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Full text of "Le Jardin des plantes, description et murs des mammifères de la Ménagerie et du Muséum d'histoire naturelle"

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*♦ 


I.E 


JARDIN  DES  PLANTES. 


Li: 


JARDIN  DES  PLANTES 

[KCFJtiica  ET  mm 
DES   MAMMIFÈRES 

Ur,     LA     MKNAGF  r.lF.    I:T    nu    MUSÉUM    d'HISTOIUI.     NVTir.ll.M., 

YW'cvAvc  A'av\\(  \\\\voA\\v\\o\\  \\\^\o\\^\\vk;.  (\v:î-cv\\i\\\e  «V  Y'\\\f>vv^'^^\\v^' 

PAR  M.  J.  JANIN, 
t  '  cent  <li^  graiids  sujets  fie  inaiiiinifères^ 


r.nwRS  SUR  cuiviie  et  dws  le  texte, 


2"    CENT    DIX    CUIiS-DE-IiABIFE 

i<|iré!:enf»nt  (ips  détails  de  mo-urs  Ar<  aiiiinaiiv  et  des  5.  in.  s 

3"  Cinquante  grands  su  jels  imprimés  à  part  à  cause  de  leur  dimension , 


l"np  \'iie  générale  du  Jardin.  —  Le  Muséum.  —  !,a  paierie  Botanique,  de  Minéralnoie  et  de  GénlojKir. 

f.es  Serre*  anciennes  et  nouvelles.  — La  grande  Kntomle.  -r-  L'.Amphithéàtre.  —  Le  palais  des  Singes.  —  La  grandi-  Ménagerie. 

Li  Fosse  auv  Ours. —  Le  Cabinet  d'Anatnmie  comparée. 

L'Amphithéâtre  d'Anatnmie.—  La  Colonne  de  Dauhenton.  —  Le  Cèdre. 

Les  Enclos  et  Cabanes 

.lc<  Iléiuii.nc..  du  hnnsnurou.  d'une  loule  de  lluminants,  des  Pécaris. rtc         La  \  aile.    Sui-^e. 

>'ue5  d'intérieur,  etc.,  etc. 

DES  PWSÀGES  DES  RÉGIONS  TROPICUES,  DES  FORÊTS  VIERGES, 

Ile-   s,-,'-lies   du  p..l.  ,   .1.-   >ui.  ts  .-.Ipeslres 

ET  DES  M  ES  DES  MEl  X  HABITES  PAU  LES  DIVEIISES  ESPÈCES; 

4"  ^lonfl)fS  ^rnucca  euv  ncicr  eî  pchnte  à  raquiufllc , 

représentant  des  groupes  des  plus  brillants  Oiseauv  des  .leuv  hémisphères; 

r  LES  PORTRAiTS  DE  WM  ET  DE  GEORGES  COVIER,  U  CAMAlEil 

et  enfin 
»ESSI!«S    n'HISTOIRE    !VATI]ItEl,I.E 

par  les  meilleurs  dessinateurs  spéciaux,  en  particulier  par  MM.  WF.KNER,  SUSEMIHL  et  GUÉMIED; 

VUES  et  sujets  divers  par  MM.  J.  David,  Karl  Girnrdet,  Français,  Himety,  Marville,  etc  , 
tfiiraviii'es  sur  bois  et  sur  cuivre  par  llll.  Andrew,  Best  et  l.<eloir. 

dessinées  par  ÉDOT  ABD   TBAVIF.S  etgraxées  par  FOIRMER  et  ANNEDOICHE  ; 

CAKTK    €II1!\01SE 

dessinée  et   gravée   sur   acii  r   p.ir    PAIL     LEGRAND. 

Un  volume  iniprimé  sur  papier  vélin  glacé  de  la  papeterie  du  Marais. 


Paris.     -    Imp.  SCHNEIDER  et  LANGRANU.  rue  .l'Erfurth 


VUE    GENERALE   EU  JARDIII   DES   PLAWTEC. 

H  B  I  s  E   1)  l    S  O  >1  M  E  1    01     I   A  IM  li  I  \  I  II  i. 

(.).,, il,,  ,:,-. 


Li: 


JARDIN  DES  PLANTES 


DKSCUIPilON   ET   MOI.  li  il  S 


hi:S  MAMMIFÈHP.S 


DE     LA     Mi:  NAG  KUI  K    KT    I)  l     MUSKIM     I)  HISTOIRE    NATURELLE 


PAR    M.    IIOITARD, 


i'UKn;i>K  iiiiM';  iMii()i)i(:Tio>  m.sToiiiQi  n,  dksciuhtivk  ki   l'moiiKsyuE 


V\\\   M.  T.  .TANIN. 


PARfS 

J.-.I.  Ul  BUCIIET   ET  O-,  P:DITEURS,   HUE   DE  SEINE,  33. 

184  2 


LES  GALERIES  D'HISTOIRE  NATURELLE  ET  LA  BIBLIOTHEQUE 


(•'-. I.  -  l'i, I 


7 


u: 


JARDIN  DES  PLANTES 


Il  est  lin  lieu,  loiil  an  bout  de  Paris,  f[iii  est  à  coiip  sûr  le  [liiis  Ix-I  cndroil 
de  ralVaîcliisseiiieiit  et  de  repos  (jui  se  puisse  rencontrei'  dansée  vaste,  obscui' 
et  tumultueux  univers  parisien.  Là  se  eonfondent  dans  un  péle-nuMc  admirables 
la  fraîelieur,  le  ealme,  Tonibrase,  les  lleurs  naissantes,  toutes  les  douées  joies 
de  la  natun\  tous  les  admirables  liasards  de  la  eam[)a;j,ne,  toutes  les  latitudes  et 
tous  les  aspects  du  monde  connu,  toutes  les  productions  de  la  terre  liabitée  et 
des  mers,  les  oiseaux  du  ciel,  les  bètes  féroces  du  désert,  le  lion  et  le  bengali, 
rélépliant  et  roiseau-mouclie,  le  tiu;re  royal  et  la  chèvre  du  Tliibet.  Prêtez 
roreillc!  Que  de  chants  d'oiseaux  amoureux.  {|ue  di'  iHiiiements  épouvantables! 
Ici  les  familles  des  sinj;es,  bondissantes,  amoureuses,  et  toutes  remplies  des 
plus  aimables  caprices.  IMus  loin,  dans  ce  bassin  d'eau  salée,  la  famille  des 
tortues,  revêtues  de  riciies  écailles,  qui  s'épanouissent  au  soleil,  ("est  un  bruit 
à  ne  pas  s'entendre,  et  c'est  en  même  temps  un  admirable  silence.  Levez  la 


N  I.i:  .lAUlU.N   DES   l'I.AMES. 

tête,  le  cèdre  du  Liban  vous  protège  do  son  ombre  {gigantesque.  Baissez  les 
yeux,  la  violette  des  bois  jette  à  vos  pieds  son  humble  et  chaste  parfum.  Puis 
enfin,  quand  vous  tHes  fatigué  de  cette  course  à  travers  la  création,  quand  vos 
yeux  se  sont  repus  de  la  couleur  des  papillons  et  des  roses,  quand  vous  avez 
passé  en  revue  ces  myriades  d'insectes  aux  ailes  d'or,  quand  vous  avez  toudié 
de  vos  mains  Tor  et  largent,  le  diarbon  et  le  fer,  tous  les  trésors  que  la  terre 
enferme,  allez  vous  asseoir  auprès  de  la  fontaine  murmurante,  sur  ce  vaste 
banc  de  roche  calcaire,  tout  au-dessous  de  ces  vastes  poutres  qui  ont  appartemi 
à  la  baleine.  Mais  cependant  savez-vous  sur  quels  débris  solennels  vous  êtes 
assis?  Vous  êtes  assis  sur  les  débris  du  mastodonte,  sur  quebpie  animal  anté- 
diluvien reconnu  et  nonuné  par  Clavier  î 

()uelle  histoire  à  écrire,  l'histoire  de  ce  charmant  et  savant  petit  coin  de 
terre  qui  n'a  pas  son  égal  dans  le  monde  !  Autant  vaudrait  écrire  l'histoire  de 
l'univers  tout  entier.  Non  pas  l'histoire  des  hommes  armés,  des  nations  qui  se 
précipitent  l'une  sur  l'autre,  des  multitudes  qui  s'en  vont  çà  et  là  dans  l'émi- 
gration, cherchant  le  pain  et  la  terre  de  chaque  j(mr.  Insipide  histoire  celle-là, 
toujours  la  même,  toujours  sanglante,  où  reparaissent  à  des  époipies  déter- 
minées les  mêmes  passions,  les  mêmes  crimes,  les  mêmes  révolutions,  les  mêmes 
meurtres,  épais  nuages  à  peine  sillonnés  par  quelques  grands  hommes.  Mais 
l'histoire  dont  je  parle,  l'histoire  de  ce  jardin  miraculeux,  posé  sur  les  rives  de 
la  Seine  par  quelque  main  bienfaisante  et  prévoyante,  c'est  l'histoire  éternel- 
lement pittoresque  et  variée  de  la  fleur  qui  se  cache  dans  l'herbe,  de  l'insecte 
(pii  bruit  sous  le  gazon,  de  la  ronce  veloutée,  de  la  mine  enfouie,  de  la  mon- 
tagne et  de  la  vallée,  l'histoire  de  l'aigle  qui  regarde  le  soleil  et  du  moucheron 
enfant  de  l'air.  Tout  ce  qui  respire,  tout  ce  qui  existe,  tout  ce  qui  resplendit 
dans  les  eaux,  sur  la  terre  et  dans  le  ciel,  tout  ce  qui  rampe  et  tout  ce  qui 
vole,  tout  ce  qui  gronde  et  tout  ce  qui  se  lamente,  le  premier  animal  de  la  créa- 
tion et  le  dernier,  tel  serait  le  sujet  de  ce  livre  :  Aoslri  furago  libcUi.  Mais 
que  faire?  que  devenir?  comment  ne  pas  se  perdre  dans  un  si  vaste  sujet?  Un 
homme  l'avait  tenté,  le  seul  homme  qui  fût  digne  de  l'entreprendre;  cet  homme 
avait  le  coup  d'œil  et  l'intelligence,  l'émotion  intérieure  et  le  style,  l'orgueil 
et  la  fierté  ;  il  était  le  seul  qui  fût  peut-être  à  la  hauteur  d'un  pareil  sujet. 
Cet  homme,  vous  l'avez  nommé,  c'est  M.  de  BulTon,  et  cependant,  û  grand 
Dieu!  vous  qui  êtes  le  dieu  de  l'hysope  et  du  cèdre,  vous  qui  avez  fait  honte  à 
la  magnificence  de  Salomon,  rien  qu'en  déployant  la  robe  blanche  du  lis  de  la 
vallée,  vous  savez  si  M.  de  BufTon  lui-même,  Buffon  votre  historien  et  votre 
favori,  était  à  la  hauteur  de  ce  vaste  sujet. 

Non  certes;  pour  raconter  cette  histoire  de  l'univers  que  Dieu  a  crée,  il  n'y  a 
que  Dieu  lui-même.  C'est  à  peu  près  ce  qu'on  a  dit  de  César  :  qu'il  était  le  seul 
digne  d'cxpli(iuer  les  batailles  qu'il  avait  gagnées.  Non  certes,  ce  n'est  pas  nous 
qui  passerons  en  revue,  même  à  propos  de  ces  quinze  cents  pieds  de  terre, 
toutes  les  merveilles  de  la  création. 

On  veut  cependant  que  je  vous  raconte  à  ma  manière,  à  la  façon  d'un 
homme  qui  admire  plus  qu'il  ne  comprend,  les  principaux  détails  de  Ihistoire 
du  Jardin  des  fiantes,  ce  résumé  de  l'univers.  11  faut  que,  tout  en  laissant  de 
cêté  ce  magnifique  ensemble  des  sciences  naturelles,  nous  vous  fassions  voir. 


LE  JAUDLN   DES   PLANTES.  m 

pour  ainsi  dire  à  vol  d'oiseau,  ces  plantes  vivantes  et  ci's  plantes  mortes,  ces 
bètes  léroces,  arrivées  hier  hurlantes  et  bondissantes  du  fond  des  déserts,  et 
ces  cadavres  inconnus  sur  lesquels  a  passé  plus  dun  déluiïe.  Chose  étranfîe. 
cette  admirable  idée  de  réunir  dans  un  seul  et  mémo  lieu  tous  les  chels- 
d'œuvrc   de  la  création   ne  date  guère  que  de  deu\  cents  années.  Avant 
Louis  MIL  la  France  n'avait  eu  ni  assez  de  repos,  ni  assez  de  loisirs,  ni  assez 
d'or  pour  s'abandonner  en  toute  liberté  à  sa  passion  pour  les  merveilles  les 
plus  rares.  François  l"  ,1e  roi  chevalier,  nous  avait,  il  est  vrai,  enseigné  à  ainïer 
les  tableaux,  les  statues,  les  monuments  de  tout  genre,  les  rares  chels-d'œuvre 
oii  la  forme  emporte  le  fond;  mais  ce  [)rince  brillant  et  léger  n'avait  pas  été 
au  delà  de  la  forme;  la  couleur,  l'éclat,  la  beauté  extérieure  lui  plaisaient  avant 
toute  chose;  pour  une  agrafe  de  Cellini,  pour  un  tableau  du  l'rimatice,  pour 
une  sculpture  capricieuse  de  Jean  Goujon,  il  eut  donné  tout  ce  qui  est  le  mou- 
vement et  la  vie.  En  ce  temps-là,  nous  étions  bien  plus  des  Florentins,  qui  se 
passionnent  pour  la  forme,  que  des  philosophes  cjui  se  passionnent  pour  l'idée. 
Parler  de  toutes  ces  choses  au  roi  Henri  IV,  c'eût  été  perdre,  en  toute  perte, 
son  latin,  sa  prévoyance  et  son  esprit.  Le  roi  Henri  s'occupait,  avant  tout,  de  la 
(inance  et  de  la  bataille.  Ce  fut  son  lils,  le  roi  Louis  Mil,  esprit  bienveillant 
et  malade,  homme  timide,  qui  a  attaché  son  nom  aux  choses  les  plus  har- 
dies de  notre  histoire;  ce  fut  Louis  Mil  qui,  le  premier,  eut  l'honneur  d'ache- 
ter de  ses  deniers,  dans  le  faubourg  Saint-Victor,  loin,  bien  loin  de  tous  les 
bruits  et  de  tous  les  mouvements  de  la  ville,  vingt-quatre  arpents  d'une  terre 
inculte  et  négligée.  Tel  fut  l'humble  et  modeste  commencement  du  Jardin  des 
IMantes.  Le  docteur  lîouvard,  premier  médecin  du  roi,  fut  le  vieil  Fvandre  de 
cette  Rome  nouvelle  et  verdoyante  qui  s'élevait  sur  ces  hauteurs.  Le  premier 
parterre  de  ce  jardin  se  composait  de  quarante-cinq  toises  de  longueur  sur 
trente-cinq  toises  de  largeur  ;  il  était  encore  trop  vaste  pour  les  plantes  qu'on 
avait  à  y  mettre,  mais  peu  à  peu  les  plantes  ont  poussé,  le  Jardin  s'est  étendu, 
une  petite  serre  a  été  bâtie.  Gaston  d'Orléans,  qui  aimait  les  plantes  et  les 
Heurs,  envoya  au  Jardin  nouveau-né  quelques  frais  échantillons  de  son  jardin 
de  Hlois,  justiu'à  ce  qu'enlin  arriva  Colbert,  cet  honune  qui  a  deviné  tant  de 
choses.  Colbert,  d'un  coup  d'œil,  eut  bientôt  conqiris  tout  l'avenir  des  vingt- 
(luatrc  arpents  du  faubourg  Saint-Victor.  Fagon,  le  médecin  du  roi  Louis  XIV, 
présenta  Tournefort  à  Colbert.  Tournefort  est  le  premier  historien  des  plantes; 
il  nous  a  appris  à  les  aimer,  à  les  connaître  ;  il  a  deviné  leur  famille,  il  a  in- 
diqué les  premiers  noms  qu'elles  ont  porté  ;  pour  tout  dire,  il  est  le  loyal  et 
net  prédécesseur  d'Antoine  de  Jussieu,  le  grand  naturaliste.  A  vingt-trois  ans, 
M.  de  Jussieu  était  professeur  au  Jardin  du  lloi  ;  il  avait  parcouru  l'Espagne  et 
le  Portugal,  ramassant  avec  une  curiosité  pleine  de  dévotion  les  moindres  brins 
d'herbes  que  produit  cet  air  brûlant.  Antoine  de  Jussieu  est  une  des  plus  gran- 
des créations  de  Fagon  le  médecin;  c'est  au  Jardin  du  Uoi  que  se  retira  ce  sé- 
vère serviteur  du  roi  Fouis  MV  ;  c'est  là  (piil  voulul  mourir.  Le  Jardin,  recon- 
naissant, a  conservé  avec  respect  la  mémoire  de  Fagon.  Enlin,  en  I7ô".>,  le  roi 
véritable  du  Jardin,  celui  qui  la  agrandi,  qui  l'a  sauvé,  celui-là  même  qui  en 
est  l'historien  et  le  démonstrateur  tout-puissant,  M.  de  Buffon,  devait  |)orler 
pendant   quarante-neuf  ans  cet   illustre  et  utile  fardeau.  Certes,  sans  ^-Ire  un 


IV  I.K  JAIIDI.N   DLS   l'LAMLS. 

aiiibilicuXjSaiis  envier  la  gloire  de  ceux  qui  ont  fondé  des  monarchies,  qui  ont 
sauvé  des  peuples  entiers,  (jui  ont  agrandi  des  villes  capitales,  on  ne  peut 
s'empêcher  d'adn^rer  et  denvier  jjeul-ètre,  car  c'est  là  une  noble  envie,  la 
j-'loire  et  le  boniuHir  de  M.  de  lUifïon.  Quelle  j4l"ire  immense  en  effet,  et  quelle 
joie,  et  quelles  batailles  pacilicjues!  M.  de  Buffon  arrivait  au  milieu  de  cette 
œuvre  à  peine  conunencée,  en  se  disant  à  lui-même  qu'il  l'achèverait  un  jour. 
Il  arrivait  au  milieu  de  ce  désordre,  de  ce  chaos,  du  pêle-mêle  savant  et  peu 
logique  de  ces  plantes  naissantes,  de  ces  débris  sans  nombre,  de  ces  formes 
brisées,  et  il  se  disait  tout  bas  :  Je  vais  tirer  du  chaos  toutes  choses,  je  vais  re- 
mettre à  leur  place  l'arbre  et  la  plante,  la  mousse  et  la  fleur,  je  vais  prononcer 
du  haut  de  mon  génie  le  fiai  lux  pour  chaque  fruit  de  l'espalier,  pour  chaque 
fleur  en  son  bouton,  pour  chaque  animal  venu  de  toutes  les  parties  du  monde  ; 
j'élèverai  les  vallées,  j'abaisserai  les  montagnes,  j'aurai  à  mon  gré  un  fleuve 
ou  une  mer,  un  frais  pâturage  ou  une  caverne,  la  rosée  bienfaisante  et  le 
chaud  rayon  du  soleil.  Mes  vingt-quatre  arpents  de  terre,  je  les  veux  agrandir 
outre  mesure,  jusqu'à  ce  qu'enfin  jy  aie  renfermé  une  miniature  de  l'univers. 
De  cette  création  faite  par  moi  et  pour  moi  je  serai  le  Dieu  d'abord,  et  ensuite 
j'en  serai  plus  que  le  Dieu,  j'en  serai  le  nomenclatcur,  j'en  serai  l'historien. 
On  raconte  qu'une  fois  le  premier  homme  créé.  Dieu  dit  à  .Adam  :  Te  voilà, 
c'est  à  toi  à  nommer  toutes  les  choses  de  la  création.  Voilà  ce  que  se  dit  à  lui- 
même  M.  de  Buffon  quand  il  se  vit  le  maître  du  Jardin  du  lloi.  Cette  fois  donc 
son  œuvre  élait  trouvée,  sa  tAchc  éternelle  conuncnçait  ;  jusqu'à  la  fin  de  sa 
vie,  il  devait  marcher  dans  ces  sentiers  de  fleurs  et  d'épines,  fleurs  dévouées  et 
obéissantes,  épines  qui  ne  blessent  pas  ceux  qui  les  regardent  avec  respect, 
avec  amour. 

Voici  donc  M.  de  fluflon  qui  prend  possession  de  son  domaine,  (i'élait  triste 
à  voir  ce  domaine  de  la  nature.  Deux  salles  basses  sufllsaient,  et  au  delà,  à 
contenir  des  curiosités  dignes  de  la  foire  :  deux  ou  trois  squelettes  vermoulus, 
des  herbiers  en  désordre;  le  Jardin  était  planté  au  hasard  :  pas  une  allée,  pas 
un  sentier  tracé,  pas  un  arbre  qui  fût  à  sa  place.  II  fallut  bâtir,  il  fallut  planter, 
il  fallut  agrandir  toutes  choses,  surtout  il  fallut  trouver  des  hommesqui  vinssent 
en  aide  au  grand  naturaliste;  car  déjà  .M.  de  Butfon,  connue  un  digne  énude 
de  Pline  l'ancien,  songeait  à  écrire  l'histoire  naturelle,  ce  livre  immense  qui  n'a 
d'autres  bornes  que  les  bornes  de  l'univers. 

Le  premier  (pii  vint  en  aide  à  M.  de  Bufl^on,  c'était  un  honune  d'une  grande 
science  ,  nommé  Daubenton.  Il  fut  chargé  de  l'arrangenient  du  cabinet,  il  dis- 
posa les  collections,  il  ht  quatre  divisions  principales  des  divers  règnes  de  la 
nature;  il  invoqua,  au  nom  de  M.  de  BufTon  son  maître,  le  secours  de  tous  les 
voyageurs.  .\  l'exemple  d'Antoine  de  Jussieu,  cpii  envoyait  à  ses  frais  ses  plus 
zélés  disciples  pour  ramasser  des  plantes  et  des  graines,  Daubenton  recueillit 
des  livres,  des  échantillons  de  tout  genre.  A  C(Mé  de  cette  famille  des  Jussieu  ,  les 
bienfaiteurs  du  genre  humain,  il  faut  plac(M-  Jean-André  Thouin  et  son  fds  An- 
dré. Ainsi  peu  à  peu  tout  le  Jardin  prenait  une  face  nouNclle.  M.  de  BulTou 
comnuinicjuait  à  toutes  choses  la  persévérance  de  son  esprit;  tous  ces  gens-là 
s'aimaient  et  s'entr'aidaient  les  uns  les  autres.  On  eût  dit  une  colonie  de  culti- 
vateurs, ou  mieux  encore  une  réunion  de  disciples  de  Saint-Simon  ou  de  Kou- 


I.i:  JU'.Dl.N    DLS   IM.AMtS.  v 

lier.  Doja  la  noinenclaUiro  do  Linné,  plus  facile  et  plus  commode  que  (elle  de 
Touinefoit,  aidait  merveilleusement  à  la  science.  A  chaque  saison  nouvelle  le 
jardin  élait  en  prostrés;  on  jetait  à  bas  les  vieilles  maisons,  on  en  b;\tissait  do 
nouvelles,  on  élevait  des  montagnes,  on  creusait  des  vallons;  partout  le  râteau, 
partout  la  bêche.  Bientôt  on  fut  à  bout  de  toute  terre  cultivée  ;  il  y  avait  là 
tout  auprès  les  jardins  de  Tabbaye  Saint-Victor,  [luis  un  vaste  enclos  traversé  par 
la  rivière  de  Bièvre.  A  force  de  sollicitiition  et  de  dépenses,  Tenclos  est  acheté, 
le  jar  Jin  de  l'abbaye  est  envahi  ;  nous  voilà  maintenant  sur  les  bords  de  la  Seine, 
(iui  nous  donne  son  eau  fécondante.  Begardez,  à  cette  heure  quels  progrès  déjà  ! 
Nous  avez  des  arbres  de  toutes  les  saisons,  vous   avez  une  école  d'arbres  à 
fruits,  un  semis  de  plantes  économiques,  toute  une  école  de  culture.  Bientôt  le 
local  est  nivelé,  les  bassins  sont  creusés,  le  mur  d'enceinte  est  bâti,  la  belle 
terrasse  s'élève  le  long  du  ([uai;  mais  ce  n'est  pas  assez.  Un  terrain  situé  à  l'ex- 
trémité des  marronniers  convient  à  ^I.  de  Buffon  ,  et  M.  de  BulTon  l'achète.  C'é- 
tait un  jardin  plus  bas  que  le  premier,  abrité  du  nord  et  de  l'ouest.  Là  furent 
transportées  les  couches  destinées  aux  semis;  là  furent  cultivées  les  plantes  les 
plus  délicates.  L'année  suivante,  en  I77i,  fut  élevée  la  première  serre  digne 
de  contenir  de  belles  plantes.  Tels  étaient  les  progrès  rapides  de  la  botanique  ; 
et  comme  toute  fortune  tient  à  une  autre  fortune,  tout  progrès  à  un  autre  pro- 
grès, le  cabinet  grandissait  en  même  temps  que  le  Jardin.  Ck}  cabinet  était  le 
centre  unique  où  venaient  aboutir  de  toutes  parts  les  merveilleux  et  inesti- 
mables fragments  dont   se   compose  l'histoire   naturelle,  riches   échantillons 
dispersés  dans  tout  lunivers,  dans  les  entrailles  de  la  terre,  sur  le  bord  de  tous 
les  rivages,  au  sommet  de  toutes  les  montagnes ,  dans  les  volcans,  dans  les 
ruines,  dans  les  déserts ,  poussière  du  monde  passé,  productions  du  monde 
présent,  échantillons  des  mondes  à  venir.  11  fallut  donc  agrandir  les  bâtiments 
comme  on  avait  agrandi  le  jardin  ;  puis  bientôt  les  collectionneurs  arrivèrent 
offrant  chacun  sa  collection,  c'est-à-dire  la  passion  de  sa  vie,  pour  augmenter 
ce  bel  ensemble.  La  première  de  toutes,  l'Académie  des  sciences  envoya  au 
(hbinet  du  Bol  son  cabinet  d'anatomie  ;  le  comte  d'Angivilliers  offrit  le  sien  ; 
les  missionnaires  de  la  Chine,  ardents  propagateurs  de  la  foi  chrétienne,  en- 
voyaient à  M.  de  BulTon  tous  les  échantillons  qu'ils  pouvaient  ramasser  dans  ce 
fabuleux  et  céleste  empire  où  nul  Européen  n'avait  pénétré  avant  eux.  Le  roi 
de  Pologne  s'estima  heureux  dolTrir  au  Jardin  du  Boi  les  plus  beaux  miné- 
raux. On  envoya  chercher  dans  l'Inde  une  collection  de  zoologie.  Bougain- 
ville   rapporta  de  son  voyage  autour  du  monde  tout  ce  qu'il  en  put  rappor- 
ter pour  le  Jardin  du  Boi,  donnant  ainsi  un  exemple  qui  a  été  suivi  par  les 
navigateurs  à  venir.  Dans  ce  concours  unanime  de  toutes  les  fortes  intelligences 
de  l'Lurope  pour  doter  un  établissement  si  nouveau,  il  n'y  eut  pas  justiu'a  la 
grande  Catherine  cpù  ne  tînt  h  honneur  d'envoyer  au  Cabinet  d'histoire  natu- 
relle les  plus  beaux  animaux  du  Nord ,  les  plus  rares  fragments  de  zoologie. 
C'était  une  fenune  ([ui  entendait  la  gloire  à  la  l\i(;on  des  grands  rois,  l'.lle  savait 
par  cœur  toute  la  France  du  dix-huitième  siècle,  elle  l'aimait  dans  ses  moin- 
dres détails.  De  tout  ce  ([ui  lui  paraissait  digne  d'envie,  ce  que  la  grande  Cathe- 
rine enviait  le  plus  à  la  France,  c'étaient  ses  hommes  de  génie,  c'était  Voltaire, 
c'était  Diderot  et  d'Alembert ,  c'était  M.  de  BulTon  qu'elle  avait  appelé  dans 


M  U:   JAUDIiN   DES    PLAMLS. 

son  empire,  avec  celte  coquetterie  royale  et  diarmanle,  à  laiiueile  il  était  si 
difficile  de  résister.  Mais  M.  de  BulTon,  tout  entier  à  sa  double  création,  à  son 
livre  et  à  son  Jardin,  envoya  son  fds  à  sa  place.  Cependant  le  Jardin  jïrandissait 
toujours.  Sur  ces  entrefaites,  furent  publiés  les  premiers  volumes  de  V Histoire 
iiaiiirellr,  ce  chef-d'œuvre  d'éloquence  où  M.  de  BiilTon  ralliait  à  lui,  d'une  fa- 
çon irrésistible,  tous  les  naturalistes  de  l'Europe.  A  bien  prendre,  le  Jardin 
du  Roi  et  VlJimoire  ndinyrllr,  c'est  la  môme  œuvre  :  l'un  tient  à  l'autre  par  un 
lien  que  rien  ne  saurait  rompre.  Sans  le  Jardin  du  Roi,  jamais  M.  de  RutTon 
n'aurait  écrit  son  livre  ;  sans  le  livre  de  M.  de  rUifl'on,  le  Jardin  du  Roi  n'aurait 
pas  conquis  tout  d'un  coup,  comme  il  a  fait,  l'admiration  de  l'Europe  savante. 
Autour  de  ce  Jardin  et  de  ce  livre  se  sont  groupés  tous  les  amateurs  pas- 
sionnés de  l'histoire  naturelle.  Quiconque  avait  étudié  avec  soin,  avec  amour, 
la  partie  la  plus  imperceptible  de  ce  vaste  univers,  une  graine,  un  insecte, 
un  papillon,  une  plante,  était  le  bienvenu  à  adresser  à  M.  de  Buflbn  ses  pro- 
pres découvertes.  — Voilà,  Monsieur,  ce  que  je  sais,  voilà  ce  que  j'ai  appris, 
voilà  ce  que  j'ai  découvert  ;  et  M.  de  Ruflbn  répondait,  à  coup  sûr,  à  ce  con- 
frère inconnu,  une  lettre  de  remercîments,  où  il  l'appelait  son  collaborateur. 
Ainsi  l'historien  de  la  nature  était  représenté  dans  le  monde  entier  par  toute 
sorte  de  correspondants  et  d'ambassadeurs,  disciples  dévoués  de  son  travail  et 
de  son  génie.  Cet  homme  voyait  de  très-haut  toutes  choses  ;  il  aimait  les  collec- 
tions, il  est  vrai ,  mais  il  les  aimait  pour  s'en  servir  en  grand  historien.  Il  n'au- 
rait guère  été  satisfait  s'il  lui  eut  fallu  se  maintenir,  sans  fin  et  sans  cesse,  dans 
la  description  minutieuse  des  moindres  fragments  du  grand  ensemble  ;  mais, 
au  contraire,  ce  qui  le  rendait  heureux  et  fier,  c'était  de  reconstruire  ces  formes 
éparses,  c'était  de  rendre  la  vie,  le  mouvement,  la  pensée  et  l'orgueil  aux  ani- 
maux de  la  création  divine;  c'était  de  nous  les  montrer,  non  pas  tels  que  la 
dissection  nous  les  avait  faits ,  mais  tels  qu'ils  étaient  sortis  du  caprice  ou  de 
la  main  de  Dieu.  Le  lion  rugissant,  le  tigre  qui  bondit,  le  cheval  indocile  au 
frein,  la  génisse  superbe,  le  taureau  amoureux,  lecerf  fujant  au  son  du  cor,  la 
chèvre  qui  broute  le  cytise  en  fleurs;  le  chien, ce  compagnon  de  l'homme;  h; 
coq,  roi  de  la  basse-cour;  il  n'y  a  pas  jusqu'à  l'âne,  l'assidu,  l'entêté  et  l'in- 
fatigable and  du  laboureur,  l'humble  animal  que  M.  Delille  n'aurait  jamais  osé 
nommer  dans  ses  vers,  à  qui  M.  de  Ruiïon  n'ait  accordé  une  grande  place  dans 
son  histoire;  môme  il  a  écrit  au  sujet  de  ce  pauvre  âne,  qm  fut  plus  tard  un 
des  héros  de  Sterne,  les  pages  les  plus  touchantes  de  son  histoire,  pages  hono- 
rables pour  tous  deux,  pour  l'Ane  et  pour  M.  de  lîuflon,  car  il  a  rendu  justice 
au  plus  patient  et  au  plus  sobre  des  travailleurs.  En  même  temps  ce  beau  cha- 
pitre, si  plein  de  raison ,  de  justice  et  de  bon  sens,  doit  absoudre  à  tout  jamais 
M.  de  RufFon  du  niais  reprocl'.e  d'enflure  et  d'emphase  avec  lequel  on  l'attaque 
depuis  si  longtenqis.  Mais,  tenez,  puis(|ue  nous  en  sommes  arrivés  à  cet  homme 
célèbre,  le  véritable  fondateur  du  Jardin  du  Roi,  pourquoi  ne  pas  vous  ra- 
conter sa  vie?  Ce  sera  là,  sans  contredit ,  la  plus  noble  introduction  qui  se  puisse 
faire  à  ce  livre  du  JarJin  (Ici  Vlanics,  dont  un  plus  savant  que  moi  sera  l'histo- 
rien. 

Ceorges-Eouis  Lcclerc,  comte  de  Ruffon,  était  né  à  Monlbart  en  Rourgogne, 
le  7  septembre  1707.  Son  père  était  un  honuue  riche  et  un  savant  magistrat , 


IJ-:  JARDIN   l)i:S   PLAMLS.  mi 

et  il  laissa  son  lils  s'abandonnci*  en  toute  liberté  aux  inspiralions  naturelles  de 
son  génie.  Le  jeune  l.eclerc,  obéissant  au  secret  instinct  qui  le  poussait,  entre- 
prit un  voyage  en  Angleterre;  l'Angleterre  était  dans  ce  temps-là  uiieesiuce 
(le  monde  à  part  où  nous  allions  clierelier  le  drame,  le  ronian  ,  la  poésie,  la  li- 
berté, la  philosophie,  l'économie  politi(jue,  la  pondération  des  pouvoirs,  l'é- 
mancipation du  peuple,  toutes  sortes  de  choses  dont  s'inquiétaient,  d'une 
façon  déjà  turbulente,  l'ambition  et  l'avenir  de  la  Trance.  Notre  jeune  homme, 
plus  modeste,  ne  savait  pas  encore  ce  qu'il  allait  chercher  en  Angleterre.  11  y 
trouva  ce  qu'on  y  trouvait  alors,  une  grande  nation  heureuse  et  hère  de  la 
révolution  qu'elle  avait  accomplie,  qui  avait  payé  cette  révolution  au  prix  de 
son  sang  et  de  son  or,  et  qui,  maintenant,  après  tant  de  révolutions  et  de  tem- 
pêtes, après  ce  roi  égorgé,  cette  dynastie  reprise  et  chassée  de  nouveau,  regar- 
dait sans  etTroi  les  tempêtes,  les  batailles  et  les  prospérités  de  l'avenir.  Le  spec- 
tacle d'un  peuple  ainsi  l'ait  était  un  spectacle  d'autant  plus  grand  et  solennel, 
que  la  France  était  encore  bien  loin  de  pouvoir  rêver  de  semblables  destinées. 
Dans  cette  grande  nation,  les  débuts  de  ce  jeune  homme,  qui  devait  être  M.  de 
lUitTon  plus  tard,  furent  simples  et  modestes.  11  connuença  par  apprendre  la 
langue  du  peuple  qu'il  visitait,  et  pour  bien  conuncncer,  il  se  mit  à  traduire, 
voyez  le  hasard  quand  on  a  du  génie!  la  Simi'nnules  vcijêianx  de  Ildlcs  et  le 
Tiaiié  (les  fluxions  de  ISeicion;  si  bien  qu'il  apprit  en  même  temps  la  langue 
anglaise,  et,  qui  plus  est,  la  grande  langue  de  la  science.  Ainsi  il  commença 
tout  à  la  fois  à  s'occuper  de  géométrie  et  des  sciences  naturelles.  Ses  premières 
années  furent  consacrées  à  se  préparer  aux  études  qui  lui  convenaient  le  plus. 
Il  aurait  pu  devenir  un  grand  géomètre,  sa  bonne  étoile  en  fit  le  plus  grand 
naturaliste  de  son  siècle.  Vous  avez  vu  tout  à  l'heure  comment  cette  place 
de  directeur  du  Jardin  du  Roi  indiqua  à  M.  de  BulTon  sa  vocation  véritable  ; 
et  certes,  il  se  faisait  bien  temps  que  l'histoire  naturelle  eût  son  historien 
parmi  nous.  Avant  celui-là  toute  notre  liistoire  naturelle  se  composait  de 
méchantes  compilations  sans  talent  et  sans  nom  d'auteur,  de  sèches  nomen- 
clatures auxquelles  le  public,  c'est-à-dire  tout  le  monde,  n'avait  rien  à  com- 
prendre, et  enfin  de  ({ueliiues  traités  excellents  détachés  du  grand  ensemble  des 
choses  créées.  Dans  cette  révolution  qu'il  allait  entreprendre  et  (jui  fut  précédée 
de  bien  des  doutes  cruels,  car  enfin  il  ignorait  encore  celte  toute-puissance 
du  style  qui  était  en  lui,  M.  de  BufTon  avait  choisi  pour  ses  modèles  et  pour 
ses  maîtres  deux  grands  modèles  et  deux  grands  maîtres,  Aristote  et  Pline  l'an- 
cien :  Aristote,  qui  a  deviné  toutes  choses,  l'histoire  naturelle,  la  rhétorique, 
l'éloquence,  la  constitution  ;  Pline  l'ancien,  (|ui  a  trouvé  le  premier  l'élévation, 
le  langage,  la  passion,  le  style  de  l'histoire  naturelle;  celui-ci  exact  et  profond, 
ne  donnant  rien  au  hasard,  ne  parlant  que  ce  qu'il  a  vu  et  entendu,  trouvant  le 
premier  anneau  de  cette  chaîne  des  êtres  créés  qui  a  servi  à  Cuvier  pour  devi- 
ner à  son  tour  tous  les  mystères  de  la  création  ;  celui-là  qui  a  donné  à  la  vie  du 
monde  entier  cette  vie  si  brillanteet  ces  puissantes  couleurs,  (lertes,  il  n'a  fallu 
rien  moins  (fue  le  plus  rare  et  le  plus  passionné  génie  pour  réunir  dans  le  même 
ensemble  tant  d'imagination  et  tant  de  science  ;  il  ne  fallait  rien  moins  que  toute 
cette  éloquence  pour  rendre  les  peuples  de  rF.urope  attentifs  à  cette  histoire 
(|ui   est    réellement    riiisloiro   universelle.   Les  (juinze   premiers   voluiues    de 


Mil  l.i:  .IAKIUN   l)i:.S   l'LANTKS. 

17/i  s/0  ire  itaiurrllc  luiviit  publias  de  1741)  à  1707;  ils  troiliiicnl  de  la  Uiôoiic 
(le  la  t(MMV,  (le  la  naliirc  des  aniiiiaiix,  de  l'histoiic  de  riioinmo,  de  lliisloire 
(les  quadrupèdes  \ivipares.  liuflbn  et  Daubenlon  s'étaient  i)artagé  cette  tàclie 
didiciie  et  compliquée;  chacun  d'eux  avait  pris  la  part  qui  lui  convenait.  M.  de 
HulTon  avait  gardé  pour  lui  la  poésie  et  la  pliilosopliie  de  celte  histoire,  il  expli- 
(juait,  à  la  façon  d'un  lîossuet,  mais  d'un  Bossuct  exact,  les  théories  générales, 
K'S  grands  aspects  et  les  grands  phénomènes  de  la  nature;  il  disait  les  mœurs 
des  animaux,  il  en  rrcontait  les  passions,  les  habitudes,  les  instincts,  il 
agissait,  passez-moi  la  comparaison,  tout  comme  avait  agi  La  Fontaine  lui- 
même  ;  seulement  dans  ces  drames  charmants,  l'honneur  de  la  poésie  fran- 
çaise, La  Fontaine  avait  à  cœur  de  nous  montrer  comment,  par  leur  sagesse 
providentielle,  par  leur  ruse  ingénieuse,  par  leur  bonhomie  native,  par  la  vérité 
de  leur  allure,  par  la  profondeur  inexplicable  de  leur  génie,  les  animaux  avaient 
V'té  mis  et  créés  au  monde  tout  exprès  pour  donner  aux  honunes  les  plus  utiles 
leçons  de  la  philosophie  et  de  la  morale, pendant  (;ue  M.  de  lUiflon,  au  contraire, 
relevant  à  la  foisl'honnne  et  la  brûle  dont  il  était  léquilable  historien,  s'atta- 
chait à  nous  démontrer  comment  el  pourquoi  tous  les  animaux  de  ce  globe  sont 
peut-être  égaux  devant  Dieu  et  devant  les  philosophes.  Pour  un  instant  il  laissait 
l'âme  de  côlé  ;  mais  l'instinct,  cette  ame  du  second  degré,  lui- suffisait  à  expli- 
quer l'homme  et  le  tigre,  l'homme  et  l'àne  qui  broute,  Ihommeel  le  rossignol  qui 
chante  sa  plainte  harîuonieuse  dans  les  bois.  Tel  était  le  grand  vol  que  jîrenail 
.M.  de  IkilTon  dans  celle  histoire  naturelle,  qui  n'a  d'aulres  bornes  i;ue  Irs  limi- 
tes de  la  terre  et  du  ciel.  Il  était  grand  par  la  pensée,  il  était  grand  par  la 
parole. D'un  pas  ferme  et  sùi',  il  suivait  son  chemin  à  travers  le  monde,  soccu- 
pant  avec  un  égal  bonheur,  avec  le  même  enthousiasme,  de  l'éléphant  el  du 
ciron.  Dans  cette  marche  hardie  et  calme,  rien  ne  l'inquiétait,  rien  ne  lui  faisait 
obstacle,  car  tout  d'al)ord  il  avait  niv(>lé  le  monde  pour  que  son  génie  s'y  |>ùl 
déployer  tout  à  l'aise.  Il  avait  abaissé  les  montagnes,  il  avait  comblé  les  vallées, 
il  avait  desséché  les  fleuves  et  les  mers,  il  avait  ouvert  Ic.^lobe  pour  savoir  enfin 
ce  que  les  mers  et  les  fleuves  et  le  globe  contenaient  dans  leur  sein.  Ainsi  il 
s'était  dégagé  tout  d'un  coup  des  anciennes  théories,  des  vieux  obstacles,  des 
détails  pénibles.  Avant  lui,  le  naturaliste  se  servait  du  niicroscope,  mais  lui  il 
voyait  toutes  choses  avec  ce  coup  d'œil  qui  donnait  aux  moindres  détails  de 
la  nature  des  dimensions  énormes.  Ainsi  s'est  accompli  ce  grand  ouvrage  de 
Vllisioiic  vainvrllc  où  l'ensemblc  est  tout,  oii  les  détails  disparaissent  em})ortés 
dans  le  tourbillon  de  l'univers. 

En  même  temps,  mais  dans  des  sentiers  plus  calmes,  d'un  pas  lent  et  mo- 
deste ,  arrivait  Daubenton  ,  curieux  et  intelligent  nomenclateur  des  moindres 
détails  de  cette  histoire  qu'ils  faisaient  à  eux  deux.  Celui-là  voyait  de  très- 
près,  M.  de  HulTon  voyait  de  très-haut.  11  reconnaissait,  chemin  faisant,  tous 
les  fragments  dédaignés  par  son  fougueux  compagnon  de  voyage.  11  restait 
assis  des  heures  entières  à  voir,  à  contempler,  à  étudier,  à  admirer,  à  juger  les 
héros  de  leur  livre.  11  disséquait  minutieusement  l'animal  dont  M.  de  Bulïon 
esquissait  l'histoire  à  grands  traits.  Et  cependant,  tout  en  marchant  ainsi  à 
petits  pas,  Daubenton  lui-même  se  trouva  fatigué  de  suivre  ce  rude  jouteur. 
La  lassitude  le  prit  au  milieu  ducliemin;  il  s'arrêta,  n'en  pouvant  jilus;  seule- 


Li:  JAKDliN    DKS  PLAM TES.  ix 

inonl  il  se  mil  à  marcher  seul  ;  il  s'abandonna  librement  à  s:i  lente  contempla- 
tion, à  son  élude  partielle  du  monde;  pendant  ce  temps,  M.  de  lîiilTon  courait 
toujours. 

De  ITSô  à  ITSS  furent  publiés  les  cinq  volumes  de  minéraux  ;  les  sept  vo- 
lumes  de  supplément  ont  suivi  jusqu'en  l~SU;  là  s'arrête  M.  de  Buffon.  La 
mort  le  prit  au  moment  le  plus  éclatant  de  notre  histoire,  à  l'instant  mèm.e  où 
la  liberté  française  paraissait  con(|uise,  la  mort  le  prit  afin,  sans  doute,  qu'il 
ne  fût  pas  témoin  du  meurtre  de  son  fils  sur  Téchafaud  et  de  l'éclatant  dés- 
honneur de  sa  bru  dans  la  maison  du  duc  d'Orléans.  Ajoutez  à  cette  œuvre 
ses  Époques  dr  la  IS'niiiri',  cette  théorie  de  la    terre   dans  laquelle  il  a  dé- 
ployé d'une  main  si  ferme  toutes  les  magnificences  du  style  ;  cinquante  ans 
de  la  vie  la  plus  laborieuse,  la  plus  calme  et  la  mieux  réglée,  cinquante  ans  de 
zèle,  de  haute  administration,  d'un  dévouement  de  tous  les  jours,  d'une. cor- 
respondance infinie  sur  tous  les  points  du  globe,  avaient  suffi  à  peine  à  com- 
pléter cet  inunense  travail.  A  voir  ce  que  font  les  hommes  de  nos  jours  au 
milieu  de  ces  agitations  misérables,  à  voir  ce  qu'a  fait  celui-ci  au  plus  fort  des 
concpiétes,  des  émeutes,  des  révoltes  et  des  victoires  de  17X0,  on  se  prend  à 
sourire  de  pitié.  Plus  d'un,  outre  Daubenton,  a  mis  l;i  main  à  ce  travail  ;  mais 
ces  gloires  passagères  ont  été  dévorées  par  la  gloire  du  maître.  On  cite  de 
M.  Guénaud  de  Montbéliard  quelques  beaux  chapitres  d'un  grand  style,  et  de  ces 
chapilresonnepeut  dire  que  ceci  :  (l'est  le  stjle  de  Bidfon  !  Le  stjle  de  Huffon, 
pompeux,  élégant,  plein  de  grandeur  et  de  majesté,  a  été  plus  d'une  fois  atta- 
(|uô  par  les  faiseurs  de  rhétorique  et  par  les  rivaux  de  sa  gloire.  Voltaire,  c|ue 
toute  sorte  de  succès  iiKjuiétr.it  comme  un  vol  l'ait  à  sa    gloire,   souriait  de 
pitié  quand  on  lui  parlait  de  r///.s7o/?7,- ?jn///n7/c.  —  Pas  si  naturelle!  disait-il. 
Mais  Voltaire  était  plus  d'une  fois  tombé  sous  la  main  de  M.  de  Buffon  ;  il  avait 
voulu  se  moquer  des  bancs  de  coquillages  découverts  sur  le  sommet  des  Alpes  ; 
il  avait  prétendu  que  ces  coquilles  s'étaient  détachées  du  chapeau  des  jjèlerins 
qui  allaient  à  Rome.  M.  de  iîuffon  lui  avait  répondu  avec  de  bien  piquantes 
railleries  et  des  raisons  sans  répliques.  Mais  laissons  là  tous  ces  coups  d'épingle, 
n'allons  pas  chercher  les  critiques  et  les  nuages  qui  se  placent,  de  leur  vivant, 
au-devant  des  grands  honunes,  reconnaissons  tout  simplement  l'éloquence,  la 
passion,  rentraînemenl,  la  majesté  de  M.  de  Buffon,  plaçons-le  au  premier  rang 
des  paysagistes,  disons  qu(M'amais  la  description  n'avait  atteint  ce  haut  degré  de 
vérité  et  de  magnificence  ;  faisons  connue  a  fait  toute  l'Europe  du  siècle  passé, 
humilions-nous  devant  ce  livre  immense  où  la  philosophie  et  l'histoire  naturelle 
se  tendent  une  main  si  bienveillante  et  si  ferme.  Sans  nul  doute  d'autres  obser- 
vateurs sont  venus  après  celui-là  qui  ont  redressé  bien  des  erreurs,  réformé  bien 
des  paradoxes,  expliqué  bien  des  choses  obscures  ;  mais  que  nous  importe,  pour- 
vu (lue  la  voie  tracée;  soit  suivie?  Et  d'ailleurs  que  d'idées  grandes  et  nouvelles 
que  le  temps  a  confirmées,  que  de  découvertes  véritables  qui  sont  restées  im- 
muables comme  pour  servir  de  bases  éternelles  à  la  science;  avec  quel  art  mer- 
veilleux M.  de  BulTon  a  su  da.sser  ses  idées,  disposer  l'ensemble  de  son  livre, 
nous  faire  passer  en  revue  tant  d'êtres  divers  !  Aussi  ce  livre  a-t-il  répandu  dans 
l(>^  monde  une  passion  toute  nouvelle,  la  passion  de  l'histoire  naturelle,  (irace  à 
M.  (le  lUilTon,  l'histoire  naluiclle  esi  devenue  la   piéoccnpalion  des  rois,  des 

h 


X  LE  JAUDiiN   DES   PLANTES. 

grands  et  des  peuples.  Les  Gcorgiqucs  de  Virgile  n'ont  pas  eu  plus  dinlluena; 
sur  le  siècle  d'Auguste  que  Vllistuh-r  vntitrcllc  n'en  devait  avoir  sous  le  règne 
de  Louis  XV.  Aussi  M.  de  HulTon  fut-il  grand  et  puissant  entre  tous  les  écri- 
vains et  tous  les  moralistes  de  ce  siècle.  11  a  protégé  de  son  influence  ce  Jar- 
din des  Plantes  qui  était  toute  sa  vie.  Le  respect,  l'admiration,  la  reconnais- 
sance de  l'Europe  savante  l'ont  entouré  jusqu'à  sa  dernière  heure;  il  a  joué 
jusqu'à  la  (in  de  ce  siècle  le  beau  rôle  que  iM.Cuvier  devait  jouer  dans  celui-ci  ; 
il  a  été  le  protecteur  dévoué  des  sciences,  l'ami  des  savants,  s'intéressant  à  leurs 
travaux  et  à  leur  fortune,  indiquant  aux  voyageurs  leur  chemin  sur  ce  globe 
terrestre  qu'il  connaissait  si  bien,  appliquant  sa  raison  élevée  à  oublier  les  ré- 
volutions qui  grondaient  de  toutes  parts.  M.  de  Buffon  a  été  heureux  toute  sa 
vie  ;  il  ne  l'aurait  jamais  rêvée  si  belle.  11  avait  deux  domaines  qu'il  aimait  d'une 
égale  passion  :  le  Jardin  du  Roi  et  son  château  de  Montbart  que  le  roi  Louis  XV 
avait  érigé  en  comté.  Le  travail  lui  était  facile,  b  stylo  lui  arrivait  comme  1(> 
chant  arrive  à  l'oiseau;  il  aimait  la  gloire,  il  méprisait  le  bruit  que  la  gloire  fait 
autour  des  hommes  ;  il  ne  s'occupait  ni  des  agitations  de  la  politique  ni  des 
émeutes  de  la  littérature  ;  la  critique  lui  était  humaine  et  facile  ;  la  considéra- 
tion et  l'estime  le  suivaient  d'un  pas  égal  et  sûr.  Sa  personne  donnait  tout  à 
fait  une  idée  de  son  talent  ;  sa  figure  était  belle  et  grave,  son  air  imposant,  son 
extérieur  magnifique;  on  disait  qu'il  mettait  des  manchettes  à  son  style  et 
qu'il  portait  un  habit  brodé  lorsqu'il  écrivait.  11  obtint  de  son  vivant  un  hon- 
neur (jui,  d'ordinaire,  ne  s'accorde  qu'aux  morts  illustres;  on  lui  éleva  une 
statue  dans  l'entrée  du  Cabinet  du  roi  avec  cette  inscription  magnin(|ue  cpie  la 
postérité  a  confirmée  : 

MAJESTATl  ÎNATLIl  ïi  PAIV  INGEMIJM. 
«  Son  génie  est  égal  à  In  majesté  de  son  sujet.» 

Durant  la  vie  de  M.  de  Buffon  d'autres  améliorations  s'étaient  introduites 
dans  1(^  Jardin  du  Hoi  ;  l'enseignement  avait  grandi;  les  trois  Jussieu,  M.  Le- 
monnier,  M.  Desfontaines,  s'étaient  montrés  les  dignes  continuateurs  de  Tour- 
nefort  et  de  Linné.  L'anatomie  et  la  physiologie  végétales,  la  classilication  des 
familles,  des  genres  et  des  espèces,  leurs  rapports  entre  elles,  leurs  usages  et  les 
diverses  modifications  dont  elles  sont  susceptibles,  tel  fut  le  sujet  de  ces  leçons 
qui  ont  donné  tant  de  grands  botanistes  à  l'Europe.  La  chimie,  avec  Fourcroi 
et  Lavoisier,  eut  bientôt  envahi  ces  savantes  hauteurs.  Antoine  Petit,  l'illustre 
anatomiste  Vic(|  d'Azyr  et  Portai,  ont  aussi  apporté  là  toutes  les  puissances  de 
leur  enseignement.  Ainsi,  de  son  vivant,  M.  de  Hulfon  a  vu  s'accomplir  son 
grand  rôve  ;  il  a  donné  l'impulsion  et  la  vie  à  ce  jardin  que  les  étrangers  nous 
envient  et  auxquels  se  rattachent  tant  de  noms  illustres  entre  tous. 

Quand  M.  de  Bufl'on  fut  mort,  le  Jardin  des  Plantes  eut  à  subir  plus  d'une 
révolution  intestine  :  la  révolution  française  arrivait  à  grands  pas.  Tout  ce  qui 
tenait  à  la  royauté,  de  près  ou  de  loin,  fut  obligé  de  courber  la  tète,  et  cependant 
il  y  eut  un  jour  un  administrateur  du  Jardin  des  Plantes  qui  se  nomma  Bernar- 
din de  Saint-Pierre.  Certes,  celui-là  aussi,  après  avoir  couru  à  travers  le  monde, 
après  avoir  subi  tant  de  fortunes  diverses,  passé  par  tant  d'épreuves,  se  trou- 


LK  JAUDIN   DES   PLANTES.  xi 

vait  enfin  à  la  placp  (iiii  lui  convenait  le  mieux  ;  il  était  n6  avec  un  grand  senti- 
ment des  beautés  de  la  nature  qu'il  a  expliquées  à  la  façon  d'unpoëte  enthousiaste 
et  convaincu.  Chez  lui,  l'émotion  intérieure  était  vive  et  puissante.  11  avait  ap- 
pris la  botanique  en  môme  temps  que  J.-J.  Rousseau,  et  comme  lui,  il  l'avait  étu- 
diée avec  caprice,  avec  amour,  revenant  sans  fin  et  sans  cesse  à  cette  contempla- 
tioninfinie  du  printemps,  de  l'été,  de  l'automne,  de  toutes  les  saisons,  de  toutes 
les  beautés,  de  toutes  les  parures,  de  tous  les  accidents  de  la  campagne.  Une 
histoire  bien  simple  et  bien  touchante,  l'histoire  de  deux  enfants, /^n»/ r/  Vircfi- 
me,  qui  s'aiment  dans  un  des  recoins  les  plus  stériles  de  l'Ile-de-France,  avait  fait, 
du  nom  de  Bernardin  de  Saint-Pierre,  un  de  ces  noms  que  l'on  bénit  et  que 
l'on  aime.  Sans  nul  doute^  celui-là  n'est  pas  un  honune  à  la  hauteur  de  M.  de 
Bufl'on,  le  grand  seigneur,  qui  administre  une  grande  affaire,  (jui  conuuande 
encore  même  quand  il  demande ,  mais  c'est  un  administrateur  bienveillant, 
dévoué,  qui  sait  toutes  les  difficultés  de  sa  tache. Peut-être  n'aurait-il  pas  eu 
le  génie  de  concevoir,  le  courage  de  fonder  et  l'habilité  d'agrandir  une  insti- 
tution conune  le  Jardin  du  Roi,  mais  au  moins  a-t-il  eu  le  bon  esprit  de  la  dé- 
fendre. H  l'a  défendue  avec  urbanité  ,  avec  bienveillance,  en  consultant  les  nn- 
cinis,  comme  il  le  dit  dans  ses  rapports  au  ministère  de  l'intérieur.  Bien  plus, 
chose  étrange,  si  vous  avez  au  Jardin  des  Plantes  des  lions  et  des  tigres,  si  le 
Parisien  oisif,  le  provincial  désœuvré,  peuvent,  à  toute  heure  du  jour,  se  donner 
la  joie  d'entendre  hurler  les  habitants  féroces  du  désert  ;  si   l'ours  ^lartin  est 
devenu,  pour  cette  population  d'heureux  badauds,  une  espèce  d'Odry  pataud 
et  goguenard,  qui  fait  la  joie  publique  avec  ses  sauts  et  ses  gambades,  c'est 
là  un  bonheur  dont  vous  êtes  redevables  à  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Il  a  sauvé 
d'une  mort  imminente  la  ménagerie  du   palais  de  Versailles,  qui  était,  avant 
89,  un  des  amusements  du  roi  et  de  la  cour.  Comme  les  lions  et  les  tigres  de 
Versailles  manquaient  d'aliments  (déjà  la  nation  se  fatiguait  de  nourrir  le  roi, 
la  reine  et  la  famille  royale),  on  écrivit  au  Jardin  du  Roi  pour  implorer  son  hos- 
pitalité en  faveur  de  ces  intéressantes  victimes  de  l'an  I"  de  la  liberté.  Ber- 
nardin de  Saint-Pierre  accepta  à  l'instant  même,  et  sans  bénéfice  d'inventaire, 
cette  partie  de  l'héritage  de  la  royauté  aux  abois.  Il  prit  en  pitié  ces  tigres  hur- 
lants, ces  lions  affamés,  ces  panthères  bondissantes,  ces  loups  féroces,  ces  ours 
furieux,  et  avec  des  larmes  dans  la  voix,  avec  ce  style  irrésistible  tout  rempli 
d'humanité  et  de  chaleur,  il  demanda  un  sauf-conduit  pour  ces  malheureux 
proscrits  qui  n'avaient  plus  d'asile  où  reposer  leurs  têtes  et  leurs  griffes.  C'é- 
tait à  l'instant  même  où  Bernardin  de  Saint-Pierre,  rempli  d'inquiétudes  sinis- 
tres, était  en  train  d'écrire  toutes  sortes  de  vœux ,  vœux  f.onr  le  roi,  va-nx  pour 
le  clexjc,  vaux  pour  In  noblesse,  vœux  pour  la  nation,  vœux  pour  iédneal'wn 
nniioiiale,  lunix  pour  les  nniious,  et  enfin  vœux  pour  les  bêtes  féroees.  De  tous 
ces  vœux-là,  ce  dernier  vœu  était  le  plus  facile  à  exaucer.  Dans  ce  dernier 
mémoire.  Bernardin  de  Saint-Pierre  était  tout  à  fait  dans  son  élément;  il  défen- 
dait l'étude  de  la  nature,  qui  est  la  base  de  toutes  les  connaissances  humaines; 
il  démontrait,  à  qui  de  droit,  rincontcstable  utilité  d'un  établisscMuent  pareil.  Il 
n'est  pas  une  profession  de  ce  monde  (pii  n'y  vienne  puiser  des  linnières;  le  zoo- 
logiste, le  botaniste,  le  minéralogiste,  tous  les  arts  (pu  se  rattachent  aux  trois 
premiers  règnes  de  la  nature,  les  lapidaires,  les  chimistes,  les  apothicaires,  les 


XII  LE  JAliDiN   DES   PLA.NTES. 

(lislilliiieuis,  les  chiiurKiciLs,  les  niiiitoinistos,  les  iiH-dccins,  sans  coiiiptcrlc  des- 
sinateur, le  peintre,  le  sculpteur,  ipii  trouvent  leurs  modèles  réunis  dans  le 
intime  espace,  i'.e  là  sont  sortis  les  Tournefort,  les  Mouelle,  les  Maccaire,  les 
Jussieu,  les  Vaillant,  les  Buflon  et  tous  les  savants  qui  illustrent  TKurope  inr- 
dernc  et  tous  leurs  ouvrages  qui  se  sont  répandus  dans  le  niondi;  avec  une 
multitude  de  végétaux  utiles  et  agréables,  empruntés  au  Jardin  des  Plantes. 
M.  Bernardin  de  Saint-Pierre  proposait  donc  de  compléter  cette  vaste  colkn- 
tion.  Au  cabinet,  qui  renferme  les  trois  règnes  de  la  nature  morte  des  fossiles, 
des  herbiers,  des  animaux  disséqués,  empaillés,  injectés;  au  .jardin,  qui  ne  con- 
tient que  les  deux  premiers  règnes  de  la  nature,  il  proposait  d'ajouter  une  mé- 
nagerie. Cette  ménagerie  était  toute  trouvée,  il  n'y  avait  (ju'à  adopter  la  mé- 
nagerie du  jardin  de  Versailles.  Bulfon  lui-même  en  avait  eu  grande  envie  ;  mais 
fjuel  que  grand  que  fût  le  crédit  de  Tillustre  écrivain,  il  n'avait  pas  osé  disputer 
ces  tigres  et  ces  panthères  à  l'homme  de  la  cour  qui  en  avait  le  gouvernement. 

Maintenant,  il  ne  s'agissait  plus  de  disputer  ces  animaux  féroces;  au  con- 
traire, les  mallieureux  venaient  d'eux-mêmes  au  Jardin  des  Plantes;  ils  implo- 
raient une  visite  de  Bernardin  de  Saint-Pierre  et  de  Daubenton.  Bernar- 
din de  Saint-Pierre  fut  le  seul  (jui  vint  en  aide  à  ces  malheureux  proscrits. 
Cette  ménagerie  de  Versailles  se  composait  tout  simplement  de  cinq  animaux 
étrangers:  I"  le  couagga,  une  espèce  de  cheval  zébré  à  la  tète  et  aux  épaules, 
animal  fort  doux  (jui  tendit  sa  petite  tète  mutine  à  l'auteur  de  /'(tnl  n  Vir(j'i- 
nic,  connue  s'il  eût  reconnu  son  protecteur  et  son  ami;  i"  le  bubal,  un  petit 
bœuf  qui  tient  du  cerf  et  delà  gazelle  ;. il  avait  été  envoyé  au  roi  de  France  par 
le  dey  d'Alger,  en  iTSô;  .">"  le  pigeon  huppé  de  l'Ile  de  Banga  ,  admirable  oiseau 
d'un  beau  plumage  bleu  couronné  d'une  superbe  aigrette  {;ui  lui  couvre  la 
tète  en  forme  d'auréole;  i"  le  rhinocéros  de  l'Inde,  .•,<>  le  lion  du  Sénégal;  i! 
avait  sept  à  huit  mois;  on  lui  avait  donné  pour  compagnon  un  chiiMi  braque  : 
le  chien  et  le  lion  étaient  les  meilleurs  amis  du  monde.  Ils  jouaient  ensemble, 
non  pas  comme  deux  lions,  mais  bien  comme  deux  chiens,  tout  le  reste  de  la 
ménagerie  avait  été  pillé  par  l'émeute.  On  avait  enlevé  entre  autres  animaux 
un  (liotfiadinrr,  cinq  espèces  de  singes  et  une  foule  d'oiseaux  plus  ou  moins  bons 
à  manger.  Le  gouvernement  de  ce  temps-là  eut  bien  de  la  peine  à  ne  pas  nielhe 
à  mort  ces  restes  malheureux  d'une  ménagerie  enviée  par  Bud'on.  On  voulait 
les  faire  disséquer  et  faire  placer  leurs  squelettes  au  cabinet  :  «  Il  suffit  d'étu- 
dier les  animaux  morts  pour  connaître  suffisamment  leur  espèce,  »  disaient  les 
économistes.  A  quoi  répond  Bernardin  de  Saint-Pierre,  (jui  retrouve  ainsi  son 
éloquence  et  son  courage  : 

(I  Ceux  qui  n'ont  étudié  la  nature  que  dans  les  livres  ne  voient  [slus  (|ue 
leurs  livres  dans  la  nature  :  ils  n'y  cherchent  plus  que  les  nonss  et  les  caractères 
de  leurs  systèmes.  S'ils  sont  botanistes,  satisfaits  d'avoir  reconnu  la  plante  dont 
leur  auteur  leur  a  parlé ,  et  de  l'avoir  rapportée  à  la  classe  et  au  genre  qu'il 
leur  a  désignés,  ils  la  cueillent,  et  l'étendant  entre  deux  papiers  gris,  les  voilà 
très-contents  de  1(mu-  savoir  et  de  leurs  recherches;  ils  n(^  se  forment  pas  un 
herbier  pour  étudier  la  nature,  mais  ils  n'étudient  la  nature  que  pour  se  for- 
mer un  herbier.  Ils  ne  font,  de  même,  des  collections  d'animaux  que  pour  renq)lir 
leur  cabinet  e(  connaître  leurs  noms,  leius  genres  et  lems  esjièccs. 


LE  JARDIN   l>ES  PLANTES.  xiil 

'.  Mais  (lUi'l  est  l'ainatcur  de  la  naliirc  ([ui  étudie  ainsi  ces  ravissants  ouvra- 
ges? Quelle  dilîérence  d\in  végétal  mort,  sec,  flétri,  décoloré,  dont  les  tiges,  les 
feuilles  et  les  fleurs  s'en  vont  en  poudre,  à  un  véi^étal  vivant,  plein  de  suc,  qui 
bourgeonne,  fleurit,  parfume,  fructifie,  se  ressème,  entretient  mille  harmonies 
avec  les  éléments,  les  insectes ,  les  oiseaux ,  les  quadrupèdes,  et  se  combinant 
avec  mille  autres  végétaux,  couronne  nos  collines  ou  tapisse  nos  rivages! 

«  Peut-on  reconnaître  la  verdure  et  les  fleurs  d'une  prairie  dans  les  bottes  de 
foin,  et  la  majesté  des  arbres  d  une  foret  dans  les  fagots?  L'animal  perd  à  la  mort 
encore  plus  que  le  végétal,  parce  qu'il  avait  reçu  une  plus  forte  portion  de  vie. 
Ses  principaux  caractères  s'évanouissent,  ses  yeux  sont  fermés,  ses  prunelles 
ternies,  ses  membres  roidis;  il  est  sans  chaleur,  sans  mouvement,  sans  senti- 
ment, sans  voix,  sans  instinct.  Quelle  diflérence  avec  celui  qui  jouit  de  la  lu- 
mière, distingue  les  objets,  se  meut  vers  eux,  aime,  appelle  sa  femelh^  s'ac- 
couple, fait  son  nid,  élève  ses  petits,  les  défend  de  ses  ennemis,  étend  ses  relations 
avec  ses  semblables,  et  enchante  nos  bocages  ou  anime  nos  prairies  !  Reconnaî- 
triez-vous  l'alouette  matinale  et  gaie  comme  l'aurore  ,  qui  s'élève  en  chantant 
jusîiue  dans  les  nues,  lorsqu'elle  est  attachée  par  le  bec  par  un  cordon,  ou  la 
brebis  bêlante  et  le  bœuf  laboureur  dans  les  quartiers  sanglants  d'une  bouche- 
rie? L'aniinal  mort,  le  mieux  préparé,  ne  présente  qu'une  peau  rembourrée,  un 
s'iuelelte,  une  anatomie.  La  partie  principale  y  nuauiue  :  la  vie  (pii  le  classait 
dasis  le  règne  animal.  11  a  encore  les  dents  d'un  loup,  mais  il  n'en  a  plus  l'in- 
stinct, qui  déterminait  son  caractère  féroce  et  le  dilîérenciait  seul  de  celui  du 
chien  si  sociable.  La  plante  morte  n'est  plus  végétal ,  parce  qu'elle  ne  végète 
plus;  le  cadavre  n'est  plus  animal,  parce  qu'il  n'est  plus  animé  ;  l'une  n'est 
qu'une  paille,  l'autre  n'est  qu'une  peau.  11  ne  faut  donc  étudier  les  plantes  dans 
les  herbiers,  et  les  animaux  dans  les  cabinets,  que  pour  les  reconnaître  vivants, 
observer  leurs  qualités,  et  peupler  de  ceux  qui  sont  utiles  nos  jardins  et  nos 
métairies.  » 

Cette  voix  éloquente  devait  être  entendue.  Et  d'ailleurs,  en  tout  ceci,Hernar- 
nardin  de  Saint-Pierre  ne  prenait  que  la  défense  des  lions  et  des  tigres.  Donc 
il  fut  décidé  ([u'une  ménagerie  serait  établie  au  Jardin  des  l'iantes;  ([ue  la  mé- 
nagerie de  Versailles  y  serait  transportée,  et  aussi  la  ménagerie  du  Uainci.  Si 
bien  ([u'un  jour,  par  cette  même  route  de  Versailles  où  tout  un  peuple  en 
fureur  était  venu  chercher  le  roi ,  la  reine,  M.  le  dauphin,  nuidame  Elisabeth , 
toute  cette  faunlle  de  saint  Louis;  par  ce  même  chemin  sanglant  où  ces  condam- 
nés à  mort  étaient  traînés  lentement  dans  la  poussière,  on  vit  passer,  traînés 
dans  une  voiture  à  (juatre  chevaux,  mollement  couchés  (hins  leur  niche  de 
chaque  jour,  suivis  et  précédés  de  leurs  gardiens,  qui  les  entouraient  de  petits 
soins,  de  prévenances  et  de  caresses,  le  couagga,  le  bubale,  le  pigeon  huppé,  le 
rhinocéros  et  le  lion.  On  n'avait  même  pas  séparé  le  lion  de  son  ami  tidèle  et 
dévoué,  le  chien  caniche.  Quelle  est,  je  vous  prie,  riiisfoire  de  ce  monde  qui 
n'ait  pas  ses  contrastes?  Quelle  est  la  révolution  qui  n'ait  pas  ses  victimes? 
Quelle  est  la  grande  route,  quelle  est  la  vaste  mer  qui  n'ait  pas  vu  passer,  avec 
unétomiement  plein  d'épouvante,  la  royauté  dans  ses  appareils  si  divers? 

Mais  (juoi  donc?  à  propos  des  fleurs  et  des  plantes,  et  des  fruits  de  l'au- 
(onine,  et  des  grands  arbres  qui  nous  viennent  de  loin;  à  proi)()S  des  lis  et  des 


XIV  LE  JAUDliN   DES   PLANTES. 

roses,  à  propos  du  beau  jardin  qui  resplendit  ià-bas  sous  le  soleil,  gardons-nous 
bien  d'aller  au-devant  des  passions  politicpics.  i.aissons-lescouriret  se  démener 
tout  à  l'aise  de  Versailles  à  Paris,  et  de  Paris  dans  le  reste  du  monde  ;  que  nous 
importe?  11  ne  s'agit  pas  de  sauver  une  antique  monarcliie  qui  se  perd,  il  s'agit 
d'agrandir  et  de  sauver  le  jardin  que  M.  deBuffona  planté  de  ses  mains.  Vienne 
la  république  une  et  indivisible,  elle  est  la  maîtresse  souveraine!  mais,  au  moins, 
sauvons  le  Jardin  du  I»oi.  — Jardin  iln  liai  !  c'était  là  ,  en  elTet,  le  nom  primitif 
de  ce  petit  univers  en  raccourci.  Cette  fois,  la  liberté  nouvelle,  impatiente  de 
tout  entraîner,  se  répand  çà  et  là  comme  un  torrent  vainqueur  qui  apporte 
avec  lui  toute  sorte  de  fécondités  et  de  désordres.  Mais  à  l'heure  où  nous  som- 
mes, 18  mars  1702,  toutes  les  universités  sont  abolies,  toutes  les  académies  sont 
supprimées,  même  la  faculté  de  médecine  est  proscrite.  Cependant,  au  milieu  de 
tout  ce  renoncement,  que  va  devenir  le  Jardin,  le  Jardin  du  Roi?  Un  caprice  de 
cette  nation  de  02,  qui  allait  si  vite,  a  sauvé  le  Jardin  du  Roi.  Quelques  hon- 
nêtes gens  se  rencontrèrent,  qui  persuadèrent  au  peuple  français  que  le  Jardin 
du  Uoi  était  un  grand  dépôt  d'herbes  médicinales ,  où  les  malades  venaient 
chercher  la  santé  du  corps,  entrepôt  bienveillant  où  chacun  se  fournirait  de 
mauves,  de  camomille  et  de  tilleul.  On  ajoutait  que  le  laboratoire  de  chimie 
servirait  à  faire  de  la  poudre.  Donc,  nous  aurons  des  tisanes  rafraîchissantes  et 
des  cartouches,  du  bois  de  réglisse  et  des  bombes  ;  que  pouvons-nous  désirer  de 
])lus?  A  ces  causes  le  Jardin  du  l\oi  fut  sauvé  de  la  proscription  générale.  Eh  !  que 
de  grandes  institutions  ont  été  sauvées  pour  des  motifs  moins  sérieux  que  celui- 
là.  Vous  avez  peut-être  vu  à  la  plus  belle  place  de  la  ville  de  Lyon  une  admi- 
rable allée  de  tilleuls,  qui  est  la  joie,  l'ornement,  la  fraîcheur,  le  délassement 
de  cette  ville  immense.  On  allait  renverser  les  tilleuls  et  en  faire  du  bois,  lorsque 
se  présenta  un  jour  aux  proconsuls  de  commune  affranchie  une  vieille  femme, 
sexagénaire,  pour  expliquer  à  ces  terribles  niveleurs,  comment  elle  avait  l'habi- 
tude, depuis  cinquante  ans,  de  se  promener  chaque  jour  d'été,  à  l'ombre  de  ces 
vieux  arbres;  que  ces  arbres  l'avaient  vue  naître,  et  qu'elle  ne  voulait  pas  les 
voir  mourir.  On  écouta  favorablement  la  vieille  femme  ;  on  prit  en  considéra- 
tion son  humble  prière.  Ainsi  furent  sauvés  les  beaux  tilleuls  de  la  place  de 
Bellccour. 

Cependant  vous  comprenez  bien  que  ces  titres  de  Janlhi  du  Uoi,  iiilcn- 
dani  du  roi ,  et  tout  ce  qui  sentait  tant  soit  peu  sa  monarchie,  durent  immé- 
diatement disparaître.  Aussi  fit-on  un  décret  qui  ordonnait  qu'à  l'avenir  le 
Jardin  du  Roi  s'appellerait  jV//.s/»j?t  dliisiairc  nalurtUc;  qu'il  n'aurait  plus  d'o/- 
//Vi('/-.s,  mais  des  professeurs  ;  \)\us  d'iuicinlani  h  yic  ,  mais  un  (Hrecl<ur  h  chan- 
ger chaque  année.  Quant  aux  professeurs  à  nonuuer,  quant  aux  chaires  àétablir, 
la  chose  fut  faite  avec  beaucoup  de  générosité  et  d'intelligence.  Les  cours  du 
Muséum  irhisiiiirc  naiitrcllc  se  composaient  de  douze  chaires  :  minéralogie,  chi- 
mie générale,  art  chimique,  botanique  dans  le  Muséum,  botanique  dans  la  cam- 
pagne, culture,  deux  coure  de  zoologie,  anatomie  humaine,  anatomie  des  ani- 
maux, géologie,  iconographie  naturelle.  Par  le  même  décret  on  instituait  au 
Muséum  une  bibliothèque  qui  se  devait  composer  de  tous  les  livres  des  établis- 
sements publics  (|ue  la  nation  avait  déjà  supprimés,  ou  qu'elle  supprimerait  plus 
lard.  Les  douz(>  prof(>sseurs  se  nonunaient  :  Daubenton,  Fourcroi,  Brongniart, 


LE  JARDIN   DES   PLANTES.  w 

Dosfoiitaincs,  de  Jussieu,  Portai,  Mortrud,  Lamarck,  Faiijas  de  Saint-Fond, 
(;ooflVoy,\anspaondonck,  A.  Thouin.  Ajoutez  à  ce  personnel,  déjà  considérable, 
le  nom  de  iM.  de  Lacépède,  ancien  collaborateur  de  M.  de  BulVon,  les  noms  de 
MM.  Maréchal  et  des  deux  frères  Redouté.  —  Cest  le  même  Pierre-Jean  P.edouté 
qui  a  été  pendant  c|uarante  ans  le  plus  charmant  et  le  plus  exact  des  peintres 
qui  aient  donné  Téternité  aux  lleurs,  ces  astres  d^ui  jour.  Le  nom  de  Picdoulé 
se  rattache  au  Jardin  des  Plantes  par  toutes  sortes  de  chefs-dYeuvre  d'un  prix 
inestimable.  11  est  Thistorien  des  liliacées  et  des  roses;  il  leur  a  donné  autant  de 
durée  (pie  les  plus  ^nands  narrateurs  en  ont  donné  aux  gagneurs  de  batailles. 
l\endons  justice  à  qui  de  droit.  Cette  idée  d'avoir  un  peintre  pour  les  plus  belles 
lleurs,  pour  les  plantes  les  plus  curieuses  de  nos  jardins  et  de  nos  campagnes, 
appartient  à  Gaston  d'Orléans,  le  propriétaire  du  jardin  de  Blois,  le  premier 
prince  du  sang  qui  se  soit  occupé  d'horticulture  avec  le  zèle  d'un  savant  et 
une  dépense  toute  royale.  Gaston  d'Orléans  aimait  ses  Heurs  autant,  pour  le 
moins,  que  xM.  le  régent  devait  plus  tard  aimer  ses  maîtresses.  Le  jardin  de  lUois 
avait  son  peintre  ordinaire,  tout  comme  il  avait  son  jardinier  en  chef.  Le  peintre 
de  fleurs  de  Gaston  d'Orléans  s'appelait  Robert  :  c'était  un  artiste  patient,  labo- 
rieux, exact,  ne  donnant  rien  au  hasard,  môme  quand  il  peignait  une  rose.  A  la 
mort  du  duc  d'Orléans  en  1060,  Colbert  acheta,  pour  la  bibliothèque  du  roi,  le 
recueil  des  plantes  peintes  par  Robert  sur  vélin.  A  Robert  succéda,  plus  tard, 
Vanspaendonck.  Celui-là, plein  de  fougue  et  de  caprices,  grand  coloriste,  dessi- 
nateur fantasque,  arrangeant  et  disposant  à  sa  guise  les  plus  fines  et  les  plus 
délicates  créations  de  la  dore  française.  Redouté  s'est  montré  le  digne  succes- 
seur de  ses  deux  maîtres  ;  il  a  été  exact  comme  Robert,  coloriste  conuue  Vans- 
paendonck. 11  avait  été  mis  au  monde  tout  exprès  pour  jouer,  comme  disent  les 
enfants,  aujeu  de  regarder  les  fleurs.  Il  étudiait  ces  plantes  délicates,  ces  formes 
vaporeuses,  cette  couleur  idéale  tombée  du  ciel  avec  la  rosée  du  printemps, 
tout  comme  Dupuytren  lui-même  étudiait,  à  la  môme  époque,  les  nerfs,  les 
tendons,  les  artères,  les  viscères  que  contient  le  corps  de  l'homme.  Pour  les 
peindre  tout  à  l'aise,  ces  fleurs  bien-aimées  qui  ont  été  la  couronne  de  sa  jeu- 
nesse, la  fortune  de  son  Tige  mûr  et  l'apothéose  de  son  tombeau ,  Redouté,  ce 
peintre  charmant,  avait  inventé  et  perfectionné  l'aquarelle,  comme  la  seule  cou- 
leur qui  fut  digne  de  reproduire  dans  ses  nuances  les  plus  fines  et  les  plus  dé- 
licates le  tendre  émail  des  prairies,  le  frais  coloris  des  jardins.  Cet  honuue,  qui 
a  peint  toutes  les  fleurs  de  la  création,  n'en  a  pas  inventé  une  seule.  Il  faut  le 
dire  à  sa  louange,  il  a  prouvé  qu'un  peintre  de  fleurs  pouvait  être  et  devait 
être  un  artiste  sérieux.  Ainsi  parmi  toutes  les  batailles  de  la  révolution  et  de 
l'empire,  au  plus  fort  de  toute  cette  gloire  des  armes  et  de  la  politique  ([ui  nous 
apparaît  aujourd'hui  comme  un  rêve.  Redouté  s'est  tenu  renfermé  toute  sa 
vie,  dans  le  jardin  en  été,  dans  la  serre  en  hiver.  11  s'est  maintenu  entre  une 
double  haie  d'aubépines  en  fleurs,  au  bruit  de  l'Europe  en  armes,  au  bruit 
des  trônes  qui  croulaient.  Cet  honuue  heureux  n'était  occupé  qu'à  ramasser 
des  bluets  dans  les  chanq)s  et  des  roses  à  toutes  les  épines.  Il  a  été  un  in- 
stant le  roi  de  la  Malmaison  et  le  favori  de  cette  douce  impératrice  Joséi)hine, 
qui  aimait  tant  les  hortensias  et  les  lauriers.  Modeste  et  bon  Redouté  !  le 
Jardin  des  Plantes  uardera  son  souvenir  conune  on  garde  le  souvenir  de  la 


XVI  I.E  JARDI.N   DES   PLANTES. 

première  violette  (jne  nous  a  donnée  notre  j(>une  inr.itresse.  A  voir  sa  main 
dillorme  et  ses  jjjros  doigts,  tiu'on  eût  pris  pour  les  doigts  d'un  forgeron, 
nui  ne  se  serait  douté  des  délicatesses  infinies  que  ces  gros  doigts  pouvaient  con- 
tenir; comme  aussi  à  entendre  sa  parole  embarrassée,  à  le  voir  chercher  les  mots 
les  plus  vulgaires  de  la  langue,  qui  aurait  cru  que  c'était  là  le  professeur  le  plus 
suivi  du  Jardin  des  Plantes?  pourtant  la  chose  était  ainsi.  Au  cours  de  lledouté 
se  pressaient  en  foule  les  plus  charmantes  femmes  et  lesplusaimables  jeunes  (illes 
delà  grande  Huuille  parisienne,qui  venaient  se  mettre  au  courant  de  quelques-uns 
des  mystères  que  renferme  la  fleur;  et  puis,  quand  il  parlait  de  cette  grand(; 
famille  dont  il  était  le  Van-I)ick  et  le  Rubens,  Redouté  devenait  presque  un  ora- 
teur. Il  expliquait,  à  la  façon  d'un  peintre  éloquent,  les  moindres  détails  de 
cette  délicate  anatomie  des  plantes.  Pauvre  homme!  si  aimable  et  si  bon,  si 
ingénieux  et  si  modeste,  dont  l'école  a  porté  tant  de  fleurs,  il  est  mort  il  y  a 
deux  ans,  frappé  d'apoplexie  par  la  mauvaise  et  brutale  volonté  d'un  méchant 
commis  du  ministre  de  l'intérieur,  qui  avait  refusé  de  lui  commander  un  tableau. 
Le  matin  même  il  avait  fait  sa  dernière  leçon  au  Jardin  des  Plantes;  puis  en  pas- 
sant dans  le  jardin,  il  avait  demandé  un  beau  lis  tout  chargé  de  rosée;  rentré 
chez  lui,  il  avait  posé  la  belle  fleur  dans  un  vase  de  porcelaine,  et  il  s'était  mis  à 
la  dessiner  avec  cette  calme  passion  qu'il  apportait  à  toutes  ses  œuvres.  Cepen- 
dant la  nuit  était  venue  déjà  ;  la  fleur  perdait  peu  à  peu  ce  nacre  transparent 
qui  la  rend  si  brillante ,  le  lis  se  penchait  sur  sa  tige  languissante,  la  corolle 
fatiguée  s'entr'ouvrait  avec  peine  laissant  échapper  son  pollen  maladif.  «  Il  finit 
que  je  me  hâte,  dit  Redouté,  voici  déjà  que  m'échappe  mon  beau  modèle;  il 
ne  sera  plus  temps  demain,  hâtons-nous  ce  soir.  »  En  même  temps  il  allumait 
sa  lampe;  le  lis  fut  placé  sous  cette  lueur  favorabli%  Redouté  continuait  son 
travail.  Hélas!  qui  l'eût  cru,  qui  Teût  janiais  pensé?  entre  le  peintre  et  son 
modèle,  c'était  un  duel  à  mort.  A  ce  monient  solennel  la  noble  fleur  royale,  je- 
tant autour  d'elle  toute  son  odeur  suave,  toute  son  Ame  ;  le  peintre  résistait  de 
toutes  ses  forces.  A  la  lin  il  fut  vaincu,  il  tomba  roide  mort  sur  cette  page  com- 
mencée, il  dura  moins  longtemps  que  cette  fleur,  rsous  avons  eu  sous  les  yeux 
ce  dessin  inachevé  de  Redouté;  c'est  la  dernière,  et  c'est,  sans  contredit,  la 
plus  belle  fleur  qui  soit  sortie  de  ses  mains.  Que  si  vous  voulez  savoir  ce  qucst 
devenue  cette  longue  suite  de  dessins,  continuée  sans  interruption  depuis  Gas- 
ton d'Orléans  jusqu'à  nos  jours,  allez  à  la  bibliothèque  du  Muséum,  parcourez 
ces  immenses  in-folio  remplis  des  plus  admirables  peintures  sur  peau  de  vélin, 
et  vous  resterez  anéanti  devant  une  telle  merveille.  La  partie  botanique  seule 
compte  plus  de  six  mille  dessins  originaux  et  d'après  nature  ;  les  connaisseurs 
adirment  que  cette  collection  vaut  plus  de  deux  millions.  11  faut  dire  aussi 
([ue  la  série  animale  est  presque  aussi  riche;  ([u  on  y  travaille  sans  fin  et  sans 
cesse,  et  que  jamais  plus  grande,  plus  somptueuse  entreprise  n'a  été  exécutée 
sur  une  plus  vaste  échelle  et  par  des  artistes  plus  habiles. 

Que  si  vous  ajoutez  à  ces  noms  d'autres  noms  (|ui  sont  devenus  célèbres 
à  plus  d'un  titre  :  MM.  Dufresne,  Valenciennes,  Deleuze,  vous  coinprendrez 
{|ue  le  Jardin  des  Plantes  n'a  pas  à  se  plaindre  de  la  révolution  française. 
C'est  la  révolution  (|ui  a  rappelé  AL  de  Lacéi)ède  ;  elle  a  agrandi  le  Musée, 
régularisé  et  agrandi  le  jardin  ;  elle  a  été  animée  des  meilleures  intentions.  Mal- 


Il:  j. A  II  11  IN  i)i:s  l'i  AMi:s.  xmi 

lnHireiisomont  il  est  arrivé  plus  (rniit'  fois  (jue,  tout  d'un  coup  larpicnt  V(Miant  à 
uianqiicr,los  plantes  mouraient  faute  de  feu  dans  les  serres,  les  animaux  faute 
d'aliments  dans  leurs  cages.  La  révolution  avait  encore  ceci  de  bon  qu'elle  avait 
défïagé  le  Jardin  de  toutes  sortes  d'entraves;  elle  s'était  emparée  des  jardins 
et  des  maisons  qui  l'obstruaient.  Bien  {)lus,  elle  avait  poussé  la  précaution 
jusqu'à  emprunter  au  Stathouder  de  la  Hollande,  en  !70.j,  emprunt  fait  les 
armes  à  la  main  connue  nous  empruntions  toutes  choses  en  ce  temps-là,  deux 
éléphants  maie  et  femelle  pour  le  Jardin  des  Plantes.  Vous  pensez  si  ce  fut  là 
une  fête  pour  le  Jardin  et  pour  le  peuple  de  Paris  :  un  éléphant,  deux  élé[)hants, 
le  niAle  et  la  femelle!  11  ne  fut  plus  question  de  la  conquête  de  la  Hollande  pen- 
dant huit  jours. 

Revenons  cependant  à  Bernardin  de  Saint-Pierre.  Son  nom  est  un  de  ceux 
(jui  font  le  plus  d'honneur  au  Jardin  des  Plantes.  Le  roi  Louis  \  VI  lui  avait  dit 
en  le  nonunant:  «J'ai  lu  vos  ouvraj^es,  ils  sont  d'un  honnête  homme,  et  j'ai<'ru 
nommer  en  vous  un  digne  successeur  de  Buffon.  »  Le  passage  de  Bernardin  de 
Saint-Pierre  a  laissé  des  traces  utiles,  sinon  savantes.  Plusieurs  de  ses  projets  ont 
été  adoptés  depuis  lui.  Avec  cette  imagination  poétiipiequi  ne  l'a  jamais  quitté, 
il  voulait  établir  la  ménagerie  sur  un  plan  aussi  vaste  que  pittoresque  ;  elle 
devait  renfermer  des  volières  plantées  de  toutes  sortes  de  végétaux,  des  rivières 
d'eau  courante,  des  étables  bien  aérées  et  jusqu'à  de  soudures  cavernes  appro- 
priées aux  bêtes  féroces.  Il  demanda,  comme  nous  lavons  dit,  le  transport  de  la 
ménagerie  de  Versailles  à  Paris  ;  il  eut  à  soutenir  contre  les  économistes  de 
ce  temps-là  de  violentes  disputes  en  faveur  des  plantes  et  des  arbres  du  Jardin 
national.  Il  défendit  lui-même  contre  la  souveraineté  du  peuple,  et  cette  sou- 
veraineté était  sans  répli(|ue,ce  jardin  ([ue  le  roi  Louis  XVI  avait  confié  à  sa  pro- 
bité et  à  son  honneur.  —  «  Je  suis  le  maître,  disait  le  peuple,  je  suis  chez  moi, 
dans  mon  jardin.  Eh  bien  !  qui  m'arrête?  je  veux  briser  mes  arbres, cueillir  mes 
tleurs,  manger  mes  fruits,  mettre  à  la  broche  mes  faisans  et  mes  perdrix  rouges.  » 
Le  raisonnement  était  spécieux  :  Bernardin  de  Saint-Pierre  y  répondit  en  invitant 
les  citoyens  du  faubourg  Saint->Iarceau  à  faire  dans  le  jardin  une  garde  frater- 
nelle ,  la  baïonnette  au  bout  du  fusil.  Pour  le  récompenser  de  son  zèle  et  de  son 
courage,  sa  place  fut  supprimée.  Alors  il  se  retira  à  Lssone,  dans  une  maison 
(ju'il  avait  bâtie.  La  lettre  qu'il  écrivit  au  ministre  est  touchante  et  prescpie 
simple  pour  un  homme  comme  M.  de  Saint-Pierre  :  «  Je  ne  souhaite,  disait-il 
(I  au  sortir  de  l'intendance,  que  de  pouvoir  vivre  dans  une  chaumière,  dans 
«  cette  humble  et  paisible  enceinte,  préservé  des  ambitions  qui  déchirent  ma 
«  malheureuse  patrie;  je  recommencerai  ce  que  je  n'aurais  jamais  dû  quit- 
«  ter.  I) 

C'est  ainsi  (pi'il  sortit  du  Jardin  des  Plantes  pour  n'y  plus  rentrer.  .\  Lssone, 
il  reprit  ses  longs  tra\aux  de  chaque  jour.  Trop  heureux  encore  qu'il  ait 
été  oublié  dans  ces  tempêtes  (|ui  faisaient  tomber  la  tête  du  fils  de  Buffon,  de 
Boucher  et  d'André  Chenier. 

Cependant  nous  voici  à  l'an  de  grâce  IT!)r.  .  le  Jardin  des  Plantes,  retiré  dans 
son  faubourg  dont  il  est  l'honneur  et  la  fortune,  reçoit  une  lettre  du  capitaine 
l>audin,où  il  était  dit  que  le  capitaine  avait  réuni  dans  l'île  delà  Trinité  une  riche 
collection  de  matériaux  pour  Ihisloire  naturelle,  (pi'il  demandait  un  vaisseau  et 


xvMi  KK  .lAIUHN    l)i:s    PLANTIvS. 

(l(\s  lioîîimcs  pour  rapporter  cette  riche  collection  au  Muséum,  (hi  accorda  au 
capitaine  le  vaisseau  et  les  hommes  qu'il  demandait  :  .MM.Maujïcret  Villain,zoolo- 
lïistes,  M.  le  botaniste  Leduc,  .M.  lUedley,, jardinier  du  Muséum.  On  met  à  la  voile 
lo  'i  0  septembre;  on  fait  naufrage  aux  îles  (lanaries;  enlln,  après  bien  des  traverses 
et  au  bout  dune  année  entière,  ce  nouveau  et  savant  vaisseau  des  Argonautes  re- 
vient tout  chargé  d'arbres,  de  végétaux,  de  ricii(>s  herbiers.  Chemin  faisant,  quel- 
(iues-unes  de  ces  plantes  avaient  porté  leurs  fruits  et  leurs  Heurs  connue  en  pleine 
terre.  Voilà  donc  le  Muséum  qui  prend  le  goût  des  voyages;  les  voyages  et  la  guerre 
l'enricliissent  également.  On  va  chercher  en  Afriijue  la  collection  d'oiseaux  de 
M.  le  Vaillant  ;  on  ramène  de  la  Guyane  la  collection  de  M.  Dragton.  Il  \  eut  bien 
encore  de  mauvais  moments  à  passer,  à  ce  point  qu'en  l'an  ISOO  (Bonaparte 
n'était  pas  encore  lo  maître  de  la  société  qu'il  devait  sauver),  on  fut  obligé  de  faire; 
dévorer  aux  plus  beaux  lions  des  lions  de  la  moindre  espèce;  celui-ci,  égorgé 
le  matin,  nourrissait  celui-là  le  soir...  c'était  tout  à  fait  comme  en  1795  pour  les 
liomnies  ;  mais  bientôt  vint  le  premier  consul  Bonaparte,  mais  bientôt  vint  l'em- 
pereur ><apoléon,  et  avec  lui  revinrent  au  gîte  national  les  lettres,  les  sciences, 
les  beaux-arts,  la  civilisation  tout  entière.  A  la  fin,  cette  France,  fatiguée  de 
tant  d'agitations  intestines,  et  se  sentant  gouvernée  par  une  main  intelligente  et 
ferme,  revenait  à  la  passion  doses  beaux  jours.  Désormais  les  tigres  et  les  lions, 
les  bourgeois  et  les  grands  seigneurs  purent  dormir  en  repos,  défendus  et  pro- 
tégés qu'ils  étaient  par  la  môme  volonté.  Te  Jardin  des  Plantes  grandit  comme 
grandissaient  toutes  les  choses  impériales.  On  se  mit  donc  à  arranger  et  à  bâ- 
tir; on  donna  droit  d'asile  aux  résultats  scientifiques  de  tant  de  conquêtes;  on 
s'occupa  en  même  temps  dos  éléphants  et  des  insectes.  11  est  vrai  ([ue  les  lions 
avaient  fait  des  petits  dans  la  ménagerie;  mais  le  lion  du  roi  Louis  XVI  était 
mort  de  cliagrin  d'avoir  perdu  son  caniche,  mais  le  kangouroo  se  faisait  vieux, 
mais  l'éléphant  pris  en  Hollande  s'était  dégoûté  de  sa  femelle.  L'emiiereur  or- 
donna une  recrue  générale  ;  il  envoya  acheter  des  bétes  fauves  même  en  An- 
gleterre, à  savoir  :  deux  tigres,  le  mâle  et  la  femelle,  un  couple  de  lynx,  un 
mandrill,  un  léop;ird,  une  hyène,  une  belle  panthère;  on  avait  accordé  par- 
dessus le  marclié  quelques  beaux  oiseaux  et  quelques  plantes  rares.   Ainsi 
s'augmentait  cette  collection  rugissante.  Déjà  nous  sommes  bien  loin  do  ce  pe- 
tit jardin  où  le  médecin  du  roi  Louis  XIII  élevait  quelques  plantes  plutôt  pour 
son  plaisir  que  pour  l'utilité  générale.  Vous  en  pouvez  juger  par  ces  parterres 
({ui  s'étendent  au  loin,  par  cette  galerie  pourvue  de  glaces  et  de  stores,  par 
cette  belle  serre  tempérée,  garnie  de  magnifiques  arbustes.  A  l'heure  où  nous 
parlons,  toutes  les  parties  des  sciences  naturelles  sont  également  enseignées, 
Tordre  est  partout,  partout  enfin  vous  pouvez  retrouver  dans  chaque  parcelle 
de  ce  petit  espace  une  partie  des  bii  nfaits  qiUi  la  main  de  la  Providence  divine 
a  répandus  sur  le  globe,  pour  être  entre  tons  les  hommes  de  ce  monde  un 
perpétuel  sujet  d'échange,  de  commerce,  de  libéralité  fraternelle  et  do  recon- 
naissance envers  ce  Dieu  qui  a  donné  aux  créatures  faites  à  son  image  tant  de 
fruits,  tant  d'or,  d'argent  et  de  fer,  tant  d'animaux  et  tant  de  fleurs.  A  ce  mo- 
ment-là paraît  au  Jardin  dos  Plantes  un  lionuno  d'un  rare  bon  sons,  un  des 
créateurs  de    la  chimie.  J'ai  nonmié  M.  Fourcroi;  il  avait  en  lui  les  qualités 
du  savant  et  du  grand  administrateur.  Quand   il  vit  (pie  l'institution  s'était 


LE  JAi;i)l.N    DES  IM.AMES.  Xi\ 

ainsi  agrandie,  ainsi  fécondée, quelle  était  plus  durable  pcut-jlre  que  le  Irùnc 
de  lÏMnpeieur  en  personne,  Fourcroi  comprit  que  ce  n'était  pas  assez  pour  le 
Muséum  d'avoir  des  correspondants  dans  toutes  les  parties  du  moiule,  d'en- 
voyer çà  et  là  des  savants  et  des  vojageurs,  ici  des  capitaines  (pii  explorent 
l'univers  connu,  là-bas  des  ambassadeurs  qui  achètent,  il  voulut  que  le  travail 
incessant  du  Muséum  devînt  non-seulement  un  enseignement  parlé,  mais  en- 
core un  livre  écrit.  A  ces  causes,  il  institua  les  AniKtlcs  Un  .),hschih;  dans  ce  livre 
qui  n'a  pas  son  égal  dans  le  monde,  chaque  professeur  devait  consigner  les  pro- 
grès et  les  découvertes  de  la  science;  les  plus  habiles  dessinateurs  devaient  en 
faire  les  dessins;  tous  les  h.ommes  distingués  de  l'Europe  savante  étaient  de  droit 
rédacteurs  de  ce  recueil.  Ainsi  fut  fondée  cette  vaste  collection,  l'honneur  de  l\ 
science  moderne.  Adoptés  par  toute  l'Europe,  les  Mcmoircs  du  Muséum  d'Iiu- 
luïrc  nalurclle  doivent  représenter  jus(iu'à  la  lin  de  la  civilisation  française  les 
travaux,  les  efforts  et  les  progrès  de  cette  réunion  d'hommes  qui  n'ont  jamais 
manqué  ni  au  passé  ni  au  présent  de  la  France,  et  ({ui  certes  ne  manqueront 
pas  à  son  avenir. 

On  comprend  très-bien  que  dans  celte  espèce  de  monument  à  trois  élagcf;, 
dont  chaque  étage  est  représenté  par  un  des  règnes  de  la  nature,  dans  ce  pha- 
lanstère de  la  science,  permettez-moi  de  me  servir  de  ce  mot  nouveau,  devaient 
survenir  toutes  sortes  de  fortunes  heureuses  ;  c'estainsique  fut  achclé  le  cabinet 
de  minéralogie  de  M.  Warisse  :  ce  cabinet  seconq^-osait  d'une  collection  de  mi- 
néraux de  toutes  sortes;  le  propriétaire  en  voulait  I,jO,000  livres.  Le  Muséum 
n'avait  pas  d'argent  comptant,  mais  il  avait  des  pierres  précieuses,  des  mor- 
ceaux de  lapis-lazuli,  une  pépite  d'or;  il  s'estima  trop  heureux  d'échanger  ces 
inutiles  richesses  contre  celte  suite  régulière  d'échantillons  dont  le  tem[;s  de- 
vait rem|)lir  toutes  les  lacunes.  L'expédition  d'Egypte  avait  au.ssi  apporté  au 
Muséum  ses  momies,  ses  animaux  sacrés,  toutes  les  reliques  fabuleuses  des 
temples  et  des  tombeaux  de  Thèbes  et  de  Memphis.  Dans  sa  course  armée  à 
travers  le  monde,  l'empereur  n'oubliait  jamais  le  Muséum  :  il  lui  envoya  tour  à 
tour  les  poissons  fossiles  de  Vérone,  les  échantillons  des  roches  de  lîle   de 
Corse,  tout  le  résultat  du  voyage  aux  terres  australes;  dans  ce  voyage  se  dis- 
tinguèrent M.  Lcsueur,  peintre  d'histoire,  et  M.  Peron  ;  ils  rapportèrent  plus  de 
100,000  échantillons  d'animaux  grands  et  petits,  et  appartenant  à  toutes  les 
classes;  ils  rapportèrent  le  zèbre  et  la  guenon  pour  l'inqx'ratrice  Joséphine. 
leur  herbier  élaitinunense,  leurs  plantes  vivantesétaient  sans  nombre  :  c'étaient 
des  fruits  inconnus,  des  plantes  toutes  nouvelles,  des  arbres  sans  nom.  Les  mé- 
trosidcros,  les  mélaleucas,  les  leptospermes  ;  c'était  l'eucalyptus,  un  arbre  qui 
arrive  à  IjO  pieds  dans  son  pays  natal.  Il  serait  impossible  de  conq^or  (ous 
les  arbres  nouveaux  qui  sont  sortis  de  ce  jardin  ;  la  famille  dos  myrtes  a  elle 
seule  est  innombrable,  et  notez  bien  que  toutes  ces  familles  allaient  s'augmen- 
tant  chacune  à  leur  tour  :  aujourd'hui  les  mjrles,  demain  les  singes;  chacinc 
homme  et  chaque  animal  de  la  création  était  placé  dans  son  paysage  naturel  ; 
dans  les  parcs  et  sous  l'épais  gazon,  les  cerfs,  les  daims,  les  axis,  les  bou(iue- 
tins,  les  rongeurs,  les  guenons,  les  kangouroos,  le  zèbre;  dans  les  bassins  et 
sur  le  bord  des  ruisseaux,  les  cygnes,  les  canards,  le  pélican,  les  paons  étalanl 
leur  (pieue  superbe:  au  centre  du  jardin,  les  autruches  et  les  casoars  ava.ont 


\\  I.L  JAiUH.N    i)l.S    IM.A.N  I  i:S. 

leur  enclos  sable  ;  les  oiseaux  de  proie  [ioussaienl  leurs  eiis  luiièijres  el  s'a- 
l)ati(l()nnaient  à  leur  féroce  joie  sans  in(juiélei-  les  faisans  dorés  et  les  oiseaux 
(le  la  basse-eour.  Ainsi  peu  à  |)eu  la  science  leniiiorlail  sur  la  curiosité  frivole. 
I.a  inéna;j;erie  élail  fondée  sur  un  plan  régulier,  tout  corrunc  les  serres  et  les 
plates-bandes;  cliaque  animal  était  à  sa  place  naturelle,  dans  cet  univers  en  mi- 
niature, il  avait  son  peintre  pour  le  dessiner,  son  gardien  pour  le  nourrir  et 
pour  étudier  ses  mœurs,  ses  habitudes,  ses  amours,  ses  maladies;  l'animal 
mort,  on  le  portait  au  laboratoire  d'anatomieet  de  zoologie  où  il  retrouvait  une 
vie  nouvelle  sous  la  main  de  l'empailleur;  connue  aussi  chaque  partie  de  ce  ca- 
davre devient  utile  à  son  tour,  on  utilise  Fnème  les  vers  des  intestins,  même  les 
insectes  de  la  peau,  car  ce  sont  autant  de  sujets  d'études.  Ainsi  se  tenaient  mer- 
veilleusement tous  ces  détails  ;  ainsi  la  plante  tenait  à  l'animal  vivant,  l'animal 
vivant  tenait  à  l'animal  mort,  et  après  la  mort  il  y  avait  encore  le  squelette, 
l'eu  à  peu  se  fondaient  ces  vastes  galeries  où  l'anatomie  comparée  raconte 
d'une  façon  moins  solennelle,  il  est  vrai,  toutes  les  merveilles  de  la  création.  A 
ce  moment-là  paraît  un  homme  dont  le  nom  restera  comme  l'honneur  impéris- 
sable du  monde  savant,  j'ai  nommé  M.  Cuvier  :  il  était  à  lui  seul  toute  une 
science,  j'ai  presque  dit  toute  la  science;  il  était  tout  simplement  de  la  famille 
desdaliléeet  des  .Newton,  de  ces  honunes  qui  d'un  bond  atteignent  les  limites  du 
monde.  Ce  fut  donc  dans  ces  salles  d'anatomie  comparée,  au  milieu  de  cette 
longue  série  de  squelettes  et  de  toutes  les  parties  de  ces  mêmes  s(jue!et!cs,  elen 
comparant  les  os.sements  modernes,  avec  les  vieux  ossements  vermoulus  qui 
nous  venaient  du  déluge,  comme  autant  de  vestiges  fabuleux  de  l'univers  d'au- 
trefois, que  Georges  Cuvier  s'arrêta  épouvanté  le  jour  môme  où  il  découvrit  que 
la  plupart  di's  ossements  fossiles  n'avaient  pas  leurs  analogues  partni  lesètres  vi- 
vants. Sans  nul  doute  ces  animaux,  dont  on  ne  savait  pas  même  le  nom,  avaient 
vécu  sur  la  terre  ;  sans  nul  doute  ils  avaienteu  leurs  passions,  leur  instinct,  leur 
utilité,  leurs  amours  ;  à  coup  sûr  voici  leurs  ossements,  voici  la  télé  de  celui-ci 
et  le  fémur  de  celui-là  ;  l'un  a  laissé  dans  les  limons  du  globe  celte  dent  brisée, 
l'autre  celte  corne  recourbée,  et  maintenant  voilà  tout  ce  qu'il  en  reste  ;  pas 
un  individu  entier  n'est  resté  de  cette  famille  éteinte  ;  pas  un  nom,  ou  tout  au 
moins  un  de  ces  noms  qui  se  rencontrent  dans  Hérodote  ou  dans  la  Bible.  Il 
s'agit  donc  de  ranimer  toutes  ces  poussières,  de  retrouver  toutes  ces  formes 
évanouies,  de  rendre  à  ces  pétrifications  le  nom  qu'elles  portaient  (|uand  elles 
couraient  dans  les  bois,  quand  elles  s'agitaient  dans  les  mrrs ,  quand  elles 
regardaient  face  à  face  le  soleil.  Certes  c'est  là  une  de  ces  taches  immenses  dont 
l'idée  seule  faisait  leculer  d'épouvante.  Quoi  donc"?  Nous  ne  psiuvez  pas  dire 
le  nom  des  cadavres  enterrés  sous  les  pjrumides  d'Kgyple  ,  bien  que  le  nom 
de  ce  mort  soit  écrit  sur  la  pierre  éternelle,  et  vous  osez  dire  à  coup  sur  (|uel 
est  le  nom  de  l'animal  (|ui  était  déjà  devenu  une  pierre, le  premier  jour  où  fut 
fondée  la  pyramide  de  Chéops;  ainsi  a  fait  .M.  Cuvier  cependant,  ainsi  il  a  ap- 
pris à  nommer,  aussi  bien  (jue  Dieu  (piiles  avait  faites,  ces  créatures  disparues 
du  globe,  que  la  terre  avait  englouties  dans  ses  entrailles.  lA,  connue  en 
France  toute  idée  est  rapidement  féconde,  de  jeunes  es|)rils  se  sont  mis  à  la 
recherche  des  coips  organisés  (!<'s  anciens  mondes,  et  ont  découvert  d'innom- 
brables productions  méconnues  jusijue-  là.  M.  Adolj  lie  lîiengniart  a  créé  un 


LL  JAKDl.N  DES  PLANTES.  XM 

lj()l;mi(iiie  Ibssile.  Ea  butte  Montrnailre,  la  rnoiitaf^nc  Saiiit-I*:eirc  do  Maos- 
Iriclit  ont  fourni  tic  fîi^anlcsques  troncs  de  palmiers,  des  Ijrujères  arbores- 
centes, des  plantes  tout  entières  :  tiges,  feuilles,  lleurs  et  fruits.  On  a  reconrui 
(|uc  les  terrains  liouillers  n'étaient  autre  chose  que  des  forets  antédiluviennes, 
lentement  carbonisées,  etconscrvaiit  encore  des  formes  végétales,  (|u'unc  pa- 
tiente analyse  rend  tout  à  fait  évidentes.  Knfin,  le  croira-t  on,  ces  inyrir.des 
d'animaux  microscopiques,  qui  pcujjlent  les  eaux,  ont  subi  des  transforma- 
tions semblables  à  celles  qui  nous  ont  conservé  les  plus  monstrueux  habitants 
des  mondes  j)rimitifs.  Les  formes  les  plus  délicates,  les  appendices  les  plus  im- 
perceptibles sont  aussi  faciles  à  reconnaître  queles  vastes  ossements  du  méga- 
Ihérlum.  M.  Defrance  avait  déjà  reconnu,  dans  les  sables  deGrignon,  une  mul- 
titude de  coquilles  [)res(iuc  imperceptibles;  et,  dernièrement,  M.  Khrcmberg 
a  trouvé  des  monades  et  des  infusoircs  à  l'état  fossile.  Tout  ceci  est  l'infini;  et 
le  père  Kirclier  renoncerait  ù  donner  une  nouvelle  édition  de  son  Minidns  snb- 
lerrdicns.  En  [irésence  de  pareilles  intellii^ences,  on  s'incline  avec  respect,  on 
admire  et  l'on  se  tait.  Toujours  est-il,  ce[iendant,  (|ue  ce  petit  coin  de  terre  oii 
pareil  travail  s'est  aecom|)li,  (\ue  ce  jardin  perdu  dans  le  plus  triste  faubourg 
où  se  .sont  rencontrés  HulTon  et  Cuvier,  que  ce  point  de  départ  verdoyant 
(>l  lleuri,  de  l'histoire  naturelle  et  de  l'histoire  des  fossiles,  est  à  notre  sens  un 
coin  de  terre  admirable  entre  tous,  (l'est  ainsi  qu'à  Pise  on  nous  montre  la 
tour  penchée,  du  haut  de  laquelle  Galilée  pressentit  pour  la  première  fois  l'im- 
mobilité du  soleil. 

Les  fruits,  les  herbes,  tous  les  bois  en  échantillons,  toutes  les  monographies, 
chapities  séparés  de  l'histoire  naturelle,  où  se  lisent  les  noms  de  Uumboldt,  de 
Kunth,  de  Hompland,  envahirent  bientôt  tous  les  bâtiments  du  Muséum.  Déjà 
M  de  lîutlon  avait  été  obligé  de  céder  son  propre  logement  à  ces  collections 
(|ui  arrivaient  de  toutes  parts;  les  roches,  les  produits  volcaniques,  les  labora- 
toires de  tout  genre  se  pressaient  chaque  jour  dans  ces  murailles  réparées.  En 
métne  temps,  M.  Geoffroy  arrivait  de  LisbonriO  tout  chargé  d'animaux  nou- 
veaux. M.  .Michaux  fils  rapportait  les  échantillons  de  tous  les  bois  d'Amérique, 
M.  Marcel  de  Serres  rapportait  d'Italie  et  d'Allemagne  toutes  sortes  de  miné- 
raux ;  M.  Martin  envoyait  de  Gaycnne  les  plus  riches  herbiers;  le  progrès  allait 
toujours  croissant  jusqu'en  iSI3,  où  la  France  s'arrêta  enfin,  n'en  pouvant 
I)lus  Ici  commencent  d'étranges  misères  :  c'est  une  histoire  d'hier,  et  pourtant 
c'est  une  histoire  incroyable.  Les  alliés,  ces  mêmes  soldats  qui  avaient  leur 
revanche  à  prendre  de  tant  de  défaites,  qui  s'étaient  emparés  de  Paris  tout 
initier,  (jui  ren)plissaient  nos  rues  et  nos  maisons,  qui  faisaient  du  bois  de 
Boulogne  une  dévastation  presque  égale  à  celle  qu'on  y  fait  aujourd'hui  ;  les 
alliés  s'arrêtèrent  pleins  de  respect  à  la  porte  du  Jardin  des  Plantes.  G'était  en 
cITet  un  terrain  neutre  dans  lequel  chaque  partie  de  l'Lurope  avait  envoyé  ses 
productions  les  plus  belles,  les  plus  rares;  là,  devait  s'arrêter  l'invasion  dans 
une  sorte  de  stupeur  (jui  tenait  de  la  reconnaissance.  Figurez-vous  en  effet  ces 
Gosaqucs,  ces  lUisses,  ces  Prussiens,  ces  Allemands,  ces  bâtards  de  l'Italie, 
toute  celle  famille  armée,  battue  si  souvent  et  si  longtemps  par  les  armes 
de  la  I  lance,  ils  arrivent  .  disent-ils,  pour  tout  ravager,  pour  tout  détruire; 
ils  veulent  savoir  enfin  (|uelle  est  l'innnortalité  de  ce  peuple  dotM  le  jous  et 


XXII  Ll::  JAIlDliN   Dli.S   l>LANTi:S. 

la  liberté  ont  également  pesé  sur  leur  tête?  Ils  arrivent  donc  l  arme  au  bras, 
la  torche  allumée;  Paris  est  pris  enfin,  et  a\ec  lui  la  France  entière.  Soudain 
ils  s'arrêtent,  ils  regardent,  ils  déposent  leurs  armes.  0 prodige!  ils  ont  reconnu 
les  lleurs,  les  arbres,  les  animaux,  la  culture  de  la  patrie  absente,  ^'esl-ce  pas 
une  illusion  ?  voici  des  fragments  de  la  terre  natale ,  voici  le  compagnon  de 
leurs  travaux  champêtres;  \oilà  la  tleur  des  champs  qu'ils  donnaient  à  leur 
jeune  maîtresse  ;  cet  oiseau  qui  chante ,  c'est  l'alouette  de  leurs  sillons,  c'est 
le  rossignol  de  leurs  nuits  d'été.  Ainsi ,  ces  hommes  que  n'a  pu  arrêter  la 
fortune  de  l'Empereur  ^apoléon,  ces  hommes  qui  ont  réduit  la  grande  armée 
à  ne  plus  occuper  que  quelques  sables  de  la  Loire,  ils  sont  vaincus  par  le 
chant  d'un  oiseau,  par  la  toison  d'un  bélier,  par  un  coquillage,  par  un  brin 
d'herbe!  Leurs  Empereurs,  leurs  rois,  leurs  généraux,  sont  les  premiers, 
même  avant  d'aller  voir  le  Louvre,  à  venir  saluer  les  domaines  des  Buflon  et 
des  Jussieu.  L'empereur  d'Autriche,  l'empereur  de  Russie,  le  roi  de  Prusse 
viennent  reconnaître  les  échantillons  de  leur  royaume  ;  les  vainqueurs  pro- 
mettent d'augmenter  les  richesses  des  vaincus.  Bien  plus  :  pendant  qu'ils  re- 
prennent au  milieu  du  Louvre  V Apollon,  le  Lnocoou,  la  Venus,  la  Coimnnnion 
(le  sa/ni  Jérôme,  la  Salnlc  Cécile,  le  Manarje  de  la  Vierefe,  tous  les  cliefs-d'o'uvre 
de  Titien,  de  Raphaël;  pendant  qu'ils  remportent,  bouillant  de  joie,  les  che- 
vaux de  Venise  sur  leur  piédestal  chancelant,  pas  un  de  ces  vainqueurs 
n'ose  reprendre  au  Muséutn  d'histoire  naturelle,  la  plus  petite  parcelle  de  ses 
conquêtes,  tant  ils  trouvent  que  ces  fragments  sont  à  leur  place  ;  ils  veulent 
bien  dépouiller  le  Musée  du  Louvre,  parce  qu'après  tout,  un  chef-d'œuvre  est 
partout  un  chef-d'œuvre,  mais  ils  auraient  honte  de  briser  l'unité  de  la  science  ; 
ce  que  leur  a  pris  l'histoire  naturelle,  ils  nous  l'abandonnent,  tant  ils  com- 
prennent que  ces  conquêtes  pacilicjues  sont  devenues  notre  propriété  à  force 
de  soins,  de  zèle  et  de  génie.  Rien  n'est  plus  beau  que  cette  histoire  d'une 
armée  entière  qui  recule  devant  une  profnnation  ;  il  y  a  cependant  une  his- 
toire aussi  touchante.  Vous  vous  rappelez  ce  jeune  sauvage  à  qui  on  faisait 
voir  toutes  les  merveilles  de  Paris;  on  le  menait  aux  Tuileries,  à  Notre-Dame, 
à  l'Opéra,  dans  lous  les  lieux  où  se  fabriquent  la  puissance  ,  la  religion  et  le 
plaisir,  le  jeune  homme  restait  inunobile  ;  mais  au  Jardin  des  Plantes,  tout 
au  bout  d'une  allée  solitaire,  le  voilà  qui  se  trouble,  qui  éclate  en  sanglots 
cl  qui  s'écrie  :  Arbre  de  mon  pays!  et  il  embrassait  l'arbre  de  son  pays. 

Voilà  comment  toute  celle  armée  de  six  cent  mille  hommes  s'est  écriée,  elle 
aussi,  dans  un  transport  unanime  :  Arbres  de  monpaijs  ! 

Ce  pays  de  France  est  le  pays  le  plus  merveilleux  pour  se  relever  tout  d'un 
coup  des  commotions  les  plus  terribles;  c'est  vraiment  cette  tour  dont  i)arle 
Bossuet,  celte  tour  qui  snit  réparer  ses  brèches  ;  il  arriva  donc  que  cette  grande 
pairie  de  lous  les  arts  fut  rendue  à  elle-même  :  l'invasion  s'écoula  comme  fait 
un  fleuve  immonde  aiirès  l'orage.  De  tous  les  monuments  de  Paris,  le  seul 
qui  n'ait  pas  été  insulté,  c'est  le  Jardin  des  Plantes.  Au  château  des  Tuileries 
on  avait ôté  son  empereur;  à  l'armée,  son  capitaine;  à  la  colonne,  sa  statue; 
au  Musée  du  Louvre,  ses  plus  rares  chefs-d'œuvre;  au  bois  de  Boulogne,  ses 
plus  beaux  arbres;  au  trésor  public,  plus  d'un  milliard  :  à  nos  frontières,  des 
royaumes  entiers.  ..  On  avait  r(>specté  le  Jjirdin  des  Plantes!  c'était  le  terrain 


LK  JARDIN   Di:S  PLANTAS.  xxiii 

nciili'c  où  venaient  se  reposer  tous  les  partis  de  leurs  agitations  sans  nombre. 
Dans  ce  beau  lieu  de  rêverie  et  de  calme,  le  vieux  gentilhomme  de  l'iMnigration 
cherchait  à  retrouver  le  souvenir  des  vieilles  charmillos  dont  la  révolution  l'a- 
vait tiépouillé  ;  le  vieux  soldat  de  la  Loire,  héros  mutilé  dans  vingt  batailles, 
ne  trouvant  plus  nulle  part  le  portrait  de  lempereur  et  roi,  venait  saluer  le  cha- 
meau blanchi  qui  avait  porté  le  général  lîonaparte  dans  les  désert  de  l'KgJpte. 
Les  enfants  de  toutes  les  générations  se  rencontraient  dansées  paisibles  allées 
à  Tabri  de  la  foudre  et  de  Forage  ;  l'enfant  et  le  vieillard,  la  jeune  fdle  au  bras 
de  son  fiancé,  le  jeune  homme  à  la  poursuite  de  sa  maîtresse,  l/ombre,  le  re- 
pos, le  calme,  la  fraîcheur,  les  passions  heureuses  habitent  en  effet  ces  paisibles 
hauteurs.  Non,  certes,  ce  n'est  pas  là  que  viendrait  l'ambitieux  pour  s'aban- 
donner à  ses  rêves  boursouflés.  Ce  n'est  pas  là  que  viendrait  l'avare  tout  préoc- 
cupé d'argent  et  de  fortune.  Arrière  h'S  passions  mauvaises  !  ceci  est  le  domaine 
des  nobles  passions,  des  beaux  rêves  poétiques,  des  éclats  de  rire  enfantins, 
du  bourgeois  fatigué  de  travail,  du  pauvre  soldat  qui  pleure  son  village,  de 
l'honnête  provincial  qui  est  venu  chercher  à  Paris  les  brujanls  plaisirs  delà  vie 
et  qui  s'estime  heureux  de  rencontrer  celle  calme  oasis.  C'est,  en  effet,  un  mer- 
veilleux endroit  pour  la  méditation,  pour  la  rêverie,  pour  la  nonchalance,  pour 
la  contemplation.  La  science  et  l'oisiveté,  la  douce  oisiveté  et  l'étude  acharnée 
sj  coudoient  sans  se  heurter.  Les  uns  arrivent  là  au  lever  du  soleil,  ils  étu- 
dient dans  ses  moindres  détails  le  grand  mystère  de  la  création  :  celui-ci  le 
crayon  à  la  main,  celui-là  armé  du  scalpel,  ce  troisième,  à  l'aide  de  la  loupe, 
qui  est  son  sixième  sens;  ils  pénètrent  peu  à  peu  dans  toute  la  science  de  la 
forme,  de  la  couleur,  du  mouvement;  l'un  regarde  la  plante  parce  qu'elle  est 
belle,  l'autre  l'admire  parce  qu'elle  est  utile  ;  celui-ci  en  veut  aux  parfums  qui 
s'en  exhalent;  cet  autre,  aux  sucs  bienfaisants  (|ui  guérissent.  Il  (ii  est  qui 
font  leur  proie  du  tigre  et  du  charal;  il  en  est  (jui  n'en  veulent  qu'à  l'insecte 
et  à  l'oiseau-mouchc — heureuse  passion,  heureus.»  science,  passionnés  loisirs! 
VA  qui  donc,  le  premier  en  France,  nous  a  appris  à  l'aimer  cette  douce  étude 
du  sol  que  nous  foulons?  Qui  donc  nous  a  raconté  les  premières  merveilles 
de  la  plante  et  de  la  tleur?  Ce  n'est  pas  M.  de  Rullon.  M.  de  Buffon  n'est  pas 
un  maître  qui  enseigne,  c'est  un  historien  qui  raconte  et  qui  devine.  Il  parle 
des  choses  naturelles  avec  tous  les  entraînements  de  l'éloquence;  il  ne  se  fait 
pas  humble  avec  les  humbles,  petit  avec  les  petits;  il  ne  sait  pas  attendre 
ceux  qui  veulent  marcher  dans  sa  voie  ;  il  marche  à  pas  de  géant,  il  va  tout  seul 
où  Finsi)iration  le  pousse  :  tantôt  dans  les  entrailles  de  l'homme,  tantôt  dans  le 
sein  de  la  terre  dont  il  explique  la  formation  par  une  prescience  incroyable 
(|uela  science  moderne  a  confnmée;  tanlôtausein  des  mers,  un  autre  jour  au 
sommet  des  montagnes,  dans  toutes  sortes  d'endroils  périlleux  que  nos  faibles 
regards  ou  nos  pieds  chancelants  ne  sauraient  franchir.  Non,  ce  n'est  pas  M.  de 
Pulfon  qui  est  notre  professeur  de  botaniiiue.  Le  premier  de  tous,  celui  qui  a 
vulgarisé  l'élude  et  la  contemplation  des  douces  et  frêles  beautés  de  la  nature, 
c'est  Jean-.Iaciiues  llousseau  en  p(  rsonne;  c'est  lui,  le  biùlant  sophiste,  lui  qui 
a  renversé  et  brisé  tant  de  choses,  lui  (pii  a  pesé  Us  sociétés  vieillies  dans  ses 
deux  mains,  lui  qui  a  semé  dans  toutes  ks  Ames  honr.êlcs  ou  perverties  les 
I  rùlantes  ardeurs  de  FIféloïse  et  du  Saint-Preux,  c'est  .1.-.!.  Fiousseau  en  jer- 


XXIV  Li:  JARDIN  ni: S  PLANTES. 

sonne  qui  a  donné  à  la  France  sa  première  leçon  de  ho!anii|uc  On  eût  dit  quil 
tenait  à  honneur  de  réparer,  par  l'enseignement  de  cette  vcriueuse  passion, 
tous  les  paradoxes  funestes  qu'il  a  démontrés  dans  ses  livres  conune  autant  de 
vérités  incontestables,  l'auvrc  homme,  malheureux  qu'd  faut  plaindre,  car  il  a 
succombé  le  premier  sous  l'enthousiasme  factice  qui  a  fait  tant  de  mnl  aux 
jeunes  esprits  de  son  temps;  le  premier  il  a  senti  le  besoin  de  se  tirer  de  ces 
brûlantes  hauteurs,  et  de  chercher  dans  la  fraîche  vallée  les  douces  conso- 
lations d'une  étude  qui  laissait  de  côté  les  hommes,  leurs  passions  et  leurs 
mœurs.  (ï'est  ainsi  que  l'écrivain  et  les  hommes  qu'il  agitait  autour  de  lui, 
les  hommes,  ces  jouets  dont  il  était  le  jouet  à  son  tour,  ont  éprouvé  tout  d'un 
coup  la  môme  fatigue.  Certes,  vous  ne  lirez  pas,  sans  attendrissement  et  sans 
respect,  les  Lnircxsiir  In  holmùrine  de  J.-J.  Rousseau.  Le  voilà  ce  grand  maître 
dans  l'art  de  brûler  les  âmes  ;  le  voilà  ce  sauvage  qui  foule  d'un  pied  éloquent 
et  passionné  la  civilisation  tout  entière;  le  voilà,  ramassant  au  penchant  des 
coteaux,  au  pied  de  l'arbre,  sur  le  bord  des  chemins,  la  mousse  qui  pousse,  le 
lichen  qui  rampe  et  la  feuille  emportée  par  le  vent  d'automne.  C'en  est  fait,  il 
<»ublie  tout  le  bruit  qui  se  fait  autour  de  lui,  et  dont  il  est  cause,  et  il  revient 
aux  plantes,  ces  objets  (ujicublcs  cl  vaiiês.  Ce  précepteur  des  hommes,  qui  leur 
a  enseigné  tant  de  choses,  même  l'amour,  se  met  à  enseigner  aux  enfants  le 
nom  des  plantes,  leur  organisation  et  tous  les  détails  de  la  strucluie  végétale. 
L'idée  de  cette  passion  lui  vint  un  jour  de  l'arrière-saison  :  les  plantes  dont 
la  structure  a  le  plus  de  simplicité  étaient  déjà  passées,  mais  qu'importe?  Le 
printemps  les  ramènera  tout  à  l'heure,  conunençons  tout  de  suite,  se  dit-il  ; 
une  plante  parfaite  est  composée  de  racines,  de  tiges,  de  branches,  de  feuilles, 
de  neurs  et  de  fruits;  étudions  avant  tout  la  Heur  (|ui  vient  la  première;  et, 
pour  bien  commencer,  prenons  un  lis.  Le  lis  a  fait  pâlir  la  magnificence  de  S;i- 
lomon,  le  lis  est  la  fleur  du  printemps,  il  est  aussi  la  fleur  de  l'automne;  étu- 
dions ce  bouton  verdAlre  qui  blanchit  à  mesure  qu'il  est  près  de  s'épanouir; 
admirez  comment  celte  enveloppe  blanchâtre  prend  peu  à  peu  la  forme  d'un 
beau  vase  divisé  en  plusieurs  fragments.  Cette  enveloppe  s'appelle  la  corolle; 
quand  la  corolle  se  fane  et  tombe,  elle  tombe  en  six  pièces  séparées  qui  s'ap- 
pellent des  pélales.  La  corolle  du  lis  a  six  pétales;  le  liseron,  la  clochette  des 
champs,  n'en  n'ont  qu'un...  mais  revenons  à  notre  lis. 

Dans  la  corolle  vous  trouverez  précisément  une  petite  colonne  attachée  tout 
au  fond  :  c'est  le  pistil.  Le  pistil  contient  le  (jcnn",  le  fdet,  le  stigmate;  entre 
le  pistil  et  la  corolle  vous  trouverez  l'éfamine;  chaque  étamine  se  compose  du 
filet  et  de  l'anthère  ;  chaque  anthère  est  une  boîte  qui  s'ouvre  quand  elle  est 
mûre,  et  qui  répand  autour  d'elle  cette  poussière  jaune  comuie  l'or,  odorante 
comme  la  rose  ;  cette  poussière  s'appelle  le  pollm.  —  Ainsi  sont  composées  les 
lleursde  la  plupart  des  autres  plantes.  C'estpar  l'analogie  de  ces  parties  et  par 
leurs  diverses  combinaisons  que  se  déterminent  les  diverses  parties  du  règne  vé- 
gétal. Notez  bien,  cependant.  c|ue  le  lis,  cette  belle  fleur  royale,  n'est  pas  une 
fleur  complète  :  elle  n'a  pas  de  calice.  Le  calice  manque  à  la  |)luparl  des  liliacées: 
In  tuli|)e,  la  jacinthe,  le  narcisse,  la  tubéreuse  n'en  ont  pas.  Donc,  vous  savez 
déjà  les  secrets  de  la  famille  des  liliacées;  vous  pouvez  les  reconnaître  à  l'ab- 
sence du  calice,  à  leurs  tiges  simples  et  peu  rameuses,  à  leurs  feuilles  en- 


LE  JAUDIN   DES  PLANTES.  xxv 

lières  et  jamais  découpées.  Suivons  donc  cette  route  (leurie,  le  printemps  est 
revenu,  il  a  ramené  les  jacinthes,  les  tulipes,  les  narcisses,  les  jonquilles  et  les 
muguets,  dont  nous  connaissons  la  famille  ;  il  a  ramené  aussi  les  giroflées  et 
■  îes  violettes.  Le  calice  de  la  giroflée  est  de  quatre  pièces  inégales  de  deux  en 
deux.  Dans  ce  calice  vous  trouvez  une  corolle  composée  de.  quatre  pétales. 
Chacun  de  ces  pétales  est  attaché  au  fond  du  calice,  par  une  partie  étroite 
qu'on    appelle   l'onglet.    Les  étamines   sont    au  nombre    de  six,  d'inégale 
grandeur.  —  Vous  voilà  donc  entré  dans  la  famille  des  crucifères,  ou  fleurs  en 
croix.  Cette  famille  est  divisée  en  deux  sections  :  les  crucifères  à  siliques,  la 
giroflée,  la  julienne,  le  cresson  de  fontaine  ;  la  seconde  section  comprend  les 
crucifères  à  silicules  :  le  cresson  alénois,  le  cochléaria,  la  lunaire,  la  bourse  à 
pasteur.  —  Des  fleurs  nous  allons  aux  plantes  légumineuses  :  les  fèves,  les  ge- 
nêts, les  luzernes,  les  sainfoins,  les  lentilles.  Ainsi,  par  une  méthode  simple 
et  claire,  le  maître  nous  apprend  la  structure  bien  plus  que  le  nom  de  la  plante  ; 
ce  nom  viendra  plus  tard.  Sachons  d'abord  l'éclat,  la  propriété,  la  figure  de  la 
plus  petite  fleur,  —  et  celles-là  ne  sont  pas  les  moins  intéressantes.  Cueillez  une 
marguerite  dans  les  champs  ;  que  vous  serez  étonné  si  l'on  vous  dit  :  Cette 
petite  fleur,  si  petite  et  si  mignonne,  est  réellement  composée  de  deux  ou  trois 
cents  autres  fleurs  toutes  parfaites,  c'est-à-dire  ayant  chacune  sa  corolle, 
son  germe,  son  pistil,  ses  étamines,  sa  graine.  Devant  Dieu  et  devant  la  science 
des  hommes,  la  marguerite  est  l'égale  du  lis  superbe  ou  de  la  jacinthe  odo- 
rante. J.-J.  Rousseau  fait  aussi  l'histoire  des  fleurons,  des  fleurs  d'immortelle, 
de  bardane,  d'absinthe,  d'armoise  ;  celles-là  n'ont  qu'un  fleuron  d'une  seule 
couleur  ;  d'autres  n'ont  qu'un  demi-fleuron  :  la  fleur  de  laitue,  de  chicorée,  de 
salsifis  ;  d'autres,  plus  heureuses,  ont  à  la  fois  des  fleurons  entiers  au  centre 
de  la  fleur,  et  des  demi-fleurons  à  leur  contour.  Ces  fleurs  doubles,  que  vous 
admirez  dans  les  parterres,  sont  des  monstres  à  qui  cet  honneur  a  été  re- 
fusé de  produire  leurs  semblables,  grand  honneur  dont  la  nature  a  doué  tous 
les  êtres  organisés.  C'est  là  ce  qui  arrive  aux  arbres  fruitiers  louches  par  la 
grêle.  La  poire  et  la  pomme  de  la  nature,  il  ne  faut  pas  les  chercher  dans 
les  vergers,  mais  dans  les  forêts.  Le  voilà  donc  qui  explique  l'arbre  comme  il 
a  expliqué  la  plante.  Quant  aux  herbiers,  les  herbiers  nous  servent  de  mé- 
moratif  pour  les  plantes  que  l'on  a  déjà  connues;  mais  ils  font  mal  connaître 
celles  qu'on   n'a  pas  vues  auparavant  :  ainsi   le  portrait  d'un  homme  qui 
n'est  plus  vous  frappe  davantage  lorsque  vous  l'avez  connu  dans  sa  vie. 
«  Pour  composer  un  herbier,   prenez  la  plante  en  pleine  fleur,  dégagez- la 
de  la  terre  qui  entoure  la  racine,  faites-la  sécher  avec  soin,  et  classez  votre 
plante  dans  la  famille  à  laquelle  elle  appartient;  choisissez  avant  tout  un  temps 
sec  et  chaud,  de  onze  heures  du  matin  à  six  heures  du  soir  :  c'est  la  belle 
heure  de  la  botanique.  »  Heureux  quand  il  parlait  ainsi  des  plantes,  son  der- 
nier amour,  J.-J.   Rousseau  redevenait  tout  à  fait  l'homme  heureux   qui 
s'écriait,  avec  des  larmes  dans  les  yeux  et  dans  le  cœur  : 

((  La  pervenche  !  la  pervenche  !  »  en  souvenir  de  sa  jeunesse  heureuse,  de  son 
amour  brûlant  et  naïf,  de  ses  chastes  transports;  en  souvenir  de  la  grAce, 
de  la  beauté  et  du  charmant  sourire  de  madame  de  Warens. 

Mais  qu'il  y  a  loin  de  cette  botanique  sentimentale  à  la  science  de  nos  mo- 

(/ 


xwi  LE  JARDliN   DES   PLANTES. 

(Icrnes  professeurs  !  11  ne  s'agit  plus  des  deux  mille  espèces  de  Daudin,  iWf^ 
cinq  ou  six  mille  plantes  de  Tournefort,  de  dix  mille  végétaux  décrils  par 
Linné  et  de  Jussicu,  des  vingt  ou  trente  mille  plantes  réunies  dans  le  grand 
ouvrage  de  M.  de  Candollc,  dont  le  monde  savant  pleure  la  porte  récente.  Au- 
jourd'hui ce  cercle  s'agrandit  sans  cesse,  chaque  année  voit  s'enrichir  l'inj- 
mense  herbier  du  Jardin  des  Plantes,  et  les  derniers  recensements  portent  à 
plus  de  soixante-dix  mille  le  nombre  des  végétaux  connus.  Il  a  fallu  fraction- 
ner ce  vaste  domaine  ;  la  vie  d'un  homme  suffit  à  peine  pour  embrasser  un  des 
points  de  cette  science,  dont  les  limites  reculent  sans  cesse.  Les  mousses,  les 
lichens,  les  champignons  ont  trouvé  de  dignes  historiens;  et  les  ouvrages  de 
Dillens,  de  Bulliard  et  de  Persoon  montrent  tout  ce  qu'il  faut  de  talent  et  de 
patience  pour  approfondir  les  mystères  de  cette  cryptogamie  qui  dépasse  à 
peine  le  sol,  et  se  cache  sous  la  feuille  dont  chaque  automne  jonche  la  terre. 
D'autres  botanistes  ont  mieux  choisi  :  Mertens  a  décrit  l'immense  et  superbe 
famille  des  palmiers,  Rublet,  les   chênes  du  nouveau  monde  ;  d'autres  ont 
étudié  l'ensemble  des  plantes  d'un  seul  pays  :  Desfontaines  a  fait  la  Flore  ailan- 
l'ique,  Aubertdu  Petit-Thouars,  celle  de  iMadagascar,  Brown,  celle  de  la  Nou- 
velle-Hollande; et  ces  travaux  isolés,  accomplis  avec  une  rare  persévérance, 
ont  prouvé  qu'il  y  avait  de  la  gloire  à  acquérir  même  en  ne  s'occupant  que 
dune  partie  de  cet  ensemble.  Peu  de  privilégiés  comprennent  tout  le  bonheur 
réservé  à  ces  amants  solitaires  dune  science  aimable  entre  toutes  !  Peu  d'âmes 
sentent  ces  joies  si  pures,  causées  par  la  contemplation  perpétuelle  de  ces 
merveilles  odorantes  et  si  richement  colorées.  On  sourit  aux  transports  d'ad- 
miration de  l'illustre  Gœrtner,  à  l'occasion  de  tous  les  fruits  sur  la  structure 
desquels  il  a  fait  un  si  savant  ouvrage.  On  s'associe  aux  regrets  de  M.  Desvaux 
sur  les  circonstances  qui  l'ont  empêché  d'achever  la  publication  de  sa  grande 
monographie  des  feuilles  et  des  végétaux,  et  Ton  envie  avec  lui  le  bonheur  de 
M.  C.ettard,  qui  a  terminé  son  grand  travail  sur  les  poils  et  les  glandes  do 
toutes  les  plantes  connues.  N'allez  pas  croire  qu'arrivée  à  ces  dernières  limites 
de  l'analyse,  la  science  puisse  se  reprocher  des  futilités  indignes  d'elle  !  Ces 
glandes,  par  exemple,  ces  nectaires,  si  curieusement  observés  dans  leurs  trans- 
formations successives  par  Sprengel,  par  Hall,  par  Pontedera  et  par  Bohemer, 
sécrètent  des  matières  utiles,  fournissent  à  l'abeille  le  suc  dont  nous  vient  le 
miel,  et  jouent  un  rcMe  important  dans  la  physiologie  végétale.  Tout  se  tient 
dans  ce  vaste  ensemble  des  productions  de  la  nature,  et  les  hommes  laborieux 
qui  consacrent  leurs  veilles  à  l'étude  d'une  partie  quelconque  de  ce  grand 
tout,  sont  assurés  d'apporter  une  pierre  au  divin  édifice  qu'élèvent  les  géné- 
rations, d'ajouter  un  anneau  à  cette  chaîne  merveilleuse  qui  unit  étroitement 
l'atome  aux  animaux   les  plus   parfaits,  ceux-ci  à  l'homme  raisonnable, 
l'homme  enfin  à  Dieu  lui-même,  par  l'intermédiaire  des  esprits  qui  peuplent 
l'espace. 

C'est  ainsi  que,  dans  le  Jardin  des  Plantes,  toutes  les  passions  honnêtes  se 
rencontrent.  Nous  venons  de  vous  dire  les  ravissements  du  botaniste  ;  voulez- 
vous  maintenant  que  nous  vous  disions,  non  pas  la  curiosité  du  minéralogiste 
qui  cherche  à  reconnaître,  dans  leurs  enveloppes  terrestres,  l'or  et  l'argent,  le 
cuivre  et  le  fer,  le  mercure  et  l'étain,  le  charbon  et  le  soufre,  toutes  ces  bril- 


'"'"^^rre^à^J^n^r 


Le  Roildel  à  biple  baude.aii,  le   Cliai^donnei^eL,  la  Mésmig^e   bleue 
la  Sittelle  et  le  B ouvre-ail , 


Publié  par  J,  J,  nUBOCHET  et  Cotnpl* 


LEJAKDIN   DES   PLANÏKS.  xxvii 

lanlcs  richesses  que  la  terre  renferme,  non  pas  môme  raltenlion  des  zoolo- 
gistes, mais  tout  simplement  la  joie  du  chasseur? 

Moi  qui  vous  parle  et  qui  suis  tout  aussi  ignorant  que  vous  pouvez  Tétre 
de  ce  grand  art  de  la  chasse  dont  il  a  été  écrit  tant  de  traités  à  commencer  par 
Dufouilloux  et  finir  par  M.  Deyeux,  moi  le  plus  triste  chasseur  qui  ait  jamais 
porté  un  bâton  d'épines  dans  une  forôt  giboyeuse,  je  vous  assure  que  j'ai  fait 
dans  le  Jardin  des  Plantes  la  plus  admirable  chasse  qui  ait  jamais  été  faite. 
J'avais  rencontré  dans  ces  allées  si  bien  sablées  un  vieux  chevalier  de  Saint- 
Louis  qui  avait  perdu  dans  une  chasse  au  courre,  chez  M.  le  prince  de  Bour- 
bon ,  sa  jambe  gauche  et  son  bras  droit.  Ainsi  blessé,  notre  vieux  chevalier 
avait  encore  trouvé  le  moyen  de  suivre  les  chasses  de  son  royal  ami ,  mais 
hélas  !  à  la  perte  de  son  bras  et  de  sa  jambe,  était  venue  se  joindre  la  mort 
affreuse  du  dernier  Condé,  cette  énigme  fatale,  et  à  la  mort  du  prince  de  Condé, 
la  venue  de  madame  de  Feuclières  ;  si  bien  que  notre  enragé  chasseur,  retiré 
dans  la  rue  de  lîuffon,  seul,  sans  amis,  sans  un  pauvre  bras  pour  appuyer  le 
dernier  bras  qui  lui  restait,  n'avait  plus  d'autre  joie  que  de  venir  chcKjue 
jour  viser  de  loin,  d'un  coup  d'œil  animé  et  sûr,  toutes  les  bêtes  féroces, 
tous  les  oiseaux  de  l'air  ,  tous  les  gibiers  de  l'univers. «Oh!  se  disait-il,  si  j'a- 
vais mon  bras,  comme  je  prendrais  mon  fusil  à  piston!  »  Un  jour,  entre  autres, 
comme  j'offrais  mon  bras  au  digne  gentilhomme  :  «  Mon  fils,  me  dit-il ,  vous 
avez  grandement  raison  d'aimer  et  de  respecter  les  vieillards.  Je  vous  ai  tou- 
jours connu  pour  un  homme  bon  et  loyal,  mais  vous  ainjez  trop  les  hvres, 
vous  lisez  trop  les  longues  histoires,  les  poésies  qui  endorment,  le  rabâchage 
politique  ;  et  quand  je  pense  que  vous  n'aimez  pas  la  chasse  !  la  chasse,  juste 
ciel  !  quelle  vieillesse  malheureuse  vous  vous  préparez,  mon  enfant  Mon  en- 
fant !  voyez,  que  vous  êtes  déjà  gros,  lourd  et  massif!  voyez,  moi  au  contraire, 
la  taille  d'un  cerf!  mais  hélas!  plus  de  bras  droit,  plus  de  jambe  gauche, 
plus  rien  que  le  coup  d'œil.  Cependant  écoulez-moi,  croyez-moi,  pendant  qu'il 
en  est  temps  encore,  devenez  un  chasseur.  Voyez  quelle  joie,  si  vous  teniez  au 
bout  de  votre  fusil  ces  tigres  qui  bondissent,  ces  faisans  qui  voltigent,  ces 
perdrix  qui  brillent  au  soleil,  ces  lièvres  qui  s'enfoncent  dans  la  plaine,  les 
cerfs  qui  brament  dans  les  bois.  Dieu  merci,  une  bienveillance  a  réuni  dans 
cette  enceinte  toutes  les  merveilles  des  forêts,  sans  cela  je  serais  mort.  Dieu 
merci ,  si  je  n'ai  plus  le  fer  à  la  main ,  j'ai  sous  les  yeux  le  plus  bel  ensemble 
qui  puisse  réjouir  les  yeux  d'un  vieux  chasseur  comme  moi.  Allons,  soyez 
attentif  à  ce  que  je  vais  vous  dire  ;  prêtez-moi  une  attention  obéissante,  laissez- 
moi  vous  convaincre  par  des  arguments  sans  réplique  de  la  beauté  de  la  pas- 
sion que  je  pleure;  à  votre  âge,  on  pense  encore  à  l'amour ,  à  mon  âge  on 
ne  pense  plus  qu'à  la  chasse,  vous  le  verrez  :  c'est  l'exercice  le  plus  salutaire 
contre  l'oubli  des  maux  de  la  vie,  c'est  le  spécifique  le  plus  puissant  contre 
toutes  les  douleurs  de  l'âme  et  du  corps.  •> 

Je  pris  place  sur  un  banc  de  pierre ,  vis-à-vis  la  volière,  oii  s'ébattaient  en 
chantant  tous  les  oiseaux  de  l'Europe,  et,  me  tenant  par  le  bras,  pour  me  ren- 
dre attentif,  le  vieux  chasseur  me  tint  à  peu  près  ce  langage  : 

«  La  chasse,  tout  autant  que  l'amour,  a  été  honorée  parles  nations  les  plus 
diverses  :  les  Assyriens,  les  Hébreux,  les  Perses,  les  Mèdes,  les  (".ircassiens,  les 


xwili  l.E  JARDIN   DES   PLANTES. 

Lapons  cux-môines ,  ont  été  ou  sont  encore  de  grands  chasseurs.  Ncmrod  ex- 
cellait à  la  battue,  Alexandre  à  la  chasse  au  courre,  César  à  l'alTùt,  Pline  le  Jeune 
à  la  chasse  au  filet.  Les  Celtes,  les  Germains,  les  Gaulois,  employaient  avec  une 
ardeur  égale,  à  ce  bel  art,  le  javelot,  Pépieu,  l'arc  et  l'arbalète;  Diane  a  été  de 
son  temps  une  divinité  égale  à  Apollon.  Que  de  livres  enfantés  par  cette  pas- 
sion des  gentilshommes  !  les  philosophes  aussi  bien  que  les  poètes,  les  histo- 
riens tout  autant  que  les  romanciers,  ont  exalté  comme  il  convenait  ce  be- 
soin de  courre  le  cerf  et  de  forcer  le  sanglier.  Xénophon  n'y  a  pas  manqué  ; 
Appius  non  plus  qu'Arien,  Gratien  non  plus  que  Nemesianus,  Frédéric  II, 
Albert  le  Grand  qui  était  un  peu  sorcier,  Adrien  Castelleri,  Conrad  Heesbach, 
Jérôme  Fracastor  qui  a  chanté  tant  de  choses  ,  ont  tous  célébré  cette  vie  de 
forêts  et  de  montagnes.  L'Allemagne  s'honore  à  bon  droit  d'un  chasseur 
nommé  Hartig.  La  France  est  fière  des  dissertations  savantes  de  Gaston  Phé- 
bus  ,  comte  de  Foix,  de  Jean  de  Francières,  maître  piqueur  de  Louis  XI,  de 
Guillaume  Tardif,  le  lecteur  de  Charles  VIII;  Charles  IX  lui-môme,  le  roi  de  la 
Saint-Barthélemy ,  a  écrit  en  vrai  flibustier  un  Traité  de  la  chasse  au  cerf;  et 
cependant,  tout  roi  qu'il  était,  Charles  IX  s'est  laissé  battre  en  cette  matière 
par  Jacques  Dufouilloux ,  le  Nicolas  Boileau- Despréaux  de  ce  grand  art  de 
tirer  des  coups  de  fusil  en  plein  champ.  Vous  n'oublierez  pas  d'ailleurs,  mon 
cher  enfant,  que  ce  bon  Henri  IV,  le  père  du  peuple,  qui  voulait  que  son 
peuple  mît  la  poule  au  pot  chaque  dimanche,  envoyait  aux  galères  le  ma- 
nant qui  aurait  voulu  remplacer  la  poule  absente  par  une  malheureuse  per- 
drix. 

«  Puis  donc  que  l'on  s'est  amusé  à  écrire  tant  de  romans,  et  vous-même  qui 
en  avez  écrit  de  fort  tristes ,  avec  lesquels  mon  noble  maître,  le  duc  de  Bour- 
bon, bourrait  son  fusil,  puisque  les  peintres  ont  tant  à  honneur  de  représenter, 
dans  leurs  tableaux  les  plus  fidèles  les  images  adorées  de  tant  de  belles  amours 
dont  nous  savons  les  noms  depuis  notre  enfance,  pourquoi  donc,  je  vous 
prie,  ne  pas  donner  autant  d'importance  à  la  vénerie?  Pourquoi  ne  pas  s'oc- 
cuper du  gibier-plume  et  du  gibier-poil  comme  on  s'est  occupé  du  gibier- 
blond  et  du  gibier- châtain  ?  Ivt  ne  ferez-vous  donc,  à  moi  vieillard,  sans  en- 
fants, sans  amis,  qui  n'ai  pas  même  un  petit  bois  où  je  puisse  m'asseoir  pour 
tirer  un  lapin,  un  grand  crime  de  traiter  le  faisan,  la  gelinotte,  la  bécasse, 
le  pigeon  biset ,  gibier  de  bois;  la  perdrix  et  la  caille,  gibier  de  plaine;  le  ca- 
nard sauvage  et  le  pluvier,  gibier  de  marais,  comme  Van-Dyck,  comme  Ilu- 
bens,  comme  Murillo  ou  Vélasquez  ont  traité  tant  de  beaux  oiseaux,  au  char- 
mant plumage,  gibier  de  boudoir,  gibier  de  grottes  obscures,  flamboyant  et 
étincelant  gibier  des  théâtres,  des  coulisses,  des  petites  maisons  et  des  salles 
de  bal. 

"Je  crois  que  c'est  Ovide  qui  l'a  dit,  et  il  avait  raison,  il  faut  au  chasseur  et 
à  l'amoureux  des  qualités  identiques.  Bon  pied ,  bon  œil,  le  nez  au  vent,  l'o- 
reille au  guet,  le  cœur  assez  calme  ;  il  faut  être  actif,  adroit ,  patient  ;  il  faut 
reconnaître  le  gibier  à  la  trace  la  plus  légère,  à  la  plus  faible  senteur,  par  ici  a 
passé  le  lapereau,  par  ici  a  passé  une  belle  fille  de  vingt  ans  !  En  chasse  donc, 
vous  les  sages  ,  les  heureux  et  les  philosophes ,  qui  vous  contentez  de  tirer 
votre  poudre  aux  Luoineaux  !   Parcourez  à  votre  choix  la   montagne  ou   la 


LE  JARDIN   DES   PLANTES.  wix 

plaine;  levez-vous  de  bonne  heure,  quand  la  rosée  est  remontée  au  ciel  qui 
l'envoie.  Bonne  chasse  !  Vous  savez  d'ailleurs  comment  se  tue  le  faisan  com- 
mun, Pliasianus  cokhicus,  comme  dit  Linné.  Le  faisan,  cette  flamme  qui  vole, 
est  un  gibier  plein  de  caprices.  11  n'y  a  pas  de  jolie  Parisienne  qui  soit  à  la  fois 
plusstupide  et  plus  malicieuse.  Tantôt  l'animal  (je  parle  du  faisan,  ajouta-t-il 
avec  un  sourire)  se  laisse  prendre  à  coups  de  bâton,  tantôt  il  vous  échappe  à 
tire-d'aile,  et  le  meilleur  fusil  de  Lepagc  ne  pourrait  l'atteindre.  Aujourd'hui 
il  se  poserait  volontiers  sur  votre  épaule  ,  le  lendemain  il  se  perd  dans  le 
nuage.  Si  vous  le  voulez  tirer  à  coup  sûr,  tirez  le  bec,  je  parle  toujours  du  faisan . 
Ce  qui  est  plus  sûr  encore  ,  c'est  de  le  prendre  à  l'afrùt ,  à  la  traînée  le  soir , 
quand  il  a  bien  nettoyé  son  beau  plumage  ,  bien  préparé  sa  petite  aigrette, 
bien  lavé  ses  jolies  petites  pattes ,  et  qu'il  s'est  posé  coquettement  dans  une 
avant  scène  de  l'Opéra...  je  ne  parle  plus  du  faisan.^ 

«  Mon  jeune  ami,  vous  ne  regardez  pas  avec  l'enthousiasme  convenable  ces 
belles  perdrix  qui  paraissent  nous  défier  dans  leur  bocage  de  métal. 

«  La  perdrix  me  représente  ce  que  nous  appelions,  dans  nos  beaux  jours  de 
jeunesse  et  de  misère,  la  chasse  à  la  grisette.  Justement  il  y  a  la  perdrix  grise 
qui  vaut  mieux  que  la  perdrix  rouge,  qui  vaut  mieux  que  la  bartavelle,  quoi 
qu'en  disent  quelques  méchants  gourmets  blasés,  qui  jugent  du  gibier  par  la 
couleur  de  son  brodequin.  La  bartavelle  est  la  sœuraînée  de  la  perdrix  grise. 
Voilà  un  joli  oiseau  à  tirer  !  On  le  rencontre  en  troupes  dans  les  champs  de  blé 
aussi  bien  que  dans  les  magasins  de  la  rue  Vivienne.  Le  plumage  est  lisse  et 
bien  tenu.  La  queue  se  compose  de  quatorze  plumes  de  couleur  cendrée,  l'iris 
de  l'œil  est  d'un  brun  gris,  la  gorge  et  le  devant  du  cou  sont  tout  à  fait  bleus, 
le  dos  est  d'un  gris  cendré  tirant  au  rouge  quand  elles  sont  jeunes.  Elle  ne  fait 
point  de  nid  (la  bartavelle),  et  se  contente  de  déposer  assez  négligemment  sur 
la  mousse  les  œufs  qu'elle  fait  chaque  printemps.  La  perdrix  grise,  modeste 
et  sage,  ne  se  mêle  jamais  avec  la  perdrix  rouge.  Elle  est  infiniment  plus  ser- 
viable  et  plus  facile  à  apprivoiser.  Elle  aime  à  se  joindre  en  nombreuses  com- 
pagnies aux  individus  de  son  espèce.  Elle  marche  devant  votre  chien  ;  si  vous 
voulez  l'avoir,  courez  vous-même  au  bout  du  champ,  la  pièce  partira.  File- 
t-elle  en  ligne?  tirez  en  plein  corps. Vole-t-elle  en  montant?  tirez  sous  les  pattes; 
si  elle  tourne,  tirez  sous  l'aile.  Vient-elle  sur  vous  à  hauteur  d'homme  ,  tirez 
au  bec.  (Je  cite  textuellement,  ce  n'est  pas  moi  qui  fais  dire  toutes  ces  choses  à 
notre  chasseur.)  Je  connais  quelques  jeunes  chasseurs  qui,  en  fait  de  perdrix 
grises,  ne  prennent  pas  tant  de  souci,  et  qui  tirent  tout  simplement  de  patte  en 
bec,  et  la  chasse  leur  a  réussi  plus  d'une  fois.  » 

Ceci  dit ,  notre  homme  plongeait  sa  main  gauche  dans  sa  tabatière  placée 
entre  les  deux  genoux,  et  il  recommença  sa  dissertation  commencée  : 

«  Après  la  perdrix  grise  vient  la  caille.  Celle-là  est  un  oiseau  de  passage  qui 
ne  perche  jamais,  qui  vit  à  terre,  qui  est  polygame,  oiseau  de  plaine  et  de  la 
rue  du  Ilelder.  Elles  subissent  deux  mues  (les  cailles),  l'une  à  la  fin  de  l'hiver, 
l'autre  à  la  fin  de  l'été.  Elles  sont  répandues  partout,  préférant  les  pays  chauds 
et  tempérés ,  mais  ne  craignant  pas  les  autres.  On  a  remarqué  qu'elles  ne 
voyagent  guère  qu'au  crépuscule ,  et  choisissent  les  pleines  lunos  pour  se 
mettre  en  route.  » 


x\x  Ll'    JAUDIN   DES   PLANTES. 

Je  cite  toujours  mot  pour  mot.  Noire  dicvalier  ajoute  encore  «  que  la  chair 
de  la  caille  est  appétissante  et  convenable  à  tous  les  âges  comme  à  tous  les  tem- 
péraments. En  un  mot,  disait-il,  une  plaine  couverte  de  cailles  est  une  source 
de  plaisirs  toujours  nouveaux,  sans  cesse  renaissants.  » 

Quand  il  eut  ainsi  parlé,  il' se  leva,  et  clopin-clopant  il  me  conduisit  à  tra- 
vers les  immenses  volières  du  jardin,  toutes  remplies  d'éclatantes  couleurs  et 
de  joyeuses  chansons.  Chaque  animal  dont  il  me  parlait,  il  me  le  montrait  de 
sa  main  absente,  et  il  me  disait  : 

«  Il  y  a  des  gens  qui  aiment  la  gelinotte  au  fin  plumage,  qui  tient  le  milieu 
entre  la  perdrix  rouge  et  la  perdrix  grise.  Autant  vaudrait  tirer  sur  le  janga, 
oiseau  moitié  français  et  moitié  espagnol ,  qui  ne  se  laisse  guère  approcher 
que  des  montagnards.  Tel  chasseur  en  veut  au  coq  de  bruyère,  grand  et  petit; 
tel  autre  en  veut  au  pigeon  biset,  ainsi  nommé  sans  doute  parce  qu'il  est  so- 
ciable, fidèle  à  l'amour  et  à  l'hymen  jusqu'au  point  de  se  montrer  fort  jaloux; 
parce  qu'il  est  propre,  rangé,  soigneux,  tendre  pour  sa  femelle,  dont  il  partage 
les  soins  pour  ses  petits.  11  y  a  même  des  chasseurs  féroces  qui  osent  tirer  sur 
la  colombe,  la  femelle  du  biset  !  Et,  les  bandits  qu'ils  sont  !  pour  justifier  leur 
brigandage,  ils  prétendent  que  la  colombe,  en  dépit  des  poètes  et  des  llatteurs , 
est  vorace;  qu'elle  dévore  les  jeunes  plantes,  que  sa  chair  est  très-bonne  à 
manger.  Les  colombes  se  divisent  en  colombes  à  collier  et  colombes  rieuses 
[colnmba  rhor'ta),  et  elles  sont  également  dangereuses  avec  ou  sans  collier. 

«  Fi  donc  !  ne  lirez  pas  sur  le  merle,  à  moins  que  ce  ne  soit  un  merle  blanc.  Il 
est  si  gai,  si  chanteur,  si  heureux  d'être  au  monde  !  si  bon  garçon  !  si  fin  !  Il 
sait  si  bien  siffler!  il  se  nourrit  de  vermisseaux  et  d'insectes,  comme  font  les 
critiques.  Gardez  votre  gros  plomb  pour  l'outarde,  mais  croyez-moi,  respectez 
l'outarde  barbue.  Entendez-vous  siffler  le  râle,  cet  enfant  de  l'Italie,  venu  tout 
droit  de  Gênes,  la  ville  de  marbre?  11  faut  le  manger  à  genoux.  Quand  la  bé- 
casse arrive,  demandez-lui  d'où  elle  vient.  Elle  vient  de  tous  les  côtés  du 
monde,  de  l'Islande,  de  la  Norvvége,  de  la  Russie,  de  la  Silésie  ;  elle  est  Polo- 
naise, Allemande,  Française  tour  à  tour;  elle  a  visité  l'Afrique  et  l'Egypte,  le 
Sénégal  et  la  Guinée,  le  Groenland  et  le  Canada.  Pauvre  oiseau  voyageur!  Et 
tant  de  chemin  fait  à  tire-d'ailc  pour  être  nommé  membre  de  la  Société  de 
géographie  ou  pour  mourir  sous  le  fusil  d'un  manant.  » 

Ma  foi,  cet  honnête  homme  était  si  heureux  de  parler  de  sa  passion  domi- 
nante, et  d'ailleurs  il  en  parlait  si  bien,  avec  tant  de  bon  goût  et  d'à-propos, 
que  je  me  mis  à  l'écouter,  d'abord  par  respect  pour  son  vieil  âge  et  pour  son 
malheur,  ensuite  par  intérêt  et  par  plaisir.  P.emaniuez  que  l'aspect  de  tous  ces 
beaux  plumages,  le  bruit  varié  de  toutes  ces  douces  chansons,  ajoutait  beau- 
coup à  la  clarté  et  à  la  démonstration  de  ce  brave  homme.  Il  me  conduisit  un 
instant,  avec  un  petit  ricanement  de  dédain,  à  la  loge  des  animaux  féroces, 
l'ours,  le  loup,  le  blaireau  ;  car  c'était  un  chasseur  au  poil,  à  la  plume,  un 
chasseur  de  la  plaine  et  de  la  montagne,  et  vous  Pavez  deviné,  un  chasseur 
(autrefois),  un  habile  chasseur  au  fin  gibier,  qui  se  cachait  sous  les  ombrages  de 
V^ersailles  ou  du  Petit-Trianon.  «J'aime  la  plume,  disait-il,  je  l'aime  avec  passion, 
et  (|uant  au  poil,  je  suis  loin  de  le  dédaigner.  Dans  le  poil  il  y  en  a  de  terribles, 
il  y  en  a  d'innocents.  Les  uns  mangent  (juehiuefois  le  chasseur,  les  autres  sont 


LE  JARDIN   DES  PLANTES.  \\\i 

toujours  mandés.  D'abord  vous  avez  Tours,  un  des  héros  de  La  Fontaine.  Je 
n'ai  jamais  compris  que  cet  animal  fût  si  méchant  ([u'on  le  dit.  Il  est  sauvage, 
il  n'est  pas  féroce.  On  dit  qu'il  aime  la  chair  fraîche,  mais  aussi  il  se  nourrit  de 
légumes  et  de  miel.  L'animal  défend  sa  peau,  où  est  le  crime?  Nous  le  trai- 
tons à  peu  près  comme  on  traitait  sous  l'empire  les  Autrichiens  et  les  Russes  ;  il  y 
a  des  gens  pour  qui  l'on  est  bien  injuste...  comptez  donc  combien  vos  jour- 
naux ont  fait  dévorer  de  bourgeois  à  l'ours  Martin,  ce  pauvre  animal  calomnié 
qui  n'a  jamais  mangé  que  des  brioches? 

«  A  la  bonne  heure  le  loup  !  c'est  un  grand  misérable.  Il  dévore  tout  ce  qui  lui 
tombe  sous  la  dent,  depuis  le  mouton  jusqu'à  la  grenouille  ;  on  le  tue  de  toutes 
les  façons,  et  même  on  l'empoisonne  sans  déshonneur.  Nous  en  dirons  presque 
autant  du  renard.  Le  renard  est  un  drôle  plein  de  ruses  et  très-dangereux.  On 
le  tue  comme  on  peut,  au  terrier,  au  passage,  à  la  traînée,  au  carnage,  et  en- 
core on  n'en  tue  guère.  Le  blaireau  est  encore  plus  calomnié  que  l'ours.  Le 
Dictionnaire  des  Chasses,  qui  doit  faire  autorité  en  ces  matières,  place  le  blai- 
reau parmi  les  animaux  nuisibles  ;  et  de  quel  droit,  je  vous  prie?  Parce  qu'il 
mange  parfois  des  navets,  des  fèves,  des  pois,  des  carottes;  le  grand  crime!  Et 
voilà  pourquoi  vous  faites  du  blaireau  le  pendant  du  renard  !  Et  d'ailleurs 
il  est  si  gentil, si  fin,  si  paresseux!  Sa  tête  est  mise  à  prix  I  fr.  .50  c.  par  blai- 
reau. 

«  Quant  à  la  fouine,  fi  donc  !  M.  le  duc  de  Bourbon  avait  l'habitude  de  faire  le 
signe  de  la  croix  quand  il  avait  tué  une  fouine.  La  fouine  est  un  ignoble  animal, 
moitié  loup,  moitié  renard.  Elle  tue  pour  le  plaisir  de  tuer;  elle  égorge  môme 
avant  de  se  remplir  le  ventre.  Écoutez,  mon  petit,  écoutez  ce  petit  moyen  que 
j'ai  inventé  pour  tuer  une  fouine.  Sans  doute  le  moyen  est  violent,  mais  il  est 
sûr.  On  a  beau  dire  :  Mais  vous  tuez  bien  des  arbres  !  Vne  fouine  tuée  vaut 
mieux  qu'un  arbre  vivant.  Voilà  mon  secret;  vous  en  ferez  ce  que  vous  voudrez 
quand  vous  aurez  des  fouines  :  «  Quand  la  fouine  se  retire  dans  le  creux  d'un 
arbre,  le  meilleur  moyen  de  se  rendre  maître  de  la  béte  est  d'abattre  l'arbre 
lui-même.  » 

Vous  pensez  bien  que  nous  n'avons  rien  dit  du  cerf,  du  sanglier,  de  la  biche, 
du  daim,  du  chevreuil,  plus  brave  que  le  cerf  et  qui  aurait  honte  de  verser  des 
larmes.  Vous  pensez  bien  que  si  mon  ami  n'a  pas  parlé  du  lièvre,  c'est  pour  ne 
pas  tomber  dans  toutes  sortes  de  descriptions  trop  connues.  Uappelez-vous 
seulement  (|ue  «  le  cul  d'un  lièvre  est  un  sac  à  plomb,  et  de  faire  uriner  la  victime 
quand  elle  est  morte,  me  dit-il.» 

Du  poil  nous  sommes  revenus  à  la  plume  ;  et,  bonté  du  Ciel  !  que  vous  êtes 
grande  quand  vous  lancez  dans  les  airs  ces  vivantes  merveilles.  Ah  !  laissons  là 
le  fusil  et  la  chasse  et  ses  grands  plaisirs;  admirons  en  toute  liberté,  en  toute 
conscience,  mollement  couchés  sur  le  gazon  du  rivage,  les  oiseaux  de  rivage  et 
les  oiseaux  d'eau.  Cette  fois  nous  n'avons  pas  à  redouter  le  rhumatisme  et  la 
goutte,  et  l'ophthalmie  aiguë,  et  les  autres  revenants-bons  de  la  chasse  ;  cette  fois 
nous  pouvons  les  suivre  dans  leurs  caprices  divers  ces  beaux  oiseaux  qui  s'en- 
volent dans  toutes  sortes  de  directions,  la  cigogne  blanche  et  noire,  la  grue 
commune  et  le  flamant,  le  héron  au  long  bec,  qui  est  lié  à  tous  nos  souvenirs 
héraldiques,  le' vœu  du  héron,  le  roi  du  héron,  nombreuse  famille  qui  se  ter- 


xxx„  LE  JARDIN   DES  PLANTES. 

mine  conune  tant  d'illustres  familles  par  le  héron-butor,  sans  oublier  le  courlis, 
rhôte  assidu  et  chantant  des  étangs  et  des  rivières  de  la  France  ;  on  sait  son 
nom  dans  les  Vosges,  dans  la  Moselle,  dans  les  deux  Charentes,  en  Vendée,  dans 
la  Loire-Inférieure  ;  il  est  oiseau  de  pluie  et  de  tempête,  il  est  le  courtisan  de 
l'hiver  et  il  le  suit  à  la  piste,  comme  Thirondelle  suit  le  printemps. 

«  Et  le  vanneau?  Mangez  du  vanneau,  pour  savoir  ce  que  ce  gibier  vaut,  disait 
notre  gentilhomme.  Et  le  pluvier-guignard?  le  plus  délicat  des  pluviers  dorés 
et  non  dorés.  Il  est  la  fortune  de  la  ville  de  Chartres  ;  il  protège  de  son  aile 
légère  cette  vaste  cathédrale  qui  se  rebâtit  peu  à  peu.  Vous  avez  aussi  la  race 
des  chevaliers,  chacun  portant  la  couleur  de  sa  maîtresse,  le  chevalier  brun,  le 
chevalier  aux  pieds  rouges,  le  chevalier  aux  pieds  verts  et  la  maubége,  et  le 
combattant,  et  l'avocat,  et  le  petit  courlis,  et  le  barbe-rouge  à  queue  rayée,  à 
queue  rouge,  à  queue  noire,  habitants  de  la  vase  et  du  limon,  hôtes  bigarrés 
des  marécages,  becs  noirs,  pieds  plombés  ;  autrefois  la  barge-rousse  était  les 
desliscex  des  Francoys,  dit  le  vieux  Belon  ;  maintenant  c'est  la  bécassine  et  la 
double-bécassine  qui  sont  à  cette  heure  les  délices  des  Français. 

«  Monsieur,  monsieur,  ajoutait  le  vieux  chevalier,  n'oublions  pas  ,  s'il  vous 
plaît,  n'oublions  pas  la  poule  d'eau  qui  demande  beaucoup  d'adresse,  la  mouche 
qui  sent  le  marais,  qui  n'est  bonne  à  rien,  mais  qui  est  annisanie  à  tuer 
(Danton  n'eût  pas  mieux  dit).  Le  rAle  d'eau,  qui  ne  vaut  pas,  h  beaucoup  près, 
le  râle  de  genêt.  Puis  tout  d'un  coup  notre  chasseur  s'agrandit  encore.  Quoi 
donc  !  mon  maître,  vous  n'êtes  pas  content  de  tant  de  carnage  ?  vous  voulez 
encore  nous  faire  égorger  ce  beau  cygne  décrit  par  Buffon.  «  Il  plaît  à  tous  les 
veux  ;  il  décore,  il  embellit  tous  les  lieux  qu'il  fréquente  ;  on  l'aime,  on  l'ap- 
plaudit, on  l'admire  ;  nulle  espèce  ne  le  mérite  mieux!...  et  voilà  pourquoi 
vous  voulez  qu'on  le  tue  ce  beau  palmipède  chanté  aussi  par  Virgile,  ai-.je 
répondu  au  vieux  gentilhomme?  A  ce  blasphème  cruel,  la  plume  me  tombe  des 
mains  ;  puissent  tous  les  fusils  en  faire  autant  1  » 

C'est  ainsi  que,  grâce  à  ce  beau  jardin  tout  rempli  de  sa  passion  favorite,  le 
vieux  chasseur  prenait  sa  peine  en  patience.  En  présence  de  ces  merveilleux 
animaux  qui  sont  la  vie  des  forêts,  l'honneur  de  la  plaine,  le  mouvement  de  la 
montagne,  la  décoration  variée  du  fleuve  ou  de  l'étang,  il  était  comme  est  l'a- 
mant en  présence  du  portrait  de  sa  maîtresse  adorée.  Mais  quoi!  il  n'est  pas 
encore  satisfait  :  il  y  a  encore  quelque  chose  à  tuer  dans  cet  univers.  Le  cor  re- 
tentit dans  les  bois,  comme  il  est  dit  dans  l'opéra  de  Uobin  des  Bois.  Cette  fois 
l'insatiable  chasseur,  non  content  de  toute  la  plume  et  de  tout  le  poil  du 
royaume  de  France,  se  met  en  voyage  pour  les  trois  parties  du  monde,  et  il 
arrive  tout  d'abord  en  Afrique,  le  fusil  sur  l'épaule,  suivi  de  ses  chiens  et  de 
son  carnier,  Ne  troublons  pas,  je  vous  prie,  son  envie;  c'est  de  tuer  une  ga- 
zelle :  il  y  en  a  de  si  belles  au  Jardin  des  Plantes!  La  gazelle  se  chasse  à  che- 
val, il  est  bien  rare  qu'elle  se  laisse  prendre ,  même  par  les  plus  fiers  chevaux. 
Mais  à  quoi  bon  les  gazelles?  —  Parlez-moi,  s'écrie-t-il,  de  tuer  une  lionne  et 
un  lion  !  En  eflet,  il  s'en  va  dans  la  caverne  du  lion  et  de  la  lionne,  et  d'une 
main  légère  il  dérobe  les  plus  jolis  petits  lionceaux  du  monde,  sous  le  ventre 
même  de  la  mère,  qui  veut  bien  ne  pas  s'en  apercevoir.  «  On  a  beaucoup  exa- 
géré la  férocité  des  lions  de  l'Afrique.  »  Je  le  crois  pardieu  fort,  quand  on  voit 


.E   ETA: 


/t  petit  Paxsulii  ÉaTi^-aruie  et  ie  Tcniraco  faxiLne 


i-'iti-.*.   r.a*  J    J 


j^a* 


x\xiv  I.K  JAKIHN   L)KS  PLAMES. 

serait  It'  plus  beau  des  oiseaux  s'il  n'habitait  pas  nos  basses-cours;  Je  morillon 
et  le  héron  pourpre,  et  le  bouvreuil  au  bec  noir,  aux  pieds  bruns,  au  ventre 
blanc,  et  le  paresseux  dans  son  plumage  d'amour;  paresse  et  plumage  d'amour, 
deux  mots  qui  jurent!  Vous  ne  sauriez  croire  que  d'admirables  petits  ôtres  pas- 
sent ainsi  sous  vos  yeux  ravis.  Savez-vous  rien  de  plus  joli  que  la  mésange 
bleue?  rien  de  plus  gai  que  la  fauvette  à  tête  noire?  Et  la  mésange-moustache? 
Vous  en  avez  rencontré  plus  d'une  dans  nos  salons,  la  lèvre  supérieure  ombra- 
gée de  ce  fin  duvet  qui  rend  la  lèvre  plus  rose  et  la  dent  plus  brillante.  Et  le 
pinson,  et  le  bruant,  et  la  fauvette-rossignol,  connue  madame  Damoreau,  et 
le  geai,  cet  admirable  ricaneur;  jusqu'à  ce  qu'enfin  arrivent  à  leur  tour  les  aigles 
et  les  cigognes,  les  faucons  et  les  freux,  les  outardes  et  les  grues,  les  corneilles 
et  les  engoulevents  :  tous  ces  tyrans  de  l'air  ont  la  beauté  en  partage,  tout  aussi 
bien  que  Néron  l'empereur. 

Mais  cette  fois,  qui  (jue  vous  soyez,  tyran  ou  victime,  gros-becs  à  gorge  rouge 
ou  mésange  huppée,  tourne-pierre  à  collier,  avocelte  à  nuque  noire,  bécasseau- 
échasse,  pluvier  à  collier  interrompu,  buse  et  milan  royal,  cigogne  noire  et  ca- 
nard tadorne,  aigle  criard  et  gypaète  barbu,  œdicrième  et  talève,  cresserellette 
et  ganga,  ne  craignez  rien,  livrez-vous  en  paix  à  vos  jeux,  à  vos  amours,  à  vos 
passions,  à  vos  adorables  caprices  des  quatre  saisons  de  l'année;  cette  fois  vous 
n'êtes  pas  exposés  au  fusil  Lefaucheux  ,  au  fusil  Robert,  aux  filets  et  à  la  glu; 
cette  fois  vous  êtes  l'ornement  bien-aimé,  la  gloire  bien  protégée  et  bien  dé- 
fendue, la  joie  honnête  et  populaire  du  plus  beau  jardin  de  lunivers. 

La  restauration  n'a  fait  que  suivre  l'impulsion  donnée  au  progrès  du  Muséum. 
On  ne  s'est  pas  contenté,  cette  fois,  d'agrandir  le  jardin,  de  le  pousser  jusqu'à  la 
rivière,  de  le  dégager  de  toute  ombre  malfaisante,  de  tout  voisinage  incom- 
niode,  on  a  voulu  encore  associer  à  cette  œuvre  et  à  cette  joie  nationale,  tous 
les  amis  de  l'histoire  naturelle.Nousavons  vu  déjà  que  plus  d'un  voyageur,  plus 
d'un  marin  célèbre  avaient  donné  l'exemple  d'un  dévouement  sans  bornes  à 
cette  institution.  Ces  exceptions  trop  rares  devinrent  bientôt  une  habitude.  Pas  un 
marin  de  quelque  importance,  pas  un  capitaine  de  vaisseau,  pas  même  un  lieu- 
tenant de  frégate  n'aurait  cru  son  voyage  complet,  s'il  n'eût  pas  pu  en  consigner 
quelques  souvenirs  au  Jardin  des  Plantes.  Nous  avons  déjà  nommé  le  capitaine 
Baudin;  il  faut  nommerMM.  J.  Diart  et  Duvaucel,MM.  Leschenaultet  Aug.Saint- 
Hilaire,  M.  Delalande,  M.  Dussumier-Fonbrune,  M.  Steven,  M.  Dumont-d'Ur- 
ville,  M.  Freycinet ,  M.  Phihbert,  M.  le  baron  Milius,  M.  La  Place,  M.  du  Petit- 
Thouars,  le  savant  et  l'illustre  voyageur  autour  du  monde.  Les  uns  et  les  autres, 
de  tous  les  lieux  de  la  terre  habitée,  de  Calcutta  et  de  Sumatra,  de  Pondichéry 
et  de  Chandernagor,  du  Brésil  et  de  l'Amérique  septentrionale,  du  Cap  et  des 
Philippines  et  du  Caucase,  des  îles  de  l'Archipel  et  des  bornes  du  Pont-Euxin  , 
des  terres  australes  et  de  la  Cuyane  française  et  de  l'île  Bourbon,  ont  envoyé 
toutes  sortes  d'échantillons  admirables,  vivants  ou  morts,  qui  ont  agrandi, 
outre  mesure,  cette  précieuse  collection.  A  ce  propos,  soyons  justes.  A  force 
de  nous  occuper  des  grands  meneurs  du  Jardin  des  Plantes,  à  force  de  parler 
des  Cuvier  et  des  Buffon,  n'oublions  pas,  dans  notre  reconnaissance  et  notre 
estime,  les  humbles  compagnons  de  leurs  travaux  et  de  leur  science.  Que  les 
directeurs  du   Jardin  des  Plantes  passent  les  premiers,  c'est  trop  juste;  mais 


LE  J.\Ul)l^    DES   PLA:«T1:S.  xxxv 

aussi  que  les  plus  humbles  ambassadeurs  de  leurs  observations  et  de  leur  for- 
tune ne  soient  pas  passés  sous  silence.  Cette  vaste  science  de  l'histoire  natu- 
relle, qui  embrasse  le  monde  entier,  ne  peut  pas  se  liùre  entre  quatre  murailles; 
elle  doit,  avant  toute  chose,  se  répandre  au  dehors.  A  l'exemple  de  toutes  les 
grandes  puissances  de  l'Europe,  la  science  naturelle  agit  surtout  par  ses  députés. 
par  ses  ambassadeurs;  donc,  au-dessous  du  grand  naturaliste  qui  reste  au 
jardin  pour  écrire,  pour  raconter,  pour  enseigner  toutes  les  découvertes  dont 
il  a  le  secret,  il  y  a  le  naturaliste-voyageur,  plus  dévoué  et  plus  ardent,  qui 
s'en  va  dans  toutes  les  latitudes,  ramassant,  recueillant,  entassant  dans  sa 
lourde  valise,  dans  son  immense  herbier  les  minéraux  et  les  plantes,  les  pois- 
sons de  la  mer  et  les  oiseaux  du  ciel.  Ijn  pareil  honune  doit  être  infatigable, 
actif,  laborieux,  plein  d'obstination  et  de  courage.  Rien  ne  le  fatigue,  rien 
ne  lui  fait  peur.  Pour  cet  homme,  chaque  animal  de  la  création,  uséme  le  plus 
abject  et  le  plus  difforme,  est  une  chose  d'une  grande  valeur.  Il  ira  chercher 
les  plus  affreux  insectes  dans  la  pourriture,  dont  ils  sont  comme  une  exhalaison 
vivante  ;  il  ira  chercher  le  lion  dans  sa  tanière  ;  il  dompte  l'éléphant,  il  arrête  le 
chevreuil  qui  s'enfuit  dans  les  bois;  il  est  chasseur,  historien,  dessinateur,  physio- 
logiste ;  il  rapportera  de  l'autre  extrémité  du  globe  une  plante  inconnue  dans  son 
chapeau,  une  béte  féroce  dans  sa  cage.  Noble,  curieuse  et  sincère  passion  qui  se 
suffit  à  elle-même,  car  pour  l'ambassadeur  du  Jardin  des  Plantes,  on  na  encore 
inventé  ni  la  gloire,  ni  les  académies,  ni  les  honneurs  que  donne  la  science,  l'ne 
fois  que  ce  digne  homme  est  de  retour  de  ses  voyages  lointains,  une  foisqu'd  a 
déposé,  à  la  porte  du  sanctuaire,  cet  immense  butin  qui  représente  souvent  dix 
années  de  sa  vie,  c'est  à  peine  s'il  lui  est  permis  de  s'asseoir  à  l'ombre  des  arbres 
(|ue  ses  prédécesseurs  ont  plantés.  Dans  ce  Muséum  embelli  par  ses  soins,  l'intré- 
pide naturaliste  est  reçu  comme  tout  le  monde.  La  plante  qu'il  a  ramassée  dans 
le  désert,  et  à  laquelle  lui-même,  mourant  de  soif,  il  aura  prodigué  sa  ration  d'eau 
de  chaque  jour,  la  plante  tant  aimée  se  tient  dédaigneusement  renfermée  dans 
son  palais  de  cristal.  Le  digne  homme  la  voit  de  loin  prospérer  et  grandir;  mais 
qu'importe?  Plus  reconnaissant  que  la  plante  qui  ne  reconnaît  que  le  soleil,  ciui 
n'obéit  qu'au  vent  tiède  et  doux,  l'animal  féroce  dont  il  a  été  le  gardien  et  le 
dompteur  le  reconnaît  en  bondissant  dans  sa  cage,  il  le  salue  d'un  hennissement 
joyeux;  ce  sont  là  ses  plaisirs,  il  n'a  pas  d'autres  récompenses.  A  peine  son  nom 
est-il  inscrit  sur  une  des  pages  brillantes  de  cette  grande  histoire,  à  peine  si  le 
jardinier  en  chef  le  protège.  Trop  heureux  encore  s'il  peut  atteindre  à  l'honneur 
inespéré  de  voir  son  nom  ou  bien  le  nom  de  son  jeune  lils,  ou  bien  le  nom  de 
sa  femme,  si  souvent  délaissée  pour  la  science,  se  rattacher  à  quelques-uns  des 
fruits  qu'il  a  ramenés  de  si  loin,  à  quelques  fleurs  dont  il  aura  doté  la  patrie?  Un 
tel  homme  est  le  paria  de  la  science.  Mais  tel  est  le  charme  de  la  science,  qu'elle 
efface  absolument  les  humiliations  et  les  dégoûts  de  tout  genre  ;  elle  porte  en 
elle-même  sa  consolation  et  son  courage,  elle  se  passe  de  la  reconnaissance  des 
hommes,  elle  se  passe  de  tout,  môme  de  la  gloire.  Ceci  vous  donne  le  secret 
de  bien  des  dévouements  obscurs,  ceci  vous  explique  bien  des  luttes  ignorées. 
Voulez-vous  cependant,  pour  que  notre  justice  soit  complète,  que  nous  prenions 
au  hasard  la  biographie  de  l'un  des  naturalistes  dont  nous  parlons? 

M.   Milberl .  par  exemple,  mort   l'an  passé,  sans  qne  pas  une  voix  séhnàt 


xxwi  m:  jardin  des  plantes. 

pour  lui  pauM-  un  tribut  de  reconnaissance  et  de  respect.  Peintre,  naturaliste, 
voyageur,  correspondant  du  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  au  Jardin  du 
Roi ,  Jac(|ues-(À''rard  Milbert  aurait  pu  attacher  son  nom  aux  plus  grands  tra- 
vaux et  aux  plus  admirables  découvertes  de  ce  temps-ci  ;  il  s'est  contenté  d"y 
apporter  sa  part  de  zèle  et  d'utilité.  Il  était  né  à  Paris  le  18  novembre  ITCG,  et 
de  fort  bonne  heure  se  révéla  l'instinct  qui  le  poussait  à  étudier  l'histoire  natu- 
relle dans  ses  moindres  détails.  Celte  passion  naissante  pour  toutes  les  belles 
choses  de  la  création ,  à  commencer  par  la  fleur  qui  est  à  la  surface,  à  finir 
par  le  minerai  caché  dans  les  entrailles  de  la  terre,  avait  fait  tout  d'abord  du 
jeune  Milbert  un  dessinateur  pratique,  comme  il  en  faut  pour  reproduire,  dans 
toute  leur  beauté,  et  sans  les  embellir,  les  moindres  détails  de  l'histoire  natu- 
relle. 

En  I79.J,  il  fut  nonuné  professeur  de  dessin  à  l'École  des  Mines;  la  même 
année,  il  fut  chargé  d'une  mission  dans  les  Pyrénées,  d'où  il  devait  rapporter 
tous  les  sites  relatifs  à  l'exploitation  des  mines.  Déjà  les  premiers  travaux  du 
jeune  naturaliste  avaient  eu  assez  de  retentissement  pour  que ,  deux  ans  plus 
tard,  il  fût  admis  à  l'honneur  de  suivre,  dans  sa  conquête  de  l'Egypte,  le  gé- 
néral Bonaparte.  Malheureusement,  tout  désigné  qu'il  était  pour  cette  expédi 
tion ,  :Milbert  ne  put  pas  partir,  et  cela  a  été,  depuis,  un  des  grands  chagrins 
de  sa  vie,  quand  il  se  souvenait  de  tous  les  beaux  échantillons  qu'il  aurait  pu 
ramasser  dans  la  vieille  patrie  des  Pharaons. 

Cependant,  pour  n'avoir  pas  suivi  le  général  Bonaparte  dans  cet  Orient  à  moitié 
conquis,  M.  Milbert  ne  restait  pas  oisif;  il  avait  été  chargé,  en  1799,  de  visiter  les 
Alpes,  et  de  s'informer  en  même  temps  comment  ces  hautes  montagnes  pou- 
vaient être  aplanies,  et  conuuent,  depuis  Genève  jusqu'à  Lyon,  le  Rhône  pouvait 
devenir  navigable.  L'année  suivante,  il  s'embarquait  pour  les  terres  australes, 
comme  dessinateur  en  chef  de  l'expédition,  sous  les  ordres  du  capitaine  Baudin. 
La  route  fut  longue  et  semée  de  périls;  mais  aussi  le  voyage  fut  rempli  de  dé- 
cou  v(>r  tes. 

De  retour  en  Europe,  M.  Milbert  fut  préposé  par  le  ministre  à  la  publication 
de  cet  impoitant  voyage.  On  a  aussi  de  lui,  mais  écrite  en  entier  de  sa  main, 
une  très-fidèle  relation  d'un  voyage  aux  îles  de  France  et  de  ïénérilTc,  et  au 
cap  de  Bonne-Espérance.  11  écrivait  conune  il  dessinait ,  d'une  main  nette  et 
(érme,  simple  et  vrai  avant  tout. 

En  iSI.'j,  nous  retrouvons  M.  Milbert  dans  les  États-Unis  d'Amérique. 

En  1817,  M.  Hyde  de  INeuville,  ministre  de  France  aux  États-Unis,  charge 
-M.  Milbert  d'un  grand  travail  sur  l'histoire  naturelle.  Ce  travail  a  duré  sept 
années  ;  et  pour  avoir  une  juste  idée  du  zèle,  de  l'activité,  de  la  patience,  du 
dévouement,  du  courage  de  ce  savant  homme,  il  faudrait  lire  le  rapport  adressé 
par  les  professeurs  du  Jardin  des  Plantes  au  ministre  de  l'intérieur. 

«  Monseigneur,  disaient-ils,  nous  avons  reçu  récemment  les  douze  caisses  qui 
composent  le  cinquante-huitième  et  dernier  envoi  de  M.  Milbert,  et  nous  pou- 
vons maintenant  vous  parler  en  détail  des  travaux  de  ce  naturaliste  infati- 
gable. I) 

En  môme  temps  les  rapporteurs  raconteut,  non  pas  sans  émotion,  avec  (juel 
zèle,  quelle  expérience  pleine  d'ardeur,  M.  Milbert  a  étudié  l'immense  terri- 


k E  ;J AU l) IN  D ES   P L À N T E S.  xxx vu 

{oire  "des  ÉtatSrUniSj  ce'vaste  empire,  aussi  curieux  à  étudier  par  le  naturaliste 
(|ue  par  le  philosophe  et  par  le  politique;  comment  M.  Milbert  a  ramassé  çà  et 
Ja  les  produits  des  trois  rèjïnes  dont  il  a  enrichi  le  Cabinet  du  Jardin  du  Roi; 
comment  enfin  il  a  complété,  avec  sa  fortune  personnelle,  les  rares  subsides 
que  lui  accordait:,  pour  raccomplissement  de  cet  innuense  travail,  le  ministère 
de  l'intérieur  et  le  Muséum. 

.  Il  avait  choisi  ^'ew-York  comme  le  centre  de  ses  opérations  scientifiques,  et 
(ie  là  il  a  visité  Je  Canada,  les  lacs  supérieurs,  les  bords  de  TOhio  et  du  Missis- 
sipi.  A  Boston,  il  fut  surpris  par  la  fièvre  jaune,  et,  à  demi  mort,  il  trouva, 
pour  lui  tendre  une  main  amie,  M.  de  Cheverus  lui-même;  le  saint  évèque  exilé 
là,  qui  est  devenu  plus  tard  un  des  hommes  dont  TËglise  gallicane  sera  fière 
à  tout  jamais. 

M.  Milbert  a  raconté  lui-même,  dans  la  Vie  du  cardinal  de  Cheverus,  quelle 
était  Thospitalité  de  ce  grand  évêque,  et-,  avec  son  hospitalité,  sa  modestie,  sa 
pauvreté,  pour  ne  pas  dire  samisère;  et  comment,  sans  lui  et  sans  M.  de  Val- 
nais,  le  consul  de  France,  et  mademoiselle  de  Valnais,  sa  digne  fille,  lui,  Mil- 
bert, il  serait  mort  lourdement  chargé  qu'il  était  de  son  nouveau  butin  à  tra- 
vers l'Amérique  du  >iord;  et  notez  bien  qu'il  serait  mort  à  la  peine  plutôt  que 
de  rien  ôter  de  sa  noble  charge.  L'histoire  même  en  est  touchante,  et  nous  ne 
pouvons  pas  mieux  la  raconter  que  M.  Milbert  : 

((  Dans  l'été  de  1820,  je  revenais  d'explorer  les  hautes  montagnes  des  États 
de  Vermont  et  de  New-Hampshire  ;  j'étais  lourdement  chargé  des  collections 
d'objets  d'histoire  naturelle  que  j'avais  recueillis  dans  cette  excursion.  Comme  je 
suivais  les  bords  pittoresques  du  Merimack ,  je  fus  rencontré  par  M.  de  Cheve- 
rus, qui  faisait  alors  une  tournée  pastorale  dans  son  diocèse.  Surpris  de  mon 
état  de  fatigue,  ce  bon  prélat,  tout  en  louant  mon  zèle  pour  la  science,  m'a- 
dressa des  reproches  pleins  d'afTection;  puis  il  me  dit  :  —  Asseyons-nous  ici; 
montrez-moi  vos  roches,  vos  crustacés,  vos  végétaux,  toutes  vos  richesses.  Vi- 
dons ce  sac  et  vos  poches  aussi  ;  je  veux  tout  voir.  Mais  je  m'aperçus  qu'en  pa- 
raissant examiner  avec  soin  ces  productions  naturelles  qui  n'avaient  pas  même 
d'intérêt  pour  lui ,  il  en  faisait  deux  parts,  et  je  lui  demandai  pourquoi  il  agis- 
sait ainsi.  Je  fais  à  chacun  notre  part,  me  répondit-il;  ce  second  sac  est  pour 
moi  ;  gardez  seulement  votre  portefeuille  de  dessins,  je  le  veux  ainsi,  mon  cher 
ami!  Nous  allons  marcher  doucement  jus(iu'à  Lowell;  de  là  ,  par  le  canal  de 
Middlesex,  nous  parviendrons,  sans  fatigue,  jusqu'à  Boston.  Et,  malgré  tout  ce 
que  je  pus  faire  pour  m'y  opposer,  le  bon  évêque  se  chargea  d'une  partie  de  mes 
collections.  » 

Mais  revenons  à  notre  rapport.  Outre  les  collections  zoologiques  et  les  dessins 
sans  nombre  envoyés  par  M.  Milbert,  on  peut  citer  plusieurs  animaux  presque 
inconnus  au  Jardin  du  Roi,  le  minck,  la  moufette,  le  pékan,  dont  à  peine  les 
naturalistes  avaient  entendu  parler,  un  loup  américain  ,  et  il  était  encore  dou- 
teux que  l'Amérique  ait  eu  des  loups  semblables  à  ceux  d'Europe,  un  phoque 
(Pliocn  m'iiioia),  dont  M.  Cuvier  lui-même  n'avait  vu  que  le  crâne,  et  tant 
d'autres  mammifères  de  plus  de  cin((uante  espèces  dont  les  naturalistes  s'inquié- 
taient beaucoup  en  ce  temps-là. 

Il  y  avait  aussi,  dans  ces  envois  de  M.  Milbert ,  un  grand  nombre  de  mammi- 


xwvili  LK  JAKDJN   DKS   PLANTES. 

fères  conservés  dans  roau-tle-\ic,  plùsieuis  squelettes  les  plus  curieux,  Telck, 
le  cerf  de  Virginie. 

Quant  aux  animaux  vivants ,  ils  étaient  au  nombre  de  quarante-neuf,  les  di- 
delphes  opossum ,  mâle  et  femelle,  le  cougouar  de  l'Amérique  du  Nord,  Tours 
des  Apalaches,  plusieurs  espèces  de  cerfs  de  la  Louisiane  et  de  la  Virginie,  l'élan 
d'Amérique,  et  surtout  les  deux  bœufs  sauvages,  le  bison  et  sa  femelle,  et  il  n'a 
pas  tenu  à  M.  Milbert  que  cet  utile  et  infatigable  travailleur  de  la  Haute-Loui- 
siane ne  fût  naturalisé  parmi  nous. 

Le  nombre  des  oiseaux  s'élevait  à  quatre  cents  espèces  composées  de  plus  de 
deux  mille  individus.  Pour  la  première  fois,  enfin,  nous  pénétrons  dans  les  se- 
crets infinis  de  l'ornithologie  américaine,  et  parmi  les  naturalistes  les  plus  dis- 
tingués de  l'Europe,  ce  fut  à  qui  complimenterait  M.  Milbert  de  n'avoir  jamais 
séparé  le  mâle  de  la  femelle,  et  en  même  temps  d'avoir  suivi  ces  brillants 
échantillons  de  l'air,  dans  les  nuances  diverses  de  leur  plumage;  en  effet,  ce 
n'est  que  par  la  variété  qu'on  peut  reconnaître  l'espèce. 

Parnii  ces  espèces,  il  y  en  avait  de  tout  à  fait  inconnues  au  Jardin  des  Plantes; 
d'autres  qui  avaient  grand  besoin  d'être  renouvelées  :  l'aigle  à  tête  blanche,  la 
buse  à  queue  rousse,  l'innombrable  famille  des  pies-grièches,  des  fauvettes  et 
des  gobe-mouches,  plusieurs  troupiailles,  et  entre  autres  le  mangeur-de-riz,  les 
tétras, que  Linné  a  nommé  le  Teirno  t()(/a<lns,  Teimn  ciipido,  Tvtrnoplinseandlns, 
si  mal  décrits  .jus(iu'alors,  qu'on  les  regardait  comme  une  seule  et  même  espèce, 
malgré  Linné. 

La  mer  et  les  fleuves  n'avaient  pas  été  exploités  avec  moins  de  bonheur  que 
la  terre  ferme  :  les  poissons,  les  coquillages,  les  tortues.  Sur  deux  mille  deux 
cents  poissons  envoyés  par  M.  Milbert,  plus  de  la  moitié  était  même  inconnue  à 
Cuvier.  Dans  ces  envois,  on  remarquait  surtout  deux  re(|uins,  chacun  d'une 
espèce  nouvelle,  une  raie  de  sept  pieds  de  large  et  d'un  genre  à  part,  les  estur- 
geons du  Saint-Laurent,  du  lac  Ontario  et  du  lac  Champlain,  de  six  pieds  de 
longueur,  des  hmandes,  saumons,  brochets,  et  enfin  plusieurs  poissons  vivants 
qui  devaient  être  jetés  dans  la  rade  du  Havre  et  dans  la  Seine  pour  y  perpétuer 
l'espèce  ;  car  c'était  là  un  voyageur  philosophe  qui  trouvait  plus  d'utilité  à  un 
être  vivant  qu'à  dix  reptiles  empaillés.  Malheureusement  des  gelées  très-rudes 
ont  fait  périr  les  poissons  de  M.  Milbert. 

Parmi  les  oiseaux  vivants  qu'il  avait  envoyés  et  qui  sont  encore  aujourd'hui 
l'ornement  du  Jardin  des  Plantes,  n'oublions  pas  le  vautour  brun  de  la  Caro- 
line du  Sud,  l'aigle  chasseur  des  monts  AUeghanys,  l'aigle  à  tête  blanche  des 
bords  de  l'Hudson,  l'aigle  de  Terre-Neuve,  celui  des  montagnes  de  Pensyl- 
vanie,  et  nombre  de  gelinottes,  de  cailles,  de  canards  sauvages,  tout  le  terrible 
ou  friand  plumage  dont  il  est  parlé  d'une  façon  si  confuse  dans  les  histoires  des 
chasseurs  du  nouveau  monde. 

Comme  aussi  l'intrépide  naturaliste,  pour  être  complet,  et  malgré  sa  répu- 
gnance à  ramasser  tant  de  bêtes  inutiles,  affreux  chaînons  de  cette  grande 
chaîne  où  tout  se  tient,  n'avait  oublié  ni  les  lézards  ni  les  cent  cinquante  es- 
pèces de  reptiles,  ni  surtout  la  sirène  lacertine  et  les  agames  et  les  geckos 
que  contiennent  les  deux  Amériques.  Dans  les  coquilles  de  M.  Milbert,  on  a 
surtout  remarqué  dos  coquilles  d'eau  douce,  peu  étudiées  avant  lui,  et  donl  il 


LE  JAUDIiN    DKS   PLANTES.  x\ki\ 

;i  ropporfô  i)liis  de  trente  espèces  nouvelles.  Des  insectes,  il  en  a  rapporté  quatre 
cents  espèces  dont  plusieurs  sont  nouvelles  ;  rien  de  plus  beau  que  ses  papillons 
de  toute  couleur;  pas  un  ordre  d'insectes  n'a  été  oublié  dans  cette  admirable 
récolte  de  tout  ce  (lui  bruit,  de  tout  ce  qui  rampe,  de  tout  ce  qui  bourdonne, 
de  tout  ce  qui  voltige  et  resplendit  dans  les  savanes. 

Le  règne  végétal  n'a  pas  été  plus  négligé  que  les  deux  autres.  M-  Milberl 
aimait  les  plantes  vivantes,  comme  il  aimait  les  animaux  vivants  ;  il  avait  grand 
soin  de  ses  herbiers,  où  il  entassait  toutes  sortes  de  fleurs  desséchées.  Mais 
quand  avec  la  plante  il  pouvait  envoyer  la  graine;  quand,  au  lieu  du  cadavre 
desséché  de  la  fleur,  il  pouvait  envoyer  son  âme,  il  était  bien  heureux  et  bien  fier. 
Llierbier  lui  faisait  l'effet  d'un  vaste  cimetière  où  reposent  toutes  sortes  de 
poussières  ;  mais  un  beau  petit  arbre  bien  vigoureux,  une  fleur  dans  sa  racine, 
un  fruit  qui  arrive  en  germe  d'Amérique,  et  qu'avec  un  peu  de  bonne  volonté 
le  soleil  de  la  France  va  mûrir,  c'étaient  pour  lui  autant  de  conquêtes  d'un  prix 
inestimable.  Comme  il  les  étudiait  sur  leur  terre  natale,  ces  jeunes  plantes,  l'es- 
poir de  l'avenir!  11  savait  à  merveille  quelle  zone  leur  pourrait  convenir,  sur 
quel  sol  ce  chêne  pouvait  devenir  un  chêne,  sous  quel  air  cette  rose  pouvait 
fleurir  ;  il  s'inquiétait  avec  une  sollicitude  toute  paternelle  des  érables,  des 
peupliers,  des  noyers,  des  châtaigniers,  de  toutes  les  épines  qui  fleurissent  au 
printemps,  et  il  les  envoyait  à  l'Europe  avec  toutes  sortes  d'indications  (juil 
fallait  suivre  si  on  voulait  voir  l'arbuste  prospérer  et  grandir. 

A  défaut  de  nouveaux  fruits,  il  envoyait  des  bois  nouveaux  ;  il  allait  chercher. 
Jusque  dans  les  sols  limoneux,  dans  les  sables  et  même  sur  les  hautes  monta- 
gnes, dans  les  fentes  des  rochers,  les  pins,  les  cèdres,  les  genévriers,  les  mélèzes, 
les  sapins,  les  cyprès.  C'est  lui  qvù  nous  a  envoyé  le  cyprès  chauve,  un  arbre 
utile,  s'il  en  fut.  Vous  le  plantez  dans  la  tourbe  au  nùlieu  de  l'eau,  et  ses  feuilles 
qui  tombent,  le  détritus  de  ses  racines  et  de  son  jeune  bois,  ont  bientôt  composé 
autour  de  l'arbre  une  véritable  terre  végétale. 

Nous  lui  devons  aussi  un  chanvre  nouveau,  une  paille  plus  belle  que  la  plus 
belle  paille  d'Italie,  une  espèce  de  patate  qui  se  rencontre  à  cette  heure  dans 
tous  les  jardins.  Si  M.  Milbert  n'avait  enrichi  que  des  herbiers,  il  n'aurait  droit 
qu'à  l'éloge  des  savants;  mais  il  nous  a  donné  des  fleurs  qui  fleurissent  à  tous  les 
printemps,  des  arbres  (jui  portent  des  fruits  et  de  l'ombre,  il  a  droit  à  la  recon- 
naissance de  tous. 

Dans  le  règne  minéral,  le  savant  naturaliste  n'a  pas  été  moins  heureux  :  il  a 
envoyé  par  fragments  des  échantillons  de  l'Amérique  tout  entière,  des  nùné- 
raux  inconnus,  des  espèces  nouvelles,  des  roches  merveilleuses,  plus  de  sept 
cents  échantillons  de  roche  :  vous  pourrez  suivre,  grâce  à  lui,  dans  leurs  miné- 
raux divers,  la  chaîne  des  Alleghanys,  les  plages  orientales  qui  bordent  l'Océan, 
les  bords  du  fleuve  Saint-Laurent,  de  LHudson  et  du  Potamack,  les  lacs  Huron, 
Champlain,  Érié,  Ontario  ;  il  a  ramassé  un  grand  nombre  de  débris  organiques 
fossiles  recueillis  à  la  surface  de  ces  vieux  terrains  calcaires  qui  constituent 
l'immense  plateau  où  l'Ohio,  le  Mississipi  et  le  Saint-Laurent  prennent  naissance  ; 
ainsi,  grâce  à  lui,  les  géologues  ont  pu  comparer  la  constitution  du  sol  des  Ltats- 
L  nis  avec  celle  des  autres  parties  de  l'ancien  et  du  nouveau  continent  qui  nous 
sont  comuies. 


XL  LK  J AUDI N   Di:S   PLANTES. 

Au  total,  les  collections  de  M.  Milbert  dépassent  huit  mille  échantillons  de  tous 
jîonres  recueillis  dans  tous  les  règnes. 

Ce  rapport  sur  rexcellent  et  infatigable  voyageur  est  confirmé  par  une  parole 
authentique  de  M.  Cuvier  lui-même  :«  M.  Milbert  surtout,  dit  M.  Cuvier,  artiste 
distingué,  a  mis  dans  ses  recherchés  une  persévérance  inouïe,  et  expédié  plus 
de  soixante  envois  ;  sans  avoir  été  d'abord  un  naturaliste  de  profession,  c'est 
un  des  hommes  à  qui  l'histoire  naturelle  devra  le  plus  de  reconnaissance.  » 

Quand  il  eut  accompli  cette  longue  et  difficile  mission,  M.  Milbert  partit  pour 
la  France,  accompagné  de  M.  de  Cheverus  qui,  lui  aussi,  rentrait  dans  sa  patrie 
après  avoir  accompli  de  difficiles  devoirs. 

Ils  étaient  déjà  arrivés  en  vue  des  côtes,  lorsque  la  tempête  menaça  de  briser 
le  navire  qui  les  portait  ;  on  eût  dit  que  la  voix  du  saint  prélat  imposait 
silence  à  l'orage,  le  navire  fut  jeté  à  la  cote,  mais  personne  ne  périt.  De  cette 
communauté  de  dangers  entre  le  savant  et  le  saint  prélat  devait  naître  une 
amitié  qui  n'a  été  interrompue  que  par  la  mort  du  cardinal-archevêque  de 
Bordeaux. 

Telle  a  été  cette  vie  si  honorable  et  si  remplie,  utile  entre  toutes  et  si  mo- 
deste, que  les  savants  seuls  ont  entendu  parler  de  M.  Milbert. 

Il  n'est  pas  juste  que  de  pareils  hommes  sortent  de  ce  monde  sans  qu'au 
moins  après  eux  une  voix  s'élève  pour  dire  à  tous  ce  qu'ils  ont  été  et  quels 
services  ils  ont  rendus. 

Au  surplus,  ces  injustices  de  la  reconnaissance  publique  deviennent  de  plus 
en  plus  rares  ;  la  conscience  publique  s'inquiète  de  tout  ce  qui  se  fait  d'utile  de 
nos  jours,  et  un  sentiment  de  juste  reconnaissance  est  toujours  prêt  à  rémuné- 
rer ces  modestes  travaux.  Voyez  ce  qui  vient  de  se  passer  tout  récemment  en 
pleine  Académie  des  Sciences,  au  sujet  des  collections  rapporfées  par  l'expédi- 
tion de  rAsirolitOe  ci  de  la  Zélée,  commandée  par  le  contre-amiral  Dumont- 
d'Lrville!  La  grande  serre  du  Jardin  des  Plantes  suffisait  à  peine  pour  contenir 
tout  ce  qui  a  été  recueilli  sur  tous  les  points  du  globe,  pendant  deux  ou  trois 
ans  de  navigation.  Les  princes,  les  ministres,  les  hommes  les  plus  distingués 
de  la  capitale  ont  afflué  pendant  plusieurs  semaines,  dans  celte  enceinte  si  mer- 
veilleusement remplie  ;  chacun  a  pu  admirer  ces  étranges  productions  des  plus 
lointaines  contrées,  et  s'enorgueillir,  avec  ceux  qui  les  avaient  rassemblés,  de 
<e  surcroît  de  richesses  pour  les  galeries  du  Muséum.  La  collection  de  têtes  hu- 
maines, rapportée  par  le  docteur  Dunioutier,  a  surtout  excité  l'attention  des 
savants,  des  philosophes  et  des  moralistes.  Cuvier  avait  rassemblé,  avec  des 
peines  infinies,  un  certain  nombre  de  crânes  appartenant  aux  principales  races, 
et  l'on  admirait  ce  complément  indispensable  des  travaux  de  Camper,  de  Buf- 
fon,  deSœmmering,  de  Pallas,  de  Blumenbach.  C'étaient  les  premiers  échan- 
tillons du  Muséum  humain  ;  car,  il  faut  bien  en  convenir,  le  roi  du  monde 
créé,  ce  vase  d'élection  où  fut  déposé  le  germe  de  In  suprême  intelligence, 
l'homme,  qui  porte  sur  son  front  le  signe  d'une  origine  céleste,  tient  par  tant 
de  liens  à  l'ensemble  du  règne  animal,  qu'il  ne  peut  en  être  séparé  qu'en  vertu 
d'une  abstraction  psychologique.  Lt,  pour  obéir  à  la  loi  commune  qui  veut 
des  perfectionnements  gradués  et  successifs,  l'espèce  humaine  présente  un  cer- 
tain nombre  de  races  qui  semblait  indiquer  le  progrès,  et  marquer  de  nom- 


LE   JAUDIN   DES  PLANTES.  XLi 

breux  degrés  entre  les  peuplades  grossières  de  rOcéanie  et  les  plus  nobles 
types  de  la  race  caucasique.  Une  semblable  étude,  qui  se  fait  en  quelque  sorte 
à  nos  propres  dépens,  qui  nous  assimile  aux  espèces  animales  si  rigoureuse- 
ment classées,  est  un  acte  de  haute  raison,  d'humilité  glorieuse;  c'est  une 
autopsie  qui  n'est  permise  qu'à  nous,  qu'à  notre  siècle,  et  qui  couronne  digne- 
ment le  vaste  édifice  élevé  par  les  temps  modernes  à  l'éternel  honneur  des 
sciences  naturelles. 

Tous  les  navigateurs  avaient  signalé  l'existence  de  races  distinctes  répandues 
par  groupes  dans  les  diverses  parties  du  globe.  La  conformation  générale  de 
la  tête  ne  pouvait  être  le  simple  résultat  de  causes  accidentelles,  et  il  fallait 
admettre  une  différence  radicale,  primitive,  entre  le  (lafre  et  le  Français,  entre 
les  peaux  rouges  de  l'Amérique  du  INord  et  les  habitants  du  céleste  empire, 
entre  les  Malais  et  les  peuplades  de  la  Mouvelle-Hollande.  La  grande  question 
d'une  origine  unique,  soumise  aux  lumières  de  l'expérience,  a  paru  se  com- 
pliquer de  dinicultés  sérieuses,  et  l'orthodoxie  de  nos  anatomistes  ne  s'est  pas 
contentée  d'admettre  les  races  japétiques  et  sémitiques.  Mais  si  les  plus  nobles 
esprits  ont  établi  sur  de  solides  preuves  une  concordance  entière  entre  la 
géologie  et  le  premier  livre  de  la  Genèse,  nul  doute  qu'on  parviendra  à  trouver 
le  lien  qui  unit  chacune  de  ces  familles  humaines  éparses  sur  la  surface  du 
globe,  et  à  montrer  l'étroite  parenté  qui  existe  entre  ces  enfants  perfectionnés 
ou  dégénérés  d'un  même  père. 

M.  Dumontier  a  rendu  un  immense  service  à  la  science  de  l'homme  en 
réunissant  plus  de  cinquante  têtes  modelées  sur  l'individu  vivant,  coloriées  de 
la  manière  la  plus  exacte  et  conservant  l'identité  des  physionomies.  Il  ne 
s'agit  pas  ici  de  crânes,  déjà  fort  précieux  sans  doute,  mais  enfin  n'olfrant  à 
l'œil  qu'une  forme  dépourvue  de  ses  enveloppes  et  de  ses  caractères  les  plus 
saisissants  ;  ce  sont  des  têtes  pleines  de  vie,  reflétant  les  passions  brutales  du 
sauvage  hébété,  l'astuce  du  bipède  affamé  qui  cherche  sa  proie,  la  ruse 
cruelle  de  l'anthropophage  qui  a  soif  de  votre  sang;  c'est  l'homme  enfin  tel 
qu'il  se  présente  à  l'observateur,  alors  qu'il  s'abandonne  sans  frein  à  ses  appé- 
tits grossiers.  Et  quelle  patience,  quelle  persuasion  n'a-t-il  pas  fallu  déployer 
pour  obtenir  de  ces  barbares  l'étrange  faveur  que  l'on  attendait  d'eux!  Mo- 
deler une  tête  vivante!  Mais  savez-vous  que  les  plus  civilisés  de  nos  compa- 
triotes consentiraient  à  peine  à  se  laisser  ensevelir  dans  une  masse  de  plâtre 
délayé  ;  mais  savez-vous  que  cette  sorte  d'enterrement  exige,  comme  condition 
préalable,  le  sacrifice  de  la  chevelure,  ou,  tout  au  moins,  une  préparation 
presque  aussi  désagréable  !  Et  lorsqu'on  songe  aux  obstacles  de  toute  espèce 
que  M.  Dumontier  a  dû  rencontrer  dans  l'accomplissement  de  cette  singu- 
lière entreprise,  on  ne  saurait  se  lasser  d'admirer  les  résultats  obtenus,  et 
l'on  s'associe  pleinement  aux  éloges  et  aux  récompenses  qui  lui  ont  été  dé- 
cernés. 

Et  les  coquilles  avec  les  animaux  vivants  ou  conservés  dans  l'alcool,  et  les 
insectes  les  plus  étrangers,  et  les  oiseaux,  et  les  poissons  !  C'est  un  monde 
toujours  nouveau  qui  vient  augmenter  notre  monde  connu  ;  c'est  une  popu- 
lation toujours  croissante,  et  dont  on  s'applaudit  comme  pourrait  le  faire  un 
souverain  qui,  placé  à  la  tête  d'une  grande  nation,  se  trouverait  chaque  année 

/' 


XLii  LE  JÂUDIN   DES   PLANTES. 

plus  riche,  plus  puissant  d'un  million  d'unies.  Les  derniers  travaux  do  Eacé- 
pèdc  et  de  (".uvicr  sur  les  poissons  constataient  l'existence  de  cinq  ou  six  mille 
espèces,  et  aujourd'hui  IM.  Valenciennes  en  compte  plus  de  douze  mille.  Fabri- 
cius,  Latreille  et  les  derniers  entomologistes  ne  possédaient  pas  plus  de  viniil 
mille  espèces  d'insectes,  et  aujourd'hui  M.  Audouin,  qu'une  mort  prématurée 
vient  d'enlever  à  ses  travaux,  M.  Milne  Edwards,  ont  plus  que  doublé  ce  nom- 
bre, et  le  baron  Dejean  possède  dans  son  cabinet  près  de  vingt  mille  coléop- 
tères. Que  dirai-je  des  oiseaux,  ces  joyeux  habitants  de  l'air,  qui  chaque  année 
sont  obligés  de  serrer  leurs  rangs,  déjà  si  pressés,  pour  faire  place  aux  nou- 
veaux venus,  et  qui  se  rangent  si  admirablement  dans  les  familles  instituées 
par  BulTon,  Vieillot,  Duméril,  Temminck  et  Latham?  Chaque  nouvelle  expé- 
dition rapporte  des  espèces  inconnues,  des  papillons  qu'on  prendrait  pour 
des  oiseaux,  des  oiseaux  qui  ressemblent  à  des  papillons,  et  ces  merveilles 
d'une  création  inépuisable,  ces  conquêtes  de  la  science  brillent  aux  yeux 
de  tout  le  monde  dans  ces  galeries  que  l'on  doit  agrandir  sans  cesse. 

Vous  voyez  donc  que  cette  institution  des  voyageurs  du  Jardin  des  Plantes 
(jui  produit  avec  si  peu  de  bruit  de  pareils  hommes  et  de  pareils  dévouements, 
est  une  de  ces  nobles  institutions  qui  annoncent  et  qui  prouvent  les  grands  peu- 
ples. Elle  a  fait  de  ces  quelques  arpents  de  terre  perdus  dans  un  des  faubourgs 
de  Paris  comme  un  vaste  et  puissant  royaume  qui  envoie  ses  ambassadeurs 
dans  toutes  les  parties  de  l'Europe  :  ambassadeurs  triomphants  et  glorieux 
cette  fois,  que  rien  ne  saurait  arrêter,  ni  les  flottes  chargées  de  canons,  ni  les 
forteresses  armées,  ni  les  guerres  de  peuple  à  peuple,  ni  les  déserts,  ni  les 
neuves  débordés,  ni  les  vallons,  ni  les  montagnes.  Qui  que  vous  soyez,  nations 
armées  pour  la  guerre,  laissez-les  passer  ces  ambassadeurs  du  printemps  et  dt; 
l'automne,  ces  représentants  pacifiques  de  Pomone  et  de  Flore,  ces  Talley- 
rands  modestes  et  passionnés  de  toutes  les  beautés  naturelles;  laissez-les  pas- 
ser, car  on  n'en  veut  ni  à  vos  frontières,  ni  à  vos  rivages,  ni  à  vos  chartes,  nia 
vos  despotes;  tout  au  plus  veut-on  ramasserquelques  poissons  dans  vos  neuves, 
deux  ou  trois  coquilles  sur  les  bords  de  vos  mers,  quelques  graminées  incon- 
nues sur  le  sonunet  de  vos  montagnes,  un  bouton  dans  vos  jardins,  un  pépin 
dans  vos  vergers,  un  oiseau  qui  chante  sur  la  branche  de  vos  arbres  en  fleurs. 
Voilà  tout  ce  qu'ils  demandent,  les  envoyés  du  noble  jardin  ;  et  comme  échange 
naturel  de  cette  modeste  récolte  dans  vos  plantations,  dans  vos  brujères,  dans 
vos  rochers,  dans  vos  sables,  dans  les  tanières  de  vos  lions  et  de  vos  tigres, 
ils  vous  apporteront  nos  plus  belles  fleurs,  nos  plus  beaux  arbres,  les  fruits  les 
plus  savoureux,  les  graines  les  plus  fertiles,  leurs  animaux  les  plus  fidèles, 
leurs  oiseaux  les  plus  chanteurs.  Aussi  telle  est  la  force  toute-puissante  de  la 
paix  et  de  la  bonté  parmi  les  hommes,  telle  est  l'attraction  inévitable  de  celte 
chose  divine,  appelée  la  bienveillance  que,  seuls  dans  ce  monde,  les  ambassa- 
deurs du  Muséum  sont  assurés,  même  parmi  les  peuples  les  plus  féroces,  de 
rencontrer  les  plus  tendres  sympathies.  Le  missionnaire  lui-même,  qui  porte 
l'Evangile  dans  sa  robe  noire,  comme  ce  Romain  qui  portait  la  paix  ou  la 
guerre  dans  le  pli  de  son  manteau,  le  missionnaire  lui-même  n'est  pas  au- 
tant le  bienvenu  que  ces  missionnaires  de  la  science,  tous  chargés  de  ces  opu- 
lentes corbeilles.  Par  une  espèce  de  transaction  tacite  qui  n'est  inscrite  dans 


LE  JAIUHN   DKS   PLANTES.  \i.iii 

aucun  de  nos  traités  internationaux,  il  a  été  convenu  qu'en  tous  temps,  en  tous 
lieux,  à  toute  heure  de  la  paix  ou  de  la  guerre  universelle,  passerait  le  commis 
voyageur  du  Jardin  des  Plantes.  11  est  neutre,  ou,  pour  mieux  dire,  il  appar- 
tient à  la  civilisation  tout  entière  ;  il  peut  crier,  lui  aussi,  à  chaque  obstacle  du 
chemin,  son  civis  sum  romamis!  inviolable  et  sacré.  iNon-seulement  il  a  droit 
d'asile,  mais  encore  il  a  le  droit  de  cueillir  et  de  ramasser  tout  ce  qui  se  ren- 
contre en  son  chemin  ;  chaque  plante  tombée  du  sein  de  Dieu,  fécondée  par 
la  rosée,  mûrie  par  le  soleil,  chaque  animal  vivant  ou  mort,  appartient  de 
droit  à  ce  conquérant  pacifique.  On  irait,  mais  en  vain,  dans  les  annales  de 
toutes  les  sociétés  humaines  pour  rencontrer  une  institution  égale  à  celle-là, 
et  notez  bien  qu'elle  s'est  faite  par  la  force  des  choses,  qu'elle  existe  indépen- 
damment de  tout  ce  qui  est  l'autorité  et  la  puissance,  comme  vivent,  en  fin 
de  compte,  toutes  les  choses  humaines  qui  reposent  sur  l'utilité  et  sur  le  dé- 
vouement. 

11  est  bien  entendu  que  cette  noble  mission,  à  travers  les  forêts,  les  plantes, 
les  océans  et  les  déserts  de  ce  monde,  devait  avoir  ses  martyrs.  La  vie  n'a  été 
donnée  à  l'homme  que  pour  la  pouvoir  sacrifier,  comme  on  donne  une  der- 
nière preuve  d'obéissance  et  de  respect,  à  ses  espérances  et  à  ses  convictions. 
Tel  s'est  fait  tuer  à  Austerlitz,  à  Wagram,  à  Waterloo,  pour  avoir  son  nom 
écrit  dans  le  bulletin  impérial,  qui  ne  comprendrait  pas  que,  pour  compléter 
son  herbier,  un  jeune  savant  de  trente  ans  aille  chercher  la  peste  et  la  mort  sur 
les  montagnes  de  l'Uimmalaya.  Celui-ci  veut  bien  prendre  à  lui  seul  toute  une 
batterie  de  canons  qui  tonnent,  mais  il  fuirait  épouvanté,  s'il  lui  fallait  aller 
dérober  dans  son  antre  les  petits  d'un  tigre  et  de  sa  femelle.  Dieu  merci!  de 
quelque  genre  que  soit  la  gloire  que  l'on  cherche,  c'est  toujours  la  gloire. 
Christophe  Colomb  n'a  pas  été  plus  heureux  et  plus  fier  quand  il  eut  découvert 
un  nouveau  monde,  que  le  fut  Cuvier,  lorsqu'il  eut  retrouvé,  dans  les  débris  de 
la  création,  quelques-uns  des  animaux  que  le  premier  déluge  croyait  avoir  em- 
portés avec  lui.  Le  savant  Tournefort  s'estime  tout  autant  pour  avoir  donné 
son  nom  à  des  plantes  sans  baptême,  qu'Herschel  lui-même  pour  avoir  impo.sé 
son  nom  à  une  comète  errante  dans  les  espaces  du  ciel.  C'est  là  un  des  charmes 
de  la  science  ;  il  n'y  a  pas  une  science  si  petite  qu'elle  soit,  et  si  restreinte, (pii 
n'ait  son  immensité  et  sa  grandeur.  Ne  vous  étonnez  donc  pas  que  le  Jardin 
des  Plantes  ait  porté  plus  d'une  fois  le  deuil  de  ses  missionnaires  les  plus 
intrépides:  M.  de  Godefroy,  mort  à  Manille  dans  une  émeute;  M.  Havet,  mort 
à  Madagascar,  épuisé  de  fatigues,  et  enfin  un  homme  sur  lequel  nous  vous 
devons  quelques  détails,  un  jeune  et  intrépide  naturaliste  qui  était  en  même 
temps  un  grand  écrivain,  l'honneur  impérissable  du  Jardin  des  Plantes,  mort 
au  bout  du  monde,  mort  à  trente  ans,  mort  entouré  d'estime,  de  pitié  et  dé 
regrets,  mort  loin  de  son  père,  loin  de  ses  amis  et  de  la  gloire,  j'ai  nommé 
Victor  Jacquemont.  En  1 829,  M.  Victor  Jacquemont  était,  comme  la  plupart  des 
jeunes  gens  de  quelque  valeur  sous  la  restauration  (elle  s"est  perdue  pour  ne 
pas  les  avoir  reconnus  ),  un  jeune  homme  sans  emploi  et  sans  fortune,  mais  plein 
de  zèle,  plein  de  courage,  savant  comme  un  vieillard,  ardent  comme  un  jeune 
homme,  intrépide  comme  un  soldat,  quelquefois  même  c'était  un  poète,  poète 
à  ses  heures,  quand  il  avait  le  temps.  Son  oisiveté  pesait  à  ce  jeune  homme  ;  il 


XLiv  LE  JARDIN  DES  PLANTES. 

sentait  en  lui-même  ce  quelque  chose-là  qui  poussait  André  Chénier.  Le  Jardin 
des  Plantes  s'empara  de  Jacquemont.  On  lui  donna  pour  commencer  l'exploi- 
tation scientifique  de  Tlnde  anglaise;  les  appointements  étaient  des  plus  mé- 
diocres. Le  Jardin  des  Plantes,  lui  aussi,  tout  comme  saint  Paul,  ne  promet 
guère  à  ses  apôtres  que  le  vêtement  et  la  nourriture,  victumel  vestiiuvi.  Jac- 
quemont s'embarqua  à  Brest,  au  mois  de  septembre  1828;  il  allait  si  loin, 
que,  tout  hardi  qu'il  était,  il  avait  peine  à  regarder  en  face  le  but  de  son 
voyage.  Tous  les  voyages  autour  du  monde  se  ressemblent;  c'est  toujours 
la  mer,  ce  sont  les  mêmes  îles,  toujours  l'Espagne,  le  pic  de  Ténériffe,  la  ligne 
qu'il  faut  passer  avec  de  folles  cérémonies;  toujours  le  Brésil  habité  par 
une  centaine  de  vicomtes  et  de  marquis,  par  quelques  milliers  de  fripons  à 
peu  près  blancs,  par  un  nombre  effroyable  d'esclaves  à  peu  près  nus  ;  arri- 
vent ensuite  Bourbon,  Pondichéry,  Cayenne,  toutes  sortes  d'histoires  toutes 
faites.  11  faut  avoir  bien  de  l'imagination  et  de  l'esprit  pour  trouver  à  dire 
quelque  chose  de  nouveau  à  propos  de  ces  parages  parcourus  si  souvent ,  et 
par  des  hommes  si  divers.  A  la  fin  donc  voici  Victor  Jacquemont  en  Asie,  le 
voilà  en  présence  de  lord  Bentinck,  cet  homme  qui,  sur  le  trône  du  grand 
mogol,  agit  et  pense  comme  un  quaker  de  Pensylvanie.  Là  commence  l'œuvre 
de  notre  voyageur  ;  il  apprend  la  langue  persane,  il  étudie  dans  son  vaste  en- 
semble le  jardin  botanique  de  C-alcutta,  tous  les  végétaux  de  l'Inde  anglaise, 
préparant  ainsi  à  loisir  cette  expédition  dont  la  fin  devait  être  si  funeste.  C'est 
ainsi  qu'en  six  semaines  il  fit  une  connaissance  honnête,  sinon  complète, 
avec  le  multam  sine  nomine  ptebeni  de  la  végétation  indienne.  Tout  d'abord  la 
cour  de  lord  William  Bentinck,  tous  ces  Anglais  efTéminés  de  l'Orient,  ces  usur- 
pateurs souverains  du  royaume  du  grand  mogol  ne  comprenaient  rien  à  la 
vocation  de  ce  grand  fluet  de  Parisien ,  en  habit  étriqué  et  brûlé  par  l'eau 
de  mer,  qui  venait  de  si  loin  pour  s'évertuer  sur  les  herbes,  les  pierres  et  les 
bêtes  de  leur  pays.  Ces  Anglais  qui  ne  marchent  que  suivis  d'une  armée  de 
serviteurs,  ces  colonels  à  .52,000  fr.  d'appointements  par  année,  ne  se  ren- 
daient pas  bien  compte  de  la  profession  de  Jacquemont,  de  son  titre,  de  la 
misérable  simplicité  de  son  appareil  ambulant.  Mais  cependant,  rien  qu'à  le 
voir  et  à  l'entendre,  on  eût  compris  bien  vite  la  haute  portée  de  ce  jeune 
homme.  Chacun  lui  tendit  une  main  favorable,  lord  William  Bentinck  l'adopta 
comme  son  fils;  ce  fut  à  qui  reconnaîtrait  par  toutes  sortes  d'empressements  et 
de  respects  ce  noble  dévouement  à  la  science.  Ainsi  toutes  les  routes  lui  fu- 
rent ouvertes,  mais  quelles  routes  dilTiciles!  11  fallait  passer  sous  l'équateur 
pour  vivre  parmi  les  neiges  éternelles ,  dans  une  hutte  enfumée  ;  il  fallait 
voyager  tout  seul,  presque  sans  escorte,  couché  sous  une  tente  brûlante  à  midi, 
glaciale  le  soir,  s'arrêter  à  chaque  pas  pour  ramasser  des  herbes  et  des  pierres, 
et  ce  qui  est  le  plus  triste,  n'être  pas  soutenu  par  l'enthousiasme,  ce  frêle 
soutien  qui  vous  porte  un  instant  dans  le  ciel,  pour  vous  rejeter  tout  moulu 
et  tout  brisé,  sur  la  terre.  Bien  plus,  il  fallait  commander  le  silence  à  la  poé- 
sie, remplacer  l'imagination  par  la  science,  contempler  le  monde,  non  pas  en 
acteur  passionné,  mais  en  spectateur  critique  et  désintéressé  de  ces  scènes 
diverses  :  telle  était  la  tâche  de  Jacquemont,  tâche  stérile,  mais  utile  ;  la  science 
devait  profiter  de  toutes  les  douces  joies  que  le  voyageur  allait  perdre.  Le 


LE  JARDIN   DES   PLANTES.  XLV 

sang-froid  de  cet  homme,  déjà  épuisé,  devait  rejaillir  sur  les  observations  de 
cet  incfénieux  esprit.  11  aura  beaucoup  moins  d'admiration  pour  la  chaîne 
centrale  de  l'IIimmalaya,  mais  en  revanche  il  poussera  beaucoup  plus  loin  ses 
belles  recherches  géologiques  ;  il  ira,  non  pas  s'evtasier  devant  la  haute  vallée 
du  Sutlege,  mais  il  passera  six  mois  d'étude  et  de  travail  dans  ces  sites  élevés 
de  dix  mille  pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  mais  il  composera  à  loisir  ses 
collections  d'histoire  naturelle,  mais  il  laissera  des  traces  éternelles  de  son  pas- 
sage dans  ces  déserts  où  n'est  pas  arrivé  encore  un  seul  homme  de  son  métier. 
Ce  qui  fait  le  charme  du  voyage  de  Jacquemont,  Dieu  nous  pardonne  si  nous 
blasphémons  !  c'est  l'absence  de  toute  espèce  d'enthousiasme  ;  cela  ne  ressemble 
en  rien  à  l'émotion  intérieure  de  M.  de  Chateaubriand  dans  Athènes,  dans  Jéru- 
salem, non  plus  qu'à  cette  admirable  description  du  nouveau  monde  ;  c'est  en 
revanche  une  ironie  fine,  gracieuse,  légère,  amicale;  le  causeur  et  le  savant  s'y 
montrent  à  la  fois  dans  leur  plus  aimable  négligé.  Même  dans  les  montagnes  de 
l'Hinunalaya,  ce  jeune  homme  se  souvient  de  Paris,  de  l'atlicisme  parisien,  de  la 
conversation  parisienne;  l'isolement  lui  pèse  sans  l'accabler;  perdu  si  loin  de  son 
pays,  perdu  dans  les  déserts  glacés  des  plus  hautes  montagnes  du  monde,  il  ne 
songe  même  pas  à  se  défendre  contre  l'ennui;  l'ennui  ne  peut  rien  contre  une 
Ame  ainsi  trempée  ;  il  obéit  nettement ,  franchement  à  la  destinée  cju'il  s'est 
faite,  il  est  calme  parce  qu'il  est  fort  ;  il  ne  s'occupe  pas  si  entièrement  des  ar- 
brisseaux et  des  plantes,  qu'il  n'ait  un  coup  d'œil  pour  cette  France  qu'il  a  lais- 
sée toute  remplie  d'agitations  et  d'inquiétudes.  Que  fait-on  là-bas?  que  dit-on? 
comment  se  gouvernent  ces  intérêts  et  ces  passions  qui  menaçaient  d'envahir 
l'Europe  et  le  monde?  Où  en  est  la  Grèce,  où  en  est  Alger,  où  en  est  l'Angle- 
terre? A  toutes  les  questions  qu'il  s'adresse  lui-même  au  fond  de  ces  déserts, 
la  France  répond  par  la  révolution  de  juillet.  11  lit  dans  la  Gazette  de  Catcuita 
les  mêmes  mots  anglais  qui,  à  cinquante  ans  de  distance,  avaient  déjà  ré- 
veillé M.  de  Chateaubriand  dans  ses  déserts  :  Tlic  new  freridi  revoluiion,  avec 
cette  différence  cependant  que  M.  de  Chateaubriand  le  gentilhomme,  appre- 
nant que  son  roi  va  être  mis  à  mort,  abandonne  tout  d'un  coup  cette  sécurité 
brillante  et  charmante  des  déserts  américains,  pour  se  rejeter  dans  les  tem- 
pêtes et  dans  le  sang  de  la  France,  pendant  que  le  sceptique  Jacquemont, 
après  avoir  écouté  de  loin  le  grand  bruit  des  trois  jours,  s'enfonce  de  plus 
belle  dans  les  déserts  et  dans  la  science.  Que  lui  importe,  en  effet,  la  iietu  frencli 
revoliuiou!  que  lui  importe  ce  vieux  roi  qui  s'en  va  loin  du  trône  qu'il  n'a  pas 
su  défendre,  pourvu  seulement  que  le  Jardin  des  Plantes  ne  soit  pas  ravagé 
par  la  multitude,  pourvu  que  sa  modeste  pension  lui  soit  conservée,  pourvu 
qu'il  puisse  revenir  quelque  jour!  En  attendant,  il  cueille  des  fleurs  pour 
sa  cousine ,  une  anémone  parmi  les  neiges  de  la  source  du  Gumna,  une 
primevère  dans  les  alpes  du  Thibet,  neurissant  le  long  d'un  sentier  cou- 
vert de  neige  à  une  hauteur  supérieure  à  celle  du  Mont-Blanc;  et  encore  plus 
haut  que  la  primevère,  une  simple  violette  !  Ce  sont  là  ses  conquêtes,  la  révo- 
lution de  juillet  n'en  a  pas  tant  conquis. 

Uien  n'est  aimable  à  voir  et  à  suivre  comme  ce  jeune  homme,  parcourant 
d'un  pas  ferme  et  d'une  âme  forte  les  positions  les  plus  dilTiciles  et  les  plus 
curieuses  de  l'Asie.  Dans  ces  tristes  rovaumes  de  la  force  matérielle  où  le  mot 


XLVi  LE  JAlUMiN    DES  PLANTES. 

de  justice  est  à  peine  inconnu,  cet  homme  seul  et  pauvre  se  fait  respecter  par 
l'unique  ascendant  de  ses  lumières  et  de  son  bon  droit.  Les  voleurs  qu'il 
rencontre  en  son  chemin,  il  les  tient  en  arrêt  par  la  toute-puissance  de  son 
regard;  les  plus  aiïreux  despotes  de  l'Orient,  il  les  dompte,  et  quand  ils  sont 
vaincus,  il  les  force  à  lui  apporter  même  leur  respect,  que  dis  je?  même  leur 
argent.  C'est  ainsi  qu'il  a  passé  par  le  royaume  de  Lahore,  et  qu'il  a  fait  de 
lUinjet-Sing,  le  roi  soupçonneux  de  ces  contrées,  une  espèce  d'esclave  obéis- 
sant et  dévoué.  C'est  une  histoire  des  plus  curieuses  ;  elle  est  racontée  avec 
beaucoup  de  verve,  d'esprit  et  de  bonne  humeur.  Notez  bien  que  ceci  se  passait, 
pour  ainsi  dire,  au  moment  où  il  n'était  question  que  de  l'Orient  en  poésie  ; 
c'était  le  temps  où  on  lisait  encore  les  Orientales,  c'était  le  temps  où  M.  de 
Lamartine  allait  partir  pour  retrouver  dans  la  Terre-Sainte  les  traces  de  M.  de 
Chateaubriand.  Victor  Jacquemont  faisait  encore  mieux  que  le  grand  poëte, 
il  allait  dans  des  pays  inconnus,  et  ces  pays  inconnus  il  les  étudiait,  non-seu- 
lement dans  leurs  ruines,  mais  encore  dans  le  plus  petit  fragment  de  leurs 
montagnes,  dans  la  plus  imperceptible  fleur  de  leurs  jardins.  C'est  là,  au  reste, 
le  beau  moment  de  la  vie  de  Jacquemont;  jamais  les  vives  puissances  de  son 
esprit  n'ont  jeté  au  loin  plus  d'éclat  et  plus  de  grandeur.  Si  nous  pouvons  juger 
la  science  de  cet  homme  par  sa  prévoyance  politique,  on  ne  saurait  trop  ad- 
mirer l'une  et  l'autre.  De  si  loin  il  juge  à  merveille  les  hommes  et  les  choses 
de  la  révolution  de  juillet;  il  s'étonne  de  voir  ces  hommes  si  vieux  se  mêler  à 
des  choses  si  nouvelles.  Quels  regrets!  quand  on  pense  que  peu  à  peu  la  mort 
arrive,  qu'elle  va  le  surprendre  au  milieu  de  ses  travaux  commencés,  que  le 
climat  funeste  étend  peu  à  peu  son  horrible  intluence  autour  de  ce  savant  et 
malheureux  jeune  homme!  Cependant  il  faut  obéira  la  nécessité.  Tout  à  coup 
.lacquemont,  si  bien  portant  la  veille,  se  sent  pris  par  de  sourdes  douleurs. 
Comme  il  était  tant  soit  peu  un  médecin,  il  voulut  résister  et  se  défendre;  le 
mal  résista  au  médecin  et  au  malade  réunis.  Jacquemont  voulait  vivre,  la  vie 
pour  lui  était  si  belle,  il  avait  si  grande  envie  de  revoir  son  père,  et  son  frère, 
et  ses  amis,  et  cette  France  qu'il  aimait.  Vains  efforts!  vaine  espérance!  il  faut 
mourir,  il  faut  ne  plus  revoir  personne;  il  faut  mourir  seul.  Il  avait  pris  son 
mal  dans  les  forêts  empestées  de  l'île  de  Salsette,  à  l'ardeur  du  soleil,  dans  la 
saison  la  plus  malsaine.  A  peine  sut-on  qu'il  était  malade,  que  l'hospitalité  la 
plus  empressée  s'empara  de  Jacquemont.  Sa  maladie  dura  trente  jours,  la 
souffrance  fut  horrible,  la  raison  resta  nette  et  forte  jusqu'à  la  fin.  «  Ma  fin, 
disait-il  à  son  frère,  est  douce  et  tranquille.  Si  tu  étais  là  assis  sur  le  bord  de 
mon  lit,  avec  notre  père  et  Frédéric,  j'aurais  l'àme  brisée,  et  je  ne  verrais  pas 
venir  la  mort  avec  cette  résignation  et  cette  sérénité.  Console-foi,  console  notre 
père,  consolez-vous  mutuellement,  mes  amis. 

(I  Mais  je  suis  épuisé  par  cet  effort  d'écrire,  il  faut  vous  dire  adieu!  adieu  ! 
Oh!  que  vous  êtes  aimés  de  votre  pauvre  Victor!  Adieu!  pour  la  dernière 
fois! 

«  Étendu  sur  le  dos,  je  ne  puis  écrire  qu'avec  un  crayon.  De  peur  que  ces 
caractères  ne  s'effacent,  l'excellent  M.  ISicol  copiera  cette  lettre  à  la  plume, 
afin  que  je  sois  sûr  que  tu  puisses  lire  mes  dernières  pensées.  » 

Tel  est  l'homme  que  l'histoire  naturelle  a  perdu  à  l'instant  même  où  cet 


Lï,  iAU 


l'L.'v.NlLS  XLVn 

';■  '^'Mont  app*ij'.  v.i,  ,.,.,,,  ,i  i  histom' 
jvnu.ï  utiles,  par  foiit«s  sord-s 
;s.  Deux  boin? 


i'  'iniiK      MUiii  ''I  1 1\<'!    ft  tOUl(-     • 

(Su  Jisrdin  àcs  IMaiktcs  par 
(i(?  •('gvets,  dci;[i!'»raiifes  df< 
I  «'slonî  dont  iM'aut  parler,^  ■  n..      .^ 

Ips  travaux  et  la  ploiro.  taii^ 

Ces  deux  hommes,  t     :  ta  .^^  k-m.':,  .oiis  ;•_>  .^^^^  uej-t  ..ojnn.cs,  r  .■•■ 

M    CconVoy  SaiDt-Hilaii .  .  :.:r.  La  lutte  mémoîable  dool  imiîon  et  Ijih;*.' 

p.iw.iil  ionné  l'exemple  au  milieu  du  diX'-huitième  siècle,  Oe»  ffroj  Saint-Hi- 
1.  il».'  et  Cuvier  l'ont  reproduite  de  nos  jours;  inu  et  l'autre,  il*  sont  les  chef^ 
respectés  de  deux  écoles  np;  -,  (■♦.  1,'nn  se  eontente  do  classer  î-t  de  dérrlrn. 
l'autre  Va  plus  loin,  il  .des  rapports  et  des  causes  secc. 

(le  l'humanité;  celui-ci  liiarciie  a  n  i^^".'.  d'une  foale  immense  de  zoologist  -, 
celui-là  ne  vient  qu'à  la  suite  de  Huffon  ;  l'un  a  pris  pour  sa  devise  ces  i  ■ 
mois  célèbres  :  Classer,  décrire  et  nommer ,  l'autre  veut  étn.'  avant  tout  ';; 
inventeur.  Le  {  retnier  a  adopté  l'œuvre  de  Linné,  en  la  perfectionnant,  '«■ 
second  a  perfectionné  l'œuvre  de  BufTon  en  l'agrandissant  ;  ils  resi'P"^!)»  :>  eo\ 
deux  toute  h!  science  :  son  passé,  son  présent,  son  avenir  (les  u 

!res-grandssans  doute,  lun  et  lantre,  sont  deux  enfimlsdu  .Mus.  :;  .,,  .79!, 
iieoffroy  Sainl-llilairc  était  professeur  de  zoologie  au  Muséum  d'Justoire  natu- 
r*  j!r    ii  à  celte  gloire  qui  est  devenui'  la  i  '>îre.  Il  reçut 

I'       ;-'  ;. une  inconnu  qui  devait  ètie  un  srand  naturaliste, 

"nez.  Cet  iiommc  arrive,  Geoffroy  Saint-Hilaire  partaffr: 
■'S  travaux;  ce  nouveau  \e' 
<  raconteront  les  travaux  de 
Saint-Hil  :  ^rne  successeur  dans  son  îils  Iridore.  Quant 

à  r.(  ■n:.c,>  (,ii  i  r,  ic  ciiMi-'ia  tu  emporté  au  milieu  de  Paris,  comme  il  a  em- 
pork'  \  iclor  Jacquemont  au  milieu  de  i'inde  anglaise.  Nous  avons  suivi  le 
noMe  cercueil  ùv  Cuvier,  et  nous  avons  pu  juger  de  ce  que  pouvait  être  la 
douleur  d'une  grande^  nation.  Génie  égal  au  génie  d'Aristote,  hommv-  'jui 
savait  toutes  chosesr  esprit  infatigable,  cet  homme  <*  vetntuvé  1  histoire  ue  la 
'  ié:.tion,  qui  sélait  perdue.  Il  est  venu  en  aide  à  l'histoire  de  l'anatomie 
comparée,  et  il  en  a  fait  !a  plub  belle  des  grandes  sciences  ;  il  a  donné  un  nou- 
veau caradèfe  à  tous  les  genres  qu'il  a  cultivés.  Pans  ses  leçons  éloquentes 
t'îitr.*  toutes,  l'histoire  des  scie4ices  est  devenue  l'histoire  de  l'esiirit  huniiin. 
■  ;:i  voulu  mettre  l'esprit  humain  à  lexpéricnce,  »  disait-il.  C'<  >l  Imi"  (;ui  a  créé 
î  "n  ment  de  l'anatomie  comparée  au  Jardin  des  Plan:  >ui  qui  a' 

ine  simple  diaire  d'histoir.  î  vérila- 

I  •  des  sciences   Vou!oz-vou^  graphie, 

elle  est  dans  toutes  les  mémoires.  U  est  né  le  25  août  1 7(>9  à  Montbéliard  une 
ville  devenue  française.   '■  <  -  ..^...^^^^^  mbrc  était  belle  et  d'un 

arand  o>prit,etde  bonne  h»  :  a  fiLs  à  nirnî'r  l'histoire,  la  litté- 

rature, les  beaux-arts,  la  curiosité  de  toult^s  diosfs.  Le  premier  livre  qu'il  lut 
avec  admiration,  ce  fut  i'HitiGire  no""  •■■■  »  •  ^  ^t.  avec  ['Histoire  vatv- 
reJlc,  le  Sijf^icmc  de  la  nninrc  de  \Àu-  'ipor-f^iit  le«;  livres"?  la 

mer  et  la  terreT'^'oiià  ses  grands  livres  .  vwua  k  livre  qu  il  lit  la  nuit  et  le  joui. 
.\insi  i!  !r,T:\!i  à  Paris  Iv.wl  nrn;é  di^  scirÉUi  *■'  (f.>lisor\,'.f  ions,  ainsi  iî  t'ntr.i  an 


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XLVlll  LL  JARDIiN  DES   I'Lx\NTES. 

Jardin  dos  Plantes  en  1802;  il  était  secrétaire  de  l'Institut  en  1803;  en  1808  il 
était  membre  du  conseil  de  l'Université.  11  sulTisait  à  tous  ces  travaux  si  divers; 
on  mémo  temps  il  créait  au  Muséum  des  collections  si  belles,  «  qu'il  ne  croyait 
pas,  disait-il,  avoir  été  moins  utile  à  la  France  par  ses coUcciions  seules  (jucpai 
mus  ses  nulles  ouvrages.  »  La  vie  de  cet  homme  est  si  remplie,  qu'elle  fait  peur, 
(".liaque  heure  de  la  journée  avait  son  travail  marqué,  chaque  travail  avait  son 
cabinet  qui  lui  était  destiné  ;  il  passait  sans  transition  aucune  d'un  travail  à  un 
autre.  Il  eût  été  impossible  de  retrouver  dans  la  première  minute  de  l'heure 
suivante  l'homme  de  l'heure  qui  venait  de  s'écouler. 

Le  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris  n'est  pas  seulement  le  premier,  le 
plus  beau,  le  plus  riche  de  tous  les  établissements  de  ce  genre,  il  en  est  en- 
core, et  cola  vaut  mieux,  le  plus  noble,  le  plus  libéral.  Ouvert  au  public  plu- 
sieurs fois  par  semaine,  il  l'est  toujours  aux  personnes  studieuses  qui  veulent 
feuilleter  le  grand  livre  de  la  nature.  Nulle  part  au  monde  on  ne  trouve  un 
tel  concours  de  richesses,  et  nulle  part  ces  richesses  ne  sont  plus  accessibles  à 
tous.  La  courtoisie  française  ne  fait  acception  de  personne  :  les  pièces  les  plus 
rares,  les  échantillons  les  plus  précieux,  les  catalogues  les  plus  laborieusement 
achevés,  sont  tenus  à  la  disposition  de  quiconque  en  a  besoin  ;  Anglais,  Alle- 
mands, PiUSses,  Italiens,  Américains,  tous  sont  accueillis  à  ce  vaste  banquet 
scientifique,  et  tous  en  sortent  pleins  de  gratitude  pour  celte  hospitalité 
royale.  C'est  que  la  France  est  gVande  et  généreuse,  c'est  qu'elle  ne  connaît 
pas  cetégoïsme  étroit  qui  entasse  des  richesses  inutiles  et  qui  refuse  la  lumière 
à  ceux  qui  viennent  s'asseoir  à  son  foyer  ;  c'est  qu'elle  comprend  la  véritable 
fraternité  des  nations  et  qu'elle  sent  bien  que  la  science  ne  peut  être  ni  par- 
quée comme  les  peuples,  ni  limitée  comme  les  empires  II  s'agit  ici  du  do- 
maine de  la  nature,  des  droits  et  des  besoins  de  Ihumanité  tout  entière;  il 
y  aurait  crime  à  refuser  la  libre  communication  de  ces  trésors  qui  peuvent  être 
utiles  à  l'espèce  huiuaine. 

Allez  donc  visiter  le  Jardin  du  Roi ,  entrez  dans  cette  nouvelle  galerie  de 
minéralogie  qui  ressemble  pour  la  dimension  aux  plus  vastes  cathédrales, 
jetez  un  coup  d'oeil  sur  ces  armoires  qui  contiennent  des  fragments  de  toutes 
los  montagnes,  des  échantillons  de  toutes  les  terres,  des  minéraux  arrachés 
aux  entrailles  brûlantes  de  notre  globe.  Fxaminez  la  succession  merveilleuse 
des  couches  qui  forment  l'enveloppe  solide  de  notre  planète  et  les  divers 
corps  organisés  qui  apparaissent  graduellement,  depuis  l'informe  trilobite  des 
ardoisières  jusqu'aux  mammifères  fossiles  des  terrains  d'alluvions  modernes. 
Vous  y  trouverez  la  preuve  des  révolutions  antiques  de  la  terre  où  nous  vivons, 
vous  assisterez  au  développement  successif  des  êtres  organisés,  vous  aper- 
cevrez la  trace  des  pas  de  ces  grands  animaux  sur  quelques  roches  qui  se  sont 
lentement  durcies  et  ont  conservé  ces  prodigieuses  empreintes.  Vous  com- 
prendrez enfin  que  cette  nature,  reruui  uuvjna  parcus,  n'est  pas  seulement  un 
vain  spectacle  pour  les  curieux  désœuvrés,  mais  qu'elle  est  digne  de  nos  plus 
ferventes  adorations,  et  vous  serez  convaincus  que  l'étude  des  êtres  élève  l'ûme, 
agrandit  rintelligence  et  rend  l'homme  plus  heureux  parce  qu'elle  le  rend 
meilleur. 

