 
toit une  Ifle ,  en  ayant  tait  le  tour. 
Tacite  paroît  fe  contredire  ailleurs 
fur  ce  point  lorfqu'il  dépofe  que 
deux  Ecrivains  Romains  ,  l'un  an- 
cien ,  l'autre  moderne  ,  avoienc 
dit  que  la  grande  Bretagne  refle  n- 
bloit  à  une  efpece  d'écucUc  ou  d« 
Eec  c 


nS        JOURNAL    DE 

hache  ;  d'où  il  ctoitnarurcldc  con- 
clure que  c'ctoit  une  lllc.  C'cft  ce 
que  certifie  ,  &  fans  en  douter  , 
Polvbc  ,  plus  ancien  que  tous  ceux 
qu'on  vient  de  citer  ,  &  dont  l'A- 
cadémicien allègue  le  palTagc  ,  où 
il  eft  fait  mention  des  //?«  Britan- 
Tii^iies  au  pluriel  :  ce  qui  prouveroit 
que  de  ion  tcms  on  connoilfoit 
même  l'Irlande. 

5.  M.  Secoulfe  trouve  que  le  ré- 
cit que  tait  Plutarquc  de  la  guerre 
d'Alexandrie  n'eft  nullement  exadl. 
Celui-ci  raconte  ,  que  Céfar  pen- 
dant fon  fcjour  à  Alexandrie,  ayant 
découvert  que  l'Eunuque  Pothin 
&c  Achillas  Général  des  Egyptiens 
avoient  complortc  de  le  tuer  dans 
un  feftin  ,  il  lit  mourir  Pothin  ,  èc 
qu'Achillas  s'ctant  fauve  à  l'armée, 
excita  contre  Céfar  une  guerre  très- 
dangercule.  Il  paroît  parle  témoi- 
gnage de  Céfar  lui-même  ,  qu'A- 
chillas a  voit  quitté  Alexandrie 
long-tems  avant  la  mort  de  Po- 
thin i  mais  qu'il  y  revint  à  la  foUi- 
citation  de  celui-ci  pour  attaquer 
Céfar  ;  que  ce  fut  alors  que  fe  don- 
nèrent les  combats  dont  parle  Plu- 
tarque,  &  qu'il  place  mal-à-propos 
après  la  mort  de  Pothin  :  Que  Cé- 
far fit  tuer  cet  Eunuque  ,  parce 
qu'on  découvrit  qu'il  exhortoit  fe- 
crettcment  Achillas  à  ne  point  fe 
décourager  &  à  pourfuivte  l'execu-» 
tion  du  projet  formé  entr'eux.  Cé- 
far ne  nous  en  apprend  pas  davan- 
tage, Lucain  nous  entretient  fort 
au  long  de  ce  projet.  Dion  dans  le 
récit  de  ce  dernier  événement  s'ac- 
corde affcz  avec  Céfar. 

i.  Plutaxque  (apporte  que  Ip 


S     SÇAVANSi 

lendemain  de  la  mort  de  Céfar  ,  le 
Sénat  ordonna  que  Icdétunt  feroit 
honoré  comme  un  Dieu.  Il  y  a  deux 
fautes  dans  ce  palfage  ,  au  fenti- 
mentdcM.  SccoutTc  ,  &  il  rcfulte 
de  la  difcullîon  hiftoriquc  allez 
étendue  où  il  s'engage  pour  l'c-; 
claircilfcmcnt  de  ce  tait ,  que  véri- 
tablement-peu  de  tems  après  la 
mort  de  Céfar ,  le  peuple  établit  en 
l'honneur  de  ce  Conquérant  un 
culte  religieux,  que  Dolabella  bien- 
tôt après  abolit  :  mais  que  Plutar- 
que  s'eft  mépris  en  affurant  que  de» 
le  lendemain  de  la  mort  de  Céfar  , 
les  honneurs  divins  lui  furent  dé- 
cernés par  le  Sénat ,  puifque  le  té- 
moignage de  Cictron  3c  les  induc- 
tions tirées  des  Hilloriens  de  ce 
tcms-là  font  foi,  que  ce  ne  fut  que 
fept  mois  après  ou  le  premier  de 
Septembre,  qu'Antoine  fe  crut  af- 
fez  puilfant  pour  contraindre  le  Sé- 
nat à  honorer  Céfar  d'un  culte  reli- 
gieux ,  qui  fe  rcduifoit  au  mélange 
des  cérémonies  funcbres  o.dinaircs 
&  desfupplicat'on;.  telles  qu'on  les 
adreffoitaux  Dieux  ;  mais  qu'à  par- 
ler exadlement  on  ne  peut  pas  dire 
qu'avant  le  tems  d'Augufte  ,  le  Sé- 
nat ait  décerné  les  honneurs  divins 
à  Céfar. 

7.  M.  SecoulTe  termine  ces  Re- 
marques en  avertidant  que  la  Vie 
de  Céfar  eft  celle  de  toutes  les  Vies 
compofées  par  Plutarque  ,  où  las 
faits  font  moins  détaillés  &  les 
omillîons  plus  nombreufes  ;  cet  Hi- 
ftorien  s'étant  fur-tout  néglige  dans 
ce  qu'il  nous  raconte  de  la  guerre 
des  Gaules. 

III.  La  DilTçitatioa  de  M.  Ffm^^ 


I 


9Hêttt  î'aîné  fur  l'utilité  des  Langues 
Orientales  ,  pour  la  cannoijfance  ds 
VHijiofi-e  ancienne  de  la  Grèce ,  éta- 
blit cette  vérité  fur  cette  coniîdera- 
tion  :  Que  la  Grèce  ayant  été  peu  - 
plée  par  des  Colonies  venues  de 
l'Orient  &  de  l'Egypte  ,  la  Langue 
de  celles  -  ci  mêlée  avec  l'idiome 
naturel  du  Pays  ,  a  dû  jetter  fur 
l'Hiftoire  de  ce   même  Pays  une 
grande  obfcurité  ,  qui  lui  donne  le 
plus  fouvent  l'air  de  Fable ,  &  qui 
ne  peut  être  difîîpée  que  par  le  fe- 
cours  des  Langues  mêmes ,  d'où 
partoicnt  ces  Traditions  Hiftori- 
ques    fouvent  mal  exprimées  ou 
mal   entendues.   C'eft  conformé- 
ment à  ce  principe ,  que  l'Acadé- 
micien prétend  qu'on  peut  corriger 
toutes  les  fautes  de  nos  Chronolo- 
giftes ,  tels  que  Marsham,  Neivton^ 
le  Père  VeTron ,  &c.  &  il  pr^^uit 
quelques  exemples  de  ces  correc- 
tions. Mais  pour  donner  là-deflus 
quelque  chofe  de  plus  méthodi- 
que, il  fc  renferme  dans  deux  arti- 
«les  \  l'un  emprunté  de  la  Mytho- 
logie &  qui  cft  la  Fable  de  Perfée  & 
Jes  Gorgones  ,  où  la  fagacité  de 
tous  les  Critiques  a  échoiié ,  de  leur 
propre  aveu  :  l'autre   puifé  dans 
l'Hiftoire  même  ,  &  c'eft  la  fameu- 
fe  Infcriptiondu Tombeau  de  Sar- 
danapale.  M.  Fourmomt  fe  flatte  de 
trouver    dans   l'ancienne    Langue 
Phénicienne  le  véritable  dénoiie- 
mcnt  de  ces  deux  faits  fi  difficiles  à 
expliquer, 

I.  Il  commence  par  la  Fable  dcf 
Gorgones  ,  &  il  la  réduit  à  cinq 
points  cipitaux,  i°.  Phorcys  Dieu 
Maria  5c  fa  femme  C*fc.  z°.  Ses 


O  C  T  OB  R  E  ;  I7Î5. 


SS9 

cinq  hlles  ,  deux  appellées  Grées 
(  Graia  )  fa  voir  Enyo  &  Péphred»  ; 
trois  autres  nommées  Gorgones  ^  fa- 
voir  Stioéno  ,  Eitryale  Se  Alédup. 
3°.  Les  Gorgones  n'ont  à  elles  trois 
qu'une  dent ,  une  corne  &  un  œil. 
4°.  Du  chef  ou  de  la  tête  de  Médufe 
coupée  fortent  un  homme  [  c'eft  le 
Forgeron  Chryfaor  ]  &  un  cheval 
(  c'eft  le  Pégafe  ).  f.  Ce  Cheval  ailé 
ne  fert  dans  la  Grèce  qu'à  Perfée  8c 
à  Bellérophon.   Qui  devineroit  ja- 
mais que  fous  une  fidlion  lî  bizarre 
fcroit  caché  l'événement  qui  fuit  î 
Polydede  Prince  Grec  ,  Roi  de 
Sériphe  envoyé  ù   Flotte  fous  la 
conduite  de  Perfée fon  Amiral  con- 
tre celle  de  Phoscys  Prince  Phéni- 
cien, Roi  d'Itaque  ,  de  Cephalo- 
nic  &c  de  Corcyre^  laquelle  compo- 
fée  de    cinq    vaiflcaux  ,  revenoit 
d'Afrique  chargée  des  richefTes  que 
lui  fournifloit  fon  commerce  en  ce 
Pays-là.  Ces  richefles  portées  par 
trois  de  ces   vaiiTeaux   ,   lefquek 
ktoicntCorcyréem  ,  confiftoienten 
or  ^  en  y  voire  ou  â^f»?j  d'Eléphans  , 
en  cornes  rares  de  divers  animaux 
en;'f«.vd'Hyaines  &  autres  pierretf 
précieufes.    Les  deux  autres  vaif- 
feaux  pris  fur  les  Grecs  ,  portoient 
l'eau  douce  &  le  rcfte  des  provi/îonï 
neceflaires.  C'eft  aux  trois  premiers 
que    Perfée    s'attache    principale- 
ment ;  il  fe  rend  maître  de  celui 
que  montoit  l'amiral  Phénicien  ; 
il  lui  coupe  la  tête  ;  &  il  trouVc' 
dans  ce  vaifTeau  beaucoup  d'or  ^  ua' 
Ouvrier  pour  le  mettre  en  œuvre 
&  un  de  ces  animaux  fauvages  ap- 
pelles Pacajfes ,  dont  parle  Pline,  Sc 
qui  font  une  efpece  de  Bufle  à  lo»z 
E  c  e  c  i  j 


S6o         JOURNAL   D 

fucs  oreilles  qui  paroiircnt  comme 
des  aîlcs  ,  fur-tout  lorfquc  cet  ani- 
mal court.  Voyons  picfcntement 
avec  quelle  probabilité  l'Académi- 
cien fait  découvrir  toutes  ces  cir- 
conftances  dans  la  Fable  des  Gorgo- 
nes ,  à  l'aide  des  termes  Phéniciens 
mal  expliqués  par  les  Grecs. 

Il  tait  d'abord  ces  deux  Remar- 
ques préliminaires  ^  1°.  Que  dans 
toutes  les  Langues  Orientales  , 
CCS  mots  Bei^i  ,  Befiei  ^  Bat ,  Ba- 
tioth  ,  {  fils  5c  filles  )  défignent 
également  la  7nujfance  &C  la  pojjèf- 
fion  ;  Se  qu'en  vertu  de  cet  ufage 
les  vailfcaux  d'un  Prince  s'appel- 
lent/^^//-f  ,  &  {es  Galères fes  filles  : 
2°.  Que  dans  tous  les  tems  chaque 
vaifleau  a  eu  fon  nom  particulier  , 
le  Centaure ,  la  Baleine ,  &:c.  Cela 
pofé  ,  les  c'mc\filles  de  Phorcys  font 
les  cinq  F'aiJJeaux  de  fa  flotte,dont 
tous  les  noms  font  Phéniciens. 
1°.  £«^'0 ,  en  Phénicien  0»ia ,  eft 
un  FaipdH  de  charge  :  z°.  Péphrédo^ 
par  tranfpolltion  ,  pour  Perphédo  , 
en  Phénicien  Béer-Phaitfa  ,  cft  un 
Vaijfeau  chargé  d'eau  douce  :  3*. 
Stheino  ,  en  Phénicien  Stèina  ,  cft 
un  Vaijfeau  k  rames  ,  une  Galère  : 
4°.  Euriale ,  en  Phénicien  Evria- 
léi  eft  une  Chaloupe  -.  5°.  Mcdiifa 
(  en  grec  yâvç  ftîivra  )  le  Vaijfeau  du 
Chef  de  la  Flotte  ,  a  confcrvé  feul 
fa  dénomination  gréquc,  fans  l'em- 
prunter comme  les  quatre  autres , 
du  Phénicien  ,  qui  feroit  Malca  en 
fous-enteiidant^f/'/;/«<Î3C'eft-à-dire 
Vaijfeau  Royal. 

De  ces  cinq  Vaiflcaux  ,  trois 
ctoicnt  de  l'Ifle  de  CorcyrefKîfWfu) 
^.QÙ  fe  tiic ,  fuivant  M.  Fourmonc, 


ES  SÇAVANS; 

le  nom  Patronvmique  Kotir.k»  , 
(Kofx»)  &  en  adoucilfant  la  pro- 
nonciation ,  Gorgo  :  &  voilà  (  ditr 
il  )  les  trois  Gorgones.  Les  deux  au- 
tres Vaifteaux  a  voient  été  pris  fut 
les  Grecs  (  ffaT.i  )  par  ces  mêmcs- 
Phéniciensqui  exerçoicnt  la  Pirate- 
rie dans  les  Ifles  de  l'Archipel  :  Sc 
voilà  les  deux  G^ées  [  {fuimi^.  Les 
Grecs  ont  dit  que  les  Gorgones  n'a.- 
voient  à  elles  tiois  qu'une  dent^  une 
,eorne  &c  un  œil ,  en  rapportant  mal- 
à-propos  à  chacune  de  ces  trois  for- 
tes de  marchandifcs  le  terme  Phé- 
nicien (  Echad  )  un  ,  chacun  ,  au 
lieu  de  ne  l'appliquer  qu'à  chacun 
des  trois  premiers  Vaifteauxi  &  de- 
là eft  venue  l'équivoque.  La  tête  de 
Médiife  coupée  n'cft  autre  chofe 
que  l'amiral  Phénicien  décapité.  Le 
venin  dangereux  que  répand  htète 
de  ^I^édufe  ,  eft  une  autre  équivo- 
que autorifée  par  la  double  lïgnih- 
cation  du  mot  Phéniciciv  Rojchaut 
fc  prend  pour  le  chef  ou  la  tête  ^  Sc 
pour  un  poifon.  Chryj'aor  &L  Pégafe 
fortis  de  cette  tête  ,  ne  font  ^  ccm- 
mc  l'on  voit,  que  {'ouvrier  tr.  orSC 
le  Pacajfe  ,  qu'on  avoit  fans  doute 
apprivoifé  ,  &  que  l'on  moiîtoit. 
comme  un  cheval, 

A  l'égard  des  pétrifications  étran- 
ges opérées  par  la  tête  de  Médufe  -, 
on  fait  que  le  Pays  où  fe  palTa  cet 
événement ,  &  qui  cft  le  voillnagc 
des  Syrres  &  de  Cyréne,  a  toujours 
été  renommé  pour  ces  fo.  tes  de  pé- 
trifications ,  puifqu'au  rappoitdes 
Ecrivains  Arabes,  on  y  trouve  des 
Villes  entières ,  où  les  Hommes  ôc 
les  animaux  pétrifiés  paroilfcnt  en- 
core   dans    les   mêmes  attitudes; 


O  C  T  O 

flti'ils  avoient  au  moment  de  leur 
pétrification. 

Cette  Fable  ainfi  rendue  au  Phé- 
nicien par  M.  Fourmont ,  devient 
(  félon  lui  )  très-claire  &C  trcs-intel- 
ligible.  Voyons  comment  il  fe  tire 
du  fait  hiflorique  ou  de  l'Infcrip- 
tion  de  Sardanapale. 

2.  Cette  Infcription  fe  lifoit  fur 
un  Monument  érigé  en  l'honneur 
de  ce  Roi  d'AiTyrie  à  Anchialé  pe- 
tite Ville  de  Cilicie  voifine  de  Tar- 
fe ,  à  laquelle  même  elle  fervoit  de 
port.  Ce  Monument  (  félon  notre 
Académicien  )  n'étoit  point  un 
Tombeau  ,  puifque  Sardanapalc 
avoit  le  fien  à  Ninive  ;  c'était  plu- 
tôt une  forte  d'Arc  de  Triomphe 
conftruir  par  ks  Ciciliens  en  recon- 
noilTance  des  bienfaits  de  ce  Prince. 
Du  confcntement  de  tous  les  Au- 
teurs ,  r Infcription  ttoit  en  carade- 
res  Chaldaïques  ,  Se  par  confe- 
qucnt  les  Grecs  en  parjoicnt»,  non 
pour  l'avoir  lue  eux-mêmes  ,  &  l'a- 
voir entendue  ,  mais  feulement 
d'aprcs  les  habitans  des  lieux-.  Voici 
en  quels  termes  ils  luppofoicnt  que 
traduite   en  prec  elle  devoir  être 

conçue.  SAPAANAHAAOS  ANAKTN- 
AAPASEft    AFXIAAHN    EAtlME    KAI 

TAP20N  MiH  hmEPH  ,  après  quoi 
on  lifoit  ces  trois  mots  :  es©ie  ,  ni- 
tiE ,  nAiZE  ,  ou  comme  on  lit  ail- 
leurs, OXLrE  :  c'eft-à  dire  :  Sarda- 
tiavale  jils  £ Anakyndarax ,  en  un 
fsul  jour  ,  hâtit  Anchialé  &  Tarfe  : 
pour  toi ,  paffant  ,  mange  ,  bois , 
réjouis-toi ,  ou  ,  fais  l'amour.  Nous 
cbfcrverons  d'abord  que  l'Acadé- 
iriicicn  a  eu  foin  d'écarter  de  l'inf- 
ciiptiontout  ce  qui  pouvoit  l'em- 


B  R  E,    Ï75  ?:  s'St 

barralTer  ,    comme  ces  trois  mots  : 

AAAA  NYN  TE0NHKEN  ,  mais  à  prc- 

Jent  d  ejl  mon  ,  qui  fuivcnt  immé- 
diatement HMEPH  :  8c  ces  quatre 
autres ,  tv  Si  a  %hi  ,  four  toi  ^  paf- 
fant :  &  allègue  pour  raifon  du 
premier  retranchement  ,  que  les 
trois  dernières  paroles  ne  font  que 
l'addition  ordinaire  des  Epitaphes. 
Pour  les  quatre  autres  petits  mots  , 
il  les  fupprimc  ,  félon  toute  appa- 
rence ,  par  la  même  railbn. 

L'Infcription  ainfi  réduite  à  fa 
juftc  valeur  ,  quant  aux  termes  , 
voici  comme  l'Académicien  conjec- 
ture qu'elle  pourroit  être  reftituéc 
en  Chaldéen  :  Sartan  -  Phid  ban* 
Koundarras ,  eth-Achayialam  veeth- 
Tarfchifit  bejoma  cheda.  Akeleih  ^ 
Schteih  ,  abedeih.  C'efl:  -  à  -  dire  : 
Sardan-Phttl  a  bâti  U  Forterejfe  de 
Quindafur  le  torrent ,  Anchialé  & 
Tarfe  en  unfeuljour  ,  en  les  élevant 
depuis  leurs  fondemens  ^&  en  y  met- 
tant ponts-levh ,  portes  &  verroitx. 
Les  reflexions  de  M.  Fourmont  fur 
ce  Texte  en  font  fentir  toutes  les 
équivoques  aux  moins  verfés  dans 
les  Langues  Orientales. 

Ces  mots  Chaldéens  bana  Koun- 
da  aras  fignifient  à.  la  lettre  a  bâti 
la  Forterejfe  du  torrent.  Mais  en  pre- 
nant le  h  de  bana  pour  l'abrégé  du 
mot  ben ,  fils  ,  comme  il  fe  prend 
tous  les  jouis  dans  les  Infcriptions 
Juives ,  on  aura  fait  à^ana-Kounda- 
aras  ^  le  nom  d'un  homme  pcre  de 
Sardanapalc  &  abfolument  incon- 
nu parmi  les  Rois  Affyricns,  De 
plus,  l'Hiftoire  Grcque  nous  ap- 
prend que  Quinda  eft  une  Fortcref- 
fe  de  Cilicie  j  &  Ras  ou  Amts  ^ 


5^2  JOURNALD 

«l'où  dérive  le  nom  d'A^axh  Flcu- 
YC  célèbre ,  figiuhc  en  Chaldécn 
Fluentiim  ,  fur-tout  un  torrent ,  un 
eoHr.wt  impétueux. 

Il  ne  rcfte  plus  à  c:çpliquer  que 
les  trois  derniers  mots,  yikjleih  , 
prétérit  du  verbe  Calah  ,  lignihc 
il  A  perfeclionné ,  achevé  ^  mis  lit  der- 
nière mata  ;  impéiatit  du  verbe 
Acal ,  il  veut  dire  rn^nge.  Scheteih  , 
en  prétérit  fianific  //  .tjeitélesfonde- 
mens  d'un  éMfice  \  Se  en  impératif  , 
tais.  Abédeih  ,  prétérit  tiré  de  Bad^ 
£îgnific  //  a  mis  les  clô'ures  &  leurs 
verroux:8c  impèrM( isBada  Jais  ou 
dis  des  obfcenitez..  Cette  explication 
(dit  THiftorien  )  eft  fiinple  ,  & 
préférable  à  tout  ce  que  ks  Grecs 
en  ont  écrit. 

IV.  L'ancien  Monument  de  faint 
Rcmi ,  Ville  de  Provence,  nouvel- 
lement décric  pat  M.  de  Mautour  , 
l'avoir  été  déjà  par  Honoré  Bouche^ 
Hiftorien  de  cette  Province ,  par 
Sport  j  dans  fes  Recherches  ,  &  par 
le  R.  P.  de  Mintfmcoti ,  dans  fon 
Antiquité  explicjnéche.  delTein  qu'en 
a  fait  graver  ici  l'Académicien  ,  cft 
beaucoup  plus  grand  &:  plus  exad: , 
ayant  été  tait  fur  les  lieux  par  un 
habile  dellînatcur.  C'eft  [  dit-on  ] 
une  cfpece  de  Maufolée  ,  compofé 
de  trois  parties  ;  i°.  d'une  bafe 
quarrée,  chargée  de  bas  reliefs  li 
effacés  qu'à  peine  y  dill:inguc-t-on 
les  traces  de  quelques  batailles  } 
2°.  d'un  bâtiment  quatre  plus  éle- 
vé que  la  bafe  ,  percé  à  [our  des 
quatre  cotez  par  autant  d'arcades  , 
&  dont  les  angles  en  forme  tic  pi- 
laftrcs  d'ordre  corinthien  ,  font  ca- 
nçlés  &  charges  d-'oroemens  ;  3". 


ES  SÇAVANS; 

d'une  cfpece  de  rotonde  ou  de  Iiri'» 
terne  que  termine  une  calotte  for- 
mée par  dix  colonnes  d'ordre  co- 
rinthien ,  ifolées  ic  canelées  ,  & 
dans  laquelle  on  voyoit  du  tcms  dç 
Bouche  deux  Statues  debout ,  dra- 
pées &c  vêtues  à  la  Romaine ,  mais 
fans  têtes  aujourd'hui  &  appuyées 
contre  deux  piiliers.Cc  Maufolée  a 
un  peu  plus  de  5 1  pieds  de  hau- 
teur -,  on  ne  trouve  point  ici  la  mc- 
fure  de  fon  diamètre  ,  mais  on  con; 
çoit  lifémenc  de  quelle  folidité 
doit  être  un  pareil  édifice  pour 
avoir  pu  jufques  ici  rcfîftcr  aux  in- 
jures du  tems. 

Sur  la  frifc  d'une  des  arcades  rè- 
gne cette  Infcription  abrégée  ^  ea 
lettres  majufcules  :  S  E  X.  L.  M. 
JULI^.  I.  C.  F.  PARENTIBUS 
SUIS.  Les  Auteurs  cités  plus  haut 
en  ont  donné  jufqu'à  onze  explica- 
tions, toutes  peu  vraifemblablcs.' 
M.  de  Mautour  qui  n'ofe  fe  flatter 
d'être  plus  heureux  en  conjed urcs, 
attribue  ce  Monument  à  un  Sextius 
de  la  famille  de  Caïus-Sextius-Cal- 
vinus  ,  Conful  Romain  ,  Fonda- 
teur ou  Reflaurateur  de  la  Ville 
d'Aix  ,  en  ^50.  ou  tfj  i.  de  Rome  ," 
fuppofant  d'abord  avec  quelque 
vraifemblance  que  ce  Sextius  de 
rinfcription  avoit  pour  prénom 
Cdius  ,  marqué  par  un  C.  effacé  pa«- 
le  tems  eu  omis  par  le  Dcfllnateur} 
prénom  attaché  à  la  famille  de  Sex- 
tius ,  commeon  le  juftifie  par  une 
ancienne  Infcription.  Pour  les  deux 
lettres  initiales  fuivantes  ,  L.  M. 
r.Académicicn  fe  croit  bien  fondé  à 
les  expliquer  par  Luciiis  &  par  A'ftX- 
ritHs ,  mot  (  dit-il }  Ci  fouvcnt  cm- 


O  C  T  O 

j>îoyé  dans  les  Epitaphes.  Il  fuppo- 
le  encore  que  le  Sextiiis  dont  il  s'a- 
git ,  avoit  époufé  une  Julie ,  de 
l'ancienne  famille  des  Jules ,  &  al- 
liée à  Julie,  tante  de  JulesCéfar  & 
femme  du  grand  Marius ,  qui  22 
ans  après  la  viiftoire  remportée  par 
Caïus-Sextius  fur  les  Saliens ,  l'an 
de  Rome  852.  défit  aux  environs 
d'Aix  les  Cimbrcs ,  les  Teutons  & 
les  Ambrons.  M.  de  Mautour  ex- 
plique donc  ainfi  l'Infcription  : 
Cams  SEXtius  Liicius  Maritus  JU- 
Z,Ity£  Incompambilis  Curavit  Fieri 
PARENTJBVS  SUIS.  C'ell-à-di- 
fe  :  Sextius  mari  de  l'incomparable 
Julie  a  fait  ériger  ce  Monument  a  la 
mémoire  de  [es  MJcctres  ;  à  caufe  des 
vi<5toires  qu'ils  ont  remportées  dans 
k  Provence, 

L'Hiftoricn  par  ces  mots  .yfAr/i«/- 
Liberttts  mwens  Jiilia  Julii  C<efaris 
film ,  (  en  fupplcantyî'C'^ ,  fofmt  ou 
dicavit  )  fournit  une  autre  explica- 
tion fort  naturelle,  mais  dans  la- 
quelle ,  ainfi  qu'il  l'obferve  lui- 
même,  CCS  deux  mots  parentHus 
yî</i  n'auroient  aucun  fens  raifonna- 
ble.  Tout  auprès  de  ce  Monument 
on  rencontre  les  débris  d'un  aut.c 
qui  étoit  un  bel  Arc  de  Triomphe 
compofé  d'une  feule  arcade  ,  fans 
Infcription.  M.  de  Mautour  l'a  fait 
graver  ici  fur  un  nouveau  deffcin 
qu'on  lui  en  a  fait  tenir. 

Quant  à  la  Ville  de  Saint  Rémi, 
âont  ces  Monumens  font  voifins , 
elle  s'appelloit  anciennement  Gla- 
mtm  ,  Se  fe  trouvoit  dans  cette  con- 
trée de  Provence  qu'occupaient  les 
Saliens.  Mais  en  501.  elle  quitta  ce 
premier  nom  poïix  prendre  celui  de 


B  R  E  ,  I  7  5  j;  j^5 

S.  Rémi  ,  à  l'occafion  d'un  voyatre 
que  fit  en  Provence  cet  Archevê- 
que de  Reims  à  la  fuite  de  Clovis; 
ainfi  que  le  raconte  fort  au  long 
BoHcke  /'Hifloncn. 

V.  Les  Reflexions  de  l.i.A'îahu- 
del  fur  le  caratlere  &  l'ufage  des  Mé- 
daillons Antiques  ,  tendent  à  prou- 
ver ;  Qiie  ces  Médaillons  ont  été 
de  véritables  monnoyes  courantes  , 
contre  l'opinion  commune  qui  les 
fait  paflcr  pour  des  Pièces  analo- 
gues à  nos  Médailles  modernes  ,  6c 
deftinées  uniquement  par  les  Prin- 
ces qui  s'en  refervoicnt  la  fabrica- 
tion ,  à  confacrcr  plus  particulière- 
ment la  mémoire  de  quelques  évé- 
némens  fignalés  ,  &:  à  être  jettées 
au  peuple  dans  des  jours  delargef-» 
fe  publique.  Il  établit  d'abord  le 
C3ra<n:crediftindif  des  Médaillons, 
pour  quelque  métal  que  ce  foit, 
dans  la  quantité  de  matière ,  qui 
par  fon  poids ,  fon  étendue  &  fa' 
fabrique  ,  excède  le  volume  &  la 
forme  du  plus  grand  module  des 
monnoyes  antiques  ordinaires. 

Sur  ce  principe  l'Académicien 
exclut  du  nombre  des  Médaillons 
1°.  des  Pièces  d'un  poids  plus  con- 
fiderablc  que  celui  du  grand  modu- 
le ordmaire  ,  parce  qu'il  leur  man- 
que quelque  fingularité  dans  la  fa- 
brique :  2".  des  Pièces  qui  excé- 
dent en  étendue  ce  qu'on  appelle 
le  grand  bronze  ,  parce  qu'elles 
n'en  font  point  différentes  par  le 
poids  :  3'.  les  Tctradrachmes  d'ar- 
gent des  Villes  Autonomes  de  là 
Grèce ,  &e.  5c  même  leurs  Pièces 
onciales  de  même  métal  :  4°.  le? 
Téttadlraçhmcs  d'argent  des  Empe- 


SS^  JOURALDE 

rcurs  ,  pris  long  tems  pour  Mcdail- 
lons  à  ciufc  de  leur  rareté. 

11  appuve  l'on  fcntiment  ,  pat 
rapport  à  l'ufagc  des  Médaillons 
fur  lîx  raifons  principales. 

1°.  Ces  Pièces  n'avoient  point 
d'autre  nom  que  ceux  de  nutnmi  ou 
numifmata  ,  toujours  employés  par 
les  Romains  pour  défigner  h  mon- 
tioye  en  général  &:  en  particulier. 

i°.  Ces  Pièces ,  à  l'augmentation 
près  du  volume  ,  lont  femblablcs 
en  tout  à  celles  ijui  font  reconnues 
pour  monnoyes  ■■,  même  métal  , 
même  forme  ,  mêmes  types ,  mê- 
mes légendes. 

3°.  La  figure  de  la  Déefle  révé- 
lée fous  le  nom  de  A'îoneta ,  Mon- 
noy: ,  étant  une  indication  naturelle 
que  Its  Pièces  où  elle  eft  repicfcn- 
téc  ont  encours  dans  le  commerce, 
on  doit  faire  le  même  jugement  de 
celles  du  plus  grand  volume  ,  puif 
qu'elles  portent  la  figure  de  cette 
Déité. 

4°.  Les  deux  lettres  .S".  C.  mar- 
quées ordinairement  au  revers  des 
Pièces  de  grand  ,  de  moyen  &  de 
petit  module  du  haut  Empire  , 
pour  exprimer  ces  deux  mots 
Senatus  Confulto ,  le  font  également 
fur  beaucoup  de  Pièces  réputées 
Médaillons  ,  d'où  il  refulte  que 
pour  difcerner  ceux-ci  l'augmenta- 
tion du  poids  &  celle  du  volume 
font  des  caraderes  équivoques. 

5*.  En  fuppofant ,  comme  il  y  a 
grande  apparence, que  les  formules, 
fnus  un  tel  Proconful ,  un  tel  j4rchon- 
te ,  un  tel  Préteur  ^  &;c.  marquées 
dans  les  Légendes  des  Méd.iillons 
&  des  Médailles  Gréqucs  Impéria- 


S   SÇAVANS; 

les  répondent  au  S.  C.  des  Latins  ^ 
on  doit  en  inférer  que  les  Grecs 
foûmis  aux  Romams  avoient  une 
forme  de  monn  'ye  d  un  module 
au-dclTus  du  grand  bronze,  &  qu'il 
y  a  tout  lieu  de  prélumer  qu'il  en 
étoit  de  même  à  Rome. 

6°.  Entre  les  Pièces  rcputcci 
Médaillons  que  l'on  découvre  tous 
les  jours  ,  la  pLiipart  font  moins 
défigurées  par  l'injure  du  tems  que 
par  le  frai  ,  ou  le  maniement 
continuel  ,  qui  tombe  beaucoup 
plus  fur  des  Pièces  deftinées  à  être 
dans  le  commerce  ,  que  fur  cellej 
qui  ne  doivent  fervir  qu'à  la  gloire 
&  à  la  curiofité. 

Après  toutes  ca  raifons  allé- 
£;uces ,  M.  Mahudel  va  audevant 
des  objections  qu'on  pounoit  lui 
faire  &  qui  fc  reduifcnt  à  4. 

1°.  On  objecle  que  la  rareté  de 
ces  Pièces  femble  prouver  que  ce 
n'étoient  point  des  monnoyes.  U 
répond;  Que  c'a  toujours  été  la  pra- 
tique dans  la  fabrication  des  mon- 
noyes ,  d'en  frapper  beaucoup 
moins  du  plus  grand  volume  que 
de  tous  les  volumes  inférieurs. 

On  oppofe  en  fécond  lieu  ladif- 
ficidté  de  les  y?-*î^.')' dans  le  com- 
merce ,  augmentée  par  leur  poids 
extraordinaire  &  par  l'épailTeur  du 
relief  de  leurs  types.  L'Académi- 
cien répond;  Qiie  dans  les  premiers 
tems  de  la  Republique  les  Pièce* 
de  monnoye  qui  pcfoicnt  4  &  5  li- 
vres &  dont  le  type  avoit  i  à  j  li- 
gnes de  relief  ,  n'en  étoient  pal 
moins  une  monnoye  courante. 

On  objede  en  troifiéme  lieu  , 

l'inégalité  de  poids  &  de  volume 

entre 


O  C  T  O 

rrxtre  les  Mcdiillons  d'un  même 
'Empereur  6c  d'un  même  type  , 
contraire  aux  règles  de  la  tabrica- 
tion  légitime  de  Pièces  d'une  mê- 
îne  efpece  &  d'une  même  valeur. 
M.  Mahudel  répond  que  cette  iné- 
galité ne  lui  paroît  point  un  argu- 
ment valable  contre  l'uniformirc 
qu'on  devoir  garder  dans  la  fabri- 
-que  des  monnoyes  d'un  même  mo- 
<lule,  attendu  le  peu_  de  certitude 
<jue  nous  avons  fur  toutes  les  for- 
mes Se  toutes  les  proportions  obfer- 
vées  dans  les  différentes  monnoyes 
Je  chaque  Empereur  ;  de  qu'au  lieu 
làes  quatre  modules  aufqucls  nous 
prétendons  les  réduire  toutes, peut- 
-être  y  en  avoir  il  plus  de  1 2  ,  puif- 
que  dans  chaque  forme  on  peut 
compter  trois  différences  manife- 
ûes ,  tant  en  étendue  ^  qu'en  épaif- 
fcur  &  en  poids. 

4°.  On  oppofe  ,  enfin  ,  la  necef- 
.(îté  d'admettre  pour  des  libcralitez 
un  genre  de  pièces  diftingué  des 
monnoyes  courantes  par  un  volume 
extraordinaire,  par  des  types  plus 
hiftoriques ,  par  une  gravure  plus 
cxquife  ,  &  par  une  fabrique  fm- 
gulicre  :  &  c'cft:  la  plus  forte  des 
objedions.  L'Académicien  y  ré- 
pond en  avouant:  Que  les  pièces  du 
plus  grand  volume  ,  à  caufe  de  l'é- 
légance de  leur  fabrique  ,  pou- 
voient  bien  être  ces  pièces  de  libé- 
ralité ,  fans  ceffcr  ,  pour  cela  ,  d'ê- 
tre de  vrayes  monnoyes,  &  d'avoir 
cours ,  ainfi  que  l'ont  eu  nos  plus 
grofles  pièces  de  Varin  :  il  foûtient 
qu'il  n'y  a  pas  plus  d'apparence 
que  ces  pièces  ayent  fervi  aux  libc- 
lalitez  ,  que  celles  qui  en  tout  mé^ 


B  R  E  i    175  ?.  T^T 

tal  ont  pour  type  une  diftributioa 
de  quelques  largeffes  :  Que  les  ty- 
pes des  plus  beaux  Médaillons  fc 
voycnt  également  fur  le  grand  Ik  le 
rnoven  bronze  ,  fur  l'or  &c  l'argent, 
où  il  n'a  pas  falu  moins  d'art  à  re- 
prefcnter  plufieurs  petites  figures  , 
que  fur  le  volume  le  plus  étendu 
des  grands  Médaillons  :  &C  qu'au 
regard  du  droit  de  les  tabriquer  rc- 
fervé  aux  Empereurs ,  ce  n'ell:  qu'u- 
ne fuppofition  fondée  fur  l'omif- 
fion  du  S.  C.  preuve  négative  & 
très-équivoque,  puifqu'on  trouve 
plufieurs  pièces  de  grand  &c  de 
moyen  bronze ,  qui  fans  cette  mar- 
que ,  ne  lailToient  pas  d'être  des 
monnoyes. 

Cependant  M.  Mahudel  ne  refu- 
fe  pas  d'admettre  quelques  pièces 
fingulieres  de  largelte ,  en  bronze  , 
qui  bien  que  deftinées  par  le  pre- 
mier motif  de  leur  fabrication  à 
être  monnoyes  ,  ont  été  converties 
à  d'autres  ufages  ,  par  les  change^ 
mens  faits  a  leur  forme  ordinaire 
dès  le  tems  de  cette  fabricatio.n. 
Telles  font  celles  qui  ont  été  argen- 
tées  ,  dorées  &  furdorées -,  celles 
dont  les  flaons  font  compofés 
de  deux  métaux  de  diverfcs  cou- 
leuis  parfaitement  foudcs  :  cel- 
les dont  les  mêmes  flaons  avant 
toute  leur  grandeur  ordinaire  font 
terminés  à  leur  circonférence  par 
des  cercles  ornés  de  moulures,  qui 
doublent  l'étendue  de  volume 
qu'auroicnt  ces  pièces  naturelle- 
ment ,  &c. 

VI.  Les  Obfervations  de  M.  Fal- 
eonet  fur  nos  premiers  Tradu'l  ttrs 
François  font  dues  à  fes  recherches 
Ffff 


S66  JOURNAL  D 

fur  l'époque  SiTonquic  de  la  Bouf- 
fole  ,  qu'il  promet  toujours  de  pu- 
blier. Les  ledures  alllducs  de  nos 
Manufcnts  François  du  inovcu  âge 
te  denosanciensTraductcurs  Fran- 
çois ,  qu'il  a  cntrepnle  dans  cette 
vûëj  l'ont  conduit,  chemin  faifant, 
à  la  découverte  de  plulicurs  faits 
Singuliers  &  curieux.  C'cft  de  quoi 
il  nous  fait  part  ici ,  en  exhortant 
dans  fon  Mémoire  ceux  de  fes  Con- 
frères qui  cultivent  en  particulier 
ce  genre  de  littérature  à  concouiir 
avec  lui  dans  le  dclTein  de  perfec- 
tionner l'Hiftoire  de  France  &  de 
la  rendre  plus  utile  par  le  moyen 
<le  pluficurs  Ouvrages  dont  elle 
auroit  crand  befoin.  Il  en  trace  le 
plan  ,  après  avoir  donne  une  idée 
générale  de  nos  anciens  Traduc- 
teurs ,  &  un  détail  plus  circonftan- 
cié  du  Livre  de  Bninctto  Latini. 

Le  plus  ancien  Tradudeur  Fran- 
çois que  connoille  l'Académicien 
eft  celui  du  Poème  Latin  de  Gemmn 
de  Marbodus  ,  dont  ce  Tradudeur 
étoit  contemporain  i  &parconfc- 
quent  il  vivoit  au  commencement 
du  douzième  fiecle  fous  Louis  le 
Gros,  Mikius  (  ou  Michel  )  de 
Hantes  du  tems  de  Philippe-Augu- 
fte  jtradui  fit  la  Chronologie  Latine 
de  l'Archevêque  Turpin ,  compo- 
fée  (  félon  Papvre  Majjon  )  du  terni 
de  Charles  le  Chauve,  &  [félon  Oi- 
henart  ]  par  un  Efpagnol ,  dans  Je 
douzième  ficde.  Le  Texte  en  étoit 
Latin  (  félon  M.  Falconct  )  de  mê- 
me que  celui  de  nos  plus  anciens 
■Romans ,  tels  que  ceux  de  la  Ta- 
ble ronde ,  premièrement  traduits 
<ti  rimes  Fiançoifes ,  puis  en  profe. 


ES  SÇAVANS, 

tels  qu'on  les  lit  aujourd'hui.  Scvi« 
Je  règne  de  S.  Louis  ,  au  milieu  du 
treizième  [\cz\z,  Brimetto  Latnii  tra- 
duifit  les  morales  d'Ariftotc  -,  &  pa- 
rut aufîl  la  première  vcriion  Fran- 
co! fc  de  la  Bible  en  entier  faite  par 
ordre  de  Saint  Louis,  que  fuivit 
bientôt  celle  de  Qnvixtdes MoH' 
/'«/Chanoine  d'Aire  en  1294.  & 
quelques  autres  traduclions,fur  lef- 
quelies  on  renvoyé  au  P.  le  Long, 
Le  Livre  du  Gouvernement  des 
Rois ,  de  Frère  Gilles  de  Rome  ,  tra- 
duit par  Henri  de  GnHchi  ,  fut  dé- 
dié à  Philippe  le  Bel  ,  avant  qu'ii 
fût  Roi  :  ^  Guillaume  de  Ntingis  , 
Moine  de  S.  Denis,  traduifitlui- 
même  fa  Chronique  au  commence- 
ment du  quatorzième  lîecle.LeTra- 
dudeur  Anonyme  des  Métamor- 
phofes  d'Ovide  moralifécs  ,  paroît 
être  du  même  tems.  Viennent  en- 
fiùte  les  verdons  Françoiles  de  'Vc- 
géce  ,  de  la  confojation  de  Bocce  , 
&  de  quelques  auures  Ouvrages, pat 
icdiVide  Meitn^  fous  Philippe  Je  BcLv 
celle  du  même  Livre  de  Bocce , 
faite  en  profe  ,  l'an  1336.  par  Jean 
de  Langres  Dominicain  ,  puis  en 
vers  ,  par  Renaud  de  Lottens  autrt 
Dominicain ,  puis  encore  en  vers , 
par  Jean  de  This,  fous  CharlesVIIL 
celle  du  Traité  du  Jeu  des  Echecs , 
de  Jacques  de  Cojfole  ou  de  CtJfoUs^ 
par  Jean  «/f  Fignay  Hofpitalier  ,cn 
1330.  puis  en  1347.  par  Jean  Ferron 
Dominicain  :  ceJle  de  Tite  -  Live 
entier  ,  par  Pierre  Bsrchoire  Bénc- 
didin  ,  fous  le  Roi  Jean  :  celle  de» 
Livres  de  la  Cité  de  Dieu  de  S.  Au- 
guftin,  fous  Charles  V.  par  Raoul 
Me  Fratlles ,  qui  fut  auffi  l'Auteur 


O  C  T  O  B  R  E  ;  173  J.  S^7 

delà  verfion  de  la  Bible  attribuée     for  de  cet  Auteur  compofé  en  Fran- 


fauflcment  (  félon  l' Académicien  ) 
\  Nicole  Orefme  par  la,  Croix-du- 
Maint ,  &  fur  la  toi  de  celui  ci  par 
plufîeurs  autres  :  celle  de  quelques 
Livres  d' A -litote,  de  Ciccron  &:  de 
Pétrarque ,  par  Orefme  :  celle  de  k 
Vie  de  J.  C.  en  13  S®,  par  un  Ano- 
nyme ,  laquelle  cft  d'autant  plus 
curieufe  ,  qu'elle  paroît  être  une 
Traduction  de  l'Evangile  de  l'en- 
fance ,  dont  il  y  a  des  Manufcrits 
Latins  dans  la  Bibliothèque  du 
Roi. 

Nous  omettons  quelques  -  unes 
de  ces  vctfions  ,  pour  abréger  ;  & 
M.  Falconet  palTe  légèrement  aulîî 
fur  les  Tradudeurs  qui  ont  vécu 
depuis  Charles  V.  jufqu'au  tems  de 
Claude  Seijfel.  Il  ne  s'anéte  que  fur 
Laurent  de  Premier  -  fm  Valet  de 
Chambre  du  Roi  ,  Traducteur  de 
Bocace  &  desOeconomiquesd'A- 
liftote  fous  le  règne  de  Charles  VL 
qu'il  qualifie  du  titre  de  Roitrès- 
Chrétien  ;  d'où  il  fuit  (  obfcrve  M, 
Falconet  )  que  Louis  XI.  n'eft  pas 
le  premier  de  nos  Rois  qui  ait  eu 
cette  qualité,  comme  on  le  croit 
communément. 

De-là  ,  il  palTc  à  Bru-net  Latin  , 
iju'il  nous  fait  connoître  plus  parti- 
culièrement. Cet  Auteur ,  né  à  Flo- 
rence peu  après  le  commencement 
du  treizième  ficelé ,  tcms  de  barba- 
rie pour  les  Lettres ,  fut  un  des  pre- 
miers qui  en  reveilla  le  goût ,  en 
formant  une  Ecole  d'où  fortirent 
Cavalcanti  Se  le  fameux  Dame.  On 
peut  voir  dans  l'article  même  les 
autres  circonltances  de  fa  Vie  ,  auf- 
quelles  fuccedc  la  Notice  du  Tre» 


çois  tel  qu'on  le  parloit  à  Paris  cki 
tcms  de  S.  Louis ,  Livre  au  furplu% 
qui  n'a  jamais  été  imprimé ,  ic  qui- 
cil  une  clpece  d'Encyclopédie  ,  dont 
voici  le  début  :  Cy  co^nr/ience  le  Li- 
vre don  Tréfor  ,  lequel  trarijlat* 
Aîaiflre  Brunet  Latin  de  Florence , 
de  Latin  en  Romans  ,  &c.  D'où  l'on 
ne  doit  nullement  conclure  que 
l'Auteur  ait  d'abord  écrit  ce  Traite 
en  Latin  ,  pour  enfuite  le  traduire 
en  François  ,  toute  la  TranflMiox 
dont  il  parle  fe  reduifant  à  celle  des 
Auteurs  Latins  dcfquels  il  em- 
prunte les  matériaux  de  fon  Ouvra- 
ge. M.  Falconet  en  rapporte  ici 
quelques  morceaux  que  nous  ne 
tranfcrirons  point ,  nous  bornant  à 
obfcrvcr  ,  qu'outre  la  /Ingularitc 
des  expreflions  dans  lefquelics  ils 
font  conçus ,  &  qui  les  rend  dignes 
de  remarque  ,  il  y  en  a  un  qui  con- 
cerne la  vertu  diredrice  de  l'ai- 
mant, &quidoitfervir  à  l'hiftoirc 
de  la  BoulTole ,  que  prépare  l'Aca- 
démicien. 

Quant  aux  Ouvrages  qu'il  fou-' 
haiteroit  pour  la  perfedion  de  no- 
tre Hiftoire  i  il  y  en  a  trois  princi- 
paux ,  fçavoir  1°.  un  Didionnairc 
Géographique  de  la  France  ,  indi- 
quant toutes  les  particularitez  de 
chaque  lieu  ,  fes  differcns  noms 
dans  les  differens  fiecles  &  Ls  di- 
vers idiomes  provinciaux-,  fes  chan- 
gemens  ,  foit  pour  le  civil ,  foit 
pour  le  phyfiquc  :  1".  Une  Biblio- 
thèque Françoife ,  ou  du  moins  cel- 
les êiz  la-Croix-du-Maine  &c  àe  d» 
^ifr^/fr  exaâiemcnt  corrigées  ;  5"". 
Un  GloiTaire  François  contenant^ 
Ffïfij  * 


r^S        JOURNAL    DES     SÇAVANS, 

non  feulement  tous  les  mots    de  me  cft:  tcrmmcc  par  la  not'rcc  des 

rotrc  Langue  dans  tous  les  âges ,  diverfes  Infcriptions  &  Médailles 

mais   encore  leurs  origines  Celti-  faites  dans  l'Académie ,  &  par  les 

que  ,  Teutonne,   Grccjue  ou  Lati-  éloges  des  Académiciens  morts  dc- 

nc.   A  ces   trois  Ouvrages  princi-  puis  l'année  17^^.  jufqucs  en  1730. 

paux^  M.  F.ilconetvoudroit  qu'on  6c  c[ui  [ont  i".  M.  Bignon  ,  1°.  M. 

en  joignît  plufîeurs  autres  ■,  furies  le  Péleiierdc  Souz.y  ,  ^°.  l,{.  Boivin 

poids  &:  les  mefurcsj  fur  les  Mo-  le  cadet ,  4°.  M.  le  Cardinal  Çiml- 

numens ,  Infcriptions,  Edifices  de  trr-io  ,  5".  M. l'Abbé  Fr^gnier ^  6°. 

toute  efpcce  -,  fur  les  monnoyes  des  M.  de  La  Neuville  ,  7°.  M.  Coittnre^ 

Rois  &  des  Seigneurs  ;   fur  l'origi-  8°.  M.  l'Abbé  Bomard ,   9".  M.  de 

ne  de  notre  Pociîe  ,  nos  Trouba-  la  Loubêre ^  1 0°. M.  l'Abbé  <^f  ^"'JJy, 

dours  ,  les  commencemens  &C  les  11°.  M.  Iç  PrcCu^cnz  de  p'"all;oftnays, 
changemens  du  Théâtre  François  i  Dans  un  autre  Journal  ,  nous- 

fur  l'établifTement  de  la  Religion  rendrons   compte    des    Mémoires 

dans  les  Gaules ,  &c.  qui  font  la  féconde  Partie  de  ce  Vo- 

La  partie  hiftoriquede  ce  Vola-  lume. 

HISTOIRE  LITTERAIRE  DE  LA  FRANCE,  OV  VOFT 
traite  de  l'origine  &  du  progrès ,  de  la  décadence  &  du  retabhjfemsm  des 
Sciences  parmi  les  Gaulois  &  parmi  les  François  ;  du  goût  &  du  génie  det 
uns  &  des  autres  pour  les  Lettres  en  chaque  Jiecle  ;  de  leurs  anciennes 
Ecoles  ;  de  l'éiablijfemcnt  des  Vniverjitez.  en  France  ;  des  principaux  Col- 
lèges \  des  Acade  mies  des  Sciences  &  des  Belles  Lettres;  des  meilleures 
Biblmheciues  anciennes  &  modernes  ;  des  plus  célèbres  Imprimeries  ;  &  de 
tout  ce  qui  a  un  rapport  particulier  à  laLitteratur:  :  avec  les  Eloges  Hijto- 
riques  des  Gaulois  &  des  François  ,  qui  s  y  font  fait  quelque  r.putation  ;  le 
Catalogue  &  la  Chronologie  de  leurs  Ecrits ,  des  Remarques  Hftoyi(jues  & 
Critiques  fur  les  principaux  Ouvrages  i  le  dénombrement  des  différentes 
Editions  :  le  toutjuliifié  par  les  citations  des  Auteurs  originaux.  Far  des 
Religieux  Benedi£lins  de  la  Congre gatiorude  S.Aiaur.Tome  I.  qui  compreneC 
les  tems  qui  ont  précédé  la  Naijfance  ds  ] efus-C hrift  &  les  quatre  premiers 
Jïecles  de  l'Eglife.  A  Paris ,  chez  Chaul^ert  ^  Libraire  du  Journal ,  Quai 
des  Auguftins ,  à  la  Renommée  &  à  la  Prudence  -,  Gijpy  ,  rue  de  la 
vieille  Bouderie  ,  à  l'Arbre  de  Jeffé-,  Ofmont  ^  à  l'Olivier  -,  Huarti'aî- 
.  né  ,  à  la  Julîice  ;  C/o«/»i?r ,  à  l'Ecu  de  France,  rue  S.  Jacques  ; /fwr- 
del  ;  8c  Dtivtd  \c ']eunc  ,  à  l'Efperance  ,  Qiiai  des  Auguftns.  1733. 
j»-4°.  première  Partie  ,  pages  414.  fans  la  Préface  &  la  Table  des 
citations  qui  en  remphffent  64.  féconde  Partie  ,  pages  450.  fans  la  Ta- 
ble des  Auteurs  &  des  Matières.  Planches  détachées  i. 

LES  difierens  articles  annoncés      donnent  une  idée  afTez  complette 
dans  ie  titre  de  ce  Volume ,     de  ce  gm  doit  former  en  général 


O   C  T  O 

}*Hiftoire  Littéraire  d'une  Nation , 
ôc  font  connoître  en  même  rems 
que  la  Françoife  n'a  eu  jufqu'ici  au- 
cun Ouvrac;e  qui  cmbrafljc  toutes 
les  parties  d'un  fi  vaftc  fujet.  On 
s'cft  contenté  d'en  ébauciier  quel- 
ques-unes ,  &  d'en  traiter  quelques 
autres  avec  plus  d'étendue.  La 
Croix-dti-M-iine  &  du  Merdier  ont 
publié  des  Bibliothèques  aflez  peu 
cxades  des  Auteurs  François  qui 
ont  fleuri  jufqu'à  leur  tems.  Egajfe 
du  Boull^'.y  3.  mis  au  jour  une  Hiftoi- 
rc  très-dcrâillée  de  l'Univerfiré  de 
Paris.  D'autres  Univerfitez  de  Fran- 
ce bc  pluficurs  Académies  ont  eu 
auflî  leurs  Hiftoriens.  On  a  vu  pa- 
roîtie  des  DilTerrations  Hiftoriques 
&  Critiques  compofées  par  Chevil- 
ler &  la  Caille  fur  l'origine  Se  les 
progrès  de  l'Imprimerie  de  Paris. 
Divers  Ecrivains  ,  tels  que  Saime- 
Adanhe ,  de  Thon,  Teijficr^  Perrault]^ 
dic.  ont  recueilli  les  Vies  &:  les  Elo- 
ges des  Sçavans  François  de  toute 
cfpcce.  IJ'autrcs  fe  font  bornés  à 
écrire  en  particulier  lesVies  ouïes  E- 
loges  de  ceux  qui  fe  font  dirtingués 
dans  les  Sciences  &  dans  les  beaux 
Arts ,  chacun  en  fon  genre.  Quel- 
ques Auteurs  fe  font  renfermés 
dans  l'Hiftoire  Littéraire  de  quel- 
que Province  ou  de  quelque  Ville 
de  France.  C'eft  ainfi  que  le  P.  de 
Colonia  Jefuite  a  donné  depuis  peu 
THiftoire  Littéraire  de  la  Ville  de 
Lyon.  Mais  tous  ces  morceaux  raf- 
fcmbiés  ne  feroient ,  comme  l'on 
voit ,  qu'une  très  petite  partie  de 
ce  que  nous  prefente  le  feul  titre  de 
ce  grand  Ouvrage.  Deux  Ecrivains 
infatigables  ^  ie  P.  Lal'l^e  Jefu!.te  , 


B  R  E  ,  1  7  5  j:  s^9 

le  P.  Louis]  aceb  Carme,  &  un  troi- 
fiéme  plus  moderne  en  avoient 
conçu  le  deflein,  qui  eft  reité  fans 
exécution. 

Les  favans  &  laborieux  Bénédic- 
tins ont  eu  le  courage  de  fe  charger 
d'une  fi  pénible  cntreprife  ;  Si  ils 
s'obligent  de  fournir  fans  interrup- 
tion une  fi  longue  carrieie  ,  pour 
laquelle  ils  ont  déjà  prefque  toutes 
leurs  provifions.  Le  Volume  qu'ils 
publient  aujourd'hui  fait  augurer 
beaucoup  du  fuccès  de  leur  travail, 
5c  doit  taue  fouhaiter  au  Public 
qu'ils  foient  fidèles  à  remplix  les 
cngagemens  qu'ils  prennent  avec 
lui.  Ils  ont  grande  raifon  de  regar- 
der l'Hiftoire  Littéraire  de  la  Fran- 
ce comme  la  partie  la  plus  noble, 
la  plus  utile  ,  la  plus  cuneufe  ,  mais 
d'un  autre  côté  la  plus  ample  &  la 
plus  diificile  à  traiter  de  toute  l'Hi- 
ftoire de  cette  Nation.  C'eft  en  en- 
vifigeant  un  tel  projet  fous  ce  dou- 
ble point  de  vûii ,  que  d'une  part 
ils  font  furpris  que  parmi  tant  d'E- 
crivains célèbres  qui  ont  illuftré  la 
France  dans  le  dernier  fiecle  ,  nul 
n'ait  exercé  fes  talensfurun  fujet  fi 
digne  de  les  occuper  ,  &  que  d'au- 
tre part  ils  reconnoiiïênt  que  Té- 
tendue  immenfe  de  ce  même  fujet 
jointe  aux  recherches  longues  &: 
épineufes  dont  il  impofoit  la  ne- 
cefllté  à  quiconque  auroit  voulu 
l'approfondir  &  l'épuifer ,  a  décou^ 
ragé  les  efprits  les  plus  entrcprc- 
nans  ,  quoique  paftîonnés  d'ailleurs 
pour  la  gloire  de  leur  Patrie. 

Ce  font  toutes  ces  diffîcultcz 
prefque  infurmontables  que  nos 
Auteurs  n'oublient  pas  d'cxpcfet 


S7<y        JOURNAL    DE 

en  détail  dans  leur  PréUcc  ,  d'où 
ils  prennent  occallon  d  aller  au- 
devant  du  reproche  de  rtmerité 
qu'on  pourroir  leur  faire  fur  une 
cntrcprilc  qu'ils  avouent  modeftc- 
mcnt  être  beaucoup  au  delfus  de 
leurs  forces  ,  &.'  qu'ils  n'ofent  fe 
flatter  (  difentils  )  de  voir  exécutée 
par  leurs  foins  les  plus  alfidus  auiîl 
partaitement  qu'elle  mcriteroit  de 
l'être.  Mais  (  ajoi'itent-ils)  »  une 
3>  noble  ardeur  ,  qui  nous  a  faifis 
»ÔC  infpiré  le  deilr  de  faire  quel- 
»  que  chofe  pour  l'utilité  de  l'E- 
>•  glife  &:  de  l'Etat,  ce  qui  eft  du 
i>  devoir  d'un  Chrétien  &  d'un  boa 
»  Citoyen  ,  nous  a  élevés  au  defTus 
»  de  nous-mêmes ,  en  nous  laifinc 
n  oublier  notre  foibleirc.  L'amour 
»  pour  la  gloire  de  la  Nation  nous  a 
»  perfuadé  comme  pollîble  ce  que 
«  nous  tenterions  pour  contribuer 
»  à  la  faire  paroître  dans  un  nou- 
»  veau  jour ,  &i  l'a  emporté  lur  la 
»  perfuafion  de  notre  propre  inca- 
»  pacité.De  Ci  loiiables  raotits  nous 
»ont  fait  furmonter  ,  ou  il  l'on 
»  veut  j  ont  dérobé  à  nos  yeux  tou- 
•>  tes  les  ditïicultez  qu'un  fi  vafte 
ndeflein  prefente  de  lui-même.  En- 
j>  tieremcnt  livrés  à  leur  attrait  , 
»  nous  n'avons  pcnfé  qu'à  les  fui- 
»  vre  ,  &c  moins  fongé  à  plaire  par 
»  notre  cntreprife  ,  qu'à  nous  ren- 
M  dre  utiles. 

Après  rexpofition  de  ces  motifs 
fi  propres  à  juftitier  leurs  tentati- 
ves ,  ils  rendent  un  compte  exacft 
Se  circonftancié  du  plan  iSc  de  toute 
i'occonomie  de  cet  important  Ou- 
vrage. Ils  prétendent ,  en  premier 
lieu ,  y  faire  entrer  tous  les  Ecri- 


5  SÇAVANS ; 

vains  tant  François  que  Gaulois ,' 
dont  on  a  connoilfance  &  qui  ont 
laiifé  quelque  monument  de  Litté- 
rature ,  foit  que  leurs  Ecries  ne  fc 
trouvent  plus  ,  foit  qu'il  en  reftc 
des  Ouvrages  ,  en  quelque  langue 

6  fur  quelque  matière  que  ce  puif- 
fe  être.  Ils  n'en  excluront  pas  mê- 
me les  gens  de  Lettres  ,  qui  fans 
avoir  tait  ufage  de  leur  plume  ,  ont 
excellé  dans  les  Sciences;  mais  ils 
n'auront  cet  égard  pour  ces  fortes 
de  Savans  que  jufques  au  fixiémc 
ficelé  ,  après  lequel  ils  fe  difpenfe- 
ront  d'en  parler  ,  s'ils  n'y  font  dé- 
terminés par  quelque  raifon  parti- 
culière. Ils  joindront  de  plus  aux 
Ecrivains  Gaulois  ou  Fiancois  de 
nation  ,  ceux  qui  ont  vécu  long- 
tems  dans  les  Gaules  ,  fur-tout  s'ils 
y  font  morts  ;  foit  qu'ils  y  ayenc 
gouverné  quelque  Eglifc  ,  comme 
S.Irenée/oit  qu'ds  y  aycnt  enfeignc 
les  Belles-Lettres,  ou  publié  quel- 
ques-uns de  leurs  Ouvrages ,  com- 
me La(flancc  au  quatrième  ficelé  ; 
mais  on  n'ufcra  que  fobrenicnt  de 
cette  liberté  ,  fans  l'étendre  jufqu'à 
ceux  qui  n'ont  fait  que  fe  montrer 
dans  ce  même  Pays  ,  tels  que 
S.  Athanafe  ,  S.  Jérôme  -,  le  Méde- 
cin Oribafc ,  &c.  ou  à  tous  ceux 
qui  fans  être  François  ont  illuftrc 
la  Langue  FrançoÙe  par  quelque» 
Ecrits. 

On  examine  ici  une  difficulté 
qui  fe  prefente  fur  les  bornes  que 
l'on  doit  donner  à  notre  France  , 
dans  les  differens  fieclcs.  Cette  dif- 
ficulté qui  eft  nulle  ,  par  rapport 
aux  tems  les  plus  reculés  ,  ne  tom- 
be que  fur  les  fieclcs  pollcrieurs,  où. 


O  C  T  O  B 

les  François  érigèrent  les  Gaules 
en  Monarchie  après  s'en  être  empa- 
rés. Nos  Auteurs  ,  félon  l'avis  des 
Savans  qu'ils  ont  confultcs  ^  ont 
pris  le  parti  de  lailler  à  notre  Mo- 
narchie jufqu'au  neuvième  fiecle 
toute  l'étendue  qu'avoir  l'ancienne 
Gaule  ;  mais  depuis  la  fin  de  ce 
iîccle  ,  d'abandonner  aux  Allemans 
le  Diocéfe  entier  de  Trêves  avec 
les  Métropoles  de  Cologne  ,  de 
Maïence  &  leurs  Evêchez  fuf&a- 
gans-,  les  Dioccfes  de  Bade,  d'Yver- 
dun  j  d'Avcnchcs  ou  de  Laufanc  ; 
en  confeivant  Strafbcurg  ,  ainfi 
que  les  Archcvêchez  d'Utrecht  Se 
de  Malines,  mais  ces  deux,  derniers 
feulement  jufqu'après  le  commen- 
cement du  quatorzième  fiecle  ,  en 
y  joignant  même  le  Diocéfe  de  Liè- 
ge quoique  fuiTragant  de  Cologne. 
Au-defious  de  cette  époque,  ils 
donneront  pour  limites  à  la  France 
de  ces  cotez  -  L\  les  Pays  enfermés 
aujourd'hui  fous  les  Métropoles  de 
Reims  ,  de  Cambrai ,  &  fous  les 
trois  Evêchez  ,  ce  qui  comprend  , 
comme  l'on  voit  ^  la  Lorraine.  On 
leur  a  confeillé  d'en  ufcr  de  même 
par  rapport  à  la  Savoye  &  à  la  Ville 
de  Genève.  S'il  leur  anive  ,  quoi- 
que rarement ,  de  taire  ,  à  l'xxem- 
ple  des  Géographes,  quelques ex- 
curfions  au  delà  des  bornes  qu'ils 
fe  prefcrivent ,  ils  efperent  qu'on 
voudra  bien  les  leur  pardonner  en 
faveur  de  l'imitation  qui  les  autori- 
fe.  Ils  n'ont  eu  garde  de  déférer  à 
l'avis  de  ceux  qui  vouloient  que 
pour  éviter  l'embarras  de  toutes  ces 
^iftindionSj  ils  s'en  fuflent  tenus 
aux  diviUons  de  la  Gaule  Chiétien* 


RE,    ï7M^  Sir 

ne  \  ce  qui  ei"it  introduit  dans  l'Hi- 
ftoire  de  la  Littérature  de  France  ,' 
quantité  d'Auteurs  qui  ne  font 
François  ni  de  nation,ni  de  mœurs, 
ni  de  langage.  Ils  déclarent  donc 
que  dans  cette  Hiftoire ,  il  n'en  pa- , 
roîtra  aucun  qui  ne  foit  ou  natif  , 
ou  originaire  du  Pays  qu'ils  vien- 
nent de  limiter  ,  ou  du  moins  qui 
ne  s'y  foit  habitué. 

Nos  Auteurs  fe  font  propofé  en 
fécond  lieu  ,  de  préférer  à  tout  au- 
tre l'ordre  Chronologique  ,  dans 
l'arrangement  des  Ecrivains  qu'ils 
raffcmblent  ici  ,  &  qui  dans  cha- 
que fiécle  ,  foit  avant ,  foit  depuis 
la  Nairtance  de  J.  C.  prendront 
leur  rang  ,  ou  de  la  date  de  leur 
mort ,  quand  on  la  faura  ,  ou  de 
l'époque  de  leurs  dernières  allions, 
ou  du  tems  auquel  ils  ont  fleuri. 
Tout  ce  qu'on  a  deflein  de  nous  en 
apprendre  dans  cette  Hiftoire  fç 
peut  réduire  en  général  à  fept  arti- 
cles -,  favoir  i°.  la  Vie  de  chacun 
de  ces  Ecrivains  ;  i°.  fes  Ouvrages 
véritables  &  qui  exiftent  actuelle- 
ment ,  dont  on  indique  l'ordre, 
la  Chronologie ,  le  fujet  &  l'occa- 
fîon  ■■,  5°.  fes  Ecrits  perdus  j  4°.  fes 
Ecrits  douteux  ■,  5°.  ceux  qu'on  lui 
a  fuppofés  ;  6".  fa  doiftrine  ,  fon 
ftyle  ,  5i  les  jugemens  qu'on  en  a 
portés  ;  7°.  le  dénombrement  des 
différentes  Editions  de  fes  Ouvra- 
ges ,  defquelles  on  a  grand  foin  de 
marquer  les  meilleures. 

Dans  ce  détail  de  la  Vie  des  Sa- 
vans ,  nos  Auteurs  ont  pris  à  tâche 
fdifentils)  de  faire  entrer  tout  ce 
qui  leur  a  paru  necelTaite  pour  faire 
connoître  l'homme  extérieur  &  l'hom- 


/7*  J  O  U  R  NA  L  D 

me  intérieur  -,  £■  tenant  cgalenicnc 
en  garde  contre  trop  de  prolixité 
ou  trop  de  fcchcrcffe.  Par  cette  at- 
tcncten,  ils  épargnent  à  un  Lcdicur 
la  peine  de  recourir  ailleurs  pour 
s'inllruirc  plus  à  fond  du  mérite 
d'un  Ecrivain  qui  l'intcreflc,  foit 
par  rapport  à  la  Littérature  ,  foit 
^u  regard  de  la  pieté  chrétienne  & 
de  la  fainteté  :  5c  par  cette  condui- 
re ih  ne  craignent  point  d'encourir 
le  reproche  d'avoir  trop  chargé  les 
portraits  des  hommes  de  Lettres  & 
de  s'être  écartés  des  devoirs  d'Hi- 
ftoricns.  C'eft  pour  les  remplir  plus 
parfaitement ,  qu'cxemts  de  toute 
partialité  Se  de  toute  prévention  ; 
ils  nous  peignent  les  S.wans  dont 
ils  nous  entretiennent ,  tels  qu'ils 
ont  été  réellement  &  non  tels 
qu'on  voiidroit  qu'ils  fiilTcnt  ;  Se 
que  fans  vouloir  s'é  ';Lr  ni  en  pa- 
négyriftes  ni  en  cenfcurs  ,  ils  nous 
les  reprcfentenr  avec  leurs  bonnes 
qualitez  &  avec  leurs  défauts.  Or 
ç'cllifur  quoi  ils  ne  s'attendent  pas  à 
une  approbation  générale.  Ils  ter- 
minent fouventJes  Eloges  Hiftori- 
qucs  des  Ecrivains  par  les  Epita- 
phes  confacrées  à  leur  mémoire  ^ 
lorfqu'on  a  pu  les  déterrer. 

Delà  ils  paiïent  à  la  difcuffion 
des  Ecrits  que  kur  fournit  chaque 
Savant  dont  il  eft  queftion  :  &  c'eft- 
là  que  l'on  trouve  quantité  de  re- 
cherches curieufcs  ,  de  découver- 
tes intcrciïantes  ,  de  remarques 
critiques  &  hifloriques ,  dont  nous 
donnerons  quelques  échantillons. 
Ces  remarques  font  prcfque  tou- 
jours accompagnées  des  extraits  , 
fpuvcnt  des  fonimaires  ou  même 


E  S  SÇ  AV  ANS. 

des  analyfes  entières  des  Ouvragcî 
les  plus  importans.  On  s'imagine 
bien  qu'Us  ne  font  pas  le  même  hon- 
neur à  cette  foule  de  Cafuillcs ,  de 
Sermonaires  &deMyftiqucs,i]ui  ont 
inondé  la  Republique  des  Lettres 
dans  le  fciziéme  ficelé  &  au  com- 
mencement du  fuivant ,  Si  qu'ils  fe 
contentent  d'en  faire  une  très-légè- 
re mention.  Ils  n'en  ufcront  pas  de 
même  à  l'égard  des  adcs  des  Mar- 
tyrs Se  des  autres  Vies  des  Saints 
écrites  en  France  ou  par  des  Fran- 
çois :  mais  ils  y  apporteront  tout  le 
choix  &  tout  le  difcerncmcnt  poUi- 
ble.  Les  Ades  Se  les  Canons  dcB 
Conciles ,  comme  autant  de  Mo- 
numens  des  plus  précieux  ,  ont 
aufTi  leur  rang  dans  cette  Hiftoirc , 
&  font  placés  fuivant  le  fieclc  Se 
l'année  ,  où  ces  Conciles  ont  été 
célébrés  ce  qui  eft  précédé  d'une 
courte  relation  de  ce  qui  concerne 
chacune  de  ces  alTemblées. 

Nos  Auteurs  ne  fe  bornent  point 
à  faire  connoître  feulement  les 
Ecrivains  &  leurs  Ouvrages.  ïlsex- 
pofent  quel  a  été  le  fort  des  Lettres 
parmi  les  François  en  chaque  fiecle; 
leur  progrès ,  leur  décadence  ,  leur 
rctablilTemcnt ,  l'origine  &:  la  con- 
ftruiflion  de  tant  de  fameufcs  Aca- 
démies anciennes  ou  modernes  ; 
érigées  pour  y  perpétuer  l'amour 
des  Lettres  ,  Se  y  faire  briller  les 
Sciences  Se  les  Arts  ;  la  fondation 
de  tant  de  Collèges  Se  d'Univerfi- 
tez  devenues  autant  de  pépinières 
de  Savans  :  quel  a  été  dans  le 
Royaume  le  fuccès  du  fecret  im- 
mortel de  l'Imprimerie;  &  jufqu'où 
l'on  a  porté  dans  les  derniers  âges 
le 


O  C  T  O  B 

le  goût  &  l'ardeur  à  tormcr  des  Bi- 
bliothèques. On  voit  par  ce  plan 
de  l'Ouvrage  dont  il  s'agit ,  que  ce 
ji'cll:  point  un  fîmple  Catalogue 
d'Auteurs  François  &  de  leurs 
Ecrits  ;  mais  que  ce  font  [  nous  dit- 
on  ici  ]  »  les  Monumens  connus 
»  de  la  Littérature  GauJoife  &  Fian- 
»  coifc  recherchés  avec  foin  ,  réunis 
»  avec  méthode  ,  rangés  dans  leur 
»  ordre  naturel ,  éclaircis  avec  une 
»  jufte  étendue  ,  accompagnés  des 
»  liaifons  convenables  j  dont  nous 
»  formons  l'Hiftoire  Littéraire  de 
«France.  On  y  aura  (  continuant 
«  nos  Auteurs  )  un  tableau  vivant 
»  &  animé  ,  non  des  faits  d'une  na- 
»  tion  policée,  puidinte  6v:  bclli- 
»  queufc  ,  qui  fe  borne  à  former 
•>  de5  Politiques ,  des  Héros  ,  des 
«Conquerans  ;  mais  des  adions 
»  d'un  peuple  favant ,  qui  tendent 
»  à  former  des  Sages ,  des  Doi5tcs , 
»  de  bons  Citoyens  ,  de  fidèles  fu- 
w  jets. 

Cependant  quelque  avantageu- 
fe  que  foit  l'idée  que  l'on  pourra 
prendre  de  cet  Ouvrage  fur  un 
tel  plan  ,  nos  Auteurs  n'ont  garde 
de  le  donner  comme  une  Hiftoire 
régulière  ,  complctte  &  achevée. 
Mais  leur  travail  ne  laiffcra  pas 
(  continuent-ils  )  d'être  de  quelque 
utilité  ,  1°.  pourl'Eglife  Gallicane, 
laquelle  y  trouvera  réunis  tous  fcs 
Ecrivains,  jufques  aux  moins  con- 
nus ;  1°.  pour  le  Royaume  entier  , 
qui  y  verra  ce  grand  nombre  de 
beaux  efprits  de  de  gens  de  Lettres 
qu'il  a  produits ,  &  ce  fuccès  mer- 
veilleux dans  la  culture  des  Scien- 
ces ôc  des  Arts  -,  &  pour  la  Rcpu- 
O£lol/re. 


bliquc  des  Lettres  en  particulier 
par  l'alTemblage  d'Ecnvains  de 
tout  genre  le  plus  ample  c<  peut- 
être  le  plus  méthodique  dont  on 
l'ait  jufqu'à  prefcnt  enrichie.  Cette 
méthode  ,  néanmoins  ,  ne  s'étend 
pas  jufqu'à  former  de  cet  alfembla- 
ge  une  Hilloire  fuivie  &  continue, 
ce  qui  ne  peut  convenir  à  une  Hi- 
lloire Littéraire  ,  dont  les  faits  dé- 
tachés &  indépendans  les  uns  des 
autres  ne  peuvent  guércs  être  bien 
traites  ,  fi  on  ne  la  divife  par  titres 
ou  articles.  Des  difcours  placés  à  k 
tête  de  chaque  ficcle.  Se  des  Tables 
Chronologiques  mifes  à  la  fin  de 
chaque  Volume  ,  auront  de  quoi 
faristaire  ceux  qui  aiment  l'enchaî- 
nement dans  les  faits  Hillioriques. 
A  l'égard  du  ftvie  de  cette  Hiftoire, 
nos  Auteurs  ont  cru  devoir  y  facri- 
fier  toujours  l'élévation  &  les  orne- 
mcns  à  la  ilmplicité  ,  .à  la  pureté  dc 
à  la  clarté. 

Quant  à  la  vérké  ou  à  la  certi- 
tude des  faits  qu'ils  rapportent ,  ils 
l'ont  puifée  dans  les  Auteurs  origi- 
naux ,  ou  dans  les  Ecrivains  les 
plus  proches  des  tems  dont  il  s'agitj 
fans  négliger  les  Auteurs  les  plus 
modernes ,  qui  fouvent  leur  ont  été 
d'un  grand  fecoui  s  pour  l'éclaircif- 
fement  des  difficulrez ,  6c  fouvent 
audî  leur  en  ont  fait  naître  de  nou- 
velles. Ils  ont  foin  de  citer  exade- 
mcnt  les  uns  6c  les  autres  en  ren- 
voyant ces  citations  à  la  marge  j  & 
par  là  ils  fuppléent  à  la  méthode 
introduite  depuis  quelque  tems 
d'accompagner  les  Ouvrages  Hifto- 
riques  de  preuves  juftificativc  n 
entier  qui  tiennent  quelquefois  au- 
Gggg 


n4  JOURNALt) 

tant -de  place  cjuc  ks  Hiftoircs  mê- 
mes ,  &  qui  en  erolFilTant  cxcc-nî- 
vemcnt  les  Volumes  deviennent 
fouvent  à  charge  au  public.  Com- 
me CCS  citations  qui  rcmpliffentles 
marges  des  Volumes  de  cet  Ouvra- 
sse s'v  trouvent  iort  multipliées  ,  Se 
en  confequence  nccciraircment 
abrégées  6c  par-là  un  peu  obfcurcs, 
on  a  remédié  à  cet  inconvénient  en 
mettant  à  la  tête  de  chaque  Volu- 
me une  Table  alphabétique  de  ces 
citations,  où  on  les  explique  dans 
toute  leur  étendue.  En  quoi  nos 
Auteurs  ont  fuivi  la  méthode  de 
feu  M.  de  TilUmont ,  fans  pourtant 
s'aiïujettir  dans  le  Texte  de  leur 
Hiftoire  ,  à  l'ufage  de  fes  crochets , 
quoique  très  -  utiles  à  certains 
égards  ,  mais  d'ailleurs  un  peu  em- 
baraffans  pour  les  Lefteuis  &  trop 
^ênans  pour  les  Auteuis  qui  s'y  af- 
fujettiflent.  Durcfte  certamesdiffi- 
cultcz  &  certains  points  de  criti- 
que trop  longs  à  difcuter  pour 
«tre  inférés  dans  le  corps  de  l'Ou- 
vrage j  font  renvoyés  à  des  notes 
imprimées  au  bas  des  pages. 

Nos  Auteurs  avertilTent  ici  que 
uniquement  occupés  du  foin  de 
rapporter  exa»5lcment  les  faits ,  ils 
ne  s'engagent  en  aucune  fai^on  à 
répondre  des  confequences  qu'on 
en  pourroit  tirer ,  non  plus  qu'à 
réfuter  les  dogmes  des  Hérétiques 
dont  ils  font  obliges  de  parler  : 
foutenant  par-tout  (  difent-ils  )  le 
perfonnage  d'Hiftoricn  ^  même 
dans  les  Conciles ,  dont  ils  font  la 
relation. 

Ils  terminent  leur  Préface  en 
fii»ppliaDt  les  Savans  de  leur  faire 


ES    SÇAVANS, 

connoîrrc  les  fautes  qui  ont  pu 
leur  échapper  dans  le  cours  d'un  fi 
longOuvrage  Se  de  les  aider  en  leur 
communiquant  de  nouvelles  lumiè- 
res &  en  kur  faifant  part  des  richef- 
fes  littéraires  qui  leur  manquent. 
Us  s'adreffcnt  fur  -  tout  dans  cette 
vûë  aux  divers  Ordres  Religieux 
du  Royaume  ,  fournis  déjà  prefque 
tous  des  Bibliothèques  de  leurs  Au- 
teurs ,  ôc  par-là  plus  à  portée  d'in- 
diquer les  autres  Ecrivains  qu'ils 
ont  eu  depuis  la  publication  de  ces 
inêmes  Bibliothèques.  Nos  Auteurs 
leur  donnent  pour  garans  de  la  re- 
connoilTance  qu'ils  en  auront  ,  les 
témoignages  publics  qu'ils  rendent 
ici  des  obligations  qu'ils  ont  à  ceux 
dont  le  commerce  littéraire  leur  a 
été  de  quelque  fecours  ;  6c  ils  en 
nomment  jufqu'à  onze  ^  parmi  les 
étrangers.  Entre  leurs  Confrères,  ils 
fe  regardent  comme  très  -  redeva- 
bles aux  veilles  de  Guillaume  Ronf- 
fel,  à  D.  François  Adcry  ^  qui  prepa- 
roit  les  matériaux  pour  une  Biblio- 
thèque des  Ecrivains  du  Berry  fa 
patrie  ;  à  Dom  François  Chaz.nl  ^ 
qui  leur  a  communiqué  plufieurs 
découvertes  fur  les  Savans  de  l'Ab- 
baye de  Fleury  fur  Loire  ;  à  Dom 
Charles  Conrade  &  à  Dom  Pierre 
Maloet  ^  qui  ont  fouillé  pour  eux 
dans  les  premières  Bibliothèques 
de  Rome  ,  d'où  ils  ont  tiré  divers 
Mémoires  inftruftits  fur  la  matière 
dont  il  eft  queftion  ;  à  D.  Maurice 
Poncet  &  à  D.  Jean  Colonh ,  qui  fe 
font  alfociés  avec  eux  pour  l'exécu- 
tion de  leur  delTein  ,  dont  ils  ont 
partagé  le  travail,  le  premier  des 
l'année  1713.  le  fécond,  en  1717. 


O  C  T  O 

Pour  venir  maintenant  au  corps 
de  l'Ouvrage  ,  nous  dirons  que  ce 
premier  Volume  ,  comme  l'annon- 
ce le  titre  ,  comprend  de  cette  Hi- 
ftoire  les  tems  antérieurs  à  l'Ere 
Chrétienne  ôc  les  quatre  premiers 
Cecles  de  l'Eglife.  Nos  favans  Au- 
teurs commencent  l'Hiitoire  Litté- 
raire de  France  par  nous  expofer 
l'état  des  Lettres  dans  les  Gaules 
durant  ces  ficelés  qui  précédèrent  la 
Naiflance  de  J.  C.  Se  ce  morceau 
Hiftorique^  déjà  traité  &c  appro- 
fondi par  d'habiles  Ecrivains ,  fe 
prefenre  ici  fous  une  forme  li  inte- 
reffante  par  l'ordre  S<  la  netteté  qui 
y  régnent,  qu'il  mérite  que  nous 
en  tracions  aux  Leifleius  un  léger 
crayon. 

Nos  Auteurs ,  loin  d'adopter  les 
idées  magnifiques ,  mais  imaginai- 
res &  peu  fondées  de  plufieurs 
Ecrivains  fur  le  premier  goût  de 
nos  ancêtres  pour  les  Sciences ,  fe 
bornent  là  -  dclTus  à  leur  rendre  la 
jufticequi  leur  eft  due.  Ils  tombent 
d'accord  ,  fur  le  témoignage  de 
Clément-Alexandrin,  que  les  Gau- 
lois ont  précédé  les  Grecs*dans  la 
connoi(Tance  &  la  profellîon  pu- 
blique de  U  Philofophie  ;  mais  ils 
ne  conviennent  pas  que  les  Grecs 
ayent  pris  des  Gaulois  les  premiè- 
res notions,  foit  de  la  Philofophie, 
foit  des  autres  Sciences.  Us  préten- 
dent au  contraire  que  c'eft  à  la  Gré- 
ç,e  que  les  Gaules  font  en  grandp 
partie  redevables  de  la  poUtefle  & 
du  favoir  qui  ont  éclaté  dans 
quelques-unes  de  leurs  Provioces. 
\l  ne  manquoit  au^  Gaulois  aucu- 
ne de*  dJifpofi.tioD>  naturelles  pour 


B  R  E ,    17  3^.'  syf 

aimer  &  cultiver  les  Lettres.  JJj 
paffoientdCs  les  rems  les  plus  recii- 
lés  pour  une  Nation  mgénieufe,  &? 
d'une  indulhie  incomparable  ,  joi-, 
gnant  à  cela  une  grande  çuriofitc 
d'apprendre  des  nouvelles  de  ce  qui 
ariivoit  dans  les  Pays  éloignés. 

S'il  eft  vrai  ,  comme  le  difent  U 
Chronique  d'Alexandrie  &  Sijidaç, 
que  Mercure  fils  de  Jupiter  ait  re-f 
gnc  dans  les  Gaules  ^  il  n'y  auroit 
pas  lieu  de  douter  quj  les  Gaulpi.5 
n'enflent  commencé  dellors  à  cultu 
ver  les  Sciences  &  les  Arts.  Or  cç 
Prince  regnoit  dans  l'Occident  en, 
même  tems  que  Jofeph  gouvcrnojf 
l'Egypte  i  &  on  le  regarde  coranis 
l'Inventeur  des  Arts  les  plus  utile? 
i  la  Société.  C'eft  fans  doute  pons 
cette  raifon  que  les  Gaulois  a  voienc 
pour  Mercure  une  vénératio;^  fin- 
guliere.  Ils  n'en  avoient  pas  moi/15 
pour  Hercule  ,  qui  ctoit  chez  ey^ 
le  Dieu  de  l'Eloquence  ,  &  qu'ij^ 
dépeignpicnt  fur  ce  pied-là  fymbçc 
liquemcnt  ;  l'aflociant  dç  plus  av^C 
les  Mufes.  Us  révéroicnt  encore 
Apollon  fous  le  nom  de  Belérms  , 
comme  le  Dieu  de  la  Médecine  ^ 
rendant  outre  cela  un  culte  à  M-i^ 
nervc  ,  fur  la  créance  qu'elle  aKiOJC 
enfeigné  aux  hpmmes  |es  premier^ 
clémcns  des  Sciences  &  des  be^^ijc, 
Arts.  Leur  Tfiéologic  étoit  plusaiti. 
ciennc  ,  plus  raifcnnable  &  plijj; 
fublime  que  cel|e  de  tous  les  aiji.t 
très  peuples  dj,i  Paganifme.  \]^ 
croyoiçnt  l'irn mortalité  del'ame  , 
6c  felpn  notre  Auteur ,  ils  ne  ppyh 
vqient  tenir  un  tel  dogme ,  que  4g 
leur  première  çrigine  ,  c'c^-\-^xp  , 
duteiij^.flc  la  difperfion  1^^  If^^5 
Ggggi/ 


j7lf  JOUHNALD 

tioDJ  :  car  (  ajoutent  -  ils  )  d'où 
l'cuirent- ils  pu  apprendre  >  C'eft 
(  ftion  eux  )  dans  la  même  fource 
qu'ils  ont  puifc  les  Sciences  &  les 
Arts  ,  fur  -  tout:  la  Philofophic, 
qu'ils  n'ont  point  empruntée  des 
Grecs  ,  encore  moins  des  peuples 
de  la  grande  Bretagne  ,  comme  Cc- 
far  mal  entendu  (Imbkroit  l'afTu- 
rér." 

Quoique  les  anciens  Gaulois 
h'avent  rien  lailTc  par  6crit  de  leur 
Hiftoirc  ,  ils  n'iqnoroient  pas  le  fc- 
crct  de  récriture  ,  employant  les 
caraderes  Grecs  pour  les  ufages  , 
tant  publics  que  particuliers  de  la 
vie  civile  :  fur  quoi  l'on  réfute  quel- 
aiies  objedions  hiites  par  François 
Homan,  par  Boiiterone^  &  que  fcm- 
blcroit  favorifer  rautoritc  même  de 
Céfar.  Ils  fc  fervircnt  de  ces  carac- 
tères après  s'être  fournis  aux  Ro- 
mains ,  quoiqu'ils  cufTent  adopté 
l'écriture  de  ces  derniers ,  la  mélan- 
geant le  plus  fouvent  avec  celle  des 
Grecs ,  &  quelquefois  hifant  ufage 
de  celle-ci  fans  aucun  mélange  ; 
comme  on  k  prouve  ici  par  une 
jnfcription.  Il  n'y  a  guéres  que 
deux -opinions  fur  l'origine  del'é- 
crituie  thez  les  Gaulois.  Où  ils  la 
recurent  par  le  canal  des  Phocéens, 
établis  à  Maifeille  près  de  Coo  ans 
avant  J.  C  où  ils  l'apportèrent 
avec  eux  d'Afie  en  Europe.  La  pre- 
mière de  ces  deux  opinions  paroît 
la  plus  naturelle  à  -nos  Auteurs,  qui 
après  une  longire  &  fèricufe  difcuf- 
fion  de  ce  problême  hiftorique 
dont  ils  balancent  cxadcnicnt  les 
raifons  de  part  &  d'autre  ,  con- 
fluent ^ue  ces  deux  opinions  ne 


ES   SÇAVANS, 

font  pas  exemtes  de  difiîcultcz, 
quoique  la  première  en  fouffre 
moins  que  la  féconde.  Nous  paf- 
fons  par  defTus  pluficurs  Obfcrva- 
tions  de  nos  Auteurs^i^-touchant  les 
différentes  manières  d'écrire  ,  foit 
de  la  droite  à  la  gauche  ,  foit  de  la 
gauche  à  la  droite  ,  foit  de  l'une  & 
de  l'autre  façon  alternativement  ; 
1°.  Touchant  les  différentes  matiè- 
res mifcs  en  œuvre  pour  l'écritu- 
re ;  &:  nous  croyons  devoir  nous  y 
arrêter  d'autant  moins  ,  que  ces 
Obfervations  générales  n'ont  pref- 
que  rien  qui  intereffe  les  Gaulois  en 
particulier.  Venons  maintenant  à 
ce  qui  concerne  leurs  Savans  & 
leurs  Docteurs. 

On  range  parmi  les  plus  anciens 
-ceux  qui  ont  cultivé  chez  eux  1<\ 
Pocfie,  &  qu'ils  appelloicnt  B.rrdss^ 
c'cftàdire  Chantres  ou  Chanteurs, 
Leur  occupation  ordinaire  étoit  de 
compofcr  desPoëmcs  fur  les  actions 
éclatantes  des  Héros  de  leur  Na- 
tion ,  &:  d'en  tranfmcttre  la  mc- 
moirc  .\  la  poftcrité.  Mais  les  loiian- 
ges  n'étoient  pas  le  feul  objet  de 
leur  Pocfie  ,  &  la  Satire  en  pre- 
noit  quelquefois  la  place.  Ils  fai- 
foient  valoir  leur  talent  non  feule-'  .. 
ment  durant  la  paix  ,  mais  encore  ^t*« 
&  avec  plus  de  fruit  pendant  la 
guerre,  où  ils  s'attiroient  une  telle 
vénération  ,  qu'on  a  vu  fouvcnf 
(  félon  Diodore  de  Sicile  )  deux> 
armées  en  prefence  &  prêtes  à  c|n 
venir  aux  mains  ,  terminer  leur 
querelle  fins  coup  férir ,  à  la  vue 
des  Bardes. 

Dans  la  fuite  (  otfervent  nos 
Auteurs  )  les  Bardes  fe  trouvèrent 


O  C  T  O   B 

«confondus  avec  les  Druides  ;  ainfi 
qu'une  autre  forte  de  Savans  nom- 
més f'''ates  ^d'où  le  mot  latin  f^aus 
femble  avoir  tiré  fon  origine  }  6c 
quictoicnt  les  Devins  des  Gaules, 
occupés  du  foin  des  Saciihccs  où  ils 
immoloicnt  fouvent  des  Vidlimes 
humaines  ,  &  de  l'étude  de  la  Phy- 
fique.  Nos  Auteurs  prétendent  que 
ce  font  ces  t^Mes  mêmes  qui  font 
nommés  Euhages  ou  E-ul^'^ges,  dans 
le  Texte  d'Ammien-Marcellin  ,  qui 
en  parle  d'après  l'Hiftorien  Grec  , 
Timagénc  (  iSc  non  pas  Timogéne, 
comme  Oin  le  lit  ici  plus  d'une  fois) 
6c  ils  conjecturent  qu'il  aura  lîi 
dans  le  Texte  de  cet  Hiftorien  i^Tifi 
pour  vayiH  dont  on  aura  fait  Euha- 
ges ou  Eub.igss  au  lieu  de  fautes 
(  «arsiç  )  comme  on  lit  dans  Dio- 
dore  Se  dans  Strabon. 

Delà  nos  Auteurs  pa(Tent  aux 
Druides ,  fous  le  nom  defquels  on 
comprenoit  tous  les  gens  de  Lettres 
des  Gaules. Il  n'y  avoit  qu'eux  fculs 
qui  y  cultivalTent  les  Sciences.  On 
les  refpcdoit  &  on  les  cftimoit 
comme  les  plus  fpiritucls  &:  les 
plus  favans  de  la  Nation.  Us  étoient 
tout  enfemble  ,  les  Prêtres ,  les 
Philofophes ,  les  Théologiens ,  les 
Jurifconfultes  ,  les  Médecins ,  les 
Rhéteurs ,  les  Orateurs  ,  les  Ma- 
thématiciens ,  les  Géomètres  ,  les 
Aftrologues ,  &  peut-être  même  les 
Magiciens  des  Gaulois.  Leur  pou- 
voir étoit  immenfe  ,  &  les  loix  de 
l'Etat  leur  donnoient  l'autorité  d'é- 
tablir les  Chefs  de  la  Republique  , 
lefqucls  ne  pouvoient ,  fans  eux  , 
faire  aucune  entreprife ,  ni  met- 
jcre  en    déliijeration   aucune    af- 


faire  importante.  Ils  étoient  cxcmts 
de  toute  forte  d'impc)t  &  de  routes 
les  Charges  onéreufes.  La  Nation 
avoit  une  lî  haute  opinion  de  leut 
intégrité  qu'elle  portoit  à  leur  Tri- 
bunal tous  les  differens  civils  ou  cri- 
minels ,  communs  ou  particuliers  ; 
&  pcrfonne  n'appelloit  de  leurs 
décidons  fans  palTer  pour  infâme 
Sx  pour  fcélérat. 

Us  enfeignoient  l'immoitalitéde 
l'ame  &:  l'cxiftence  d'un  autre  mon- 
de ;  ce  qui  rendoit  plus  courageux 
&  plus  intrépides  les  Gaulois  im- 
bus de  cette  dodrine.  Elle  faifoit 
fur  leur  efprir  tant  d'impredion  , 
que  fouvent  ils  fc  prêtoient  de  l'ar- 
gent en  ce  monde  fans  autre  condi- 
tion que  celle  de  fe  le  rendre  en 
l'autre.  Delà  ce  dévouement  aveu- 
gle des  Soldnres  ,  dont  parle  Céfar  , 
pour  leurs  Patrons.  Quelques  Ecri- 
vains ont  prétendu  que  l'opinion 
des  Druides  fur  l'immortalité  de 
l'ame,  ne  devoitêtre  entendue  que 
félon  le  Syftême  de  la  Métcmpfy- 
cofe  ;  mais  c'eft  de  quoi  ne  con- 
viennent pas  nos  Auteurs ,  &:  ils  eri 
allèguent  les  raifons.  Us  avoiient 
qu'en  fait  de  Médecme  les  Druides 
favoicnt  très-peu  de  chofc  ,  &  que 
cet  art  chez  eux  étoit  prefque  tota- 
lement dégénéré  en  magie.  Le  Gui 
de  Chêne  qu'ils  cucilloient  &  la 
glu  qu'ils  en  exprimoient  avec 
beaucoup  de  cérémonies  fuperfti- 
ticufes  ,   compofoient   à  l'aide  de 

Quelques  autres  plantes  leurs  reme- 
cs les  plus  efficaces.  L'inftrudrion 
de  la  jeuncfTe  leur  ctoit  confiée  ,  & 
faifoit  une  de  leurs  principales  oc- 
cupations ,  dont  ils  tiroienr  un  lu- 


578         JOURNAL    D 

creconlîdcrable.  Ils  tcnoicnt  leurs 
Ecoles  dans  le  fond  des  bois ,  Se  ne 
faifoient  rien  écrire  à  leurs  Difci- 
ples  dans  la  vue  d'exercer  davanta- 
ge h  mémoire  de  ceux-ci  ,  &  de 
rendre  les  Sciences  plus  myftericu- 
fes  &:  moins  vulgaires.  Leurs  tem- 
mcs  s'en  méloicnc  à  leur  exemple  , 
5:  s'adonnoienc  principalement 
aux  Augures  &:  à  la  Magie. 