Mais  que  faisons-nous?  de  quel  droit  aborder  un  sujet  pareil? d'où  nous 


LE  JARDIN   DES  PLANTES.  \Lix 

vient  celte  témérité  de  nous  niôler  aux  mystères  de  la  science?  Qui  sommes- 
nous?  que  pouvons-nous?  Tliouin  ,  Daubenton  ,  Desfontaines,  Fourcroy,  Lau- 
gier,  (]hevreul,  Brongniart,  Vauquelin,  Tournefort,  Lamarck,  Jussieu  ,  Lacé- 
pède,  Duméril,  Latreilie,  Mertrud,  de  Blainville,  Cordier,  Dubois,  Becquerel, 
Haùy,  leur  maître  à  tous;  Deleuze,  Delalande,  Valenciennes,  Louis  Dufresne, 
Antoine  Portai,  Jean-Paul  Martin,   M.  Rousseau,  M.  Laurillard,  M.  Regley, 
M.  Frédéric  Cuvier,  M.  Isidore  Geoffroy  ;  ce  sont  là  autant  d'hommes  qui  ont  le 
droit  de  tenir  leur  place  dans  cette  histoire,  si  nous  faisions  en  effet  l'histoire  ; 
comme  aussi  il  ne  faudrait  oublier  ni  M.  Leschenault  de  La  Tour,  ni  M.  Lesueur, 
ni  M.  Auguste  de  Saint-llilaire,  ni  M.  Diard,  ni  M.  Duvauccl,  ni  M.  Sauvigny, 
ni  M.  Fontanier,  les  prédécesseurs  heureux  de  MM.  Havez,  Godefroy  et  Victor 
Jacquemont.  En  fait  de  noms  propres,  nous  n'en  manquerions  pas  non  plus 
parmi  les  correspondants  du  Muséum.  A  leur  tète  il  faudrait  mettre  le  baron 
(leHumboldt,  cet  homme  illustre  qui  a  fait  pour  l'Amérique  presque  autant 
<iue  Ghristophe  Cohmib.  Gomme  aussi,  si  nous  écrivions  l'histoire  du  Jardin 
des  Plantes,  ce  serait  notre  devoir  de  vous  mener  par  la  main  à  travers 
ces  grandes  allées  de  tilleuls  plantés  par  M.  de  Buffon  en  ^740,  à  travers  ces 
belles  serres  toutes  modernes,  dans  ces  carrés  tous  remplis  de  genévriers,  de 
chênes,  de  mélèzes,  de  frênes  de  la  Caroline,  de  noyers  noirs  de  la  Virginie, 
de  merisiers  à  fleurs  douces,  de  pommiers  odorants,  dans  ces  parterres  consacrés 
aux  plantes  médicinales,  aux  plantes  indigènes  et  aux  plantes  exotiques.  ÎSous 
irions  de  là  dans  les  parterres  où  les  tièdes  souffles  du  vent  printanier  font 
éclore  chaque  année  les  plus  belles  plantes  vivaces,  les  fleurs  de  plates-bandes, 
et  après  les  fleurs,  les  arbrisseaux  autour  du  bassin  carré,  rosiers,  boules  de 
neige,  lilas,  fontanesia,  glaïeuls  ;  des  arbrisseaux,  vous  passez  aux  arbres  élevés 
dans  la  pépinière.  Parcourons  lentement  le  long  de  la  grille  du  côté  du  midi;  là 
vous  rencontrez  l'innombrable  famille  des  bruyères.  Ainsi  vous  arrivez  jusqu'à 
l'orangerie,  dont  les  murs  sont  couverts  de  plantes  grimpantes;  de  l'orangerie 
au  labyrinthe  il  n'y  a  qu'un  pas.  Là  s'élève,  dans  toute  sa  majesté  biblique,  le 
cèdre  du  Liban,  là  est  placé  le  tombeau  de  Daubenton,  ce  patriarche  de  l'his- 
toire naturelle.  On  peut  appeler  cette  colline,  la  double  colline;  elle  est  cou- 
verte d'herbe  que  l'on  fauche  chaque  année.  Dans  la  vallée  sont  placés  les  plus 
beaux  arbres  de  la  Nouvelle-Hollande,  du  cap  de  Bonne-Espérance,  de  l'Asie 
Mineure,  des  côtes  de  Barbarie,  arbres  frileux  qui  ont  passé  l'hiver  dans  la  serre 
chaude.  Ainsi  donc  nous  pourrions  faire  une  longue  et  utile  promenade;  mais 
encore  une  fois,  ceci  n'est  pas  une  histoire,  c'est  l'essai  d'un  homme  qui  aime 
les  beautés  de  la  nature,  sans  trop  les  comprendre;  qui  porte  en  ceci,  comme 
en  toutes  choses,  plus  d'imagination  que  de  science,  et  qui,  dans  ce  vaste  do- 
maine des  quatre  règnes  de  la  nature,  n'est  comme  vous  qu'un  simple  et  curieux 
voyageur,  un  badaud  du  Jardin  des  Plantes,  un  flâneur  ému  et  charmé  à  tra- 
vers tant  de  merveilles  venues  de  si  loin.  —  C'est  un  usage  des  voyageurs  qui  enri- 
chissent le  Muséum  d'une  plante  rare  ou  d'un  animal  curieux,  d'inscrire  leur 
nom  à  côté  de  leur  ofl'rande;  cette  petite  gloire  les  récompense,  et  au  delà,  de 
bien  des  dangers  et  de  bien  des  sacrifices;  et  moi  aussi,  j'ai  voulu,  à  l'exemple  de 
ces  voyageurs,  inscrire  mon  nom  quekiue  part  dans  ce  monument  brillant  que 
les  arts  et  la  science  élèvent  à  l'histoire  naturelle.  J'ai  dit.  comme  il  est  dit  dans 


I,  LE  JAKDIN   DES  PLANTES. 

Virgile  :  «  Ne  me  refusez  pas  une  petite  place  dans  le  récit  de  ces  grandes 
choses  ;  » 

Mené  igitur  sociuni  summis  adjungere  rébus, 
Nise.  fugis? 

Et  cet  honneur  ne  m'a  pas  été  refusé. 


E5^ 


]L1  JAEMl  DES  PILÂIMTES 


DESCRIPTION  DU  JARDIN. 


L'enU'oe  principale  du  jiudiii  (1)  est  celle  qui 
donne  sur  le  (piai  d'Auslorlilz  ;  elle  existe  depuis 
1784.  Une  belle  place,  qui  la  sépare  de  la  Seine 
et  du  pont  d'AusIerlilz,  offre  au\  voitures  un 
lieu  de  station  foit  commode.  Outre  cette  porte, 
placée  au  c«'nlre  d'une  longue  grille  circulaire, 
il  y  en  a  ein(|  autres  :  celle  du  (luai  de  la  Toiir- 
nelle  (2)  et  celle  de  la  place  de  la  Pitié  (3),  tou- 
tes deux  nouvellement  ouvertes  et  faisant  les 
deux  coins  exirènies  de  la  l'ue  Cuvier  ;  la 
|)orte  donnant  sur  la  rue  du  .lardin-dii-Roi,  ou- 
verte en  1808  (4),  également  très-fréquenlée 
par  les  étudiants  et  pnr  les  visiteurs  du  Cabinet 
d'histoire  naturelle,  elle  fait  face  à  la  maison  (7()) 
qu'habitait  Buffon;  la  porle  de  la  rue  Cu- 
vier (5i,  presque  aussi  ancienne  que  celle  d'Aus- 
lerlitz,  enfin  la  porle  de  la  rue  de  Ruffou  ((i),  la 
moins  fréquentée  de  toutes. 


Nous  allons  supposer  que  le  visiteui'  entre 
parla  porte  d'AusIerlitz  (I),  et  nous  dirigerons 
sa  marche,  soit  sur  les  lieux  mêmes,  soit  sur  le 
plan  joint  à  cet  ouvrage,  de  manière  à  ce  que  rien 
d'intéressant  ne  lui  ('chappe  dans  la  promenade 
qu(;  nous  allons  faire  avec  lui. 

En  entrant,  en  face  de  nous,  nous  embrassons 
(lu  premier  coup  d'œil  tout  l'ancien  jardin,  res- 
serré entre  trois  magniliques  avenues  de  tilleuls 
et  de  marronniers  d'Inde  ;  la  perspective  de  ce 
jardin  sj  métrique,  planté  dans  le  goût  de  nos 
pères,  se  termine  par  la  façade  d'un  édifice  (7.  qui 
renferme  le  Cabinet  d'histoire  naturelle  zoolo- 
gique. Les  quatre  premiers  carrés  que  nous  ren- 
controns en  face  de  nous  (8t  sont  enlièrement 
consacrés  à  la  cnMwrc  des  piaules  médicinales, 
non-seulement  dans  un  but  d'étude  pour  lés  élè- 
ves pharmaciens,  niais  encore  pour  en  faire  aux 


'    Li's  miiinMos  |.l.^c^■^  (  ntie  |i,iriiillii 


LK  JAUDIN    1>I':S  l'LANTES. 


jwuM-es  (K's  (listril)iilioiis  gialiiilfs;  plus  loin 
MHit  quatre  nul res  carrés  ^9)  iioinniés  du  Vlm- 
ristc,  itaus  Ifsfiui'ls  on  cultive  les  plus  belles 
plantes  vivaces  propres  à  l'ornement  des  i)ar- 
Icrrcs.  Pailes  soins  intelligents  des  jardiniers, 
ces  carres  offrent  depuis  le  printemps  jusqu'aux 
premières  gelées  une  succession  non  interrom- 
pue des  Heurs  les  plus  belles  et  les  plus  rares. 

Vient  ensuite  le  Carré  rrcitx  (tO  ;  c'était  au- 
Irefois  un  vaste  bassin  creusé  en  pente  douce 
jusqu'au  niveau  des  eaux  de  la  Seine,  qui  s'y 
rendaient  par  inlillration.  Il  était  destiné  par 
IJuffon,  qui  le  Ht  creuser,  à  conserver  et  élever 
(les  plantes  aqualitpies.  Sur  ses  rives  en  pente 
on  voyait  se  promener,  parmi  des  bosquets 
plantés  d'arbrisseaux  fleuris,  une  foule  d'oiseaux 
a(]uatiques  au  plumage  le  plus  varié,  tandis  que 
d'autres  nageaient  avec  grâce  sur  la  surface  des 
ondes  ou  plongeaient  dans  leur  sein.  Ce  vaste 
bassin,  le  seul  qu'il  y  eût  au  jardin  des  Plantes, 
a  été  comblé,  je  ne  sais  pourquoi.  Aujourd'hui 
ce  n'est  plus  qu'un  carré  bizarrement  enfoncé, 
et  planté  de  fleurs  et  d'arbrisseaux. 

Voici,  après  le  Carre  creux,  la  Pépinière  (1  P, 
dans  laquelle  on  élève  les  arbres  et  arl)risseaux 
destinés  à  la  planlationct  à  l'entretien  du  jardin. 
Plus  loin  sont  les  quatre  carrés  Chriplnl  {\2\,  des- 
tinés à  la  naturalisalion  des  plantes  étraugéresde 
pleine  terre.  Au  milieu  de  ces  carrés  se  trouve  un 
petit  l)assin  de  pierre  (13)  d'une  construction  sin- 
gulière. Il  a  la  forme  d'une  coupe  portée  sur 
un  pie  I,  et  l'on  peut,  dit-on,  faire  le  t  lur  de  ce 
pied  par  un  passage  souterrain.  Parveims  là, 
nous  avons  en  face  de  nous  le  Cabinet  de  zoolo- 
gie "t),  i\  gauche  la  Riblioth  que  et  les  Cabinets 
de  mméralogie,  de  géologie  et  de  bo!anique. 
dans  un  magnifique  bâtiment  neuf  I4>,  à  droite 
les  serres  immenses  construites  il  y  a  peu  d'an- 
nées. Nous  reviendrons  sur  ces  constructions. 

Nous  ne  nous  occulterons  pas  de  la  grande 
avenue  de  tilleuls  à  gauche,  parce  que  les  mas- 
sifs et  carrés  placés  entre  elle  et  la  rue  de  Buffon 
n'offrent  un  grand  intérêt  que  pour  les  amateurs 
d'horticulture.  Les  deux  premiers  (15)  contien- 
nent un  semis  des  arbres  qui  doivent  être  re|)i- 
qués  dans  la  pépinière,  le  troisième  (  1 6i  renferme 
des  échantillons  des  plantes  céréales,  économi- 
ques et  fourragères.  Nous  mentionnerons  encore 
le  café-restaurant  17),  toléré  par  l'administration 
pour  la  commodité  des  promeneurs,  et  placé 
sous  un  ombrage  délicie;ix  de  rohinia,  de  mi- 
mosa, tilleuls  et  .luties  arbres. 

Revenus  à  notre  i)remière  station  (1i,  nous 
prenons  la  sicoude  avenue  qui  est  à  droite  1!)  , 
c'est-à-dire  celle  qui  est  plantée  en  marron- 
niers et  qui  sépai-e  le  jardin  symétrique  du 
jardin  paysager  renfermant  la  ménagerie.  Les 
huit  premiers  carres  étaient  aul refois  consacrés 
à  l'école  des  arbres  fruitiers,  de  leur  taille,  de  la 
gi-effe,  des  haies  elc   On  y  voit  encore  aujour- 


d'hui (pielques  exenq)les  singuliers  de  greffes 
opérées  par  !\l.Thoiiin;  innis  ces  carrés  vont 
être  entièrement  réunis  à  VF.role  île  botani- 
que (20  ,  se  prolongeant  à  gauche  jusqu'au  petit 
Labyrinthe  (21  )  Cette  école  est  ouverte  au  pu 
blic  les  lundi,  jeudi  et  samedi  de  chaque  se- 
maine, de  trois  à  cinq  heures.  A  droite,  le  long 
de  notre  avenue,  nous  avons  vu  d'abord  uit 
|)arc  (22)  renfermant  des  brebis  d'Abyssinie, 
données  à  la  ménagerie  par  le  docteur  Clot-Be\ . 
et  des  moutons  d'Islande  envoyés  par  M.  (iai- 
mard  ;  puis  un  autre  parc  renfeiniant  ordinai- 
remei.t  des  chèvres  étrangères  (23)  ;  la  fosse  de 
l'ours  blanc  i24s  celle  des  ours  bruns  nés  à  la 
ménagerie  (25i  ;  enfin  une  troisièii;e  i2()i  où  s{> 
frouvecetteannée  une  ourse  femelle  avec  ses  deux 
oursons. C'est  duisl'uncdeces  fosses  que  logeait 
autrefois  l'ours  ÎNIartin,  célèbre  dans  tout  le  peu- 
ple de  Paris  pour  sa  beauté,  sa  grandeur,  son 
agilité  à  monter  sur  l'arbre  planté  au  milieu  de 
sa  cour,  et  surtout  par  la  mort  d'un  malheu- 
reux vétéran  qui,  prenant  un  bouton  de  métal 
pour  une  pièce  de  cinq  francs  tombée  dans  1 1 
fosse,  eut  l'imprudence  d'y  desœndre  la  nuit, 
et  périt  étouffé  dans  les  bras  du  féroce  animal. 

A  la  suite  des  fosses  viennent  les  profonds 
cairés  consacrés  à  des  semis  sur  couche  et  en 
pleine  terre  de  toutes  les  plantes  exotiques  que 
l'on  essaye  de  naturaliser. 

Le;>f(i(  l  abijrinthc  {2\)  est  vn  face  de  nous. 
C'est  une  butte  assez  élevée,  quoique  beaucoup 
moins  que  le  grand  f.abuinthe;  elle  forme  nu 
(arré  long,  en  amphithéâtre,  coupé  d'allées 
sinueuses  dans  le  goût  de  nos  anciens  jardins 
anglais,  et  presque  entièrement  i)lanté  en  ai-- 
bres  verts,  la  plupart  de  la  famille  des  conifères. 
Sur  le  point  le  plus  élevé  on  trouve  une  peliîe 
esplanade  d'où  l'on  a  une  très-belle  vue. 

Le  coté  de  la  butte  opposé  à  celui  par  lequel 
nous  sommes  entrés  touche  au  g?-a»id  L«/'(/rj»i- 
the  (2'),beaucoup  plus  élevé  que  le  premier  Nous 
y  montons,  et  nous  trouvons  d'abord  un  arbre 
d'une  énorme  grosseur,  au  pied  duquel  est  un 
banc  en  anneau  (2.SLCet  arbre  est  le  fameux  cè- 
dre du  Liban,  que  Bei-nard  de  Jussieu,  en  1  loi, 
rapporta  d'Angleterre,  dans  son  chapeau,  dit-on. 
Ce  cèdre,  quoique  très-élevé,  le  serait  beaucoui) 
plus  si  un  imprudent  chasseur  neût  cassé  son 
bourgeon  teiininal  d'un  coup  de  fusil.  ÎNIontons  : 
entre  le  cèdre  et  le  kiosque,  à  l'exposition  du  le- 
vant, est  ime  petite  enceinte  (29)  renfermant 
un  bien  humble  n)onument  couvert  d'herbe  et 
de  mousse  ;  c'est  là  que  repose  DHubenton,  cet 
homme  aussi  modeste  que  savant,  sans  lequel 
Buffon  n'eût  probablement  été  qu'un  grand  écri- 
vain. Par  un  chemin  tournant  en  spirale  on 
monte  au  kiosque  ou  belvédère  (?iO)  soutenu 
par  de  jolies  colonnettes  de  bronze  et  entouré 
d'une  balustrade  en  fer.  De  là  on  d(>couvre  une 
partie  de  Paris  et  de  ses  environs,  et  le  jardin 


OURSONS   NÉS   A  LA  MENAGERIE. 
j()i\\r    l)^^,s    i.klk   fossi-'. 


(  Jar  Ji  n    do  Flan  tel.  ) 


LK  JARDIN   DES  PLAMKS. 


i.iii 


tout  ('iili<  r;  on  a  aii-tlossous  ilo  soi,  aucoiicIiMi.t. 
la  belle  (errasse  (31 1  doniiiiaiit  la  rue  du  Janlin- 
du-Roi,  et  au  moyeu  de  laquelle  on  eoiiiuiu- 
nique  du  Cabinet  d'histoire  naturelle  à  la  porte 
ouverte  sur  la  place  de  la  Pitié.  Ce  labyrinthe 
est  planté  d'arbre  résineux,  et  offre  de  très 
grands  échantillons  des  espèces  les  plus  utiles. 

En  descendant  par  la  pente  du  nord-ouest,  on 
rencontre  un  beau  réservoir  |32)  construit  de- 
puis peu  de  temps  par  M.  Rohaut,  et  faisant  face 
à  la  porte  d'entrée.  Si  de  là  nous  nous  dirigeons 
à  l'est,  nous  longeons  et  laissons  h  gauche  les 
logements  de  plusieurs  professeurs  (ôôl,  et  nous 
arrivons  dans  une  vaste  cour  (.'îî)  ayant  une 
porte  sur  la  rue  Cuvier.  Nous  avons  en  face  de 
nous,  enf()ncé  dans  le  jardin,  le  logement  (.■>5) 
autrefois  habité  |).'ir  M.  Thouin,  savant  sans  pré- 
tention, ajant  remin  de  grands  et  véritables 
services  à  l'agriculture,  et  qui  sut  se  faire  uni- 
versellement regrellei'.  A  droite  est  le  bâtiment 
de  l'administration  (.'ïCi,  rentérniant  les  ateliers 
de  taxidermie  et  les  bureaux  des  administra- 
teurs. Nous  avançons  à  gauche;  (t  après  élre 
descendu  quelques  pas,  nous  trouvons  le  grand 
amphithéâtre  (57i  où  se  font  les  cours  des  pro- 
fesseurs ou  de  leurs  aides.  A  gauche,  derrière 
l'amphithéâtre,  on  aperçoit  la  maison  (75)  qu'ha 
bitaif  le  célèbre  G.  Cuvier;  il  y  est  mort  le  !"> 
mai  de  l'année  18.'î2.  A  la  porte  de  l'amphithéâtre 
les  éliangers  viennent  admirer  deux  palmiers 
fort  élevés,  qui  sont  cultivés  au  jardin  depuis 
Louis  XIV,  et  qui  offrent  au\  Imtanistes  un  ph;-- 
nnmène  singulier.  Vous  remarcpierez  (pie  ce 
sont  des  pai.miehs  ivains  {(.hnmwrops  hinn'ilis. 
Lin.)  dont  le  stipc  ou  tronc  n'acquiert  jnmais 
plus  de  trois  à  quatre  décimètres  de  hauteur  dans 
le  nord  de  l'Afrique  qui  est  leur  pays,  tandis 
qu'ici  ils  se  sont  élevés  à  huit  ou  neuf  mètres. 
En  face  de  l'amphithéâtre  est  un  grand  gazon 
ovale  (.'î8i,  servant  à  placer,  dans  la  belle  saison, 
les  végétaux  de  la  Nouvelle-Hollande,  du  caj) 
de  Bonne- Espérance,  de  l'Asie  Mineure  et  de  la 
Barbarie,  que  l'on  sort  de  la  serre  voisine  pour 
leur  faire  passer  l'été  J>  l'air  libre. 

Nous  avons  vu  les  cultures  du  dehors,  il  nous 
reste  maintenant  à  visiter  celles  qui  se  font  à 
l'aide  d'une  chaleur  artificielle.  La  première 
serre,  celle  où  nous  nous  trouvons,  en  face  de 
l'ovale,  est  la  .serre  tempérée  (.^9),  renfermant 
les  végétaux  des  pays  que  nous  venons  de  nom- 
mer, et  d'autres  qui,  tout  en  craignant  la  gelée, 
n'exigent  pas  cependant  un  haut  degré  de  tem- 
pérature Elle  a  soixante-trois  mètres  (200  piedsi 
(le  longueur,  sur  |)lus  de  huit  mètres  (24  pieds) 
de  largeur.  En  avançant  devant  nous  et  rentrant 
dans  le  jardin  symétrique,  nous  avons  à  droite 
la  sen-e  de  Buffon  (  i(ti,  ainsi  nommée  parce  que 
c'est  lui  qui  la  (il  bâtir  en  1788.  Son  intérieur 
a  cela  de  particulier  qu'il  ofire  plusieurs  lignes 
de  couches  élevées  les  unes  au-dessus  des  autres 


en  amphithéàtiT.  On  \  ni:iinlienl  lonjiiurs  la 
chaleur  an-dessus  de  douze  degiv's  centigrades, 
e(  on  y  élève  les  |)lanles  des  (ropicjues.  Quand 
les  dimensions  de  ces  végélaux  devieimen(  (rop 
grandes,  on  les  transporte  dans  la  nouvelle  seire 
chaude. 

Sur  les  côtés  du  large  chemin  qui  conduit  des 
carrés  du  Flenrisle  aux  labyrinthes,  sont  deux 
serres  chaudes  entièrement  vitrées  (5 1  ).  en  forme 
de  pavillons  carrés,  et  d'une  grande  hauteur. 
Cons(ruiles  nou\ellement  par  M.  Uohant,  elles 
.sont  consacrées  à  recevoir  le»s  végétaux  exoti- 
ques d'une  dimension  trop  élevée  pour  pouvoir 
rester  dans  les  autres  serres.  On  espère  y  voir 
par  la  suite  les  arbres  des  contrées  chaudes  de 
la  terre  atteindre  tout  le  développement  (pi'ils 
ont  dans  leur  iiatrie,  et  déjà  il  y  en  a  d'une  assez 
grande  élévation.  L'immense  serre  à  toit  viti-e 
et  voûté  (41)  a  été  construite  dans  le  même 
temps,  par  le  même  architecte,  et  pour  un  usage 
a  peu  près  semblable. 

Nous  avons  vu  tout  ce  que  le  jardin  renferme 
d'important  sous  le  rapport  de  l'horticulture  et 
de  l'agriculture;  il  nous  reste  maintenant  à  dire 
(pièces  cultures,  faites  avec  autant  d'intelligence 
(pie  de  soins,  sont  confiées  à  MM.  Neumann. 
Pépin.  Dalbret,  etc.,  etc.,  sous  la  direction  de 
MM.  les  professeurs  dont  nous  indiquerons  les 
noms  et  les  attributions. 

\  oyons  maintenant  ce  qui  intéresse  le  plus  le 
public  en  général,  c'est-à-dire  la  ménagerie. 
Pour  faire  cette  promenade,  nous  reviendrons  a 
la  porte  dAusterlitz(l),noiis  tournerons  à  droite, 
et  nous  entrcnms  dans  le  jardin  paysager  pai- 
la  porte  située  presque  en  face  de  la  ménagerie 
des  animaux  féroces.  Ici  nous  nous  arrêterons 
un  instant  pour  faire  une  observation.  I-es  ani- 
maux qui  vivent  dans  la  ménagerie  étant  tons 
apportt's  de  climats  étrangers  fort  différents  de 
celui  de  la  France,  résistent  plus  ou  moins  long- 
temps aux  changements  brusques  de  tempéra- 
ture, de  nourriture  et  d'habitudes,  anxcinels  ils 
se  trouvent  soumis  dans  lein-  esclavage.  Mal- 
gré (ous  les  soins  qu'on  peut  leur  donner, 
beauc(mp  tombent  malades  et  meurent  après 
un  temps  assez  court,  elles  parcs  ou  loges  dans 
lesquels  on  les  tenait  renfermés  restent  vides, 
jusqu'à  ce  qu'on  y  ait  mis  un  animal  nouvelle- 
ment arrivé,  et  souvent  d'une  espèce  tout  à  fait 
différente.  Il  ne  faudra  donc  pas  que  le  prome- 
neur s'en  rapporte  absolument  à  ce  que  je  vais 
diie  ici  sur  les  espèces  qui  peuplent  aujour- 
d'hui même  les  parcs  que  nous  allons  visiter 
ensemble,  mais  bien  aux  écriteaux  placés  devant 
le  logement  de  chaque  animal;  en  recourant 
ensuite  à  la  table  alphabéiiquc  terminant  le 
volume,  il  trouvera  aisément  la  description  et 
l'Iiistoire  de  l'espèce  qu'il  aura  sous  les  yeux  à 
la  ménagerie. 
En  entrant  nous  laissons  à  droite   im  petit 


Li:   JARLMN   DES   PLANTES. 


parc  (52)  nMircrin.Tnl  clos  montons  (l'Al{,'Oiie, 
donnés  ;i  la  monageric  i)ar  M.  le  général  Gai- 
bois.  A  panclie  nous  coiitom-nons  un  autre  parc 
(i"))  où  sont  renfermés,  dans  une  première  di- 
vision, des  axis,  charmante  sorte  de  petit  cerf 
011  chevreuil oricinaire  du  Bengale,  à  rolte agréa- 
blement mouchetée  de  blanc,  et  commençant  à 
se  naturaliser  dans  plusieurs  jiarcsdela  France. 
Dans  une  seconde  division  est  un  cerf  de  Java, 
donné  par  MM.  Fvdoux  et  Souleget,  el  dans 
nue  troisième,  un  axis  femelle  né  à  la  ména- 
gerie. 

Nous  voici  en  face  des  animaux  féroces  (4  î), 
renfermés  dans  des  loges  fort  propres  et  munies 
de  solides  barreaux  de  fer.  Une  balustrade  em- 
pêche les  curieux  imprudents  de  s'approcher 
des  loges  d'une  manière  dangereuse.  Là,  vivent 
des  hyènes  fort  bonnes  personnes  et  donnant, 
par  lem- douceur,  un  d-menti  formel  à  tout  ce 
qu'on  a  raconté  sjir  leur  férocité;  des  lions  de 
diverses  parties  de  l'Afrique,  beaucoup  moins 
dangereux  que  le  jaguar  du  Brésil  logé  à  coti^ 
d'eux,  malgré  l'énorme  différence  qui  existe  en- 
Ire  leur  taille  et  leur  force;  1  un  de  ces  jaguars 
est  de  la  (iuyane  et  a  été  donné  par  le  prince  de 
Joinville.  Vient  ensuite  une  panthère  du  Mala- 
bar, que  l'on  doit  à  M.  Dussumier,  ainsi  qu'une 
quantitéd'autresanimaux intéressants;  puis  une 
panthère  de  l'Inde  donnée  par  M.  Beck.  Les 
trois  dernières  loges  sont  habitées  pai-  des  ours  : 
l'un,  l'ours  aux  grandes  lèvres,  est  dû  à  M.  Dus- 
sumier; l'autre,  l'ours  des  Cordilièrcs,  au  prince 
de  Joinville;  le  troisième,  l'ours  brun  du  Kam- 
Ischalka,  à  M.  le  capitaine  de  vaisseau  Du  Pelit- 
Thonars.  Connne  on  le  voit,  la  ménagerie  des 
grands  animaux  féroces  est  assez  pauvre  en  ce 
moment;  mais  sans  doute  i'administralion  y 
pourvoira  avec  le  zèle  qu'ellea  toujours  montré, 
d'autant  plus  que  là  est  le  spectacle  favori  du 
|)euple  |)auvre,  du  peuple  qui  p,iye  sa  grosse 
part  de  cet  établissement  national,  du  peuple 
ignorant  la  science,  et  qui  ne  juge  de  l'utilité  de 
Ih  ménagerie  (jue  par  le  plaisir  qu'il  a  d'aller 
la  visiter  le  dimanche  en  famille.  Dans  les  deux 
pavillons  de  chaque  coté,  sont,  dans  des  cages 
plus  petites  et  trans|)ortables,  des  animaux  du 
même  ordre  des  carnassiers,  mais  (jue  leur  pe- 
tite faille  rend  peu  redoutables,  tels  que  des  re- 
nards, jaekals,  loutres,  chats,  etc.,  elc. 

Derrière  la  mc'iiayerie  des  animaux  féroces 
sont  des  niches  où  sont  enchaînés  des  chiens 
donu-stiques  de  différents  pays,  vivant  en  boime 
intelligence  et  mullipliant  même  avec  des  loups 
et  des  louves.  Leurs  métis  ont  eux-mêmes  la 
faculté  de  se  reproduire,  ce  <iui  drmontre  jus- 
(lu'à  l'évidence,  contre  l'opinion  de  Buffon,  que 
le  chien  et  le  loup  sont  deux  vaiiétés  dans  la 
même  es|»èce. 

L'n  peu  peu  jilus  loin  que  la  ménagerie,  se 
trouve  la  singerie  (4.^),  rotonde  élégante,  en- 


tièrement grillée,  et  lenfermant  un  grand  nom- 
bre d'espèces  de  singes,  vivant  tous  en  assez 
bons  camarades,  malgré  quelques  querelles 
|)articulières  Un  gros  f)apion  a  usurpé  la  sou- 
veraineté de  cette  république  hétérogène,  et 
maintient  le  bon  ordre.  Aussitôt  qu'il  entend 
une  querelle,  il  accourt,  sépare  les  combattants, 
ro>ise  les  deux  parties  pour  les  mettre  d'accord, 
el  tout  rentre  dans  l'ordre.  Dans  un  bâtiment 
qui  entoure  la  rotonde,  en  forme  de  demi-an- 
neau, se  trouvent  les  loges  dans  lesquelles  cha- 
que espèce  de  singe  est  renfermée  et  chauffée 
pendant  l'hiver. 

Ln  face  de  la  rotonde  des  singes  est  un  petit 
parc  (4f>)  destiné  à  recevoir  des  animaux  de  la 
classe  innocente  des  ruminants.  Nous  passons 
devant  les  singes,  nous  longeons  le  petit  parc  à 
notre  droite  (47),  on  sont  renfermés  ([uelques 
daims  de  nos  forêts  royales  ;  à  notre  gauche  ('<!•) 
celui  oir  nous  voyons  les  cerfs  de  la  N  irginie  ; 
et,  après  avoir  jeté  un  regard  sur  les  nouvelles 
plantations  qui  s'étendent  vers  le  quai  de  lu 
Tournelle,  nous  nous  trouvons  en  face  d'un 
l)arc  (4!)|  renfermant  le  kob  du  Sénégal,  sorte 
d'antilope  connue  dans  sa  patrie  sous  le  nom 
de  jjetite  vache  brune,  et  derrière  ce  parc  est 
la  ménagerie  des  oiseaux  de  proie  ("io). 

Le  premier  oiseau  (pie  nous  y  remarqm>ns 
est  le  condor,  sur  le  compte  duquel  on  a  dé- 
bile tant  de  fables.  Au  dii-e  des  anciens  voja- 
geurs,  le  condor  enlevait  les  enfants,  attaquait 
les  hommes,  etc.,  elc.  La  vérité  est  que  ce  vau- 
lom-,  n'Iialiilant  que  les  plus  hautes  Cordilières, 
est  aussi  iuoffensif  que  ceux  de  nos  Alpes.  \  oiei 
le  per-cnoplèie  tout  à  côté,  sorte  de  vautour-  au- 
quel les  anciens  Égyptiens  rendaient  un  culte 
religieux  ;  puis  le  vautour  royal,  qui  n'a  rien 
de  l'oyal  que  le  nom  ,  et  d(mt  toute  l'utilité  se 
borne  à  nettONcr  les  contrées  du  Brésil,  qu'il  h.i- 
bite,  des  cadavres  et  immondices  dont  il  se 
nou'rit.  Viennent  ensuite  les  vautour's  bruns, 
d'Lgypte,  des  Pyréni'es,  et  d'Algérie,  tous  oi- 
seaux lâches  et  ignobles,  n'osant  attaquer  au- 
cun animal  vivant,  el  ire  se  nourrissant  que  de 
la  chair  coi  ronrpue  des  cadavres  qu'ils  sentent 
de  plus  d'une  lieue.  A  leur  suite  nous  trouvons 
le  g)  pacte,  qui  devient  rare  dans  les  Alpes  d'Eu- 
rope, et  dans  lequel  il  faul  probablement  le- 
connaitie  le  condor  des  anciens.  Le  premier, 
celui  des  Coidilièies,  n'était  accusé  que  d'en- 
lever les  entants,  celui-ci  enlevait  des  hommes 
et  de>  éléphants.  Ici  la  ménagerie  se  trouve 
couixe  par  un  appartement  où  vivent  des  per- 
lociuels,  des  perruches,  d«'s  aras,  des  kakatoès, 
tous  oiseaux  d'un  fort  beau  plumage ,  mais 
lourds,  criai'ds  et  mallaisaiils.  En  suivant,  nous 
trouvons  les  aigles,  les  pvgaigues,  milans,  bu- 
ses, se  nourrissant  de  proie  vivante  el  attaquant 
avec  plus  ou  moins  d'intrépidité  les  oiseaux,  les 
reptiles  et  les  petits  mammifères;  le  caracara. 


LK  .lAUDI.N    l>ES   l'LA.NTKS. 


inaiiileiiaiil  \isilri'  les  diverses  autres  parlies  de 
ee  vasle  elalilisseiiienl,  et  nous  nous  traiispoi- 
leronsdaboi'd  dans  le  Caltiuel  de  zoologie,  vul- 
gaiienienl  connu  sous  le  nom  de  Cabinet  d'his- 
toire naturelle. 

LE   CABINET    DE   ZOOLOGIE. 

Les  èlrangeis,  sur  la  pirsentation  de  leur 
passe- port,  obtiennent  de  l'adiniiiistratiou  des 
caries  qui  leur  peiniettent  d'entrer  au  Cabinet 
d  histoire  naturelle  les  lundi,  jeudi  et  samedi  de 
chaque  semaine,  de  onze  à  deux  heuies;  le  pu- 
blic ne  peut  le  visiter  que  le  mardi  et  le  ven- 
dredi, de  deirx  à  cinq  heuies  en  été,  et  de  deux 
jus(iu'à  la  nuit  en  hiver.  Les  naturalistes  qui 
veulent  aller  y  étudier  sont  obligés  de  prendre 
des  caries  d'étudiants,  et  y  entrent  aux  heures 
consacrées  aux  éludes.  La  conservation  des  ga- 
leries est  conliee  à  M.  Kiener. 

Le  Cabinet  de  zoologie  7)  est  un  des  plus 
c<implels  qu  il  )  ait  en  Lur()pe,  et,  si  on  le  con- 
sidère dans  son  ensemble,  dans  le  monde  en- 
tier. Les  animaux  y  sout  empaillés  avec  grand 
soin  et  placés  dans  des  armoires  vitrées  herméti- 
quement fermées,  alin  de  préserver  leurs  robes 
délicates  et  brillantes  de  l'attaque  des  insectes 
destructeurs.  Ch:ique  esjjèce  est  placée  avec  son 
genre,  les  genres  avec  leur  famille,  les  familles 
avec  les  ordres,  etc.;  c'est-à-dire  que  tous  les 
objets  y  sont  classés  méthodiquement  et  dans  le 
plus  grand  ordre.  Lue  étiquette  apprend  aux 
visiteurs  les  noms  génériques  et  spcciRques  de 
chaque  animal,  le  nom  de  l'auteur  qui  l'a  décrit, 
la  partie  de  la  terre  où  son  espèce  se  tniu\e,  et 
souvent  le  nom  de  la  personne  qui  l'a  recueilli 
et  envoyé  au  Cabinet.  Nous  passerons  rapide- 
ment en  revue  les  objets  qui  frappent  le  plus, 
non  pas  les  savants,  mais  le  public,  dans  cette 
riche  collection. 

Dans  la  salle  des  singes  on  cherche  à  retrou- 
ver l'orang-outang  qui  a  vécu  à  la  ménagerie 
sous  le  nom  de  JnrI,,  et  la  jeune  femelle  de 
kimpézey,  Jm-qm-liiie.  D'autres  orangs,  des  gib- 
bons aux  longs  bras,  des  mandrills  au  nez  rouge 
et  bleu,  des  sapajous,  des  ouistitis,  etc.,  sont  les 
plus  remar(piés  du  public. 

Viennent  ensuite  les  ours,  lestions,  lesligi-eset 
autres  grands  chats  tous  leniai'iiuables  par  leur 
l'obe  admirablemciil  tachée  ou  mouchetée.  Les 
civettes,  les  hyènes,  lesloiq)s  arrêtent  un  moment 
les  regards;  mais  les  éléphants,  les  rhinocéi'os. 
les  hippopotames,  les  girafes  et  autres  grands 
animaux  sont  ceux  qui  fixent  le  plus  l'attentiKU 
générale. 

Les  galeries  d'ornithologie  sout  extrêmement 
Iréqueuléespar  les  étudiants  et  les  naturalistes  ; 
mais  le  public,  apiès  y  avoii-  admirj  les  vives 
couleurs  m('talli(|ues  des  colibris;  la  grande 
stature  des  autruches,  des  n;mdous,  des  casoars  ; 


la  singulière  altilude  des  manchots  ,  le  plum;igi' 
si  beau  et  si  \arié  des  peri-0(|uets,  des  paons, 
des  faisans,  de  l'euphone  à  bandeau,  du  lam 
pbocèle  flambovant,  des  lyres,  etc  ;  la  poche 
des  pélicans;  le  bec  énorme  et  singulier  des 
calaos  ;  la  puissance  des  aigles,  des  gi-.inds  ducs 
et  autres  oiseaux  de  proie;  le  jinblic,  dis-je. 
passe  assez  légèrement  sur  tout  le  reste. 

^'ous  voici  dans  la  galeiae  consaircc  à  la 
conservation  des  reptiles  et  des  poissons.  Com- 
me ces  derniers  sont  presque  tous  consei'V("s 
dans  l'esprit-de-vin  et  renfermés  dans  des  bo- 
caux de  verre,  on  s'y  arrête  peu.  Il  n'en  est  pas 
de  même  pour  les  re|)liles  :  des  tortues  énor- 
mes, des  crocodiles  d'une  grandeur  prodigieuse, 
l'énorme  boa  anacondo,  et  quelques  autres,  sont 
remarqués  de  tout  le  monde;  on  vcit  m:  me  des 
personnes  chercher  et  reconnailie  dans  son  bi- 
cal  le  terrible  serpent  à  sounelles. 

Les  collections  de  cnislaiés,  d'arachnides,  de 
myriapodes  et  d'insectes  ne  sont  guère  visitées 
(pie  par  les  nituralistes;  quant  au  |)ublic,  il  ne 
remaixpie  en  passant  que  cpielipies  grosses  esi)è- 
ces.  La  collection  des  coquilles,  c'est-à-dire  de> 
mollusques,  des  annelides  et  des  raxonnés,  fixe 
un  peu  plus  sou  allenlion  à  cause  des  vives  et 
brillantes  couleurs  ipii  paient  la  |)ius  grande 
partie  des  espèces,  des  formes  bizarres  (praffec- 
tent  la  plupart  d'entre  elles,  et  par  (pielcpies 
produils  qu'elles  fournissent.  Par  exem|)le,  on  ne 
vent  pas  sortir  de  la  galerie  sans  avoir  vu  la  m;.- 
giiificpie  coquille  nacrée  (pii  donne  les  perle> 
fines,  ni  le  gant  fait  avec  la  soie  brune  lirce  du 
b\ssus  d'un  coquillage  assez  commun  sur  nos 
côtes  de  la  Corse. 

A  la  suite  du  cabinet  rentérmant  'es  animaux 
qui  vivent  aujoiird  hui  sur  le  globe,  nous  de- 
vons nécessairement  visiter  celui  des  fossiles, 
renfermant  les  dirniei-s  restes  de  ces  élres  sin- 
guliers (]ui  i>enplaieiit  la  terre  à  des  époques 
antédiluNieiines,  et  que  nous  ne  connaissons 
l)lus  (jue  par  les  antiques  Iragmenis  que  l'on 
trouve  de  loin  en  loin  ensevelis  dans  le  sol.  Là 
sont  des  os  d'éléphants  bien  |)lus  gros  que  ceux 
(|ui  existent  aujourd'hui,  et  auxquels  C.  (envier 
a  donné  les  noms  de  mastodoule  et  de  mam- 
mouth. l'Iusieurs  espèces  monsîiueuses  de  ces 
animaux  foulaient  le  sol  (pii  depuis  est  devenu 
la  France.  Des  hippopotames,  des  iliiuocèros, 
(les  ta|)irs  ou  l(>|)hiodons,  des  chéropotames, 
des  Inènes,  des  lions,  des  panthères,  et  mille 
auties  monstres  d'une  grandeur  énorme  et 
n'ayant  rien  ib'  commun  a\ec  les  espèces  qui 
vivent  aujourd  hui,  erraient  aux  environs  de 
l'aris.  D'alTreux  crocodiles  habitaient  les  marais 
de  Meiidon,  des  baleines  d'une  grandeur  pro- 
digieuse venaient  échouer  dansia  rue  Dauphine; 
des  ptérodactyles  ou  dragons  volants,  de  cin(|  à 
six  mètres  de  longueur,  se  b:dan(,aient  dans  les 
air'i  sur  leurs  ailes  livides;  des  plésiosaures  en- 


I.VIII 


LE  JAFiDlN    DES   PLANTES 


coie  beaiicoiii)  plus  gninds,  an  corps  de  pois- 
son, <'in\  piods  de  cofac»',  an  con  de  sei'pcnt,  à 
la  létc  de  lézard,  nageaient  là  nii  sont  anjnnr- 
irtini  de  ctiarnianles  vallées  ;  des  ictiltiiosanres, 
moitié  poisson,  moitié  lézard,  plus  grands  et 
plus  formidables  qne  les  précédenis,  traînaient 
lenr  ventre  fangeux  on  coulent  les  eaux  limpides 
de  la  Seine;  et  je  n'oserais,  dans  la  crainte 
de  passer  pour  menteur,  vous  raconter  toutes 
ers  chiises  cl  ranges,  si  nous  n'étions  ensemble 
dans  le  cabinet  des  fossiles,  où  sont  réunis  les 
s(inelellcs  de  tous  ces  singuliers  et  antiques  habi- 
tants de  la  terre.  Vous  y  verrez  les  restes  de  pa- 
Id'olliénons,  de  mégalherions,  de  mégalonix, 
de  duiothcrions,  presque  tous  de  la  grandeur 
de  nos  éléphants  d'aujourd'hui  ;  non-seulement, 
avec  une  foule  d'autres,  ils  ont  disparu  pour 
toujours,  mais  ils  n'ont  pas  même  laissé  après 
eux,  sur  le  globe,  des  représentanis  qui  leur 
soient  analogues  en  quelque  point. 

F.E    CABINET    n'ANATOMIE   COMPARÉE    {Ti). 

11  n'est  ouvert  au  imblic,  sur  la  i)résenlalion 
de  billets,  que  les  lundis  et  samedis,  depuis  onze 
lieuresjusqu'à  deux.  M.  Laurillard  en  est  le  cnn- 
servatenr.  Ses  galeiies  n'offrent  un  véritable 
inl(Mél  (lue  pour  la  science;  aussi  est-il  peu  fré- 
quenté par  le  public  simplement  curieux,  et  ra- 
rement les  dames  osent  le  visiter.  On  y  voit, 
outre  mi  crand  nombre  de  pièces  naturelles  ou 
arlilicielles  d'anatomie  humaine,  nue  foule  de 
squelettes  d'animaux,  dont  un  des  plus  curieux, 
au  moins  pour  la  grandeur,  est  celui  d'un  ca- 
chalot qu'on  a  laissé  dans  la  cour  faute  de  pou- 
voir lui  trouver  une  place  dans  les  galeries,  car 
il  a  près  de  vingt  mètres  de  longueui-.  A  l'en- 
trée du  cabinet,  on  voit,  aussi  en  dehors,  des 
mâchoires  de  baleine  d'une  grandeur  mons- 
trueuse. 

La  seconde  salle  renferme  des  squelettes  hu- 
mains, dont  l'un,  celui  d'un  Ilalien,  a  une  ver- 
leltre  liinbaire  de  plus  que  de  coutinne.  Parmi 
les  aulies  on  remarque  ceux  de  Sohnian-el- 
llhaleby,  assassin  de  Kléber  ;  de  Bébé,  nain  cé- 
lèbre du  roi  de  Pologne  Stanislas  ;  de  la  Vénus 
Ilottcnlole,  morte  à  Paris,  etc.  Une  autre  salle 
contient  une  série  de  tètes  entières  d'animaux 
et  de  tontes  les  races  d'hommes.  Painii  les  (êtes 
d'animaux  il  en  est  une  fort  curieuse  :  c'est  celle 
d'un  (lien  !  ni  |)lusni  moins  qne  le  crâne  d'Apis, 
vénérable  bœuf  adoré  jadis  pai'  les  Égyptiens  ; 
on  l'a  retiré  d'une  momie.  Vous  pourrez  en- 
core jeter  les  yeux,  en  passant  dans  la  dcuxiènïe 
salle,  sur  le  squelette  extrêmement  curieux  de 
Ritla-Chi'istina,  (]ui,  avec  un  seul  corps,  avait 
deux  tètes,  deux  volontés.  Elle  est  morte  à  Paris 
à  l'iige  de  huit  mois.  Née  le  12  mars  1820,  à 
Snssari  en  Sardaigne,  chacune  des  lèles  fut  bap- 
tisée sépaiément,  l'une  sons  le  nom  de  Riita, 


l'autre  sous  celui  du  Chrislina.  Chaque  lete  avait 
une  poitrine  qui  lui  ai)parlenait,  mais  (ont  le 
reste  dn  corps  ne  formait  qu'un  individu.  Hitta 
(la  lète  droite)  était  triste,  mélancolique  et  ma- 
ladive; Christina  (la  tète  gauche)  était  rieuse, 
gaie,  d'ime  .«anté  florissante.  Rilfa  tond)a  gra- 
vement malade;  tant  que  la  maladie  dura  Chris- 
tina parut  s'en  mettre  peu  en  peine,  et  elle 
jouait  sur  le  sein  de  sa  mère  pendant  la  longue 
agonie  de  sa  sfrnr.  EuRn  celle-ci  mourut,  et  au 
moment  où  elle  rendit  le  dernier  soupir,  Chris- 
tina pcnissa  un  grand  cri  et  expira  subitement. 

Une  salle  est  consacrée  à  la  myologie,  et  l'on 
y  voit  des  écorchés,  en  cire  ou  en  plaire  co- 
loré, d'hommes  et  d'animaux  ;  des  mn.seles  de 
mannuifères,  d'oiseaux,  de  reptiles  et  de  pois- 
sons, conservés  dans  resi)rit-de-vin  ;  d'autres 
salles  offrent  à  l'étude  tous  les  autres  in-ganes 
utiles  ou  indispensaldes  aux  phénomènes  de  la 
vie  ;  des  viscères,  des  nerfs,  des  vaisseaux,  etc. 

Mais  nous  ne  pas'^erons  pas  sous  silence  celle 
(\u\  renferme  la  collection  cràniologique  dn 
célèbre  d.x  leur  Gall.  On  y  verra,  soit  en  na- 
ture, soit  moulés,  les  crânes  du  général  Vurm- 
scr,  de  l'abb;-  Ciaiithier,  du  poêle  allemand 
Alxinger,  et  de  beaucoup  d'autres  i)er.sonnages 
qui  ont  eu  mi  nom  dans  le  monde  ;  parmi  ceux 
des  assassins,  celui  de  Papavoine ,  de  Cartou- 
che, etc.  Messieurs  les  phrénolognes  ne  trou- 
veront guère  une  collection  plus  complète,  plus 
curieuse  et  mieux  choisie.  Seulement,  il  est  mal- 
heureux que  l'on  détermine  si  bien  les  protu- 
bérances des  penchants  dans  les  hommes  morts 
dont  on  connaît  l'histoire,  les  goûts  et  le  carac 
tère,  tandis  qu'il  y  a  tant  d'hésitation  <à  les  re- 
connaître chez  les  hommes  vivants. 

I,E    CABINET    DE    BOTANIQUE  (l'(). 

Il  esta  rextrémilé  orientale  du  magnifique  bà- 
liment  neuf  construit  sur  les  plans  de  IM.  Rohant. 
Le  public  n'y  est  admis  qne  les  jeudis,  de  deux 
à  (jualre  heures,  sur  la  présentation  d'un  billet. 
L'on  y  voit  des  échantillons  polis  et  classés  par 
ordre,  de  bois  en  planchettes  fournies  par  la  plus 
grande  partie  des  espèces  d'arbres  croissant  sur 
Inntt^  la  surface  du  globe;  d'autres  d'écorces , 
de  tiges,  de  fruits,  de  racines,  de  stipes,  etc., 
pjirmi  ces  derniers  on  remarque  celui  de  la  fou- 
gère nommée  par  les  naluialistes  polypodium 
hiromelz,  ressemblant  giossièrement  à  un  petit 
agneau  couvert  de  duvet,  d'où  lui  est  venu  le 
nom  vulgaire  d'agneau  de  Scylhie. 

Le  cabinet  possède  des  herbiers  parfaitement 
conservés  et  très-complets  Tels  sont,  par  exem- 
|)le,  l'herbier  général,  et  ceux  du  Levant,  d'K- 
gypte,  de  l'Inde,  des  îles  de  France  et  de  Bour- 
bon ,  du  Cap,  de  la  Nouvelle-Hollande,  de 
Cavenne,  des  Aniilles,  etc.,  etc.  Par  respect 
pour  la  mémoire  de  Teurneforf,  on  a  conservé 


LK  JAKDIN    DES   PLANTES. 


son  herbier  dans  l'ordre  oii  il  l'avait  disposé  lui 
même,  etl'ou  )  trouve,  étiquetées  de  sa  main, 
presque  toutes  les  plantes  qu'il  avait  recueillies 
dans  sou  voyage  du  Levant. 

On  voit  aussi  au  cabinet  de  botanique  le  com- 
mencement d'une  collection  qui  deviendiait 
exIr.M.eiiieiit  précieuse  pour  les  cr^ptogamislcs, 
s'il  était  possible  de  la  compléter,  c'est  celle  des 
champignons,  exécutés  en  cire  colorée  avec  une 
exactitude  et  une  vérité  approchant  tout  à  fait 
de  la  nature. 

LE    CABINET   DE   GÉOLOGIE  (14). 

Se  trouve  maintenant  i)lacé  à  colé  de  celui 
de  botanique.  Il  ne  peut  intéresser  que  les  sa- 
vants qui  étudient  la  formalion  du  globe,  ou  qui, 
du  moins,  cherchent  à  la  deviner,  les  personnes 
qui  s'occupent  de  minéralogie,  les  mineurs,  etc. 
Il  reuf'errae,  i)aruii  d'autres  objets,  une  collec- 
tion complète  de  toutes  les  i-o(  hes  ou  terrains 
<iui  ont  été  étudiés  jusqu'à  ce  jour, 

LE   CABI^ET   DE   MINÉRALOGIE  (l'i). 

Il  se  divise  en  deux  parlies  fort  distinctes,  les 
minéraux  et  les  métaux  On  y  remarque  des 
échimtillons  superbes  de  cristaux  de  toutes  les 
formes  et  de  toutes  les  couleurs;  de  pierres 
précieuses  les  plus  rares,  et  les  d:imes  ne  nian- 
queut  guère  de  s'arrcler  dtvaut  l'arnioiie  qui 
contient  le  diamant  entre  la  bouille  et  l'anthra 
cite.  Les  plus  beaux  diamants  que  l'on  connaisse 
.sont  .  I "  celui  du  Giand  Mogol,  pesant  deux  cent 
soixanle  dix-neuf  carats  et  demi,  |2"  celui  de 
l'empereur  de  Russie,  pesant  cent  quatre-vingt- 
quinze  carats;  3"  celui  de  renq)eieur  d'Autri- 
che, de  cent  trente-neuf  carats  ;  4"  le  légcnt, 
appartenant  à  la  France,  jjesaut  cent  trente-six 
carats.  Il  a  été  acheté  par  le  duc  d  Orléans,  ré- 
gent, au  connnencement  du  dix-huitième  sic»  le, 
et  lui  a  coûté  2,500,000  Ir.  Aujourd'hui  il  vaut  le 
double  de  cette  somme,  et  l'on  peut  jiger  par 
là  de  l'énorme  valeur  de  celui  du  (irand  Mogol. 

Les  curieux  ne  manquent  jamais  de  s'arrêter 
devant  une|)ierre  que  les  plaisants  ont  nonunée 
la  pierre  d'achoppement  de  la  science,  ou  plu 
tôt  des  savants.  C'est,  au  choix,  une  aérolithe, 
une  météorite,  une  astérolithe,  etc.,  etc.,  on 
pierretomliéeduciel.  Conune  elle  contient  dans 
sa  composition  une  forte  proportion  de  fer,  on 
l'a  classée,  au  cabinet,  dans  la  série  des  mines  de 
ce  métal.  Il  est  bien  certain  aujourd'hui  que  ces 
pierres  tombent  de  l'atmosphère  ;  des  observa- 
tions rigourejiscs,  laites  par  les  savants  les  pins 
distingués,  ont  constaté  ce  fait;  mais  d'où  vicn- 
uent-elles'i' Voilà  où  se  trouve  rend)arj  as.  Les  uns 
ont  dit  qu'elles  se  formaient  dans  l'atmosphère, 
et  on  leur  a  d('montré  que  cela  est  physique- 
ment impossible;  d'autres  ont  dit  iprelles  tom 


baient  de  la  lune,  d'où  elles  étaient  lancées  |)ar 
un  volcan;  mais  on  ne  sait  pas  s'il  y  a  des  vol- 
cans dans  la  lune,  et  en  outre  cette  pierre  n'.i 
aucune  analogie  décomposition  a\cc  les  matiè- 
res volcaniques;  d'antres  raisons  encore  ont  fait 
rejeter  celte  hypoltièse.  Enlin,  les  derniers  ont 
prétendu  que  les  aslérolilhes  ne  sont  rien  autre- 
chose  que  des  petites  planètes  (pii,  tournant 
conune  les  ;.ulres,  aiilour  du  soleil,  viennent  à 
rencontrer  notre  globe,  sont  attirées  piir  lui  en 
raison  de  sa  plus  grande  niasse,  tombent  dans 
son  atmosphère  dont  lefrolten;entles  entlamme. 
et  Unissent  leur  course  céleste  [lar  leur  choc  sur 
la  terre.  Cette  opinion  prévaut  aujourd'hui,  jus- 
qu'à ce  que  peut-être  une  autre  h)  pothèse  vienne 
faire  oublier  celle-ci  et  les  autres 

LA    BIBLIOTHÈQUE   (l'ij. 

Llle  est  ouverte  au  |)ublic,  en  ("te,  de  onze 
heures  à  trois  heures,  tous  les  jours,  excepté  le 
dimanche  ;  en  hiver,  les  mardis,  jeudis  et  .si- 
medis,  aux  mêmes  heures.  Elle  fut  fondée  en 
juin  1793,  par  le  (h'cret  de  réorganisation  du 
Muséum,  et  entièrement  consacrée  aux  ouvra- 
ges traitant  des  sciences  phjsiques  et  nalurelles. 
Elles  se  compose  actuellement  de  vingt-huit 
mille  volumes,  ainsi  classés  . 

1"  Histoire  naturelle   générale    et    topogra 
phi(]ue. 

2"  Botanique 

.^"  Phy.sique 

4»  Chmiie. 

r>"  Minéralogie. 

()"  (iéologie 

7"  Paléontologie. 

S"  Physiologie  humaine  et  couq)arée. 

9"  Anatomie  humaine. 

10"  Anatomie  et  physiologie  comparées. 

1 1"  Zoologie. 

ti"  .Mémoires  des  société's  savantes 

!;{"  Journaux  cl  recueils  scientiliqjies  et  litté- 
raires. 

14"  Vovages. 

15"  Collection  des  peintures  sur  velin. 

Cette  collection  de  peintures  est  probable- 
ment la  plus  importante  qu'il  y  ait  au  monde.^ 
Elle  fut  commencée  en  |{i40,  par  les  ordres  de 
Gaston  d'Orléans,  pour  servir  à  la  description 
des  plantes  rares  de  son  jardin  de  Blois.  Apiès 
sa  mort,  Louis  XIV  l'acheta  et  la  playn  à  la  Bi- 
bliothèque rojale,  d'où,  en  179!,  elle  passa  dans 
la  bibliothèque  du  Jardin  des  Plantes.  Elle  ren- 
ferme maintenant  plus  de  cinq  mille  vélins, 
distribués  dans  quatre-vingt-onze  portefeuille.Hi. 
Commencée  i)ar  le  i)eintre  Hoheri,  elle  fut  con- 
tinuée par  :  Aubriet,  mademoiselle  Bassepnrte, 
Bessa,  Cha/al,  Iluet,  Joubert,  Maréchal,  Men 
nier,  Oudinol,  Prêtre,  Bedouté,  mademoiselle 
Riche, 'rur|)in,  Van-Spaendouck,  Vailly  ,  Wer- 
ner,  et  quehiues  autres. 


IJ-:  JAKhIN    1>KS   PLANTES. 


v(>va(;i<:l;i{s  ik  .iahdin 


i;:i  lerniiiuint   1  liistoiiT    d'un  olablissemcnl 
(|iii  liiit  riioiincur  de  notre  patrie,  je  dois  ren- 
(iie  ici  un  tioniniiiKO|)ul)iic  aux  intrépides  voya- 
geurs qui,  par  un  zèle  aussi  ardent  que  désin- 
téresse', ont  parcouru  les  pays  les  plus  éloignés, 
les  plus  barbares,  ont  exposé  cent  fois  leur  vie, 
sont  morts  quelquefois  sur  un  sol  étranger,  à 
trois  mille  lieues  de  leui'  famille,  pour  enrichir 
le  Muséum  et  la  science.  Je  le  dis  à  regret,  ces 
homiiiayes  que  leur  rendent  troj)  rarement  les 
(■crivains  sont  le  seul  dédommagement,  le  seul 
bénéfice,  qu'ils  retirent  le  plus  ordinairement 
de  leurs  pénil)lesel  périlleux  travaux.  Nous  join- 
drons aussi  à  leurs  noms  ceux  des  personnes  qui, 
sans   appartenir  à  l'établissement   et   par  pur 
amour  pour  les  progrès  de  la  science,  ont  fait 
des  dons  importants  soit  à  la  ménagerie,  soit 
au  cabinet.  Malheureusement  je  nai  pu  me  pro- 
curer à  ce  sujet  que  des  données  incomplètes,  et 
s'il  manque  des  noms  à  cette  liste,  je  prie  les 
|)ersonnes  oubliées  de  croiie  (jue  les  omissions 
sont  tout  d  l'ail  involontaires  de  ma  part. 

KAi;i)ix(le  cai)itainel,  co!i:!i;andant  le  Cico- 
g-(iphr  ;  voyage  aux  terres  Australes 

Klli.axgkh  a  exploré  les  côtes  du  Malabar  et 
(II-  Coromnndel. 

Hiiîito^  a  exploré  la  Sicile. 
BoHV  OE  SM!\T-VlX(.E^T  ;,  le  colonel),  (irèce, 
Algérie. 

BovÉ,  directeur  des  jardins  de  Mébémet-Ah, 
au  Caire,  I  llgyple. 
B nui. LE,  (irèce. 

BussEuiL,  le  tour  du  monde  avec  le  capitaine 
Bougainville. 

Caili-aui»,  le  Iteove  Blanc  et  Méroé.  Le  Mu- 
séum lui  doit  deux  crocodiles  embaumés. 
(lATOiiiE,  rAfricpie. 
(jiiÉiuniM.  tils  du  célèbre  compositeur,  l'K- 

Clot-Bev,  médecin  au  (iraiid-Caire ,  l'L- 
g\pte,  le  nord  de  l'Afrique. 

Co^sTAXT  PiiKvosT;  on  lui  doit  desieptiles  de 
Sicile. 

Dici.M.AMiK  a  exploré  le  cap  de  Bonne-Lspé 
raiice  et  une  partie  du  midi  de  l'Afrique. 

Desessk,  le  Brésil. 

biAiîi),  le  Bengale,  Java,  Sumatra,  les  iles  de 
la  Sonde,  etc 

DoLMKiic  (Adoli)he),  Amérique  méridionale. 

DussL'Mi  Eli,  négociant  et  armateur  à  Bordeaux. 
Le  Muséum  et  la  ménagerie  lui  doivent  des  en- 
vois fort  importants. 

DuvAi  CEE,  le  Bengale,  Ja\a,  Sumatra,  les  iles 
fie  la  Sonde,  etc. 

LvDOi  \,  vo\age  sui'  /((  l'avonlc 


Galot  jeune,  les  environs   de  Rio-  Janeiro, 
où  il  est  mort. 

Gak^ot,  le  tour  du  monde  sur  la  corvette  In 
Coquille. 

(iAEDiciiAiD,  Amérique  méridionale,  le  Bré- 
sil. 
(iAV,  Amérique  méridionale. 
Gaimvrd,  port  duRoi  Geiuge,  terre  de  N'uitz, 
Port-Jackson,  ÎSouvelle- Irlande,  ^ouvelle-(iui- 
née,  Amboinf',  terre  de  Van-Diémen,  Ilobarts- 
Town,  \  anikoro,  iles  Mariaues,  Amboine,  les 
Célèbes,  Batavia,  le  cap  de   Bonne-Ksiiérance, 
Islande,  Groenland.  Spitzberg,  Laponie. 
GÉitAKi),  l'Algérie. 
(ioiDOT,  Madagascar. 

IIa:*ielix  (le  capitaine),  commandant  le  .\alii- 
)f(/i.v/cr  voyages  aux  terres  Australes. 
IIoD(isoN  (  le  major),  Inde. 
IIuiiExu,  l'Amérique  sepleulrionale. 
JoAMXEs,  haute  Egypte,  bords  du  Nil. 
JoRÈs,  haute  Kg^ite,  bords  du  Nil. 
DEsjAunn  (Julien),  l'Afrique. 
Lamahe  Piquot  a  |)ermis qu'on  choisit,  parmi 
les  doubles  de  sa  collection,  les  espèces  man- 
quant au  Musée. 

Leiu.om)  a  ancieimement   exploré  Cayenue. 
LEFiiVKE,  (Alexandre),  l'Lgypte. 
Lecontk,  les  Etats-Dnis  d'Amérique. 
Lesciienault,  a  exploré  Layenne,  Sumatra. 
Java,  le  Bengale,  les  iles  de  la  Sonde. 

Lesson,  le  tour  du  monde  sur  la  corvette  lu 
Coquille. 

Lesuei  II,  les  terres  Australes,  la  cote  occi- 
dentale de  la  Nouvelle-Hollande  ;  limor,  les 
ciMes  de  Diémen,  au  détroit  de  Basse,  etc.,  les 
Llats-Luis  d'Amérique,  l'Afrique. 

LEVAiLLAM-a  anciennement  exploré  Surinam, 
puis  le  midi  de  l'Afrique.  Le  Cabinet  lui  doit 
sa  première  girafe. 

Levilain,  mort  dansunvo\age  aux  grande.-. 
Indes. 

L'Hebminieh,  les  iles  de  la  Martinique,  l'orto- 
Kicco,  la  (iuadeloupe. 

Mahlov,  chirurgien  de  la  marine,  lAlgerie. 
Maucjk,  mort  dans  un  vojage  aux  Giaudes- 
Indes. 

Mexe.stiues,  a  exploré  l'Amérique  méridio 

iiale. 

.Mii.uEHT,  les  Ltat.s-Luis  d'Aiiieri(|ue. 

.MiLiiJS  [le  baron  ),  gouverneur  de  Cajeiine. 

MociiNO,  le  Brésil. 

OiuiiGNv    (  d'),  l'Amérique  méridionale. 

PÉiiON,  les  terres  Australes,  la  cole  occiden 
taie  de  la  Nouvelle-Hollande,  Timor,  côtes  d<> 
Diemeii.  déiroil  de  Bass,  etc..  rAlrique. 


I.K  .1  A  II  1)1  N    DKS   |>L.\NTi:S. 


L\l 


Pehottet,  le  cap  de  Bonne- Kspcrance. 

Pr.KK,  les  îles  de  la  Marlinique.  rorlo-Ricco, 
la  (iuadoloupe. 

Poe  Y,  la  Havane,  Cuba. 

PoiTEAu  a  exploré  Cayenne,  où  il  était  chef 
des  cultures  de  naturalisation  pour  la  France. 

Qloy,  Iles  de  France,  de  Bourhon,  Mariau- 
nes,  Poit-Jackson,  iles  Malouines,  Monté-Vidéo, 
Rio-Janeiro,  etc.,  1  Afrique. 

Reyivaud  vojage  sur  la  ChevrcUe. 

RiciuRn  a  anciennement  exploré  la  (iuyane. 

RicoHD  a  voyagé  pendant  quatorze  ans  pour 
le  Jardin;  île  de  Saint-Domingue,  Amérique 
septentrionale. 

RoGHi,  l'Afrique. 

Rousse  vu  (Alexandre',  Russie  niéiidionale, 
cl  tout  récenuTient  Madagascar,  archipel  In- 
dien. 

RozET,  ingénieiu-,  a  exploré  l'Algérie. 


S*i\T-llii.AinK  (Auguste),  a  explore  l'Amé- 
liqiic  méridionale- 

S\vir.>Y,  a  exploré  l'Ilalie.  Le  (;al)iiiet  lui 
doit  de  beaux  reptiles. 

S(iANZJN,  capitaine  d'Artillerie  de  la  marine, 
l'Afrique. 

Stenmeii.,  l'Algérie. 

Iei^tuuier,  l'Amérique  septentrionale. 

TiiÉnEiNAT-DiivANT,  l'Égyptc. 

V^ERiiKAux,  neveu  de  Delalande,  le  Cap. 

rsous  nous  sonmies  bornés  ici  à  indiciner  les 
contrées  explorées  par  les  voyageurs  du  Muséum 
et  par  les  voyageurs  libres  qui  ont  fait  des  en- 
vois; car  si  nous  étions  obliges  de  nicniionner 
espèce  par  espèce  toutes  les  richesses  qu'on  leur 
doit,  ce  serait  nommer  sans  exception  tous  les 
objets  rares  et  précieux  que  renferment  les 
galeries  et  les  vastes  magasins  de  l'établisse- 
ment. 


PERSONNEL   DU   JARDIN   EN  ^Sà\ 


/.oologir. 

Mammifèreset oiseaux.  —  M.  Geoffroy  Sai.m- 
Hii.AiRK  (Isidore),  professeur.  —  M.  Prévo.st 
(  Florent  ),  aide-naturaliste,  et  comme  tel  chargé 
de  la  surveillance  de  la  ménagerie. 

Reptiles  et  poissons.  -  M.  Ddmébil,  profes- 
seur. —  M.  BiBKON,  aide-naturaliste. 

Mollusques,  annélidis  et  rayonnes.  —  Vauîn- 
ciENNE,  professeur.  —  M.  Rousseau  (Louis), 
aide-naturaliste. 

Crustacés, arachnides  el insectes.—  M.  AuDOl^ 
professeur.  —  M.  Brullé,  akle-naturaliste. 

Anaioinie  el  Phijsiologk. 

Histoire  naturelle  et  Anatomie  de  1  honnne. 
—  M.  .Serres,  professeur.  —  M  Doyeiie,  aide- 
naturaliste. 

Anatomie  com|)arée.  —  M.  Duchotay  de  Ri.aiix- 
viLi.K,  professeur.  —  M.  Rousseau  (Eramanueli, 
aide-naturaliste. 

Phjsiologie  comparée  —  M.  Fi.ourens,  pro- 
fesseur. —  M.  DuMÉRiL  (  Auguste),  aide-natura- 
liste. 

liatiniiqur. 

Bolani(|ue  générale  — M.  BRONfiMARi  (;\do!- 
phe),  professeur.  —  M.Guillemiîv,  aide  natura- 
liste 

Botanique  rurale.  —  M.  ue  Ji  ssieu  (  A.  ),  pro- 
fesseur. —  M.  Dkcaisne,  aide-naturaliste. 


M.       DK 

I  l':dou;ird 


Agi'inilliiic. 

MntiiEr,  ,   pidlesseiu'. 
,  aidc-niilui'aliste. 


—    M.     SlMCH 


Minéralogie  cl  Géologie. 

(iéologic.  -  !M.  CoKDiER,  professeur.  — 
M.  u'Orbu;>y  (Charles  t,  aide-naturalist<'. 

Minéralogie.  —M.  Broîvgimiart  (Alexandre), 
professeur.  —  M.  Delafosse,  aide-naturaliste. 

Physique  et  Chimie. 

Phjskiue.  —  M.  Becquerel,  professeur.  — 
M.  Becquerel  fils,  aide-préparateur. 

Chimie  générale.  —  M.  Gay-Lussac,  profes- 
seur. —  M.  Bourson,  aide-préparateur. 

Chimie  appliquée  aux  arts.  —  M.  Chevreui, 
professeur.  —  M.  Calvert,  aide-préparateur. 

Ironograiihie. 

Iconographie  des  plantes.  —  M.  Lesoi  ri>  i>k 
Beauregard,  |)rofesseur. 

Iconographie  des  animaux.  —  M  Ciuzal, 
profes'  eur. 

Peintures  et  dessins  zoologiques.  —  MM.  Re- 
doute jeune,  Oewaillv,  Meunier,  \rVERMR(au- 
(|uel  la  collection  des  vélins  doit  surtout  de  noni- 
l»reuseset  magniliques  peintures  de  mammifè- 
res). Prêtre  et  Prévoi. 

Peintureset  dessins  de  botanique  -  M.  Bess», 
mademoiselle  Riciik. 

CO.NSEin  ATEL  US   EN   CHEF. 

Conservateur  du  Cabinet  d'anatomie  compa- 
rée. —  M.  Laurillard. 

Conservateur  des  galeries  d'histoire  natu- 
relle   —  M.  KlENER. 

Conservateur  de  la  galerie  de  botani({«ie  — 
M.  Gai  DtGHAuit  ((jharles). 


LXII 


l.lî   .IAKDIiN    IH:S    PLAINTES. 


Bil)liolh(!Ciiirc.  —  .M.  Desivoyehs. 

Chef  des  tiavnux  auatomiques.  —  M.  Rots- 
SEAL  (  Emmanuel  i. 

Jardiniers  en  chef.  —  M.  Nelmaxn,  pour  les 
serres  :  M.  Pepiih, pourl'lx'ole  de  botanique;  et 
M.  Dali!kei,  pour  les  carrés  de  culture. 

Chef  des   i)ureuux.  —  M.   Prévost  (Hippo- 

Tel  est  le  personnel  actuel  du  Jardin  des 
Plantes.  Tous  les  noms  que  je  viens  de  citer 
sont  une  preuve  suffisante  que  cet  établissement 
est  aussi  recomniandable  par  les  hommes  que 
par  les  rltoscs. 

L'administration,  atin  de  ne  pas  laisser  en- 
Nahir  les  collections  par  les  curieux  oisifs  qui 
s'y  portent  en  foule  et  qui  encombreraient  les 
galeries  au  point  de  rendre  toute  étude  impos- 
sible aux  étudiants,  a  ainsi  réglé  les  heures 
d'entrées  : 

Entrées  sans  cartes. 

Ménagerie.  Tous  les  jours,  de  onze  heures  à 
si\  heures  en  été,  et  de  onze  à  trois  en  hiver 
Cabinet  d'histoire  naturelle.  Le  mardi  et  le 


vendredi,  de  deux  heures  à  cinq  heures  en  été, 
et  de  deux  heures  à  la  nuit  en  hiver. 

Bibliothèque.  En  été,  tous  les  jours,  sauf  le 
dimanche,  de  onze  heures  à  trois  heures.  —  Eu 
hiver,  aux  mêmes  heures,  mais  seulement  les 
mardis,  jeudis  et  samedis. 

Entrées  avec  des  caries. 

Nota.  Les  étrangers  reroiieiit  des  cartes  à 
l'adviinislration  sur  la  simiile  jucseiitalion  de 
lenr  passe-port. 

Cabinet  d'histoire  naturelle.  Les  lundis,  jeu 
dis  et  samedis,  de  onze  à  deux  heures. 

Cabinet  d'annlomie  comparée.  Les  lundis  et 
samedis,  de  onze  à  deux  heures. 

Galeries  de  botanique.  Le  jeudi,  de  deux  à 
(|uatre  heures. 

Ecole  de  botanique.  Les  lundis,  jeudis  et  sa- 
medis, de  trois  à  cinq  heures. 

Les  persojnies  qui  veulent  se  livrer  spéciale 
ment  à  l'étude  de  Ihistoire  naturelle  ou  d'une 
de  ses  branches  obtiennent  de  l'administration 
une  carte  d'étudiant,  qui  leur  donne  le  droit 
d'entrer  aux  heures  consacrées  à  l'étude. 


INTERIEUB,    DE    L'AMPHITHEATRE    DANATOMIB    COMPAREE 

(    J  i.1  ilin   d,-s    fiantes.  ) 


Maison   il.-   Biiffo 


INTRODICTION 


A    L'HISTOIRE    DES    MAMMIFÈRES. 


Avanl  (le  coiniiiencor  l'histoire  de  la  classe  la  plus  iiiiporlaïUe  en  zoologie,  je 
(lois  reiulre  compte  au  lecteur  des  inspirations  qui  ont  dirigé  ma  plume,  et 
faire  un  exposé  rapide  de  mes  opinions. 

Avant  Bi  iïon,  l'histoire  naturelle  était  si  peu  avancée,  si  peu  de  chose,  que, 
sans  trop  se  hasarder,  on  peut  dire  qu'elle  n'était  presque  rien.  Tout  à  coup,  et 
dans  le  mùne  temps,  deux  hommes  de  génie  la  créèrent  à  la  fois,  mais  avec 
des  vues  de  l'esprit  hien  dilférentes  :  l'un  était  Linné,  l'autre  Bulîon.  (^e  der- 
nier eut  soin  de  cacher  les  épines  de  la  science  sous  le  charme  d'un  style  ini- 
mitable; mais  cette  magie,  qui  lui  servit  à  la  populariser,  mourut  avec  lui,  et 
les  successeurs  du  grand  écrivain,  après  avoir  fait  quchpies  cirorts  pour  marcher 
sur  ses  traces,  finirent  par  les  abandonner. 

Cnvier  parut  alors,  portant  dans  la  science  le  flambeau  anatomique  éclairé 
par  Dauhcnton.  Il  publia  son  Bègne  aniinal,  méthode  entièrement  fondée  sur 
l'organisation  des  animaux,  et  il  fit  une  révolution  utile  aux  progrès.  Mais  ses 
admirateurs  firent  comme  font  toujours  les  enthousiastes  d'un  système  nouveau, 
ils  dépassèrent  le  but  (pie  s'était  proposé  le  profond  anatomiste,  et,  malgré  les 
efforts  de  (piehpies  esprits  sensés,  ils  matérialisèrent  la  science,  et  sa  partie  phi- 


ixiv  l>K   .lAUDIN    l»KS    l'LANTKS 

losophiqiKî  tut  dès  lors  elounÏM'  p;ir  la  iiomciiclaUiie  dcsciiijtive.  La  clioso  en 
est  venue  à  un  tel  point  aujomd'imi,  qu'en  lisant  les  ouvrages  de  certains  sa- 
vants on  croirait  plutôt  parcourir  les  œuvres  d'un  vétérinaire  que  celles  d'un 
naturaliste.  Les  auteurs  ainsi  fourvoyés,  ayant  noyé  l'histoire  naturelle  dans 
l'anatomie,  ne  s'aperçurent  pas  qu'ils  l'avaient  tuée,  mais  ils  sentirent  (|ue, 
privée  de  sa  partie  la  plus  philosophique  et  la  plus  attrayante,  le  peu  (pii  res- 
tait de  la  science  devenait  sans  hut  et  n'otï'rait  plus  qu'une  synonymie  stérile 
et  sans  intérêt.  C'est  alors  (ju'ils  imaginèrent  de  donner  à  la  classification  une 
importance  d'emprunt,  (pi'elle  n'a  pas  et  qu'elle  ne  peut  avoir  devant  la  natine. 
et,  grâce  à  cette  marche  hasardée,  ils  ne  virent  dans  l'histoire  des  animaux  que 
l'étude  de  l'anatomie  comparée,  de  la  classification,  et  de  la  synonymie.  Puis, 
avec  une  naïveté  au  moins  fort  singulière,  ils  proclamèrent  que  tout  le  reste 
était  du  roman,  sans  se  douter  probahlemenl  qu'ils  reléguaient  ainsi  l'innnortel 
Buffon,  leur  maître  à  tous,  parmi  les  romanciers  !  !  Quant  à  cette  émanation  de 
hi  divinité,  à  cette  part  d'intelligence  dévolue  d'une  manière  si  admirable  a 
chaque  espèce  pour  satisfaire  ses  besoins,  régler  ses  habitudes  et  lui  créer  des 
mœurs,  ils  n'en  tiennent  aucun  compte;  ce  qu'il  y  a  de  plus  admirable  dans 
l'œuvre  de  la  création,  ils  ne  le  croient  pas  digne  de  tenir  la  plus  petite  place 
dans  leurs  systèmes  ni  dans  leurs  ouvrages;  ce  qu'ils  ne  peuvent  saisir  avec 
le  scalpel  et  leurs  pinces  de  dissection,  ils  le  repoussent  et  le  dédaignent. 

Heureusement  que  telles  ne  sont  pas  les  opinions  des  principaux  maîtres 
dans  la  science,  de  ces  véritables  savants  qui  sont  l'honneur  de  notre  Muséum 
d'histoire  naturelle,  et  une  des  gloires  de  notre  patrie.  Inspiré  des  mêmes  opi- 
nions qu'eux,  je  n'ai  pas  cru  pouvoir  m'étendre  trop  sur  l'histoire  morale  des 
animaux,  sur  leurs  habitudes  si  capables  de  piquer  la  curiosité  des  lecteurs,  sur 
leurs  relations  avec  l'homme,  etc.  J'ai  tâché  de  montrer  dans  leurs  forets  et 
livrés  à  tous  les  instincts  pittoresques  de  leur  nature  sauvage,  ces  êtres  si  tristes 
et  si  dégradés  dans  la  servitude  de  nos  ménageries,  ces  momies  décolorées  quoi- 
que si  ingénieusement  préparées  dans  nos  cabinets  d'histoire  naturelle.  Enfin, 
cette  partie  historique,  que  je  regarde  comme  la  plus  intéressante  et  la  plus 
utile  de  la  science,  occupe  le  [dus  grande  partie  de  mon  livre. 

Comme  Bulfon,  je  crois  que  la  nature  n'a  fait  ni  ordres,  ni  familles,  ni  genres, 
mais  seulement  des  individus,  et  je  ne  crois  pas  à  une  classification  naturelle 
possible,  au  moins  comme  les  naturalistes  l'ont  entendu  jus(|u'à  ce  jour.  Mais 
Buffon  n'a  connu  que  deux  cent  cincpianle  mammifères,  et  ce  nombre  s'est  tel- 
lement accru  depuis,  qu'il  serait  impossible,  sans  tomber  dans  une  confusion 
inextricable,  de  les  décrire  sans  ordre,  connue  il  la  fait.  Ensuite,  je  crcds  fer- 
mement qu'une  bonne  méthode  de  classification,  peu  importe  qu'on  la  regarde 
comme  naturelle  ou  comme  artificielle,  est  un  fil  indispensable  pour  diriger  le 
lecteur  dans  le  labyrinthe  de  la  nomenclatine;  il  otfre  l'avantage  précieux  de  le 
conduire  par  le  chemin  le  plus  court  possible  à  la  connaissance  de  l'espèce  qu'il 
veut  soumettre  à  son  examen.  Je  dois  dire  aussi  ipie  je  n'ai  la  prétention  d'im- 
poser à  personne  mes  propres  opinions,  et  cpie,  partant  de  là,  j'ai  dû,  jjour  les 
lecleurs(|ui  pensentaulrement  que  moi,  classer  mélliodi(iuement  mes  onze  cents 
mammifères;  il  était  tout  aussi  simple  que  je  choisisse  la  méthode  la  plus  répan- 
due, la  plus  généralement  reconnue  bonne,  c'est-à-dire  celle  de  C.  Cuvier.  Je 


LE  JAUlMiN   OliS   PLANTES.  lxv 

r;ii  donc  adoptée,  avec  de  légères  uiodilicalions  devenues  nécessaires  par  les 
rapides  propres  de  l'Iiisloire  nalurelle  et  les  nombreuses  découvertes  (pii  ont 
été  laites  dans  ces  dernières  années.  Mais  ces  modilications  n'ont  élé  ado[)tees 
par  moi  que  lorstpie  je  les  ai  crues  rigoureusement  indispensables,  et  j'ai  rejeté 
sans  hésiter  les  nouveaux  genres  créés  par  les  auteurs,  quand  je  ne  les  ai  pas 
crus  élablis  sur  des  bases  d'une  grande  valeur.  La  mannnalogie,  si  l'on  n'y  prend 
pas  garde,  est  menacée  des  mêmes  abus  (pii  ont  envahi  la  botani(|ue  et  l'enlonio- 
logie,   et  bientôt  nous  aurons  autant  de  genres  (|ue  d'espèces. 

La  synonymie  latine,  toute  stérile  qu'elle  est,  a  été  travaillée  par  moi  avec 
une  attention  minutieuse.  Dans  la  synonymie  vulgaii-e,  j'ai  introduit,  aulant(|ti(! 
cela  ma  ete  possilde  avec  le  })eu  de  renseignements  que  nous  axons,  une  in- 
novalion  que  je  crois  utile  ;  c'est-à-dire  cpie  jai  rendu  à  cluupu'  espèce  son  vé- 
ritable luun,  celui  qu'elle  porte  dans  le  pays  (pi'elle  habite.  Je  me  suis  bien  gardé 
smlout  de  déligurer  ce  iR>m,  connue  l'ont  l'ait  Ihillon  et  quehpu's-uus  de  ses 
successeurs,  s(uis  le  vain  |)rétexte  de  le  rendre  plus  doux  à  la  prononciation 
i'rançaise,car  mon  Init,  le  seul,  je  crois,  (pu;  l'on  doive  se  proposer  en  pareil 
cas,  a  élé  de  mettre  les  voyageurs  dans  le  cas  de  se  faire  couiprendre  des  natu- 
rels des  contrées  où  ils  porteront  leurs  investigations,  lorscpi'ils  demanderont 
des  rcmseignements  sur  un  animal. 

Ouaut  à  la  partie  descri|»tive,  je  l'ai  laite  dans  des  limites  aussi  lesserrées  que 
possible,  mais  avec  le  plus  graïul  soin,  et  nu's  descri|»tions,  qii(»i(pie  tort  com- 
tes, seront  toujours  sul'lisantes  pour  ne  laisser  aucune  ambiguïté  stn-  l'identité 
de  chaipie  espèce.  Une  longue  expérience  m'a  appris  que  trop  de  détails  dans 
une  descri|)tion  y  jettent  de  la  confusion  plutôt  que  de  la  clailé;  j'en  ai  conclu 
(pie  je  devais  ne  montrer  les  individus  à  mes  lecteiM's  que  par  les  côtés  cpii  les 
tranchent  net  des  espèces  voisines,  c'est-à-dire  n'énoncer  que  leurs  caractères 
s|>écifi(|nes.  De  jolies  gravures,  d'une  exactitude  rigoureuse,  donneront,  mieux 
(pie  de  longues  descriptions  n'auraient  pu  le  faire,  une  idée  nette  et  précise  des 
formes  générales,  du  faciès  de  tous  les  types  d'aiiiinaiix. 

Comme  je  l'ai  dit,  je  nie  suis  beaucoup  étendu  sur  les  mœurs  et  les  habitudes 
lies  animaux,  et  j'ai  ap|)orté  dans  cette  partie  toute  la  critique  dont  je  suis  ca- 
pable. J'ai  tâché  d'amuser  mes  lecteurs  en  les  instruisant,  parce  (|iie  j'ai  cru 
que  les  grâces  ne  sont  pas  ou  ne  devraient  pas  être  ennemies  de  la  science,  quoi 
(|u'en  puissent  dire  quel(|ues  graves  pédants.  J'ai  surtout  évité  avec  un  soin 
particulier  l'emijloi  ambitieux  de  ces  expressions  lechuiipies,  accouiilemenl  bi- 
zarre de  mots  grecs  et  latins,  trop  souvent  employé  avec  prodigalité  par  ligno- 
rance  qui  croit  se  cacher  en  se  couvrant  ainsi  de  baillons  scientili(pies.  Je  ne 
crois  |)as  (pie  la  science  soit  mystérieuse  et  doive  avoir  des  adeptes  ;  en  consé- 
(pieiice,  j'ai  lâche,  avant  tout,  d'être  clair,  sim|)le,  et  facilement  compris  de  tout 
le  monde.  Lnlln,  j'ai  rigoureusement  écarté  de  mon  ouvragi;  ces  p(»leiui(pies, 
ces  longues  dissertations,  quehpiefois  savantes  et  toujours  ennuyeuses,  dont  la 
l>riiicipale  et  souvent  la  seule  utilité  est  de  mettre  en  relief  le  mérite  de  celui 
<pii  les  écrit. 

Pour  donner  a  ce  livre  toute  l'utilité  (pi'il  [leiit  avoir,  je  ne  me  suis  pas  boine 
a  faire  seulement  l'histoire  des  mammifères  ipii  oui  v(*cu  à  la  ménag(U'ie,  mais 
encore  de  (oiis  ceux  fpii  existent  au  Cabinet  d'Iiisloiic  iialiirellr    et,  grâce  a  I  ex- 

i 


Lxvi  LE  JAUDhN   DES  PLANTES. 

trème  obligeance  du  conservateur,  le  savant  conquiliologiste,  M.  Kiener,  j'ai 
pu  décrire  les  individus  sur  la  nature  même.  J'ai  cru  devoir  néanmoins  omettre 
quelques  espèces  tout  à  fait  nouvelles  et  encore  fort  mal  connues,  qui  eussent, 
par  conséquent,  offert  très-peu  d'intérêt  à  la  classe  de  lecteurs  auxquels  mon 
livre  est  destine. 


*^^=*; 


)  \  csfh,(v 


FONTAINE  MONUMENTALE 

vu   COIN    DES   HUES  CllVIER   ET  SAINT-VICTOB 

(J»,,lin     des     fl. 


hESCUlPTlON 


ET   MCIEUUS 


DES    MVMMIFÈRES    01  ADRUPÈDES. 


La  première  grande  classe  du  régne  animal  se  compose  des  animaux  verlé- 
brés,  c'est-à-dire  de  ceux  dont  le  corps  et  les  membres  sont  soutenus  à  l'intérieur 
par  une  charpente  solide,  osseuse  ou  cartilagineuse,  dont  les  pièces  liées  et  mo- 
biles les  unes  sur  les  autres  leur  donnent  plus  de  précision  et  de  vigueur  dans 
les  mouvements.  Leur  système  nerveux,  plus  concentré,  rend  leur  intelligence 
supérieure  à  celle  des  animaux  des  autres  classes.  Constamment  on  leur  trouve 
une  tète  lormée  d'un  crâne  renfermant  un  cerveau  ;  un  tronc  soutenu  par  une 
colonne  vertébrale  et  des  côtes,  et  deux  paires  de  membres,  quand  ils  en  ont. 

Les  uns  font  leurs  petits  vivants,  et  les  femelles  ont  toujours  des  mamelles 
pour  les  allaiter;  c'est  pour  cette  raison  qu'on  les  a  nonnnés  manmiiféres,  et 
c'est  de  ceux-là  seulement  que  nous  avons  à  nous  occuper  ici.  On  les  subdivise 
en  divers  ordres,  dont  nous  donnerons  les  caractères  à  mesure  que  nous  les 
parcourrons.  Il  nous  suftit,  quant  à  présent,  d'en  donner  une  idée  générale  et 
concise. 

Les  mammifères  ont  le  sang  rouge,  une  circulation  double,  la  respiration 
simple  et  aérienne,  s'opérant  par  des  poumons.  L'organisation  du  plus  grand 
nombre  les  force  à  marcher  sur  la  terre;  mais  quelques-uns  cependant,  comme 
les  cbauves-souris,  peuvent  se  soutenir  dans  les  airs  au  moyen  des  membranes 
(|ui  soutiennent  leurs  membres  fort  allongés  ;  d'autres,  au  contraire,  ont  les  mem- 
bres tellement  raccourcis,  (ju'ils  ne  peuvent  se  mouvoir  que  dans  l'eau  :  tels  sont 
les  baleines,  les  marsouins,  les  dauphins,  que  les  anciens  confondaient  avec  les 
poissons,  et  dont  on  forme  aujourd'hui  un  ordre  à  part,  celui  des  cétacés.  Ces 
derniers,  dont  nous  n'aurons  pas  à  nous  occuper  dans  ce  volume,  sont  les 
seuls  qui  manquent  absolument  de  poils;  tous  les  autres  en  ont  plus  ou  moins; 
ils  leur  forment  une  robe  très-peu  garnie  dans  les  pays  chauds,  mais  tres- 
fourrée,  très-soyeuse  et  très-chaude  dans  les  contrées  froides.  Tous  ont  ipiatre 
membres,  et  c'est  pour  cela  qu'on  les  désigne  vulgairement  sous  le  nom  de  qua- 
drupèdes; mais  dans  quelques-uns,  les  amphibies,  ils  sont  si  courts,  si  engages 
dans  la  peau,  surtout  les  pattes  de  derrière,  (pi'ils  paraissent  n'avoir  (pie  des 
nageoires.  Tels  sont  les  caractères  foiidamcutiuix  sur  l("S(piels  est  établie  la 
classe  des  maunniferes. 


A>IURE^N   BEST  I  EÏ.0  f 


GALERIE    DES    SINGES 

(  J  »  .  d  i  D    J  t  S     IM  a  [j  l  ^-  a   ) 


LES    QUADRUMANES 


PHEMIKK    OUDKK    DES    M  A  M  M  I  FKU KS 


I/(>,ang-Oul.,ns. 


Les  (lUiidiiiiuaiies,  dans  leurs  formes,  onl  plus 
(lu  moins  d'iiiKilogie  avec  l'iuimiue,  mais  ils  eu 
différent  par  leurs  exliéniités  postérieures  qui 
se  terminent  non  par  im  pied,  mais  par  nue  vé- 
ritable main  dont  le  pouce  est  opposable  aux  au- 
tres doigts.  Ce  sont  des  animaux  qui  marchent 


difficilement,  surtout  debout,  mais  (pii  grimpent 
aux  arbres  avec  la  plus  grande  agilité,  d'où  il 
résulte  que  tous  sont  habilanls  des  forets. 

Cet  ordre  se  divise  en  cinq  familles,  savoir  .- 
les  anthropomoiphes  ;  les  singes;  les  sapajous  ; 
les  ouistitis,  et  les  makis  on  lémuriens. 


LES  ANTHKOPOMORPHES. 


Ce  sont  les  seuls  dont  l'os  hyoïde,  le  foie  et 
le  ccecum  ressemblent  à  ceux  de  l'homme.  Ils 
ont  le  museau  très  proéminent  ;  trente-deux 
dents,  dont  quatre  incisives  droites  à  chaque  mâ- 
choire, deux  canines  longues  se  logeant  dans 
un  vide  de  la  mâchoire  opposée,  dix  molaires  ;) 
tubercules  mousses.  Leurs  ongles  sont  plais; 
ils  manquent  de  queue.  Leurs  mouvements 
sont  graves  et  n'ont  pas  cette  pélulance  capri- 


cieuse ou  brutale  qui  caractérise  si  bien  les 
autres  singes.  Les  femelles  sont  sujettis  au\ 
mêmes  incommodités  périodiques  que  les 
femmes. 

1"  Geinre.  LesOI{AX«S  {  PilheciK,  Geovv.) 
forment  le  premier  genre.  Ils  manquent  d'aba- 
joues ;  leurs  bras  sont  très-longs;  leurs  oreilles 
arrondies,  plus  petites  que  celles  de  rhonmie  ; 
enfin  ils  n'ont  point  de  callosités  aux  fesses. 


2  LES  QUADRUMANES. 

L'ORANG-OITANG  P'ithccHs  salijrns,  Desm.  Sïmia  sntyriis,  Lin>.  l^'Oraiig- 
Oulancj  de  Vosm.  Le  Jocho  de  Buff.  ). 

Dans  les  forêts  les  plus  sauvages  de  la  partie  orientale  de  l'Inde,  à  Bornéo,  à  la 
Cochinchine  et  dans  la  presqu'île  de  Malaka,  les  voyageurs  rencontrent  quel- 
quefois encore  l'être  singulier  que  les  habitants  de  ces  contrées  nomment,  en 
malais,  orang-outang,  ce  qui,  traduit  littéralement,  signifie  être  raisonnable, 
indépendant,  ou  des  forêts,  dont  nous  avons  fait  homme  des  bois  ;  mais  il  devient 
rare,  et  bientôt  peut-être  il  aura  disparu  de  dessus  la  terre,  comme  tant  d'a- 
nimaux dont  les  dépouilles  fossiles  viennent  de  temps  à  autre  nous  révéler 
l'antique  existence.  Jadis  il  habitait  toute  la  partie  occidentale  de  l'Asie,  comme 
on  en  peut  juger  par  un  passage  de  Strabon  (lib.  15,  tom.  2).  Selon  cet  auteur, 
lorsque  Alexandre  pénétra  dans  l'Inde  à  la  tête  de  son  armée  victorieuse,  il  en 
rencontra  une  nombreuse  troupe,  qu'il  prit  pour  une  armée  ennemie;  aussitôt 
il  fit  marcher  contre  elle  son  invincible  phalange  macédonienne.  Mais  le  roi 
Taxile,  qui  se  trouvait  auprès  de  lui,  tira  le  conquérant  de  l'Asie  de  son  erreur, 
en  lui  apprenant  que  ces  créatures ,  quoique  semblables  à  nous,  n'étaient  que 
des  singes  fort  pacifiques,  nullement  sanguinaires,  et  n'ayant  pas  la  plus  mince 
parcelle  d'esprit  de  conquête. 

Par  la  forme  de  sa  tête  et  le  volume  de  son  cerveau,  l'orang-outang  est  l'ani- 
mal qui  ressemble  le  plus  à  l'homme.  Il  est  haut  de  trois  à  quatre  pieds  (0,057 
à  1,299);  son  corps  est  trapu,  couvert  d'un  poil  uniformément  roux;  son  visage 
est  nu,  un  peu  Ideuâtre;  ses  cuisses  et  ses  jambes  sont  courtes,  ses  bras  très- 
longs;  son  ventre  est  gros  et  tendu.  Il  est  fort  doux,  s'apprivoise  très-facilement, 
et  s'attache  aux  personnes  qui  en  prennent  soin.  Quoi  qu'en  aient  pu  dire  les  au- 
teurs et  les  voyageurs,  son  intelligence  est  assez  bornée  et  ne  surpasse  guère  celle 
d'un  chien.  Mais  comme  il  a  les  mouvements  posés,  réfléchis,  et  analogues  à  ceux 
(le  l'homme,  parce  qu'il  a  presque  sa  conformation  et  ses  besoins,  on  a  pu  faci- 
lement attribuer  ses  actions  à  une  intelligence  plus  perfectionnée  qu'elle  ne 
l'est  réellement. 

Le  Jardin  des  Plantes  a  possédé,  il  y  a  trois  nu  quatre  ans.  un  orang-outang 
vivant,  qui  a  permis  de  faire  de  bonnes  observations,  quoiqu'il  fût  très-jeune. 
On  est  convaincu  que  ces  animaux,  comme  les  singes,  sont  éminemment  grim- 
peurs, et  forcés  de  vivre  continuellement  siu'  les  arbres,  faute  de  pouvoir  marcher 
aisément  sur  la  terre.  A  quatre  pattes,  ils  ne  posent  sur  le  sol  que  l'extrémité  des 
doigts  du  pied,  et  le  devant  du  corps  ne  porte  que  sur  les  poings  fermés  ou  sur 
le  tranchant  des  mains;  ils  sont  en  outie  obligés,  pour  voir  devant  eux,  de  rele- 
ver la  tête  d'une  manière  fort  incommode.  II  ne  leur  est  guère  possible  non  plus 
de  marcher  debout,  au  moins  pendant  un  certain  temps,  parce  que  leur  confor- 
mation ne  le  leur  permet  pas  sans  leur  faire  éprouver  une  grande  fatigue.  En 
effet,  il  leur  manque  ce  puissant  développement  des  muscles  du  mollet,  de  la 
cuisse  et  des  fesses,  au  moyen  duqi.rl  l'homme  conserve  son  équilibre  et  mar- 
che avec  fermeté. 

A  l'état  sauvage,  l'orang-outang  a  été  j»eu  observé.  Il  habite  les  forêts  les  plus 
retirées  et  se  nourrit  principalement  de  fruits;  mais  il  est  probable  qu'il  mange 
aussi  les  (pufs  et  les  petits  des  oiseaux  qu'il  est  habile  à  dénicher  :  du  moins  ses 
longues  canines  doivent   le   faiic  snppdser.    ICanciens  voyageurs  ont   avancé 


ANTHUOPOMORPHES.  3 

qu'en  temps  de  tliselte,  il  quitte  les  nioutagiies  et  descend  sur  le  bord  de  la  mer 
où  il  se  nourrit  de  coquillages  et  de  crabes.  «  Il  y  a,  dit  Genielli  Carreri,  une 
espèce  d'huîtres  qui  pèsent  plusieurs  livres  et  qui  sont  souvent  ouvertes  sur  le 
rivage;  or,  le  singe  craignant  que,  quand  il  veut  les  manger,  elles  lui  attrapent 
la  patte  en  se  refermant,  jette  une  pierre  dans  la  coquille,  ce  qui  l'empèclie  de 
se  fermer,  et  ensuite  il  les  mange  sans  crainte.  »  Il  se  construit  sur  les  arbres 
une  sorte  de  hamac,  où  il  se  couche  chaque  soir  pour  ne  se  lever  qu'avec  le 
soleil. 

Les  Indiens  lui  font  la  chasse  pour  le  réduire  en  esclavage  et  en  tirer  quelque 
service  domesti({ue.  «  On  les  prend,  dit  Schoutten,  avec  des  lacs;  on  les  appri- 
voise, on  leur  apprend  à  marcher  sur  les  pieds  de  derrière,  et  à  se  servir  de 
leurs  mains  pour  faire  certains  ouvrages  et  même  ceux  du  ménage,  comme 
de  rincer  les  verres,  donner  à  boire,  tourner  la  broche,  etc.  » 

François  Léguât  dit  avoir  vu  à  Java  k  un  singe  fort  extraordinaire;  c'était  une 
femelle  ;  elle  était  de  grande  taille  et  marchait  souvent  fort  droit  sur  ses  pieds 
de  derrière;  alors  elle  cachait  d'une  de  ses  mains  l'endroit  de  son  corps  que  la 
pudeur  défend  de  montrer.  Elle  avait  le  visage  sans  autres  poils  que  les  sourcils, 
et  elle  ressemblait  assez,  en  général,  à  ces  figures  grotesques  de  hottenlotes  que 
j'ai  vues  au  Cap.  Elle  faisait  fort  proprement  son  lit  chaque  jour,  s'y  couchait  la 
tète  appuyée  sur  un  oreiller,  et  se  couvrait  d'une  couverture....  Quand  elle  avait 
mal  à  la  tète,  elle  se  serrait  d'un  mouchoir,  et  c'était  un  plaisir  de  la  voir  ainsi 
coiflee  dans  son  lit.  Je  pourrais  en  raconter  diverses  autres  petites  choses  qui 
paraissent  extrêmement  singulières,  mais  j'avoue  que  je  ne  pouvais  pas  admirer 
cela  autant  que  la  multitude,  parce  que  je  savais  qu'on  devait  conduire  cet  animal 
en  Europe  pour  le  montrer  par  curiosité,  et  je  supposais  qu'on  l'avait  dressé  en 
conséquence.  »  Il  y  a  ici  une  chose  qui  me  paraît  plus  que  douteuse,  c'est  le  fait  de 
la  pudeur,  fait  qui  a  été  également  avancé  par  Bontius,  médecin  à  Batavia.  Les 
voyageurs  qui  ont  vu  les  femmes  de  la  Nouvelle-Zélande,  de  quelques  îles  de  la 
mer  du  Sud,  etc.,  se  montrer  sans  voile  et  sans  pudeur  aux  yeux  des  étrangers, 
auront  de  la  peine  à  croire  que  celle  vertu  puisse  exister  naturellement  dans  un 
animal,  (|uand  elle  man{|ue  à  des  nations  entières. 

■l-  (jEMti;.  Le  TROGLODYTE  ou  KI.MPE-  |)c'u  niolùles  à  sa  volonté;  par  des  crêtes  sour- 

ZÈV  (  Troijlcdities,  Geoff.)  forme  à  lui  seul  uu  cilières  qui  manquent  aux  premiers,  et  enfin  prîr 

genre  qui  se  distingue  des  orangs  par  des  oreilles  ses  bras  plus  courts,  n'aiteignant  que  le  bas  do 

beaucoup  i)Ius  grandes  que  dans  l'homme,  et  un  la  cuisse. 

Le  K.LMPÉZÈV  {  Tio(jlo(lilcs  HKjcr,  GJL.OTV.  Siraia  Irogloilylcs,  Liyy.  Le  Chiin- 
paiisé,  G.  Cuv.  Le  Qnimpcsé,  Lecat.  Le  Juclio  et  le  Poiujo,  Buff.  Le  Qnojas 
Morou  et  le  Satyre  dWiujola,  Tui.p.  Le  Pijgméc,  ïyson.  Le  Pomjo,  Auheb.). 

J'ai  fait  l'histoire  de  l'orang-outang,  animal  qui  ressemble  le  plus  à  l'homme 
par  la  forme  de  la  tète  et  le  développement  du  front  et  du  cerveau,  mais  dont 
l'intelligence  ne  l'emporte  guère  sur  celle  du  chien  :  je  vais  faire  maintenant  celle 
de  l'être  qui  s'en  rapproche  le  plus  par  l'intelligence.  Les  phrénologues  remar- 
queront, en  passant,  que  l'orang  a  l'angle  facial  ouvert  à  soixante-cinq  degrés, 
tandis  que  celui-ci  ne  l'a  qu'à  soixante. 

Toutes  les  personnes  qui,  pour  la  première  fois,  ont  observé  un  kimpézéy,  ont 


4  LES  QUADRUMANES. 

rlé  frappées  de  sa  grande  resseiiiblaiicè  avec  l'iiomme,  nun-seulemeut  dans  ses 
l'ornies,  mais  encore  dans  ses  gesles,  ses  actions,  et  quelqnes-unes  de  ses  habi- 
tudes. Aussi,  les  diflérents  noms  qu'il  a  reçus  sont-ils  tous  l'expression  d'une  même 
pensée.  Là  c'est  le  pongo,  mot  par  lequel  les  nègres  désignent  un  grand  iéticlie, 
une  sorte  de  génie  des  forêts  ;  ici  c'est  le  cojas  morros  ou  quojas  morou,  qui, 
dans  la  langue  d'Angola,  signifie  homme  des  forêts  ;  dans  le  (longo  c'est  l'enjoko, 
(|ue  ButTon  a  déliguré,  et  qui,  dajis  la  langue  du  pays,  est  l'impératif  du  verbe 
se  taire  :  ■  Enjoko,  tais-toi.»  On  conçoit  l'origine  de  ce  nom  quand  on  sait  (jue  les 
nègres  du  Congo  croient  que  si  le  kimpézèy  ne  parle  pas,  c'est  qu'il  ne  le  veut 
pas,  dans  la  crainte  qu'on  le  soumette  à  l'esclavage  et  qu'on  le  fasse  travailler. 
Mais  tous  ces  mots  ne  sont  que  des  épithètes  dont  on  accompagne  le  véritable  nom, 
kimpézèy,  sous  lecjuel  il  est  connu  par  les  naturels  de  toute  la  côte  de  fiuinée.  Le 
voyageur  Lecat  en  a  fait  quimpésé,  et  G.  Cuvier  chimpanzé. 

Il  y  a  peu  d'années  que  tous  les  habitants  de  Paris  se  portaient  au  Jardin  des 
Plantes  pour  voir  Jacqueline,  jeune  femelle  appartenant  à  celte  espèce.  Elle  était 
tlouce,  bonne,  caressante  même  ;  elle  reconnaissait  parfaitement  les  gens  qui 
allaient  la  voir  et  leur  faisait  plus  de  caresses  qu'aux  autres.  Si  on  la  contrariait, 
elle  pleurait  à  sanglots  connne  un  enfant,  se  retirait  dans  un  coin  de  l'apparte- 
ment et  boudait  quelques  minutes.  Mais  sa  colère  enfantine  cédait  à  la  plus  petite 
avance  d'amitié;  alors  elle  essuyait  ses  larmes  et  revenait  sans  rancune  auprès 
de  celui  qui  l'avait  chagrinée.  Quoique  sa  jeunesse  fût  extrême  (elle  avait  deux 
ans  et  demi),  son  intelligence  était  déjà  fort  développée,  et  j'en  citerai  deux 
exemples  qui  sont  extrêmement  remarquables  à  mon  avis,  et  dont  j'ai  été  témoin. 
Un  ami  qui  m'accompagnait  quitta  ses  gants  et  les  posa  sur  une  table  ;  aussitôt 
Jacqueline  s'en  empara  et  voulut  les  mettre,  mais  elle  ne  put  en  venir  à  bout 
parce  qu'elle  plaçait  à  la  main  droite  le  gant  de  la  main  gauche.  On  lui  montra  sa 
méprise,  et  on  parvint  si  !>ien  à  la  lui  faire  comprendre,  que  depuis  elle  ne  s'est 
jamais  tromiwe,  quoiqu'on  l'ait  mise  souvent  à  l'épreuve.  M.  Werner,  notre 
meilleur  peintre  d'histoire  naturelle,  fut  chargé  de  la  dessiner.  Jacqueline,  fort 
étonnée  de  voir  son  image  se  reproduire  sous  le  crayon  de  cet  habile  artiste, 
voulut  aussi  dessiner.  On  lui  donna  du  papier  et  un  crayon;  elle  s'assit  grave- 
ment à  la  table  du  maître,  et  traça  avec  grande  joie  quelques  traits  informes. 
Comme  elle  appuyait  de  toutes  ses  forces,  la  pointe  de  son  crayon  cassa,  et  elle  en 
fut  très-contrariée.  Pour  l'apaiser  on  le  lui  tailla,  et,  corrigée  par  l'expérience, 
elle  appuya  moins. 

Elle  vit  le  dessinateur  porter  le  crayon  à  sa  bouche,  et  elle  en  lit  autant;  seu- 
lement, au  lieu  de  se  contenter  de  mouiller  la  pointe,  elle  ne  manquait  jamais  de 
la  casser  avec  ses  dents.  Il  fut  impossible  de  l'en  empêcher,  et  ce  grave  inconvé- 
nient mit  hn  à  ses  études  artistiques.  Elle  essayait  de  coudre,  comme  la  femme 
qui  la  gardait,  mais  il  lui  arrivait  chaque  fois  de  se  piquer  les  doigts;  alors  elle 
jetait  là  l'ouvrage,  s'élançait  sur  la  corde  qu'on  lui  avait  tendue,  et  se  consolait 
de  sa  maladresse  en  faisant  quelques  cabrioles  qui  auraient  fait  pâlir  le  plus  hardi 
funambule. 

Jacqueline  avait  un  chien  et  un  chat,  qu'elle  aimait  beaucoup.  Elle  les  gâtait 
au  point  de  les  faire  coucher  tous  deux  à  côté  d'elle,  dans  son  lit,  l'un  à  gauche 
et  l'autre  à  droite;  mais  elle  sut  néanmoins  conserver  sur  eux  la  supériorité  que 


ANTHKOPOMOKPHES.  5 

lionne  rintelligeiice,  et,  quand  elle  le  jugeait  convenable,  elle  les  châtiait  sévè- 
rement pour  les  soumettre  à  son  obéissance  ou  pour  les  forcer  à  vivre  entre 
eux  en  bons  amis. 

La  pauvre  Jac(iueliiie  avait  l'habitude  de  se  laver  chaque  matin  le  visage  et  les 
mains  avec  de  l'eau  fraîche  ;  ces  aspersions,  jointes  aux  rigueurs  d'un  climat  si 
différent  de  celui  d'Afrique,  lui  occasionnèrent  probablement  la  maladie  de  poi- 
trine dont  elle  mourut.  Jack,  l'orang-outang  ({u'elle  avait  remplacé  à  la  ménage- 
rie, ainsi  que  les  kimpézéysqui  ont  autrefois  vécu  chez  Butl'on  et  chez  l'impéra- 
trice Joséphine,  sont  morts  de  la  même  maladie. 

Quoi  qu'en  disent  aujourd'hui  les  naturalistes,  qui  n'assignent  que  deux  pieds 
et  demi  0,SI2i  de  hauteur  à  cet  animal,  parce  qu'ils  n'en  ont  jamais  vu  que  de 
Ires-jeunes,  il  est  certain  qu'il  atteint  (juatre  à  cinq  i)ieds  (  1,299  à  1,624  ),  et 
|»eut-ètre  davantage,  car  sans  cela  rien  de  ce  (juc  les  voyageurs  lui  attribuent  ne 
serait  possible.  Lorsque  Jacqueline  fut  prise  et  amenée  à  Paris,  elle  était  fori 
jeune;  cependant  sa  taille  était  de  deux  pieds  et  demi  0,Si2i  de  hauteur,  et  sa 
mère  la  portait  encore  dans  ses  bras. 

jNous  avons  vu  l'orang-outang  tigurer  dans  Ihistoire  d'Alexandre  le  Grand  : 
nous  verrons  le  kimpézèy  figurer  dans  celle  des  Carthaginois,  et  pour  les  deux 
cas  nous  tirerons  une  conséquence  semblable,  c'est-à-dire  qu'alors  l'espèce  étail 
beaucoup  plus  nombreuse  en  individus  qu'aujourd'hui,  et  qu'elle  s'avançait  sur 
la  cùte  occidentale  de  l'Afriipie  jusqu'au  pied  de  l'Atlas. 

Trois  cent  trente-six  ans  avant  notre  ère,  les  Carthaginois,  sous  la  conduite 
d'Hannon,  abordèrent  une  île  de  l'Afrique  occidentale.  Une  immense  trou|)e  de 
singes  les  observaient,  et  les  Carthaginois,  les  prenant  pour  des  ennemis,  les  char- 
gèrent aussitôt.  On  remarqua  que  ces  animaux  ne  tinrent  point  en  rase  campagne 
contre  leurs  agresseurs,  mais  qu'ils  se  sauvèrent  avec  beaucoup  de  précipitation 
sur  des  rochers,  d'où  ils  se  défendirent  vaillamment  à  coups  de  pierres.  On  ne 
[)arvint  à  se  rendre  maître  que  de  trois  femelles  (|ui  se  débattirent  avec  tant 
d'acharnement,  qu'il  fut  impossible  de  les  garder  vivantes.  Hannon,  qui  les  prit 
pour  des  femmes  sauvages  et  velues,  les  fit  écorcher  et  rapporta  leurs  peaux  à 
Cartilage.  Uninioins  jieripliis,  pag.  77,  édit.  1074.^  Elles  furent  déposées  dans  le 
leinple  de  Junon,  où,  deux  siècles  après,  les  Romains  les  trouvèrent  encore,  lors 
de  la  conquête  de  cette  ville.  Il  est  plus  que  probable  que  tout  ce  que  les  anciens 
nous  ont  transmis  sur  les  satyres,  les  faunes,  les  sylvains,  et  autres  divinités  des 
bois,  tire  son  origine  de  l'histoire  mal  connue  de  cet  animal.  La  peau  de  satyre 
(pie  saint  Augustin  dit  avoir  vue  à  Rome,  était  certainement  celle  d'un  de  ces 
animaux. 

Le  kimpézèy  a  le  visage  plat,  l)asané,  nu  ainsi  (pie  les  oreilles,  les  mains,  la 
poitrine,  et  une  partie  du  ventre.  Le  reste  du  corps  est  couvert  de  i)oils  rudes, 
noirs  ou  bruns,  mais  clair-semés,  excepté  sur  la  tète  où  ils  sont  très-longs  et  lui 
forment  une  chevelure  pendante  |)ar  derrière  et  sur  les  côtés.  Il  marche  debout 
avec  beaucoup  plus  de  facilité  (|ue  l'orang-outang,  parce  que  les  muscles-  de  ses 
mollets  et  de  ses  cuisses  sont  plus  développés,  et  qu'il  a  le  bassin  plus  large.  On 
lui  compte  une  paire  de  côtes  de  plus  qu'à  l'homme.  Cet  animal,  qui  ne  se  trouve  ([ue 
sur  les  côtesdu  Congo  et  de  la  Cuinée,  a  le  maintien  grave  et  les  mouvements  me- 
sures, l'ar  toiiles  ces  considérations,  Brookes,  dans  son  .Sj/.s?(-i»c  d'histoin-ualurclle, 


6  LES  QUADRUMANES. 

avait  mis  l'homme  dans  la  classe  des  singes;  le  prince  royal  d'Angleterre  lui  en 
ayant  fait  des  reproches  assez  vifs,  «  Monseigneur,  je  me  rends  à  la  force  de  vos 
((  ohjections,  répondit  le  naturaliste;  en  votre  faveur  je  changerai  mon  arrange- 
(I  ment,  et  je  placerai  le  singe  dans  la  classe  des  hommes.  » 

En  domesticité,  le  kimpézèy  montre  la  même  douceur  que  l'orang,  mais  plus 
d'intelligence.  «  J'ai  vu  cet  animal,  dit  Buffon,  présenter  la  main  pour  reconduire 
les  gens  qui  venaient  le  visiter,  se  promener  gravement  avec  eux  et  comme  de  com- 
pagnie ;  je  l'ai  vu  s'asseoir  à  table,  déployer  sa  serviette,  s'en  essuyer  les  lèvres,  se 
servir  de  la  fourchette  et  de  la  cuiller  pour  porter  à  sa  bouche,  verser  lui-même  sa 
boisson  dans  un  verre,  le  choquer  lorsqu'il  y  était  invité  ;  aller  prendre  une  tasse  et 
une  soucoupe,  l'apporter  sur  la  table,  y  mettre  du  sucre,  y  verser  du  thé,  le  laisser 
refroidir  pour  le  boire,  et  tout  cela  sans  autre  insligationqueles  signes  ou  la  parole 
de  son  maître,  et  souvent  de  lui-même.  11  aimait  prodigieusement  les  bonbons  ;  il 
buvait  du  vin,  mais  en  petite  quantité,  et  le  laissait  volontiers  pour  du  lait,  du  thé, 
ou  d'autres  liqueurs  douces.  » 

Dans  son  esclavage,  le  kimpézèy,  si  on  s'en  rapporte  à  tous  les  voyageurs,  peul 
rendre  autant  de  services  qu'un  nègre.  On  a  vu  à  Loango  une  femelle  aller 
chercher  de  l'eau  dans  une  cruche,  du  bois  dans  la  forêt,  balayer,  faire  les  lits, 
tourner  la  broche,  etc.,  etc.  Elle  tomba  malade,  et  un  chirurgien  la  saigna,  ce 
qui  lui  sauva  la  vie.  Un  an  après,  ayant  gagné  une  fluxion  de  poitrine,  elle  fut  de 
nouveau  alitée  ;  lorsqu'elle  vit  entrer  le  même  chirurgien,  elle  lui  tendit  le  bras  el 
lui  lit  signe  de  la  saigner. 

Un  voyageur  très-digne  de  foi,  M.  de  Grandpré,  officier  dans  la  marine  fran- 
çaise, ayant  habité  Angola  pendant  deux  ans,  raconte  ce  qui  suit  :  «  L'intelligence 
de  cet  animal  est  vraiment  extraordinaire;  il  marche  ordinairement  debout  ap- 
puyé sur  une  branche  d'arbre  en  guise  de  bâton.  Les  nègres  le  redoutent,  et  ce 
n'est  pas  sans  raison,  car  il  les  maltraite  rudement  quand  il  les  rencontre.  Us 
disent  que  s'il  ne  parle  pas,  c'est  par  paresse.  Us  pensent  qu'il  craint,  en  se 
faisant  connaître  pour  homme,  d'être  obligé  de  travailler,  mais  qu'il  pourrait  l'un 
et  l'autre  s'il  le  voulait.  Ce  préjugé  est  si  fort  enraciné  chez  eux,  qu'ils  lui  parlent 
lorsqu'ils  le  rencontrent. 

«  Malgré  tous  mes  efforts  pour  me  procurer  un  individu  de  cette  espèce,  je  n'ai 
pu  y  parvenir,  mais  j'en  ai  vu  un  sur  un  vaisseau  en  traite.  C'était  une  femelle  ;  je 
l'ai  examinée  et  mesurée  avec  attention,  et  elle  s'y  prêta  avec  beaucoup  de  com- 
plaisance. Debout,  les  talons  portant  à  terre,  elle  était  haute  de  quatre  pieds 
deux  pouces  huit  lignes.  Ses  bras  pendants  atteignaient  à  un  pouce  au-dessus  du 
genou  ;  elle  était  couverte  de  poils,  le  dos  fauve,  etc.... 

«  Il  serait  trop  long  de  citer  toutes  les  preuves  que  cet  animal  a  données  de  son 
intelligence ,  je  n'ai  recueilli  que  les  plus  frappantes.  Il  avait  appris  à  chauffer  le 
four  ;  il  veillait  attentivement  à  ce  qu'il  n'échappât  aucun  charbon  qui  pût  incen- 
dier le  vaisseau,  jugeait  parfaitement  quand  il  était  suflisamment  chaud,  et  ne 
manquiiit  jamais  d'avertir  à  propos  le  boulanger  qui  de  son  côté,  sûr  de  la  saga- 
cité de  l'animal,  s'en  reposait  sur  lui,  et  se  hâtait  d'apporter  sa  pâte  aussitôt  que 
le  singe  venait  le  chercher,  sans  que  ce  dernier  l'ait  jamais  induit  en  erreur. 

«  Lorsqu'on  virait  au  cabestan,  il  se  mettait  lui-même  à  tenir  dessous  (  tirer  sur 
le  câble  I,  et  choquait  à  propos  avec  plus  d'adresse  qu'un  matelot.  Lorsqu'on  on- 


ANTHROPOMOlU'HilS.  7 

vergua  les  voiles  iiour  le  départ,  il  monta,  sans  y  être  excité,  sur  les  vergues  avec 
les  matelots  qui  le  traitaient  comme  un  des  leurs  ;  il  se  serait  chargé  de  l'empoin- 
ture,  partie  la  plus  difficile  et  la  plus  périlleuse,  si  le  matelot  désigné  pour  ce  ser- 
vice n'avait  insisté  pour  ne  pas  lui  céder  la  place.  11  amarra  les  rabans  aussi  bien 
qu'un  matelot,  et,  voyant  engager  l'extrémité  de  ce  cordage  pour  l'empêcher  de 
pendre,  il  en  fit  aussitôt  autant  à  ceux  dont  il  était  chargé.  Sa  main  se  trouvant 
prise  et  serrée  fortement  entre  la  ralingue  et  la  vergue,  il  la  détacha  sans  crier, 
sans  grimaces  ni  contorsions  ;  et  lorsque  le  travail  fut  fini,  les  matelots  se  retirant, 
il  déploya  la  supériorité  qu'il  avait  sur  eux  en  agilité,  leur  passa  sur  le  corps  à 
tous,  et  descendit  en  un  clin  d'œil. 

((  Cet  animal  ne  parvint  pas  jusqu'en  Amérique;  il  mourut  dans  la  traversée, 
victime  de  la  brutalité  du  second  capitaine  qui  l'avait  injustement  et  durement 
maltraité.  Cette  intéressante  créature  subit  la  violence  qu'on  exerçait  contre  elle 
avec  une  douceur  et  une  résignation  attendrissantes,  tendant  les  mains  d'un  air 
suppliant  pour  obtenir  que  l'on  cessât  les  coups  dont  on  la  frappait.  Depuis  ce 
moment,  elle  refusa  constamment  démanger,  et  mourut  de  faim  et  de  douleur  le 
cinquième  jour,  regrettée  comme  un  homme  aurait  pu  l'être.  » 

Voyons  maintenant  le  kimpézèy  à  l'état  sauvage.  Presque  toutes  les  fois  que 
les  vovageurs  en  ont  rencontré,  le  mâle  et  la  femelle  marchaient  ensemble,  d'où 
on  peut  penser,  avec  quelques  naturalistes  anglais,  qu'il  est  monogame  et  ne 
change  pas  de  femelle.  Quand  il  est  à  terre,  il  se  tient  debout  et  marche  avec  un 
bâton  qui  lui  sert  à  la  fois  d'appui  et  d'arme  offensive  et  défensive  ;  il  se  sert  aussi 
de  pierres  qu'il  lance  avec  adresse  pour  repousser  rattacfue  des  nègres,  ou  pour 
les  attaquer  lui-même  s'ils  osent  pénétrer  dans  les  lieux  solitaires  qu'il  habite. 
Ces  animaux  vivent  en  petite  troupe  dans  le  fond  des  forêts;  ils  savent  fort  bien 
se  construire  des  cabanes  de  feuillage  pour  s'abriter  des  ardeurs  du  soleil  et  de 
la  pluie.  Ils  forment  ainsi  des  sortes  de  petites  l)0urgades,  où  ils  se  prêtent  un 
mutuel  secours  pour  éloigner  de  leur  canton  les  hommes,  les  éléphants  et  les 
animaux  féroces.  Dans  ces  attaques,  si  l'un  des  leurs  est  blessé  d'un  coup  de  flè- 
che ou  de  fusil,  ses  camarades  retirent  de  la  plaie,  avec  beaucoup  d'adresse,  le  fer 
de  la  flèche  ou  la  balle;  puis  ils  pansent  la  blessure  avec  des  herbes  mâchées,  et  la 
bandent  avec  des  lanières  d'écorce. 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  i)his  singulier  dans  ces  animaux,  ce  (|ui,  à  mon  avis,  dénote 
chez  eux  une  intelligence  très-perfectionnée,  c'est  (ju'ils  donnent  une  sépulture 
à  leurs  morts.  Ils  étendent  le  cadavre  dans  une  crevasse  de  la  terre,  et  le  recou- 
vrent d'un  épais  amas  de  pierrailles,  de  feuilles,  de  branches  et  d'épines,  pour 
empêcher  les  hyènes  et  les  panthères  d'aller  le  déterrer  pendant  la  nuit.  Certes, 
il  y  a  dans  ce  fait  quelque  chose  qui  approche  bien  d'une  pensée. 

Les  kimpézèys  habitent  leurs  cabanes  pendant  les  nuits  orageuses  et  quand  ils 
sont  malades,  car  dans  toute  autre  circonstance  ils  dorment  sur  un  arbre.  La  fe- 
melle a  beaucoup  de  tendresse  pour  son  petit  ;  elle  le  caresse  sans  cesse  et  le  tieni 
propre  avec  beaucoup  de  soin.  Elle  le  porte  sur  ses  bras  à  la  manière  des  nourrices 
quand  elle  n'a  qu'une  légère  distance  à  parcourir,  et  s'il  s'agit  d'un  long  trajet, 
elle  le  })lace  sur  son  dos,  où  il  se  crann)onne  avec  les  mains  et  les  pieds,  abso- 
lument à  la  manière  des  négrillons.  Elle  y  est  beaucoup  attachée  et  le  garde  ave< 
elle  longtemps  encore  après  le  sevrage:  mais  le  mâle  léchasse  quand  il  est  assez 


K  I.KS  {)[    \I>I5  1  M  \M:S 

l\ni  pour  se  ilcIVntli)'  i-l  .issc/  iiilcllim'iil  imm   s.ivmr  i  lien  Ikt  <I  ilioisn   ses  ;ili- 
innils. 

1^0  malt'  .imic  Iciuln'mt'iil  s.i  IVmclli'.  Si.t'liiiil  .imt  v\\t\  il  i-sl  suipi  is  |i,u  l.i 
prcst'iict'  iiit)|)infi>  d'un  on  iiliisicuis  lltl|lllnt>^.  il  s'iiniu'  aiissiloi  di-  picin's.  mi 
«l'un  l>.il»Mi  s'il  s»>  lidiiM'  une  Ihmik  lie  luoilc  ;i  sii  |iin'lt't*;  il  se  lt>\t'  tlt'lmul,  s";u"- 
rôlt',  et.  (laus  (iiic  .iililiidc  iiuMiaciintr,  il  iittnul  qur  sa  tViutdlc  se  soii  tdoi^iu'f 
|>(Mir  liiir  Ini-nu'inr  le  d.uif^cr  Pcnv  de  mes  aniis  d'cnlanci',  (|ni  oui  lialiilc  la  Tiiii 
iht.  m  (Mil  tlil  avoir  cli'  Icnioiiis  de  ce  lail. 

(a'|»i'iidaiil .  ni.d^it' ers  a|>|iartMH('s  d'auuiin,  \r  lviui|M'/t'\  n  Vsl  pas  loujtuirs 
lr(''s-liili'lt'  a  sa  rt'incllc,  cl  souxcul  il  |ntni'>uil  d.nis  les  liois  des  lU■i^|■('SS('^ 
ipi  il  ciilcM'  cl  jiorlo  dans  sa  «•aliaiic.  »  I.i's  Uim|»f/('\s.  <lil  M  A>'  la  llidssc 
\  ro|yui/i'  (i  lu  ioli-  il'  l;i(/i)/ii  .  làcluMil  de  surprnidit'  des  in'fircssi'S,  les  ^ardcnl 
iwvv  tMi\.  «'t  les  nounissiMil  lr«'s-|ii«'ii.  J'ai  ronuu.  ajonlc-l-il,  à  la»aufit»,  une  ne 
glTSS(>  qui  t'Iail  icsli'o  Irois  ans  a\i'*'  ces  aniniaiix.  u  (JucKpidois  » 'csl  moins  poiii 
satislairc  la  lirnl.ilili'  de  Icnis  passions  cpic  pour  se  l'aire  uuf  sotiolc  ipii  Ifiir 
plaît,  ipic  li's  l»iniptvi'\s  atlaipnni  les  pMiiu's  ut'j;it'ssi's,  ipi'ils  (muihmIimiI  sur  It's 
ailut's  ri  tpir  Ion  a  licaiu  oiip  de  |i('in<'  a  leur  ai  rarliiT.  I.a  pii-nv  i'  de  icl.i  csl  qu'ils 
nilfXMil  f^altiin-nl  les  n'iincs  ^arrous,  les  («uiduisiMil  dans  leurs  lords  .  cl  les 
^ardi'iil  sans  aiilie  ImiI  ipic  de  les  a\oir  avec  <>u\.  lî.illel  nous  .ippi'cnd  «pi  un  lu' 
^rilUuide  sa  suite.  a>aul  ele  einniene  par  des  kin)pe/e\s.  veeul  di»u/.e  à  treize  mois 
en  lenisocicle.  et  revint  très  c  iMilenl ,  i^ids  el  «^ras,  en  se  louant  heaneonp  du  Irai- 
icmi'iil  de  ses  ra\  isseurs 

I  II  I. Ils, ml  hi  plus  laifie  part  a  rexaj^teralnui  tU's  \o\a^ems,  o\\  lnuiMia  «in  «m 
«pic  11'  kini|ie/e\  est  le  plus  inlelli-^ent  des  animaux. 


AN  I  llK()l'0\l(>i;i'lli:s. 


^\^'-       VU*-,.' 


l.«    l'c.^n  ,1..    VV U 


^'  (iKMiK.  I.CN  IM>\4iOS  (/'oiu/o,  l.*«;iii'.)  Cl»'  (aiiiiics  sont  Ii<-h  loitcs;  ses  (rctcN  Miiircllii'fi', 

(•«■iiiT  <liH*-n-  «II-  n-lin  ilrs  diuii^s  |iiii'  I  iiii^I)-  lit  snt{illiilffl  ori'i|illiilr  roiiniirnl  itiiiiioiint'N.  Il  ii 

riiil.  (|iii  ii'onI  <|ni-  lit-  tniili- ilr^its.  «1   |iiii'  1rs  iU-h  sntn  Hijniiilini.  iiii  hir^iiv  :  Kcsdnl^lsitr  picO 

iiliiijoiirs  (|ti'ii  II  (liiiis  Iti  txMD'Iic.    I  II  iMitir,  ses  iirsoiil  piiN  ii  iiiii.  i nu-  nii\  ijrs  hiiinuiii).;N 

l.f  l'0^(i()  m  Wl!|(ivni  l'uiif/i»  lyiirmhii,  Dism.  |,r  ;.;i,iimI  (hiiiiij  (hiliiiiii  ilr 
<|iirli|iirs  voy;ii^riiis  ) 

\  iiici  Mil  .iiiiiii;il  iloiil  lliishiirr  si  inil  ilii|iir  rsi  Inil  siii^iilirir  IEmUiiii  .  (|iii 
n'rti  .'iviiil  .iiintiii-  riiiin;iiss;iiiri-.  ;i  ilimiir  sini  iiniii  ;i  un  l'In-  iiii;i^;iii.iit  i-  t|ii  il 
n-oyiiil  VOISIN  ilii  lviiii|ir/.ry.  Li-  siiviiiil  {',  (iitvirr.  i|iii  |in*li;ililniii'iil  iir  I  iiv.iil 
l'oniiii  i|iir  |i,ii  II'  iiiniiMirc  ilr  Wiiniili.  Ir  i  rliiM  ilr  l;i  Ijiniillr  ilivs  i>i;iii^s  |ioiir  Ir 
classrr  nilir  1rs  iiiiiiiilrillr:.  rt  1rs  s,i|>,i|<iiis.  |il,n  r  i|iii  irri.iiiiriiiriil  iir  lui  rnii 
vinil  piis.  Ursiiiiiicls  en  a  liiil  un  ;;i'iirc  hirii  tiiiiirlir  ,  ri  muI.i  i|n  ,iii|iiiii iriiiii 
on  ne  vriil  inrini'  piis  riirn'|tlci'  roiniiii*  csihtc  ;  j'ai  clc  nioiiiitiiir  iji- rillr 
ili'iiiirri'  opinion  pcnilaiit  pliisinns  aniin-s,  ri  riicori-  aii|otiiiriiiii  je  ilniiir  i  i  irl 
Iniirnl  Ir  poii^o  dr  N>  iinnli  n  rsj  pas  un  \ii*ii\  oiang-onlaii^; 

Sa  laillc  rsl  m  v\h'\  a  peu  pics  crllr  îles  pins  ^^raiiilH  oiaii^s,  ri  alli-iiiili  ail  nii-nir 
rrllr  ilr  riioiiiinr  si  on  s'en  lapporlait  aii\  \oya^;ciMs  Son  nnps  rsl  rolmslr, 
nnivi-i'l  ilr  poils  noirs;  sa  l'an'  es!  iiiir,  il'iiii  Iniiii  laiiNc;  son    nnisraii   csl    Ires 

pméininriil.  so ■/  plal.  ri  si>h  ynix  pi-lilsi-l  saillaiils;  ses  orniirs.  plus  pclilcs 

ipic  celles  lie  riHHiiiiic,  son!   collées  conlie  sa  lèle;  ses  liras,  iliinc  !onj,;iieiir  de 
incsiiree,  lui  ilescciiilent  pisipi'aiix  malléoles  ;  eiilin  sa  poilrinc  cl  son  \cntre  sont 
nus    II  li.iliilc  jtoriieu  cl  Smiialr.i   Tons  ces  caracicres  pcincnl  i^jalcnicnl  s'appli- 
ipici  a  loiaii^  onlan^,  mais  ce  ilciiiiei    iiiampic  ilaliaioiics  cl  il  ,i  le  loïc  cdiiiiiic 


10  LES   QUADKUMANKS. 

riiommo,  tandis  (|ue  le  pongo  «niait,  selon  Desmarets  et  d'antres  natnralistes, 
des  abaiones,  et,  selon  G.  Cnvier,  le  l'oie  divisé  en  plnsienrs  lobes  ;  dans  le  premier 
cas  ce  serait  le  dernier  des  anthropomorphes,  dans  le  second  on  devrait  le  placer 
à  la  tète  des  singes. 

Si  le  pongo  est  un  vieil  orang-outang,  son  histoire  oflre  une  singularité  unique 
parmi  les  animaux,  et  la  voici  :  dans  tous  les  êtres  doués  d'instinct  ou  d'intelli- 
gence, cette  intelligence  est  comparativement  très-faible  dans  le  premier  âge  ; 
elle  se  développe  progressivement  et  n'atteint  guère  à  toute  son  énergie  que  vers 
la  fin  du  premier  tiers  de  la  vie.  Elle  se  soutient  ensuite  jusqu'à  la  décrépitude, 
et  même,  dans  les  animaux  sauvages,  jusqu'à  la  mort.  Dansl'orang-outang,  il  en 
serait  tout  autrement,  en  supposant  qu'il  devînt  un  pongo  dans  sa  vieillesse. 

Dans  son  enfance,  il  a  le  front  grand,  saillant,  proéminent,  et  la  tète  arrondie 
comme  celle  de  l'homme.  Alors  il  est  doux,  posé,  réfléchi,  si  je  puis  me  servir  de 
cette  expression,  et  il  semble  tout  à  fait  incapable  de  la  pétulance  et  de  la  férocité 
de  beaucoup  de  singes;  il  s'affectionne  aux  personnes  qui  le  caressent  et  le  nour- 
rissent, et,  comme  le  chien,  il  est  snsceptible  de  recevoir  une  certaine  éducation. 

Devenu  adulte,  c'est-à-dire  lorsqu'il  prend  le  nom  de  pongo,  il  s'opère  chez  lui  une 
métamorphose  étrange.  Son  angle  facial,  qui  était  ouvert  à  soixante-cinq  degrés, 
s'allonge  et  se  trouve  réduit  à  cinquante  ;  son  front  se  rejette  en  arrière  comme 
celui  de  ces  idiots  nommés  crétins  ;  sa  tète  s'allonge  vers  son  sommet  et  se  rétrécit 
considérablement.  Son  museau  s'avance;  sa  face  s'élargit  prodigieusement  par 
l'effetdedeux  grosses  protubérancesqui  se  développent  entre  les  yeux  et  les  oreilles, 
depuis  la  tempe  jusqu'à  la  base  des  mâchoires;  enfin  c'est  une  métamorphose  com- 
plète. L'intelligence  éprouve  la  même  révolution.  Les  voyageurs  épouvantés,  qui 
le  retrouvent  dans  les  bois  sous  les  noms  de  kukurlaco,  de  féfé,  de  golokk,  trem- 
blent à  son  approche  ;  car  ce  n'est  plus  cet  animal  rempli  de  douceur  et  de  gentil- 
lesse, mais  un  être  farouche,  indomptable,  plein  de  courage  et  de  férocité,  sans 
cesse  occupé  à  donner  la  chasse  aux  êtres  plus  faibles  que  lui,  se  nourrissant  non- 
seulement  de  fruits,  mais  aussi  de  la  chair  des  oiseaux  qu'il  surprend  la  nuit  sur 
les  arbres  ;  c'est  ce  mystérieux  et  terrible  homme  nocturne  qui  poursuit  les  femmes, 
attaque  les  voyageurs,  les  assomme  à  coups  de  pierres  ou  de  bâton,  et  les  dé- 
vore; qui,  enfin,  porte  l'épouvante  avec  lui. 

Tout  cela  est  fort  exagéré,  comme  on  doit  le  croire  ;  mais  en  adoucissant  beau- 
coup ce  portrait  de  mœurs  sauvages,  il  n'y  en  aurait  pas  moins  une  métamor- 
phose complète,  car  il  est  certain  que  le  pongo  de  Wurmb  est  féroce,  sauvage, 
courageux,  et  qu'il  se  défend  avec  un  bâton  quand  il  est  attaqué  par  l'homme. 

D'ailleurs,  ce  qui  peut  encore  ébranler  l'opinion  de  ceux  qui  pensent  que 
l'orang  et  le  pongo  sont  identiques,  c'est  qu'aujourd'hui  on  connaît  deux 
espèces  de  ce  dernier  genre. 

Le  Pongo   d'Abel  iPov.go  Abdii,  Lesso^  ;  nue,  mais  uue  grosse  moustache  déborde  sa  lè- 

Povgo  ]Vi,rmbii,  Cl.  Abel).  U.   Clarke  Abel  vre  supérieure,  et  une  barbe  touffue  lui  pend 

pense  que  cet  animal  est  le  véritable  oraiig-on-  au  menton;  il  est  couvert  de  poils  d'un  roux 

tnng.  H  atteint  six  pieds  cinq  pouces;  son  mu-  foncé,  passant  en  quelques  endroits  au  rouge 

seau  est  trés-proéminent  et  son  nez  fort  aplati  ;  vif  ou  au  brun  noir  ;  il  a  la  plante  des  pieds  et 

une  épaisse  crinière  couvre  sa  tète;  sa  face  est  la  paume  des  mains  brunâtres. 

I.in(livi(hi  t|iii  a  ruinni  celh"  (Icscription  a  de  tue  a  Sumalra.  Connue  le  pré- 


ANTHROPOMOKPIiES.  Il 

cèdent,  il  marchaitdeboiil  avec  facilité,  courait  avec  vitesse,  et  grimpait  sur  les 
arbres  avec  une  grande  agilité.  Du  reste,  il  était  robuste  et  se  détendit  avec  beau- 
coup de  courage.  Il  combattait  encore  ayant  reçu  cinq  balles  dans  le  corps  et  plu- 
sieurs coups  de  lance.  Entiu,  affaibli  par  un  vomissement  de  sang,  il  fit  comme 
César,  et,  s'abandonnant  à  sa  mauvaise  fortune,  il  se  laissa  tomber,  mil  les  mains 
sur  les  profondes  blessures  d'où  son  sang  s'échappait  à  Ilots,  et,  en  expirant,  jeta 
sur  ses  assaillants  un  regard  si  plein  de  supplication  et  de  douleur,  (pi'ils  eu 
furent  émus  jusqu'aux  larmes,  et  se  repentirent  d'avoir  tué  sans  nécessité  une 
créature  si  ressemblante  à  eux-mêmes. 

11  parait  que  cet  animal  n'habite  pas  ordinairement  la  côte  de  Sumatra  où  il  fut 
rencontré;  car  les  habitants,  qui  ne  le  reconnurent  pas,  déclarèrent  que,  depuis 
quelque  temps,  ils  entendaient,  pendant  la  nuit,  des  cris  poussés  par  une  voix 
étrange  n'ayant  rien  d'analogue  avec  celle  des  animaux  du  pays.  En  outre,  il  avait 
les  pieds  couverts  de  boue  jusqu'aux  genoux,  comme  un  homme  qui  viendrait  de 
faire  un  long  voyage.  Sa  force  était  si  prodigieuse  que,  nuirtellement  Ijlessè  et 
ayant  déjà  perdu  une  partie  de  son  sang,  il  brisait  comme  une  paille  le  bois  des 
lances  dont  on  le  frappait.  Il  fut  mesuré  après  sa  mort,  et  on  lui  trouva,  depins 
le  sommet  de  la  tète  jusqu'au  talon,  six  i)ieds  cinq  pouces. 

i<:  Gemie.  Le  SYNDACTYLE  Siindarttilus).  callosités  aux  fesses;  dans  le  niàle  et  la  femelle, 
Il  a  le  niéine  caractère  que  les  orangs,  mais  ses  l'index  et  le  médinm  des  pieds  de  derrière  sont 
hras  sont  un  pen  plus  longs,  et  il  a  de  légères      réunis  jus(|u  à  la  dernière  [)halauge. 

Le  SIAMANG  [Sundactijlus  siarnaiig.  —  IJiflobates  syndactyhm,  Fr.  Ccv.  Pi- 
theciis  sijndnciijtns^  Df.sm.  Sim'a  Sijndacnjla,  Raffl.  ) 

Cet  animal,  qui  habite  les  forêts  de  Sumatra,  a  le  pelage  laineux,  épais,  d'un 
noir  foncé;  il  a  sous  la  gorge  un  grand  espace  nu.  Il  est  lent,  pesant,  manque 
d'assurance  quand  il  grimpe,  et  d'adresse  quand  il  saute.  Si  on  le  rencontre  à 
terre,  un  homme  un  pen  agile  l'atteint  aisément  à  la  course  et  s'en  empare  sans 
qu'il  cherche  à  se  défendre.  Son  inq)uissance  à  fuir  le  danger  ou  à  le  repousser 
par  la  force,  l'a  rendu  très-défiant  ;  jamais  sa  vigilance  ne  s'endort.  Comme  il  a 
l'ouïe  très-fine,  il  entend  à  un  mille  de  distance  un  bruit  assez  léger,  et  s'il  lui 
est  inconnu,  il  prend  aussitôt  la  fuite. 

Les  siamangs  se  réunissent  en  troupe  nombreuse,  et  sont  très-attachés  à  leurs 
petits.  Si  l'un  tombe  blessé  mortellement  par  une  balle,  sa  mère  se  laisse  tom- 
ber près  de  lui  en  jetant  des  cris  affreux,  se  roule  de  désespoir,  et  fait  tout  ce 
qu'elle  peut  pour  rappeler  son  enfant  à  la  vie  ;  aperçoit-elle  l'ennemi  qui  a  porté 
le  coup  fatal,  elle  se  relève  et  se  précipite  sur  lui  en  étendant  les  bras,  ouvrant 
la  gueule,  et  poussant  des  hurlements  lamentables.  Mais  là  se  bornent  ses  efforts, 
car  elle  ne  sait  ni  mordre,  ni  frai>per,  ni  parer  les  couj)s,  et  elle  meurt  victime 
innocente  de  l'amour  maternelle. 

Ce  qu'il  y  a  de  fort  singulier,  c'est  que  les  femelles  ne  portent  sur  leurs  bras 
que  les  petites  femelles,  et  que  les  mâles  ne  portent  également  que  les  petits  de 
leursexe.  «  Les  soins  que  les  femelles  preiment  de  leurs  enfants,  dit  M.  Duvaucel, 
sont  si  tendres,  si  recherchés,  qu'on  serait  tenté  de  les  attribuer  à  un  sentimeni 
raisonné.  C'est  un  spectacle  curieux,  (huit,  à  force  de  précautions,  j'ai  pu  jouii' 
(pielquefois,  que  de  voir  ces  femelles  porhT  leurs  petits  à  la  rivière,  les  débar- 


12  LES  QUADRUMANES. 

boiiiller  malgré  leurs  plaintes,  les  essuyer,  les  sécher,  et  donner  à  leur  propreté 
un  temps  et  des  soins  que,  dans  bien  des  cas,  nos  propres  enfants  pourraient 
envier.  » 

Du  reste,  le  siamang  est  peu  intelligent,  apathique,  maladroit,  mais  fort  doux. 
Huit  jours  après  avoir  été  pris,  il  est  aussi  apprivoisé,  aussi  accoutumé  à  l'escla- 
vage que  s'il  eût  passé  toute  sa  vie  en  domesticité.  Pour  cela  il  n'en  est  pas 
plus  aimable,  car  il  paraît  aussi  insensible  aux  bons  traitements  qu'aux  mauvais, 
et,  sans  jamais  chercher  à  faire  du  mal,  il  ne  donne  jamais  non  plus  le  moindre 
signe  d'affection  ;  la  reconnaissance  et  la  haine  sont  pour  lui  des  passions  tout  à 
fait  étrangères.  La  peur  et  la  stupidité  exercent  sur  lui  un  tel  empire,  que,  dans 
les  forêts,  s'il  rencontre  un  tigre,  loin  de  chercher  à  se  sauver,  il  reste  immobile 
comme  une  statue,  se  borne  à  jeter  sur  son  ennemi  un  œil  effaré,  et  cette  fasci- 
nation lui  coûte  la  vie. 

Quand  ces  animaux  voyagent,  ils  ont  un  chef  qui  marche  à  leur  tête  et  con- 
duit la  troupe;  comme  c'est  ordinairement  le  plus  agile  et  le  moins  stupide,  si  la 
petite  caravane  fait  une  mauvaise  rencontre,  il  vient  toujours  à  bout  de  se  sau- 
ver; il  en  résulte  que  les  Malais  croient  ce  chef  invulnérable.  Chaque  matin,  au 
soleil  levant,  les  siamangs  font  retentir  les  bois  de  leur  voix  assourdissante,  et 
ils  en  font  autant  quand  le  soleil  se  couche  ;  aussi  servent-ils  d'horloge  aux  paysans 
en  leur  annonçant  exactement  l'heure  du  travail  et  celle  du  repos. 

5«  Genre.  Les  GIBBONS  {Hylobates,  Illig.)  callosités  aux  fesscs.et  que  leurs  bras  sout  d'une 
ne  diffèrent  des  orangs  que  parce  qu'ils  ont  des     longueur  encore  plus  démesurée. 

Le  W0U"W0U  {Hylobates  leuciscus,  Lesson.  Simia  leuciscus,  Sch.  Le  Gibbon 
cendré  de  Cuv.  Le  Molocli,  Aud.  ). 

Lors  même  que  le  wouwou  marche  à  quatre  pattes,  il  se  tient  toujours  debout, 
car  ses  bras  sont  si  énormément  longs  que,  dans  cette  dernière  position  ses  mains 
touchent  à  la  terre.  Sa  taille  atteint  quelquefois  quatre  pieds  (J  ,2i}9)  de  hauteur; 
son  corps  est  couvert  de  poils  laineux  d'un  gris  cendré  ;  ceux  de  la  face  sont  trés- 
noirs,  et  un  cercle  de  poils  gris,  qui  lui  entoure  le  visage,  lui  donne  un  air  fort 
original. 

Cet  animal  vit  dans  les  îles  de  la  Sonde  et  dans  les  Moluques.  11  est  assez 
doux,  quoique  vif  et  capricieux.  A  l'état  sauvage,  il  se  plaît  sur  le  bord  des  eaux, 
dans  les  roseaux  qu'il  habite.  Autant  ses  longs  bras  le  rendent  disgracieux  quand 
il  est  sur  la  terre,  autant  il  est  leste,  agile  et  gracieux  quand,  s'élançant  sur  la 
cime  des  plus  hauts  bambous,  il  s'y  balance,  et  prend  toutes  les  positions  extraor- 
dinaires que  lui  permettent  la  longueur  de  ses  bras.  Il  n'est  pas  de  saltimbanques 
plus  amusants  et  qui  inventent  des  poses  aussi  singulières  que  cet  animal.  Dans 
le  même  genre  se  placent  les  trois  espèces  suivantes  : 

LeGiBBO.\  HGiLE  {Hylobates  agilis,  Fr.  Cuv.,  dans  la  femelle.  Il  a  sur  les  yeux  un  bandeau 

Simia  lar,  Rapfl.  Le  Wouwou  de  Fr.  Cuv.).  blanc  qui  descend  de  chaque  côté  et  va  s'unir  à 

11  habite  les  forêts  de  Sumatra,  où  il  esl  assez  des  favoris  blanchâtres;  son  front  est  très-bas, 

rare;  il  a  le  pelage  brun,  et  jaune  sur  le  dos;  et  ses  arcades  orbitaires  fort  saillantes.  11  a  été 

la  face  est  d'un  bleu  noirâtre  dans  le  mâle,  brune  découvert  par  MM.  Uiard  et  Duvaucel. 

La  nature  n'a  pas  doué  cette  espèce  d'une  grande  intelligence,  cependant  en 


ANTHROPOMORPHES. 


13 


captivité  elle  est  susceptible  d'acquérir  quelque  éducatiou.  Ce  gibbon  est  quel- 
quefois fort  gai,  et  recherche  les  caresses  de  son  maître;  il  est  toujours  familier, 
curieux  et  gourmand.  Dans  les  bois,  il  vit  par  couple  plus  souvent  qu'en  famille. 
Il  est  d'une  agilité  surprenante,  et,  quand  il  s'élance  de  branche  en  branche,  il 
semble  plutôt  voler  que  sauter.  Lorsqu'il  est  debout,  il  peut  avoir  trente  et  un  à 
trente-deux  pouces  (0,839  à  0,967)  de  hauteur,  et  les  doigts  de  ses  bras  touchent 
à  lerre. 


L'OtNKO  (  llijlobates  lar,  Less.  Simia  lovgi- 
mann,  ScnR.  Le  Gibbo»,  Biff.  Le  Gibbon  noir, 
G.  Ciiv.).  Celui-ci  a  les  bras  un  peu  moins 
longs  que  le  wouwou  ;  sa  taille  serait  de  plus 
de  trois  pieds  (0,975)  selon  Buffon,  qui  eu  a  vu 
un  vivant,  et  ne  serait  communément  que  d'un 
pied  trois  pouces  (0,^06)  selon  M.  Lesson,  qui 


me  parait  ici  faire  une  erreur.  Son  corps  est 
grêle,  allongé,  couvert  de  poils  grossiers,  longs 
et  noirs,  excepté  ceux  qui  entourent  la  face,  qui 
sont  gris  ;  son  nez  est  brun,  plat  :  ses  yeux  sont 
grands,  mais  enfoncés;  ses  oreilles  arrondies, 
et  bordées  à  peu  près  comme  celles  de  l'homme. 
La  plante  des  pieds  et  les  ongles  sont  noirs. 


Cette  espèce  est  de  mœurs  douces,  d'un  caractère  tranquille,  et  ses  mouve- 
ments ne  sont  ni  trop  brusques  ni  trop  précipités.  Dans  la  captivité,  il  prend 
assez  doucement  ce  qu'on  lui  présente,  et  la  nourriture  qu'il  paraît  préférer  est 
le  pain,  les  fruits  et  le  lait.  Louis  Lecomte,  cité  par  Buffon,  dit  avoir  vu  aux 
Moluques,  «  une  espèce  de  singe,  l'ounko,  marchant  naturellement  sur  ses  deux 
pieds,  se  servant  de  ses  bras  comme  un  homme,  le  visage  à  peu  près  comme  celui 
d'un  Hottentot,  mais  couvert  d'une  sorte  de  laine  grise,  se  comportant  comme 
un  enfant,  et  exprimant  parfaitement  ses  passions  et  ses  appétits;  il  ajoute  que 
ces  singes  sont  d'un  naturel  très-doux  ;  que,  pour  montrer  leur  affection  aux 
personnes  qu'ils  connaissent,  ils  les  embrassent  et  les  baisent  avec  des  trans- 
ports singuliers  ;  que  l'un  de  ces  singes,  qu'il  a  vu,  avait  au  moins  quatre  pieds 
de  hauteur,  et  qu'il  était  extrêmement  adroit,  et  encore  plus  agile.  »  A  l'état 
sauvage,  il  se  nourrit  exclusivement  de  fruits.  Il  habite  les  Moluques,  la  côte  de 
Coromandel,  et  la  presqu'île  de  Malaka. 


Le  GiBito^  vAHiÉ  (Hi//o6ote5 larifga/tis,  Less.) 
n'est  qu'une  variété  du  précédent.  Il  ne  s'en 
distingue  guère  que  par  sa  taille  d'un  tiers  plus 


petite,  et  par  son  pelage  mêlé  de  gris  brun  et  de 
gris  foncé.  On  le  trouve  également  dans  la  pres- 
qu'ile  de  Malaka. 


'*  j=^  '■<&''i.^^''^^y0'm& 


u 


LES  QUADRUMANES. 


LES  SINGES. 


Ils  ont  le  même  nombre  de  dents  que  les  an- 
thropomorphes, dont  quatre  incisives  à  chaque 
mâchoire,  deux  canines  et  dix  molaires  ;  mais 
l'os  hyoïde  est  en  forme  de  bouclier  ;  le  foie  est 
divisé  en  plusieurs  lobes  ;  le  c(ocum  est  gros, 
court  et  sans  appendices.  Us  ont  une  queue, 
quoiciu'elle  soit  réduite  quelquefois  à  un  simple 
tubercule  rudimentaire  ;  leurs  fesses  sont  calleu- 
ses. Tous  appartiennent  à  l'ancien  continent. 


6°  Genbe.  Les  GUENONS  (Cvrvopiiherus, 
LniN.).  Elles  ont  la  tète  ronde,  le  front  rejeté 
en  arrière,  le  nez  plat  et  ouvert  à  la  hauteur 
des  fosses  nasales  ;  point  de  crêtes  sourcilières  ; 
l'angle  facial  ouvert  à  cinquante  degrés;  l'o- 
reille d'une  grandeur  moyenne;  la  queue  plus 
longue  que  le  corps.  Toutes  sont  vives,  capri- 
cieuses, et  assez  douces  dans  leur  jeunesse  ;  niais 
elles  deviennent  méchantes  en  vieillissant. 


La  MONE  [Cercopilhecus  iuona,  Geoff.  Simia  mona  et  Sirnia  vionacha,  Schr. 
La  Mone,  Buff.) 

Cette  jolie  petite  guenon  a  les  lèvres  et  le  nez  couleur  de  chair;  la  face  brune, 
avec  un  bandeau  noir  sur  le  front  ;  la  tète  d'un  vert  doré  en  dessus,  entourée  de 
blanc  ;  le  dos  et  les  flancs  d'un  brun  vif  piqueté  de  noir  ;  les  membres  noirs;  le 
dessus  de  la  queue  d'un  bleu  ardoisé,  et  une  tache  blanche  de  chaque  côté  de  la 
queue.  Sa  taille  est  d'environ  dix-sept  pouces  (0,460)  depuis  le  bout  du  museau 
jusqu'à  l'origine  de  la  queue  :  celle-ci  a  deux  pieds  (0,.560)  de  longueur. 

La  mone  est  une  des  guenons  les  plus  communément  apportées  en  France,  el 
celle  qui  supporte  le  plus  aisément  les  intempéries  de  notre  climat.  L'élégance 
dans  les  formes,  la  grâce  dans  les  mouvements,  la  douceur  dans  le  caractère,  la 
finesse  dans  l'intelligence,  la  pénétration  dans  le  regard,  tout  ce  qui,  dans  un  ani- 
mal de  ce  genre,  peut  le  faire  rechercher  et  inspirer  pour  lui  de  l'affection,  la 
mone  le  possède.  Quoique  vive  jusqu'à  la  pétulance,  elle  n'a  pas  de  méchanceté 
et  s'attache  assez  aisément  à  son  maître.  Elle  est  même  susceptible  d'une  certaine 
éducation,  si  toutefois  on  s'en  fait  craindre  assez  pour  la  forcer  à  obéir. 


.KCIEIHIE    HABITATION    DES    SINGES. 


.i»,.iiu  .u-,   ruiiic.  ) 


^"^ 


SINGES.  15 

Contre  riialiitiulc  des  jiutres  singes,  elle  ne  grimace  jamais,  et  elle  a  dans  les 
traits  une  certaine  gravité  jik-ine  de  douceur.  Elle  mange  volontiers  tout  ce  qu'on 
lui  présente  :  de  la  viande  cuite,  du  pain,  des  fruits  et  certains  insectes;  elle  est 
particulièrement  friande  de  fourmis  et  d'araignées.  Son  adresse  et  son  agilité  sont 
extrêmes,  et  néanmoins  tous  ses  mouvements  sont  doux.  Klle  a  de  la  ténacité  dans 
ses  désirs,  mais  jamais  ils  ne  la  portent  à  la  violence,  et,  lorsque,  après  avoir  solli- 
cité longtemps  pour  obtenir  un  objet  qui  lui  plaît,  on  persiste  à  le  lui  refuser, 
tout  à  coup  elle  cesse  de  demander,  fait  une  gambade  et  paraît  n'y  plus  penser. 
Sa  moralité  n'est  pas  très-(>xemplaire  sous  le  rapport  du  droit  de  propriété  :  elle 
a  une  telle  tendance  à  la  lilouterie,  qu'aucune  correction  ne  peut  vaincre  ce 
penchant.  Elle  est  fort  habile  à  ghsser  doucement  la  main  dans  les  poches  de  ceux 
qui  la  caressent,  et  cela  avec  une  adresse  qui  ferait  honneur  au  plus  habile  esca- 
moteur. Pour  s'emparer  sans  bruit  des  objets  qu'elle  convoite,  pour  voler  quel- 
ques fruits  ou  quelques  bonbons,  elle  sait  fort  bien  tourner  la  clef  d'une  ar- 
moire, dénouer  un  paquet,  ouvrir  l'anneau  d'une  chaîne. 

Un  peu  capricieuse  et  distraite ,  elle  n'est  pas  toujours  disposée  à  caresser  son 
maître  ;  cependant,  quand  rien  ne  la  préoccupe  et  qu'elle  est  tranquille,  elle  ré- 
pond avec  grâce  aux  avances  qu'on  lui  fait.  Dans  ce  cas  elle  joue,  elle  prend  les 
attitudes  les  plus  aimables,  mord  légèrement,  se  presse  contre  la  personne  qu'elle 
aime,  et  fait  entendre  un  petit  cri  fort  doux  qui  est  l'expression  ordinaire  de  sa 
joie.  En  général,  elle  aime  peu  les  personnes  qui  lui  sont  étrangères,  et  rarement 
elle  manque  de  mordre  celles  qui  sont  assez  hardies  pour  la  toucher.  Elle  est 
sujette  aussi  à  prendre  certaines  gens  en  antipathie,  et  cela  sans  cause  et  pure- 
ment par  caprice. 

Sa  patrie  est  le  nord  de  l'Afrique,  et  principalement  la  Barbarie.  Il  paraît  qu'on 
la  trouve  aussi  en  Abyssinie,  en  Arabie,  en  Perse  et  même  dans  quelques  autres 
parties  de  l'Asie.  Comme  elle  est  assez  timide,  elle  s'approche  rarement  des  lieux 
habités  et  ne  pénètre  jamais  dans  les  plantations.  En  temps  de  famine,  c'est-à-dire 
(piand  les  fruits  deviennent  rares  dans  les  forêts,  elle  descend  en  troupes  dans  les 
plaines,  et  là,  elle  tourne  et  renverse  foutes  les  pierres,  aussi  bien  que  pourrait  le 
faire  le  plus  ardent  entomologiste,  afin  de  collectionner  les  insectes  qu'elle  trouve 
dessous.  Elle  a,  pour  serrer  sa  collection,  non  pas  une  boîte  à  épingles,  comme  celle 
dont  se  servent  les  savants  qui  courent  après  les  mouches,  mais  deux  sacs  très- 
commodes,  dont  la  nature  a  fait  toute  la  façon  :  je  veux  parler  de  ses  abajoues.  Ce  sont 
deux  poches  membraneuses  que  la  plupart  des  singes  ont  dans  la  bouche,  une  de 
chaque  côté,  sous  les  joues.  La  mone  a  ces  poches  tellement  grandes,  qu'elle  pour- 
rait y  serrer  des  provisions  pour  deux  jours  :  mais  sa  gourmandise  est  encore 
plus  grande  que  ses  abajoues,  d'où  il  résulte  qu'elle  ne  manque  jamais  de  con- 
sommer en  quelques  heures,  c'est-à-dire  aussi  vite  que  son  estomac  le  lui  permet, 
ce  qu'elle  aurait  pu  économiser  si  elle  avait  un  peu  de  prévoyance. 

Rien  n'est  original  comme  sa  figure  lorsque  ses  poches  remplies  de  provisions 
se  distendent  et  lui  gonflent  les  joues  au  point  de  lui  faire  paraître  la  tête  deux 
fois  plus  grosse  que  de  coutume.  En  cet  état  elle  ressemble  assez  bien  à  ces 
figures  bouffies  et  joufflues  par  lesquelles  les  peintres  anciens  représentaient 
les  vents.  Alors,  la  mone  quitte  sa  troupe,  et  cherche  un  arlire  isolé  dans  le  feuil- 
lage duquel  elle  puisse  se  cacher,  car  elle  craint  que  ses  camarades  ne  viennent 


16  LES   QUADRUMANES. 

inetlre  son  magasin  au  pillage,  en  la  battant  pour  la  forcer  à  ouvrir  la  bouche,  ce 
qui  arrive  quelquefois.  Au  fond  de  sa  cachette,  très-tranquillement  assise  dans  la 
bifurcation  d'une  branche,  elle  tire  un  à  un  de  son  sac  les  insectes  qu'elle  y  a  mis, 
les  regarde  avec  un  air  de  convoitise,  les  épluche  avec  ses  petits  doigts,  leur  ar- 
rache les  ailes  et  les  pattes  qu'elle  jette,  puis  y  porte  la  dent,  mais  doucement  et  à 
plusieurs  reprises,  en  gastronome  qui  a  des  principes  ;  enfin  elle  les  mange,  et 
recommence  la  même  opération  jusqu'à  ce  que  ses  provisions  soient  épuisées. 
Alors  seulement  elle  pense  à  rejoindre  sa  troupe. 

Tout  près  de  la  mone  viennent  se  grouper  les  espèces  dont  nous  allons  parler. 


Le  Patas  ou  Singe  rouge  (  Cercopithecus 
ruber,  Geoff.  Simia  rubra,  Gml.  Le  Putas, 
G.  Cuv.).  Cette  guenon,  assez  commune  au  Sé- 
négal, est  longue  de  dix-huit  pouces,  non  com- 
pris la  queue.  Son  pelage  est  roux  en  dessus, 
cendré  en  dessous  ;  ses  oreilles  sont  noires  ;  sa 
face  est  couleur  de  chair,  avec  un  bandeau  noir 
sur  les  yeux,  quelquefois  surmonté  de  blanc. 
Elle  est  méchante,  emportée,  capricieuse  et  sans 
affection. 

La  Guenon  blanc  cendré  (Cercopithecus  al- 
bo-cinereus,  Desm.).  Cette  espèce  habite  Suma- 
tra. Elle  est  grise  en  dessus,  plus  foncée  sur  les 
lombes;  le  dessous  est  blanc  ;  sa  queue  est  brune; 
ses  pieds  et  ses  mains  sont  noirâtres;  elle  a  une 
ligne  de  poils  roides  et  noirs  eu  travers  du  front. 

Le  Vebvet  (  Cercopithecus  pijgerithrœus , 
Desm.  Cercopithecus  pygerithrus,Fr. Cv\  .).  Il  est 
d'un  gris  verdàtre  en  dessus,  blanc  en  dessous; 
il  a  un  cercle  de  roux  autour  de  l'anus;  son  scro- 
tum est  couleur  de  vert-de-giis,  entouré  d'un 
cercle  de  poils  blancs  ;  l'extrémité  de  sa  queue  est 
noire.  Cette  guenon  est  timide,  farouche,  et  vit, 
au  cap  de  Bonne-Espérance,  dans  le  fond  des  fo- 
rêts les  plus  retirées.  On  ne  la  rencontre  jamais 
à  proximité  des  habitations. 

La  Gi;e>on  a  croupion  blanc  (  Cercopithecus 
leucoprimnus,  Otto.).  On  ignore  la  patrie  de 
cette  jolie  espèce  qui,  par  son  défaut  d'analogie 
dans  les  formes  avec  les  autres  guenons,  devrait 
peut-être  former  un  genre  à  part.  Son  corps 


est  grêle,  et  son  estomac  est  néanmoins  d'une 
grandeur  remarquable.  Elle  est  brunâtre  sur  la 
nuque  et  le  sommet  de  la  tête  ;  son  dos,  ses  ex- 
trémités et  sa  face  sont  noirs  ;  elle  a  la  gorge 
d  un  blanc  cendré,  le  croupion  et  la  queue  d'un 
blanc  sale. 

La  GiENON  de  Delalande  {Cercopithecus  pu- 
sillus,  Delal.)  est  d'un  gris  cendré  uniforme, 
avec  le  bout  de  la  queue  noir  ;  elle  a  de  longs 
poils  sur  la  nuque,  le  dos  et  les  épaules  ;  sa 
gorge  est  grisâtre  ;  le.  dedans  des  membres  est 
d'un  gris  blanchâlre  plus  foncé;  une  tache 
d'un  gris  brun  se  prolonge  de  dessous  le  men- 
ton jusqu'à  la  gorge  ;  ses  sourcils  sont  noirs, 
surmontés  d'un  bandeau  grisâtre;  sa  fnce  et  ses 
mains  sont  de  couleur  fauve.  Elle  a  dix  ponces 
((1,271)  de  longueur,  non  compris  la  queue.  Elle 
a  été  trouvée  au  cap  de  Bonne-Espérance,  aux 
environs  de  Goote-vis  River,  au  Keirkama, 
par  M.  Delalaude. 

LeHocHEUB  {Cercopithecus  nictitans,  Desm. 
Simia  nictitans,  Gml.  La  Guenon  à  long  nez 
proéminent,  Biff.  Le  //ofheur,  G.  Cuy.\  Cette 
guenon  a  trois  pieds  quatre  pouces  (.^,083)  de 
longueur,  la  queue  comprise  ;  son  pelage  est  d'un 
noir  intense,  pointillé  de  gris  verdàtre,  avec  les 
extrémités  antérieures  et  la  queue  d'un  noir 
foncé;  son  nez  est  large,  mais  proéminent,  ren- 
flé, portant,  vers  la  moitié  inférieure,  une  tache 
blanche  arrondie.  Elle  habile  la  Guinée,  et  pa- 
rait d'un  caractère  assez  doux. 


SINGES. 


17 


.te  /  '  ■ 


r,e  Roinvav.  on  U  Dii 


Le  ROLOWAY  i Ccrcojniliccus  Diana,  Gf.off.  Sinita  Diana,  Li\\.  La  Diane, 
Fr.  CuviF.n.   Le  Roloivay,  Ruff. — G.  Cw.  L'Edqninia,  Maug.  . 

Cette  jolie  guenon  a  le  dessus  du  corps  d'un  marron  assez  vif;  les  lianes  d'un 
gris  ardoisé,  et  une  ligne  de  la  même  couleur  lui  traverse  obliquement  les  cuis- 
ses ;  le  dessus  de  sa  tète  est  couvert  de  poils  courts  et  noirs,  avec  un  bandeau  de. 
poils  roides  et  blancs;  son  menton  porte  une  petite  barbe  blancbe.  Du  reste,  son 
pelage  varie  en  raison  de  l'âge,  et  le  blanc  devient  quekfiiefois  jaunâtre. 

On  trouve  le  roloway  dans  le  Congo  et  la  Guinée,  où  il  habite  en  grandes 
troupes  les  forêts  silencieuses.  A  l'état  sauvage,  il  se  nourrit  de  fruits,  d'œufs 
d'oiseaux,  et  d'insectes.  Comme  il  s'apprivoise  très-aisément,  les  nègres  lui  font 
la  chasse  et  le  réduisent  en  captivité  pour  le  vendre  aux  Européens  qui  font 
la  traite  sur  la  côte  d'Afrique. 

Le  caractère  de  cette  petite  guenon  est  fort  doux  ;  elle  s'affectionne  à  sou  maî- 
tre, au  point  qu'elle  le  suit  sans  chercher  à  s'enfuir,  et  qu'elle  vient  se  faire 
prendre  lorsqu'il  l'appelle.  Un  de'mes  amis  en  possédait  une  extrêmement  cares- 
sante, qui  l'accompagnait  de  la  ville  à  une  maison  de  campagne  éloignée  d'une 
lieue.  Le  chemin  était  bordé  d'arbres,  et  comme  elle  était  très-curieuse,  elle  grim- 
pait sur  tous  sans  en  excepter  un.  Quand  les  arbres  étaient  assez  rapprochés,  elle 
s'élançait  de  l'un  à  l'autre  avec  une  rapidité  et  une  légèreté  sans  exemple.  Mais 
cette  manœuvre  l'avait  bientôt  fatiguée,  et  alors  elle  montait  sur  le  dos  d'un  épa- 
gneul  qu'elle  forçait  à  la  porter.  La  ])remiére  fois  qu'elle  s'avisa  de  faire  sa  mou- 
ture de  ce  pauvre  chien,  il  fut  fort  effrayé  et  voulut  s'en  débarrasser.  Mais  elle 
saisit  ses  longiu's  touffes  de  poils  avec  ses  quatre  mains,  et  se  cramponna  de  ma- 
nière qu'il  eut  beau  courir,  sauter,  tourner,  elle  ne  désempara  pas.  Quand  le 
chien  se  roulait  sur  terre  ou  dans  un  fossé,  d'un  l)onb  léger  elle  s'élançait  à  (  inq 


18  LES  QUADULMANES. 

ou  six  pas,  s'asseyait  et  le  regardait  faire,  puis,  quand  l'animal  se  relevait,  d'un 
autre  Itond  elle  se  replaçait  sur  son  dos.  Enfin,  le  chien,  lassé  d'une  opposition 
iiuitile,  prît  son  parti  en  brave  et  depuis  devint  la  monture  ohligée  du  roloway. 

Cette  guenon,  tonte  bonne  et  caressante  qu'elle  était,  ne  laissait  pas  que  d'a- 
voir fréquemment  des  colères  assez  violentes,  mais  (jui  toujours  naissaient  de  la 
peur.  Par  exemple,  si  elle  cassait  un  verre  ou  une  porcelaine  en  les  laissant  tom- 
ber, aussitôt  elle  entrait  dans  une  colère  furieuse  et  poussait  des  cris  aigus,  dans 
l'attente  d'une  correction  que  le  plus  souvent  elle  ne  recevait  pas. 

Comme  la  mené,  elle  était  un  peu  voleuse,  et  elle  avait  Ibabitude  d'aller  ca- 
cher dans  les  lits,  entre  les  draps,  le  fruit  de  ses  larcins.  Souvent  elle  entrai! 
dans  la  basse-cour,  se  glissait  dans  le  poulailler,  prenait  un  onif  à  chaipie  main, 
et  se  sauvait  en  marchant  debout  sur  ses  pieds  de  derrière.  Dans  cette  position 
.son  attitude  était  fort  grotesque.  Elle  avait  un  goût  très-prononcé  pour  les  œufs 
crus  ;  elle  frappait  doucement  du  bout  sur  le  carreau  pour  casser  la  coquille, 
avec  son  doigt  elle  agrandissait  le  trou,  puis  elle  suçait  toute  la  substance  conte- 
nue dans  la  coquille  sans  la  casser  davantage.  Elle  aimait  beaucoup  le  café,  et 
chaque  fois  qu'elle  pouvait  entrer  furtivement  à  la  cuisine,  elle  furetait  dans  toutes 
les  cafetières  pour  manger  le  marc  (|ui  pouvait  y  être  resté.  Elle  aimait  les  li- 
queurs fortes,  non  pour  les  boire,  mais  pour  s'en  parfumer  ttmt  le  corps  avec 
.ses  petites  mains  qu'elle  trempait  dans  le  vase.  Du  reste,  elle  mangeait  de 
tout,  de  la  viande  cuite,  du  pain,  des  petits  oiseaux  crus,  mais  seulement  quand 
on  les  lui  donnait  vivants,  des  fruits,  des  sucreries,  des  bonbons,  etc.  Elle  se 
servait  d'une  pierre  pour  casser  les  noix  et  les  amandes,  et  pour  beaucoup  de 
choses  elle  paraissait  avoir  assez  d'intelligence. 

Cependant  voici  un  fait  (pii  prouve  combien  elle  avait  peu  de  mémoire,  et  que 
la  plupart  de  ses  actions  étaient  irrénéchies.  Lorsqu'on  plaçait  un  flambeau  sur 
la  table,  le  soir,  aussitôt  elle  s'en  approchait,  et,  prenant  la  flamme  de  la  bougie 
pour  quelque  chose  de  bon  à  manger,  elle  allongeait  le  museau  et  y  portait  la 
langue.  Elle  se  brûlait  et  poussait  des  cris  afl'renx  en  se  sauvant,  mais  cette  expé- 
rience douloureuse  était  perdue  pour  elle,  et  le  lendemain,  quelquefois  même 
une  heure  après,  elle  recommençait. 

Lorsque  son  maître  l'acheta,  cette  petite  bête  était  fort  douce.  Ill'a  conservée 
pendant  trois  ans,  et  j'ai  cru  m'apercevoir  qu'à  mesure  qu'elle  vieillissait,  son 
caractère  devenait  plus  méchant.  Un  pauvre  chat  de  la  maison  était  sa  victime  ; 
elle  le  portait  ou  le  traînait  partout  avec  elle,  le  caressait  et  le  battait  dix  fois 
par  heure  ;  quelquefois  elle  lui  remplissait  la  gfueule  d(;  raisins  ou  de  i)ommes, 
et,  à  force  de  coups,  l'obligeait  à  avaler  une  nourriture  qui  ne  lui  convenait  en 
aucune  manière  ;  enfin  elle  le  fit  mourir  de  misère,  et  depuis  lors  on  ne  lui  per- 
mit plus  de  s'emparer  d'un  autre. 

Du  reste,  tout  ce  que  j'ai  dit  de  la  moue  lui  convient  parfaitement,  et  ces  deux 
animaux  ont  dans  les  mœurs  et  le  caractère,  ainsi  que  dans  les  formes,  une  très- 
grande  analogie. 

La  GiiE\o.\   mniEV.  {  Ccrfopiihcrus   (tiiinlns,  lui  niiii)riig»'iil  les  joues,  lo  front  cl  les  onnllcs; 

Geoff.)   se  Iroiue  aux  ISloluques  el  peut-éire  sa  (|ueue  (sl  longue  et  mince, 
aux  Indes.  Son  pelage  est  d'un  heau  jaune  doré,  LAsca(;m'  ou  Blaxc-ÎSiz    Ccrroiiillienis  ]h- 

avec  une  taclie  noire  aux  genoux  ;  de  longs  poils  fnvrislo,  Desm.  Simia  iieluurisla,  (i>n..  LMxrfl- 


SINGLS.  •  15^ 

(/'ip, Ci.  Cl  V.  Li3  Blanc-nez-,  Add:  u.'.  Celle  giu'-  clans;  ses  oreilles  sont  licvs  gramles  ;  sa  laee  est 
non  est  rousse  en  dessus,  lilanelie  en  dessous,  couverte  de  poils  eouiis  et  noii's  ;  la  nioltié  de 
olivitlre  sui"  les  inenilnes,  ([ui  sont  {^ris  en  de-      son  nez  est  diui  1)I;mk-  Iraiicliant 

L'ascagiic  se  trouve  eu  Barbarie.  Ce  singe  est  remarquable  par  l'honnêteté  de 
ses  penchants;  jamais  nu  ne  lui  voit  de  ces  accès  dégofitants  de  lubricité  si  com- 
nums  dans  beaucoup  d'autres  espèces  ;  on  pourrait  même  regarder  cette  retenue 
comme  une  sorte  de  décence  si  l'on  accordait  cette  vertu  aux  animaux.  Ses 
gestes  sont  pleins  de  grâce  et  de  douceur,  et  cependant  il  est  d'une  vivacité  si 
extraordinaire,  que  lorsipi'il  s'élance  d'un  arbre  à  un  autre  il  semble  plutôt  voler 
(pic  sauter.  En  repos,  son  altitude  favorite  est  fort  singulière  :  assis,  il  s'aiipuie 
la  tête  dans  une  de  ses  mains  de  derrière,  laisse  errer  au  hasard  son  œil  pensif, 
et  reste  ainsi  fort  longtemps  comme  s'il  était  plongé  dans  une  profonde  médita- 
tion. Qui  sait?  peut-être  rêve-t-il  alors  à  la  vallée  dans  lacinelle  il  est  né  !  peut- 
être  son  imagination  le  reporte-t-elle  sous  l'ombrage  du  baobab  gigantesque  oii 
il  aimait  tant  à  jouer  alors  (pie,  dans  son  enfance,  sa  mère  dirigeait  ses  premiers 
bonds!  ou  peut-être  encore,  dans  sa  mélancolie,  pense-t-il  à  la  chaîne  (pii  l'atta- 
che à  une  terre  étrangère  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  quand  on  a  vu  cette  joli(!  petite  créa- 
ture dans  l'attitude  que  j(;  viens  de  décrire,  il  est  difticile  de  croire  que  les  ani- 
maux ne  pensent  pas. 

Malgré  sa  douceur  et  sa  gentillesse,  l'ascagne  a  aussi  ses  défauts.  Par  exemple, 
il  est  très-vaniteux  et  n'aime  pas  (pi'on  le  raille  lorsque  sa  pétulance  lui  fait 
commettre  une  maladresse  ;  dans  ce  cas  il  se  met  en  fureur  et  pousse  d(;s  cris 
aigus  ;  mais  sa  colère  n'est  pas  de  longue  durée,  et  son  bon  caractère  reprend  bien 
vite  le  dessus; pour  l'apaiser  il  ne  lui  faut  qu'une  caresse  ou  un  bonbon.  Il  a  la 
singulière  habitude  de  rouler  dans  ses  mains,  avant  de  le  manger,  tout  ce  (pi'on 
lui  donne,  absolument  comme  font  les  pâtissiers  pour  allonger  un  morceau  de 
pâte  cylindrique. 

La  (il;E^0N  co(  uonnei;  (  Ccirupitherns  pilea-  en  cro)Ous  Bulfon.  Sa  face  est  d'un  noir  bleuà- 

tiis,  Giiopr.).  On  ignore  sa  i)alrie  et  ses  mœurs.  Ire  ;  il  a  sur  la  lèvre  supc^rieure  une  ligne  blau- 

Des  |)oils  allonii's  lui  recouvrent  le  front;  son  che  ou  d'un  bleu   pâle,  en    forme  de  clievron 

pelage  est  dim  hriui  fauve  en  dessus,  qui  sV'-  renversé,  ce  qui,  joint;')  une  touffe  de  poils  jau- 

elaircit  sur  la  surface  interne  des  membres.  nés  au-devant  de  clia(|ue  oreille,  lui  donne  une 

Le  MoisTAC  {Ceropilhcnis  frphns,  Geoif.  physionomie  assez  bizarre.  Son  pelage  est  d'un 

Simia  cephus,   Lin.    Le    M  >tist(tr,    Bufe.  —  brun  verdàtre,  et  sa  queue,  qui  a  vingt  à  vingt 

G.Cev.).  Il  est  d'Afrique  et  parait  assez  com-  et  un  pouces  de  longueur  (0,.'>i2  à  0,.%!)).  est 

nuiusur  la  cote  de  Guinée,  du  moins  si  nous  brunâtre,  avec  l'extrémité  d'un  roux  Irès-vif. 

L'individu  de  cette  espèce,  qui  a  vécu  à  la  ménagerie,  avait  de  la  douceur,  de  la 
gentillesse;  il  était  susceptible  d'affection. 

Le  BvRDiQUE  { CerropUhecns  lalibarbalns  ,  Le  Tu.\i'Oin  ou  Mrxxniitw.  [  Cercopithccus 
'I'emm.  La  Oncnnn  à  face  pourpre,  Buée.).  Sa  inlapnin,  Geoee.).  BuTou  décrivit  ce  singe,  et 
patrie  et  ses  mœ;us  sont  iuconiuies.  Dans  le  depuis  lui  on  ne  l'avait  pas  revu.  Il  en  ('tait  ré- 
jeune âge  il  est  d'un  giis-brnn  pâle  assez,  uni-  suite  que  les  naturalistes  ciureut  que  Buffon  s'é- 
forme,  qui  passe  ail  noir  quand  il  devient  adulte:  tait  tronipé,  et  (lu'ils  regardèrent  le  lalajxtin 
sa  face  est  d'un  pourpre  violet  ;  de  longs  poils  ciminie  un  jcMme  nialbronck,  et  qnelipies  uns 
blani's,  qui  lui  entourent  le  visage,  lui  fornient  pensent  encore  ainsi.  Cependant,  Frédéric  Gii- 
commè  une  coiffiu-e  en  ailes  de  pigeon.  Sa  (pieue  vier  fut  assez  heiu-eu\  pour  retrouver  cette  jo- 
est  longue,  terminée  eu  pinceau.  lie  espèce  vivante,  et  réparer  ainsi  rmi'ire  laile 


20  ,  I.ES  QUADRUMANES. 

:i  BufftMi.   Le  pelage  de  cet  animal  est  olivâtre  dessous,  est  longue  de  dix-huit  pouces  (0, 587). 

ou  d'un  vert  jaunâtre  en  dessus,  d'un  blanc  Les  mains,  les  («reilles  et  le  nez,  excepté;»  sa  base, 

jaunâtre  en  dessous  ;  sa  longueur,  du  bout  du  sont  noirs  ;  le  dessus  des  paupières  est  blanc,  le 

museau  n  l'origine  de  la  queue,  est  d'environ  dessous  des  jeux  couleur  d'ocre,  le  tour  de  la 

lui  pied  (0,225  ,  et  sa  queue,  qui  est  cendrée  en  bouche  couleur  de  chaii*. 

On  croit  aujourd'hui  que  ce  joli  animal  est  d'Afrique,  quoiqu'on  nel'y  ait  pas 
encore  trouvé.  Buffon  le  supposait  de  Siani  et  des  autres  parties  de  l'Asie  orien- 
tale, parce  qu'on  le  lui  avait  donné  sous  le  nom  de  talai)oin,  que  l'on  sait  être  la 
qualification  de  certains  prêtres  banians,  et  qu'il  croyait  le  reconnaître  dans  ce 
passage  d'un  voyageur  :  «  Les  singes  du  Guzarate  sont  d'un  vert  brun;  ils  ont  la 
barbe  et  les  sourcils  longs  et  blancs  :  ces  animaux,  que  les  Banians  laissent  mul- 
tiplier à  l'infini  par  un  jjrincipe  de  religion,  sont  si  familiers,  qu'ils  entrent  dans 
les  maisons,  à  toute  heure  et  en  si  grand  nombre,  que  les  marchands  de  fruits 
et  de  confitures  ont  beaucoup  de  peine  à  conserver  leurs  marchandises.  » 

7®  (iEMiK.  Les  COLORES  (  Colobus,  Geoff.).  sus,  ainsi  que  la  face  externe  des  cuisses  et  les 

Ils  ont  l'angle  facial  ouvert  à  quarante  degrés;  épaules;  son  ventre  est  d'un  jaune  roussâtre; 

leur  museau  est  court  et  leur  face  nue;  ils  ont  sa  face,  ses  mains  et  sa  queue  sont  d'un  roux- 

des  abajoues;  la  main  antérieure  manque  de  pourjjre,  plus  clair  sur  les  membres.  Je  ne 

pouce,  et  leur  queue  est  longue,  mince,  llocon-  connais  ni  son  pays  ni  ses  mœurs, 
neuseaubout;  leur  corps  est  mince,  et  ils  ont         H'^  GiiMst.    Les  LASIOPVCîES  {  Lasiopijgn, 

les  jambes  trcs-grcles.  Illig.).  Leur  tête  est  arrondie  et  leur  museau 

Le  CoLOBE  A  ca:\!ail  {CoIoIiiis  pohjromns,  médiocrement  allongé;  ils  ont  la  queue  longue; 
(iEOFF.  A'ii(iia/;o/yro()ioA',  Pe\.n.).  Habite  la  Gui-  des  abajoues;  les  pouces  antérieurs  très-courts 
née  et  se  trouve  principalement  à  Sierra  Leone,  et  très  grêles;  les  mains  plus  longues  que  les 
oi'ilesnégresluidonnentlenomderoi  f/r.s-.sinjffs.  avant  bras  et  les  jambes  ;  les  fesses  bordées  de 
C'est  uue  jolie  espèce  dont  b  s  épaules,  le  cou  longs  poils,  mais  sans  callosités, 
et  la  tète  sont  recouverts  dune  sorte  de  cri-  Le  Doue  {Lasiu])ijga  ncHunis,  lnir..  Ccrco- 
nière  en  camail,  jaune,  mêlée  de  noir,  et  lui  re-  pilhcrux  nemœus,  Desm.  Simia  tifinirus,  Ln. 
tombant  sur  les  é()anles  ;  le  reste  de  son  pelage  Le  /Jour,  Riff.  —  G.  Cuv.)  se  fait  remarquer 
est  ras,  très-court  et  d'un  noir  assez  brillant;  entre  tous  les  singes  par  la  vivacité  et  la  dispo- 
sa face  est  brune,  et  sa  queue,  plus  l(tngiu>  que  sition  de  ses  couleurs.  Le  dos,  les  bras,  le  ventre 
.son  corps,  d'un  blanc  de  neige.  Ce  colobea  trois  et  les  flancs  sont  d'un  gris  verdàtre;  le  dessus 
pieds  (0,97")|  de  longueur  compris  la  queue.  de  la  tète  est  brun,  avec  un  étroit  bandeau  d'un 

Le  CoLOBE  DE  Rli.i.ok  {('olnbiis  bitllokii. —  roux-marron  ;  les  joues  sont  couvertes  d'un  poil 

Colohiis  Icwmiiirkii,  Bii.i,.)  est  un  peu  |)lus  petit  très  long  et  blanchâtre  ;  la  faceestenpartierous- 

et  n'atteint  que  deux  pieds  sept  pouces  (0,8ô9i,  sàtre;  les  épaules  sont  noires  ;  les  jambes  d'un 

compris  la  queue.  Son  pelage  est  noir  en  des-  marron-roux  très-vif,  et  la  queue  blanchâtre. 

Le  doue  ou  dok,  mots  qui  dans  la  langue  de  son  pays  signifient  singe,  n'a  pas 
moins  de  trois  pieds  et  demi  à  quatre  pieds  (1 ,1 57  à  1 ,299)  de  hauteur.  Il  habite 
la  Cochinchine  et,  si  l'on  en  croit  les  voyageurs,  il  marche  aussi  souvent  sur  deux 
pieds  que  sur  quatre.  Ils  disent  aussi  que  l'on,  trouve  dans  son  estomac  des  bé- 
zoards  dont  la  qualité  est  supérieure  à  ceux  des  chèvres  et  des  gazelles;  mais 
comme  on  ne  croit  ]dus  aujourd'hui  aux  vertus  nu'rveilleuses  que  les  anciens 
attribuaient  au  bézoard,  il  en  résulte  que  ceci  est  d'une  très-minime  importance. 

Le  premier  et  le  seul  singe  de  cette  espèce  qui  ait  été  étudié  en  Europe,  jus- 
qu'au moment  oii  M.  G.  Ciivier  a  publié  la  dernière  édition  de  son  règne  animal, 
consistait  en  une  peau  mal  bourrée,  déposée  au  Muséum  d'histoire  naturelle. 
Ce  gvand  naturaliste  pensait  que  les  callosités  avaient  pu  disparaître  lors  de  l'em- 
paillage, et  de  là  il  doulait  que  ce  genre  fût  bien  fondé.  D'autre  part,  M.  Frédé- 


SINGES.  21 

rie  Cuvier,  qui  dit  avoir  vu  plusieurs  peaux  envoyées  de  laCochinchine,  prélend 
leur  avoir  trouvé  des  callosités  aux  fesses.  Si  ce  naturaliste  ne  s'est  pas  trompe, 
il  faudra  supprimer  ce  genre. 

O^Genke.  LesNASIQUES(i\'«5o?K«,GEOFF.).  nasica,  Scnn.  Le  basique  ou  Kahaii,  G.  Cuv. 

Us  ont  tous  les  caractères  des  guenons,  mais  La  Guenon  à  long  ne:-,  Biff.^  se  trouve  dans 

leur  nez  est  saillant  et  déniesurcnient  long.  Les  lile  de  Bornéo,  et  peut-être  aussi  dans  la  Co- 

oreiiU's  sont  petites  et  rondes;  le  corps  trapu;  chinciiine.  11  est  (rcs-reniarquable  par  la  Ion - 

les  mains  ant('rieures  ont  le  pouce  court;  les  gueur  de  son  nez;  sa  face  est  nue,  noirâtre;  il 

pieds  sont  larges,  avec  des  ongles  épais;  leur  est  couvert  de  poils  courts,  d'un  fauve  rous- 

queue  est  plus  longue  que  le  corps,  et  ils  ont  des  sàlre,  plus  brun  sur  les  parties  supérieures  qui 

callositrs  aux  fesses.  portent  quelques  tacties  jaunâtres.  Il  est  à  peu 

Le  Kaiuu  (  yasalis  lunaius,  Geoff.  Simiu  de  chose  près  de  la  grandeur  du  doue. 

II  n'existe  pas  de  pays  au  monde  plus  riche  en  animaux  singuliers  que  celui 
lial)ité  par  le  kaliau,  et  parmi  ces  animaux  il  n'en  est  point  de  plus  extraordinaire 
que  ce  singe.  Qu'on  se  figure  un  petit  vieillard  de  trois  peids  et  demi  \ ,  Iô7)  de 
hauteur,  au  dos  voiité,  à  la  mine  rechignée,  joignant  à  la  caducité  de  l'âge  toute  la 
vivacité  et  la  pétulance  de  la  première  jeunesse,  et  l'on  aura  déjà  une  légère  esquisse 
de  son  portrait.  3Iais  ce  qu'il  a  de  plus  étrange,  ce  que  l'on  ne  peut  regarder 
sans  rire  ou  sans  être  effrayé,  c'est  son  nez  prodigieux.  Si  on  s'imagine  une 
spatule  échancrée,  noire  comme  du  charbon,  longue  de  près  de  six  pouces,  pla- 
cée sur  son  visage  de  manière  à  ôter  à  l'animal  toute  possibilité  de  saisir 
quelque  chose  avec  sa  bouche,  on  aura  de  sa  grotesque  figure  une  idée  assez 
juste. 

Les  nasiques  sont  capricieux,  méchants,  et  ne  s'habituent  jamais  bien  à  la 
servitude.  Ils  vivent  en  trouj^e  dans  les  forêts  et  se  plaisent  à  venir,  chaque  soir 
et  chaque  matin,  faire  une  excursion  de  gambades  sur  les  arbres  qui  ombragent 
les  bords  des  grandes  rivières.  Là,  ils  jouent,  ils  bondissent  de  branche  en 
branche,  se  poursuivent  les  uns  les  autres,  et  se  livrent  à  la  joie  la  plus  tu- 
multueuse. Ils  accompagnent  constamment  leur  jeu  du  cri  kahau,  kahau,  don 
leur  est  venu  leur  nom.  Mais  ce  tapage  dont  ils  font  retentir  les  forêts  leur  est 
quelquefois  funeste,  car  il  attire  les  chasseurs,  et  quelques  coups  de  fusil  ont 
bientôt  fait  cesser  les  bruyants  plaisirs  et  mis  la  troupe  en  fuite.  Cependant,  s'il 
y  en  a  quelques-uns  de  blessés,  les  autres  ne  les  abandonnent  pas,  et  ils  tâchent 
de  les  emporter  avec  eux.  Lorsque  la  présence  des  chasseurs  les  empêche  d'ac- 
complir cette  œuvre  d'amitié,  les  plus  gros  et  les  plus  robustes  de  la  bande  res- 
tent en  embuscade  à  quelque  distance,  et,  cachés  parmi  les  branches  touffues, 
ils  attendent  patiemment  que  l'ennemi  se  soit  retiré  pour  aller  au  secours  de 
leurs  frères.  Ne  les  retrouvant  plus  sur  la  place,  ils  les  cherchent  pendant  quel- 
que temps,  puis,  si  tous  leurs  soins  sont  inutiles,  ils  regagnent  le  fond  de 
leurs  forêts  dans  le  silence  de  la  tristesse. 

lO*"  Genre.  Les  CERtOCÈBES  (  Cercorebiis,  rieurement  ;  le  pouce  des  mains  est  grêle,  celui 

(iEOFF.)  ont    la    tête   presque  triangulaire   et  des  i)ieds  plus  large  et  écarté;  la  queue  est  phiN 

l'angle  facial  ouvert  à  quarante  cinq  degrés.  Le  longue  que  le  corps,  et  ils  ont  sin-  les  fesses  de 

front  fuit  en  arrière,  et  le  museau  est  un  peu  fortes  callosités. 

allongé  ;  le  nez  est  plat  et  haut,  le  bord  posté-  Le  Cali.itiuciie  (Ccreocrbiis  sabœiis  ,   Luss. 

rieur  de  lorbilede  l'œil  relevé,  échaiicré  inté-  Cercopitherus  sabirns,  Fr.  Ci  v.  Siniia  subœn  . 


LES  QUADIIUMANES. 


Li-N.  Le  Singe  verl,  Biuss.  Le  Cnliitridir,  Buff.- 
Ci.  Ccv.l.  11  a  le  corps  svt'ltc,  dégagé  ;  son  pelage 
est  d'un  vert  olivâtre  en  dessus,  et  d'un  l)lanc 
s;ile  en  dessous;  sa  tète  e«t  pyramidale;  il  a  la 
face  noire,  ainsi  que  les  oreilles  et  les  mains;  ses 
joues  portent  de  longs  poils  jaunes  ainsi  que  le 


pinceau  qui  termine  sa  queue,  ses  sourcils,  et  la 
couronne  qui  entoure  le  scrotum  ;  celui-ci  est 
verdàlre.  Ses  oreilles  sont  peu  arrondies  et 
s'allongent  légèrement  en  pointe.  Sa  longuein-. 
non  compris  la  queue,  est  d'environ  treize  à 
quatorze  pouces  (<),5."i2  à  0,579). 


On  en  a  eu  plusieurs  à  la  ménagerie.  Une  femelle  était  assez  douce  et  ai- 
mait à  se  faire  gratter  par  les  personnes  qu'elle  connaissait.  Lorsqu'elle  éprou- 
vait (lu  contentement,  elle  faisait  entendre  un  petit  grognement  particulier  assez 
doux,  (pie  l'on  pourrait  imiter  eu  prolongeant  Yv  sur  la  svllahe  rfrou.  Un  mâle 
était  au  contraire  fort  méchant,  entrait  en  fureur  à  la  inoindre  contrariété,  et 
poussait  alors  un  cri  très-aigu. 

Cet  animal  silencieux  vit  en  troupes  nombreuses  dans  la  Mauritanie,  aux  îles  du 
cap  Vert,  et  au  Sénégal.  On  ne  sait  de  lui  que  ce  (pi'Adansou  en  rapporte.  «  Les 
environs  des  bois  de  Podor,  le  long  du  fleuve  Niger,  sont,  dit-il,  remplis  de  sin- 
ges verts.  Je  n'aperçus  ces  singes  que  par  les  branches  qu'ils  cassaient  au  haut 
des  arl)res,  d'où  ils  les  jetaient  sur  moi,  car  ils  étaient  d'ailleurs  fort  silencieux, 
et  si  légers  dans  leurs  gambades  qu'il  eût  été  difficile  de  les  entendre.  Je  n'allai 
pas  plus  loin  et  j'en  tuai  d'abord  un,  deux,  et  même  trois,  sans  que  les  autres 
parussent  elfrayés.  Cependant,  lorsque  la  plupart  se  sentirent  blessés,  ils  com- 
mencèrent à  se  mettre  à  l'abri  :  les  uns  en  se  cachant  derrière  les  grosses  bran- 
ches, les  autres  en  descendant  à  terre;  d'autres  enfin,  et  c'était  le  plus  grand 
nombre,  s'élançaient  de  la  pointe  d'un  arbre  sur  la  cime  d'un  autre.  Pendant  ce 
petit  manège,  je  continuai  toujours  à  tirer  dessus,  et  j'en  tuai  jusqu'au  nonibn; 
de  vingt-trois  en  moins  d'une  heure,  et  dans  un  espace  de  vingt  toises,  sans 
qu'aucun  d'eux  eût  jeté  un  seul  cri,  quoiqu'ils  se  fussent  plusieurs  fois  rassem- 
blés par  compagnie,  en  sourcillant,  grinçant  des  dents,  et  faisant  mine  de  vouloir 
m 'attaquer.  » 

L'espèce  du  callitriche  est  devenue  très-nombreuse  à  l'île  de  France,  où  quel- 
ques colons  l'ont  introduite,  au  grand  détriment  des  récoltes  de  bananes  et  de 
cannes  à  sucre. 


SINGKS. 


il 


Le  MANGABKY  SANS  COLLIER  [Cercocchus  /»/ir/i«o,s/(s,  Gkoff.  Le  MniKjabeij, 

BUFF.). 

Biiffoii  croyait  que  cet  animal  était  de  Madagascar,  mais  on  sait  aujoiiidliui 
qu'il  n'y  a  pas  de  singes  dans  cette  île,  conmie  l'avait  déjà  dit,  Sonnerat,  et  que 
le  mangahey  est  de  la  partie  méridionale  de  l'Afrique.  Il  habite  le  Congo  et  la 
Côte-d'Or,  et  M.  Lesson  dit  l'avoir  vu  à  Cap-Coast.  C'est  une  des  espèces  que  l'on 
apporte  le  plus  fréquemment  en  France,  et  qui  supporte  le  mieux  notre  climat. 
Sa  couleur  est  d'un  lu'un  gris  ardoisé  uniforme  et  sans  tache,  mais  plus  pâle  en 
dessous  et  passant  même  (puilquefois  au  gris  blanchâtre  ;  ses  mains  sont  noires , 
ses  oreilles  violâtres.  Sa  face  varie  beaucoup  :  quehpiefois  elle  est  d'une  teinte 
livide  très-foncée,  d'autres  fois  cuivrée  avec  le  museau  noirâtre;  mais  le  dessus 
des  paupières  est  constamment  blanc.  Il  est  très-remarquable  que  cette  espèce 
porte  presque  constamment  sa  queue  entièrement  renversée  sur  le  dos. 

Les  singes  ont  en  général  un  caractère  qui  est  propre  à  chaque  espèce,  mais 
néanmoins  ce  caractère  se  modifie  dans  les  individus  de  la  même  manière  que 
dans  les  animaux  domestiques,  le  chien,  par  exemple  ;  et  quelquefois  ces  nuances 
sont  tellement  prononcées,  que  l'on  a  de  la  peine  à  eu  reconnaître  le  type.  C'est' 
ainsi  que  la  mone,  si  dtuice  ordinairement,  présente  assez  souvent  des  individus 
farouches,  méchants  et  indomptables. 

11  n'en  est  pas  ainsi  du  mangabey,  ou  du  moins  les  exceptions  sont  beaucoup 
plus  rares  dans  cette  espèce  que  dans  les  autres.  Tous  ceux  que  j'ai  vus  en  France 
avaient  le  plus  heureux  naturel  ;  ils  étaient  doux,  familiers,  caressants,  et 
sujets  à  prendre  de  l'attachement  i)our  leur  maître  ({uand  ils  n'en  étaient  pas 
maltrait('s.  11  n'est  pas  de  singes  plus  pétulants  que  ceux-ci  ;  toujours  en  action, 
ils  prennent  toutes  les  attitudes  et  souvent  les  plus  grotesques.  «  A  la  variété  et 
à  la  vivacité  de  leurs  mouvements,  dit  Frédéric  Cuvier,  on  les  croirait  pourvus  d'un 


24  LES  QUADRUMANES. 

plus  grand  nombre  d'articulations  que  les  autres  (juadru mânes  et  de  plus  de 
force  musculaire.  »  Ce  sont  surtout  les  mâles  qui  se  font  remanpier  par  leur 
agilité  ;  les  femelles,  plus  calmes,  sont  aussi  plus  caressantes. 

Les  mangaheys  sont  grimaciers,  mais  dans  deux  circonstances  seulement, 
quand  ils  sautent  et  quand  ils  sont  en  colère.  Dans  le  premier  cas,  ils  relèvent 
les  lèvres  et  font  voir  leurs  incisives,  de  sorte  que  l'on  croirait  qu'ils  rient;  dans 
le  second,  ils  agitent  les  lèvres  avec  rapidité,  à  la  manière  des  magots,  comme 
s'ils  parlaient  avec  vivacité  et  en  injuriant  ;  ils  font  alors  entendre  un  petit  son 
de  voix  aigu  et  comme  articulé. 

On  ne  peut  appeler  grimaces  les  jolies  petites  mines  qu'ils  font  quelquefois 
pour  exprimer  leurs  désirs.  J'en  avais  un  tellement  doux  et  privé,  que  je  le 
laissais  libre  de  courir  dans  toute  la  maison.  Quand  sa  convoitise  était  éveillée 
pour  un  fruit  ou  un  bonbon,  il  mettait  son  doigt  index  dans  sa  bouche,  en  ap- 
puyait le  bout  derrière  ses  incisives  supérieures  en  tournant  la  paume  de  sa 
main  en  dehors,  et  restait  dans  cette  gracieuse  attitude  jusqu'à  ce  qu'on  lui  ait 
donné  ce  qu'il  demandait  avec  un  petit  cri  suppliant  et  répété  lieii  !  Iim  !  lien  .' 
Il  était,  du  reste,  fort  caressant  et  répétait  fort  doucement  ce  cri  quand  on  lui 
passait  la  main  sur  le  dos.  Il  était  fort  peu  capricieux,  mais  très-voleur,  et  il 
ne  le  cédait  pas  à  la  mone  et  au  roloway  pour  l'adresse  qu'il  mettait  à  com- 
mettre ses  larcins.  J'en  citerai  un  exemple. 

Une  femme  de  la  campagne  vint  un  jour  m'apporter  un  présent  d'œufs  frais, 
qu'elle  avait  déposés  dans  un  panier  à  deux  couvercles.  Comme  le  panier  ren- 
fermait, outre  les  œufs,  quelques  objets  assez  lourds,  elle  l'appuya  sur  une  table, 
sans  l'ôter  de  son  bras,  et,  debout,  elle  se  mit  à  me  parler  avec  beaucoup  d'at- 
tention. Quand  elle  eut  fini,  elle  m'annonça  ses  œufs  frais,  retira  le  panier  de 
son  bras,  l'ouvrit,  et....  jugez  de  son  étonnement  quand  elle  n'y  trouva  plus 
rien!  Je  m'amusai  un  moment  de  sa  surprise  et  de  sa  confusion,  puis  je  la  tirai 
d'embarras  en  soulevant  l'oreiller  d'un  vieux  sofa,  et  lui  montrant  ses  œufs  des- 
sous, car  j'avais  vu  la  manœuvre  de  Jacquot,  nom  que  portait  mon  mangabey. 

La  bonne  femme,  en  entrant,  n'avait  pas  aperçu  le  petit  animal  :  celui-ci  avait 
profité  de  son  incognito  pour  se  glisser  derrière  elle,  monter  sur  la  table,  ouvrir 
le  panier  sans  bruit,  y  mettre  la  main  avec  autant  d'adresse  que  de  précaution 
pour  n'être  pas  surpris  en  llagrant  délit,  enlever  deux  œufs,  un  dans  chaque 
main,  les  porter  sous  le  coussin  du  sofa,  et  recommencer  cette  manœuvre 
jusqu'à  ce  qu'il  les  eût  tous  volés.  Jacquot  s'apercevait  bien  que  je  le  suivais  des 
yeux;  aussi,  de  temps  à  autre  il  s'interrompait  et  me  jetait  un  regard  suppliant 
pour  me  mettre  dans  sa  complicité.  Il  crut  probablement  y  avoir  réussi,  car  il 
entra  dans  une  colère  terrible  quand  je  révélai  son  larcin,  et  surtout  sa  cachette. 
Dans  sa  fureur,  il  se  jeta,  non  pas  sur  moi  ni  sur  la  l)onue  femme  qui  ne  s'était 
aperçue  absolument  de  rien,  mais  sur  les  œufs;  il  en  saisit  deux,  et  se  sauva 
debout  à  toutes  jambes. 

J'ai  conservé  ce  charmant  animal  pendant  deux  ans,  sans  que  jamais  le  climat 
ait  paru  l'incommoder  beaucoup.  L'hiver  il  quittait  rarement  le  coin  de  la  che- 
minée, et  il  se  chauffait  les  quatre  mains  à  la  fois  en  tournant  la  paume  vers  la 
flamme.  J'avais  un  bon  vieux  chien  auquel  j'accordais  le  privilège  de  se  coucher 
auprès  du  feu,  à  cause  de  sa  fidélité  et  des  anciens  services  qu'il  m'avait  rendus  à 


SINGES.  25 

la  chasse.  La  place  favorite  de  Jacqnot  était  entre  les  quatre  pattes  de  ce  vieux 
serviteur,  qui,  avec  beaucoup  d'indulgence,  le  souffrait  couché  le  long  de  lui.  Du 
reste,  ces  deux  animaux  vivaient  dans  la  meilleure  intelligence.  Mon  singe  mou- 
rut empoisonné  par  accident. 


Le  Mancabeï  a  collieii  (Ccrcocehus  (vthiops.  lui  est  propre.  11  se  trouve  dans  l'Afrique  ocei- 

Geoff.    Cercopilhccus   (pthiopicus  ,  Fr.  Ci  v.  dentale,  au  sud  du  cap  Vert. 

Simia  œthiops,  Lin.  Le Mangabeij  à  collier,  G.  LeMxiKi  i)vcK\Cercoc(bus malbiouch-,GEOFF . 

Clv.).  11  a  toutes  les  parties  supérieures  du  CenopUhenis  cijnosunts.  Desm.  Simia  faunus, 

corps  d'un  beau  gris  d'ardoise,  ou  d'un  roux  vi-  Gmel.  Simia  riftiosuros ,  Schk.  Lv  Malbrour, 

neux,  changeant  en  roux  ou  en  !)run  marron  G.  Cuv).  Ce  singe  est  remarquable  par  l'exten- 

sur  le  sommet  de  la  tète;  ses  paupières  supé-  sibilitéde  ses  lèvres.  Il  est  d'un  gris  verdâtre 

rieures  sont  blanches;  un  bandeau  blanc  voile  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous,  gris  sur  les 

le  dessus  de  ses  jeux,  et  descend  sur  les  côtés  membres  et  la  queue;  son  front  porte  un  ban- 

du  cou.  Du  reste,  pour  les  mœurs  et  le  carac-  deau  blanc  ;  sa  face  est  couleur  de  chair  ;  les 

1ère,  il  ne  diffère  pas  du  précédent,  aux  grima-  poils  de  ses  joues  sont  très-longs  et  rejetés  en 

ces  près,  qu'il  fait  par  un  mouvement  de  lèvres  arrière.  11  a  un   pied  (0,52.'))  de  longueur  du 

qu'il  relève  en  moutraot  les  dents,  manière  qui  bout  du  museau  à  la  naissance  de  la  queue. 


La  ménagerie  a  possédé  un  grand  nombre  de  malbroucks.  «  Il  nest  point  da- 
nimauxplus  agiles,  dit  Frédéric  Cuvier;  ils  s'élancent,  en  faisant  plusieurs  tours, 
comme  en  volant,  couchés  sur  le  côté,  et  ne  se  soutenant  ainsi  en  l'air  que  par 
l'impulsion  qu'ils  se  donnent  en  frai)pant  de  leurs  pieds  les  parois  de  leur  cage. 
Ces  malbroucks  faisaient  rarement  entendre  leur  voix,  qui  ne  fut  jamais  qu'un 
cri  aigre  et  faible,  ou  bien  un  grognement  sourd.  Les  mâles,  dans  leur  jeunesse, 
étaient  assez  dociles;  mais  dès  que  l'âge  adulte  arrivait,  ils  devenaient  mé- 
chants, même  pour  ceux  qui  les  soignaient.  Les  femelles  restaient  plus  douces, 
et  paraissaient  seules  susceptibles  d'attachement.  Cependant  les  malbroucks 
sont  excessivement  irritables  ;  mais  si  d'un  côté  ils  sont  violemment  poussés  par 
leurs  penchants,  de  l'autre  ils  calculent  tous  leurs  mouvements  avec  soin  ;  et 
lorsqu'ils  attaquent,  c'est  toujours  traîtreusement  par  derrière,  et  lorsqu'on 
n'est  point  occupé  d'eux  :  alors  ils  se  précipitent  sur  vous,  vous  blessent  de 
leurs  dents  ou  de  leurs  ongles,  et  s'élancent  aussitôt  pour  se  mettre  hors  de 
votre  portée,  mais  sans  cependant  vous  perdre  de  vue,  et  cela  autant  pour  saisir 
le  moment  favorable  à  une  nouvelle  attaque  que  pour  se  soustraire  à  votre  ven- 
geance. L'extrême  irritabilité  du  malbrouck  est  cause  qu'on  ne  peut  ni  l'appri- 
voiser entièrement,  ni  lui  faire  supporter  de  contrainte  ;  c'est-à-dire  qu'il  n'est 
susceptible  d'aucune  éducation  que  celle  de  la  nature.  Dès  qu'on  le  violente  et 
qu'on  veut  qu'il  obéisse,  sa  pétulance  cesse,  il  devient  triste,  taciturne,  et  bientôt 
après  il  meurt.  » 

Cette  espèce  habite  le  Bengale,  et  les  Indous  ont  tuie  grande  vénération  poiu" 
elle,  parce  qu'ils  croient  que  l'àme  de  leurs  sages,  de  leurs  philosoj^ies ,  de 
leurs  grands  hommes,  passe  dans  le  corps  d'un  de  ces  animaux  après  la  mort. 
Aussi,  dans  Amadabad,  capitale  du  Guzarate,  ont-ils  construit  deux  ou  trois 
hôpitaux  qui  leur  sont  entièrement  consacrés.  Là  on  nourrit  et  soigne,  non-seu- 
lement les  singes  invalides  ou  estropiés,  mais  encore  ceux  qui,  sans  être  malades, 
veulent  y  demeurer,  et  il  paraît  que  la  gourmandise  et  la  paresse  y  en  attirent 
bon  nombre. 


26  LKS   QIJADKUMANES 

((  Deux  l'ois  par  semaine,  les  singes  du  voisinage  de  cette  ville,  si  l'on  en  croit 
Bufîon,  se  rendent  d'eux-mêmes  tous  ensemble  dans  les  rues;  ensuite  ils  mon- 
tent sur  les  maisons  qui  ont  chacune  une  petite  terrasse  où  l'on  va  coucher  pen- 
dant les  grandes  chaleurs.  On  ne  manque  pas  de  mettre  ces  jours-là  sur  ces  ter- 
rasses du  riz,  du  millet,  des  cannes  à  sucre  dans  la  saison,  et  autres  choses 
semblables  ;  car  si  par  hasard  les  singes  ne  trouvaient  pas  les  provisions  aux- 
quelles on  les  a  accoutumés,  ils  rompraient  les  tuiles  dont  la  maison  est  couverte, 
et  feraient  un  grand  désordre.  Ils  ne  mangent  rien  sans  l'avoir  bien  flairé  aupa- 
ravant, et  lorsqu'ils  sont  repus,  ils  remplissent  pour  le  lendemain  les  poches  de 
leurs  joues.  »  Si  ces  faits,  que  je  rapporte  textuellement,  ne  prouvent  pas  grand 
chose  dans  l'histoire  du  malbrouck,  ils  prouvent  au  moins,  par  l'exemple  de 
Buffon,  qu'une  grande  crédulité  peut  s'allier  à  un  grand  génie. 

Les  malbroucks,  à  l'état  sauvage,  sont  d'habiles  pillards,  très-dangereux  pour 
les  vergers  et  les  champs  de  cannes  à  sucre.  «  L'un  d'eux,  dit  Inigo  de  Biervillas, 
fait  sentinelle  sur  un  arbre,  pendant  que  les  autres  se  chargent  du  butin  ;  s'il 
aperçoit  quelqu'un,  il  crie  lioup,  hoiip,  hoxip,  d'une  voix  haute  et  distincte  ;  au 
moment  de  l'avis,  tous  jettent  les  cannes  qu'ils  tenaient  de  la  main  gauche,  et 
s'enfuient  en  courant  à  trois  pieds;  s'ils  sont  vivement  poursuivis,  ils  jettent 
encore  ce  qu'ils  tenaient  dans  la  main  droite,  et  se  sauvent  en  grimpant  sur  les 
arljres  qui  sont  leur  demeure  ordinaire.  Ils  sautent  d'arbre  en  arbre  ;  les  femelles 
mêmes,  chargées  de  leurs  petits  qui  les  tiennent  étroitement  embrassées,  sautent 
aussi  comme  les  autres,  mais  tombent  quelquefois.  Lorsque  les  fruits  et  les  plantes 
succulentes  leur  manquent,  ils  mangent  des  insectes,  et  quelquefois  ils  descen- 
dent sur  les  bords  des  fleuves  et  de  la  mer  pour  attraper  des  poissons  et  des 
crabes.  » 

Jusque-là  l'auteur  reste  dans  le  vraisemblable,  et  il  est  permis  de  le  croire  ; 
mais  ce  qui  suit  me  paraît  tomber  un  peu  dans  ce  merveilleux  dont  les  anciens 
voyageurs  aimaient  tant  à  broder  leurs  narrations.  «  Ils  mettent  leur  queue  en- 
tre les  pinces  du  crabe,  ajoute-t-il,  et  dès  qu'elles  serrent,  ils  l'enlèvent  brus- 
quement et  l'emportent  pour  le  manger  à  leur  aise.  Ils  cueillent  des  noix  de  coco 
et  savent  fort  bien  en  tirer  la  liqueur  pour  la  boire  et  le  noyau  pour  le  manger. 
On  les  prend  par  le  moyen  de  noix  de  coco,  où  l'on  fait  une  petite  ouverture  ;  ils 
y  fourrent  la  patte  avec  peine  parce  que  l'ouverture  est  étroite,  et  les  gens  qui 
sont  à  Talfùt  les  prennent  avant  qu'ils  puissent  se  dégager.  »  Une  des  choses  de 
ce  récit,  qui  n'est  pas  la  moins  admirable,  est  la  naïveté  avec  laquelle  Buffon  le 
rapporte. 

Les  malbroucks  sont  grands  dénicheurs  d'oiseaux,  aussi  a-t-on  remarqué  que 
partout  où  les  premiers  abondent,  les  derniers  sont  fort  rares.  Ils  ne  craignent 
ni  le  tigre,  ni  les  autres  bêtes  féroces,  mais  ils  ont  un  ennemi  bien  plus  terrible 
et  bien  plus  dangereux,  qui  va  les  saisir  sans  bruit,  pendant  la  nuit,  jusque  sur 
la  cime  des  arbres  les  plus  élevés.  Cet  ennemi  redoutable  n'est  autre  qu'une  sorte 
de  très-grand  serpent,  probablement  un  boa,  qui  les  avale  d'un  seul  coup  et  s'oc- 
cupe jour  et  nuit  à  leur  faire  la  chasse. 

I.e  GitiVKT  [Cerciuehvs  grisco-iiridis,  Desbi.  Ijcaucoup d'analogie  avec  le  callilridie,  levervel 
Cercopithecvsgnseus,  Fh.  Cm.)  Celle  espèce  a     el  lenialhrouck  :  il  a  la  tête  de  moins  en  longueur 


SINGES. 


27 


que  ce  dernier,  et  son  scrotum,  d'un  vert  cui- 
vré et  non  bleu,  est  entouré  de  poils  blancs  ;  sa 
couleur  est  dun  vert  grisâtre.  Le  bandeau  blanc 
de  ses  yeux,  ses  favoris  blancs  et  sa  queue  grise 


jusqu'fi  l'extrémité,  le  différencient  du  callitri- 
clie.  Sa  face  est  d'un  noir  violàtre,  et  le  tour 
des  yeux  d'une  couleur  de  chair  livide.  11  est  du 
la  Nubie,  et  d'autres  parties  de  1  Afrique. 


Un  mâle  et,  une  femelle  de  cette  espèce  ont  vécu  à  la  ménagerie.  Le  premier, 
assez  doux  dans  sa  jeunesse,  était  devenu  méchant  en  vieillissant.  La  femelle  était 
douce ,  caressante  jusqu'à  l'importunité,  mais  excessivement  jalouse  de  toutes 
les  personnes  qui  approchaient  son  maître.  Du  reste,  tous  les  singes  ont  plus  ou 
moins  ce  défaut. 

«  Ces  animaux  (les  singes  en  général)  sont  très-susceptihles  de  jalousie,  dit 
Fr.  Cuvier,  ou  plutôt  d'un  sentiment  qui  a  l'apparence  extérieure  de  cette  pas- 
sion, car  elle  ne  peut  pas  exister  chez  les  animaux  avec  les  mêmes  caractères 
que  chez  l'homme;  mais  ils  l'expriment  indépendamment  de  tout  rapport  de 
sexe.  Lorsqu'un  singe  femelle  est  attaché  à  sa  maîtresse,  il  témoigne  indiffé- 
remment aux  hommes  et  aux  femmes  son  espèce  de  jalousie  ;  et  s'il  en  est  quel- 
quefois arrivé  autrement,  cela  a  tenu  sûrement  à  des  circonstances  fortuites  qui 
n'ont  point  été  appréciées.  »  J'ai  la  conviction  que  Fr.  Cuvier  se  trompe,  et 
s'il  ne  s'était  pas  réfuté  lui-même  dans  plusieurs  parties  de  ses  ouvrages,  et 
particulièrement  dans  son  article  du  mandrill,  j'essayerais  de  le  faire  ici.  L'er- 
reur de  ce  naturaliste  provient  sans  doute  de  ce  qu'il  n'a  trop  souvent  étudié  (jue 
les  animaux  vivant  dans  les  cages  de  la  ménagerie,  et  dont  l'instinct  s'est  ahruti 
par  un  dur  esclavage. 

J'ai  été  à  même  d'ohserver  plusieurs  fois  des  singes  élevés  avec  douceur  et 
parfaitement  apprivoisés,  conditions  qui  sont  indispensables  si  l'on  veut  juger 
avec  quelque  certitude  de  leur  caractère  ;  mais,  par  un  hasard  fort  singulier, 
tous  étaient  des  mâles.  Je  leur  ai  reconnu,  non-seulement  une  jalousie  furieuse 
contre  les  hommes,  mais  encore  une  prédilection  tout  aussi  remarquable  pour 
les  femmes,  prédilection  souvent  poussée  jusqu'à  l'indécence.  Ainsi  donc,  abs- 
traction faite  de  tout  esprit  de  système,  j'ai  l'intime  conviction  que  les  sexes  ont, 
chez  les  animaux,  une  influence  marquée  sur  leur  manière  d'être  avec  notre 
espèce.  Je  ne  puis  ni  ne  dois,  dans  cet  ouvrage,  donner  plus  d'extension  à  cette 
pensée. 


28 


LES   QUADRUMANES. 


L'HonInian  on  Entelli- 


I  |e  Gk'vke.  Les  SEiMXOPITHEQUES  (.S'eni- 
Hopilhenis,Y&.  Cl  y  )  CoiiimplespiTcédeuts,  ils 
ont  trente-di'iiv  dt-iils,  mais  leurs  canines  sont 
I)cauc(Hip  plus  longues  que  leurs  incisives  ;  leur 
tète  est  ronde,  a  angle  raciiil[)lus  ouvert  que  celui 
des  orangs.  Ils  ont  la  face  plane,  les  membres 
très-longs  relativement  au\  autres  dimensions  du 
corps  ;  leurs  pouces  antérieurs  sont  très-courts  ; 
ils  ont  des  abajoues,  des  callosités  aux  fesses,  la 
queue  excessivement  longue  et  très-mince. 

L'HoLLMA-s  ou  Emelle  (Semnopithccus  en- 
telliis.  Fr.  Cuv.  Ceiropithfcus  entellus,  Desm.— 
Geoff.  Simia  entellus.  Di  FB.L'Enfe/Ze,  (i  Cuv.). 
Cette  espèce  varie  beaucoup  de  couleur  à  rai- 


son de  l'âge.  Son  menton  est  garni  d'une  petite 
barbe  jaunâtre,  et  sa  gorge  est  nue.  Son  pelage 
est  d'un  blond  grisâtre,  mélangé  de  poils  noirs 
sur  le  dos  et  sin-  les  membres,  et  de  poils  dun 
lauve  presque  orangé  sur  les  cotés  de  la  poi- 
trine ;  les  mains  et  la  face  sont  noires,  et  la  queue 
presque  noire,  terminée  |)ar  une  touffe  ;  les  jjoils 
de  la  tcte  sont  plus  roux  (|ue  les  autres  et  for- 
ment un  cercle  en  divergeant  du  point  qui  leur 
donne  naissance.  Dans  sa  jeunesse,  son  pelage 
est  presque  entièrement  blanchâtre  ou  d'un 
blanc  roux,  et  sa  queue  est  d'un  gris  roussàtre. 
lia  un  pied  cinq  pouces  (0,460)  de  longueur, 
non  compris  la  queue. 


L'houlman  habite  le  Bengale.  Il  otfre  un  exemple  de  la  singulière  métamor- 
phose dont  nous  avons  parlé  à  l'article  du  pongo.  Pendant  sa  première  jeunesse, 
il  a  le  museau  très-peu  saillant,  le  front  assez  large,  le  crâne  élevé  et  arrondi. 
Alors  cet  animal  jouit  de  facultés  intellectuelles  très-étendues  ;  il  a  une  étonnante 
pénétration  pour  juger  de  ce  qui  peut  lui  être  agréable  ou  nuisible;  il  s'appri- 
voise aisément,  est  assez  doux,  s'attache  jusqu'à  un  certain  point  à  son  maître, 
et  n'emploie  que  la  ruse  ou  l'adresse  pour  se  procurer  ce  qu'il  désire. 

A  mesure  qu'il  devient  vieux,  c'est  tout  autre  chose;  son  iront  s'oblitère,  son 
museau  acquiert  une  proéminence  considérable,  et  son  crâne  diminue  beaucoup 
de  capacité.  Ses  qualités  morales  se  dégradent  dans  la  même  proportion;  l'apa- 
thie remplace  la  pénétration  ;  il  cherche  la  solitude;  il  emploie  la  force  à  la  place 
de  la  niso,  ol  nue  méclianroté  féroce,  une  colère  poussée  jusqu'à  la  fureur,  sont 


SINGES.  29 

excitées  par  la  plus  légère  contrariété.  Plus  tard  il  faut  le  charger  de  chaînes,  ou 
le  renfermer  dans  une  cage  de  fer,  dont  sa  plus  grande  occupation  est  de  secouer 
les  harreaux  avec  rage. 

Ce  portrait  vrai  n'est  pas  séduisant,  et  cependant  les  Indous  ont  déifié  cet  ani- 
mal, auquel  ils  assignent  une  assez  bonne  place  parmi  leurs  trente  millions  de 
divinités.  Nous  citerons  ici  ce  qu'en  a  écrit  M.  Duvaucel. 

«  Quelque  zèle  que  j'aie  mis  dans  mes  recherches  et  mes  poursuites,  elles  sont 
toujours  restées  infructueuses,  à  cause  des  soins  empressés  qu'ont  mis  les  Ben- 
galais à  m'empècher  de  tuer  une  bète  aussi  respectable.  Les  Indous  chassaient 
le  singe  aussitôt  qu'ils  voyaient  mon  fusil  ;  et  pendant  plus  d'un  mois  qu'ont  sé- 
journé à  Chandernagor  sept  ou  huit  houlmans  qui  venaient  jusque  dans  les  mai- 
sons saisir  les  offrandes  des  fils  de  Brama,  mon  jardin  s'est  trouvé  entouré  d'une 
garde  de  pieux  brames,  qui  jouaientdu  tam-tam  pour  écarter  le  dieu  quand  il  venait 
manger  mes  fruits.  Ce  que  je  sais  de  mieux  sur  cette  espèce,  c'est  son  histoire 
mythologique,  mais  il  serait  trop  long  de  la  rapporter  ici.  Je  dirai  seulement  que 
l'houlman  est  un  héros  célèbre  par  sa  force,  son  esprit  et  son  agilité,  dans  le  re- 
cueil volumineux  des  mystères  du  peuple  indou.  On  lui  doit  ici  un  des  fruits  les 
plus  estimés,  la  mangue,  qu'il  vola  dans  les  jardins  d'un  fameux  géant  établi  à 
Ceylan.  C'est  en  punition  de  ce  vol  qu'il  fut  condamné  au  feu,  et  c'est  en  étei- 
gnant ce  feu  qu'il  se  brûla  le  visage  et  les  mains,  restés  noirs  depuis  ce  temps-là. 

«  Je  suis  entré  à  Goutipara  (lieu  saint  habité  par  des  brames),  et  j'ai  vu  les 
arbres  couverts  de  houlmans  à  longue  queue,  qui  se  sont  mis  à  fuir  en  poussant 
des  cris  affreux.  Les  Indous,  en  voyant  mon  fusil,  ont  deviné,  aussi  bien  que  les 
singes,  le  sujet  de  ma  visite,  et  douze  d'entre  eux  sont  venus  au-devant  de  moi 
pour  m'apprendre  le  danger  que  je  courais  en  tirant  sur  des  animaux  qui  n'é- 
taient rien  moins  que  des  princes  métamorphosés.  J'allais  passer  outre,  lorsque 
je  rencontrai  sur  ma  route  une  de  ces  princesses,  si  séduisante  que  je  ne  pus  ré- 
sister au  désir  de  la  considérer  de  plus  près.  Je  lui  lâchai  un  coup  de  fusil,  et  je 
fus  témoin  alors  d'un  trait  vraiment  touchant  :  la  pauvre  bête,  qui  portait  un 
jeune  singe  sur  son  dos,  fut  atteinte  près  du  cœur  ;  elle  se  sentit  mortellement 
blessée,  et,  réunissant  toutes  ses  forces,  elle  saisit  son  petit,  l'accrocha  à  une 
branche,  et  lomba  morte  à  mes  pieds.  Un  trait  si  touchant  d'amour  maternel  m'a 
fait  plus  d'impression  que  tous  les  discours  des  brames,  et  le  plaisir  d'avoir  un 
bel  animal  n'a  pu  l'emporter  cette  fois  sur  le  regret  d'avoir  tué  un  être  qui  sem- 
blait tenir  à  la  vie  par  ce  qu'il  y  a  de  plus  respectable.  » 

Le  LouToii  {Semnopithecus  maurus  et  le  [.e  Tschincou  ou  Tscbin-coo  (Smnopifhenis 
Tchiiicou,  Fr.  Cuv.  CerropUhenis  maurus,  pruinosus,  Desm.)  me  paraît  si  ressemblant  au 
Dksm.  Simia  cristata  ,  Raffi,.  Simla  viaura,  précédent,  surtout  à  la  gravure  que  M.  Fr.  Cu- 
l.w.)  Ce  singe  a  deux  pieds  de  longueur  .0,6.jO)  vier  en  a  donnée,  que  je  le  soupçonne  beaucoup 
non  compris  la  queue,  qui  a  dea\  pieds  et  demi  n'être  qu'une  variété  de  la  même  espèce.  Son 
(0.812).  Ses  formes  soi>t  grêles,  ses  membres  pelage  est  noirâtre,  glacé  de  blanc,  sans  lacbe 
allongés  ;  son  pelage  est  entièrement  noir,  ex-  blanche  à  l'origine  de  la  queue,  qui  est  brune, 
cepté  une  tache  blanche  en  dessous,  à  l'origine  Ses  mains  sont  noires.  On  le  trouve  à  Sumatra, 
de  la  queue,  et  quelques  poils  de  la  même  cou-  mais  on  ne  connaît  pas  ses  mceurs. 
leur  près  de  la  bouche;  les  mains  sont  noires;  Le  CniEPUK  ou  Simpaï  { SemnopitUecus  mê- 
les oreilles  et  la  face  sont  nues.  Dans  le  jeune  lanophos,  Vr.C.vs.  Simia  melanophos,  KkfVL.'^ 
âge,  il  est  fauve  on  d'un  brun  rougeàtre.  Il  est  a  un  pied  six  pouci>s  (0,{87)  de  longueur,  non 
de  .lava,  et  ses  habitudes  sont  inconnues.  compris  la  queue    Son  pelage  est  d'im  fauve 


30  LES  QUADRUMANES. 

roux  brillant,  soyeux  en  dessus,  blanchâtre  en  très-grandes  et  creusées  d'un  profond  sillon  sur 

dessous;  ila  une  aigrette  de  poils  noirs  en  forme  la  face  antérieure.  Il  habite  Java, 

de  bandeau;  la  face  bleue;  les  lèvres  et  lenien-  12^  Genbe.  Les  MACAQUES  (Macacus,  La- 

ton  couleui"  de  chair.  Il  habite  Sumatra  et  les  cep.).  Leur  angle  facial  est  ouvert  à  quarante  ou 

îles  de  la  Sonde;  on  ne  sait  rien  de  son  histoire,  quarante-cinq  degrés;  ils  ont  des  crêtes  sour- 

Le  Croo  ou  Crol  (SemnopUliecus  comatns,  cilières  et  occipitales  très-prononcées;  des  aba- 

Desm.  — Fr.  Cuv.t.  Le  nom  de  cet  animal  lui  joues,  des  callosités  aux  fesses,  et  une  queue 

vient  de  son  cri;  le  dessus  de  son  corps  et  la  plus  ou  moins  longue;  ils  ont  trente-deux  dents, 

face  extérieure  de  ses  membres  sont  gi'is;  sa  dont  la  dernière  mâchelière  inférieure  à  talon, 

tête  est  couverte  en  dessus  de  poils  noirs,  for-  ce  qui  les  distingue  des  guenons,  et  ils  diffèrent 

mant  une   sorte   d'aigrette  vers  l'occiput;  le  des  semnopilhèques  par  de  très-grandes  aba- 

dessous  du  corps  et  des  membres  est  d'un  blanc  joues. 

sale  ;  sa  queue  est  blanche  en  dessous,  grise  en  Le  Mvcaqle  toque  [Macacus  radiatus,  Desm. 

dessus,  et  terminée  par  des  poils  blancs.  Le  no-  —  Fr.  Clv.  Cercocebus  radiatus,  Geoff.  Le 

menclateur  Temminck  pense  qu'on  doit  rap-  Bonnet  chinois,  Buff.  Voir  notre  gravure  du 

porter  cette  espèce  au  presbijtis  mitrata  d'Es-  Chacma,  où  il  est  représenté).  Ce  singe  a  une 

choltz.  11  est  de  Sumatra  et  de  Java,  où  les  grande  ressemblance  avec  le  bonnet   chinois, 

habitants  le  nomment  quelquefois  erro;  c'est  dont  il  n'est  peut-être,  quoi  qu'en  disent  les  na- 

tout  ce  qu'on  sait  de  son  histoire.  turalistes,  qu'une  simple  variété.  Son  pelage  est 

Le  SoLLiLi  (Semnopithecus  fulvo- griseus.  d'un  brun  verdàtre  en  dessus,  et  d'un  cendré 

Des>i.)  est  d'un  gris  fauve  passant  au  brun  sur  clair  en  dessous;  les  poils  du  dessus  de  la  tête 

les  épaules  et  le  bas  des  quatre  membres  ;  les  sont  divergents  et  lui  forment  une  sorte  de  ca- 

quatre  mains  sont  noires,  le  visage  tanné  ;  les  fa-  lotte,  mais  bien  moins  prononcée  ;  il  a  le  n)useau 

voris,  la  gorge  et  le  menton  d'un  gris  blanchâtre  plus  mince  et  plus  étroit  que  tous  les  autres  ma- 

sale;  la  queue  est  d'un  quart  plus  longue  que  le  caques,  la  face  et  les  oreilles  d'une  couleur  de 

corps  ;  les  doigts  sont  très-longs,  très-gi"éles,  à  chair  livide,  et  les  mains  violàtres.  Sa  queue  est 

phalanges  arquées.  Les  canines  supérieures  sont  un  peu  plus  longue  que  son  corps. 

Le  toque  habite  l'Inde  et  se  trouve  principalement  sur  la  côte  de  Malabar,  où 
il  jouit  des  mêmes  privilèges  que  l'houlman  au  Bengale.  Il  est  défendu  aux  natu- 
rels de  le  tuer,  sous  quelque  prétexte  que  ce  soit,  et  sous  des  peines  trés-sé- 
vères.  S'il  arrive  à  un  Européen  de  commettre  ce  crime  épouvantable,  il  n'est 
pas  soumis  aux  peines  prononcées  contre  les  indigènes,  et  cela  parce  qu'il  serait 
difficile  de  les  lui  faire  appliquer  ;  mais  les  brames  sont  parfaitement  convaincus 
qu'un  des  dix  ou  douze  dieux  singes  qui  figurent  dans  leur  théogonie  ne  man- 
quera pas  de  le  faire  mourir  dans  l'année  pour  venger  son  représentant  sur  la 
terre.  Il  en  résulte  que  le  macaque  toque  a  ses  coudées  franches  dans  cette  partie 
de  l'Asie,  et,  comme  dit  le  naïf  voyageur  Pyrard,  ces  singes  sont  'i  sî  importuns, 
si  fâcheux,  et  en  si  grand  nombre,  qu'ils  causent  beaucoup  de  dommage,  et  que 
les  habitants  des  villes  et  des  campagnes  sont  obligés  de  mettre  des  treillis  à 
leurs  fenêtres  pour  les  empêcher  d'entrer  dans  leurs  maisons.  » 

Nous  n'avons,  au  moins  à  ma  connaissance,  aucun  renseignement  de  date  ré- 
cente sur  cette  espèce,  et  ceux  que  nous  trouvons  dans  les  voyageurs  anciens  sont 
assez  confus.  Néanmoins  il  paraît  que  le  macaque  toque  est  d'un  caractère  capri- 
cieux et  méchant,  au  moins  quand  il  a  atteint  un  certain  âge,  et  qu'il  se  livre 
habituellement  au  pillage  des  vergers  et  des  plantations  de  cannes  à  sucre.  Il  aime 
beaucoup  la  sève  du  palmier  dont  on  prépare,  dans  l'Inde,  uile  liqueur  fermentée 
nommée  zari.  Il  se  met  en  embuscade  et  observe  les  Indous  qui  vont  percer  les 
palmiers  et  poser  dans  la  plaie  de  l'arbre  une  cannelle  de  bambou  par  laquelle  la 
sève  qui  s'échappe  doit  être  conduite  dans  un  vase.  Ce  malicieux  animal,  aussitôt 
qu'il  voit  l'Indou  parti,  sort  de  sa  cachette,  grimpe  sur  le  palmier,  et  boit  la 
sève  à  mesure  qu'elle  coule  du  tronc.  Il  arrive  parfois,  dit-on,  que  cette  liqueur 


SINGES. 


31 


rpjiivrc  ;  alors  il  ne  sait  plus  ce  qu'il  fait,  et  on  le  prend  aisément.  Tontes  ces 
anciennes  observations  ont  besoin  d'être  confirmées  de  nouveau. 


Le  B0IV^ET  CHINOIS  Maracus sinirus,  Fr.  Cuv. 
Simia  sinira,  Gml.Lo  Bonnet  chinois,  (i.Cuv. 
—  BiFF.  La  Guenon  roiironnée).  Son  corps  est 
grcle;  son  pelage  est  d'un  brun  marron  ou  d'un 
fauve  brillant  doré  en  dessus;  sa  queue  est  un 
peu  plus  brune;  sa  poitrine,  son  ventre,  ses  fa- 
voris, le  dessous  de  son  cou  et  la  face  interne  de 
ses  membres  sont  !)lancLàtres;  ses  mains,  ses 
pieds  et  ses  oreilles  noirâtres  ;  sa  face  est  couleur 
de  chair.  Les  poils  qui  couvrent  sa  tète  sont, 
comme  dans  le  précédent,  disposés  en  rayons 
diverîients  d'tm  point  central,  mais  plus  longs.  Ce 
singe  habite  le  Bengale,  et  son  histoire  est  abso- 
lument la  même  que  celle  du  macaque  toque. 

Le  Macaqie  a  fvce  ^0IRE  i  Mccaciis  carbona- 
rins,  Fb.  Ciiv.)  a  la  plus  grande  analogie  avec 
le  macaque  ordinaire  et  n'en  diffère  essentielle- 
ment que  par  sa  face,  qui  est  noii-eau  lieu  d'être 
(année.  Son  pelage  est  d'un  vert  grisâtre  en  des- 
sus ;  les  favoris,  les  joues  et  tout  le  dessous  sont 
gris;  il  a  sur  les  yeux  un  bandeau  noir,  étroit, 
et  les  paupières  supérieures  sont  blanches.  On 
le  trouve  à  Sumatra. 

Le  lyUcAQiiE  A  FACE  HOLCE  iWfffflfi/s  specio- 
sus,  Fr.  Cl'v.)  a  le  pelage  d'un  gris  vineux  en 
dessus,  d'un  blanc  grisâtre  en  dessous;  sa  face 


est  d'un  rouge  pourpre  et  non  vermillonné, 
entourée  d'un  ceicle  de  i)oils  noirs  ;  sa  queue  est 
très- courte,  presque  cachée  i)ar  les  poils:  ses 
ongles  sont  noii's.  Il  est  des  Indes  orientales. 
Peut-(ti'e  faudrait  il  reporler  cette  espèce  au 
genre  suivant. 

Le  RiiÉSLS  {Macacuseriithrœus,  Fn.  Civ.  ,1/n- 
cacns  rhésus, He^m. Le  Rhésus,  Aioeb.— G.Civ. 
Le  Patas  à  queue  courte  et  le  Macaque  à  queue 
courte,  BuFF).  11  ne  faut  pas  confondre  cette 
espèce,  comme  l'ont  fait  Î\L  Lesson  et  quelques 
autres  naturalistes,  avec  le  maimon  de  Buffon. 
Son  pelage  est  d'un  beau  gris  verdàtre  en  des- 
sus, gris  sur  les  bras  et  les  jambes,  plus  jaune 
sur  les  cuisses  ;  gorge,  cou,  poitrine,  ventre  et 
face  interne  des  membres  d'un  blanc  pur  ;  queue 
verdàtre  en  dessus,  grise  en  dessous;  face, 
oreilles  et  mains  d'une  teinte  cuivrée  très-claire  ; 
foses  d'un  rouge  très-vif,  cette  couleur  s'éten- 
dant  un  peu  sur  les  cuisses,  sur  la  croupe  et  sui- 
la  queue.  Sa  longueur  est  de  onze  à  douze  ponces 
(0,298  à  0,52.5)  de  l'occiput  à  l'origine  de  la 
queue,  et  cette  dernière  est  longue  de  près  de 
six  pouces  |0,t()2).  Le  mâle  est  un  peu  plus 
grand,  et  ses  favoris  sont  plus  touffus.  Cet  ani  - 
mal  se  trouve  dans  les  forêts  de  l'Inde. 


Le  rhésus  habite  les  bords  du  Gange,  oit  il  est  en  grande  vénération.  Encou- 
ragé par  la  répugnance  invincible  que  les  Indous  ont  pour  tuer  les  animaux, 
il  quitte  souvent  les  bois  et  vient  jusque  dans  les  villes  piller  en  plein  jour  une 
nourriture  qui  lui  paraît  d'autant  plus  agréable  qu'il  l'a  dérobée.  Ainsi  que  tous 
les  singes,  il  est  assez  doux  dans  sa  jeunesse  ;  mais  en  vieillissant  il  devient 
méchant  jusqu'à  la  férocité,  et  alors  il  est  d'autant  plus  dangereux  qu'il  a  beau- 
coup d'intelligence  et  de  pénétration  pour  calculer  et  exécuter  ses  méchancetés. 


32 


LES  QUADRUMANES. 


Le  Nil-Banda 


Le  ÎSil-Bandab  ou  Ouanderou  {Macacvs  si- 
lenus,  Desih.  Simia  silenus  et  leonina,  Lin.— 
(iML.  Le  Macaque  à  crinière,  G.  Cuv.  L'Okoii- 
dcrou,  Blff.I  11  a  dix-huit  pouces  de  lou^ueur 
(0,542)  depuis  le  museau  jusqu'à  l'origiue  de  la 


queue  ;  celle-ci  a  dix  pouces  de  lougueur  |0,27 1  ) .  1 1 
est  euticrenieul  uoir,  excepté  le  veulre,  et  la  poi- 
triue,  qui  seul  blancs,  ainsi  qu'une  crinière  et 
une  longue  barbe  qui  lui  foiMuent  comme  une 
sorte  de  fraise  tout  autour  de  la  tète. 


Le  nil-bandar  habite  l'île  de  Ceylan,  et  se  retire  au  fond  des  bois  les  plus 
solitaires,  où,  dit-on,  il  ne  se  nourrit  que  de  feuilles  et  de  bourgeons.  Ce  dernier 
fait  me  païaît  d'autant  plus  douteux,  que  ceux  qui  ont  vécu  à  la  ménagerie 
aimaient  beaucoup  les  fruits  et  se  nourrissaient  des  mêmes  aliments  que  les 
autres  macaques.  L'un  d'eux  était  doux  et  caressant  (  probablement  parce  que 
c'était  une  jeune  femelle  ),  mais  très-capricieux  ;  et  souvent,  au  moment  même 
oij  il  paraissait  recevoir  des  caresses  avec  le  plus  de  plaisir,  il  poussait  un  cri 
de  colère,  mordait,  et  s'éloignait  d'un  bond.  Quant  aux  mâles,  ils  étaient  très- 
méchants. 

Les  anciens  voyageurs  prétendent  qu'au  Malabar  «  les  autres  singes  ont  tant 
de  respect  pour  cette  espèce,  qu'ils  s'humilient  en  sa  présence,  comme  s'ils 
étaient  capables  de  reconnaître  en  elle  quelque  supériorité.  »  Nous  remar- 
querons, en  passant,  qu'il  ne  faut  jamais  se  presser  de  rejeter  comme  des  fables 
les  faits  rapportés  par  les  voyageurs,  même  les  plus  crédules,  et  que  si  on  a  le 
talent  de  dépouiller  ces  faits  des  interprétations  fausses  et  merveilleuses  qu'ils 
leur  donnent,  on  y  découvre  assez  souvent  une  vérité.  En  effet,  ce  que  le  père 
Vincent-Marie,  que  je  viens  de  citer,  a  pris  pour  du  respect,  n'est  rien  autre 
chose  que  de  la  crainte  ;  et  si  on  en  concluait  que  le  nil-bandar  est  féroce,  qu'il 


SINGES.  33 

attaque  et  chasse  de  ses  bois  les  singes  plus  faibles  que  lui,  que  ces  derniers  b; 
craignent  et  le  fuient,  qu'ils  se  cachent  en  tremblant  lorsqu'ils  l'aperçoivent,  on 
serait  tombé  juste  sur  la  vérité.  Les  Indous  estiment  beaucoup  ce  singe  et  lui 
donnent  une  large  part  dans  la  vénération  qu'ils  ont  pour  toute  cette  race, 
parce  qu'il  a  une  longue  barbe  et  une  certaine  gravité,  ce  qui,  dans  tout  l'Orient, 
passe  pour  le  signe  infaillible  d'une  haute  intelligence. 

Je  ne  sais  si  l'on  doit  regarder  comme  espèce,  et  F.  Cuvier  me  paraîtrait  être 
de  cet  avis,  ou  comme  simple  variété,  un  singe  cité  par  BufTon,  mais  que,  à  ma 
connaissance,  on  n'a  jamais  vu  en  Europe,  ni  vivant  ni  en  peau;  c'est 

1-e  L()\v\M)o  (  3/af acu.s-  cluandtim ;  —  El-  On  en  trouvemil  encore  un  autre,  selon  Knox, 

u-andiim  zeyianensibus;  Simia  alba  seu  inra-  qui  serait  entièrement  l)Ianc,  et  qui  n'est  proba- 

nis  pilis,  barba  nigra  promissa,  Ray.),  qui  ne  blement  qu'un  all)inos  d'une  des  deux  espèces 

diffère  du  précédent  que  parce  qu'il  a  l;i  barbe  |)récédenles.  Il  habiterait  l'Fnde et  probablement 

noire  et  le  corps  gris.  11  habite  le  même  pays,  l'ile  de  Cejinn;  mais  son  existence  est  douteuse. 

«  Les  singes  blancs,  dit  l'auteur  de  la  Descript'ion  du  macaçar,  qui  sont  quel- 
quefois aussi  grands  et  aussi  méchants  que  les  plus  grands  dogues  d'Angleterre, 
sont  plus  dangereux  que  les  noirs.  Ils  en  veulent  principalement  aux  femmes, 
et  souvent,  après  leur  avoir  fait  cent  outrages,  ils  finissent  par  les  étrangler. 
Quelquefois  ils  viennent  jusqu'aux  habitations  ;  mais  les  habitants,  qui  sont  très- 
jaloux  de  leurs  femmes,  n'ont  garde  de  permettre  l'entrée  de  leurs  maisons  à  de 
si  méchants  galants,  et  ils  les  chassent  à  coups  de  bâton.  » 

Le  Macaco  {Macacns  cynomolgus,  riE(!FF.—  lage  est  olivâtre  ou  brun,  verdàtre  en  dessus,  et 

Fr.  Cm.  Simia  cynomolgus,  njno<c]ihalus,ei  blanchâtre  en  dessous;  la  tète  esi  grosse,  large, 

aygula,  hiJi.l^e  Macaque  c\  Y  Aigrette, ^{:vv.  —  aplatie  en  dessus;  une  forte  créle  sourcilière 

G.  (]uv.}.  Le  mâle  a,  du  bout  du  museau  à  l'o-  couvre  les  yeux  ;  la  face  est  livide  et  à  peu  près 

rigine  de  la  queue,  dix-huit  pouces  de  longueur  mie.  La  femelle  a  sur  le  haut  de  la  tcte  un  épi 

(0,.542  ,  et  la  femelle  quatorze  iO,.579).  Leur  pe-  de  poils  redressés  en  forme  d'aigrette. 

Le  macaco  se  trouve  principalement  à  Sumatra,  et  peut-être  là  seulement, 
(pioique  la  plupart  des  auteurs,  Buffon,  G.  Cuvier,  etc.,  le  fassentvenir  de  Guinée 
et  de  l'intérieur  de  l'Afrique.  La  ménagerie  en  a  possédé  plusieurs  qui  y  ont  fait 
des  petits.  Mais  les  femelles,  qui  ont  porté  sept  mois,  se  sont  constamment  mon- 
trées mauvaises  mères  et  n'ont  pas  toujours  voulu  élever  leurs  enfants.  Cette 
espèce,  que  l'on  voit  communément  en  Europe,  est  turbulente,  malicieuse,  et 
surtout  fort  grimacière.  Tant  qu'il  est  jeune,  le  macaco  a  une  douceur  et  une 
intelligence  remarquables  ;  alors  il  se  prête  à  une  certaine  éducation,  et  les  bala- 
dins des  rues  profitent  de  cette  aptitude  pour  lui  apprendre  à  voltiger  sur  la 
corde  lâche  et  à  faire  divers  tours  dont  ils  amusent  le  public.  3Iais  lorsqu'il 
atteint  six  à  sept  ans  et  que  toute  sa  force  est  développée,  il  devient  méchant, 
colère,  se  révolte  contre  la  contrainte,  et  le  plus  obéissant  peut  devenir  le  plus 
farouche  et  le  plus  irascible. 

Dans  leur  pays,  ces  singes  vont  souvent  par  troupes  et  se  rassemblent  surtout 
pour  voler  les  fruits,  les  légumes,  et  mettre  les  plantations  au  pillage.  Bosman, 
cité  par  Buffon,  dit  :  «  Qu'ils  prennent  dans  chaque  patte  un  ou  deux  pieds  de 
milhio,  autant  sous  leurs  bras  et  autant  dans  leur  bouche  ;  qu'ils  s'en  retournent 
ainsi  chargés,  sautant  continuellement  sur  les  pattes  de  derrière,  et  que,  quand 
on  les  poursuit,  ils  jettent  les  tiges  de  milbio  qu'ils  tenaient  dans  les  mains  et 

5 


34  LES  QUADRUMANES. 

sous  leshras,  ne  gardant  que  celles  qui  sont  entre  leurs  dents,  afin  de  pouvoir  fuir 
plus  vite  sur  les  quatre  pieds.  Au  reste,  ils  examinent  avec  la  dernière  exactitude 
chaque  tige  de  milliio  qu'ils  arrachent,  et,  si  elle  ne  leur  plaît  pas,  ils  la  re- 
jettent h  terre  et  en  arrachent  d'autres  :  en  sorte  que,  par  leur  bizarre  déli- 
catesse, ils  causent  encore  plus  de  dommages  que  par  leurs  vols.  »  Si  Buiïou 
s'est  trompé  et  que,  ainsi  que  le  dit  M.  Boyer,  le  macaco  ne  se  trouve  qu'à 
Sumatra,  ce  que  Bosman  en  raconte  doit  se  rapporter  à  une  autre  espèce.  A  la 
ménagerie,  le  macaco  dort  couché  sur  le  côté  et  reployé  sur  lui-même,  la  tète 
entre  les  jamhes,  ou  assis,  avec  le  dos  courbé  et  la  tète  appuyée  sur  la  poitrine. 
Sa  voix  est  un  cri  rauque  qui  peut  éclater  dans  la  colère  avec  beaucoup  de  force; 
mais  lorsqu'il  n'exprime  qu'un  sentiment  paisible,  il  fait  entendre  un  petit  sif- 
(lement  assez  doux. 


Le  Babiioi  ou  le  MxiiMOiv  {Macacus  vemcslri- 
1UIS,  Fr.  Civ.  Simia  nemestnna,  Lin.  Sitnia 
plutiii)igos,Sc.HR.  Le  iMaimon,  Blff.— Aldeb. 
Le  Singe  à  queue  de  cochon,  Edwards).  Sa 
longueur,  de  l'occiput  à  l'origine  de  la  queue, 
est  de  quatorze  pouces  (0,575)  ;  sa  queue  est  lon- 
gue de  cinq  pouces  (0, 155).  Son  pelage  est  d'un 


brun  roussâlreoud'un  bhiiid  foncé verdàtre,  avec 
une  bande  noire  commentant  sur  la  Icte  et  s'af- 
fail)lissant  le  long  du  dos  ;  les  cuisses  et  les  épau- 
les sont  verdàtres  avec  un  mélange  de  gris .  tout 
le  dessous  du  corps  est  blond  ;  la  face,  les  oreil- 
les, l'intérieur  des  mains  et  les  callosités  des  fes- 
ses, sont  basanés.  11  est  de  Java  et  de  Sumatra. 


Au  moral  le  maimon  ne  diffère  presque  pas  du  rhésus,  cependant  il  paraît 
que  les  femelles  sont  un  peu  plus  douces.  Celle  que  j'ai  vue  à  la  ménagerie  était 
quelquefois  attachée  à  un  arbre,  sur  lequel  elle  montait  avec  beaucoup  d'adi'esse 
et  de  facilité,  o  Elle  se  plaisait,  dit  F.  Cuvier,  à  en  arracher  les  feuilles  quoi- 
([u'elle  ne  les  mangeât  pas.  Quelquefois  elle  dénouait  avec  beaucoup  d'adresse  la 
corde  qui  la  retenait,  et  alors  elle  courait  visiter  les  maisons  du  voisinage.  Jamais, 
cependant,  elle  ne  cherchait  à  nuire,  et  si  elle  ne  se  laissait  pas  toujours  repren- 
dre volontiers,  c'était  toujours  du  moins  sans  une  grande  résistance.  Les 
enfants  seuls  excitaient  son  humeur,  et  elle  le  leur  montrait  en  prenant  une 
posture  et  en  faisant  des  grimaces  très-bizarres  :  accroupie,  les  jambes  rappro- 
chées l'une  de  l'autre,  le  cou  tendu  horizontalement,  elle  avançait  ses  lèvres  en 
les  serrant  fortement,  et  transformait  ainsi  sa  bouche  en  un  bec  mince  et  large.» 
On  doit  placer  à  la  suite  de  cette  espèce,  comme  variété  très-légère,  le  macacun 
rdigiosiis,  si  toutefois  il  existe. 


SINGES. 


35 


13*  Genbe.  Les  MAGOTS  \Maqus,  Less.)  ne     consiste  en  un  simple  tubercule.  Du  reste,  ils  en 
différent  des  macaques  que  par  leur  queue,  qui      ont  à  |)eu  près  le  caractère  et  les  liabitndes. 