Tel  ctoit  l'érat  delà  Republique 
des  Lettres  dans  les  Gaules  ,  lorf- 
Cjue  les  Sciences  des  Grecs  s'y  intro- 
duifirent  par  le  canal  des  Marfeil- 
lois  i  &  c'eft  fur  quoi  s'étendent 
beaucoup  nos  Auteurs ,  en  ralfem- 
fclant  ici  avec  foin  tout  ce  qu'ils 
ont  pu  découvrir  touchant  l'établif- 
fcment  8c  le  gouvernement  de 
cette  célèbre  Colonie  Grcquc.  Le 
gouvernement  en  étoit  Ariftocrati- 
que,  de  commis  à  é'oo  Sénateurs , 
qui  avoient  à  leur  tête  quinze  d'en- 
tre eux  ,  5c  ces  1 5  en  avoient  trois 
qui  leur  préfidoient.  On  fuivoit  à 
Marfeille  les  loix  Ioniques ,  expo- 
fées  en  un  lieu  public ,  où  chacun 
les  pouvoit  voir  pour  s'y  confor- 
mer. Le  droit  d'hofpitalité  y  étoit 
en  finguliere  vénération  -,  on  y 
maintenoitla  fureté  publique  en  ne 
permettant  à  pcrfonne  d'y  entrer 
armé  ;  les  rcprefentations  licencieu- 
fes  du  Théâtre  en  étoient  baniûcs  , 
ainfi  que  la  moleffe  ,  la  volupté  Se 
lemenfonge.&l'on  y  voyoit  régner 
en  la  place,la  bonne  foi  ^  la  frugali- 
té &  la  modcftie.  Ciceron  fajfoit 
tant  de  cas  d'une  telle  police,  qu'il 
doutoit  féricufcment  fi  Marfeille 
n'étoit  pas  préférable  non  feule- 
ment à  toute  la  Grèce  j  mais  enco- 


ES    SÇAVANS. 

rc  à  toutes  les  Nations  de  l'Uni- 
Ycrs. 

C'étoit  une  Ecole  de  politclTe  où 
l'on  cultivoit  toutes  les  Sciences  , 
&C  elle  a  eu  la  gloire  de  donner  aux 
Gaules  d'illuftres  Ecrivains  ,  tels 
que  Pythéas  ^  Euthymencs,  long- 
tems  avant  que  Rome  fit  à  l'Italie 
de  pareils  prefens.  Aullî  les  pre- 
miers de  cette  Capitale  du  mon- 
de choiiiiToient-ils  Marfeille  pour 
le  lieu  de  leurs  études  préférat- 
blcmcnt  à  Athènes.  Souvent  Içj 
Grecs,  malgré  la  diftance  des  lieux, 
en  ufoient  de  même.  Les  Marfeil- 
lois  s'appliquoicnt  beaucoup  plus 
à  la  navigation  qu'à  l'agriculture  : 
ce  qui  les  mit  dans  la  necedîté  de 
cultiver  l'Aftronomie  Se  les  autres 
parties  des  Mathématiques  ,  les  fit 
exceller  dans  la  Marine ,  les  rendit 
très-puilîans  fur  mer ,  &  leur  méri- 
ta le  titre  &  les  privilèges  d'amis  &C 
d'alliés  du  peuple  Romain.  Leurs 
Colonies  bâtirent  dans  les  Gaules 
les  Villes  d'Agde ,  de  Nice ,  d'An- 
tibe  ,  d'Olbic ,  de  Taurcnce,  8c 
peut-être  celles  d'Arles  &  de  Fré- 
jus.  Us  répandirent  dans  les  prin- 
cipales Villes  Gauloifes  le  goût 
des  Lettres ,  &  ces  Villes  firent 
fucceder  aux  Ecoles  des  Drm- 
des  ,  des  Académies ,  où  elles  ga- 
geoient  des  ProfelTeurs  pour  y  en- 
feigner  à  l'exemple  des  Marfeiilois 
toutes  fortes  de  Sciences.  Telle* 
étoient  Narbone ,  Corbilon ,  Arles, 
Vienne  ,  Touloufe  _,  Autun ,  Lyon, 
Nifmc,  Bourdcaux  ,  &:  les  Colo- 
nies MarfeilloLfes  dont  jious  ve- 
nons de  parler.  Nous  ne  fcaurions 
fuivre  nos  Auteurs  dans  tout  ce 


O  C  T  O  B 

qu'ils  nous  apprennent  de  ces  diffé- 
rentes Villes  par  rapport  à  la  Litté- 
rature &  à  divers  Savans  qu'on  y 
vit  fucceflivement  fleurir.  Ce  dé- 
tail nousmeneroit  trop  loin. 

Nos  Auteurs  prétendent  que  de 
la  Gaule  Narbonoife  les  Sciences 
fe  répandirent  non  feulement  dans 
le  refte  des  Gaules  ,  mais  auffi  dans 
les  Pays  étrangers  du  voifinage  i  en 
Efpagne  ,  à  Rome  ,  dans  la  Gaule 
que  les  Romains  nommoientCifal- 
pine.  Celle  ci  fourniroit  à  nos  Au- 
teurs une  riche  moiffon  d'Ecri- 
vains j  dont  ils  font  une  forte  d'é- 
mimération  5c  qu'ils  pourroient  à  la 
rigueur  s'approprier.  »  Mais  (  ajoû- 
Mtent-ils)  quelque  droit  que  nous 
j)  ayons  fur  ces  riche(Tcs  ,  nous 
»  voulons  bien  les  céder  à  ceux  qui 
3>  en  font  en  pollelîîon  ,  pour  nous 
»  renfermer  dans  les  bornes  que 
M  nous  nous  fommes  prefcrites  dès 
»  la  Préface  de  cet  Ouvrage. 

Ils  reviennent  donc  à  nos  Gaules 
proprement  prifes  ,  &c  après  les 
avoir  reprefentées  comme  s'étant 
pour  la  plupart  conformées  aux  loix 
&auxufagesde  la  Grèce,  ils  nous 
les  font  voir  devenues  toutes  Ro- 
maines en  joignant  aux  maximes  des 
Grecs  les  coutumes  des  Romains  , 
lefquelles  enfin  prévalurent  fur  les 
autres.  Nos  Auteurs  s'appliquent  à 
développer  &  à  fuivre  le  fil  de  ces 
révolutions  littéraires ,  examinant 
en  confequence  celles  qu'ont  eues 
dans  les  Gaules  les  diverfes  langues 
qu'on  y  a  parlé  fuccelTivement.  On 
ne  peut  douter  [  félon  eux  ]  que  la 
Langue  Greque  n'ait  été  durant 
long-tems  la  langue  vulgaire  des 


R  E,  1735;  si9 

Marfeillois ,  très-connue  dans  tou- 
te la  Narbonoife  &  à  Lyon  même  _, 
&■  c'eft  de  quoi  nos  Auteurs  pro- 
duifent  diverfes  preuves.  A  l'égard 
de  la  Langue  Latine  ,  il  eft  confiant 
qu'elle  a  été  pendant  plufieurs  fic- 
elés la  langue  vulgaire  des  Gaulois, 
&  que  Rome  n'a  guéres  eu  d'avan- 
tage fur  les  Gaules  ,  pour  avoir 
mieux  parlé  qu'elles  fa  langue  na- 
turelle. Quant  à  la  Langue  Gauloi- 
fc  ou  Celtique^  difent  nos  Auteurs, 
les  anciens  nous  en  donnent  fi  peu 
de  lumière  ,  que  les  modernes  ne 
favent  prefque  à  quoi  s'en  tenir. 
Borel  Se  Marcel  fuppofent  fans  le 
prouver  ,  que  cette  langue  n'eft 
qu'un  dialeftcde  l'Hébraïque.  Bo- 
chart  prétend  qu'elle  tiroit  fon  ori- 
gine de  la  Phénicienne  ,  ce  qu'il  apr 
puye  fur  la  conformité  entre  plu- 
fieurs  termes  de  ces  deux  langues. 
D'autres  foûtiennent  que  cette  lan- 
gue étoit  Ja  même  que  celle  qu'ap- 
porta Cadmus  de  la  Phénicie  en 
Gïéce. Boxhoni  alTure,  au  contraire, 
que  la  Langue  Celtique  vient  de 
celle  des  Scythes  ,  originairement 
commune  dans  tout  l'Occident  , 
félon  lui ,  &  la  feule  qu'on  y  parlât. 
Nos  Auteurs  peu  contens  de  toutes 
ces  hypothéfes ,  aiment  mieux  re- 
monter jufqu'à  la  confufion  de  Ba- 
bel &  en  faire  naître  l'ancien  Celti- 
que. 

Ils  ne  trouvent  guéres  plus  de 
certitude  fur  la  nature  de  cette  lan- 
gue ,  que  fur  fon  origine.  Valérc 
yîtidréVoL  confondue  avec  celle  des 
Flamands  modernes ,  trompé  par 
le  témoignage  de  S.  Jérôme  ,  qui 
aflure  que  de  fon  tems  les  peuples 


jSo         JOURNAL    D 

de  la  Belgique  parloicnc  à  peu  près 
le   même  langage  que  les  Galatcs 
fortis  des  Gaules;  ^  fans  conlîderer 
que  les  Flamands  du  quatrième  ilc- 
clc  ccoicnt   bien  differcns    de  nos 
Flamands  d'aujourd'hui.  Au  regard 
de  l'opinion  de  ceux  qui  croyent 
que  notre  Bas-Breton  elî  l'ancienne 
langue  Celtique  ,  nos  Auteurs  con- 
viennent que  les  peuples  de  la  gran- 
de  Bretagne  parloient  une  langue 
peu  différente  de  celle  des  Gaulois  •, 
mais  on  n'en   peut  pas  conclure  , 
félon  eux ,  que  le  jargon  de  nos  bas- 
Bretons  foit  l'ancien  Ccltique,dont 
il  n'eft  tout  au  plus  qu'un  di3le(ile , 
bien  loin  d'crrc  une  langue  matric?, 
comme  fe   l'ctoit  perfuadé  Dom 
Pez.ron.  Quoiqu'il  en  foit  ,  la  Lan- 
gue Celtique  ,  par  la  dUperlion  des 
Gaulois,   fe  répandit  dans  la  Ger- 
manie ,  dans  la  Gaule  Cifalpinc ,  & 
dans  ces  parties  de  la  Grèce  &  de 
la  Macédoine  qu'ils  conquirenr.De 
cette  langue  Gauloife,  jointe  à  la 
Gréque  ,  à  la  Latine  &  à  celle  des 
Francs  ,  s'eft  formée  notre  Langue 
Françoife  ,  qui  à  l'aide  de  quelques 
accroilTemens  qu'elle  a   reçus  des 
Langues  de  nos  voifins  ,  a  pris  la 
confirtance   où    clic  eft   prefcnte- 
ment. 

La  domination  des  Romains  dans 
les  Gaules  en  y  répandant  la  Lan- 
gue Latine  infpira  aux  Gaulois  une 
nouvelle  ardeur  pour  la  culture  de 
toutes  les  Sciences  ,  qui  ctoit  h 
vpye  ordinaire  pour  parvenir  aux 
Charges  &  aux  Dignitez  delà  Re- 
publique >  &  comme  ceux  qui  en 
étoicnt  revêtus  ne  les  rcmplilToicnt 
que  pour  un  tcms  ^  faifoicnt  pla- 


ES    SÇAVANS, 

ce  à  d'autres  ,  cela  jettoit  parmi 
ceux  qui  pouvoient  y  prétendre  , 
une  vive  émulation  ,  qui  tournoit 
à  l'avantage  des  Lettres  ;  d'où  il  at- 
rivoit  que  les  Sciences  &  les  hon- 
neurs fe  prétoicnt  un  fccours  mu- 
tucl.  Nos  Auteurs  obfervent  que 
l'ordre  que  l'on  tenoit  alors  dans 
les  études  ,  n'étoit  pastout  à-fait  le 
même  qu'on  y  fuit  à  prcfent  ;  & 
ils  expofent  en  quoi  conHftoit  cette 
différence,  conformément  à  ce  que 
nous  en  apprend  un  bel  endroit  de 
Pétrone ,  qu'ils  tranfcrivent  ici. 
Mais  comme  le  Barreau  étoit  la 
porte  la  plus  ordinaire  qui  condui- 
foit  aux  grandes  Charges,  &quc 
l'éloquence  étoit  le  plus  fur  moyen 
de  s'y  dirtinguer  ;  cette  confidera- 
tion  porta  les  Gaulois  à  cultiver 
l'Eloquence  &  la  Jurifprudencc 
Latine  par  préférence  à  tout  autre 
genre  de  littérature  ,  &  ils  fe  ren- 
dirent exccllens  dans  l'art  de  bien 
parler  &  dans  la  connoilTance  du 
Droit. 

Mais  (  ajoijtent  nos  Auteurs) 
»  tous  ces  Savans  ont  mieux  aime 
»  fervir  leur  patrie  &  le  public  de 
«vive  voix  que  parccrit.Que  il  quel- 
»  qucs-uns  d'entr'eux  ont  laiifé  des 
«  Ouvrages  de  leur  façon  ,  la  lon- 
n  gucur  Scies  malheurs  des  tems  en 
»  ont  privé  la  poftcrité.  Ils  nous  ont 
n  même  envié  non  feulement  la 
»  connoilTIince  de  prcfque  tous  ces 
»  grands  Hommes ,  mais  aulîi  juf- 
»  qu'à  leurs  noms ,  6i  au  nioindr? 
i>  trait  de  leur  Hiftoire.  <■  Il  ne  faut 
donc  pas  s'étonner  du  petit  nombre 
de  Gaulois  lettrés  que  leur  ont 
fournis  les  ficelés  antérieurs  à  J.  C. 
Se 


O  C  T  O 

&  dont  on  tf  ouvc  ici  les  éloges.  Ce 
font  1°.  Pytheas  ,  Philofophe  , 
Aftronome  &  Géographe  ;  z".  £«- 
ihyménes  ,  Géographe  &:  Hiftoricra; 
5°.  Eratoflhénes ,  Philofophe  &  Hi- 
ilorien  ■■,  4°.  Lucius-Ploims  ,  Rhé- 
teur i  5°.  MarcHS-Antonius-G/iipho^ 
ProfefTeur  de  Belles-Lettres  &  d'E- 
loquence -,  6°.  Falerius-Cato  ,  Poè- 
te &  Grammairien  ;  7°.  Q^  Rofeius, 
Comédien  ;  8°.  Divitiac  ,  Philofo- 
phe j  9°.  C.  Fderiiis-Procilhts ^  Fa- 


B  R  E  ;   175  J.^  i-8r 

vori  &  Ambaffadeur  de  Céfar  • 
10°.  Telon  ôc  Gyarêe ,  Aftrowomes 
&  Mathématiciens  ;  11°.  Corne- 
lius-Gallm ,  Pocte  i  iz".  PMiiis- 
TeretitiHS-Varro  ,  Poëte  &  Hifto  ■ 
rien  -,  15°.  Trogus  -  Pompeius ,  Hi- 
ftorien. 

Nous  rendrons  compte  ,  dans  un 
autre  Journal ,  du  détail  de  cette 
Hiftoirc  Littéraire  de  France  ,  par 
rapport  aux  quatre  premiers  fieclet 
de  l'Ealife. 


LETTRES  PHILOSOPHIQVES ,   SERIEUSES,  CRITIQVES  ET 

jimufantes  ,  traitant  de  la  Pierre  Philofophale  ,  de  l'incertitude  de  la 
Médecine  ^  de  la  félicité  temporelle  de  l'homme  ,  de  la  nature  de  l'ame  des 
prétendus  efprits  forts  qui  révoquent  en  doute  l'immortalité  de  l'ame  ,  du  re- 
tour.des  efprits  en  ce  monde ,  des  Génies  ,  de  la  Mttgie ,  du  Célibat  du 
Mariage  ,  de  la  comparaifon  des  deux  Sexes  ,  des  Ris  ,  des  Pleurs  de  la 
Mort ,  des  Richeffes ,  des  plaiflrs  du  monde  ^  de  la  véritable  Nobleffe  ^  de 
l'erreur  des  fens  ,  de  l'excellence  de  la  raifon ,  &  autres  fujets  interejfans. 
A  Paris ,  au  Palais,  chez  Saugrain^lh  Prudence.  1733.  '«-12.  2.  vol, 
Tom.  L  pp.  Z40.  Tom.  IL  pp.  Z35. 


ON  voit  par  le  détail  de  ce  ti- 
tre ,  fur  quoi  roulent  les  Let- 
tres dont  il  s'agit  i  nous  nous  dif- 
pcnferons  donc  d'en  rapporter  les 
differens  Sujets ,  ëc  noas  nous  bor- 
nerons à  quelques  exemples  que 
nous  tirerons  des  Lettres  fur  les  Gé- 
nies ,  fur  la  Magie  ,  &  fur  le  retour 
des  Efprits.  Qiiant  à  la  première  , 
l'Auteur  commence  par  remarquer 
que  la  Théologie  ,  la  Philofophie  , 
&  l'Hiftoire ,  font  mention  des  Gé- 
nies -,  &  il  foîiticnt  qu'il  faudroit 
être  bien  incrédule  pour  douter  de 
l'exiftencedeces  Etres.  Cela  pofé  , 
il  obferve  que  Platon  a  reconnu 
trois  fortes  de  natures  raifonnables, 
1°.  les  Dieux ,  qu'il  place  dans  le 
OUohre. 


Ciel,  z".  les  Hommes  ,  qui  ont  eu 
en  partage  la  terre  ,  3".  les  Ef- 
prits ,  qui  occupent  l'efpacc  con- 
tenu entre  la  Lune  &  la  Terre. 
Il  sppelle  ceux-ci  du  nom  de  Gé- 
nies ,  ou  de  Démons  i  ces  Génies 
qae  les  Platoniciens  ont  cru  être 
des  corps  fubtils ,  font,  félon  eux  , 
de  trois  fortes ,  ignées ,  aériens ,  &: 
aqueux.  La  créance  de  l'Antiquité 
étoit ,  que  chaque  homme  avoit 
deux  génies ,  lun  bon  qui  l'invi- 
toit  à  la  vertu  ,  tel  étoit  le  génie  de 
Socrate  ;  l'autre  mauvais  qui  lefoi- 
licitoit  au  mal,  tel  étoit ,  dit-on  ici 
celui  qui  s'apparut  à  Brutus. 

Quoique  fclon  cette  Doiftrinc 
des  Platoniciens  tous  les  honuncs 
Hhhh 


82  JOURNAL  DE 

aycnt  àc  bons  génies  qui  font  com- 
me kii.s  P-dago^ucs  ,  ils  ne  peu- 
Ycnt  pas  toiisrclïlntir  leur  affiftan- 
cc  mais  ceux  -  là  feulement  qui 
n'ont  pas  l'ame  troublée  pût  les 
partions. 

Notre  Auteur  cite  furccfujet, 
Avicenne  qui  die  qu^il  n'y  a  que  les 
Prophètes ,  &  autres  Saints  Pcrfon- 
hages  qui  aycnt  dans  la  conduite 
de  leur  vie  éprouvé  le  fecours 
des  bons  génies  -,  mais  après  cette 
citation  ,  il  avertit  que  pour  lui ,  il 
penfc  que  les  génies  ,  foit  bons  ou 
mauvais  ,  ne  font  autre  chofe  que 
nos  Ames  ,  dont  la  partie  intellec- 
tuelle &  fupcricure  tient  lieu  de 
bon  génie  ,  Se  la  partie  fenfirive  ou 
inférieure  tient  lieu  de  mauvais  gé- 
nie. 

Un  autre  fentimcntde  notre  Au- 
teur cft  que  fi  les  génies  font  quel- 
que chofe  hors  de  nous ,  ils  ne  font 
autres  que  nos  bons  Se  nos  mauvais 
Anges,  les  premiers  pour  nous  gar- 
der ,  ôc  les  autres  pour  nous  exer- 
cer par  les  combats  qu'ils  nous  li- 
vrent. Il  va  plus  loin  :  il  prétend 
que  non  feulement  les  hommes  , 
mais  toutes  les  parties  qui  compo- 
fent  le  monde  ,  ont  des  Anges  Tu- 
telaires  ,  deftincs  à  leur  conferva- 
tion.  La  raifon  qu'il  apporte  pour 
prouver  l'exiftence  réelle  des  gé- 
nies tant  tutelaircs  que  mauvais , 
c'eft  qu'il  n'y  a  perfonne  qui  ne  fen- 
te des  mouvcmcns  qui  le  pouffent 
à  certaines  chofes  ou  avantageufes 
ou  nuifibles ,  fans  y  rien  mettre  du 
ficn  ,  &  fouvent  contre  fa  volonté 
même.  A  l'égard  des  bons  génies , 
il  raconte  que  Socrate  fe  prome- 


S  SÇAVANS. 

nant  un  jour  hors  de  la  Ville  avec 
plufieurs  amis  ,  fit  appcllcr  ceux 
qui  alloient  devant ,  &  leur  dit 
que  fon  cfprit  tamilier  lui  défendoit 
de  prendre  le  chemin  qu'ils  al- 
loient prendre  ;  quelques-uns  ne 
tinrent  pas  compte  de  l'avis  ,  &: 
pourfuivirent  leur  route  ;  mais  ils 
turent  bien-tôt  rcnverfés  &  maltrai- 
tés par  une  troupe  de  pourceaux. 
Notre  Auteur  appuyé  encore  beau- 
coup fur  un  fait  qui  fe  voit  journel- 
lement :  un  homme  ^  dit  -  il  ,  fera 
toujours  malheureux  ,  &  tout  fitcce- 
dera  a  un  autre  \  ce  cjuifcmble  ne  pou- 
voir provenir  :jue  des  génies, 

Platon  appelle  le  bon  génie  le 
gardien  de  notre  vie  -,  Epiclete  ,  le 
curateur  &  la  fentinelle  de  notre 
ame  i  c'eft  proprement ,  dit  l'Au- 
teur de  la  Lettre,  notre  Ange  Gar- 
dien. 

Varron  ,  dans  le  huitième  Livre 
de  la  Cité  de  Dieu  de  S.  Auguftin ,, 
après  avoir  divifé  les  âmes  en  im- 
mortelles ,  qui  font  dans  l'air ,  Sc 
en  mortelles  qui  font  dans  l'eau  & 
fur  la  terre  ,  dit  qu'entre  la  Lune  tC 
la  moyenne  région  il  y  a  des  amcs 
aériennes  appellées  Lares  &  Génies, 
dont  félon  un  ancien  ,  l'air  eft 
autli  rempli  en  tout  tcms ,  qu'il  eft 
rempli  de  mouches  en  été. 

Notre  Auteur  n'oublie  pas  de 
remarquer  que  félon  Pythagore  , 
l'air  fourmille  d'Ames ,  il  trouve 
même  que  l'opinion  de  ce  Philofo- 
phe  ,  approche  fort  de  la  créance  de 
l'Eglife  cjui  tient  ^ue  le  nombre  desEf- 
prits  cfl  infiniment  plus  grand  cjiie  ce- 
lui des  fubftances  corporelles, \\  bazar- 
de là  dcfius ,  un  raifonnemcnt  donc 


O  C  T  O 

ics  Lcâ:eurs  jugeront  :  il  dit  que 
«comme  les  corps  céleftes  font 
»>  plus  exccilens  ,  &  par  cette  rai- 
1»  Ion  même  plus  nombreux  que  les 
V  corps  l'ublunaires ,  de  même  les 
»  purs  efprits  étant  les  plus  nobles 
»>  ouvrages  de  Dieu  ,  doivent  être 
i>  en  plus  grand  nombre  que  les 
»  autres  créatures. 

Il  palTe  de  là  à  la  manière  dont 
les  Poètes  rcprefentent  le  Génie  ; 
ils  le  peignent  tantôt  fous  la  figure 
d'un  Icrpent  ,  comme  fait  Virgile 
celui  qui  fe  prefenta  à  Enée,  tantôt 
fous  la  figure  d'une  corne  d'abon- 
dance qui  étoit  le  fymbole  du  Gé- 
nie du  Prince  ,  &  par  lequel  ju- 
roicnt  leurs  flatteurs. 

Après  cette  remarque ,  il  foû- 
ticnt  qu'il  y  a  bien  de  l'apparence 
qu'outre  notre  ame  ,  nous  avons 
un  bon  &  un  mauvais  génie  ,  le 
premier  qui  porte  au  bien  &  le  fé- 
cond qui  porte  au  mal  -,  &  là- 
delTus  il  veut  qu'on  fe  figure  deux 
Avocats  qui  plaident  chacun  leur 
caufe  devant  le  Libre-Arbitre.  De 
CCS  deux  Avocats  l'un  plaide  quel- 
quefois avec  tant  de  force  pour 
porter  au  bien  ,  que  le  Libre-Arbi- 
tre convaincu  par  fes  raifons ,  va 
jufqu'à  faire  des  adions  héroïques, 
&  l'autre  plaide  avec  unt  d'artifice 
pour  porter  au  mal ,  que  ce  même 
Libre  -  Arbitre  fe  laine  aller  quel- 
quefois à  des  allions  fi  noires  qu'on 
ne  les  fçauroit  attribuer  à  la  feule 
niture  humaine. 

Le  nombre  des  bons  génies  eft 
très  -  grand  ,  félon  notre  Auteur  , 
mais  n  on  l'en  croit ,  celui  des  mau- 
vais ne  l'cft  pas  moins.  Il  cite  là- 


B  R  E  ,  I  7  5  j.  58J 

delfus  S.  Athanafe  qui  dans  la  Vie 
de  S.  Antoine ,  dit  que  l'air  eft  tout 
rempli  de  Démons  ;  &  à  cette  cita- 
tion il  joint  celle  de  Mercure-Trif- 
megifte  qui  avance  la  même  chofc. 
Le  témoignage  de  Jean  Wicr  trou- 
ve aullî  fa  place  dais  cette  occa- 
fion  ,  mais  avec  des  reflexions  qui 
ne  paroilfent  pas  hors  àz  propos. 

»  Voulez-vous  fçavoir  au  juftc  , 
»  (  dit  notre  Auteur  )  le  nombre 
»  des  mauvais  génies ,  Jean  Wier 
»  vous  le  dira  :  il  en  a  fait  le  comp- 
»  te  dans  fon  Livre  des  Prcftiges  , 
»  &  il  trouve  qu'il  fe  monte  à  fept 
»>  millions  quatre  cens  cinq  mille 
M  neuf  cens  vmgt-fix ,  ayant  à  leur 
»  tête  foixantc  Sc  douze  Princes 
»  dont  il  donne  dans  fou  inventaire 
»  les  noms  &  furnoms  ,  le  tout 
a>  fauf  erreur  de  calcul.  Il  enfeignc 
»>  aufli  leurs  qualitez  &  proprietsz. 
»  Admirez  l'étendue  du  génie  de 
»  cet  Auteur ,  &  ne  me  demandez 
»  pas  où  il  a  pris  ce  qu'il  débite. 

On  accumule  dans  la  Lettre 
un  grand  nombre  d'autres  Fables 
fur  le  fait  des  Génies  ;  nous  n'en 
rapporterons  que  quelques-unes. 

Il  y  a  une  forte  de  Génie  qui  ne 
fe  montre  que  vers  l'heure  de  midi. 
Ce  Génie  du  midi  eft  fort  craint  Sc 
révéré  des  Ruffiens ,  à  ce  qu'ésrit 
Cimerarius.  Il  n'apparoît  jamais 
que  vctu  de  noir  :  »  il  fe  montre 
>•  fur-tout  lorfquc  l'on  fauche  les 
y*  foins  &  que  l'on  fait  les  moifiTons; 
»  mais  il  cil  crnel,  rompant  fans  pi- 
»  tic,  bras  &  jambes  aux  faucheurs, 
»  &  aux  moiiTonneurs ,  fi  lorsqu'ils 
»  le  Yoyent ,  ils  ne  fe  jettent  h  tatc 
1)  contre  terre. 

Hhhhii 


j84        JOURNAL    D 

On  clit  que  Piracclfc  avoit  un 
Génie  fimilicr  qu'il  tcnoit  enferme 
dans  le  pommeau  de  fon  cpcc. 

Mais  n'ctoit  ce  pas  plutôt ,  de- 
mande notre  Auteur ,  quelques  do- 
fes  de  Laudanum  ,  dont  il  uc  vou- 
loit  jamais  erre  dcpoun-û  ,  Se  dont 
il  fe  fcrvoit  comme  d'une  médecine 
univerfellc  contre  toutes  fortes  de 
Tnaladies } 

Le  fameux  Médecin  Pierre  d'A- 
pono  l'un  dcf  plus  fçavans  hom- 
mes de  fon  lîcclc  ,  paffoit  pour  s'ê- 
tre acquis  une  profonde  connoif- 
fance  des  fcpt  Arts  libéraux  ,  pat 
le  moyen  de  fcpt  Génies  familiers 
qu'il  tcnoit  enfermés  dans  une  boë- 
tc  de  cliryftal.  On  prétend  aufli 
qu'il  avoit  le  fecret  de  faire  revenir 
dans  fa  bourfc  l'argent  qu'il  avoit 
dépenfé.  Notre  Auteur  donne  ces 
fortes  de  faits  pour  ce  qu'ils  valent, 
ic  finit  fa  Lettre  en  difant  des  Ecri- 
rains  qui  les  ont  débitez  : 
jQ«<e  vos  démentit  cepit  î 

La  Lettre  fur  la  Magie  eft  un 
détail  de  divers  effets  attribués  aux 
lilagiciens  ,  l'Auteur  remarque 
qu'entre  ces  effets  il  y  en  a  de  véri- 
tables ,  &  d'autres  qui  ne  font  que 
des  prcftiges.  Il  met  au  rang  des 
derniers  l'Anneau  deGigés  qui  ren- 
doit  Gigés  invifible  ;  les  feftins , 
d'où  l'on  fortoit  plus  affamé  qu'on 
n'y  ctoit  entré  ,  &  les  pifloles  vo- 
lantes. 

Il  raconte ,  au  fujct  des  prcfti- 
ges ,  ce  que  Clément  d'Alexandrie 
rapporte  de  Simon  le  Magicien  ; 
fçavoir  ,  que  cet  Impofteur  fabri- 
quoit  d'air  un  homme  ,  fc  rendoic 
invillbî'c,  paroiflbitfouj  divers  vi- 


ES     SÇAVANSi 

fages ,  voloit  en  l'air,  pénctroitics 
rochers ,  fe  changeoiten  brebis ,  Sc 
en  chèvre  ,  coramandoit  à  une  fau- 
cille d'aller  moifonncr  ,  laquelle 
faucille  abbatoit  plus  de  bled  que 
n'auroient  pu  faire  dix  Ouvriers. 
Tous  preftiges  par  Icfqucls  il 
cblouifloit  les  yeux. 

Pour  ce  qui  eft  des  effets  réels; 
notre  Auteur  prétend  que  les  Ma- 
giciens peuvent  caufer  des  tremblc- 
mens  de  terre  ,  en  amalfaiit  def 
cxhalaifons  dans  les  cavernes,  oir 
en  agitant  violemment  l'air  qui  y 
eft  renfermé  ;  exciter  des  orages  Sc 
des  tempêtes ,  par  l'union  de  ces 
mêmes  exhalaifons ,  &  calmer  les 
vents  ^  en  dillïpant  leur  matière.  Il 
n'oubhc  pas  ici  l'Hiftoiie  de  Sopa- 
tcr  ,  qu'on  tir  mourir,  pour  avoir  , 
à  ce  qu'on  lui  iruputoit,  enchaîne 
les  vents  ,  de  telle  manière  qu'il 
ctoit  impolUblc  de  tranfporter  au- 
cune denrée  à  Byfancc  :  il  n'oublie 
pas  non  plus ,  ce  que  rapporte  Phi- 
loftrate  de  ces  deux  tonneaux  qui 
étant  ouverts  excitoient  des  vents 
&:  des  pluyes  extraordinaires  ,  au 
lieu  que  lorfqu'ils  éroicnt  fermes 
l'air  deveroit  tranquille  ic  fercin. 

Olaus  alfure  que  les  Lapons  i: 
les  Finlandois  vendent  les  vents 
aux  Matelots.  On  remarque  là-dcf- 
fus  dans  la  Lettre ,  qu'aufti  les  Dé- 
mons font-ils  appelles  par  l'Apô- 
tre ,  les  Princes  de  l'air  ;  on  ajoute 
qu'ils  font  tomber  où  bon  leur 
femblc  ,  la  grêle  ,  la  foudre  ,  h 
pluye  ,  &  le  feu  ;  mais  toujours 
fous  le  bon  plaifîr  du  maître  de  la 
nature,  qui  quand  il  veut,  leur 
lâche  la  bride,  comjncil  fitlor^ 


O  C  T  OB 

qu'ils  brûlèrent  les  fcrvitcurs  &  les 
troupeaux  de  Job',  &  qu'ils  rcnver- 
fercnt  par  un  tourbillon  de  vent,  la 
mailbn  oii  fcs  cnfans  étoient  a(Tcm- 
blés. 

Nous  laiflbns  quantité  d'autres 
articles  pour  venir  au  dernier  delà 
Lettre ,  dans  lequel  on  va  voir  que 
le  Quinquina  a.  été  regardé  par  un 
célèbre  Médecin  de  Paris  comme 
«n  remède  dont  on  ne  peut  fe  fervii 
fans  faire  un  padc  implicite  avec 
le  Diable.  Voici  l'article  mot  à 
mot  : 

»>  Lamy  ancien  DoAeur  en  Mc- 
M  decine  ,  dans  la  quatrième  Let- 
»  tre  au  -  devant  de  fes  Difcours 
a  Anatomiques,  dit  de  M.  Blondel 
»  Médecin  de  Paris  ,  qu'un  Etu- 
»  diant  en  Médecine  l'a  affuré ,  que 
»  ledit  Blondel  avoit  dit  une  fois 
M  dans  les  Ecoles,que  ceux  qui  em- 
«  ploy oient  leQuinquina  péchoicnt 
>*  mortellement ,  &  qu'ils  faifoient 
»  un  padc  implicite  avec  le  Diable-, 
»  ic  pour  monrrcr  que  la  guérifon 
»  qu'on  obtient  par  ce  remède  eft 
»  magique  ,  c'eft  difoit-il  ,  qu'il 
»  agit  fur  toutes  fortes  de  tempe- 
3»  ramens ,  &  qu'après  un  certain 
s*  tems ,  la  maladie  revient  -,  ce  qui 
»  a  été  reconnu  de  tous  ceux  qui 
»ont  écrit  contre  les  Magiciens, 
»  posr  le  véritable  caradlerc  d'une 
55  guérifon  diabolique. 

Rifum  tentatis  amici ,  dit  là-defTus 
notre  Auteur,  c'eft  par-là  qu'il  finit 
fa  Lettre. 

L'autre  Lettre  ,  oià  l'on  parle  du 
retour  des  âmes  des  défunts ,  ne 
nous  tiendra  pas  long  -  tems ,  ,en 
voici  le  précis. 


R  E  ;  1755;  jSj 

Toute  l'Antiquité  j  félon  notre 
Auteur  ,  convient  du  retour  des 
Efprits  en  ce  monde  ,  &  il  prétend 
qu'il  y  auroit  de  la  témérité  de  la 
contredire  fur  ce  point. 

Il  remarque  que  l'Ecriture  Sain- 
te, dont  l'autorité  doit  impoferfi- 
lence  à  la  critique  ,  fait  appaioîtrc 
Moyfe  &r  Samuel  après  leur  mort , 
ce  qui  ne  peut  _,  dit-il ,  être  enten- 
du que  de  leurs  âmes.  Il  cite  Ari- 
ftote  qui  dit  que  les  Efprits  appa- 
roiflent  fouvent  aux  hommes  pour 
les  necefîîtez  des  uns  &i  des  autres, 
d'où  il  conclud  eci  paffant  qu'il  faut 
neceflairement  qu'Ariftote  ait  cru 
l'immortalité  de  l'amc. 

Il  vient  enfuite  aux  trois  diffe» 
rentes  fortes  d'Efprits,  qu'au  rap- 
port d'Apulée,  les  Platoniciens  ont 
établis  ,  fçavoir  1°.  les  âmes  qui 
font  aètucllement  dans  des  corps. 
2°.  Les  Lares  ou  Pénates  qui  font 
les  mêmes  Ames  forties  de  leurs 
corps  après  avoir  bien  vécu ,  &  qui 
alors  font  réputées  Dieux  Tutélai- 
res  des  maifons  qu'elles  ont  habi- 
tées. 5°.  Les  Lémures  ou  Larves  qui 
font  les  Ames  des  méchans ,  occu- 
pées à  mal  faire  après  la  féparation 
de  leur  corps  ,  comme  elles  l'ont 
été  avant  cette  féparation. 

La  divifîon  que  les  Poètes  ont 
faite  de  l'homme  en  trois  différen- 
tes fubftanccs  -,  fçavoir ,  le  corps , 
l'ame  &  l'ombre  n'eft  pas  omife 
par  l'Auteur  de  la  Lettre  :  Ils 
croyoient  qu'après  la  mort  le  corps 
n'étant  plus  qu'une  maffe  informe ,' 
&  l'ame  étant  au  Ciel  ou  aux  Enfers, 
l'ombre  erroit  dans  les  Champs 
Elifécs ,  jufqu'à  ce  que  le  corps  lut 
cnfeveli 


f^6       JOURNAL   DE 

Notre  Auteur ,  après  cette  re- 
marque ,  examine  ce  que  c'cft  que 
la  vifion  ,  l'apparition  &c  le  phan- 
tômc.  Il  dit  que  «  la  vifion  cft  lorf- 
»  que  nous  pcnfons  voir  une  cHofe 
a,  qui  cnfuite  arrive  telle  qu'elle 
»  nous  a  paru  :  Qiie  l'apparition 
>>  (  laquelle  cft  pour  le  plus  fou- 
j»  vent  imaginaire  )  le  tait  lorfqu'en 
M  veillant  ou  en  dormant  il  fe  pre- 
»  fente  à  nous  quelque  figure  vifi- 
»  ble  ,  que  ce  fut  par  cette  appari- 
Mtion  imaginaire,  que  Judas  Ma- 
»  chabée  reconnut  le  grand  Prêtre 
a>  Onias  &c  le  Prophète  Jérémie  ; 
»  que  Conftantin  vit  S.  Pierre  & 
»  S.  Paul ,  &  que  Samuel  apparut  à 
»  Saiil  ,  quoique  félon  plufieurs 
»  Ecrivains  Ecclcfiaftiques  l'appari- 
M  tion  de  Samuel  fût  corporelle. 

Refte  à  prefent  à  expliquer  ce 


S    SÇAVANS ; 

que  c\Û  que  k  phantôme  -,  mais 
notre  Auteur  n'en  dit  rien  ,  foit 
qu'il  juge  que  la  chofc  n'a  pas  bc- 
foin  d'explication ,  foit  qu'il  l'ou- 
blie eflcdtivemcnt. 

Au  refte  ,  ces  Lettres  font  au 
nombre  de  trente  -  fept  ■■,  mais  cela 
étant,  comment  pouvoir ,  diront 
quelques  Critiques  ,  juger  d'un  fi 
grand  nombre  de  Lettres  par  les 
trois  feulement  qui  viennent  d'être 
rapportées  î  La  plainte  eft  jufte ,  & 
nous  avouons  que  pour  donner  une 
valable  idée  de  ce  Recueil ,  il  fau- 
droit  un  plus  long  Extrait  ;  mais 
plainte  pour  plainte  nous  avons  en- 
core mieux  aimé  nous  expofer  à 
celle-là  j  qu'à  celle  que  nous  nous 
ferions  peut  -  être  attirée  fi  nou» 
avions  voulu  nous  étendre  divaa- 
tage. 


OCTOBRE,    î7îî; 


S^7 


ORBTS   SACER   ETPROPHANUS;  PARS  SECUNDA  ; 

Europam  compledtens  Volumen  Iccundiim.  C'eft  -  à  -  dire  :  Wnivers 
Sacré  &  Prophane  ;  fécond  f-^ohtme  de  la  féconde  Partie.  Ouvrage  utile  à 
ceux  qui  s\:pplic]uent  a  l' Hifloire  EccUJîaftic^ite  on  Prophane ,  &  fur-tout  à 
la  Géographie.  Par  le  P.  François  Orlendi ,  de  l'Ordre  des  Frères  Prê- 
cheurs ,  DoEleitr  &  Profcffcitr  en  Théologie  en  rVniverJité  de  Pife.  A  Flo- 
rence ,  chez  Bernard  Paperini  ,  à  l'Enfeigne  d'Hercule  &  de  Pallas. 
1753,  in-folio  ,  pp.  6îl. 


L'AUTEUR  s'étoit  propofé 
de  renfermer  dans  un  feul  Vo- 
lume la  defcription  de  ce  qui  eft 
compris  dans  les  deux  premières 
Parties  de  l'Italie  ,  fuivantladivi- 
flon  qu'il  en  a  faite  dans  le  fécond 
Volume  de  cet  Ouvrage.  Mais  la 
grande  quantité  de  matière  qu'il  a 
eu  à  traiter  avant  que  d'en  venir  à 
la  Tofcane ,  l'a  mené  plus  loin  , 
il  a  employé  un  Volume  entier  à  la 
defcription  de  ce  grand  Duché.  Il 
commence  par  ce  qui  regarde  la 
Tofcane  ou  Etrurie  en  général  ;  il 
y  explique  les  differens  fentimens 
îlir  l'origine  des  premiers  habitans 
de  la  Tofcane  ,  &  il  donne  un 
abrégé  de  l'Hiftoire  Civile  de  ce 
Pays- là.  Nous  ne  nous  arrêterons 
qu'à  un  feul  point  de  critique  fut 
cet  article. 

Plufieurs  Auteurs  aflurent  que 
Louis  le  Débonnaire  ayant  refervé 
Florence  ,  Luques ,  Pife  ,  &  d'au- 
tres Villes  de  la  Tofcane  ,  céda  le 
furplus  au  S.  Siège  ;  ils  prétendent 
même  que  Louis  le  Débonnaire  n'a 
fait  que  confirmer  par  cetafte,  la 
donation  qui  en  avoit  été  faite  par 
Pépin  &  par  Charlemagnc.  Gratien 
a  rapporté  dans  le  décret  une  partie 
du  Diplôme  de  Louis  le  Débonnai- 


re dans  le  Canon  egs  Ludovictis, 
Anfelme  de  Luc ,  Ive«  de  Chartres, 
S.  Antonin  ,  &  Valabcran  ^  ont  ci- 
té ce  Diplôme  ,  &  Baronius  qui  l'a 
tiré  des  Archives  du  Vatican  ,  le 
rapporte  tout  entier  dans  fes  Anna- 
les fur  l'année  817. 

Le  P.  Pagi  a  foûtenu  au  contraire 
fur  cet  article  des  Annales  de  Baro- 
nius ,  que  cette  pièce  a  été  fabri- 
quée quelque  tems  avant  le  onziè- 
me fiecle.  Il  fe  fonde  fur  ce  qu'en- 
tre un  grand  nombre  de  Papes  qui 
ont  parlé  des  donations  faites  au 
S.  Siège  par  Pépin  &  par  Charle- 
magne  ,  il  n'y  en  a  aucun  qui  ait 
parlé  de  celle  d'une  partie  de  la 
Tofcane  qu'on  dit  avoir  été  confir- 
mée par  Louis  le  Débonnaire  ,  que 
les  Empereurs  Othon  &  Henri 
ayant  confirmé  les  donations  faites 
par  Pépin  &c  par  Charlemagne 
n'ont  fait  aucune  mention  de  celles 
qu'on  prétend  que  Louis  le  Débon- 
naire a  confirmées.Le  P.  Pagi  obfer- 
ve  en  fécond  lieu  que  fuivant  ce 
Diplôme  Louis  le  Débonnaire  au- 
roit  donné  au  S.  Siège  l'Ifle  de 
Corfe  ,  la  Sardaigne  Ec  la  Sicile  î 
cependant  la  Sicile  n'a  jamais  ap- 
partenu à  Charlemagne  ni  à  Louis 
le  Débotmaiie.  Eafin  on  fait  àix& 


588  JOURNAL  D 

dans  ce  Diplôme  à  Louis  le  Débon- 
naire ;  que  le  Pape  ayant  été  confi- 
cré  auiri-tôt  après  fon  clcdion  ,  cn- 
voycra  un  Légat  à  l'Empereur  5c  à 
fcs  fucccfleurs  Rois  d:s  trancs^a^no\- 
quc  le  Pape  Eugène  II.  eut  déclaré 
même  pendant  la  vie  de  Louis  le 
Débonnaire  ^  que  le  Pape  ne  feroit 
facré  qu'en  prcfcnce  des  Envoyés 
des  Empereurs ,  ce  qui  tutobfervc 
même  fous  les  Empereurs  fucccf- 
fcurs  de  Louis  le  Débonnaire  , 
quoique  le  Clergé  Romain  eût  de 
la  peine  à  fe  foumcttrc  à  cette  rè- 
gle qu'il  regardoit  comme  une  ef- 
pece  de  fervitudc. 

Il  y  a  plufieurs  Auteurs  François 
qui  n'ont  pas  fuivi  ce  fentiment  du 
P.  Pagi.  Le  P.  Orlendi  cite  entre  au- 
tres Hiftoriens  François  le  Père 
Alexandre  qui  embraffc  fur  cet  ar- 
ticle le  fentiment  de  Baronius ,  & 
après  s'être  déclaré  pour  ce  parti ,  il 
allègue  Léon  d'Oftic ,  Ecrivain  du 
onzième  ficclc  qui  parle  de  cette 
confirmation  faite  par  Louis  le  Dc- 
bojanaire  ,  comme  d'une  pièce  au- 
tentique  ,  &  cette  pièce  n'a  point 
été  fabriquée  ,  dit  le  Pcrc  Orlendi , 
peu  de  tems  avant  Léon  d'Oftic , 
puifquc  Baronius  l'a  copiée  fur 
quatre  Manufcrits  de  la  Bibliothé-i 
oue  du  Vatican.  L'Auteur  ne  mar-  i 
que  point l'àgc  de  ces  Manufcrits, 
il  répond  au  moyen  du  Père  Pagi 
tiré  du  filence  de  plufieurs  Papes 
fur  cette  donation  ,  que  c'eft  un  ar- 
gument négatif  qui  n'cft  pas  d'un 
grand  poids.  Il  ajoute  qu'il  y  a  tout 
lieu  de  croire  que  Louis  le  Débon- 
naire n'avoit  point  parlé  de  la  Sici- 
le dans  fon  Diplôme  ,  &  que  ce 


ES  SÇAVANS, 

mot  a  été  aioûté  par  quelque  Copi- 
ftc  dans  une  des  copies ,  &  qu'en- 
fuite  il  a  ctè  mis  dans  toutes  les  au- 
tres copies.  Enfin  on  dit  contre  le 
troifiéme  moyen  du  Pcrc  Pagi  que 
l'Empereur  Louis  le  Débonnaire 
avant  permis  au  Clergé  Romain  de 
faire  facrer  le  Pape  aullî-tot  après 
fon  élection  ,  le  Pape  Eugène  II. 
jugea  à  propos  d'ordonner  par  la 
fuite  que  les  nouveaux  Papes  ne  fc- 
roicnr  facrés  qu'en  prelcnce  des 
Envoyez  de  l'Empereur,  afin  de 
prévenir  par-là  un  fchifme  fcmbla- 
ble  à  celui  qui  ètoit  arrivé  lors  de 
fon  éledion. 

Dans  cette  defcription  du  Duché 
de  Tofcanc  l'Auteur  s'cft  particu- 
lièrement attaché  à  ce  qui  regarde 
les  Villes  de  Pife  &  de  Florence 
qui  font  le  fujet  de  la  plus  grande 
Partie  de  ce  Volume.  Nous  nous 
bornerons  à  quelques-uns  des  traits 
qui  regardent  l'Eglife  de  Pife. 

C'eft;  une  ancienne  Tradition  de 
cette  Eglife  que  S.  Pierre  annonça 
le  premier  l'Evangile  dans  cette 
Ville  ,  &c  qu'il  y  bâtit  un  Autel  de 
pierre,  qu'après  la  mort  du  Prince 
des  Apôtres  ,  S.  Clément  tomba 
pendant  trois  heures  dans  une  efpe- 
ce  de  lètargie  ,  dans  le  tems  qu'il 
offroit  le  Saint  Sacrifice  ,  qu'étant 
enfuite  revenu  de  cette  lètargie  il 
avoit  déclaré  au  peuple  ,  que  pen- 
dant ces  trois  heures  ilavoitétédc 
Rome  à  Pife,  où  il  avoit conlacré 
l'Eglife  que  les  Fidèles  avoient  bâ- 
tie fur  l'Autel  que  S.  Pierre  avoit 
érigée.  Notre  Auteur  attaché  parti- 
culièrement à  la  Ville  de  Pife  foû- 
tient  avec  le  plus  de  zèle  qu'il  lui 
cft 


O  C  T  O 

eft  pofllble  ,  ces  deux  points  de  la 
Tradition  du  Pays.  Pour  tonifier  ce 
qu'il  a  dit  furie  premier  article  qui 
concerne  l'Autel  confacré  par  lamt 
Pierre  ,  il  a  fait  inférer  à  la  fin  de 
ce  Volume  une  Dilfertation  de  M. 
Frofini  Archevêque  de  Pifc  déjà 
connu  par  fes  Poëfies  Sacrées   & 
par  des  confultations  fur  les  Ma- 
tières Canoniques.  L'Archevêque 
foûticnt  qu'on  ne  peut  douter  que 
S.  Pierre  n'ait  fait  conftruire  cet 
Autel ,  fi  l'on  veut  faire  attention 
fur  le  concours  du  peuple ,  à  h  vé- 
nération  duquel    la  pierre  de  cet 
Autel  efl  expofé  à  certains  jours, 
2°.  à  la  voix  publique  qui  rend  ce 
fait  notoire,  3°.  aux  peintures  an- 
ciennes de  l'Eglife   qui  reprefen- 
tent  l'ai.ivée  de  S.  Pierre  à  Pife  & 
l'Autel  dont  il  s'agit ,  4°.  fur  ce  que 
difentles  HiftoriensduPays,  dont 
le  plus  ancien  qui  foit  cité  eft  un 
Dominicain    du    feiziéme  fiecle  , 
5°.  fur  l'autorité  de  Baronius  ,  6°. 
fur  le  rapport  de  l'Empereur  Char- 
les IV.  pour  cet  Autel ,  enfin  fur  les 
Bulles  d'Innocent  VI.  &:  de  Bonifa- 
cc  VIII.  qui  fuppofent  la  vérité  de 
cette  Tradition.   C'eft  une  Tradi- 
tion ,  dit  M.  Frofini  après  S.  Chry- 
foftome  ,  ne  cherchez  d'autre  preu- 
ve pour  croire.  Il  y  aura  des  per- 
fonnes  qui  feront  étonnées  de  cette 
application  du  pafiàge  de  S.  Chry- 
foftome  ,  à  un  point  de  fait  tel  que 
celui  de  fçavoir  fi  Saint  Pierre  a  fait 
conftruire  un  Autel  à  Pife  ,  &  fi 
cet  Autel  eft  encore  confervé  dans 
cette  Ville. 

A  l'égard  de  la  Confecration  de 
l'Eglife  de  Pife  par  S.  Clément  , 


B  R  E  ;    I7Î  5.  ysp 

l'Auteur  cite  un  grand  nombre  de 
traits  de  l'Hiftoire  Ecclefiaftique  ; 
dans  la  vûif  de  prouver  qu'on  y 
rapporte  beaucoup  de  faits  qui  ne 
font  pas  moins  extraordinaires  que 
ce  qu'on  dit  de  la  Confecration  de 
l'Eglife  de  Pife  par  S.  Clément. 

Les   hibitans   de   Luques  font 
ceux  qui  fe  font  le  plus  attachés  à 
combattre  cette  Tradition  de  l'E- 
glife de  Pife.  Leur  vue  étoit  de  fai- 
re valoir  leur  prétention  que  l'Egli- 
fe de  Luques  a  été  autrefois  l'Egli- 
fe Métropolitaine  de  l'Etrurie.  No- 
tre Auteur  adure  que  l'Eglife  de 
Luques  n'a  jamais  eu  cette  préroga- 
tive. Il  n'y  avoit ,  dit-il ,  autrefois 
que  deux  Métropoles  dans  l'Italie, 
Rome  &  Milan ,  Pife  eft  la  premiè- 
re &  la  plus  ancienne  Métropole 
de  l'Etrurie,  les  deux  autres  de  Flo- 
rence Se  de  Sienne,n'ontété  érigées 
que  quelques  fiécles  après  celle  de 
Pife.   Mais  pourquoi  l'Evêque  de 
Luquei  a-t-ille  droit  de  faire  por- 
ter la  Croix  haute  devant  lui     &c 
d'avoir   un  Pallium    comme    les 
Archevêques.   Ce  n'cft  ,    répond 
notre  Auteur  ^  par  rapport  .à  la 
Croix  qu'un  fimple  privilège  qui 
leur  a  été  accordé  par  le  Pape  Luce 
III.  &c  par  rapport  au  Pallium  une 
prérogative  de  cette  Eglife  confir- 
mée par  la  même  Bulle  de  Luce  III. 
Il  y  a  pluficurs  autres  Eglifes  dont 
les  Evêques  joiiiftent  des   mêmes 
prérogatives,  fans  être  Métropoli- 
tains. L'Evêque  de  Luques  eut  bien 
de  la  peine  en  17  2. 6".  d'obtenir  du 
Pape  Benoît  XIII.  le  titre  d'Arche- 
vêque ,  fans  avoir  néanmoins  au- 
cun Suffragant.  A  l'égard  des  Tia- 
liii 


S90  JOURNAL  tVïSSÇAVANS; 

ditions  de  l'Eglifc  de  Luques  ,  no- 
tre Auteur  croit  avoir  des  raifons 
elTcntielles  pour  fe  difpenfcr  d'y 
ajouter  foi. 

Ladcfcription  que  l'Auteur  fait 
de  la  Ville  de  Florence,  Se  ce  qu'il 
y  dit  des  Princes  de  la  Maifon  de 


Médicis  mérite  l'attention  de  ceux 
qui  n'ont  pas  vîi  d'autre  defcrip- 
tion  de  ce  qu'il  y  a  de  curieux  dans 
cette  Ville  là ,  &  qui  n'ont  pas  une 
teinture  de  l'Hiftoiie  de  la  Maifon 
de  Médicis. 


OBSERVATIONS    SVR     VORDONNANCE    DV    MOIS   DE 

Février  mil  fept  cens  trente  &  iin^  &  Quefiions  remarquables  fur  les  manières 
des  Vonatiom.  Par  Maure  JeanBaptiJle  Furgole  ^  Avocat  au  Parlement 
de  Toulonfe.  A  Touioufe  ,  chez  .lean-François  Foreji ,  rue  de  la  Porterie, 
à  la  Couronne  d'or.  1733.  in  folio  ,  pp.  195.  pour  les  Obfcrvations  fur 
l'Ordonnance  ,  pp.  325.  pour  les  Queftions. 


COMME  l'ufagc  eft  le  meil- 
leur interprète  des  Loix  ,  ce 
n'eft  ordinairement  qu'après  qu'u- 
ne Loi  a  été  obfervée  pendant  un 
certain  nombre  d'années  qu'on 
s'attache  à  en  donner  des  Commen- 
taires :  ce  n'efi:  même  que  par  une 
longue  expérience  qu'on  peut  s'in- 
ftruire  des  queftions  aufquellcs  les 
différentes  difpofitions  de  la  Loi  , 
ou  les  termes  dans  Icfquels  elles 
font  conçôës  peuvent  donner  lieu. 
M.  Furgole  n'a  pas  cru  devoir  at- 
tendre ce  fecours  pour  donner  un 
Commentaire  fur  l'Ordonnance  du 
mois  de  Février  173 1.  pour  fixer 
la  Jurifprudence  dans  toute  l'éten- 
due du  Royaume  ,  fur  la  nature  , 
la  forme  ,  les  Charges  &  les  Condi- 
tions des  donations.  Apparemment 
que  le  Commentateur  a  été  perfua- 
dé  qu'en  confrontant  les  différen- 
tes difpofitions  de  l'Ordonnance 
emr'elles  ,  qu'en  les  comparant 
avec  les  Loix  précédentes  fur  cette 
matière ,  &  avec  la  Jurifprudence 
wcienne  des  diffeiens  Pailemens 


du  Royaume ,  il  feroit  connoître 
la  véritable  intention  du  Légifla- 
tcur,  &  qu'il  pré voyeroit  les  diffi- 
cultez  qui  pourroient  naître  par  U 
fuite  dans  l'exécution  de  cette  Or- 
donnance. Le  précis  du  Commcrb- 
taire  fur  quelques  articles  mettra 
nos  Ledeurs  en  état  de  juger  de 
l'Ouvrage  entier. 

L'article  de  l'Ordonnance  du 
mois  de  Février  173 1.  porte  que 
tous  ades  portans  donation  entre 
vifs  feront  paffcs  par  devant  Notai- 
res ,  &  qu'il  en  reliera  minute  à 
peine  de  nullité.  Notre  Auteur  ob- 
ferve  d'abord  fur  cet  article  ,  qu'il 
y  a  plufieurs  chofes  à  confideret 
pour  la  validité  de  la  donation  en-- 
tre  vifs  ,  la  capacité  du  Donateur ,' 
celle  du  Donataire  ,  la  nature  des 
biens  dont  il  peut  difpofer  ,  les  for- 
malitcz  de  l'ade  qu'il  appelle  fub- 
ftanticlles ,  &  celles  qui  font  extrin- 
feques  ou  féparées  du  même  afte. 
Ce  font  principalement  les  forma- 
litez  &  les  conditions  de  l'ade  qui 
font  l'objet  de  l'Oidonnance  dont 


O  C  T  O 

il  s'agit  ici.  Notre  Auteur  diftingue 
ces  formalitez  en  deux  clafTes  ,  il 
appelle  les  unes  fublbntielles  , 
comme  celle  qui  eft  prefcrite  par 
le  premier  article  que  l'ade  foit 
paiïe  pardevant  Notaires ,  qu'il  en 
refte  une  minute  ,  ou  celle  qui  re- 
garde l'acceptation  des  donations 
&  dont  il  eft  fait  mention  dans  les 
articles  fuivans  ,  il  nomme  les  au- 
tres formalitez  extrinfeques  ou  fé- 
parées  de  l'ade  ,  &c  il  met  dans  ce 
nombre  celles  de  ne  point  délivrer 
la  minute  aux  parties  &  de  faire 
infinuer  la  donation.  Il  vient  en- 
fuite  à  l'explication  de  chaque  par- 
tie de  cet  article. 

Suivant  l'ancien  droit  Romain  ^ 
il  falloit  que  les  donations  fuiïent 
rédigées  par  écrit ,  dans  la  fuite  il 
avoit  été  permis  par  les  Loix  29  & 
30  au  Code  de  Donattomh,  de  faire 
des  donations  fans  écrit,  pourvu 
que  la  preuve  en  pût  être  confiante. 
Dans  le  tems  même  qu'il  étoit  ne- 
ccflaire  chez  les  Romains  que  la 
<lonation  fût  rédigée  par  écrit  ,  on 
n'exigeoit  pas  qu'elle  fût  palTcc  par- 
<levant  un  Officier  public,  mais  la 
nouvelle  Ordonnance  pouiïe  plus 
loin  la  précaution  ,  elle  a  voulu 
que  tout  adle  de  donation  fût  palTc 
pardevant  Notaires ,  afin  de  préve- 
nir les  fraudes  en  rendant  l'aCle  pu- 
blic ,  &  pour  que  le  Donateur  foit 
moins  fujet  aux  furprifes.  Cette 
difpofition  de  l'Ordonnance  doit 
être  exécutée  ,  même  par  rapport 
aux  donations  les  plus  favorables  , 
comme  celles  qui  font  faites  par  les 
afccndans  aux  defcendans ,  parce 
que  le  Légiflateuï  employé  les  ter- 


B  R  E  ,  I  7  5  |;  jpr 

mes  les  plus  généraux  ,  tom  a£Ies 
portant  donation  entre  -vifs. 

Qiiand  l'Ordonnance  dit  que  le» 
donations  feront  palTces  pardevant 
Notaires  ;  ces  termes  ,  félon  M. 
Furgolc  ,  ne  font  que  démonftra- 
tifs  des  perfonnes  qui  font  prépo- 
fécs  le  plus  communément ,  pour 
recevoir  les  adcs  publics.  De-la  il 
conclut  que  les  autres  perfonnes 
qui  ont  le  pouvoir  d'initrumcnrcr 
de  la  même  manière  que  les  Notai- 
res ,  comme  les  Chanceliers  oa 
Greffiers  des  Confiilats  de  la  nation 
Françoife  dans  les  Pays  étrangcis, 
&  les  Secrétaires  d'Etat  qui  ont 
droit  de  recevoir  les  contrats  de 
mariage  ùc.^  Princes  ,  peuvent  re- 
cevoir des  ades  contenant  des  do- 
nations, les  premiers  en  toute  forte 
d'occaiîon  ,  les  féconds  feulement 
dans  les  contrats  de  mariage  des 
Princes.  Mais  les  Juges  ou  leurs 
Greffiers  aufquels  il  ell  deffendu 
par  l'Ordonnance  du  mois  de  No- 
vembre 154Z.  de  recevoir  aucun 
contrat  volontaire  ne  peuvent  rece- 
voir des  ades  de  donations ,  quoi- 
qu'une pareille  donation  dût  être 
valable  aux  termes  du  droit  Ro- 
main. Les  Curés  qui  ne  font  les 
fondions  des  Officiers  publics  que 
pour  les  teftamens  ne  peuvent  non 
plus  recevoir  des  ades  de  donation. 
Il  en  eft  de  même  des  Greffiers  de 
Chapitres  qui  ne  font  établis  que 
pour  recevoir  &  pour  expédier  les 
délibérations  capitulaires. 

L'Ordonnance  voulant  qu'il  rc-; 

ftc  une   minute   des  donations  , 

l'Auteur  demande  fi  la  minute  »c 

trouve  perdue  après  que  le  Njtairc 

I  i  i  i  i j 


yija  JOURNAL  D 

aura  délivré  une  expédition  en 
bonne  forme  au  Donataire  ,  la  do- 
nation fera  déclarée  nulle.  Il  décide 
qu'en  ce  cas  la  donation  fera  vala- 
ble ,  nonobftant  la  perte  de  la  mi- 
nute. La  raifon  qu'il  rend  de  fa  dé- 
cifion  ,  eft  qu'on  ne  peut  pas  dire 
que  le  Donateur  ne  fe  foit  pas  dé- 
faifi  des  biens  ,  &:  qu'il  ait  la  liber- 
té de  rendre  la  donation  inutile  , 
parce  que  l'expédition  délivrée  au 
Donataire  établit  l'exiftence  ,  l'ir- 
révocabilité ,  &  la  validité  de  la 
donation.  Il  cite  pour  confirmer  fa 
décifion  d'Argcntré  fur  la  Coutu- 
me de  Bretagne  ^  &  l'Auteur  des 
Loix  Civiles. 

L'Ordonnance  prononçant  la 
peine  de  nullité  contre  les  dona- 
tions qui  n'ont  pas  été  palTécs  parde- 
vantNotaires,  l'Auteur  e(l  pcrfuadé 
qu'on  ne  peut  fiippléerà  la  prefen- 
ce  des  Notaires  par  quelque  nom- 
bre de  témoins  que  ce  foit ,  quand 
même  il  s'agiroit  d'une  fommeau- 
deffus  de  cent  livres,  il  eftime  mê- 
me qu'on  ne  pourroit  obliger  le 
Donateur  à  faire  le  ferment  fur  la 
vérité  de  la  donation.  Mais  il  aver- 
tit qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec 
les  donations  les  prefens  qu'on  fait 
manuellement  ,  &:  pour  lefquels  il 
ne  faut  ni  écritures  publiques ,  ni 
écritures  privées ,  non  plus  que  les 
donations  faites  entre  perfonnes 
mariées  ,  ou  celles  faites  par  les 
pères  aux  cnfans  de  famille  qui  font 
fous  leur  puidance,  attendu  que 
ic  Roi  a  déclaré  exprelTcmcnt  par 
l'article  46  de  fon  Ordonnance  que 
par  rapport  .à  cette  efpece  de  libéra- 
lité j  il  ne  prétendoit  rien  innover 


ÏS  SÇAVANS. 
jufqu'à  ce  qu'il  en  eût  autrement 
ordonné. 

Mais  que  doit-on  penfcr  des  do- 
nations tacites  ?  font-elles  abfolu- 
ment  abrogées  par  cet  article  ,  ou 
faut-il  que  les  laits  fur  lefquels  on 
fonde  la  préfomption  de  la  dona- 
tion foient  conllatés  par  un  aéle 
public  ;  C'eft  ia  dernière  queftion 
que  notre  Auteur  examine  fur  l'ar- 
ticle i.  de  l'Ordonnance.  Il  eftime 
que  l'intention  du  Légiflateur  n'a 
point  été  d'abroger  les  donations 
tacites  qui  font  préfumées  par  les 
Loix  dans  certains  cas  ,  non  plus 
que  les  quittances  gratuites  lous 
leing  privé  ,  la  raifon  qu'il  en  rend 
eft  que  ces  donations  font  moins  du 
tait  de  l'homme  que  de  celui  de  la 
Loi ,  &  qu'il  ne  faut  rien  autre  cho- 
fe  pour  les  faire  fubfifter  que  ia 
preuve  des  fûts  fur  lefquels  li  Loi 
établit  la  préfomption  de  la  dona- 
tion. 

L'article  3  9  de  l'Ordonnance  du 
mois  de  Février  1731.  &;  les  fi x  ar- 
ticles fuivans  regardent  la  revoca- 
tion des  donations  par  la  furvenan- 
ce  d'enfans.  Nous  rapporterons 
pour  fécond  exemple  quelques 
traits  du  Commentaire  fur  ces  fcpt 
articles,  après  avoir  obfcrvé  en  gé- 
néral que  l'Auteur  s'attache  à  faire 
voir  le  rapport  de  ces  difpofitions 
de  l'Ordonnance  avec  la  Loi  fi  un- 
<jnam  ,  6c  en  quoi  l'Ordonnance  a 
étendu  cette  Loi  ,  ou  rcfolu  des 
queftions  que  la  Loi  lailfoit  indéci- 
fes. 

Quelques  généraux  que  foient 
les  termes  de  l'article  39  pour  la 
révocation  de  la  donation  par  la 


O  C  T  O 

furvcnance  cies  enfans  ;  notre  Au- 
teur croit  qu'il  en  faut  excepter , 
comme  on  en  exccptoit  avant  l'Or- 
donnance ,  la  donation  faire  pour 
tenir  lieu  de  titre  Sacerdotal  ;  parce 
que  ce  cas  lui  paroat  cxtraordinai- 
remcnt  digne  de  faveur ,  6c  qu'on 
ne  peut  préfumer  par  cette  raifon 
que  l'intention  du  Légiflatcur  ait 
été  de  le  comprendre  dans  la  règle 
générale.  Mais  il  veut  en  ce  cas  que 
ce  qui  eft  donné  pour  tenir  lieu  de 
titre  Sacerdotal  n'excède  point  le 
revenu  requis  pour  ce  titre  par  les 
Statuts  du  Diocéfe,  &  que  la  dona- 
tion n'ait  fon  effet  que  pour  la 
jouiffance  pendant  la  vie  de  l'Eccle- 
flaftique.  Il  prétend  encore  que  la 
donation  feroit  révoquée  file  Do- 
nateur avoir  des  enfans  avant  que 
le  Donataire  eût  été  ordonne. 

L'article  40  de  l'Ordonnance 
porte  que  la  donation  eft  révoquée 
parla  furvenance  d'cnfans,  encore 
que  l'enfant  du  Donateur  ou  de  la 
Donatrice  fut  conçii  au  tems  de  la 
donation.  Quoique  cette  difjrofi- 
tion  décide  bien  cxpreffément  la 
queftion  fur  laquelle  les  Interprètes 
du  droit  étoient  autrefois  partagés, 
M.  Furgole  a  cru  la  devoir  traiter 
de  nouveau  à  caufe  du  cas  qui  fe 
peut  prefenter  pour  les  donations 
feitcs  avant  l'enregiftrement  de 
l'Ordonnance.  Ceux  qui  croyoient 
que  la  donation  n'étoit  pas  révo- 
quée par  la  furvenance  d'enfans , 
quand  l'enfant  étoit  conçu  lors  de 
la  donation  ,  fe  fondoient  fur  ce 
qu'on  ne  pouvoit  pas  préfumer  , 
qu'une  femme  qui  fait  une  dona- 
tion étant  enceinte ,  ou  un  maii 


B  R  E  ;  175  5;  j-^j 

qui  donne  une  partie  de  fon  bien  ' 
fâchant  que  fa  femme  efl  enceinte  , 
n'ait  point  penfé  à  l'enfant  qui  de- 
voit  bien-tôt  naître  ,  &:  que  le  Do- 
nateur ou  la  Donatrice  n'ait  pomt 
fcnti  l'affcd ion  paternelle  ou  mater- 
nelle qui  les  auroit  empêché  de  fai- 
re la  donation  ;  le  Parlement  de 
Touloufe  l'avoit  ainfi  jugé  au  fujet 
d'une  donation  faite  par  une  fem- 
me pendant  fa  groirelTe.  M.  de  Ca- 
tellan  rapporte  cet  Arreft. 

D'un  autre  côté  on  difoit  que 
pour  que  la  donation  pût  être  révo- 
quée par  la  furvenance  d'enfans  i  il 
fuiïifoit  j  aux  termes  de  la  Loi ,  que 
le  Donateur  n'eût  point  encore 
d'enfans,  Jilios  non  habens ^  que  la 
Loi  ne  regardoit  comme  étant  déjà 
nés  les  enfans  conçus  ,  que  quand 
il  s'agilToit  de  chofcs  qui  leur 
étoient  favorables ,  enfin  qu'un  pè- 
re n'a  pas  la  même  tendreffe  pour 
un  enfant  qui  n'eft  que  conçu  qu'il 
auroit  pour  un  enfant  né.  C'efî:  ce 
que  le  Parlement  de  Toulouze 
avoit  jugé  le  3  Septembre  1^97.  en 
faveur  de  Françoife  Abbadie  mère 
^-'légitime  adminillratrice  des  biens 
d'un  enfant  dont  elle  étoit  enceinte 
dans  le  tems  que  fon  mari  avoit  fait 
une  denarion.  Cette  dernière  Jurif- 
prudence  qui  a  donné  lieu  à  la  dif- 
pofition  de  l'Ordonnance  dont  il 
s'agit ,  paroît  à  notre  Auteur  la  plus 
équitable  ,  &:  c'efl:  celle  qu'il  efl 
perfuadé  qu'on  doit  fuivre  pour  les 
donations  faites  avant  l'enregiftre-; 
ment  de  l'Ordonnance  de  173 1. 

Les  queftions  remarquables  fur 
la  matière  des  donations  qui  font 
la  féconde  Paxtic  de  ce  Volume 


S9i        JOURNAL    DE 

font  au  nombre  de  $0  ,  Ôc  voici  le 
précis  de  cjuclqucs-uncs  des  répon- 
fes  à  ces  quellions. 

Il  s'ar;it  dans  la  trente-quatrième 
de  fçavoir  (î  les  donations  entre  vits 
ôi  les  difpofitions  teftamcntaires 
faites  par  les  Domeftiques  en  fa- 
veur de  leurs  maîtres ,  ou  par  les 
maîtres  en  faveur  de  leurs  domefti- 
ques font  valables.  Charondas  & 
Brodeau ,  ont  cru  que  les  maîtres 
étoient  compris  dans  la  difpolîtion 
de  l'article  151  de  l'Ordonnance  de 
16^9.  à  caufe  du  pouvoir  que  les 
maîtres  ont  fur  l'efprit  de  leurs  do- 
meftiques ,  Si  que  par  confcquent 
les  liberalitcz  des  domeftiques 
au  profit  de  leurs  maîtres  étoient 
nulles ,  comme  n'ayant  point  été 
faites  avec  la  libert^neceffaire  pour 
les  faire  valoir.  Ricard  croyoit  qu'il 
y  a  tant  de  baftclfe  dans  la  conduite 
d'un  maître  qui  accepte  une  dona- 
tion de  fon  domeftique  ,  au  lieu  de 
reconnoître  fes  fervices  ,  ou  du 
moins  de  laifler  les  biens  au  fuccef- 
fcur ,  qu'il  ne  faudroit  que  très  peu 
de  circonlfanccs  pour  condamner 
l'avarice  du  maître  &  faire  déclarer 
nulle  la  donation  -,  mais  il  étoit  per- 
fuadé  qu'en  examinant  la  qucftion 
indépendamment  des  circonftances 
particulières  ,  on  ne  peut  déclarer 
la  difpofition  nulle  fous  le  prétexte 
des  qualitez  de  maître  &  de  dome- 
fl;ique ,  parce  que  parmi  nous  les 
domeftiques  ne  font  point  efcla- 
ves ,  &  qu'Us  ne  font  fous  la  dé- 
pendance de  leur  maître  qu'autant 
qu'ils  le  veulent  bien.  Notre  Au- 
teur cft  aufti  convaincu  que  l'arti- 
cle 131  de  l'Ordonnance  de  1.639. 


5  SÇAVANS ; 

ne  p.ut  s'appliquer  au  maître  paf 
rapport  au  domeftique ,  parce  que 
cet  article  ne  parle  que  des  Tu- 
teurs ,  Curateurs ,  Gardicns-Bailli- 
ftres  &c  autres  Adminiftrateurs ,  Se 
qu'il  n'cft  pas  dit  un  feul  mot  des 
maîtres  dans  cet  article  de  l'Or- 
donnance ,  Se  que  dans  les  Loix  qui 
reftraignent  la  tacultc  de  difpofer  , 

6  qui  gênent  la  liberté  ,  il  ne  faut 
pas  étendre  une  difpofttion  d'un 
cas  à  un  autre  -,  en  fécond  lieu  parce 
que  le  motif  de  l'Ordonnance  ne 
peut  être  appliqué  au  maître  ^  at- 
tendu que  les  maîtres  n'ont  pas  fur 
leurs  domeftiques  une  puiftancc 
légale  Se  publique  dont  ils  ne  puif- 
fent  fc  fouftraire  pendant  un  cer- 
tain tems  ,  comme  eft  la  puilfancc 
que  les  Tuteurs  exercent  fur  leurs 
pupilles.  M.  Furgole  paroît  peu 
touché  de  ce  qui  paroît  à  Ricard 
être  une  indignité  qu'un  maître 
profite  des  liberalitez  de  fon  do- 
meftique. Il  avoiie  cependant  que 
l'autorité  qu'a  le  maître  fur  fon  do- 
meftique peut  déterminer  plus  ai- 
fément  à  faire  déclarer  la  donatioa 
nulle  ,  quand  il  y  a  d'ailleurs  des 
préfomptions  de  captation  ou  de 
force.  Mais  il  ne  met  point  aa 
nombre  des  préfomptions  contre  le 
maître  ,  que  le  domeftique  qui  a 
fait  une  difpolîtion  en  fa  faveur  ait 
demeuré  long-tcms  dans  fa  maifon, 
il  veut  au  contraire  qu'on  regarde 
cette  circonftance  comme  une  preu- 
ve de  l'amitié  que  le  domeftique 
avoit  conçue  pour  fon  maître  ,  Sc 
comme  une  marque  de  fa  recon- 
noifTance  à  caufe  des  bons  traite- 
mcns  «ju'il  en  avoit  regiàs ,  à  ïhr. 


0  C  T  O  B 

gard  des  donations  faites  par  les 
maîtres  aux  domeftiques.  Notre 
Auteur  ne  voit  pas  qu'on  puifle  ti- 
rer de  l'Ordonnance  de  1539.  le 
moindre  prétexte  pour  les  contc- 
ûer. 

Notre  Auteur  examine  dans  la 
35'  qucftion  quelques  dtfficultez 
au  fujet  de  la  déclaration  du  mois 
de  Février  1 549,  qui  défend  aux 
Tuteurs  èc  aux  autres  Adminiftra- 
teurs  de  recevoir  des  donations  de 
leurs  pupilles  par  des  perfonnes  in- 
terpolées. Il  décide  à  cette  occa- 
fion  que  c'eft  à  celui  qui  prétend 
que  le  Donataire  eft  une  perfonne 
intcrpofée  pour  ifaire  profiter  le 
Tuteur  de  la  Donation  à  prouver 
ce  qu'il  avance^  attendu  que  le  dol 
&  la  fraude  ne  fe  préfumcnt  point. 
Cette  décifion  doit  même  être  fui- 
vie  ,  félon  M.  Furgole ,  quand  la 
difpofition  eft  faite  par  le  pupille 
au  profit  des  enfans  du  Tuteur  , 
parce  que  la  feule  proximité  ne  fuf- 
fit  pas  pour  établir  la  fraude.  Néan- 
moins quand  les  enfans  ne  font  pas 
émancipés  la  donation  qui  leur 
cû  faite  par  les  pupilles  qui  font 


RE,     1755:  S9T 

fous  la  tutelle  de  leur  pare  cft  nulle; 
parce  que  le  père  en  profitcroit  .1 
caufc  de  l'ufufruit  qu'il  a  en  pays  de 
Droit  Ecrit  du  bien  de  fes  enfans 
qui  ne  font  pas  émancipés.  L'Au- 
teur croit  par  la  même  raifon  que 
les  pupilles  ne  peuvent  difpofer  de 
leur  bien  au  profit  des  femmes  de 
leurs  Tuteurs ,  lorfqu'eiles  font  en; 
communauté  de  biens  avec  leurs 
maris  ,  ou  quand  elles  fe  font  con- 
ftitué  tout  leur  bien  en  doc ,  parce 
qu'en  ce  cas  le  mari  profitcroit  de 
lajoiiiflance  dubien  qui  auroit  été 
donné  par  fon  pupille.  On  voit  que 
l'Auteur  dans  les  décifions  fur  cet 
article  ,  raifonne  relativement  aa 
Droit  Ecrit ,  car  il  y  a  des  Coutu- 
mes qui  ont  ajouté  des  difpofitions 
plus  rigourcufes  à  celles  de  la  dé- 
claration de  1549. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  da- 
vantage fur  cet  Ouvrage  dont  il 
n'cft  pas  poflîble  de  donner  un  Ex- 
trait détaillé  ,  il  nous  fuffit  d'avoir 
rapporté  des  exemples  de  chacune 
des  parties  qui  compofent  ce  Volu- 
me. 


S$6       JOURNAL  DES  SÇAVANS; 


RERUM  ITALICARUM  SCRIPTORES,  6~(. 
C'eft-à-dire  :  Recueil  des  Ecrivais  de  l'Hj'hire  d'Italie,  depuis  l'an 
^oo.jufyiiàl'an  1500.  par  AI.  Muracori  ^  Tome  Xlll.  A  Milan  ,  parli 
Société  Palatine.  1728.  iihfol.  col.  1308. 


L'Hiftoire  Univcrfcllc  de  Jean 
Villani  depuis  la  fondation  de 
Florence  jufqu'à  l'an  1348.  rem- 
plit la  plus  grande  partie  de  ce  Vo- 
lume. Quoique  cet  Auteur  tienne 
le  premier  rang  parmi  les  Hiiloricns 
qui  parurent  au  quatorzième  ficelé, 
il  fcroic  cependant  inutile  de  dilfi- 
muler ,  que  dans  tout  ce  qui  regar- 
de l'origine  de  Florence  ,  &  en 
quelques  autres  occafions ,  il  n'ait 
adopté  les  Fables  qui  étoient  pour 
lors  communément  reçues  fur  la 
foi  d'une  tradition  aveugle  ;  mais 
ce  défaut  qui  lui  eft  commun  avec 
le  grand  nombre  des  Auteurs  qui 
l'ont  précédé  eft  bien  compcnfé 
par  l'exaditude  &  la  fidélité  qui 
règne  dans  ce  qu'il  nous  raconte 
des  évenemens  qui  approchent  de 
fon  tems  ^  &  fur-tout  de  celui  dans 
lequel  il  vivoit ,  il  faut  avoiier  en- 
core que  la  haine  qu'il  avoit  pour 
laFadion  Gibelline  le  féduit  quel- 
quefois. Il  eft  aifé  de  le  voir  à  la  ma- 
nière dont  il  parle  de  l'Empereur 
Frideric  II.  &  defes  fuccelleurs.  Du 
refte  on  voit  éclater  par-tout  dans 
fon  Hiftoire  de  grands  fcntimens 
de  fagefle  &  de  probité  ,  fcs  vertus 
&  fes  talens  ne  furent  pas  fans  re- 
compenfe.  Il  fut  revêtu  des  Char- 
ges les  plus  confidcrables  de  la  Pa- 
trie ,  6c  il  les  exerça  avec  la  réputa- 
tion d'habile  homme  &  de  bon  Ci- 
toyen. 


Il  nous  apprend  qu'il  alla  à  Ro- 
me en  1 300.  à  l'occahon  du  J  ubilc, 
&  qu'il  en  revint  pour  compofct 
fon  Hiftoire  ,  il  mourut  en  1348. 
qui  eft  l'année,  où  des  Villes  en- 
tières furent  défolées  par  une  des 
plus  cruLllcs  pertes  qu'on  ait  jamais 
vu  en  Italie. 

Son  Hilloire  ,  quoique  connue 
des  Sçav.ins  ,  refta  cnfevelie  dans 
les  Bibhothéques  environ  pendant 
200  ans  ;  Jacques  Fafolus  en  donna 
enfin  une  Edition  affez  imparfaite 
àVenife  en  1537.  Icsjuntes  la  firent 
réimprimer  d'abord  dans  la  même 
Ville  en  1559.  &  enfuitc  à  Florence 
en  1 5S7.  corrigée  fur  differens  Ml. 
&  avec  les  Notes  de  Remy  Nanni- 
ni  Florentin.  Le  Didionnaire  de  la 
Crufca  contribua  beaucoup  à  ren- 
dre cet  Hiftoricn  célèbre  en  le  ran« 
géant  parmi  les  Auteurs  qui  ont 
perfedionné  l'Italien  vulgaire.  Un 
témoignage  fi  éclatant  n'a  cepen- 
dant pas  empêché  Alexandre  JalTo- 
ni  fameux  Poète  de  Modéne  d'ac» 
cufer  ViUani  de  plufieurs  fautes 
dans  le  ftile  &i  dans  l'expreftîon,  &c 
defoLitcnir  que  la  Langue  Italienne 
n'ctoit  point  encore  parvenue  au 
point  de  perfcâ:ion  où  elle  s'éleva 
dans  le  15*  fiecle.  M.  Murarori 
foufcrit  à  ce  jugement ,  &  il  le  flat- 
te d'en  avoir  prouvé  l'équité  dans 
un  de  fes  Ecrits ,  il  convient  néan- 
moins qu'on  doit  regarder  l'Hiftoi- 


O  C  T  O  B 

te  de  Villani  comme  une  des  four- 
ces  qui  a  le  plus  enrichi  la  Langue 
de  fon  Pays. 

C'eft  même  une  des  raifons  qui  a 
engagé  le  fçavant  Editeur  à  cher- 
cher les  moyens  d'en  donner  une 
Edition  plus  exade  que  toutes  cel- 
les qui  en  avoient  paru  jufqu'alors , 
il  a  été  aidé  dans  ce  dcfTein  par 
Jean-Baptifte  Rccanuti  Noble  Vé- 
nitien j  déjà  fort  connu  par  fon 
amour  pour  les  Lettres  ,  il  lui  a 
confié  un  Mf.  de  cette  Hiftoire 
très  -  bien  confervé ,  &  qui  paroît 
écrit  du  tems  de  Villani  même. 
C'eft  le  Mf.  comparé  par  M.  Safll 
avec  un  autre  qu'on  garde  dans  la 
Bibliothèque  Ambroifienne  que  M. 
Muratori  a  fuivi  dans  cette  Edition, 
il  a  fait  imprimer  les  Variantes  les 
plus  confiderables  au  bas  de  chaque 
page  ,  mais  à  l'égard  de  celles  qui 
étoient  peu  importantes ,  &  que  la 
fuite  de  l'Ouvrage  demandoit  ne- 
ceflairemenr  ,  il  les  a  fait  entrer 
dans  le  Texte  même  ;  on  y  verra 
des  Chapitres  entiers  qui  ne  fe 
trouvoient  pas  dans  les  précedetUes 
Editions.  Il  ne  doute  donc  pas  que 
celle  -  ci  ne  foit  parfaitement  bien 
reçîië  non  feulement  des  Italiens  , 
mais  encore  dcS  étrangers.  Il  foû- 
tient  que  Villani  eft  fi  cxzQ:  qu'on 
peut  le  regarder  comme  un  témoin 
non  fufpeâ:  jufques  dans  les  récits 
qu'il  fait  des  évenemens  qui  font 
arrivés  hors  de  l'Italie.  Il  obferve 
cependant  qu'il  a  écrit  fur  les  Mé- 
moires que  les  amis  qu'il  avoit  en 
France ,  en  Angleterre  &  en  Flan- 
dre lui  envoyoïent ,  &  fur  les  nou- 
velles publiques  telles  que  nosGa- 
OUobre. 


R  E,   175  5.  5-97 

zettcs.  Il  a  donc  pu  lui  arriver  de 
les  tranfporter  dans  fon  Hiftoire  , 
tels  qu'il  les  avoit  reçus  fans  y  fai- 
re les  changemens  necelTaires  :  M. 
Muratoii  croit  en  voir  un  exem- 
ple dans  le  8^  Liv.  ch.  ^8.  où  l'on 
trouve  la  relation  de  la  bataille  de 
Mons  en  Puelle  que  Philippe  le 
Bel  gagna  contre  les  Flamans  ,  on  y 
lit  que  ce  Prince  étoit  fi  irrité  con- 
tre eux  qu'il  ne  voulut  pas  permet- 
tre qu'on  enterrât  leurs  morts  ,  & 
la  narration  finit  ainfi  ,  io  Scrittore 
fojfo  cio  per  veduta  teflimoniare  ,  che 
pochi  di  apprejfo  fui  in  fui  campo  , 
enc  fia  la  bataglia  ,  &  vidi  tutti  Ica- 
pi  Aîorti ,  moi  qui  écris  ceci  ,  j'en 
puis  parler  comme  témoin  oculai- 
re ,  car  peu  de  jours  après  je  fus  fur 
le  champ  de  bataille  ,  &  je  vis  les 
morts.  Or  il  n'y  a  pas  d'apparence 
que  Villani  fût  pour  lors  en  Flan- 
dre. On  ne  peut  pas  du  moins  l'ex- 
cufcr  d'avoir  copié  des  pages  entiè- 
res de  Ricordans  Malefpini  ,  fans 
le  citer ,  &  fans  s'appercevoir  que 
le  fait  qu'il  en  empruntoit  contre- 
difoit  nettement  ce  qu'il  avoit 
avancé  ailleurs ,  fur-tout  en  parlant 
de  l'Empereur  Rodolphe  premier, 
Liv.  7.  ch.  44. 

Cet  Ouvrage  eft  fuivi  de  trois 
autres  moins  confiderables ,  le  pre- 
mier eft  une  Hiftoire  de  Sicile  de- 
puis izjo.  jufqu'en  1194.  l'ordre 
Chronologique  que  M.  Muratori  a 
toujours  fuivi  jufqu'à  prefent  en 
publiant  les  anciens  Ecrivains  de 
i'Hiftoire  d'Italie  ,  eiit  demandé 
que  celle-ci  eût  été  placée  dans  les 
Volumes  préccdens  ,  mais  l'ayant 
reçu  plus  tard  qu'il  n'eût  fouhaité  , 

Kkkk 


^p8        JOURNAL    DE 

il  a  été  contraint  de  la  bire  impri- 
mer ici  comme  un  hors  d'oeuvre. 
Il  doit  cette  découverte  à  Paul 
Agliotus  Jurifconliiltc  de  MclTme 
qui  jaloux  de  la  gloire  de  fa  Patrie, 
lui  a  envoyé  le  Mf.  original  de  cette 
Hiftoire  ou  du  moins  une  copie 
très  ancienne  faite  fur  l'original. 
On  prétend  qu'elle  a  été  dans  un 
coffre  de  plomb  fous  un  Autel  de 
de  l'Eglife  de  S.  Sauveur  à  Mcfllne. 
M.  Agliotus  ,  dans  la  Préface  qu'il 
a  niife  à  la  tête  de  cet  Ouvrage , 
fuppofe  qu'il  a  été  compofé  par 
Barthélemi  de  Néocaftro  Jurifcon- 
fulte  de  Meflînc  &  cnfuite  Avocat 
Fifcal  de  Sicile  ;  en  effet  le  titre  du 
Mf.  en  fait  foi.  Cependant  M.  Mu- 
latori  croit  qu'on  en  peut  douter  , 
parce  qu'on  ajoute  dans  ce  même 
titre  que  notre  Auteur  lut  envoyé 
en  Ambaffade  par  Pierre  d'Arragon 
au  Pape  Honoré  II.  Or  dans  le  105" 
Chapitre  de  fon  Hiftoire  on  lit 
qu'un  Barthélemi  de  Néocaftro  fut 
en  effet  chargé  de  cette  honorable 
Commiflîon,  mais  on  en  parle  d 
féchement  &  avec  fi  peu  de  détail 
qu'il  ne  paroît  pas  probable  que  cet- 
te Hiftoire  foit  l'Ouvrage  de  Bar- 
thélemi de  NéocaftrOjd'autant  plus 
que  l'Auteur  y  parle  toujours  en 
première  perfonne  ,  qu'il  affurc 
n'avoir  eu  d'autre  but  en  l'écrivant 
que  l'inftrudion  de  fon  nls  à  qui  il 
adreffe  fa  narration.  Or  il  étoit  na- 
turel que  par  cette  raifon  ,  il  ne  lui 
cachât  rien  de  tout  ce  qui  pouvoit 
ïegarder  l'honneur  de  fa  famille. 

Quoiqu'il  en  foit ,  il  écrivoit  en 
1188.  après  la  mort  de  Frideric  ;  il 
l'avoit  d'abord  compofée  en  veis  , 


S    SÇAVANS, 

mais  à  la  prière  de  fon  fils  il  la  re- 
mit en  profc ,  on  y  trouve  même 
encore  des  hémiftiches  entiers  , 
plufieurs  tours  poétiques  ,  &  il  ne 
faut  pas  cependant  la  regarder  com- 
me un  Ouvrage  de  pure  imagina- 
tion. C'étoit  un  Poëme  Hiftorique, 
tel  qu'on  en  a  vu  plufieurs  dans  ce 
Recueil.  M.  Aglioto  foupçonne 
qu'on  y  a  cependant  inféré  quel- 
ques Epifodes  fabuleux  pour  y  jet- 
ter  du  merveilleux  ,  Se  M.  Murato- 
ri  foufcrit  à  ce  jugement,  mais  du 
refte  le  premier  par  un  amour  ex- 
ceftifpourfa  Patrie  à  qui  il  prodi- 
gue les  louanges  les  plus  outrées , 
nous  reprefente  Barthélemi  de 
Néocaftro  un  Hiftoricn  fincére  8c 
judicieux  ,  &  d'autant  plus  croya- 
ble qu'il  étoit  plus  a  portée  d'être 
inftruit  de  la  vérité  des  évenemens 
arrivés  de  fon  tems  ,  parce  qu'il  te- 
noit  un  rang  confiderable  dans  la 
Sicile.  M.  Aglioto  parmi  les  belles 
adions  qui  doivent  rendre  le  nom 
de  fes  Compatriotes  immortels ,  il 
compte  les  Vêpres  Siciliennes, mais 
il  ajoute  en  même  tems  que  cette 
entreprife  toute  illuftre  &  toute 
fameufe  qu'elle  eft  a  eu  cependant 
le  malheur  d'être  écrite  avec  fi  peu 
d'exaâ:itude  qu'elle  a  laiffé  une 
abondante  matière  de  doutes ,  &  il 
affure  que  Barthélemi  eft  le  feul  qui 
ait  bien  traité  ce  point  d'Hiftoire. 
Il  avertit  en  même  tems  que  le  ftile 
de  cet  Hiftoricn  n'cft  pas  élevé ,  &C 
qu'on  y  trouvera  quelques  endroits 
obfcurs.  L'habile  Editeur  va  plus 
loin  ,  il  convient  qu'en  beaucoup 
d'endroits  cet  Hiftorien  eft  abfolu- 
mcnt  inintelligible ,  diffus  dans  fes 


O  C  T  O  B 

narrations  ~  Se  fur-tout  dans  les 
longs  difcours  qu'il  met  dans  la 
bouche  de  la  plupart  des  perfonnes 
qu'il  introduit  fur  la  Scène.  Et  à 
l'égard  du  fonds  de  l'Ouvrage  il  dit 
fimplemcnt  qu'en  parlant  des  cho- 
fes  qui  s'étoient  paflees  de  fon  tems 
ilavoitfuivi  la  vérité  autant  qu'il 
étoit  permis  de  le  faire  à  un  hom- 
me qui  foûtenoit  le  parti  des  Arra- 
gonois  ,  mais  dans  les  évenemens 
tort  éloignes  du  fiecle  ,  où  on  pré- 
tend qu'il  a  vécu  ,  M.  Muratori  ne 
diflïmule  pas  que  cet  Auteur  n'ait 
tombé  dans  des  fautes  Se  des  con- 
tradidions  énormes.  On  en  peut 
voir  un  exemple  dans  ce  qu'il  rap- 
porte de  Guillaume  I.  Roi  de  Sici- 
le &  des  defcendans  de  ce  Prince. 
Les  méprifesy  fontfigroflîeres&en 
fi  grand  nombre  que  c'eft  une  nou- 
velle raifon  pour  perfuader  à  M. 
Muratori  que  Barthélemi  de  Néo- 
caftro  qui  ne  vivoit  qu'environ 
cent  ans  après  la  mort  de  ce  Prin- 
ce ,  ne  peut  avoir  compofé  cette 
Hiftoire  ,  il  protefle  néanmoins 
que  fon  intention  n'eft  pas  de  di- 
minuer la  confidération  que  méri- 
te cet  Hiftorien  ,  ni  empêcher 
qu'on  ne  le  regarde  comme  un  té- 
moin digne  de  toi  dans  tout  ce  qui 
s'eft  palfé  en  Sicile,  &c  fur-tout  dans 
ia  Ville  de  Mefline  pendant  les  dé- 
mêlez de  Charles  d'Anjou  &  de 
Pierre  d'Arragon.  Il  veut  même 
que  les  habitans  de  Mefline  l'ap- 
plaudilfent  d'avoir  nourri  un  Ci- 
toyen qui  a  tranfmis  avec  tant  de 
zélé  leurs  belles  adions  à  la  pofteri- 
té  ;  après  avoir  loiié  leur  courage  8c 
leur  amoui  pour  la  guerre ,  il  fou- 


haite  que  l'Empereur  rende  à  cette 
illuftre  Ville  fon  ancienne  fplen- 
deur ,  &  lui  hfle  fentir  que  c'cfi: 
par  une  faveur  du  Ciel  qu'un  Prin- 
ce fi  bienfaifant  y  eft  remonté  fut 
le  Thrône  de  fes  ancêtres.  Il  ajoute 
que  le  peuple  de  Modéne  s'unit 
avec  celui  de  Mefline  pour  former 
les  mêmes  vœux  ,  &  que  depuis 
qu'en  l'an  1628.  l'Academie  de 
Mefline  s'eft:  unie  par  des  liens  éter- 
nels à  celle  des  Dijpnans  de  Modé- 
ne,les  loix  de  la  reconnoilfance  de- 
mandent que  Modéne  compte  par- 
mi fes  propres  avantages  tous  ceux 
qui  arrivent  à  la  Ville  de  Mefline. 

t°.  Un  Commentaire  fur  la  Vie 
&  les  aftions  de  Nicolas  Accia;oli 
Florentin  ,  Grand  Sénéchal  de  la 
Pouille  ,  par  Mathieu  Palmerius, 
aufli  Florentin  ,  depuis  l'an  1310. 
jufqu'àl'an  11,66 . 

Nicolas  Acciajoli  doit  être  regar- 
dé comme  un  homme  des  plus  il- 
iuftres  du  14'  ficelé  ,  il  naquit  à 
Florence  en  13 10.  d'une  famille 
très  -  difl;inguée  parmi  les  célèbres 
Ncgotians  de  ce  fiecle.  Son  princi- 
pal commerce  confift:oit  dans  l'a- 
cier ,  d'où  on  prétend  qu'elle  a  tiré 
le  nom  d'Acciajoli ,  Acciaio  en  Ita- 
lien fignifiant  de  l'acier.  Nicolas 
alla  à  Naples  pour  y  fuivre  la  pro- 
feiîion  de  fes  pères;  mais  l'élévation 
de  fes  fenrimens  lui  fit  fentir  cu'il 
étoit  né  pour  quelque  chofe  de 
plus  grand.  Il  étudia  la  politique , 
&  comme  il  joignoit  les  grâces  du 
corps  aux  agrémens  de  lefprit ,  il 
gagna  en  peu  de  tems  les  bonnes 
grâces  de  Louis  Prince  de  a  i  nre, 
enfuite  Roi  de  la  Pouille  &  il  plut 
Kkkkij 


(îoo         JOURNALB 

également  à  fa  femme  la  Reine 
Jeanne  I.il  les  fcrvoic  l'un  de  l'autre 
en  paix  comme  en  f;uerre  ,  5c  dans 
des'  tcms  fort  difficiles  avec  une 
grande  réputation  de  droiture  Se  de 
fagefTe.  Ses  fervices  furent  rccom- 
penfés  par  la  dignité  de  Grand  Sé- 
néchal de  Sicile  ou  de  la  Pouille  , 
ii  il  fut  chargé  de  plufieurs  Am- 
bafTades  célèbres  auprès  de  l'Em- 
pereur Charles  IV.  &c  du  Pape  In- 
nocent VI.  il  mourut  en  136e.  & 
iailTa  de  grands  biens  qu'il  avoir  ac- 
quis tant  par  fa  propre  induftrie 
que  par  la  libéralité  de  fcs  maures. 

Un  homme  de  ce  mérite  étoit 
bien  digne  de  trouver  un  Hiftorien 
tel  que  Mathieu  Palmerius.  Ce  fça- 
vant  déjà  connu  par  plufieurs  Ou- 
vrages ,  fleurilToit  au  commence- 
ment du  quinzième  fiecle  &  mou- 
rut en  1475.  Nous  avons  plufieurs 
Catalogues  de  fes  Ouvrages  -,  mais 
le  plus  exaâ:  de  tous  eft  celui  qu'en 
a  donné  Apoftolus-Zémis  dans  le 
dixième  Tome  des  Ephémérides 
d'Italie  ,  on  y  trouve  encore  grand 
nombre  de  traits  qui  fervent  à 
mieux  faire  connoître  la  Vie  de 
Palmerius  -,  il  fut  Gonfalonier  de 
Florence  en  1453.  &  c'eft  depuis 
ce  tcms-là  qu'il  a  recueilli  tout  ce 
qui  regarde  les  aérions  d'AcciajoIi. 
Cette  Hiftoire  fut  traduite  en  Ita- 
.  lien  èc  imprimée  à  Florence  en 
içiiS.  avec  l'Hiftoirc  de  la  famille 
Ubaldine.  L'original  qui  a  été  écrit 
en  latin  n'avoit  encore  jamais  paru 
&:  mérite  fans  doute  d'être  préféré 
à  la  traduélion.  On  le  donne  d'a- 
près deux  MIT.  qu'on  conferve  à 
JMéritc.  Tout  homme  qui  aura  lu 


ES  SÇAVANS; 

avec  attention  l'HiftoiredeNaples 
écrite  par  Ange  Conftantius  vcna 
aifèmcnt  corr.bien  il  a  profité  de 
l'Ouvrage  de  Palmerius  pouï 
éclaircir  l'Hiftoire  de  Jeanne  I.  &c 
de  Louis  de  Tarentc  fon  mari. 

3°.  Fragmens  des  Annales  de 
Viana  par  Confortus  -  Pulea  de  la 
même  Ville. 

Jean-Baptifte  Pajarini  que  Vof- 
fîus  met  au  nombre  des  Hiftoriens 
Latins ,  quoiqu'il  aie  écrit  fon  Hi- 
ftoire de  Vicenze  en  Italien,  comp- 
te parmi  les  Auteurs  dont  il  s'eft 
fervi  pour  compofer  fon  Hilloire 
d'un  Pulea  de  Cuftodia  ou  Cullo- 
za  Village  du  Territoire  de  Vicen- 
ze :  dans  un  autre  endroit  il  en  par- 
le encore  comme  d'un  Texte  célè- 
bre ,  &C  il  remarque  qu'il  avoit  dé- 
crit en  vers  l'arrivée  de  l'Empereur 
Charles  IV.  en  Italien.  Il  lui  donne 
pour  frère  un  Confortus,  mais  fans 
jamais  attribuer  à  ce  dernier  la  qua- 
lité d'Hillorien  ,  ce  qui  donne  lieu 
à  M.  Muratori  de  douter  que  le 
Pulei  dont  parlent  Volfius  6c  Paja- 
rini &  le  ConfontusPulea  dont  on 
imprime  ici  les  Fragmens  pour  k 
première  fois  ne  foient  un  feul  & 
même  Auteur. 

Ces  Fragmens  commencent  à 
l'an  1371.  ôc  finiffent  à  l'an  1387. 
ils  ne  font  pour  la  plupart  remplis 
que  d'évenemens  peu  confidera- 
bles  ,  de  prodiges  ,  d'apparitions 
d'cfprits ,  &  de  petits  faits ,  qui  ne 
regardent  que  des  particuliers;  mais 
l'air  de  candeur  Se  d'ingénuité  avec 
lequel  ils  font  écrits  faitcfpLtcrà 
M.  Muratori  que  la  Icdure  n'en  fe- 
ra pas  déiagréable  au  publie. 


OCTOBRE;    17  3  3^ 


€ot 


HISTOIRE  DE  L'EGLISE  GALLICANE  DE'DIE'E  A 

Nopigneurs  du  Clergé  par  le  P.  Jacques  Longueval ,  de  la  Comfagme  de 
Jcfus.  Tome  V.  A  Paris ,  chez  François  Momalam  ,  Quai  des  Auguftins; 
Jean-Baptifte  Coignard  ,  Imprimeur  àw  Roi ,  rue  S.  Jacques  ,  à  la  Bi- 
ble d'or.  173  ;.  /«-4°.  pp.  ^6%.  fans  la  Table  des  Matières. 


NOUS  avons  parlé  dans  nos 
Journaux  préccdens  des  pre- 
miers Volumes  de  cet  Ouvrage  à 
mefure  qu'ils  ont  paru  ^  &  en  parti- 
culier du  IV^  Tome  dans  notre 
Journal  du  moisde  Juin  173 1.  Lé 
cinquième  Tome  dont  nous  allons 
rendre  compte ,  renferme  les  1 5,  14 
&  1 5  Livres  de  l'Hiftoire  de  l'Egli- 
fe  Gallicane  depuis  l'an  708.  )ufqu'.i 
l'an  840. 

Le  treizième  Livre  commence  à 
la  nailTance  de  l'Héréfie  d'Elipard 
Evêque  de  Tolède  qui  entreprit  de 
faire  revivre  l'Héréfie  de  Neftorius, 
Mais  pour  fe  rendre  moins  odieux , 
il  en  ndoucit  les  dogmes  ,  fans  nier 
ouvertement  l'unité  de  Pcrfonnes 
enJ.C. ni  combattre  direcflement  fa 
Divinité, il  fe  borna  à  enfeigncr  que 
ce  Divin  Sauveur  n'étoit  pas  Fils  de 
Dieu  par  nature  ,  mais  feulement 
par  adoption.  Félix  Evêque  d'Urgel 
le  rendit  le  défenfeurde  ce  dogme 
impie.  Ces  deux  Evêqucs ,  dit  l'Au- 
teur ,  qui  joignoient  à  une  grande 
réputation  de  pieté  &  de  vertu  ,  les 
dangereux  talens  propres  à  faire 
une  Seâ:e  ,  eurent  bien  tôt  des  par- 
tifans  dans  leur  Pays  &:  même  dans 
les  Provinces  de  la  Gaule  ,  voifines 
de  l'Efpagne.  La  Catalogne  que  Fé- 
lix d'Urgel  infcdoit  defts  erreurs , 
faifoit  partie  des  Etats  de  Charlc- 
magne.  Ce  grand  Prince  ,   quoi-. 


qu'engagé  pour  lors  dans  la  guer- 
re des  Huns  ou  Abarcs  ,  voyant 
les  progrès  que  cette  Hèrèfie  faifoit 
dans  la  Septimanie  ,  fit  afiembler  à 
ce  fujet  un  Concile  à  Ratiibone. Fé- 
lix y  comparut,  fes  erreurs  y  fu- 
rent condamnées,  &  il  lesanathc- 
matifa  lui-même ,  mais  pour  s'afiu- 
rer  encore  mieux  de  fa  foi ,  le  Roi 
l'obligea  d'aller  à  Rome  ,  là  en  pre- 
fence  du  Pape  Adrien  ,  Félix  abjura 
de  nouveau  fon  hérèlie  ,  après  quoi 
le  Pape  &  le  Roi  croyant  n'avoir 
plus  aucun  fujet  de  fe  défier  de  fa 
fincerité  lui  permirent  de  retourner 
à  fon  Siège. 

Mais ,  dit  l'Auteur  ,  »  le  chan- 
Y)  gemcnt  véritable  d'un  Chef  de 
n  Parti  eft  un  miracle  de  la  grâce 
»  aufli  rare  qu'il  eft  difficile.  "  Fé- 
lix ne  fur  pas  plutôt  de  retour  à 
Urgel  qu'il  fit  éclater  fe  mauvaife 
foi.  Ehpard  d'un  autre  côté  publia 
divers  Ouvragespour  raflurer  ceux 
de  fes  Partifans  que  les  variations 
de  fon  Collègue  avoitnt  pu  ébran- 
ler ,  il  y  a  quelque  apparence  que 
ces  Ouvrages  n'ètoient  pas  de  fa  fa- 
çon ,  parce  qu'ils  font  affez  bien 
écrits  ,  au  lieu  que  nous  avons  une 
Lettre  particulière  de  ce  Prélat  à 
fon  ami  Félix  ,  qui  eft  d'un  fort 
mauvais  ftile,  &  pleine  de  barbarie 
mes. 

Adrien  perfuadé  par  fes  Ecrits 


6qi        journal    D 

de  l'opiniâtreté  des  nouveaux  Hé- 
tétiques' ,  confcilU  au  Roi  d'alTem- 
bler  un  Concile  National  comme 
le  remède  le  plus  efficace  qu'on  put 
employer  dans  ces    conjondurcs. 
Charicmagne  ne  délibéra  pas  ,  il 
envoya  ordre  à  tous  les  Evd-ques 
de  fcs  Etats  &  même  d'Italie  de  le 
rendre  à  Franctort  •,  le  Pape  y  dépu- 
ta en  qualité  de  fcs  Légats  deux 
Evêques,  &  il  s'y  trouva  environ 
300  Prélats ,  l'Héréhe  d'Elipard  y 
fut  de  nouveau  condamnée  ,  on  y 
lut    différentes    réfutations  de  la 
Lettre  de  cet  Hérélîarquc  ,  la  pre- 
mière au  nom  du  Pape  qui  repre- 
fentoit  le  fentimcnt  de  l'Eglifcde 
Rome  ,  &  des  Evêques  qui  ctoicnt 
plus  immédiatement  fous  fa  dépen- 
dance ,  le  fécond  par  S.  Paulin  Pa- 
triarche du  Frioul ,  ou  d'Aquilée  , 
pour  les  Provinces  les  plus  voillncs 
des  Alpes ,  &  le  troifiéme  conte- 
noit  la  foi  ortliodoxe  des  Evêques 
de  la  Germanie  ,  de  la  Gaule  ,  de 
l'Aquitaine  Se  de  la  Bretagne.  L'Au- 
teur ,   fuivant  fa  coutume  ,   nous 
donne  un  précis  exaifl  de  tous  ces 
Ouvrages.  Ils  furent  approuvés  par 
le  Concile  ,  &c  Charlemagne  qui  y 
fut  toujours  prefent  ,  alfis  avec  les 
Evêques  tandis  que  les  Prêtres  ôc 
les  Docteurs  croient  debout ,  en- 
voya ces  trois  écrits  à  Elipard^  avec 
une  Lettre  en  réponfe  à  celle  que 
ce  Prélat  lui  avoit  écrite  ,   o   Le 
x>  Prince  fins  y  faire  le  Théologien 
K  &  fans  fortir  des  bornes  de  Ion 
«  Etat  fe  contente  pour  ramener 
j>  les  Scclaiic»  à  l'unité  ,    d'em- 
»  ployer  avec  force  l'argument  tiré 
m  de  l'autorité  &  du  confentement 


ES    SÇAVANS. 

»  de  l'Eglifc  UniverfcUe. 

On  agita  encore  dans  le  Concile 
de  Francfort  une  Qiicllion  impor- 
tante au  fujet  du  culte  des  Imajjcs. 
Les  actes  du  fécond  Concile  de 
Nicée  tenu  contre  les  Iconoclalles , 
venoient  d'arriver  en  France ,  on  y 
étoit  pour  lors  tr^s-indifpofé contre 
les  Grccs.l'Iniperatricc  Ircnéc  avoit 
fait  époufer  àrÈmpercui  Conltantiii 
fon  tîls  une  fille  Arménienne  ,  tan- 
dis qu'il  étoit  accordé  avec  la  Prin- 
ccfTe  Rorrude  fille  du  Roi ,  &  qui 
avoit  même  auprès  d'elle  un  Eunu- 
que Grec  pour  lui  apprendre  la  lan- 
gue &  les  ufages  du  Pays. 

On  eft  ,  dit  le  Père  Longueval  ^ 
toujours  porté  à  interpréter  en  mal 
ce  qui  vient  d'un  ennemi  ,  la  plu- 
part des  Evêques  François  n'enten- 
doient  pas  le  Grec ,  &  ils  ne  ju- 
geoient  des  ades  du  fécond  Conci- 
le de  Nicée  qu'ils  nomment  par 
erreur  de  Conftantinople ,  que  fur 
une  verfîon  infidelle  ;  on  y  faifoit 
dire  à  Conftantin  Evêquc  de  Chy- 
pre cju' il  embrajfoit  Us  famtes  &  vé- 
nérables Images  félon  le  culte  &  l'a- 
doration ijit'il  rendait  à  la  confubfta». 
ticlle  &  vivifiante  Trinité.  Et  fut 
cette  fuppofItion(le  Texte  Grec  dit 
précifément  le  contraire  )  le  Conci- 
le de  Nicée  fut  rejette  avec  mépris 
dans  le  fécond  Canon  de  celui  de 
Francfort.  Les  autres  Canons  qui 
font  au  nombre  de  54  concernent 
les  affaires  d'Etat ,  ou  quelques  dif- 
férends arrivés  fur  la  Jurifdi(ition. 
On  en  peut  voir  le  détail  dans 
l'Auteur. 

Le  45   Canon  montre  combien 
on  jugeoit  alors  d'étroite  obliga- 


O  C  T  O 

tion  la  refidence  des  Evêcjues  : 
Charlemagne  après  en  avoir  obte- 
nu la  difpcnfe  pour  Hildebolde  Ar- 
chevêque de  Cologne  fon  Archi- 
chapeliain  qu'il  vouioit  toujours 
avoir  à  fa  Cour  ,  fe  crut  obligé  de 
faire  notilîcr  cette  permilîlon  par  le 
Concile. 

Trois  ans  avant  qu'il  fût  affem- 
blé,  avoient  paru  les  Livres  Caro- 
lins  contre  le  concile  de  Nicée  ; 
quelques-uns  ont  cru  qu'ils  avoient 
été  compofés  par  l'oidre  de  Charle- 
magne, &  par  Alucin  mêmCj  mais 
notre  Auteur  les  tiouve  remplis  de 
termes  (1  injurieux  &  de  laiîbnne- 
mens  fi  faux  ,  qu'il  ne  peut  foufcri- 
re  à  cette  opinion.  Il  cft  cependant 
certain  que  Charlemagne  ht  pu- 
blier un  Ecrit  contre  ce  Concile,  & 
qu'il  le  fit  porter  au  Pape  par  l'Ab- 
bé Engilbert.  Adrien  mourut 
quelque  tems  après.  Charlemagne , 
qui  avoit  pour  lui  une  amitié  parti- 
culière ,  fut  très  -  fenfible  <à  cette 
perte  ;  l'Auteur  nous  rapporte  l'E- 
pitaphe  que  ce  Prince  fit  pour  lui  , 
elle  refpire  la  tcndreffe  la  plus  vive. 
Léon  III.  ne  fut  pas  moins  attaché 
au  Roi  que  fon  prédecefleur  ;  peu 
de  tems  après  fon  éledion  il  lui  en- 
voya les  clefs  de  la  confeffion  de 
S.  Pierre  ,  &  l'ctendart  de  k  Ville 
de  Rome  pour  marque  qu'il  le  re- 
connoifibit  Patrice  des  Romains. 

L'union  parfaite  qui  régna  tou- 
jours entre  les  deux  Puiflances  les 
mit  en  état  l'un  &  l'autre  de  porter 
enfin  les  derniers  coups  àl'Héréfie 
d'Elipard.  Malgré  les  Décrets  du 
Concile  de  Francfort ,  comme  Fé- 
lix d'Urgelj  toujours  opiniâtre  dans 


B  R.  E  ,  1 7  3  5;  (To  j 

fes  erreurs ,  continuoit  de  les  foû- 
tenir  par  de  longs  Ecrits  ;  cet  Hé- 
rétique fut  encore  condamne  dans 
un  Concile  tenu  à  Rome.  Dans  le 
même  tems  Charlemagne  en  fit  af- 
femblcr  un  autre  à  Urgcl  même.  }{ 
étoit  compofé  d'Evêquesdela  Pro- 
vince du  Languedoc  ,  mais  en  petit 
nombre;Felix  s'étant  fcrvi  de  ce  pré- 
texte pour  ne  pas  fe  foiimettre  à  leur 
jugement,  ils  lui  obtinrent  un  fauf- 
conduit  de  la  part  du  Pvoi  pour  l'en- 
gager à  venir  lui-même  défendre  fa 
caufe  dans  un  Concile  que  le  Roi 
fitaflenibler  à  Aix  la  Chapelle. 

Félix  y  fut  confondu  ,  mais 
n'ayant  pas  voulu  fe  retrader ,  il 
fut  dépofé  de  l'Epifcopat.  Cette 
humihation  le  fit  revenir  à  lui-mê- 
me ,  &  il  parut  condamner  fes  er- 
reurs avec  une  entière  finceritc  dans 
une  confeflîon  de  foi  adrelTée  aux 
Prêtres ,  aux  Diacres  &  aux  autres 
Fidèles  de  fon  Eglife  ,  il  fe  nomme 
dans  Pinfcription  :  Félix  autrefois 
Eveque  cjiwicjh' indigne.  Cependant 
comme  il  s'ctoit  déjà  parjuré  trois 
fois,Charlemrgne  le  relégua  à  Lyon 
fous  les  yeux  de  l'Archevêque  Lci- 
drade  qui  tut  chargé  de  l'obferver. 
Elipard  qui  ne  fcavoit  pas  fa  re- 
traèlation  ,  lui  écrivit  pour  l'exhor- 
ter à  fouffrir  avec  conllancc  ,  &  à 
fe  fouvenir  que  J.  C.  a  déclaré  heu- 
reux ceux  qui  font  perfécutés  pour 
lajuftice  ,  &  il  lui  promet  d'ordon- 
ner à  tous  fes  Prêtres  de  dire  la 
Méfie  pour  lui ,  pour  donner  plus 
de  poids  à  (es  avis ,  il  lui  marquoit 
qu'il  étoit  pour  lors  âgé  de  82  ans. 
Il  écrivit  en  même  tems  à  Alcuin 
dans  des  termes  pleins  de  mépris 


^04  JOURNALD 

&  d'aigreur  ,  en  l'accufant  de  pcr- 
fecutcr  un  faint  ConfclTcur  rccom- 
mandablc  par  la  pureté  &:  par  la 
fagcfle  de  fcs  mœurs.  L^Archevê- 
quc  de  Tolède  fans  doute  changea 
bien  de  langage  en  apprenant  la 
foûmilfion  de  Félix;  mais,pour- 
fuit  l'Auteur ,  »  quand  les  retraela- 
»  tions  des  Hérétiques  faute  de  fin- 
«ccriré  ne  ferviroicnt  pas  aies  ju- 
»  ftifier  devant  Dieu  ,  elles  fervent 
»  du  moins  à  les  dccrcditcr  devant 
»>  les  hommes  ,  &c  c'eft  toujours  un 
»  avantage  pour  l'Eglife. 

On  ne  doutoit  pas  alors  que  Fé- 
lix ne  fût  fincerement  converti,  ce- 
pendant par  un  exemple  de  la  ma- 
ledidion  ordinairement  attachée 
aux  chefs  de  parti ,  il  lailfa  en  mou- 
rant un  Ecrit  dans  lequel  il  profcf- 
foit  hautement  fes  erreurs  ,  &c  où  il 
retra(5l;oit  pour  ainfi  dire  toutes  ces 
retradations  mêmes.  Pour  Elipard 
de  Tolède  on  prétend  qu'il  revint 
à  la  vérité  ,  &:  qu'il  mourut  dans  le 
fein  de  l'Eglife  ,  mais  les  autoritcz 
furlefquelles  on  l'alTure,  ne  paroif- 
fent  pas  Éort  folides. 

L'Auteur  ne  porte  pas  le  même 
jugement  de  celles  qui  regardent  le 
miracle  arrivé  en  la  perionnc  du 
Pape  Léon  III.  à  qui  des  féditieux 
coupèrent  la  langue  &  crevèrent  les 
yeux.  Il  prouve  la  vérité  de  ce  mi- 
racle contre  quelques  Auteurs  dont 
les  uns  le  révoquent  en  doute ,  & 
dont  les  autres  vont  même  jufqu'à 
le  nier  abfolument.  Chailemagne 
fe  crut  obligé  d'aller  à  Rome  pour 
venger  lePape-,  le  faint  Pontife  pro- 
fita de  cette  occafion  pour  le  cou- 
ronner Empereur  d'Qccidcnt.  »>  Et 


ES   SÇ  A  VAN  S, 

>»  c'eft  ainlî  que  l'Empire  pafTa  aux 
»  François  dans  la  pcrfonnc  d'un 
«Prince  capable  par  fa  valeur  &c 
»  par  fa  pieté  de  foûtenir  tout  le 
»  poids  de  la  gloire  des  Conllantins 
»  &:  desThéodofcs.«LaVie  dcChar- 
Icmagne  a  une  liaifon  necelTaire 
avec  l'Hiftoire  Ecclelîaftique  de  Ion 
tems  ;  comme  on  le  voit  par  diffc- 
rens  capitulaircs  donnés  dans  les 
AlTemblécs  ou  Conciles  qui  furent 
convoqués  par  fon  ordre  à  Franc- 
fort &  en  pluficurs  autres  endroits. 
On  en  trouve  ici  des  Extraits  fort 
curieux. 

Nous  ne  pouvons  fuivrc  l'Auteur 
dans  le  détail  particulier  où  il  entre 
fur  la  Vie  ou  lurlcs  Ecrits  des  Evè- 
ques ,  des  Abbez  &  de  toutes  les 
perlonncs  diftingutes  par  leurs 
fciences  ou  par  leur  pieté.  La  mul- 
titude &:  la  variété  des  faits  qu'il 
raconte  ,  l'oblige  d'interrompre  à 
tous  momens  fa  narration  ,  mais  il 
le  fait  avec  tant  d'oidre  &  de  clarté' 
que  fon  Hiftoire  ne  laifTe  pas  d'être 
fort  fuivie  &  fort  interelTante. 

Ce  premier  Livre  finit  par  la 
mort  &  l'éloge  de  Charlemagne. 

n  La  troifiéme  Race  de  nos  Rois, 
n  dit  l'Auteur  au  commencement 
»  du  quatorzième  Livre  ,  avoir  eu 
n  jufqu'ici  dans  la  perfonne  d'un 
j>  Pépin  d'Hériftale  ,  d'un  Charles- 
>j  Martel,  d'un  Pépin  le  Bref,  8c 
Il  d'un  Charlemagne  une  fuite  de 
>j  Héros  plus  grands  les  uns  que  les 
»  autres  ,  qui  par  leurs  exploits 
»  avoient  porté  leur  gloire  &  celle 
»de  la  Nation  au  plus  haut  point, 
D  Nous  verrons  déformais ,  ajoûte- 
»  t-il ,  leu):s  defçcndans  plus  foi- 
bles 


OCTOBRE.     1755.  ^o; 

"  blés  les  uns  que  les  autres dcfcen-     aâe  de  ce  partage  ,  le  fit  fîgncr  &c 
dearcs  d 


n  dus  comme  par  dettes  de  cette 
«•  élévation ,  &  fe  laiffcr  enfin  enle- 
"  ver  un  couronne  dont  le  poids  les 
»  accabloit  plus  que  Ion  éclat  ne  les 
»  ornoit. 

Louis  le  Débonnaire  que  Charle- 
magne  avoir  aflocié  à  l'Empire  de 
fon  vivant,  commença  fon  règne 
par  des  aérions  de  jufticc  &  de  pie- 
té qui  firent  d'abord  efpercj:  qu'il 
conferveroitfurfes  fujets  l'autorité 
que  l'Empereur  fon  père  s'étoit  ac- 
quife.  Comme  lui  il  s'appliqua  à 
reformer   les    defordres    qui   re- 
gnoient  dans  l'Eglifc.  La  multitude 
des  Reglemens,  des  Capitulaires  & 
des  AlTemblées  qui  fe  tinrent  à  cet- 
te occafion,  &  que  l'Auteur  conti- 
nue de  rapporter ,  marque  alTez  &c 
la  grandeur  des  maux  ,  &  le  peu  de 
fruit  qu'on  tiroit  des  remèdes  que 
l'Empereur  &  lesEvêques  bien  in- 
tentionnés efTayercnt  d'y  apporter. 
Il  chargea  diffcrens  CommiOaircs 
de  la  reforme  des  Monafteres  ,  de 
fes  Etats  &  de  l'exécution  des  rè- 
gles   qui   avoient  été  publiées  au 
Concile  d'Aix  la  Chapelle  en  Sié". 
pour  contenir  les  Chanoines  &  les 
Moines  dans  les  bornes  de  la  difci- 
pline  &  des  faints  Canons. 

Dans  ce  même  Concile  Louis  le 
Débonnaire  déclara  qu'il  afTocioit  à 
l'Empire  Lothaire  fon  fils  aîné ,  & 
qu'il  nommoit  Rois  fes  deux  autres 
fils,  fçavoir  Pépin  Roi  d'Aquitaine, 
&  Louis  Roi  de  Bavière.  Enfortc 
cependant  que  Lothaire  en  qualité 
d'Empereur  devoir  conferver  un 
droit  de  fouvcraineté  fur  les  Etats 
de  fes  autres  frères.  Il  fit  drefler  un 
OMn. 


jurer  par  les  Seigneurs  &  l'envoya 
à  Rome  pour  le  taire  approuver  du 
Pape. 

C'étoit  Pafcal  I.  qui  venoit  d'ê- 
tre élevé  au  Saint  Siège.  Il  envoya  à 
Louis  une  célèbre  AmbaiLide  pour 
lui  taire  part  de  fon  élection  ,  &c 
pour  lui  demander  la  confirmation 
des  Traitez  conclus  avec  les  Papes 
préccdens.  Il  ne  fut  pas  trompé 
dans  fes  efperanccs.  On  prétend 
même  que  Louis  donna  une  célè- 
bre Conftitution  qui  commence 
par  ces  mots  Ego  Lndovicits ,  par 
laquelle  il  confirmoit  le  Pape  &  fes 
SuccelTeurs  dans  la  potTènion  de  la 
Ville  de  Rome  ,  de  fon  Duché 
avec  fes  dépendances  ,  des  Villes 
de  Tofcane  ^  de  laCampanie,  de 
l'Exarcat  de  Ravenc,  CTc.  des  Ifles 
de  Corfe ,  de  Sardaigne  ,  de  Sicile, 
&  de  plufieurs  autres  Villes  &  Sei- 
gneuries qu'on  fuppofe  avoir  été 
accordées  à  l'Eglife  Romaine  par 
les  Rois  de  France. 

Mais  le  P.  Longueval  ne  diflîmu- 
le  pas  que  d'habiles  Critiques 
croyent  que  cette  donation  de 
Louis  le  Débonnaire  n'cll  pas 
moins  fuppoféc  que  celle  qu'on  at- 
tribue à  Conftantin  ,  &  il  la  regar- 
de du  moins  comme  une  pièce  dou- 
tcufe. 

De-Ià  il  palTe  au  récit  des  trou- 
bles qui  agitèrent  le  règne  da 
Louis  le  Débonnaire.  Ce  Prince  ne 
jouit  pas  long-tems  de  la  tranquilli- 
té qu'il  s'étoit  promife  en  parta- 
geant fes  Etats  entre  fes  enfans  ; 
Pépin  &  Louis  furent  moins  fatis- 
faits  d'être  Rois  qu'ils  ne  furent 
LUI 


6o6  JOURNAL  DES  SÇAVAN S, 

morrifiésde  n'ctrc  pas  Empereurs,      même  pour  ce  qui  regarde  le  Con- 


D'un  autre  côté  Bernard  Roi  d'Ita- 
lie qui  en  cette  quilité  prétendoità 
l'Empire  ,  après  la  mort  de  Louis  le 
Dcbonnaiie  fon  oncle,  vivement 
pique  de  s'en  voir  e>:clus,  leva  avec 
précipitation  l'étcndart  de  la  ré- 
volte ,    mais  elle  lui  fut  funeftc. 
Qiioique  Charlcmagnc  eût  défen- 
du à  les  cnfans  de  faire  mourir  ou 
aveugler  les  fils  de  leurs  frères  , 
l'Empereur  lui  ht  crever  les  yeux  , 
&  le  jeune  Prince  en  mourut  trois 
jours  après  •,    les  autres  coupables 
obtinrent  leur  pardon  ,   mais  les 
Evcques  qui    étoient  entrés  dans 
cette  confpiration  furent  dépoft:  & 
retenus  prifonniers  dans  des  Mona- 
ftcrcs  ■,  en  même  tems  pour  préve- 
nir de  pareils  troubles ,  l'Empereur 
fit  couper  les  cheveux  aux  Piinces 
Drogin  ,  Hugues  &  Thierry  fcs 
frères ,  &:  il  les  mit  dans  des  Cloî- 
tres pour  y  être  inllruits  des  Scien- 
ces propres  de  l'état  Ecclcliaftique. 
L'Impératrice  Iimingatde  étant 
morte  peu  de  tems  après ,  ce  Prince 
marqua  tant  de  goi'it  pour  lafoli- 
tudc  &  d'^ffeclion  pour  la  vie  Mo- 
nalliqtie  que  les  Seigneurs  François 
craignirent  qu'il    ne  prît  enfin  la 
refolurion  de  renoncer  à  la  Cou- 
ronne  pour  fe  taire  Moine  ;   pour 
détourner  ce  coup,  ils  le  prelTerent 
de  fe  remarier  ;  Louis  fe  rendit  en- 
fin à  leurs  conleils  &  il  époufa  Ju- 
dith Princeffe  d'une  grande  beauté 
&  de  beaucoup  d'efpiit.  Mais  l'af- 
ccndant  qu'elle  prit  fur  lui  fut  cau- 
fc  de  tous  les  troubles  qu'on  lira 
dans  le  dernier  Livre  de  ce  Volu- 
me. Nous  renvoyons  à  l'Ouvrage 


cile  de  Thionviilc  ,  la  conférence 
tenue  à  Paris  au  fujet  du  cuire  des 
Images ,  les  Ecrits  qui  furent  faits 
à  cette  occadon  plulieurs  auttcs 
Conciles  &  difFerens  points  d'hi- 
Aoire  &  de  critique  dont  il  nous 
eft  impolllble  de  taire  ici  mention. 

"  La  bonté  .S:  l.i  clémence  de 
'»  Louis  le  Débonnaire  qui  auroient 
»  dû  le  faire  aimer  ,  firent  qu'on  le 
»  craignît  moins ,  &  dès  qu'on  eut 
"  celTé  de  craindre  fon  autorité  on 
»  en  vint  bien-tôt  au  mépris  de  fon 
>»  augui^te  perfonnc.o  Le  P.  Longue- 
"val  »  voudroit  que  pour  l'honneur 
»  de  la  Nation  ,  il  lui  fut  perinis 
»  d'enfevclir  dans  un  éternel  oubli 
n  les  indignes  outrages  qui  furent 
»  faits  pour  lors  à  la  Majefté  Roya- 
»  le  5c  Impériale.  Mais  comme  on 
»  tâcha  de  couvrir  l'horreur  de  ces 
»  attentats  du  voile  ficré  de  la  Re- 
»  ligion  qui  les  déteftoit  &  que 
»  pluiicurs  Evèques ,  s'y  lailfetent 
>o  tromper  ;  il  ne  peut  ,  dtt-U  ,  fè 
"difpenfer  d'en  parler  dans  cette 
»»  Hiftoire ,  ne  feroit-ce  que  pour 
M  faire  fentir  comment  l'Eglife  de 
»  France  punit  alors  ceux  de  fes 
»  Minières  qui  entrèrent  dans  ces 
j>  factions. 

Louis  avoiteu  de  Judith  fa  nou- 
velle époufc  un  iîls  nommé  Char- 
les,  l'amour  qu'il  avoit  pour  elle  / 
ëc  la  tendreffe  qu'il  relTentoit  pour 
ce  fîls ,  l'engagèrent  à  lui  faire  un 
appanage  confidcrablc  ,  il  fallut 
pour  cela  démembrer  les  Etats  qu'il 
avoit  alîîgnés  à  fes  autres  cntatM. 
Ceux-ci  irrités  de  ce  nouveau  parta- 
ge fe  liguèrent  contre  l'Empercui 


O   C  T  O 

îeurpcre,  &  fous  le  prétexte  ordi- 
naire du  bien  public  ,  &  de  quel- 
ques dcfoidiics  qui  rcgnoient  dans 
le  Royaume  ,  ils  mirent  dans  leur 
parti  la  plupart  des  Seigneurs  Fran- 
çois ,  Se  même  plalieurs  Prélats 
diltingués  par  leurs  lumières  &  par 
leur  régularité.  »  Tant  il  eft  vrai, 
i>  dit  r^ntear  ,  que  la  pieté  fe  hilfe 
!»  quelquefois  furprendre,  &quela 
»  vertu  de  ceux  qui  embraffent  un 
>»  parti  n'eft  pas  une  raifon  de  le  ju- 
»  ftifier.  «  Leur  première  tentative 
ne  fut  pas  hcureufc  ;  la  Majefté 
Royale  y  fouffrit  quelque  éclipfe  , 
mais  elle  rep;:rut  bien  -  tôt  avec 
éclat,  &  dans  l'alTemblée  de  Nimé- 
gue  Louis  recouvra  toute  fon  auto- 
rité. 

S'il  s'en  ctoit  fervi  avec  plus  de 
?/igucur  ,  peut-être  qu'il  auroit  pré- 
venu une  féconde  révolte  dans  la- 
quelle il  fe  vit  trahi  &  abandonné 
par  tous  les  François  ,  condamné 
dans  i'Aflemblée  de  Compiegne  à 
être  mis  pour  le  refte  de  fes  jours  en 
pénitence ,  contraint  de  foufcrire 
lui-même  à  fa  propre  dépofition  , 
de  faire  à  SoifTons  une  conteffion 
publique  de  crimes  qu'il  n'avoit 
pas  commis ,  5c  dont  les  Evêques 
lui  avoicnt  prefcrit  la  formule  ; 
2>  Rien  ne  doit  paroître  plus  fur- 
»  prenant  que  la  témérité  d'une 
»entreprife  fi  criminelle,  fi  ce  n'eft 
n  peut-être  la  douceur  &  la  foiàmif- 
n  fion  avec  laquelle  ce  Prince  parut 
ij  la  fouffrir. 

Il  fut  renfermé  dans  le  Mona- 
ftcrc  de  S.  Médard  de  Soiffbns  fous 
une  bonne  garde ,  &  delà  transte- 
rç  à  Aix  la  Chapelle  Se  cnfuitc  à 


B  R  E  ,  I  7  J  j.  6oj 

Pans.  Toutes  ces  violences  fe  fii- 
foient  par  l'autorité  dcLothairc  qui 
fe  portoit  pour  Empereur  ;  mais 
Louis  Roi  de  Bavière  ,  &  Pépin 
Roi  d'Aquitaine  fes  frères ,  ouvri- 
rent enfin  les  yeux  fur  les  indignes 
traitemens  qu'on  faifoit  au  Roi  leur 
père  ,  ils  s'unirent  enrr'eux  pour 
travailler  à  fi  liberté  ;  la  plupart 
des  Grands  du  Royaume  étant  re- 
venus à  eux-mêmes  ,  Louis  reprit  à 
S.  Denis  les  marques  de  l'autorité 
Royale  ,  &c  dans  un  Concile  qui  fc 
tint  à  Thionvillc  les  Prélats  qui 
étoient  entrés  dans  le  parti  des  re- 
belles lurent  dépofés ,  entre  autres 
Ebbon  Archevêque  de  Rheims. 

Jamais  la  fituation  de  la  France 
n'avoit  été  plus  trifte.  Epuifée  par 
les  guerres  civiles,  défoléc  par  les 
courfes  des  Sarrazins  Se  fur  -  tout 
des  Normans ,  elle  étoit  encore  en 
proye  à  la  violence  de  Seigneurs 
particuliers  qui  profitoient  des 
troubles  du  Royaume  Se  de  la  foi- 
bleffc  du  Gouvernement  pour  op- 
primer l'Eglife  Se  leurs  ValTaux. 
Louis  eiTayoit  en  vain  d'arrêter  le 
cours  de  ces  dcfordres  dans  difFe- 
rens  Conciles  qu'il  taifoit  aflem- 
bler.  Cependant  malgré  la  corrup- 
tion qui  regnoit  alors  dans  tous  les 
Etats ,  on  ne  vit  jamais  tant  de 
tranflations  de  Reliques  qu'en  ce 
fiecle  ,  l'Auteur  les  raconte  en  dé- 
tail aufîî-bien  que  les  miracles  arri- 
vés dans  ces  cérémonies.  L'empref- 
fement  d'avoir  des  Reliques  étoit  fi 
grand  qu'on  employoir  quelquefois 
la  violence  &  la  fupcrcherie  pour 
les  enlever  ,  comme  fi  le  Yol  des 
chofcs  faintes  étoit  licite. 
L  1 1 1  ij 


6o3        JOURNAL    DE 

Il  parut  dans  ce  rems  là  une  Co- 
mète qui  alLirma  le  Roi,  dans  l'ap- 
préhcnfion  où  il  étoit  qu'elle  pro- 
noftiquât  un  changement  de  règne 
&  la  mort  d'un  Prince  ,  il  confulta 
fon  Aftrologue  ,  celui  ci  lui  répon- 
dit ,  pour  le  rafTurer ,  qu'il  ne  fal- 
loir pas  craindre  les  figncs  du  Ciel; 
Louis  ne  laiffa  p.:s  de  taire  des  priè- 
res ,  d'ordonner  des  MelTes  &:  de 
diftribucr  des  aumônes  pour  dé- 
tourner ce  mauvais  préfage  ,  mais 
il  en  arriva  un  nouveau  qu'il  regar- 
da comme  une  prédiiflion  de  fa 
mort  prochaine  -,  c'étoit  une  cdipfe 
de  Soleil,  il  avoit  pour  lors  un  gros 
rhume  &  ne  doutant  pas  que  fa 
mort  ne  tût  prochaine  ,  il  s'y  difpo- 
fa  avec  de  grands  fentimcns  de  Re- 
ligion ,  &  il  mourut  en  effet  quel- 
ques jours  après  dans  la  6^  année 
de  fon  âge. 

"  On  ne  rcconnoît  en  lui ,  dit  le 
»  P .Longueval ^  le  hls  de  Charlema- 
a>  gnc  qu'à  fon  zèle  pour  la  Reli- 
H  gion  qu'il  protégea  conftammcnt. 
)>  Mais  il  ne  fçut  pas  comme  ce 
»  Héros  allier  toujours  les  intérêts 
M  de  la  pieté  avec  ceux  de  fa  dignité; 
»  fa  délicatelfe  de  confciencc  trop 
»  fcrupuleufe  même  pour  un  parti- 
)>culier  lui  fit  plus  d'une  toisoublier 
»  ce  qu'il  devoir  à  fon  rang ,  défaut 
»  qui  en  l'avilirtant  aux  yeux  des 
«hommes  ne  le  rendit  peut-être 
»  pas  moins  grand  aux  yeux  de 
»  Dieu. 

Sa  mort  ne  rendit  pas  la  tran- 

3uillité  à  fon  Empire  ,  Louis  Roi 
e  Bavière  ,  &  Charles  Roi  de 
Neuftrie  prirent  les  armes  contre 
l'Empereuï  Lothaire,  5c  gagnèrent 


S  SÇAVANS , 
contre  lui  une  fanglante  bataille. 
Ils  le  firent  déclarer  incapable  de 
gouverner  dans  une  affembléc  d'E- 
vcques  tenue  à  Aix  la  Chapelle  ,  & 
partagèrent  enrr'cux  fcs  Etats.»  Ces 
»  Prélats  fuppofant  mal-à-propos , 
»  dit  l'auteur  j  que  les  Princes  per- 
jsdcnt  par  leur  mauvaife  conduite 
»  des  droits  qu'ils  tiennent  de  leur 
»  NailTance  ,  conclurent  que  Dieu 
»  avoit  juftement  privé  Lothaire  de 
"  fon  Royaume  pour  le  donner  à 
»fes  frères  qui  monrroient  plus 
M  d'amour  pour  la  jullice.  «  Mais 
comme  il  le  remarque  dans  une  au- 
tre occafion  ,  les  Evêques  en  vou- 
lant alors  ufurpcr  l'autorité  qui  ne 
leur  appartenoit  pas  dans  les  affaires 
de  l'Etat ,  perdirent  une  partie  de 
celle  qui  leur  appartient  de  droit 
divin  dans  le  gouvernemsntde  l'E- 
glife.  C'eft  ce  qu'on  peut  voir  par 
les  Conciles  de  Verncuil ,  &c.  qui 
furent  alfemblés  dans  le  tems  ,  & 
fur- tout  parPAlfcmblée  d'Epenay, 
où  l'Epifcopat  reçut  un  outrage 
fanglant.  Au  rcfie  la  difpodtion  ir- 
reguliere  dont  nous  venons  de  par- 
ler n'eut  point  de  lieu ,  &:  les  trois 
treres  s'accordèrent  enfin  à  faire  un 
nouveau  partage  qui  rétablit  l'u- 
nion enrr'cux. 

Les  révoltes  de  Nomenoy  pre- 
mier Duc  de  Bretagne  terminent  le 
quinzième  &  dernier  Livre.  Elles 
entrent  d'autant  plus  naturellement 
dans  cette  Hiltoire  que  dans  le  dcf- 
fein  d'ériger  fes  Etats  en  Royaume, 
NoiVienoy  donna  de  fon  autorité 
privée  le  titre  de  Métropolitain  à 
i'Evcque  de  Dol.  Son  fils  Erifpoi 
qui  lui  fucceda  obligeaChailes  à  lui 


O  C  T  O  B  R  E  ;   17  5  5.  609 

accorder  la  paix  avec  la  qualité  de  l'Archevêque  de  Tours. 
Roi ,  &c  l'Evêque  de  Dol  continua  Nous  ne  manquerons  pas  de  par- 

de  fon  côté  à  s'arroger  les  droits  de  1er  du   fixiéme    Volume   dans  le 

Métropolitain     au    préjudice    de  Journal  fuivant. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ALLEMAGNE. 


HOLLANDE. 


De  L  e  I  p  s  ik. 

M  Hoffmann  publia  en  175 1.  le 
.  premier  Volume  d'un  Re- 
cueil intitulé  :  Nova  Scriptonim  ac 
A-îonitmentoritm ^partim  rarijjlmomm, 
pariim  ineditorurn  ColleUio.  Opits  ad 
iliuftrandam  Hifioriam  Civilem  , 
Ecclejijfticam  ,  Liiterariam ,  necnon 
Jiirifprudenttam  publicam  &  priva- 
tam  ckm  maxime  contparatum.  To.  L 
pr&ter  alla  frc.  XFl.  Aionumenta  , 
Samit'élis  Guichenoni  Bibliothecam 
Sebujlanam  ,  &  Paridis  de  Crajfis 
diarmrn  cimA  Romanét  complexes, 
Recenfuit  Chrift.  Godofredus  Hoff- 
mannus ,  Je.""  Reg.  Bonus.  Maj. 
Conf.  intimiis  &  ordin.  fjitr.  inAcad. 
Francof.  ordin.  LïpjÎA  fumpt .  Hered. 
Lanckjs.  in-4°.  Le  fécond  Tome  de 
ce  Recueil ,  lequel  a  été  imprimé 
cette  année  a  pour  titre  :  Nova 
Scriptornm  ,  &c.  To.  II.  prater  va- 
ria ad  Cerernoniarum  difciplinam 
pertinentia  ,  Lthrum  diurnum  Roma- 
noritm  Pomificum  ,  &  ylugHJlini  Pa- 
trxii  Picolominei ,  Epifcopi  Pientini 
Librum  Sacraria  cerernoniarum,  qui' 
bus  Romani  Pontifices  uti  confueve- 
rum  ,  exhibens ,  Sic.  in-4'.  173  J. 


D'A  M  s  T  H  R  D  A  M. 

Pierre  Humbert  débite  Mémoire! 
de  Frederic-Henri  de  Naiïau,  Prin- 
ce d'Orange  ,  ijui  contiennent  fes  ex- 
peditions  militaires  depuis  lézi.juf- 
<juà  Pannêe  16^6.  enrichis  du  por- 
trait du  Prince  &  de  figures  repréfen- 
tant  fes  aHions ,  dejfmées  &  gravées 
par  Bernard  Picart.  /«-4°. 

Voici  un  Projet  de  Soufcription 
que  Jean-Frederic-Bernard ,  Librai- 
re ,  tait  diftribuer  pour  l'édition 
qu'il  fe  prépare  à  donner  de  ï'Hi- 
ftoire  des  Tncas  ,  Rois  du  Pérou  de- 
puis Manco  -  Capac ,  Fondateur  de 
la  Adonarchie  du  Pérou  ,  jufcjua  la 
Concjtike  de  cet  Empire  par  les  Ej'pa- 
gnols^foiis  Atahudpa,  dernier  Tnca. 
Avec  l'Hiftoire  de  la  Floride  ^  &  de 
la  Conquête  des  Provinces  de  l' Amc- 
ricjue  Septentrionale ,  qui  portent  ce 
nom ,  par  Ferdinand  Soto.  Ecrites 
l'une  &  l'autre  en  Efpagnol  par  l'Yn^ 
ca  GarcilafTo  de  la  Vega  ,  &  enri- 
chies défigures  gravées  d'après  les  défi 
fieins  de  Bernard  Picard  le  Romain. 

I.  Le  prix  de  cet  Ouvrage  ,  divifé 
en  trois  Tomes  in-^°.  fera  de  neuf 
florins  pour  ceux  qui  s'engageront 
à  le  prendre  loifqu'il  fera  en  état 


tfro  JOURNAL  D 

de  paroître  :  c'cft  à  dire  au  io  Sep- 
tembre 1734.  Ceux  qui  ne  s'enga- 
geront pas  le  payeront  quatorze;  & 
comme  on  n'en  imprimera  que 
très  peu ,  on  ofe  afTurer  qu'il  ne  fc 
vendra  jamais  à  moins. 

II.  A  l'égard  du  grand  papier,  on 
fc  propofe  de  n'en  imprimer  que 
75  exemplaires  à  1 5  florins  la  pièce, 
&  feulement  par  ibiifcriprion.  Mais 
pour  ce  qui  cil  du  grand  papier, 
on  demande  la  moitié  de  la  louf- 
cription  d'avance  ;  c'eft-àciire7  fl. 
lo  f.  s'il  s'en  foufcrit  moins  de  75 
on  en  imprimera  moins.  Nîais  quoi- 
qu'il en  foit ,  le  Libraire  n'en  ven- 
dra jamais  aucun  exemplnre  au-de- 
là des  exemplaires  foufcncs,  &:cela 
fans  équivoque  ,  ni  rcftridion. 

m.  Les  planches  font  i'i-^^.  au 
nombre  de  ^5,  y  compris  une  plan- 
che pour  le  titre,  fans  compter  une 
vignette  &  deux  cartes. 

IV.  A  quatre  delTeins  près  tous 
les  autres  font  de  feu  M.  Picart.Um 
grande  partie  des  planches  étant 
faite  ,  les  curieux  pourront  donner 
ordre  de  les  voir  chez  le  Libraire 
afin  qu'il  n'v  ait  aucune  furprife. 

V.  Comme  on  fc  propofe  d'im- 
primer cet  Ouvrage  en  Janvier  pro- 
chain ,  on  ne  recevra  des  engage- 
mcns  que  jufqu'à  ce  tems-là,  &i 
palfé  le  premier  Janvier  i-34.quel« 
que  prix  qu'on  offre  du  grand  pa- 
pier ,  on  n'en  vendra  jamais  aucun. 

Cfux  cjiù  voudrom  s'engager  À 
prendre  ledit  Ouvrage  quAtid  il  fera 
achevé  ,  oit  foiifcrire  pour  le  gnind 
papier  s' addrcjfsront  à  Paris  ,  ehei. 
Jean  Villetre  hls  ,  Libraire  ^  rué 
Saint  Jacques ,  k  S/iifit  Bernard, 


ES  SÇAVANS. 

Le  même  J.  F.  Bernard  avertit  le 
public  qu'il  publiera  fans  faute  au 
commencement  de  1735.  le  Tome 
6  fc  dernier  des  Cérémonies  Rcli- 
gieufes ,  lequel  contiendra  tout  ce 
qui  refte  à  décrire  des  Cérémonies 
Rcligicufcs.  Les  delfeins  qui  entre- 
ront dans  ce  Volume  ne  feront  pas 
moins  beaux  que  ceux  des  Volumes 
précedens.  Il  y  entrera  pluficurs 
pièces  dirigées  &  deflînées  par  feu 
B.  Picart  le  Romain  ,  &  h  mort  de 
ce  célèbre  Deinnatcur  ne  portera 
aucun  obllacle  à  la  publication  de 
ce  Volume  ,  on  n'y  négligera  rien 
de  ce  qui  peut  contribuer  à  la  fatis- 
fadion  du  public. 

FRANCE. 

De  Bordeaux. 

h' Académie  Royale  des  Belles - 
Lettres  ,  Sciences  &  Ans  ,  établie  à 
Bou^de^ux,  propofe  à  tous  les  Sça- 
vans  de  l'Europe  ,  un  prix  fondé 
par  tcii  M.  le  Duc  de  la  Force.  C'eft 
uue  Médaille  d'or  de  la  valeur  de 
trois  cens  livres. 

Ellecft  deftinée  àcelui  qui  expli- 
quera avec  le  plus  de  probabilité  , 
la  Formation  des  Pierres.  Ce  prix  fe- 
ra diftribué  le  zj  Aoufl;  de  l'année 
1734.  jour  de  la  Fête  de  S.  Louis. 

Il  fera  libre  d'envoyer  les  DilTer- 
tations ,  en  François  ou  en  Latin  i 
mais  elles  ne  icront  reçues  pour  le 
concours  ,  que  jufqu'au  premier 
Mai  prochain  incluiivement. 

Au  bas  des  Dillertations  ,  ify  au- 
ra une  Sentence  ,  &  l'Auteur  met- 
tra dans  un  billet  féparé  6c  cacheté. 


O   C  T  O  B 

la  mêrnc  Sentence  ,  avec  fon  nom  , 
fes  qualitez  5c  fon  adrelfc. 

Les  Pacjiiets  feront  affranchis  de 
fort ,  &  adrejfés  h  Al.  Sarrau  ,  Se^ 
cretairs  de  FJc^idemic,  nié  des  Gottr- 
guss ,  Oit  au  Sieiv  Bvun  ,  Imprimeur 
de  V Académie  ^  rué  S.  James. 

De     Paris. 

La  Compagnie  (i:s  Libraires  af- 
fociez  dilbibue  aux  Soufciipteurs 
les  Tomes  VIL  VIIL  &  ÎX.  de 
VHiftoire  Généalogi<jne  &  Chronolo- 
gi^ite  de  Li  Maijon  Royale  de  Fraftce, 
lies  Pairs  ,  Grands  Officiers  de  la  Cou- 
ronne &  de  la  Afaifo»  du  Roi ^  &  des 
f.nciens  Barons  dit  Royaume  ,  avec 
les  qualitez,  l'origine  ,  le  progrès 
&  les  r.rmes  de  leurs  familles  ,  en- 
fcmble  les  Statuts  &  le  Catalogue 
des  Chevaliers ,  Commandeurs  5c 
Officiers  de  l'Ordre  du  S.  Efprit. 
Le  tout  drefle  fur  titres  originaux , 
fur  les  Regillrcs  des  Chartres  du 
Roi,  du  Parlement ,  de  la  Chambre 
des  Comptes ,  &  du  Châtelet  de 
Paris ,  Cartulaircs ,  Manufcrits  de 
il  Bibliothèque  du  Roi  5c  d'autres 
Cabinets  curieux.  Par  le  V.Anfelme^ 
Anguflin  Déchatijfé  :  continuée  par 
M.  DttfoHmy.  Revue ,  corrigée  & 
augmentée  par  les  foins  du  V.Ange^ 
6c  du  P.  Simplicien  ,  Auguflins  Dé- 
ehaujfgs.  173 3-  in-fol. 

Ohfervations  importantes  fur  le 
Manuel  des  Accouchemens.  Premiè- 
re Partie  ,  oit  l'on  trouve  tout  ce  cjui 
efl  neceffaire  tour  les  opérations  ^ui 
les  concernent ,  &  l'on  fait  voir  de 
quelle  manière  ^  dans  le  cas  d'une  ne- 
cejfiié  prejfante  ,  o?ipeHt ,  fam  Avoir 


R  E  i    175  ?:  6 II 

recours  aux  infirumens,  remettre  dam 
uK-e  filiation  convenable  ,  ou  tirer  par 
les  pieds  ,  d'une  matrice  oblicjue  ou 
direEle  ,  les  enfans  malfitués  vtvans  ^ 
ou  morts  ,  fans  les  endomiruiaer ,  ni  la, 
mère.  Seconde  Partie  ,  ou  l'on  fait 
voir  la  neceffué  d'examiner  les  corps 
des  femmes  mortes  fans  accoucher^  ajîti 
de  connoitre  fila  Sage-femme  a  été  la, 
caufe  de  la  mort  de  la  merc  &  de  l'en- 
fant ^  &  oii  l'on  donne  des  avis  tmpor- 
tans  à  tous  les  maris  cjui  s'interejjcnt  k 
la  confrvation  de  Isitrs  femmes  &  de 
leurs  enfans.  Traduites  du  Latin  de 
M.  Hmri  de  Deventer  ^  Docteur  en 
Médecine  ,  par  Jacques-Jean  Bru- 
f.'ier  d'?ibbaincourt ,  Dotîteur  en  la 
même  Faculté.  Chez  Pierre  Prjult, 
Qiiai  de  Gcyres.  i73}./«r4°.  a-vec 
figures. 

La  Veuve  Etienne  a  en  vente  le 
Tome  fixiéme  de  {' Htfloire  ancienne 
des  Egyptiens^  des  Carthaginois^  ^ç. 
par  M.  Rollin.  173  3 .  /«-i 2. 

Lettres  k  M.  H  **'*  fur  les  pre- 
miers Dieux  ou  Rois  d^ Egyptiens. 
Chez  la  VcMve  RiboH.  1753./VM1. 

La  Jeune  Alcidiane.  Par  Mada- 
me de  Gomez..  Chez  David ,  rue  du 
Hurpoix,  5c  Henri  ^  rue  S.  Jacques. 
173 3. /«-i  1.  3.  vol. 

JnfiriiBion  fur  la  Religion  ^  ou  Pon 
traite  des  fentimens  fju'il  faut  avoir  de 
Dieu  ,  de  Je  fus  -  Chrift  ,  de  l'Eglife 
Catholique  &  de  la  vertu.  Par  M. 
Charles  Gobinet ,  Prêtre-Dod:cur  en 
Théologie  de  la  Maifon  8c  Société 
de  Sorbonne  ,  Principal  du  Pleffis- 
Sorbonne.  Seconde  édition.  Chez  la 
Veuve  Etienne  ^  rue  Saint  Jacques. 
1733. /w-iz. 


6ii 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal   d'Ocl.    1733. 

Hifloire  de  l'Académie  Royale  des  Infcriptions  &  Belles-Lettres  ,  Sic. 
page;;  3 

H'Jioire  Littéraire  de  la  France^  &Cc.  568 

Lettres  Philofophi^ttes  ^férieufes^  ent icônes  &  amufantes  j  &C.  j8i 

L'Vnivers  Sacré  &  Prophane  éclairci ,  &c.  587 

Obfervations  fur  l'Ordonnance  duAdois  de  Février  17 31.  &c.  590 

Recueil  des  Ecrivains  de  l' Hifloire  d'Italie  ,  &c.  Tome  XIIL  596" 

Hifloire  de  l'Eglife  Gallicane^  ôicTomeF'.  601 

Nouvelles  Littéraires ,  ^09 

Fin  de  la  Table. 


Fautes   à  corriger  dans  le  Journal  de  Septembre  ij ^  ^. 

PAge  5©8.  col.  l' lig.  pénultième  ,  il  donna ,  lif.  il  donnât  :  pag.  511. 
col.  z.  lig.  35.  couronner  ,  Hf.  facrer:  pag.  513.  col.  i.  lig.  1 2.  de  l'E. 
glife ,  lif.  des  Eglifes  :  pag.  518.  col.  2.  lig.  11.  fon  frère  ,  lif.  fon  fils  ; 
pag.  5 28. col.  i.lig.  i6.  tirez  j  ///tirées  :  pag.  537.  col.  2.  lig.  lo.duSyra- 
cufe ,  lif.  de  Syracufe. 


L  E 

JOURNAL 

cavÀns, 

6 

FOUR 

L'ANNEE     M.    DCC.     XXXIII 

NOVEMBRE. 


A      PARIS; 

Chez    CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 

M.   DCC.  XXXIII. 
'AVEC  AFFROBATIQN  ET  IRÏVILEGE  DU  ROY. 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

NOVEMBRE  M.  DCC.    XXXIII. 

APirEKOrS  TA  EYPi  2K0MENA  nANTA.  Origenis  Opéra  omnia  qu.T  Gix- 
cè  vel  Latine  tantum  extant  (^:  ejus  nomine  circumferuntur.  C'eft-à-di-' 
rc  :  Tout  ce  Cjnon  a  pie  recouvrer  d'Ouvrages  d'Orlgêne  en  Grec  ou  feule- 
ment en  Latin ,  &  ce  cju'en  a  fublié  fous  fin  nom ,  revns  fur  les  différentes 
éditions  &  fur  les  A^anufcrits ,  tant  de  France  ^ite  d'Italie ,  d'Allemagne 
&  A' Angleterre  •  traduits  en  Latin  ,  &  éclaircis  par  des  notes ,  avec  des 
Tables  très-amples  ,  la  Fie  de  V  Auteur  &  plitfteurs  Dijfertations.  Par  Dont 
Charles  de  la  Rue ,  Religieux  BenediUin  de  la  Congrégation  de  S.  Aiaur. 
A  Paris,  chez  Jacques  F/Wf»? ,  rue  Saint  Severin  ,  à  l'Ange.  1733. 
in -fol.  i-  vol.  Tom.  I.  pp.  575.  Tom.  II.  pp.  934. 

Novembre.  M  m  m  m  ij 


€i6        JOURNAE   DES    SÇAVANS  ; 


IL  n'yapoint  d'nnciens  Auteurs 
Ecclcfiaftiqucs  de  l'Eglifc  Grec- 
que dont  la  réputation  ait  été  plus 
grnndc  que  celle  d'Origcne.  Eufebe 
ôc  S.  Jérôme  ont  parlé  de  lui  com- 
me d'un  excellent  îslaîtrc  pour  tou- 
tes les  Sciences  Prophancs ,  la  Dia- 
Icftique  ,  la  Géométrie  ,  la  Mufi- 
quc  ,  la  Grammaire  ,  la  Rhétori- 
que de  pour  la  Philofophie  ,  fur- 
tout  pour  celle  de  Platon.  Le  grand 
nombre  d'Auditeurs  qu'il  a  eu  , 
quand  il  expliquoit  l'Ecriture  fain- 
tc  ,  êc  les  éloges  que  de  grands 
Hommes  ont  tait  de  fcs  Ouvrages 
après  fa  mort  font  des  preuves  de 
fon  érudition  dans  les  matières  Ec- 
clefuftiques.  C'eft  ce  qui  faifoit 
fouhaiter  depuis  long  -  tems  une 
nouvelle  édition  de  toutes  les  Oeu- 
vres d'Origêne  plus  exaéle  &  plus 
complette  que  celles  qui  -avoicnt 
paru  dans  le  feizicme  ficelé.  C'eft 
aufli  ce  qui  a  engagé  Dom  Charles 
de  la  Rue  à  rendre  ce  fervice  au 
public  ,  comme  il  l'explique  dans 
fa  Préface. 

Deux  chofes  auroicnt  pu  détour- 
ner le  P.  de  la  Rue  de  ce  deflein  ;  la 
première,  que  s'il  y  a  des  Ecrivains 
Ecclefiaftiques  qui  ont  fait  de 
grands  éloges  d'Origcne  ,  d'autres 
l'ont  regardé  comme  le  Précurfcur 
d'un  grand  nombre  d'Hérélîarqucs; 
la  féconde  ,  que  plulîcurs  Auteurs 
afllirent  qu'on  ne  peut  connoître 
ies  fentimcns  d'Origcne  par  hs 
Ouvrages  publiés  fous  fon  nom  , 
parce  que  les  uns  ont  été  ,  dit-on  ^ 
corrompus  par  les  Hérétiques,  dc 
les  autres  al^rés  dans  la  trada(5tion 


de  Rufin  ,  qui  ne  s'cft  point  con- 
formé à  fon  original ,  à  quoi  l'Edi- 
teur répond  que  ceux  mêmes  qui  fe 
font  élevés  avec  le  plus  de  force 
contreOrigênc,  ont  admiré  certains 
endroits  de  fcs  Ouvrages  ,  de  qu'en 
expliquant  en  détail  comme  ils  ont 
fait  les  difFcrens  morceaux  d'Ori- 
gêne qui  leur  ont  paru  mauvais , 
ils  ont  fait  connoître  qu'il  y  avoir 
ians  les  Ecrits  d'Origêne  infini» 
ment  plus  de  chofes  utiles  que  de 
mauvaifes. 

11  eft  vrai  qu'Origêne  fc  plaint  de 
quelques  Hérétiques  qui  avoient 
corrompu  fes  Ouvrages ,  ou  qui 
lui  en  avoient  fuppofé  ,  aufquelsil 
n'avoit  aucune  part ,  mais  la  fraude 
ayant  été  découverte  pendant  Ja  vie 
même  de  l'Auteur  ;  il  n'y  a  point 
d'apparence,  dit  le  Père  de  la  Rue, 
que  les  Catholiques  inftruits  des 
plaintes  qu'avoit  faites  Origênc  , 
ayent  copié  cesOuvragcscorrompus 
ou  taufîement  attribués  à  Origcnc. 
Rufin  Se  un  autre  Apologifle  d'O- 
rigêne dont  parle  Pharius ,  font  les 
fculs  Auteurs  anciens  ,  qui  ayent 
dit  que  les  Ouvrages  d'Origcne 
ayent  été  corrompus  depuis  fa  mort 
par  les  Hérétiques.  Mais  faint  Jé- 
rôme a  réfuté  là-defTus  Rufin  ,  &c  il 
a  fait  voir  que  Didyme  &  Eufebe 
convenoient  également  des  en- 
droits des  Ouvrages  d'Origêne  , 
dont  les  Ariens  prétendoient  tirer 
avantage.  Mais  Eufebe  prenant  ces 
pafTages  à  la  lettre  foii tient  qu'O- 
rigêne favorifoit  l'Héréfie  d'Arius, 
Se  Dydime  tâchoit  d'expliquer  ces 
pafTages  dans  un  fens  Catholique. 


N  O  V  E  M 

On  pourroit  plus  aifémetit  fuppo- 
fcr  que  les  Livres  d'Origcne  au- 
roient  été  corrompus  par  les  Héré- 
tiques ,  fi  l'on  n'y  trouvoit  à  re- 
prendre que  quelques  morceaux 
des  Livres  des  principes  -,  mais  la 
même  dodrine  qu'on  a  condamnée 
dans  ces  morceaux  des  Livres  des 
principes  ,  fe  trouve  répandue  dans 
tous  les  autres  Ouvrages  d'Origè- 
ne,  8c  forme  le  fonds  de  fon  Syftê- 
me.  I>e  forte  que  pour  foûtcnir 
l'opinion  de  Rufin  il  taudroit  dire 
que  les  Hérétiques  ont  altéré  5c 
corrompu  tous  les  Ouvrages  d'Ori- 
gêne  ,  même  ceux  que  le  Martyr 
Pamphilc  avoit  écrits  de  fa  main  & 
qu'il  avoit  donnés  à  l'Eglife  de  Ce- 
farée. 

Pour  ce  qui  cft  des  Ouvrages 
d'Origêne  dont  il  ne  nous  refte  que 
la  traduâion  Latine  de  Rufin  ^  il  y 
en  a  ,  comme  les  Homélies  fur  les 
Livres  de  Jofué  &;  furies  Pfcaumcs 
où  Rufin  dit  qu'il  a  rendu  fidèle- 
ment ce  qu'il  a  trouvé  dans  le 
Grec  ;  il  y  en  a  d'autres  où  il  avoiie 
qu'il  a  ajouté  piuiieurs  morceaux 
entiers,  comme  dans  les  Commen- 
taires fur  la  Genéfe  ,  fur  le  Léviti- 
quc.  Dans  d'autres  Ouvrages  com- 
me dans  celui  des  principes  ,  il  a 
retranché  ou  expliqué  ce  qu'il  a 
€ru  avoir  été  a)oûté  par  les  Héréti- 
ques-, dans  quelques  autres  endroits 
il  a  expliqué  ce  qui  ne  lui  paroilfoit 
pas  alfcz  clair  dans  fon  original. 
Mais  ce  qui  refte  de  la  verfion  de 
Rufin  ne  fait  pas  la  troifiéme  partie 
des  Ouvrages  d'Origcne  ,  &c  Dom 
Charles  d^-  la  Rue  afTure  que  fi  l'on 
excepte  quelques  endroits  qui  re- 


B    R    E    ,'     175   5;  ^ly 

gardent  la  Trinité,  on  ne  trouvera 
rien  dans  les  verfions  de  Rufin  qui 
ne  fe  life  dans  quelque  autre  Ou- 
vrage d'Origcne  ,  &  qui  ne  foit 
conforme  à  les  principes.  Il  ajoute 
qu'on  rcconnoît  par  deux  Chapitres 
du  Livre  des  Principes  dont  le 
Grec  a  été  confervé  ,  que  fi  la  ver- 
fion que  Rufin  a  faite  de  cet  Ouvra- 
ge d'Origcne  n'eft  point  cxadc  ,  on 
ne  peut  du  moins  larejetter  comme 
contenant  des  chofes  oppofées  à 
l'efprit  de  l'Auteur. 

De-là  le  Père  de  la  Rue  conclue 
qu'une  nouvelle  édition  d'Origcne 
étoit  non  feulement  utile  ,  mais 
encore  necelfaire.  Jacques  Merlin 
Dodeur  en  Théologie  de  la  Maifon 
de  Navarre  ^  avoit  tenté  de  donner 
un  Recueil  complet  des  Ouvrages 
d'Origêne  qu'il  fit  imprimer  en 
1 5 1 2.  Génébrard  en  publia  une  édi- 
tion beaucoup  plus  ample  en  1574. 
mais  comme  le  Grec  d'Origcne  ne 
fe  trouve  point  dans  ces  deux 
éditions ,  &  qu'elles  font  d'ailleurs 
très-imparfaites,  le  Clergé  de  Fran- 
ce affemblécn  16^6.  fit  une  déli- 
bération pour  qu'on  travaillât  à  une 
nouvelle  édition  d'Origcne  :  il 
chargea  du  foin  de  cette  édition  M. 
Aubert  DoiSteur  de  Sorbonnc  _, 
qui  n'a  rien  exécuté. 

Depuis  ce  tems-là  M.  Huet  fe 
propofa  de  donner  une  édition 
complettc  des  Ouvrages  d'Origê- 
ne,  &  des  fragmens  dont  les  ori'^i- 
naux  font  venus  jufqu'à  nous.  U 
commença  par  deux  Volumes 
in-folio  des  Commentaires  fur  l'E- 
criture Sainte  ,  dont  il  y  avoit  une 
partie  qui  n'avoit  point  encore  été 


5i8       JOURNAL"    DE 

imprimée  -,  Mais  M.  Hiict  n'a  point 
continué  cette  entrcprife  ,  &  il  re- 
fte  ,  fuivant  le  P.  de  la  Rue  ,  plu- 
lieurs  hagmcns  grecs  qui  auioienc 
dû  naturellement  entrer  dans  ces 
deux  Volumes  ,  qui  n'y  ont  point 
été  inférés. 

Le  P.  de  Montfaucon  publia  en- 
fuite  ce  qui  rcftc  des  Exanlcs  d'Ori- 
gcne  ;  ces  deux  Volumes  lurent  re- 
çus Il  favorablement  du  public,quc 
JDom  Charles  de  la  Rue  crut  qu'il 
ne  pouvoir  rien  faire  de  plus  unie 
que  de  travailler  à  une  nouvelle 
édition  d'Origcne  qui  comprcn- 
droit  ce  qui  refte  des  Ouvrages  de 
cet  Auteur  en  Grec  ,  Se  les  Ecrits 
dont  il  n'y  a  que  les  vcrfions  qui 
ayent  été  confcrvécs.  Le  premier 
Volume  de  cette  nouvelle  édition 
comprend  les  Traiter.  Dans  les 
quatre  Volumes  fuivans  feront  les 
Commentaires  fur  l'Ecriture  Sain- 
te. A  la  fin  du  cinquième  Volume 
l'Editeur  fera  imprimer  les  Orige- 
niana  de  M.  Huet ,  qui  compren- 
nent la  Vie  d'Origcne ,  &  des  Dif- 
fertacions  fur  la  Doctrine  &  fur  les 
Ouvrages  de  cet  Auteur.  Le  P.  de 
La  Rue  fe  contentera  de  mettre  des 
notes  au  bas  des  pages  des  Origtnia- 
na  j  par  le  moyen  defquellcs  il  af- 
fûte qu'on  verra  d'un  coup  d'oeil  ce 
qu'on  a  dit  pour  la  défenfe  d'Ori- 
gcne ou  contre  lui. 

Le  corps  du  premier  Volume 
commence  par  quelques  fragmens 
de  Lettres  d'Origcne  ,  après  lef- 
quels  vient  la  Lettre  d'Africain  à 
Origêne  ,  &  la  réponfe  d'Origcne 
contre  l'Hifloire  de  Suzanne.  Le 
P.  de  la  Rue  a  reformé  le  Texte  fur 


S     SÇAVANS; 

plufieurs  Manufcrits  ôi  il  a  fait  unff 
nouvelle  verlion.  Il  a  fait  mettre  au 
bas  des  pages  celles  d'entre  les  no- 
tes de  Weftem  qui  ne  contiennent 
rien  de  contraire  à  la  foi  Catholi- 
que ,  &c  il  promet  de  rctutcr  les 
notes  de  W'cifcin  qui  font  contrai- 
res à  la  foi  dans  le  cinquième  Volu- 
me où  il  donnera  fcs  notes  fur  les 
Ongeniaiia. 

Après  la  réponfe  à  Africain  vien- 
nent des  Fragmens  des  Traitez  de 
la  Refurredtion  ,  &  des  Strooiates , 
puis  le  Livre  des  Principes.  Jl  ne 
refte  que  quelques  Fragmens  du 
Grec  de  ce  dernier  Ouvrage.  La 
vcrfion  que  S.  Jérôme  en  a  laite  eft 
perdue  ,  on  n'a  confervé  que  celle 
de  Rufin ,  qui  avoiie  lui-même 
qu'il  a  changé  quelques  endroits  , 
aufquels  des  Auteurs  ont  tâché  de 
donner  un  fens  Catholique  ,  &  que 
d'autres  ont  regardé  comme  vérita- 
blement hérétiques.  Le  Dodeut 
Merlin  a  fait  imprimer  la  traduc- 
tion du  Livre  des  Principes  par  Ru- 
lin  ,  fur  un  Manufcrit  de  Sorbonnc 
aftez  cxa(ft  ,  mais  dans  lequel  il  y 
avoir  des  abréger  fi  difficiles  que 
Merlin  en  voulant  deviner  ^  a  fou- 
vent  mis  dans  fon  édition  des  le- 
çons abfurdes  &  ridicules  ,  de  for- 
te qu'il  y  a  des  phrafes  qu'unOcdi- 
pe  même  ne  pourroit  deviner.  Gé- 
nébrard  a  fuivi  Merlin  ^  à  l'excep- 
tion de  quelques  morceaux  où  il  4 
fait  quelques  changemens  Si  de 
nouvelles  fautes  d'imprcfiîon  qui 
ont  été  ajoutées  à  celles  qui  étoient 
dans  l'édition  de  Merlin. 

Le  Père  de  la  Rue  a  revu  cette 
vcrfioi;  du  Livre  des  Principes  par 


N  O  V  E  M 

jR.ufin  fur  d'anciens  Manufcrits  , 
quand  l'Editeur  a  pu  découvrir 
dans  d'anciens  Ecrivains ,  quelques 
paOTagcs  grecs  tirés  du  Livre  des 
Principes,  ou, quelques  morceaux 
de  Ja  vcrficn  de  S.  Jérôme  ,  il  les 
joint  à  la  traduiftion  de  Rufin  ,  de 
forte  qu'il  y  a  quclquetois  trois 
colones ,  &  même  quatre  ,  lorfque 
l'Editeur  a  jugé  à  propos  d'y  join- 
dre une  nouvelle  vtrlion  de  fa  fa- 
çon. 

Le  Manufcrit  du  Livre  de  la 
Prière  qui  fuit  celui  des  Principes 
étoit  tombé  entre  les  mains  de 
_^l.  Huet  qui  avoit  rcfolu  de  le  don- 
ner au  Public.  Cependant  l'Ouvra- 
ge ne  fut  imprimé  à  Oxford  qu'en 
1^85.  il  fe  fit  d'autres  éditions  fur 
celle  d'Oxford.  Mais  elle  étoit  rem- 
plie de  plufieurs  fautes  ,  parce 
qu'on  n'avoit  pas  lii  le  Maiiufcric 
avec  aflez  d'attention.  Ce  Manuf- 
crit  a  été  confronté  avec  l'édition 
d'Oxford  par  M.  "Walker  Prêtre 
An^lois.  Il  a  communiqué  ces  ob- 
fervationsau  P.  de  la  Rue  ,  qui  en  a 
profité  de  même  que  d'un  Manuf- 
crit  de  la  Bibliothèque  de  M.  Col- 
bert ,  à  prcfcnt  de  la  Bibliothèque 
du  Roi ,  dans  lequel  il  y  a  un  Frag- 
ment très  -  confîderable.  Il  a  joint 
Tiux  leçons  de  ces  Manufcrits  les 
conjc dures  de  M.  Bentlei  ,  &  il  a 
fait  imprimei  à  la  fin  de  ce  Volume 
les  notes  de  M.  Guillaume  Rca- 
dingfur  ce  Traité  de  la  Prière.  La 
verfion  latine  que  l'Editeur  a  em- 
ployée cfl  celle  deM.fAbbéFkury 
Auteur  de  l'Hiftoirc  Ecclefîaftique 
qui  y  avoir  travaillé  à  la  prière  de 
M.  Huet  j  dans  ks  Manufcrits  du^ 


B  R  E  ,     175?'  ^15» 

quel  on  a  trouvé  cette  verfion  que 
le  P.  Tourncmine  a  communiquée 
au  P.  de  la  Rue. 

•M.  Huets'étoit  aulli  propofé  de 
donner  au  public  le  Livre  de  l'E- 
xhortation au  martyr  ,  mais  ce  ne 
fut  que  Rodolphe  Weflcin  qui  Iç 
fit  imprimer  à  Bafle  en  1674.  le  P. 
de  la  Rue  a  rejette  la  verfion  de 
Weftcin ,  afin  de  fe  fervir  de  la 
tradudion  que  M.  Fleury  avoit: 
faite  pour  M.  Huet. 

Le  Livre  contre  Celfe  peut  être 
regardé  comme  le  Chefd'œuvre 
d'Origêne ,  &  la  plus  excellente 
des  Apologies  Chrétiennes  faites 
dans  les  premiers  fiécles.  Chriffo- 
phe-Perfbna  en  fit  imprimer  une 
verlion  latine  en  1481.  le  même 
Ouvrage  fut  imprimé  en  Grec  en 
1^05.  avec  la  tradudion  latine  de 
Sigifmond  Geflin  ,  &  les  notes  de 
David  Hoefchel.  PlufieursAuteiirs 
célèbres  ont  parlé  avec  éloge  de  Ja 
traduction  de  Geflin.  Néanmoins 
le  P. de  la  Rue  l'a  trouvée  peu  exac- 
te ,  &  il  étoit  embarraffé  fur  le  par- 
ti qu'il  prcndioit ,  lorfque  Dora 
Vincent  Thui  Jicr  fon  Confrère  & 
fon  ami ,  lui  offrit  une  traduction 
qu'il  avoit  faite  des  Livres  contre 
Cclfe.  Cette  traduction  lui  parut 
fedelle,  élégante  &  claire,  &  c'efl: 
celle  qu'il  a  fait  mettre  à  côté  du 
grec  des  Livres  contre  Celfe.  Le 
Texte  Grec  a  été  formé  fur  plu- 
fieurs Manufcrits ,  fur  des  leçons 
différentes  qui  ont  été  inférées  à  la 
fin  delà  traduction  des  Livres  con- 
tre Celfe  imprimée  en  Hollande  en 
i7®o.  &c  fur  les  conjectures  du  P. 
Guiet  Jcfuite.  Les  notes  qui  accoyn- 


éao  JOURNAL    D 

pagnent  IcTcxtc  i5c  fa  verfion  font 
la  plupart  tirées  de  celles  de  Speii- 
fer. 

Dans  le  préambule  qui  précède 
le  Livre  contre  Cclfe  ,  le  l\rc  de  la 
Rue  a  parlé  de  Celfe  ,  du  tems  au- 
quel a  été  écrite  cette  Apolooie  de 
la  Religion  Chrétienne  ,  Se  des  élo- 
ges qu'en  ont  fait  tant  les  anciens 


ES   SÇAVANS, 

que  les  modernes. 

Ce  premier  Volume  finit  paf 
deux  Ouvrages  que  le  P.  de  la  Rue 
afTure  avoir  été  bufTement  attri- 
bués à  Origcne  ,  dont  le  premier 
eft  le  Dialogue  de  lafeie»  Dieu  ou 
contre  les  Marcionites  -,  le  fécond, 
des  Ouvrages  de  Philofophie  ou 
desfentimens  des  Philofophcs. 


RERUM    ITALICARUM    SCRIPTORES,    &c. 

C'eft-à-dire  :  Recneil  des  Ecrivains  de  t'HiJïoire  d'It.ilie,  depuis  l''an 
500  jiiftju'à  l'an  1 500.  par  M.  Muratori  ^  Tome  XIV,  A  Milan  ^  par  la 
Société  Palatine.  \-ji^.in-fol.  col.  iiii. 


CE  quatorzième  Volume  cft 
dédié  au  CardinalCienfuegos 
comme  à  un  des  plus  grands  Pro- 
tecteurs des  Gens  de  Lettres,  parmi 
lefquels  il  tient  lui-même  un  rang 
diftingué.  La  Société  Palatine  lui 
donne  cet  éloge  ,  qu'également 
propre  à  contempler  les  chofes  di- 
vines &:  à  traiter  les  affiires  civiles, 
il  a  montré  pu  fes  Ecrits  &  par  fcs 
actions  qu'il  eft  né  pour  l'accroilTe- 
mcnt  d-e  laRciigion,  &c  pour  l'avan- 
tage de  la  Republique  entière. 

La  première  Pièce  qui  fuit  l'Epi- 
tre  Dédicitoire  ,  eft  l'Hiftoire  de 
Mathieu  Villani  continuée  par  Phi- 
lippe fon  fils  depuis  1348.  jufqu'en 
I36'4.  le  premier  étoit  frère  du  célè- 
bre Hillorien  dont  M.  Muratori  a 
donné  une  nouvelle  édition  dans  le 
Tome  précèdent.  On  y  a  vu  que 
cet  Auteur  va  jufqu'en  l'année 
1 348.  qui  eft  celle  où  il  mourut  de 
la  peftc  ;  Mathieu  fon  frère  qui  eut 
le  bonheur  d'échapper  à  h  tureur 
de  ce  fléau  ,  a  continué  cet  Ouvra- 
ge jufqu'en  l'année  1^61.  où  une 


nouvelle  perte  qui  ravagea  la  Tof- 
cane  ,  l'emporta  pareillement.  Phi- 
lippe fon  fils  entreprit  de  pourfui- 
vre  le  même  Ouvrage  ,  mais  il 
n'alla  pas  loin  ,  car  fi  narration  fi- 
nit en  1^6 Af  Si  on  compare  Ma- 
thieu à  Jean  Villani ,  on  y  trouvera 
une  grande  différence  dans  le  ftile  , 
&  dans  les  exprellîons.  Mathieu  eft 
diffus ,  &  fans  conecîlion  dans  le 
langage.  Philippe  s'éloigne  encore 
plus  du  bon  goût  qui  règne  dans 
les  Ecrits  de  fon  oncle.  Du  côté  de 
la  fmccrité ,  dé  l'exaiflitude  &  du 
difcernement ,  Mathieu  Villani  ne 
le  cède  en  rien  à  fon  frère.  Toiis 
ceux  qui  ont  non  feulement  écrit 
l'Hiftoire  d'Italie  ,  mais  encore  cel- 
le de  France  ,  &  des  Pays  voifîns 
ont  toujours  fait  honneur  à  la  fidé- 
lité de  Mathieu  ,  &  l'en  ont  cru 
fans  héfîter  fur  fon  témoignage, 
Philippe  &  Jacques  Juntes  célèbres 
Imprimeurs  furent  les  premiers  qui 
tirèrent  cette  HifroiredesTcnébrcs; 
ils  la  firent  imprimer  à  Vcnifc  en 
15^1.  Mais  il  y  manquoit  pludeur? 
Livres. 


N  O  V  E  M  B  R  E.   175  ?.  62t 

nouveau   Manufcrit     N.  S.  M.  Fontanini  combattit  ce 


Livres.  'IJn 
qu'ils  trouvèrent  enfuite  les  mie  en 
état  d'en  donner  à  Florence  deux 
autres  éditions  complettes,  l'une  en 
1577.5»:  l'autre  en  15^1. 

Ces  éditions  étoient  devenues 
fort  rares ,  outre  cela  le  dellein  de 
M.  Muratori  demandoit  qu'il  fit 
entrer  Mathieu  Villani  dans  l'on 
jR.ecueil  ;  quoiqu'il  n'ait  rien  épar- 
gné pour  faire  enforte  que  le  Pu- 
blic gagnât  confiderablement  à  le 
revoir  de  nouveau  ,  il  eft  obligé 
d'avouer  qu'on  y  trouvera  peu 
d'additions ,  &  qu'il  lui  a  été  im- 
polTible  de  remplir  quelques  lacu- 
nes &  même  des  Chapitres  entiers 
/qui  manquent  dans  les  éditions 
précédentes  ;  il  defefpcre  même 
de  pouvoir  jamais  les  fupplccr  tan- 
te de  Manufcrits  ,  il  ne  lailîc  pas 
néanmoins  d'y  avoir  fait  nombre 
^e  corredions ,  &  d'avoir  mis  au 
ias  des  pages  plufieurs  variantes 
qu'il  a  remarquées  dans  deux  Ma- 
nufcrits qui  font  les  fculs  qu'il  ait 
pu  recouvrer. 

Cette  matière  donne  occafion  à 
M.  Muratori  de  parler  de  la  difpu- 
te  qu'il  a  eue  avec  Monfeigneur 
Fontanini  ,  aujourd'hui  Archevê- 
que d'Ancyre  ,  au  fujet  du  Com- 
mentaire fur  la  Couronne  de  fer , 
de  Corona  ferrea  ,  que  le  premier  fit 
imprimer  à  Milan  en  1^98.  dans  le 
Tome  fécond  de  fes  Anecdotes.  Il 
y  foûtient  qu'il  n'y  a  rien  de  plus 
récent  que  l'opinion  de  certains 
Auteurs  qui  ont  avancé  que  le  cer- 
cle de  fer  de  la  Couronne  que  plu- 
sieurs Empereurs  ont  prife  en  Ita- 
lie ,  ctpit  un  clop  de  la  Croix  de 
Novembre, 


fentiment  par  une  autre  DilTcrta- 
tion  imprimée  en  1717.  &luiop- 
pofa  le  témoignage  de  Mathieu 
Villani.  Cet  Hiftoiien  dit,  Liv.  4. 
chap.  59.  en  parlant  de  Charles  IV. 
que  le  jour  de  l'Epiphanie  il  fut 
couronné  de  la  faintc  Couronne , 
fn  coro7iMo  délia  fauta  Corona.  M. 
Muratori  répliqua  par  une  Lettre 
qu'on  trouve  dans  le  Tréfor  des 
Antiquitez  d'Italie  par  Pierre  Van- 
der  -  Aa  ,  &  montra  que  quand 
même  on  auroit  appelle  faintc  la 
Couronne  dont  il  eft  queftion  , 
il  ne  s'cnfuivroit  pas  de  -  là  qu'el- 
le eût  renfermé  un  clou  de  la  vrayc 
Croix  ,  puifqu'on  voit  en  differens 
endroits  que  les  ornemens  Impé- 
riaux en  général  font  appelles  fa- 
crés  ,facra. 

Mais  aujourd'hui  il  va  plus  loin, 
&  prétend  qu'il  y  a  même  beau- 
coup d'apparence  que  cette  Cou- 
ronne n'eft  appelléc  Stin£ÎA  dans 
Mathieu  ViUani  que  par  une  erreur 
de  Copifte ,  d'autant  plus  que  dans 
un  autre  Mf.  du  même  Auteur 
qu'on  conferve  à  Florence  ,  elle  eft 
nommée  fecondit  Corona ,  la  fcconr- 
de  Couronne  ,  qui  eft  en  effet  le 
nom  fous  lequel  k  Couronne  de 
fer  qu'on  gardoit  à  Monza  étoit 
connue  par  les  anciens  Auteurs  ; 
Jean  Villani  faifant  mention  du 
couronnement  d'Henri  VII.  qui  fc 
fit  à  Milan  en  1 500.  fe  fert  encore 
du  mot  de  féconde  Couronne.  On 
fçait  que  les  Empereurs  depuis  le 
tems  d'Othon  le  Grand  prenoient 
trois  Couronnes.  La  première ,  à 
Aix  -  la  -  Chapelle  ,  à  caufç  dit 
Nnnn 


62ti  JOURNAL  D 

Royaume  d'Allemagne  ;  ils  rece- 
voicnt  la  fçcondc  ,  c'cft  -  à  -  dire  ,  la 
Couronne  de  fer  ,  à  Milan  ,  Si 
quelquefois  même  à  Monza  ,  com- 
me nous  l'avons  remarqué  ailleurs, 
pour  marque  qu'ils  croient  Rois 
d'Italie  ,  tk  enfin  la  troificmc  ,  qui 
ctoit  l'Impériale,  leur  étoit  donnée 
par  les  mains  du  Pape.  Selon  le  fça- 
vanr  Editeur  ,  la  coutume  des  Co- 
piftes  étoit  d'abréger  le  mot  de /f- 
cimda  par  le  monofyllabcyrf  i  il  ap- 
porte plufieurs  exemples  ,  où  il  clt 
certain  que  les  mêmes  fyllabesyô  , 
fa  lignifient  neceflairementy^c;<«^^, 
fecundo  ,  d'où  les  Copiftes  auront 
formé  )pzx  cïîQMï fanta  ^finto. 

Ainfi  M.  Muratori  ayant  enlevé 
à  fon  adverfaire  le  témoignage  de 
Villani  qui  étoit  le  feul  ancien  Au- 
teur qu'il  citoit  en  fa  hveur ,  il  eft 
aifc  de  voir  ce  qu'on  doit  penfer  des 
Ecrivains  modernes  qui  afTurent 
qu'on  avoit  renfermé  dans  la  Cou- 
ronne de  fer  un  clou  de  la  vraye 
Croix. 

a".  On  trouve  une  Chronique 
de  Brefce  depuis  l'origine  de  cette 
"Ville  jufqu'à  l'an  1330.  par  Jacques 
Malvecius. 

Quoiqu'il  n'ait  guércs  que  300 
ans  d'antiquité  ,  on  ne  connoît 
point  de  plus  ancien  Hiftoricn  de 
la  Ville  de  Brefce.  Voflîus  en  fait 
mention  ,  Liv.  3.  Ch.  9.  des  Hi- 
ftoriens  Latins.  C'étoit ,  dit-il ,  un 
fçavant  Médecin  &  un  Hiftorien 
exad,  mais  qu'on  accufc  cepen- 
dant à  juftc  titre  d'avoir  porté  l'a- 
mour de  fa  Patrie  jufqu'à  la  fupcr- 
ûition.  Il  fleurifloit  au  commence- 
ment du  quin  ziéme  fieclc  3  il  nous 


ES  SÇAVANS; 

apprend  lui  -  même  qu'en  l'année 
141 1.  la  perte  dcfolant  la  Ville  de 
Brefce  ,  il  fe  retira  àTofcolane  Vil- 
lage du  BrelTan  ,  &  qu'il  y  forma  le 
dclTein  de  compofcr  cet  Ouvrage. 
H  y  prend  la  qualité  de  Dodeur  en 
Médecine  ,  ou  comme  on  parloir 
alors,  en  Phyfiquc.  Quoiqu'il  tût 
d'une  famille  trcs-diftinguée  ,  con- 
nue fous  le  nom  de  Malvecius  , 
Malvezzus  ,  &  Malvitius  ;  il  ne 
laifla  pas  d'exercer  la  Médecine. 
Car  les  Perfonnes  Nobles  ne 
croyoient  pas  autrefois  que  la  prati^ 
que  de  cet  Artfutau-dcflous  d'eux, 
comme  il  arrive  de  nos  joiurs ,  dit 
M.  Muratori,  où  pluileurs d'entre 
eux  préfèrent  une  lâche  oifiveté  à 
une  profertion  utile  &  honnête. 

Malvecius  ne  négligea  rien  pour 
rendre  fon  Hiftoire  exadc.  On  voit 
qu'il  fit  ufage  des  anciens  Chrono- 
graphes  de  la  Ville  ,  &  qu'il  con- 
fulta  les  Regirtres  de  fa  Republi- 
que ,  mais  dans  ce  qtii  regarde  les 
cvencraens  éloignés  de  fon  fiecle  , 
il  ne  fait  que  fuivre  aveuglément 
les  Auteun  les  plus  connus ,  Se 
fur  -  tout  Paul  -  Diacre  -,  il  adopte 
religieuièmentles  fables  qui  étoient 
pour  lors  reçues.  Ce  qu'il  y  a  de 
plus  trifte ,  c'eft  que  fa  narration 
ne  va  que  jufqu'cn  1331.  ainfi  ce 
qui  auroit  dû  être  écrit  avec  plus 
d'exactitude  &  de  fidélité  ,  nous 
manque ,  foit  que  nous  ayons  per- 
du la  fuite  de  fon  Hiftoire  jufqu'à 
fa  mort ,  foit  qu'il  n'ait  écrit  préci- 
fément  que  ce  qui  nous  en  relie. 

Le  Manufcrit  fur  lequel  M.  Mu- 
ratori nous  donne  cet  Ouvrage  eft 
du  fieck  même  où  vivoit  l'Auteur, 


N  O  V  E  M 

il  fait  par  tout  proteilion  d'une 
morale  rigide  ,  &  parle  avec  force 
contre  la  corruption  des  Ecclefiafti- 
qucs  de  fon  tcms ,  mais  ceux  qui 
en  connoîtront  les  mœurs  ne  fe- 
ront ni  étonnés  ni  fcandalifés  de  ce 
qu'il  rapporte  des  dcfordres  qui 
regnoient  alors  dans  les  Monaftercs 
d'Hommes  &  de  Filles,  &:  en  par- 
ticulier ,  dans  celui  de  Sainte  Julie. 
D'ailleurs  M.  Muratori  nous  afTure 
que  la  régularité  des  pieufesVierges 
qui  l'habitent  aujourd'hui ,  a  effacé 
la  mémoire  de  ces  fiecles  malheu- 
reux ,  &  rendu  à  ce  faint  lieu  l'hon- 
neur &  la  réputation  qui  lui  étoient 
dûs. 

3  *'.  Un  Poëme  intitulé  :  de  la  va- 
riété de  la  Fortune  ,  ou  abrégé  de 
l'Hiftoire  de  la  Ville  d'Aft  par  An- 
toine Aftefanus. 

M.  Muratori  a.  cru  devoir  join- 
dre cet  Hiftorien  aux  trois  autres 
qu'il  nous  a  déjà  donnés  fur  le  mê- 
me fujet.Pour  l'ordinaire,  &  de  fon 
propre  aveu ,  Aftefanus  ne  fait  que 
mettre  en  vers  ce  qu'on  trouve  en 
profe  dans  Ogier- Alpherius ,  & 
Guillaume  -  Ventura  ,  mais  quel- 
ques particularitez  que  notre  Au- 
teur y  a  ajoutées  font  efperer  qu'on 
le  verra  ici  avec  plaifir.  Ce  Poëmc 
cft  divifé  en  fix  Livres  qui  font 
écrits  en  vers  Elegiaques  aflcz  bons 
pour  le  flecle  qui  les  a  vu  naître. 
On  y  trouve  l'Hiftoire  abrégée  de 
la  Ville  d'Aft  jufqu'àl'an  1 3  51.  il  y 
*  lieu  de  croire  que  tout  l'Offvragc 
n'eft  pas  venujufqu'à  nous.  Le  der- 
nier Chapitre  confirme  ce  fbupçon. 
On  fera  peut  -  être  choqué  des 
ioiiangcs  que  l'Auteur  fe  donne  à 


B  R  E  ,  ï  7  3  j;  <?25 

lui-même ,  fur-tout  dans  les  deux 
premiers  Livres  de  fon  Poëme  ,  où 
il  ne  parle  guéies  que  de  lui  &  de 
fa  famille ,  mais  fans  alléguer  en  ù 
laveur  la  coutume  qui  femble  dif- 
penfer  les  Poëtes  des  rcgles  ordi- 
naires de  la  modeftie ,  on  peut  l'ex- 
cufer  fur  ce  qu'il  n'avoir  écrit  que 
pour  fon  trere  Nicolas  demenrAnt  en 
France.  C'eft  tout  ce  qu'il  nous  dit 
de  ce  frère  auquel  il  dédie  ces  \'îers. 

Quant  à  ce  qui  le  regarde  en  par- 
ticulier ,  il  nous  apprend  qu'il  na- 
quit en  141Z.  à  Villeneuve  ,  lieu 
affez  conliderable  du  Territoire 
d'Aft.  C'eft  de-là  que  f.i  famille  prit 
le  nom  d'Aftcfan.  Son  perc  y  exer- 
ça la  foniîlion  de  Chartcelier^Scriba. 
Publicus ,  &c  y  enfcigna  la  Gram- 
maire Se  les  Mathématiques.  Les 
heureufes  difpofitions  qu'il  remar- 
qua dans  fon  fils  l'engagèrent  à 
l'envoyer  faire  fes  études  dans  les 
plus  fameufes  Ecoles  d'Italie  ;  le 
jeune  Aftefanus  y  fit  des  progrès 
qui  le  diftinguerent  de  tous  les 
Ecohers  de  fon  âge  dans  l'Art  Ora- 
toire ,  èc  dans  l'Art  Poétique. 