Le  M.\GOT  {'Mngiis  sijlvanus,  Less.  Macacus  inuus,  Dks.m.  Macaciis  siilvanns, 
Fr.  Cuv.  Simia  inuus,  sylvanus  et  phliecus,  Li\.  Le  Mngol ,  le  Piilicquc ,  et  le 
ppfil  cifiiocéphnle,  Buff.). 

Cet  animal  varie  un  peu  pour  la  grandeur  ;  néanmoins  il  a  assez  ordinaire- 
ment de  seize  à  dix-huit  pouces  de  longeur  (0,445  à  0,187),  depuis  la  nuque 
jusqu'aux  fesses;  sa  tète  est  fort  grosse,  son  museau  large  et  saillant,  son  nez 
aplati,  sa  face  nue  et  d'inie  couleur  de  chair  livide,  ainsi  que  les  oreilles;  son 
corps  est  épais  et  ramassé  ;  il  a  de  très-grandes  abajoues,  et  sa  bouche  est  armée 
de  fortes  canines.  Le  dessusde  son  corps  est  d'un  jaune  doré  assez  vif,  mélangé 
de  quelques  poils  noirs,  traversé  çà  et  là  par  ((uelques  bandes  noires;  le  des- 
sous est  d'un  gris  jaunâtre.  Les  mains  sont  noirâtres  et  velues  en  dessus.  Il 
habite  la  Barbarie  et  l'Egypte, 

De  tous  les  singes  que  l'on  apporte  en  Europe,  celui-ci  est  à  la  fois  le  plus  com- 
nnin  et  le  jiliis  robuste;  sans  doute  il  doit  à  l'épaisseur  de  sa  fourrure  la  faculté 
qu'il  a  de  très-bien  résister  aux  intempéries  de  notre  climat,  et  de  vivre  chez 
nous  beaucoup  plus  longtemps  que  les  autres  espèces  de  sa  classe.  On  dit  même 
qu'il  s'est  naturalisé  en  Espagne,  sur  le  IMont-au-Singe,  près  de  Gibraltar  ;  luais 
MU  officier  anglais,  qui  a  été  pentlant  plusieurs  années  en  garnison  dans  cette  ville, 
il  (pii  a  sduvent  chassé  sur  le  Mont-au-Singe.  m'a  assuré  que  cet  animal  y  était 


36  LES  QUADRUMANES. 

tout  à  fait  iiiconiiii  aux  habitants  du  pays,  et  que,  pour  lui,  il  n'avait  jamais  i)n 
l'y  rencontrer  quoiqu'il  l'y  eût  cherché. 

11  est  peu  de  montreurs  ambulants  d'ours  et  de  chameaux,  qui  n'aient  à  leur  suite 
un  ou  plusieurs  magots  ;  et  s'ils  obtiennent  autre  chose  que  des  grimaces  de  cet 
animal  récalcitrant,  ce  n'est  qu'à  force  de  coups.  Il  est  cependant  très-intelligent, 
mais  cette  précieuse  faculté  ne  se  développe  chez  lui  qu'avec  sa  parfaite  indé- 
pendance. Il  ne  se  soumet  à  l'homme  que  dans  son  extrême  jeunesse;  quand  il 
devient  adulte,  il  se  refuse  à  toute  soumission,  lutte  courageusement  contre  la 
tyrannie  qui  l'enchaîne,  et  se  défend  avec  fureur  contre  les  mauvais  traitements. 
Vaincu  par  la  force,  il  cesse  la  lutte,  tombe  dans  la  tristesse  et  le  marasme  ;  il 
meurt,  mais  il  n'obéit  pas.  Quelquefois,  s'il  est  traité  avec  beaucoup  de  douceur, 
il  consent  à  vivre  dans  la  servitude  :  assis  sur  ses  pattes  de  derrière,  les  bras 
appuyés  sur  ses  genoux  et  les  mains  pendantes,  plongé  continuellement  dans 
une  languissante  apathie,  il  semble  ne  plus  vivre  que  de  la  vie  végétative  ;  il  est 
aussi  insensible  aux  caresses  qu'aux  corrections,  aussi  incapable  d'amitié  que  de 
crainte;  il  suit  d'un  regard  hébété  ce  qui  se  passe  autour  de  lui,  et  ne  sort  mo- 
mentanément de  sa  léthargie  stupide  que  pour  satisfaire  sa  faim. 

Le  magot  en  liberté  ne  semble  plus  le  même;  c'est  le  plus  vif,  le  plus  pétu- 
lant et  le  plus  intelligent  des  singes;  aussi  domine-t-il  tous  les  autres  animaux 
qui  peuplent  ses  forêts;  il  étend  même  les  effets  de  sa  supériorité  jusque  sur  les 
grands  mammifères,  en  les  effrayant  parles  branches  qu'il  leur  jette,  et  les  pour- 
suivant de  ses  cris,  jusqu'à  ce  qu'il  les  ait  chassés  de  ses  domaines.  Il  n'a  d'enne- 
mis dangereux  que  le  serval,  lecaracal,  le  lynx,  et  autres  grands  chats,  qui  grim- 
pent sur  les  arbres,  le  saisissent  pendant  son  sommeil,  et  le  dévorent. 

Ces  singes  vivent  en  troupes  nombreuses,  et  paraissent  aimer  la  société  jusque 
dans  l'esclavage.  Dans  ce  cas,  ils  adoptent  volontiers  les  petits  animaux  qu'on  leur 
donne  ;  ils  les  transportent  partout  avec  eux  en  les  tenant  fortement  embrassés, 
et  ils  se  mettent  en  colère  lorsqu'on  veut  les  leur  ôter.  Les  femelles  ont  une 
grande  tendresse  pour  leurs  petits;  elles  ne  les  quittent  jamais,  combattent  avec 
courage  pour  leur  défense,  et  ne  cessent  de  les  protéger  qu'en  mourant.  Elles 
leur  donnent  des  soins  remarquables,  et  les  tiennent  très-proprement.  Leur 
plus  grande  occupation  de  tous  les  instants  est  de  les  lisser,  de  les  éplucher 
poil  par  poil,  d'en  enlever  toutes  les  petites  saletés,  et  de  manger  les  insectes 
ou  les  ordures  qu'elles  y  trouvent. 

Dans  l'état  de  nature,  le  magot  vit  principalement  de  fruits  et  de  feuilles  ;  mais 
en  domesticité  il  mange  à  i)eu  près  de  tout.  Néanmoins,  comme  il  est  défiant, 
il  ne  porte  rien  à  sa  bouche  sans  l'avoir  regardé,  tourné  dans  tous  les  sens,  et 
flairé.  Avant  de  manger  il  commence,  par  précaution,  à  remplir  ses  abajoues,  et 
c'est  aussi  dans  ces  singulières  poches  qu'il  cache  tous  les  petits  objets  qu'il  a 
volés.  Les  aliments  qu'il  préfère  sont  les  fruits,  le  pain  et  les  légumes  cuits.  Le 
magot  a  une  grande  réputation  de  grimacier,  et  l'on  dirait  qu'il  se  pique  de  la 
mériter,  tant  il  s'étudie  à  varier  ses  grimaces.  Quand  il  est  en  colère,  ses  mâchoires 
se  meuvent  avec  une  agilité  inconcevable,  ses  lèvres  s'agitent  avec  vitesse;  ses 
mouvements  sont  brusques,  ses  gestes  saccadés;  il  fait  entendre  une  voix  forte  et 
rude,  qui  s'adoucit  quand  il  se  calme.  On  croit  que  cette  espèce  est  le  pithèque 
des  anciens,  le  singe  dont  Calieu  a  donné  l'anatomie. 


SINGES. 


37 


Le  Mauot  de  l' I^ue  {Magus  maums,  Less. 
Macacus  maiiriis,  Fit.  T.iv.  l'out-étrc  le  IVood- 
babnnn  ou  liubnnin  de  l'emiaiit  ).  Il  est  de  l'Inde 
et  diffère  du  piécédeut  par  sa  face  uoire,  par 


ses  oreilles  et  ses  mains  bruucs;  enfin  par  son 
pelage,  qui  est  d'un  brun  foncé  uniforme.  Ses 
habitudes  sont  peu  connues  à  l'état  sauvage, 
mais  on  en  élève  quelquefois  dans  son  pa>s. 


Ce  magot,  si  on  s'en  rapporte  aux  personnes  qui  ont  habité  l'Inde,  serait  d'un 
caractère  moins  indomptable  que  le  précédent,  et  les  jongleurs  viendraient 
assez  aisément  à  bout  de  l'apprivoiser.  Un  officier  de  notre  marine  m'a  dit  en 
avoir  vu  un  que  l'on  avait  amené  à  Pondichéry,  et  auquel  on  avait  appris  plu- 
sieurs choses  pour  amuser  le  peuple.  Il  faisait  l'exercice  avec  un  petit  fusil  de 
bois,  mais  il  mettait  dans  le  maniement  de  son  arme  beaucoup  plus  de  brusque- 
rie que  d'adresse;  il  tirait  de  son  fourreau  un  sabre  de  fer-blanc,  et  l'y  remet- 
tait assez  facilement.  11  portait  un  chapeau  à  trois  cornes,  un  habit  brodé  et 
un  pantalon,  mais  on  était  obligé  de  lui  ôter  souvent  celui-ci  pour  lui  en  re- 
mettre un  autre  ;  les  jongleurs,  malgré  leur  adresse  connue  pour  élever  et  dres- 
ser les  animaux  même  les  plus  sauvages,  tels,  par  exemple,  que  les  ours  et  les 
serpents,  n'avaient  jamais  pu  l'empêcher  d'y  faire  ses  ordures,  et  il  semblait 
même  qu'il  y  mettait  de  la  malice,  car  il  attendait  presque  toujours  qu'on  lui 
eût  mis  un  vêtement  propre.  Du  reste,  cette  dégoûtante  malpropreté  e.'^t  le  fait 
de  tous  les  singes  apprivoisés,  sans  exception,  et  il  n'y  a  ni  coups,  ni  menaces 
qui  puissent  les  empêcher  de  se  satisfaire  sur  ce  point,  en  tous  lieux,  et  dans 
l'instant  même  où  la  fantaisie  les  en  prend.  Le  magot  dont  nous  parlons  volti- 
geait sur  la  corde  lâche  et  y  faisait  le  moulinet  avec  une  telle  rapidité,  que  les 
yeux  ne  pouvaient  le  suivre  ni  distinguer  ses  formes.  Il  obéissait  au  geste,  à  la 
parole,  mais  ce  n'était  jamais  que  par  l'effet  de  la  crainte,  et  il  ne  paraissait 
avoir  aucun  attachement  pour  son  maître.  Il  était  très-gourmand,  saisissait  avec 
une  brusque  vivacité  ce  qu'on  lui  présentait,  le  flairait,  le  retournait  dans  tous 
les  sens,  puis  le  cachait  dans  ses  abajoues  quand  l'objet  lui  plaisait,  ou  le  jetait 
avec  une  sorte  de  colère  quand  il  ne  lui  convenait  pas .  Tous  ces  faits  parais- 
sent avoir  peu  d'importance,  et  cependant  ils  sont  jusqu'à  un  certain  point 
précieux  pour  le  naturaliste,  parce  qu'ils  servent  à  montrer  l'analogie  frap- 
pante ([ui  existe  entre  le  magot  de  l'Inde  et  celui  d'Afrique. 


38 


LKS  QlJADULl.MANKS. 


Le  NÈGilE  [Magus  niger,  —  Cgnocephalus  niger,  Desm.  Macacus  nïger,  de  la 
Zoological  Society). 

Cet  animal  est  entièrement  d'un  noir  de  jais,  excepté  sur  ses  callosités,  (jui 
sont  couleur  de  chair;  ses  oreilles  sont  petites;  sa  queue  est  remplacée  par  un 
tubercule  qui  n'a  pas  un  pouce  de  longueur  (0,027);  ses  abajoues  sont  grandes, 
très-extensibles  ;  son  pelage  est  doux,  laineux  ;  il  a  sur  le  sommet  de  la  tète  une 
large  touffe  de  longs  poils  retombant  par  derrière  et  lui  formant  une  sorte  de 
huppe. 

M.  Desmarest,  le  premier  qui  ait  décrit  cet  animal,  ne  le  connaissait  que  par 
une  peau  fort  mal  empaillée  qui  se  trouvait  au  Cabinet;  cet  habile  observateur 
fut,  cette  fois,  induit  en  erreur,  et  il  plaça  ce  singe  avec  les  babouins,  dans  le 
genre  des  cynocéphales.  Depuis,  on  en  a  vu  deux  ou  trois  vivants,  dans  la  mé- 
nagerie de  la  Société  zoologique  de  Londres,  et  les  Anglais  l'ont  placé  dans  le 
genre  des  macaques.  Mais,  en  prenant  en  considération  son  man(jue  de  queue, 
ce  qui  le  rapproche  des  magots,  et  ses  narines  non  terminales,  mais  placées 
très-obliquement  sur  la  face  supérieure  du  museau,  ce  qui  le  retire  du  genre 
des  cynocéphales,  j'ai  cru  devoir  le  placer  dans  le  genre  magus.  Cependant,  son 
faciès,  et  surtout  son  museau  tronqué  au  bout,  lui  donne  quelque  analogie  avec 
les  mandri-lls. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  nègre  est  un  singe  qui,  pour  le  caractère  comme  pour 
les  formes,  tient  un  peu  du  magot  et  du  mandrill;  c'est-à-dire  qu'il  est  vif,  pé- 
tulant, capricieux  comme  le  premier,  et  méchant  comme  le  second.  .\  la  mena- 


SINGES.  39 

gerie  de  Londres,  on  l'avait  enfermé  avec  nn  panvre  piMion,  sur  lequel  il  exer- 
çait une  tyrannie  insupportaMe.  Il  le  poussait,  le  tiraillait  tant  (pie  le  jour  du- 
rait, et  si  le  malheureux  animal  témoignait  la  moindre  colère,  la  plus  petite 
impatience,  le  nègre  ne  manquait  jamais  de  le  mordre  et  de  le  battre. 

Ce  magot  habite  l'une  des  îles  de  l'archipel  des  Indes  orientales,  Cuvier  dit 
l'une  des  Philippines.  Celui  de  Londres  a,  dit-on,  été  apporté  de  la  mer  du  Sud, 
mais  on  ne  sait  de  quelle  localité. 

iV  Genre.  Le  PRESBYTK  (  Presbijtis ,  cephalus,  Bmss.).  Ils  ont  l'angle  facial  ouvert 
Ksrnsc).  Ce  singea  l'angle  facial  ouvert  à  de  trente  à  trente-cinq  degrés;  des  crêtes  sour- 
soixanle  degrés;  il  manque  d'abajoues;  ses  ciiières  et  occipitales  tns-prononcées;  leur  mu- 
arcades  z)gomatiques  sont  très  -  projetées  en  seau  est  allongé,  tronqué  au  bout,  où  sont  per- 
avaiit;  son  nez  est  peu  apparent;  son  front,  les  cécs  les  narines,  comme  dans  les  chiens,  ce  qui 
os  de  son  nez,  sa  mâchoire  supérieure,  et  la  leur  a  valu  leur  nom;  leurs  canines  sont  gro - 
symphyse  du  menton,  sont  presipie  perpendicu-  ses  et  longues  ;  ils  ont  des  abajoues,  des  callosi- 
laires  ;  la  queue  est  longue;  les  mains  atteignent  tés  aux  fesses,  et  une  queue  plus  ou  moins  lon- 
les  genoux,  et  les  deux  doigts  du  milieu  sont  gue.  Les  cinq  premières  espèces,  que  nous  dé- 
plus longs  que  les  autres,  crivons  ici.  forment   la  section  des  babouins, 

Le  Presbyte  a  caplchon  {Presbytis  mitrala,  dont  la  queue  est  au  moins  aussi  longue  que  le 

EscHsc.i,  que  Teumiinck  confond  avec  le  Sem-  corps;  la  deuxième  section,  celle  des  mandrills, 

nopitheciis  comahts,  a  dix  huit  pouces  de  Ion  se  caractérise  par  sa  queue  grêle  et  très-courte, 

gueiu"  (0,487)  de  la  tète  à  l'origine  de  la  queue;  Tous  ces  animaux  sont  lascifs  et  féroces, 

.«•a  figiu'e  est  grippée  comme  celle  d'une  vieille  Le  BkBoii\{CiinnceiihalHS  babouin,  Ftt.  Cuv. 

femme,  ce  qui  lui  a  valu  son  nom  de  preibyte.  — Desm.   CcrropWhecus  cynocephalus,   Briss. 

Son  front  est  couvert  de  poils  jauuàtrcs,  et  ses  5imia  cijnocephala,  Li^.  —  Gml.  Le  petit  Pa- 

oreilles  sont  de  la  même  couleur;  les  poils  de  pion  .'  Blff.).  Sa  longueur  est  de  vingt-cinq  à 

son  dos   sont  très-longs,  ondidés,  d'un  jaune  vingt-six  pouces  (0,677  A  0,704  du  bout  du  mu- 

lilanchàtre  à  la  base  et  d'un  gris  bleuâtre  au  seau  aux  callosités  des  fesses;  son  pelage  est 

bout;  un  bandeau  noir  lui  passe  sur  le  front,  d'un  jaune  verddlre;sa  face,  d'une  couleur  de 

Cette  espèce,  que  le  voyage  de  Kotzebue  a  fait  chair  livide,  est  ornée  de  favoris  blanchàlies.  Il 

connaître,  habite  Sumatra.  habite  l'Afrique  septentrionale,  où  il  vit  en  trou- 

15"  Genre.  Les  CYNOCÉPHALES     Ctjno-  pes  nombreuses 

Les  auteurs  sont  assez  d'accord  pour  reconnaître  dans  cette  espèce  le  cyno- 
céphale (en  grec  tête  de  chien)  si  souvent  sculpté  parmi  les  hiéroglyphes  des 
antiques  Egyptiens.  Il  a  joué  un  grand  rôle  dans  la  théogonie  de  ce  peuple,  et  il 
avait  un  temple  célèbre  à  Hermopolis,  où  il  était  particulièrement  adoré.  Vaine- 
ment chercherait-on,  dans  l'histoire  des  autres  nations,  un  assemblage  aussi  hé- 
térogène de  connaissances  astronomiques  et  philosophiques,  d'idées  saines,  de 
politique  avancée,  et  de  croyances  ridicules  et  superstitieuses  jusqu'à  l'absur- 
dité. Citons-en  un  exemple.  Les  Égyptiens  étaient  astronomes;  ils  sculptaient 
des  zodiaques  et  calculaient  des  éclipses.  Ils  plaçaient  à  la  porte  des  villes  la 
statue  d'un  cynocéphale  ou  d'un  anubis  comme  symbole  de  la  vigilance,  et  ils 
enseignaient  aux  adeptes  que  s'ils  avaient  partagé  le  jour  en  douze  heures, 
c  était  pour  honorer  le  dieu  à  tète  de  chien,  qui  pissait  qu'on  me  passe  ce 
terme)  douze  fois  par  jour. 

Les  babouins  n'habitent  pas  les  forèlscomme  la  plupart  des  autres  singes,  mais 
ils  se  plaisent  dans  les  montagnes  et  les  rochers  arides,  ou  se  trouvent  seule- 
ment quelques  buissons,  et  ils  ont  cela  de  commun  avec  la  plupart  des  cyno- 
céphales; ils  ont  encore  de  commun  avec  eux  une  brutalité  furieuse  et  un  cou- 
rage à  toute  épreuve.  Ils  se  logent  et  font  leurs  petits  dans  des  trous  de  rochers 


'lO  LES  QUADRUMANES. 

escarpés,  où  ils  ne  peuvent  parvenir  qu'en  faisant  des  bontls  prodigieux  par 
dessus  des  précipices  infranchissables  aux  hommes. 

Le  Cynocéphale  anlisis  (Cynorephalus  unit-  pieds  de  longueur  (0,(50)  du  bout  du  museau 

bis,  Fr.  Cl  V.)  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  à  l'anus,  et  sa  queue  pas  moins  de  neuf  pouces 

précédent,  et  habite  les  mêmes  contrées.  Mais  six  lignes  (0,258).  Son  corps  est  trapu,  couvert 

son  museau  est  plus  allongé  ,  son  crâne  plus  de  poils  d'un  brun  jaunâtre,  rares  en  dessous  ; 

aplati  ;  son  pelage  est  d'un  vert  beaucoup  plus  la  face  est  noire,  avec  des  favoris  fauves  dirigés 

foncé  ;  la  face  est  noire,  avec  les  joues  et  le  tour  en  arrière;  les  paupières  supérieures  sont  blan- 

des  yeux  couleur  de  chair.  Ses  callosités  sont  ches  et  les  mains  noires  11  se  trouve  en  Afrique, 

violétres.  et  ses  mœurs  sont  analogues  à  celles  du  précé- 

Le  Papion  {Cynocephaliis  papio,  Fk.  Cuv.  dent.  Comme  lui  il  n'habite  que  les  buissons  au 

—  Desji.  Le  Papion,  Bipf.)  a  au  moins  deux  milieu  des  rochers  les  plus  escarpés. 

La  ménagerie  a  possédé  et  possède  encore  un  bon  nombre  de  papions,  et,  il  y  a 
quatre  ans,  une  femelle  qui  y  a  fait  son  petit,  a  donné  un  spectacle  des  plus  sin- 
guliers et  dont  j'ai  été  l'un  des  témoins.  Lorsqu'on  la  vit  sur  le  point  de  mettre 
bas,  on  la  fit  passer  dans  une  loge  à  côté  de  celle  où  elle  vivait  avec  son  mâle  et 
cinq  ou  six  autres  singes  de  son  espèce.  Elle  accoucha  et  fit  un  petit  fort  laid, 
mais  qu'elle  aimait  avec  tendresse  et  dont  elle  prenait  le  plus  grand  soin.  Huit 
ou  dix  jours  après  la  naissance  de  son  enfant,  on  ouvrit  la  porte  à  coulisse  qui 
séparait  les  deux  loges,  et  son  mâle  entra.  Elle  tenait  le  petit  sur  ses  bras,  ab- 
solument comme  pourrait  faire  une  nourrice,  et  elle  était  assise  au  milieu  de  la 
loge.  Le  mâle  s'approcha,  embrassa  sa  femelle  sur  les  deux  joues,  puis  le  petit 
qu'elle  lui  présenta,  et  s'assit  en  face  d'elle,  de  manière  à  ce  qu'elle  avait  les 
genoux  entre  les  siens.  Alors  ils  commencèrent  tous  deux  à  remuer  les  lèvres 
avec  rapidité  en  se  regardant,  et  de  temps  en  temps  caressant  le  petit  qu'elle 
mettait  dans  les  bras  de  son  père  et  qu'elle  reprenait  aussitôt;  on  aurait  dit  qu'ils 
avaient  sur  son  compte  une  conversation  fort  animée.  On  ouvrit  de  nouveau  la 
coulisse,  et  on  laissa  entrer  les  autres  papions  les  uns  après  les  autres.  Chacun 
à  son  tour  vint  embrasser  la  femelle,  mais  elle  n'accorda  à  aucun  la  faveur' 
dont  le  père  jouissait  seul,  d'embrasser  le  petit  et  de  le  caresser  en  lui  passant 
la  main  sur  le  dos.  Ils  s'assirent  en  cercle  autour  de  la  relevée  de  couche,  et  tous 
se  mirent  à  jouer  des  lèvres  à  qui  mieux  mieux,  peut  être  pour  la  féliciter  sur 
son  heureuse  délivrance,  sur  le  bonheur  qu'elle  avait  de  posséder  un  si  joli  en- 
fant, et  qui  sait  même  s'ils  ne  lui  trouvèrent  pas  beaucoup  de  ressemblance  avec 
son  père  !  Cette  scène  était  la  pantomime  parfaite  de  ce  qui  se  passe  dans  la  loge 
d'une  portière  qui  relève  de  couche,  lorsque  les  compères  et  les  commères  du 
voisinage  viennent  lui  faire  leurs  félicitations  bavardes  et  curieuses.  Seulement, 
dans  les  compliments  des  commères  il  y  a  toujours  un  fond  de  malice  et  de  mé- 
chanceté qui,  certainement,  n'existait  pas  chez  les  papions. 

Tous  auraient  bien  voulu  caresser  le  petit;  mais  aussitôt  qu'ils  avançaient  la 
main,  un  bon  coup  de  patte  que  la  mère  leur  administrait  sur  le  bras  les  aver- 
tissait de  leur  indiscrétion.  Ceux  qui  étaient  placés  derrière  elle  allongeaient 
tout  doucement  la  main,  la  glissaient  imperceptiblement  sous  son  coude,  et  par- 
venaient quelquefois,  à  leur  grande  joie,  à  toucher  le  petit  sans  qu'elle  s'en  aper- 
çût, surtout  quand  elle  était  occupée  à  faire  la  conversation.  Mais  bientôt  une 
nouvelle  correction  venait  leur  apprendre  qu'ils  étaient  découverts,  et  ils  reti- 


SINGES. 


41 


raient  lestement  la  main.  La  papitme  avait  prolialilenient  l'usage  du  mitndc  singe, 
et  savait  parfaitement  partager  son  attention  entre  ce  quelle  devait  de  [lojitesse 
à  la  société,  et  de  soins  à  sa  famille.  Jamais  sa  tendresse  ne  se  montrait  mieux 
pour  son  enfant  que  lorsque  celui-ci,  devenu  un  peu  fort,  s'exerçait  à  grimper 
contre  le  treillage  de  fer  de  sa  loge.  Elle  le  suivait  des  yeux  avec  anxiété,  se  |»la- 
çait  dessous  en  tendant  les  mains  pour  le  recevoir  en  cas  qu'il  se  laissât  tomber, 
et  cependant  l'encourageait  visiblement  à  faire  l'essai  de  ses  forces  naissantes. 
Enfin  elle  n'a  pas  cessé  de  lui  prodiguer  les  soins  les  plus  affectueux,  tant  (ju'il 
n'a  pas  été  assez  grand  pcnir  se  passer  de  sa  mère. 

Depuis  que  les  singes  de  la  ménagerie  ont  été  transportés  dans  la  vaste  et 
belle  rotonde  qu'ils  occupent  aujourd'bui,  les  papions  ont  donné  une  marque 
d'intelligence  et  de  supériorité  remarquable.  L'un  d'eux,  le  plus  grand  et  le  plus 
vieux  des  mâles,  s'arrogea  aussitôt  une  autorité  souveraine  sur  cette  gentc  tra- 
cassiérc  et  turbulente,  composée  de  plus  d'une  vingtaine  d'espèces  toutes  plus 
malignes  les  unes  que  les  autres,  et  toujours  prêtes  à  en  venir  aux  coups.  De- 
puis, il  a  su  établir  la  paix,  maintenir  l'ordre  parmi  eux,  et  les  forcer  à  vivre 
ensemble  en  bons  camarades,  ce  qui  n'est  pas  plus  aisé  cbez  le  peuple  singe  que 
cliez  les  hommes.  Aussitôt  qu'il  entend  une  dispute,  il  sort  de  sa  loge  et  regarde 
de  quoi  il  s'agit  :  si  ce  n'est  qu'une  petite  querelle,  il  se  contente  de  donner  un 
avertissement  par  un  cri  qui  fait  sur  le  champ  rentrer  les  individus  dans  le 
devoir,  et  alors  il  retourne  gravement  dans  sa  demeure.  Mais  si  l'on  méprise  ses 
ordres  et  que  l'on  en  vienne  à  une  bataille,  c'est  alors  qu'il  déploie  le  maximum 
de  son  autorité  comme  chef,  comme  juge,  et  même  comme  exécuteur.  Il  s'élance 
vers  le  lien  de  la  rixe,  commence  par  séparer  les  combattants,  puis  il  les  bal 
tous  les  deux  pour  être  sûr  de  ne  pas  se  tromper.  Cependant  sa  justice  distri- 
lintive,  quoique  prompte,  n'est  pas  rendue  sans  discernement,  et  voici  les  règles 
générales  sur  lesipielles  il  l'a  fondée.  Quand  les  deux  antagonistes  sont  à  peu 
prés  de  même  force,  il  les  bat  tous  deux;  s'ils  sont  de  grosseur  inégale,  il  rosse 
le  plus  gros  pendant  que  le  plus  petit  se  sauve;  enfin  si  la  dispute  vient  d'un 
gâteau  ou  d'un  bonbon  sur  lequel  les  deux  assaillants  se  disputent  leur  droit, 
il  s'empare  de  l'objet  en  litige,  se  l'adjuge  pour  ses  émoluments,  le  mange,  ci 
met  ainsi  les  |)arties  d'accord;  c'est  prescpie  comme  chez  nous. 


>,   '-^^H,^,. 


,  1/^?^ 


IJvS  OIIADUIIMANKS 


Clinak-katiia  et  To^n 


Le  CHOAK-KAMA  [Cynoceplialus  porcarins,  Fk.  Cuv. — Desm.  Simia  porcaria , 
BoDD.  Shniarirsina,  Penn.  Simia  splupujiola,  Herm.  Le  Cliacma,  Fr.  Cuv.  LeSingc 
noir,  Vaill.  La  Guenon  à  face  allongée,  Buef.). 

Ce  singe  a  beaucoup  d'analogie  avec  les  précédents,  mais  il  est  plus  grand,  et 
d'une  force  terrible.  Sur  ses  quatre  pattes,  il  n'a  pas  moins  de  deux  pieds  de 
bauteur  (0,650),  c'est-à-dire  qu'il  atteint  la  taille  des  plus  grands  mâtins.  Son 
pelage  est  d'un  noir  verdàtre  ou  jaunâtre,  plus  pâle  le  long  du  dos,  sur  les  flancs 
et  les  épaules;  le  cou,  du  mâle  seulement,  porte  une  longue  crinière;  sa  face  est 
d'un  noir  violâtre,  plus  pâle  autour  des  yeux;  ses  paupières  supérieures  sont 
blancbes  ;  sa  queue,  longue  de  dix-buit  pouces  (0,487),  se  termine  par  une  forte 
mècbe  noire.  Il  babite  l'Afrique  méridionale. 

Tous  les  cynocépbales  sont  brutaux  et  mécbants,  mais  le  cboak-kama  est  d'une 
férocité  dont  rien  n'approcbe,  et  d'une  force  contre  laquelle  aucun  bomme  ne 
peut  lutter.  J'en  citerai  un  exemple  qui  s'est  passé  presque  sous  mes  yeux,  à  la 
ménagerie,  il  y  a  plusieurs  années.  Un  certain  Ricbard,  homme  robuste,  de  cinq 
pieds  sept  à  buit  pouces,  était  alors  gardien  des  singes,  et  sa  cuisine  donnait  en 
face  de  l'appartement  où  était  la  cage  d'un  cboak-kama.  Pendant  l'absence  du 
gardien,  le  singe  parvint  à  ouvrir  la  porte  de  sa  cage;  il  entra  dans  la  cuisine, 
sauta  siH'  un  rayon  où  l'on  avait  déposé  une  provision  de  carottes  pour  la  nour- 
riture des  autres  singes,  et  se  mit  à  gaspiller  à  belles  dents  le  dîner  de  ses  com- 
pagnons d'esclavage.  Ricbard  arriva  dans  cet  instant;  il  voulut  d'al)ord  flatter 
l'animal  pour  l'engager  à  rentrer  dans  sa  cage,  mais  le  cboak-kama  se  contenta  de 
Mii  faire  quelques  grimaces  ;  il  refusa  d'obéir  et  continua  tranquillement  son  gas- 
pillage. Le  gardien  éleva  la  voix  et  en  vint  aux  menaces  sans  obtenir  autre  cbose 
que  de  nouvelles  grimaces,  accompagnées  de  grincements  de  dents.  Ricbard  eut 


SINGES.  43 

alors  la  nialliciireuse  idée  de  prendre  un  bâloii,  el  ce  geste  dcviiil  le  signal  (riiiic 
lutte  épouvaiilable.  Le  singe  se  précipite  sur  lui  et  lui  lance  ses  deu\  [)oings 
dans  la  poitrine,  avec  une  telle  force  que  cet  homme  robuste  recula  en  chancelant. 
Le  choak-kania  furieux  se  jette  sur  lui,  le  frappe,  le  renverse  après  l'avoir  dés- 
armé, et  avec  ses  fortes  canines,  lui  fait  .î  la  cuisse  trois  profondes  blessures  qui 
pénétrèrent  jusqu'à  l'os  et  donnèrent  pendant  ((uebpie  temps  des  craintes  sé- 
rieuses pour  la  vie  de  ce  malheureux. 

On  ne  réussit  à  faire  rentrer  l'animal  qu'en  mettant  en  jeu  sa  brutale  jalou- 
sie. Richard  avait  une  lille  qui  donnait  souvent  à  manger  au  singe,  et  cpii,  par 
là,  se  l'était  attaché;  elle  se  plaça  derrière  la  cage,  c'est-à-dire  du  côte  opposé 
à  la  porte  par  laquelle  il  devait  rentrer,  et  un  garçon  du  jardin  fil  sinublant  de 
vouloir  l'embrasser.  A  cette  vue,  le  choak-kama  poussa  un  cri  furieux  et  s'é- 
lança dans  sa  prison  croyant  pouvoir  la  traverser  pour  se  jeter  sur  l'honnnc.' 
qui  e.xcitait  sa  rage;  aussitôt  on  ferma  la  porte,  et  il  redevint  prisonnier  pour 
toujours. 

Rolbe  pret(.'nd  que  ce  sont  des  animaux  dune  lasciveté  inexprimable,  et,  en 
effet,  il  n'est  pas  possible  d'afficher  plus  d'impudicité  et  d'effronterie  que  le  font 
ceux  que  l'on  tient  en  captivité.  Le  même  voyageur  raconte  ainsi  les  mœurs  de  cet 
animal  à  l'état  sauvage.  «  Les  choak-kamas  aiment  passionnément  les  raisins  et 
les  fruits  en  général  qui  croissent  dans  les  jardins.  Leurs  dents  et  leurs  grif- 
fes les  rendent  redoutables  aux  chiens  qui  ne  les  vaiiuiuent  qu'avec  peine,  à 
moins  (jne  quelque  excès  de  raisins  ne  les  ait  rendus  roides  et  engourdis.  Voici 
la  manière  dont  ils  pillent  un  verger,  un  jardin  ou  une  vigne. 

«  Ils  font  ordinairement  ces  expéditions  en  troupe;  une  partie  entre  dans 
l'enclos,  tandis  qu'une  autre  partie  reste  sur  la  clôture  en  sentinelle,  pour  aver- 
tir de  l'approche  de  quelque  danger.  Le  reste  de  la  troupe  est  placé  au  dehors 
du  jardin,  à  une  distance  médiocre  les  uns  des  autres,  et  forme  ainsi  une  ligne 
qui  tient  depuis  l'endroit  du  pillage  jusqu'à  celui  du  rendez-vous.  Tout  étant  ainsi 
disposé,  les  choak-kamas  commencent  le  pillage,  et  jettent  à  ceux  qui  sont  sur  la 
clôture  les  melons,  les  courges,  les  pommes,  les  poires,  etc.,  à  mesure  qu'ils  les 
cueillent;  ceux-ci  les  jettent  à  ceux  qui  sont  au  bas,  et  ainsi  de  suite,  tout  le  long 
de  la  ligne,  (jui,  pour  l'ordinaire,  finit  sur  quelque  montagne.  Ils  sont  si  adroits 
et  ils  ont  la  vue  si  prompte  et  si  juste,  que  rarement  ils  laissent  tomber  ces  fruits 
à  terre  en  se  les  jetant  les  uns  aux  autres,  et  tout  cela  se  fait  dans  un  profond 
silence  et  avec  beaucoup  de  promptitude.  Lorsque  les  sentinelles  aperçoivent 
quelqu'un,  elles  poussent  un  cri,  et  à  ce  signal  toute  la  troui)e  s'enfuit  avec  une 
vitesse  étonnante.  » 

Les  choak-kamas  sont  sociables  et  vivent  en  troupe;  mais  lorscpi'ils  se  sont 
fixés  dans  une  montagne  rocheuse  qui  leur  convient,  ils  ne  tolèrent  pas  l'éta- 
blissement d'une  autre  troupe  dans  les  environs.  Ils  défendent  même  leur  terri- 
toire contre  les  autres  mammifères,  et  particulièrement  contre  les  hommes.  S'ils 
aperçoivent  un  de  ces  derniers,  aussitôt  l'alarme  sonne  ;  par  de  grands  cris  ils 
appellent  leurs  camarades,  se  réunissent,  s'encouragent  mutuellement,  et  com- 
mencent l'attacpie.  Ils  jettent  d'abord  à  l'ennemi  des  branches  d'arbre,  des  pier- 
res, et  tout  ce  qui  leur  tombe  sous  la  main  ;  puis,  ils  s'approchent,  cherchant  à 
le  cerner  de  toute  part  et   à  lui  couper   la  retraite.   Les  armes  à  feu  seules  les 


4*  I.ES  QUADRUMANES. 

cirrayenl,  mais  cependant  leur  courage  intrépide  les  cnipôche  de  fuir  jusciu'à  ce 
(ju'ils  aient  vu  plusieurs  des  leurs  étendus  sur  la  place.  Si  leur  malheureux  anta- 
i^oniste  est  sans  fusil,  ou  s'il  manque  de  poudre,  il  est  perdu;  les  choak-kamas 
le  pressent,  l'entourent,  rattaipient  corps  à  corps,  le  tuent  et  le  mettent  en  piè- 
ces. Un  imprudent  Anglais,  entraîné  à  la  poursuite  de  ces  féroces  animaux,  sur 
la  montagne  de  la  Table,  prés  du  Cap,  se  vit  bientôt  cerné  par  eux  et  repoussé 
juscjue  sur  la  pointe  d'un  rocher  dominant  un  précipice.  Vainement  il  fit  feu  plu- 
sieurs fois  sur  ces  animaux;  ils  se  jetèrent  en  avant  en  poussant  des  cris  affreux, 
et  le  malheureux  chasseur  aima  mieux  se  précipiter  dans  l'abîme  que  d'être 
déchiré  par  eux  ;  il  se  tua  dans  sa  chute.  Les  choak-kamas  emploient  eux-mêmes 
ce  terrible  moyen  pour  se  soustraire  à  la  captivité.  Je  tiens  de  la  bouche  de  M.  I)e- 
lalande,  naturaliste  voyageur  que  la  mort  a  enlevé  trop  tôt  à  la  science,  un  fait 
((ui  le  prouve.  Bien  armé,  et  secondé  par  des  chasseurs  hottentots  attachés  à  son 
service,  M.  Delalande  parvint  un  jour  à  bloquer  une  petite  troupe  de  ces  animaux, 
sur  des  rampes  de  précipices  d'où  la  retraite  leur  était  impossible.  Ils  n'hésitè- 
rent pas  à  se  lancer  à  trois  cents  pieds  de  profondeur  i97,  '(_()2)  au  risque  de 
se  briser  dans  leur  chute  plutôt  que  de  se  laisser  prendre. 

,1e  regarde  comme  une  simple  variété  de  celui-ci,  le  Papio  conialns,  Gkotf., 
«pii  a  le  pelage  brun,  deux  touffes  de  poils  descendant  de  l'occiput,  et  les  joues 
noires  et  striées. 


Lel'AHTARiN  (Cynocephalushamadriias,  Desm. 
—  Fr.  Cuv.  Simia  hnmadrijas,  Lin.  Papion 
à  iace  de  c\nen.  Peimn.  Papion  à  perruque  et 
Tartar'w,  Belon.  SUiqe  de  Moro,  Ruff.  Le  Tar- 
iarin,  G.  Clv.).  U  a  environ  quinze  ponces  de 
longueur  (0,4(»6)  de  l'oi-cipit  à  la  partie  pasté- 
rienre  des  fesses.  Il  est  d'un  gris  cendré  on 
verdàtre,  plus  pâle  sur  les  parties  postérieures 
du  corps  ;  les  jambes  de  devant  sont  presque 


noires;  le  ventre  est  blanchàire,  ainsi  que  les 
favoris.  Sa  face,  s(  s  on  illes  et  ses  mains  soni 
d'une  couleur  tannée;  une  épaisse  crinière, 
longue  de  six  ponces,  couvre  sou  cou  et  les  ()nr- 
lies  antérieures  de  son  corps.  Cet  animal  hahilc 
Arabie  et  l'Abyssinie.  Il  parait  qu'il  était  au- 
trefois commun  dans  les  environs  de  Mococo 
sur  le  golfe  Persique,  quoique,  aujourd'hui,  on 
l'v  irouve  tiès  rarement. 


Il  n'a  jamais  vécu  à  la  ménagerie,  au  moins  à  ma  connaissance,  mais  un  mar- 
chand d'animaux  l'a  montré  à  Paris,  en  1808.  Il  avait  le  regard  farouche  et  le 
naturel  Irés-méchant,  et  ses  gardiens  étaient  obligés  de  se  défier  beaucoup  de  sa 
perfidie,  car  la  haine  et  la  colère  étaient  les  seuls  sentiments  qu'il  parût  être  ca- 
pable d'éprouver.  Même  lorsque  la  faim  le  pressait,  si  on  lui  jetait  ses  aliments, 
il  s'en  emparait  brusquement,  avec  brutalilé,  en  menaçant  du  regard,  du  geste 
et  de  la  voix. 


L'.'  DniLL  {  Cipin'r])lHil  i.s  leurophœiis ,  l'ii. 
(juv.— Desbi.  Simia  siihestris,  SciniEit.  Papion 
des  bois,  Pemn.  Le  l^apion  à  qurnc  coio/e, 
Ci.  Cuv.).  Cette  espèce  a  beaucoup  danalogie 
avec  le  mandrill.  Son  pelage  est  d'un  gris  jau- 
nâtre clair  ou  d'un  brun  verdàtre,  blanc  en 
dessous;  mais  sa  face  est  constamment  d'un 
noir  foncé  dans  les  deux  sexes  et  à  lo's  les  âges. 
il  est  aussi  un  peu  plus  petit,  sa  longueur,  du 
sommet  de  la  tète  aux  callosités  des  fesses,  ne 
dépassant  pas  vingt-six  pouces  (0,70 '<);  sa  (pieue 
est  très  rourle  et  très  menue  On  le  croit  d'A- 
frique, et  ses  muMirs  sont  inconnues. 


Le  Bocr.o,  Bougoc  ou  AIanorill  {Cipwccpha- 
liis  mormon,  F«.  Cuv.  —  Desm.  Simia  mormon 
et  Simia  mnimon,  L'iv.  Le  Mandrill,  G.  Cuv. 
Lv  Mandrill  et  le  Chorus,  Buff.).  Son  pelage  est 
d'un  gris  brun,  olivâtre  en  d 'ssus,  blanchâtre 
en  dessous;  il  a  une  petite  barbe  jaunâtre  (dans 
la  jeunesse)  ou  d'un  jaune  citron  (dans  l'âge 
adulte  ),  qui  lui  pend  au  menton;  les  joues  sont 
bleues  et  sillonnées  ;  les  mâles  adultes  prennent 
lin  nez  ronge,  surtout  au  boni  oit  il  devient 
écarlate;  le  tour  de  l'anns  a  les  mêmes  cou- 
leurs, el  les  fesses  ont  une  belle  leintr  violette 
Il  habile  In  Côte  d'Or  el  la  (luinée 


SINGES. 


15 


l^e  boggo  atteint  presque  la  taille  de  riiomiiie,  et  Ton  ne  peiil  se  ligiirer  un 
animal  plus  extraordinaire  et  plus  hideux.  11  a  le  caractère  féroce  et  brutal  des 
aulres  cynocéphales,  et  quoique  assez  doux  et  confiant  dans  sa  jeunesse,  il  de- 
vient de  la  plus  atroce  méchanceté  avec  l'âge.  Les  meilleurs  traitements,  dil 
F.  Cuvier,  ne  peuvent  l'adoucir,  et  les  actions  les  plus  insignifiantes,  un  geste, 
un  regard,  une  parole,  suffisent  pour  exciter  sa  fureur;  mais  aussi  la  circon- 
stance la  plus  légère  l'apaise,  sans  le  rendre  meilleur.  Sa  voix  est  sourde,  sem- 
lilahle  à  un  grognement,  et  formée  des  syllabes  ooii,  aoii.  A  l'état  sauvage,  tonte 
sa  force,  toute  sa  puissance  d'organisation  ne  sont  mises  en  jeu  que  i»ar  les  pas- 
sions les  plus  grossières  et  les  pins  cruelles.  Il  déteste  tous  les  êtres  vivants  et  ne 
semble  pas  avoir  de  plus  grand  plaisir  (|ue  celui  de  la  destruction.  Ce  pen- 
chant à  déchirer  tout  ce  qu'il  peut  atteindre  se  montre  jusque  sur  les  végétaux 
dont  il  fait  sa  nourriture  :  il  se  complaît  à  les  déchiqueter,  à  les  éparpiller  brin 
à  l)rin  après  les  avoir  brisés  on  lacérés.  Du  reste,  la  conscience  de  sa  force  lui 
donne  de  l'audace  et  de  l'intrépidité.  Le  bruit  des  armes  à  feu  l'irrite  sans  l'ef- 
frayer, et  la  présence  de  l'homme  ne  l'intimide  pas.  Il  défend  avec  courage 
l'entrée  des  forêts  qu'il  habite,  et  lorsqu'on  va  l'y  attacpier,  il  s'efl'orce  d'inspi- 
rer par  ses  cris  une  terreur  à  laquelle  il  est  lui-même  inaccessible.  Il  résiste, 
il  dispute  le  terrain  pied  à  pied,  et  sait,  dit-on,  s'armer  de  pierres  et  de  bâtons 
pour  repousser  l'agression.  Il  a  l'esprit  de  sociabilité  assez  développé,  et  il  se 
réunit  en  troupe  pour  défendre  la  circonscription  territoriale  qu'il  s'est  adjugée, 
contre  l'invasion  de  tout  ennemi.  Aussi,  les  nègres  de  la  Guinée  le  craignent 
beaucoup,  et  c'est  à  peu  prés  tout  ce  que  l'on  sait  de  certain  sur  son  histoire,  car 
elle  a  été  tellement  endirouillée  par  les  voyageurs,  et  par  Buffon  lui-même,  avec 
celle  du  kimpézèy,  et,  par  suite,  de  l'orang-outang,  qu'il  <'st  impossible  d'en  rien 
démêler  de  plus. 

Le  Cynocéphale  malais  (  t'i/Hoce/Wirt/cv  «la-  i-l  les  iiiaius  noires,  la  léte  plus  cîirrw  que  dans 

Idijainis,  De.smoul.)  n'excède  pas  seize  |)Ouces  les  aulres  espèces,  le  imiseaii  uioins  allongé,  el 

(O.iiô)  de  longueiu-,  non  compris  la  queue;  son  la  l'ace  beaucoup  plus  large.  Ses  joues  ne  se  re 

pelage  esl  grossier,  entièrenieut  noir,  lui  for-  lèvent  point  eu  eiMes  le  long  de  sou  nez    On  le 

niant  une  aigrette  élargie  sur  la  tète  ;  il  a  la  face  trouve  à  Solo,  dan-;  les  iles  Philippines. 


~-  -x»,  ""      a 


i(> 


LES  QUADULiMANES. 


CîFvfe 


LES  SAPAJOUS. 


Les  quadrumanes  de  cette  famille  appartien- 
nent tous  à  l'Amérique.  II§  ont  quatre  màelie- 
iières  de  plus  que  les  prrci'deuls,  ce  (|ui  leur  fait 
en  tout  trente-six  dents  ;  ils  ont  les  narines  p(  r- 
cées  aux  côtés,  et  non  en  dessous  ;  ils  manquent 
d'abajoues;  leurs  fesses  sont  velues,  sans  callo- 
sités, et  tous  ont  une  longue  queue. 

Les  uns  ont  une  queue  prenante,  ajant  la  fa- 
culté de  saisir  les  corps  environnants  en  s'en- 
fortillant  autour.  Ce  sont  les  vrais  sapajous  ;  tels 
sont  les  genres  atèle,  lagotriche,  alouate  et  sa- 
jou. 

Les  autres  ont  la  queue  non  prenante  et  com- 
posent la  section  des  sagouins,  qui  renferme  les 
genres  sagouin,  nocthore  etsaki. 

le-^  Gemie.  Les  ALOUATES  {MyceUs,  II- 
Lic.  ).  Leur  angle  facial  n'est  ouvert  qu'à 
trente  degrés;  leur  tète  esl  pyramidale;  la  mâ- 


choire supérienre  descend  beaucoup  plus  bas 
que  le  crâne,  et  l'inférieure  a  ses  branches  très- 
hautes  pour  loger  nu  tambour  osseux,  qui  com- 
munique avec  le  larynx  et  donne  à  leur  voix 
nu  volume  énorme  et  un  son  effroyable.  Leurs 
mains  antérieures  sont  pourvues  de  pouces  ; 
leur  queue  est  liès-longue,  nue  et  calleuse  en 
dessous  dans  sa  partie  prenante.  Les  voyageurs 
les  ont  souvent  nommés  singes  hurleurs. 

Le  GoutRiiiv  {^^^|celes  fusrus,  Desm.  Simia 
heelzebut.  Lin.  Stentor  lusvus,  Geofe.  L'Oua- 
rine,  G.Crjv.  —  Buef.  )  est  ni  peu  plus  grand 
que  le  mono-colorado:  sa  tête  est  petite,  sa  face 
nue,  d'un  brun  obscur  ainsi  que  ses  mains,  ses 
pieds  et  sa  queue;  son  pelage  est  d'un  brun 
marronou  d'un  brun  foncé;  les  poilsdu  verlex, 
de  l'occiput  et  du  dos,  sont  terminés  par  une 
pointe  dorée. 


Le  ^onariba  ost  tiisto,  faroiicho,  méchant,  ni  se  relire  dans  les  lorèls  les  plus 


SINGE    ECHAPPE    DAK'S    LE    JARDIN 

nEHHIÈriK    1.KS    A>Clt:>MiS    SKIUiKS. 


(    1  1  r  .1  i <      PI, 


SAPÂJOLS  47 

sauvages  ilii  Brésil.  «  On  ne  peut  ni  l'apprivoiser  ni  même  le  ilumpter,  dilBullun; 
il  mord  cruellement,  et  quoiqu'il  ne  soit  pas  du  nombre  des  animaux  carnas- 
siers et  féroces,  il  ne  laisse  pas  d'inspirer  de  la  crainte,  tant  par  sa  voix  effroyable 
que  par  son  air  d'impudence.  Comme  il  ne  vit  que  de  fruits,  de  légumes,  de 
graines  et  de  quelques  insectes,  sa  chair  n'est  pas  mauvaise  à  manger.  »  Aussi 
les  chasseurs  du  Brésil  lui  font  une  rude  chasse.  Rien  ne  surprend  plus  que 
l'instinct  de  ces  gouaribas,  qui  savent  distinguer,  mieux  que  les  autres  animaux, 
les  personnes  qui  leur  font  la  guerre,  et  qui,  lorsqu'ils  sont  attaqués,  se  défen- 
dent avec  courage  et  se  secourent  mutuellement.  Lorsqu'on  les  approche  avec 
des  intentions  hostiles,  ils  se  rassemblent,  se  réunissent  en  phalange,  et  cher- 
chent d'abord  à  effrayer  l'ennemi  en  poussant  des  cris  horribles  et  faisant  un 
tapage  épouvantable.  Ensuite  ils  jettent  à  la  tète  des  chasseurs  des  branches 
sèches  rompues,  tout  ce  qui  se  trouve  sous  leurs  mains,  et  jus(|u'à  leurs  ordures. 
Ce  n'est  que  lorsqu'ils  voient  l'impuissance  de  ces  moyens,  qu'ils  pensent  à  fuir, 
mais  toujours  dans  le  meilleur  ordre  et  sans  se  disperser,  afin  de  pouvoir  se  pro- 
téger les  uns  les  autres.  Dans  cette  circonstance,  on  les  voit  s'élancer  de  branche 
en  branche  et  d'arbre  en  arbre,  avec  une  telle  agilité  que  la  vue  ne  peut  les 
suivre.  Si,  en  se  jetant  à  corps  perdu  d'une  branche  à  une  autre,  ils  viennent  a 
manquer  leur  coup,  ce  qui  est  fort  rare,  ils  ne  tombent  pas  pour  cela  et  restent 
accrochés  à  quelque  rameau  par  la  queue  ou  par  les  pattes,  avant  de  parvenir 
jusqu'à  terre.  Il  en  résulte  que  si  on  ne  les  tue  pas  roide  d'un  coup  de  fusil,  ils 
restent  suspendus  à  l'arbre,  même  après  leur  mort,  juscju'à  ce  que  la  décomposi- 
tion les  fasse  tomber  en  morceaux.  Aussi  est-on  fort  heureux  quand,  sans  être 
obligé  de  grimper  sur  les  arbres  pour  les  aller  chercher,  on  peut  en  avoir  trois 
ou  quatre  par  quinze  ou  seize  coups  de  fusils. 

Lorsque  l'un  d'eux  est  blessé,  tous  s'assemblent  autour  de  lui,  sondent  sa 
plaie  avec  les  doigts,  en  retirent  les  grains  de  plomb,  et,  s'ils  voient  couler 
beaucoup  de  sang,  ils  la  tiennent  fermée  pendant  que  d'autres  vont  chercher 
quelques  feuilles  qu'ils  mâchent  et  poussent  adroitement  dans  l'ouverture  de  la 
plaie.  Œxmelin,  Dampierre,  et  d'autres  voyageurs,  affirment  ce  fait  comme  té- 
moins oculaires.  «  Je  puis  affirmer,  dit  Œxmelin,  avoir  vu  cela  plusieurs  fois,  et 
l'avoir  vu  avec  admiration.  » 

La  femelle  n'a  jamais  (pi'un  petit,  auquel  elle  est  tendrement  attachée,  et  qu'elle 
porte  sur  son  dos  de  la  même  manière  que  les  négresses  portent  leurs  enfants. 
Il  lui  embrasse  le  cou  avec  ses  deux  pattes  de  devant,  et  des  deux  de  derrière  il 
la  tient  par  le  milieu  du  corps.  Quand  elle  veut  lui  donner  à  teter,  elle  le  prend 
dans  ses  bras,  et  lui  présente  la  mamelle  comme  font  les  femmes.  N'abandon- 
nant jamais  sa  mère,  si  on  veut  le  prendre,  il  n'y  a  pas  d'autre  moyen  que  de 
tuer  cette  dernière,  et  encore  est-ce  à  grand'peine  qu'on  parvient  à  l'arracher 
de  dessus  son  corps  où  il  se  cramponne  de  toute  sa  force. 

Ces  animaux  paraissent  s'aimer  entre  eux,  car  non-seulement  ils  se  portent 
secours,  comme  nous  l'avons  dit,  mais  encore  ils  s'aident  mutuellement  en  se 
tendant,  non  la  main,  mais  la  queue,  pour  se  soutenir  les  uns  les  autres  en  tra- 
versant un  ruisseau  ou  en  passant  d'un  arbre  à  un  autre. 

Le  Mono  -  Colorado  (  Myrtlcs  seniailits.  culus,  G.  Clv.  I.c  hhirlcur  roux,  Bijff.  L'A- 
De.sm.  Stentor,   seniciilus,  GEOvr.  Simia  scni-     louatc  ordinaire,  G.  Cuv.).  Sa  (aille  est  celle 


',S  LLS   glADULMANES. 

il'uii  torl  roiianl;  sou  pehtge  est  d'un  roux  queue  ;  sa  face  est  noire,  nue,  et  ses  ongles  soiil 
niiirnu)  ehiir.  passant  au  marron  foncé  et  au  eu  gouttière.  Sa  voix,  selon  le  vojageur  Ricord, 
roux  vif  sur  la  léle,  la  bnrbp,  les  membres  et  la     ressemble  a  celle  d'un  cochon  qiu   l'on  égorge. 

I.<'  iiHino-colorailo  vit  en  troupes  nombreuses  dans  les  forêts  de  la  Guyane, 
a  la  Nouvelle-Espagne,  et  au  Brésil  où  il  est  plus  rare.  Il  est  d'un  naturel  farou- 
che, «pie  rien  ne  peut  apprivoiser,  et  je  ne  pense  pas  qu'on  en  ait  élevé  en 
domesticité.  Voici  ce  qu'en  dit,  dans  son  langage  naïf,  un  ancien  voyageur  :  «  Il 
y  a  des  guenons  à  Cayenne,  aussi  grosses  que  des  grands  chiens,  de  couleur  rouge 
de  vache  ;  on  les  appelle  les  hurleurs,  parce  qu'étant  en  troupe,  ils  hurlent  d'une 
façon  que  d'abord  on  croit  que  c'est  une  troupe  de  pourceaux  qui  se  battent.  Ils 
sont  affreux  et  ont  une  gueule  fort  large;  je  crois  qu'ils  sont  furieux.  Si  les  sau- 
vages les  flèchent,  ils  retirent  la  flèche  de  leur  corps  avec  leurs  mains  comme  une 
persoime.  La  chair  de  ces  hurleurs  est  très-bonne  à  manger;  elle  ressemble  à  la 
chair  du  mouton  ;  il  y  a  à  manger  pour  dix  personnes.  Ils  ont  un  cornet  intérieur 
en  la  gorge  qui  leur  rend  le  cri  effroyable.  »  D'autres  voyageurs  comparent  la  voix 
de  ces  animaux  au  craquement  d'une  grande  quantité  de  charrettes  mal  graissées, 
ou  bien  encore  aux  hurlements  d'un  troupeau  de  bêtes  féroces.  Ils  la  font  enten- 
dre de  temps  à  autre  dans  le  courant  de  la  journée,  mais  c'est  surtout  au  lever  et 
au  coucher  du  soleil,  ou  à  l'approche  d'un  orage,  qu'ils  poussent  des  cris  si  épou- 
vantables qu'on  les  entend  d'une  demi-lieue. 

L'Alolate  a  yuEiE  DoittE  {M^cetes  chrysii-  corps  d'un  fauve  doré  très-brillant;  la  base  de 

rus.  —  Stentor  ihry.\urus,  Desmocl.  )  a  de  l'a-  la  queue  est  d'un  marron  assez  clair;  le  reste 

nalogie  avec  le  mono-coloradopourles  couleurs,  du  corps,  la  tête  tout  eniiireetles  membres, 

niais  elles  sont    tout  autrement  disposées  ,  dans  sont  d'un  marron  très-foncé,    teinté  de  violacé 

le  clirysurus   la  lele  et  les  membres  sont  unico-  sur  les  membres.  11  habite  la  Colombie, 
lores,  et  la  queue,  ainsi  que  le  de  sus  du  corps,  L'Ahaglato    ou   Aloiate  ourson   {Mijcetet 

sont  de  deu\   couleurs,  tandis  qu'au  contraire  ursinus  Desm  )    a  quelque  analogie  de  forme 

(ians  le  seniculus,  la  tète  et  les  membres  sont  avec  le  mono-colorado,     mais  son  pelage  est 

bicolores,  le  dessus  du  corps  et  la  queue  uni-  d'un  roux   dnré  uniforme,  et  sa  barbe  est  d'une 

colores.  En  outre,  le  mono-colorado  est  plus  teinte  plus  foncée  :  le  tour  de  sa  face  est  aussi 

grand.  Celui  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  a  la  d'un  roux  beaucoup    plus  pâle.  Du  reste,  il  ha- 

dernicre  moitié  de  la  queue  et  le    dessus  du  bile  les  forets  du  même  pays. 

(l'est  au  Brésil,  et  particulièrement  aux  environs  de  Venezuela,  dans  la  Nou- 
velle-Espagne, que  l'on  trouve  le  plus  communément  cette  espèce.  L'araguato 
n'habite  guère  que  les  montagnes  et  les  lieux  élevés;  il  recherche  le  bord  des 
ruisseaux  et  des  mares,  et,  là,  assis  en  société  sous  l'ombrage  du  palmier  mori- 
che,  il  fait  retentir  les  rochers,  à  plus  d'un  mille  à  la  ronde,  de  sa  voix  effrayante. 
Comme  les  autres  alouates,  il  mange  des  fruits,  mais  il  se  nourrit  principalement 
de  feuilles. 

L'AiiAiiATA  {Mijcetes  stramii.eus.  Desm.).  Sdu  céc;  sa  face,  presijue  entièrement  coii\(rtede 
pelage  est  d'un  jaune  de  paille,  ainsi  que  la  poil-s  est  couleur  de  chair.  11  a  une  grande  cé- 
queue  qui  est  seulement  d'une  teinte  plus  fou-     lébrité  comme  un  excellent  gibier. 

Celte  espèce,  aussi  farouche  «|ue  tous  les  animaux  de  ce  genre,  habite  le  Para, 
(•iiuiilla  laronlo  i|mi>  les  sauvages  achaguas,  de  l'Orénoque,  sont  très-friands  de 


SAJOUS  W 

ces  singes  jaunes,  et  lenr  font  journellement  la  chasse.  Il  ajoute  que,  soir  et 
matin,  ces  animaux  font  un  bruit  insupportable,  et  si  lugubre,  qu'ils  font  horreur. 

D'après  le  rapport  de  quelques  voyageurs,  il  semblerait  que  la  femelle  de 
l'arabata,  et  de  quelques  autres  espèces  d'alonates,  est  moins  attachée  à  son  petit 
que  celle  des  autres  singes,  et  que  pourle  lui  faire  abandonner,  il  ne  s'agirait  que 
de  l'effrayer  en  poussant  de  grands  cris.  Cependant  Spix,  dans  son  ouvrage  sur  les 
singes  du  Brésil,  raconte,  comme  témoin  oculaire,  un  fait  qui  dément  positive- 
ment cette  assertion.  Ayant  mortellement  blessé  une  femelle  d'un  coup  de  fusil, 
elle  continua  de  porter  son  petit  sur  son  dos  jusqu'à  ce  qu'elle  fût  épuisée  parla 
perte  de  son  sang.  Lorsqu'elle  se  sentit  près  d'expirer,  elle  fit  un  dernier  elfort 
pour  lancer  son  enfant  sur  les  branches  voisines,  et  tomba  morte. 

Peut-être  cette  espèce  n'est-elle  que  le  jeune  du  caraya,  et  dans  ce  cas  elle 
ferait  double  emploi. 

Le  (.ijoiio  [Mtjii'Ics  flaviraitdutns,  Desji.  Sten-  hriiii  olivùlro,  avec  deiu  bandes  longiliidiiiiilcs 

tor  llarirauilabis,  Geoi'f.).  Son  pelage  est  d'un  jaunes.  CeUe  espèce  se  trouve  dans  la  Nouvelle 

brun   noiràfre,   plus  obscur  sur  le  dos,  tris-  Ciienade,  dans  la  province  de  Jaen,  et,  mais 

loiirni  sur  le  ventre,  sa  facecst  courte,  nue,  plus  rarement,  sur  les  bords  de  la  rivière  des 

ou  niuuie  de  quelques  poils  rares;  sa  barbe  est  Am;izoiies.   Veul-ètre  ce  sapajou  ne- 1  encore 

mêlée  de  brun  et  de  jaunâtre  ;  sa  queue  est  d'un  <|u'une  variété  d'âge  du  caraya. 

Comme  les  autres  alouates,  il  vit  en  troupe  et  se  retire  dans  les  lieux  les  plus 
solitaires.  On  le  chasse  surtout  pour  avoir  sa  fourrure,  que,  dans  le  pays,  on 
<'mploie  à  divers  usages.  Une  particularité  qu'offrent  les  alouates,  est  que,  contre 
l'ordinaire  des  autres  singes,  qui  tous  fuient  l'eau,  ils  se  plaisent  dans  les  forêts 
(|ui  bordent  les  rives  des  grands  fleuves  et  des  marais;  ceci  est  afiirmé  par  tous 
les  voyageurs.  11  paraît  même  qu'ils  se  hasardent  quelquefois  à  se  mettre  à 
l'eau  et  à  traverser  à  gué  quelques  bras  assez  larges,  car  on  en  trouve  sur  les 
îlots  des  rivières  et  dans  ceux  des  grandes  savanes  noyées  ;  et  ce  fait  est  très- 
remarquable  dans  l'ordre  des  quadrumanes. 

Je  ne  sais  si  tous  les  singes  ont  pour  les  nappes  d'eau  la  même  frayeur  que  le 
mangabey  que  j'ai  possédé,  mais  je  le  suppose;  car  cette  crainte  vient  de  ce 
que,  bâtis  à  peu  près  connue  l'honnue,  ainsi  que  lui  ils  ne  savent  pas  nager  na- 
turellement. La  première  fois  que  j'ai  traversé  la  Saône,  en  batelet,  avec  mon 
singe,  je  n'avais  pas  fait  cette  réflexion  et  je  faillis  le  perdre.  Malgré  les  témoi- 
gnages énei^giques  de  sa  frayeur,  je  le  jetai  à  l'eau,  croyant  qu'il  allait  nager  et 
s'en  tirer  ainsi  que  font  les  chiens.  Mais  je  fus  extrêmement  surpris  de  le  voir 
se  débattre  dans  le  perfide  élément,  de  la  même  manière  qu'un  enfant  qui  se 
noie,  et  si  je  n'avais  su  nager  moi-même,  je  perdais  un  animal  fort  aimable,  et 
au([iiel  je  tenais  beaucoup.  Au  moment  où  je  le  saisis,  il  coulait  à  fond,  et  déjà 
il  était  {)our  ainsi  dire  sans  connaissance.  Cette  petite  scène  me  fit  perdre  ses 
bonnes  grâces  pendant  plus  de  quinze  jours,  et  ne  contribua  pas  peu  à  lui  don- 
ner une  nouvelle  horreur  de  l'eau. 

Le  Caiiaya  (Miirelcs  caraiju,  Dksm.  Stentor  lage  d'un  noir  foncé,  passant  au  roux  obscur 

niger,  Gkofi'.*.   lia,  selon  d'Azara,  le  corps  sur  le  ventre  et  la  poitrine;  la  femelle  a  les  poils 

gros  et  ventru  el  les  membres  robustes.  Sa  face  plus  luis,  d'un  bai  obscur.  On  le  Iroiive  depuis 

est  nue,  d'un  brun  rougeàtre  ;  le  mâle  a  le  |)p-  le  Bri'sil  jusqu'au  Paraguay. 


50  LES  QUADRUMANES. 

L'Alouate  aux  MAixs  ROussKS    (Miffetes   m-  queue.  La  face  el  le  dessous  du  c'or|)s  sont  nus. 

(imamis,  Kllu.  Stentor  nifimanus,  Geoff.).  11  Cette  espèce  imbite  prineipaleuient  les  terres  de 

est  entièrement  noir,  excepté  les  mains,  qui  la  baie  de  Cainpèche;  mais  on  la  trouve  aussi 

sont   rousses,  ainsi  que  la  dernière  moitié  de  la  dans  d'aulres  parties  de  l'Américpie. 

Selon  Dampierre,  ces  animaux  vivent  en  troupe  de  vingt  à  tiente,  et  rôdent 
sans  cesse  dans  les  bois,  et,  s'ils  trouvent  une  personne  seule,  ils  font  mine  de 
la  vouloir  dévorer.  «  Lorsque  j'ai  été  seul,  dit  ce  voyageur,  je  n'ai  pas  osé  les 
tirer,  surtout  la  première  fois  que  je  les  vis.  Il  y  en  avait  une  grosse  troupe  qui 
se  lançaient  d'arbre  en  arbre  par-dessus  ma  tète,  craquetaient  des  dents  et  fai- 
saient un  bruit  d'enragé;  il  y  en  avait  même  plusieurs  qui  faisaient  des  grimaces 
de  la  boucbe  et  des  yeux,  et  mille  postures  grotesques.  Quelques-uns  rompaient 
des  branches  sèches  et  me  les  jetaient;  d'autres  répandaient  leur  urine  et  leurs 
ordures  sur  moi.  A  la  fin  il  y  en  eut  un  plus  gros  que  les  autres  qui  vint  sur 
une  petite  branche  au-dessus  de  ma  tête  et  fit  mine  de  sauter  tout  droit  sur  moi, 
ce  qui  me  fit  reculer  en  arrière  ;  mais  il  avait  eu  la  prudente  précaution  de  se 
prendre  à  la  branche  avec  le  bout  de  sa  queue,  de  sorte  qu'il  demeura  là  suspendu 
à  se  brandiller  et  à  me  faire  la  moue.  Enfin  je  me  retirai,  et  ils  me  suivirent 
jusqu'à  nos  huttes,  avec  les  mêmes  postures  menaçantes.  » 

16"  Ge>re.  Les  COAÏTAS  (Aides,  Geoff  )  région  anale  et  l'origine  de  la  queue  sont,  sur 
ont  l'angle  facial  ouvert  à  soixante  degrés;  leurs  le  plus  grand  nombre  d'individus,  mais  non  sur 
membres  sont  grêles,  très-longs;  leur  tête  tous,  d'un  rouge  ferrugineux  ;  sa  face  est  cou- 
ronde  ;  leurs  maius  antérieures  dépourvues  de  leur  dectiair  et  mouchetée  de  gris;  il  a  un  très- 
jjouce.  Leur  queue  est  extrêmement  longue,  petit  pouce  onguiculé  aux  mains  antérieures, 
très-prenante,  a\ant  une  partie  de  son  cxiré-  ce  qui  le  distingue  de  l'ate/ps  aïKc/niotrfes.  Il  se 
mité  nue  en  dessous.  trouve  dans  les  loréts  du  Brésil,  où  ces  animaux 

Le  MuuKi  ou  Kfiupo  (Atiles  hijpoxanlhus ,  vivent  en  troupes  plus  ou  moins  nombreuses 

KuHL.).  Son  pelage  est  d'un  gris  jannàlre;  la  dans  les  forets  les  [)\\is  sauvages. 

Tous  les  ateies  ayant  à  peu  prés  les  mêmes  mœurs,  nous  généraliserons  ici 
leur  histoire.  Nous  ferons  d'abord  remarquer,  comme  chose  fort  singulière,  que 
ces  petits  animaux  ont  avec  l'homme  quelques  ressemblances  assez  remar- 
quables dans  les  muscles,  et  qu'eux  seuls,  parmi  les  mammifères,  ont  le  biceps 
de  la  cuisse  absolument  fait  comme  le  nôtre. 

Les  coaïtas  sont  fort  intelligents,  doux,  et  s'attachent  facilement  aux  personnes 
qui  en  prennent  soin  et  les  traitent  avec  douceur.  Une  fois  liés  par  l'affection, 
ils  ne  cherchent  plus  à  changer  de  situation  ni  à  s'enfuir,  aussi  n'a-t-on  pas 
besoin  de  les  tenir  constamment  à  la  chaîne  comme  les  singes.  Cependant  ils 
ne  manquent  pas  de  malice,  et  ils  sont  un  peu  voleurs,  mais  pour  des  friandises 
seulement. 

Dans  leurs  forêts  ils  vivent  en  grandes  troupes  et  se  prêtent  un  mutuel  secours. 
Dans  les  pays  où  ils  ne  sont  pas  inquiétés  par  les  hommes,  s'ils  en  rencontrent 
un,  ils  sautent  de  branche  en  branche  pour  s'approcher  de  lui,  le  considèrent 
attentivement,  et  l'agacent  en  lui  jetant  des  petites  branches,  et  quelquefois  leurs 
excréments,  qui,  du  reste,  sont  sans  odeur.  Si  l'un  d'eux  est  blessé  d'un  coup 
de  fusil,  tous  fuient  au  plus  haut  sommet  des  arbres,  en  poussant  des  cris  la- 
mentables. Le  blessé  porte  ses  doigts  à  sa  plaie  et  regarde  couler  son  sang. 


SAJOUS.  51 

puis,  quaiul  il  se  sent  près  de  sa  fin,  il  entortille  sa  queue  autour  d'une  branche, 
et  reste  suspendu  à  l'arbre  après  sa  mort.  Eminemment  bien  conformés  pour 
vivre  sur  les  arbres,  les  coaitas  ne  descendent  jamais  à  terre,  et  s'ils  s'y  trouvent 
par  accident,  ils  y  marchent  avec  beaucoup  de  difficulté  et  de  maladresse.  Pour 
cela,  ils  posent  leurs  mains  fermées  sur  le  sol,  puis  ils  tirent  leur  derrière  après 
eux,  tout  d'une  pièce,  absolument  comme  font  les  culs-de-jatte.  Leur  voix  con- 
siste en  un  petit  sifflement  doux  et  fliùté,  qui  rappeik-  le  gazouillement  des 
oiseaux. 

Le  Mono  (Ateles  hcmidacttjlus.—Eriodes  lie-  Irès-fonco,  à  poils  secs  et  grossiers  11  est  un  peu 
viidactylus,  Desmoil.)  a  souvent  été  confondu  plus  grand  que  Videles  pciuisnis,  et  il  s'en  dis- 
avec  le  précédent.  Sa  longueur,  non  compris  la  tingue  pnrfaitement  par  un  rudiment  de  pouce 
queue,  est  de  dix-huit  pouces  (0,487);  son  pouce  qu'il  a  aux  mains  supérieures.  11  habite  la 
ne  consiste  pas  en  un  simple  tubercule,  mais  Guyane  et,  selon  Buffon,  le  Pérou, 
bien  en  un  petit  doigt  très-court  el  trè.^-gréle,  Le  Coaïta  (Ateles  pnnisnts,  Geofp.  Simia 
muni  d'un  ongle,  atteignant  à  peine  l'origine  du  panisms,  Lin.  ■  est  absolument  noir  comme  le 
second  doigt,  et  tout  à  fait  inutile  à  l'animal;  précédent,  mais  il  manque  entièrement  de 
son  pelage  est  d'un  fauve  cendré,  un  peu  noi-  pouce,  comme  toutes  les  espèces  qui  vont  sui- 
râtre  sur  le  dos;  ses  mains  et  sa  queue  sont  vre  ;  sa  face  est  cuivrée  11  habite  la  Guyane  et 
d'un  fauve  plus  vif,  et  les  poils  de  la  hase  de  la  le  Brésil  C'est  un  animal  pleureur,  excessive- 
queue  sont  d'un  roux  ferrugineux  ;  sa  face  est  ment  lent,  mais  très-doux  et  très-intelligent.  11 
couleur  de  chair  tachée  de  gris.  11  est  du  Brésil,  vit  eu  grande  troupe  et  aime  se  balancer  sus- 

Le  Chameck  {Ateles  subpemlaetiilus,  Desm  pendu  par  la  queue  aux  branches  d'arbres.  En 

Aleles  pendafiyins ,  Geoff.).   Il  est   d'un  noir  esclavage  il  s'apprivoise  très-facilement. 

Les  coaïtas  se  nourrissent  principalement  de  fruits,  mais,  en  cas  de  famine, 
ils  mangent  aussi  des  racines,  des  insectes,  des  mollusques  et  des  petits  poissons. 
On  dit  même  qu'ils  vont  pécher  des  coquillages  pendant  la  marée  basse,  et  qu'ils 
savent  fort  bien  en  briser  la  coqtiille  entre  deux  pierres.  Dampierre  et  Dacosta 
racontent  que,  lorsque  ces  animaux  veulent  traverser  une  rivière,  ou  passer 
d'un  arbre  à  l'autre  sans  descendre  à  terre,  ils  s'attachent  ,Ies  uns  aux  autres 
en  se  prenant  tous  la  queue  avec  les  mains,  et  forment  ainsi  une  sorte  de  chaîne 
qui  se  balance  dans  les  airs  en  augmentant  peu  à  peu  le  mouvement  d'oscilla- 
tion, jusqu'à  ce  que  le  premier  puisse  atteindre  et  saisir  avec  les  mains  le  but  ou 
ils  tendent  ;  alors  il  s'accroche  et  tire  tous  les  autres  après  lui. 

Le  Cayou  (Ateles  ater,  Fr.  Cdv.)  ressemble  mat,  ridée,  au  lieu  d'être  cuivrée.  Il  est  de 
beaucoup  au  précédent;  comme  lui  il  a  le  pe-  Ca\eime,  et  a  les  mêmes  maur.s  et  la  méiiie 
lage  entièrement  noir,  mais  sa  face  est  d'un  noir     douceur  de  caractère  que  le  coaïla. 

Le  cayou  a  toutes  les  habitudes  du  coaïta,  dont  peut-être  n'est-il  qu'une  sim- 
|de  variété,  comme  le  pensait  Geoffroy  qui  le  premier  l'a  fait  connaître.  Ainsi 
que  chez  tous  les  animaux  de  son  genre,  sa  queue  ne  lui  sert  pas  seulement  à 
assurer  sa  translation  en  s'accrochant  aux  corps  environnants  et  particulière- 
ment aux  branches  d'arbres,  mais  c'est  encore  une  véritable  main,  dont  il  se  sert 
pour  aller  saisir  hors  de  la  portée  de  ses  bras,  et  sans  se  déranger,  les  objets  dont 
il  veut  s'emparer  ;  c'est  un  organe  de  préhension  dont  le  tact  est  si  délicat,  qu'en 
en  touchant  un  corps  quelconque,  sans  le  regarder,  sans  détourner  les  yeux  de 
dessus  un  autre  objet,  il  en  reconnaît  parfaitement  la  nature.  Sa  queue  lui  sert 


ONIVERSITY  or 
TllINOIS  LIBRAP 


50 


LES  QUADRUMANES. 


L'Alouate  aux  mai?(s  boussus    {Mijretes   ru-  queue.  La  face  et  le  dessous  du  cor|)s  sont  nus. 

fimamis,  Kulh.  Stentor  ru/imanus,  Geoff.).  11  Celte  espèce  liabitc  principalenient  les  terres  de 

est  entièrement  noir,  excepté  les  mains,  qui  la  baie  de  Campèche;  mais  on  la  trouve  aussi 

sont  rousses,  ainsi  que  la  dernière  moitié  de  la  dans  d'autres  parties  de  l'Améritiiie. 

Selon  Danipieri'e,  ces  animaux  vivent  en  troupe  tle  vingt  à  trente,  et  rôdent 
sans  cesse  dans  les  bois,  et,  s'ils  trouvent  une  personne  seule,  ils  font  mine  de 
la  vouloir  dévorer.  «  Lorsque  j'ai  été  seul,  dit  ce  voyageur,  je  n'ai  pas  osé  les 
tirer,  surtout  la  première  fois  que  je  les  vis.  Il  y  en  avait  une  grosse  troupe  qui 
se  lançaient  d'arbre  en  arbre  par-dessus  ma  tète,  craquetaient  des  dents  et  fai- 
saient un  bruit  d'enragé;  il  y  en  avait  même  plusieurs  qui  faisaient  des  grimaces 
de  la  boucbe  et  des  yeux,  et  mille  postures  grotesques.  Quelques-uns  rompaient 
des  brandies  sècbes  et  me  les  jetaient;  d'autres  répandaient  leur  urine  et  leurs 
ordures  sur  moi.  A  la  fin  il  y  en  eut  un  plus  gros  que  les  autres  qui  vint  sur 
une  petite  branclie  au-dessus  de  ma  tête  et  fit  mine  de  sauter  tout  droit  sur  moi, 
ce  qui  me  fit  reculer  en  arrière;  mais  il  avait  eu  la  prudente  précaution  de  se 
prendre  à  la  brancbe  avec  le  bout  de  sa  queue,  de  sorte  qu'il  demeura  là  suspendu 
à  se  brandiller  et  à  me  faire  la  moue.  Enfin  je  me  retirai,  et  ils  me  suivirent 
jusqu'à  nos  buttes,  avec  les  mêmes  postures  menaçantes.  » 


16'^  Ge\re.  Les  COA'ÏTAS  (Ateles,  Geoff  ) 
(.nt  l'angle  facial  ouvert  à  soixante  degrés;  leurs 
membres  sont  grêles,  très-longs;  leur  tcte 
ronde;  leurs  mains  antérieures  dépourvues  de 
pouce.  Leur  queue  est  extrêmement  longue, 
très-prenante,  a>ant  une  partie  de  son  extré- 
mité nue  en  dessous. 

Le  Mnuki  ou  Kcupo  (Ateles  hijpoxanlhus , 
KiHL.).  Son  pelage  est  d'un  gris  jaunâtre;  la 


région  anale  et  l'origine  de  la  queue  sont,  sur 
le  plus  grand  nombre  d'individus,  mais  non  sur 
fous,  d'un  rouge  ferrugineux  ;  sa  face  est  cou- 
leur de  chair  et  mouclietée  de  gris  ;  il  a  un  très- 
petit  pouce  onguiculé  aux  mains  antérieures, 
ce  qui  le  distingue  de  Vateles  arachnoïdes.  Il  se 
trouve  dans  les  forêts  du  Brésil,  où  ces  animaux 
vivent  en  troupes  plus  ou  moins  nombreuses 
dans  les  forets  les  plus  sauvages. 


Tous  les  ateles  ayant  à  peu  près  les  mêmes  mœurs,  nous  généraliserons  ici 
leur  bistoire.  Nous  ferons  d'abord  remarquer,  comme  cbose  fort  singulière,  que 
ces  petits  animaux  ont  avec  l'bomme  quelques  ressemblances  assez  remar- 
quables dans  les  muscles,  et  qu'eux  seuls,  parmi  les  mammifères,  ont  le  biceps 
de  la  cuisse  absolument  fait  comme  le  nôtre. 

Les  coaïtas  sont  fort  intelligents,  doux,  et  s'attachent  facilement  aux  personnes 
qui  en  prennent  soin  et  les  traitent  avec  douceur.  Une  fois  liés  par  l'affection, 
ils  ne  cbercbent  plus  à  changer  de  situation  ni  à  s'enfuir,  aussi  n'a-t-on  pas 
besoin  de  les  tenir  constamment  à  la  chaîne  comme  les  singes.  Cependant  ils 
ne  manquent  pas  de  malice,  et  ils  sont  un  peu  voleurs,  mais  pour  des  friandises 
seulement. 

Dans  leurs  forêts  ils  vivent  en  grandes  troupes  et  se  prêtent  un  mutuel  secours. 
Dans  les  pays  où  ils  ne  sont  pas  inquiétés  par  les  hommes,  s'ils  en  rencontrent 
un,  ils  sautent  de  brancbe  en  branche  pour  s'approcher  de  lui,  le  considèrent 
attentivement,  et  l'agacent  en  lui  jetant  des  petites  branches,  et  quelquefois  leurs 
excréments,  qui,  du  reste,  sont  sans  odeur.  Si  l'un  d'eux  est  blessé  d'un  coup 
de  fusil,  tous  fuient  au  plus  haut  sommet  des  arbres,  en  poussant  des  cris  la- 
mentables. Le  blessé  porte  ses  doigts  à  sa  plaie  et  regarde  couler  son  sang, 


SAJOUS. 


r)3 


genre,  dit  qu'il  se  lient  le  plus  souvent  sur  ses  deux  pieds  de  derrière.  Le  son  de 
sa  voix  ressem])le  à  un  (laqucnicni,  selon  Spix,  et  il  ajoute  que  cet  animal  est 
extrêmement  gourmand . 


Le  I^ACOTKiciiE  (iBi.s().\  (  lMgi<i\\r\x  rimi>s , 
Geoi'f.  I  qui  habile  le  Brésil,  diffère  du  précé- 
dent par  des  poils  plus  courts,  d'un  gris  olivâ- 
tre sur  If  corps,  et  duu  gris  roux  sur  la  tète, 
les  mains  et  la  cpicue.  Peut-élre  faut-il  ajouter 
à  cette  espèce  : 


Le  Lagotkiciie  knfime  (Lagotlui.r  nijniuti- 
tiis. —  Gastrimargus  infumatus.  Sfi\.  )  <!"'  se 
trouve  au  Brésil,  et  qui  ne  diffère  guère  des 
précédeiils  que  par  son  pelage  eiilièremenl  en- 
fiuiie.  Il  habite  les  forets  les  plus  relirc'es,  et  vit, 
cotnme  les  précédents,  de  fruits  et  d'insectes. 


Les  lat;(ttriclies,  grisou  el  enfumé,  sont  beaucoup  moins  farouches  que  le 
précédent,  et  s'apprivoisent  avec  plus  de  facilité.  Ils  vivent  également  en  bandes 
nombreuses,  dans  les  forêts  (jui  ombragent  les  bords  des  grandes  rivières  du 
Brésil.  Us  sont  d'un  naturel  doux  et  timide,  s'habituent  aisément  à  la  servitude, 
mais  s'attachent  peu  à  leur  maître,  et  en  changent  avec  la  plus  grande  indif- 
férence. Moins  agiles,  moins  pétulants  que  les  autres  sajous,  ils  se  montrent 
plus  robustes,  moins  inquiets,  moins  remuants  et  plaisent  davantage  par  une 
expression  de  physionomie  plus  douce  et  plus  aimable.  Peu  criards,  on  ne  les 
entend  guère  troubler  le  silence  des  forêts  que  lorsqu'un  air  lourd  et  chargé 
d'électricité  annonce  un  prochain  orage.  Aloi^s  ils  réunissent  leur  troupe  épar- 
pillée, s'appellent  les  uns  les  autres,  et  cherchent  ensemble  un  abri  contre  la 
tempête.  Ils  se  blottissent  contre  le  tronc  d'un  arbre,  à  la  bifurcation  des  bran- 
ches basses  les  plus  grosses,  et  là,  dans  la  plus  grande  épouvante,  serrés  les  uns 
contre  les  autres  en  petits  groupes  de  trois  à  quatre,  ils  attendent,  dans  l'immo- 
bilité la  plus  complète,  que  les  éclairs  aient  cessé  de  sillonner  les  nues  et  le 
tonnerre  de  gronder.  Le  jaguar  profite  souvent  de  cette  circonstance  pour  les 
poursuivre,  les  saisir  el  les  dévorer;  dans  leur  effroi  ils  pensent  à  peine  à 
fuir,  et  il  en  fait  aisément  sa  proie.  Souvent  aussi,  ils  deviennent  les  victimes  du' 
cougonard  et  d'autres  grands  chats  sauvages. 


5'^ 


LES  QUADRUMANES. 


Lt  Sajoiiasson 


19"  (iE^RE.  Les  SAJOUS  (Cebus,  ERXLEn.)  arrondies,  l'occiput  saillant  en  arrière,  les  pou- 
ont  l'angle  facial  ouvert  à  soixante  degrés.  Us  ces  distincts,  opposables  aux  autres  doigts,  et  la 
ont  la  tète  ronde,  le  museau  court,  les  oreilles     queue  toute  velue,  quoique  prenante. 


Le  SAJOUASSOU  [  Cebiis  apella,  Desm.  Siniia  apella.  Lin.  Le  Sajou,  Buff. — 
G.  Cuv.). 

Son  pelage  est  d'un  brun  plus  ou  moins  foncé  en  dessus,  plus  pâle  en  des- 
sous; les  pieds,  la  queue,  le  sommet  de  la  tête  et  la  face  sont  bruns;  cette 
dernière  est  entourée  de  poils  d'un  brun  noirâtre;  le  dessous  du  cou  et  la 
partie  externe  des  bras  tirent  sur  le  jaune. 

Cette  espèce  ne  se  trouverait  point  au  Brésil,  selon  le  prince  Maximilien,  et 
serait  propre  à  la  Guyane  française.  Comme  tous  les  sajous  ont  absolument  la 
même  intelligence,  les  mêiTies  mœurs,  et  des  babitudes  semblables,  il  nous  suf- 
fira de  donner  l'bistoire  de  celui-ci  pour  faire  connaître  tous  les  autres. 

Le  sajouassou  a  toute  l'intelligence  des  coaïtas,  mais  avec  moins  de  circon- 
spection, parce  que  la  vivacité  de  ses  impressions  et  la  promptitude  de  son  imagi- 
nation ne  lui  permettent  ni  prudence  ni  réserve.  Tous  les  sajous  sont  d'un  naturel 
très-doux,  très-affectueux,  et  s'attachent  vivement  à  leur  maître,  surtout  quand 
ils  sont  traités  avec  douceur.  Quoique  vifs  et  turbulents,  ils  n'ont  pas  la  pétu- 
lance capricieuse  des  singes;  mais  il  est  fâcheux  qu'ils  en  aient  la  malpropreté 
et  un  peu  l'impudicité,  car  sans  cela  ils  seraient  les  animaux  les  plus  aimables  que 
l'on  puisse  soumettre  à  l'esclavage.  En  outre,  ils  craignent  beaucoup  le  froid, 


SAJOUS. 


55 


et,  clans  nos  pays,  ils  sont  sujets  à  des  maladies  de  poitrine  qui  les  enlèvent 
promptement.  Cependant,  en  les  tenant  dans  des  appartements  chauds,  ils 
passent  assez  bien  l'hiver  et  vivent  plusieurs  années.  J'en  ai  vu  beaucoup  qui 
avaient  l'étrange  habitude  de  se  manger  la  queue,  malgré  tout  ce  qu'on  pouvait 
faire  pour  les  en  empêcher  et  malgré  la  douleur  qu'ils  en  éprouvaient. 

A  l'état  sauvage  ils  vivent  dans  les  bois,  en  grandes  troupes.  Us  se  nourrissent 
principalement  de  fruits,  mais  ils  mangent  aussi  des  insectes,  des  œufs,  et  même 
des  oiseaux  quand  ils  peuvent  les  attraper.  J'ai  remarqué  que,  de  même  que  les 
petits  mammifères  carnassiers,  quand  ils  prennent  un  oiseau  ils  commencent 
toujours  par  lui  briser  le  derrière  du  crâne  et  lui  manger  la  cervelle. 

Le  sajouassou  est  fort  doux,  mais  capricieux  et  fantasque.  Il  affectionne  sans 
sujet  de  certaines  personnes,  et  prend  les  autres  en  haine  sans  cause  appré- 
ciable. Il  aime  les  caresses  et  fait  alors  entendre  une  petite  voix  douce  et  flûtée. 
S'il  est  effrayé  ou  en  colère,  il  fait  des  mouvements  brusques  d'assis  et  de  levé, 
en  prononçant  d'une  voix  forte  et  gutturale  :  heu,  heu.  Ce  petit  animal  se  repro- 
duit en  captivité  dans  de  certaines  circonstances.  Le  père  et  la  mère  aiment 
beaucoup  leur  enfant,  en  prennent  le  plus  grand  soin,  et  le  portent  tour  à  tour 
dans  leurs  bras;  ils  s'empressent  de  lui  apprendre  à  marcher,  à  grimper,  à  sau- 
ter; mais  lorsqu'il  a  l'air  de  faire  peu  d'attention  à  leurs  leçons,  ils  le  corrigent 
et  le  mordent  serré  pour  exciter  son  application. 


Le  Saj(iu  robuste  (Cebus  robusliis,  Kiul.) 
est  bruu  ;  le  sommet  de  sa  lète  est  couvert  de 
poils  noirs  qui  s'avancent  sur  le  frout,  et  deux 
lignes  de  la  même  coulem"  lui  entourent  la  face; 
les  mains,  les  avant-bras,  les  jambes,  les  pieds 
et  la  queue  sont  d'un  brun  foncé;  les  épaules, 
le  dessous  du  cou  et  la  poitrine  sont  jaunâtres; 
le  cou  et  le  ventre  sont  d'un  marron  roux. 
Cette  espèce  a  été  découverte  au  Brésil  par  le 
prince  Maximilien  de  .Neuwied.  Si  ce  n'est  pas 
la  même  que  Fr.  Cuvier  a  décrite  sous  le  nom 
de  Saï  femelle,  elle  a  du  moins  une  très-gi-aude 
analogie  avec  elle. 

Le  Sajou  gris  (  Cebiis  gr i sens,  Besm.  Ccbiis 
barbatus,  Geoff.  Le  Sapajou  gris,  Blff.).  On 
ne  connaît  pas  la  patrie  de  cet  animal,  mais  on 
le  suppose  du  Brésil  ou  de  la  Gujane.  Le  der- 
rière de  la  tète,  le  cou,  le  dos,  les  flancs,  les 
cuisses,  la  partie  postérieure  des  jambes  de  der- 
rière et  le  dessus  de  la  queue  sont  d'un  brun 
jaunâtre  ou  d'un  brun  fauve  mêlé  de  grisâtre; 
le  dessous  est  d'un  fauve  clair  ;  une  calotte  noi- 
râtre lui  couvre  le  sommet  de  la  tète .  il  n'a 
pas  de  barbe  ;  sa  face  est  entourée  de  p  )ils  d'un 
brun  noir;  quelquefois  le  cou,  la  poilriue  et  le 
haut  des  bras  sont  blancs. 

Le  Sajou  barbu  {Cebus  barbatus,  Desm.  Cebus 
albus,  Geoff.  Le  Saï  varie,  Audeb.).  Son  pe- 
lage est  gris  ou  d'un  gris  roux,  ou  blanc,  selon 
rage  et  le  sexe  :  le  ventre  est  roux;  sa  barbe 
se  prolonge  sur  ses  joues.  Ses  poils  sont  longs  et 
moelleux.  Il  habile  la  Guyane. 


Le  Sajou  co.ffé  (Cebus  frontoius,  Kiul.  Ce- 
bus trepidus,  Geoff.  —  Ehxl.  Le  Singe  à  queue 
touffue,  Edwa.).  Son  pelage  est  d'un  noir  pres- 
que uniforme ,  niais  cependant  les  evtrémités 
des  membres  sont  plus  foncées  ;  il  a  sur  les 
mains  antérieures  et  autour  de  la  bouche  quel- 
ques poils  blancs  ;  ceux  de  son  front  sont  rele- 
vés perpendiculairement  et  très-droits.  On  ne 
sait  d'où  il  est. 

Le  Sajou  nègre  {Cebus  niger,  Geoff.  Sapa- 
}ou  nègre,  Buff.).  Peut-être,  comme  le  pense 
M.  de  Humboldt,  n'est-ce  qu'une  variété  du 
sajou  brun  (Cebin;  capucimts).  Sou  pelage  est 
d'un  bruu  foncé;  son  front,  et  la  partie  posté- 
rieure des  joues,  sont  couverts  de  poils  jau- 
nâtres; sa  face,  ses  mains  et  sa  queue  sont 
noires.  Sa  patr'ic  est  inconnue. 

Le  Sajou  varié  (Cebus  vnricgatus,  Geoff.). 
Sa  tête  est  ronde,  et  son  museau  saillant  ;  l'es- 
pace de  la  face  compris  entre  les  yeux  est  d'un 
brun  noirJtre  ;  son  pelage  est  noirâtre,  poin- 
tillé de  jaune  doré  en  dessus,  roussâtre  en  des- 
sous, les  poils  de  son  dos  sont  bruns  à  leur  base, 
roux  au  milieu  et  noirs  à  la  pointe.  On  ne  con- 
naît pas  son  pays. 

Le  Sajou  fauve  (Cebus  fulnis,  Desm.  Cebu^ 
//nrii.'!,  Geoff.).  Tout  son  pelage  est  fauve  ;i 
est  remarquable  par  ses  poils  soveux,  droits, 
non  ondulés. 

L'OuAVAPAvi  (  Cebus  albifrons,  Geoff.  — 
Humboldt  )  habite  autour  des  cascades  de  l'O- 
rénoque,  près  des  Alaïpures  et  des  Atures.  Son 


5t) 


LES  QUADRUMANES. 


l)elage  est  gris,  plus  clair  sur  le  ventre  ;  le  som- 
met de  sa  tête  est  noir  ;  ses  extrémités  sont  d'un 
brun  jauiiiitre  ;  il  a  le  fn  nt  blanc,  ainsi  (|ue  les 
orbites  des  yeux. 

Le  Sajou  LiiNtLii  (Ctbus  luuatiis,  Kiiii. — 
i  B.  Cuv.).  Il  est  d'un  brun  de  suie,  presque 
noir  sur  1m  tète  et  les  membics  ;  il  a  snr  chaque 
joiie  une  tache  blanche  en  croissant  se  portant 
de|)uis  le  sourcil  jusqu'à  la  houche;  s;\s  parties 
nues  sont  violàtres.  Sa  pairie  n'est  pas  connue. 

Le  Sajol  coii>u  {Cebus  fntnellus,  Desm.  .S'i- 
inin  fiiliielliis,  I,i?i.  Cebus  cristntiis,  Fr.  Cuv. 
Le  SnJDit  à  aigietle,  du  même.  Le  Sajott  lornu. 
Bu  FF.).  Son  pelage  est  d'un  brun  marron  sur 
le  dos,  ])lns  clair  sur  Us  flancs,  passant  au  roux 
vif  sur  le  ventre;  la  queue  et  les  extrêmit('ssont 


d'un  brun  noir;  deux  forts  pinceaiix  de  poils 
blancs,  séparés  en  forme  de  corne,  s'élèvent  de 
la  1  acine  de  son  front  1 1  habite  la  Guj  ane  fran- 
çaise. 

Sajoi:  a  toupet  {Cebus  cirriler,  Geoif).  M 
a  la  tête  roude;  son  pelage  est  d'un  brun  châ- 
tain :  le  vertex,  les  extrémités  et  la  queue  sont 
d'i;n  marron  tirant  sur  le  noir;  il  a  sur  le  front 
un  toupet  de  i)oils  noirâtres  élevé  en  fer  à  che- 
val. On  le  croit  du  Brésil 

Le  Saï  I  Cebus  rnpucinti^,  Desm.  Sim'ia  ca- 
pncina,  !  i\.  Le  .S'oï,  Ruff.  Le  Sajov  sai,  Geof  ). 
Son  pelage  varie  beaucoup  et  passe  du  gris 
brun  au  gris  olivâtre;  il  a  le  vertex  et  les  ex- 
trémités noirs  ;  le  front,  les  joues  et  les  épau- 
les d'un  gris  blanchiitre. 


Le  saï  hal)ite  les  bois  de  la  Guyane,  où  il  se  nourrit  de  fruits,  «le  graines, 
de  sauterelles  et  autres  insectes.  Il  est  trés-farouche,  et  si  l'on  parvient  à  le 
prendre  vivant,  ce  qui  est  fort  difficile,  il  se  défend  avec  un  courage  bien  au- 
dessus  de  sa  taille  et  de  sa  force.  Il  mord  si  opiniâtrement  qu'il  faut  l'assommer 
pour  le  faire  lâcher  prise.  Les  voyageurs  ont  quelquefois  nommé  ces  sajous 
singes  pleureurs,  parce  qu'ils  ont  un  cri  plaintif,  et  que,  pour  peu  qu'on  les  con- 
trarie, ils  ont  l'air  de  se  lamenter;  d'autres  les  ont  appelés  singes  musqués,  parce 
qu'ils  ont,  comme  le  macaque,  une  odeur  de  musc,  dit  Buffon.  En  captivité,  le 
saï  est  doux,  craintif,  et  assez  docile.  Son  cri  ordinaire  ressemble  à  peu  prés  à 
celui  d'un  rat,  et  il  le  fait  volontiers  entendre  quand  il  désire  (pu,4qiie  chose  ou 
qu'on  le  caresse  ;  dés  qu'on  le  menace,  ce  cri  devient  une  sorte  de  gémissement. 
En  France,  il  mange  des  fruits;  mais  il  préfère  à  toute  autre  chose  les  limaçons 
et  les  hannetons. 


Le  CABiBLAi>co(  Cebn^  Impoleucus,  Desm.  —  du  pelage  est  d'un  noir  très-foncé.  Sa  face  cl 

Fil.  Cuv.  Le  .Saï  à  gorge  blaiiihc,  Buff.)  a  or-  sou  fîont  sont  nus,  et  de  couleur  de  chair  ainsi 

dinairement  les  é|)aules,  les  bras,  les  côtes  de  que  ses  oreilles.   Il  vit  à  la  Guyane  et  a  les 

la  tête  el  1  i  gorge  d'un  blanc  très-pur  ;  le  reste  mêmes  mours  que  le  précédent. 

Celui  qui  a  vécu  à  la  Ménagerie  était  dune  extrême  douceur  el  avait  assez 
d'intelligence.  Son  regard,  qui  était  trés-pénétrant,  savait  deviner  dans  vos  yeux 
les  sentiments  que  vous  éprouviez  pour  lui,  et  au  moindre  geste,  il  comprenait 
parfaitement  vos  intentions  à  son  égard.  Son  cri,  lorsqu'il  désirait  quelque 
chose,  consistait  en  un  petit  sifflement  très-doux,  et  surtout  lorsqu'on  le  cares- 
sait; mais,  quand  il  était  colère  ou  effrayé,  il  se  changeait  en  une  sorte  d'al)oie- 
ment  rude  et  saccadé. 


Le  Saj  ,u  a  poitrine  jaune  (Cebu<  xnntoster- 
no5.  Kl iiL.  Cebus  marrocei  hu'us,  Fii  Cuv.;  a 
été  découvert  nu  Brésil,  près  du  neu\e  Bel- 
monte,  par  le  prince  Maximilicn  de  >eu"ied. 
Il  diffère  de  tous  les  autres  sajous  par  la  forme 
de  sa  tête.  .Son  front  large,  arrondi,  rejeté  en 
arriére,  est  couvert  de  poils  blancs  et  ras  qui 


le  foui  paraître  chauve.  Son  museau  est  de 
couleur  tannée  ;  son  pelage  est  châtain;  il  a  le 
cou  (t  la  poitrine  d'un  jaune  roussitre  très- 
clair  ;  les  mains  d'un  violàlre  |)resque  noir. 

Le  Sajou  a  pieds  uorés  {Cebus  ihnjsopus, 
Fr.  Cuv.}.  Sa  tête  est  grosse,  arrondie,  d'un 
brun  grisâtre  nu  peu  fonC(''  liesceiidaut  sur  la 


SAJOUS. 


partie  niojeniu'  du  dos.  avec  la  face  d'une  cou 
leur  de  chair  un  peu  laiinée,  eulouioe  duu 
large  cercle  de  iwiis  blancs;  le  pelage  est  d'un 
gris  jaunàlre,  blanc  jaunfure  eu  dessous;  les 
quatre  membres  sont  d'un  beau  fauve  doré  ;  les 
oreilles  sont  de  la  couleur  de  la  face,  et  les 
mains  blanchâtres.  Il  habite  l'Amérique  méri- 
dionale, mais  on  ne  sait  pas  quille  partie. 

Le  Sajou  a  tète  fxvse  (Ccbus  xaitUioceplia- 
Ins,  Spix)  a  la  région  lombaire,  la  partie  supé- 
lieure  d*  la  poitrine,  le  co  i,  la  nutpi*  et  le 
dessus  de  la  tête  fauves  ;  1.'  milieu  du  corps,  la 
croupe  et  les  cuisses  bruns.  II  habite  le  Brésil. 

LcSajoli  jiwjcke  {Cebus  grai  ilis,  Sen  ),d'un 
bran  fauve  en  dessus,  blanchfilre  en  dessous; 
verlex  et  occiput  bruns;  corps  très-gréle.  Cette 
espèce,  qui  n'est  pas  suffisamment  déterminée, 
se  trouve  dans  les  forets  voisines  de  la  rivière 
des  Amazones. 

Le  Sajou  a  capuchon  (Cebus  cncnllntits,  Spix 
a  les  poils  de  la  partie  antérieure  de  la  tête  di- 
rigés en  avant  ;  le  dos  et  la  tète  sont  brunàlr.'s  ; 
les  bras,  la  gorge  et  la  poitrine  sont  roussàtres  ; 
le  ventre  est  d'un  rouv  ferrugineux;  les  mem- 
bres et  la  queue  sont  presque  noirs.  Il  habite 
la  Guvane  et  le  Brésil. 


Le  Sajou  usuif  (  Cebus  libidinosus,  Spiv).  Il 
a  la  calotte  d'un  noir  brun  ;  la  barbe  entourant 
en  cercle  toute  la  face  ;  le  dos,  la  gorge,  la  poi- 
trine, les  membres  (  excei)té  les  cuisses  et  les 
bras),  le  dessous  de  la  queue,  d'un  roux  ferru- 
gineux; le  devant  de  la  gorge  d'im  brun  roux 
foncé;  les  joues,  le  menton  et  les  doigts  d'un 
roMx  plus  clair;  le  corps  d'un  roux  fauve,  et  la 
queue  un  peu  plus  courte  que  le  corps.  Il  iiabilc 
le  Bre.sil. 

2((  (1e\he.  Les  SAGOUINS  (.S'agiiniiis,  Lac. 
Callilhrix,  Geoff.— Fr.  Cuv.),  ainsiquetous  les 
genres  qui  vont  suivre,  n'ont  pas  la  queue  pre- 
nante; leur  angle  facial  est  ouvert  à  soixante 
degrés  ;  leurs  oreilles  sont  très-grandes,  défor- 
mées; leur  corps  est  grêle,  et  leur  queue  ciiu 
verte  de  poils  courts.  Du  reste,  ils  ressemblent 
aux  sajous. 

Le  Saïmiri  {Sagninns  sciurens,  Les.s.  Calti- 
trix  sciureus,  Geoff. —Fit.  Cuv.  Simia  sritirea, 
G.  Cuv.  Le  Sajou  jaune,  Buiss.  Le  Siugi-  orange, 
Pew.  Le  Tili  de  iOrenoque,  IIusiboldt.  Le 
Sahnivi,  Buff.).  Son  pelage  est  d'un  gris  jau- 
nâtre ou  vei'dàtre,  blanc  en  dessous  ;  les  a^ant- 
bras,  les  jambes  et  les  quatre  mains  sont  d'un 
roux  vif;  le  bout  de  son  museau  est  noir. 


(]e  joli  pelil  animal  se  trouve  au  Brésil  et  à  Cayenne.  Cointiic  nos  éctireuils, 
dont  il  a  la  taille,  l'œil  éveillé  et  la  vivacité,  il  habite  constamment  sur  les  arbres, 
et  se  nourrit  de  fruits,  de  graines,  et  quelquelbis  d'insectes.  «  Par  la  gentillesse 
de  ses  mouvements,  dit  BuITon,  par  sa  petite  taille,  parla  couleur  brillante  de  sa 
robe,  par  la  grandeur  et  le  feu  de  ses  yeux,  par  son  petit  visage  arrondi,  le  saï- 
miri a  toujours  eu  la  préférence  sur  tous  les  autres  sapajous,  et  c'est,  en  ell'et, 
le  plus  joli,  le  plus  mignon  de  tous;  mais  il  est  aussi  le  plus  délicat,  le  plus  dif- 
(icile  à  transporter.  Sa  queue,  sans  être  absolument  inutile  et  Lâche,  comme 
celle  des  autres  sagouins,  n'est  pas  aussi  musclée  que  celle  des  sajous;  elle  n'est, 
[loiir  ainsi  dire,  qu'à  demi  prenante,  et  quoiqu'il  s'en  serve  pour  s'aider  à  monter 
et  à  descendre,  il  ne  peut  ni  s'attacher  fortement,  ni  saisir  avec  fermeté,  ni 
amener  à  lui  les  choses  qu'il  désire,  et  l'on  ne  peitt  plus  com|)arer  cette  quetu;  à 
une  main,  comme  nous  l'avons  fait  pour  les  autres  sapajous.  » 

Le  saïmiri  est  un  animal  très-gai  et  fort  doux  ;  sa  physionomie  ressemble  à 
«elle  d'un  enfant;  c'est  la  même  expression  d'innocence,  de  plaisir,  de  joie  et 
de  tristesse;  il  éprouve  vivement  les  impressions  de  chagrin,  verse  des  larmes 
«juand  il  est  contrarié  ou  elfrayé,  et  toute  sa  personne  respire  une  grâce  enfan- 
tine. Dans  sa  jeunesse  il  est  extrêmement  attaché  à  sa  mère,  et  ne  l'abandonne 
[>as  même  après  sa  mort.  Lorsqu'il  saisit  qitelque  chose  avec  ses  mains  ant(M"ieu- 
res,  son  pouce  est  placé  à  côté  des  autres  doigts,  parallèlement  avec  eux;  mais 
il  est  opposable  aux  autres  doigts  dans  les  mains  de  derrière.  Quand  il  dort,  son 
attitude  est  fort  singulière  :  il  est  assis,  ses  pieds  de  derrière  étendus  en  avant, 
ses  mains  appuyées  sur  eux,  le  dos  courbé  en  demi-cercle,  sa  tète  placée  entre 
ses  jambes  et  touchant  à  terre.  Soit  qu'il  veuille  témoigner  sa  colère  ou  ses  dé- 
sirs, son  cri  consiste  en  un  petit  sifflement  plus  nu  moins  doux  ou  aigu,  qu'il 

S 


58  LES   QUADUUMANES. 

r.'pèlc  irois  ou  (piatre  fois  de  suite.  Du  reste,  ce  channanl  animal  me  i»aiail  avoir 
plus  de  douceur  <|ue  d'atTection  pour  ses  maîtres. 

Le  Salssi  ou  S\<iOLiiv  à  siAsyuE  [Saguinus  fauve,  la  queue  rousse,  la  tète  et  les  quatre 
personatus  Less.  Callilhrix  personalus,  Geoff.  mains  noirâtres.  Il  se  plait  dans  les  bois  qui 
—  Desm.).  Cet  animal  a  le  pelage  d'un   gris      bordent  les  rivières,  au  Brésil. 

Ses  mœurs,  ainsi  que  celles  des  esi)eces  (jui  vont  suivre,  ne  dilîerent  que  peu 
de  celles  du  saimiri.  Cependant  ces  animaux  habitent  moins  les  arbres  et  se 
plaisent  beaucoup  plus  dans  les  broussailles  que  dans  les  forêts;  ils  nichent 
aussi  plus  volontiers  dans  les  trous  des  rochers.  Leurs  yeux,  fort  bien  disposés 
[)Our  voir  la  nuit,  ont  de  la  peine  à  soutenir  la  vive  lumière  du  jour.  Il  en  résulte 
«Mie  les  sagouins,  en  général,  passentla  journée  à  dormir  dans  leur  retraite,  ([u'ils 
n'en  sortent  qu'au  crépuscule,  et  que  ce  n'est  qu'alors  qu'ils  jouissent  de  toute 
leur  gaieté.  Ce  sont  de  petits  animaux  fort  intelligents. 


La  \ti\K  (Sag'iinus  lugens,  Less.  CuUUhrix 
higens,  Geoff.)  se  trouve  dans  les  bois  qui  om- 
bragent le  bord  des  rivières  à  San-Feruando 
de  Ataiialx).  Son  pelage  est  noirâtre;  sa  gorge 
et  ses  mains  antérieures  sont  blanches,  et  sa 
queue  est  à  peine  plus  grande  que  son  corps. 
Ses  habiludes  sont  tristes  et  son  caractère  mé- 
lancolique. U  vit  isolé  et  ne  se  réunit  jamais  en 
troupe  comme  les  autres  que  l'on  rencontre 
rarement  moins  de  dix  à  douze  ensemble. 

A  la  suite  de  ces  trois  espèces,  qui  appartien- 
nent au  genre  c;dlithrix  de  Desmarest,  Geof- 
froy et  F.  Cuvier,  genre  fondé  sur  ce  que  la 
(lueue  est  encore  un  peu  prenante  et  sur  d'au- 
tres légères  considérations,  viennent  les  véri- 
tables sagouins  à  queue  tout  à  fait  lâche. 

Le  Sagolin  a  collieb  (.Saguinus  torqualus , 
Desm.  Callilhrix  torquuta,  iioFPii.  —  Geoff.). 
On  le  trouve  au  Brésil.  Son  pelage  est  d'un 
brun  châtain,  jaune  en  dessous,  avec  un  derai- 
eollitr  blanc.  Sa  queue  est  un  peu  plus  longue 
(|ue  son  corps. 

Le  Sagouin  a  fraise (i«gitiiius  amirtus,  Desm. 
A'imia  amicla,  IIcmb.)  habite,  dit-on,  le  Brésil, 
mais  sa  patrie  nest  pas  bien  connue.  Son  pe- 
lage est  d'un  brun  noirâtre  ;  il  a  un  demi-colher 
blanc  ;  ses  mains  antérieures  sont  d'un  jaune 


terne  et  pâle,  et  sa  queue  est  d'un  ()uart  plus 
longue  que  son  corps. 

Le  MoLOCU  {Saguinus  violoch,  Desm.  Calli- 
thrixmoloih,  Geoff.  Ce6»s  kjo/oc/i,  Hoffm.) 
se  trouve  à  Para.  U  est  couvert  de  poils  cen- 
drés, annelées  en  dessus,  d'un  roux  vif  eu  des- 
sous, ainsi  que  sur  les  tempes  el  les  joues  ;  ses 
mains  sont  d'un  gris  blanchâtre,  ainsi  que  l'ex- 
trémité de  sa  queue.  Cette  espèce  est  rare 

LeSAGOi'iN  MiTRÉ  (Saguinus  inf'ulaUis,'DESM. 
Callithrix  infulalns,  Klul.  )  habite  le  Brésil.  11 
est  gris  en  dessous,  avec  la  queue  d'un  jaune 
roussàtreà  son  origine,  et  noire  à  son  extrémité; 
il  a  au-dessus  des  yeux  une  grande  tache  blan- 
che, entourée  de  noir. 

Le  GiGO  ou  Sagoli.x  à  mai.\s  noires  {Sagiiinux 
melanochir  ,  Dksm,  Callilhrix  incanesceiis , 
LicasT  .CaUilhrix  mdanoihir,  Kuul.).  Il  habite 
le  Brésil,  où  il  a  été  découvert  par  le  prince 
Maximiiien  de  Neuxvied.  Son  pelage  est  d'un 
gris  cendré,  excepté  au  bas  du  dos,  aux  lombes 
et  à  l'extrémité  de  la  queue,  où  il  est  d'un  brun 
roussàtre.  Ses  mains  antérieures  sont  fuligineu- 
ses. Il  est  très-commun  dans  les  forets,  et,  au 
lever  du  soleil,  il  pousse  des  cris  rauques,  dés- 
agréables, qui  reteulisseut  au  loin.  On  ne  connaît 
rien  de  plus  de  son  histoire. 


SAJOUS. 


59 


2r  Ge.\re.  Les    NOCTIIOKES  (Aocduiro,  sur  li'S  côtés  ;  la  lK)iiclie  est  fort  {iratiiie,  ainsi 

Fr.  Cuv.).  Leurs  dents  sont  semblables  à  celles  que  les  oreilles,  (|iii  sont  arrondies:  leur  ponce 

des  sajous;  leur  tète  est  arrondie  et  fort  large;  yutéiienr  est   très  sépare  et  Irés-pou  distinct 

leur  mnseau  court  ;  leurs  yeux  sont  très-grands  des  autres   doigts,  et   tous  Uurs  ongles  .sont 

et  à  pupille  ronde  ;  leur  nez  est  saillant  et  leurs  plats;  leur  queue  est  longue,  recouverte  de  poils 

narines  sont  ouvertes  en  dessous  autant   que  courts. 


Le  DOL'ROUCOULI  OU  CARA-RAYADA  (  iYot///0/ï(  trivinjaUi,  Fr.  Cuv.  AuUl.s  Iri- 
virgaltis,  HvMR.  JS'yctipilhcciis  fcUniis,  Spix.  Le  Tili-liyrc  ùes  voyageurs). 

Cet  auinial  a  dix  pouces  de  longueur  i0,27l  t  du  sommet  de  la  tête  à  l'ori- 
gine de  la  queue.  Son  pelage  est  d'un  gris  cendré  en  dessus,  d'un  jaune  rou.\ 
ou  orangé  en  dessous;  les  mains,  les  oreilles,  le  nez,  sont  couleur  de  cliair;  le 
dessus  des  yeux  est  blanc,  et  trois  lignes  noires  s'élèvent  sur  sou  Ironl,  l'une 
à  partir  du  nez,  les  deux  autres  à  partir  de  l'angle  externe  des  yeux;  ces  der- 
niers sont  très-grands,  ronds  et  fauves. 

Sur  les  bords  de  l'Orénoque,  dans  les  forêts  de  Maypures  et  de  l'Emeralda,  on 
entend  quelquefois,  pendant  l'obscurité  des  nuits,  un  cri  terrible  que  l'on  prend 
pour  celui  du  jaguar,  et  ipii  ell'raye  le  voyageur.  Ce  cri  relentissant  se  rapprocbc 
et  semble  articuler  les  syllabes  muh-muh ;  tout  à  coup  il  lui  succède  une  sorte  de 
miaulement,  é-i-aou,  tout  aussi  sinistre.  Déjà  l'Européen  épouvanté  porte  la  maiti 
à  ses  armes,  lorscpie  l'animal  féroce  se  laisse  ajiercevoir  aux  raydiis  brillanls  de 
la  lune...  C'est  un  liti-tigre,  un  donioucouli  nocturne,  à  peine  de  la  grandeur  d'iiii 
petit  lapin,  moins  dangereux  (piim  écureuil,  et  (|ui  iia  aucune  résistance  à  op- 


60  LES  QUADRUMANES. 

poser  à  l'épagneul  qui  ratlaque,  car  sa  lenteur  et  sa  maladresse  ne  lui  permet- 
tent de  se  servir  ni  de  ses  dents,  ni  de  ses  ongles  pointus.  Cependant  il  ne  se 
rend  pas  sans  avoir  au  moins  essayé  de  faire  peur  à  son  ennemi  ;  pour  cela,  il 
se  hérisse,  élève  son  dos  recourbé  en  arc  comme  fait  un  chat,  il  enfle  sa  gorge, 
et  pousse  un  cri  beaucoup  moins  terrible,  mais  tout  aussi  désagréable  que  le  pre- 
mier, (juer-(\\ier. 

Cet  animal,  triste  et  solitaire,  vit  avec  sa  femelle  dans  le  fond  des  forêts  les  plus 
désertes,  et  rarement  on  en  trouve  plus  d'un  couple  dans  la  même  partie  d'un 
o^rand  bois.  Il  ne  descend  à  terre  que  dans  des  circonstances  rares,  et  par  acci- 
dent, et  il  passe  tout  le  jour  à  dormir  sur  un  arbre,  auprès  de  sa  femelle  qu'il  ne 
((uitte  jamais  que  lorsque  la  mort  vient  les  séparer.  11  l'aime  avec  tendresse,  l'aide, 
la  protège,  et  la  défend  avec  courage,  au  besoin.  Il  partage  avec  elle  les  petits 
soins  de  famille  et  contribue  beaucoup  à  l'éducation  de  ses  enfants. 

Pendant  la  nuit  le  douroucouli  se  réveille  et  se  met  en  chasse.  Il  va  furetant 
d'arbre  en  arbre,  de  branche  en  branche,  pour  saisir  les  petits  oiseaux  qui  dor- 
ment sous  le  feuillage,  ou  prendre  les  mères  couveuses  sur  leur  nid.  Ceci  ne  l'em- 
pêche pas  de  saisir  et  de  manger  en  passant  des  sauterelles,  des  fulgores,  des 
coléoptères  et  autres  gros  insectes.  Si  aucune  de  ces  chasses  ne  lui  réussit,  il  se 
rabat  sur  les  fruits  sauvages,  et  même  sur  des  graines  de  mimosa  et  de  berlhol- 
letia.  Si,  par  bonne  fortune,  il  rencontre  dans  ses  petites  excursions  des  champs 
de  bananiers,  de  cannes  à  sucre,  ou  des  palmiers,  il  ne  manque  jamais  de  les 
piller,  mais  le  tort  qu'il  y  fait  n'est  pas  grand,  car  une  ou  deux  bananes  peuvent 
fournir  aux  repas  de  lui  et  de  sa  famille  pour  toute  une  journée. 

Le  douroucouli  qui  a  vécu  à  la  ménagerie  se  nourrissait  de  lait,  de  biscuits 
et  de  fruits;  il  était  fort  doux,  mais  c'était  une  jeune  femelle,  et  il  paraît  que  le 
mâle,  surtout  à  l'état  adulte,  reste  farouche  et  ne  peut  pas  s'apprivoiser.  Du  moins 
M.  Ilumboldt  en  a  eu  un  qui,  malgré  tous  les  bons  traitements,  est  constamment 
resté  sauvage. 

Le  NocTHORE  HiRi  ti  R  (/NofOioia  vorïferaus,  le  tiers  seulement  de  la  queue  noirâtre.  11  tia- 
-  ^^J(•ii)^\\\ccus  rociferaus,  Snx.)  a  le  pelage  bitc  le  Brésil,  et,  comme  le  précédent,  fait  re- 
d'iin  gris  roux  partout,  même  sur  la  léle;  il  a      tentir  les  forêts  de  sa  \o\\  ellra\aiile. 

Les  nocthores  sont  de  véritables  animaux  de  nuit.  La  sensibilité  de  leurs 
yeux  est  extrême  et  les  empêche  de  supporter  la  lumière  ;  si  on  les  y  expose 
pendant  le  jour,  leur  iris  se  ferme  complètement;  au  commencement  de  la 
nuit,  au  contraire,  elle  s'ouvre  à  un  tel  point  que  la  pupille  a  presque  la  gran- 
deur de  l'œil.  Il  résulte  de  cette  organisation  qu'ils  dorment  toute  la  journée 
reployés  sur  eux-même,  et  la  tête  cachée  entre  les  jambes  de  devant;  mais  dès 
que  le  crépuscule  commence  à  paraître,  ils  s'éveillent  et  agissent. 

•i'!*-  Geîsre.  Les  SAKIS  (Pithecia,  Geoif.).  Le  Yarké  {Piihecia  leucorephala,  Geoff.  Si- 

Ils  ont  l'angle  facial  ouvert  à  soixante  degrés;  mia  pi//ierin.  Lin.  Le  5a/»j  et  le  VarAf,  G.  Civ. 

leur   tête  est  ronde,  à  museau   court;  leurs  —  Buff.).  Il  est  noirâtre  ou  noir,  avec  le  tour 

oreilles  sont  arrondies,  médiocres  ;  ils  ont  cinq  du  visage  d'un  blanc  sale;  il  manque  de  barbe; 

doigts  aux  mains;  leur  queue,  non  prenante,  chaque   poil   est  d'une  couleur  uniforme;  sa 

est  généralement  touflue,  ce  qui  leur  a  \alu  le  queue  est  à  peu  près  de  la  longueur  de  son 

nom  de  singe  à  (jucue  de  renard.  corps. 


SAJOUS.  61 

Le  yarké  est  un  animal  de  la  Guyane,  où,  néanmoins,  il  est  assez  rare.  Moins 
grimpeur  que  les  animaux  des  genres  précédents,  il  s'enfonce  moins  aussi  dans 
la  profondeur  des  forêts,  et  habite  plus  volontiers,  en  petites  troupes  de  dix  à 
douze,  les  bois  bas  et  les  broussailles.  Il  se  nourrit  de  baies  et  de  fruits  sucrés, 
et  quelquefois  d'insectes.  La  femelle  ne  fait  qu'un  seul  petit,  qu'elle  aime  beau- 
coup et  quelle  soigne  avec  la  plus  grande  tendresse.  11  est  d'un  caractère  tran- 
quille et  doux,  et  cependant  il  s'apprivoise  difficilement.  Sa  taille  est  assez  grande, 
et  atteint  dix-sept  à  dix-huit  i)Ouces,  non  compris  la  queue.  Du  reste,  toutes  les 
espèces  ont  à  peu  près  les  mêmes  mœurs  ;  ce  sont  des  animaux  nocturnes,  qui  ne 
sortent  de  leur  trou  que  le  soir  et  le  matin,  pour  aller  à  la  recherche  de  leur 
nourriture,  et  principalement  des  ruches  d'abeilles  sauvages.  Les  habitants  du 
pays  prétendent  que  les  sajous  suivent  les  yarkés  pour  s'emparer  du  miel  qu'ils 
ont  découvert,  et  qu'ils  les  battent  à  outrance  pour  les  faire  détaler  s'ils  font  mine 
de  s'opposer  à  ce  brigandage. 


Le  Cacajao  ou  Cah.mbil  et  Smcizo  {Piihecia 
mflinore]>]\ala,  G^OFF.  Le  .Vo»o-ro6(n  de  quel- 
ques proviutis  de  l'Améiiquc;  se  trouve  par- 
lieulièrenieiit  dans  les  foréis  qui  bordent  les 
rives  du  Cassiquiare  et  du  Rio->'egro.  11  est 
d'un  brun  jaunâtre,  avec  la  tète  noire,  sans 
barbe;  sa  queue  est  d'un  sixième  plus  courte 
que  son  corps.  11  a  à  peu  près  les  mêmes  habi- 
tudes que  le  jirècèdent,  mais  il  est  moins  lent, 
moins  paresseux,  et  ne  vit  que  de  fruits  sucrés, 
te!s  que  gojaves,  bananes,  etc.;  du  reste,  son 
caractère  est  doux  et  paisil)le 

Le  MoivE  (Piiheria  i)io«or/ii/.'!,  Geoff.)  ha- 
bite le  Brésil.  I!  est  ^arié  de  brun  et  de  blanc 
sale  jaunâtre  ;  ses  poils  sont  bruns  dans  la  plus 
grande  partie  de  leur  longueur,  et  d'un  roux 
doré  vers  leur  extrémité  ;  de  l'occiput  au  vertex, 
sa  tète  est  parée  d'une  sorte  de  che\elure  rayon- 
nante. 11  n'a  piint  de  barbe,  et  sa  queue  est  à 
peu  près  de  la  longueur  de  son  coi  ps. 

Le  Saki  a  ii(ir.sTACUES  rolsses  {l'ithceia  rii- 
fibarba,  Kiui.)  est  d'un  brun  noirâtre  en  des- 
sus, d'un  roux  pâle  en  dessous;  le  dessus  des 
yeux  est  de  la  même  couleur,  et  sa  (pieue  se 
termine  en  pointe.  On  le  trou\e  à  .Surinam. 

Le  S»Ki  A  1ÈTE  jAiivE  {PUheda  othrorephala, 
KiiiL.jesî  d'un  morrc  n  clair  en  dessus,  d'un 
roux  cendré  jaunâtre  eu  dessous;  les  poils  du 
t.iur  de  la  face  et  du  front  sont  d'un  jaune  d'o- 
cre  ;  ses  mains  et  ses  pieds  d'i  n  brun  uoir.  On 
le  trouve  a  Cayenne. 

Le  Saki  a  ve.xtke  roix  i7'i/lit(io  ruficutris, 
(iEOFF.  Le  Sivge  de  nuit,  Bi  ff.  —  G   Ci  v.),  de 


la  Guyane  française,  est  d'un  brun  teinte  de 
roussdire;  les  poils  sont  annelés  de  brun  et  de 
roux,  entièrement  roux  sur  le  ventre;  il  n'a 
point  de  barbe;  sa  chevelure  rayonne  sur  le 
vertex  et  aboutit  au  front  ;  sa  queue  est  à  peu 
près  de  la  longueur  de  son  corps. 

Le  ^liRiQLOLiNA  {Pitheciis  miriquuiiiud , 
Geoff.)  habite  les  bois  delà  proviiiccde  Cliaco 
et  les  bords  de  la  rivière  du  Paraguay.  Il  est 
gris  brun  en  dessus,  annelé  en  dessous  ;  les  poils 
du  dos  sont  blancs  à  la  base  et  à  l'extrémité, 
noirs  au  milieu  ;  il  a  deux  taches  blanches  au- 
dessus  des  yeux  ;  il  iiiancpie  de  bar  be,  et  sa  queue 
est  un  peu  plus  longue  que  ^on  corps.  Dans  la 
captivité,  il  est  doux,  paisible,  et  il  a  mêiiie  de 
la  docilité  jusqu'à  un  certaiu  point. 

Le  Couxio  (Pithcciu  scttanas,  Geoff.  .Siiiiin 
fUtnuas,  HoFniA.%s.  Brarlnjnrus  israelita,  Spix. 
Le  Couxio,  Hlmb.  Le  Snln  noir,  G.  Cuv.)  se 
trouve  sur  les  bords  de  lOréncque,  dans  le 
Para.  Le  mâle  est  d'un  brun  unir,  la  femelle 
d'un  brun  loux;  sa  tète  est  enlièreuient  cou- 
verte d'une  épaisse  chevelure  qui  lui  tombe  sur 
le  front  ;  il  a  une  barbe  très  fournie,  et  sa  queue 
est  à  peu  près  de  la  longueur  de  .-ou  corps. 
Lorsque  cet  animal  (st  irrité,  il  se  dresse  sur 
ses  pattes  de  derri(  re,  grince  des  dents,  se  Irotic 
la  barbe  et  se  lance  sur  sou  ennemi. 

Le  Caplcin  de  l'Orèxoqle  [Pithcria  r/ii/o- 
potf.s,  Geoff.)  est  d'un  roux  marron;  il  a  une 
barbe  longue  et  touffue;  sa  chevelure  épaisse 
est  séparée  au  milieu  et  se  relève  en  deux  tou- 
pets de  chaque  (oté  de  la  tète. 


Ce  saki  est  un  animal  triste,  d'un  naturel  paisible  et  timide,  fuyant  la  société 
de  ses  semblables  et  surtout  celle  de  l'homme,  se  retirant  dans  la  profondeur  des 
forêts,  où  il  vit  solitaire  avec  sa  femelle.  Aussi,  depuis  que  la  population  de  la 
Guyane  s'est  augmentée,  il  est  devenu  fort  rare,  et  on  ne  le  Iroiivc  plus  guère 


6-2  LIS  QU  A  DRU. M  A  Mi  S. 

([uo  dans  l'Alto-Oronoco,  au  sud  et  à  l'est  de  l'Oréiioque.  (ioiume  les  autres  es- 
pèces de  son  genre,  il  vit  de  fruits  et  d'insectes.  Le  cynique  Diogéne  eût  jeté  plus 
tôt  son  écuelle  de  bois  s'il  eût  connu  cet  animal,  car,  ainsi  que  l'orgueilleux  phi- 
losophe d'Athènes,  il  puise  l'eau  des  ruisseaux  et  la  boit  dans  sa  main  avec  beau- 
coup de  précaution  pour  ne  pas  mouiller  sa  barbe.  C'est  ce  qui  lui  a  valu  son 
nom  scientifique  de  chiropotes  que  lui  ont  donné  les  savants. 

Je  ne  sais  si  l'on  ne  doit  pas  regarder  comme  une  simple  variété  du  couxio  on 
du  capucin. 

Le  S\Ki  c.iLET  {Pilhecia  sagulala,  hESS.  SI-  avec  les  poils   du  dos  d'une  couleur  (iciacée; 

viia  srigiilaUi,  Stew.),  remarquable  par  sa  ion-  sa  barbe  est  noire.  Il  est  assez  conuiiun  au\  en- 

gue  queue  noire,  trés-toufiue,  affectant  la  forme  virons  de  Démérury,  dans  la  (iu>aiie  li.illaii- 

d'une  massue.  Son  corps  est  noir  en  dessus,  daise. 

Les  sakis  vivent  généralement  en  troupe  de  sept  a  huit  ensemble,  et  si  h' 
capucin  de  l'Orénoque  fait  une  exception  à  la  règle  générale,  ce  n'est  proba- 
blement que  depuis  (jue  l'homme,  en  troublant  la  solitude  de  ses  forêts,  .l'a 
forcé  de  s'éparpiller.  Du  reste,  le  nom  de  chiropotes  (qui  boit  avec  ses  mains), 
donné  au  capucin,  ne  peut  nullement  servir  à  caractériser  son  espèce;  car,  ainsi 
que  M.  Ricord  m'a  dit  l'avoir  observé,  plusieurs  autres  singes,  même  de  genres 
différents,  ont  la  même  habitude.  Or,  j'ai  la  plus  parfaite  confiance  dans  les 
observations  de  ce  naturaliste,  qui,  dans  ses  voyages  transatlantiques,  a  enrichi 
les  sciences  naturelles  d'un  grand  nombre  d'objets  nouveaux,  et  dont  les  re- 
cherches en  ichthyologie  ont  été  si  utiles  aux  derniers  travaux  de  notre  innnor- 
tcl  G.  Cuvier.  >Ioi-niême,  j'ai  eu  l'occasion  d'observer  une  guenon  (jui  ne  buvait 
pas  autrement  que  le  saki  chiropote,  et  cela  sans  qu'elle  y  eût  été  incitée  ni  par 
l'exemple,  ni  par  l'éducation. 


INTERIEUR    DU    PALAIS  DES    SINGES 


(  J»i  dm     des     f  Unif  5.) 


OUISTITIS. 


63 


OiiistitL  3  pinceaux  el  Ouistiti  nrcillanl. 


LKS  OUISTITIS 


sDiit  tlo  |t»lis  iiniinaux.  qui  s'apprivoisent  ai- 
st'iiiont.  Ils  ont  la  lùte  ronde,  le  visage  plat,  les 
narines  latérales,  les  fesses  velues,  point  d'aba- 
joues, et  la  (pieue  non  prenante,  earaetères  (|ui 
les  l'approcheraient  des  genres  précédents;  mais, 
quoiqu'ils  soient  de  rAinériquc,  ils  n'ont  que 
vingt  niàcheliéres,  c'est-à-dire  trente  deux  dents, 
ainsi  que  les  singes  de  l'ancien  continpiii.  'i'ous 
leni-s  ongles  sont  comprimés  et  pointus,  ex- 
cepté ceux  des  pouces  de  derrière,  et  leur  pouce 


de  devant  s'écarte  fort  peu  des  autres  doigts. 
23'  Geniie.  Les  OUISTITIS,  proprement 
dits  (Jarchus,  Geoff  ),  ont  les  incisives  supé- 
l'ieures  intermt'diaires  plus  larges  que  les  laté- 
rales :  celles-ci  isolées  de  chaque  côté;  les  in- 
cisives inférieures  sont  allongées,  étr  lites,  ver- 
ticales :  les  latérales  plus  longues;  les  canines 
sont  moyennes  et  coniques  :  les  inférieures  très- 
petites;  en  tout  trente-deux  dents,  selon  G.  Cu- 
vier. 


Le  TITI  OU  le  sagoUY  {Jacchus  vulgaris,  Geoff.  Siinia  jacclius,  Lin.  (Ifiçjiti 
m'mor,  Marco.  l'Ouulïll  oniinaire,  G.  Cuv.  —  Buff.  Le  Shufe  à  queue  auuelc, 
Pk\n.  ). 

Ce  charmant  petit  animal  n'atteint  pas  la  taille  d'un  écureuil,  car  il  a  tout  au 
plus  six  pouces  de  longueur  (0,I6'2),  non  compris  la  queue  ipii  est  aniielée  de 
noir  et  de  gris  clair;  son  pelage  est  d'un  gris  foncé  jaunâtre,  onde;  la  tète,  les 
côtés  et  le  dessous  du  cou  sont  noirs  ou  d'un  l>run  rou.K;  la  lace,  la  [vlaiilc  des 
pieds  et  la  paume  des  mains  sont  coideur  do  chair  ;  il  a  ini  tuhercule  saillant  cidre 
les  yeux  et  une  tache  hlanche  au  front;  l'ori-'ille  est  entourée  d'une  loulVe  de 
poils  blancs  ou  cendrés  ou  noirs,  roides  et  longs. 

IjC  liti  hahite  la  (îuyane  et  h^  Brésil;  partout  il  est  recherclK',  M(»n  a  cause  de 


6i  LES   QUADRUMANES. 

sa  gentillesse,  mais  parce  qu'il  est  joli  et  peu  enibarrassanl.  Son  caractère  est 
loin  de  répondre  à  l'aniitié  qu'on  lui  porte;  il  paraît  bon  parce  qu'il  est  faible, 
intelligent  parce  qu'il  est  défiant,  doux  parce  qu'il  est  peureux.  Dans  les  bois  de 
l'Amérique,  il  a  une  certaine  vivacité  qu'il  perd  dans  l'esclavage,  surtout  dans 
nos  climats  où  je  n'en  ai  jamais  vu  vivre  plus  de  deux  ans.  Il  aime  à  poursuivre 
de  brandie  en  brandie,  en  s'élançant  de  l'une  à  l'autre,  les  gros  insectes  et  même 
les  petits  oiseaux  dont  il  fait  sa  proie.  Il  adjoint  à  cette  nourriture  des  fruits  et 
des  graines,  mais  seulement  quand  sa  chasse  ne  réussit  pas,  car  il  a  des  habitudes 
carnassières.  Il  lui  arrive  souvent  de  descendre  des  arbres,  et  de  chasser  aux  li- 
maçons et  aux  petits  lézards.  Il  paraît  même  qu'il  se  hasarde  au  bord  des  eaux 
pour  saisir  à  l'improviste  quelques  petits  poissons.  Edwards,  cité  par  Bufîon,  ra- 
conte que  «  l'un  de  ceux  qu'il  a  vus,  étant  un  jour  déchaîné,  se  jeta  sur  un  petit 
|)oisson  doré  de  la  Chine  qui  était  dans  un  bassin,  qu'il  le  tua  et  le  dévora  avide- 
ment ;  qu'ensuite  on  lui  donna  de  petites  anguilles  qui  l'effrayèrent  d'abord  en 
s'entortillant  autour  de  son  cou,  mais  que  bientôt  il  s'en  rendit  maître  et  les 
mangea.  » 

Lorsque,  entraîné  par  l'ardeur  de  la  chasse,  le  mâle  s'est  un  peu  éloigné  de  sa 
femelle,  il  pousse  un  sifflement  aigu  longtemps  prolongé  sur  le  même  ton,  pour 
l'appeler  auprès  de  lui.  Ce  cri  le  trahit  et  le  fait  découvrir  par  le  chasseur,  qui, 
sans  cela,  aurait  beaucoup  de  peine  à  l'apercevoir  dans  le  feuillage.  Mais,  quand 
on  veut  le  tirer,  il  faut  s'en  approcher  bien  doucement  et  sans  bruit,  car  s'il 
aperçoit  quelqu'un,  il  se  blottit  à  l'enfourchure  de  deux  grosses  branches,  s'y 
cache  et  ne  fait  plus  aucun  mouvement,  de  manière  qu'il  est  presque  impossible 
de  l'y  voir. 

Le  mâle  et  la  femelle  ne  se  quittent  jamais,  et  cependant  ils  paraissent  avoir 
assez  peu  d'affection  l'un  pour  l'autre.  La  femelle  surtout  montre  une  sorte  de 
férocité  dans  des  circonstances  où  presque  tous  les  animaux  développent  des 
sentiments  de  tendresse  que  leur  a  dévolus  la  nature  ;  ainsi  elle  met  bas  trois 
ou  quatre  petits,  et  assez  ordinairement  elle  débute  dans  les  soins  maternels  par 
manger  la  tête  d'un  ou  deux.  Ce  n'est  que  lorsqu'ils  sont  parvenus  à  saisir  la  ma- 
melle, chose  qu'ils  cherchent  à  faire  aussitôt  qu'ils  sont  nés,  qu'ils  sont  à  peu 
près  sûrs  de  n'être  pas  dévorés.  Dans  la  suite  de  leur  éducation  elle  ne  montre 
guère  plus  de  tendresse.  Les  petits  se  cramponnent  sur  son  dos,  et  quand  elle 
consente  les  porter,  ce  n'est  pas  pour  longtemps  ;  au  moindre  embarras  qu'ils  lui 
causent,  à  la  plus  petite  fatigue,  elle  se  frotte  le  dos  contre  une  branche  ou  un 
tronc  d'arbre,  au  risque  de  les  écraser,  les  force  ainsi  à  la  lâcher,  s'en  débarrasse 
et  s'en  va  sans  s'inquiéter  davantage  de  ce  qu'ils  deviendront. 

Heureusement  pour  eux  que,  s'ils  ont  une  mauvaise  mère,  leur  père  se  montre 
beaucoup  plus  affectueux.  En  entendant  leurs  cris  de  détresse,  il  vient  à  leur 
secours,  les  place  sur  son  dos  et  les  porte.  De  temps  à  autre  il  rejoint  la  femelle 
et  les  lui  présente  pour  qu'elle  leur  donne  à  teter,  ce  qu'elle  fait  presque  toujours 
en  rechignant. 

Dans  la  captivité,  le  titi,  tout  chéri  qu'il  est  par  nos  daines,  n'est  guère  plus 
aimable.  Si  on  en  jugeait  par  ses  grands  yeux  toujours  en  mouvement  et  par 
la  vivacité  de  ses  regards,  on  croirait  à  sa  pénétration,  et  l'on  se  tromperait, 
car  ce  n'est  <pie  la  défiance  de  la  peur.  11  ne  caresse  jamais,  et  souvent  même 


OUISTITIS 


(i5 


ii«;  se  laissent  pas  caresser.  Ils  se  (l(''lieiil  de  l»»iil  le  immde,  de  la  main  (|iii  les 
nourrit  counne  des  autres,  et  les  nior<lent  indilléreunnent.  S'ils  sont  peu  sus- 
ceptibles d'alïection,  ils  le  sont  heaucon[)  de  colère;  la  moindre  contrariété  les 
irrite,  et  lorsfpi'ils  sont  eiïrayés,  ils  courent  se  cacher  en  poussant  un  petit  cri 
court  et  pénétrant. 

Plusieurs  fois  ces  petits  quadrumanes  ont  produit  à  la  ménai,^erie,  mais  jamais 
on  n'a  pu  les  déterminer  à  élever  leurs  entants  plus  de  ipiinze  à  vinj^t  joins. 
Passé  ce  terme,  ils  les  laissaient  mourir  faute  de  soins  et  de  nourriture.  «  Vers 
les  derniers  temps  de  la  vie  d'un  de  ces  petits,  dit  Fr.  (luvier,  lorsque  son  père 
se  trouvait  fatigué  de  le  porter,  n'étant  plus  reçu  par  sa  mère,  il  uKuitail  jus- 
qu'au haut  de  sa  cage;  arrive*  là,  et  ne  pouvant  plus  descendre,  il  jetait  un  cri  de 
détresse  qui  réveillait  quelquefois  la  sollicitude  de  ses  i)arents  :  alors  ils  allaient 
à  son  secours;  mais  le  |)lus  souvent  ils  restaient  sourds  à  ses  plaintes,  et  le 
jeune  animal  aurait  été  forcé  de  se  laisser  tomber,  si  ou  n'avait  pas  eu  soin  de 
prévenir  sa  chute  en  lui  tendant  une  main  secourable.  »  3Ialgré  tons  ses  défauts, 
le  titi  est  très  à  la  mode  chez  les  dames  brésiliennes. 


Le  Mico  {Jarch'ts  argeninlus,  Geoff.  Simin 
argciitala,  Liy-  hi'Miro,  Buff  —G.  Cuv.)  Son 
petiige  est  d'un  gris  l)l;iiic  argenté,  quelquefois 
tout  l)ianc  ;  ses  pieds  et  ses  mains  sont  niugcs, 
et  sa  l'ace,  ainsi  que  ses  oreilles,  d'un  rouge 
verinillonné  ;  sa  queue  est  d'un  noir  lirunàlre 
ou  blanche,  non  annelée  Ce  petit  animal  tialiite 
le  Para. 

Le  MÉLAMRE  iJarchiis  mfilan'inis,  Gi^off  \. 
Il  est  brun  en  dessus  et  fauve  en  dessous,  sa 
queue  est  non  annelée,  d'un  noir  unifoirae.  Il 
semlile  faire  le  passage  des  ouistilis  aux  tama- 
rins. M.  de  Iluniboldt  l'a  trouvé  au  Bré.sil. 

Le  Porte  -  ci:«AiL  {Jaichns  humerriUfer, 
Geoff.).  Il  est  d'un  brun  chàtaio ,  avec  les 
épaules,  la  poitrine  el  les  bras  l)lanes:  sa  queue 
est  légèrement  annelée  de  cendré.  Il  est  du 
Brésil. 

I/OiisTiTi  A  l'ncEAux  iJn)  ihus  iienicillatus, 
Geoff.  Hnimlf  pcniiillahis.  Vu  Cuv.i.  Sa  taille 
est  celle  du  oui.sliti  ordinaire;  son  pelage  est 
cendré;  la  poitiine  les  côtes  du  cou,  la  nuque, 
le  dessus  des  épaules,  sont  noirs;  il  a,  sur  la 
cro!if)e  et  les  côtés  du  dos,  des  bandes  trans- 
versales noires,  grises  et  fauves  ;  sa  léte  est 
noire,  avec  une  tache  l)lanche,  en  denii-luue, 
sur  le  front;  il  a  un  pinceau  de  poils  noirs, 
très-long,  devant  les  oreilles.  .Sa  qui  ue,  annelée 
comme  dans  les  espèces  qiii  suivent,  est  à  an- 
neaux blancs  et  noirs.  11  est  du  Brésil. 

L'OiiEiLLAKO   {JiKchns  (iitnlits,   (ïEOff.)  est 
noir,  mêlé  de  brun;  il  a  une  tache  blanche  an 
Iront,  et  de  très-longs  poils  blancs  couvrent  lin 
lérieur  même  des  oreilles  ;  sa  (pune  est  annelée 
de  noirâtre  et  de  cendré.  On  le  croit  du  Brésil. 

L'Ouistiti  a  tète  itLAxciiE  {Jiitchus  leinoci- 
lilia'us,  Geoff.  .Simia  Gn>f(i()t\\,  IIlmb.)  a  le 


pelage  roux;  la  t.l  et  le  poitrail  bluncs;  nu 
hausse-col  noir;  de  très-longs  poils  noirs  de- 
vant et  derrière  les  oi-eiltes,  et  la  (pieue  annelée 
de  brun  et  de  cendré.  On  le  trouve  au  l'résit. 

1.,'OuiSTiTi  \  FKONT  iiLANC  {Jacthus  olbifrinis, 
Desm  ).  Il  a  le  pelage  noir,  légèrement  varie  de 
lilaMchàtre;  tes  poils  sont  blancs,  à  extrémité 
noire;  le  front,  les  côtés  du  cou  et  la  gorge 
sont  t)lancs ,  à  poils  très-courts  ;  la  ftce  est 
noire:  te  tour  des  oreilles  et  l'occiput  sont  gai- 
nis  de  poils  très-noirs,  longs  et  droits;  les  en- 
virons de  l'anus  sont  un  peu  ronssàlres;  la 
(|ucue  est  un  peu  plus  longue  que  le  corps, 
brune,  légèrement  variée  de  blanc,  un  peu  plus 
foncée  ;i  son  origine  qu'à  son  extrémité.  Il 
est  de  l'Amérique  méridionale,  probablenieni 
du  Brésil. 

2'('(',ENRE.  LesTA»IAlU.\S(\.irffJS,  Geoff.) 
ont  (|uatre  incisives  su|)érieures  contiguës,  tes 
intermédiaires  plus  larges  que  les  lat('rales  ; 
(juatre  incisives  inlérieines  proclives,  conlignës 
et  formées  en  bec  de  tlùte  ;  leurs  canines  son! 
coni(iues,  assez  fortes,  et  se  dirigeant  de  dedans 
en  dehors;  leurs  oreilles  sont  grandes,  d'où 
leur  est  venu  leur  nom  scientiliciue;  la  saillie 
que  fait  en  avant  le  bord  supérieur  des  orbites 
rend  leur  front  lrès-api)arent. 

T.,e  Tamahv  {^^i(las  nifimaniK,  Gtovv.  Jm - 
rhii.s  nt/imiiiiiis,  Des.vi.  Simin  miilas,  Lix.  //«- 
fiitlc  iiilimnnns.  Fit.  Cuv.  Le  l'amanu.  Bif.— 
(j.  (^iv.  Lv  jutil  siiig'  noir,  Knvvv  )  n'a  guère 
(pie  sixponces  de  longueur  (i>,t(î2),  non  compris 
la  (pieiie  (pii  esl  deux  lois  plus  longu(!.  Il  est 
noir,  avec  la  croupe  variée  de  l)i'iiii  onde  gris; 
ses  mains  et  ses  pieds  sont  d'un  rouv  jaunâtre 
ou  oi'ange.  Il  s'tiabitne  aisément  a  la  capliviti', 
mais  il  n  y  vit  pas  longtemps. 


(î()  LFS  QlJAlHiUMANKS. 

(le  joli  [x'iil  aiiimul  liahito  la  Guyane  et  le  Maragnou.  Il  esf  vil',  gai,  capricieux, 
irritable,  et  néanmoins  il  s'apprivoise  aisément.  Son  intelligence  est  assez  bor- 
née, et,  sous  ce  rapport,  il  le  cèfle  beaucoup  aux  sapajous.  Il  est  sujet,  quand  on 
le  contrarie,  à  tomber  dans  des  accès  de  colère,  que  son  impuissance  rend  plus 
risibles  que  dangereux,  car  ses  mâcboires  n'ont  pas  assez  de  force  pour  entamer 
la  ])eau.  Sa  complexioii  est  fort  délicate,  d'où  il  résulte  ([uc  si  on  le  transporte 
en  l'Europe,  il  ne  tarde  pas  à  être  tué  par  les  influences  du  climat.  Dans  son  pays 
il  vit  d'insectes  et  de  fruits.  Même  lorsqu'on  est  parvenu  à  le  rendre  tout  à  fait 
familier,  il  ne  faut  pas  compter  sur  son  affection,  car  il  n'en  est  pas  capable,  et 
il  n'est  privé  que  par  le  seul  effet  de  l'babitude.  Il  grimpe  sur  les  arbres  avec  fa- 
cilité, et  ses  mœurs,  sa  manière  de  vivre,  rappellent  beaucoup  celles  de  l'écu- 
reuil. Tout  ce  que  nous  en  disons  peut  également  s'appliquer  aux  autres  espèces 
du  genre. 


Le  Tamabin  Nkr.RF.  (  Midas  insiiliis,  Ghoff. — 
(r.  Cuv.  Hnpalc  insiilns ,  Fr.  Clv.  Jarchiis 
iirsuliis.  Drsji.  Saguiniis  tirsula,  Hoffm.  ).  Il  a 
l)caucou;i  d'analogie  avec  te  préc 'dent,  miis  il 
s'en  disliiin;Lie  ;iisénient  par  ses  mains  coiistiuii- 
menf  noires.  Sonpebpeesl  noir,  ondulé  de  rou\ 
vif  sur  le  dos.  On  le  trouve  au  Para.  Il  s'appri- 
voise diffieiienient ,  est  très-irritable,  et  mord 
serre  quand  on  le  touehe 

LeTAMvnn  h\K\È{Mi'1as  labia'ns,  Geoff. — 
IIiMn.  )  habile  le  Brésil.  Son  pel  ige  est  d'un 
noir  ronssàtre.  ferrufjineux  en  dessous  ;  sa  léle  est 
noire  ;  le  bord  des  lèvres  et  le  nez  sont  blancs. 
Je  pense  avec  Temminck,  cpi'il  faut  rapporter 
à  cette  espèce  les  midas  nigriiolUs,  fisiicollis, 
et  mijsta.r  de  S|)i\. 

Le  Tamarin  a  fho^t  JAr>iE  (  Midas  rUnjsome- 
Idt  KvHL.  Jarrhits  cliriisomelas,  DESM.)est  noir, 
avec  le  front  et  le  dessus  de  la  queue  d'un  jaune 
doré  ;  les  eûtes  de  la  tète,  la  poitrine,  les  ge- 
noux et  l'avaut-bras  sont  d'un  roux  marron.  Il 
vit  dans  les  grandes  forêts  du  Para  et  du  Brésil, 
mais  il  y  est  rare. 

LeTAMVRiiX  DE  ÎNelwih)    ;  .V/f/ffs  ilinjsiinis, 


Max.  i»e  Neiw.  )  a  le  dessus  du  |)ieJ,  l'a\aul- 
bras,  la  main,  le  dessous  de  la  queue  dans 
Il  première  moitié,  d'un  beau  i-oux  doié  ;  les 
poils  qui  entourent  la  face  et  ceux  de  la  gorge, 
très-longs,  d'un  jaune  dort'  tirant  plus  ou  moins 
sur  le  roux  ;  ceux  qui  avoisineiit  la  conque  de 
l'oreille,  ceux  du  coude  et  quel(iues-uns  entie- 
mêlés  sur  la  poitrine,  d'un  l'oux  m;irron  ;  tout 
le  reste  du  pelage  est  noir.  Cette  espèce,  du  Bré- 
sil, fiiit-elle  d;)ul)l('  ein;)loi  avec  leclirysomelas  ? 
Le  Marikixa  (Midas  rosalia,  Geoff.  Jarchns 
rnsnlin  Desm.  Ila;>alf  rnsalia,  Fr.  Ccv.  Si- 
mia  rosalia,  Lw.  Le  Singe  soyeux,  Penn.  Le 
Singe  lion  et  le  Maiil;ina,  Bcff.  — G.  Civ.).  II 
est  d'un  roux  doré  ou  d'iui  jaune  clair  un  peu 
plus  doré  «i  la  crinière,  à  la  poitrine  et  .'^ur  la 
croupe,  uu  peu  plus  pâle  sur  le  dos,  les  cuisses, 
la  bise  de  la  queue  et  le  ventre  :  ses  poils,  longs, 
soyeux  et  très-fins,  lui  forment  une  belle  cri- 
nière, ce  qui  lui  donne  un  peu  l'apparence  d'un 
lion,  m  lis  en  miniature,  car  il  n'a  pas  plus  de 
six  pouces  de  longueur  lO,  02;  ;  sa  face  est  nue 
et  livide,  ainsi  que  la  peau  de  ses  mains.  Il  est 
du  Brésil. 


(le  (pie  nous  avons  dit  des  babiludes  du  tili  et  du  tamary  convient  en  grande 
partie  au  marikina.  Il  est  un  peu  plus  robuste  que  le  premier,  et  dans  nos  cli- 
mats, si  l'on  a  un  soin  minutieux  de  le  garantir  du  froid  et  de  l'immidité  de 
l'hiver,  on  peut  le  conserver  pendant  plusieurs  années.  Il  est  aussi  un  peu  moins 
indifférent  aux  caresses  qu'on  lui  fait,  et  il  paraît  s'attacher  jusqu'à  un  certain 
point  à  ceux  qui  le  nourrissent.  Cette  qualité,  jointe  à  sa  délicatesse  et  à  sa  beauté, 
le  font  beaucoup  rechercher  par  les  riches  créoles  du  Brésil,  qui  l'apprivoisent 
aisément  et  lui  prodiguent  les  soins  les  plus  attentifs. 

Le  marikina  habite  les  forêts  et  passe  sa  vie  à  sauter  darbre  en  arbre.  Comme, 
dans  l'esclavage,  il  est  d'une  propreté  recherchée;  on  peut  conclure,  par  induc- 
tion, (pi'il  se  construit  un  nid  à  la  manière  des  écureuils,  qu'il  y  élève  ses  petits, 
et  s'y  retire  poiu"  se  reposer.  11  se  nourrit  d'insectes  et  de  fruits  doux,  et  il  ne 


oiisims.  ()7 

paraît  pas  qu'il  soil carnassier  cunime  le  titi.  Il  est  (ieliiuil.  ainsi  iiiic  lotis  les  èlres 
faibles  qui  sont  obligés  de  vivre  au  milieu  des  (lani^crs;  mais  sa  piiidence  ne  le 
sauve  pas  toujours  de  la  cruelle  serre  de  lOiseau  de  proie.  S'il  en  apercoil  un 
planant  dans  les  airs,  aussitôt  il  pousse  un  silllement  doux  et  prolonge,  pour 
avertir  sa  petite  famille  ;  tous  ses  petits  aussitôt  se  blottissent  en  tremblant  dans  la 
feuillage  et  restent  là  sans  mouvement,  jus(|u'à  ce  que  l'ennemi  se  soit  retiré. 
La  couleur  ronssàtre  de  leur  pelage  se  confond  assez  avec  le  vert  jaunâtre  des 
feuilles  pour  les  dérober  à  l'a-il  de  l'oiseau  de  proie.  Mais  ils  n'échappent  pas 
aussi  aisément  à  d'autres  ennemis.  Le  yagouaroundi,  le  colocolla,  le  margay,  et 
d'autres  espèces  de  chats,  leur  font  une  guerre  incessante  et  vont  les  saisir  la 
nuit,  pendant  leur  sommeil,  jusque  sur  le  plus  haut  sommet  des  arbres. 

Dans  la  servitude,  le  mariUina  se  nourrit  assez  bien  avec  du  lait,  du  biscuit, 
des  fruits  sucrés  et  des  sauterelles;  mais  s'il  est  seul  de  son  espèce,  il  est  sujet  à 
prendre  de  l'ennui,  et  dansée  cas  il  tombe  malade  et  meurt  dans  le  marasme.  Si 
on  veut  assurer  sa  conservation,  il  faut  donc,  quand  cela  est  i)ossible,  le  réunir 
à  un  ou  plusieurs  individus  de  son  espèce.  Le  marikina  qui  a  vécu  à  la  ménagerie 
était  excessivement  timide  et  se  cachait  dés  qu'il  avait  la  moindre  in(piiélude.  Il 
aimait  à  recevoir  des  caresses,  mais  il  n'en  rendait  point.  11  fuyait  avec  dé- 
fiance les  personnes  qui  lui  «'laient  étrangères,  et  juènie  il  les  menaçai!  «le  ses 
faibles  dents. 


Le  PiNCUE  ou  Titi  de   Cautiiagène  {Midas  ie,:24  i),  non  counnis  la  queue.  11  t-sl  d'un  brun 

œdipus,  Geoff.  liai. aie  wdipns.  Fr.  Clv.  Joe-  plus  ou  moins  fauve  en  dessus,  et  blanc  eu  des- 

rliiis    œdipus,    Des:>i.   Sim'ia  œdipiis,  Liy.   Le  sous,  à  poils  sou'ux  ;  il  a  sin- la  (de  une  loujine 

petit  shige  du  Mexique.  Rhiss.  Le  /)i^lr/l^  Bi  ff.  chevelure  blanche  qui  lui  reloiuiie  sur  le  cou  ;  sa 

—  G.  Cl  V  ).  11  est  un   peu  plus  ^rand  que  les  face,  et  foules  ses  parties  nues,  soiil  d'iiu  noir 

précédents,  et  alteiiit  neuf  pouces  de  longueur  de  suie   II  iiabite  les  loréts  retirées. 

Le  pinche  est  un  animal  méchant,  atrabilaire,  (|ui  dort  tout  le  jour  dans  les 
forêts  de  Cayenne  et  des  environs  de  Carthagène.  Il  se  réveille  avec  le  crépuscule 
du  soir,  et  déploie  pendant  la  nuit  toute  son  activité.  Il  chasse  alors  aux  insectes, 
et  il  cherche  les  fruits  dont  il  se  nourrit.  Son  caractère  farouche,  intraitable,  ne 
se  plie  jamais  à  la  domesticité,  et  si  on  veut  le  garder  vivant,  il  faut  le  renfermer 
dans  une  cage,  dont  il  occupe  le  coin  le  plus  obscur  depuis  le  matin  jusqu'au 
soir.  D'ailleurs,  il  est  fort  délicat  et  ne  vit  pas  longtemps  en  captivité;  ce  n'est 
qu'avec  beaucoup  de  peines  et  de  soins  qu'on  est  parvenu  quel<iuefois  à  en  con- 
server de  vivants  pendant  la  traversée  d'Amérique  en  Europe.  »  Il  est  si  glorieux, 
dit  l'ancien  voyageur  Jean  de  Lery,  ([ue  pour  i)eu  de  fâcherie  (iiion  lui  fas.se,  il 
se  laisse  mourir  de  dépit.  » 

Le  Leoncito  (  Midas  leoninus,  Geoff.  Juv-  In-avecla  queue  uoiiàlreeudessu.-.biuneendes- 
chus  leoninus,  Uesm.  Simia  leoniua.  le  l.con-  sous  ;  il  porte  sur  la  (ete  et  leçon  une  longue  cri- 
cito  ou  le  petit  Lion,  lli  y\tt.\  est  d'un  brun  oli\  à-      niére  bi-iine;  sa  face  est  noire  et  va  bouche  blanche. 

C'est  dans  les  plaines  à  lest  des  Cordilliéres,  dans  les  forêts  (jui  ombiagent 
les  rives  du  Putumayo  et  du  Caqueta,  enfin  dans  les  parties  les  plus  tempérées 
de  ces  vastes  contrées,  que  l'on  trouve  cet  animal,  plus  petit  que  le  pinche,  et 


(iS  LKS  ULAIHaMÂNES. 

(loiil  lii  loiiyiHMir.  la  (iiiciil'  comprise,  ne  dépasse  pas  seize  pouces  ;0,455j.  Il  esi 
Irès-vii;  trés-irascible,  et,  «lu  reste,  a  les  mêmes  habitudes  que  les  autres  espèces 
de  sou  f^enre. 

Le  T4MAHii\  Alix  FESSES  DOUEES  [Miilus  ihiipu  loiiguc  ciiuière  noire  qui  tonil)e  de  In  tête  jiis- 

l)igiis.  —JiKcIvis  (hnjsopig'is,  Muik.  )  est  noir,  que  sur  les  l)ras,  et  sa  queue  forme  |  lus  de  1 1 

avec  les  fesses  et  la  partie  intei-ne  des  cuisses  moitié  de  sa  longueur  totale.  Il  habite  la  c>\n- 

dun  jaune  doré,   et  le  front  jaunâtre  ;  il  a  une  taiuerie  de  Saint-Paul,  au  Brésil. 

{'a'  joli  petit  auimal  a  une  vie  tout  à  lait  nocturue,  et  ne  sort  de  son  lit  de 
mousse,  cpi'il  sait  se  faire  dans  les  troncs  d'arlires  creusés  par  le  temps,  que 
lorsque  le  crépuscule  est  descendu  sur  les  forêts  qu'il  habite.  11  est  assez  doux, 
mais  sa  mélancolie  naturelle  et  son  amour  pour  la  vie  solitaire  le  rendent  très- 
difficile  à  conserver  dans  l'esclavage.  Sa  chaîne  lui  pèse  sur  le  cœur,  et  bientôt 
le  chagrin  le  fait  mourir,  mais  lentement,  et  jamais  dans  des  accès  de  fureur 
auxquels  la  plupart  des  animaux  de  son  genre  sont  sujets.  Il  est  plus  frugivore 
que  Carnivore,  et  si  parfois  il  se  détermine  à  attaquer  quelques  petits  oiseaux, 
il  faut  qu'il  y  soit  poussé  par  une  faim  extrême;  encore,  dans  ce  cas,  doune- 
l-il  la  préférence  aux  papillons  de  nuit  et  autres  insectes  dont  il  peut  facile- 
ment s'emparer.  Quoiqu'il  soit  assez  commun  dans  certaines  forêts  du  Brésil, 
les  chassent  s,  néanmoins,  1(>  rencontrent  fort  rarement;  cela  vient  de  ce  qu'if 
dort  toute  la  journée  dans  son  nid,  et  qu'il  n'en  sort  que  la  nuit  pour  se 
mettre  en  quête  de  sa  nourriture.  Le  mâle  vit  habituellement  avec  la  femelle, 
et  paraît  avoir  pour  elle  beaucoup  de  tendresse;  une  personne  (pii  a  eu  plu- 
sieurs fois  roccasioii  de  l'étudier  dans  ses  bois,  m'a  dit  ipi'il  partageait  avec 
elle  les  soins  donnés  à  sa  naissante  pitsierilé. 


^^   ^S^"^ 


CHASSE   AU  SINGE. 


PàVSAdKDK    LAMKItlOUE    1)1     SUI>. 

(  .lu  ni  I  M     .!.■-     PU  1. 1.-  .    ) 


MAKIS. 


(!!> 


I,.    IVIiiUi 


Li;S   MAKIS. 


(;<-,s   ;iniiii;iii\    loni    !<•    |)iissiiuc   ii.itiirH    des  -.Mi"  CrMii:.   I.i's  MAKIS  (  rr?»ii(i.  I.i\.  I    uni 

(liiiulrnmiiiics  aux  iiiilicsiiiiiimnilVMcs:  Iciii-  rmi-  lrciilc-«lcn\  dcnls  ;  (|iialn'  incisives  siipcriciin-s, 

seau  rappelle  plus  celui  du  cliieii  ipie  la  finiire  el  si\  iiirerieiin's  en  avani  .  les  deux  canines  sii- 

hnniaine  ;  leurs  narines  sont   silnees  iui  honi  dn  peiienies  cntiseni  li's  inféiienees  en  avanI  ;   ils 

mnsean.  comme  celles  des  chiens;   les  exlirnii-  oui  six  molaires.  Leur  innsean  est  etiilé  comme 

les  posicrieines  soni    i)lns  lonnnes  (|ne  les  aillé-  cvliii   dnn   renard  ;  leur  tpiene  est  IWs-lonniie  ; 

lieures;    ils  ont  Ions  les  oncles   plais,  exceple      I •  poil  esl  <lonx  <•!  laineux  ;  leurs  niainelles,  an 

celui  du  premier  doif^l   des  pieds  de  derrière.  noml<re  de  deux,  sont    pincées  sur  la  poilrme. 

(pii  est  relevé  el  lrès-ai«ii  ;  leMiiimelles  placées  l'oiis  sonI  <le  Madagascar.  Ces  aiiimanx  aimeni 

SIM-  la  poitrine  ;  leur  <piene  -  man.piani  (piel.pie-      la  clialetir.  même  dans  I •  pays.  Ils  marclienl 

loisi  esl  l(.n|onrs  làcli.'  el  non  pren::nle  en  relevaiil  leur  longue  ipuMie  en  panaclie. 


\x  M.VKI  KOIUIK  \\x\nnr  nilhr,  l>i  lu.^.   -  CiKni-v.  I.e  l)litl,i  roux,  l'ii.  Ciiv.). 

CcIm'I  ;iiiiiii;ilcsl(l'iiiir  -iniitle  liiillr.  irliili\eiiM'iil  ;i  ses  coiif^nieres.  Il  n'.i  pas 

mniiiS(lc(|ii:ilorze  ponces  de  l(.ii-iieiir    (»,r,7'.»    <lr|.iiis  le  ImiiiI  d iscaii  .iiis<|iia 

r(»rif>iiie(lc  l.i<|iieiie.  Il  est  d'iiii  r..ii\  m.irn.ii  viT.  avec  la  lèle,  les  .|iialn' mains, 

l:i  ,,u,.,ie  cl  le  \<'llliv  liniis:  il  |...ile  une   ioiille  de  puils  n.il\  a  clia.l .reille,  el 

une  laclie  lilan*  lie  sur  la  iiinpie. 

Celle  esiM-ce  Iciliite  les  1m. is  des  enviions  de  Taiiialava,  dans  l'ile  de  Madaj;as- 
,.;„.,  ,.|  pnd.al.lenienl  dans  .|n(d(iMes  aiilres  parties  de  re  sini-nlier  pays,  on  les 
lllidtis,    ass.'/  nond.renx   en  espèces ,  senil.lenl   .nmi    ele  plaeev  pom   reinpIac.T 


70  LKS  QUADRUMANES. 

les  singes  qu'on  n'y  trouve  pas.  Le  maki  rouge  est  doué  d'une  grande  agilité, 
comme  tous  ses  congénères,  mais  il  est  d'un  naturel  triste  et  dormeur.  Retiré 
dans  le  trou  d'une  vieille  souche,  sur  un  lit  de  feuilles  sèches  ou  de  mousse  que  la 
nature  seule  lui  a  préparé,  il  passe  la  plus  grande  partie  de  son  temps  à  dormir 
couché  en  rond  et  la  tête  entre  ses  jambes.  Ce  n'est  que  lorsque  la  faim  le  talonne 
qu'il  se  réveille  et  sort  de  sa  retraite.  Alors  il  déploie  toute  son  adresse,  toute 
son  agilité,  pour  parcourir  la  forêt,  tantôt  en  s'élançant  d'un  arbre  à  un  autre, 
tantôt  en  se  glissant  à  travers  les  broussailles  et  marchant  d'un  pas  léger  sur  la 
terre,  à  la  manière  des  renards.  Sa  nourriture  ordinaire  consiste  en  fruits  sau- 
vages; mais  il  cherche  aussi  les  nids  d'oiseaux  pour  en  manger  les  œufs,  et  il  ne 
dédaigne  pas  non  plus  les  insectes  quand  il  ne  trouve  rien  de  mieux. 

Ses  mœurs  sont  douces  et  indolentes;  aussi  s'accoutume-t-il  assez  bien  a  la 
captivité,  et  il  s'apprivoise  avec  facilité.  Mais  il  n'est  jamais  très-affectueux,  et 
dans  son  esclavage  il  ne  paraît  avoir  que  deux  passions,  à  la  vérité  bien  innocentes, 
celle  de  manger  et  celle  de  dormir.  Si  on  le  trouble  dons  son  repos,  sa  paresse 
ne  lui  permet  pas  de  se  mettre  trop  en  colère;  il  se  berne  à  ouvrir  les  yeux,  à 
pousser  un  petit  grognement,  puis  il  se  remet  à  dormir.  Il  est  assez  robuste  ef 
supporte  bien  les  rigueurs  de  notre  climat,  pourvu  qu'on  le  tienne  dans  une 
chambre  à  feu. 

LeVAiu  (Lcmvr  maiaro,  ^l^.  Le  \itri,  Buff.  ("galciiieul,  et  elles  varient  de  place  d'individu  à 

—G.  Cdv.  )  est,  iivec  le  précédent,  une  des  plus  individu;  la  téteesl  blanche  dans  les  mâles,  noire 

grandes  espèces  du  genre.  Ses  couleurs  sont  le  dans  les  femelles.  Il  a  vingt  pouces  (O,"' 42)  de 

noir  et  le  blanc,  mais  elles  ne  sont  pas  distribuées  longueur. 

Les  naturalistes  s'accordent  assez  à  dire  que  cet  animal  est  fort  doux.  En  ellel, 
dans  l'esclavage,  il  semble  avoir  assez  de  douceur,  mais  sans  cependant  montrer 
beaucoup  d'affection  à  ceux  qui  le  soignent.  Si  son  museau  pointu,  ses  grands 
yeux  assez  expressifs  quand  il  a  un  désir,  n'annoncent  pas  une  grande  méchan- 
ceté, ils  ne  dénotent  pas  non  plus  beaucoup  d'intelligence.  Quelques  individus 
même  aiment  assez  à  recevoir  et  à  rendre  des  caresses  :  mais  tout  cela  prouve-t-il 
que  ces  animaux  conservent  un  caractère  pacifique  quand  ils  vivent  libres  et  à 
l'état  de  nature?  C'est  ce  que  je  ne  crois  pas,  et  je  puis  citer  un  fait  à  l'appui  de 
mon  opinion. 

A  la  ménagerie,  un  vari  vivait  avec  un  mongous,  dans  la  même  cage.  Ces  deux 
animaux  ne  paraissaient  pas  se  soucier  Iteaucoup  l'un  de  l'autre,  mais  du  moins, 
s'ils  ne  vivaient  pas  en  parfaite  intelligence,  ils  ne  cherchaient  pas  à  se  nuire  et 
ne  se  battaient  pas.  On  les  plaça  dans  une  cage  plus  grande,  «t  on  les  transporta 
dans  un  autre  local.  Le  lendemain  matin,  on  trouva  le  mongous  tué  :  le  vari 
l'avait  mis  en  lambeaux.  D'ailleurs,  ce  fait  se  trouve  assez  en  harmonie  avec  ce 
que  dit  le  voyageur  Duret,  que  les  varis  sont  d'un  naturel  farouche  et  cruel  comme 
celui  du  tigre. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'impératrice  Joséphine  a  eu  pendant  plusieurs  années  des 
varis  qui  ont  parfaitement  vécu  dans  sa  ménagerie  de  la  Malmaison.  Ils  y  ont 
même  fait  des  petits  qui  sont  nés  les  yeux  ouverts,  comme  les  petits  des 
ouistitis. 


MAKIS 


71 


Le  Mococo  i  l.emur  mttti,  Lin.  Le  Mococo, 
Bi  l'K.— G.  et  Fr.  Civ.)  Son  pelage  est  d'un  beau 
gris  en  dessus,  teinté  de  roux  sur  le  dos  et  les 
épaules  ;  le  sommet  de  la  tète,  le  dessus  et  les  côtés 
du  cou,  le  tour  des  yeux  et  le  bout  du  museau 
sont  noirs  ;  tout  le  dessous  est  blanc,  et  la  queue 
est  annelée  de  blanc  et  de  noir.  De  tous  les 
makis,  le  mococo  est  celui  qui  montre  le  plus 
d'inlelligenceet  de  douceur.  11  s'apprivoise  très- 
bien  et  prend  pour  son  maître  une  assez  vive 
affrcliou.  Parmi  les  mammifères,  il  en  est  peu 
qui  léunissent,  à  des  formes  plus  éléfrnntes,  des 
habitudes  plus  douces  et  un  caraclère  plus  con- 
Tiant 

Le  l\[o>GOus  [Lcmur  mongns,  Lin.  Le  mon- 
gois,  Blff.  — G.  Civ  >'jn  Fit.  Civ.l.ll  est  tout 
l)run,  avec  le  visape  et  les  mains  noii-s,  selon 
G.  Cuvier.  Selon  M.  Lesson,  il  serait  d'un  gris 
jaunâtre  en  dessus,  blanc  en  dessous,  et  il  au- 
lait  le  tour  des  \eux  et  le  cUanfrein  noirs.  Ed- 
wards dit  que  le  dessus  du  corps  est  d'un  brun 
foncé.  Tout  ceci  prouve  (]ue  cette  espèce  mal 
déterminée  a  été  confondue  avec  d'autres,  si 
réellement  elle  existe  M  Fr.  Cuvier  est  encore 
veiui  augmenter  la  confusion  en  donnani  le 
nom  de  lemiir  mnngnis,  au  temur  (ollaris  de 
Geolfroj . 

Le  Maki  a  fraisk  (  t.rviur  rollaris,  Geoff 
Lrmin-  vwngmis,  Fn.  Cuv  ).  Il  est  d'ini  brun 
roux  en  dessus,  fauve  en  dessous;  une  fraise  de 
poils  d'un  roux  doré  entoure  la  face  qui  est 
d'im  plombe  violàlre.  Ces  animaux  sont  timi- 
des, inoffensifs  et  fort  peu  intelligents.  Ils  s'ap- 
privoisent quelquefois  assez  bien  pour  veiiir 
(piand  on  les  appelle,  mais  ils  ne  s'attachent 
jamais. 

Le  Maki  u'Anjohan  {l.emiir  lloissardii,—iwn 
le  jua/.i  (l'fn}jniin)t,  Vjf.OFF.)  diffère  du  précédent 
par  son  ciàne  plus  ('levé,  sou  museau  moins 
long,  blanc  en  devant  ;  |)ar  sa  fraise  d'un  roux 


sale;  en!in  par  son  pelage  d  un  gris  jaunâtre 
en  dessus,  d'un  jaune  sale  en  dessous,  et  d'un 
gris  blanc  sur  la  poitrine.  11  habite  Anjuan. 
à  Madagascar. 

Le  Maki  noir  [Uvtiir  nigcr,  Geoff.  LeMan- 
cnro  noir,  Edvva.).  11  est  entièrement  noii',  et  de 
la  grandeur  d'un  chat  domestique;  il  est  remar- 
quable par  les  longs  poils  qui  revêtent  son  cou. 
On  le  trouve  à  Madagascar. 

Le  Maki  brln  (  Lcmiir  fulcits,  Gfoff.  Le 
grnud  Mougmis,hvvv.\  Son  pelage  est  gris  en 
dessus,  brun  en  dessous  ;  il  a  le  chanfrein  bus- 
qué et  tros-élcvé. 

Le  Maki  roi  x  {Lemur  niftis,  Dk.s^i.  Gbori-.) 
est  d'un  roux  doré  en  dessus  :  d'un  blanc  jau- 
nâtre en  dessous  ;  à  l'exception  du  front,  il  a  le 
lonr  de  la  tète  blanc,  une  bande  noire  s'étend 
de  la  face  à  roccii)ut. 

Le  Maki  Ar\  pikos  blancs  [Lcmnr  (tlbinnnuis, 
Gkoff.)  est  d'un  gris  brun  en  dessus,  roussàtre 
en  dessous,  avec  la  poitrine  et  les  mains  blan- 
ches ,  les  poils  des  côtés  du  cou  sont  d'un  roiu 
cannelle. 

Le  Ghiset  (LfXiur  cincrciis,  Lëss.  Limiir  gri- 
.s^-i/.s-,  Geoff.  Le  jjftit  A/aAi,  Buff.  Legri.sct,  Ac- 
DEii.;  est  d'un  blanc  sale  en  dessons;  le  dos, le 
dessus  de  la  tète  et  des  membres  sont  d'un  gris 
un  peu  glacé  de  fauve  ;  les  joues  sont  d'un  gi-is 
uniforme,  moins  foncé  que  le  gris  du  front. 

Le  Maki  à  friint  blaînc.  (  Lemnr  albifrons, 
Geoff.  La  femelle  est  le  Malà  d' Ai^jouan  de 
(iEOFF.  et  le  Mal;i  a:ix  pieds  [ances  de  Briss.  ). 
Il  est  (i'im  gris  roux  ou  d'un  brun  marron 
doré,  en  dessus;  d'un  brun  gris  oliv.itre  en 
dessous;  les  deux  deiniers  tiers  de  la  queue 
sont  noirs  ;  la  face  elles  quatre  mains  sont  d'un 
noir  violàtre;  la  (jarlie  antérieure  de  la  tète,  le 
côté  des  joues  et  le  dessons  de  la  mâchoire  infé- 
rieure sont  blancs  dans  le  mâle,  d'un  gris  fonce 
dans  la  femelle 


Dos  animaux  de  cette  espèce  ont  fait  des  petits  à  la  ménagerie.  La  femelle  a 
porté  environ  quatre  mois,  et  fit  un  petit  de  son  sexe,  qui  naquit  les  jeux  ou- 
verts. «  Dès  le  moment  où  ce  jeune  maki  fut  au  monde,  dit  Fr.  Cuvier,  il  s'at- 
tacha à  sa  mère  avec  ses  quatre  pattes,  en  travers  du  ventre,  au-dessus  des 
cuisses,  qu'elle  reployait  contre  elle-même  comme  pour  le  cacher;  et  lorsqu  il 
voulait  teter,  il  allongeait  son  cou  pour  aller  chercher  la  mamelle  (pii  est  sous 
l'aisselle.  Outre  qu'il  s'enfonçait  dans  le  pelage  de  sa  mère,  celle-ci  présentait 
toujours  le  dos  aux  personnes  ijui  la  regardaient,  quelque  familiarisée  qu'elle 
fût  avec  elles,  et  ce  n'a  été  qu'après  plusieurs  semaines  qu'on  a  pu  l'observer 
exactement.  A  sa  naissance,  il  était  de  la  grosseur  d'un  petit  rat.  Cette  femelle, 
avant  la  naissance  de  son  petit,  était  extrêmement  douce  et  familière  :  on  ne 
s'approchait  point  d'elle  qu'elle  ne  vînt  aussitôt  chercher  des  caresses  et  lécher 
les  mains.  Mais  dès  cpie  son  petit  fut  né,  elle  devint  défiante,  s'éloigna  de  tout 
le  monde,  et  même  elle   menaçait  dès  ipi'on  l'approchait.  Celle  défiance  s'est 


7-2  IJ:S  UIIADIUJMANES. 

arfaiblie  par  (If  j;rés,  el  sa  pn'iiiiciT  raniiiiarilé  a  i'0[»aiii  lorsque  ses  soins  sont 
devenus  moins  nécessaires  à  son  petit,  c'est-à-dire  vers  le  troisième  mois.  Jus- 
que-là ces  animaux  ne  s'étaient  point  séparés,  ou  si  le  petit  se  hasardait  à  se 
détacher  de  sa  mère,  au  moindre  bruit  il  retournait  se  cacher  entre  son  ventre 
et  ses  cuisses.  »  La  mère  l'a  allaité  pendant  six  mois. 

Des  observations  faites  à  la  ménagerie  sur  ces  animaux,  il  est  résulté  la  con- 
naissance d'un  fait  extrêmement  imporlant  pour  l'histoire  du  genre  :  c'est  que 
le  mâle  et  la  femelle  peuvent  différer  de  couleur  au  point  de  ne  pas  se  ressem- 
bler du  tout,  ce  qui  doit  nécessairement  avoir  induit  les  naturalistes  en  erreur. 
En  effet,  dans  cette  espèce,  toutes  les  parties  qui  sont  d'un  brun  marron  doré 
dans  le  mâle  sont  d'un  fauve  plus  ou  moins  jaunâtre  dans  la  femelle,  et  tout  ce 
qui  chez  celle-ci  est  d'un  gris  foncé  est  blanc  dans  le  premier.  Comme  il  n'y  a 
pas  de  raison  pour  croire  que  ce  maki  fasse  une  exception,  on  doit  présumer 
que  les  naturalistes  ont  souvent  fait  confusion  ou  double  emploi,  et  qu'ils  ont 
donné  des  noms  différents  à  des  mâles  et  à  des  femelles  de  la  même  espèce.  Si 
cette  observation  est  juste,  il  faudra  |)robablement  réduire  à  sept  ou  huit  le 
nombre  de  makis  qu'ont  décrits  les  auteurs,  et  ce  sera  encore  beaucoup  si  l'on 
considère  que  ces  animaux  ne  se  trouvent  que  sur  un  seul  point  du  globe,  et 
même  dans  un  espace  conqjarativement  assez  borné,  l'île  de  Madagascar. 

(.  Les  makis  vivent  en  troupe,  dit  Geoffroy  Saint-Hilaire;  ils  prennent  leur 
nourriture  indifféremment  avec  la  bouche  ou  avec  la  main  :  ils  lapent  en  bu- 
vant, à  la  mani  !re  des  chiens.  Revenant  dans  les  mêmes  lieux,  ils  se  plaisent 
a  répéter  les  mê  nés  allures  et  les  mêmes  mouvements.  L'un  de  ces  mouvements, 
qu'ils  reproduisent  comme  divertissement,  consiste  à  s'élever  perpendiculaire- 
ment le  long  d'un  mur  ou  d'un  arbre  :  ils  mettent  une  sorte  d'amour-propre 
à  s'élever;  et  si  quelques  accidents  les  en  ont  empêchés,  ils  en  montrent  une 
sorte  de  dépit,  et  ils  s'y  prennent  avec  tant  de  calcul,  qu'ils  se  satisfont  le  mo- 
ment d'après  par  un  saut  de  la  plus  grande  hauteur.  Abandonnés  en  liberté 
dans  les  maisons,  ils  choisissent  un  certain  emplacement  pour  s'y  livrer  au 
repos,  et  c'est  toujours  l'encoignure  du  meuble  le  plus  élevé  et  le  plus  retiré 
de  l'appartement.  » 


is^.V  ^^        / 


MAKIS. 


73 


Lr  MaUi  à  Iront 


Le  MAKI  A  FRONT  NOIR  {Lemur  nigrïfrom,  Gkoff.  — Fn.  Cuv.  S'wùa  sc'ninis, 
Petiver.  Lemur  shnia  schirus,  Schreb.). 

Cet  animal  a  le  pelage  cendré  en  dessus  vers  les  parties  antérieures  du  corps, 
et  dun  gris  roux  sur  les  parties  postérieures;  le  dessous  est  roux;  il  a  uit  ban- 
deau noir  sur  le  front.  Il  diffère  principalement  du  maki  à  fraise  par  ses  favoris 
qui  sont  gris  au  lieu  d'être  roux. 

En  faisant  l'histoire  de  ce  maki  nous  complétons  celle  de  tous  les  autres  ani- 
maux de  son  genre,  car,  sauf  un  peu  plus  ou  un  peu  moins  de  méchanceté  ou  de 
douceur,  ils  ont  à  peu  de  chose  prés  les  mêmes  instincts  et  les  mêmes  habitudes. 

Le  maki  à  front  noir  vit  solitaire,  par  exception,  en  compagnie  de  sa  femelle 
seule;  il  habite  les  parties  les  plus  retirées  des  forêts  de  Madagascar.  C'est  un 
animal  crépusculaire  qui  passe  la  journée  à  dormir  couché  en  boule,  sa  grosse 
queue  passée  entre  ses  jambes  de  derrière  et  ramenée  de  manière  à  s'enrouler 
autour  de  son  cou.  Il  attend  dans  cette  attitude  que  le  soleil  soit  couché  pour  se 
mettre  en  quête  de  ses  aliments.  Il  marche  très-difficilement  sur  la  terre;  mais 
dés  qu'il  approche  d'un  arbre  dont  les  branches  ne  sont  qu'à  douze  ou  quinze 
pieds  d'élévation  l'i  à  5  mètres\  d'un  bond  prodigieux,  et  cependant  sans  effort, 
il  s'élance  dessus.  Rarement  il  se  donne  la  peine  de  monter  autrement,  à  moins 
que  les  branches  de  l'arbre  ne  se  trouvent  à  une  hauteur  extraordinaire,  à  la- 
quelle il  ne  peut  atteindre.  Dans  ce  cas,  il  s'élance  au  tronc,  et  ce  premier 
bond  le  porte  tout  d'un  coup  à  douze  ou  quinze  pieds  de  hauteur  ,^  à  5  métrés). 
On  ne  reconnaît  plus  alors  l'animal  paresseux  et  somnolent,  car  il  déploie  une 
telle  vivacité,  que  les  yeux  ont  peine  à  le  suivre,  tant  est  grande  la  rapidité 
avec  laquelle  il  saute  de  branche  t'n  branche  en  jouant  avec  sa  femelle,  qui  ne  le 
quitte  guère. 


74  LES  QUADRUMANES. 

Ces  deux  animaux  ont  de  la  tendresse  l'un  pour  l'autre,  et  se  la  témoignent 
d'une  manière  assez  singulière  :  pendant  le  jour,  ils  dorment  en  se  tenant 
pressés  dans  les  bras  l'un  de  l'autre.  Lorsqu'ils  sont  éveillés,  ils  se  grattent 
mutuellement  les  oreilles  en  enfonçant  dans  la  conque  cet  ongle  unique  qu'ils 
ont  à  l'index  de  la  main  de  derrière  ;  ils  se  nettoient  et  se  lissent  le  poil  en  se 
léchant,  et  en  se  servant  de  leurs  incisives  inférieures  qui  sont  longues,  cou- 
chées en  avant,  et  simulent  une  sorte  de  peigne.  Elles  ne  sont  propres  qu'à  cet 
usage,  et  leur  forme,  comme  leur  position,  les  rend  tout  à  fait  inutiles  pour  la 
mastication  ;  ils  ne  peuvent  pas  même  s'en  servir  pour  mordre  ou  retenir 
une  proie. 

Cette  habitude,  qu'ils  ne  doivent  qu'au  désir  d'entretenir  sur  eux  une  extrême 
propreté,  est  cause  que,  lorsqu'ils  vivent  en  esclavage  et  qu'ils  lèchent  la  main 
de  leur  maître,  ils  ne  manquent  jamais  de  lui  frotter  doucement  la  peau  avec 
ces  petites  dents,  et  c'est  la  plus  grande  marque  de  contentement  et  d'amitié 
qu'ils  puissent  lui  donner.  De  là,  de  mauvais  observateurs  ont  conclu  qu'ils 
avaient  la  langue  rude  et  épineuse  comme  les  chats,  et  cette  erreur  s'est  géné- 
ralement répandue,  parce  que  Buffon  l'a  consacrée. 

Lorsque  deux  makis  se  caressent  comme  nous  venons  de  le  dire,  si  un  autre 
couple  rôdeur  vient  les  déranger,  la  guerre  est  aussitôt  déclarée  et  commencée. 
Ce  qu'il  y  a  de  particulier,  c'est  que  les  deux  femelles  y  prennent  une  part 
active,  et  montrent  même  plus  d'acharnement  et  de  fureur  que  leurs  mâles.  Tous 
à  la  fois  poussent  des  cris  sur  un  ton  assez  grave,  mais  très- fort,  ce  qui  produit 
un  bruit  étourdissant  ;  ils  se  saisissent  corps  à  corps,  se  mordent,  et  s'arra- 
chent des  poignées  de  poils  avec  les  mains.  Le  combat  ne  finit  que  par  lassitude  ; 
alors  ils  se  séparent,  et  chaque  couple  se  retire  dans  un  lieu  écarté  pour 
remettre  de  l'ordre  dans  sa  toilette,  en  se  lissant  mutuellement  leurs  poils 
ébouriffés. 

Si  tous  les  makis  sont  d'habiles  grimpeurs,  s'ils  surpassent  même  les  singes 
les  plus  lestes  dans  l'agilité  qu'ils  mettent  à  parcourir  en  un  clin  d'ceil  toutes 
les  branches  d'un  arbre,  c'est  qu'ils  le  doivent  à  une  organisation  particulière. 
Chez  eux,  la  paume  de  la  main  se  continue  par  une  ligne  droite  cachée  sous  les 
poils,  jusqu'au  milieu  du  bras,  de  sorte  que  lorsque  ce  dernier  est  étendu,  les 
doigts  se  ferment  nécessairement ,  et  l'animal  ne  peut  plus  les  ouvrir  sans  faire 
un  grand  effort  ou  recourber  son  bras.  Ceci  fait  comprendre  la  facilité  avec 
laquelle  il  se  suspend  aux  branches  et  peut  rester  pendu  par  une  seule  main 
pendant  fort  longtemps.  Il  lui  arrive  quelquefois  de  faire  son  repas  tout  entier 
en  restant  dans  cette  position  singulière,  tandis  qu'avec  l'autre  main  il  cueille 
et  porte  à  sa  bouche  les  fruits  dont  il  se  nourrit. 

Dans  la  captivité,  le  maki  à  front  noir  ne  diffère  en  rien  des  autres.  Il  n'est 
pas  méchant,  cependant  il  se  met  assez  facilement  en  colère  si  on  le  con- 
trarie, et  alors  il  jette  un  cri  aigre  interrompu,  mais  se  succédant  avec  rapidité. 
Lorsqu'on  le  caresse,  il  fait  entendre  un  petit  son  roulant  et  sourd,  absolument 
comme  celui  d'un  chat  lorsqu'on  lui  passe  la  main  sur  le  dos.  On  le  nourrit 
comme  les  autres  espèces,  c'est-à-dire  avec  du  lait,  du  pain,  des  fruits  et  des 
racines  cuites.  Si  on  le  tient  dans  un  lieu  chauffé  })endant  l'hiver,  il  vit  fort 
longtemps  dans  nos  climats. 


MAKIS. 


75 


2o' Ge?«iie  Les  INDRIS  ^  Indris ,  Lacep.  ) 
ont  tiente-deux  deuts  :  qimtre  incisives  à  cha- 
que mâchoire,  les  inférieures  couchées  en 
avant;  cinq  molaires  de  ch;ique  côté  aux  deux 
mâchoires  ;  la  tète  triangulaire  et  longue  ;  le 
poil  laineux  ;  la  queue  ou  très-courte,  ou  très- 
longue. 


L'nDiii  A  yLEUE  cinjiiTE  (  Inh'is  breiicauda- 
lus,  Geoff.  Lcmnr  imlri,  Son.>.  Indiis  ater, 
Lacep.)  est  noirâtre,  avec  la  face  grise  et  le 
derrière  blanc;  sa  queue  est  très-courte,  à 
peine  longue  de  deux  pouces  (0,054  .  t'.omme 
ses  congénères,  il  a  1  a  facullé  de  marcher 
debout  • 


Cet  animal,  qui  habite  sur  les  arbres  à  Madagascar,  a  jusqu'à  trois  pieds 
de  haut  ,  0,973  i.  Il  se  plaît  dans  les  solitudes  boisées,  où  il  se  nourrit  de  fruits 
et  de  racines.  Sa  voix  ressemble  à  celle  d'un  enfant  qui  pleure  ;  il  a  de  l'intelli- 
gence; son  caractère  est  très-doux;  aussi  les  Malgaches  l'apprivoisent-ils  aisé- 
ment, et  alors  il  prend  un  peu  les  habitudes  d'un  chien,  sans  jamais  pouvoir  ac- 
quérir son  intelligence.  Il  reconnaît  et  aime  son  maître  ;  il  le  suit,  le  caresse  en 
lui  léchant  les  mains,  et  lui  témoigne  sa  joie  lorsqu'il  le  retrouve  après  une 
courte  absence.  On  le  dresse  à  la  chasse,  et  il  poursuit  le  gibier  sur  les  arbres, 
l'attaque,  le  prend  et  le  donne  d'autant  plus  volontiers  au  chassetu',  que  jamais' 
il  n'y  touche  pour  son  propre  compte. 


L'Indki  a  longue  QUEtE  { I iidiis  lovgicauda- 
tus,  Geotf.  Lcmnr  lanig^r,  Gml.  Le  Maki 
fauve.  Bi  FF.  Le  Maki  à  bonne.  Sonner \t  ]. 
Il  habite  Madagascar.  Son  pelatze  est  fauve, 
très-laineux;  il  a  une  queue  fort  longue.  Ses 
habitudes  sont  inconnues.  Il  est  beaucoup  plus 
petit  (|ue  le  précédent. 

2(i'=  Ge\ke.  Les  LORIS  [Loris,  Geoff  )  ont 
trente-six  dents  :  quatre  incisives  à  la  mâchoire 
supérieure,  et  six  à  l'inférieure  :  celles-ci  sont 
couchées  en  avant  ;  leur  tète  est  ronde,  et  leurs 
yeux  très-grands.  Ils  manquent  de  queue  et  ont 
les  membres  très-gréles,  avec  le  tibia  ou  os  de  la 


jambe  plus  long  que  l'os  de  la  cuisse  ou  fémur  ; 
ils  ont  quatre  mamelons,  mais  provenant  tle 
deux  glandes  manmiaires  seulement;  leurs 
oreilles  sont  courtes   et   velues. 

Le  Loris  (  Loris  grnviUs,  Geoff.  Lemnr  gra- 
cilis,  G.  Cuv.  Tardigradns,  Seba.  Le  Loris 
Blff.  Le  Loris  grêle,  G.  Clv.  —  Variété  :  Lo- 
ris ceijlonirns  Fisca.)  a  le  pelage  roussàtre  ou 
d'un  gris  fauve,  sans  raie  brune  sur  le  dos; 
son  poil  est  très-fin  et  très-doux.  Son  nez  est  un 
peu  relevé  par  une  saillie  des  interraaxillaires, 
et  il  a  une  lâche  blanche  sur  le  front.  On  le 
trouve  à  l'ile  de  Ceylan. 


Cet  animal,  d'une  lenteur  excessive,  a  les  habitudes  nocturnes  et  ne  voit  bien 
les  objets  que  la  nuit.  Il  dort  tout  le  jour,  et  ne  sort  de  sa  retraite  que  le  soir, 
pour  faire  la  chasse  aux  insectes,  aux  oiseaux  et  aux  souris,  dont  il  se  nourrit. 
Il  aime  beaucoup  les  œufs,  et  quelquefois  il  mange  des  fruits  quand  il  ne  trouve 
rien  autre  chose.  Son  caractère  est  silencieux  et  mélancolique. 


--•■■4^/ 


î 


7(> 


MvS  QUADIUMANES. 


rc-.*^"^ 


27' Gemik.  Les  XYCTICEBES  (  ^^Jclicebll.'!, 
(tfoff.)  n'ont  quelquefois  que  Irenle-qiiatre 
dents,  parce  qu'il  leur  manque  «ssez  souvent 
deux  incisives  à  la  mâchoire  supérieure  Leur 
tcte  est  ronde  et  leur  museau  court  ;  ils  ont  les 
yeux  très-grands,  les  oreilles  courtes  et  velues, 
les  membres  forts  et  robustes,  et  la  queue  plus 
on  moins  comte.  Tous  sont  des  Indes  orien- 
tales et  ont  les  mêmes  mœurs. 

Le  ÎS'ïCTicfcnE  de  Java  (IStjrtirebiis  jai  aniais. 


Geoff  — Des>i.  )  n'a  que  deux  incisives  supé- 
rieures ;  il  est  roux,  avec  une  ligne  sur  le  dos 
[lus  foncée;  son  museau  est  étroit  et  sa  queue 
courte.  Il  habite  Java. 

[,e  ?HïCTicÈBE  DE  CEïLA'v  (SycHrebi'S  iei\lon\- 
nis,  Geoff.  Cerrnpithenis  zeiloninis  seii  iardi- 
gradiis  major,  Seba.  )  n'est  connu  que  par  une 
ligure  que  nous  a  laissée  Seba.  Il  est  d'un  brun 
uoiràtre  avec  le  dos  entièrement  noir.  Son 
nom  indique  son  pays. 


Le  POUCAN  {Nyclicebus  bengalensîs,  Geoff.  Stenops  tardigradiis,  Fr.  Cuvifr. 
Lemur  tardigradus,  Linn.  Le  paresseux  pentadactyle  du  Bengale,  Vosm.  Le  Loris 
du  Beng(de,  Buff.  Le  Loris  paresseux,  G.  Cuv.  Le  l\mcau,  Fr.  Cuv. 

Le  poiican  a  environ  un  pied  de  longueur  (0,525)  et  ciii({  pouces  de  hauteur 
(0,1  Ô5),  mesurés  depuis  la  terre  jusque  sur  les  épaules.  Il  marche  les  jambes 
écartées  et  le  ventre  traînant  presque  à  terre,  comme  s'il  n'avait  pas  la  force  de 
se  soutenir.  Il  est  roux  ou  d'un  gris  fauve  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous. 
Une  ligne  d'un  brun  doré  s'étend  sur  le  dos,  sur  le  sommet  de  la  tète  et  autour 
des  yeux;  une  tache  blanche  naît  sur  le  front,  se  prolonge  entre  les  yeux,  et 
vient  embrasser  les  deux  côtés  du  museau. 

Cet  animal  extraordinaire  est  revêtu  d'un  poil  laineux  très-épais  et  très-doux, 
comme  celui  des  makis.  Sa  queue  est  très-courte  ;  il  a  quatre  incisives  supé- 
rieures, et  ses  yeux,  grands  et  nocturnes,  ont  la  pupille  allongée  horizontalement 
et  très-dilatable,  ce  qui  lui  permet  de  voir  la  nuit.  Il  est  d'une  extrême  len- 
teur; sa  démarche  a  quelque  chose  de  contraint  comme  celle  des  vrais  pares- 


MAKIS.  77 

seux.  Ainsi  que  ces  derniers,  il  marche  Irés-lentemenl,  el  lorsiju'il  paraît  se 
liàter,  il  parcourt  à  peine  quatre  toises  dans  une  minute.  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
singulier  encore,  c'est  qu'il  ressemble  aux  paresseux,  non-seulement  par  cette 
excessive  lenteur,  mais  encore  par  la  ramification  de  la  base  des  artères  des 
membres. 

C'est  dans  les  forêts  du  Bengale  que  l'on  trouve  le  poucan.  Le  jour,  enfoncé 
dans  sa  retraite,  il  dort  d'un  sommeil  très-léger,  assis  sur  le  derrière,  le  corps 
affaissé  et  la  tète  reposant  sur  sa  poitrine.  Quand  les  derniers  rayons  du  soleil 
(uit  fait  place  au  crépuscule,  il  se  réveille,  remplit  les  fonctions  de  l'animalité, 
infectant  les  lieux  d'alentour  par  sa  puanteur.  Il  se  met  ensuite  à  chasser, 
en  se  glissant  furtivement  le  long  des  ])ranches  d'arbres  pour  surprendre 
les  oiseaux  dormant  sous  le  feuillage.  Malgré  l'obscurité  de  la  nuit,  ses  larges 
pupilles  lui  permettent  de  les  apercevoir  de  fort  loin.  Alors  il  s'arrête,  consi- 
dère un  instant  sa  proie  et  prend  toutes  ses  mesures  pour  ne  la  i)as  manquer; 
puis,  d'un  pas  allongé,  il  avance  silencieusement,  avec  circonspection,  sans  faire 
le  moindre  bruit;  il  s'en  approche  ainsi  doucement,  jusqu'à  ce  qu'il  en  soit  assez 
prés.  Ensuite  il  change  d'allure,  se  dresse  sur  les  pieds  de  derrière,  continue  à 
marcher,  et  tend  les  bras  devant  lui  pour  n'avoir  qu'à  se  précipiter  en  avant  et 
saisir  l'animal  si  quelque  bruit  le  réveille.  Quand  il  en  est  à  portée,  il  s'en  empare 
avec  une  promptitude,  une  rapidité,  qui  n'est  point  du  tout  en  rapport  avec  sa 
lenteur  ordinaire.  Il  étrangle  l'oiseau  avec  tant  de  prestesse,  qu'il  ne  lui  laisse 
pas  même  le  temps  de  crier,  et  le  mange  ensuite  avec  beaucoup  de  tranquillité. 
S'il  découvre  un  nid,  c'est  la  circonstance  la  plus  heureuse  qui  puisse  lui  arri- 
ver à  la  chasse,  car  les  œufs  d'oiseaux  sont  la  nourriture  qu'il  préfère  à  tout 
autre.  Néanmoins,  s'il  peut  surprendre  la  mère,  les  choses  n'en  vont  que  mieux 
pour  lui  ;  il  la  mange  d'abord,  et  les  œufs  on  les  petits  passent  après. 

Mais  sa  chasse  n'est  pas  toujours  heureuse;  car,  ayant  une  vie  sédentaire,  il  a 
bientôt  détruit  les  oiseaux  d'alentour;  alors,  il  se  contente  d'insectes,  ou  même 
de  fruits  sauvages;  puis  il  finit  par  quitter  le  canton  et  par  se  mettre  pénible- 
ment en  voyage  pour  chercher  une  autre  localité. 

Les  ivrognes  devraient  prendre  cet  animal  pour  leur  symbole,  car  il  a  une 
véritable  horreur  de  l'eau.  Non-seulement  il  n'en  boit  jamais,  mais  il  suffit  d'y 
tremper  l'aliment  qu'il  aime  le  mieux,  pour  le  lui  faire  rejeter  avec  la  plus  grande 
répugnance.  Dans  la  servitude  il  est  assez  doux,  s'apprivoise  aisément,  et  semble 
même  susceptible  d'une  certaine  éducation,  car  il  suffit  de  quelques  légères  cor- 
rections pour  l'empêcher  de  mordre,  et  il  s'attache  vivement  à  son  maître.  Si  on 
l'irrite,  il  crie  d'une  manière  plaintive  en  traînant  fort  longtemps  sur  les  sons  aï, 
aï,  aï,  et  c'est  encore  une  ressemblance  de  plus  qu'il  a  avec  les  vrais  paresseux. 

«  Cet  animal,  dit  d'Obsonville  qui  le  nomme  thévangues  ou  thongre  ,  fait 
quelquefois  entendre  une  sorte  de  modulation  de  voix  ou  de  sifflement  assez 
doux.  Je  pouvais  facilement  distinguer  les  cris  du  besoin,  du  plaisir,  de  la  dou- 
leur et  même  celui  du  chagrin  ou  de  l'impatience.  Si,  par  exemple,  j'essayais  de 
lui  retirer  sa  proie,  ses  regards  paraissaient  altérés;  il  poussait  une  sorte 
d'inspiration  de  voix  tremblante  et  dont  le  son  était  plus  aigre.  Aux  approches 
de  la  nuit  il  se  réveillait,  se  frottait  les  yeux;  ensuite,  en  portant  attentivement 
ses  regards  de  tous  côtés,  il  se  promenait  sur  les  meubles  ou  plutôt  sur  des  cordes 


78  LES  QUADUUMÂNKS. 

((lie  j'avais  disposées  à  cet  effet.  Un  peu  de  laitage  et  quelques  fruits  l)ien  fuu- 
tlantsne  lui  déplaisaient  pas,  mais  c'était  un  pis  aller  :  il  n'était  friand  que  de 
petits  oiseaux  et  d'insectes.  » 

28'^Genbe.  Les  MYSPITHEQUKS  [  Mijspi-         Le  Mïspithèc>le  TwniMijspilhenis  tiipus,  Fii. 

thecus,  Fr.  Clv.  j  ont  trenle-six  dents  :  quatre  Cuv.  Le  MaM  nain,  du  m  nie.  Est-ce  le  Chnro- 

incisives  placées  à  côté  l'une  de  l'autre  à  la  ma-  galeits  major,  Geoff.?  —  Chcirogalens  Milii. 

choire  supérieure,  dont  les  intermédiaires  Ion-  Geoff.).  11  a  neuf  pouces  (0,2o:i)  à  pm  tir  de  l'oc 

gués  et  les  latérales  fort  courtes;  six  à  la  nià-  ciput  à  l'oiigine  de  la  queue  :  tout  sou  corps,  e\- 

choire  inférieure,  couchées  eâ  avant.  Ils  ont  tous  ceplé  l'extrémité  de  ses  membres,  est  couvert 

les  ongles  plats,  excepté  le  second  doigt  des  pieds  d'un  poil  épais  et  soyeux,  d'im  gris  fauve  uni - 

de  derrière  qui  porte  uo  ongle  long  et  crochu  ;  |',»riiie  en  dessus,  blanc  en  dessous  ;  les  mains  et 

la  tête  est  plus  allongée  que  celle  des  galagos,  \a  face  sont  couleur  de  chair  ;  il  a  entre  les  jeux 

moins  que  celle  des  makis  ;  le  museau  est  court,  nue  (ache  blanche,  bordée  sur  les  cotés  d'un 

un  peu  pointu  ;  les  yeux  grands  et  saillants  ;  les  peu  de  noir  qui  s'étend  autour  des  yeux  el  passe 

oreilles  sont  un  peu  arrondies;  la  queue  est  lou-  au  gris  sur  le  museau  el  les  joues.  11  est  de  Ma- 

gue,  c\liudrique,  grosse,  mais  moins  touffue  dagascar,  d'où  il  a  été  envové  à  la  ménagerie 

que  dans  les  makis.  par  le  baron  Milius. 

Cet  animal  a  vécu  à  la  ménagerie.  Il  y  en  avait  deux,  un  mâle  et  une  femelle  ; 
ils  dormaient  tous  les  jours  roulés  en  jioule  dans  un  nid  qu'ils  s'étaient  fait  avec 
du  foin.  Aussitôt  que  la  nuit  était  venue,  ils  sortaient  de  leur  retraite,  se  pro- 
menaient, jouaient  ensemble,  mangeaient,  et  enfin  agissaient  jusqu'au  jour.  Us 
étaient  fort  agiles  et  sautaient  avec  légèreté  à  une  assez  grande  hauteur.  On  les 
nourrissait  de  fruits,  de  pains  et  de  biscuits.  La  lumière  paraissait  affecter  dou- 
loureusement leurs  yeux,  mais  ils  voyaient  très-bien  dans  l'obscurité.  «  Une 
nuit,  dit  Fr.  Cuvier,  s'étant  échappés  de  leur  cage,  ils  parcoururent  la  pièce  où 
ils  étaient  enfermés,  à  travers  la  foule  d'autres  cages  et  d'autres  animaux  dont 
elle  était  remplie  ;  ils  rentrèrent  dans  leur  gîte  par  le  petit  trou  qui  leur  avait 
servi  à  en  sortir,  sans  qu'il  leur  fût  arrivé  le  moindre  accident,  et  quoique  l'obs- 
curité la  plus  profonde  régnât  dans  cette  pièce  dont  tous  les  volets  étaient 
fermés.  » 

M.  Geoffroy  a  établi  son  genre  cheirogaleus  sur  trois  descriptions  manuscrites 
trouvées  dans  les  notes  de  Commerson,  après  sa  mort.  Mais  ses  descriptions 
donnaient  à  ces  animaux  les  ongles  des  pouces  plats  et  tous  les  autres  ongles 
subulés.  Comme  on  n'a  jamais  vu  les  trois  animaux  qui  composent  ce  genre,  on 
pourrait  croire  que  Commerson  s'est  trompé  dans  le  caractère  que  nous  venons 
de  citer;  alors  ses  cheirogales  seraient  nécessairement  des  myspithèques,  et  son 
cheirogaleus  major,  que,  depuis,  M.  Geoffroy  a  nommé  cheirogaleus  Milii,  serait 
sans  aucun  doute  le  myspithecus  typus  dont  nous  venons  de  faire  l'histoire.  Mais 
une  erreur  aussi  grande,  de  la  part  d'un  naturaliste  comme  Commerson,  est  dif- 
ficile à  supposer,  et,  dans  le  doute,  nous  allons  donner  ici  les  caractères  assignés 
par  Geoffroy  à  ce  genre  que  peut-être  l'on  sera  obligé  de  supprimer,  en  repor- 
tant les  deux  dernières  espèces  à  la  siute  du  myspithèque  type. 

•iif  Genre.  CHÉiROCiALE  (  Cheirogaleus,  ceux  des  pouces,  (|ui  sont  plats  ;  leur  queue  est 

Geoff.).  Ils  ont  la  tète  ronde,  le  nez  et  le  museau  lon|>ue,  c\lindrique,  touffue,  enroulée;  le  pod 

courts,  et  des  moustaches  longues;  leurs  oreilles  de  leur  corps  est  couit.  Tous  sont  de  Mada- 

sont  courtes  et  ovales;  leurs  yeux  grands  et  sait-  gascar. 

lants;  ils  ont  tous  les  ongles  subulés,  excepté  Le  Grwo  CHÉinor.u.E  {Cheirogaleus  majnr. 


MAKIS. 


79 


Geoff..  |)eiit-èlii'  le  Mijspithecns,  Fis.  (Av.).  Il 
est  long  (le  onze  pouces  (0,298)  d'un  gris  l)run 
et  plus  foncé  sur  le  museau. 

Le  Cméirogale  moyen  {Cheivoga'eus  mcdim:, 
Geoff.)  est  long  de  huit  pouces,  (0,217),  dune 
couleur  moins  foncée  que  le  préct  dent  et  plus 
clair  sni'  le  museau  ;  il  a  un  cercle  nuir  autour 
des  veux. 


Le  Peut  ciiEiROc.ALE  (Clievogalcns  »iii»ior, 
Geoff.).  11  n'a  que  sept  pouces  de  longueui- 
(0,186),  et  sa  couleur  est  encore  plus  cl;iire  ;  il 
a  également  le  chanfrein  d'une  teinte  plus 
claire,  et  un  cercle  noir  autour  des  yeux  Cette 
espèce  pourrait  bien  u'etre  rien  autre  chose  que 
le  galago  de  ^ladagascar,  mal  observé  par  le 
voyageur  Coinmerson. 


«  Pour  comprendre  les  caractères  des  chéirogales,  dit  Geoffroy  Saint-Hilaire, 
supposez  que  ce  sont  les  formes  sveltes,  gracieuses  et  allongées  des  makis,  (fui 
se  sont  concentrées  et  raccourcies.  Ce  sont,  à  prendre  en  détail,  les  mêmes  traits, 
mais  grossis  et  ramassés;  les  pattes  sont  plus  courtes,  celles  de  derrière  restant 
dans  une  même  proportion  plus  longues  que  les  antérieures;  le  corps  est  trapu, 
la  tète  fort  grosse,  surtout  fort  large;  les  yeux  sont  fort  grands,  et  le  museau, 
déjà  très-remarquable  par  sa  brièveté,  l'est  en  outre  par  des  lèvres  supérieures 
fort  épaisses,  qui  recouvrent  le  bord  des  inférieures;  les  oreilles  sont  rondes 
et  courtes;  enfin  la  queue  est  longue,  touffue  et  régulièrement  cylindrique. 
Les  chéirogales  sont  des  lémuriens  sous  des  traits  en  quelque  sorte  empruntés 
à  la  famille  des  chats.  Ces  animaux  sont  entièrement  nocturnes.  Leurs  formes 
trapues  ne  nuisent  pas,  et,  au  contraire,  ajouteraient  plutôt  à  leur  moyen  d'a- 
gilité. Dans  le  saut,  il  n'est  point  de  quadrumanes  plus  vifs  et  plus  rapides.  L'in- 
dividu que  M.  IMilius  a  donné  à  la  ménagerie  parcourait  sa  cage  comme  en 
volant,  et  se  plaisait  principalement  à  s'élever  verticalement  de  toute  sa  hau- 
teur, sautant  de  cinq  à  six  pieds.  » 


80 


l.KS  QLIADIU  MANES. 


Le  Gai: 


30'Geivre.  Les  GALAGOS  (Grt/fjg",  Geokf. 
Ctolichmis,  Illig.)  ont  Irenle-qualre.i  trente- 
six  dents,  deux  à  quatre  incisives  à  la  mâchoire 
.supérieure,  six  à  l'inférieure,  moins  couchées 
que  dans  les  genres  précédents;  leur  tète  est 
ronde.leur  museau  court,  leurs  yeux  In  s-grands 


et  rapprochés  ;  leurs  oreilles  sont  très-déve- 
loppées  el  leur  queue  fort  longue  ;  mais  ce  qui 
les  fait  distinguer  au  premier  coup  d'œil,  c'est 
la  longueur  disproportionnée  de  leurs  tarses 
postérieurs,  et  l'allongement  filiforme  du  .se- 
cond doigt  d(^  pieds  de  derrière. 


Le  GALAGO  DU  SÉNÉGAL  [Gulago  senegalensis,  Geoff.  Otoluhnus  seiiegaleusis, 
Fr.  Cuv.  Gdlago  Geoffroyii^  Fisch.  Le  moyen  Galago,  G.  Cuv.). 

11  a  la  taille  il'un  rat  ofdiiiaire,  c'est-à-dire  six  pouces  de  longueur   0,^62 
depuis  le  bout  du  museau  jusqu'à  l'origine  de  la  queue.  II  est  d'un  gris  fauve 
en  dessus,  et  d'un  blanc  jaunâtre  en  dessous;  ses  oreilles  sont  aussi  grandes  que 
sa  tête;  sa  queue,  plus  longue  que  son  corps,  est  d'un  brun  roux  et  finit  en 
pinceau.  Il  n'a  que  deux  incisives  supérieures. 

Ce  joli  petit  animal  offre  plusieurs  singularités,  et  l'extensibilité  de  son  oreille 
n'est  pas  la  moins  remarquable.  La  conque  est  grande,  membraneuse,  nue,  et 
renferme  deux  petits  oreillons.  Lorsqu'il  dort,  ces  deux  oreillons,  s'appliquent 
sur  le  canal  auditif,  puis  la  conque  se  fronce  à  sa  base,  se  racourcit,  s'affaisse 
sur  elle-même,  s'enfonce  dans  les  poils  de  la  tête,  et  se  reploie  au  point  de 
devenir  invisible,  ainsi  que  dans  quelques  chauves-souris.  Comme  ses  habitudes 
nécessitent  une  grande  délicatesse  dans  l'ouïe,  la  nature  a   pourvu  à  maintenir 


MAKIS.  SI 

la  sensibilité  (l<>  lOri^aiio  en  lui  |irnnettnnt  de  rcfiiscr  les  sons  ai^iis  on  (|ui  rap- 
pelleraient inutilement  l'attention  de  l'animal.  Mais  cependant  il  en  perçoit 
assez  pour  être  averti  quand  il  y  va  de  sa  conservation,  ou  même  de  ses  petits 
intérêts  de  gourmandise.  Il  se  réveille  alors,  et  aussitôt  ses  oreilles  se  déploient 
et  s'allongent  par  un  mouvement  brusque  fort  original. 

Le  galago  est  extrêmement  commun  dans  les  forêts  de  Sahel,  Lebiar  et  Alfa- 
lak,  à  cent  lieues  au  nord-est  de  nos  établissements  du  Sénégal,  sur  les  lisières 
du  Sahara  ou  Grand-Désert.  C'est  là  que  les  Maures  vont  principalement  recueil- 
lir la  gomme  qu'ils  vendent  aux  Européens  sous  le  nom  de  gomme  arabique, 
et,  si  l'on  s'en  rapporte  à  ce  qu'ils  disent,  le  galago  s'en  nourrit  quebpiefois, 
faute  d'autres  aliments. 

La  longueur  des  pieds  de  derrière  donne  à  cet  animal  une  grande  facilite 
pour  sauter  d'arbre  en  arbre;  aussi  n'en  e.st-il  pas  de  plus  vif  et  de  pins  leste 
à  s'élancer  et  à  parcourir  une  forêt.  Sous  ce  rapport,  il  a  beaucon[)  d'analotne 
avec  les  singes  et  les  écureuils.  Mais  ses  grands  yeux  nocturnes  ne  peuvent  sup- 
porterles  rayonsdu  soleil,  et  comme  ses  pupilles  ne  paraissent  pas  exlrêmemenl 
dilatables,  il  est  possible  (ju'il  n'y  voie  bien  clair  ni  le  jour  ni  la  nuit  ;  la  finesse 
de  son  oreille  vient  au  secours  de  ses  yeux,  et  c'est  principalement  par  l'ouïe 
qu'il  est  averti  de  la  présence  des  insectes  qui  viennent  bourdonner  dans  le 
feuillage.  Pendant  le  jour,  il  habite  un  trou  creusé  par  le  temps,  dans  le  tronc 
d'un  arbre;  il  tient  son  petit  logis  dans  une  propreté  constante,  et  tant  que  le 
soleil  est  sur  l'horizon,  il  reste  mollement  couché  sur  un  lit,  ou  plutôt  dans 
un  nid,  qu'il  a  su  se  faire  avec  du  foin  et  des  herbes  fines  et  sèches.  C'est  là  que 
la  femelle  élève  sa  petite  famille.  iMais  cette  retraite  leur  est  quelquefois  funeste, 
parce  qu'elle  fait  perdre  à  ces  animaux  la  faculté  de  déployer  leur  extrême  agilité 
pour  fuir  le  danger.  Lorsque  les  Maures  ont  découvert  le  trou  qui  sertde  porte  à 
l'habitation,  ils  commencent  par  le  boucher,  et  ne  craignent  plus  que  le  «^ala'i^o 
leur  échappe;  puis  à  l'aide  d'un  bâton  à  crochet  ils  l'arrachent  de  son  asile  pour 
le  manger.  Les  nègres  de  Galam  lui  font  une  guerre  active  et  continuelle,  parce 
que  sa  chair  est  pour  eux  un  mets  fort  estimé. 

Lorsque  le  galago  cherche  sa  nourriture  et  qu'il  entend,  même  de  fort  loin,  le 
bourdonnement  d'un  insecte,  en  quatre  ou  cinq  bonds  prodigieux  il  s'approche 
guidé  par  le  bruit,  et  se  trouve  assez  près  pour  l'apercevoir.  Il  s'élance,  l'atteint 
au  vol,  le  saisit  habilement  avec  ses  mains,  et  calcule  si  bien  ses  mesures,  qu'il 
retombe  toujours  sur  une  branche  et  jamais  par  terre;  tout  cela  se  fait  avec  la 
rapidité  de  la  fièche,  et  c'est  avec  la  même  prestesse  qu'il  dévore  sa  proie.  D'autres 
fois,  s'il  juge  par  la  direction  d'un  papillon  qu'il  va  passer  i)rèsde  lui,  il  se  baisse, 
se  fait  petit,  puis  tout  à  coup  il  se  relève,  se  dresse  sur  ses  longs  pieds  de  der- 
rière, étend  les  bras  et  le  happe.  Si  le  papillon  vole  trop  haut,  le  galago  saute  ver- 
ticalement et  retombe  à  la  même  place  en  tenant  son  butin.  Tous  les  insectes 
sont  de  son  goût,  mais  les  coléoptères  sont  ceux  qu'il  préfère. 

Néanmoins,  en  esclavage,  on  le  nourrit  assez  aisément  avec  de  la  viande  cuite, 
des  œufs  et  du  laitage.  Il  est  fort  doux  et  s'apprivoise  facilement;  mais  sa  viva- 
cité, sa  pétulance  et  surtout  sa  force  pour  le  saut  ne  lui  permettent  pas  de  rester 
un  instant  en  place,  et  si  l'on  ne  veut  pas  qu'il  se  perde,  il  faut  le  tenir  en  cage 
comme  un  oiseau.  Toutes  les  espèces  ont  à  peu  près  les  mêmes  habitudes. 


s-i 


LF.S  QDADRUMANES. 


l.e  (ixi.AOO  A  CROSSE  QUKUE  (  Gu'ngo  rrassi- 
l'undntiis,  Geoff.  Le  grand  Gnlag-i,  (i.  Guv.  ) 
n  quatre  incisives  supérieures;  il  est  à  peu  près 
(fe  la  taille  dun  \i\\m\  ;  ses  oreilles,  moins  grandes 
que  dans  le  précédent,  ne  sont  que  des  deux 
tiers  de  11  lon^'ueur  de  la  tète;  sa  couleur  domi- 
nante est  le  gris  roux.  On  le  croit  de  la  cote 
orientale  d'Afrique,  sans  en  être  r)ien  certain. 

Le  Gu.*GO  HE  Mahaoyscar  (  Ga/ago  madas- 
vnnens'ix,  Geoff  Le  liai  île  Madagascar,  Buff. 
le  Malii  nui  ,  AritEii.)  est  plus  petit  que  le  précé- 
dent. Il  a  1rs  oreilles  moitié  plus  courtes  que  la 
tète  ;  son  pelage  est  roussiUre,  et  sa  queue, 
nio  ns  longue  que  son  corps,  est  couverte  de 
poils  courts.  On  le  trouve  à  Madagascar.  Peut- 
être  devrait-on  le  réunir  aux  makis. 

LcGaugo  de  Demiooff  {G'ilng>  Demldol/ii, 
Fiscii.  Lemur  minutiis,  G.  Cuv.i  est  plus  petit 
qu'un  rat  ordin:iiie,  et  ses  oreilles  sont  moins 
longues  que  sa  tète;  il  est  d'un  brun  roux,  et  sa 
queue,  plus  longue  que  son  corps,  se  termine 
en  pinceau;  il  n'a  que  deux  dents  incisives  à  la 
mâchoire  supérieure,  tous  caractères  qui  le 
r<q)proclienl  beaucoup  du  Galago  seaegalensis, 
si  ce  n'est  le  même.  On  le  trjuve  égalejTient  au 
Sén ''gai. 

Le  Gal\go  oe  GunÉK  ou  Potto  {Galago 
(juinccusis,  Desm.   Leiiiiir  polto,  Li.x.  —  Gmi.. 


.\{jCticebiis  potlo,  Cjeoff.  Le  Pvtto  de  Bosmaîs  ) 
ne  doit  pas  être  confondu  avec  le  kinkajou 
p.ilto.  Son  pelage  est  d'un  roux  cendré,  et  sa 
queue  de  longueur  rao\eune.  Jl  a  la  lenteur  et 
les  habitudes  paresseuses  du  loi'is  et  des  paies- 
seux.  C'est  tout  ce  que  l'on  sait  de  cet  animal 
d'une  existence  douieuse,  et  (pie  Bosman  seul 
a  décrit.  Il  habiterait  la  (iuinee. 

ôl'  Genre.  Les  TARSIEIÎS  (  Tarsins,  G. 
Cl  V.  )  ont  la  tète  arror.die,  le  museau  court,  les 
jeux  trèi-grands  ;  le.irs  dents  sont  au  nombre 
de  trente-quatre,  dont  quatre  incisives  à  la  nui- 
choire  supérieure,  et  deux  à  l'inf.rieure;  l'in- 
tervalle entre  leurs  molaires  et  leui's  incisives 
e.4  rempli  par  plusieui's  canines  courtes  ;  leurs 
membres  postérieurs  sont  très -allongés,  à  tar- 
ses trois  fois  plus  longs  que  le  métatarse;  ils 
ont  une  longue  queue. 

Le  PonjE  (  Tursius  si)C(lrit)ii,  Geof!'.  Lemur 
siieelnim,  Pai.l  Le  H'nollij  gerboa,  Pe>!v.  Le 
Tarsier,  Blff.)  ne  dépasse  pas  la  taille  d'un 
mulot.  La  longueur  de  ses  jambes  et  la  gran- 
deur énorme  de  ses  yeux  lui  donnent  un  aspect 
fort  étrange.  Il  est  roux  ;  ses  oreilles,  moitié 
moins  longues  que  sa  tète,  sont  membraneuses, 
nues  et  transparentes;  il  a  une  queue  fort  lon- 
gue et  en  partie  dénuée  de  poils.  Son  apparition 
étrange  et  nocturne  lui  a  valu  le  nom  de  spectre. 


Le  iKulje  habite  les  îles  Moliiques.  C'est  un  animal  noctufne,  d'un  caractère 
triste.  La  nuit,  il  sort  de  son  obscure  retraite,  et  chasse  aux  insectes  qui  font 
sa  nourriture,  en  sautant  sur  ses  jambes  de  derrière  à  la  manière  des  gerboises, 
ce  qui  lui  a  valu  de  l'ennant  le  nom  de  woolly  gerboa. 


Le  Tarsier  de  B\\c\  (  Tarxiiis  Banrarfis, 
IIoRSF,  — Desm.  )  habite  les  mêmes  contrées  que 
le  précédent  ;  il  manque  d'incisives  intermé- 
diaires à  la  m;ichoire  supérieure  ;  ses  oreilles, 
beaucoup  plus  courtes  que  sa  tcte,  sont  hoii- 
zonlales  et  arrondies;  son  pelage  est  brun,  et  il 
a  la  queue  très-grêle. 

Le  Tarsier  aux  mains  riilnes  (Tarsins  fiisro- 
iiirt)U(s,  Fiscii.— Geoff.)  est  un  peu  plus  grand 
qu'un  mulot,  et  ressemble  assez  au  podje,  mais 
il  est  d'un  brun  clair  sur  le  corps  et  d'un  gris 
blanchâtre  eu  dessous  ;  ses  oreilles  sont  d'un 
tiers  moins  longues  que  la  tête.  C'est  un  animal 
noclurn;;,  comme  ses  coug ''uêres,  et  on  le  trouve 
à  Madagascar. 

m"  Genre.  Les  KINKAJOUS  ou  POTOS 
d'otos,  Gkoff.   Ctrrolepif situa.)  ont  trente- 


six  denîs  dont  six  incisives,  deux  canines  et  dix 
molaires  à  chaque  mâchoire.  I^eur  museau  est 
court,  sans  follicules  nasales  ;  leur  tête  est  ar- 
rondie; leur  langue  est  étroite  et  dune  lon- 
gueur démesurée,  extensible  ;  ils  ont  cinq  doigts 
à  tous  les  pieds,  sans  ponce  distinct,  tous  armés 
d'ongles  crochus  ;  leur  queue  est  longue  et  pre- 
nante, mais  garnie  de  poils. 

Le  Maxaviri  ou  Cuculmhi  (Potns  caudivol- 
vuliis,  Geoff. — Desm.  Cennleptes  caiidivulvu- 
liis, Fn.Ciy.  Virera  randivolvula,  Scuntn.  Le 
polu  Buff.)  est  de  la  grandeur  d'une  fouine  ; 
son  pelage  est  laineux,  entièrement  d'un  gris 
ou  d'un  brun  jaunâtre  ;  la  partie  antérieure  du 
museau,  la  conque  externe  de  l'oreille,  la 
plante  des  pieds  et  la  paume  des  mains  sont 
nues. 


Le  nianiuiri  est  un  animal  solitaire,  qui  vit  dan?  les  forêts  les  plus  désertes 
de  l'Amérique  équatoriale.  Le  jour,  il  dort  profondément,  roulé  en  boule,  la 
tête  posée  sur  sa  poitrine  et  recouverte  par  ses  bras.  La  lumière  du  jour  lui 
fatigue  les  yeux,  aussi  recherche-t-il  l'obscurité.  Dès  que  vient  le  crépuscule  du 
.>îoir,  il  se  réveille  petit  à  petit,  se  frotte  les  yeux,  bâille  en  tirant  sa  longue 


MAKIS.  8i 

langue,  t'ait  quolciues  pas  en  chancelant  et  d'une  manière  irrésolue.  Puis,  enlin, 
complètement  réveillé,  il  se  met  en  quête  de  ses  aliments,  qui  consistent  en  petits 
mannniféres,  en  oiseaux,  en  insectes  et  en  fruits. 

Il  n'est  pas  très-habile  sauteur,  mais  néanmoins  il  grimpe  haliilcmenl  sur  les 
arbres,  en  parcourt  les  branches  pour  chercher  les  nids  d'oiseaux,  el  en  des- 
cend avec  prudence,  en  empoignant  la  tige  avec  ses  pieds  de  derrière,  el  sai- 
dant  de  sa  queue  qu'il  entortille  aux  rameaux  pour  prévenir  des  chutes,  (le  ne 
sont  pas  seulement  des  oiseaux  qu'il  va  chercher  en  furetant  sur  les  arJ:rcs  :  il 
visite  minutieusement  les  trous  qui  peuvent  se  trouver  à  leur  tronc,  afin  de 
découvrir  s'ils  recèlent  une  ruche  d'abeilles  sauvages.  Favorisé  par  un  poil  lai- 
neux et  très-épais  qui  le  défend  de  leurs  aiguillons,  et  par  la  fraicheur  de  la 
nuit  qui  tient  ces  insectes  dans  une  sorte  d'engourdissement,  il  enfonce  une  de 
ses  pattes  dans  la  ruche,  mais  avec  précaution,  et  il  brise  les  gâteaux  [wur 
mettre  le  miel  à  découvert.  Alors,  il  colle  sa  face  contre  1^  trou,  et  à  l'aide  de  sa 
longue  langue,  il  va  recueillir  le  miel  jusipi'à  un  pied  de  profondeur  dans  la 
ruche.  Cette  habitude  lui  a  valu  des  missionnaires  le  nom  d'ours  à  miel.  Selon 
quelques  voyageurs,  quand  il  en  trouve  l'occasion,  il  pénètre  dans  les  basses- 
cours,  saisit  les  volailles  sous  l'aile,  et  leur  boit  le  sang  avec  une  grande  avidité. 

Il  paraît,  d'après  ce  que  dit  M.  Ilumboldt,  que  les  anciens  indigènes  de  la 
Nouvelle-Grenade  avaient  réduit  cet  animal  à  l'état  de  domesticité.  Je  ne  sais 
trop  quel  avantage  ils  pouvaient  y  trouver,  à  moins  qu'ils  ne  l'aient  enqjloyé 
à  détruire  les  souris  de  leurs  cabanes,  ou  à  aller  à  la  découverte  des  abeilles. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  le  manaviri,  en  captivité,  est  d'une  douceur 
extrême,  et  qu'il  se  familiarise  avec  la  plus  grande  facilité.  Dans  ce  cas,  on  le 
nourrit  fort  bien  avec  des  fruits,  du  pain,  des  biscuits,  du  miel,  du  lait,  du 
sang,  etc.  Mais  quel  plaisir  peut-on  avoir  avec  un  animal  qui  dort  toujours  "f  Quand 
on  le  tire  de  son  sommeil  léthargique,  il  se  plaint  d'abord  par  un  petit  sifflement 
fort  doux,  il  fuit  la  lumière  et  cherche  à  se  cacher  dans  un  coin  obscur,  ou  du 
moins  à  mettre  ses  yeux  à  l'abri  du  jour.  Cependant,  avec  quelques  caresses,  on 
parvient  à  le  faire  jouer  ;  mais  dés  qu'elles  cessent,  il  retombe  dans  son  état  de 
stupeur  somnolente.  Quelquefois  il  mange  sans  le  secours  de  ses  mains,  mais  le 
plus  souvent  il  s'en  sert  à  cet  effet.  Quand  il  est  en  colère,  sa  voix  devient  assez 
forte  et  imite  un  peu  les  aboiements  d'un  jeune  chien. 


ôô-'Ge^he.  Les  AYE-AYE(rh<?iro))it/.s-,  li.i.ic.  Le    T.sitsuu   (  c;i<-iro))i{/.s-    madasrarieui.is, 

—  Cuv.)  ont  dix-huit  dents:  deux  incisives  à  De.sm.  Siiuriis  viadasidiicvsis ,  G>ii..  L'.li/f- 

chaque  màdioire,   dont  les  inférieures  très-  oi/f.  Bcff.  —  G.  Cuv. i  est  de  la  grandeur  d'un 

comprimées  ressemblent  à  des  socs  de  charrue.  chat  ;  son  pelage  est  grossier,  dun  gris  brun 

Les    extrémités    ont   toutes  cinq  doigts,  dont  nu  le  de  jaunâtre  ;  sa  queue  est  longue,  épaisse, 

celui  du  milieu  des  mains  est  très-long  et  très-  garnie  de  gros  crins  noirs  ;  sa  tcte  est  anon- 

gréle  ;  le  pouce   des  pieds  de  derrière  est  op-  die  et  porte  de  grandes  oreilles  nues;  ses  jeux 

posable  aux  autres  doigts  ;  ils  ont  deux  mamelles  sont  tristes,  faibles,  et  |)euvent  à  peine  siippor- 

ventrales  et  la  queue  touffue  et  très-longue.  (er  la  lumière. 

On  voit  à  Madagascar  des  forêts  vierges,  aussi  anciennes  que  la  terre  (pi'elles 
couvrent  de  leur  ombre,  et  dont  les  arbres  n'ont  jamais  été  renversés  que  par  la 
faux  du  temps.  C'est  là  que  vit  dans  la  solitude  du  désert  le  tsitsihi,  le  plus  farou- 


8'i  LES  QUADIiUMANES. 

che  et  pourluiit  le  plus  innocent  des  liabilants  des  bois.  Il  a  des  habitudes  paisi- 
bles, et  de  la  gravité  dans  ses  actions,  si  l'on  peut  se  servir  de  ce  mol.  Ses  mou- 
vements sont  lents,  mesurés,  peut-être  pénibles.  Aussi,  pour  se  soustraire  aux 
ennemis  (jui  l'atteindraient  aisément,  vu  la  lenteur  de  sa  marche,  il  ne  sort 
de  sa  retraite  que  la  nuit.  Pendant  le  jour,  il  se  tient  blotti  dans  un  terrier 
qu'il  sait  se  creuser,  dit-on,  dans  les  ravins,  à  proximité  des  forêts  où  il  va 
chercher  sa  nourriture.  Cependalit,  la  conformation  de  ses  pieds  me  paraît 
peu  propre  à  lui  permettre  de  creuser  une  habitation  souterraine  ;  probablemeni 
il  s'empare  de  celle  d'un  autre  animal  plus  faible  que  lui,  comme  font  les 
fouines,  les  martres,  les  renards  et  beaucoup  d'autres,  qui  ne  manqueni 
jamais  d'exproprier  le  premier  propriétaire  d'un  terrier,  quand  ils  en  trou- 
veiit  l'occasion  :  et  cependant,  on  sait  que  la  martre  et  le  renard  creusent  la 
terre  avec  assez  de  facilité.  L'écureuil  peut  nous  fournir  l'exemple  d'un  pareil 
brigandage,  car  il  s'empare  assez  volontiers  des  nids  de  pies  pour  y  établir 
son  domicile  après  l'avoir  maçonné  à  sa  fantaisie. 

Quoi  (ju'il  en  soit,  le  tsitsihi  se  nourrit  d'insectes,  de  vers,  et  de  fruits,  et  il 
préfère  ceux  qui  sont  secs  et  durs  aux  baies  et  aux  autres  fruits  mous.  Pen- 
dant toute  la  belle  saison,  il  ne  s'occupe  guère  qu'à  parcourir  les  forêts,  en 
grimpant  lentement  sur  les  arbres  pour  y  trouver  sa  nourriture.  Quoique  peu 
carnassier,  s'il  peut  saisir  un  oiseau  sur  son  nid,  il  manque  rarement  de  le 
faire  et  de  le  dévorer  ;  mais  c'est  aux  œufs  qu'il  donne  la  préférence. 

Rien  n'est  curieux  comme  de  voir  manger  cet  animal  :  il  se  pose  sur  le  der- 
rière, ayant  le  corps  dans  une  position  verticale,  et  avec  ses  mains  il  porte  les 
aliments  à  sa  bouche  ;  mais  pour  saisir  un  fruit,  il  n'a  pas  besoin,  comnie  l'écu- 
reuil, de  ses  deux  mains  :  grâce  à  son  long  doigt,  il  enveloppe  le  fruit  et  le  tient 
solidement,  pendant  que  son  autre  main  est  libre.  Jamais  il  ne  prend  un  objet 
en  l'empoignant  avec  ses  cinq  doigts,  mais  il  le  saisit  avec  le  doigt  du  milieu, 
et  avec  les  autres  il  continue  à  s'accrocher  aux  branches  pour  grimper. 

Lorsque  vient  la  saison  des  pluies,  il  ne  quitte  guère  son  terrier  que  s'il  y  est 
poussé  par  la  faim.  Dans  son  réduit,  il  sait  fort  bien  s'arranger  une  vie  séden- 
taire, et  il  ne  manipie  jamais  de  s'entourer  de  toutes  les  commodités  que  lui  per- 
mettent les  circonstances.  Sans  faire  positivement  des  provisions,  il  est  rare  <|u'il 
n'ait  pas  dans  son  terrier  assez  de  fruits  pour  vivre  trois  ou  quatre  jours  au 
nu)ins  sans  sortir.  Ainsi,  quand  des  chasseurs  rôdent  dans  les  solitudes  qu'il 
habite,  ou  qu'un  orage  inonde  la  campagne,  il  reste  tranquillement  chez  lui,  à 
l'abri  de  tout  danger,  jusqu'à  ce  que  sa  petite  provision  soit  épuisée,  et  l'on 
assure  même  qu'il  la  ménage  avec  économie,  pour  la  faire  durer  autant  de 
temps  qu'il  présume  devoir  passer  en  réclusion.  Il  aime  beaucoup  ses  aises,  et 
sa  voluptueuse  mollesse  ne  lui  permettrait  pas  d'habiter  une  demeure  humide, 
IVaiche,  ou  seulement  de  dormir  sur  la  terre.  Mais  il  n'est  pas  paresseux,  quoi- 
ipie  lent,  et  s'il  aime  à  être  bien,  il  ne  compte  sur  personne  que  sur  lui-même 
pour  se  procurer  ce  bien-être.  Il  travaille  avec  ardeur  et  pendant  longtemps  à 
se  faire  un  appartement  sec  et  commode  au  fond  de  son  terrier.  Après  l'avoir 
suftisaunnent  élargi,  il  y  transporte  une  quantité  de  petites  bùchelles  de  bois 
sec  qu'il  entrelace  avec  du  foin,  et  dont  il  forme  une  sorte  de  tenture  exacte- 
ment appli(iuée  contre  tontes  les  parois  de  sa  chambre  à  couchei".  11  la  rempli! 


MAKIS. 


8.i 


ensiiile  de  foin  sec  el  ties-duiix,  au  milieu  duquel  il  établit  son  lit.  (le  lit  lui- 
même  exig^e  encore  un  travail,  car  il  est  tapissé,  ou  plutôt  matelassé  avec  une 
mousse  fine,  sèche  et  chaude. 

C'est  là  qu'il  fait  ses  petits,  rarement  en  nombre  de  plus  de  trois  ou  quatre. 
Pendant  tout  le  temps  de  l'allaitement,  la  femelle  en  a  le  plus  grand  soin  et  ne 
les  quitte  (jue  lorsqu'elle  y  est  forcée  par  une  impérieuse  nécessité;  elle  les 
tient  surtout  dans  une  propreté  recherchée.  Lorsque  les  petits  commencent  à 
marcher,  elle  choisit  les  moments  où  la  lune  jette  ses  rayons  brillants  sur  les 
arbres  des  forêts  pour  les  faire  sortir  dii  terrier  et  jouer  sur  la  mousse  humide 
de  rosée.  Eu  sentinelle  à  côté  d'eux,  elle  veille  à  la  sûreté  générale,  et  au 
moindre  bruit,  à  la  plus  mince  apparence  de  danger,  elle  fait  rentrer  les  plus 
forts  et  emporte  les  plus  petits  au  fond  de  son  trou. 

Les  naturels  de  Madagascar  font  une  guerre  souteiuie  au  tsitsihi,  parce  qu'ils 
estiment  beaucoup  sa  chair,  qui  pour  un  Européen  est  un  mets  détestable.  Ils 
lui  tendent  des  pièges  au  pied  des  arbres,  ils  le  déterrent  de  son  trou,  et  le  tuent 
à  coups  de  lléche  ou  de  fusil.  Il  n'est  ni  féroce  ni  méchant,  mais  il  aime  la  liberté 
plus  que  la  vie.  Aussi,  quand  on  le  prend,  jeune  ou  vieux,  s'il  ne  se  laisse  pas 
mourir  de  faim  dans  les  premiers  jours  de  sou  esclavage,  il  vit  quelque  teuqjs 
dans  la  tristesse,  il  tombe  dans  la  consomption,  et  il  périt  après  avoir  traîne 
pendant  quelques  mois  une  vie  languissante,  qu'il  paraît  quitter  sans  regrets. 

Ici  linit  l'ordre  des  quadrumanes,  dont,  nous  devons  le  dire,  les  limites  sont 
tracées  d'une  manière  assez  incertaine.  Par  exemple,  ce  dernier  genre  a  été 
placé  par  (i.  Cuvier  parmi  les  rongeurs,  après  les  polatouches;  M.  de  Blainville 
l'a  reporté  à  la  suite  des  quadrumanes,  et  nous  l'y  maintenons  sur  la  considé- 
ration de  son  pouce  des  pieds  de  derrière,  qui  est  opposable  aux  autres  doigts. 

Le  geiH'e  tarsius  est  évidemment  plus  voisin  des  galéopithèques  et  des  chauves- 
souris  que  des  quadrumanes,  aux  ailes  prés. 

Les  kinkajous  ou  potos  ne  se  prêtent  encore  nettement  à  aucune  de  nos  clas- 
sitications,  et  pourraient  peut-être  se  reporter  avec  les  carnassiers  plantigrades, 
entre  les  coatis  et  les  blaireaux,  où  G.  Cuvier  les  avait  mis,  et  d'où  sou  frère 
les  a  retirés  pour  les  lejeler  à  la  tin  des  ([uadi'umanes. 


LES 


CARN4SSIEHS   CHÉIROPTÈRES, 


DIÎUXIÈME    OHDRE    DES    MAMMIFERES. 


L'Oleek. 


Ils  ont  des  incisives,  des  canines  et  des  iiic- 
laires,  comme  tous  les  carnassiers,  mais  de 
formes  très-variées.  Un  caractère  qui  les  tran- 
che net  davectous  les  autres  mammifères, c'est 
un  repli  membraneux  de  la  peau  des  flancs, 
(jui  s'unit  aux  quatre  membres  et  aux  doigts  des 
mains,  de  manière  à  former,  dans  le  plus  grand 


notnhre,  de  véritables  ailes  propres  au  vol 
connue  celles  des  oiseaux.  Ils  ont  deux  mamelles 
qui  sont  placées  sur  la  poitriue 

Cet  ordre  se  divise  en  six  fauiilles,  savoir  :  les 
galéopithèqucs  ou  chats-volants,  les  ph>lloslo- 
uies,  les  rhinolophes,  les  vesperlilions,  les  noc- 
tilions  et  les  meganyctères. 


LES  CHATS-VOLÂ!NTS,  OU  GAIÉOPITHÈQUES. 


Se  distinguent  des  chauves-souris  parce  que 
les  doigts  de  leurs  mains,  tous  garnis  d'ongles 
tranchants,  ne  sont  pas  plus  allongés  que  ceux 
des  pieds;  il  en  résulte  que  la  membrane  qui 
occupe  les  intervalles  des  membres  et  s'étend 
jusqu'à  la  queui-  ne  leur  sert  pas  d'ailes,  mais 
simplement  de  parachute.  Ils  ont,  à  la  mâchoire 
inférieure,  six  incisives  fendues  eu  lanières 
droites  ccmune  les  dents  d'un  peigne. 


I"    CiKNiiK.     Les    CHATS  -  VOLAXïS,  ou 

PLEUROPTÈRES  {Galeoi)ithr(i(s,  Pall  ),  ont 
trente-quatre  dents j  les  incisives  supérieures 
dentelées  et  les  inférieures  pectinées  :  leurs  mo- 
laires sont  mousses,  avec  une  dentelure;  leurs 
membranes  interféniorales  et  latérales  sont  ve- 
lues. Ces  animaux  sautent  fort  loin,  au  mojen 
de  la  membrane  qui  leur  sert  d'ailes,  mais  ils 
ne  volent  pas. 


L 'AMPHlTHEiATRÉ    DES    C0UA3 

1   .1»!  .lin    .l.<     Hls.itc'».) 


CHATS-VOLANTS.  87 

I/()LKI-:k  ((îiilcoi)illH'ius  nifus,  Geoff.  Leniur  vohms.  Lin. — Audkb.  i. 

Il  habite  les  îles  Pelew  ou  Palaos,  dans  les  Moluques,  et  aux  îles  de  la  Sonde. 
Il  a  environ  un  pied  de  longueur  (0,525);  sa  couleur  est  roussàtre  en  dessous, 
d'un  joli  gris  roux  en  dessus,  avec  des  ondes  blanches,  irrégulièrement  bordées 
de  gris  noirâtre,  et  s'étendant  de  chaque  côté  du  corps  depuis  le  derrière  des 
oreilles  jusqu'à  la  naissance  des  cuisses.  Il  a  le  museau  un  peu  long,  fin  comme 
celui  d'une  belette,  les  oreilles  courtes  et  les  yeux  vifs. 

L'oleek  ne  peut  pas  voler  comme  les  chauves-souris,  car  sa  membrane  n'est 
pas  assez  longue  pour  cela  ;  mais  il  sait  tellement  bien  manœuvrer,  qu'il  par- 
court d'assez  grandes  distances  dans  les  airs,  et  passe  aisément  d'un  arbre  à  un 
autre  arbre  éloigné  de  cinquante  à  soixante  pas.  Pour  cela,  il  monte  à  l'extré- 
mité de  la  plus  haute  branche,  s'élance  d'un  bond  vers  l'arbre  voisin,  puis  il 
étend  sa  membrane,  penche  un  peu  son  corps,  la  tète  vers  la  terre,  et  glisse 
ainsi  dans  l'air  en  décrivant  une  parabole  oblique  à  l'horizon.  Il  en  résulte  qu'é- 
tant parti  de  la  branche  la  plus  haute  d'un  arbre,  il  arrive  juste  à  la  branche  la 
plus  basse  d'un  autre  arbre.  Quand  la  forêt  est  épaisse  et  les  arbres  très-rap- 
prochés,  on  croirait  qu'il  doit  diriger  son  parachute  de  manière  à  sauter  sur 
une  branche  élevée;  il  n'en  est  rien,  et  il  tombe  toujours  sur  la  plus  basse.  Mais 
il  a  une  raison  pour  cela  :  toute  la  journée  il  est  occupé  à  donner  la  chasse  aux 
insectes  et  aux  petits  oiseaux  qui,  ainsi  que  lui,  habitent  les  forêts.  Pour  n'avoir 
pas  à  remonter  à  la  cime  d'un  arbre  quand  il  veut  aller  sur  un  autre,  il  commence 
toujours  sa  chasse  en  explorant  les  branches  basses,  puis  celles  au-dessus,  et 
ainsi  de  suite  de  bas  en  haut,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  arrivé  au  sommet. 

L'oleek  est  la  terreur  des  colibris  et  autres  petits  oiseaux  qu'il  saisit  sur  leur 
nid  pendant  la  nuit,  ou  dont  il  brise  et  mange  les  œufs  pendant  le  jour.  Quel- 
quefois il  se  met  en  embuscade  sur  une  grosse  branche,  tantôt  couché  sur 
l'écorce,  tantôt  suspendu  par  la  queue  et  les  pieds  de  derrière.  Si  un  colibri  ou 
une  grosse  phalène  passent  en  volant  à  quelques  pieds  de  lui,  il  s'élance  tout 
à  coup,  les  saisit  au  vol,  et  tombe  sur  une  branche  voisine,  où  il  les  dévore  à  son 
aise.  Quand  il  se  tient  suspendu  dans  son  embuscade,  il  attend  que  le  colibri 
passe  dessous  lui,  fût-ce  à  quinze  ou  vingt  pieds  de  distance;  il  prend  son  mo- 
ment, se  laisse  tomber  perpendiculairement  dessus,  le  saisit,  déploie  sa  mem- 
brane pour  adoucir  sa  chute  et  glisse  dans  l'air  jusque  sur  la  branche  la  plus 
rapprochée.  Il  a  le  coup  d'o'il  si  juste  et  si  prompt,  qu'il  rencontre  toujours  sa 
proie  dans  sa  chute  et  ne  la  manque  presque  jamais.  Son  odorat  est  aussi  très-fin. 

Cet  animal  ne  met  bas  ordinairement  qu'un  petit  pour  lequel  il  a  beaucoup 
de  tendresse.  Il  lui  fait  avec  soin  un  nid  d'herbe  fine  et  sèche,  dans  le  trou  d'un 
tronc  d'arbre,  mais  il  ne  l'y  laisse  que  quatre  à  cinq  jours,  après  quoi  celui-ci  est 
assez  fort  pour  se  cramponner  sur  son  ventre  et  y  rester  constamment  jusqu'à 
ce  qu'il  puisse  se  hasarder  à  quitter  sa  mère  pendant  quelques  instants,  ou  au 
moins  à  se  placer  sur  sou  dos  pour  se  reposer  de  son  attitude  ordinaire. 

Du  reste,  sa  posture  est  moins  fatigante  qu'on  pourrait  le  croire,  car  sa 
mère  le  soutient  presque  constamment  avec  sa  main  qu'elle  lui  place  sur  le  dos. 
Quand  la  chasse  est  linie,  ou  mémo  en  la  faisant,  l'oleek  ne  marche  pas,  comme 
les  autres  animaux,  sin*  les  branches,  mais  dessons,  de  manière  à  avoir  le  corps 
pendu  à  la  renverse.  11  en  résulte  que  son  enlanl  se  tronve  |)lacé  comme  dans 


88 


LES   CAKNASSIEUS  CHEIROPTERES. 


lin  luiinac  el  rett'iiii  par  la  menibiaiie  des  ailes,  de  la  même  manière  qne  dans 
nn  Ijerceaii  (jui  serait  placé  au  milieu  d'un  lilet.  S'il  a  envie  de  dormir,  la  mère 
cesse  de  marcher  et  donne  à  son  corps  un  mouvement  doux  de  balancement, 
absolument  comme  une  nourrice  qui  berce  avec  précaution  un  enfant  chéri.  Du 
reste,  cette  attitude  est  familière  au  galéopithèque,  et  s'il  en  prend  quelquefois 
une  autre  pour  dormir,  quand  il  n'a  pas  de  petit,  c'est  pour  se  suspendre  par 
les  pieds  de  derrière,  la  tête  en  bas,  comme  les  chauves-souris. 

Les  Indiens  aiment  assez  la  chair  du  chat-volant,  surtout  dans  une  saison  de 
l'année  où  ces  animaux  cessent  de  faire  la  chasse  aux  insectes  pour  se  nourrir 
d'une  petite  baie  semblable  à  une  groseille,  et  très-abondante  dans  les  forêts  en 
de  certains  temps  ;  ils  aiment  ces  petits  fruits  qui  les  engraissent  beaucoup. 


Le  Galéopithèque  varié  (Galeop\thenf<  va- 
rirgaliis,  Geoff.)  n'a  que  cinq  pouces  de  lon- 
gueur (0,155)  ;  il  est  d'un  brun  gris,  vaiié  en 
dessus  de  plus  foncé,  avec  les  membres  lactiés 
de  blanc.  Il  a  la  tête  plus  grosse  et  le  museau 
plus  allongé  que  le  précédent,  et,  comme  lui, 
il  babile  les  Moinques. 