Après  difterens  Voyages  ,  il  fe 
fixa  par  le  confeil  de  fon  père  à  Aft. 
Ll  y  ouvrit  une  Ecole  publique ,  où 
il  enfeigna  les  Belles-Lettres.  On 
ne  fçait  guéres  depuis  ce  tems  quel- 
le fut  fa  deftince  ,  fi  ce  n'eft  qu'il 
dit  que  le  Prince  le  nomma  Capi- 
taine d'un  certain  Fort.  Par  ce  Prin- 
ce M.  Muratori  entend  Charles 
Duc  d'Orléans  qui  en  1447.  reprit 
la  Ville  d'Aft  ;  Aftefan  eft  fouvent 
qualifié  du  titre  de  premier  Secré- 
taire Ducal ,  ce  qui  montre  aflez 
.qa'ii  (avoir  été  Secicuire  du  J>uc 
'  N  n  n  n  ij 


<524        JOURNAL    DE 

o'Orlcans.  C'cfi:  tout  ce  que  nous 
fçavons  de  ce  Podrc. 

4°.  Annales  de  Céféne ,  par  un 
Anonyme,  depuis  l'an  ikTz.  juf- 
qu'cn  l'an  ijtfi. 

Ces  Annales  ne  contiennent  pas 
feulement  ce  qui  ell  arrivé  de  plus 
remarquable  dans  la  Ville  de  Ce- 
fénc ,  mais  encore  dans  les  Villes 
Se  les  Provinces  %'oilnies,  enforte 
qu'elles  peuvent  être  d'une  grande 
utilité  pour  cclaircir  l'Hiftoirc  de 
ces  tcms.  M.  Muratoii  avoiie  que  le 
flilc  en  cfl;  fimpic  pour  ne  pas  dire 
barbare  ,  mais  comme  il  ne  s'agit 
que  defçavoir  prendre  le  côté  favo- 
rable des  chofcs  pour  y  trouver  tou- 
jours des  avantages,  l'Editeur  pré- 
tend que  cette  fimplicité  donne  un 
plus  grand  air  de  vérité  à  tout  ce 
que  fou  Anonyme  nous  raconte  ;  il 
eft  d'ailleurs  trcs-exad  pour  l'ordre 
des  tcms ,  on  peut  même  dire  que 
fon  Hiftoire  contient  plutôt  l'épo- 
que des  faits  que  les  faits  mêmes , 
il  fpccifie  l'année  ,  le  mois  &  fou- 
vent  le  jour  où  ils  font  arrivés ,  ce 
qui  marque  un  Hiftorien  qui  n'é- 
crit que  ce  qu'il  a  vij. 

Auflî  ces  Annales  ne  font  pas 
l'Ouvrage  d'unfeul  homme,mais  de 
pluficurs  Auteurs,  qui  y  ont  raiïem- 
blé  tout  ce  qui  regarde  l'Hiftoire 
de  la  Romagne.  L'Anonyme  qui 
les  a  recueillis  ,  nous  en  avertit 
dans  le  commencement  de  fon  Ou- 
vrage ,  il  donne  même  les  noms  de 
ceux  qui  y  ont  travaillé. 

Scipio-Claramontius  qui  a  pu- 
blié en  Latin  une  Hiftoire  de  Céfé- 
ne, imprimée  dans  cette  Ville  en 
1^41.  iesavoit  eus  entre  les  mains. 


S    SÇAVANS, 

lien  parle  très- avantagcufemenf. 
On  y  trouve  beaucoup  d'endroits 
qu'il  en  a  empruntés ,  &  qu'il  n'a 
fait  que  copier  dans  fon  Hiftoire  ;  il 
ne  les  cite  plus  depuis  l'année 
1362.  ce  qui  montre  qu'elles  ns 
vont  réellement  pas  plus  loin. 
Quoique  Claramontius  ait  fondu 
dans  fon  Ouvrage  tout  ce  que  ces 
Annales  ont  de  plus  curieux  ,  ce- 
pendant M.  Muratori  fe  fert  de  cet 
exemple  pour  montrer  combien  il 
eft  plus  utile  de  remonter  jufqu'aux 
fourccs  toutes  grolfiercs  qu'elles 
paroifFcnt  que  de  puifer  dans  les 
ruiffeaux  des  Auteurs  modernes  , 
quoique  plus  agréables.En  effet  Ck'- 
ramontius  dans  dans  endroits  de 
ces  Annales  qu'il  explique  ,  &:  qu'il 
accommode  à  fa  façon  ,  leur  fait 
dire  précifément  le  contraire  ck  ce 
qu'on  lit  dans  l'original. 

On  y  trouve  une  Lettre  écrite  à 
tous  les  Frères  Mineurs  par  Michel 
de  Ceféne  Général  de  cet  Ordre  , 
dans  laquelle  il  traite  te  Pape  Jean 
XXII.  d'Hérétique,  &  où  il  appelle 
au  jugement  de  l'Eglife  Romaine 
de  la  décifion  que  le  Souverain 
Pontife  avoit  donnée  fur  la  fameu- 
fe  queftion  de  la  pauvreté  de  J.  C. 
M.  Baluze  avoit  déjà  fait  imprimer 
cette  Lettre  dans  fes  Notes  fur  les 
Vies  des  Papes  qui  ont  fiégé  à  Avi- 
gnon. Michel  fut  condamné  &  dé- 
pofc  publiquement  à  caufe  de  fes 
fentimens  hérétiques ,  de  fa  témé- 
rité 5  de  fon  impudence.  On  peut 
voir  là  -  defliis  Oderic  -  Reynald , 
Bzovius  &  Sfondrate  dans  le  Gallix 
Vmdicata.  Ces  Auteurs  juftifient 
Jean  XXII.  des  accufations  dont 


N  O  V  E  M 

Michel  de  Ccfénc  le  charge  ,  &  ré- 
futent les  extravagances  de  ce  Moi- 
ne téméraire.  On  ne  doit  point 
trouver  mauvais  qu'on  conferve  de 
pareils  nionumens  ;  ils  font  necef- 
laires  ,  dit  M.  Muratori  ,  pour 
connoître  l'Hiftoire  de  ccj:  tems:  Se 
puifque  nous  lifons  les  rêveries  des 
autres  Hérétiques  fans  blelTer  la  foi, 
ni  le  refpcâ;  que  nous  devons  aux 
Souverains  Chefs  de  l'Eglife ,  nous 


B  R  E  ;     ^7  3  3'  (Sif 

n'avons  pas  cru,  ajoiite-il,  devoir 
fupprimcr  cette  Pièce  ,  d'autant 
plus  qu'elle  efl  déjà  connue^  &  im- 
primée ,  ni  craindre  qu'elle  fîtim- 
preffion  fur  les  cfprits  foibles.  Au- 
trement il  y  auroit  une  infinité  de 
monftres  dont  il  faudroit  purger 
l'Hiftoire  Ecclefiaftique ,  expédient 
que  la  fa^efle  &  k  prudence  ne 
pourront  jamais  ni  diéler  ni  com- 
mander. 


DE  LEGITIMA  LAUDATIONE  ,  ORATIO  HABITA  A  CAROLO 
le  Beau  ,  Profciïore  in  Collegio  SorbonaE-PlcfTxo.  Die  Martii  vigcfimâ 
ottavâ  Aprilis  1753.  in  Aulâ  Sorboni-Pleftxâ.  Parifiis  ,  apud  C.  L. 
Thibouft  ,  Univerfitatis  Parifienfîs  Bibliopolamac  Typographum  Ju- 
ratum.  E.  RcgioneCollegiiRegii. -1733. 

C'efl:-à-dire  :  Dit  légitime  ufage  de  la  Louange.  Difconrs  frononci  au  Col- 
lège du  Plejfis-Sorbourje  ^  le  28  yivril  1733.  Par  M.  Charles  le  Beau 
Profejfenr  dans  le  même  Collège.  A  Paris ,  chez  C.  L.  Thibouft  ,   Libraire 
&  Imprimeur  de  i'Univcrfité ,  vis-à-vis  le  Collège  Royal.  Broch.  /»  4°. 
pp.  40. 


LA  plus  grande  rccompenfe  de 
l'homme  de  bien  pendant  la 
vie  eft  le  témoignage  de  fa  conf- 
cience.  Il  n'en  doit  préférer  aucune 
à  celle  là,  &  tout  ce  qui  fe  fait  dans 
l'unique  vue  d'être  loUc  des  hom- 
mes ,  eft  indigne  non  feulement 
d'un  Chrétien  ,  mais  d'une  ame  en 
qui  il  reftc  quelque  noblefte.  Ce 
principe  tout  conftant  qu'il  eft , 
n'empêche  pas  qu'on  ne  puifleêtre 
fenfible  à  la  loiiange  pourvu  qu'on 
n'en  fafte  pas  fa  fin  :  l'Auteur  le  fait 
voit  dans  fon  Exorde  ,  oh  il  mon- 
tre les  avantages  qui  fe  retirent  de 
la  louange  quand  elle  eft  jufte  & 
donnée  à  bon  titre.  Car  il  ne  faut 
pas  la  confondre  aveC'  la  flatterie*, 
qui  eft  la  pefte  du  gciyre  humain^ôc 


qui  en  canonifantlc  vice,  dégrade 
la  vertu  ,  décourage  l'homme  de 
bien  encore  chancelant,  &  anime  au 
mal  l'homme  pervers. 

La  loiiange  ,  pour  être  utile  ,' 
doit  être  véritable,  &  outre  cela 
modérée  :  ces  deux  propofitioi» 
divifent  en  autant  départies  le  DiC 
cours  dont  nous  allons  rendre 
compte. 

L'Orateur  commence  d'abord 
par  rcprefenter  en  général  de  quel 
prix  eft  la  vérité ,  &  il  remarque  à 
ce  fujet ,  que  les  Poètes  mêmes  qui 
font  profeftîon  de  feindre  ,  ne  peu- 
vent fe  pafter  pour  faire  valoir  leurs 
fidtions ,  de  leur  donner  quelque 
apparence  de  vérité  ,  tant  l'amour 
du  ym  eft  profondément  grave 


626         JOURNAL    D 

dans  le  cœur  de  l'homme. 

Mais  fi  l'ou  aime  le  vrai,  c'eR  fur- 
tout  dans  la  loiiangc  qu'on  l'exige , 
fans  tiuoi  elle  infultc  à  celui  qui  ell 
loiié,  elle  deshonore  celui  qui  loiic, 
ic  révolte  ceux  devant  qui  on  loiie. 
L'Orateur  fait  ici  de  la  flatterie 
un  portrait  d'autant  plus  capable 
d'infpirer  l'horreur  qu'on  en  doit 
avoir ,  qu'il  ell:  fimple  &  naturel. 
M.  le  Beau  n'exagère  rien  ,  &  en 
fe  renfermant  dans  le  vrai ,  il  en 
dit  plus  fur  ce  fujct  qu'on  ne 
^urroit  faire  par  toutes  les  hyper- 
boles. 

S'il  n'y  avoit  que  des  cfprits 
d'un  cara(flere  notoirement  mau- 
vais <jui  fuflent  capables  d'em- 
ployer la  flatterie ,  elle  feroit  beau- 
coup moins  dangercufe ,  mais  ce 
qui  eft  déploiablc  en  cette  ocça- 
fion  ,  remarque  notre  Auteur,  c'eft 
qu'il  fc  trouve  des  gens  de  bien  mê- 
me qui  fe  laiiïent  aller  à  un  vice  Ci 
honteux.  M.  le  Beau  cite  Hir  cela 
Qiiintilien  ,  cet  homme  d'ailleurs 
fî  fage  &  fi  vertueux ,  ce  Maître 
aiifll  admirable  quand  il  donne  des 
préceptes  pour  les  mœurs,que  joiff- 
^qu'il  en  donne  pour  l'éloquence.  Il 
le  cite  comme  ayant  donrté  lâchc- 
■ment  dans  la  plusbaflc  flatterie,  en 
loiiant  comme  un  grave  Rsfù-nnA- 
ttur  ,  Se  une  favorable  Divinité ,  le 
'.plus  cruel  ,  Se  le  plus  infenfé  de 
<ous  les  hommes ,  l'Empereur  Do- 
mitien  :  cet  Empereur  avoit  cliar- 
gédu  foin  des  petits  fils  de  fa  fœur, 
»le  oBind  Quintilien,  &  celui-ci , 
)pour  marquer  fa  reconnoitfance 
d'un  tel  honneur ,  prodigue  à  Do- 
anitien     Jcs    ;plys    axtravAgantes 


ES    SÇAVANS. 

loiianges.  Mais  quel  honneur ,  ô 
Quililien,cctEmpcrcur  t'a-t-il  pro- 
curé \  demande  ici  M.  le  Beau ,  fi  ce 
n'eft  d'avoir  pat  la  confecration  ri- 
dicule que  tu  as  faite  de  fon  nom  , 
imprimé  à  tes  Ecrits  ,  une  tache 
que  toutes  les  vertus  que  tu  as  d'ail- 
leurs ,  pourront  à  peine  laver  ? 

Si  l'on  ne  peut  cxcufcr  dans  un 
Payen  une  telle  flatterie  ,  comment 
en  pourra-t-on  excufer  defcmbla- 
bles  dans  des  Chrétiens  î  C'eft  la 
demande  que  fait  l'Orateur ,  &:  à 
cette  occafion  il  rapporte  divers 
exemples  d'éloges  que  certains  Pa- 
négyriftes  qui  font  néanmoins  pro- 
fi:ffion  de  Chriftianifrne ,  n'ont  pas 
appréhendé  de  donner  à  des  Prin- 
ces ,  &  où  ils  ont  eu  la  hardicfle  de 
mettre  les  prétendues  vertus  de  ces 
Princes  en  parallèle  avec  les  plus 
auguftes  attributs  de  Dieu. 

On  dira  pour  leur  excufe  que  h 
crainte  de  quelque  mal  _,  ou  l'efpe- 
rance  de  quelque  avantage  eft  la 
caufe  ordinaire  de  ces  fortes  de  flat- 
teries. Mais  quoi ,  s'écrie  l'Orateur 
juftemcnt  indigné ,  eft-ce  qu'il  eft 
-permis  de  trahir  la  vérité  pour 
quelque  fujet  de  crainte  ou  pour 
-quelque  fujet  d'efpetance  que  ce 
ibit  i  II  oppofe  à  cette  lâche  con- 
duite celle  du  Poëtc  Phijoxé- 
ae  qui  ne  voulut  pas  même  éloi- 
gner de  lui  par  une  complaifancc 
d'ailleurs  aflez  légeare  ,  mais  qui  ne 
Yaccordoit  pas  tout-à-fâit  avec  la 
vérité ,  un  danger  eonîfiderablc  qui 
it  menaçoit  :  la  Pocfp:  écoit  florif- 
fante  dans  la  Cour  de  Denis  le  Ty- 
ran i  ceiPrincc  qui  fe  mêlokde  fai- 
are  des  vers,  &  qBi^ne  ctpyoitpas 


N  O  V  E  M 

mériter  le  dernier  rang  fur  le  Par- 
naiïe  ,  ayant  fait  une  Picce  alTez 
mauvaife  que  Philoxéne  ne  put  fe 
lefoudre  d'approuver ,  fit  mettre 
ce  Poète  en  prifon  pour  le  punir  de 
ce  qu'il  n'avoit  pas  approuvé  la  Pie- 
ce.  Rien  ,  pour  la  fupeibc  &  le  fot 
orgueil^n'eft  comparable  à  un  mau- 
vais Prince  &  à  un  mauvais  Poète  , 
l'un  &  l'autre  fc  trouvoientdans  le 
Prince  dont  il  s'agit  :  cependant 
Philoxéne  ,  à  la  prière  de  fcs  amis, 
fiit  dès  le  lendemain  tiré  de  prifon, 
&  rentra  fi  bien  en  grace,que  Denis 
finvita  à  fbuper.  Le  repas  tut 
fplendide  ,  on  y  but  à  longs  traies  , 
&  Denis  animé  par  le  vin  ,  comme 
il  arrive  à  la  plupart  des  Poètes , 
entra  en  humeur  de  faire  des  vers , 
mais  des  vers  qui  ne  valoicnt  pas 
mieux  que  ceux  que  Philoxéne 
avoit  déjà  méprifés.  Denis  charmé 
de  la  fécondité  de  fa  veine  ,  fe  met 
à  reciter  fes  vers  devant  les  convi- 
ves ;  aa!H-tôt  chacun  d'applaudir  , 
les  uns  par  leur  gefte  ,  les  autres  par 
leurs  difcours  ,  les  autres  par  le 
mouvement  de  leurs  yeux ,  Philo- 
xéne feul  demeura  froid.  Denis  fur- 
pris  de  cette  tranquillité,  demande 
au  Poëte  ce  qu'il  penfe  des  vers  en 
queftion  ,  mais  le  Poëte  fans  répon- 
dre ,  fe  tourna  du  côté  des  Gar- 
des du  Prince  ,  &  leur  dit  :  ah , 
MelTieurs,  remettez-moi  en  prifon. 
Le  Prince  qui  ne  s'attendoit  pas  à 
ee  trait  de  Philoxéne  ,  ne  put  s'em- 
pêcher d'en  rire,  &  tout  préoccupé 
qu'il  étoit  de  la  prétendue  beauté  de 
fes  vers ,  il  crut  cependant  devoir 
en  demeurer  là. 

On  voit  par  cet  exemple ,  dit 


B  R  E;    175  j:  62^ 

l'Orateur  ,  que  felouLPÎiiloxéne  ,  il 
R'eft  pas  permis  dans  les  chofcs  m& 
mes  les  plus  légères  &  les  plustjdi- 
voles  ,  de  faciificr  k  vérité  à  là 
crainte. 

A  cet  exemple  fuccede  celui 
d'Alexandre  le  Grapd,  qui  quel- 
que avide  qu'il  fût  de  loiianges,,  ne 
pouvant  néanmoins  fouftrir  celle 
que  dans  un  Livre  lui  donnoit, 
contre  toute  apparence  de  vérité  , 
Ariftobule  ,  lui  arracha  le  Livre 
des  mains ,  &:  le  jetta  dans  le  fleuve 
Hydafpe ,  en  difant  que  l'Auteui 
méritoit  un  même  traitement  pour 
avoir  menti  aulîî  hardiment  qu'il 
avoit  fait ,  &  avoir ofé  dire,  entre 
autres  chofes^  qu'Alexandre  ,  d'un 
feul  coup  de  dard,  tuoit  les  plus 
gros  Eléphans. 

Nous  paflbns  un  grand  novdaxc 
d'autres  articles  où  l'Orateur  fait 
voir  par  differens  faits  tirés  de- 
l'Hiftoire  ,  combien  dans  les 
loiianges  la  vérité  eft  recommanda- 
ble  &  la  flatterie  odieufc  ;  mais  ce 
n'cft  pas  affez  que  la  louange  foit 
fondée  fur  la  vérité  ,  il  faut  encore 
qu)elle  foit  diferete  &  modérée  ,  & 
c'eft  le  fujet  de  la  féconde  Partie. 

La  loijange  pour  être  fage  &  dif- 
erete ,  doit  éviter  la  prefence  de 
ceux  dont  elle  exalte  les  vertus. 
Pline  a  loiié  Trajan  ,  mais  félon  le 
fentiment  de  la  pliipart  des  Criti- 
ques ,  c'a  été  enfon  abfence  -,  il  eut 
été  difficile  autrement  que  ce  Prin- 
ce eût  pu  foûtcnir  en  face  les  éloges 
quoique  juftes  ,  que  lui  donnoit 
l'Orateur.  Sa  modeftie  en  auroit 
eu  trop  à  fouffrir  ,  &  l'Orateur 
eût  été  coupaUe  de  la  plus  giatit 


^28  JOURNALD 

de  des  indifcrccions  ,  de  mettre 
à  une  épreuve  fi  rude  le  meil- 
leur de  tous  les  Prmccs.  M.  le 
Beau  tait  à  cette  occasion  diverfes 
reflexions  fur  les  loijangcs  qui  fe 
prononcent  en  prefcncc  de  ceux 
que  l'on  loiie  ,  nous  les  palfons  en 
faveur  de  la  brièveté  ;  nous  remar- 
querons feulement  qu'il  a  cru  pou- 
voir lolicr  en  leur  prefcnce  trois 
perfonnes  illullres  qu'il  avoit  in- 
vitées à  fon  difcours. 

Une  autre  condition  de  la  loiian- 
ge  pour  être  difcrete,  &c  modérée  , 
c'eft  de  ne  point  venir  hors  de 
tems ,  de  n'être  point  prématurée  , 
&  de  fe  contenir  dans  de  certaines 
bornes.  M.  le  Beau  cite  pour  exem- 
ple fur  ce  fujet ,  les  éloges  qu'on  a 
coiîtume  de  donner. aux  entans.  Il 
faut  loiier  les  entans  pour  les  ani- 
mer au  bien,  cela  eft  conftant,  mais 
il  ne  faut  pas  les  eny  vrer  de  loiian- 
ges.  Bien  des  pères  &  des  mères  ont 
befoin  d'avis  là  -  deflus  :  on  en  voit 
qui  charmés  de  tout  ce  que  font  ou 
difent  d'un  peu  à  propos  leurs  en- 


ES  SÇAVANS, 

fans ,  les  loiient  fans  celTe  en  leur 
piefence  ,  &c  ne  gardent  fur  cela 
aucune  mcfurc.  Qii'en  arrive-t-il  j 
remarque  M.  le  Beau  -,  Us  rcmplif- 
fent  de  vanité  le  cerveau  tendre  de 
leurs  enfans  -,  ces  enfans  fe  croyant 
parfaits  ,  méprifent  l'inftruction  , 
Se  de  gens  fenfes  &  aimables  qu'ils 
auroicnt  été  durant  le  cours  de  leur 
vie ,  ils  deviennent  des  hommes 
vains  ,  ridicules  &  infupponabks 
dans  lafocieté. 

Nous  citerions  volontiers  d'au- 
tres articles  de  cette  féconde  Partie} 
mais  comme  ils  roulent  fur  l'exagé- 
ration de  la  louange ,  &:  fur  cette 
forte  d'exagération  qui  empêche 
abfolument  la  loiiange  d'être  véri- 
table ,  quelques  Lcfteurs  Critiques 
ne  manqueroicnt  peut-être  pas  de 
les  regarder  comme  appartenant 
plutôt  à  la  première  Partie  ,  qu'à  la 
féconde  ;  c'eft  pourquoi  nous 
croyons  plus  à  propos  de  nous  en 
tenir  à  ceux  que  nous  venons  de 
rapporter. 


DISSERTATIO  MEDICA  ,  DE  DOLORE  EX  CALCULO 
Renum  quam  Favcnte  numinedivino  ,  fub  Prxlidio  D.  Friderici  HofF- 
manni  Facultatis  MedicrScnioris  &  H.  T.  Decani  pro  dignitate  Doc- 
toral! légitime  impetranda  ad  D.  tertiam  Maii  anno  1752.  publicx 
difquifuioni  exponit,  Johannes-Bernhardus  Doblin  Hollandia-Boruf- 
fus.  Hais  Magdeburgicx,  Typis  Joh.  Chriftiani  Hilligeri ,  Acad.Typ. 

C'eft-à-dire  :  De  la  Douleur  Néphréticjtie ,  ou  DiJfert.nionfoHmife  à  la  dif- 
pHte  pul'liijne ^par  Jean-  Bernard  Doblin  le  3.  Mai  1731.  A  Leide.  Pour 
obtenir  le  bonnet  de  Dodeur  en  Médecine.  De  l'Imprimerie  de  Chré- 
tien Hilligcr  Imprimeur  de  l'LJnivcrfité  de  Leide  1731.  Broch.  /w-8°. 
pages  Z4. 

M  Doblin  ,    Auteur  de 
.  Dllfcrtation 


cette 
commence 
d'abord  par  m>rquç>:les  /îgn,esqui 


diftinguent   la  douleur  néphréti- 
que ,    c'eft-à  dire  celle  qui  vicnp 
de  pierre  ou  de  gravier  dans  le  rein, 
d'avec 


N  O  V  E  M 

d'avec  les  autïcs  douleurs  des  lom- 
bes. Car  il  ell  bcile  de  les  confon- 
dre ,  de  les  Médecins  même  s'ils 
n'y  font  attentifs ,  peuvent  s'y  mé- 
prendre. 

Dès  qu'on fcnt  quelque  douleur 
vers  la  région  des  lombes ,  on  s'i- 
magine d'ordinaire  que  c'eft  une 
néphrétique  ,  quoique  cependant  il 
y  ait  dans  cet  endroit  un  grand 
nombre  de  parties  très-fufceptiblcs 
de  douleur  :  indépendamment 
d'aucune  affection  des  reins.  Tels 
font  les  mulcles  externes  &c  inter- 
nes des  lombes,  les  ligamens  des 
vertèbres  lombaires,  le  plexus mé- 
fentérique  fupérieur  ,  le  rameau  de 
l'artère  méfcnterique  fuperieure  , 
&  une  portion  de  l'inteftin  colon. 
Lorfque  ces  parties  viennent  à  être 
trop  tendues  ou  trop  comprimées  , 
ce  qui  arrive  par  divers  embarras  de 
matières ,  on  y  fent  une  grande 
douleur.  Elles  font  auiîi  quelque- 
fois attaquées  de  rhumatifme  ,  &c 
alors  on  y  fouffre  de  fi  grandes 
douleurs  ,  qu'on  eft  contraint  de 
marcher  couibc  ,  &  qu'on  ne  fçau- 
roit  fe  redrelfcr.  Il  ne  faut  quelque- 
fois cju'un  efïort  (  comme  celui  de 
lever  quelque  fardeau  )  pour  eau- 
fer  dans  les  vertèbres  &  dans  les 
cerfs  de  l'épine  un  dérangement 
capable  d'y  exciter  les  plus  grands 
tourmcns.  U  arrive  fouvcnt  qu'une 
trop  grande  abondance  de  fang 
amalTc  vers  le  plexus  méfcnterique 
ou  vers  les  artères  émulgcntes,ainfi 
que  l'éprouvent  les  perîbnnes  trop 
fanguines  ,  ou  fujettes  aux  hémor- 
ihoides ,  caufe  dans  les  lombes  une 
douleur  femblablc  à  celle  de  la  pier- 
Novemhf, 


B  R  E  ,  1755.  62^ 

re.  Ceux  qui  ayant  coutume  de  fc 
taire  faigncr  en  certains  tems,  vien- 
nent à  le  négliger,  ne  manquent 
guércs  lorfque  ce  tems  eft  arrivé  , 
de  fentir  la  même  douiei-'r  ;  mais  la 
feule  faignée  du  pied  gui  rit  les  uns 
&  les  autres  ,  &  les  guéxic  tout  à 
coup. 

Il  n'y  a  point  de  douleur  que  l'on 
confonde  plus  aifémcnt  avec  la  né- 
phrétique ,  que  celle  qui  vient  du 
gonflement  du  colon  par  des  vents 
enclos ,  cette  douleur  ne  fe  fait  pas 
feulement  fentir  dans  la  région  des 
lombes ,  mais  elle  porte  fon  im- 
prelTion  jufqu'aux  vilceres-,clle  cau- 
fe des  envies  de  vomir,  des  fup- 
prellions  d'urine  ,  des  refferrcmcns 
de  ventre  ,  &:  excite  dans  le  bas- 
ventre  des  douleurs  fpafmodiques 
qui  ne  différent  en  rien  de  celles 
qu'y  excite  la  pierre,  (î  non  que  cel- 
les de  la  pierre  ou  gravcile  ne  font 
ni  continuelles  ,  m  accompagnées 
d'un  grand  abbateraent  de  forces  , 
ôCqu'elles  diminuent  d'une  manière 
confiderable  ,  par  le  fecours  des  la-' 
vemens  -,  au  lieu  que  les  autres , 
c'eft-à-dire  celles  qui  font  produites 
par  des  vents  enclos  dans  l'inteftin 
colon  ,  reduifent  le  malade  dans  ua 
abatcment  général  de  tout  le  corps, 
ne  lui  laiffent  aucun  relâche  ,  Sc 
ne  permettent  pas  même  de  mar- 
cher. D'ailleurs,  les  nauféesou  en- 
vies de  vomir  qui  viennent  de  li 
gravellc  ou  de  la  pierre ,  arrivent  le 
plus  fouvent  à  jeun  ,  au  lieu  que 
celles  qui  font  caufées  par  le  bour- 
fouflement  venteux  du  colon  ,  ar- 
rivent principalement  après  qu'on, 
a  bû  &  mangé  -,  une  autre  differen- 
Oo  0» 


ê^o  JO  URNAL  D 

ce  encore,  c'cft  que  dans  la  douleur 
de  la  pierre  l'extrémitc  de  l'urctrc  , 
cil  vivement  picotée. 

L'Auteur  ,  après  ces  remarques 
ic  quelques  autres  que  nous  paf- 
fons,  obfervc  que  la  pierre  fe  for- 
me plus  fouvcnt  dans  le  rein  gau- 
che que  dans  le  droit ,  ce  qui  eft 
caufc  que  les  graveleux  font  aulll 
plus  fujets  à  fcntir  de  la  douleur  à 
ce  côté  qu'à  l'autre.  Mais  quelle 
raifon  rendre  de  ce  phénomène  ? 
Voici  celle  qu'en  donne  M.  Do- 
blin.  Le  rein  droit  eft  recouvert  du 
foye  ,  &  jouit  par -là  d'une  plus 
grande  chaleur  que  le  gauche  ; 
cette  douce  chaleur  ^noduit  deux 
effets ,  le  premier ,  que  le  fang  cir- 
cule plus  librement  dans  le  rein 
droit  ■,  le  fécond  ,  que  la  féparation 
de  l'urine  s'y  tait  par  confequent 
beaucoup  mieux  ■,  au  lieu  que  le 
rein  gauche,fitué  comme  il  ell:,  vers 
l'arc  du  colon ,  cil:  fans  celle  preilc 
par  le  gonflement  &  le  bourfoufflc- 
meni  de  cet  intellin  ,  qui  ell:  pref- 
que  toujours  rempli  de  vents ,  ce 
qui  empêche  le  fang  d'avoir  fon 
cours  libre  dans  ce  rein ,  &  y  retar- 
de par  confequent  la  filtration  de 
l'urine  ,  enforte  que  la  matière  tar- 
tareufe  de  cette  urine  a  le  tems  de 
s'accumuler  &  de  s'épaiflîr. 

Nous  laifTons  plufîeurs  autres  re- 
flexions de  notre  Auteur  pour  venir 
à  la  manière  dont  il  explique  la  gé- 
nération de  la  pierre  dans  les  reins: 
Lorfqu'iin  fang  trop  impétueux  , 
dit-il,  fe  porte  avec  violence  dans 
les  reins  ,  &  qu'il  n'efl  pas  repris 
avec  facilité  par  les  veines  qui  l'en 
doivent  rapporter,  il  gonâe  de  tel-? 


ES  SÇ  AVANS, 

le  manière  les  artères  capillaires  de 
ces  parties,  qu'il  s'y  fait  des  crevaf- 
fes  -,  ces  crevalTes  donnent  lieu  à  la 
férofiré  du  fang  de  s'épancher-,cctte 
fcrofité  épanchée  féjourne  &  crou- 
pit ,  &  produit  parla  de  petits  ul- 
cères dans  les  reins  ;  ces  ulcères 
grandiffenr  avec  le  tems ,  &:  lailfent 
fuinter  une  matière  tartareufe  qui 
venant  à  fe  durcir  peu  à  peu  ,  n'efl 
d'abord  que  du  fable,  mais  devient 
à  la  longue ,  une  pierre. 

Les  prognoftics  qu'on  peut  tirer 
dans  cette  maladie  ,  par  rapport  à 
fa  cure,  font  marques  en  peu  de 
mots  par  notre  Auteur.  Puis  il  exa- 
mine les  remèdes  qui  y  font  pro- 
pres. De  ces  remèdes ,  les  uns  con- 
viennent dans  les  accès  des  dou- 
leurs ,  &:  les  autres  hors  des  accès. 
Quant  aux  premiers  ,  M.  Doblin 
recommande  une  certaine  liqueur 
que  prépare  M.  Frédéric  Hofl- 
mann  ,  fous  la  Prélidence  duquel 
il  a  foiitcnu  la  Diflertation  dont  il 
s'agit  ;  mais  il  ne  dit  point  ce  que 
c'ell  que  cette  liqueur.  Il  fe  conten- 
te d'avertir  que  ceux  qui  ne  feront 
pas  afîez  riches  pour  en  pouvoir 
acheter  ,  peuvent  y  fubftiruer  l'ef- 
prit  de  nitre  ,  préparé  félon  la  mé- 
thode rapportée  par  le  même  Au- 
teur dansfes  Obfcrvations  Phyfico- 
Chymiqucs.  Il  recommande  encore 
pour  la  même  fin  ,  c'eft  à-dire  pour 
appaifer  les  violentes  douleurs  de 
la  pierre ,  les  eaux  de  cérifes  noires, 
de  fleurs  d'acacia,  de  tilleul,  de 
primevère ,  de  lis  des  vallées,  avec 
un  peu  defyrop  de  coquelicot,  ou 
de  pavot  blanc.  Il  recommande 
(^ut  de  même ,  l'huUe  d'aui^dee 


N  O  V  E  M  B 

(îouces  tirée  fans  feu  ,  les  cmulfions 
des  quatre  femenccs  froides ,  celles 
de  milium  folis  &  de  graines  de 
daucus ,  mêlées  avec  ks  eaux  ci-def- 
fus  marquées.  Si  la  violence  des 
douleurs  n'obéit  pas  à  ces  remèdes, 
ii  veut  qu'on  recoure  à  l'opium , 
mais  à  un  opium  bien  châtié  &:  bien 
corris^é  ,  comme  font  les  pillules 
de  Wildegans  &  de  Starck ,  le  lau- 
danum liquide  de  Sydenham ,  &  la 
Thériaque  celeffc. 

Le  nitre  purifié  eft  encore,  félon 
notre  Auteur  ,  un  fouverain  cal- 
mant dans  les  douleurs  néphréti- 
ques étant  mêlé  ou  avec  les  yeux 
d'écrevilTes ,  ou  avec  le  blanc  de 
baleine  ,  ou  avec  le  petit  lait. 

On  peut  joindre  à  ces  fecours  les 
lavcmens  faits  avec  les  décodions 
émollientcs ,  de  fleurs  de  fureau  , 
de  coquelicot,  de  camomille,  de 
bouillon  blanc  ,  avec  un  peu  de  fy- 
rop  de  dialthœa  ,  Se  un  peu  de  fel 
d'ébfon. 

M.  Doblin  ne  manque  pas  de 
propofcr  ici  les  demi-bains  d'eau 
tiède,  &  fur  tout  ceux  d'eau  de 
pluye  i  il  n'eft  guéres ,  dit  il,  de 
douleurs  néphrétiques  ,  pour  vio- 
lentes qu'elles  foient  ,  que  ce  fe- 
cours n'appaifc-,  s'il  eftfouvent  réi- 
téré. 

Les  linimens  avec  la  grailTe  hu- 
maine, avec  l'onguent  dialtha:a  & 
autres  chofes  femblablcs ,  ne  font 
pas  oubliés  par  notre  Auteur ,  non 
plus  que  l'application  d'une  veffie 
Tcmplie  de  lait  chaud,  dans  lequel 
on  *  fait  bouillir  des  herbes  cmoU 
lientes. 

Quand  les  douleurs  font  appai- 


R  E,    r  75  5.  63 r 

fées  ,  &  qu'on  a  lieu  de  croire 
qu'elles  ne  font  caufées  que  par  du 
gravier ,  il  faut  tenter  de  le  faire 
Ibrtir ,  mais  n'employer  pour  cela 
que  des  remèdes  doux.  Notre  Au- 
teur confcille  fort  ici  l'infufion  de 
théc,  celle  de  véronique,  celle  de 
pcrfil ,  celle  de  bayes  d'aikckcn- 
gc  Se  celle  de  mille-feuilles  ;  après 
quoi  il  veut  qu'on  boive  quelques 
goûtes  d'eau  fpiritueufe  de  geniè- 
vre. Si  avec  ces  fecours  ,  le  gravier 
ne  fort  pas  Se  qu'il  faille  employer 
des  moyens  plus  forts ,  M.  Doblin 
recommande  la  cendre  de  coquilles 
d'huitres ,  mêlée  avec  du  jus  de  ci- 
tron. 

Il  s'agit  à  prefent  de  la  conduite 
qu'il  faut  garder  pour  ù  preferver 
de  la  pierre  :  rien  n'eft  meilleur 
pour  cela  ,  félon  notre  Auteur,  que 
de  birc  beaucoup  d'exercice,  d'u- 
fer  d'alimens  de  facile  digcftion 
d'éviter  les  légumes ,  &  de  boire  de 
l'eaii  où  l'on  ait  fait  bouillir  de  l'é- 
corce  de  racine  d'Acacia,  ou  des 
graines  de  genièvre  torefices.  Il 
confeille  outre  cela  ,  la  poudre 
d'yeux  d'écrcviiTe^cclle  de  coquilles 
d'oeufs  ,  Si.  de  coquille  d'hui- 
tres. 

LïS  huiles  comme  celle  d'aman- 
des douces  ,  celle  d'olives  &  autres 
femblables  ,  étant  prifes  en  dedans 
font  auffi  de  bons  préfervatifs  con- 
tre la  pierre  des  reins  ;  la  raifon  en 
cft ,  félon  notre  Auteur  ,  que  le 
propre  des  fucs  gras  Se  huileux  eft 
d'empêcher  les  fels  de  s'unir  enfcm- 
ble  ,  cette  union  étant  ce  qui  fait  les 
concrétions  pierreufes.Que  les  liics 
gras  Se  huileux  empêchent  l'union 
O  o  o  0  i  j 


6^2        JOURNAL    DE 

dont  il  s'agit  ,  c'cli  ce  qu'on  ap- 
prend dans  les  clémcns  de  chymie  , 
&C  M.  Doblin  y  renvoyé  les  Lec- 
teurs. 

Le  petit  lait,  au  rcftc,  cft  une  des 
cViofcs  que  notre  Auteur  recom- 
mande le  plus  à  ceux  qui  font  ou 
menacés  ou  attaques  de  la  pierre. 
Il  veut  qu'on  le  prenne  chaud  ou 
du  moins  tiède.  Il  a  recommande 
plus  haut,  l'ufage  du  bain  aux  gra- 
veleux -,  mais  il  avertit  ici  que 
quelque  bon  que  leur  foit  ce  remè- 
de par  lui-même  ,  ils  doivent  s'en 
abftcnit  s'il  y  a  difficulté  de  refpi- 
ler ,  &  fi  la  repletion  efl:  trop  gran- 
de ,  auquel  cas  ,  la  faignée  ,  la 
purgation  &;  les  potions  adouciflan- 
tes  5c  délayantes  doivent  précéder. 
L'opium  qu'il  a  aufli  recomman- 
dé dans  les  violentes  douleurs  de  la 
gravelle  ou  de  la  pierre  ,  n'y  con- 
vient pas  toujours  ;  &c  il  avoiie  que 

ANECDOTES  DE  LA  COTJR  DE  PHILIPPE  -  AVGVSTE. 
A  Paris,  chez  la  Veuve  Pijfot ,  au  bout  du  Pont-NeuF,  Quai  des  Augu- 
ftins  ,  à  la  Croix  d'or.  17  5  3.  Trois  vol.  w-ii.Tom.  I.  pp.  354.  Tom.  IL 
pp.  384.  Tom.  III.  pp.  333. 


S    SÇAVANS, 

ce  remède  ,  quelque  calmant  qu'il 
foit ,  peut  faire  de  grands  ravages 
dans  ces  occalions  ,  fi  les  forces  du 
malade  font  entièrement  abbatucs  , 
s'il  cft  dans  un  âge  avancé  &  que  le 
pouls  foit  langui(Tanî  ,  auquel  cas 
il  but  employer  les  eaux  fpiritueu- 
fes  de  menthe ,  de  canelle ,  lie  au- 
tres femblables  ,  y  ajoutant  quel- 
ques grains  d'ambre  ,  ou  d'extrait 
de  fiffran. 

Le  régime  qu'il  faut  obfervcr, 
foit  pour  fe  garantir,  foit  pour  fc 
guérir  de  la  graveUe ,  fait  le  fujet  du 
dernier  article  de  la  Difiertatioru 
Ce  régime  confifte  à  éviter  les  laita- 
ges &  les  légumes ,  à  boire  peu  de 
vin ,  à  ne  boire  jamais  d'eau  dc-vic, 
amener  une  vie  qui  ne  foit  point 
trop  fédentaire  ,  5c  11  l'on  eft  replet, 
à  fc  purger  de  tems  en  tems  avec  la 
manne  ou  la  cafte. 


CE  S  Anecdotes  qui  roulent 
principalement  fur  les  A- 
mours  fortunés  ou  infortunés  de 
divers  Seigneurs  de  la  Cour  de 
Philippe- Auguite  ,  tels  que  Roger, 
Comte  de  Rethcl  ;  Raoul ,  Sire  de 
Coucy  -,  Guillaume,  Comte  des 
Barres  ,  &  Alberic  Seigneur  du 
Mez  ,  ne  laiftent  pas  de  renfermer 
d'autres  articles  plus  convenables 
au  caracflere  de  nos  Journaux  ,  & 
c'eft  à  ces  derniers  que  nous  nous 
ianêterons. 


Nous  rapporterons  d'abord  pont 
exemples  de  ces  articles ,  ce  qui  eft 
dit  des  grandes  qualité?,  de  Philip- 
pe-Augufte  ,  &c  de  celles  de  fou 
Gouverneur  ;  puis  nous  viendrons 
à  la  mort  de  Geoffroy  Duc  de  Bre- 
tagne Si  au  récit  d'une  viéloire  ex- 
traordinaire que  le  Comte  des  Bar^ 
res  remporta  fur  des  Anglois. 

Le  Voyage  de  Philippe-Auguftc 
pour  la  Paleftine ,  la  mort  d'Albe- 
lic  ,  le  Siège  d'Acre  ,  &  le  retout 
du  Roi/ont  des  points  curieux  que 


N  O  V  E  M 

noîis  ferons  obliges  de  fupprimer  ^ 
parce  qu'ils  font  écrits  d'une  ma- 
nière qui  les  rend  très-peu  fufccpti- 
bles  d'abrégé. 

Voici  pour  ce  qui  conecine  Phi- 
lippe-Augulk  &  fon  Gouverneur. 

Philippe  connu  par  le  fur-nom 
d' Auguste  ,  fi  juftement  mérité  & 
acquis  ,  avoit  fuccedé  à  fon  perc 
Louis  le  Jeune.  Le  nouveau  Mo- 
narque ,  en  prenant  les  Rênes  de 
fon  Empire  ,  n'étoit  appliqué  qu'au 
bien  de  fon  Etat ,  &  cela  dans  un 
âge  où  les  Princes  fs  repofcnt  vo- 
lontiers fur  l'habileté  de  leurs  Mi- 
niftres.  Le  dedans  du  Royaume 
étoit  tranquille  •,  les  voifins  envieux 
en  redoutoient  la  puilTance  &  l'e- 
xemple récent  de  Philippe  Comte 
de  Flandres ,  puni  par  Philippe- 
Augufte  d'une  cntreprife  audacicu- 
•fc  ,  faifoit  connoître  de  quoi  ce 
jeune  &  fage  Roi  feroit  capable. 
Dans  fes  convcrfations  qui  étoient 
prefque  toujours  fcrieufes&  utiles, 
il  déploroit  les  malheureux  règnes 
des  derniers  Rois  de  la  féconde 
Race  ,  &c  oppofoit  toujours  à  la 
mclelTe  de  ces  Princes,  l'activité  de 
Charlemagnc.  C'étoit  en  effet  le 
Hcros  que  le  jeune  Monarque  fe 
propofoit  pour  modèle.  Il  parloit 
des  Conquêtes  de  ce  grand  Roi , 
avec  un  plaifir  animé  &  rappclloit 
avec  douleur  les  triftes  époques  où 
la  Monarchie  Françoifc  avoit  fouf- 
fert  de  fi  confiderables  démembrc- 
mcns. 

La  nature  en  formant  Philippe- 
Augufle  ,  dit  un  jour  l'Empereur 
Frédéric  au  Vicomte  de  Melun  , 
â'eftplu  dans  fon  Ouvrage  :  elle  a 


B   R  E  ;     1755.'^     ^33 

voulu  que  ce  Prince  méritât ,  pref- 
que en  naiffant ,  l'cftime  de  l'Euro- 
pe. Elle  n'a  point  tormc  un  cnhnt; 
elle  a  d'abord  fait  un  homme.  Sa 
jeunelfe  laiffoit  douter  de  ce  que  la 
Renommée  publioit  de  lui  -,  mais 
toutes  fes  adions ,  foûtcnues  juf- 
qu'en  ce  jour  ,  ont  triomphé  de 
l'incrédulité. 

L'Empereur  Frédéric  ,  après  îç 
difcours  qui  vient  d'être  rapporté, 
continua  de  cette  forte  :  Je  fcns 
cependant  que  la  nature  a  été  fé- 
condée dans  Philippe  par  une  édu- 
cation qui  a  avancé  en  lui  ce  que  les 
plus  grands  Hommes  n'acquièrent 
que  par  l'expérience.  Cette  réfle- 
xion m'a  donné  une  grande  idée  de 
celui  à  qui  on  a  confié  ce  précieux 
dépôt.  Il  falloir  que  le  Maréchal  du 
Mez  ,  tût  un  homme  que  le  Dieu 
Tutelaire  de  la  France  eiltfait  naî- 
tre exprès  dans  le  fein  de  la  Cour 
pour  élever  votre  Monarque.  Je 
me  fouviens  de  vous  avoir  oui  dire 
que  vous  étiez  amis.  Vos  lumières 
vous  mcttoient  en  état  de  juger  de 
fon  génie.  Qiiel  éroit-il  î  Son  carac- 
tère ,  repartit  le  Vicomte  ,  étoit 
doux  &  ferme  en  même  tenis.  Son 
unique  ambition  fut  de  remplir 
t^us  fes  devoirs.  L'étendue  de  fon 
génie  le  faifoit  juger ,  non  feule- 
ment de  tout  ce  qu'il  falloit  qu'il 
fît ,  mais  encore  du  tems  &  des 
circonftances  où  il  devoir  placer 
fes  infiruèlions.  Chargé  de  l'éduca- 
tion de  Philippe  ,  il  fe  croyoit  rcf- 
ponfiblc  du  bonheur  ou  du  mal- 
heur des  fujcts  de  ce  Prince.  Bien 
plus,  il  fe  croyoit  rcfponfable  de 
la  peifonne  même  de  Philippe.  Pà^ 


<554         JOURNAL    D 

nécré  d'une  vérité  lî  importante  , 
il  avoit  cette  noble  hardicnc  fi  nc- 
ccfTairc  pour  reprendre  &  inllruirc 
fon  Maître.  Son  attention  étoit 
continuelle  pour  développer  les 
germes  de  vertus  que  le  Ciel  avait 
mis  dans  le  cœur  du  Roi ,  &  pour 
étouffer  dès  leur  nainance,dc  petits 
mouvcmens  qui  en  fe  fortifiant  par 
l'habitude  ,  auroient  pu  taire  tort  à 
fes  grandes  qualitez.  La  fcvérité  de 
ce  Gouverneur  corrigée  par  la  dou- 
ceur &c  par  le  refpeâ;,  lui  taifoit  tout 
ofer  &c  tout  dire.  Dans  certaines  oc- 
cafions  ,  il  fe  contentoit  de  jctter 
des  leçons  comme  au  hazard  ;  dans 
d'autres  il  les  appuyoit  &  les  forti- 
fioit.  Mais  un  de  fts  principaux 
foins  étoit  d'éloigner  de  fon  illuftre 
pupille ,  les  fades  adulateurs.  Il  ne 
vouloit  point  accoutumer  aux 
louanges  ,  les  oreilles  de  ce  jeune 
Héros.  Contentez-vous  ,  luidifoit- 
il ,  de  mériter  qu'on  vous  loiie ,  & 
ne  foyez  jaloux  que  des  éloges  qui 
ne  viendront  pas  jufqu'à  vous  ,  ou 
du  moins  qui  ne  vous  feront  pas 
adreffes.  Ce  font  ceux  du  peuple. 
Que  les  Princes  font  malheureux! 
difoit  le  fage  Maréchal  duMez  au 
jeune  Roi  :  La  vérité  ne  les  appro- 
che prefque  jamais.  Une  crainte 
fervile  qu'imprime  l'éclat  de  la 
grandeur  ,  une  balTe  complaifancc 
fille  de  l'orgueil ,  un  faux  refped 
qui  cache  un  véritable  intérêt ,  la 
retiennent  en  efclavagc.  Qu'on 
doit  peu  fovoir  mauvais  gré  aux 
Princes  ,  de  leur  aveuglement  fur 
eux-mêmes  !  Comment  fçauroient- 
-^s  qu'ils  font  des  atfiions  qu'on  dé- 
faprouvc  ?  Ils  n'ont  que  des  créatu- 


ES    SÇAVANS. 

tes ,  &  point  d'amis.  Tout  ce  qui 
les  entoure  les  abufc  :  on  nomme 
leur  avarice  ,  fage  prévoyance  :  on 
qualifie  du  beau  titre  de  magnifi- 
cence ,  une  prodigalité  qui  en  les 
cpuifant  les  force  de  vexer  leurs  fu- 
Jets.  S'ils  font  cruels  ,  on  leur  dit 
qu'ils  font  (uftcs  ;  s'ils  commettent 
quelque  injuftice  criante  ,  on  le* 
cxcufe  en  difant  qu'ils  ne  peuvent 
ni  tout  voir  ni  tout  fçavoir.  En  un 
mot  on  careffe  leurs  vices  ;  le 
Courtifan  les  approuve  &s'y  prête 
pour  arriver  à  la  faveur.  De  la  ma- 
nière qu'on  parle  aux  Princes  il 
femble  que  tout  leur  foit  licite.  Les 
Princes  cependant  doivent  rendre 
compte  à  l'Univers  ,  de  tout  ce 
qu'ils  font  ;  rien  ne  leur  eft  permis 
que  le  bien.  C'cft  d'eux  que  nous 
attendons  les  exemples  de  juftice  , 
de  douceur  ,  de  géncrofité ,  de 
magnanimité.  La  clémence  eft  le 
partage  de  ceux  qui  ont  en  main  le 
pouvoir  de  fe  vanger.  Voilà  comme 
penfoit  &  comme  parloit  le  Maré- 
chal du  Mez;  voilà  les  leçons  qui 
ont  gravé  dans  le  cœur  de  Philippe, 
les  vertus  qui  le  font  admirer  de 
tous  les  peuples  de  la  terre  ,  &  le 
font  chérir  de  ceux  qui  ont  le  bon- 
heur de  lui  obéir  :  le  Maréchal  du 
Mcz ,  continua  le  Vicomte  de  Mé- 
lun,  eft  encote  aujourd'hui  cher  au 
Roi ,  dans  la  pcrfonne  d'Alberic. 
La  reconnoidmcc  qu'il  doit  au  pè- 
re ,  fe  manitefte  dans  les  bontez 
pour  le  fils  ,  Se  le  fils  juftific  les 
bontez  de  Philippe, 

Voici  le  fécond  article  dont  nous 
avons  promis  de  parler.  Geof- 
froy Duc  de  Bretagne ,  étant  avec 


N  O  V  E  M 

la  Duchcflc  Confiance  fa  femme  , 
à  la  Cour  de  Philippe-Augufte  ,  y 
fut  attaque  à  la  fleur  de  fon  âge^d'u- 
ne  violente  maladie  qui  l'enleva  en 
cinq  jours.  Ses  fujcts  perdirent  par 
cette  mort  ,  un  Prince  équitable  ^ 
généreux  ,  finccre  ,  toujours  occu- 
pé du  bien  de  fon  Etat.  Il  venoit  de 
donner  un  nouveau  luftre  à  la  No- 
bleffe  Bretonne ,  par  cette  loi  ap- 
peliée  l'Affife  du  Comte  Geoffroy, 
laquelle  met  le  chef  de  chaque  mai- 
fon  en  état  de  foutcnir  par  fcs  ri- 
chefles  une  illuftrc  naifTance  ;  il  y 
avoir  chez  le  Duc  de  Bretagne  une 
foule  de  Seigneurs  de  la  Cour  de 
Philippe  -  Augufte.  Chacun  y  par- 
loit  diverfcment  de  la  mort  prom- 
pte &  furprcnante  de  Gcoifroy  ; 
Philippe  qui  apprit  les  differens 
biuits  qui  couroicnt  à  ce  fujet  , 
voulut  démêler  la  vérité  ,  &c  fit 
venir  pour  cela,  dans  fon  Cabinet, 
Roger  Comte  de  Rethel  que  Geof- 
froy avoit  honoré  d'une  amitié  par- 
ticulière i  il  interrogea  le  Comte 
de  Rethel  :  le  féjour  ,  lui  dit  -  il  , 
que  ^ous  avez  fait  à  la  Cour  de 
Geoffroy,  vous  a  fans  doute  donné 
occafion  de  pénétrer  un  fccret  qui 
n'elt  pas  venu  jufqu'à  moi.  C'eft  ce 
fccret  que  je  veux  fçavoir.  Puifque 
votre  Majcfté  me  l'ordonne  je  vais 
lui  obéir.  Ce  que  j'ai  vu  pendant 
mon  féjour  en  Bretagne ,  m'avoit 
fait  foupçonner  ce  que  le  Prince 
Geoffroy  ,  une  heure  avant  que  de 
mourir ,  a  juftifié  ,  en  me  confiant 
le  fccret  de  fon  cœur.  Ce  qu'il  m'a 
dit ,  Si  le  genre  de  la  maladie  qui 
l'a  conduit  fi  promptement  au 
sombeau  j  me  f©nt  douter  que  fa 


B  R  E  ,  1 7  3  ?•  <^îy 

mort  foit  naturelle.  Je  foupçonnc 
que  Madame  de  Fougères  eft  la 
caufe  innocente  delà  mort  du  Duc 
de  Bretagne  ,  comme  cette  Dame 
pouvoit  être  le  véritable  fujet  qui 
avoit  engagé  le  Duc  à  quitter  ûs 
Etats  pour  venir  à  la  Cour  de  votre 
Majeffé.  J'étois  à  celle  de  Geoffroy, 
iorfque  Ivladame  de  Fougères,  en- 
core Mademoifelle  de  Rhédon  y 
parut.  Je  vis  le  Duc  de  Bretagne 
cmpreffé  à  lui  rendre  fes  foins,  il 
trouva  des  prétextes  pour  donner 
des  têtes  qui  paroifloient  n'avoir 
pour  but  qu'un  divertiffement  gé- 
néral, mais  blanche  de  Rhédon  en 
étoitle  véritable  objet.  Evrard,Sci- 
gneur  de  Rhédon ,  fon  père  ,  allar- 
mé  de  la  paflîon  qu'il  s'appcrcûï 
que  fa  fille  infpiroit  à  fon  Souve- 
rain ,  fongea  d'abord  à  la  marier  ; 
le  Seigneur  de  Fougères  fut  celui 
qu'il  lui  choifit  pour  époux.  Le 
Duc  ,  malgré  le  chagrin  que  lui 
pouvoit  caufer  ce  mariage ,  étoit 
trop  jufte  pour  s'y  oppofer.  Fou- 
gères ,  fut  bien-tôt  aufll  pénétrant 
qu'Evrard.  Il  craignit  que  la  vertu 
de  fa  femme  ,  ne  fût  pas  une  barriè- 
re affez  forte  contre  les  attaques 
d'un  Prince  aimable,  &  cette  crain- 
te lui  fit  prendre  la  refolution  de 
paffer  fecrétemcnt  à  la  Cour  de  vo- 
trcMajefté,oùVotreMajefté  le  reçut 
avec  bonté.  Depuis  près  de  deux 
ans  qu'il  y  eft  avec  Madame  de  Fou- 
geies  il  a  tori jours  flatte  Geoffroy 
de  retourner  en  Bretagne.  Ce  Duc 
fatigué  des  délais  de  Fougères  ,  a 
cru  que  le  plus  fur  parti  qu'il  lui 
reftoit  à  prendre ,  pour  voir  Mada- 
me de  Fougères,  étoit  de  \enir  Iwi- 


6i6         JOURNAL  D 

même  en  France.  Dans  ce  dclTcin  , 
il  a  couvert  fa  démarche  ,  &  s'cft 
fervi  du  prétexte  d'unir ,  fous  la 
protedlioD  de  votre  Majefté  ,  l'An- 
jou à  la  Bretagne.  J'ai  fçu  depuis 
par  le  Comte  de  Rieux  ,  confident 
de  ce  Prince  ,  que  Fougères  n'avoit 
point  paru  alJarmé  de  l'arrivée  du 
Duc  de  Bretagne  ,  qu'il  avoit  mê- 
me été  au-devant  des  carcfles  de  ce 
Prince ,  &c  qu'il  l'avoit  plusieurs 
fois  traité  magnifiquement  ;  le  Duc 
de  Bretagne  enfin  s'eft  trouvé  mai 
ie  lendemain  d'une  fête  que  fougè- 
res lui  avoit  donnée,  C'efl;  fans  dou- 
te ,  dans  cette  tète ,  que  Fougères  , 
pour  fe  défaire  d'un  rival  redouta- 
ble ,  a  ofé  attenter  fur  la  vie  de  fon 
Souverain  ;  je  ne  forme  cependant 
qu'avec  peine  un  tel  jugement  , 
mais  fi  Fougères  eft  connu  en  Bre- 
tagne pour  fpirituel  &  pour  brave, 
il  n'eft  pas  moins  comiu  pour  être 
vm  dangereux  ennemi.  Mais  voici 
une  particularité  ,  Sire  ,  qui  du 
doute  femble  conduire  à  la  certitu- 
tude  ;  le  Comte  de  Rieux  m'a  con- 
fié ce  matin  ,  que  Geoffroy  lui 
voyant  le  vifage  couvert  de  larmes, 
lui  a  dit  :  tu  pleures  ma  mort  ,  & 
tu  dois  la  pleurer  ,  d'autant  qu'une 
malheurefe  paillon  m'a  forcé  .\  venir 
chercher  en  France  ,  cette  mort.  Je 
connois ,  comme  tu  la  connois ,  la 
main  qui  me  tue ,  mais  je  ne  dois 
pas  m'en  plaindre:  J'ai  forcé  Fougè- 
res à  commettre  ce  crmie. 

La  conduite  que  garda  le  Roi 
dans  cette  occafion  ,  ne  doit  pas 
être  paffée  fous  filence  :  voici  ce 
qu'en  raconte  notre  Auteur. 

Roger,  dit  Philippe,  gardez  le 


ES  SÇAVANS, 

fecict  que  vous  venez  de  m'appren- 
dre:  s'ilétoirfçû  il  feroit  tort  à  U 
mémoire  d'un  grand. Prince.  L'cfti- 
me  que  j'ai  eue  pour  le  Duc  d?  Bre- 
tagne pendant  fa  vie,  demande  que 
je  lui  facrifie  fa  propre  vengeance. 
Fougères  devra  l'impunité  de  fon 
crime  à  ma  politique.  Mais  allez 
lui  dire  que  je  ne  lui  donne  que  24 
heu;  es  pour  fortir  de  mes  Etats. 
Recommandez  de  ma  part ,  au 
Comte  de  Rieux  ,  de  garder  un  fe- 
cret  qui  doit  être  renfermé  dans  le 
tombeau  avec  le  Prince  que  nous 
pleurons.  La  difcretion  là-delTus  efl: 
la  dernière  marque  de  refped  &dc 
fidélité  qu'il  puiffe  donner  à  fon 
Souverain. 

Le  fort  de  Fougères  ne  mérite 
pas  moins  d'être  rapporté  ici  •■,  le 
voici  dans  les  propres  termes  qu'il 
eft  raconté  par  l'Auteur  de  ces 
Anecdotes.  Roger  ,  en  fortant  du 
Cabinet  du  Roi,  alla  chez  le  Sei- 
gneur Fougères  ,  il  ne  trouva  que 
fa  femme.  Mais  quel  fpeélacle  frap- 
pa dans  l'inlîant  ks  yeux  de  cette 
infortunée  1  C'étoit  fon  mari  qu'on 
rapportoit  mort  d'un  coup  d'épéc 
qui  lui  perçoit  le  cœur.  Un  des 
gens  de  Fougères ,  que  Roger  in- 
terrogea ,  lui  dit  que  ce  coup  ctoit 
parti  de  la  main  du  Comte  de 
Rieux,  qui ,  à  la  porte  du  Palais  du 
Duc  de  Bretagne  ,  s'étoit  battu 
avec  le  Seigneur  de  Fougères.  Le 
Comte  de  Rieux  ,  à  qui  Roger  ne 
put  s'empêcher  de  faire  des  repro- 
ches d'une  telle  action  ,  répondit  ,' 
j'ai  vangé  mon  maître,  &  puni  un 
perfide  ;  fon  crime  étoit  certain  -,  il 
ralloit  que  la  punition  le  fuivît  de 
près. 


N  O  V  E  M 

yrcs.  Je  me  félicite  d'avoir  terrafle 
4:c  monftre.  Roger  fe  chargea  d'al- 
ler demander  au  Roi  la  grâce  du 
Comte  de  Rieux-,  &  le  Roijugeane 
del'attachementduComtepourfon 
maître  ,  par  l'emportement  où  ce 
Comte  s'étoic  laifle  aller  ^  ne  put 
blâmer  le  Comte  de  Rieux.  Il  l'en 
cftima  davantage  ,  mais  fans  le 
loiier. 

Un  autre  article  que  nous  avons 
à  rapporter  eft  la  vidoire  extraor- 
dànairc  du  Comte  des  Barres  fur 
des  Anglois. 

Philippe  -  Augufte  qui  étoit  en 
guerre  avec  l'Anglois,  &qui  avoit 
refolu  le  voyage  de  la  Terre  Sainte, 
fçachant  que  l'on  murmuroit  de  ce 
que  cette  guerre  fufpcndoit  le  voya- 
ge qu'il  méditoit ,  voulut  eniin  ter- 
miner cette  guerre  ,  &  pour  cela  il 
jetta  toutes  fes  forces  dans  le  Pays 
du  Maine.  Henri  y  avoit  aulîî  raf- 
femblé  toutes  les  fiennes.  Mais  ce 
Prince  évitoit  d'en  venir  à  une  ac- 
tion générale.    Philippe- Augufte  la 
defiroit ,  &c  en  cherchoit  l'occafion 
avec  empreflemenr.  L'Anglois  crut 
ralentir  l'ardeur  de  fon  ennemi ,  en 
mettant  devant  lui  la  petite  rivière 
de  Mayenne  ;  il  la  pafîa,  &  enfuitc 
rompit  les  deux  ponts  qui  avoient 
favorifé   fa  retraite.    Il  fe  campa 
fur  le  bord  oppofé  à  celui  qu'occu- 
poit  l'armée    Françoife.   Philippe 
mortifié  de  n'avoir  pas  prévu  cette 
manœuvre ,  fortit  de  fon  camp  ac- 
compagné feulement  du  grand  Sé- 
néchal, Comte  des  Barres,  &  du  gé- 
néral Alberic  ,  Comte  du  Mez.  Il 
voulut  aller  examiner  par  quel  en- 
dlroit  il  pourroit  pafTer  la  rivière.  U 
Navcmbre. 


B  R  E,    17^^.  <J37 

la  cottoyoit  lorfque  s' étant  un  peu 
trop  approché  d'un  petit  bois,  il 
en  fortit  vingt  GendarmcsAnglois, 
qui  vinrent  à  eux  la  lance  en  arrêt. 
Le  Maréchal  &  le  grand  Sénéchal, 
fans  connoître  d'autre  péril  que  ce- 
lui où  le  Roi  fc  trouvoit  expofé  , 
fe  mirent  au-devant  de  lui ,  pour 
arrêter  la  première  impétuofité  de 
l'ennemi  :  le  Maréchal  fut  d'abord 
renverfé  fous  fon  cheval  ,    &:  le 
grand    Sénéchal   vit    tomber    par 
éclats  fon  cimeterre.  Mais  ce  guer- 
rier eut  alors  recours  à  une  maifc 
d'armes  qu'il  portoit  toujours  pen- 
due à  r.irçon  de  fa  fclle.  Il  en  frap- 
pe  l'ennemi    qui  tombe    fraLiifc 
un  coup  fuccede  à  l'autre  &  pro- 
duit le  même  effet.    Philippe  ou- 
blie que  c'eft  un  fujet  qui  combae 
pour  fon  Roy  ,  il  va  au  fecours  du 
Sénéchal.    Déjà  la  moitié  des  An- 
glois mordent  la  pouflicrc ,  les  au- 
tres effrayés  fe  fauvcnt  avec  préci- 
pitation dans  les  bois.    La  fageflc 
de  Philippe  arrête  le  grand  Séné- 
chal qui  veut  les  pourfuivre:  le  Roi 
&  lui  vont  fecourir  le  Maréchal 
qui,  étourdi  d'un  coup  fur  la  tête  , 
étoit  fans  connoiffance  ;  ils  le  font 
revenir,  l'aident  à  fe  relever  ,  le 
remettent  en  felle  ,  &  prennent  le 
chemin  du  camp. 

Les  Anglois  échappés  à  la  maffc 
du  Comte  des  Barres ,  &c  à  l'épéc 
de  Philippe,  furent  forcés  d'avoiier 
que  ce  fait  d'armes  tenoit  du  prodi- 
ge. Ils  difoient  qu'on  ne  racontoit 
rien  des  Héros  fabuleux  ,  qui  fur- 
paffât  ce  qu'ils  avoient  vu  faire  à  ce 
François.  Ils  le  nommèrent  l'Acl  il- 
Ic  de  la  France  ;  titre  qu'il  dut  tvx 
Pppp 


éî8  JOURNAL   D 

ennemis  mêmes  de  fon  Roi,  &  qui 
le  fui  vit  dans  le  tombeau. 

Ce  feroit  ici  le  lieu  de  parler  du 
voyage  du  Roi  pour  h  Terre  Sain- 
te ,  du  Siège  de  la  Ville  d'Acre  ,  & 
du  retour  de  ce  Prince  en  France, 
mais  comme  nous  l'avons  lemar- 


ES    SÇAVANS; 

que  ,  ce  ne  font  pas  des  articles  af- 
fez  fufccptibles  d'abrégé  pour  pou- 
voir entrer  dans  notre  Extrait.  Au 
refte  ,  tout  cet  Ouvrage  eft  écrit  de 
manière  que  quand  on  en  a  une  fois 
commencé  la  lecture,  il  eft  diffici- 
le de  la  quitter. 


rRAlTE  DE  LA  SIMPLICITE'  DE  LA  FOY. 
A  Paris ,  chez  J.  B.  Lamcjls  ,  rue  de  la  vieille  Bouderie  j  Antoine  de 
HeucjHeville  ,  rue  Gift-le- Cœur  ;  Henri,  rue  S.  Jacques.  1733.  vol. 
in  -  12.  pages  245. 


LA  fimplicité  de  la  Foi  confifte 
à  croire  fins  difputer  j  &  le 
retranchement  de  toute  difpute, 
dit  notre  Auteur,  eft  abfolument 
ncccftaire  en  matière  de  Religion. 
C'eft  ce  qu'il  fe  propofe  de  montrer 
à  l'incrédule  par  des  raifons  fi  for- 
tes &  fi  convainquantes  ,  dit  -  il  , 
que  fi  l'incrédule  a  quelque  droitu- 
re, //  les  honorera  de  [on  approhatiari^ 
ce  font  fes  termes. 

11  commence  d'abord  par  repre- 
fenter  que  tous  les  peuples  de  la 
terre  ,  foit  barbares ,  foit  policés  , 
foit  ignorans ,  foie  fçavans ,  fe  font 
réunis  en  faveur  de  cette  fimplicité, 
&  l'ont  tous  jugée  abfolument  ne- 
eeftaire  pour  maintenir  les  diverfes 
Religions  qu'ils  avoient  inventées, 
-OU  qu'ils  avoient  reçues  de  leurs 
pères.  Ces  Religions  étoient  pour 
b  plupart  autant  d'amas  d'erreurs 
Se  de  fuperftitions  qui  défiguroicnt 
la  Divinité ,  &  l'ourrageoient  au 
lieu  de  l'honorer  ;  mais  ces  erreurs 
&C  ces  fuperftitions  ,  remarque  ici 
notre  Auteur  ,  avec  quelle /i//,plici- 
tifefaifoient-elles  refpeEler?  Les  hom- 
mes les  plus  fages. n'avaient  pas  la  li- 


berlè  de  les  contredire  :  il  fallait  s'y 
foîmettre ,  oh  bien  on  éioit  aiijjt  -  tôt 
déclaré  emicmi  de  la  Religion  &  trai- 
té de  perturbateur  de  L'Etat. 

Mahomet  qui  a  eu  foin  de  fou- 
ftraire  à  la  curiofité  de  fes  Difciples 
l'examen  de  fa  Religion  nouvelle  , 
en  leur  interdifant  fur  ce  fu^et  toute 
étude  &  toute  difpute  ,  n'eft  pas 
oublié  ici.  Puis  on  dit  à  l'incrédule 
que  itChriflianifme  fondé  fur  le  même 
principe  naturel  tjue  les  autres  Reli- 
gions ,  défend  aulli  les  difputes  fur 
les  points  de  créance  ,  &  comman- 
de de  même  la  fimplicité  ,  mais 
qu'en  même  tems  qu'il  propofe  des 
Myfteres  profonds  où  fe  perd  l'cf- 
prit ,  il  découvre  les  motifs  qui  les 
rendent  évidemment  croyables. 
Morih  que  le  Chriftianifmc  foû- 
met  aux  raifonnemens  de  l'homme, 
&  dont  il  lui  ordonne  d'examiner 
le  fond  &c  les  confequenccs ,  ce  qui 
donne  à  la  Religion  Chrétienne 
l'avantage  fur  toutes  les  autres  Re- 
ligions ,  &  ennoblit  en  même  temt 
la  fimplicité  qu'elle  exige. 

Pour  procéder  avec  ordre ,  on 
divifc  le  Traité  en  deux  Parties» 


N  O  V  E  M 

dans  la  premicre  on  montre  la  fim- 
plicité  de  la  Foi  par  l'étibliflcmcnc 
du  Chriltianifmc  -,  puis  on  en  fait 
voir  la  neceiîîté  8c  la  fagciTe  par 
rincompreheniibilité  de  Dieu  -,  par 
la  nature  de  l'homme  ;  par  la  foi  - 
blcfle  des  connoiflances  de  l'hom- 
tne  ;  par  les  égaremens  de  l'cf- 
çrit  humain  abandonné  à  lui  -  mê- 
me ,  ic  par  le  témoignage  de  la 
confcience. 

Dans  la  féconde  Partie  on  fe  pro- 
pe(e  de  montrer  :  Que  les  princi- 
pes de  la  morale  font  fondes  fur  la 
implicite  :  que  cette  fimplicité  eft 
la  bafe  de  la  Religion  naturelle,  de 
la  Religion  Chrétienne  ,  de  la  par- 
faite charité  &  du  Culte  Divin,  que 
ce  Culte  Divin  n'eft  point  l'effet 
d'une  crainte  fervile,  &  que  la  /Im- 
plicite n'eft  pas  la  mcre  de  la  fupcr- 
ftition  -,  voilà  ce  que  l'Auteur  fe 
propofe  de  montrer  à  l'incrédule. 
Nous  nous  contenterons  de  quel- 
ques exemples  ;  &  ces  exemples 
nous  les  choifirons  dans  les  répon- 
fes  que  l'Auteur  fiit  aux  objedrions 
qu'il  rapporte  de  l'incrédule. 

Ohjeilion  :  »  Ce  Dieu  qui  félon 
»i  vous ,  a  jette  un  voile  obfcur  fur 
n  fa  face ,  peut-il  me  forcer  à  croire 
»>  ce  que  je  ne  puis  ni  comprendre 
H  ni  même  admettre  dans  mon 
»  imagination  ,  fans  doute  il  eft 
3>  fage  ,  &  par  confequent  s'il  a  pris 
*>  plaifir  à  fc  cacher  ,  il  n'a  pas  pré- 
»  tendu  que  je  le  connuffe  jamais. 
»  Ainfi  ccsMyfteresincomprehe^- 
>•  fibles  que  la  Religion  propofe  ne 
«  peuvent  mériter  la  créance  d'un 
»  efprit  raifonnable.  Ce  font  les 
itj^wexki  de  quelque  efprit  écbauf- 


B  R  E  ;  173  3.  6j$ 

»  fé  ,  ou  la  production  d'une  poli- 
»>  tique  induftrieufe. 

Réponfe  :  »  Je  vous  demande ," 
)'  efprit  fublime  ,   qui  avez  affiftc 
M  aux  confcils  du  Tout-puiffant,  &: 
"  qui  avez  dirigé  fes  Ouvrages , 
»  vous  qui    concevez  admirable- 
n  ment  bien  les  convenances  &  les 
a  proportioHs  de  chaque  partie  qui 
»  compofe  l'Univers  :  Dieu  eft-il  en 
»  droit  de  fe  refervcr  quelques  con- 
"  noiffances    pleines   &:  parfaites , 
»  dont  il  ne   veuille   vous  donnée 
»  que  de  légères  traces ,  &  une  idée 
»  confufe?  Faut  il  que  pour  fe  faire 
»  obéir  j  il  découvre  à  vos  yeux  les 
»  fccretsdefa  fagclTr  ,  c-:  nu'ti  pre- 
»ï  fente  à  votre  efprit  une  évidence 
»  qui  le  détermine  à  fc  foûmectre  i 
"Car  enfin  ce    qu'un  père  cfl  en 
»  droit  d'exiger   de  fon  fils  dont 
n  l'cfprit  commence  à  s'ouvrir  ;  ce 
»  qu'un  maître  attend  de  fon  Difci- 
»  pie  i  un  Sçavant  de  celui  qui  n'i 
»  aucune  teinture  de  fcience;  Dieu 
>•  ne  peut- il  pas  le  commander  à 
»  l'homme  ,    &  lui   ordonner  en 
=  vertu  de  fon  pouvoir  fuprêmc  , 
»  de  le  croire  fur  fa  parole  ; 

ObjeElion  :  »  On  pourroit  conve- 
n  nir  fans  que  cela  tire  à  confcquen- 
»  ce,queDieu  peut  exiger  de  i'hom- 
n  me ,  qu'il  croyc  ce  qu'il  ne  com- 
»  prend  pas  ;  maisl'exige-t  ilcn  ef- 
»  fet  ?  &  quelles  preuves  pouvez- 
»>  vous  apporter  pour  m'en  con- 
n  vaincre? 

Réponfe  :  »  Quelles  preuves  ?  ah 
M  plût  au  Ciel  que  le  feul  amour 
«de  la  vérité  mît  ces  paroles  fut 
«nos  lèvres.  Si  vous  l'autiiez avec 
sautant;  d'ardeur  qu'elle  le  mérite, 
Ppppg 


^4»        JOURNAL   DE 

»  vous  chercheriez ,  fans  doute ,  un 
»  moyen  fur  qui  vous  aidât  à  la 
a>  découvrir  ,  &  vous  conviendriez 
i>  de  quelque  principe  qui  conten- 
»  tât  vorrc  cfprit.  Je  vous  en  pro- 
»  duirois  alors  de  fi  fenfibles ,  que 
»  quiconque  eft  capable  d'apperce- 
»  voir  un  principe  dans  les  confe- 
»  quences ,  avoiieroit  ou  que  Dieu 
»  3  parlé  ,  ou  qu'il  n'eft  aucune  re- 
>»  gle  pour  connoître  la  vérité. 

Notre  Auteur  ,  par  ce  difcours  , 
tient  l'incrédule  en  fufpens  fans  le 
fatisfairc ,  mais  il  va  lui  parler  plus 
précifément. 

»Il  eft  une  Religion  ,  vous  di- 
»  rois-je  d'abord ,  il  eft  donc  quel- 
»  ques  principes  infaillibles  pour 
"  dlftingucr  fi  elle  eft  divine  ou 
»  non  -,  ces  principes  doivent  être 
=ofondés  fur  la  fagefle  &proporticn- 
"  nés  à  la  portée  de  l'homme  ;  j'a- 
wjoûteroisenfujte,  qu'il  eft  certains 
"figues  extérieurs  qui  nous  élèvent 
»  à  la  connoiftance  de  la  volonté 
»  divine.  Je  vous  citerois  des  Pro- 
»  phcties  qui  paftent  la  pénétra- 
»»  rion  de  tout  efprit  créé  ,  juftifices 
»  par  l'évencmenr,  j'étalerois  à  vos 
30  yeux  un  nombre  infini  de  mira- 
»  des  opérés  en  preuve  deladivi- 
w  nité  de  l'Evangile;  je  vous  parle- 
»rois  de  la  converfion  du  monde  , 
«  du  courage  des  Martyrs  ,  de  la 
»  vertu  héroïque  des  Confefteurs , 
»  &:  des  Vierges  ,  &  fi  vous  traitiez 
M  toutes  ces  preuves  avec  mépris  , 
»  je  vous  dirois  enfin  qu'il  a  été 
»  prédit  que  cette  parole  divine 
ïjferoitméprifée  &c  rejettéc  dcsfu- 
»  pcrbes  &  des  voluptueux.  De  Ces 
nuits  incooteilabks^  quelle con- 


S    SÇAVANS , 

M  fcqucnce  ne  pourrois  je  pas  tfrer? 
)j  Que  lui  manqueroit  -  il  ,  pour 
»  avoir  la  force  de  la  démonftra- 
»  tion  la  plus  claiie  i  qu'en  penfcz-; 
»  vous  ? 

Telle  eft  la  manière  dont  l'Au- 
teur réplique  à  l'inftance  que  vient 
de  faire  l'incrédule.  Ces  deux  feuls 
exemples  pourroient  fuffire  pour 
donner  de  ce  Traité  l'idée  qu'on 
en  doit  avoir  ;  mais  on  en  aura  une 
notion  encore  plus  complettc  par 
les  deux  autres  qui  fuivent  -,  &  que 
nous  prenons  dans  leur  rang  com- 
me les  deux  premiers  -,  c'eft-à-dirc, 
fans  leschoifir. 

Oije^ion  :  Notre  Auteur  fait  di~ 
rc  à  l'incrédule  ,  que  »  Dieu  doit 
»»  proportionner  les  moyens  aux 
»  fins  particulières  qu'il  fe  propofe. 
>j  Que  par  confequent  fi  Dieu  avoit 
»  voulu  s'attacher  l'homme  par 
»  des  nœuds  indifiblubles ,  il  étoit 
»  à  propos  qu'il  l'élevât  au-deftiis 
»  de  fon  infirmité  naturelle  ,  & 
x  qu'il  délivrât  fon  efprit  de  l'efcla- 
»  vage  des  fens  v  Qu'il  pouvoir  tc- 
»  pandre  fur  lui  quelques  rayons 
»  de  fa  gloire,  S<  diffiper  lesnua- 
»  gcs  dont  l'efprit  de  l'homme  eft 
»  couvert  ;  que  cela  étoit  neceffairc 
>>  afin  que  l'homme  formé  pour 
«connoître  Dieu,  le  conniàt  fans 
»  peine,  &  ne  pijtrefufer  uncon- 
»  fentement  qui  n'eft  dû  qu'à  l'évi- 
»  dence  de  la  vérité. 

^e)?.  Notre  Auteur  répond  qu'cf- 
fedivement  Dieu  pouvoit  faire 
tout  ce  que  dit  là  l'incrédule  ;  mais 
qu'il  étoit  de  la  fagefle  divine  d'éta- 
blir parmi  les  créatures  intelligen- 
tes ,  quelque  inégalité.  Qji'àla  véiif 


N  O  V  E  M 

té  il  pouvoit  donner  à  l'homme  des 
connoiflànces  plus  claires  de  la  Di- 
vinité, mais  que  s'il  l'avoit  fait, 
l'homme  auroit  changé  de  nature , 
cnforte  que  ce  ne  feroit  plus  cet 
animal  raifonnable  ,  autant  fournis 
à  la  matière,  que  conduit  par  la 
raifon  ;  que  ce  ne  feroit  plus  un 
être  foible  ,  inconftant  ,  limité  ; 
Qu'il  ne  tiendroit  plus  la  dernière 
place  parmi  les  créatures  douées 
d'intelligence  -,  Qu'il  n'y  auroit 
prefquc  plus  de  foi  pour  lui ,  pref- 
que  plus  d'efperance  ;  Que  ces 
deux  vertus  reléguées  fuv  la  terre  , 
en érant bannies,  priveroient  Dieu 
d'un  hommage  qui  lui  eft  dû  ,  &  ne 
laifTeroient  aucun  lieu  à  fa  juftice. 

Notre  Auteur  ne  termine  pas  à 
cela  fa  réponfe  :  il  croit  necelTaire 
d'ajouter  que  Dieu  pouvoit  élever 
l'homme  à  la  condition  des  fub- 
ûances  purement  fpirituelles,  ou 
lui  donner  un  corps  plus  fubtil  & 
plus  délié;  qu'il  pouvoit  embellir 
îbn  efprit  des  connoiiïances  les 
pUis  parfaites  ,  que  l'homme  au- 
roit trouvé  fon  avantage  à  ce  chan- 
gement ,  que  la  brute  auroit  auilî 
trouvé  le  fien  de  refTembler  à 
l'homme  ,  mais  que  Dieu  n'y  au- 
roit pas  trouvé  fa  gloire  :  Qu'il  fal- 
loit ,  pour  étabhr  quelque  ordre 
parmi  les  créatures ,  tenir  l'homme 
au-defTous  des  fubftanccs  dégagées 
de  la  matière  craiïe  ;  &  que  Dieu 
ne  pouvoit  mieux  y  réuflir  qu'en 
ne  donnant  à  l'homme  que  des  con- 
noiflànces bornées  ,  touchant  les 
véritez  céleftes ,  tandis  qu'il  les  ré- 
pand avec  une  efpece  de  profufion, 
fus  ks  autres  créatures  intelligçn- 


B  R  E  ,     17  3  3'  ^41 

tes  :  Qu'enfin  Dieu  a  voulu  que 
l'homme  ne  l'apperçût  qu'à  tra- 
vers d'épais  nuages  ,  ^fn  ^uil 
fût  in  état  de  mériter,  par  la  /im- 
plicite Je  fa  foi ,  f  avant  âge  de  con- 
templer un  jour  fa  beauté  divine  face 
àface. 

L'Auteur  introduit  ici  un  Philo- 
fophe  qui  fe  joint  à  l'incrédule ,  & 
qui  dit  que  l'intelligence  de  l'hom- 
me n'eft  point  fi  bornée  qu'on  pré-- 
tend  le  taire  entendre  dans  la  ré- 
ponfe précédente  ;  qu'au  contraire 
l'homme  a  reçu  du  Ciel  un  efprit 
fupericur  ,  capable  de  s'élever  par 
fes  propres  forces  jufqu'à  la  con- 
noilTance  d'un  premier  principe  i 
Que  cet  efprit  vafte  ,  fublime  ,  dé- 
gagé de  matière,  parcourt  le  pafle, 
pénétre  dans  l'avenir ,  découvre  les 
caufês  naturelles  dans  leurs  effets  , 
réunit  en  un  même  point  fes  objets 
les  plus  éloignés  ;  qu'il  n'eft  rien  où 
fon  adivité  ne  puifle  le  porter. 

L'Auteur  répond  qu'il  demeure 
d'accord  de  tout  cela,  &  que  c'eft 
pour  cette  raifon  qu'il  place  l'hom- 
me entre  Dieu  que  l'homme  peut 
connoître,  &  le  vermiflcau  qui  ne 
fçauroit  s'élever  au-deflus  du  fenfi- 
ble;  mais  que  malgré  les  rapports 
qui  fe  trouvent  entre  l'homme  & 
la  Divinité,  il  y  a  encore  plus  de 
proportion  entre  l'homme  &  le  ver- 
mifleau  ^  qu'il  n'y  en  a  entre  l'être 
fuprême  &  l'homme  le  plus  éclairé. 
Voici  la  preuve  qu'il  en  donne  r 
l'homme ,  dit-il ,  connoît  qu'il  y  a 
un  Dieu ,  parce  que  tout  ce  qu'il 
apperçoit  le  fait  remonter  à  un 
premier  principe  ;  l'infecîte  remué 
frappé,  coupé,  fcnc  qu'il  y  a  «a. 


6^z       JOURNAL     DE 

agent  plus  tort  que  lui ,  &qui  peut 
le  détruire.  L'homme  ne  fçauroit 
ComprendrercfTcncc  divine  ,  il  ne 
la  connoîc  que  confufèment ,  & 
plutôt  par  conjecture  que  par  aucu- 
ne pcrfuifion.  L'mfcde  ne  connoît 
l'homme  que  par  les  rapports  qu'il 
a  avec  l'homme  ;  l'infcde  a  peut- 
t-trc  le  fcntiment  plus  exquis  ^  mais 
ce  font  mêmes  principes  de  viefen- 
iïtivc,  mêmes  moyens  de  la  confer- 
ver  ,  mêmes  opérations  naturelles. 
Cela  pofé  ,  notre  Auteur  deman- 
de il  cet  animal  eft  donc  en  droit 
de  fe  mefurer  avec  l'homme  ?  &:  il 
répond  qu'on  ne  fçauroit  lui  conte- 
fter  ce  droit ,  (î  l'homme  a  celui  de 
fc  mefurer  avec  Dieu.  L'infecle  , 
pourfuit  -  il  ,  pourra  donc  entrer 
dans  les  confeils  de  l'homme  ,  di- 
riger fes  cntreprifes  ,  critiquer  fes 
ouvrages ,  5c  qui  pourroit  l'en  em- 
pêcher ?  puifqu'il  a  reçu  de  la  natu- 
re autant  de  force  pour  connoîtrc 
ce  qui  eft  renfermé  dans  la  matière  , 
qu'en  a  reçu  l'homme  pour  connoî- 
tre  Dieu. 

Comme  cette  idée  révolte  l'ef- 
prit  ,  l'Auteur  conclut  ,  qu'elle 
doit  lervir  à  faire  rentrer  l'incrédu- 
le en  lui-même,  ôcà  le  convaincre 
de  l'excès  de  fa  témérité  ,  lorfqu'il 
ofe  demander  à  Dieu  raifon  de  fes 
ouvrages  j  l'incrédule  allègue  pour 
autorifer  fon  incrédulité  ,  qu'il  ne 
peut  comprendre  pourquoi  Dieu  , 
prévoyant  que  l'homme  feroitun 
mauvais  ufige  de  fa  liberté  &  s'en 
ferviroit  contre  fbn  Créateur  ,  ce 
Dieufagc  ^  jaloux  de  fi  gloire,  ami 
de  l'homme  ,  ne  lui  a  pas  donne 
ic  plut  fortes  iaclinations  pour  le 


S  S  Ç  A  V  A  N  S  , 
bien.  Il  ne  le  peut  comprendre  ' 
répond  l'Auteur  ,  qu'il  fe  contente 
donc  de  le  croire  ,  »  puifque  s'jllc 
n  comprenoit  il  cclferoit  d'être 
»  homme  ,  de  même  que  cet  infec- 
>>  te  dont  on  vient  de  parler  ,  chan- 
»  geroic  de  nature  ,  s'il  pouvoir 
»  comprendre  pourquoi  l'homme 
»  le  coupe  &  le  taille. 

Pour  faire  mieux  fentir  quelle  eft 
l'injuftice  de  l'incrédule  ,  lorfquc 
au  lieu  de  fe  conduire  avec  la  fim- 
plicité  qu'exige  la  Foi,  il  veut  alTer- 
vir  la  Religion  à  fes  idées ,  &  faire 
dépendre  fa  foi  de  l'évidence  ,  no- 
tre Auteur  le  compare  à  un  aveugle 
de  nailTance  ,  qui  n'ayant  aucune 
idée  des  couleurs ,  nieroit  ce  qu'il 
en  entendroit  dire. 

L'incrédule  ne  veut  aucun  culte 
de  Religion  :  voici  fur  ce  fujet  (es 
objedions,  &  les  réponfes  qu'y  fait 
notre  Auteur. 

0''jeBion  :  L'on  fait  dire  à 
l'incrédule  «  que  Dieu  étant  un 
n  être  infiniment  grand  par  lui- 
)>  même  ,  n'a  befoin  ni  de  nos  œu- 
»  vres  ni  de  notre  cuire  ;  Que  feul 
»  arbitre  de  fes  volontez ,  il  ne  peut 
»  être  déterminé  par  nos  bonnes 
»  actions  à  nous  tavorifer ,  ni  arrê- 
>»té  dans  le  mal  qu'il  a  refolu  de 
1»  nous  faire  ;  Que  les  prières  frc- 
»  qucntes  ,  les  jeûnes ,  les  facrifi- 
>»ccs,  les  pratiques  de  dévotion  , 
»  qui  réunilTent  les  Fidèles  dans 
»  une  même  forte  de  culte  exte- 
»  rieur  ,  font  autant  d'inventions 
»  humaines  que  Dieu  regarde  d'un 
»  œil  indiffèrent  ;  Que  cette  indiffe- 
»  rence  paroît  en  ce  que  les  chofes 
1-  de  ce  monde  vont  toujours  leur 
wmcmc  cours. 


N  O  V  E  M  B 

Rtfonfe  :  »  Attaquons  fcparé- 
»  ment  chacune  de  ces  propofitions 
»  §c  cxpofons-lcs  dans  un  jour  où 
»  elles  excitent  la  pitié  de  l'incré- 
»dule  même  :  Qiioi  donc  Dieu  en 
»  agilTant  hors  de  lui-même ,  a-t-il 
»  rendu  fcs  créatutes  tout-à-fait  in- 
*j  dépendantes  'i  Les  a-t-il  entiere- 
»  ment  détachées  de  leur  principe  , 
M  iorfqu'il  leur  a  donné  la  vertu 
s  d'agir  î  Elles  ne  feroient  plus 
5>  dans  l'ordre  ,  fi  elles  n'étoient 
»  fubordonnécs  ;  &  Dieu  ne  fcroit 
»  pas  Dieu  ,  s'il  y  avoir  quelque 
»  chofe  dans  la  nature  qui  ne  fût 
n  pas  fournis  à  fes  loix.  Mais  fi  les 
»  créatures  font  toujours  dépcn- 
»  dantes ,  elles  tiennent  à  Dieu  par 
w  des  liens  indiffolubles  ,  &  par 
«  conlequent  Dieu  peut  exiger  des 
»  hommages  particuliers  de  celles 
i>  qu'il  a  rendues  capables  de  le 
»  connoître ,  Se  de  fentir  leur  dé- 
»  pendance. 

Notre  Auteur  en  appelle  ici  au 
témoignage  de  la  nature  même 
dont  la  voix ,  dit  il ,  fe  fait  enten- 
dre à  tous  les  hommes  ,  &c  qui  par 
les  fentimcns  de  crainte  &  de  ref- 
peâ:  ,  d'amour  &  d'efperance 
qu'elle  a  gravés  en  eux ,  les  porte 
fans  ceffe  à  honorer  le  principe  de 
leur  être. 

Mais  s'enfuit  -  il ,  demande  l'in- 
crédule »  que  l'on  foit  obligé 
«  de  témoigner  cet  an^our  &  ce 
ai  refped  par  des  fignes  extérieurs 
»  plus  propres ,  dit- il  ^  à  fixer  l'ima- 
3)  gination  des  fimples  qu'à  toucher 
»  le  cœur  du  Tout-puifTant  î  Com- 
»  ment  Dieu  qui  n'eft  fcafible 
wq^u'aux    affections    de    l'efprjt  , 


R  E  ;    1  7  5  5;  (^45 

»  pourroit  -  il  être  touché  de  ces 
»  mortifications  volontaires  qui 
"  n'affligent  que  le  corps  ;  de  ces 
5>  humiliations  extérieures  qui  ne 
»  tiennent  rien  de  15  grandeur  de 
»  Dieu  ,  ni  de  la  noblefic  de  l'hom- 
«  me  ;  de  ces  exercices  de  pieté  qui 
»>  fervent  à  remplir  le  vuidc  de  la 
»  vie  de  certaines  perfonncs  oifi- 
»ves  ? 

Réponfe  :  Ah  !  dites  plutôt  que 
Dieu  regarde  avec  indiflercnce  les 
adultères  ^  les  meurtres  ,  les  rapi- 
nes ,  les  parjures  ,  parce  que  le 
corps  fcrt  d'inftrument  à  ces  œu- 
vres d'iniquité.  Il  efi  vrai  que  Dieu 
par  rapport  à  lui-même ,  n'a  pas  be- 
ibin  de  nos  actions ,  non  plus  que 
de  notre  amour  ;  mais  répondez- 
moi  ,  ne  peuril  pas  exiger  de  nous 
quelques  marques  de  rcfpedl  6<:  de 
foûmiflîon  qui  lui  procurent  une 
gloire  accidentelle  ,  dont  tout  le 
fruit  fera  pour  nous  ?  N'eft  -  il  pas 
également  le  maître  du  corps  S>C 
de  l'efprit  ?  or  comme  il  a  irrpiimé 
dans  l'ame  un  fentiment  religieux 
qui  la  porte  à  s'unir  à  fon  Créateur 
par  l'amour  &  l'eftime  ,  n'a  - 1-  il 
pas  droit  d'attendre  que  l'ame  im- 
prime au  corps  des  mouvemens 
conformes  à  fa  foûmiflîon  &  à  fon 
rcfped  ?  Et  s'il  n'eft  pas  fenfible 
aux  mouvemens  du  corps ,  il  l'eft 
du  moins  aux  affedions  de  l'ame 
qui  les  lui  confacre ,  il  l'eft  aux  mo- 
tifs qui  les  animent. 

Quant  à  ce  que  le  Déifte  objeûc, 
que  ces  pratiques  &  ces  cérémonies 
font  des  inventions  humaines , 
établies  pour  contenir  le  peuple 
dans  le  devoir  ,  &  pour  le  frappes 


<r44  JOURNALD 

par  des  images  fenfibles  \  mais 
qu'elles  n'ont  rien  de  divin  ,  & 
que  chacun  peut  à  fon  gré  les  omet- 
tre ,  ou  les  remplacer  par  d'autres 
qui  lui  plairont  davantage  ,  notre 
Auteur  répond  i°.  que  les  hommes 
Étant  compofés  d'un  corps  aullî- 
bien  que  d'une  ame  dégagée  de  ma- 
tière ,  ont  befoin  de  fignes  fenlibles 
qui  les  réunitîent  dans  la  même 
forme  de  culte  ,  &  qui  expriment 
à  leurs  yeux  les  fenrimens  dont 
chacun  eft  intérieurement  pénétré  : 
z°.  Que  fi  la  Religion  eft  divine 
dans  les  véritez  qu'elle  enfeigne,  & 
dans  les  loix  qu'elle  propofc  ,  il 
faut  qu'elle  le  foit  auflTi  dans  le  cul- 
te extérieur  qu'elle  rend  au  premier 
Etre  -,  parce  que  ce  culte  eft  de  l'ef- 
fence  de  la  Religion ,  qu'il  en  eft 
la  forme  ,  qu'il  vient  de  la  même 
fource ,  &  qu'il  a  le  même  objet  que 
les  véritez  dogmatiques  ,  &  les  rè- 
gles de  morale  :  3°.  Que  l'Eglife 
dcpofitaire  de  l'autorité  de  Dieu  ^ 
eft  en  droit  de  prefcrire  au  culte 
qu'elle  rend  à  fon  Chef,  la  forme 
qu'elle  juge  la  plus  convenable  ; 
Qu'étant  toujours  gouvernée  par 
le  S.  Efprit  elle  ne  peut  fe  tromper 
dans  la  forme  qu'elle  prcfcrit  poivr 
ce  culte  ;  Qii'il  n'en  faut  pas  davan- 
tage pour  élever  le  culte  divin  au- 
delTus  de  tout  ce  que  la  fagefte  hu- 
maine peut  imaginer.  Notre  Au- 
teur dit  en  quatrième  lieu  j  que 
quand  même  Dieu  n'auroit  pas  aflî- 
fté  particulièrement  l'Egliie  dans 
l'établilTement  du  culte  qu'elle  exi- 
ge des  Fidèles ,  l'Eglife  n'auroit  pu 
lui  donner  une  forme  plus  noble  & 
plus  fainte  que  celle  qui  révolte 


E  S  SÇAVANS. 

l'impie,  &  qui  choque  l'Hérétique.' 
Mais  il  remarque  que  »  pours'ap- 
I»  percevoir  de  la  noblefle  &  de  la 
»  fainteté  dont  il  s'agit ,  il  faut 
»  avoir  un  fond  de  Religion  &:  de 
»  (Implicite  i  &  que  fans  cela  on 
»  eft  incapable  d'aucun  fcntiment 
«  envers  le  père  commun. 

Nous  ne  croyons  pas  nccefTairc 
de  rapporter  un  plus  grand  nombre 
d'exemples  de  ce  Traité.  On  peut 
furement  juger  de  tous  les  autres 
par  ceux-là  •,  nous  les  avons  abrégés 
quant  au  difcours ,  mais  nous  n'en 
avons  rien  retranché  pour  le  fonds. 
Peut-être  même  que  l'abrégé  que 
nous  en  avons  fait  ne  les  aura  pas 
rendu  moins  intelligibles. 

Au  rtfte  l'Auteur  compte  beau- 
coup fur  l'approbation  de  fes  Lec- 
teurs ,  pourvu  Toutefois  que  ce 
foient  gens  de  henfeni  &  eCefprit  : 
car  il  met  cette  condition.  Comme 
j'ai  compofé  mon  Ouvrage  avec  toute 
la  di-oiture  pojfible  ,  dit  -  il  dans  fa 
Préface  ,  j'ofe  mi  flatter  cjue  les  per- 
fonnss  de  bon  [cm  &  d^ efprit  tjui  le 
liront  en  feront  fatisfaites  ,  &  tfu^ elles 
fuppléront  par  elles-mêmes  4  ce  qne 
l'amour  de  la  brièveté  m' a  fait  oufup* 
primer  ou  traiter  légèrement. 

Notre  Auteur ,  comme  on  voit, 
reconnoît  qu'il  a  laiifé  dans  fon  Ou- 
vra?e  certaines  chofes  en  arrière  , 
aufquelles  il  eft  à  propos  que  les 
perfonnes  éclairées  fuppléent.  Quel- 
ques Ledleurs  diront ,  fans  doute  , 
qu'il  peut  efperer  cette  grâce  ow 
cette  juftice  de  ceux  qui  font  pro- 
feffion  de  la  foi  -,  mais  qu'il  ne  doit 
pas  avec  la  même  confiance  ,  l'at- 
tendre de  l'incrédule,  qui  eft  celui 
poui 


N  O  VE  M  B  R  E  ;  17??.  ^4J 

pcfur  qui  il  écrit  ,  &  qui  bien  loin  qu'on  lui  fait ,  tâchera  même  ,  s'il 
,de  vouloir  fuppléer  à  ce  qui  peut  lui  efl:  polllble  ,  d'affoiblir  tout  ce 
ïTianquer   de   bon    aux    réponfes      qu'il  y  trouvera  de  ce  caradtere. 

HISTOIRE  DE  L'EGLISE  GALLICANE  DE'DIE'E  A 

Noffeigneurs  du  Clergé;  p^ir  le  P.  Jacques  Longueval,  de  la  Compagnie  de 
Jefits.  Depuis  l'an  î^^.jufju'àl'an  987.  Tome  VI.  A  Paris  .chez  François 
Momalant  ^  Quai  des  Auguftins  i  Jean-Baptifte  Coignard  ,  Imprimeur 
du  Roi,  rue  S.  Jacques  ,  à  la  Bible  d'or ,  Hyppolire-Louis  Cjnerin  , 
&:  Jacques  Rollin  fils.  1733.  in-/^.  pp.  576^.  fans  y  comprendre  k  Table 
des  Matières. 


L'HISTOIRE  dcGothef- 
calc  qui  entreprit  de  renou- 
veller  les  pernicieux  dogmes  du 
Prédertinatianifme  remplit  la  plus 
grande  partie  du  ié°  Livre  de  cette 
Hiftoire.  L'Auteur  y  remarque  que 
fi  l'Eglife  avoit  perdu  la  plus  gran- 
de partie  de  fon  temporel  par  la 
licence  des  Guerres  -  Civiles  & 
étrangères  dont  il  acte  parlé  dans 
les  Livres  précédens ,  elle  avoit 
eu  néanmoins  la  confolation  de 
tonferver  fans  atteinte  le  précieux 
dépôt  de  la  Foi.  Gothefcalc  eut  la 
témérité  de  l'attaquer  ,  Si  s'il  ne 
léuflît  pas  à  faire  un  grand  nombre 
de  Seifiateurs ,  il  fut  du  moins  af- 
fèz  malheureux  pour  femer  la  divi- 
fion  dans  le  corps  des  Evêques. 

Le  Novateur  étoit  fils  d'un 
Comte  Saxon  ,  &  fut  ofert  dans 
£bn  enfance  au  Monaftcre  de  Fulde; 
mais  quand  il  fut  plus  avancé  en 
iPÇ. ,  il  trouva  le  moyen  de  récla- 
mer contre  les  engagemens  que  (es 
parens  avoient  contradé  à  fon  inf- 
cû  l'Archevêque  de  Mayence  à  la 
tête  d'un  Concile,  lui  permit  de  les 
rompre  Se  de  quitter  le  Monaftere 
de  fulde.  Raban  qui  en  étoit  pour 
Novtmbre. 


lors  Abbé ,  écrivit  contre  cette  dé- 
cifîon ,  &  foûtint  par  plufieurs  au- 
toritez  que  les  liens  des  enfans  of- 
ferts en  bas-âge  dans  les  Monafte- 
res  étoient  indiffolubles.  On  croit 
même  que  l'Empereur  touché  de 
fes  raifons  engagea  l'Archevêque  de 
Mayence  à  révoquer  fa  fentence. 
Quoi  qu'il  en  foit ,  Gotlicfcalc  re- 
prit fon  premier  état ,  &  fembla  fc 
fixer  depuis  dans  le  Monallerc 
d'Orbais  au  Diocéfe  de  Soiffons; 
mais  comme  il  étoit  Moine  malgré 
lui ,  il  fe  mit  peu  en  peine  de  rem- 
plir les  devoirs  de  fa  Profcflîon. 

»  C'étoit  ,  dit  le  P.  Longueval 
»  un  homme  inquiet  &;  entêté  qui 
>»  avoit  toutes  les  difpofitions  pro- 
»  près  à  devenir  un  dangereux  No- 
»  vateur.  Car  il  avoit  de  l'efprit ,' 
»  alTez  peu  d'étude  ,  &  un  grand 
»  fond  de  prcfomption.  L'artifice 
»fuppléoit  aux  qualités  qui  lui  man- 
»  quoient  ■■,  il  étoit  naturellement 
«adroit  &  dilllmulé.  L'efprit  de 
»  l'Héréfie  le  rendit  tourbe  jufques 
»  dans  fes  Profeffions  de  foi  :  il 
»  pourroit  cependant  paroître  fin- 
M  cére  dans  un  portrait  qu'il  fait  de 
»  lui-même  ,  où  il  fe  donne  pour 


<r4^       JOURNAt    DE 

M  un  étouidi  Si  un  avanturier. 

Stultomm  Prificeps  , 
jibruptii  per  omnia  praceps. 

Il  fut  quelque  tcms  fous  la  con- 
duite de  Valafride  -  Strabon  qui  lui 
donna  de  grandes  loiianges  dans 
fes  vers.  »  Outre  qu'elles  cou- 
vrent peu  aux  Poètes  ,  peut-être 
sj  que  le  Moine  Allemand  paroif- 
»i  loit  alors  les  mériter  \  «  mais 
l'inquiétude  de  fon  efprit  l'ayant 
livré  à  des  recherches  téméraires 
fur  les  matières  les  plus  prolondes 
de  la  Théologie  ,  il  s'égara  fur  tout 
par  rapport  à  la  Trédeftination. 
L'impiété  de  fes  fentimens  ne  vmt 
pas  plutôt  aux  oreilles  de  Raban 
qui  depuis  peu  avoit  été  élevé  fur 
le  Siège  de  Mayence ,  que  ce  Prélat 
compofa  un  Livre  pour  les  réfuter; 
&  en  même  tems  il  écrivit  au 
Comte  Eberard  un  des  prmcipaux 
Seigneurs  de  la  Cour  de  Lothaire  , 
chez  qui  Gothcfcalc  s'éroit  retiré 
fous  prétexte  d'un  pcl-érinage  qu'il 
avoit  hit  en  Italie  ,  &  il  lui  ht  con- 
noîtrc  tout  le  rifqu^  qu'il  couroit  à 
carder  plus  long-tems  un  Hôte  fi 
dangereux  •■,  le  Comte  qui  n'étoit 
pas  de  ces  pcrfonnes  quilorfqu'el- 
îes  fe  font  une  fois  entêtées  d'un 
faux  Docteur ,  n'écoutent  plus  que 
lui,  chaffa  Gothcfcalc  de  fa  maifon, 
èc  ce  Moine  alla  répandre  fes  er- 
reurs dans  quelques  Provinces  de 
la  baffe  Allemagne. 

Il  répondit  à  l'Ecrit  que  Ra- 
ban avoit  compofé  contre  lui ,  &c 
pour  le  rendre  odieux  ,  =  il  ne 
»■  manqua  pas  de  l'accufer  de  Sémi- 
»  pébgianifmc ,  calomnie  que  fes 


S     SÇAVANS; 

»  Scdateurs  ont  fouvent  renouvel- 
n  lée  depuis  pour  noircir  les  Au- 
»  tcurs  Catholiques  qui  les  ont 
«combattus. 

Mais  ayant  eu  la  préfomption  de 
venir  débiter  fes  erreurs  à  Mayence 
d:.ns  le  tems  même  que  Loujs  y  te- 
noit  une  affemblée  d'Evêques  &  de 
Seigneurs  au  mois  d'Octobre  de 
l'an  S48.  Raban  w  qui  n'étoit  pas 
»  pas  de  ces  Paftcurs  timides  &  in- 
«  dolens  qui  fc  cachent  d'abord  à 
>»  eux-mêmes  les  progrès  de  l'er- 
»  reur  pour  s'épargner  la  peine  de 
M  s'y  oppofer ,  &c  qui  cnfuite  s'en 
jîlaiffent  effiayer  jufqu'à  croire  le 
»  mal  fans  remède  pour  fe  difpcn- 
"fer  d'y  en  appliquer  quelqu'un, <« 
Raban  cita  Gothcfcalc  à  comparoî- 
tre  devant  l'alTemblée  des  Prclits  •> 
fes  blafphêmes  y  furent  condam- 
nés ,  &  dans  la  crainte  qu'il  ne 
continuât  à  les  répandre  ,  on  l'en- 
voya fous  bonne  garde  à  Hincmare 
Archevêque  de  Rheims ,  &  fon 
Métropolitain. 

Raban  ,  au  nom  du  Concile  ,  lui 
écrivit  la  Lettre  fuivante  :  »  Nous 
»  avons  cru  devoir  vous  donner 
»  avis  qu'un  Moine  vagabond 
»  nommé  Gothcfcalc . . .  féduit  les 
»  peuples  par  une  dodrine  perni- 
»  cicufe  fur  la  Prédeftination  ,  il 
»enfe!gne  que  Dieu  prédcftine  au 
M  mal  comme  au  bien ,  &  qu'il  y  a 
î»  des  hommes  qui  ne  peuvent  fe 
»  corriger  de  leurs  péchez  ni  de 
»  leurs  erreurs  à  caufe  de  la  Prédc- 
wftination,  qui  les  entraîne  mal- 
3>  gré  eux  à  la  perte  ,  comme  fi- 
»  Dieu  les  avoit  créés  incorrigibles- 
»>  S<  pour  les  damner. ...  A  ce  que 


N  O  V  E  M 

»5  j'en  ai  appris ,  il  a  perverti  bien 
"des  Chrétiens,  en  qui  il  a  éteint 
»  le  zclc  &c  l'ardeur  qu'ils  avoient 
i>  pour  Icurfalut  ;  à  quoi  bon  ,  di- 
»>  lent-lis,  me  donner  tant  de  peine 
j>  pour  fcrvir  le  Seigneur ,  fi  je  fuis 
»  prcdeftiné  pour  la  mort  éterncl- 
»j  le  ,  je  ne  l'éviterai  pas;  aucon- 
»  traire  fi  je  fiais  prédeftiné  pour 
»  k  vie  ,  j'aurai  beau  vivre  mal , 
"j'arriverai  certainement  au  règne 
»>  éternel  î 

Un  Hiftorien  récent ,  M.  Flcury, 
dit  que  l'expofition  que  Raban 
fait  ici  de  la  dodrine  de  Gothef- 
calc  lui  paroît  peu  fidclle  ,  parce 
qu'elle  n'efl:  pas  exadement  con- 
forme à  l'Ecrit  qu'Hincmare  cite 
de  Gothefcalc  ;  mais  Raban  ne  dit 
point  que  les  blafphêmcs  qu'il  rap- 
porte, foicnt contenus  dans  l'Ecrit 
dont  il  cft  qucftion  ,  il  allure  qu'il 
les  a  ouis  de  la  bouche  même  de 
Gothefcalc  lorfqu'U  tut  forcé  d'ex- 
pliquer dans  le  Concile  ce  que  la 
confeilîon  de  foi  qu'il  prcfentoit , 
avoit  d'ambigu  &  de  captieux. 
Voudroit-on  ,  ajoute  l'Auteur  ,  ac- 
cufer  d'infidélité  les  faints  Doc- 
teurs qui  ont  écrit  contre  Pelage  & 
Celcftius  ,  parce  qu'ils  en  rappor- 
tent des  traits  qui  ne  fe  trouvent 
point  dans  les  artificieufcs  profef- 
fions  de  foi  que  ces  Hérétiques 
prefenterent  ? 

Hincmare  jugea  mieux  des  lu- 
mières &C  de  la  pieté  de  Raban  ,  8c 
profitant  d'une  artemblée  d'Evê- 
ques  &  de  Seigneurs  que  le  Roi 
avoit  indiquée  à  Kicrfi  l'an  849. 
Gothefcalc  y  fut  conduit ,  mais 
loin  d'y  abjurer  fes  erreurs ,  il  les 


B  R  E  i    I7Î  5«  <?47 

foûtintavec  une  audace  &  un  em- 
portement qui  obligèrent  les  Evê- 
ques  au  nombre  de  12  ,  à  pronon- 
cer contre  lui  une  fentence  qui 
l'interdifoit  de  toutes  les  fondions 
du  Sacerdoce  qu'il  avoit,  difent  ils, 
deshonoré  par  des  mœurs  corrom- 
pues &  par  une  dodrine  perverfc; 
ils  le  condamnèrent  de  plus  à  être 
rudement  fouetté.  Si  enfuite  renfer- 
mé en  une  prifon.  La  fentence  finit 
par  ces  paroles ,  »  Se  afin  que  vous 
w  ne  vous  ingériez  plus  dans  le  Mi- 
»  niftere  d'enfeigner  ,  nous  vous 
»  impofons  par  la  vertu  du  Verbe 
»  Eternel,  un  filence  perpétuel. 

Le  fouet  étoit  félon  la  Règle  de 
S.  Benoît ,  la  punition  des  Moines 
refradaires ,  &  le  Supérieur  de  Go- 
thefcalc qui  étoit  prefent ,  l'avoit 
jugé  digne  de  cette  peine  avec  les 
autres  Abbez  ;  un  châtiment  fi 
humiliant  qu'il  reçut  devant  les 
Pères  du  Concile  ,  ne  fit  qu'irriter 
l'orgueil  de  ce  Moine  ;  Se  fur  le 
refus  qu'il  fit  de  figner  une  efpece 
de  formulaire  contraire  à  fes  er- 
reurs qui  lui  tut  envoyé  par  Hinc- 
mare ,  ce  Prélat  défendit  qu'on 
l'admît  à  la  participation  des  Sacre- 
mens.  D'un  autre  côté  Gothefcalc 
s'offrit  de  prouver  la  pureté  de  fa 
dodrine  par  l'épreuve  de  l'huile 
bouillante  ,  &  répandit  dans  le 
monde  deux  profeflions  de  foi 
captieufes  qui  ne  laifTercnt  pas  d'en 
impofer  à  pludeurs  perfonncs  ,  & 
fur-tont  aux  Moines  -,  comme  les 
Solitaires  les  plus  ignorans  &  les 
plus  aufteres  font  fouvent  les  plus 
opiniâtres  dans  l'erreur  quind  ils 
ont  une  fois  le  malheur  de  s'y  iaif- 


<48  JOURNALD 

fer  engager  ,  Ilincmarc  compofa 
pour  leur  inrtruclion  un  Ecrit  qu'il 
adrelTa  aux  llmplcs ,  &  aux  reclus 
de  fon  Dioccfe. 

Qiiciqucs  Evcques  prirent  mê- 
me la  dcfenfe  de  Gothefcalc  ,  mais 
en  condamnant  fa  doctrine  ,  ils  en- 
treprirent de  juftihcr  fa  perfonne  Sc 
fes  Ecrits.  Cette  diftinction  du  fait 
&  du  droit,  fut  comme  un  fort,  où 
l'erreur  fe  retrancha  pour  fe  mettre 
à  couvert  des  coups  qu'on  lui  por- 
toir.  On  publia  de  part  &  d'autre 
un  grand  nombre  d'Ecrits ,  dont 
on  trouve  un  précis  exa(ft  dans 
l'Auteur.  Le  Roi  Charles  lui-même 
qui  aimoit  ces  fortes  de  guerres 
Théologiques  ,  plus  que  celles 
qu'il  auroit  dû  faire  pour  la  détenfe 
de  fon  Royaume  ,  attifa  le  feu ,  &c 
engagea  les  Sçavans  hommes  de  la 
France  à  écrire  fur  les  matières  de 
la  Prédefttnation. 

Hincmare  voyant  la  divifion 
s'augmenter  de  plus  en  plus  tint 
par  l'ordre  du  Roi  un  fécond  Con- 
cile à  Kierfi  au  mois  de  Mai  de  l'an 
S 5  3.  Sc  y  drefla  quatre  fameux  arti- 
cles fur  la  Grâce  &  la  Prédeftina- 
tion.  Ils  furent  fignés  par  le  Roi 
Charles  ,  par  tous  les  Evêques ,  les 
Abbez  du  Concile  ,  &  même  par 
Prudence  Evêque  de  Troye  qui 
avoit  été  toi^ijours  favorable  à  Go- 
thefcalc. 

Ces  quatre  articles  firent  grand 
bruit ,  éc  diviferent  tellement  les 
Evêques,  que  le  Concile  de  Valen- 
ce tenu  en  8  5  5.  leur  en  oppofa  fix 
autres  ,  ôc  fit  un  Canon  pour  dé- 
fendre d'enfcigner  les  quatre  arti- 
cles de  KkiCi  comme  iniuileg^ 


ES   SÇAVANS, 

même  nuifiblcs,  &  renfermant  une 
erreur  contraire  à  la  vérité. 

On  voit  par  ce  Canon  ,  dit  le  P. 
Longueval ,  que  ces  Prélats  ,  pout 
combattre  les  articles  deKicrfi,leu^ 
attribuèrent  un  fens  que  le  fcul  ef- 
prit  d'animofité  Se  de  critique  peut 
controuver  ,  ils  firent  entendre 
qu'on  enfeignoit  dans  ces  articles 
que  J.  C.  étoittellement  mort  pout 
tous  les  hommes ,  qu'il  avoit  déli- 
vré tous  les  damnez  de  l'enfer. 

Ebbon  de  Grenoble  ,  neveu 
d'Ebbon  Archevêque  de  Rheims, 
par  cette  raifon  ennemi  d'Hincma- 
re ,  &  le  principal  Auteur  des  d-Â 
articles  de  Valence ,  alla  de  la  pare 
de  l'Empereur  Lothaire  les  portcif 
au  Roi  Charles.  Ce  Prince  les  re-* 
mit  .\  Hincmare  qui  y  répondit  pat 
un  Ouvrage  qui  eft  perdu. 

L'Empereur  Lothaire  qui  pan- 
choit  du  côté  des  Evêques  de  Va- 
lence ,  &  qui  ne  prenoit  pas  moins 
de  part  à  ces  difputcs  que  le  Roi 
Charles  ,  mourut  cette  même  an- 
née ,  dans  des  fcntimens  bien  dif- 
ferens  de  ceux  qu'il  avoit  témoi- 
gnés pendant  toute  fa  vie  ;  fs 
voyant  près  de  fa  fin  ,  il  renonça  à 
l'Empire ,  &  s'étant  tait  porter  an 
Monaftere  de  Prum  ,  il  y  prit  l'ha- 
bit Religieux  plutôt  pour  mourir 
que  pour  vivre  en  Moine  ;  il  ne 
furvêcut  en  effet  que  fix  jours  a 
cette  cérémonie ,  &  il  mourut  dans 
la  foixantiéme  année  de  fon  âge. 
Quelque  tardive  ,  &  quelque 
courte  qu'ait  été  cette  pénitence, 
après  tant  de  crimes  ,  des  Auteurs 
Bénédictins  l'ont  cru  fuffifante  poui 
k  mcttie  au   combie  do  Uast 


N  O  V  E  M 

Saints  -,  mais  le  P.  Mabilion  s'cft 
contenté  de  dire  que  cet  Empereur 
écoit  de  pieufe  Mémoire.  Un  autre 
Auteur  a  écrit ,  qu'après  la  mort 
de  Lothaire  ,  les  bons  Anges  &  les 
Démons  difputcrent  à  qui  i'auroif  ; 
&  que  les  bons  Anges  en  prenant 
fon  ame  ,  dirent  aux  Démons ,  mus 
vous  abandonnons  l' tnipereur  ^  mais 
noies  emportons  le  Adoine  an  Ciel. 

Cette  mort  prodiiifit  de  grands 
troubles  dans  l'Etat  &  dans  l'Egli- 
fe;  les  E  vcques  fe  partagèrent  entre 
les  trois  hJs  de  Lothaire,  &  Charles 
Roi  de  Neuftrie.L'Auteur  dévelop- 
pe ces  troubles  autant  qu'ils  ont 
rapport  à  fon  fujet  -,  mais  la  necefli- 
té  de  fe  défendre  contre  les  ravages 
des  Normands  ,  fembla  enfin  réu- 
nir ces  Princes  Se  leur  faire  oublier 
tout  autre  intérêt.  Charles  Roi  de 
Neuftrie  ,  Louis  Roi  de  Germanie, 
&  Lothaire  Roi  de  Lorraine  s'étant 
alTemblés  à  Coblentz  le  quatrième 
de  Juin  de  l'année  %6o.  ils  firent 
cntr'citx  une  paix  qui  parut  fincere, 
&  dans  laquelle  ils  comprirent 
Charles  Roi  de  Provence  &  l'Em- 
reur  Loais. 

Ces  Princes  ayant  aînfi  concilié 
leurs  intérêts  ,  tâchèrent  aufTi  de 
concilier  ceux  des  Evoques  de  leurs 
Royaumes  \  Charles  le  Chauve  & 
Lothaire  convoquèrent  à  ce  delTein 
un  nombreux  Concile  à  Touzi 
proche  de  Toul.  Dans  la  crainte 
d'irriter  les  efprits ,  on  ne  jugea  pas 
à  propos  d'y  parler  formellement 
des  articles  de  Kierfi ,  ni  de  ceux 
de  Valence  fur  lefquels  les  Prélats 
étoient  toujours  divifés ,  on  fe  con- 
tenta d'cxpliquei  la  foi  del'Eglife 


B  R  E ,    I  7  5  j:  <r4^ 

fur  les  matières  de  la  Grâce  &  de  la 
Prédeftination  ;  mais  d'une  maniè- 
re qui  afTure  la  vidoire  aux  Evc-I 
ques  de  Kierfi.  Ce  fut  Hincmare 
lui-même  qui  drcffa  la  Lettre  que 
le  Concile  adrtfla  à  ce  fujctà  tous 
les  Fidèles.  Ainfit'ut  terminée  une 
difpute  quijdcpuis  quelques  années, 
partagcoit  l'Epifcopac  en  France, 
a  on  peut  dire  qu'elle  ne  dura  fl 
s>long-tems  que  parce  qu'on  ne 
»  vouloir  pas  s'entendre  ,  car  il  pa> 
»  roît  que  les  Prélats  qui  y  curent 
»  part ,  étoient  d'accord  fur  le  fond 
»  du  dogme. 

On  ne  peut  pas  alTurer  la  même 
chofe  de  Gothefcalc  \  toujours  opi- 
niâtre dans  fes  erreurs ,  le  chagrin 
&  la  piifon  lui  avoicnt  encore^  af- 
foibli  l'efprit,  qu'il  n'avoit  jamais 
eu  fort  folide.  D'Hérétique  il  de- 
vint Vifionnaire  &  Fanatique  ,  il  r 
a  peu  de  chemin  de  l'un  à  î'aUtre.  ÏI 
fe  mck  même  de  faire  des  prédic- 
tions dont  il  reconnut  la  fauiïetc 
fans  revenir  de  fes  illufions. 

Etant  tombé  dangereufcment 
malade  ,  les  Moines  d'Hautvilliers 
chez  qui  il  étoit  enfermé  ,  en  don- 
nèrent avis  à  Hincmare.  Ce  Prélat 
drerta  une  courte  confelîîon  de  foi 
&  les  chargea  d'exhorterGothefcalc 
à  la  foufcrire  pour  mériter  d'être 
admis  à  la  participation  des  Sacre- 
mens  ,  mais  il  la  rejetta  avec  ai. 
grcur  j  &  mourut  ainfi  dans  l'im- 
pénitencc  &  dans  l'opiniâtreté  ^ 
j>  fruits  ordinaires  de  Terreur  ,  fur- 
»  tout  pour  les  perfonnes  qui  s'y  li- 
»  vrent  dans  une  profellîon  fainte»^ 
Le  Prédcftinatianifme  ,  grâce  à  la 
fermeté  d'Hincmare  fut  comme 


<?;o       JOURNAL    DE 

cnfevcli  dins  li  prifoa  &c  dans  le 
tombeau  de  Goch.-fcalc. 

Les  bornes  écroircsdanslefqucl- 
Ics  nous  fommes  obligés  de  nous 
renfermer ,  nous  ont  concraincs  de 
rapporter  de  fuite  toute  cette  Hi- 
floire  ,  &c  de  palTer  fous  iilence  le 
divorce  de  Lothaireavcc  la  Reine 
Tcutbcrge  ,  l'a'Tiirc  de  Rhothadc 
Evèque  de  Soillons  ,  celle  des 
Clercs  de  Rheims  qui  avoient  été 
ordonnes  pat  Ebbon.  Differcns 
Conciles  ,  la  Vie  Se  la  Mort  des 
Hommes  Illuflrtes  par  leurfcience, 
&  par  leur  pieté  ,  &c  une  infinité 
d'autres  traits  que  le  P.  Longucvai 
fait  entrer  dans  ce  Livre  avec  l'or- 
dre &c  la  netteté  qui  lui  font  ordi- 
naires. 

On  voit  dans  le  dix  -  feptiéme 
Livre  la  nailTance  du  Schifme  de 
Photius  •,  diffcrens  extraits  des  Ou- 
vrages que  plulîeurs  Evcques  de 
France  cornpoferent  à  la  prière  du 
Pape  Nicolas  l.  pour  répondre  aux 
accufations  <Sc  aux  calomnies  que  le 
Patriarche  de  Conftantinople  ré- 
pandoit  contre  l'Eglife  Romaine  , 
&  un  morceau  très-curieux  fur  la 
manière  dont  on  proccdoit  à  l'exa- 
men des  Evcques  avant  de  les  or- 
donner. Depuis  que  Louis  le  Dé- 
bonnaiie  avoit  rendu  la  liberté  des 
Eledions ,  l'ambition  des  préten- 
dans  exciroit  fouvent  des  btftions 
dont  les  fuites  étoient  quelquefois 
très  -  funcftcs  aux  Eglifes  qui  en 
étoient  agitéesice  qui  arriva  à  l'Egli- 
fe de  Rhcims  après  la  mort  d'Hinc- 
marc  en  tournit  un  exemple  ter- 
rible. Il  faut  avoiicr  cependant  que 
lesMctropolitains&lesEvêques  de 


S    SÇAVANS ; 

la  Province  prcnoient  les  plus  fj- 
ges  précautions  pour  s'aifurcr  de  la 
canonictté  de  l'éleiflion  ,  aulTi  bien 
que  de  la  pieté  Se  de  la  dodrinc  du 
fuiec  qui  étoit  élu.  On  eu  trouve 
une  preuve  dans  ce  que  le  Perc 
Longucvai  nous  rapporte  de  l'exa- 
men que  Villebert  élu  Evêque  de 
Chalons  fur  Maine  fut  obligé  de 
fubir.  Aurefte  ,  cet  examen  n'étoit 
point  une  finiple  formalité.  On 
voit  dans  cette  Hiftoire  des  Evc- 
ques nommés  ou  élus  qui  furent 
refufés  Se  déclarés  indignes  de  l'E- 
pifcopat  pour  leur  incapacité.  Se  à 
cette  occafion  notre  Auteur  nous 
donne  un  détail  des  règles  qui 
étoient  en  ufage  pour  l'élcdion 
desEvêques,  &  pour  leur  ordina- 
tion ;  le  tout  tiré  d'Auteurs  auten- 
tiques  qu'il  ne  fait ,  dit- il ,  que  tra- 
duire. 

Il  reprend  aufll  dans  le  même 
Livre  la  fuite  des  inftances  que  fit 
Lothaire  pour  faire  calTer  fon  ma- 
riage avec  la  Reine  Teutbcrge.  Ce 
Prince  qui  avoit  d^fefperé  de  flé- 
chir la  fermeté  du  Pape  Nicolas  L 
fc  flatta  qu'il  pourroit  trouver  plus 
de  facilité  auprès  d'Adrien  II.  fon 
Succcfleur.  Déjà  le  Pape  avoit  levé 
l'excommunication  que  Nicolas  I. 
avoit  lancé  contre  Valdrade  Con- 
cubine de  Lothaire  fur  les  alfuran- 
ces  qu'on  lui  donna  qu'elle  n'avoit 
plus  aucune  liaifon  criminelle  avec 
lui  ,  <]uoiqu'il  fût  toujours  dans  la 
refolution  de  l'époufer.  Teutbergc, 
d'un  autre  côté  ,  laHce  des  dégoûts 
de  des  mauvais  traitemens  qu'elle 
avoit  à  fouffrir  d'un  époux  à  qui 
elle  étoit  odieufe  ,  fc  rendit  à  Ro- 


N  0  V  E  M 

me  pour  prcffcr  cUe-mcme  fon  di- 
vorce ,  elle  allégua  quelques  infir- 
mitcz ,  &:  de  pi  étendues  irrégulari- 
tez  qui  s'étoit'ut  trouvées  dans  la 
célébration  de  fon  mariage  ,  &  un 
grand  dellr  de  fe  confacier  à  Dieu 
dans  le  Cloître. 

Adrien  voyant  bien  quels  motifs 
k  faifoient  agit ,  n'eut  point  d'é- 
gard à  fes  raifons ,  &  perfifta  tou- 
jours à  demander  que  Lothaire  vînt 
lui-même  porter  la  caufe  à  Rome. 
Il  lui  épargna  cependant  une  partie 
du  chtminj  &  il  fe  rendit  au  Mont^ 
Gaffin  ,  où  le  Prince  le  vint  trou- 
ver ,  &  pour  montrer  qu'on  ne  le 
regardoir  pas  comme  un  excommu- 
nié, il  fupplia  le  Pape  de  lui  don- 
ner la  communion  de  fa  propre 
main.  Cette  grâce  lui  fut  promife  à 
la  follicitation  de  l'Impératrice  fa 
belle-fœur;  mais  il  lut  étrangement 
furpris  lorfqu'Adrien  avant  de  le 
communier  ,  tenant  en  main  le 
Corps  de  J.  C.  lui  adrelfa  ces  paro- 
les :  »  Prince ,  fi  vous  ne  vous  re- 
»  connoifTez  pas  coupable  de  l'a- 
»  dultere  que  le  Seigneur  Nicolas 
n  vous  avoit  détendu  de  commet- 
»  tre  ,  ôc  Cl  vous  avez  une  ferme 
»  refolution  de  n'avoir  plus  de 
:>  commerce  avec  votre  concubine 
y  Valdrade  ,  approchez  avec  con- 
w  fiance  ,  &  recevez  ce  Sacrement 
»  de  la  vie  éternelle  ;  mais  fi  votre 
»  confcience  vous  reproche  ce  cri- 
5»  me ,  &  fi  vous  êtes  dans  la  difpo- 
»  fition  de  vous  replonger  dans  vos 
3»  delordres  ,  ne  foycz  pas  aflez  té- 
»  meraire  pour  recevoir  le  Corps 
»  &  le  Sang  de  Notre  Seigneur  j 
a»de  peur  que  vous  ne  trouviez  vo- 


B  R  E  ,     17  5  ?^  ^j-i 

»  tre  condamnation  dans  le  Sacre- 
»  ment  de  fa  mifericorde.  «  Lothai- 
re n'ofa  reculer  ,  &  reçut  la  com- 
munion avec  un  cœur  livré  au  pé- 
ché. 

L'horreur  de  fe  parjurer  fur  le 
Corps  du  Seigcur  fit  impreffion  fur 
quelques  Seigneurs  de  fa  fuite  ,  car 
le  Pape  leur  dit  de  même  à  tous  eiî 
les  communiant  :  »  Si  vous  n'avez 
»  ni  contribué  ni  confenti  aux  adul- 
M  teres  de  votre  Roi  avec  Valdrade, 
»  8c  fi  vous  n'avez  pas  communiqué 
M  avec  les  autres  excommuniez  par 
»  le  S.  Siège ,  que  le  Corps  du  Sei-; 
»gneur  vous  profite  pour  la  vie 
3>  éternelle  ;  «  mais  le  plus  grand 
nombre  fui  vit  l'exemple  de  Lothai- 
re Scen  reçut  aulfi  comme  lui  la  pu- 
nition. Jamais  péché  ,  dit  le  Père' 
Longue  val ,  ne  tut  plus  vifiblcmcnt 
puni.  Lothaire  alla  du  Mont-CaOîn 
à  Rome  ,  où  il  ne  trouva  perfomic 
parmi  le  Clergé  qui  voulût  lui  ren- 
dre les  honneurs  qu'on  a  coutume 
de  rendre  aux  têtes  couronnées  ^  le 
Pape  lui  fit  cependant  quelques 
prefens ,  &  tout  ce  qu'il  obtint  de 
lui,  c'cft  qu'il  nomma  des  Légats 
pour  examiner  fur  les  lieux  avec  les 
Evêques  l'affaire  du  divorce,  &lui 
en  faire  enfuite  le  rapport  au  Con- 
cile qu'il  indiqua  à  Rome  pour  le 
commencement  de  Mars  de  l'année 
870. 

Lothaire  partit  ainfi  de  Rome  l 
mais  étant  arrivé  à  Lucqucs  lui  & 
la  plupart  des  pcrfonnes  qui  l'ac- 
compagnoient  turent  attaqués  d'u- 
ne fièvre  maligne.  Ce  Prince  en 
mourut  en  peu  de  jours ,  fans  qu'il 
jeconnut  la  main  qui  le  frappoit  5 


tfr* 


JOURNAL  D 


on  remarque  que  tous  ceux  qui 
avoicnt  commis  avec  lai  le  facrUege 
d'une  communion  indigne  ,  eurent 
le  mcme  fort ,  &c  que  la  contagion 
n'épargna  que  ceux  qui  s'ccoient 
retires  de  la  Sainte  Table ,  cnforte 
qu'on  ne  put  méconnoître  la  ven- 
geance du  Ciel. 

Qiioique  l'Empereur  Louis  fon 
frère  fut  fon  héritier  légitime  , 
Charles  le  Chauve  qui  eut  toujours 
plus  d'ambition  que  de  courage, 
s'empara  de  la  Lorraine  ;  nous  ren- 
voyons à  l'Auteur  où  l'on  verra  la 
part  que  le  Pape  &  les  Evêqucs  pri- 
rent ,  ou  pour  mieux  dire ,  furent 
forcés  de  prendre  dans  cette  affaire 
&  dans  toutes  les  autres  femblables 
que  l'ambition  &  le  grand  nombre 
des  defcendans  de  Charlcmagne 
qui  partagèrent  alors  les  differens 
Etats  de  la  France ,  de  l'Allemagne 
&  de  l'Italie  ,  firent  naître  pendant 
tout  ce  fiec'e.  C'eft  à  regret  que 
nous  ne  pouvons  fuivre  l'Auteur 
dans  le  détail  où  il  entre  fur  tous 
CCS  évenemens  qui  donnèrent  lieu 
à  differens  Conciles  ou  affemblées 
donc  il  continue  de  rapporter  les 
principaux  reglemens.  Le  dix-fep- 
tiéme  Livre  finit  avec  l'Hilloirc  du 
neuvième  fiecle ,  &  le  Pcre  Lon- 
gueval  remarque  qu'il  fut  tout  à  la 
fois  glorieux  à  l'Êglife  de  France 
par  le  grand  nombre  de  Saints^ 
de  fçavans  Evêques  qu'elle  porta  , 
&  malheureux  pour  elle  ,  par  les 
courfes  prefque  continuelles  des 
Nations  barbares  ^  ôc  par  la  fureur 
des  factions  Se  des  guerres  civiles 
qui  firent  de  grandes  brèches  à  fon 
autorité  &  à  fa  difciplinc. 


ES  SÇAVANS, 

Dans  le  dix-huitiémc  &  dernier 
Livre  de  cette  Hiftoire  qui  com- 
mence avec  celle  du  dixième  fiecle, 
on  trouvera  encore  de  plus  triftes 
objets  pour  la  Religion  ,  ce  fiecle 
eft  appelle  à  juftc  titre  le  fiecle  ob- 
fcur ,  ou  le  fiecle  de  fer.  »  Nous 
M  y  verrons  ,  dit  f  Auteur  ^  l'autori- 
»  té  E^oyalc  avilie  &  ufurpée  ,  celle 
=  des  Comtes  &  des  Ducs  s'élever 
»  fur  les  débris  du  Thrône  qu'ils 
3»  avoient  renverfé  ,  le  Royaume 
»  en  proyc  aux  peuples  barbares  ,& 
!•'  à  prefqu'autant  de  Tyrans  qu'il  y 
»  avoit  en  France  de  Seigneurs  par- 
»  ticuliers  ....  »  L'Eglife  qui  gé- 
=  milToit  de  ces  troubles  en  rcffen- 
»  tit  les  funeftcs  atteintes.  Elle 
»  eut  la  douleur  de  voir  fes  plus 
3>  faintes  Loix  violées  ,  fes  biens  en- 
»  vahis ,  fes  dignitcz  vendues  à  Ii 
»  fimonic  ,  ou  ufurpées  par  l'ambi- 
»  tion.  Pour  furcroît  de  malheur  , 
»  Ja  fource  où  l'on  devoir  puifer  le 
=0  remède  à  tant  de  maux  parut  elle- 
»  même  empoifonnée.  On  vit  le 
»  vice  aflîs  fur  la  Chaire  de  S.  Pier- 
30  re  ,  &  des  femmes  débauchées 
»  établir  ou  deftituer  à  leur  gré  les 
»  Vicaires  de  Jefus  -  Chrift. 

Mais  Dieu  ne  permit  pas  que  ces 
Pontifes  livrés  aux  plus  infâmes 
paflions  filTent  aucune  décifion  qui 
piît  donner  la  plus  légère  atteinte 
à  la  pureté  de  la  Morale  Chrétien- 
ne ou  de  la  Créance  Catholique. 
Cependant  quoiqu'en  général  l'i- 
gnorance ait  régné  dans  ce  fiecle  , 
on  ne  lailTe  pas  d'y  trouver  plu- 
fîeurs  habiles  Dpéleurs  qui  nous 
ont  confcrvé  fidèlement  le  dépôt 
de  la  foi  Se  de  la  tradition»  ils  n'ont 
pas 


N  O  V  E  M 

pas  eu  à  la  vérité  le  même  foin 
pour  écrire  IHilloirc  de  leur  tems, 
pciit-  être  parce  quiis  craignoienc 
.d'en  rranlmettre  les  horreurs  à  la 
pollieriré.  Cette  difette  d'Hiftoriens 
redouble  ,  comme  on  le  içait ,  le 
îravail  du  P.  de  Lon^ueval ,  &c  lui 


B  R  E  ,  I  7  5  î«  <^yî 

donne  plus  de  peine  pour  démêler 
parmi  le  peu  de  Monumcns  qui  re- 
ilent  de  ce  tems  la  fuite  des  évenc- 
mens  qu'il  eft  obligé  de  raconter  , 
&  dont  la  longueur  de  cet  Extrait 
ne  nous  permet  pas  de  donner  une 
idée  plus  étendue. 


DISSERTATION  SVR  LE  EEV  BOREAL.  PAR  D.  J.  A.  M.  R. 
D.  C.  A  Paris',  chez  Jofeph  Bullot ,  Imprimeur-Libraire ,  rue  de  la  Par- 
.chemincrie  j  près  S.  Severin  ,  à  l'Image  S.  Jofeph.  1733.  ^ol-  '^-  S°. 
pages  1 1 1.. 


LE  Feu  Boréal  dont  il  s'agit, 
n'eft  autre  chofe  que  ce  Feu 
<]ui  fe  voit  ordinairement  dans 
la  moyenne  région  de  l'air ,  du 
côté  du  Nord ,  en  Automne  &  en 
Hyver  ,  tel  fut  celui  qui  parut 
fur  l'horifon  ,  à  Paris  &  en  plu- 
fieurs  Provinces  ,  le  19  Odiobre 
IJ16.  &  le  lé  Novembre  1729. 
c'eft  fur  ce  dernier  principalement 
que  l'Auteur  de  la  Differtation  , 
entreprend  de  donner  fes  conjedu- 
res  :  il  définit  le  Feu  Boréal ,  un 
timas  d'exhalaifons  nitro-fulphureufes 
répandues  dans  l'air  ,  vers  le  Nord  ^ 
$u  le  reflux  de  l'air  les  a  accumulées  , 
lefcjuelies  r^ étant  renfermées  dans  au- 
cun nuage  fenfihle  ,  reprefement  à  nos 
yeux  une  admirable  alternative  de  lu- 
mière &  d'ohfcurité  ,  après  avoir  été 
emhrafées ,  [oit  par  le  mouvement  na- 
turel des  efprits  de  nitre  ,  [oit  par  les 
vents  contraires  ^  fait  enfla  par  le  re- 
flux de  l'air. 

De  cette  définition  l'Aateur  tire 
huit  confequences  :  la  première  ^ 
que  les  Feux  Boréaux ,  tels  que  fu- 
rent ceux  du  16  Odobre  172^.  & 
du  i^  Novembre  1729.  doivent 
Ntvtnfhe, 


paroîtrc  ordinairement  après  l'é- 
quinoxe  d'Automne,  p.îr(r(?  i^iie  c'efl 
vers  ce  tems- là  que  le  Soleil  cjuittc  no- 
tre pôle  j  &  cjue  l'air  commence  à  re- 
fluer vers  la  partie  feptentrionale.  La 
féconde  ,  Qiie  le  reflux  de  l'air 
d'un  pôle  à  l'autre,  donne  occafioti 
à  differens  embrafemens  ,  félon 
que  la  quantité  d'exhalaifons  qu'il 
a  ramenées  ,  eft  conliderable  ;  en 
forte  que  ceux  qui  paroifTent  les 
premiers  ,  doivent  toujours  être  les 
plus  vils  &  les  plus  lumineux  , 
comme  trouvant  beaucoup  plus  de 
nourriture  que  ceux  qui  arrivent 
après.  Tel  fut  celui  du  z6  OAobrc 
172^.  qui  jetta  beaucoup  de  frayeur 
dans  l'efprit  du  peuple. 

La  troifiéme  confequence  de 
notre  Auteur,  eft  que  les  hyvers 
fecs  doivent  être  regardés  comme 
des  préfages  prefque  alTurés  de 
quelques  Feux  Boréaux  ;  parce 
qu'en  premier  lieu ,  de  tels  hyvers 
dénotent ,  que  les  fouffres  &  les  ni- 
trcs  de  l'air  font  plus  épurés  de  va- 
peurs terreftres  ■■,  &c  en  fécond  lieu, 
que  des  hyvers  de  cette  nature  font 
ordinairement  accompagnés  de 
Rrrs 


<;;4  JOURNAL  D 

quelques  petits  vents  de  Nord  ca- 
pables de  refouler  les  vapeurs  dont 
il  s'agit ,  &.  de  les  embrafer  par  ce 
refoulement. 

La  quatrième  confcquencc  que 
tire  l'Auteur,  cft  que  la  lumière  du 
Feu  Boréal ,  doit  toujours  prendre 
fon  origine  dans  la  région  Septen- 
trionale ,  &  que  c'eft;  peut  -  être  à 
raifon  de  cet  embrafcmcnt  qui  pa- 
loît  de  tems  à  autre  ,  vers  cette  par- 
tie de  l'Univers  ,  que  le  Talniud 
des  Juifs  alfuie  ridiculement  que 
Dieu  ,  malgré  fa  Toutc-puilTancc  , 
n'a  pu  fermer  la  machine  du  mon- 
de du  côté  du  Nord  ,  mais  qu'il  a 
été  obligé  de  la  laiiTer  ouverte  de  ce 
côté-là. 

La  cinquième  confequence  que 
l'on  tire  ,  eft  que  ce  qui  arrive  fous 
un  pôle  ,  peut  en  fon  tams  arriver 
fous  un  pôle  oppofé. 

La  fixiéme,  Qiie  la  lumière  du 
jour  doit  nous  cacher  ces  Feux  , 
qui  ,  alors ,  ne  fcroicnt  apperçûs 
que  de  ceux  qui  habitent  fous 
un  même  méridien  &:  fous  les 
points  oppofés  d'un  même  paral- 
lèle de  latitude  ,  enfortc  que  la 
différence  de  leur  longitude  eft  tou- 
jours de  i8o  degrez  ,  quoiqu'ils 
foient  en  même  Zone ,  en  même 
climat,  &  en  même  élévation  de 
pôle. 

La  feptiéme  confequence  ,  eft 
que  les  peuples  qui  n'ont  ,  que 
très-peu,ouqui  n'ont  point  du  tout 
d'élévation  de  pôle  ,  tels  que  ceux 
qui  habitent  fous  la  Zone  Torride  , 
ne  doivent  point  appercevoirla  lu- 
mière du  Feu  Boréal ,  cette  lumière 
ne  pouvant  touc  au  plus  étic  à 


ES  SÇAVANS; 

leur  égard ,  que  comme  celle  du 
crépufcule. 

La  huitième  confequence  enfin  , 
eft  que  les  vents  qui  foufflent  du 
Nord  ,  entre  l'équinoxe  d'Autom- 
ne Si  l'équinoxe  du  Printems  , 
doivent  être  extraordinairement 
froids ,  parce  que  dans  cet  interval- 
le de  tems  ,  l'air  abonde  en  un  fel 
dcnitre^dont  les  particules  font  au- 
tant de  petits  aiguillons  ,  qui  pico- 
tent la  chair ,  &  lui  caufenr  par  ce 
picotement ,  le  fcntimcnt  du  froid. 
L'hypothéfe  du  flux  &  reflux  de 
i'air  d'un  Pôle  à  l'autre ,  fur  laquel- 
le eft  appuvé  le  fyftême  dont  il 
s'agit ,  fouffrc  de  grandes  diflîcul- 
tez  :  l'Auteur  les  eypofe  cc  enfuitc 
y  répond  j  mais  avant  que  de  rap- 
porter ces  difticultez  &  ces  répon- 
fes ,  il  eft  à  propos  de  dire  ce  que 
c'ell ,  félon  notre  Auteur ,  que  ce 
flux  &c  ce  reflux  de  l'air. 

Lorfque  le  Soleil  éclaire  une  con- 
trée ,  fes  rayons  ne  peuvent  tomber 
fur  la  terre  fans  t-averfcr  la  maflc 
de  l'air  ,  &  quand  ils  font  tombés 
fur  cette  terre  ,  ils  reflechiflent 
plus  ou  moins  ,  félon  qu'ils  ont 
plus  ou  moins  de  force.  Or  ces 
rayons  ne  peuvent  ainfi  pafler  & 
repaflcr  dans  l'air  ,  fans  communi- 
quer une  partie  de  leur  pirouerte- 
ment  à  la  maife  d'air  la  plus  proche 
de  la  terre  ,  laquelle  mafle  eft  plus 
à  portée  de  recevoir  l'aétion  des 
ravons  réfléchis. 

Ces  petits  corps  aériens  étant  ain- 
fi  contraints  de  pirouetter ,  fe  cho- 
quent &  fe  chaflent  les  uns  les  au- 
tres; puis  fe  trouvant  plus  au  large, 
ils  fe  déplient ,  fc  ledrefTent  &  ('c- 


N  O  V  E  M 

«eadent  autant  qu'il  cft  poffible ,  ce 
qui  ne  fe  peut  taire  ,  qu'une  por- 
tion conliderable  de  cet  air  ne  s'é- 
coule au  loin  ,  ôc  ne  foit  portée 
hors  de  l'horifon  ,  c'eft-à  dire  vers 
les  contrées  que  le  Soleil  n'écliauffe 
point  alors  ;  d'où  il  fuit  qu'une 
grande  quantité  des  parties  qui 
avant  que  d'être  raréfiées  étoient 
contenues  dans  un  certain  horifon, 
ne  peuvent  plus  y  être  renfermées, 
lorfque  le  Soleil  les  a  dilatées.  Ces 
parties  d'air  font  donc  obligées  , 
pour  la  plupart,  de  fe  retirer  par 
tous  les  points  du  cercle  horizon- 
tal ,  principalement  h  le  Soleil 
éclaire  à  plomb  le  centre  de  l'hori- 
2on ,  en  répondant  perpendiculai- 
rement au  point  vertical.  Tel  cft , 
félon  notre  Auteur  ,  l'état  de  l'air 
atiedi  &c  raréfié.  Cela  pofé  ,  il 
prétend  que  lorfque  le  Soleil  dif- 
paroît  de  l'horifon  ,  &  que  fes 
rayons  n'ont  plus  ,  ou  n'ont  que 
très-peu  de  force  &  d'adion  ,  les 
particules  de  l'air  celTentpeu  à  peu 
de  pirouetter,  &  fe  rapprochent  in- 
fenfiblementlcsunesdesautres;mais 
que  comme  elles  font  trop  flexibles 
pour  pouvoir  foîitenir  l'effet  que 
l'air ,  qui  s'étoit  écoulé  dans  les  en- 
virons, fait  pour  refluer ,  elles  fe 
leflerrcnt ,  fe  replient,  feconden- 
fent,  &  donnent  par  ce  moyen  à 
l'air  froid  ,  occafion  de  revenir  Se 
de  s'éhouier  vers  les  endroits  où  il 
trouve  moins  de  refiftance  ,  qui 
font  les  climats  que  leSoleil  quitte. 
L'Auteur  fait  là-deflus  trois  ob- 
fervations  :  la  première  ,  Que  cet 
effort  de  l'air  froid  n'eft  autre  chofe 
que  fa  propre  pefanteur  ,  qui  le 


B   R  E  ;     17??:  3;T 

pouiTc  vers  le  centre  de  la  terre  :  la 
féconde  ,  que  l'air  qui  revient  n'eft 
pas  toujours  celui  que  la  chaleur  a 
écarté  ,  mais  que  c'elf  prefque  tou- 
jours celui  qui  cft  fuperieur  ,  c'eft- 
à-dire  ,  le  plus  éloigné  de  la  refle- 
xion des  rayons  folaires.  La  raifon 
en  cft,  dit  notre  Auteur,  que  cet  air 
étant  moins  raréfié  que  celui  qui 
cft  voifin  de  la  terre  ,  il  s'éboule 
naturellement  par  des  lignes  dit-fe- 
rentcs,  fur  celui  qui  cft  delTous.Or 
cet  éboiilemem  fait  qu'un  air  voifin 
prend  la  place  de  celui  qui  s'ébou- 
le ,  ce  qui  forme  une  efpcce  de  cir- 
culation dans  cette  partie  de  l'At- 
mofphere.  En  un  mot ,  la  raréfac- 
tion caufant  une  efpece  de  vuidc 
dans  l'air  inférieur  ,  oblige  l'air  fu- 
perieur ,  à  s'affaiffer  par  fon  pro- 
pre poids,  &  à  venir  occuper  ce 
vuide. 

La  troifiéme  Obfervation  eft  que 
l'air  fuperieur ,  quoique  très  -  éloi- 
gné de  la  terre  ,  &  par  confequent 
hors  d'état  d'être  beaucoup  échauf- 
fé ,  &  fermenté ,  ne  lai  Ile  pas  de 
l'être  fufiïfamment ,  eu  égard  à  l'au- 
tre air  fuperieur  qui  n'eft  pas  éclai- 
ré du  Soleil ,  &c  qui  répond  à  une 
autre  contrée  ;  enforte  qu'il  doit  fc 
faire  dans  cette  partie  de  la  maflc 
élémentaire ,  un  changement  à  peu 
près  fcmblable  (  toutes  propor- 
tions gardées  )  à  celui  qui  arrive  à 
l'air  inférieur. 

La  quatrième  Obfervation  eft  , 
1°.  Que  ce  flux  &  ce  reflux  de  l'air 
ne  peuvent  fe  faire  ,  fans  caufer  un 
peu  de  vent ,  félon  que  la  raréfac- 
tion a  été  plus  ou  moins  grande  ; 
a°.  Que  c'eft  à  cette  fermen:atioffl 
R  r  r  r  ij 


6s6        JOURNAL    DE 

de  .1  cet  éboulemoit  do  l'.iir  ,  qu'on 
doit  attribuer  plulicurs  vents  règles 
6c  périodiques  ,tel  ,  par  exemple, 
qu'eft  celui  qui  fous  la  Zone  Torri- 
de  fouftle  tous  les  matins  d'Orient 
en  Occident,  &  celui  qu'on  éprou- 
ve par-tout  avant  le  lever  duSoleil, 
petit  vent  frais  auquel  M.  Picr- 
quin  ,  dans  le  Journal  Hiftorique 
du  mois  de  Février  ,  attribue  le 
chant  ducocq  avant  l'aurore. 

Cela  pofé  ,  voici  les  ob)c(5lions 
que  nous  venons  d'annoncer  ,  & 
les  rcponles  qu'y  fait  notre  Auteur. 
Ces  objed:ions  fe  reduifcnt  à  trois, 
la  première  eft  qu'on  ne  s'eft  jamais 
apperçu  de  ce  flux  &  de  ce  reflux 
de  l'air  d'un  pôle  à  l'autre  ,  &  la  fc- 
conde  que  fi  ce  mouvement  étoit 
réel,  il  ne  regncroit  pendant  lix 
mois  de  l'année^que  le  même  vent, 
fcavoir ,  le  vent  de  Nord  dans  le 
Printems  &  dans  l'Eté  ;  S<  le  vent 
de  Sud  dans  l'Automne  &  dans 
l'Hyver  ■■>  ce  qui  eft  contraire  à  l'ex- 
périence ,  puifqu'on  voit  régner  en 
différentes  contrées ,  plufieurs  for- 
tes de  vents  fixes  &  réglés  ,  tel 
qu'cft  celui  qui  fouftle  tous  les 
jours  fous  la  ZoneTorride;  tels 
que  font  aufll  les  vents  de  Nord  & 
Sud-Eft  ,  qui  fouftlent  entre  les 
Tropiques,  &:  qui  font  appelles 
Volts  Alizez.  Il  y  a  outre  cela  des 
vents  qu'on  nomme  périodiques , 
parce  qu'ils  foufflent  félon  ladivcr- 
iîté  des  Saifons ,  tels  que  font  ceux 
qui  régnent  fur  les  mers  de  l'Inde 
éc  de  l'Arabie  ,  &  qui  fouftlent 
d'un  côté  de  l'horizon  pendant  fix 
mois,  &  de  l'autre  pendant  les  fix 
autres  mois  i  ce  font  ceux  que  les 


S    SÇAVANS, 

Marins  appellent  Vents  de  Monfon. 
On  rcfTent  en  France ,  de  grands 
vents  de  Nord  Oucft  à  la  fin  dtf 
Mars ,  ou  au  commencement  d'A- 
vril. Il  y  fouflflc  aullî  à  la  fin  d'Oc- 
tobre, un  vent  de  Sud.  Les  autres 
climats  ont  tout  de  mémo  difterens 
vents  qui  leur  font  particuliers.  Or 
dans  l'hyporhéfc  du  flux  &  reflux 
de  l'air  ,  il  eft  difficile  ,  dit-on  ,  dcf 
concilier  la  diverfité  de  ces  vents. 

La  troihémc  objeftion  efl:  que  les 
vents  devroient  plutôt  porter  l'ait 
vers  l'endroit  où  fe  fait  la  raréfac- 
tion ,  que  vers  l'endroit  oppofé  ,  Si 
que  cependant  danslcSyftêmc  à\X 
flux  &;  du  reflux  dont  il  s'agit, 
tout  le  contraire  arrive.  En  effet , 
en  fuppofant  ce  flux  &  ce  reflux, 
l'air  s'éloigncroit  du  cercle  polaire, 
lorfque  dans  cette  région  le  Soleil 
agit  fur  ce  même  air ,  «Se  le  dilate 
par  fa  chaleur ,  au  lieu  que  l'air  en 
queftion  devroic  accourir  alors 
dans  cet  endroit ,  comme  fon  ref- 
fort  &  la  necelTité  de  fbn  équilibre, 
fcmble  l'exiger. 

L'Auteur  répond  à  la  première 
objedion  ,  qu'il  ne  faut  pas  s'éton- 
ner fi  le  flux  &  reflux  de  l'air,  dans 
les  Equinoxes ,  n'eft  point  abfolu- 
mentfenfible ,  puifquc  celui  de  la 
mer  ne  l'eft  point  à  ceux  qui  vo- 
guent fur  fes  ondes ,  &  loin  dn  ri- 
vage ,  quoique  ceux  qui  font  fut 
les  côtes ,  en  apperçoivent  parfai- 
tement ks  mouvcmens  ^  les  diffé- 
rences. Mais  notreAuteur  craignant 
que  cette  réponfc  ne  fatisfaff'e  pas 
pleinement  ,  demande  »  qui  nous 
»  a  dit  que  les  peuples  qui  habitent 
55  fous  ces  Zones  glaciales ,  ou  fous 


N  O  V  E  M 

*  les  Pôles  (  en  cas  qu'il  y  ait  là  des 

*  hommes  )  ne  s'apperçoivent  d'au- 
ï>  cuns  changemcns  périodiques 
«  aux  environs  des  Equinoxes  , 
»  après  le  coucher  &  le  lever  du 
»  Soleil.  Car  cela  ,  dit-il ,  peut  fort 
»  bien  être  fans  que  ceux  qui  habi- 
»  tent  fous  lesZonesTorride  &:tcm- 
»  pcrée  puiflent  s'en  appeicevoir. 

Mais  quand  mcme  ce  flux  &  ce 
teflux  ne  feroicnt  fenfibles  à  aucun 
peuple  de  la  terre  ^  ils  n'en  feroieiit 
pas  moins  réels ,  félon  notre  Au- 
teur, parce  que  l'on  conçoit,  dit- 
il  ,  qu'ils  peuvent  fe  taire  d'une 
manière  tout-à-lait  infenlîble  ,  en 
ce  que  le  Soleil  qui  eftla  caufe  effi- 
ciente de  ces  deux  mouvemens,  ne 
paroît  &  ne  difparoît  pas  tout  à 
coup  de  la  région  polaire ,  niais  peu 
à  peu  &  infenlîblement. 

Quant  à  la  féconde  difficulté  , 
fcavoir,  qu'il  n'y  auroit  dans  toute 
la  malTe  de  l'air  ,  &  dans  toutes  les 
Contrées  du  monde  ,  que  deux 
renrs  périodiques  de  fix  mois  cha- 
cun ,  on  répond,  que  quoique  tou- 
te cette  made  élémentaire  ait  un 
mouvement  général  &  commun 
vers  un  des  Pôles ,  il  ne  s'enfuit  pas 
qu'en  différentes  Contrées  il  ne 
pui(fc  s'élever  des  vents  de  divers 
cotez  ,  félon  qu'ils  y  feront  déter- 
minés ,  foit  par  une  ardeur  du  So- 
leil ,  plus  grande  dans  une  plage 
que  dans  une  autre  ,  foit  par  des 
vapeurs  &  des  cxhalaifons  qui  s'élè- 
veront en  plus  grande  abondance 
dans  certains  Pays  qu'ailleurs,  foit 
par  des  montagnes  &des  côtes  qui 
teflechiront  les  vents  ;  foit  enfin 
par  des  mets  ou  des  fables  ■,  toutes 


B  R  E  ,  I  7  3  ?•  6sn 

caufcs  qui  peuvent  faire  naître  des 
vents  d'une  certaine  régularité  5c 
d'une  certaine  étendue. 

Pour  rendre  la  chofe  fcnfiblc  , 
l'Auteur  piopofc  l'exemple  de  la 
mer,  &  obferve  que  quoique  les 
ondes  de  cette  maffe  d'eau  ,  ayent 
dans  le  tems  du  flux  un  mouve- 
ment général  &  commun  vers  un 
rivage,  cela  n'empêche  pas  qu'en 
divers  endroits  l'on  expérimente 
divers  courans  très-réglés  ,  tel  que 
celui  d'Orient  en  Occident,  qui,' 
fans  dilcontinuer  ,  règne  fur  l'O- 
céan entre  les  deux  Tropiques. 
Comme  cela  n'empêche  pas  non 
plus  qu'en  d'autres  endroits  on  n'en 
éprouve  de  très-variables ,  tels  que 
ceux  que  les  Marmicrs  expérimen- 
tent tous  les  jours  hors  des  tropi- 
ques. 

Ces  divers  courans  qui  femblent 
oppolés  au  mouvement  commun 
de  toute  la  maiïe  des  eaux  ,  ont 
fans  doute  des  caufes  particulières 
qui  les  déterminent,  &  l'Auteur 
remarque  avec  M.  Régis ,  Qu'il  y 
a  apparence  qu'ils  procèdent  ou  de 
lararéfadion  del'air  ,  ou  du  mou- 
vement diurne  de  la  terre ,  ou  de 
ce  que  les  eaux  font  plus  relTerrées 
en  certains  endroits  qu'en  d'autres, 
ou  de  la  décharge  de  quelques  fleu- 
ves qui  coulent  par  delfous  la  furfa- 
cc  de  la  terre  ;  ou  enfin  ,  de  ce  que 
les  vents  poufljnt  continuellement 
les  eaux  ,  les  obligent  à  former  di- 
vers courans.  Toutes  ces  caufes  dif- 
férentes peuvent  produire  dans  les 
eaux  de  la  mer  des  mouvemens  dif- 
férées ,  mais  ces  mouvemens  n'ap- 
porteront jamais  aucun  obftacle  aw 


(^5-8         JOURNAL    D 

mouvement  commun  &:  uniforme 
de  toute  la  maffe  des  eaux. 

Notre  Auteur  conclut  delà  qu'il 
n'cll  pas  étonnant  que  l'air  en  cer- 
taines Contrées  ait  des  mouvcmens 
réglés  &  périodiques  ,  ôc  qu'en 
d'autres  il  en  ait  de  variables  ;  il  re- 
marque même  qu'il  peut  arriver 
que  la  région  fupcrieure  de  l'air  foit 
emportée  d'un  côté  Se  que  l'inté- 
rieure le  foit  de'l'autrc  ;  enforte  que 
fur  la  terre  on  fente  un  vent  d'O- 
rient ,  tandis  qu'en  la  haute  région 
il  foufflera  un  vent  d'Occident. 

Il  n'en  faut  pas  davantage,  fclon 
lui ,  pour  faire  voir  que  le  poids  de 
l'air  peut  être  porté  vers  un  côté 
par  un  mouvement  général  &  uni- 
forme ,  6c  en  même  tems  recevoir 
des  déterminations  particulières 
dans  pluficurs  portions  de  la  malTe. 
Il  prétend  outre  cela  ,  qu'il  eft  fort 
probable  que  l'air  dans  fon  mouve- 
ment général  ,  décrit  une  ligne 
fpiralc,  ce  qui  eft  plus  que  fuffifant 
pour  empêcher  qu'on  ne  s'apper- 
çoive  de  ce  flux  &  reflux  de  l'air.  Il 
eft  cependant  perfuadc  que  fi  on 
vouloir  examiner  la  chofc  de  près , 
peutêtre  trouveroit-on  que  le  flux 
&c  reflux  dont  il  s'agit ,  n'eft  pas 
aulfi  imperceptible  qu'on  fe  l'ima- 
gine ,  principalement  fi  on  faifoit 
attention  aux  vents  périodiques 
dont  il  eft  parlé  dans  l'objetlion,  & 
à  ceux  qui  foufflcnt  en  France  pen- 
dant les  Saifons  du  Printems  Se  de 
l'Automne. 

A  l'égard  de  la  troifiéme  objec- 
tion ,  fçavoir ,  que  les  vents  de- 
vroient  plutôt  porter  l'air  vers  l'en- 
droit de  la  raréfaction  que  vers  i'cn- 


ES    SÇAVANS. 

droit  oppofc  ,  on  répond  qu'il  faut 
diftinguer  ici  deux  rems  :  celui  ou 
la  raréfaclion  fc  fait  Se  celui  où  elle 
ne  fublifte  plus.  On  avoiie  que  le 
vent  doit  porter  l'air  vers  le  lieu  de 
la  raréfaction  ,  après  qu'elle  s'eft 
faite ,  mais  non  pas  dans  le  tems 
qu'elle  dure  ,  Se  que  lacaufe  dila- 
tante continue  ion  action.  Oa 
éclaircit  cela  par  un  exemple  con- 
nu :  renvcrfez  fur  une  alViette  ,  un 
Gobelet  de  chryllal ,  enfermez  -  y 
une  bougie  allumée ,  Se  foulcvez 
un  peu  le  Gobelet ,  afin  de  donner 
lieu  à  l'air  enfermé  qui  s'attiédit,  de 
fc  dilater  ,  Se  de  fortir  du  vafe  fans 
le  rompre  ,  puis  lorfque  le  vafe  fe- 
ra échauff'é  &  que  la  flamme  de  la 
bougie  commencera  à  s'éteindre, 
pofez-lc  entièrement  fur  l'alfiette 
dans  fa  même  fituation  ,  Scaufll- 
tôt  verfez  de  l'eau  fur  l'afliette , 
vous  verrez  alors  monter  cette  eau 
dans  le  Gobelet  renveifé  Se  y  de- 
meurer fufpendue.  Mais  (ion  pou- 
voir toijjours  confcrvcr  dans  le 
Gobelet ,  la  bougie  allumée ,  l'eau 
de  l'aftîette  demeureroit  tranquil- 
le &  fans  monter.  Cette  expérience 
fait  voir  que  l'air  ne  doit  point  cou- 
ler vers  le  Pôle  tandis  que  le  Soleil 
continue  à  échaufler  le  Pôle  ,  mais 
qu'il  doit  au  contraire,  tendre  alors 
à  s'en  éloigner  ,  pour  n'y  refluer 
que  lorfque  l'action  du  Soleil  y  cef- 
fe,  c'eft  ce  qui  fe  comprend  aifé- 
ment  par  la  manière  dont  notre 
Auteur,  après  les  Phyliciens  mo- 
dernes ,  explique  l'expérience  que 
nous  venons  de  rapporter.  La  rai- 
fon  de  ce  Phénomène,  dit-il,  eft: 
cjue  le  feu  dilatant  pat  fa  chaleur  , 


N  O  V  E  M 

l'air  contenu  dans  le  vafe ,  oblige  la 
plus  grande  partie  de  cet  air  de  fe 
lépandre  au  dehors  ,  &  de  donner 
lieu  à  celui  qui  efl:  refté  ,  de  fe  dé- 
■ployer  plus  ou  moins  félon  le  degré 
de  chaleur  qu'il  a  reçu.  Mais  l'eau 
que  l'on  verfefur  l'allietce  arrêtant 
tout  à  coup  par  fa  troideur  ce 
mouvement^  il  arrive  que  ces  petits 
corps  aériens  ,  renfermés  dans  le 
Vafe  ,  n'ayant  plus  la  force  de  fe 
mouvoir  fculs  ,  ni  par  confcquent 
de  foii  tenir  le  poids  de  la  colomnc 
de  l'air  extérieur  ,  qui  les  prefTe  , 
fe  condcnfent  au (11  tôt ,  fe  replient 
Se  cèdent  à  l'effort  de  l'eau  qui  efl 
pouiïée  dans  le  vale  par  le  poids  de 
l'air  ;  de  forte  qu'il  entre  dans  le 
Gobelet  ,  un  volume  d'eau  égal  à 
celui  de  l'air  qui  en  fort  -,  Que  li  au 
lieu  de  renverfer  le  vafe  fur  une 
alFiette  ,  &  de  l'environner  d'eau  , 
on  le  renverfe  fur  la  chair  nue  ,  en 
allumant  dans  ce  vafe  ,  des  étoupes, 
ou  une  bougie ,  alors  l'air  extérieur 
qui  ,  à  mcfure  que  l'air  contenu 
dans  ce  vafe  ,  fc  refroidit ,  tend 
avec  effort  à  rentrer  dans  le  vafe,& 
y  trouve  de  l'obftacle  ,  eft  oblige 
de  pouffer  à  fa  place  le  volume  de 
chair  qui  lui  fait  obftaclc  ,  &  c'eft 
ce  qui  arrive  dans  les  ventoufes. 

Qiielques  Ledteurs  ,  infifteront 
peut-être,  en  difant  que  le  feu  qui 
cft  allumé  dans  une  chambre  ,  di- 
late l'air  qui  y  efl:  contenu  ,  &  que 
cependant  cet  air  bien  loin  de  fortir 
aie  la  chambre  comme  il  femble 
que  cela  devroit  arriver  félon  le 
Syftcme  du  flux  &  reflux  de  l'air  , 
il  accourt  vers  le  feu  avec  tant  de 
.véhémence ,  qae  l'air  qui  eft  hors 


B  R  E  ,  1 7  5  j;  gy^ 

de  la  chainbre  ,  eft  forcé  d'y  entrer^ 
Se  y  entre  même  avec  fifiicment,  fi 
les  portes  ik  les  fenêtres  font  fer- 
mées j  ce  qui  paroît  prouver  que 
l'air  tend  vers  l'endroit  de  la  fer- 
mentation ,  dans  le  tems  même 
qu'elle  dure.  Mais  la  fimple  expli- 
cation que  l'Auteur  donne  de  cet 
exemple  ,  paroît  détruire  la  confe- 
quence  dont  il  s'agit. 

Le  feu  allumé  dans  une  chambre 
raréfie  l'air  qui  y  efl:  contenu  ,  cela 
eft  indubitable  ,  dit-il ,  fur-tout  fî 
la  chambre  eft  bien  calfeutrée.  Il 
cft  encore  vrai ,  continue-t-il ,  que 
plus  le  feu  cft  grand  ^  plus  il  entre 
d'air  nouveau  par  les  fentes  Se  les 
jointures  des  portes  Si  des  fenêtres} 
mais  en  tout  cela,  remarque-t-il , 
il  n'y  a  qu'une  fimple  ciiculation 
de  mouvement  &  l'air  qui  entre 
dans  la  chambie  ,  ne  fait  que  rem- 
placer celui  qui  en  fort  par  le  tuyaa 
de  la  cheminée.  Carenfin,  obferva» 
t-il  encore ,  la  flamme  Se  la  fumée 
entraînant  avec  elles  l'air  qui  les 
environne  immédiatement  Se  qu'el- 
les rencontrent  dans  la  cheminée  , 
dégagent  celui  de  la  chambre ,  d'u- 
ne partie  du  poids  de  la  colomne  de 
l'air  extérieur  ,  &  lui  facilite  le 
moyen  de  fe  dilater  à  fon  aife  en 
s'échauffant;  mais  comme  la  fumée 
qui  continue  de  fortir  par  le  tuyau 
de  la  cheminée  ,  entraîne  toujours 
avec  elle  beaucoup  d'air  ,  cet  air  ne 
pourroit  fortir  ,  îi  un  autre  ne  lui 
ccdoit  fa  place ,  &:  ne  pouffoit  l'air 
voifm  pour  faire  auffi  place  à  celui 
qui  le  preffe  ;  enforte  que  l'air  qui 
rcfte  dans  la  chambre  fe  trouvant 
trop  affoibli  poux  refifter  à  i'effoïî 


€6o         JOURNALD 

de  l'air  extérieur  qui  cherche  uhc 
retraite  ,  ce  dernier  fc  glilTc  par 
toutes  ks  ouvertures  qui  peuvent 
l'introduire  dans  la  diambrc  ,  où  il 
n'entre  que  pour  en  forcir  après  par 
la  cheminée;  de  forte  qu'il  ne  s'é- 
chappe par  la  cheminée  qu'autant 
d'air  qu'il  en  arrive  de  nouveau 
dans  la  chambre  ,  &  il  n'en  arrive 
de  nouveau,  qu'autant  qu'il  en  fort 
par  la  cheminée. 

Notre  Auteur  fait  fur  ce  fujct 
plufieurs  autres  reflexions  que  nous 
paflbns  ,  &c  qui  tendent  toutes  , 
comme  les  précédentes,  à  montrer 
que  la  maffe  aérienne  ne  doit  point 
s'écouler  vers  le  lieu  de  la  raréfac- 
tion ,  dans  le  tenis  que  la.raréfac- 
tlon  dure. 

La  Diiïertation  finit  par  unecon- 
clufion  générale  qui  fe  réduit  à  ces 
quatre  articles ,  i  °.  Qii'on  peut  ad- 
mettre dans  la  maffe  de  l'air  ,  un 
■flux  &  reflux  d'un  Pôle  à  l'autre  , 


ES  SÇAVANS. 

lequel  arrive  au  Pôle  Arctique  dans 
le  tems  des  Equinoxes,  c'elià-dire, 
le  flux  à  l'Equinoxe  du  Pruitcms  , 
&  le  reflux  à  celui  de  l'Automne  : 
2".  Qiie  le  Soleil  par  les  rayons 
peut  être  la  caufe  du  flux  &  reflux 
de  l'air  •,  comme  la  Lune  par  le 
pielfemcnt  de  fon  tourbillon  peut 
être  la  caufe  du  flux  5:  reflux  de  la 
mer  ;  avec  cette  différence ,  que  la 
mer  paroît  deux  fois  haute  &:  bafTc 
dans  l'efpace  de  24  heures ,  &  que 
l'air  ne  flue  &  ne  reflue  qu'une  fois 
tous  les  ans;  3°.  Qu'on  peut  attri- 
buer au  reflux  de  l'air  vers  le  Pôle  , 
la  quantité  prodigicufe  d'exhalai- 
fons  qui  s'y  ramalTent  &  s'y  embra- 
fent  en  Automne  &  en  Hyver  ; 
4°.  Qiie  c'eft  dans  cetembrafement 
que  confifle  la  nature  du  Feu  Boréal 
tel  que  celui  qui  parut  le  19  Oélo- 
bre  172^.  celui  qui  parut  le  16  No?> 
vcmbrc  1725.  &  autres  fembiabiçSi 


niSTOÎRÊ 


K  O  V  E  M  B  R.  E  ,  r  7  3  5-' 


6tir 


fllSTOIRE  CRITIQVE  DELA  GAVLE  NARBONNOISE  ,  QVl 

comvrenoit  la  Savoy  s  ,  le  Dituphiné ,  la  Provence  ,  le  Langiudoc  ,  le  Rouf- 
(îllon  ,  ^  le  Comté  de  Foix.  Avec  des  Dijfertations.  A  Paris ,  chez 
Grégoire  Dupuis  ,  rue  S.  Jacques  ,  proche  la  Fontaine  S.  Benoît ,  à 
la  Couronne  d'or.  173  3. /«-ii.  pp.  574. 


L'HISTOIRE  ancienne  de 
l'Europe  Orientale  nous  eft 
beaucoup  plus  connue  par  les  Ecri- 
vains foie  Grecs  foit  Latins ,  que 
celle  -de  l'Europe  Occidentale. 
Nous  fçavons  fi  peu  de  chofe  de 
l'Hiftoire  de  laGauie  en  particulier, 
que  tout  ce  que  nous  en  appren- 
nent les  paffages  recueillis  des  di- 
vers Auteurs  qui  en  ont  fait  men- 
tion jufqu'à  la  mort  d'Augufte  , 
(.fans  y  comprendre  les  Commen- 
taires de  Céfar  )  rempliroit  à  peine 
dix  ou  douze  feuilles  d'impreflîon; 
ainll  que  nous  en  aflure  dans  la  Pré- 
face de  cetOuvrage  M.  deManda- 
jors  ,  qui  en  eft  Auteur.  Ses  recher- 
ches curieufes  &  approfondies  fur 
cette  matière  lui  ont  déjà  fait  hofi- 
neur  par  les  divers  morceaux  qui  en 
ont  été  publiés  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  Royale  des  Infcriptions 
&  Belles-Lettres  dont  il  eft  Mem- 
bre. Ce  Volume  mérite  d'autant 
mieux  l'accueil  favorable  du  pu- 
blic ,  que  tous  les  anciens  paftages 
raflemblés  &  traduits  en  François  y 
forment  une  efpece  de  tilTu  hiftori- 
que  &  chronologique  de  tous  les 
cvencmens  arrivés  dans  cette  partie 
des  Gaules  ,  qui  la  première  fubit 
le  joug  de  l'Empire  Romain ,  & 
qui  dans  la  fuite  fut  appellée  Gaule 
Narbonnoife.  Comme  dans  cette 
Hiftoire  la  narration  eft  quelquefois 
Novembre. 


interrompue  par  des  difculîîons 
critiques ,  l'Auteur  s'attend  bien 
qu'elle  fera  moms  fatisfaifantc 
pour  ces  Leéleurs  qui  ne  cherchent 
qu'à  s'amufer  agréablement ,  qu'in- 
tereftante  pour  les  Amateurs  de 
l'Antiquité,  qui  fe  plaifenc  à  éclair- 
cir  des  faits  obfcurs  ou  mcerrains , 
&c  à.  découvrir  des  véiitez  même 
indifférentes.  11  confeille  donc  aux 
premiers  de  s'épargner  la  lefture  de 
cet  Ouvrage^  &  il  invite  les  féconds 
à  augmenter  les  matériaux  qu'il 
leur  prefenteici,  &  aies  employer 
pour  une  Hiftoire  complette  des 
peuples  Occidentaux. 

Ce  qu'il  nous  en  donne  ici ,  pat 
rapport  à  la  Gaule  Narbonnoife  , 
eft  partagé  en  deux  Livres  ,  dontlc 
premier  conduit  cette  Hiftoire  de- 
puis les  temsles  plus  reculés  |ufques 
à  Julcs-Céfar  ;  &  le  fécond  depuis 
ce  Conquérant  jufques  à  la  mort 
d'Augufte.  L'Auteur  a  eu  foin  de 
faire  imprimer  à  la  fin  di.-  chaque 
Livre ,  comme  autant  de  preuves 
juftifîcatives  ,  les  palTages  mêmes 
de  tous  les  Auteurs  ailcgués  à  la 
marge  ,  &  dont  la  verfion  Françoi- 
fe  accompagnée  des  reflexions  de 
l'I^iftorien  compofe  le  Texte  5c  les 
Notes  de  cet  Ouvrage  :  ce  qu'il  a 
fait  principalement  en  faveur  de 
ceux  ,  qui  n'ayant  pas  fous  la  main 
les  Ecrivains  cités ,  ne  pourroient 
Sfff 


€6i  JOURNALD 

y  avoir  recours  commodément.  Il 
avertit  encore  ,  qu'il  entend  par  la 
Gaule  Cifalpine  ,  la  Gaule  d'Italie-, 
£c  par  la  Tranfalpine  ,  celle  que 
nous  habitons  au-dcçà  des  Alpes  : 
Qu'il  compte  les  années  de  Rome 
fuivant  la  Chronologie  de  Varron, 
qui  retarde  d'une  année  la  date 
des  Confulats  :  en  quoi  l'Auteur 
s'eft  conformé  aux  fçavans  Béné- 
dictins dans  leur  Hifloire  du  Lan- 
guedoc. 11  a  fait  imp.imeràla  fin 
de  fa  Préface  une  fuite  Chronolo- 
gique de  tous  les  Auteurs  qu'il  ci- 
te :  &  cela  dans  la  vue  de  mettre  le 
Ledcur  en  état  d'apprcticr  plus  au 
juftc  ces  autoritez  ,  lorfqu'ellcs  fe 
trouvent  peu  d'accord  entre  elles. 
Ces  anciens  Auteurs  font  au  nom- 
bre àz  \  S. 

I.  M.  de  Mandajors ,  après  une 
divihon  générale  de  la  Gaule,  re- 
cherche qui  font  les  premiers  peu- 
ples de  l'Orient  qui  aycnt  pénétré 
dans  cette  partie  de  l'Europe  ;  & 
fans  remonter  jufqu'aux  tems  fabu- 
leux des  Argonautes  Si  d'Hercule , 
comme  ont  fait  quelques  Auteurs  , 
il  trouve  qu'après  le  Siège  de 
Troye,  les  Rhodiens  qui  y  avoient 
fervi  fous  la  conduite  deTlépolémc 
petit-hls  de  ce  Héros  ,  s'établirent 
dans  les  Ifles  Baléares ,  d'où  ils  pu- 
rent venir  fur  nos  Côtes  y  bâtir 
la  'Ville  de  Rhode  au  voifinage  du 
Rhône  ,  &  lui  donner  même  le  fur- 
nom  à'Hiradée  ^  relativement  à 
Tlépolcme  defccndant  d'Hercule. 
Cette  'Ville  dont  quelques  anciens 
parlent  fous  les  noms  de  Rhode  ^ 
Hhoé ,  Rhodia ,  Rhodamifia  ,  ne  fub- 
fifta  que  très-peu  de  tems ,  comme 


ES  SÇAVANS; 

le  conjecture  notre  Auteur  fur  ce 
qu'.à  l'arrivée  des  Phocéens  Fonda- 
teurs de  MarlLiUc  dans  ce  même 
Pays ,  l'art  de  cultiver  la  terre  &;  de 
tailler  la  vigne  y  étoic  encore  igno- 
ré ;  ce  que  n'auroit  pu  permettre 
un  plus  long  fc)our  des  Rhodiens 
dans  cette  Contrée. 

Après  quelques  reflexions  fur  les 
caufes  des  migrations  fi  fréquentes 
dans  les  premiers  tems  ,  M.  de 
Mandajors  vient  à  la  fondation  de 
Marfeille  ,  qu'il  met  vers  l'an  590. 
avant  J.  C.  S'il  en  but  croire  Tite- 
Live ,  les  Phocéens  firent  cet  éta- 
bliflement  malgré  lesSaliens ,  Peu- 
ple de  ce  Pays  ,  contre  lefquels 
Bellovefe  Chef  des  Gaulois  qui- 
pafloient  en  Italie ,  les  protégea. 
L'affaire  ,  félon  Juftin  ,  fe  pafTa 
plus  pacifiquement  &  fut  la  fuite 
d'un  mariage.  Quoi  qu'il  en  foit, 
l'Auteur  regarde  cette  fondation 
comme  l'époque  de  la  perfedion 
de  l'agriculture  &:  de  l'introduc- 
tion des  Sciences  &  des  beaux  Arts 
dans  les  Gaules  -,  &  Marfeille  ,  fé- 
lon lui,  efl  la  plus  ancienne  des  'Vil- 
les qui  fubfiftent  entre  les  Alpes  & 
les  Pyrénées.  Il  en  allègue  pour 
preuves  ,  qu'avant  l'établilfement 
des  Marfeillois ,  il  ne  s'étoit  point 
formé  de  grande  Monarchie  en  Oc- 
cident •,  Que  les  peuplades  d'Egyp- 
tiens ,  de  Troycns ,  de  Phéniciens- 
n'a  voient  pénétré  ni  dans  l'Aquitai- 
ne ,  ni  dans  la  Celtique  ,  ni  dans  Ja 
Belgique  -,  Que  ,  félon  Polybe  ,  les 
Gaulors  d'Italie  habicoient  d'abord 
dans  des  Villages  &  dans  des  Ha- 
meaux ;  Que  les  Germains  du  tems 
de  Tacite ,  ne  s'étoient  point  enco^; 


N  O  V  E  M 

ïc  âvifcs  de  fe  renfermer  dans  des 
Villes  -,  qu'en  un  mot ,  la  conftitu- 
tion  du  gouvernement  des  Gaulois 
Se  leur  ignorance  étoient  de  grands 
obllacles  à  la  conûrudion  d'un 
grand  nombre  de  maifons  conti- 
gucs  :  ce  qui  donne  occalion  à  M. 
de  Mandajors  de  s'étendre  fur  le 
gouvernement  &  les  mœurs  des 
Gaulois  dont  les  Commentaires  de 
Ccfar  lui  fourniflent  prefque  tout 
le  détail.  De  toutes  ces  confidera- 
tions  ,  il  croit  pouvoir  inférer  , 
qu'avant  l'expédition  de  Bellovéfe 
éc  de  Sigovéfe  ,  les  Gaulois  n'a- 
voient  point  bâti  de  Villes  ;  Que 
ce  fut  des  Marfeillois  qu'ils  appri- 
rent cet  art  ,  ainfi  que  quantité 
d'autres  utiles  à  la  vie  i  5c  que  les 
Villes  de  la  Gaule  Narbonnoife , 
comme  les  plus  voilmes  de  Marfeil- 
le  ,  doivent  avoir  été  fondées  avant 
toute  autre  Ville  de  la  Celtique  & 
4c  la  Belgique. 

L'Auteur  parle  ,  après  cela  ,  de 
quelques  entrepriles  des  Liguriens 
voifins  de  Marfeille  fur  cette  Ville, 
de  plufieurs  colonies  des  Marfellois 
fur  la  côte  ^  telles  que  Nice ,  Anti- 
be  ,  Athénopolis  à  l'Orient ,  ^ga- 
tha  ou  Agde  à  l'Occident  •,  de 
leur  alliance  avec  les  Romains ,  de 
leur  gouvernement  &:  de  leurs 
mœurs  -,  de  la  première  origine 
prétendue  de  la  Ville  de  Lyon. 
L'Auteur  ,  après  avoir  parcouru 
fommairement  les  premiers  tems 
de  la  Republique  Romaine  &  la 
première  guerre  Punique,vient  à  la 
féconde  ,  qui  par  le  paflage  d'Anni- 
bal  à  travers  la  Gaule  Narbonnoife 
pour  entrer  en  Italie,  ramené  M. 


3   R  E  ;     I  7  3  j;  66} 

de  Mandajors  à  fon  principal  fujcr. 
Les  Romains  ne  trouvèrent  d'amis 
dans  les  Gaules  contre  cette  irrup- 
tion des  Carthaginois  ,  que  les 
Marfeillois  &  les  ï-^olcjnes  Arécomi- 
ejHes ,  peuples  du  bas  Languedoc  , 
qui  occupoicnt  les  deux  bords  du 
Rhône.  Ceux-ci  ne  purent  empê- 
cher le  paffage  d'Annibal;  5c  l'Au- 
teur con)ed:ure  que  ce  fut  vers  ce 
tems-là  que  les  Auvergnacs  peuples 
de  la  Celtique  ,  après  avoir  rejette 
l'alliance  des  Romains,  travcrfe- 
rent  les  montagnes  ,  &  s'emparè- 
rent du  Pays  des  Foltjues ,  à  l'occa- 
fion  du  paiïage  des  Carthaginois  : 
ce  que  femble  confirmer  Strabon 
lorfqu'il  témoigne  que  les  Auver- 
gnacs avoient  étendu  leur  domina- 
tion jufques  aux  Confins  des  Mar- 
feillois &c  du  voifinage  de  Narbon- 
ne  :  d'où  l'Auteur  conclut  que  ce 
fut  chez  les  Volques  mêmes,  ik  non 
en  Auvergne ,  qu'Annibal  rencon- 
tra les  Auvergnacs  :  ce  qu'il  a  prou- 
vé plus  au  long  dans  une  Dilîerta- 
tion  particulière.  Il  prétend  que  ce 
fut  vraifemblablement  lorfque  ces 
Auvergnacs  étendoient  leur  domi- 
nation jufqu'aux  Pyrénées ,  &  au 
voifinage  de  Marfeille  ,  qu'ils  éta- 
blirent entr'eux  &C  les  Marfeillois 
un  commerce  de  marchandifes  &; 
de  denrées  qu'on  tranfportoit  (  fé- 
lon Diodore  )  fur  des  Mulets  ou 
fur  des  Chevaux  à  travers  les  mon- 
tagnes des  Cevennes  -,  &  qu'ils  ap- 
prirent des  Marfeillois  les  évene- 
mens  arrivés  en  Orient ,  d'où  ils 
s'imaginèrent  (  dit  Lucain  )  avoir 
une  origine  commune  avecles  Ro- 
mains iflus  des  Troyens. 
Sfffij 


664:         JOURNAL    D 

Les  vexations  continuelles  que 
faifoicnt  les  Salicns  aux  Marfeillois 
alliés  des  Romains  occafionncrcnt 
les  premières  guerres  de  ceux  ci  en- 
tre les  Alpes  &;  le  Rhône.  S'ctant 
alTurés  des  Educns  rivaux  des  Au- 
vcrgnacs,  ils  attaquèrent  IcsSaliens 
&  les  vainquirent  fous  la  conduite 
de  Fulvius  £<  de  Sextius-Calvinus , 
qui  jctta  les  Fondemens  de  la  Ville 
d'Aix  ,  l'an  de  Rome  (Î30.  Deux 
ans  après  les  Allobroges  fe  liguè- 
rent contre  les  Romains  avec  les 
Auvergnacs&  ceux  du  Roiiergue  ; 
mais  ils  furent  tous  défaits  dans 
deux  batailles  ;  en  i"  licu^  par  Do- 
mitius-itnobarbus  ,  puis  par  Fa- 
bius-Maximus- /Emilianus  :  &:  ce 
fut  la  dernière  fois  que  l'on  vit  les 
Auvergnacs  en  armes  fur  les  bords 
du  Rhône.  La  défaite  des  Allobro- 
ges fournir  ce  peuple  pour  toujours 
aux  Romains  ,  &  fit  perdre  aux 
Auvergnacs  ce  qu'ils  avoient  juf- 
qu'alors  occupe  entre  les  Cévennes 
éc  la  Mer  Méditerranée.  Les  Ro- 
mains s'étant  ainfi  rendu  maîtres  de 
cette  partie  des  Gaules ,  la  rcduiii- 
rent  en  Province  l'an  de  Rome  tf  3  fi', 
fous  le  nom  de  Gaule  Tranfalpine 
Ultérieure  ou  Narbonnoife  ,  à  cau- 
fe  de  Narbonne,  Colonie  Romaine 
établie  fous  le  Confulat  de  M.  Por- 
tius  -  Cato  ik  de  CV  Martius  Rex. 

Cette  nouvelle  Province  fut  bor- 
née au  Nord  par  le  Lac  de  Genève 
&  le  Rhône  jufqu'à  fon  confluent 
avec  la  Saône  -,  à  l'Orient ,  par  les 
Alpes i  au  Midi,  par  la  Mer,  par 
les  terres  des  Marfeillois  &  par  les 
Pyrénées ,  &  à  l'Occident  par  la 
Garonne ,  &  par  le  Tara  depuis  la 


ES    SÇAVANS; 

montagne  de  Laufére  où  il  prend 
fa  fourcc  jufqu'à  fon  embouchu- 
re. Les  Romains  défignoient  h 
Narbonnoife,  xintot  p^r  ProvDtcia^ 
dont  le  nom  s'eft  confcrvé  dans  ce- 
lui de  Provence  •■,  tantôt  par  celui  dé 
Gdlia  Bracchata  ,  d'une  chaufTu». 
rc  appeliée  Braccha  ,  d'où  dérive 
notre  mot  François  Braye  ;  tantôt 
Gallia  Tranfalpina  :  fur  quoi  l'Au- 
teur obferve  que  les  Romains 
avoient  d'abord  entendu  pzïGMiA 
Bracchata  une  région  plus  étendue 
que  ne  le  fut  la  Narbonnoife  en  des 
tems  poftericurç.  Les  Romains 
donnèrent  tous  leurs  foins  à  la  con- 
fervation  d'une  Province  qui  leur 
étoit  aufli  importante  que  la  Nar- 
bonnoife,laquelle  fans  compter  fon 
agrément  &  fa  fertilité ,  leur  ou- 
vroit  un  chemin  par  terre  d'Italie 
en  Efpagne  ,  &  leur  fervoit  de 
rempart  contre  les  peuples  de  Iî 
Celtique.  Dans  cette  vue  ils  y  iaif- 
ferent  des  troupes  en  garnifon  ,  & 
ils  y  établirent  fucccflîvement  plu- 
fieurs  Colonies.  Les  conditions  des 
peuples  n'y  étoient  pas  les  mêmes  : 
les  uns  y  joiiiflant  du  Droit  Latin, 
les  autres  du  Droit  Italique  ,  êc 
quelques-uns  moins  favorifés  étant 
alTujettis  au  Droit  Provincial ,  le 
plus  onéreux  de  tous  :  d'où  il  arriva 
que  ces  derniers  qui  étoient  voi- 
fins  des  Alpes  ,  fe  foulevcrent 
quelquefois  contre  les  Pvomains. 

Cette  Province  devint  le  princi- 
pal théâtre  de  la  guerre  des  Teu- 
tons &  des  Cimbres  ,  puifque  ce 
fut  entre  h  Ville  d'Aix  &  les  Alpes 
que  Marius  tailla  en  pièces  les  pre- 
miers. Nous  ne  fuivrons  pas  l'Au»- 


N  O  V  E  M 

tèut  dans  le  détail  où  il  entre  tou- 
chant cet  exploit  mémorable  Se 
touchant  les  Guerres  Civiles  de 
Marius ,  de  Sylla  &  de  Sertoriils. 
Nous  obferverons  feulement  que 
l'an  de  Rome  671.  C.  Vnlerius-Flàc- 
cus  gouvernoit  la  Narbonnoife ,  où 
quelque  bataille  gagnée  fur  les  Gau- 
lois lui  valut  le  titre  à'Imperator. 
Nous  remarquerons  encore  que 
félon  notre  Auteur  ,  ce  ne  fut  pas 
dans  la  guerre  de  Sertorius  le  Pro- 
conful  Manilius  qui  vint  au  fecours 
de  Metellus  ,  comme  le  difent  les 
nouveaux  Hiftoriens  du  Langue- 
doc-, mais  que  ce  fut  LoUius  Gou- 
verneur de  la  Narbonnoife  ,  à  qui 
ces  Hirtoriens  donnent  Manihus 
pour  fucceffeur  contre  le  témoigna- 
ge de  Plutarque.  Il  faut  voir  dans 
îe  Livre  même  la  difcuffion  criti- 
que de  ce  fait.  L'an  de  Rome  6^78. 
M.  Fonteius  fut  défigné  Gouver- 
neur de  la  Narbonnoife  en  qualité 
de  Proprétcur.  A  fon  retour ,  il  fut 
accufc  de  concuflîon  par  les  AUo- 
broges  &  par  les  Volques,  &  dé- 
fendu par  Ciceron  ,  dont  nous 
avons  encore  le  Plaidoyer.  On  ne 
fçait  quel  en  fut  le  fuccès.L'Auteur 
en  donne  ici  un  Extrait ,  qui  jette 
quelques  lumières  fur  le  fujet  qu'il 
traite. 

Pendant  le  gouvernement  de 
Fonteius ,  Pompée  qui  pour  aller 
en  Efpagne  pafla  par  la  Narbon- 
noife, donna  aux  Marfeillois  quel- 
ques terres  de  cette  Province  dont 
il  pacifia  les  troubles.  Revenant 
d'Efpagne  à  Rome  par  la  même 
route,  il  fit  élever  dans  les  Pyreiiées 
\m  Trophée  ,   dont  l'infciiption 


portoit  Qu'/7  avoit  fournis  à  la  Repu- 
ùli^ite  846  F'illes  depuis  les  u4lpes 
juf^u'à  l'extrémité  de  l' Efpagne  ulté- 
rieure. Sans  doute  (  obferve  l'Au- 
teur )  fous  ce  nombre  prodigieux 
ctoient  compris  avec  les  Villes  tous 
lés  Châteaux ,  comme  ils  le  furent 
nommément  dans  une  autre  inf- 
cription  placée  long-tems  après 
dans  le  Temple  de  Minerve  ,  & 
fur  laquelle  on  lifoit  Que  Pompée 
avait  réduit  fous  l'obéi fijtice  du  peu- 
ple Romain  \  5  5  8  Filles  oh  Châteaux 
depuis  le  Palus  Aiéotide  jufqu'a  la 
Mer  rouge. 