Le  Galéopithèque  DE  TEii?ikTE  (Galeopithe- 
ms  ternatensis,  Gioff.  Fdis  tolnns  Tirnntra. 
Sera)  est  encore  plus  peiit  que  le  précédenl. 
11  est  d'un  gris  roux  plus  pâle  en  dessous  qu'en 
dessus,  avec  des  taches  blanches  sur  la  queue. 
11  habite  égaleuuiit  les  Molmiues.  Scba  avait  cru 
lui  Irouver  de  l'analogie  avec  les  chats. 


LES  PIIVLLOSTOMES. 


C'est  avec  cette  famille  que  commence  la  séi'ie 
des  véritables  chauves-souris,  qui  toutes  ont  les 
doigts  des  mains  allonges  et  pris  dans  une  mem- 
brane nue  formant  une  aile  complète  ;  leur  pouce 
est  séparé,  libre,  court,  armé  d'un  ongle  ro- 
buste et  crochu;  leurs  pieds  de  derrière  sont 
faibles,  et  leurs  doigts  égaux  en  longueur. 

La  famille  des  phvllostomes  a  sur  le  nez  une 
membrane  en  forme  de  feuille  relevée  en  tra- 
vers, simple,  solitaire  ou  impaire.  L'index  des 
mains  est  composé  de  deux  phalanges. 

2*  Gemii;  Les  PHYLLOSTO.MES  tPhyllo- 
stoma,  Gkoff.)  ont  trente-deux  dents  :  quatre 
incisives,  deux  canines  très-fortes,  et  dix  mo- 
laires à  chaque  mâchoire;  leurs  oreilles  sont 


grandes,  séparées,  à  oreillon  interne  denté;  ils 
ont  sur  le  nez  deux  crêtes,  lune  en  forme  de 
feuille  et  l'autre  en  forme  de  fer  à  cheval  ;  leur 
langue  est  hérissée  de  papilles.  Les  trois  pre- 
mières espèces  ont  une  queue  plus  courte  que 
les  membranes  interfémorales;  les  quatre  der- 
nières n'en  ont  pas  du  tout- 

Le  Fer  de  lx^ck  \  l'hiilldstomn  hastntiiDi , 
Geoff.  Vesperlilio  hnstatus,  Ln.  Le  Fer  de 
lance.  Buff,  —  G.  Crv.)  a  la  feuille  du  nez  en 
forme  de  fer  de  lance,  entière  sur  ses  bords, 
c'est-à-dire  ni  crénelée  ni  dentée  ;  sa  queue  est 
entièrement  engagée  dans  la  membrane  inter 
fémorale.  Cette  espèce  se  trouve  à  la  Guyane, 
où  elle  ne  quitte  guère  les  foréis. 


Le  fer  de  lance  est,  comme  toutes  les  chauves-souris,  un  animal  fort  extraor- 
dinaire pour  l'observateur.  La  première  chose  qui  frappe  le  vulgaire,  en  consi- 
dérant une  chauve-souris,  c'est  l'analogie  que  son  vol  rapide  et  élevé  lui  donne 
avec  les  oiseaux.  On  est  étonné  de  voir  cet  aniinal,  couvert  de  poils,  ayant  une 
bouche  armée  de  dents,  s'élancer  dans  les  airs,  s'y  soutenir,  s'y  promener  avec 
plus  de  facilité  même  qu'une  hirondelle.  Pour  l'observateur,  l'analogie  peut  se 
pousser  plus  loin;  ainsi  que  les  oiseaux,  les  chauves-souris  ont  les  muscles  pec- 
toraux très-épais  et  très-développés  afin  de  fournir  aux  bras  toute  la  force 
nécessaire  pour  soutenir  le  corps  en  volant;  leur  sternum  a  de  même  une  arête 
saillante  pour  servir  de  point  d'appui  et  d'attache  à  ces  muscles;  «  enfin, dit  Buf- 
fon,  elles  paraissent  s'en  a[)procher  encore  par  ces  membranes  ou  crêtes  qu'elles 
ont  sur  la  face;  ces  parties  excédantes,  qui  ne  se  présentent  d'abord  que  comme 


LES    GRANDES    SERRES. 


(.I.,din     .les     Hl.ntts.) 


I»llYLLOSTO.\n:S.  8<) 

(les  diri'ormités  supeiihios,  sont  des  caracléies  réels  cl  les  miaïucs  visililes  de 
lamljigiiïté  de  la  nature  entre  ces  quadrupèdes  volants  et  les  oiseaux,  caria 
plupart  de  ceux-ci  ont  aussi  des  membranes  et  des  crêtes  autour  du  hec  et  de 
la  tète,  qui  paraissent  tout  aussi  superflues  que  celles  des  chauves-souris.  » 

Une  analogie  plus  singulière  encore  est  celle  que  ces  hideux  animaux  ont 
avec  l'homme,  paf  certains  organes,  notamment  par  les  mamelles  des  femelles, 
([ui  sont  placées  sur  la  poitrine.  Leuis  autres  caractères  les  rapproehent  tantôt 
des  quadrun)anes,  tantôt  des  petits  carnassiers  carnivores;  leur  figure  et  leur 
pelage  les  font  souvent  ressembler  à  des  rats  ou  à  des  som-is,  mais  lem's  grandes 
ailes  livides  les  séparent  de  tous  les  autres  mannniferes. 

Ce  sont  des  animaux  nocturnes,  dont  les  yeux,  excessivement  petits,  ne  peu- 
vent supporter  la  lumière  du  jour.  Aussi  se  cachent-ils  dans  les  lieux  les  plus 
obscurs,  pour  n'en  sortir  que  la  nuit  et  aller  à  la  chasse  aux  insectes  et  parti- 
culièrement aux  papillons  nocturnes,  qu'ils  saisissent  au  vol  avec  beaucoup  d'a- 
dresse. Dans  les  trous  et  les  rochers  qu'ils  habitent,  ils  se  suspendent  par  les 
pieds  de  derrière,  la  tète  en  bas,  et  passent  tonte  la  journée  à  dormir  dans 
cette  altitude  singulière.  Les  espèces  de  nos  climats  s'engourdissent  et  passent 
l'hiver  en  léthargie,  comme  les  loirs  et  les  maimoltes. 

Les  femelles  font  ordinairement  deux  petits,  qu'elles  tiennent  crampoimés  a 
leurs  mamelles,  et  dont  la  grosseur  est  considérable  comparativement  à  celle  de 
leur  mère. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  s'applique  non-seulement  au  fer  de  lance, 
mais  à  toutes  les  chauves-souris.  A  la  suite  de  cette  espèce  on  placera  celles-ci  : 

Le  Phyllostomf.  a  feuille  allongée  (P(i(///o-  Le  Phïi.lostome  a  felilles  akuomiik.s  (/>/n//- 

.s*oiii"  f/ongatum,  Geoff.).  Bords  de  ta  feuille  hstoma  rotundum  ,  Geoff.).  D'un  hniii  rou 

entiers;  extrémité  de  la  queue  libre.  Patrie  in-  geâtre;  feaille  entière,  seulement  iiirondie  au 

connue.  sommet.  Du  Paraguay. 

Le  Pbïllostome  crénelé  [PhiiUosloma  rre-  Le  Puyll(istojie  flfur  de  us  { Phtillnstotna 

•lu/a/inn,  Geoff.  LeFerfrfHP/e,  G.CLv.i.Bords  lUimn  ,  Geoff.)    Mâchoires  allongées  ;  feuille 

de  la  feuille  dentelés;  extrémité  de  la  queue  entière,  aussi  haute   que  large,  à  hase  très- 

lihre.  Patrie  inconnue.  Ceux  qui  suivent  n'ont  étroite.  Du  Paraguay 

pns  de  queue.  3'   Genre.    Les    VA.MPIRES    {Viivipirus, 

Le  Phyllostome    rayé  { Plujllostoma  linea-  Geoff.)  ont  trente-quatre  dents,  dont  deux  iii- 

tinn,  Geoff).  Long  de  deux  pouces  neuf  lignes  cisives  et  deux  canines  à  chaque  niiichoire,  dix 

(0,u"4  ;  une  raie  blanche  sur  la  face  et  quatre  molaires  à  la  mâchoire  supérieure  et  douze  à 

sur  le  dos;  feuille  entière.  Du  Paraguay  rinférieure.  Leur  feuille  est  ovale,  creusée  en 

Le  Phyllostome  ll>ette  (^Phiilhstoma  jxr-  entonnoir. 

spicillatum,  Geoff.  l'esperlilio  pcrspicillalus,  L'Andira-Guaçu  i  l'nmi)iniss(iiigin-ii({a,Lf.ss. 

Li>  ).   D'un  noir  brunâtre,  a\ec   deux   raies  Phijllostoma    sperlrum ,    Geoff.     ]'espertU\n 

Idanches;  feuille  courte,  échancrée  près  de  sa  specinnn,  Lnx.  Le  Vampire,  Buff.  — G.  Cuv.^ 

pointe    De  r. Amérique  méridionale.  M.  llicord  est  de  la  grandeur  d'une  pie;  son  pelage  est 

a  observe  que  cette  espèce  vit  de  fruit  du  sapo-  d'un  brun  roux,  et  sa  feuille  nasale  est  entière, 

tillier,  dont  elle  fait  un  grand  dégât.  uioins  large  que  haute,  quoique  élargie  à  sa  base 

L'andira-guaçu  a  servi  de  texte  à  beaucoup  de  contes  que  nous  ont  débites  les 
anciens  voyageurs.  La  Condamine,  Pierre  Martyre.  Jumilla,  don  George  Juan, 
don  Antonio  de  UUoa,  semblent  s'être  donné  le  mot  pour  enchérir  les  uns  sur  les 
autres  dans  les  relations  qu'ils  nous  font  de  ce  terrible  animal  :  «  Les  chauves- 
souris,  qui  sucent  le  sang  des  mulets,  des  chevaux,  et  même  des  hommes,  dit 

^2 


î)0  LES  CARNASSIERS  CHÉIROPTÈRES. 

La  Condainiue,  quaml  ils  ne  s'en  garantissent  pas  en  dormant  à  l'abri  d'un  pa- 
villon, sont  un  fléau  commun  à  la  plupart  des  pays  chauds  de  l'Amérique.  Il  y 
en  a  de  monstrueuses  pour  la  grosseur.  Elles  ont  entièrement  détruit  à  Borja, 
et  en  divers  autres  endroits,  le  gros  bétail  que  les  missionnaires  y  avaient  intro- 
duit, et  qui  commençait  à  s'y  multiplier.  « 

Buffon  cite  ce  passage  avec  une  grande  confiance,  et  il  me  semble  (pie  ce 
célèbre  écrivain  aurait  dû  le  rejeter,  comme  impliquant  contradiction;  en 
effet,  comment  le  bétail  a-t-il  pu  commencer  à  se  multiplier  malgré  les  vampires, 
et  comment  les  vampires,  qui  n'avaient  pas  empêché  cette  multiplication,  ont- 
ils  pu  ensuite  détruire  tous  les  animaux  qui  en  résultaient? 

Jumilla  va  plus  loin  (jue  La  Condauiine.  «  Ces  chauves-souris  sont  d'adroites 
sangsues,  s'il  en  fut  jamais,  qui  rôdent  toute  la  nuit  pour  boire  le  sang  des 
hommes  et  des  bêtes.  Si  ceux  que  leur  état  oblige  de  dormir  par  terre  n'ont  pas 
la  précaution  de  se  couvrir  des  pieds  à  la  tête,  ils  doivent  s'attendre  à  être  piqués 
des  chauves-souris.  Si,  par  malheur,  ces  oiseaux  leur  piquent  une  veine,  ils 
passent  des  bras  du  sommeil  dans  ceux  de  la  mort,  à  cause  de  la  quantité  de 
sano-  qu'ils  perdent  sans  s'en  apercevoir,  tant  leur  piqûre  est  subtile;  outre 
que  battant  l'air  avec  leurs  ailes,  elles  rafraîchissent  le  dormeur  auquel  elles 
ont  dessein  d'ôter  la  vie.  » 

Ulloa  est  moins  exagéré  :  «  Les  chauves-souris  sont  communes  à  Carthagéne, 
dit-il  ;  elles  saignent  fort  adroitement  les  habitants  en  leur  tirant  assez  de  sang, 
sans  les  éveiller,  pour  les  affaiblir  extrêmement.  » 

La  vérité  est  que  l'andira-guaça,  tout  vampire  qu'il  est  par  le  nom,  ne  suce 
personne,  ni  homme  ni  animaux,  et  c'est  ce  dont  les  voyageurs  modernes  et  les 
naturalistes  américains  se  sont  assurés.  Sa  langue  papilleuse  et  extensible  ne  lui 
sert  qu'à  sonder  sous  les  vieilles  écorces  des  arbres,  pour  en  retirer  les  insectes 
et  les  phalènes  qui  s'y  cachent,  et  il  a  cela  de  commun  avec  les  phyllostomes  et 
l)eaucoup  d'autres  chauves-souris.  Il  se  nourrit  habituellement  d'insectes,  de 
petits  animaux,  et  même,  dit-on,  de  fruits.  C'est,  de  tous  les  chéiroptères,  celui 
qui  marche  sur  la  terre  avec  le  plus  d'aisance.  H  est  commun  dans  la  Nouvelle- 
Espagne. 

4«  GE^K^•.  Les  MADATÉES  (Madnlevs  5^  Gemie.  Les  «LOSSOPHAGES  (  G/osso- 
I.EACu.  ont  quair  e  incisives  ;i  cliaque  niàctioire,  phagn,  Geoff.)  ont  vingt-quatre  dents  :  quatre 
les  deux  intermédiaires  supérieures  bifides  et  incisives,  deux  canines  médiocrement  fortes,  et 
plus  longues  que  les  latérales  :  les  inférieures  six  molaires  à  chaque  màclioire  ;  la  langue  est 
égales,  simples  et  aiguës;  liuit  molaires  supé-  1res  -  extensible  ,  terminée  par  des  papilles; 
rieures  et  dix  inférieures;  leur  langue  est  bitide  feuille  en  forme  de  fer  de  lance;  membrane 
à  la  pointe;  leurs  lèvres  garnies  de  papilles  iulerféniorale  très-petite  et  nulle;  queue  va- 
molles,  comprimées  et  frangées  ;  ils  ont  deux  riable  ou  nulle.  Toutes  les  espèces  sont  d'Amé- 
feuilles  nasilles  et  i)as  de  queue.  rique. 

La  Mamutée  DE  Lewis  (.VfliidaJeiis  Lewis,  La   Glossophaoe    ue   Pallas    [Clossophaga 

Leacu.)  Dun  brun  noiràlre;  seize  pouces  d'en-  soririun,  Geoff.    Vespertiho  soricimis,  Limv. 

vergure   (0,450),  et   membrane  interfémorale  —  Pall.  La  FeniZ/e,  Vicq-d'Azvr)  sereconnailà 

écbancrée  ;  oreilles  médiocres   et    arrondies  ;  son  manque  de  (lueue  et  n  sa  membrane  inter- 

feuille  brusquement  pointue  vers  le  haut.  De  fémorale  qui  est  fort  large, 
la  Jamaïque. 

Cette  espèce  liabite  Cayenne  et  Surinam.  La  longueur  de  sa  langue,  les  papilles 


PHYLLOSIOMKS.  91 

qui  la  terminent,  et  que  l'on  a  prises  pour  un  suçoir,  l'ont  l'ait  accuser,  ainsi  que 
ses  congénères,  de  sucer,  comme  le  vampire,  le  sang  des  hommes  et  des  ani- 
maux endormis.  Le  fait  est  qu'elle  est  fort  innocente  de  cette  accusation,  et 
que  cet  organe  lui  sert  uniquement  à  sonder  les  petits  trous  et  les  fissures  des 
troncs  d'arbres,  quand  elle  pense  y  trouver  les  larves  et  les  insectes  dont  elle  se 
nourrit. 


La  Glossophage  caudataihe  (  Glossophaga 
raudifer,  Geoff.)  a  la  membrane  interfémorale 
très-courte,  un  peu  débordée  par  la  queue.  Du 
Brésil. 

La  Glossophage  a  qdeije  e:\veloppee  [Glosso- 
phaga amj)lexicaudata,  Geoff.)  est  d'un  brun 
noirâtre;  sa  membrane  iuterfémorale  est  large  ; 
sa  queue,  courte,  est  terminée  par  une  nodo- 
sité. Du  Brésil,  aux  environs  de  Rio-Janeiio. 

La  Glossopuaoe  sa.^s  queue  (  Glossophaga 
ciuudatn,  Geoff.)  manque  de  queue.  Sa  mem- 
brane interfémoralc  est  courte.  Du  Brésil. 

(i'GE'VKE.  LesRHIXOPOMES  (hhmopoma, 
Geoff  )  ont  vinjjl-huit  dents  :  deux  incisives 
supérieiiies  et  quatre  inférieures  ;  deux  canines 
à  chaque  mâchoire  ;  huit  molaires  à  la  mâchoire 
supérieure  et  dix  n  l'inférieure.  Leur  nez  est 
conique,  long,  tronqué  au  bout,  portant  une 
petite  feuille,  les  narines  sont  terminales,  traus- 
versales,  operculées  ;  les  oreilles  sont  grandes 
et  réunies ,  avec  un  oieillon  extérieur  ;  leur 
queue  est  longue,  prise  à  sa  base  dans  la  mem- 
brane inlerfémorale,  qui  est  coupée  carrément, 
libre  à  lextrémité. 

La  RiuNOPOME  mu:ropuvi.le,  de  Geoff.  (  TVs- 
pertilio  }iiicrophij{liis,  Sciib.  La  Chauie-souiis 
d'Egypte,  Belo.x)  est  d'un  gris  cendré  et  a  la 
queue  très-longue.  Elle  se  trouve  en  Egypte,  et 
se  plait  surtout  à  habitei'  les  galeries  obscures 
des  Pyramides. 


La  Rhixopome  de  la  Caroloe  ( /{/miio/johio 
Caroliniensis,  Geoff.)  est  brune;  sa  qiieiu' 
é[)nisse  est  assez  longue.  On  la  croit  de  la  Caio- 
hne  du  Sud. 

7'^  CtEmie.  Les  ARTIBKES  [Artibeiis,  Leacii.) 
ont  trente  dents  :  quatre  incisives  à  chaque  mâ- 
choire, les  supérieures  bilides  et  les  inférieures 
tronquées;  deux  canines  à  chaque  m'uhoire, 
les  supérieures  avec  uu  rebord  interne  à  leur 
base  ;  quatre  molaires  supérieures  et  cinq  infé- 
rieures de  chaque  côté  ;  deux  feuilles  nasales, 
une  horizontale  et  l'autre  verticale;  point  de 
queue. 

L'Artibée  DELA  jAJiAÏyi  E  {  Ailibcus  juitiuï- 
censis,  Leacii.)  est  brune  en  dessus,  duu  gris 
de  souris  en  dessous,  avec  les  oreilles  brunâ- 
tres, ainsi  que  les  oreillons.  Des  Antilles. 

8"  Genre.  Les  MOXOPHYLLES  (Monuphij:- 
Itis,  Leacb.)  ont  trente  dents  :  quatre  incisives 
supérieures  dont  les  mitoyennes  plus  longues  et 
bifides:  point  à  la  mâchoire  inférieure  ;  deux 
canines  en  haut  et  deux  eu  bas  :  dix  molaires 
supérieures  et  douze  inférieures;  leur  feuille 
est  unique,  droite  sur  le  nez,  et  leur  queue 
courte. 

Le  Mo>OPUvLLE  DE  BiDJiANN  (MonopUijlliis 
Itedmaunii,  Leacii. i  est  brun  en  dessus,  gris  en 
dessous,  à  membranes  brunes  ;  ses  oreilles  sont 
arrondies;  sa  feuille  est  aiguë,  couverte  de  pe- 
tits poils  blancs.  Il  habite  la  Jamaïque. 


92 


LES   CAKNASSIKRS  CHFJ  HOPTKHKS. 


X 


'//■=- 


1(1  Fer  à  cheval. 


LES   KHINOLUPHES 


;iu\  laractfri's  g(iu'rau\  des  chauves-souris  en 
joignent  de  pamieulieis  qui  les  Iraiulieut  (oit 
hien.  Leur  nez  est  garni  de  men:l)ianes  et  de 
erétes  fort  compliquées;  ils  ont  une  seule  j:ha- 
jjinge  à  l'index;  leurs  ailes  sont  grandes;  les  le- 
niclles  ont  les  mamelles  sur  la  poitrine,  mais  on 
leur  voit  sou^ent  des  verrues  au  ventre,  simu- 
lant assez  bien  des  mamelles. 

9'  Genre.    Les  RHIXOLOPHES  {  Rhinolo- 


phtis,  Geoff.)  ont  trente-deux  dents  :  deux  in- 
cisives à  la  mâchoire  supérieure,  quatre  à  l'in- 
férieure; deux  canines  en  haut  et  en  bas;  dix 
molaiies  supérieures  et  douze  inférieures.  Le 
nez  est  placé  au  fond  d'une  cavité  bordée  d'une 
large  crête  en  forme  de  fer  à  cheval,  et  sur- 
montée d'une  feuille.  Leurs  oreilles,  qui  man- 
quent d'oreillon,  sont  latérales,  moyennes;  leur 
queue  est  longue. 


Le  GRAND  FER  A  CHEVAL  ^  Bliuiuloijluis  luù-liaslaUis,  Geoff.  VesperlU'io  fer- 
riim  equïniini.  Lin.  Le  Grand  fer  à  cheval,  Buff.). 

11  a  la  feuille  nasale  double,  l'antérieure  sinueuse  aux  bords  et  au  sommet, 
la  postérieure  en  fer  de  lance. 

(lette  cbauve-souris  est  une  des  plus  communes  que  nous  ayons  en  France; 
elle  babile  les  cavernes,  les  carrières  et  les  souterrains  des  vieux  monuments 
abandonnés  dans  toute  l'Europe.  Elle  n'en  sort  qu'à  la  nuit  close  pour  aller 
(basser  les  papillons  de  nuit  et  les  insectes  crépusculaires.  Ses  yeux  sont  petits, 
obscurs  et  couverts,  à  pupille  nocturne;  aussi  fuit-elle  la  lumière,  et  les  lieux 
les  plus  ténébreux  sont  ceux  qui  lui  plaisent  le  plus;  elle  y  fixe  son  domicile  et 
y  vit  suspendue  à  la  voîîte  par  les  pieds  de  derrière,  en  compagnie  d'un  grand 
nombre  d'individus  de  son  espèce.  Ce  qu'il  y  a  de  particulier,  c'est  (|ue,  quelle 


ASPECT  DE   RUINES  DERRIERE  LA  CABANE  DES   AXIS 

(    J-i.lln      .1.    -      PU  n  ir-.  ) 


RHINOLOPHES. 


!):? 


que  soit  la  grandeur  du  souterrain  ou  de  la  caverne  où  elles  habitent,  elles  ne 
se  dispersent  pas  dans  ses  dii'férentes  parties;  elles  se  tixent  toutes  les  unes  à 
côté  des  autres  et  se  touchant  presque,  à  la  même  place,  et  il  faut  qu'il  y  en 
ait  une  grande  quantité  pour  occuper  plus  de  quatre  ou  cin([  métrés  carrés  de 
la  voûte.  L'hiver,  au  moment  de  s'engourdir,  elles  se  ra[)prochent  au  point  de  se 
toucher  et  de  former  pour  ainsi  dire  une  masse  compacte.  11  est  prohahie  (pi'elles 
cherchent  ainsi  à  se  réchaulïer  les  unes  les  autres  et  à  se  soustraire  autant  ([ue 
possible  aux  cruelles  rigueurs  du  froid. 

Le  grand  fer  à  cheval,  counne  la  plupart  des  chauves-souris,  se  traîne  trés- 
péniblement  sur  la  terre,  et  sur  une  surface  un  peu  unie  il  ne  peut  s'élancer 
[)our  prendre  son  vol,  par  la  raison  fort  simple  que  ses  pattes  ne  peuvent  pas 
exécuter  en  même  temps  tous  les  mouvements  nécessaires  au  saut  et  au  vol. 
Ceci  montre  (|ue  l'attitiule  singulière  (ju'il  prend  dans  le  repos,  en  se  sus|)en- 
dant  la  tète  en  bas,  est  pour  lui  une  position  naturelle  et  fort  commode.  En 
eflet,  il  n'a  (ju'à  lâcher  la  roche  où  il  est  attaché,  étendre  les  ailes  en  tombant, 
el  le  voilà  au  vol. 

Pai-  la  même  raison,  la  femelle  ne  cherche  pas  à  faire  un  lit  ou  un  nid. 
comme  les  rats,  par  exemple,  pour  déposer  ses  petits,  car  il  lui  faudrait  mar- 
cher pour  y  entrer  et  en  sortir.  Elle  met  bas  sur  le  bord  d'une  roche  perpen- 
diculaire ;  et  aussitôt  (pie  ses  petits  sont  nés,  elle  se  les  attache  sur  la  ])oitrine,  se 
précipite  de  la  roche  la  tète  en  bas,  et  va  reprendre  sa  résidence  ordinaire  sous 
une  voûte.  Les  petits,  au  nombre  de  deux  au  plus,  se  trouvent,  pour  ainsi  dire, 
emmaillottcsdans  les  membranes  des  ailes  de  leur  mère,  qui  les  porte  avec  elle 
en  volant  jus(prà  ce  (pi'ils  soient  assez  forts  pour  se  lancer  et  se  soutenir  dans 
les  airs.  J'ai  été  moi-même  témoin  de  ces  faits. 


Le  Petit  feu  a  cheval  {liUin()lo])htis  bi-has- 
iatus,  Geoff.  VesperlUio  fernim  rquinum,  y  av. 
Lin.  ViS}iCittlio  /li/j/josidfro.s-,  Bechst.  Le  7-'ftit 
fer  à  rheval,  Blff)  a  la  feuille  nasale  double, 
mais  l'une  el  l'aiilre  en  fer  à  cheval  ;  ses  oreil- 
les sont  profondément  échancrées.  11  habile 
ri-.urope,  et  plus  parliculièrement  l'Angleterre 

Le  RuiivoLopHE  TRIDENT  (  l{hi»oloj)hiis  tri- 
(lens,  (iEOFF.)  a  la  feuille  nasale  simple,  et  ler- 
niinée  par  trois  poinles.  11  habite  l'Lgypte,  el 
se  relire  dans  les  cavernes  et  les  tombeaux. 

Le  lliiiNOi.oPiiE  citLiiit^iFÈiiE  { HhhwtopUiis 
spcoris,  Scu>Eii).  Hhinolophiis  marsiipialis , 
Geoff.)  a  la  feuille  nasale  simple,  arrondie  à 
son  sommet  ;  uue  bourse,  formée  de  trois  replis 
de  la  peau,  s'élève  sur  son  front.  De  l'ile  de 
Timor. 

Le  Rhinolopue  ue  Commkuson  {lUiinolopUus 
Commersonii.  Geoff.).  Sa  feuille  nasale  est  sim- 
ple, arrondie  à  la  pointe  ;  sa  queue  est  de  moi- 
tié moins  longue  que  les  jambes.  De  Madagas- 
car, aux  environs  du  fort  Dauphin. 

Le  RimoLOPiiE  diadiime  (  lihiiiolophus  dia- 
dima,  Geoff.)  a  la  feuille  nasale  simple,  arron- 
die au  sommet;  .s(m  front  ne  présente  point  de 


bourse  comme  dans  le  cruménifère,  et  sa  queue 
est  de  la  longueur  de  ses  jambes.  De  Timor. 

10' Genre.  Les  MÉ«ADERMES  {Megnder- 
ma,  Geoff.)  ont  vingt-six  dents;  quatre  inci- 
sives inférieures,  point  à  la  mâchoire  supérieure; 
deux  canines  en  haut  et  deux  en  bas;  huit  mo- 
laires supérieures  et  dix  inférieures  ;  leurs  oreil- 
les sont  très-grandes,  soudées  à  leur  base  au 
sommet  de  la  tète,  à  oreillon  intérieur  large  ; 
leur  nez  porte  trois  crêtes,  une  verticale,  une 
horizontale  et  une  en  fera  cheval  ou  inférieure; 
elles  n'ont  pas  de  queue,  et  leur  membrane  in- 
terfémorale est  coupée  carrément. 

La  Mkgadehme  feiille  {Migadiriiid  fions, 
Geoff.  LaFeuillf,  G.  Ctv.— Dai  u.),  à  feuille  du 
nez  ovale,  presque  aussi  grande  que  la  tète  ; 
pelage  d'un  gris  cendré  teinté  de  jaunâtre.  Du 
Sénégal,  et  peut-être  de  l'archipel  des  Indes. 

La  MÉCADEHME  L\n¥.{Megadenn(i  Itira, Geovv.), 
à  feuille  rectangulaire,  avec  une  follicule  de 
moitié  plus  petite.  On  la  croit  de  l'archipel  In- 
dien. 

La  MÉGADEiiJiE  SPASME  {Meçademm  spasmu, 
GioFF.  l'espertilio  spnsma,  Lin.  Glis  volans 
ternaleus.  Sera.  Le  Sj)asme  de  Ternate,  G.  Cuv.l 


«)'( 


LES  CARNASSIERS  CHÉIROPTKUKS 


il  Ifuillo  fil  iDiiiic  (le  c'oeiir  ;  rtircilloii  est  on 
domi-caMir,  cl  In  rolluiik-  rsl  do  iiiciiit'  tonne  et 
de  nu'iiH'  (liint'iision  i]\u'  la  toiiillo.  De  lilo  de 
IVriiati". 

Le  [^()\()  (  Megadcrma  trifolinm,  (iKOi'i'.  Lo 
rrilk  de  Jnva,  G.  (",i  v.l,  ;'i  l'ciiillf  o\Mo;  à  oroil- 
lon  l'ii  fonnc  do  trôllo,  avoo  iiiio  lolliculo  assoz 
fïraiido  ol  ofjalo  au  oiiK|iiiôiiio  iW  la  loiiniioiir 
dos  oroillos.  Do  lilo  do  Java. 

1 1'  ("iKMtK.  I,os  NYCTÈRESI.Vi/r/pii.sGKOFF.) 
ont  lioiilo-six  doiits  ;  qiiatro  inoisivos  à  la  nià- 
olioiro  suporioiiro  ol  six  à  l'iiiforiouro;  doux 
oauiuos  ou  liaul  ot  on  bas;  huit  aïolairos  su- 
périouros  ot  dix  inforioui  o>  ;  lo  oliaufroin  ost 
creuso  d'uno  fossollo  niarquoo  nionio  sni-  lo 
oràno  ;  los  narines  sont  roeouvorles  par  nu  oper- 
onlo  earlilaginenx,  nioltile,  ou  outonroes  d'un 
eorolo  de  laines  saillanles  ;  los  oroillos  sont 
•jiandes,  ri'unios  par  leur  base  ;  roreillon  ost 
e\térionr  ;  la  inoud)rane  iiderl'onioralo  est  Irès- 
î^iande.  ot  oouiprend  la  (jnono.  dont  la  der- 
nièi'o  vorlobro  se  termine  par  un  cartilage  bi- 
lurquo. 

1.0  ^YCT^;KE  OE  D*i)iiK\TO>  (  Ayf/eiis  Dau- 
bent odU.  Gkoff.  Vesperlilio  /li.vpidKS,  Ln.  Lo 
C.ampngnol  vclniii,  Dvrn  }  est  d'un  brun  rous- 
sàlre  eu  dessus,  blanchâtre  en  dessous.  a\ oc 
qneUpu's  teintes  fauves;  los  oreilles  sont  assoz 
iiiaudos  ;  los  opercules  des  narines  sont  tir --pe- 
tits; la  lèvre  iiif('riouro  ost  simple.  Ou  midi  <le 
l'Euiopo  ot  de  l'Afrique. 

LoISvcTÈHE  DE  Geokfhov  (.\ijeteiis  Cieoflroiji, 
Oesm.  Le  Ai/f/hr  de  la  Thebaïde,  Gsorr.)  ost 
gris  brun  on  dessus,  plus  clair  on  dessous;  une 
grosso  verrue  ost  sur  sa  lèvre,  outre  doux  bour- 
relets att'octant  la  forme  d'un  V.  Hn  Seuoiial  e! 
de  la  Thebaïdo. 

Le  NvcTi':iiE  de  Java  (  .\i/(  (cri.v  /(loadicHs  , 
Geofe.),  d'un  roux  vif  ou  dessus  ol  d'un  coudre 
roussàtre  on  dessous.  l>e  l'do  do  Java. 


12"  Geinkk.  Les  T-iPIllEXS  (  Tuiiliozoïn;, 
(ii'OFF.)  ont  vinirl-buit  dents;  i|ualro  incisives 
on  bas  ot  deux  on  haut,  selon  G.  (.uvior,  ou 
point,  selon  1\L  Geoffroy;  viiiyt  molaires;  loin- 
clianrreiu  ost  sillomio  comme  dans  lo  goure  pre- 
cédenl  ;  la  lovro  siiporioure  est  e|)aisse;  los  oroil- 
los sont  iiiO)ounes  et  écartées;  roreillon  est  in- 
térieur; la  (pieue  ost  libre  à  roxtrômito,  au-des- 
sus de  la  mombrauo,  qui  est  graiule.  à  angle 
saillant  an  bord  ovtorienr. 

Le  Tatiiien  iîoi  x  (  l'apltozoïis  nifns,  AN  ils. 
VespertiUo  ntfiis,  Wakd.  )  se  distingue  dos  au- 
tres esi)è(Ospar  la  couleur  ronge  de  smi  pelage; 
il  ost  aussi  le  seul  des  tapliions  connus  jiisqu  a  ce 
jour  ipii  habile  l'Amérique.  On  lo  Ironve  an\ 
Llats-Unis. 

Lo  Tai'uie.x  I)h  MviitiCE  (/'o/>/io;()I(>'  mami- 
tiatius,  Gkoef.).  D'un  brun  marron  en  dessus, 
roussàtre  on  dessous  ;  il  a  un  oioillon  termine 
par  nu  bord  sinueux.  L'ile  do  Fiance. 

LeTAri!ii:>  »i  SE.xÈciAi,  \Tai>hozoiis  seitign- 
/(ji.si.s-,  Geoff.  Lo  Lerot  volant,  Dnii.i.  Il  ost 
brun  on  dessus,  d'un  brunceiidio  endossons; 
ses  oreilles  ^ont  moyennes,  ;i  oroilion  arrondi. 
Du  Sénégal. 

Lo  TvpiuEN  LO>(;iM\XE  (  Taphozmis  longhna- 
itus,  IIaiuivv.),  d'un  brun  do  suie  ;  a  polageépais; 
ailes  noires,  avant  (|uiiizo  ponces  \(i, 'lOni  d'on- 
vorguro;  oreilles  ovales,  plissées  on  travers.  De 
(  alcnlta. 

I  0  Tai'uien  PEKFOiiÉ  (Taphozous  i)eil'()iatus. 
Geoif.i  d'un  gris  roux  on  dessus,  eondro  ou 
dessous  ;  un  oroilloii  eu  forme  do  for  do  hache. 
De  l'Egypte,  où  il  habite  les  toinlioaiix. 

Lo  Taphien  i.Ki'TiBE  (  Tapliozoïis  leplunis, 
Geoff.),  gris;  plus  p;ile  en  dessous;  dix-hinl  li- 
gues de  longueur  iO.Oil  ;  un  repli  au  coude 
formé  par  l'aile  ;  oroilion  obtus  ol  fort  court. 
On  lo  croit  do  Surinam. 


Tous  ces  animaux  vivent  (riiisecles  et  ne  volent  i|ue  la  nuit.  Liiie  es|)ece,  le 
lai»hieu  lonj^imane,  est  un  objet  de  terreur  pour  les  femmes  superstitieuses, 
(loinme  il  est  très-commun  et  qu'il  volliye  coiitiuueileiiuMit  autour  des  maisons, 
si  une  croisée  reste  ouverte  et  qu'il  y  ail  un  llambeau  allume,  cet  animal,  attire 
par  la  lumière  de  la  même  manière  cpie  les  papillons  de  nuit,  entre  dans  l'ap- 
partement, et  va  s'attacher  aux  rideaux  des  lits  ou  aux  corniches,  oii  on  le 
trouve  le  lendemain,  si  avec  ses  ailes  il  n'a  pas  réveillé  la  dormeuse  qui,  dans 
ce  cas.  est  fort  effrayée.  Mais  c'est  moins  la  crainte  qu'occasionne  sa  présence 
ipie  les  conjectures  sinistres  (pi'on  en  lire,  ([ui  font  redouter  cet  animal,  du 
reste  fort  innocent.  On  croit  que  sa  visite  annonce  la  mort,  cl  ijue  dans  la 
maison  où  il  est  entré  il  ne  se  passera  pas  un  an  avant  que  l'on  ait  à  déplorer 
la  perte  d'un  des  membres  de  la  famille.  Le  peuple,  eu  France,  a  un  préjuge 
semblable  à  l'égard  de  la  chouette. 


lUIlNOI.JMMIhS 


!»:> 


!.".•      (iiMll.     I.rs    MOIt.MOIVS     1    WoM/M./.s,  I  1'   (il.Mil:.   1  .rs  X  Vri'OlMIl  l.l'.S  |  Vi/i  (o/Wii 

Li'\i:ii.)  oui  IrciiN'  t|niili  l'di'iils;  ipiiilrc  iniiMM's  /lo,  Li'.\i;ii.),iimI  nIii^I  Iniil  ilciils  ;  deux  iiK-JKivcN 

siipci'ii'iirrs  iiii'^iili's,  les  inilov'iiiics  Irrs-rcliiiii-  Mi|iri'iriirrN  ('(iiii<|tii's  ,  iii({iii  s  ri  nlliiiip>crN;  hix 

(  Tces;  (|iiiilir  iiirciicmcs  II  irulrs  <•!  ('i^filrs.ili'iix  iiiIVriciirrs   liillilcs.  ((^iilcs.    )i   Inlics  iitroiuliH  ; 

ciiiiiiirs   il    (  hiii|ii<'    niilrliiiirr,    les  Miiirrirnrrs  dciu  ('iiiiiiir.s  ti  ('liiii|ni' iiiArliiiirr,  lis  inlrrifiiirs 

(li'iiv  luis  aussi   limeurs  ipir  1rs  inrei'iriii'i's,  un  jim-c  uni-  |)rlilr  |iiiiiilr  j'i  Iriii-  liiisi-,  riiai'i'K'i'r  ; 

|ini  ('(liiipi'iiiircs  cl  iMiiiilii'iili'i's  ni  iIcmiiiI  ;  ili\  sri/.r  iiioliiirrs  ii  coiininiir  (.'iiniics  ilr  liiliri-<-iili'H 

iiMilaiirs  ni  li'Hil  ri  iliiii/c  ni  htis  ;  In  Iniilli'  lia  ai^iis;  ils  oui  ilnix  Iriiillrs  soiisli*  m-/,  la  |iiisli^- 


snlc  l'sl  iiiiii|iic,  (Iriiilr,  cl  l'niiiii'  aux    tirnllcs  : 
celles-ci  soiil  lr<'s-c(tiii|ili(|iic(s 

l.e  Moinioi's  nu  Hi.vixmii.i.  {Moiinoiis  /I/imii- 
»i//ii,  l.iACii.i.  rniiil  élevé;  cliaiiliciii  cxcaM'; 


rinirc  la  pins  i^raiiili'  ;  la  i|iiciic,  riiniicc  de  ciiii| 
M'i'li'lircs  dans  sa  paiiie  visililc,  dépasse  iiii  peu 
la  iiiniihi'aiie. 

I,e    NïC.iiii'iiii.i'.    III'   lii((ii'i'H(iï    {  ISiji  lopliihts 


ii'\re  Mipcriciirc  IoIm'c,  creiielee;  l'iiilei  inin  il  (;<•()//'"•('.   l.i'X'M.icsl  d'un   liiiiii    laiiiiiUre  en 

trois  lolies  iiinnliraiieiix  ;  reiiilli'  nasale  plissi'c;  dessus,  cl  d'un  lilanc  sale  en  dessmis;  ses  ailcH 

oieilles  divisées  en  deux  loliesaii  Ixird  siipiiinir  ;  sont  d'un  noir  liriiiijUie;  ses  oreilleN  si  ml  lar^cN. 

langue  .1  |iipiiles  liilidi's  el    Iriliiles.   Dr  la    la  On  ne  eiiniiail  pas  sa  pairie,  mais  il  esl    pnilia 

iiijii(|iii>,  lile  ([n'il  ne  se  renconire  pas  en  lùiriipe. 


I'ji<l<iiiii;iiil  l(>s  (iii'.'ii'lri'cs  <le  lu  riiiiiillc  îles  i'liinolo|ilies,  iiniis  ;ivoiis  dit  (|ii'oii 
Inii'  vnil  sniivnil  iiii  vetilir  des  vcillies  siiiillliiiil  .isse/.  hieii  des  iiiiiiiielles.  N'itiri, 
il  <(■  sujet,  ce  i|iie  peiisiiil  (ir<>iïn>y  S;iinl-llil;iin>  :  »  Les  rliiiioliiplies,  dit-il,  soiil 
les  seules  cliiinves-siHiiis  (|ii('  je  niimaissc  (|iii  siiiciil  sif^iialces  |un  rcxisleiire  de 
deux  |i.iii'es  de  niaiiielles;  la  |iait-c  siiniiiiiicraiie  esl  siliK-r  aux  aîucs  ;  elle  esl 
iilns  sniiveiil  eui|iliiyee.  hltaiil,  eu  i  S27,  à  Marseille,  nu  m'y  a  l'ait  ('(iiinaîli-e  nue 
l'enuiie  i|iii  avait  egaleuieiit  iiniirri  ses  eiilauts  par  uwv.  uiainelle  siiniiiiiieraire 
inguinale  :  la  uièliic  déin^^atioii  a  la  n-i^le  eu  des  Aires  poiiiviis  de  Miaiiielles  oi- 
diiiaireuieiit  reslieiiiles  a  i\r\i\,  et  peelorales  (|uaut  à  leiir  sitiiatiiiii,  Iciniie  une 
eousideratinii  de  senihlalile  aiiouialic  (|ue  je  cniis  deviiie  taire  reiiian|uer.  »  l.e 
niênie  savant  pense  ipie  cette  él.railge  laculti-,  ipie  les  cliaiives-snmis  nul  de  se 
diri^'er  sans  liesitalinn  an  milieu  des  lenidireiix  laliyiinllies  (pTelles  lialiiteul, 
est  due  à  une  extrême  sensiliiliie  de  tact  ipii  leur  l'ait  appiecier  les  plus  petites 
dilTerences  aluiosplieriipies.  (iel  nr^aiie  du  tact  résideiait  dans  les  niemhraues 
des  ailes,  et  serait  alors  d'une  étendue  iiiiuparative  tres-cnusideralile.  'l'elle  était 
aussi  l'Hpiniou  de  (I.  C.uvier,  ainsi  i|ne  nmis  le  dirons  dans  l'article  suivant. 


9(i 


LES  CAIiiNASSIKKS  C  HÉIUOPTKU  K8. 


LES  VESPERTI  LIONS, 


iiiiisi  qup  les  (iiniilles  qui  vont  suivre,  n'ont  au- 
cun iippendiceau  nez  ;  leurs  ailes  sont  grandes, 
et  ils  n'ont  à  l'index  qu'une  seule  phalange; 
leiu's  lèvres  sont  simples  ;  leur  langue  est  courte, 
leur-  (|ueue  longue,  et  leur  léte  est  de  forme  al- 
longée et  poilue.  Cette  famille  se  compose  des 
ehauves-souris  proprement  dites. 

IS'C.ENRE.  Les  VESPERTILIOXS  {Vesper- 
tilio,  Geoff.)  ont  trente-deux  dents:  quatre  in- 


cisives supérieures  ((luelquefois  deux  )  dont  les 
deux  mojennes  ordinairement  écartées;  six  in- 
férieures à  tranchant  un  peu  dentelé  ;  oreilles 
séparées,  larement  unies  par  leur  base;  un 
oreillon  interne;  des  ahjijoues;  queue  totale- 
ment prise  dans  la  membrane  interféniorale. 
On  en  trouve  des  espèces  dans  tontes  les  parties 
du  monde,  et  nous  les  dasseï  ons  sur  celte  consi- 
dération. 


1»  VESPERTILIOINS  D'EUROPE. 


Le  MURIN     Vfspi'rlilio  ninriniis.  Lin.  La  (hanve-souris.  Bi  ff.). 

Il  a  les  oreilles  ovales,  de  la  longueur  de  la  tète,  et  les  oreillons  en  forme  de 
(aux;  il  est  d'un  brun  roussàtre  ou  d'un  gris  cendré  en  dessus,  d'un  gris  blan- 
châtre en  dessous.  Il  est  assez  commun  en  France  et  dans  toute  l'Europe,  dans 
les  clochers  et  les  vieux  châteaux. 

«  Toutes  les  chauves-souris,  dit  Buflon,  cherchent  à  se  cacher,  fuient  la  lu- 
mière, n'habitent  que  les  lieux  ténébreux,  n'en  sortent  que  la  nuit,  et  y  rentrent 
au  point  du  jour  pour  demeurer  collées  contre  les  murs.  Leur  mouvement  dans 
l'air  est  moins  un  vol  qu'une  espèce  de  voltigement  incertain  qu'elles  semblent 
n'exécuter  que  par  effort  et  d'une  manière  gauche;  elles  s'élèvent  de  terre  avec 
peine,  elles  ne  volent  jamais  à  une  grande  hauteur,  elles  ne  peuvent  qu'impar- 
faitement précipiter,  ralentir,  ou  même  diriger  leur  vol;  il  n'est  ni  trés-rai»ide, 


COLONIE   DE  DAUBEHTOI^ 

(.!„,, 1,1,    ,1,--     1M.>..  If-.) 


VESPEUTILIONS.  97 

ni  bien  direct;  il  se  t'ait  par  des  vibrations  brusques  dans  une  direction  oblique 
et  tortueuse.  Elles  ne  laissent  pas  de  saisir  en  passant  les  moucberons,  les  cou- 
sins et  surtout  les  papillons  pbalènes  qui  ne  volent  que  la  nuit,  qu'elles  avalent, 
pour  ainsi  dire,  tout  entiers.  » 

Tout  ce  que  Buflon  dit  là  du  vol  de  ces  animaux  est  parfaitement  juste  pour 
les  petites  espèces,  mais  pas  du  tout  pour  les  grandes.  Ces  dernières  ont  le  vol 
très-élevé,  fort  rapide,  et  elles  se  dirigent  dans  les  airs  avec  autant  et  plus  de 
facilité  que  les  oiseaux.  Quant  aux  petites,  si  leur  manière  de  parcourir  les  airs 
lui  a  paru  oblique  et  tortueuse,  c'est  qu'il  a  pris  ces  crocbets  nombreux  et 
rapides  pour  des  résultats  du  caprice  ou  de  l'imperfection  de  l'animal,  tandis 
que  réellement  ils  résultent  de  la  poursuite  incessante  qu'ils  font  aux  petits 
insectes  dont  le  vol  est  irrégulier. 

Mais  il  est,  dans  les  cbauves-souris,  une  chose  bien  autrement  étrange,  que 
le  grand  écrivain  n'a  pas  signalée.  Dans  les  cavernes  les  plus  obscures,  dans 
les  ténèbres  les  plus  profondes,  elles  parcourent  en  volant  les  nombreuses  issues 
de  leur  demeure,  sans  hésitation,  sans  jamais  se  heurter  contre  les  angles 
avancés  des  roches  ou  les  parois  des  sombres  voûtes,  et  avec  la  même  sûreté 
qu'un  autre  animal  en  plein  jour  pourrait  le  faire.  Cela  vient,  a-t-on  dit,  de  ce 
que  les  chauves-souris  voient  dans  les  ténèbres,  et  l'on  s'est  trompé.  Tous  les 
animaux  nocturnes  ont  la  faculté  de  concentrer  dans  leur  pupille,  très-dilatable, 
les  plus  faibles  rayons  de  lumière,  et  c'est  pour  cette  raison  que  pendant  la  nuit 
ils  distinguent  assez  les  objets  pour  reconnaître  leur  route,  leur  proie,  et  accom- 
plir toutes  les  fonctions  nécessaires  à  leur  existence.  Mais  dans  une  obscurité 
totale,  absolue,  dans  le  manque  complet  de  lumière,  leur  pupille  a  beau  se  di- 
later, elle  ne  peut  percevoir  des  rayons  qui  n'existent  pas,  et,  dans  ce  cas,  une 
chauve-souris  est  tout  aussi  bien  frappée  d'aveuglement  que  tout  autre  animal. 
Cependant,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  loin  de  se  heurter  contre  les  corps  étran- 
gers, elle  parcourt  toutes  les  sinuosités  de  sa  caverne  avec  la  plus  grande  aisance 
et  sans  diminuer  la  rapidité  de  son  vol. 

Faudrait-il  en  conclure  qu'au  fond  des  souterrains  les  plus  noirs  il  pénétre 
encore  quelques  rayons  de  lumière  bien  faibles,  mais  suffisants?  Non,  et  en  voici 
la  preuve.  On  a  pris  des  chauves-souris,  on  leur  a  crevé  les  yeux,  et  on  les  a 
lâchées  à  proximité  de  leur  demeure;  elles  s'y  sont  aussitôt  précipitées  et  se 
sont  dirigées  dans  tous  les  recoins  de  leur  labyrinthe  avec  la  même  facilité,  la 
même  sûreté  que  si  elles  avaient  vu  clair! 

Ces  animaux  auraient-ils  donc  été  doués  par  la  nature  d'un  sens  exprés, 
que  nous  ne  pouvons  ni  connaître  ni  comprendre,  parce  qu'il  nous  manque, 
et  qui  leur  donnerait  l'étonnante  faculté  de  juger  la  forme,  la  position  ou  au 
moins  la  proximité  des  objets,  sans  les  voir?  G.Cuvier  a  cherché  à  ce  mystère 
une  explication  qui  ne  me  paraît  pas  pouvoir  être  adoptée  sans  discussion. 
«  Leurs  oreilles,  dit-il,  sont  souvent  Irès-grandes  et  forment  avec  leurs  ailes 
une  énorme  surface  membraneuse,  presque  nue,  et  tellement  sensible,  que  les 
chauves-souris  se  dirigent  dans  leurs  cavernes  probablement  par  la  seule  diver- 
sité des  impressions  de  l'air.  » 

Le  murin,  comme  toutes  les  espèces  de  son  genre,  se  nourrit  uniquement 
d'insectes.  Buffon  dit  qu'il  est  carnassier,  (pi'il  mange,  outre  les  insectes,  de  la 

15 


98 


LES  CARNASSIKKS  CHEIROPTERES. 


viande  crue  ou  cuite,  fraîche  ou  corrompue,  et  que,  lorsqu'il  peut  entrer  dans 
une  office,  il  s'attaclie  aux  quartiers  de  lard;  mais  tout  ceci  est  au  moins  fort 
douteux. 


La  îNocTLLE  (  V(spertr[io  nodula,  Ln.  T'es- 
jtertilio  jnolenis,  Kubl.  La  Sérot'uie,  Geoff. 
La  i\ocliile.  Blff.)  est  d'un  fauve  uniforme,  à 
poils  courts  et  lisses;  ses  membranes  et  ses 
oreilles  sont  obscures  :  ces  dernières  ovales - 
triangulaires,  à  oreillon  arque;  sa  tête  est  large 
et  arrondie.  Elle  se  trouve  dans  toute  l'Europe 
et  exhale  une  légère  odeur  de  musc. 

La  SÉKOTiNE  (  ]'espertilio  serotinvs,  Ln.  La 
ISortiile,  Geoff.  La  Sérotine,  Buff.j  diffère  de 
la  précédente  par  les  poils  du  dos,  qui  sont 
longs,  luisants.d'un  brun  marron  vif,  plus  courts 
sur  les  femelles;  par  ses  membranes  noires,  et 
enfin  par  ses  oreillons  en  forme  de  cœur.  On  la 
trouve  dans  les  creux  des  vieux  arbres,  dans 
toute  l'Europe. 

La  Pipistrelle  (  Vespertilio  pipistrellus.  Lin. 
et  Gml.  La  Pipistrelle,  Blff.  et  G.  Cuv.),  la 
plus  petite  des  chauves-souris  de  la  France  ;  les 
poils  du  dos  sont  longs,  d'un  brun  noirâtre; 
ceux  du  veutre  sont  fauves  ;  ses  oreilles  sont 
triangulaires,  et  ses  oreillons  sont  presque  droits, 
terminés  par  une  tète  arrondie.  D'Europe  et 
d'Egypte. 

Le  PvGMÉE  (Fcspcr/i/io  pygmœus,  Leach.  t^es- 
peitilio  minulHS.' MoMAGt  )  est  la  plus  petite 
des  chauves-souris  connues  ;  d'un  brun  foncé  en 
dessus,  gris  en  dessous;  oreilles  plus  courtes 
que  la  tète,  à  oreillon  linéaire  et  simple;  queue 
nue  au  sommet,  longue ,  dépassant  un  peu  la 
membrane.  Dans  les  Ironcs  d'arbre,  en  Angle- 
terre. 

Le  Vespehtilion  éch  ancré  (  Vespertilio  emar- 
ginatus,  Geoff.),  d'un  gris  roussàtreen  dessus, 
cendré  en  dessous  ;  oreilles  oblongues,  de  la  lon- 
gueur de  la  tète,  à  bord  extérieur  échancré; 
oreillon  subuié.  Dans  les  souterrains,  en  Angle- 
terre, et  rare  en  France. 

Le  Vespertilion  de  Kuhl  [Vespertilio Kuhlii , 
INatt.  ),  d'un  brun  rouge  en  dessus,  fauve  en 
dessous  ;  moilié  supérieure  de  la  face  interne 
de  la  membrane  inferfémorale  très-velue;  les 
oreilles  très-simples  ,  presque  triangulaires,  à 


oreillons  larges  et  arqués  en  dedans.  DeTrieste. 

Le  Vespertilion  a  molst acres  (Vesperlilio 
vuistacinus,  Leisl.>,  d'un  brun  marron  en  des- 
sus, plus  clair  dans  la  femelle;  deux  moustaches 
de  poils  fins  sur  le  rebord  de  la  lèvre  supérieure  ; 
oreilles  assez  grandes,  échancrées  et  repliées  au 
bord  extérieur,  arrondies  au  sommet;  oreillons 
lancéolés.  D'Allemagne. 

Le  Vespertilion  de  Daurenton  (  ]'espertilio 
DniibeiitoDii.  Leisl.),  d'un  gris  roux  en  dessus, 
blanchâtre  en  dessous  ;  oreilles  presque  ovales, 
petites,  presque  nues,  à  bord  externe  un  peu 
échancré,  le  bord  interne  largement  replié; 
oreillons  lancéolés,  minces,  très-petits.  De  la 
Wétéravie. 

Le  Vespertilion  de  Leisler  (  Vespertilio 
Leisleri,KmL.  Vesperlilio  dasijearpos,  Leisl.), 
à  poils  longs,  de  couleur  marron  à  la  pointe  et 
d'un  brun  foncé  à  la  base  ;  membrane  très-ve- 
lue le  long  des  bras;  oreilles  courtes,  à  oreillon 
terminé  par  une  partie  arrondie;  queue  dépas- 
sant à  peine  la  membrane.  D'Allemagne. 

Le  Vespertilion  de  Screirers  (  Vespertilio 
Sri  eibersii,  Natt.),  d'un  gris  cendré,  plus  pâle 
en  dessous,  quelquefois  mêlé  de  blanc  jaunâtre; 
oreilles  plus  courtes  que  la  tcte,  larges,  droites 
et  triangulaires,  avec  les  angles  arrondis  et  un 
rebord  interne  velu  ;  oreillon  lancéolé,  recourbé 
en  dedans  vers  la  pointe.  Des  montagnes  de 
Bannat,  dans  les  cavernes. 

Le  Vespertilion  de  Natterer  (  Vespertilio 
l^iattereri,  Kuhl.)  d'un  gris  fauve  en  dessus; 
blanc  en  dessous  ;  ailes  d'un  gris  enfumé  ;  mem- 
brane interfémorale  festonnée  ;  oreilles  un  peu 
plus  longues  que  la  tête,  ovales,  assez  larges; 
oreillon  lancéolé,  placé  sur  une  protubérance  de 
la  conque.  D'Allemagne. 

Le  Vespertilion  de  Bechstein  {Vespertilio 
BffJiitfinii,  Leisl.),  d'un  gris  roux  en  dessus 
blanc  en  dessous;  oreilles  plus  longues  que  la 
tête,  arrondies  au  bout  ;  un  oreillon  en  forme  de 
faux,  un  peu  courbé  eu  dehors  vers  sa  pointe. 
De  l'Allemagne;  dans  les  troncs  d'arbres. 


2"  VESPERTILIOINS  D'AFRIQUE. 


Le  Vespertilion  de  Nigritie  (  Vespertilio  ni- 
grita,  Gml.  —  Geoff.  La  Marviotte  volante, 
Dalb.),  d'un  brun  fauve  en  dessus;  d'un  fauve 
cendré  en  dessous  ;  oreilles  du  tiers  de  la  lon- 
gueur de  la  tête,  ovales-triangulaires,  à  oreillon 
long  et  terminé  en  pointe.  Du  Sénégal. 


Le  Vespertilion  de  Boirbon  {Vespertilio 
borbonifus,  Geoff  },  roux  en  dessus,  blanchâtre 
en  dessous  ;  oreilles  de  moitié  plus  courtes  que 
la  tête,  ovales-triangulaires;  oreillon  long,  en 
demi  cœur.  De  l'île  Bourbon. 


VESPEK  II  LIONS. 


9i) 


>»  VESPERTILIONS  DASIK. 


Le  KittivouLA  (  Vespeitilio  pictiis.  Lin.  Lo 
Muscardin  volant,  Daub.)  ,  d'un  roux  jaunâtre 
vif  eu  dessus  ;  d'un  jaune  sale  eu  dessous  ;  ailes 
d'un  brun  marron,  rayées  de  jaune  citron  le 


long  des  doigts  ;  oîciUcs  plus  courtes  (jne  la 
tète,  plus  larges  que  hautes,  à  oreillon  subulé. 
De  Ceyian  Séba  avait  nieutionné  cotte  espèce 
comme  étant  de  Toriinle;  peut-être  l'y  voit-on. 


4°  VESPEKTILIONS  D'AMERIQUE. 


La  Gbakue  Sérotine  (  Vesperlilio  maximus. 
Desm.  Vesperlilio  nasittus,  Shavv.)  d'un  bruu 
marron  eu  dessus,  passant  au  jaune  clair  sur  les 
lianes;  d'un  blanc  sale  en  dessous;  oreilles  plus 
courtes  que  la  tête,  ovales;  oreilloris  subulés  ; 
museau  long  et  pointu.  De  la  Guyane. 

Le  Vespertilio.n  au  long  nez  (  J'espeitilio 
7iaso,  Max.  de  Neuw.),  d'un  gris  brun  ou  jaune 
foncé  en  dessus  ;  gris  jaunâtre  en  dessous  ;  oreil- 
les petites,  très-pointues  ;  nez  fort  long,  s'al- 
longeant  d'une  ligne  au-dessus  de  la  mâchoire 
supérieure,  comme  une  trompe.  Du  Brésil  ;  sur 
les  arbres. 

Le  Vespertilion  polvtubix  (  Ves2)ertiUo  po- 
lijthrix,  Isiu.  Geoff.),  d'un  brun  marron  uni- 
forme, tirant  sur  le  grisâtre;  membrane  intor- 
féniorale  un  peu  poilue;  face  velue;  oreilles 
plus  longues  que  larges,  petites,  échaucrées  à 
leur  bord  extérieur.  Du  Brésil. 

Le  Vespertilion  dl  Brésil  {Vesperlilio  bra- 
siliensis,  Desm.),  pelage  doux  et  soyeux,  d'un 
brun  obscur  lavé  de  marron;  ailes  étroites  et 
noires;  oreilles  allongées,  médiocres.  Du  Bré- 
sil. 

Le  Vespiktilion  de  Saint-Hilaihe  {Vesperti- 
lio  tlilarii,  Isid.  Geoff),  comme  le  précé- 
dent, mais  pelage  variant  du  brun  noirâtre  au 
bruu  marron  eu  dessus,  et  du  grisâtre  au  brun 
roux  en  dessous  ;  membrane  interfémorale  nue  ; 
oreilles  petites,  presque  aussi  larges  que  lon- 
gues. Du  Brésil. 

Le  Vespehtilion  Lisse  {]'csperlilio  lœiis , 
Isid.  Geoff.),  d'un  brun  obscur  teinté  de  mar- 
ron; la  face  nue  en  partie;  la  membrane  inter- 
fémorale un  peu  poilue;  les  oreilles  longues;  la 
queue  aussi  longue  que  le  corps.  Du  Brésil. 

Le  Vespertilion  de  Buénos-Ayhes  (  l'esperli- 
lio  bouaviensis,  Less.),  d'un  jaune  pruineux  en 
dessus;  d'un  jaune  brun  en  dessous;  fauve  au 
nniseau;  les  oreilles  com'tes,  ovalaiies;  les  ailes 
d'un  rouge  noirâtre;  la  membrane  iuterfémo- 
rale  Irès-velueeu  dessus,  nue  en  dessous.  De  la 
Plata. 

Le  Vespertilion  poluré  (  \'cspertHio  albes- 
cens,  Geoff.),  presque  noir;  piqueté  de  blanc 
en  dessus,  et  à  teinte  sombre  en  dessous.  Du 
Paraguay. 


Le  Vespertilion  rouge  (  T'e.s7>er(?/io  niber, 
Geoff.),  d'un  jaune  cannelle  en  dessus,  fauve  en 
dessous,  à  poils  courts;  oreilles  très-pointues  ; 
oreillons  étroits,  linéaires.  Du  Paraguay. 

Le  Vespertilion  très-velu  (l'esperlilio  lillo- 
sissimiis,  Geoff.),  d'un  brun  pâle  ;  oreilles  assez 
aiguës  an  bout ,  ressemblant  à  celles  d'un  rat; 
oreillon  pointu  ;  membrane  interfémorale  velue 
dans  son  milieu.  Du  Paraguay. 

Le  Vespertilion  a  dos  noih  (Vespertilio  me- 
lanotus.  Kafin.),  noirâtre  en  dessus;  blanehâlre 
en  dessous  ;  ailes  d'un  gris  foncé,  avec  les  doigts 
noirs  ;  oreilles  arrondies  et  à  oreillon.  Des  Etals 
Unis. 

Le  Vespertilion  aux  ailes  rlei  es  (  Vesperli- 
lio cijanopterus,  Bafin.),  d'un  gris  foncé  en 
dessus;  gris  bleuâtre  en  dessous;  ailes  d'un  gris 
bleuâtre,  avec  les  doigts  noirs;  oreilles  plus 
longues  que  la  tète  ;  un  oreillon.  Des  États- 
Unis. 

Le  Vespertilion  moine  (  Vesperlilio  vtona- 
chus,  Rafin.),  d'un  fauve  lougeâtre  et  foncé  en 
dessus,  fauve  en  dessous;  ailes  d'un  gris  foncé; 
nez  et  doigts  roses;  pattes  de  derrière  noires; 
oreilles  petites,  cachées  dans  les  poils.  Des  États- 
Unis. 

Le  Vespertilion  a  face  noire  (  Vesperlilio 
pbaïops,  Rafin.)  d'un  brun  bai  obscur  en  des- 
sus, plus  pâle  en  dessous  ;  les  ailes,  la  face  et  les 
oreilles  noirâtres.  Des  États-Unis. 

Le  Vespertilion  épero>nk  (  Vesperlilio  ral- 
raratiis,  Rafin.),  d'un  bruu  noirâtre  en  dessus; 
fauve  foncé  en  dessous  ;  ailes  et  pieds  de  der- 
rière noirs;  doigts  roses;  un  éperon  à  la  partie 
interne  de  la  première  phalange.  Des  États- 
Unis. 

Le  Vespertilion  a  queue  velue  (  l'espertitio 
Insiurits,  Lin.),  varié  de  gris  janoâlrc  et  de  roux 
vif;  oreilles  plus  courtes  (pic  la  tcte,  ovales; 
oreillon  droit  en  demi-cœur.  Des  Éla(s-Luis. 

Le  Vespertilion  de  la  Caroline  (  Fe.s/jrrti- 
liocarulincusis,  Gioff.),  d'un  brun  marron  eu 
dessus,  jaune  en  dessous;  oreilles  de  la  longueur 
de  la  tète,  oblongues,  eu  partie  velues;  oreil- 
lon en  demi-co'ur.  Des  environs  de  Charlcs- 
lowii. 

Le  Vespertilion  aroi  !•  {]'esprrlilio  arqualus, 


100 


LES  CAKNASSIEKS  CHÉIROPTÈRES. 


Saï.),  oreilles  im  peu  plus  courtes  que  la  léte,  à 
bord  postérieur  portant  (ieu\  petites  écliau- 
crures  obtuses;  oreillon  arqué,  obtus  au  bout; 
meoibraue  interféniorale  nue.  Du  uord-ouest 
des  États-Unis. 

Le  Vesfertilion  slbulé  (  VesperlHin  snbula- 
lus,  Say.).  pelage  à  poils  brunâtres  à  la  base, 
cendre  au  sommet  ;  ceux  du  ventre  noirs  à  la 
base  et  d'un  blanc  jaunâtre  à  l'extrémité;  mem- 
l)rane  interfémorale  unicolore,  velue  à  la  nais- 
sance, un  peu  dépassée  par  la  queue  ;  oreilles 
de  la  longueur  de  la  tète,  plus  longues  que  lar- 
ges. Des  montagnes  rocheuses  du  nord  de  l'A- 
mérique. 


Le  Vespehtilion  puiiiveux  (  Vespertilio  prui- 
nosns,  Say.),  d'un  brun  noirâtre,  piqueté  de 
bliuic  sur  les  parties  antérieures  ;  d'un  ferrugi- 
neux foncé  sur  la  croupe;  d'un  blanc  jaunâtre 
terne  sous  la  gorge;  oreilles  plus  courtes  que  la 
tète;  oreillons  arqués,  à  pointes  très-obtuses. 
De  Pensjlvanie. 

\G'  Genhe.  Les  OREILLARDS  (Plerotua, 
Geoff.)  ont  treule-six  dents  :  quatre  incisives 
supérieures  et  six  inférieures;  deux  canines  en 
haut  et  en  bas;  dix  molaires  à  la  mâchoire  su- 
périeure et  douze  en  bas;  leurs  oreilles  sont 
très  développées,  plus  grandes  que  la  tète,  et 
unies  l'une  à  l'autre  sur  le  crâne. 


VESl'KHTIMONS. 


101 


I/OREILLARD  [  PIccolHfi  commiuiis,  Gk(.fk.  Vcaperlïïm  niirilns,  Li\.  L'O/rt/- 
Inrd,  BuFF.). 

Cet  animal  est  une  des  plus  petites  chauves-souris  de  notre  pays.  Il  est  entiè- 
rement gris,  mais  plus  foncé  en  dessus  qu'en  dessous;  on  le  distingue  de  tous 
les  animaux  de  sa  classe  par  l'énorme  grandeur  de  ses  oreilles,  qui  sont  presque 
aussi  longues  que  son  corps.  On  en  connaît  deux  variétés  :  l'une,  qui  habile 
l'Autriche,  est  un  peu  plus  grande  que  la  nôtre  ;  l'autre,  qui  se  trouve  en  Egypie, 
est  au  contraire  un  peu  plus  petite. 

L'oreillard  est  sans  contredit  l'animal  le  plus  étrange  que  nous  ayons  en 
France,  sous  le  rapport  de  la  physionomie.  Quand  il  est  en  repos,  ses  oreilles 
se  plissent  en  travers,  se  raccourcissent,  et  finissent  par  recouvrir  le  canal 
auditif  en  disparaissant  presque,  ou  du  moins  ne  montrant  cpie  des  proportions 
ordinaires.  Celte  faculté  lui  est  d'autant  plus  nécessaire,  qu'il  liahile  nos  mai- 
sons, nos  cuisines  même,  et  se  loge  le  plus  souvent  dans  des  Irons  de  murs 
où  ses  oreilles  le  gêneraient  beaucoup  et  seraient  continuellement  froissées  s'il 
uavail  le  pouvoir  de  les  replier  à  peu  près  comme  les  membranes  de  ses  ailes. 
Beaucoup  plus  connnun  chez  iu»us  (pu'la  chauve-souris  ordinaire,  s'il  échappe 
a  l'observation,  c'est  parce  ((u'il  s(»rl  plus  lard  de  sa  retraile,  cpi'il  vole  avec  une 
rapidité  telle,  qu'à  peine  peut-(.n  rai>ercev(»ir  dans  l'obscurité,  outre  que  ses 
petites  dimensions  favorisent  son  imognilo.  H  marche  sur  la  terre  avec  plus 
de  facilite  (pie  les  autres  animaux  de  sa  famille,  cl  je  l'ai  vu  cpielquefois  grinipei 


102 


LliS  CARNASSIERS  CHÉIROPTÈll  KS. 


contre  de  vieux  murs  avec  autant  d'agilité  que  pourrait  en  mettre  une  souris. 
Son  vol  est  très-irrégulier,  très-capricieux,  et  l'on  dirait  qu'il  prend  à  tâche  de 
ne  pas  parcourir  trois  toises  en  ligne  droite:  il  monte,  il  descend;  il  tourne  à 
droite,  à  gauche;  il  va,  il  revient  ;  et  tout  cela  par  des  mouvements  brusques  el 
anguleux  qu'il  est  presque  impossible  de  suivre  avec  les  yeux.  Comme  la  chauve- 
souris,  il  est  très-curieux,  et  si  on  veut  l'attirer  en  quelque  endroit,  il  ne  s'agit 
que  d'agiter  un  linge  Idanc  autour  d'un  bâton  :  il  viendra  aussitôt  voltiger  au- 
tour jusqu'à  ce  qu'il  ait  reconnu  cet  objet  étrange  pour  lui.  Alors,  il  se  remet 
en  chasse  et  saisit  dans  les  airs  les  plus  petits  insectes. 

Ses  oreilles  monstrueuses  ne  lui  ont  pas  été  données  inutilement  par  la  na- 
ture. Je  ne  pense  pas,  comme  G.  Cuvier,  qu'elles  lui  servent  beaucoup  pour 
recevoir  les  impressions  de  l'air  et  reconnaître  la  présence  des  corps  contre  les- 
(|uels  il  pourrait  se  heurter;  mais  je  crois  que  le  sens  de  l'ouïe  est  prodigieuse- 
ment développé  chez  lui,  parce  qu'il  remplace  jusqu'à  un  certain  point  celui  de  la 
vue,  ou  que  du  moins  il  lui  est  un  puissant  auxiliaire.  En  effet,  comment  l'oreil- 
lard, avec  des  yeux  très-petits,  presque  cachés  dans  les  poils  de  son  front,  pour- 
rait-il, surtout  lorsque  la  nuit  est  noire,  apercevoir  à  une  certaine  distance  les 
insectes  dont  il  se  nourrit?  Il  ne  les  voit  pas,  j'en  suis  persuadé,  mais  il  les  en- 
tend bourdonner,  et  alors  il  se  précipite  vers  l'endroit  où  son  oreille  l'appelle, 
il  le  parcourt  dans  tous  les  sens,  y  fait  mille  tours  et  détours,  toujours  en 
obéissant  à  son  guide,  jusqu'à  ce  que  sa  faible  vue  ait  découvert  l'objet  de  ses 
recherches,  et  qu'il  ait  pu  le  saisir.  Ensuite,  il  me  semble  que  ceci  expliijuerait 
assez  bien  l'irrégularité  de  son  vol,  et  les  mille  crochets  brusques  qu'on  lui  voit 
décrire  dans  un  espace  quelquefois  très-resserré. 


L'Oreillaud  cobmj  {Plecohts  <ornutiis,Fx- 
uEii.)  est  encore  plus  reiuaniuable  que  le  pré- 
cédent pour  la  longueur  de  ses  oreilles,  qui  n'ont 
pas  moins  de  dix-neuf  lignes  de  longueur,  et 
sout  par  conséquent  aussi  longues  que  son  corps. 
Les  oreillons  sont  aussi  longs  que  les  oreilles, 
et  figurent  assez  bien  une  paire  de  cornes.  Son 
pelage  est  d'un  noir  lavé  de  brun  en  dessus,  et 
d'un  noir  bleuâtre  varié  de  blanc  grisâtre,  sur 
le  ventre  et  sur  la  gorge.  On  le  trouve  dans  le 
Jutland. 

L'OuEiLLARD  »K  Ti.iiOK  {Plecotns  Thnorieu- 
.sîajLess.  Vespertilio  timoriensis,  Geoff.)  est 
d'un  brun  noirâtre  en  dessus,  et  d'un  brun  cen- 
dré en  dessous  ;  ses  oreilles  sont  gi-andes,  et  ses 
oreillons  en  demi-cœur.  Des  Moluqucs. 

L'Oreillard  de  Rafinesque  (  P/fro/u.s  lia/i- 
iiesqtiii,  Less.  f'espertilio  viegnlolis,  Piafiin.) 
est  d'un  gris  foncé  en  dessus,  pâle  en  dessous; 
ses  oreilles  sont  doubles,  très-grandes,  avec  des 
oreillons  aussi  longs  qu'elles,  caractère  qui  le 
dislingue  de  l'espèce  de  notre  pa}s  On  le  trouve 
aux  Étals-Unis. 

L'Oreillmid  de  Madijé  (Plecotns  Maugei, 
Less.  Vespertilio  Maugri,  Deshi.)  est  d'un  brun 
noirâtre  en  dessus,  d'un  brun  clair  en  dessous, 
avec  les  parli(\s  postérieures  du  corps  blanches; 


ailes  grises;  oreilles  très-larges,  à  pointe  arron- 
die et  échancrée  extérieurement.  De  l'Ile  de 
Porto- Il  ico. 

La  Bahbastelle ( Plecotits bnrbastellus, Le-s. 
Vespertilio  barbastellus,  Li\.  — Gml.— Geoff.), 
d'un  brun  foncé,  glacé  de  fauve;  ailes  d'un  brun 
noir  ;  oreilles  larges,  triangulaires,  à  bord  ex- 
térieur échancré;  oj'eillons  frès-larges  à  la  base, 
étroits  à  la  i)ointe,  recourbés  en  arc  vers  l'inté- 
rieur. De  France  et  d'Allemagne. 

L'Oreillard  voile  {Plecotns  relalns,  Isii). 
Geoff.'  ,  d'un  brun  marron  eu  dessus,  brun  gri- 
sâtre en  dessous;  queue  aussi  longue  que  le 
corps,  entièrement  prise  dans  la  membrane  ; 
oreilles  larges,  de  la  longueur  de  la  tcle.  Du 
Brésil. 

17"=  Ge>re.  Les  ATÀLAPHES  (Atnlaptia, 
Rafin).  Point  de  dents  incisives;  queue  ]ûus 
longue  que  sa  membrane,  ou  entièrement  prise 
dans  elle;  oreilles  médiocrement  écartées,  mu- 
nies d'oreillon. 

L'Atalaphe  d'Amériqie  { Atalnpliu  nmeri- 
rona,  Kafin.  Vespertilio  noceboracensis,  Pi;!\x.) 
brun  en  dessus,  plus  pâle  en  dessous  ;  poils  doux 
et  so)  eux  ;  une  tache  blanche  aux  épaules  ;  queue 
entièrement  prise  dans  sa  membrane;  oreilles 
arrondies,  larges  et  courtes.  De  Ne«-Yoik 


' '■"-.;;£'.•.. SES  r.iEi  "if. 


GALERIES   DE  GÉOLOGIE,  DE    MINtRALCGîE   ET    DS    BOTANIQUE. 


(    .1,  rrt  il,     .!,•>     Hlanlf..    ) 


NOCTILIONS. 


10.} 


L'Atalaphe  de  Sicile  [Alalniiha  sicula,  Ra- 
i'iN.),d'iiu  roux  brunâtre  eu  dessus  et  eendré  en 
dessous;  extrémité  de  la  queue  obUise,  saillante 
de  sa  membrane  ;  oreilles  aussi  longues  que  la 
tète.  De  Sicile. 

18"  Ge!nre.  Les  MYOPTÈRES  ( ]Vj/opfe)i.s-, 
Geoff.)  ont  vingt-six  dents;  deux  incisives  et 
deux  canines  supérieures  et  inférieures;  huit 
molaires  supérieures  et  dix  intérieures;  chan- 
(rein  simple  et  uni  ;  oreilles  séparées,  latérales, 
larges,  à  oreillon  interne  ;  queue  longue,  prise 
à  demi  dans  la  membrane;  nmseau  court  et 
gros. 

Le  Myoptèke  dk  DAUBE^TO\  (Myopteris  Dau- 
bmtonii,  Geoff.  Le  Rat  rulant,  Daijb.),  brun 
en  dessus  ;  le  dessous  d  un  blanc  sale,  légère- 
ment teinté  de  fauve.  Sa  patrie  est  inconnue 

19' Genre.  Les  XYCTICÉES  (  Ayetifeiis,  Ra- 
Fi:s.)  ont  deux  incisives  supérieures,  séparées 
par  un  grand  intervalle,  appliquées  contre  les 
canines,  et  à  crénelures  aiguës;  six  incisives  in- 
féiieures  tronquées;  les  canines  s;ins  verrues  à 
leur  base.  Peut-être,  qu;ind  on  les  connaîtra 
mieux,  faudra-t-il  reporter  les  espèces  de  ce 
genre  et  du  suivant  dans  d'autres  genres. 

La  Psvcticée  humérale  (A'j/f(ifeus/iHT»ier«/is, 
Rafin.),  d'un  brun  foncé  en  de.ssus,  grise  en 
dessous,  avec  les  épnu'es  noires;  queue  presque 
aussi  longue  que  le  corps,  Irès-mucronée  ;  oreil- 
les plus  longues  que  la  tète,  ovales,  noirâtres. 
Du  Kenlucky,  aux  États-Unis. 

La  NvcTirÉE  siARQrETÉE  (  A'yclireKS /esse//a- 


tiis,  Rafin.),  bai  en  dessus,  fauve  en  dessous,  à 
collier  étroit  et  jaunàli-e;  queue  de  la  longueur 
du  corps,  terminée  par  une  verrue  saillante  ; 
ailes  réticulées  et  pointillées  de  roux  ;  nez  bilobé. 
Du  Kentuck\ . 

20'  (iENHE.  Les  HYPEXODOXS  {Hijpexn- 
don,  Rafin.")  manquent  d'incisives  supérieures, 
et  en  ont  six  inférieures,  échancrées;  les  canines 
inférieures  ont  une  verrue  à  la  base;  leur  mu- 
seau est  nu;  leurs  narines  rondes,  saillantes  ; 
leur  queue  est  entièrement  prise  dans  sa  mem- 
brane. 

L'HVPEXODON  A  MOliSTACHES  (  Ihjpexodon  JHI/S- 

ta.r,  Rafix.^  est  brun  sur  le  sommet  de  la  tête, 
fauve  sur  le  reste  du  corps;  ses  ailes  sont  noires; 
sa  queue  est  mucronée  ;  ses  moustaches  sont 
longues  ;  ses  oreilles  sont  brunes  et  plus  longues 
que  la  tête.  Il  habite  leKentucky. 

Les  mœurs  des  chauves-souris  d'Amérique 
sont  fort  mal  connues,  non  pas  qu'il  serait  fort 
difficile  de  les  étudier,  mais  parce  que  les  natu- 
ralistes américains  se  sont  laissés  aller  aux  mê- 
mes préjugés  que  les  nôtres,  et  qu'ils  regardent 
comme  chose  d'une  importance  très-minime 
l'histoire  morale  des  animaux.  Et,  cependant,  de 
quelle  utilité  serait  pour  la  philosophie  de  la 
science  la  connaissance  des  faits  intéi  essants  et 
nombreux  qui  nous  sont  restés  inconnus,  sim- 
plement parce  qu'on  n'a  pas  voulu  se  donner  la 
peine  de  les  observer,  ne  fût-ce  que  pour  cal- 
culer le  degré  d'inîluence  de  l'organisalion  sur 
les  habitudes? 


LES  NOCTILIONS 


ont  les  ailes  longues  et  étroites,  et  deux  pha- 
langes à  l'index.  Leurs  molaires  sont  réelle- 
ment tuberculeuses;  leurs  lèvres  sont  très-gros- 
.ses;  leur  tête  est  courte,  obtuse;  leur  queue 
recourbée.  Quelques  femelles  de  cette  famille 
ont  de  chaque  côté  une  poche  membraneuse 
dans  laquelle  elles  renferment  leurs  petits  pour 
les  porter  avec  elles. 

21'  Genre.  Les  DYSOPES  I  Dyso/jps,  Fr. 
Ci3v.l  ont  vingt-huit  dents  :  deux  incisives  en 
haut  et  quatre  en  bas;  deux  canines  à  chaque 
mâchoire;  huit  molaires  supérieures,  et  dix  in  - 
férieures. 

Le  Moops  (  Diisopes  moops,  Fr.  Cuv.)  est  la 
seule  espèce  de  ce  genre,  et  se  trouve  dans 
l'Inde. 

22^  Genre.  Les  NOCTILIONS  (iVofti/io, 
Geoff.)  ont  vingt-huit  dents  :  quatre  incisives 
en  haut  et  deux  en  bas;  deux  canines  très-fortes 
à  chaque  mâchoire;  liuit  molaires  supérieures 
et  dix  inférieures.  Leur  museau  est  court,  ren- 
flé, fendu,  garni  de  verrues;  leurs  oreilles  sont 
latérales  et  petites;  leur  nez  est  simple,  con- 


fondu avec  les  lèvres;  leur  queue  est  envelop- 
pée à  sa  base  dans  la  membrane,  qui  est  très- 
grande. 

Le  iSocTiLioN  c NicoLORE  (A'octiZto  «7iiro/oi-, 
Geoff.  Vespertilio  leiioriniis,  Lin.)  e>t  de  la 
grandeur  d'un  rat,  d'un  fauve  pâle  uniforme. 
On  le  trouve  dans  toutes  les  parties  chaudes  de 
l'Amérique  méridionale.  On  en  connaît  deux 
variétés  : 

1"  Le  Vorsatus,  Geoff.,  qui  n'en  diffère  que 
par  une  bande  blanchâtre  qu'il  a  sur  le  dos  ; 

2"  h'Albhentcr,  Geoff.,  roussàlre  en  dessus, 
blanc  en  dessous. 

23"  Genre.  Les  MOLOSSES  {Molossiis  ■ 
Geoff. \  Ils  ont  vingt-huit  dents:  deux  inci- 
sives, deux  canines,  et  dix  molaires  à  chaque 
mâchoire;  leur  tête  est  courte  et  leur  museau 
renflé;  leurs  grandes  oreilles  sont  réunies  ou 
couchées  sur  la  face,  à  oreillon  extérieur;  la 
membrane  interfémorale  est  étroite,  coupée 
carrément,  et  enveloppe  à  sa  base  ou  en  tota- 
lité une  longue  queue. 

Le  Molosse  ptnm kml  {Molossus  (Ueiropus, 


tO'i 


LES  CARNASSIERS  Cil  ÉIUOPTÈRES. 


Lkss.  Cheiromcles  iorqitatus,  Hohsf.  Deisopfs 
rheiropiis.  'Iemm.)  a  vingt  et  un  pouces  (0,5()!»  ; 
son  dos  est  un  ;  quelques  poils  épars  et  rudes  lui 
forment  une  espèce  de  fraise  sur  le  cou;  son 
ventre  est  recouvert  d'un  duvet  court  et  peu 
sensible  ;  ses  ailes  ont  vingt  et  un  pouces  (0,569) 
d'envergure;  sii  qi» ne  est  ridée  dans  sa  partie 
libre;  les  orei  les  sont  écartées,  longues,  à  dou- 
ble oreillon.  De  Siani. 

Le  Moi.ossE  niLATÉ  (Mnlossus  ddatatus, 
Less.  IStirllnomus  dilalatus,  IIouse),  d'un  fauve 
noirâtre ,  plus  pâle  en  dessous  ;  les  ailes  très- 
grandes,  la  queue  grêle  ;  la  membrane  interfc- 
morale  formée  de  libres  musculaires  rares.  De 
Java. 

Le  ÎNIolosse  de  Rvvpel  (Molossiis  Huppelii, 
Less.  Dijsopes  Rnppelii,  Temmj,  d'un  gris  de 
souris  uniforme,  un  peu  plus  clair  en  dessous. 
11  est  long  de  cinq  pouces  et  demi  (0,149i,  et  il 
a  quatorze  pouces  six  lignes  ((i,.'595l  d'enver- 
gure. Son  poil  est  lii.se,  serré,  fin,  long  sur  les 
doigts,  raiT  sm-  le  museau  ;  ses  lèvres  sont  lar- 
ges, pendanles  et  plissées.  On  le  tiouve  dans 
les  souterrains,  en  Egypte 

Le  Moi.ossE  A  POILS  bas  (  Molossus  ahrasus, 
Les-!.  Ihjsopes  ahrasus,  Temm.),  long  de  quatre 
pouces  trois  lignes  0,1 15);  d'un  marron  vif  et 
lustré  eu  dessus,  plus  clair  et  terne  en  dessous; 
ailes  noires,  de  neuf  ponces  et  demi  (0,258) 
d'envergure,  poils  très-ras,  mais  serrés.  Du 
Brésil. 

Le  Molosse  gkèle  (Molossus  femiis,  Less. 
A'i/cft»io»uis  iemns,  Horsf.  Dysopes  tennis, 
Te>im.),  long  de  trois  pouces  neuf  ligues  O.'OI); 
d'un  brun  noirâtre  en  dessus,  cendré  en  des- 
sous, à  poils  courts,  lisses,  doux;  ailes  de  dix 
pouces  et  demi  (0,285)  d'envergure;  des  soies 
blanches  au  bout  des  doigts  de  pieds;  lèvre  su- 
périeure large,  bordée  d'un  rang  de  verrues. 
De  Ja\a  et  de  Banda. 

Le  MoLOSSE  ALECT0  (Molos>.us  alecto,  Le.ss. 
n^iopes  alecto,  Temm.',  long  de  cinq  pouces  et 
demi  ((),M9);  pelage  d'un  noir  très  brillant, 
imitant  le  velom-s  le  plus  fin;  de  longues  soies 
au  cronpion  ;  ailes  d'un  pied  i,0  525)  d'euver- 
gure.  Du  Brésil. 

Le  Molosse  E>Fi]ME  (Molossus  fumarius,  Spi%.. 
Dysopes  obsrurus,  Tejim.),  long  de  trois  pouces 
trois  lignes  |0,088)  ;  poils  de  deux  couleurs,  d  un 
brun  noirâtre  en  dessus  et  d'un  brun  cendré  en 
dessous;  lèvres  bordées  de  soies;  ailes  de  neuf 
pouces  (0  244)  d'envergure.  De  la  (iuyane  et 
du  Brésil. 

Le  Moi  ossK  auile  (  Molossus  leloj',  Less.  Di/- 
sopes  velox,  Temm.I,  de  trois  ponces  et  quart 
iO,088)  de  longueur  ;  d'un  brun  marron  très- 
foncé  et  brillant  en  dessus,  plus  clair  el  mat  en 
dessous;  un  siphon  glanduleux  au-devant  du 
cou;  pelage  lisse  et  tiés-courl;  ailes  de  dix 
pouces  (0,271)  d  envergure.  Du  Brésil. 


Le  MOLO.SSE  MMIHON  (MolOSSUS  ruf'llS,  (ÎEOFF.I , 

d'un  marron  foncé  en  dessus,  clair  en  dessous  ; 
nmseau court  et  très-gros.  Sa  patrie  est  inconnue. 

Le  Molosse  odsccr  (  Molossus  obsrurus  , 
Geoff.),  d'un  brun  noiràlre  en  dessus,  plus 
terne  en  dessous,  à  poils  blancs  à  leur  base.  Du 
Paraguay. 

Le  Molosse  ^0lR  (Molossus  nier,  Geoif.), 
d'un  noir  brillant  en  dessus.  Sa  patrie  est  in- 
connue. 

Le  Molos.se  a  longue  queue  (  Molossus  lon- 
qicaudatus,  Geoff.  ]'esperlilio  molossus,  Ln. 
Le  Mulot  î;o/n»i/?  BiFF),  d'un  cendré  fauve; 
queue  presque  aussi  limgue  que  le  corps;  une 
lanièi  e  de  peau  s'etendanl  du  front  au  museau. 
On  le  croit  de  la  Martinique. 

Le  Molosse  \  lahce  qeuue  (Molossus  Ic.ti- 
raudatus,  Geoff  ),  d'un  brun  obscur  en  des- 
sus, plus  clair  eu  dessous;  queue  bordée  de  cha- 
que coté  par  un  prolongement  de  la  membrane. 
Du  Paraguay. 

Le  Molosse  a  grosse  queue  (Molossus  rras- 
sicaudatus,  Geoff.),  d'un  brun  cannelle,  plus 
pâle  en  dessous;  queue  bordée  de  chaque  coté 
par  un  |)rolongeraent  de  la  membrane.  Du  Pa- 
raguay. 

Le  Molosse  a  queie  enveloppée  (Wo/o.ssi(.s- 
amplexiruudatus,  Geoff.  La  Chaure-souris  de 
la  Guyane,  Buff.),  noirâtre,  moins  foncé  en 
dessous;  queue  entièrement  enveloppée  dans 
la  membrane.  Il  vole  en  troupe  nombreuse.  De 
Cayenne. 

Le  Molosse  a  quhe  pointue  (Molossus  acu- 
ticaudatus,  Desm.),  d'un  brun  noir,  teinté  de 
couleur  de  suie  ;  queue  longue,  presque  entiè- 
rement prise  dans  la  membrane,  qui  forme  un 
angle  assez  aigu.  Du  Brésil. 

Le  Molosse  châtain  (Molossus  ccstaueus, 
Geoff.),  clmtain  en  dessus,  blanchâtre  eu  des- 
sous ;  un  ruban  étendu  depuis  le  museau  jus- 
qu'au front.  Du  Paraguay. 

Le  Molosse  a  ventre  brin  (Molossus  fusri- 
rfn£ér,GEOFF.Le  second  Mulot  iwlanl  de  Buff.), 
d'un  cendré  brun  en  dessus,  cendré  en  des- 
sous, avec  le  milieu  du  ventre  brun.  Ou  ignore 
sa  patrie. 

2i'  Genre.  Les  DIXOPS  (  Vinops,  Sav.)  ont 
trente-deux  dents  :  deux  incisives  en  haut  et  six 
en  bas  ;  deux  canines  supérii  ures  et  deux  infé- 
rieures ;  dix  molaires  à  chaque  mâchoire;  leurs 
oreilles  sont  réunies  et  étendues  sm-  le  front; 
leurs  lèvres  sont  pendantes  et  plissées;  leur 
queue  est  libre  dans  la  seconde  moitié  de  sa 
grandeur. 

Le  DiNOPS  DE  Cestoni  (  IHnops  Ceslonii, 
Sav.),  d'un  gris  brun  en  de.ssu.s,  passant  légè- 
rement au  jaunâtre  en  dessous;  oreilles  grandes, 
arrondies,  à  bord  externe  un  peu  échancré; 
ailes  et  queue  d'un  brun  noir;  lèvres,  oreilles 
et  museau  noirs.  Des  environs  de  Pise 


NOCTILIONS. 


105 


2o^  Genre.  Les  STEXODERMES  (  Steno- 
derma,  (Ieoff.)  ont  vingt-huit  dents  :  quatre 
incisives  en  haut  et  en  bas  ;  deux  canines  supé- 
rieures et  inférieures;  huit  molaires  à  chaque 
mâchoire.  Georges  Cuvier  dit  qu'ils  n'ont  que 
deux  incisives  supérieures.  Leur  nez  est  sim- 
ple ;  leurs  oreilles  petites,  latérales  et  isolées, 
avec  un  oreillon  intéiieur;  ils  manquent  de 
queue,  et  leur  membrane  est  échancrée  jusqu'au 
coccyx. 

Le  Sténodekme  roix  (  Stevodenna  rufa , 
Geoff.),  d'un  roux  châtain  uniforme;  oreilles 
mojennes,  ovales,  à boid  externe  un  peu  échan- 
cré.  On  ne  connaît  pas  sa  patrie. 

26^  Ge\he.  Les  CÉlÈXES  Celœno,  Leach.) 
ont  vingt-six  dents:  deux  incisives  eu  haut  et 
quatre  en  bas  ;  deux  canines  à  chaque  mâchoire  ; 
huit  molaires  supérieures  el  inférieures;  troi- 
sième et  quatrième  doigt  à  trois  phalanges, 
l'externe  à  deux;  oreilles  écartées;  oreillons 
petits;  queue  nulle;  membrane  se  prolongeant 
peu  au  delà  des  doigts  de  derrière. 

Le  CÉLÈ>E  DE  Brooks  {Celœno  Brooksiaua, 
Leach.);  dos  ferrugineux;  épaules  et  ventre 
(l'un  ferrugineux  jaunâtre;  oreilles  pointues, 
à  bord  postérieur  droit  et  l'antérieur  arrondi  ; 
toutes  les  membranes  noires.  Patrie  inconnue. 

27'  Genre.  Les  iELLO  (  .'Ello,  Leach  )  ont 
vingt-quatre  dents  :  deux  incisives  supérieures 
el  inférieures;  deux  canines  en  haut  et  en  bas, 
et  huit  molaires  à  chaciue  mâchoire  ;  leurs 
oreilles  sont  rapprochées,  courtes,  très-larges, 
et  manquent  d'oreilion;  leur  troisième  doigt 
a  quatre  phalanges,  le  quatrième  et  le  cinquième 
chacun  trois  ;  la  queue,  formée  de  cinq  vertè- 
bres dans  sa  partie  visible,  ne  dépasse  pas  la 
membrane,  qui  est  droite. 

L'JCllo  de  CiviER  (.fJ//o  Cuiieri,  Leacu.i, 
d'un  fauve  ferrugineux  ;  oreilles  un  peu  tron- 
quées au  bout;  ailes  d'un  brun  obscur.  Sa  pa- 
trie est  inconnue. 

28   (iENRE.  Les  SOOTOPHILE.S  (.SfO^opAi- 


Zio,  Le\ch.)  ont  (rente  dents  :  quatre  incisives 
supérieures  et  six  inférieures;  deux  canines  en 
haut  et  en  bas;  huit  molaires  à  chaque  mâ- 
choire; le  troisième,  le  quatrième  et  le  cin- 
quième doigt  des  ailes  ont  trois  phalanges  cha- 
cun. 

Le  ScoTOPHiLE  DE  KuHL  {Srot  'phHiis  Kuhlii, 
Leach. I  ;  pelage  ferrugineux;  ailes,  oreilles  (t 
nez  bruns.  Sa  patrie  est  inconnue. 

29'  Genre.  Les  NYCTIXORIES  (  .\(/rfnio- 
•JiM.";,  Geoff.)  ont  trente  dents  :  deux  incisives 
supériemcs  et  quatre  inférieures;  deux  canines 
en  haut  et  en  bas;  dix  molaires  à  chaque  mâ- 
choire. Leur  nez  est  plat,  confondu  avec  les 
lèvres;  celles-ci  sont  ridées  et  profondément 
fendues;  les  oreilles  sont  couchées  sur  la  f;ice, 
grandes,  à  oreillon  extérieur  ;  la  queue  est  lon- 
gue, à  demi  enveloppée  à  sa  base  par  la  mem- 
brane, qui  est  mojenne  et  saillante. 

Le  NvcTi^OME  d'Egypte  [IStirlinomus  agyp- 
tiucus,  Geoff.  Dtjsopes  Genffrotjii,  Teihi.)  est 
roux  en  dessus,  brun  en  dessous  ;  queue  grêle, 
à  moitié  enveloppée  dans  la  membrane,  qui  n'a 
point  de  bride  membraneuse.  En  Egypte,  dans 
les  souterrains. 

Le  rSvcTiNOME  Di;  Port-Louis  (.Vi/ctiiiomi/.s 
aretabnlosus ,  Geoff.),  d'un  brim  noirâtre; 
queue  enveloppée  aux  deux  tiers  par  la  mem- 
brane interfémorale.  De  l'Ile-de-France. 

Le  ]NvcTi.\(»iE  DU  Bengale  {^'iicHiiomits  ben- 
galensis,  Geoff.  ]'e>pcriilio  pliintus,  Brcii.l; 
remarquable  par  .sa  queue  as>ez  grosse,  à  moi- 
tié enveloppée  par  la  membrane,  qui  a  des  bri- 
des membraneuses.  Du  Bengale. 

Le  Nyctinome  du  Brésil  {I\'ijclinomus  brn- 
siliensis,  Isid.  Geoff  )  est  long  de  trois  pouces 
onze  lignes  vO,106i  ;  d'un  cendré  teinté  de  brun 
noir  ou  de  brun  fauve  en  dessus,  plus  gris  et 
moins  foncé  sur  le  ventre;  un  peu  plus  fonce 
veis  la  poitrine;  quelques  poils  rares  sur  la 
première  moitié  de  la  queue  prise  dans  la  meni 
brane. 


106 


Li:s  (AIUNASSIKHS  CHÉIROPTÈRES. 


LES  ROUSSETTES 


ont  les  molaires  brusquement  tul)erculeuses, 
d'où  il  résulte  que  ces  animaux  sont  frugivores; 
les  ailes  sont  arrondies,  avec  le  doigt  index  à 
trois  phalanges;  leur  tète  est  longue  et  velue; 
ordinairement  elles  n'ont  ni  queue,  ni  mem- 
i)rane  intcrfémorale.  La  plupart  des  femelles 
ont  des  poches  dans  lesquelles  elles  portent 
leurs  petits. 
50'  Ge^re.  Les  ROUSSETTES  {Pteropus, 


Bhiss.)  ont  trente-quatre  dents  :  quatre  inci- 
sives en  haut  et  en  bas  ;  deux  canines  supé- 
rieures et  inférieures;  dix  molaires  à  la  mâ- 
choire supérieure  et  douze  à  l'infériem'e;  leur 
tète  est  conique;  leurs  oreilles  courtes  ;  elles 
ont  un  petit  ongle  au  doigt  index  de  l'aile;  leur 
queue  est  nulle  ou  rudimentaire,  et  leur  mem- 
brane interfémorale  très-peu  apparente.  Ce 
sont  des  animaux  d'une  taille  assez  grande. 


i"  ROUSSETTES  SANS  QUEUE. 


Le  Kalong  {Pteropus  jaianicus,  Desm  )  a 
les  ailes  de  cinq  pieds  (1,624)  d'envergure;  il 
est  noir,  excepté  sur  le  dessus  du  cou,  qui  est 
d  un  roux  enfumé;  il  a  quelques  poils  blancs 


mêlés  aux  autres,  sur  le  dos.  On  le  trouve  dans 
l'Ile  de  Java,  et  il  a  les  mêmes  mœurs  que  l'es- 
pèce suivante,  dont  peut-être  il  n'est  (ju'une  va- 
riété. 


La  ROUSSETTE  (  Pteropus  vulgaris,  Gf.off.    La  Roussette,   Buff.    Le  Chien 
volant,  Daub.). 

Quoique  moins  singulier  dans  ses  formes  que  la  plupart  des  chauves-souris, 


LES    CHAUVES  SO  jRIS 

V  l  E  DES   It  II  III)  s   1)1    M  l.. 


I   .1   ,    ,    ,1   1    M       .1   .     -        ('  1   ,,   1,   t  .■   -      I 


HOUSSETTIiS.  107 

cet  animal  non  est  pas  moins  nn  des  plus  extraordinaires  que  l'on  oomiaisse ; 
il  est  brun  ou  d'un  brun  marron  en  dessus,  d'un  fauve  roussâtre  à  la  face  et 
aux  côtés  du  dos,  d'un  noir  foncé,  ou  quelquefois  marron,  en  dessous.  Son  corps 
a  environ  un  pied  (>,")2oj  de  longueur,  et  ses  ailes  ont  une  très-grande  enver- 
gure. 

Une  des  premières  bizarreries  de  la  roussette  est  que  la  femelle,  qui  a  ses  deux 
mamelles  sur  la  poitrine,  est  sujette  à  certaines  incommodités  périodiques  des 
fenmies  et  de  (pielques  femelles  de  quadrumanes.  En  outre,  plusieurs  espèces  de 
cette  famille  ont,  de  chaque  côté  du  corps,  des  sortes  de  poches  membraneuses 
dans  lesquelles  elles  placent  leurs  petits  pour  les  transporter  aisément  pendant 
qu'elles  volent,  car  elles  ne  s'en  séparent  que  lorsqu'ils  sont  assez  grands  pour 
pouvoir  reni[)lir  eux  seuls  et  sans  secours  toutes  les  fonctions  de  l'animalité. 
Longtemps  même  après  cette  époque,  elles  les  guident  ou  les  suivent,  les 
aidant  de  leur  vieille  expérience.  Il  résulte  de  cette  habitude  cpie  ces  ani- 
maux vivent  en  société,  et  qu'on  les  rencontre  le  plus  ordinairement  en  grande 
troupe. 

«Les  anciens,  dit  Buffon,  connaissaient  imparfaitement  ces  quadrupèdes 
ailés,  qui  sont  des  espèces  de  monstres,  et  il  est  vraisendjlable  que  c'est  d'après 
ces  modèles  bizarres  de  la  nature  que  leur  imagination  a  dessiné  les  harpies. 
Les  ailes,  les  dents,  les  griffes,  la  cruauté,  la  voracité,  la  saleté;  tous  les  attri- 
buts difformes,  toutes  les  facultés  nuisibles  des  harpies;  conviennent  assez  à 
nos  roussettes.  Hérodote  paraît  les  avoir  indiquées  lorsqu'il  a  dit  qu'il  y  avait 
de  grandes  chauves-souris  qui  incommodaient  beaucoup  les  honnnes  qui  allaient 
recueillir  la  casse  autour  des  marais  de  l'Asie;  qu'ils  étaient  obligés  de  se  cou- 
vrir de  cuir  le  cor|»s  et  le  visage  pour  se  garantir  de  leurs  morsures  dange- 
reuses. 

«  Ces  animaux  sont  plus  grands,  plus  forts,  et  peut-être  plus  méchants  que 
le  vampire  ;  mais  c'est  à  force  ouverte,  en  plein  jour  aussi  bien  que  la  nuit,  qu'ils 
font  leurs  dégâts;  ils  tuent  les  volailles  et  les  petits  animaux,  ils  se  jettent  même 
sur  les  hommes,  les  insultent  et  les  blessent  au  visage  par  des  morsures  cruelles; 
et  aucun  voyaginu-  ne  dit  qu'ils  sucent  le  sang  des  honnnes  et  des  animaux  en- 
dornns.  » 

Ceci,  connue  on  le  pense  bien,  est  fort  exagéré,  et  je  ne  crois  pas  qu'aucun 
voyageur  moderne  ait  vu  attaquer  l'homme  par  des  roussettes.  Ces  animaux 
vivent  principalement  de  fruits;  néanmoins  ils  dévorent  aussi  de  petits  mam- 
mifères (>l  des  oiseaux.  Ils  peuvent  très-bien  poursuivre  ceux-ci  dans  les  airs 
pendant  le  jour,  car  ils  supportent  sans  peine  la  lumière,  <pu)i(pi<'  le  plus  sou- 
vent ils  ne  sortent  de  leur  retraite  qu'au  crépuscule. 

Les  roussettes  sont  généralement  farouches;  elles  n'établissent  leur  domi- 
cile que  dans  les  lieux  les  plus  sauvages  des  forêts,  où  elles  se  suspendent  aux 
branches  des  arbres  par  leurs  pieds  de  derrière,  à  la  manière  des  chauves- 
souris. 


Le  Mela^ou-Bouroo  {Pteropusedulis,  Péron)  rus  el  luisants.  Il  se  Iroiive  dans  les  Mohiquos, 
a  quatre  pieds  (l,299l  d'envergure;  il  csl  en-  el  n'habite  que  les  cavernes  les  plus  t('iiébreuse.s, 
fiènment  noirâtre,  avec  le  dos  couvert  de  poils     contre  l'habitude  des  aulres  roussettes.  Les  ha- 


lOS 


LIvS  CAIiNASSlERS  CHÉIROPTÈRES. 


hitaiits  du  pajs  lui  font  activement  la  chasse 
pour  le  manger,  et  trouvent  sa  chair  délicieuse. 
Les  Européens  qui  en  ont  goûté  la  comparent 
à  celle  du  meilleur  lapin  de  garenne. 

La  Roussette  d'Kdwards  {Pteropus  Edwar- 
sii,  Des)i.  La  grande  Chnuve-Souris  de  Mada- 
gascar, Edw.  VesperlïUo  vampirus,  Li\.")  n'est 
peiit-éfre,  comme  le  pense  Temminck,  qu'une 
variété  de  la  précédente.  Son  pelage  est  d'un 
brnn  marron  sur  le  dos,  d'ini  roux  vif  sur  les 
cotés,  et  d'un  brun  clair  sui  le  ventre.  De  Ma- 
dagascar. 

La  IloLfiETTE  (Pteropus  ritbrirollis,  Geoff. 
Vesperlilio  rampirtis,  Liiv.  La  Roiigeite,  Biiff. 
La  Roussetle  à  collier,  G.  Clv.)  a  deux  pieds 
iO,C50)  d'envergure;  elle  est  d'un  gris  brun, 
avec  le  cou  rouge.  Cette  espère  habite  l'île  de 
Bourbon,  où  elle  vit  dans  les  arbres  creux. 

Le  Fainuii  [Pteropus  Keraudren,  Quov  et 
Gaim.  C'est  le  Poë  des  Iles  Carolines).  11  est 
singulier  que  d;ins  l'ile  d'Oualan  cet  animal 
était  nommé  par  les  habitants  Quoij ,  c'est-à- 
dire  qu'il  portait  le  même  nom  que  le  naturaliste 
qui  l'a  décrit  le  pi'emicr.  I!  est  noirâtre,  avec 
le  cou,  les  épaules  et  le  derrière  de  la  (été 
jaunes.  11  a  les  oreilles  courtes  et  noirâtres. 

On  trouve  le  lanihi  depuis  les  îles  Pelew  jus- 


([uanx  Carolines  orientales.  Il  vit  en  grande 
troupe  dans  les  forêts,  on  il  passe  le  jour  sus- 
pendu aux  branches  mortes  des  arbres. 

La  Roussette  de  Dussu.mier  {Pleropus  Vus- 
sumieri,  Is.  Geoff.)  est  voisine  de  la  précé- 
dente, mais  elle  en  diffère  par  la  couleur  brune 
(le  la  gorge  et  du  devant  du  cou  ;  le  ventre  et 
le  dos  sont  bruns  mélangés  de  poils  blancs  ;  la 
partie  supérieure  de  la  poitrine  est  d'un  brun 
roussàln-;  lis  côtés  du  cou,  depuis  le  bas  des 
oreilles  jusqu'aux  épaules,  sont  d'un  fauve  un 
peu  roussàtre.  Sa  longueur  totale  est  de  sept 
pouces  (0,189),  et  ses  îiiles  ont  deux  pieds  trois 
pouces  (0,751)  d'envergure.  Elle  est  du  conti- 
nent indien. 

La  Roussette  GRISE  (Pfero/jusgrJseHS.  Geoff.) 
a  un  pied  six  pouces  (0,487)  d'envergure;  elle 
est  grise,  avec  la  tète  et  le  cou  d'un  roux  vif. 
Elle  est  de  Timor. 

Le  Baui  B  (  Pleropus  médius,  Temm.)  a  quatre 
pieds  et  demi  (l,4CI)  d'envergure;  la  tète,  l'oc- 
ciput, la  gorge  sont  d'un  marron  noirâtre  ;  le 
dos  est  noirâtre  légèrement  teinté  de  brun  ;  la 
nuque  est  d'un  roux  jaunâtre  ;  les  côtés  du 
cou  et  les  parties  inférieures  sont  d'un  roux 
l)run  feuille-morte  ;  les  ailes  sont  brunes.  Les 
Indiens  lui  font  une  chasse  active. 


Lebadur  habite  Calcutta,  Pondichéry  et  d'autres  parties  de  l'Inde.  Les  voya- 
geurs l'ont  généralement  confondu  avec  le  melanou-bourou,  quoiqu'il  n'ait  pas 
les  mêmes  habitudes.  Je  crois  que  c'est  à  cet  animal  qu'il  faut  appliquer  ce 
passage  de  Vllïsio'ire  çiénérale  des  Vmjnges  :  «  On  voit  sur  les  arbres  une  infinité 
de  grandes  chauves-souris  qui  pendent  attachées  les  unes  aux  autres  sur  les 
arbres,  et  qui  prennent  leur  vol  à  l'entrée  de  la  nuit  pour  aller  chercher  leur 
nourriture  dans  les  bois  fort  éloignés;  elles  volent  quelquefois  en  si  grand 
nondtre  et  si  serrées,  qu'elles  obscurcissent  l'air  de  leurs  grandes  ailes,  qui  ont 
({ueb[uefois  six  palmes  d'étendue.  Elles  savent  discerner,  dans  l'épaisseur  des 
bois,  les  arbres  dont  les  fruits  sont  mûrs;  elles  les  dévorent  pendant  toute  la 
nuit  avec  un  bruit  qui  se  fait  entendre  de  deux  milles,  et,  vers  le  jour,  elles 
retournent  vers  leurs  retraites.  Les  Indiens,  qui  voient  manger  leurs  meilleurs 
fruits  par  ces  animaux,  leur  font  la  guerre  non-seulement  pour  se  venger,  mais 
pour  se  nourrir  de  leur  chair,  à  laquelle  ils  prétendent  trouver  le  goût  du 
lapin.  » 

Si  le  badur  n'est  pas  cette  chauve-souris,  du  moins  il  est  certain  que  comme 
elle  il  vit  en  troupe,  dévaste  les  vergers,  et  a  une  chair  que  les  habitants  esti- 
ment beaucoup. 


La  Roussette  de  Leschen\ult  {Pleropus  Les- 
cheuaumi,  Desm.)  a  un  pied  et  demi  (0,487) 
d'envergure;  elle  est  d'un  fauve  cendré  uni- 
forme en  dessus,  un  peu  blanchâtre  en  dessous  ; 
on  lui  voit  quelques  points  blanchâtres  à  la  base 
des  membranes  des  ailes.  Elle  habite  les  envi- 
rons de  Pondichéry. 


La  Roussette  a  face  inoire  (Ptfro;)n.<  phaïops, 
Temm.)  a  le  corps  de  dix  pouces  (0,27fi  de  lon- 
gueur, et  trois  pieds  cinq  pouces  (1,110)  d'en- 
vergure. Elle  est  très-grosse,  trapue,  à  museau 
long;  son  pelage,  grossier,  mais  très- fourni, 
est  un  peu  frisé.  Sa  face  est  noire  ;  le  haut  du 
corps  d'un  jaune  paille;  la  poitrine  d'un  roux 


ROUSSETTES. 


109 


doré  très-vif;  le  dos  d'un  noir  marron  un  peu 
mêlé  de  jaunâtre;  les  ailes  noires.  Elle  habite 
Madagascar. 

«  Aux  lies  de  Mascareigne  et  de  Madagascar, 
dit  un  voyageur,  les  chauves-souris  sont  grosses 
comme  des  poules,  et  si  conmmucs,  que  j'en  isi 
vu  l'air  chscurci.  Leur  cri  est  épouvantable.  « 

Le  Sab\osiki  { l^feropus  dasymalus ,  Tem>i. 
Pteropus  riibrirollis,  Siebold)  est  un  peu  plus 
grand  que  le  fanihi  :  il  a  le  pelage  long  et  très- 
laineux  ,  d'un  brun  foncé;  avec  le  cou  et  les 
épaules  d'un  brun  sale  tirant  un  peu  sur  le  jau- 
nâtre; ses  oreilles  sont  petites  et  pointues;  les 
membranes  sont  d'un  brun  fonce ,  celles  des 
(lancs  velues  en  dessus  et  en  dessous.  Il  habite 
les  environs  de  Nangasak  i  et  de  Jedo,  au  Japon. 

La  KorssETTF,  a  tète  cendrée  (  Pleiopus  j)0- 
linrephnliis,  Tejim.  a  un  pied  0,525)  de  lon- 
gueur, et  trois  pieds  trois  pouces  (1,0311  d'en- 
vergure. Son  corps  est  gros  et  trapu  ;  son  pelage 
un  peu  frisé,  long,  épais,  d'un  gris  cendré  foncé 
en  dessus,  varié  de  quelques  poils  noirs;  la  nu- 
que et  le  cou  sont  d'un  marron  roussàtre;  on 


lui  voit  une  petite  tache  à  la  naissance  de  cha- 
que oreille.  Elle  habite  les  parties  les  plus  chau- 
des de  la  iNouvelle-Hollande. 

La  Roussette  feiille-morte  ,  l'inopus  pal- 
lidus,  TEjni.i  a  sept  pouces  six  lignes  (0,203i 
de  longueur,  et  deux  pieds  cinq  pouces  0,«i6li 
d'envergure  ;  son  pelage  est  court,  mélangé  de 
poils  brims,  gris  ou  blanchâtres  ;  le  dos  est  d'un 
brim  pâle  ;  la  nuque,  les  épaules  et  le  collier 
qui  entoure  la  poitrine,  d'un  roux  ocracé  vif  ; 
la  tète,  ta  gorge,  le  ventre  et  les  membres  sont 
d'un  biun  feuille-morte.  Elle  habite  l'île  de 
Banda. 

La  Roussette  masqi ée  (  Pleiopus  persoiwliif, 
Temm.)  est  longue  de  six  pouces  et  demi  (0, 1761; 
ses  ailes  ont  vingt  pouces  (0,542)  d'envergure. 
Sa  tète  est  mêlée  de  blanc  et  de  brun,  avec  du 
blanc  pur  sur  le  menton,  les  joues  et  le  chan- 
frein ;  une  large  bande  brune  couvre  la  gorge  ; 
le  dos  est  grisâtre,  le  haut  du  corps  d'un  jaune 
paille,  le  ventre  brunâtre,  glacé  de  jaune  roux. 
(  ette  espèce  vit  en  troupes  peu  nombreuses; 
elle  fait  beaucoup  de  ravage  dans  les  vergers. 


Cette  roussette  est  une  des  plus  jolies,  ou,  si  l'on  veut,  une  des  moins  laides 
que  l'on  connaisse.  Elle  habite  les  Moluques,  et  l'on  dit  qu'elle  aime  beaucoup 
la  sève  de  palmier,  dont  les  habitants  font  une  liqueur  fermentée  très-spiri- 
tueuse  et  très-enivrante.  Si  l'on  s'en  rapporte  aux  voyageurs,  lorsque  les  Indiens 
ont  percé  un  palmier  pour  en  tirer  la  sève,  et  placé  dans  la  plaie  le  chalumeau 
qui  doit  diriger  la  liqueur  dans  le  vase  destine  à  la  recevoir,  les  roussettes  ont 
l'intelligence  d'aller  mettre  leur  bouche  au  bout  du  chalumeau,  et  de  boire  cette 
sève  sucrée  à  mesure  qu'elle  coule.  Mais  leur  gourmandise  est  bientôt  punie, 
car  elles  s'enivrent,  tombent  au  pied  de  l'arbre,  et  sont  prises  par  les  habitants, 
qui  les  mangent  et  leur  trouvent  un  excellent  goût  de  perdrix.  «  Aussi,  dit 
Buffon,  il  est  aisé  de  les  enivrer  et  de  les  prendre  en  mettant  à  portée  de  leur 
retraite  des  vases  remplis  d'eau  de  palmier  ou  de  quelque  autre  liqueur  fer- 
mentée. »  Un  voyageur  suédois  dit  en  avoir  pris  une  qui  s'était  enivrée  et  laissée 
tomber  au  pied  d'un  arbre;  l'ayant  attachée  avec  des  clous  à  une  muraille,  elle 
rongea  les  clous  et  les  arrondit  avec  ses  dents  comme  si  on  les  eût  limés.  Tout 
cela  sent  un  peu  le  conte  de  voyageur  ! 


La  Roussette  pale  i/'lf)07)».<;;)a//jrfîi.s,TEMM.^ 
a  de  longueur  totale  sept  pouces  et  demi  (0,J0.5); 
son  pelage  est  mélangé  de  poils  gris,  bruns  et 
blanchâtres  ;  le  derrière  de  la  tète,  les  épaules 


et  le  collier  de  la  poitrine  sont  roux  ;  le  dos  est 
d'un  brun  pale;  la  tète,  la  gorge,  le  ventre  et 
les  flancs  d'un  brun  feuille-morte  ;  les  ailes  d'un 
brun  pâle.  Elle  habile  Banda. 


2"  ROUSSET'FES  A  QUEUE. 


La  ROU.SSETTE  d'Egypte  ( /'(ero/H(s  (rgijplia-  celle  dos  autres  animaux  de  son  genre;  son 

n(.s-,GEOFF. /'/fro/;i(i  (ifo//")0(/ii,  Temm.)  a  d'un  pelage  est  laineux,  d'un  gris  brunâtre.  On  la 

pied  à  dix-huit  pouces  ((t,.î25  à  0,552)  d'enver-  trouve  en   i:g\pte,  suspendue  aux  voûtes  des 

gure;  sa  tète  est  plus  large  et  plus  courte  iiue  monuments  en  ruine. 


110 


LES  CARNASSIERS  CHÉIROPTÈRES. 


La  Roussette  pkiLhÈE[Pteropus  stiamineus, 
(itoFF.Le  Chien  volant? Sèhi^)  a  environ  deux 
pieds  (0,650)  d'envergure;  elle  est  d'un  jaune 
roussâtre,  et  sa  queue  est  très-courte.  Elle  ha- 
hile  Timor. 

La  Roussette  amplexicaude  (  Pteropus  am- 
ple.ïicaudatus,  Geoff.)  a  un  pied  quatre  pou- 
ces (0,453)  d'envergure  ;  elle  est  d'un  gris  roux, 
el  la  moitié  de  sa  queue  est  prise  dans  la  nieni- 
braiie  interféniorale;  la  queue  est  de  la  lon- 
gueur de  la  cuisse.  Elle  se  trouve  à  Timor. 

La  Roussette  mantelée  {Pteropus  palliutus, 
Geoff.)  est  peut-être,  comme  le  pense  Tem- 
minck,  un  individu  jeune  de  l'hypodeniia  Pero- 
nii.  Sa  tète,  son  cou,  ses  épaules  et  son  ventre 
sont  couverts  de  poils  rares,  longs  so\eux,  d'un 
jaune  de  paille;  au  milieu  du  dos  est  une  saillie 
longitudinale,  haute  d'une  ligne  (0,002  ,  qui 
donne  naissance  aux  membranes  des  ailes  Sa 
pairie  est  inconnue. 

5  r  Genre.  Les  HYPODERMES  (  Wy/joder- 
ma,  Geoff.  Cephalotts,  Less.)  ont  trente-deux 
dents  :  quatre  incisives  en  liaut  el  six  en  bas  ; 
deux  canines  à  chaque  mâchoire;  dix  molaires 
supérieures  et  trois  inférieures.  Lue  seule  es- 
pèce (cephalotes  Perouii)  a  un  petit  ongle  à 
l'index;  leur  tête  est  conique;  leurs  oreilles 
courtes;  la  queue  très-peu  apparente,  et,  comme 
dans  la  roussette  ci-dessus,  la  membrane  de 
leurs  ailes  naît  de  la  partie  moyenne  du  dos; 
la  membrane  interfémorale  est  échancrée. 

L'HvPODERME  DE  PÉRON  (Hypodcrma  Peronii 
et  Cephalotts  Peronii,  Geoff.)  a  deux  pieds 
(0,650)  d'envergure  ;  elle  est  brune  ou  rousse, 
a  pelage  court,  et  elle  manque  d'ongle  à  l'in- 
dex. De  Timor. 

52*^^  Genre.  Les  M ACROGLOSSES  (Macro- 
glossa,  Fr.  Cuv.)  ont  trente  quatre  dents  :  qua- 
tre incisives  et  deux  canines  en  haut  et  eu  bas; 
dix  molaires  à  la  mâchoire  supérieure,  el  douze 
à  l'inférieure  ;  leur  tête  est  extrêmement  lon- 
gue ;  leur  langue  extensible. 

Le  Lowo-Assu  (Macroglossa  kiodotes  et 
Horsfieldii,  Fr.  Cuv.  Pteropus  minimns  et  ros- 
tralus,  Geoff.);  tête  fort  allongée;  ailes  de  dix 
pouces  (0,271)  d'envergure;  pelage  laineux, 
d'un  roux  vif  en  dessus  et  terne  en  dessous,  ou 
d'un  bruu  pâle  uniforme  passant  au  gris  isa- 
belle;  point  de  queue;  langue  très-extensible, 
pouvant  s'allonger  de  deux  pouces.  Elle  habile 
Java,  où,  dit-on,  elle  se  nourrit  de  fruits  ;  mais 
sa  longue  langue  annonce  aussi  qu'elle  attaque 
les  petits  insectes. 

.ï3'^GE^RE.  LesCYNOPTÈRES  [Cynopterus, 
Fr.  Cl  V.)  ont  quatre  incisives  et  deux  fausses 
molaires  rudimeutaires  à  chaque  mâchoire, 
comme  les  roussettes,  mais  ils  manquent  entiè- 
rement de  dernières  molaires  ;  leur  tête  a  de 
la  ressemblance  avec  celle  des  cephalotes,  et 
leurs  mâchoires  sont  raccourcies. 


Le    CïNOPTÈRE    A    OliElULES    HORUÉES  (  Cljnop- 

lerus  marginatus,  Fr.  Cuv.  Pteropus  margina- 
tn>-,  Geoff.)  a  onze  pouces  (0,298)  d'envergure; 
il  est  d'un  brun  olivâlre,  à  poils  courts  et  ras; 
il  a  un  liséré  blanc  autour  de  l'oreille.  Du  Ben- 
gale. 

54'^^  Genre.  Les  CEPHALOTES  (Cephalotes, 
Geoff.  Harpya,  Illeg.— Less.).  Elles  ont  vingt- 
quatre  dents  :  deux  incisives  en  haut  et  point 
en  bas;  deux  canines  à  chaque  mâchoire;  huit 
molaires  supérieures  et  dix  inférieur  es.  Ce  genre 
ne  diffère  des  hypodermes  que  par  le  manque 
des  incisives  inférieures  et  des  dernières  petites 
molaires  en  haut  et  en  bas.  Si,  comme  le  pense 
M.  Geoffroy,  ceci  n'est  que  le  résultat  du  jeune 
âge,  il  faudra  reporter  l'espèce  sur  laquelle 
ce  genre  est  fondé  à  côté  de  l'hypoderme  de 
Péron. 

La  CÉPHALOTE  A  OREILLES   ÉTROITES  (  CcphulO- 

tes  tenions,  Raffl.)  est  d'un  gris  brunâtre;  la 
moitié  de  sa  queue  est  libre;  elle  a  une  ver- 
rue entre  les  deux  incisives.  Elle  habite  la  Si- 
cile. 

La  CÉPHALOTE  de  Pkllks  {Cephalotes  Pallasii, 
Geoff.  Harpya  Pallasii,  Illig.  }'espertilio  ce- 
phalotes,  Pall.  — LiNN.  Cephalotes  Pallasii, 
Geoff.  La  Cephalote,  Buff.).  Elle  est  d'un  gris 
cendré  en  dessus  et  d'un  blanc  pâle  ru  dessous, 
à  poils  rares  et  doux;ses  ailes  ont  quatorze 
pouces  (0,379)  d'envergure,  et  l'index  est  muni 
d'un  ongle.  Elle  habite  les  Moluques. 

55  Genre.  Lei  PACHYSOSIES  {Pachijso- 
ma,  Geoff.)  n'ont  que  trente  dents;  quatre  in- 
cisives et  deux  canines  en  haut  et  eu  bas  ;  huit 
molaires  à  la  mâchoire  supérieure  et  dix  à 
l'inférieure;  corps  lourd  et  trapu;  museau 
gros  ;  mamelles  placées  sur  la  poitrine  et  non 
sur  les  côtés  au-dessous  de  l'aisselle. 

Le  Batoeauwel  (  Paihysoma  melanorepha- 
hts,  IsiD.  Geoff.  Pteropus  melanocephalus, 
Temm.)  a  deux  pouces  dix  lignes  0,077)  de  Ion 
gueur,  el  ses  ailes  ont  onze  pouces  (0,29S)  d'en- 
vergure; ses  poils  sont  d'un  blanc  jaunâtre  a 
la  base  et  d'un  cendré  noirâtre  à  la  pointe  ;  .^a 
tête  est  noire,  et  le  dessous  de  son  corps  est 
d'un  blanc  jaunâtre  et  terne  ;  une  hunieur  odo- 
rante suinte  de  chaque  côté  de  son  cou.  Dans 
les  montagnes  de  Baiitam,  à  1  ile  de  Java. 

Le  Pachvsome  mammilî-vhe  {  Pachiisoma  lil- 
tliœcheilus,  Is.  Geof?.  Pteropus  lilthœcheilus. 
Temjt.)  est  long  de  cinq  pouces  (0,155).  et  ses 
ailes  ont  environ  dix-huit  pouces  ^0,477)  d'en- 
vergure ;  ses  poils,  lisses  et  (lus,  divergent  sur 
les  côtés  du  cou;  le  mâle  a  le  dos  d'un  bruu 
roussâtre  ;  la  tête  et  les  côtés  de  la  poitrine  sont 
roux,  devenant  orangés  quand  l'animal  vieillit  ; 
un  liséré  blanchâtre  borde  les  oreilles;  son 
ventre  est  gris  ;  la  femelle,  qui  est  un  peu  plus 
grande  est  olivâtre,  teintée  de  roux  sur  les  cô- 
tés du  cou  ;  la  queue  a  sept  lignes  de  longueur. 


HOUSSETTES. 


tll 


On  le  trouve  à  Siam,  dans  la  Cochinchine  et 
dans  les  îles  de  Java  et  de  Sumatra. 

LePACHïsoME  DE  DtvAicEL  (Pachijsoma  Du- 
vatirelii,  Geopf  )  est  long  de  trois  pouces  un 
quart  (0,088);  son  pelage  est  d'un  fauve  bru- 
UiWre  uniforme  ;  pouce  de  l'aile  fort  allongé, 
pris  en  grande  partie  dans  la  meml)rane  ;  queue 
courte,  ne  dépassant  la  membrane  que  de  trois 
lignes  (0,007).  De  Sumatra. 

Le  Pachysome  de  Diahu  {Parhtisoma  Diar- 
dii,  Gëoff.)  est  brun  sur  la  tète,  le  dos  et  les 
bras,  gris  autour  du  cou  et  sur  le  milieu  du 
ventre;  d'un  brun  grisâtre  sur  les  flancs;  sa 
longueur  totale  est  de  quatre  pouces  et  demi 


(0, 122  ,  et  ses  ailes  ont  di\-buit  pouces  (0,487i 
d'envergure  ;  la  queue  dépasse  de  buit  lignes 
(0,018   sa  membrane.  Sumatra. 

Le  Pacovsome  a  coihte  qleiv.  {Pochiisoma 
brcvicaiidatum,  Ls.  Geoff.),  d'un  roux  olivj'itre 
eu  dessus,  gris  en  dessous  sur  le  milieu  du  ven- 
tre; flancs,  gorge  et  côtés  du  cou  d'un  gris 
plus  ou  moins  roussàtre,  ou  d'un  roux  vif; 
oreilles  entourées  d'un  liséré  blanc  ;  queue  dé- 
passant à  peine  la  membrane,  ce  qui  le  distin- 
gue du  maramilèvre  ;  longueur  totale,  quatre 
pouces  (0,108);  les  ailes  ont  treize  pouces 
(  0,352  )  d'envergure.  On  le  trouve  à  Suma- 
tra. 


LES 


CARNASSIERS   INSECTIVORES, 


TROISIEMt:    OhDRlî    UKS    M  AMMIFKR  liS. 


lie  Hérisson. 


Comme  les  chéiroptères,  ils  out  les  mâche- 
lières  hérissées  de  pointes  coniques,  et  une  vie 
iiocturue  ou  souterraine;  dans  les  climats  froids, 
heaucoup  d'entre  eux  tombent  eu  léthargie  et 
passent  Ihiver  dans  un  état  plus  ou  moins  com- 
plet d'engourdissement.  Leurs  pieds  sontcourts, 
armés  d'ongles  robustes,  et  ceux  de  derrière  ont 
toujours  cinq  doigts;  tous  appuient  la  plante 


entière  du  pied  sur  la  terre  en  niarcluinl.  Leurs 
mamelles  sont  placées  sur  le  ventre,  comme 
chez  tous  les  carnassiers  qui  vont  suivre.  Tous 
ont  une  clavicule. 

Je  partagerai  cet  ordre  en  trois  petites  fa- 
milles, celle  des  diodontes,  celle  des  triodontes 
à  courtes  canines,  et  celle  des  triodontes  à  lon- 
gues canines. 


LES  DIODONTES 


n'ont  que  deux  sortes  de  dents  :  deux  longues 
incisives  en  avant,  suivies  d'autres  incisives  plus 
courtes  que  les  molaires;  ils  manquent  de  ca- 
nines, caractère  les  rapprochant  un  peu  des 
rongeurs. 

r'   Genre.    Les  HERISSONS    [Erinaieiis, 
Lin.)  ont  trente-six  dents:  six  incisives  supé- 


rieures, dont  les  mitoyennes  écartées  et  cjlin 
driques;  point  de  canines;  quatorze  molaires  à 
chaque  mâchoire;  leur  corps,  couvert  de  pi- 
quants très-durs,  a  la  faculté  de  se  rouler  en 
boule,  au  moyen  de  muscles  puissants  dont  la 
peau  du  dos  est  munie;  tous  leurs  pieds  ont  cinq 
doigts,  et  leur  queue  est  très-courte. 


|4H..     fr1^'^\  O 


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ANCIENNES  SERRES  TEA1PERE3S. 

J  V  11  I)  I  >    1)  K  s    S  K  >1 1  .>>. 

(    In  ■  il  il.      .\ti     fl. 


DlOUUMliS.  113 

Le  UÉRISSON  [i^rinuceiis  curopœns,  Linn.  Le  Ucrhsun  ordinaire,  Hirv. — 
G.  Cuv.). 

Ce  petit  animal  se  distingue  de  ses  congénères  par  ses  oreilles  courtes, 
n'ayant  jamais  une  longueur  égale  aux  deux  tiers  de  sa  tète;  son  corps  est  cou- 
vert d'aiguilloiis  cornés,  robustes,  entre-croisés  irrégulièrement,  dune  longueur 
médiocre  et  très-piquants.  Il  se  trouve  dans  toute  l'Europe  tempérée,  et  il  est 
commun  en  France  dans  la  plupart  de  nos  départements.  Les  naturalistes  ont 
avancé  ([u'il  y  en  a  deux  variétés,  l'une  à  museau  de  cochon,  nommée  cochon  ou 
pourceau  de  terre,  l'autre  à  museau  de  chien,  que  Ion  appelle  hérisson-chien. 
Ceci  est  certainement  une  erreur.  Ce  qu'il  y  a  de  bien  certain,  c'est  que  le  mu- 
seau du  hérisson  n'a  de  ressemblance  ni  avec  celui  d'un  chien,  ni  avec  celui 
d'un  cochon.  Tous  les  hérissons  que  j'ai  observés,  soit  vivants,  soit  dans  les 
nombreuses  collections  que  j'ai  visitées,  se  ressemblaient  identiquement,  et  nul 
naturaliste  n'a  vu  autrement  que  moi,  même  ceux  qui  ont  admis  l'existence  des 
deux  variétés  sur  la  loi  des  chasseurs. 

On  a  dit  aussi  que  le  hérisson  monte  sur  les  arbres  fruitiers,  qu'il  en  fait  tom- 
ber les  fruits,  puis  qu'il  se  roule  ensuite  sur  sa  récolte  pour  emporter  dans  son 
terrier  les  ponmies  qui  restent  attachées  à  ses  piquants.  Il  y  a  là  presque  autant 
d'erreurs  ({ue  de  mots  :  le  hérisson  ne  grimpe  pas  et  ne  peut  pas  grimper  siu- 
les  arbres,  car  il  n'a  pour  cela  ni  agilité  ni  griffes;  il  n'emporte  pas  les  fruits 
à  la  pointe  de  ses  aiguillons,  mais  avec  sa  gueule  ;  enfin  il  n'habite  ni  ne  creuse 
de  terrier,  quoi  qu'en  aient  dit  Buffon  et  les  naturalistes  qui  l'ont  suivi. 

C'est  dans  les  trous  (pie  le  temps  a  creusés  au  pied  des  arbres,  sous  les  racines 
des  vieilles  souches,  dans  des  amas  de  pierres  et  les  fentes  de  rocher,  et  même  sur 
la  terre  plate  à  l'abri  d'un  épais  buisson,  que  ce  petit  animal  établit  son  do- 
micile, au  milieu  d'un  tas  de  mousse  et  de  feuilles  sèches  qu'il  amoncelle.  C'est 
là  qu'il  se  retire  l'hiver  pour  s'engourdir;  c'est  là  que  la  femelle  dépose  ses 
petits,  ordinairement  au  nombre  de  quatre  à  sept;  une  seule  fois  j'en  ai  trouvi! 
neuf,  mais  j'ai  lieu  de  croire  que  c'était  la  réunion  de  deux  familles.  En  naissant, 
les  petits  sont  d'un  blanc  rosé,  et  déjà  l'on  ai)erçoit  sur  leur  peau  des  points 
.saillants  et  plus  foncés  qui  sont  les  rudiments  de  leurs  aiguillons.  Dés  qu'ils  ont 
atteint  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule,  ils  sont  déjà  aussi  bien  armés  que  leur 
mère.  Elle  les  soigne  et  les  conduit  avec  elle  pendant  l'allaitement;  mais  dès 
qu'il  est  fini,  elle  les  abandonne  et  ne  s'en  occupe  plus.  Peut-être  est-ce  par 
manque  d'affection,  et  ce  que  dit  ButTon  pourrait  le  faire  croire  :  «  J'ai  voulu  en 
élever  quelques-uns,  dit-il;  on  a  mis  plus  d'une  fois  la  mère  et  les  petits  dans 
un  tonneau  avec  une  abondante  provision  ;  mais  au  lieu  de  les  allaiter,  elle  les 
a  dévorés  les  uns  après  les  autres;  ce  n'était  pas  le  manque  de  nourriture,  car 
elle  mangeait  de  la  viande,  du  pain,  du  son,  des  fruits,  etc.  •> 

Peut-être  que  si  le  hérisson  abandonne  ses  petits  aussitôt  après  l'allaile- 
ment,  c'est  parce  qu'il  sent  son  impuissance  à  les  défendre,  et  l'inutilité  ab- 
solue dont  il  serait  pour  eux.  Cet  animal  ne  peut  opposer  à  l'ennemi  qui  l'at- 
taque ni  griffes  aiguës,  ni  dents  formidables;  il  ne  peut  s'échapper  par  la  fuite, 
car  il  ne  sait  pas  courir,  quoiqu'il  marche  assez  vite;  mais  dans  les  aiguillons 
acérés  qui  lui  recouvrent  tout  le  dessus  du  corps,  la  nature  lui  a  donné  une  arnu- 
défensive  (|ui  lui  suffit.  S'il  aperçoit   une  fouine,  un  oiseau  de  proie,  ou  tout 

15 


n'(  IJ:S   CAllNASSILHS    INSECnVOUES 

aiilre  eiiiif  iiii,  il  ne  tente  pas  de  s'échapper  par  la  fuite,  mais  il  se  roule  aussitôt  tu 
boule.  Au  moyen  des  muscles  puissants  dont  la  peau  de  son  dos  est  munie,  après 
avoir  rassemblé  sa  tête  et  ses  pattes  sous  son  ventre,  il  se  renferme  entièrement 
dans  sa  cuirasse  épineuse  comme  dans  une  bourse  à  coulisse,  et  présente  de 
toutes  parts  ses  piquants  à  son  antagoniste.  Celui-ci  est  forcé  de  l'abandonner 
après  avoir  vainement  essayé  de  le  saisir  en  se  déchirant  la  gueule.  Cependant 
j'ai  vu  des  chiens  assez  adroits  pour  s'en  emparer;  voici  comment  :  après  avoir 
placé  le  hérisson  sur  la  partie  qui  correspond  au  ventre,  ils  lui  appuyaient  une 
patte  sur  le  dos,  mais  pas  assez  fortement  pour  se  piquer;  puis  ils  lui  donnaient 
un  mouvement  assez  lent  de  balancement  qui,  soit  que  cela  lui  fatiguât  le  nez, 
qui  frottait  alors  sur  la  terre,  soit  qu'il  en  fût  étourdi,  le  forçait  bientôt  à  s'é- 
tendre, à  se  développer,  et  à  montrer  sa  tète,  que  le  chien  écrasait  d'un  seul 
coup  de  dents  et  en  calculant  le  moment  favorable.  Il  est  à  croire  que  les  renards 
emploient  la  même  méthode  ou  un  procédé  analogue  pour  s'emparer  de  ces 
animaux,  car  on  en  voit  souvent  des  débris  autour  de  leurs  terriers. 

Les  chasseurs  qui  trouvent  un  hérisson  emploient  un  moyen  beaucoup  plus 
court  et  plus  facile  pour  le  contraindre  à  se  développer.  Ils  le  jettent  tout  sim- 
plement dans  l'eau,  et  le  pauvre  animal,  pour  ne  pas  se  noyer,  est  bien  forcé  de 
s'étendre  et  de  nager;  du  reste,  il  est  habile  à  cet  exercice,  et  de  lui-même  il  se 
met  à  l'eau  pour  traverser  des  ruisseaux  et  des  rivières  assez  larges.  Quelquefois 
les  paysans,  qui  mangent  sa  chair,  toute  fade  et  détestable  qu'elle  est,  ont  la 
cruauté  de  le  plonger  vivant  dans  de  l'eau  bouillante,  afin  d'avoir  la  facilité  de 
le  dépouiller.  La  peau  servait  autrefois  de  peigne  pour  sérancer  le  chanvre. 

Le  hérisson  met  bas  du  commencement  à  la  fin  de  juin,  et  les  petits  prennent 
à  peu  près  tout  leur  développement  dans  le  cours  d'une  année.  Ils  se  nourrissent 
de  fruits  quand  ils  en  trouvent,  mais  plus  ordinairement  d'insectes,  comme 
hannetons,  géotrupes,  sauterelles,  grillons,  etc.,  et  même  de  cantharides  par 
centaines,  sans  en  éprouver  aucun  inconvénient;  ce  qui  est  d'autant  plus  sin- 
gulier qu'une  seule  cause  des  tourments  horribles  aux  chiens  et  aux  chats,  et 
que  trois  ou  quatre  tueraient  certainement  un  homme.  Ils  mangent  aussi  la 
chair  des  cadavres  d'animaux,  et  principalement  la  cervelle.  Avec  leur  nez 
ils  fouillent  la  terre  pour  en  arracher  les  vers,  dont  ils  sont  très-friands,  ou 
pour  y  trouver  quelques  racines,  qu'ils  mangent  faute  de  mieux.  D'un  caractère 
timide,  le  hérisson  aime  la  vie  solitaire  et  tranquille;  aussi,  s'approche-t-il 
rarement  de  nos  habitations.  S'il  y  est  apporté,  il  y  vit  et  paraît  s'accoutumer 
assez  bien  aux  habitudes  domestiques;  mais  il  ne  s'attache  à  personne,  et,  tout 
en  cessant  d'être  farouche,  il  ne  s'apprivoise  jamais,  et  ne  manque  aucune  occa- 
sion de  reconquérir  sa  liberté. 


On  doit  regarder  comme  de  simples  variétés  nôtre  par  ses  oreilles  plates  et  courtes,  par  ses 

<le  cette  espèce:  Le  Hérisson  d'IlCïpte  (Eri-  piquants  rou\  à  la  i)asc  et  jaunes  au  sommet; 

uaceus  œgyptiacus,  Geoff.),  qui  ne  s'en  dis-  enfin  par  la  teinte  d'un  cendré  jaunâtre  des 

lingue  que  par  les  poils  de  dessous  son  corps,  poils  de  dessous. 

qui  sont  bruns  quand  il  est  adulte,  au  lieu  d'être  Le  Héuisson  a  longues  oreilles  {Eriiiaceiis 

d'un  blanc  roiissàtre;  —  le  Hérisson  ue  Sibérik  rni)?/i(.<î,  Pall.— Sciirer. — G.  Cuv.),  plus  petit 

(  ErinarctiS   sibiricus ,   Erxl.  ) ,    animai    dont  que  le  nôtre;  ses  piquants  sont  cannelés  longi- 

l'existencp  est  douteuse,  et  qui  différerait  du  tudinalemeiit et  lulierculeux  sur  les  cannelures. 


et  non  plantes  en  quinconce  comme  dans  le 
liérissou  d'Emope;  à  museau  court,  et  oreilles 
grandes  comme  les  deux  tiers  de  la  tète.  On  le 
trouve  depuis  le  nord  de  la  mer  Caspienne  jus- 
qu'en Egypte,  et  il  est  commun  sur  les  bords 
du  lac  Aral,  aux  environs  d'Astracan.  Dans  cette 
dernière  ville,  on  s'en  sert  connue  de  chat  pour 
détruire  les  souris  dans  les  maisons. 

Le  HÉiiisso\  A  OKEiLLEs  PENDANTES  (Erhia- 
leus  malacrensis,  Desji.  —  Riiiss.    Porcvs  acu~ 


DiODOiMES.  M,-, 

Ualus,  Seua)  ne  nous  est  connu  que  par  une 
figure  de  Seba  (tab.  51,  fig.  I  ),  et  pourrait  bien 
n'être  pas  suffisanmieut  autbentique.  Il  a  huit 
pouces  (0,217)  de  longueur;  son  museau  es! 
court,  ainsi  que  ses  oreilles,  qui  sont  i)eudanles; 
ses  piquants  sont  très-longs,  parallèles,  ce  qui 
lui  domie  un  peu  de  ressemblance  avec  un  porc- 
épic.  Il  serait  de  la  presqu'île  de  Malaca,  et  on 
le  trouverait  aussi  à  Java  et  à  Sumatra,  $e^ 
ni(rm-s  ne  diflcreraient  |)as  de  (•elles  du  noire. 


tir> 


LFS  CARNASSIKKS   I  NSK(Vr  I VOR  KS 


Ln  Mus.irai;',nc  dVau  (;l  la  Mnsaiaii;nc  de  1er 


2''i;e,\bk.  Les  musaraignes  Sore.r,  Lin.) 
out  trente  dents  :  deux  incisives  à  chaque  mâ- 
choire, dont  les  supérieures  moyennes,  cro- 
chues et  dentées  ù  leur  base;  point  de  canines; 
seize  molaires  en  haut  et  dix  en  bas.  Leur  corps 


est  poilu,  sans  piquants;  leur  museau  long. 
Irès-eflilé;  leurs  oreilles  sant  arrondies  et  cour 
tes;  leurs  doigts,  au  nomln'c  de  cinq  à  chaque 
pied,  sont  munis  d'ongles  médiocrement  torls. 
Ces  petits  animaux  sont  très-voraces. 


1»  MUSARAIGiNF.S  D'EUROPE. 


La  MUSETTE  OU  MUSARAIGNE  COMMUNE  [Sorex  armieus,  Lin.  La  Musarui<in(\ 
BuFF. — G.  Cuv.  Voir  la  figure  du  tond,  dans  notre  gravure). 

Elle  atteint  rarement  la  grosseur  d'une  souris  ;  ses  oreilles  sont  grandes  el 
nues,  ayant  en  dedans  deux  lobes  ou  replis  placés  l'un  au-dessus  de  l'autre;  elle 
est  d'un  gris  de  souris  plus  pâle  en  dessous,  quelquefois  tirant  un  peu  sur  le 
fauve  ou  le  brun;  sa  queue,  un  peu  moins  longue  que  son  corps,  est  carrée. 

Toutes  les  musaraignes  offrent  une  singularité  très-bizarre,  et  dont  la  science 
n'a  pas  encore  pu  se  rendre  compte.  On  leur  trouve  sur  chaque  flanc,  sous  le 
poil  ordinaire,  une  petite  bande  de  soies  roides  et  serrées,  entre  lesquelles  suinte 
une  humeur  odorante,  produite  par  des  glandes  particulières.  On  ignore  abso- 
lument de  quelle  utilité  cet  organe  peut  être  à  l'animal. 

La  musette  est,  dans  nos  campagnes,  la  victime  innocente  d'un  préjugé;  on 
croit  que  par  sa  morsure  elle  cause  aux  chevaux  une  maladie  souvent  mortelle, 
et  on  lui  fait  la  chasse  en  conséquence;  cette  imputation  est  d'autant  i)lns  fausse 


IHODONTKS.  117 

(|ii('  iioii-sciilciiicnl  elle  iirst  pas  vciiiineiise,  mais  encore  (|ii('  sa  IxjucIr'  osl  si 
pelile,  qu'elle  ne  pourrait  eu  aucune  manière  mordre  un  cheval,  faute  de  pou- 
voir saisir  sa  peau. 

Pendant  la  belle  saison,  ce  petit  animal  habite  la  campagne,  et  se  retire  dans 
les  bois,  où  il  se  loge  sous  la  mousse,  les  feuilles  sèches,  dans  les  vieilles  souches 
d'arbre,  dans  les  trous  abandonnés  de  taupes  ou  de  mulots,  et  même  dans  des 
terriers  qu'il  sait  se  creuser  lui-même.  Autour  de  son  habitation,  dont  il  ne 
s'éloigne  guère,  et  où  il  rentre  précipilannnent  à  la  moindre  apparence  de  dan- 
ger, il  fait  la  chasse  aux  insectes,  dont  il  se  nourrit  le  i)lus  ordinairement;  mais 
il  ne  dédaigne  pas  le  grain,  et  même  quelquefois  il  mange  la  chair  corrompue 
des  cadavres  d'animaux.  C'est  à  l'heure  du  crépuscule  que  la  musette  sort  le  plus 
ordinairement  de  son  asile  i>our  faire  ses  courtes  ])romenades.  Si  elle  se  hasarde 
pendant  le  jour,  elle  devient  aisément  la  victime  de  ses  ennemis,  car  elle  coiu't 
mal  et  y  voit  à  peine.  Les  petits  carnassiers  la  tuent,  mais  ne  la  mangent  pas; 
du  moins  les  chats  monirent  junir  elle  une  grande  répugnance,  qu'il  faut  sans 
doute  attribuer  à  la  forte  odeur  qu'exhalent  ses  glandes. 

Lorsque  les  approches  du  froid  commencent  à  dépouiller  les  bois  de  leur  ver- 
dure, la  musaraigne,  ne  trouvant  plus  d'insectes,  gagne  ses  logements  d'hiver, 
et  se  retire  dans  les  granges,  les  greniers  à  foin,  les  écuries  et  autres  parties 
de  nos  habitations,  où  elle  trouve  pour  se  nourrir  quelques  grains  égarés,  et 
parfois  des  débris  de  cuisine.  Je  ne  crois  pas  qu'elle  s'engourdisse  pendant  la 
mauvaise  saison,  au  moins  quand  les  gelées  ne  sont  pas  très-rigoureuses,  car 
j'en  ai  vu  plusieurs  fois  se  promener  sur  la  neige. 

La  musaraigne,  lorsqu'on  l'irrite,  fuit  en  poussant  un  petit  cri  assez  analogue 
à  celui  de  la  souris,  mais  beaucoup  plus  aigu.  Elle  met  bas  vers  la  fin  du  prin- 
temps, dans  un  nid  de  foin  (pi'elle  s'est  construit  au  fond  de  sa  retraite,  et  ne 
fait  pas  moins  de  six  à  huit  petits.  On  prétend  qu'elle  fait  trois  ou  quatre  por- 
tées par  an.  On  la  trouve  partout,  mais  je  ne  l'ai  vue  très-commune  nulle  pari. 

Les  espèces  qui  vont  suivre  ont  toutes  à  peu  près  les  mêmes  mœurs. 

La  Ml  sxRAiOE  CAHRELET  {Sorex  tetragonunis.  f|ueiie  esl  rondo  nu  milieu,  aplatie  à  la  pointe 

llKUM.)  a  (le  longueur,  la  queue  eomprise,  trois  et  il  la  base.  i:ile  se  trouve  en  France,  dans  les 

pouces  neuf  lignes  (0,101)  ;  elle  est  noirâtre  en  jjrairies. 

dessus,  d'un  cendré  brunâtre  eu  dessous;  ses  La   MusAiuifi>E   uiicoue  {Sorcx   teucodou. 

oreilles  sont  courtes,  .sa  queue  est  longue  et  IIeum.1  est  longue  de  quatre  |)Ouces  (pialre  li- 

tont  à  lait  carrée.  On  la  trouve  en  France,  daus  gnes  (0,1 17)  la  queue  comprise;  elle  esl  brune 

les  granges.  sur  le  dos,  avec  les  fliincs  et  le  dessous  blancs; 

La  ML.sABur,^ERAïEE(5orf.r/iiicati/s,  Geoff.)  sa  queue  est  un  peu  cairée.  On  la  trouve  aux 

a  trois  pouces  six  lignes  (0,095)  de  longueur  environs  de  Strasbourg. 

totale;  elle  est  dun  brun  noirâtre  en  dessus,  La  Misahaic.ne  naine  (.Somr  >«iiii»n(.v,  Pau,.) 

plus  pâle  on  dessous,  avec  la  gorge  cendrée,-  n'a  pas  plus  d'un  pouce  buit  lignes  (0.045)  de 

elle  a  une  petite  ligne  blanche  sur  le  chanfrein,  longueur  totale;  elle  est  brune;  sa  queue  est 

et  une  tache  sur  chaque  oreille;  sa  queue  est  ronde,  étranglée  it  sa  base.  Kilo  se  trouve  en 

ronde,  fortement  carénée  en  dessous.   On  la  .Sibérie  et  en  Silésie. 

trouve  aux  environs  de  Paris.  La  ^Ilsahaic.ne  oe  Toscane  (.Vore.r  etntscs, 

La    ^Icsahaigne  plauon  (Sorex  roasirictus,  Sam)  est  un  pou  plus  grande  que  la  précédente 

HKKM.SorcxnDiinilariKS,  Beoust)  atteint  qua-  et  atteint  trois  pouces  (0,081)  de  longueur  to- 

tre  pouces  (0,108)  de  longueur  totale;  elle  esl  taie;  elle  est  d'un  gris  cendré,  blauchiUre  en 

d'un  noir  cendre;  ses  oreilles  sont  velues,  trè.s-  dos.sous;  ses  oreilles  sont  arrondies  ;  elle  a  la 

petites,  cachées  dans  les  poils  de  la   tête;  sa  queue  médiocreineut  longue,  gr^^lo,  et  un  peu 


118  LKS  CÂHNASSIEKS   I  NSEC  TI VOK  LS 

carrée.  Ou  la  lruu\e  dans  les  racines  el  les  sou-  Sorex  Daubentonii,  Gkoff.— Euxlku.  Svrex  ca- 

ebes  des  \leu\  arbres,  eu  Toscaue.  Eu  hiver,  rinatiis,  Herm.  Le  Onber.  Vicy-u'AzYR.  La  Mu- 

elle  se  rapproche  des  habitalious,  el  se  retire  Aaraigi»ied'cai/,BuFF.— G.Cuv.  Voirlafigureeu 

(iaus  les  tas  de  fumier,  où  elle  trouve  à  la  fois  avaut  dans  notre  gravure.)  est  noirâtre  eu  des- 

de  la  chaleiu'  et  des  insectes  pour  sa  nourri-  sus,  blanche  eu  dessous;  ses  doigts  sont  bordes 

lure_  de  poils  roides  «pii  lui  aident  à  nager  ;  sa  queue 

La  MtsMtiKiMi  n'EAU  {Soirx  finlieus,  Gml.  est  carrée,  un  peu  moins  longue  que  le  corps. 

Daubeiitoii  est  le  pretuier  naturaliste  qui  ail  fait  connaître  la  musaraigne 
d'eau,  et  cependant  elle  est  beaucoup  plus  commune  aujourd'hui  que  la  mu- 
sette, qui  est  connue  depuis  la  plus  haute  antiquité.  Quoique  vivant  habituel- 
lement sur  le  bord  des  eaux,  presque  dans  leur  sein,  elle  n'a  pas  les  pieds 
palmés,  mais  ils  sont  garnis  de  cils  roides,  en  éventail,  qui  remplacent  les  meni- 
liranes  interdigitales,  et  lui  donnent  beaucoup  de  facilité  à  nager.  Aussi  passe- 
l-elle  une  grande  partie  de  sa  vie  dans  l'eau,  où  elle  poursuit  avec  beaucoup 
d'agilité  les  insectes  aquatiques,  dont  elle  fait  sa  principale  nourriture.  Elle 
[donge  avec  autant  d'aisance  qu'elle  nage,  et,  comme  elle  a  l'oreille  large  el 
«ourle,  la  nature  lui  a  donné  la  faculté  de  la  fermer  hermétiquement  quand  elle 
s'enfonce  sous  les  ondes;  elle  ouvre  et  ferme  à  volonté  trois  valvules  qui  ré- 
pondent à  l'hélix,  au  tragus  et  à  l'antitragus,  de  manière  qu'il  ne  peut  s'intro- 
duire la  plus  petite  goutte  d'eau  dans  son  oreille.  Du  reste,  toutes  les  espèces 
de  ce  genre  jouissent  de  la  même  faculté. 

Ce  petit  animal  habite  des  trous  qu'il  sait  se  creuser  dans  la  terre,  sur  le 
bord  des  ruisseaux,  an  moyen  de  ses  ongles  et  de  son  nez,  mobile  comme  celui 
d'une  taupe,  mais  beaucoup  plus  mince  el  plus  allongé,  et  ressemblant  à  une 
petite  trompe.  Quelquefois,  pour  éviter  la  peine  de  se  faire  une  demeure,  il  s'em- 
pare du  terrier  abandonné  d'un  rat  d'eau,  ou  même  il  se  contente  d'une  fente  de 
rocher  ou  d'un  trou  entre  deux  pierres.  Il  a  peu  d'ennemis,  et  les  carnassiers  ne 
l'attaquent  jamais,  parce  que  l'odeur  de  ses  glandes  leur  répugne  et  les  écarte. 
Il  n'a  guère  à  craindre  que  la  voracité  des  brochets  el  des  truites,  qui  habitent 
comme  lui  les  eaux  limpides  el  le  happent  quelquefois  au  passage. 

La  musaraigne  d'eau  n'est  pas  un  animal  nocturne:  cependant  elle  rentre 
dans  son  trou  aussitôt  que  le  soleil  se  lève  sur  l'horizon,  el  elle  n'en  sort  qu'au 
crépuscule  pour  aller  à  la  chasse.  Quehpies  naturalistes  pensent  que,  lorsqu'elle 
manque  d'insectes,  elle  se  nourrit  de  graines,  mais  ce  fait  me  paraît  très-dou- 
leux.  Je  suis  certain,  par  mes  propres  observations,  qu'elle  attaque  les  jeunes 
ecrevisses,  les  crevettes,  les  petits  poissons,  et  même  d'assez  gros  reptiles,  el 
en  voici  la  preuve  : 

Un  jour,  sur  le  bord  d'une  fontaine,  dans  les  bois  de  Meudon,  mon  attenlion 
fut  captivée  par  le  singulier  combat  d'une  musaraigne  d'eau  et  d'une  grenouille 
aussi  grosse  qu'elle.  Le  petit  mammifère  s'était  glissé  doucement  parmi  les 
herbes  pour  suprendre  sa  proie,  et  il  était  parvenu  à  la  saisir  par  une  patte.  La 
grenouille,  se  sentant  prise,  voulut  se  jeter  à  l'eau,  croyant  par  là  se  débarrasser 
de  son  antagoniste  ;  mais  celui-ci  se  cramponnait  de  toutes  ses  forces  avec  ses 
«piatre  pattes  à  tous  les  corps  auxquels  il  pouvait  s'accrocher,  et  la  pauvre  gre- 
nouille, malgré  la  violence  de  ses  mouvements  convulsifs,  avait  bien  de  la  peine 
a  l'entraîner  vers  l'élément  perfide,  où  elle  espérait  le  noyer.  Elle  y  parvint 


LUODOMKS.  II!) 

iiéaiinioiiis  [»eu  à  peu,  cl  bieiKùl  ils  roiilerenl  tous  ileux  clans  les  uiuUs,  ituiil  la 
transparence  me  permettait  de  voir  parfaitement  la  suite  de  cette  bizarre  lutte. 
La  grenouille  entraîna  d'abord  son  ennemie  au  fond  de  l'eau,  mais  la  musaraigne 
ne  lâcha  pas  prise,  et  parvint  à  la  ramener  à  la  surface.  Dix  fois  de  suite  ils 
s'enfoncèrent  et  revinrent  au  grand  jour,  sans  que  le  reptile  se  lassât  de  re- 
commencer la  même  manœuvre,  et  sans  que  le  mammifère  lâchât  la  patte  dont 
il  s'était  saisi.  Cependant,  par  un  mouvement  brusque  et  heureux,  la  grenouille 
parvint  tout  à  coup  à  se  débarrasser;  elle  plongea  subitement  dans  la  vase, 
trouhla  le  fond  de  l'eau,  et  se  déroba  ainsi  aux  yeux  de  son  ennemie,  qui  l'avait 
suivie  avec  rapidité.  Je  les  perdis  un  instant  de  vue  tous  les  deux;  mais  la  mu- 
saraio'ne  ne  tarda  pas  à  reparaître  sur  l'eau  pour  respirer,  et  j'observai  ses 
petites  manœuvres  avec  le  plus  grand  intérêt. 

Soit  pour  se  reposer,  soit  pour  donner  à  l'eau  le  temps  de  s'éclaircir  en  dé- 
posant le  limon  que  la  grenouille  avait  soulevé,  elle  resta  dans  une  parfaite  im- 
mobilité pendant  cinq  minutes  ;  puis,  lorsqu'on  put  voir  le  fond  de  la  fontaine, 
elle  se  mit  à  nager  en  regardant  en  bas  et  en  décrivant  des  cercles,  absolument 
comme  un  faucon  qui  guette  sa  proie  en  tournoyant  dans  les  airs.  Plusieurs  fois 
elle  plongea,  et  je  la  vis  parcourir  le  fond  en  cherchant  avec  beaucoup  de  soin; 
mais  probablement  que  la  grenouille  s'était  cachée  profondément  dans  la  vase. 
car  elle  ne  put  la  découvrir. 

Ce  fait  prouve  suffisamment,  ce  me  semble,  que  la  musaraigne  d'eau  est  car- 
nassière, et  que  son  courage  est  proportionné  à  ses  forces.  En  détruisant  le 
frai  du  poisson,  elle  peut  faire  quelque  dégât  dans  les  étangs  dont  elle  peuple 
les  bords  en  grand  nombre.  Elle  met  bas  au  printemps,  et  peut-être  encore  dans 
d'autres  saisons  de  l'année,  et  elle  ne  fait  pas  moins  de  douze  à  quinze  petits 
par  portée,  ce  qui  explique  fort  bien  pourquoi  elle  est  si  nombreuse  le  long  des 
ruisseaux  et  des  rivières  dont  les  eaux  lui  plaisent.  Elle  s'engourdit  pendant 
la  mauvaise  saison,  car,  même  dans  les  lieux  on  elle  est  extrêmement  com- 
mune, je  n'en  ai  jamais  rencontré  en  hiver.  On  la  trouve  dans  toute  la  France. 


La  Mdsaraigxk  i'Oktk-iume  (Sore.r  remifer,  vif;i  leur  cxlréniitc  ;  la  mnchoiri' infc  riciirc  csl 

Geoff.)  est  d'un  brun  noinilrc  foccé  eu  des-  un  peu  plus  longue;  les  quatre  ])iedsel  la  queue 

sus,  d'un  brun  cendré  en  dessous,  avec  la  gorge  sont  noirs,  et  la  tache  de  l'oreille  est,  non  pas 

d'un  cendre  clair;  sa  queue  est  carrée  à  sa  base,  roussfitre,  mais  d'un  blanc  pur.  J'ai  eu  sous 

et  comprimée  vers  son  extrémité.  On  la  trouve  les  yeux  plusieurs  individus  d'âge  et  de  sexe 

en  France,  particulièrement  dans  les  environs  différents  qui  m'ont  coulirme  les  conjectures 

d'Abbeville,  sur  le  bord  des  eaux.  Elle  a,  ainsi  de  M.  Ts.  Geoffroy  Elle  habile  la  France, 

que  la  suivan'e,  les  mêmes  habitudes  que  la  La  Misahxioe  a  collier  ulwc  {Sorcx  rol- 

musaraigne  d'eau.  laris,  Geoff.)  est  noire,  avec  un  collier  blanc 

La  MisAHMOE  ALIX  DENTS  ROLCEs  ( i'oiT.T  ni-  aulouc  du  cou.  Elle  habile  les  peliles  iles  de 

vridens)  a  de  1  affinité  avec  la  précédente,  mais  l'embouchure  de  la  Meuse  et  de  l'Escaut,  où  elle 

elle  est  plus  petite;  ses  dents  sont  d'un  rouge  parait  assez  commune. 


2"  MUSARAIGNES  EXOTIQUES. 

La  MrsAiiAFciNE  a  colrte  qiele  {Sorcx  hrni-  ches,  cachées  par  les  poils  de  la  tele.  et  avant 
rniidafif.s-.  Svv.),  d'un  noir  plombé  en  dessus,  «leux  demi-cloisons;  sa  queue  est  presque  run-, 
plus  pâle  en  dessous;  oreilles  Ires-larges,  blan-      déprimée  ;  sis  pieds  sont  armés  d  ongles  aussi 


LES  CARNASSIERS  INSECTIVORES 


120 

longs  que  les  doigts.  Celte  espèce  est  aqualiquo. 
et  elle  habile  des  terriers  sur  les  bords  du  Mis- 
souri. 

La  PETIT!'  :\IusARAir.NE  (  Sorcx  purnis,  Say.) 
est  d'un  brun  cendré  en  dessus  el  seulement 
cendrée  en  dessous  ;  sa  queue  est  courte,  un  peu 
renflée  vers  son  milieu,  presque  cylindrique,  et 
blanchâtre  en  dessous;  ses  dents  sont  noirâtres 
et  ses  ongles  blancs.  Comme  la  précédente,  elle 
hal)ite  le  Missouri. 

La  :ML'SAnAiGNE  DE  l'L\de  { Sorex  indiens , 
Geoff.)  a  le  pelage  court,  ras,  d'un  gris  brun 
en  dessus,  teinté  de  roussàtre  en  dessous;  sa 
qncue  est  ronde,  de  la  longueur  de  la  moitié 
du  corps.  Elle  habite  les  maisons  à  Pondichéry 
et  à  Tranquebar.  Elle  exhale  une  odeur  de  musc 
forte  et  assez  df'sagréable. 

La  Mlsar\i(;.\e  nu  Cap  (Sorex  eapensis, 
Ceoff.  )  a  beaucoup  d'analogie  avec  celle  de 
l'Inde,  mais  elle  en  diffère  en  ce  qu'elle  est  plus 
grande,  en  ce  qu'elle  a  la  queue  rousse,  beau- 
coup plus  longue,  n'étant  que  moitié  moins  lon- 


gue que  le  corps,  enfin  en  ce  qu'elle  «  le  nju- 
seau  plus  long  et  plus  eflilé.  Elle  a  trois  pouces 
huit  lignes  \0,099j  de  longueur,  non  compris  la 
queue,  qui  a  un  pouce  neuf  lignes  (0,047).  Du 
Cap  ou  de  l'Ile  de-France.  Peut-être  n'est-ce 
qu'une  variété. 

La  MusAKAio'E  GBÈLE  {Sorex  exilis,  Pai.i.) 
est  de  très-petite  taille;  on  la  reconnaît  aisé- 
ment à  sa  queue  ronde  et  très-épaisse.  On  la 
trouve  en  Sibérie. 

La  Mlsaiîaigke  a  ql'Ele  de  rat  (Sorex  mijo- 
sitnis,  Pall.)  est  du  même  pays;  la  femelle  est 
blanche  et  le  mâle  brun;  tous  deux  ont  le  mu- 
seau renflé,  la  queue  presque  nue,  épaisse  et 
ronde. 

La  Musaraigne  gracieuse  ( .S'ocf.r  ]mUhelliis, 
Pa^der)  est  très-petite,  d'un  gris  clair  sur  le 
haut  de  la  tète,  gris  foncé  sur  le  dos,  et  d'un 
blanc  pur  sur  les  flancs;  elle  a  une  tache  blan- 
che sur  la  nuque,  avec  les  oreilles  d'un  gris  ai - 
doisé.  Elle  est  une  des  plus  petites  de  son  gein-e, 
et  elle  multiplie  prodigieusement. 


Cette  jolie  musaraigne  habite  les  déserts  sablonneux  qui  sont  placés  entre 
Biikkara  et  Orenbourg.  Elle  se  plaît  à  proximité  des  marais,  où  chaque  soir 
elle  va  faire  la  chasse  aux  insectes  et  aux  frais  de  grenouilles  et  d'autres  reptiles. 
Elle  nage  et  plonge  fort  bien,  mais  cependant  elle  a  les  habitudes  moins  aqua- 
tiques que  notre  musaraigne  d'eau.  Au  printemps,  elle  se  fait  un  nid  d'herbes 
sèches  qu'elle  place  au  milieu  d'une  touffe  de  roseaux,  et  c'est  là  qu'elle  élève  sa 
nombreuse  famille. 


La  Musaraigne  d'Olivier  (  Surex  Oliiieri , 
Desm  ),  un  peu  plus  grande  que  la  musaraigne 
commune;  rousse;  queue  prcs(iue  aussi  grande 
que  le  corps.  Cette  espèce  n'a  pas  été  vue  vi- 
vante, et  peut-être  n'existe-t-elle  plus.  Elle  a 
été  trouvée  à  l'clat  de  momie,  par  Olivier,  dans 
les  catacombes  de  Sakkara,  en  Ég\ptc.  C'est 
peut-être  le  sorex  religiosus  d'Is.  Geoffroy. 

La   INIlSARAIGNE    MASQUÉE  (.S'OJT.r  ?)e/-.so)iatH.v, 

Is.  Geoff.)  ressemble  à  la  musette  par  son  pe- 
lage et  ses  proportions,  mais  elle  est  un  peu  plus 
brune  sur  la  partie  inférieure  du  dos,  sur  la 
croupe  el  sur  la  queue  ;  ses  oreilles  sont  beau- 
coup plus  petites,  et  toute  la  partie  antérieure 
du  museau,  à  l'exception  de  la  lèvre,  est  d'un 
brun  noirâtre.  Des  États-Unis. 

La  Musaraigne  religieuse  (Sorex  religiosus, 
Is.  Geofi-  )  n'a  été  trouvée  qu'à  l'état  de  mo- 
mie, dans  des  antiquités  égyptiennis,  cl  assez 
bien  conservée  pour  pouvoir  être  décrite  piir 
M.  Ls.  Geoffroy.  Elle  est  de  la  taille  du  surex 
personatus;  sa  queue  longue,  qui  atteindrait 
l'occiput,  est  parfaitement  carrée,  à  angles  très- 
.saillants  ;  ses  oreilles  sont  grandes  et  son  pouce 
assez  court.  On  ne  la  pas  encore  ielrou\ée 


vivante  en  Egypte,  où  peut-être  elle  n'existe 
plus. 

La  Musaraigne  rlonde  {Sorex  facesccDS,  Es. 
Geoff.)  a  la  tête  allongée,  le  dessus  du  corps  et 
de  la  tête  d'un  blond  roussàlie,  passant  au  cen- 
dré roussàtre  très-clair  sur  le  dessus  de  la  queue; 
tout  le  dessous,  el  le  tour  de  la  bouche,  d'un 
blanc  un  peu  cendré;  une  ligne  longitudinale 
brunâtre  sur  le  chanfrein.  Elle  a  quatre  pou- 
ces et  demi  (0,122),  non  compris  la  (lueue,  qui 
est  courte.  Elle  habite  l'Afrique  méridionale. 

Le  MoNDJOUROu  (Sorex  gigantcus,  Is.  Geoff. 
Sorex  iiulicus,  CiEOVf.  —  Er.  Cuv.  —  Desm.  Le 
Moiijourou,  Fr.  Cuv.)  a  été  confondu  par  tous 
les  naluralisles  avec  Ja  musaraigne  de  l'Inde, 
excepté  par  M.  Is.  Geoffroy.  Elle  en  diffère  par 
sa  taille,  qui  est  de  près  de  six  pouces  (0,ifc2), 
non  compris  la  (|uene,  qui  a  trois  pouces  el 
d( mi  (0,095)  de  longueur,  tandis  que  <laus  l' in- 
diens le  corps  n'a  que  trois  pouces  dix  lignes 
((),I04|,  et  la  queue  un  pouce  et  demi  (0,051)  de 
longueur.  Cette  espèce  habite  dans  les  mai- 
sons, à  Pondichéry,  oii  elle  se  rend  incommode 
par  l'odeur  musquée  qu'elle  exhale,  odeur  qui, 
dil-oii,  fait  fuir  les  ^el•penls.  Ses  habitudes  sont 


1)1 01)0 NT  ES. 


121 


uocliirnes,  et  elle  fait  somt'iit  entendre  le  petit 
cri  LouV;. 

Après  ces  espèces  on  jilaeera  la  snivante  quand 
elle  sera  mieux  connue  :  Sorex  Pealei,  de  Les- 
SON ,  Sorex  araneus,  de  H\bla>,  que  Y  on  trouve 
en  Amérique. 

3'  GE^RE.  Les  CLADOBATES  (  Cladobatrs. 
Fr,  Clv.)  ont  tienti'-huit  dents  :  quatre  incisi- 
ves en  liaut  et  six  en  bas;  point  de  canines; 
quatorze  molaires  à  cliaque  mâchoire.  Leur 
corps  est  cylindrique,  allongé;  leur  museau 
pointu,  portant  une  courte  moustache;  leurs 
oreilles  sont  grandes;  leurs  yeux  saillants;  leurs 
ongles  sont  comprimés,  arqués,  propres  à  fouir 
la  terre  ;  leur  queue  est  très-longue,  couverte 
de  longs  poils  ;  enfin,  ils  ont  quatre  mamelles 

Le  TuPAiA-T\NA(  Clndobatestana,  Fr.  Cuv. 
Tujiala  tana,  Raffl.)  a  dix-huit  pouces  (0,487) 
de  longueur,  la  queue  comprise;  il  est  d'un 


hrun  roussàtre  piqueté  de  noir  eu  dessus,  avec 
une  petite  ligne  oblique  et  rousse  sur  chaque 
épaule;  le  dessous  de  sou  corps  est  roux;  sa 
télé  est  allongée,  et  son  museau  très-pointu.  Il 
habite  Sumatra. 

Le  SisRi.xc.  ou  Baxgsrinc  (Cladobnlcs  jara- 
uicits,  Fk.  Cl  V.  Tiipaiujaianira,  Raffl.)  a  un 
pied  dix  lignes  (0,ôi8)  de  longueur  totale;  il  est 
brun,  piqueté  de  gris  en  dessus,  avec  mm  I  gne 
ol)lique,  d'un  blanc  grisâtre,  sur  chaque  épaule; 
il  est  gris  eti  dessous;  son  museau  est  moins 
pointu  que  dans  le  précédent,  et  sa  queue  est 
fort  longue.  11  habile  Java. 

Le  Press  (  (lladobalrs  fcrnigiveiis,  Fr.  Civ. 
Tnpaiafenuginea,  IIorsf.)  a  quatorze  à  quinze 
pouces  (fl,5"9  à  0,406)  de  longueur  ;  il  est  d'un 
ferrugineux  uniforme,  et  son  nuiseau  est  mé- 
diocrement pointu.  Il  habite  Java.  Ce  genre  se 
compose  des  h\logales  de  Temmiuck. 


16 


t-22 


FJ:S   CAUNASSIKUS   INSKCTI  V0I5  KS. 


','  (]kmie.  Les  DESaiA\S  {Miigalf,  (i    Civ.)  (luatoizcen  bas;  museau  termine  par  une  petite 

ont  quarante  quatre  dents  :  deux  incisives  siipé-  trompe    très -mobile;   oreilles    courtes;  einq 

rieures  eu  tri.TUgle  et  aplaties,  huit  ou  quatre  doigts  onguiculés  à  chaque  pied,  réunis  par  une 

inférieures,  dont  deux  très-petites  placées  en-  nienihrane;  queue  ccailleuse,  longue,  compri- 

Ire  les  deux  grandes;  vingt  molaires  en  haut  et  niée  latéialement,  formant  une  sorte  de  rame. 


Le  DKSMAN  OU  RAT  MUSQUÉ  DE  RUSSIE  [Mygale  nioscovilicn,  Gkoff.  Sorex 
vioschalus,  Lin.  Le  Desniaii^  Buff.  —  G.  Cuv.). 

Cet  animal  a  de  longueur  totale  quinze  pouces  (0,406],  c'est-à-dire  que  sa 
taille  dépasse  un  peu  celle  d'un  hérisson;  son  pelage  est  d'un  gris  cendré  ou  bru- 
nâtre sur  le  dos,  d'un  blanc  argenté  sous  le  ventre;  il  n'a  point  d'oreilles  ex- 
ternes, et  son  œil  est  extrêmement  petit  ;  son  museau  s'allonge  en  une  petite 
trompe  trés-flexible,  et  qu'il  agite  continuellement;  ses  pieds,  outre  leurs  mem- 
branes, sont  bordés  d'une  sorte  de  frange  de  poils  roides  qui  lui  aident  à  nager  ; 
sa  queue  est  d'un  quart  plus  courte  que  son  corps,  étranglée  à  sa  base,  compri- 
mée latéralement,  large,  plate,  ressemblant  à  la  queue  d'une  anguille,  et  entiè- 
rement recouverte  de  petites  écailles. 

Le  desman  a  sous  la  base  de  la  queue  sept  ou  huit  follicules  vésiculeux,  for- 
més par  les  replis  de  la  peau,  couchés  transversalement  l'un  à  côté  de  l'autre 
comme  les  écailles  abdominales  d'une  couleuvre,  et  d'une  couleur  jaiuie  trés- 
prononcée.  Si  l'on  presse  avec  le  doigt  un  de  ces  follicules,  une  épaisse  liqueur 
qu'ils  contiennent,  se  trouvant  comprimée,  s'insinue  dans  des  canaux  trés-deliés 
qui  la  condtiisent  sous  les  écailles  de  la  (pieue,  ou  elle  trouve  inie  issue  au  de- 


hors.  Celle  iRiueiir  esl  grasse,  analogue  à  celle  que  les  (.aiiariis  el  aulrcs  («iscauv 
ont  dans  des  follicules  ou  des  glandes  placées  sur  le  coccyx,  et  elle  sert  aiiN 
mêmes  usages.  L'animal  s'en  imprègne  tout  le  corps,  et  rend  ainsi  sa  l'ourrure 
impénétrable  à  leau;  mais  cette  matière  a  une  odein-  de  musc  si  forte  (;l  si 
pénétrante,  qu'elle  infecte  tout  ce  qu'il  touche,  et  l'on  dit  même  jusqu'à  la  ciiair 
des  brochets  et  antres  gros  poissons  voraces  qui  mangent  quehjuefois  des  des- 
mans. 

Ce  petit  animal  est  lrés-remarqual»le  par  ses  formes  el  ses  habitudes.  Il  hal)il(' 
la  Moscovie  et  tout  le  midi  de  la  Russie,  où  il  est  très-commun  dans  les  étangs, 
les  lacs,  les  rivières,  et  cependant  Buffon  ne  le  connaissait  pour  ainsi  dire  cpie 
de  nom.  Il  est  bien  rare  qu'il  sorte  de  l'eau  volontairement  pour  aller  à  terre, 
et  s'il  va  d'un  étang  à  un  autre,  c'est  par  des  canaux  souterrains  ou  par  les  ri- 
goles remplies  d'eau  qui  communiquent  de  l'un  à  l'autre;  aussi  n'a-t-il  pour 
ennemis  que  les  poissons  voraces  et  quelques  aigles  pêcheurs.  Mais  souvent  il 
donne  dans  les  tilets  tendus  dans  les  rivières  et  les  lacs;  et  comme  il  ne  sait  pas 
les  couper  pour  s'en  débarrasser,  on  l'y  trouve  noyé.  Pour  appeler  sa  femelle  ou 
rassembler  sa  jeune  famille  autour  de  lui,  il  a  un  cri  fort  singulier,  ayant  beau- 
coup d'analogie  avec  celui  d'un  canard  ;  pour  se  faire  entendre,  il  est  obligé, 
selon  Pallas,  de  courber  son  nez  de  manière  à  en  mettre  le  bout  dans  sa  bou- 
che, et  il  s'en  sert  comme  d'une  sorte  de  trompette. 

Il  vit  toujours  par  couple  avec  sa  femelle,  et  se  construit  assez  artistemenl 
un  terrier.  Pour  cela,  il  choisit  une  borge  presqiu'  perpendiculaire,  et  assez 
élevée  pour  n'être  jamais  submergée  pendant  les  inondations.  Quand  il  a  trouve 
une  place  convenable,  il  plonge  au  pied  de  la  berge,  et  connnence  à  creuser  sous 
l'eau,  assez  profondément  pour  que  l'entrée  de  son  terrier  ne  soit  jamais  à 
découvert,  même  pendant  les  eaux  basses  des  plus  grandes  sécheresses. 

Son  trou  est  à  peu  prés  aussi  large  que  celui  d'un  lapin,  et  s'élève  obliquement 
à  mesure  qu'il  s'avance  dans  la  berge,  en  sorte  qu'il  n'y  a  jamais  de  submerge 
qu'un  ou  deux  mètres  de  longueur  dans  la  partie  qui  aboutit  à  l'entrée.  Parvenu 
au-dessus  du  niveau  de  l'eau  du  lac  ou  de  la  rivière,  le  terrier  se  divise  en  deux 
branches,  en  forme  d'  -5,  placées,  non  l'une  à  côté  de  l'autre,  mais  plus  ordniai- 
remenl  l'une  sur  l'autre.  La  branche  supérieure  s'étend  quelquefois  sous  les 
racines  des  plantes  qui  croissent  à  la  surface  du  sol,  mais  jamais  elle  n'a  d'ou- 
verture en  plein  air.  Les  racines  des  graminées  que  rencontre  le  desnian  sont 
soigneusement  recueillies  par  lui,  et  transportées  dans  la  branche  inférieure 
du  terrier,  pour  former  à  sa  femelle  un  nid  plus  doux  que  les  fragments  de 
joncs  et  de  roseaux  qu'il  cueille  dans  les  marais.  Ce  nid  est  placé  au  fond  du 
trou  dans  une  petite  chambre  ovale,  ayant  au  moins  un  pied  , 0,525  de  lar- 
geur, sur  dix-huit  pouces  [0,iSl)  de  longueur.  Au  printemps,  la  femelle  met 
bas  quatre  ou  cimi  petits,  qu'elle  aime  avec  tendresse,  et  qu'elle  allaite  avec 
beaucoup  de  soin.  Elle  ne  les  conduit  à  l'eau  avec  elle  que  lorsqu'ils  sont  très- 
forts,  et  jusque-là  elle  se  borne  à  les  promener  dans  la  branche  supérieure  de 
son  habitation. 

Les  desmans  se  nourrissent  de  larves,  de  vers,  et  plus  particulièrement  de 
sangsues,  auxcpielles  ils  font  sans  cesse  la  chasse.  Avec  leur  petite  trompe  mo- 
bile, ([u'ils  enIV.ncnil  dans  la  vase,  ils  saisissent  f«Ml  iidroitt-meul  leur  proie,  et. 


124 


LES   CAKNASSIEUS  INSECTIVORES. 


ce  qui  leur  est,  je  crois,  particulier,  ils  la  dévorent  sous  l'eau,  ce  que  ne  lait  pas 
la  loutre,  ni  aucun  des  carnassiers  aquatiques  que  je  connaisse.  Très-rarement 
ces  animaux  nagent  à  la  surface  des  ondes,  et  s'ils  y  paraissent  de  temps  en 
temps,  c'est  uniquement  pour  respirer.  Ils  ont  la  singulière  faculté  de  marcher 
sur  le  sol  au  fond  de  l'eau  avec  autant  d'aisance  que  les  autres  animaux  sur  la 
terre,  et  rien  n'est  plus  curieux  que  de  les  y  voir  se  promener.  Lorsqu'un  hiver 
rigoureux  vient  charger  la  surface  des  étangs  d'une  épaisse  glace,  ils  sont,  dit 
M.  Desmoulins,  exposés  à  périr  d'asphyxie  par  l'épuisement  de  l'air  de  leur 
terrier;  mais  ce  fait  me  paraît  d'autant  plus  douteux  qu'il  ne  s'explique  pas  du 
tout  par  la  formation  de  la  glace  sur  les  étangs.  Ensuite,  s'il  était  vrai,  l'espèce 
serait  menacée  de  destruction,  puisqu'elle  n'habite  que  le  nord. 


Le  Desjian  des  Pïrénées  {Mijgnle pijrenaïcu, 
(iEOFF.)  est  beaucoup  plus  petit  que  le  précé- 
dent, et  n'a  pas  plus  de  huit  pouces  et  demi 
(0,251  )  de  longueur,  y  compris  sa  queue,  qui  est 
plus  longue  que  son  corps ,  cylindrique  dans 
les  (rois  quarts  de  sa  longueur,  diminuant  in- 
sensiblement depuis  sa  base,  et  se  terminant 
par  une  partie  comprimée  sur  les  cotés;  il  est 
brun  en  dessus,  gris  en  dessous.  On  le  trouve 
le  long  des  ruisseaux,  aux  environs  de  Tarbes, 
au  pied  des  Pyrénées.  11  a  des  habiludes  à  peu 
près  semblables  à  celles  du  précédent,  mais  il 
ne  fait  pas  sou  terrier  avec  autant  dart. 

5"  Genre.  LesSCALOPES  (Srulups,  G.Cuv.) 
ont  Irenle-six  dents:  deux  incisives  eu  haut  et 


quatre  en  bas  ;  point  de  canines;  dix-huit  mo- 
laires à  la  mâchoire  supérieure,  et  douze  à  l'in- 
férieure ;  ils  manquent  d'oreilles  externes  ;  leur 
museau  est  pointu,  cartilagineux,  robuste;  ils 
ont  trois  doigts  aux  pieds  antérieurs,  cinq  à 
ceux  de  derrière,  et  une  queue  courte. 

Le  ScALOPE  DU  Canada  (Sraloi)S  ranadensis, 
Desm.  Sorex  aqualicus,  Li.\.  L' American uhite 
mole  des  Américains)  a  le  nez  très-long  et  ter- 
miné en  une  sorte  de  boutoir  propre  à  fouillei- 
la  terre;  ses  pieds  antérieurs  sont  en  forme  de 
mains  larges,  armées  d'ongles  forts,  semblables 
aux  mains  d'une  taupe,  et  comme  elles  très-aptes 
à  creuser  le  sol;  sa  queue  est  co.irle  et  son  pe- 
lage très-brun. 


Cet  animal  a  les  mêmes  habitudes  que  la  taupe;  comme  elle,  il  se  creuse  de 
longs  boyaux  souterrains  diversement  ramifiés,  auxquels  il  travaille  chaque  jour 
à  des  heures  déterminées,  et  il  ne  procède  pas  autrement  qu'elle  pour  chercher 
les  vers  de  terre,  les  larves  et  les  petites  racines  bulbeuses  dont  il  fait  sa  nour- 
riture; connue  elle  encore,  il  ne  quitte  pas  ses  galeries  souterraines,  ou,  s'il  le 
fait,  ce  qui  est  très-rare,  c'est  pour  changer  de  domicile  ou  aller  à  la  recherche 
de  sa  compagne.  11  y  a  cependant  cette  différence  entre  la  taupe  et  le  scalope, 
(|ue  celle-là  choisit,  pour  établir  son  domicile,  les  terres  fraîches,  mais  non 
humides;  tandis  que  l'autre  ne  se  plaît  que  sur  les  bords  froids  et  marécageux 
des  rivières  et  des  fleuves.  On  le  trouve  aux  Etats-Unis,  depuis  la  Virginie  jus- 
(lu'aii  Canada. 


6  Genre.  Les  TALPASORKS  (  iuiimsorex, 
Less.)  ont  quarante  dents  :  deux  incisives  supé- 
rieures et  quaire  inférieures;  pas  de  canines; 
vingt -deux  molaires  à  la  mâchoire  supérieure, 
et  douzL'  à  la  mâchoire  inférieure.  Du  reste,  ils 
ne  diffèrent  pas  du  genre  précédent. 

Le  Talpasore  de  Pensylvanie  (  Talpasorex 
pcnsiilvuiiica, Lï.ss.  Srnlops  pensijlranira,  Har- 
I.AN.)  a  six  ponces  et  demi  (0, l"fi)  du  longueur 
totale;  son  pelage  est  brun  et  sa  queue  courte; 
ses   molaires  sont  extrêmement   lapprochées ; 


les  supérieures  ont  la  couronne  légèrement 
dentelée,  avec  un  sillon  qui  se  continue  tout  le 
long  du  côté  intérieur,  et  sur  le  côté  externe 
pour  les  molaires  inférieures.  On  le  trouve  aux 
États-Unis;  ses  mœurs  sont  les  mêmes  que 
celles  des  scalopes. 

7"Ge\re.  Les  CHRYSOCHLORES  (  C/tnj- 
sofhloris,  Lacep.)  ont  quarante  dents  :  deux 
incisives  en  haut  et  quatre  en  bas;  pas  de  ca- 
nines ;  dix-huit  molaires  supérieures,  et  seize 
iuférieures;  leur  museau  est  court,  large,  re- 


TRIODONTES. 


125 


levé;  leur  corps  trapu;  point  d'oreilles  exter- 
nes; pieds  de  devant  courts,  robustes,  propres 
à  fouiller  la  terre,  à  trois  ougles  seulement, 
dont  l'extérieur  très-gros,  et  les  autres  allant 
en  diminuant;  pieds  postérieurs  à  cinq  doigts; 
l)as  de  queue. 
Le  CuKYsociiLORE  DU  Cap  (  Clirijsochloris  ca- 


pensis,  DtSM.  TcUpa  asiatica,  Gmel.  La  Taupe 
dorée,  G.  Clv.)  a  de  longueur  totale  quatre  pou- 
ces et  demi  (0,122)  ;  il  est  d'un  brun  changeant; 
a  cinq  doigts  aux  pieds  de  derrière,  et  manque 
de  queue.  Il  habite  les  environs  du  cap  de 
Bonne-Espérance,  on  il  se  creuse  des  galeries 
souterraines  à  la  manière  des  taupes. 


La  nature  se  plaît  souvent  à  déjouer  les  suppositions  systématiques  des  sa- 
vants, et  cet  animal  en  est  une  preuve  nouvelle.  Les  naturalistes  avaient  cru 
i|ue  les  brillantes  couleurs,  le  vert  doré,  le  pourpre,  le  violet,  les  reflets  métal- 
liques qui  étincellent  sur  la  livrée  des  oiseaux,  des  poissons,  des  insectes,  etc., 
leur  étaient  dévolus  par  la  nature,  à  l'exclusion  des  mammifères,  qui  devaient 
toujours  porter  une  robe  terne;  et  voici  le  chrysochlore  qui  vient  donner  un 
démenti  à  cette  loi  conclue  par  les  analogies.  En  etlet,  son  poil  est  d'un  vert 
changeant,  passant  au  cuivré  et  au  bronzé,  et  offrant  les  plus  brillants  reflets 
métalliques  d'or,  de  pourpre  et  de  violet. 

Cet  animal  est  aveugle,  et  on  ne  lui  voit  aucune  apparence  d'yeux  ;  dans  le 
lait,  à  quoi  lui  servirait-il  d'en  avoir,  puisqu'il  ne  quitte  jamais  la  galerie  téné- 
breuse et  souterraine  dans  laquelle  il  vit  à  la  manière  des  taupes?  Mais  si  la 
nature  l'a  privé  d'un  sens  qui  lui  serait  inutile,  elle  l'en  a  indemnisé  en  lui  don- 
nant une  ouïe  très-fine,  quoique  son  oreille  n'ait  pas  de  conque  extérieure,  et 
en  dotant  d'une  force  prodigieuse  les  bras  dont  il  se  sert  pour  fouiller  jour- 
nellement la  terre.  Son  avant-bras  est  soutenu,  pour  creuser,  par  un  troisième 
os  placé  sous  le  cubitus,  et  nul  autre  animal  n'offre  cette  singularité. 


S'  Gem»e.  Les  DOUC.4XS-TAUPES  (  Ducaii- 
liilpa  )  ont  les  mêmes  caractères  généraux  que 
le  genre  précédent,  mais  leur  formule  dentaire 
n'est  |ias  encore  connue,  au  moins  je  le  crois; 
ils  ont  une  queue,  et  leurs  pieds  de  derrière 
n'ont  que  quatre  doigts. 


Le  DoiCAN  (  Ducanlalpa  rubia.  —  Chrijso- 
(hloris  rufa,  Desm.  Talpa  rubra,  Gmel.)  est  un 
peu  plus  grand  que  notre  taupe,  dont  il  a  les 
mœurs;  son  pelage  est  d'un  roux  tirant  sur  le 
cendré  clair;  s;i  queue  est  courte.  Ou  le  trouve 
à  la  Guyane. 


LES  TRIODONTES  A   COURTES  CANINES 


(»nl  les  trois  sortes  de  dénis  :  deux  grandes  in- 
cisives supL'rieures  en  avant,  accompagnées  de 
deux  autres  de  ch;iquecoté,  dont  la  postérieure 
en  forme  de  canine;  les  vraies  canines  petites, 
non  distinctes  des  fausses  molaires;  quatre  in- 
cisives inférieures,  penchées  en  aviint,  eu  forme 
de  cuiller. 

9'  Genre.  Les  COXDYLURES  (  Condylura, 
Illig.)  ont  quarante  dents  :  deux  incisives  su- 
périeures et  quatre  inférieures  ;  deux  canines  en 
haut  et  en  bas  ;  seize  nidlaires  à  la  mâchoire  su- 
périeure, et  quatorze  à  l'inférieure.  Us  ont  le  nez 
très-allongé,  garni  de  crêtes  membraneuses 
disposées  en  étoile  autour  des  narines;  leurs 
jeux  sont  très-petits;  ils  manquent  d'oreilles 
extérieures  ;  comme  chez  les  taupes,  leurs  mains 


sont  larges,  à  cinq  doigts  munis  d'ongles  puis- 
sants, propres  à  fouir  la  terre  ;  leur  queue  est 
de  médiocre  longueur,  et  ils  ont  cinq  doigts  aux 
pieds  de  dei-rière. 

Le  CoiVDYLUBE  ÉTOILE  (Coiuhjlwa  ciistata , 
Desm.  Sorex  rristalits,  Lin.  Talpa  crislata. 
G.  Cuv.  La  Taupe  à  museau  étoile  du  Canada, 
G.  CiJv.)  est  d'un  brun  noirâtre,  et  a  quatre 
pouces  (0,108)  de  longueur  totale;  ses  narines 
sont  entourées  d'un  cercle  de  lanières  mem- 
braneuses, et  sa  queue  est  longue  comme  le 
tiers  à  peu  près  de  son  corps.  Il  est  assez  com- 
mun dans  le  nord  des  Klats-Unis  et  au  Canada. 
Ses  mœurs  sont  semblables  à  celles  delà  taupe, 
ainsi  que  dans  les  espèces  suivantes. 

F^e  Co^nvuHK   a   crosse   o<  eue  (  Condijlnra 


126 


LES  CAUNASSIEKS   I^SECTIVOKES 


macroiira,  11aiil4:n.)  e!>l  d'un  gris  noirâtre  eu 
dessus,  avec  le  museau  fauve;  la  crête  éloilée 
de  son  nez  est  à  vingt  pointes;  sa  queue,  presque 
aussi  longue  que  son  coips,  est  légèrement  com- 
primée. Il  est  commun  dans  le  Nouveau-Jersey, 
et  se  trouve  dans  tous  les  Ktats-Unis. 

Le  CoNDVLtKE  VERT  {CondijUtra  prasinata, 
Hahius.)  a  quatre  pouces  et  demi  (0,122)  de  lon- 
gueur totale  ;  son  pelage  est  lung,  fin,  à  retlet 
d'un  vert  brillant  ;  la  crête  de  son  ucz  est  à  vingt- 
deux  lanières  ;  sa  queue,  mince,  sans  rides  ni 


sillons,  à  poils  non  verticillés,  est  longue  (onime 
les  trois  quarts  de  son  corps  11  habite  le  Miiine, 
aux  États-Unis. 

Le  Condyliiva  lovgicnuiiata ,  Desm.  Talpa 
longiraudaia.  GiMel.,  me  paraît  être  un  animal 
imaginaire.  S'il  existe,  ce  n'est  lerlainemenl 
pas  un  cond}lure.  Selon  les  catalogues  descrip 
tifs,  il  serait  long  de  six  pouces  ((t,l(i2)  ;sa  queue 
serait  longue  comme  la  moitié  de  son  corps,  et 
il  n'aurait  point  de  crête  nasale.  On  le  trouve- 
rait eu  Amérique  septentrionale. 


LKS TlUODONTES  A  GRANDES  CANINES 


ont  quatre  grandes  canines  écartées,  entre  les- 
quelles sont  de  petites  incisives. 

IO'Genbe.  Les  TAUPES  (Talpa,  Lin  )  ont 
quarante-quatre  dents  :  six  incisives  en  haut  et 
huit  en  bas  ;  deux  canines  à  la  mâchoire  supé- 
rieure et  point  à  l'inférieure;  quatorze  molaires 
eu  haut  et  en  bas.  Leur  tête  est  allongée,  j)oin- 
tue,  prolongée  eu  avant  par  un  museau  cartila- 
gineux, renforcé  par  un  os  du  boutoir  ;  elles 
manquent  d'oreilles  externes,  et  leurs  yeux  sont 
excessivement  petits;  ses  pieds  antérieurs  sont 
larges,  eu  forme  de  mains,  à  cinq  ongles  tran- 
chants et  propres  à  fouir;  leurs  pieds  de  der- 


rière sont  faibles  et  <\  cinq  doigts  ;  leui'  queue 
est  courte.  Ces  animaux  vivent  dans  un  terrier 
dont  ils  ne  sortent  qu'accidentellement. 

La  Taupe  aveugle  (Talpa  cœca,  Savi).  Celte 
espèce,  presque  aussi  commune  dans  certaines 
parties  de  la  France  que  la  taupe  ordinaire, 
n'avait  pas  été  observée  avant  Savi.  Cependant 
elle  en  diffère  par  sa  taille  plus  petite,  ne  dé 
passant  pas  quatre  pouces  (0,<08),  et  par  la 
forme  plus  aplatie  de  son  boutoir  ;  sou  d'il  est 
presque  entièrement  caché  par  la  peau,  qui  ne 
laisse  passer  la  lumière  que  par  un  trou  grand 
comme  une  piqûre  d'aiguille. 


riiioi)()NTi:s. 


127 


L»  T»,-,.. 


La  TAITPK  COMMUNE   (  Tnipa  eitropœn,  Lin.  La  Tnupc,  Buff.1. 

Kllc  a  communément  six  ponces  (0,lf»-2^  de  longnenr  (o)ale.  Son  pelage  est 
ordinairement  d'un  noir  luisant,  toujours  fin,  doux,  et  plus  ou  moins  velouté. 
Sa  queue  est  courte.  On  connaît  plusieurs  variétés  de  taupe,  savoir  :  la  iMipe 
pic,  à  pelage  taché  de  blanc  et  de  noir;  la  taupe  aWinoa,  entièrement  blanche; 
la  taupe  jaune,  à  poils  d'un  fauve  plus  ou  moins  jaunâtre;  enfin  la  taupe  grise, 
dont  le  pelage  est  uniformément  cendré. 

<i  Les  taupes,  dit  G.  Cuvier,  sont  connues  de  tout  le  monde  par  leur  vie  sou- 
terraine, et  par  leur  forme  éminemment  appropriée  à  ce  genre  de  vie.  Un  bras 
très-court,  attaché  par  une  longue  omoplate,  soutenu  i)ar  une  clavicule  vigou- 
reuse, muni  de  muscles  énormes,  porte  une  main  extrêmement  large,  dont  la 
paume  est  toujours  tournée  en  avant  ou  en  arrière;  cette  main  est  tranchante  à 
son  bord  inférieur;  on  y  distingue  à  peine  les  doigts,  mais  les  ongles  qui  les  ter- 
minent sont  longs,  forts,  plats  et  tranchants.  Tel  est  l'instrument  que  la  taupe 
emploie  pour  déchirer  la  terre,  et  pour  la  pousser  en  arrière.  Son  sternum  a. 
comme  celui  des  oiseaux  et  des  chauves-souris,  une  arête  qui  donne  aux  muscles 
pectoraux  la  grandeur  nécessaire  à  leurs  fonctions.  Pour  percer  la  terre  et  la  sou- 
lever, la  taupe  se  sert  de  sa  tête  allongée,  pointue,  dont  le  museau  est  armé  au 
bout  d'un  osselet  particulier,  et  dont  les  muscles  cervicaux  sont  extrêmement 
vigoureux.  Le  ligament  cervical  s'ossifie  mente  entièrement.  Le  train  de  der- 
rière est  faible,  et  l'animal,  sur  la  terre,  se  ujeut  aussi  péniblement  cpi'il  le  fait 
avec  vitesse  dessous.  Il  a  l'ouïe  très-fine  et  le  tymjtan  très-large,  ((uoique  l'oreillt' 


128  LKS  CARNASSIERS  INSECTIVORES 

externe  lui  manque;  mais  son  œil  est  si  petit  et  tellement  cache  par  le  poil, 
•luon  en  a  nié  longtemps  l'existence.  Ses  mâchoires  sont  faibles  ;  et  sa  nour- 
riture consiste  en  insectes,  en  vers,  et,  ce  qui  n'est  pas  bien  certain,  en  quel- 
ques racines  tendres.  » 

Cet  animal  est  assez  commun  dans  toute  l'Europe  tempérée,  cependant  on 
dit  qu'on  ne  le  trouve  que  très-rarement  en  Grèce  et  jamais  en  Irlande.  Il  habite 
de  préférence  les  terres  douces,  faciles  à  percer,  non  pierreuses,  un  peu  fraîches 
en  été,  sèches  et  élevées  en  hiver.  Les  taupes  fuient  les  déserts  arides,  et  surtout 
les  climats  froids,  où  la  terre  reste  gelée  pendant  la  plus  grande  partie  de  Tannée. 
«  Un  attachement  vif  et  réciproque  du  mâle  et  de  la  femelle,  de  la  crainte  ou  dn 
dégoût  pour  toute  autre  société,  les  douces  habitudes  dij  repos  et  de  la  solitude, 
l'art  de  se  mettre  en  sûreté,  de  se  faire  en  un  instant  un  asile,  un  domicile  ;  la 
facilité  de  l'étendre  et  d'y  trouver,  sans  en  sortir,  une  abondante  subsistance, 
voilà,  dit  Buffon,  sa  nature,  ses  mœurs  et  ses  talents,  sans  doute  préférables  a 
des  qualités  plus  brillantes  et  plus  incompatibles  avec  le  bonheur  que  l'obscu- 
rité la  plus  profonde.  » 

La  taupe  se  prépare  un  gîte  au  pied  d'une  muraille,  d'un  arbre  ou  d'un<' 
haie,  et  ce  gîte  est  fait  avec  beaucoup  d'art.  Il  consiste  en  un  trou  de  dix- 
huit  pouces  0,4S7)  de  profondeur,  assez  large,  recouvert  d'une  ou  même  plu- 
sieurs voûtes  les  unes  sur  les  autres,  en  terre  battue  et  gâchée  avec  des  frag- 
ments de  racines  d'herbes,  et  assez  solidement  pétrie  pour  résister  aux  eaux 
•le  pluie.  Celte  demeure  est  à  plusieurs  compartiments  .séparés  par  des  cloisons, 
et  soutenus  de  distance  en  distance  par  des  piliers.  Quelquefois,  dans  les  terres 
liumides  ou  menacées  d'inondations,  la  voûte  de  terre  dure  s'élève  au-dessus 
du  terrain,  et  le  lit  d'herbes  sèches  et  de  feuilles  où  elle  repose  avec  sa  famille, 
se  trouve  lui-même  un  peu  au-dessus  de  la  surface  du  sol,  de  manière  à  ne 
pouvoir  être  inondé  dans  le  cas  d'une  submersion  inopinée.  La  manière  dont 
elle  se  procure  des  herbes  pour  faire  son  lit  est  assez  singulière.  Parla  racine 
elle  juge  si  l'herbe  lui  convient;  dans  ce  cas,  elle  coupe  les  racines  latérales  jus- 
que vers  le  collet  de  la  plante,  puis,  saisissant  le  pivot  qu'elle  a  ménagé,  elle 
tire  à  elle  et  parvient  a  faire  entrer  dans  son  trou  la  tige  munie  de  toutes  ses 
feuilles. 

C'est  là  que,  de  mars  en  mai,  elle  fait  et  allaite  ses  petits,  ordinairement  au 
nombre  de  quatre  ou  de  cinq.  De  ce  nid  part  un  boyau,  quelquefois  long  de 
soixante  a  quatre-vingts  pas,  et  se  prolongeant  dans  une  direction  à  peu  prés 
droite.  A  gauche  et  à  droite,  elle  jette  çà  et  là  d'autres  boyaux  qui  s'en  écartent 
plus  ou  moins  perpendiculairement;  tous  sont  parallèles  à  la  surface  de  la  terre, 
a  moins  qu'elle  ne  rencontre  un  obstacle  dans  son  chemin  ;  en  ce  cas  elle  s'en- 
fonce et  passe  par-dessous,  à  plusieurs  mètres  de  profondeur  si  cela  est  néces- 
saire. Il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  qui  passent  sous  des  fondations  de  hautes 
murailles,  et  même  sous  le  lit  d'un  ruisseau  ou  d'une  petite  rivière.  Dans  les 
circonstances  ordinaires,  le  boyau  n'est  jamais  à  plus  de  six  pouces  0,1  r>2  au- 
dessous  de  la  surface  du  sol. 

Quand  elle  fouille,  la  taupe  perce  avec  le  nez,  comprime  la  terre  sur  les  côtés 
Jivec  ses  robustes  mains,  et  en  pousse  une  partir-  en  avant  avec  son  front  et  ses 
épaules;  aussi  est-elle  obligée  de  temps  à  autre  de  s'en  (lél»,'nrasst  r  en  la  reje- 


TIllOnONTKS  l:>y 

fan!  à  la  surfaire,  cl  roniiaiit  ce  que  l'on  appelle  une  tnupïnière .  Tous  les  hovaux 
<|iii  vont  d'une  laiij)iiii«'re  à  une  autre  sont  en  ligne  a  peu  près  droite,  et  ee  n'esl 
que  dans  ces  espèces  de  points  d'arrêt  que  la  taupe  se  détourne  d'un  côté  ou  d'un 
autre  pour  chercher  sa  nourriture  et  former  de  nouvelles  «aleries. 

La  taupe,  vivant  i)rin(i|talen)enl  de  vers  de  (erre  et  dinsectes,  est  obligée  de 
fouiller  chaque  jour  pour  trouver  sa  nourriture  et  celle  de  sa  jeune  famille; 
aussi  s'en  occupe-t-elle  régulièrement,  et,  ce  qu'il  y  a  de  fort  singulier,  à  des 
moments  déterminés  de  la  journée.  Elle  connnence  ses  premiers  travaux  au 
lever  du  soleil,  et  les  continue  pendant  environ  une  heure;  elle  les  reprend  à  neuf 
heures,  à  midi,  à  trois  heures  et  au  coucher  du  soleil,  et  c'est  dans  ce  dernier 
instant  qu'elle  travaille  avec  le  plus  d'ardeur.  Elle  passe  les  autres  heures  du 
jour  et  la  nuit  à  dormir  dans  son  gîte. 

(lonnne  elle  ne  sort  (jue  trés-raremenl  de  son  souterrain,  elle  n'a  ([ue  peu 
d'ennemis  à  craindre,  et  ne  peut  devenir  la  proie  des  animaux  carnassiers.  Son 
plus  grand  fléau  est  le  débordement  de  rivières;  dans  ces  inondations  subites, 
on  voit  les  taupes  fuir  à  la  nage,  et  faire  tous  leurs  eflortspour  gagner  les  terres 
plus  élevées;  mais  la  plupart  périssent  aussi  bien  que  leurs  petits  qui  restent 
dans  les  trous.  Si  on  surprend  une  taupe  hors  de  son  trou,  elle  ne  cherche  à 
fuir  (|ue  lorsipie  la  terre  est  trop  dure  pour  lui  permeltre  de  s'y  enfoncer  avec 
rapidité;  dans  ce  cas,  elle  court  avec  assez  de  vitesse,  quoi  qu'en  ait  dit  Cuvier 
dans  la  citation  que  nous  avons  faite  plus  haut,  et  elle  pousse  un  petit  cri  trés- 
aigu,  comme  le  bruit  d'une  lime  qui  glisse  sur  l'acier  sans  le  mordre.  Elle  est 
si  délicate,  que  le  plus  petit  coup  la  tue,  surtout  si  on  la  frajtpe  sur  le  nez. 
.Mais  (|uand  elle  est  sur  un  sol  meuble  ou  très-léger,  au  lieu  de  fuir  elle  s'en- 
terre, et  avec  tant  de  promptitude,  que,  si  l'on  est  à  dix  pas,  on  n'a  pas  le  temps 
d'arriver  à  elle  avant  qu'elle  ait  disparu.  Si  au  moyen  d'une  bêche  on  la  cerne 
dans  son  terrier,  au  premier  bruit  qu'elle  entend,  à  la  plus  petite  conunolion 
que  la  bêche  fait  éprouver  a  la  terre,  elle  se  sauve  dans  son  gîte.  Si  elle  en 
trouve  les  issues  fermées,  elle  se  met  au.ssitôt  à  creuser  un  trou  vertical  dans 
lequel  elle  s'enfonce  (pielquefois  à  plus  d'un  mètre,  et  il  n'y  a  plus  d'aulre 
moyen  pour  l'en  faire  sortir  que  d'y  introduire  de  l'eau. 

Malgré  les  habitudes  douces  que  Rufl'on  attribue  à  la  taupe,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  c'est  un  animal  très-cruel  et  très-vorace.  «  Elle  n'a  pas  faim, 
comme  tous  les  autres  animaux,  dit  Geoffroy  Saint-IIilaire  :  ce  besoin  est  chez 
elle  exalte;  c'est  un  épuisement  ressenti  jusqu'à  la  frénésie.  Elle  se  montre  vio- 
lemment agitée  ;  elle  est  animée  de  rage  quand  elle  s'élance  sur  sa  proie  ;  sa  glou- 
tonnerie désordoîuie  toutes  ses  facultés;  rien  ne  lui  coule  pour  assouvir  sa  laini  ; 
elle  s'abandttune  a  sa  voracité,  quoi  qu'il  arrive;  ni  la  i»résence  d'un  boniine.  ni 
obstacle,  ni  menaces  \u-  hii  imposent,  ne  l'arrêtent.  La  taupe  attaque  ses  enne- 
mis par  le  ventre;  elle  enire  la  lèle  entière  dans  le  ventre  de  sa  vi(  lino';  elle  s'y 
plonge;  elle  y  délecte  tous  ses  (»rganes  des  sens.  »  .M.  Isiihu'e  (ieolfroy  va  nous 
c(»m[)léter  ce  portrait.:  «  Qu'un  aniujal  se  trouve  à  sa  portée,  elle  s'élance  sur 
lui  a  l'improviste,  lui  ouvre  le  ventre,  et  le  dévoie  presrpie  tout  entier  en  |ieu 
de  temps.  Les  crapauds  sont  les  seuls  animaux  (pii  lui  repiigneul  ;  elle  dévore 
avec  avidité  les  grenouilles  et  les  oiseaux.  Si  même  on  place  dans  un  lieu  ferme 
deux  taupes  du  même  sexe,  la  plus  faible  esl  bienlôl  dévorée,  et  l'on  ne  retrouve 


430  LES  CAUNASSIEUS  INSECTIVORES. 

plus  d'elle  que  sa  peau  et  quelques  os.  Après  avoir  assouvi  sa  faim,  la  taupe  est 
tourmentée  d'une  soif  ardente,  tellement  que  si  on  la  saisit  par  la  peau  dû  cou, 
et  qu'on  l'approche  d'un  vase  plein  d'eau,  on  la  voit  boire  avec  avidité,  malgré 
la  gêne  d'une  telle  position.  C'est  au  docteur  Flourens  qu'on  doit  la  connais- 
sance de  la  plupart  de  ces  faits  intéressants,  auxquels  il  importe  d'ajouter  que 
les  taupes  mangent,  au  moins  lorsqu'elles  manquent  d'une  meilleure  nourri- 
ture, les  courtiliéres  et  les  vers  blancs  ou  larves  de  hannetons.  » 

Ici  je  ferai  une  remarque  qui  me  paraît  fort  essentielle  :  c'est  qu'il  ne  faut 
pas  juger  des  habitudes  d'un  animal  à  l'état  de  nature,  d'après  les  mœurs  qu'il 
montre  dans  l'esclavage;  autrement  l'exemple  de  la  taupe  entraînerait  à  de 
grandes  erreurs.  En  effet,  si  cet  animal,  dans  sa  taupinière,  avait  des  appétits 
si  furieux,  il  ne  pourrait  les  satisfaire  et  périrait  bientôt  de  faim.  Comment  se 
procurerait-il  des  oiseaux,  des  grenouilles,  de  l'eau  à  boire?  Concluons  donc 
de  tout  cela  que  les  mœurs  de  la  taupe  valent  mieux  que  son  caractère.  Elle  ne 
s'engourdit  pas  l'hiver,  comme  la  plupart  des  carnassiers  insectivores;  elle 
cherche  une  exposition  chaude,  tournée  au  midi,  y  établit  son  domicile,  et  pro- 
fite de  tous  les  jours  de  soleil  et  de  dégel  pour  travailler.  Je  suis  fort  tenté  de 
croire  qu'elle  fait,  pour  les  consommer  quand  la  terre  est  fortement  gelée,  une 
provision  de  bulbes  de  colchique  d'automne,  car  j'en  ai  constamment  trouvé  des 
débris  autour  de  son  nid,  en  février  et  mars,  c'est-à-dire  avant  qu'elle  ait  mis 
bas. 

Cet  animal  est  un  fléau  pour  l'agriculture,  partout  où  on  le  trouve  en  grand 
nombre.  Il  fait  un  grand  tort  aux  terres  et  aux  jardins,  en  les  fouillant  dans 
tous  les  sens,  et  en  coupant  les  racines  des  plantes;  ses  taupinières,  en  encom- 
brant les  prés,  ôtent  la  possibilité  de  les  faucher  rez  terre,  et  font  par  consé- 
quent perdre  une  bonne  partie  des  récoltes  de  fourrage.  En  outre,  ses  galeries 
nuisent  beaucoup  à  la  régularité  des  irrigations,  en  perçant  les  chaussées,  les 
digues,  et  livrant  des  passages  aux  eaux. 

Il'   Genre.  Les  TEXRECS  {Seliger,  Cuv.)  LeTEfiREC  (Seligerecaudaliis,  Geoff.  Erina- 

ont  (jiiaranlc  dents;  six  incisives,  deux  canines  ceus  ecaudaivs,  Lin.  Centencs  spinosus,  Desm. 

et  douze  molaires  à  chaque  mâchoire,;  comme  Le  Tenrec,  Buff.J  est  un  peu  plus  grand  que 

les  hérissons,  ils  ont  le  corps  couvert  d'aiguil-  notre  hérisson,  et  peut  avoir  dix  pouces  (0,271) 

Ions,  mais  il  leur  manque  la  faculté  de  se  rouler  de  longueur  environ.  Il  est  couvert  de  piquants 

aussi  complètement  en  boule  ;  leur  museau  est  roides  sm"  le  corps,  et  de  poils  ou  de  soies  sur 

pointu  ;  ils  n'ont  pas  de  queue  ;  leurs  pieds  ont  le  ventre  et  la  poitrine  ;  ses  incisives  sont  échan- 

cinq  doigts  libres  et  munis  d'ongles  crochus.  crées,  au  nombre  de  quatre  seulement  en  bas. 

(le  singulier  animal,  ainsi  que  ses  congénères,  est  indigène  de  Madagascar, 
mais  on  le  trouve  à  l'Ile-de-France,  où  il  a  été  transporté  et  où  il  s'est  très-faci- 
lement naturalisé.  Comme  il  a  les  pattes  fort  courtes,  il  ne  peut  pas  courir,  ni 
même  marcher  avec  facilité;  aussi,  malgré  ses  aiguillons,  devient-il  assez  sou- 
vent la  proie  des  animaux  carnassiers  et  des  oiseaux  de  proie.  Son  cri  est  une 
sorte  de  petit  grognement  ayani,  selon  Buffon,  un  peu  d'analogie  avec  celui  du 
cochon. 

Lé  tenrec  est  un  animal  nocturne,  qui  aime  à  se  vautrer  dans  la  vase.  Il  habite 
le  bord  des  eaux,  et  se  plaît  particulièrement  sur  le  rivage  des  canaux  salés  et 


TKIODONTES. 


131 


(les  lagunes  de  la  mer.  11  passe  la  plus  grande  partie  des  nuils  à  iioursuivre, 
dans  le  sein  des  ondes,  les  insectes  dont  il  lait  sa  [u-incipale  nourritun;;  au 
jour  naissant,  il  se  retire  pour  dormir  dans  un  terrier  qu'il  se  creuse  sous  les 
racines  de  quelque  arbre  croissant  au  bord  de  l'eau,  ou  tout  simplement  dans 
le  sol  d'uni;  l'alaise,  au  milieu  des  buissons  ou  des  roseaux.  Il  n'en  sort  que  le 
soir,  au  cré|)uscule,  pour  reconmiencer  sa  [)ècbe;  aussi  nage-t-il  avec  une  grandi; 
facilité.  Dans  quelques-unes  de  ses  babiludes,  il  a  de  l'analogie  avec  notr<'  rat 
d'eau.  Le  mâle  et  la  femelle  sont  fort  attachés  l'un  à  l'autre,  et  paraissent  s'aimer 
avec  tendresse.  Celle  dernière  fait  plusieurs  petits,  (pi'elle  allaite  dans  son  ter- 
rier, et  auxquels  elle  api)rend  à  nager,  à  plonger  et  à  chasser  aux  insectes  aqua- 
tiques, aussitôt  (|u'ils  sont  assez  forts  pour  la  suivre. 

Ordinairement  les  mammifères  insectivores,  et  quekiues  autres  de  dilVérenles 
classes,  s'engourdissent  pendant  l'hiver;  ici  c'est  tout  le  contraire.  Pendant  la 
saison  pluvieuse,  qui  dans  leur  pays  répond  à  notre  hiver,  les  tenrecs  sont  vifs, 
agiles,  sans  cesse  occupés  de  leurs  amours,  de  la  chasse  et  de  l'éducation  de 
leur  famille.  Mais  aussitôt  que  les  chaleurs  de  l'été  commencent  à  se  faire 
sentir,  i)ère,  mère  et  enfants,  tous  se  retirent  dans  le  terrier,  s'enfoncent 
dans  le  foin  de  roseau  ipi'ils  y  ont  amassé,  s'endiu'ment,  tombent  en  léthai- 
gie,  et  restent  plongés  dans  l'engourdissement  et  la  torpeur  pendant  trois  on 
quatre  mois,  c'est-à-dire  autant  de  temps  que  dure  la  chaleur.  Dans  cet  élat  leur 
poil  tombe,  et  il  ne  repousse  que  quand  ils  se  sont  réveillés.  Flacconrt  dit  cpi'ils 
sont  ordinairement  fort  gras,  et  que  les  Indiens  trouvent  leur  chair  excellente, 
(pioiipi'elle  soit  fade  et  mollasse. 


Le  Tendhac  {Setiger  innnris,  Geoff.  Eiina-  C.eulcufs  semisiiinosiis,  De-sm.  /jiiificfii.s  semi- 

ceits  setosus.  Lin.  Centenes  setusus.  Desm.  Le  spvwsiai,  (i.  (av.  \.c  jeune   Tenrer,  Iîiff.)  a 

Tendrai-,  Blff.  —  G.  Cuv.)  ost   beaucimp  |)liis  six  incisives  à  chaque  iiiàctioire,  el  les  canines 

petit  (|ue  !e  précédent,  dont  il  diffèie  par  ses  grêles  et  crdchues  ;  il  est  couvert  de  soies  et  de 

piquants  plus  flexibles,  plus  semblables  à  des  piquants  iiiélés  ;  son  corps  est  raye  de  jaune  el 

soies,  et  par  six  incisives  échancrées  à  chaque  do  noir,  et  atteint  à  peine  les  dimensions  de  celui 

mâchoire.  11  habite  Madagascar.  d'une  taupe.  Ou  le  trouve  à  Madagascar,  où 

Le  Te,\kec  }Ak\i{Seliger  variegalus,  Giovv.  cependant  il  est  assez  rare. 


LES 


CARNIVORES     PLANTIGRADES, 


QUATKlkME    UHDHE    DES    M  A  M  M  IF  K  H  K  S. 


L  Ours  bi'un  d'Europe. 


Ces  animaux  ont  six  incisives  à  chaque  mâ- 
choire; de  très-fortes  canines  ;  les  molaires  non 
hérissées  de  pointes  à  leur  couronne,  mais  tran- 


chantes et  quelquefois  tuberculeuses  ;  aussi  vi- 
veut-ils  tous  de  proie  et  ont  une  férocité  san- 
guinaire. 


LES  PLANTIGRADES 


marchent  sur  la  plante  entière  des  pieds,  qu'ils 
ont  toujours  dépourvus  de  poils  en  dessous;  aussi 
peuvent-ils  assez  facilement  se  tenir  debout  sur 
leurs  pieds  de  derrière.  Us  ont  cinq  doigts  à 
tous  les  pieds,  et  manquent  de  cœcum.  La  plu- 
part passent  l'hiver  en  léthargie,  dans  les  pajs 
froids. 

1"  Genre.  Les  OURS  (  Ursus,  Lin.)  ont  qua- 
rante-deux dents  :  six  incisives  et  deux  cauines 


à  chaque  mâchoire;  douze  molaires  supérieures 
et  quatorze  inférieures  ;  les  trois  molaires  pos- 
térieures sont  très-grosses,  à  couronne  carrée  et 
tubercules  mousses,  ce  qui  le»;  rend  moins  car- 
nassiers que  les  autres  genres  de  leur  ordre; 
leurs  pieds  sont  armés  d'ongles  très-forts  ;  leur 
corps  est  trapu,  leurs  membres  épais,  et  leur 
queue  très-courte;  les  femelles  portent  deux 
mamelles  pectorales  et  quatre  ventrales. 


L'OUBS  BRUN  (  Ursus  arctos.  Lin.  Var.  Ursus  pyrœnaïcus.  Fr.  Cuv.  L'Ours 
brun  d'Europe,  Buff.  — G.  Cuv.  Var.  L'Ours  des  Ihjréiiées,  Fr.  Cuv.). 

Cet  animal  habite  les  hautes  montagnes  et  les  grandes  forêts  de  toute  l'Eu- 
rope et  d'une  partie  de  l'Asie  et  de  l'Afrique.  Sa  longueur  est  de  quatre  à  cinq 
pieds  1 1,299  a  1,62  4)  environ.  La  hauteur  relative  des  jambes  varie  beaucoup 


LA   FOSSE   AUX   OURS 


(.)»,,),.,     il.-     IM.-i  nte<.) 


PLANTIGRADES.  133 

ainsi  que  la  couleur  du  pelaj,n\  el  cela  sans  rapport  conslanl  avec  l'âge  ou  le 
sexe.  Son  front  est  convexe  au-dessus  des  yeux,  el  son  museau  diminue  de  gros- 
seur d'une  manière  brusque;  il  a  la  plante  des  pieds  de  derrière  moyenne;  son 
pelage,  (pieI(|uefois  un  peu  laineux,  est  ordinairement  brun,  mais  on  en  voit 
d'un  brun  lisse  à  rellels  presque  argentés;  de  fauves;  d'autres  d'une  couleur 
blonde  jaunâtre  très-clair;  enfin  il  y  en  a  de  tout  à  fait  blancs. 

L'ours  brun  est  très-connu  en  France,  grâce  aux  montagnards  (pii  descendent 
quelquefois  des  Alpes  pour  venir  promener,  dans  les  petites  villes  et  les  villages, 
de  jeunes  ours  qu'ils  ont  apprivoisés,  et  auxquels  ils  ont  enseigné  à  marcber 
debout,  à  faire  la  culbute,  et  à  danser  d'un  pas  lourd  au  son  de  la  tlûte  à  bec  et 
du  tambourin.  Quoiqu'il  obéisse  à  son  maître,  ce  n'est  jamais  ({u'à  contre- 
cœur et  en  murnuirant.  (Iliaque  fois  qu'on  rol)lige  à  montrer  son  savoir,  il  s'ir- 
rite, et  fait  entendre  un  grondement  sourd  qu'il  accompagne  d'un  frémissement 
de  dents  très-significatif.  Aussi  le  tient-on  constamment  muselé,  et  se  défîe- 
t-on  beaucoup  de  sa  colère,  qui  procède  souvent  du  caprice  et  tourne  toujours 
en  fureur. 

Dans  ses  forêts,  qu'il  ne  quitte  guère  (jue  lorsqu'il  y  est  poussé  par  la  faim, 
l'ours  mène  une  vie  solitaire  et  sauvage.  Il  se  loge  dans  les  cavernes,  les  trous 
de  rochers,  et  plus  souvent  encore  dans  les  trous  caverneux  des  vieux  arbres. 
C'est  là  qu'il  passe  ses  journées  à  dormir  en  attendant  la  nuit  pour  se  mettre 
en  campagne  et  chercher  sa  nourriture.  On  prétend  que,  faute  d'arbre  creux 
ou  d'antre  de  rochers,  il  se  construit  une  sorte  de  cabane  avec  des  branches  de 
bois  mort  et  du  feuillage,  mais  ceci  me  semble  fort  douteux.  Tout  lourd  qu'il 
paraît,  cet  animal  n'en  est  pas  moins  doué  d'une  certaine  agilité,  qu'il  ne  dé- 
ploie, à  la  vérité,  qu'avec  beaucoup  de  circonspection  et  de  prudence.  Quand  il 
grimpe  sur  un  arbre,  soit  pour  aller  chercher  les  fruits  dont  il  se  nourrit,  soit 
pour  rentrer  dans  son  trou,  il  s'accroche  aux  branches  avec  ses  mains,  et  au 
tronc  avec  les  griffes  de  ses  pieds  de  derrière;  quelquefois  aussi  il  embrasse  la 
tige  avec  ses  bras  et  ses  cuisses,  comme  ferait  un  honnne;  mais,  dans  tous  les 
cas,  il  y  met  beaucoup  de  précaution,  et  jamais  il  ne  lâche  son  appui  d'une  patte 
qu'il  ne  se  soit  assuré,  à  plusieurs  reprises,  que  les  trois  autres  ne  lui  manque- 
ront pas. 

Bien  que  ses  mâchoires  soient  armées  de  dents  redoutables,  son  caractère 
n'est  pas  carnassier,  et  il  n'attaque  jamais  un  être  vivant  que  pour  défendre  sa 
vie,  ou  quand  il  y  est  poussé  par  une  faim  dévorante.  Ordinairement  il  se  nourrit 
de  faîne  ou  fruit  du  hêtre,  de  baies  sauvages,  de  graines  de  diflérentes  plantes, 
et  même  de  racines;  il  aime  beaucouj)  les  fruits  du  sorbier,  de  l'épine-viuette, 
et  en  général  tous  ceux  qui  sont  un  peu  acides.  Si  cette  nourriture  manque 
dans  ses  forêts,  il  les  quitte,  se  jette  dans  la  plaine,  et  fait  d'assez  grands  ravages 
dans  les  champs  d'avoine  et  de  maïs.  Ce  n'est  guère  (pi'en  hiver,  après  un  long 
jeûne,  que,  sortant  alfaméde  sa  retraite  et  trouvant  la  terre  couverte  de  neige, 
il  se  jette  sur  les  troupeaux  et  attaque  les  animaux  qu'il  rencontre.  Encore  ce 
fait  aurait-il  besoin  d'être  confirmé.  Ce  dont  j(!  me  crois  certain,  c'est  (jue  jamais 
il  n'est  dangereux  pour  riiomme,  à  moins  cpTil  n'en  soit  alta(pié;  mais  dans  ce 
cas,  il  est  d'inie  intrépidité  effrayante.  11  a  le  sentiment  de  sa  force;  aussi  n'é- 
prouve-t-il  jamais  la  crainte,  mais  seulement  la  colère.  S'il  rencontre  un  chas- 


13'!  LES  CARNIVORES   PLANTIGRADES. 

seur,  il  ne  lïiil  pas  à  la  vue  de  ses  armes;  il  ne  se  détourne  même  pas;  il  passe 
outre  en  jetant  sur  lui  un  regard  farouche  de  mécontentement,  car  il  n'aime 
pas  que  l'on  pénètre  dans  ses  forêts  silencieuses  pour  troubler  sa  solitude.  Mais 
malheur  à  l'imprudent  audacieux  qui  ose  l'attaquer  sans  être  sûr  de  lui  donner 
la  mort  du  premier  coup  !  Blessé  ou  simplement  offensé,  sa  colère  est  terrible, 
et  toujours  il  en  résulte  une  lutte  mortelle  pour  l'un  ou  pour  l'autre,  quehpiefois 
pour  tous  deux.  Sans  hésiter,  il  court  sur  son  agresseur;  mugissant  de  fureur, 
l'œil  en  feu,  la  gueule  béante,  dressé  sur  ses  pieds  de  derrière,  il  s'élance,  l'é- 
crase de  son  poids,  le  saisit  dans  ses  bras  puissants,  l'étouffé,  ou  lui  brise  le 
crâne  avec  ses  formidables  mâchoires.  S'il  est  harcelé  par  une  meute  de  chiens 
courageux  et  appuyés  par  de  nombreux  piqueurs,  il  se  retire,  mais  il  ne  fuit 
pas.  Il  gagne  lentement  sa  retraite,  en  se  retournant  de  temps  à  autre  pour 
faire  face  à  ses  nombreux  ennemis,  qui  reculent  aussitôt  épouvantés.  Enfin, 
harassé  de  fatigue,  mortellement  blessé  par  les  balles  des  chasseurs,  près  de 
mourir,  il  s'apprête  à  faire  payer  chèrement  la  victoire  à  ses  ennemis.  Debout, 
le  dos  appuyé  contre  un  tronc  d'arbre  ou  un  rocher,  il  les  attend,  et  tout  ce  qui 
est  assez  téméraire  pour  l'approcher,  tombe  écrasé  sous  sa  terrible  patte  ou 
brisé  par  ses  dents. 

En  Europe,  on  fait  la  chasse  à  l'ours  avec  le  fusil  et  des  chiens.  Quelquefois 
aussi,  quand  on  connaît  le  lieu  qu'il  habite,  on  le  traque  comme  le  loup;  c'est- 
à-dire  que  tous  les  paysans  d'un  ou  plusieurs  villages  se  réunissent,  entourent 
la  forêt  d'une  ceinture  de  tireurs  et  de  traqueurs  qui  marchent  en  resserrant  de 
plus  en  plus  le  cercle  qui  le  circonscrit,  et  finissent  par  l'approcher  et  l'acca- 
bler sous  leur  nombre.  «  On  prend  les  ours,  dit  Buffon,  de  plusieurs  façons,  en 
Norwége,  en  Suède  et  en  Pologne,  etc.  La  manière  la  moins  dangereuse  de  les 
prendre  est  de  les  enivrer  en  jetant  de  l'eau-de-vie  sur  le  miel  qu'ils  aiment 
beaucoup,  et  qu'ils  cherchent  dans  les  troncs  d'arbre.  »  Ce  fait,  rapporté  par 
le  grand  écrivain,  sur  la  foi  de  Regnard,  me  paraît  tout  aussi  peu  probable  que 
les  contes  que  ce  voyageur  nous  avait  débités  sur  les  Lapons. 

L'ours  aime  la  vie  solitaire,  et  fuit  par  instinct  toute  société,  même  celle  de 
ses  semblables.  Il  ne  cherche  même  sa  femelle  qu'au  temps  des  amours,  c'est- 
à-dire  en  juin,  et,  ce  moment  passé,  il  la  quitte,  et  va  tixer  sa  demeure  à  plu- 
sieurs lieues  de  la  forêt  qu'elle  habite.  Aussi  est-il  tout  à  fait  indifférent  aux 
plaisirs  de  la  paternité,  et,  il  y  a  plus,  c'est  qu'il  ne  nKUKjue  jamais  de  manger 
ses  enfants,  si  le  hasard  lui  fait  découvrir  l'asile  sauvage  où  sa  femelle  les  a 
cachés,  dans  un  lit  de  feuilles  sèches  et  de  mousse.  Au  contraire,  celle-ci  aime 
ses  petits  avec  la  plus  ardente  affection,  et  les  garde  avec  elle  jusqu'à  ce  qu'ils 
aient  deux  ans  et  qu'ils  aient  acquis  la  force  de  repousser  toute  agression  étran- 
gère. Elle  les  soigne,  leur  apporte  des  fruits  et  du  giber,  les  lèche,  les  nettoie, 
et  les  porte  avec  elle  dans  ses  bras  lorsqu'ils  sont  fatigués.  Si  un  danger  les 
menace,  elle  les  défend  avec  un  courage  furieux,  et  se  fait  tuer  sur  la  place  plu- 
tôt que  de  les  abandonner.  Aussi  n'est-ce  qu'avec  beaucoup  de  danger  et  de 
prudence  que  les  montagnards  viennent  à  bout  de  s'emparer  de  ses  oursons, 
ordinairement  au  nombre  de  un  à  trois,  très-rarement  quatre  ou  cinq.  Le  temps 
de  la  gestation  est  de  sept  mois. 

Pendant  l'hiver,  l'ours  ne  s'engourdit  [»as,  ainsi  (jue  l'ont  cru  quebpies  na- 


PLANTKiKADLS.  W) 

Hiiiilisles,  mais  il  reste  dans  son  tron  des  mois  entiers  à  dormir,  (^onnnc  les 
fruits  ne  lui  ont  pas  manqué  en  automne,  il  est  ordinairement  fort  gras  au 
moment  où  il  commence  sa  retraite,  et  il  paraît  (|ue  cette  graisse  suffit  à  l'en- 
tretien de  sa  vie  pendant  fort  longtemps.  Cependant  son  jeûne  ne  dure  jamais 
plus  de  trente  à  quarante  jours,  et  il  ne  reste  pas  plus  longtemps  caché  sans 
sortir  et  aller  chercher  dans  la  forêt  quelques  graines  ou  des  racines  qui  le  sou- 
tiennent. Si  la  terre  est  couverte  de  neige,  et  qu'il  ne  trouve  rien  à  manger, 
c'est  alors  qu'il  se  rapproche  des  habitations  de  l'honune,  et  qu'il  se  hasarde, 
dit-on,  à  attaquer  les  animaux  domesti(|ues. 

Malgré  ses  formes  grossières,  sa  tournure  pesante  et  ses  gestes  grotesques, 
il  ne  faut  pas  croire  que  l'ours  soit  un  animal  slupide;  il  est,  au  contraire,  plein 
d'intelligence  et  de  finesse,  et  la  preuve,  c'est  qu'il  ne  donnejamais  dans  les  pièges 
(|u'on  lui  tend.  Tout  objet  nouveau  éveille  chez  lui  la  défiance;  il  l'observe  pru- 
demment avant  de  l'approcher,  passe  sous  le  vent  pour  s'en  rendre  compte  par 
l'odorat,  qu'il  a  d'une  délicatesse  extrême;  il  s'avance  doucement,  le  flaire,  le 
tourne  et  le  retourne,  puis  s'en  éloigne  s'il  ne  lui  convient  pas  de  s'en  emparer. 
(Test  ainsi  qu'il  agit  toutes  les  fois  qu'il  trouve  un  cadavre  d'homme  ou  d'ani- 
mal, auquel  il  ne  touche  jamais.  Sous  cette  enveloppe  d'un  aspect  si  rude  existe 
une  perfection  de  sensation  peu  commune  dans  les  animaux;  sa  vue,  son  ouïe 
et  son  toucher  sont  excellents,  quoiqu'il  ait  l'œil  petit,  l'oreille  courte,  la  peau 
épaisse  et  le  poil  fort  touffu. 

Le  courage  de  l'ours  a  passé  chez  quelques  auteurs  pour  de  la  brutalité,  et  il 
V  a  là  une  grande  erreur.  L'ours  est  intrépide,  mais  prudent,  et  il  ne  combat 
(pic  lorsqu'il  y  est  forcé  par  la  faim,  la  défense  de  ses  petits  ou  la  vengeance. 
Jamais  on  ne  le  voit  fuir,  parce  qu'il  a  la  conscience  de  sa  supériorité;  il  oppose 
la  menace  à  la  menace,  la  violence  à  la  violence,  et  sa  fureur  devient  terrible, 
|)arce  qu'il  porte  dans  le  combat  un  courage  insouciant  de  la  vie. 

Autrefois  l'ours  était  bien  plus  connnun  en  Europe  qu'aujourd'hui,  et  alors 
sa  chasse  pouvait  être  avantageuse,  à  cause  de  sa  fourrure  assez  estimée  quoi- 
que grossière,  et  surtout  à  cause  de  la  graisse  dont  il  est  toujours  abondammeni 
pourvu,  et  à  laquelle  la  crédulité  de  nos  pères  accordait  des  vertus  merveilleuses 
pour  guérir  les  rhumatismes  et  une  foule  d'autres  maladies.  Ce  qu'il  y  a  de  cer- 
tain, c'est  que  cette  graisse,  dépouillée  par  des  procédés  fort  simples  d'une  odeur 
particulière  dont  elle  est  imprégnée,  est  fort  douce,  excellente,  et  ne  le  cède 
pas  au  meilleur  beurre  pour  la  cuisine.  Il  ne  s'agit,  quand  on  veut  lui  ôter  son 
odeur,  que  de  la  faire  fondre  et  d'y  jeter,  lorsqu'elle  est  très-chaude,  du  sel  en 
(piantité  suffisante,  et  de  l'eau  par  asficrsion.  Il  se  fait  une  sorte  de  détonation, 
et  il  s'élève  une  épaisse  fumée  qui  emporte  avec  elle  la  mauvaise  odeur. 

Plusieurs  fois  les  ours  de  la  ménagerie  ont  fait  des  petits,  et  on  a  pu  s'assurer 
que  par  la  taille  et  la  couleur  ils  ne  se  ressemblent  nullement.  La  mère  a  tou- 
jours marqué  un  sentiment  de  préférence  pour  l'un  d'eux,  et  jamais  elle  n'a 
|KM(lu  son  autorité  maternelle,  lorsqu'ils  étaient  devenus  beaucoup  plus  grands 
(|u'elle. 

I^'OiiB.s  ^olH  d'Iù  HOPK  (  r/-.si(.s'  aie).—  L'Ours  iiièinc  concave,  surtout  on  travers;  son  pelage 
noir  (/  Europe,  (i.  Clv.  i  a  le    Iront  aplati  et      est  laineux,  non  pas  lisse  comme  celui  de  l'ours 


i3(> 


LES  CARNIVORES  PLANTIGRADES. 


d'Amérique,  d'un  1  ruii  noirâtre;  il  a  le  dessus 
du  nez  d'un  fauve  clair,  et  le  reste  du  tour  du 
museau  d'un  brun  roux.  J'établis  cette  espèce 
sur  le  témoignage  de  G.  Cuvier.  [I  est  rare,  et 
parait  ne  se  trouver  que  dans  le  nord  de  l'Eu- 
rope. Buffon  dit  qu'il  est  moins  carnassier  que 
notre  ours  brun. 

L'Ouiis  DES  PYltÉ^ÉES  {Ursus  pyrenalcus,  Fr. 
Cuv.)  est  plus  petit  que  l'ours  des  Alpes;  il  est 
d'un  blond  jaunâtre  sur  le  corps,  et  noir  sur 
les  pieds.  Il  habite  les  montagnes  des  Asturies. 
Beaucoup  de  naturalistes  le  regardent  comme 
une  variété  de  l'ours  brun,  et  je  |)enche  aussi 
vers  cette  opinion. 

L'OuBS  DE  Sibérie  (  Ursus  collaris,  Fr.  Cuv.) 
a  beaucoup  d'analogie  avec  le  précédent  sous  le 
r;ipport  des  formes  et  des  couleurs;  mais  sa 
taille  parait  être  un  peu  plus  petite,  et  il  a  un 
large  collier  blanc  qui  passe  sur  le  haut  du  dos, 
sur  les  épaules,  et  se  termine  sur  la  poitrine. 
On  le  trouve  dans  le  nord  de  l'Asie,  et  il  paraît 
qu'il  a  les  mêmes  mœurs  que  notre  ours  d'Eu- 
rope. Cependant,  ceux  qui  ont  vécu  à  la  ména- 
gerie paraissaient  un  peu  plus  carnassiers. 

L'OtBS  DU  TiUBET  {Ursus  thibitanus,  Fh. 
Cuv.)  diffère  des  précédents  par  la  grosseur  de 
son  cou,  et  par  son  chanfrein,  qui  forme  une 
ligne  droite;  il  est  noir,  à  poils  lisses;  son  mu- 
seau est  un  peu  roux,  sa  lèvre  supérieure  cou- 
leur de  chair,  et  l'inférieuie  blanche;  il  a,  sur 
la  poitrine,  une  tache  blanche  en  forme  d'Y. 
On  ne  l'a  encore  trouvé  que  dans  les  montagnes 


du  Sylhel,  au  Nepaul,  et  l'on  ne  sait  rien  de  po- 
sitif sur  ses  habitudes. 

L'Ours  nR^É  {Ursus  ornatus,  Fh.  Cuv.)  n'est 
probablement  qu'une  variété  de  l'ours  noir.  Sa 
taille  dépasse  rarement  trois  pieds  et  demi 
(1 ,15")  ;  son  museau  est  un  peu  plus  court,  d'un 
fauve  sale;  son  pelage  est  également  d'un  noir 
lisse  et  luisant,  mais  il  a  un  demi  cercle  fauve 
sur  (  haque  œil,  et  du  blanc  ou  du  fauve  à  la 
gorge  ou  à  la  poitrine.  Il  est  assez  commun 
dans  les  Cordilières  du  Chili,  et  peut  étie  dans 
toute  l'Amérique  australe. 

L'OUKS  AUX  GRANDES  LÈVRES   {VrSUS    laMotllS, 

deBuAiNV.  Bradypns  ursinus,  Shaw.  Ursus lon- 
giroslris,  Tiedm.  C'est  le  t\pedu  genre  Helarc- 
tos  d'HoRSFiELD).  Il  cst  un  peu  plus  petit  que 
l'ours  brun;  d'un  noir  foncé;  et  on  lui  trouve 
quelquefois  des  taches  éparses  un  peu  brunâtres  ; 
\\  a  sur  la  poitrine  une  tache  blanche  en  forme 
de  V  ;  mais  ce  qui  le  rend  reconnaissable  au 
premier  coup  d'œil,  ce  sont  ses  lèvres  qui  sont 
lâches,  très-extensibles,  et  sa  langue  d'une  lon- 
gueur extraordinaire  II  se  trouve  dans  les 
montagnes  de  l'Inde.  On  rénnira  à  celte  es- 
pèce, et  même  comme  variété  assez  légère,  le 
BBUA.^G,  ou  l'Ours  malais  (,Ursus  malanaiius, 
Raffl.  Procliiliis  malnijunus,  Gbav.  Helaiclos 
malaxjanus,  Horsf  —  Fr.Cuv.)  qui  n'en  diffère 
que  par  une  large  tache  en  demi-lune,  d'un 
blanc  pur,  qu'il  a  sur  la  poitrine.  Il  habite  la 
presqu'île  de  Malaca.  Il  est  nommé  oins  bate- 
leur par  quelques  naturalistes. 


L'ours  aux  grandes  lèvres  n'est  pas  du  tout  carnassier,  et  ne  se  nourrit  que 
de  fruits,  de  miel  et  d'insectes.  Peut-être  en  serait-il  de  même  de  la  plupart  des 
autres  espèces,  si,  ainsi  que  lui,  ils  habitaient  des  climats  où  la  nature  put  leur 
fournir  toute  l'année  une  nourriture  végétale.  D'un  naturel  farouche  et  mélan- 
colique, cet  animal  aime  la  solitude,  et  se  retire  dans  les  montagnes  les  plus 
désertes.  Cependant,  quand  il  est  pris  jeune  et  traité  avec  honte,  son  caractère 
s'adoucit,  son  intelligence  se  développe,  et  il  se  laisse  facilement  dresser  à  i)lu- 
sieurs  exercices  par  les  jongleurs  indiens.  Dans  ses  montagnes,  il  se  plaît  beau- 
coup à  la  recherche  des  termes  ou  fourmis  blanches,  et  lorsqu'il  a  trouvé  une 
de  leurs  habitations,  il  fait,  avec  ses  griffes,  au  dôme  de  terre  durcie  qui  en 
forme  le  toit,  un  trou  dans  lequel  il  enfonce  sa  longue  langue;  les  termes  se 
jettent  dessus  pour  défendre  leur  république,  et  quand  ils  y  sont  réunis  en  grand 
nombre,  l'ours  retire  brusqueiuent  sa  langue  et  les  avale. 


L'Ours  de  Bornéo  (Ursus  eurifspitus ,  Less. 
Helarctos  euryspilus,  Horsf.)  n'est  peut-être 
aussi  qu'une  variété  locale  de  l'ours  aux  grandes 
lèvres,  dont  il  a  les  formes,  la  taille,  les  cou- 
leurs et  les  habitudes;  il  en  diffère  cependant 
par  une  large  plaque  échancrée  en  son  bord 
supérieur,  d'une  couleur  orangée,  et  par  une 


bandelette  transversale  grise  sur  chaque  pied. 
On  le  trouve  dans  l'ile  de  Bornéo. 

L'Ours  noir  d'Amérique  (  Ursus  ameriranus, 
Pall.  Ursus  gidaris,  Geoff.)  a  le  front  plat, 
presque  sur  la  même  ligne  que  le  museau  ;  la 
plante  de  ses  pieds  et  de  ses  mains  est  très- 
courte  ;  son  pelage  est  noir,  lisse,  long  et  brillant. 


PLANTIGRADES.  I57 

La  taille  de  cet  animal  ne  dépasse  guère  quatre  pieds  huit  pouces  (1,516); 
cependant  j'en  ai  vu  un  plus  grand  que  cela.  On  en  trouve  des  variétés  fauves, 
plus  ou  moins  jaunes  ou  couleur  de  chocolat.  Tous  habitent  les  États-Unis,  et 
se  répandent  dans  le  nord  de  l'Amérique  jusque  dans  le  Kamtschalka.  «  L'ours 
noir,  dit  M.  Dupratz,  paraît  l'hiver  dans  la  Louisiane,  parce  que  les  neiges, 
qui  couvrent  les  terres  du  Nord,  l'empêchant  de  trouver  sa  nourriture,  le  chassent 
des  pays  septentrionaux.  Il  vit  de  fruits,  et  entre  autres  de  glands  et  de  ra- 
cines, et  ses  mets  les  plus  délicieux  sont  le  miel  et  le  lait;  lorsqu'il  en  ren- 
contre, il  se  laisserait  plutôt  tuer  que  de  lâcher  prise.  Malgré  la  prévention 
où  l'on  est  que  l'ours  est  carnassier,  je  prétends,  avec  tous  ceux  de  cette  pro- 
vince et  des  pays  circonvoisins,  qu'il  ne  l'est  nullement.  Il  n'est  jamais  arrivé 
que  ces  animaux  aient  dévoré  des  hommes,  malgré  leur  multitude  et  la  faim 
extrême  qu'ils  souffrent  quelquefois,  puisque,  même  dans  ce  cas,  ils  ne  man- 
gent pas  la  viande  de  boucherie  qu'ils  rencontrent.  Dans  le  temps  que  je  de- 
meurais aux  Natchés,  il  y  eut  un  hiver  si  rude  dans  les  terres  du  Nord,  que  ces 
animaux  descendirent  en  grand  nombre;  ils  étaient  si  communs,  qu'ils  s'af- 
famaient les  uns  les  autres,  et  étaient  très-maigres  ;  la  grande  faim  les  faisait 
sortir  des  bois  qui  bordent  le  fleuve  ;  on  les  voyait  courir  la  nuit  dans  les  habi- 
tations, et  entrer  dans  les  cours  qui  n'étaient  pas  bien  fermées;  ils  y  trouvaient 
des  viandes  exposées  au  frais;  ils  n'y  touchaient  pas,  et  mangeaient  seulement 
les  grains  qu'ils  pouvaient  rencontrer.  » 

D'après  cette  citation  faite  par  BufTon,  il  semblerait  que  l'ours  noir  n'est 
jamais  carnassier;  et  cependant  les  naturalistes,  entre  autres  G.  Cuvier,  pré- 
tendent que,  lorsqu'il  est  poussé  par  la  faim,  il  attaque  les  mammifères.  Ce  fait 
a  besoin  d'être  confirmé;  mais  ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  qu'il  mange  le  poisson. 
En  hiver,  il  descend  des  bois,  et  vient  pêcher  sur  le  bord  des  lacs  et  des  rivières. 
Il  nage  et  plonge  fort  bien,  et  s'empare  de  sa  proie  avec  beaucoup  d'adresse  et 
d'agilité.  Il  se  plaît  particulièrement  dans  les  forêts  d'arbres  résineux,  et  il  se 
loge  dans  les  cavités  formées  par  le  temps  dans  leur  tronc.  La  plus  haute  est 
celle  qu'il  choisit  de  préférence,  et  il  n'est  pas  rare  de  le  trouver  niché  à  plus 
de  quarante  pieds  (12,892)  de  hauteur.  Pour  le  prendre,  les  Américains  mettent 
le  feu  au  pied  de  l'arbre,  et  le  forcent  ainsi  à  sortir  de  sa  retraite  pour  se  sauver 
des  flammes.  Si  c'est  une  femelle,  elle  descend  la  première,  à  reculons  comme 
font  tous  les  ours,  et,  lorsqu'elle  est  près  de  terre,  ils  l'abattent  d'un  coup  de 
fusil  tiré  à  bout  portant  dans  le  cœur  ou  dans  l'oreille.  Les  oursons  descendent 
ensuite,  et  on  les  prend  vivants  et  sans  danger  s'ils  sont  encore  petits;  dans  le 
cas  contraire,  on  les  tue.  On  chasse  encore  l'ours  noir  avec  des  chiens  courants, 
qui  le  harcèlent  jusqu'à  ce  que  le  chasseur  ait  trouvé  le  moment  favorable  pour 
le  tirer.  Toutes  les  manières  de  le  chasser  sont  sans  danger,  parce  qu'il  ne  court 
jamais  sur  le  chasseur,  et  que,  blessé  ou  non,  il  ne  cherche  jamais  qu'à  fuir. 
Seulement,  il  ne  faut  pas  s'approcher  imprudemment  de  lui  lorsqu'il  est  abattu 
et  mourant;  car  alors,  sentant  qu'il  ne  peut  plus  échapper  au  danger,  il  cherche 
à  se  défendre  et  à  se  venger.  Son  cri  est  trés-dilférent  de  celui  de  l'ours  brun  ; 
il  consiste  dans  des  hurlements  aigus  qui  ressemblent  à  des  pleurs. 

Les  Américains  lui  font  une  chasse  continuelle,  non  pas  seulement  parce 
qu'il  dévaste  leurs  champs  de  maïs,  d'avoine  et  autres  grains,  mais  encore  parce 

ts 


i:js 


LES  CAUISIVOUES  PL ANTIGK ADES. 


qu'ils  estimenl  beaucoup  sa  chair,  cl  que  sa  fourrure,  dont  on  fait  cliez  nous  les 
bonnets  de  grenadiers,  ne  laisse  pas  que  d'avoir  de  la  valeur.  Sa  graisse  rem- 
place avantageusement  le  beurre  ;  ses  pieds  offrent  un  mets  trés-délicat,  et  ses 
jambons,  salés  et  fumés  connue  ceux  de  cochon,  ont  une  grande  réputation  en 
Amérique,  et  dans  toute  l'Europe,  où  on  les  envoie  pour  la  table  des  riches. 


PL.\MI(;U\I)KS 


i:w 


LO.iii  l.lanc. 


LoURS  BLANC  (  Ursus  maritimus,  Lin.  Ursus  albus,  Briss.  L'Ours  de  In  mer 
Glaciale,  Buff.  L'Ours  polaire  des  voyageurs.  Il  est  le  type  du  genre  Thalarcios 
«le  Gray). 

Cet  aniuial  est  connu  de  tout  le  inonde  par  les  exagérations  des  voyageurs 
et  par  les  contes  qu'ils  nous  ont  débités  sur  sa  grandeur,  sa  voracité  et  son  cou- 
rage intrépide.  Quand  nous  aurons  réduit  toutes  ces  histoires  à  leur  juste  va- 
leur, on  sera  fort  étonné  de  ne  trouver  dans  l'ours  blanc  que  les  mœurs  ordi- 
naires des  animaux  de  son  genre,  mais  accompagnées  d'une  stupidité  que  l'on 
a  prise  pour  du  courage.  Les  plus  grands  individus  de  cette  espèce  ne  dépassent 
jamais  six  pieds  et  demi  [2J  H),  et  les  voyageurs  qui  affirment  en  avoir  vu  de 
treize  pieds  (^,225)  mentent  juste  du  double.  Sa  tète  est  fort  allongée,  son  crâne 
aplati,  sur  la  même  ligne  que  le  chanfrein;  son  œil  est  petit  et  noir,  ainsi  que 
le  museau  et  l'intérieur  de  la  gueule;  son  cou  est  très-long,  et  sa  plante  des 
pieds  est  d'une  largeur  remarquable;  tout  son  corps  est  couvert  de  poils  blancs, 
longs  et  soyeux. 

Habitant  les  glaces  éternelles  du  pourtour  du  pôle  boréal,  les  côtes  du  Groen- 
land, du  Spitzberg,  en  un  mot  les  parties  les  plus  froides  de  la  terre,  il  a  dû 
contracter  des  habitudes  en  harmonie  avec  ces  climats  rigoureux.  L'été,  retiré 
dans  les  terres,  il  erre  dans  les  forêts  et  mange  les  graines,  les  fruits  et  même 
les  racines  qu'il  y  rencontre,  ce  qui  ne  l'empêche  pas,  cependant,  de  dévorer 
les  cadavres  des  animaux,  quand  il  en  trouve.  C'est  là  qu'il  fait  ses  petits,  qu'il 
les  allaite  sur  un  lit  de  mous.se  et  de  lichens,  et  qu'il  les  habitue  peu  à  peu  à 
manger  des  substances  animales.  Mais,  dans  ces  malheureux  climats,  la  saison 


140  LES  CARNIVORES  PLANTIGRADES. 

lies  beaux  jours  est  trop  courte,  et  bientôt  la  neige,  qui  couvre  le  i)ays,  force 
l'ours  blanc  à  quitter  les  forêts  où  il  ne  trouve  plus  de  nourriture,  et  à  venir 
sur  le  bord  de  la  mer,  suivi  non-seulement  de  sa  famille,  mais  encore  d'une 
troupe  nombreuse  que  la  famine  a  également  exilée  des  bois.  Cette  sorte  de 
sociabilité  qui  les  réunit  est  un  caractère  qui  distingue  cette  espèce,  car  toutes 
les  autres  ont  une  vie  solitaire,  et  restent  dans  un  isolement  sauvage  Pendant 
ce  petit  voyage,  ils  se  préparent  à  combattre  les  grands  animaux  marins,  en 
attaquant  les  rennes  et  autres  êtres  timides  qu'ils  rencontrent  sur  leur  route. 
Bientôt,  de  chasseurs  maladroits,  ils  deviennent  excellents  pêcheurs,  et  ils  pour- 
suivent jusqu'au  fond  des  ondes  les  poissons  et  les  mammifères  amphibies,  qui 
deviennent  leur  proie.  Ils  s'habituent  à  plonger  et  à  rester  longtemps  sous  l'eau  ; 
ils  nagent  avec  aisance  et  rapidité,  et  peuvent  faire  ainsi  plusieurs  lieues  sans 
se  reposer.  Mais  si  une  course  trop  longue  les  fatigue,  ils  cherchent  un  glaçon 
entraîné  par  le  courant  ou  poussé  par  le  vent;  ils  montent  dessus,  et  cette  sin- 
gulière barque  les  porte  souvent  à  une  très-grande  distance. 

C'est  ainsi  qu'en  Islande  et  en  Norwége  on  voit  quelquefois  arriver  sur  des 
glaçons  flottants  des  bandes  d'ours  affamés  au  point  de  se  jeter  sur  tout  ce 
qu'ils  rencontrent.  C'est  alors  qu'ils  sont  terribles  pour  les  hommes  et  les  ani- 
maux, et  cette  circonstance  tout  à  fait  accidentelle,  mais  qui  se  renouvelle 
chaque  année,  n'a  pas  peu  contribué  à  leur  réputation  de  courage  et  de  féro- 
cité. Quelquefois,  entraînés  dans  la  haute  mer  par  les  glaces,  ils  ne  peuvent 
plus  regagner  la  terre  ni  quitter  leur  île  flottante  ;  alors  ils  meurent  de  faim  ou 
se  dévorent  les  uns  les  autres. 

Sans  cesse  furetant  sur  les  glaces  au  bord  de  la  mer,  leur  proie  ordinaire 
consiste  en  phoques,  en  jeunes  morses,  et  même  en  baleineaux  qu'ils  osent  aller 
attaquer  à  la  nage  à  plus  d'une  demi-lieue  de  la  côte.  Ils  se  réunissent  cinq  à 
six  pour  cela;  mais,  malgré  leur  nombre,  ils  ne  réussissent  pas  toujours,  parce 
que  la  baleine  accourt  à  la  défense  de  son  petit,  et,  avec  sa  terrible  queue, 
étourdit,  assomme  ou  noie  les  agresseurs.  Le  phoque,  malgré  ses  puissantes 
mâchoires,  ne  leur  oflVe  guère  de  résistance  parce  qu'ils  s'approchent  de  lui 
doucement  et  sans  bruit,  pendant  son  sommeil,  le  saisissent  derrière  la  tête 
et  lui  brisent  le  crâne  avant  qu'il  ait  pu  opposer  la  moindre  résistance.  Il  n'en 
est  pas  de  même  du  morse  ;  plus  défiant  que  le  phoque,  il  est  rare  qu'ils  par- 
viennent à  tromper  sa  vigilance.  Le  corps  porté  sur  les  pattes  ou  plutôt  sur 
les  nageoires  de  devant,  la  tête  droite  et  élevée,  il  leur  présente  ses  formidables 
défenses,  les  frappe,  leur  perce  le  corps  et  les  renverse  mortellement  blessés; 
puis,  forcé  par  le  nombre  de  battre  en  retraite,  il  se  lance  à  la  mer  et  disparaît 
aux  yeux  de  ses  ennemis,  qui  le  poursuivent  avec  autant  d'acharnement  que 
d'inutilité. 

L'ours  blanc,  dans  les  contrées  qu'il  habite,  n'a  jamais  rencontré  un  être 
assez  fort  pour  le  vaincre,  ce  qui  fait  que  la  crainte  est  pour  lui  un  sentiment 
étranger,  mais  dont  il  est  cependant  très-susceptible.  N'ayant  jamais  éprouvé 
de  lutte  sérieuse,  il  ignore  le  danger,  et  sa  stupidité  l'empêche  de  le  reconnaître 
lorsqu'il  l'aperçoit  pour  la  première  fois.  Aussi  l'a-t-on  vu  venir  d'un  pas  déli- 
béré attaquer  seul  une  troupe  de  matelots  bien  armés,  et  l'on  a  pris  cela  pour 
du  courage.  D'autres  fois,  il  s'élance  à  la  nage,  va  sans  hésitation  tenter  l'abor- 


PI.ANÏK.UADKS.  t'«l 

(lage  (riiiic  chaloup»'  iuoiiIcl'  de  ijlusu'urs  lioniincs,  (luii  vaisseau  même,  el  il 
périt  victime,  iioii  dt.'  sou  intrépidité,  mais  de  sa  sliijjide  imprudence.  S'il  seul 
de  la  résistance,  s'il  est  blessé,  il  cesse  honteusement  le  combat  et  fuit  laclu'- 
ment,  ce  que  ne  font  jamais  l'ours  brun,  le  tigre,  et  ([uebiues  autres  animaux 
doués  d'un  véritable  courage.  Les  marins  (jui  ont  biverné  dans  le  Nord  ont  tou- 
jours été  in(|uié(és  par  ces  animaux,  i|ui  venaient  tlairer  leur  proie  justiu'à  la 
porte  de  leur  cabane,  et  qui  grimpaient  même  sur  le  toit  pour  essayer  de  péné- 
trer par  la  cheminée.  Mais  toutes  les  fois  qu'on  les  recevait  à  coups  de  fusil 
ou  même  à  coups  de  lance,  les  ours  se  bâtaient  de  prendre  la  fuite,  ou  du  moins 
n'essayaient  pas  de  soutenir  une  lutte. 

On  a  dit  (jue  l'ours  blanc  se  retire  en  hiver  dans  des  trous  creusés  sous  la 
neige,  et  (|u'il  y  reste  en  état  complet  de  léthargie  jusqu'au  retour  de  la  belle 
saison.  Je  ne  soutiendrai  pas  que  ce  fait  est  faux,  mais  je  dois  dire  ({u'il  me  pa- 
raît Irès-douteux.  La  ménagerie  a  possédé  plusieurs  ours  blancs,  et  jamais  ou 
ne  les  a  vus  plus  vifs,  plus  éveillés,  si  je  puis  le  dire,  que  pendant  les  froids  les 
plus  rigoureux  de  Ibiver.  S'ils  paraissent  languissants  et  faibles,  c'est  lorsque 
la  température  de  l'été  se  trouve  à  un  degré  assez  élevé.  J'ai  vu  le  froid  des- 
cendre, à  Paris,  à  vingt  degrés  du  thermomètre  de  Héaumur,  c'est-à-dire  pres- 
(|ue  aussi  basque  dans  la  Nouvelle-Zemble;  et  cependant  l'ours  blanc,  qui  habitai! 
un  des  fossés  du  jardin,  ne  paraissait  pas  plus  engourdi  que  de  coutume.  En- 
suite, si  on  lit  attentivement  les  voyageurs,  on  verra  que  c'est  précisément  dans 
la  saison  où  le  froid  est  le  plus  rigoureux  que  les  ours  se  rencontrent  le  plus 
fréquemment  sur  le  bord  de  la  mer.  La  femelle  met  bas  au  mois  de  mars,  et 
l'on  prétend  qu'elle  ne  fait  (|u'uu  ou  deux  petits,  très-rarement  trois;  du  reste, 
on  n'a  guère  pu  s'assurer  de  ce  fait,  et  l'on  en  juge  par  le  nombre  d'oursons 
dont  elle  est  ordinairement  suivie.  Le  cri  de  ces  animaux  ressemble  plutôt, 
dit-on,  à  l'aboiement  d'un  chien  enroué  qu'au  nnirmure  grave  des  autres  es- 
pèces d'ours.  Dans  la  servitude,  il  ne  se  montre  susceptible  d'aucune  éducation, 
d'aucun  attachement,  et  il  reste  constamment  d'une  sauvagerie  brutale  et 
slupide. 


i  'r2  1. KS  C  A  n  iN I  VOK  K S  PL  A  N T  I (i H  A  I) E S. 


L'ours  féroce  [Ursus  ferox,  Lkwis.  Demis  ferox,  Gray.  Ursiis  cinereus, 
Df.sm.  Ursus  horribilis,  Ord.  L'Ours  gris  des  voyageurs.  Il  est  le  type  du  genre 
Danis  de  Gray  ) . 

L'ours  gris  joint  à  la  stupidité  de  l'ours  blanc  la  férocité  du  jaguar,  le  cou- 
rage du  tigre  et  la  force  du  lion;  aussi  est-il  la  terreur  des  habitants  nomades 
des  pays  qu'il  habite.  Sa  taille  énorme  atteint  assez  communément  huit  pieds 
et  demi  (2,7()0)  de  longueur,  et  souvent  davantage;  son  corps  est  couvert  de 
poils  longs,  trés-fournis,  principalement  sur  le  cou,  d'un  gris  tirant  quelquefois 
sur  le  brun  ou  le  blanc.  C'est  le  plus  farouche  et  peut-être  le  plus  terrible  des 
animaux,  et  la  nature  lui  a  donné  en  excès  toutes  les  affreuses  qualités  qui 
jettent  l'épouvante.  Sa  physionomie  est  horrible;  son  agilité  égale  sa  force  pro- 
digieuse; sa  cruauté  surpasse  celle  de  tous  les  autres  animaux,  et  son  indomp- 
table courage  est  d'autant  plus  à  craindre  qu'il  tient  toujours  de  la  fureur,  et 
qu'il  prend  sa  source  dans  une  brutale  conscience  de  sa  force  et  de  sa  supério- 
rité. Solitaire  comme  l'ours  brun,  dont  il  a  les  formes  générales,  il  ne  se  plaît 
que  dans  les  immenses  forêts  vierges  qui  couvrent  de  leur  ombre  les  montagnes 
rocheuses  du  grand  Chippewyan,  les  bords  du  Missouri,  du  Nebraska  et  de 
l'Arkansas,  enfin  la  partie  nord-ouest  de  l'Amérique  septentrionale,  connue  aux 
Etats-Unis  sous  le  nom  de  pmjs  indien.  Cette  immense  contrée,  qui  commence 
au  pays  des  Osages  que  nous  avons  vus  à  Paris,  qui  renferme  les  nations  er- 
rantes des  Pieds-Noirs,  des  Nez-Percés,  des  Kansas,  des  Corbeaux,  des  Camarches, 
des  Koways,  des  Gros-Ventres,  des  Têtes-Plates,  et  quelques  autres,  est  encore 
très-peu  connue  des  hommes  civilisés;  quelques  marchands  de  pelleteries  el 
des  trapi)eurs  ou  chasseurs  de  castors,  ont  seuls  osé,  jusqu'à  ce  jour,  pénétrer 
dans  ces  profondes  solitudes.  C'est  là  que  l'ours  gris  domine  en  maître  sur  les 


PLÂiNTlGUADES.  143 

animaux  du  désert,  et  qu'il  exerce  sur  eux  son  impitoyable  tyrannie.  Endormi 
pendant  le  jour  dans  les  profondes  cavernes  des  montagnes,  il  se  réveille  au 
crépuscule,  sort  de  sa  retraite  ;  et  malheur  à  tous  les  êtres  vivants  qu'il  ren- 
contre !  Les  daims  de  montagne,  les  argalis  et  autres  animaux  légers,  sont  atten- 
dus par  lui  ;  de  son  embuscade  il  s'élance  sur  sa  proie,  la  terrasse  et  la  dévore  ; 
l'ours  à  collier  et  l'ours  blanc  lui-même  le  craignent  et  fuient  sa  présence.  II 
descend  parfois  dans  les  vallées  où  paissent  d'immenses  troupeaux  de  bisons, 
et  ces  monstrueux  animaux,  malgré  leur  nombre  et  leurs  cornes  redoutables, 
sont  impuissants  à  se  défendre  contre  sa  rage.  Vainement  ils  se  pressent  les 
uns  contre  les  autres  et  lui  présentent  un  rang  compacte  de  fronts  menaçants, 
l'ours  se  précipite  au  milieu  d'eux,  les  disperse,  les  poursuit  avec  agilité  ;  d'un 
bond  il  s'élance  sur  leur  dos,  les  presse  dans  ses  bras  de  fer,  leur  brise  le  crâne 
avec  ses  dents,  et  souvent  il  en  tue  plusieurs  avant  d'en  dévorer  un. 

Et  cependant,  parmi  ces  hommes  sauvages,  demi-nus,  enfants  du  désert 
comme  lui,  l'ours  féroce  trouve  des  ennemis  qui  lui  résistent,  qui  l'attaquent 
même,  et  qui  osent  soutenir  contre  lui  une  lutte  horrible  corps  à  corps.  Le 
chasseur  indien  de  l'Arkansas  possède  un  talent  merveilleux  pour  découvrir, 
pendant  l'hiver,  la  caverne  dans  laquelle  l'ours  a  établi  sa  demeure;  il  sait,  dans 
les  autres  saisons,  l'attendre  à  l'affût,  le  surprendre  dans  son  fourré  au  moment 
où  lui-même  épie  une  proie,  le  suivre  à  la  piste,  et  le  percer  de  ses  flèches  ou 
de  ses  balles.  Lorsqu'il  a  découvert  la  trace  de  ses  pas,  il  le  suit,  armé  d'un  arc, 
d'une  carabine  et  d'un  couteau  indien  long  et  affilé,  couteau  dont  il  se  sert  plus 
ordinairement  pour  scalper  la  chevelure  de  ses  ennemis  vaincus.  Il  s'approche 
du  farouche  animal  en  se  cachant  et  rampant  dans  les  bruyères,  et  il  a  soin  de 
prendre  le  dessous  du  vent,  non  pas  qu'il  craigne  que  l'ours,  averti  de  sa  pré- 
sence par  la  finesse  de  son  odorat,  prenne  la  fuite,  mais  pour  n'en  être  pas  atta- 
qué le  premier  et  conserver  l'ascendant  qu'a  toujours  le  premier  attaquant. 
Quand  le  chasseur  se  croit  à  distance  convenable  du  monstre,  il  se  redresse,  se 
fait  voir  tout  à  coup,  et  lui  lance  une  flèche  ;  puis  il  se  laisse  tomber  de  toute  sa 
longueur  sur  la  terre,  se  met  à  plat  ventre,  et,  soutenu  sur  son  coude,  il  saisit 
sa  carabine,  ajuste  le  monstre  et  attend.  L'ours,  furieux  et  blessé,  hésite  un 
instant  entre  la  fuite  et  l'attaque  ;  mais,  voyant  son  ennemi  par  terre,  il  s'élance 
sur  lui  pour  le  déchirer.  Le  sauvage  chasseur  a  le  courage  d'attendre  qu'il  soit 
à  cinq  pas  de  lui,  et  alors  seulement  il  fait  feu  et  lui  envoie  dans  la  poitrine 
une  balle  qui  le  renverse  roide  mort.  Si  la  carabine  vient  à  manquer,  l'intrépide 
chasseur  se  relève  lestement,  et,  le  couteau  à  la  main,  il  attend  une  lutte  corps 
à  corps.  Le  plus  ordinairement  ce  changement  de  posture  suffit  pour  arrêter 
l'animal,  qui,  après  une  nouvelle  hésitation,  se  retire  à  pas  lents,  et  en  tournant 
souvent  la  tête  vers  le  téméraire  Indien.  Mais  quelquefois  aussi  l'ours,  dans  la 
fureur  que  lui  cause  une  douloureuse  blessure,  se  dresse  sur  ses  pieds  de  der- 
rière, étend  ses  bras  et  se  jette  sur  son  agresseur.  Celui-ci  lui  plonge  son  cou- 
teau dans  le  cœur  et  le  renverse  mourant.  S'il  manque  son  coup,  il  meurt  dé- 
chiré en  mille  pièces,  victime  d'une  puérile  vanité  qui  l'a  fait  s'exposer  par 
bravade  à  un  danger  sans  utilité,  ou  seulement  dans  l'espoir  de  conquérir  une 
misérable  fourrure. 

Je  pense  bien  qu'il  y  a  de  l'exagération  dans  ce  que  les  voyageurs  nous  ont 


IVi 


LES   CAUiMVOKES  l'L  AN  T IGU  A  DES. 


raconté  de  la  férocité  de  l'ours  gris;  mais  ce  que  je  viens  de  dire  sur  la  manière 
dont  les  sauvages  attaquent  cet  animal  est  vrai  jusque  dans  ses  moindres  dé- 
tails. Du  reste,  tout  ce  que  nous  avons  dit  de  l'ours  brun  lui  est  applicable,  à 
cette  seule  différence  qu'il  ne  se  nourrit  de  graines,  de  fruits  et  de  racines  que 
lorsque  le  carnage  lui  manque.  Un  fait  singulier,  c'est  que  M.  Clinton  a  cru  re- 
connaître dans  le  squelette  de  cet  ours  une  parfaite  identité  avec  les  ossements 
fossiles  dont  M.  Jefferson  et,  après  lui,  G.  Cuvier  ont  rebâti  l'être  extraordinaire 
auquel  ils  ont  donné  le  nom  paléontologique  de  mégalonyx. 


2=  Genbe.  Les  ARCTONYX  (  .4rr(07U/.T,  Fr. 
Civ.)  semblent  faire  te  passage  naturel  des  car- 
nassiers avec  tes  pactiydermes-coctions  ;  ils  ont 
six  incisives  égales  et  petites,  et  deux  longues 
canines  à  ctiaque  màcfioirc  Leurs  yeux,  leur 
groin  et  leur  queue  sont  seml>lables  à  ceux  du 
cochon,  mais  ils  ont  le  port,  les  formes  géné- 
rales et  les  griffes  d'un  ours. 

Le  Bali-Sai  II  {Arctonyx  collari.<;,TR.  Clv.) 
Iiabite  les  environs  de  Barackpour,  dans  l'Inde. 
11  est  d'un  blanc  jaunâtre  onde  de  noir,  jaune 
sous  la  gorge,  avec  une  bande  d'un  jaune  mat 
qui  commence  au  museau,  traverse  l'œil  et  va 
contourner  l'épaule  :  son  poil  est  ras  sous  le 
ventre,  rude  et  grossier;  il  a  les  oreilles  courtes 
et  le  groin  couleur  de  cliair.  En  indou  son 
nom  signifie  cochon  de  sable,  et  il  le  doit  non- 
seulement  .'i  sa  physionomie,  mais  encore  à  son 
cri,  qui  est  un  véritable  grognement.  Du  reste, 
ses  habitudes  sont  lentes  et  paresseuses. 

3e  Ge^be.  Les  PANDA  (Ailiirus,  Fb.  Tuv.». 
Si  le  genre  arctonyx  est  intermédiaire  entre  les 
ours  et  les  cochons,  celui-ci  l'est  entre  les  ours  et 
les  civettes,  en  passant  par  les  ratons.  11  diffère 
de  ces  derniers  en  ce  qu'il  n'a  qu'une  fausse 
molaire  au  lien  de  trois  à  chaque  mâchoire;  ses 
incisives,  au  nDnil)re  de  six,  sont  lobées  ;  ses  ca- 
nines supérieures  sont  droites.  Quoique  ces  ani- 


maux soient  décidément  plantigrndes,  leur  plante 
des  pieds  est  entièiement  couverte  de  poils,  et 
leurs  ongles  sont  à  demi  rélractiles. 

Le  CiUTWA  ou  Ou\  {Ailurus  fulgens,  Fii. 
Cijv.l  est  d'un  roux  brillant  en  dessus;  d'un  noir 
foncé  en  dessous  et  à  l'extrémité  des  membres  ; 
sa  fourrure  est  très-épaisse;  sa  tèle  est  blan- 
che, son  museau  noir  et  son  front  fauve;  sa 
queue,  longue  et  touffue,  est  annelée  de  roux 
clair  et  de  roux  pâle.  La  grosseur  de  cet  ain'mal 
est  à  peu  près  celle  d'un  ch  it.  11  habite  les  Indes 
orientales;  il  se  plaît  sur  le  bord  des  torrents  et 
des  rivières  qui  descendent  des  montagnes,  et  se 
nourrit  de  petits  uiammilères  et  d'ois-aux,  qu'il 
poursuit  ou  surprend  jusqu'au  sommet  des  ar- 
bres. Son  cri,  oiiii,  oua,  (pi'il  répète  souvent,  le 
fait  découvrir  par  les  ch;isseurs. 

4"  Genbe.  Les  RATOXS  (Frocyion,  Stoiib.) 
ont  quarante  dents  :  six  inc'sivrs,  deux  canices 
et  douze  molaires  à  chaque  mâchoire.  Les  trois 
dernières  molaires  ont  leur  couronne  munie  de 
tubercules  mousses  ;  ils  ont  à  chaque  |)ied  cinq 
doigts  pourvus  d  ongles  acérés  ;  leur  (|iieue  est 
non  prenante,  poilue,  fort  longue;  ils  manquent 
rie  follicules  anales,  et  ont  six  mamelles  ven- 
trales; leurs  membres  .•■ont  courts  et  leur  Icie 
triangulaire,  large,  terminée  pai'  un  museau 
fin. 


S£^    ^^^^^î 


IM.A.M  KJIAMIS. 


1i5 


Le  RACCOOX  ou  MAPACU  [Procijon  lotor,  Is.  Gfoff.  i'rsnslolor^  I.in.  \.v  Haldii, 
BuFF.  Le  Rnlon  laveur 

Est  d'un  f^ris  brun;  il  a  le  museau  blanc,  avec  un  trait  brun  qui  lui  traverse 
les  yeux  et  descend  sur  les  joues  en  se  portant  en  arrière;  sa  queue  est  annelec 
de  brun  et  de  blanc.  11  est  à  peu  près  de  la  grandeur  d'un  renard,  et  a  de  lon- 
gueur totale  deux  pieds  cinq  pouces  (0,785). 

Le  poil  de  cet  animal  est  long,  doux,  touffu;  ses  yeux  sont  grands,  dun  vert 
jaunâtre,  pleins  de  finesse  et  de  vivacité,  ce  qui  n'est  pas  commun  dans  les  ani- 
maux de  sa  classe;  son  corps  est  court  et  épais,  mais  néainnoins  plein  d'agilité  : 
aussi  saute-l-il  plutôt  qu'il  ne  marche,  et  ses  mouvements,  quoique  oblirpics. 
sont  prompts,  légers  et  gracieux;  ses  ongles,  pointus  comme  des  épingles,  lui 
donnent  une  grande  facilite  pour  monter  sur  les  arbres;  on  le  voit  quelquefois 
grimper  le  long  de  leur  tronc  avec  une  légèreté  surprenante,  et  courir  sur  les 
branches  les  plus  minces  et  les  plus  flexibles  avec  la  même  assurance  que  s'il 
était  à  terre. 

Il  n'est  pas  d'un  caractère  farouche,  mais  il  est  défiant;  aussi  ne  quitte-t-il 
guère  les  forêts  pour  s'avancer  dans  la  plaine  près  des  habitations,  comme  font 
les  renards  et  antres  petits  carnassiers  redoutés  dans  les  basses-cours.  Il  se  phiît 
particulièrement  le  long  des  vallées boiséeset  solitaires  arrosées  par  des  ruisseaux 
et  des  petites  rivières,  dont  il  suit  les  bordspour  surprendre  les  rats  d'eau,  les  rep- 
tiles, et  même  les  poissons  et  les  écrevisses  ;  à  leur  défaut,  il  se  contente  de  chas- 
ser aux  insectes,  et  même  il  se  nourrit  de  fruits,  de  graines  et  de  racines  tuber- 
culeuses. Mais  la  nourriture  qui  lui  plaît  le  plus,  celle  à  la  recherche  de  laquelle 
il  s'occupe  constannnent,  consiste  en  œufs  et  eu  oiseaux,  dont  il  s'empare  avec 
beaucoup  d'adresse.  Le  soir,  lorsque  la  nuit  couuuence  à  euvelopper  les  forêts 
de  son  ombre,  le  raton  quitte  le  bord  du  ruisseau  sur  lequel  il  s'était  tenu  en 

19 


IW  LES  CARNIVORES  PLANTIGRADES. 

embuscade  pendant  le  jour,  et  se  met  en  quête.  11  visite  les  joncs  des  marais  pour 
cliercher  les  nids  de  canards  et  autres  oiseaux  d'eau,  que  l'excellence  de  son 
odorat  lui  fait  aisément  reconnaître.  S'il  est  assez  heureux  pour  surprendre 
une  troupe  de  jeunes  halbrans  ne  pouvant  pas  encore  voler,  il  en  mange  un 
ou  deux  sans  inquiéter  les  autres;  mais  chaque  nuit  il  revient  prélever  le  même 
impôt  sur  la  couvée,  jusqu'à  ce  qu'il  l'ait  entièrement  détruite. 

Si  les  oiseaux  d'eau  manquent  au  raton,  il  s'enfonce  dans  les  forêts  et  grimpe 
sur  tous  les  arbres  qui  lui  paraissent  cacher,  dans  l'épaisseur  de  leur  feuillage, 
(pielques  faibles  habitants  des  bois,  soit  des  oiseaux,  soit  des  écureuils  ou  autres 
rongeurs.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  qu'il  se  trompe  rarement.  Est-ce  son 
intelligence  qui  lui  fait  reconnaître  l'arbre  qui  recèle  sa  proie,  ou  bien  est-ce  la 
finesse  de  son  nez  qui  la  lui  fait  découvrir  de  fort  loin?  C'est  ce  que  les  cbas- 
seurs  n'ont  pas  encore  pu  décider. 

Tous  les  naturalistes  qui  ont  vu  des  ratons  en  captivité  ont  observé  les  mêmes 
faits.  Je  vais  donc  laisser  parler  notre  grand  écrivain  :  «  Cet  animal  trempait 
dans  l'eau,  ou  plutôt  il  détrempait  tout  ce  qu'il  voulait  manger;  il  jetait  son  pain 
dans  sa  terrine  d'eau,  et  ne  l'en  retirait  que  quand  il  le  voyait  bien  imbibé,  à 
moins  qu'il  ne  fût  pressé  par  la  faim,  car  alors  il  prenait  la  nourriture  sèche  et 
telle  qu'on  la  lui  présentait.  Il  furetait  partout,  mangeait  aussi  de  tout,  de  la 
chair  crue  ou  cuite,  du  poisson,  des  œufs,  des  volailles  vivantes,  des  graines, 
des  racines,  etc.  Il  mangeait  aussi  de  toutes  sortes  d'insectes;  il  se  plaisait  à 
chercher  des  araignées,  et  lorsqu'il  était  en  liberté  dans  un  jardin,  il  prenait 
les  limaçons,  les  hannetons,  les  vers.  Il  aimait  le  sucre,  le  lait  et  les  autres  nour- 
ritures douces  par-dessus  toutes  choses,  à  l'exception  des  fruits,  auxquels  il 
préférait  la  chair,  et  surtout  le  poisson.  Il  se  retirait  au  loin  pour  faire  ses 
besoins;  au  reste,  il  était  familier  et  même  caressant,  sautant  sur  les  gens  qu'il 
aimait,  jouant  volontiers  et  d'assez  bonne  grâce,  leste,  agile,  toujours  en  mou- 
vement. Il  m'a  paru  tenir  beaucoup  de  la  nature  du  maki  et  un  peu  des  qualités 
du  chien.  » 

La  ménagerie  a  autrefois  [»ossédé  un  raton  qui  avait  absolument  les  mêmes 
babitudes.  Quand  je  voulais  m'amuser  à  ses  dépens,  je  lui  donnais  un  morceau 
de  sucre.  Aussitôt  il  le  portait  dans  sa  terrine  d'eau  pour  le  délayer,  et  rien 
n'était  plus  comique  que  ses  démonstrations  d'élonnement  lorsque,  le  sucre 
clant  fondu,  il  ne  retrouvait  plus  rien  dans  le  vase.  Le  raton  laveur  habite 
1  Amérique  septentrionale. 


PLANTIGRADES. 


1i7 


1$è^.f> 


L'Agnuarajïopf 


L'agoUARAPOPÉ  ou  raton  cr.ABiER  Procijon  caHcrivorus,  Gk.kk  I.c  (Jucii 
vrabier  de  La  Bordk.  Le  Balon  crabier,  Buff.  ' 

A  vingt-cinq  pouces  ^0,677)  de  longueur  totale;  son  poil  est  plus  court,  fauve, 
mêlé  de  gris  et  de  noir,  et  assez  uniforme  en  chissus;  d'un  Manc  jaunâtre  en 
tlessoiis;  ses  pattes  sont  l)runâtres,  et  sa  (pieue,  plus  longue,  est  niarcpiée  de 
Imit  ou  neuf  anneaux  noirâtres,  (pielquefois  peu  apparents.  Connnuii  à  la 
Guyane,  il  cherche  sur  les  rivages  les  crahes,  dont  il  fait  sa  principale  nour- 
riture, et  d'où  lui  est  venu  son  nom.  Ses  habitudes  dilférent  peu  de  celles  du 
piecedenl,  mais  il  est  d'un  caiactère  plus  timide. 

Du  reste,  les  ratons,  étant  tous  fort  mal  armés,  ont  le  sentiment  de  leur  fai- 
blesse, et  sont  doués  d'une  intelligence  très-développée.  Si,  à  la  ménagerie,  une 
personne  étrangère  se  présente  devant  la  loge  de  ces  animaux,  aussitôt  le  rat(»n 
s'enfuit  et  se  cache  dans  le  coin  le  plus  obscur  en  donnant  les  signes  les  plus 
énergiques  de  son  ellroi.  Les  deux  espèces  dont  nous  donnons  ici  les  ligures 
sont  les  seules  ijui  aient  été  reconnues  par  les  naturalistes,  et  bien  décrites  |)ar 
eux;  l'une,  connue  on  l'a  vu,  ap|)artient  à  rAméri(pu'  du  nord,  l'autre  à  l'Amé- 
rique du  sud.  On  rapporte  à  la  première,  connue  variétés,  le  ralon  bUmc , 
de  Brisson,  le  ralon  fauve  et  le  ralon  du  Brésil  ;  mais  ce  dernier,  s'il  était 
bien  étudie,  formerait  probablement  une  esi»èce  sullisannuent  tranchée, 
connue  le  pense  M.  Isidore  (leollroy,  ainsi  cpie  le  ralon  à  (foriie  brune,  du  [lays 
des  Hurons.  Un  individu  de  cette  dernière  espèce  cm  variété,  qui  existe  au 
cabinet  du  Jardin,  ne  diffère  en  rien  d'ini  autre  inilividu  du  mènu'  |iavs,  rpie 
M.  Isidt>ro  deoffroy  a  vu  au  cabinet  d  histoire  naturelle  de  (leneve.  Il  résulterait 


1(8 


LliS  CAKiMVOHES   PLAN TiGR ADES. 


(le  tout  ceci  (juil  existe  réellement  quatre  espèces  de  ratons,  dont  deux  n'au- 
raient pas  été  suffisamment  décrites.  Nous  remarquerons  que  ces  animaux,  quoi- 
(jue  placés  parmi  les  plantigrades,  relèvent  le  talon  en  marchant,  et  n'appuient 
((ue  les  doigts  sur  le  sol;  ils  ne  posent  la  plante  des  pieds  sur  la  terre  que  dans 
le  repos.  C'est  un  des  mille  exemples  qui  prouvent  que  la  nature  se  tient  presque 
constamment  en  d(diors  des  lois  absolues  que  nous  voulons  lui  imposer,  et  que 
nos  méthodes  prét<!iidnes  naturelles  lui  sont  tout  à  fait  étrangères. 


5"  CtEisbe.  Les  BKXTOl'ROXGS  (  Ictidcs, 
^  ALESii:.  Arriirtis,  Teaim.i  ont  trente-six  dents  : 
six  incisives,  deux  cnnincs  et  dix  molaires  à  cha- 
(|ue  mâchoire;  les  canines  longues  et  compri- 
nii'es,  tranchantes;  corps  trapu;  tète  grosse; 
\eii\  petits  ;  oreilles  velues,  arrondies  et  petites; 
cinq  ongles  crochus,  comprimés,  non  contrac- 
tiles, à  chaque  pied  ;  queue  prenante,  mais  en- 
tièi-enicnt  velue. 

Le  BE\TOLno>(;  .\oiii  (  l<  Viles  aler,  Fn.  Cuv.) 
est  un  peu  plus  grand  que  le  Bentourong  à  front 
Itlanc,  dont  il  serait  possible  qu'il  ne  fût  qu'une 
variété.  Son  pelage  est  enliérenicnt  d'un  gris 
noirâtre.  Il  habite  Java. 

Le  Bentol'koat,   dobé  (  Icti  les   am-.us,  Va- 


LE.Nc.  Paradoxiinis  aweits,  Fa.  Cuv.)  est  cou- 
vert de  poils  trcs-longs,  soyeux,  d'un  brun  fauve 
doré  et  uniforme.  On  le  croit  de  l'Inde. 

Le  Bi:^T0UR0.\(;  a  front  dla>c  (  Irhdcs  albi- 
frons,  Valf.nc.  Paradoxurus  albifruns,  Fr.Ci3\. 
Le  Bcntiirotig,  Raffl.)  a  deux  pieds  (0,650)  de 
longueur,  non  compris  la  queue,  qui  a  deux 
pieds  six  pouces  (0,812).  Son  pelage  est  com- 
posé de  longues  soies  noires  et  blanches,  excepté 
sur  la  tète  et  sur  les  membres,  où  le  poil  est 
court  ;  sou  museau  et  son  front  sont  presque 
lianes,  avec  une  tache  noire  sur  l'œil  s'éten- 
dant  jusqu'à  l'oreille;  sa  queue  et  ses  pattes 
sont  noirâtres  ;  ses  moustaches  très-longues  et 
très-epaisses  ;  ses  oreilles  bordées  de  blanc. 


Cette  espèce  se  trouve  dans  l'intérieur  de  l'Inde;  elle  est  nocturne  et  dort 
pendant  le  jour.  Le  soir  elle  se  réveille  pour  se  mettre  à  la  recherche  des  in- 
sectes, des  fruits  et  des  petits  animaux  dont  elle  se  nourrit. 

Les  bentourongs  se  rapprochent  beaucoup  des  ratons  par  la  forme  de  leurs 
dents  et  par  leur  marche  plantigrade.  Ils  lient  aussi  ce  genre  aux  civettes,  et 
principalement  aux  paradoxures,  dont  ils  sont  très-voisins,  par  l'ensemble  de 
leur  organisation.  C'est  à  M.  Diivaucel,  mort  dans  l'Inde,  que  l'on  doit  la  con- 
naissance de  ces  animaux,  qui  ont  été  plusieurs  fois  observés  depuis,  mais  sans 
(lu'oii  nous  ail  rien  transmis  d'intéressant  sur  leurs  mœurs  et  leurs  habitudes. 


PLAMIGUAUEs. 


149 


^^ 


6*  (iE^BE.  Les  PARADOXl'RES  {Parado.xii-  tractiles;  leur  plante  des  pieds  esl  luhereiileiise, 

riis,  Fr.  Cuv.)  ont  quarante  dents  :  six  incisives,  et  ils  l'appuient  entièrement  sur  le  sol  en  luar- 

deux  canines  et  douze  molaires  à  chaque  ma-  chaut,  ce  qui  les  sépare  des  ciNctles  et  des  ^c- 

choire  ;  leur  queue  n'est  pas  prenante,  mais  elle  nettes, avec  lescpielles ils  ont  d  ailleuis beaucoup 

a  la  faculté  de  s'enrouler  de  dessus  eu  dessous  d'alRuité;  leurs  yeux  ont  une  piq.ille  longilu- 

jiisqu'à  sa  base  ;  les  doigts,  presque  palmés,  soûl  diuale  ;  ils  manquent  de  poche  près  de  l'anus, 

au  nombre  de  cinq,  aimés  d'ongles  à  demi  ré-  Ces  animaux  sont  très-carnassiers. 

Le  POL'GOUNIÉ  [Parailoxurus  tijpns,  Fr.  Cuv.  Viverra  nigra,  Dksm.  Viveim 
(inicllii,  Raffl.  La  Grncllc  de  France,  Buff.  Le  Musmig-sapiilul  el  la  Marie  des 
jKdiiiirrs  des  voyageurs 

A  trois  pieds  0,975)  de  longueur  totale;  il  est  diiu  noir  jaunâtre,  avec  trois 
rangées  de  taches  noirâtres,  peu  projioncées,  sur  les  côtés,  et  d'autres  eparses 
sur  les  cuisses  et  les  épaules;  il  a  une  tache  hlanche  au-dessus  de  l'œil,  et  une 
autre  au-dessous;  sa  queue  est  noire. 

Le  potigounié  est  un  animal  nocturne  qui  se  trouve  dans  les  Indes  orientales. 
Si  dans  le  jour  il  paraît  endormi  el  paresseux,  c'est  tout  différent  aussitôt  que 
le  crépuscule  descend  sur  les  forêts  qu'il  hahite;  il  déploie  alors  une  grande 
vivacité,  et  c'est  un  vrai  mouvement  perpétuel.  Toujours  furetant  comme  un 
chat,  grimpant,  sautant  comme  un  écureuil,  il  est  occupe  à  faire  la  chasse  aux 
oiseaux,  à  dénicher  leurs  œufs  et  leurs  petits,  dont  il  est  très- friand.  Il  grimpe 
sur  les  palmiers  avec  la  plus  grande  agilité,  s'y  maintient  aisément  au  moyen 
de  sa  queue,  et  y  poursuit  les  petits  mannnifères.  Il  est  très-carnassier;  c'est 
a  peu  près  tout  ce  qu'on  sait  de  sou  histoire.  Un  de  ces  animaux  s'échappa  un 
jour  du  .lardin  des  IMantes,  et,  loin  de  se  jeter  dans  les  champs,  il  remonta  de 
maison  on  maison  le  long  du  houlevard  intérieur  jusqu'à  la  harriére  d'Enfer, 


150 


LES  CARNIVORES   PLANTIGRADES. 


on  je  l'aperçus,  un  mois  après  sa  fuite,  jouant  avec  un  jeune  chat  sur  le  tuyau 
d'une  cheminée.  Aussitôt  on  le  reprit  sans  (ju'il  ait  fait  grande  résistance,  et 
il  fut  reporté  à  la  ménagerie.  La  liberté  dont  il  avait  joui  avait  rendu  son  pe- 
lage brillant  et  magnifique,  mais  l'animal  ne  paraissait  pas  en  être  devenu  plus 
farouche.  J'ai  toujours  pensé  depuis  qu'on  pourrait  aisément  le  soumettre  à  la 
domesticité. 


Le  MiiSANG-BuLAN  ou  LuwACii  (  Paradoxurus 
mvsang. —  Viverra  musanga,  Rvffl.  Le  Mu- 
saiiq,  Mahsd.)  est  plus  petit,  sa  grosseur  attei- 
gnant au  plus  celle  d'un  chat;  son  pelage  est 
d'un  fauve  foncé,  mélangé  de  noir  ;  sa  queue  est 
noire,  excepté  deux  pouces  (0,054)  de  son  extré- 
mité qui  sont  d'un  blanc  pur,  et  ce  caractère  le 
différencie  fort  bien  du  précédent.  1!  habite  Java 
et  Sumatra.  Je  crois  que  c'est  à  cette  espèce 
(|u'il  faut  rapporter  la  Genelte  du  cap  de  Bonne- 
Esperance,  de  Buffou. 

Le  DELu^Du^G  ou  Linsang  (  Paradoxurus 
prehensilis.  —  i'iverra  prehensilis ,  Desm.,  de 
Rlainv.  Viverra  gracilis.  Hors.  Viverralinsang, 
Hardw.),  plus  petite  encore  que  la  précédente, 
ne  dépasse  guère  la  taille  d'une  fouine.  Son  pe- 
lage est  d'un  jaune  verdàtre  ;  la  ligne  dorsale, 
les  pattes  et  la  queue  sont  noires  ;  elle  a  deux 
lignes  de  taches  allongées  noires  près  du  ilos,  et 
beaucoup  de  petites  taches  orbiculaires  sur  les 
lianes.  Il  habite  le  Bengale. 


7'  Genre.  Les  COATIS  (Aasita,  G.  Cuv.) 
ont  quarante  dents  :  six  incisives,  deux  canines 
prismatiques  aplaties  et  douze  molaires  à  chaque 
mâchoire.  Ils  ont  à  chaque  pied  cinq  doigts  ar- 
més d'ongles  longs,  acérés;  leur  nez  est  extrê- 
mement allongé  et  mobile  ;  leur  queue  est  poi- 
lue, non  prenante  et  très-longue;  ils  manquent 
de  follicules  anales  et  ont  six  mamelles  ven- 
trales. 

Le  QiJACHi  {ISasua  rufa,  Fn.  Ci  v.  Mrerra 
nuiua,  Lin.  Le  Coali  roux,  G.  Cuv.)  a  deux 
pieds  cinq  pouces  ((),78o)  de  longueur;  il  est 
d'un  roux  vif  et  brillant,  un  peu  plus  sombre 
sur  le  dos;  son  museau  est  d'un  noir  grisâtre, 
avec  trois  taches  blanches  autour  de  chaque  œil, 
mais  sans  ligne  longitudinale  blanche  sur  le  nez. 
Il  habite  le  Brésil  et  la  Guyane,  et  ses  mœurs 
sont  absolument  celles  du  coati-mondi.  Il  est 
assez  singulier  que  l'on  ait  trouvé  en  Europe 
des  ossements  fossiles  de  ces  animaux,  analogues 
à  ceux  qui  vivent  aujourd'hui  en  Amérique. 


PI  AMICH  ADES. 


151 


Le  Coal.  Momli 


Le  COATI-MONDI  [Nasiia  fnscn.  Fr.  Civ.  Viverra  uasica.  Lin.  Le  (Umli  brun, 
G.  Cuv.  Le  Coati  noirâtre,  Buff.  Le  Blaireau  de  Sjirinnni ,  Briss.) 

Est  brun  ou  fauve  en  dessus,  d'un  gris  j.iunâlre  ou  orangé  en  dessous;  il  a 
trois  taches  Manches  autour  de  chaque  (eil,  et,  ce  qui  \o  distingue  phis  parti- 
culièrement du  précédent,  une  ligne  longitudinale  Manche  le  long  du  nez.  Du 
reste,  son  pelage  varie  beaucoup  de  couleur. 

Quoique  les  coatis  aient  une  pupille  très-dilatable,  on  ne  peut  pas  dire  qu'ils 
soient  des  animaux  nocturnes,  et,  si  l'on  en  croit  Linné,  ils  sont  très-singu- 
liers sous  ce  rapport.  Ce  grand  naturaliste  en  avait  un  qui  dormait  depuis  mi- 
nuit jusiiu'à  midi,  veillait  le  reste  du  jour,  et  se  promenait  régulièrement  depuis 
six  heures  du  soir  jusqu'à  minuit,  quelque  temps  (ju'il  fit.  Il  parait  cepen<lant 
que  dans  les  forêts  du  Brésil,  du  Paraguay  et  de  la  Guyane,  où  cet  animal  est 
assez  commun,  il  chasse  depuis  le  matin  jusqu'au  soir,  et  dort  toute  la  nuit. 
De  tous  les  carnassiers,  les  coatis  et  les  ours  devraient  être  les  plus  omnivores, 
si  on  en  juge  par  leur  système  dentaire,  et  néanmoins  les  premiers  se  nour- 
rissent entièrement  de  substances  animales  :  aussi  sont-ils  cruels,  et  ont-ils 
toutes  les  habitudes  féroces  des  martes,  des  fouines,  des  renards  et  autres  car- 
nivores. S'ils  peuvent  pénétrer  dans  une  basse-cour,  ils  n'en  sortent  pas  (pi'ils 
n'aient  tué  toutes  les  volailles,  qu'ils  ne  leur  aient  mange  la  tète  et  suce  le  sang. 
En  esclavage,  ils  deviennent  assez  familiers,  et  reçoivent  les  caresses  qu'on  leur 
fait  avec  un  certain  plaisir,  et  en  faisant  entendre  un  petit  sifflement  doux; 
mais  ils  ne  les  rendent  jamais  et  ne  paraissent  capables  d'aucun  atlachenu'nt. 
Ils  ont  dans  le  caractère  une  opiniâtreté  invincible,  et  rien  n'est  capable  de  leur 
faire  faire  une  chose  contre  leur  volonté.  Lu  coati  est-il  en  repos,  il  y  reste 
malgré  tous  les  moyens  que  l'on  peut  mettre  en  usage  pour  l'en  faire  sortir; 


152  LES  CARNIVORES  PLANTIGRADES. 

si  l'on  emploie  la  force  pour  l'excitera  changer  de  place,  il  se  cramponne,  s'ac- 
croche comme  il  peut  aux  corps  environnants,  résiste  de  toute  la  puissance  de 
ses  forces,  et  finit,  dans  sa  colère  furieuse,  par  se  jeter  dans  les  jambes  de  ses 
provocateurs,  en  aboyant  d'une  voix  très-aiguë.  Si  l'on  veut  l'arrêter  dans  sa  mar- 
che, le  détourner  de  l'endroit  où  il  veut  aller,  le  faire  sortir  d'un  appartemeni, 
en  un  mot,  le  contrarier  dans  sa  volonté  de  fer,  il  faut  constamment  employer 
la  violence;  contraint  par  la  force,  vaincu  dans  ses  efforts,  il  se  laisse  traîner, 
mais  il  n'obéit  pas,  et  recommence  la  résistance  dés  qu'il  le  peut.  Sa  curiosité 
ne  le  cède  guère  à  son  opiniâtreté,  et  ces  deux  défauts,  poussés  à  l'extrême,  le 
rendent  fort  incommode  dans  un  appartement.  Aussitôt  entré  dans  une  cham- 
bre, il  commence  par  en  visiter  tous  les  coins;  il  va  furetant,  fouillant  par- 
tout, tournant  et  retournant  chaque  chose  pour  la  considérer,  déplaçant  tous 
les  objets  qu'il  peut  atteindre,  sautant  sur  les  meubles  avec  plus  de  légèreté 
qu'un  chat,  grimpant  aux  rideaux  des  lits,  entin  mettant  tout  sens  dessus  des- 
sous. Il  résulte  de  ces  habitudes  désagréables  que  l'on  est  obligé  de  le  tenir 
constamment  à  la  chaîne,  quelque  apprivoisé  qu'il  soit.  En  outre,  son  carac- 
tère est  tellement  mobile,  que  chez  lui  les  caprices  se  succèdent  presque  toute 
la  journée,  et  il  passera  dix  fois  par  heure  de  la  joie  à  la  tristesse,  de  la  tran- 
quillité à  la  colère,  sans  aucune  cause  apparente.  Ajoutez  à  cela  (|u'il  est  d'une 
méfiance  extrême,  qu'il  a  la  singulière  habitude  d'aller  flairer  les  excréments 
qu'il  vient  de  faire,  qu'il  exhale  une  odeur  forte  et  désagréable,  qu'il  est  voleur 
comme  un  chat,  et  s'empare  délibérément  de  tout  ce  qui  est  à  sa  convenance, 
sans  qu'aucune  correction  puisse  l'en  empêcher  ni  le  corriger  de  ses  défauts, 
et  vous  aurez  le  portrait  peu  flatteur,  mais  vrai,  d'un  commensal  nullement 
aimable. 

A  l'état  sauvage,  le  coati-mondi  ne  quitte  pas  les  forêts  les  plus  sauvages.  11 
grimpe  sur  les  arbres  avec  toute  l'agilité  d'un  singe,  et,  ce  qu'il  y  a  d'extraor- 
dinaire, c'est  qu'il  est  le  seul  animal  de  son  ordre  qui  en  descende  dans  une 
position  renversée,  c'est-à-dire  la  tète  en  bas.  11  doit  cette  étonnante  faculté  à 
la  conformation  particulière  de  ses  pieds  de  derrière,  qui  lui  permet  de  les  re- 
tourner de  manière  à  pouvoir  se  suspendre  par  ses  grifl'es.  Tout  son  temps  est 
occupé  à  la  chasse  aux  oiseaux  et  à  la  recherche  de  Itur  nid,  ou  à  poursuivre 
les  petits  mammifères.  Il  ne  laisse  pas  pour  cela  de  se  nourrir  d'insectes,  et, 
pour  les  trouver,  il  fouille  très-aisément  la  terre  avec  son  boutoir,  ou  plutôt  sa 
trompe,  qu'il  meut  dans  tous  les  sens  et  continuellement,  même  quand  il  n'a 
pas  besoin  de  s'en  servir.  Lorsqu'il  boit,  il  a  bien  soin  de  la  relever  afin  de  ne 
pas  la  mouiller,  et  alors  il  lape  comme  un  chien.  Cet  animal  turbulent  ne  se 
creuse  pas  de  terrier,  ainsi  que  l'ont  avancé  la  plupart  des  naturalistes,  mais 
il  se  loge  dans  des  trous  d'arbre.  11  vit  en  troupe  assez  nombreuse,  et,  selon 
Azzara,  quand  on  les  surprend  sur  un  arbre  isolé  que  l'on  fait  semblant  d'a- 
battre, tous  se  laissent  aussitôt  tomber  comme  des  masses.  Pour  porter  les  ali- 
ments à  la  bouche,  les  coatis  se  servent  de  leurs  pattes  de  devant,  mais  non  pas 
à  la  manière  des  écureuils  et  autres  rongeurs;  ils  commencent  à  diviser  en  lam- 
beaux la  chair  de  leur  proie,  au  moyen  de  leurs  griffes,  puis  ils  enfilent  un 
morceau  avec  leurs  ongles  cl  le  portent  à  leur  bouche  comme  ferait  un  honmie 
avec  une  fourchette. 


PLANTIGKAhKS  l.Vl 

La  rcuii'llc  l'ail  de  Irids  a  ciiKj  petits,  (|irt'li<'  elevf  avec  tendresse,  et  parmi 
lesquels  se  trouvent  constanniient  plus  de  niàles  que  de  femelles.  Aussi,  (pi<ind 
leur  éducation  est  terminée,  la  tionpe  sempresse-t-elle  de  chasser  ses  mâles 
surabondants  ;  ils  vont  rôder  solitairement  dans  les  l'orèts  juscpià  ce  (|ue  le  ha- 
sard leur  ait  fait  rencontrer  une  compafïue,  avec  laquelle  ils  viennent  vivre  en 
société  dans  la  première  tiiHijie  (pi'ils  rencoidrent.  Les  coatis  marchent  lonjours 
la  queue  élevée,  mais  non  pas  inclinée  sur  le  dos. 


S'  (itMiK.  Les  UL.VIKEATX  (  Mcirs,  Bui.s.s.)  focli- ;  on  tour  troii\esi\  iiKiiiidlcs,  deux  pccto- 

oiil  Irenle-six  dents  :  six  incisives  cl  doux  Ciini-  raies  et  quatre  ventrales, 

nés  en  liant  et  en  has;  huit  molaires  à  la  nià-  Le  Ri.aihkau  c(»>i>ii  \  (Mrhs  inlijnris,  Dksm. 

elioii'e  supérieure  et  douze  à  liuférieuie  ;  leur  Iriiis  uiilif.  Ln.  Le  lilaniaii,  Riff.  Le  7'«(.v- 

corps  est  Irapn,  l)as  sur  janihes,  ee  (jui  leur  .son  de  quelques  elinssenrs    est  d'un  pris  lii'un 

donne  iMU"  inaretie  rampante  ;  ils  ont  ein(|  doigls  en  dessus,  noir  en  dessous  ;  il  a.  de  clia(|ue  cote 

a  etia((iie  pied,  ceux  de  devant  armés  d'onçlos  de  la  tète,  une  bande  lonpiludinale  uoiie,  pa.s- 

loufzs  et  rol)ustes,  piopies  à  louir  la  lerie;  la  sarit  sur  les  yeux  et  les  oreilles,  et  une  autre 

(pieue  est  comte,  velue;  ils  ont   près  de  l'anus  bande  binnehe  sous  celles-ci,  s'élendant  depuis 

une  poche  remplie  d'une  humeur  grasse  et  iii  l'épaule  justpi'à  la  moustache. 


«  Le  Idaireau,  dit  Bull'on,  est  un  animal  paresseux,  déliant,  solitaire,  qui  se 
retire  dans  les  lieux  les  plus  écartes,  dans  les  hois  les  plus  sombres,  et  s'y  creuse 
une  demeure  souterraine;  il  sendde  fuir  la  société,  même  la  lumière,  et  passe 
les  trois  (|uarts  de  sa  vie  dans  ce  séjour  ténébreux,  dont  il  ne  sort  que  pour 
chercher  sa  subsistance,  (^omme  il  a  le  corps  allongé,  les  jambes  courtes,  les 
ongles,  surtout  ceux  des  pieds  de  devant,  très-longs  et  très-fermes,  il  a  plus  de 
facilité  (prnn  autre  pour  ouvrir  la  terre,  y  fouiller,  y  pénétrer,  et  jeter  derrière 
lui  les  déblais  de  son  excavation,  qu'il  rend  tortueuse,  oblique,  et  (|u'il  pousse 
quelquefois  fort  loin.  Le  renard,  (|ui  n'a  pas  la  même  facilité  pour  creuser  la 
terre,  profite  de  ses  travaux  :  ne  pouvant  le  contraindre  par  la  force,  il  l'oblige 
par  adresse  à  quitter  son  domicile,  en  l'inquiétant,  en  faisant  sentinelle  à  l'en- 
trée, en  l'infectant  même  de  ses  ordures;  ensuite,  il  s'en  empare,  l'élargit, 
l'approprie,  et  en  fait  son  terrier.  I>e  blaireau,  forcé  à  changer  de  manoir,  ne 
change  pas  de  pays;  il  ne  va  qu'a  (pielque  distance  travailler  sur  nouveaux  frais 
à  se  pratiquer  un  autre  gîte,  dont  il  ne  sort  que  la  nuit,  dont  il  ne  s'écarte 
guère,  et  où  il  revient  dés  qu'il  sent  quehpie  danger.  Il  n'a  que  ce  moyen  de  se 
mettre  en  sûreté,  car  il  ne  peut  échapper  par  la  fuite  :  il  a  les  jambes  trop 
courtes  ])our  pouvoir  bien  courir.  Les  chiens  l'atteignent  promptement  lors- 
(ju'ils  le  surprennent  à  quelque  distance  de  son  trou  ;  cependant  il  est  rare 
qu'ils  l'arrêtent  tout  à  fait,  et  qu'ils  en  viennent  à  bout,  à  moins  qu'on  ne  les 
aide.  Le  blaireau  a  les  poils  très-épais,  les  jambes,  les  mâchoires  et  les  dents 
tres-fortes,  aussi  bien  que  les  ongles;  il  se  sert  de  toute  sa  force,  de  tonte  sa 
résistance  et  de  toutes  ses  armes,  en  se  couchant  sur  le  dos,  et  il  fait  aux  chiens 
de  |»rofondes  blessures.  Il  a  d'ailleurs  la  vie  très-dure;  il  com])at  longtemps,  se 
«léfend  courageusement  et  jusqu'à  la  dernière  extrémité.  » 

Le  blaireau  est  carnassier,  mais  cependant,  et  quoi  qu'en  aient  dit  les  natu- 
ralistes, il  ne  vit  guère  de  proie  que  lorsqu'il  ne  trouve  plus  de  graines,  de  baies 
et  autres  fruits.  Hans  ce  cas,  il  déterre  les  nids  de  guêpes  et  dabeilles-bonrdons 

20 


l.')V  LES   CAIIMVOIIKS    l»L  AM'IG  U  A  UES. 

pour  en  iiuuigcr  le  miel  cl  les  coiivjiins;  il  lail  la  chasse  aux  souris,  aux  nuilols, 
aux  serpents  et  autres  reptiles;  iljnaiTge  aussi  des  sauterelles,  des  liauuetousel 
toutes  sortes  d'insectes;  mais  ce  qu'il  préfère  à  tout,  ce  sont  les  raisins  et  les  épis 
de  maïs  avant  leur  parfaite  maturité.  S'il  rencontre  un  nid  de  perdrix  ou  d'autres 
oiseaux,  il  ne  manque  pas  d'en  briser  les  œufs,  et  l'on  dit  même  que  parfois  il 
creuse  et  perce  les  rabouillères  de  lapins  pour  dévorer  les  lapereaux.  Lorsqu'il 
est  pris  jeune  et  apprivoisé,  il  devient  très-familier,  joue  avec  les  chiens,  et. 
comme  eux,  suit  son  maître  et  répond  à  sa  voix.  11  est  extrêmement  facile  à 
nourrir,  et  mange  tout  ce  qu'on  lui  olTre,  de  la  chair,  des  œufs,  du  fromage,  du 
beurre,  du  pain,  du  poisson,  des  fruits,  des  noix,  des  graines  et  même  des  ra- 
cines. Dans  la  maison,  il  a  une  vie  tranquille,  il  n'est  pas  malfaisant  ni  incom- 
mode, car  il  n'est  ni  voleur  ni  gourmand. 

Sans  être  très-counnun  nulle  part,  le  blaireau  se  trouve  dans  toute  l'Europe 
et  dans  toute  l'Asie  tempérée.  C'est  un  animal  très-rusé  et  très-détiant,  qui  ne 
donne  que  bien  rarement  dans  les  pièges  qu'on  lui  tend.  Un  vieux  blaireau  qui 
s'aperçoit  du  lacet  tendu  à  l'entrée  de  son  terrier,  reste  quel(|uefois  cinq  ou  six 
jours  ou  davantage  sans  sortir,  s'il  ne  peut  se  creuser  une  autre  issue  à  cause  des 
rochers;  mais  enfin,  lorsqu'il  est  pressé  par  la  faim,  il  faut  bien  ipi'il  déloge. 
Après  avoir  sondé  longtemps  le  terrain,  après  avoir  cent  fois  hésité,  il  finit  par 
rouler  sou  corps  en  boule  aussi  roiule  que  possible,  s'élance,  fait  trois  ou  quatre 
culbutes  en  roulaut,  et  passe  ainsi  à  travers  le  lacet  sans  en  être  accroché,  à 
cause  de  la  forme  splieri(|U('  «pTil  a  prise.  Ce  fait,  tout  extraordinaire  (pi'il 
est,  n'en  est  pas  moins  certaiu  pcuir  les  chasseurs  allemands. 

On  prend  aisément  le  blaireau  dans  son  trou  eu  le  fumant,  c(»mnM'  ou  lait 
pour  les  renards,  ou  en  ouvrant  des  tranchées  et  en  le  déterrant.  Mais  pour  opé- 
rer de  cette  dernière  manière,  il  faut  avoir  un  chien  basset  parfaitement  dressé 
à  reconnaître  le  terrier,  à  y  pénétrer  et  à  y  contenir  le  blaireau  pendant  que 
les  chasseurs  travaillent  avec  la  pelle  et  la  pioche.  Si  le  chien  est  imprudent  et 
si,  ne  connaissant  pas  bien  son  métier,  il  joint  le  blaireau,  celui-ci  se  défend 
avec  une  telle  fureur,  que  l'assaillant,  souvent  estropié,  est  obligé  de  battre  en 
retraite.  11  arrive  encore  (pielquefois  que  le  malicieux  animal,  dès  (pi'il  en- 
tend le  chien,  fait  ébouler  la  terre  de  manière  à  couper  la  communication  cpii 
conduit  jusqu'à  lui.  Un  fait  singulier  c'est  qu'en  France,  et  en  France  seulement, 
presque  tous  les  blaireaux  ont  la  gale,  sans  (|ue  cette  maladie  paraisse  les  in- 
commoder; les  chiens  qui  entrent  dans  leurs  terriers  manquent  rarement  de  la 
prendre,  si  on  n'a  la  précaution  de  les  laver  avec  une  forte  dissolution  de  savon 
aussitôt  qu'on  est  de  retour  de  la  chasse.  nuel((uefois,  lorsque  le  blaireau  entend 
creuser  au-dessus  de  lui,  il  prend  une  détermination  désespérée,  et  sort  de  sou 
trou  malgré  le  chien.  Alors  commence  un  combat  furieux  dans  lequel  ce  dernier 
reçoit  toujours  quelques  blessures  graves.  Le  blaireau  a  les  mâchoires  tellement 
fortes,  qu'il  n'est  pas  rare  de  lui  voir  enlever,  d'un  seul  coup  de  dents,  un  lam- 
beau de  peau  et  de  chair,  laissant  une  plaie  de  trois  ou  quatre  pouces  de  dia- 
mètre. 

Les  Allemands  ont  une  manière  amusante  de  chasser  ces  animaux.  En  au- 
tomne, trois  ou  quatre  chasseurs  partent  ensemble,  à  nuit  close,  armés  de  bâ- 
tons et  munis  de  lanternes;  l'un  d'eux  i)orte  une  fourche;  ils  conduisent  à  la 


1*1  AM'K".  i;  AhKS 


i:)ô 


laisse  (Unix  bassets  et  un  eliieii  coiiraul  lion  (jiièleiii'.  lisse  reiuleiil  dans  les  lieux 
(ju'ils  savent  liahilés  i)ar  les  blaireaux,  et  à  proximité  de  leurs  terriers;  là,  ils 
lâchent  leur  chien  courant,  qui  se  met  en  (jnète  et  a  buMilôl  rencontré  un  de 
ces  animaux.  On  découplé  les  bassets,  on  rappelle  le  courant,  et  l'on  se  met  à 
la  poursuite  de  l'animal,  qui  ne  tarde  pas  à  être  atteint  par  les  chiens,  et  (|ui  se 
défend  vigoureusement  des  dents  et  des  grilTes.  Le  chasseur  ((ui  porte  la  l'ourcbc 
la  lui  passe  au  cou,  le  couche  à  terre,  et  les  autres  chasseurs  l'assounneiil  à  coups 
de  bâton.  Si  on  veut  le  preiulre  vivant,  on  lui  enronce  au-dessous  de  la  mâchoire 
inférieure  un  crochet  de  fer  emmanché  dun  bâton,  on  le  soulève  et  on  le  jetlc 
dans  un  sac  que  l'on  noue  en  dessus,  après  avoir  bâillonné  l'animal.  Sa  peau 
sert  à  couvrir  des  colliers  de  chevaux,  des  malles,  etc.,  et  nos  pères  accordaieni 
à  sa  graisse  des  propriétés  médicales  qu'elle  n'a  pas. 

Le  mâle  et  la  femelle  de  blaireau  vivent  solitairement,  chacun  de  sou  côte; 
celle-ci  met  bas  en  été,  et  fait  trois  ou  (juaire  petits,  dont  elle  a  le  ]»lus  grand 
soin.  Elle  leur  prépare  un  lit  avec  de  l'herbe  douce  quelle  a  l'industrie  de 
réunir  en  utie  sorte  de  fagot  qu'elle  traîne  entre  ses  jambes  jusqu'à  son  terrier. 
Lorsque  ses  petits  sont  un  peu  forts,  elle  va  chasser  dans  les  environs  de  sou 
habitation,  et  leur  apporte  le  produit  de  ses  recherches  pour  les  habituer  peu 
à  peu  à  une  nourriture  solide;  mais  alors,  elle  les  fait  sortir  sur  le  Itmd  du  ter- 
rier, afin  de  n'en  pas  salir  l'intérieur  par  les  débris  des  repas,  car  ces  animaux 
tiennent  leur  logis  avec  la  plus  grande  propreté. 


Le  Carcajou  (Mêles  labradorica,  Sabine.  Vr- 
siis  labradonciis,  Gml.  Le  Glouton  du  Lnbra- 
dnr,  So>N.)  n'est  piol)abIemcnl  qu'une  variété 
du  précédent  ;  il  a  deux  pieds  deux  pouces  (0,704) 
de  longueur,  non  compris  la  queue  ;  il  est  brun 
en  dessus,  avec  une  ligne  longitudinale  blan- 
rhàtre,  bifurquée  sur  la  tète,  et  simple  tout  le 
long  du  dos  ;  les  ctMés  du  nuiseau  sont  d'un  brun 
foncé,  et  ses  pieds  de  devant  sont  noirs.  Il  ha- 
bite le  pays  des  Esquimaux,  le  Labrador.  Peut- 
(tre  faut-il  encore  regarder  comme  simple  va 
riété  celui  qui  suit  : 

Le  Bi-AiHEAL  TAissoN  (  Vcles  taxa.  —  Ursits 
taxus,  SciiB.).  Il  dificre  du  premier  par  son 
veulre  d'un  gris  plus  clair  que  ses  flancs;  par 


son  oreille,  qui  est  de  la  couleur  générale  du 
corps  et  seulement  bordée  de  noir  ;  i)ar  la  bande 
noire  de  la  face,  qui  est  supérieure'  à  l'u-il  sans 
y  toucher.  Il  habite  l'Europe.  Quant  aux  diffé- 
rences du  blaireau  chien  et  blaireau -cochon, 
elles  n'existent  que  dans  les  préjugés  des  chas- 
seurs. 

9'  Genre.  Les  GLOUTONS  (  (Jk/o.  Stohr.) 
ont  trente-quatre  ou  trente-huit  dents:  six  in- 
cisives et  deux  canines  en  haut  et  en  bas;  huit 
ou  dix  molaires  supérieures  et  dix  ou  douze  mo 
laires  inférieures.  Ils  ont  le  corps  plus  ou  moins 
el'lilé,  plus  ou  moins  élevé  sur  jambes;  la  queue 
assez  courte,  et,  i)rcs  de  l'anus,  deux  replis  de 
la  peau,  mais  |)oint  de  poche. 


156 


LKS  CAUNIVOlUvS    PI,  A  M  IC  K  A  DKS. 


Le  ROSSOMAK  [Gtilo  urclirns,  Dks.ii.  [r.'-us  (julo^  Lin.  \j'  Gloutuii,  Buff.  Ly 
Volverenne,  Penn.). 

Sa  taille  est  celle  d'un  gros  chien  ljra(|ue,  mais  il  a  les  jambes  beaucoup  plus 
courtes;  sa  fourrure  est  très-belle  et  tort  estimée  des  Russes,  qui  la  préCéreut  à 
toutes  les  autres,  si  on  en  excepte  l'iiennine,  pour  garnir  les  bonnets  et  faire 
des  manchons.  Elle  est  d'un  brun  marron  foncé,  avec  une  grande  tache  discoï- 
dale  plus  foncée  sur  le  dos,  et  quelquefois  des  teintes  plus  i)âles.  11  a  la  queue 
assez  courte,  le  corps  trapu,  et  en  général  les  formes  lourdes.  Il  habile  les  con- 
trées les  plus  froides  et  les  plus  désertes  du  nord  de  l'Europe  et  de  l'Asie.  Il 
est  commun  en  Laponie  et  dans  les  déserts  de  la  Sibérie. 

Olaûs  Magnus  est,  je  crois,  le  premier  naturaliste  qui  aitparlé  du  glouton,  mais 
pour  exagérer  beaucoup  sa  voracité,  qui  a  passé  en  proverbe.  Cet  auteur  raconte 
que,  quand  il  dévore  un  cadavre,  il  se  remplit  au  point  d'avoir  le  ventre  gros 
comme  un  tambour;  puis  il  se  presse  le  corps  entre  deux  arbres  pour  se  vider, 
retourne  ensuite  au  cadavre,  revient  se  presser  entre  les  deux  troncs  d'arbres, 
et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  rien  de  sa  proie,  quelque  grosse 
qu'elle  soit.  De  pareils  coules  se  réfutent  d'eux-mêmes.  D'autres  naturalistes, 
cl  i»arliculiérempnt  Gmeliji,  ont  avancé  (pie  ce!  animal,  par  une  exception  <pii 


PLANTIGUADKS  l.")7 

seniil  iiiii(|iie  panai  les  êtres  vivants,  n'avait  pas  l'insliiul  de  la  ronservalion; 
ils  basent  leur  opinion  sur  ee  (|ue  le  glouton,  (|uan(l  il  voit  un  lioinuie,  ne  donne 
aucun  signe  de  crainte,  et  s'en  approche  avec  indilleience,  connue  s'il  lU'  cou- 
rail  aucun  danger.  A  supposer  que  ce  fait  lût  vrai,  il  ne  prouverait  (lu'une  chose, 
c'est  que,  vivant  dans  le  désert,  où  jamais  il  ne  trouve  un  être  plus  fort  que  lui, 
il  ignore  ce  (|u'il  a  à  craindre  de  la  présence  de  l'hounne.  D'ailleurs,  tout  ani- 
mal qui  n'aurait  pas  la  conscience  de  sa  conservation  ne  vivrait  pas  vingt-cpiatre 
heures. 

Le  rossomak  vit  solitaire,  ou,  mais  rarement,  avec  sa  femelle,  dans  un  ter- 
rier qu'il  se  creuse  en  terrain  sec,  sur  le  penchant  d'une  colline  ombragée  par 
une  foret  de  sapins  ou  de  bouleaux.  Il  n'en  sort  que  le  soir  pour  aller  à  la 
(pu'te  de  sa  proie,  consistant  en  rennes,  élans  et  autres  animaux  plus  petits. 
S'il  habile  une  contrée  où  les  chasseurs  d'hermines  tendent  des  pièges  pour 
prendre  des  animaux  à  fourrure,  il  commence  par  visiter  toutes  leurs  trappes, 
qu'il  connaît  fort  bien  et  dans  lesquelles  il  ne  se  prend  jamais,  et  il  s'empare 
(les  animaux  (pu  y  sont  arrêtés,  ce  dont  se  plaignent  beaucoup  les  chasseurs  de 
renards  bleus  et  blancs  qui  se  tiennent  dans  le  voisinage  de  la  mer  Glaciale.  Si 
cette  ressource  lui  manque,  il  cherche  la  trace  d'un  renne,  le  suit  avec  constance, 
et  finit  par  le  surprendre  endormi  ;  mais  pour  peu  que  celui-ci  l'entende  approcher, 
il  se  dérobe  aisément  i)ar  la  fuite,  car.le  glouton  marche  très-lentement  et  ne 
peut  pas  courir.  Aussi,  le  [dus  ordinairement,  sa  proie  lui  échapperait  s'il  n'em- 
ployait mille  ruses  pour  s'en  emparer  par  surprise.  Souvent  il  se  cache  dans  un 
buisson  épais,  sous  des  feuilles  sèches,  dans  un  tronc  d'arbre  creux,  partout 
où  il  peut  échapper  à  la  vue,  et  il  reste  palienmient  en  embuscade,  sans  faire  le 
moindre  mouvement,  jusqu'à  ce  que  le  hasard,  ou  pluttjt  ses  prévisions,  amènent 
une  victime  à  sa  portée.  Il  reconnaît  fort  bien  les  sentiers  frayés  par  les  rennes 
sauvages,  lors([u'ils  sortent  de  la  forêt  pour  aller  paître  dans  la  plaine.  Dans  ce 
cas,  il  grinqie  sur  un  arbre,  se  poste  sur  une  branche,  et,  dès  que  l'animal  passe 
à  sa  portée,  il  s'élance,  et  d'un  bond  lui  tombe  sur  la  croupe  ou  sur  le  cou  ;  il  s'y 
cram|)onne  avec  tant  de  force  avec  ses  grilles  et  ses  dents,  qu'il  est  impossible  au 
malheureux  renne  de  s'en  débarrasser.  Il  court,  il  bondit,  il  se  frotte  contre  les 
arbres,  se  roule  sur  la  terre,  et  fait  vainement  tous  les  elforts  imaginables  pour 
se  délivrer  de  son  terrible  ennemi;  celui-ci  ne  lâche  jamais  |)rise  et  ne  continue 
pas  moins  à  le  dévorer  vivant,  jusqu'à  ce  (|ue  l'horrible  blessure  (ju'il  lui  a  faite 
sur  le  dos  l'épuisé  et  le  fasse  tomber  nu)urant  sur  le  gazon.  Le  rossomak,  alors, 
le  mange  à  son  aise,  et  lorsqu'il  est  rassasié,  si  le  cadavre  n'est  pas  trop  lourd,  il 
l'emporte  dans  l'épaisseur  de  la  forêt,  et  le  cache  dans  un  buisson  toulfu  pour  le 
letrouver  au  besoin;  ou  bien,  s'il  ne  peut  le  transporter,  il  le  couvre  de  brous- 
sailles et  de  feuilles.  Plusieurs  carnassiers,  par  exemple  le  renard  et  le  loiq»,  ont 
également  l'habitude  de  cacher  les  restes  de  la  proie  (ju'ils  ne  |)euvent  entiè- 
rement dévorer;  mais,  soit  par  oubli  ou  par  défiance,  ils  ne  reviennent  jamais 
la  chercher.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  celui-ci,  qui  sait  très-bien  la  retrouvei- 
lors(iu'il  est  pressé  par  la  faim,  et  qu'il  n'a  pu  s'emparer  d'une  proie  vivanle. 

Cet  animal  se  trouve  dans  les  mêmes  l'oiêls  (pie  le  renard  bleu  ou  isatis,  et  a 
la  (inesse  (h;  se  servir  di>  ce  dernier  couniie  de  pourv(»y('ur.  Lors(pril  l'entend 
chasser,  il  le  suit  a  la  voix,  e(  se  doinie  bien  de  garde  de  se  numlrer  pour  ne  [las 


15S  LES   CAUMV()lli:s   PLANTIGRADES 

l'cirrayer.  Cependant  il  se  tient  toujours  à  portée  d'arriver  à  lui  au  niouiejil  ou 
le  renard  prend  le  lièvre.  Alors  le  glouton  se  montre,  et  l'isatis,  pour  ne  pas  être 
dévoré  lui-même,  est  obligé  de  détaler  au  plus  vite,  et  de  lui  abandonner  sa  cap- 
ture. Aussi  courageux  que  vorace,  le  glouton  se  défend  avec  intrépidité  contre 
les  chiens  et  même  les  chasseurs  ;  mais  comme  ses  jambes  courtes  l'empêchent 
de  fuir,  il  est  fort  aisé  de  s'en  emparer  et  même  de  l'assommer  a  coups  de  bâton. 
11  faut  au  moins  trois  ou  quatre  chiens  trés-vigoureux  pour  en  venir  à  bout,  et 
encore  est-il  rare  qu'il  n'y  en  ait  pas  un  ou  deux  d'estropiés  ;  car  il  se  défend 
des  griffes  et  des  dents,  et  les  blessures  qu'il  fait  sont  profondes  et  cruelles.  Lu 
vayvode,  qui,  pour  son  plaisir,  gardait  chez  lui  un  glouton,  le  fit  un  jour  jeter 
dans  l'eau,  et  lâcha  sur  lui  un  couple  de  chiens  ;  l'animal  se  lança  aussitôt  sur 
l'un  des  chiens,  lui  saisit  la  tète  et  la  tint  enfoncée  sous  l'eau  jusqu'à  ce  qu'il 
l'eût  suffoqué.  Schœffer  prétend  que  le  rossomak,  pressé  par  la  faim,  se  jette  dans 
les  rivières,  nage,  plonge,  prend  le  poisson  et  le  mange,  comme  fait  la  loutre. 
Sans  nier  positivement  ce  fait,  il  me  paraît  si  peu  en  harmonie  avec  l'organi- 
sation de  cet  animal,  que  je  le  crois  fort  douteux.  Mais  ce  dont  on  ne  peut  douter, 
c'est  que,  dans  les  moments  de  disette,  il  cherche  les  cadavres  humains,  les  dé- 
terre, les  dépèce  et  les  dévore  jusqu'aux  os,  s'il  peut  pénétrer  dans  un  cimetière. 
Quelquefois  il  rôde  autour  des  lacs  et  des  rivières  peuplés  de  castors,  et  il  en 
surprend  un  bon  nombre,  surtout  des  jeunes.  L'hiver,  il  va  sur  la  glace  jusqu'à 
leurs  cabanes  qu'il  démolit  i)our  en  dévorer  les  habitants.  Cet  animal  ne  s'en- 
gourdit pas  en  hiver.  Buffon,  qui  en  a  eu  un  trés-apprivoisé,  dit  qu'en  buvant  il 
lape  à  la  manière  des  chiens,  qu'il  ne  fait  jamais  entendre  aucun  cri,  qu'il  est 
très-remuant,  et  qu'après  avoir  satisfait  sa  faim,  il  met  en  réserve  en  la  cachant 
le  reste  de  sa  nourriture. 

Ln  VoLVEut:,%Mi   dk  PE.^^A^T  (  L'rsits  lusrus,  deux  pouces  (0,590),  et  la  queue  fait  environ  un 

G>iL.  — LiN.l  est  une  variété  qui  ne  diffore  de  quart  de  celle  dimension;  le  corps  est  mince, 

son  l\pe  que  par  un  pelage  un  peu  plus  pâle,  fort  allongé;  le  pelage  noir,  piqueté  de  très- 

I3u  reste,  elle  a  les  mœurs   absolument  sem-  petits  points  blancs,  ce  qui  lui  donne  un  ton 

iilables,  et  n'est  ni  moins  féroce  ni  moins  vo-  grisâtre;  le  dessons  du  cou  et  de  la  tête  est 

race-  gris  ;  une  bande  blanche  s'étend  depuis  les  côtés 

Le  Ghi.^o:s  (Gido  ciltalus,  Desm.  J'irerra  lit-  du  front  jusqu'aux  épaules;  les  oreilles  sont  de 

tnla,  Ln.  Le  ])tiit  Furet,  Azzah.  La  Fouine  de  la  même  couleur  et  très-petites.   Du  reste,  il 

In  Gtnjanc  et  le  Gri.soji,  Buff.  L'Ours  du  lire-  varie  assez  dans  son  pelage,  sans  considération 

.si/,  Tuunb.)  n'a  de  longueur  totale  que  vingt-  d'âge  ou  de  sexe. 

Le  grison  se  trouve  répandu  dans  presque  toute  l'Amérique  méridionale  ;  ce- 
pendant il  est  plus  commun  à  la  Guyane,  surtout  au  Paraguay,  que  partout  ail- 
leurs. Il  est  aussi  carnassier  et  plus  féroce  que  le  précédent  ;  mais  sa  petite  taille 
ne  lui  permet  pas  d'attaquer  de  gros  animaux.  Il  s'en  venge  sur  les  volailles, 
les  oiseaux,  les  lièvres,  lapins,  ou  espèces  analogues,  etc.,  auxquels  il  fait  jour- 
nellement une  guerre  d'extermination  ;  aussi  est-il  un  véritable  fléau  pour  les 
basses-cours.  Il  se  retire  le  jour  dans  un  profond  terrier,  d'où  il  ne  sort  que  la 
nuit  pour  commettre  ses  brigandages.  S'il  est  surpris  dans  ses  méfaits  par  des 
chiens  ou  des  chasseurs,  sa  colère  lui  fait  exhaler  aussitôt  une  odeur  de  musc 
tellement  désagréable,  qu'elle  réussit  quelipiefois  à  écarter  ses  einiemis.  Quand 
ce  moyen  ne  réussit  pas,  il  combat  avec  fiircur,  et  ne  quille  la  lutte  qu'avec  la 


PLAN  tic.ua  ni:  s  159 

vie.  11  est  cruel  par  plaisir  |)lus  pent-èlre  ([ue  |)ar  besoin,  el  même,  lorsijiril  est 
apprivoisé,  il  n'a  pas  de  plus  grande  jouissance  (|iie  celle  d'égorger  sans  néces- 
sité tous  les  petits  animaux  domestiques  qui  se  trouvent  à  sa  porléi». 


Le  Taîba  (  Gulo  barbntiis,  l)t><>i.  Mnsleln  bny- 
hala,  L\y-  l'irena  VHlpeniln,  (i>iL.  Le  Taira 
ou  Galern,  Tîi  ff.  Le  Carigiifibfiii,  ^Lxkcgr.  Le 
grniid  l'uni,  Azzaii.  )  a  de  vinct-deiiv  à  vinpl- 
quatre  poiiees  (0,595  ;)  0,050  de  longueur,  non 
eompris  l,i  (jueue,  (]ui  eu  a  (juiiize  |0,406)  ;  sou 
corps  est  niiiiee,  allongé;  sou  pelage  d'uu  l)ruu 
noir  ou  eutiêreineut  noir,  avee  la  tète  et  quel- 
quefois le  «ou;  une  large  laclie  blanchâtre  ou 
jaunâtre,  Iriauguiaire,  lui  cou\r(j  le  devant  du 
cou  el  de  la  gorge;  les  pieds  de  derrière  oui  les 
doifjts  réunis  par  nue  uieuiluaue.  (.et  animal  a 
les  niènies  habiludes  que  le  |)récédent,  coninie 
lui  exhale  une  forte  odeur  de  luuse,  et  se  ti  ouve 
dans  les  mêmes  cou! nés. 

Le  NiE\TECK  (  Gulo  oiicnlalis,  IIonsF.)  a  la 


tète  un  peu  itlus  allongée  que  dans  les  espèces 
précédentes;  il  a  deux  pieds  un  pouce  '0,677) 
de  longueur  tittale  :  sa  (pieue  est  médiocre  ;  son 
pelage  briui  avec  la  gorge,  la  poilrine  et  les 
joues  jaunâtres;  une  lâche  de  la  même  couleur 
|)ait  du  verlex,  s'elend  sur  le  dos,  el  se  termine 
eu  pointe;  ses  pieds  de  devant  sont  armés  d'on- 
gles très-crochus.  Il  se  trouve  à  Java,  et  doit 
avoir  des  mœurs  analogues  à  celles  des  espèces 
précédentes,  du  moins  si  l'on  eu  juge  par  l'ana- 
logie. On  ne  sait  rien  de  son  histoire. 

Kf  Genre.  Le   RATEL  {Melliiora,  Storr. 
a  trente-deux  deuls:six  incisiv,es,  deux  canines 
et  huit  molaires  à  chaque  mai  hoire.  Quant  aux 
autres  caractères,  il  ne  diffère  pas  du  genre 
Culo. 


KU) 


LKS-  C  A  U  N  I  VOIl  i:s  |>I..\  MIC  I\  A  DKS. 


^%'i  h 


VA 


Le  RATEL  [McHivorn  capen^is,  Less.  Vircrrncapeiisis  et  Vi^fr/rt  meirirora,  Li\. 
r.'«/o  capmsis,  Desm.  Le  /îa/c/,  Sparm.  Le  Blaireau  puaiil,  Lacaill.). 

Il  a  le  corps  épais  et  trapu,  long  de  trois  pieds  quatre  pouces  (i  ,085),  compris 
la  queue  ;  il  est  gris  en  dessus,  noir  en  dessous,  avec  une  ligne  longitudinale 
blanche  de  chaque  côté,  depuis  les  oreilles  jusqu'à  l'origine  de  la  queue. 

Cet  animal  exhale  une  odeur  désagréable,  mais  moins  forte  que  celle  des 
moufettes.  Il  habite  l'Afrique  depuis  le  Sénégal  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espé- 
rance, et  la  facilité  avec  laquelle  il  creuse  la  terre  fait  croire  qu'il  se  retire  dans 
un  terrier.  Il  vit  de  proie  comme  le  glouton  ;  n)ais  il  est  tellement  friand  de  miel, 
qu'il  déploie  toute  son  industrie  pour  s'en  procurer.  Trois  espèces  d'êtres  s'oc- 
cupent journellement  à  découvrir  des  ruches  d'abeilles,  et  se  prêtent  mutuel- 
lement secours  pour  s'en  emparer;  ce  sont  :  le  Hottentot  sauvage  ou  Boschis- 
man,  le  ratel,  et  le  coucou  indicateur  {Indicalor  major,  Levaii.l.). 

On  sait  que  les  Boschismans,  que  la  nature  et  les  siècles  avaient  fait  proprié- 
taires de  leurs  brûlantes  montagnes,  en  furent  chassés  par  les  colons  hollandais, 
qui  allaient  les  chercher  et  les  tuer  dans  les  bois  a  coups  de  fusil,  par  partie  de 
plaisir;  des  femmes  même  étaient  très-adroites  à  les  poursuivre  à  cheval,  et  à  les 
exterminer.  Ces  misérables,  forcés  de  se  retirer  dans  les  plus  épaisses  forêts, 
traqués  comme  des  loups,  fusillés  aussitôt  (pi'ils  paraissaient,  ne  trouvaient 
pour  se  nourrir,  dans  ces  affreux  déserts,  que  quelques  racines  amères,  des 
termes  ou  fourmis  blanches,  et  du  miel  sauvage.  Mais,  n'osant  sortir  que  la  nuit 
des  antres  de  rochers  où  ils  se  cachaient  pendant  le  jour,  il  leur  eût  été  diflicile 
de  découvrir  les  ruches  d'abeilles,  s'ils  n'eussent  su  mettre  à  profit  la  connais- 
sance qu'ils  ont  d'une  habitude  du  ratel.  Colui-ci,  chaque  matin,  se  promène 
silencieusement  dans  les  forêts  en  écoutant.  Bientôt  le  cri  d'un  oiseau  vient 
frapper  son  oreille,  et  il  !••  reconnaît  pour  celui  do  l'indicatein-,  ou  du  guide  au 


PLANTIGRADES. 


16] 


viii'l,  comme  ilisenl  les  Hollandais  du  cap.  Le  ratel  suit  l'oiseau,  mais  douce- 
ment pour  ne  pas  l'effrayer,  et  celui-ci,  volant  d'arbre  en  arbre,  de  roche  en 
roche,  toujours  en  faisant  entendre  son  cri,  conduit  bientôt  le  maunnifère  au 
pied  d'un  arbre  dans  le  tronc  duquel  est  une  ruche  d'abeilles  sauvages.  Ici 
se  rencontre  une  difficulté  :  le  ratel  ne  sait  ni  ne  peut  grimper;  il  lève  le  nez, 
il  flaire  le  miel,  il  bondit  contre  l'écorce,  il  murmure,  il  se  met  en  colère  : 
rien  n'y  fait,  et  l'indicateur  a  beau  redoubler  ses  cris,  les  abeilles  sont  parfai- 
tement en  sûreté  dans  leur  ruche.  Le  ratel,  enragé  de  colère,  se  met  alors  à 
attaquer  le  pied  de  l'arbre  avec  les  dents,  en  enlève  l'écorce,  le  mord  avec 
fureur,  probablement  dans  l'espérance  de  le  renverser;  mais  la  fatigue  ne 
tarde  pas  à  l'avertir  de  l'impuissance  de  ses  efforts,  et  il  abandonne  son  entre- 
prise pour  aller  à  une  autre  découverte.  Les  Boschismans,  qui  pendant  le  cré- 
puscule errent  en  tremblant  dans  les  bois,  trouvent  l'arbre,  le  reconnaissent 
aux  morsures  qui  en  ont  enlevé  l'écorce,  montent  dessus  et  prennent  le  miel. 

Lorsque  le  mammifère  est  conduit  par  le  guide  au  miel  à  des  abeilles  qui 
établissent  leurs  ruches  dans  la  terre,  les  choses  se  passent  différemment.  Aus- 
sitôt avec  ses  ongles  robustes  il  se  met  à  creuser.  Les  abeilles  se  jettent  sur  lui 
par  légions  ;  il  se  contente  de  passer  de  temps  à  autre  ses  pattes  sur  son  nez  et 
de  fermer  les  yeux,  car  ces  deux  parties  seules  sont  accessibles  à  leur  aiguillon. 
Un  poil  long  et  touffu  et  une  peau  excessivement  dure,  épaisse,  impénélrable, 
lui  défendent  suffisamment  le  reste  du  corps.  Lorsqu'il  a  mis  les  gâteaux  à  dé- 
couvert, il  mange  autant  de  miel  qu'il  le  peut  sans  crever,  puis  il  s'en  va  tran- 
quillement sans  s'inquiéter  de  son  guide.  L'indicateur  descend  de  son  arbre, 
et  tire  parti  des  bribes  que  l'autre  lui  a  laissées,  faute  de  pouvoir  tout  avaler. 
Les  Boschismans  ont  plus  de  reconnaissance,  car  ils  ne  manquent  jamais  de 
laisser  à  l'oiseau,  sur  une  pierre  ou  une  large  feuille,  une  quantité  de  uiiel  snf- 
lisante  pour  lui  faire  faire  un  bon  repas. 


21 


LES 


CARNASSIERS    DIGITIGRADES 


( .  I  \  (j  L 1 1 :  M  !•:  0  lU)  n  K  des  m  a  m  m  i  f  !•  w  \i s . 


La  Mjile  à  "i.ise  iloiee. 


Ol  ordre  renfeime  tous  les  animaux  carni-  Ou  peut  le  diviser  eu  oiuq  (;' milles,  qui  soûl 

\oresc|ui  uiarttieut  sur  les  doipts,  c'est-;-dire  celles  des  martes,  des  diieus,  des  civettes,  des 

qui  ne  s';i]ip\iieut  pas  sur  la  plante  entière  des  hyènes  et  des  chats,  toutes  très-iiilcressantes  et 

l)ieds,  connue  les  animaux  précédents.  nombreuses  en  espèces. 

LES  MARTES. 


Elles  ont  une  seule  dent  tuberculeuse  en  ar- 
rière de  la  dent  cîiruassière  de  la  mâchoire  su- 
périeure ;  ou  leur  compte  de  trente-deux  à  trente- 
huit  dents;  leur  corps  très  allongé  et  leurs  pieds 
très-coui  ts  leur  permettent  de  passer  dans  les 
plus  petits  trous.  Elles  manquent  de  cacura,  et 
ne  tombent  pas  Ihiver  en  léthargie. 


1er  Gbnke.  Les  MARTES  {  Miistcla,  Lia  .) 
ont  de  chiique  coté  trois  fausses  molaires  en 
haut,  quatre  eu  bas,  et  un  ]  etit  tubercule  in1(  - 
rieur  à  leur  carnassière  d'eu  bas;  leur  museau 
est  un  peu  allongé  et  leurs  ongles  pointus.  Tous 
ces  animaux  exhalent  une  odeur  désagréable 
plus  ou  moins  forte  et  analogue  au  musc. 


La  MAUTE  A  GORGE  DORÉE  [Mustela  fïavigula,  Bodd.  Muslila  Hardwickii. 
HoRSF.)  est  noire,  avec  la  gorge,  le  ventre,  le  dos  jaunes,  et  les  joues  Manches; 
elle  a  environ  vingt-deux  pouces  ^0,595)  de  longueur,  non  compris  la  queue, 
(jui  est  presque  d'égale  dimension.  Elle  habite  le  Népaul. 

De  tous  les  animaux  carnassiers,  les  martes  sont  les  plus  cruels  et  les  plus 
sanguinaires.  Elles  ne  se  nourrissent  que  de  proies  vivantes,  et  il  laut  qu'elles 


LOGES    DES    ANIMAUX    FEROCES 

(  Jar.lin     ,1  e  >     !•  I  .,  ;,  te,,  ) 


M  A  UT  K  s.  1()3 

soient  poussées  par  une  l'aim  extrême  pour  manger  (juclques  baies  sucrées,  telles 
que  les  raisins  et  les  fruits  de  la  ronce.  Celles  qui  vivent  dans  les  bois  sont  constam- 
ment occupées  à  lacliasse  des  oiseaux,  des  souris,  des  rats.  Les  plus  petites  espèces 
mêmes,  telles  que  l'hermine  et  la  belette,  attaquent  sans  hésitation  des  animaux 
dix  fois  plus  gros  qu'elles,  les  lapins,  les  lièvres  et  les  plus  grands  oiseaux.  La  ruse 
dans  l'attaque,  l'elTronteriedansle  danger,  un  courage  furieux  dans  le  combat,  une 
cruauté  inouïe  dans  la  victoire,  un  goût  désordonné  pour  le  carnage  et  le  sang, 
sont  des  caractères  qui  appartiennent  à  toutes  les  espèces  de  cette  famille,  sans 
exception.  Leur  corps  long,  grêle,  vermiforme,  comme  disent  les  naturalistes, 
leurs  jambes  courtes,  leur  souplesse  et  leur  agilité,  permettent  k  ces  animaux  de 
se  glisser  partout  et  de  passer  par  les  plus  petits  trous,  pourvu  que  leur  tête 
puisse  y  entrer.  Aussi  parviennent-elles  à  pénétrer  aisément  dans  les  basses-cours, 
et  leur  apparition  est  toujours  le  signal  de  la  mort  pour  tous  les  petits  animaux 
domestiques  qu'on  y  élève.  Rien  n'est  épargné,  et,  avant  d'assouvir  leur  faim,  il 
faut  qu'elles  aient  tué  tout  ce  qui  les  entoure,  tout  ce  qu'elles  peuvent  atteindre. 
Elles  ont  un  art  merveilleux  pour  s'approcher  doucement  de  leur  victime  sans 
en  être  aperçues  et  sans  la  réveiller,  pour  s'élancer  sur  elle,  la  saisir  et  lui 
couper  la  gorge  avant  qu'elle  ait  eu  le  temps  de  pousser  un  cri  qui  eût  donné 
l'alarme  aux  autres. 

Les  martes  sont  tellement  cruelles,  qu'elles  n'épargnent  pas  même  les  ani- 
maux de  leur  genre  ;  les  espèces  les  plus  fortes  font  une  guerre  à  mort  à  celles 
qui  sont  plus  faibles.  Et  cependant  les  mâles  ne  mangent  pas  leurs  petits, 
comme  font  la  plupart  des  chats  et  même  les  lapins;  ils  en  prennent,  au  con- 
traire, le  plus  grand  soin,  et.  dès  qu'ils  peuvent  marcher,  ils  partagent  avec  la 
femelle  les  soins  de  leur  éducation.  J'ai  pu  m'assurer  de  ce  fait  par  mes  propres 
yeux,  dans  l'espèce  de  la  marte  commune  et  celle  de  la  fouine. 

Ces  animaux  sont  d'un  caractère  sauvage  et  farouche  ;  ils  se  plaisent  dans  les 
bois  les  moins  fré({uentés,  et  ne  s'approchent  pas  volontiers  des  habitations  de 
l'honmie,  si  l'on  en  excepte  la  fouine  et  la  belette.  On  ne  peut  nier  qu'ils  aient 
de  l'intelligence,  si  on  en  juge  par  les  ruses  qu'ils  emploient  pour  surprendre 
leurs  ennemis  ;  mais  c'est  purement  une  intelligence  de  meurtre  et  de  cruauté, 
qui  ne  les  empêche  pas  de  donner  dans  tous  les  pièges  (|u'on  leur  tend.  Réduits 
en  captivité,  ils  s'apprivoisent  assez  bien  ;  cependant  jamais  assez  pour  avoir  une 
véritable  affection  pour  leur  maître,  et  ne  pas  s'effaroucher  de  la  présence  d'un 
étranger.  Sans  cesse  agités  par  un  mouvement  de  défiance  et  d'inquiétude,  ils 
ne  peuvent  rester  un  moment  en  place,  et  s'ils  cessent  par  intervalle  de  chercher 
à  briser  leurs  chaînes,  c'est  pour  dormir. 

La  Mahte  coMMi  m;  i  Mustela  martes,  Li.\.  La  sous  la  gorge;  le  bout  du  museau,  la  deruière 

Ma/(e,  BuFF.)  a euviroH  un  |)ied  et  demi  ((t,487i  partie  de  la  queue  et  les  meml)res  soûl  d'un 

de  longueur,  non  compris  la  (lueiie,  qui  a  un  brun  (ilus  foncé,  et  ta  partie  postérieure  du 

peu  moins  de  dix  pouces  ii»,2"tt.  V.We  est  d'un  ventre  d'un  l)run  plus  roussàlre  que  le  reste  du 

brun  lustré,  avec  nue  taclie  d'un  jaune  clair  corps. 

Lorsque  la  France  possédait  encore  de  vastes  forêts,  la  marte  y  était  assez 
commune;  mais  aujourd'hui  elle  est  deviMiuc  très-rare.  J'en  ai  cependant  tué 
plusieurs  dans  les  montagnes  qui  séparent  la  Saône  de  la  Loire,  et  j'observerai 


iU  LES  CARNASS[EKS   DIGITIGK ADES. 

que  l'une  d'elles  était  suivie  de  six  petits,  quoique  Buiîon  prétende  que  cet  animal 
n'en  fait  que  deux  ou  trois  par  portée.  La  marte  fuit  les  habitations  et  les  lieux 
découverts;  elle  ne  se  plaît  qu'au  plus  profond  des  forêts  silencieuses,  et  là, 
grimpant  sur  les  arbres  avec  beaucoup  d'agilité,  comme  toutes  les  espèces  de 
son  genre,  elle  s'occupe  uniquement  à  la  chasse.  Ce  n'est  pas  un  anin)al  nocturne; 
mais,  ainsi  que  tous  les  animaux  sauvages  qui  habitent  des  contrées  où  l'homme 
peut  les  inquiéter,  elle  se  cache  pendant  le  jour,  et  ne  sort  guère  qu'aux  cré- 
puscules du  soir  et  du  matin  pour  commettre  ses  déprédations.  Elle  détruit  une 
grande  quantité  de  menu  gibier;  elle  cherche  les  nids  d'oiseaux  dont  elle  brise 
et  mange  les  œufs  ;  elle  tâche  de  surprendre  la  perdrix  couvant  dans  les 
bruyères,  le  lièvre  dans  son  gîte,  les  écureuils  dans  leur  nid  ;  et  si  ces  espèces 
lui  manquent,  elle  se  jette  sur  les  mulots,  les  loirs,  les  lérots,  et  même  sur  les 
lézards  et  les  serpents.  Elle  cherche  aussi  les  ruches  des  abeilles  sauvages  pour 
en  manger  le  miel. 

Comptant  sur  son  agilité,  elle  s'effraye  fort  peu  quand  elle  est  chassée  par  des 
chiens  courants,  et  se  plaît  à  se  faire  battre  et  rebattre,  à  les  dépister,  à  les  fa- 
tiguer, avant  de  monter  sur  un  arbre  pour  échapper  à  leur  poursuite.  Encore, 
lorsqu'elle  emploie  ce  dernier  moyen,  ne  se  donne-t-elle  pas  la  peine  de  grimper 
jusqu'au  sommet.  Assise  à  la  bifurcation  de  la  première  branche,  elle  les  re- 
garde effrontément  passer  sans  s'en  inquiéter  davantage. 

La  marte  ne  se  creuse  pas  de  terrier  et  n'habite  même  pas  ceux  qu'elle  trouve 
tout  faits;  mais,  quand  elle  veut  mettre  bas,  elle  cherche  un  nid  d'écureuil,  en 
mange  ou  en  chasse  le  propriétaire,  en  élargit  l'ouverture,  l'arrange  à  sa  fan- 
taisie, et  y  fait  ses  petits  sur  un  lit  de  mousse.  Tant  qu'elle  les  allaite,  le  mâle 
rôde  dans  les  environs,  mais  n'en  approche  pas.  Quand  les  petits  sont  assez  forts 
pour  sortir,  elle  les  mène  chaque  jour  à  la  promenade,  et  leur  apprend  à  grim- 
per, à  chasser  et  à  reconnaître  la  proie  dont  ils  doivent  se  nourrir.  C'est  alors 
que  le  mâle  se  réunit  à  la  femelle,  apporte  à  ses  enfants  des  oiseaux,  des  mulots 
et  des  œufs.  Dés  lors  ils  ne  rentrent  plus  dans  le  nid,  et  couchent  tous  ensemble 
sur  les  arbres,  ou  dans  les  feuilles  sèches  sous  un  buisson  touffu.  Dans  les  forêts 
très-solitaires,  la  famille  se  hasarde  quelquefois  à  sortir  de  sa  retraite  pendant 
le  jour,  mais  en  se  glissant  furtivement  sous  le  feuillage,  et  se  donnant  bien  de 
garde  d'être  aperçue  par  les  oiseaux.  Si  un  roitelet,  une  gorge  rouge,  une  mé- 
sange, ou  toute  autre  espèce  d'oiseau  grand  ou  petit,  vient  à  apercevoir  une  marte, 
il  pousse  aussitôt  un  cri  particulier  qui  donne  une  alarme  générale  à  un  quart 
de  lieue  de  rayon.  Les  pies,  geais,  merles,  pinsons,  fauvettes,  en  un  mot  presque 
toute  la  nation  ailée  se  réunit  aussitôt  en  criaillant,  entoure  l'animal,  le  pour- 
suit, le  harcèle,  s'en  approche  en  redoublant  ses  cris,  et,  à  force  de  l'ètourdu- 
par  des  clameurs,  le  contraint  à  une  prompte  retraite.  Du  reste,  tous  les  ani- 
maux carnassiers,  chouettes,  ducs,  chats,  renards,  loups,  ne  sont  pas  reçus  d'une 
manière  plus  amicale  par  le  peuple  chantant  des  forêts  ;  tandis  qu'il  vit  en  très- 
bonne  intelligence  avec   les  animaux   paisibles,  comme  daims,  chevreuils, 
lièvres,  etc.  La  fourrure  de  la  marte  commune  a  quelque  valeur  ;  mais  il  s'en 
faut  de  beaucoup  qu'elle  soit  comparable  à  celle  de  la  marte  zibeline  dont  nous 
aurons  à  nous  occuper  plus  loin.  Elle  est  moins  rare  dans  le  nord  de  l'Europe 
qu'en  France,  et  plus  commune  encore  dans  le  Canada. 


MAHIKS.  165 

La  loLiNK  {  Muilela  juina.  Li>.  La  Fouine,  cou  et  la  gorge,  qui  sont  blancs  et  non  pas  jau- 

Blff.  —  G.  Ct  V.)  a  beaucoup  de  ressemblance  nés.  Sa  taille  est  la  même;  son  pelage  est  brun, 

avec  la  ujarte,  mais  cependant  elle  s'en  dislin-  avec  les  jambes  et  la  queue  noirâtres.  Elle  exhale 

giie  au  premier  coup  d'ieil  |)ar  le  dessous  du  une  foric  odeur  de  musc. 

Cet  animal  habite  toute  l'Europe  et  l'Asie  occidentale  ;  il  est  assez  commun 
partout.  (I  La  fouine,  dit  Bulïon,  a  la  physionomie  très-fine,  l'œil  vif,  le  saut 
léger,  les  membres  souples,  le  corps  flexible,  tous  les  mouvements  trés-prestes; 
elle  sauté  et  bondit  plutôt  qu'elle  ne  marche;  elle  grimpe  aisément  contre  les 
nmrailles  qui  ne  sont  pas  bien  enduites,  entre  dans  les  colombiers,  les  pou- 
laillers, elc,  mange  les  œufs,  les  pigeons,  les  poules,  etc.,  en  tue  quelquefois  un 
grand  nombre  et  les  porte  à  ses  petits  ;  elle  prend  aussi  les  souris,  les  rats,  les 
taupes,  les  oiseaux  dans  leur  nid.  Les  fouines,  dit-on,  portent  autant  de  temps 
que  les  chats.  On  trouve  des  petits  depuis  le  printcnqis  jusqu'en  aulonnie,  ce  qui 
doit  faire  présumer  qu'elles  produisent  plus  d'une  fois  par  an;  les  plus  jeunes 
ne  font  que  trois  ou  quatre  petits,  les  plus  âgées  en  font  jusqu'à  sept.  Elles 
s'établissent,  pour  mettre  bas,  dans  tni  magasin  à  foin,  dans  un  trou  de  muraille, 
011  elles  poussent  de  la  paille  et  des  herbes  ;  quelquefois  dans  une  fente  de  ro- 
cher ou  dans  un  trou  d'arbre,  oii  elles  portent  de  la  mousse  ;  et  lorsqu'on  les 
inquiète,  elles  déménagent  et  transportent  ailleurs  leurs  petits,  qui  grandissent 
assez  vite  ;  car  celle  que  nous  avons  élevée  avait,  au  bout  d'un  an,  prescpie  atteint 
sa  grandeur  naturelle,  et  de  là  on  peut  inférer  que  ces  animaux  ne  vivent  que 
huit  ou  dix  ans.  Ils  ont  une  odeur  de  faux  musc  qui  n'est  pas  absolument  dés- 
agréable. » 

La  fouine  se  rencontre  dans  toutes  les  localités,  dans  les  forêts,  les  bois,  les 
vergers,  les  granges,  les  fermes,  et  même  dans  les  magasins  à  fourrage  des  villes  ; 
il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  jusque  dans  les  faubourgs  de  Paris.  En  cela  seulement 
elledifl"ère  de  la  marte.  Dans  les  nuits  d'été,  aux  approches  de  l'orage,  on  l'entend 
assez  souvent  crier  en  courant  et  jouant  sur  les  toits  et  les  vieux  murs  des  habi- 
tations rurales.  3Lde  Bulfon,  qui  eu  a  élevé  une,  dit  qu'elle  faisait  la  guerre  aux 
chats,  qu'elle  se  jetait  sur  les  poules,  etc.  «  Elle  demandait  à  manger  comme  le 
chat  et  le  chien,  et  mangeait  de  tout  ce  qu'on  lui  donnait,  à  l'exception  de  la 
salade  et  des  herbes;  elle  aimait  beaucoup  le  miel,  et  préférait  le  chènevis  à 
toutes  les  autres  graines  ;  il  a  remarqué  qu'elle  buvait  fréquemment,  qu'elle  dor- 
mait quelquefois  deux  jours  de  suite,  et  qu'elle  était  aussi  quelquefois  deux  ou 
trois  jours  sans  dormir;  (pi'avant  le  sommeil  elle  se  mettait  en  rond,  cachait  sa 
tête  et  l'enveloppait  de  sa  queue;  que  tant  qu'elle  ne  dormait  pas,  elle  était  dans 
un  mouvement  continuel  si  violent  et  si  incommode,  que  quand  même  elle  ne  se 
serait  pas  jetée  sur  les  volailles,  on  aurait  été  obligé  de  l'attacher  pour  l'em- 
pêcher de  tout  briser.  » 

J'ai  été  à  même  de  vérifier  une  partie  de  ce  que  dit  Buffon.  Dans  un  village 
des  bords  de  la  Saône,  à  Saint-Albin,  prés  de  Mâcon,  un  ancien  garde-chasse  un 
peu  fripon  était  si  bien  parvenu  à  ap|)rivoiser  une  fouine,  qu'il  appelait  Bobin, 
que  jamais  il  ne  l'a  tenue  à  l'attache  ;  elle  courait  librement  dans  toute  la  maison, 
sans  rien  briser  et  avec  toute  l'adresse  d'un  chat.  Elle  était  turbulente,  il  est 
vrai,  mais  elle  prenait  ses  précautions  pour  ne  rien  renverser;  elle  répondait  à 
la  voix  de  son  maître,  accourait  quand  il  l'appelait,   ne  le  caressait  pas,  mais 


16G  LES  CAUNASSIEUS  DU;  lïlGRADES. 

semblait  prendre  plaisir  à  ses  caresses.  Elle  vivait  en  très-bonne  intelligence 
avec  Bibi,  petit  chien  noir  anglais  qui  avait  été  élevé  avec  elle.  Ceci  est  déjà  fort 
singulier;  mais  voici  qui  l'est  davantage  :  Robin  et  Bibi  n'étaient  pour  leur 
maître  que  des  instruments  de  vol  et  des  complices.  Chaque  matin  le  vieux  garde 
sortait  de  chez  lui  portant  à  son  bras  un  vaste  panier  à  deux  couvercles  dans 
lequel  était  caché  Robin  ;  Bibi  suivait  par  derrière  lui  marchant  presque  sur  les 
talons.  Ce  trio  se  rendait  ainsi  autour  des  fermes  écartées,  où  on  est  dans  lu- 
sage  de  laisser  la  volaille  errer  assez  loin  de  l'habitation.  Dès  que  le  vieux  garde 
apercevait  une  poule  à  proximité  d'une  haie,  dans  un  lieu  où  on  ne  pouvait  le 
voir,  il  prenait  Robin,  lui  montrait  la  poule,  le  posait  à  terre,  et  continuait  son 
chemin.  Robin  se  glissait  dans  la  haie,  se  faisait  petit,  rampait  comme  un  ser- 
pent, et  s'approchait  ainsi  de  l'oiseau  ;  puis  tout  à  coup  il  se  lançait  sur  lui  et 
l'étranglait  sans  lui  donner  le  temps  de  pousser  un  cri.  Alors  le  vieux  fripon 
de  garde  revenait  sur  ses  pas;  Bibi  courait  chercher  la  poule,  et  l'apportait 
suivi  de  Robin  ;  l'oiseau  était  aussitôt  mis  dans  le  panier  avec  la  fouine  qui  avait 
sa  petite  loge  séparée,  et  l'on  se  remettait  en  marche  pour  chercher  une  nou- 
velle occasion  de  recommencer  cette  manœuvre.  A  la  fin  les  fermiers  des  envi- 
rons s'aperçurent  de  la  diminution  du  nombre  de  leurs  poules  et  de  leurs  cha- 
pons; on  se  mit  à  guetter,  et  l'on  ne  tarda  pas  à  saisir  les  voleurs  sur  le  fait.  Le 
juge  de  paix,  qui  n'était  nullement  soucieux  des  progrés  de  l'histoire  naturelle, 
fit  donner  un  coup  de  fusil  à  la  fouine,  et  crut  faire  grâce  au  vieux  garde  en  ne 
le  condamnant  qu'à  payer  les  poules  qui,  grâce  à  Bibi  et  à  Robin,  avaient  passé 
par  son  pot-au-feu. 


La  Zibeline  (Musteln  z'ibellina,  Lin.— Pall.  poils  jusque  sons  les  doigts;  son  j)el;ige  est  d'uu 

La  Marie  zibeline,  Blff.  —  G  Ctv.  Le  Snbbel  Ijrim  lustré,  noirâtre  en  hiver,  plus  pâle  en  été; 

des  Suédois;  le  Sobol  des  Polonais  et  des  Rus-  elle  a  le  dessous  de  la  gorge  grisâtre,  le  devant 

ses  )  ressemble  beaucoup  à  la  marte  commune;  de  la  tête  et  les  oreilles  blanchâtres.  Sa  fourrure 

elle  s'en  distingue  cependant  en  ce  qu'elle  a  des  est  l'objet  d'un  commerce  considérable. 


Cet  animal  vit  dans  les  régions  les  plus  septentrionales  de  l'Europe  et  de 
l'Asie,  et  se  trouve  jusqu'au  Kamtschatka;  c'est  aux  chasseurs  qui  le  poursuivent 
dans  ces  régions  glacées  que  l'on  doit  la  découverte  de  la  Sibérie  orientale.  Sa 
fourrure  est  extrêmement  précieuse,  et  il  s'en  fait  un  connnerce  immense  en 
Russie.  Les  plus  estimées  viennent  de  Sibérie,  surtout  celles  de  Witinski  et  de 
iSerskinsk.  Les  bords  de  la  Witima,  rivière  qui  sort  d'un  lac  situé  à  l'est  du 
Baïkal  et  va  se  jeter  dans  la  Lena,  sont  célèbres  par  les  zibelines  qu'on  y  trouve  ; 
elles  abondent  également  dans  la  partie  glacée  et  inhabitable  des  monts  Altaï, 
ainsi  que  dans  les  montagnes  de  Saïan,  au  delà  du  Jenisseï,  dans  les  environs 
de  rOby  et  le  long  des  ruisseaux  qui  tombent  dans  la  Touba.  La  fourrure  d'hiver 
est  noire,  et  c'est  la  plus  précieuse  ;  celle  d'été,  plus  ou  moins  brunâtre  et  mal 
lournie,  a  beaucoup  moins  de  valeur;  mais  les  marchands  russes,  par  des  pré- 
|)arations  particulières,  savent  la  faire  passer  dans  le  commerce  pour  de  la 
marte  d'hiver,  et  les  plus  fins  connaisseurs  s'y  laissent  quelquefois  prendre. 

Carnassière  comme  tous  les  animaux  de  sa  famille,  la  marte  zibeline  rôde  sans 
cesse  dans  les  buissons  pour  s'emparer  des  nids  d'oiseaux.  Elle  se  plaît  parti- 


MARTES.  I(i7 

ciilièronienl  dans  les  liallicis  roiinés,  sur  !<■  Itord  des  lacs,  des  rivières  el  des 
ruisseaux,  dans  les  hois  et  surtout  dans  ceux  qui  ofl'rent  (|uelques  arl)res  élevés 
sur  lesquels  elle  grinqte  avec  beaucoup  d'agilité.  Quelquefois  elle  s'établit  dans 
un  terrier  qu'elle  se  creuse  en  terrain  sec,  sur  une  pente  rapide,  et  dont  l'en- 
Irée  se  trouve  toujours  masquée  par  des  ronces  et  d'épais  buissons.  Quelquefois 
aussi  elle  se  loge  dans  des  trous  d'arbre,  où  elle  s'empare  du  nid  d'une  cbouclle 
ou  d'un  petit-gris.  Aussi  cruelle,  aussi  rusée  (jue  la  fouine,  elle  est  beaucoup  plus 
farouche,  et  jamais  ne  s'approche,  comme  cette  dernière,  des  lieux  habités.  Son 
courage  n'est  nullement  comparable  à  son  peu  de  force;  (|uel  que  soit  l'ennemi 
qui  l'attaque,  elle  se  défend  avec  fureur  jus(|u'à  son  dernier  moment,  et  |)ar- 
vient  quelquefois  à  échapper  à  la  dent  meurtrière  du  chien  le  mieux  dressé  à  la 
chasse.  Son  corsage  délié  lui  permet  de  se  glisser  dans  les  plus  petits  trous;  sa 
force  musculaire  et  ses  ongles  pointus  lui  donnent  une  extrême  facilité  à  grim- 
per, à  s'élancer  de  branche  en  branche  pour  poursuivre,  juscpi'au  sonnnet  des 
plus  minces  rameaux,  les  oiseaux,  les  écureuils  et  autres  petits  animaux,  aux- 
quels elle  fait  une  guerre  d'extermination.  Quelquefois  elle  suit  le  bord  des 
l'uisseaux  pour  s'emparer,  faute  de  mieux,  des  reptiles  a(|uati(pies  et  même  des 
poissons,  si  on  en  croit  quelques  voyageurs  et  Bulfon  ;  mais  ce  fait  me  paraît 
très-contestable.  Elle  mange  des  insectes  quand  elle  manque  de  gibier,  et  quel- 
quefois elle  se  contente  de  quelques  baies  sucrées,  telles  que  celles  de  l'ai- 
relle, etc. 

Sur  quatre-vingt  mille  exilés,  plus  ou  moins,  (pii  i)euplent  habituellement  la 
Sibérie,  environ  quinze  mille  sont  employés  à  la  chasse  de  l'heimine  et  de  la 
zibeline.  Ils  se  réunissent  en  petites  trou[>es  de  ipiinze  ou  vingt,  rarement  plus 
ou  moins,  alin  de  jiouvoir  se  prêter  un  mutuel  secours,  sans  cependant  se  nuire 
enchâssant.  Sur  deux  ou  trois  traîneaux  attelés  de  chiens,  ils  emportent  leurs  pro- 
visions de  voyage,  consistant  en  poudre,  plouïb,  eau-de-vie,  fourrure  pour  se  cou- 
vrir, (piel(|ues  vivres  d'assez  mauvaise  qualité  et  une  boinie  cpiantilé  de  pièges. 
Aussitôt  que  les  gelées  (uit  suftisannnent  durci  la  surface  de  la  neige,  ces  petites 
caravanes  se  mettent  en  route  et  s'enfoncent  dans  le  désert,  chacune  d'un  côté  dif- 
férent. Quand  le  ciel  de  la  nuit  n'est  pas  voilé  par  des  brouillards,  elles  dirigent 
leur  voyage  au  moyen  de  (piel(|ue  constellation  ;  pendant  le  jour  elles  consnltenl 
le  soleil  ou  une  petite  boussole  de  poche.  Quelques  chasseurs  se  servent,  pour 
marcher,  de  patins  en  bois  à  la  manière  de  ceux  des  Samoïèdes;  d'autres  n'ont 
pour  chaussure  (pie  de  gros  souliers  ferrés  et  des  guêtres  de  cuir  ou  de  feutre. 
Chaque  traîneau  a  ordinairement  un  attelage  de  huit  chiens;  mais  pendant 
que  quatre  le  tirent,  les  quatre  autres  se  reposent,  soit  en  suivant  leurs  maîtres, 
soit  en  se  couchant  à  une  place  ((ui  leur  est  réservée  sur  le  traîneau  même.  Ils 
se  relayent  de  (\f\\\  heures  en  deux  beiu'es.  Pendant  les  premiers  jours  on  fait  de 
grandes  marches,  atin  de  gagner  le  plus  tôt  possible  l'endroit  ou  l'on  doit  chasser, 
et  cet  endroit  est  quehiuefois  à  deux  on  trois  cents  lieues  de  distance  du  point 
d'où  l'on  est  parti.  Mais  plus  on  avance  dans  le  désert,  plus  les  obstacles  se  nml- 
tiplient.  Tantôt  c'est  un  ton  eut  non   encore  glacé  (|u'il  faut  traverser;  alors 
on  est  obligé  d'entrer  dans  l'eau  jusqu'à  l'estomac  et  de  porter  les  traîneaux  sur 
l'autre  bord,  en  se  frayant  un  jiassage  à  travers  les  glaçons  charriés  par  les  eaux. 
Ine  autre  fois  c'est  un  bois  à  traverser  en  se  faisant  J(mii'  à  coups  de  baclie<hins 


HÎS  LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 

les  broussailles  ;  puis  un  pic  de  glace  à  monter,  et  alors  les  chasseurs,  après 
s'être  attachés  des  crampons  aux  pieds,  s'attellent  avec  leurs  chiens  pour  faire 
grimper  les  traîneaux  à  force  de  bras. 

Là,  un  hiver  de  neuf  mois  couvre  la  terre  d'épais  frimas;  jamais  le  sol  ne 
dégèle  à  plus  de  trois  ou  quatre  pieds  de  profondeur,  et  la  nature,  éternellement 
morte,  jette  dans  l'âme  l'épouvante  et  la  désolation  ;  à  peine  si  une  végétation 
languissante  couvre  les  plaines  de  queltpie  verdure  pendant  le  court  intervalle 
de  l'été,  et  des  bruyères  stériles,  de  maigres  bouleaux,  quelques  arbres  résineux 
rachiliques,  font  l'ornement  le  plus  pittoresque  de  ces  climats  glacés.  Là,  tous 
les  êtres  vivants  ont  subi  la  triste  influence  du  désert  ;  les  rares  habitants  qui 
traînent  dans  les  neiges  leur  existence  engourdie  sont  presque  des  sauvages 
difformes  et  abrutis;  les  animaux  y  sont  farouches  et  féroces,  et  tous,  si  j'en 
excepte  le  renne,  ne  sont  utiles  à  l'homme  que  par  leur  fourrure  :  tels  sont  les 
ours  blancs,  les  loups  gris,  les  renards  bleus,  les  blanches  hermines  et  la  marte 
zibeline.  Venons  à  nos  chasseurs. 

L'hiver  augmente  d'intensité  ;  les  longues  nuits  deviennent  plus  sombres 
parce  que  l'air  est  surchargé  d'une  tine  poussière  de  glace  qui  l'obscurcit;  vers 
le  nord,  le  ciel  se  colore  d'une  lumière  rouge  et  ensanglantée,  annonçant  les 
aurores  boréales.  Les  gloutons,  les  ours,  les  loups  et  autres  animaux  féroces,  ne 
trouvant  plus  sur  la  terre  couverte  de  neige  leur  nourriture  accoutumée,  errent 
dans  les  ténèbres,  s'ap})rochent  audacieusement  de  la  petite  caravane,  et  font 
retentir  les  roches  de  glace  de  leurs  sinistres  hurlements.  Chaque  soir,  lors- 
(pi'on  arrive  au  pied  d'une  montagne  qui  peut  servir  d'abri  contre  le  vent  du 
nord,  il  faut  camper.  On  se  fait  une  sorte  de  rempart  avec  les  traîneaux  ;  on 
tend  au-dessus  une  toile  soutenue  par  quelques  perches  de  sapin  coupées  dans 
un  bois  voisin.  On  place  au  milieu  de  cette  façon  de  tente  un  fagot  de  brous- 
sailles auquel  on  met  le  feu.  Chacun  étend  une  peau  d'ours  sur  la  glace,  se 
couche  dessus,  se  couvre  de  son  manteau  fourré,  et  attend  le  lendemain  pour  se 
remettre  en  route. 

Pendant  que  les  chasseurs  dorment,  l'un  d'eux  fait  sentinelle,  et  souvent  son 
coup  de  fusil  annonce  l'approche  d'un  ours  féroce  ou  d'une  troupe  de  loups  affa- 
més. 11  faut  se  lever  à  la  hâte,  et  quelquefois  soutenir  une  affreuse  lutte  avec  ces 
terribles  animaux.  Mais  il  arrive  aussi  que  la  nuit  n'est  troublée  par  aucun  bruit, 
si  ce  n'est  par  le  sifflement  du  vent  du  nord  qui  glisse  sur  la  neige,  et  par  une 
sorte  de  petit  bruissement  particulier  sur  la  toile  de  la  tente.  Les  chasseurs  ont 
dormi  profondément,  et  il  est  grand  jour  quand  ils  se  réveillent;  ils  appellent  la 
sentinelle,  mais  personne  ne  répond  ;  leur  cœur  se  serre  ;  ils  se  hâtent  de  sortir, 
car  ils  savent  ce  que  signifie  ce  silence.  Leur  camarade  est  là,  assis  sur  un 
tronc  de  sapin  renversé  ;  il  a  bien  fait  son  devoir  de  surveillant,  car  son  fusil  est 
sur  ses  genoux,  son  doigt  sur  la  gâchette,  et  ses  yeux  sont  tournés  vers  la  mon- 
tagne où,  la  nuit,  les  hurlements  des  loups  se  sont  fait  entendre  ;  mais  ce  n'est 
plus  un  homme  qui  est  en  sentinelle,  c'est  un  bloc  de  glace.  Ses  compagnons, 
après  avoir  versé  une  larme  sur  sa  destinée,  le  laissent  là,  assis  dans  le  désert, 
et  se  réservent  de  lui  donner  la  sépulture  six  mois  plus  tard,  en  repassant, 
lorsqu'un  froid  moins  intense  permettra  d'ouvrir  un  trou  dans  la  glace.  Us  le 
retrouveront  à  la  même  place,  dans  la  même  attitude  et  dans  le  même  état,  si 


MARTES  169 

un   ours  n'a  pas  essayé  d'entamer  avec  ses  dents  des  chairs  blanches  et  roses 
connne  de  la  cire  colorée,  mais  dures  comme  le  granit. 

Enfin,  après  mille  fatigues  et  mille  dangers  é[)ouvanlaMes,  la  petite  caravane 
arrive  dans  une  contrée  coupée  de  collines  et  de  ruisseaux.  Les  chasseurs  les 
plus  expérimentés  tracent  le  plan  d'une  misérable  cabane  construite  avec  des 
perches  et  de  vieux  troncs  de  bouleaux  à  moitié  pourris.  Ils  la  couvrent  d'herbe 
sèche  et  de  mousse,  et  laissent  au  haut  du  toit  un  trou  pour  donner  passage  à  la 
fumée.  Un  autre  trou,  par  lequel  on  ne  peut  se  glisser  qu'en  rampant,  sert  de 
porte,  et  il  n'y  a  pas  d'autre  ouverture  pour  introduire  l'air  et  la  lumière. 
C'est  là  que  quinze  malheureux  passeront  les  cinq  ou  six  mois  les  plus  rudes  de 
l'hiver;  c'est  là  qu'ils  braveront  l'inclémence  d'une  température  descendant 
presque  chaque  jour  à  vingt-deux  ou  vingt-cinq  degrés  du  thermomètre  de 
Uéaumur.  Lorsque  les  travaux  de  la  cabane  sont  terminés,  lorsque  le  chaudron 
est  placé  au  milieu  de  l'habitation  sur  le  foyer  pour  faire  fondre  la  glace  qui 
doit  leur  fournir  de  l'eau,  lorsque  la  mousse  et  les  lichens  sont  disposés  pour 
faire  les  lits,  alors  les  chasseurs  parlent  ensemble  pour  aller  visiter  leur  nou- 
veau domaine,  et  pour  diviser  le  pays  en  autant  de  cantons  de  chasse  qu'il  y  a 
d'hommes.  Quand  les  limites  en  sont  définitivement  tracées,  on  tire  ces  cantons 
au  sort,  et  chacun  a  le  sien  en  toute  propriété  pendant  la  saison  de  la  chasse,  et 
aucun  d'eux  ne  se  permettrait  d'empiéter  sur  celui  de  ses  voisins.  Ils  passent 
toute  la  journée  à  tendre  des  pièges  i)artout  où  ils  voient  sur  la  neige  <les  im- 
pressions de  pieds  annonçant  le  passage  ordinaire  des  martes,  hermines  et 
renards  bleus;  ils  poursuivent  aussi  ces  animaux  dans  les  bois,  à  coups  de  fusil, 
ce  qui  exige  une  grande  adresse  ;  car,  pour  ne  pas  gâter  la  peau,  ils  sont  obligés 
de  tirer  à  balle  franche.  Le  soir,  tous  se  rendent  à  la  cabane,  et  la  première 
chose  qu'ils  font  est  de  se  regarder  mutuellement  le  bout  du  nez;  si  l'un  d'eux 
l'a  blanc  comme  de  la  cire  vierge  et  un  peu  transparent,  c'est  qu'il  l'a  gelé,  ce 
dont  il  ne  s'aperçoit  pas  hii-iuème.  Alors  on  ne  laisse  pas  le  chasseur  s'appro- 
cher du  feu,  et  on  lui  applique  sur  le  nez  une  compresse  de  neige  que  l'on  re- 
nouvelle à  mesure  qu'elle  se  fond,  jusqu'à  ce  que  la  partie  malade  ait  repris  sa 
couleur  naturelle.  Ils  traitent  de  même  les  mains  et  les  pieds  gelés  ;  mais,  malgré 
ces  soins,  il  est  rare  que  la  petite  caravane  se  remette  en  route  au  printemps 
sans  ramener  avec  elle  quelques  estropiés.  Dans  les  hivers  extrêmement  rigou- 
reux, il  est  arrivé  maintes  fois  que  des  caravanes  entières  de  chasseurs  sont 
restées  gelées  dans  leurs  huttes,  ou  ont  été  englouties  dans  les  neiges.  Les  dou- 
leurs morales  des  exilés,  venant  ajouter  aux  rigueurs  de  cet  affreux  climat,  ont 
aussi  poussé  très-souvent  les  chasseurs  au  découragement  ;  et,  dans  ces  solitudes 
épouvantables,  il  n'y  a  qu'un  pas  du  découragement  à  la  mort.  Qu'un  exilé  harassé 
s'asseye  un  (piart  d'heure  au  pied  d'un  arbre,  qu'il  se  laisse  aller  aux  pleurs,  puis 
au  sommeil,  il  est  certain  iju'il  ne  se  reveillera  plus. 

La  Marte  pècuevse (Miistcla  pisratorin,  Less.  dces  de  noir;  elle  a  des  inoiisfaches  longues  et 

Mustela  inclannrhijnrlia,  Bodd.i  n'est  peut-élre  sojeiises;  sa  queue  est  Irès-toulTue,  cl  ses  larges 

qu'une  variété  de  la  précédente,  mais  apparie-  pieds  sont  velus.  Klle  a  les  nuincs  mœurs  que 

nant  à  l'Amérique  sepknlrionale.  Elle  est  noire,  la  zibeline. 

avec  la  face  et  les  cotés  du  cou  d'un  cendré  nielc  Le  Pékan  (Mustcla  canadensis,  Li.\.  Le  Pe- 

denoir;  ses  oreilles  sont  arrondies,  larges,  bor-  l.nn.  Blff.)  est  un  peu  plus  grand  que  les  es- 

22 


170 


LES  CAItNASSlKUS   DIGIT  Ui  U  A  LU:s 


jioces  préco(k'ii(es.  Ses  patles,  sa  queue,  le  des- 
sous de  son  corps  el  son  museau  sont  d'un  brun 
marron  trrs  foncé;  ses  oreilles  sont  blanchiî- 
tres  ;  le  reslcdu  corps  est  d'un  brun  {jrls  varié  de 
noirâtre,  très-changeant,  et  passant  quelquefois 
au  noir;  quelquefois  une  tache  se  dessine  sur 
sa  porge.  Cette  espèce  vit  sur  le  boid  des  lacs 
et  des  rivières,  daus  des  terriers  quelle  sait  se 
creuser  ;  elle  habite  le  Canada  et  le  nord  des 
Ltals-L'nis 

La  Marte  des  Huuons  (  Miisfda  hiiro,  Fit. 
Cev.)  est  ordinairement  d'un  blond  clair,  avec 
les  pattes  et  l'extrémité  de  la  queue  plus  foncés, 
et  quelquefois  brunes.  Celte  espèce  varie  beau- 
coup pour  les  couleurs,  car  on  en  voit  au  !\lu- 
scum  d(»nt  les  paities  inférieures  du  corps  sont 
plus  foncées  que  les  supérieures,  et  d'autres  on 
les  couleurs  sont  dans  une  disposition  inverse  ; 
la  tète  est  quelquefois  blanchâtre  ou  même  en- 
tièrement blanche.  Elle  habite  l'Amérique  sep- 
tentrionale. 

La  MAiiTE  CUISE  (  Miislfla  itoliocephaln,  Less. 
l'iiuira  polïocephnln,  Traill.)-  Cette  espèce 
est  plus  haute  sur  jambes  que  les  autres  ;  elle  est 
noire  sur  le  corps,  grise  sur  la  tète  et  sur  le 
cou,  et  porte  sur  la  gorge  une  tache  jaune  en- 
tourée d'un  bord  noir  de  jais  ;  ses  poils  sont  fort 
longs  sur  la  nuque,  et  lui  forment  ime  sorte  de 
collerette.  On  la  trouve  dans  les  forêls  de  De- 
nicrary,  à  la  Guyane 

Le  ZoRRA  {Mnsiela  sinnehsis,  IIumb.i  a  le 
corps  moins  vermiforme  que  les  autres  martes  ; 
elle  est  d'un  gris  noirâtre  uniforme,  avec  l'in- 
térieur des  oreilles  et  le  ventre  blancs.  Elle  ha- 
bite la  Nouvelle-Grenade,  et  chasse  aux  petits 
oiseaux. 

Le  CrjA  (Mustela  rujn,  MoLiNAJest  de  la 
taille  du  furet  ;  son  pelage  est  très-doux,  épais, 
entièrement  noir  ;  sa  queue  est  aussi  longue 
que  son  corps,  touflue  ;  son  museau  se  termine 
en  sorte  de  groin.  Il  habite  le  Chili,  et  se  nour- 
rit d'oiseaux  et  de  petits  mamniilères. 


Le  Qliqui  (  3/ii.s(f/a  qiij(/i(i,  Moi.i.na)  se  rap- 
proche de  la  belette  ;  sa  couleur  est  brune  ;  sa 
léte  aplatie  ;  son  nuiseaii  en  forme  de  groin, 
avec  une  tache  blanche  au  milieu  du  nez  ;  ses 
oreilles  sont  courtes  et  rondes.  Elle  se  trouve 
au  Chili,  habite  des  terriers,  el  se  nourrit  de 
petits  animaux.  Du  reste,  il  me  paraît  fort  dou- 
teux que  celte  espèce  et  la  précédente  appar- 
tiennent au  genre  des  maries.  Quand  on  les 
connaîtra  mieux,  il  faudra  certainement  les  re- 
porter aillenrs,  ou,  probablement,  leur  créer 
un  génie  nouveau. 

Le  Wejack  \Miistcla  Pennanti,  Eux.)  a  le  mu- 
seau pointu,  le  nez  brun  ;  les  oreilles  larges, 
courtes  et  arrondies;  la  poitrine  brune  avec 
quelques  poils  blancs;  le  ventre  et  les  cuisses 
d'un  brun  noir  ;  les  pieds  larges,  revêtus  de 
poils,  et  les  ongles  blancs;  son  pelage  est  jau- 
nâtre, passant  au  brun  marron  sur  la  tète  ;  la 
queue  est  noire  et  luslrée,  très-grèle  à  son  ex- 
trémité. 11  habite  la  Pensylvauie  et  les  bords  du 
grand  lac  des  Esclaves. 

2*^  Genre.  Les  PUTOIS  {Pntoniis,  Cuv.) 
ressemblent  beaucoup  aux  martes,  mais  ils  n'ont 
que  quatre  fausses  molaires  à  la  nuichoire  su- 
périeure, six  à  l'inférieure,  et  point  de  tu- 
bercule intéiieur  à  la  carnassière  inférieure. 
Leur  tète  est  un  peu  moins  allongée  que  dans 
le  genre  précédent,  et  tous  exhalent  une  odeur 
désagréable. 

Le  Putois  commun  (Piitoritis  nilgaris.—Mus- 
telainttorius,  Li>.  Le  Putois,  Buff.  Le  Putois 
rommuu,  G.  Civ  ).  Il  a  un  peu  plus  d'un  pied 
(0,525)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
a  environ  six  pouces  (0,162).  11  est  d'un  brun 
noirâtre,  assez  foncé  sur  les  membres,  mais 
plus  clair  et  prenant  une  teinte  plus  fauve  sur 
les  flancs  ;  il  a  le  bout  du  museau,  les  oreilles, 
et  une  tache  derrière  l'a-il  blancs  ;  ses  poils  in 
lérieurs  laineux  sont  blanchâtres.  En  Lorraine, 
on  en  trouve  quelquefois  une  variété  blanchâ- 
tre ou  jaunâtre. 


Le  putois  OU  puant  habite  les  climats  tempérés  de  l'Europe,  el  il  est  assez 
commun  partout.  Son  nom  vient  de  l'odeur  infecte  qu'il  exhale,  surtout  lorsqu'on 
l'irrite  ;  cette  odeur  devient  alors  tellement  forte,  qu'elle  dégoîite  et  écarte  les 
chiens.  Ses  mœurs  ont  beaucoup  d'analogie  avec  celles  de  la  fouine;  aussi  nos 
cultivateurs  les  confondent-ils  souvent,  au  moins  dans  leurs  méfaits.  Il  habite  la 
campagne  pendant  la  belle  saison  ;  mais  aussitôt  que  les  premiers  froids  se  font 
sentir,  et  que  les  bois  connnencent  à  se  dépouiller  de  leurs  feuilles,  il  se  rap- 
proche des  habitations  et  se  loge  dans  les  vieux  bâtiments,  les  granges  et  les 
greniers  à  foin.  Il  dort  pendant  le  jour,  et  ne  sort  de  sa  retraite  que  la  nuit  pour 
aller  à  la  chasse  des  souris,  des  mulots,  des  insectes,  et  de  tous  les  petits  ani- 
maux qu'il  ose  attaquer  impiniément.  Il  a  toute  la  cruauté,  toute  l'audace  des 
martes;  mais  il  est  plus  rusé,  plus  défiant,  et  donne  moins  souvent  dans  les 


MARTES.  17 1 

pièges  qui  lui  sont  leiulus.  «  11  se  glisse  thuis  les  basses-cours,  dit  iJulluii,  moiile 
aux  volières,  aux  colombiers,  où,  sans  faire  autant  de  bruit  que  la  fouine,  il 
fait  plus  de  dégâts.  Il  coupe  ou  écrase  la  tète  à  toutes  les  volailles,  et  ensuite  il 
les  emporte  une  à  une  et  en  fait  un  magasin.  Si,  comme  il  arrive  souvent,  il  ne 
peut  les  emporter  entières,  parce  que  le  trou  par  où  il  est  entré  se  trouve  trop 
étroit,  il  leur  mange  la  cervelle  et  emporte  les  tètes.  11  est  aussi  fort  avide  de 
miel;  il  attaque  les  rucbes  en  hiver,  et  force  les  abeilles  à  les  abandonner.  Il  ne 
s'éloigne  guère  des  lieux  habités.  Il  entre  en  amour  au  printemps  ;  les  mâles  se 
battent  sur  les  toits,  et  se  disputent  la  femelle  ;  ensuite  ils  l'abandonnent  et  vont 
passer  l'été  à  la  campagne  ou  dans  les  bois.  La  femelle,  au  contraire,  reste  dans 
son  grenier  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  mis  bas,  et  n'emmène  ses  petits  que  vers  le 
milieu  ou  la  fin  de  l'été.  Elle  en  fait  trois  ou  quatre  et  quelquefois  cinq,  ne  les 
allaite  pas  longtemps,  et  les  accoutume  de  bonne  heure  à  sucer  du  sang  et  des 
œufs.  » 

Pendant  qu'il  habite  la  campagne,  le  putois  fixe  sou  domicile  dans  un  creux 
de  rocher  ou  un  tronc  d'arbre,  s'il  n'y  a  pas  de  trou  de  lapin  dans  les  environs. 
Mais  s'il  rencontre  une  garenne,  il  choisit  un  terrier  qui  lui  convient,  en  chasse 
ou  en  tue  les  habitants,  et  s'y  établit  commodément.  Dans  ces  heureuses  cir- 
constances, il  trouve  chaque  jour  la  facilité  de  satisfaire  son  goût  j)our  le  car- 
nage et  sa  soif  de  sang,  car,  grâce  à  sa  taille  lluette,  il  se  glisse  aisément  dans 
les  terriers  et  massacre  tout  ce  qu'il  y  trouve;  aussi,  suflit-il  d'une  famille  de 
putois  pour  dépeupler  dans  une  seule  saison  la  |)his  riche  garenne.  S'il  n'y  a 
pas  de  lapins  dans  les  environs,  il  bat  la  campagne  toute  la  nuit,  cherche  les 
nids  de  perdrix,  d'alouettes,  de  cailles,  etc.,  et  manque  rarement  de  surprendre 
la  mère  sur  ses  œufs.  Il  en  résulte  que  les  chasseurs,  dont  il  détruit  les  espé- 
rances, lui  fout  une  guerre  d'extermination.  Quoique  très-sauvage,  le  putois 
ne  manque  pas  d'intelligence,  ce  qui  ferait  croire  qu'on  viendrait  facilement  à 
bout  (le  l'apprivoiser  et  de  s'en  servir  à  la  chasse  du  lapin,  si  l'on  n'avait  pas 
le  furet. 


172 


LES   CAKNASSIEUS   l»IG  ITIG  K.VDES. 


Le  NIMSE  ou  FURiiT  [Piilvriiis  fiiro.  —  }Jitst('la  [mu,  Lin.  Le  Furel,  Buff. 
Prol)ablement  YIctis  (I'Aristote) 

N'est  qu'une  variété  du  putois,  dont  il  ne  diffère  que  par  son  pelage  d'un  hlanc 
jaunâtre  et  ses  yeux  roses,  et,  dans  ce  cas,  je  le  crois  un  albinos  dont  on  aura 
perpétué  la  race  et  la  maladie  par  la  domesticité.  Ceci  me  paraît  d'autant  plus 
vrai,  qu'on  en  élève  souvent  dont  le  pelage  est  mêlé  de  blanc,  de  fauve  et  de 
noir,  ainsi  que  celui  du  putois  ;  ceux-là  n'ont  pas  les  yeux  noirs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  furet,  qui  n'existe  cbez  nous  qu'à  l'état  de  domesticité, 
nous  a  été  apporté  d'Espagne,  et  les  Espagnols  l'ont  eux-mêmes  tiré  de  la  Bar- 
barie, dès  la  plus  liante  antiquité,  si  l'on  s'en  rapporte  à  Strabon.  Cet  animal 
craint  le  froid  de  nos  climats,  et,  lorsqu'il  a  conquis  sa  liberté,  ce  qui  arrive 
assez  souvent,  il  périt  pendant  l'biver.  Il  faut  bien  qu'il  en  soit  ainsi,  puis- 
(pi'on  n'a  jamais  revu  dans  l'état  sauvage  aucun  des  nombreux  individus  qui 
s'écbappent  des  mains  des  chasseurs.  Il  n'en  est  i)as  de  même  en  Espagne,  où 
il  s'est  parfaitement  naturalisé,  et  où  ses  mœurs  ne  diffèreut  en  rien  de  celles 
du  putois.  Il  apporte  en  naissant  une  telle  haine  pour  les  lapins,  «  qu'aussitôt 
qu'on  en  présente  un,  même  mort,  à  un  jeune  furet  qui  n'en  a  jamais  vu,  il 
se  jette  dessus  et  le  mord  avec  fureur,  dit  BulTon.  S'il  est  vivant,  il  le  prend 
par  le  cou,  par  le  nez,  et  lui  suce  le  sang.  «  Les  chasseurs  ont  profité  avec 
empressemont  de  cette  antipathie  pour  dresser  le  furet  à  la  chasse,  autant  que 
le  caractère  sauvage  et   indiscipliiiable  de  cet   animal  le  permettait;  ils  sont 


.mai;tks 


17:î 


parvenus  a  <'ii  faiic.  non  iiii  d(unesli(|uo,  mais  un  esclave  toujours  eu  révolte, 
et  qu'on  lu'  peut  conduire  qu'à  la  chaîne.  On  élève  les  furets  dans  des  tonneaux 
on  des  eages.  on  leur  donne  de  la  lilasse  dans  hupielle  ils  aiment  à  s'enfoncer 
pour  d(»rmir,  et  on  les  nourrit  avec  du  lait.  An  pain,  du  son,  etc.;  mais  nu  s'abs- 
tient de  leur  donner  de  la  chair,  atin  de  leur  faire  oublier,  autan!  (pu'  possible, 
ce  yoùt  pour  le  sany  qui  les  fait  rester  le  [)lus  souvent  dans  les  terriers.  Ils 
dorment  continuellement,  el  ne  se  réveillent  guère  que  pour  manger,  ce  (pi'ils 
font  avec  voracité.  La  femelle  est  sensiblement  plus  petite  que  le  mâle;  elle 
le  recherche  avec  ardeur  dans  le  temps  des  amours,  et  il  serait  dangereux  de 
les  séparer  à  celte  époque,  parce  (|ue  le  plus  ordinairement  elle  nuun'rail  de 
chagrin.  Elle  porte  six  semaines,  et  fait  des  petits  deux  fois  par  an.  il  arrive 
assez  fréquemment  à  cette  boime  mère  de  manger  ses  enfants,  non  par  gour- 
mandise, mais  simplement  pour  avoir  le  plaisir  de  faire  de  nouvelles  avances 
à  son  mâle:  dans  ce  cas,  elle  fait  trois  portées  au  lieu  de  deux.  Cbatpie  portée 
est  ordinairement  de  cin(|  à  six  petits,  rarement  de  huit  à  neuf,  (les  animaux 
exhalent,  surtout  quand  ils  sont  en  colère,  une  odeur  fétide,  t(uit  à  fait  ana- 
logue à  celle  du  putois. 

Lorscju  on  se  sert  du  furet  pour  la  chasse  aux  lapins,  on  a  soin  de  le  muse- 
ler avant  de  le  présenter  à  l'entrée  du  terrier,  car  sans  cela  il  les  tuerait,  leur 
mangerait  la  cervelle,  se  gorgerait  de  sang,  puis  il  s'endormirait  sur  ses  vic- 
times, el  rien  ne  serait  capable  de  le  réveiller,  ou  au  moins  de  le  déterminer 
à  sortir  du  trou.  Quand  il  est  muselé,  il  les  attaque  seulement  avec  les  ongles; 
les  pauvres  lapins  épouvantés  se  hâtent  de  sortir  pour  échapper  à  leur  cruel 
ennemi,  et,  dans  leur  frayeur,  ils  vont  donner  tète  baissée  dans  la  bourse  de 
filet  que  le  chasseur  a  tendue  à  l'entrée  du  terrier.  Quelquefois,  maigre  sa  nui- 
selière,  le  furet  vient  a  bout  de  tuer  les  jeunes  lapins  avec  ses  ongles,  de  leur 
ouvrir  les  veines,  et  de  sucer  leur  sang,  pour  s'endormir  ensuite;  dans  ce  cas, 
on  |)arvienl  assez  souvent  à  le  réveiller  et  à  le  faire  sortir  en  tirant  un  ou 
deux  coups  de  fusil  à  l'entrée  {h\  trou,  ou  en  le  fumant  connue  un  lenard. 
Mais  on  risque  de  l'irriter,  et  .dors  il  s'enfonce  davantage  dans  les  dilférents 
canaux  du  terrier,  el  il  est  perdu  pour  le  chasseur.  On  voit  que  le  furet  n'est 
réellement  jamais  bien  apjirivoise,  et  que  dans  sa  prétendue  éducation,  tout  se 
borne  à  tirer  parti  de  l'instinct  que  lui  a  donné  la  nature.  Il  ne  reconnaît  pas 
son  maître,  n'obéit  a  la  voix  (b;  personne,  et  ne  manque  guère  l'occasion  de 
mordre  la  main  qui  le  nourrit. 


Le  PtTdi.s  i>'!',\KR.SMi>\  (  l'nloiiiis  F.iers- 
mnnuii. —  Musttla  l'.rersmnnuii,  I^ess.)  uc  iik; 
parait  encore  (|ii'une  varielé  du  jjutoiscoininuii. 
Son  pelage  est  dnn  jaune  clair,  à  pointe  de  poils 
l)rune  seulenieni  snr-  les  lombes;  la  poitrine  et 
les  pieds  sont  linnis  ;  la  qnene  esl  partout  dune 
('gale  teinte.  Il  a  été  tronve  par  M  Knc  rsnianii 
entre  Orenihonrg  et  Hiikkara. 

Le  CiioHocK  tl'iit'Diiis  siliincus.  —  Miislcla  si- 
biiicn,  Pai.i.)  est  à  peu  prés  de  la  taille  du  fo- 
ret, dont  il  a  les  formes  gt-nerales  ;  mais  son 
pelage  esl  à  poils  plus  longs,  d  un  lan\e  dore 
en  dessus,  el  d  nn  |;iniie  fauve  pâle  en  dessouv  : 


le  lonr  dn  muile  est  hianc,  el  la  partie  du  mu- 
seau comprise  entre  les  jeux  et  ciMe  partie 
hianclie  esl  hrune.  (^ueltpies  indi\idns  ont  le 
dessous  de  la  mâchoire  inlérieure  bl.mc,  d'au- 
tres de  la  couleur  du  corps,  mais  un  peu  plus 
clair.  Lechorock  habile  les  forets  delà  Sibérie, 
et,  ainsi  (pie  le  putois,  dont  il  a  les  mœurs,  il  se 
r.ippnxhe  des  habitation^  pendant  Ihiver,  el 
dévaste  les  basses-cours. 

Le  Putois  i>ks  .-Vurts  (  l'iiloniis  (iliiinns.— 
Musttla  (iliiinn  ,  Cikhleh  |  esl  plus  petit,  plus 
allongé  (jue  le  putois  eonnucm.  atupu'l  il  res- 
semble; il  esl  jaunâtre  oir  brimàire  en  dessus. 


174 


LES   CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 


d'un  jauiie  pâle  cii  dessous,  avec  le  mentou 
blanc,  ainsi  qu'une  partie  de  la  bouche.  Il  se 
loge  dans  les  trous  de  rochers  ou  dans  des  ter- 
riers dont  il  s'empare,  et  se  nourrit  d'oiseaux 
et  de  petits  mammifères. 

Le  VisoiM  {  P((/o)i?(A  vison.— Mitslela  v'isoii, 
Lin.  Le  Vison,  Blff.— G.Ctv.),  que  l'on  a  sou- 
vent placé  mal  .i  propos  avec  les  martes,  est 
d'un  bruji  plus  ou  moins  foncé,  tirant  plus  ou 
moins  sur  le  fauve,  avec  une  tache  blanche  à 
l'extrémité  de  la  mâchoire  inférieure  ;  sa  queue 
est  noirâtre.  11  n'a  pas  les  pieds  palmés,  comme 
l'ont  dit  les  naturalistes.  Cette  espèce  vit  dans 
des  terriers  qu'elle  se  creuse  au  bord  des 
eaux,  dans  le  Canada  et  dans  tout  le  nord  de 
l'Amérique.  Sa  fourrure  brillante  est  fort 
estimée 

Le  MiNK  DES  Américains  iVtitorins  Inlrcoce- 
plialus.  —  Mnstela  Mteiuephala,  Hari.an.  La 
Marte  a  tite  de  loutre  de  quelques  naturalistes) 
ne  doit  être  confondu,  ni  avec  le  Vison,  ni  avec 
la  Miistela  lutreola  de  Pallas  ou  tuhcuri  11  est 
d'un  blanc  jaunâtre,  plus  clair  en  dessous,  avec 
la  queue  d'un  brun  ferrugineux,  ce  qui  le  dis- 
lingue du  vison;  sa  taille  est  double  de  celle  du 
tuhcuri,  et  il  ressend)le  à  la  loutre  par  la  forme 
de  sa  tète  et  de  ses  oreilles;  ses  doigts  sont  à 
demi  palmés.  11  habite  le  Marjland 

Le  Putois  MABHON  (  Piiforids  rufns.  —  Miis- 
ieln  rufa,  Desm.)  est  encore  une  espèce  dou- 
teuse, qui  peut  appartenir  au  vison  ou  au  tuh 
curi.  U  a  un  pied  sept  pouces  (0,.>I4)  de  lon- 
gueur totale.  Son  pelage  est  d'un  roux  marron, 
plus  foncé  en  dessous  qu'en  dessus,  et  composé 
de  poils  annelés  de  brun  marron  et  de  jaunâtre; 
sa  queue  est  brune  à  sa  pointe,  ainsi  que  ses 
quatre  extrémités.  U  habite  probablement  l'A- 
mérique. 

Le  TiiiiciRi,  ou  MoENCK,  ou  Noehs  tPiitorins 
lutreuliis.  —  Mustela  liilreolu.  Pâli,.  I.titra  mi- 
nor,  Ebxl.  Le  Minh  des  naturalistes  Le  Tnh- 
citri  des  Finlandais.  Le  Mœnrk  des  Russes,  et 
le  A'cprs  ou  Xorek  des  Prussiens)  est  un  peu  plus 
petit  que  le  vison  ;  sou  pelage  est  d'un  brun  noi- 
râtre, avec  le  dernier  tiers  de  la  queue  tout  à 


fait  noir  ;  la  lèvre  supérieure,  le  menton  et  le 
dessous  du  cou  sont  blancs  ;  il  a  les  pieds  à  demi 
palmés.  Cet  animal  habile  le  nord  de  l'Kurope. 
et  surtout  la  Finlande.  Il  se  tient  sur  le  bord  des 
eaux,  et  se  nourrit  de  grenouilles,  d'écrevisses 
et  de  poissons,  qu'il  poursuit  dans  les  ondes. 
Ses  habitudes  tiennent  à  la  fois  de  celles  des 
putois  et  de  celles  des  loutres.  Il  n'exhale  qu'une 
légère  odeur  de  musc,  peu  désagréable,  d'où  il 
résulte  que  sa  fourrure,  d'ailleurs  fort  belle, 
est  plus  recherchée  que  celle  de  la  plupart  des 
autres  animaux  de  son  genre. 

Le  FtitET  de  Java  (  Putorius  nudipes. - 
Mustela  vudipe.s,  Fb.  Ciiv.)  est  un  peu  plus  pe- 
tit que  le  putois  commun  ;  son  pelage  est  d'un 
beau  roux  doré  très  brillant  ;  la  tcte  et  l'extré- 
mité de  la  queue  sont  blanches  ou  d'un  blanc 
jaunâtre  ;  le  dessous  de  ses  pieds  est  entière- 
ment nu.  11  a  été  trouvé  à  Java,  et  l'on  pense 
c|ue  ses  nuruis  sont  les  mêmes  que  celles  de 
notre  putois  commu:i. 

le  Pebolasca  ou  Putois  de  Pologne  (Puto- 
rius surmalicus.  —  Mtistela  sarniatica,  Pall.) 
est  un  peu  plus  petit  que  uotr(!  fui  et,  et  a  le  poil 
très-court,  d'un  beau  fauve  clair,  parsemé  de 
nombreuses  taches  brunes  en  dessus;  le  des- 
sous, les  membres  et  le  bout  de  la  queue  sont 
d'un  brun  foncé;  l'oreille,  le  bout  du  museau 
et  le  dessous  de  la  mâchoire  inférieure  sont 
blancs;  il  a  sur  le  front  une  bande  blanche  en 
fer  à  cheval,  naissant  sous  les  oreilles  et  passant 
sur  les  ^ eux.  Du  reste,  son  pelage  v:irie.  Le  pé- 
rouasca  est  un  animal  vorace,  cruel,  ayant  tou- 
tes les  habitudes  de  notre  putois.  11  fait  une 
guerre  acharnée  et  continuelle  aux  mulots,  sou- 
ris, loirs  et  autres  petits  mammifères  rongeurs. 
Quand  il  est  irrité,  il  exhale  de  même  une  odeur 
tros-fétide. 

La  Belette  [Putorius  mustela.  —  Muslela 
iii/ga/is.  Lin.)  a  six  pouces  0,162)  de  longueur, 
non  compris  la  queue,  qui  a  environ  deux  pou- 
ces (0,054)  .Son  corps  est  extrêmement  effilé, 
d'un  brun  roux  en  dessus,  blanc  en  dessous; 
l'extrémité  de  sa  (pieue  n'est  jamais  noire;  ce 
qui  sert  à  la  distinguer  de  l'hermine. 


La  helcltc  et  l'hermine  se  trouvent  dans  les  mêmes  parties  de  lEurope,  mais 
avec  cette  difléreiice  que  la  première  est  très-commune  dans  les  pays  tempérés, 
tandis  que  l'autre  y  est  fort  rare,  et  que  riiermine,  très-commune  dans  les  con- 
trées froides,  est  très-rare  dans  les  pays  tempérés.  La  belette  ne  secarte  guère 
des  habitations,  si  ce  n'est  pendant  la  belle  saison;  alors  elle  part  pour  la  cam- 
pagne, suit  le  bord  des  ruisseaux  et  des  petites  rivières,  se  plaît  dans  les  haies 
des  prairies  sèches  et  des  petites  vallées,  se  loge  dans  un  trou  de  rocher  ou  dans 
un  tas  de  pierre,  plus  souvent  dans  un  terrier  creuse  i)ar  les  taupes  ou  les  mu- 
lots, quelquefois  dans  un  tronc  d'arbre,  ou  même  dans  la  carcasse  d'un  animal 
mort  et  a  demi  i)utrélié,  comme  l'a  observé  Buffon.  Son  œil  vif  et  sa  miirchc 


MAKTES.  1 


/a 


dégagée  lui  clonnenl  un  air  d'ellronlerie  reniar(|Malile  quaiul,  se  crovant  liors 
de  danger  sur  les  branches  d'un  arbre,  elle  regarde  le  chasseur.  Elle  est  dune 
agilité  surprenante,  et  ses  mouvements  sont  si  aisés,  si  gracieux,  (|u'on  croirait 
que  les  sauts  les  plus  prodigieux  ne  lui  coûtent  aucun  efl'ort.  Sa  vivacité  ne  lui 
permet  pas  de  marcher,  elle  bondit;  si  elle  grimpe  à  un  arbre,  d'un  premier 
élan  elle  parvient  à  cinq  ou  six  pieds  de  hauteur,  et  elle  s'élance  ensuite  de 
branche  en  branche  avec  la  même  agilité  qu'un  écureuil.  Dans  la  campagne, 
elle  fait  la  chasse  aux  taupes,  aux  mulots,  aux  oiseaux,  aux  rats  d'eau,  aux  lé- 
zards et  aux  serpents.  On  a  raconté  à  ce  sujet  que  lorsqu'en  se  battant  contre 
une  vipère  elle  en  était  mordue,  elle  allait  aussitôt  se  rouler  sur  une  certaine 
herbe,  en  mâchait  quelques  feuilles,  et  revenait  guérie  au  combat.  Aujourd'hui, 
ces  erreurs  n'ont  pas  besoin  de  réfutation.  Le  courage  de  ce  petit  animal  est 
extraordinaire  ;  il  combat  le  surmulot  deux  fois  plus  gros  que  lui,  l'enlace  de  son 
corps  flexiide,  l'étreint  de  ses  griffes  et  finit  par  le  tuer.  Elle  ose  même  attaquer 
un  lièvre  de  sept  à  huit  livres,  et  j'ai  été  témoin  de  ce  fait.  Dans  une  plaine 
découverte,  je  vis  un  jour  un  lièvre  s'élancer  de  son  gîte,  courir  de  toute  sa 
force,  en  décrivant  de  grands  cercles  ou  plutôt  des  spirales  se  rétrécissant  peu  à 
peu.  Cette  mann  uvre,  que  je  ne  pouvais  m'expliquer,  car  je  n'en  soupçonnais 
pas  la  cause,  dura  sept  à  huit  minutes,  et  enfin  le  lièvre  tomba  se  roulant  sur  la 
terre  et  criant  comme  lorsqu'il  est  pris  par  des  chiens.  Je  m'approchai  à  la  hâte, 
et  quand  j'en  fus  à  quelques  pas,  il  était  expirant.  Une  belette  s'était  cramponnée 
sur  son  cou  et  lui  faisait  tran(piillement  un  trou  dans  le  crâne,  pendant  que  le  mal- 
heureux animal  faisait  des  efforts  inimaginables  pour  s'en  délivrer.  J'ai  entendu 
dire  qu'une  belette,  cramponnée  au  cou  d'un  faisan,  d'un  tétras  ou  autre  oiseau 
vigoureux,  se  laisse  plutôt  emporter  par  lui  dans  les  airs  que  de  lâcher  prise, 
et  je  le  crois  depuis  que  j'ai  vu  ce  que  je  viens  de  raconter. 

Buffon  dit  que  la  belette  ne  chasse  que  la  nuit,  et  en  ceci  il  se  trompe  :  il  n'est 
pas  de  chasseurs  qui  n'en  aient  rencontré  fréquemment  le  jour,  et  moi-même 
j'ai  pu  observer  maintes  fois,  et  en  plein  soleil,  son  adresse  à  surprendre  les 
petits  oiseaux  qui  se  posent  sur  la  haie  où  elle  se  met  en  embuscade.  Si  un 
moineau  l'aperçoit,  il  appelle  aussitôt  ses  compagnons  qui  l'entourent  et  la 
harcèlent  de  leurs  cris  ;  mais,  loin  de  s'en  laisser  étourdir  et  de  fuir  comme 
la  marte  ou  la  fouine,  elle  profite  de  la  circonstance  pour  saisir  et  emporter 
le  plus  hardi  ou  le  plus  imprudent.  C'est  au  printemps  qu'elle  met  bat,  dans  un 
nid  qu'elle  s'est  préparé  à  l'avance  avec  de  la  paille,  du  foin,  des  feuilles  sèches 
et  de  la  mousse,  dans  un  tronc  de  saule  ou  un  terrier.  Elle  fait  ordinairement 
de  trois  à  cinq  petits  qui  grandissent  fort  vite,  et  qui  ne  tardent  guère  à  suivre 
leur  mère  à  la  chasse.  Lorsque  vient  la  mauvaise  saison,  toute  la  famille  gagne 
la  plus  prochaine  habitation  et  va  se  loger  dans  un  grenier  à  fourrage  ou  une 
grange.  C'est  alors  qu'elle  est  dangereuse  pour  les  cultivateurs,  car  sa  taille 
lui  permet  de  se  glisser  dans  les  plus  petits  trous,  et  si  elle  peut  pénétrer  dans 
un  colombier  ou  un  poulailler,  elle  y  fait  les  mêmes  dégâts  que  la  fouine  et  le 
putois.  Cependant  elle  atlacpie  rarement  les  coqs  et  les  vieilles  poules,  non  pas, 
comme  l'ont  dit  quelques  naturalistes,  qu'elle  puisse  être  repoussée  par  eux  à 
coups  de. bec,  mais  bien  parce  (pi'elle  donne  la  préférence  aux  jeunes  volailles  et 
particulièrement  aux  poussins.  Si  le  hasard  la  fait  tomber  sur  une  couvée  de  ces 


17(i  LliS  CAKNASSIEKS   DIG  l'IKi  U  A  DES. 

(lei'iiicrs,  elle  les  lue  tous  et  les  emporte  les  uns  ;ii)res  les  autres.  Comuie  tons 
les  animaux  de  son  genre,  c'est  toujours  par  la  tète  qu'elle  atlaqne  ses  victimes; 
elle  leur  perce  le  crâne  un  peu  au-dessus  du  cou,  et  leur  suce  la  cervelle  par  cette 
ouverture  fort  petite.  Le  plus  souvent  elle  abandonne  le  cadavre  sans  y  toucher 
autrement. 

M.  de  Buffon  dit  que  la  belette  ne  s'apprivoise  jamais,  et  qu'il  faut  constam- 
ment la  tenir  en  cage  si  on  veut  la  garder  en  captivité.  Pourtant,  il  est  certain 
qu'elle  s'apprivoise  mieux  (|u'aucnn  autre  animal  de  sa  famille,  poinnu  qu'elle 
soit  i)rise  fort  jeune  et  traitée  avec  beaucoup  de  douceur.  J'en  ai  vu  une  ([ui 
venait  à  la  voix  de  son  maître  chercher  sa  nourriture  dans  la  main.  On  la  tenait 
dans  une  boîte  d'eau  de  Cologne  où  l'on  avait  placé  des  étoupes.  Elle  aimait 
beaucoup  à  s'y  enfoncer  pour  dormir  une  grande  partie  de  son  temps;  elle 
s'occupait  le  reste  du  jour  à  fureter  dans  tous  les  coins  de  l'appartement,  à 
courir  après  les  mouches  et  les  araignées,  faute  de  rats  et  de  souris  ;  mais  elle  ne 
tentait  pas  de  s'échapper,  ([uoi(iue  la  porte  fût  souvent  ouverte.  L'approche  des 
étrangers  l'effrayait,  et  aussitôt  elle  se  sauvait  dans  sa  boîte  et  se  cachait  dans 
ses  étoupes.  On  la  nourrissait  de  pain  trempé  dans  du  lait,  et  de  viande.  L'odeur 
qu'elle  exhalait  n'était  pas  assez  forte  pour  se  faire  sentir  dans  l'appartement. 

On  trouve  en  France  une  variété  de  belette  entièrement  jaunâtre,  et  une  autre, 
plus  rare,  parfaitement  blanche,  surtout  en  hiver.  On  les  distingue  de  l'her- 
mine et  de  l'herminette  en  ce  qu'elles  n'ont  jamais  de  noir  au  bout  de  la  (lueue. 

L'IIekminette  ou   Belette  des  ^EIGES  {Puto-         L'Hermine  (  Piitoriii';  hermell(inu^.~Miistela 

riiis  nivalis.  —  Mustda  nitalis ,  Ln.  Musicla  henninea,  Li,\.  Miistela  alba.  Ge.sn.  L7/fn)ii(iP 

ruignris,  var.  Gmel    Mustda  hcrwhua,  var.  ou  \eRosdel;  Rlff.),  en  pelage  d'été,  porte  lo 

BoDO.!  a  été  regardée  par  les  uns  comme  va-  nom  de  roselet  :   alors  elle  est   généralement 

riété  de  fbcrmine,  par  les  autres  comme  va-  d'un  brun  marron  plus  ou  moins  pâle  en  des- 

riété  de  la  belette.  Quant  à  moi,  je  penche  vers  sns,  et  d'un  blanc  quelquefois  un  peu  jaunâtre 

la  première  opinion,  par  la  raison  qu'elle  a  eu  dessous,  avec  la  mâchoire  inférieure  blan- 

conslamment  du  noir  à  l'exlréniité  de  la  queue,  che;  sa  queue  est  brune,  avec  Textrémité  noire 

Du  reste,  elle  est  entièrement  blanche  sur  toutes  en  tous  temps.  F.n  liiver,  on  la  nomme  hermine, 

les  autres  parties   Klle  habile  le  nord  de  l'Eu-  et  elle  est  entièrement  blanche,  si  ce  n'est  le 

rope,  et  se  trouve  quelquefois  en  France.  bout  de  la  queue  (jui  reste  uoir. 

L'hermine  atteint  ordinairement  une  taille  un  [»eu  plus  grande  que  la  belette, 
à  laquelle,  du  reste,  elle  ressemble  beaucoup.  Elle  a  jusqu'à  neuf  pouces  six 
lignes  (0,258)  du  bout  du  museau  à  l'origine  de  la  (pieue,  et  celle-ci  a  un  peu 
plus  de  trois  pouces  et  denti  (0,095).  Cet  animal  ne  se  trouve  pas  dans  les  pays 
chauds,  et  il  est  d'autant  plus  rare  dans  ceux  qui  sont  tempérés  que  leur  zone  se 
rapproche  plus  du  midi.  Cependant  il  est  assez  commun  en  France,  dans  les 
grandes  forêts,  surtout  en  Normandie  et  en  Bretagne.  Les  pays  où  il  abonde 
sont  la  Russie,  la  Norwége,  la  Laponie  et  la  Sibérie  ;  on  le  retrouve  aussi  dans 
l'Amérique  septentrionale.  Nous  avons  dit,  à  propos  de  la  zibeline,  connnent 
on  lui  faisait  la  chasse,  et  nous  renvoyons  à  cet  article  les  lecteurs  qui  veulent 
savoir  combien  le  luxe  le  plus  futile  des  riches  coûte  de  larmes  et  de  misères 
aux  pauvres.  L'hermine  a  les  mêmes  monirs  que  la  belette,  à  cela  prés  qu'elle 
est  d'un  caractère  plus  farouche,  qu'elle  ne  se  plaît  que  dans  les  forêts  les  plus 
sauvages,  et  que  jamais  elle  ne  s'approche  de  l'habitation  des  hommes.  Elle  se 


MARI  K s. 


17' 


nourrit  (rrciireiiils,  do  |)rtils-gris,  de  rats  cl  juilri's  petits  iiiauimiferes  ;  elle  se 
hasarde  quelquefois  dans  les  prairies  et  les  roseaux  pour  chercher  les  œufs  de 
cailles,  de  perdrix,  de  cauards  et  autres  oiseaux,  dout  elle  est  très-friande.  Conmie 
la  belette,  elle  s'élève  très-bien  en  captivité  et  elle  s'apprivoise  même  beaucoup 
mieux;  mais  au  lieu  de  blanchir  l'hiver  connue  en  liberté,  son  pelage  reste  d  im 
brun  sale  et  terne.  Sa  fourrure,  en  possession  depuis  lono|eni|)s  d'orru'r  la  robe 
de  nos  docteurs,  et,  ce  (jui  est  beaucoup  moins  ridicule,  les  rtdies  de  nos  dames, 
est,  comme  tout  le  monde  le  sait,  l'objet  d'un  conmierce  considérable.  Klle 
est  extrêmement  estimée  parmi  les  plus  précieuses,  surtout  (|uaud  elle  a  ce 
blanc  éclatant  qu'elle  perd  toujours  plus  ou  moins  en  vieillissant,  pour  prendre 
une  teinte  un  peu  jaunâtre.  Les  hermines  que  l'on  trouve  en  France  ont 
de  la  valeur,  mais  moins  ([ne  celles  du  Nord,  parce  qu'elles  ne  sont  jamais  aussi 
blanches,  et  (pie,  même  |)endant  les  plus  grands  froids,  elles  ont  toujours  cette 
légère  teinte  jaunâtre  qui  les  dépn'cie. 


La  tÎEi.ETTK  ALPINE  (  l'iitwhis  olla'inis, —Miis- 
lela  (ilialia,  P\m..  )  doit  peul-iMro  se  placer  à 
(•()lé  de  i'Iierniine;  mais  il  est  foi't  difficile  d'a- 
voir là-dessus  quelque  certitude,  car  on  ne  la 
connaît,  je  crois,  que  par  celte  ptirase  de  Pal- 
las  :  «  Queue  deux  fois  plus  longue  que  la  tète, 
et  d'une  seule  couleur.»  Elle  est  du  nord  de  l'Asie 
et  de  r  Europe . 

Ea  Belette  d'Afuiqle  iPiitariiis  nfiiraiiKS. 
—  MnsteUt  (ifrirnna,  Dessi.)  a  dix  pouces 
(0,271)  de  longueur  depuis  le  bout  du  museau 
jusqu'à  l'origine  de  la  queue,  et  celle-ci  a  envi- 
ron six  polices  (0,1621.  Elle  est  d'un  l)rnn  rous- 


sàtre  eu  dessus,  d'mi  jaune  hliuicliàli'e  en  des 
sous ,  avec  lUie  bande  brune  touiiiludiiiale  el 
(^troile  sur  le  ventre.  On  la  croit  d'.Vfrique.  et 
l'on  ne  sait  rien  de  ses  mirurs. 

I^a  Belette  hwée  (  Pntoriiis  .\tri(ttiis,  —  Miis- 
tcld  siriata,  Geoff.)  est  à  peu  près  de  la  taille 
d'iuie  belette;  le  dessous  du  cor|)s  est  d'un  blanc 
grisàlrc;  la  queue  est  blanche;  le  dos  et  tout  le 
dessus  du  corps  sont  d'un  brun  fonce,  avec  cimi 
raies  longituiliuales  bianclits.  l-^lle  lial)ile  .Ma- 
dagascar, el  doit  avoir  les  même ^nteius  que 
notre  belette,  si  les  analogies  de  forme  entrai- 
nerd,  comme  on  le  croit,  les  analogies  de  mœurs. 


178 


l.i:s  CAHiNASSlKHS   IMG  ITK;  Il  A  DES. 


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ô     Gi-AKE.     I.ps    JlOl'Flii'ri.S    (Mijldiis.  leur  a  \alii  li'tirs  noms  de  bdis  puantes,  moii- 

(^1  V.)  ont  trente-deux   dents  :  ïi\   inci8i\es   et  fcllcs,  enfants  du  (/ir,/Ve,  etc.  Cctie  liqueur  est 

deux  canines  à  chaque  mâchoire;  si\  molaires  \ersée  par  les  glandes  dans  I  anus.  Les  doigts 

à  celle  d'en  haut  et  di\  à  celle  d'en  lias.  Leur  de  pieds  sont  séparés  et  arnu's  d'ongles  forts, 

corps  est  allougé,  ar(|ué;  elles  ont  des  friandes  surtout  ceux  des  pieds  antérieurs,  qui  sonttrè.>- 

anales  qui  sécri-tenl,  surloul  (juand  l'animal  est  propres  à  fouir  la  terre.  Llles  ont  une  queue 

irrité,  une  liqueur  e\trénieu!ent  letide,  ce  qui  longue  et  touffue. 


La  MOUFETTE  p'amérique  Mcph'uis  (nncrhana,  Di-.sm. 

Est  de  la  taille  d'un  chat  ordinaire;  son  pelage  est  doux,  lustré,  ordinai- 
rement d'un  brun  noirâtre,  avec  des  raies  et  des  bandes  blanches  longitudinales; 
sa  queue  est  couverte  de  poils  longs  et  très-touffus.  Elle  habite  l'Amérique. 

Ees  moufettes  sont  généralement  plus  grandes,  plus  trapues  que  les  putois; 
f  e  sont  des  animaux  nocturnes  qui  habitent  des  terriers  qu'ils  savent  se  creuser 
sur  la  lisière  des  bois,  ou  des  trous  d'arbres  et  des  fentes  de  rochers  ;  ils  n'en 
sortent  qu'après  le  soleil  couché  pour  aller  faire  la  chasse  aux  mulots  et  autres 
petits  mammifères,  aux  oiseaux,  dont  ils  aiment  beaucoup  les  œufs,  et  à  une 
foule  d'autres  petits  habitants  des  bois,  dont  ils  font  un  grand  carnage.  Faute 
de  mieux,  ils  se  nourrissent  d'insectes,  et  l'on  dit  même  de  fruits.  La  moufette 
est  privée  de  la  faculté  de  grimper  sur  les  arbres,  si  l'on  en  croit  nos  natu- 
ralistes, quoique  beaucoup  de  voyageurs  disent  le  contraire;  aussi  est-elle  moins 
dangereuse  que  les  martes  et  les  putois  pour  les  basses-cours,  où  elle  ne  peut 
pénétrer  (|ue  difficilement;  mais  quand  par  bonne  fortune  elle  peut  s'y  glisser, 
elle  fait   les  mêmes  dégâts  parmi  la  v(dailb%  qu'elle  attaque  par  la  tête  pour  lui 


MARTES.  17!) 

manger  la  cervelle,  instinct  que  l'on  trouve,  d'ailleurs,  dans  tous  les  petits  car- 
nassiers. Moins  sauvage  que  la  marte,  plus  efl'rontée  que  le  putois,  elle  ose  pé- 
nétrer dans  les  habitations,  et  jusque  dans  les  caves  et  les  celliers.  Elle  doit  cette 
audace,  non  à  sa  force  ni  à  son  courage,  mais  à  une  arme  singulière  qui  ne 
manque  jamais  de  mettre  en  fuite  ses  ennemis  même  les  plus  acharnés  ;  et  cette 
arme  n'est  rien  autre  chose  que  l'odeur  infecte,  insiipportahle,  qu'elle  exhale  à 
volonté.  La  li(jueur  (pii  la  produit  est  épaisse,  jaunâtre,  semblable  à  du  pus. 
renfermée  dans  deux  grosses  glandes  entourées  de  nmscles  puissants,  de  ma- 
nière que,  lorsque  l'animal  est  irrité,  il  comprime  violemment  ses  glandes,  et  la 
liqueur  empoisonnée  peut  être  lancée  assez  loin  par  l'anus.  Comme  la  moufette 
porte  constamment  la  (pieue  retroussée  sur  son  dos,  cette  partie  est,  ainsi  (pie  le 
reste  du  pelage,  à  l'abri  de  son  atteinte,  d'où  il  résulte  que  l'animal  lui-même 
n'a  pas  d'odeur,  ou  du  moins  en  a  une  supportable.  C'est  ce  qu'on  a  pu  voir  à 
la  ménagerie,  où  l'on  a  conservé  vivant,  pendant  quelque  temps,  un  de  ces  ani- 
maux. «Dans  les  terres  voisines  du  détroit  de  3îagellan,  dit  le  capitaine  "NVood, 
nous  vîmes  un  animal  auquel  nous  donnâmes  le  nom  de  (jrondeur  ou  de  -soj^/- 
flenr,  parce  qu'il  ne  voit  pas  plutôt  quelqu'un,  qu'il  gronde,  souffle  et  gratte 
la  terre  avec  ses  pieds  de  devant,  quoiiju'il  n'ait  pour  toute  défense  que  son 
derrière,  qu'il  tourne  d'abord  vers  celui  cpii  l'approche,  et  d'où  il  fait  sortir 
des  excréments  d'une  odeur  la  plus  détestable  qu'il  y  ait  au  monde.  »  On  lit 
dans  C.arcillasso  de  la  Vega  :  c  II  y  a  au  Pérou  beau<oup  de  petits  renards 
parmi  lesquels  il  faut  r<'mar(iuer  ceux  qui  rendent  une  odeur  insupportable; 
ils  entrent  la  nuit  dans  les  villes,  et  quelque  fermées  (pie  soient  les  fenêtres, 
on  les  sent  de  plus  de  cent  pas;  heureuseuK.'ut  que  le  nombre  en  est  petit, 
car  sans  cela  ils  enqiuantiraienl  le  inonde  entier.  »  D'autres  voyageurs  disent 
(pie  cette  insupportable  odeur  est  si  forte,  qu'elle  se  fait  sentir  à  un  quart  de 
lieue  à  la  ronde,  et  qu'elle  suffoque  tellement  les  chiens  par  les(iuels  on  fait 
attaquer  une  moufette,  qu'ils  en  sont  malades  pendant  six  heures.  Si  une  goutte 
de  la  liqueur  odorante  tombe  sur  les  habits  de  quebpi'un,  ils  en  sont  empest('s 
[lour  plus  de  six  mois,  malgré  toutes  les  précautions  (pie  l'on  peut  prendre  poul- 
ies désinfecter.  ((  Quand  cet  animal,  dit  Kalm  en  parlant  du  fiskaiic  ou  pulcdii, 
est  chassé  soit  par  les  chiens,  soit  par  riiomme,  il  court  tant  ((ii'il  peut,  et  lors- 
(pi'il  se  trouve  trop  [)ressé,  il  lance  son  urine  contre  ceux  (pii  le  poursuivent. 
L'odeur  en  est  si  forte,  qu'elle  suffoque  ;  s'il  tombait  une  goutte  de  cette  llipicur 
empestée  dans  les  yeux,  on  courrait  ris(pie  de  jjerdre  la  vue...  La  [tliipart  des 
chiens  se  rebutent  et  s'enfuient  dès  qu'ils  en  sont  l'raitpés...  En  IThî),  il  vint  un 
de  ces  animaux  près  de  la  ferme  où  je  logeais  ;  c'était  en  hiver  et  pendant  la  nuit, 
les  chiens  étaient  éveillés  et  le  poursuivaient.  Dans  le  moment  il  se  réiiaudit 
une  odeur  si  fétide,  qu'étant  dans  mon  lit  je  pensai  être  suIVo([ué  ;  les  vaches 
beuglaient  de  toute  leur  force...  Sur  la  lin  de  la  même  année,  il  s'en  glissa  un 
autre  dans  notre  cave;  mais  il  ne  répandit  pas  la  plus  légère  odeur,  parce  (piil 
ne  la  répand  que  quand  il  est  chassé  ou  pressé.  Une  femme,  qui  l'aperçut  la 
nuit  à  ses  yeux  étiiicelants,  le  tua,  et  dans  le  moment  il  remplit  la  cave  d'une  telle 
odeur,  que  non-seulemeut  cette  femme  fut  malade  itendant  (|U('[(pies  jours,  mais 
(pie  le  pain,  la  viande  et  les  autres  provisi(»iis  ((uOu  conservait  dans  cette  cave: 
l'inciit  tellemeiil  inrecles.  (pion  ne  |iMl  rien  en  garder,   et  ipi'il   fallut   tout  jeter 


180  l.ES   CAUNASSILIHS   DIG  ITIGH  ADKS. 

dehors.  »  J'iijoiitci'ai  (|U(',  ;iii  .hiidiii  des  l'l;mlfs,  les  i)Oimx  seules  de  iiiout'ettes 
iiireclent  pour  itliisieiirs  mois  les  ariDoires  du  calfiiiet  où  on  les  place;  les 
glandes  qui  contiennent  cette  licfueur  empestée,  bien  que  plongées  dans  l'espril- 
de-vin  dans  un  bocal  bien  lulé,  et  que  le  corps  d'où  on  les  a  tirées  soit  venu  lui- 
niènie  d'Ainéiique  dans  l'esprit-de-vin,  se  font  sentir  pendant  plus  d'un  an  dans 
le  cabinet  d'anatoniie  comparée.  Celte  odeur  ressemble  à  celle  du  putois  ren- 
l'orcée  par  un  mélange  d'odeur  d'ail  très-exaltée.  On  ne  |)eut  rien  imaginer  de 
l)lus  désagréable. 

Et  cependant,  non-seulement  les  Américains  mangent  la  chair  de  cet  animal, 
après  lui  avoir  enlevé  ses  glandes  fétides  aussitôt  après  sa  mort,  mais  encore  ils 
en  élèvent  dans  leur  maison  ou  leur  jardin  pour  en  tirer  les  mêmes  services  que 
des  chats,  c'est-à-dire  leur  faire  détruire  les  souris  et  les  insectes.  Ils  parviennent 
même  à  les  apprivoiser  au  point  de  s'en  faire  suivre  comme  des  chiens.  Avec  la 
précaution  de  ne  jamais  les  contrarier  ni  les  battre,  on  n'est  jamais  incom- 
modé par  la  mauvaise  odeur  ({ue  cet  animal  n'exhale  qu'à  sa  volonté,  ainsi  que 
nous  l'avons  observé.  «  On  m'a  envoyé  de  Surinam  cet  animal  vivant,  dit  Séba, 
je  l'ai  conservé  en  vie  tout  un  été  dans  mon  jardin,  où  je  le  tenais  attaché  avec 
une  petite  chaîne.  Il  ne  mordait  personne,  et  lorstju'on  lui  donnait  à  manger, 
on  pouvait  le  manier  comnu'  un  petit  chien  ;  il  creusait  la  terre  avec  son  museau 
en  s'aidant  des  deux  pattes  de  devant,  dont  les  doigts  sont  armés  d'ongles  longs 
et  recourl)és  ;  il  se  cachait  pendant  le  jour  dans  une  espèce  de  tanière  qu'il  avait 
faite  lui-même;  il  en  sortait  le  soir,  et,  après  s'être  nettoyé,  il  commençait  à 
courir,  et  courait  ainsi  toute  la  nuit  à  droite  et  à  gauche,  aussi  loin  que  sa  chaîne 
lui  permettait  d'aller;  il  furetait  partout,  [)ortantle  nez  en  terre.  On  lui  donnait 
chaque  soir  a  manger,  et  il  ne  prenait  de  nourriture  que  ce  qu'il  lui  en  fallait, 
sans  toucher  au  reste;  il  n'aimait  ni  la  chair,  ni  le  pain,  ni  quantité  d'autre 
nourriture  ;  ses  délices  étaient  les  panais  jaunes,  les  chevrettes  crues,  les  chenilles 
et  les  araignées.  » 

Sous  ce  nom  de  moufette  d'Amérique,  on  comprend  un  grand  nombre  d'ani- 
maux foi't  dillérents  par  leur  [lelage,  et  qui  ont  été  si  mal  décrits  par  les  voya- 
geurs, (pi'il  est  impossible  de  décider  si  ce  sont  des  espèces  distinctes  ou  de 
simples  variétés.  Nous  allons  donner  ici  un  extrait  des  recherches  faites  à  ce 
sujet  par  Desmarest  et  G.  Cuvier,  alin  d'engager  les  voyageurs  à  les  compléter 
ou  a  les  rectitier  cpiand  ils  en  trouveront  l'occasion. 


1"  L7s(/iiif/)fif/  d'IIeriiandès  e-.t  in;iiqiipe  de  avec  une liync noire  siii'  l;i  croupe,  el  une  queue 

plusieurs  raies  ijlnnelie'.,  e!  se  trouve  au  Mcxi-  loiiffiie  et  longue. 

que.  ""  La   Mnufeltc,   iJi-clendue  de  Bengale,  de 

2°  Le  Polcral,  ouP/((oJs  de  Calesl)y,est  mai-  (>alton,  a  des  lacfies  lilnnches  à  la  lêle,  quatre 

(pié  de  neut  rnies  l)!anches;  il  est  digiligrade.  raies  Manches  sur  le  dos,  et  une  cpieui'  Irés- 

ô"  Le  Courpnle  de  Buffon  a  siv  raies  blaa-  louifue,  blanche  et  nuageuse, 

elles,  r.a  (igui-e  le  représenle  plantigi-ade.  cS"  I_,e  Ch'inrhe  de  Kenillée  a  deux  raies  l)lai:- 

4°  Le  Couepatl  on  Vulpcmla  pnrrilis  d'IIei-  clies  qui  s'écartent  et  linissenl  sur  les  côlés;  sa 

nandès  n'a  que  deu\  raies  blanches,  se  prolou-  cpieue  est  comme  celle  d'iui  renaril. 

géant  sur  la  queue.  9"  t.e  Chiinia  de  Molina  est  noir,  avec  une 

"i"  I^e  Mnptirilo  di'  Mulis  n'a  qu'une  laie  el  bande  de  taches  blanches  el  rondes  le  long  du 

le  boni  de  la  queue  bl;in(s.  dos,  el  la  (pieue  comme  un  écureuil. 

()"  Le  C/iiiif/ir  de  Ruifon  est  blanc  en  dessus.  I(t"  1-e   rr/r/odocr  de  d'A/.zaia  esl  marcine  de 


MAKTKS. 


181 


le  iiuili-  esl  noir,  el  In  leiiielle  banielcc  de  blanc. 
La  ligure  la  repn-sente  rayée  en  Iravei's  de 
blanc  et  de  nuir. 

I.j^  L'Or((Ji'(/fldereriiaiidèsost  iioiret  blanc. 
av(  c  (iiielques  pai  lies  fauves. 

Hi"  Le  l'ama.rlla  dti  nicnie  n'a  pas  de  fauve, 
n\  noirs  et   blancs  à  la 


deux  raies  blanches  qui  vont  jusqu'à  la  queue. 

Il"  Le  PuUial,  ou  Sbiinl;,  ou  Fishatte.  de 
Kalm,  a  cinq  raies  blanches. 

12"  Le  Zorille  de  (lUieili  Caireri  est  noir  et 
blanc. 

15"    Le  Mapuritu  ou  Mafiililiqni  de  (iniuilla 
est  tout  tacheté  de  noir  et  de  blanc,  avec  une     et  il  a  quelipies  anne  i 
belle  (luene.  queue. 

14"  La  Bête  puante  de  Lepage  Duprats,  dont         Tous  sont  de  l'Anuriquc. 

Ou  conçoit  qu'avec  des  renseignements  aussi  vagues,  il  elail  impossible  aux 
naturalistes  de  reconnaître  des  espèces  et  de  les  déterminer.  Cependant,  on  esl 
parvenu  à  en  décrire  assez  coinpletement  cinq  espèces,  (pii  sont  : 


Le  CuiNf.iiE  (.Uc/jiiitÏA' r/ii)i(/i«,  Less.  \i verra 
uicphiti.<,  GiiL.  Le  Chimhe,  Bijff.  )  est  d'uu 
brun  plus  ou  moins  foncé,  avec  deux  petites 
taches  blanches  sur  les  épaules  et  sur  le  ventre; 
sou  front  esl  marqué  d'une  bande  longitudinale 
blanche;  il  a  deux  raies  blanches  excessivement 
larges  sur  le  corps,  et  sa  queue  esl  fournie  de 
très-longs  poils  blancs  mêlés  d'un  peu  de  noir. 
11  habite  le  Chili. 

L'Atok  ou  ZoHiu  DE  Qtno  (  Mephitis  qnitcn 
sis,  Lfss.  )  est  noir,  marqué  de  deux  bandes 
blanches  longitudinales;  ses  oreilles  sont  petites, 
noires  el  trés-poiiitues  ;  sa  queue,  d'uu  tiers 
moins  longue  que  stui  corps,  est  blanche  et 
noire,  très-touffue.  Il  se  trouve  dans  la  province 
de  Quilo. 

La  Moufette  ui  Chili  (Mephitis  (  lii/ioi.vi-, 
(iEOFP.)  est  d'un  brun  luarrou,  avec  deux  raies 
blanches  sur  les  cotés  du  corps,  qui  se  rennis- 
seiil  derrièi-e  la  léte  pour  foi-mer  un  croissant; 
sa  (pieiK'  esl  trés-touffne,  mélangée  de  blanc  el 
de  brun.  Elle  est  du  Chili. 

La  MoiFEiTE  nTERROMi'iE  I  McphiUs  iiilcr- 
nipld,  Rafixesq."'  est  brune,  avec  deux  laies 
courlis,  blanches ,  occupant  parallèlement  la 
léte;  huit  raies  de  la  même  couleur  se  dessinent 
sur  sou  dos.  lesipiatre  antérieures  également  et 
parallèlemenl,  les  (|uatre  postérieures  dans  un 
sens  inverse.  l'Ile  habite  la  Louisiane. 

La  Mm  FETTE  mahlbito  (Mephitis  mapiitilo, 
Less.  l'irerra  mapunto,  (iMi..}  a  le  pelage  toul- 
fn,  d'un  noir  foncé,  n'ajaul  sur  le  dos  (pi'nne 
bande  blanche;  ses  oreilles  sont  peu  apparentes, 
el  sa  qu.  ue  esl  lerminée  par  du  blanc.  Llle  se 
creuse  des  terriers,  vit  de  larves  el  d  insectes, 
el  habite  la  Nouvelle-Grenade. 

Peut  être  pourrait-on  encoi'c  regaider  les 
cinq  suivantes  connue  des   espèces  distinctes  : 

Le  Crii.NCA  {  Mephitis  rhingu)  est  noir,  avec 
une  bande  de  taches  rondes  el  blanches  le  long 
du  dos  ;  sa  queue  esl  longue,  touffue  cl  plate, 
comme  celle  d'un  (-curenil.  Il  habiletés  Ltats- 
Lnis. 

F.aMoiFKriK  m    (iMUi.i*  {  Mi'pliitis  Ciiiinil- 


lu'i  )  est  eutièrcnuMit  tachetée  de  uoir  el  de  blanc, 
avec  une  qiunit^  longue  el  toulfue.  Elle  habite 
les  Elals-Luis. 

La  MoEFETTE  TnÉs-vih-\TE  (Mephitis l'etidissi- 
ma  )  est  ;i  demi  plantigrade  connue  les  deux  sui- 
vanles  ;  le  fond  de  son  pelage  esl  noir  ;  elle  a  une 
ligne  blanche  sur  le  nuisean;  tout  le  dessus  du 
cou  et  du  garrot  esl  couvert  d  une  phKjue  blan- 
che au  milieu  de  laquelle  i  si  nu  point  uoir  ;  cette 
bande  se  bilnrque  el  forme  de  chatine  cote  une 
bande  blanche  qui  va  eu  s'écarlaul  se  terminer 
sur  la  cuisse;  derrière  chaque  cuisse  est  une 
toullé  biani'lie  :  la  queue  esl  très-touffue,  noire, 
a\ec  un  pinceau  blanc  à  l'evlréniité.  Elle  habile 
les  Élals-lnis. 

La  MoiFETTE  DES  Et*ts-Ums  (  .^/c/i/iilis  o/i- 
i/n)  a,  connue  la  nionfeite  du  Chili,  une  simple 
bande  blanche  sur  l'occipul,  d'où  parlent  deux 
bandes  longitudinales  l'eslanl  pleines  jusciu'à  l'é- 
paule; depuis  rép:iHle  nue  ligne  bl mcheélroile 
et  inlerromi  ne  règne  jusqu'au  milieu  du  liane, 
el  >e  prolonge  uiéme  un  jieu  sur  la  croupe.  Le 
fond  de  son  pelage  est  noir,  ainsi  que  sa  queue, 
cpii  est  longue,  el  se  termine  par  un  pinceau 
blanc.  Elle  se  trouve  aux  Elals-Luis. 

La  MoiFETTE  DE  ^Ew- iKKsv.\  {Mejihitis  pii - 
tida  )  dill'ère  de  la  preci  dente  en  ce  cpin  la  bande 
de  I  occiput  el  ses  prolongements  longitudinaux 
alleignent  à  peine  l'épaule.  Les  lignes  des  co- 
tes manquent  enlièreinenl.  Elle  est  des  Elats- 
1^  uis. 

(i.  Cuvier  penche  à  croire  ipid  n'existe  réel- 
lement (pie  deux  espèces  de  moufettes:  l'une,  à 
queiu"  blanche,  (pii  jusqu'à  préseul  paraîtrait 
l)lns  couuuuue  dans  1  Auiéiitiue  méridionale; 
l'anli-e,  à  (puuie  noire,  qui  iw  viemlraii  guère 
que  de  l'Auiéi  ique  du  Nord  Néanmoins,  pour 
pouvoir  décider  quelque  chose  de  positif  sur  ce 
sujet,  il  laudrail  savoir,  I"  si  tous  les  individus 
de  la  même  famille  ont  les  couleurs  ordonnées 
delà  même  manière,  c'est-à-dire  si  les  individus 
Iransmellent  idenlicpn  meut  à  leurs  enfants  la 
même  robe;  2"  si  loules  les  uioufetles  habitani 
une  même  coiilree  portent  la  même  li\ree,  etc. 


18-2 


LES   CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 


4=  Genke.  Les  ZORILLES  (  Zorilla,  Isin. 
GEOFF.)onl  à  peu  pii's  le  même  s\sléme  deii- 
laire  que  les  putois;  leur  molaire  tnijerculeuse 
d'en  liaut  est  assez  large  ;  ils  ont,  comme  eu^, 
deu\  fausses  molaires  supérieures,  trois  infé- 
rieures. Leur  museau  est  court;  les  on^^les  de 
leurs  pieds  de  devant  sont  longs,  épais,  mais 
non  pointus  ;  ils  ne  peuvent  leur  servir  à  grim- 
per, mais  seulement  à  fouir  la  terre. 

Le  ZoRiLLE  i  Zoiilla  musteln.  —  Mm^ttlo  zo- 
rilla, LiESM.  Virirra  zorilln,  G>iel.  Le  Blai- 
reau du  Cap,  Koi.n.  Le  Zoritle,  Beff.i  a  plus 
d'un  pied  (0,52.5)  du  bout  du  museau  à  l'extré- 
mité de  la  queue,  qui  a  huit  pouces  ((1,217)  à 
peu  près  de  longueur;  il  est  noir,  avec  plu- 
sieurs taches  l)laiiches  sur  la  tète  et  des  lignes 
l)lauches  longitudinales  sur  le  corps,  en  dessus, 
ou  blanc  avec  des  taches  et  des  Ifgnes  noires.  La 
première  variété  se  trouve  au  cap  de  Bonne- 
Espérance,  la  seconde  au  Sénégal  et  sur  les 
bords  de  la  (iambie.  Du  reste,  cet  animal  a  le 
même  genre  de  vie  que  les  martes,  à  cela  près 
que,  ne  pouvant  grimper  sur  les  ar'bres,  il  se 
creuse  un  terrier  qu'il  habite  pendant  le  jour, 
et  dans  lequel  il  se  retire  à  la  moindre  appa- 
rence de  danger. 

î)""  Gemie.  Les  MYDAS  (3/i/''n((.s  Fn.  Cuv.} 
ont  le  même  système  dentaire  que  les  moufettes, 
mais  ils  en  diffèrent  par  leur  ([ueue  presque 
nulle  ou  à  l'état  rudimeiitaire,  par  leur  oreille 


externe,  qui  est  nulle;  par  leur  tète  conique  et 
allongée,  terminée  i)iir  un  museau  en  l'orme  de 
groin  de  cochon;  leurs  pieds  antérieurs  sont 
armés  d'ongles  très-grands,  propres  à  fouir  la 
terre. 

Le  Stinckvrd  ou  Télacon  {Mijdaïts  melireiis, 
Fit.  Ccv.  3/''/)?iifis  jarnnensis ,  Lpscuen.  Le 
StiiK-hard  des  habitants  de  Sumatra.  Le  l'dii- 
gtni  des  Javanais.  La  Moufette  de  Java)  répand, 
(!ans  les  mêmes  circonstances  que  les  moufettes, 
une  odeur  tout  j'ussi  fétide.  Sou  pelage,  assez 
peu  fourni,  est  brun,  avec  une  taelie  blanche 
longitudinale  sur  l'occiput,  se  prolongeant  sur 
le  milieu  du  dos  jusqu'à  la  queue,  ou  quelque- 
fois moins  loin,  d'autres  fois  en  liyne  inter- 
rompue, etc.  Sa  queue  a  au  ])lus  dcu.\  pouces 
(0,05^)  de  longucui-;  elle  est  blanche  à  sou  ex- 
trémité. Cet  animal  Imbile  Java  et  Sumatra. 
Ou  ne  connaît  pas  ses  habitudes  ;  mais  à  en  ju- 
ger par  son  organisation,  elles  doivent  (tre  les 
mêmes  que  celles  des  nuiufetles. 

(>' Gemie.  I.cs  LOUTRKS  il.ulrn.  Stouu.) 
ont  trente-six  dents:  six  incisi\es,  deux  canines 
et  dix  molaires  à  chaque  mâchoire  ;  leur  tcte 
est  comprimée  ;  leur  corps  est  très-long  ;  leurs 
jambes  stnl  ourles  ;  leur  s  pieds  palmés,  et  leur 
queue  aplatie  horizonlalement  ;  leur  oreille  ex- 
tcine  est  très-courle  ;  elles  ont  les  yeux  grands 
et  de  grandes  moustaches.  Ce  sont  des  animaux 
(jui  tous  vivent  sur  le  boni  des  eaux. 


>^  «  %.^ 


M  AU  IIS. 


^{(kkjiS^  f/..j 


183 


v'-.r- 


l.ii    LOITRK   r>Klll(>IM'.     /.)(/»•((   vuhjdlis,   Kiisr  .  Mitshln    liitld,  Lin.   La   LtUllir. 

IhiF.  1^'  lùilnjdris  lies  anciens  aiilpnrs  frrcrs 

A  (\f\\\  pieds  0,(>50  de  lon^uenr;  elle  esl  d'un  liiiin  Innée  en  dessns,  d'nn 
gris  lirunàlre  en  dessous,  avec  la  jiorj^e  et  l'exlieinite  du  nuiseau  diin  i;ris  clair. 
On  en  trouve  i\i's  variétés  accidentelles  tachetées  de  Idanc  ;  mais  ces  iiulividiis 
sont  fort  rares. 

('.et  animal  nage  et  plonge  avec  une  extrême  facilite,  et  développe,  dans  les 
eaux,  une  agilité  surprenante  qu'il  est  bien  loin  d'avoir  sur  la  terre,  où  il  ne 
marche  pour  ainsi  dire  (pieu  rampant,  à  cause  de  la  brièveté  de  ses  pattes.  Le 
jour,  il  se  lient  à  [uoxiinité  de  sa  retraite  ou  caché  dans  quelque  buisson  épais 
peu  éloigné  de  l'eau,  dout  jamais  il  ne  ipiitte  les  bords.  Il  a  l'ouïe,  l'odorat  et 
l'œil  excellent,  et  au  moindre  bruit  il  s'élance  dans  les  ondes,  plonge  a  une  |)ro- 
fondeur  suflisanle  pour  dérober  sa  (race,  nage  entre  deux  eaux.et  regagne  ainsi 
sa  retraite,  (pudipiefois  à  une  assez  grande  distance,  sans  re|»araître  à  la  surface. 
Si  par  hasard  (ui  l'a  sni[>rise  btin  du  Inuicpi'elle  habite  ordinairement,  la  loutre 
se  cache  sous  des  racines  ou  des  herbes  épaisses,  reste  le  corps  entièrement 
plongé  dans  l'eau,  et  neleve  à  la  surface,  pour  respirer,  «pie  le  bout  de  scui  ne/ 
qu'elle  a  soin  de  cacher  sous  une  large  feuille  de  nynifihea  ou  d'autre  jdante. 
KUe  demeure  innn;<bile,  dans  celte  attitude,  juscpi'à  ce  (|u'elle  soit  assurée  de 
l'eloignement  de  l'individu  qui  l'inquiétait.  Klle  se  plaît  de  préférence  dans  les 
pavs  s(ditaires  et  nu  peu  montagneux,  le  long  des  petites  rivières  qui  nourrissent 
des  écrevisses,  des  truites  et  d'autres  poissons,  mais  toujours  à  proximité  des 
étangs,  où  elle  va  de  temps  a  autre  faire  des  excursions  désastreuses.   Klle  s'y 


ISV  Li:S  CAIiiNASSIKIiS  DU.  ITliiK  ADKS. 

rend  la  nuit,  cherche  d'ahord  un  trou  ou  lourré  dans  lequel  elle  pourra  se  ca- 
cher pendant  le  jour;  puis,  si  elle  trouve  une  retraite  qui  lui  convienne,  elle  y 
établit  son  domicile  poiu'  plus  ou  moins  loni^temps,  selon  qu'elle  y  est  plus  ou 
moins  incpiietce.  Chaque  nuit  elle  pèche,  et  Ion  peut  calculer  qu'un  seul  de  ces 
animaux  peut  détruire  de  cent  à  cent  cincpiaiite  carpes  par  an  dans  un  ç;rand 
étang.  Si  elle  rencontre  un  simple  vivier,  auprès  ducjnel  elle  ne  i)eut  étal>lir 
son  domicile  à  cause  de  la  proximité  d'un  village  ou  d'une  i'erme,  elle  agit  alors 
comme  le  putois;  c'est-à-dire  qu'elle  conniience  d'abord  par  tuer  tout  le  pois- 
son qu'elle  y  trouve,  puis  ensuite  elle  en  empoite  autant  qu'elle  peut.  Lors- 
qu'elle s'est  établie  sur  le  bord  d'une  grande  rivière,  ce  qui  arrive  souvent,  elle 
devient  redoutable  pour  les  pêcheurs,  non-seulement  parce  qu'elle  ruine  leur 
pêche  en  détruisant  le  poisson,  mais  encore  parce  qu'elle  manque  rarement  de 
couper  leurs  lignes  et  de  trouer  leurs  nasses  et  leurs  filets  quand  ils  sont  obli- 
o'és  de  les  laisser  tendus  pendant  la  nuit.  Elle  reste  tort  longtemps  sous  l'eau 
sans  avoir  besoin  de  venir  respirer,  m;ns  cela  n'empêche  pas  qu'elle  se  noie 
quelquefois  lorsqu'elle  a  pénétré  dans  une  nasse  d'osier,  et  que  le  temps  lui 
manque  poiu"  en  couper  les  barreaux  avec  les  dents. 

Comme  on  le  voit,  la  loutre  se  nourrit  le  plus  ordinairement  d'ècrevisses  et 
de  poissons;  mais  elle  attaque  aussi  les  rats  d'eau,  les  mulots,  les  petits  oi- 
seaux, etc.  Elle  cherche  dans  les  roseaux  les  nids  de  canards,  de  sarcelles,  de 
bécassines,  et  en  mange  les  œufs;  elle  se  jette  sur  les  grenouilles,  les  couleuvres 
et  antres  reptiles;  mais  pour  tout  cela  elle  ne  s'en  contente  pas  moins  d'herbe 
tendre,  d'écorce  et  de  jeunes  bourgeons,  quand  les  proies  vivantes  viennent  à 
lui  manquer.  Elle  devient  en  chaleur  en  hiver,  et  met  bas,  en  avril,  trois  ou 
(pialre  petits,  qu'elle  allaite  pendant  deux  mois,  et  qu'elle  abandonne  ensuite. 
Elle  ne  se  creuse  pas  de  terrier,  comme  on  la  dit;  mais  si  elle  en  trouve  nu 
tout  fait,  elle  s'en  empare  volontiers,  et  y  loge  ses  petits  sur  un  nid  de  bûchettes 
et  de  foin.  Le  plus  ordinairement  elle  se  loge  dans  une  vieille  souche  d'amu', 
de  saule  ou  de  peuplier,  quelquefois  dans  un  trou  de  rocher,  une  pile  de  fagots. 
ou  le  premier  irou  venu.  C'est  là  qu'elle  p(»rte  sa  pèche  ou  sa  chasse  i)our  la 
manger  avec  tranquillité  et  à  l'abri  de  tout  danger;  mais  elle  ne  fient  pas  tant 
a  son  domicile  qu'elle  ne  le  quitte  pour  toujours  et  aille  en  chercher  un  autre  a 
une  grande  distance,  pour  peu  qu'on  l'y  ait  inquiétée. 

La  loutre  a  une  singulière  habitude,  celle  d'aller  chaque  nuit  sur  la  grève, 
au  même  endroit,  faire  ses  ordures  auprès  d'une  pierre  blanche  que  le  hasard 
aura  placée  sur  le  sable.  On  reconnaît  ses  fumées  aux  déliris  darètes  de  pois- 
sons et  de  test  d'ècrevisses  qu'elles  contiennent.  Les  chasseurs,  ipii  connaissent 
cette  habitude,  vont  s'embusquer  à  vingt  pas  de  cette  pierre,  l'attendent  au 
clair  de  la  lime,  et  manquent  rarement  de  l'y  voir  venir  et  de  la  tirer.  S'ils  ne 
la  tuent  pas  roide,  elle  est  perdue  pour  eux,  car  elle  se  jette  dans  la  rivière,  et 
se  sauve  entre  deux  eaux.  Sicile  se  sent  mortellement  blessée,  elle  plonge,  s'ac- 
croche au  fond  a  (pudique  racine,  se  laisse  noyer  et  ne  revient  plus  sur  l'eau.  La 
loutre  donne  rarement  dans  les  pièges  qu'on  lui  tend;  aussi  le  meilleur  moyen 
de  la  détruire  est  de  lui  faire  une  chasse  active  au  fusil.  Lorsque,  dans  les  près 
(pii  bordent  les  rivières,  le  foin  est  assez  haut  pour  cacher  ces  animaux,  ils 
aiment  à  s'y  promener  le  matin  pour  poursuivre  les  rats,  les  mulots,  les  gr<'- 


MARTES.         '  185 

nouilles,  etc.  Si  le  ciel  est  serein  et  que  le  soleil  soil  chaud,  ils  s'y  couchent  vo- 
lontiers, et  s'y  endorment  pendant  (juelques  heures  de  la  matinée.  Le  chasseur 
arrive  en  silence  dans  le  pré  où  il  les  soupçonne,  et  suit  le  long  de  la  rivière 
pendant  que  son  chien  bat  le  pré  à  côté  de  lui,  à  trente  pas  de  distance.  La 
loutre,  qui  l'entend,  part  aussitôt  pour  regagner  l'eau,  et  passe  nécessairement 
à  portée  de  fusil. 

Butfon  a  dit  que  la  loutre  ne  s'apprivoise  jamais,  et  en  cela  il  se  trompe  com- 
plètement. J'en  ai  vu  une  qui  a  vécu  pendant  deux  ou  trois  ans  au  château  de 
Pramenoux  ;  elle  suivait  et  caressait  la  domestique  qui  lui  donnait  habituellement 
sa  nourriture;  elle  sortait  et  se  promenait  seule,  rentrait  de  même,  allait  tous 
les  jours  se  laver  dans  le  bassin  d'une  fontaine  qui  jaillissait  au  fond  d'une 
grande  cour,  dormait  au  coin  du  feu  de  la  cuisine  pendant  tout  l'hiver,  et  s'en 
était  tellement  emparée,  qu'elle  en  chassait  les  chiens  et  les  chats.  Quelquefois, 
elle  s'échappait  la  nuit  pour  aller  pêcher  dans  un  petit  étang  trés-voisin  du  châ- 
teau; elle  rentrait  par  les  chatières,  trous  qu'on  est  dans  l'usage,  dans  ce  pavs, 
de  faire  aux  portes  pour  livrer  passage  aux  chats;  le  lendemain  matin  des  débris 
de  poissons  trouvés  dans  la  cuisine  dénonçaient  son  vol  et  prouvaient  (|u'elle 
venait  dévorer  sa  proie  à  la  place  où  on  lui  donnait  ordinairement  sa  nourri- 
ture. Elle  s'était  fort  bien  accoutumée  à  manger  les  restes  de  table,  le  pain  trempe 
dans  du  lait,  et  même  la  soupe  des  chiens.  M.  Isidore  Geoffroy  cite  également 
l'exemple  d'une  loutre  qui  avait  été  apprivoisée  par  un  paysan,  et  qui  le  suivait 
comme  un  chien. 

La  loutre  n'est  très-commune  nulle  part,  au  moins  à  présent;  mais  on  la 
trouve  dans  presque  toute  l'Europe.  Sa  fourrure,  surtout  celle  d'hiver,  sans 
être  d'un  très-grand  prix,  a  cependant  de  la  valeur,  surtout  depuis  quelques 
années  qu'on  l'emploie  beaucoup  dans  la  chapellerie.  Sa  chair,  que  l'on  mange 
les  jours  maigres,  est  assez  bonne,  mais  elle  a  une  forte  odeur  de  poisson  qui 
ne  plaît  pas  à  beaucoup  de  personnes. 

La  Loutre  dl   Kamtschatka  (  Lutta  Inlris,  tion  des  poils;  sa  léte,  sn  gorge,  le  dessous  de 

Geoff.  Miiatela   lulris ,    Li.>.    Luira   mariua,  son  corps  et  le  bas  des  nieiiihres  antérieurs  sont 

Erxl.  Mustela  hndson'tca?  LkCÈP.  Luira  runa-  d'un  gris  bruuàlre  argenté;  elle  a  la  queue 

densis?  Fr.  Crv.)  a  presque  trois  pieds  et  demi  courte  et  grosse,  et  ses  pieds  de  derrière  sont 

(1,137)  de  longueur;  elle  est  d'un  brun  niar-  très-courts.  On  en  trouve  une  variété  à  tète 

ron  lustré,  changeant  de  nuance  selon  la  posi-  blancht-. 

Cette  espèce  est  aussi  quelquefois  appelée  sarïcovienne ,  quoique  ce  nom  ne 
convienne  qu'à  la  loutre  d'Amérique  Lutra  bmsitieusis}.  On  la  trouve  non- 
seulement  au  Kamtschatka,  mais  encore  dans  tout  le  nord  de  l'Asie  et  de  l'Amé- 
rique, surtout  à  la  côte  sud-ouest,  et  sur  les  bords  des  petites  îles  qui  bordent 
les  côtes.  Elle  nhabite  pas  les  eaux  douces,  comme  notre  loutre  d'Europe,  mais 
seulement  les  rivages  de  l'Océan,  et  ceux  des  grands  lacs  salés  qui  comnmni- 
quent  avec  la  mer.  Sa  fourrure  est  une  des  plus  précieuses  (jue  l'on  connaisse, 
et  elle  est  tellement  estimée  par  les  Chinois,  qu'ils  la  payent  un  prix  considé- 
rable, surtout  dans  de  certaines  années.  Cette  magnilique  fourrure  est  garnie 
de  très-peu  de  poils  soyeux;  elle  est  principalement  contposée  de  poils  épais, 
laineux,  particulièrement  à  la  partie  supérieure  du  corps,  où  ils  sont  veloutés. 


ISG 


LLS  CAIiNASSIIlHS  IHGHIG  K  ADES. 


Far  son  éclat,  sa  ilouceiir,  son  moelleux,  celte  pelleterie  l'emporte  sur  loiilesles 
autres.  Chaque  année,  les  Américains,  les  Russes  et  les  Anglais  se  rendent  sur 
les  côtes  on  cette  loutre  abonde;  ils  achètent  aux  naturels  du  pays  toutes  les 
peaux  qu'ils  peuvent  en  tirer,  et  les  portent  ensuite  vendre,  avec  d'énormes 
bénéfices,  en  Chine  ou  au  Japon.  Ces  voyageurs  racontent  que  cette  loutre  vit 
par  couple,  et  que  la  femelle,  après  une  gestation  de  huit  à  neuf  mois,  ne  met 
Itas  qu'un  seul  petit.  Ce  peu  que  l'on  sait  de  l'histoire  de  cet  animal  a  besoin 
d'èlre  confirmé  par  de  nouvelles  observations. 


La  LoiTiiE  DE  LA  Guyane  (  lAitra  enudris,  Fr. 
Civ.)  a  Irois  piccisel  demi  (I,l57i  de  lîingueur, 
I.)  queue  couipiise,  et  celle-ci  forme  à  peu  près 
le  tiers  de  la  longueur  totale;  elle  est  d'un  brun 
clair  en  dessus,  plus  pâle  en  des  ous,  avec  la 
gorge  et  les  côtés  de  la  face  jusqu'aux  oreilles 
presque  blancs.  On  la  trouve  sur  les  bords  des 
grands  fleuves  de  la  Guyane. 

La  Loutre  de  la  Caroline  (  Lutra  latarina. 
Fb.  Guy.)  est  un  peu  plus  grande  que  la  loutre 
de  la  Guyane;  son  pelage  est  d'un  brun  noirî'i- 
tre  en  dessus,  moins  foncé  en  dessous  ;  la  gorge, 
l'extrémité  du  nmseau  et  les  côtés  de  la  léle 
sont  grisâtres.  Dans  cette  espèce,  des  poils  longs 
et  soyeux  recouvrent  le  l;iineux.  On  la  trouve 
dans  la  Caroline  du  Sud. 

La  Loi TKE  DE  LA  Trinité  (  Liilio  insniaris, 
Fr.  Clv.)  a  deux  pieds  trois  pouces  de  longueur 
(0,751),  et  sa  queue  a  dix-huit  pouces  0,487); 
son  pelage  est  court  et  très-lisse,  d'un  brun 
clair  en  dessus;  d'un  blanc  jaunâtre  en  dessous, 
sur  la  gorge,  la  poitrine  et  les  côtés  de  la  tète. 
Elle  habite  l'Ile  de  la  Trinité. 

La  Saricovieinne  ou  Caricuebevu  (Luira  bra- 
silicns'}^ ,  Geoff.  Musteln  Intris  brasiUensis , 
I.iN.  La  Snricovievne  de  la  Gnijone,  Riff.  est 
plus  grande  que  la  loutre  d'Europe;  son  pelage 
est  d'un  brun  fauve,  un  peu  clair  sur  la  tète  et 
le  cou,  plus  foncé  à  l'extrémité  des  membres  et 
de  la  queue,  avec  la  gorge  et  l'extrémité  de  la 
queue  d'un  blanc  jaunâtre  ;  ses  narines  sont  nues 
sur  leur  contour,  niîiis  elle  manque  de  mufle. 
Elle  habite  la  rivière  de  la  Plata,  et  Thevet  dit 
que  sa  chair  est  très-délicate,  fort  bonne  à  man- 
ger. 

Le  RAitANG-RAKAMi  {Lvtin  barang.  Fr.  Civ.) 
a  un  pied  huit  ponces  iO,.')42)  de  longueur,  et  sa 
queuea  huit  pouces  (0,21 7).  Son  pelage  est  rude, 
d'un  brim  sale  en  dessu»^,  un  peu  plus  pâle  en 
dessous;  sa  gorge  est  d'un  gris  brunâtre;  ses 
poils  laineux  sont  d'un  gris  brun  s^le.  Il  habile 
Java  et  Sumatra. 

Le  Sijuiivr.  (  Ljitra  ^imiivg,  Raff.  L}itra  pcr- 
spuillatn,  Is.  Geoff.)  est  un  peu  jilus  grand  que 
le  baraug-barang  ;  son  pelage  est  moins  long, 
plus  lisse  et  plus  doux  ;  il  est  d'un  brun  foncé, 
plus  clair  et  un  peu  roussàlre  eu  dessous;  il  a 


la  gorge,  les  côtés  de  la  tcte  et  le  tour  des  yeux 
blanchâtres,  avec  le  menton  blanc.  Il  habite 
Sumatra. 

Le  INir-INavié  (  lutra  nair,  Fr.  Clv.)  a  deu\ 
pieds  quatre  pouces  (0,758)  de  longueur,  non 
compris  la  queue,  qui  a  dix-sept  pouces  (0,460). 
Son  pelage  est  assez  court,  d'un  châtain  foncé 
en  dessus,  plus  clair  sur  les  côtés  du  corps; 
d'un  blanc  roussàtre  en  dessous,  ainsi  que  sur 
la  gorge,  les  côtés  de  la  tète  et  du  cou,  et  le 
tour  des  lèvres;  le  bout  de  son  museau  est 
roussàtre,  et  il  a  deux  taches  de  la  même  cou- 
leur, l'une  en  dessus,  l'autre  en  dessous  de  l'œil. 
Il  habite  les  Indes,  dans  les  rivières  autoni'  de 
Pondichér). 

'"  Genre.  Les  LATAXES  (Latax,  Ahistote?) 
ont  une  forumle  dentaire  qui  m'est  inconnue. 
Ils  ont  les  foi  mes  générales  des  loutres;  mais 
leurs  pieds  de  devant,  non  aplatis  ni  élargis, 
ont  les  doigts  velus,  épais,  armés  d'ongles  ai- 
gus, avec  la  paume  nue,  tandis  que  ceux  de 
derrière  sont  en  forme  de  rames  plates,  absolu- 
ment semblables  à  ceux  des  phoques  si  ce  n'est 
qu'ils  sont  libres. 

Le  Lataxe  DE  Steller  {Lata.c  StcUcri.— Lu- 
tra stelleri,  Less.  Littra  marina,  Stell.)  est  de 
la  taille  d'un  chien  médioci-e;  son  pelage  est 
épais,  d'un  noir  brunâtre  ou  marron;  sa  queue 
est  courte,  large,  pointue.  Elle  habite  les  terres 
voisines  du  pôle  boréal,  (  t  vit  sur  les  bords  de 
la  mer;  elle  se  nourrit  de  crustacés  et  de  pois- 
sons, et  pas.se  la  plus  grande  partie  de  son  temps 
dans  l'eau.  Il  paraît  que  ses  habitudes  sont 
mixtes  enire  celles  des  loutres  et  des  phoques. 
Il  faudra  probablement,  quand  on  connaîtra 
mieux  ce  genre,  le  reporter  à  la  tète  de  la  fa- 
mille de  ces  derniers. 

H"  Genre.  Les  AONYX  {Aonyx,  Less.)  ont  les 
mêmes  caractères  génériques  que  les  loutres, 
mais  ils  en  diffèrent  par  la  forme  dts  pieds  et 
par  les  doigts  à  peine  réunis  par  une  mem- 
brane ;  le  second  doigt  paraît  soudé  au  troisième 
sur  toute  la  première  articulation;  ils  sont  tous 
les  deux  plus  allongés  que  les  suivants,  et  tous 
les  doigts  sont  privés  d'ongles,  ou  un  vestige 
d'ongle  rudimentaire  est  seulement  observé  au 
second  et  troisième  doigts  des  pieds  postérieurs. 


MARTES. 


187 


L'Ao.wx  Delal*m>k  {Aoiujx  Delalandi,  Less. 
Luira  innngiis,  G.  Clv.  La  Loutre  du  Cap)  a 
deux  pieds  dix  pouces  (0,921)  de  longueur,  uou 
compris  la  queue,  qui  a  vingt  pouces  (0,542)  ; 
sou  pelage  est  épais,  doux,  d'un  brun  châtain, 
plus  fonce  sur  la  croupe,  les  membres  et  la 
(|ueue,  plus  clair  sur  les  Hancs;  le  dessus  de  la 


télé  est  d'un  gris  bruuàlre,  et  le  dessous  du 
corps  duu  blanc  assez  |)ur.  Il  babite  le  pajs 
des  Holtentots,  au  cap  de  Kouiic-Kspérance,  et 
vit  de  poissons  et  de  crustacés  quil  piclie  dans 
les  étangs  sales  du  bord  de  la  mer.  Du  reste, 
ses  habitudes  sont  seml>labies  à  celles  de  noire 
loutre. 


!S8 


LES  CAKNASSIKRS   IH(;iT  KiU  AI)  KS. 


Lr  I   Int-n  ..e  F.. 


LES  CHIENS. 


Us  ont  deux  dt-iils  tuljerculeiises  plates  tlei'- 
rière  la  cnrnassière  supérieure;  celle-ci  a  un 
talon  assez  large.  Ils  ont  tous  un  petit  cœcum. 

1"  Genre.  Les  CHIEXS  (Crtiiis.  Ln.)  ont 
(|uarante-deux  dents  :  six  incisives  et  deux  ca- 
nines en  haut  et  en  lias  ;  douze  molaires  à  la 
inàrlioire  supérieure,  et  quatorze  à  la  màcfioire 


inférieure;  les  deux  molaires  tuberculeuses  sout 
placées  derrière  chaque  molaire  carua-sière,  et 
la  première  tuberculeuse  supérieure  est  fort 
grande;  leur  langue  est  douce;  ils  ont  cinq 
doigts  aux  pieds  de  devant,  et  quatre  aux  pieds 
de  derrière,  munis  d'ongles  non  réttactiles; 
enfin  la  pupille  de  leurs  jeux  est  ronde. 


1"  LES  CHIENS  DOMESTIQUES. 


Le  CHIKN  DOMESTIQUE  'yCdilis  fdiililiaris.  Lin.) 

Ne  se  distingue  du  loup,  du  chacal  et  autres  variétés  sauvages,  que  par  sa 
(pieue  toujours  plus  ou  moins  recourbée,  tandis  que  dans  les  autres  elle  est 
constamment  droite.  Du  reste,  il  varie  de  mille  manières  pour  la  taille,  les  cou- 
leurs et  même  les  formes. 

La  question  de  savoir  si  le  chien  domestique  vient  du  loup  et  du  chacal  a 
beaucoup  occupé  les  anciens  naturalistes.  Aujourd'hui  que  Ion  sait  que  le  chien, 
le  loup  et  le  chacal  sont  trois  variétés  dans  la  même  espèce,  puisque  par  le 
croisement  ils  produisent  des  individus  capables  de  se  reproduire  eux-mêmes, 
cette  discussion  serait  tout  à  fait  oisive,  et  sa  solution  de  nulle  importance. 
Elle  se  bornerait  à  nous  apprendre  quelle  est  la  variété  qui  est  venue  la  pre- 
mière. Mais,  d'ailleurs,  il  n'est  pas  possible  d'obtenir  cette  solution,  puisque 
l'on  trouve,  même  en  France,  parmi  les  animaux  perdus,  dont  il  ne  reste  que 
les  squelettes  fossiles,  une  douzaine  d'espèces  de  chiens  qui  ont  plus  ou  moins 
d'analogie  avec  plusieurs  des  races  qui  existent  aujourd'hui,  et  qui  ont  peuplé 
la  terre  avant  l'homme,  dans  les  époques  antédiluviennes. 


LES    CHENILS, 

DhH  lllkllK     LES     t.Or,  K.S    l)KS     VNMMIX     FKKOCFS. 

(    J»rilin    de.    Hlanlr 


CHIKNS.  189 

Le  cliit'ii  1...  A  et'  lumi  il  ii  est  |)as  un  homme  (|iii  unit  un  souvenir  agréable 
ou  louchant,  celui  d'un  gai  compagnon  des  jeux  de  son  enfance,  d'un  gardien 
sûr  et  vigilant  à  la  maison,  d'un  aide  indispensalile  a  la  chasse,  d'un  guide  ou 
d'un  éclaireur  dans  un  voyage,  d'un  défenseur  intrépide  dans  le  danger,  d'un 
sauveur  (pielquefois,  mais  toujours  d'un  ami  désintéressé,  aussi  dévoué  (|ue 
lidèle,  |)rèt  à  partager  avec  le  même  empressement  les  misères  ou  les  joies  de 
S(ui   maître.  Le  chien  n'a  (pi'une   pensée,  (piun  hesoin,  (pi'uue  passion,  c'est 
l'allection;  il  faut  qu'il  aime  ou  qu'il  meure.  Pour  témoigner  son  amour  à  celui 
(pii  la  élevé  et  dont  il  a  reçu  les  premières  caresses,  il  est  capable  de  tous  les 
devouen)ents  les  plus  sublimes  :  les  dangers,  la  fatigue,  la  faim,  les  intempéries 
de  l'air,  les  privations  de  tous  genres,  ne  sont  rien,  s'il  les  suppiute  avec  lui 
(Ml  pour  lui.   Par  ses  caresses,  il  console  le  malheureux  (|ui,  sans  son  chien, 
n'aurait  pas  un  ami  sur  la  terre;  il  peuple,  H  embellit  la  solitude  de  son  obscur 
réduit;  il  occupe  son  cieur,  et  l'aide  à  traverser  une  miséralde  vie  oiddiée  par  les 
hommes;  il  l'encourage,  et  semble  l'aimer  d'autant  plus  (pi'il  est  plus  opprime 
par  l'adversité.  Dans  ses  durs  travaux,  il  l'aide  même  ;iu  delà  de  ses  forces;  il 
s'excède  à  tirer  une  voiture,  à  tourner  la  roue  d'un  soufllet  de  forge,  à  main- 
tenir l'ordre  dans  un  troupeau;  il  fait  ses  commissions  à  la  ville,  et  lui  évite 
même  la  honte  de  la  mendicité,  en  tendant  p<»ur  lui  une  écnelle  de  bois  aux 
passants.  Il  n'est  jamais  plus  heureux  (pu-  lors(piil  croit  se  rendre  utile,  (pi'il 
reçoit  un  sourire  iM)ur  l'encourager,  et  une  caresse  pour  son  salaii'e.  ('/est  aloi's 
surtout  (pi'il  déph  ie  cette  admirable  intelligence  qui  le  met  tant  au-dessus  des 
animaux,  et  qui  ne  le  cède  qu'à  l'homme,  à  l'homme  (pii  serait  un  être  parfait 
s'il  avait  les  qualités  morales  du  chien. 

Pour  défendre  son  maître,  le  chien  ne  connaît  ni  crainte  ni  danger,  et  fùt-il 
sûr  de  périr  dans  la  lutte,  il  s'élance  avec  intrépidité,  altacpie  avec  fureur,  et 
ne  cesse  de  combattre  de  toutes  ses  forces,  de  tout  son  courage,  qu'en  cessant 
de  vivre.  Il  le  défend  contre  les  animaux  féroc«'s  dix  fois  plus  forts  (pu' lui  : 
contre  les  brigands  qui  menacent  ses  jours,  et  il  vil  pour  le  venger,  s'il  n'a  pu 
le  dérober  aux  meurtriers;  il  veille  sur  lui  s'il  est  blessé,  et  ne  le  (piitte  (pie 
pour  aller  chercher  du  secours;  il  le  sauve  des  flots  (pii  allaient  renglniilir ;  il 
le  recliaiilVe  de  s(M1  haleine,  de  son  corps,  après  s'être  vol(»ntaireiiieiit  enfonce 
avec  lui  dans  les  abîmes  de  neige;  eiiliii  il  (tllblie  l'instinct  de  sa  pr(q)re  enii- 
servalion  pour  ne  penser  ipi'à  la  conservation  de  celui  qu'il  aime. 

Quand  il  s  agit  de  s<»ii  maître,  de  celui  aiupiel  il  a  voué  son  existence  entière, 
lien  ne  lui  est  indiflérent;  il  ne  sent  que  par  lui  et  pour  lui,  et  partage  tout 
sans  hésiter  :  haines  et  alVections,  joies  et  chagrins,  fortune  et  pauvreté.  P'or- 
lune!...  non,  car  il  n'exige  rien  en  retour  de  s(m  dévouement  ;  et  ordinaire- 
ment le  chien  de  l'homme  dont  la  richesse  a  rétréci  le  cceur  est  plus  mal 
nourri,  plus  maltraité  (pie  celui  du  pauvre,  abandonné  qu'il  est  à  des  valets. 
Le  chien  se  plaît  où  son  maître  se  plaît,  quitte  sans  regret  les  lieux  (pi'il  aban- 
donne, et,  avec  lui,  passe  gaiement  de  la  cuisine  du  prince  au  bacpiel  de  la 
gargote.  Il  caresse  les  vieux  parents,  et  vient  dormir  à  leurs  pieds;  il  aime 
la  fennne;  il  protège  les  enfants,  et  joue  bien  doucement  avec  eux:  en  un  mol. 
il  ne  vit  ipu'  de  la  vie  de  son  maître;  el  si  la  cruelle  mort  vient  le  lui  arrac  lier, 
il  se  traîne  sur  son  l(unheau,  sv  couche  et   \  nieuil  de  tristesse  el  de  douleur. 


190  I.KS  CAUNASSIKUS   lUG  1 T  ICU  ADES. 

Aussi  généreux  qu'aimant,  il  supporte  avec  patience  l'ingratitucle  et  les  jiuui- 
vais  traitements  dont  trop  souvent  on  paye  ses  services  et  son  affection.  Si  ou 
le  gronde,  il  s'humilie;  si  on  le  frappe,  il  se  plaint,  il  gémit;  son  œil  suppliant, 
si  doux,  si  expressif,  demande  grâce  pour  une  faute  (jue  parfois  il  n'a  pas  com- 
uïise.  11  se  traîne  aux  pieds  de  son  brutal  tyran,  lui  lèche  les  mains,  tente  de 
l'attendrir,  de  désarmer  sa  colère,  mais  jamais  il  ne  cherche  à  repousser  l'agres- 
sion par  l'agression,  la  force  par  la  force,  quelles  que  soientl'injusticeet  la  bar- 
barie de  son  supplice;  et  s'il  se  sent  blessé  mortellement,  en  mourant,  son 
dernier  regard  est  encore  un  regard  de  pardon  et  de  tendresse. 

Bernardin  de  Saint-Pierre  a  dit  que  c'est  être  à  moitié  anthropophage  que 
de  manger  le  chien,  et  je  partage  tout  à  fait  cette  opinion.  Je  crois  aussi  que 
l'homme  qui  n'aime  pas  les  animaux,  qui  reste  insensible  à  tant  d'alfection  ou 
de  services  rendus  avec  désintéressement,  qui  n'a  pas  pitié  de  leurs  douleurs, 
de  leurs  souffrances  physiques,  est  plus  brute  qu'eux,  et  ne  fera  jamais  ni  un 
bon  citoyen,  ni  un  bon  père  de  famille  ;  je  crois  que  les  hommes  n'ont  rien  à 
attendre  de  lui  que  le  plus  froid  égoïsme.  Qu'on  n'aille  pas  croire  que  dans  ce 
((ue  je  viens  de  dire  de  ce  noble  et  bon  animal,  il  y  ait  de  l'exagération  ;  je  n'ai 
pas  écrit  une  seule  phrase  que  je  ne  puisse  justifier  par  des  faits  nombreux,  et 
je  terminerai  par  une  citation  de  Buffon  qui  complétera  le  portrait  :  «  Le  chien, 
indépendamment  de  la  beauté  de  sa  forme,  de  la  vivacité,  de  la  force,  de  la 
légèreté,  a  par  excellence  toutes  les  qualités  intérieures  qui  peuvent  lui  attirer 
les  regards  de  l'homme  :  un  naturel  ardent,  colère,  même  féroce  et  sanguinaire, 
rend  le  chien  sauvage  redoutable  à  tous  les  animaux,  et  cède  dans  le  chien  do- 
mestique aux  sentiments  les  plus  doux,  au  plaisir  de  s'attacher  et  au  désir  de 
plaire....  Plus  docile  que  l'homme,  plus  souple  qu'aucun  des  animaux,  non- 
seulement  le  chien  s'instruit  en  peu  de  temps,  mais  même  il  se  conforme  aux 
mouvements,  aux  manières,  à  toutes  les  habitudes  de  ceux  qui  lui  commandent; 
il  prend  le  ton  de  la  maison  qu'il  habite;  comme  les  autres  domestiques,  il  est 
dédaigneux  chez  les  grands  et  rustre  à  la  campagne;  toujours  empressé  pour 
son  maître,  et  prévenant  pour  ses  seuls  amis,  il  ne  fait  aucune  attention  aux 
gens  indifférents,  et  se  déclare  contre  ceux  qui  par  état  sont  faits  pour  impor- 
tuner :  il  les  connaît  aux  vêtements,  à  la  voix,  à  leurs  gestes,  et  les  empêche 
d'approcher.  Lorsqu'on  lui  a  confié,  pendant  la  nuit,  la  garde  de  la  maison,  il 
devient  plus  fier  et  quelquefois  féroce;  il  veille,  il  fait  sa  ronde;  il  sent  de  loin 
les  étrangers,  et  pour  peu  qu'ils  s'arrêtent  ou  tentent  de  franchir  les  barrières, 
il  s'élance,  s'oppose,  et,  par  des  aboiements  réitérés,  des  efforts  et  des  cris  de 
colère,  il  donne  l'alarme,  avertit  et  combat.  Aussi  furieux  contre  les  hommes 
de  proie  que  contre  les  animaux  carnassiers,  il  se  précipite  sur  eux,  les  blesse, 
les  déchire,  leur  ôte  ce  qu'ils  s'efforçaient  d'enlever;  mais  content  d'avoir 
vaincu,  il  se  repose  sur  les  dépouilles,  n'y  touche  pas,  même  pour  satisfaire 
son  appétit,  et  donne  en  même  temps  des  exemples  de  courage,  de  tempérance 
et  de  fidélité.  » 

Quelques-uns  de  nos  jeunes  écrivains,  probablement  pour  dire  du  nouveau, 
ce  qui  n'est  pas  aisé,  viennent  d'élever  la  voix  contre  l'opinion  de  Buffon,  et 
d'imprimer  que  le  chien  n'est  que  le  modèle  parfait  de  l'esclave  abject  dont  le 
cœur  avili  se  plaît  dans  la  servitude  ;  ceux-là  ne  comprendront  jamais  l'amour 


CIIIFNS. 


I!»l 


ni  le  (lovoiiPinenl.  .Miiis  «c  qu'il  y  a  de  plus  singulier,  c'est  que  le  chien,  déclare 
propriété  par  nos  lois,  est  mis,  sans  réclamation,  hors  la  loi  par  un  préfet  de 
police  de  Paris  ou  par  un  maire  de  village.  Sans  respect  pour  la  propriété, 
sappuyant  sur  un  vieux  préjuge  (pii  a  été  cent  fois  renversé  par  la  science,  el 
faisant  même  tout  ce  qu'il  faut  pour  amener  l'hydropholiie  qu'ils  prétendeni 
éviter,  ils  font  semer  de  l'arsenic  et  de  la  noix  vomitjue  sur  la  voie  publique,  au 
risque  d'empoisonner,  non  pas  toujours  des  chiens,  mais  des  enfants,  ce  qui, 
prétend-on,  est  arrivé  plus  d'une  fois.  Kn  effet,  le  chien  est  sujet  à  une  ma- 
ladie terrible,  la  rage;  mais  les  plus  habiles  vétérinaires  de  l'Institut  et  de 
l'école  d'Alfort  ont  fait,  pendant  plusieurs  années,  de  nombreuses  et  cruelles 
expériences  pour  connaître  les  causes  du  développement  de  cette  maladie;  et  ils 
ont  posilivemenl  reccunm  que  cette  cause  n'est  ni  dans  la  chaleur  atmosphé- 
rique, ni  dans  la  soif  par  manque  d'eau,  mais  uniquement  dans  une  privation 
longue  et  totale  de  la  réunion  des  sexes.  La  chienne  porte  soixante-trois  jours, 
t'I  fait  de  quatre  à  huit  jtetits,  quelquefois  jusqu'à  douze.  La  durée  ordinaire  de 
la  vie,  dans  ces  animaux,  est  de  douze  à  quinze  ans.  Cependant  il  n'est  pas  rare 
d'en  trouver  qui  atteignent  vingt  ans,  et  j'en  ai  vu  un  qui  en  a  vécu  vingt-cinq. 
Le  chien  a  suivi  l'homme  sur  tous  les  points  de  la  terre,  et  a  dû,  comme  lui, 
éprouver  les  influences  des  divers  climats;  outre  cela,  soumis  à  la  plus  antique 
des  domesticités,  il  en  a  subi  les  conséquences.  Aussi  n'est-il  pas  d'animal 
connu  qui  fournisse  des  races  plus  variées  et  mieux  caractérisées,  et  peut-être 
plus  constantes  (piand  on  veut  les  conserver  pures.  Nous  ne  citerons  ici  ({wv  les 
princii»ales,  reconimes  par  les  naturalistes. 


LES   MVTIKS 


r^  Le  Math  onniNMRE  (Coiii.s /a«irtrii(.s,  Li.>. 
Le  Matin,  Biff.)  est  de  grande  taille;  il  a  la 
queue  relevée;  son  pelage  est  assez  court,  d'un 
lauve  jaunâtre,  quelquefois  hlanc  et  noir;  le  nez 
un  peu  allongé  et  eonslaniniint  noir.  Quoique 
de  taille  assez  légère,  il  est  robuste  et  coura- 
geux. On  s'en  sert  à  la  garde  des  fermes. 

2"  Le  r.RAND  Danois  (  Canis  danicus  major. 
Le  gtaud  Danois,  Bi  ff.)  e.«.t  le  plus  grand  de 
lous  les  chiens  ;  il  tient  un  peu  du  matin,  mais 
il  a  les  formes  plus  épaisses,  le  museau  plus  gros 
et  plus  carré,  el  les  lèvres  un  peu  pendantes. 
Son  pelage  est  constamment  d'un  fauve  noirâ- 
tre, rave  transversalement  de  bandes  à  peu  près 
disposées  conmie  celles  du  tigre.  Quoique  bon 
de  garde,  c'est  peut-être  de  tous  les  chiens  le 
plus  inoffensif. 

5"  Le  l)\>ois  (Canis  daninis,  Des:>i.  Non  le 
grand  Danois  de  Bi  ffon  )  est  un  peu  plus  mince 
el  plus  léger  que  le  malin,  dont  il  atteint  sou- 
vent la  taille:  son  pelage  est  ordinairement 
blanc,  marqué  de  taches  arrondies,  peliles  et 
noml)reuses;  sa  queue  est  grêle,  relevée,  re- 
courbée; ses  veux  ont  souvent  une  pailie  de 
l'iris  d'un  blanc  de  porcelaine.  Purement  de 


luxe,  il  était  de  mode  autrefois  de  le  faire  cou 
rir  devant  les  chevaux  des  carrosses. 

Le  l'ETiT  Dkmhs  {  Canis  rariegatits,  Li>.)  eu 
est  une  sous-variété,  plus  pdite,  plus  trapue,  à 
front  plus  bombé  el  à  museau  plus  pointu. 

î"  Le  LÉvBiEii  (  Canis  grajns,  Li>.  est  le  plus 
svelte,  le  plus  léger  de  tous;  son  museau  est 
pointu,  fort  allongé;  son  abdomen  très-rétréci; 
ses  jambes  très-longues  et  très  menues;  son  pe- 
lage est  ordinairement  lisse.  On  en  compte  plu- 
sieurs sous-variétés,  savoir  : 

Le  grand  l.cnier,  à  pelage  d'un  gris  ardoisé 
ou  d'un  gris  de  .souris,  ordinairement  court  el 
lisse,  quelquefois  assez  long  et  hérissé.  On  l'em- 
ploie à  la  chasse  du  lièvre,  qu'il  atteint  à  la 
course;  mais  il  n'a  pas  d'odorat  et  fort  pou 
d'intelligence; 

Le  Lévrier  d'Irlande  ; 

Le  Lérrier  de  la  haute  Ecosse  : 

Le  Lévrier  de  linssie  ; 

Le  Lerroii  ou  Lévrier  d'Italie  {  Le  Canis 
italirus.  Lin.)  ; 

Le  Lévrier  ihien-tnrr. 

5°  Le  Chien  de  birgeii  [Canis  dovirstirus, 
Lin.),  semblable  au  matin,  mais  à  oreilles  cour- 


19:2 


Li:S   CAKNASSIEHS   DIC  1 T  1(;H  A  hES. 


les  et  droites,  queue  horizontale  ou  pendanle, 
pelage  long,  hcrissi*,  noir  ou  noirâtre.  11  est 
plein  d'intelligence,  surtout  pour  la  garde  des 
troupeaux. 

Après  tes  variétés  indigènes,  on  peut  placer 
les  chiens  exotiques  suivants  : 

6°  Le  Di,\(;o  ou  Chien  nt  la  iSolvelle-Hol- 
i.»M)E  (  Canis  Auatralasicr,  Fit.  Cuv.  — Desm.), 
a  pelage  très-épais,  fauve  en  dcs.sus,  plus  pâle 
en  dessous;  le  |)Oil  extérieur  sojeux,  celui  de 
dessous  plus  fin  et  duveteux;  sa  quei;e  etl  touf- 
fue. Cet  animal  niiséiable  a  peu  d'intelligence, 
parce  que  les  habitants  ne  l'élèvenl  guère  que 
pour  le  manger,  et  l'elèvent  en  conséquence. 

7"  Le  Waii  {Canis  hivialatjensis)  a  le  mu- 
seau pointu  et  la  tête  allongée;  ses  oreilles  sont 
droites  et  pointues;  ses  poils  extérieurs  sont 
lirons  et  soyeux,  les  intérieurs  cendrés  et  lai- 
neux; il  est  d'un  gris  cendré  sous  la  gorge, 
avec  deux  taches  noirâtres  sur  les  oreilles;  sa 
queue  est  touffue  On  le  trouve  dans  les  mon- 
tagnes de  l'f^Iimalaya. 


X'  Le  l'OLLL,  ou  Chien  ue  i  a  JNouvei.i.e-Iu- 
LANUE  (Canis  Novœ-Hibcrniœ ,  Less.)  est  de 
moitié  plus  petit  (pie  celui  de  la  .N(tuvclle- 
Hollande;  son  museau  est  pointu;  ses  oreilles 
court  es,  droites  et  pointues  ;  ses  jambes  grêles  ; 
.'^on  pelage  ras.  brun  ou  fauve.  Il  est  hardi, 
courageux  et  vorace.  Les  habitants,  qui  relè- 
vent |)0Hr  le  manger,  le  nourrissent  a\ec  la 
plus  grande  facilité,  car  il  mange  de  ton!. 

9°  Le  QiJ\o  {  Canis  qixao,  Hardw.)  a  beau- 
coup d'analogie  avec  le  chien  de  Sumatra,  mais 
ses  oreilles  sont  moins  arrondies,  et  sa  quene 
est  plus  noire.  On  le  trouve  dans  les  montagnes 
de  Kanighur  dans  l'Inde,  où  il  parait  vivre  à 
l'état  sauvage. 

10"  Le  Chien  de  Slmatka  (  Canis  .suiHotccii- 
sis,  1Jardv\.)  a  le  nez  pointu,  les  yeux  obliques, 
les  oreilles  droites,  les  jan)bes  hautes,  la  queue 
pendanle  et  très  touffue,  plus  grosse  au  milieu 
qu'à  sa  base;  il  est  d'un  roux  feirugineux,  plus 
clair  sur  le  ventre.  Il  vit  à  l'elal  siinvage  dans 
les  forets  de  Sumatra. 


LtS   EPAGAELLS. 


H"  L'Épacneul  français  {Canis  extraiiiis, 
Lin.)  a  les  oreilles  larges,  longues,  tombantes, 
terminées  par  de  longs  poils  sojeux  ;  ses  jamb<  s 
sont  assez  courtes  ;  son  pelage  est  long  et  soyeux, 
ordinairement  mêlé  de  blanc  et  de  brun  mar- 
ron. 11  est  excellent  pour  la  chasse  de  plaine  et 
pour  le  marais,  mais  il  craint  beaucoup  la  cha- 
leur, et  ne  jouit  de  toute  la  finesse  de  son  nez 
que  le  matin  et  le  soir.  11  s'attache  beaucoup  à 
son  maître.  Il  a  pour  sous-variélés  : 

Le  petit  Epagneul; 

Le  Gredin  {Canis  breiipitis.  Lin.); 

Le  l'yrame  ; 

Le  Bichon  (  Canis  militœiis,  Lin.)  ; 

Le  Cliienlion  (  Canis  leonitins,  Lin.); 

Le  Chien  de  Calabre. 

Toutes  ces  variétés  sont  Ircs-pelites,  ont  peu 
d'intelligence,  mais  beaucoup  d'affeclion  pour 
leurs  maîtres.  Ce  sont  des  chiens  d'apparte- 
ment. 

12°  L'Épagnell  anglais  (  Cani.s  e.Tfrflj-ii/s6ri- 
taniiKs),  comme  l'épagneul  français,  mais  n  pe- 
lage plus  soyeux,  plus  long,  entièrement  noir, 
avec  une  tache  de  fauve  rouge  sur  chaque  œil.  Il 
a  pour  la  chasse  les  mêmes  qualités,  mais  moins 
d'ardeur. 

15"  L'ÉPAGNiciL  ECOSSAIS  (  Canis  e.rtruritis 
scoticus).  Il  diffère  de  l'épagneul  français  par 
ses  formes  plus  légères,  plus  élancées;  par  ses 
oreilles  pendantes,  niais  plus  petites  et  plus  haut 
placées;  i)ar  sa  queue  en  panache,  plus  relevée 
et  plus  courbée;  enfin  par  ses  jeux  jaunes  et 
son  nez  rose.  Son  pelage  est  constamment  blanc, 
avec  de  larges  taches  blondes.  Il  est  excellent 


pour  la  chasse  en  plaine,  mais  il  e)>t  trrsdeli- 
cat. 

14°  Le  Barbet  on  Caniche  {Canis  aquaticus, 
LiN.ï  a  les  oreilles  larges  et  pendantes,  les  jam- 
bes courtes,  le  corps  trapu;  le  museau  épais, 
peu  allongé;  le  pelage  Irès-long,  frisé  et  un  peu 
laineux,  noir  ou  blanc,  ou  mêlé  de  ces  denv 
couleurs.  C'est  le  plus  lidèle  et  le  plus  intelli 
gent  des  chiens.  11  a  deux  sous-variétc's,  qui  sont  ; 

Le  petit  Barbet; 

Le  Barbet  griffon  ou  Chien  anglais. 

13°  Le  Chien  de  Tehue-ÎNeive  (  Canis  aqiia- 
tilis  n'est  probablement  qu'un  ancien  croise- 
ment du  matin  et  du  barbet.  Il  est  au  moins 
delà  taille  du  premier,  mais  plus  épais;  il  a  le 
museau  nu,  gros  et  a.sscz  allongé;  les  oreilles 
pas  très  grandes,  mais  pendantes  e(  soyeuses 
comme  celles  de  l'épagneul  ;  le  pelage  soyeux, 
très  long,  ondulé,  blanc  et  noir:  la  queue  re 
courbée,  relevée  en  beau  panache.  Il  se  plaît  à 
aller  dans  l'eau  pour  eu  retirer  les  objets  qui 
llottent  à  sa  surface,  mais  on  a  beaucoup  exa- 
géré celte  qualité.  Il  est  aimant,  lidèle,  et  sus- 
ceptible d'une  certaine  éducation. 

1(.°  Le  Griffon  (  Canis  nrect)(s),  de  la  taille 
du  plus  grand  liaibel,  mais  à  forme  moins 
lourde.  Son  pelage  e.^t  rude,  hérissé,  peu  épais, 
ordinairement  d'un  fauve  roux  ou  uuiràtre, 
quelquefois  grisâtre,  rarement  blanc.  r.'(  st  un 
métis  du  courant  et  du  barbet.  11  est  bon  à  la 
chasse  du  lièvre.  Karement  il  s'attache  beau- 
coup à  son  maître,  et  ses  manières  sont  rudes  et 
grossières. 

17"  Le  Chien  colbant  {Canis  (jallicus.  Lia.). 


CHIKNS. 


193 


Il  a  le  museau  gros  et  long  ;  les  oreilles  Irès- 
largcs,  très-longues  et  très-iiendjinles;  les  jam- 
bes rohustes,  assez  longues  ;  le  corps  gros  et  al- 
longé; la  queue  mince  et  relevée;  le  pelage  ras, 
court,  blnnc  mêlé  de  noir,  ou,  ni;iis  très-rare- 
mrnt,  entièrement  noir,  ou  mêlé  de  blanc  et  do 
fauve.  Il  est  excellent  pour  la  chasse  du  lièvre, 
du  cerf,  du  sanglier,  etc.  ;  mais  il  est  brutal, 
égoïste,  et  n'a  aucun  attachement  pour  son 
maître. 

18-  Le  CuiKN  BRAQiE  {Cauis  aiirnlarius. 
Lin.)  a  les  oreilles  plus  courtes  et  moins  larges 
que  le  précédent  ;  le  museau  plus  épais  et  plus 
court;  le  corps  moins  allongé;  la  poilrine  plus 
large,  les  jand)es  quelquefois  plus  longue;,  le 
pelage  ras,  blanc,  avec  des  taches  toujours  d'im 
brun  marron  plus  ou  moins  foncé,  et  jamais 
noires.  Il  a  de  l'intelligence,  de  l'attachement 
pour  son  maitre,  et  les  passions  très-\ives.  Il 
est  excellent  pour  la  chasse  de  plaine,  et  craint 
peu  la  chaleur;  mais  dans  les  marais,  il  e>t 
sujet  à  prendre  des  douleurs. 

Le  liraque  à  nez  fendu  en  est  une  varii'léqui 
ne  le  vaut  pas  a  la  chasse. 

19'^  Le  Braque  de  Bengale  (  Conis  oridiJrj- 
riiis  beitgalensis)  a  le  nez  un  peu  moins  épais, 
les  jambes  plus  hautes,  le  corps  un  peu  jtlus 
svelte;  son  pelage  est  constamment  blanc,  avec 
de  grandes  taclies  de  brun  marron,  et  de  nom- 
l)reuses  mouchetures  d'un  brun  grisâtre;  il  a 
sur  les  yeux,  et  souvent  sur  les  pattes  de  devant, 
des  petites  taches  d'un  fauve  rouge  vif.  Il  a  les 
mêmes  qualités  que  le  braque. 

20"  Le  Basset  a  jamres  droites  (  Canis  rer- 
Ingiis,  Ln.l  a  les  oreilles  et  la  télé  connue  le 
chien  courant,  mais  le  museau  plus  lin  et  plus 
allongé;  son  corps  est  très-long,  ainsi  que  sa 
queue  ;  ses  jambes  sont  grosses  et  fort  courtes  : 
son  pelage  est  ras,  ordinairement  brun  ou  noir. 


et.  dans  ce  dernier  cas,  il  est  marqué  do  feu 
sur  les  jeux  et  les  quatre  pattes.  Il  n'est  ni  at- 
taché ni  fidèle.  On  s'en  sert  pour  la  chasse  du 
blaireau,  du  lapin  et  du  levreau. 

Le  fî'isset  à  jaiubrs  torses  ne  diffère  du  pré- 
cédent que  par  ses  proportions  moins  grandes, 
et  ses  jambes  contrefaites  et  tordues. 

Le  Basset  de  Biirgns  en  est  une  sous-variété 
plus  petite. 

21"  Le  CiiiEN-LoLP  {Canis  iwmerani(S,L.iy.) 
est  un  peu  moins  grand  que  le  braque,  à  mu- 
seau Ions  et  effilé,  oreilles  droites  et  pointues, 
queue  horizontale  ou  relevée,  enroulée  en  des- 
sus; son  pelage  court  sur  la  tète,  long,  soyeux, 
mais  non  frisé  sur  le  corps,  est  d'im  blanc  jau- 
nâtre, rarement  gris,  noir  ou  fauve.  Il  est  assez 
attaché  à  sou  maiire,  et  son  courage  surpasse 
ses  forces. 

A  ces  variétés  indigènes  on  réunit  les  variétés 
exotiques  qui  suivent  : 

22"  Le  Chien  DKsEsQiwwvxiCmns  horenlis. 
Fr.  Clv.)  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  chien- 
loup.  Sa  queue  est  relevée  en  cercle;  son  pelage 
est  peu  fourni,  très-fin  ondulé,  de  c.mleur  va- 
riable, avec  de  grandes  taches  noires  ou  grises. 
On  s'en  sert  pour  tirer  les  traîneaux,  et,  par 
son  mojen,  on  fait  sur  la  neige,  avec  la  plus 
grande  rapidité,  des  voyages  fort  longs. 

25"  Le  Chien  de  Sibérie  (  Canis  sibiriens, 
Lin.!  se  dislingue  des  précédents  par  son  pelage 
très-long  sur  tout  le  corps,  d'un  gris  ardoisé 
et  cendré.  On  l'emploie  au  mémo  usage  que  le 
précédent. 