Il  ne  fe  pafTa  rien  de  confidc;  ablc 
dans  la  Narbonnoife  jufqu'au  terris 
de  la  Conjuration  de  Catilina  i  cw 
les  Ailobroges  mccontens  de  leurs 
Magiftrats  ,  excitèrent  dans  cette 
Province  divers  mouvenrns  que 
les  Romains  curent  aflez  de  peine 
à  reprimer.  Ces  peuples  furent  enfin 
battus  &  foûmis  par  le  Proprcteur 
Pontinius ,  qui  par  là  rendit  le  cal- 
me à  la  Province.  A  l'occafion  de 
la  guerre  de  Catilina ,  M.  de  Man- 
dajors  examine  im  palTage  de  Salu- 
fte ,  où  les  nouveaux  Hiftoriens  du 
Languedoc  prétendent  que  cet  Au- 
teur s'eft  trompé  ;  fur  quoi  M.  de 
Mandajors  s'efforce  de  le  juftifier 
en  montrant  qu'on  lui  fait  dire  ce 
qu'il  n'a  point  dit.  La  guerre  des 
Âuvergnacs  &  desSequanois  contré 
les  Educns  ,  fuivie  du  paffage  dès 
Germains  dans  les  Gaules  fous  Ja 
conduite  d'Ariovifte  ,  termine  le 
premier  Livre  de  cette  Hiftoire. 

IL  La  venue  de  Jules-Céfar  dans 
ce  même  Pays ,  en  qualité  de  Gou- 
verneur de  la  Cifalpine  &  de  là 


666        JOURNAL    DE 

Narbonnoifc  ,  ouvre  le  fccond  Li- 
vre. La  tranquillité  régna  dans  ces 
deux  Provinces  durant  les  huit  pre- 
mières années  de  fon  Gouverne- 
ment fignalécs  par  fept  campagnes 
qui  le  rendirent  maître  de  toutes 
les  Gaules  non  encore  foûmifes  aux 
Romains.  C'ell  de  cjuoi  l'Auteur 
nous  dojinc  un  détail  abrégé  qu'il 
emprunte  des  Commentaires  où  ce 
Conquérant  nous  entretient  lui- 
même  de  fes  exploits.  Au  com- 
mencement de  la  guerre  civile  (  en 
705.  de  R.  )  MaifeiUc  ayant  fermé 
fes  portes  à  Céfar  ,  fous  prétexte  de 
garder  la  neutralité  ,  foûtint  un 
fiége  lontj  &  opiniâtre  ,  qui  finit 
par  la  reddition  de  la  Place.  Après 
la  pnfe  de  Marfcille  ,  Claude  Né- 
ron père  de  l'Empereur  Tibère  tut 
chargé  de  conduire  deux  Colonies 
de  Vétérans  à  Arles  &  à  Narbonne^ 
&  cette  dernière  Ville  auparavant 
appellée  Narho-Aidrtius  prit  le  fur- 
nom  de  Colonla-Decu7n,inoriim  ,  des 
Soldats  de  la  dixième  Légion  que 
Néron  y  établit,  comme  Arles  prit 
celui  de  Colonia  -  Sextanoritm ,  de 
ceux  de  la  (ixicme  Légion.  Céfar 
fit  accorder  le  titre  de  Citoyen  Ro- 
main à  un  grand  nombre  d'habitans 
delà  Narbonnoifc  ;  entre  autres  à 
tous  les  Soldats  de  la  Légion  appel- 
lée Alaiidii  qu'il  y  avoit  levée ,  & 
qu'il  entrctenoit  à  fes  dépens  •,  £c  il 
en  honora  plufieurs,même  de  la  di- 
gnité de  Sénateur.  Cette  Province 
lui  fut  redevable  aufli  de  divers 
changemens  avantageux  qui  s'y  fi- 
rent de  fon  tems  dans  la  difcipline 
tant  civile  que  militaire.  »  Ce  tut 
»  donc  (  dit  l'Auteur  )  pendant  I9 


5  SÇAVANS, 

»  calme  dont  elle  joiiit  fous  le  gou- 
»  verncmcnt  de  Céfar ,  que  ces  éta- 
»  blilTcmens  s'affermirent  &:  fe  mul- 
»  tiplierent  :  &  que  les  habitans  de 
«  la  Narbonnoifc  ,dc)a  civilifés  par 
»  la  longue  fréquentation  des  Mar- 
»  feiUois  ,  fe  pcriicclionncrent  dans 
>»  cette  politclfe  ,  qui  les  diftin- 
»  guant  du  rcfte  des  Gaulois ,  fit 
»  regarder  la  Narbonnoifc  comme 
»  une  partie  de  l'Italie,  plutôt  que 
i>  comme  une  Province. 

Les  troubles  qui  fuivirent  le 
meurtre  de  Céfar  ciuferent  quel- 
ques mouvemens  dans  la  Gaule 
Narbonnoifc  &  dans  la  Cifalpine. 
Lépide  avoit  été  nommé  au  gou- 
vcrnem.ent  de  la  première ,  &  An- 
toine à  celui  de  li  féconde  par  le 
peuple  ,  quoique  D.  Brutus  l'un 
des  Conjurés  en  fût  adutllerncnt 
en  poiïeOion.  Plancus  d'un  autre 
côté  qui  avoit  eu  ordre  du  Sénat  de 
bâtir  la  Ville  de  Lyon  ,  avoit  paffc 
le  Rhône  pour  mener  fes  troupes 
en  Italie  par  la  Narbonnoifc  ,  lorf- 
qu'il  apprit  qu'Antoine  défait  prè« 
de  Modéne  par  l'armée  d'OÀave 

6  des  Confuls  fe  difpofoit  à  fe  jet- 
ter  dans  cette  même  Province, 
L'Auteur  pafTe  légèrement  fur  les 
opérations  de  cette  campagne  de 
7 II .  &  renvoyé  là-de(Tus pour  plus 
ample  éclairciflement  à  la  nouvel- 
le Hiftoire  du  Languedoc.  Par  l'ac- 
cord du  Triumvirat ,  Antoine  eue 
le  gouvernement  des  Gaules  con- 
quifes  par  Céfar  ,  &  Lépide  celui 
de  la  Narbonnoifc  &  de  l'Efpagne, 
qu'il  conferva  jufqu'aprcs  la  défaite 
de  Brutus  &  de  Caflîus.  Cette  vic- 
toire fut  i'occaûon  d'un  nouveau 


K  O  V  E  M 

partage  entre  les  Triumvirs  ;  &c 
Antoine  ,  déjà  maître  des  Gaules  , 
eut  encore  la  Narbcnnoiic  ,  où  il 
ne  fe  palTa  rien  de  remarquable  juf- 
qu'à  ce  qu'en  714.  cette  Province 
fut  enlevée  à  Antoine  parOétave, 
qui  y  lailîa  un  corps  de  troupes  fous 
le  commandement  de  Salvidienus , 
qu'il  fit  depuis  condamner  à  mort 
commetraitre.  Vers  l'an  717.  Oc- 
tave fit  un  fécond  voyage  dans  les 
Gaules  avec  Agrippa  fon  Favori 
pour  y  reprimer  quelques  fouleve- 
niens.  En  714,  MeiTala  -  Corvinus 
envoyé  dans  ces  mêmes  Provinces 
par  Odave  y  mérita  les  honneurs 
du  triomphe  par  la  défaite  de  quel- 
ques Peuples  ,  parmi  lefquels  il  y 
en  avoir  quelques-uns  de  la  Nar- 
bonnoife  qui  ne  font  point  défi» 
gnés  plus  particulièrement. 

Enfin  Ôdlave  ayant  été  déclaré 
Augufte  ,  vint  pour  la  troifiéme 
fois  dans  les  Gaules ,  qu'il  partagea 
pour  lors  en  quatre  Provinces  ou 
Gouvernemens.qui  furent  la  Gaule 
Naibonnoife  ,  l'Aquitaniqiie  ,  la 
Lyonnoife  Se  la  Belgique.  Trois 
ans  après  (  en  735.  )  Agrippa  fut 
envoyé  dans  les  Gaules  avec  une 
autorité  fuperieure  ;  &  c'eft  au 
féjour  qu'il  y  fit  alors  qu'on  doit 
lapportcr  [  dit  notre  Auteur  ]  la 
conftrndion  des  quatre  grands  che- 
mins que  Strabon  lui  attribue,  dont 
le  premier  pafTant  par  les  Cévennes 
aboutiiïbit  à  l'Aquitaine  &  à  laSain- 
tonge  •,  le  fécond  au  Rhin  ;  le  troi- 
fiéme par  Beauvais  &  Amiens,  à 
l'Océan  -,  le  quatrième  à  la  Narbon- 
noife  &  à  la  Côte  des  Marfeillois. 
Qumtà  la  conftrndion  de  plufieurs 


B  R  E  ,  1  7  3  3:  667 

autres  Edifices  publics ,  tels  que  le 
Pont  du  Gard  ,  les  Arènes  de  Nif- 
mes  ,  la  Maifon  quarrée  de  la  mê- 
me Ville  j  &c.  dont  on  ignore  l'é- 
poque ,  il  croit  qu'on  ne  Içaiiroit  la 
placer  mieux  que  dans  un  tems  dis 
tranquillité  parfaite  ,  lequel  ne 
commença  guércs  que  fous  le 
commandement  d'Agrippa.  Augu- 
ftc  mourut  l'an  de  Rome  j6j.  Les 
peuples  de  la  Gaule  ,  non  plus  que 
les  autres  ,  n'avoient  pas  attendu 
jufqu'alors  à  lui  décerner  les  hon- 
neurs divins.  Ils  lui  avoient  érigé 
le  fameux  Autel  de  Lyon  ;  &  les 
Villes  deNarbonne  &  deNifmes 
avoicnt  établi  pour  lui  des  fêtes , 
des  Sacrifices  &  des  Prêtres  nom- 
més dans  les  infcriptions  Seviri  ou 
Flamines  AuguflaUs  Narb.  ou  Nem. 
C'eft-là  que  M.  de  Mandajors 
borne  fon  tilTu  hiftorique  &  fuivi 
touchant  la  Gaule  Narbonnoife  ; 
auquel  il  fait  fucceder  une  notice 
de  l'Etat  de  cette  Province  fous 
Augufte  par  rapport  au  pouvoir  & 
aux  fondions  defes  Gouverneurs , 
à  l'adminiftranon  de  la  Juftice  ,  de 
la  Police  &  des  Finances  •,  aux  dif- 
férentes conditions  des  peuples  & 
des  particuliers  ;  à  la  manière  dont 
ils  pofTedoient  leurs  fonds  de  tcrrev 
à  leur  commerce  ,  5i  aux  Miniftres 
de  leur  Religion.  C'eft  à  regret 
que  pour  abréger  nous  fommes 
obligés  de  nous  en  tenir  à  la  fimple 
indication  de  ces  divers  articles  que 
l'Auteur  nous  développe  avec  tou- 
te l'exaditudc  &c  la  juftefTe  que  l'on 
doit  attendre  de  fes  foins  à  puifeï 
fur  tout  cela  dans  l'Antiquité  les 
iumieies  qu'elle  gouv oit  lui  four- 


668  J  O  U  R  N  A  L  D 

nir.  On  trouve,  dans  cette  Notice, 
une  fuite  Chronologique  des  Gou- 
verneurs de  la  Gaule  Narbonnoile, 
8c  de  ceux  de  la  Cifalpinc  qui  ont 
pu  gouverner  la  Narbonnoifc  par 
leurs  Lieutenans ,  jufqu'à  la  mort 
d'Augufte.  Cette  première  Notice 
eft  fuivie  d'une  autre  ,  qui  eft  la 
Géographique  ou  le  dcnombre- 
inent  des  Villes  de  la  Narbonnoifc 
fous  ce  même  Empereur,  c'eft-à- 
dire  des  Colonies  de  Marfeille  ; 
des  Villes  Marfeilloifes ,  dont  les 
portions  ne  font  pas  connues  ;  des 
Colonies  Romaines  ;  des  Capitales 
des  Peuples  ;  des  autres  Villes  qui 
n'étoient  ni  Colonies  ni  Capitales  ; 
des  Villes  8c  des  lieux  ,  dont  la  fi- 
tuation  eft  ignorée  ;  des  Ifles  voifi- 
nes  de  la  Naibonnoife  ,  .de  fes  Ri- 
vières &  de  fes  Montagnes. 

Les  fept  DilTertations  imprimées 
à  la  fin  de  ce  Volume ,  tiennent  en 
quelque  forte  au  corps  de  l'Ouvra- 
ge, puifqu'elles  font  deltinées  à  dif- 
cuter  plus  au  long  &  à  éclaircir  plu- 
sieurs points  de  l'Hiftoire  dont  il 
s'agit.  Dans  la  première  fur  la  Celti- 
que d'Ambigat ,  on  recherche  fî  les 
Peuples  qui  étoient  placés  fur  les 
bords  de  la  Méditerranée ,  entre 
les  Pyrénées  &  les  Alpes  ^  étoient 
foûmis  à  Ambigat  ,  Chef  ou  Roi 
de  la  Celtique  ,  lorfque  BcUovéfe 
&  Sigovéfe  fortitent  de  leur  Pays.; 
&  l'on  décide  pour  la  négative.  La 
féconde  DilTertation  roule  fur  la 
fondation  de  Ai-trfeille  ,  dont  les  uns 
fixent  l'époque  à  la  47'  Olympia- 
de ,  les  autres  à  la  ^1' ,  &:  l'Auteur 
trouve  dans  un  palTage  de  Juflin 


E  S  SÇAVANS, 

de  quoi  concilier  ces  deux  fcnti- 
mens.  La  troifiéme  Differtarion  fur 
la  route  d'yinnibal  entre  le  Rhône  & 
leSftyUlpes  ^  a  été  déjà  publiée  par 
extraits  dans  les  III"  &  V'  Volumes 
de  l'Hiftoire  de  l'Académie  des 
Belles  -  Lettres ,  &:  nous  en  rendî- 
mes compte  alors  dans  le  Journal 
de  Novembre  1719.  La  Guerre  des 
Ctmhes  fait  le  fujct  de  la  quatrième 
DilTertation.  Dans  la  cinquième, 
l'Auteur  examine  1°.  Si  Pompée  & 
Fonteius  fe  font  trouvés  dans  la 
Gaule  Narbonnoife  ,  le  dernier 
comme  Propréteur  de  cette  Pro- 
vince &  Pompée  avec  une  autorité 
fupérieurcj  2".  Si  Fonteius  gouver- 
na la  Narbonnoifc  en  qualité  de 
Propréteur  pendant  trois  années 
confecutives  ,  ou  s'il  n'étoit  que 
Lieutenant  du  Proconful  Cotta  , 
lorfque  Pompée  vint  paflerl'hyvcr 
dans  la  Gaule  ,  après  avoir  levé  le 
Siège  de  Calahorra  en  Efpagne; 
3°.  Quels  étoient  les  Peuples  que 
Fonteius  dèpoiiilla  d'une  partie  de 
leurs  terres  &  de  leurs  Villes  :  &  à 
ce  fujet  M.  de  Manda jors  fait  quel- 
ques obfervations  fur  le  payement 
des  Subjides  &  fur  U  Dreit  Latin. 
Dans  la  fixiéme  Diftertation  ,  il 
s'agit  de  la  fignification  du  mot 
Gallia  employé  fans  adjcdrif  ;  & 
dans  la  dernière  ,  il  eft  queftion 
des  limites  de  U  Gaule  Narbonnoife  ^ 
&  de  l'endroit  où  étoi:  htuèe  la 
Ville  de  F'indomams.  Nous  ren- 
voyons  au  Livre  même  pour  le  dé- 
tail de  toutes  ces  Dilfertations  qui 
ménitent  d'être  lues  en  entier. 


NOVFELLES 


N  O  VE  M  B  R  E  ;  17??- 


€<Sp 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


SICILE. 


ITALIE. 


De  Palermb. 

SIciLiA  Sacra  difcjuijttiomhm  & 
mtitUs  illufirata  ,  uùi  Libris  tjua- 
tHor ,  pojîijuam  de  iUius  Patrtarcha  , 
&  Afetropolita  difcjuiptum  efl  ,    k 
^Chriflianx  Religionts  exordio  adno- 
,ftra  nfcfHC  tempora  citjufejHe  Pritfula- 
tus  ,  Âiajommejue  Beneficiorum  Injii- 
■tHtio  ^  Archiepifcopi  ^  Epifcopi  ^  j4b- 
■hates  ,   Priores  ,   Singulorum  Jura  ^ 
Privilégia  ,  pradara  Monumcnta  , 
Civitates    Ditecefeon  cum  pracipuis 
■earurn  Templis  ,  Religiojîfijue  Fami- 
liis ,  at^ue  Viri  Sicitli^  -vel  SanBitatc, 
velDoBrina  llluflres  continenttir^  ex- 
flicaniur^  ylitSore  j^bbate  Nettno  & 
■Regio  Hifloriographo  DoN  RoccHO 
PiRRO  S.  T.  ac  V.  J.  D.  Regio  Ca- 
Vellano  Canonico  ,  y4p«floiico  Proto- 
not.  atjue  in  SanUo  QHétjitorum  fidei 
TribKnali  Cenfore  ,  &  Confultore. 
Editio  tertia  ,  emendata  ,  &  conti- 
vuatiom  anMa ,  cura  & findio  S.  T, 
D.  D.  Antonini  Mongitore  Métro- 
■politanA  EccleJÏ£  Pamrmitana  Cano^ 
«ici ,  Indicis  Symdalis  ,  &  in  SS, 
JnqHtJîtionis  Sicdia  Tnhunali  Quali- 
ficateris  &  Confultoris.  Acceffere  ad- 
ditions &  noûÙA  Abbatiarum  S,  Be- 
nediBi ,  Ciflercienjîmn  ,  &  alia  quA 
dejlderabantur  ^  AuBore  P.  Domino 
Vito  Maria  Amico.  A  Catana  S. 
T.  D.  *c  Decano  Cajtnenji.  Panor- 
mi  ,    apud  Haredes  Pétri  CoppitU. 
^•Jll,  in-felio  ,  deux  Volumes. 
Ntvtmbrf, 


De    V  e  r  o  n  I. 
Jean-Albert  Turnermani ,  Impri- 
meur de  cette  Ville,  va  donner  pat 
Soufcription  une  belle  Edition  du 
Traité  du  Sublime  de  Longin  ,  eu 
Grec  ,  en  Latin ,  en  Italien  ,  &  en 
Trançois.  Cette  Edition  fera  in-j^°. 
grand  papier,  &  à  qviatre  colomnes. 
Le  prix  de  la  Soufcription  cft  de 
fept   Ivres    de  Vcnife  qui  feront 
payées  en  foufcrivant  ,  &:  de  fepc 
autres  livres  qui  feront  remifcs  en 
recevant  l'exemplaire. 
De  Milan, 
D.  Jo.  Andréa  de  Aftefatis  5r/- 
xiani  BenediBino-Cajfimnfis  EpiJioU 
in  ijHa  Anniis  decimus  feptimns  fiiprtt 
oUingentefmum  Bernardi  lta\i&  Ré- 
gis  emortualis  oftenditur  ;    &   alia 
Lotharii  Imperatoris ,  ac  Ludovic! 
Junioris  ejiis  filii  à  vidgatis  noviter 
obfervau  epocha  exhibentur.  Broch, 
/«-4°.  de  49  pages. 

Jo/ephi  -  Antonii  Saxii  Collegii  & 
Bibliotheca  Ambrojîans,  PrxfeBi  Dif- 
fertatio  Hiflorica  ad  vindicandam  an- 
ti/juam  AmbrofianA  Ecclefia  ,  difci^ 
plinam^contra  Nicolaum  Sormanum 
Collegii  Ambrojîani  Doflorem  ,  CHJus 
Apologia  fubnetlitur.  1733.  in-^. 
HOLLANDE. 

D'A  MSTERDAM. 

François  V Honoré  débite  Hlfloi- 
n  des  Rois  de  Pologne  &  du  Gouver- 
nement ^  ce  Royaume  ^  où  l'on  tiou- 
Tttt 


éyo  JOURNALD 

Te  un  détail  très  -  circonftantit:  de 
tout  ce  qui  s'efl  p^Té  de  plus  re- 
marquable fous  le  Rcgnc  de  Frédé- 
ric Âugufle ,  &  pendant  les  deux 
derniers  Interrègnes.  Par  M.  Ad. 
173  5.  in-%°.  3.  vol. 

Le  même  Ouvrage  fc  vend  à 
Paris  en  4.  vol.  in  1 1.  chez  Gijjiy  ^ 
rue  de  la  Vieille  Bouderie  ,  à  l'Ar- 
bre de  Jeffe. 

Dh  Sauzet  a  en  vente  ]on>inis 
Uarduim  è  Societate  Jefit  Opéra  va- 
ria^ ciim  Indicibiis  &  Tabulisty^/ieis. 
173  3.  in-folio.  Cet  Ouvrage  fe  trou- 
ve au(Ti  à  la  Haye  chez  de  Hondt. 

Les  iVetJfeins  &  Smiih  ont  achevé 
en  deux  Volumes  in-folio  l'impref- 
iion  du  Livre  A' -^ndré  Morel^  inti- 
tulé :  AndrcA  Morellii  Thefaurns 
NumifmaticHS ,  &:c. 

De  laHaye. 
Réflexions  fur  la  Poefie  en  général , 
fur  r  Eglogue ,  fur  la  Fable  ^  fur  l'E- 
légie,  fur  la  Satire  ,  fur  l'Ode  &fur 
Us  autres  petits  Poèmes  :  comme  Son- 
net ,  Rondeau  ,  Madrigal ,  &c.  fui- 
vies  de  trois  Lettres  fur  la  décaden- 
ce du  goût  en  France.  Par  M.  R.  D. 
S.  M.  Chez  C.  de  Rogiffart  &  Smrs. 
^733.;»-8^ 

FRANCE. 

De  Dijon. 

Antoine  de  Fay  a  imprimé  Comi- 

Timtivn  de  l'Hifloire  du  Parlement  de 

Bourgogne  depuis  Vannée  \6\^.  juf- 

^uen  1733.  contenant  les  noms, 

iurnoms ,  qualitez ,  armes  &c  bla- 

■  fons  des  Préfidens  ,    Chevaliers , 

Confcillers ,  Avocats  &  Procureurs 

Généraux  ic  Greffiers  qui  y  ont  été 

reçus  dans  cet  intervalle  ,  avec  un 

piccis  des  Edits  &  Déclaïaùons  du 


E  S  SÇAVANS; 

Roi  ,  portant  création  de  Charge 
en  ce  Parlement  ,  &  des  Regle- 
mens  de  la  Cour.  Par  le  Sieur  Fran- 
çois/^/'W.  \-jii.  in-folio. 
De      Paris. 

Claude  Robitjïel ,  rue  S.  Jacques,, 
à  l'Image  S.  Jean  ,  viejit  de  mettre 
en  vente  Traité  de  la  Communauté 
entre  mari  &  femme  ,  avec  un  Trai- 
té des  CommunauteX^ou  Societez.  taci- 
tes. Par  Maître  Denis  le  Brun^  AvO' 
cat  au  Parlement.  Ouvrage  Pofthu- 
me  ,  donné  d'abord  au  Public  pat 
les  foins  de  Maître  Louis  Hideux  ^ 
Avocat  au  Parlement.  Nouvelle  édi- 
tion ,  augmentée  confiderablcment 
de  nouvelles  Décidons  &  de  Notes 
Critiques  par  M^..&  M'...  Avocats 
au  Parlement.  1733.  in-folio. 

On  trouve  chez  la  Veuve  RiboH, 
vis  -  à  -  vis  la  Comédie  Françoife  ; 
Boivm ,  rue  S.  Honore  ,  à  la  Règle 
d'or ,  &  le  Clair ,  rue  du  Roule  ,  à 
la  Croix  d'or,  l'Art  d'apprendre  la 
Mufisfue  expofé  d'une  manière  ?wu. 
veUe  &  intelligible  par  une  fuite  de 
lefons^uife  fervent  fuccejjîvement  de 
préparation.  Par  M.  Prague.  1733. 
grand  in-.\^.  gravé.        j^ 

Alix ^  rue  S.  Jacques,  au  Grif- 
fon, &  Babuty,  auflî  rue  S.  Jacques, 
à  S.  Chrifoftome  ,  débitent  aéluel- 
lement  le  grand  Ouvrage  de  M.  dn^ 
Guet  fur  la  Paffion  de  Notre  Sei- 
gneur Jésus  -  Christ  ,  félon  la 
concorde.  1733.  in-ii.  14.  vol. 

Il  paroît  un  Ouvrage  Pofthumt 
du  R.  P.  du  Cerceau  ,  de  la  Compa- 
gnie  de  Jcfus  ,  intitulé  :  Conjura- 
tion de  Nicolas  Gabrini ,  dit  de  Rien~ 
zi ,  Tyran  de  Rome  en  1 347.  Chez 
la  Veurc  Etienne ,  rue  S.  Jacques^ 


N  O  V  E  M 

à  la  Vertu.  1 7  3  j.  /»- 1 2. 

Il  paroît  auffi  chez  la  même  Veu- 
ve une  nouvelle  Edition  ,  revijë  , 
corrigée  &  augmentée  du  Recueil 
de  Poéjïes  diverfes  du  même  Père  du 
Cerceau.  1733.  in-ii. 

Smte  des  maladies  Chronit^ues ,  où 
f  on  traite  celles  qui  arrivent  à 
rœil ,  &  des  remèdes  les  plus  con- 
venables pour  les  guérir  fans  opéra- 
tion manuelle.  Ouvrage  très-utile 
dans  toutes  les  familles.  Par  P.  V. 
Dubtis  ,  ancien  Prévôt  &  Garde 
des  Maîtres  Chirurgiens  de  Paris. 
Tome  V.  chez  Paulus-du-McfiH  ^ 
Grand'Salle  du  Palais,  ij^i-in-ii. 

Le  Comte  Roger  ^  Souverain  de  la 
Calahre  XJlteneure.  Nouvelle  Hi- 
ftorique.  Chez  PrMlt  ,  Quai  de 
Gèvrcs.  1733. 171-11, 

y^urere  &  Phtthhs.  Hiftoire  Efpa- 
gnole.  Chez  Pierre- Jacques  RiboH  , 
lu  Palais.  1733. /«-12, 

lia  Confiance  des  promptes  Amours, 
avec  le  Jtïtet  del'yimour.  Chez  An- 
dré Morin  ,  rue  S.  Jacques  ,  à  faint 
André  ;  Nyon  fils ,  Quai  de  Conty, 
5C  Alexis  Mefnier ,  rue  S.  Sevcrin. 
1733.  »«-ii. 

Infiitmiones  Philofiphicit  ad  faci- 
liorem  veterum  &  recentiorum  Philo- 
fophorum  inteUigemiam  comparât*  , 
Opéra  &  fludio  V.  Cl.  Edmundi 
Purchotii  ,  Editio  cjuarta  prioribus 
lociipletior.  1733.  inii.  5.  vol.  & 
/«-4°.  1.  vol.  à  Paris  ,  chez  Vincent, 
3ruë  S.  Severin  ;  &  à  Lyon ,  chez  les 
Frères  Bruyfet. 

AVIS  AVX  SOVSCRIPTEVRS 
du  Recueil  de  l'Hifiaire  &  des  Mé- 
moires de  l'Académie  Royale  des 


B  R  E;   175?.'  ^7» 

Sciemes depuis  \6€6JMf(jii*en  iS'jy; 
tel  ^u'il  nous  a  été  envoyé. 

G.  Martin ,  Coignard  fils  &  Gae~ 
rin  l'aîné ,  Libraires  à  Paris  ,  rue 
S.  Jacques  ,  délivreront  au  Public 
le  23  du  prefent  mois  de  Novem- 
bre les  quatre  Volumes  qui  rc- 
ftoient  à  fournir  du  Recueil  des  Mé- 
moires de  l'Académie  Royale  desScien^ 
ces  depuis  1666,  jufijH'k  i6^j.  Ces 
Volumes  font  ïf/ijhire  de  cette jiC4- 
defnie  de  ces  années-là;  avec  une 
Lifte  générale  de  tous  les  Académi- 
ciens jufqu'à  prefent ,  &c  un  Cata- 
logue de  leurs  Ouvrages  ,  en  2  vol. 
Les  Mémoires  pourfervir  à  l'Hifioire 
Nature! te  des  Animaux ,  avec  6Î 
planches  en  taille-douce ,  un  Tome 
en  2  Volumes  :  &  le  Traité  d'Ana- 
lyfe générale ,  &c.  Par  M.  de  Lagny^ 
un  vol. 

Les  Soufcripfeurs  font  invités  à 
retirer  inceflamment  ces  Volumes, 
afin  de  profiter  de  l'avantage  des 
premières  épreuves  des  figures. 

On  ne  donne  pas  cette  fois  ci  la 
Table  des  Volumes  du  prefent  Re- 
cueil ;  on  y  a  fubftitué  le  Volu- 
me de  VAnalyfe  de  M.  de  Lagny , 
dont  la  dépcnfe  a  été  de  plus  du 
double  pour  les  Libraires  -,  la  raifon 
eft  que  comme  ils  ont  aducllemcnt 
fous  Predé  une  fuite  de  l'Hiftoire 
Naturelle  des  Animaux  (  Troifiéme 
Partie  )  qui  n'a  jamais  paru  ,  &  que 
comme  cette  fuite  en  fait  ,  dans 
l'ordre  des  tcms  ,  une  du  Recueil 
qu'ils  donnent  ,  il  eft  ncceflairc 
que  la  matière  de  ce  nouveau  Vo- 
lume foit  comprife  dansccTom© 
de  Tables. 


(J72  JOURNALD 

On  pourra  voir  chez  les  Libraires 
ci  -  devant  nommés ,  les  planches 
qu'ils  ont  fait  graver  de  cette  nou- 
-vclle  fuite  d'Hiftoire  des  Animaux, 
fur  les  Originaux  de  M.  Perrault , 
qui  leur  ont  été  remis  par  MM.  de 
r  AcadcmieRovale  des  Scienccs.On 
donnera  incelTamment  ce  nouveau 
Volume  qui  fera  accompagné  du 
Volume  de  Tables  pour  tous  les 
Tomes  de  ces  anciens  Mémoires,  & 
d'un  autre  Volume  de  Tables  de 


ES   SÇAVANS. 

l'Hiftoire,  Se  Mémoires  de  la  même 
Académie  depuis  lyzo.  jufqu'eft 
1730. 

Ces  mêmes  Libraires  achèvent  de 
faire  graver  routes  les  Aiichines  oh 
Inventions  ijni  ont  iii  approuvées  par 
l'académie  Royale  des  Sciences^  de- 
puis fon  établilTement  jufqu'à  pre- 
îent  ■>  il  y  f  n  a  actuellement  plus  de 
3  jo  planches  gravées  :  ces  planche* 
feront  accompagnées  de  defcrip- 
tions. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Nov.  lyn* 

TRaduElion  Latine  de  toutes  les  Oeuvres  d^Origêtie  ,  &c.  page  6i< 
Recueil  des  Ecrivains  de  l'Hiftoire  d^ Italie  ,  &cc.  Tome  XFI.       6xé 

Difcours  prononcé  fur  le  légitime  ufage  de  la  louange  ^  &c.  (i  f 

Dijfertation  delà  Douleur  Néphrétique ,  &c.  ÉzS 

anecdotes  de  la  Cour  de  PhtlippeAugufle^  é}i 

Traité  de  la  Simplicité  de  la  Foi ,  ^  3 1 

Htjioire  de  l'EgUfe  Gallicane  ^  8cc.  Tome  FI.  i/^$ 

DiJJèrtation  fur  le  Feu  Boréal  ^  éj^ 

Hifioire  Criti<jue  de  la  Gaule  Norbonnoife ,  5cc.  ^61 

Siouvelles  Littéraires ,  f£X 

Fia  de  la  Table. 


L  E 

JOURNAL 


DES 


SCAVANS 

6 

ï  0  U  R 

VANNEE    M.    DCC.    XXXIll 

DECEMBRE. 


A     PARIS; 

Chez     CHAUBERT,    à  l'entrée   du  Quay  des 

Auguftins ,  du  côté  du  Pont  Saint  Michel,  à  la 

Renommée  &  à  la  Prudence. 


M.   DCC.  XXXIll. 
AVEC  APPROBATION  ET  PRIVILEGE  DU  ROY. 


LE 


JOURNAL 

DES 

SCAVANS 

DECEMBRE   M.  DCC.    XXXIII. 

HISTOIRE  DE  L'y4CJDEMIE  ROTULE  DES  INSCRIPTIONS 

■  &  Belles-Lettres  ,  avec  les  Aiemoires  de  Littérature  ^  tirés  des  Regijlns  de 
cette  Académie  ^  depuis  l'année  iji6.  jupettes  &  compris  l'année  i-j 7,0. 
A  Paris,  de  l'Imprimerie  Royale.  1735.  '«-4°.  deux  vol.  Tom.  I. 
pp.  434.  pour  l'Hiftoire  :  pp.  4S7.  pour  les  Mémoires.  Tom.  II.  pp.  y^o. 
Planches  détachées  i;:c. 

LA  Partie  Hiftoriquedecc  Vo-  premier  Extrait  imprimé  dans  no- 

lume  ,    dont  elle  remplit  la  tre     Journal     d'Odobre.      Nous 

moitié  ,  a  fourni  la  matière  d'un  rendrons  compte  ici  des  Mémoires 
Décembre.  V  v  v  v  i; 


€7S       JOURNAL    DE 

d^  Littérature  ,  qui ,  au  nombre  de 
vingt  cinq  ^  fmvcnt  dans  le  iriL-me 
Volume    cette  Partie  Hiftùriquc  , 
&:  qui  tendent  à  éclaircir  pluficurs 
points    d'ancienne  Hifloire  ou  de 
Myrboloaie.    En  voici  les  titres. 
1°.  D>J[snation  oit  l^on  montre  cjii'il 
ti'y  a  jamais  eu  ijiiim  A-îrrciire  ,  par 
M.  Fourmont  le  Cadet.  z.D.Jferta- 
tion  fur  la  Vénus  des  anciens ,  dans 
lajuelle  on  fait  voir  qu'il  n'y  en  a  ja- 
mais en  cjiCun;  \  par  le  même.  l-Dif- 
fertation  fur  les  Décffes  A  léres  ;  par 
M.  l'Abbé  Banicr.  4.  Dijfenationfur 
Hercule  Mtifagete  ;  par  M.  l'Abbé 
de  Fontenu.   5.  Hijïoire  de  Bellero- 
phon  ;  par  M.  l'Abbé  Banier.  6.  Oh- 
fervation  fur  le  tcms  attcjuel  a  vécu 
Bellérophon  ;  par  M.  Fréret.  7.  Re- 
cherches fur  les  Hyperhoréens  \  par 
M.   l'Abbé  Gédoyn.  8.  Nouvelles 
Reflexions  fur  les  Peuples  appelles 
Hyperboréens  ;    par  M.  l'Abbé  Ba- 
nier. Çj.  Recherches  Hifioriques  fur  les 
dijferens   Peuples  cjui  s'établirent  en 
Epire  ^  avant  la  dernière  Guerre  de 
Iroyes  ;   par  M.  de  la  Nauze.  10.  & 
II.  Recherches  fur  l'Aréopage',  par 
M.  l'Abbé  de  Canayc.  iz.  1 3.&  14. 
Hiftotre  de  la  première  Guerre  Sacrée; 
par  M.  de  Valois,  i  ^.Rsmarnjuesfiir 
VHifioire  d'Héro  &  de  Lé.mdre  ;  par 
M.  de  la  Nauze.  16.  Dijfertation  fur 
le  Saut  de  Leitc.^de  \  par  M.  Har- 
dion.  17.  Eclairciffemens fur  r Hifloi- 
re de  Lycurgue  ;  par  M.  de  la  Barre. 
1 8.  Difcours  fur  les  Pfylles  ;  par  M. 
l'Abbé  Souchay.  19.  Recherches  fur 
Vancicnueté  &  fur  V  origine  de  l'art  de 
V Eijuitation  dans  la  Grèce  ;  par  M. 
Fréret.  20.  Difcours fitr  l'Elégie;  par 
M.  l'Abbé  Souchay.  ii.  &  22.  Pre- 


S     SÇAVANS; 

mier  &  fécond  Difcours  fur  les  Poètes 
Elégiiicjues  i  par  le  même.  ti.  Dif- 
cours fur  l^ origine  &  fur  le  caraHere 
delà  Parodie;  par  M.  l'Abbé  Sallicr. 
24.  Syflème  d'Homère  fur  l'Olympe  ; 
par  M.  Boivin  le  Cadet.  25.  Ohfer- 
vatiensfur  la  Cyropéiie  de  Xénophon^ 
féconde  Partie;  par  M.  Fréret. 

Qiielque  propres  à  piquer  la 
curiolité  que  paroilfcnt  tous  ces  ar- 
ticles ,  on  ne  s'attend  pas  ,  fans 
doute,  que  pour  la  Satisfaire  plei- 
nement ,  nous  entrions  fur  chacun 
dans  un  détail  plus  ciicunftnncié. 
Contens  de  nous  en  tenir  fur  la  ;ilû- 
part  à  la  (Impie  indic.'.tion  ,  nous 
en  prendrons  feulement  un  petit 
nombre  au  hazard  ,  dont  nous  en  - 
tretiendrons  plus  particulièrement 
le  Public  ,  le  renvoyant  lur  tous  les 
autres  au  Livre  même  ,  où  ils  méri- 
tent d'être  lus  en  entier. 

I.  Nous  commencerons  pat  la 
DilTertation  qui  fe  prefcnte  la  pre- 
mière &  dans  laquelle  M.  Fourmont 
le  Cadet  montre  qu'il  n'y  a  jamais 
eu  qu'un  Mercure.  Ciceron  en  com- 
pte pourtant  jufqu'à  cinq  ,  dans  le 
troifiéme  Livre  de  la  Nature  des 
Dieux.  Voici  le  paffage  de  cet  Au- 
teur ,  tel  que  l'a  traduit  en  François 
M.  l'Abbé  à'Olivet.  Des  Mercures  , 
le  premier  eut  pour  père  le  Ciel  ,  C$* 
pour  mère  la  lumière.  Le  fécond  ,  qui 
habite  un  antre  fouterratn  ,  &  qui  eji 
le  même  que  Trophonius  ,  eflfils  de 
falens  &  de  Phoronis.  Le  troifiéme  , 
qu'on  dit  avoir  eu  Pan  de  Pénélope  , 
eft  né  du  troifiéme  Jupiter  &  de  Maia. 
Ls  quatrième  ,  dont  les  Egyptiens 
croyenî  ne  pouvoir  fans  crime  proférer. 
le  mm ,  eftfli  du  NU.  Le  cinquimt , 


D  ï  C  E  M 

tfu^ih  mmment  en  leurlangueThoth, 
comme  s'appelle  chez  eux  le  premier 
mois  de  l\mnée  ,  efi  celui  cjue  la  Ville 
de  Phènée  révère  ,  &  cjiu  s'étanifait- 
vi  en  Egypte  pour  avoir  tué  Argus  , 
y  fit  recevoir  [es  lois:  ^  &  fleurir  les 
beaux  Arts.  Pour  faire  voir  que  ces 
cinq  Mercures  de  Ciceron  fe  redui- 
fent  à  un  feul ,  l'Académicien  s'ef- 
force de  prouver  ,  i°.  Qiic  dans  le 
palfagc  dont  il  s'agit  ,  le  Ciel  ou 
Cœ/«/ eft  Jupiter  :  2°.  Que  Valefis 
n'eft  qu'une  épitiiéte  de  ce  Dieu  : 
3°.  Que  le  Nil  ne  défigne  que  le 
Pavs  de  Mercure  :  4".  Que  celui 
que  les  Egyptiens  n'ofoient  nom- 
mer ,  eft  leur  Thoth  ou  Thoyth  adoré 
par  les  Phénéates  ,  &  le  même  que 
le  fils  de  Jupiter  &  de  Maïa  :  5°. 
Que  Dies  (  le  jour  ,  la  lumière  ) 
Maia  6c  Phoronis  ^  l'ont  les  mêmes. 
I.  Le  Ciel ,  en  premier  lieu  ,  eft 
Jupiter  chez  les  Latins  ,  fuivant 
Cicéi  on  même  -,  6c  ils  donnent  en- 
core à  ce  Dieu  le  nom  d'i^ther  ^ 
qu'ils  avoicnt  emprunté  des  Grecs , 
comme  en  font  foi  divers  pafTages 
allégués  par  M.  Fourmont.  D'où  il 
fuit ,  que  malgré  la  différence  mife 
par  l'Orateur  Latin  entre  Cœlus 
(  le  Ciel  )  &  Jupiter,  ces  deux 
noms  ne  déiîgnent  qu'une  même 
Divinité,  &c  que  par  confequent  le 
premier  Mercure  ne  diffère  pas  du 
troifiéme. 

1,  Le  Valens  que  Ciceron  fait  pè- 
re de  Mercure  6c  de  Trophonius, 
&  qui  eft  le  participe  du  verbe  va- 
leo  j  valcre  ,  (  être  puijfant  )  n'eft  au- 
tre encore  que  Jupiter  ,  ôc  répond 
aux  Epitliétes  Gréques  fiiyaviiik, 
«fire6v»'ç,«>wï<«ç  ,  attribuées  par  les 


B  R  E  ,    175  3'  <?7 

anciens  Poètes  à  ce  Dieu  tout-puif- 
fant.  Quant  à  Trophonius  confon- 
du avec  Mercure  par  Ciceron  ,  l'A- 
cadémicien s'infcrit  en  faux  contre 
cette  autorité  ,  fur  ce  fondement , 
que  Mercure  ,  quoique  reconnu 
pour  un  Dieu  terrcftre  &c  polTcfteur 
d'un  antre ,  ainfi  que  Trophonius, 
n'en  faifoit  ufage  que  pour  intro- 
duire les  âmes  fous  la  terre,  au  lieu 
que  Trophonius  rendoit  des  Ora- 
cles dans  le  fien  ;  fans  compter  fa 
généalogie  que  nous  devons  à  Pau^ 
fanias  6c  qui  n'a  rien  de  commun 
avec  relie  de  Mercure. 

Le  quatrième  fans  mcre  èc  fils  du 
Nil ,  fuivant  Ciceron ,  n'eft  pas  dif- 
férent des  deux  premiers ,  félon 
notre  Auteur.  Il  ne  peut  être  re- 
gardé comme  fils  du  Roi  d'Egypte 
Fhrouron  furnommé  Nilus  ,  puif- 
que  ce  Prince  n'ayant  régné  que 
peu  de  tems  avant  la  deftrudion 
de  Troye  ,  il  éroit  bien  plus  récent 
que  Mercure  honoré  comme  Dieu 
en  Egypte  S^  en  Grèce  de  toute  an- 
cienneté. On  ne  peut  donc  le  dire 
fils  du  Nil  que  pour  marquer  le 
Pays  d'où  il  tiroit  fon  origine.  Et 
de-là  M.  Fourmont  conclut  que  ce 
quatrième  Mercure  eft  le  même 
que  le  cinquième  que  Ciceron  fait 
régner  en  Egypte ,  y  donner  des 
loix  ,  y  introduire  les  beaux  arts.  II 
le  confond  avec  Thoth  ,  révéré  des 
Egyptiens  comme  un  de  leurs  plus 
grands  Dieux  ,  &c  pris  chez  eux, 
(  félon  Jambhque  ôcProclus  )  pour 
le  Dieu  l'htha  fils  de  Kf7eph  qui  n'a 
ni  commencement  ni  fin  ,  6c  qui 
peut ,  à  cette  infinité  près ,  palier 
pour  le  Jupiter  des  Giecs  &  des 


6yS        JOURNAL    D 

Romiins.  C'cft  de  quoi  ne  coiivien- 
droient  pas  tout-à-tait  ceux  qui 
comin^  Ciceron  ,  prétendent  que 
Phthit  ell  Vulciin  en  Egypte  ,  & 
noa  pas  M.-rcHrc  ;  iSc  que  c'ell  de-là 
que  les  Grecs  ont  cmpiunté  la  dé- 
nomination d'H^tpais-eî  qu'ils  don- 
nent à  leur  Dieu  Forgeron. 

A  l'égard  du  troilîcme  Mercure 
de  Ciceron  ,  fils  du  troilu-me  Jupi- 
ter &  de  Maïi  ,  il  n'cil  queftion 
pour  fçavoir  quel  il  ell  ,  que  de 
démêler  ce  que  c'eft  que  ce  troifié- 
me  Jupiter.  Ciceron  en  compte 
trois  ;  le  premier  hls  de  ïn^ther  ; 
le  fécond  lils  du  Ciel  ■■,  le  troiiléme 
né  en  Crête  ,  £c  qui  eft  le  Jupiter 
Grec.  Les  deux  premiers,  comme 
on  l'a  vîi  plus  haut,  n'en  font  qu'un. 
LeCrétoisffuivant  Ciceron)  eR  fils 
de  Saturne.  Or  Saturne  eft  Hoc  , 
félon  Boch.rrt  ,  &  Jupiter  fon  fils 
eft  ï Amman  des  Egyptiens ,  le  Bi- 
Itts  des  Phéniciens  ,  &  le  père  de 
Mercure.  Que  le  Jupiter  des  Grecs 
foit  Ammon  ,  c'eft  ce  que  décla- 
rent formellement  Hérodote ,  Plu- 
tarque  &  Ariftote  cité  par  Hefy- 
chius.  Qli'U  foit  le  Bclus  des  Phé- 
niciens ,  on  en  trouve  la  preuve 
dans  Eufcbe  &  dans  Xiphilin. 

Mais  [  dira-t-on  J  le  Jupiter  Grec 
eft  né  en  Crète  ,  il  y  a  régné ,  on 
y  montre  fon  tombeau.  A  cela  no- 
tre Auteur  oppofe  ces  trois  refle- 
xions :  I?.  Rien  n'eft  moins  fondé 
(  félon  Paufanias  )  que  cette  pré- 
tention des  Cretois  :  z°.  Callima- 
que  n'y  a  nul  égard  ,  &  nous  appre- 
nons de  fon  Scholiaftc  que  le  pré- 
tendu tombeau  de  Jupiter  en  Crète 
n'étoit  que  celui  de  Minos ,  dooc 


ES    SÇAVANS , 

le  nom  s'étoit  effacé  par  le  tems  : 
3°.  Tout  ce  qui  conccrnoit  le  cul- 
te des  Dieux  ,  &  de  Jupiter  en  par- 
ticulier ,  avoir  pris  naiftancc  en 
Egypte  (  félon  Hérodote  )  &  de-là 
s'étoit  répandu  chez  tous  les  autre,ï 
peuples.  Or  (  félon  Paulanias  ) 
Meicure  étoit  fils  de  Jupiter  Am- 
mon ,  d'où  les  L}biens  l'appel- 
\ohnt  P ar.-irn*tion  ,  qui  vifiblcincnc 
n'eft  autre  que  Bar-CLim  en  Hé- 
breu ou  en  Phénicien  ,  c'cft-à-dirc 
fîls  Àe  Cham  ou  de  Himmon.  Pat 
confcquent  {  conclud  M.  Four- 
mont)  le  Mercure  fils  du  troifiémc 
Jupiter ,  dont  parle  Ciceron  ,  eft 
le  même  que  leMcrcure  fils  duNi], 
que  le  Mercure  furnommé  T^jotlt 
par  les  Egyptiens  ,  &c  que  le  Mer- 
cure fils  du  Ciel  ou  fils  de  Valens. 
Il  n'y  a  donc  eu  qu'un  feul  Mer- 
cure. 

Mais  (  obfervera-t-on  encore  ) 
que  deviendront  les  trois  mères 
que  Ciceron  lui  donne  ,  la  Litrnic^ 
re  j  PhoroKÏs  Se  M^^ia  ?  L'Académi- 
cien répond  que  de  ces  trois  ,  \t 
première  ne  marque  uniquement 
que  l'origine  orientale  de  Mercure , 
que  l'on  peut  regarder  pour  cette 
raifon  comme  le  fils  du  Jour  ^  de  U 
Lumière  ,  de  V  Aurore  :  que  la  fé- 
conde P/7flro«;.f  indique  l'Egypte  en 
particulier  comme  le  lieu  de  la 
naiffance  de  Mercure  ,  &  dont  les 
fouveiains  étoient  connus  fous  le 
nom  de  Pharaon  ,  d'où  s'eft  formé 
celui  de  Phornnis  :  qu'enfin  la  troi- 
ûémc  A<f ai  a  ^  comme  fille  d'Atlas 
dépofc  en  faveur  de  l'origine  Egy- 
ptienne attribuée  à  Mercure  &  le 
rapproche  beaucoup  de  ce  Pays-là. 


D  E  C  E  M 

ÏI.  M.  l'Abbé  de  fontetm  ,  dans 
fa  DifTertation  fur  Hercule  Mufigé- 
ie  ,  entieprcnd  àc  taire  voir  que  ce 
Héros  conçu  d'ordinaire  fous  l'idée 
d'un  dcftrudcur  de  monftrcs ,  d'un 
exterminateur  de  brigands  &:  de 
Tyrans ,  ne  s'eft  pas  moins  diftin- 
gué  par  la  beauté  de  fon  génie  &C 
par  l'étendue  de  fes  connoilTanccs , 
que  par  fon  adrelfe  &  par  la  force 
de  fon  corps.  L'Académicien  a 
pour  garants  de  cette  efpece  de  pa- 
radoxe Diodore  de  Sicile  ,  Denys 
d'Halicarnalfe,  Paufanias,  Ariftore, 
Ifocrate  6c  divers  autres  Ecrivains, 
qui  parlent  des  foins  que  l'on  prit 
de  l'éducation  d'Hercule  ,  des 
Maîtres  excellens  qui  y  préfide- 
rent ,  tels  que  Chiron  ,  Linus^  Eu- 
molpe  ,  Efculape ,  &c.  des  progrès 
étonnans  qu'il  fit  dans  les  Sciences 
ic  dans  les  beaux  arts.  M.  l'Abbé  de 
Fontenu  ,  en  un  mot  ,  prétend 
qu'Hercule  polTedoit  également  la 
Théologie  Payenne  ,  la  Philofo- 
phie,  la  Médecine,  la  Botanique  , 
l'Hydraulique,  la  Géométrie  Pra- 
tique ,  l'Aftronomie  ,  la  Naviga- 
tion, la  Mufiquc,  laPocfie  &  l'Elo- 
quence. 

1°.  Qu'Hercule  ait  été  très-in- 
ftruit  de  la  Théologie  de  fon  Pays , 
ClémentAlcxandrin  en  rend  témoi- 
gnage en  difant  que  ce  Héros  ap- 
prit de  Chiron  tout  ce  qui  concer- 
noit  la  Religion  &  le  Cuke  des 
Dieux.  Il  ne  s'en  tint  point  là  def- 
lus  à  la  fimple  Théorie  •,  il  y  joignit 
la  pratique.  Il  paffa  (félon Diodore) 
par  toutes  les  fortes  d'expiations 
ufirées  en  Grèce  ,  &  voulut  en  con- 
uoîttc  à  fond  les  ufages  ;  il  fe  fit 


B  R  E  ,     1755:  ^7p 

initier  dans  les  Myftcres  de  Cerésà 
Athènes  ,  ?<.  il  fignala  fa  pieté  par 
le  retablillcmenr  des  Jeux  Olympi- 
ques confacrés  à  Jupiter  ,  ainfi  que 
par  la  fondation  d'un  grand  nom- 
bre de  Temples  iSc  d'Autels. 

2°.  11  cultiva,  dès  fa  jcunelfe  3, 
la  Philofophie  Morale,  dit  Xéno- 
phon  ;  s'étant  déclaré  dcllors  pour 
le  parti  de  la  vertu  contre  celui  du 
vice.  Il  fçut  C  dilcnt  Elien  &  Syne- 
fius  )  vaincre  fes  paillons  ,  comme 
il  avoit  triomphé  des  monftres  -,  &c 
Sénéque  le  met  avec  UlyfTe  &  Ca- 
ton  au  rang  des  Philofophes  les  plus 
fages. 

3°.  Il  étudia  fous  le  Centaure 
Chiron  la  Médecine,  &  devint  tel- 
lement expert  à  l'aide  des  lumières 
qu'il  emprunta  d'Efculape  fon  ami, 
qu'il  guérit  Alcefte  d'une  maladie 
mortelle;  d'où  les  Poètes  [  dit  Plu- 
tarque  J  ont  feint  qu'Hercule  l'a- 
voit  retirée  des  enfers.  Il  délivra 
l'Elide  &  la  'Ville  de  Selinontc  des 
maladies  peSilentielles  qui  les  ra- 
vagcoient;  &  il  mit  en  ufage  les 
bains  d'eau  chaude  pour  la  gueri- 
fon  de  plufieurs  infirmitcz,  De-ià 
vient  qu'on  le  reclame  ,  de  même 
qu'Apollon  &  Efculape ,  comme 
un  des  Dieux  Tutclaires  de  la  fan- 
té  ,  ainfi  qu'en  font  foi  les  titres 
qu'on  lui  donne  fur  plufieuis  Mé- 
dailles. 

4°.  L^s  connoiffances  qu'il  ac- 
quit dans  la  Botanique  le  mirene 
en  état  de  perfedlionner  la  Médeci- 
ne ,  où  il  introduifit  l'ufage  de  pla- 
fieurs  firaples  de  grande  vertu ,  Sc 
aufqucUes  on  donna  fon  nom  ;  fans 
parler  des  arbres  qu'il  fit  tranfplan- 


680  JOURNAL   D 

ter  de  divcrfes  contrtes,tcls  que  l'O- 
livier fauvage  Si  le  Peuplier  blanc. 

5°.  Son  expérience  dans  la  Géo- 
métrie-Pratique &  dans  l'Hydrau- 
lique ou  l'art  de  conduire  les  eaux 
cft  atteftc  par  Diodoré  ,  Denys 
d'Halicarnalfe ,  Paufanias  &:  d'au- 
tres, qui  mettent  fur  fon  compte 
des  marais  dclfcchés ,  des  fleuves 
reflcrrés  dans  leur  lit  ou  détournés 
de  leur  cours  ordinaire  ,  des  canaux 
crcufés  dans  des  lieux  fteriles  ,  des 
aqueducs  percés  à  travers  plufieurs 
montagnes ,  les  flpts  même  de  la 
mer  arrêtés  par  des  digues  -,  des 
monts  applaniSj  des  chauffées  con- 
ftruites  ainfi  que  des  grands  che- 
mins ■■,  ce  qui  lui  valut  un  rang  par- 
mi les  Divinitcz  Protcdriccs  des 
routes  publiques. 

6".  il  n'excella  pas  moins  dans 
l'Artronomic  &  dans  la  Sphère  , 
qu'il  enfeigna  le  premier  auxGrecs, 
fuivant  Diodore,  &  qu'il  poffeda  fi 
parfaitement  que  les  Poètes  en  ont 
pris  occafîon  de  teindre  qu'Atlas  le 
plus  célèbre  Aftronome  de  ce 
tems-là  s'étoit  déchargé  fur  ce  Hé- 
ros du  fardeau  de  l'Univers.  On  lui 
attribue  (  dit  l'Académicien  )  plu- 
fieurs découvertes  en  Aftronomie  -, 
&  la  connoiffance  qu'il  avoit  du 
cours  des  Aftrcs  le  fit  choillr  par  les 
Argonautes  pour  le  Chef  de  leur 
navigation. 

7°.  M.  l'Abbéde  Fontenu  ,  non 
content  de  nous  avoir  donné  Her- 
cule pour  un  Sijavant  du  premier 
ordre  ,  en  tait  un  homme  de  Let- 
tres ,  c'eft  à-dire  un  Dialcdicien  , 
un  Orateur ,  un  Poète  ,  un  Mufi- 
cicn  ;    &  tous  ces  talens  doivent 


£S  SÇAVANS. 

effectivement  fe  rencontrer  danî 
ce  Héros  pour  juftificr  fon  titre  de 
Aiufagéte  ou  de  ConduEleur  des  Mu- 
fa.  Platon  te  Piurarquc  le  regardent 
comme  un  grand  Dialcclicien  ,  qui 
avoit  l'art  de  renvcrfcrpar  la  force 
de  fcs  raifonnemens ,  les  argumens 
captieux  des  Sophiftes.  Son  élo- 
quence l'avoit  fait  affocier  à  Mer- 
cure dans  les  Académies ,  où  l'oR 
voyoit  leurs  ftatues  enfemblc  ;  & 
on  leur  avoit  dédié  des  Temples  & 
des  Autels  en  commun  ;  ce  qui  \z% 
fît  quelquefois  prendre  l'un  pour 
l'autre.  Les  Gaulois  le  révéroient 
même  comme  le  Dieu  de  l'Elo- 
quence fous  le  titre  à'Ogmio» ,  an- 
nonçant à  tout  le  monde  par  fa  fi- 
gure fymboliquc  ,  qu'il  en  avoit 
beaucoup  plus  fait  par  l'énergie  de 
fes  difcours  que  par  la  force  de  fes 
armes  :  fur  quoi  l'Académicien  al- 
lègue l'autorité  de  Pindare. 

Mais  (  condnue-t-il }  c'eft  beau- 
coup plus  par  le  talent  de  la  Mufi- 
que  &  de  la  Poéfie  qu'il  s'eft  figna- 
lé ,  que  par  tout  autre  :  &  ce  furent 
Linus  &c  Chiron  qui  l'initièrent 
dans  ces  arts ,  cultivés  alors  par  pré- 
férence àThébes  Patrie  d'Hercule. 
La  Poëfîe  le  conduifit  à  la  Divina- 
tion ,  dans  laquelle  ,  ainfi  que  dans 
la  première  ,  il  ofa  même  entrer 
avec  Apollon  en  concurrence;  d'oîi 
virnt  qu'on  les  reprefentoit  l'un  & 
l'autre  une  lyre  à  la  main ,  comme 
Chefs  &  Conduifleurs  des  Mufes, 
&  que  la  Comédie  avoit  reconnu 
Hercule  pour  fa  DivinitcTutelairc, 
comme  le  montrent  quelques  an- 
ciens Monumens  Grecs  produits 
par  l'Auteur.  Il  en  paffe  d'autres 
fouc 


D  E  C  E  M 

fous  filencc,  pour  en  venir  plus 
promptement  aux  Romains  ,  & 
faire  voir  que  ceux-ci  ^  à  l'imitation 
des  Grecs ,  honorèrent  d'un  culte 
particulier   ce    Dieu   fous  le  titre 

à! Hercules  Mufariim. 

Ce  fut  le  Conful  M.  Fulvius- 
Nobilior ,  qui  l'an  de  Rome  ^66.  le 
leur  fit  connoître  au  retour  de  fon 
expédition  dans  l'Etolie  qu'il  fub- 
jugua.  Il  confacra  donc  à  ce  Co-n- 
duSleur  des  Miifes  un  magnifique 
Temple  dans  le  Cirque  de  Flami- 
nius ,  qui  occupoit  une  partie  de 
la  neuvième  région  de  Rome  ;  Se  il 
décora  cet  Edifice  en  y  plaçant  à  la 
fuite  d'Hercule  les  ftatuës  de  bronze 
des  neut  Mufes  qu'il  avoit  appor- 
tées d'Ambracie  Capitale  de  l'Eto- 
lie fa  nouvelle  conquête.  Ce  Tem- 
ple devint  l'un  des  plus  fréquentés 
qu'il  y  eût  à  Rome  ;  &  l'on  en  cele- 
broit  la  dédicace  la  veille  des  Ca- 
lendes de  Juillet.  Négligé  dans  la 
fuite  &  ptefque  tombé  en  ruine, 
L.  Marcus-Philippus ,  fils  d'un  des 
plus  grands  Orateurs  de  fon  fiécle  , 
&  beau-pere  d'Augufte  le  fitreb.a- 
tir  à  fes  trais ,  l'orna  des  ftatuës  des 
plus  grands  Maîtres  ,  &  d'un  porti- 
<]uc  fuperbc  décrit  par  Pline  l'Hi- 
ftorien.  Les  gens  de  lettres  tenoient 
dans  ce  Temple  de  fréquentes  af- 
femblées ,  ainfi  que  dans  celui  d'A- 
pollon qu'Auguftc  avoit  fait  con- 
flruire  dans  fon  Palais. 

Mais  [ajoute  M.  de  Fontenu]  c'eft 
la  famille  Pomponia  qui  a  le  plus 
contribué!  tranfmettre  chez  la  po- 
llerité  la  plus  reculée  la  mémoire 
d'Hercule  Ahtfagéte ,  par  les  Mé- 
dailles de  Pomponius-Mufa  fur  lef- 
Decembre. 


B  R  E;    I7Î  j;  tfSi 

quelles  on  voit  ce  Dieu  la  Lyre  à 
la  main  avec  l'infcription  A' Hercu- 
les Mufarum  ,  &i  au  revers  les  figu- 
res des  neuf  Mufes  comme  à  la  fui- 
te de  cette  Divinité.L'Academicien 
a  même  conçu  une  opinion  il  avan- 
tageufe  de  ces  petites  figures  ,  où  il 
croit  appercevoir  toute  la  correc- 
tion du  deffein  &  toute  l'élégance 
de  la  fculpture  gréque  ,  qu'il  les  re- 
garde comme  des  copies  fidelles  des 
ftatuës  des  neut  Mufes  tranfportces 
d'Ambracie  &  placées  à  Rome 
dans  le  Temple  d'Hercule  Adufagé- 
te.  Quant  aux  motifs  qui  ont  pu  dé- 
terminer ce  Pomponius  à  rendre 
fur  fes  Médailles  cet  hommage  pu- 
blic à  Hercule  &  aux  Mufes  ,  l'A- 
cademicien  en  allègue  pluficurs 
fondés  fur  les  conjed ures  de  Patin 
&  fur  les  fiennes ,  que  nous  omet- 
tons pour  abréger  ,  comme  il  fup- 
prime  pour  la  même  raifon  ,  quan- 
tité d'autres  preuves  qu'il  pourroit 
(  dit  -  il  )  pioduire  en  faveur  de 
l'Hercule  Miifagéte  contre  quel- 
ques Sçavans  d'avis  contraire  au 
fien  ,  &  qu'il  pourroit  appuyer  de 
plufieurs  Monumcns  antiques  rela- 
tifs à  ce  même  fujet. 

in.  VHiftoirede  Bellerophon  dif- 
cutée  par  M.  l'Abbé  Banier  entre 
fort  naturellement  dans  les  viiës 
qu'il  s'eft  toiîjours  propofées  de 
chcrcher&de  découvrir  h  vérité  ca- 
chée fous  le  voile  des  fidions  dont 
l'ancienne  Mythologie  a  coutume 
de  l'envelopper.  Le  Héros  dont  il 
eftqueftionfe  nommoiten  premier 
lieu  Hipponome  ,  &c  naquit  à 
Ephyre ,  depuis  rippcUéeCorinthe. 
Il  étoit  fils  de  Glaucus ,  &  petit  fils 
Xx  X X 


^82  JOURNAL  D 

de  Sifyphe  ,  Fondateur  &:  Roi  de 
cette  même  Ville.  Hipponome  s'é- 
tant  battu  pour  quelque  différend 
contre  un  jeune  Corinthien  nom- 
mé Biller  j  il  le  tua  -,  d'où  il 
fut  furnommé  BelUrophon  ,  com- 
me qui  diroit  h  meurtrier  de  Bél- 
ier. Tout  meurtre  ,  même  invo- 
lontaire ,  mettoit  dans  la  nccef- 
fîtéde  fe  bannir  de  fa  Patrie  &  d'al- 
ler follicitcr  dans  quelque  Cour 
étrangère  l'expiation  de  Ion  crime. 
Bellerophon  h  trouva  chez  Prœ- 
tus ,  qui  en  fit  la  cérémonie. 

L'Academicien,avant  que  de  s'en- 
gager plus  avant,  examine  un  point 
de  Chronologie  fujet  à  de  grandes 
difficultez  ,  fçavoir  ,  fi  le  Piœtus 
chez  qui  fe  retira  Bellerophon  , 
ctoit  le  trere  d'Acrife  Roi  d'Argos  , 
fuivant  l'opinion  commune.  C'cft 
ce  que  ne  peut  fe  perfuader  notre 
Auteur  ,  fur  ce  principe  ,  Que  ce 
Roi  d' Arcjos  vivoit  prcs  de  200  ans 
avant  la  guerre  de  Troye  ;  au  lieu 
qu'il  eft  certain  que  Bellerophon 
ne  précedoit  cette  guerre  que  de 
deux  générations ,  puifque  Glaucus 
&  Sarpédon  cou  fins  germains  &: 
fes  petits-fils  y  combattirent  l'un 
&  l'autre  fuivant  Homère.  C'eft  ce 
que  M.  Banier  s'efforce  de  mettre 
dans  un  plein  jour  ,  par  l'érabliiTe- 
ment  des  Synchronifmes  de  plu- 
fîeurs  Héros  de  l'antiquité ,  dont  le 
détail  nous  meneioit  trop  loin.  Il 
croit  donc  que  le  Prœtus  dont  il 
s'agit  n' eft  rien  moins  que  le  frère 
d'Acrife  i  qu'il  y  a  eu  d'autres  Prœ- 
tus plus  recens ,  &  qu'Homcre  en 
Sualifiant  celui  dont  il  parle,  de  Vun 
(S  fins  ptijfam  Primes  tt^rgos , 


ES  SÇAVANS, 

ne  défigne  en  cet  endroit  par  le 
mot  y^r^s  que  la  Grèce  en  géné- 
ral. 

Après  ce  préliminaire  chronolo- 
gique ,  l'Académicien  vient  au  ré- 
cit des  avantures  de  fon  Héros , 
Icfquelles  il  raconte  d'après  l'Iliade 
d'Homère  ,  &  qui  font  trop  con- 
nues pour  avoir  bcfoin  d'être  tranf- 
crites  dans  cet  Extrait.  Aulfi  notre 
Auteur  s'applique  ici  principale- 
ment à  démêler  ce  qu'elles  contien- 
nent d'hiftoiiquc  d'avec  ce  qu'elles 
ont  de  fabuleux ,  &  à  découvrir 
d'où  ce  fabuleux  tire  fon  origin.*. 
C'eft  fur  quoi  nous  allons  k  fuivro 
exaètement. 

L'article  capital  de  cet  examen 
roule  certainement  fur  la  Chimère, 
ce  monftrcà  tête  de  lion  ,  à  queue 
de  dragon  ,  dont  le  corps  étoit  ce- 
lui d'une  chèvre,  &  qui  vomilfoit 
des  flammes.  »  On  ne  s'attend  pas 
»  fans  doute  (  dit  M.  l'Abbé  Ba- 
»  nier  )  que  j'entreprenne  de  réali- 
»  fer  un  monftre  dont  le  nom  eft 
n  devenu  fynonvme  avec  le  néant, 
n  &  avec  les  êtres  de  raifon  .  qui 
nfouvent  ne  font  eux-mêmes  que  de 
»  fpecieufes  chimères.  Je  n'ai  pas 
»  befoin  non  plus  (  continuc-t-il  ) 
»  de  prendre  la  chofc  auftî  fèrieu- 
»  fement  que  Lucrèce  ,  qui  a  prc- 
»  tendu  prouver  par  bonnes  raifons 
«  que  la  chimère  ne  fubfifta  jamais. 
11  cherche  donc  dans  les  Mytholo- 
gues tant  anciens  que  moderne* 
quel  peut  être  le  fondement  d'une 
pareille  fidion  -,  &c  il  n'y  trouve  que 
trop  de  con;eclurcs ,  dont  le  détail 
dcviendroit  cnnuveux.  De  ces  ex- 
plications les  unes  font  ph)iîq^uc5a 


D  E  C  E  M  B 

6c  les  autres  morales. 

Du  piemier  genre  font  i".  celle 
de  Plutarque  qui  a  recours  aux 
rayons  du  Soleil  réfléchis  par  une 
roche  de  Lycie  fur  les  campagnes 
voilines  qu'ils  brûlent  :  i°.  Celle  de 
Nicandre  leColophonieii  qui  trou- 
ve beaucoup  de  rapport  entre  la 
queue  d'un  dragon  <Ji  des  toirens 
impétueux  qui  ravagent  pendant 
l'hyver  les  campagnes  où  Us  1er- 
pentent ,  &  entre  les  flèches  dont 
le  Héros  perce  le  monftre  &c  les 
rayons  du  Soleil  qui  pendant  l'été 
tarifl^tnt  &  delfechcnt  ces  torrens. 
Si  ces  explications  phylîques  pa- 
roiOent  peu  heureufesà  l'Académi- 
cien ,  les  morales  que  nous  fuppri- 
mons  méritent  beaucoup  moins 
fon  fuffrage. 

Il  ne  l'accorde  pas  plus  volontiers 
ni  à  la  conjeâ:urc  de  Caryftius  cité 
parTzetzcs  qui  a  cru  découvrir  dans 
la  chimère  les  caradleres  differcns 
des  trois  fortes  d'ennemis  contre 
lefquels  combattit  BcUcrophon-,  fa- 
voir  des  Solymes ,  peuple  coura- 
geux comme  des  lions  i  des  Ama- 
zones ,  qui ,  comme  des  chèvres  , 
habitoient  des  lieux  cfcarpés  ,  &c 
des  Lyciens  cachés  en  embufcadc 
comme  des  ferpens  ;  ni  à  celle  du 
fçavant  Bochan  qui  va  chercher 
dans  le  Phénicien  le  dénoUement 
de  cette  fable  ,  &  trouve  que  les 
noms  des  trois  chefs  des  Solymes 
(  Argu! ,  Arfalus  Si  Trofbius  )  ré- 
pondent aux  trois  animaux  du 
monllre,  le  premier  nom  fignifiant 
en  cette  langue  un  lion, le  fécond  un 
chevreuil  ,  le  troiliéme  la  tête  d'un 
ferpent^û  l'on  n'aime  mieux  fuppo- 


H  E  ;     1  7  5  5;  (J8j 

fer  que  c'cto  r  les  trois  Divinitez 
principales  de  ce  peuple  ,  dont  les 
noms  étoicnt  ceux  des  animaux  re- 
prefentés  fur  leurs  enfeignes  mili- 
taires. 

L'explication  d'Agatharchide  of- 
fre d'abord  quelque  chofc  de  plus 
fpecieux.  Selon  lui  ,  Aniifodar  , 
Roi  d'un  Canton  montagneux  de 
laLycie,  avoit  une  femme  nommée 
Chimère ,  dont  les  di?ux  frçres  inti- 
mement unis  avec  elle  ,  s'appel- 
loient  Lio?i  &  Dragon ,  8z  faifoicnt 
des  courfcsdans  les  Etats  du  Roi 
lobate  ,  qui  t.itiguc  d:  ces  hoHili- 
tez  envo)  a  contr'eux  Bellerophon 
pour  en  délivrer  le  Pays;  d'où  le 
bruit  fe  répandit  qu'il  avoit  vaini:u 
la  Chimère.  Il  ne  manque  à  cette 
explication  que  d'être  appuyée  fur 
quelque  fondement  plus  certain 
que  celui  qu'on  lui  donne.  Ainlî 
M.  Banier  tâche  d'en  trouver  une 
plus  folide  en  marchant  fur  les  tra- 
ces de  Strabon ,  de  Plme  ,  de  Set- 
vius ,  &  d'autres  anciens  Auteurs. 

Il  remarque  d'abord  qu'entre  les 
montagnes  d;  la  Lycie  où  regnoit 
lobate  ctoit  le  mont  Cragusà  huit 
fommets ,  l'un  defquels  s'appelloit 
Chimère  à  cauie  des  chèvres  fauva- 
ges  qui  y  paifloient ,  &  jettoit  per- 
pétuellement des  flammes.  Toutes 
CCS  montagnes  étoient  remplies  de 
lions ,  de  cli'jvreiiils  &  de  ferpens , 
qui  infeftoient  les  pâturages  d'alen- 
tour &C  les  rcndoient  peu  furs  pour 
les  troupeaux.  lobate  chargea  le 
jeune  Bellerophon  de  don;  er  la 
chalTe  à  tous  ces  animaux  &  d'en 
purger  le  Pays  ,  comme  Hercule 
avoit  nettoyé  les  Marais  de  Lernc 
Xx  XX  i; 


«84        JOURNAL    DE 

des  fcrpcns  &  autres  bctcs  veni- 
meufcs  dont  ils  ctoicnt  pleins  : 
d'oii  il  paroît  f  dit  notre  Auteur  ) 
que  la  Chimère  &c  l'Hydre  ont  eu 
la  même  origine.  Il  croit  que  ce  fut 
en  reconnoilTance  d'un  fi  grand  fer- 
vice  que  le  Roi  de  Lycie  donna 
Philonoe  ù  fille  en  mariage  à  ceHé- 
ros ,  &  non  pas  après  fes  autres  ex- 
ploits ,  comme  le  dit  Homère  , 
puifquc  ce  Prince  y  perdit  un  de 
les  fils  qui  l'y  avoit  accompagné. 
Ce  fut  dans  la  guerre  des  Solymes  , 
peuple  de  Pilidie,  dont  il  fit  un 
grand  carnage.  Leur  défaite  fut 
bien-tôt  fuivie  de  celle  des  Ama- 
zones :  &  Bcllcïophon  attaqué  au 
retour  par  les  Lyciens  mêmes  qui 
jaloux  de  fa  gloire  lui  avoient  dref- 
fé  une  embufcade  ,  il  les  tailla  en 
pièces  ôi  revint  à  la  Cour  vain- 
queur de  tant  d'ennemis. 

Il  régna  en  Ly^ie  après  lobate 
qui  de  fon  vivant  lui  avoit  déjà 
donné  la  moitié  de  ce  Royaume 
comme  la  dot  de  Philonoe  ;  dont 
il  eut  trois  entans ,  Ifandre ,  qui  tut 
tué  dans  le  combat  des  Solymes , 
Hippoloque  qui  fucceda  à  fon  père 
&  Laodamie  ,  qui  d'une  galanterie 
qu'elle  mit  fur  le  compte  de  Jupiter, 
devint  mère  deSarpedon  ,  &:  mou- 
rut enfuite  frappée  des  traits  deDia- 
nc ,  félon  Homcre  ,  c'eft-à-dire  ,  en 
langage  ordinaire  &  non  poétique, 
qu'elle  mourut  fubitement  ou  d'u- 
ne maladie  contagicufe.  La  mort 
de  ces  deux  enfans  plongea  Bellero- 
phon  dans  une  ii  noire  mélancho- 
lie ,  qu'ayant  abandonné  à  fon  fils 
le  foin  des  affaires,  il  vécut  dans  la 
Kiraitc  j  fequeftré  du  commerce 


S    SÇAVANS, 

des  hommes.Hcrodotc  affure  que  la 
poftcrité  de  ce  Héros  régna  dans 
i'Ionie. 

L'Académicien  a  eu  foin  ,  à  l'e- 
xemple d'Homère  ,  d'écarter  de  ce 
récit  hiftorique  plulieurs  fiLlions 
que  d'autres  v  ont  ajoutées.  Telle 
eft  celle  du  Pégafe  donné  à  Bellero- 
phon  par  Minerve  elle-même  ,  SC 
qui  (  félon  M.  l'Abbé  Banier  )  n'cft 
autre  qu'un  navire  fur  la  proue  du- 
quel étoit  reprefenté  un  chcval.TeJlc 
e(l  encore  celle  de  Neptune  donné 
pour  père  à  ce  Prince  ,  parce  qu'ii 
étoit  regardé  comme  un  célèbre 
Navigateur  venu  par  mer  d'un 
Pays  éloigné.  Telle  eft  aulîi  la  Ly- 
cie inondée  par  Neptune  irrité, 
puis  délivrée  du  débordement  à  la 
prière  de  fon  fils  Bcllcrophon  , 
c"eft-à-dire  par  le  moyen  d'une  di- 
gue que  Celui  ci  fit  élever  contre 
l'inondation.  Telle  eft  enfin  i'en- 
treprife  de  ce  Prince  qui  veut  à 
l'aide  du  Pégafe  monter  au  Ciel , 
d'où  il  eft  précipité  par  Jupiter  qui 
l'aveugle  &c  le  fait  errer  fur  la  terre 
le  refte  de  fes  ]ours  dans  une  extrê- 
me mifere  :  ce  qui  parodie  en  ftvle 
fabuleux  ,  comme  l'on  voit  ,  ce 
que  nous  en  avons  raconté  plus 
haut  hiftoriquemcnt.  »  La  vérité 
»  [  dit  l'Académicien  en  finiftant  ] 
»  avoit-elle  donc  autrefois  fi  peu 
^  de  charme  ,  qu'il  ait  fallu  ,  pour 
»  nous  la  tranfmettre  ,  la  parer  de 
»  tant  de  bizarres  ornemcns  ? 

IV.  Les  Recherches  de  M.  l'Abbc 
de  Canay:  fur  V Aréopage  ,  ce  Ti  i- 
bunal  d'Athènes  firefped:able,rem. 
pliftent  ici  deux  Diftcrtaticns ,  de- 
fUnées  l'une  à  dccouvrii  l'écymolo- 


D  E  C  E  M 

gie  de  ce  nom  ,  à  fixer  l'époque 
d'un  établiffement  Ci  utile,  Se  à  dé- 
terminer quel  en  hir  le  Fondateur  ; 
l'autre  à  donner  un  détail  de  la  for- 
me obfervée  par  les  Aréopagitesdans 
l'indrudlion  &:  le  jugement  des  affai- 
res qu'ils  dévoient  décider.  L'Aca- 
démicien avoiie  d'abo.d  que  Jïdenr- 
fus  a  ralTemblé  ,  dans  un  Traire  ex- 
près ,  tout  ce  qui  fe  pouvoit  dire  fur 
un  pareil  fujct ,  &  qu'il  lui  a  touini 
prefquc  tous  les  matériaux  que  nous 
trouvons  employés  fi  ingénicufe- 
nient  dans  les  deux  Difcours  dont 
nous  faifons  l'Exrrair.  Mais  il  aver- 
tir en  même  tems  qu'il  y  a  mis  pins 
d'ordre  que  le  premier  Compila- 
teur i  qu'il  a  rcdrcflé  celui  ci  fur  le 
Fondateur  de  l'Aréopage  ,  &  fur 
le  tems  de  cette  londarion  :  &  qu'il 
a  réuni  fous  le  même  point  de  vue 
tous  les  traits  fur  lefqucls  on  peut 
fe  former  une  aflTez  jufte  idée  de 
cette  iliuftre  compagnie.  «Heureux 
»  (  dit  avec  modeftic  l'Auteur  en 
»  s'adreffant  .à  l'Académie  )  fi  dans 
»  l'impuiiïance  où  je  fuis  de  vors 
»  rien  offrir  fur  cette  matière  qui 
»  ait  les  grâces  de  l'invention,  vous 
»  avez  l'indulgence  de  penfer  que 
»>  je  n'ai  du  moins  rien  gâté  dans  ce 
■D  qui  n'étoit  pas  de  moi. 

i.U  fait  en  premier  lieu  une  revue 
exade  de  différentes  étymologies 
du  mot  aréopage  pioduites  par  les 
anciens;  &  il  en  rapporte  cinq  ou 
fix  auflii  peu  fatisfaifantcs  les  unes 
que  les  autres,  &  entre  Icfquelles  il 
lailTe  prudemment  le  choix  indécis. 
De-là  il  paffe  à  la  recherche  d'un 
point  beaucoup  plus  intereffant  fur 
ce  Tribunal,  &  qui  eft  l'époque  de 


B  R  E  ,  I  7  5  j:  69^ 

fa  fondation.  Ciceron  l'attribue , 
fans  héfiter,  à  Solon  leLégiflateur 
des  Athéniens  ■■,  &c  Plutarque  eft  du 
même  avis  qu'il  regaide  comme 
l'opinion  commune  de  fon  tems. 
Lucien  dans  un  de  fes  Dialogues 
introduit  Solon  ,  qui  fc  rend  à  lui- 
même  ce  ténioignage.  Mais  Plutar- 
que bien-tôt  contre  la  propre  déci- 
fion  ,  rcconnoîr  que  l'Aréopage 
exiftoit  avant  l'Archontat  de  So- 
lon ,  qui  par  confequent  n'avoir  pu 
rétablir  :  &;  Ariftote  ed  du  mcinc 
fentimcnt.  D'un  autre  côté  Paufa- 
nias  racontant  la  guerre  de  Mefléne, 
parle  d'un  Polycharés  qu'on  vou- 
ioit  traduire  devant  l'Aréopage 
pour  crime  de  meurtre  ,  dont  ce 
Tribunal  depuis  long- tems  étoic 
en  poffefllon  de  juger  :  cr  cet  évé- 
nement ,  fuivant  la  fupputation  de 
Paufanias ,  eft  arrivé  141.  ans  avant 
Solon. 

De  plus ,  Lycurgue  ,  félon  Ifo- 
crate  ^  avoit  formé  fon  Sénat  de 
Sparte  fur  le  modèle  de  l'Aréopage. 
Or  Lycurgue  ,  comme  contempo- 
rain d'Homère,  fuivant  Ciceron  &c 
Strabon  ,  avoit  précédé  Solon  cîc 
300  &  tant  d'années ,  ou  au  moins 
de  29Z  ans.  Mais,  félon  le  même 
Paufanias ,  après  la  mort  de  Co- 
drus  ,  les  Lacédémoniens  reftés 
dans  Athènes,  &  fur  le  point  d'être 
immolés  à  la  cruauté  du  vain- 
queur ,  fe  réfugièrent  dans  l'Aréo- 
page comme  dans  un  afyle  facré  : 
or  Codrus  vivoit  5 1 1  ans  avant  So- 
lon. Apollodore ,  affurequc  Déda- 
le condamné  par  l'Aréopage  s'en- 
fuit chez  Minos  ;  &  que  Céphalc 
pour  le  meurtre  involontaire  de  Îa. 


€S6  JOURNALD 

femme  Procris ,  fut  condamne  par 
le  même  Tribunal  à  un  exil  perpé- 
tuel :  or  le  premier  de  ces  deux 
évenemcns  cil  antérieur  à  Solon  de 
É98  ans,  &c  le  troiiîéine  l'eft  de 
800.  Eniîn,  fuivant  le  témoignage 
des  mSixhTcs  à' yirondel ,  l'Aréopage 
fubhlloit  941  ans  avant  Solon. 

L'Aréopage  humilié  par  Dracon 
premier  Légiflatcur  d'Athènes  &c 
Fondateur  duTri'ounal  dtsEphétes, 
reprit  fous  Solon  fon  ancienne 
fplcndcur  ,  c'eft-à  dire  le  premier 
rang  &  l'infpeclion  générale  des 
Loix.  L'Académicien  nous  fait  part 
ici  du  beau  portrait  qu'a  tracé  Ifo- 
crate  de  ces  hommes  merveilleux  , 
&de  l'ordre  qu'ils  établirent  dans 
Athènes.  Il  faut  le  lire  dans  la  Dif- 
fertation  même.  La  Religion  ctoit 
aullî  durelTort  des  Aréopagitcs  ,  &c 
leur  Junfdiâiion  s'étcndoit  au  dé- 
tail du  culte  des  Dieux.  En  un  mot 
tout  ce  qui  interelToit  la  Republi- 
que dans  quelque  genre  que  ce  tùt, 
étoit  réglé  par  la  fagelTe  de  l'Aréo- 
page. Cependant  ce  pouvoir  fans 
bornes  étoit  lui-même  foi^imis  aux 
Loix  qui  déterminoient  les  recom- 
penfes  Sc  les  punitions  ,  Se  ces  Ma- 
giftrats  rendoient  compte  de  l'e- 
xercice de  leur  pouvoir  à  des  Cen- 
feurs  publics  ,  placés  entre  les 
Aréopagites  &  le  Peuple.  Solon  or- 
donna par  une  Loi  expreffe  que 
l'entrée  de  l'Aréopage  ne  feroit  dé- 
formais ouverte  qu'a  ceux  qui  au- 
roient  été  Archontes  pendant  l'an- 
née -,  &  il  s'alTujettit  lui-même  .\  la 
Loi  pour  lui  donner  plus  de  poids. 
On  interrogeoit  les  Archontes  fur 
leur  adminiltration ,  &  le  œoindjrc 


ES  SÇAVANS; 

écart  les  cxcluoit  pour  jamais  de 
l'Aréopage.  On  rcfpedoit  lesAiéo- 
pagitcs  au  point  de  n'ofcr  rire  en 
leur  prélcnce  ,  &  l'on  avoit  une  fi 
haute  opinion  de  leur  équité  ,  que 
ceux  même  qui  étoicnt  condamnés 
ou  dcb:^utés  de  leurs  demandes  par 
ces  Juges ,  ne  fc  plaignoient  jamais 
de  l'avoir  été  mjuftement. 

Mais  Périclés ,  environ  100  ans 
après  Solon  ,  en  vûë  de  fe  rendre 
agréable  au  peuple  ,  prit  à  tâche 
ii'affoiblir  l'autoriré  de  l'Aréopage, 
en  lui  retranchant  la  connoiflance 
de  beaucoup  d'affaires.  Ce  Tribu- 
nal fembla  même  hâter  fa  propre 
décadence  ,  en  fe  relâchant  fur  le 
choix  des  Sujets  qu'il  admit  dans 
la  fuite  i  la  corruption  s'y  glida 
peu  à  peu  &:  y  fit  de  tels  progrès , 
qu'on  le  joiia  fur  le  Théâtre  dans 
une  Comédie  intitulée  VAréopagtte^ 
dans  laquelle  (  dit  l'Académicien  ) 
on  démafquoit  ces  Sénateurs  hypo- 
crites ,  que  les  prefens  &:  la  beauté 
corrompoient  également.  Le  paral- 
lèle de  l'Aréopage  dans  fa  gloiic 
avec  l'Aréopage  déchu  ,  compofé 
par  Ifocrate ,  mérite  d'être  lu  ;  &C 
rAcadémicien  en  a  raffemblé  les 
principaux  traits  .à  la  fin  de  fa  pre- 
mière DilTertarion  à  laquelle  nous 
renvoyons  le  Leèleur  fur  ce  point. 

2.  M.  l'Abbé  de  Canaye ,  dans  fa 
féconde  DilTertation  fur  l'Aréopa- 
ge ,  obfervc  d'abord  qu'il  étoit  lî- 
tué ,  non  pas  hors  de  la  Ville,  com- 
me le  dit  Héfychius ,  mais  au  mi- 
lieu d'Athènes  ,  fur  une  Colline 
qui  faifoit  face  à  la  Citadelle  ,  ce 
qu'il  juftifie  par  diverfcs  autoritcz. 
Rien  n'étoit  plus  fimple  que  cet 


D  E  C  E  M 

Edifice ,  dont  l'argile  compofoit  Je 
toît  j  ainfi  qu'on  Je  voyoit  encore 
du  tems  de  Vitruve.  Ovefte  y  fit 
élever  un  autel  à  Minerve  ;  Se  Ion 
y  pJaça  deux  fiégcs  argentés ,  J'un 
pourl'accufe,  l'autre  pour  l'accu- 
fateur  ;  l'unconfacré  à  l'injuie,  & 
l'autre  à  l'impudence.  Dans  la  fui- 
te Epimenide  fit  drelfcr  à  ces  Divi- 
nité/ allégoriques  des  autels  dans 
les  formes ,  &c  bien-tôt  aprf  s ,  un 
Temple  dont  parle  Ciceron ,  &  qui 
répondoit  à  celui  qu'Orefte  avoit 
eonfacré  aux  Furies  ou  aux  Eun>t'ni- 
des.  On  s'imagmoit  que  ces  redou- 
tables DéefTcs  n'avoicnt  un  Temple 
iî  voifin  de  l'Aréopage  que  pour 
infpiier  les  Juges  &  les  garantir  des 
méprifes  inévitables  à  la  fiagilitc 
humaine.  AulTî  avoit  -  on  grand 
foin  de  leur  culte ,  &  le  Sénat  leur 
nonimoic  lui  même  des  Sacrifica- 
teurs. Epimenide  leur  aiïocia  dans 
leur  Temple  les  Statues  de  Pluron  , 
de  Mercure  &  de  la  Terre  ,  auf- 
quelles  facrihoient  en  adlion  de 
grâces  ceux  que  l'Aréopage  dccla- 
foitabfous.  On  voyoit  dans  l'rn- 
ceinte  extérieure  de  cet  Edifice  le 
Tombeau  d'Oedipc  ,  8i  un  vaificau 
deftiné  à  relever  la  pompe  des 
Jeux  publics. 

La  fatigue  pour  des  Vieillards , 
tels  que  les  Aréopagitcs  ,  de  mon- 
ter tous  les  jours  au  fommet  d'une 
GoUine  pour  y  tenir  leurs  aflem- 
blécs  ,  les  détermina  dans  la  fuite 
à  tranfportcr  leur  Tribunal  dans  la 
place  nommée  le  Ptrticjue  Royal  ^ 
expofée  aux  injures  de  l'air.  C'é- 
toit-li  que  les  Juges  fe  rendoienr 
en  gr  jund  lîlence  7  &  <!"  on  les  en; 


B  R  E  ,    ï  7  ?  ?•  6^7 

fermcit  dans  une  forte  d'enceinte 
tracée  par  une  corde  ,  après  quoi  le 
peuple  fe  rctiroit  au  cri  d'un  Hé- 
rault. Us  n'y  don  noient  audience 
que  pendant  Ja  nuit  pour  ne  laire 
attention  qu'aux  railons  de  ceux 
qui  parloicnt  ,  &  nullcrocnt  à 
leur  figure.  Au  refte  l'ulage  de  ju- 
ger en  plein  air  ctoit  commun  à  ce 
Tribunal  avec  tous  les  aut:es  ,  où 
l'on  connoilloit  du  crime  de  meur- 
tre. L'Académicien  en  allègue  les 
raifons. 

On  tiroit  au  fort  les  caufes  que 
l'on  devoit  juger  à  l'Aréopage  àc 
les  Juges  i  qui  on  les  difiribuoir. 
Les  Parties  cxpofoient  cilrs-mi!-mcs: 
le  lait  dont  il  s'agidoit ,  ou  elles  eni- 
ployoientie  miniftere  des  Avocats, 
qui  déduiloicnt  leurs  lailons  avec 
toute  la  fimpliciié  qu'evigcoienC 
la  févérité  &.  l'irtégiité  de  ce  Tri- 
bunal :  fur  quoi  l'Aurrur  n'oublie 
pas  de  relever  une  niéprifc  de  Sex- 
tus-Empiricus.  L.>  modicité  dufa- 
laireque  reccvoientces  Avocats  &- 
qui  étoit  fixé  à  une  drachme  ,  ré- 
duite enfin  à  trois  oboles  ,  étoit 
plus  que  fufffanre  pour  contenir 
leur  éloquence  dans  les  bornes- 
qu'on  leur  prefcrivoir.  L'accufa- 
tcur  &  l'accufé  ne  parloicnt  qu'a- 
près s'être  engagés  de  dire  Ja  vérité' 
par  Jes  fcrmens  Jes  plus  facrés ,  ac- 
compagnés des  in^précations  les' 
plus  affrcufes  dont  ilsfe  chargeoient- 
cux  mêmes.  Les  Juges  ne  décer» 
noient  la  peine  que  fur  l'autorité 
des  Loix ,  qui  défcndoient  qu'on 
abandonnât  le  coupable  à  la  dif- 
crétion  de  l'accufateur.CeJui-là  pou- 
yoitfe  louAraiie  i  la  puniuon  ,  en 


6SÎ         JOURNAL    D 

difparoilTant  imincdiatemcnt  après 
fcs  prcmicrcs  détcnl'es  Se  fans  don- 
ner aux  Juges  le  tcms  d'aller  aux 
opinions.  Qiiant  à  la  hçon  de  don- 
ner Ion  luffrage  dans  ces  jui^cnicns, 
l'Auteur  la  décrie  ici  avec  roin,fans 
oublier  les  changemcns  que  les  30 
Tyrans  y  apportèrent  pourferendre 
maîtres  des  décifions  de  l'Aréo- 
page. 

Les  Juges  ,  au  furplus ,  croient 
au(îî  mal  payés  que  les  Avocats  ;  Ôc 
û  la  décilion  d'une  affaire  étoit  ren- 
voyée au  lendemain ,  lesCommif- 
faires  ne  recevoient  ce  jour  -  là 
qu'une  obole.  C'eft  ce  qui  tonde  , 
dans  Lucien  ,  la  plaifanterie  de 
Mercure,  étonné  que  des  vieillards 
auilî  lenfés  que  les  Aréopagites  , 
vendent  à  fi  bon  marché  la  peine 
qu'ils  ont  de  monter  fi  haut.  Ce 
pafTage  (  félon  M.  l'Abbé  de  Ca- 
naye  )  femble  démentir  l'opinion 
de  Adeurfus  fur  le  Portique  Royal , 
devenu  (  félon  lui  )  l'unique  en- 
droit où  s'aiTcmbloicnt  tous  les 
Magiftrats  ;  fuppofition  qu'il  n'ap- 
puve  que  d'un  Icul  paflage  de  Dé- 
mofthéne,  que  l'Académicien  ne 
trouve  rien  moins  que  décifif  fur 
le  fait  en  queftion  ,  fur  quoi  l'on 
peut  confultcr  fes  preuves  qui  ont 
beaucoup  de  vraifemblance. 

Il  croit  pouvoir  encore  établir, 
malgré  k  filcnce  de  Mewjîus ,  que 
ces  deux  propofitions ,  Tune  que 
les  Aréopagites  jugeoicnt  en  plein 
air  (  fub  dio  )  ,  l'autre  ,  Qu'ils  ne 
s'affembloient  que  l.-i  nuit ,  ont  be- 
foin  de  modifications.  Il  cft  certain 
(  dit  l'Auteur  )  qu'au  moins  avant 
la  tranllation  de  l'Aréopage  dans 


ES    SÇAVANS. 

le  Portique  Royal  ,  on  ne  jugcoic 
pas  en  plein  air ,  puifqu'on  s'affem- 
bloitdans  un  lieu  couvert  d'argile  , 
qui  fubfiftoit  encore  fous  Augufte, 
&  dans  lequel  rien  n'empcchoic 
qu'on  ne  s'alfemblât  pour  certaines 
affaires.  A  l'égard  des  aflemblécs 
nodurnes  tenues  dans  le  Portique, 
pour  éviter  l'niconvenient  du 
bruit  &  de  la  toule  j  elles  n'ex- 
cluoient  en  aucune  manière  celles 
qui  pouvoient  fe  tenir  pendant  le 
jour  5i  à  couvert  dans  l'ancien 
Aréopage. 

L'Académicien  termine  fa  Dif- 
fcrtation  par  quelques  remarques 
fur  le  nombre  des  juges  qui  com- 
pofoient  ce  Tribunal ,  &  fur  fes 
principales  décifions  depuis  fon 
établilîement.  On  ne  fçait  point  au 
jufte  quel  étoit  le  nombre  des 
Aréopagites.  Ceux  qui  condamnè- 
rent Socrate  étoientde  bon  compte 
3^1  ,  mais  on  ignore  le  nombre  de 
ceux  qui  perfifterent  3.  l'abfoudre. 
Parmi  les  décidons  de  l'Aréopage, 
une  des  plus  fingulieres  ell  celle 
qui  ordonna  à  une  tcmme  meur- 
trière de  fon  mari  &  de  fon  fils  , 
&  à  fon  accufateur  ,  de  fe  repre- 
fentcr  dans  cent  ans  ,  à  compter 
du  jour  que  la  caufe  avoir  été  mife 
en  délibération  :  tant  cette  affaire 
lui  parut  embarraffante.  Nous  ren- 
voyons pour  le  détailàlaDifferta- 
tion  même. 

V.  M.  de  yalois  quis'eft  propo- 
fc  de  nous  donner  une  Hiftoirc  fui- 
vie  du  tameux  Confeil  des  Am- 
phi(5tyons  que  l'on  pouvoit  regar- 
der comme  la  tenue  des  Etats  de 
toute  la  Grèce,  a  conduit  fon  fujct 
dans 


D  E  C  E  M  B  R  E,  I7  3S-  ^S^ 

•dans  deux  Differtations  du  III.  êc     pillcreiit  le  Temple  d'Apollon  mê- 


du   V.    Volume  des  Mémoires  de 
t'Acixdemie  ,  depuis  le  premier  cta- 
blilîementdeces  Magifiratsjufqucs 
au  tems  des  Guerres  Sacrées  entrc- 
prifes  fous  leur  autorité.   On  ne 
compte  que  trois  de   ces  Guerres 
dans  l'Antiquité  Gréque  ,  &la  pre- 
mière feule  fait  la  matière  de  trois 
Mémoires  de  l'Académicien  ,  im- 
primés dans  ce  VII.  Volume.  Com- 
snc  l'enchaînement  des  faits  racon- 
tés dans  ces  trois  Pièces  ne  permet 
guéres  que  nous  en  partagions  l'Ex- 
trait ,  qu'un  détail  trop  exadl  ren- 
droit  d'ailleurs  d'une  longueur  ex- 
celTive  ;  nous  prendrons  le  parti  de 
ne  faire  qu'indiquer  fommairement 
les  principaux  évenemcns  de  cette 
Guerre ,  ôc  de  renvoyer  à  M.  de 
Valois  même  pour  un  plus  ample 
cclaircilTement. 