21"  L'Alco  ou  Techichi  (  Canis  amrriraïuis, 
r^iN.)  est  de  la  taille  du  bichon,  et  remarquable 
par  la  i)elitesse  de  sa  tcte;  son  dos  est  arqué  et 
son  corps  très-trapu;  sa  queue  est  courte  et 
pendante;  son  pelage  long  et  jaunâtre,  blanc  à 
la  queue.  Il  habile  l'Amérique. 


25 


t!)i 


m:s  cau.nassikks  i>i(;rn(;ii.\i>Ks. 


f>Ks  no(;LEs. 


2,}"  Le  Gba.\u  DoGiE  (Citnis  molossiis,  Ln.)  à 
iiiuseau  noir,  gros,  court,  et  lèvres  noires,  épais- 
ses et  pendantes  ;  oreilles  courtes,  redressées  à  la 
base;  corps  alhingé,  gros,  robuste;  queue  re- 
levée et  recouiI)ée  en  dessus  à  lexlréaiilé;  pe- 
lage ras,  d'un  fauve  ordinairement  pâle,  |)ius 
ou  moins  ondulé  de  noirâtre.  Ce  chien  est  cou- 
rageux, extrêmement  fort  et  propre  au  combat  ; 
il  s'attache  à  son  maitre,  mais  ses  habitudes  sont 
grossières  et  brutales. 

Le  Dogue  du  Thibeten  est  une  sous-variété. 

Le  Doijuin  en  est  une  autre  variété  plus  pe- 
tite, à  pelage  tirant  un  jieu  sur  le  noirâtre,  à 
oreilles  plus  longues  et  à  lèvres  plus  pendantes. 
Il  a  quelque  intelligence  pour  conduire  les  trou- 
peaux; aussi  ne  le  voit-on  guère  que  chez  les 
bouchers. 

26"  Le  BoixL-DoGiE  (  Citnis  friiator,  Lin.  Le 
/{((//-ffogdt's  Anglais  )  est  i)lus  petit  que  le  grand 
dogue;  il  a  le  corps  beaucoup  moins  long,  les 
pattes  moins  fortes,  et  la  (jneue  tout  à  fait  re- 
coiu'bée  en  cercle  ;  son  nuiseau  est  extrêmement 
court,  entièrement  noir,  son  nez  relevé,  et  sa 
Ictc  pres(pie  ronde.  Son  pelage  est  ras,  con- 
stamment d'un  fauve  p;iie  et  jaunâtre.  11  a  peu 
d'attachement  et  encore  moins  d'intelligence. 

Le  nofihiH  ne  diffère  du  pi'écc'dent  (pu-  par 
son  nez  fendu. 

27"  Le  C\iiLi\  ou  !\Ioi>sk  (Cauismopsus)  est 
extrêmement  petit,  à  nez  encore  plus  court  que 


le  boull-dogue,  dont  il  send)le  être  la  minia- 
ture ;  sa  tète  est  absolument  ronde;  sa  face,  siuis 
mmenu,  est  noire  jusqu'aux  jeux  ;  sa  queue  rc 
courbée  en  trompette;  ses  jambes  coiu'tes;  son 
corps  très-!rapu,  et  son  pelage  d'un  jaune  fauve 
plus  foncé.  11  est  criard,  sans  intelligence  ni  at- 
tacliement.  Il  a,  en  outre,  le  défaut  d'avoii  l'ha- 
leine forte  et  d'une  odeur  désagréable. 

28"  Le  CiuEN  i)'IsL\i%DE  (Cauis  islandiius, 
Li\.)  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  précédent, 
mais  il  est  plus  grand.  Sa  tête  est  ronde;  ses 
yeux  sont  saillants  et  gros;  ses  oreilles  à  demi 
droites,  et  son  pelage  est  lisse  et  long. 

29"  I^e  Dogue  ainclais  {  Canis  auglirus , 
Less.)  est  un  métis  du  mâtin  et  du  dogue.  Il  a 
les  oreilles  très-pendantes;  son  pelage  est  long, 
tantôt  fauve,  tantôt  blanc  tacheté  de  plaques 
brunes.  Je  ne  connais  pas  cette  variété,  men- 
tionnée par  M.  Lesson. 

ôtl"  Le  Roquet  (  Canis  hijbridus,  LrN.)  a  les 
jeux  gros,  la  tcte  ronde,  le  front  bombé,  les 
oreilles  petites,  à  demi  pendantes;  la  queue  re- 
dressée, les  jambes  petites,  le  pelage  ras,  noir 
et  blanc.  Il  est  petit,  mais  courageux,  hargneux, 
attaché  à  son  maître  et  Irès-fidile. 

.îl"  Le  CrrrEiN  riENAaruER  ou  CirrE\  A^r.r.Ars 
(Cauis  rulpiuaiius]  ;  petit;  museau  fort  et  un 
peu  court  ;  or-eilles  petites  et  à  demi  pendantes  : 
corps  robuste,  musculerrx  ;  jambes  assez  cour- 
tes; pelage  ras,  brillarrt,  noir-,  avec  le  derrièr-e 


CHIK.NS 


195 


lies  palk's  k's  joues,  deux  laclics  sur  les  u'ux, 
(l'un  fauve  vif.  Ilesteouiageax.Ii.irdi,  enti-epre- 
naiil,  mais  peu  allaclic  à  son  niailre.  On  l'ein- 
l)I()ie  à  la  eliasse  pour  aeeuler  le  i-enaid  dans  son 
teiTier,  on  il  pénétre  assez  aisément. 

ô'i"  l.e  CiiiK\  A\c.i.\is  (  Crttiiv  briluiiuinis, 
Dlsm.)  est,  selon  Desmaresl,  le  résultat  dn  eroi- 
.venienl  du  petit  danois  et  du  pjranie.  Je  ne 
connais  pas  celte  viniéte. 

55"  Le  Ciiii:>  d'Autois  (  Caiiis  fihalor,  Lim.) 
a  la  plus  grande  ressemblance  avec  le  l)oull- 
tiogue;  il  a  le  museau  très-eoiu-t  et  lrés-ai)l<ili. 
On  le  trouve  dans  la  Tlandre  et  l'Artois. 

ôi"  Le  Cinii.\  d'Alicvxte  (Canis  Anddloii- 
s'ur,  Dfsn.  Le  Cliicn  de  Cnijcnnc)  a  le  miisean 
co'.irl  du  lioull-dogue,  le  long  poil  de  l'épagnenl, 
et  parait  provenir  du  croisement  de  ces  deux 
variétés. 

55"  Le  Chien  tuiic  (Canis  cura'ibiriis.-Ca- 
)iis  agiipliits,  Li>'.  Le  Clticn  de  Boibnnc)  a  le 
crâne  développé,  le  museau  ])oinlu;  les  oreilles 
assez  larges,  horizontales  ;  les  nuunbres  grêles  ; 
la  peau  presque  entièrement  nue,  noire,  ou  cou- 


leur de  ebair,  ou  à  lâches  brunes;  sa  (|ueue  ist 
relevée  et  recourbée;  sa  taille  ne  dépasse  pas 
celle  d'un  grand  locpiet.  11  est  originaire  d'A- 
m('ri(iue,  où  le  trouvèrent  Christophe  Colon. h 
et  les  Français  qui  abordèreni  les  pi'emiers  .i 
la  Martini(iue  et  à  la  (lu.'.deloupe,  en  !()."».");  il 
est  encore  très-comnum  à  Pa\la,dans  le  Pérou. 
On  l'a  dit  d'ahonl  de  Turquie,  puis  ensuite  de 
la  lîarbai'ie  et  de  l'Afrique. 

Le  ChiCH  turc  à  ciinicrc,  de  Buffon,  n'eu 
diflère  que  par  sa  taille  plus  grande,  et  par  une 
sorte  de  crinière  étroite  de  poils  hmgs  et  rudes, 
qui  eonmienceut  sur  le  sonnnet  de  la  lè!c  et 
s'oleud  en  bande  étroite  jnstpi'à  la  naissance  de 
la  queue.  11  est  métis  duchien  tinc  et  d'uiiépa- 
gneul,  ou  d'une  autre  variété  à  longue  soie. 

ô()"  Le  Chien  de  kvl  {Caii'is  dinncsliais  Inj- 
bridiis)  est  le  mélange  dn  croisement  non  pré>u 
de  deux  ou  même  de  plusieurs  des  races  et  va- 
riétés (|ue  je  viens  de  décrire.  Il  varie  de  milL- 
manières  eu  grandeur,  en  forme,  en  couleur  et 
en  intelligence  Très  souvent  la  femelle  met  bas  à 
la  fois  des  petits  de  races  dilTerentes  de  la  siemic. 


2"  LES  ciiii:n.s  sauvages. 

Le  Lou-  (  C«)ii.v  Uijiiis,  Ln.)  a  le  pelage  d'un  inie  variété  entièrement  blanche.  11  habite  toute 

tauve  grisâtre,  avec  une  raie  noire  sur  les  jani-  l'Europe,  excepté  les  îles  Krilannicpics,  où  l'on 

besde  devant,  (juand  il  est  adulte;  sa  queue  est  est  parvenu  à  le  deliuire.  On  le  trouve  aussi 

droite;  ses  yeux  sont  obliques,  à  iris  d'un  fauve  dans  le  nord  de  l'Amérique.  Partout  il  est  un 

jaune.  Dans  le  nord,  ou  en  ti  ouve  qnekiuefois  dangereux  emiemi  des  Ironpeauv. 

Le  loup,  quoi  qu'on  en  ail  dit,  n'esl  qu'une  siini)le  vaiiélé  ou  race  dans  l'es- 
pèce (le  noire  chien  domestique.  On  en  a  aujourd'hui  les  preuves  les  plus  com- 
plètes, puisque  ceux  (|ue  l'on  conserve  à  la  ménagerie  s'accoitplent  Irès-hieu 
avec  des  chiens,  et  les  individus  ([tii  en  résulleiil  sont  féconds  et  se  multiplient, 
soit  entre  eux,  soit  accouplés  avec  des  chiens  ou  des  loups.  Tout  ce  que  BulVon 
a  écrit  sur  ces  animaux,  sur  leur  l'érocilé  indomplahle,  sur  leur  antipathie  pour 
le  chien,  siu'  les  caractères  qui  tranchent  ces  deux  espèces,  etc.,  est  ahstdiimenl 
faux  et  le  résultat  des  préjugés  de  son  temps,  comme  je  le  dénmnlrerai. 

De  tous  les  temps,  le  loup  a  été  le  fléau  des  hergeries  et  la  terreur  des  her- 
gers;  il  est  d'une  constitution  Irés-vigonreuse  ;  il  peut  faire  quarante  lieues  dans 
une  seule  nuit,  et  rester  plusieurs  jours  sans  manger.  Sa  force  est  siipériein-e 
à  celle  de  nos  chiens  de  plus  grande  race.  Heureusement  que  la  l'érocilé  de  son 
caractère  ne  répond  pas  à  cette  extrême  vigueur,  et  que,  par  ses  cpialités  mo- 
rales, il  ne  mérite  pas  la  répulalion  (pi'on  lui  a  iujitsiement  faite,  l.e  lou|»  n'est  ni 
lâche  ni  féroce,  et  c'est  ce  (pie  son  histoire  prouvera  quand  on  la  deharras.sera 
des  ahsurdes  contes  dont  on  a  coutume  de  la  falsilier. 

Si  le  loup  n'est  pas  tourmeulé  par  la  faim,  il  se  retire  dans  les  hois,  y  passe 
le  jour  à  dormir,  et  n'en  sort  (pie  la  miit  p(uir  aller  fureter  dans  la  campagne. 
Alors  il  marche  avec  circonspection,  évitant  toute  lutte  inutile,  lùt-ce  nnMnc 
avec  des  animaux  plus  faiMes  que  lui.  11  fuit  les  lieux  voisins  de  Ihahitalion  des 
hommes;  sa  marche  esl  fitrlive.  légère,  au  poini  (pi'à  peine  l'enleud-oii  fouler 


1%  LES  CAKiNASSlEllS   blGl  1 IGKÂDES. 

des  leuilles  sèches.  11  visite  les  collets  leiuliis  par  les  chasseurs,  pour  s'eniparei' 
(lu  gihier  qui  peut  s'y  trouver  pris;  il  parcourt  le  bord  des  ruisseaux  et  des  ri- 
vières pour  se  nourrir  des  immondices  que  les  eaux  rejettent  sur  le  salde.  Son 
odorat  est  d'une  telle  finesse,  qu'il  lui  fait  découvrir  un  cadavre  à  plus  d'une 
lieue  de  distance.  Aussitôt  que  le  crépuscule  du  matin  commence  à  rougir  l'ho- 
rizon, il  regagne  l'épaisseur  des  bois.  S'il  est  dérangé  de  sa  retraite,  ou  si  le 
jour  le  surprend  avant  qu'il  y  soit  rendu,  sa  marche  devient  plus  insidieuse  :  il 
se  coule  derrière  les  haies,  dans  les  fossés,  et,  grâce  à  la  finesse  de  sa  vue,  de 
son  ouïe  et  de  son  odorat,  il  parvient  souvent  à  gagner  un  buisson  solitaire  sans 
être  aperçu.  Si  les  bergers  le  découvrent  et  lui  coupent  le  passage,  il  cherche 
a  fuira  toutes  jandjes;  s'il  est  cerné  et  atteint,  il  se  laisse  dévorer  par  les  chiens 
ou  assommer  sous  le  bâton  sans  pousser  un  cri,  mais  non  pas  sans  se  dé- 
fendre. 

Quand  cet  animal  est  poussé  par  la  faim,  il  oublie  sa  défiance  naturelle  et  de- 
vient aussi  audacieux  qu'intrépide,  sans  renoncer  à  la  ruse  quand  elle  peut  lui 
être  utile.  Il  se  détermine  alors  à  sortir  de  son  fort  en  plein  jour;  mais  avant  de 
quitter  les  bois,  il  ne  man(iue  jamais  de  prendre  le  vent;  il  s'arrête  sur  la  lisière, 
évente  de  tous  côtés,  et  reçoit  ainsi  les  émanations  qui  doivent  le  diriger  dans 
sa  dangereuse  excursion.  Il  parcourt  la  campagne,  s'approche  des  troupeaux 
avec  précaution  pour  n'en  être  pas  aperçu  avant  d'avoir  marqué  sa  victime,  s'é- 
lance sans  hésiter  au  milieu  des  chiens  et  des  bergers,  saisit  un  mouton,  l'en- 
lève, l'emporte  avec  une  légèreté  telle,  qu'il  ne  peut  être  atteint  ni  parles  chiens 
ni  par  les  bergers,  et  sans  montrer  la  moindre  crainte  de  la  poursuite  qu'on  lui 
fait,  ni  des  clameurs  dont  on  l'accompagne.  D'autres  fois,  s'il  a  découvert  un 
jeune  chien  inexpérimenté  dans  la  cour  d'mie  grange  écartée,  il  s'en  approche 
avec  effronterie  et  souvent  jusqu'à  portée  de  fusil  :  il  prend  alors  différentes 
attitudes,  fait  des  courbettes,  des  gambades,  se  roule  sur  le  dos  comme  si  son 
intention  était  de  jouer  avec  le  jeune  novice.  Quand  celui-ci  se  laisse  surprendre 
à  ces  trompeuses  amorces  et  s'approche,  il  est  aussitôt  saisi,  étranglé  et  entraîné 
dans  le  bois  voisin  pour  être  dévoré.  J'ai  été  témoin  de  ce  fait,  qui  prouve  dans 
le  loup  autant  d'intelligence  que  d'audace. 

Mais  quand  un  chien  de  basse-cour  est  de  force  à  disputer  sa  vie,  le  loup  s'y 
prend  difiereunnent  ;  il  s'approche  jusqu'à  ce  que  le  chien  l'aperçoive  et  s'élance 
pour  lui  livrer  combat;  alors,  l'animal  sauvage  |)rend  la  fuite,  mais  de  manière 
à  exciter  son  ennemi  à  le  suivre,  ne  s'en  éloignant  que  suffisamment  pour 
n'être  pas  atteint.  Le  mâtin,  animé  par  ce  commencement  de  victoire,  poursuit 
le  loup  jusqu'auprès  d'un  fourré  où  un  second  loup  les  attendait  :  ce  dernier  sort 
tout  à  coup  de  son  embuscade,  se  jette  sur  le  malheureux  chien,  qui  commence 
le  combat  avec  fureur;  mais  le  fuyard  revient  sur  ses  pas,  joint  ses  efforts  à 
ceux  de  l'autre  assassin,  et  le  mâtin  tombe  victime  de  son  courage,  et  de  la  per- 
fidie de  ses  deux  ennemis.  On  a  vu  très-souvent  un  loup  affamé  entrer  en  plein 
jour  dans  un  hameau,  saisir  un  chien  à  la  porte  d'une  maison,  une  oie  au  milieu 
de  la  rue  ou  un  mouton  près  de  la  Ijergerie,  l'entiaîner  dans  les  bois  malgré  les 
hourras  d'une  population  entière,  et  même  malgré  les  coups  de  fusil  qui  déjà  ne 
peuvent  plus  l'atteindre. 

C'est  surtout  pendant  la  nuit  que  lo  loup  alVanie  oublie  sa  prudence  ordinaire 


CIIIKNS.  197 

pour  montrer  un  coiirit^c  (|ui  v;i  jiis(|ii'a  la  léinéiilé.  Hciiconire-l-il  un  voyageur 
accoiiipagiR'  d'un  chien,  il  le  suit  dalfoid  d'assez  loin,  puis  s'en  approche  peu  à 
peu,  et  quand  il  a  pu  calculer  les  chances  de  dangers  et  de  succès,  d'un  hond 
il  se  jette  sur  l'animal  ell'rayé,  le  saisit  jusqu'entre  les  jamhes  de  son  maître, 
l'emporte  et  disparaît.  On  en  a  vu  très-souvent  suivre  des  cavaliers  pendant  i)lii- 
sieurs  heures,  dans  l'espérance  de  trouver  le  moment  propice  pour  étrangler  le 
cheval  et  le  dévorer.  Dans  le  Nord,  il  paraît  que,  lorsque  des  neiges  ahondanles 
couvrent  la  terre,  les  loups,  ne  trouvant  \»lus  de  nourriture  dans  les  l)ois,  se 
réunissent  en  grandes  troupes,  descendent  des  montagnes,  sortent  de  leurs  l'o- 
rèts,  et  viennent  dans  la  plaine  l'aire  des  excursions  jusqu'à  l'entrée  des  villages 
et  des  villes.  On  prétend  que  dans  ce  cas  leur  rencontre  a  été  plusieurs  fois  fatale 
à  des  voyageurs.  Dans  l'espace  d'une  nuit  un  loup  vient  quel(|uefois  à  hout  de 
creuser  un  trou  sous  la  porte  d'une  hergerie  et  de  s'y  introduire.  Dans  ce  cas, 
il  commence  par  étrangler  tous  les  moutons  les  uns  après  les  autres,  puis  il  en 
emporte  un  et  le  mange;  il  revient  en  chercher  un  second,  qu'il  cache  dans  un 
hallier  voisin,  avec  la  précaution  de  recouvrir  son  corps  de  feuilles  sèches  ou 
d'un  peu  de  terre;  il  retourne  en  chercher  un  troisième,  un  quatrième,  et  ainsi 
de  suite,  jusqu'à  ce  que  le  jour  le  force  à  hattre  en  retraite.  Il  les  cache  dans 
des  lieux  difl'érents  et  à  une  assez  grande  distance  les  uns  des  autres;  mais,  soit 
ouhli,  soit  défiance,  il  ne  revient  jamais  les  chercher.  Le  loup  préfère  une  proie 
vivante  à  toute  autre  nourriture;  cependant,  il  dévore  les  voiries  les  plus  in- 
fectes, et,  faute  de  suhstance  animale,  il  se  contente  de  fruits  mûrs  ou  pourris, 
de  racines,  et  même,  dit-on,  de  hois  tomhant  en  décomposition  et  d'une  cer- 
taine terre  glaise.  «  Il  aime  la  chair  humaine,  dit  BulVon,  et  peut-être,  s'il  était 
le  plus  fort,  n'en  mangerait-il  pas  d'autre.  On  a  vu  des  loups  suivre  des  armées, 
arriver  en  nomhre  à  des  champs  de  hataille,  où  l'on  n'avait  enterré  que  négli- 
genmient  les  corps,  les  découvrir,  les  dévorer  avec  une  insatiahle  avidité,  et  ces 
mêmes  loups,  accoutumés  à  la  chair  humaine,  se  jeter  ensuite  sur  les  honmies, 
attaquer  le  berger  plutôt  que  le  troupeau,  dévorer  les  femmes,  emporter  les 
enfants.  »  La  critique  fait  aujourd'hui  justice  de  toutes  ces  exagérations;  mais 
il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  quelquefois  des  louves  afl'amées,  à  répo(|ue  où 
elles  allaitent  leurs  i)etits,  se  sont  jetées  sur  des  enfants,  des  femmes  et  même 
des  hommes.  Les  annales  de  plusieurs  de  nos  départements  en  font  foi. 

Tout  ce  qu'a  dit  Buffon  de  l'iiulomptahle  férocité  du  loup  est  faux  ou  trés- 
exagéré.  J'ai  eu  pendant  quatre  ans  une  louve  parfaitement  jjrivèe,  aussi  douce, 
aussi  caressante  et  aussi  attachée  qu'un  chien,  vivant  en  liberté,  sans  (jue  jamais 
elle  ait  cherché  à  se  sauver.  Frédéric  Cnvier  a  donné  l'histoire  de  deux  loups 
qui  vivaient  il  y  a  \)cu  de  temps  encore  à  la  ménagerie,  et  (|ui  ont  montre 
l'exemple  d'un  attachement  pour  leur  maître,  aussi  grand,  aussi  passionne 
qu'aucun  chien  ait  pu  l'éprouver.  L'un  d'eux,  ayant  été  pris  fort  jeune,  fut 
élevé  de  la  même  manière  qu'un  chien,  et  devint  familier  avec  toutes  les  per- 
sonnes de  la  maison,  mais  il  ne  s'attacha  d'une  alleclion  très-vive  qu'à  son 
maître;  il  lui  montrait  la  soumission  la  plus  entière,  le  caressait  avec  tendresse, 
obéissait  à  sa  voix  et  le  suivait  en  tous  lieux.  Celui-ci,  obligé  de  s'absenter,  en 
fit  i)résent  à  la  ménagerie,  et  l'animal  souffrit  de  cette  absence,  au  point  que 
l'on  craignit  de  le  voir  mourir  de  chagrin.  Pourlanl,  après  plusieurs  semaines 


198  LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 

passées  dans  la  Irislcssc  cl  presque  sans  aliments,  il  reprit  son  ap[M'til  ordi- 
naire, et  l'on  crut  qu'il  avait  ouldié  son  ancienne  affeclion.  An  bout  de  dix-huit 
mois,  son  maître  revint  au  Jardin  des  Plantes,  et,  perdu  dans  la  foule  des  spec- 
tateurs, il  s'avisa  d'appeler  l'animal.  Le  loup  ne  pouvait  le  voir,  mais  il  le  re- 
connut à  la  voix,  et  aussitôt  ses  cris  et  ses  mouvements  désordonnés  annoncèrent 
sa  joie.  On  ouvrit  sa  loge  :  il  se  jeta  sur  son  ancien  ami  et  le  couvrit  de  caresses, 
comme  aurait  pu  le  faire  le  chien  le  plus  fidèle  et  le  i>lus  attaché.  Malheureu- 
sement il  fallut  encore  se  séparer,  et  il  en  résulta  pour  le  pauvre  animal  une 
maladie  de  langueur  plus  longue  (pic  la  première.  Trois  ans  sécoulèrcnt  ;  le 
loup,  redevenu  gai,  vivait  en  tres-hoinie  intelligence  avec  un  chien,  son  com- 
[)agnon,  et  caressait  ses  gardiens.  Son  maître  revint  encore;  c'était  le  soir, 
et  la  ménagerie  était  fermée.  Il  l'entend,  le  reconnaît,  lui  répond  par  ses  hur- 
lements, et  fait  nn  tel  tapage,  qu'on  est  obligé  d'ouvrir.  Aussitôt  l'animal  re- 
double ses  cris,  se  précipite  vers  son  ami,  lui  pose  les  pattes  sur  les  é[)aules, 
le  caresse,  lui  lèche  la  figure,  et  menace  de  ses  formidables  dents  ses  propres 
gardiens,  qui  veulent  s'interposer,  ses  gardiens  qu'il  caressait  nne  demi-heure 
auparavant.  Enfin,  il  fallut  bien  se  (piitler.  Le  loup,  triste,  immobile,  refusa  toute 
nourriture;  une  profonde  mélancolie  le  ht  tomber  malade;  il  maigrit,  ses  poils 
se  hérissèrent  ;  au  bout  de  huit  jours  il  était  méconnaissable,  et  l'on  ne  douta  pas 
qu'il  ne  mourût.  Cependant,  à  force  de  bons  traitements  et  de  soins,  on  parvint 
à  lui  conserver  la  vie;  mais  il  n'a  jamais  voulu  depuis  ni  caresser  ni  soulfrir  les 
caresses  de  personne.  Je  le  demande,  un  chien  ferait-il  davantage? 

Lne  jeune  louve,  prise  au  piège,  étant  déjà  adulte,  vivait  familièrement  avec 
4les  chiens  qui  lui  avaient  appris  à  aboyer  contre  les  étrangers,  fait  extrêmement 
remarquable  ;  elle  était  devenue  si  douce  et  si  docile,  que,  sans  son  goût  irrésis- 
tible pour  la  volaille,  on  l'eût  laissée  en  liberté.  Nous  pourrions  citer  une  foule 
d'autres  exemples,  mais  nous  nous  bornerons  à  ceux-ci,  montrant  que  le  lonp, 
ainsi  que  le  chien,  est  dominé  par  le  besoin  d'aimer  l'honime  et  d'être  aime  par 
lui.  Tout  en  reconnaissant  que  dans  les  animaux  le  caractère  varie  d'individu 
à  individu,  dans  la  même  espèce,  on  ne  peut  voir  dans  ces  exemples  autant  d'ex- 
ceptions à  la  règle  de  l'espèce.  Si  le  loup  de  nos  contrées  est  toujours  farouche 
et  quelquefois  féroce,  cela  ne  tient  qu'à  l'instinct  de  conservation,  et  à  ce  (pi'on 
lui  fait  une  guerre  à  mort.  Il  paraît  que  cet  animal  est,  ainsi  que  le  chien, 
susceptible  de  recevoir  une  sorte  d'éducation.  «  En  Orient,  et  surtout  en  Perse, 
dit  Chardin,  on  fait  servir  les  loups  à  des  spectacles  pour  le  peuple  :  on  les 
exerce  de  jeunesse  à  la  danse,  ou  plutôt  à  une  espèce  de  lutte  contre  un  grand 
nombre  d'hommes.  On  achète  jusqu'à  cinq  cents  écus  un  loup  bien  dressé  à  la 
danse.  » 

Buffon  s'est  encore  trompé  sur  un  fait  plus  positif;  intéressé  par  système  à 
séparer  l'espèce  du  chien  de  celle  du  loup,  il  a  dit  que  la  louve  porte  trois  mois  et 
demi.  Or,  dans  la  ménagerie,  où  ces  animaux  font  des  petits  tous  les  ans,  la  ges- 
tation n'a  jamais  été  que  de  deux  mois  et  quebiues  jours.  Le  loup,  qui  est  deux 
ou  trois  ans  à  croître,  vit  quinze  à  vingt  ans.  La  femelle  met  bas  du  mois  d(! 
décembre  au  mois  de  mars.  A  la  veille  de  mettre  bas,  la  louve  se  prépare,  au 
fond  d'une  forêt,  dans  un  fourré  impénétrable,  une  sorte  de  nid  où  elle  dispose, 
iivec  de  la  mousse  et  des  feuilles,  un  lit  commode  pour  ses  petits.  Le  iiombn- 


CIllKNS.  11)9 

ordiiiiiire  on  est  de  six  ;i  ihmiI',  j;iiii;us  moins  de  trois,  cl  ils  luùsscnl  les  veux 
lermés.  IVndaiil  les  premiers  jours,  elle  ne  les  (luilte  pas,  et  le  mâle  lui  apporte 
à  manger.  Elle  allailc  deux  mois;  mais  dès  la  cin(|uième  ou  sixième  semaine, 
elle  leur  dégorge  de  la  viande  à  demi  digérée,  et  l)ienlôt  leur  apprend  à  tuer  de 
petits  animaux  qu'elle  leur  apporte.  Jamais  ses  petits  ne  restent  seuls,  car  le 
père  et  la  mère  se  relèvent  chacun  à  leur  tour  pour  aller  chercher  la  nourriture 
de  la  famille.  Au  bout  de  deux  mois,  la  louve  commence  à  les  mener  en  course 
et  à  leur  apprendre  à  chasser.  En  novembre  et  décembre,  ils  sont  déjà  assez 
forts  pour  se  séparer  et  battre  la  campagne  chacun  de  son  côté  pendant  la 
nuit;  mais  ils  se  réunissent  chaipie  matin  et  passent  la  journée  en  famille. 

Il  existe  entre  le  chien  et  le  loup  une  antipathie,  une  haine  que  BnlTon  croyait 
constitutionnelle  et  inhérente  à  deux  natures  très-distinctes;  et,  cependant,  à 
la  ménagerie,  les  deux  prétendues  espèces  vivent  pêle-mêle  en  fort  bonne  in- 
telligence. Cette  haine  n'a  été  ni  expliquée  ni  niée  par  nos  naturalistes  d'au- 
jourd'hui, mais  elle  les  a  embarrassés  pour  établir,  sur  tous  les  points,  que  le 
chien  et  le  loup  ne  font  qu'une  seule  et  même  espèce,  ce  qui,  du  reste,  est  suf- 
lisamment  prouvé  par  la  fécondité  des  métis.  Avec  un  peu  plus  de  connaissance 
des  mœurs  des  animaux  sauvages,  ceci  n'eût  pas  été  une  difficulté  pour  eux.  On 
lient  admettre  connue  règle  générale  que  tout  animal  des  forêts,  réduit  à  la  do- 
mesticité et  vivant  en  bonne  intelligence  avec  Ihomme,  est,  par  ce  seul  fait, 
répudié  par  les  animaux  sauvages  de  sa  race.  S'il  veut  recontjuérir  son  indé- 
pendance et  retourner  dans  les  bois,  il  y  trouve  dans  ses  semblables  des  enne- 
mis implacables  qui,  loin  de  le  recevoir,  l'attaquent,  le  poursuivent,  le  chassent 
ou  le  tuent.  Ceci  est  démontré  par  l'expérience,  dans  le  daim,  le  cerf,  le  che- 
vreuil et  beaucoup  d'autres  espèces  que  l'on  a  \)U  observer;  pourquoi  n'en  serait- 
il  pas  de  même  dans  les  chiens  î'  D'ailleurs,  le  chien  domestique,  à  l'instigation 
de  l'hommo,  a  déclaré  une  guerre  implacable  au  loup;  il  le  harcèle,  le  combat 
dans  toutes  les  occasions,  et  cette  lutte  incessante  a  dû  nécessairement  amener 
une  haine  atroce  entre  les  deux  races,  haine  qui  est  devenue  héréditaire  et  in- 
stinctive. 

Le  Loi  p  oooRvNT  {CAiiiis  luibiliis,  Say.)  est  sa  partie  supcrieuro,  et  le  gris  domine  sur  ses 
plus  grand  que  notre  loup  coniuiuu,  auquel  il  lianes;  mais  ce  qui  le  distingue  de  ses  cong(^- 
ressemble;  son  pelage  est  obscur  et  ponmiele  à      nères,  c'est  l'otleur  forte  et  fétide  qu'il  exliale. 

Cet  animal  robuste,  d'un  aspect  redoutable,  habile  les  plaines  du  Missouri, 
dans  l'Amérique  septentrionale.  11  a  les  mêmes  mœurs  que  notre  loup,  mais  avec 
les  modifications  qu'amène  nécessairement  la  vie  du  désert.  Dans  ces  immenses 
solitudes,  il  ne  se  trouve  que  rarement  en  présence  de  l'homme;  aussi  a-t-il 
peu  appris  à  le  craindre.  On  eu  a  conclu,  assez  légèrement,  à  mon  avis,  qu'il 
avait  plus  de  courage  ou  de  férocité.  Comme  tous  les  chiens  sauvages  que  les 
nombreuses  populations  des  pays  très-habités  n'ont  pas  forcés  à  s'éparpiller,  le 
loup  odorant  vit  en  troupes  nombreuses,  associées  pour  la  chasse,  l'attaque  et 
la  défense,  aguerries,  soumises  à  une  sorte  de  tactique  régulière.  Ils  pour- 
suivent les  daims  et  autres  animaux  ruminants,  les  forcent  ou  les  surpremienl 
et  les  dévorent  en  commun.  Ils  osent  même  assaillir  le  bison  ((uand  ils  le  trou- 
vent écarté  de  son  troupeau,  et  ils  viennent  assez  ordinairement  ;i  bout  de  le 


200 


Li:S  CARNASSIKUS   DIGITIGRADES. 


lorrassci".  l.es  sauvages  qui  peuplent  le  [licd  des  montagnes  Rocheuses  el  les 
liords  de  l'Arkansas  redoutent  cet  animal;  et,  quand  ils  sont  parvenus  à  en  tuer 
un,  ils  se  font  un  trophée  de  sa  dépouille,  qu'ils  portent  en  forme  de  manteau, 
avec  la  peau  de  la  tête  pendante  sur  leur  poitrine. 


Le  LoiiP  nES  phairies  (Cniii.s-  /fi/raiis,  IIarl.) 
se  trouve  tlans  les  mêmes  conU'ées  que  le  loup 
odorant,  et  a  les  mén:es  li;il)iliides;  cependant 
il  parait  qu'il  est  un  peu  moins  carnassier,  car 
il  se  nourrit  souvent  de  l)aies  et  autres  fruits. 
Son  pelage  est  d'un  gris  cendré,  varié  de  noir 
et  de  fauve  cannelle  terne;  il  a  sur  le  dos  une 
ligne  de  poils  un  peu  plus  longs  que  les  au- 
tres, lui  formant  comme  une  sorlede  courte  cri- 
nière ;  ses  parties  infi'rieures  sont  plus  pâles  que 
les  supérieures,  et  sa  queue  est  droite. 


L'Agolara-Giazou  ou  Lotp  «ntCE  {Canis 
jiibatus,  Desm.)  est  de  la  taille  de  nos  plus  grands 
loups.  Sa  couleur  générale  est  d'un  roux  can- 
nelle foncé  sur  les  parties  supérieures,  plus  pâle 
en  dessous,  prejque  blanc  à  la  queue  et  dans 
l'intérieur  des  oreilles  ;  il  a  le  pied,  le  museau, 
et  le  bout  de  la  queue  noirs;  une  courte  cri- 
nière noire  part  de  la  nuque  et  s'étend  jusque 
derrière  l'épaule,  quelquefois  tout  le  long  du 
dos.  C'est  un  animal  dont  la  force  ne  répond 
pas  à  la  férocité. 


Cette  espèce  n'est  pas  rare  dans  les  pampas  de  la  IMata.  Elle  se  plaît  dans 
les  marécages  qui  hordent  les  rivières  et  les  fleuves,  et  y  vit  solitairement.  La 
femelle,  qui  ressemble  tout  à  fait  au  mâle,  a  six  mamelles,  et  fait,  à  chaque 
portée,  trois  ou  quatre  petits  qu'elle  met  has  vers  le  mois  d'août.  Dans  le  cou- 
rant de  mai,  époque  de  ses  amours,  l'agouara  fait  retentir  les  pampas  de  ses 
hurlements  qui  s'entendent  de  très-loin,  et  qui  ont  un  son  lugubre  et  effrayant; 
il  répète  plusieurs  fois  de  suite,  et  en  les  traînant,  les  sons  gonn-a-n,  d'où  pro- 
bablement lui  vient  son  nom.  Cet  animal  ne  quitte  sa  retraite  que  la  nuit  pour 
rôder  sur  le  bord  des  eaux  et  saisir  les  animaux  aquati(pies  qu'il  poursuit  à  la 
nage  avec  une  grande  facilité;  rarement  il  attaque  le  bétail,  à  moins  qu'il  n'y  soit 
poussé  par  la  faim,  et  alors  son  courage  ne  le  cède  pas  à  sa  force. 


Le  Loup  dl'  ÎMexique  (  C.auis  mr.riraniin,  Li>.) 
est  un  peu  moins  giand  que  notre  loup  ordinaire. 
Son  pelage  est  d'un  gris  roussàtrc,  mélangé  de 
taches  fauves,  marqué  de  plusieurs  bandes  noi- 
râtres qui  s'étendent  de  chaque  coté  du  corps, 
depuis  la  ligne  dorsale  jusqu'aux  lianes;  le  tour 
(lu  museau,  le  dessous  du  corps  et  les  pieds  sont 
blanchâtres.   Celte  espèce    habite    les   parties 


cliaudes  de  la  Nouvelle  Espagne.  Elle  est  beau- 
coup moins  féroce  que  le  loup  rouge. 

Le  Loi  p  DE  Java  (Caiiix  jaranensis)ressem- 
ble  beaucoup  au  loup  ordinaire  pour  la  taille 
et  pour  les  formes,  mais  ses  oreilles  sont  plus 
petites,  et  son  pelage  est  d'un  brun  fauve,  noi- 
ràlre  sur  le  dos,  à  la  queue  et  aux  pattes.  Il  a 
été  trouvé  à  Java  par  Leschenault. 


cniKNs 


201 


-^l^îîîv^^tiiiW^^^l^^^^p-^S^ 


Le  TSCIIERNO-BUROÏ  OU  LOUP  NOIR  !  CftHis  hjvnou,  I,i\.  Yiilpcs  HUjra,  Gfsn. 
Le  Loup  noir,  Wvrr.  —  G.  Cuv.) 

Habite  principolonient  la  Russie  et  le  nord  de  l'Europe,  et  il  se  trouve  quel- 
quefois accidentellement  dans  nos  montagnes.  Georges  Cuvier  dit.  en  avoir  vu 
quatre  pris  ou  tués  en  France,  et,  depuis,  la  ménagerie  en  a  possédé  deux  qui 
avaient  été  amenés  des  Pyrénées.  Il  est  de  la  grandeur  du  loup  ordinaire, 
mais  ses  formes  sont  plus  légères,  et  son  pelage  est  entièrement  noir.  On  le 
trouve  aussi  dans  le  Canada. 

On  dit  cet  animal  beaucoup  i)lus  féroce  que  notre  espèce  ordinaire,  cependant 
je  ne  connais  point  de  faits  que  l'on  puisse  apporter  à  l'appui  de  celte  opinion. 
Les  deux  individus  qui  ont  vécu  à  la  ménagerie  étaient  mâle  et  femelle.  Chaque 
année,  ils  y  faisaient  des  petits  presque  aiissi  défiants  et  aussi  sauvages  que  leurs 
parents;  mais,  ce  qu'il  y  a  d'extrêmement  singulier,  et  ce  qui  prouve  que  les 
loups  ont  beaucoup  plus  d'analogie  avec  le  chien  domestique  qu'on  ne  le  croit 
généralement,  c'est  que  ces  petits  n'avaient  ni  les  mêmes  traits  ni  le  même 
pelage,  et  qu'ils  différaient  autant  entre  eux  qu'avec  leurs  parents;  on  les  eût 
crus  d'une  autre  espèce,  ou  quelque  variété  de  chien  domestique.  De  là,  on  a 
pensé  que  le  père  et  la  mère  n'étaient  pas  de  race  pure,  et  qu'ils  étaient  métis 
de  quelque  chien  abandonné  dans  les  Pyrénées  et  devenu  sauvage.  Cela  est  pos- 
sible; mais  il  me  paraît  plus  probable  que  cette  variation  était  le  résultat  de 
la  captivité  dos  jiarents,  de  leur  changenient  de  vie,  de  climat,  de  nourriture, 
d'habitude,  en  un  mot  d'un  premier  degré  de  domesticité;  d'autant  plus  qu'il 
n'y  avait  de  modifications  bien  prononcées  que  dans  la  physionomie  et  la  cou- 
leur, tandis  que  le  caractère  de  défiance  et  de  férocité  était  resté  absolument 
le  même. 

2(5 


20-2 


LES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 


Le  CuLPEL  {Canis  ciilpceus ,  Molin.  Canis 
(ditriirlinis,  SiiAW.)  est  un  peu  plus  grand  que 
lejacka!;  son  pelage  est  d'un  gris  roussàtre; 
ses  jambes  sont  fauves;  sa  queue,  rousse  à  son 
origine,  est  noire  au  milieu  et  terminée  de 
blanc.  11  habite  le  Chili  et  Vile  Falkland, 
l'une  des  Malouines,  où  il  a  été  trouvé  par  le 
capitaine  Freycinet,  et  précédemment  par  le 
Commodore  Bjron.  Cet  animal  a  une  vie  soli- 
taire et  misérable,  qu'il  passe  en  grande  partie 
dans  un  terrier  qu'il  se  creuse  dans  les  dunes, 
sur  les  bords  de  la  mer  ou  des  fleuves.  Toujours 
maigre,  sans  cesse  affamé,  il  se  nourrit  des  la- 
pins et  du  gibier  qu'il  peut  saisir  à  force  de  ruse 
et  de  patience.  Comme  on  n'a  pas  observé  sa 
pupille,  il  n'est  pas  certain  si  cette  espèce  ap- 
partient au  chien  ou  an  renard.  Le  terrier  qu'il 


se  creuse  ferait  croire  que  peut-être  il  appar 
tient  au  genre  de  ce  dernier;  mais  comme  Bon 
gainville  dit  l'avoir  entendu  aboyer  ainsi  que 
les  chiens  ordinaires,  j'ai  cru  devoir  le  laisser 
avec  eus  jusqu'à  ce  qu'on  ait  de  plus  amples 
reuseignenienls. 

LeKoiPAiiA  ou  CiiiEN  CRAniEK  {Canis  thous. 
Lin.  Canis  ranrrivorus,  Less.  Le  Chien  des  bois 
de  Caijenne,  Tîiff.)  n'est  probablement  qu'une 
simple  variété  du  chien  domestique.  Son  pelage 
est  cendré  et  varié  de  noir  en  dessus,  d'un  blanc 
jaunâtre  en  dessous;  ses  oreilles  sont  brunes, 
droites,  courtes,  garnies  de  poils  jaunâtres  en 
dedans;  les  cotés  du  cou  et  le  derrière  des 
oreilles  sont  fauves  ;  les  tarses  et  le  bout  de  la 
queue  noirâtres.  Par  ses  qualités  morales,  il  le 
dispute  à  nos  chiens  les  plus  intelligents. 


Le  koupara  vil  en  laniille  dans  la  Guyane  fiançaise,  où  on  le  rencontre  en 
Iroupes  composées  de  sept  ou  huit  individus,  rarement  plus  ou  moins.  Il  se  plaît 
dans  les  bois  où  coulent  des  rivières  peuplées  d'écrevisses  et  de  crabes,  qu'il 
sait  fort  bien  pêcher,  et  dont  il  fait  sa  nourriture  de  prédilection.  Quand  celle 
ressource  vient  à  lui  manquer,  il  chasse  les  agoutis,  les  pacas  et  autres  petits 
mammifères.  Enfin,  faute  de  mieux,  il  se  contente  de  fruits.  Il  est  peu  farouche, 
et  s'apprivoise  avec  la  plus  grande  facilité.  Une  fois  qu'il  a  reconnu  son  maî- 
tre, il  s'y  attache,  ne  le  quitte  plus,  ne  cherche  jamais  à  retourner  à  la  vie  sau- 
vage, et  devient  pour  toujours  le  commensal  de  la  maison.  Il  s'accouple  sans 
aucune  sorte  de  répugnance  avec  les  chiens,  et  les  métis  qu'il  produit  sont 
trés-estimés  pour  la  chasse  des  agoutis  et  des  akouchis.  Ces  métis,  croisés  de 
nouveau  avec  des  chiens  d'Europe,  p  roduisent  une  race  encore  plus  recliercliéu 
pour  la  chasse. 


Le  Petit  Koupaba  (Canis  fajift'ro)n.s )  est 
d'une  taille  moindre  que  le  précédent;  sa  tète 
est  plus  grosse,  son  nniseau  plus  allongé  ;  son 
pelage  est  noir  et  fort  long.  11  habite  le  même 
pays,  a  les  mêmes  habitudes,  mais  son  instinct 
le  porte  à  faire  aux  cabiais  une  guerre  beaucoup 
plus  active.  Aussi  les  sauvages  l'élèvent-ils  de 
préférence  pour  la  chasse  de  ces  animaux. 

Le  CoRSAC  ou  AmvE  (  Canis  corsar,  Lin.  Le 
Chiendu  Bengale,  Pen\.  Buffon  s'est  trompé  en 


ledécriviint  sous  le  nom  d'/sofis).  La  taille  d<! 
ce  chien  est  tiès-petile  et  ne  dépasse  pas  celle 
d'un  chat.  Son  pelage  est  d'un  gris  fauve  uni- 
forme en  dessus,  d'un  blanc  jaunâtre  en  des 
sous;  les  membres  sont  fauves;  la  queue  est 
très-longue,  louchant  à  terre,  et  noire  au  bout. 
11  a,  de  chaque  côté  de  la  tête,  une  raie  brune 
qui  va  de  l'œil  an  museau.  11  habite  les  déserts 
de  la  Tartarie  et  se  retrouve  dans  l'Inde.  Il  a 
souvent  été  confondu  avec  le  jackal. 


Les  corsacs  vivent  en  troupes  dans  le  désert,  non  dans  les  bois,  mais  dans  les 
steppes  couvertes  de  bruyères,  où  sans  cesse  ils  sont  occupés  à  chasser  les  oi- 
seaux, les  rats,  les  lièvres  et  autres  petits  animaux.  Pendant  la  nuit,  ils  font 
entendre  leur  voix,  moins  glapissante  que  celle  des  jackals,  mais  tout  aussi 
désagréable.  Ils  s'accouplent  au  mois  de  mars;  la  femelle  porte  autant  de  jours 
que  la  chienne,  et  met  bas,  en  mai  ou  en  juin,  de  six  ou  huit  petits,  qu'elle  allaite 
pendant  cinq  à  six  semaines.  Elle  les  fait  sortir  ensuite  de  sa  retraite,  leur  ap- 
])nrte  n  manger,  ol  leur  a]ti>ren(l  peu  à  peu  à  choisir  leui'  nourriture  et  à  cliasser. 


CHIENS. 


•203 


Ces  animaux  n'ont  pas  moins  de  (inesse  que  le  renard  pour  s'emparer  de  leur 
proie,  consistant  (juelcinefois  en  nids  de  canards  et  autres  oiseaux  dont  ils  mangent 
les  œufs  et  les  petits.  On  dit  que  le  corsac  ne  boit  jamais,  mais  il  est  permis 
d'en  douter,  nonobstant  l'aflirmatiou  de  Georges  Cnvier.  Cet  animal,  si  peu 
connu  en  France,  qu'on  va  le  voir  à  la  ménagerie  comme  une  curiosité,  a  néan- 
moins ete  commun  a  Paris  sous  le  régne  de  Charles  IX,  parce  qu'il  était  de  mode 
chez  les  dames  de  la  cour  d'en  avoir  an  lieu  de  petits  chiens;  elles  le  dési- 
gnaient sous  le  nom  d'r«//re,  elle  faisaient  venir  à  grands  frais  de  l'Asie. 


Le  Karaga.>  (<:aiiis  caragan,  P\ll.— Gml.) 
lie  dilTére  f;uère  du  précédent  que  par  sa  taille 
un  peu  plus  grande  et  son  pelage  d'un  gris  cen- 
dré en  dessus,  d'un  fauve  pâle  en  dessous.  Il 
habite  le  niènie  pays.  A  Orenihourg  on  fait  un 
commerce  considérable  de  sa  fourrure,  et  c'est 
à  peu  prés  tout  ce  qu'on  sait  de  cet  animal. 

Le  Ke\lie  ou  Te.>ue  (Canis  mesomelas, 
Erxl.)  porte  sur  le  dos  une  plaque  triangulaire 
d'un  gris  noirâtre  oudé  de  blanc,  large  sur  les 
épaules,  et  finissant  eu  pointe  vers  la  base  de  la 
queue;  ses  flancs  sont  roux  ;  sa  poitrine  et  son 
ventre  blancs;  sa  tête  est  d'un  cendré  jaunâtre; 
son  museau  roux  ainsi  que  ses  pattes  ;  sa  queue, 
qui  descend  presque  jusqu'à  terre,  a  sur  son 
tiers  postérieur  deux  ou  trois  anneaux  noirs 
ainsi  que  son  extrémité.  Cet  animnl  se  trouve 
au  cap  de  Bonne-Espérance. 

Le  Jackal  AMiiis  {Canis  authus,  Fr.  Cuv.) 


a  beaucoup  d'analogie  avec  le  jackal  de  l'Inde, 
mais  son  odeur  est  beaucoup  moins  rorle,  et  il 
ne  se  trouve  qu'en  Afrique,  particulièrement 
au  Sénégal.  Son  pelage  est  gris,  parsemé  de 
quelques  taches  jaunâtres  eu  dessus,  blanchâtres 
eu  dessous;  sa  queue  est  fauve,  avec  une  ligne 
longitudinale  noire  à  sa  base,  et  quelques  poils 
noirs  à  sa  pointe.  Ses  nitiurs  sont  absolument 
les  mêmes.  Une  femelle  de  cette  espèce  était  en- 
fermée, à  la  ménagerie,  dans  une  cage,  avec  un 
mâle  de  jackal  de  l'Inde.  Ils  s'accouplèrent  avec 
les  mêmes  circonstances  que  les  chiens  ou  les 
loups,  et  deux  mois  après  (  du  26  décembre  au 
1^"^  mars),  la  femelle  mit  bas  cinq  petits  qui  eu- 
rent pendant  dix  jours  les  yeux  fermés.  Deux 
seulement  ont  vécu,  et  loi squils  furent  adultes, 
1  un  était  farouche,  méchant  indomptable,  l'au- 
tre fort  doux  et  caressant.  Cette  différence  <le 
caractère  est  un  fait  très-remarquable. 


.^'/-;-^  ^iff 


•i(»'( 


I.KS  CAUNASSIEKS    DIC  I  r  K;  li  A  DKS. 


Le  JACKAL  ou  SCIIAKAL  OU  TSCHAKKAL  {(jUlis  CUU'tms,  Lin.  Lc  Cluicul  OU 
Loup  doré.  G.  Cuv.  Le  Thos  de  Pline.  Le  Thocs  d'ARisTOTE.  Le  Gôlà  des  Indous. 
Le  Narï  des  habitants  de  CoromandeL  Le  Tiira  des  Georgieus.  Le  Mcbb'in  de 
l'Abyssinie.^  L'Adivr  ou  Adibc  des  Portugais  de  l'Inde.  Le  Dceb  ou  Dih  des 
Barharesques.  Le  ^a// if  des  Arabes) 

A  le  pelage  d'un  gris  jaunâtre  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous,  en  général 
d'une  couleur  plus  foncée  que  celui  de  l'anthus.  Sa  queue,  assez  grêle  et  noire  à 
l'extrémité,  ne  lui  descend  qu'au  talon;  il  exhale  une  odeur  forte  et  désagréable. 
Sa  taille  est  à  peu  près  celle  du  renard,  mais  il  est  un  peu  plus  haut  sur  jambes, 
et  sa  tête  ressemble  à  celle  du  loup.  Il  est  trés-connnun  en  Asie  et  en  Afrique, 
si,  ainsi  que  je  le  crois,  il  n'est  qu'une  légère  variété  de  l'anthus. 

Guldcenslœd,  ïilesius,  et  d'autres  naturalistes,  pensent  que  le  jackal  est  le 
type  du  chien  domestique.  Le  premier  de  ces  auteurs,  (jui,  du  reste,  nous  a 
donné  une  histoire  très-bonne  et  très-complète  de  cet  animal,  apporte,  à  l'ap- 
pui de  son  opinion,  des  laisons  qui  paraissent  concluantes.  Après  avoir  établi 
d'une  manière  positive  que,  sous  les  rapports  anatomiques,  le  jackal  ne  dif- 
fère en  rien  du  chien,  après  avoir  prouvé  qu'il  n'offre  pas  même  ces  légères 
«lilférences  qui  se  trouvent  dans  le  loup,  il  cherche  les  analogies  dans  les  ha- 
bitudes, les  mœurs  de  ces  animaux,  et,  il  faut  le  dire,  ces  rapprochements  me 
[)araissent  très-séduisants.  Les  jackals,  dit-il,  n'ont  rien  du  caractère  sauvage 
et  farouche  du  loup  et  du  renard  ;  ils  s'approchent  avec  sécurité  soit  des  cara- 
vanes en  marche,  soit  des  tentes  dressées  pour  la  nuit  ;  leur  taille  est  moyenne 
entre  les  plus  grands  et  les  plus  petits  chiens;  leurs  poils  sont  plus  durs  que 
chez  aucun  chien,  et  d'une  moyenne  longueur  entre  les  chiens  (jui  les  ont  le  plus 
longs  et  ceu.x  «pii  les  (uit  le  plus  courts.  Leurs  monirs  sont  encore  [dus  conformer 


CHIENS  iOô 

(|uo  leur  orgaiiisalion,  cl,  eu  ilomesticité,  leurs  mauienïs  sonl  absolument  les 
uièmes  que  celles  du  chien;  ils  pissent  de  côté  en  levant  la  cuisse,  dorment 
couchés  en  rond,  et  vont  amicalement,  ajoute  l'auteur,  flairer  au  derrière  des 
chiens  qu'ils  rencontrent.  Selon  lui,  l'odeur  du  jackal,  Iteaucoup  moindre  (lu'on 
ne  l'a  dit,  est  à  peine  plus  forte  que  celle  du  chien  à  l'approche  de  l'orage,  etc. 
11  conclut  de  toutes  ces  observations  vraies,  que  le  chacal  est  le  véritable  chien 
sauvage  et  la  souche  de  toutes  les  variétés  de  chiens  (Uuiiestiques. 

En  cela  il  se  tronq)e,  selon  moi.  Le  jackal  est  incontestablement  une  va- 
riété, et  même  très -légère,  du  chien  domesli((ue  ,  puisipi'il  produit  avec  lui 
des  individus  t'econds,  comme  on  l'a  vu  a  Constantinople  il  y  a  peu  d'années,  et 
connue  cela  se  voit  tous  les  jours  chez  les  Ralmoucks  ;  il  en  est  de  même  du 
loup,  (pioique  les  analogies  accessoires  soient  moins  frappantes.  Mais  pour  dé- 
(  ider  [»éremptoirement  quel  est  le  type  de  l'espèce,  c'est-à-dire  quelle  est  la 
race  venue  la  première,  la  chose  est  inq)ossible,  car,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  l'étude 
des  ossements  fossiles  nous  a  dévoile  de  nombreuses  races  de  cams  antérieures 
à  ceux  (|ui  existent  aujourd'hui,  don  [«'uvent  venir  à  la  fois  nos  chiens  domes- 
ti(pies,  nits  k(uiparas,  nos  jackals,  nos  loups,  et  en  général  tous  nos  chiens  sau- 
vages. Dans  ce  cas,  ils  descendraient  tous  d'un  ou  plusieurs  types  primitifs  et 
perdus;  ils  seraient  parents  en  ligne  collatérale,  mais  non  en  ligne  descendante 
de  l'un  d'eux. 

Les  anciens  racontaient  cpie  le  lion,  lorscpi'il  allait  a  la  chasse,  était  accom- 
pagne, ou  plutôt  conduit,  par  un  petit  animal  (jui  lui  découvrait  sa  proie.  Le 
roi  des  forêts,  après  l'avoir  atteinte  et  terrassée,  ne  mancpiait  jamais  d'en  laisser 
une  portion  pour  son  guide,  qui  l'attendait  à  l'écart,  et  ((ui  n'osait  en  api)ro- 
cher  que  quand  le  lion  s'était  retire.  On  appelait  cet  animal  le  jioinrDi/cnr  dn 
lion;  mais  son  véritable  nom  était  resté  inconnu,  et  nul  auteur  ancien  n'a  avance 
(pie  ce  pouvait  être  le  thos  d'Aristote.  Cependant,  quel(|ues  auteurs  du  dernier 
siècle  ont  cru  reconnaître  le  thos,  le  jackal,  dans  ce  prudent  pourvoyeur,  et  il 
sest  même  élevé  à  ce  sujet  une  polémique  aussi  ridicule  (pi'inutile.  puis(iu'elle 
tombait  sur  un  conte,  sur  un  apologue  ayant  autant  d'importance  en  histoire 
naturelle  (pi'uiie  fable  de  La  Fontaine.  Ce  conte  indien  de  Pilpai,  le  voici  :  «  On 
«  demandait  un  jour  a  ce  petit  animal  qui  marche  toujours  devant  le  lion  pour 
«  faire  partir  le  gibier  :  Pourquoi  t'es-tu  consacré  ainsi  au  service  du  \w\\'(  — 
«  C'est,  répondit  l'animal,  parce  que  je  me  nourris  des  restes  de  sa  table.  — 
(I  Mais  par  quel  motif  ne  l'approches-tu  jamais?  tu  jouirais  de  son  amitié  et  de 
«  sa  reconnaissance.  —  Oui,  mais  c'est  un  grand;  s'il  allait  se  mettre  en  co- 
0  1ère!  »  La  vérité  est  que  le  lion  n'a  jamais  eu  de  pourvoyeur  que  lui-même, 
et  que  si  les  jackals  se  nourrissent  quelquefois  de  ses  restes,  ainsi  que  les  hyènes 
et  autres  animaux  voraces,  ils  le  doivent  au  hasard. 

Les  jackals  vivent  en  troupes  composées  d'une  trentaine  d'individus  au  moins, 
et  souvent  de  plus  de  cent,  [larticulièrement  dans  les  vastes  solitudes  de  l'Inde 
et  de  rAfri(|ue.  Quoitpie  ces  animaux  n'aient  pas  la  pupille  nocturne,  ils  dor- 
ment le  jour  dans  l'épaisseur  des  forêts,  ou,  selon  les  anciens  voyageurs  et  nos 
naturalistes,  dans  des  terriers.  Ce  dernier  fait  a  si  souvent  été  avancé,  ((ue  j'ose 
a  peine  le  révoquer  en  doute;  cependant,  je  ne  conçois  pas  trop  comment  des 
animaux  carnassiers,  vivant  en  troupes,  pourraient  rester  sédentaires  dans  une 


■2m  Li:8   CAKNASSIKKS   DIC.  ITIG  U  A  DES. 

localité  exlièinement  bornée,  ce  que  nécessite  absolument  la  vie  des  leiiiers. 
Comme  ils  se  retirent  volontiers  dans  des  grottes  et  des  trous  de  rochers,  quand 
ils  en  trouvent  l'occasion,  ceci,  mal  observé,  aura  donné  lieu  de  croire  qu'ils 
se  creusent  des  habitations  souterraines;  ou  bien  encore,  le  renard  de  Bengale 
et  le  corsac,  du  même  pays,  ayant  été  souvent  confondus  avec  le  jackal,  on  aura 
attribué  à  celui-ci  des  habitudes  qui  n'appartiennent  qu'aux  deux  premiers, 
(juoi  qu'il  en  soit,  la  nuit,  ces  animaux  parcourent  la  campagne  pour  chercher 
leur  proie  tous  ensemble,  et,  pour  ne  pas  trop  se  disperser,  ils  font  continuel- 
lement retentir  les  forêts  d'un  cri  lugubre  ayant  quelque  analogie  avec  les  hur- 
lements d'un  loup  et  les  aboiements  d'un  chien.  On  pourrait  en  donner  une 
idée  en  prononçant  lentement,  et  sur  un  ton  Irés-aigu,  les  syllabes  oua...  ona... 
oHci.  Ils  sont  alors  tellement  audacieux,  qu'ils  s'approchent  des  habitations,  et 
entrent  dans  les  maisons  qui  se  trouvent  ouvertes.  Dans  ce  cas,  ils  font  main- 
basse  sur  tous  les  aliments  qu'ils  rencontrent,  et  ne  manquent  jamais  d'empor- 
ter ceux  qu'ils  ne  peuvent  dévorer  à  l'instant.  Toutes  les  matières  animales 
conviennent  également  à  leur  voracité,  et  ils  attaquent,  faute  de  mieux,  les  vieux 
cuirs,  les  souliers,  les  harnais  des  chevaux  et  jusqu'aux  couvertures  de  peau 
des  malles  et  des  coffres.  Comme  les  hyènes,  ils  vont  rendre  visite  aux  cime- 
tières, déterrent  les  cadavres  et  les  dévorent.  Aussi,  pour  mettre  les  morts  à 
l'abri  de  ces  animaux,  est-on  parfois  obligé  de  mêler  à  la  terre  dont  on  les  re- 
couvre de  grosses  pierres  et  des  épines  qui,  en  déchirant  les  pattes  des  jackals, 
les  arrêtent  dans  leurs  funèbres  entreprises.  Si  une  caravane  ou  un  corps  d'ar- 
mée se  mettent  en  route,  ils  sont  aussitôt  suivis  par  une  légion  de  jackals  qui, 
chaque  nuit,  viennent  rôder  autour  des  campements  et  des  tentes,  en  poussant 
des  hurlements  si  nombreux  et  si  retentissants,  qu'il  serait  impossible  à  un 
voyageur  européen  de  s'y  accoutumer  au  point  de  pouvoir  dormir.  Après  le 
départ  de  la  caravane,  ils  envahissent  aussitôt  le  terrain  du  campement  et  dé- 
vorent avec  avidité  tout  ce  qu'ils  trouvent  de  débris  des  repas,  les  immondices 
et  jusqu'aux  excréments  des  hommes  et  des  animaux.  Les  voyageurs  sont  tous 
d'accord  sur  ces  choses,  qui  ne  peuvent  appartenir  à  des  espèces  sédentaires 
comme  sont  nécessairement  celles  qui  habitent  des  terriers. 

Lorsqu'une  troupe  de  jackals  se  trouve  inopinément  en  présence  d'un  homme, 
ces  animaux  s'arrêtent  brusquement,  le  regardent  quelques  instants  avec  une 
sorte  d'elTronterie  qui  dénote  peu  de  crainte,  puis  ils  continuent  leur  route 
sans  trop  se  presser,  à  moins  que  quelques  coups  de  fusil  ne  leur  fassent  hâter  le 
pas.  Quoiqu'ils  se  nourrissent  de  charognes  et  de  toute  espèce  de  voiries,  quand 
ils  en  rencontrent,  ils  ne  s'occupent  pas  moins  de  chasser  chaque  nuit,  et  quel- 
((uefois  en  plein  jour.  Ils  poursuivent  et  attaquent  indistinctement  tous  les  ani- 
maux dont  ils  croient  pouvoir  s'emparer;  mais  néanmoins  c'est  aux  gazelles  et 
aux  antilopes  qu'ils  font  la  guerre  la  plus  soutenue.  Ils  les  chassent  avec  autant 
d'ordre  que  la  meute  la  mieux  dressée,  et  joignent  à  la  finesse  du  nez  et  au 
courage  du  chien,  la  ruse  du  renard  et  la  perfidie  du  loup.  On  a  dit  que  les 
jackals  se  jettent  quelquefois  sur  les  enfants  et  sur  les  femmes  :  ceci  me 
paraît  une  exagération  que  l'on  n'appuie  sur  aucune  observation  positive.  Il 
est  plus  certain  qu'ils  poussent  quelquefois  la  hardiesse,  malgré  leur  petite 
taille,  jusqu'à  attaquer  des  bœufs,  des  chevaux  et  autre  gros  bétail;  mais  pour 


CHIENS. 


•207 


cola  ils  se  réunissent  en  giaïui  nombre  et  emploient,  avec  beaucouj)  d  adresse, 
leur  force  collective.  Ils  entrent  hardiment  alors  dans  les  bergeries,  les  basses- 
cours  et  autres  lieux  habités,  et  enlèvent,  à  la  vue  des  hommes,  tout  ce  qui  est 
à  leur  convenance.  On  a  encore  dit  du  jackal,  comme  du  loup,  qu'une  fois  ac- 
coutmné  à  la  chair  humaine,  il  néglige  pour  elle  toules  les  autres  proies.  Si 
l'on  voulait  réfuter  sérieusement  ce  conte  de  nourrice,  il  serait  aisé  de  prouver 
qu'aucun  animal  ne  peut  contracter  l'habitude  de  se  nourrir  de  cadavres  hu- 
mains, parce  que  chez  tous  les  peuples,  même  les  plus  barbares,  l'homme  vivant 
respecte  l'homme  mort,  et  a  soin  de  le  dérober  à  la  voracité  des  animaux;  plus 
encore  chez  les  mahométans,  qui  lial)itent  les  mêmes  contrées  que  les  jackals, 
les  hyènes  et  autres  bêles  féroces.  L'élude  de  l'histoire  naturelle  otfre  assez 
d'aliments  à  la  curiosité  sans  que,  pour  en  augmenter  les  attraits,  on  soit  obligé 
d'y  coudre  grossièrement,  comme  faisaient  beaucoup  d'anciens  écrivains,  des. 
contes  autant  absurdes  que  merveilleux. 

Le  voyageur  Delon  rapporte  que  dans  le  Levant  on  élève  des  jackals  dans  les 
maisons,  mais  il  ne  dit  rien  sur  leurs  habitudes  domestiques.  Si  l'on  s'en  rap- 
porte à  ceux  qui  vivent  à  la  ménagerie,  ils  seraient  doux,  aimants,  très-cares- 
sants, mais  capricieux,  et  passant  quelquefois,  sans  motif  apparent,  du  plaisir 
à  la  colère.  Du  reste,  l'accouplement,  la  gestation,  et  toutes  les  circonstances 
de  l'allaitement  et  du  développement  des  petits,  ne  différent  en  rien  de  ceux 
du  chien. 

•1'  (ii-Miiî.  Los  REXARDS  (  Vuli)cs)  diffèrent  Iduclianl  pas,  et  il  reste  surtout  un  large  inter 

essentiellement  du  genre  |)récédent|)ar  leur  sj  s-  valle  entre  la  canine  et  la  première  molaire; 

lèmc  dentaire;  leurs  incisi\es  supérieures  sont  leur  pupille  est  nocturne,  allongée  verticalement; 

moins  éctiancrérs  ou  même  rectilignes  sur  leur  leur  queue  est  plus  longue,  plus  touffue;  leur 

bord   horizontal;  leurs  rangées  dentaires,  au  nuiseaii  est  i)lus  pointu,  et  ils  exilaient  eu  géné- 

lieu  d'être  continues  connue  dans  les  cliiens,  rai  une  odeur  fétide.  Quant  aux  antres  carae- 

ont  les  trois  piemières  molaires  séparées,  ne  se  tères,  ils  sont  les  mêmes  que  ceux  des  cliiens. 


•i(»s 


I.KS  CAUiNASSIKUS   l)l(.  I TM.  U  A  ItKS. 


IjC  Renan!  fauve. 


Le  RENARD  ORDINAIRE  [  Cmiis  î«/fya»  ,',s,  Klf.ix.  (  (Diis  l'ul/ll's,  Lin.  Le  litlUiril^ 

BiiFF.  Le  Fox  (les  Anglais.  Le  liaf  des  Suédois.  Le  Zorrii  des  Espagnols.  Le 
Lis:^lui  des  Polonais,  l^e  Lïsitza  des  Russes.  Le  Tnlki  des  Turcs  et  des  Persans. 
Le  Taahb  ou  Doreii  des  Arabes,  et  le  Aori  des  Indous).  Je  regarde, comme 
simples  variétés  de  cette  espèce,  ^°  le  Rcnaril  fauve  de  In  Virginie  {Cunis  fulviis, 
Desm.)  ;  2"  le  lU'iiard  charlinmiur  {Canis  atopc.r,  Lin.)  ;  5°  le  Bennrd  iniisqué  de 
la  Suisse;  4"  le  Ueunnl  noble  du  même  pays,  et  le  Renard  croisé  d'Europe  [Cants 
rrMrif/era,  Bkiss.). 

Le  renard  ordinaire  est  d'un  fauve  plus  ou  moins  roux  en  dessus,  blanc  en 
dessous;  le  derrière  de  ses  oreilles  est  noir;  sa  queue  est  touffue,  terminée  par 
un  bouquet  de  jsoils  blancs.  Le  renard  charbonnier  n'en  diffère  que  par  le  bout 
de  sa  queue,  qui  est  noir,  ainsi  que  quelques  poils  de  son  dos  et  de  son  poitrail. 
Le  devant  de  ses  pattes  antérieures  est  également  noir.  M.  Steinmuller  pense 
que  le  charbonnier  n'est  que  le  jeune  âge  du  renard  ordinaire,  et  je  ne  suis  pas 
de  son  avis.  l'endant  plus  de  dix  années  consécutives,  j'ai  chassé  le  renard  dans 
un  pavs  qui  en  était  très-peuplé;  j'en  ai  élevé  plusieurs,  et  je  crois  être  certain 
que  le  charbonnier  n'est  rien  autre  chose  qu'un  vieux  mâle.  Cependant  il  m'est 
arrivé,  mais  rarement,  de  tuer  de  très-vieilles  femelles  qui  portaient  la  même 
livrée.  Je  suppose,  par  analogie,  qu'elles  ne  revêtent  cette  livrée  que  lorsqu'elles 
deviennent  stériles.  Quant  au  renard  fauve  des  Etats-Unis,  il  ne  diffère  en  rien 
du  renard  ordinaire  ni  pour  les  habitudes,  ni  pour  les  formes,  ni  même  pour 
les  couleurs.  Son  pelage  est  nuancé  de  roux  et  de  fauve;  le  dessous  du  cou  et 
du  ventre  sont  blancs;  sa  poitrine  est  grise;  le  devant  des  jambes  antérieures 
et  les  pieds  sont  noirs  avec  du  fauve  sur  les  doigts;  le  bout  de  la  queue  est 
blanc;  sa  taille  est  exactement  la  même  que  celle  du  nôtre.  Le  renard  nuisque 


ClliEiNS.  i20î» 

de  la  Suisse  ;t  cela  de  particulier  qu'il  répand  une  odeur,  non  pas  agréable, 
comme  on  l'a  dit,  mais  un  peu  analogue  à  celle  de  la  fouine;  enfin,  le  renard 
noble,  ou  koblfuscbs  des  Suisses,  n'est  rien  autre  chose  qu'un  très-vieux  mâle 
charbonnier.  Le  renard  croisé  d'Europe  (  Cdvis  crnciçicra  de  Gesner  et  de  Bris- 
son),  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  renard  croisé  d'Amérique  [Canisde- 
cussalus  de  Geoffroy),  est  également  une  sous-variété  du  charbonnier,  (|iii  a 
quelques  poils  noirs  lui  formant  une  croix  sur  le  dos. 

Les  renards  ont  toute  la  légèreté  du  loup  et  sont  presque  aussi  infatigables, 
mais  ils  sont  plus  rusés  à  la  chasse  et  plus  ingénieux  pour  se  dérober  au  dan- 
ger. Ils  habitent  des  terriers  qu'ils  savent  se  creuser  au  bord  des  bois  ou  dans 
les  taillis,  sous  des  troncs  d'arbre,  dans  les  pierres,  les  rochers,  ou  enlin  dans 
la  terre,  mais  alors  sur  un  sol  en  pente,  afin  d'éviter  l'humidité  ou  les  inonda- 
tions. Quelquefois  ils  s'emparent  des  terriers  des  blaireaux,  ou  même  de  ceux 
de  lapins,  qu'ils  élargissent.  Les  chasseurs  ont  observé  la  forme  du  terrier,  et 
l'ont  ainsi  décrit  :  «  11  se  divise  en  trois  parties  ;  la  maire  est  celle  qui  est  le 
plus  rapprochée  de  l'entrée;  c'est  là  que  la  femelle  se  tient  quelques  moments 
en  embuscade  pour  observer  les  environs  avant  d'amener  ses  petits  jouir  de 
l'influence  de  l'air  et  des  rayons  du  soleil;  c'est  aussi  là  que  le  renard  que  l'on 
enfume  s'arrête  quelques  minutes  pour  attendre  l'instant  favorable  d'échapper 
au  chasseur.  Après  la  maire  vient  la  fosse,  où  le  gibier,  la  volaille,  et  autres 
produits  de  la  rapine  sont  déposés,  partagés  par  la  famille  et  dévorés  ;  presque 
toujours  la  fosse  a  deux  issues,  et  quelquefois  davantage.  L'accul  est  tout  à  fait 
au  fond  du  terrier;  c'est  l'habitation  de  l'animal,  l'endroit  où  il  met  bas  et  allaite 
ses  petits.  » 

Ce  terrier  n'est  guère  habité  par  le  renard  qu'à  l'époque  où  il  élève  sa  jeune 
famille  ;  dans  tout  autre  temps,  il  ne  s'y  retire  que  pour  échapper  à  un  danger 
pressant.  Il  passe  la  journée  à  dormir  dans  un  fourré  à  proximité  de  sa  retraite, 
et  il  chasse  pendant  la  nuit.  11  ne  se  nourrit  guère  que  de  proie  vivante,  à  moins 
qu'il  ne  soit  extrêmement  poussé  par  la  faim;  dans  ce  cas,  il  mange  des  fruits, 
particulièrement  des  baies  de  ronces,  et  se  tient  à  proximité  des  vignes  pour 
se  nourrir  de  raisins.  Il  faut  qu'il  éprouve  une  grande  disette  pour  attaquer 
les  charognes  et  autres  voiries.  Vers  la  tombée  de  la  nuit,  il  quitte  sa  retraite 
et  se  met  en  quête.  11  parcourt  les  lieux  un  peu  couverts,  les  buissons,  les  haies, 
pour  tâcher  de  surprendre  des  oiseaux  endormis,  ou  la  perdrix  sur  ses  œufs; 
il  se  place  à  l'affût  dans  un  buisson  épais  pour  s'élancer  et  saisir  au  passage  le 
lièvre  ou  le  lapin.  Quelquefois  il  parcourt  le  bord  des  étangs,  et  se  hasarde 
même  dans  les  joncs  et  les  marécages  pour  saisir  les  jeunes  poules  d'eau,  les 
canards  qui  ne  peuvent  pas  encore  voler,  et  autres  oiseaux  aquatiques  A  leur 
défaut,  il  mange  des  mulots,  des  rats  d'eau,  des  grenouilles  et  des  lézards.  Mais 
si,  pendant  ses  recherches,  le  chant  d'un  coq  vient  frapper  son  oreille,  il  s'a- 
chemine avec  précaution  vers  le  hameau  d'(u'i  viennent  ces  sons  alléchants,  il 
en  fait  cent  fois  le  tour,  et  malheur  à  la  volaille  qui  ne  serait  pas  rentrée  le 
soir  dans  la  basse-cour  :  elle  serait  saisie  et  étranglée  avant  même  d'avoir  eu  le 
temps  de  crier. 

Lorsque  le  jour  commence  à  paraître,  il  rentre  dans  le  buis,  et  toujours  dans 
le  même  hallier  qu'il  a  choisi  pour  sa  retraite  habituelle   Ojiendant,  quami  la 

•>7 


i>10  LES   CARNASSIERS   DIGITIGRADES 

l'erme  où  il  a  commis  ses  rapines  pendant  la  nuit  se  trouve  tres-eloignee  de  sa 
retraite,  il  cherche  une  autre  cachette  plus  rapprochée  et  y  passe  la  journée  en 
observation.  Si  la  volaille  s'écarte  dans  les  champs  pour  aller  chercher  sa  pâture, 
il  la  guette  avec  soin,  choisissant  des  yeux  sa  victime  en  attendant  patiemment 
l'occasion  de  s'en  emparer.  Tant  que  le  chien  de  cour  rôde  ou  veille  dans  les 
environs,  il  reste  immobile  et  tapi  dans  sa  cachette;  mais  celui-ci  rentre-t-il 
un  moment  dans  la  ferme,  le  renard  se  coule  le  long  d'une  haie,  en  rampant 
sur  le  ventre.  Pour  approcher  sans  être  aperçu,  il  se  glisse  derrière  tout  ce  (|ui 
peut  le  masquer,  un  buisson,  un  tronc  d'arbre,  une  toulïe  d'herbe;  parvenu  a 
proximité,  d'un  bond  il  se  jette  sur  sa  proie,  fuit  au  fond  des  bois  avec  autant 
de  vitesse  que  de  précautions  pour  n'être  pas  découvert,  et  là  il  la  mange  avec 
sécurité.  Quand  son  coup  lui  a  réussi,  on  peut  être  sûr  qu'il  reviendra  à  la 
charge  tous  les  trois  ou  quatre  jours,  et  qu'au  bout  de  l'année  il  ne  restera  pas 
une  seule  pièce  de  volaille  dans  la  basse-cour,  si  l'on  ne  parvient  a  saisir  le 
voleur. 

Dans  les  pays  giboyeux,  les  renards  s'adonnent  plus  particulièrement  a  la 
chasse.  Deux  sortent  ensemble  de  leur  retraite  et  s'associent  pour  la  chasse  «lu 
lièvre.  L'un  s'embusque  au  bord  d'un  chemin,  dans  les  bois,  et  reste  immobile; 
l'autre  quête,  lance  le  gibier,  et  le  poursuit  vivement  en  donnant  huit  ou  dix 
coups  de  voix  par  minute  pour  avertir  son  camarade,  d'un  ton  aigu,  glapissant, 
mais  non  en  aboyant  comme  le  chien.  C'est  ordinairement  pendant  la  belle  saison, 
entre  dix  heures  du  soir  et  minuit,  que  l'on  entend  chasser  ces  animaux  dans  les 
pays  boisés.  Le  lièvre  fuit  et  ruse  devant  son  ennemi  comme  devant  les  chiens 
de  chasse;  mais  tout  est  inutile,  et  le  renard,  collé  sur  la  piste,  le  déjoue  sans 
cesse  et  se  trouve  toujours  sur  ses  talons.  Il  combine  sa  poursuite  de  manière 
a  le  faire  passer  sur  le  chemin  auprès  duquel  son  camarade  est  à  l'affût  pour  l'at- 
tendre. Lorsque  le  lièvre  est  à  portée,  le  renard  embusqué  s'élance,  le  saisit  : 
l'autre  chasseur  arrive,  et  ils  dévorent  en  commun  une  proie  qu'ils  ont  chassée 
ensemble.  IMais  cette  association  n'a  pas  toujours  une  fin  aussi  heureuse.  Il  ar- 
rive parfois  que  celui  qui  attend,  trahi  par  son  impatience  ou  par  son  adresse, 
sélance  et  manque  sa  proie.  Au  lieu  de  courir  après,  il  reste  un  moment  saisi  de 
sa  maladresse,  puis,  comme  se  ravisant  et  voulant  se  rendre  compte  de  ce  qui  lui 
a  fait  manquer  son  coup,  il  retourne  à  son  poste  et  s'élance  de  nouveau  dans  le 
chemin  ;  il  y  retourne  et  s'élance  encore,  recommençant  plusieurs  fois  ce  ma- 
nège. Sur  cette  entrefaite,  son  associé  paraît  et  devine  sur-le-champ  ce  qui  est 
arrivé.  Dans  sa  mauvaise  humeur,  il  se  jette  sur  le  maladroit,  et  un  combat 
de  cinq  minutes  est  livré;  ils  se  séparent  ensuite,  l'association  est  rompue,  et 
chacun  se  met  en  quête  pour  son  propre  compte. 

«  Le  renard,  dit  Buffon,  est  fameux  par  ses  ruses,  et  mérite  sa  réputation; 
ce  que  le  loup  fait  par  la  force,  il  le  fait  par  adresse,  et  réussit  plus  souvent.  Il 
emploie  plus  d'esprit  que  de  mouvement,  ses  ressources  semblent  être  en  lui- 
même  :  ce  sont,  comme  l'on  sait,  celles  qui  manquent  le  moins.  Fin  autant  que 
circonspect,  ingénieux  et  prudent,  même  jusqu'à  la  patience,  il  varie  sa  con- 
duite, il  a  des  moyens  de  réserve  qu'il  sait  n'employer  qu'à  propos.  »  Ce  que 
dit  Tîuffon  est  le  portrait  le  plus  exact  qu'on  puisse  faire  de  cet  animal,  et  il 
ne  ces.se  d'eiii|tl(»\('i   la  i-iise  poni' se  sauver  (l'un  danger  (|u'<'ii  rendant  le  (1er- 


CHIENS  -^n 

nier  soupir,  .le  pourrais  en  citer  plusieurs  exemples  tlouljai  nioi-meine  ete  le- 
luoiii,  mais  j'aime  mieux  en  choisir  un,  absolument  i(ienti(|ue  a  ce  (|ue  j'ai  vu. 
dans  un  ouvrage  estimé  sur  la  chasse  :  «  J'ai  vu  un  renard,  vieux  charhonuiei-, 
dit  l'auteur,  qui,  après  avoir  mis  plus  d'une  fois  les  chiens  en  défaut,  s'étaul 
fourvoyé  dans  un  trou  peu  profond  et  fort  large,  où  il  fut  pris  par  les  chiens. 
se  laissa  fouler  par  eux,  tourner  et  retourner  par  les  chasseurs,  pendant  plus 
d'un  quart  d'heure  en  faisant  le  mort,  et  (jui,  lorsque  les  chiens  fureul  soûls  de 
jouir,  se  releva  tout  d'un  coup  sur  ses  pieds  et  décampa  lestement  au  mouu'nl 
ou  on  y  pensait  le  moins.  " 

Chasse  par  les  chiens,  le  renard  ruse  une  ou  deux  fois  devant  eux  pour  les 
mettre  en  défaut,  puis  gagne  son  terrier;  mais,  effraye  par  les  morceaux  de 
|iapier  que  les  chasseurs  ont  eu  soin  de  placer  devant  les  Irons,  auprès  des(piels 
ils  se  sont  postes,  il  regagne  l'épaisseur  du  liois  s'il  n'est  atteint  et  lue  par 
leurs  coups  de  fusil.  Après  avoir  fait  un  grand  tour  il  revient  encore  une  se- 
conde fois  à  son  terrier,  et  s'il  est  encore  manqué  par  les  tireurs,  il  file  de  long 
pour  ne  plus  revenir.  Devant  les  chiens  il  se  fait  toujours  hattre  dans  les  four- 
res les  plus  épais  et  dans  les  lieux  bas.  S'il  a  un  chemin  à  traverser,  il  s'arrête 
un  moment  au  bord  du  bois,  examine  s'il  découvrira  le  chasseur,  auquel  cas  il 
rebrousse  subitement;  si  rien  ne  l'inquiète,  il  n'en  franchit  pas  moins  le  che- 
min d'un  seul  bond,  ce  ([ui  le  rend  très-difficile  à  tirer.  Quand  il  est  terré,  on 
le  prend  dans  son  trou  au  moyen  d'un  basset  (jui  l'iiupiiéte  pendant  qu'on 
creuse  en  dessus  avec  des  pioches;  si  le  terrier  esl  dans  des  roches,  on  le  fume. 

Quelques  naturalistes  ont  prétendu  ^\uv  le  chien  de  Laconie,  dont  parle  Aris- 
tote,  n'était  rien  autre  chose  ({ue  le  renard  plie  a  la  domesticité,  et  ceci  me 
paraît  plus  que  douteux.  J'ai  essaye  plusieurs  fois  de  priver  des  renards  pris 
fort  jeunes,  et  je  n'ai  jamais  pu  y  parvenir.  Buiïon  n'avait  pas  obtenu  plus  de 
succès  que  moi,  et  tous  ceux  qui  ont  vécu  a  la  ménagerie  se  sont  toujours  mon- 
trés farouches  et  sauvages.  Je  ne  crois  pas  non  plus  qu'il  y  ait  un  seul  exemple 
de  l'accouplement  de  ces  animaux  avec  des  chiens.  De  ces  raisons,  et  de  beau- 
coup d'autres,  tirées  des  dilférences  anatomi(|ues  qui  existent  entre  eux,  je  con- 
clus que  non-seulement  ils  n'appartiennent  pas  a  l'espèce  du  chien,  mais  pas 
même  a  son  genre.  Les  renards  entrent  eu  chaleur  en  hiver,  et  la  leiiK'lIe,  (pu 
ne  fait  qu'une  portée  par  an,  en  avril  et  en  mai.  ne  met  jamais  bas  moins  de 
trois  petits  et  rarement  plus  de  ((uatre  ou  cin(|.  Elle  eu  a  le  plus  grand  soin,  et 
si  elle  s'apen-oit  (|u'ou  ail  rôdé  autour  de  son  terrier,  elle  les  en  sort  pendanl 
la  nuit,  et  les  transporte  un  à  un  dans  un  autre.  Le  renard  met  dix-huil  mois 
à  croître  et  vit  treize  ou  (piatorze  ans. 

L'Isatis  (  Viilpes  lagopu.'i.  —  Canis  lagopus,  U'iix,  presque  semMnble  à  de  l;i  hiine,  mais  non 

SciiEB.  Le  Hcnard  bleu,  Buff.  -  G.  Cuv.  Le  ei-epu,  laiilot  <fiin  cemlrc  fonce-,  laiilôl  hlanc  ; 

rcsez  des  Russes.  Le  Fiallrarha  des  Suédois,  le  dessous  de  ses  doigts  est  «arui  de  poils,  et  le 

Le  Refl  et  le  Toa  des  Islandais.  Le  Snid  et  le  liiupiièniedoisl  des  pieds  de  devant  est  pre.scpie 

Graa-raev  des  Danois.  Le  ^aull  des  Finnois,  aussi  fort  (pie  les  autres,  un  peu  |)lus  court  seu- 

Le  ]»;c/raA  des  Norwégiens.  Le  Ajrt/des  Lapons),  lenient,  et  son  ouffle  plus  recourbé.  Le  bout 

Son  pelage  est  très-long,  très-t'ourré,  tres-nioel-  du  museau  est  noir. 

Lisalis  se  lrou^e  sur  tout  le  littoral  de  l;i  mer  (llaeiale  el  des  lleuves  cpii  s'y 


•212  LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 

jettent,  et  partout  au  nord  du  soixante-neuvième  degré  de  latitude.  Il  se  plaît 
dans  les  pays  déboisés  et  découverts,  sur  les  montagnes  nues,  et  c'est  sur  le  pen- 
chant de  ces  dernières,  ou  au  moins  sur  les  collines  élevées,  qu'il  aime  à  creu- 
ser son  terrier.  Il  entre  en  chaleur  vers  la  fin  de  mars,  et  la  femelle  porte  en- 
viron neuf  semaines.  En  mai  et  juin  elle  met  bas  sept  à  huit  petits,  et  même 
beaucoup  plus  si  on  s'en  rapporte  a  Gmelin.  Les  mères  blanches  font  leurs  pe- 
tits d'un  gris  roux  en  naissant,  et  ceux  d'une  mère  cendrée  sont  presque  noirs. 
Pendant  les  cinq  à  six  premières  semaines,  la  mère  reste  le  plus  longtemps  pos- 
sible dans  son  terrier,  et  n'en  sort  que  pour  aller  chercher  sa  nourriture;  elle 
y  allaite  ses  enfants  avec  grand  soin,  et  les  tient  très-propres  sur  le  lit  de  mousse 
(pi'elle  leur  a  préparé  à  l'avance.  Vers  le  milieu  d'août,  elle  les  fait  sortir  et  les 
mène  promener  avec  elle  pour  leur  apprendre  à  chasser.  Leur  poil  alors  a  un 
peu  plus  d'un  demi-pouce  (0,014)  de  longueur.  Les  individus  blancs  com- 
mencent déjà  à  avoir  une  raie  d'im  brun  cendré  sur  le  dos  ;  les  individus  cendrés 
ont  déjà  leur  couleur  foncée  et  ne  subissent  plus  aucune  variation  que  dans  la 
longueur  et  le  reflet  du  pelage.  Dès  le  milieu  de  septembre,  les  blancs  sont 
d'un  blanc  pur,  excepté  la  raie  du  dos  et  une  barre  sur  les  épaules  qui  noir- 
cissent, et  les  font  alors  nommer  krestowiki  ou  croisés.  Puis  le  noir  des  épaules 
disparaît  entièrement  et  bientôt  après  celui  du  dos,  de  manière  qu'en  novem- 
bre l'isatis  blanc  est  dans  sa  perfection  de  couleur  et  se  nomme  alors  nedopesez. 
Néanmoins  les  poils  des  blancs  et  des  cendrés  n'ont  acquis  toute  leur  longueur 
qu'en  décembre,  et  c'est  depuis  ce  moment  jusqu'en  mars  que  leur  fourrure  est 
le  plus  estimée.  Celle  des  blancs  étant  la  plus  commune  est  aussi  celle  qui  a  le 
moins  de  valeur;  celle  des  gris  en  a  beaucou])  plus,  et  cette  valeur  augmente 
d'autant  plus  que  la  couleur  en  est  plus  foncée  et  reflète  le  cendré  bleuâtre, 
d'où  est  venu  à  ces  animaux  le  nom  de  renards  bleus.  La  mue  commence  en 
mai  et  finit  en  juillet.  A  cette  époque  les  adultes  ont  la  même  livrée  que  les 
nouveau-nés  de  leur  couleur,  et  ils  parcourent  des  phases  de  coloration  abso- 
lument semblables. 

Les  fourrures  d'isatis  ont  un  tel  prix,  que,  s'il  arrive  à  un  chasseur  de  s'em- 
parer d'un  ou  de  deux  petits,  il  les  apporic  chez  lui  et  les  fait  allaiter  par  sa 
femme,  qui  se  donne  beaucoup  de  peine  pour  les  élever  jusqu'au  moment  de 
les  tuer  et  de  vendre  leur  peau.  Les  voyageurs  prétendent  qu'il  n'est  pas  rare 
devoir  de  pauvres  femmes  partager  leur  lait  et  leurs  soins  entre  leur  enfant  el 
trois  ou  quatre  renards  bleus. 

Ces  animaux  ont  une  singulière  habitude,  c'est  d'émigrer  en  grand  nombre 
du  pays  qui  les  a  vus  naître,  dés  que  le  gibier  dont  ils  se  nourrissent  ordinai- 
rement, par  exemple  les  lemmings  et  les  lièvres  tolaï,  vient  à  diminuer  en 
nombre.  En  général,  ces  émigrations  se  font  vers  le  solstice  d'hiver,  et  les  émi- 
grants  descendent  quelquefois  au  sud  du  soixante-neuvième  degré,  mais  jamais 
ils  n'y  fixent  leur  demeure  et  n'y  creusent  de  terriers.  Après  trois  ou  quatre 
ans  au  plus,  ils  retournent  dans  leur  patrie,  où  le  gibier  a  eu  le  temps  de  peu- 
pler pendant  leur  longue  absence. 

Comme  tous  les  renards,  l'isatis  est  rempli  de  ruses,  de  hardiesse,  et  enclin 
à  la  rapine  Sans  cesse  il  est  occupé,  pendant  la  nuit,  à  fureter  dans  la  cam- 
pagne, <•!    quchpicfois  on  loutend  chasser  avec  une  voix  qui    lient  à  la  fois  de 


CHIENS 


•21  :< 


raboic'inent  (lu  chien  ol  du  glapissement  du  renard.  Il  a  sur  ce  dernier  l'avau- 
tage  (le  ne  pas  craindre  l'eau  et  de  nager  avec  la  plus  grande  fjicilité.  Aussi  se 
hasarde-t-il  souvent  à  travers  des  bras  de  rivière  ou  des  lacs,  pour  aller  cher- 
cher, parmi  les  joncs  des  îlots,  les  nids  des  oiseaux  aquati(pies,  dont  il  dévore 
d'ahord  la  m»M'e.  s'il  peut  la  surprendre,  puis  les  petits  ou  les  œufs. 


Le  Uenaiii)  de  Lalande  (  ]'iili)es  LalandU.— 
Canis  vieçinlolis,  De.sm.  Canis  Lainndii,  Df.s- 
Mdi  i.)  est  plus  haut  sur  janil)e.s  que  noire  re- 
nard ;  sa  lète  est  |)las  petite  et  sa  queue  plus 
fournie;  ses  oreilles  très-grandes,  égalant  pres- 
(|ne  la  tète,  son!  remarqnnMrs  par  un  double 
rebord  à  leur  bord  inlerienr  externe  ;  son  pelage 
est  d'un  gris  bnui  en  dessus,  d"nn  fauve  pâle 
et  i)lus  laineux  en  dessous;  il  a  une  bande  de 
poils  plus  grands  que  les  autres  et  noirâtres  le 
long  du  dos  ;  le  devant  des  cpiatre  pieds  est  d'un 
brun  noirâtre;  le  dessus  et  le  bout  de  sa  queui- 
sont  udirs.  Tout  le  pelage  de  eet  animal  est  i)lns 
laineux  (jue  celui  des  antres  renards.  Il  habile 
le  eap  de  Bonne-Ksporance.  et  principalement 
la  Cafrerie. 

Le  Zeiuio  ou  Fennec  (  Viilpes  feiuifcus.  — 
C'inis  fenuenis,  Less.  Canis  zer(lo,Gy\L.  Fen- 
nenis  Bntrii,  Desm.  Cauis  zerdn,  Piigmcrus  on 
.Va/nrpii.si.s- de  Leickaht.  l'robablenienf  le  Ca- 
Jii.s  fameiinis  de  Kretschmmi  )  est  de  très  iietite 
taille;  ses  jambes  sont  grêles,  son  museau  effilé, 
ses  oreilles  très-grandes;  son  pelage  est  d'un  joli 
roux  Isabelle  en  dessus,  blanc  en  dessous;  il  a 
une  tache  fauve  placée  devant  chaque  o'il  ;  la 
base  et  le  bout  de  sa  queue  sont  noirs;  .'i  l'inté- 
rieur ses  oreilles  sont  bordées  de  longs  j)oiIs 
blancs.  Cet  animal  est  fort  peu  connu,  et  tout 


ce  qu'on  sait  de  certain  sur  son  comi)le  c  est 
qu'il  se  trouve;)  Dongola,  en  Afrique,  qu'il  ha- 
bite lui  terrier,  et  qu'il  se  nourrit  de  petits 
mannnifères,  d'oiseaux  et  d'insectes.  On  a  dit,  à 
tort,  (lu'il  gi  impe  sur  les  arbres  et  mange  des 
dalles. 

Le  Fkivxec  de  Deniiam  {  i'ulpes  DeuUom'ii} 
diffère  du  précédent  i)ar  son  jielage  d'un  roux 
l)lanch;itre  uniforme,  seulement  plus  pâle  en 
dessons  ;  son  dos,  brun,  est  rayé  de  lignes  noires 
très-déliées;  son  menton,  sa  gorge,  son  ventre, 
et  les  parties  internes  de  ses  cuisses  et  de  ses 
jand)es  sont  bhuics;  son  museau  est  noir.  Du 
reste  il  ressemble  au  précédent.  11  habite  l'inté- 
rieur de  l'Afrique. 

Le  Renakii  de  Bengale  (  Vulpcs  bengalcnsis. 
—  (nuis  bcngnlensis,  Shaw/  est  brun  en  des- 
sus, avec  une  bande  longitudinale  noire  ;  il  a  le 
tour  des  yeux  blancs,  et  sa  queue  est  noire  au 
bout.  Il  habile  l'Iiuie,  et  diffère  peu  de  notre 
renard,  (juant  aux  mceurs. 

Le  Ke>ard  d'Kgvpte  (  Vulpes  nilolicnn. — 
Canis  nilo'.icus,  CiEOFh.  )  ressemble  beaucoup 
au  renard  ordinaire  quant  aux  mceurs,  à  la 
grandeur  et  aux  formes;  son  pelage  est  rous- 
sàtre  en  dessus,  d'un  gris  cendré  en  dessous; 
ses  oreilles  sont  noires  et  ses  pieds  fauves.  Il  se 
trouve  en  r.g\|)te. 


2\'t 


LKs  (:.\i{iN.\ssii:us  i>h;i  ii<;u  \i>ks. 


Le  Renard  arj^enté. 


Le  RENARD  ARGENTÉ  [Vuipes  ar(jcnlalu!s  — Catm  aifjentaliis,  Fr.  Cuv.  Le 
Henard  argenté  ou  Renard  voir  G.  Cuv.,  confondu  |>;ir  Gmelin  avec  le  Loup 
noir,  Canis  lycaon). 

Sa  longueur,  non  compris  la  queue,  est  de  vingt-trois  pouces  (0,625)  ;  il  est 
d'un  noir  de  suie,  piqueté  ou  glacé  de  blanc  partout,  excepté  aux  oreilles,  aux 
épaules  et  à  la  queue,  où  il  est  d'un  noir  plus  pur;  il  a  le  bout  de  la  queue,  le 
dedans  de  l'oreille  et  le  dessus  du  sourcil  blancs;  son  museau  et  le  tour  de  son 
œil  sont  gris;  son  iris  est  jaune. 

Cet  animal  habite  principalement  le  nord  de  l'Amérique  ;  mais,  selon  Lesseps 
et  Krakenninikof,  on  le  trouve  aussi  au  Kamtschatka,  quoique  assez  rarement. 
Il  a  les  mêmes  habitudes  que  notre  renard  ordinaire;  et  comme  il  est  plus 
grand  et  plus  fort,  il  est  aussi  plus  courageux,  et  ne  craint  pas  d'attaquer  des 
animaux  d'une  certaine  grosseur.  On  dit  que  lorsqu'il  peut  approcher  d'un 
troupeau,  il  a  la  hardiesse  d'enlever,  malgré  les  cris  des  bergers,  les  agneaux 
ou  chevreaux  qui  sont  à  sa  convenance,  et  c'est  probablement  pour  avoir  en- 
tendu raconter  de  pareilles  choses,  que  Gmelin  l'a  confondu  avec  le  loup  noir. 
Sa  fourrure  a  du  prix,  quoiqu'elle  soit  moins  estimée  que  celle  du  renard  bleu. 
La  ménagerie  du  Jardin  des  Plantes  en  a  possédé  un  qui  y  a  vécu  assez  long- 
temps, et  l'on  a  pu  reconnaître  en  lui  toutes  les  allures  de  notre  renard;  ainsi 
(|ue  lui,  il  marchait  la  tête  et  la  queue  basses,  et,  quoique  très-bien  apprivoisé  et 
fort  doux,  il  gardait  un  amour  de  la  liberté  qui  a  fini  par  le  faire  mourir  dans 
la  tristesse  et  le  marasme.  Lorsqu'on  le  contrariait,  il  grognait  comme  un  chien 
en  montrant  ses  dents,  et  il  eût  été  dangereux  de  le  toucher  dans  ces  moments 


CIllEiNS. 


215 


(le  iiiaiivaise  huuieiir.  Il  exhalait  une  uileiir  désagréable,  mais  qui  n'avait  pas 
beaucoup  rl'analogie  avec  celle  du  renard  commun,  et,  pendant  l'été,  il  parais- 
sait beaucoup  souffrir  de  la  chaleui'. 


Le  Renard  agile  (  ]'ulpes  lelox.  —  Cauis  ve- 
lox,  Sav.)  liabite  l' Amérique,  aiusi  que  les  es- 
pèces qui  vont  suivre.  Sou  pelage  est  doux,  fin, 
so)  eux,  fauve  et  d'un  l)run  ferrugineux  ;  le  des- 
sous de  sa  tête  est  d'un  l)lanc  pur,  et  les  poils 
de  son  cou,  clant  plus  longs  que  les  autres,  lui 
forment  une  sorte  de  fraise.  11  a  la  taille  svelte, 
le  corps  mince,  ce  qui,  dit-on,  le  rend  très-lé- 
ger à  la  course.  11  se  plaît  dans  les  pays  décou- 
verts, sur  les  bords  du  Missouri,  se  loge  dans 
un  terrier,  et  parait  avoir  les  mêmes  tiahitudes 
que  nos  renards. 

Le  Renard  cbis  {Vulpex  rirginianus.  — Cauis 
viiginianus,  Euxl.  Le  Renard  gris  de  Catesbv) 
se  distingue  de  ses  congénères  à  son  pelage  en- 
lièrcnicnt  d'un  gris  argenté;  du  reste,  il  a  les 
mêmes  niceurs  et  les  mêmes  habitudes.  On  le 
trouve  en  Virginie. 

Le  Renard  croisé  {Vulfesdecussatus.—  Canis 
denissatvs,  Geoff.  Conis  cruciger,  Sciir.)  est 
de  la  taille  de  notre  renard;  tout  son  corps,  et 
surtout  le  dos,  la  queue,  les  pattes  et  les  épau- 
les sont  d'un  gris  noirâtre,  plus  foncé  vers  les 
épaules,  à  poils  annelés  de  gris  et  de  blanc;  il 
a  une  grande  plaque  fauve  de  l'épaule  jusqu'à 
la  tête,  et  une  autre  de  même  couleur  sur  le 
côté  de  la  poitrine.  Sou  museau,  les  parties 
inférieures  de  son  corps  et  ses  pattes  sont  noirs  ; 
sa  queue  est  terminée  de  blanc.  Ou  le  trouve 
dans  l'Amérique  septentrionale  et  probablement 
jusqu'au  Kamtschatka. 

L'Agouaraciiay  ou  Renard  tricolore  (  Vtilpes 
cinereo-argenleus.  —  Canis  cinereo-argenteiis, 
Schheb.  —  Fr.  Clv.)  est  noir,  glacé  de  gris  en 
dessus;  la  tête  est  d'un  gris  fauve;  le  museau 


blanc  et  noir;  les  oreilles  et  les  côtés  du  cou 
sont  d'un  roux  vif;  1  iutérieur  de  l'oreille  est 
blanc,  ainsi  que  la  gorge  et  les  joues  ;  le  menton 
est  noir;  la  face  interne  des  membres  est  d'un 
fauve  plus  vif  vers  les  flancs,  plus  p;ile  sous  le 
ventre  et  la  poitrine;  la  queue  est  fauve,  nuan- 
cée de  brun,  et  terminée  par  du  noir  foncé.  11 
habite  1rs  États-Unis  et  le  Paraguay.  Un  jeune, 
apjiorlé  de  New-Yorck,  a  vécu  quelque  temps 
à  la  ménagerie.  Sans  être  méchant,  il  était  assez 
farouche,  et  il  exhalait  une  odeur  désagréable. 

3'  Genre.  Les  HYÉNOÏDES  {Hyeiioides) 
ont  le  même  sjstème  dentaire  que  les  deux  gen- 
res précédents,  seulement  le  petit  lobe  en  avant 
moins  prononcé  ;  ils  n'ont  que  quatre  doigts  à 
tous  les  pieds.  Ces  caractères  les  placent  entre 
les  chiens  et  les  hyènes,  avec  lesquels  elles  ont 
de  nombreuses  affinités. 

La  IIïENOÏDE  peinte  (Hi/euoides ;jirta.—/7 1/(1- 
na  pirla,  Temm.  Hijœna  venatica ,  Bboocks. 
Canis  piclus,  Desm.V  Sa  taille  est  celle  du  grand 
mâtin,  et,  de  tous  les  animaux,  c'est  elle  qui 
a  le  pelage  le  plus  agréablement  varié.  Sur  un 
fond  grisâtre  se  dessine  d'une  manière  plus  ou 
moins  tranchée  des  taches  blanches,  noires, 
d'un  jaune  d'ocre  foncé,  très-irrégulièrement 
parsemées  et  mélangées,  quelquefois  assez  lar- 
ges, d'autres  fois  très-petites,  toujours  placées 
sans  ordre  et  sans  nulle  S5métrie.  Non  seule- 
ment ces  taches  varient  beaucoup  sur  les  parties 
correspondantes  du  même  animal,  mais  encore 
d'individu  à  individu,  car  je  n'en  ai  pas  trouvé 
deux  tachetés  identiquement  dans  les  collections 
que  j'ai  visitées,  quoiqu'elles  y  soient  en  assez 
grand  nombre. 


Du  reste,  la  hyenoïde  a  quelque  analogie  de  forme  avec  la  hyène  tachetée 
[Hijœna  crocaîa),  a  laquelle  elle  ressemble  par  le  manque  de  crinière,  et  par 
son  train  de  derrière,  qui  est  même  plus  relevé,  quoiqu'il  le  soit  moins  que  dans 
les  chiens.  Comme  cette  dernière,  elle  a  la  tète  grosse,  le  museau  court,  et  les 
yeux  gros  et  saillants;  ses  oreilles  sont  larges  et  velues;  sa  queue  est  touffue, 
blanche  au  bout,  et  descend  jusqu'aux  talons. 

La  hyenoïde  habile  le  midi  de  l'Afrique  ;  elle  a  toute  la  voracité  des  hyènes, 
mais  moins  de  lâcheté,  et  elle  est  beaucoup  plus  dangereuse  pour  le  bétail.  Elle 
se  réunit  en  troupe  plus  ou  moins  nombreuse,  et  ose  alors  se  défendre  contre 
la  panthère  et  même  contre  le  lion.  Elle  aime  à  se  nourrir  de  cadavres  corrom- 
pus et  de  voiries,  et,  pour  satisfaire  ce  goût,  elle  a  la  hardiesse  d'entrer,  pen- 
dant la  nuit,  dans  les  cours  des  fermes,  et  même  dans  les  villages,  où  elle  vient 
ramasser  les  immondices  jusqu'aux  portos  des  maisons.  Malgré  cela  elle  ne  s'en 


•2H\ 


US  CAIUXASSILUS   DIGIT  IGU  AOKS. 


livre  pas  moins  avec  ardeur  à  la  chasse  des  gazelles  et  des  antilopes,  bans  ce  cas, 
les  hyénoïdes  se  réunissent  en  meute,  et  poursuivent  le  gibier  avec  autant  d'ordre 
et  de  persévérance  que  nos  meilleurs  chiens  courants  ;  seulement  elles  se  divisent 
(pielquefois  en  deux  ou  trois  bandes,  et  pendant  que  l'une  suit  la  piste  de  l'an- 
tilope, les  autres  cherchent  à  prendre  les  devants,  à  la  couper  et  à  la  saisir  au 
passage;  lorsque  l'animal  est  pris  ou  forcé,  elles  le  dévorent  toutes  ensemble 
sans  se  quereller;  mais  elles  ne  souffrent  pas  qu'un  animal  carnassier  d'une 
autre  espèce  vienne  leur  disputer  leur  proie,  et  c'est  alors  que,  comptant  sin- 
leur  nombre  et  leur  courage,  elles  osent  résister  à  la  panthère  et  au  lion. 

Si  les  voiries  manquent  et  que  la  chasse  n'ait  pas  donné  de  produits,  les  hyé- 
noïdes se  répandent  autour  des  nabitations  et  poussent  la  hardiesse  jusqu'à  atta- 
quer les  troupeaux,  les  moutons  principalement,  et  même  les  bœufs  et  leschevaux 
lorsqu'elles  les  trouvent  isolés.  Mais  aucun  fait  ne  constate  qu'elles  se  soient 
jamais  jetées  sur  les  hommes.  Ce  que  nous  venons  de  dire  de  cet  animal  est 
lout  ce  qu'il  y  a  de  positif  sur  son  histoire,  et  si  l'on  n'en  sait  pas  davantage,  c'est 
parce  cpi'il  a  toujours  été  confondu  avec  les  hyènes  par  tous  les  voyageurs. 


4''Genbe.  Les  GYMNURES(G!/Jnnura,  Less.) 
devraient  peut-être  se  rapprocher  des  para- 
doxures,  qui  sont  plantigrades,  car  ils  n'ont  pas 
une  analogie  parfaite  avec  les  civettes  et  moins 
encore  avec  les  chiens.  A  la  mâchoire  supé- 
rieure leurs  deux  incisives  moyennes  sont  les 
plus  larges,  et  écartées  l' une  de  l' autre  ;  les  deux 
latérales  sont  fort  petites  et  les  canines  médio- 
cres; la  première  molaire  a  deux  pointes,  la  se- 
conde une  seule,  la  quatrième  et  la  cinquième 
quatre  tubercules  et  la  sixième  trois;  les  cani- 
nes de  la  mâchoire  inférieure  sont  longues.  Ils 
ont  en  tout  quarante  dents,  dont  douze  incisi- 
ves, quatre  canines,  et  douze  molaires  à  chaque 
mâchoire.  Du  reste,  leur  museau  est  pointu,  leur 
langue  douce  ;  leurs  oreilles  arrondies,  droites  et 


nues  ;  leurs  ongles  comprimés,  arqués  el  aigus; 
leur  queue  nue.  On  n'en  connaît  qu'une  espèce  : 
Le  GvMNDitE  DE  Raffles  (  Gipnnura  haffesii, 
Less.  Virerra  gymnitra,  RAFFL.)a  un  pied  de 
longueur  (0,325)  non  coin|tris  la  queue,  qui  est 
nue  et  a  dix  pouces  (0,271).  Sou  pelage,  long 
et  assez  dur  en  dehors,  hiineux,  doux  et  très- 
épais  en  dedans,  est  noir  et  blanc;  le  corps,  les 
jambes  et  la  première  moitié  de  la  queue  sont 
noirs,  et  une  bande  de  la  même  couleur  passe 
sur  les  yeux;  la  tète,  les  épaules  et  le  cou  soni 
blancs;  le  nmseau  est  poinlu,  dépassant  d'un 
pouce  (0,027)  la  mâchoire  inférieure;  les  mous- 
taches sont  longues,  et  les  jeux  petits.  Cet  ani- 
mal hal)ite  les  Indes  orientales,  et  l'on  ne  sait 
rien  de  ses  habitudes. 


LA     BOUCHERIE, 

DEHIIIÈKE    LES    LOGES    DES    *  IM  UI  \  L  X    FEROCES. 

t.larrlin    des     PU  mes.) 


CIVKTTIiS. 


■2\- 


<i'--^"^.. 


m:s  civettes 


Ont  quarante  dents,  à  une  seule  espèce  près, 
([ui  n'en  a  que  lieiite-six  :  douze  incisives,  qua- 
tre canines  et  douze  molaires,  dont  trois  faus- 
ses molaires  en  In  ut,  (juatre  en  bas  :  les  anté- 
rieures tombant  quelquefois;  deux  tubercu- 
leuses assez  grandes  en  haut,  une  seule  en  bas  ; 
deux  tubercules  saillants  au  coté  interne  de 
leur  carnassière  inférieure  en  avant,  le  reste  de 
cette  dent  étant  plus  ou  moins  tuberculeux. 
Leur  langue  est  hérissée  de  papilles  rudes  et 
aiguës  ;  leurs  ongles  se  redressent  à  demi  dans 


la  marche,  et  près  de  leur  anus  est  une  poche 
plus  ou  moins  profonde,  où  des  glandes  parti- 
culières font  suinter  une  matière  onctueuse  et 
souvent  odorante. 

1"'  (lEMiE.  Les  CIVETTES  (  ['irena.Ciiv.l 
ont  les  pieds  à  cinq  doigts,  ainsi  que  les  geuelles 
et  les  mangoustes.  On  les  i-econuait  i^i  la  poche 
profonde  qu'elles  ont  entre  l'anus  et  l'organe  de 
la  génératiou,  poche  divisée  eu  deux  sacs  qui  se 
remplissent  d'ime  pommade  abondante  exha- 
lant une  forte  odeui'  nmsqué'e. 


Le  NZFUSI  OU  NZIME  {Vii'crni  c'ivclta^  Lin,  La  C'weltc  onlhiaiic,  G.  Cuv.  — 
BuFF.  Le  Knnkan  des  Ethiopiens.  Le  Knsior  des  Guinéens) 

A  environ  deux  pieds  trois  pouces  i  0,7.j  I  )  de  longueur,  non  compris  la  queue  ; 
son  nniseau  est  un  peu  moins  pointu  (pie  celui  du  renard  ;  ses  oreilles  sont 
courtes  et  arrondies  ;  son  pelage  est  long  et  grossier,  gris,  tacheté  et  couvert  de 
handes  hrunes  et  noirâtres,  avec  une  crinière  tout  le  long  de  l'échiné;  sa  queue 
est  brune,  moins  longue  que  son  corps  ;  la  tête  est  hlanchàtre,  excepté  le  tour 
des  yeux,  les  joues  et  le  menton,  qui  sont  hruns  ainsi  que  les  quatre  pattes. 

La  civette  ou  nzime  habite  l'Afrique  et  surtout  l'Abyssinie;  on  la  trouve  aussi 
en  Asie.  Elle  a,  outre  les  poches  singulières  dont  nous  avons  parle,  lui  petit 
trou  de  chaque  côté  de  l'anus,  d'oii  suinte  une  humeur  noirâtre  Irès-félide.  C'est 
un  animal  qui  fuit  les  terres  humides  et  basses,  et  qui  se  plaît  i)articiil!éremeiit 
dans  les  plaines  élevées  et  les  montagnes  arides.  Agile  â  la  course  comme  un 
chien,  leste  à  sauter  comme  un  chat,  souple  comme  tous  les  animaux  de  son 
genre,  ayant  des  yeux  très-Iuillaiits  et  qui  lui  permettent  de  distinguer  les  objets 

28 


-218  I.KS    CAKiNASSlKliS    DIG  ITiG  II  A  DES. 

pcnilaiiL  la  iiuil;  clant,  outre  cela,  d'un  caractère  courageux  et  cruel,  la  civelle 
est  le  fléau  des  oiseaux  et  des  petits  mammifères,  qu'elle  surprend  dans  les  té- 
nèbres, qu'elle  poursuit  à  la  course  pendant  le  jour,  et  qu'elle  atteint  d'un  bond 
à  une  assez  grande  distance.  Son  occupation  constante  est  de  chasser  ;  mais, 
(juand  elle  ne  trouve  pas  de  gibier,  elle  vient  en  maraude  autour  des  lieux  ha- 
bités, saisit  avec  toute  la  ruse  du  renard  les  volailles  qui  se  sont  écartées  de  la 
IVrme,  pénètre  même  quelquefois  dans  la  basse-cour,  et  met  tout  à  mort  avant 
de  se  retirer.  Enfin,  si  toutes  ces  ressources  lui  manquent,  elle  se  rabat  sur  les 
fruits  et  les  racines,  qu'il  lui  est  facile  de  broyer  avec  ses  larges  molaires  tu- 
berculeuses. Quoique  naturellement  farouche,  la  civette  s'apprivoise  assez  faci- 
lement, mais  jamais  assez  pour  s'attacher  à  son  maître  et  caresser  la  main  qui 
la  nourrit.  Née  dans  les  pays  chauds,  elle  s'habitue  cependant  très-bien  dans  les 
climats  tempérés,  et  même  froids,  pourvu  que,  pendant  l'hiver,  on  la  tienne  dans 
un  lieu  chauffé.  Il  n'y  a  que  quelques  années  qu'on  en  nourrissait  encore  beau- 
coui»  en  Hollande,  alors  que  le  parfum  qu'elle  produit  était  à  la  mode,  et  celui 
(pion  en  tirait  était  plus  estimé  que  celui  qui  venait  de  son  pays  même, 
probablement  parce  (pi'il  n'était  pas  frelaté.  Il  paraît  aussi  que  son  odeur  est 
d'autant  plus  forte  et  i)lus  suave,  et  sa  qualité  d'autant  plus  grande,  que  l'animal 
est  mieux  nourri;  de  la  chair  crue  et  hachée,  des  (eufs,  du  riz,  des  petits  ani- 
maux, des  oiseaux,  de  la  jeune  volaille,  et  surtout  du  poisson,  tels  sont  les  ali- 
ments qui  lui  conviennent  le  mieux;  il  ne  lui  faut  que  peu  d'eau,  parce  qu'il 
boit  très-rarement.  Pour  recueillir  ce  parfum,  on  met  l'animal  dans  une  cage 
étroite  où  il  ne  peut  se  tourner;  on  ouvre  la  cage  par  un  bout,  et  on  tire  la  ci- 
vette par  la  queue;  on  la  contraint  à  rester  dans  cette  position  en  passant  à  tra- 
vers les  barreaux  un  bâton  qui  lui  entrave  les  jambes  de  derrière  ;  alors,  on 
introduit  une  petite  cuiller  dans  le  sac  qui  contient  le  parfum,  on  racle  avec 
soin  toutes  les  parties  intérieures  des  deux  poches,  et  l'on  met  la  matière  odo- 
rante qu'on  en  tire  dans  un  vase  que  l'on  ferme  ensuite  hermétiquement.  Si 
l'animal  se  porte  bien  et  qu'il  soit  convenablement  nourri,  on  peut  répéter  cette 
opération  deux  ou  trois  fois  par  semaine.  Cette  matière  exhale  une  odeur  si 
forte,  qu'elle  se  communique  à  toutes  les  parties  du  corps  de  la  civette;  le  poil 
en  est  imbu,  et  la  peau  pénétrée  au  point  qu'elle  se  conserve  encore  longtemps 
après  sa  mort.  Quand  on  irrite  et  tourmente  l'animal,  il  hérisse  sa  crinière,  se 
secoue  en  grondant,  et  il  répand  une  odeur  (pii  devient  violente,  au  point  qu'on 
ne  peut  la  supporter  dans  un  appartement  où  l'on  se  trouve  enfermé  avec  lui. 
Cette  humeur  onctueuse  et  parfumée,  que  nous  appelons  cïvcitc,  est  connue  dans 
le  Levant  et  en  Arabie  sous  les  noms  de  xibci  ou  aUjallia^  et  elle  est  encore  en 
orande  estime  dans  ces  contrées  et  dans  l'Inde.  Autrefois,  en  Europe,  la  mé- 
decine  s'en  était  emparée,  et  lui  attribuait  des  propriétés  merveilleuses,  comme 
aphrodisiaque  et  stimulante;  mais  aujourd'hui  ses  prétendues  vertus  sont  ou- 
bliées, et  il  n'y  a  plus  guère  c(ue  les  parfumeurs  et  les  confiseurs  qui  en  emploient 
encore  quelquefois. 

On  sait  parfaitement  aujourd'hui  que  la  civette,  quoique  très-commune,  ne 
produit  cependant  que  deux  ou  trois  petits  à  la  fois,  et  les  anciens  naturalistes 
auraient  dû  déduire  ce  fait  du  nombre  de  ses  mamelles,  qui  est  de  quatre  ;  mais 
comme  elle  refuse  constamment  de  s'accoupler  en  domesticité,  on  ne  sait  pas 


ClVLTTliS 


21".) 


le  lemps  que  dure  sa  gestaliou,  ni  nu-nie  les  circonstances  qui  acc()in|)aij;iienl 
l'éducation  de  ses  [letils. 


LaCi\iiTTE  u'IIakdwicu  (llveria  lluidti'ultii, 
Less.)  a  environ  quinze  pouces  (0,  iOG)  de  lon- 
gueur, non  compris  la  queue,  qui  eu  a  onze 
(0,298)  ;  elle  est  d'un  blanc  jaunâtre,  marquée 
de  larges  ligues  longiUidinales  et  de  taches 
noires  allongées  et  conlluenles;  la  queue 
porle  six  anneaux  noirs;  le  nez  est  noir,  et  une 
ligue  de  celle  couleur  va  de  l'œil  au  cou,  de 
chaque  côté.  Elle  est  de  Java,  et  ses  UKruis,  ué- 
lant  pas  connues,  ne  peuvent  se  déduire  que 
par  analogie. 

LeZiiiETOu  Sawadu-Punée  (  l'ii-crra  zibctia, 
Lr\.  Le  Zilictli,  G.  Crv.  Le  Musc  de  i.a  Pey ho- 
me. Le  Qiiott  et  Vinflii/cs  des  Arahes^  est  plus 
petit  que  la  civelle,  sa  longueur  ne  dépassant 
pas  douze   ou  quinze  pouces  (0,525  à  0,40<l), 


non  compris  la  queue.  Il  a  celle-ci  beaucoup 
plus  longue,  couverte  de  poils  courts,  el  auue- 
lée  de  noir;  le  fond  de  sou  pelage  est  d'un  gris 
jaunâtre,  avec  de  nombreuses  lâches  noires, 
pleines  et  quehiuefois  assez  rapprochées  pour 
former  des  lignes  coulinuis,  surtout  au  train 
de  derrière;  le  ventre  est  gris;  uue  bande 
noire,  naissant  derrière  la  partie  supérieure  de 
loreille,  s'étend  en  arc  de  cercle  jusqu'au  de- 
vant du  bras,  et  sépare  la  robe,  tachetée  de 
blanc  pur,  des  cotés  et  du  dessous  du  cou  ;  uue 
autre  bande  un  peu  plus  large,  également  noire, 
en  est  séparée  par  nu  cercle  blanc  ;  une  Iroi- 
sième  descend  vei'licalemeut  au-dessous  de  l'o 
leille,  eulin  une  quatrième  correspond  à  la 
branche  moulanle  de  la  mâchoire. 


Le  zibet  habite  les  Indes,  et  se  trouve  principalement  aux  l'iiilippines.  Ses 
habitudes  sont  plus  nocturnes  que  celles  de  la  civette,  parce  qu'il  voit  mal  pen- 
dant le  jour,  qu'il  passe  entièrement  à  dormir  dans  les  fourrés  où  il  fait  sa  de- 
meure. La  nuit,  il  se  met  en  chasse,  et  parcourt  la  campagne  avec  une  grande 
activité,  et  dans  un  profond  silence  que  rien  ne  peut  lui  faire  rompre.  A  toutes 
les  sortes  d'aliments  il  préfère  les  oiseaux  et  surtout  leurs  œufs;  il  attaque  aussi 
les  petits  mammifères,  mais  il  mange  aussi  les  fruits,  et  il  se  contente  de  ra- 
cines quand  il  ne  trouve  pas  mieux;  en  un  mot,  il  est  presque  omnivore.  Du 
reste,  il  a  toutes  les  autres  habitudes  de  la  civette,  et  produit  un  parfum  qui  ne 
lui  est  pas  inférieur.  Celui  qui  a  vécu  à  la  ménagerie  était  triste,  silencieux, 
facile  à  se  mettre  en  colère,  et  alors  il  se  hérissait  le  dos  comme  s'il  eût  eu  une 
crinière. 


2"Ge>be.  Les  GENETTES  (  Genelta,  Ccv.) 
n'ont  qu'une  poche  Ires  peu  profonde,  réduite 
à  uu  enfoncement  léger  formé  sur  la  saillie  des 
glandes,  et  presque  sans  excrétion  sensible  quoi- 
qu'il y  ait  une  odeur  très-manifeste. 

La  GE^ETTE  oiidi.\aihe  {Geiielta  nilgriris,  Fr. 
Cuv.  l'irerra  geiictta,  Liy.  ]'iccnamalacceuiiis, 
Gml.  Mi-crra  tigrina,  Scii.  La  Gcnetle  et  la 
Genellcdn  Cap,  deBiFF.  La  Circtlc  de  Malaria, 
SoiNNEKAT.  Le  Chat  bizaam  de  Vosm.  Le  Chat 


dit  Cap  de  FohsteuI  est  à  peu  près  de  la  gros- 
seur, de  la  longueur  et  de  la  figure  d'ime  fouine, 
mais  sa  tète  est  plus  étroite,  son  nuiseau  j'ius 
effilé,  ses  oreilles  plus  grandes,  plus  minces  et 
plus  nues;  ses  pattes  moins  grosses  et  sa  queue 
plus  longue.  Son  pela;i;e  est  d'un  gris  mêlé  de 
roux,  (acheté  de  petites  macules  noires,  lanlol 
rondes  et  tantôt  oblongues;  la  queue  a  quinze 
anneaux  alternalivenient  noirs  et  blanchâtres, 
avec  des  teintes  rousses. 


Cet  animal,  si  l'on  n'a  pas  confondu  plusieurs  espèces  en  une  seule,  se  trou- 
verait en  Afrique,  au  Cap,  dans  le  midi  de  l'Asie,  en  Espagne,  et  même  en 
France,  dans  le  Poitou,  selon  Buflon  ;  mais  ce  dernier  fait  me  paraît  d'autant 
plus  douteux  que  la  figure  qu'il  a  jointe  à  sa  description  est  celle  d'une  gcnetle 
étrangère.  J'ai  fait  moi-inème  prendre  dans  le  Rouergue  et  le  Poitou  des  ren- 
seignements qui  ne  m'ont  rien  appris,  si  ce  n'est  que  cet  animal  est  tout  à  fait 
inconnu  aux  chasseurs  dans  ces  anciennes  provinces.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  ge- 
nelte  n'habite  ni  les  montagnes,  ni  les  grandes  forêts,  ni  les  terres  arides;  elle 


220  LES   CAIINÂSSIEUS   DIGITIGRADES. 

lie  se  pluilque  dans  les  vallées  fraîches,  ombragées  par  de  simples  bocages,  et 
le  long  des  ruisseaux,  sur  le  bord  desquels  on  prétend  qu'elle  se  creuse  un  ter- 
rier. Elle  a  de  la  finesse  dans  la  figure,  de  la  grâce  dans  les  mouvements,  et 
beaucoup  d'agilité  pour  poursuivre  les  oiseaux  et  les  petits  mammifères,  dont 
elle  se  nourrit  habituellement.  Prise  jeune,  elle  s'apprivoise  parfaitement  et  de- 
vient un  fidèle  commensal  de  la  maison,  ayant  à  peu  prés  les  mêmes  habitudes 
([uc  le  chat,  et  rendant  les  mêmes  services  en  faisant  une  guerre  active  aux  sôi!- 
ris,  aux  mulots  et  aux  rats.  Bcllon  dit  en  avoir  vu  dans  les  maisons  à  Constan- 
tinople;  elles  étaient  aussi  privées  que  des  chats,  et  on  les  laissait  aller  et  courir 
partout,  sans  qu'elles  fissent  ni  mal  ni  dégât.  Deux  geneltes,  un  mâle  et  une 
femelle,  qu'on  avait  envoyées  de  Tunis,  ont  vécu  à  la  ménagerie,  s'y  sont  accou- 
plées à  la  manière  des  chats,  et  y  ont  fait  un  seul  petit  qui,  en  naissant,  portait 
déjà  la  jolie  livrée  de  ses  parents.  Comme  on  les  tenait  dans  une  cage  assez 
étroite,  elles  étaient  tristes,  ennuyées,  et  dormaient  toute  la  journée  enroulées 
l'une  sur  l'autre.  Elles  se  réveillaient  le  soir  et  s'agitaient  toute  la  nuit.  La 
fourrure  de  cet  animal  était  autrefois  très  à  la  mode  pour  faire,  à  nos  dames, 
des  manchons  légers,  chauds  et  fort  jolis,  qui  se  vendaient  un  prix  exorbitant  ; 
mais  les  industriels  de  ce  temps-là  parvinrent  à  peindre  des  taches  noires  sur 
des  peaux  de  lapins  gris,  qu'ils  vendirent  pour  de  la  genette;  cette  fraude  en 
fit  tomber  la  valeur,  et  la  mode  en  passa. 

La  genette  du  Cap  n'est,  selon  G.  Cuvier  et  d'autres  naturalistes,  qu'une  très- 
légère  variété.  Cependant  ses  bandes  longitudinales  sont  au  nombre  de  six  au 
moins,  tandis  que  celle  que  nous  venons  de  décrire  n'en  a  que  quatre. 

Le  Bekbé  ou  Gk.\ette  de  B\ku\rie  (  Gevetia  étroits  que  les  antres;  il  a  des  lacties  sur  les 

(ifra,  Fit.  Cl'v.)  a  le  pelage  pris,  plus  ou  moins  éptiules  et  les  cuisses,  et  des  bandes  étroites  sur 

niélé  de  jaun:Ure  ;  le  chanfrein  blanc;  le  mon-  le  cou.  Il  habile  Java. 

ton  et  la  ligne  dorsale  noirs  ;  ses  bandes  loiigi-  Le  Fossa  (Gcvetta  fossa,  Less.  Vivcrra  fossn, 

luiiinales  sont  plus  régulières  et  au  nombre  de  Li:\.   La  Tossaiic,  Buff.  La  Gendlc  de  Mada- 

cinq.  Elle  habite  le  nord  de  l'Afrique  gasrar  des  voyageurs.  Le  Fossa  des  habilanls 

Le  LiSA\r.  on  DEt,L^Dl]^G  (Gcnelta  lisang,  de  Madagascar)  est  d'un  gris  roux,  nianiué  de 

Less.  ]'ireiia  gracilis,  Desm.)  a,  de  longueur  taches  brunes  disposées  sur  le  dos  en  quatre  li- 

lolale,  deux  pieds  six  ponces  (0,812).  Il  a  la  tcte  gnes  longitudinales,  et  éparses  sur  les  flancs; 

jillongée,  le  museau  pointu  ;  son  pelage  est  d'un  sa  queue  est  roussàtre,  faiblement  marquée 

fauve  très-clair,  avec  quatre  très-larges  bandes  d'anneaux  d'un  roux  brun.  Elle  habite  Mada- 

biuues  transverses;  sa  queue  a  le  bout  noir,  gascar,  et  se  plaît  dans  les  bois  qui  sont  à  proxi- 

avec  neuf  anneaux  dont  les  deux  premiers  plus  mité  des  habitations  rurales. 


On  ne  sait  de  cet  animal  que  ce  que  Poivre  en  a  écrit  à  Buffon  :  «  La  fossane 
([lie  j'ai  ai»portée  de  Madagascar,  disait-il,  est  un  animal  qui  a  les  mœurs  de 
notre  fouine;  les  habitants  de  l'île  m'ont  assuré  que  la  fossane  mâle,  étant  en 
chaleur,  ses  parties  avaient  une  forte  odeur  de  musc.  Lorsque  j'ai  fait  empailler 
celle  qui  est  au  Jardin  du  Roi,  je  l'examinai  attentivement,  je  n'y  découvris  au- 
cune poche,  et  je  ne  lui  trouvai  aucune  odeur  de  parfum.  J'ai  élevé  un  animal 
semblable  à  la  Cochinchine  cl  un  autre  aux  îles  Philippines,  l'un  et  l'autre  étaient 
des  mâles;  ils  étaient  devenus  un  peu  familiers;  je  les  avais  eus  très-petits,  et 
je  ne  les  ai  guère  gardés  que  deux  ou  trois  mois;  je  ne  leur  ai  jamais  trouvé  de 
l»oche  entre  les  parties  (pie  vous  m'indiquez;  je  me  suis  seulement  aperçu  que 


CIVETTES.  221 

leurs  excréments  avaient  l'odeur  de  ceux  de  notre  fouine.  Ils  mangeaient  de  la 
viande  et  des  fruits,  mais  ils  préféraient  ces  derniers,  et  montraient  surtout  un 
goût  plus  décidé  pour  les  bananes,  sur  lesquelles  ils  se  jetaient  avec  voracité. 
Cet  animal  est  trés-sauvage,  fort  difficile  à  apprivoiser;  et,  quoique  élevé  bien 
jeune,  il  conserve  toujours  un  air  et  un  caractère  de  férocité,  ce  qui  m'a  paru 
extraordinaire  dans  un  animal  qui  vit  volontiers  de  fruits.  L'œil  de  la  fossane 
ne  présente  qu'un  globe  noir  fort  grand,  comparé  à  la  grosseur  de  sa  tète,  ce 
qui  donne  à  cet  animal  un  air  mécbant.  » 


La  CjE.nette  a  qcele  \oiiie  (Gcnetln  cauihi  ui- 
griranle.—La  Gcnclledc  France,  Bi'FF.)a  vingt 
pouces  (0,5  52)  de  longueur  lotale;  son  pelage, 
surtout  sur  le  cou,  est  plus  long  que  celui  de 
la  genette  ordinaire,  gris  mêlé  de  grands  poils 
noirs  à  reflets  ondoyants,  avec  le  dessus  du  dos 
rayé  et  moucheté  de  noir;  le  dessous  du  corps 
est  blanc;  les  jambes  et  les  cuisses  sont  noires; 
les  deu\  tiers  de  la  queue  sont  noirs,  et  il  n'y 
a  d'anne;iux  distincts  qu'au  premier  tiers;  les 
oreilles  sont  rondes  ;  l'œil  grand,  à  pupille 
étroite.  CeUe  genette  a  vécu  à  la  ménagerie; 
elle  avait  été  achetée  à  Londres,  mais  on  ign;  - 
rail  sa  patrie.  Elle  était  toujours  en  mouve- 
ment, et  ne  se  reposait  que  pour  dormir. 

La  Genette  a  bandeau  {Gindtn  fasriata, 
Less.  Vicerra  fascialu,  Geoff.)  est  de  la  gran- 
deur d'une  fouine.  Son  pelnge  est  d'un  jaune 
clair  marqué  de  taches  d'un  brun  marron,  dis- 
posées par  séries  longitudinales;  le  bout  du 
museau,  la  màchnire  infc'rieure  et  le  front  sont 
d'un  blancjauuàlre;  tout  le  dessous  du  corps  est 
d'un  gris  uniforme.  Sa  patrie  est  inconnue, 
mais  on  la  soupçonne  de  Java. 

La  Genette  iie  l'Inde  {Gendla  iiHllra,  Lnss. 
}irerra  indlca,  Geoff.  ]'ucrra  lasse.  Horsf.) 
est  un  peu  plus  grande  que  la  genette  ordinaire, 
avec  la  queue  plus  courte;  son  pelage  est  d'un 
blanc  jannî'itre,  avec  huit  bandes  longitudinales 
étroites  et  brunes,  et  trois  ou  quatre  lignes  de 
points  bruns  parallèles  sur  les  flancs;  elle  a  le 


tour  des  yeux  brun,  la  lèvre  et  le  menton  blancs, 
la  queue  annelée  de  brun  et  de  blanc  jaunàti  e. 
Klle  habile  l'Inde.  Le  cabinet  en  possède,  sous 
le  nom  de  Geneile  Uc  Java,  une  variétéqui  n'en 
diffère  que  par  sa  taille  plus  petite. 

La  Genette  bavéë  (  Genetta  striata,  Less. 
}"ucrra  fasriata,  Lin.  F'ircrra  sdinla,  Desm. 
Le  Putois  raijé  de  l'Inde,  Rlff.  Le  Chat  san- 
rage  à  bandes  noires  de  l'Inde,  Sonnerat  )  res- 
semble à  notre  putois  par  la  taille,  la  forme  du 
corps  et  des  oreilles;  sa  queue  et  sa  tète  sont 
d'un  brun  fauve,  plus  p;He  autour  des  yeux, 
aux  joues  et  sous  la  niàchoiie;  elle  a  six  larges 
bandes  noires  et  cinq  plus  étroites  d'un  blanc 
jaunâtre,  le  long  du  dos  et  des  flancs.  Elle  ha- 
bite la  cote  de  Coromaudel. 

Le  BoNDAii  {Genetta  bondar,  de  Bi.ainv.  J'i- 
vcrra  bondar,  Des.m.)  a  le  fond  du  pelage  fauve, 
avec  la  pointe  des  prands  poils  noire;  il  a  sur 
le  dos  nue  bande  noire,  avec  deux  l)andeletles 
parallèles  de  la  même  couleur  sur  chaque  flanc  ; 
ses  quatre  pieds  et  le  bout  de  sa  queue  sont 
également  noirs.  Il  habile  le  Bengale. 

La  Genette  iiermafiirodite  [Genettahrrmn- 
jihroditn.—  Vitcrra  liirmaptirodita,  Pall.)  a  le 
nuiseau,  la  gorge,  les  moustaches  et  les  jjieds 
noirs;  une  tache  blanche  sous  les  yeux  ;  le  poil 
cendré  à  la  base,  noir  à  la  pointe;  trois  bandes 
noires  le  long  du  dos;  la  queue  un  peu  plus 
longue  que  le  corps  et  noire  à  l'extrémité.  Elle 
habite  la  Barbarie. 


222 


LES  CARNASSIFRS   DIGITIGU ADES 


5'  Giiivut:.   Les  MANGOUSTES  {llcrpestcs,  sa  proloiidcur  ;  leurs  poils  sont  eouits  sur  la 

iLLiG.)  ont  le  même  système  deutaire  que  les  tète  et  sur  les  pattes;  leur  (jueue  est  louguc, 

lieux  genres  précédents  ;  elles  ont  une  poche  très-grosse  à  sa  base,  et  leurs  doigts  sont  à 

volumineuse,  simple,  ayant  l'anus  percé  dans  demi  palmés. 

Le  NEMS  [licrpesles  (jrisciiii.  —  Vivermcafra,  U^.  Ichneumon  (jriseus.  Less. 
Le  Neins,  Buff.) 

Est  d'un  cinquième  plus  grand  que  le  sunsa;  il  a  vingt-deux  pouces  (0,596) 
de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui  en  a  vingt  (0,542).  Son  pelage  est  dur, 
redressé,  plus  clair  que  dans  le  sunsa,  en  général  d'un  jaune  paille,  d'un  gris 
brunâtre  uniforme  au  dos  et  aux  pattes;  les  ongles  sont  noirs;  l'iris  est  d'un 
l'auve  foncé.  Bulfon  le  dit  d'Afrique,  et  Geoiîroy  de  l'Inde. 


Le  Sunsa  ou  Gagabangan  (  llcrpestes  muiigo. 
—  Vircrra  mungo.  Lin.  Ichneumon  mungoz, 
Lkss.  La  Mangouste  de  l'Inde,  Blff.  Le  Cliirc 
ou  Kirpele  du  Malabar  )  est  à  peu  près  de  la  taille 
d'une  fouine;  le  fond  de  sou  pelage  est  bru- 
nâtre; il  a  sur  le  dos  viugt:quatre  .'i  trente 


bandes  transversales  alternativement  rousses  et 
noirâtres;  le  dessous  de  sa  mâchoire  est  fauve  ; 
ses  pieds  sont  noirs;  sa  queue,  un  peu  moins 
longue  que  son  corps,  est  d'un  brun  noirâtre 
uniforme.  Cet  animal  a  de  la  célébrité  dans 
l'Inde,  comme  l'ichueumon  en  Egypte. 


Le  sunsa  habile  l'Inde,  et  n'est  pas  rare  au  Malabar  et  à  Java.  C'est  un  joli 
petit  animal  qui  se  plaît  le  long  des  ruisseaux  et  des  rivières,  qui  nage  fort  bien, 
et  qui  aime  surtout  à  clapoter  au  bord  de  l'eau.  Il  fait  une  chasse  continuelle 
aux  reptiles,  aux  œufs  des  oiseaux  aquatiques,  aux  petits  mammifères  et  aux 
insectes.  Il  mange  même  dos  fruits  quand  sa  chasse  n'a  pas  été  heureuse;  il 


CIVETiES.  223 

lioit  beaucoup,  est  d'uue  [)roprele  recherchée,  et  se  roule  en  houle  pour  dorniir, 
à  peu  près  comme  fait  le  hérisson. 

C'est  surtout  par  ses  combats  avec  les  serpents  que  le  sunsa  s'est  acquis  une 
grande  célébrité.  Sans  cesse  on  le  voit  fureter  sur  le  bord  des  marais,  et  partout 
où  il  pense  pouvoir  rencontrer  de  ces  reptiles.  Dès  qu'il  en  aperçoit  un,  il  s'é- 
lance dessus  d'un  seul  bond  s'il  est  à  portée,  et  lui  écrase  la  tête  avant  que  le 
serpent  ait  eu  le  temps  de  se  mettre  en  défense.  S'il  est  à  une  certaine  distance; 
lorsque  le  sunsa  l'aperçoit,  rien  n'est  curieux  comme  les  mines  qu'il  fait  pour 
l'approcher  sans  en  être  vu,  ou  au  moins  sans  l'elîrayer  :  tantôt  il  se  lève  debout 
sur  ses  pattes  de  derrière  pour  l'examiner  ;  puis,  cette  vue  le  mettant  en  fureur,  il 
marche  à  lui  en  haussant  et  courbant  le  dos  comme  un  chameau,  et  se  roidissant 
sur  ses  (juatre  pattes  tendues  comme  des  hâtons;  tantôt,  apercevant  le  reptile 
qui  fait  un  mouvement  pour  fuir,  il  se  laisse  tomber  sur  le  ventre,  s'étend,  se 
colle  à  la  terre,  et  se  glisse  doucement  à  travers  les  herbes  en  rampant.  Par- 
venu à  sa  portée,  il  se  jette  sur  son  dangereux  ennemi,  et  alors  commence  une 
lutte  terrible  qui  ne  finit  jamais  que  par  la  mort  de  l'un  d'eux,  et  quelquefois  par 
celle  de  tous  deux.  La  mangouste  cherche  à  saisir  le  serpent  sur  le  cou  ou  sur  le 
crâne,  et  le  combat  est  tini  dés  qu'elle  y  parvient.  Mais,  comme  si  l'animal  ve- 
nimeux connaissait  les  intentions  de  son  adversaire,  il  roule  continuellement 
son  corps  pour  abriter  ces  parties  sous  ses  anneaux  écailleux,  et  de  temps  à  autre, 
par  un  mouvement  rapide  comme  l'éclair,  il  lance  sa  tète  sur  son  antagoniste, 
et,  avec  ses  crochets  venimeux,  lui  fait  une  blessiu'c  mortelle.  Tons  les  efforts 
du  sunsa  changent  alors  d'objet,  et  il  ne  cherche  plus  qu'à  se  débarrasser  des 
replis  dont  il  est  enlacé;  il  y  parvient,  s'éloigne  en  se  traînant  avec  douleur,  et 
cherche  dans  les  environs  une  plante  merveilleuse  dont  il  mange  quelques  feuilles 
et  sur  laquelle  il  se  roule  à  plusieurs  reprises.  Aussitôt,  et  comme  par  enchan- 
tement, plein  d'une  nouvelle  vigueur  et  d'un  nouveau  courage,  il  retourne  au 
combat  et  finit  par  tuer  le  serpent.  Les  Indiens,  témoins  de  ce  fait  extraordi- 
naire, ont  observé  la  plante  que  cherchait  la  mangouste,  et  l'ont  nommée  cliiri, 
du  nom  qu'ils  donnent  à  l'animal  qui  la  leur  a  fait  découvrir  ;  les  botanistes  l'ont 
appelée  nphiorliiin  nmngos.  Depuis  ce  temps  on  emploie,  dans  l'Inde,  la  racine 
de  cette  plante  contre  la  morsure  des  serpents  venimeux. 

Voilà  l'histoire  telle  que  la  racontent  les  anciens  voyageurs,  et,  d'après  eux, 
quelques  naturalistes;  mais  est-elle  vraie?  peut-elle  se  soutenir  devant  une  cri- 
tique éclairée?  C'est  ce  que  je  ne  pense  pas.  Un  voyageur  allemand  s'est  trouvé 
deux  fois  dans  le  cas  de  voir  le  combat  d'une  mangouste  avec  un  serpent  veni- 
meux, et  il  prétend  que  ce  petit  mammifère,  lorsqu'il  est  mordu,  va  en  elfet  se 
rouler  sur  le.  gazon,  qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  pas  d'ophiorhiza,  mais  que  cela 
ne  l'empêche  pas  de  mourir  de  sa  blessure. 

La  Mangouste  indienne,  Herpestes  Edwarsii,  Le  Vouaivc-Suiba  {Herpesles  galcia.  —  Mus- 
Geoff. — Desm. /(/meiimoH  EdirarsiJ,  Less.)  a  tcla  gnlera,  Les  Ichncumon  gâtera,  Less.  Le 
le  museau  d'un  brun  rougeàtre;  le  dos  cl  la  ]'aiisire,  Biff.)  est  plus  petit  que  le  sunsa;  sou 
queue  annelcs  de  brun  sur  un  fond  olivàlre;  pelage  est  d'un  gris  brun,  pointillé  dejaiinà- 
cette  espèce  et  le  uems  sont  les  seuls  qui  aient  tre;  ses  pattes  sont  brunes;  sa  queue  est  éga- 
les ongles  noirs.  Elle  se  trouve  dans  les  Indes  lemcnt  grosse  et  également  touffue  dans  toute 
orientales.  sa  longueur. 


2-24  LI^S  CAKNASSIEKS   DIGITIGU ADES. 

Ce  pelil  animal  habile  Madagascar,  se  plaîl  sur  le  bord  des  rivières,  el  aime 
à  s'y  baigner  tous  les  jours.  Les  Madécasses  le  prennent  jeune,  l'apprivoisent 
et  rélèvent  dans  leur  maison,  qu'il  délivre  des  souris  et  autres  petits  animaux 
nuisibles.  Les  services  qu'il  rend,  joints  à  sa  familiarité  et  à  sa  douceur,  l'ont 
fait  rechercher  par  les  hahitanls  de  l'Ile-de-France;  ils  l'ont  transporté  chez 
eux,  et  quelques  années  après  il  était  naturalisé  dans  leur  île.  Du  reste,  il  a 
les  mêmes  habitudes  que  les  autres  mangoustes,  et  il  fait  une  guerre  à  mort  aux 
lézards,  serpents  et  autres  reptiles.  La  ménagerie  en  a  possédé  deux  qui  y  ont 
vécu  assez  longtemps. 

La  Mangoiste  de  Java  (  llcrpesks  jaranint!--.  que  le  corps,  se  lermine  en  poinle  d'une  cou- 

— /rlitieiimoiijofnniciis,  Liiss.)  iilcpeliigemar-  leur  plus  foncée;  ses  doigts  sont  couverts  de 

ron  ou  presque  roux,  pointillé  de  blanc  jau-  roils  ras  et  serrés,  comme  chez  les  animaux 

nàtre;  la  tète  et  les  jambes  sont  d'un  marron  aquatiques,  ce  qui  fait  supposer  que  ses  habi- 

foncé  uniforme;  la  queue  est  d'égale  grosseur  tudes  doivent  se  rapprocher  beaucoup  de  celles 

dans  toute  sa  longueur.  Elle  habite  Java.  de  la  loutre.  Sa  pairie  est  inconnue. 

La  MAXGorSTE  UOLGE  (//pr/)o/cs  )/(be/-.  — Vr/i-  Le  Tézerdéa  ou  lcu^E[:^\o\  { IIerpe!>fes  ich- 
nannon  ruber,  Geoff.).  Sa  taille  dépasse  d'un  ncitmon-  —  Ichneumnn  Pharaouh,  Geoff.  Vi- 
cinquicme  celle  du  sunsa  ;  elle  a  le  pelage  d'un  verra  ichneiimon,  Li^.  Le  rv'fiii.s-  des  Arabes, 
rouge  ferrugineux  très-éclatant,  plus  particu-  L'/cJnieiimou  d'AniSTOTE.  Le  liât  de  Pharaon 
lièrement  sur  la  tète  et  les  épaules;  ses  poils  de  Bkloiv  )  est  plus  petit  d'un  sixième  que  la 
sont  annelcs  de  roux  et  de  fauve;  sa  queue  grande  mangouste;  son  pelage  entier  paraît 
est  très-épaisse  et  fort  longue.  On  ignore  son  être  mélangé  également  de  brun  marron  et 
pays.  fauve,  chaque  poil  étant  annelé  de  ces  deux  cou- 
La  GRAf«DE  Mangouste  (Jlerjnslcs  major.  —  leurs  ;  les  pieds  et  le  museau  sont  noirs  ou  d'un 
Ichneumon  major,  Geoff.)  a  trois  pieds  six  pou-  marron  foncé;  les  poils  sont  plus  gros,  plus  secs 
CCS  (1,107)  de  longueur  totale;  ses  poils  sont  el  plus  cassants  que  dans  les  autres  espèces;  la 
annelésdefauveetde  marron,  mais  les  anneaux  queue  est  aussi  longue  que  le  corps,  terminée 
fauves  sont  si  étroits,  que  le  marron  domine  par  une  touffe  de  très-longs  poils  noirs  étalés 
partout;  la  queue,  plus  hérissée  et  plus  longue  en  éventail.  Il  habile  l'Lgyple. 

L'ichneumon  est  un  joli  petit  animal  qui  se  plaît  sur  le  bord  des  ruisseaux 
et  des  rivières;  il  est  commun  sur  les  rives  du  Nil.  Sa  marche  est  légère  et  sa 
prudence  extrême;  il  se  glisse  toujours  à  l'abri  d'une  haie  ou  d'un  sillon,  et  il 
ne  lui  suffit  pas  de  ne  rien  voir  de  suspect,  il  n'est  tranquille  et  ne  continue  sa 
route  qu'après  avoir  flairé  tout  ce  qui  est  à  sa  portée.  L'odorat  est  son  guide  le 
plus  sûr;  même  quand  il  est  apprivoisé,  il  va  sans  cesse  flairant,  remuant  con- 
tinuellement ses  narines  avec  un  petit  bruit  imitant  le  souffle  haletant  d'un  ani- 
mal qui  vient  de  faire  une  longue  course.  Il  se  nourrit  de  petits  mammifères, 
d'oiseaux,  d'œufs,  de  serpents,  de  lézards  et  de  reptiles  en  général,  et  même 
d'insectes,  quand  il  ne  trouve  pas  mieux.  En  domesticité,  il  est  d'une  très-grande 
douceur,  caressant,  répondant  à  la  voix  de  son  maître,  et  se  laissant  volontiers 
prendre  par  lui.  Dans  ce  cas,  on  le  saisit,  non  par  le  corps,  mais  par  la  base  de 
sa  grosse  queue  conique,  on  le  soulève  et  on  le  porte  ainsi  sans  qu'il  perde  sa 
position  horizontale.  Sa  prudence  ne  tient  ni  de  la  timidité  ni  de  la  poltronnerie  ; 
il  est  au  contraire  très-courageux,  et  non-seulement  il  se  défend  contre  des  ani- 
maux beaucoup  plus  gros  que  lui,  mais  encore  il  n'a  pas  l'air  de  les  craindre.  Le 
tézerdéa  étrangle  fort  souvent  le  chat  assez  maladroit  pour  lui  chercher  querelle, 
elil  se  fait  respecter  par  les  plus  gros  chiens,  auxquels  il  saute  audacieusement 
à  la  face,  poin'  peu  qu'ils  aient  l'air  de  le  menacer.  Dans  la  maison  oi'i   il  est 


CIVETTKS.  0-25 

«'levé,  il  sV'sl  bientùl  rciidii  miiître  de  la  cuisine  et  des  aj)|)arleiHents,  où  nid 
autre  animal  ne  peut  s'introduire  sans  son  bon  plaisir.  Il  est  vrai  qu'il  n'est  pas 
querelleur,  et  qu'ordinairement  il  vit  bien  avec  les  autres  domestiques  de  sa 
classe,  pourvu  qu'ils  ne  lui  disputent  rien,  pas  même  la  place  du  coussin  sur 
lequel  il  a  l'habitude  de  dormir. 

Cet  animal,  quoi  qu'en  dise  Bulîon,  n'a  jamais  été  véritablement  domestique 
ni  en  Egypte  ni  ailleurs,  car  il  ne  produit  pas  en  captivité,  et  les  petits  que 
les  fellahs  ou  paysans  apportent  quebjuefois  aux  marchés  du  Caire  ont  toujours 
été  trouvés  sauvages  dans  les  champs.  On  les  élève  dans  les  maisons  pour  rem- 
placer les  chats  et  faire  la  guerre  aux  souris.  Ils  ont  pour  celte  chasse  une  ar- 
deur et  une  adresse  qui  surpasse  celle  des  chats,  et  l'avantage  qu'ils  ont  sur  ces 
derniers  est  que,  outre  les  rats,  ils  détruisent  les  mulots,  les  belettes,  les  cra- 
pauds si  incommodes  dans  tout  le  nord  de  l'Afrique,  les  insectes,  et  en  général 
tous  les  animaux  nuisildes  moins  forts  (pi'eux. 

Les  anciens  auteurs  ont  débité  des  fables  absurdes  sur  l'ichneumon.  Pour 
expliquer  la  raison  qui  lui  avait  fait  rendre  les  honneurs  divins  par  les  prêtres 
des  antiques  Thèbes  et  Memphis,  ils  ont  dit  ((u'il  entrait  dans  le  corps  des  cro- 
codiles lorsqu'il  le  surprenait  dormant  la  gueule  ouverte,  et  qu'il  lui  donnait  la 
mort  en  lui  rongeant  les  entrailles.  Le  vrai  est  qu'il  se  contente  d'attaquer  les 
petits  crocodiles  presque  sortant  de  l'anif,  lorscpi'ifs  sont  encoi-e  trop  faibles 
|»our  se  défendre,  et  qu'il  sait  très-bien  les  saisir  par  le  cou  pour  les  étrangler. 
Il  sait  aussi  reconnaître  sur  le  sable  des  rivages  la  place  où  ces  animaux  ont 
enterré  leurs  œufs,  et  il  ne  manque  jamais  de  les  déterrer  pour  en  mauger  une 
partie  et  briser  le  reste.  Quant  à  moi,  je  pense  que  si  les  anciens  Egyptiens 
mit  divinisé  l'ichneumon,  comme  l'ibis  et  tant  d'autres  animaux,  c'est  qu'ils 
lui  pardonnaient  la  destruction  des  œufs  de  leur  dieu  crocodile,  en  faveur  du 
service  qu'il  rendait  au  pays  en  le  nettoyant,  après  les  inondations  du  Nil,  des 
serpents  et  autres  reptiles  venimeux,  des  insectes,  et  en  général  de  tous  les 
autres  petits  animaux  imisibles  a  l'agriculture. 

Lors  des  inondations,  les  ichneumons  se  retirent  sur  les  hauteurs,  autour  des 
villages,  et  alors  leurs  habitudes  ont  une  grande  analogie  avec  celles  de  nos 
fouines.  Ils  cherchent  à  pénétrer  pendant  la  nuit  dans  les  basses-cours,  et  s'ils 
y  parviennent,  ils  tuent  toutes  les  volailles  qu'ils  y  trouvent,  leur  sucent  le 
sang  ou  leur  mangent  la  cervelle.  Mais  à  cette  époque,  se  trouvant  resserrés 
sur  des  îlots  avec  les  renards  et  les  jackals,  ils  deviennent  eux-mêmes  la  proie 
de  ces  animaux.  Dans  le  Saïd,  ils  ont  |)our  enueiui  perpétuel  l'ouaran  el  bahr 
[  tiipiiunubis  niloi'icns,  ou  monitor  du  Nil),  sorte  de  grand  lézard  très-car- 
nassier, qui,  ayant  les  mêmes  habitudes  et  se  tenant  dans  les  mêmes  sites,  les 
surprend  au  passage  et  les  dévore.  Du  reste,  toutes  les  mangoustes,  celles 
d'Egypte  comme  celles  de  l'Inde,  s'apprivoisent  très-bien  et  se  familiarisent 
aisément;  mais,  ainsi  que  le  chat,  la  plupart  paraissent  s'attacher  plus  aux 
maisons  qu'aux  personnes.  Toutes  craignent  excessivement  le  froid,  et  ne  vivent 
que  fort  |)eu  de  temps  en  Europe.  Lorsqu'on  les  caresse,  elles  font  entendre 
une  sorte  de  petit  murmure  très-doux;  mais  leur  cri  devient  aigu  et  perçant 
lorsqu'on  les  irrite. 

29 


226 


LKS  CARNASSIKUS   DIGITK.  Il  ADES. 


^"  Genre.  Les  niANGUES  {  Crossarrhns . 
Fh.  CiJV.)  ont  les  dents  comme  les  mangoustes, 
mais  seulement  au  nombre  de  trente-six  ;  ils 
différent  de  ces  animaux  par  la  tète  plus  ar- 
rondie, le  museau  )t!us  grand  et  mobile,  et  leurs 
pieds  non  palmés.  Ils  ont  la  pupille  ronde;  les 
oreilles  petites,  arrondies,  bilobëes;  la  langue 
douce  sur  les  bords,  papillcuse  et  cornée  au 
centre  ;  la  queue  est  aplatie,  et  leur  poche  anale 
sécrète  une  matière  onctueuse  puante.  Ces  ani- 
maux, étant  plantigrades,  n'ont  élé  placés  en- 


Ire  les  mangousles  et  les  surikates  qu'a  cause 
de  la  grande  analogie  de  forme  et  d'habiludes 
qu'ils  ont  avec  eux.  On  n'eu  connaît  qu'une  es- 
pèce, ciui  est 

Le  !M.\>f.iiE  onsctn  {Crnssarchns  (ibsntriis, 
Vi\.  Cijv.*,qui  a  un  peu  moins  d'un  pied  (0,32,>l 
de  longueur,  non  compi'is  la  queue,  (jui  a  sept 
pouces  (0,189)  ;  son  pelage  est  d'un  brun  uni- 
forme sur  tout  le  corps,  un  peu  plus  pâle  sur 
la  tète.  Il  est  assez  rare  partout,  si  ce  n'est  dans 
les  foiéts  de  l'Abyssiuie. 


Le  mangue  liabite  la  côte  occidentale  de  l'Asie,  et  c'est  à  peu  prés  tout  ce 
qu'on  sait  de  lui  à  l'état  sauvage.  Mais  comme  un  individu  a  vécu  à  la  ménage- 
rie, on  a  pu  faire  sur  lui  quelipies  observations  intéressantes.  11  était  parfaite- 
ment apprivoisé,  très-doux,  et  aimait  beaucoup  à  être  caressé.  Aussitôt  qu'on 
s'approcbait  de  sa  cage,  il  venait  présenter  sa  gorge  ou  son  dos  pour  qu'on  le 
caressât;  lorsqu'on  le  faisait,  il  restait  immobile  et  témoignait  le  plaisir  qu'il 
en  éprouvait  en  ouvrant  et  fermant  continuellement  la  gueide,  comme  s'il 
mâcbait  quelque  chose.  Quand  on  s'éloignait,  il  poussait  uti  petit  cri  plaintif, 
semblable  au  sifllement  d'un  oiseau.  Il  était  exlrèmeiuent  propre,  faisait  ses 
ordures  dans  un  coin  de  sa  cage,  toujours  à  la  mêiue  place,  et  il  avait  le  plus 
grand  soin  de  ne  pas  salir  la  partie  où  il  se  promenait  et  surtout  celle  où  il  se 
couchait.  Il  buvait  en  lapant,  et,  quoiqu'il  se  nourrît  habituellement  de  viande, 
il  mangeait  volontiers  du  pain,  des  caroltes  et  des  fruits  secs.  Probablement 
que  dans  ses  bois  cet  animal  est  chasseur  comme  les  fouines  et  les  mangoustes, 
et  qu'il  se  contente  quelquefois  de  baies  et  autres  fruits  doux,  ainsi  que  de 
racines,  car  son  museau  mobile  doit  lui  donner,  jusqu'à  un  certain  point,  la 
faculté  de  fouiller  la  terre. 


:)"GE^RE.  Les  SUUIKATES  (liijzwna,  Illii;.) 
ont  douze  incisives,  quatre  canines  et  vingt  mo- 
laires, en  tout  trente-six  dents;  les  canines  sont 
coniques  et  très-aiguës,  et  la  deuxième  incisive 
externe  de  la  mâchoire  inférieure  est  plus  épaisse 
à  sa  base;  leurs  pieds  n'ont  que  quatre  doigts; 
leurs  ongles  sont  robustes,  non  rélractiles  et 
propres  à  fouir  la  terre;  leur  langue  est  garnie 
de  1)3 pilles  cornées  ;  leurs  oreilles  sont  petites  ; 
leur  corps  est  allongé;  leur  queue  est  longue, 
grêle  et  pointue;  entin  leur  poche  donne  dans 
l'anus  même. 


Le  Slhikate  ou  Zemck  (  Ryiœiia  capensis, 
Less.  Sinirnia  capensis,  Desji.  Irhneuvwn  1e- 
tiadarlijlus,  Geoff.  T'ire//o  tetradactijln,  Li.\. 
]"nevia  zenicl;,  Gml.)  a  environ  trois  pieds  dix 
pouces  (1,2 if))  de  longueur  totale;  sou  museau 
est  allongé  en  forme  de  boutoir  mobile;  son 
pelage  est  mêlé  de  brun,  de  blanc,  de  jaunâtre 
et  de  noir;  le  dessous  du  corps  et  les  membres 
sont  jaunâtres;  sa  queue,  moins  longue  que  son 
corps,  est  noire  à  l'extrémité;  le  nez,  le  chan- 
frein, le  tour  des  yeux  et  les  oreilles  sont  bruns. 
Il  habile  l'Afrique. 


BulVon,  en  iiuliquaul  cet  animal  comme  étant  de  l'Amérique  méridionale,  a 
commis  une  erreur;  il  est  certain  qu'il  habite  le  cap  de  Bonne-Espérance.  II 
est  fort  joli,  très-vifet  très-adroit,  ne  vivant  que  dans  lesbois,  sur  la  lisière  desquels 
il  se  creuse  un  terrier.  11  eu  sort  pendant  le  jour,  et  quelquefois  aussi  pendant 
le  clair  de  lune,  pour  se  mettre  en  chasse  et  poursuivre  les  petits  mammifères 
et  les  oiseaux  dont  il  se  nourrit.  Comme  il  aime  beaucoup  les  œufs,  il  se  ha- 
sarde ipielquefois  dans  la  plaine  pour  chercher  des  nids  de  perdrix,  gangas. 


CIVETTES.  227 

cailles,  etc.,  mais  alojs  il  avance  avec  heaiicoui)  de  jn'ecauliun,  laiilùl  niarcliaiil 
debout  en  levant  la  tète  au-dessus  des  herbes  pour  découvrir  le  danger,  tantôt 
se  glissant  dans  les  broussailles,  i)uis  s'arrèlant  tout  à  coup  pour  écouter,  assis 
sur  sou  derrière  et  les  deux  bras  pendants  à  ses  côlés.  Au  moindre  bruit,  à  la 
moindre  apparence  d'un  objet  suspect,  il  i'uit  avec  agilité  et  va  s'enfoncer  dans 
son  terrier.  I.orsqu'il  est  eflYavé  ou  en  colère,  il  làclie  son  urine,  qui  ordinai- 
rement sent  mauvais,  mais  qui,  dans  ce  cas,  exhale  une  odeur  fétide. 

Pris  jeune  et  élevé  avec  douceur,  il  s'apprivoise  très-bien.  Bullon  en  a  pos- 
sédé un  assez  longtemps,  vivant.  Voici  ce  qu'il  en  dit:  «  ^^ous  avions  nouri'i  ce 
surikate  d'abord  avec  du  lait,  parce  ([u'il  était  fort  jeune;  mais  son  goût  pour  la 
chair  se  déclara  bientôt;  il  nuuigeait  avec  avidité  la  viande  crue,  et  surtout  la 
chair  de  poulet  ;  il  cherchait  aussi  à  surprendre  les  jeunes  animaux  :  un  petit 
lapin  qu'on  élevait  dans  la  n)ème  maison  serait  devenu  sa  proie  si  on  l'eût  laissé 
faire.  Il  aimait  aussi  beaucoup  le  jtoisson,  et  encore  [dus  les  œufs  :  on  l'a  vu 
tirer  avec  ses  deux  pattes  réunies  des  u'ufs  ([u'on  venait  de  mettre  dans  l'eau 
pour  cuire  ;  il  refusait  les  fruits,  même  le  pain,  à  moins  qu'on  ne  l'eût  uiàcbé; 
ses  pattes  de  devant  lui  servaient,  connue  à  l'écureuil,  i)0ur  porter  à  sa  gueule. 
11  lapait  en  buvant  comme  un  chien,  et  ne  buvait  point  d'eau,  à  moins  qu'elle 
ne  fût  tiède.  Sa  boisson  ordinaire  était  son  urine,  quoiqu'elle  eût  une  odeur 
très-forte.  11  jouait  avec  les  chais,  et  toujours  innocenmient;  il  ne  faisait  au- 
cun mal  aux  enfants,  et  ne  mordait  qui  que  ce  soit  que  le  maître  de  la  maison, 
parce  qu'il  l'avait  pris  en  aversion.  11  était  si  bien  apprivoisé,  qu'il  répondait  a 
son  nom;  il  allait  seul  par  toute  la  maison,  et  revenait  seul  quand  on  l'appelait. 
11  avait  deux  sortes  de  voix,  l'aboiement  d'un  jeune  chien,  lorsqu'il  s'ennuyait 
d'être  seul,  ou  qu'il  entendait  des  bruits  extraordinaires;  el,  au  contraire,  lors- 
qu'il était  excité  par  des  caresses,  ou  (piil  ressentait  quelque  mouvement  de 
plaisir,  il  faisait  un  bruit  aussi  vif  et  aussi  frappé  que  celui  d'une  petite  cré- 
celle tournée  rapidemenl.  » 


228 


LtS  CAl;>iASSli:US  digitiguades. 


ij:s  HYÈNKS 


N'ont  poin!  i)o  petites  dents  dii  tout  deniéie      iiiucs,  dix  nioliiiies  i\  lu  iii;'n  lioiie  sii|)fi  ieiiicet 


la  grosse  iiiolaiiod'en  l)iis;  ieiiis  ongles  ne  sont 
pas  réiraciiles,  et  elles  on!  une  poehe  profonde 
et  glanduleuse  sons  l'anus. 

K'  (tenue.  Les  IIYE.N'ES  {llijwnn,  Riiiss.j  ont 
tous  les  pieds  à  quatre  doigts;  elles  ont  Irenle- 
(pialre  dents,  dont  douze  incisives,  quatre  ca- 


liuil  à  l'inférieure.  Leurs  niàchelières  inférieu- 
res présentent  deux  fortes  pointes  tranelianles 
la  llexion  de  leurs  jandies  de  derrière  leur  fait 
tenir  la  croupe  fort  bas  ;  elles  ont  la  langue  rude, 
les  ^eux  très-saillants,  et  les  oreilles  grandes; 
leur  nuisean  est  arrondi,  gros,  comme  troncjué. 


L'hyène  r.wér  [Ihjœna  vid'jro-is^  Gf.off.  —  Dksm.  Canis  liijœua,  Li\.  Le 
Zabo  des  Arabes.  Le  Kufiaar  do  la  Perse,  et  le  Dubbach  de  Barbarie.  VHijcnn 
d'Oncnl  des  naturalistes) 

A  ordinairement  trois  pieds  quatre  pouces  (1,085)  de  longueur,  non  compris 
la  queue.  Son  pelage  est  d'un  gris  jaunâtre,  rayé  transversalement  de  brun  sur 
les  flancs  et  sur  les  pattes;  son  museau  et  sa  gorge  sont  noirs,  ainsi  qu'une 
longue  crinière  qu'elle  a  sur  le  dos;  ses  oreilles  sont  longues  et  coniques,  pres- 
que nues.  Elle  babite  la  Barbarie,  l'Egypte,  la  ?subie,  la  Syrie  et  la  Perse. 

Les  byènes  sont  des  animaux  qui  ont  singulièrement-prêté  à  la  superstition, 
et  qui  ont  été  le  sujet  de  mille  contes  tous  plus  merveilleux  ou  plus  absurdes 
les  uns  que  les  autres.  Los  anciens  ont  écrit  que  l'byéne  était  alternativement 
mâle  pendant  six  mois  et  femelle  pendant  les  six  autres  mois,  excepté  quand 
elle  portait,  allaitait  et  élevait  ses  petits,  car  alors  elle  restait  femelle  toute 
l'année.  Mais,  l'année  suivante,  elle  prenait  sa  revancbe  en  conservant  les  fonc- 
tions de  mâle  et  faisant  subira  son  compagnon  le  sort  de  la  femelle.  Selon  les 


LtS    HYENES 
cvMiMM'vi    m;    c^Fiiis     mt.  nu  i    >i  i:i;ii)io\  vi.k.) 

(J»r.lin    .le-     Hlanli-^    I 


HYÈiMiS.  0-29 

nièmes  auteurs,  les  hyènes  savent  imiter  parfaitement  la  voix  humaine,  et  voilà 
eomment  elles  utilisent  ce  talent  ;  elles  rôdent  autour  des  troupeaux  et  surtout 
autour  des  Jieigers,  sans  se  laisser  apercevoir,  jusqu'à  ce  (pi'elles  aient  entendu 
prononcer  le  nom  d'un  des  pâtres;  elles  le  retiennent,  puis  vont  s'emhusquer 
la  nuit  dans  un  buisson,  et  là,  d'une  voix  plaintive,  elles  appellent  le  berger 
par  son  nom  comme  pour  l'amener  au  secours  d'une  femme  ou  d'un  enfant  ex- 
|)irant.  Le  malheureux,  trompé  par  ces  gémissements  douloureux,  vole  auprès 
du  buisson  pour  secourir  un  être  soufl'rant  qui  l'appelle,  mais  il  ne  trouve 
qu'une  alfreuse  hyène  (jui  le  dévore.  S'il  devine  le  piège  qui  lui  est  tendu,  il 
fuit;  mais  l'animal  dirige  sur  lui,  à  travers  les  ténèbres,  l'éclat  sombre  et  rou- 
geâtre  de  ses  yeux,  et  cette  funèbre  lueur  le  cliarme,  l'arrête  dans  sa  course,  et 
le  force,  par  une  fascination  magique,  à  attendre,  dans  l'immobilité  complète 
d'une  statue,  l'hyène,  qui  vient  pour  en  faire  sa  proie.  11  paraît  que  les  jeunes 
filles  étaient  plus  difficiles  à  fasciner  que  les  bergers,  car  l'hyène,  pour  s'en 
emparer,  était  obligée  d'employer  d'autres  moyens  beaucoup  plus  mystérieux 
et  compliqués.  Elle  prenait  la  forme  d'un  beau  garçon,  et,  toujours  au  moyen 
de  ses  yeux,  elle  faisait  naître  dans  le  cœur  d'une  jeune  fille  un  amour  désor- 
donné qui  la  rendait  folle;  alors  la  pauvrette  abandonnait  son  troupeau  pour 
courir  les  champs,  et  le  monstre  profitait  de  cette  circonstance  pour  croquer 
d'abord  la  bergère,  puis  ensuite  les  moutons....  «  Tout  cela  peut  arriver  sans 
riiyène.  »  dit  Bufl'on. 

Dans  le  siècle  dernier,  les  écrivains,  un  peu  ])lus  critiques  que  leurs  pères, 
abandonnèrent  ces  contes  absurdes,  mais  pour  les  remplacer  par  d'autres  contes, 
ou  an  moins  par  des  exagérations  outrées.  Bulfon  lui-même  n'est  pas  à  l'abri 
de  ce  dernier  reproche;  écoutons-le  :  «  Cet  animal  sauvage  et  solitaire  demeure 
dans  les  cavernes  des  montagnes,  dans  les  fentes  des  rochers  ou  dans  des  ta- 
nières qu'il  se  creuse  lui-même  sous  terre.  Il  est  d'un  naturel  féroce,  et,  quoi- 
([iie  pris  tout  petit,  il  ne  s'apprivoise  pas.  Il  vit  de  proie  comme  le  loup,  mais 
il  est  plus  fort  et  paraît  plus  hardi;  il  attaque  quelquefois  les  hommes,  il  se 
jette  sur  le  bétail,  suit  de  près  les  troupeaux,  et  souvent  rompt  dans  la  nuit  les 
portes  des  élables  et  les  clôtures  des  bergeries.  Ses  yeux  brillent  dans  l'obscu- 
rité, et  l'on  prétend  cpi'il  voit  mieux  la  nuit  que  le  jour.  Si  l'on  en  croit  tous 
les  naturalistes,  son  cri  ressemble  aux  sanglots  d'un  lionnne  qui  vomirait  avec 
effort,  ou  plutôt  au  mugissement  d'un  veau.  L'hyène  se  défend  du  lion,  ne 
craint  pas  la  panthère,  attaque  l'once,  laquelle  ne  peut  lui  résister.  Lorsque  la 
proie  lui  manque,  elle  creuse  la  terre  avec  les  pieds  et  en  tire  par  lambeanx 
les  cadavres  des  animaux  et  des  hommes.  » 

A  présent  venons-en  à  la  vérité.  Les  hyènes  rayées  sont  en  effet  des  animaux 
très-farouches  et  d'une  voracité  dégoûtante,  mais  d'une  lâcheté,  d'une  poltron- 
nerie incomparablement  plus  grande  que  celle  du  loup.  Elles  ne  vivent  que  de 
cadavres,  de  voiries,  et  c'est  à  ce  goût  prononcé  pour  la  chair  corrompue,  beau- 
coup plus  qu'à  leur  prétendue  férocité,  (pi'il  faut  attribuer  cette  habitude  qu'elles 
ont  de  déterrer  les  cadavres  quand  elles  parviennent  à  entrer  dans  les  cime- 
tières mal  clos  des  Musulmans;  et  encore,  Bruce,  qui  a  vécu  longtemps  en  Abys- 
sinie,  pays  de  la  terre  qui  est  le  plus  peuplé  d'hyènes,  nie  positivement  ce  fait. 
<|  Après  beaucoup  de  recherches,  dit-il,  je  n'ai  encore  pu  avoir  une  seule  preuve 


•230  LES   CAÏANASSIEUS   DIG  ITIGll  ADES. 

que  les  liyciies  eussent  déterré  un  cadavre.  »  {  Voycufe  aux  sources  du  Nil , 
tome  XllI,  page  184.)  Non-seulement  elles  ne  peuvent  en  aucune  manière  lut- 
ter contre  le  lion  et  la  panthère,  mais  leur  timidité  ne  leur  permet  pas  même 
d'attaquer  des  jackals  et  autres  animaux  de  la  taille  du  renard  et  au-dessus. 
Elles  rôdent  sans  cesse  pendant  la  nuil,  et  (pielquefois  elles  s'approchent  des 
hahitations,  non  pour  inquiéter  les  honnm^s,  dont  elles  redoutent  beaucoup  la 
présence,  mais  pour  se  nourrir  des  immondices  qu'elles  y  cherchent.  Si  elles 
se  hasardent  à  attaquer  une  pièce  de  bétail,  c'est  un  faible  agneau  ou  un  ani- 
mal mourant  qui  ne  peut  leur  faire  aucune  résistance,  et  si  elles  sont  surprises 
dans  ce  méfait,  elles  se  laissent  assommer  à  coups  de  hàlon  par  des  enfants  de 
huit  à  dix  ans,  sans  chercher  à  se  défendre.  Les  marabouts,  dont  toute  l'ambi- 
tion est  de  se  faire  passer  pour  saints  aux  yeux  du  peuple,  connaissent  parfaite- 
ment la  lâcheté  de  cette  espèce;  aussi  ne  manquent-ils  pas,  quand  ils  en  trouvent 
l'occasion,  de  saisir  une  hyène  vivante  à  bras  h  <or|)s,  et  de  ra|)porler  ainsi  dans 
la  ville.  Comme  elle  ne  leur  fait  jamais  la  moindre  blessure,  les  Arabes  altribueul 
à  la  sainteté  du  personnage  et  à  une  faveur  spéciale  du  prophète  ce  qui  n'est 
que  le  résullat  de  la  timidilé  de  l'animal.  «  En  Barbarie,  dit  Bruce,  j'ai  vu  des 
Maures  saisir,  en  plein  jour,  des  hyènes  jiar  les  oreilles,  et  les  tirer  vers  eux 
sans  qu'elles  fissent  d'autre  résistance  que  de  chercher  à  se  dégager.  » 

La  ménagerie  a  possédé  fort  souvent  des  hyènes  rayées,  et  jamais  elles  ne  se 
sont  parfaitement  apprivoisées,  quoicpuj  ces  animaux  y  aient  toujours  paru 
inoffensifs.  L'une  d'elles  s'était  rongé  jusqu'à  complète  destruction  tous  les  doigts 
de  ses  pattes  de  derrière,  et  se  trouvait  réduite  à  marcher  sur  de  véritables  moi- 
gnons, ce  qui  ne  l'a  pas  empêchée  de  vivre  plusieurs  années.  Cependant  il  est  cer- 
tain que  cette  espèce,  élevée  avec  douceur,  s'a|)privoise  parfaitement.  11  y  a  trois 
ans  que  toute  notre  armée  d'Algérie  a  vu  à  Bone  un  oflicicr  français  qui  en  avait 
élevé  une.  Elle  lui  était  attachée,  le  suivait  librement  dans  les  rues  comme  à  la 
campagne,  obéissait  à  son  commandement,  accoiu'ait  à  sa  voix,  et  le  caressait 
absolument  comme  aurait  fait  un  chien. 


L'Hyèine  d'Ahyssimb  (  Hijœua  Bnicii.  —  Ca-  mont  d'mi  rougo  hiim,  tloiil  les  poils,  ainsi  qno 

nis  lujunomdas ,  Brice)  atteint  jusqu'à  cinq  ceux  do  la  crinière,  ne  sont  pas  annelés  de  noir 

pieds  neuf  pouces  (1,898)  de  longueur  totale,  à  la  pointe;  elle  n'a  pas  la  gorge  noire,  mais 

et  sa  queue  a  vingt  et  un  pouces  ((),.''i(;9)  ;  ses  seulemeni  une  tache  remontant  jusqu'à  l'extré- 

formes  générales  se  roi)prochenf  davanlage  de  mité  de  la  nàclioire  inférieure;  ses  oreilles, 

celles  du  chien,  et  elle  n'a  pas  le  train  de  der-  longues  de  plus  de  neuf  pouces  (0,244),  ne  sont 

rière  aussi  incliné  que  l'hyène  rayée,  dont  elle  pas  nues,  mais  couvertes  de  poils  très-lins  et 

diffère  encore  par  sa  couleur  d'un  roux  l)run,  Irès-courls.  Du  reste,  elle  est  rayée  de  noir  a 

plus  pâle  aux  oreilles  et  à  la  tcle;  par  son  mu-  peu  près  de  la  mémo  manière,  à  cette  différence 

seau  plus  long  et  non  étranglé,  ressemhiant  a  néanmoins  que  les  bandesdosjambes  de  derrière 

celui  d'un  chien;  par  sa  crinière  d'un  rouge  ne  sont  pas  transversales,  mais  longitudinales, 

l)run  et  non  pas  noire,  et  par  sa  queue  égale-  ce  qui  est  un  caractère  spécirupie  très-tranche. 

Malgré  ces  différences  énormes,  malgré  des  mœurs  tout  à  fait  différentes, 
l'hyène  de  Bruce,  quatre  fois  plus  grosse  que  l'hyène  rayée,  a  été  confondue 
avec  elle  par  tous  les  naturalistes,  et  cela  parce  qu'ils  ont  plus  consulté  la  mau- 
vaise figure  qu'on  en  a  donnée  dans  la  traduction  française  du  Voyage  aux  sour- 
ces du  INil,  que  la  description  écrite  du  voyagem-. 


IIYÉNKS.  -231 

Los  liyeiiL's  (rAI)yssiui(!  vivent  solilairomcnl  comme  l'Iiyène  rayée,  et  pa- 
raissent n'avoir  guère  plus  d'intelligenee.  Bruce  dit  :  «  Elles  sont  au  contraire 
excessivement  brutes,  paresseuses,  sales,  dépourvues  de  tonte  espèce  de  pudeur, 
et  ayant  enfin  des  mo-urs  trés-ressemhlanles  à  celles  du  loup.  Le  courage  (pi'elles 
montrent  ne  leur  vient  que  de  leur  e.xtréme  voracité  ;  aussi  meurent-elles  plus 
souvent  en  fuyant  qu'en  condjaltant.  C'est  une  vraie  peste  en  Abyssinie;  il  y  en 
a  partout,  dans  les  campagnes  et  dans  les  villes,  et  je  suis  sur  qu'il  y  en  a  plus 
(lue  de  moutons,  quoifiue  les  moutons  y  soient  pourtant  en  grand  nond)re.  De- 
puis le  moment  du  crépuscule  du  soir  jusqu'au  point  du  jour,  Gondar  est  rem- 
pli d'hyènes,  qui  viennent  dévorer  les  cadavres  des  inl'ortunes  que  les  cruels 
Abyssiniens  laissent  sans  sépulture  dans  les  places  publiques  et  dans  les  rues. 
Il  croit  en  même  temps,  ce  peuple  sanguinaire  et  superstitieux,  que  ces  ani- 
maux ne  sont  autre  chose  que  les  falashas  (sorciers^,  (jui  changent  de  figure  par 
le  pouvoir  de  la  magie,  et  qui  descendent  la  nuit  de  leurs  montagnes  pour  venir 
se  nourrir  de  chair  humaine.  "  Il  raconte  qu'en  sortant  chaque  soir  du  palais  du 
roi  pour  rentrer  chez  lui,  il  courait  risque  d'être  mordu  par  les  hyènes.  «  Les 
hommes  armés  qui  m'accompagnaieni,  dit-il,  ne  les  épouvantaient  point.  Elles 
grondaient  en  rôdant  autour  de  nous,  et  il  ne  se  i)assait  guère  de  iniit  sans 
qu'elles  tuassent  ou  blessassent  quelqu'un.  » 

En  Abyssinie  et  dans  l'Atbara,  on  n'enterre  pas  toujours  les  cadavres  hu- 
mains, et  on  se  borne  à  les  porter  dans  la  campagne  ou  même  à  les  laisser  dans 
la  rue,  quand  ce  sont  les  corps  de  pauvres  gens  ;  les  hyènes  se  chargent  de  leur 
donner  la  sépulture.  Aussi,  cet  animal  marche  insoleunnent  en  i)lein  jour,  fait 
face  à  l'homme  ;  cependant  il  attaque  toujours  le  mulet  ou  l'âne  plutôt  que  le  cava- 
lier. En  route,  les  fusils  rcmpêchent  de  venir  très-près  des  voyageurs;  mais  la 
nuit,  le  soir  et  le  matin,  il  est  toujours  sur  leurs  talons.  Connue  on  ne  le  chasse 
jamais,  et  que  l'on  se  contente  de  repousser  ses  agressions,  l'impunité  lui  donne 
de  l'audace,  et  sa  voracité  le  pousse  quehpu^fois  jusqu'à  entrer  dans  les  maisons. 
»  Une  nuit,  dit  encore  le  voyageur  cité  plus  haut,  j'étais  dans  la  province  de 
Maïtsha,  très-occupé  d'une  observation  astronomicpie,  lorsque  j'entendis  passer 
quelque  chose  derrière  moi  ;  soudain  je  me  retournai  et  ne  pus  rien  voir.  Ayant 
achevé  ce  que  je  faisais  en  ce  momenl,je  sortis  de  ma  tente  dans  l'intention 
d'y  retourner  bientôt,  et,  en  ellèt,  j'y  rentrai  presque  tout  de  suite.  Mais,  en 
mettant  le  pied  sur  le  seuil,  j'aperçus  deux  gros  yeux  bleus  èlincelants  dans  les 
ténèbres.  Je  criai  soudain  à  mon  domestique  de  porter  de  la  lumière  ;  et  nous 
vîmes  une  hyène  à  côté  du  chevet  de  mon  lit,  tenant  dans  sa  bouche  trois  ou 
quatre  paquets  de  chandelles.  Je  ne  pouvais  lui  tirer  un  coup  de  fusil  sans  cou- 
rir risque  de  briser  mon  quart  de  cercle,  ou  quelque  autre  de  mes  instruments. 
Comme  elle  avait  la  gueule  pleine  de  chandelles,  elle  semblait  à  ce  moment  ne 
[)as  songer  à  une  autre  proie,  et  je  voyais  qu'elle  était  trop  embarrassée  pour 
me  mordre.  Je  pris  donc  une  lance,  et  je  la  frappai  aussi  près  du  cœur  qu'il  me  fut 
possible.  Jusqu'alors  elle  n'avait  pas  montré  la  moindre  colère  ;  mais,  dès  qu'elle 
se  sentit  blessée,  elle  laissa  tomber  ce  qu'elle  avait  dans  la  giieule,  et  fit  des 
efforts  incroyables  pour  remonter  le  long  du  fût  de  la  lance  et  venir  jusqu'à 
moi.  La  crainte  de  la  voir  réussir  me  fit  tirer  un  pistolet  de  ma  ceinture,  et  je 
lui  lâchai  mon  coup.  Presque  aussitôt  mon  domestique  lui  fendit  le  crâne  d'un 


030  LES   CAIINASSIEUS  DIGITIGRADES. 

foiiudc  hache.  Enfin,  les  hyènes  faisaient  les  tourments  de  ma  vie;  elles  trou- 
blaient nos  promenades  du  soir;  elles  dévoraient  sans  cesse  quelqu'un  de  nos 
mulets  et  de  nos  ânes,  animaux  qu'elles  cherchent  toujours  de  préférence.  » 

On  voit  par  ces  citations  que  l'hyène  d'Ahyssinie  diffère  de  l'hyène  rayée, 
non-seulement  par  la  taille  et  la  couleur,  mais  encore  par  son  audace  et  sa  fé- 
rocité. Comme  le  loup,  cette  espèce  préfère  le  chien  à  toute  autre  proie,  et  il 
paraît  qu'on  cela  elle  satisfait  à  la  fois  et  son  goût  et  sa  haine.  Il  y  a  entre  ces 
animaux  une  antipathie  invincible,  et  les  chiens  les  plus  hardis  pour  la  chasse 
au  sanglier  n'osent  jamais  la  poursuivre  dans  les  bois,  ni  la  combattre  en 
plein  champ.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  l'hyène  de  Barbarie  ;  les  chiens 
de  berïfer,  aussitôt  qu'ils  l'aperçoivent,  s'élancent  sur  elle  et  l'étranglent  sans 
façon. 

L'HYk^R  TACiiETfE  (  Hiya)i«  cnpcnsis,  Desm.  noiràlres,  avec  la  face  ioterne  des  jambes  dede- 

Canis  ci-oraltts.  Ln.  Hij(rna  rnfa,  G.  Ctv.  Le  vaut  d'un  blanc  roussàlre  ;  la  queue  rousse  dans 

Loiip-tigre  de  Kolbe,  si  ce  loiip-ligre  n'est  la  sa  première  moitié,  et  noiràlre  dans  la  seconde. 
Iiyénoïde  peinte;  a  le  pelage  d'un  gris  roux  pro-         Dans  sa  première  édition  des  Ossements  fos- 

noncé  ;  la  tète  est  ronsse,  avec  du  noiràlre  sur  siles,  Cuvier  avait  donné  le  nom  d'hyène  rousse 

le  front  et  entre  les  jeux  ;  le  dessous  du  front  à  cette  espèce,  et  cette  méprise  a  beaucoup  em- 

est  d'un  brun  roussàtre;  le  dessous  du  cou  et  barrasse  les  naturalistes:  il  en  est  résulté  que 

du  front  seulement  est  blanchâtre;  des  taches  plusieurs  d'entre  eux  ont  appliqué  à  sa  synony- 

noiràtres,  peu  distinctes,  occupent  les  flancs,  la  mie  la  description  de  l'espèce  suivante,  qui  est 

croupe  et  les  cuisses  ;  elle  a  une  bande  noirâtre  restée  sans  nom,  ou  avec  un  nom  qui  ne  lui  con- 

de  chaque  côté  du  cou,  les  jambes  et  les  pieds  vient  pas  puisqu'il  appartient  à  celle-ci. 

L'hyène  tachetée  habite  le  midi  de  l'Afrique,  et  principalement  le  cap  de 
Bonne-Espérance  ;  il  paraît  cependant  qu'on  la  trouve  quelquefois  aussi  en  Bar- 
barie. Pour  la  grandeur  elle  tient  le  milieu  entre  l'hyène  rayée  et  riiyène  d'A- 
hyssinie, car  celles  de  la  ménagerie  avaient  deux  pieds  et  demi  (0,8<2j  de 
hauteur  sur  le  garrot,  et  trois  pieds  et  demi  (1,157)  de  longueur,  non  compris 
la  queue.  Moins  sauvage  et  plus  courageuse  que  les  autres  espèces,  celle-ci  a 
aussi  plus  d'intelligence,  et  sous  ce  rapport  elle  ne  le  cède  guère  au  chien.  Elle 
se  défend  hardiment  contre  les  animaux  féroces  avec  lesquels  sa  force  lui  per- 
met de  lutter,  et  elle  ne  se  nourrit  de  cadavres  que  lorsque  la  chasse  aux  ga- 
zelles et  aux  antilopes  ne  lui  réussit  pas.  Si  l'on  s'en  rapporte  à  Barrow,  il  est 
des  pays  où  on  l'apprivoise  et  on  la  dresse  pour  la  chasse.  Il  paraîtrait  qu'alors 
elle  s'attache  à  son  maître  avec  beaucoup  d'affection,  et  qu'elle  lui  est  aussi  dé- 
vouée, aussi  fidèle  qu'un  chien.  Toutes  celles  qui  ont  vécu  à  la  ménagerie  portent 
à  croire  ce  qu'en  a  dit  ce  voyageur,  car  elles  étaient  fort  douces,  caressantes 
même,  et  elles  aimaient  beaucoup  qu'on  les  grattât  autour  des  oreilles  et  sur 
le  cou.  Ce  n'était  pas  seulement  à  leurs  gardiens  qu'elles  donnaient  ces  marques 
d'amitié,  mais  encore  à  toutes  les  personnes  étrangères  qui  s'approchaient  de 
leur  loge.  L'une  d'elles,  lors  de  son  arrivée  en  France,  s'échappa  de  sa  cage,  à 
Lorienl.  Elle  courut  quelque  temps  la  campagne  sans  faire  de  mal  à  personne, 
et  se  laissa  bientôt  reprendre  sans  résistance.  Elle  a  vécu  seize  ans  à  la  ménage- 
rie, et  ce  n'est  que  vers  la  fin  de  sa  vie,  lorsqu'elle  fut  tourmentée  par  les  infir- 
mités de  la  vieillesse,  que  son  caractère  s'aigrit  un  peu.  Elle  cessa  d'être  cares- 
sante, mais  pour  cela  elle  n'en  devint  pas  plus  méchante. 


HYENES. 


233 


L'llYÈ\ii  DE  CuviER  (Hijccna  Cuvieri)  est 
d'un  gris  bUmchiilre  tirant  un  peu  sur  le  fauve; 
elle  a  des  taches  brimes,  rondes,  nettes,  sur  les 
lianes  et  sur  les  cuisses  ;  celles  de  l'épaule  for- 
ment une  bande  qui  se  continue  avec  une  ligne 
longitudinale  brune  de  cbaque  côté  du  cou  ;  les 
pieds  sont  blanchâtres,  un  peu  teints  de  roux 
vers  le  bas;  la  queue  est  aunelée  de  blanchâtre, 
et  de  brun  à  la  base,  noirâtre  dans  ses  deux  tiers 
inférieurs;  la  tèle,  du  même  fond  que  le  dos,  a 
un  peu  de  brun  vers  les  joues  et  du  roux  vers 
le  sommet.  Cette  espèce,  à  laquelle  les  auteurs 
ont  appliqué  il  tort  la  suionyntie  de  la  précé- 
dente, se  trouve  également  au  Cap,  mais  elle  y 
est  beaucoup  plus  rare.  Du  reste,  elle  a  les 
mêmes  mœurs. 

L'HvÈMî  BiiL\E  (Hyœna  fnsca,  Geoff.  Non 
la  Hiiène  brune,  Fr.  Cuv.)  est  un  peu  moins 
grande  que  l'hyène  rayée;  son  corps  est  cou- 
vert en  entier  de  poils  longs,  rudes,  d'un  brun 
noirâtre,  qui  pendent  sur  les  côtés;  la  tête  est 
couverte  de  poils  courts  d'un  brun  grisâtre  ;  elle 
a  sur  lesjambes  de  devant  et  les  pieds  de  der- 
rière quelques   b;indes     Iransverses  brunes  et 


blanchâtres;  le  dedans  des  jambes,  le  dessous 
du  ventre  et  de  la  (|ueue  sont  d'un  gris  blanchâ- 
tre. Sa  patrie  et  ses  mœurs  sont  inconnues. 

2°  Geiniie.  Les  PROTELES  ( /Vo/e/es,  Is. 
Geoff.)  ont  cinq  doigts  aux  pieds  de  devant  et 
quatre  aux  pieds  de  derrière;  ils  diffèrent  en- 
core (les  hyènes  par  leur  tête  allongée,  leur  mu- 
seau fin  et  presque  conique  et  leur  poche  ne 
consistant  qu'en  un  sillon  profond.  Leur  sys- 
tème dentaire  est  encore  inconnu,  mais  tout 
fait  présumer  qu'il  doit  être  à  peu  près  celui 
des  hyènes. 

Le  PhotilLe  Delalande  ouA\rd-\Aolf  {Pro- 
teles  Lalandii,  Is.  Geoff.  La  Cirette  luicninite, 
Fr.  Cuv.)  a  beaucoup  de  ressemblance  avec 
l'hyène  d'Orient,  tant  par  ses  formes  que  par 
son  i)elage  ;  comme  elle,  par  la  flexion  de  ses 
jambes  de  derrière,  il  i)orte  l'arrière-lrain  beau- 
cou|)  plus  bas  que  celui  de  devant  ;  son  pelage 
est  gris  ;  il  a  sur  le  dos  ime  crinière  peu  four- 
nie ;  les  pieds  sont  noirs  ;  il  a  sur  les  côtés  des 
bandes  noires  i)eu  nombreuses,  et  de  plus  pe- 
tites sur  lesjambes  ;  sa  queue  est  touffue,  noire, 
grise  à  sa  base. 


L'aard-wolf,  ou  loup  de  terre,  atteint  la  taille  de  nos  chiens  de  bergers,  et 
habite  la  Cafrerie  et  le  pays  des  Hottentots,  où  néanmoins  il  est  assez  rare.  Il  a 
les  habitudes  nocturnes,  et  ne  quitte  sa  retraite  que  la  nuit  pour  aller,  en  petite 
troupe,  à  la  chasse  des  gazelles  et  des  antilopes.  Probablement  il  se  nourrit 
aussi  de  voiries  et  de  charognes,  et  c'est  peut-être  pour  s'emparer  des  cadavres 
entraînés  par  les  eaux,  qu'il  habite  de  préférence  les  bords  de  la  rivière  des 
Poissons,  en  Cafrerie,  où  le  docteur  Knox  l'a  rencontré  plusieurs  fois.  Pendant 
le  jour,  il  se  tient  en  famille  dans  un  terrier  profond  el  à  plusieurs  issues,  qu'il 
se  creuse  dans  les  bois.  Lorsqu'on  l'irrite,  il  redresse  sa  crinière  et  hérisse  ses 
longs  poils  depuis  la  nuque  jusque  sur  la  queue.  Le  voyageur  Delalande,  le 
premier  qui  ait  découvert  et  fait  connaître  cet  animal,  en  a  tué  et  rapporté  en 
Europe  trois  individus  qui  habitaient  le  même  terrier;  il  en  a  vu  fuir  avec  vi- 
tesse, la  crinière  hérissée,  le  corps  très-penché  en  arrière,  les  oreilles  et  la 
queue  baissées. 


50 


■m 


lis  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 


LES  CHATS 


IN  ont  point  de  petites  dents  du  tout  derrière 
la  grosse  molaire  d'en  bas;  leur  museau  est 
court  et  rond;  leurs  ongles  sont  rétractlles, 
excepté  dans  le  premier  genre.  Ils  ont  cinq  doigts 
aux  pieds  de  devant,  et  quatre  à  ceux  de  der- 
rière. 

t"  Genre.  Les  GUÉPARDS  {Gtiepar)  dif- 


fèrent des  chats  proprement  dits  par  leurs  on- 
gles non  rétractlles,  mais  semblables  à  ceux  des 
chiens;  par  leur  tète  plus  petite  et  plus  courte, 
par  leurs  jambes  plus  longues,  leur  corps  plus 
élancé,  et  enfin  parleurs  dents  màchelières, qui 
sont  moins  tranchantes.  On  n'en  connaît  qu'une 
espèce,  qui  est  : 


Le  GUÉPARD  OU  FADU  {Guepar  jubalus.  —  Felis  jubatn,  Schr.  —  Lin.  Fclis 
(luiiaiii,  Germ.  Le  Ticjre  chasseur,  des  Indes;  le  Léopard  à  crinière;  le  Fadlt  et  le 
ïouse  des  Persans,  le  Jaz  des  Turcs  ). 

Ce  joli  animal  habite  l'Asie  méridionale  et  plusieurs  contrées  de  l'Afrique;  il 
il  trois  pieds  et  demi  (t,I57)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  et  deux  pieds 
0,050)  de  hauteur.  Son  pelage  est  d'un  beau  fauve  clair  en  dessus,  et  d'un 
blanc  pur  en  dessous  ;  des  petites  taches  noires,  rondes  et  pleines,  également 
semées,  garnissent  toute  la  partie  fauve;  celles  de  la  partie  blanche  sont  plus 
larges  et  plus  lavées  ;  la  dernière  moitié  de  sa  queue  est  annelée  de  douze  anneaux 
alternativement  blancs  et  noirs;  enfin,  les  poils  de  ses  joues,  du  derrière  de  la 
tèle  el  du  cou  sont  plus  longs,  plus  laineux  que  les  autres,  ce  qui  lui  forme 
connue  une  sorte  de  petite  crinière.  A  cette  jolie  robe  1(>  guépard  joint  la  légè- 
reté des  formes  et  la  grâce  des  mouvements.  Ayant  les  doigts  longs,  munis 
d'ongles  peu  pointus  et  nullement  rétracliies,  il  ne  peut  grimper  sur  les  arbres 
connue  la  plupart  des  chais;  mais  il  bondit  comme  eux,  court  avec  beaucoup 


CHASSE   AU  TIGRE. 

SCÈNK     KT     PA^SAOI'.     |)  K     I,' I  \  1)  K. 

(  .1  ;.  .   <|  I  ,1     .1  ,    .      P  I  ;,  I,  t  < 


CHATS.  235 

plus  d'agilité  et  peut  atteindre  aisément  le  gibier  en  le  pomsiiivant.  quand  il  n'a 
pas  réussi  à  s'en  saisir  par  surprise.    • 

Il  s'en  faut  de  beaucoup  que  le  guépard  ait  le  caractère  perfide  et  féroce  des 
grands  cbats  avec  lesquels  les  naturalistes  l'ont  classe.  Quoique  babitant  des  forêts 
et  vivant  de  la  chasse,  il  est  peu  farouche  et  s'apprivoise  fort  aisément.  Alors  il 
s'attache  à  son  maître,  répond  à  sa  voix,  le  suit,  le  caresse,  se  laisse  dresser  à 
chasser  pour  lui,  et  montre  autant  d'intelligence  que  de  douceur.  Celui  qui  vivait, 
il  y  a  peu  d'années,  à  la  ménagerie,  venait  du  Sénégal;  il  était  si  familier,  qu'on 
l'avait  placé  dans  un  parc,  où  il  vivait  librement,  et  dont  jamais  il  n'a  cherche  à 
sortir.  Il  obéissait  au  connnandement  du  gardien  de  la  ménagerie,  et  il  aimait 
surtout  les  chiens,  avec  lesquels  il  jouait  toute  la  journée  sans  leur  faire  jamais 
aucun  mal.  Un  jour,  un  petit  domestique  nègre,  âge  de  dix  à  douze  ans,  vint 
se  promener  au  Jardin  des  Plantes  ;  il  aperçoit  le  guépard  dans  son  parc, 
et  se  met  aussitôt  à  rai>peler  :Fadh!  Fadh  !  Le  gué|)ard  le  regarde,  s'approche  ; 
aussitôt  le  négrillon  de  jeter  là  le  chapeau  à  galon,  la  veste  de  livrée,  d'escalader 
la  palissade,  de  se  jeter  sur  Fadh  qui  l'attendait  avec  impatience,  et  les  voilà  se 
baisant,  se  léchant,  se  caressant  de  mille  manières,  se  serrant,  l'un  dans  les 
bras,  l'autre  dans  les  pattes,  et  se  roulant  tous  deux  sur  le  gazon  en  jouant  à  qui 
mieux  mieux.  Cette  scène,  aussi  surprenante  qu'inattendue,  effraya  ceux  qui  en 
furent  témoins  autant  qu'elle  les  étonna;  on  courut  chercher  le  gardien  des 
animaux.  On  apprit  alors  que  le  guépard  et  l'enfant  avaient  fait  ensemble  la 
traversée  du  Sénégal  en  France,  qu'ils  s'étaient  épris  d'amitié  sin-  le  pont  du 
bâtiment,  et  que  tous  les  deux  venaient  de  se  rencontrer  par  hasard,  et  de  se  re- 
connaître après  une  séparation  de  trois  mois. 

Si  l'on  en  croit  Eldemiri,  ce  serait  Chaleb,  fils  de  Walid,  qui,  le  premier,  se 
serait  servi  du  guépard  pour  la  chasse,  ce  qui,  du  reste,  est  assez  peu  important 
à  savoir.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'à  Surate,  au  Malabar,  dans  la  Perse  et 
dans  quelques  autres  parties  de  l'Asie,  on  élève  ces  animaux  pour  s'en  servir  à 
cet  exercice.  Les  chasseurs  sont  ordinairement  à  cheval,  et  portent  le  guépard 
en  croupe  derrière  eux  ;  quelquefois  ils  en  ont  plusieurs,  et  alors  ils  les  placent 
sur  une  petite  charrette  fort  légère  et  faite  exprès.  Dans  les  deux  cas  l'animal 
est  enchaîné,  et  a  srr  les  yeux  un  bandeau  qui  l'empêche  de  voir.  Ils  partent 
ainsi  pour  parcourir  la  campagne,  et  tâcher  de  découvrir  des  gazelles  dans  les 
vallées  sauvages  où  elles  aiment  à  venir  paître.  Aussitôt  qu'ils  en  aperçoivent 
une,  ils  s'arrêtent,  déchaînent  le  guépard,  et,  lui  tournant  la  tête  du  côté  du 
timide  ruminant,  ils  le  lui  montrent  avec  le  doigt.  Le  guépard  descend,  se  glisse 
doucement  derrière  les  buissons,  rampe  dans  les  hautes  herbes,  s'approche  en 
louvoyant  et  sans  bruit,  toujours  se  masquant  derrière  les  inégalités  du  terrain, 
les  rochers  et  autres  objets,  s'arrêtant  subitement,  et  se  couchant  à  plat  ventre 
quand  il  craint  d'être  aperçu,  puis  reprenant  sa  marche  lente  et  insidieuse. 
Enfin,  quand  il  se  croit  assez  près  de  sa  victime,  il  calcule  sa  distance,  s'élance 
tout  à  coup,  et  en  cinq  ou  six  bonds  prodigieux  et  d'une  vitesse  incroyable,  il 
l'atteint,  la  saisit,  l'étrangle,  et  se  met  aussitôt  à  lui  sucer  le  sang.  Le  chasseur 
arrive  alors,  lui  parle  avec  amitié,  lui  jette  un  morceau  de  viande,  le  llatte,  le 
caresse,  lui  remet  le  bandeau,  et  le  replace  en  croujjc  (ui  sur  la  charrette,  tandis 
que  les  domestiques  enlèvent  la  gazelle.  Néanmctins,  il  arrive  quelquefois  (pic  le 


236  LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 

guépard  nian<|ue  son  coup,  malgré  ses  ruses  et  son  adresse.  Alors  il  reste  tout  saisi 
et  comme  honteux  de  sa  mésaventure,  et  ne  cherche  jamais  à  poursuivre  le  gibier  ; 
son  maître  le  console,  l'encourage  par  des  caresses,  et  les  chasseurs  se  remet- 
tent en  quête  avec  l'espoir  qu'il  sera  plus  heureux  une  autre  fois.  Dans  le  Mo- 
gol,  cette  chasse  est  pour  les  riches  un  plaisir  si  vif,  qu'un  guépard  bien  dressé, 
et  qui  a  la  réputation  de  manquer  rarement  sa  proie,  se  vend  quelquefois  une 
somme  exorbitante. 

En  Perse,  cette  chasse  se  fait  à  peu  prés  de  la  même  manière,  à  cette  diffé- 
rence prés  que  le  chasseur  qui  porte  le  guépard  en  croupe  se  place  au  passage 
(lu  gibier  que  des  hommes  et  des  chiens  vont  relancer  dans  le  bois.  Quand  une 
gazelle  passe  à  sa  portée,  «  il  débande  les  yeux  de  l'animal,  dit  Chardin,  et  lui 
tourne  la  tête  du  côté  de  la  bête  relancée;  le  guépard  l'aperçoit,  fait  un  cri, 
s'élance  à  grands  sauts,  se  jette  dessus  et  la  terrasse.  S'il  la  manque  après 
quelques  bonds,  il  se  rebute  d'ordinaire,  et  pour  le  consoler  on  le  caresse.  Il  y 
a  en  Hyrcanie  des  bêtes  dressées  qui  font  la  chasse  finement,  se  traînant  sur  le 
ventre  le  long  des  haies  et  des  buissons  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  proches  de  la 
proie,  et  alors  elles  s'élancent  dessus.  »  L'empereur  Léopold  1^'  avait  deux 
guépards  aussi  privés  que  des  chiens.  Quand  il  allait  à  la  chasse,  un  de  ces  ani- 
maux sautait  sur  la  croupe  de  son  cheval,  et  l'autre  derrière  un  de  ses  courtisans. 
Aussitôt  qu'une  pièce  de  gibier  était  levée,  les  deux  guépards  s'élançaient,  la 
surprenaient,  l'étranglaient,  et  revenaient  tranquillement,  sans  être  rappelés, 
reprendre  leurs  places  sur  le  cheval  de  l'empereur  et  sur  celui  de  son  cour- 
tisan. 


2^  Genre.  Les  CHATS  (  Mis,  Li\.)ont  trente 
dents,  savoir  :  douze  incisives,  quatre  canines, 
huit  molaires  supérieures  et  six  inférieures  ; 
leur  carnassière  supérieure  a  trois  lobes  et  un 
talon  mousse  en  dedans;  l'inférieure  a  deux 
lobes  pointus  et  traiichaals,  sans  aucun  talon  ; 
enfin  ils  n'ont  qu'une  très-petite  tuberculeuse 
supérieure,  sans  rien  qui  lui  corresponde  en 
bas.  Leurs  doigts  sont  armés  d'ongles  rétrac- 


liles  qui  s'étendent  et  se  redressent,  puis  se 
cachent  entre  les  doigts,  à  la  volonté  de  l'ani- 
mal ;  leur  langue  est  hérissée  de  papilles  épi- 
neuses et  cornées  ;  leurs  oreilles  sont  pointues  ; 
ils  n'ont  point  de  follicules  anales.  Il  résulte  de 
l'organisation  des  chats  qu'ils  sont  essentielle- 
ment caruivoies  et  propres  à  se  nourrir  de 
proie  vivante,  et  qu'ils  seraient  les  animaux  les 
plus  destructeurs  s'ils  pouvaient  courir. 


CHATS. 


237 


l  l«r.  CHATS  DE  L  ANCIEN  (  OJNTLNENT. 


Le  Lio^  (  \'vl\s  Un,  Li>  L'.4.sarf  des  Arabes, 
et  le  Gehad  des  Persans  i  varie,  pour  la  taille  et 
pour  la  couleur,  eu  raison  des  pa5s  qu'il  habite. 
Son  pelage  est  communément  d'un  fauve  assez 
imiforme  ;  le  dessus  de  la  tète  et  le  cou  du  mâle 
iidulte  portent  une  épaisse  crinière,  tandis  que 
le  reste  du  corps  est  couvert  de  poils  ras;  sa 
(jucue  est  terminée  par  un  gros  flocon  de  poils. 
La  femelle  ressemble  au  mâle  à  cela  pi  es  qu'elle 
a  la  tête  plus  petite  et  qu'elle  manque  de  crinière. 
Les  variétés  qui  ont  été  signalées  par  les  natura- 
listes, sont: 


1"  Le  Lion  jaune  du  Cap,  peu  dangereux; 

2^  Le  Lion  brun  du  Cap,  le  plus  féroce  et  le 
plus  redouté  de  tous  ; 

ô"  Le  Lion  de  Perse  ou  d'A<ahir,  ;i  pelage 
isabelle  pâle  et  crinière  épaisse  ; 

4°  Le  Lion  dit  Sénégal,  à  crinière  peu  épaisse 
et  pelage  un  peu  jaunâtre; 

5°  Le  Lion  de  Barbarie,  à  pelage  brunâtre, 
avec  une  grande  crinière  dans  le  mâle;  ce  der- 
nier est  poltron,  mais  il  s'apprivoise  facile- 
ment. 


Avant  de  commencer  l'histoire  du  lion,  il  est  indispensable  que  je  donne  quel- 
(|ues  généralités  sur  les  chats,  car  j'aurai  probablement  sur  cette  famille  bien 
des  préjugés  à  combattre,  bien  des  erreurs  à  relever.  Ces  animaux,  si  on  les 
étudie  en  anatc«niste,  sont  incontestablement  organisés  pour  être  les  plus  fé- 
roces et  les  plus  forts  de  tous  les  carnassiers,  et  leur  structure  est  admirableiuent 
en  harmonie  avec  leurs  mœurs.  «  Continuellement  en  action  la  nuit  et  le  jour, 
dit  Desmoulins,  la  ruse  et  la  patience  sont  toujours  les  moyens  qu'ils  préfèrent  ; 
leur  attaque  est  toujours  une  surprise  :  aussi  leur  oreille  est-elle  plus  dévelop- 
pée que  dans  les  autres  mammifères  pour  entendre  clair  et  de  loin.  L'œil  des 
espèces  nocturnes  est  aussi  bien  approprié  aux  habitudes  de  l'animal  ;  outre  que 
son  volume  et  celui  des  lobes  optiques  sont  très-grands,  la  dilatation  de  l'iris, 
do  plus  un  miroir  réflecteur  auquel  les  moindres  rayons  de  lumière  diffuse  ne 


038  LES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 

peuvent  écliapper,  les  recueille  pour  les  renvoyer  sur  la  rétine.  Lodoral,  moins 
actif  que  dans  les  chiens,  est  pourtant  supérieur  a  celui  tle  beaucoup  de  car- 
nassiers. Le  goût  paraît  le  plus  obtus  de  tous  leurs  sens.  En  elVet,  leur  langue 
est  |)lutôt  un  organe  de  mouvement;  ses  pointes  cornées,  inclinées  en  arrière  et 
redressables,  servent  aux  chats  à  râper  les  parties  molles  et  juteuses  de  leur  proie. 
Un  toucher  très-délicat  réside  dans  leurs  moustaches,  ou  plutôt  dans  leurs 
bulbes,  car  les  barbes  ne  font  que  transmettre  l'impression  du  choc  et  de  la 
résistance  des  objets.  L'intestin  est  plus  court  que  dans  les  autres  carnassiers. 
La  force  musculaire  est  immense.  Heureusement  la  force  irrésistible,  dont  pour- 
lait  disposer  leur  férocité  naturelle,  est  laissée  inactive  par  leur  timide  pru- 
dence portée  jusqu'à  la  lâcheté.  Les  chats  ne  courent  pas;  cette  impuissance 
lient  moins  au  défaut  d'une  force  d'impulsion  suffisante  qu'à  l'extrême  (lexibi- 
lité  de  leur  colonne  vertébrale  et  de  leurs  membres,  incapables  de  conserver  la 
rigidité  nécessaire  dans  la  course.  En  revanche  leurs  bonds  sont  énormes.  Ils  se 
glissent,  ramjjent,  grimpent,  s'accrochent,  se  fourrent  avec  une  adresse  et  une 
agilité  incroyable.  Rien  de  plus  sûr  que  leur  coup  d'œil;  mais  aussi,  quand  ils 
manquent  leur  coup,  soit  méfiance,  soit  dépit,  ils  se  retirent  ordinairement  sans 
revenir  à  la  charge.  Les  femelles  ont  pour  leurs  petits  une  tendresse  toujours 
prête  à  se  dévouer,  et  qui  nmltiplie  leur  courage  et  leurs  forces.  Cette  tendresse 
des  mères  contraste  avec  la  jalousie  (pii  fait  quelquefois  des  mâles  les  plus  dan- 
gereux ennemis  de  leur  propre  postérité.  Aussi  les  femelles  se  cachent  poin- 
mettre  bas;  et  pour  mieux  préserver  leur  famille,  elles  la  changent  souvent  de 
retraite  :  cet  instinct  ne  se  perd  pas  même  en  domesticité.  « 

L'intelligence  des  chats  est  généralement  moins  développée  ((ue  celle  des  ani- 
maux des  familles  précédentes,  et  c'est  encore  une  nécessité  de  leur  organisa- 
tion. Aucune  éducation  ne  peut  exciter  en  eux  des  facultés  dont  ils  n'ont  i)as 
les  organes,  et  c'est  à  cela  que  l'on  doit  attribuer  les  habitudes  faroucbes,  le 
caractère  indépendant  et  sauvage  que  le  chat  domestique  a  conservés,  maigre 
l'antiquité  de  sa  servitude.  Aucune  espèce  connue  ne  vit  en  société,  et  l'amour 
même  ne  parvient  à  réunir  le  mâle  et  la  femelle  que  pendant  le  court  instant  des 
désirs  et  de  l'accouplement.  Du  reste,  cette  vie  solitaire,  celte  antipathie  pour 
la  société,  s'expliquent  assez  bien  par  les  besoins  individuels.  La  plupart  des 
chats  ne  se  nourrissant  que  de  proies  vivantes,  il  faut  à  chacun  un  espace  de 
pays  assez  grand  pour  le  nourrir,  et  tout  ce  qui  vient  lui  disputer  son  gibier, 
partager  ses  moyens  d'existence,  est  nécessairement  un  ennemi.  L'instinct  de 
la  solitude,  naissant  de  cette  cause,  paraît  indélébile  chez  ces  animaux  ;  aussi 
tiennent-ils  au  pays,  à  la  localité  où,  dès  leur  enfance,  ils  ont  trouvé  une  suffi- 
sante nourriture.  Ils  s'y  affectionnent,  et  même  le  chat  domestique  le  plus  doux, 
le  plus  caressant,  s'attache  plus  à  la  maison  qu'à  son  maître  ;  il  ne  la  quitte 
jamais  pour  lui,  et  y  revient  si  on  l'a  transféré  dans  une  nouvelle  demeure. 

Tous  les  chats  ont,  à  bien  peu  de  chose  près,  les  mêmes  formes,  le  même  en- 
semble d'attitude,  de  gestes,  de  mouvements  et  de  manières.  Tous,  pour  expri- 
mer leur  satisfaction,  même  dans  les  plus  grandes  espèces,  font  entendre  ce 
ronron  qu'à  Paris  on  appelle  filer  dans  les  chats  domestiques.  Tous  fenlenl  en 
soufflant  et  montrant  leurs  dents  de  la  même  manière  et  dans  les  mêmes  occa- 
sions, et  cependant  leur  voix  varie  beaucoup  d'une  espèce  à  une  autre  :  par 


CHATS  030 

exemple,  le  lion  rugit  d'une  voix  creuse  et  presque  semblable  à  celle  d'un  tau- 
reau ;  le  jaguar  aboie  comme  un  cbien  ;  le  cbat  miaule  ;  le  cri  de  la  panthère 
ressemble  au  bruit  d'une  scie,  etc. 

De  tous  temps  les  chats,  et  les  grandes  espèces  surtout,  ont  été  célèbres  par 
leur  cruauté  et  leur  férocité  prétendues  indomptables.  Le  vrai  est  qu'ils  sont 
beaucoup  moins  cruels  que  beaucoup  de  petits  carnassiers  auxquels  nous  ne  fai- 
sons pas  ces  reproches.  La  belette,  la  fouine,  le  renard,  le  loup,  par  exemple, 
semblent  donner  la  mort  pour  le  plaisir  de  tuer.  S'ils  pénètrent  dans  un  pou- 
lailler, une  basse-cour,  une  bergerie,  ils  n'en  sortent  pas  tant  qu'il  y  reste  un 
être  vivant.  Les  chats,  au  contraire,  n'attaquent  que  quand  ils  ont  faim,  et  se  con- 
tentent pour  l'ordinaire  d'une  seule  victime.  Au  milieu  d'un  troupeau  nombreux 
et  sans  défense,  ils  saisissent  leur  proie,  la  dévorent,  et  se  retirent  sans  même 
faire  attention  aux  autres,  jusqu'à  ce  qu'une  nouvelle  faim  les  ramène;  ils  ne 
tuent  jamais  sans  nécessité.  Quant  à  leur  prétendue  férocité,  elle  n'existe  pas 
plus  chez  eux  que  chez  tous  les  autres  carnassiers.  Quoi  qu'on  en  ait  dit,  toutes 
les  espèces  s'apprivoisent  fort  bien  et  sont  susceptibles  d'affection  pour  leur 
maître.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  de  toutes  les  espèces,  peut-être,  le  chat 
domestique  est  celle  qui  est  le  moins  susceptible  de  sentiments  affectueux  ;  non 
pas  que  cela  tienne  à  son  caractère,  mais  à  sa  timidité  et  à  l'habitude  que  nous 
a'vons  de  le  faire  vivre  avec  le  chien,  son  ennemi  le  plus  redouté  et  le  plus 
dangereux,  et  dont  la  présence  tient  constamment  le  chat  dans  un  état  d'irrita- 
tion et  de  frayeur  qui  absorbe  ses  autres  sentiments. 

Le  lion  se  trouvait  autrefois  dans  une  grande  partie  de  l'Europe  méridionale. 
Il  habitait  en  très- grand  nombre  la  Macédoine,  la  Thessalie,  la  Thrace,  proba- 
blement la  Grèce  entière  et  toute  la  partie  méridionale  de  l'Asie,  depuis  la  Syrie 
jusqu'au  Gange  et  à  l'Oxus.  Aujourd'hui  il  n'existe  plus  en  Europe,  et  n'est  com- 
mun nulle  part;  l'on  n'en  voit  plus  que  quelques-uns  en  Asie,  dans  la  piesqu'île 
de  l'Inde.  L'espèce  se  soutient  encore  en  Barbarie,  particulièrement  aux  envi- 
rons de  Constantine  et  de  Bone,  au  Sahara,  au  Sénégal  et  au  cap  de  Bonne-Es- 
pérance; mais  on  la  refoule  continuellement  dans  le  désert,  et  il  est  à  croire  que 
bientôt  les  armes  à  feu  l'auront  entièrement  détruite.  Les  Grecs,  qui  ne  con- 
naissaient pas  le  tigre  du  Bengale,  ont  naturellement  fait  du  lion  le  roi  des  ani- 
maux, parce  que  c'était  pour  eux  le  plus  grand  et  le  plus  fort  des  carnassiers. 
L'ayant  fait  roi,  il  était  naturel  aussi  qu'ils  lui  attribuassent  les  vertus  que  les  rois 
devraient  avoir,  c'est-à-dire  la  noblesse  de  caractère,  la  supériorité  du  courage, 
la  fierté,  la  générosité,  etc.  Buffon,  en  sa  qualité  d'écrivain  plus  qu'en  celle  de 
naturaliste,  s'est  emparé  de  ces  idées,  et  nous  les  a  transmises  dans  son  style 
aussi  brillant  qu'inimitable.  Il  est  fâcheux  que  toutes  ces  belles  qualités  dispa- 
raissent devant  l'étude  des  faits.  Comme  tous  ses  congénères,  le  lion  n'attaque 
(lue  par  surprise,  soit  qu'il  attende  en  embuscade,  soit  qu'il  se  glisse  dans  l'om- 
bre ou  rampe  à  la  clarté  du  jour,  caché  par  quelque  abri,  pour  tomber  à  l'im- 
proviste  sur  une  victime  longtemps  épiée,  et  cette  victime  est  toujours  un  ani- 
mal faible  et  innocent,  qui  ne  peut  lui  opposer  aucune  résistance.  Ce  n'est 
que  poussé  par  une  faim  extrême  qu'il  ose  assaillir  un  bœuf  ou  un  cheval;  mais 
jamais  il  ne  conmience  volontairement  une  lutte  avec  un  animal  capable  de  lui 
résister.  Tout  ce  qu'ont  dit  les  voyageurs  du  combat  du  lion  contre  l'éléphant. 


^iO  LES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 

le  rhinocéros,  riiippopolame  et  le  tigre  est  autant  de  suppositions  hasardées 
qui  ne  méritent  aucune  foi.  Sa  nourriture  ordinaire  consiste  en  gazelles,  et  en 
singes  quand  il  peut  les  rencontrer  et  les  saisir  à  terre.  Il  se  place  ordinaire- 
ment en  embuscade  dans  les  roseaux,  autour  des  mares  où  ces  animaux  ont  l'ha- 
bitude d'aller  boire  le  soir  et  le  matin.  Là,  il  reste  à  guetter  un  temps  infini, 
avec  cette  admirable  patience  qu'ont  tous  les  chats.  Si  un  animal  passe  à  sa 
portée,  d'un  bond  prodigieux  il  s'élance  sur  lui,  lui  enfonce  ses  formidables 
griffes  dans  les  flancs,  et  lui  brise  le  crâne  avec  les  dents.  S'il  manque  son  coup, 
il  ne  cherche  pas  à  poursuivre  l'animal,  et  l'on  a  mis  sur  le  compte  de  sa  géné- 
rosité ce  qui  n'est  que  le  résultat  de  sa  conformation.  En  efl'et,  il  bondit,  saute, 
mais  il  ne  peut  courir,  et  il  marche  avec  une  lenteur  que  l'on  a  prise  pour  de  la 
gravité.  Le  lion  n'est  pas  aussi  cruel  que  le  tigre,  a-t-on  dit  ;  mais,  si,  en  se  glis- 
sant dans  l'ombre,  il  s'est  approché  d'un  krahal  sans  être  découvert,  et  qu'il  ait 
pu  pénétrer  dans  un  parc  de  moutons,  il  égorge  tout  avant  de  choisir  la  proie 
qu'il  veut  emporter  ou  dévorer.  Il  n'attaque  pas  les  animaux  quand  il  n'a  pas 
faim,  cela  est  vrai  ;  mais  c'est  simplement  parce  que,  dans  ses  forêts,  sûr  de  sa 
supériorité  de  force,  n'ayant  jamais  attaqué  un  être  qui  ait  pu  lui  résister,  comp- 
tant sur  une  agilité  qui  n'est  comparable  qu'à  sa  force,  il  ne  craint  jamais  de 
manquer  de  proie  ;  après  s'être  repu  avec  voracité,  il  s'endort  pour  deux  ou 
trois  jours,  et  ne  sort  de  sa  retraite  ou  de  son  apathie  que  poussé  par  une  nou- 
velle faim.  Tel  il  est  dans  le  désert;  il  n'a  jamais  peur  parce  qu'il  n'a  jamais 
rien  à  craindre.  Dans  les  pays  habités  par  l'homme,  il  n'a  plus  ni  courage  ni 
fierté.  La  nuit  il  rôde  dans  la  campagne;  s'il  ose  alors  s'approcher  des  habita- 
tions, c'est  pour  chercher  à  s'emparer  des  pièces  de  menu  bétail  échappées  de 
la  bergerie;  il  ne  dédaigne  pas  même  de  prendre  des  oies  et  autres  volailles 
t|uand  il  en  trouve  l'occasion.  Enfin,  faute  de  mieux,  il  se  jette  sur  les  cha- 
rognes et  les  voiries,  malgré  cette  délicatesse  de  goût  qu'on  lui  suppose.  Il  est 
arrivé  assez  souvent  à  nos  sentinelles,  à  Constantine,  de  tirer  et  tuer  des  lions 
qui  venaient  pendant  la  nuit  rôder  autour  de  la  ville,  afin  de  manger  les  immon- 
dices jetées  hors  des  murs.  Si  ce  noble  animal,  comme  disent  les  naturalistes, 
a  la  hardiesse  de  s'approcher  en  tapinois  d'un  troupeau  pour  s'emparer  d'un 
mouton,  les  bergers  crient  aussitôt  haro  sur  le  voleur,  le  poursuivent  à  coups 
de  bâton,  lui  arrachent  sa  jiroie  de  vive  force,  mettent  leurs  chiens  à  ses 
trousses,  et  le  forcent  ainsi  à  détaler  au  plus  vite.  Il  en  arrive  très-souvent  au- 
tant au  cap  de  Bonne-Espérance,  quand  les  fermiers  hollandais  le  surprennent 
rôdant  autour  de  leurs  écuries;  ils  en  ont  même  quelquefois  tué  à  coups  de 
fourche  jusque  dans  des  cours  où  ils  étaient  parvenus  à  se  glisser  furtivement, 
a  la  manière  des  loups.  Néanmoins  ce  n'est  pas  sans  danger  que  l'on  attaque  cet 
animal,  tout  poltron  qu'il  est,  car,  lorsqu'il  se  sent  blessé  et  qu'on  lui  ôte  la 
faculté  de  fuir,  il  entre  en  fureur;  et  malheur  à  l'individu  sur  lequel  il  déploie  sa 
force  prodigieuse! 

Le  lion  fuit  la  présence  de  l'homme;  il  ne  l'attaque  jamais  pendant  le  jour, 
à  moins  qu'il  n'y  soit  poussé  par  une  faim  atroce;  nous  citerons  connue  preuve 
un  fait  qui  s'est  passé  au  Cap.  Deux  Hollandais  d'Afrique  vont  un  jour  à  la  chasse  ; 
l'un  d'eux  s'ai)proche  d'une  mare,  et  un  lion,  à  l'aflût  dans  les  hautes  herbes, 
croyant  entendre  le  bruit  d'une  gazelle,  s'élance  et  le  saisit  par  le  bras  avant 


CHATS.  HM 

•lavoir  pu  le  distiiignor;  il  reconnaît  un  homme,  et,  surpris  de  sa  propre  au- 
dace, ellrayé  de  ce  (ju'il  vient  de  l'aire,  il  reste  immobile  sans  néanmoins  lâcher 
sa  victime;  il  a  vu  sa  l'ace  imposante,  et  il  tremble;  il  ferme  les  yeux  pour  se 
dérober  à  l'influence  d'un  regard  (pii  l'épouvante.  Le  malheureux  Hollandais, 
voyant  que  son  ami  ne  peut  tirer  sur  le  monstre  sans  risquer  de  le  percer  lui- 
même  d'une  balle,  prend  une  courageuse  résolution;  il  profite  de  la  stupeur  du 
lion  pour  glisser  dans  sa  poche  la  main  qu'il  avait  libre;  il  en  sort  doucement 
son  couteau,  l'ouvre,  mesure  son  coup,  et  le  plonge  dans  le  cœur  de  l'animal. 
Mais  celui-ci  en  mourant  déchire  sa  victime,  et  tous  deux  roulent  morts  sur  le 
gazon  ensanglanté. 

Le  lion  atteint  jusqu'à  huit  à  neuf  pieds  2,599  à  2,924)  de  longueur,  depuis 
le  bout  du  nez  jusqu'à  la  naissance  de  la  queue,  mais  seulement  dans  les  déserts 
où  il  n'est  pas  inquiété  et  où  il  trouve  une  nourriture  abondante.  Le  plus  ordinai- 
rement sa  taille  ne  dépasse  pas  cinq  pieds  et  demi  (  1 ,780)  de  longueur,  sur  trois 
et  demi  (1,157)  de  hauteur.  Sa  femelle  est  d'environ  un  quart  plus  petite  que 
lui.  Sa  figure  est  imposante  et  mobile  comme  celle  de  l'homme,  et  ses  passions 
se  peignent  non-seulement  dans  ses  yeux,  mais  encore  dans  les  rides  de  son 
front;  sa  démarche  est  légère,  (pujique  lente  et  toujours  oblique.  Sa  voix  est 
terrible,  et  tous  les  animaux  tremblent  à  une  demi-lieue  à  la  ronde  quand  son 
rugissement  fait  retentir  les  forêts  pendant  la  nuit;  c'est  un  cri  prolongé,  d'un 
ton  grave,  mêlé  d'un  frémissement  plus  aigu.  Lorsque  le  lion  menace,  il  se  ride 
le  front,  se  j)lisse  et  relève  les  lèvres,  montre  ses  énormes  dents,  et  souffle  de 
la  même  manière  que  le  chat  domestique;  enfin,  lorsqu'il  attaque,  il  pousse  un 
cri  court  et  réitéré  subitement.  Dans  la  colère,  ses  yeux  deviennent  flamboyants, 
et  brillent  sous  deux  épais  sourcils  qui  se  relèvent  et  s'abaissent  comme  par  un 
mouvement  convulsif;  sa  crinière  se  redresse  et  s'agite;  de  la  queue  il  se  bat 
les  flancs;  il  ouvre  la  gueule  et  laisse  voir  une  langue  hérissée  d'épines  pointues 
et  tellement  dures,  qu'elles  suffisent  seules  pour  écorcher  la  peau  et  entamer  la 
chair.  Tout  à  coup  il  se  baisse  sur  ses  pattes  de  devant,  ses  yeux  se  ferment  à 
demi,  sa  moustache  se  hérisse,  son  agitation  cesse,  il  reste  immobile,  et  le  bout 
de  sa  queue  roide  et  teiulue  fait  seul  un  très-petit  mouvement  de  droite  à  gauche. 
Malheur  à  l'être  vivant  qu'il  regarde  dans  celte  attitude,  car  il  va  s'élancer  et 
déchirer  une  victime  ! 

Quehpie  terrible  que  soit  le  lion,  on  ne  laisse  pas  que  de  le  chasser  avec  des 
chiens  appuyés  par  des  hommes  à  cheval  ;  mais  il  faut  que  les  uns  et  les  autres 
aient  été  dressés  à  cet  exercice  pour  le  faire  sans  danger.  On  le  relance  dans 
son  fourré,  on  l'en  déloge,  on  le  poursuit,  et  on  parvient  à  le  tuer.  Le  courage 
de  ce  roi  des  animaux  ne  tient  pas  contre  l'adresse  d'un  Hottentot  ou  d'un  Nègre, 
(pii  souvent  osent  l'attaquer  tête  à  tête  avec  des  armes  assez  légères.  Ils  le 
prennent  quebpiefois  en  le  faisant  tomber  dans  une  fosse  profonde  qu'ils  re- 
couvrent avec  des  matières  fragiles  au-dessus  desquelles  ils  attachent  un  animal 
vivant.  Dès  qu'il  est  prisonnier,  il  devient  d'une  telle  lâcheté,  qu'on  peut  l'attacher, 
le  museler  et  le  conduire  où  l'on  veut,  selon  ce  que  dit  Bufl'on.  Cet  animal,  pris 
jeune,  s'apprivoise  fort  bien,  et  il  est  même  susceptible  d'attachement  pour 
son  maître  et  d'une  certaine  docilité.  «  Élevé  parmi  les  animaux  domestiques, 
dit  l'écrivain  (jue  je  viens  de  citer,  il  s'accoutume  aisément  à  vivre  et  à  jouer 

51 


2i2  LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 

iiinoceniineut  avec  eux  ;  il  est  doux  pour  ses  maîtres  et  même  caressant,  surtout 
dans  le  premier  âge,  et  si  sa  férocité  reparaît  quelquefois,  il  la  tourne  rarement 
contre  ceux  qui  lui  ont  fait  du  I)ien.  Comme  ses  mouvements  sont  très-impé- 
tueux et  ses  appétits  fort  véhéments,  on  ne  doit  pas  présumer  que  les  impressions 
de  l'éducation  puissent  toujours  les  balancer  ;  aussi  y  aurait-il  quelque  danger 
à  lui  laisser  souffrir  trop  longtemps  la  faim,  ou  à  le  contrarier  en  le  tourmentant 
hors  de  propos.  Non-seulement  il  s'irrite  des  mauvais  traitements,  mais  il  en 
garde  le  souvenir,  et  paraît  méditer  la  vengeance,  comme  il  conserve  aussi  la 
mémoire  et  la  reconnaissance  des  bienfaits.  »  Je  ne  suivrai  pas  plus  loin  notre 
grand  écrivain,  surtout  quand  il  dit  «  que  sa  colère  est  noble,  son  courage  ma- 
gnanime et  son  naturel  sensible;  »  toutes  choses  qui  sont  là  pour  le  style  et 
pour  faire  allusion  aux  contes  d'Androclès,  du  lion  de  Florence,  et  à  cent  autres 
inventés  à  plaisir  et  devenus  célèbres  par  le  manque  de  critique  des  anciens 
écrivains. 

Dans  ces  animaux,  la  passion  de  l'amour  est  très-ardente.  »  Lorsque  la  fe- 
melle est  en  chaleur,  elle  est  quelquefois  suivie  de  huit  à  dix  mâles,  dit  Gesner 
dans  son  Histoire  des  animaux,  et  ils  ne  cessent  de  rugir  autour  d'elle  et  de  se 
livrer  des  combats  furieux.  »  Je  doute  beaucoup  de  ce  fait,  et  voici  pourquoi  : 
Le  lion  est  armé  d'une  manière  si  terrible,  que  tout  combat  livré  à  un  animal  de 
son  espèce  serait  terminé  en  moins  d'une  minute  par  la  mort  de  l'un  des  assail- 
lants et  peut-être  de  tous  deux.  J'ai  eu  dans  mon  cabinet  les  ongles  d'une  lionne; 
ils  étaient  longs  de  cinq  pouces  (0,155),  très-gros  à  la  base,  tranchants  en  des- 
sous comme  un  rasoir,  et  aigus  comme  la  pointe  d'un  canif.  Les  dents  de  ces 
animaux  sont  d'une  grosseur  énorme,  et  les  canines  dépassent  les  gencives  de 
trois  pouces.  Avec  de  pareilles  armes,  le  résultat  d'une  lutte  doit  être  prompt  et 
mortel.  En  second  lieu,  chaque  lion  habite  un  canton  assez  grand,  où  il  ne 
souffre  aucun  rival,  et  ce  ne  serait  guère  que  dans  un  rayon  de  quarante  à  cin- 
quante lieues  que  l'on  pourrait  trouver  huit  à  dix  mâles,  même  dans  les  contrées 
où  ces  animaux  sont  le  plus  abondants.  Il  est  donc  croyable  que  la  femelle  n'est 
suivie  que  par  le  mâle  qui  habite  son  canton,  et  il  est  certain  qu'aussitôt  après 
l'accouplement,  tous  deux  se  quittent  pour  reprendre  leur  vie  solitaire. 


CHATS. 


243 


s^^',:^^ 


l.a  LiOxNNE  ;i,  comme  tous  les  clials,  (lualre  mamelles;  elle  porte  cent  huit 
jours,  fait  de  deux  à  cin(i  petits  qu'elle  allaite  ordinairement  six  mois.  Elle 
aime  ses  enfants  avec  une  tendresse  excessive.  Quoique  moins  f(U'tc  que  le 
lion,  elle  oublie  le  danger,  et,  pour  les  défendre,  combat  jusqu'à  la  dernière 
extrémité.  Elle  cberche  toujours,  pour  mettre  bas,  un  lieu  trés-écarté  et  d'un 
difficile  accès.  Lorsqu'elle  craint  la  découverte  de  l'endroit  où  elle  a  caché  ses 
petits,  elle  embrouille  sa  trace  en  retournant  plusieurs  fois  sur  ses  pas,  et  finit 
par  les  cacher  dans  une  autre  retraite,  quelquefois  trés-éloignée,  où  elle  les  croit 
plus  en  sûreté.  Quand  ils  commencent  à  prendre  de  la  force,  elle  va  à  la  chasse, 
se  jette  indifféremment  sur  tous  les  animaux  qu'elle  rencontre,  les  met  à  mort, 
se  charge  de  sa  proie,  la  partage  à  ses  lionceaux,  et  leur  apprend  a  déchirer  la 
chair  palpitante.  En  naissant,  les  petits  se  ressemblent  tous,  quel  que  soit  leur 
sexe;  leur  pelage  est  plus  laineux,  plus  foncé  que  celui  de  leur  mère,  et  ils 
portent  une  livrée  de  petites  raies  brunes,  transversales,  sur  les  flancs  et  lori- 
gine  de  la  queue  ;  ce  nest  qu'à  l'âge  de  cinq  ou  six  ans,  c'est-à-dire  lorsqu'ils 
deviennent  complètement  adultes,  qu'il  ne  reste  plus  aucune  trace  de  celte  livrée. 
La  crinière  qui  pare  les  mâles  ne  commence  à  pousser  qu'à  l'âge  de  trois  ans. 
Plusieurs  fois  des  lionnes  se  sont  accouplées  à  la  ménagerie,  et  y  ont  élevé  leurs 
lionceaux. 

On  a  dit  que,  dans  sa  générosité,  le  lion  donne  (piebpiefois  la  vie  aux  animaux 
qu'on  avait  dévoués  à  la  mort  en  les  lui  jetant,  et  le  fait  est  vrai  si  on  le  met.  non 
sur  le  compte  d'un  sentiment  généreux,  mais  sur  celui  du  caprice,  et  sur  le 
besoin  d'avoir  un  compagnon  qui  lui  fasse  supporter  les  ennuis  d'une  étroite 
captivité.  Parmi  les  lionnes  qui  ont  vécu  à  la  ménagerie,  plusieurs  ont  souffert 
des  chiens  dans  leur  loge;  mais  une  seule  a  montré  de  l'affection  pour  son 


m 


LES  CARNASSIERS  DIGITIGRADES. 


camarade  de  prison.  Elle  se  nommait  Coiistanline,  et  avait  été  prise;  rortjenne 
dans  le  Sahara.  On  jeta  dans  sa  loge  un  petit  roquet  noir  et  blanc,  qui,  tout  effrayé, 
fut  se  cacher  dans  un  coin  en  tremblant  de  tous  ses  mend)res.  La  lionne  se  leva 
lentement,  et,  râlant  d'une  voix  sourde,  s'approcha  du  pauvre  animal,  qui  poussa 
un  cri  plaintif  en  la  regardant  d'un  air  suppliant.  11  i)araît  que  ce  regard  plein 
de  désespoir  la  toucha,  car  elle  se  recoucha  tranquillenuMit  sans  faire  de  mal  au 
roquet.  L'heure  de  la  distribution  venue,  on  jeta  dans  la  loge  le  diner  de  Con- 
stantine;  elle  le  mangea  et  en  laissa  une  part  poiu'  son  nouveau  compagnon 
d'esclavage,  qui  n'osa  pas  y  toucher,  car  la  faim  la  plus  dévorante  n'aurait  pu 
le  déterminer  à  quitter  le  coin  noir  où  la  frayeur  le  tenait  blotti.  Le  lendemain 
il  avait  un  peu  moins  peur,  et  il  se  détermina  à  manger  la  portion  que  la  lionne 
lui  laissa  comme  la  veille;  le  second  jour  il  se  hasarda  à  sortir  de  son  coin  et  à 
manger  après  elle  ;  huit  jours  après  il  mangeait  avec  elle,  et  huit  autres  jours 
après  il  se  jetait  sur  le  diner,  et  ne  permettait  <à  la  lionne  d'en  avoir  sa  pari  que 
lorsqu'il  avait  pris  la  sienne.  Si  Conslantine  s'approchait,  le  roquet  entrait  en 
fureur,  et,  purement  par  caprice,  lui  sautait  à  la  ligure  et  la  mordait  de  toute 
sa  force.  Il  n'est  rien  de  plus  hargneux,  de  plus  méchant  (pi'iin  être  faible  (pii  a 
conquis  sur  un  être  fort  l'empire  (pie  la  honte  et  l'alTection  lui  ont  laissé  pren- 
dre, et  l'on  pourrait  en  citer  de  trop  nombreuses  preuves  prises  ailleurs  que  chez 
les  chiens  et  les  lions.  Quand  l'automne  fut  venu  avec  ses  journées  froides  et 
humides,  le  roquet,  pour  être  plus  chaudement,  jugea  à  propos  de  passer  les 
nuits  entre  les  cuisses  de  la  lionne,  et  elle  s'y  prêta  de  fort  bonne  grâce.  Pour 
récompense,  dans  ses  accès  de  fureur,  il  se  jeta  un  jour  sur  elb;  et  lui  mordit  la 
queue  avec  tant  de  rage  et  de  méchanceté,  (pi'il  parvint  à  la  lui  couper  à  moitié 
et  à  l'estropier  pour  toute  sa  vie.  Au  bout  de  (jnelques  années,  le  chien  mourut, 
moitié  de  vieillesse,  moitié  d'un  accès  de  colère,  et  la  pauvre  Constantine  ne  put 
jamais  s'en  consoler.  On  lui  donna  plusieurs  autres  chiens,  qu'elle  étrangla  ; 
enfin  elle  laissa  la  vie  à  l'un  d'eux,  mais  jamais  elle  ne  lui  luontra  ni  alVection 
ni  complaisance,  et  elle  mourut  bientôt  après,  consumée  d'ennui,  de  tristesse 
et  peut-être  de  regrets.  Du  reste,  si  je  me  suis  un  peu  étendu  sur  l'histoire  de 
(lonstantine,  c'est  moins  poin- donner  une  idée  du  caractère  des  lions,  que  pour 
montrer  par  un  exemple  très-remarquable  que,  dans  les  animaux  comme  dans 
l'homme,  on  trouve  des  individus  excenlriepics  (pii  sortent  presque  tout  à  fait 
du  caractère  général  de  l'espèce. 


CHATS. 


'2^5 


Le  TIGRE  [FeCis  l'igiis,  Li.\.  Le  Tigic  roijal  ûe  Blff.  —  G.  Cuv.  Le  Radja- 
uiançi  ou  Arhnan-bessar  des  Malais.  Le  Madjan-gédé  des  Javanais.  Le  Lan-ltn 
des  Chinois). 

Cet  animal  est  la  plus  grande  et  la  plus  terrible  des  espèces  de  son  genre;  il 
égale  et  surpasse  même  le  lion  en  grandeur,  mais  il  est  plus  grêle,  plus  svelte, 
et  sa  tête  est  plus  arrondie  ;  ses  jambes  sont  proportionnellement  plus  longues; 
son  museau  court,  ainsi  que  ses  mâchoires  armées  de  dents  énormes  et  tran- 
chantes, donnent  à  sa  gueule  une  force  prodigieuse.  Sa  langue  est  couverte 
d'épines  recourbées  du  côté  de  la  gorge,  de  manière  à  lui  donner  la  faculté 
d'enlever  des  lambeaux  de  peau  d'un  seul  coup;  ses  pattes  sont  munies  d'ongles 
puissants,  qui  se  redressent  vers  le  ciel  et  se  cachent  entre  les  doigts  dans 
l'état  de  repos,  par  l'effet  de  ligaments  élastiques,  et  ne  perdent  jamais  leur 
pointe  ni  leur  tranchant.  Son  pelage  est  d'un  jaune  vif  en  dessus,  d'un  blanc 
pur  en  dessous,  partout  irrégulièrement  rayé  de  noir  en  travers,  ce  qui  le  dis- 
tingue très-bien  de  toutes  les  grandes  espèces  de  chats;  sa  queue,  noire  au  bout, 
est  alternativement  annelée  de  celte  couleur  et  de  blanc;  enfin,  c'est  un  des 
plus  beaux  et  des  plus  élégants  animaux  que  l'on  connaisse.  Il  habite  les  Indes 
orientales  et  leur  archipel,  les  déserts  qui  séparent  la  Chine  de  la  Sibérie 
orientale,  jusque  entre  les  rivières  d'Irlisch  et  d'Ischim,  et  même  jusqu'à  l'Obi, 
quoique  rarement;  il  est  commun  dans  le  Bengale,  mais  jamais  on  ne  l'a  trouvé 
en  deçà  de  l'Indus,  de  l'Oxus  et  de  la  mer  Casi)ienne.  Ces  limites  bien  tracées 
n'empêchent  pas  que  presque  tous  les  anciens  voyageurs  qui  ont  parcouru  des 
contrées  chaudes,  non  pas  seulement  en  Asie,  mais  encore  en  Afrique  et  en 
Amérique,  disent  en  avoir  rencontré,  et  racontent  à  son  sujet  les  choses  les  plus 
exagérées  et  les  plus  merveilleuses.  Ici  c'est  le  combat  d'un  tigre  et  d'un  rhino- 


2iG  LRS  CAUNASSIEUS  DIGITIGRADES. 

c'éros  ou  iliui  crocodile;  là  il  terrasse  un  monslrueux  élé|)liant;  ailleurs  il  lulte 
contre  un  lion,  etc. 

Si  on  a  paré  le  lion  d'un  courage,  d'une  générosité,  d'une  noblesse  qu'il  n'a 
pas,  en  compensation  on  s'est  plu  à  nous  peindre  le  tigre  avec  les  couleurs  les 
plus  noires;  on  le  représente  comme  ayant  une  cruauté  inouïe,  une  férocité  in- 
domptable, une  soif  de  sang  qui  le  dévore  constamment;  et  il  n'y  a  pas  plus  de 
vérité  dans  ce  portrait  que  dans  l'autre.  Le  tigre  n'est  pas  plus  cruel  que  le  lion, 
mais  seulement  pour  approcher  sa  proie  il  met  plus  de  ruse,  pour  l'attaquer 
beaucoup  plus  d'audace,  et  pour  la  vaincre  un  courage  qui  ne  cède  qu'à  la 
mort.  Le  lion  annonce  son  approche  par  des  rugissements  qui  paralysent  ses 
victimes  :  le  tigre  se  glisse  à  petit  bruit  et  les  surprend  ;  le  lion  se  retire  s'il 
trouve  une  résistance  :  le  tigre  combat  et  se  fait  tuer.  Telles  sont  les  uniques 
différences  qui  constituent  la  générosité  de  l'un  et  la  cruauté  de  l'autre.  Le  cou- 
rage du  tigre  est  sans  mesure,  comme  sa  force  et  son  agilité.  Il  combat  indis- 
tinctement tous  les  animaux,  et  attaque  l'homme  avec  intrépidité.  Sa  course 
a  la  i-apidité  de  l'éclair;  on  en  a  vu  sortir  de  la  forêt,  saisir  un  cavalier  au  mi- 
lieu d'un  bataillon,  d'une  armée,  l'emporter  dans  les  bois  et  disparaître  avant 
même  qu'on  ait  eu  le  temps  de  le  poursuivre.  Ce  qui,  sans  doute,  n'a  pas  peu 
contribué  à  la  réputation  de  cruauté  que  l'on  a  faite  au  tigre,  c'est  ce  courage 
indomptable  (|ui  lui  fait  braver  les  armes  de  l'homme,  et  le  rend,  pour  notre 
espèce,  le  plus  terrible  des  animaux  et  le  fléau  des  Indes  orientales. 

Cependant,  quand  il  s'agit  de  surprendre  une  proie  timide  qui  lui  échapperait 
parla  vélocité  d'une  course  que  le  tigre  ne  peut  soutenir  longtemps,  il  se  blottit 
et  se  cache  dans  les  hautes  herbes  et  les  bambous,  comme  fait  le  lion.  Le  lieu 
de  son  embuscade  est  ordinairement  le  bord  d'une  mare  ou  d'une  rivière  où 
les  gazelles,  les  antilopes  et  autres  animaux  viennent  se  désaltérer  pendant  la 
chaleur  du  jour;  d'un  bond  prodigieux  il  se  jette  sur  un  de  ces  animaux,  le 
terrasse  du  premier  choc,  lui  brise  le  crâne,  et  l'entraîne  ensuite  dans  les  bois, 
fût-ce  un  buffle  ou  un  cheval,  en  courant  avec  autant  de  légèreté  qu'un  loup 
emportant  un  faible  agneau.  Quand  il  a  satisfait  sa  faim,  il  ne  cherche  pas 
d'autre  victime,  jusqu'à  ce  qu'un  nouveau  besoin  vienne  le  forcer  à  recommen- 
cer sa  chasse.  Plus  hardi  que  le  lion,  il  n'attend  pas  que  la  nuit  vienne  couvrir 
ses  manœuvres  de  son  ombre  ;  c'est  aussi  bien  le  jour  que  la  nuit  qu'il  sort  de 
sa  retraite  pour  se  mettre  en  quête.  Il  habite  de  préférence  les  roseaux  qui 
croissent  sur  le  bord  des  fleuves  et  des  grandes  rivières,  et,  comme  il  nage  fort 
bien,  il  aime  à  gagner  les  îlots  pour  y  établir  son  domicile  temporaire.  De  là, 
il  observe  ce  qui  se  passe  sur  le  fleuve,  et  va  chercher,  pour  s'en  nourrir,  les 
cadavres  d'hommes  et  d'animaux  qui  flottent  sur  les  ondes.  Sur  les  bords  du 
Gange,  il  est  rare  que  la  superstition  indienne  ne  lui  fournisse  pas  suffisam- 
ment de  cadavres  pour  qu'il  ait  besoin  d'aller  à  la  chasse.  On  sait  que  les  Hin- 
dous sont  persuadés  que  les  eaux  du  Gange  descendent  du  ciel  et  ont  la  mira- 
culeuse vertu  de  purifier  quiconque  s'y  baigne  ;  mourir  sur  ses  bords  ou  dans 
ses  flots  est  ce  qui  peut  arriver  de  plus  heureux  à  un  dévot  qui  veut  arriver  avec 
certitude  aux  délices  du  paradis.  Aussi,  plus  d'un  fanatique  y  cherche  une  mort 
volontaire,  des  mères  y  noient  leurs  enfants  par  excès  de  tendresse,  et  tout  cela 
au  profit  des  alligators  et  des  tigres. 


CHATS.  2'n 

Quelques  rois  de  llutle  niellent  la  chasse  du  ligre  au  nombre  des  plaisirs 
royaux,  el  la  font  avec  un  grand  appareil  d'hommes,  d'éléphants,  de  chevaux  et 
de  chiens.  Malgré  toutes  les  jjrécautions  prises  pour  la  sûreté  des  chasseurs, 
il  arrive  presque  toujours  quelques  malheurs,  el  il  n'est  pas  rare  de  voir  un 
tigre  bondir  et  enlever  un  homme  jusque  sur  le  dos  d'un  éléphant,  ou  terrasser 
ce  dernier  s'il  est  jeune  et  qu'il  parvienne  à  saisir  sa  redoutable  trompe,  à  la- 
quelle il  se  cramponne  opiniâtrement.  Lorsqu'il  est  harassé  de  fatigue  ou  gra- 
vement blessé  d'un  coup  de  feu,  il  se  relire  un  moment  dans  un  fourré  pour 
reprendre  haleine;  mais  il  revient  bientôt  au  combat  plus  furieux  qu'avant  de 
l'avoir  quitté,  se  faire  tuer  accablé  par  le  nombre,  et  trop  souvent  expirer  sur 
le  corps  sanglant  de  ses  ennemis.  Grâce  à  son  intrépidité  inconcevable,  rien  ne 
l'effraye,  rien  ne  l'intimide  :  ni  le  nombre  de  ses  ennemis,  ni  la  détonation  des 
armes  à  feu,  ni  les  cris,  ni  le  bruit,  le  feu  el  la  fumée,  qui  ne  font  qu'augmenter 
sa  fureur. 

Le  tigre  est-il  donc  le  plus  féroce  des  animaux,  et  le  portrait  qu'en  fait  Buffon 
serait-il  vrai?  Non;  je  le  répète,  il  n*est  ni  plus  féroce  ni  plus  cruel  que  le  lion, 
seulement  il  est  plus  courageux.  Pris  jeune  et  élevé  dans  la  domesticité,  il  s'ap- 
privoise parfaitement,  reconnaît  son  maître,  le  caresse  et  s'y  attache  autant 
qu'aucun  autre  animal,  hors  le  chien.  On  sait  que  l'empereur  Héliogabale,  dans 
une  représentation  du  triomphe  de  Bacchus,  se  montra  dans  Rome  sur  un  char 
traîné  par  des  tigres,  et  la  description  que  Pline  nous  a  laissée  de  ces  animaux 
ne  laisse  aucun  doute  sur  leur  identité.  Voilà  donc  ce  tigre  indomptable  qui 
oublie  sa  férocité  pour  s'accoutumer  à  la  domesticité;  il  l'oublie  au  point  de  se 
laisser  atteler  à  un  char,  el  de  traîner  sans  danger  pour  personne,  au  milieu 
d'une  population  nombreuse  et  turbulente,  un  empereur  bien  plus  féroce  que 
lui  !  Ce  fut  Auguste  qui  montra  le  premier  un  tigre  aux  Romains,  et  il  était  ap- 
privoisé. Mais  sans  aller  chercher  des  exemples  dans  l'antiquité,  quelques  per- 
sonnes se  souviennent  encore  d'avoir  vu  un  promeneur  de  ménagerie  ambulante 
qui  montrait,  à  Francfort,  un  tigre  d'une  rare  beauté.  A  son  commandement, 
l'animal,  attaché  à  une  chaîne  de  cinq  ou  six  pieds  pour  la  tranquillité  des  spec- 
tateurs, sortait  de  sa  cage  el  faisait  plusieurs  exercices.  Son  maître,  le  compa- 
rant à  un  cheval  qu'on  bride,  lui  ouvrait  les  mâchoires  et  lui  mettait  le  bras 
dans  la  gueule  en  guise  de  mors;  puis  il  s'asseyait  sur  son  dos  et  se  faisait  por- 
ter sans  que  l'animal  témoignât  la  moindre  impatience.  Tout  Paris  a  vu  le  sieur 
Martin  entrer  sans  crainte  dans  la  cage  d'un  tigre  qu'il  montrait  aux  curieux, 
s'asseoir  sur  lui,  le  caresser,  jouer,  le  contrarier  même,  sans  qu'il  en  ait  résulté 
le  moindre  accident.  Les  mousses  du  bâtiment  sur  lequel  on  amenait  à  Paris  le 
tigre  qui  existait  à  la  ménagerie  en  1853,  ne  trouvaient  rien  de  mieux  pour 
dormir  que  de  s'étendre  entre  les  cuisses  de  cet  animal  et  de  se  faire  un  traversin 
de  son  ventre.  Il  se  promenait  librement  sur  le  vaisseau,  el  on  ne  rallachail  au 
pied  du  mât  que  pendant  les  manœuvres.  Je  pourrais  multiplier  beaucoup  ces 
exemples  s'il  était  nécessaire. 

Quant  aux  autres  habitudes  du  tigre,  elles  sont  exactement  les  mêmes  que 
celles  du  lion  et  autres  grands  chats.  Fort  heureusement  pour  les  habitants  de 
l'Inde,  ce  teirible  animal  multiplie  fort  peu  son  espèce.  La  femelle  met  bas  de 
trois  à  cinq  i»etits;  mais  si  elle  n'a  pas  le  soin  extrême  de  les  cacher  dans  une 


24,8  LES  CMINASSIEUS   DIGITIGRADES. 

leli-ailo  sùro,  le  niàlc  ne  iiianque  jamais  de  les  manger  et  de  détruire  ainsi  sa 
lormidahle  posiérilé.  Elle  les  aime  avec  tendresse,  et  sa  fureur  devient  extrême 
(luand  on  les  lui  ravit.  "  Elle  brave  tous  les  périls,  dit  Buflbn;  elle  suit  les  ra- 
visseurs, qui,  se  trouvant  pressés,  sont  obligés  de  lui  relâcher  un  de  ses  petits; 
elle  s'arrête,  le  saisit,  l'emporte  pour  le  mettre  à  l'abri,  revient  quelques  in- 
stants après  et  les  poursuit  jusqu'aux  portes  des  villes  ou  jusqu'à  leur  vaisseau  ; 
et  lorsqu'elle  a  perdu  tout  espoir  de  recouvrer  sa  perte,  des  cris  forcenés  et 
lugubres,  des  hurlements  affreux  expriment  sa  douleur  cruelle  et  font  encore 
frémir  ceux  qui  les  entendent  de  loin.  »  Transportés  en  Europe,  dans  nos  mé- 
nageries, ces  animaux  meurent  presque  tous  de  idithisie  pulmonaire.  Ils  ne  s'y 
sont  jamais  accouplés,  au  moins  jusqu'à  ce  jour. 

La  PA^TIlÈllE  (FeHs  pardus,  Lin.  Le  i\ewr  jamais  été  ngiirce.  Voici,  selon  lui,  en  quoi  elle 
des  Aral)es.  La  Panthère  et  VOncc  de  Buff.]  diffère  du  léopard  :  sa  queue  serait  aussi  longue 
est  longue  de  près  de  quatre  pieds  (1,299),  uon  que  le  corps  et  la  télé  pris  ensemble,  et  ccim- 
compris  la  queue,  qui  a  deux  pieds  six  pouces  posée  de  dix-huit  veitèl)res,  tandis  (juc  celle  du 
(0,812);  son  pt'lage  est  d'un  fauve  jaunâtre  en  léopard  serait  de  la  longueur  du  corps  seule- 
dessus,  blanc  en  dessous,  avec  six  ou  sept  ran-  ment,  et  composée  de  vingt-deux  vertèbres  ;  la 
gées  de  taches  noires  en  (ninie  de  ruses,  c'est-  tète  de  la  pantlière  aurait  le  crâne  plus  allongé; 
à-dire  formée  de  l'assemblage  de  cinq  ou  six  pe-  son  pelage  serait  d'un  fauve  jaunâtre  foncé; 
lifes  taches  simples,  sur  chaque  flanc  ;  la  queue  ses  taches  en  roses  seraient  très-nombreuses  et 
n'a  de  noir,  et  seulement  en  dessus,  que  son  rapprochées,  ayant  au  plus  douze  à  quatorze 
dernier  huitième,  avec  trois  ou  quatre  anneaux  lignes  (0,027  à  0,052)  de  diamètre,  avec  le  cen- 
blancs.  Tel  est  l'animal  que  notre  célèbre  natu-  tre  de  la  même  couleur  que  le  fond  du  pelage, 
rnllsteG.Cuvier  a  cru  reconnaître  pour  la  pan-  tandis  que  dans  le  léopard  les  taches  seraient 
Ihere,  et,  dans  ce  cas,  il  se  trouverait  en  Arabie  assez  distantes,  de  dix-huit  lignes  (0,051)  dedia- 
et  en  Afrique,  aussi  bien  que  dans  l'Inde.  mètre,  et  auraient  le  fond  rose.  Dans  le  cas  où 

Selon  >L  Temminck,  cette  panthère  de  Cn-  l'opinion  de  M.  Temmiuck  prévaudrait  sur  celle 

vier  ne  serait  qu'un  léopard  ;  nous  n'aurions  de  Cuvier  et  de  tous  nos  naturalistes  français, 

jamais  possédé,  ni  au  cabinet  ni  à  la  ménagerie,  la  panthère,  assez  commune  au  Bengale,  ne  se 

de  véritable  panthère,  et  elle  n'aurait  même  trouverait  probablement  pas  en  Afrique. 

Toutes  les  panthères  que  nous  avons  eues  à  la  ménagerie  de  Paris,  ou  du 
moins  les  animaux  auxquels  on  donne  ce  nom,  étaient  farouches,  indomptables, 
et  d'une  férocité  stupide.  Quelques-unes  se  sont  conservées  assez  longtemps, 
mais  la  plupart  meurent  phthisiques  après  un  an  ou  deux.  Dans  les  pays  où 
elle  se  trouve,  la  panthère  n'habite  que  les  forêts,  et,  si  on  en  croit  les  voya- 
geurs, elle  monte  avec  beaucoup  d'agilité  sur  les  arbres,  pour  poursuivre  les 
singes  et  les  autres  animaux  grimpeurs  dont  elle  se  nourrit.  Ses  yeux  sont  vifs, 
dans  un  mouvement  continuel  ;  son  regard  est  cruel,  effrayant,  et  ses  mœurs 
sont  d'une  atroce  férocité.  Elle  n'attaque  pas  l'homme  quand  elle  n'est  pas  in- 
sultée; mais  à  la  moindre  provocation  elle  entre  en  fureur,  se  précipite  sur  lui 
avec  la  vitesse  de  la  foudre,  et  le  déchire  avant  qu'il  ait  eu  le  temps  de  penser 
à  la  possibilité  d'une  lutte.  La  nuit,  elle  sort  des  halliers  et  des  buissons  touffus 
où  elle  se  cache  pendant  le  jour  pour  épier  ses  victimes;  elle  vient  rôder  autour 
des  habitations  isolées  pour  surprendre  les  animaux  domestiques,  les  chiens 
surtout,  et,  faute  de  proie  vivante,  elle  se  nourrit  de  cadavres.  Quoique  Buffon 
ait  mal  connu  cette  espèce,  qu'il  l'ait  séparée  de  l'once,  qui  n'en  est  qu'une  va- 
riété, et  que,  pour  les  mœurs,  il  l'ait  confondue  avec  d'autres  grands  chats,  je 
crois  que  c'est  a  elle  (pi'il  faut  rapporter  ce  passage  :  "  Ea  i)anthère  paraît  être 


cil  Aï  s. 


'249 


iViine  nature  fière  et  peu  flexilde  :  on  la  ilouiple  plutôt  (|u"ou  ne  l'ap[>rivoise; 
jamais  elle  ne  perd  en  entier  son  caiaclére  féroce,  et  lorscju'on  veut  s'en  servir 
pour  la  chasse,  il  faut  beaucoup  de  soin  pour  la  dresser»  et  encore  plus  de  pré- 
cautions pour  la  conduire  et  l'exercer.  On  la  mène  sur  une  charrette,  enfermée 
dans  une  cage,  dont  on  lui  ouvre  la  porte  (|uand  le  giliier  paraît;  elle  s'élance 
vers  la  bêle,  l'atteint  ordinairement  en  trois  ou  quatre  sauts,  la  terrasse  et  l'é- 
trangle; mais  si  elle  manque  son  coup,  elle  devient  furieuse  et  se  jette  quel- 
(luefois  même  sur  son  maître,  qui,  d'ordinaire,  prévient  ce  danger  en  portant 
avec  lui  des  morceaux  de  viande  on  des  animaux  vivants,  comme  des  agneaux, 
des  chevreaux,  dont  il  lui  en  jette  un  pour  calmer  sa  fureur.  »  Si  ce  que  dit 
Bufl'on  est  vrai,  cela  ne  peut  s'appliquer  qu'à  la  panthère  ou  au  léopard,  car  le 
guépard  s'attache  à  son  maître  connue  un  chien,  et  n'est  jamais  dangereux  pour 
lui.  Tout  ce  que  nous  pourrions  dire  de  [)lus  sur  l'histoiie  de  cet  animal  appar- 
tient à  celle  des  chats  en  général. 


52 


250 


LES  CAUNASSIliRS   DiGiTKUl  A  DKS. 


Le  Léopard. 


Le  LÉOPARD  {  rdis  pai-dits,  Cvv.  Fclis  Icopardus,  ïkmm.  Felis  varia,  Sv.hr. 
Ij' Engo'i  du  Congo  ). 

Selon  (1.  Cuvicr,  le  léopard  ne  se  distinguerait  de  la  |)antlière  que  par  dix 
rangées  de  taches  plus  petites,  plus  annelées;  par  son  pelage  d'un  plus  beau 
fauve,  et  par  le  dernier  tiers  de  sa  queue,  qui  serait  noir  en  dessus  et  aux  côtés, 
avec  cin(i  ou  six  anneaux  blancs;  il  aurait  exactement  les  mêmes  dimensions. 
Selon  Temminck,  le  léopard  serait  beaucoup  plus  grand  que  la  panthère,  el 
approcherait  de  la  taille  de  la  lionne;  sa  queue,  composée  de  vingt-deux  ver- 
tèbres, serait  de  la  longueur  de  son  corps;  il  aurait  le  pelage  d'un  jaune  claii-, 
parsemé  de  taches  assez  distantes,  ayant  au  plus  dix-huit  lignes  (0,04^)  de  dia- 
mètre, et  dont  le  fond  serait  rose;  le  dessous  du  corps  blanc.  J'avoue  que  j'ai 
trouvé  à  la  ménagerie  tant  de  difficultés  à  reconnaître  dans  la  panthère  et  le 
léopard  des  caractères  spécifiques  tranchés,  que  je  serais  bien  tenté  de  me  ran- 
ger à  l'opinion  de  Temminck,  et  de  regarder  nos  prétendues  panthères  comme 
de  simples  variétés  de  taille  du  léopard. 

Assez  généralement  les  voyageurs  ont  gratifié  du  nom  de  tigre  toutes  les 
grandes  espèces  de  chats  qui  ont  la  peau  mouchetée  de  taches  noires  et  arron- 
dies, sans  s'inquiéter  si  le  vrai  tigre  lui-même  portait  cette  robe,  ce  qui  n'est 
pas.  Cette  habitude  n'a  pas  peu  contribué  à  jeter  la  confusion  dans  l'histoire 
des  espèces  de  chats,  et  Buffon,  malgré  sa  critique  et  son  talent,  n'a  pu  se  tirer 
de  ce  chaos.  En  outre,  tous  ces  animaux  tachetés  ont  entre  eux  une  telle  ressem- 
blance, (pic  Cuvicr  lui-même  eu  est  venu  à  douter  s'il  existait  vraiment  un  léo- 
[lard  distinct  spéci(i(piemenl  de  la  panthère.  «  Si  cela  est,  dit-il,  je  pense  que  ce 


CHATS.  251 

doit  être  un  animal  dont  nous  avons  reçu  des  peaux  de  lile  de  la  Sonde.  »  Il  en 
résulte  que  le  premier  que  nous  avons  décrit  ne  se  trouverait  que  dans  l'Asie,  et 
(|ue  le  second,  celui  de  Temminck,  habiterait  non-seulement  l'Asie,  mais  encore 
rAIVi(jue,  et  pourrait  bien  n'être,  comme  il  le  dit,  qu'une  simple  variété  de 
pelage  de  l'animal  auquel  on  donne,  à  la  ménagerie,  le  nom  de  panthère. 

Quoi  qu'il  en  soit,  en  Afrique  le  léopard  est  célèbre  pour  son  courage  et  sa 
cruauté.  Il  a  l'air  féroce,  l'œil  inquiet,  le  regard  cruel,  les  mouvements  brus- 
ques, et,  ajoute  Buffon,  les  cris  semblables  à  celui  d'un  dogue  en  colère;  il  a 
même  la  voix  plus  forte  et  plus  rauque  que  le  chien  irrité.  Il  se  plaît  dans  les 
forêts  touflues,  où  il  épie  et  surprend  tous  les  animaux  plus  faibles  que  lui, 
pour  s'en  nourrir.  Comme  la  panthère,  il  est  d'une  force  et  d'une  agilité  incon- 
cevables, et  il  grimpe  sur  les  arbres  pour  y  poursuivre  les  chats  sauvages. 
Quelquefois,  ainsi  que  le  lynx,  il  se  place  sur  une  grosse  branche,  et  là,  im- 
mobile, le  cou  tendu  et  l'oreille  au  vent,  il  attend  qu'une  antilope  passe  à  sa 
portée  pour  s'élancer  sur  elle,  la  terrasser,  la  déchirer  avec  ses  griffes  et  la 
dévorer.  Il  lui  arrive  aussi  de  rôder  autour  des  habitations  pour  saisir  les  ani- 
maux domestiques.  Il  ose  même  s'approcher  en  plein  jour  des  troupeaux,  et 
alors  il  emploie  une  patience  et  une  ruse  admirable  pour  s'approcher  sans  bruit 
et  sans  être  aperçu  de  la  victime  que  son  a^il  a  désignée.  Il  se  coule  lentement 
le  long  d'un  ravin;  il  se  glisse  à  travers  les  buissons;  il  rampe  dans  l'herbe 
comme  un  serpent,  en  se  traînant  sur  le  ventre.  Si  l'animal  fait  un  mouvement 
d'inquiétude  et  lève  la  tête,  le  léopard  se  colle  à  la  terre  et  reste  immobile,  en 
retenant  même  sa  respiration;  puis,  quand  l'animal  rassuré  s'est  remis  à  paître, 
la  même  manœuvre  recommence,  mais  avec  encore  plus  de  lenteur  et  de  cir- 
conspection; il  avance  avec  l'extrême  soin  de  se  masquer  constamment  derrière 
les  objets  placés  entre  sa  proie  et  lui,  et  sa  persévérance  est  telle,  qu'il  mettra 
deux  heures,  s'il  le  faut,  pour  arriver.  3Iais  lorsqu'il  se  croit  à  une  distance 
convenable,  prompt  comme  l'éclair,  il  se  jette  sur  sa  victime,  la  saisit  et  l'em- 
porte dans  le  bois  voisin  en  bondissant  et  en  courant  d'une  telle  vitesse,  que  ni 
chien  ni  berger  ne  peuvent  l'atteindre.  Quand  il  manque  sa  proie,  sa  métiance 
ne  lui  permet  pas  d'en  choisir  une  autre,  fiit-il  au  milieu  du  troupeau;  il  s'ar- 
rête, se  retire  ensuite  lentement,  en  reculant,  sans  ôter  ses  yeux  de  dessus  les 
chiens  et  le  berger,  et  en  bravant  leurs  cris  et  leurs  clameurs.  Parvenu  à  une 
certaine  distance,  il  se  retourne  et  se  retire  un  peu  plus  vite,  mais  sans  cou- 
rir, en  tournant  souvent  la  tête  et  leur  lançant  des  regards  étincelants.  Si,  dan.s 
toute  circonstance,  on  lui  tire  un  coup  de  fusil  et  qu'on  ne  fasse  que  le  blesser, 
loin  de  fuir,  il  se  précipite  sur  l'imprudent  chasseur,  et  c'en  est  fait  de  lui 
s'il  n'a  pas  d'armes  pour  se  défendre,  de  camarades  pour  tirer  sur  le  monstre, 
ou  au  moins  des  chiens  forts  et  courageux  pour  le  harceler  et  lui  tenir  tête.  Si  le 
coup  de  fusil  l'a  renversé,  il  est  dangereux  de  s'approcher  de  lui  avant  qu'il  soit 
tout  à  fait  expiré,  car  dans  ses  derniers  moments  il  concentre  tout  ce  qui  lui  reste 
de  force  pour  les  employer  à  la  vengeance. 

Les  Nègres  lui  tendent  le  même  piège  qu'à  la  panthère  et  au  lion.  Dans  un 
endroit  qu'ils  reconnaissent  pour  être  fréquenté  par  lui,  ils  creusent  une  fosse 
profonde,  recouverte  de  roseaux  et  d'un  peu  de  terre,  sur  huiuelle  ils  déposent 
pour  appât  (juebpie  bêle  moite,  ou  un  agneau  dont  les  bêlements  attirent  le  léo- 


05-2  l^ES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES, 

pard  (le  fort  loin.  D'autres  iois,  quand  les  Nègres  sont  en  nombre,  ils  osent  l'alta- 
(luer  corps  à  corps,  afin  d'avoir  sa  peau  cpii  est  une  fourrure  superbe  et  de  beau- 
coup de  valeur.  Ils  parviennent  à  le  tuer  à  coups  de  flèches  et  de  sagaies,  pendant 
que  leurs  chiens  l'occupent  et  le  harcèlent  ;  mais,  quelque  percé  (pi'il  soit  de 
leurs  coups,  il  se  défend  avec  rage  tant  qu'il  lui  reste  une  étincelle  de  vie.  et 
fort  souvent  il  ne  meurt  pas  sans  s'être  vengé  sur  les  chiens  ou  sur  les  hommes. 
Les  Négresses  du  Congo  recherchent  beaucoup  ses  dents  pour  s'en  faire  des 
colliers. 


Le  TiCER-BosciiKAT  ou  Se  ival  (  /V/is    serrai, 
(iMi..  Le  Chnt  du  Cnp    de  Foustih.  Le  Chat 
tigre  des  fourreurs.  Les  Felis  galeopardus  et 
rapcn^is  de  Desm.  Le  Chai-pard  de  Perhai;!-!. 
Le  .Serrai  de  Biff.)  atteint  jusqu'à  vingt-huit 
pouces  (0,758)  de  longueur,  non   compris  la 
([ueue,  qui  en  a  huit  ou  neuf  (0,217  ou  0,24^i  ; 
ses  oreilles  sont  grandes,  rayées  de  noir  et  de 
hlanc;son  pelage  est  d'un  iauve  clair,  tirant 
quelquefois  sur  le  gris  ou  sur  le  jaune  ;  il  a  le 
tour  des  lèvres,  la  gorge,  le  dessous  du  cou  et 
le  haut  de  l'iulérieur  des  cuisses  blanchâtres; 
des  inouchrtures  noires  sur  le  Iront  et  les  joues  ; 
une  double  ligne  de  ces  mouchetures  au  pli  de 
la  gorge;  quatre  raies  noires  le  long  du  cou, 
dont  les  e\trènies,  interrompues  sur  l'épaule, 
repreuueut  pour  linir  plus  loin  ;  au  même  point 
les   intermédiaires  s'écartent  pour  eu   laisser 
naître  deux  autres,  terminées  au   tiers  anlé- 
riem*  du  dos  ;  des  taches  isolées  sur  le  reste  du 
corps  ;  deux  bandes  noires  à  la  face  interne  du 
bras,  et  la  queue  anuelée  de  noir;  toutes  les 
taches  sont  pleines. 

Cet  animal  habite  les  foiéts  du  cap  de  Bonne- 
Lspérauce  et  de  toute  la  partie  méridionale  de 
l'Afrique.  11  grimpe  sur  les  arbres  avec  beau- 
coup d'agilité  et  s'occupe  sans  cesse  à  douuer 
la  chasse  aux  singes,  aux  rats  et  aux  autres  pe- 
tits animaux.  On  en  a  eu  plusieurs  à  la  ména- 
gerie, mais  jamais  ou  n'a  pu  les  a|)privoiser. 
J)aus  la  captivité,  il  parait  iudillérent  aiL\  bons 
traitements;  les  niauvais  le  font  entrer  dans 
une  fureur  que  rien  ne  peut  calmer,  et  il  parait 
impossible  d'adoucir  oudedouqjter  sa  férocité. 
Au  i.ap  on  l'echei  che  sa  fourrure  pour  eu  faire 
le  commerce,  parce  que,  étant  foi-t  belle,  douce 
et  chaude,  elle  a  une  assez  grande  valeur. 

Le  CuAT  DOUE  iFe/ii  rhnjsoihr'ixel  Felis  au- 
rala,  1  emm.J  a  environ  deux  pieds  et  demi 
i0,8l2i  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
est  moitié  de  la  loufiueur  du  corps  seulement, 
avec  une  bande  brune  tout  le  long  de  sa  ligne 
Uiédiaue,  et  le  bout  noir;  les  oreilles  sont  cour- 
tes, airondies,  sans  pinceaux  de  poils  ;  le  pelage 
est  très-court,  luisant,  d'un  rouge  bai  très-vif, 
sans  taches  sui-  les  parties  su])érieures,  avec 
quelques  petites  taches  brunes  sui'  les  lianes 
cl  le  ventre;  ce  dernier  d'un  blanc  roussiUre; 


la  gorge  est  blanche  ;  les  oreilles  sont  noires  en 
dehors,  roussàtres  en  dedans,  et  les  quatre  pat- 
tes d'un  roux  doré.  Sa  patrie  est  inconnue. 

Le  Step:naja-Koschka  ou  Maboul  (Felis  ma- 
nitl,  Pall.)  est  de  la  taille  d  un  renard  ;  sa  queue, 
touffue,  touchant  à  terre,  est  marquée  de  six  a 
neuf  anneaux  noirs;  son  pelage  est  d'un  fauve 
loussàtre  uniforme,  très-touffu  et  très- long  ;  il 
a  deux  points  noirs  sur  le  sommet  de  la  tète, 
et  deux  bandes  noires  parallèles  sur  les  joues. 
Sou  museau  est  très-court,  et  il  lui  manque  la 
dent  màchelière  antérieure  qu'ont  les  autres 
chats. 

Tennuinck  n'a  point  admis  celte  espèce;  mais 
la  figure  bien  caractérisée  qu'en  a  donnée  Pal- 
las  ne  laisse  aucun  doute  sur  son  existence.  Ce 
chat,  toujours  selon  Pallas,  serait  la  souche  de 
notre  chat  d'Angora,  probablement  à  cause  de 
sa  fourrure  dont  les  poils  ont  de  vingt  .'i  vingt- 
huit  lignes  ,0,0  56  h  0,064)  de  longueur.  Le  ma- 
noul  habite  surtout  les  solitudes  les  plus  nues 
des  vastes  steppes  rocheuses  qui  s'étendent  en- 
tre la  Chine  et  la  Sibérie;  il  parait  qu'il  ne  se 
plaît  pas  dans  les  bois,  où  il  n'entre  jamais,  et 
qu'il  préfère  les  pajs  stériles  et  hérissés  de  ro- 
chers ;  aussi  n'est-il  pas  rare  dans  la  Daoniie 
et  dans  toutes  ces  contrées  comprises  entre  la 
mer  Caspienne  et  l'Océan,  au  sud  du  cinquante- 
deuxième  degré  de  longitude.  C'est  un  animal 
nocturne,  qui  ne  sort  que  la  nuit  du  trou  de 
rocher  où  il  dort  pendant  le  jour,  iiour  aller 
faire  la  chasse  aux  oiseaux  et  aax  petits  mam- 
mifères dont  il  se  nourrit.  C'est  surtout  .'i  la  ti- 
mide famille  des  lièvres  qu'il  fait  une  guerre 
aussi  acharnée  que  cruelle. 

Le  CuAT  OBScm  {Felis  obscura,  Desm.  Le 
Chat  noir  du  Cfi]>,  Fr.  Cuv.)  a  le  pelage  d'un 
noir  un  peu  roussàlre,  avec  des  bandes  li  ans- 
versales  d'un  noir  foncé  et  très-nombreuses;  il 
a  sept  auueaux  à  la  queue.  Cette  espèce  dou- 
teuse se  trouverait  au  &ip  de  Boiuie  Espérance. 
Le  Chat  de  i.a  Cafuehie  (  Felis  cofra,  Desm.) 
est  d'un  tiers  plus  grand  que  notre  chat  sau- 
vage. 11  est  d'un  gris  fauve  en  dessus  et  fauve 
en  dessous  ;  les  paupières  supérieures  sont  blan- 
châtres; sa  gorge  est  entourée  de  trois  colliers  ; 
il  a  vingt  bandes  brunes  transversales  sur  les 
flancs;  huit    bandes  noires  lui    traversent  les 


CHATS. 


563 


pMlIt's  iW  deviiiit,  et  doiizo  celles  dv  di'rricre  ;  sa 
i|iiciio  est  longue,  à  qiialre  anneaux  bien  inar- 
(|ucs,  et  terminée  de  noir.  M.  Lalande  l'a  trou- 
vée dans  la  Cafrerie 

Le  Chat  r.A>TK  (  FtHs  mnniritlata,  Rdpp  — 
TKjni.l  est  à  peu  près  de  la  faille  du  chat  do- 
iiiesliiiue.  Il  est  d'un  gris  fauve,  avec  la  piaule 
(les  |)ieds  noire;  il  a  sur  la  tête  sei)t  ou  huit 
Itandes  noires,  étroites  et  arquées;  sa  (pieue 
est  longue,  noire  au  bout,  avec  deux  anneau.x 
rapprochés  de  celte  couleur;  la  ligne  de  son 
dos  est  noire;  les  parties  iidërieuies  sont  blan- 
ches, nuancées  de  fauve  sur  la  poitrine  ;  la  face 
cvleine  des  pieds  de  devant  a  quatre  ou  cinq  pe- 
tites bandes  transversales  brunes,  et  la  face  in- 
terne deux  grandes  lâches  noires;  il  porte  cinq 
ou  six  petites  bandes  sur  les  cuisses.  11  liiibite 
l'Kgvpte,  el  probablement  toute  la  partie  sep- 
tentrionale de  l'Alrique. 

Le  (  JiAT  DU  BE\(i  \LE  {Felis  bengnleusis,  De.sm  .) 
est  delà  taille  du  cliat  ordinaire,  son  pelage  est 
d'un  gris  fauve  en  dessus,  blanc  en  dessous; 
son  front  est  marqué  de  cpiatres  lignes  longitu- 
dinales brunes,  et  les  joues  de  deux;  il  a  un 
ollier  sons  le  cou  et  un  autre  sous  la  gorge; 
des  tnches  brunes  et  allongées  s'étendent  sur 


son  dos;  ses  pieds  et  scm  ventre  sont  mouche- 
tés (le  brun  ;  et  sa  queue  est  brunâtre,  avec  des 
anneaux  peu  ai)|)arents.  Il  hal)ile  le  Bengale. 

Le  CiuT  DOMESTIQUE  (  Ff/is  cntiis,  Ln.)  est 
tro])  généralement  connu  de  nos  lecteurs  pour 
que  nous  ijcrdions  notre  temps  à  le  décrire  , 
descriplion  qui,  d'ailleurs,  s  'rait  fort  difficile, 
au  moins  pour  les  couleurs,  puis(iue,  ainsi  que 
tous  les  animaux  soumis  aune  antique  domesti- 
cité, son  pelage  varie  de  mille  manières.  Quant 
à  son  l)pe,  le  chat  sauvage,  il  ne  varie  pas,  et 
nous  allons  donner  sa  descriplion  :  Son  pelage 
est  d'un  gris  brun  un  peu  jaunâtre  en  dessus, 
d'un  gris  jaune  pâle  en  dessous  ;  il  a  sur  la  tète 
quatre  bandes  noiràlres  qui  s'unissent  en  une 
seule  plus  large  régnant  sur  le  dos  ;  des  bandes 
traiisverses  très-lavées  sur  les  flancs  et  les  cuis- 
ses ;  du  blanc  autour  des  lèvres  cl  sur  la  niii- 
choire  inférieure  ;  le  nuiseau  d'tm  fauve  clair  ; 
deux  anneaux  noirs  près  du  bout  de  la  queue, 
(jui  est  également  noir,  ainsi  que  la  plante  des 
pieds.  11  a  vingt-deux  pouces  ((t,59G)  de  lon- 
gueur, non  compris  la  queue,  c'est-à-dire  qu'il 
est  de  très-peu  plus  grand  que  le  chat  domes- 
tique. Malgré  sa  petite  taille,  on  retrouve  dans 
le  chat  sauvage  les  habitudes  des  grandes  espèces. 


Le  chat  sauvage  était  autrefois  assez  commun  dans  toutes  les  grandes  forêts 
de  la  France,  et,  dans  ma  jeunesse,  j'en  ai  assez  souvent  tué  dans  les  montagnes 
(|ui  séparent  le  cours  de  la  Loire  de  celui  du  Rhône  et  delà  Saône;  mais  aujour- 
d'hui il  est  devenu  extrêmement  rare,  et  prohablement  dans  quelques  années  on 
ne  l'y  trouvera  plus.  Il  vit  isolé,  dans  les  bois,  d'une  chasse  active  qu'il  fait  aux 
l)erdrix,  aux  lièvres,  et  à  tous  les  autres  animaux  faibles.  Il  grimpe  sur  les  ar- 
bres avec  la  plus  grande  agilité,  et  fait  ses  petits  dans  les  trous  que  les  ans  et  les 
pluies  ont  creusés  dans  leur  tronc.  Devant  les  chiens  courants,  il  se  fait  battre  et 
rebattre  dans  les  fourrés,  absolument  comme  le  renard  ;  mais,  lorsqu'il  est  fati- 
gué, au  lieu  de  hier  de  long  comme  lui,  il  s'élance  sur  un  arbre,  se  couche  sur 
une  grosse  branche  basse,  et,  de  là,  regarde  fort  tranquillement  passer  la  meute, 
sans  s'en  mettre  autrement  en  peine. 

De  cette  espèce,  et  peut-être  aussi  du  chat  ganté,  comme  le  pensent  les  na- 
turalistes allemands  Rtipel  et  Ehrenberg,  sont  sorties  les  nombreuses  variétés 
de  chats  domestiques,  (pie  l'on  peut,  comme  l'a  fait  Linné,  grouper  en  quatre 
race,  principales,  savoir  : 

Le  tiiiAT   DOMESTIQUE  Tif.iiE  { l'clis  cntiis  (lo-         Le  ("-HAT  D  r.sPAO>E  {  Felis  (iihis  liispaiiicus , 

mestxus,  Li.\.)  ;  l^n.i  ; 

Le  CuAT  DES  CiiAHTHEux  { l'elis  ratiix  cwrii-  Le  Chat  d'.\m;oiia  {  l-'eii.s  rntiis  anghrru.'is, 

leus,  Ln.)  ;  Liis.). 


La  nature  a  des  mystères  qui,  probablement,  resteront  toujours  impénétrables, 
et  les  elfets  physiologiques  (jue  produisent  sur  les  animaux  les  dillerentes  coi>- 
ieiirs  de  leur  pelage  sont  au  noiubre  de  ces  secrets  inexplicables.  Le  chat  en 


■25'»  LES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 

olVio  un  (les  exemples  les  plus  singuliers.  Si  un  de  ces  animaux  porte  sur  sa 
rithe  (lu  blanc,  (lnjaun-e  et  du  noir,  c'est  infailliblement  une  femelle.  J'avais  fait, 
ou  l'on  m'avait  fait  faire  cette  remarque  dans  mon  enfance;  pendant  tout  le 
cours  de  ma  vie  je  n'ai  pas  perdu  une  seule  occasion  de  la  vérifier,  et  jamais  je 
n'ai  pu  trouver  un  mâle  marqué  de  ces  trois  couleurs. 

Buffon  était  un  grand  peintre  et  savait  habilement  placer  dans  ses  tableaux 
des  ombres  noires  pour  faire  ressortir  davantage  les  brillantes  coideurs  dont  il 
embellissait  les  scènes  principales;  mais  ces  ombres,  ces  parties  sacrifiées,  tom- 
baient-elles toujours  juste?  Non,  et  nous  en  citerons  comme  preuve  l'histoire 
du  chat,  qu'il  a  chargée  de  sombres  couleurs  évidemment  pour  faire  valoir  celles 
du  chien.  Ces  oppositions  sont  fort  habiles,  très-piquantes,  mais  elles  ne  sont 
pas  vraies.  11  a  calomnié  le  chat,  comme  nous  allons  le  monirer  en  rapportant 
le  portrait  qu'il  en  fait.  «  Le  chat,  dit-il,  est  un  domestique  infidèle,  qu'on  ne 
garde  que  par  nécessité,  pour  l'opposer  à  un  autre  ennemi  domestique  encore 
plus  incommode,  et  qu'on  ne  peut  chasser  :  car  nous  ne  comptons  pas  les  gens 
qui,  ayant  du  goût  pour  toutes  les  bêles,  n'élèvent  des  chats  que  pour  s'amuser; 
l'un  est  l'usage,  l'autre  l'abus.  Et  quoique  ces  animaux,  surtout  quand  ils  sont 
jeunes,  aient  de  la  gentillesse,  ils  ont  en  même  temps  une  malice  innée,  un  ca- 
ractère faux,  un  naturel  pervers,  que  l'âge  augmente  encore,  et  que  l'éducation 
ne  fait  que  masquer.  De  voleurs  déterminés,  ils  deviennent  seulement,  quand  ils 
sont  bien  élevés,  souples  et  flatteurs  comme  les  fripons  ;  ils  ont  la  même  adresse, 
la  même  subtilité,  le  même  goût  pour  faire  le  mal,  le  même  penchant  à  la  petite 
rapine  ;  comme  eux  ils  savent  couvrir  leur  marche,  dissimuler  leur  dessein,  épier 
les  occasions,  attendre,  choisir,  saisir  l'instant  de  faire  leur  coup,  se  dérober 
ensuite  au  châtiment,  fuir  et  demeurer  éloignés  jusqu'à  ce  qu'on  les  rappelle. 
Ils  prennent  aisément  des  habitudes  de  société,  mais  jamais  de  mœurs  :  ils 
n'ont  que  l'apparence  de  l'attachement;  on  le  voit  à  leurs  mouvements  obliques, 
à  leurs  yeux  équivoques;  ils  ne  regardent  jamais  en  face  la  personne  aimée;  soit 
défiance,  soit  fausseté,  ils  prennent  des  détours  pour  en  approcher,  pour  cher- 
cher des  caresses  auxquelles  ils  ne  sont  sensibles  que  pour  le  plaisir  qu'elles  leur 
font.  Bien  différent  de  cet  animal  fidèle,  dont  tous  les  sentiments  se  rapportent 
à  la  personne  de  son  maître,  le  chat  ne  paraît  sentir  que  pour  soi,  n'aimer  que 
sous  condition,  ne  se  prêter  au  commerce  que  pour  en  abuser  ;  et,  par  cette 
convenance  de  naturel,  il  est  moins  incompatible  avec  l'homme  qu'avec  le  chien, 
dans  lequel  tout  est  sincère.  » 

Voyons  maintenant  ce  que  ce  portrait  a  d'exagéré  et  de  faux.  Si  le  chat  est 
voleur,  et  tous  ne  le  sont  pas,  c'est  toujours  la  faute  de  ses  maîtres.  Les  uns, 
par  parcimonie,  lui  refusent  une  quantité  suffisante  de  nourriture;  d'autres,  par 
un  cruel  préjugé,  ne  lui  en  donnent  pas  du  tout,  sous  prétexte  qu'il  cesse  de 
chasser  aux  souris  dès  ({u'il  trouve  à  manger  à  la  maison  ;  ce  préjugé  du  moins 
contredit  la  prétendue  férocité  du  chat  qui,  ainsi  que  la  plupart  des  autres  ani- 
maux, ne  donne  la  mort  que  poussé  par  la  faim.  Dans  la  maison,  il  habite  avec 
un  rival  préféré,  un  ennemi  mortel,  le  chien,  toujours  prêt  à  le  poursuivre  et  à 
l'étrangler  quand  il  peut  l'atteindre.  Cette  société  n'est  pas  faite  pour  lui  donner 
de  l'assurance,  pour  vaincre  la  timidité  naturelle  de  son  caractère.  Toujours 
exposé  aux  attaques  d'un  (Hre  pour  le(piel  il  a  une  profonde  antipathie,  il  a  dû 


CHATS  255 

devenir  méfiant,  et  couvrir  sa  faiblesse  d'une  extrême  prudence;  sa  marche  de- 
vient oblique,  il  prend  des  détours  pour  approcher,  il  jette  dans  l'appartement 
un  œil  scrutateur,  et  n'entre  que  lorsqu'il  est  certain  de  pouvoir  le  faire  sans 
danger  :  est-ce  là  de  la  fausseté?  Il  n'est  sensible  aux  caresses  que  par  le  plaisir 
quelles  lui  font,  dit  le  grand  écrivain  ;  mais  il  a  cela  de  commun  avec  le  chien, 
avec  l'honnne  même,  et  si  Buffon  a  entendu  parler  du  plaisir  physique  seule- 
ment, je  répondrais  que  rien  ne  prouve  cette  assertion,  puisque  le  chat,  ainsi 
que  le  chien,  rend  caresses  pour  caresses  et  lèche  avec  affection  la  main  qui  le 
nourrit.  Un  chat  affamé,  maltraité,  harcelé,  profite  des  ombres  de  la  nuit  pour 
se  glisser  furtivement  dans  la  cuisine,  y  saisir  avec  subtilité  un  misérable  mor- 
ceau de  viande  pour  apaiser  une  faim  dévorante,  et  voilà  de  la  perversité  !  Mais 
il  n'est  pas  un  chien  de  chasse  qui  n'en  fasse  autant  dans  l'occasion,  avec  plus 
d  audace  à  la  vérité,  et  on  ne  l'accuse  pas  de  manquer  de  mœurs,  d'être  pervers, 
de  ne  se  prêter  au  commerce  que  pour  en  abuser.  Le  chat  n'est  farouche  et  sau- 
vage qu'autant  qu'il  est  dédaigné  et  maltraité;  quand  il  est  élevé  avec  douceur, 
il  s'attache  à  son  maître,  lui  montre  de  l'affection,  et  obéit  même  à  son  com- 
mandement. 11  est  susceptible  d'éducation  autant  que  son  intelligence  bornée  le 
hii  permet;  j'en  ai  vu  qui  donnaient  la  patte,  qui  contrefaisaient  le  mort,  ''t 
même  qui  rapportaiejit  comme  un  chien.  Buffon  lui-même  dit  que  des  moines 
grecs  de  l'île  de  Chypre  en  avaient  dressé  à  chasser,  et  à  prendre  et  tuer  les  ser- 
|)ents.  Il  est  vrai  qu'après  une  antique  servitude,  le  chat  n'est  devenu  (pi'à  moi- 
tié domestique,  et  qu'il  a  su  conserver  son  entière  indépendance  ;  mais  ceci 
résulte  purement  de  son  organisation  physique,  et  non  de  son  moral.  Animal 
exclusivement  de  proie,  il  a  les  habitudes,  les  gestes  de  ces  animaux,  quoiqu'il 
en  ait  perdu  le  caractère,  au  moins  dans  les  grandes  villes,  où  Ion  a  soin  de  lui. 
où  ses  besoins,  ses  appétits  sont  constamment  satisfaits.  On  dit  qu'il  satlachc 
plus  au  logis  qu'à  ses  maîtres;  et  cela  est  vrai,  mais  seulement  dans  les  mai- 
sons où  l'on  s'inquiète  peu  de  lui,  où  il  n'a  pas  pu  placer  son  affection  sur  quel- 
(pi'un.  S'il  a  été  adopté  par  une  personne,  qu'il  en  ait  reçu  des  soins,  des  ami- 
tiés, qu'il  s'y  soit  attaché,  il  la  suit  dans  un  autre  logis,  s'y  établit,  y  reste,  et 
ne  pense  pas  à  retourner  dans  celui  qu'on  lui  a  fait  quitter. 

En  résumé,  le  chat  est  d'un  caractère  timide;  il  devient  sauvage  par  poltron- 
nerie, défiant  par  faiblesse,  rusé  par  nécessité.  II  n'est  jamais  méchant  que  lors- 
(pi'il  est  «Ml  colère,  et  jamais  en  colère  que  lorsqu'il  croit  sa  vie  menacée;  mais 
alors  il  devient  dangereux,  parce  ((ue  sa  fureur  est  celle  du  désespoir,  et  qu'alors 
il  combat  avec  tout  le  courage  des  lâches  poussés  à  bout.  Il  a  conservé  de  son 
indépendance  autant  qu'il  lui  en  fallait  pour  assurer  son  existence  dans  la  posi- 
tion que  nous  lui  avons  faite,  et  si  on  rend  cette  position  meilleure,  comme  à 
Paris,  par  exemple,  où  le  peuple  aime  les  animaux,  il  abandonnera  aussi  une 
partie  de  son  indépendance  en  proportion  de  ce  qu'on  lui  donne  en  affection. 

La  chatte  est  plus  ardente  en  amour  que  le  mâle,  ce  qui  est  une  exception  dans 
la  nature  ;  elle  entre  communément  en  chaleur  deux  fois  par  an,  en  automne  et 
au  printemps;  elle  porte  cinquante-cinq  à  cinquante-six  jours,  et  ses  portées 
ordinaires  sont  de  quatre  à  six  petits.  Comme  les  mâles  à  demi  sauvages  sont 
sujets  à  dévorer  leur  progéniture,  la  femelle  cache  ses  petits  dans  des  trous  ou 
d'autres  lieux  retirés,  et  elle  les  transporte  ailleurs  et  les  change  de  place  à  la 


•25(i 


LES  CAKNASSIliUS   DKIITIGR  A  UES. 


iiMtiiidro  a[)|)arciice  de  danger.  Après  les  avoir  allaités  quelques  semaines,  elle 
leur  apporte  des  souris,  des  petits  oiseaux,  et  les  accoutume  peu  à  peu  à  vivre  de 
proie.  Il  arrive  quelquefois  aux  jeunes  mères,  qui  mettent  bas  pour  la  première 
fois,  de  manger  leurs  petits  au  lieu  du  placenta  que  mangent  toutes  les  espèces 
d'animaux.  Cette  erreur  de  l'intelligence  animale  est  une  des  bases  fondamentales 
sur  la(iuelle  on  établit  la  férocité  de  l'espèce.  Mais  ceci  arrive  encore  plus  sou- 
vent aux  lapines,  et  je  ne  vois  pas  que  pour  cela  Buffon  ait  avancé  que  le  lapin 
est  un  animal  féroce.  Le  chat  est  joli,  léger,  adroit,  plein  de  grâce,  et  sa  robe 
est  toujours  d'une  propreté  rechercbée  ;  ses  poils  soyeux,  secs  et  lustrés,  s'élec- 
irisent  aisément,  et,  si  on  les  frotte  dans  l'obscurité,  on  en  voit  sortir  des  étin- 
celles. Lorsque  la  femelle  est  en  cbaleur,  elle  s'échappe  de  la  maison,  et  va 
(pielquefois  s'accoupler  avec  les  chats  sauvages.  Les  petits  qui  en  résultent  sont 
tort  beaux,  mais  on  les  dit  plus  farouches  que  leur  mère.  La  longueur  ordinaire 
de  la  vie  d'un  chat  est  de  dix  à  quinze  ans. 


— if~2i^^ 


CHATS. 


l  •>.  CHATS  D  AMKKIQUK 


Le  JAC.UAii  i  Fclis  oiiçd,  Lin.  L'Oina  des  Portugais.  Le  ilailanijuï-tkcloil, 
<rHernaiulès.  La  Grande  Pmilhcrc  des  fourreurs.  Ti(jiis  amrricaiins,  Boliv.). 

Après  le  tigre  et  le  lion,  cet  animal  est  le  plus  grand  de  son  genre.  Azzara  dit 
en  avoir  mesuré  un  qui  avait  six  pieds  (  1 ,9  î'J)  de  longueur  non  compris  la  (lueue, 
<iui  elle-même  était  longue  de  vingt-deux  pouces  (0,590).  Son  pelage  est  d'un 
l'auve  vif  en  dessus,  semé  de  taches  plus  ou  moins  noires,  ocellées,  c'est-à-dire 
iormant  un  anneau  plus  ou  moins  complet,  avec  un  point  noir  au  milieu;  ces 
lâches  sont  au  nombre  de  (juatre  ou  cinq,  par  lignes  transversales,  sur  chaque 
liane;  quelquefois  ce  sont  de  simples  roses;  elles  n'ont  jamais  une  régularité 
l)arfaite,  mais  elles  sont  constamment  pleines  sur  la  lète,  les  jambes,  les  cuisses 
<'t  le  dos,  où  elles  sont  allongées,  sur  deux  rangs  en  quelque  partie,  sur  un  seul 
dans  une  autre.  Tout  le  dessous  du  corps  est  d'un  beau  blanc,  semé  de  grandes 
taches  noires,  pleines  et  irrégulières.  Le  dernier  tiers  de  la  queue  est  noir  en 
<lessus,  annelè  de  blanc  et  de  noir  en  dessous;  l'extrémité  effleure  la  terre  sans 
I  rainer. 

Le  jaguar  est  répandu  depuis  le  Mexique  exclusivement,  juscpie  dans  le  sud 
.les  Pampas  de  Buenos-Ayres,  et  nulle  part  il  n'est  plus  commun  et  plus  dange- 
reux que  dans  ce  pays,  malgré  le  climat  [iresque  tempéré,  et  la  nourriture  abon- 
dante (pie  lui  fournit  la  grande  ([uantité  de  liétail  qui  paît  en  liberté  dans  les 
plaines.  11  y  attaque  constamment  l'homme,  tandis  que  ceux  du  Brésil,  de  la 
(luyane  et  des  parties  les  plus  chaudes  de  l'Amérique  fuient  devant  lui,  à 
moins  (^l'ils  ne  soient  pressés  par  la  faim  ou  ([u'ils  aient  été  attaqués  les  pre- 
miers. Les  bois  marécageux  du  Parana,  du  Paraguay  et  des  pays  voisins,  sont 
peut-être  les  endroits  où  cctle  espèce  s'est  le  plus  nniltipliée,  et  où  les  acci- 


258  LES  CAHNASSIKUS   DIOmOKADES. 

(lents  sont  le  plus  rrécjuents.  Elle  était  encore  si  nombreuse  au  Paraguay, 
après  l'expulsion  îles  jésuites,  qu'on  y  en  tnait  deux  mille  par  an,  selon  d'Azzara; 
mais  au  conmiencement  de  ce  siècle  leur  destruction  annuelle  n'allait  pas  a 
mille.  Cet  animal  est  également  très-coiamun  dans  la  Guyane  et  le  Brésil,  et 
l'on  entend  ses  cris  presque  régulièrement  le  matin  au  lever  du  soleil,  et  le  soir 
à  l'entrée  de  la  nuit.  Ces  cris  sont  flûtes,  avec  une  très-forte  aspiration  pec- 
torale, et  se  font  entendre  à  une  très-grande  distance.  Il  en  a  un  autre  qu'il 
pousse  quand  il  est  irrité  ou  qu'il  va  fond;  e  sur  sa  proie.  Ce  dernier  ressemble 
à  un  ràlement  profond  qui  se  termine  par  ui;  éclat  de  voix  terrible  et  propre  à 
épouvanter  l'homme  le  plus  intrépide.  Cet  animal  se  plaît  particulièrement  dans 
les  esters  et  les  grandes  forêts  traversées  par  des  fleuves,  dont  il  ne  s'éloigne 
pas  plus  que  le  tigre,  parce  qu'il  s'y  occupe  sans  cesse  de  la  chasse  des  loutres 
et  des  pacas.  Comme  lui,  il  nage  avec  beaucoup  de  facilité,  et  va  dormir,  pen- 
dant le  jour,  sur  les  îlots,  au  milieu  des  touffes  de  joncs  et  de  roseaux.  Souvent 
il  fait  sa  proie  d'un  bœuf  ou  d'un  cheval,  et  il  est  d'une  force  si  prodigieuse, 
(|u'il  le  traîne  aisément  dans  les  bois  pour  le  dévorer. 

En  plaine,  le  jaguar  fuit  presque  toujours,  et  ne  fait  volte-face  que  lorsqu'il 
rencontre  un  buisson  ou  des  herbes  hautes  dans  lesquelles  il  puisse  se  cacher. 
Dans  ces  retraites,  il  attend  sa  proie,  se  lance  sur  son  dos  en  poussant  un 
grand  cri,  lui  pose  une  patte  sur  la  tète,  de  l'autre  lui  relève  le  menton,  el 
lui  brise  le  derrière  du  crâne.  Pendant  la  nuit,  sa  hardiesse  est  extrême;  de 
six  hommes  dévorés  par  les  jaguars,  à  la  connaissance  d'Azzara,  deux  furent 
enlevés  devant  un  grand  feu  de  bivouac.  Heureusement  qu'il  ne  tue  que  lors- 
(pi'il  a  faim,  et  qu'une  seule  victime  lui  suffit  à  la  fois.  Il  vit  cantonné  avec  sa 
femelle;  et,  dans  les  anses  peu  profondes  des  fleuves,  il  pêche  le  poisson  ([u'il 
enlève  très-adroitement  de  l'eau  avec  sa  patte.  11  mange  aussi  les  jeunes  caï- 
mans, et  attaque  même  les  plus  grands,  tels  que  le  caïman  à  lunettes  (  Allignioi 
scierops ,  Cuv.  i,  très-commun  à  la  Guyane,  au  Brésil  et  à  la  Colondùe.  Biais  il 
arrive  quelquefois  que  le  crocodile  le  saisit  par  un  membre,  avec  ses  puissantes 
mâchoires,  et  l'entraîne  dans  le  fleuve  pour  le  noyer.  L'instinct  du  jaguar  lui 
révèle  alors  le  seul  moyen  qu'il  y  ait  pour  faire  lâcher  prise  à  son  ennemi;  il 
lui  enfonce  les  griffes  dans  les  yeux,  et  la  douleur  fait  aussitôt  ouvrir  la  gueule 
au  caïman,  qui  dégage  ainsi  le  jaguar  et  devient  sa  proie. 

Le  jaguar  ne  rôde  guère  que  la  nuit  ;  il  dort  pendant  le  jour,  couché  au  pied 
d'un  arbre  ou  dans  le  milieu  d'un  épais  taillis.  Si  le  hasard  fait  qu'on  le  ren- 
contre en  cet  état,  il  faut  se  garder  de  prendre  la  fuite,  de  pousser  des  cris  ou 
faire  quelque  mouvement  extraordinaire,  si  l'on  ne  veut  se  vouer  à  une  mort 
inévitable.  Le  parti  le  plus  sûr  est  de  se  retirer  lentement,  en  reculant  et  te- 
nant les  yeux  flxés  sur  ceux  de  l'animal,  et  de  s'arrêter  s'il  marche  sur  vous. 
Alors  il  s'arrête  lui-même  et  ne  recommence  à  vous  suivre  (pie  lorsque  vous 
cherchez  à  vous  éloigner.  De  halte  en  halte  on  parvient  ainsi  à  gagner  un  lieu 
habité.  Si  l'on  est  armé,  et  qu'on  veuille  le  tirer,  il  faut  le  tuer  d'un  seul  coup, 
car  il  se  précipite  sur  le  chasseur  au  feu  de  l'amorce  ou  s'il  n'est  que  blessé. 
Malgré  tout  ce  que  cet  animal  a  de  terrible,  des  gahuchos  (^Espagnols  nés  au 
Brésil)  osent  ratta(|uer  corps  à  corps  et  sans  armes  à  feu.  \\\  honnue  s'arme 
d'une  lance  longue  de  cinq  pieds;  sur  son  bras  gauche  il  p(U(e  une  [teaii  (h' 


CHATS 


259 


inoiilon  paniic  de  son  épaisse  toison,  et  il  s'avance  hardiment  dans  le  liuisson 
où  il  sait  (|iie  le  jayuar  s'est  retiré.  A  l'instant  où  le  monstre  se  dresse  snr 
ses  pieds  de  derrière  pour  s'élancer,  l'intrépide  chasseur  le  perce  de  sa  lance. 
S'il  manque  son  coup,  il  ahandonne  à  l'animal  sa  peau  de  mouton,  et  pendani 
que  celui-ci  s'acharne  dessus,  il  reçoit  un  second  coup  de  lance  qui  l'étend  mort 
sur  la  place.  Quand  le  jaguar  est  chassé  ])ar  une  meute  de  chiens  appuyée  d'un 
bon  nombre  de  piqueurs,  il  fuit  en  frémissant  de  colère  et  en  se  retournant 
souvent  pour  faire  tète  à  ses  ennemis.  Dans  ce  cas,  on  emploie  souvent  le  lasso 
pour  s'en  emparer.  Le  lasso  est  une  corde  de  cuir,  tressée  dans  sa  fraîcheur, 
d'un  pouce  et  demi  au  moins  (0,04 1 1  de  circonférence,  longue  de  vingt  à  tr<Mùe 
pieds  (<\^97  à  9,743),  très-flexible,  avec  un  nœud  coulant  à  son  extrémité.  Un 
gahucho,  monté  sur  un  excellent  cheval,  poursuit  le  jaguar  au  triple  galop;  il  tient 
d'une  main  son  lasso,  qu'il  fait  tourner  sur  sa  tète,  le  lance  autour  du  cou  de 
l'animal  féroce  avec  une  adresse  qui  ne  manque  jamais  son  cou|),  et  continue  à 
galoper  en  le  traînant  après  lui  jusqu'à  ce  que  le  jaguar  expire  étranglé. 

Malgré  sa  grande  taille,  cet  animal  grimpe  sur  les  arbres  avec  autant  d'agi- 
lité qu'un  chat  sauvage,  et  fait  aux  singes  une  guerre  cruelle.  A  Buenos-Ayres, 
les  grands  animaux  savent  se  défendre  contre  lui  sans  l'assistance  de  l'homme. 
Les  bœufs  se  mettent  en  cercle,  croupe  contre  croupe,  lui  présentent  leur.'< 
cornes,  et  parviennent  assez  souvent  à  le  tuer  s'il  se  précipite  sur  eux  avec  troj» 
d'impétuosité.  Les  chevaux  se  défendent  en  lui  lançant  des  luades,  et  ceux 
(pii  sont  entiers,  loin  de  fuir  devant  lui.  le  poursuivent  quelquefois,  lorsqu'ils 
l'aperçoivent,  et  le  mettent  en  fuite.  Les  chiens  dressés  h  la  chasse  du  jaguar 
sont  de  moyeinie  taille,  mais  pleins  de  force  et  de  courage.  Leurs  aboiements 
le  mettent  hors  de  lui;  il  s'arrête  au  pied  dun  arbre  et  joue  des  pattes  de  de- 
vant, et  tons  ceux  qui  sont  atteints  sont  ordinairement  éventrès  d'un  seul  coup. 
On  profite  de  ce  moment  pour  le  tirer,  en  ayant  soin  de  ne  pas  se  montrer,  car 
aussitôt  (pi'il  aperçoit  le  chasseur,  il  laisse  là  les  chiens  et  se  lance  sur  lui.  Le 
plus  souvent  il  grimpe  sur  un  arbre,  et  on  l'abat  à  coups  de  fusil.  Le  Jnguérétr 
de  Marcgrave,  ou  Jaguar  noir  [Felis  n'ufra,  Krxl.),  n'est  qu'une  simple  variét*- 
accidentelle  de  cet  animal,  de  même  que  le  Jaquar  hlntic  ou  albinos,  dont  parle 
d'Azzara. 


•2(1(> 


LES   CAIINASSIKI^S    DKi  IT  Ml  K  A  DES. 


^^^^\i^. 


^^^^^V^^r^: 


Le  Cou".iar  ou   l^ 


Le  GOUAZOUARA  OU  COUGUAU  (  Fclis  pitwa^  Tr.AiLL.  Fclis  concolor.  Lin.  \a 
Lion  puma  des  colonies  espagnoles.  Le  Tigre  rouge  ûe  Cayenne). 

Le  gonazouara  atteint  ordinairement  quatre  pieds  (  1,209)  de  longueur,  el 
quelquefois  davantage,  non  compris  la  queue  qui  a  vingt-six  pouces  (ii,704). 
Son  pelage  est  d'un  fauve  agréable  et  uniforme,  sans  aucune  tache;  sa  queue 
est  noire  à  Textrcmité,  et  ses  oreilles  sont  aussi  de  cette  couleur.  Il  ressemble 
un  peu  au  lion,  mais  il  n'a  ni  crinière  ni  flocon  de  poils  au  bout  de  la  queue; 
son  corps  est  plus  allongé,  plus  bas  sur  jambes,  et  sa  tête,  proportionnellemeni 
plus  petite,  est  ronde  comme  dans  les  chats  ordinaires.  Dans  son  premier  âge. 
il  porte  une  livrée  comme  le  lionceau.  Il  se  trouve  dans  le  Paraguay,  le  Brésil, 
la  Guyane  et  les  Etats-Unis.  Le  couguar  de  Pensylvanie,  de  Buffon,  en  est  une 
Irès-légére  variété. 

De  tous  les  chats,  le  gouazouara  doit  être  le  plus  féroce,  car  il  est  le  seul  de 
cette  famille  qui  tue  les  animaux  pour  le  plaisir  de  tuer,  sans  qu'il  y  soit  poussé 
par  la  nécessité.  S'il  trouve  le  moyen  de  pénétrer  dans  un  parc  de  cinquante 
moutons,  il  les  met  tous  à  mort  avant  d'en  manger  ou  d'en  emporter  un.  Sous 
ce  rapport,  il  a  quelque  ressemblance  avec  le  loup,  et,  si  ou  étudie  son  histoire,  on  lui 
trouve  encore  quelques  analogies  de  mœurs  aveccetanimal.  Par  exemple,  après 
avoir  satisfait  sa  voracité,  il  cache  le  reste  de  sa  proie  et  la  couvre  de  feuillage, 
d'herbe  ou  de  sable,  pour  la  retrouver  au  besoin;  et,  soit  qu'il  ait  plus  de 
mémoire  ou  moins  de  méfiance  que  le  loup,  il  revient,  ce  que  ne  fait  jamais  ce 
dernier.  Il  se  tient  plutôt  dans  les  pampas,  ou  plaines  herbeuses,  que  dans  les 
forêts,  et  il  n'an'ectionne  pas  les  bords  des  rivières,  comme  le  tigre  et  le  jaguar. 
Il  a  une  vie  solitaire  et  des  habitudes  vagabondes;  la  nuit  il  vient  rôder  autour 
des  habitations,  et  il  tâche  de  se  glisser  dans  les  basses-cours  pour  les  dévaster 
Il  s'empare  des  chiens,  des  moutons,  des  cochons,  el  autres  animaux  incapa- 


CHAIS 


•H\\ 


Ides  (le  lui  irsislcr  ;  iiiiiis  jaiiuiis  il  n"(>ï>c  iilliKiucr  !<■  j^nts  Itctail,  ii  nit«iiis  (iiiil 
n'y  soit,  poussé  par  une  faim  excessive.  Ce  qu'il  y  a  de  siugulier,  c'est  que,  a 
Cayenne,  on  le  regarde  comme  plus  dangereux  que  le  jaguar,  tandis  que  l'opi- 
nion contraire  règne  à  Huenos-Ayres,  où  il  est  très-commun.  Quant  à  moi,  je 
pense  que  s'il  attaque  l'honmie,  c'est  par  une  exception  extrêmement  rare,  et 
liorsdeses  habitudes  ordinaires;  je  suppose  que,  lorsque  cela  lui  est  arrivé, 
c'était  pour  sa  défense  et  à  la  suite  d'une  agression.  Il  monte  aussi  sur  les  ar- 
bres, mais  en  s'élançant  d'un  bond,  soit  pour  monter,  soit  ponr  descendre,  ei 
non  comme  le  jaguar,  en  grimpant  à  la  manière  des  chats. 

Cet  animal  est  lâche;  aussi,  à  Buenos-Ayres,  rarement  sedonne-t-on  la  peine 
de  le  chasser  dans  les  règles.  On  le  poursuit  avec  des  chiens,  et  on  le  tue  à  coups 
(le  fusil,  ou  on  le  prend  au  lasso,  sans  courir  le  moindre  danger.  Cependant, 
malgré  sa  férocité,  le  gouazouara  est  facile  à  apprivoiser,  et  même  il  s'attache 
assez  à  son  maître  pour  rechercher  ses  caresses  et  les  lui  rendre.  Azzara  en  a 
|)ossédé  un  qui  était  fort  doux,  qui  le  suivait,  qui  faisait  entendre  le  ronron  de 
nos  chats  quand  on  le  grattait,  et  qui  se  laissait  même  battre  sans  chercher  a 
se  défendre,  absolnment  comme  ferait  un  chien. 


I.e  Chat  i  nicoi.ouk  i  Fclis  iinu<il(»-,'Vi{\\\,\..\, 
{•oiiipaiH^an  fougiiar,  est  do  nioilié  (iliis petit  ;  son 
pelage  est  en  entier  d'im  fative  brun  ronge  sans 
tache,  et  sa  (pi;'ne  est  longni-  ;  ses  oreilles  n'ont 
point  (te  noir,  ^a  tcte  est  l»eancoiip  plus  poin- 
tue, et  ses  petits  ne  portent  point  de  livrée.  On  le 
trouve  dans  les  profondes  fori'ls  de  Dem?rar\ 
cl  de  la  Guyane  iioUandaise. 

Le  CoucLAii  iNOiii  (Fflis  disrolnr,  SciiiH'D  ) 
serait  noir,  avec  des  poils  longs,  ainsi  fine  les 
nioustacties.  IMais  Ruffon,  tpii  lui  donne  pour 
svnonvinie  le  jagiK'rétc  de  Pison,  s'est  prolta 
hienient  troni|)(',  et  son  cougnar  noir,  qu'il  dit 
se  trouver  à  Cayenne,  ne  serait,  selon  (envier, 
(pi'un  eongiiar  ordinaire  à  fond  du  pelage  un 
peu  plus  i)riui. 

Le  YAC.oiJAiiOiiNni  il'V/i.v  ijrqini(noiniili,T)F.sj,\. 
—  I.AcÉi'.l  est  de  la  taille  d'un  chat  doniestitine. 
Kn  petit,  il  ressemble  assez  au  conguar  par  ses 
formes  allong(^es;  mais  son  pelage  est  d'un  hrun 
noirâtre,  pi(inele  de  hianc  sale;  les  poils  de  1:\ 
queue  sont  plus  longs  que  ceux  du  corps,  et 
ceux  de  sa  mou^^taclv  sont  à  longs  .Toneanx  n!- 


Iiinativenient  noirs  et  gris.  Cette  espèce  s'ap- 
pi'ivoise  assez  aisément.  l'aile  vit  solitaire,  on 
le  mille  et  la  femelle  ensend)le,  dans  les  lieux 
foiu'ri's  et  les  taillis  épais,  sans  jamais  s'exposeï' 
en  plaine.  I^lle  se  nomrit  (rois(^aiix  auxquels 
clic  ne  fait  la  diasse  (pie  pendant  la  nuit,  et  elle 
habite  le  Chili. 

I^c  CiiAT  A  VK^TiiE  TACHK  (  /V/i.v  icHiloqa.^trr . 
Il  MM  l  est  de  la  granilenr  de  notre  renard  ;  son 
pelage  est  doux,  lisse,  court,  d'un  gris  de  sou- 
ris, marqii(>  de  taches  pleines  d'un  brun  fauve; 
les  taches  du  dos  sont  oblongues  et  les  autres 
rondes  ;  il  a  cinq  ou  six  bandes  brunes  demi- 
circulaires  sur  la  poitrine;  le  ventre  est  blanc, 
marqiK^  de  taches  brimes  ;  il  a  deux  bandes 
brimes  sur  la  face  interne  des  pieds  de  devant, 
cl  (piatre  sur  les  pieds  de  derrière;  sa  (pieiie  est 
un  peu  plus  courte  q:ie  la  moiti('  totale  d(^  son 
coriKs,  brune,  tachée  de  brun  fonce;  ses  oreilles 
sont  médiocres,  noires  à  rexléri(MU-;  ses  nious- 
laches  sont  noires,  terminées  de  blanc.  Il  habite 
le  Chili  ou  le  l^('rou.  Ses  mcciMN  sont  les  mènies 
(pie  celles  de  l'ocelot. 


m:\- 


]0^À 


■2iy2 


LKS    CAUNASSIKKS    DK;  ITK;  li  A  I)  KS. 


I.e  MBACARAGA,  OU  MARACAYA,  OU  OCKLOT  (Fcl/f:  jmvdnlh,  I.i\.  Le  ChWi' 
(jouazou,  d'Azzara.  Y^" Ocelot,  Buff.i. 

Ce  joli  animal  a  environ  trois  pieds  ^0,975)  de  longueur,  non  compris  la 
queue,  qui  a  (piinze  pouces  (0,106);  sa  hauteur  ne  dépasse  pas  un  pied  (rois 
pouces  (0,  '(00)  ;  on  prétend  qu'il  y  en  a  d'un  peu  plus  grands,  mais  ils  sont  rares. 
Le  fond  de  son  pelage  est  d'un  gris  fauve;  il  a,  sur  les  flancs  et  la  croupe,  cinq 
bandes  obliques  d'un  fauve  plus  foncé  que  celui  du  fond,  bordées  de  noir  ou 
de  brun;  une  ligne  noire  s'étend  du  sourcil  au  vertex  ;  deux  autres  vont  obli- 
quement de  l'œil  sous  l'oreille,  d'où  part  une  bande  transverse  noire,  interrom- 
pue sous  le  milieu  du  cou,  et  suivie  de  deux  autres  parallèles;  on  lui  voit  quatre 
lignes  noires  sur  la  nuque,  deux  sur  le  côté  du  cou,  trois,  pinson  moins  inter- 
rompues, le  long  de  l'épine  du  dos  ;  le  dessous  de  son  corps  et  l'intérieur  de 
ses  cuisses  sont  blanchâtres,  semés  de  taches  noires  isolées.  Sous  le  nom  d'o- 
celot, Bufl'on  a  fait  l'histoire  du  jaguar. 

Le  mbaracaga  est  un  animal  absolument  nocturne,  qui  ne  sort  que  la  nuit  des 
fourrés  impénétrables  qu'il  habite.  Tant  qu'il  fait  jour  il  dort,  et  il  conserve 
même  cette  habitude  dans  la  captivité.  Cette  espèce  offre  cela  de  particuliei 
que  d'une  timidité  excessive  pendant  le  jour,  elle  devient,  dans  les  ténèbres, 
d'une  audace  dont  rien  n'approche.  Sa  taille  ne  lui  permettant  pas  d'attaquer 
de  grands  animaux,  l'ocelot  se  glisse  fin-livement  autour  des  habitations,  pé- 
nètre dans  les  basses-cours,  enlève  le  premier  animal  domestique  qui  lui  toud»e 
sous  la  grifle,  et  l'emporte  dans  les  buissons  voisins  pour  le  dévorer.  Les  unns 
d  enceinte  les  plus  hauts,  les  palissades  les  plus  serrées  ne  peuvent  l'empêcher 


CHATS. 


•2{y.i 


d'entrer  dans  les  haliilations,  s'il  se  trouve  un  arbre  de  dessus  lecpiel  il  puisse 
s'élancer.  Pour  faire  ces  hardies  invasions  avec  plus  de  sùrete,  il  a  soin  de  choi- 
sir une  nuit  sombre,  orageuse,  de  se  glisser  au  ])ruil  des  vents  et  à  la  clarté 
des  éclairs,  et  d'égorger  sa  victime  quand  ses  derniers  gémissements  se  perdent 
dans  les  bruits  de  la  tondre.  Rarement,  jiendant  les  nuils  calmes,  il  ose  s'ap- 
l)rocher  des  lieux  habités  ;  il  erre  alors  dans  la  campagne,  et  chasse  aux  oiseaux 
et  aux  petits  mammifères,  dont  il  fait  sa  nourriture  ordinaire;  il  grimpe  sur  les 
arbres  pour  y  surprendre  les  singes  endormis,  et  il  s'embusque  dans  les  buissons 
et  les  hautes  herbes  pour  attendre  sa  proie  et  la  saisir  au  passage,  ainsi  que 
font  les  autres  chats.  Ses  habitudes  ne  sont  pas  vagabondes  connue  celles  du 
puma;  il  vit  cantonné  avec  sa  femelle,  et  ne  quitte  guère  la  forêt  qui  l'a  vu 
naître  (jue  lorsqu'il  en  est  chassé  par  l'homme.  11  habite  l'Amérique  méridio- 
nale, et  particulièrement  le  Paraguay,  où  il  est  assez  commun. 


Le   Tlatco-Ocelot   (  Fdis  pseudopardalis. 

—  Ocelot  du  Mexique,  ligure  par  lîulTon,  l.  9, 
pi.  18,  el  par  Sclirebcr,  pi.  C,  2,  sous  le  nom 
de  Jaguar)  est  un  peu  plus  petit  (jue  le  précè- 
dent. Il  en  diflore  par  ses  taches  qui,  bien  que 
boi'dées,  ne  forment  [)as  de  même  des  l)andes 
continues,  mais  sont  isolées  les  unes  des  autres  ; 
pai'  sa  queue  plus  courte  el  ses  jambes  plus  bau- 
tes.  11  miaule  connne  un  cliat,  préfère  le  pois- 
son à  la  viande,  et  c'est  à  peu  près  là  tout  ce 
qu'on  sait  de  son  histoire.  Il  habite  le  Mexique 
et  la  baie  de  Campèche? 

Le  Cii.iT  ocELOÏDE  {l-'clis  macruura,  WihO. 

—  Temm.)  ressemble  également  au  maracaya, 
à  ces  différences  près  :  son  pelage  est  plus  clair; 
sa  (jneue  notablement  [)lus  longue  el  moins 
mince  vers  1  "extrémité  ;  .sa  taille  est  plus  petite, 
son  corps  i)lus  allongé,  ses  jambes  pins  basses, 
et  les  taches  de  ses  lianes  moins  étendues.  Il  ha- 
bite le  Brésil. 

Le  CiiATi  [Felis  milis,  Fii.  Crv.  l'clis  W'iedii, 
Scul^z)  a  vingt-deux  pouces  el  demi  (0,(ilO)  de 
longueur,  non  compris  la  queue,  qui  en  a  dis 
(0,271).  Sou  pelage  est  fauve,  ou  d'un  gris  bru- 
nâtre pâlissant  sur  les  thuK's;  blanc  aux  joues 
et  sur  le  corps;  moucheté  <i  la  tète  connne  l'o- 
celot, avec  trois  séries  de  taches  noires  le  long 
lin  dos;  celles  des  Dancs,  des  épaules  et  de  la 
croupe  sont  d'un  fauve  foncé,  bordées  de  noir 
tout  autour,  excepté  en  avant,  et  elles  foiment 
cinq  rangs;  il  a  dix  ou  onze  anneaux  noirs  à  la 
queue.  Son  nmsean  est  couleur  de  chair.  Cette 
jolie  espèce  se  trouve  au  Brésil  et  au  Paraguay, 
où  elle  est  fort  connnune.  C'est  un  animal  très- 
doux,  exlrèinemcnt  aisé  à  apprivoiser,  et  s'at- 
lachant  aux  personnes  qui  en  preiment  soin. 
Son  miaulenient  est  plus  grave,  moins  étendu 
<ine  celui  de  notre  cliat,  avec  leiiuel,  du  reste, 
il  a  de  grandes  analogies  d'habitude. 

Le  {•i;i(;!\A  (Fchs  gniguii,  Moli\a  )  pourrait 
bien  u'étre  qu'une  variété  du  margay.  11  est 


de  la  grandeur  de  nos  chats  sauvages,  dont  il 
a  les  formes  générales;  son  pelage  est  fauve, 
mar,)ué  de  taches  noires,  rondes,  larges  d'en- 
viron cinq  lignes  ((1,01 1)  et  s'etendant  sur  le 
dos  jus(|u'à  la  queue  11  habite  l'Amérique  mé- 
ridionale, el  particulièrement  le  Chili. 

Le  CoLOcoLLv  ou  Calo-Cala  [Fclis  voloculla. 
Fil.  Ctv.)  est  de  la  grandeur  de  l'ocelot;  son 
pelage  est  blanc,  avec  des  bandes  transversales 
flexuenses,  noires  et  fauves.  Sa  (|uene  est  an- 
nelée  jusqu'à  sa  pointe  de  cercles  noirs.  11  se 
n-ouve  au  Chili. 

Le  Maugay  {Fclis  iigriua.  Lin.  Le  Margny 
de  BtEF.  Le  Ciiot  de  In  Caroline,  de  Colliivso\) 
a  un  peu  plus  de  vingt  et  un  ponces  (0,569)  de 
longueur,  non  compris  la  queue,  (pii  en  a  onze 
(0,29S)  ;  son  pelage  est  d'un  fauve  grisâtre  en 
dessus,  blanc  en  dessous  ;  il  a  quatre  lignes  iioi- 
r;Ures  entre  le  vertex  et  les  épa ides,  se  prolon- 
geant sur  le  dos  en  série  de  taches;  les  taches 
des  flancs  sont  longues,  obliques,  plus  pâles  à 
leur  centre  qu'à  leur  bord  ;  il  y  en  a  une  ver- 
ticale sur  l'épaule,  et  d'autres  ovales  sur  la 
croupe,  les  bras  et  les  jambes  ;  les  pieds  sont 
gris,  sans  taches,  et  la  queue  porte  douze  on 
quinze  anneaux  iri'égnlicrs.  Cet  animal  a  les 
moeurs  de  notre  chat  sauvage,  et  vit  de  petit 
gibier,  de  volaille,  etc.;  mais  il  est  très-difficile 
à  appiivoiser,  et  ne  perd  jamais  son  caractère 
farouche.  Il  habite  le  Brésil  et  la  (iuyane. 

Le  Chat  demontacne  (  Fclis  monlaua,  Dessi. 
e^t  une  espèce  peu  connue,  doiileuse;  son  pe- 
lage est  grisâtre  et  sans  taches  en  dessus,  blan- 
cliâtre  avec  des  taches  brunes  en  dessous  ;  ses 
oreilles  sont  dépourvues  de  pinceaux,  garnies 
de  poils  noirs  en  dehors,  avec  des  taches  blan- 
châtres et  fauves  en  dedans  ;  s.i  queue  est  courte, 
grisâtre.  Il  habile  les  monts  Aileganys,  les  mon- 
tagnes du  Pérou  el  les  Ktats  de  New-York. 

L'I'^viu  (Fclis  eiira,  Ues)i.  L'Fgra  d'AzzAH\) 
a  vingt  pouces  (0,.')'(2)  de  longueur,  non  coin- 


^2^^'^ 


I.KS   CAKNASSIKUS   DIG  I T  IG  U  A  I)  IvS 


pris  l;i  (iiiciic,  tiiii  on  ii  onze  (<»,298)  ;  son  \w\i\iH' 
est  d'nii  ronx  clair;  il  a  une  liichf  iilanclu'  lic 
(•Iiac|ui-  côlc  (hi  nez,  et  nue  anlre  de  la  même 
eonlein-  ;'i  la  màelioire  inlerienie;  ses  mon>t.i- 
ilu'ssonl  également  blanches:  sa  queue  est  plus 
tonlfue(ine  celle  dn  chat  doniesli(|ue.  Le  prince 
de  Neurtied  l'a  retrouvé  en  Amérique.  11  lia- 
l)itc  le  Paraguay. 

Le  Hajkkos  ou  Chat  des  Pamius  (i'clis  pa- 
(/(-ro.s-,  Dks.m.  Le  Chat  pum\)n,  u'Azzahai  est  loiifj 
de  vingt-neuf  pouces  ((),7o8),  non  compris  la 
queue,  qui  en  a  dix  (0,27l);  son  pelage  est  long, 
doux,  d'un  brun  clair  en  dessus,  montrant,  sous 
une  certaine  incidence  de  lumière,  une  raie  sur 
fechine  et  d'autres  parallèles  sur  les  lianes  ; 
la  gorge  et  tout  le  dessous  du  corps  s  nt  blan- 
châtres, avec  de  larges  bandes  fauves  en  tra- 
vers; les  membres  sont  fauves  h  l'extérieur,  an- 
uelés  de  zoaes  obscures;  les  monstacîies  sont 
anuelées  de  noir  et  de  blanc,  et  se  terminent 
1  ar  celte  dernier.'  couleur.  Ce  chat  habile  les 
pampas  des  environs  de  Buenos  Ajres  et  tonl 
le  Paraguay. 

Le  CuAT  i)K  1.A  Floiudk  (Fc/i.s-  florniann, 
DtsiH.)  est  une  espèce  douteuse  qui  aurait,  se- 
lon Kalinesque,  le  port  d'un  lynx,  et  la  taille  un 
j>eu  moindre  que  celle  du  chal-cervier.  Son 
pelage  est  grisâtre;  il  n'a  pas  de  pinceaux  ai;x 


oreilles;  ses  lianes  sont  varies  de  laelies  d'un 
bi  un  jaunàlri'  et  de  raies  ondnleuses  noins  11 
habite  non-seulement  la  Floride,  mais  encore 
la  (léorgie  et  la  Louisiane. 

Le  Chat  de  la  Nouvelle -Esi'\r.\r,  ilùlis 
iiicxicnua,  Desji.  Le  Cluit  sauiagr  de  la  jSoii- 
iclle-Espagnr,  Biirr.)  est  une  espèce  douteuse 
admise  par  Desmarets.  Son  pelage  est  d'un  gris 
bleuâtre  uniforme,  uioucheté  de  noir.  Il  habile 
les  forèls  delà  Nouvelle-Espagne. 

Le  CiîAT  Nrr.iiE  (  Fe/i.v  Jiig^r)  serait,  selon 
Azzara,  un  peu  jdus  grand  que  noire  chat  or 
dinaire.  Il  a  vingt  trois  pouces  (0.()25)  de  lon- 
gueur, non  compris  la  queue,  qui  en  a  treize 
(0,53'2);  Sun  pelage  est  entièrement  noir.  11  ha- 
bile le  Brésil  et  n'est  peut-être  qu'une  variété 
nègre  d'iuie  des  esi)èces  précédentes. 

Le  CuAT  DOUÉ  (  Felis  ainea,  De.sji.1  est  encore 
une  espèce  douteuse  dont  Ral'mesciue  a  fait  un 
hnx,  quoique  ses  oreilles  soient  dépourvues  de 
pinceaux.  Il  est  de  moitié  plus  grand  (jne  notre 
chat  sauvage;  sa  (lueuc  est  très  courte  ;  son  pe- 
lage est  d'un  jaune  clair  brillant,  parsemé  de 
taches  noires  et  blanches  ;  son  ventie  est  d'un 
jauiic  pâle  sans  taches  On  ne  l'a  trouvé  en 
Amérique  que  sur  les  bords  d^;  la  rivière  Yel- 
low-Slone,  vers  le  (piarante-(pialrième  paral- 
lèle. 


i  .ï.  CHATS  DES  ILES  ASIATIQUES  DE  L'AKClllPKL  DES  LM)ES. 


L'AiinrMUJ  on  .Mêlas  [Ftlis  iiiclcn;,  Peuox  ) 
est  de  la  taille  d'une  panthère;  son  pelage  est 
d'un  noir  très-\if,  sur  lequel  se  dessinent  des 
zones  de  même  couleur,  mais  qui  semblent  plus 
lustrées.  11  n'habite  que  les  dislrictsles  plus  iso- 
lés de  l'ile  de  Java,  et  ses  habitude-;  sont  les 
mêmes  (pie  celles  du  léopard,  dont,  selon  Tem- 
minck,  il  ne  serait  (ju'une  variété. 

Le  Kivvic  {t'elis  m'umln,  Temm.  Ftiisjaia- 
iiensis  et  rdis  undnla,  Desm.  FcHs  !>innatra)iu 
et  l'rlis  jntnneusis,  IIohsf.  Le  Chat  de  Jniu, 
Cuv.  Le  Cliul  onde,  le  Servnlin  et  le  Chai  de 
Sumatra,  des  auteurs).  Il  a  la  taille  et  un  peu 
les  formes  de  notre  chat  domestique,  mais  sa 
queue  est  plus  courte  et  plus  grêle,  et  ses  oreilles 
sont  plus  petites;  son  pelage  est  d'un  fauve 
brun  clair  en  dessus,  moins  foncé  sur  les  lianes; 
le  dessous  est  blanc  ;  des  bandes  et  des  taches 
noires  s'étendent  parallèlement  du  front  aux 
épaules,  et  d'autres  occupent  les  parties  supé- 
rieures du  corps.  Sous  cette  robe  c'est  le  Ser- 
valin  ou  i'elis  minuta  de  Temminck. 

Avec  le  pelage  d'un  gris  brun  clair  en  des- 
sus et  blancliàtre  en  dessous;  quatre  lignes  de 
taches  brunes  allongées  sur  le  dos;  des  taches 
rtindes.  épaisses,  sur  les  lianes;  une  bande 
transversale  sous  la  goige  et  deux  ou  trois  an- 


tres sous  le  cou,  c'est  le  Chat  de  Java  ou  i'clu 
jaraneiisis  d'IIor.sneld  et  de  Desmarets. 

Enliu,  avec  le  pelage  d'un  gris  sale,  parsemé 
de  petites  taches  noirâtres  un  peu  allongées, 
c'est  le  Chat  onde  on  Fdis  uudata  de  Desma 
rets. 

Toutes  ces  variétés  se  trouvent  également  a 
Java  et  à  Sumatra.  Elles  ont  absolument  les 
mêmes  habitudes  que  notre  chat  sauvage. 

Le  Chat  de  Diakd  (  I'clis  Diardii,  (i.  Cuv.i 
a  trois  pieds  de  longueur  10,975',  non  compris 
la  queue,  qui  a  deux  pieds  quatre  pouces  (0,758i  ; 
le  fond  du  pelage  est  d'un  gris  jauuiitre;  le  dos 
et  le  cou  sont  semés  de  taches  noires  formani 
des  bandes  longitudinales;  d'autres  taches  des 
cendtnt  de  l'épaule  en  lignes  perpendiculaires 
aux  précédentes,  sur  les  cuisses  et  une  partie 
des  flancs,  et  les  anneaux  sont  noirs,  à  centre 
gris;  il  a  des  taches  noires  et  pleines  sur  les 
jambes  ;  les  anneaux  de  sa  queue  sont  nuageux 
Il  habite  Java. 

L'Aiumau-Daiian  (  Fd:s  marrocclis,  Temm 
Fc/ii-  vcbidosa,  Griee  )  a  trois  pieds  (0,975)  de 
longueur,  non  compris  la  queue,  qui  a  deux 
pieds  huit  pouces  i(>,8(i7);il  est  gris,  avec  des 
taches  noires,  transversales  et  li-es  grandes  sur 
les  ép  iules,  oblicpies  el  (ilus étroites  sur  les  lianes. 


CHATS. 


265 


où  elles  sont  séparées  par  des  lâches  anguleu- 
ses, rarement  ocellées;  ses  pieds  sont  forts  et 
munis  de  doigts  robustes;  sa  (pieuc  est  grosse 


et  laineuse.  Ce  chat  habile  Sumatra  et  Roruéo  ; 
il  fait  la  chasse  aux  oiseaux,  et  sa  grande  taille 
lui  permet  d'attaquer  les  bêles  fauves. 


§  4.  Li:S  LYNX, 


uleiiiiiU  [lUii  louj^ue  que  cille  îles  autres  cLjlf,  ilonl  la  queue  est 
est  il'.ivoir  lés  oreilles  terminées  pur  un  pinceau  de  pniU. 


et  dont  le  ciiMclire 


Le  I.oiii'-ciiiiMEit  {Felis  lijit.r,  Li\.  Le  Wur- 
f/c/((f  on  Lo  des  Suédois.  Le  /.os  des  Danois.  Le 
Goupe  dos  Norwt'gieus.  Le  liijs  ostrou-'ulz  des 
Polonais.  Le  liys  des  Russes.  Le  Sijlaiisin  des 
Taiares.  Le  Putzchon  des  tiéorgiens.  Le  Li/ii.r 
ordinaire  des  auteurs  )  est  d'une  grosseur  à 
peu  prés  double  de  celle  du  chat  sauvage. 
Son  corps  est  long  de  deux  pieds  qnalre  pouces 
à  deux  pieds  dix  pouces  (0,"58  à  0,921),  et  sa 
queue  ne  dépasse  pas  quatre  pouces  (0,108)  ;  le 
dos  et  les  nieinlires  sont  d'un  roux  clair,  avec 
des  mouchetures  d'un  brun  noirâtre;  le  tour 
de  l'tril,  la  gorge,  le  dessous  du  corps  et  le  de- 
tlans  des  jambes  sont  blanchâtres  ;  trois  lignes 
de  taches  noires  sur  la  joue  joignent  une  bande 


oblique,  large  et  noiri-,  placée  sous  l'oreille  de 
cliatine  ctMé  du  cou,  où  les  poils,  plus  lougs 
(pi'ailleurs,  forment  une  sorte  de  collerette;  il 
a  quatre  lignes  noires  prolongées  de  la  nutiue 
au  garrot,  et  au  milieu  d'elles  mie  cintpiicnie 
iulerrompue;  des  bandes  mouchetées  obliques 
sur  l'épaule,  transversales  sur  les  jambes;  les 
pieds  d'un  lauve  pur,  excepté  le  tarse  qui  est 
rajé  de  fauve  biun  en  arrière;  enfin  la  tpieue 
est  fauve,  avec  du  blanc  en  dessons  et  des  mou- 
chetures noires.  D'antres  variétés  ont  les  taches 
et  bandes  moins  foncées,  la  queue  rousse  avec 
le  bout  noir;  tout  le  dessous  du  corps  blan- 
châtre, et  la  faille  plus  petite.  Fischer  en  cile 
une  variété  blanchâtre. 


Le  nom  de  loup-cervicr,  que  porte  re  lyii.x,  peut  lui  avoir  été  donné  [lar  les 
eliasseurs,  parce  (pie,  ainsi  que  le  loup,  il  pousse  un  Imileinent  que  l'on  peut 
prendre  pour  celui  d'un  de  ces  animaux,  et  qu'il  attaque  les  faons  et  les  jeunes 
cerfs  de  préférence  à  toute  autre  proie.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  loup-cervier  existait 
autrefois  en  France  et  en  Allemagne  ;  mais  à  présent  on  ne  l'y  trouve  plus,  si  ce 
n'estpeut-ètre  dans  quelques  grandes  forêts  des  Alpes  et  des  Pyrénées.  Il  parait  qu'il 
se  trouve  encore  assez  fré([uemment  en  Espagne,  et  qu'il  est  très-commun  dans 
les  forêts  du  nord  de  l'Asie  et  dans  le  Caucase.  Dans  ma  jeunesse,  les  vieillards 
des  Pyrénées  se  souvenaient  encore  d'avoir  vu  quehptes  lynx,  et  ils  en  racon- 
taient des  choses  effroyables,  moins  classiipies  que  les  contes  des  Grecs  sur  le 
caracal,  mais  beaucoup  plus  dans  le  goiit  du  jour.  Cet  animal  féroce  suivait  les 
voyageurs  égarés,  et  ne  manquait  jamais  de  les  dévorer  s'ils  avaient  le  malheur 
de  tomber  ;  il  les  fascinait  avec  ses  yeux,  et  les  rendait  muets.  Pendant  l'obscu- 
rité de  la  nuit,  il  pénétrait  diins  les  cimetières  pour  déterrer  les  cadavres.  11  eût 
été  bien  plus  dangereux  encore,  s'il  n'eût  pas  manqué  totalement  de  mémoire, 
au  point  (pie,  lorsqu'il  suivait  une  personne  à  la  piste,  la  moindre  diversion  lui 
faisait  oublier  et  sa  poursuite  et  sa  victime,  qui  parvenait  ainsi  à  lui  é«?liap]jer. 
Mais  laissons  là  ces  contes  de  nos  aïeux,  et  revenons  à  la  vérité. 

Le  loup-cervier,  étant  d'une  assez  grande  taille,  attaque  parfois  les  faons  des 
chevreuils  et  des  cerfs,  même  lorsqu'ils  sont  parvenus  à  plus  de  la  moitié  de  leur 
grosseur.  Aussi  agile  que  fort,  il  grimpe  sur  les  arbres  avec  facilité,  non-seule- 
ment pour  surprendre  les  oiseaux  sur  leur  nid,  mais  encore  afin  de  poursuivre 
les  écureuils,  les  martes,  et  même  les  chats  sauvages,  (pii  ne  peuvent  lui  échap- 
per. Quel((uefois  il  se  place  en  embuscade  sur  une  des  basses  branches,  [)oiir 
attendre,  avec  une  patience  admirable,  que  le  hasard  amène  à  sa  portée  un  renne, 

54 


260  I^ES  CARNASSIERS   DIGITIGRADES. 

un  cerf,  un  daim  ou  un  chevreuil.  Alors,  ainsi  que  lo  glouton,  il  s'élance  d'un 
seul  bond  sur  leur  cou,  s'y  cramponne  avec  ses  ongles,  et  ne  lâche  prise  que 
lorsqu'il  les  a  abattus,  en  leur  brisant  la  première  vertèbre  du  cou  ;  il  leur  fait 
ensuite  un  trou  derrière  le  crâne,  et  leur  suce  la  cervelle  par  cette  ouverture,  au 
moyen  de  sa  langue  hérissée  de  petites  épines.  Rarement  il  attaque  une  autre 
i)arlie  du  cadavre  des  grands  animaux,  à  moins  qu'il  ne  soit  très-pressé  par  la 
faim.  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  qu'il  emporte  le  corps  pour  le  cacher  dans 
un  fourré,  si  c'est  un  petit  animal  ;  et,  si  c'est  un  grand,  il  le  couvre  de  feuilles 
sèches  et  del)oismort,  quoiqu'il  ne  revienne  jamais  le  chercher.  Est-ce,  comme  on 
le  dit,  manque  de  mémoire,  ou  est-ce  défiance  ?  Pris  jeune  et  élevécn  captivité,  il 
s'apprivoise  assez  bien,  et  devient  même  caressant  ;  mais  pour  le  conserver,  il  faut 
le  tenir  à  l'attache,  car,  dès  qu'il  en  trouve  l'occasion,  il  fuit  dans  1rs  bois  pour  ne 
plus  revenir.  Quoique  ses  formes  soient  un  peu  épaisses,  il  est  plein  de  grâce  et  de 
légèreté  ;  son  œil  est  brillant,  mais  cependant  plein  d'expression  et  même  de 
douceur.  Comme  le  chat,  il  est  d'une  propreté  recherchée,  et  passe  beaucoup  de 
temps  à  se  nettoyer  et  à  lisser  sa  jolie  roI)e.  C'est  un  grand  destructeur  d'her- 
mines, de  lièvres,  de  lapins,  de  perdrix  et  d'autre  gibier;  aussi  les  chasseurs 
russes  lui  font-ils  une  guerre  cruelle,  qui  en  diminue  journellement  le  nombre. 
Sa  fourrure  est  assez  recherchée. 


Le  Pardb  (  Fclis  pardina,  OhE^.— TtMM.  Le 
Chal-paid  des  voyageurs.  Le  Loup-rrri'icr  fies 
acadi^niieieiis  de  l'aris  )  est  de  la  (aille  de  noire 
blaireau;  sa  (lueiic  est  plus  longue  que  celle  du 
loup-cervier  ;  il  a  de  grands  favoris  aux  joues  ; 
son  pelage  est  court,  d'un  roux  vif  el  lustré, 
parsemé  de  mèches  ou  laclies  longitudinales 
d'un  noir  profond,  avec  de  semblables  taches 
sur  la  queue.  Il  habite  les  contrées  les  plus 
chaudes  de  l"Iùiroi)e,  telles  que  le  Portugal, 
l'Espagne,  la  Sicile,  la  Turquie  et  la  Sardaigne. 
C'est  probablement  lui  (pie  I?ory  de  .Saint-Vin- 
cont  dit  avoir  trouvé  fréquenmient  dans  la 
Sierra  de  Grcdos,  en   Espagne. 


Le  CiiELASo^  ou  CiRi.ON  { Felis  rrridriu, 
Tesim.  Le  KuUlo  des  Suédois).  Sa  taille  esta 
peu  i)rès  celle  d'un  lou[)  ;  sa  queue  est  conique, 
plus  longue  que  la  tèle,  à  extrémité  noire;  ses 
moustaches  sont  blanches  ;  les  pinceaux  de  ses 
oreilles  sont  toujours  courts,  et  manquent  quel- 
quefois; sou  pelage  est  d'un  cendré  grisâtre, 
brunissant  sur  le  dos;  sa  fourrure,  fine,  douce, 
longue,  est  touffue,  surlout  aux  paltes,  avec  des 
taches  noires  dans  l'adulte,  brunes  dans  le  jeune 
;ige.  11  habite  le  nord  de  l'Asie.  11  a  les  mêmes 
mœurs  que  les  précédents,  mais  sa  grande  taille 
et  sa  force  le  rendent  plus  redoutable  pour  les 
faons  et  autres  animaux  innocculs. 


CHATS. 


2G7 


Le  LYNX  DES  ANCIENS,  OU  CARACAL  (  Fclls  caific/d,  LiN.  Lc  f.ijiix  de  Barba- 
rie Cl  du  Levant  (\es,  voyageurs.  Le  Shujouiik  des  Pcrsaus.  ]/Aiiali-el-Ared  des 
Arabes.  Le  Lynx  africain,  u'Alorovands.  Le  Karn-Kalaclt  des  Turcs). 

Le  caracal  a  deux  pieds  cinq  pouces  (0,785)  de  longueur,  non  compris  la 
queue,  qui  a  dix  pouces  (0,271),  c'est-à-dire  qu'il  est  de  la  taille  d'un  de  nos  plus 
grands  barbets.  Son  pelage  est  d'un  roux  uniforme  et  vineux  en  dessus,  blanc 
en  dessous;  ses  oreilles  sont  noires  en  debors,  blancbes  en  dedans;  sa  queue 
lui  atteint  li's  talons  ;  il  a  du  Itlanc  au-dessus  et  au-dessous  de  l'œil,  autour  des 
lèvres,  tout  le  long  du  corps  et  en  dedans  des  cuisses  ;  sa  poitrine  est  fauve, 
avec  des  tacbes  brunes  ;  une  ligne  noire  part  de  l'œil  et  se  rend  aux  narines;  il 
a  une  tacbe  de  la  même  couleur  à  la  naissance  des  mousiacbes.  Cette  espèce  a 
fourni  plusieurs  variétés,  qui  sont  : 

Le  Caracal  d^  Alger,  qui  est  roussâtre,  avec  des  raies  longitudinales;  il  a  une 
bande  de  poils  rudes  aux  quatre  jambes,  et  ses  oreilles  manquent  quelquefois  de 
[linceaux  ; 

Le  Caracal  de  Nubie,  dont  la  tète  est  plus  ronde;  (pii  na  point  de  croix 
sur  le  pelage,  mais  qui  porte  des  tacbes  fauves  sur  les  parties  internes  et  sur 
le  ventre; 

Le  Caracal  du  Beucjale,  dont  la  (jueue  et  les  jambes  sont  plus  longues  que 
dans  les  précédents. 

Le  lynx  babitc  l'Afrique,  l'Arabie  et  la  Perse.  Il  y  a  peu  d'animaux  qui,  dans 
l'antiquité,  aient  autant  prêté  à  la  fable  que  celui-ci.  Les  Grecs  l'avaient  con- 
sacré à  Baccbus,  et  très-souvent  ils  le  représentaient  attelé  au  cbar  de  ce  dieu. 
Pline  en  raconte  les  cboses  les  plus  merveilleuses;  selon  lui,  il  avait  la  vue  si 
perçante  qu'il  voyait  très-bien  à  travers  une  muraille;  son  urine  se  pétrifiait  et 


268 


LES  CAIINASSIEIIS  DIGITIGRADES. 


devenait  une  [)ieiTe  précieuse  nommée  Inpis  lyncnrius,  qui,  outre  son  éclat,  avait 
la  propriété  de  guérir  une  foule  de  maladies.  Les  Grecs  racontaient  cette  his- 
toire :  Gérés  envoya  un  jour  Triptolémc  en  Scythie,  chez  le  roi  Lyncus,  pour 
civiliser  ses  sauvages  sujets,  en  leur  apprenant  l'agriculture.  Mais  ce  roi  bar- 
bare, qui  préférait  la  guerre  et  la  chasse  à  la  civilisation,  reçut  fort  mal  ce  cul- 
tivateur, et  le  jeta  dans  une  prison  pour  le  faire  mourir  de  faim.  Gérés  vint  fort 
heureusement  au  secours  de  son  favori  ;  elle  l'enleva  de  son  cachot,  et,  pour  se 
venger,  elle  changea  le  roi  en  lynx.  Depuis  ce  temps-là,  Lyncus  et  ses  descen- 
dants n'ont  cessé  de  chasser  et  de  faire  la  guerre  aux  animaux  paisibles. 

Le  lynx  a  les  mœurs  du  chat  sauvage,  rien  de  moins,  rien  de  plus;  mais, 
comme  il  est  plus  fort  et  plus  gros,  au  lieu  de  se  contenter  de  menu  gibier, 
il  attaque  de  grands  animaux,  tels  que  gazelles,  antilopes,  etc.  On  dit  qu'il 
suit  le  lion  pour  recueillir  les  débris  de  sa  proie,  mais  ce  fait  me  paraît  sin- 
gulièrement hasardé.  Lorsqu'il  attaque  une  gazelle,  il  la  saisit  à  la  gorge, 
l'étrangle,  lui  suce  le  sang  et  lui  ouvre  la  tête  pour  lui  manger  la  cervelle, 
après  quoi  souvent  il  l'abandonne  pour  en  chercher  une  autre.  Du  reste,  il 
paraît  qu'il  a  les  mêmes  habitudes  que  notre  loup-cervier,  et  que,  pris  jeune, 
il  s'apprivoise  assez  bien  sans  cependant  perdre  son  goût  pour  la  liberté. 


Le  Lï>x  DU  Canada  (Filis  runadensis,  Geoff. 
Felis  borenlis,  Temm.  Le  Lijux  du  Canadn, 
BiFF.  Le  Chat  du  Canada,  Geoff.).  Il  est  plus 
petit  que  le  prccédent,  et  sa  queue  est  obtuse, 
tronquée,  avec  très-peu  de  noir  au  bout,  plus 
courte  que  la  tête;  ses  moustaches  sont  noires 
et  blanches  ;  il  a  de  très-longs  pinceaux  de  poils 
aux  oreilles;  sa  fourrure  est  fauve,  <t  pointes 
des  poils  blanches,  ce  qui  rend  le  fond  général 
d'un  cendré  grisâtre,  ou  ondée  de  gris  et  de 
brun  ;  elle  est  extrêmement  longue,  surtout 
aux  pattes,  et,  pendant  l'été  seulement,  après  la 
mue,  ou  lui  distinguedes  lignes  plus  foncées  aux 
joues,  quelques  mouchetures  aux  jambes,  et 
même  quelques  taches  sur  le  corps.  Il  habite  le 
nord  de  l'Amérique  et  de  l'Asie. 

Le  CiiAis  ou  Lv.\x  des  iiarais  {Velis  rhnns, 
GrLDE.\ST.  Le  Dil.nja  hosclika  des  Russes.  Le 
hir  mijacha];  des  Talares.  Le  Moes-gcdii  des 
Tcherkassesy  est  long  de  deux  pieds  (O.Con), 
non  compris  la  queue,  qui  a  huit  à  neuf  pou- 
ces '0,2 lï  à  0,244)  de  longueur  ;  ses  jambes  sont 
longues,  son  museau  obtus,  ses  oreilles  pour- 
vues de  piuceaux  très-courts;  il  a  une  bande 
uoire  depuis  le  bord  antérieur  des  yeux  jus- 
qu'au museau;  son  pelage  est  d'un  gris  clair 
jaunâtre;  le  bout  de  sa  queue  est  noir,  avec 
deux  anneaux  de  la  même  couleur  qui  en  sont 


rapprochés.  Il  habite  l'Egypte,  la  Nubie  et  le 
Caucase;  il  est  surfout  comnuui  sur  les  bords 
duKur  et  du  Terek.  11  offre  une  particularité 
rare  parmi  les  chats,  c'est  d'être  un  excellent 
nageur,  et  de  se  plaire  dans  l'eau,  où  sans  cesse 
il  est  occupé  à  faire  la  chasse  aux  canards  et 
autres  oiseaux  aquatiques,  et  aux  reptiles.  11 
vient  aussi  à  bout  de  s'emparer  des  poissons  en 
plongeant. 

Le  Lv>x  ROTTÉ  I  Filis  calignta,  Bruce.  — 
Temm.  Felis  libiirus,Ou\.)  a  vingt-deux  pouces 
de  longueur  (0,62ô),  non  compris  la  queue,  qui 
en  a  près  de  quatorze  iO,.579),  et  qui  est  grêle; 
ses  oreilles  sont  grandes,  rousses  en  dehors,  a 
pinceaux  bruns  Irès-courts;  la  plante  des  pieds 
et  le  derrière  des  pattes  sont  d'un  noir  profond  ; 
le  milieu  du  ventre  et  la  ligne  moyenne  de  la 
poitrine  et  du  cou  sont  d'un  roiissàtre  clair; 
les  parties  supérieures  du  pelage  d'un  fauve 
nuancé  de  gris  et  parsemées  de  poils  noirs;  les 
cuisses  sont  marquées  de  bandes  peu  distinctes, 
d'un  brun  clair;  il  a  deux  bandes  d'un  roux 
clair  sur  les  joues;  la  queue  est  de  la  couleur  du 
dos  à  sa  base,  terminée  de  noir,  avec  trois  ou 
quatre  demi-anneaux  vers  le  bout,  séparés  par 
des  intervalles  d'un  blanc  plus  ou  moins  pm-.  Il 
habite  l'Afrique,  depuis  l'tgypte  jusqu'au  cap 
de  Bonne-Espérance,  et  le  midi  de  l'Asie. 


«  Get  animal,  dit  le  voyageur  Bruce,  habite  le  Ras-el-Féel,  et,  tout  petit  qu'il 
est,  vit  fièrement  parmi  ces  énormes  dévastateurs  des  forêts,  le  rhinocéros  et 
l'éléphant,  et  dévore  les  débris  de  leur  carcasse,  quand  les  chasseurs  ont  pris 
une  partie  de  la  viande.  Mais  sa  principale   nourriture  consiste  en  pintades. 


CHATS 


•2(VJ 


dont  ce  pays-la  est  rempli.  Il  se  met  en  eml»uscade  dans  les  endroits  où  elles 
vont  boire,  et  c'est  là  que  je  le  tuai.  L'on  dit  que  cet  animal  est  assez  hardi 
pour  se  jeter  sur  l'homme,  s'il  se  trouve  pressé  par  lui.  Quelquefois  il  monte 
sur  les  gros  arbres,  quelquefois  il  se  cache  sous  les  l)uissons;  mais  à  l'époque 
où  les  mouches  deviennent  très-incommodes  par  leurs  piqûres,  il  s'enfonce  dans 
les  cavernes,  ou  bien  il  se  terre.  » 


Le  CiiAT-rEiiviER  ou  Lynx  nAi  (Fe/i.s-  ritfa . 
Gllde.nst.  —  Temm.  i'iiHiKJU  dnsiipits,  Nierejui. 
Le  Lijii.r  du  Missisitipi  et  le  l.ipix  d' Amérique 
des  voyageurs.  Le  Baij-fat  des  .Anplo-Araéri- 
cains.  Le  Chat-rcnier  des  fourreurs)  est  de  la 
taille  de  uofre  renard  ;  les  pinceaux  de  ses 
oreilles  .sont  pelils;  sa  queue  esl  courte  et  Irès- 
gréle,  avec  quatre  anneaux  pris  et  quatre  noir.';; 
ses  favoris  sont  courts;  son  pelape,  rou.ssàtreen 
été  et  d'un  brun  cendré  en  liiver,  est  toujours 
onde  et  rayé.  Il  habite  les  Étals  Luis.  Du  reste, 
il  a  les  formes  générales  de  noire  lynx  d  Euiope. 
Le  LïiXX  FvsciÉ  {Fdis  fasiUtta,  Desm.),  dé- 
crit par  Raflnesque,  est  peu  connu;  il  pourrait 
bien  n'être  qu'une  variété  du  lynx  du  Canada, 
auquel  il  ressemble  beaucoup.  Sa  taille  est 
courte  ;  les  pinceaux  de  ses  oreilles  sont  noirs 
au  dehors;  sa  queue  est  courte,  blanche,  avec 
l'extrémité  noire;  son  pelage  est  très -épais, 
d'un  brun  roussàtre,  avec  des  baudes  et  des 
points  noirâtres  en  dessus.  Il  a  été  trouvé  par 
Clarke  et  Lewis  à  la  côte  noi'd  ouest  de  l'A- 
mérique septentrionale. 


Le  l.\y\  DE  L*  Caroline  (F(7i.s  rnrolinrnsis, 
Desm.  Le  Chat  tigre  de  CoLi.nsox?)  est  encore 
une  espèce  douteuse,  sur  laquelle  on  n'a  que 
des  reuseiguements  incomplets.  Son  pelage  est 
d'un  brun  clair,  rayé  de  noir  depuis  la  tète  jus- 
qu'à la  queue;  sou  ventre  est  pâle,  avec  des  ta- 
ches noires;  ses  moustaches  sont  roides  et  noi- 
res; il  a  deux  taches  de  la  même  couleur  sous 
les  yeux,  et  ses  oreilles  sont  garnies  de  poils 
fuis  ;  ses  jambes  sont  minces,  tachées  de  noir. 
La  femelle  a  les  formes  plus  légères  que  le  mâle: 
elle  est  d'un  gris  roussàtre,  sans  aucune  tache 
sur  le  dos;  sou  ventre  est  d'un  blanc  sale,  avec 
une  seule  tache  noire. 

Si  l'on  ne  considérait  pas  les  pinceaux  des 
oreilles  comme  le  seul  caractère  qtii  tranche  les 
hnx  des  autres  chats,  il  faudrait  probablement 
rapporter  à  cette  section  le  chat  de  montagne, 
celui  de  la  Floride  et  le  doré.  Cuvier  pensait 
que  ce  ne  sont  que  de  simples  variétés  du  chat- 
cervier.  Tous  les  animaux  du  genre  chat  four- 
nissent au  conuuerce  des  fourrures  plus  ou 
moins  précieuses. 


■•^^i^''///- 


LES 


CARNIVORES    AMPHIBIES. 


SIXIÈME   ORDRE    DES    MAMMIFERES. 


Ils  se  distinguent  de  tous  les  antres  mamnii- 
lères  carnassiers  par  leurs  pieds  exironiement 
courts,  piafs,  enveloppés  par  la  peau,  palmés, 
en  forme  de  ua(ieoiies,  ne  pouvant  leur  servir 
quà  ramper  péniblement  sur  la  terre,  mais 
très-propres  à  nager.  Par  le  mol  amphibie  il  ne 


faut  pas  entendre  que  l'animal  peut  vivre  sous 
l'eau  et  sur  la  ferre,  mais  seulement  qu'il  habite 
l'un  et  l'autre,  et  qu'il  res|)ire  l'air  atmosphé- 
rique seulement,  ce  qui  le  force  à  se  maintenir 
à  la  surface  des  ondes,  ou  à  y  venir  respirer 
quand  il  a  plongé. 


LES  PUOOUES 

Ont  des  canines  et  des  incisives,  et  leurs  ca-      non  en  forme  de  défense.  L'histoire  de  ces  ani- 
nincs  supérieures  sont  de  grandeur  ordinaire,      maux  est  encore  três-embrouillée. 


Comme  tous  les  phoques  ont  à  peu  prés  les  mêmes  mœurs,  les  mêmes  habi- 
tudes, à  de  très-petites  nuances  prés  qui  seront  signalées  en  décrivant  les  es- 
pèces, je  pense  qu'il  est  nécessaire  de  faire  ici  leur  histoire,  afin  d'éviter  des 
redites  ennuyeuses  et  sans  but. 

Jusqu'à  présent  nous  avons  trouvé  les  animaux,  objet  de  nos  études,  dans  le 


LES  PHOQUES. 


V  I  K   1)  i;  I.  \    111'  Il    i;  I.  ACi  *  i.K. 

I     I   »  .   ,1  i  !i       Ar  .        H  I  I 


PHOQUKS.  271 

sein  des  foi-cLs,  dans  les  sleppcs  de  TAsie,  les  savanes  el  les  pampas  de  l'Anié- 
ii([ue,  les  déserts  brûlants  de  l'Afrique,  et  les  riantes  campagnes  de  l'Europe; 
maintenant  nous  allons  les  suivre  à  travers  lesécueils  et  les  récifs  (]iii  bordent 
toutes  les  mers,  et  jusque  sur  les  glaces  éternelles  des  pôles.  Nous  les  verrons  se 
jouer  à  travers  les  tempêtes,  sur  les  vagues  irritées,  passer  la  |)Ius  graiule  partie 
de  leur  vie  dans  les  eaux,  s'y  nourrir  de  poissons,  de  crustacés  et  de  co(piillages 
(ju'ils  pèchent  avec  beaucoup  d'adresse,  et  ne  venir  à  terre,  où  ils  ne  peuvent 
se  traîner  qu'en  rampant,  ({ue  pour  allaiter  leurs  petits  ou  dormir  au  soleil. 
Leur  corps  allongé,  cyliudricjue,  diminuant  progressivement  de  grosseur  depuis 
la  poitrine  jusipi'à  la  queue,  leur  colonne  vertébrale  trés-mobile,  leurs  muscles 
puissants,  leur  bassin  étroit,  leurs  poils  ras  et  serrés  contre  la  peau,  en  un  mot 
tiuiteleur  organisation  en  fait  les  meilleurs  nageurs  qu'il  y  ait  parmi  les  mam- 
mifères, si  l'on  en  excepte  les  cétacés.  La  nature  leur  a  donné  une  conforma- 
tion particulière  qui  leur  permet  de  respirer  à  d'assez  longs  intervalles,  et  par 
conséquent  de  rester  longtemps  sous  l'eau,  quoi(iu"ils  n'aient  pas  le  trou  botal 
bouché,  connue  lont  prétendu  quebpies  naturalistes,  et  particulièrement  Bulfon. 
Leurs  narines  offrent  aussi  une  particularité  remarquable  ;  elles  sont  nninies 
d'une  sorte  de  petite  valvule  que  l'animal  ouvre  et  ferme  à  volonté,  et  qui 
empêche  l'eau  de  leur  entrer  dans  le  nez  lorsqu'ils  plongent.  Un  fait  extrême- 
ment singulier,  mais  notoire,  est  (|ue  ces  animaux  ont  l'habitude  constante, 
lors(iu'ils  vont  à  l'eau,  de  se  lester  connue  on  fait  d'un  vaiss(;au,  en  avalant  des 
cailloux,  qu'ils  vomissent  en  revenant  au  rivage.  Certaines  espèces  recherchent 
les  plages  sablonneuses  et  abritées,  d'autres  les  rocs  battus  ])j\r  la  mer,  d'autres 
cniin,  les  touffes  d'herbes  épaisses  des  rivages.  Ils  ne  se  nourrissent  pas  exclu- 
sivement de  poissons,  car,  lors(prils  peuvent  saisir  quelque  oiseau  aquatique, 
un  albatros,  une  mouette,  ils  n'en  man(juent  guère  l'occasion.  Pendant  leur  sé- 
jour à  terre  ils  ne  mangent  pas,  aussi  maigrissent-ils  beaucoup.  Même  en  cap- 
tivité, pour  dévorer  la  nourriture  qu'on  leur  jette,  ils  la  plongent  dans  l'eau; 
ils  ne  se  déterminent  à  manger  à  sec  que  loiscju'ils  y  ont  été  habitués  dés  leur 
première  jeunesse,  ou  qu'ils  y  sont  poussés  par  une  faim  extrême. 

Quand  les  phoques  veulent  sortir  de  la  mer,  ils  choisissent  une  roche  plate, 
qui  s'avance  dans  l'eau  en  une  pente  douce  par  laquelle  ils  grimpent,  et  qui  se 
termine  de  l'autre  par  un  bord  à  pic,  d'où  ils  se  précipitent  dans  les  ondes,  à  la 
moindre  apparence  de  danger.  Pour  ramper,  ils  s'accrochent  avec  les  mains  ou 
les  dents  à  toutes  les  aspérités  qu'ils  peuvent  saisir,  puis  ils  tirent  leur  cor])s 
en  avant  en  le  courbant  en  voûte;  alors  ils  s'en  servent  connue  d'un  ressort 
pour  rejeter  la  tète  et  la  poitrine  en  avant,  et  ils  recommencent  à  s'accrocher 
pour  répéter  la  même  opération  à  chaque  pas.  Néanmoins,  malgré  ce  pénible 
exercice,  ils  ne  laissent  pas  que  de  ramper  assez  vite,  même  en  montant  des 
pentes  fort  roides.  Le  rocher  sur  lequel  un  phoque  a  l'habitude  de  se  reposer 
avec  sa  famille  est  sa  propriété,  relativement  aux  autres  animaux  de  son  espèce. 
Quoi(|u'ils  vivent  en  grands  troupeaux  dans  la  mer,  qu'ils  se  protègent,  se  dé- 
fendent, s'aiment  les  uns  les  autres,  une  fois  sur  terre  ils  se  regardent  comme 
dans  un  domicile  sacré,  où  nul  camarade  n'a  le  droit  de  venir  troubler  la  tran- 
•piillité  domestique.  Si  l'un  d'eux  s'a[)proche  pour  visiter  les  })énates  de  ses 
voisins,  il  s'ensuit  toujours  un  condtat  terrilde,  (|ui  ne  huit  (|u"à  la  mort  du 


•272  LES  CAUNIVOKES  AMPHIBIES. 

propriétaire  du  rocher,  ou  à  la  retraite  forcée  de  l'indiscret.  Ordinairement  c'est 
la  jalousie  (|ui  occasionne  ces  combats;  mais  il  semble  qu'il  y  ait  aussi  une 
sorte  d'inslinct  de  la  propriété.  Us  ne  s'emparentjamais  d'un  espace  plus  grand 
(pi'il  n'est  rigoureusement  nécessaire  pour  leur  lamille,  et  ils  souffrent  volon- 
tiers des  voisins,  pourvu  qu'ils  s'établissent  au  moins  à  cinquante  pas  de  dis- 
tance ;  il  y  a  plus  :  quand  la  nécessité  l'ordonne,  trois  ou  quatre  familles  se  par- 
tagent une  caverne,  une  roche,  ou  même  un  glaçon,  mais  chacun  vit  à  la  place 
qui  lui  est  échue  en  partage,  sans  jamais  se  mêler  aux  individus  d'une  autre 
famille. 

Les  phoques  sont  polygames,  et  il  est  rare  qu'un  mâle  n'ait  pas  trois  ou 
quatre  femelles.  Il  a  pour  elles  beaucoup  d'atfeclion.et  les  défend  avec  courage 
contre  toute  attacjue.  Il  s'accouple  au  mois  d'avril,  sur  la  glace,  sur  la  terre, 
ou  même  dans  l'eau  quand  la  mer  est  calme.  C'est  surtout  pendant  que  ses  fe- 
melles sont  pleines,  et  quand  elles  mettent  l»as,  qu'il  redouble  de  soins  et  de 
tendresse  pour  elles.  Il  les  conduit  sur  terre,  leur  choisit,  à  cinquante  pas  du 
rivage,  une  place  commode  et  tapissée  de  mousses  aquatiques,  pour  y  allaiter 
leurs  petits.  Ués  que  la  femelle  a  mis  bas,  elle  cesse  d'aller  à  la  mer  pour  ne  pas 
abandonner  son  enfant  un  seul  instant;  mais  cette  privation  n'est  pas  de  longue 
durée,  car,  après  douze  à  quinze  jours,  il  est  en  état  de  se  traîner  tant  bien  que 
mal,  et  elle  le  conduit  à  l'eau.  De  quoi  vit-elle  pendant  qu'elle  est  à  terre  ?  Voilà 
une  question  que  n'ont  pu  résoudre  les  naturalistes,  faute  d'observations  suf- 
iisantes.  Peut-être  que  le  mâle  va  pêcher  pour  elle  et  lui  apporte  sa  nourriture. 
Ce  qui  me  le  ferait  croire,  c'est  que  beaucoup  d'animaux  moins  intelligents 
agissent  ainsi.  Quand  le  petit  est  arrivé  à  la  mer,  la  femelle  lui  apprend  à  nager, 
après  quoi  elle  le  laisse  se  mêler,  pour  jouer,  au  troupeau  des  autres  pho({ues, 
mais  sans,  pour  cela,  cesser  de  le  surveiller.  Lorqu'elle  prend  fantaisie  de  ga- 
gner la  terre  pour  l'allaiter,  elle  pousse  un  cri  ayant,  dans  le  phoque  ordi- 
naire, un  peu  d'analogie  avec  l'aboiement  d'un  chien,  et  aussitôt  le  petit  s'em- 
presse d'accourir  à  sa  voiv  qu'il  reconnaît  fort  bien.  Elle  l'allaite  pendant  cin(| 
ou  six  mois,  le  soigne  pendant  fort  longtemps;  mais  aussitôt  qu'il  est  assez  fort 
pour  subvenir  lui-même  à  ses  besoins,  le  mâle  le  chasse  et  le  force  d'aller  s'éta- 
blir ailleurs. 

C'est  pendant  la  tempête,  lorsque  les  éclairs  sillonnent  un  ciel  ténébreux, 
que  le  tonnerre  gronde,  et  cpie  la  pluie  tombe  à  flots,  que  les  phoques  aiment  à 
sortir  de  la  mer  pour  aller  prendre  leurs  ébats.  An  contraire,  quand  le  ciel  est 
beau  et  que  les  rayons  du  soleil  échauffent  la  terre,  ils  semblent  ne  vivre  que 
pour  dormir,  et  d'un  sommeil  si  profond,  qu'il  est  fort  aisé,  quand  on  les  sur- 
prend en  cet  étal,  de  les  approcher  pour  les  assommer  avec  des  perches  ou 
les  tuer  à  coups  de  lance.  A  chaque  blessure  qu'ils  reçoivent,  le  sang  jaillit 
avec  une  grande  abondance,  les  mailles  du  tissu  cellulaire  graisseux  étant 
très-fournies  de  velues;  cependant  ces  blessures,  qui  paraissent  si  dangereuses, 
compromettent  rarement  la  vie  de  l'animal,  à  moins  qu'elles  ne  soient  très-pro- 
fondes; pour  le  tuer,  il  faut  atteindre  un  viscère  principal  ou  le  frapper  sur 
la  face  avec  un  pesant  bâton.  Mais  on  ne  l'approche  pas  toujours  facilement, 
parce  que,  lorsque  la  famille  dort,  il  y  en  a  toujours  un  (|ui  veille  et  qui  fait 
sentiuellc  pour  réveiller  les  autres  s'il  voit  ou  entend  quelque  chose  d'inquié- 


PHOQIKS.  27:{ 

limt.  On  est  oMijie  de  lultci',  pour  ainsi  dire,  cuips  a  corps  avec  eux,  cl  de  les 
assommer,  car  un  coup  de  fusil,  (jnelle  que  soit  la  partie  où  la  balle  les  aurait 
frappés,  ne  les  empêcherait  pas  de  regagner  la  nier,   tellement  ils  ont  la  vie 
dure.  Quand  ils  se  voient  assaillis,  ils  se  défendent  avec  courage;  mais,  maigre 
leur  gueule  terrible,  cette  lutte  est  sans  danger,  parce  (pi'ils  ne  peuvent  se  mou- 
voir assez  lestement  pour  ùterle  temps  an  chasseur  de  se  dérober  à  leur  atteinte. 
Faute  de   pouvoir  faire  autrement,  ils  se  jettent  sur   les  armes  dont  on  les 
frappe,  et  les  brisent  entre  leurs  redoutables  dents.  Entre  les  muscles  et  la 
peau  les  i)bo(pies  ont  une  épaisse  couche  de  graisse,  dont  on  tire  une  grand»' 
quantité  d'huile  (|ui  s'emploie  aux  mêmes  usages  que  celle  de  baleine,  et  ([ui  a 
sur  elle  l'avantage  de  n'avoir  pas  d'odeur.  Quelques  espèces  de  celle   famille 
ont  une  fourrurr'  plus  (»u  moins  grossière,  dont  néanmoins  on  fait  (\vi='  habits 
chez  les  peuples  du  >"ord.  Les  Américains  emploient  les  peaux  les  |>lus  gros- 
sières à  un  usage  singulier  :  ils  en  ferment  hermétiquement  toutes  les  ouver- 
tiu'es  et  les  gonflent  d'air  connue  des  vessies;  ils  en  réunissent  une  demi-dou- 
zaine, plus  ou  moins,  les  Hxent  an  moyen  de  cordes,  i)lacent  dessus  des  joncs 
on  de  la  paille,  et  foiinent  ainsi  de  très-légères  embarcations,  sur  les<|uelles  ils 
osent  entreitrcndre  de  longs  voyages  sur  leurs  grands  fleuves  et  leurs  immenses 
lacs.  Avec  ces  peaux,  les  Kamtschadales  font  des  baidars,  sorte  de  pirogue;  ils 
font  aussi  de  la  chandelle  avec  la  graisse,  qui  en  même  temps  est  une  friandise 
pour  eux.  La  chair  fraîche  de  ces  animaux  est  leur  nourriture  ordinaire,  quoi- 
(pi'elle  soit  très-coriace  et  qu'elle  ait  une  odeur  forte  et  désagréable;  ils  en  font 
sécher  au  soleil,  ou  ils  la  fument,  pour  leur  provision  d'hiver.  Les  Anglais  et 
les  Américains  de  l'Union  sont  les  seuls  peuples,  je  crois,  qui  fassent  en  grand, 
et  sous  le  rapport  commercial,  la  chasse  des  phoques.  Us  entretiennent  chaque 
année  plus  de  soixante  navires  de  deux  cent  cin((uante  à  trois  cents  tonneaux 
au  moins,  uniquement  équipés  pour  cet  objet. 

Pris  jeune,  le  phoque  se  prive  parfaitement  et  s'attache  à  son  maître,  pour 
lequel  il  éprouve  une  afl'ection  aussi  vive  que  celle  du  chien.  De  même  que  ce 
dernier,  il  reconnaît  sa  voix,  lui  obéit,  le  caresse,  et  acquiert  facilement  la 
même  éducation,  en  tout  ce  que  son  organisation  informe  lui  permet.  On  en  a 
vu  auxquels  des  matelots  avaient  appris  à  faire  différents  tours,  et  qui  les  exécu- 
taient au  connnandement  avec  assez  d'adresse  et  beaucoup  de  bonne  volonté. 
A  une  grande  douceur  de  caractère  le  pbo([ue  joint  une  intelligence  égale  à  celle 
du  chien.  Aussi  est-il  remarquable  <pie  de  tous  les  animaux  il  est  celui  qui  a  le 
cerveau  le  plus  dévelo|>iié,  proportionnellement  à  la  nuisse  de  son  cor|is.  11  est 
aflectueux,  bon,  patient;  mais  il  ne  faut  i)as  que  l'on  abuse  de  ces  qualités  en 
le  maltrailaul  mal  a  propos,  car  alors  il  tombe  dans  le  désespoir,  et  il  devient 
dangereux.  Pour  le  conserver  longtemps  et  en  bonne  santé,  il  est  indispensable 
de  le  tenir,  pendant  la  plus  grande  partie  du  jour,  et  surtout  lors  de  ses  repas, 
dans  une  sorte  de  envier  ou  de  grand  vase  a  demi  rempli  d'eau  ;  la  nuit  on  le  fait 
coucher  sur  la  paille.  Ainsi  traité,  et  nourri  avec  du  poisson,  on  peut  le  garder 
vivant  pendant  plusieurs  années.  Mais  s'il  a  déjà  quitté  sa  mère  depuis  quelque 
temps  quand  on  le  prend,  le  chagrin  de  l'esclavage  s'empare  de  lui,  il  est  triste, 
boudeur,  refuse  de  manger,  et  ne  tarde  pas  à  mourir. 
J.es  pbo(pies  manquent  généralement  d'oreille  externe;  leur  corps  est  enliè- 

55 


21\  LES  CAllMVOUKS   AMPHIBIKS. 

rciiKMil  coiivrrl  d'iiii  poil  doux,  soyctiK  et,  liislré  chez  les  uns,  grossier,  rude  el 
lierissé  dans  d'autres.  Leurs  pieds,  larges  et  membraneux,  ont  cinq  doigts;  et 
les  pattes  postérieures  sont  soudées  longitudinalement  à  la  queue,  ce  (|ui  leur 
donne  absolument  la  l'orme  échancrée  d'une  (jueue  de  poisson.  En  nageant,  ils 
lèvent  au-dessus  de  l'eau  leur  tète  arrondie,  portant  de  grands  yeux  vifs  et 
pleins  de  douceur;  leurs  épaules  arrondies  paraissent  aussi  à  la  surface,  de  ma- 
nière que,  vus  à  une  certaine  distance,  on  a  fort  bien  pu  les  prendre  pour  des 
ligures  humaines,  et  de  là,  sans  aucun  doute,  les  anciens  ont  tiré  leur  fable  des 
sirènes.  Ce  qui  donne  de  la  vraisemblance  à  celte  conjecture,  c'est  que,  même 
dans  des  temps  peu  reculés,  au  seizième  siècle,  par  exemple,  Hondelet, 
le  meilleur  naturaliste  de  l'époque,  voyait  encore,  dans  le  phoca  cristata,  un 
moine  ou  un  évè(|ue  marin,  parce  que,  probablement,  le  christianisme  ne  permet- 
tait plus  d'y  v(»ir  un  triton  ou  une  sirène.  «  De  notre  tem|>s,  dit-il,  en  Nortuége 
(Norwége),  on  a  pris  un  monstre  de  mer,  après  une  grande  tourmente,  lequel 
tous  ceux  qui  le  virent  incontinent  lui  donnèrent  le  nom  de  moine,  car  il  avait 
la  face  d'homme,  mais  rustique  et  mi-gratieux,  la  teste  rase  et  lize;  sur  les  es- 
paules,  comme  un  capuchon  de  moine,  deux  longs  ailerons  au  lieu  de  bras;  le  bout 
du  corps  finissant  en  une  queue  large.  Entre  les  bestes  marines,  Pline  fait  men- 
tion de  l'homme  marin  et  du  triton  comme  choses  non  feintes.  Pausanias  aussi 
fait  mention  du  triton.  J'ai  veu  un  pourtrait  d'un  autre  monstre  marin  à  Rome, 
où  il  avait  esté  envoyé  avec  lettres  par  lesquelles  on  assurait  pour  certain  que, 
l'an  i53l,  on  avait  veu  ce  monstre  en  habit  d'évesque,  comme  il  est  pourtrait, 
pris  en  Pologne  et  porté  au  roi  dudit  pays,  faisant  certains  signes  pour  mons- 
trer  qu'il  avait  grand  désir  de  retourner  en  la  mer,  on  estant  amené  se  jeta  in- 
continent dedans.  » 


t"GEMtE.  I.cs  CAI.OCEPUAl.hS  {Cdloii- 
phnlits,  Fit.  (",i  V.)  ont  1rcnU'-(iiiatro  dents,  Hont 
six  incisives  supérieures  et  (juatre  inférieures-. 
Htuilre  eanines  et  ^i^Kt  molaires.  Leurs  niaelie- 
liéressont  l'ormées  priucipalenienl  d'une  grand*' 
pointe  placée  au  niilieu,  d'une  |)ius  petite  si- 
tuée anterieureiuent,  et  de  deux  éealenient  plus 
petites,  placées  poslérieureuienl.  Leiu"  eràne 
est  l)oinl)é  sur  les  cotés,  aplati  au  sonnuet;  leurs 
eréles  occipitales  consistent  en  de  légères  rugo- 
sités. 

Le  Yiixii  MAiiiiN  (  Cal  oc  eph  II  lu  s  ritiiliuus.  Fit. 
Cijv.  FliocarititHna,  Lin.  Phoca  titlnicn,'VuiEN. 
Le  Phoque  commun,  Bcff.)  a  environ  trois  pieds 
((>,97.''>)  de  longueur;  il  est  d'un  gris  jaunâtre, 
couvert  de  tacties  irrégulières  noirâtres.  Ses 
couleurs  varient,  selon  qn'il  est  sec  ou  mouille. 
Sortant  de  feau,  tout  le  corps  en  dessus  est  d'un 
gris  d'ardoise,  et  couvert,  sur  les  cotés,  de 
uonihreiiscs  petites  lactics  rondes  sur  un  fond 
un  peu  plus  paie  ou  jaunâtre;  les  jiarlies  infé- 
rieures sont  de  cette  dernière  couleur.  Sec,  'e 
gris  ne  paraît  que  sur  la  ligne  11105 etuie,  et  tout 
le  reste  parait  jaunâtre.  Il  blancliit  en  vieillis- 
sant. Il  lial>ite  les  côtes  du  ISord  et  de  l'Europe, 


s'accouple  en  septeint)re,  el  met  bas  un  seul 
petit  eu  juin.  Il  est  très-limide  el  Irès-délianl 

Le  kASSif.iACK  [  Caloceiihalus  iiwculalus. — 
Phdca  liiuinia,  Faiih.  Phoca  itinculnta,  Bono.  I 
n'est  proI)al)lemeut  qu'une  variét('  du  pif'cédent, 
dont  le  pelage  est  gris  en  dessus,  Ida  ne  en  des- 
sous cliez  les  jeunes,  puis  d'un  fris  livide  par- 
semé de  tacties,  et  enlin,  dans  l'adulte,  tigré  ou 
varie  de  noir  et  de  Itlanc.  Il  tialiile  les  mêmes 
pajs. 

Le  (jAi.ocÉi'inLE  mviihhe  (  Cnloccphaliis  discn- 
lor,  Fp.  Cl  v.  Le  Phoqjie  commuu.  du  même) 
ne  me  parait  également  ipiune  variété  du  veau 
marin,  ne  difleranl  guère  de  la  preei-denle.  Sa 
taille  est  la  même;  son  pelage  est  d'un  gris 
foncé,  veine  de  lignes  lilancliàtres  irregiiliêres. 
lormant  sur  le  dos  et  sur  les  lianes  une  sorte  de 
marlirure.  On  le  trouve  sur  les  côtes  de  France. 
Il  a  des  nuriirs  douces  et  une  intelligence  frès- 
dévetoppée,  ainsi  que  les  deux  pr<'cédeiits. 

L'ATAK  ou  CaLOCKIIIAIE    flKOEM.\M)AlS  (  (Ullo- 

cciihfilua  qrociilinidicus,  Fb.  Civ.  Phoca  qroëii- 
landira,  F\nH.  Phoca  Mullni,  Lkss.)  a  les  mà- 
clielières  petites  et  écartées,  navant,  n  la  mâ- 
choire supérieure,  qu'un  seul  tiil)erculeen  avant 


l'ilOOLKS. 


ou  cil  ;irri<'rt'  tlii  liibticiilc  inojeii.  il  a  trente- 
iniit  dénis,  six  incisives  en  lias  cl  iinnlie  en  haut, 
selon  M.  Lesson.  Sa  taille  iiiojenne  est  de  si\ 
pieds  il,9-i;i);  le  pelage  des  nulles  adultes  est 
l)lancliàlie,  a\ec  le  fiout  et  une  laclie  en  crois- 
sant noire  sur  cliaque  liane;  la  tète  du  niàle  est 
enlièreinent  noire.  Les  jeunes  sont  tout  blancs 
en  naissant,  puis  ils  prennent  une  teinte  cen- 
drée, avec  de  noinlirenses  lâches  sur  les  pailles 
inlérieuresdn  corps.  11  habile  la  INouvelle-Zein- 
ble,  les  cotes  du  (iroenland,  et,  mais  seuleineiil 
pendant  l'hiver,  les  bords  de  la  mer  Blanche. 
11  s'accouple  en  juin,  et  les  petits,  rarement  au 
nombre  de  deux,  naissent  en  mars  et  avril. 

Le  Ke^alit  ou  Cai.ocei'1i\lk  ocÉAxiyuu  {Calo- 
<c])halus  ocecinicus,  Less.  Phoca  occanica , 
Dhsm.—Luvecu.  )  a  six  ou  sept  pieds  (  1,959  ou 
2.274)  de  longueur;  il  n'a  cpie  quatre  incisives 
à  chacpie  niikhoire  ;  le  pelage  du  mâle  esl  d'un 
gris  blanc,  marque  d'une  grande  lâche  brune 
MU-  les  épaules,  d'où  part  une  bande  oblique  qui 
détend  sur  les  lianes  jusqu'à  la  région  du  pé- 
nis; sa  léle  esl  d'un  brun  marron  tirant  sur  le 
noir;  les  ongles  de  ses  pieds  de  devant  sont  ro- 
bustes. 11  habite  les  mêmes  cotes  que  le  précé- 
dent. 

Le  Calooépuale  queub  dlakcub  (Calocephaltts 
iilbicamla,  Lkss.  l'Jwra  albhanda,  Dksm.)  res- 
semble, par  ses  formes,  au  i)hoiiue  commun  ;  il 
1  environ  ti-ois  pieds  et  demi  (1,157)  de  lon- 
gueur; son  pelage  esld'un  gris  de  ter,  plus  clair 
sur  les  cotés,  passant  au  blanchâtre  sous  le  ven- 
ire.  Il  porte,  sur  le  dos  et  sur  les  lianes,  quel- 
•  pies  petites  taches  noirâtres,  irreguliéres;  son 
museau  est  blanc  en  dessus;  sa  (pieue  mince, 
longue,  d'un  beau  blanc;  les  ongles  des  mains 
sont  robustes.  Sa  |)atrie  est  inconnue.  Est-ce  le 
l'Iioia  Uigiinis  de  (j.  Cuvier? 

Le  CALoctrii.vLE  ok  La  Pilavk  [Caloveiiltalus 
hujiiriis,  Fit.  Cl  v.  l'hoca  lagiirtis,  G.  Clv.  l'hora 
l'ildiji,  Lkss.)  a  Irois  pieds  trois  pouces  (1,056) 
de  longueur  ;  il  est  d'un  gris  cendré  et  argenté 
en  dessus,  avec  des  taches  eparses  el  d'un  brun 
noirâtre;  les  lianes  et  le  dessous  sont  d'un  cen- 
dré presque  blanc;  les  ongles  sont  noirs,  robus- 
tes ;  les  moustaches  médiocres,  eu  partie  blan- 
ches et  en  partie  noirâtres,  et  gaufrées  comme 
dans  le  phoque  commun.  Il  habile  les  côtes  de 
Terre-Neuve. 

Le  Calocépiiai.e  i.ièvkk  (  Cnloccphaliis  lepori- 
niti.  Fit.  Civ.  PItuia k'ijorina.  Lei-ecii.  )  a  quatre 
incisives  à  cliaque  mâchoire;  sa  longueur  esl 
d'environ  six  pieds  el  demi  (2,1 1 1  j  ;  les  poils  de 
ses  moustaches  sont  épais  et  forts,  placés  sur 
quinze  rangs  ;  les  bras  sont  faibles,  les  mains 
petites,  la  queue  courte  el  épaisse;  son  pelage 
est  long ,  peu  serre,  hérisse,  d'un  jaune  pâle, 
excei)té  sur  le  cou,  (jui  porte  une  bande  trans- 
versale noire.  Dans  sa  jeunesse  il  est  d'un  gris 
noirâtre,  avec  de  petites  taches  plus  foncées  sur 


le  dos.  Il  habile  Ici  mers  boréales,  la  ISaltique  et 
les  cotes  d'iùirope.  Dans  la  servitude,  il  mange 
sons  l'eau,  souille  comme  les  chats  (|uand  on 
rin(|uiMe,  et  ne  chcrclie  pas  à  mordre,  mais  a 
égi'atigner. 

Le  Ni.nsEK  (  CnlorejiUalns  /lis/iit/ws.  Fit.  Ci  v. 
l'hora  liispida,  Scim  l'Iwca  fo/tida,  Mull.  Le 
jthoque  (ififsoaA,  Bi  fe.  Phora  Scltnberi,  Less.) 
a  quatre  ou  cinq  pieds  (1,299  à  i.frl't)  de  lon- 
gueur; sa  tète  esl  comte,  ariondie  ;  ses  )cu\ 
sont  très-petits,  à  [jupille  blanchâtre  ;  son  pelage 
est  trés-épais,  mou,  trés-huig,  hérissé,  fauve,  à 
llammelles  blanches  sui'  le  corps;  le  dessous  est 
blanc,  parsenif'  détaches  rares  et  fauves  sur  le 
ventre;  les  jeunes  ont  le  dos  d'un  cendié  livide, 
et  le  ventre  blanc  el  sans  taches.  Les  vieux  mâles 
exhalent  une  odeur  insupportable.  Il  habite  les 
ineis  du  Gioënland. 

L'Uhksik  {CatucrpUulus  harbatus,  Vu.  Ci:v. 
plioia  barbattt,  Desm.  —  I'auh.  Ph(ua  uiujor, 
Vxus.Piiora  Pnrsousii,  Less.  Le  Groxf/ydiof/iir, 
Bi  ri'.  Le  Cramseliir,  Olafs.  L'L'rksuk  tahka- 
muguk  et  le  Terkigliik  desGroénlandais)  acom- 
mnnémenl  dix  pieds  de  longueur  (2  248)  ;  sa  léle 
est  longue,  son  museau  Irés-élargi,  el  ses  lèvres 
lâches;  la  femelle  a  qnalre  mamelles;  ses  jeux 
sont  grands,  à  pupille  noire;  ses  mains  anté- 
rieures ont  le  doigt  du  milieu  très-long.  Son  pe- 
lage varie  beaucoup  :  il  esl  assez  épais  et  d'uu 
gris  enfmné  chez  les  jeunes  ;  clair-semé  et  brun 
dans  les  adultes,  et  d'un  noir  foncé  dans  l'âge 
avancé.  Chez  les  vieux  mâles  la  peau  est  presque 
eulièrement  nue.  11  habile  la  haute  mer  prés 
du  pôle  boréal,  el  se  rend  à  terre  au  printemps. 
La  femelle  ne  fait  qu'un  petit,  qu'elle  met  ordi- 
nairement bas  sur  les  glaces  llottautes,  vers  le 
mois  de  mars  Les  Grocnlandais  estiment  beau- 
coup celle  espèce  pour  sa  chair,  sa  graisse  el 
ses  intestins,  qu'ils  regardent  comme  un  excel- 
lent mets,  et  pour  sa  peau,  dont  ils  s'habillent. 

Le  Calocephale  de  Tiiie>e.via>>  {  Calocepliu- 
lits  H-opiiltculiis  et  Plioca  Tliieiiemannii,  Less. 
Pboca  sarpulicula,  Tiueis.)  a  six  pieds  de  lon- 
gueur (I,9'i9)  ;  son  pelage  est  noir  sur  le  dos, 
vert  sous  le  ventre  et  sur  les  lianes,  ces  derniers 
marbrés  de  uoir  près  du  dos  et  de  gris  près  du 
ventre.  II  se  trouve  sur  les  eôles  d'Islande. 

Le  Calocephale  tEiitoPLA  (  Caloiqjlntlus  leii- 
copla,  Less.  Plioca  leiiiopla,  Tuiek.)  est  entiè- 
rement veidâlre,  avec  une  teinte  grisâtre  sur 
le  dos.  Il  habite  les  côtes  de  l'Islande. 

Le  Calocephale  in.s  m \  aces  (  Calorephaltis 
litlorcHS.  —  Piiuca  tillorm,  Thie.x.I  a  tpiatre 
pieds  (l,-299)  de  longueur;  il  a  les  formes  du 
veau  marin  ;  ses  moustaches  sont  disposées  sur 
six  rangs;  son  pelage  esl  très-épais,  très-court, 
brun  en  dessus,'  plus  on  moins  jaunâtre  en  des- 
sous; il  a  sur  le  dos  des  lignes  jaunes,  llexueuscs, 
(|ui  s'effacent  sur  les  côtés;  sa  queue  est  bordée 
de  chaque  côli'  d'une  ligne  jaune;  et  deux  larges 


2Hi 


I.KS  CAUlMVOIIKS   AMI>11IBIKS. 


lâches  d  un  liiiive  r.uix  occupent  tout  le  dedans 
des  inenil)ies  anlérieurs. 

2'  Gemii;.  Les  STÉXORHYNQUES  (  Slcnn- 
rhijnihtis,  Fit.  Cuv.  )  ont  trenle-deux  deals,  sn- 
voir  :  quiilre  incisives  à  chaque  m;ichoirc;  (|na- 
Ire  eyuines  et  vitiot  molaires;  les  dents  sont 
composées,  à  Iciir  partie  moyenne,  d'un  loiig 
(uhercule  c\lindri(|ne,  recourbé  en  arrière,  et 
séparé  des  deuv  autres  luhercules  un  peu  plus 
pelils,  l'un  antérieur,  l'autre  [)ostéi'ieur,  par 
une  profonde  ('chancrure  ;  leur  nmseau  est  très- 
proéminent  et  ils  ont  de  très-pelits  ongles  aux 
pieds. 

Le  Sté>oriiy>'(.)Iie  de  IIo:>ie  (  SIenorhiincItiis 
leptontjx,  Fh.  Cdy.  I^hoia  lloinei,  Less.  l'Iuxa 
leploiuj.r,  Blainv.)  a  sept  pieds  (2,274)  de  lon- 
gueur, rarement  neuf  (2,92  i);  son  pelage  est 
d'un  gris  noirâtre  en  dessus,  passant  au  jaunâtre 
sur  les  côtés,  à  cause  des  petites  taches  qui  s'y 
trouvent  ;  les  flancs,  le  dessous  du  corps,  les 
pieds  et  le  dessus  des  yeux  sont  d'un  jaune  gris 
pâle  ;  ses  moustaches  sont  simples  et  courtes  II 
habite,  dil-on,  les  côtes  de  la  Nouvelle-Géorgie 
et  des  îles  Malouines. 

LeSTÉxoiMiwoun;  oe  Weddeli,  {Stowrhijnrhus 
IVeddelli-,  Less.  Sea  léopard,  Wedo.  Phoca  lon- 
girollis,  Siiaw.  )  a  beancouj)  de  ressemblance 
avec  le  précédent.  Son  cou  est  allongé;  sa  télc 
très-petite;  son  pelage  court,  lustré,  ras,  d'un 
gi'is  pâle  ou  ardoisé,  parsemé  en  dessus  d'un 
grand  nombre  de  taches  arrondies  et  hlanchà- 
res,  eu  dessous  de  taches  semblables,  mais  jau- 
nâtres. Il  vit  sur  les  glaces  et  n'habile  que  les 
hautes  latitudes  des  Orcades  australes. 

5'  (iEiviiK.  LesS'rEi>l>IAT<>PF.S(.V/em.))(a/o- 
jnis,  Fr.  Cuv.)  ont  trente  dents,  savoir  .-  quatre 
incisives  supérieures  et  deux  inférieures;  quatre 
canines  et  vingt  molaires.  Leur  tète  est  surmon- 
tée d'un  organe  bizarre,  en  forme  de  sac  dila- 
table, dont  on  ignore  l'usage;  leurs  màchelières 
sont  à  racines  simples,  courtes  et  larges,  striées 
seulement  à  leur  courorme;  leur  nmseau  est 
étroit  et  obtus;  leur  crâne  développé. 

Le  INÉSAiRSAMK  ou  Capucin  (Stfmwatoinis 
crislatus,  Fb.  Cuv.  Pliocacrislata,  (isu,.  Phora 
leonhin,  Faur.  Phoca  mitralo,  Dekai;  Le  i*/ior 
o  rcipurhov,  de  G.  Cuv.  Le  NesaursnlU;  et  le 
Kahnrtak  des  Groéulaudais)  a  environ  se|)t  à 
huit  pieds  (2,274  à  2,599};  il  a  sur  la  tète,  lors- 
qu'il est  adulte,  une  sorte  de  sac  caréné  en  des- 
sus, mobile,  et  dont  il  peut  se  couvrir  les  yeux 
et  le  museau  quand  il  le  veut  ;  ses  narines  sont 
dilatables  au  point  qu'elles  ressemblent  à  des 
vessies  quand  elles  sont  gondées  ;  les  femelles 
n'ont  pas  ces  singulieis  organes.  Son  pelage  est 


long,  laineux  près  de  la  poan.  entièrement  blanc 
dans  le  jeune  âge,  d'un  gi'is  brun  eu  dessus  cl 
d'un  blanc  d'argent  eu  dessous  ;  à  l'iige  adulte, 
il  est  (juekpiefois  parsemé  de  taches  grises.  Il 
habite  les  côtes  septentrionales  de  l'Américiue 
et  le  Groenland.  En  mars  la  femelle  met  bas  un 
seul  petit,  sur  les  glaçons,  et  d'avril  en  juin  ils 
se  rendent  à  (erre. 

4"Ge>re.  Les  PELAGES  (J'tVr/giii.s-,  Fk.Civ.1 
ont  trente-deux  dents,  dont  huit  incisives,  quad'e 
canines,  et  vingt  molaires  ;  les  incisives  supérieu- 
res sont  cchancrées  Iransversalement  à  leur 
extrémité,  les  inférieures  sont  simples.  Les  mà- 
chelières sont  épaisses  et  coni(pies,  n'ayant,  en 
avant  et  en  arrière,  que  des  petites  jioiutes  ru- 
dimentaires.  Ils  ont  le  museau  élargi  et  allonge 
à  son  extrémité,  et  le  chanfrein  très-arqué. 

Le  Moi^iE  {Pclagins  vionttcliKS,  Fr.  Cuv. 
Phoca  monachiis,  Desm.  Phixn  bivolor,  SuaW; 
Phora  (ilb'ucnter,  Bodi>.  Phoca  leiicognstcr, 
PÉiiON  )  a  de  sept  fi  dix  ])ieds  l2,27i  à  .),248)  de 
longueur;  son  pelage  est  ras,  court,  et  très- 
serré  ,  entièrement  noir  en  dessus ,  avec  le 
ventre  blanc;  ses  moustaches  sont  lisses.  Cet 
animal  est  fort  intelligent,  et  s'apprivoise  très- 
bien;  il  est  même  docile  et  obéit  au  comman- 
dement de  son  maître,  qu'il  affectionne  beau- 
coup; il  est  connnun  dans  la  mer  Adriatique, 
et  se  trouve  aussi,  dit-on,  sur  les  côtes  de 
Sardaigne. 

.T  CiEnr:?.  Les  i\IAtR«»IîlîIXS  (Mnnorhinns, 
Vu.  Cl  v.  )  ont  trente  dents,  savoir  :  quatre  in- 
cisives sn|)érieures  et  deux  inférieui-es,  crochues 
comme  les  canines,  mais  plu«  petites  ;  quatre 
canines  fortes;  vingt  molaires,  dont  les  racines 
sont  simples,  plus  larges  que  les  ccinroinies  (pii 
imitent  un  mamelon  pédicule. 

LeîNIioiRODNr,  ou  Phoque  a  troupe  (A/orror/u- 
niis  proboscideiiS,FR.  Civ.  Phoca  proboscidea 
et  Phoca  Ansonii,  Des)i.  Phocn  teonina,  Lii\. 
Phoca  elephaniina ,  IMolina.  Le  iMnp  marin, 
Pernetty.  Le  Phoque  à  museau  ride,  Fobst.  Le 
lAon  maihi,  Damp.— A^S0N.  l/l'Jlephant  nuiriii, 
PÉRON  et  les  voyageurs  anglais.  Le  l.awe,  Mo- 
r.r\A\  Cet  animal  atteint  de  vingt-cinq  à  trente 
(lieds  (8  à  10  mètres)  de  longueur,  sur-  quinze  à 
dix-huit  (4,872  à  .''),847)  de  circonférence;  son 
pelage  est  ras  grisâtre  ou  d'un  gris  bleuâtre, 
(jnelquefois  d'un  brun  noiiàtre,  rude  et  gros- 
sier; ses  yeux  sont  très-grands,  |)i'oéminents; 
les  poils  de  ses  moustaches  sont  rudes  et  con- 
tournés en  spirale;  ses  canines  inféi'ieures,  for- 
tes et  arqut'es,  sont  saillantes  hoi's  des  lèvres; 
les  ongles  des  mains  sont  très-petits,  et  sa  queue, 
courte,  est  peu  apparente. 


La  nature  a  [taré  beaucoup  d'animaux,  pour  le  temps  des  amours  seulement, 
d'une  sorte  de  robe  de  noce  pins  ou  moins  brillante,  plus  ou  moins  singulière  ; 
dans  les  oiseaux  ce  sont  des  couleurs  vives  et  tranchantes,  des  crêtes,  des 


PlIOQUtS.  277 

.nyretlcs;  dans  les  snlainiindros,  ce  sont,  des  nienibraiies  dorsales  agreahleineiil 
découpées  et  imaïuéos  de  mille  couleurs  variées,  etc.  ;  elle  n'a  pas  oublié  le 
|ilio(|ue  dont  nous  pailons  ici,  mais  la  pni'ure  (pi'elle  lui  a  dévolue  est  au  moins 
fort  hizarre.  Elle  consiste  en  un  prolongement  du  nez,  en  forme  de  trompe 
membraneuse  et  érectile,  molle,  élasli(|ue,  ridée,  longue  (iucl(|uefois  d'un  pied 
0,323),  et  ayant  beaucoup  d'analogie  avec  cette  longu(^  crête  qui  pend  sur  le 
bec  d'un  coij  d'Inde.  Celle  trouipe  manque  à  la  femelle,  et  aux  jeunes  avant 
l'âge  adulte,  et  il  paraît  qu'elle  s'efface  peu  à  peu  dans  le  mâle  lorsque  le  temps 
du  lut  est  passé. 

Le  miouroung  babite  les  plages  de  toutes  les  îles  désertes  de  l'hémisplière 
austral,  et  vit  en  troupes  de  cent  cinquante  à  deux  cents  individus  ;  comme 
il  craint  également  la  cbaleur  et  l'excès  du  froid,  il  émigré  régulièrement  pour 
aller  passer  l'été  dans  le  nord  de  la  zone  qu'il  babite,  et  l'Iiiver  dans  le  sud. 
Pendant  les  quatre  premiers  mois  de  l'année  il  quitte  peu  la  mer,  où  il  se  nourrit 
de  poissons,  de  mollusques  et  de  crustacés;  alors  il  devient  tellement  gras  qu'il 
n'est  pas  rare  de  lui  trouver  entre  la  peau  et  les  nniscles  une  coucbe  de  graisse 
buileuse  ayant  jusqu'à  neuf  pouces  (0,2-iî)  d'épaisseiu' ;  les  Américains  retirent 
souvent  une  énorme  quantité  d'imile  d'un  seul  individu,  dont  le  poids  de  la 
cbair  seulement  est  communément  de  mille  kilogrammes,  (^et  animal  est  d'un 
caractère  doux,  paisible,  et  surtout  d'une  grande  indolence.  Lorsqu'il  dort  sur 
la  terre,  mollement  étendu  sur  un  lit  de  varccs,  il  est  extrêmement  facile  de 
l'approclier,  car,  même  lorscpi'il  se  réveille,  et  voit  le  cbasseur  armé  de  sa  lon- 
gue lance,  sa  paresse  ne  lui  permet  ni  de  fuir,  ni  de  se  mettre  en  défense,  ce 
(|ui  rend  l'acile  de  le  tuer  d'un  seul  couj)  en  lui  perçant  le  cœur.  Mais  dans  le 
temps  des  amours  il  n'en  est  pas  de  même;  il  déploie  une  activité  extraordinaire, 
et  il  serait  dangereux  de  l'approclier.  Le  rut  a  lieu  danslemoisd'octobre,  et  les 
mâles  se  livrent  alors  des  combats  furieux  pour  s'approprier  cbacun  le  plus  de 
femelles  qu'ils  peuvent.  Le  plus  fort  fait  son  cboix,  conq)ose  à  son  gré  son 
barcm,  et  se  retire;  le  combat  reconnnence,  et  enlin  les  mâles  les  plus  faibles 
lestent  sans  femelles.  Mais  bientôt  les  vainqueurs  se  lassent  de  leurs  con(|uètes, 
et  les  abandonnent  aux  vaincus.  Cbaque  femelle  fait  un  ou  deux  petits  qu'elle 
allaite  deux  ou  trois  mois. 

Le  pbofpie  d'Anson  [Phoca  Ansonii,  Desm.)  en  serait  une  variété  moins 
grande,  à  pelage  d'un  fauve  clair,  et  à  ongles  des  mains  plus  robustes.  11  babi- 
(erail  i)Ius  particulièrement  l'île  Juan-Fernandez  et  les  îles  antarcticpies. 

Le  Macroiiiii^  i»e  l'u.k  Saint-Pali,  {Macro-  pieds  (2,590).  Sa  \bwii  sii|)ori('iiir  est  un  peu 
rh'xnus  Co.rn- —  l'hoca  Co.rii ,  Dism.  Lo  l.wn  niniielci';  son  pelage esUl'iiii  f»ris  liriiii  elqiiel- 
iiirti-iii,  (le  Coxe)  est  de  la  laillc  du  niionroiing,  (|uel'ois  blaneluitre  ;  ses  pieds  de  devaiil  n'aii- 
Miais  il  niaïupie  de  trompe;  son  pelage  est  de  la  laient  (pie  tpialre  doigts,  selon  Molina.  Unie 
eouleiir  de  eeini  d'un  bullle,  ou  brun,  ou  (piel-  liouve  sur  les  ecMes  du  (jliili. 
(piefois  hlanc.  Ilesl  très-eon)nuniaux  ilesd'Ams-  Le  MAfiKoiuiiM  i>k  Kyuon  (  MarrorUinus  liiiro- 
lerdani  et  de  Saint-l\ud.  Serait-ee  le  precédeid  nii,  Li;ss.  l'hoca  Hijronii,  B^Al^v.).  Cette  espèce 
hors  du  temps  des  amours,  c'est-à-dire  lorsque  ne  repose  cpie  sur  le  scpielette  d'une  lète  obser- 
va trompe  est  elTacée?  vee  par  M.  de  Hlainville,  dans  le  cabinet  d'iluii- 

I.e  MACKOiun\  rKif..\E  (MacrorUinus  lupiniis.  ter,  à  FAHidres.  Llle  a  six  incisives  supérieures, 
—  Phoca  liipnta,  Mouxh),  me  parait  aussi  n'èlrc;  dont  la  seconde  extérieure  est  plus  forte  que  les 
(pi'une  variété  du  miouroung,  mais  plus  petite,  autres  et  ressemble  à  une  canine  ;  les  crêtes  oc- 
si  r('ellement  sa  longueni'  ne  dépasse  pas  huit  cipitales et  sagilales  sont  trés-saillantes,  ainsi  cpie 


'27S 


I.LS   CAIi.MVOIll.S    AMIMIIUILS. 


i';i|i()ph)se  iii;i.>l()itie.  l.iiniiiKil  a\:iil  de  trouve 
sur  les  foies  «les  ilos  Niariiincs. 

(ie  (iKMiK.  Les  AIJCTOCEPHALKS  (.Ij-r/o- 
cr'/'''"'"*.  Fk.Cij\.)oiiI  liciik'-six  dents,  savoir: 
six  incisives  siipci'ienics  dont  les  quatre  nioven- 
nes  sont  pfotonilenient  ('elinncires  dans  leur 
milieu,  et  (lualre  inlêrieures  êelianerées  d'avant 
en  ari'ière  ;  quatre  canines;  douze  molaires  su- 
périeures et  dix  inlêrieures.  Les  mâcheliéies 
n'ont  (jutnie  racine,  moins  épaisse  que  la  cou- 
ronne, consistant  en  im  tubercule  mojeii  garni 
à  sa  liase,  en  avant  et  en  arrièi'e,  d'mi  tubercule 
beaucoup  plus  petit.  Ia's  mains  de  ces  animaux 
.-ont  ()lacées  1res  en  arriére,  ce  ipii  leur  fait  pa- 
raître le  cou  tort  allon|;é;  les  pieds  ont  leur 
membrane  à  cin(|  lobes  dépassant  les  doif;ts; 
leur  tcle  est  suibaissée  cl  leur  museau  rétréci. 

L'Ouiis  .>i4iu>  {  An  luieiihaliis  uiAÎntis  ,  Vu. 
Clv.  l'Iioca  iirsiiia,  Lim.  Otaiia  uraiiiu,  Desm. 
Olana  Fonlcri,  l.v.ss.  L'rsus  mariinis,  Fokst. 
L'Ours-  manu,  de  IScrr.  )  est  long  de  quatre  à 
six  pieds  1 1,299  a  1.949  ,  mince,  à  Icte  ronde  et 
gueule  |)en  fendue,  avec  des  jeux  proéminents, 
et  de  longues  mousiacbes;  ses  oreilles  sont  poin- 
tues et  coniques;  son  pelage  est  composé  de 
deux  sortes  de  pulls:  celui  de  dessous,  court, 
l'as,  doux  et  satine,  d'un  brun  roux;  celui  de 
dessus  plus  long,  brunâtre,  tacheté  degris  foncé. 
Il  babile  les  côtes  du  Kamscbatka  et,  des  iles 
Aléonliennes.  Ou  le  recherche  beaucoup  à  cause 
<le  sa  fourrure  très-eslimée  eu  Chine,  mais  ses 
mceiirs  sauvages,  la  finesse  de  sou  odorat  ([ui 
lui  fait  reconnaiti'e  de  tort  loin  rap|)roclie  du 
chasseui-,  rendent  .--a  chasse  fort  dillicile-  Il 
n'babile  ([u'au  milieu  des  rochers  et  des  récifs, 
sur  les  cotes  les  plus  battues  par  la  temi)éte. 

/MlENiiE.  Les  PLATYKHYXQUES  (Plitlij- 
rhiivchiis,  Fit.  Clv.  )  ont  le  même  système  den- 
taiie  que  dans  le  genre  pi'écédent,  mais  les  in- 
cisives sont  pointues,  et  les  màclieliéres  n'ont  de 
pointe  secondaire  qu'à  leur  partie  antérieure; 
leur  criine  est  trcs-elevé,  et  leur  museau  élargi. 

r^e  Lio^  MAïuN  [l'iutlnjrhijnciis  teonhius,  Fh. 
Clv.  Olaria  jnbiila,  Dksji.  non  Lin>é.  Otaria 
Pcnirlliji,  Lhss.  Olarin  leviihin ,  Pehon.)  est 
long  dedou7,e  pieds  (5,S98),  et,  si  l'on  en  croyait 
Pernetty,  il  en  atteindrait  jusqu'à  vingt-cinq 
(8,1211;  sou  pelage  est  fauve;  ses  moustaches 
noires  ;  le  mâle  |)orte  sur  le  cou  une  crinière 
épaisse  qui  lui  descend  jusque  sur  les  épaules  ; 
sa  tète  est  assez  petite,  semblable  à  celle  d'im 
dogue,  avec  le  nez  un  peu  relevé  et  connue  Iron- 
ipié  à  sou  exlrémilé.  Cette  espèce  habite  les  îles 
antarcticiues;  son  caractère  est  doux  et  limide. 
File  vit  de  poissons,  d'oiseaux  d'eau  qu'elle  sur- 
prend avec  adresse,  et  quelquefois  d'herbe.  La 
lèmelle,  pour  faire  ses  petits,  se  cache  dans  les 
roseaux  où  elle  les  allaite.  Chaque  jour  elle  va 
a  la  mer,  et  gagne  sa  retraite  le  soir.  La  chair 
de  ces  animaux  est  mangeable;  son  huile  est 


utile,  et  sa  peau  est  excellente  pour  N  s  ouvi-ages 
de  sellei'ie. 

Le  l'i,Arvuin\yLE  >ioi.ossK  (/'/«(//; /i;/ii(7(i(.siHo- 
los.siuiis,  Li;ss.  Olaria  inolossina,  Ltss.  eKiAU- 
Mn.  Le  Phoque  à  nin  des  lialeiniei's  anglais. 
Le  Pclil  lion  )itaiin,  de  Pehnettv  ).  Celte  espèce 
a  de  quatre  à  huil  pieds  (1,299  à  2,o9l»)  de  lon- 
gueur; son  pelage  est  d'un  roux  unilorme,  ras 
sur  toutes  les  ()arties  du  cor|)s  ;  les  [)oils  de  ses 
moustaches  sont  aplatis,  d'un  brun  rouge,  à 
exirémite  noire  ;  les  mains  manquent  d'ongles, 
el  les  pieds  en  ont  trois  assez  gros.  La  tète  est 
petite,  arrondie;  les  oreilles  sont  petites,  poin- 
tues, roulées  sur  elles-mêmes.  Elle  habile  les  iles 
;\lalouines. 

Le  l'LXTvnnvNyï  E  ue  Gctiux  (  Platiirliijiichns 
GiKfinii.—  Platiirhijncus  l'raniir,  Less.  IJOIa- 
rie  Giieii»,  Qiov  et  (iAi.MAiiu)  a  la  [)lus  grande 
analogie  avec  le  précédent;  mais  les  deux  natu- 
ralistes du  vojage  de  l'Uranie  lui  donnent  six 
incisives  en  haut  el  quatie  en  bas,  quatorze  mo- 
laires supérieures  et  douze  inférieures.  Son 
pelage  est  brun,  ras;  son  museau  aplati,  portant 
cinq  rangs  de  moustaches;  sa  taille  est  dequaire 
pieds  dix  pouces  (1,570).  11  habite  les  iles  Ma- 
louines  comme  le  précédent,  auquel  il  faudrait 
sans  doute  le  rap()orter,  s'il  se  ti'ouvait  que  ses 
dents  eussent  été  mal  observées. 

8°  Gemie.  LesllALYtIIORKS  (//«/i/r/KC/w/.s-, 
lIoii>scii.  )  oui  trente-quatie  dents,  toutes  coni- 
ques, recourbées  :  les  inférieures  égales,  courtes, 
séparées  également  par  un  inteivalle  vide;  les 
deux  incisives  externes  d'en  hanl  simulant  des 
canines  et  mar(|uées  d'un  canal  étroit  «n  leur- 
partie  postérieure,  les  quatre  intermédiaires  plus 
longues  et  égales  entre  elles;  les  canines  infé- 
rieures rapprochées,  silloiniees  en  arrièie  el  en 
dedans,  s'engageanl  dans  un  intervalle  des  cani- 
nes supérieures  qui  sont  semblables  ;  molaires 
triangulaires,  les  supérieures  convexes  sur  leur 
face  exleine,  recourbées,  les  troisième  el  qua- 
trième les  plus  grandes,  les  inférieures  [)yraml- 
dales,  les  deuxième  et  troisième  plus  giandes. 
Du  reste,  les  ongles  sont  plus  longs  et  plus  re- 
courbés que  dans  les  autres  phoques.  Ce  genre 
fait  le  passage  des  phocpies  aux  morses. 

L'IIalvciiohe  r.Kis  (  llalijthœnts  griseus , 
IIoHNS.  Phora  annellala,  Nilss.  Phvca  ctictil- 
/a(«,Ki>iin.)  a  le  |)elageconq)os(' de  deux  sortes  de 
poils  :  celui  dedessousest  blanc,  laineux  et  courl  ; 
celui  de  dessus  esl  long  de  deux  pouces  ((I,0o4), 
soveux,  d'un  gris  plombe  sur  le  dos,  blanc  sur 
le  reste  du  coips.  On  le  liouve  sur  les  côtes  de 
la  Pomérauie  et  des  mers  du  nord  de  ILuropc. 

F.s])trcs  non  encore  classées . 

9'  IjENhe  jirovisoire.  Les  PHOQUES  [l'Iioca. 
Li:v.)  n'ont  pas  d'oreilles  extérieures. 

Le  PliOgiîE    A  TÈTE  DE  TOIITLE  (  l'IwCU  tcsliull- 

»)((/,  SiiAvv.)  ressemble  par  ses  pieds  au  phoque 


PHOQIJKS. 


■270 


cotiinmi),  iiiiii.s  son  cdii  (^l  ;\lloni.'(',  cl  sn  lolc 
icsscinhU'à  colle  (l'une  loi'liie.  Espèce  doiileiise, 
<|Mi  li;il>ilei';iil  les  mois  d'Kurope. 

I.c  I-ihii'iAK  (  l'hnrn  lal.hinl;,  Desm.  )  n'est 
eonnn  (|no  par  une  desciiption  de  Kraschenni- 
nikow  ;  il  serait  de  la  firossenr  d'un  liieuf,  et  lia- 
Idlerail  le  Kamschalka. 

[.0  PiKiQi  E  Tic.HÉ  (  l'harn  ligyhin,  Kii\S(:iie>>'. 
Phnia  r'/ioc»>îi,  Less.  Le  (,'liif/i  i\e  mer  du  df- 
tioil  de  /?rliri»i(;,  Ciioitis.  Var.  Phoenpuiirtntn 
iininildln,  et  nigra.  do  l'Iùicyel.  anj;.)  est  delà 
laille  d'un  veau  ;  son  corps  est  couvert  de  laclies 
rondes  et  cfjales:  son  veiitte  est  blancli.diT.  I-es 
leniiessont  enlièretn<nl  lilaucs.  Du  Kauischatka. 
La  variété  iiiiiulata  a  la  tète,  le  dos  el  les  uieni- 
hres  laclietés.  Elle  habite  les  Kouriles.  —  La 
varietc'  mnnilotn  est  luouclietec  de  brun  et 
habite  les  mêmes  cotes.  —  La  variété  tiiqrn  est 
noire,  queUpiefois  tachée  de  blanc,  el  se  trouve 
sur  les  mêmes  rivages. 

l-e  Pmoqiie  VKsai.  (  Phoen  fnsrinio,  S<;ii\\vJ 
est  noirâtre;  une  bande  jaune  lui  dessine  une 
selle  sur  le  dos.  Patrie  incoiuuie. 

lOMlE^iiE/trori.soirp.  Les  «H\V1$IF,S  {Olana, 
PEito>)  ont  des  oreilles  externes  apparentes. 

L'Otaiue  dk  Delal\m)e  {Otitria  Dilaldiid'n, 
(i.  Ciiv.)  a  trois  pieds  cl  demi  de  longueur 
(l.'ôT)  ;  son  pelapc,  doux,  fourré,  lainen\  .'i  la 
base,  a  la  pointe  de  ses  poils  aniielé  de  fjris  et 
de  noiràlre,  ce  qui  lui  donne  une  teinte  d'cui 
Kiis  brun  roussâlre  ;  le  ventre  csl  d'rrne  couleur 
pins  pâle.  Il  a  été  apporté  du  caj)  de  IÇouiie- 
r.spérnnee  par  M.  Delalande. 

L'OiAruË  de  Peiion  (  Olaiia  Per(  nii  et  uiqra. 
Desm.  Pliora  pusUla.  Li^v.  Phnen  inrrn,  Borrr). 
L'nUirie  de  t'ilc  de  Hollnesl ,  Peiion.  VOIane 
de  Delnhtnde,  Fit.  Cuv.  Le  iMiq)  ynwtn,  Pacès  ; 
Le  /Vti(  phoque,  RrFi'.)a  dedenx  iuiuatre  pieds 
de  lonsuerrr  (O.fi.'iO  à  1.299).  bes  oreilles  sont 
iroinlues;  ses  pieds  de  derrière  n'ont  d'ongles 


api)areids  (jn'aiix  li'ois  doi^ls  du  rrrilierr,  et  sont 
lei'urirrés  par  irne  meridnane  fi  ciru)  festons;  sa 
couleur  est  g('n('raleriient  noiràti'e  ;  son  pelage 
doux,  et  ses  moustaches  rondes  et  lis^'s.  Il  ha- 
bite la  Nouvelle-Hollande. 

Otaiuk  CE>r)iiE  [Otnrm  rineien  ,  P^.rio^  )  a 
neirf  à  dix  pieds  (2,025  à  5,2'(8)  de  longruMir  : 
son  pelage  est  dur,  grossier,  d'un  gris  cenili'e. 
Il  habile  la  iNonvelle-llollande,  sirr- les  cotes  de 
l'ile  Decrès. 

L'Otaiue  Ai.iîicru.i.E  ^0/«rirï  <ilhic<diis.  Pehon) 
a  liriit  à  neuf  pieds  (2,27  i  à  2,92"))  <le  longrieiir  ; 
ses  membres  antéi'ierirs  sont  siluc's  foi't  en  ar- 
riére, et  il  a  une  grande  tache  blanche  sur  la 
l)arlie  movemie  et  supérieure  du  cou.  Il  habile 
la  Nouvelle-Hollande. 

L'Otahiecoi  kowe  {OInrin  roxmrila,  Rr.MNV.) 
a  le  pelage  noir,  taché  de  jaune,  avec  une  bande 
de  cette  coideur  sur  la  tête  el  une  tache  sur  le 
nuiseau.  Il  a  ciric]  oirgles  aux  pieds  de  dei'rièi'e. 
Sa  patrie  est  inconnue, 

LOtahik  JAiiivATUK  {Oltifia  jlairseeus.  .Srrvw.i 
est  long  d'un  t\  deirx  pieds  (0,;i2,''i  à  (»,((,")()).  Sorr 
pelage  est  d'un janne  pâle  uniforme;  sesoi'eilles 
sont  longues;  ses  maiirs  maniinerrl  d  ongles,  el 
il  en  a  trois  serrlemcrrl  aux  doigts  nrovens  des 
pieds.  Sa  patrie  est  inconnue. 

Le  Cochon  ue  meh  (Olaria  poreinn,  ^Ior.r\A 
ressemble  par  la  fornrc  et  le  pelage  an  macro- 
rhirr  urigne,  mais  sou  nrrrseau  est  plus  allonge; 
ses  oreilles  soirt  relevées,  el  il  a  ciirq  doigts  arr\ 
pieds  de  devant.  Il  habite  les  côtes  du  Lhili. 

L'OiMUE  d'Haiville  {Otaria  lluiiitllh,  (i, 
Clv.)  a  (|uali'e  pieds  deux  poirces  (l,.'i.'5.ï)  de 
loirgirenr;  il  esl  d'un  gr'is  fonc('  et  cendre  en 
dessus,  blauchàtr'e  sur  les  lianes  H  la  poitr  irre: 
il  a  sur  le  ventre  nue  bande  longitudirrale  d'rrir 
brim  roux,  avec  une  auti'e  transver'sale  et  rroi- 
ràtr'e  allant  d'une  nageoiic  ;i  l'antr'e.  Ou  le 
li'ouve  aux  Iles  Malonines. 


280 


LKS    CAIIMVOIIKS    AM  l'Il  1 151  l'.S. 


icàM% 


m\0W* 


M-:S  MORSES 


Ont  l;i  forme  céiiérale  des  |)hociiies;  mais  lent-  point  à  l'inforiciire;  doux  canines  ou  défenses 

Miàclioire  infeiienre  manque  de  canines  et  d'in-  a  la  mâchoire  supérieure  et  point  à  l'inférieure  : 

cisives,  et  les  canines  supérieures  forment  d'e-  luiit  molaires  en  haut  et  huit  en  has  ;  leurs  mo- 

iiormes  défenses  dirigées  inférieurenient.  laires sont  cjlindriques,  courtes,  tronquées  ohii- 

ll«  Gkmie.  Les  310RSES  (  7'rie/ipc/n(.s-,  Ln.)  quenient,  et  yemhlent,  par  leur  structure  et 

ont  vingl-deuv  dents   à  l'état  adulte,  savoir:  leurs   rapports,    agir   les  unes  sur  les   autres 

ijualrc  incisives  à  la  mâchoire  supérieure,  et  connue  le  [-.ilon  a;j;it  sur  sou  mortier.  ' 

Le  MORSK,  OU  CHEVAL  MAUlfi  {Trirhccliiis  rosiuaius.  Lin.  Le  Morse, Bvff.  L;i 
Vache  manne  et  la  Bêle  a  la  cjramle  denl  des  voyageurs) 

Atteint  onze  à  douze  pieds  (ô,575  à  5, SOS)  de  longueur,  et  même  beaucoui. 
plus,  si  on  s'en  rapportait  à  certains  voyageurs;  son  pelage  est  très-court,  très- 
peu  fourni,  et  d'une  couleur  roussàtre  ;  son  muflle  est  très-gros,  sa  lèvre  supé- 
rieure renflée;  ses  narines  se  trouvent  prcs((ue  regarder  le  ciel  et  non  terminer 
le  museau;  ses  défenses  ont  quelquefois  deux  pieds  de  longueur  (0,050)  et 
davantage;  leur  grosseur  est  proportionnée  à  leur  longueur.  Pour  les  membres 
et  le  reste  du  cor|)s,  il  re^^semble  beaucoup  aux  pboqiies. 

Si  le  morse  a   beaucou}»  d'analogie  dans   les  formes  avec  les  animaux  de   i;i 


.;.     .^^^^^rïl-^T^ 


CABINET   DAHATOMIE   COMPAREE 

i.i»,,i;..  .1.--  l'u.. i>-.i 


MORSES.  2SI 

l'aniille  prccédeiUc,  il  n'eu  a  pas  moins  dans  les  mœurs  et  dans  toutes  les  lialii- 
tudes  de  la  vie.  Cependant  il  a  moins  d'intelligence  et,  i)ar  suite,  moins  de  dou- 
ceur dans  le  caractère.  Eward  >Yorst,  dit  avoir  vu  en  Angleterre  un  de  ces  ani- 
maux âgé  de  trois  mois,  que  l'on  ne  pouvait  toucher  sans  le  mettre  en  colère, 
et  même  le  rendre  furieux.  La  seule  chose  que  l'éducation  ait  pu  ohtenir  de 
lui  était  de  le  faire  suivre  son  maître  en  grondant,  quand  il  lui  présentait  à 
manger.  Cet  animal  hahite  toutes  les  parties  delà  mer  Claciale,  mais  il  est  hien 
moins  commun  qu'autrefois.  «  J'ai  vu  à  Jakutzk,  dit  Gmelin,  quelques  dents  de 
morse  qui  avaient  cinq  quarts  d'aune  de  Russie,  et  d'autres  une  aune  et  demie 
de  longueur;  communément  elles  ont  jusqu'à  quatre  pouces  de  largeur  à  la  hase. 
Je  n'ai  pas  entendu  dire  qu'auprès  d'Anadirskoi  l'on  ait  jamais  chassé  ou  péché 
de  morse  pour  en  avoir  les  dents,  qui  néanmoins  en  viennent  en  si  grande 
(|uantité;  on  m'a  assuré,  au  contraire,  que  les  haliitants  trouvent  ces  dents,  dé- 
tachées de  l'animal,  sur  la  hasse  côte  de  la  mer,  et  que,  par  conséquent,  on  n'a 
pas  hesoin  de  tuer  auparavant  les  morses.  Plusieurs  personnes  m'ont  demande 
si  les  morses  d'Anadirskoi  étaient  une  espèce  différente  de  ceux  qui  se  trouvent 
dans  la  mer  du  Nord  et  à  l'entrée  occidentale  de  la  mer  Glaciale,  parce  que  les 
dents  qui  viennent  de  ce  côté  oriental  sont  l)eaucoup  plus  grosses  que  celles  qui 
viennent  de  l'Occident,  etc.  n  Gmelin  ne  résout  pas  cette  question,  et  Buflon  en 
donne  une  solution  qui  me  paraît  être  une  erreur.  «  On  n'apporte  d'Anadirskoi, 
(lit-il,  (pie  des  dents  de  ces  animaux  morts  de  mort  naturelle  ;  ainsi,  il  n'est  pas 
surprenant  que  ces  dents,  qui  ont  pris  tout  leur  accroissement,  soient  |)lus 
grandes  que  celles  du  morse  de  Groenland,  que  l'on  tue  souvent  en  has  âge.  » 
Pour  admettre  cette  hypothèse,  il  faudrait  admettre  aussi  que  jamais,  dans  le 
Groenland,  les  morses  n'atteignent  toute  leur  grandeur,  et  que  tous  ceux  que 
l'on  tue,  sans  exception,  sont  jeunes,  puisque  leurs  dents  sont,  aussi  sans  excep- 
tion,  heaucoup  plus  petites  que  celles  a|)portées  d'Anadirskoi.  Cette  propo- 
sition n'est  pas  soutenahle.  Voici  une  autre  difticulté  :  il  est  certain  qu'on  ne 
trouve  presque  plus  de  morses  aux  environs  d'Anadirskoi,  et  que  ceux  qui  s'y 
montrent  de  loin  en  loin  ne  dépassent  pas  douze   pieds  de  longueur;  or,  un 
morse  qui  aurait  des  dents  longues  d'une  aune  et  demie  russe  devrait  avoir  le 
corps  au  moins  de  trente-cinq  pieds  de  longueiu',  ce  qui  ne  s'est  jamais  vu, 
puisque  les  plus  grands  que  l'on  ait  ohservés  ne  dépassent  pas  douze  à  qualoize 
pieds.  Je  pense  que  l'ivoire  trouvé  sur  les  hords  de  la  mer,  aux  environs  d'Ana- 
dirskoi, n'est  rien  autre  chose  (jueles  dents  fossiles  d'un  grand  morse  dont  l'es- 
pèce ne  se  trouve  plus  vivante,  (^e  qui  me  fait  ajouter  foi  à  cette  hypothèse,  c'est 
(pie  dans  le  même  pays  on  rencontre  des  collines  entières'composées,  presque  en 
totalité,  d'ossements  de  mammouths,  de  rhinocéros  et  autres  animaux  perdus,  et 
«pie  l'on  possède  au  cahinet  de  Saint-Pétershourg  des  défenses  de  mammouths, 
dont  l'ivoire  est  aussi  parfaitement  conservé  (|ue  s'il  avait  été  pris  sur  des  ani- 
maux vivants. 

Les  morses,  ne  peuvent  pas  toujours  se  trouver  j)rés  des  côles,  à  cause  des 
glaces  qui  en  défendent  l'approche.  Aussi,  ils  élisent  leur  domicile  sur  des  gla- 
çons, et  il  arrive  parfois  que  c'est  sur  cette  hahitation  flottante  que  la  femelle 
fait  un  ou  deux  petits,  en  hiver.  Le  petit,  en  naissant,  est,  dit-on,  de  la  gros- 
seur d'un  cochon  d'un  an.  Elle  l'allaite  et  le  soigne  avec  tendresse,  et  le  défend 

36 


.28'i  LES  CARNIVORES  AMPHIBIES 

avec  fiirour.  Lorsque  ces  animaux  vont  à  terre  ou  montent  sur  un  glaçon,  ils  se 
servent  de  leurs  défenses  pour  s'accrocher  et  de  leurs  mains  pour  faire  avancer 
la  lourde  masse  de  leur  corps.  Il  paraît  qu'ils  se  nourrissent  de  varecs  et  autres 
herbes  marines,  aussi  bien  que  de  substances  animales. 

Malgré  les  dangers  d'une  navigation  dans  des  mers  couvertes  de  glaces,  les 
vaisseaux  baleiniers  de  plusieurs  peuples  du  Nord  vont  y  pêcher  les  morses,  non- 
seulement  pour  avoir  les  dents,  qui  fournissent  un  ivoire  plus  dur,  plus  compacte 
et  plus  blanc  que  celui  de  l'élépliant,  mais  encore  pour  extraire  de  leur  graisse  une 
huile  abondante,  meilleure  que  celle  de  haleine,  et  pour  s'emparer  de  leur  peau, 
dont  on  fait  un  cuir  très-fort  et  d'excellentes  soupentes  de  carrosse.  Autrefois, 
on  trouvait  sur  certains  rivages  d'immenses  troupeaux  de  morses,  et  il  n'était  pas 
rare  d'en  tuer  jusqu'à  douze  ou  quinze  cents  dans  une  seule  chasse;  mais  au- 
jourd'hui, on  ne  les  rencontre  guère  qu'en  petites  troupes  ou  en  familles.  Dans 
la  mer  on  les  harponne  de  la  même  manière  que  les  baleines;  si  on  les  trouve 
sur  le  rivage,  on  les  tue  à  coups  de  lance.  Quand  un  morse  se  sent  blessé,  il 
entre  dans  une  fureur  effrayante;  dans  l'impuissance  de  pouvoir  poursuivre  et 
atteindre  son  ennemi,  il  frappe  la  terre  de  côté  et  d'autre  avec  ses  défenses  ; 
il  brise  les  armes  du  chasseur  imprudent,  et  les  lui  arrache  des  mains;  enfin, 
enraf^é  de  colère,  il  met  sa  tète  entre  ses  pattes  ou  nageoires,  et,  profitant  de  la 
pente  du  rivage,  il  se  laisse  ainsi  rouler  dans  la  mer.  Si  on  les  attaque  dans 
l'eau,  et  qu'ils  soient  en  grand  nombre,  la  protection  qu'ils  s'accordent  mutuel- 
lement les  rend  très-audacieux.  Dans  ce  cas  ils  ne  fuient  pas  :  ils  entourent  les 
chaloupes,  et  cherchent  à  les  submerger  en  les  perçant  avec  leurs  dents,  ou  à 
les  renverser  en  frappant  contre  les  bordages,  dont  ils  enlèvent  de  grandes  por- 
tions. Dans  ces  occasions,  et  dans  les  combats  qu'ils  livrent  quelquefois  aux 
ours  blancs,  et  dont  ils  sortent  toujours  vainqueurs,  il  leur  arrive  quelquefois 
de  perdre  une  de  leurs  armes,  et  celle  qui  leur  reste  n'en  est  pas  moins  terrible; 
si  on  est  parvenu  à  en  harponner  un,  presque  toujours  on  en  prend  plusieurs, 
car  ils  fout  tous  leurs  efforts  pour  défendre  leur  camarade  et  le  délivrer.  Si, 
effravés  par  le  nombre  de  ces  animaux,  par  leurs  eflorts  et  surtout  par  les  mu- 
gissements furieux  dont  ils  frappent  les  airs  dans  ces  occasions,  les  pêcheurs 
croient  prudent  de  prendre  la  fuite,  les  morses  poursuivent  fort  loin  la  chaloupe 
qui  les  emporte,  et  n'abandonnent  leur  projet  de  vengeance  que  lorsqu'ils  ont 
perdue  l'embarcation  de  vue. 


FORET   VIERGF;    DE    L'AMERIQUE    DU    SUD 

(  .la,,l!n     .les     l'l»nl.-,) 


LES    MAIISUPIAUX, 


siîPTiivMi-  oHDiu:  i>i:s  MA\iMiri:iu:s. 


Los  ni;irsupiaii\  se  dislinjïiioiil  de  liuis  les  au- 
tres niaiiimilèies  p;ir  deux  os  particuliers  atta- 
chés au  pubis,  interposes  dans  les  muscles  du 
ventre,  et  donnant  appui,  dans  les  femelles 
seulement,  à  une  pocLe  ou  repli  de  la  peau  re- 
couvrant les  mamelles.  Par  une  autre  bizarrerie 
tout  aussi  extraordinaire,  la  femelle,  peu  de  temps 
après  racconpleinont,  met  bas,  non  pas  des  pe- 
tits tout  formes,  connue  les  autres  animaux  vi- 


vipares, mais  des  petites  masses  de  eliair  tout 
à  lait  informes,  et  ipi'elle  place  dans  la  poche 
de  son  abdomen  à  mesure  quelle  les  fait.  Là. 
ces  petites  masses  s'attadu'iil  aux  mamelles,  el 
prennent  le  reste  de  leuf  développement.  Nous 
les  diviserons  en  tiois  sections:  1'  les  carnas- 
siers, qui  vivent  de  eliaif  ou  d'insectes;  2"  les 
frugivores  qui  se  nourrissent  de  fruits;  5''  les 
i'oliivores,  qui  mangent  de  l'herbe  el  des  feuilles. 


LES  M.AUSLPIAUX  CAIINASSIEKS 


Ont  deux  canines  et  plusieurs  petites  incisives 
à  chaque  mâchoire  ;  leur  pouee  des  pieds  de  der- 
rière est  opposable  aux  autres  doigts. 

l'^'  Gemik.  Les  DIOELPIIES  (Diielphis, 
Lin.)  ont  cinquante  dents,  savoir  :  dis  incisives 
eu  haut,  dont  les  intermédiaires  sont  un  peu 
plus  longues,  et  huit  eu  bas;  quatre  canines; 
quatorze  molaires  à  chaque  mâchoire,  les  trois 


molaires  antérieures  comprimées,  et  les  quatie 
antres  hérissées.  Leur  tète  est  tièspointue; 
leur  gueule  est  fendue  jusqu'au  delà  des  yens  ; 
leurs  oreilles  sont  t)ointnes:  leurs  iloigtssont  non 
palmes:  leur  queue  est  nue,  ecail'ense  et  pre- 
nante; leur  poche  marsupiale  consiste  quelque- 
fois eu  un  simple  repli  de  la  iH'au  de  labdomeu, 
d'autres  fois  en  un  véritable  sac 


f    Didelphcs  à  poche  counaut  Us  iiiumcUcs. 

Le  s.VRicU'tioii  MAMCOL'  ^  D'nlcliiliis  viiufiiiiana.  Dksm.  —  Pkxn.  Ojwssitm  icoii- 
pnuk,  tà\KTo\.  Le  Virijimun  opossum,  Suaw.  L'Opossum  el  le  Sariyuc  \\e&  lUi- 


l>8l  LES   MAIISUI'IAUX. 

nois,  BiFF.  L'0/)ossniii  des  Anglais.  L'O.wrt  des  habilants  du  Mississipi.  Le 
TI(t(jnatiiH  des  Mexicains.  Le  Mlcourc  du  l'araguay.  Le  Didclplic  à  oreilles 
Incolores  des  naturalisles  ). 

Le  manicoii  atteint  dix-sept  pouces  (0,400)  de  longueur,  non  compris  la  queue 
(|ui  en  a  onze  (0,298),  et  sept  à  huit  pouces  de  hauteur  (0,189  à  0,217);  c'est 
dire  qu'il  est  à  peu  près  de  la  taille  d'un  chat.  Il  est  d'un  gris  hlanc  jaunâtre,  à 
|)oils  d'un  blanc  sale,  noirs  ou  bruns  à  la  pointe;  il  n'a  de  soies  entièrement 
noires  que  le  long  de  l'échiné,  et  sur  une  bande  descendant  du  cou  aux  jandjes  de 
devant;  sa  tête  est  presque  entièrement  blanche;  les  quatre  jambes  sont  noires; 
sa  (jueue,  couverte  d'écailles,  est  noire  à  la  base,  blanche  dans  tout  le  reste  de 
sa  longueur.  Les  oreilles  sont  nues,  et  se  ferment  à  la  volonté  de  l'animal;  elles 
se  reploienl  d'avant  en  arrière  par  trois  plis  longitudinaux,  et  s'abaissent  à  l'aide 
de  plis  transverses  plus  nombreux,  coupant  les  autres  à  angle  droit.  Leur  conque 
est  noire,  excepté  à  la  base  et  au  bord  où  elle  est  blanchâtre  ou  d'un  rose  li- 
vide; les  mains  et  le  museau  sont  nus,  ce  dernier  un  peu  glanduleux;  son  œil  est 
noir,  petit,  très-saillant. 

Cet  animal  jouit  d'une  grande  célébrité,  et  cependant  il  en  est  |)eu  d'aussi  re- 
poussant. Son  corps  paraît  toujours  sale,  parce  que  son  poil,  ni  lisse,  ni  frisé, 
est  d'une  couleur  terne,  et  ressemble  à  celui  d'un  animal  malade.  Il  exhale,  d'un 
organe  particulier  placé  dans  l'anus,  une  odeur  fétide  et  urineuse,  (|iii  est  en- 
core renforcée  par  l'habitude  qu'il  a  de  se  mouiller  de  son  urine,  (pi'il  lâche 
lorscpi'il  est  elfrayé  ou  en  colère.  Ceci  n'empêche  pas  les  sauvages  de  manger 
sa  chair,  et  de  la  trouver  délicieuse,  probablement  parce  qu'elle  ne  participe  pas 
à  la  puanteur  du  poil  et  de  la  peau.  Du  reste,  cette  fétidité,  dont  il  s'entoure 
quand  on  le  poursuit  ou  qu'on  l'irrite,  est  la  seule  défense  qu'il  ait  à  opposer  à 
ses  ennemis,  car  il  ne  sait  ni  mordre,  quoique  bien  armé  de  dents,  ni  fuir,  puis- 
qu'il ne  court  guère  plus  vite  qu'un  hérisson.  lia  la  pupille  nocturne,  d'où  il  résulte 
qu'il  y  voit  beaucoup  mieux  la  nuit  que  le  jour  ;  sa  démarche  est  lente,  et  sa  stu- 
pidité extrême.  Cependant  il  est  fort  doux,  et  s'accoutume  très-bien  à  l'escla- 
vage; mais  il  ne  s'attache  à  personne,  et  n'est  capable  d'aucune  éducation.  Dans 
les  maisons  on  le  nourrit  avec  du  pain,  du  lait  et  de  la  chair  crue.  On  a  observé 
<|u'ilboiten  laj)ant,  et  qu'il  aime  qu'on  lui  verse  de  l'eau  d'un  peu  haut  dans  la 
bouche,  qu'il  tient  ouverte  pour  la  recevoir.  Sa  queue  prenante  est  très-forte, 
mais  elle  ne  se  replie  qu'en  dessous,  et  il  en  fait  un  usage  maladroit. 

Dans  l'état  sauvage,  le  manicou  habite  toute  l'Amérique  septentrionale.  Le 
jour  il  se  retire  dans  un  terrier  qu'il  se  creuse  au  milieu  d'un  buisson  épais,  à 
certaine  distance  des  habitations;  il  y  passe  la  journée  à  dormir,  le  corps  plié 
en  cercle  à  la  manière  d'un  chien.  La  nuit  il  se  réveille,  sort  de  sa  demeure,  et 
se  met  en  chasse  pour  trouver  sa  nourriture.  Il  grimpe  assez  facilement  sur  les 
arbres  pour  aller  surprendre  les  oiseaux  dans  leur  nid,  et  c'est  à  ce  genre  de 
chasse  qu'il  passe  une  grande  partie  de  son  temps,  car  il  a  un  goût  de  prédilec- 
tion pour  la  chair  des  oiseaux,  et  surtout  pour  leurs  œufs.  Cependant  il  est  sou- 
vent forcé  par  la  nécessité  de  se  rabattre  sur  les  reptiles,  sur  les  insectes,  et 
même  sur  les  fruits.  Il  rôde  souvent  autour  des  habitations,  et,  comme  il  grimpe 
également  contre  les  vieilles  murailles  mal  unies,  il  lui  arrive  (juelquefois  de 
pénétrer  dans  les  basses-cours;  dans  ce  cas  il  lue  la  volaille  (jui  s'y  trouve. 


MARSUPIAUX   CAUiNASSlEUS.  285 

et  se  honic  ;i  lui  sucer  le  sang,  après  quoi  il  abandonne  les  cadavres  sur  la  place. 
Buffon  dil  «  ([u'il  se  cache  dans  le  feuillage  d'un  arbre  en  se  suspendant  par 
la  queue,  et  (pi'il  reste  ({uelquefois  longtemps  dans  cette  situation,  sans  mouve- 
ment, le  corps  suspendu  la  tète  en  bas,  pour  épier  et  attendre  le  petit  gibier 
au  passage.  »  Ceci  peut  être  vrai,  quoique  douteux  pour  moi;  mais  il  n'est  pas 
possible,  en  bonne  critique,  d'admettre  la  citation  dont  il  fait  suivre  ce  passage. 
La  voici  :  «  L'instinct  avec  lequel  il  fait  la  chasse  est  très-singulier.  Après  avoir 
pris  un  petit  oiseau  et  l'avoir  tué,  il  se  garde  bien  de  le  manger.  Il  le  pose  pro- 
|)rement  dans  une  belle  place  découverte  proche  de  quelque  gros  arbre  :  ensuite 
montant  sur  cet  arbre  et  se  suspendant  par  la  queue  à  celle  de  ces  branches  qui 
est  la  plus  voisine  de  l'oiseau,  il  attend  patiemment,  en  cet  état,  que  quelque 
autre  oiseau  carnassier  vienne  pour  l'enlever  :  alors  il  se  jette  dessus  et  fait  sa 
proie  de  tous  les  deux.  »  Il  est  singulier  que  Butîon  rapporte  ce  conte  absurde, 
surtout  en  l'appliquant  à  un  des  animaux  les  plus  stupides  de  toute  la  classe  des 
mammifères. 

D'ailleurs,  l'histoire  du  sarigue  est  assez  merveilleuse  en  elle-même,  sans  que 
l'on  soit  obligé  de  la  broder  maladroitement.  Vingt-six  jours  après  l'accouple- 
ment, la  femelle  met  bas  de  dix  à  douze  petits,  n'ayant  encore  nulle  forme  d'a- 
nimal, gros  comme  un  très-petit  pois,  et  ne  pesant  chacun  qu'un  grain  d'orge. 
(Juoique  aveugles  et  informes  comme  de  très-petits  fragments  de  chair  gélati- 
neuse, ils  s'attachent  aux  mamelles,  y  adhèrent  bientôt  au  moyen  d'une  mem- 
brane commune  au  mamelon  et  au  petit  trou  qui  leur  sert  de  bouche,  en  aspi- 
rent le  lait,  et  y  restent  adhérents  pendant  cinquante  jours,  absolument  cachés 
dans  la  poche,  ce  qui,  avec  les  vingt-six  jours  qu'ils  ont  passés  dans  le  sein  de 
leur  mère,  complète  le  temps  de  la  gestation.  Alors  leurs  membres  sont  dévelop- 
pés, ils  ouvrent  les  yeux,  ils  ont  à  peu  près  la  grosseur  d'une  souris,  et  la  mem- 
brane qui  les  unissait  au  mamelon  se  déchire.  Quoique  libres,  ils  ne  commencent 
à  sortir  de  la  poche  cpie  quelques  jours  après,  pour  jouer  sur  l'herbe,  au  clair  de 
lune,  pendant  que  la  mère  fait  sentinelle  et  veille  à  leur  sûreté.  Au  moindre 
bruit,  à  la  moindre  apparence  de  danger,  elle  les  fait  rentrer  dans  leur  sac,  et 
elle  les  emporte  dans  son  terrier.  Ce  genre  de  vie  dure  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
trop  gros  pour  rentrer  tous  dans  la  poche  ;  alors  la  mère  s'éloigne  un  peu  plus 
de  sa  demeure,  parce  que  ses  petits  commencent  à  la  suivre,  et  qu'il  faut  qu'elle 
chasse  pour  eux.  Si,  dans  ce  cas,  elle  croit  sa  jeune  famille  menacée  d'un  accident, 
elle  jette  un  petit  cri.  Aussitôt  ses  enfants  se  rapprochent  d'elle  en  tremblant  : 
les  uns  se  précipitent  dans  la  poche,  les  autres  lui  montent  sur  le  dos  et  s'y 
maintiennent  solidement  au  moyen  de  leur  queue  qu'ils  enroulent  autour  de  la 
sienne,  ou  autour  de  ses  jambes.  Quelquefois  la  pauvre  mère  en  est  tant  chargée 
et  surtout  embarrassée,  qu'à  peine  peut-elle  marcher. 

Ce  que  nous  venons  de  dire  du  manicou,  pouvant  s'appliquer  à  tous  les  di- 
delphes,  sauf  quelques  légères  modilications  que  nous  enseignerons  plus  loin, 
nous  n'avons  plus  à  nous  occuper  que  de  la  description  des  espèces. 

Le  Gamba  (  Didelpliis  Azarœ,  Thmm.  Le  Mi-  seau  est  long;  le  tour  des  yeu^  est  noir,  ainsi 

roulé,  n"  l"  d'Azzuia.   Dhlclphiis  aiirita,  INel-  que  les  oreilles  et  les  exlicniites  des  jambes;  la 

wiEi))est  un  peu  i)ltis  petit  (]ue  le  précédent,  face  et  la  niu]ue  sont  j)res<iue  noires  ;  .•>on  pelage 

a\ec  lequel  il  a  souvent  élé  confondu.  Son  luu-  est  compose  d'(uie  sorte  de  feutre  coloimeux  et 


28(i 


LES  MAUSUIMAUX. 


court  en  dessous,  cl,  eu  dessus,  d'un  poil  sojeux 
d'un  l)lanc  pur  dans  toute  sa  longueur.  Il  ha- 
l»ite  l'Amérique  méridionale. 

Le  QiiiCA  (Di(lcl])his  qnira,  Temm.)  ne  dé- 
passe pas  la  laille  d'un  jeune  putois;  sa  queue 
est  plus  longue  que  son  corps;  son  pelage  est 
d'un  gris  de  souris  en  dessus  et  d'un  blanc  pur 
en  dessous  ;  la  femelle  est  d'un  fauve  noirâtre, 
plus  clair  sur  les  flancs  et  comme  argentée.  Il 
a  un  cercle  noir  autour  des  yeux,  et  le  museau 
noir.  Cette  espèce  a  les  mêmes  habitudes  que 
les  précédentes,  mais  elle  vit  presque  constam- 
ment sur  les  arbres.  Elle  habite  le  Brésil. 

Le  SARir.OL'KYA  (Didelphis  opossum,  Lin.  — 
Desm.  Le  Sarigue  opossum  et  le  Quatre-œil  des 
naturalistes).  Cette  espèce,  plus  petite  que  les 
précédentes,  ne  dépasse  guère  la  taille  d'un  écu- 
reuil. Son  corps  a  un  pied  (0  32.')i  tout  au  plus 
de  longueur  totale,  et  sa  queue  onze  pouces 
(0,298;.  C'est  à  celui-ci  que  Biiffon  ra|)porte  les 
récits  qu'ont  faits  les  vo\ageurs  sur  toutes  les 
espèces  de  didelphcs.  Son  pelage  est  d'un  gris 
brun  en  dessus  et  un  peu  plus  foncé  sur  la  télé; 
la  poitrine,  le  devant  du  ventre  et  le  dedans  des 
membres  sont  d'un  blanc  jaunâtre,  ainsi  que  les 
doigts  ;  le  dessus  de  chaque  o'il  est  marqué  d'une 
tache  ovale,  d'un  jaune  pâle;  les  oreilles  sont 
bordées  de  blanc  en  ariière;  le  ujuflle,  les  lè- 
vres et  le  menton  sont  blanchâtres.  Le  mâle  e.st 
d'une  couleur  généralement  plus  foucée  II  ha- 
bite l'Amérique  méridionale,  et  n'est  pas  rare 
à  la  (lUjane. 

Le    DiDELPHE   QLEtE-UE-RiT   [Didcipllis    WJI/O- 

suros,  Temm.)  est  de  la  taille  d'un  jeune  putois; 
son  pelage  est  serré,  doux,  très-court,  brun  et 
d'un  fauve  roussâtre,  plus  foncé  sur  l'échiné, 
d'un  blanc  roussâtre  en  dessous;  ses  oreilles 
sont  très-grandes,  un  peu  arrondies  ;  sa  queue. 


seml>lal)le  à  celle  d'un  rat,  est  bicolore,  grêle, 
beaucoup  plus  longue  que  le  coi-|)s  et  la  tète. 
Celte  espèce  se  trouve  à  la  Guyane,  à  Surinam 
et  au  Brésil, 

Le  Fahas  (  Didelphis  phitander,  Temm.  Di- 
delphis cayopollin,  Liiv.— Desm.)  est  de  la  taille 
d'un  écureuil,  à  pelage  d'un  fauve  roussâtre, 
teinté  de  jaunâtre  sur  les  flancs,  blanc  en  des- 
sous et  sur  les  joues  ;  il  a  une  bande  d  un  roux 
foncé  sur  le  milieu  de  la  tète,  et  une  tache  cen- 
drée qui  lui  enveloppe  les  yeux  ;  ses  narines 
sont  séparées  par  un  sillon  très-marqué  ;  sa 
queue,  beaucoup  plus  longue  que  le  corps  et  la 
tète,  est  tachetée  de  brun  sur  un  fond  blanc.  Il 
se  trouve  à  la  Guyane.  Je  ne  sais  trop  si  cette 
espèce  a  une  poche. 

Le  Puant  ou  CRAniER  {Didelphis  cancricora 
et  marsupialis ,  Lin.  Didelphis  marsupialis, 
ScintERER.  Le  Grand  Sarigue  de  ('.aijenuc,  du 
Brésil,  etc.,  Brrr.  Le  Grand  Philandre  orien- 
tal fie  Sera).  Il  ne  faut  pas  confondre  ce  didel- 
phe  avec  le  chien-crabier,  comme  l'ont  fait  plu- 
sieurs naturalistes.  Il  a  quelque  analogie  avec 
le  manicou,  dont  il  a  la  taille,  mais  son  mu.seau 
est  plus  effilé,  son  chanfrein  plus  droit,  le  front 
non  déprimé.  Ses  moustaches  sont  noires,  ainsi 
que  ses  oreilles  et  ses  yeux  ;  sa  tète  est  d'un 
blanc  jaunâtre;  le  cou,  le  dos  et  les  flancs  sont 
jaimâtres,  parsemés  de  noir,  ce  qui  vient  de  ce 
que  les  longs  poils  du  dessus,  noirs  dans  leur  moi- 
tié supérieure,  sont  couchés  sur  les  autres,  qui 
.sont  d'un  blanc  sale  ;  les  poils  de  l'échiné  sont 
noirs,  longs,  et  lui  forment  une  sorte  de  cri- 
nière lorsqu'il  est  en  colère.  Les  membres  sont 
noirs,  les  ongles  blancs,  ainsi  que  leur  pha- 
lange ;  la  queue  est  blanche,  avec  son  premier 
tiers  noir;  le  museau  et  les  lèvres  sont  couleur 
de  chair. 


Pris  jeune,  le  crabier  s'apprivoise  assez  racilemenl  ;  mais  l'odeur  infecte  qu'il 
exhale,  beaucoup  plus  forte  que  celle  du  renard  avec  laquelle  elle  a  de  l'analogie, 
ne  permet  guère  qu'on  l'élève  dans  les  maisons.  Cet  animal  est  assez  commun  à 
Cayenne  et  à  Surinam,  oii  il  habite  le  bord  des  ruisseaux  ombragés  par  des  pa- 
létuviers, sur  lesquels  il  aime  à  grimper  pour  chasser  aux  oiseaux.  La  nuit,  il  se 
promène  sur  les  rivages  limoneux,  pour  chercher  des  crustacés  et  principalement 
des  crabes,  pour  lesquels  il  a  un  goût  de  prédilection.  Il  sait  fort  bien  fouiller 
dans  le  sable  pour  les  retirer  des  tfous  oii  ils  se  cachent,  et,  si  l'on  en  croit  La- 
borde,  il  les  retirerait  des  trous  de  rochers  et  de  dessous  les  racines  d'arbres 
d'une  manière  fort  ingénieuse.  11  enfonce  sa  queue,  dit  le  voyageur,  dans  le  trou 
où  il  soupçonne  un  crabe,  et  celui-ci,  en  sa  qualité  d'animal  très-carnassier,  ne 
manque  pas  de  saisir  cette  queue  avec  ses  pinces  pour  la  dévorer.  Le  puant  la 
retire  alors  par  un  mouvement  brusque,  elle  entraîne  le  crabe  hors  de  sa  retraite, 
et  le  puant  s'en  empare  et  le  mange.  Si  cela  n'est  pas  vrai,  c'est  au  moins  bien 
inventé,  et  c'est  probablement  pour  cela  ([ue  les  voyageurs  ont  attribué  cette 


MARSUPIAUX  CARNASSIEUS. 


'287 


petite  manœuvre  à  plusieurs  animaux,  et  parliculièrementà  un  sing(\  T)u  reste, 
le  ciabier  a  les  mêmes  habitudes  que  les  autres  diilelphes  à  poche. 

2°  Didelphes  sans  poche  et  à  mamelles  découvertes. 


Le  TAïni  (  Dideljihis  miirinn,  L\y.  La  Mar- 
mose,  RiFF.^  a  cinq  pouces  (0,1 53)  de  longueur, 
ilu  bout  du  nuiscau  a  la  naissance  de  la  queue; 
celle-ci  est  de  la  même  longueur,  jauuàlre,  uni- 
colore  et  entièrement  nue  ;  le  pelage  est  d'un 
gris  fauve  en  dessus,  et  d'un  jaunâtre  pâle  ou 
presque  blanchâtre  en  dessous  ;  r(pil  est  place 
au  milieu  d'un  ovale  brun.  La  femelle  a  qua- 
torze mamelles,  auxquelles  s'attachent  les  petits, 
comme  dans  les  espèces  précédentes,  à  cela 
près  (]u'ils  ne  sont  pas  cachés  dans  une  poche, 
mais  seulement  soutenus  par  des  plis  inguinaux 
de  la  peau  ;  il  en  est  de  même  poui-  les  autres 
didelphes  dont  il  nous  reste  <i  parler.  Le  taïbi  vit 
dans  les  trous  d'arbres  et  les  buissons,  en  Amé- 
rique méridionale,  et  surtout  à  la  Guyane. 

Le  DiDKi.riiE  a  qckle  ^UE  {Didelphis  nudi- 
caitdata,  Geoff.)  est  d'un  gris  brun  en  dessus, 
blanchâtre  en  dessous  ;  sa  queue  est  nue,  uni- 
coiore,  plus  longue  d'un  quart  que  tout  le 
corps;  il  a  une  tache  jaune  sur  chaque  œil.  Sa 
longueur,  du  bout  du  museau  à  la  naissance  de 
la  queue,  est  de  neuf  pouces  (0,2i5).  On  en 
voit,  au  Muséum,  un  individu  femelle  dont  les 
petits  sont  encore  attachés  aux  mamelles.  Il  ha- 
bite Cayenne. 

Le  ToiiA.N  {Didelphis  tricolor,  Geopf.  Di- 
delphis brachtjura.  Pall.  Le  Micoiiré  n"  5, 
ii'AzzAHA.  Le  Tuan  de  Buffo.\)  est  de  la  taille 
d'un  rat;  il  a,  du  bout  du  nuiseau  à  la  naissance 
de  la  queue,  cinq  pouces  et  demi  (0,149),  et  sa 
queue  a  deux  pouces  quatre  lignes  (0,065),  elle  est 
forte,  et  velue  seulement  à  sa  base  ;  son  pelage  est 
d'un  brun  noirâtre  sur  le  dos,  d'un  roux  vif  et 
tranché  sur  les  tlaucs,  et  blanc  eu  dessous;  les 
doigts  sont  à  la  fois  velus  et  écailleux.  11  habite 
les  forêts  de  la  Guyane,  et  Buffon  le  confondait 
avec  les  belettes. 

Le  DiDELPiiK  iHtACuvL'KE  (  DidcIphis  brachifu- 
ra,  Gml.)  n'en  est  probablement  qu'une  variété. 
tl  n'en  diffère  (jue  par  son  4)elage  d'un  roux 
foncé  en  dessus  et  sur  les  flancs,  blanchâtre  en 
dessous  ;  la  queue  est  de  la  longueur  de  la  moitié 
(lu  corps.  Il  se  trouve  dans  les  mêmes  contrées. 
Le  Ghison  (  Didelphis  cinerea,  Tejiji.;  est  de 
la  taille  d'un  rat  ordinaire;  son  pelage  est  épais, 
court,  d'un  gris  cendré  clair  en  dessus,  blan- 
châtre eu  dessous,  roussâtre  sur  la  poitrine;  la 
femelle  est  de  cette  dernière  couleur.  Sa  tète  est 
petite  ;  son  museau  très-court  ;  ses  oreilles  sont 
nues,  un  peu  ('tranglées  à  la  base;  sa  queue, 
beaucoup  plus  grande  que  le  corps,  est  très- 
gréle,  très-poilue  à  sa  base,  nue  dans  le  reste  de 
sa  longueur,  blanche  à  l'extrémité.  11  a  été  dé- 
couvert au  Brésil  par  le  prince  deNeuwied. 


Le  DiUELPiiE  noiisAL  f  Didf/^lii'.'  dnrsigcra. 
Lin.  — Te>im.)  est  de  la  taille  d'un  lut  ;  son  pe- 
lage est  court,  tin,  peu  fourni,  d'un  gris  brun, 
avec  le  front  et  les  joues  d'un  blanc  jaunâtre.  Sa 
queue  est  grêle,  poilue  dans  une  assez  grande 
|)oilion  de  sa  longueur,  brune  et  unicolore  il 
l'extrémité.  Il  habite  Surinam. 

Le  MicouRÉ  hineux  ( /)Jrif//;/ii.s  Innigera , 
Desm.)  a  le  pelage  de  couleur  de  tabac  d'Es])a- 
gne  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous  ;  sa  queue 
n'est  ni  conique  ni  cylindrique,  mais  |)rismati- 
que,  à  angles  très-émoussés,  avec  une  rainure 
sur  la  face  inférieure  ;  elle  est  beaucoup  plus 
longue  que  le  corps,  et  nue  en  dessus  dans  son 
dernier  tiers  seulement.  Cet  animal  a  sept  pou- 
ces (0,189)  de  longueur,  non  compris  la  queue. 
Il  habite  le  Paraguay. 

Le  MicouuÉ  A  (iiiOSSE  queue  (  l)idel])his  ma- 
croura ,  d'Azzaua.  Dideliihis  (rassicaudata , 
Desm  .  )  a  onze  à  douze  pouces  de  longueur  (0,298 
à  0,52.ï)  du  bout  du  museau  à  la  naissance  de  la 
cpieue  ;  celle-ci,  à  peu  près  de  même  longueur, 
est  ronde,  et  n'a  pas  moins  de  trois  pouces  et 
demi  i0,095)  de  ciiconférence  à  sa  base  ;  elle  est 
velue  à  son  premier  tiers,  nue,  écailleuse  et  noire 
dans  le  reste  de  sa  longueur,  avec  un  pouce  et 
demi  (0,041)  de  son  extrémité  blanc.  Son  pelage 
est  fauve  ou  couleur  de  cannelle  en  dessus,  jjIus 
clair  sur  l'œil,  plus  foncé  à  la  face  et  au  |)ied.  11 
habite  le  Paraguay. 

Le  MicoLRÉ  IVAl^  (Didelphis  ])iisill(i.  d'Azzaka. 
—  DiSM.)  n'a  que  trois  pouces  quatre  lignes  de 
longueur  (0,090),  depuis  le  bout  du  museau  jus- 
qu'à la  naissance  de  la  queue;  celle-ci  est  entiè- 
i-ement  nue,  longue  de  trois  pouces  huit  lignes 
(0,099).  Son  pelage  est  d'un  gris  de  souris,  avec 
le  tour  de  l'œil  noir,  les  sourcils  blanchâtres, 
séparés  par  une  tache  triangulaire  obscure.  Ce 
petit  animal,  stupide  comme  toutes  les  espèces 
de  son  genre,  vit  dans  les  jardins  et  les  brous- 
sailles, au  Paraguay. 

2-^  Geniie.  Les  CHIRONECTES  (  Chiio- 
nectes,  Illic.)  ont  dix  incisives  en  haut,  huit  en 
bas  ;  deux  canines  à  chaque  mâchoiie  ;  les  mo- 
laires en  nombre  indéterminé;  leur  museau  est 
pointu,  leurs  oreilles  ariondies,  luu's  ;  leurs  jeux 
sont  tournés  de  coté  ;  tous  les  pieds  ont  cinq 
doigts,  les  ])ostérieurs  palmés,  avec  le  pouce  sans 
ongle;  leur  marche  est  plantigrade;  la  femelle 
a  une  |)oche  abdominale  qui  manque  aux  mâles. 

Le  Yapock  {CItirouectes  ijapock,  Dessi.  Di- 
dcIphis palmata,  (iEOFF.  Ultra  viinima,  Znui. 
Lidia  memiiia,  Bonn.  La  Petite  iMidre  de  la 
Unifave,  Blff.)  a  tout  au  plus  un  pied  (0,525)  de 
longueur,  du  bout  du  nmseau  à  la  naissance  de  la 


•288 


LES   MAKSUPIAUX. 


queue  ;  celle-ci  a  six  ou  sept  pouces  lO,  1 02  à  0, 1 89) 
de  longueur  ;  elle  est  prenante,  nue,  ridée,  plate 
en  dessous  ;  le  pouce  postérieur  est  libre  ;  le 
pelage  est  brun  en  dessus,  avec  trois  bandes 
transverses  grises,  claires,  interrompues  dans 
leur  milieu;  le  dessous  du  corps  est  blanc.  Tout 
ce  qu'on  sait  de  cet  animal,  qui  habite  la  rivière 
de  Yapock,  à  la  Guyane,  c'est  qu'il  a  des  mœurs 
aquatiques  analogues  à  celles  de  notre  rat  d'eau, 
qu'il  nage  et  plonge  fort  bien,  et  qu'il  se  nourrit 
de  poissons  et  d'insectes. 

Le  Chikonecte  de  Lakgsdobff  {Chironcries 
Langsdorf/ii  )  n'a  pas  plus  de  deux  jjouces  de 
longueur  (0,034 1  ;  son  pelage  est  très-doux,  d'un 
gris  uniforme,  marqué  de  deux  bandes  en  tra- 
vers des  lombes  ;  sa  queue  est  velue,  non  [wq- 


iiante  ;  enfin  le  pouce  des  pieds  de  derrière  est 
pris  dans  une  nienil^raue  des  doigts.  11  a  été 
trouvé  par  Langsdorff  au  boid  des  ruisseaux, 
dans  les  forêts,  près  de  Rio-Janeiro. 

3-=  Genre.  Les  DASYURES  { Dasijnvus, 
Geoff.)  ont  quarante-deux  dents,  savoir  :  huit 
incisives  supérieures  et  six  inférieures,  en  ran- 
gées régulières;  quatre  canines  et  douze  mo- 
laires à  chaque  mâchoire.  Leur  tcte  est  très- 
pointue,  conique,  leur  gueule  très-fendue  ;  leurs 
oreilles  médiocres  et  velues;  ils  ont  cinq  doigts 
à  tous  les  pieds,  mais  le  pouce  des  pieds  de  der- 
rière est  rudimentaire  ;  leur  queue,  non  pre- 
nante, est  couverte  de  poils  ;  enfin,  ils  n'ont  point 
de  poche  abdominale.  Ces  animaux  ne  se  trou 
vent  que  dans  la  INouvelle-IIollande. 


M  A  li  S  U  P I  A  U  X    C  A  II  N  A  S  S 1  !■:  Il  S. 


289 


Le  D.isjurc  :i  longue  queue. 

Le  DASYURK  A  LOXGUli:  QUEUlî  (  Dnaiiunis iiiacroiirun,  Gkoff.  Viccnn  iitaculala, 
Shaw.  Le  Spolted-Marl'nn\cs  Anglais.  Le  Dasiiiue  laclitic  (\e  Pérox 

Est  long  (l'nn  pied  cl  demi  (0,487),  et  sa  queue  est  presque  aussi  longue  que 
son  corps;  son  pelage  est  d'un  beau  marron,  tacheté  de  blanc,  ainsi  que  la 
((uene. 

Cet  animal  se  trouve  dans  la  Nouvelle-Hollande,  aux  environs  du  Port-Jack- 
son. Il  a  un  peu  de  la  physionomie  des  gcnettes  et  des  fossanes,  et  beaucouj)  des 
habitudes  des  martes.  La  structure  de  ses  pieds  ne  lui  permet  pas  de  grimper 
aux  arbres  comme  les  didelphes,  mais  la  nuit,  il  sort  des  trous  de  rochers  où  il  se 
tient  caché  et  où  il  dort  pendant  le  jour,  et  il  se  met  en  quête  des  oiseaux,  des 
petits  mammifères  et  des  insectes  dont  il  se  nourrit.  Comme  les  petils  animaux 
dont  il  pourrait  faire  sa  proie  sont  très-rares  en  Australasie,  et  se  bornent  à 
(|uelques  ornifhorhynques,  échidnés  ou  kangourous,  il  lui  arrive  fréquemment 
de  faire  une  mauvaise  chasse.  Alors  il  descend  sur  le  rivage  de  la  mer,  attaque 
avec  voracité  les  cadavres  de  poissons  et  de  phoques  à  demi  putréfiés  que  les 
(lots  de  la  mer  ont  rejetés  de  leur  sein.  Quelipiefois  aussi  il  se  glisse  en  silence 
dans  les  basses-cours  des  colons,  et  massacre  toute  la  volaille,  absolument  comme 
fait  la  fouine.  Tous  les  dasvures  sont  Ircs-voraces  et  ont  les  mêmes  babiludes 
que  celui-ci. 


Le  Da.syi  iiKM,\rGÉ(na.s|/i(rfi.>;  Maiigci,  Geop.)  clieliUTS  l)laiu'lios,  uniformes,  égaleiiieiH  répar 

est  plus  pelil  que  le  pn'eédciit.  et  n'a  que  qua-  ties:  la  queue  est  un  peu  plus  rousse  que  le  dos 

torze  ponces  de  longueur  (0,.ï'9).  Son  pelage  On  le  Irouve  dans  le  même  pa^s,  et  il  se  fai 

est  olivâtre  eu  dessus,  cendré  en  dessous,  à  mou-  remarquer  par  son  exircme  pro|)rel<'. 


•290  LKS   MAHSIJPIAUX. 

On  doit  à  (iaiinartl  les  observations  suivantes  sur  cet  animal  :  «  Nous  eu  avons 
conservé  un  vivant,  dit-il,  à  bord  de  l'i'ranie,  pendant  l'espace  de  cinq  mois. 
Cet  élégant  petit  animal  ne  cberchait  point  à  mordre,  quelques  tracasseries  qu'on 
lui  fît.  Fuyant  la  lumière  un  peu  trop  vive,  il  se  plaisait  beaucoup  dans  la  niclie 
étroite  qu'on  lui  avait  préparée.  11  n'était  pas  mécbant,  mais  on  ne  remarquait 
point  qu'il  fût  susceptible  d'attacbement  pour  la  personne  qui  le  nourrissait  et 
le  caressait.  L'instant  de  ses  repas  était  une  scène  toujours  curieuse  pour  nous; 
ne  vivant  que  de  viande  crue  ou  cuite,  il  en  saisissait  les  lambeaux  avec  vora- 
cité, et  lors(pril  en  tenait  un  dans  sa  gueule,  il  le  faisait  quelquefois  sauter  en 
l'air  et  l'attrapait  adroitement,  apparemment  pour  lui  donner  une  direction 
plus  convenable.  11  s'aidait  aussi  avec  ses  pattes  de  devant,  et  quand  il  avait 
acbevé  son  repas,  il  s'asseyait  sur  le  train  de  derrière  et  frottait  longuement, 
et  avec  prestesse,  se»  deux  pattes  l'une  contre  l'autre  (absolument  comme  lors- 
que nous  nous  frottons  les  mains \  les  passant  sans  cesse  sur  l'extrémité  de  son 
museau  toujours  très-lisse,  très -bumecté  et  couleur  de  laque,  quelquefois  sur 
les  oreilles  et  le  sommet  de  la  tête,  comme  pour  enlever  les  parcelles  d'aliments 
qui  auraient  pu  s'y  attacber.  Ces  soins,  d'une  excessive  propreté,  ne  man- 
quaient jamais  d'avoir  lieu  après  qu'il  avait  fini  de  manger.  » 


LeTapov-tafa  {Dasijnnts  liverrinus,  Gecfi'. 
heVasijiire  vh-eriin  des  naturalistes.  LeSpotted- 
aposanni  de  Phii.ipp.)  a  un  pied  (0,525)  de  lon- 
{Tueur  ;  son  ])elage  est  noir,  parsemé  de  taclies 
l)lanches;  le  ventre  est  gris:  les  oreilles  sont 
plus  courtes  et  plus  ovales  que  chez  les  préce- 
denls  ;  la  queue  est  plus  étranglée  à  la  base  et 
plus  touffue  à  la  pointe.  Je  réunis  à  celle  espèce, 
comme  simple  variété  d'âge,  le  dasyure  taffa 
(  Dnsiiuriis  tnffa,  Gkoff.  ['icfiTin;;  opossinn, 
de  SiiAW.)  qui  n'en  diffère  que  par  sa  taille  un 
peu  plus  petite,  et  son  pelage  uniformément 
brun.  Tous  deux  habitent  les  environs  du  Port- 
Jackson. 

4*  Genre.  Les  URSIXS  (  Lisinus  j  ont  les 
mêmes  caractères  génériques  que  les  das\ures, 
mais  on  leur  trouve  dix  incisives  en  bas,  au  lieu 
de  six,  ce  qui  porte  le  nombre  total  de  leurs 
dents  à  quarante-six  ;  en  outre,  leur  queue  est 
un  peu  prenante,  el  nue  en  dessus. 

L'Ubsin  m  Haiiris  (  L'rsiniis  Harrisii.  —  Da- 
siivriis  ursimis,  Geoff.)  est  de  la  taille  d'un 
petit  blaireau.  Sou  pelage  est  long,  grossier, 
noii-,  irrégulièrement  marqué  d  une  ou  deux 
taches  blanches  éparses  sur  la  gorjje,  les  épau- 
les et  la  croupe.  Son  corps  est  long  de  dix-huit 
pouces  (0,488)  et  sa  queue  de  huit  (0,217).  Cet 
animal  vit  sur  les  bords  de  la  nier,  à  la  terre  de 
Van-Diemen,  et  parait  se  nourrir  plus  de  (léche 
que  de  chasse  Ses  mœurs  sont  absolument  les 
mêmes  que  celles  des  dasyures. 

5'  Gemie.  Les  VHAii€OGAl.ES  {Pluiscognle, 
TEini.)  ont  les  mêmes  caractères  que  les  da- 
syures,  mais  on  leur  tiouve  quarante-six  dents, 
savoir:  huit  incisives  en  haut  et   six  en  bas; 


quatre  canines,  et  quatorze  molaires  à  chaque 
mâchoire,  c'est-à-dire  qu'ils  ont  une  fausse  mo- 
laire de  plus  ;  leurs  incisives  ne  sont  point  égales, 
les  deux  moyennes  étant  beaucoup  i)his  longues 
que  les  latérales. 

Le  PuASCOGALE  A  Pi>ci,AU  (  Phascognle  petii- 
lillata,  Temm.  hidelpliis  pcnicillatiix,  Suaw. 
Dustjiinis  peiiicillahts  ,  Geoff.  —  Desm.  )  est 
long  de  huit  pouces  (0,217),  non  compris  la 
queue,  qui  est  très-toulfue  à  sa  pointe;  son  pe- 
lage est  court,  laineux,  Irès-touffu,  d'un  cendré 
uniforme,  blanchâtre  inférieuremenl.  Cette  es- 
pèce habite  la  Nouvelle-Hollande,  où,  selon 
M.  Lesson,  elle  vivrait  sur  les  arbres.  Ses  habi- 
tudes sont  les  mêmes  que  celles  des  dasyures. 

Le  PuAscoGALE  iNAiN  { PUascognle  minima , 
Temm.  Dasijiinis  ininimus,  Geoff.  )  a  tout  au 
plus  quatre  pouces  de  longueur  (0,108),  et  sa 
queue,  couverte  de  poils  ras,  atteint  le  tiers  de 
cette  dimension  Son  museau  est  conique  ;  sou 
pouce  de  derrière  est  plus  long  que  dans  les 
dasyures;  son  pelage  est  fort  épais,  cotonneux, 
doux,  d'un  roux  uniforme.  Il  habile  le  nord  de 
la  terre  de  Van-Diemen. 

6*=  Genrf.  Les  THYLACINS  (  7')i|//aci)i«i, 
Temm.  )  ont  quarante-six  dents,  savoir  :  huit  in- 
cisives supérieures  et  six  inférieures  :  elles  sont 
rangées  en  demi-cercle,  égales,  et  séparées,  dans 
le  milieu  et  aux  deux  mâchoires,  pai-  un  espace 
vide  :  l'incisive  extérieure,  de  chaque  coté,  est 
la  plus  forte;  quatre  cauiues  grandes,  fortes, 
larges,  courbées  et  pointues  ;  quatorze  molaires 
à  chaque  mâchoire,  dont  les  dernières  hérissées 
de  Irois  tubercules  obtus.  Ils  ont  cinq  doigts  aux 
pieds  de  devant,  el  cinq  à  ceux  de  derrière 


M  A  us  U  PI  AUX   CAUNASSIEUS. 


291 


LeTllYl,\Cl^  i)KHAnnis(  rhijlacinus  Ifarrisii, 
Te.iim.  Dasyurus  rtinoccphalus,  Geoff.— Desm.) 
ost  long  de  trois  pieds  dix  pouces  (1,246),  et  sa 
queue,  comprimée  sur  les  côtés,  a  deu\  pieds 
(0,6j0)  de  lououf  ur.  Il  lésulte,  de  ses  autres  pro- 
portions, (|n'il  atteint  à  peu  près  la  taille  d'un 
jeune  loup;  aussi  est-ce  le  plus  grand  des  car- 
nassiers du  Continent  austral.  Son  pelage  est 
doux,  court,  tirant  sur  le  brun  jaunâtre  obscur, 
plus  pâle  en  dessoiis  et  d'iui  gris  foncé  sur  le 
dos  ;  il  porte  sur  la  croupe  seize  bandes  trans- 
versales d'uu  uoir  brillant.  Cet  animal  stupide 
habile  des  cavernes  et  des  l'entes  de  rocliei'  1res- 
profondes.  Il  chasse  la  niiil,  et  se  nourrit  d'oi- 
seaux, de  petits  nulramifères,  et  probablement 
de  cadavres  de  |)oissons  et  autres  animaux  ma- 
rins. Dans  la  colère,  il  pousse  avec  peine  un  cri 
court  et  guttural.  11  se  trouve  sur  les  bords  de 
la  mer  de  la  terre  de  Van-Diemen. 

"i"  Ge:\he.  Les  PÉRAMÈlES  (  Pernmeles, 
Geoff.  )  ont  quarante-huit  deuls,  savoir  :  dix 
incisives  supérieures  et  six  infrrienres;  quatre 
canines  et  quatorze  molaires  à  chaipie  mâchoire. 
Leur  tèle  est  pointue,  allongée  ;  leurs  oreilles 
velues  et  médiocres  ;  les  pouces  des  pieds  pos- 
térieurs rudimentaires  ;  les  deux  |)rcmiers  doigts 
petits  et  réunis  par  la  peau  juscpi'à  la  racine  des 
ongles;  leur  train  de  derrière  est  plus  fort  cjue 
celui  de  devant,  et  les  femelles  ont  uue  poche 
abdominale. 

Le  Bandicoi  t  nez-poi\tc  (  Pcrnmdes  nasula, 
Geoff.  )  a  de  longueur  un  pied  quatre  pouces 
(0,435);  la  queue  a  environ  six  ponces  i0,f62). 
Sa  tète  est  très-longue,  son  museau  effilé;  sou 
nez  prolongé  au  delà  delà  mâchoire;  ses  oreilles 
sont  courtes  et  oblongues  ;  ses  veux  très-petits; 
sou  pelage  est  d'un  gris  brun  en  dessus,  blanc 
en  dessous.  Il  habite  la  Nouvelle-Hollande.  Les 
péramèlcs  habitent,  dit-on,  des  terriers  dans  les 
dunes.  Ils  courent  en  sautillant  sur  leurs  pieds 
de  derrière,  qui  sont  fort  longs,  à  la  manière  des 
kangourous. 


Le  Ramhcoit  de  Rougai^vm.ee  (  Pcnimehs 
liouga'nu-illii,  Quovet  Gaiji.)  a  éti' legardépar 
Temminck,  connue  un  jeune  de  l'espèce  précc- 
denle  ;  mais  il  s'en  dislingue  spéciliqui-ment  par 
ses  oreilles  proportionnellement  beaucoup  plus 
longues,  par  ses  formes  plus  élancées,  par  sa 
taille  beaucoup  plus  petite,  et  par  le  peu  de  lon- 
gueur de  ses  canines  qui  ne  dépassent  pas  les 
molaires.  Son  corps  est  roux  en  dessus  et  cendré 
eu  dessous  ;  la  tète  est  allongée  et  aiguë  ;  les 
oreilles  oblongues,  longues  d'un  pouce  ;  sa  lon- 
gueur totale  est  de  huit  pouces  et  demi  (((,'-'51}. 
Il  habile  le  littoral  de  la  iSouvelle-Hollande. 

Le  GuA>D  Ba\uk:oi;t  (  Peiamelcs  Lmvsonii, 
Qlov  et  Gaim.  )  se  distingue  des  précédents  par 
sa  grandeur  ;  il  n'a  pas  moins  de  deux  pieds 
(O.dSO)  de  longueur.  Sou  pelage  est  d'un  roux 
brun  en  dessus,  et  presiiue  fauve  en  dessous.  Il 
habile  les  nionlagues  Bleues  de  la  I\ou\elle- 
Galle. 

8=  Gemie.  Les  ISOODONS  (  Isnodov,  Geoff.) 
ont  à  peu  p.rès  les  mêmes  caractères  que  les  pé- 
ramèlcs, mais  ils  ont  huit  incisives  à  la  mâchoire 
inférieure;  ils  ont  aussi  la  tête  plus  courte  et  le 
chanfrein  arqué. 

L'IsooDox  (UîÉscLE  {Isoodon  obcsida,  Fh. 
Ctv.  I^ermncles  obrsiilii,  Geoff.  f)'i(lcl))his  obe- 
suln,  SiiAW.  )  est  de  la  taille  d'un  rat  ;  ses  oreilles 
sont  assez  lai'ges,  arrondies;  son  pelage  est  d'un 
jaune  roussâtre  eu  dessus,  blanc  eu  dessous.  Il 
habile  la  Nouvelle-Hollande,  et  ses  mœurs  sont 
tout  à  lait  inconnues. 

L'isoono^'  DU  iMisKiM  ( /soof/oii  Miisei)  ne 
m'est  counu  que  par  nu  individu  incomplet  qui 
existe  au  Cabinet  d'histoire  naturelle.  Ainsi  que 
l'a  fait  M.  Geoffroy,  ce  n'est  qu'avec  doute  que 
je  le  place  ici.  Sa  taille  est  double  de  celle  du 
|)réCL'deut,  et  approche  de  celle  d'un  putois;  sou 
pelage  est  d'uu  brun  plus  foucé.  Il  est  probable 
qu'il  a  été  apporlé  de  la  Nouvelle-Hollande. 
Quand  ou  connaîtra  mieux  cet  animal,  il  faudra 
probablement  lui  créer  un^)ouveau  geuie. 


292 


LES  MARSUPIAUX. 


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7%  -^^'^'"^ 


LES  MARSUPIAUX  FUIGIVOUES. 


Ils  ont  bi\  incisives  à  la  nukhoii'L' supérieure, 
el  souveuL à  toutes  deux  ;  la  mâchoire  iuférieuie 
manque  de  cauines. 

1I<=  Ge.mie.  Les  KOALAS  (Phoacotarclos, 
BL.vnv.)  ont  trente  dénis,  savoir  :  six  incisives 
supérieiues  dont  les  deux  intermédiaires  beau- 
coup plus  longues,  et  deux  infeiieures;  quatre 
canines  en  tiaut,  peut-être  deux  seulement,  mais 


point  en  Iws  ;  liiiit  molaires  à  la  m;ic!:oire  su- 
péiieure  et  dix  à  l'inlërieure.  lis  ont  aux  pieds 
de  devant  cinq  doigts  séparés  en  deux  faisceaux 
opposaltle^,  le  faisceau  intérieur  de  deux;  les 
pieds  postérieurs  sont  munis  de  cinq  doigts, 
dont  le  pouce  très-gros,  oppost'.hle,  sans  ongle, 
les  deux  suivants  plus  petits  et  réunis  jusqu'à 
l'ongle.  La  queue  est  extrcmement  courte. 


Le  KOALA  OU  COLAK  [  Pliasco'.arctos  fiiscns,  Bv.syi.  Pliascoluictos  Fliiulcrsii, 
Less.  Lipnrus  cincvcns^  Goluf.  Le  Wuinral,  Flixders) 

Habite  le  voisinage  de  la  rivière  de  Wapaum,  dans  la  Nouvelle-Hollande.  H 
a  la  taille  d'un  chien  médiocre,  le  corps  trapu,  la  tête  courte,  les  oreilles  mé- 
diocres, les  jambes  robustes,  à  peu  prés  de  même  longueur,  ce  qui  lui  donne 
le  port  et  la  démarche  d'un  petit  ours.  Son  poil  est  long,  toulfu,  grossier,  brun 
de  chocolat  clair  ;  le  dessous  du  corps  est  blanc. 

Cet  animal,  assez  peu  connu,  passe  une  partie  de  sa  vie  sur  les  arbres,  sans 
doute  pour  chasser  aux  insectes,  car  il  me  paraît  douteux  qu'il  se  nourrisse  seu- 
lement de  fruits  dans  une  contrée  oii,  comme  nous  l'avons  dit,  ils  sont  extrême- 
ment rares;  il  est  possible  cependant  qu'il  vive  de  feuilles,  ainsi  que  les  poto- 
rous,  kangourous,  etc.  Le  reste  du  temps  il  le  passe  à  dormir  dans  un  terrier 
(ju'il  se  creuse  dans  les  forêts.  La  femelle  ne  fait  qit'un  petit,  qu'elle  aime  avec 
beaucoup  de  tendresse.  Après  l'avoir  élevé  juseprà  uno  certaine  grosseur  dans 


ENTRÉE  DE  LA  VALLEE  SUISSE, 

(    Jardin    des    Fiantes.  ) 


MAUSL'PIALX    FIlUGIVOllLS.  293 

sa  poche  alKloiiiiiiale,  eWv  coiiliime  encore  longtemits  à  le  porter  sur  son  dos  et 
a  en  prendre  le  plus  grand  soin.  Je  ne  sais  si  l'on  doit  regarder  comme  identi- 
que avec  cette  espèce  le  koala  de  G.  Cuvier.  Si  ce  grand  naturaliste  ne  s'est  pas 
trompé,  son  koala  différerait  de  celui-ci  par  le  mancpie  de  pouce  aux  pieds  de 
derrière,  par  sa  couleui-,  non  pas  brune,  mais  cendrée,  et  enfin  par  ses  oreilles 
plus  pointues. 


9e  Gemik.  Les  PIIALAXGEHS  (Phulnugislci, 
(iEOiF.  I  ont  Irciilo-liuit  dents,  savoir  ;  six  in- 
cishes  supérieures  et  deux  inféiicures;  poiut  de 
canines;  seize  molaires  supérieures  et  quatorze 
inférieures.  Leur  télé  est  assez  courte  ;  leurs 
oreilles  sout  longues  et  droites  ;  leur  queue,  pre- 
n:uile,  est  couverte  de  poils. 

Le  YouA-TAPOUA-uou  (  l'halaughta  viilp'ina, 
Tkmm.  Di(f(/yi/ii5  iulpina  et  lemnihui,  Suaw.  Le 
Bruno,  de  Vico.  d'Az.  Le  ]'ttlj)uui  opossum,  de 
WiiiTK.  Le  Phaluugcr  renard  de  G.  Clvieu  et 
des  naturalislcs)  a  vingt-six  pouces  iO,704)  de 
longueur,  depuis  le  bout  du  museau  jusqu'à  la 
naissance  de  la  queue;  celle-ci  est  longue  de 
quinze  pouces  (0,40ii).  Sa  forme  générale  est  à 
peu  près  celle  d'un  raton  ;  ses  oreilles  sont  droi- 
tes, pointues,  triangulaires,  uues  seulement  en 
dedans  ;  sou  pelage  est  d'un  fauve  roussàlre,  ou 
brunâtre,  ou  d'un  fauve  argenté,  suivant  l'inci- 
dence de  la  lumière  ;  une  soite  de  collier  d'uu 
fauve  vif  lui  entoure  le  cou  ;  la  dernière  moitié 
de  la  queue,  ainsi  que  le  tour  des  yeux  et  les 
lèvres  sont  noirs  ;  le  dessous  est  d'un  roux  jau- 
nâtre. 

Cet  animal  habite  les  environs  du  Poi  t-Jack- 
son,  autour  des  colonies  anglaises,  et  cependant 
on  ne  sait  presque  rien  de  ses  ma-urs.  Quoique 
classé  parmi  les  frugivores,  il  est  certain  qu'il 
ne  peut  se  uourrir  de  fruits,  car  la  Nouvelle- 
Hollande  n'en  produit  point  de  mangeables, 
même  pour  les  oisiaux,  si  ce  n'est  une  petite 
baie  assez  rare  (celle  du  Leplomeria  Billardicri  . 
Il  est  donc  obligé,  ainsi  que  le  dit  le  chirurgien 
llollin,  de  se  nourrir  de  gibier,  et  particulière- 
ment d'oiseaux,  qu'il  poursuit  ou  surprend  sur 
les  arbies,  où  Cook  a  cru  qu'il  montait  pour 
chercher  des  fruits.  11  paraît  qu'en  captivité  il 
mange  à  peu  près  de  lout,  qu'il  s'assied  sur  son 
derrière  et  porte  les  aliments  à  sa  bouche  avec 
les  deux  pattes  de  devant.  11  h;ibite  un  teriier 
qu'il  se  creuse  dans  le  sable. 

Le  PiiALA>CEit  \)E  CooK  (  l'hulauçslu  Coohii, 
Ctv.  —  Desm.  L'Opossum  de  la  terre  de.   \'an- 


Diemeii,  Cook.1  est  de  la  taille  d'une  fouine  ;  son 
pelage  est  doux,  court  et  brun,  ou  d'un  gris 
roussàtre  en  dessus,  blanc  en  dessous;  la  queue, 
de  la  couleur  du  dos,  est  terminée  en  blanc.  La 
longueur  de  l'animal  est  de  quinze  à  seize  pou- 
ces (0,406  à  0,433»,  non  compris  la  queue  qui 
en  a  douze  ou  treize  ((1,525  ou  0,552).  Il  habite 
la  terre  de  Van-Diemen. 

LePuALA^f■En  NAIN  v/'ïiti/ançf isltt «oiifl,  Geoff. 
—  Desm.)  est  de  la  grandeur  d'une  souris;  il  a, 
du  bout  dunmseau  à  l'origine  de  la  queue,  deux 
pouces  et  demi  (0,068;,  et  sa  queue  est  de  la 
n)éme  longueur.  Son  pelage  est  gris  en  dessus, 
blanc  en  dessous  ;  la  queue  est  grise.  Tout  ce 
que  l'on  sait  de  son  histoire  est  qu'il  se  trouve 
dans  niot  ^laria,  de  la  terre  de  Van-Diemeu,  et 
que  les  naturels  du  pays  le  mangent. 

lO-^  Gemie.  Les  COl'SCOUS  ou  COUSSOUS 
(  Cuscus,  Lacép.  )  ont  quarante  dénis,  savoir  : 
six  incisives  à  chaque  mâchoire;  point  de  cani- 
nes ;  douze  molaires  supérieures,  et  seize  infé- 
l'ieures.  Leur  queueest  prenante,  mais  en  grande 
partie  nue  et  couverte  de  rugosités  ;  leurs  oreil- 
les sont  très-courtes,  quelquefois  peu  apparentes. 
Du  reste,  ils  ressemblent  aux  phalangers. 

Les  uns  ont  les  oreilles  peu  apparentes,  et  ve- 
lues en  dedans  et  en  dehors  ;  tels  sont  : 

Le  SciiAM-SciiAM  (Cuseus  amboincnsis,  Lacép. 
l'halaugisia  maeulata,  Geoff. —Desm.  Didcl- 
Itliisorienlalis,  Ln.  Cus.tis  maculattts,  Lesso^i. 
Le  Phalanger  mâle,  Buff.  Le  Couseous  (acheté 
des  naturalistes.  Le  Coès-Coès  des  habitants  des 
Moluques  ).  Cet  animal  est  d'une  forme  allongée, 
et  de  la  taille  d'uu  gros  chat;  sa  tète  est  arron- 
die, à  chanfrein  légèrement  concave,  à  museau 
court  et  conique  ;  ses  pau])ières  sont  renflées  et 
rougeàlres;  la  queue  est  nue  dans  plus  de  la 
moitié  de  sa  longueur,  chargée  de  verrues  d'un 
rouge  assez  vif.  Son  pelage,  très-épais  et  laineux, 
varie  en  raison  du  sexe  et  de  l'âge  ;  il  est  géné- 
ralement blanchâtre,  couvert  de  pla(|ues  brunes 
isolées,  distinctes  on  confondues.  Il  Inbite  quel- 
ques Iles  de  l'Inde. 


Le  scham-scham  est  un  animal  nocturne,  lent,  paresseux  et  stupide,  ainsi 
que  ses  congénères,  auxquels  s'applique  également  tout  ce  que  nous  allons 
en  dire.  Ses  grands  yeux  très-saillants,  à  lleur  de  tète,  à  pupille  longitudinale, 
sont  l'expression  de  son  imbécillité.  Ses  mouvements  annoiicent  plus  de  paresse 
que  dedifficullé  d'agir,  et  la  colère  même  ne  peut  (pi'à  peine  l'animer.  Dans  ce 


291  LES   MARSUPIAUX. 

cas,  cependant,  il  grogne  en  soiifllant  à  la  manière  des  chats,  et  il  clierdie  à 
mordre,  mais  non  à  combattre.  En  captivité  il  montre  un  caractère  triste,  mais 
fort  doux;  il  se  cache  dans  le  coin  le  plus  obscur  de  l'appartement  pendant  le 
jour,  parce  que  l'éclat  de  la  lumière  lui  blesse  les  yeux.  La  nuit  il  en  sort  pour 
manger  le  pain,  et  même  la  viande  dont  on  le  nourrit.  Il  boit  en  lapant;  il  se 
frotte  sans  cesse  la  face  et  les  mains  pour  se  nettoyer,  et  il  aime  à  enrouler  sa 
queue,  et  à  se  tenir  assis  sur  son  derrière.  Lorsque  l'on  voyage  dans  les  im- 
menses forêts  de  la  Nouvelle-Guinée  ou  des  Moluques,  l'odorat  est  quelquefois 
frappé  d'une  odeur  forte,  excessivement  désagréable,  annonçant  d'assez  loin  la 
présence  d'un  de  ces  animaux  caché  dans  le  feuillage;  elle  résulte  d'un  appareil 
glanduleux  que  les  couscous  ont  autour  de  l'anus.  Malgré  cette  détestable  odeur, 
les  naturels  du  pays  mangent  leur  chair  avec  le  plus  grand  plaisir,  et  leur  font 
une  chasse  incessante.  «  Les  Nègres  du  port  Praslin,  à  la  Nouvelle-Irlande, 
disent  les  naturalistes  voyageurs  de  la  Coquille,  aiment  singulièrement  la  chair 
grasse  des  couscous  ;  ils  la  font  rôtir  sur  des  charbons  avec  les  poils,  et  ne  re- 
jettent que  les  intestins.  Avec  les  dents  ils  forment  des  ceintures  et  autres  orne- 
ments, et  leur  abondance  est  telle,  que  nous  avons  vu  beaucoup  d'habitants 
avoir  des  cordons  de  plusieurs  brasses  de  longueur  qui  attestent  la  destruction 
que  l'on  fait  de  ces  mammifères.  »  Il  semblerait  singulier,  au  premier  coup 
d'oeil,  que  des  Nègres  sans  armes  pussent  si  aisément  s'emparer  de  ces  animaux 
grimpeurs;  mais,  si  l'on  s'en  rapporte  à  ce  qu'ont  dit  et  cru  G.  Cuvier  etBuflbn, 
la  chose  devient  facile  à  expliquer.  Selon  ces  auteurs,  les  couscous,  qui  vivent 
presque  continuellement  sur  les  arbres  pour  y  chercher  les  insectes  et  les  fruits 
dont  ils  se  nourrissent,  sont  tellement  surpris  quand  ils  viennent  à  apercevoir  un 
homme,  qu'ils  se  suspendent  par  la  queue  à  une  branche,  et,  au  lieu  de  fuir, 
restent  là,  immobiles,  a  le  regarder.  Dans  ce  cas  il  ne  s'agit  plus,  pour  le  chas- 
seur, que  de  s'arrêter  et  de  les  regarder  aussi  :  soit  lassitude,  soit  par  une  sorte 
de  fascination  résultant  de  la  peur,  ils  finissent  par  lâcher  la  queue;  ils  tombent 
et  deviennent  la  proie  du  chasseur.  3Ialgré  les  deux  grandes  autorités  que  je 
viens  de  citer,  je  crois  que  ce  fait  a  besoin  d'être  confirmé.  Le  scham-scham  vit 
dans  les  forêts  équatoriales  des  grandes  îles  Moluques  et  Papoues. 


Le  Couscous  uasfN  (  Cusnis  ursinus ,  Less.  briin.  avec  une  ligne  dorsale  plus  foncée:  le 

l'halavgista  ursina,  Tiijni.)  est  de  la  taille  d'un  dessus  de  la  tèle  est  Jaunàire,  le  dessous  d'iui 

chat  sauvage;   il  a  de   longueur    totale  trois  blaucsale;  les  extrémités  des  membres  sont  d'un 

pieds  six  pouces  (1,1 10),  compris  la  (|ueue,  qui  a  brun  noir  assez  (once.  Il  habite  le  même  pays 

vingt  pouces  (0,552).  Son  pelage  est  frisé,  crépu,  que  le  scham-scham. 

rude,  dun  noir  parfait  dans  l'âge  adulte,  plus  Le  Cotscous  a  ckoui'io\  doué  (Phalangisla 

clair  dans  le  jeune  âge  ;  les  poils  soyeux  sont  clinisorrhos,  Temm.  )  est  de  la  taille  d'un  chat 

entièrement  noirs  ;  le  dessous  du  corps  est  rous-  sauvage,  et  atteint  à  peu  près  trois  pieds  (0,97o), 

sàtre;  les  parties  nues  de  la  queue  et  du  mu-  compris  la  queue,  qui  a  treize  pouces  (0,3j2)  ; 

seau  sont  noin'ities.  Il  habite  la  partie  septen-  ses  oreilles  sont  très-courtes,  couvertes  d'une 

Irionale  des  Célcbes,  où  les  habitants  estiment  touffe  de  poils  blanchâtres  ;  son  pelage  est  co- 

beaucoup  sa  chair.  tonnenx,   séné,   un   peu  frisé,  garni  de  poils 

LeDoouRAMBAVE  {Cuscus  Qitoyii,LESS.  Plia-  soyeux,  d'un  cendré  gris  clair  sur  la  tète,  d'un 

langista  pupiiensis,  Desm.  Phaltniçiista   Quoij.  gris  de  cendre  un  peu  brunâtre  sur  les  (lancs. 

(lAiM.)  ni;  serait,  selon  :m.  Tenuniiick,   que  le  d'un  jaune  doré  vif  sur  le  croupion  et  la  partie 

jcmie  âge  du  sciruii-scham,  et  je  suis  porté  à  su|)érieure  de  la  queue;  la  poilriue,  la  nioilie 

parlager  cette  o|)iMiou.  Il  a  le  pelage  d'un  gris  du   ventre,  et  le  dedans   des  membres,   sont 


M  A  us  y  PI  AUX  FRUGIVORES. 


295 


liliiiics;  il  ;i  iiiio  hamic  noire  sur  les  lianes,  les 
piilles  d'un  roux  doré,  et  la  partie  nue  de  la 
queue,  jaune.  11  habite  les  Moluques. 

Le  Coi.scous  A  f.iiossE  queue  (Cuscus  mnrroii- 
riis,  Less.  et  Garn.  )  a  douze  pouces  huit  lignes 
(0,5  !2)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
est  très  grosse  à  sa  base  et  qui  est  longue  de 
dix-sept  pouces  (0,160>,  il  a  le  pelage  gris,  d'où 
sortent  des  poils  noirs  plus  longs,  et  parsemé 
de  taches  éparses,  brunes  ;  la  tète  est  fauve  ;  la 
gorge  et  les  oreilles  sont  blanches  ;  la  queue  est 
robuste,  cendrée;  le  ventre  est  blanchâtre,  les 
extrémités  brunâtres.  11  habite  lile  de  \^  aigiou, 
aux  Moluqnes. 

L'es|)èce  qui  suit  a  les  oreilles  distinctes,  nues 
à  l'intérieur. 

Le  KKPOvîif.  (Cnsciis  albus,  Less.  Didcljliis 
orientalis,  Li^.  Phnlangisla  rnfa,  Desh  PIki- 
lavgisla  cniifrons.  Temm.  PliaUniqista  alba  et 
riifn,  Geoff.  Le  Phalavgcr  femelle,  Ruff.)  est 
long  de  vingt  pouces  six  lignes  (0,5oG),  et  sa 
queue  en  a  treize  (0,552  ;  son  pelage,  épais  et 
cotonneux,  est  blancluilre  dans  le  mâle,  d'un 
roux  assez  vif  dans  la  femelle,  avec  une  ligne 
très-foncée  sur  le  dos,  et  une  plaque  jaunâtre 
sur  les  cotés  du  cou  ;  la  partie  nue  de  sa  queue 
est  d'un  rouge  carmin.  Cet  animal  est  Ircs-com- 
mun  au  port  Praslin,  dans  la  ]Nouville-Irlaude; 
les  naturels  estiment  beaucoup  sa  chair. 