I.  Elle  fut  déclarée  aux  Crif- 
féens ,  peuple  de  la  Phocide  voifin 
du  Golfe  de  même  nom,  &  dont  la 
Ville  Capitale  étoit  Crilfa,  éloignée 
de  Delphes  d'environ  3  lieues  &  de- 
mie. CePaïs  n'avoit  que  7  à  8  lieues 


me  ,  &;  exercèrent  fur  les  Del- 
phiens  toutes  fortes  de  violences. 
L'Oracle  du  Dieu  confulté  fur  une 
affaire  fi  importante  ,  ordonna 
d'armer  incetiamment  contre  les 
Crilféens  ,  de  leur  birc  la  guerre 
fans  quartier  ,  de  les  réduire  à  l'ef- 
clavage ,  de  ruiner  leur  Pays ,  &  de 
le  confacrer  à  ces  quatre  Divmitcz, 
Apollon-Pythien  ,  Diane ,  Latone 
&  Minerve. 

Sur  cette  réponfe  de  l'Oracle,  les 
Amphii5lyons,  &  Solon  à  leur  tête, 
rendirent  un  décret  en  conformité. 
On  leva  des  troupes ,  on  mit  à  leur 
tête  EuryloqueThelTalien,  l'un  des 
defcendans  d'Hercule ,  &  Clifthé- 
ne  Souverain  de  Sicyone,  on  mar- 
cha contre  les  Crilu-ens  qui  furent 
défaits  dans  une  première  bataille , 
&  l'on  forma  le  flége  de  Griffa. 
Cette  Place  fit  une  longue  refiflan- 
ce  \  8c  huit  ans  s'étoient  écoulés 
fans  que  les  afîîégeans  euffent  fait 
beaucoup  de  progrès ,  lorfque  la 
pefte  s'étant  mife  dans  leur  camp  ^ 
ôc  l'ayant  ravagé  ,  ils  recoururent 


delongfur4à  5de  large  ;  ne  polTe-     à  l'Oracle  de  Delphes,  qui  leur 


dant  d'autres  Villes ,  outre  fa  Ca- 
pitale, quele  Portde  Cirrha,  très- 
fréquenté  à  caufe  de  l'Oracle  voi- 
fin  ,  &c  Anticirrha  très-célébre  par 
fon  grand  commerce  d'Ellébore. 
Le  fujct  de  cette  déclaration  de 
guerre  fut  le  facrilége  commis  par 
les  Crifleens,  qui  non  contens  de 
rançonner  les  Pèlerins  que  la  dévo- 
tion ou  la  curiofité  conduifoient  à 
l'Oracle  de  Delphes ,  de  faire  des 
côurfes  fur  les  terres  de  leurs  voi- 


promit  un  heureux  fucccs  dans 
leurs  entrcprifes  ,  à  condition 
qu'ils  feroient  venir  au  plutôt  de 
1  Ifle  de  Cos  le  Faon  d'une  Biche 
avec  de  Vor. 

Cet  Oracle  Myfterieux  commu- 
niqué aux  habitans  de  Cos  par  des 
Députez  ,  y  trouva  fon  explication 
en  la  perfonne  de  Nebrus  &  de  fon 
61s  Chryfits  ,  dont  les  noms  fîgni- 
fient  en  Grec  le  Faon  d'une  Biche 
&  de  L'or.  Ce  Nebrus  ,    trifjyeul 


Êns  &  de  les  mettre  à  contribution,     d'Hippocrate  ,  étoit  grand  Mede 
Décembre.  Y  y  y  y 


€$0        journald 

cin.  Il  offrit  fcs  fccours  aux  Dépu- 
tez des  AmphictyonSj  il  équippa 
une  Galère  à  fcs  trais  ,  la  remplit 
des  meilleurs  niédicamcns  ainfique 
de  toutes  fortes  de  provifions  de 
guerre  &  de  bouche  ,  &  partit  avec 
Ton  fils.  Son  arrivée  au  camp  des 
Amphiiïlyons  y  rendit  h  fuite  aux 
malades  par  l'ufage  des  cxcellens 
remèdes  qu'il  mit  en  auvre. 

Mais  il  deshonora  bien-tôt  fa 
protellîon  par  l'indigne  expédient 
dont  il  fe  fervit  pour  faire  périr  les 
CrilTcens.  Ayant  découvert  l'aque- 
duc qui  fournilToit  l'eau  aux  alfié- 
gez ,  il  en  empoifonna  la  fource,& 
par-là  reduifit  en  peu  de  tems  ces 
malheureux  aux  dernières  extrémi- 
tez.  Ils  foûtinrent  cependant  un 
premier  affaut  où  fut  tué  le  jeune 
Chryfus.  Mais  dans  un  fécond ,  la 
Place  fut  emportée  ,  pillée ,  facca- 
gée,  puis  brûlée  &  démolie  ,  après 
dix  ans  de  fiége. 

2.  Pendant  qu'Euryloque  ctoit 
occupé  au  Siège  de  CrifTa ,  un  Dé- 
tachement de  fon  armée  fous  la 
conduite  de  Clifthéne  aflîfté  des 
confeils  de  Soion  ,  faifoit  celui  de 
Cirrha^donton  ignore  les  particula- 
ritez  ,  &  qu'on  prefume  avoir  eu  la 
même  durée.  Il  eut  à  peu-près  la 
même  iflue.  En  confcquence  d'un 
troifiéme  Oracle  rendu  par  la  Py- 
thie, &  expliqué  par  Solon ,  les 
Grecs  confacrercnt  au  Dieu  tout 
le  territoire  qui  s'étendoit  depuis 
Delphes  jufqu'à  la  Mer  ,  ce  qui 
rendit  celle-ci  voilîne.  de  la  Terre 
Sacrée  ,  comme  l'ordonnoit  l'Ora- 
cle. Ce  fage  Légiflateur  imagina  de 
plus  un  ftratagéme  aflez  femblable 


ES  SÇAVANS. 

à  celui  de  Ncbrus ,  quoique  fnoinJ 
meurtrier. 

Il  détourna  le  cours  d'un  aque- 
duc dont  il  ht  couler  les  eaux  dans 
un  badin  crcufé  exprès  &  rempli 
de  racines  d'Elleborc.  Les  eaux  fuf- 
fifimment  chargées  de  la  vertu 
émétique  èc  purgative  de  cette 
plante  ,  furent  enfin  rendues  au  ca- 
nal ordinaire  qui  les  portait  dans  la 
Place.  Tous  les  habitans  en  burent, 
&cn  tuicnt  purges  fi  violemment, 
qu'incapables  de  garder  leurs  po- 
lies ,  quclqu'importans  qu'ils  ruf- 
fent ,  ils  ne  purent  empêcher  que  la 
Place  ne  fût  emportée  par  an  alTauc 
général ,  &  n'eût  le  même  fort  que 
Criffa ,  la  féconde  année  de  la  47' 
Olympiade ,  fous  l'Archontat  de 
Simon  chez  les  Athéniens  ,  &  la 
Magiftrature  de  Gylidas  chez  les 
Delphiens. 

Ce  fut  alors  qu'Euryloque  réta- 
blit les  Jeux  Pythiques  ,  difconti- 
nués  depuis  long  tems  ,  &:  leur 
donna  une  nouvelle  forme  par  les 
combats  Gymniques  qu'il  joignit 
aux  anciens  combats  de  Mufiquc  , 
èc  par  les  nouveaux  prix  qu'il  y  at- 
tacha ,  comme  l'attefte  la  Chroni- 
que de  Paros. 

3.  M.  de  "V^alois  termine  cette 
Hiiloirc  de  la  Guerre  Sacrée  par  di- 
veifes  remarques ,  1°.  Sur  l'époque 
du  retablilTement  de  ces  Jeux  fixée 
cinq  ans  plus  tard  par  Paufanias  : 
z".  Sur  les  differens  prix  propofés 
en  divers  tems  pour  les  Jeux  Py- 
thiques :  3°.  Sur  la  fouverainctc  de 
Sicyone  accordée  à  Clifthéne  par 
les  AmphicVyons  :  4°.  Sur  les  coui- 
fes  de  chevaux ,  intioduitcs  par  ce» 


D  E  C  E  M 

MagiftratS  dans  le  renouvellement 
des  Jeux  Pytluques  :  5°.  Sur  l'année 
d'où  l'on  doit  compter  la  première 
Pythtiide  ^  &cc.  L'Académicien  ré- 
pand fur  la  diftullion  de  tous  ces 
points  beaucoup  d'érudition. 

VI.  Les  Remarcjnes  de  M.  del* 
Naitze  fut  VHijlorre  d'Héro  &  de 
Léandre  tendent  à  établir  la  vérité 
de  cet  événement  contre  l'opinion 
du  P.  Hardoiiin ,  qui  le  traite  de  fa- 
buleux -,  &  à  nous  mettre  en  état 
d'apprétierlc  mérite  des  deux  prin- 
cipaux Ouvrages  de  Poëfie  que 
l'Antiquité  nous  ait  laiffés  fur  cette 
avanture  amoureufe. 

1°.  Sans  nous  amufer  à  en  tranf- 
crire  ici  les  circonftances,  qui  font 
fuffifamment  connues  -,  nous  indi- 
querons feulement  les  témoins  fur 
la  dépofition  dcfquels  l'Académi- 
cien appuyé  fcs  preuves  pour  la  réa- 
lité de  cette  Tradition  Hiftorique. 
Ces  témoins  font  Ovide  ,  dans  les 
Poëfics  qui  font  incontcftablement 
de  lui  i  Virgile  fon  contemporain  , 
^  Servius  Commentateur  de  Virgi- 
le; Strabon  ,  Pomponius  -  Mêla  , 
Lucain  ,  Silius-Italicus  ,  Stace  & 
Martial  ;  une  Epigrammc  de  l'An- 
thologie Gréque,  &  par  deifus  tout, 
l'Auteur  du  petit  Poëme  en  cette 
Langue ,  lequel  fous  le  nom  de 
Mufée  raconte  cette  Hiftoire  avec 
étendue  ,  &  l'orne  de  toutes  les 
grâces  de  la  Poéfie.  M.  de  la  Nau- 
ze  prétend  qu'il  eft  bien  plus  natu- 
rel de  mettre  ce  Poète  au  rang  de 
ceux  qui  en  même  tems  étoient 
Hiftoriens  ,  que  de  le  confondre 
avec  ces  anciens  Romanciers ,  tels 
qu'Ariftidc  de  Milet  ,  lambliquc 


B  R  E,    I  75  ^  691 

&  plufieurs  autres  qui  n'ont  débité 
que  des  Fables  Miledenncs. 

A  cette  toulc  de  témoignages  ,' 
l'Académicien  joint  l'autorité  des 
anciennes  Médailles ,  fur  le  revers 
defquelles  on  voit  avec  les  noms 
des  deux  amans  ,  Léandre  précédé 
d'un  amour  le  flambeau  à  la  main  , 
nager  vers  Héro  qui  el1:  au  haut 
d'une  tour.  Il  avoiie  que  parmi  les 
évenemcns  reprefentés  fur  les  Mé- 
dailles 3  il  s'en  trouve  quelquefois 
de  fabuleux  ,  &C  qui  ont  rapport  à 
l'ancienne  Mythologie  conlàcréc 
alors  par  le  culte  religieux.  Mais  il 
eft  perfuadé  que  pour  les  faits  parti- 
culiers tels  que  celui  dont  il  eft 
queftion,  qui  n'intereftoicnt  ni  la 
Religion ,  ni  l'Etat,  la  feule  perfua- 
fion  de  leur  vérité ,  dont  on  vouioit 
étcrnifcr  la  mémoire  ,  les  faifoit 
graver  fur  des  Médailles.  Qiiant  à 
la  datte  de  l'événement  laquelle  n'y 
eft  point  marquée  ,  qu'en  peut  on 
conclure  de  raifonnable  contre  la 
vérité  d'un  fait  qui  ne  tient  ni  à 
l'Hiftoire  générale  d'un  peuple  ,  ni 
.à  l'Hiftoire  particulière  d'un  Prin- 
ce ;  Pour  rendre  croyable  un  tel 
événement  ,  dit  l'Auteur  ,  c'eft 
aft^ez  qu'étant  vraifemblable  par 
lui-même  il  foit  appuyé  fur  une 
tradition  confiante. 

Cela  n'a  pas  été  fuffifant  pour  le 
garantir  des  idées  fingulieres  du  P. 
HardoHtn  ^  qui  le  traite  de  pure  fa- 
ble ,  &c  foûtient  que  fur  les  Mé- 
dailles où  l'on  croit  voir  HPft 
AHAKAPOS  [  Héy-o  &  Léandre  ]  il 
faut  lireHPiîMH  ANAP02  ,  la  force 
de  rhomme  ,  ce  qui  fignifie  (  lelon 
lui  )  f  «*  l'Hellefpom  ,  entre  Sefte  & 
Yyyy  i^ 


Cpî         JOURNAL    D 

Ahyie  ^  e(î  affcz.  ârcit  pour  être  p.'tjfé 
ttlan.iae  paru»  homme  robafte.  Il 
fonde  cette  nouvelle  leçon  fur  ce 
que  dans  cette  Légende  Gréquc 
mal  tranfcrite  ,  le  A  lui  a  paru  fi 
voifin  dcl'ii  j  qu'il  n'a  pas  héfité 
d'en  bire  un  m  &:  de  la  lire  en  con- 
fequcnce  -,  ce  qu'il  s'efforce  de  jufti- 
fier  par  les  reflexions  qui  fuivent  , 
&  aufqucUes  nous  joindrons  les  ré- 
ponfes  de  M.  de  la  Nauzc. 

T°.  Le  mot  Lénndre  (dit  ce  Pcre) 
s'écrit  toujours  en  Grec  par  un  e  au 
lieu  que  fur  la  Médaille  il  s'écriroit 
par  un  h.  Rien  de  fi  commun  (  re- 
pond l'Académicien  )  que  cette  va- 
riation de  quelques  lettres  dans  un 
même  nom  entre  les  Hiftoriens  & 
les  Monumens  publics  ;  entre  les 
divers  palTages  d'un  même  Auteur, 
reloue  celui  dont  il  s'agit,  qui  écrit 
le  nom  Léandre  ,  tantôt  par  un  s  ^ 
tantôt  par  la  diphthongue  e/.2°.Pour 
quoi  (  demande  le  P.  H.  j  le  nom 
d'une  femme  dans  une  Médaille 
précéderoit-il  celui  d'un  homme  ? 
Rien  de  plus  arbitraire  qu'un  pareil 
arrangemeht  (  répond  M-  de  la 
Nauze  )  l'Auteur  du  Poème  en  ufe 
comme  a  fait  le  Graveur  de  la  Mé- 
daille ,  qui  peut-être  a  donné  la 
première  place  à  Héro  comme 
étant  diftinguéc  par  fa  naiiTance  &c 
par  fa  dignité-de  Prêtrelfe.  3*.  Mais 
(  continue  le  P.  H.  )  les  amours  de 
deux  particuliers  méritent-ils  d'être 
Tranfmis  à  la  pofterité  par  des  Mé- 
dailles ;  Il  ne  leur  manque  pour 
cela  auprès  du  P.  H.  [  répond  l'A- 
cadémicien ]  que  le  témoignage  de 
Pline  ;  car  ce  n'ell:  qu'en  vertu  d'u- 
*c  telle  autorité  <jue  ce  Père  con- 


ES    SÇAVANS, 

fcnt  que  les  Médailles  ^laffie  rc- 
prcfcntent  l'accident  du  jeune  Her- 
mias  ,  qui  porté  fur  un  Daiipliin  , 
fe  noya  ,  &:  fut  cnfuiee  reporté  par 
le  Dauphin  fur  le  rivage.  Mais  ce 
qui  rend  l'opinion  du  P.  H.irdouin 
plus  fingulicre,  c'eft  de  prétendre 
que  CCS  Médailles  d'Hero  &  de 
Léandre  mal  entendues  ont  donné 
occafion  aux  anciens  Ecrivains  de 
forger  leur  Hiftoirc  fabuleufe  ■■, 
pendant  que  ces  Ecrivains  vivoient 
à  la  nailfancc  de  l'Empire  Romain, 
&  que  les  Médailles  ne  font  que 
du  truilîémc  fii,-clc  des  Empereurs. 
2.  A  l'égard  des  deux  pic  ;cs  an- 
ciennes qui  nous  relient  fur  cette 
Hiftroire  ,  &  qui  font  les  Epîtres  de 
ces  deux  Amans  imprimées  parmi 
les  Hèroides  d'Ovide  ,  &  le  Poème 
de  Muféc  i  on  ignore  quels  en  font 
les  véritables  Auteurs.  J.  C.  ScMi~ 
ger  qui  juge  indigne  d'Ovide  ic5 
deux  Epîtres  ,  les  donne  à  Sabmus, 
Auteur  de  trois  Lettres  qui  fervent 
de  réponfes  à  quelques-unes  du 
premier.  Mais  notre  Auteur  recon- 
noît  dans  ces  deux  Epîtres  ,  quoi- 
qu'intérieurcsaux  autres  Héroides  ^ 
le  ftyle  pur  &  coulant  d'Ovide  , 
l'efprit  de  ce  Poète  &  cette  affecta- 
tion d'en  faire  paroîtrc ,  qui  le  ca- 
raèlerife.  »  Ovide ,  à  qui  l'on  ne 
»  peut  guéres  contefter  les  deux 
n  Lettres  de  Léandre  &  d'Héro 
3»  (  continue  l'Académicien  )  y  fait 
»  paroître  ,  comme  par  -  tout  ail- 
}>  leurs  ,  un  art  infini ,  des  traits 
»  vifs  &  ingénieux  ,  des  fentimens 
»  toiàjours  foûtenus  &  toujours  va- 
M  ries  ,  des  allufions  fréquentes  s 
»  l'ancienne  fable  ,    une  adreHè 


D  E  C  E  M 

»  merVeilleufe  à  placer  toutes  les 
^  circonftances  de  i'Hiftoire  de  ces 
"Amans  avant  même  fon  accom- 
»  pliffemcnt  en  leur  failint  racon- 
j>  ter  ce  qui  s'étoit  déjà  palfé  ,  &  en 
j>  leur  faifant  prelTenrir  ce  qui  de- 
»»  voit  aiTiver  dans  la  fuite. 

Pour  ce  qui  eft  de  Mufée  ,  fur- 
nommé  le  Grammairien  par  Tzer- 
2ès  Si.  Auteur  du  Poème  ,  il  femble 
avoir  emprunté  plufieurs  de  fes 
vers  des  Dionyfiaques  de  Ncnnus 
Auteur  du  quatrième  fiecle  ,  vers 
lequel  Cdfauhon  croit  qu'on  peut 
placer  notre  Mufée.  »  Son  Ouvra- 
Ji  gc  (  dit  M.  de  la  N.uize  )  efl:  plein 
M  d'cxaditude  &  de  délicateOe  5  le 
)>ftyle  en  eft  pur  ,  &  les  expreffions 
«toujours  choifies  :  le  grand  mé- 
»  rite  de  cette  Pièce  (  ajoûte-til  ) 
"cftune  douceur  pleine  d'élégance 
»  qui  ne  fe  dément  point  ;  ce  qui , 
«  dans  un  Ouvrage  de  longue  ha- 
»  leine,  auroit  été  un  début.  "  J.C. 
Sealigcr  ttoit  fi  charmé  de  ce  Poè- 
me ,  qu'il  le  mcrtoit  au-delfus  de 
ceux  d'Homère  ,  &  le  croyoit  bon- 
nement l'Ouvrage  de  l'ancien  Mu- 
fée. l^ojfiHs  d'un  autre  côté  y  trouve 
plus  d'art  que  de  génie.  L'Acadé- 
micien termine  fon  Mémoire  par 
un  parallèle  de  ces  deux  Ouvrages, 
quant  à  leur  caradere  ,  à  leurs  pcn- 
fées  &  à  leurs  expreffions  qui  fe 
Teflemblcnt  quelquefois  i  &  par 
quelques  remarques  fur  la  verfion 
Françoife  de  ce  Poëmc  que  nous  a 
donnée  Clément  Marot ,  verfion 
fore  éloignée  (  dir-on  )  de  la  no- 
blefle  &  de  l'élégance  de  l'original, 
«juoiqu'elk  en  imite  aflez  bien  la 
4oucear  &  la  aaivetc,. 


B  R  E  ,  I  7  3  j.  dpj 

VIL  La  Nation  des  Pfylles  inac- 
cefîîble  au  venin  des  ferpens  ,  &c 
qui  en  guerifToit  les  morfures  ,  fait 
le  fujctd'un  Mémoire  de  M.  l'Ab- 
bé donchiiy  ,  où  il  recueille  tout  ce 
que  l'Antiquité  nous  atranfmis  de 
mémorable  fur  le  compte  de  ce 
peuple;après  quoi  il  examine  fi  tout 
ce  qu'elle  nous  en  apprend  peut 
fubfifter. 

I.  L'incertitude  des  anciens  Géo- 
graphes fur  l'endroit  de  l'Afrique 
où  habiroient  les  Pfylles ,  n'empê- 
che pas  l'Académicien  d'adopter 
fur  ce  point  le  fentiment  de  Stra- 
bon  ,  qui  les  place  au  midi  de  la 
Cyrénaïque  ,  entre  les  Nafamons  & 
les  Gétules ,  dans  un  Pays  brûlé  du 
foleil ,  &  tout  couvert  de  ferpents^ 
au  milieu  defquels  ils  vivoicnt  fans 
crainte  &  fans  danger  :  leur  feule 
prefence  rendoit  impuilfans  les 
reptiles  les  plus  venimeux  ,  &  les 
jettoit  dans  un  afloupiflement  pro- 
fond ,  qui  ne  cefloit  que  lorfque 
les  Pfylles  s'éloignoicnt.  Les  mâles 
feuls  ,  parmi  eux  ,  joiiifToicnt  d'un 
fi  rare  privilège  ;  &  pour  éprouver 
la  fidélité  de  leurs  femmes ,  ilsex- 
pofoient  aux  Cérafies  ,  comme  aux 
plus  dangereux  de  ces  ferpens,leurs 
enfans  nouveaux  nés,qui  périffoient 
infailliblement  s'ils  étoient  un  fruir 
de  l'adultère.  Evagon,  l'un  de  ces 
hommes  merveilleux  ,  conduit  à 
Rome  ,  fut  enfermé  par  ordre  des 
Confuls  dans  un  tonneau  plein  de 
ferpens ,  d'où  il  fortit  fain  &  fauf. 

Non  feulement  ces  Pfylles 
étoient  invulnérables  aux  ferpens, 
mais  ils  guérifibient  par  le  feul  at- 
touchement ou  par  l'application  de 


éP4        JOURNAL    D 

leur  falivc  ceux  qui  avoicnt  été 
mordus.  Au!ïï  Caton  en  avoit  -  il 
avec  lui  ,  en  traverfant  les  fables 
brûlans  de  la  Libye  ,  &  Augufte 
en  dcpccha-t-il  vers  Cléopatre  , 
qui  s'étoitfaic  mordre  par  un  afpic: 
mais  ceux-ci  arrivèrent  trop  tard. 
M.  l'Abbé  Souchay  doute  que 
CCS  Pfyllcs  de  Caton  &  d' Au- 
gufte fufTent  dcfccndus  des  anciens 
Pfyllcs ,  qui  ,  au  rapport  d'Héro- 
dote ,  furent  tous  enfevclis  fous  les 
fables  par  le  venr  de  midi.  Pline 
alTurc  au  contraire  qu'ils  furent  tail- 
lés en  pièces  par  les  Nafamons ,  qui 
envahirent  leur  Pays  ,  mais  qu'il 
en  échappa  quelques  -  uns  qui  en 
perpétuèrent  la  race. 

2.  Dans  la  féconde  partie  de  ce 
Mémoire  M.  l'Abbé  Souchay  s'ef- 
force de  réduire  à  fa  jufte  valeur 
cette  vertu  merveillcufe  attribuée 
aux  Pfylles.  Etoit  -  elle  véritable- 
ment attachée  à  cette  Nation?  C'eft 
de  quoi  il  y  a  tout  lieu  de  douter  à 
s'en  tenir  même  au  témoignage  de 
l'Hiftoricn  Callias ,  qui  fait  confi- 
fter  cette  vertu  du  Pfylle  .à  mettre 
fur  la  blelIiMTe  ,  de  ù  propre  falive, 
ou  à  tenir  quelque  tcms  de  l'eau 
dans  fa  bouche  &  la  faire  boire  en- 
fuite  au  biciTé,  ou  à  fe  coucher  nud 
fur  le  malade  auffi  nud.  Car  toute 
cette  manœuvre  ,  comme  on  le 
voit ,  n'exclut  pas  l'ufige  des  anti- 
dotes mêlés  fubtilement  avec  la  fa- 
live ou  avec  l'eau  tenue  dans  la 
bouche;  fans  compter  un  autre  ar- 
tifice ,  qui  fera  bien-tôt  expliqué. 
D'ailleurs  le  filence  de  quelques 
Hiftoricns  ,  fur-tout  d'Hérodote 
au  fujct  de  cette  vertu  des  Pfylks , 


ES    SÇAVANS, 

joint  aux  variations  dans  la  mi- 
nière dont  plufieurs  Ecrivains  ra- 
content ce  merveilleux  ,  le  rend 
infiniment  fufped  ;  &  fur  i'arciclc 
de  ces  variations  l'Académicien 
prend  à  témoin  Lucain,  Piutarquc, 
Aulu-Gelle,  Pline  ,  Solin;  des  té- 
moignages de  quil'on  pourroit  au 
plus  inférer  que  les  Pfylles  avoient 
des  remèdes ,  ou  même  des  préfer- 
vatifs  contre  la  morfure  des  fcrpcns; 
mais  nullement  en  conclure  qu'ils 
fufTent  des  Magiciens  ou  des  En- 
chanteurs. 

Il  leur  fulTfoit  d'être  grands 
Charlatans  :  &  àl'occafîon  des  pré- 
fervatifs  dont  on  vient  de  parler  , 
l'Académicien  en  fait  pafTer  en  re- 
vue plufîcurs  tant  anciens  que  mo- 
dernes -,  tels  font  la  falive  humaine, 
le  citron  ,  le  bois  de  couleuvre  ,  le 
mufc,  le  Didamne  de  Virginie,  qui 
tue  les  ferpens  à  fonnettes ,  l'herbe 
nommée  par  Ludolph  dans  fon  Hi- 
ftoire  d'Ethiopie  j4JJkz.oë  ,  dont  la 
racine  mangée  permet  de  toucher 
impunément  les  Hydres  &  les 
Cherfyires  ,  &  même  de  s'en  faire 
des  colliers  ;  \i  fcorfoncre  ou  vipé- 
rine, eJ^c.  Mais,  furladécifionde 
Redi  Se  de  Kampfer  ^  qui  nient  ab- 
folument  l'exillence  de  femblables 
prefcrvatifs  (  dit  notre  Auteur)  il 
aime  mieux  regarder  les  Pfylles 
comme  dcsimpolleurs ,  tels  qu'en 
fourmlfent  tous  les  Pays  &  tous  les 
fieclcs  -,  &  tels  que  furent  autrefois 
les  Âiarfes  d'Italie  ,  qui  s'attri- 
buoient  la  même  vertu  que  les 
Pfylles  &  accompagnées  des  mêmes 
cérémonies  prétendues  magiques. 
Tels  font  aujourd'hui  parmi  les  In- 


D  E  C  E  M  B 

dtens  ceux  qui  promènent  &  font 
comme  danfer  les  lerpcns  à  chap- 
peron  -,  tels  font  encore  les  Charla- 
tans d'Italie  appelles  Sauveurs ,  qui 
ont  empreinte  fur  leur  chair  la  figu- 
re d'un  ferpent. 

Sur  toutes  ces  confiderations,  M. 
î'Abbc  Souchay  croit  être  bien 
fondé  à  s'infcrire  en  taux  contre 
tout  le  merveilleux  prodigué  aux 
Pfylles ,  tel  que  l'épreuve  de  la  fi- 
délité de  leurs  femmes  ,  l'Hiftoirc 
d'Evagon  ,  &c.  &  à  conclure  qu'ils 
n'avoient  d'autre  fccret  pour  gué- 
rir h  morfure  des  ferpcns ,  que  ce- 
lui de  la  SuElion  d'où  leur  vint  leur 
dénomination  de  Pfylles  ,  parce 
que  comme  les  puces  (  en  Grec 
4vMai  )  fucent  le  iang  ,  de  même 
ils  fucceoient  le  venin  des  playesjce 
qu'ils  pouvoient  faire  fans  rifquer 
leur  vie ,  comme  en  font  foi  les  au- 
toritez  &  les  expériences  inconte- 
ftables  alléguées  ici  par  l'Académi- 
cien ,  auquel  nous  renvoyons  pour 
ce  détail. 

VIII.  Les  Recherches  de  M.  Fré' 
rst  fur  {^ancienneté  O'  forigine  de 
l'art  de  l'Efuitation  (  ou  de  monter 
à  cheval  )  dans  la  Gréée  ,  remplif- 
fent  un  Mémoire  très  -  étendu  ,  & 
dans  lequel  il  s'efforce  de  prouver 
Que  bien  que  du  tems  d'Homère 
cet  art  fût  commun  dans  l'Ionie  & 
dans  la  Lydie  ,  comme  on  doit  l'in- 
■  férer  des  comparaifons  que  ce  Poète 
eu  emprunte  ■■,  il  n'étoit  point  con- 
nu en  Grèce  nienPhrygie  au  tems 
de  la  Guerre  de  Troye  ,  puifque 
dans  tous  les  combats ,  foit  militai- 
res ,  foit  agoniftiques ,  décrits  par 
ce  même  Poète  ,  il  n'eft  fait  aucune 


RE;     175?-  <îp  j- 

niention  de  cet  art,  dont  celui  de 
conduire  des  Chars  prend  par-tout 
la  place.  L'Académicien  ne  dilllmu- 
le  pas  cependant  l'avanture  de 
Rhéfus ,  dont  Homère  dans  l'Ilia- 
de fait  enlever  les  chevaux  par  Dio- 
mede  ,  qu'il  bit  monter  fur  l'un 
d'eux,  pour  cet  exploit.  Mais  com- 
me ce  Héros ,  dit  -  on  ,  n'a  recours 
à  un  tel  expédient  que  pour  obéir 
aux  ordres  de  Minerve  même  ,  &: 
dans  rimpolfibilité  de  pouvoir  en 
ufer  autrement  ;  cet  exemple  uni- 
que de  l'Equitation  dans  un  cas  fi 
extraordinaire  doit  être  compté 
prefque  pour  rien  ,  &  ne  doit 
point  tirer  à  conféquence  ,  pour 
î'affbibliiTement  de  la  preuve  , 
quoique  négative  ,  fur  laquelle  M. 
Fréret  établit  fa  propofition  en 
vertu  de  ce  principe.  Que  des  preu- 
ves de  ce  genre  deviennent  démon- 
ftratives  ,  lorfqu'on  n'en  a  aucunes 
de  pofitives  à  leur  oppofer. 

Il  partage  donc  fon  Mémoire  en 
quatre  articles,  dans  le  premier  dcf- 
quels  il  difcute  les  témoignages 
fur  la  qucftion  dont  il  s'agit  oppo- 
fés  à  l'argument  négatif,  &  les  ré- 
fute :  il  examine  dans  le  fécond 
les  ftatuës ,  les  bas  -  reliefs  &  autres 
Monumens  de  la  Grèce  ,  &  montre 
qu'il  n'y  en  a  aucun  qui  démence 
fa  propofition  :  il  fait  voir  ,  dans  le 
troifiéme ,  que  la  Fable  des  Cen- 
taures n'a  originairement  nul  rap- 
port à  i' Ecjuitation  :  &  dans  le  der- 
nier ,  il  propofe  quelques  conjedu- 
res  fur  la  première  Epoque  de  l'u- 
fage  de  cet  art  dans  la  Grèce. 

I.  Pline  fait  remonter  l'origine 
de  l'Equitation  jufqu'aiix  tems  hé- 


69^  JOURNAL   D 

roïqucs^en  difant  que  BcUerophon, 
antérieur  à  la  guerre  deTroye  ,  fut 
inventeur  de  cet  art.  Mais  M.  Fré- 
rct  a  montre  ailleurs ,  que  cette  Fa- 
ble avoit  plus  de  rapport  à  l'art  de 
la  navigation  qu'à  celui  de  monter 
à  cheval.  Hygin  ,  un  peu  plus  an- 
cien que  Pline ,  dit  la  même  cKofe 
que  lui ,  ajoiltant  que  Bcllerophon 
remporta  le  prix  de  la  courfe  à  che- 
val aux  Jeux  Funèbres  de  Pelias  cé- 
lébrés au  retour  des  Argonautes. 
Mais  Hygin  (  félon  M.Fréret  )  cft 
un  Compilateur  fans  goût  ,  fans 
critique  ,  fur  l'exadlitude  duquel 
en  ne  peut  compter.  D'ailleurs  ces 
Jeux  reprefentés  fur  l'ancien  cof- 
fre des  Cypfélides  de  Corinthe , 
dont  nous  parierons  plus  bas,  n'of- 
froient  aux  yeux  nulle  courfe  à  che- 
val. 

Paufanias  affure  que  l'Arcadien 
lafius  remporta  le  prix  de  la  cour- 
fe aux  Jeux  Funèbres  de  Pélops  à 
Olympie.  Mais  (  obferve  l'Acadé- 
micien )  £\  cette  tradition  étoit  an- 
cienne ,  pourquoi  Pindare  n'en 
fait-il  aucun  ufage  en  célébrant  les 
victoires  remportées  dans  les  cour- 
fes  de  chevaux  f  Lui  fur- tout,  qui 
rappelle  G.  volontiers  dans  fes  Odes 
les  anciens  évenemens  qui  peuvent 
illuftrer  les  Athlètes  dont  il  chante 
les  combats  :  pourquoi  ne  trouve- 
roit-on  aucun  exemple  de  ces  cour- 
fes  à  cheval  jufqu'à  li  3  3'  Olympia- 
de célébrée  700  ans  après  les  Jeux 
Funèbres  de  Pélops  ?  Pourquoi 
cette  courfe  à  cheval  n'efl:  -  elle 
point  comprife  dans  la  defcription 
que  fait  Homère  des  Jeux  funé- 
bï-cs  de  Patrocle  î  II  cfl  vrai  cj^uc  le 


ES  SÇAVANS, 

cheval  y^r^o/?,  qui  avoit  appartcns* 
à  Hercule ,  puis  a  Adrafte,  ell  nom- 
mé fcul  ,  d'où  l'on  a  conclu  que 
c'étoit  un  cheval  de  fcUc.  Mais 
(  remarque  l'Académicien  )  ce  che- 
val avoir  un  camarade  appelle  Cai^ 
rss  par  le  Poc'te  Antimaque,  con- 
temporain d'Hérodote  :  Hc  l'on  ar- 
telloit  ces  deux  chevaux  au  Chai 
d'Adrafte. 

z.  M.  Fréret  revient  au  coffre 
des  Cypfélides  dont  nous  venons 
de  parler ,  qui  étoit  de  bois  de  cè- 
dre, &  dont  toutes  les  faces  étoicnt 
ornées  de  bas  -  reliefs ,  au  -  dcflui 
defquels  on  lifoit  des  infcriptions 
&  des  vers  compofés  par  le  Poète 
Euméie  &  écrits  enfilions  (  Bouflro. 
fhedon  )  :  ce  qui  joint  à  l'âge  du 
Poëte  qui  fleurilfoit  vers  l'an  778. 
avant  .T.  C.  atteiloit  une  trcs-graH- 
de  antiquité.  Dans  ces  bas-reliefs  , 
parmi  plufieurs  évenemens  des 
rems  héroïques ,  étoient  reprefen- 
tés des  Jeux  Funèbres ,  des  expé- 
ditions militaires ,  des  combats  , 
où  l'on  voyoit  des  Chars  à  deux  Sc 
à  quatre  chevaux  j  mais  il  n'y  pa- 
roiiïoit  nul  Cavalier.  L'Auteur  pré- 
fume que  le  plus  ancien  Monu- 
ment où  l'on  voyoit  des  Cavaliers 
étoit  le  Thrône  ou  le  mailîf  qui 
foûtenoit  la  ftatuë  d'Apollon,  dans 
le  Temple  d'Amvcles.  Les  bas-re- 
liefs dont  ce  MaflTif  étoit  revêtu  ,  & 
qui  faifoicnt  voir  Caftor  &  Pollux 
à  cheval,  étoicnt  l'ouvrage  du  Scul- 
pteur Bathyclcs.  Or  il  refulte  d'une 
difcuflîon  chronologique  très-cu- 
rieufe  &  très  -  recherchée  que  fait 
ici  M.  Fréret  par  rapport  à  plufieurs 
faits  lyftoriqucs  de  ces  tems-là  ,  ôc 
que 


D  E  C  E  M 

que  nous  omettons  pour  abréger  , 
Que  ce  Sculpteur  n'étoit  pas  plus 
ancien  que  l'an  560.  avant  J.  C.  & 
il  y  avoit  déjà  long-tems  que  l'art 
de  VEeiuitation  ctoit  connu  des 
Grecs  ,  puifque  des  la  neuvième 
Olympiade ,  les  Spartiates  6c  les 
Mefleniens  avoient  de  la  cavalerie. 
Le  groupe  d'Olympie  qui  repre- 
fentoit  le  combat  d'Hercule  contre 
une  Amazone  à  cheval  ,  &  qui 
étoit  du  Sculpteur  Ariftocle  de 
Cydonic  ,  n'a  pu  être  dédié  par 
Evagore  de  Zancle  en  Sicile  que 
140  ans  depuis  la  première  guerre 
de  MelTéne  ,  où  la  Cavalerie  com- 
inençoit  à  être  en  ufage  :  ce  que 
prouve  l'Académicien  en  fixant  l'é- 
poque de  l'établilTcment  de  Zancle 
&  l'âge  du  Sculpteur  Ariftocle. 

M.  Fréret ,  a  l'occafion  des  Sta- 
tues équeftres  les  plus  anciennes 
qu'il  paffe  en  revue  ,  tâche  de  dé- 
terminer au  jufte  le  terns  où  ont 
fleuri  plufieurs  Sculpteurs  fameux, 
tels  queDipœnus  &  Scyllis^Teiteus 
&  Argelion  ,  Gallon  &  Ouatas , 
qui  avoit  fait  plufieurs  ftatues  éque- 
ftres pour  les  Tarentins.  On  voyoit 
à  Athènes  du  tems  de  Paufanias  les 
ftatues  de  Caftor  &  de  Pollux  de- 
bout, &  leurs  fils  Mnafinoiis  &: 
Anaxias  montés  fur  des  chevaux  ; 
mais  quoique  l'Hiftorien  ne  mar- 
que ni  le  nom  ni  le  tems  du  Scul- 
pteur ,  l'Académicien  croit  ce 
groupe  pofterieur  à  l'expédition  de 
Xerxès  en  Grèce.  A  l'égard  des  fta- 
tues équeftres  desTyndarides,&des 
attributs  avec  lefquels  on  les  re- 
prefentoit ,  ce  que  l'Auteur  exami- 
ne ici  fort  au  long  ;  comme  ni  les 
Décembre. 


B  R  E  ,    1755.  6^1 

unes  ni  les  autres  n'étoient  fondés 
fur  aucune  circonftance  del'Hiftoi- 
rcdeces  dcmi-Dicux  ,  ni  foûtcnus 
d'aucune  ancienne  tradition  ,  ils  ne 
peuvent  fervir  [dit  l'Académicien] 
à  décider  la  queftion  touchant  l'an- 
cienneté de  ['Eqiiitdtion  chez  les 
Grecs. 

Quant  au  Monument  de  Tégéc  , 
érigé  en  l'honneur  d'Iafîus ,  &  où 
(  félon  Paufanias  )  il  étoit  rcprefen- 
té  avec  un  cheval  aupr.s  de  lui  ;  les 
Partifans  de  l'ancienneté  de  l'Equi- 
tation  ne  peuvent  tirer  de  là  aucun 
avantage  ,  puifque  la  ftatuc  n'cil 
point  véritablement  équellre  -,  fins 
compter  que  ce  Monument ,  com- 
me s'applique  à  le  découvrir  M. 
Fréret ,  femble  être  pofterieur  à  la 
féconde  guerre  deMefféne  &  à  l'in- 
troduiftion  des  courfes  de  chevaux 
à  Olympie  ,  l'an  645.  avant  J.  C. 
fur  quoi  il  faut  confulter  l'Acadé- 
micien lui-même  ,  qui  termine  en- 
fin le  fécond  article  de  ù  DifTcrta- 
tion  en  déclarant  qu'il  n'eft  point 
de  l'avis  du  Poète  Lucrèce ,  qui  re- 
gardoit  l'art  de  conduire  un  Chat 
attelé  de  plufieurs  chevaux  comme 
plus  combiné  ,  &  par  confequent 
plus  moderne  que  celui  de  monter 
&c  de  conduire  un  feul  cheval.  De- 
là notre  Auteur  paffe  à  la  Fable  des 
Centaures. 

3.  Elle  tiroit  fon  origine  de  la 
célébrité  des  chevaux  &c  desCava- 
liersThefTaliens,  qui  depuis  l'ufagc 
établi  de  VEijititation  fourn  ftoient 
de  la  Cavalerie  à  prcfque  toutes  les 
Villes  Gréqucs.  Pindare  (  félon 
M.  Fréret  )  femble  être  le  premier 
Poète ,  (jui  ait  fait  les  Centaures 
Zz  zz 


6$S  JOURNALD 

demi  -  hommes  &  dcmi-chcvaux. 
Les  monumens  qui  lui  font  anté- 
rieurs les  reprcfcntoient  autrement. 
Parmi  les  bas  reliefs  du  coffre  des 
Cypfélidcs  j  paroiffbit  le  Centaure 
Chiron  comme  un  autre  homme 
porté  fur  fes  pieds  5c  traînant  après 
lui  la  croupe^  les  flancs  &  les  jam- 
bes de  derrière  d'un  cheval  :  &  l'A- 
cadémicien ne  doute  prcfquc  pas 
que  du  tems  d'Eudoxe  &  d'Aratus 
laconftcllation  de  ce  Centaure  ne 
fût  ainfi  reprcfcntce  fur  les  planif- 
pheres.  Mais  (  obfcrve  t  il  )  cette 
ibrte  de  rcprefentation  n'étoit  pas 
la  plus  ancienne  ,  puifque  fur  les 
planifpheresEgypticnSj  le  Sagittai- 
re ou  le  Centaure  du  Zodiaque 
n'étoit  reprefenté  qu'avec  deux 
pieds  de  cheval  &c  une  queue  ,  à 
peu-près  comme  un  Satyre  :  ce  qui, 
comme  l'on  voit ,  bien  loin  d'a- 
voir quelque  rapport  à  {'Exulta- 
tion j  défignoit  au  plus  un  homme 
qui  élevoit  &  qui  nourriflbit  des 
chevaux  •,  encore  taudroit-il  pour 
cela  qu'on  n'eût  pas  pris  fur  les 
figures  des  Centaures  ,  groffie- 
rcment  faites  des  pieds  de  bœuf 
pour  des  pieds  de  cheval  ;  ce  qui 
conviendroit  beaucoup  mieux  à 
leur  nom  qui  ne  fignifie  que  des 
■pi^ue-bœufs  ou  des  bouviers, 

Hélîode  &  Homère  ,  en  parlant 
des  Centaures  ,  ne  leur  attribuent 
ni  figures  monftrueufes  ,  ni  le  foin 
de  nourrir  des  chevaux  ,  ni  aucune 
habileté  à  les  monter ,  comme  le 
juftifient  divers  paiïages  de  ces  Poè- 
tes allégués  par  l'Auteur  ;  qui  re- 
marque de  plus,  qu'il  s'en  falloit 
beaucoup    eue   toutes  les  Fables 


E  S  SÇAVANS, 

Gréques  cuffcnt  la  même  antiqui- 
té ,  la  pkip.irt  n'étant  que  le  fruit 
des  imaginations  bizarres  des  Poè- 
tes poftcrieurs  à  Homère ,  ou  de  la 
hardiefTc  des  Sculpteurs.  Telle  eft 
(  félon  lui  )  la  Fable  des  Centaures, 
qui  s'eft  formée  peu  à  peu  &  char- 
gée fuccelfivcment  de  plufieurs 
circonftanccs  ,  fur  lefquclles  on 
fonde  mal-àpropos  l'ancienneté  de 
VE^ttitatton  :  6c  il  prendra  toujours 
ces  monftres  pour  des  êtres  pure- 
ment poétiques  ,  malgré  le  témoi- 
gnage de  l'Empereur  Claude  ,  qui 
dans  fon  Hiftoirc  Romaine parloit 
d'un  Centaure  né  d'une  Femme  en 
Theflalie ,  &  malgré  celui  qu'on 
envoya  d'Egypte  à  Rome  fallé  & 
enduit  de  miel  fous  le  même  Em- 
pereur-, 5c  que  M.  Frèret  eft  fort 
difpofé  à  regarder  comme  un  Cen- 
taure artificiel  &:  comme  l'ouvrage 
des  Embaumeurs   Egyptiens. 

4.  Qiiant  à  l'époque  de  VEcjuita- 
tion  dans  la  Grèce ,  NI.  Fréret  avoiie 
de  bonne  toi  qu'il  n'a  fur  ce  point 
que  des  conjecT:ures  à  propofer  aux 
Ledeurs ,  loin  de  pouvoir  là  deffus 
pleinement  remplir  leur  curiofitc. 
On  a  déjà  vu  plus  haut  que  du- 
tems  d'Hérodote  VEcjuitation  étoit 
en  ufage  dans  l'Ionic  &  la  Lydie  ; 
mais  que  ce  Poète  condderoit  cet 
art  dans  ces  Contrées  Afiatiques 
comme  nouveau  5c  comme  poftc- 
rieur  à  la  guerre  de  Troye.  Mais 
d'où  s'étoit-il  répandu  dans  l'Afie 
Mineure  ?  L'Académicien  croit 
qu'il  y  fut  apporté  par  \cs  Trérons 
&  les  Cimmcriens  ^  Nations  Sep- 
tentrionales ,  chez  qui  les  chevaux 
étoicnt  communs ,  qui  vivoient  da 


D  E  C  E  M 

lait  de  leurs  cavales  (  ino/xtAyt'i  ) 
&  qui  firent  dans  cette  partie  de 
l'A(ie  diverfes  incuriions ,  dont  la 
plus  ancienne  eft  placée  par  Stra 
bon  vers  le  tems  d'Homère  ou  mê- 
me un  peu  avant  lui ,  &  qui  font 
pofterieures  de  150  ans  au  moins  à 
la  prife  de  Troye.  Hérodote  fuppo- 
fe  que  les  Amazones  du  Thermo- 
don  dès  les  tems  héroïques  com- 
battoicnt  à  cheval  ;  mais  Homère 
qui  parle  d'elles  en  plufîeurs  en- 
droits ,  ne  dit  rien  fur  cette  circon- 
ftance  ,  &  c'eft-là  tout  ce  qu'a  pu 
recueillir  M.  Fréret  fur  l'origine  de 
l'E^uitatian  dans  l'Afic  Mineure. 

Sa  plus  ancienne  époque  dont  on 
ait  connoilTance  au  regard  de  laGré- 
ce  Européenne, ne  remonte  pas  plus 
haut  (  comme  on  l'a  déjà  infinué 
ci-dertus  )  que  la  première  guerre 
de  Meflene  :  c'eft- à-dire  ,  environ 
743  ans  avant  J.  C.  Mais  cette  Ca- 
valerie étoit  des  plus  mauvaifes 
[  dit  Paufanias  ]  par  le  peu  d'habi- 
leté des  Péloponnèliens  dans  l'art 
de  monter  à  cheval.  Il  patoiiroit  , 
pat  les  bas-reliets  du  Coffre  des 
Cypfélides  ,  qu'on  croyoit  l'ufage 
de  l'Equitation  pofterieur  à  la  con- 
quête de  Corinthe  parlesHéracli- 
des.  Cependant  s'il  étoit  vrai ,  com- 
me i'alfuroit  Philoftephanus  con- 
temporain de  Callimaque,  queLy- 
curgue  eût  le  premier  diftribué  la 
Cavalerie  Lacèdémonienne  en 
Compagnies  de  50  hommes  ,  elle 
feroit  (  dit  l'Auteur  )  auflî  ancien- 
ne dans  la  Grèce  d'Europe  que  dans 
i'Afie  Mineure. 

Il  n'eft  queftion  que  de  fçavoir 
au  viai  û  ces  Cavaliers,  de  Lycur- 


B  R  E  ,     I  7  5  j.  6^9 

gue  fcrvoient  à  cheval  -,  &M.  Fré- 
ret croit  fur  quelques  preuves  qui 
ne  font  pas  à  mcprifer  ,  qu'ils  ne 
fervoient  qu'à  pied.  Les  Lacédé- 
moniens  négligèrent  très  long  tems 
leur  Cavalerie  :  elle  étoit  encore 
rrès-mauvaife  à  la  bataille  de  Leuc- 
trcSj  de  elle  ne  commença  à  s'amé- 
liorer Se  à  devenir  plus  nombreufe 
tant  à  Sparte  que  dans  le  relie  de  la 
Grèce  qu'au  tems  d'Agèfdas.  En 
général  les  chevaux  ètoient  rares  & 
d'un  très-grand  prix  chez  les  Grecs, 
où  la  feule  Thcll'alie  en  fourniflToit, 
&  où  les  races  de  chevaix  étrangers 
dègénèroient ,  faute  de  pâturages 
convenables. 

Du  reftc  ,  M.  Fréret  feroit  fort 
porté  à  croire  que  la  Macédoine  eft 
le  Pays  de  la  Grèce  où  l'art  de  l'E- 
quitation a  commencé  ,  d'où  il  a 
paiïe  en  ThelTalie  ,  &  dc-là  dans  la 
Grèce  Méridionale.  Mais  ce  ne  font 
(  dit  -  il  )  que  des  conjeètures  qui 
malgré  leur  probabilitén'étabhircnc 
rien  de  certain  :  aufli  (  a;oûte-t-il  ) 
ne  me  fuis-je  point  engagé  à  déci- 
der la  quelHon.  Elle  reftera  vrai- 
femblabiement  toujours  indècife  , 
l'ufage  de  l'Equitation  s'étant  fans 
doute  introduite  à  la  lois  en  divers 
endroits  de  li  Grèce  ,  dans  un  tems 
d'ignorance  Se  de  barbarie ,  qui  efl: 
celui  de  l'irruption  des  Doriens 
fous  la  conduite  des  Hèrachdes  , 
tems  dont  l'Hiftoire  nous  efl:  tota- 
lement inconnue ,  où  les  Ecrivains 
étoient  très  -  rares  ,  &  dont  il  ne 
nous  refte  aucun  Monument. 

L'Académicien  termine  fon  cu- 
rieux Mémoire  par  quelques  recher- 
clic&fur  les  caufes  qui  ont  fait  eul- 
Z  z  z  z  ij 


700        JOURNAL    DE 

tiver  l'Equitation  de  li  bonne  heure 
en  Italie  ,  que  dès  le  tems  de  Ro- 
mulus  elle  y  ctoi:  très  commune  ; 
cnforte  que  n'ayant  qu'un  corps  de 
3000  hommes  d'Infanterie,  il  eût 
un  corps  de  Cavalerie  de  500  hom- 
mes ,  qui  faifoit  la  dixième  partie 


S    SÇAVANS , 

de  fes  Fantaffins  ;  au  lieu  que  la 
Cavalerie  des  Armccs  Gréqucs  n'en 
hifoit  ordinairement  que  la  tren- 
tième Se  quelquefois  la  quatrième 
partie.  Nous  renvoyons  lur  les  rai- 
fons  de  cette  différence  au  Mémoi- 
re même. 


SrSTESME  CHRONOLOGIQVE  SVR  LES  TROIS  TEXTES 
de  la  Bihle  ,  avec  l'Hifloire  des  anciennes  Monarchies  explic^née  &  réta- 
blie. Ouvrage  divifé  en  deux  Parties  ■■,  la  première  comprend  les  ^niicjuiieX^ 
des  premiers  Babyloniens  ,  des  premiers  &  féconds  AJJyriens ,  des  féconds  & 
troijîémes  Babyloniens  ,  avec  l^Hiftoire  des  Médes.  La  féconde  Partie  com- 
prendra V ancienne  Hiftoire  des  Perfes  ,  des  Egyptiens  ^  &  des  Scythes  ,  les 
yinticjuiteT^ Chinoifes ,  Phéniciennes  &  Lydiennes ,  celles  de  l\lfie  &  de 
P jijfriijite  ,  avec  l'ancienne  Hiftoire  Gréqtie  &  Latine.  Par  Ad.  Adidjei 
de  Toul.  Avec  un  Canon  Chronologic^ue  de  ^.^  pages ,  &  un  dialogue  al- 
phabétique &  hiflorique  des  anciens  Auteurs  cités  dans  le  corps  de  l'Ouvrage, 
Imprimé  à  Toul ,  &  fe  vend  à  Paris ,  chez  Alitfter  fils  ,  fur  le  Quai 
5c  au  coin  de  la  rue  des  grands  Auguftins.  1731.  /«-4°.  pages  371. 


M  Michel  fepropofe  dans  cet 
.  Ouvrage  d'approfondir  les 
Antiquitez  anciennes  pour  en  faire 
une  fuite  conforme  aux  Auteurs 
Sacrés.  Il  reconnoît  que  ce  deffein 
n'efl:  pas  nouveau,  mais  il  allure  en 
même  tems  que  perfonne  n'a  eu 
encore  la  gloire  d'y  réuflîr. 

»  Cependant  quelque  hardie 
»  qu'ait  été  l'entreprife  de  dé- 
»>broiiiller  ce  cahos  hiftorique  , 
»  jufqu'ici  inexphcable  ,  &  d'en 
»  faire  un  Syftcmc  fuivi  &  confor- 
»  me  aux  Hiftoriens  Sacrés  :  je  ne 
»  l'ai  pas  cru  ,  dit-il ,  impofiîble  , 
>»  perfuadé  que  parmi  tant  de  diff^e- 
»rens  fcntimcns  il  doit  s'en  trou- 
«  ver  un  vrai  :  j'ai  cherché  dans  les 
»  Hiftoriens  anciens  ce  qui  pou- 
»  voir  m'en  convaincre  ,  j'ai  fup- 
«  pléé  pat  des  conjcdurcs  à  ce  que 


»le  tems  nous  en  a  fait  perdre. 

L'Auteur  commence  par  fe  for- 
mer un  Syftcme  Chronologique 
furies  diffcrcns  Textes  de  la  Bible  , 
fçavoir  l'Hébreu  ,  le  Samaritain,  & 
le  Grec  ;  fans  partialité  pour  l'un  des 
trois ,  il  a  pris  autant  de  foin  de  les 
concilier  entr'eux  qu'avec  la  Chro- 
nologie Prophane.  »  Cette  voye-, 
"quoique  nouvelle,  fera,  conti- 
»  nuc-t-il ,  du  goût  des  Sçavans  qui 
«conviennent qu'il  y  a  de  l'erreur 
j'  dans  les  trois  Textes ,  &  que  l'on 
»  doit  les  redifier  l'un  par  l'autre  , 
»  afin  d'accorder  la  Chronologie 
«  des  Juifs  avec  celle  des  autres 
n  Nations. 

Il  obferve  d'abord  qu'il  ferort 
difficile  de  trouver  deux  Chronolo- 
giftes  qui  s'accordent  fur  les  tems 
qui  fc  font  écoulés  depuis  la  Cié»: 


D  E  C  E  M  B 

tion  du  monde  jufqu'à  Cyrus.  Cet- 
te oppolltion  vient  de  la  différence 
qu'on  remarque  entrt;  le  Texte  Hé- 
breu ,  le  Grec  6c  le  Samaritain.  Il 
expofe  en  quoi  ils  différent  princi- 
palement entr'eux  Se  pour  les  con- 
cilier plus  aifémenr  ,  il  partage  en 
cinq  intervalles  le  tems  qui  s'ell 
paffe  depuis  la  Création  du  monde 
jufqu'à  Cyrus. 

Il  étend  le  premier  intervalle  de- 
puis la  Création  du  Monde  juf- 
qu'au  Déluge.  La  difficulté  de  le 
fixer  vient  de  ce  qu'aucun  des  trois 
Textes  ne  fe  rencontre  fur  le  tems 
auquel  les  Patriarches  ont  eu  des 
enfans.  L'Auteur  apporte  de  part 
&  d'autre  les  raifons  fur  lefquelles 
chaque  Chronologifte  s'appuye 
pour  fuivre  un  des  trois  Textes 
préterablement  à  l'autre  ,  fur-tout 
l'Hébreu,  à  l'exclufion  de  celui  des 
Septantes,  &  réciproquement.  Car, 
quoique  le  Texte  Samaritain  ne 
foit  pas  moins  autentique  ,  il  y  a 
néanmoins  peu  de  Chronologiftes 
qui  s'y  foient  attachés.  Nous  ne 
pouvons  fuivre  M.  Michel  dans 
toutes  les  preuves  &  les  conjedures 
par  lefquelles  après  avoir  balancé 
entre  les  Variations  it%  troisTextes, 
il  nous  donne  une  Table  des  années 
aufquelles  les  Patriarches  ont  en- 
gendré. Ces  années  réunies  cnfem- 
ble  forment ,  félon  lui ,  depuis  la 
Création  du  Monde  jufqu'au  Dé- 
luge 1^56^. 

Le  fécond  intervalle  depuis  le 
Déluge  jufqu'à  la  Vocation  d'A- 
braham eft  ,  félon  lui ,  le  plus  im- 
portant à  examiner.  II  varie  dans 
les  trois  Textes ,  le  Samaritain  fait 


-R  E  i    175  ?.  701 

cet  intervalle  de  1017  ans,  l'Hé- 
breu feulement  de  417  ,  &C  les 
Scptantesde  1147. 

Le  Samaritain  &  les  Septantes 
donnent  une  jufte  étendue  ,  non 
feulement  pour  accorder  l'Ecritu- 
re avec  elle-même  ,  mais  encore 
pour  concilier  avec  elle  les  Monu- 
mens  les  plus  certains  des  autresNa- 
tions.  Si  on  vouloit  s'attacher  fcru- 
puleufement  à  l'Hébreu  ou  à  laVuI- 
gate^  il  faudroit  retrancher  une  par- 
tie des  anciens  Rois  de  Babylone,  & 
d'Alfyrie, regarder  comme  fabuleu- 
fe  lâChronologie  des  Chinois,aban- 
donncr  le  moyen  de  réduire  à  de 
juftes  bornes  les  Antiquitez  Egyp- 
tiennes ,  &c. 

Ces  motifs  déterminent  l'Auteur 
à  régler  cet  intervalle  fur  les  Sep- 
tantes &  fur  le  Samaritain,  qui  à 
l'exception  de  ce  qui  regarde  un  fé- 
cond Caïnan,  font  affez  uniformes 
fur  cette  partie  de  la  Chronologie, 
M.  Michel  croit  cependant  "  qu'on 
M  pourroit  fe  fervir  avec  avantage 
»  duTcxtcHébrcu  en  ajoutant  cent 
n  ans  au  tems  que  lesPatriarchcsd'a- 
»  près  le  Déluge  ont  eu  des  enfans^ 
»&qui  peut-être  auront  étéfous- 
"  entendus,  a  Découverte  heureufe 
&:  que  l'Auteur  ne  trouvera  pas 
mauvais  que  nous  rendions  au  P. 
de  Tournemine  qui  l'a  publiée 
pour  la  première  fois  dans  les  Mé- 
moires de  Trévoux  fous  les  mois  de 
Mars  &  d'Aouft  de  l'année  1703.  il 
l'a  depuis  inférée  dans  les  fçavantes 
Diifcrtations  Chronologiques  qu'ai 
a  jointes  à  l'Edition  de  Menochius 
qui  a  paru  en  1719.  &  qui  a  été 
réimpiimé  à  Vcnife  en  1722.  dès 


702  JOURNALD 

l'année  lyotf.  M.  Duhamel  avoic 
adopté  cette  découverte  dans  fa  Bi- 
ble ,  Se  n'avoir  pas  oublié  dt;  don- 
ner à  fon  véritable  Auteur  les  élo- 
ges qu'elle  mérite. 

MjIs  pour  revenir  à  M.  Miclicl , 
le  fécond  Intervalle  dont  nous 
avons  parlé  ,  fera  par  les  raifons 
qu'on  a  vues  de  1158  ans ,  &  fi  on 
retranche  le  fécond  Cainan  dont  il 
cft  tait  mention  dans  les  Septantes  , 
il  ne  fera  que  de  1 1 18  ans. 

Les  trois  Textes  ,  &  Saint  Paul 
donnent  foixante  -  treize  ans  au 
troilîémc  Intervalle  depuis  la  Vo- 
cation d'Abraham  jufqu'à  la  Sortie 
d'Egypte.  On  oppofe  à  cette  fup- 
putation  un  padagc  du  Texte  Hé- 
breu ,  où  il  ell:  dit  que  l'habitation 
•des  enfans  d'Ifaac  en  Egypte  a  été 
de  430  ans  ,  mais  l'Auteur  fetire 
aifément  de  cette  difficulté. 

Le  quatrième  Intervalle  depuis 
la  fortie  de  l'Egypte  jufqu'à  la  Fon- 
dation du  Temple  paroît  plus  era- 
barrallant.  M.  Michel  rapporte  là- 
delTus  tout  ce  qu'en  ont  pcnié  les 
Auteurs  Sacrés  fc  Prophanes  ,  & 
fixant  enfuite  par  une  Table  les  an- 
nées des  divers  évenemcns  arrivés 
parmi  le  peuple  Juit  depuis  fa  forrie 
de  l'Egypte  jufqu'à  la  Fondation  du 
Temple,  il  trouve  une  durée  de 
éSoans. 

Le  cinquiénae  Intervalle  depuis 
la  Fondation  du  Temple  jufqu'à  fa 
ruine  ,  &  jufqu'à  la  première  an- 
née de  Cyrus  fouffre  encore  beau- 
coup de  difficulté!  :  elles  viennent 
principalement  de  l'obfcurité  qui 
eft  répandue  fur  le  tems  où  les 
Rois  ColUturaax  de  Juda  &  d'If- 


ES    SÇ  AVANS. 

rael  ont  commencé  de  régner  ; 
l'Auteur  ellayc  d'en  donner  une  Ta- 
ble exacte  &  compte  475  ans  de- 
puis la  Fondation  du  Temple  juf- 
qu'à la  première  année  de  Cyrus 
qui  commence  55^  ans  avant  l'Ere 
vulgaire. 

Par  confcqucnt,  fclon  fon  calcul, 
i>  depuis  la  Création  du  Monde 
»  jufqu'à  l'Ere  Vulgaire  ^  il  y  aura 
»  5035  ans  ,  &  fi  on  retranchclc 
»  fécond  Caïnan  ,  il  y  en  aura 
«4905  i  ouenconnptant  les  années 
»  depuis  le  Déluge  jufqu'à  l'Ere 
»  Vulgaire,  il  y  aura  3  379  ans  ,  &  fi 
»  on  retranche  le  fccondCaïnan,il  y 
»  en  aura  3  249."  Il  nous  afTure  que 
l'un  ou  l'autre  nombre  fuffira  pour 
expliquer  toutes  les  Antiquitcz 
Prophanes  depuis  le  Déluge. 

Avant  que  d'entrer  dans  ce  dé- 
tail il  fait  quelques  obfervations 
fur  la  forme  de  gouvernement  qui 
étoit  en  ufage  au  commencement 
du  monde  ,  &  fur  la  manière  dont 
les  premières  Monarchies  fc  font 
établies.  De-là  il  vient  à  celle  des 
Babyloniens  dont  il  prouve  en  gé- 
néral l'Antiquité  par  un  grand 
nombre  d'cutoritez.  »  L'on  verra, 
«  dit  il  lui-même  dans  fa  Préf.tce^  par 
»  la  toule  des  témoignages  des  an- 
»  cicns,que  j'ai  cherché  dans  toutes 
>»les  fources  qui  pouvoient  iarcn- 
»  dre  complette.  ««  Il  n'oublie  pas 
non  plus  d'avertir  qu'il  eft  le  pre- 
mier qui  ait  réduit  en  une  fuite 
conforme  à  l'Ecriture  ces  Antiqui- 
tcz Babyloniennes  avant  &  après  le 
Déluge.  Elles  commencent  avec  la 
Création  du  monde,  &:  continuent 
pendiftC  uue  fuite  de  dix  Rois  juf- 


D  E  C  E  M 

qu'au  Déluge  qui  arriva  fous  le  Roi 
Xifuthus  qui  cft  Noé  &  le  même 
que  Saturne  &  que  Jupiter. 

Cependant ,    quoique  les  Baby- 
loniens ne  fiflcnt  mention  que  de 
dix  Rois  jufqu'au  Déluge  ,  &  qui 
fans  doute  font  les  mêmes  qu'A- 
dam ëi.  fa  Pofterité  ;    ces   peuples 
n'ont  pas  feint  de  donner  à  chacun 
d'eux  des  milliers  d'années  de  rè- 
gne. Mais  en  reduifant ,    comme 
plufieurs  Auteurs  l'ont  penfé ,  ces 
années  à  des  jours ,   toute  la  diffi- 
culté s'évaroiiit  ;   les   Antiquitez 
Babyloniennes  n'ont  plus  rien  de 
fabuleux  ,  &:  il  eft  très-aifc  de  les 
rapprocher  de  l'HiftoiredeMoyfe. 
George  le  Syncelle  nous  a  con- 
fcrvé  les  fragmcns  de  Bérofe ,  de 
Palxphate    furnommé    Abydéne  , 
d'Apollodore  ,     &  d'Alexandre- 
Polyhiilor.  Ce  font  les  feuls  Hiflo- 
riens  connus  qui  traitent  des  Anti- 
quitez Chaldaïques  ,  on  ne   laiffe 
pas    cependant   de    trouver    dans 
Diodore   de  Sicile,    &  dans  quel- 
ques autres  Auteurs  certains  traits 
qui  ont  rapport  à  cette  matière  , 
mais  ils  n'ajoutent  prefque  rien  à  ce 
qui  nous  en  rcftc  dans  les  premiers 
qu'on  vient  de  citer  ;  feulement,  ils 
confirment  leur  témoignage.   C'eft 
fur  ces  autoritez  que  M.  Michel 
établit  l'Hiftoirc  des  premiers  Ba- 
bvloniens.    Il    commence  par    la 
Théologie  de  ces  peuples ,   toute 
mêlée  Ae.  Fables  qu'elle  eft ,  il  mon- 
tre qu'elle  s'accorde  du  moins  avec 
Movfe  fur  l'origine  du  monde.  Il 
trouve  cnfuite  moyen  de  concilier 
leur  Chronologie  avec  le  Texte  Sa- 
cré ,  en  convertilTant  en  jours  les 


B  RE;  1755;  705 

Sares  des  Chaldécns  qui  étoit  une 
cfpace  de  3600  ans.&  à  la  faveur  de 
plufieurs  conjcâures  fçavamcsfur 
les  divcrfitez  qui  fe  trouvent  dans 
Bérofe  ,  Pol)  hiftor ,  Palxphate ,  & 
Apollodore  par  rapport  aux  dix 
premiers  Rois  des  Babyloniens ,  il 
afufte  cnfemble  ces  quatre  Au- 
teurs ,  les  corrige  l'un  par  l'autre, 
&  il  trouve  que  la  fuite  des  années 
du  règne  de  ces  dix  Rois,  joints en- 
femble,  loime  la  femme  de  1185 
ans  125  jours. 

Et  pour  faire  mieux  quadrer  cet- 
te fupputation  avec  celle  de  Moyfe 
qui  compte  165^  ans  depuis  la 
Création  jufqu'au  Déluge  ;  il  n'y  a,, 
dit-il ,  qu'à  mettre  un  intervalle 
de  473  ans  depuis  Ja  Création  juf- 
qu'àAlorusle  premier  des  dix  Rois, 
&  en  y  ajourant  les  1183  ans  écou- 
lés depuis  Aiorus  jufqu'au  Déluge, 
on  aura  1656  ans. 

Parmi  toutes  ces  obfcuritez  U  en 
ufc  comme  un  arbitie  ,  qui  perfua- 
dé  qu'il  y  a  réciproquement  quel- 
que chofede  )ufl:e  &  d'mjufte  dans- 
les  demandes  que  forment  fes  par- 
tics  ,  mais  qui  deftitué  de  titres  & 
de  pièces  jufiificatives  pour  procc^ 
der  furement  dans  la  décifion  de 
leurs  conteflations ,  les  engage  à 
fe  relâcher  mutuellement  fur  cer- 
tains Points  ,  quoique  par  cette 
voyc  il  lui  foit  impoflîble  de  £e 
convaincre  lui-même  ,  ni  de  con- 
vaincre les  autres  de  l'équité  de 
fon  jugement. 

Dès  que  l'Auteur  eft  forcé  de 
fuivre  une  telle  méthode  ,  on  fent 
en  même  tems  qu'il  eft  obligé  d'en- 
trer dans  des  détails  &  dam  des 


704       JOURNAL     DE 

conjedures  qui  ne  peuvent  faire 
aucune  imprelHon  ,  à  moins  qu'on 
ne  les  life  en  entier ,  &  dont  par 
confcquent  le  public  ne  doit  point 
s'attendre  à  trouver  ici  un  Extrait 
fuivi. 

Nous  nous  contenterons  de 
donner  une  idée  générale  du  refte 
de  l'Ouvrage.  Après  avoir  parlé 
des  Rois  Babvloniens  jufqu'au  Dé- 
luge ,  M.  Michel  nous  prelente 
leur  fuite  depuis  ce  tems  jufqu'a  la 
prife  de  Babylone  par  Ninus.  Ce 
qui  comprend  1145  ans  après  le  De- 
luge  ,  en  admettant  le  fécond  Caï- 
nan,  ou  1015  fi  on  le  retranche. 
On  y  voit  ce  qui  s'eft  pafTé  dans  la 
BabylonieoulePaysdeSennaar  fous 
Noé  5  fes  fils ,  fcs  petits  fils  ,  & 
fous  les  Rois  Chaldécns  Se  Arabes. 
Mais  en  même  tems  »  on  avoiie 
»  que  ce  qui  nous  eft  reftc  de  ces 
i>  anciens  tems,  ne  fuffit  pas  pour  en 
»  développer  toutes  les  difficultez  , 
»  ce  qui  laifie  un  champ  libre  aux 
»j  con)eâ:urcs. 

C'cft  en  s'y  abandonnant  que  l'Au- 
teur place  l'époque  du  règne  de  Ni- 
nuSjFondatcur  de  l'Empire  des  AlTy- 
riens  l'an  1 13  9.  après  le  Déluge  en 
admettant  le  fécond  Caïnan,ou  l'an 
IC09.  en  le  retranchant^  mais  avant 
que  de  donner  l'Hiftoire  de  ce  Roi 
&  de  fcs  Succcfieurs ,  il  cxpofe  les 
differens  fentimens  des  anciens  fur 
la  grandeur  de  cet  Empire  ,  fur  fi 
durée  ,  fur  le  nombre  de  fcs  Mo- 
narques ,  &  fur  les  differens  noms 
qu'ils  ont  eus.  Comme  leurs  fenti- 
mens font  fort  oppofés ,  l'Auteur 
qui  foûticnt  toujours  le  rôle  d'un 
Conciliateur  ,  déclare  qu'il  aime 


S     SÇAVANS; 

mieux  chercher  un  moyen  de  les 
réunir  que  d'en  admettre  un  au 
préjudice  de  l'autre.  Il  préfère  ce- 
pendant le  témoignage  de  Ctélias  à 
celui  d'Hérodote  fur  la  durée  de 
l'Empire  d'Alfyric  ;  outre  que  ce 
dernier  n'a  pas  alTez  éclairci  ce  qu'il 
en  a  écrit  pour  en  faire  un  SylKme, 
il  ajoute  qu'il  n'a  aucun  partilan 
dans  l'Antiquité,  l'i  l'on  excepte 
Appien  d'Alexandrie. 

On  reprend  après  toutes  ces  dif- 
cuflTions  i'Hill:oire  d'AlTyrie  depuis 
Ninus,  &  on  la  continue  jufqu'à 
Sardanapale  dont  le  règne  finit  l'an 
du  monde  4199.  i543-  ans  après  le 
Déluge  ,  1404  avant  l'Ere  Vul- 
gaire. 

Si  l'origine  &  les  progrès  des 
AlTyriens  font  remplis  de  ténèbres, 
on  n'en  trouve  pas  moins  dans  le  dé- 
membrement de  leur  Empire.  M. 
Michel  avoiie  qu'il  n'a  encore  rien 
vu  qui  pût  le  fatisfaire  dans  les  dif- 
ferens Syftêmes  que  les  modernes 
en  ont  donné  ,  »  s'ils  s'accordent 
»  avec  l'Ecriture  ils  abandonnent 
j>  l'Hiftoire  Prophane  ,  comme  s'il 
»  n'y  avoit  pas  de  liaifon  entr'cUes, 
»  &  qu'il  n'y  ait  de  vérité  que  dans 
7)  les  Livres  Saints.  «  Pour  lui  il 
tâche  de  les  réunir  entr'eux  fur  ce 
point.  Tous  s'accordent  à  dire  que 
les  Médes  furent  les  premiers  qui 
fc  fouleverent  contre  les  Alfyriens, 
mais  il  n'ell  pas  aifé  de  fixer  le  tems 
de  cette  révolte  ni  de  pourfuivre 
l'Hiftoire  des  differens  Etats  qu'el- 
le produifit. 

On  verra  dans  l'Auteur  même 
les  efforts  qu'il  fut  pour  fortir  d'u- 
ne route  Cl  obfcure.  Il  s'arrête  beau- 
coup 


D  E  C  E  M 

coup    fur  Aflarrhadon  qui  réunit 
Babylone  à  fon  Empire  de  Ninive  , 
il  prétend  que  ce  Prince  cft  le  Na- 
buchodonofor    fous  lequel  arriva 
l'Hiftoire  de  Judith.  Peu  content  des 
Âijferens  Syftèmes  que  les  anciens  & 
les   modernes   ont  inventés  pour 
prouver  la  vérité  de  cette  Hiftoire, 
il  les  combat  tous  ,  il  propofe  en- 
fuite  le  ficn  ,   comme  le  feul  qui 
foit  capable  de  refoudre  les  diffi- 
cultcz  tirées  de  l'Ecriture ,  &  des 
Hiftoriens  Prophanes  ;  &  par  occa- 
lîon  il  éclaircir  ce  qu'Hérodote  dit 
des  années  du  règne  de  Déjocés^  & 
des  128  ans  de  la  domination  qu'il 
attribue  aux  Médes  dans  toute  l'A- 
fie.   C'eft  en   cette  rencontre  ,  & 
Icrfqu'il  s'agit  encore    d'accorder 
Daniel  avec  Jérémie  fur  le  tcms 
auquel  Nabuchodonofor  le  Grand 
fit  la  Conquête  de  la  Judée ,  que 
M.  Michel  nous  affure  qu'on  verra 
par  fon  exemple  qu'il  y  a  encore 
des  découvertes  à  faire  pour  l'inter- 
prétation des  Ecritures. 

Il  a  encore  la  confiance  d'être  le 
premierqui  ait  développé  l'Hiftoire 
de  Darius  le  Méde.  Il  foûtient  que 
Balthazar  &  Darius  ont  porté  tous 
deux  le  iiom  de  Nabonnades  ,  & 
que  toutes  les  contradidions  dans 
lefqucUes  les  Sçavans  font  tombés 
fur  ce  point  ne  viennent  que  de  ce 
qu'on  n'a  point  diltingué  ces  deux 
Nabonnades.  Darius  le  Méde  eft 
celui  que  Cyrus  alTocia  à  fon  Em- 
pire ,  &  qui  ayant  cabale  contre  lui 
fut  relégué  dans  la  Caramanie.  C'eft 
Q\\  finit  l'Hiftoire  des  Babyloniens, 
&  où  commence  celle  des  Médes  i 
Décembre. 


B  R  E,    Ï73  j.  70 

elle  eft  peu  connue  jufqu'à  Arbacr 
qui  fie  révolter  ces  peuples  conti 
le  fécond  Sardanapale  ,  mais  noti 
Auteur  prétend  qu'ilsacqnirentfei 
lement  la  liberté  de  fe  gouverner  ps 
leurs  propres  loix,&  qu'ils  ne  laifte 
rent  pas  d'être  fournis  à  l'autorit 
des  Rois  du  z'  Empire  d'Alfyrie 
&  c'eft  par  ce  dcnoliement  qu'i 
concilie  Hérodote  avec  Ctéfias ,  f 
avec  l'Ecriture.    Cette    matière  1 
conduit  jufqu'au  tcms  de  Cyrus  qr 
réunit  l'Empire  des  Médes  à  ceh 
desPerfes,  &;  quife  vit  alors  fei 
Monarque  de  l'Orient.  Il  en  donn 
ra  l'Hiftoire  dans  la  fuite.  C'eft  a 
fez  pour  lui  d'avoir  écïairci  dans  c 
Volume  tour  ce  qu'il  y  avoit  d'oî 
fcur  dans  l'Antiquité  jufqu'à  ce  f 
meux  Conquérant. 

Du  refte ,  la  Préface  fait  fi  bien 
fentir  l'utilité  &  les  avantages  de 
ce  Livre,  l'étendue  des  lumières 
de  l'Auteur,  la  parfaite  connoiftàn- 
ce  qu'il  a  de  tous  les  anciens  ,  &  de 
la  plupart  des  modernes ,  la  pro- 
fondeur de  fes  recherches  ,  la  nou- 
veauté ,  la  folidité  de  fes  découver- 
tes &  la  certitude  qu'il  a  d'avoir 
pour  lui  la  raifon,  &  la  vérité  qu'il 
nous  feroit  impoftiblc  de  rien  ajoij- 
ter  au  témoignage  que  M.  Michel 
fe  rend  à  lui  -  même  fur  tous  fes 
points. 

Il  y  a  joint  un  Canon  Chronolo- 
gique qui  montre  d'un  coup  d'œil 
les  dates  des  principaux  évenemens 
de  toutes  les  Hiftoires  dont  il  a  par- 
lé ,  &  aux  inftances  de  M.  l'Abbé 
de  Villefroy  connu  ,  dit-il,  par  fon 
érudition  «Si  fon  fçavoir  dans  les 
A  aàaa 


7o6        JOURNAL    DES    SÇAVANS, 

Langues  Orientales,  il  a  termine      rique  des  anciens  Auteurs  qu'il  y  ^ 
fon  Livre  par  un  Catalogue  Hifto-      cités. 

PANEGTRIOV  E  DE  SAINT  LOVIS  ,  PRONONCE' 
à  l'^kadémii  Fr.mçoijc  le  1 5  Aoufl  1733.  par  le  R.  P.  Tournemine,  de  U 
Co7npagnie  de  Jefiis.  A  Paris ,  chez  Coignard  fils  ,  Imprimeur  de  l'Aca-. 
demie  Françoifc.  1733.  in-^".  pp.  2.0. 


CE  que  ^L  l'Abbé  du  Bos  dans 
fes  Reflexions  Critiques  fur 
la  Pocfie  &  la  Peinture  avoit  ilbien 
prouvé  ,  que  dans  ces  deux  arts ,  il 
n'y  avoit  point  de  fujets  épuifcs 
pour  les  hommes  d'un  vrai  génie  , 
on  peut  le  dire  également  de  l'Elo- 
quence. Rien  de  plus  rebattu  que 
le  Panégyrique  de  S.  Louis ,  rien 
cependant  de  plus  neuf  ni  de  plus 
intereflant  que  le  Difcours  que 
nous  annonçons  aujourd'hui. 

Qui  croiroit ,  comme  on  le  fait 
fentir  dans  l'Exorde  ^  que  ces  pa- 
roles de  S.  Paul  ,  mihi  autem  abjtt 
gloriari  ritf  in  Cmce  Domini  mftri 
J.  C.  per  ^uem  mihi  mtmdits  cmcifi- 

xus  eft  j  &  ego  mimdo J.  C.  me 

fait  regarder  le  monde  comme  un 
crucifié  ,  tandis  qu'aux  yeux  du 
monde  ,  je  parois  moi-même  cru- 
cifié ,  qui  croiroit,  dis  je  ,  que  ce 
Texte  pût  être  appliqué  à  un  Roi , 
&  à  un  grand  Roi.  Cependant  le 
Père  Tournemine  montre  que  cet- 
te difpofition  dans  laquelle  fe  trou- 
voit  S.  Paul  eft  necefTaire  à  tous  les 
Chrétiens,  &  qu'elle  a  été  le  prin- 
cipe de  toutes  les  adions  qui  ont 
rendu  S.  Louis  un  Roi  véritable- 
ment grand.  C'eft  par  une  fidélité 
confiante  à  fuivrc  les  impreflîons 
que  cette  difpofition  infpire.»  Que 
»  fur  le  premier  Tbrône  de  l'Uni- 


»  vers  ,  attiré  fortement  par  le 
»  monde  ,  il  l'a  rebuté  conftam- 
»  ment ,  &  qu'il  s'eft  attaché  con-, 
n  ftamment  à  Dieu  ,  quoiqu'expo-- 
wfé  continuellement  aux  rigueurs-,' 
»dirai-je  ,  aux  rebuts  de  Dieu.  La 
»  profperité  la  plus  enchantcrelTe 
j>  n'a  pu  le  corrompre ,  l'àdvcrfité 
»  la  plus  accablante  n'a  pu  l'ab- 
»  batre. C'eft  là  le  caraiftere  de  Saint 
»  Louis  ,  il  fe  diftinguc  par  ces 
»  deux  traits  des  autres  Saints  dont 
»  notre  Religion  a  confacré  la  me- 
»  moire.  Ces  deux  vertus  l'élevent 
M  au  de  (Tus  des  Héros  que  l'Anti- 
"  quité  Prophane  a  fi  prodigale- 
»  ment  encenfés  ,  Se  que  trompés 
»  par  elle ,  nous  admirons  trop  lé- 
»  gérement....  Mcifieurs ,  qu'on  les 
»  mette  en  parallèle  devant  des  Ju- 
»  ges  tels  que  vous ,  le  triomphe  du 
»  Saint  Roi  fera  certain.  ,  Maîtres  & 
»  modèles  de  l'art  ^e  lç!ucr  ,  vous 
»  pofiedés  un  talent  Bc  plus  rare  ôc 
j>  plus  précieux  ,  le  difcernement 
wfur  de  ce  qu'il  faut  loiier  ,  le 
»  goût  de  la  véritable  fagefle  ,  &  du 
»  véritable  Héroïfme.  Er  comment 
»  ne  vous  connoîtricz-vous  pas  en 
»»  ûgcfie  ,  en  Héroïfme ,  on  a  vu  & 
»  on  voit  encore  parmi  vous  des 
»î  figes  qui  ont  enfeigné  les  routes 
»  de  la  vraye  gloire  &:  des  Héros  de 
»  guerre  &  de  paix  qui  font  arrives 


D  E  C  E  M 

«au  terme  heureux  de  ces  routes 
b  peu  connues ,  &c. 

Le  malheur  de  la  condition  des 
Rois ,  dit  l'Auteur  dans  la  première 
Partie ,  eft  que  la  fainteté  leur  eft 
plus  neceflaire,  &  cependant  moins 
pratiquable  qu'au  peuple.  S.  Louis 
avoit  deux  grands  défavantages 
dans  le  combat  que  le  monde  ve- 
noit  lui  livrer.  Il  étoit  jeune,  il  étoit 
Roi.  On  fait  fentir  par  une  def- 
cription  aulfi  touchante  que  forte 
îes  dangers  du  monde ,  &  le  pou- 
voir que  le  plaifir  a  fur  une  jeu- 
neiïe  vive  &  bouillante. 

Mais  fila  jeuneflc  expofoit  Saint 
Louis  ,  fon  rang  l'expofoit  encore 
plus.  »  Tout  confpire  à  pervertir 
»  un  Prince.  Entouré  de  flateurs  in- 
«tereffés  à  le  tromper,  la  vérité 
s>  parvient  -  elle  jufqu'à  lui  ?  La 
»  beauté  ,  l'efprit  gagnent  trop  à 
»  le  corrompre  pour  n'y  pas  em- 
»  ployer  tous  leurs  charmes.  La 
"  Cour  offre  peu  d'exemples  des 
M  véritables  vertus ,  &  ils  devien- 
»  nent  inutiles  par  le  foin  qu'on 
»  prend  de  les  décrier.  Les  Princes 
»  qui  s'égarent  font-ils  donc  excu- 
3»  fables  devant  Dieu  ;  Non.  Pour 
ï>  quoi  ne  fentcnt-ils  pas  que  vcn- 
3>  geurs  de  fa  loi ,  ils  font  engagés 
î>  à  l'obferver  ? .  . .  Après  tout,  s'ils 
»>  cèdent  aux  attaques  du  monde  , 
5>  c'eft  Dieu  fcul  qui  doit  les  juger. 
ïj  Bornons-nous  à  les  plaindre  \  ad- 
»  mirons  la  fagcfle  ôi  la  torce  de 
»»  S.Louis. 

Après  avoir  rapporté  les  traits 
qui  montrent  jufqu'à  quel  point  le 
faint  Roi  poffedoit  ces  vertus  ,  8c 
les  avoir  relevées  de  toute  la  force 


BUE;     175?'  707 

d'expreflîon  &  defcntiment  qu'un 
génie  heureux  fait  employer  moins 
pour  être  éloquent,  que  parce  qu'il 
i'eft  naturellement,  il  nous  repre- 
fente  S.  Louis  aux  pics  des  pauvres, 
îes  fervant  à  genoux  ,  &c. 

»  J'entrevois ,  dit-ïl ,  ce  que  l'or- 
>»  gueil  inondain  oppofcra  à  un 
M  exemple  fi  décifif ,  on  taxera  de 
>j  fciblelTe  le  plus  grand  de  nos 
»  Rois.  Arrêtez ,  impies ,  ce  Roi 
»  que  je  vous  peins  aux  pieds  des 
y>  pauvres  ,  c'eft  le  Roi  qui  a  retenu 
39  pendant  fon  règne  dans  la  fujct- 
»  tion  des  Vaflaux  puiiTans  &  tur- 
»  bulens,  qui  depuis  plus  d'un  (\z- 
»  cle  a  voient  fatigué  tous  fcs  ancê- 
»  très  par  leurs  révoltes ,  quelque- 
>»  fois  heure.ufes  ;  c'eft  le  Vainqueur 
»  des  Anglois  ,  qui  fur  un  pont  a 
»  foûtenu  l'effort  d'une  armée  -,  c'eft 
»  ce  Héros  qui  aborda  le  premier 
»  à  un  rivage  couvert  de  troupes 
M  nombreufes  ,  &  les  mit  en  fuite, 
»  toujours  Vainqueur  quand  il  a 
5>  pu  combattre  -,  c'eft  ce  génie  fu- 
=  périeur,rame  de  fon  Confeil;  c'eft 
»  ce  Prince  que  la  juftice  &  fa  pru- 
»  dence  connues  ont  rendu  l'arbi- 
»  tredu  Roi  &  du  peuple  d'Angle- 
»  terre  ,  &  qui  leur  a  prefcrit  des 
i>  loix  qu'ils  fuivenr  encore  aujour- 
»  d'hui  ;  c'eft  ce  Prince  choifi  pouï 
"  J"g^  5  ^^^  P°^''  Médiateur  par 
»  toutes  les  Puiftances  de  l'Europe, 
»>  que  le  courageux  ,  le  rufé  Empe- 
*>  reur  Frédéric  II.  a  craint ,  &  n'a 
M  pu  tromper  -,  dont  le  Prince  de  la 
«'Montagne  ,  la  terreur  des  autres 
»  Rois ,  a  recherché  l'amitié  ,  qui  a 
»refufé  l'Empire;  c'eft  ce  Légifla- 
i>  tcut  qui  le  premier  a  donné  la 
A  a  a  a  a  ij 


JOURNALDES  SÇAVANS, 


708 

»  forme  à  nos  Loix  par  fcs  fages 
s.ttablifTcmcns.  Le  plus  fain:  de 
M  nos  Rois  a  été  le  plus  grand  de 
»  nos  Rois ,  parce  qu'il  a  niéprifc 
»  les  jugcmens  du  monde  ,  rejette 
n  caietres  du  monJe^ 

«  Ce  Vainqueur  du  monde  , 
»  pourfiut  le  Père  ToHrnemine  en  fi- 
»  Kijfint /à  première  Partie ,  va  com- 
J3  battre  en  quelque  taçon  contre 
»  Dieu ,  contra  Dettmfortis.  Admi- 
»  rable  ,  parce  qu'attiré  puiflam- 
«  ment  par  le  monde ,  il  l'a  con- 
»  ftammcnt  rebuté  :  plus  admira- 
»  ble  ^  parce  qu'il  a  furmonté  les 
=0  rebuts  de  Dieu  par  un  attache- 
»  ment  inviolable  ,  par  une  patien- 
».ce  héroïque. 

Dans  la  féconde  Partie  le  Père 
Tournemine  ,  à  l'exemple  de  fon 
Héros  ,  femble  tirer  de  nouvelles 
forces  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus 
accablant  &  de  plus  humiliant  dans 
les  difgraces  de  S.  Louis ,  &  fans 
trop  s'arrêter  à  un  ordre  fcrupu- 
Icux ,  que  la  grande  éloquence  ne 
connoît  point  ,  parce  que  les 
grands  mouvemens  de  l'amc  ne 
peuvent  ni  ne  doivent  être  affujet- 
tis  à  la  lenteur  des  reflexions  de 
l'art ,  il  nous  le  montre  toujours 
également  fidèle  à  Dieu  ,  toujours 
également  grand  dans  fes  malheursi 
2c  Dieu  lui-même  toujours  égale- 
ment bon  ,  &  toiijours  également 
adorable  au  milieu  des  rigueurs  ap- 
parentes qu'il  exerce  contre  le  faint 
B.OU 


1 11  expire  fur  la  paille  &furlîv 
»  cendre  ,  la  rigueur  dt  Dieu ,  &• 
»la  fidélité  de  S.  Louis  font  con- 
»  fommécs.  Confummattim  efl.  Fran- 
»  cois  gémidans  ,  cachez  votre 
»  douleur  ,  cachez  aux  Infidèles  le 
n  fort  de  votre  Roi  ,  ne  annuncietis 
n  in  Geth.  Ne  détournez  pas  les 
»  Infidèles  du  fervice  de  Dieu  pat 
3>  le  terrible  exemple  d'un  Roi  fi-; 
»  déle  ,  &  toujours  infortuné. 
»  Qiiclle  erreur  m'aveugle  !  Provi- 
j>  dence  de  mon.  Dieu  ,  ie  vous 
a  adore  ,  &  vous  êtes  certainement 
«adorable.  Annonçons  ,  annon- 
jj  çons  à  toute  la  terre  qu'un  Roi 
»  accablé  fous  le  bras  de  Dieu  l'a 
»  toujours  aimé ,  l'a  toujours  bcni. 
»  Apprenons  par  cet  exemple  à 
»  tous  les  hommeSj  combien  notte- 
»Dieu  eft  aimable.  Qu'èprouve- 
»  rons-nous  dans  la  joiiiflancc  des 
»  délices  que  vous  nows  refcrvés  , 
»  ô  bonté  infinie,  fi  votre  févérité, 
»  fi  vos  rebuts  ont  tant  de  char- 
'»  mes  ? 

Le  même  efprit  de  Religion  5c 
de  pieté  qui  règne  dans  ce  morceau, 
règne  dans  toutes  les  parties  du 
Difcours ,  &  l'on  peut  dire  que  le 
Père  Tournemine  y  a  parfaite- 
ment rempli  le  but  qu'il  s'étoic, 
propofé ,  qui  étoit  de  montrer  , 
»  combien  le  Chriftianifme  efl,  pro- 
»  pre  à  former  des  Héros  ,  ic 
n  quelle  eft  la  fupériorité  des  Hé- 
»-ros  qu'il  forme. 


D  E  C  E  M  B  R  E ,  1  7  5  j: 


-jop 


jiPirES'OTS  TA  EïPi  SKOMEKA  HANTA.  Origénis  Opéra  omnia  qua?  Gr.-t- 
ce  vel  Latmc  tantum  cxtant  &  cjus  nominc  circumferuntur.  C'cft-à- 
dire  :  Tout  ce  cjiion  a  pu  recouvrer  dOuvrages  d'Or-gcne  en  Grec  on  feu- 
hment  en  Latin ,  &  ce  t^u'on  a  public  foits  fin  nom  ^  nvH  fur  les  dijftremes 
éditions  &  fur  les  Manufcrits ,  tant  de  France  t^ue  d'Italie  ^  d^lllcmagne 
&  â' Angleterre  :  traduit  en  Latin  ,  &  éclairci  par  des  notes  avec  des 
Taules  très-amples ,  la  Fie  de  l'Auteur  &  plnfieurs  Differtations.  Par  Dont 
Charles  de  ia  Rue ,  Religieux  BenediUin  de  la  Congrégation  de  S,  Aîaur. 
A  Paris,  chez  Jacques  Fincent ^  rue  Saine  Severin  ^  à  l'Ange.  1753. 
in -fol,  1.  vol.  Tom.  1.  pp.  jyj^Tora.  II.  pp.  534. 


COMME  ce  fécond  Tome 
contient  une  partie  des  Ou-" 
vrages  n'Origêne  fur  les  premiers 
Livras  de  l'ancien  Tellament.  Le' 
Père  de  la  Rue  a  jugé  à  propos  de 
mettre  à  la  tête  de  ce  Volume  une 
Dilferiation  fur  la  manière  dont 
Ojriocne  sxpUquoit  l^Ecriture  Sain- 
te. Cette  Pièce  dont  nous  allons 
donner  le  précis  mérite  une  atten- 
tion particulière. 

Ongêne  diftingue  avec  les  autres 
Interprètes  ,  trois  fens  differens 
dans L'Ecviture  Sainte,  le  littéral, 
le  moral ,  le  mylUque  ou  allégori- 
que. Il  y  a  ,  félon  lui,  des.mor- 
eeaux  de  l'Ecriture  pour  lefquels 
il  faut  rciinir  ces  trois  fens  diffe- 
rens •,  d'autres  aufquels  convien- 
nent le  fens  littéral  &  le  fcnsmyfti- 
que  ,  d'autres  qu'on  doit  neceiïai- 
rement  expliquer  à  la  lettre  ,  & 
d'autres  qu'on  ne  doit  prendre  que 
dans  le  fcns  myftlque  ou  allégori- 
que. Quand  nous  trouvons  dans 
L'Ecriture  Sainte ,  dit  Origêne ,  des 
préceptes  moraux  ,  tels  que  ceux- 
ci  :  vous  ne  tuereT^point ,  vous  ne  fe- 
rez pas  d'adultère  ,  il  faut  les  expli- 


k  Loi  purement  myftiques  ,  quf 
n'étoient  que  la  figure  de  la  Lot 
nouvelle  ,  doivent  toujours  fe 
prendre  dans  le  fens  myftique  ou 
allégorique  :  il  va  même  jufqu'à 
foûtenir  qu'il  y  a  plufieurs  mor- 
ceaux tant  de  l'ancien  que  du  nou- 
veau Teftament ,  qui  étant  pris  àla^ 
lettre  ,  contiennent  beaucoup  de 
chofes  faufles ,  abfurdcs  &  impolîi- 
blés.  Ce  qu'Origêne  applique  mê- 
me aux  Livres  Hiftoriqucs  de  l'ani» 
cien  &  du  nouveau  Teftament ,  où' 
il  dit  que  les  Auteurs  Sacrés  ont 
rapporté  comme  des  faits  certains 
des  chofes  qui  ne  font  jamais  arriJ 
vécs  ,  &  d'autres  qui  peuvent  être 
vrayes  en  elles-mêmes ,  mais  qui 
font  fauiîes  de  la  manière  dont  el-- 
les  font  rapportées.  Le  grand  avafi-- 
tage  qu'Origêne.  prétend  qu'on 
doit  retirer  de  ce  Syftême  ,  c'eft 
qu'en  appercevant  dans  l'Ecriture 
beaucoup  de  chofes  qui  femblenc 
fauiTes ,  abfurdes  ou  impo/îîblcs  ,;,• 
en  les  prenant  dans  le  fens  littéral.  '/ 
©n  reconnoît  que  Dieu  même  nous*' 
avertit  par-là  d'avoir  fouvent  re-^ 
cours  au  fens  allégorique  pour  l'ex-^ 


quer  à  la  lettie.Mais  les  préceptes  de    piication  de  l'£cntuic  Sainte, 


7IO         jOURNAt    D 

Après  cette  cxpofition  du  Syftc- 
tnc  d'Origcnc  ,  le  P.  de  la  Rue  fait 
quelques  obfervations  fur  ceSyftc- 
me.  Les  deux  premières  en  faveur 
d'Origcne  font  i".  qu'il  a  parle  en 
plulîeurs  endroits  avec  éloge  du 
îens  littéral  de  l'Ecriture  Sainte,qui 
ell  le  fondement  de  la  Religion  & 
qui  lutHt  pour  l'édification  des  Fi- 
dèles :  2°.  Qu'il  a  fait  voir  que  les 
explications  myftiques  qu'on  a 
données  de  quelques  endroits  de 
IfEcricurc  Sainte,  ne  font  pas  toutes 
de  purs  effets  de  l'imagination  ,  & 
qu'il  y  en  a  quelques  unes  qui  font 
fondées  fur  la  révélation.  Mais 
quand  on  voit  que  pour  faire  va- 
loir le  fens  allégorique  ,  il  va  juf- 
qu'à  détruire  le  fens  littéral  ,  & 
prétendre  y  trouver  des  chofes 
faufles,  abfurdes,  impodiblcs,  onfe 
fcnt  indigné  contre  un  Syftcme  qui 
fappe  par  le  fondement  l'autorité 
des  Livres  Saints  ,  tant  par  rapport 
aux  Infidèles  que  par  rapport  aux 
Hérétiques.  &  aux  Catholiques,  La. 
Loi  Mofaïque  contient  plufieurs 
figures  de  la  Loi  nouvelle  ;  mais  le 
fens  figuré,  dont  on  ne  peut  douter 
par  rapport  à  quelques  endroits,  ne 
détruit  pas,  le  fens  littéral.  On  ne 
fç^uraitagir  avec  trop  de  circotif- 
peâion  ,  quand  on  veut  pouffer  ces, 
explications  hguratiïcs.  plus  loin 
que  i>e  l'ont  faitks  Apôtres.  Car 
ceux  qui  veulent  expliquer  de  cette 
manière  routes  les  parties  du  Lévi- 
tique  &  de  l'Exode  ,  fc  rendent 
fouvent  ridicuies  par  de  fades  allé- 
gcvries  qwi  diminuent  le  refped: 
qu'on  doit  avoir  pour  l'Ecriture 
Sainte.  Il  oe  £aut  pas  même  poulfer 


ES   SÇAVANS, 

trop  loin  les  explications  myfti- 
ques qui  fe  trouvent  autorifécs 
dans  le  Nouveau  Teftamcnt.  Saint 
Paul  dit  qu'il  y  a  une  Jerufalem 
Célcfte,  dont  la  Jerufalem  terrc- 
ftre  eft  la  figure  ,  mais  il  ne  s'enfuie 
point  delà  qu'on  doive  appliquer 
à  la  Jerufalem  Célcfte  tout  ce  qui 
eft  dit  dans  l'Ecriture  Sainte  de  la 
Ville  de  Jcrufilem  &dcs  environs, 
&  encore  moins  qu'il  taille  avec 
Origêne  affigner  dans  le  Ciel  des 
lieux  qui  répondent  à  l'Egypte  ,  à 
Babylone  ,  à  Tyr  &  à  Svdon.  Loin 
d'ici ,  dit  le  P.  de  la  Rue,  ce  mé- 
lange prophanc  Sc  monftrueux  de 
Platonifme  &  de  Pytagorifme  avec 
l'Ecriture  Sainte. 

L'Auteur  examine  enfuite  ce  qui 
a  engagé  Origêne  à  fe  livrer  à  ce 
goût  de  figures.  Il  obferve  d'abord 
là  -  deffus  qu'Origêne  étoit  grand 
admirateur  des  Juife  ,  fur -tout  de 
Philon  S>c  d'Ariftobule  qui  fe  plai- 
foient  à  expliquer  l'Ecriture  Sainte 
d'une  manière  figurée.  Il  avoir  lu 
avec  attention  les  Ouvrages  des 
Platoniciens  &  des  Pytagoricicns , 
qui  aimoient  ces  fortes  d'explica- 
tions allégoriques.  Cette  miftago- 
gie  étoit  du  goût  du  iléde  d'Origê- 
ne ,  &;  il  s'y  eft  conformé  pour  plai- 
re à  fes  Ledeurs  &  à  fes  Auditeurs. 
Mais  ce  qui  a  pu  le  plus  contribuer 
à  l'entretenir  dans  ce  goût ,  c'eft 
que  travaillant  fort  vite  pour  fatis- 
faire  à  l'empredcmcnt  de  fes  Lec- 
teurs &:  de  fes  Auditeurs  ,  il  lui 
était  plus  tacile  de  trouver  des  fens 
myftiques  ,  qui  fc  prefentcnt  aifé- 
ment  à  ceux  qui  fe  font  exercésdans 
ces  efpeccs  d'explications  Ibuvenç 


D  E  C  E  M 

arbitraires  ,  que  de  lever  les  diffi- 
cultez  que  font  naître  les  explica- 
tions littérales  pour  lefquelleson 
manquoitde  fecours  neceffaires  du 
tems  d'Origêne.  Enfin  ce  qui  a  en- 
tretenu Origcne  dans  ce  Syftcme , 
c'efl:  qu'il  confondoit  le  fens  litté- 
ral avec  la  lettre  de  l'Ecriture  Sain- 
te, Dans  les  métaphores  la  lettre 
peut  être  faufTe ,  &  contenir  cepen- 
dant un  fens  très  -  véritable  fous 
l'apparence  d'une  faulfeté  ,  &  c'eft: 
ce  dernier  fens  qui  eft  le  fens  litté- 
ral, C'eft  donc  à  tort  qu'Origêne 
voulant  juftifier  fa  méthode  d'a- 
néantir en  plufieurs  endroits  le  fens 
littéral  pouy  y  fubftituer  des  figu- 
res ,  cite  l'exemple  des  métaphores 
dont  le  véritable  fens  littéral  eft  ce 
que  l'Ecrivain  Sacré  a  voulu  figtii- 
iîer  par  la  métaphore. 

Il  eft  vrai  que  M.  Huet  a  tâché 
d'excufer  Origêne  fur  ce  que  cet 
Auteur  n'a  point  été  l'Inventeur 
de  cette  manière  d'expliquer  l'Ecri- 
ture Sainte  ,  5c  qu'il  a  pris  ce  goût 
dans  la  Icdure  des  Epîtres  de  Saint 
Paul.  Mais  ce  défaut  de  Philon  ou 
même  de  quelques  Auteurs  Payens 
qui  ont  ainfi  expliqué  les  Pocfies 
d'Homère  ne  juftifie  pointOrigcne. 
Saint  Paul  a  donné  à  la  vérité  des 
explications  myftiques  de  quelques 
endroits  de  l'Ecriture  ,  mais  Saint 
Paul  n'a  point  anéanti  le  fens  litté- 
ral de  ces  morceaux  de  l'ancien  Te- 
ftament  pour  n'en  faire  que  de  fim- 
ples  paraboles  ,  &  en  donnant 
à  quelques  traits  de  l'ancien  Tefta- 
nient  un  fens  myftique  qui  lui  avoit 
été  infpirc  ,  il  n'a  point  ajouté 
qu'on  devoit  expliquer   de  cette 


B  R  E,  T7  3j;  711 

manière  tous  les  pafTages  de  l'E- 
criture Sainte, 

Pluficurs  anciens  Auteurs  entre 
autres  ,  S.  Euftate  Martyr  d'Antio- 
che  ,  S.  Epiphane  j  Théophile., 
S.  Jérôme  &  S.  Auguftin  ,  fe  font 
élevés  contre  la  manière  dont  Ori- 
gêne expliquoit  l'Ecriture  Sainte  , 
enreduifant  à  une  fimple  allégorie 
les  principaux  traits  de  l'ancien  Te- 
ftament ,  comme  ce  qui  y  eft  rap- 
porté du  Paradis  Terrcftre,  ou  de 
la  chute  d'Adam,  . 

Les  Ouvrages  d'Origêne  fur  l'E- 
criture Sainte  dont  ce  Volume 
contient  une  partie  ,  font  de  trois 
efpcces.  Des  notes  ou  des  Obferva-' 
tions  courtes  fur  le  Texte ,  des  To- 
mes qui  font  des  Commentaires 
fuivis  &  des  Homélies.  De  ces  Ou- 
vrages il  y  en  a  qui  ont  été  confer- 
vés  en  Grec  ,  d'autres  dont  il  ne 
nous  rcfte  que  la  tradudion  Latine 
de  Rufin  ,  &:  d'autres  dont  il  n'y  a 
que  des  fragmens  qui  ayent  été 
confervés ,  foit  dans  d'anciens  Ecri- 
vains Ecckfiaftiques ,  foit  dans  les 
Chaines  des  Pères,  Au  fujetde  ces 
Chaines,lcP.  de  la  Rue  avertie , 
qu'il  a  vîi  tous  les  endroits  attri- 
bues à  Origcne  ^  tant  dans  les  Ma- 
nufcrits  des  Chaines  qui  font  à  Pa- 
ris j  &  qui  ont  été  recueillis  par  le 
P.  Combcfis  j  que  dans  ceux  d'An- 
gleterre ,  &  dans  les  a"utres  Chaines 
des  Percs.  Mais  le  choix  qu'il  a  été 
obligé  de  faire  dans  cesOuvrages  lui 
a  caufé  beaucoup  de  peines  ,  car  des 
morceaux  qui  font  attribués  à  Ori- 
gêne dans  quelques-uns  de  ces  Re- 
cueils ,  font  attribués  dans  d'autres 
à  £ufebe  ,  à  Théodoxet  ou  à  quel^ 


712        JOURNAt    DE 

qucs  autres  Auteurs  Grecs.  Il  cft 
même  arrivé  quelquefois  qu'on 
a  inféré  dans  ces  Chaincs  fous  le 
nom  d'Origène  des  traits  qu'on  fait 
ctre  de  quelque  autre  Auteur. 

Ce  que  le  P.  de  la  Rue  nous  don- 
ne d'Origène  fur  la  Genéfe,  confi- 
fte  en  des  fragmens  Grecs  tirés  des 
Tomes  fur  la  Genéfe  ,  avec  une 
traduction  latine  ,  &c  en  dix-fept 
Homélies  traduites  par  Rufin  ; 
Merlin  avoit  attribué  cette  traduc- 
tion à  S.  Jérôme.  Apres  la  Genéfe 
viennent  des  Extraits  en  Grec  &:  des 
traductions  d'Homélies  fur  les  qua- 
tre Livres  fuivans  du  Pcntateu- 
que. 

Sur  le  Livre  de  Jofué,  il  y  a  quel- 


S    SÇAVANS , 

ques  tragmcns  que  fournit  la  Phi- 
locolie  ,  &  des  Homélies  de  la  tra- 
dudion  de  Rufin.  Viennent  enfui- 
te  des  Fragmens  fur  le  Livre  des 
Juges  &  des  Rois  ^  des  Homélies 
fur  les  mêmes  Livres ,  &c  des  Frag- 
mens fur  les  Pfeaumes ,  qu'on  trou- 
ve dans  differens  Auteurs ,  ou  dans 
différentes  Collections  des  Chai- 
ncs. 

Le  Volume  finit  par  le  Com- 
mentaire d'un  Anonyme  fur  le  Li- 
vre de  Job,  qui  dans  les  Editions 
précédentes  eil;  attribué  à  Origcnc. 

Dans  un  autre  Journal  nous  rap- 
porterons quelques  exemples  des 
nouvelles  traductions  &  des  notes 
de  l'Editeur, 


ALLEGATIONUM  FISCALIUM,  PARS  PRIMA  ET  SECUNDA  : 
Autore  D.  D.  Joanne  -  Baptiitâ  Larreà  ^  Equité  ordinis  divi  Jacobi 
Jurifconfulto  -  Hifpano.  C'cft-à-dire  :  Dijfertat ions  fur  UDroit  duFifc 
divifées  en  deux  parties  :  par  Jean-Baptijîe  Larrea  ,  Chevalier  de  l'Ordre 
de  S.  Jacques  ^^urifconfulte.  Nouvelle  édition.  A  Lyon  ,  chez  Antoine 
Servant.  173 2. ;>?yô//o,  première  Partie,  pp.  5 5 6. féconde  Partie,  pp.  22S. 


JE  A  N  de  Larrea  a  été  un  des 
plus  fameux  Jurifconfultes  que 
i'Efpagnc  ait  eu  dans  le  dernier  fié- 
cle.  Verfé  dans  le  Droit  Romain  & 
inftruit  des  Loix  particulières  & 
des  ufages  del'Efpagne  ,  il  remplit 
a.vec  honneur  les  places  de  Prûfef- 
fcur  de  Droit  dans  l'Uni verfité  de 
Salamanque,  &:  d'Avocat  Fifcal  -,  le 
Roi  Philippe  IV.  poaar  le  rccom- 
penfer  des  fervices  qu'il  lui  avoit 
rendus  dans  ce  dernier  emploi  le  fit 
ConfeiUer  au  Confeil  Royal  de 
CaftiUe.  Il  a  donné  au  Public 
deux  Ouvrages ,  l'un  des  décifions 
de  Grenade  ,  l'autre  ett  celui  qui 


nous  fournit  aujourd'hui  l'occafion 
de  parler  de  ce  Jurifconfulte.  Ce 
dernier  Ouvrage    fut  imprimé  à 
Madrid  du  vivant  de  l'Auteur  en 
1^41.  il  y  en  eut  une  féconde  édi- 
tion à  Lyon  en  i  ^4Z-  cette  nouvell 
édition  a  été  faite  fur  celle  de  Lyoi 
de  i6^z.  fans  aucune  addition  ,  n 
augmentation.     Ces    DifTertation 
font  au  nombre  de  i  lo.  Elles  con 
tiennent  un  très  -  grand  nombr 
d'obfervarions  utiles  pour  le  Droit 
Public  d'Efpagne  ;  c'eft  ce  qui  fait 
que  cet  Ouvrage  eft  très-recherché 
en  Efpagne  ,  &  par  ceux  qui  veu 
lent  s'inftiuirc  des  Droits  du  Ri 
d'Efpagi 


DECEMBRE,     1715.  yrj 

d'Efpagnc  par  rapport  à  fon  Fifc.      nous  en  rapportions  ici  des  excm- 
Ce  Livre  eft  trop  connu  pour  que      pies. 

LETTRE  CRITIQVE  SVR  VN  DISCOVRS  LATIN  ,  QVl 

a  pour  titre  :  De  légitima  Laudatione.  A  Paris,  chez  Briajfoti^  Libraire, 

rue  S.Jacques ,  à  la  Science.  17}  3. Brochure /«-iz.  pages  55. 


LA  perfedion  d'un  Difcours 
demande  que  le  plan  en  foit 
bon  ,  que  ce  plan  foit  bien  rem- 
pli ôi  que  toutes  les  parties  qui 
compofent  le  Difcours  ayent 
une  telle  liaifon  entre  elles  ,  qu'il 
en  réfulte  un  tout  où  il  ne  man- 
que aucune  proportion  :  elle 
demande  outre  cela  ,  de  la  varie- 
té  dans  les  tours ,du  naturel  dans  les 
cxpreflions,  &  fur-tout  une  grande 
convenance  de  ces  expreflîons  avec 
le  fujet. 

L'Auteur  de  la  Lettre  Critique 
dont  il  s'agit ,  fbûtient  que  rien  de 
tout  cela  ne  fe  rencontre  dans  le 
Difcours  Latin  intitulé ,  de  légitima 
Liiudatione  ,  c'eft-à  dire  ^  de  l'ufage 
légitime  de  la  Louange.  Nous  rappor- 
terons d'abord  ce  qu'il  juge  du  plan 
de  la  Pièce. 

Ce  plan  ,  félon  lui  ,  n'eft  ni 
jufte  ni  bien  exécuté  ,  8c  voici 
de  quelle  manière  il  s'y  prend 
pour  le  prouver.  Le  but  de  l'O- 
rateur ,  dans  ce  Difcours  ,  eft 
de  faire  voir  1°.  Que  la  louange 
doit  être  vraye,  z".  Qu'elle  doit 
être  modérée  :  »  elle  doit  être 
a>  vraye  ,  dit-il ,  parce  que  la  loiian- 
»  ge  faufle  perd  celui  à  qui  en  la 
j>  donne,  déshonore  celui  qui  la 
j>  donne  ,  &  rebute  ceux  qui  l'en- 
»  tendent.  Elle  doit  être  modérée  , 
«  parce  qu'elle  reflcmble  à  la  vertu 
Décembre. 


»  dont  le  caradtere  cil  de  fc  cacher  , 
»  de  ne  fe  montrer  qu'en  tcms  5c 
»  lieUjde  ne  point  pafTer  les  bornes, 
»  &  il  conclud  de-là  qu'elle  doit 
»  être  modefte  comme  la  vertu  , 
»  placée  à  propos  &  modérée ,  ce 
c'eft  en  abrégé  à  quoi  fe  réduit  la. 
Pièce. 

La  louange  doit  être  vraye  ,  elle 
doit  être  moderée.Cela  eft  conftant; 
mais  ,  dit  l'Auteur  de  la  Lettre  , 
la  fuite  du  Difcours  fait  voir  que 
les  deux  Parties  de  cette  divifion 
n'en  font  proprement  qu'une  :  on 
entend  par  une  louange  vraye,  cel- 
le qui  eft  jufte  &:raifonnable,  celle 
qui  ne  pèche  ni  par  défaut  ni  par  ex- 
cès i  or  l'Auteur  de  la  Pièce  ne  fc 
plaint  point  ici  de  la  loiiangc  qui 
pèche  par  dctaut ,  mais  feulement 
de  celle  qui  pèche  par  excès  :  les 
exemples  qu'il  rapporte  des  Prin- 
ces ,  des  Rois ,  des  Empereurs ,  les 
portraits  qu'il  fait  de  ceux  qui  les 
flattent  ,  le  démontrent.  En  prou- 
vant, comme  il  fait ,  que  la  loiiangc 
ne  doit  point  être  faulfe ,  il  prouve 
qu'elle  ne  doit  point  être  excelîive, 
&  par  confequent  qu'elle  doit  être 
modérée  ,  ainfi  la  modération  de 
la  loiiange  étant  renfermée  dans  la 
première  Partie  du  Difcours  ,  elle 
ne  fçauroit  plus  en  être  féparée 
pour  compofer  la  féconde  ,  qui  pat 
là  devient  inutile.  Pour  mettre  k 
Bbbbb 


714         JOURNALD 

chofc  hors  de  doute  ,  notre  Auteur 
en  vient  aux  exemples ,  Se  il  remar- 
que que  dans  la  première  Partie  la 
laifon  qui  fait  que  Démetrius  fc 
mocquc  des  Athéniens^  pag.  20,  de 
Alexandre  d'Ariftobule  ^  pag.  îi  j 
cft  précifcmcnt  la  même  qui  dans  la 
2'  détermine  Alexandre  à  rebu- 
ter le  Sculpteur  qui  vouloit  donner 
au  mont  Athos  la  figure  de  ce  con- 
quérant ,  &  lui  faire  tenir  un  fleuve 
d'une  main  ,  &  une  ville  de  l'autre. 
L'Hirtoire  vrayc  ou  faufle  du  Scul- 
pteur de  la  féconde  Partie ,  p.  53. 
n'ajoute  rien  aux  Hiftoircs  de  la 
première  ,  qui  font  plus  que  fuffi- 
fantes  pour  prouver  que  la  Loiian- 
gc  ne  doit  point  être  cxccflive  ^  & 
qu'elle  doit  erre  modérée. 

On  prétend  tout  de  même  dans 
la  Lettre ,  que  les  fousdivifîons  de 
la  Pièce  dont  il  s'agit ,  ne  font  pas 
plus  juftes  que  la  divillon  5  &  on 
dit  qu'il  eft  prefque  auflî  difficile 
d'appercevoir  la  liaifon  qu'elles  ont 
avec  les  deux  parties  de  la  divifion, 
qu'il  eft  aifé  de  fentir  comment  ces 
deux  parties  n'en  font  qu'une.  La 
ioiiange  doit  être  vraye  ,  dit  l'Ora- 
teur ,  parce  que  la  losange  faujje 
j/erd  celui  qui  la  reçoit ,  deshomre  ce- 
lui ^ui  U  donne  ,  rebute  ceux  qui 
l'entendent ,  ôcc.  Ces  preuves  néga- 
tives ,  remarque  l'Auteur  de  la  Lct- 
tte,  feroienf,  ce  femble  ,  plus  con- 
venables ,  fi  l'Orateur  fe  propofoit 
de  combattre  directement  la  flatte- 
lie  ;  mais  le  titre  du  Difcours  étant 
de  légitima  Laudatione  ,  il  paroît 
annoncer  des  règles  déterminées 
pour  loiier  comme  il  faut  ;  cepen- 
dant l'Orateur  fe  home  à  des  invec- 


ES  SÇAVANS; 

tives  centre  les  flatteurs  ',  &  ne 
donne  de  règles ,  à  ce  que  prétend 
l'Auteur  de  la  Lettre  ,  que  celles 
qui  fe  lifent  dans  une  petite  Pièce 
devers,  imprimée  depuis  quelques 
années ,  de  gêner:  laudativo.  Il  ne 
dit ,  continue-t-on ,  que  ce  qu'elle 
contient  dans  la  valeur  de  cin- 
quante vers.  L'Auteur  de  cette  Pie- 
ce  &  lui  n'admettent  que  des 
loiianges  indiredes  ,  quand  elles  fe 
prononcent  en  prefence  de  ceux 
qu'elles  regardent  ,  ou  fi  elles  ne 
font  pas  indiredes  ,  ils  veulent 
qu'elles  foicnt  très  -  courtes  ,  &C 
qu'elles  palTent  comme  un  éclair. 

L'Auteur  de  la  Lettre  trouve 
que  ce  fentiment  combat  la  prati'. 
que  confiante  des  plus  grands  Maî- 
tres d'Eloquence  :  il  cite  fur  cela 
Démofthéne  &  Ciceron.  Il  obferve 
que  le  premier  a  fouvent  loiié 
magnifiquement  &  fort  au  long  les 
Athéniens  en  leur  prefence ,  &  que 
le  fécond  a  tout  de  même  loiié  plu- 
fieurs  fois ,  avec  étendue ,  le  peu- 
ple Romain  ,  &  les  Juges  devant 
qui  il  prononçoit  fcs  plaidoyers. 
Notre  Auteur  joint  à  ces  exem- 
ples anciens  celui  des  Orateurs  mo- 
dernes :  on  loiie  tous  les  jours  le 
Roi ,  les  Princes ,  les  Magiftrats  ," 
en  leur  parlant,  &  s'il  arrive  quel- 
quefois qu'on  ne  le  fafle  pas  en  peu 
démets,  l'exemple  de  Ciceron ^ 
dit-il,  qui  dans  toute  fa  Harangue 
pour  Marcellus ,  loiie  Céfar  en  hii 
adrefiant  la  parole  ,  prouve  qu'on 
peut  avoir  des  raifons  particulières 
d'en  ufer  ainfi. 

Les  loiianges  indiredes,  conclud- 
on  dans  la  Lettre  ^  ne  font  donc 


D  E  C  E  M 

•pas  les  feules  dont  on  puiflTc  &  dont 
on  doive  toujours  fc  fervir  à  l'égard 
de  ceux  à  qui  l'on  parle.  C'eft  ce- 
pendant ce  que  l'Auteur  du  Dif- 
cours  de  légitima  Landiitione  ^  veut 
infinuer  en  s'attachant  fcrupuleu- 
fcment  à  l'idée  de  la  Pièce  dont  on 
vient  de  faire  mention ,  &  qui  a 
pour  titre  de  génère  laudativo ,  avec 
cette  différence  néanmoins ,  ajoû- 
te-t-on ,  que  de  ce  qu'elle  rapporte 
en  deux  mots^l'Orateur  dont  il  s'a- 
git tf«  fiiit  de  longues  Hiftoires  qu'il 
circrnfliuncie  comme  fi  l^on  n'en  avait 
jamais  entendu  parler. 

Nous  paffons  plufieurs  autres  re- 
flexions concernant  la  première 
Partie  pour  venir  à  celles  qui  con- 
cernent la  féconde.  On  remarque 
que  dans  celle-ci  il  falloit  montrer 
comment  la  loiiange  doit  être  mo- 
dérée ,  qu'il  falloit  eufuite  rendre 
le  tout  fenfible  par  des  exemples  , 
&  des  exemples  accompagnés  de 
réflexions  inftruâiives.  Maison  ob- 
ferve  que  l'Orateur  dit  là  -  deffus 
très  -  peu  de  chofe  ;  puifque  pour 
prouver  que  la  loiiange  doit  être 
modérée  ,  tout  fon  raifonnement 
fe  réduit  à  ceci  :  la  véritable  loiian- 
ge reffemble  à  la  vertu  -,  le  carade- 
re  de  la  vertu  eft  de  fe  cacher ,  de 
ne  fe  montrer  qu'à  propos  ,  de  ne 
point  pafler  les  bornes ,  donc  la 
îoiiange  doit  être  modefte ,  placée 
à  propos  èc  modérée.  Cette  parfai- 
te refferablance  que  l'Orateur  éta- 
blit ici  entre  la  véritable  loiiange 
&  la  vertu  ,  rapproche  effedive- 
ment  ces  trois  qualitez  ,  modefte  , 
placée  à  propos  ,  modérée  ,  mais 
cela    n'empêche   pas  <^ue    l'Au- 


B  RE;  1755.  715- 

tcur  de  la  Lettre  ne  regarde  les 
deux  premières  ,  comme  étrangè- 
res au  plan  de  la  Pièce  ,  &  ce  qui 
les  lui  fait  regarder  comme  telles  , 
c'eft  qu'elles  n'établiffent  nulle- 
ment la  propofition  à  laquelle  l'O- 
rateur s'eft  reftraint  :  en  effet  , 
ayant  avancé  comme  il  a  fait  d'a- 
bord ,  que  la  louange  doit  être  mo- 
dérée ,  on  attend  qu'il  en  donne 
tour  de  fuite  la  preuve  ,  &  non  pas 
qu'il  faffe  voir  antérieurement  que 
la  loiiange  doit  être  modefte  SC 
placée  à  propos. 

Notre  Auteur  fait  à  ce  fujet  ui>c 
reflexion  ,  fçavoir,  que/o^wi?  les 
fous-divifions  conviennent  aujjî  peu 
tjue  celles-là  avec  les  proportions  ejui 
partagent  le  difcours  ^  L'ordre  des  ma- 
tières ne  ff  aurait  être  fort  fuivi  & 
^u'aujft  ne  l'eft-il  pas  ici.  il  cite  pour 
preuve  de  cette  dernière  propofi- 
tion ,  l'Hiftoire  de  Quintilien  qui 
termine  la  première  partie  de  la 
fous-divifion  ,  pag.  16.  Se  qui  eft, 
félon  lui  ,  abfolument  hors  d'œu- 
vre.  Quintilien  ,  dit  l'Orateur  ,  pro. 
digue  k  Domitten  des  loiiances  t^ui 
n'appartiennent  qu'à  Dieu  ^  &  en  ce- 
la ilfe  couvre  d'une  éternelle  infamie:, 
la  remarque  eft  vrayc  ,  mais  c'eft 
dommage  ,  félon  l'Auteur  de  la 
Lettre ,  que  cette  infamie  qui  re- 
tombe fur  le  flatteur  ne  doive  ,  fé- 
lon les  règles  ,  trouver  place  que 
dans  la  féconde  partie  de  la  fous- 
divifion.  Il  s'agit  de  prouver  dans 
la  première  ,  que  les  Princes  qui 
écoutent  les  flatteurs ,  en  font  hor- 
riblement punis  -,  cependant  il  n'ar- 
rive rien  ici  de  funefte  à  Domiticn, 
il  n'y  a  que  Quintilien  qui  en  fouf-: 
Bbbbbi^ 


>jx6  JOURNAL   D 

frc  i  n'eft-cc  pas  là  un  manque  de 
jurtcfTc  ?  La  crainte  de  nous  trop 
ctcnùrc  nous  oblige  de  pafler  plu- 
jfieurs  autres  remarques  pour  venir 
à  ce  qui  concerne  les  éloges  que 
l'Orateur  fait  de  M.  M.  les  Car- 
dinaux de  Polignac  ,  de  Biiïy  ,  & 
de  M.  le  Nonce.  Selon  cette  Lettre 
Critique  ,  les  raifonncmcns  où  fe 
jette  l'Orateur  pour  venir  aux  élo- 
ges dont  il  cft  queflion ,  font  C  en- 
tortillés qu'il  n'cft  prefque  pas  pof- 
iîble  de  les  démêler  ,  ni  de  voir 
comment  ces  éloges  font  liés  avec 
le  rcfte  de  la  Pièce  ;  on  cite  fur  cela 
plufieujrs  lignes  latines  que  nous 
fupprimons  pour  abréger  ,  &  après 
les  avoir  rapportées  on  demande  ce 
que  fignifie  de  telles  phr.ifes  ,  quel 
rapport  elles  ont  les  unes  avec  les 
autres ,  &  fur-tout  où  eft  l'applica- 
fion  du  précepte  que  donne  l'Ora- 
teur quand  il  dit  :  laus  exf  édita  effe 
débet  &  (jitafivolucris.  Lausfulgiiris 
inftur  pratervdet.  La  lokunge  donnée 
à  ceux  à  qui  l'on  paris  don  être  rapi- 
de elle  ne  doit  pas  avoir  plus  de  du- 
rée ait  un  éclair  :  on  demande  fi  cet- 
te application  fe  trouve  dans  le  prc- 
ipicr  de  ces  éloges ,  &  on  fait  ob- 
ferver  qu'il  eft  aflcz  long  pour 
donner  le  temsl  de  confiderer  fans 
précipitation  le  mérite  du  grand 
Cardinal  qui  en  eft  le  fujet.  On 
ne  prétend  pas  cependant  dans  la 
Lettre  j  blâmer  l'Auteur  par  cet 
endroit ,  mais  on  prétend  qu'il  de- 
voit  au  moins  avertir  que  la  fécon- 
dité de  lamatiere  difpenfe  quelque- 
fois de  la  règle  qu'il  a  pofée^quand 
il  a  dit  :  Laiis  fiitgttris  infiar  pntter- 
volet.  Quelque  vrai  que  foit  aufli 


ES    SÇAVANS. 

le  fécond  éloge  ,  on  foûtienï 
que  ces  mots  ,  fut  negUgens  ,  le 
terminent  mal.  Quant  au  troifié- 
mc  on  trouve  qu'il  contient  deux 
penfées  fuiccpribles  chacune  d'un 
faux  fens.  Si  quelqu'un  ,  dit  l'Ora- 
teur ,  avance  ,  en  parlant  de  M.  le 
Nonce,  c[\.\'il  efl  fiaéle  ^exaB ,  ha- 
bile à  remplir  fe  s  devoirs  ,  lui  JchI  au- 
ra peine  àfe  recmnoltre  :  folus  ipfe  ft 
'vix  agnofcet  ^  on  remarque  là-delTus 
dans  la  Lettre  ,  qu'au  fentimentde 
tout  le  monde  ,  perfonne  ne  mérite 
cet  éloge  à  plus  jufte  titre  que  M. 
le  Nonce  ,  mais  on  paroît  en  peine 
de  fçavoir  pourquoil'Orateur  pré- 
tend que  M.  le  Nonce  fera  le  feu! 
qui  ait  peine  à  s'y  reconnoître  ,  vu 
que  la  modeftie  n'empêche  pas  que 
fon  Excellence  ne  fe  rende  à  elle- 
même  juftice  fur  ce  fujet ,  en  recon- 
noiffant  qu'elle  eft  fidelle,  &  exac- 
te à  remplir  fcs  devoirs  ,  qui  eft 
l'unique  louange  que  l'Orateur  lui 
donne  ici.  La  penféc  fuivante  ne 
paroît  pas  plus  uifte  à  notreAutc ur, 
GT  impatiens  Lmdis  chjhs  fafligio  ex- 
celfior  eft  ,  comme  fi  ,  dit-il  ,  M.  le 
Nonce  n'avait  peine  à  foiifrir  les 
louanges  ^u'o:i  lui  donne  ^  que  parce 
qu'elles  font  trop  au-deffous  de  lui  ? 

L'Auteur  de  la  Lettre  palTe  de-là 
à  la  Critique  d'un  grand  nombre 
d'expreifions  ou  forcées  ou  affcc-- 
téeSj  ou  peu  latines  ou  trop  répétées 
©u  mal  placées ,  5:  il  finit  en  obfer- 
vant  que  ce  n'eft  pas  afTcz  qu'il  y 
ait  de  l'imagination  dans  un  Dif»- 
cours,mais  qu'il  y  faut  outre  cela  de 
la  juftefle  dans  le  plan  ,  de  l'ordre 
dans  l'exécution  ^  du  choix  danslc5 
penfées  ^  des  tranfitions  ,  des  figa- 


D  E  C  E  M 

îes  ,  âci  cxprciTions  nouvelles  ,  & 
dans  chacune  de  ccS  parties  une  va- 
riété qui  plaife ,  qui  réveille ,  fans 
quoi  tout  languit  dans  unDifcours, 
tout  y  eft  froid  &  ennuyeux. 

Voilà  une  légère  idée  de  cette 
Lettre  Critique  ,  "ù  nous  nous 
croyons  au  rcfte  obligés  de  remar- 
quer que  l'on  n'employé  aucun  ter- 
me dur  &  qui  ne  foit  dans  les  rè- 
gles de  la  politefie.  Des  Critiques, 


B  R  E;  Ï7Î  î.      ^       717 

comme  celles-ci,  font  toiijoursuti- 
les  :  les  Auteurs  qu'elles  regardent  5 
ne  fcauroicnt  s'en  irriter  s'ils  font 
fages  (  car  il  f>iut  mettre  cette  con- 
dition )  &  ils  en  prolitent.  Quant  à 
ceux  d'entre  les  Leâeurs  qu'elles  ne 
regardent  pas ,  ils  ont  toujours  l'a- 
vantage d'y  trouver  des  remarques 
qui  peuvent  beaucoup  fervir  à  foï- 
mer  le  goût  ou  à  le  reveiller. 


NOVVELLES     LITTERAIRES. 


ALLEMAGNE. 
De  T  u b  I n g  e» 

JEAN-GEORGE  Cotu  ic 
Charles-Théophile  Hébert  ^  qui 
ont  déjà  entrepris  une  nouvelle 
Edition  de  la  grande  Bibliothèque 
des  Pères  ,  comme  nous  l'avons 
annoncé  ci  -  devant ,  viennent  de 
propofer  par  Soufcription  une  au- 
tre Edition  nouvelle  des  Annales 
de  Stiab-e  ,  publics  vers  la  fin  du  16° 
fiécle  par  Martin  Crujius.  Cette 
Edition  qui  doit  paroîrre  pat  les 
foins  de  M.  J.  Michel  Hdl'Wach , 
ProfclTeurd'Hifloire ,  d'Eloquence 
Si  de  Poëfie  dans  cette  Univerfîté , 
fera  en  deux  Volumes /«yô/Zo,  dont 
voici  le  titre  :  Annales  Suevicijlve 
Chronicn  remm  ah  dntiejmjfima  & 
inclyta  gente  Suevicageftarum ,  qui- 
hus  e^iiidejitid  fere  huberi  de  illa  petuit 
ex  Lctims  &  Gracis  aliarum^He 
linguarum  auSloribHS  ,  monumentif- 
t^m  ply.rimis  prithim  nihildum  exper- 
mfHwmafide  &  diligemiâ  enarratur, 


adJHnBis  fubinde  c£tera  quocjne  Ger- 
maniit  Orientis  ati^ue  Ocfidentis ,  vi- 
cinarumcjite  Provinctarum  rébus  me- 
rnorabdibHS  acfcttii  dignis  ,  opiis  no- 

lum qmd Martinus  Cru- 

fius  Gï&CA  &  Latine  Linguét  cum 
Oratoria  in  Academiâ  Tubingenfi 
Prefejfor  ac  Hifloriciis  frimitm  edidit^ 
jam  vcro  quanta  fieri  potait  cara  re^ 
cenfmt  atc^ue  maximum  partem  ex  ip- 
fs  AuBoris  Schedis  Auxit  Jo,  Aii- 
chaël  HM'Wichfms.  1733. 

FRANCE. 


D 


Pa 


Le  Père  de  Momfaueon  vient  de 
publier  le  Projet  d'un  grand  Re- 
cueil qui  aura  pour  titre  :  Biblis- 
theca  Bibiioihecarum  nova  ,  c'eft-à- 
dire ,  Nouvelle  Bibliothet^ue  des  Bi- 
bliothèques. Il  fe  propofe  d'y  faire 
connoître  les  Manufcrits  que  l'oa 
eonferve  dans  les  grandes  Biblio- 
thèques &  dans  les  Cabinets  àt 
pluficurs    Sçavans    de  r£uropc.- 


7i8  JOURNAL  D 

L'Auteur  n'a  pas  borné  fes  recher- 
ches aux  Manufcrits  Grecs  ou  La- 
tins ;  il  promet  de  faire  connoître 
où  l'en  pourra  trouver  les  Manuf- 
crits d'un  grand  nombre  d'Ouvra- 
ges en  Langues  Vulgaires ,  fur-tout 
en  Italien  ,  en  Efpagnol  ou  en 
François ,  &  cela  en  tout  genre  de 
Science.  Il  en  excepte  les  Manuf- 
crits qu'on  voit  prefque  dans  tou- 
tes les  Bibliothèques  ,  &  qui  font 
néanmoins  peu  recherchés  des  Sça- 
vans  ,  comme  certains  Livres  qui 
regardent  l'Office  Ecclelîaftique 
des  Grecs  &  des  Commentaires  des 
Ouvrages  d'Ariftote.  Ce  Recueil 
ne  pourra  être  que  très-utile  aux 
gens  de  Lettres  ^  fur-tout  à  ceux 
qui  veulent  donner  de  nouvelles 
Editions  des  Ecrivains  ^  foit  Sacrés, 
foit  Prophanes,  ou  quife  difpofenc 
à  enrichir  le  public  de  quelque  Ou- 
vrage ancien  qui  n'ait  point  encore 
été  imprimé.  Cette  nouvelle  Bi- 
bliothèque fera  d'autant  plus  atten- 
due des  Sçavans ,  qu'ils fçavent  que 
le  Pcre  de  AiamfMicon  s'eft  appli- 
qué depuis  un  grand  nombre  d'an- 
nées à  faire  des  recherches  ,  pour 
connoître  les  Manufcrits  des  diffé- 
rentes Bibliothèques  :  ce  que  l'on 
voit  fur  cet  article  dans  fon  Voya- 
ge d'Italie  imprimé  en  1701.  eft 
pour  ainlî  dire  un  EiTai  de  la  gran- 
ac  Compilation  à  laquelle  il  donne 
la  dernière  main.  Depuis  fon  Voya- 
ge d'Italie  le  grand  Duc  de  Tofca- 
ne  Cofme  III.  a  bien  voulu  lui  en- 
voyer &  lui  permettre  de  faire 
tranfcrirc  le  nouveau  Catalogue  de 
la  lameufe  Bibliothèque  de  Laurent 
de  Médicis  auquel  des  pcrfonnes 


ES  SÇAVANS, 

habiles  ont  travaillé  pendant  di.K 
ans  :  fes  amis  lui  ont  envoyé  des 
Catalogues  des  Manufcrits  con- 
fervès  dans  un  grand  nombre  de  Bi- 
bliothèques de  France.  Mais  ce  qui 
contribuera  le  plus  à  enrichir  cette 
CoUedion  eft  h  Bibliotliéqnc  du 
Roi  ,  la  plus  nombrcufe  en  Manuf- 
crits qu'il  y  ait  eu  )ufqu'.i  prcfent 
dans  le  monde  ,  &  aullî  célèbre  par 
le  mérite  que  par  le  nombre  de  fes 
Manufcrits.  On  y  en  compte  au- 
jourd'hui 30  mille, dont  il  y  en  a  10 
mille  qui  y  font  entrés  depuis  trois 
années  ;  ces  augmentations  vien- 
nent des  Manufcrits  qu'ont  appor- 
té d'Orient  des  perfoniies  fçavantes 
que  le  Roi  y  avoit  envoyées  ,  &  des 
acquifitions  que  le  Roi  a  faites  de 
la  Bibliothèque  de  M.  Colbert,de 
celle  de  S.  Martial  de  Limoge  ,  & 
de  quelques  autres  Bibliothèques 
moins  confiderables. 

Gallia  Amiijuitates  e]iii,iam [dec- 
tA  atcjiie  in  plures  Epiftolas  diflributit. 
Parifiis^  fiib  Olivâ  Caroli  Ofmont ,' 
via  San-J^uobaâ.  1733.  '«-4°. 

Ces  Lettres  qui  ont  été  écrites 
par  M.  le  Marquis  Scipion  Maffei  à 
plufieursdefcsamis  ,  foit  dans  le 
cours  de  fon  Voyage  de  Vérone  3. 
Paris  ,  foit  pendant  le  féjour  que 
cet  illuftre  Auteur  a  fait  à  Paris  mê- 
me j  font  précédées  d'un  Epîtrc 
Dédicatoire  en  vers  Latins  adrelTéc 
au  Roi. 

Poejtes  diverfes  de  M.  de  Segrais 
de  V  Académie  Françoife  ,  les  Èglo- 
gues  ,  l'Athis ,  Poème  Paftoral ,  lei 
Odes ,  Epures  ^  Elégies  ,  Chanfins  ,' 
Stances.  Nouvelle  Edition.  Chez 
la  Veuve  de  Lormel,  rue  du  foin. 


D  E  C  E  M 

Se  René  Jop ,  au  coin  du  Marché 
Neuf.  i73  3./»-8'. 

V ylrithmetiijue  Militaire  ,  ou 
l'arithmétique  Pratique  de  l'Inge- 
rtieur  &  de  l'Officier ,  divifée  en  trois 
Parties.  Ouvrage  également  necejjaire 
aux  Officiers ,  aux  Ingénieurs  &  aux 
Commenfans.  Troiiicme  Edition  , 
corrigée  &  beaucoup  augmentée.  Par 
M.  Clermont  ,  Officier  d'Artillerie. 
Chez  Pierre  ÎVitte ,  rue  S.  Jacques, 
ècDidot,  QuaidcsAuguftins.1733. 
vol.  in  -  4°. 

Voici  la  Lifte  de  pluficurs  Livres 
nouveaux  d'Hollande  6v  d'ailleurs, 
qui  fe  débitent  à  Paris  chez  Bnaf- 
yê« ,  Libraire ,  rue  S.  Jacques,  à  la 
Science.  Quoique  nous  en  ayons 
déjà  annoncé  quelques-uns ,  nous 
croyons  qu'on  ne  fera  pas  fâché 
d'en  revoir  ici  les  titres  ,  puifqu'en 
les  indiquant  de  nouveau  ,  nous 
donnons  en  même  tems  le  moyen 
de  les  avoir  phis  facilement. 

Hiftoire  des  Rois  de  Pologne ,  & 
du  gouvernement  de  ce  Royaume  ;  où 
l'on  trouve  un  détail  trcs-circon- 
ftancié  de  tout  ce  qui  s'cft  paflé  de 
plus  remarquable  fous  le  Règne  de 
Frédéric  -  Jiugufle ,  &  pendant  les 
deux  derniers  Interrègnes ,  par  M. 
***,4.vol./»-i  1.  ^mflerd.  1734.  cet 
Ouvrage  fe  trouve  auffi  chez  Giffiey, 
luë  de  la  vieille  Bouderie  ,  à  l'Ar- 
bre de  Je  (Te  -,  &  chez  Charles  'O/- 
mont  ^  rue  S.Jacques,  à  l'Olivier. 

Le  cinquième  Volume  fous  preffie  , 
contiendra  l'Hiftoire  de  ce  qui  s'eft 
paffe  depuis  la  Dicte  de  Convoca- 
tion jufqu'à  l'Eledion  du  Roi  Sta- 
nislas ,  &:  jufqu'à  prefent. 
Mémoires  très-fidéles  &  trh-ex/itls 


B  R  E  ;    1735:'^^-  7,p 

des  Expéditions  Aiilit  aires  qui  fe  font 
faites  en  Allemagne  ,  en  Hollande  & 
ailleurs  depuis  le  Traité  d'Aix-la- 
Chapelle  jifqu  a  celui  de  Nimegue  ^ 
aufquels  on  a  joint  la  Relation  de 
la  Bataille  de  Senefpar  M.  le  Prin- 
ce, &  quelques  autres  Mémoires 
fur  les  principales  adions  qui  fe 
font  pafTtcs  pendant  cette  guerre; 
in-11.  2.  voL  1734. 

Le  Droit  de  la  Nature  &des  Cens  "^ 
ou  Syftême  général  des  Principes 
les  plus  importans  de  la  Morale  , 
de  la  Jurifprudence  &  de  la  Politi- 
que ,  traduit  du  Latin  de  Puffen- 
dorf,  &  avec  les  Notes  de  M.  de 
Barbeyrac.  Nouvelle  Edition  très- 
augmcntée.  /«-4°.  2.  vol.  tArnfierd. 
1734-  , 

Réflexions  fur  la  Po'éfîe  en  général , 
fur  l'Eglogue  ,  la  Fable ,  l'Idylle  , 
la  Satyre,  l'Ode,  &  fur  les  autres 
petits  Poèmes ,  &c.  fuivics  de  trois 
Lettres  fur  la  décadence  du  Goût 
en  France  par  M.  R.D.  S.  M.  in-%°. 
La  Haye  y  1733. 

Mémoires  de  ce  qui  s'eft  pafTé  fuE 
Mer  pendant  la  guerre  de  iC%%. 
jufqu'à  1^97.  entre  la  France  Sc 
l'Angleterre  ,  par  M.  Burchett  J 
/«-12.  Londres.  ij-i,i. 

Continuation  de  l'Hifloire  du  Parle- 
ment de  Bourgogne  depuis  \6^^,jufi 
qu'en  1733.  avec  les  Armes  &  BJa- 
fons  des  Préfidens  &  autres  Ofiî.' 
ciers  de  ce  Parlement  ,  in-folio^ 
Dijon,  i-jii. 

Nmvelle  Hiftoire  de  la  Ville  de 
Tournus ,  &  de  l'Abbaye  de  S.  Phili- 
bert,  avec  une  Table  Chronologi- 
que, les  preuves  de  l'HiUoire ,  '  & 
le  Poiiilié  des  Bénéfices ,  §c  l'Hi- 


720       JOURNAL"    DÈS     SÇAVANS; 

ftoire  des  Comtes  de  Châlons ,  de  Traitez.  Géographi(jues  &  fiijfort- 

Mâcon  &c  des  Sires  de  Bauge  ,  avec  f««  ,    pour  Liciiicer  1  intelligence 

figures,  /«-4°.  2.  vol.  Dijon  ,1733.  ^'^  l'Ecriture  Sainte  ,  recueillis  pat 

Recherches  imerej[antes  fur  l'Ori-  M.  de  la  Aianmiere  ^  in-12. 1.  vol. 

gine ,  la  Formation  ,  &c.  des  Vers  la  Haye.  173  ?. 
à  tuyau  qui  infcftent  les  VaiU'eaux         Nouvelle  Diprtatim  furies  paro- 

&  les  Digues  de  Hollande  ,  par  M.  les  de  la  Confccration  de  l'EucharJ- 

M^ijfuet  l  avec  figures,  irl-ii.  jîmji.  ftie  ,  avec  une  Lettre  de  M.  l'Abbc 

175  3.  DngHi.in-%°.  1733. 

Fautes  4  corriger  dans  le  Journal  d'Otlobre  17 3  5. 

PAge  5  54.  col.  2.  lig.  9.  Journaux  ,  nous  ,  Ay^^ Journaux  ,  où  nous  : 
Pag.  555.  col.  I.  lig.  II.  fcvcs  ,  noires,  lif.  fèves  noires  ;  Pag.  <:,6i, 
col.  I.  lig.  19.  Ciciliens,  //,/?  Ciliciens  :  Pag.  577.  col.  i.  lig.  17,  vitTiTç 
pour  vajïTç  lif.  v«>6î5  pour  ia-n^i  :  Pag.  579.  col,  i.  lig.  39.  parlé,///!  parlées: 
Pag.  5  %6.  col.  2.  lig.  14,  valable  ,  lif.  véritable  :  Pag.  ^03.  col.  i.  lig.  14. 
Alucin,  ///Alcuin. 


TABLE 

Des  Articles  contenus  dans  le  Journal  de  Decl^  iTîJ* 


H 


Ifloire  de  V Académie  Rcyaîe  des  Lvfcrjp:io»s  &  Selles-Lettres ,  Scc. 

—  —  P^g^  ^75 

Syflème  Chronologique  fur  les  trtis  Textes  de  la  Bible  ,  &c.  700 

Fanégyri^ue  de  S.  Louis  ,  &c.  yotf 

TraduElion  Latine  de  toutes  les  Oeuvres  (^Origine ,  &c.  705 

Dijfertations  fur  le  Droit  du  Fifc ,  &c.  -712 

Lettre  Critique  fur  un  Difcours  Latin ,  de  Légitima  Laudatiooc  ^  7 1  j 

iltHvelles  Littéraires ,  717 

Fift4c  la  Table. 


BIBLIOGRAPHIE 


7it 

BIBLIOGRAPHIE, 

O  U 

CATALOGUE 

PES  LIVRES  DONT   IL    EST   PARLE'    DANS    LES 
Journaux  de  l'Année  1733- 

Les  Titres  ctes  Livres  qui  ne  font  qu* annoncés  dans  les  Nouvelles 
Littéraires  Jeront  indiqués  far  une  Etoile. 

BIBLIA  SACRA, INTERPRETES,  CONCILIA, 

fur  le  même  plan  que  l'Ouvrage 
précèdent,  201 

*  La  Pallîon  de  Nôtre  -  Seigneur 
Jefus-Chrift  félon  la  Concorde  , 
par  M.  du  Guet ,  £-jo 

Syftcme  Chronologique  fur  les 
trois  Textes  de  la  Bible  ,  &c.  pat 
yi.  Michel  ,  700 

*  Traitez  Géographiques  &  Hifto- 
riques  pour  tacilirer  l'intelligen- 
ce de  l'Ecriture  Sainte  ,  recueil- 
lis par  M.  1^1?  la  Martiniere ,    710 


*T:J  XPLICATION   du   Livre 

JC»  des  Pfeaumes  ,  page  61. 
*  Nouvelle  CoUedion  des  Conci- 
les d'Angleterre  ,  par  M.  JVil- 

kens ,  1x6 

Explication  du  Livre  de  la  Genéfe  , 

où  félon  la  np.éthode  des  Saints 

Pères ,  l'on  s'attache  à  découvrii" 

les  Myfteres  de  J.C.  &  ks  règles 

des  mœurs  renfermée  dans   la 

lettre  même  de  l'Ecriture  ,  198 
Explication  du  Livre  de  Job  faite 

PATRES,THEOLOGI,ASCETlCl,LITURGlCL 

SCRIFTORES     ECCLESIASTICI  ,    5CC.    HetERODOXI. 


*  SanUerum  Profperi^cimtani  &  ho- 

norati  Adajfiltenfs  ^  opéra  ,  nous  , 
obfervationibufqne  illitjirata  k  D. 
Joanne  Salinas ,  &c.  1 24 

*  Spencer  de  Legihus  EhrMrnm  Ri- 

tudibus ,  116 

Dieemhe, 


Lettre  d'un  Théologien  de  l'Unï- 
verfité  Catholique  de  Straf- 
bourg  à  un  des  principaux  Magi- 
ftrats  de  cette  Ville  ,  faifant  pro- 
feflîon  de  fuivre  la  Confeflion 
d'Aulbourg  ,  fur  les  fix  princi- 

G  c  ce  c 


721  B  I  B  L  I  O  G 

paux  obftadcs  à  la  convcrfion 
des  Proteftans ,  127 

*  Sermons  choilis ,  ou  Difcours  fur 

la  vérité  de  la  RcIi_L',ion  Chré- 
tienne ,  Ibid. 

*  Nouvelle  Edition  des  Oeuvres  de 

S.JeroniCj  propoféc  par  les  Li- 
braires de  Vérone ,  185 

*  Projet  d'un  Supplément  pour 
l'Edition  que  le  P.  Manianuy  a 
donnée  des  Oeuvres  de  S.  Jérô- 
me annoncé  &:  promis  par  l'Edi- 
teur des  Oeuvres  de  S.  Juftin,de 
Ta  tien ,  &c.  184 

*  Converfations  fur  plufieurs  fujcts 

de  morale  propres  à  former  les 

Jeunes  Demoifelles  à  la  pieté  , 

lîS 

*  Théologie  Pbyfiquc,  on  Démon- 

ftration  de  l'Exiftcnce  &  des  At- 
tributs de  Dieu ,  tirée  des  Oeu- 
vres de  la  Création  ,  &e.  tradui- 
te de  l'Anglois  de  Guillaume 
Derham.  Troifiéme  Edition,  i  S  7 

*  Le  Didionnairc  des  Cas  de  con- 

fcience  ,  par  feu  MelTîeurs  de 
Lamet  &  Promageau ,  z^C 

*  Traité  fur  la  Fête  de  Pâques  ,  par 

le    Sieur  Jacques    Bcttazai   de 

Crato  ^  303 

La  Religion  détendue  ,  Poëme  , 

Panégyrique  de  S.  François  d'Affi- 
fe  ,  par  le  P.  To/^^w  ,  342 

*  Lettere  difcorfive  camro  ad  ^Icuni 
foétïci  abufi  pregmdi^evolifi  al 
Àecora  délia  Religione   Cattolica 


R  A  P  H  I  E. 

corne  alla  buona  morale  Ch-ifhla" 
w<t.  Opéra  Pofltima  del  Dottore 
Pier-Fraricefco  Bottzzzoni ,    ^6t 

*  DiJ/èrtatio  de  Bapttfmo  in  nomine 

Jefii  Chrtfli ,  &c.  Ibid. 

*  DiJJènatio  de  Chrifmate  confirwa- 

torio ,  Ibid. 

*  Maxima  Bibtioiheca  F'eterum  Pa- 

trum  &  jinti^Horum  Scripomm 
Ecclefiaflicorum ,  Ibid.' 

*  Penfées  choifies  de  M.  l'Abbé 
Boileati  fur  diffcrcns  fujets  de 
morale ,  ^66 

Doqrna  Ecclejt<t  Circa  ufiii-am  expo- 
Jiium&  vtndicatum  ^  415 

*  Nouvelle  Dirtertation  fur  les  pa- 
roles de  la  Confecration  de  li 
Sainte  Eucharifcie ,     4;6&72o 

*  Traité  de  Tertullicn  fur  l'orne- 

ment des  femmes ,  &c.         247 
Réfutation  des   Critiques  de  M. 
Bayle  fur  S.  Auguftin ,  457 

Contimiatio  PraleUiotmm  Théologie 
carum  Homrati  Tournely  ,  Jive 
Traclatus  de  nniverfa  Theologia 
Adorait ,  470 

*  ïnftrudion  fur  la  Religion ,  par 

M.  Charles  Gobmet ,  6  n 

Origenis  Opéra  omnia  cjUA  Grâxevel 
Latine  tantitm  ex  tant  &  ejus  no- 
mine circumferuntur ,   tf  1 5  &  709 
Traité  de  la  Simplicité  de  la  Foi  , 
^38 
Panégyrique  de  S.  Louis  ,  pronon- 
cé à  l'Académie  Françoifc  par  le 
Père  Toumemine ,  jo6 


HISTORICI  SACRI   ETPROPHANI. 


"Hiftoire  Ecclefiaftiquc  pour  fervir  l'Abbé  Fleury  ^  Tomes  XXVII. 

io.  Continuation  à  celle  de  M.  &  XXVÎIL  z 


B  I  B  L  I  ac 

-"  Tomes  XXIX.  &:  XXX.   82 

Semm  ItalicammScriptores  ^  Tom. 

VIL  34 

—  Tom.Vm.  113 
— -  Tom.  IX.                        149 

—  Tom.  X..  574 

—  Tom.  XL  474 

—  Tom.XIL  su 

—  Tom.  XIII.  $96 

—  Tom.  XIV.  €10 
Les  Monumens  de  la  Monarchie 

Françoife  ,  par  le  R.  P.  Dom 
Bernard  de  Montfaucon  ^  Tome 
IV.  5i 

—  *  Tome  V.  54^ 
La  Rofalinde  imitée  de  Tltalicn  , 

*  Programme  du  grand  Recueil 
d'Infcriptions  que  M.  le  Mar- 
quis Maffei  eft  dans  le  defifcin  de 
donner  au  public  ,  58 

*Hiftoire    Univeffelle   depuis   le 
commencement  du  monde  juf- 
qu  a  prefent ,  traduite  l'Anglois 
d'une  Société  de  Gens  de  Let- 
tres ,  6 1 
?  Annales  Arfacidamm  Aurore  Lh- 
dovico  du  Four  de  Longueruë  , 
Ibid. 
f  Le  ParnafTe  François ,  par  M.  Ti- 
ton  an  Tille t  ^                            61 
:*  Le  17'  Tome  de  l'Hiftoire  Ro- 
maine Ats  Pères  Catrou  &  Rouil- 
lé,                                         Ibid. 

*  Les  cent  Nouvelles-Nouvelles  , 
par  M.'  de  G  ornez.  ^  (Îi-i28 

*  Mémoires  de  la  Cour  d'Efpagne, 

depuis  l'année  1^79.  jufqu'en 
1^81.  61 

Journal  du  Règne  de  Henri  IV.  par 
M.  Pierre  de  l'Etoile  ,  dj 

Hiftoixe  de  Danemarc  ,  par  M. 


R  A  P  H  I  Ê. 


7iJ 


Jean-Baptiûe  Defi-oches  ^  95  iSc 

Relation  Hiftorique  de  l'Ethiopie 
Occidentale  ,  traduite  de  l'Ita- 
lien du  Pcre  Cavaz.z.i  ,  par  le 
K.V.J.B.Lithat,        io6Sci6y 

La  Vie  deMeflîre  François  Picquet, 
Conful  de  France  Se  de  Hollan- 
de à  Alcp  ,  120 

*  Verona  illnfirata-.  du  Marquis  Sci- 
^ïonMaffet^  1,4 

*  Edition  Latine  de  l'Hiftoire  de 
M.  de  Thon  ^  1 2,g 

*  R-ecueil  de  Pierres  antiques  dcf- 
finces  5c  gravées  fur  cuivre  avec 
une  Table  ou  explication  claire 
&  fimple  de  chacune  décès  Picr- 
r«,  127 

*  Hiftoire  Univerfelle  Sacrée  & 
Prophane  depuis  le  commence- 
ment du  monde  jufqu'à  nos 
jours  ,  par  le  R.  P.  Dom  Augu- 
ftin  Calmet ,  j  g  ^ 

Hiftoire  de  l'Académie  Royale  des 
Sciences,  année  173©.  avec  les 
Mémoires  de  Mathématique  & 
de  Phyfique  pour  la  même  an- 
née, 218  &  271 
Le  Repos  de  Cyrus,o«  l'Hiftoire  de 
fa  vie  depuis  fa  feiziéme  année 
jufqu'à  la  quarantième,        z^s 
*Defcription  Géographique,  Hi- 
ftorique ,  Chronologique  ,  Po-. 
iitique  &  Phyfique  de  la  Chine 
&  de  la  Tartarie  Chinoife  ,  par 
le  Père  Duhalde  ,  iaa 

*  Didionnaire  abrégé  de  la  Fable 
par  M.  Chompré  ,  ^^y 

*  Troifiéme  Feuille  de  la  Carte  To- 
pQgraphiquedes  environs  de  Pa- 
ris ,  par  M.  de  la  Grive  ,        24g 

C  c  c  c  c  ij 


724  B  I  B  L  I  O  G 

*  L'Aftrce  de  M.  <^:Vrfé  ,  PaftoraU 
le  allégorique  avec  la  Clé  ,  nou- 
velle Edition  ,  248 

Hiftoire  générale  des  Auteurs  Sa- 
crés &  Ecclefiaftiqucs  ,  par  le 
R.  P.  DomRemyCf///fr,  To- 
me III.  i6-j 
—  *  Tome  IV.                    48  <C 

Carte  générale  de  la  Monarchie 
Françoife  ,  contenant  l'Hilloirc 
Militaire  depuis  Clovis  premier 
Roi  Chrétien  jufqu'à  la  quinziè- 
me année  accomplie  du  règne  de 
Louis  XV.  par  le  Sieur  le  Mch  de 
la  Jaijfe  ,  289 

Principes  de  l'Hiftoire  ,  par  M.  de 
Juvenel ,  291 

*  Mémoires  pour  fervir  à  l'Hiftoire 

de  Portugal  ,  par  M.  Jofeph 
S 0 ares  de  Sylva  ,  301 

*  Le  Volume  des  Mémoires  de  l'A- 

cadémie Royale  de  l'Hiftoire 
établie  en  Portugal  pour  l'année 
173 1.  Ibid. 

*  Hiftoire  d'Angleterre  de  M.  de 

Rapin  -  Thoyras  ;  continuée  juf- 
qu'à l'avènement  de  Georges  I. 
au  Thrône  de  la  grande  Breta- 
gne ,  Tome  XI.  &:XII.  304 
Syftême  Chronologique  fur  les 
trois  Textes  de  la  Bible  ,  avec 
l'Hiftoire  des  anciennes  Monar- 
chies expliquée ,  par  M.  Michel^ 
700 

*  Hiftoire   d'Hippolyte  ,  Comte 

de  DugliS ,  par  Madame  Daul- 
noy.  Nouvelle  Edition,         30^ 

*  Le  fécond  Tome  de  la  nouvelle 

Edition  des  Oeuvres  de  Sigonim ^ 
dans  lequel  fe  trouvent  réimpri- 
més les  XX.  Livres  de  Reono  lia.' 
Itt^  avec  des  Notes  &  Obferva- 


R  AP  H  I  E. 

tions  de  M.  Jofcpk  -  Antoine 
Safi. ,  3^1 

*«x^ff/V//7-77c^«£///Gcvencfen-Land- 
Anmanus  -  zu  -  Glarus  Chronicon 
Hdv:ticum  ,  3^ j 

*  Lettres  à' Henri  IF.  Roi  de  Fran- 
ce ,  &  de  Mcffieurs  de  Filleroi  8c 
de  Puifi'itx  ,1  M  Antoine  le  Fc- 
vre  de  la  Bodene  ,  Ambaftadcut 
de  France  en  Angleterre  ,      36'4 

*  Mémoires  du  Sieur  Jean  Macl0^ 

Ibid. 

*  Les  Généalogies  Hiftoriques  des 
anciens  Patriarches ,  Empereurs,. 
Pvois  &  de  toutes  les  Maifons 
Souveraines ,  depuis  le  comme;v 
cement  du  Monde  jufqu'à  pre- 
fent ,  &o.  3é'5 

"*  Hiftoire  des  Révolutions  d'Efpa- 
gne  ,  depuis  la  dcftrudion  de 
l'Empire  des  Goths  jufqu'à  l'en- 
tière &  parfaite  réunion  des 
Royaumes  de  Caftille  &  d'Ar- 
ragon  en  une  feule  Monarchie  , 
par   le  Père  Jofeph  d'Orléans  , 

*  L'Epoufe  infortunée\^  Ibid. 
Aïufeum  Floremitinm  ,  378 
Orhis  Sacer  &  Prophanus  illiiftratus 

340-508  &  yS7 

*  Didionnaire  Univerfcl ,  Hiftori- 
que  &  Critique  en  Anglois ,  42  j 

*  Remarques  Hiftoriques  &  Criti- 

ques fur  l'Hiftoire  d'Angleterre 
de RapinThoyras  ,  par  M.  7;»- 
dd ,  '  Ibid. 

*  AbregéChronologique  &  Hiftc 
rique  de  l'origine ,  du  progrès  & 
de  l'état  adtuel  de  toutes  les 
Troupes  de  France  ,  Ibid. 

*  Explication  de  quelques  Mar- 
bres antiques ,  j^z( 


B  I  BL  î  O  G 

*  Hlftoire  deRocliefort  ,         ^16 

*  Hiftoire  du  Fanatifme  dans  Ja 
Religion  Proteftante  ,  depuis 
fon  orif'ine  ,  4^7 

Eloge  du  R.  P.  le  Quien  ,  43 1 

*  La  Vie  de  Gufman  d'Alfarache. 

Nouvelle  Edition ,  487 

*  La  nouvelle  Mer  des  Hiftoires  , 

Ibid. 

Hiftoire  ancienne  des  Egyptiens, 

des  Carthaginois ,  des  Alîyricns, 

^c.  par  M.  ^o^/«  ,  550 

*  M.  Joah.  Jh/Ii  Rau  Diatribe  Hi- 
fiorico-  Philofophica  de  PhUnfophia 
Lucii  Cœcilii  LnBantii  Firrniani. 
Accedit  ejufàem  aliA  Critico-Theo- 
logica  ,  cemple^ens  Htftoriam  ve- 
terem  &  recennorem  -vocis  Eccle- 

fiaflics.  ^  Bfairteç  ,&C.  ^0^6 

?  Le  Temple  des  Mufes  ,  orné  de 
5  9  Tableaux  ,  où  font  reprefen- 
cés  les  éveneniens  les  plus  remar- 
quables de  l'Antiquité  fabuleu- 
fe ,  Ibid. 

"*  Nouvelle  Hiftoire  de  l'Abbaye 

Royale  &  Collégiale  de  S.  Fili- 

bert  de  laVille  deTournus ,  547 

&719 

Hiftoire  de  l'Académie  des  Infcrip- 
tions&  Belles-Lettres  ,  avec  les 
Mémoires  de  Littérature  tirés 
des  Regiftres  de  cette  Académie, 
Tome  L  Si  II.  5 52  &  675 

—  *  Tome  VII.  &VIIL      486 

Hiftoire  Littéraire  de  la  France  , 
Tome  1.  5^8 

Hiftoire  de  l'Eglife  Gallicane  ,  par 

le  Perc  de  Longneval ,  Tome  V. 

601 

-— Torae  VI.  ^45 

*  Nova  Scriptorum  ac  Monumento- 
rum ,  parUm  rarijfmorum  pArtim 


R  A  P  H  I  E.  71J 

Ineditomm  CûlleElio  J  609 

*  Mémoires  de  Frédéric-Henri  de 

Nalfau  ,  Prince  d'Orange  ,  Ibid. 

*  Hiftoire  des  Yncas ,  Rois  du  Pé- 

rou ,  Ibid. 

*  Les  Tomes  VU.  VIII.  &  IX.  de 

l'Hiftoire  Généalogique  de  la 
Maifon  Royale  de  France  .  des 
Pairs  ,  Grands  Officiers  de  la 
Couronne,  &c.  ^11 

*  Lettres  fur  les  premiers  Dieux 

ou  Rois  des  Egyptiens  ,       Ibid. 

*  La  Jeune  Alcidiane,  par  Madame 

de  Comex> ,  Ibid. 

Anecdotes  de  la  Cour  de  Philippe- 

Augufte,  651 

Hiftoire  Critique  de  la  GaulîNar- 

bonoife  ,  par  M.  de  Mandajors , 
66t 

*  Sictlia  Saera  difcjuifinonibHS  &  tio- 
titiis  illuftrata,  Editio  tertia  ,    66^ 

*  D.  Jo.  Andréa  de  Aftefatis  Epiflo- 

la  in  cjua  annm  decimits  feptimus 
fitpra  o^lingentejimum  Bernardi  j 
Italie  Régis  emortalis  oftenditur  ^ 
&CC.  Ibid. 

*  Jofephi  -  Antonii  S^xii  DlJfertaM 

Hiflorica  ai  vindtcandam  emti- 
^Ham  AmbroJia.n£  Ecclejïit  difci' 
plinam ,  &c.  ibid. 

*  Hiftoire  des  Rois  de  Pologne  & 

du  Gouvernement  de  ce  Royau- 
me ,  Ibid.  &  71^ 

*  Andre£  Moreliii  The/àurm.  Nit- 
mifmaticm ,  6jo 

•*»  Continuation    de   l'Hiftoire  du 
Parlement  de  Bourgogne ,  de- 
puis l'année  1^49.  jufqu'en  1733. 
Ibid.  &  715.- 

*  Conjuration  de  Nicolas  Gabrini_, 
dit  de  Rienzi ,  Tyran  de  Rome 
en  1347.  Ouvrage  Pofthume  da 


^l6  B  I  B  L  I  O  G  R 

Pcrc  du  Cerceau  ,  6-jo 

*  Le  Comte  Roger  ,  Souverain  de 

la  Calabre  ulrericurc  ,  6^71 

*  Aurore  &  Phxbus,  Hiftoirc  Ef- 

pagnole ,  Ibid. 

*  La  Conftance  des  promptes  A- 
mours  ,  avec  le  Joiict  de  l'A- 
mour ,  Ibid. 

*  Recueil  de  l' Hiftoirc  &  des  Mé- 

moires de  l'Acadcmic  Royale 
des  Sciences ,  depuis  1666.  juf- 
qu'en  1^99.  <>7i 

*  Annales  Suevici ,  717 

*  Blbliotheca  Bibliothecarum  nova  , 

Ibid. 


A  P  H  I  E. 

*  Cilliét  Antitjuitaies  tjtudam  felec- 

U  atq»e  in  plures  Epijlolas  diflrh 
huu ,  -718 

*  Mémoires    très  -  fidèles  &  très- 

exads  des  expéditions  militaires 
qui  fc  font  faites  en  Allemagne  , 
en  Hollande  &  ailleurs ,  depuis 
le  Traité  d'Aix-la-Cbapelle  juf. 
qu'à  celui  de  Nimeguc ,        719 

*  Mémoires  de  ce  qui  s'cft  pafl^ 

fur  mer  pendant  la  guerre  de 
16  88.  juiqu'à  1^97.  entre  la 
France  &:  l'Angleterre  ,  par  M. 
BHrchelt ,  Ibid. 


ORAT.ë)RES,POETi£,GRAMMATlCI. 


Theophili-Sigefridi  Bayeri  Mufetim 
Sinicum  ,  1^  &  84 

*  Recueil  de  vers  Italiens  &  Latins 

à  la  loiiange  de  Madcmoifellc 

*  DifSionnaire  François  ou  François 

Breton  j  par  le  P.  F.  Grégoire  de 
Roflrenen  ,  61 

*  Eglogues  de  M.  de  Segrais.  Nou- 

velle Edition  ,  62  &  718 

*  Le  Roman  Comique  ,   mis  en 

vers  par  M.  Le  TelUer  d' Orvilliers ^ 

128 

Poëfics  diverfes ,  par  M.  Tanevot  ^ 

^  Ml 

Traité   du   Sublime  ,   à  M.  Def- 

preaux,  }^zïyi.  Sthain ,  ijé  Se 

391 

*  Oeuvres  diverfes  de  M.  l'Abbé  de 

Chaulieu ,  >  8tf 

*  Méthode  pour  apprendre  l'Or- 
thographe &  la  Langue  Françoi- 

fe ,  par  M.  Jaccjuier  ,  Ibid. 

La  Bibliothèque  des  Enfans ,  oh  les 


premiers  Elémens  des  Lettres^ 
V  contenant  le  Syftême  du  Bureau 
Typographique  ,  à  l'ufage  de 
Monfeigneur  le  Dauphin,  &  de 
Mefleigneurs  les  Enfans  de  Fran- 
ce ,  231 
Th-^trumfine  vel  ejfe  po£it  Schola  in- 
firmandis  moribus  idonea  ?  Oratio 
habita  die  13  Aiartii  anno  1733. 
*  Carolo  Porée  ,  309 

*  Bibliothèque  des  Théâtres  ,    247 
Tradudion  Françoife  du  Difcours 

précèdent ,  par  le  Perc  Bnanoy  , 

*  Recueil  des  anciens  Poètes  La- 
tins,  Tome  V.  &  VI.  3^1 

*  Le  Thréfor  de  la  Langue  Latine 

^c  Robert-Etienne  j  425 

Glojfafium  ad  Scriptores  medU  &  in- 

fima  Latinitatis  ,    Autore  Carol» 

Dufrcfne,  Domino  duCangc,46^4 
Nouvelle  Traduction  du  Paftor  Fi- 

do,  481 

*  Jo.  Cottl.   Heineccii  fundamtntK 


Stili  Cultiorls , 
*  Henrici  Heifenii  Onxùo  de  Elo 

quentiâ    Vcterum  Germanorum  , 

Ibid. 

De  légitima  laudatione  oratio  habita 

^  C/î)'o/o  le  Beau  j  61^ 

Lettre  Critique  fur   le  précèdent 

Difcours,  715 

■*  Nouvelle  Edition  du  Traité  du 


1  B  L  I  O  GR  AP-ni  E.  7^7 

$â,6  Sublime  de  Longin  en  Grec  ^  en 

Latin  ,  en  Italien  &  en  François, 

*  Reflexions  fur  la  Pocfie  en  géné- 
ral ,  fur  l'Eglogue  ,  fur  la  Fable, 

*  Nouvelle  Edition  du  Recueil  de 
Pocfies  diverfes  du  Père  du  Cer- 
ceau ,  £JQ 


PHILOSOPHL 


*  Wolfîi  PJychologia  empirica  ,  iië 
Le  Spedacle  de  la  Nature  ^  oh  En- 
tretien fur  les  particularitez  de 
i'Hiftoire  Naturelle ,  &c.  fécon- 
de Edition,  192 

Difcours  fur  les  différentes  figures 
des  Aftres  ,  &c.  par  M.  de  Mati- 
pertuis ,  io^ 

Tufculane  de  Ciceron  fur  le  mépris 

de  la   mort  ;  traduite  par  M. 

l'Abbé  d'Olivet ,  avec  des  remar- 

<5ues  de  M.  le  Préfident  Bouhier  ^ 

248 

*  Entretiens  de  Ciceron  fur  la  Na- 

ture des  Dieux  ,  de  la  même  tra- 
duction ,  &  avec  les  mêmes  re- 
marques :  féconde  Edition,  i%6 
Examen  du  Pyrrhonifme  ancien  & 
moderne  ,   par  M.  de  Cronfaz. , 
2^3  &354 
Traité  de  la  Fortune  ,  501 

Lettre  de  M.  le  Marquis  Scipion 
Maffei  ^   contenant   le  récit  & 


l'explication  d'un  feu  rare  &fîn- 
gulier  femblable  à  celui  de  la 
foudre  ou  du  tonnerre  ,  lequel 
s'eft  formé  dans  le  corps  d'une 
femme  de  iaVille  de  Céfenne  en 
Italie  ,  j4i 

*  Obfervations  de  M.  Befe  fur  TE- 

clipfe  de  Soleil  qui  devoit  arri- 
ver le  Mercredi  ij  Mai  1733. 
54tf 
Lettres  Philofophiques ,  Sérieufes^ 
Critiques  &  Amufantes  ,  &c. 

Diflèrtationfur  le  Feu  Boréal ,  5^55 

*  Edmundi   Purchotii  Inftitutiones 
Phihfophica  Editio  cjuarta  ,    67 r 

*  Recherches  intereflantes  fur  l'o- 

rigine ,  la  formation ,  le  déve- 
loppement ,  la  ftrudure  ,  &c. 
des  diverfes  efpeces  de  vers  à 
tuyauj  &c.  par  M.  Mafuet ,  710 
&  +  185 


MATHEMATICL 


Arithmétique  démontrée  ,        243 

*  Recueil  d'Ouvrages  curieux  de 

Mathématique  &  de  Mcchani- 

qvie ,  «H  Dcfcription  du  Cabinet 


de  M.  GroUier  de  Serviere    avec 

des  figures  en  taille-douce,    ^6/^ 

L'Arithmétique  Militaire  ,  o«  l'A- 

lithraétique-Pratiquc  de  i'Ingé- 


7i8  BIBLIOGRAPHIE; 

nieut  }C  de  l'Oificier  ,    pir  M.        CUrmom  , 

M  E  D  I  C  I. 


7»? 


Z).  Latiretitii  Hcifteri  ,Compett4iitm 
/InMomicHm,  EMtio  ^narta ,     1 1 

Obfer varions  de  Médecine  fur  la 
maladie  appcllce  convuUion  ,  3  z 

Lettre  à  l'Auteur  de  l'Extrait  du 
Journal  des  Sçavans  du  mois 
d'Octobre  17  3 1.  au  fujet  du  Li- 
vre intitulé  :  Objervatlones  Me- 
dico-Pra^ica  ^  par  M.  le  Thieul- 
lier^  j8 

Lettre  de  M.  Petit  ,  Doâeur  en 
Médecine ,  contenant  des  refle- 
xions fur  des  découvertes  faites 
fur  les  yeux  3  45 

Traité  des  Tumeurs  contre-nature, 
par  M.  Déifier  ^  72 

Qu£^h  .M:dica  M.  J.  C.  A.  Helve 
tius  prsfîie  ciifcHtienia  an  in 
TonfîU.tmm  tnmoribiis  inflammato- 
riis  Kerrnes  Jidirtsrale?  lOo 

Quitfli')  Msdica  M.  P.  Azevedo, 

Profile  dtfcutienda  nn  in  inflam- 

matiombHS  ^    If.ermes  Minérale  , 

loi 

L'Anatoraie  générale  du  Cheval , 
traduite  de  l'Anglois  par  T*  A. 
de  Garfault ,  140 

*  Pharmacopée  de  la  Faculté  de 
Médecine  de  Paris ,  1S7 

IDijfertatio  Aïedica  inaugundis  de 
Medicmài  HttUtate  m  Jitrifpmden- 
tia  ^  155 


'Dijfertatio  Medica,  inaugiiralu  ds 
Aied.icamentisGermams,  indigents  ^ 
Germants  fufficiemthus ,  160 

QH^sftioncs  Âfedtce  diiodecim  ah  An- 
tonio'^tixzw  ,  DoSlore  Medico  ^ 
propugnatx  disbus  3  ^  4  C?"  5  men- 
ps  Aprilis  anni  1 7  3  2 .  295 

*  Georgti  Baglivi  opéra omnia  Medi~ 

co-Praiîtca  &  Anatomica.  Editi» 
nona  ,  30J 

Qu^iflio  Medica  an  Conviviafanita- 
ti  conférant.^  384 

{^u^ifliones  Medic£  duodecim  ab  An~ 
tonio  Fizes  ,  DaHore  -  Medico  , 
p'-opiignatit  dtebus  J  ,  6&  J  De~ 
cembrts  1751.  397 

Hermanni  Boerhaave  Elementa  Che- 
rrn£ ,  42  j 

*  Johannis  _F reind  opéra  Medica 
omnia  ^  42  j 

La  Médecine  Thcologiquc  ,      443 

*  Obfervations  importantes  fur  le 

Manuel  des  Accouchemens  , 
traduites  du  Latin  de  M.  Henri 
de  D ev enter  ^  par  Jacques- Jean 
Briihier  d^Abbaincourt ,  é'il 

Diprtatio  Medica  ,  de  Dolore  ex  cal- 
cula Renum  ,  ^28 

*  Suite  des  Maladies  Chroniques  , 

par  P.  V.  Dubois  ,    Tome   V. 
«71 


JUR  I  DIC  I   ET    POLITICI. 

Ordonnances  des  Rois  de  France  M.  Secoujfe ,  3  vol.                    7 

de  la  troifiéme  Race  ,  recueillies  Traité  des  Matières  Criminelles , 

par  ordre  Chronologique  ,  par  fuivant  i'Or<k)nnance  du  mois 

*  d'Aouft 


B  IB  L  I  O  G 
d'Aouft  1^70.  80 

*  Journal  des  principales  Audien- 

ces du  Parlement ,  avec  les  Ar- 
refts  qui  y  ont  été  rendus.  Nou- 
velle Edition,  1^6 

*  D.  y^ntonii  Gomelîi  "varu  Refolu- 

tiones  Juris  Civilts  ^  Commums  & 
Rigii.  Ediiio  nova  ,  505 

Ci^egoni  Mayanfii  generofi  &  ante- 
cejfom  Valentinï  Epiflolarum  Li- 
brifex ,  351 

*  Obfervations  fur  les  Arrefts  re- 

marquables du  Parlement  de 
Touloufe ,  recueillis  par  M.  de 
Catelan  ^  enrichies  des  Arrefts 
nouveaux  ,  &c.  pat  Gabriel  de 
Vedel,  36^5 

Traitez  de  la  Main  -  morte  &  des 
Retraits  ,  par  M.  F.  J.  Dimod , 
387&513 

*  D.  D.  Francifci  Amoftazo  de 
Caufis  Piis  in  génère  &  fpecia  , 

Coutumes  Générales  &  Locales  du 
Pays  &  Duché  de  Bourbonnois  , 


R  A  P  H  I  E.  719 

avec  le  Commentaire ,  par  M. 
Mathieu  Auroux  des  Pemmicrs  ^ 

Recueil  des  principales  Décifions 
furies  matières  Bénéhciales,  par 
M.  R.  Drapier  ^  52.S 

*Caufes  célèbres  &  intcreflantcs , 
avec  les  Jugemens  qui  ks  ont 
décidées  :  recueillies  par  M. 
Gayot  de  Pitaval ,  547 

Obfervations  fur  l'Ordonnance  du 
mois  de  Février  1731.  &  Qiie- 
ftions  remarquables  fur.  les  ma- 
tières des  donations  ,  par  M.  J. 
B.  Furgole  ,  590 

*  Traité  de  la  Communauté  entre 
mari  &c  femme  ,  par  M.  Denis 
le  Brun ,  cjo 

u4llegationum  Fifcal'tum  ,  Pars  prima 
&  fecunda  ,  Autore  D.  D.JoaU' 
ne-BaptiJtâ  Larreâ  ,  7 1  z 

*  Le  droit  de  la  nature  &  des  gens, 

traduit  du  Latin  de  Puffendorf  ^ 
avec  les  notes  de  M.  Barbeyrac  , 


MISCELLANEI    ET    POLIGRAPHL 


*  Mifcellaneu  Ohfervationes  in  An- 

tores  veteres  &  recentiores  ab  eru- 
ditis  Britannis  anno  1731.  edi 
CApu ,  37J 

Lettre  Critique  fur  le  Diâionnaire 
dcBayle,  177 

*  Programme  publié  par  l'Acadé- 
mie de  Chirurgie  pour  le  Prix  de 
l'année  1733.  x8(? 

Scntimens  d'un  Homme  de  Guer- 
re fur  le  nouveau  Syftêmc  du 
Chevalier  Folard ,  par  rapport  à 
la  colomne  Sc  au  mélange  des 
DeciVtbrc, 


différentes  armes  d'une  armée  , 
287 

*  Jacobi  Gretferi  Opéra  omnia  ^  302 

*  Programme  publié  par  l'Acadé- 

mie Royale  des  Infcriptions  & 
Belles-Lettres,  30^ 

Eflai  fur  les  Erreurs  Populaires  , 
traduit  de  l'Anglois  de  Thomas 
Bro'wn ,  3ié&43| 

Oeuvres  mêlées  de  M.  ***  ,      3J1 

Catalogue  des  Livres  du  Cabinet 
àclA.  de  Cangé ,  355 

Traité  de  l'Opinion  ,  ^06  5c  43  2 
Ddddd 


7îo  B   I  B  L   I  O  G 

*  Ecole  de  Cavalerie  ,  par  M.  de  la 

Guertniere ,  48^ 

*  Les  Caraderes  de  Thcophrafte  , 

avec  les  caraderes  ou  les  mœurs 
de  ce  fiécle  ,  487 

Reflexions  Critiques  fur  la  Poëfic , 
la  Peinture  &  la  Mufique  ,  par 
M.  l'Abbé  Dnbos.  Nouvelle  Edi- 
tion ,  521 

*  Programme  publié  par  l'Acadé- 

mie Royale  des  Belles  -  Lettres  ^ 


R  A  P  H   I  E. 

Sciences  S<.  Arfs  ,  établie  à  Bor- 
deaux ,  pour  le  Prix  de  l'année 
i734-_       ^  610 

*  Harduini  è  Societate  Jeftt  Opéra 
omnia ,  ^^q 

*  L'Art  d'apprendre  la  Mufique  , 

expofé  d'une  manière  nouvelle 
&  intelligible  par  une  fuite  de 
leçons  qui  fe  fervent  fucceflîve- 
ment  de  préparation  ^   par  M.' 

^^g»f,  ibid; 


T  R  IV  1  L  EG  E    D  V    ROT. 


LOUIS,  pat  la  giace  de  Dieu ,  Roi  de 
France  &  de  Navarre;  A  nos  amez  &  féaux 
C'onfeiUers  ,  les  Gens  tenans  nos  Cours  de  Par- 
lement,  Maîtres  ies  Requêtes  ordinaires  deno- 
treHôtel,  Grand-Confeil  ,Baillifs  ,  Sénécliauic, 
Prévôts,  leurs  I.ieutenans  &  à  tous  autres  nos 
Jufticiers  qu'il  appartiendra  :  SaLUT. Notre  amé 
Aféallefieut  JEAN  PAUL  BIGNON  notre 
Bibliothécaire  &  Confeiller  ordinaire  en  notre 
Confcil  d'Etat ,  Nous  a  fait  expofer  qu'ayant 
conduit  la  compofition  &  impreffion  du  Journal 
des  S^avans  depuis  le  commencement  rie  ce  fié- 
cle, il  auroit  obtenu  de  Nous  parrapport  audit 
Ouvrage  deux  Privilèges  ,  l'un  en  datte  du  fept 
Aoui^  mil  fept  cent  un  ,  Se  l'autre  en  datte  du 
trente  Juin  mil  fept  cent  quatorze  pour  quinre 
années,  â  compter  dud.  iour  trente  Juin  ,  Nous 
fuppliant  de  lui  en  accorder  un  nouveau  ,  pour 
faire  continuer  un  Ouvrage  auffi  utile  au  Public 
par  les  foins  de  Pcrfonnes  auflî  verfées  en  tou- 
tetfortes  de  Littératures  que  ceux  qui  s'y  font  ap- 
pliquez jufqu'à  prefcnt.  Nous  demandant  de 
marquer  pour  terme  dud.  nouveau  Privilège  la 
fin  d'une  année  ,  chaque  Volume  dudit  Ouvrage 
n'ayant  fa  peifeûion  qu'après  l'imprcffion  des 
douze  mois  ;  Nous  lui  avons  permis  &  accordé 
par  ces  Préfentes  de  fajre  imprimer  led.  Joiunal 
des  Sçavans  en  François  &  en  Latui ,  en  grand 
&  petit  Volume  ,  &  en  telle  forme  ,  marge  & 
caraûere  qu'il  feia  jugé  convenable  par  lui 
ou  pa;  ceux  qiu  feront  prépofez  à,  la  compo- 
fition d'icelui  ;  lequel  Journal  contiendra  , 
conformément  à  nos  Lettres  cy-devant  accor- 
dées aux.  Sieuts  de  Salo ,  Gallois  &  de  la  Roque, 
V^'irtgé  ,  Extrdir  mjufemenr  de  rouies  fortci  di 
Uvro,  en  (fKc'.que  L^n^ue  &  Pay>  &  f«T  quel- 
^«fi  mixiierii  (juiii  fcicnt  imprimez,  ,  de  Religitn  , 
dt  juriffruienu  Civile  &  Ctnoniijut,  de  Ge'c^rar 
fhii,  de  Chrtnclt^iti  A'Hijintt  S*(r%t  &  frc- 


fhaxr, Centrale  &  Parilcu'iert,  d'Hifiaire'H.tiU' 
relie  t  de  Médecine  ,  ^naromie,  Chymie  ,  'Sota- 
nique  ,  de  Pitathématiijue  ,  Gécmerrie  .  .Afircaù- 
mie  ,  :Me'chaniqiu  ,  d'^nhirelture  ,  Printure  & 
Sculpture,  de'Di-utrfit  Experlencri,  de  ReUinni  de 
Voyage!  fnr  mer  &  pur  terre,  du  Explications  de 
i}.tédailles ,  Infcrtpiions  &  autres S^tottumens ,  4cs 
Hiftcriettes ,  Romans  &  Poejies  ;  comme  aujfi  les 
^rrefts  des  Parlemens  ,  &  Sentences  des  autres 
Sièges ,  &  Jurifdiaions  Ectlefiaftiques  &  Se'culic 
rei  ,  Ordonnances  ùa  Evêquts ,  •De'ciftonsdes  "Uns- 
'jerJîteT. ,  Rejolutions  des  'Dtltes  jur  toutes  fortes 
de  Quefiims  Hiftoriques  ir  Sisentijiques  ,  des 
mémoires  &  "Difciurs  .Acade'miifues ,  £hges  des 
Hommes  lUufires  &  Sfavans  ,  Nouvelles  fur  les 
•^rts  &  les  Sciences  tirées  des 'journaux  qui  fe  font 
dans  les  Pays  e'trangers  à  fimitation  de  celui  de 
France  ,  &  généralement  tout  ce  qui  a  été  juge' di- 
gne de  la  curiofilé  &  de  l'attention  des  Cens  de 
Lettres  ,  ou  mile  à  l'avancement  &  à  la  perfec- 
tion des  beaux  ^rts  »  ainfî  que.  nous  l'avons  per- 
mis pàrnos Lettres  précédentes  ,  même  défaire 
imprimer  lefd.  Journaux  des  Sçavans  depuis  l'an 
I  S6.:f.  jufqu'à  ce  jour,  en  tout  &  en  partie  .lef- 
quels  Journaux  led.  Sieur  Expofant  delîreroit  fin- 
ie imprimer  Se  donner  au  Public  ,  pourquoril 
nous  a  três-humblcment  fait  fupplierlut  vouloir 
accorder  nos  Letticsde  Privilège  Se  Peimiflion 
fur  ce  neceflaires ,  nous  lui  avons  permis  &  ac- 
cordé ,  permettons  &  accordons  de  faire  réim- 
primer ,  vendre  &  débiter  dans  tous  les  lieux  de 
notre  Royaume  led.  Livre  en  telle  mvge  ,  caïa- 
âere,  volume  &auiant  de  foisque  bonluifem- 
blera  durant  le  tems  de  quinze  années  &  de- 
mie confccutives  ,  à  commencer  du  jour  de  la 
datte  des  préfentes,  pendant  lequel  tems  Nous 
faifons  tiès-exprefl'es  inhibitions  &  dcffenfes  à 
tous  Imprimeurs-Libraires  Si  autres  d'imprîmcr  , 
vcfidie,  dilbibuer  ni  débitet  led,    Livic  foiw 


quelque  ptctexte  que  eefoif»  lt>ême  3^mp«êffifl* 
étran5;ere  ou  autrement.fans  le  confentement  du- 
dit  Sieiir  Expofant,  à  peine  de  qiiinie  cens  livieS 
d'amende ,  confilcarion  des  Exemplaires  contre- 
faits &  de  tous  dépens  ,  dommages  &  intetefts  , 
à  condition  qu'il  fera  lemis  trois  Exemplaires 
dud.  Livre  en  notre  Bibliothèque  publique,  & 
un  en  celle  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier , 
Garde  des  Sceaux  de  France  le  Sieur  Chauvelin  , 
avant  que  de  l'expofer  en  vente  ,  à  la  charge 
auffi  que  l'impreffion  en  fera  faite  en  notre 
Royaume  &  non  ailleurs ,  fur  de  bon  papier  & 
beaux  caraôéres ,  conformément  aux  Reglemens 
faits  pour  la  Librairie  &  Imprimerie,  le  tout  à 
peine  de  nullité  des  Préfentes,  Icfquelles  feront 
legiftrées  fut  le  Livre  de  la  Communauté  des 
Libraires  de  Paris  :  &  vous  mandons  &  enjoi- 
gnons que  du  contenu  en  ces  Préfentes  vous 
faffici  jouir  ledit  Expofant  ou  ceux  qui  auront 
droit  de  lui  pleinement  &  pailîblement  ,  fans 
fouffrir  qu'il  leur  fou  fait  aucun  uouble 
ni  empêchement.  Voulons  qu'en  mettant  copie 
des  Préfentes  à  la  fin  ou  au  commencement  dud- 
Livre  ,  elles  foient  tenues  pour  bien  &  dûëment 
fîgnifiées ,  &  que  foi  y  foit  ajoutée  &  aux  copies 
coUationnées  par  l'un  de  nos  Confeillers  Secré- 
taires ,  Maifon  ,  Couronne  de  France  &  de  nos 
Finances  comme  à  l'original.  Commandons  au 
premier  notre Huiflfier  ou  Seigent  Royal  fur  ce 
requis  ,  de  faire  pour  l'exécution  des  Préfentes 
tous  Exploits  de  fignifications  ,  défenfes  ,  faifics 
&.-iuties  Aâes  de  Jufticc  requis  &  neceflaires  , 
fans  demander  autre  permiffion  ,  Placet ,  Vifa  ni 
Parcatis ,  &  nonobflant  Clameur  de  Haro , 
Chattre  Normande  &  lettres  à  ce  contraires  ; 
Car  tel  cft  notre  plaifir.  Donné  à  Paiis  le  hm- 


ti^me  jflut  ie  Juillet,  Vinie  piti  mil  fept  rtuS 
vingt-neuf,  &  de  noue  Règne  le  quatoriiéme. 
Par  le  Roi  en  fon  Confeil ,  Sainson. 

Keiiflrc  fur  le  R,0re  VII.  de  U  cimmbre 
XcyMe  &  Syndicale  de  la  /.itraine  &  l»iprimerie 
JeParis  .  "K.',  }  90-  fol.  }ii.ecnformeme>it  au  Ht- 
1723.  qui  fan  defeitfei,    art.  IV.  i 


toutes  perfonnei  de  tjue 


alité  i 


/„, 


au:rei  i]ue  tes  Libraires  &  Imj'rimettn  de  ■vendre, 
Hckiter  &  fane  afficher  aucum  Livres  fcur  tel 
•vendre  en  leurs  noms,  fuir  qu'ils  s'en  difetn  les  .Au- 
teurs .  eu  autrement  ,  &  à  la  charge  de  fournir  tes- 
txemfUires  prefcrits  par  l'article  CVIII,  du  mé" 
me  Règlement,  .A  Paris  le  on^e  Juillet  mil  feft 
cent  vingt-neuf.  P.  A.  lE    MERCIER  ,  Syndic. 

NOUS  JEAN-PAUL  BIGNON  ,  Cott- 
feillcr  d'Etat  ordinaire.  Bibliothécaire  du 
Roi  ,  ayant  obtenu  le  Privilège  du  Roi  en  datte 
du  huitième  Juillet  1 7^9.  pour  l'impreffion  du 
Journal  des  Sçavans  pendant  l'elpace  de  quinze 
années  &  demie  ,  à  commencer  au  premier  Juil- 
let dernier,  &  finiflant  au  trente-un  Décembre 
174.^.  avons  cédé  &  tranfporré  au  Sieur  Huruei- 
"Otnirl  Chaubtri,  Libraire  a  Paris,  ledroit  dudit 
Privilège,  aux  claufes  &  conditions  fpécifiées 
dans  le  Traité  fait  entre  Nous  &  leditSieur  Chau- 
beit.  Fait  en  l'Hôtel  de  la  Bibliothèque  du  Roi, 
à  Paris  le  »«.  Décembre  17*9.  J.P.BiGNON. 

Regiflré  fur  te  Regiflre  Vil. de  la  (  emmunauté 
des  Imprimeurs  &  Libraires  de  Paris ,  pag.  4.50.- 
conformément  aux  Reglemens  ,  &  notamment  i 
l'^trrejf  du  Confeil  du  If.  ~Aiiufi  1 705 .  A  Paris  le 
3P,  listmlni  iTlfi.V'  A.  IEMsRCIER,  Sytidic, 


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