12"  Gemie.  Les  POTOROUS  (  llijpsiprgm- 
nits,  Illig.)  ont  trente  dents,  savoir  :  six  inci- 
sives supériciues  et  deux  inférieures  ;  deux  ca- 
nines en  haut  et  point  en  bas:  di\  molaires  à 
chaque  màihoire.  Les  jambes  de  derrière  sont 
beaucoup  plus  longues  que  celles  de  devant  ; 
elles  manquent  de  pouce  et  ont  lesdeux  premiers 
doigts  réunis  jusqu'à  l'ongle;  le  troisième  doigt 
est  armé  d'un  ongle  très-fort;  les  pieds  ant('- 
rieurs  ont  cinq  doigts  numis  d'ongles  obtus  pro- 
pres à  fouir  la  terre;  leur  queue,  médiocrement 
longue,  est  écailleuse  et  couverte  de  quelques 
poils  ;  leurs  oreilles  sont  grandes,  leur  tète  al- 
longée et  leur  lèvre  supérieure  fendue. 

Le  PoTOnou  (lliii)si])rtjmnns  nhilir,  Qiov  et 
Gaim.  Poloroiis  miiiimiis  ci  haiiqurits  Gaimar- 
dii,  Desm.  Manopus  mhior,  Siiaw.  Le  Potoroo, 
White.  Le  hang}iroo-liat,  G.  Cuv.)  a  un  pied 


six  ligues  (0,5'9)  de  luugueiir,  non  comjjris  la 
queue,  qui  a  un  [lied  (",.125);  il  est  delà  gros- 
seur d'un  (lelit  lapin.  Sa  tcte  est  triangulaire, 
large  et  un  peu  aplatie  |)ar  derrière,  pointue  en 
avant;  ses  oreilles  sont  larges;  ses  tarses  très- 
longs  ;  sa  queue  est  grcle,  flexible,  terminée  par 
iM)  pinceau  brim;  son  |iel;igcest  d'nu  gris  rou- 
geàtre  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous. 

Cet  animal,  d'un  caractère  fort  doux,  quoi- 
(jue  moins  timide  (jue  celui  des  kangoui'ous,  ne 
vit  que  de  feuilles  et  d'herbe,  qu'il  paît  avec 
ses  longues  incisives  coupantes,  et  de  fruits, 
<iuand  il  en  rencontre.  11  paraîtrait  même,  selon 
Quoy  et  Gainiard,  (|u'il  s'accommode  fort  bien 
de  substances  alimentaires  propres  à  l'homme, 
(juand  il  en  trouve  l'occasion.  Ln  de  ces  ani- 
maux, disent  ces  voyageurs,  vint  enlever  fami- 
lièrement des  restes  d'aliments  au  milieu  d'une 
cabane  bâtie  pour  les  abriter,  pendant  une  ex- 
cursion dans  les  montagnes  Bleues,  et  il  s'enfuit 
par  un  trou,  à  la  manière  des  rats.  Il  habite  les 
broussailles,  et  fuit  avec  beaucoup  de  ra|)idité, 
en  faisant  des  bonds  ]irodigieux  avec  ses  jand)es 
de  derrière,  quand  on  le  poursuit.  Il  est  d'une 
telle  agilité,  que  M.  Lesson  dit  en  avoir  vu  au 
milieu  des  rocailles  de  la  W'erra-Gambia.  cou- 
rir sur  les  i)etits  buissons  qui  couvrent  celle 
jiartie  de  la  Nouvelle-Hollande.  C'est  à  peu  près 
tout  ce  qu'on  sait  de  son  histoire. 

Le  PoTOHOu  OE  Lesieur  (  Hiipsipnjmnus 
Lesuew,  Quoï  et  Gaim.1  n'est  connu  que  par 
le  squelette  d'une  tète  trouvée  dans  l'Me  Dirck- 
liatichs.  11  serait  à  peu  près  de  la  grandeur  du 
précédent,  mais  ses  oreilles  seraient  beaucoup 
plus  larges,  ses  joues  jdus  saillantes,  son  nmseau 
moins  long,  et  sa  tête  généralement  ])lus  arron- 
die. 

Le  PoTOROi;  uePéhon  {llijpsipriimims  Peron, 
Qiovet  Gaim.)  n'est  également  connu  que  par 
un  squelette  apporté  de  la  Nouvelle-Hollande. 
11  serait  de  la  mtine  grandeur  i\ue  les  pi-écé- 
ilents,  mais  ses  oreilles  seraient  beaucoup  plus 
étroites,  ses  yeux  plus  saillants  à  cause  de  l'abais- 
sement de  ses  joues  ;  son  nez  plus  saillant,  sa  tète 
en  général  plus  mince,  plus  pointue,  en  cône 
|)lus  allongé  ;  ses  incisives  supérieures  mitoyen- 
nes, et  ses  canines  sont  plus  longues. 


■29(\ 


I.KS  MARSUPIAUX. 


Le  Kani;niirnii  eiiriinii 


MARSUPIAUX  FOLllVOUES 


^^ïls  niiiiifjucnt  (le  canines  : 


n.ncl.oires.) 


H«  Genue.  Los  KAXdOUROUS  { Kaiigunt:-, 
Gi:OFF.  Ma(ro))us,  SiiAW.)ont  vingt-quatre  dents, 
savoir  :  six  incisives  supérieures  et  deux  iiifc'- 
rieures;  pas  de  canines;  huit  molaires  en  haut 
et  liuit  en  bas.  Leurs  jambes  de  derrière  sont 
encore  plus  longues  et  plus  robustes  que  celles 
des  potorous,  et  le  gros  ongle  du  pied  est  |)res- 


que  en  forme  de  sabot  ;  leurs  oreilles  sont  très- 
grandes;  leur  tète  est  allongée,  avec  la  lèvre 
supt'i'ieure  fendue,  et  des  moustaches  très-cour- 
tes et  très-peu  fournies;  leur  qm  ne  est  longue, 
triangidaire,  très-ninscnleuse  it  très-grosse  à 
son  origine;  les  femelles  oïd  une  poche  abdo- 
minale cachant  deux  mamelles. 


Le  KANGOUROU  ENFUMÉ  [Kaiuiunis  fiiriijiitosus,  Geotv.  Mncro}i;is  furigi)w- 
sus.  Less.  ) 

Atteint,  dit-on,  jus(iu'à  six  pieds  (1,9  {9)  de  liniiteiM",  mais  sa  taille  ordinaire 
est  de  (juatre  pieds  et  demi  (1,461);  il  est  d'un  hriin  fuligineux  en  dessus,  roux 
sur  les  lianes,  et  d'un  gris  clair  en  dessous;  les  quatre  pattes,  une  portion  de 
l'exlrémité  du  museau,  et  le  derrière  du  coude,  sont  d'un  brun  noirâtre;  les 
oreilles  sont  brunes  en  dehors  ;  la  queue  est  rousse  en  dessous,  d'un  brun  pas- 
sant au  noir  en  se  rapprochant  de  l'extrémité  en  dessus. 

C'est  dans  les  pays  boisés,  dans  les  vastes  forêts  de  la  Nouvelle-Hollande,  que 
vivent  toutes  les  espèces  de  kangouroiiR,  mais  ils  s'acclimatent  fort  bien  chez 


ANCIENNE    CABANE    DES    KANGUROO; 

P  «  È  s   DE   hk    <;  K  *  N  D  H   VOLIÈRE. 


.1  a  f  ,1  ,  n      •It'     H  I  »  n  l  ,  ».  ) 


MAllSUl'lAUX   FOLlIVOUliS.  297 

nous,  ol  nièiiiL'  ils  s'y  miilliplient,  |)oiir  pciHiiron  cii  [ircime  (|ii('l(nies  soins.  Ces 
singuliers  animaux  ont  été  observés,  i)onr  la  i)rcmiére  fois,  par  Cook,  en  1779. 
Leurs  pattes  antérieures,  fort  petites,  et  munies  de  cin([  doigts  armés  d'ongles 
assez  forts,  ne  paraissent  guère  leur  être  utiles  pour  la  marche,  mais  ils  s'en 
servent  comme  de  mains  pour  porter  leurs  aliments  à  la  bouche,  à  la  manière 
des  rongeurs.  Leurs  pattes  de  derrière  sont  allongées  hors  de  toute  proportion, 
munies  de  quatre  doigts  fort  longs,  dont  le  second  externe,  dépassant  beaucouj) 
les  autres  dans  ses  dimensions,  a  pour  ongle  un  véritable  sabot.  Il  résulte  de 
cette  conformation,  que  la  station  verticale  est  leur  position  habituelle,  et  qu'ils 
s'appuient  non-seulement  sur  leurs  longues  jambes,  mais  encore  sur  leur  grosse 
et  puissante  queue,  qui  leur  sert  comme  de  ressort  quand  ils  sautent  ;  le  bond 
est  donc  leur  marche  naturelle.  Le  sabot  de  leurs  pieds  de  derrière  est  pour 
eux  une  arme  défensive  et  olfensive,  car,  en  se  tenant  sur  une  jambe  et  sur  la 
queue,  ils  peuvent,  avec  le  pied  qui  leur  reste  libre,  donner  des  coups  assez  vio- 
lents; dans  les  combats  qu'ils  se  livrent  entre  eux  ils  se  servent  aussi  des  pieds 
de  devant  et  se  font  de  profondes  blessures  avec  leurs  ongles.  On  a  vu  quelque- 
fois les  kangourous  qui  vivaient  à  la  ménagerie  attaquer  leurs  gardiens  de  cette 
manière,  quand  ils  en  étaient  maltraités.  Ils  font  des  bonds  prodigieux,  et  peu- 
vent, dit-on,  franchir  d'un  seul  saut  un  espace  de  trente  pieds  (9,74o)  ;  mais 
cependant,  lorsipi'ils  sont  chassés  dans  des  bois  fourrés,  ils  savent  fort  bien 
courir  à  quatre  pattes.  Quoy  et  Gaimard,  qui  ont  assisté  à  plusieurs  chasses 
aux  kangourous,  disent  «  que  lorsqu'ils  sont  vivement  poussés  i)ar  les  chiens, 
ils  courent  toujours  sur  leurs  quatre  pieds,  et  qu'ils  n'exécutent  de  grands  sauls 
(]ue  quand  ils  rencontrent  des  obstacles  à  franchir.  » 

Les  kangourous  vivent  en  petite  troupe,  ou  peut-être  en  famille,  conduite 
par  un  vieux  \mx\e  qui  marche  en  avant,  observe  la  campagne,  cherche  à  décou- 
vrir le  danger,  et  donne  le  signal  du  repos,  des  joyeux  ébals  ou  de  la  fuite, 
selon  les  circonstances.  Les  petits,  en  naissant,  n'ont  pas  plus  d'un  pouce  (0,027) 
de  longueur;  la  mère  les  place  dans  sa  poche,  où  ils  achèvent  de  se  développer, 
et  ils  n'en  sortent  définitivement  que  lorsque  leur  grosseur  ne  leur  permet  plus 
d'y  rentrer.  Aussi  ils  s'y  retirent  encore  lorsque  d(?jà  ils  sont  en  état  de  paî- 
Ire,  ce  qu'ils  fout  en  sortant  le  museau  de  la  poche,  pendant  que  la  mère  paît 
elle-même.  Ces  animaux  vivent  d'herbe,  mais  cependant  ils  ne  dédaignent  pas 
les  autres  aliments,  et  l'on  en  a  vu  manger  avec  plaisir  non-seulement  de  la  chair, 
mais  du  vieux  cuir.  Quoy  et  Gaimard  eu  ont  possédé  un  qui  buvait  même  du 
vin  et  de  l'eau-de-vie.  Il  est  très-remarquable  que  tous  les  animaux  de  la  Nou- 
velle-Hollande, habitant  un  pays  fort  pauvre  en  substances  alimentaires,  sont  à 
peu  près  omnivores,  malgré  les  formes  qu'affecte  leur  système  dentaire. 

Toutes  les  espèces  de  ce  genre  sont  extrêmement  douces  et  timides,  et  les 
plus  grandes  ne  pensent  à  se  défendre  contre  les  chiens  mis  à  leur  poursuite 
que  lorsque  la  fuite  leur  est  tout  à  fait  interdite.  Dans  ce  cas,  l'animal  tâche  de 
s'élancer  sur  une  pierre  ou  une  roche  de  trois  ou  quatre  pieds  de  hauteur,  et 
là,  assis  sur  sa  cpieue  et  sur  une  de  ses  pattes,  il  tâche  d'écarter  ses  ennemis  à 
coups  de  i)ied,  et  sait  très-l)ien  profiter  de  sa  position.  Mais  cet  éclair  de  cou- 
rage ne  lui  sert  i)as  à  grand'chose,  et  deux  ou  trois  chiens  viennent  aisément  à 
boni  de  le  terrasser.  En  domesticité  il  s'apprivoise  fort  bien,  et  il  devient  même 

.'S 


298 


LES  MAUSUrMAUX. 


familier.  La  chair  des  kangourous  est  assez  bonne  à  manger,  el  a,  ilil-on,  le 
«'OUI  do  celle  du  cerf;  aussi  les  habitants  leur  font-ils  une  guerre  active.  L'es- 
pèce dont  nous  parlons  ici  est  le  plus  grand  animal  que  l'on  ait  trouvé  dans  la 
Nouvelle-Hollande. 


Le  Kangoluou  a  moustaches  (  Katigunts  la- 
biatitt!,  Geoff.  Marrupus  labialits ,  Less.  Di- 
clelpUus  giyaiitea,  G>il.  Macropus  major,  Sha\». 
Le  Kangiiroo,  Cook)  est  la  promicrc  espèce 
connue  ;  quoiqu'un  peu  moins  grand  cpie  le  pré- 
cédent, sa  taille  égale  celle  d'un  mouton.  11  est 
gris  cendré  en  dessus  et  blanchâtre  en  dessous  ; 
le  menton  est  traversé  jiar  une  ligne  d'un  gris 
cendré  ;  le  museau  est  blanc  ;  les  pieds  et  le  des- 
sus de  la  queue  sont  noirâtres.  Cette  espèce  est 
très-douce,  très  timide,  et  se  familiarise  aisé- 
ment, mais  sa  chair  est  coriace.  Il  est  commun 
dans  la  Nouvelle-Galle  du  Sud. 

Le  KA^GOl•nol]  a  coi;  rolx  (Kanqunts  riifi- 
follis,  Geoff. -Desm.  .1far;o/j!(.<  rnlicollis,  Less.) 
est  beaucoup  plus  petit  que  le  précédent  ;  son 
pelage  est  d'un  gris  roussàtre  en  dessus  et  sur 
les  flancs  ;  la  nuque  et  le  haut  des  <'paules  sont 
d'un  roux  mêlé  de  gris  :  la  face  interne  des  mem- 
bres est  blauche,  ainsi  qu'une  ligne  médiane 
étroite  sous  le  corps;  le  dessus  de  la  queue  est 
d'un  gris  roussàtre,  et  le  dessous  blanchâtre. 
11  habile  l'ile  de  King,  dans  le  détroit  de  Bass. 
Le  Kangoiiioc  mkeix  {  Kmigitnis  rinosus, 
Fit.  Ctv.)  a  beaucoup  d'analogie  avec  le  précé- 
dent, dont  il  n'est  peut-être  qu'une  variété  ;  mais 
son  jielage  est  plus  gris,  et  la  tache  blanche  qui 
entoure  la  bouche  est  plus  prononcée.  11  habite 
le  même  pays. 

Le  Ka\goi;uou  guis-roux  (Kangnrn^  rnfn- 
giisevs,  Geoff.  —  Desm.)  est  un  peu  plus  petit 
que  le  kangourou  à  moustaches,  et  n'a  <iue  trois 
pieds  et  demi  (1,137)  de  longueur;  son  pelage 
est  d'un  gris  roux  tirant  sur  le  blond,  plus  foncé 
sur  le  dos,  plus  pâle  en  dessous  et  passant  au 
blanc  sur  la  ligne  médiane  ;  d'un  gris  brunâtre 
sur  les  quatre  jambes,  et  au  bout  de  la  queue. 
Les  oreilles  sont  plus  arrondies  que  ilaus  les 
deux  premières  espèces. De  la  INouvelle-IIollande. 
Le  Kangoi;rol'  de  Banks  (  Kaugurus  bnnl;- 
siouf/.»;,  (iAiM.  Mnciopiis  banksinniis,  Less.)  est 
une  espèce  fort  douteuse,  cjui  serait  d'un  rouge 
foncé,  avec  des  taches  brunes  sur  la  tête.  Sa 
taille  serait  plus  petite  que  celle  du  kan^oui-ou 
à  moustaches,  et  il  habiterait  les  montagnes 
Bleues  de  la  ÎNouvelle-IIollande. 

Le  Kangol'roc  lainei;x  {Kaitgnrus  lauiger. 
Quov  et  Gaim.  Kangnnts  rufiis,  Dessi.  Macro- 
pus  lauiger,  Less.»  est  presque  de  la  même  taille 
que  le  kangom'ou  enfumé,  et  n'a  pas  moins  de 
(juatre  pieds  (1,299)  de  longueur;  son  pelage 
est  très  long,  doux,  soyeux,  frisé  et  laineux, 
d'uu  rouge  lerrugiueux  en  dessus  ;  blanchâtre 


sur  la  poitrine  et  le  ventre  ;  les  oreilles  sont 
ovales,  grisa  Ires  en  dehors;  les  doigts  d'uu  brun 
roussàtre.  Ses  membres  postérieurs  sont  encore 
plus  allongés  que  ceux  des  autres  espèces.  Il 
habite  les  environs  du  port  ^lacquai'ie. 

Le  Kangourou  de  l'île  Eugène  (  lùtvgiinis 
hUtgcuii,DEsy}.Mnrroj)us  Engciui,  Less.)  a  dix- 
neuf  pouces  de  longueur  lO,5M)  ;  son  pelage  est 
épais,  moelleux,  d'un  gris  brun  en  dessus,  mêlé 
d'un  peu  de  roux  sur  les  parties  antérieures  et 
sur  les  pattes  de  devant,  et  blanchâtre  en  des- 
sous; la  queue,  en  dessous,  est  d'un  blanc  rous- 
sàtre. Il  vit  en  troujjcs  nombreuses  sur  l'Ile  Eu- 
gène, à  la  côte  Sud  de  la  Nouvelle- Hollande,  et 
paraît  ne  pas  se  trouver  sur  ce  continent. 

L'OUALARAT  ou  KA^GOLROU   DE  RI  ISSON  (lûtll- 

gitnis  uulabatiis,  Less.  et  Gabn.  Macropus  ualn- 
batus,  Less.  Kar,gu>us  bicalor,  vrlins  du  ^lu- 
séum  ;  haiigunis  Bruuii,  Desm.  )  est  brun  en 
dessus,  fauve  pâle  en  dessous  ;  sa  queue  est  tiès- 
longue,  très-noire  en  dessus  ainsi  que  la  bouche  ; 
les  pattes  et  les  joues  sont  grises,  et  les  poils  de 
la  base  des  oreilles  sont  d'un  jaune  rougeàlre. 
Il  est  commun  dans  la  Nouvelle-Galle  du  Sud. 

Le  Kangourou  de  LARiLLARniiiRE  (Kaugtirus 
Billardierii,  Desm.  Macroi)us  Hillard\crii,'Lf.ss.) 
est  à  peu  près  de  la  taille  d'un  lièvre  ;  ses  oreilles 
sont  courtes  et  ovales-arrondics  ;  sa  lèvre  supé- 
rieure est  rousse;  ses  mainssont  d'un  brun  roux, 
et  ses  ongles  très-com|)rimés  au  lieu  d'être  dé- 
primés ;  sa  queue  est  de  la  longueur  de  son 
corps  ;  sou  pelage  est  d'un  gris  bnm  en  dessus, 
roussàtre  en  dessous.  Il  habile  la  terre  de  Die- 
nien. 

Le  PoDiN  ou  Pelandoc  d'Aroé  {havgurus 
rctcrum,  Less.  et  Gakn.  Macropus  rderum, 
Less.  Le  Filander,  Valentin  et  Lerruvn.  Le 
Lapin  d'Aroe)  est  de  la  taille  du  précédent.  Il 
est  beaucoup  jjIus  ramas  é  dans  ses  formes  que 
les  précédents;  sa  queue  est  moins  longue  ;  ses 
membres  antérieurs  i)lus  forts  ;  son  pelage  est 
entièrement  brun.  Il  habite  exclusivement  la 
Nouvelle-Guinée  et  les  îles  équatoriales. 

LeKANCOURou  fii.wdre  haxgiirusphdaudcr, 
Geoff.  Didclphis  asialica,  Pvll.)  a  presque 
toujours  été  confondu  avec  l'oualabiit,  quoiqu'il 
ne  soit  pas  de  la  Nouvelle-Hollande,  ou  avec  le 
podin,  (pioiqn'il  ne  lui  ressemble  pas.  Il  a  envi- 
ron deux  pieds  et  demi  (0,812)  de  longueur;  il 
est  brun  en  dessus,  mais  le  dessous  du  corps  et 
la  i)artie  interne  des  membres  sont  roux  ;  le 
nmseau  et  les  doigts  sont  noirâtres  ;  la  queue  est 
noire,  avec  un  peu  de  blanc  à  l'extrémité  ;  les 


MAUSLIPIAUX   FOLIIVOUES. 


2i)y 


oreilles  soiil  bruiuUres,  avec  du  roux  à  leur  I>;ise. 
Il  habite  les  iles  de  la  Sonde. 

lôMiEMiK.  Les  PÉTAURISTES  {Petaiinis, 
Shaw.)  oui  Irente-huit  deuls,  savoir  :  si\  inci- 
sives supérieures  e!  deu\  inléiieures;  pas  de  ca- 
iiiues;  seize  molaires  en  liant  cl  (jualorze  eu  bas  ; 
ils  ont  la  peau  des  flancs  plus  ou  moins  étendue 
entre  les  jambes,  et  couverte  de  |)oils,  de  manière 
à  leur  sei'vir,  non  |)as  d'ailes,  mais  de  |)aracliute  ; 
leur  tète  est  assez  courte  ;  leurs  oreilles  soûl  pe- 
lites,  et  leur  queue  est  non  j)renante.  Tous  sont 
de  la  Nouvelle-Hollande. 

L'Hkpouna-Rou  {Pduiirus laguanoïdca,  Dksw. 
—  SuAVV.  Pclauvista  lagnnnoïdes,  Hesm.  Didel- 
])his  i)ctaiinis,  Siuw.  Le  Grand  l'haUmgcr  vo- 


lant, (i.  Cuv.)  est  ù  peu  prés  de  la  lailie  d'mi  ga- 
léo|)ithc(iue  ;  il  a  communément  di\-liuit  i)Ou- 
ees  de  longueur  (0,487),  non  compjis  la  (jneue, 
(jui  en  a  près  de  vingt  (0,5  50)  ;  sa  léte  est  petite, 
son  museau  très-aigu  ;  sa  queue  est  aii'ondie, 
(rès-touflue.  brune,  un  peu  lauve  à  la  base.  Sou 
pelage  varie  ;  il  peut  être  :  t  "  d'un  brun  cboco- 
lat  foncé  en  dessus,  et  d'un  blanc  sale  en  des- 
sous ;  2  "  mélangé  de  fauve  clair  et  de  brun,  avec 
une  raie  plus  foncée  sur  le  dos  :  les  lianes  d'un 
giis  cendré  avec  deux  taches  oblougues  fauves  : 
le  dessous  blaucbàtre;  .ï"  entièrement  d'un  blanc 
jaunâtre  sur  le  dos,  et  d'un  blanc  pur  eu  des- 
sous. Les  membranes  qui  sont  euli  e  ses  mem- 
bres l'aident  à  sauter  en  le  soutenant  dans  l'air. 


Cello  espèce  estcumiimne  dans  les  environs  île  Sydney  et  dans  les  monlagnes 
lieues,  oi'i  elle  haltile  les  grandes  lorèls,  et  se  plaît  particulièrement  à  pour- 
suivre les  insectes,  peut-être  même  les  petits  oiseaux,  sur  les  plus  liaules  hian- 
clies  des  eucalyptus;  probaldement  ils  mangent  aussi  des  feuilles.  Grâce  à  l'ex- 
lension  de  la  peau  de  leurs  lianes,  ils  peuvent  sauler  à  une  dislance  [irodigieuse 
dun  arlire  à  un  autre,  en  étendant  les  (piatre  membres  et  glissant  obli(|uement 
dans  l'air  au  moyen  de  leur  parachute.  Tout  ce  (pi'on  sait  de  leur  histoire, 
c'est  (pie  les  habitants  du  i>ays  leur  font  une  guerre  a  outrance,  non-seulement 
pour  s'emparer  de  leur  chair,  qu'ils  trouvent  délicieuse,  mais  encore  pour  faire 
avec  leur  fourrure  de  fort  jolis  petits  manteaux  <pie  leurs  femmes  portent  sur 
leurs  épaules.  Enelfet,  le  pelage  de  ces  animaux  est  très-épais,  très-long,  d'une 
douceur  et  d'une  finesse  extrême,  qui  sans  aucun  doute  lui  doinierait  nue  grande 
valeur  si  jamais  on  le  mettait  dans  le  commerce  de  la  pelleterie. 


Le    PÉTAUIUSIE    A    GHANDE     Ql  EUE     {  PdaiiniS 

marrourus,  Desji.  Peiaurisla  macroiira,  Desm. 
l)idcli)Uis  macronia,  Siiaw.  Le  Phalangcr  vo- 
lant à  longue  qncur,  G.  Cuv.)  est  de  la  taille  du 
surmulot.  11  est  d'un  brun  foncé  eu  dessus,  blan- 
châtre en  dessous;  sa  queue  est  grêle,  une  fois 
et  demie!  longue  comme  son  cor|)s  ;  les  pattes  de 
devant  sont  blanches  à  leur  extrémité.  11  habite 
la  Nouvelle-IIollaude.  Probablement  ou  devra 
réunir  à  cette  espèce,  connue  simple  variété. 

Le  Petauhiste  a  ventue  jauive  (  i'etaiirii.s  fa- 
viventet-,  Desm.  l'ciaiirista  flaviiejiter,  Geoff.j. 
11  ditfère  du  piécédenl  par  son  pelage  d'un  brun 
marron  en  dessus,  d'un  fauve  blanchâtre  eu  des- 
sous ;  la  (pieue  est  d'un  brun  marron,  i-oude,  un 
peu  plus  longue  que  le  corps.  Il  habile  le  même 
pays. 

Le  PÉTACRisTE  DE  PÉiio.'v  (Pctatims  Pcronii, 
Desm.)  est  de  la  taille  de  nos  ('cureuils,  et  se  dis- 
tingue des  autres  par  sa  membrane  des  flancs, 
qui  ne  lui  vient  que  jusqu'aux  coudes;  son  pelage 
est  brun  en  dessus,  blanc  en  dessous,  et  mélangé 
de  brun  et  de  gris  sur  le  dessus  des  membranes  ; 
ses  pieds  sont  blancs,  ainsi  ([ue  l'extrémité  de  sa 
queue.  11  est  de  la  Nouvelle-Hollande. 


Le  PÉTAI  lUSTE  sciriuEN  (Pclanrus  si'uireus  , 
Desbi.  Didclidùs  sruiica,  Siiavv.)  a  près  de  neuf 
jwuces  de  longueur  (0,'2;i),  sans  y  comprendre 
la  queue,  qui  en  a  près  de  dix  (li,'i7ll,  c'est-;'i- 
dire  qu'il  est  à  peu  |)rès  de  la  taille  de  notre  écu- 
reuil commun.  Son  pelage  est  d'un  gris  cendré 
en  dessus,  blanc  en  dessous  ;  le  bord  des  mem- 
branes est  blanc;  la  tête  a  deux  traits  unirs  par- 
tant des  naiiues  et  s'étendant  juscpie  sur  les  yeux; 
une  aulre  ligne  noire  s'étend  dei)uis  le  nez  jus 
qu'au  bout  de  la  (ineue  ;  celle-ci  est  cendrée,  i-ous- 
sàtre  à  la  base  et  brune  au  bout.  Il  habite  l'île 
de  Norfolk  et  les  montagnes  Bleues.  Ou  sait  qu'il 
s'établit  dans  des  trous  d'arbre,  et  qu'il  fait  huit 
petits  à  chaque  portée. 

Le  PÉTAI  lusTE  l'vcMÉE  (  Pclaurus  pijginœns, 
Diùsji,  Videli.kis  jygmœa,  Siiavv.  Pdaiiiislu 
pijgnwa,  Geoff.  Le  Phalungcr  volant  nain, 
G.  Cev.l  se  dislingue  de  tons  ses  congénères  par 
sa  queue  d'un  gris  roussàtrc,  tlont  les  poils  s(tul 
parfaitement  distiques  et  affectent  la  position  des 
barbes  d'une  plume  ;  son  pelage  est  d'un  gris 
de  souris  uniforme,  légèrement  lavé  de  rous- 
s'itre  en  dessus,  et  d'un  blanc  pur  en  dessous. 
11  est  de  la  grosseur  d'une  souris,  et  sa  (lueue 


300 


LES  MARSUPIAUX. 


est  moins  iDUgue  que  son  corps;  la  membrane 
de  ses  lianes  se  termine  aux  coudes.  11  habite 
la  Nouvelle-Hollande. 

15»  Geishb.  Les  1IAL3IATUIÎES  {tlalnuitu- 
nts,  Fii.  Cl'v.)  ont  vingl-huit  dents,  savoir  :  six 
incisive  s  supérieures  et  deux  inférieures  ;  pns  de 
canines  ;  dix  molaires  en  haut  et  dix  en  bas,  c'est- 
à-dire  deux  de  plus  à  chaque  mâchoire  que  les 
kangourous.  Du  reste,  ils  leur  ressemblent  beau- 
coup et  n'en  difl'èrent  guère  que  par  leurs  oreil- 
les plus  courtes  et  leur  queue  prescpie  nue  ou 
n'ayant  que  quelques  poils  rares. 

L'IIalmatuue  a  bandes  {Ualmutiirus  fnscialus. 
—Kangiirus  fascialits,  Péiion  et  Lesi  euk.  liai- 
maturus  clegans,  Less-  Le  Kangourou  élcgaul, 
des  naturalistes)  a  la  tète  arrondie;  son  pelage 
est  d'un  gris  de  souris,  rayé  transversalement 
en  dessus  de  gris,  de  roux  et  de  noir,  formant 
douze  à  quinze  bandes  d'un  effet  agréable  ;  le 
dessous  est  gris,  ainsi  que  la  queue  dont  l'extré- 
mité est  noire.  Celte  espèce  a  les  mêmes  mœurs 
et  les  mêmes  habitudes  que  les  kangourous  ;  elle 
habite  les  buissons  épais  et  s'y  forme  des  gale- 
ries de  verdure.  Sa  chair  passe  pour  fort  bonne. 
On  la  trouve  dans  les  iles  Bernier  et  autres  voi- 
sines. 

L'Halmatlre  thétis  (Uahnahiriis  ihelis,  Bus- 
sEriL.— Less.  Kmuj'tnis  theth,  Fk.  Cuv  )  a  deux 
pieds  un  pouce  (0,67 7 1  de  longueur,  non  com- 
pris la  queue  qui  a  vingt  pouces  ((),5i2).  Son 
pelage  est  d'un  roux  cendré  en  dessus,  d'un  gris 
jaunâtre  sur  les  flancs,  rougeàlre  sur  le  cou  et 
les  épaules  ;  la  queue  est  peu  fournie  de  poils  et 
recouverte  de  peliles  écailles  connue  celle  des 
rats  :  elle  est,  ainsi  que  les  pieds,  d'un  noir  fonri-. 
La  gorge,  la  poitrine  et  le  ventre  sont  blan»  h;!- 
(res.  Il  habite  les  environs  du  Port-Jackson. 

I(i«  Gemie.  Les  PHASCOLO.MES  (l'hascolu- 
miis,  Geoff.  ;  ont  vingt-quatre  dénis,  savoir  : 
deux  incisives  eu  haut  et  deux  en  bas,  tontes 
quatre  fort  longues  ;  point  de  canines;  dix  mo- 
laires supérieures  et  dix  inférieures;  la  lételarge. 


plate;  les  jambes  coui'les;  le  corps  comme  écrase, 
sans  queue  ;  ils  ont  cinq  ongles  aux  pieds  de  de- 
vant, et  quatre,  avec  un  petit  tubercule  au  lieu 
de  pouce,  à  ceux  de  derrière  ;  la  femelle  a  une 
poche  abdominale. 

Le  WoMUAT  (Pliascolomis  icombal,  PÉiioiv  et 
Lescelr.  —  Desji.  Wombatns  fossor,  Geoff. 
Didelphis  ursina,  Siiaw.  Phascolonvs  Raaii, 
Less.)  est  de  la  taille  d'un  blaireau;  son  pelage 
est  épais,  grossier,  d'un  brun  gris  plus  ou  moins 
foncé,  avec  des  teintes  plus  foncées  sur  la  poi- 
trine. La  femelle  tire  un  peu  sur  le  fauve.  11  ha- 
bite l'ile  de  Ring,  au  sud  de  la  INouvclie-Hol- 
lande. 

Ce  phascolome  est  un  animal  lourd,  massif, 
raccourci,  ce  qui,  avec  des  yeux  très  écartés, 
médiocren)ent  ouverts,  des  oreilles  courtes,  une 
marche  plantigrade  et  d'une  excessive  lenteur, 
lui  donne  une  figure  peu  gracieuse.  Son  carac- 
tère est  doux,  mais  excessivement  timide  ;  si  on 
l'attaque,  loin  de  chercher  à  se  défendre,  il  se 
ramasse  en  boule  et  se  laisse  assommer  sans 
même  cherchera  fuir;  aussi  Péron  dit-il  que  les 
chasseurs  de  phoques  vivent  exclusivement  de  sa 
chair,  qui  est  excellente,  et  qu'ils  ont  considé- 
rablement diminué  le  nombre  de  ces  animaux, 
(i.  Cuvier  pense  que,  ainsi  que  les  kangourous, 
il  s'acclimaterait  fort  aisément  en  France,  qu'il 
nmltiplierait  dans  nos  basses-cours,  et  qu'il  y  de- 
\iendiait  fort  avantageux  à  cause  de  la  qualité 
de  sa  chair  En  effet,  il  n'est  point  d'animal 
plus  facile  it  nourrir;  à  l'état  sauvage,  il  vit  ex- 
clusivement d'herbe;  en  domesticité,  il  manpe 
tout  ce  qu'on  lui  présente  :  le  pain,  les  fruits, 
les  racines,  les  herbages,  et  même  le  lait. 

Le  ^voml)at  est  nocturne;  le  jour,  il  se  relire 
dans  im  terrier  qu'il  sait  se  creuser  avec  ses  on- 
gles robustes;  et  il  n'en  sort  que  la  nuit  pour 
chercher  sa  nourriture,  et  vaquer  aux  autres  be- 
soins de  l'animalité.  La  femelle  met  bas  quatre 
petits,  qu'elle  élève  dans  sa  poche  abdominale,  et 
dont,  selon  Péron,  elle  prend  le  plus  grand  soin. 


LE  CÈDRE  DU  LIBAN^ 


.lin     d.-<     l'I»..  l>  -,) 


LES  RONGEURS, 


iiiiTn:Mi-:  oiidkk  di-s  mamiMifkrks. 


Le  Tan.i.l-Pal..M>lP. 


Les  animaux  de  cet  ordre  ont  deux  grandes  gués  que  celles  de  devant.  Les  uns  sont  omn'tio- 

incisives  à  cIukiuc  mâchoire,  séparées  des  nio-  rcs  et  ont  des  clavicules  bien  distinctes  ;  les  au- 

laires  par  un  es|)ace  vide  ;  ils  manquent  de  ca-  1res  sont  hcrb'iruvcs  et  u'oiit  qu'un  rudinuMit  de 

nines  ;  hurs  jambes  de  derrière  .«•ont  plus  Idu-  clavicule. 

SECIION  PREMIÈRE. 


LES   RONGEURS    OMNIVORES 


Renferment  sejit  familles,  qui  sont;  les  tcu- 
reitils,  les  vwnnolles,  les  ularodes,  les  rals-lai- 


jjcs,  les  tjcrboisfs,  les  rats,  et  les  ^lagcids.  Ils 
vivent  de  graines,  d'iierbes  et  inènie  de  chair. 


LES  ÉCIUEUILS 


Se  font  reconnaître  par  leurs  incisives  infé- 
rieures très-comprimées  ;  ils  ont  cin(|  molaires 
en  haut,  ou  plutôt  quatre,  avec  une  très-petite 
en  avant  qui  tombe  de  bonne  heure,  quatre  en 
l)as,  de  chaque  coté  des  mâchoires,  en  tout  vingt- 
deux  dents.  Leur  queue  est  longue,  garnie  de 
longs  poils  souvent  distiques,  c'est-à-dire  diri- 
gés sur  les  cotés  coninie  les  barbes  d'une  plume  ; 


ils  ont  quatre  doigts  de\ant  et  cinq  derrière, 
munis  d'ungles  ti  ès-ncérés;  quelquefois  le  pouce 
de  devant  est  indiqué  par  un  tubercule  Quel- 
(jues  uns  ont  des  abajoues  ou  poches  buccales; 
chez  d'autres,  la  peau  des  flancs  s'étend  de  cha- 
que côté  d'une  patte  à  l'autre. 

TTiEMiE.  LesTA.MIAS  (Tamia,  Illk;  )  oui 
la  tète  osseuse,  présentant  une  ligne  courbe  uni 


302  LES    KONG  EU  US. 

Ibrnie  à  sa  partie  .supérieure  vue  do  profil;  el,  uo  s'avance  pas  jusqu'à  la  moilic  de  la  léte;  ils 
vue  en  dessus,  toutes  ses  parties  antérieures  ont  des  abajoues  et  laquelle  distique.  Tous  sont 
Irès-eflilées  ;  leur  hoite  cérébrale,  peu  étendue,      fort  lestes,  fort  vils  et  pleins  de  grâce. 

Le  PALMISTE  [Tamia  palmcirum^  Less.  Sciurus  palniarii)}i.  Lin. — Desm. 
Miislela  afiicann,  Clus.  Le  Palmisle,  Buff.  Le  Rat  palmiste,  Brisson)  appar- 
tient peut-être  au  genre  écureuil,  car  nous  ne  savons  pas  s'il  a  des  abajoues  ; 
mais,  pour  tous  les  autres  caractères,  il  se  rapproche  davantage  des  tamias. 

Ce  joli  animal  est  un  peu  plus  petit  que  notre  écureuil  ;  son  corps  a  cinq  pouces 
(0,155)  de  longueur,  k  sa  queue  six  pouces  (0,162)  ;  il  la  porte  droite  et  rele- 
vée verticalement,  mais  sans  la  renverser  sur  son  corps  comme  l'écureuil  :  il  ne 
l'a  pas  non  plus  aussi  touffue,  et  elle  est  rougeàtre  en  dessus,  et  hlancliâtre  bor- 
dée de  noir  en  dessous.  Son  pelage  est  brun  ou  d'un  roux  mêlé  de  gris,  avec  trois 
bandes  longitudinales  d'un  blanc  sale;  le  dessous  de  son  corps  est  blanc;  ses 
oreilles  n'ont  pas  de  pinceau  terminal.  On  en  connaît  une  variété  albinos,  figu- 
rée ici. 

Le  palmiste  vit  de  fruits  et  se  sert  de  ses  deux  pattes  de  devant  pour  les  sai- 
sir et  les  porter  à  sa  bouche  ;  il  passe  une  grande  partie  de  sa  vie  sur  les  palmiers, 
d'oii  lui  est  venu  son  nom,  et  il  fait  un  grand  dégât  de  dattes,  ainsi  que  d'autres 
fruits  qu'il  va  chercher  dans  les  vergers  et  dans  les  jardins,  et  qu'il  emporte 
avec  lui  soit  pour  les  manger  plus  à  son  aise,  soit  pour  en  faire  une  provision. 
Quand  il  ne  les  emporte  pas,  il  en  gâte  néanmoins  un  grand  uoiubre,  car,  avant 
d'en  manger  un,  il  faut  qu'il  en  entame  au  moins  une  douzaine  pour  les  goiîter. 
Vif,  léger,  éveillé,  d'une  agilité  surprenante,  il  aiiue  à  bondir  de  branche  en  bran- 
che et  d'arbre  en  arbre  ,  le  plus  souvent  pour  le  seul  jdaisir  de  se  donner  du 
mouvement.  Les  auteurs  que  j'ai  consultés  ne  disent  pas  s'il  niche  sur  les  arbres, 
comme  les  écureuils,  ou  dans  des  terriers  ;  mais,  comme  par  ses  formes  il  se  rap- 
proche moins  de  ces  derniers  que  des  rats,  il  est  à  croire  qu'il  se  retire  dans 
des  trous  do  rochers  ou  dans  des  troncs  d'arbres.  Du  reste,  il  est  fort  doux  et 
très-familier  ;  il  s'apprivoise  aisément  et  s'attache  à  la  demeure  qu'on  lui  a  faite 
au  point  de  n'en  sortir  que  pour  se  promener  et  d'y  revenir  ensuite  de  lui-même, 
sans  y  être  ni  appelé  ni  contraint.  11  a  un  grand  plaisir  à  grimper  sur  tous  les 
objets  élevés,  comme  les  toits  des  maisons,  les  murailles;  aussi  habite-t-il  sou- 
vent dans  les  villages,  et,  dans  ce  cas,  la  feiuelle  dépose  ses  petits  dans  les  trous 
de  murs.  Il  est  tellement  familier,  qu'il  entre  parfois  dans  les  maisons  pour  ra- 
masser les  miettes  de  pain  qui  tombent  de  la  table.  Quant  à  ses  autres  habitudes, 
elles  sont  les  mêmes  que  celles  des  écureuils.  Il  estcerlaiu  que  cette  espèce  ha- 
bite l'Inde,  et  peut-être  se  trouve-l-elle  aussi  au  Sénégal  et  au  ca|)  Vert. 

Le  RL'^lJ^UL'K  ou  Suisse  {Tamia  striata  ,  la  queue,  qui  n'en  a  que  trois  (0,081).  Son  pe- 
Liiss.  Srinriis  .strintiis.  Lm —  Dhsm.  Le  Ungr-  lage  est  d'un  brun  fauve,  avec  cinq  raies  longi- 
riih  des  Tartares.  L'Ulbulii  des  Tungouses.  Le  ludinales  brunes  et  deux  blancbes  ;  le  dessous 
Srhcpel;  des  Ostiaks.  Le  Dsjitlalà  des  Raskirs.  est  blanc  ;  la  région  lombaire  est  rousse,  ainsi 
Le  hsihiiicri.i  des  Mongols.  Le  /I-lartha  des  Mo-  que  la  queue,  qui  est  bordée  de  noir  en  dessous, 
gols.  Le  .S'iiis.se,  Birr.  — G.  Cuv.l.  11  a  environ  et  noirâtre  en  dessus.  Il  habite  les  parties  sep- 
cinq  pouces  (0,155)  de  longueur,  non  compris  tentrionales  de  l'Europe  et  de  l'Asie. 

Le  burunduk  est  moins  doux,  moins  fautilier  que  le  précédent,  et  il  mord  sans 


ÉCUREUILS. 


303 


niénagemcnt,  à  moins  (jn'il  iio  suit  parfaitciiKMit  nppi'ivoisé.  Beaucoup  moins 
agile  que  les  écureuils,  (pioique  h-ès-vif,  il  se  détermine  rarenienl  à  monter  sur 
les  arbres,  à  moins  que  ce  ne  soit  pour  éviter  la  pouisuite  de  son  ennemi, 
et  pour  y  cueillir  quelques  fruits  qu'il  aime  avec  prédilection.  Il  se  contente  le 
plus  ordinairement  dé  ramasser  les  iamandes  de  pin,  les  noisettes,  etc.,  qui 
tombent  sur  la  terre,  pour  en  faire  sa  provision  d'biver.  Il  se  creuse,  entre  les 
racines  des  arbres,  un  terrier  à  double  sortie,  et,  au  milieu,  il  construit  une 
sorte  de  cave  assez  grande  qui  lui  sert  de  magasin,  et  qui  est  placée  à  côté  d'une 
petite  cbambre  très-propre,  bien  matelassée  de  foin  doux  et  sec,  où  il  couche. 
Il  va  ensuite  à  la  provision,  et  entasse  dans  sa  cave  autant  de  fruit  sec  qu'il  en 
peut  trouver.  Si  la  saison  est  favorable,  son  magasin  est  bientôt  plein;  alors  il 
en  creuse  un  autre  à  côté  qu'il  remplit,  puis  un  troisième,  un  quatrième,  etc.,  et 
il  est  remarquable  que  sa  })révoyance  dépasse  de  beaucoup  ses  besoins.  Pour 
transporter  toutes  ces  graines,  il  n'a  pas  d'autres  moyens  que  ses  abajoues,  dans 
lesquelles  il  les  place  à  mesure  qu'il  les  ramasse.  Je  crois  qu'il  faut  regarder 
comme  une  espèce  distincte  de  celle-ci 


L'OmoiiiN  (  7"«))iia  caroimicnsis.  —  Sciitnis 
caioliniensis,  liiuss.  Siiiirtis  IJstcii,  Kay.  L'K- 
nireiiil  dr  terre,  C\ti:si!V.  O/iiolii»  dos  llurons), 
qui  est  moitié  plus  petit  quel'ocuieuil  (iniinairc, 
et  un  peu  plus  petit  que  le  précédent.  Il  est  rouv, 
au  lieu  d'être  brun  ;  ses  raies  I)lanclios  sont  plus 
jaunàlres  ;  les  autres  sont  noires  ;  l'intervalle  en- 
Ire  la  raie  du  dos  et  celle  des  flancs  est  roux  au 
lieu  d'rtre  d'un  gris  brun.  Il  est  de  la  Caroline, 
et  a  les  mêmes  liabitudes  que  le  précédent. 

Le  SiKSiK  {Tainia  hniisan'H',  Lkss.  Sciiinis 
hndso)iitis,  Li\.  -Desm  )  est  un  i)eu  plus  petit 
que  l'écureuil  d'Europe;  son  pelage  est  d'un 
brun  roussàtre  en  dessus  et  sur  la  télé  ;  une  raie 


noire  occupe  les  tlancs  ;  son  corps  e.4  blanclià- 
Ire  en  dessous;  sa  queue,  plus  courte  que  le 
corps,  est  d'un  brun  roussàtre,  Ixirdi  e  de  noir; 
ses  niouslacbes  sont  très-longues  et  noires.  On 
ne  le  trouve  que  dans  les  forêts  les  plus  froides 
de  l'Amérique  septentrionale. 

Le  I'ajiia  a  yiAiiit:  i!a>'des  (  'ianna  qnadii- 
lillata,  Lkss.  Sr'iunt^  quadririltatiis,  SAv.)a 
en\iron  sept  pouces  (0,189  de  longueur;  son 
l)elngc  est  bruiiàlre,  mélangé  de  fauve  sur  la 
telc ,  lauve  siii'  les  cotés,  avec  (juatre  lignes 
blancbes;  le  dessous  du  corps  est  blanchâtre.  Il 
liabile  les  États-Unis,  vit  dans  des  trous  de  ro- 
chers, et  ne  grimpe  jamais  sur  tes  arbres. 


30  V 


LF.S   RONGELRS. 


2'  CiKMiE.  I>os  ÉcrilEriLS  (Sciiinis,  Li\.  )  de  leur  (ràiie  esl  de  la  ionsueiir  des  deux  tiers 

oui  la  dépression  du  front  légère,  et  la  saillie  de  la  face.   Leur  queue  est  distique,   comme 

postérieure  des   frontaux   peu  sensible;    leur  dans  les  laniins.  mais  ils  n'ont  pas  d'abajoues, 

profil  est  à  peu  près  droit  pour  la  face;  la  cavité  Même  système  dentaire  que  les  précédents 


Les  écureuils  out  en  géuéi'al  les  mœurs  tellement  semblables,  que  pour  éviter 
(les  redites  toujours  ennuyeuses,  nous  allons  donner  ici  une  esquisse  de  leur  his- 
toire générale.  On  peut  appliquer  à  tous  ce  que  Buffon  dit  de  l'espèce  d'Europe. 
((  L'écureuil  est  un  joli  petit  animal  qui  n'est  qu'à  demi  sauvage,  et  qui,  par  sa 
gentillesse,  par  sa  docilité,  par  l'innocence  même  de  ses  mœurs,  mériterait  d'être 
épargné;  il  n'est  ni  carnassier,  ni  nuisible,  quoiqu'il  saisisse  quelquefois  des 
oiseaux.  Sa  nourriture  ordinaire  sont  des  fruits,  des  amandes,  des  noisettes,  de 
la  faîne  et  du  gland.  Il  est  propre,  vif,  trés-alerte,  trés-éveillé,  trés-industrieux; 
il  a  les  yeux  pleins  de  feu,  la  physionomie  line,  le  corps  nerveux,  les  membres 
très-dispos;  sa  jolie  figure  est  encore  rehaussée,  parée  par  une  belle  queue  en 
forme  de  panache,  qu'il  relève  jusque  sur  sa  tête,  et  sous  laquelle  il  se  met  à 
l'ombre.  On  ne  le  trouve  point  dans  les  champs,  dans  les  lieux  découverts,  dans 
les  pays  de  plaine;  il  n'approche  jamais  des  habitations;  il  ne  reste  point 
dans  les  taillis,  mais  dans  les  bois  de  hauteur,  sur  les  vieux  arbres  des  plus 
jjelles  futaies.  Il  ne  s'engourdit  pas  comme  le  loir  pendant  l'hiver;  il  est  en 
tout  temps  trés-éveillé,  et,  pour  peu  que  l'on  touche  auprès  de  l'arbre  sur 
lequel  il  repose,  il  sort  de  sa  petite  bauge,  fuit  sur  un  autre  arbre,  ou  se  cache 
a  l'abri  d'une  l)ranche.  Il  a  la  voix  éclatante,  et  plus  perçante  encore  (jue 
celle  d'une  fouine;  il  a  de  plus  un  murmure  à  bouche  formée,  un  petit  gro- 
gnement de  mécontentement  qu'il  fait  entendre  toutes  les  fois  qu'on  l'irrite.  Il 
est  trop  léger  pour  marcher,  il  va  ordinairement  par  petits  sauts,  et  quelquefois 


ÉCUIIEUILS.  305 

pnr  lionds;  il  a  les  ongles  si  pointus  et  les  mouvements  si  prompts,  qu'il  grimpe 
en  un  instant  sur  un  lièlre  dont  l'écoree  est  lisse.  Les  écureuils  semhlentcraindre 
l'ardeur  du  soleil  ;  ils  demeurent,  pendant  le  jour,  à  l'ahri  dans  leur  domicile, 
dont  ils  sortent  le  soir  pour  s'exercer,  jouer,  faire  l'amojir  et  manger.  Ce  do- 
micile est  propre,  chaud,  impénétrable  à  la  pluie.  C'est  ordinairement  sur  l'en- 
fourcliure  d'un  arbre  qu'ils  l'établissent  :  ils  commencent  par  transporter  des 
bûchettes  qu'ils  mêlent,  qu'ils  entrelacent  avec  de  la  mousse;  ils  la  serrent  en- 
suite, ils  la  foulent,  et  donnent  assez  de  capacité  et  de  solidité  à  leur  ouvrage 
pour  y  être  à  l'aise  et  en  sûreté  avec  leurs  i)etits;  il  n'y  a  qu'une  ouverture  vers 
le  haut,  juste,  étroite,  et  (|ui  suffit  à  peine  pour  passer;  au-dessus  de  l'ouverture 
est  une  sorte  de  couverture  en  cône  qui  met  le  tout  à  l'abri,  et  fait  que  la  pluie 
s'écoule  et  ne  pénètre  pas.  Ils  produisent  ordinairement  trois  ou  quatre  petits; 
ils  entrent  en  amour  au  printemps,  et  mettent  bas  au  nmis  de  mai,  ou  au  com- 
mencement de  juin  ;  ils  muent  au  sortir  de  l'hiver.  Ils  se  peignent,  ils  se  polis- 
sent avec  les  mains  et  les  dents;  ils  sont  propres  ;  ils  n'ont  aucune  mauvaise 
odeur.  Leur  chair  est  assez  bonne  à  manger,  et  le  poil  de  leur  queue  sert  à  fain^ 
des  pinceaux.  » 

Nous  compléterons  l'article  de  Bulfon  par  quelques  observations  (pii  s'appli- 
queront également  à  toutes  les  espèces.  Quelques  écureuils  ont  une  vie  isolée, 
solitaire,  mais  par  couple,  car  le  mâle  n'aliandonne  jamais  la  femelle;  d'autres, 
au  contraire,  vivent  par  troupes  de  plus  d'une  centaine.  Tous  sont  sédentaires, 
et  s'écartent  fort  peu  de  la  forêt  qui  les  a  vus  naître.  Linné,  Klein,  Shœffer,  le 
poêle  voyageur  Regnard,  qui  nous  a  tant  débité  de  contes  sur  les  Lapons,  et 
Buffon  lui-même,  nous  ont  cependant  raconté  que  des  troupes  de  petits-gris 
voyagent,  et  que,  pour  passer  les  rivières,  ils  s'embarquent  sur  des  morceaux 
d'écorce  qui  leur  servent  de  bateaux,  qu'ils  gouvernent  en  traversant  le  courant 
en  étalant  leur  queue  au  vent  et  en  s'en  servant  comme  d'une  voile.  De  telles 
histoires  n'ont  pas   besoin  de  réfutation.  La  queue  de   l'écureuil  ne  lui  sert 
jamais  de   gouvernail,  quoi  (prenaient  dit  des  autetus,  et  cela  par  une  raison 
fort  simple,  c'est  (pie  cet  animal  craint  beaucou|>  l'eau  et  n'y  entre  jamais.  Si 
elle  lui  sert  à  se  gouverner,  c'est  dans  les  airs,  lorsqu'il  l'ait  de  ces  bonds  pro- 
digieux qui  le  transpoiteul  d'un  arbre  a  un  autre,  à  douze  ou  quinze  pas  de  dis- 
tance, connue  jeu  ai  été  souvent  témoin.  Mais  elle  ne  [teul  pas  non  plus  lui  servir 
de  parachiile,  comme  l'a  dit  Desnioulins,  car,  placée  à  l'extrémité  de  son  corps, 
dans  une  chute  elle  lui  ferait  faire  la  culbute,  et  il  tomberait  sur  la  tête.  Les 
écureuils  sont  très-prévoyants:  aussi  ne  font-ils  jamais  un  seul  magasin,  mais 
plusieurs,  et  dans  dilférents  troncs  d'arbres,  afin  que,  s'ils  viennent  à  eu  perdre 
un  par  accident,  il  leur  en  reste  toujours  d'autres  pour  les  alimenter  pendant 
l'hiver.  Ils  savent  fort  bien  retrouver  ces  cachettes  quand  ils  en  ont  besoin,  et 
même  sous  la  neige  qu'ils  grattent  pour  les  découvrir.  Aussi  rusés  que  méfiants, 
ils  construisent  toujours  plusieurs  nids,  à  d'assez  grandes  distances  les  uns  des 
autres  ;  et  la  mère,  sans  même  être  inquiétée,  change  souvent  ses  enfants  de  do- 
micile, en  les  transportant  avec  sa  gueule.  Le  matin,  quand  le  soleil  brille  à 
l'horizon,  et  que  la  forêt  est  parfaitement  silencieuse,  elle  les  descend  l'un  a|)rès 
l'autre  sur  la  mousse,  et  les  fait  jouer.  Si  elle  est  surprise  dans  celte  occupa- 
tion, elle  eu  saisit  un  qu'elle  transporte,  non  dans  le  nid,  ce  qui  lui  ferait  perdre 


:ior> 


m:  s   Ii()N(.KUIlS. 


(In  temps,  mais  jiisiiuà  rcnfuiircliure  d'une  grosse  branche,  où  elle  le  cache  ;  puis 
elle  revient  chercher  les  autres  pour  les  emporter  de  même.  Ces  animaux  ont 
toujours  le  soin,  (juand  ils  aperçoivent  le  chasseur,  de  se  tenir  derrière  le  tronc 
de  larbre,  et  de  tourner  autour,  pour  rester  masqués,  à  mesure  que  le  chasseur 
tourne  lui-même  autour  de  l'arbre.  Ils  n'en  continuent  pas  moins  à  monter,  et, 
parvenus  à  l'enfourchure  d'une  branche,  ils  s'y  blottissent  et  restent  invisibles. 
Aussi  est-il  fort  difficile  de  les  tirer  si  l'on  est  seul. 

Les  écureuils  ne  sont  pas  tellement  frugivores,  qu'ils  ne  veuillent  manger 
aucune  matière  animale.  S'ils  trouvent  un  nid  d'oiseaux,  ils  sucent  fort  bien  les 
oHifs  qu'ils  y  trouvent,  ou  dévorent  les  petits,  et  même  la  mère  s'ils  peuventlasur- 
prendre.  Gmelin  dit  qu'en  Sibérie  on  les  prend  avec  des  espèces  de  trappes  dans 
lesquelles  on  met  pour  appât  un  morceau  de  poisson  fumé,  et  qu'on  tend  ces 
trap|)es  sur  les  arbres.  Dans  (|uelques  contrées,  ils  vivent  aussi  de  la  sève  sucrée 
des  graminées,  et  de  graines  de  maïs.  Depuis  qu'on  a  transporté  la  culture  de 
cette  dernière  plante  en  Pensylvanie  et  en  Virginie,  les  écureuils  s'y  sont  beau- 
coup multipliés,  et  font  <le  grands  dégâts  aux  récoltes. 


L'I^cuREuri,  GBis  (  Sriiinis  riucrcus,  SciiBEn.— 
DriSiM.  Siinnis  rarolinensis.  Lin.  Le  Petil-Gris, 
RuFF.  )  est  Irès-peu  plus  grand  que  l'écureuil 
d'Europe;  son  pelage  est  fort  variahle,  et  la 
ménagerie  en  a  possédé  plusieurs,  dont  les  uns 
étaient  tout  entiers  d'un  gris  hlnnciuitre,  et  les 
autres  d'un  giis  fauve,  surtout  sur  les  lianes.  Son 
pelage  est  ordinairement  de  cette  deinière  cou- 
leur, piqueté  de  noir  en  dessus,  avec  une  ligne 
fauve  sur  les  lianes  ;  le  dessous  est  l»lanc;  il  man- 
que de  pinceau  aux  oreilles 

Celle  espèce  est  de  la  Pensylvanie  et  de  la 
Caroline,  où,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  elle 
s'est  beaucoup  multipliée  depuis  qu'on  y  cultive 
le  maïs.  Cet  animal  vit  en  troupes  nonilireuses; 
il  est  l)rnsque,  pétulant,  mais  cependant  assez 
doux,  et  il  s'apprivoise  très-bien,  quoique  sans 
s'attacher  à  son  maitre  ni  niéuic  préférer  per- 
sonne. 11  construit,  au  fond  de  la  cage  où  on  le 
renfeime,  un  nid  de  paille  ou  de  foin,  en  forme 
de  l)oule,  et  il  y  dori  toute  \:\  niiil.  A  l'étal  sau- 
vage, il  paraît  qu'd  ne  fait  pas  son  nid  sur  des 
branches  d'arl)res,  mais  dans  les  creux  de  leur 
tronc. 

Le  (iiiwn  Kci  iiiii  II.   cius  (  S(uini\  chicreiis. 


Ln.  Sriiirus  rirghiiiinus  r'nirrciis  vinjor,  Kay.\ 
confondu  avec  le  précédent,  est  certainemeiit 
une  espèce  di.stincte.  Sa  taille,  trois  fois  pins 
grande  que  celle  de  noire  écureuil,  égale  celle 
d'un  jeune  lapin.  Son  pelage  est  à  peu  près  de 
même  quecclui  de  l'écureuil  gris,  mais  son  corps 
est  plus  épais,  plus  trapu  ;  sa  tète  et  ses  oreilles 
sont  plus  courtes,  et  sa  queue  lui  c;iuvretout  le 
corps.  11  est  du  même  pays. 

L'ÉciREiiL  n'Li  liOPEOu  COMMO  (Sriurua  l'iil- 
gnris,  Ln.  Le  Bjelka  des  Russes.  l.'Ulnh  des 
Tungouses.  L'Orawass  des  Finois.  L'0;n'  des 
Lapons.  Le  Krnnn  des  Kalmouks.  Le  l'ijin  des 
Tartares.  Enlin,  le  véritable  Peht-Gnsd^s  four- 
reurs). Il  a  sept  à  tiuit  pouces  (0,180  à  0,217  ) 
de  longueur,  non  compris  la  queue,  qu'il  relève 
toujours  en  panaclie  jusque  i)ardessus  sa  tde; 
son  pelage  est  généralement  rouv,  tirant  plus 
ou  moins  sur  le  brun,  avec  le  venire  d'un  l)eau 
blanc;  chique  oreillf  se  termine  par  un  pinceau 
de  longs  poils  ;  sa  queue  est  en  dessus  i!e  la  cou- 
leui'  du  dos,  mais  eu  dessous  les  poils  sont  an- 
nt'lés  de  l)lanc  et  de  l)run,  et  seulement  terminés 
de  roux,  il  haliile  les  forets  de  tout  le  nor<l  de 
l'Luroiie  et  de  l'Asie. 


Il  est  i»eu  d'animal  qui  varie  idus  que  l'écureuil,  en  raison  des  climats;  ceux 
de  France  et  «l'Allemagne  sont  ordinairement  d'un  roux  plus  ou  moins  vif,  pen- 
dant toute  l'année;  mais  dans  le  INord  on  en  trouve  de  roux  piqueté  de  gris,  do 
gris  cendré,  de  gris  ardoisé  foncé,  de  gris  blanc,  de  blancs  et  de  noirs.  Le  [te- 
tit-gris,  si  connu  par  le  commerce  que  l'on  fait  de  sa  fourrure,  est,  en  hiver  seu- 
lement, d'un  gris  d'ardoise  piqueté  de  blanchâtre,  chaque  poil  étant  manpié  d'an- 
neaux alternativement  gris  de  souris  et  gris  blanchâtre.  Comme  le  lou|)  et  le 
renard,  dans  le  'Sovû  il  })rend  une  taille  plus  grande,  a  conq)ter  des  bords  de 


ÉCUIlliLILS. 


307 


iOlty  jusqu'au  Jéniséi,  el  sou  pelage  y  devieul  il'uu  gris  plus  argeuté.  Depuis 
le  Jéniséi  jusqu'à  l'Augara,  sa  fourrure  redevieut  moins  épaisse,  el  [irend  uue 
teinte  plus  obscure.  C'est  de  cet  écureuil  que  l'on  a  raconté  les  voyages  en  ba- 
teaux d'écorce.  Dans  ce  cas,  il  arrive  quelquefois  «  que  le  vent  se  faisant  un  peu 
fort,  dit  Regnard,  et  la  vague  élevée,  elle  renverse  en  niénu'  temps  el  le  vaisseau 
et  le  pilote.  Ce  naufrage,  qui  est  bien  souvent  de  trois  à  quatre  mille  voiles, 
enricbit  ordinairement  (jnelques  Lapons  qui  trouvent  ses  débris  sur  le  rivage, 
tl  y  en  a  une  quantité  cpii  font  une  navigation  beureuse,  et  arrivent  à  bon  port, 
pourvu  que  le  vent  ait  été  favorable,  el  qu'il  n'ait  point  causé  de  tempête  sur 
l'eau,  qui  ne  doit  pas  être  bien  violente  pour  engloutir  tous  ces  petits  bâti- 
ments. »  Et  remarquons  encore  que  c'est  sur  l'espèce  de  nos  pays,  dont  les  mo'uis 
nous  sont  parfaitement  coimues,  que  Regnard  nous  fait  de  pareils  contes. 


LTcuiiKDii.  Jioin  {Sciiirtis  nigrr,  I.in.-Des>i. 
Le  QiiaiMecalloU-TMUie  des  \Io\icaiiis). 

Ce  joli  îiiiimal  est  .'i  peii  prè.s  de  la  firaudeur 
(le  noire  écureuil  il'Europe;  ses  oreilles  sont 
dépourvues  de  pineeau;  son  pe'age,  formé  d'un 
feutre  l)run  et  serré,  traversé  par  des  poils 
SI)} eux  seuls  api)arenls  au  dehors,  i)arait  eutié- 
i(  ment  d'uu  noir  foncé  eji  dessus,  et  d'un  noir 
brunâtre  en  dessous.  Selon  Desmarets,  les  oreil- 
les et  le  bout  du  nez  seraient  constamment  noirs, 
comme  le  reste  de  la  tète,  el  c'est  à  ces  carac- 
tères (pie  l'on  distiiigiierait  cette  espèce  des  va- 
riétés noires  du  capisirate;  selon  Catesby,  au 
contraire,  quelqm s  individus  ayant  le  bout  du 
nez,  ou  les  pieds,  ou  te  bout  de  la  (lueue,  ou  un 
collier  sur  te  cou,  blancs,  appartiendraient  à 
^cetle  dernière  espèce;  l'iuspeclion  de  plusieurs 
tde  ces  variétés  me  fait  ranger  de  cet  avis. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'écureuil  noir  habite  l'A- 
mérique seplenlrionale, et  piobablenient  le  Mexi- 
que. Il  vit  eu  troupes  nombreuses  dans  les  an- 
tiques forets  éloignéesdes  habitations,  et  fournit 
à  la  table  des  riches  mi  gibiei-  fort  estimé.  Il 
parait  cpi'il  s'apprivoise  fort  aisément,  mais  que, 
ainsi  quêtons  les  autres  écureuils,  il  ne  multiplie 
pis  en  captivité.  Lorsipi'il  aperçoit  le  chasseui', 
il  se  place  au  milieu  d'une  grosse  branche,  s'y 
aplalit  au  point  qu'il  est  impossible  de  l'y  aper- 
cevoir d'en  bas,  et  il  reste  innnuablemeut  dans 
celte  atlilude,  malgré  les  coiq)s  de  fusil,  jusqu'à 
ce  que  le  danger  soit  passé. 

Le  Cai'isuutk  (Sriiirus  cai)istratus,  Des.ii. 
—  Bosc)  est  beaucou|)  |)lus  grand  que  l'écureuil 
d'iiurope;  son  pelage  est  ordinairement  gris  de 
fer,  avec  la  tête  noire,  quelquefois  gris  avec  le 
ventre  noir,  enfin  d'autres  fois  enlièrement  noir. 
Les  oreilles  et  le  bout  du  museau  sont  constam- 
ment blancs.  Sa  longueur,  du  nniseau  à  l'extré- 
mité de  la  queue,  est  de  deux  pieds  ;(),(),"jO).  Il 
hiibite  II  s  forets  de  pins  et  d'érables  de  la  Caro- 
line (in  sud.  Il  entre  en  chaleui'  en  janvier  et  ses 
petits  quittent  leur  nid  en  mars.  Comme  il  est 
très-couunun,  il  ilevienl  la  proie  babibn'lle  des 


renards,  des  sei-,  ents  à  sonnettes  et  dfs  oiseaux 
de  proie. 

Le  CoQUALi.iN  {Sciurus  var'irqnliis,  Lin. — 
Uesm.  Le  CnztiocoiequaUin  des  Mexicains,  dont 
Buffon  a  fait  Coiiunllin)  n'est  |)eut  être,  connue 
le  pensait  Fi-.  Cuvier,  qu'une  variété  du  capis- 
irate. Connue  sa  grandeur  est  à  peu  près  le 
double  de  celle  de  notre  espèce  d'Europe,  Buf- 
fon en  concluait  que  ce  n'était  pas  un  écureuil. 
Sou  pelage  est  varié  de  noir  el  de  roux  vif  en 
dessus  ;  le  dessous  du  corps  est  d'un  roux  oran- 
gé ;  l'occiput  est  noir  et  le  museau  est  blanc, 
ainsi  que  le  bout  des  oreilles,  qui  mancpient  de 
pinceau.  Cette  espèce  ne  monte  pas  sm  les  ar- 
bres, et  habitedans  des  trous,  sous  leurs  racines. 
Il  remplit  son  domicile  de  fruits  et  de  grains 
pour  s'^  nourrir  pendant  l'hiver;  il  est  defiani, 
rtisé,  assez  farouche  pour  ne  jamais  s'apprivoi- 
ser. On  ne  l'a  encore  trouve  qu'au  Mexique. 

L'EcuiiEuiL  A  vENTiiE  iioijx  {Si'iuiiis  riifucnli r, 
(iEDEE.  — Desji.)  est  de  la  grandeur  derccureuil 
d'Europe  ;  son  pelage  est  gris  brun  en  dessus, 
d'un  rou\  vif  en  dessous;  la  (pu'ue,  moins  lon- 
gue que  le  corps,  est  brune  à  la  base,  fauve  à 
l'exli-émité;  les  pieds  sont  bruns;  les  oieilles 
manquent  de  |)incean.  Il  est  désigné,  a;i  Mu- 
séum, cononae  venant  de  l'Amériiiue  du  nrrd. 

L'EcuKEiiL  i)i;s  PvitÉ.\ÉES  (  .S'(iïir((.s  «//jiini.s-, 
Fiv.  Ciiv.l  est  de  la  taille  de  l'écureuil  comnuu, 
mais  sa  télc  est  plus  petite;  son  pelage  est  d'uu 
brim  foncé,  piqueté  de  blanc  jaunâtre  sur  le  dos  ; 
d'un  blanc  1res  pur  à  toutes  les  parties  iiiférieu- 
les;  la  face  interne  des  membres  est  grise;  le 
bord  des  lèvres  blanc;  les  quatre  pieds  sont  d'un 
fauve  assez  pur;  une  bande  fauve  sépare  les  cou- 
leurs du  dos  et  du  ventre;  la  queue  est  noire; 
les  ()ieds  sont  fauves,  et  les  oi'eilies  ont  m\  pin- 
ceau. Il  habite  les  Pj renées,  mais  on  le  trouve 
aussi  dans  les  Alpes  du  Dauphiné,  car,  étant  à 
Ljon,  un  chasseur  m'en  a  apiiorté  un  récem- 
meiU  tué 

I^'liciiiixiL  A  i;aM)E  l'.oi  (ii:  t  S.  i((>((.v  riibro- 
Hncdliis,  Desji.)  ne  serait,  selon  llarlau,  qu'une 


:WH 


LES   UOiNGEUHS. 


^a^iéU'  du  siksik,  ou  Tamia  hudsonia.  Il  esx 
plus  petit  que  l'écureuil  gris;  son  pelage  est 
grisaille  siw  les  lianes,  blanc  si'f  le  ventre,  avec 
une  ligne  longitudinale  rouge  sur  le  dos.  11  ni- 
che dans  les  rochers  ou  les  Irons  d'arl)res,  et  se 
nourrit  de  gi'aines  de  pins.  Il  liabile  l'Amérique 
septenirionale. 

L'Éci  HELii.  itE>A[in  Sriiiriis  rnlpinus. — Sciu- 
rux  rxiber,  Hai'i.'n.)  a,  du  bout  du  museau  à  l'ex- 
trémité de  la  queue,  deux  pieds  de  longueur 
(0,(io());  son  [telage  est  entièrement  d'un  rouge 
de  i)ri(ine  en  dessus,  et  blanc  sous  le  ventre;  il 
manque  de  pinceau  aux  oreilles.  On  le  trouve 
dans  le  liant  Missouri. 

L'JxuiiEiiL  Di;  LA  LoLisri.'SE  {SciurHS  hulo- 
vxrianus,  CriiTis.  )  est  de  la  grandeur  du  précé- 
dent. Son  pelage  est  d'un  gris  foncé  en  dessus, 
d'un  bi'un  ronssàtre  en  dessous  ;  la  |)arlie  interne 
des  membres  e.st  de  celte  deiniére  couleur  La 
queue  est  très-large  et  plus  longue  que  te  corps. 
11  habite  les  bords  de  la  rivière  Kouge,  en  Amé- 
rique. 

L'LcLREtiL  d;<;  Madagasoxk  {Sc'mrus  mada- 
gascarlcnsis,  Sirwv.)  est  d'une  taiPe  au  moins 
double  de  celle  de  l'écureuil  d'Euro|)e.  Sou  pe- 
lage est  d'un  noir  foncé  en  dessus  ;  le  dessous  du 
cou  et  les  joues  sont  d'un  blancjannltie;  le  ven- 
tre d'un  brun  niclé  d'un  peu  de  jaune;  la  queue 
plus  longue  que  le  corps,  grêle,  noire  II  se  trouve 
à  Madagascar. 

Le  DAM)0LEA^A  ou  Kakea  {Scinnis  CPiilaiim- 
sis,  KoDi».— Desm.)  a  beaucoup  d'analogie  avec 
le  précédent.  Il  est  trois  fois  plus  grand  que 
notice  écureuil  d' Europe  ;  son  pelage  est  noir  en 
dessus,  jaune  en  dessons  ;  le  bout  du  nez  est 
coirleur  de  chair;  il  a  deux  petites  bandes  noires 
sur  chaque  joue,  avec  une  tache  fauve  entre  les 
deux  oreilles;  saqneueest  grise.  Il  babiteCeUan. 


L'EciJiiEiii,  AEEiMs  (Siiiirns  afliins,  Uaffl.') 
est  d'un  gris  cendré  ou  d'un  gris  brun  sur  le 
dos  et  sur  la  ([ueue,  blanchâtre  sur  les  pari  les 
inférieures  du  cor|)s  ;  il  a  sur  chaque  flanc  une 
ligne  d'un  brun  roiiss.itre.  On  le  trouve  à  Su- 
matra. 

L'ÉctiiELiL  DicoLOii  [Svïiivus  bicolor,  Desm. 
Siiunis  jnravensis,  Schueb.  )  a  le  pelage  roux, 
on  d'un  brun  foncé  noirâtre  en  dessus,  d'un 
fauve  vif  en  dessons;  il  manque  de  pinceau  aux 
oreilles  ;  il  a  le  tour  des  \eux  noir  ;  sa  queue  est 
fauve.  Il  habite  .lava. 

L'ÉctiiEtiL  DU  BANAMER  i  Scturus  ]il(ilani  , 
lloHST.  Sihirus  notatiis,  Bokd.  Sciurus  bUincn- 
liis  .  Desm.  —  Geoff.)  a  environ  sept  po  ices 
(0.189)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
est  un  peu  plus  courte.  Il  est  gris  en  dessus, 
jaunâtre  en  dessous  ;  il  a  une  ligne  blanche  lon- 
giUidinale  sur  cb;K]ue  liane  ;  sa  queue  est  un  peu 
plus  courte  que  le  cor|)s.  Il  habite  Java. 

1^'EcLiiEtiL  i>E  Le.'Chinaijlt  (Siitiras  Lesrlic- 
naitltii,  Desm.  Sciitriis  albiceps,  Geoff.)  a  un 
pied  (0,.52.î,  de  longueur,  non  compris  la  (jueue, 
qui  en  a  .•infant;  son  pelage  est  brim  clair  en 
dessus,  foncé  dans  une  variété;  la  tète,  la  gorj^e, 
le  ventre,  et  la  partie  interne  et  antei'ieure  des 
jambes  de  devant,  sont  d'un  blanc  jaun;ilre;  la 
queue  est  ti'ès-brutie  en  dessus,  jaimàlreen  des- 
sous. 11  habite  Java, 

L'ÉciKEiiL  UE  Pkevost  (Siiiinis  Pnroalii , 
Desm.)  est  à  peu  près  de  la  taille  de  t'ccureuil 
d'Europe  ;  son  pelage  est  noir  en  dessus,  jaime 
sur  les  lianes,  marron  en  dessous,  le  jaune  Iran- 
chant  ueltenieul  avec  le  noir  et  le  marron;  les 
oreilles  manquent  de  pinceau;  la  queue  est  brune, 
presque  ronde,  nié.iiocrement  tonllne.  Il  se 
trouve  dans  l'Jnde,  mais  il  parait  y  être  rare, 
et  ses  uKenrs  sont  peu  it)uuues. 


Mi 


FCIIUKUILS. 


309 


L'ÉCIRKUIL  UL'  MALABAR  '  Sciiirus  ina.riniHS,  Gml.  — Dksm.  ). 

Cet  iuiimal  est  le  plus  yraïul  des  écureuils,  et  sa  laille  ne  le  cède  pas  a  celle 
d'un  chat.  Le  dessus  de  la  lêle,  une  bande  derrière  la  joue,  les  oreilles,  la  nu- 
(jue,  les  flancs  et  le  milieu  du  dos  sont  d'un  roux  brun  très-vif  ;  les  épaules,  la 
croupe,  les  cuisses  et  la  queue  sont  d'un  beau  noir  ;  le  ventre,  la  partie  anté- 
rieure des  jambes  de  derrière,  les  jambes  de  devant  prcscpio  entières,  la  poi- 
trine, le  dessus  du  cou  et  le  bout  du  museau  sont  d'un  beau  jaune.  Ce  bel 
animal  n'habite  guère  que  les  forêts  de  palmiers  qui  enrichissent  la  côte  de 
Malabar,  et,  dans  ces  contrées,  partout  où  le  cocotier  abonde,  on  est  à  peu  près 
sûr  de  le  trouver.  A  la  beauté  de  sa  fourrure,  il  joint  la  grâce,  la  vivacité  de 
notre  écureuil,  avec  la  même  douceur  de  caractère  et  autant  de  facilité  à  s'ap- 
l)rivoiser.  Le  cocotier  lui  fournit  presque  tout  ce  qui  lui  est  nécessaire;  il 
etanche  sa  soif  avec  le  lait  des  jeunes  cocos,  qu'il  aime  beaucoup;  il  se  nourrit  de 
l'amande  de  ceux  qui  sont  arrivés  en  maturité,  et  avec  la  bomre  (pii  recouvre 
leiu"  coquille  il  fait  le  nid  de  ses  enfants. 


LTctuEUiL  A  f.iu>DE  yijEi  K  (Sciiirus  magni-  («les  de  lu  tète  et  les  orhites  sont  d'un  gris  fvv- 

auidntus,  Say.)  a  un  pied  sept  pouces  (0,5 1'.")  de  iii^;intu\  pile;  les  oreilles  cl  les  joues  sont  if  un 

longueur  tolulc;  le  dessus  du  corps  ainsi  {|uc  brun  obscur.  Il  habile  les  forcis  i\n\  onibragiiit 

les  flancs  sont  niclés  de  grLs  el   de  noir;  les  les  Inirs  du  Missouri. 


3!0 


LES  KOiNGEUUS. 


L'HtLHbLiL  A  QLELE  LiMiiiLEii  ( Siiurus  graiH- 
muri(S,  Say.)  doit  peul-élre  se  reporler  au  genre 
taniia.  Il  a  onze  pouces  (0,298)  de  longueur; 
son  pelage,  roinposc  de  poMs  durs  et  grossiers, 
est  entièrement  d'un  gris  cendré  ;  trois  lignes 
noires,  parallèles,  se  dessinent  sur  sa  queue  II 
habite  les  montagnes  Rocheuses,  sur  les  hor.ls 
de  l'Arkansiis,  se  retire  dans  des  trous,  mange 
des  boutons  de  feuilles,  et  ne  grimpe  pas  sur  les 
arbres. 

L'ÈcuRtiiL  A  nAM)E  LATÉRALE  (SHiirus  lulera- 
lis,  Sav.)  est  d'un  brun  cendré  en  dessus,  et  se 
reconnaît  à  une  ligne  peu  déterminée  qu'il  a  de 
chaque  coté  du  dos,  jilus  large  antérieurement 
que  postérieurenieut,  d'uu  blancjannàlre  terne. 
Il  habite  les  montagnes  Rocheuses,  au  nord  de 
l'Amérique. 

Le  Barbaresqle  {Stiunis  getitlns,  Ll\.  Le 
Barbaresque,  Blff.)  est  d'un  tiers  plus  petit  que 
l'écureuil  d'Europe;  sa  longueur  est  d'environ 
dix  pouces  (0,271).  il  est  brun,  avec  quatre  li- 
gues longitudinales  blanches,  qui  se  prolongent 
jusque  sur  sa  queue.  Il  habite  l'Afrique,  et  vit 
sur  les  palmiers. 

Les  espèces  qui  vont  suivre  sont  encore  trop 
mal  délcrnilnées  pour  qu'on  hoit  sûr  qu'elles 
resteront  toutes  dans  le  genre  sciarus ,-  celles  qui 
resteront  avec  les  écureuils  iippi>r.iennent  peut- 
éti'e,  comme  variétés,  à  des  espèces  précédem- 
ment décrites. 

L'Écureuil  jalnb  (Sriurus  facus,  Lin.)  est 
de  moitié  plus  petit  que  notre  écmeuil;  son  pe- 
lage est  d'un  jaune  plus  ou  moins  fauve  avec 
la  pointe  des  poils  blanche;  il  manque  de  pin- 
ceau aux  oreilles.  Il  serait  de  la  Colombie  selon 
Linné,  et  de  l'Inde  selon  Pennant.  Peut-être 
n'est-ce  qu'une  variété  du  Manoxus  annu- 
taiiis. 

L'ÉcLRELiL  DU  MEXIQUE  (Sciurus  mexicatins. 
Sera)  est  long  de  cinq  pouces  (0,1. î5)  ,  non  com- 
pi  is  la  queue,  qui  a  un  peu  plus  de  longueur  ; 
sou  pelage  est  d'un  brun  cendré,  avec  sept  bau- 
des  blanches  le  long  du  dos  du  mâle,  et  cinq 
sur  celui  des  femelles.  La  figure  que  Séba  donne 
de  cette  espèce  la  rend  très-douteuse 

L'F.CLREUiL d'.^hyssime  {Sciuiiis  abijssinicus, 
(i5iL.)  est  uu  peu  plus  grand  que  l'écureuil  or- 
dinaire, et  ne  serait,  d'après  Sha«,  qu'une  va- 
riété du  dandoléana  de  (Jcjlan.  Il  est  d'un  noir 
ferrugineux  en  dessus,  cendré  en  dessous  ;  ses 
oreilles  sont  noires,  triples  de  celles  de  l'ecu- 
leuil  d'Europe  ;  sa  queue  est  grise,  longue  d'un 
pied  et  demi  (0,487).  11  est  de  l'Afrique  orien- 
laie. 

L'EcuutuiL  DE  l'Iinde  (Siiurus  indiens,  (isiL. 
Srituiis bu  i  bayus,  Penn. )  a  seize  pouces  ^0,4  iô) 
(le  longueur,  non  compris  la  queue,  qui  en  a 
div  sept  ((t,460i  ;  il  est  d'iui  pourpre  obscur  eu 
dessus,  jaune  en  dessous  ;  la  ([ueue  est  orangée 
à  son  extiémilé;  il  a  des  pinceaux  aux  oreilles. 


Est-ce  une  ^ariel^•  du  Sciurus  inu.ihiius  ?  Il 
habile  Bombay. 

L'ECUHEI  IL  A^OMAL  {Sciuius  (iHumalus,  G>IL.) 
est  uu  peu  plus  grand  que  notre  écureuil;  sou 
pelage  est  d'un  ferrugineux  foncé  eu  dessus,  un 
peu  plus  pâle  en  dessous  ;  ses  joues  sont  fauves; 
ses  orbites  brimes,  et  il  a  le  tour  de  la  bouche 
blanc  ;  ses  oreilles  sont  petites,  effdées  à  la  pointe 
1!  se  trouve  dans  les  montagnes  de  la  Géorgie. 

L'Ecureuil  de  Perse  {Siiurus  ]:ersicus,  Gy\\..\ 
est  d'un  gris  obscur  eu  dessus  et  jaunàlre  eu 
dessous;  il  a  le  tour  des  jeux  noir;  les  cuisses 
et  les  pieds  de  derrière  roux  ;  les  oreilles  noirâ- 
tres, manquani  de  pinceau.  11  se  trouve  dans  les 
m.inlagncs  du  Ghilan,  en  Perse. 

L'ÉCLREI  IL  ROUGE    iSciuruS   CnjthrœuS,  l'iMl..) 

est  uu  peu  plus  grand  que l'éctueuil  ordinaire; 
son  pelage  est  d'un  jaune  mêlé  de  brun  en  des- 
sus, d'un  fauve  sanguin  eu  dessous;  sa  queue, 
l'oude  et  très-velue,  est  du  même  fauve,  avec 
une  Hgne  noire.  11  habite  les  Indes  orientales. 

3"  Genre.  Les  GL'ERLLX(;i:ETS  (Mnrroxus, 
Fb  Cuv.)  ont  le  front  très-déprimé  ;  les  naseaux 
peu  allongés  ;  une  profonde  dépression  entre  le 
crâne  et  la  face  ;  ils  manquent  d'abajoues,  et  leur 
queue  est  entièrement  ronde,  ou  distique  seui;'- 
meut  àrextréinité.  Du  reste,  ils  ressemblent  aux 
écureuils  ,  et  <  n  ont  absolument  les  habitudes. 

Le  (jiiAM)  GuERLiMiUKT  (  Macroxiis  œstuans, 
Less.  .Srj;iri(s  œstuans ,  Desm.  Myoxi  s  gucilin- 
geus,  SiiAW.  )  est  à  peu  près  de  la  même  couleur 
que  l'écureuil  conmiuu,  dont  il  a  les  formes  ; 
sou  pelage  est  d'un  gris  oliviUre  lavé  de  rous- 
sàtre  eu  dessus,  d'un  roux  pâle  en  dessous;  la 
queue  est  plus  longue  que  le  corps,  nuancée  de 
noir,  de  brun  et  de  fauve  ;  ses  moustaches  sont 
noires  et  ses  oreilles  manquent  de  pinceau.  Il 
se  trouve  aussi  souvent  à  terre  que  sur  les  arbres, 
vit  de  fruits  de  pa'miers,  et  haliite  la  Guyane  et 
le  Brésil. 

Le  Petit  Gueulixguet  {Marruxus  pusillns, 
Less.  Sriunis  pusillus,  Geoff.  —  Desm.  Le  Hat 
des  bois,  de  Cayeniie  i  n'a  guère  plus  de  trois 
pouces  (O.OSIi  de  longueur,  non  compris  la 
(|ueue,  qji  eu  a  uu  peu  moins.  Son  pelage  est 
d'uu  gris  brun  olivâtre,  plus  clair  sur  les  pai- 
lles inférieures;  le  museau  est  fauve  ;  la  (pieue 
est  couverte  de  poils  mclangs  de  brun  et  de 
fauve;  SCS  oreilles  manquent  de  pinceau,  et  ses 
moustaches  sont  noires.  11  est  assez  commim  à 
Cayenne. 

Le  TouHAVE  (  Wacro.riis  toupal,  Less.  .VriH- 
rits  bieittalus,  Desm.  )  est  un  peu  plus  gros  que 
notre  écureuil  ;  sou  i)elage  est  d'un  brun  noir, 
piqueté  de  jaunâtre  sur  le  dos  ;  le  dessous  est 
d'uu  roux  brillant  ;  il  a,  sur  les  lianes,  uni-  ligne 
blanche,  et  au-dessous,  la  louchant,  une  ligne 
noire;  sa  queue  est  rousse  à  l  evirémité.  11  >ii 
sur  les  cocotiers,  à  Sumatra. 

Le    Gi.xGi    {  Macritxus   albuiiltalns ,    Less. 


ECLUI^UILS 


:îh 


Sciuriis  (Ischinschinis,  So!\>erat.  Siivriis  gin- 
giniantis,  Siiaw.  Schinis  cnjlhropns  Geoff. 
siiwus  Lcraillatiiii,  Klhi..  Sriunis  sctosiis, 
FoRST.  )  est  roussiitre  m  dessus,  blanc  en  des- 
sous, avec  une  ligne  Manche  de  chaque  colé  du 
corps  ;  sa  queue  est  variée  de  noir  et  de  blanc; 
ses  oreilles  man(,uent  de  pinceau  ;  ses  ongles 
sont  très-longs,  comprimés  et  arqués.  Il  habite 
le  cap  de  Rounc-Fspérance,  et  il  a  dans  l'Inde 
trois  varioles  :  1°  à  queue  brune  ou  loussîilrc 
n  sa  base,  noire  à  l'extrémité  ;  2"  à  pelage  d'un 
gris  terreiiv  en  dessus,  beaucoup  pins  clair  en 
dessous,  et  queue  entièrenif  ni  noire  ;  ô"  à  des- 
sus du  corps  et  queue  mélangés  de  jaunâtre  et 
de  brun;  venire  d'iui  blanc  sale  ;  oreilles  Irés- 
courles  et  bandes  l)lanclies  sur  les  flancs.  11  est 
à  peu  près  de  la  (aille  de  notre  écureuil. 

Le  Larï  (Macroxiis  iiisigiiis,  Less.  Sriurus 
iiisignis,  Fr.  Clv.)  a  le  pelage  d'un  gris  brun 
en  dessus,  a\ec  trois  lignes  longitudinales  noi- 
res; le  menton,  le  cou  et  le  venire  sont  blancs; 
la  télé  est  grise;  les  lianes  et  l'extérieur  des 
membres  sont  roux  ;  la  queue  est  brune.  Il  ha- 
bite .Sumatra. 

Le  (il  ERLINC.LET  A   QUEtE  AMNELÉE  (  MaCrO.TUS 

(nmuldtus,  Less.  Sciunis  aunulalus,  Desm.)  a 
cinq  pouces  environ  (0,155)  de  longueur,  non 
compris  la  queue  qui  en  a  six  (O.ii  'l)  ;  son  pe- 
lage est  d'un  gris  verdàtre  clair  en  dessus,  et 
blanc  en  dessous  ;  la  queue  est  annelée  en  ti  a- 
vers  de  noir  et  de  blanc.  Sa  patrie  n'est  pas 
connue. 

-i'  (iENRE.  Les  AXISOXYX(.liii.soii|;.T,  Kafix.) 
oui  les  dents  comme  les  écureuils,  et  manquent 
(i'abajoues;  tous  les  pieds  ont  cinq  doigts,  les 
deux  internes  des  pieds  de  devant  très-courts  ; 
les  pieds  sont  très-longs  et  la  queue  distique. 

L'Amsonyx  rrachvlre  (Aniso.  ijx  hmiUii  aa, 
Hafis.  Airlomys  brarinjnra,  Harl.  h'Enticuil 
ce  Une  de  Lewis  et  Ci.\rcr)  a  le  pelage  d'un 


brun  lirrnl  sur  le  gris,  un  peu  piquelé  de  blanc 
rouss;ilre;  le  dessous  est  d'une  légère  couleur 
de  brique  ;  la  queue  est  ovale,  Irès-courte,  d'un 
brun  rougeâtre  en  dessus,  d'un  gris  de  fer  en 
dessous,  boidce  de  blanc.  Cet  animal  vit  de 
fruits,  de  racines,  et  habile  un  terrier.  On  le 
trouve  à  la  Colombie. 

Le  Se«e\vel  (.'tiiisoni/.r  rc/'  Haf.  Arrto- 
v\]is  nifii,  ILutLMv)  n'est  connu  que  par  une 
I)eau  dont  le  pelage  est  long,  soyeux,  d'un  brun 
rougeâtre;  les  oreilles  sont  courtes,  pointues, 
avec  des  poils  courts.  11  habite  la  Colombie. 
Ilarlan  pense  que  ci  s  deux  espèces  ne  sont  rien 
autre  chose  que  des  marmottes,  et  je  i)enche 
assez  vers  cette  opinion.  Si  elle  se  justilie  par 
(le  nouvelles  observations,  il  fawdrn  retrancher 
les  anisonyx  du  ca  ato^ue  des  manuuifères. 

■)'  (Ienrk.  Les  POLATOUCHES  {Sriurop- 
<()((■  Fii.Ctv.)  ent  l'occiput  saiilan.,  les  Iron- 
taux  allon'ïés,  et  la  capacité  du  crâne  compre- 
naiil  les  trois  cinquièmes  de  la  longueui'  de  la 
tète;  la  iKMlie  antérieure  du  profil  de  la  tète  est 
droile  jusipi'iiu  milieu  des  frontaux,  oii  elle 
prend  une  direction  courbe  très-arquée,  sans 
dépression  iiitermédiiiire.  Leur  s\stème  den- 
taire est  le  même  quecekii  des  écureuils;  leur 
queue  est  aplatie,  distique,  et  leur  taille  petite. 
Ils  ont  la  peau  des  flancs  (rès-dilatée,  étendue 
entre  les  jambes  de  devant  et  de  derrière,  en 
manière  de  p;  rachute. 

L'Ajsai'amck  (Sciuropterus  voliirella,  Less. 
rttromiis  rolucella,  Des.m.  Srtvrns  voliaella, 
l'ALL.  L'Assapan.  Fh.  Cuv.  Le  Polalouche , 
BiFF.)  n'a  que  quatre  pouces  et  den)i  (0,122) 
environ  de  longueur,  non  compris  la  (picue,  qui 
est  presque  aussi  longue  que  le  coips.  Son  pe- 
lage est  d'im  gris  roussàtre  en  dessus,  blanc 
en  dessous;  la  membrane  des  flancs  est  simple- 
ment lobée  deirière  les  poignets.  Cet  animal 
est  triste  et  fort  timide. 


Ruil'on,  ayant  confondu  cette  espèce  avec  la  suivante,  lui  a  donné  le  nom  que 
celte  derniei-e  porte  on  Russie,  tandis  que  .l'assapanick  n'habite  que  le  Canada 
et  les  États-l  iiis,  jusqu'en  Virginie,  (/est  un  animal  nocturne,  comme  tous 
ceux  de  son  genre,  dormant  le  jour  dans  nu  nid  de  foin  ou  de  feuilles  sèches 
qu'il  s'est  fait  au  fond  d'mi  trou  d'arbre,  et  n'en  sortant  que  la  nuit  pour  se 
mettre  en  quête  de  sa  nourriture.  Alors  seulement  il  devient  très-vif  et  d'une 
ac'ilité  surprenante.  Grâce  à  la  membrane  qui  s'étend  entre  ses  pattes,  il  peut 
franchir,  d'im  arbre  à  l'autre,  une  distance  prodigieuse,  de  plus  de  quarante  à 
cinquante  pas,  si  l'on  s'en  rapporte  aux  voyageurs.  Il  se  nom-rit  de  graines  et 
de  bourgeons  de  pins  et  de  bouleaux  ;  il  vil  [lar  petites  troupes,  et  ne  descend 
jaiuais  de  dessus  les  arbres.  Son  naturel  est  doux,  tranquille;  il  s'apprivoise 
assez  facilement,  luais  il  ne  s'attache  jamais,  et  perd  rarement  l'occasion  de 
reprendre  sa  liberté;  aussi  est-on  oblige  de  le  conserver  dans  une  cage.  On 
le  noinril  de  itain.  de   fruits  et  de  graines,  mais  il  refuse  les  amandes  et  les 


31-2 


LKS   UONCKl'IiS. 


noix,  si  rcclicrclKM's  par  les  écureuils.  A  la  niénngorie,  ccux(|u'oii  acouservôsso 
tenaient  constamment,  pendant  le  jour,  cachés  dans  un  lit  qu'ils  se  faisaient 
avec  le  foin  de  leur  litière.  En  1809,  cette  espèce  s'est  reproduite  à  la  Malmai- 
son, chez  l'impératrice  Joséphine,  et  la  femelle  a  mis  bas  trois  petits. 


Le  PoLATOïKA  {Sch(roi)teriis  sibiricts,  Lkà.s. 
Siiiints  rolans,  Lin.  Pleromijs  sibirtcux,  Pesm.) 
est  plus  {jrand  que  le  précédent  et  le  suivant  ; 
son  pelage  est  d'un  gris  cendré  en  dessus,  blanc 
en  dessous  ;  ses  membranes  des  flancs  n'offrent 
qu'un  seul  lobe  arrondi  derrière  1-e  poi>inet;  sa 
queue  est  moitié  liioins  longue  que  son  corps. 
On  en  connaît  une  variété  entièrement  blanche. 
On  le  trouve  dans  les  forêts  de  pins  et  de  bo  :- 
leaux  de  tout  le  nord  de  l'I^uropc.  Il  a  les  mêmes 
habitudes  (;ue  le  précédent,  mais  sa  vie  est 
i^oliiP're. 

Le  ScanoniaiE  fli-ciie  (Sriwoptcnn;  sagiltn, 
I.Ess.  Siiiiriis  snfjilUi,  (V.  Civ.  Pleroimis  sa- 
giltn, Desm.)  a  cinq  pouces  et  demi  (0,1 59)  de 
longarur,  non  compris  la  queue,  qui  en  a  cinq 
i0,lô5).  Son  pelage  est  d'un  brun  foncé  en 
dessus,  blanc  en  dessous;  il  a  un  angle  saillant 
à  la  membrane  des  lianes,  près  des  poignets  ; 
sa  (picne  est  d'un  brun  nssez  clair.  Il  l)al)ile 
Java.  L'espèce  uniipie  décrite  par  Ilorstîeld, 
sons  les  noms  (le  P/froDij/s  tr])idiisv\  grnibarbis, 
est  très  voisine  de  celle-ci,  si  ce  n'est  une  simple 
variété.  F.lle  est  cgalemenl  de  Java. 

C  Gemie.  Les  PTEIÎ<».MYS  /'/pcomij.";,  (i. 
Ciiv.)  oui  les  membres  engages  dans  la  peau 
des  flancs,  comme  les  précédenis,  dont  ils  ont 
aussi  la  foiniule  dentaire;  mais  leur  queue  est 
r<tnd ',  non  dislicpie;  la  partie  postérieure  de- 


os  du  nez  est  un  pou  bombée;  les  fnmlaux 
sont  forlemenl  déprimés  dans  leur  milieu  et  se 
relèvent  ensuite  légèrement;  les  parties  posté- 
rieures de  la  tète  ne  commencent  à  se  courber 
en  bas,  d'une  manière  sensible,  qu'à  [)aitir  du 
milieu  des  pariétaux;  la  boîte  du  crâne  est  pe- 
tite, et  ne  prend  que  la  moitii'  de  la  longueur 
de  la  tète. 

LcTagiian  [Pterrmuispelaurisla,  Desm.  .Vfii(- 
jvis  pelanriata.  Pâli..  Le  Gr'ind  Énireiiil  vo- 
lant. Ri'FF.i  a  environ  un  pied  et  demi  (0.58i, 
de  longucuiv,  non  compris  la  queue,  qui  a  de 
vingt  à  vingt  et  nn  pouces  (0,.ï42  -^  0,.ï69).  Son 
pelage  est  brun,  pointillé  de  blanc  eu  dessus, 
gris  en  dessous,  e\ce|)té  au  CiU,  qui  est  brnn  : 
les  cuisses  sont  un  peu  r(»iissàlr<'s,  et  la  quiue 
est  presque  noire  ;  la  membrane  des  lianes 
forme  un  angle  derrière  le  poignet.  Cet  ;mi'.- 
mal  noclurne  habite  les  Moluqnes  et  les  Phi- 
lippines. 11  a  les  mêmes  habitudes  que  les 
polatonches. 

Le  Pteiiomvs  éclatait  (  niernmiix  u'ilidiis, 
(Ieoff.  —  Dessi.)  ressemble  au  précédent,  au 
pelage  près,  (|ui  est  d'un  biiin  marron  foiué  en 
dessus,  et  d'un  rou\  brillant  en  dessous;  sa 
(pieuc  est  presque  noire,  et  le  dessous  de  sa 
gorge  est  brun.  Il  habite  Java.  A  la  suite  de 
eelte  espèce  on  iilacera  le  pteiomijs  lemogeniis, 
de  Temniink.  Il  se  trouve  au  Japon. 


LA     MARMOTTE 


FXVSJkGE    SLISSE. 


(Jardin     des    fl.ntc.  ) 


MAIUIOTTRS. 


313 


LES  MÂUMOTTtS 


Ont  dix  niik'hi'lii'res  supor-icures  et  huit  inlV-  cisivos  :  pas  do  caiiiiios;  dix  mohiiros  siipét'iciiros 

rieurcs,  Imites  tubcrciilécs  ;  les  incisives  sont  et  linit  inférieures  :  leur  eorps  est  trapu  ;  leui' 

pointues;  leur  tète  est  grosse,  et  leur  queue  tête  large  et  aplatie;  leiu-s  jambes  sont  courtes, 

courte  ou  moyenne.  ainsi  que  la  queue,  «ini  est  velue;  elles  man- 

7'    Gemie.    Les    MARMOTTES    (.((t/oiiu/s ,  queut  d'abajoues,  et  leurs  ongles  sont  robustes 

(i>u..)  ont  vitigt-deux  dents,  savoir  :  quatre  in-  et  comprimés. 


La  MARMOTTE  DRS  ALPF.S  {Arctoiilijs  ninvniolta,  Gmi,.  ). 

Cet  animal,  célèhi'C  par  son  sommeil  lothargiquo,  a  jjIiis  d'un  pied  (0,025) 
de  lon<,nieiir,  sans  comprendre  la  qneiie,  qui  est  assez  courte  et  noirâtre  à  l'ex- 
trémité; son  pelajie  est  d'nn  tjris  jannAlre,  teinté  de  cendré  vers  la  tête,  dont 
le  dessus  est  noirâtre;  les  pieds  sont  Itlancliàtres,  et  le  tour  du  nnisenn  d'un 
lilanc  grisâtre. 

La  marmotte  vit  en  petites  sociétés  sur  le  sommet  des  montagnes  alpines  de 
toute  l'Europe,  prés  des  glaciers  ;  elle  est  assez  comnuine  dans  les  Alpes  et  dans 
les  Pyrénées.  Llle  est  fort  douce  de  caractère,  s'apprivoise  aisément,  et  tuéme 
s'attache  à  son  luaître  jusqu'à  un  certain  point.  Lorsqu'elle  est  devenue  fami- 
lière dans  une  maison,  et  surtout  quand  elle  se  croit  appuyée  par  son  maître, 
elle  montre  lui  courage  qui  ne  le  cède  en  rien  à  celui  de  Ions  les  autres  aniiuaux 


314  LES  RONGEURS. 

domestiques,  et  elle  n'hésite  pas  à  attaquer  les  chats  et  les  plus  gros  chiens  pour 
les  chasser  de  la  place  qu'elle  s'est  adjugée  au  coin  du  feu.  BulFon  dit  «  qu'elle 
a[)prend  aisément  à  saisir  un  hàton,  à  gesticuler,  à  danser,  et  à  ohéir  à  la  voix 
de  son  maître;  »  en  un  mot,  qu'elle  est  susceptible  d'éducation,  et  c'est  ce  que 
je  ne  crois  pas.  Il  est  vrai  que  les  jeunes  Savoyards  qui  montrent  des  marmottes 
au  peuple  leur  font  faire  quelques  exercices;  mais,  si  on  se  donne  la  peine  de 
les  examiner  sans  prévention,  on  verra  que  ces  tours  ne  sont  jamais  que  le  résultat 
des  tiraillements  de  la  chaîne  par  laquelle  on  les  tient,  et  de  la  manœuvre  du  bâton 
qu'on  leur  passe  entre  les  jambes.  L'éducation  n'est  pour  rien  dans  tout  cela, 
du  moins,  je  ne  l'ai  jamais  vu  autrement.  En  captivité  on  la  nourrit  avec  tout  ce 
que  l'on  veut,  de  la  viande,  du  pain,  des  fruits,  des  racines,  des  herbes  pota- 
gères, des  choux,  des  hannetons,  des  sauterelles,  etc. ,  mais  ce  qu'elle  aime  par- 
dessus tout,  c'est  le  lait  et  le  beurre.  Quoique  moins  prédisposée  au  vol  que  le 
chai,  si  elle  peut  se  glisser  furtivement  dans  une  laiterie,  elle  manque  rarement 
de  le  faire,  et  en  se  gorgeantde  lait  à  n'en  pouvoir  plus,  elle  exprime  le  plaisir 
(|u'elle  éprouve  par  un  petit  murmure  particulier  fort  expressif.  Ce  miu'mure, 
quand  on  la  caresse  ou  qu'elle  joue,  devient  plus  fort,  et  alors  il  a  de  l'analogie 
avec  la  voix  d'un  petit  chien.  Quand,  au  contraire,  elle  est  effrayée,  son  cri  de- 
vient un  sifflement  si  aigu  et  si  perçant  qu'il  est  impossible  à  l'oreille  de  le  sup- 
l»orter.  D'une  propreté  recherchée,  elle  se  met  à  l'écart,  comme  les  chats,  pour 
faire  ses  ordiu'es  ;  mais,  ainsi  que  le  rat,  elle  exhale  une  odeur  qui  la  rend  trés- 
désagréal)le  pour  certaines  personnes.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  étonnant  dans  la 
marmotte  soumise  à  la  domesticité,  c'est  qu'elle  ne  s'engourdit  pas  l'hiver,  et 
qu'elle  est  tout  aussi  éveillée  au  mois  de  janvier  qu'en  été,  pourvu  qu'elle  habite 
les  appartements. 

A  l'état  sauvage,  la  marmotte  montre  assez  d'industrie,  sans  pour  cela  avoii- 
une  intelligence  très-remarquable.  Sur  les  montragnes,  elle  établit  toujours  son 
domicile  le  long  des  pentes  un  peu  roides  regardant  le  midi  ou  le  levant;  elles 
se  réunissent  plusieurs  ensemble  pour  se  creuser  une  habitation  connuune, 
et  elles  donnent  à  leur  terrier  la  forme  invariable  d'un  «i  grec  couché.  La 
branche  d'en  haut  a  une  ouverture  par  laquelle  elles  entrent  et  sortent  :  celle 
d'en  bas,  dont  la  pente  va  en  dehors,  ne  leur  sert  qu'à  faire  leurs  ordures,  qui, 
au  moyen  de  cette  pente,  sont  facilement  entraînées  hors  de  l'habitation.  Ces 
deux  branches,  assez  étroites,  aboutissent  toutes  deux  à  un  cul-de-sac  profond 
et  spacieux,  qui  est  le  lieu  du  séjour,  et  cette  partie  seule  est  creusée  horizon- 
talement. Elle  est  tapissée  de  mousse  et  de  foin,  dont  ces  animaux  font  une  ample 
provision  en  été.  «  On  assure  même,  dit  Bulfou,  que  cela  se  fait  à  frais  ou  tra- 
vaux communs:  que  les  unes  coupent  les  herbes  les  plus  fines;  que  d'autres  les 
ramassent,  et  que  tour  à  tour  elles  servent  de  voitures  pour  les  transporter  au 
gîte;  l'une,  dit-on,  se  couche  sur  le  dos,  se  laisse  charger  de  foin,  étend  ses 
pattes  en  haut  pour  servir  de  ridelles,  et  ensuite  se  laisse  traîner  par  les  autres 
qui  la  tirent  par  la  queue,  et  prennent  garde  en  même  temps  que  la  voiture  ne 
verse.  »  Ce  qui  a  donné  lieu  à  ce  conte  de  chasseur,  c'est  que  l'on  trouve  beau- 
coup de  marmottes  qui  ont  le  poil  rongé  sur  le  dos,  et,  selon  l'usage,  on  a 
mieux  aimé  inventer  un  conte  merveilleux,  pour  expliquer  ce  fait,  que  de  n'y 
voir  que  roffot   fort  simple  du   frottement  souvent  répété  du  dos    contre  la 


MARMOTTES.  315 

paroi  supérieure  (rmi  terrier  Tort  étroit.  Les  inarmolles  passent  la  plus  grande 
l)arlie  tle  leur  vie  dans  leur  liahitalion  ;  elles  s'y  retirent  pendant  la  nnit,  la  [duie, 
l'orage,  le  brouillard,  n'en  sortent  que  pendant  les  plus  beaux  jours,  et  ne  s'en 
éloignent  guère.  Pendant  ([u'elles  sont  dehors  à  paître  ou  à  jouer  sur  l'herbe, 
l'une  d'elles,  postée  sur  une  roche  voisine,  fait  sentinelle  et  observe  la  cam- 
pagne ;  si  elle  aperçoit  (pielque  danger,  un  chasseur,  un  chien  ou  un  oiseau 
de  proie,  elle  fait  aussitôt  entendre  un  long  sifllement,  et,  à  ce  signal,  toutes  se 
précipitent  dans  leur  trou. 

Dés  que  la  saison  du  froid  commence  à  se  faire  sentir,  les  marmottes,  reti- 
rées dans  leur  terrier,  en  bouchent  les  deux  ouvertures  avec  de  la  terre  gâ- 
chée, et  si  bien  maçonnée  qu'il  est  plus  facile  d'ouvrir  le  sol  partout  ailleurs 
(pie  dans  l'endroit  qu'elles  ont  nuire.  Elles  se  blottissent  dans  le  foin  et  la 
mousse  (lu'elles  y  ont  entassés  à  cet  ell'et,  et  tombent  dans  un  état  de  léthargie 
d'autant  plus  profond  que  le  froid  a  i)lus  d'intensité.  Elles  restent  dans  cet  état 
de  mort  apparente  jusqu'au  printemps  prochain,  c'est-à-dire  depuis  le  commen- 
cement de  décembre  jusqu'à  la  lin  d'avril,  et  quehpiefois  depuis  octobre  jus- 
qu'en mai,  selon  que  l'hiver  a  été  plus  ou  moins  long.  Lorsque  les  chasseurs 
vont  les  déterrer,  ils  les  trouvent  resserrées  en  boule  et  enveloppées  dans  le 
foin.  Us  les  emportent  tout  engourdies,  ou  même  ils  les  tuent  sans  ([u'elles 
paraissent  le  sentir.  Ils  mangent  les  plus  grasses,  et  souvent  ils  conservent  les 
jeunes  pour  les  donner  à  de  pauvres  enfants  qui  viennent  les  montrer  en  France 
et  déguisent  ainsi  leur  mendicité.  Pour  faire  sortir  ces  animaux  de  leur  engour- 
dissement, les  rendre  à  la  vie  et  rappeler  toute  leur  vivacité,  il  ne  s'agit  que  de 
les  placer  devant  un  feu  doux,  et  de  les  y  laisser  jusqu'à  ce  qu'ils  se  soient  re- 
chautfés.  Leur  chair  serait  fort  bonne  si  elle  était  sans  odeur  ;  mais  il  n'en  est 
pas  ainsi,  et  ce  n'est  qu'à  force  d'assaisonnements  épicés  que  l'on  parvient  à  la 
déguiser.  Cependant,  j'ai  mangé  des  marmottes  fumées  qui  avaient  entièrement 
perdu  cette  odeur,  et  qui  étaient  d'un  goût  excellent. 

La  marmotte  ne  produit  qu'une  fois  par  an,  et  sa  portée  ordinaire  n'est  que 
de  quatre  ou  cinq  petits,  dont  l'accroissement  est  rapide;  elle  ne  vit  guère  que 
neuf  à  dix  ans.  Nous  terminerons  cet  article  par  une  observation  qui  se  rapporte 
à  tous  les  animaux  sujets  à  l'engourdissement  hibernal.  La  léthargie,  chez  eux, 
n'est  rien  autre  chose  qu'un  sommeil  profond,  mais  naturel,  qui  ralentit  toutes 
les  fonctions,  mais  n'en  suspend  aucune.  Quel  que  soit  le  froid  qu'aient  à  sup- 
porter ces  animaux  sortis  de  leur  état  normal,  soit  par  letlet  de  la  maladie, 
soit  par  toute  autre  cause,  ils  pourront  mourir  gelés,  mais  ils  ne  s'engourdi- 
ront pas.  11  en  résulte  que,  lorsque  l'hiver  est  très-rigoureux  et  le  froid  exces- 
sif, les  animaux  engourdis  se  réveillent,  souffrent  beaucoup,  et  linissent  par 
mourir  gelés  si  la  température  ne  change  pas  après  un  certain  temps.  11  en 
résulte  encore  qu'une  excessive  chaleur  de  l'été,  comme  celle  des  troi)iques, 
peut  amener  l'engourdissement  tout  aussi  bien  que  le  froid.  Beaucoup  d'ani- 
maux, les  reptiles,  par  exemple,  s'engourdissent  l'hiver  dans  les  pays  tempérés, 
et  l'été  dans  les  pays  chauds. 

Le  lîoiuK   (  Antomys  bobar,  (;mi..  -  Desm.      G.  Cuv.)  est  de  la  iiiinie  grandeur  que  la  prc- 
La  MannoUe  de  Pologne  oii  Uobar,  Biff.—      codenle;  son  pelage  est  d'un  gris  jaimàlre,  on- 


316 


LES   RONGEUUS. 


Ircmêlt'  (le  poils  Itruns  en  dessus,  et  roux  en 
dessous  ;  il  a  quelques  teintes  rousses  vers  la 
tcle;  la  queue  et  la  gorge  sont  roussâtres;  le 
tour  des  yeux  est  brun,  et  le  bout  du  museau 
d'un  gris  argenté.  Le  bobak  habite  la  Pologne 
et  l'Asie  septentrionale  jusqu'au  Kamtscbalka. 
H  a  les  mêmes  habitudes  que  notre  marmotte, 
mais,  vivant  dans  des  pajs  |)lus  froids,  il  ne 
creuse  son  habitation  que  sur  des  collines  peu 
élevées,  à  l'exposition  du  midi. 

Le  MoNAX(.^;(io»iiys  monax,  GML.Ci(»ii(i<//(A' 
bakametisis,  Catesb.  La  Marmotte  du  Canada, 
ou  le  Monax,  Buff.  Le  SilVcur  de  quelques 
voyageurs)  a  quatorze  ou  quinze  pouces  (0,579 
à  0, 506)  de  longueur,  non  compris  la  queue  ; 
il  est  brun  en  dessus,  plus  p;ile  en  dessous  et 
sur  les  côtés  ;  le  nmseau  est  d'uu  gris  bleuâtre 
et  noirâtre  ;  les  oreilles  sont  ariondies;  les  on- 
gles longs  et  aigus  ;  la  queue,  longue  connue  la 
moitié  du  corps,  est  couveite  de  poils  noirâtres. 
Cet  animal,  de  la  taille  d'un  lapin,  habite  toute 
l'Amérique  septentrionale,  et  particulièrement 
l'intérieur  des, États-Unis.  Il  se  plaît  dans  les 
rochers,  et  a  les  mêmes  mœurs  ()ue  la  mar- 
motte des  Alpes. 

La  Maumotte  de  Québec  {Arrtomijs cm])ctia, 
Gml.  /Wi(i-  ewpetra,  Pall.  La  Marmotte  du  Ca- 
vuda,  de  riùicycl.  méthod.  h'Arclomijs  mela- 
voinis,  de  Kuul?)  est  d'un  brun  noirâtre,  pi- 
queté de  brun  en  dessus  ;  d'un  roux  ferrugineux 
en  dessous;  le  sommet  de  la  tète  est  d'un  brun 
uniforme,  passant  au  brun  rougeàlre  sur  l'oc- 
ciput; les  joues  et  le  menton  sont  d'un  blan.; 
grisâtre  sale  ;  la  poitrine  et  les  paltes  de  devant 
d'un  roux  vif;  la  queue  est  courte,  noirâtre  au 
bout.  Llle  habite  particulièrement  le  Canada  et 
les  environs  de  la  baie  d'IIudson. 

La  IMaumotte  falve  (  Arctomijs  fuira,  Evehs.) 
a  beaucoup  d'analogie  avec  le  bobak;  elle  a 
Ireize  pouces  ((),.352)  de  longueur,  non  compris 
la  queue,  qui  en  a  trois  (0,081);  son  pelage 
est  d'un  jaune  brun  luisant,  avec  un  duvet  in- 
terne d'un  gris  cendré;  ses  doigts,  et  surtout  le 
pouce,  sont  Irès-rainces  et  très-allongés.  Elle 
habite  les  monlagues  entre  Orend)ourg  et  Buk- 
kara. 

La  Marmotte  pocdiiée  (Arctomys  pruinosa, 
Gml.—  î>aoi[>e)  est  de  la  grosseur  d'un  lapin  ; 
son  pelage,  long  et  dur,  est  formé  de  poils  cen- 
drés à  leur  racine,  noirs  au  milieu,  blanchâ- 
tres à  leur  extrémité,  ce  qui  lui  donne  une 
couleur  générale  de  gris  blanchâtre  ;  le  bout  du 
nez,  les  pattes  et  la  queue  sont  noirs,  cette  der- 
nière mélangée  de  roux;  les  oreilles  sont  cour- 
tes, ovales  ;  les  joues  blanchâtres  ;  le  dessus  de 
la  télé  est  brun.  Elle  habite  le  nord  de  l'Amé- 
rique. 

La  Maioiotte  MccosARiguE  {Antomtjs  mugo- 
aaricus,  Eveksm.)  a  huit  pouces  (0,217)  de  lon- 
gueur, non  compris  la  queue,  qui  n'en  a  qu'un 


(0,027),  Son  pelage  ressemble  à  celui  du  sous- 
lik,  mais  l'animal  en  diffère  principalement  par 
sa  plante  des  pieds  large  et  courte,  égalant  la 
dixième  partie  de  la  longueur  du  corps.  Elle  ha- 
bite dans  les  montagnes  de  IMonghodjar,  près 
Boukkara. 

La  Marmotte  aux  doigts  lisses  (Arctomijs 
le])todactt]lus,  Eversm.)  est  longue  de  liuit  pou- 
ces (0,217),  non  compris  la  queue,  qui  a  deux 
pouces  et  demi  (0,068).  Son  pelage  est  serré, 
d'un  jaune  luisant  en  dessus,  blanc  en  dessous, 
d'un  gris  brun  sur  le  sonnnet  de  la  tète;  elle 
a  une  tache  blanclie  entre  l'œil  et  le  nez,  et  un 
trait  noir  sur  la  face.  La  queue  est  d'uu  noir 
luisant  en  dessous,  bordée  de  blauc  Elle  habite 
Caraghata,  près  de  Boukkara. 

LeGuNDi  {Jrvtomijsguudi,  Gml.  Musgundi, 
RoTiiM.)  est  de  la  taille  d'un  lapin;  ses  oreilles 
sont  très-courtes,  mais  larges;  sou  pelage  est 
roussàtre;  il  n'a,  dit-on,  que  quatre  doigts  à 
chaque  pied.  Il  habite  l'Afrique. 

Le  IMaulin  [Arvtomijs  maulina ,  Spaw.  Mus 
maulinus,  MotnA;  serait,  selou  Molina,  deux 
fois  plus  grand  que  notre  marmotte;  son  mu- 
seau est  plus  long,  j)lus  eflilé  ;  sa  queue  moins 
courte;  ses  oreilles  sont  pointues,  et  il  a  cinq 
doigts  à  chaque  patte.  Il  habite  le  Chili. 

La  Marmotte  de  Cmicassie  (Arrtoniiis  fir- 
rassia',  Peinn.  Mus  tscUerlicssicus,  Erxl.)  est  de 
la  taille  du  hamster;  ses  yeux  sont  rouges  et 
brillants  ;  kon  pelage  est  châtain  ;  sa  queue  est 
assez  longue  et  pointue;  ses  jambes  de  devant  sont 
plus  courtes  que  celles  de  derrière.  Peut-être 
est-ce  un  gerbille?  Elle  habile  des  terriers  le 
long  du  tleuve  Térek.  Ces  (rois  dernières  es- 
pèces ont  été  si  mal  décrites  par  les  auteurs  qui 
les  ont  observées,  qu'on  doit  les  regai'der  comme 
Ibrt  douteuses. 

8'  Geare.  Les  SPERMOPHILES  (  Spermo- 
philus,  Fh.  Cuv.)  ont  la  même  formule  den- 
taire que  les  écureuils,  avec  lesquels  ils  ont  au- 
tant d'analogie  qu'avec  les  marmottes;  leurs 
molaires  sont  étroites  ;  un  hélix  borde  leur 
oreille;  leur  pupille  est  ovale;  leurs  abajoues 
sont  grands;  leurs  doigts  de  pied  sont  étroits 
et  libres;  ils  ont  le  lalou  couvert  de  poils,  et 
les  doigts  des  pieds  de  derrière  sont  nus. 

Le  Jevrascuka  ou  Souslik  (Sperniopliilus  <i- 
tillus,  Less.  Antomijs  àtitlus,  Desm.  Mus  citil- 
lus.  Lin.  Le/Jzcl  et  lé  Souslick,  Buff.  La  Mar- 
motte de  Sibérie,  Buff.)  a  environ  un  pied  (0,525) 
de  longueur,  non  conipris  la  queue  qui  n'a  guère 
que  trois  pouces  (0,081);  son  pelage  est  d'uu 
gris  brun  en  dessus,  onde  ou  tacheté  de  blauc 
par  gouttelettes,  blanc  en  dessous.  On  en  cou- 
iialt  plusieurs  variétés,  dont  Bulfon  a  fait  au- 
tant d'espèces  :  I"  le  souslili,  à  pelage  tacheté; 
2"  le  zizel,  à  pelage  ondulé;  5"  la  marmotte 
de  Sibérie,  à  pelage  d'uu  brun  jaunâtre  uni- 
forme. 


MAKMOTTtS. 


317 


Le  jevraschka  vil  solitaire  dans  le  nord  de  l'Europe  et  de  l'Asie,  ainsi  que  dans 
la  Perse,  l'Inde  el  la  ïarlarie.  Il  se  creuse  un  terrier  comme  la  marmotte,  et  y  passe 
l'hiver  dans  un  engourdissement  complet.  Lorsqu'on  l'irrite,  ou  qu'on  veut  le 
prendre,  il  pousse  un  cri  comme  la  marmotte,  et  mord  violemment.  En  mangeant 
il  se  tient  assis,  et  porte  les  aliments  à  sa  bouche  avec  les  pieds  de  devant.  Il 
entre  en  amour  au  printemi)S,  et,  en  été,  la  femelle  met  bas  cinq  ou  six  petits, 
qu'elle  allaite  dans  son  terrier.  Ces  animaux  se  nourrissent  de  graines,  et,  si  l'on 
en  croit  BulTon,  ils  dévastent  les  récoltes  de  blés  et  s'amassent  des  provisions 
pour  l'hiver.  Leur  fourrure  est  assez  estimée. 


LeSPEiiMOPuiLE  DE  RicHAitDSOiv  {S])crmo])hiliis 
Uiihardsonii ,  Less.  Arctomijs  liichardsonii, 
SABl^E.  La  Marmotte  tannée  d'Amérique,  des 
voyageurs  )  a  le  sommet  de  la  tète  couvert  de 
poils  courts,  noirâtres  à  la  base,  plus  daiis  à  la 
poiute  ;  le  museau  est  aigu,  couvert  de  poils 
bruuàlres;  les  oreilles  sout  courtes,  ovales;  la 
queue  médiocre,  à  poils  longs,  anneles  de  brun 
et  de  noir,  fauves  à  la  pointe;  le  pelage  est  uni- 
lormément  fauve,  à  poils  bruns  h  la  base;  la 
gorge  est  d'un  blanc  sale;  le  ventre  est  plus 
clair  que  le  dos,  et  des  taches  ferrugineuses 
sont  éparses  çà  et  là.  l^lle  habite  le  nord  de 
l'Améiique,  et  a  été  trouvée  aux  environs  de 
Carlston-llouse. 

Le  Spehmoi'iiii.i;  de  IIood  (Sperinoiihilas  Uuo- 
dii ,  Less.  Arilonnis  lloudii  ,  8AUI^E.  Sciurus 
trideeemlineatiis,  Desm.)  a  environ  cinq  pouces 
((',135)  de  longueur,  non  compris  la  (jueue,  qui 
n'en  a  que  trois  (0,081)  ;  son  corps  est  mince, 
et  son  nmseau  pointu  ;  son  pelage  est  d'un  chil- 
taiu  foncé  en  dessus,  avec  une  ligne  médiane 
blanchâtre,  moitié  continue  et  moitié  formée  de 
petites  taches  ;  de  chaque  coté  de  celte  ligne 
en  sont  trois  autres  non  interrompues,  alter- 
nant avec  trois  séries  de  taches  blanchâtres  ;  le 
dessous  du  corps  est  d'un  blanc  jaunâtre.  11  ha- 
bite les  forets  des  sources  du  Meschasabé;  on 
ignore  ses  hal)itudes. 

Le  Speiuiopuile  de  FitA>KLiiN  (Si)ennoijk  lus 
Franidinii,  Less.  Antomys  FranJilinii,  Sabine. 
La  Marmotte   gri^c  d'Amcriqite)  a  ài\  pouces 


(0,271)  de  longueur  totale;  elle  a  la  gorge  d'un 
blanc  sale;  son  pelage  est  d'un  gris  jaunâtre 
varié,  ou  brunâtre  piqueté  de  blanc  jaunâtre, 
couleur  produite  par  ses  poils  bruns  à  la  base, 
d'un  blauc  sale  au  milieu,  annelés  de  noir,  et 
terminés  de  blanc  jaunâtre  :  ceux  du  ventre 
sont  noirâtres  à  leur  origine,  d'un  blanc  sale  à 
leur  extrémité;  la  queue  est  anuelée  de  blanc 
et  de  noir  ;  le  museau  est  très-obtus,  el  les 
oreilles  sont  assez  longues.  Il  habite  le  nord  de 
l'Amérique. 

LESPEBMOPun.KDEPAïuiY  (SpcrmopUdus  l'ur- 
njii,  Less.  Arctomijs  l'arijH,  Ricuabds.  L'Etii- 
rvuil  de  terre,  IIeahm.)  a  cinq  doigts  aux  pieds 
de  devant,  et  des  abajoues;  son  nuiseau  est  co- 
nique ;  ses  oreilles  sont  très-coui  tes  ;  sa  queue 
est  noire  au  bout,  longue;  il  a  le  corps  tacheté 
en  dessus  de  plaques  blanches  et  noires  con- 
liuenles,  et  le  ventre  d'un  roux  ferrugineux.  11 
habite  le  nord  de  l'Amérique. 

Le  WisTocvMscii  {Spermophihisludovicanus, 
Less.  Arctonujs  Indoticiana,  Sav.  Arctomtis 
viissouriensis,  Wakd.  Cijnomis  >.0(ialis,  Kafim. 
Le  Uiien  des  prairies,  Lewis  et  Clahk.)  a  seize 
ponces  (0,  iô5)  de  longueur  :  son  pelage  est  d'un 
rouge  brun  ou  d'un  brun  roussâtresale  et  pâle, 
entremêlé  de  poils  gris  et  de  poils  noirs;  sa 
tète  est  large,  déprimée  en  dessus  ;  il  a  les  jeux 
grands;  les  oreilles  courtes  et  connue  tron- 
quées ;  tous  les  pieds  ont  cinq  doigts  ;  sa  queue, 
assez  courte,  a  une  bande  brune  veis  son  ex- 
trémité. 


Cet  animal  a  reçu  des  Américains  le  nom  singulier  de  chien  des  prairies,  non 
pas  qu'il  ait  (juelque  analogie  de  mœurs  ou  de  formes  avec  les  chiens,  mais  parce 
qu'on  a  cru  trouver  de  l'analogie  avec  l'aboiement  de  ces  derniers  animaux  et 
son  cri.  Selon  Ilarlan,  ce  cri  s'imite  assez  bien,  en  prononçant  avec  une  sorte 
de  sifflement  la  syllabe  tcheli.  Cette  espèce  est  très-commune  dans  la  province 
du  Missouri,  où  elle  vit  en  troupes  plus  ou  moins  nombreuses,  cba((ue  famille 
occupant  un  terrier  (jui  lui  est  exclusif;  il  en  resuite  que  ces  terriers  sont  très- 
rapprochés  et  forment  comme  des  sortes  de  garennes  auxquelles  les  habitants 
du  pays  donnent  le  nom  de  villages.  Quebpies-uns  de  ces  villages  ont  une  petite 
étendue,  mais  il  en  est  d'autres  (jui  ont  jus(pi'à  plusieurs  milles  de  circuit.  Du 


318 


LES  RONGEURS. 


1  este,  les  liahiUidcs  de  ce  spermophile  sont  à  peu  près  les  inèinos  (|ue  celles  de 
la  marmotte  des  Alpes. 


Le  Si'EKMOPUiLK  GRIS  {Spennophilus  gnscus. 
Ltss.  Cijiiomtjs  (jiiseiis,  RAFl^.)  a  environ  dix 
pouces  et  demi  (0/285)  de  longueur;  son  pelage 
est  fin,  entièrement  gris  ;  ses  ongles  sont  longs. 
Cette  espèce  douteuse  habiterait  les  bords  du 
Missouri. 

A  la  suite  des  spermopliiles  nous  placerons 
un  genre  assez  hétéroclite,  composé  d';me  seule 
espèce,  dont  on  a  fait  une  lamille  sous  le  nom 
d'ulacodées.  L'animal  qui  la  compose  ressem- 
ble aux  marmottes  par  la  forme  des  dents,  mais 
il  se  rapproche  des  porcs-épics  par  plusieurs  au- 
tres caractères,  et  particulièrement  parles  soies 
dures  et  longues  de  son  pelage. 

9'^  Genre.  Les  ULACODES  { Aularodus  , 
Temm.  )  ont  douze  dents  pendant  leur  jeunesse 
et  seize  dans  l'âge  adulte,  savoir  ;  deux  incisi- 
ves supérieures  fortement  cannelées,  ayant  cha- 
cune deux  sillons;  deux  inférieures  lisses  et 
tranchantes;  point  de  canines;  quatre  ou  six 
molaires  ayant  deux  sillons  profonds  et  trois 
émiuences  à   la   mâchoire  supérieure  ;  quatre 


ou  six  molaires  à  la  mâchoire  inférieure,  la 
première  de  cha(iue  coté  ayant  trois  sillons  et 
qunirc  éminenccs;  le  museau  est  court,  large, 
obtns,  sans  abajoues;  ils  ont  quatre  doigts  à  tous 
les  pieds,  et  un  cinquième,  rudimentaire,  caché 
sous  la  peau  ;  leur  queue  est  entièrement  \wi- 
lue;  leurs  oreilles  sont  grandes,  à  conque  gar 
nie  de  replis  internes. 

L'Ulacode  s\Vl^nERIE^  {Aulucodus  swivdera- 
nus,  Te.ioi.)  a  huit  pouces  et  quart  (0,22^)  de 
longueur,  c'est-à-dire  qu'il  est  uu  peu  plus 
grand  que  le  campagnol  aquali(iue  {Hijpiida'us 
amphibius).  Ses  oreilles  sont  nues,  très-grandes, 
en  demi-cercle  ;  la  queue,  à  peu  près  grande 
comme  la  moitié  du  corps,  est  garnie  de  poils 
courts;  le  ()elage  est  grossier,  formé  de  soies 
dures  et  longues  ,  annelées  de  jaunâtre  et  de 
brun  foncé;  le  dessous  du  corps  est  d'un  blanc 
jaunâtre  uniforme;  la  queue  se  termine  par  un 
llocou  de  poils  La  patrie  et  les  mœurs  de  cet 
animal  sont  inconnues;  mais  il  est  probable 
qu'il  vit  dans  un  terrier,  comme  les  marmottes. 


MAISON    DE    CUVIER. 


(J.rili-l     .le-     l'Imt.-- 


KATS-T.MIl'KS. 


:ii!> 


Li:S  HATS-TAIIPKS 


Ont  an  pins  sci/c  molaires;   Icin-s   in(;isivcs  en  foinic  de  coin;  siv  niolaiiTs  en  liani  cl  six 

inrciicniTS  sont  lioiuinccs,  en  coin,  (•'('sl-ii-diiT  en    l»as,  simples  .  à   Inliercnles   monsses  ;   leni' 

a    liandianl   liansvcrse    reclilit;ne   cl    non   en  corps  esl  cjlindiiipie  ;   lenis  pieds  conris,  les 

l'oinle  ;   les  on>>les.  des  pieds  de  derrière    an  anicrieni's  propres  à  l'onii-  la  terre,  Ions  nnniis 

moins,  sont  plats.  de  ciii(|  doif^ls;  lem-s  5 eux  sont   excessivement 

10°  (iKNHK.  I.es  HATS-'l'AllPKS  (  CroriiUus,  pelils.  caches  sons  i,i  pean  ;  enfin  lem-  (|neuc  csl 

Illic.)  ont  seize  dents,  savoir  :  ipialre  incisives,  mdlo  on  Irés-conrlo. 


L(î  ZKMNI  [Gc.orirliiis  liiplihis,  Li.ss.  Asi>nla.r  liijililns,  Dfsm.  Si)(il(tx  iiinjur, 
Erxi.ki!.  SjXtldX  ni'tcroplilhdhuns,  Om.DKNsr.  Mus  lijplilus,  Li^.  \a'  /ciinii'i,  le 
Slcprs,  I(!  l\m-Tnup(\  et  la  Tiuijx:  (tvciujlf  i\i's  voyaf^ciirs  1 

A  iiisfiua  liiiit  ponces  (0,217)  de  loii^iKMir,  (•'('st-.i-<lir(!  (lu'il  esta  peu  i»ri's 
(lo  la  laille  du  rat  coiiiiiinn;  son  pelage  csl,  liii,  sene,  d'un  j^ris  rcndié  lavé  de 
loiissâlrc,  ou  r('irii<,'iii(Mix,  qiieUpiolbis  ayani des  lâches  hiaiiclies  irré-^nlièi-es; 
sa  lèle  est,  j;i-osse,  aiigiileiis(!  sm-  les  côtés;  il  inaiicpie  de  (pieiie. 

Le  zeuini  était  connu  (l(!s  (irecs,  cpii  lui  donnèrent  le  nom  daspalax  et  le- 
mat-cpièi-ent  fort  l)ien  (pi'il  est  aveugle.  Les  auteurs  latins  (pii  vinrent  après  tra- 
duisirent ce  mot  (lapalax  par  celui  de  inlpit,  taupe,  parce  (pi'ils  ne  connaissaient 
pas  l(î  zemni,  et  delà  est  vemie  (;ett(!  eirein-  pctpiilaire  (pu-  la  laup(^  est  aveugle. 
Ouoi  (pi'il  en  soit,  ainsi  (pt'elle,  le  /cnmi  liahile  de  longues  galeries  soulerraines, 
d'où  il  ne  sort  (|ue  très-rarement.  Kn  creusant  son  liahilalion,  il  liouve  sa 
nourriture,  consislant  en  racines  liulheuses,  (^t  principalement  en  celles  du  cer- 
leiiil  huUienx  [CJiœmjiliijllaiu  bnibosum)  iiu"\\  ainn;  beaucoup.  (>'est  [(articuliè- 


3-20 


LES   RONGEURS. 


remenl  dans  les  terres  humides,  où  cette  plante  croit  abondannnent.  (|ue  cet 
animal  aime  à  fixer  sa  résidence.  Dans  le  temps  des  amours,  c'est-.î-dire  depuis 
le  printemps  jnsfpi'au  milieu  de  rélé,  il  se  hasarde  quelquefois  à  sortir  de  son 
trou  pour  aller  chercher  sa  femelle,  mais  il  le  fait  avec  heaucoup  de  prudence.  Il 
marche  avec  inquiétude,  s'arrête  de  temps  en  temps,  la  tête  haute,  non  pour 
voir  le  danger,  puisqu'il  n'a  pas  d'yeux,  mais  pour  écouter,  car,  en  compensa- 
tion de  la  vue,  qui  lui  serait  à  peu  près  inutile  dans  son  hahitation  souterraine, 
la  nature  lui  a  donné  une  ouïe  d'une  finesse  extrême.  Au  moindre  bruit  il  fuit 
avec  vitesse,  tantôt  en  avant,  si  le  danger  lui  paraît  venir  derrière  lui,  tantôt  à 
reculons,  et  il  est  aussi  agile  dans  cette  singulière  démarche  que  s'il  courait 
devant  lui.  Est-il  attaqué,  il  se  défend  de  la  griffe  et  des  dents,  avec  un  cou- 
rage extraordinaire,  et  il  ne  cesse  de  combattre  qu'en  mourant.  La  femelle  fait 
de  deux  à  quatre  petits,  qu'elle  élève  avec  soin  et  qu'elle  allaite  avec  ses  deux 
mamelles.  Cet  animal  habite  l'Asie  Mineure,  la  Perse,  la  Russie  méridionale 
jusqu'au  nord  de  la  mer  Caspienne.  Il  est  fort  gras  en  automne,  et  pèse  jusqu'à 
un  kilo  et  demi. 


I,e  .SuKERKA^  (  Georyrhus  tnlpinif ,  Les.*;. 
Ijnvuis  Inipiniis  ,  Des.m.  Mus  talpinus ,  QyM. 
Spnlnx  mmor ,  ER\LEn.  )  n'n  guère  que  trois 
pouces  (0,081;  (le  lonçiueui  ;  sou  pelage  estd'uu 
gris  brun  en  dessus,  l)lanctiiitre  en  dessous.  1! 
a  une  petile  qiioue.  On  eu  connail  une  variété 
à  pelage  noir.  I!  se  creuse  des  galeries  comme 
le  précédent,  et  n'en  sort  que  la  nuit.  Il  se  nour- 
rit principalement  de  bulbes  de  gesse  tubéreuse 
;  Ij.tl.ijnis  tuberosiis)  ,  de  phlomis  tid)éreux 
iPhkmvs  lubcrosus) ,  et  d'ognons  de  tulipes. 
I^ansletemps  de  ses  amours,  il  répand  une  odeur 
musquée  assez  forte.  Il  liabile  la  Russie  méri- 
dionale, la  Tatarie  et  la  Bukkarie 

Le  l\AT-TAtPE  \  BANDES  (  Georycluts  rWatits, 
Less.  .S7)o/fl.rfriii((at«,  Rafi\.)  est  long  de  sept 
pouces  0,089  ,  et  a  la  forme  d'un  cochon  d'Inde; 
ses  oreilles  sont  petites,  ovales,  un  peu  poin- 
tues ;  il  manque  al)solument  de  queue;  son  pe- 
lage est  fauve  en  dessus,  avec  trois  bandes  lon- 
gitudinales larges  et  brunes;  le  dessous  du  corps 
est  blanc.  Il  habite  le  Kentucky,  aux  Étals  Unis 
d'Amérique. 

Le  ZocoR  [Gcorychiix  zohor,  Less.  Lpiimiii- 
znhnr,  Desm.  Mus  aspala.r,  Li>.-Pall.),  plus 
petit  que  le  zemni,  a  le  pelage  d'un  gris  roussà- 
tre,  mélangé  de  gris  clair  et  de  brun  à  la  racine, 
passant  au  lilanchàtre  en  dessous  ;  sa  queue  est 
très-courle,  pointue,  couverte  de  poils  de  même 
couleur  que  le  dos;  le  corps  est  raccourci,  ven- 
tru. Il  a  les  mêmes  habitudes  que  les  précédents, 
et  se  nourrit  prinei|)alement  des  bulbes  du  lis 
pompon  {Liluim  pompouium)  et  de  l'érjlhrone 
dent-de-chien  {Eriithronium  dcns-ranis).  11  ha- 
bite la  Daourie  et  les  monts  Altaïs. 

i  r  GE^nE.  Les  BATHYERGUES  (  Baf/ii/fr- 
giis,  Illig.)  ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  in- 


cisives en  coin,  et  douze  molaires;  leurs  pieds 
de  devant  sont  mimis  d'ongles  robustes  propi-es 
à  fouiller  la  terre;  leurs  yeux  sont  extrêmement 
petits,  mais  découverts  ;  leur  queue  est  liès- 
courle. 

Le  CniCET  (  liattuicrgns  capciisis,  Desm.  il//(.s- 
cttjiensis ,  Gml.  —  Pall.  Le  l'elil  rnt-taupp  (hi 
Cap,  Blff.)  est  de  la  grandeur  d'une  taupe;  sou 
pelage  est  brun  ;  il  a  le  bout  du  museau  blanc, 
avec  nue  tache  blanchàlre  autour  de  l'oreille, 
une  autre  autour  de  l'œil,  et  une  troisième  sur 
le  verlex.  Il  habile  les  environs  du  cap  de  Bonne- 
Espérance,  et  il  y  fouille  la  terre  à  la  manière 
des  taupes. 

Le  BATiiïEiir.cE  uottentot  (Bulhijcrgus  hol- 
tentotus,  Less.  et  Oar?!.)  est  moitié  plus  petit 
que  le  précédent,  et  a  quatre  pouces  six  lignes 
|0,I22)  de  longueur;  son  pelage  est  d'un  brun 
gris,  passant  au  cendré  en  dessous;  sa  queue, 
excessivement  courte,  est  bordée  de  poils  disti- 
ques. Il  habite  les  environs  du  cap  de  Bonne- 
Espérance,  près  la  Péarl. 

12''  Genre.  Les  ORYCTÈRES  {  Onjcicrus . 
Fr.  Ciiv.)  ont  vingt  dents,  savoir  :  quatre  inci- 
sives, ajaul  un  silkm  longitudinal  très-profond  ; 
point  de  canines;  huit  molaires  en  haut  et  huit 
eu  bas.  Leur  nnisean,  jilus  allongé  que  dans  le 
genre  précédent,  est  termine  par  im  boutoir; 
leur  (jueue  est  plate. 

L'Okvctère  des  l)L^ES  (iinjrleius  mariti)HH.<, 
Less.  Batlujergus  viaiitimus.  Desm.  Musmaii- 
iimus,  Gml.  La  ('iiiindc  taupe  du  Cap,  Bi  ff.  Le 
liai-laui)e  des  dunes,  G.  Cuv.  )  est  pres(|ue  aussi 
grand  qu'un  lapin.  Son  jtelage  est  d'un  gris  blan- 
chitre;  sa  queue  est  grise,  à  poils  roides.  Cet 
animal,  qui  vit  à  la  manière  des  taupes,  fouille 
tellement  la  terre  dans  les  environs  du  Cap  de 


RATS-TAUPES. 


321 


Bonno-Espi^raiicp,  où  i)  lial>ite,  qu'il  est  sonvrnt 
flaiigorcux  de  se  promener  j^i  cheviil  dans  les  cail- 
lons où  il  est  coniniim.  Il  se  nourrit  de  racines 
et  donnons  déplantes  bulbeuses. 

12"  Geivhe.  Les  cri'ÉXO.MES  {  CJciinnuis, 
Rlainv.  )  ont  vingt  dénis,  savoir  :  quatre  incisi- 
ves fortes,  à  coupe  carrée,  à  bord  large,  sans 
sillon  sur  leur  surface;  huit  molaires  en  liant  et 
huit  en  bas;  leur  tête  est  ovale,  peu  déprimée  ; 
leurs  yeux  sont  petits;  leur  corps  est  assez  al- 
longé, un  peu  déprimé  ;  leursjambes  sont  cour- 
tes ;  leurs  pieds  ont  cinq  doigts  pourvus  d'ongles 
longs,  très  arqués,  pointus,  jjropres  à  fouir  la 
terre  ;  ceux  des  pieds  de  derii('re  plus  courts  , 
plus  larges,  creusés  en  cuiller  en  arriére,  garnis 
à  leur  racine  de  poils  loides  en  nlteau. 


Le  Cténome  nr  RnÉsii.  {Ctcnomijs  brctsilien- 
sis,  P.i.MNV.)  est  de  la  (aille  de  noire  rat  d'eau. 
Son  pelage  est  doux,  fin,  court,  d'un  gris  ardoise 
à  sa  base,  et  d'un  brun  roussâtre  luisant  dans 
tout  le  reste  de  sou  étendue;  le  dessous  est  d'un 
blanc  roussâtre;  sa  queue  est  médiocre,  à  poils 
rares  et  d'un  brun  noirâtre.  Il  habite  le  Brésil. 

15«  Genre.  Les  HlÉL.\3IYS  {Ilclamif<,  Fn. 
Clv.)  ont  \ingt  dents,  savoir:  quatre  incisives 
en  forme  de  coin  ;  huit  incisives  ù  chaque  mâ- 
choire, simples,  à  deux  lames;  ils  ont  le  museaiv 
épais;  les  oreilles  longues;  les  jambes  de  devant 
courtes,  à  cinc]  doigts  armés  d'ongles  fort  longs; 
les  janil)es  de  derrière  très-longues,  à  quatre 
doigts;  la  queue  longue  et  très-touffue;  quatre 
mamelles  peelorales. 


■4 


41 


:i22 


Li:S   UON(.EUKS. 


Le  MANNET  OU  LIÈVRE  SAUTEUR  DU  CAP  [Ihlamys  cafer,  Fr.  Cuv.  Pedetes 
capensis,  Desm.  Dipnscnfer^  Gml.  Le  Grand  Gerbo,  Buff.  ) 

Est  à  peu  près  de  la  grandeur  et  de  la  couleur  d'un  lièvre;  il  est  d'un  fauve 
jaunâtre  clair,  varié  de  noirâtre  en  dessus,  blanc  en  dessous,  avec  une  ligne  de 
la  même  couleur  dans  le  pli  des  aines;  ses  jambes  sont  brunes;  sa  queue, 
assez  mince,  est  roussâtre  à  l'origine  en  dessus,  grise  en  dessous,  noire  à  l'ex- 
trémité. 

Le  mannet  habite  les  montagnes  autour  du  cap  de  Bonne-Espérance.  Avec 
ses  ongles  puissants  il  se  creuse  un  terrier  ayant  quelque  analogie  avec  celui 
d'un  lapin,  mais  un  peu  plus  large.  C'est  là  que  cet  animal  se  retire  pendant 
le  jour,  car  ses  grands  yeux  nocturnes  ne  lui  permettent  i)as  de  soutenir  l'éclat 
des  rayons  du  soleil.  Il  dort  profondément  toute  la  journée,  et  il  semble  qu'il 
y  mette  une  sorte  de  volupté  paresseuse.  Assis  sur  le  derrière,  le  dos  appuyé 
contre  la  paroi  de  sa  chambre  à  coucher,  il  ploie  le  dos,  courbe  la  tète  et  la 
place  entre  ses  deux  genoux  écartés  et  mollement  plies;  avec  ses  mains,  il 
[)rend  ses  deux  longues  oreilles,  les  rabat  sur  ses  yeux  en  manière  de  rideaux, 
et  par  ce  moyen  aucune  distraction  ne  lui  arrive,  ni  par  la  vue,  ni  par  l'ouïe. 
S'il  se  réveille  de  temps  à  autre,  c'est  pour  goûter  à  ses  provisions, "et  se  rendor- 
mir bientôt  après  dans  une  douce  cpiiélude.  Mais  quand  les  premiers  voiles  de 
la  niiil  oui  assombii  Iborizon,  il  (juilte  son  alliliide  somnolente,  et  pense  à  faire 


RATS-TAU  P!:S.  323 

ses  provisions  pourle  leiulomaiii.  11  sort  de  son  terrier,  et  cln  bord  de  son  tron 
évente  les  environs  pour  s'assurer  qu'aucun  danger  ne  le  menace.  Alors  il  se 
hasarde  dans  la  campagne,  mais  avec  précaution,  et  il  ne  s'éloigne  jamais  beau- 
coup de  sa  retraite,  afin  de  pouvoir  y  rentrer  promptement  s'il  aperçoit  quelque 
objet  inquiétant.  Lorsqu'il  est  tranquille,  il  marche  sur  ses  quatre  pattes,  et  ra- 
masse l'herbe  et  les  graines  dont  il  se  nourrit.  Il  goûte  à  ses  provisions  avant  de 
les  transporter,  et  pour  cela,  debout  sur  son  derrière,  il  les  porte  à  sa  bouche 
avec  ses  pattes  de  devant,  qui  font  office  de  bras  et  de  mains.  Aperçoit-il  un 
animal  carnassier  ou  un  chasseur,  il  fuit  en  sautant  sur  ses  jambes  de  derrière, 
en  conservant  sa  position  verticale  et  faisant  des  bonds  prodigieux.  Dans  ce 
cas,  ses  jambes  de  devant  sont  si  exactement  appliquées  contre  son  corps, 
(ju'elles  disparaissent  presque  entièrement  dans  les  poils  de  la  jioitrine. 

Du  reste,  cet  animal,  si  timide  à  l'état  sauvage,  s'apprivoi«e  très-facilement, 
et,  en  domesticité,  il  porte  quelquefois  la  familiarité  jusqu'à  l'insolence.  Comme 
sa  chair  est  assez  bonne  à  manger,  les  Hottentots  et  les  colons  lui  font  une 
guerre  active.  Ils  cherchent  sou  terrier,  le  découvrent  avec  la  pelle  et  la  pioche, 
et  s'emparent  de  l'animal,  qui  fait  fort  peu  de  résistance,  et  qui  se  borne  le 
plus  souvent  à  pousser  un  petit  grognement  sourd  de  colère,  si  on  ne  le  blesse 
pas.  Quand  son  terrier  est  creusé  dans  des  tissures  de  rochers,  on  le  force  à  en 
sortir  en  le  fumant,  comme  nous  faisons  ici  pour  les  renards. 


321 


LES  KONGEURS. 


La  Getbnise  Alactas 


LES  GERBOISES 


Soiil  roinarqiial)Ies  par  leurs  nionibres  posté- 
rieurs beaucoup  plus  longs  que  les  autérieurs, 
flou  il  résulte  qu'au  lieu  de  marclier  ù  quatre 
pieds  elles  sautent  sur  deux  ;  elles  ont  les  incisives 
inférieures  pointues,  et  non  cunéiformes;  ja- 
mais plus  de  douze  ou  quatorze  molaires,  et  tous 
les  doigts  libres. 

lî*  GE>nE.  Les  GERBOISF.S  (  Dipiis,  Sckeb. 
—  Gml.)  ont  dix-huit  dents,  savoir  :  quatre  in- 
cisives, dont  Jes  inférieures  pointues;  pas  de 


canines;  huit  molaires  eu  haut  et  six  en  bas, 
simples,  à  couronne  tuberculeuse,  la  première 
supérieure  n'étant  que  rudimentaireel  tombant 
avec  làge;  les  jambes  postérieures  sont  plus  ou 
moins  allongées,  et  les  doigts  eu  nond)re  varia- 
ble, mais  n'ayant,  comme  ceux  des  oiseaux  , 
qu'un  seul  métatarsien  pour  tous;  les  pommettes 
sont  très-saillantes;  la  queue  est  très-longue, 
touffue  au  bout;  cl  ils  ont  huit  mamelles.  Tous 
ces  animaux  ne  marchent  qu'en  sautant. 


Ualactaga  {Dipiisjnciilns,  Gjil.  Musjaculus,  Vaï.i..  Le  Mongut,  \ico-nAz\R. 
Le  Morin  jnhiiaûes  Kalmoucks) 

A  environ  sept  pouces  (0,HS9)  de  longueur,  non  compris  la  queue  qui  est  beau- 
coup plus  longue  que  le  corps,  et  n'a  pas  moins  de  onze  pouces  (0,2'.)8).  Il  a 
beaucoup  d'analogie  avec  le  gerboa,  mais  il  en  diffère  par  un  pelage  moins  fauve, 
par  sa  tète  plus  longue,  par  ses  oreilles  presque  nues,  assez  étroites,  mais  plus 
longues  que  la  tète,  et  suri  ont  par  ICxistence  des  deux  petits  doigts  latéraux 
aux  pieds  postérieurs.  Sous  le  nom  de  D'ipus  jacitlus  jnjgmœns,  Eversmann  en 
iiidiiiueune  variété  plus  petite  babitanl  le  désert  entre  Orembourg  et  Bukkara. 

L'alactaga  se  trouve  dans  les  déserts  de  la  Tartarie,  de  la  Crimée  et  de  la 
Tauride.  11  s'engourdit  deux  fois  par  an  :  en  biver,  et  alors  il  a  le  soin  de  bou- 
clier lierméli(piemcnt  son  terrier  avec  de  la  terre  délayée,  et  en  été  pendant  les 


LES    HEL/VMYS. 

ME    Dl     (:*P     1)1'     l!O>>E-HSPEUAN0E. 


.1  »,  .1  I  I.    Ar.     H  I  > 


UATS-TAUPES.  325 

gramles  chaleurs.  Il  n'amasse  aucune  provision,  et  se  borne  à  transporter  dans 
son  trou  un  peu  de  foin  et  de  mousse  pour  se  coucher  dessus  pendant  son  hiver- 
nage. Nocturne,  comme  les  autres  animaux  de  son  genre,  il  ne  quitte  sa  retraite 
que  la  nuit  pour  aller  chercher  sa  nourriture,  qui  consiste  en  herbes,  en  feuilles 
et  en  racines,  quelquefois  en  insectes,  et  même  en  petits  oiseaux  quand  il  peut  les 
saisir.  D'un  caractère  farouche  et  féroce,  il  lui  arrive  parfois  de  se  jeter  sur  des 
individus  de  son  espèce,  sur  ses  propres  enfants  même,  et  de  les  dévorer  s'il  est  le 
plus  fort.  D'un  seul  bond  il  franchit  une  distance  considérable,  et  ses  sauts  se 
répètent  avec  une  si  grande  rapidité,  que,  selon  Pallas,  le  meilleur  cheval  de 
course  ne  peut  le  dépasser.  La  femelle  produit  plusieurs  fois  l'année,  et  chaque 
fois  elle  fait  un  nombre  de  petits  assez  considérable. 

Le  Gebbo  ou  Geuboa  (  Dipns  gcrboa,  Gml.—  sant  de  la  même  couleur  se  dessine  sur  chaque 

Des>i.  Miisjnrulus,  Lix.  Mus  sugilta,  Pâli,.  Le  fesse;  les  oreilles  sont  de  nioilié  aussi  longues 

Gerbo  ou  Gerboise  de  Blff.  La  Gerboise  à  trois  que  la  télé;  celle-ci  est  couiie,  élargie;  les  pattes 

(loiuls  de  quelques  auteurs)  a  le  corps  long  de  de  derrière  ont  trois  doigts,  dont  celui  du  nji- 

six  pouces  (0,1  ()2|,  non  compris  la  queue  qui  est  lieu  le  plus  long;  les  pattes  antérieures  ont  un 

plus  longue  (pie  le  corps;  son  pelage  est  d'un  petit  pouce  onguiculé.  Les  jamiies  sont  nues, 

fauve  clair  en  dessus,  la  pointe  des  poils  étant  aussi  bien  que  les  oreilles  et  le  museau.  Il  a  été 

noire;  le  dessous  du  corps  est  Manc  ;  un  crois-  souvent  confondu  avec  le  précédent. 

Le  gerbo,  que  les  Arabes  nomment  jerbuah,  habite  les  lieux  sablonneux  et 
déserts  de  la  Barbarie,  de  l'Arabie  et  de  la  Syrie.  C'est  un  animal  timide,  in- 
quiet, fort  défiant,  assez  doux,  et  qui  néanmoins  ne  s'apprivoise  que  jusqu'à  un 
certain  point.  Ses  jambes  de  devant  sont  trop  courtes  pour  pouvoir  lui  servir 
à  marcher,  aussi  ne  les  emploie-t-il  à  cet  usage  que  lorsqu'il  s'agit  de  grimper 
contre  des  pentes  trés-roides;  dans  toute  autre  circonstance,  son  allure  est  le 
saut;  il  peut,  dit-on,  franchir  d'un  seul  bond  un  espace  de  dix  pieds  (3,24.S),  et, 
dans  sa  marche  ordinaire,  il  ne  saute  pas  moins  de  trois  à  quatre  pieds  (0,975 
à  1,299)  chaque  fois.  Uien  n'est  curieux  comme  de  voir  ce  petit  animal,  lors- 
(ju'on  le  surprend  dans  un  blé  déjà  haut,  s'élancer  à  cha(iue  pas  qu'il  fait  au- 
dessus  des  épis,  paraître  et  disparaître  comme  une  marionnette,  mais  avec  une  si 
grande  vivacité  qu'il  est  impossible  au  chasseur  le  plus  habile  de  pouvoir  le  tirer. 
Dans  cette  circonstance,  il  a  les  pieds  antérieurs  exactement  appliqués  contre 
la  poitrine,  le  corps  très -penché  en  avant,  ses  longues  jambes  étendues  en 
arrière,  ce  qui  lui  donne  une  physionomie  fort  singulière. 

Les  gerboas  vivent  en  troupes  quelquefois  assez  nombreuses,  et  se  creusent 
des  terriers  à  la  manière  des  lapins  ;  ils  y  entassent,  pendant  la  belle  saison, 
une  assez  bonne  quantité  de  provisions,  mais  pour  leur  consommation  journa- 
lière, et  pour  le  temps  oii  des  orages  ne  leur  permettent  pas  de  sortir,  car  ils 
s'engourdissent  pendant  l'hiver,  comme  les  marmottes.  Ils  mangent  des  graines 
et  même  de  l'herbe  ;  mais  leur  nourriture  favorite,  et  la  plus  ordinaire,  con- 
siste principalement  en  petites  racines  tubéreuses  et  en  bulbes  de  plantes  lilia- 
cées,  qu'ils  déterrent  avec  une  grande  facilité,  l'our  manger,  ils  sont  assis  sur 
leurs  talons,  et  ils  portent  leurs  aliments  à  la  bouche  avec  leurs  pattes  de  de- 
vant; dans  le  repos,  celles-ci  sont  tellement  bien  cachées  dans  les  [)()ils  de  la 
poitrine  (|u'on  dirait  ((ii'ils  n'en  ont  pas.  Ce  sont  des  animaux  nocturnes,  (|ui 


32G 


Lt:S  RONGEURS. 


dorment  tout  le  jour  dans  leur  retraite,  et  (|ni  n'en  sortent  que  la  nuit  pour  aller 
à  la  provision.  Pendant  les  premiers  jours  de  l'automne,  ils  s'occupent  à  couper 
et  transporter  des  herbes  fines  et  sèches,  pour  composer  le  lit  mollet  dans  le- 
(piel  ils  doivent  passer  un  court  hiver.  Dès  que  les  vents  froids  conunencentà  se 
faire  sentir,  ils  s'y  retirent,  et  n'en  sortent  que  lorsqu'une  nécessité  absolue  les 
y  pousse.  S'il  survient  des  gelées,  ils  s'y  blottissent  et  s'y  engourdissent. 


LaGERnOISEGKAMl(Di7)!(51)l«.TJ»)II(S,  Bl,*INV.) 

est  de  la  ifrossciir  d'un  lapin  de  ninjcnne  taille  ; 
son  pelage  est  d'un  gris  clair  en  dessus,  blanc 
en  dessous;  elle  a,  sur  chaque  d'il,  nne  ligne 
noire,  et  ces  deux  lignes  se  réunissent  sur  le 
chanfrein  ;  elle  a  quatre  doigts  aux  pieds  de  de- 
vant et  trois  à  ceux  de  derrière  On  ne  connaît 
ni  SCS  mœurs  ni  sa  patrie. 

La  Gehuoisiv  nuACiiïtRE  (l)i])iis  bradiijurus, 
Blaimv.  Mus  jiiculus,  ]'ar.  Pall.  )  a  quatre 
|)ouces  et  demi  lO,  1 22)  de  longueur,  sansia  queue, 
qui  est  seulement  un  peu  plus  langue  ;  son  pelage 
est  d'un  fauve  pâle  varié  de  brun  en  dessus, 
blanc  en  dessous  ;  elle  a  un  croissant  blanc  sur 
chaque  fesse  ;  son  museau  est  blanc  à  l'extré- 
mité et  brun  en  dessus  ;  la  queue  et  les  niem- 
l)res  sont  assez  épais,  les  oreilles  assez  courtes; 
les  pieds  postérieurs  ont  cinq  doigis,  dont  les 
trois  internes  sont  d'égale  longueur  entre  eux. 
l'^lle  habite  la  Tartarie  et  la  Sibérie. 

La  (iEBiJOisE  Mii^E  I  l)>i)Hx  iiiinutus,  Desm. 
Dipns  jaiulus,  var.  ininor,  Pall.)  atteint  à  peine 
la  taille  d'un  mulot.  Son  pelage  est  d'un  gris 
jaunâtre  pâle,  varie  de  brun  en  dessus,  blanc  en 
dessous  ;  SCS  extrémités  sont  blanches,  ainsi  (lu'un 
croissant  sur  chaque  fesse  ;  le  museau  est  d'un 
.  gris  jaunâtre,  et  non  pas  blanc  ;  elle  a  cinq  doigts 
aux  pieds  de  derrière,  à  ongles  des  trois  in- 
ternes d'égale  longueur  entre  eux.  Elle  habite 
les  bords  de  la  mer  Caspienne  et  du  Volga. 

La  CxEiiBoiSE  TiiAiT  (  Dtpiis  tcltim,  Kvtus.l  est 
longue  de  cinc]  ponces  (0,1 3o)  .ijansla  queue,  qui 
en  a  six  (0,102),  est  bordée  de  noir,  et  n'a  pas 
de  blanc  à  son  extrémité  ;  elle  a  trois  doigts  aux 
pieds  de  derriire;  les  tarses  garnis  en  dessous 
de  |)oils  noirâtres,  durs,  médiocrement  longs, 
ont  de  forts  tubercides  à  la  naissance  de  l'ongle. 
Elle  se  trouve  aux  environs  du  lac  Aral. 

LaGE«i;oisE  a  pieds  de  liévue  {Dipuslagupus, 
l'.VEiis.)  a  quatre  pouces  trois  lignes  (0,113)  de 
longueur,  sans  la  queue,  qui  en  a  autant  ;  celle- 
ci  est  terminée  par  une  touffe  de  poils  blancs, 
et  bordée  de  poils  noirs  à  un  pouce  de  sou  ex- 
trémité; les  tarses  sont  garnis  en  dessous  de 
poils  serrés,  longs,  roides  et  blancs,  formant  la 
brosse  ;  le  pebige  est  Isabelle  claire  en  dessus, 
blanc  en  dessons.  Ou  la  trouve  entre  Bukkara  et 
Orembourg,  près  du  lac  Caniexhli. 

La  (iKiiiîoisE  A  yi'Ei  E  l'LATE  (  Dipits  pluturus, 
EvEiis.  )  a  Irais  ponces  six  lignes  (0,0!)."),'  de  Ion 


gncur,  sans  la  (pieue,  qui  en  a  trois  (0,0811. 
Ses  foi-mes  sont  les  mêmes  que  celles  de  la  pre- 
cédiiite,  mais  ses  oi'cilles  sont  longues,  sagittées, 
terminées  par  une  |)etite  lonffe  de  poils  noir-s  et 
très-coiu'fs;  les  pieds  ont  cinq  doigts.  Elle  habile 
le  même  pays,  i)rès  de  Kouvan-Deria. 

13  Geniik.  Les  r.EUBILLES  { Gerbillns , 
DiiSM.)  ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  incisives  ; 
point  de  canines  ;  six  molaires  en  haut  et  en  bas, 
simples,  à  couronne  tuberculeuse.  La  pommelle 
des  joues  n'est  pas  saillante;  les  jambes  posté- 
rieures sont  très -longues,  à  cin(]  doigis  ayant 
chacun  son  métatarsien  propre;  leur  queue  est 
longue,  plus  ou  moins  touffue,  sans  |)inceau  de 
poils  plus  longs  à  l'extrémité.  Ils  ne  nuirchent 
qu'en  sautant. 

Li'  JuiD  (  Cicrbilliix  meriiliaims,  Desm.  Mtis 
loiigipcs  et  Mus  meriilmuns,  Pall.)  a  (piati'e 
ponces  deux  lignes  (0,1  l.'i)  de  longueur,  sans  la 
queue,  (lui  en  a  trois  (0,081);  son  pelage  est  d'un 
fauve  grisâtre  en  dessus ,  et  d'un  blanc  pur  en 
dessous,  avec  une  ligne  dorsale  d'un  roux  brun  ; 
les  membres  sont  blancs  ;  la  (pieue  est  d'un 
fauve  grisâtre  uniforme.  Les  pieds  de  devant 
ont  un  pouce  à  la  vérité  fort  court,  mais  ongui- 
culé. Le  jird  habile  les  déserts  sabloimeux  et 
arides  qui  séparent  le  Volga  de  la  chaîne  des 
monts  Ourals  ;  il  est  assez  conmiun  sur  les  bords 
brûlants  de  la  mer  Caspii  une.  il  se  nourrit  de 
graines  sèches  et  de  fruits  à  cocpie  dure,  tels 
que  noisettes,  noix,  etc..  et  vit  dans  un  terrii  r. 
'l'ont es  les  espèces  ont  les  mêmes  habitudes. 

Le  Gehdille  ni  tamaiusc  {Gcrhillns  lamarici- 
vns,  Des>i.  Mits  tamniicinus,  Pall.  )  est  long 
(le  six  pouces  (0, 1 02),  sans  la  queue,  qui  en  a  cinq 
(0,1.33)  ;  son  pelage  est  épais,  d'un  gris  jaunâtre 
en  dessus,  blanc  en  dessous  ;  le  tour  des  yeux  et 
du  n(z  est  d'un  blanc  sale,  la  queue  est  annclée 
de  gris  et  de  brun  ;  les  pieds  de  derrière  ont  le 
pouce  plus  court  que  le  doigt  externe.  Il  habite 
les  bords  de  la  mer  Caspienne,  dans  un  terrier 
creusé  à  proximité  des  marais  salins,  n'en  sort 
que  la  nuit,  et  se  nourrit  de  feuilles  de  soudes  et 
de  taniariscs. 

L'IlEitiNE  (Gerbillits  tmiiins.  Desm.  Dipiis  in- 
liicus  ou  Yirbua,  llAiumicii)  est  de  la  tailled'un 
rat  conmmn  ;  son  pelage  est  marron  en  dessus 
et  tacheté  de  ligues  brunes  longitudinales;  le 
corps  est  blanc  eu  dessous;  la  queue,  un  peu 
plus  longue  que  le  corps,  est  brune,  terminée 


RATS-TAUPES. 


327 


par  un  flocon  de  poils  hlnncs.  Il  hnl)ite  l'Indos- 
fan,  vit  de  graines,  et  amasse  des  pro\  isions. 

Le  Gerhii.le  du  Lahiuuor  (  Vierbillus  Uibra- 
doricits,  Sapine  )  a  quatre  pouces  de  loupucur 
(0,1(18),  sans  la  queue,  qui  eu  a  deux  et  demi 
(0,0()8)  et  qui  est  noire  en  dessus,  hiauciie  inté- 
rieurement; le  pelafie  est  i)run  en  dessus,  blanc 
en  dessous,  ces  couleurs  se  fondant  insensible- 
ment l'une  dans  iaulre;  les  moustaches  sont 
très-f'oiirnies,  longues  et  noires. 

Le  GEiiiiiLLE  DES  PYiiAJiiDES  i  GerbUltis  ptjra- 
vxidiim,  Lsii).  (Ieof.  Dipus  pijrawidjii»,  (tEOK.) 
n  cinq  pouces  (O.fô.ï)  de  longueur,  non  compris 
la  queue,  qui  en  a  autant  ;  celle-ci  est  presque 
nue,  terminée  par  un  petit  pinceau  de  poils  jau- 
nâtres; le  pelage  est  d'un  jaune  roussàtre  en 
dessus,  d'un  l)lanc  sale  en  dessous;  les  pieds 
antiTieurs  n'ont  que  quatre  doigts,  sans  rudi- 
ment de  pouce.  Ce  n'est  peut-être  qu'une  va- 
riété du  gerbilie  du  tamarisc,  mais  distincte  de 
la  suivante,  avec  laquelle  Desniarets,Lesson, etc., 
l'ont  confondue.  Il  habite  les  environs  des  gran- 
des pyramides,  en  Egypte. 

Les  espèces  qui  vont  suivre  ont  les  jambes  pos- 
térieures d'une  longueur  excessive. 

Le  CiEnBiLLE  d'Écïpte  {Gcrbilliis  agti])tiiis, 
Desm.  Dipus  Gerbilliis,  Ouv.)  n'est  que  de  la 
taille  d'une  somis:  ccmime  le  précédent,  mais 
de  moitié  plus  petit  ;  ses  pattes  antérieures  ont 
cinq  doigts,  sa  queue  est  brune,  et  ses  membres 
postérieurs  sont  au  moins  aussi  longs  (pie  le 
corps.  Il  se  trouve  dans  le  même  pays. 

Le  GEiimi.LE  aix  veux  uom>s  (  G(HjiZ//(S  mf- 
(lalops,  RAFl^.)  est  long  de  deux  pouces  ((t,(l.)4!, 
sans  la  queue,  qui  est  plus  longue  et  terminée 
de  blanchâtre;  ses  jambes  postérieures  sont  lon- 
gues de  ti-ois  pouces  (0,081);  son  pelage  est 
gris  ;  ses  oreilles  et  ses  yeux  très-grands,  et  son 
museau  noir. Il  habite  le  Kentuck\  ,en  Amérique. 
Le  (iEuuii.LE  oLKiE  iiE  LION  (GerhUliis  Uonu- 
rus,  Rafi^.)  a  trois  pouces  (0,081)  de  longueur, 
non  compris  la  queue,  et  se«  jambes  de  derrière 


sont  de  la  même  longueur;  son  pelage  est  fauve: 
ses  oreilles  sont  très-longues  ;  sa  queue  est  noire, 
terminée  par  une  touffe  fauve.  Il  habite  le  Ken- 
tucky  et  l'Indiana,  en  Amérique. 

Le  (JERBiLLE  nE  LA  BAIE  d'IIcdson  (Gtrb'illiis 
h'idsonuis,  Raki>.)  ressemble  beaucoup  au  pré- 
cédent, mais  son  corps  est  brun,  bordé  d'une 
ligne  jaune  de  chaque  côté.  Il  habile  les  rives  de 
la  baie  d'Hudson. 

Le  Gekbili.e  soricin  {Gerbillus  sorichms , 
Kafi>.  )  est  d'un  gris  brun  en  dessus,  avec  une 
ligne  rousse  longitudinale  sur  les  lianes;  les 
oreilles  sont  presque  nues,  ovales-arrondies  ;  la 
queue,  plus  courte  que  le  corps,  est  soyeuse, 
d'un  gris  brun  en  dessous.  Il  habite  l'Amérique 
du  nord. 

10"  Gemie.  Les  MÉRIOXES  (1/f)io)i<-.s,  Illic.) 
ont  dix-huit  dents,  savoir  :  quatre  incisives,  huit 
molaires  en  haut  et  six  en  bas  ;  les  molaires  sont 
com|)osces,  et  non  simi^les  comme  dans  les  gen- 
res précédents;  la  couronne  représente  une  sorte 
d'S  renversé,  avec  des  cei des  de  plus  eu  plus 
marqués  sur  les  dernières  dents. 

La  Merione  du  Canada  (Mcrioncs  ncmoralis, 
Is.  CiEovF.  Mei  iones  ranadeusis,  Less.  Gerbillus 
canadeiisis.  Desm.  Gerbillus  Davicsii,  Rafix. 
f)ipu<  rnnadensis,  Davies.  Dipus  amcrirauiis, 
Rarton  )  est  de  la  grandeur  d'une  souris;  son 
pelage  est  jaunâtre  en  dessus,  blanc  en  dessous; 
ses  oreilles  sont  très-courtes;  sa  queue,  écail- 
leuse  et  picsque  nue,  une  fois  et  demie  aussi  lon- 
gue (pie  le  corps,  se  termine  par  un  (locon  de 
poils  allonges  ;  elle  a  quatre  doigts  aux  pieds  de 
devant,  et  ciiui  à  ceux  de  derrière,  l'.lle  habite  le 
Canada  et  passe  l'hiver  engourdie  au  fond  de  son 
terrier. 

LaMEKioNE  EPAISSE  (Mcrioucs  opimns.  Lvers  ) 
a  cinq  pouct^s  de  longueur  (0,135),  non  compris 
laquelle,  qui  en  a  quatre  (0,108)  et  qui  se  ter- 
mine par  une  houppe  brune  ;  ses  f(n'mes  sont 
louides,  épaisses,  et  ses  oreilles  courtes.  Elle  ha- 
bite entre  Orembonrg  et  Rukkara. 


328 


Lr:s   RONGEURS. 


-i:^£!^V^j^ 


Le  r.l„ml„ll,. 


LES  RATS 


Oui  les  mcisivos  iiifcriciircs  poiiilncs,  et  ja- 
mais au  delà  de  seize  iiMiliiiics.  Leurs  nienilnes 
postérieurs  ne  sont  i)as  alionfjés  comme  ceux 
des  gei boises,  d'où  il  résulle  qu'ils  marelient 
sur  leuis  qiiaire  pâlies.  Les  uns  ont  des  a!)a- 
joues  extérieures,  ce  sont  les  saccom^s,  géom\s, 
diplitstomes,  hamster  et  heteromys;  tous  les 
autres  n'en  ont  pas.  Presque  tous  sont  des  ani- 
maux nui'ibles  à  l'agriculture. 


«  7-^  (iEiVKE.  Les  HAMSTERS  (Crirf/K.s.LACÉr.l 
ont  seize  dénis,  savoir  :  quatre  incisives,  jioinl 
de  canines;  six  molaires  en  haut  et  six  en  bas; 
les  molaiies  sont  simples,  à  couronne  garnie 
de  lul)ercules  mousses.  Lenis  al)ajoiies  sont  très- 
grandes;  ils  ont  quatre  doigts  et  un  rudiment 
de  pouce  aux  pâlies  de  de\ant,  et  ciiu|  doigts 
aux  pattes  de  derrière;  leurs  ongles  sont  lobus- 
les,  et  leur  queue  courte  et  velue. 


Le  CHINCHILLA  {Criccius  Imiujcr,  Gkoff.  ]\]us  lanigcr,  Molina.  Le  Cliincilte 
de  n'AcosTA.  Ch'wcinlln  lan'ujrrn,  Harvky). 

Ce  charmant  animal  a  onze  pouces  (0,298)  de  longueur;  il  se  fait  remarquer 
par  la  beauté  de  sa  fourrure,  si  recherchée  par  nos  dames.  Elle  est  composée 
de  poils  longs,  soyeux,  très-doux,  d'un  gris  noirâtre  ondulé  de  blanc,  ce  qui 
donne  au  pelage  une  nuance  veloutée  de  gris,  de  blanc  et  de  noir  ;  le  ventre  et 
les  pattes  sont  d'nn  blanc  pur  et  brillant  ;  les  oreilles  sont  grandes,  arron- 
dies, membraneuses;  sa  queue  est  courte,  couverte  de  longs  poils  roides,  gris 
et  blancs. 

Le  chinchilla  se  trouve  vers  le  sommet  des  plus  hautes  montagnes  du  Chili 
et  du  Pérou;  son  caractère  est  très-doux  sans  être  extrêmement  tiiuide;  aussi 
s'apprivoise-t-il  avec  la  plus  grande  facilité,  et  je  ne  doute  pas  qu'avec  un  peu 
de  persévérance  on  ne  puisse  en  faire  un  animal  domestique,  comiue  le  lapin. 
Il  deviendrait  alors  d'autant  plus  précieux  que  l'on  pourrait  non-seulement  tirer 
parti  de  sa  fourrure,   comme  on  le  l'ait  aujourd'hui,  mais  encore  en  fabri(pier 


INTERIEUR  DU   CABINET   D'ANATOMIE  COMPAREE 

(   .)  a  1  ai  n     de*     H  I  »  n  I  e  s.  ) 


RAÏS.  329 

(les  étoffes,  à  rimilation  des  anciens  Péruviens.  Ce  petit  animal  s'attache  à  son 
maître,  le  reconnaît,  lui  obéit,  le  caresse  et  aime  à  en  être  caressé;  à  l'état  sau- 
vage, il  vit  en  société  et  habite  des  terriers,  où  il  amasse  des  provisions  de  grai- 
nes et  de  fruits  secs  pour  se  nourrir  pondant  lamauvaisc  saison.  La  femelle  mot 
bas  deux  fois  par  an,  et  chaque  portée  est  de  cin(i  ou  six  petits,  ([u'elle  élève  avec 
soin  dans  nu  lit  de  mousse  au  fond  de  son  torrior. 


LaYischcuK.  (Criretus  viscarcia. —  l^epiis  vis-         Le  IIamstek  oiiDi^MnE   ICrirctiis  ritlgaris , 

roffia.MoLiNA.La  Visrache,  i)'Az\ra),  ainsi  que  Desm.  Mus  crirctn^,  V\i.l.  Lq  llamsler,  Rlff.  Lo 

le  chinchilla,  n'ont  pas  grande  analogie  avec  les  SkrzcrzicrI;  des  Slaves  Tlljriens.  Le  Cliomi/.- 

Crirc(((.<;  aussi  les  Anglaisen  ont-ils  fait  nn  genre  Skrzerzk  des  Slaves  Polonais  )  est  de  In  gran- 

soMs  le  nom  de  rbinrhilla.  Cette  espèce  a  la  tète  denr  d'un  rat  ;  son  pelafie  est  d'an  gris  roiissfi- 

senil)lable  à  celle  d'un  lièvre  ;  sa  queue  est  Ion-  treen  dessus,  noir  en  dessous,  avec  trois  grandes 

gue  ;  elle  a  quatre  doigts  aux  pieds  .intérieurs  et  taches  sur  les  (lancs  ;  les  pieds  sont  blancs,  et  la 

(rois  sculcnicnl  .'i  ceux  de  derrière  ;  le  pelage  est  gorge  et  In  poitrine  présentent  chncune  une  ta- 

long,  doux,  mélangé  de  brun  et  de  blanchâtre;  che  blanche.  On  en  connaît  une  variété  noire 

une  bande  blanche  traverse  l'œil  ;  les  joues  sont  de  rUr;d,  décrite  par  Fit.  Ccvier.  Cette  espèce 

noires  et  garnies  d'épaisses  moustaches  roides  a  une  grande  réputation  de  prévoyance  dans  les 

et  longues.  Elle  habite  le  Chili.  paj s  qu'elle  habile;  elle  y  fait  de  grands  dégâts. 

De  tous  les  animaux  de  son  genre,  celui-ci  est  le  mieux  connu;  nous  allons 
donner  son  liistoire  dans  les  plus  grands  détails  pour  servir  à  celle  du  genre,  car, 
ci  quelques  modifications  près,  que  nous  enseignerons,  toutes  les  espèces  ont  les 
habitudes  à  peu  près  semblables.  Le  hamster  habite  tout  le  nord  de  l'Ein-ope  et 
de  l'Asie  ;  il  ne  s'engourdit  pas  l'hiver,  quoi  qu'en  aient  dit  quehpies  naturalistes, 
et  Pallas  l'a  démontré  par  des  expériences  positives.  Il  vit  isolé  dans  les  champs 
cultivés  et  dans  les  steppes  de  la  Russie  méridionale  et  de  la  Sibérie;  mais,  comme 
il  multiplie  considérablement,  surtout  dans  de  certaines  années  qui  lui  sont  fa- 
vorables, il  fait  beaucoup  de  dégâts  aux  récoltes,  et  ses  dévastations  ont  été  quel- 
quefois si  grandes,  que  plusieurs  gouvernements  d'Allemagne  ont  été  obligés  de 
mettre  sa  tête  à  prix.  11  évite  les  champs  humides  et  ceux  qui  sont  sablonneux, 
à  cause  de  la  difticnlté  (pi'il  trouverait  à  y  étal)lir  convenablement  son  terrier; 
mais  il  ne  manque  jamais  de  donner  la  préférence  <à  ceux  oii  la  réglisse  croît  en 
abondance,  parce  qu'il  aime  beaucoup  la  graine  de  cette  plante,  et  qu'il  en  fait 
de  grands  ap[trovisionnemeuts,  surtout  lorsqu'il  man(pie  de  blé.  Poin*  faire  son 
habitalion,  il  connnence  par  creuser  un  conduit  oblique,  plus  ou  moins  profond  ; 
il  en  rejette  la  terre  en  dehors,  et  c'est  par  là  que  doivent  sortir  tous  les  maté- 
riaux su|)erflus  de  son  édilice.  Aussi  en  résnlte-t-il  une  petite  butte  de  terre 
([ui,  malgré  toutes  les  précautions  qu'il  prend  ensuite  pour  masquer  l'entrée  de 
son  terrier,  le  fait  reconnaître  par  les  chasseurs.  Ce  conduit  aboutit  à  un  pre- 
mier magasin,  de  forme  sphérique,  plus  ou  moins  grand,  mais  n'ayant  jamais 
moins  de  huit  à  dix  pouces  (0,217  à  0,271)  de  diamètre.  Les  parois  en  sont  par- 
faitement unies,  et  la  vofite  en  est  solide.  Tout  à  côté  de  ce  magasin  est  un  con- 
duit vertical,  montant  à  la  surface  du  sol,  et  c'est  le  passage  ordinaire  du  hams- 
ter pour  entrer  et  sortir  de  sa  demeure.  La  femelle,  ne  logeant  jamais  avec  le 
mâle,  creuse  ordinairement  plusieurs  de  ces  trous  perpendiculaires,  afin  de 
donner  plusieurs  entrées  libres  à  ses  petits  lorsqu'ils  sont  menacés  d'un  danger. 
A  côté  de  ces  trous,  à  un  ou  deux  pieds  (0,523  ou  0,075)  de  distance,  les  hamsters 


330  LKS  RONGEURS. 

(Mcuseiit  un,  deux  ou  trois  caveaux  parliculiers,  en  forme  de  voûte,  plus  oit 
moins  spacieux,  suivant  la  quantité  de  leurs  provisions;  c'est-à-dire  (jue,  lors- 
qu'ils ont  rempli  un  magasin,  ils  s'occupent  aussitôt  à  en  faire  nn  autre.  Le 
caveau  où  la  femelle  fait  ses  petits  ne  renferme  jamais  de  provisions;  elle  se 
borne  à  y  transporter  des  brins  de  paille  et  du  foin  pour  en  faiie  un  nid.  Deux 
ou  trois  fois  par  an  elle  y  met  bas  cinq  ou  six  petits,  quelquefois  davantage, 
et  elle  en  i)rend  soin  pendant  six  semaines  ou  deux  mois.  Quand  ils  ont  atteint 
cet  âge,  elle  les  chasse,  et  chacun  va  de  son  côté  se  creuser  un  autre  terrier, 
auquel,  dans  le  premier  tâge,  il  ne  donne  qu'un  pied  de  profondeur.  Chaque 
année  il  l'agrandit,  de  manière  que  celui  d'un  vieux  hamster  s'enfonce  en  terre 
jusqu'à  ciu(|  pieds  (1,024),  et  le  domicile  entier,  y  compris  toutes  les  commu- 
nications et  tcms  les  caveaux,  a  quelquefois  huit  ou  dix  pieds  (2,599  à  5,2i8)  de 
diamètre. 

Pendant  toute  la  belle  saison  les  hamsters  s'occupent  exclusivement  de  rem- 
plir leurs  magasins,  et  pour  y  apporter  leurs  provisions,  consistant  en  grains 
secs  et  nettoyés,  en  épis  de  blé,  en  fèves  et  en  pois  en  cosse,  etc.,  ils  se  servent 
de  leurs  abajoues,  qui  peuvent  contenir  plus  d'un  décilitre  (un  demi-verre)  de 
grains  nettoyés.  C'est  ordinairement  à  la  fin  d'août  qu'ils  terminent  cette  opé- 
ration, après  (pioi  ils  s'occupent  de  nettoyer  leur  récolte,  de  jeter  au  dehors,  par 
le  conduit  oblique,  les  pailles,  cosses,  balles,  et  grains  avariés.  Us  bouchent  en- 
suite toutes  les  ouvertures  de  leur  terrier  avec  de  la  terre  gâchée,  et  avec  tant  d'in- 
telligence qu'il  serait  fort  difficile  de  reconnaître  leur  habitation,  si,  comme  je 
l'ai  dit,  la  butte  de  terre  entassée  devant  le  trou  oblique  ne  la  dénonçait  pas.  Us 
passent  la  mauvaise  saison  dans  leur  domicile,  où  ils  emploient  tout  leur  temps 
à  manger  et  à  dormir.  Il  en  résulte  qu'au  printemps  ils  en  sortent  beaucoup  plus 
f^ras  qu'ils  y  étaient  entrés  en  automne.  C'est  dans  celte  dernière  saison  que  les 
paysans  se  mettent  en  quête  pour  découvrir  l'habitation  des  hamsters.  Ils  l'ou- 
vrent avec  la  pelle  et  la  pioche,  tuent  l'animal  pour  en  vendre  la  fourrure,  et 
s'emparent  de  ses  provisions,  cpii  souvent  contiennent  deux  boisseaux  (2décal.  602) 
de  très-bons  grains. 

Le  hamster,  malgré  rinlelligence  qu'il  déploie  pour  faire  ses  approvisionne- 
ments, n'eu  est  pas  moins  un  animal  brute,  incapable  de  s'apprivoiser  assez 
i)our  reconnaître  la  main  qui  le  nourrit,  et  d'une  férocité  d'autant  plus  étrange 
(lu'clle  ne  résulte  pas  de  ses  besoins,  mais  d'une  méchanceté  innée.  Si  l'un  d'eux, 
pressé  par  le  danger,  se  fourvoie  dans  le  terrier  d'un  autre,  il  est  aussitôt  saisi, 
étrano^lé  et  dévoré.  La  femelle  même  n'épargne  pas  son  mâle  s'il  n'a  le  soin  de 
se  sauver  promptement  après  l'accouplement.  Lorsque  deux  hamsters  se  ren- 
contrent dans  un  champ,  ils  commencent  l'un  et  l'autre  par  vider  leurs  aba- 
joues avec  leurs  pattes  de  devant,  ce  qu'ils  font  toujours  ([uand  un  danger  les 
menace,  puis  ils  s'élancent  l'un  siu'  l'autre,  se  battent  à  outrance,  et  le  vainqueur 
dévore  le  vaincu.  Ils  se  défendent  avec  la  môme  fureur  contre  tous  les  animaux, 
même  contre  les  chiens  et  contre  l'homme.  Quand  la  saison  a  été  mauvaise,  et 
qu'il  y  a  disette  de  grains,  ces  animaux  se  déclarent  entre  eux  une  guerre  atroce, 
et  finissent  par  s'entre-détruire  mutuellement.  Du  reste,  ils  ont  cela  de  conunun 
avec  les  rats  et  les  mulots  auxquels  ils  ressemblent  beaucoup. 


UATS 


331 


Le  SkKiH  {Ciiriitis  (ircnor'uts,  Dusji.  Mus 
nrciKtrius,  Pâli..).  lof^oiTiuoiit  plus  gfjiiid  que 
le  campagnol  eommiin,  a  trois  pouces  huit  ligues 
<(»,()!)9)  de  longueur,  cl  sa  queue  a  dix  lignes 
{<),()2.)).  Il  a  le  corps  très-raccourci;  sou  pel;ige 
est  d  un  cendré  lilaneli'iireen  dessus,  lrés-l)lauc 
en  dessous,  ainsi  que  Us  poils  de  sa  queue,  qui 
est  plus  longue  ipie  dans  les  anti-cs  espèces  ;  ses 
oreilles  sont  ai'roudies,  puhescentes,  grandes  et 
jaunâtres  ;  sa  télé  est  oblongue,  à  uiuseau  pointu; 
son  nez  roiigeàtre  et  pubesceul  ;  le  ponce  des 
pieds  de  devant  est  onguiculé.  11  habite  les  cam- 
pagnes siibloiineuses  de  la  Sibérie,  prés  de  l'ir- 
liscli.  Le  uiàlo  vit  dans  un  terrier  de  plusieurs 
mètres  de  longueur,  au  tond  du<piel  il  se  lait 
un  nid  avec  des  racines  de  l'eljme  des  sables. 
Il  se  nourrit  principalement  des  graines  de  l'as- 
tragale adragant  [Ashagnlus  tr(i(jacantltoide>), 
et  ne  soi'l  (jue  la  nuit  de  son  terrier.  Il  est  f rès- 
uiéchant,  se  renverse  sur  le  dos  pour  se  défendre 
des  dents  et  de  la  griffe  contre  ses  ennemis,  et 
nes'apprivoise  jamais.  La  femelle  fait  cin(j  pe- 
tits chaque  fois,  et  probablement  deux  portées 
par  an. 

Le  Pué  (  Crkelus  phœits,  Desm.  Mus  jïhwtts, 
P\LL.  )  est  de  la  grandeur  du  campagnol  com- 
mun, il  a  trois  pouces  cinq  lignes  (0,092)  de 
longueur,  sans  la  queue,  qui  est  blancb;itie  et 
longue  de  neuf  lignes  i0,(i"20).  Son  pelage  est 
d'un  cendré  bleuâtre  sur  le  dos  et  entièrement 
blanc  sur  toutes  les  p:.ilics  inlérieures  ;  le  nez 
est  nu;  ses  oreilles  sont  brunes,  ovales  et  très- 
larges,  velues  il  la  pointe  ;  le  tour  de  la  boudie 
et  des  quatre  pieds  est  blanc.  Il  habite  les  dé- 
serts d'Astracan  et  la  l'erse  Pendant  l'hixer  il 
pénètre  dans  les  habitations,  s'y  établit,  et  pille 
le  grain  dans  les  greniers.  11  ne  s'engourdit  pas 
pendant  la  saison  froide,  et  je  crois  ([u'il  a  cela 
de  conunun  avec  tous  les  hamsters. 

Le  ILif.Ri  {Cricctns  viigraloriiis,  Desm.  Mm 
migratoi'iun,  Pai.i..  )  a  trois  pouces  de  longueur 
\0,08l  \  non  compris  la  queue,  qui  a  huit  lignes 
((i,0f<S  .  Son  nez  est  arrondi  et  un  peu  velu, 
fendu  en  deux  par  un  sillon  ;  ses  abajoues  sont 
très-grandes  ;  son  pelage  est  d'un  gris  cendre  en 
dessus,  blanc  en  dessous,  ainsi  que  le  museau,  le 
|)ourtour  des  narines  et  les  pieds  ;  les  oreilles 
sont  nues  et  échancrées.  Il  habite  la  Sibérie, 
à  l'est  du  Jalk.  Les  Cosa(|UCs  de  celle  conlrc'e 
prétendent  (lu'il  émigré  la  nuit,  en  troupes  con- 
sidérables que  les  renards  suivent  pour  s'en 
noiu-rir;  mais  ce  fait,  si  contradictoire  avec  les 
habitudes  des  autres  hamsters,  mérite  d'éti'e 
coulirmé,  et  doit  ))eul-élre  s'appliquer  au  cam- 
pagnol social  (  .Irrico/a  sociaiis),  s'il  est  \rai. 

Le  IIamstek  de  So^gkimv.  {('.licetiis  soiigunis, 
Desm.  A/iis-.voiigrn-Hv,  Pai.l.I  a  trois  pouces  iO,()8l) 
de  longueur,  non  compris  la  (jueue  ;  sa  tête  est 
i-amassée,  son  nuiseau  obtus  ;  ses  oreilles  soid 
ovales,  suseeplibles  de  se  plisser;  sou  pelage  est 


cendré  sur  le  di)s  avec  une  ligne  dorsale  noire; 
les  lianes  sont  variés  de  blanc  et  de  brun  ;  le 
ventre  est  d'un  blanc  i)iir  ;  le  corps  est  trapu,  et 
la  (lueue  très-courte.  Il  habite  les  déserts  de  la 
Sibérie  et  les  step|)es  de  Barabensk,  près  de  l'ir- 
tisch.  Le  site  (piils  préfèrent,  dit  Palla.s  est  un 
terrain  aride,  sablonneux  et  saliu.  Au  milieu  de 
juin,  il  décou\rit  le  terrier  d'une  femelle  qui 
avail  sept  petits  encore  aveugles.  La  chandire 
dans  laquelle  on  les  trouva  était  ta[)issée  d'her- 
bes sèdies  et  de  racines  liiies,  et  contenait  en 
outre  un  petit  approvisionnement  de  silicpies 
d'aljsse  de  montagne  et  d'él\  u.e  des  sables.  Les 
petits  vécurent  trois  mois  de  |)ain  et  de  toute 
sorte  de  graines;  ils  étaient  si  f:imilier,s,  qu'ils 
mangeaient  dans  la  main;  ils  jouaient  le  jour  et 
ne  dormaient  que  la  nuit.  Leur  voiv  elail  rare, 
et,  (piand  on  les  tom-mentait,  ils  ne  faisaient  que 
pi|)er  comme  une  chauve- souiis.  Leur  urine  étjnt 
très-fétide.  Ils  moururent  de  gras-fondu, eu  aoùl. 

L'Ouozo  (  C.ricctits  fitntini(lii><,  Des:(i.  Mus  fit- 
runcnlits,VkLL.  Fiirnnciiliis  i)i|/oidr.v,.Missiitciil. 
H  ressemble  an  siihlé,  mais  il  est  |)lus  petit;  son 
cor|)sest  allonge-;. son  museau  poinhi;  ses  oreilles 
sont  larges  et  unes  ;  son  [lelage  est  d'un  gris  jau- 
nâtre en  dessus  avec  nue  ligne  dorside  noire; 
le  ventre  et  les  pieds  sont  blanchâtres.  H  habile 
la  Daonrie,  et  l'on  eu  trouve  une  variété  dans 
les  plaines  de  l'irtiscli  et  de  l'Oby. 

Le  IIamsteu  a  liANUES  (  Cricclus  fitsciatiis,  I\a- 
ri.\.  )  est  roux,  avec  environ  dix  bandes  traus- 
verses  noires  sur  le  dos  ;  les  jambes  sont  mar- 
quées de  qiiehiues  r.iNures  noires  ;  la  queue,  un 
peu  plus  courte  que  le  corps,  est  mince,  anne- 
lee  de  noir;  les  abajoues  sont  pendantes;  les 
oreilles  sont  courtes,  ovales  et  un  peu  aiguës  ; 
les  yeux  sont  Irès-pelils  el  le  corps  trapu.  Il  ha- 
bite les  prairies  du  Kentucky. 

Le  GiANyuE  ((>irt//(.s-  cgnneus.  —  Mus  cija- 
ncus,  Mol.  —  Less.(  ett  de  la  grandeur  <lu  mu- 
lot et  lui  ressemble;  ses  oreilles  sont  plus  arron- 
dies; sa  queue  courte  est  à  demi  veine  ;  il  a  qua- 
tre doigts  aux  pieds  de  devant  et  cinq  à  ceux 
de  derrière  ;  son  pelage  est  d'un  gris  bleuâtre 
eu  dessus,  blanc  ou  blaiichàlre  eu  dessous.  Ce 
petit  animal,  très-timide,  li.ibile  le  Chili.  Il  se 
creuse  un  terrier  formant  une  galerie  de  dix 
pieds  de  profondeur,  le  long  de  laquelle  ré- 
gnent, de  chaque  cote,  sept  magasins  qu'il 
remplit  d'ognons  de  plantes  bulbeuses.  Dans 
la  saison  des  [iluies,  il  ne  quitte  pas  son  habita- 
tion, et  se  nourrit  de  ses  provisions  a\ec  la  pré- 
caution de  conunencer  par  les  [iremières  ramas- 
sées, et  ainsi  de  suite.  Cbaciui!  terrier  c.intienl 
une  lamilleavec  les  six  petits  de  la  dernière  por- 
tée nés  en  automiie  ;  ceux  de  la  première,  nés 
au  printemps,  quittent  le  terrier  à  l'âge  de  cinij 
à  six  mois. 

18"  (iExuE.  Les  SAi;(:o.MVS  {Sarcomijs,  l'ii 
Cl  V.]  ont  vingt  dents,  s;!\()ir  :  (juatre  incisives, 


332 


LES   KONG  KL' ris. 


pas  de  canines  ;  huit  molaires  en  liant  et  huit 
e:i  bas,  la  première  molaire  ajant  une  large 
eehaiicrure  anguleuse  au  coté  interne,  et  au 
milieu  de  cette  éehaïuTure  une  portion  circulaire 
(pii  lient  par  reiiiail  ;  tous  les  pieds  sont  armes 
d'ongles  analogues  à  ceux  des  taupes. 

LeSACCO.MYS  A:\Tiioi'MiLE(6'arfOi»i|;s'  anlhojthi- 
/uv.  Fit.  Clv.  Psendiiiitomabnrsaiius,  Say.  Mus 
bnrsaiius,Snk\y.  Saccojihorusbiirsarius,  Kuiil. 
Diplostotna  fiisca,  Rafi-».  .4.sfo»i|/irn)torff»i.si>, 
LiciiTEi.N.)  est  de  la  grandeur  d'un  loir  ;  sa  queue 
est  longue,  nue;  la  longueur  totale  de  l'animal 
est  de  onze  pouces  (0,298);  il  a  cinq  doigts  à 
chaque  pied  ;  son  pelage  est  d'un  fauve  uni- 
forme, tirant  plus  ou  moins  sur  le  gris  ou  le 
brun.  11  habite  les  bords  du  lac  Supérieur,  en 
AriK'rique,  vit  dans  un  terrier,  et  se  nourrit  de 
fruits  et  de  racines. 

19'  Ge\re.  Les  GE03IYS  i  Geotiiijs,  Hafin.  ) 
ont  probablement  le  même  système  dentaire  que 
le  genre  précédent;  ils  ont  cinq  doigts  ongui- 
culés à  chaque  pied,  les  ongles  de  ceux  de  de- 
vant très-longs  ;  leur  queue  est  ronde,  nue,  ce 
qui  les  distingue  des  hamsters. 

Le  Geo.mvs  Dts  i'i\s  (  Ceouiiis  pinctis,  IUfi>.) 
est  delà  taille  d'un  rat  ordinaire;  sa  queue,  en- 
tièreuieiit  nue,  est  plus  courte  que  son  corps. 
11  habile  les  forets  de  pins  de  la  Géorgie,  en 
Amérique. 

20'Gemie.  Les  DIPLOSTOMES  (/>i/)/o.s/o)»ir(, 
llAEi.N.  )  ont  le  même  système  dentaire  que  les 
saccomys  ;  leurs  dents  incisives  sont  sillonnées: 
leurs  abajoues  sont  très-grandes,  atteignant  en 
arrière  jusqu'aux  épaules  ;  leur  corps  est  cylin- 
drique, sans  (lueue  et  sans  oreilles;  les  yeux 
sont  couverts  de  poils,  et  ils  n'ont  (|ue  (]uatre 
doigts  à  chaque  pied. 

Le  Dn'Losio.iiE  blanc  (Di/)/(i,sto})U)  ullxi,  Rak.) 
a  cinq  pouces  et  demi  de  longueur  (0,1 49l  ;  son 
pelage  est  blanc.  Il  habite  le  Missouri.  Si  réel- 
lement le  genre  diplostome  de  Ilalinesque  n'a 
(|ue  quatre  doigts  aux  jjieds  et  m.niuiue  de  queue, 
il  faudra  y  rapporter  son  Diplo.'^toma  fusra, que 
j'ai  provisoirement  placé  comme  simiile  variété 
il  pelage  brun  avec  le  saccomys  anihophile. 
Dans  le  cas  où  lîafiiicsque  se  serait  fionipé,  il 
faudra,  au  contraire,  reporter  le  diplostome 
blanc  à  la  suite  du  saccomys,  sous  le  nom  de 
Sactomiis  nlbus. 

2r  Gemie.  Les  HÉTÉROMYS  {lliicrumijs, 
Desm  )  ont  probablement  le  même  système  den- 
taire que  les  hamsters,  mais  on  n'en  est  pas 
certain.  Comme  les  précédents,  ils  ont  des  aba- 
joues, mais  ils  ont  les  formes  généi'ales  des  rat.s, 
et,  comme  chez  ces  derniers,  leur  queue  est 
écailleuse  et  presque  nue;  ils  ressemblent  aux 
échimjs  i^ar  des  piquants  aplatis  qu'ils  ont  sur 
le  dos;  leurs  pieds  ont  six  callosités  en  dessous, 
et  (  in(]  doigts,  dont  l'interne  est  très-petit. 
1,'lltriitoins   ANOMAL  (Hiteromijs  7'Jioiii/;iO- 


nii  Li-s.s.  C' icdiis  auomulns,  Desm.  Mus  ano- 
muliis,  TiioMPs.)  est  de  la  taille  du  rat  ordi- 
naire; son  pelage  est  d'un  brun  marron  en 
dessus ,  blanc  en  dessous  ;  son  dos  est  armé 
d'aiguillons  lancéolés,  fins,  entremêlés  de  poils 
lins  ;  la  queue  est  écailleuse  avec  quelques  poils 
épars,  noirâtre  en  dessus;  sa  tète  est  pointue  et 
sa  t)onche  très-pelite.  11  habite  l'ile  de  la  Tri- 
nité, aux  Caraïbes,  et  l'on  suppose  cjue  ses  mœurs 
doivent  être  les  mêmes  que  celles  des  hamsters. 
'Jous  les  genres  qui  vont  suivre  manquent 
d'abajoues. 

•J2'  Ge.nre.  Les  OTO.MYS  (Ofomy.v,  Fh.Ciiv.) 
ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  incisives;  point 
de  canines  ;  six  molaires  en  haut  et  six  en  bas  ; 
les  molaires  su|)érieures  ont  leur  couronne  foi'- 
mêe  de  lames  transversales  un  peu  arquées,  boi- 
dées  d'émail,  et  dont  le  nombre  est  de  trois  i)our 
la  première,  de  deux  pour  la  seconde,  et  de 
quatre  pour  la  troisième  ;  les  inférieures  ont 
moins  de  largeur,  et  leurs  lames,  moins  arquées, 
sont  au  nombre  de  quatre  pour  la  première,  et 
de  deux  pour  chacune  des  deux  dernières. 

L'Otomvs  l>e  Biiamz  (  Otomijs  Bruiilzii  , 
LiciisT.  )  a  cinq  pouces  neuf  lignes  (0,1. m)  de 
longueur,  non  compris  la  queue,  qui  a  deux  |)ou- 
ces  et  demi  (0,06.s)  ;  celle-ci  est  annelee  de  poils 
roides,  raies  et  durs.  Son  pelage  est  d'un  gris 
jaunâtre  en  dessus  et  d'un  blanc  sale  en  des- 
sous. Cet  animal  habite  l'Afrique  méridionale, 
et,  à  la  queue  près,  il  a  beaucoup  d'analogie  de 
foinie  avec  notre  surmulot. 

L'Otomvs  du  Cap  {  Otwntjs  unisulcutus , 
LiciLST.  )  ne  diffère  guère  du  iirécedent,  dont  je 
le  regarde  comme  une  simple  variété,  que  par 
sa  taille  un  peu  plus  grande;  il  a  six  pouces  et 
demi  de  longueur  (0,1  "(j),  non  compris  la  ([ueue, 
([ui  est  longue  de  trois  pouces  et  (|uart  (0,088). 
Son  [lelage  est  d'un  gris  fauve  en  dessus  et  d'un 
gris  blanchâtre  en  dessous.  11  habite  le  cap  de 
Boime-Ls|)érance. 

i.l'GE.MiE.  Les  KATS  (Mus,  Li.\.  )  ont  seize 
dents,  savoir  :  quatre  incisives;  point  de  cani- 
nes ;  six  molaires  en  haut  et  six  en  bas,  à  cou- 
ronne tuberculeuse;  les  pieds  de  devant  sont 
munis  de  tpialre  doigts  avec  un  rudiment  de 
liouce;  les  pieds  de  deri'ière  ont  cinq  doigts  non 
palmés;  les  poils  du  dos  sont  quelquefois  roides 
et  jilats,  ou  épineux  ;  la  queue  est  plus  ou  moins 
longue ,  presque  nue ,  ])résentant  des  rangées 
transversales  très- nombreuses  de  petites  écailles, 
de  dessous  lesquelles  sortent  des  poils;  quelque- 
fois elle  se  termine  par  un  flocon  de  poils. 

Nous  diviserons  les  rats  en  deux  sections;  la 
première  comprendra  les  esi)è(es  sansé|)iiies. 

Le  Rat  oudinauu:  (Mus  raltits,  Li>.)  est  trop 
généralement  connu  pour  (|u'il  soit  besoin  d'en 
donner  une  description  détaillée.  Sa  taille  tient 
le  milieu  entre  le  mulot  et  le  surmulot  ;  il  est 
noirâtre  en  dessus,  et  d'un  cendré  foncé  en  des- 


KATS.  333 

sous;  des  petits  poils  blanihiUres  lui  couvrent      laie  réputation  par  les  iucoiiiiiiodités  (]u  il  call^e 
le  dessus  des  p'eds.  Cet  animal  s'est  fait  une  la-     dans  nos  maisons,  et  par  les  dégâts  (ju'il  y  lait. 

Buflon  croyait  que  le  rat  était  originaire  d'Europe,  et  (ju'il  avait  été  trans- 
porté par  nos  vaisseaux  en  Aniéri(|ue  ;  et  cependant,  le  seul  fait  ([ue  cet  animal 
était  tout  à  lait  inconnu  aux  anciens  écrivains  aurait  dû  l'éclairer  sur  cette 
erreur.  Le  rat,  au  contraire,  est  indigène  du  nouveau  continent,  et  n'a  été  intro- 
duit sur  le  nôtre  cpi'à  la  fin  du  moyen  âge,  c'est-à-dire  à  l'époque  des  ])remiéres 
navigations  d'Europe  en  Améri(|ue.  Cet  animal  est  omnivore,  et  mange  également 
des  fruits,  des  graines,  de  la  chair,  des  insectes,  etc.  Il  habite  nos  maisons,  où 
il  fait  un  dégât  qui  le  rend  fort  incommode;  non-seulement  il  attaque  et  gas- 
jiille  toutes  les  substances  alimentaires,  mais  encore  il  ronge  la  laine,  les  étoffes, 
les  meubles;  il  perce  les  bois  de  charpente,  fait  des  trous  dans  les  murs,  se 
loge  dans  l'épaisseur  des  planchers,  dans  les  vides  de  la  charpente  ou  de  la  boi- 
serie, y  établit  ses  magasins,  et  y  transporte  tout  ce  qu'il  peut  traîner.  L'hiver 
il  cherche  la  chaleur  et  établit  volontiers  son  domicile  derrière  les  cheminées, 
sur  les  planchers  «l'écurie,  dans  la  paille,  le  foin,  etc.  La  nuit,  et  même  en  plein 
jour,  s'il  n'entend  aucun  bruit  suspect,  il  sort  effrontément  de  son  trou,  se  glisse 
I»artout  et  partout  fait  autant  de  dégât  qu'il  en  peut  faire.  La  femelle  met  bas 
plusieurs  fois  par  an,  et  chaque  portée  est  ordinairement  de  quatre  à  cinq 
petits.  Il  en  résulte  que  ces  animaux  sont  toujours  fort  nombreux,  et  que  mal- 
gré les  chats,  les  pièges  et  le  poison,  il  est  fort  difficile  <le  s'en  débarrasser.  S'il 
est  poussé  par  la  faim,  le  rat  pénétre  dans  les  poulaillers  et  les  pigeonniers, 
perce  ou  brise  les  œufs  pour  se  nourrir  des  petits  qu'ils  contiennent,  et  même 
quehpiefois  il  tue  les  jeunes  lapins,  les  poussins  et  les  pigeonneaux.  Lorsque  ces 
derniers  ont  la  gorge  pleine  d'aliments,  il  leur  perce  le  jabot  pour  manger  les 
graines  à  moitié  digérées  qui  en  sortent.  Ce  ne  sont  pas  là  cependant  les  plus 
grands  ravages  qu'on  lui  reproche:  il  paraît  qu'en  creusant  les  vieux  plâtres  et 
les  mortiers,  il  vient  à  bout,  à  la  longue,  d'ébranler  les  constructions  les  plus 
solides.  «  C'est  surtout,  dit  Biiffon,  dans  les  vieilles  inaisons,  à  la  campagne,  où  l'on 
garde  du  blé  dans  les  greniers,  et  où  le  voisinage  des  granges  et  des  magasins 
à  foin  facilile  leur  retraite  et  leur  multiplication,  que  les  rats  sont  en  si  grand 
nombre,  (|u'on  serait  obligé  de  démeubler,  de  déserter,  s'ils  ne  se  détruisaient 
eux-mêmes;  mais  nous  avons  vu  par  expérience  qu'ils  se  tuent,  qu'ils  se  man- 
gent entre  eux  pour  peu  que  la  faim  les  presse,  en  sorte  que,  «[uand  il  y  a  di- 
sette à  cause  du  trop  grand  nombre,  les  plus  forts  se  jettent  sur  les  plus  faibles, 
leur  ouvrent  la  tète  et  mangent  d'abord  la  cervelle,  et  ensuite  le  reste  du  ca- 
davre; le  lendemain  la  guerre  recommence,  et  dure  ainsi  jusqu'à  la  destruction 
du  plus  grand  nondjre.  » 

Le  rat  est  aussi  courageux  que  féroce;  il  se  défend  hardiment  contre  les 
chats,  les  belettes  et  les  surmulots,  et  si  sa  force  répondait  à  son  courage,  il 
sortirait  toujours  vainqueur  de  la  lutte.  De  tous  ses  ennemis,  le  plus  terrible 
pour  lui  est  le  surmulot,  parce  qu'ayant  tous  deux  les  mêmes  goûts  et  les  mê- 
mes habitudes,  ils  se  rencontrent  fréquemment  et  jamais  impunément.  Aussi, 
depuis  IT.jO,  époque  où  le  surmulot  notis  a  été  apporté  de  l'Inde,  le  nombre  des 
rats  a  diminué  dans  la  même  progression  tjue  celui  des  surmulots  a  augmenté. 


334  LES  RONGEURS. 

Aujourd'hui  ces  dernitM's  gont  hcaucoup  plus  comnums  (jue  le  lal  ordiiiaiie. 
Quehjues  naturalistes  ont  attribué  aux  rais  une  singulière  i)révision  :  ils  disent 
(jue  CCS  animaux  connaissent  parfaitement  quand  une  maison  menace  ruine, 
et  qu'ils  en  décampent  toujours  quelques  jours  avant  (pi'elle  s'écroule.  Ce 
(pi'il  y  a  de  certain,  et  je  le  sais  par  ma  propre  observation,  c'est  que  ces  ani- 
maux voyagent  par  troupes  assez  nombreuses,  pour  quitter  une  localité  et  se 
rendre  dans  une  autre  plus  ou  moins  éloignée.  «  Les  rats,  dit  BufTon,  sont  aussi 
lascifs  que  voraces  ;  ils  glapissent  dans  leure  amours  et  crient  quand  ils  se  bat- 
tent. Us  préparent  un  lit  à  leurs  petits,  et  leur  appoitent  bientôt  à  manger; 
lorsqu'ils  commencent  à  sortir  de  leur  trou,  la  mère  les  veille,  les  défend,  et  se 
])at  même  contre  les  chats  pour  les  sauver.  Cette  espèce,  qui  se  trouve  dans 
toute  l'Europe  et  en  Amérique,  olïre  quelquefois  des  individus  albinos,  c'est-à-dire 
tout  blancs,  mais  plus  rarement  que  dans  les  souris.  » 

Il  y  a  quelques  années  que  M.  Thénard  a  lu  à  l'Académie  des  Sciences  une 
note  sur  le  moyen  de  détruire  les  rats  et  les  autres  animaux  malfaisants  qui 
habitent  les  murs  des  maisons,  à  l'aide  de  fumigations  d'hydrogène  sulfuré.  On 
connjience  par  bouclier  tous  les  trous,  puis  on  ouvre  ensuite  ceux  qui  sont  le 
plus  fréquentés  par  ces  animaux.  Alors  on  applique  l'appareil,  qui  consiste  en 
une  cornue  de  verre  dont  on  lute  exactement  le  goulot  à  l'entrée  de  ces  nou- 
velles ouvertures.  On  y  introduit  ensuite,  par  une  tubulure,  du  sulfure  noir  de 
fer,  puis  on  y  verse  avec  ])récaution,  pour  éviter  l'explosion,  une  certaine  quan- 
tité d'acide  sulfuriijue  étendu  d'eau.  Il  se  fait  aussitôt  un  dégagement  d'hydro- 
gène sulfuré,  qui  pénètre  par  le  trou  dans  tous  les  recoins  où  les  rats  se  cachent, 
et  les  fait  périr  en  peu  de  temps. 

La  Souiiis  {Mus  musnihis ,  Li.\.)  est  cruii  f,M'is  nniiic.  L.i  souris  est  origiiuiirc  (l'Kuropc,  mais 

uniforme  en  dessus,  passant  au  cendré  en  des-  nos  vaisseaux  l'ont  transportée  dans  les  autres 

sjus,  assez  velue;  sa  queue  est  aussi  longue  que  parties  du  monde  :  aujourd'hui  on  la  trouve  à 

son  corps   Elle  a  une  variété  albiuos  assez  corn-  peu  près  partout. 

Elle  multiplie  beaucoup;  la  femelle  fait  |)lusieurs  portées  par  an,  chacune  de 
six  à  huit  petits,  et  chaque  petit  se  reproduit  à  l'âge  de  trois  mois.  Quinze  jours 
après  sa  naissance  il  est  assez  grand  pour  quitter  sa  mère  et  chercher  lui-même 
sa  nourriture.  La  souris  est  un  petit  animal  assez  joli,  ayant  la  physionomie 
Une,  l'œil  vif,  la  tourmire  dégagée,  et  les  mouvements  alertes.  La  ténuité  de  sa 
taille  lui  permet  de  se  glisser  par  les  moindres  trous;  aussi  la  rencontre-t-on 
dans  des  lieux  où  l'on  serait  embarrassé  de  s'expliquer  connnent  elle  est  entrée. 
Elle  dégrade  les  murs  les  plus  solides  en  s'y  frayant  des  passages;  elle  perce  les 
meul)les  du  bois  le  plus  dur  pour  y  pénétrer,  et  ce  sont  là  ses  moindres  dégâts. 
Animal  rongeur  par  excellence,  elle  coupe,  réduit  en  poussière  tout  ce  (jui 
tombe  sous  sa  dent.  Elle  attaque  le  linge  dans  les  armoires,  les  livres  dans  les 
l)ii)liolhèques,  les  marchandises  de  tous  genres  dans  les  magasins.  Toutes  les 
substances  alimentaires  sont  à  sa  convenance,  et  elle  parvient  toujours  à  péné- 
trer dans  les  lieux  où  on  les  a  renfermées.  Le  pain,  le  lard,  le  beurre,  le  fromage, 
le  sucre,  les  confitures,  les  fruits,  les  farines,  les  graines,  et  même  la  chandelle, 
sont  les  objets  ordinairement  les  plus  recherchés  par  elle;  non-seulement  elle 


RATS.  3r> 

les  ciilnmo  ol  les  consomme,  mais  encore  elle  les  salit  el  leur  communiiinc  iine 
odeur  désagréable.  On  en  a  vu  pousser  la  hardiesse  jusqu'à  entamer  le  lard  de 
cochons  vivants,  pendant  leur  sommeil.  Lorsqu'une  ou  plusieurs  s(uiris  atta- 
quent nn  o])jet  d'une  certaine  grosseur,  par  exemple  un  pain,  une  pièce  de 
lard,  nn  fromage,  elles  commencent  par  y  faire  un  trou  assez  petit,  pour 
gagner  le  dedans.  Alors  elles  s'y  établissent  et  rongent  toute  la  substance  inté- 
rieure de  l'objet,  en  ne  laissant  qu'une  légère  croûte  extérieure,  qui  suflit  pour 
masquer  les  dégâts  dont  on  ne  s'aperçoit  souvent  qu'au  moment  où  l'on  veut 
faire  usage  de  ces  objets.  «  La  souris,  dit  Buffon,  a  le  même  instinct  que  le  rat. 
le  même  tempérament,  le  même  naturel,  et  n'en  dilTére  guère  que  par  la  fai- 
blesse et  par  les  habitudes  qui  l'accompagnent  ;  timide  par  nature,  familière 
par  nécessité,  la  peur  ou  le  besoin  font  tous  ses  mouvements;  elle  ne  sort  de 
son  trou  que  pour  chercher  à  vivre;  elle  ne  s'en  écarte  guère,  y  rentre  à  la 
première  alerte,  ne  va  pas,  comme  le  rat,  de  maisons  en  maisons,  à  moins 
qu'elle  n'y  soit  forcée,  fait  aussi  moins  de  dégâts,  a  les  mœurs  plus  douces,  et 
s'apprivoise  jusqu'à  un  certain  point,  mais  sans  s'attacher.  Les  chouettes,  tous 
les  oiseaux  de  nuit,  les  chats,  les  fouines,  les  belettes,  les  rats  même  lui  font 
la  guerre;  on  l'attire,  on  la  leurre  aisément  par  des  appâts,  on  la  détruit  à  mil- 
liers; elle  ne  subsiste  enfin  que  par  son  immense  fécondité.  »  C'est  sans  doute 
pour  délivrer  nos  habitations  des  souris  que  les  premiers  chats  ont  été  ap[)ortés 
des  bois  pour  être  élevés  en  domesticité.  On  a  voulu  se  délivrer  d'une  incommo- 
dité grave  par  une  autre  qui  l'est  un  peu  moins,  et  on  y  a  réussi  jusqu'à  nn 
certain  point,  car  non-seulement  les  chats  prennent  et  mangent  les  souris,  mais 
encore  ils  les  écartent  de  la  maison  par  leur  seule  odeur. 

LeSiRMiLOT  (.liiix  rfefiinirtiiH.s-,  Pall.  Le  i'itr-  corps.  Il  est  origiiuiire  de  l"Inde,  et,  comme 

i)ii(/o(  et  le  Pour,  Rlff.  )  est  d'un  quart  plus  nous  l'avons  dit,  it  n'a  été  observé  en  France, 

grand  que  le  rat  oïdinaire;  son  pelage  est  d'un  pour-  la  première  fols,  qu'en  1750.  Aujonrd'tuii 

gris  brun  roussàtreen  dessus,  blanc  en  dessous;  il  y  est  beaucoup  plus  comnmn  que  le  rat,  an- 

sa  queue  est  nue,  presque  de  la  longueur  de  son  quel  it  fait  une  guerre  d'extermination. 

Le  surmulot,  plus  fort  et  plus  féroce  que  le  rat,  est  aussi  plus  incommode 
par  les  dégâts  qu'il  peut  faire.  Comme  lui,  il  habite  les  maisons,  mais  il  en  sort 
assez  souvent  pour  aller  faire  des  excursions  à  la  campagne,  et,  s'il  y  trouve 
aisément  à  vivre,  il  s'y  fixe  pour  toute  la  belle  saison;  dans  ce  cas,  il  se  creuse 
nn  terrier  on  il  porte  quelques  provisions  pour  se  nourrir  pendant  les  jours  de 
pluie  et  d'orage.  Toute  son  occupation  est  de  chasser  au  menu  gibier,  et  son 
voisinage  devient  funeste  aux  jeunes  faisans,  aux  perdreaux,  aux  cailles  et  au- 
tres oiseaux  ;  il  attaque  même  les  jeunes  levrauts  et  les  jeunes  lapins,  et  souvent 
il  s'établit  dans  leurs  trous  après  en  avoir  chassé  le  père  et  la  mère.  Il  s'est 
tellement  multiplié  dans  les  voiries  de  Montfaucon,  qu'il  menace,  si  on  détrui- 
sait celles-ci,  d'envahir  tout  un  quartier  de  Paris,  où  il  porterait  le  ravage.  Ri- 
goureusement omnivore,  il  se  nourrit  iudiiféremment  de  chair  vive  ou  corrom- 
pue, de  fruits,  de  graines,  et  de  toutes  les  substances  alimentaires.  En  automne, 
il  regagne  les  habitations  et  y  commet  les  mêmes  dégâts  que  les  rats,  mais,  de 
plus,  il  se  glisse  dans  la  basse-cour  dont  il  dévore  les  jeunes  oiseaux  après  lem- 
avoir  préalablement  sucé  la  cervelle,  et  il  y  attaque  les  jeunes  lapins  et  les  co- 


336  I^ES   HONG  EU  KS. 

chons  d'IiKle.  Aussi  courageux  que  méchant,  il  se  (lelend  avec  fureur  contre  les 
chats,  et  lorsque  ceux-ci  sont  encore  jeunes,  il  parvient  assez  souvent  à  leur  écha|»- 
per.  Quelle  que  soit  la  puissance  de  son  ennemi,  il  ne  se  rend  jamais  sans  com- 
hatlre,  même  contre  les  chiens.  Lorsqu'un  homme  le  poursuit  trop  vivement  et 
lui  fait  perdre  l'espérance  d'échapper  par  la  fuite,  il  se  retourne,  s'élance  sur  la 
main  qui  le  frappe,  et  lui  fait  de  cruelles  morsures.  Les  chats  ont  pour  lui  de 
la  répugnance,  et  ne  l'attaquent  que  très-rarement;  si  l'on  veut  s'en  déhar- 
rasser,  on  ne  peut  donc  employer  que  les  pièges  et  le  poison.  Du  reste,  il  donne 
assez  facilement  dans  les  emhiiches  qu'on  lui  tend.  Cet  animal  aime  assez  s'éta- 
hlir  sur  le  hord  des  eaux,  et  il  nage  avec  la  plus  grande  facilité,  quoiqu'il  n'ait 
pas  les  pieds  palmés.  La  femelle  produit  trois  fois  par  an,  et  fait  chaque  fois 
douze  à  quinze  petits,  quelquefois  jusqu'à  dix-neuf. 

Le  Ml  LOT  (Mus  s?//r«firii.«,  Ln.)  est  de  taille  courte  que  son  corps.  On  le  liouve  dans  toute 

mo\enne  eiilre  celle  du  rnt  et  de  la  souris.  Son  l'Europe,  et,  par  sa  piodigieuse  mulliplicalion, 

pelage  est  d'un  gris  roussàlre  sur  le  dos,  blan-  il  devient  quelquefois  le  Iléau  de  l'agricullure, 

chfitre  sous  le  ventre;  sa  queue  est  un  peu  plus  en  détruisant  les  semences  ou  les  rL-coltes. 

Ce  petit  animal  hahite  de  préférence  les  terres  sèches  et  élevées,  à  cause  de 
la  facilité  qu'il  trouve  à  y  étahlir  son  hahitation.  Rarement  il  se  donne  la  peine 
de  creuser  lui-même  son  terrier,  s'il  trouve  un  trou  de  taupe  ou  de  musaraigne  à 
sa  portée;  quelquefois  même  il  s'empare  d'un  trou  tout  fait  sous  une  souche 
d'arhre.  Dans  tous  les  cas,  il  arrange  sa  demeure  pour  l'approprier  à  ses  hahi- 
tudes.  Pour  cela,  îx  un  pied  (0,325),  plus  ou  moins,  de  l'entrée,  il  étahlit  une 
première  chamhre,  qui  doit  lui  servir  d'hahitation  ainsi  qu'à  sa  famille.  Il  creuse 
tout  à  côté  une  autre  chamhre,  qui  devient  son  magasin.  S'il  se  trouve  une 
grande  cavité  dans  un  trou  dont  il  se  sera  emparé,  elle  deviendra  la  chamhre 
aux  provisions,  et  il  se  creusera  son  appartement  à  côté  ;  d'où  il  résulte  que  le 
magasin  se  trouve  souvent  heaucoup  plus  grand  (ju'il  serait  nécessaire  pour  son 
usage,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  travailler  à  récolter  des  grains  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  plein.  Ces  grains  ne  peuvent  pas  être  entièrement  consommés  par  lui  dans 
l'espace  d'un  hiver;  ils  pourrissent,  et  c'est  autant  de  perdu  pour  lui  et  pour  les 
cultivateurs.  Heureusement  que  le  mulot  ne  ramasse  des  graines  de  céréales 
(|ue  lorsque  les  fruits  secs  lui  manquent  dans  les  hois,  et  que  le  plus  souvent  il 
ne  remplit  ses  greniers  que  de  glands,  de  noisettes  et  de  faînes,  dont  il  entasse 
plus  d'un  décalitre  dans  les  années  favorahles.  Il  fait  surtout  un  tort  considé- 
rahle  au  semis  forestiers,  car  il  s'y  rend  par  milliers  pendant  la  nuit,  suit  exac- 
tement les  sillons  de  la  charrue,  et  déterre  les  gl.ands  ou  autres  graines  un  à  un. 
Dès  que  les  froids  se  font  sentir,  il  se  retire  dans  son  trou,  où  il  vit  grassement 
de  ses  provisions,  mais  il  n'en  houche  pas  l'entrée,  et  de  temps  à  autre,  quand 
il  fait  une  helle  journée,  il  en  sort  pour  aller  faire  un  tour  à  la  campagne.  Si 
l'hiver  est  très-long,  que  les  mulots  aient  vidé  leurs  greniers,  et  que  la  famine 
se  fasse  sentir,  les  gros  connueiicent  par  manger  les  petits  qui  hahitent  avec  eux 
dans  le  terrier,  puis,  quand  ils  ont  dévoré  leur  famille,  ils  sortent  de  leurs  trous 
et  vont  attaquer  leurs  voisins.  La  guerre  devient  hientôt  générale,  et  ils  finis- 
sent par  si  hien  s'enlrc-détruire  les  uns  les  autres,  que  l'on  est  quelquefois  trois 


UATS. 


:{;n 


ou  (jiialro  ans  sans  en  v(»ii'  dans  des  localités  qui  en  élaienl  precedennuenl 
inl'estées.  Buiïon  a  l'ail  une  singulière  expérience  sur  la  férocité  vorace  de  ces 
petits  animaux.  «  Nous  avons  mis  dans  un  vase,  dit-il,  douze  mulots  vivants;  on 
leur  donnait  à  manger  à  huit  heures  du  matin  ;  un  jour,  qu'on  les  ouhlia  d'un 
(|uart  d'heure,  il  y  en  eut  un  qui  servit  de  pâture  aux  autres,  le  lendemain  ils 
en  mangèrent  un  autre,  et  enfin,  au  hout  de  quelques  jours,  il  n'en  resta  qu'un 
seul  ;  tous  les  autres  avaient  été  tués  et  dévorés  en  partie,  et  celui  qui  resta 
le  dernier  avait  lui-même  les  pattes  et  la  queue  mutilées,  o  Le  mulot  pullule 
beaucoup,  car  la  femelle  fait  plusieurs  fois  par  an  neuf  à  dix  petits;  mais  il  est 
des  années  tellement  favorables  à  leur  multiplication,  (|u'ils  deviennent  un 
vérilalde  fléau  pour  des  provinces  entières.  Ils  oiU  poiu-  ennemis  les  loups,  les 
renards,  les  martres,  les  belettes,  et  les  oiseaux  de  proie. 


Le  Rat  nain  (  .Wii.s  sor'uiiins,  IIeum.  Ia'  Bat 
à  museau  prolonge,  de  queUinos  n;ilur;tlisk's  ) 
;i  de  l'annlogie  avec  le  rat  des  moissons,  mais  il 
en  difféi-e  |)ar  son  museau  allongé  ;  son  pelage 
est  d'un  gris  jaunàlre  en  dessus,  blanchàlrc  en 
dessons  ;  .ses  oreilles  sont  orbieulaires  et  veines  ; 
sa  queue  est  aussi  longue  que  son  cor()s. 

Le  Rat  d'Lslam)!;  (  Mus  islaiidicus,  Tmiun.  l 
a  le  pelage  noirâtre  sur  le  dos,  gris  sur  tout  le 
I  esie  du  corps,  avec  des  taches  jaunes  sur  les 
lianes  ;  la  queue  est  presque  nue,  à  écailles  ver- 
ticillëes,  et  à  peine  plus  longue  (|ue  le  cor[)s.  U 
a  été  observé  en  Islande,  j)ar  Thientmann 

Le  Rat  oes  moissons  {Mus  nies^oriiis,  Siu\\ . 
—  Desm.  )  a  deux  i)ouces  li-ois  lignes   (i.OGI)  de 


longueur,  non  compris  la  (pieue,  qui  est  légère- 
ment plus  courte  que  le  cor|)s  ;  son  pelage  est 
d'un  gris  de  soni'is  mêlé  de  jaunâtre  en  dessus, 
le  dessous  du  corps  et  les  pieds  sont  blancs.  Il 
habite  les  champs  cullivés  et  rocailleux,  en  An- 
gleterre. 

Le  SiT.MC  ou  Rat  a  luiniii  (  Mus  agrarius, 
Pall.  —  G»il.)  a  deux  pouces  dix  lignes  (o,Jt77l 
de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui  a  un  peu 
plus  de  la  moitié  de  la  longueur'  totale  du  corps  ; 
son  pelage  est  d'un  gris  ferrugineux  général, 
avec  une  ligne  noire  et  étroite  sur  le  dos.  Il  ha- 
lite  la  Sibérie,  la  Kussie,  et  le  nord  de  l'Allema- 
gne, on,  dans  de  certaines  aimées,  il  commet 
beaucoup  de  dcgàls  dans  les  moissons. 


:j;is 


Li:S    liONGtlllS. 


Le  Mri.OT  NAIN  I  Mus  cmupesnis,  Fn.  Cuv.  Le  Mulot  unin  ou  Mulot  ilcs  lio'is, 
Daub.  "> 

Est  un  juMi  plus  petil  (|uc  io  précédenl  ;  s;i  (|upuo,  [dus  longue  que  sou  corps, 
!<•  dépasse  de  (|ualre  ligues  i 0,000)  ;  les  poils  qui  le  couvrent  sont  d'un  gris 
ludoisé  à  leur  naissance,  et  fauves  à  leur  extréuiilc;  le  dessous  de  son  corps  et 
SCS  ipialre  pieds  sont  lilancs  ;  ses  moustaches  sont  noires.  On  le  trouve  dans 
toute  rEuroi)e  leuiperée,  comme  en  France,  dans  les  champs,  à  proximité  des 
villages.  Ce  petit  animal  hahite  un  terrier,  mais,  néanmoins,  il  lait  son  nid 
dans  les  hautes  herbes  des  praiiies  ou  dans  les  hiés,  (|uel(piefois  dans  les  huis- 
sons  loulTus.  Dans  tous  les  cas,  ce  nid  est  suspendu  aux  tiges  des  graminées  ou 
des  arbustes,  à  une  hauteur  sullisante  pour  n'èti'e  pas  atteint  par  l'humidité  de 
la  terre,  lors  des  pluies.  Il  a  la  l'orme  d'une  houle  de  la  grosseur  des  deux 
poings,  et  il  est  tissu  en  herbes  sèches,  Unes  et  solidement  entrelacées.  La  fe- 
melle y  pénétre  |»ar  un  très-petit  trou  ménage  sur  le  côté;  elle  y  met  hasdecin(| 
à  r^ept  petits. 


l.c  SiiiisTA^  (iViK  sublilis,  Mus  ragu' ,  et 
Mfis  bctiilhnts ,  Pai.l.  Le  liât  subtil ,  et  le  Hat 
Kignboud  des  naluialisles )  a  de  l'aiialopie  avec 
le  lal  lauve  de  Sihi'rie,  Mus  ininultis,  mais  ses 
(treilles  e1  sa  queue  .-ont  plus  loiifiiies;  son  pe- 
lage est  fauve  ou  cendré  eu  dessus,  avec  une 
ligne  noire  sur  le  dos  ;  ses  oi'eilles  sont  plissées , 
et  sa  i|ueue  est  plus  longue  (jue  sou  coi'[)s.  Il  a 
plu>ieurs  vaiiétes  de  pelage.  (;<  Ile  espèce,  Irès- 
eouMUune  eu  Taiiarie  et  en  Sibérie,  aime  à  se 
tenir  sur  les  arbres,  où  elle  grimpe  a\ec  faci- 
lité. 

Le  Rat  FALVE  {  Mus  vùnutiis,  1*ai,l.  Le  Uni 
leniiqimux  de  (iuel(|ues  naturalistes)  est  de 
moitié  moins  grand  qu'une  souris;  son  pelage 
est  ferrugineux  en  dessus,  l)l;uuij;ilre  en  dessous; 


s;:n  nuue:  u  est  peu  allongé,  et  sa  queue  est  plus 
Cl  iH'le  que  son  corps  Citte  espèce  lial)ite  les 
cliiun|)s  culliv('s,  en  Ilussie  et  en  Sibérie,  et 
s'assemble  en  grand  nond)re  sous  les  gei'bes  de 
blé. 

Le  RvT  \  yi  El  !■:  iii(:oi.(u;K  (Mus  ilichrunif, 
l{A^'l^.  Le  lUil  dr  Sicilt  des  naluralislesi  a  bnil 
I>oucesi0,2l7i  de  longueur;  sonpelageest  fauve, 
mélange  de  bi'unàlre  en  dessus  el  suj'  les  côtes  ; 
la  tcte  est  marquée  d'une  t)ande  brunâtre;  le 
venireest  blancliàire;  sa  (pieue,  de  la  longueur 
de  son  corps,  est  aiuielée,  ciliée,  brmie  en  des- 
sus, blauelie  en  dessous  et  lui  peu  télragone.  Ou 
le  trouve  dans  les  champs  culli\és,  en  Sicile. 

Le  Rat  géam-  (Mus  (jirjanlrns ,  IIakuw. — 
Diissi.  Mus  setifcr,  IIoiisi'.  Mus  malubarirus. 


RATS. 


3;i9 


rh.\\.">  a  Ircizo  |)oiii'os  <>,:î,"v2)  de  lonjjiiciii',  non 
('(iiiipris  la  (|iieiie,  qui  est  ilo  iiK'iiie  loiigiioiir  ; 
son  jx^lnge  est  (Itiii  l)rmi  obscur  t'ii  dessus,  j^ris 
cil  (Icsous,  avec  les  pnltes  noires  :  la  i|iienc  csl 
li'RèronienI  couveric  de  poils.  11  habile  les 
champs  cnilivés,  pnXs  des  habilalions,  an  lîcn- 
«al(V,  an  Malabar  el  à  Java.  Il  vit  dans  des  ter- 
riers cl  se  nonrrit  autant  de  frnits  que  de  {jraines. 

Le  Hat  oe  J,vv\  (Mus  jai-aniis.  Dksii.)  est  de 
la  taille  d'un  surmulot  ;  son  pelage  est  d'un  brun 
i()u\  en  dessus,  avec  les  pieds  blancs  ;  sa  queue, 
pins  courte  que  le  corps,  est  assez  velue.  Il  ha- 
bile l'ile  de  Java. 

Le  R\T  DE  Si)>i\Tn\  {Mus  sumnhrnsis,  Raf- 
Fi.Ks)  a  dix-sept  pouces  de  lonsueur  lO,  iC01,  non 
compris  la  queue,  qui  eu  a  six  (0,1  f)2),  et  qui  est 
ccailleuse,  nue,  terminée  en  i)oinle  mousse  ;  son 
|)elaoe  est  roide,  d'un  gris  brun  sur  le  dos  ;  sa 
tète  est  courte,  d'uuc  teinte  i)lus  claiie.  Cette 
rspJ'ce  habite  Sumatra  ;  elle  vit  dans  les  haies 
de  bambous,  dont  elle  mange  les  racines 

Le  Cahaco  (  Mits  rnrarn,  Pvi.l.  —  Desm.  )  est 
à  peu  l)r^s  de  la  taille  du  surmulot  ;  son  pe- 
lage est  d'un  gris  foncé  mélangé  de  roussàtre 
sur  le  dos,  plus  clair  sur  les  flancs,  d'un  cendré 
blancbàlre  en  dessous;  ses  pieds  sont  à  demi 
palmes,  d'un  blanc  sale  II  habite  la  Sibérie  et  la 
Mongolie.  Pendant  la  belle  saison  il  se  plait  sur 
le  bord  des  eaux,  mais  en  hiver  il  se  retire  dans 
les  habitations. 

Le  Rat  a  bam)es  |  Mus  lincalus,  Evehs.  )  csl 
dim  brun  gris  en  dessus,  d'un  gris  clair  en  des- 


sons ;  ses  oreilles  sont  d'un  gris  jaune,  avec  une 
grande  tache  noire  près  de  chacmu^  ;  il  a  n\v  le 
dos  une  ligne  étroite,  noire,  depuis  la  nmini'  jus- 
qu'à la  qnene.  et  deux  autres  lignes  latérales 
moins  foncées  et  iuj  |)en  oblitiues  ;  sa  qneiu'  est 
aits'.i  longue  (|ue  son  corps.  Il  habite  entre  Orem- 
bonig  et  Bukkara,  sur  le  bord  des  ruisseaux. 

Le  Rat  he  l'Iivoe  (  Mus  hulitiK.  (ieoef.  — 
Des>i.)  a  les  oi-eilles  graiules,  presque  unes;  sa 
taille  est  à  peu  près  celle  d'un  smmulot  ;  son 
pelage  est  d'un  gris  roussàtre  en  dessus,  et  gri- 
sàti-eeu  dessous  ;  sa  queue  est  un  peu  moins  lon- 
gue que  son  cori)s.  Cette  espèce  se  trouve  a  Pou- 
dichéry. 

Le  Rat  d'Alexandrus  (.1/i/v  ah'.rnndriniK , 
Geoff. — Desm.  i  est  d'un  gris  roiissàtre  en  des- 
sus, cendré  en  dessous  ;  les  poils  les  plus  longs 
de  sou  dos  sont  aplatis,  fusiformes,  striés  sur  une 
de  leurs  faces  ;  sa  queue  e^st  d'un  quart  plus  lon- 
gue que  le  corps.  Il  habite  TF-gypte. 

Le  Rat  de  Do'navan  (  Mus  nonnmni,  Li:ss.)  a 
le  pelage  d'un  fauve  noir ,  varié  de  cendi-é, 
avec  trois  raies  plus  claires  sur  le  dos  ;  sa  queue 
est  d'une  longueur  médiocre,  li'gèrenient  poin- 
tue. Il  se  trouve  an  cap  de  Bonne  Lspérance. 

Le R\T  STRIÉ  (  il/».s  .sfrifltii.s-,  Ln.  Mus  oiien- 
lalis.  Sera  )  est  un  peu  plus  petit  qu'une  souris  ; 
son  pelage  est  d'un  gris  roux  en  dessus  et  mar- 
qué d'une  douzaine  de  lignes  longitudinales 
blanches,  avec  quelques  pelites  taches  de  la 
même  couleur  ;  sa  queue  est  de  la  longueur  de 
son  corps.  On  le  trouve  aux  Indes  orienîales. 


3'i0 


ij:s  u()N(;i<:urs. 


.ff^i 


!,,■  R.t  ,!.■   R^rli: 


Ï.C  RAT  DK  BARBARIK     .U/ts  hfubarus,  Li\.). 

Celte  jolie  espèce  se  distingue  aisément  des  précédentes  en  ce  (in'elle  na 
mxe  trois  doigts  aux  pieds  de  devant,  ce  qui  a  fait  douter  (pielques  naturalistes 
qu'elle  appartînt  an  genre  rat.  Elle  est  d'une  taille  un  jxmi  plus  petite  ([uune 
soiu'is  ;  son  pelage  est  brun  en  dessus,  marqué  de  dix  lignes  longitiulinales  hlan- 
cliàtres.  On  la  trouve  dans  toute  l'Afrique  septentrionale. 


[..'Ancoc  v\  (Mus  angninja,  d  Azaiia.  Mtis  brasi- 
lieiisis,  (iiiOFP..  uoiiDesm.  )  a  le.s  oreilles  moyen- 
nes, arrondies  ;  son  pelage  est  d'un  brun  fauve 
en  dessus,  hlanefi.itre  en  dessous ,  mais  pins 
clair  sous  la  (été  et  |)lus  foncé  sous  la  poitrine; 
sa  queue  est  un  peu  pins  longue  (jne  son  corps. 
On  le  trouve  au  Paraguay. 

Le  K  AT  A  (îuossE  TÈTK  (  Miis  rephaloles,  Desji.  ) 
a  le  museau  court  et  la  tête  extrêmement  grosse; 
son  pelage  est  hrun  en  dessus,  i)lus  clair  sur  les 
coti's,  et  d'un  blanc  un  peu  fauve  en  dessous; 
sa  queue  est  de  nn^me  longueur  que  son  corps 
Il  linbite  le  Paraguay  et  se  creuse  des  terriers 
dans  les  champs  cidlivés. 

Le  Rat  du  Bhésil  (Miiti  brasiliensis,  Des>i.  ) 
ressemble  au  rdt  commun  dont  il  a  la  taille, 
mais  ses  oreilles  sont  moins  longues  et  sa  tête 
est  plus  courte  ;  son  pelage  est  ras  et  doux,  d'un 
brun  fauve  sur  le  dos,  fauve  sur  les  tiancs,  et 
giis  en  dessous;  ses  moustaches  sont  noires;  sa 
(pieue  est  nu  peu  plus  longue  que  son  corps. 
On  le  Ironvi'  au  Brésil 


Le  lÎAT  lioi  X  (Mus  rnfns,  Azuia)  est  d'un 
fëuve  roussiUre,  plus  foncé  et  plus  terne  sur  le 
d(js  et  sur  la  tète;  li;  ventre  est  jannftlre;  la 
queue  a  plus  de  moitié  de  la  longueur  du  corps, 
('ette  espèce  vit  sur  le  bord  des  eaux.  ;iu  Para- 
guay. 

Le  P1LOR1.S  (  Mus  pilorides,  Dksm.  )  est  un  peu 
moins  grand  que  le  surmulot;  .son  |)elage  est 
d'un  beau  noir  brillant  ;  son  menton,  sa  gorge 
et  la  base  de  sa  queue  sont  d'un  blanc  pur.  Il 
habite  les  Antilles. 

Le  Rat  ues  Cvtixgas  ( Mus  jnjrrorliinos,  \Vii:ii 
DE  Neuwied)  est  de  la  grosseur  d'un  lérot;  ses 
oreilles  sont  grandes  et  pres(|ue  nues  ;  son  pe- 
lage est  d'un  gris  brunâtre  sale  ;  le  nez,  les  cuis- 
ses et  11  base  de  la  queue  sont  d'un  rouge  brun  ; 
sa  queue  est  très-longue.  11  se  trouve  au  Brésil, 
et  loge  souvent  dans  la  partie  inlérieure  du  nid 
de  la  fauvette  <'i  fi'ont  roux,  tandis  que  cet  oiseau 
en  habite  tranciuillcment  la  partie  siq)érieure. 
Tous  deux  vi\entenfort  bonne  intelligence. 

Le  Rat  onFii,i.\itn  {Mus  nurihis,  nESM.)esl 


RATS. 


3'(l 


rcmar(|iial)lc  par  la  Idiignoiir  de  ses  oreiller  el 
la  grosseur  de  ja  tèle  ;  son  pelafjc  est  d'un  gris 
de  souris  en  dessus,  blaneliàtre  en  dessous;  la 
queue  est  plus  eourle  que  le  corps.  Il  se  Irouve 
dans  les  pampas  de  Buenos-. A \res. 

Le  Rat  aux  taiises  ^0llts  (Mii.vjiiyri/fp.v,  Dksji  ) 
a  la  tète  grosse,  mais  les  oreilles  coui-tes  el  ar- 
rondies ;  il  a  cin(|  pouces  onze  lignes  (O.Kin)  de 
longueur,  en  y  comprenant  la  queue,  qui  est 
plus  courte  que  le  corps  ;  son  pelage  est  d"un 
brun  lauve  en  dessus,  hlanchàtnî  en  dessous; 
les  palfes  sont  d'mi  noir  très-foncé  ;i  leur  extré- 
mité. On  le  trouve  dans  les  champs  cultivés,  au 
l'araguay. 

Le  Lmciia  (Muslaucha,  Dism.)  est  d'une  cou- 
leur plombée  en  dessus,  blancliàti-e  en  dessous  ; 
sa  tète  est  peu  large,  son  museau  pointu,  et  ses 
moustaches  sont  Unes  et  uoires;  sa  queue  est  un 
peu  plus  courte  que  son  corps,  et  ses  tarses  sont 
blancs  en  dessous 

Le  Rat  m)iuatiie  (Mus  nigriraiis.  Rafin.  — 
Desm.I  n'est  [irobablement  rien  autre  chose  que 
notre  Mus  raltiis  H  a  six  pouces  ((>,I62|  de  lon- 
gueur; son  pelage  est  noinitre  en  dessus,  gris 
en  dessous  ;  sa  (|ueue  est  noire,  plus  longu"  que 
son  corps  II  habile  l'Amérique  se()1eulrio- 
nale. 

Le  Rat  alx  fieds  r.LA>(;s  (Mus  tcitioiitis , 
RAFn.  )  a  cinq  pouces  (0,135)  de  longuein-,  non 
compris  la  queue;  son  pelage  est  d'un  fauve 
brunâtre  en  dessus,  blanc  en  dessous;  ses  oieilles 
sont  larges;  sa  tète  est  jamie;  sa  queue,  aussi 
longue  que  son  corps,  est  d'un  brun  pâle  en  des 


sus  el  grise  en  dessous.  Il  se  trouve  aux  Ktals- 
Unis. 

Les  espèces  qui  suivent  ont  di'S  poils  épineux. 

Le  Pebciial  (Mus penhal,  GniL.  Kchiimis pri- 
chal,  Geoff.  Le  Rat  perchai,  Buff.  )  a  quinze 
ponces  (0,400)  de  longueur,  non  compris  la 
queue,  qui  en  a  neuf  |0,244)  ;  ses  oreilles  sont 
nues;  son  pelage  est,  en  dessus,  d'un  brun  roiis- 
sAtre,  un  peu  plus  piile  à  la  tête,  parsemé  de 
|)oils  roides  ;  le  dessous  est  gris,  et  les  mousta- 
ches sont  noires.  Cette  espèce  habite  les  maisons, 
à  Pondich  'ry,  où  ou  lui  f;iit  la  chasse  moins 
pour  le  d('truire  que  i)our  le  manger,  car  sa  chaii' 
est  foi't  estimée. 

La  SoiiKis  lU]  Caire  (Mus  rahuinus,  Geoff.) 
a  quatre  ()onces  de  longueur  (0,108),  non  com- 
pris la  queue,  qui  en  a  autant  ;  son  pelage  est 
d'un  gris  cendré  uniforme,  composé  de  poils 
roides  et  nn  |)eu  épineux  sur  le  dos,  plus  clairs 
et  plus  doux  sur  les  côtés.  On  la  Irouve  en 
l-gvpte. 

24'  Genre.  Les  LOIRS  (Mij'Kius.  Gmi..  )  ont 
\ingt  dents,  savoir  :  quatre  incisives;  point  de 
canines;  huit  molaires  en  haut  et  huit  en  bas, 
simples,  .^  lignes  transversales  saillantes  et  creu 
ses;  ils  ont  cinq  doigts  aux  pieds  de  derrière, 
quatre  doigts  et  un  rudiment  de  pouce  aux  pieds 
de  devant  ;  leurs  poils  sont  très  doux  et  tiès-lins: 
leur  (|iieue  est  très  longue,  tant(")t  fort  touffue  et 
ronde,  quchpiefois  a|)lalie  et  à  poils  distiques, 
enfin  d'auties  fois  floconneuse  à  l'extrémité  seu- 
lement. Ce  sont  les  seuls  rongeurs  qui  manquent 
de  Cîrcum. 


:<'(:> 


Li:s    UO.NGKUIIS 


Le  LOIR  COMMUN  [  Mljn.ms   (jlh,  Gml.  "l 

A  un  lien  [)liis  de  six  pouces  i 0,1 62)  de  longueur,  non  comprk^  la  queue,  (jiu 
est  touiïue  et  très-fournie;  son  pelage  est  d'un  gris  hnni  cendre  en  dessus, 
blanchâtre  eu  dessous,  avec  du  brun  autour  de  l'reil.  Il  habite  les  pays  nion- 
(iieux  et  boisés  de  l'Europe,  jusqu'en  La[)onie,  et  ce|)endan(  on  ne  le  trouve  ni 
en  Angleterre,  ni,  je  crois,  dans  le  nord  de  la  France. 

Ce  joli  petit  animal  est  extrêmement  farouche,  et  ne  s'apprivoise  jamais.  Il 
a  les  mêmes  habitudes  que  l'écureuil;  connne  lui,  il  n'habite  qu*;  les  forêts, 
grimjte  sur  les  arbres,  saute  de  branche  en  branche,  quoicpic  moins  légèrement, 
se  nourrit  de  châtaignes,  de  faînes,  de  noisettes  et  autres  fruits  sauvages.  Il  se 
loge  dans  les  troncs  d'arbres  ou  les  trous  de  rochers,  où  il  se  fait,  avec  peu 
d'art,  un  lit  de  mousse  et  de  feuilles  sèches.  Il  amasse  aussi,  dans  son  trou,  une 
provision  de  fruits  pour  se  nourrir  l'hiver,  mais  seulement  quand  la  saison  est 
douce,  car  lorsqu'il  fait  froid  il  est  plongé  dans  un  sommeil  léthargique,  comme 
la  marmotte.  Il  sort  de  son  engourdissement  de  temps  à  autre,  lorsque  le  soleil 
a  suffisamment  réchauffé  l'atmosphère,  et  alors  il  lui  arrive  quelquefois  de 
sortir  de  sa  retraite  pour  aller  faire  un  tour  à  la  campagne.  Dès  que  le  froid 
reprend,  il  rentre,  s'enfonce  dans  son  nid  de  mousse,  se  roule  le  corps  en  boule, 
et  retombe  dans  un  état  presque  complet  d'insensibilité.  Ordinairement,  pen- 
dant l'hiver,  les  loirs  se  réunissent  plusieurs  ensemble  dans  le  même  trou,  cl 
dorment  pressés  les  uns  conire  les  autres  pour  se  connnuniquei"  réciproque- 
ment un  peu  de  chaleur.  Rarement  cet  animal  descend  à  terre;  il  ne  se  borne 


HAIS  :va 

pas  à  uin'  lutiii  riliirc  pmcniciil  vcgélalc,  cl,  (|uaii(l  il  en  Iroiivc  roccasioii,  il 
mange  luit  hieii  les  petits  oiseaux  (|iril  pciil  surprendre  sur  leur  nid,  el  leurs 
œufs.  Les  loirs  s'accouplent  au  mois  de  mai  et  de  juin,  ils  fout  leurs  petits  en 
été,  et  les  portées  sont  ordinairement  de  cinq.  (le  sont  des  animau.v  très-coura- 
geux, qui  ne  craignent  ni  la  belette,  ni  les  petits  oiseaux  de  proie;  leurs  enne- 
mis les  plus  dangereux  sont  les  martes  et  les  chats  sauvages. 

Les  Uomains  mettaient  les  loirs  au  nombre  des  aliments  de  luxe,  que  les 
gastronomes  riches  pouvaient  seuls  se  permettre  Ils  avaient  établi  des  sortes 
de  garennes  où  ils  élevaient  et  engraissaient  ces  animaux,  comme  nous  faisons 
aujourd'hui  des  lapins,  et  ils  y  mettaient  une  telle  importance,  que  Varron  a 
donné  une  méthode  très-détaillée  sur  l'éducation  des  loirs  et  sur  l'art  de  les 
engraisser.  Apicius  nous  a  aussi  laissé  d'excellents  documents  sur  l'art  d'en 
l'aire  des  ragoûts;  mais,  malgré  la  haute  vénération  que  nos  pères  avaient  pour 
les  auteurs  anciens,  ces  préceptes  sont  restés  pour  eux  et  pour  nous  de  simples 
théories,  que  personne  n'est  tenté  de  nnîttre  en  prati(pie.  Cette  répugnance  que 
l'on  a  pour  manger  des  loirs  vient,  sans  aucun  doute,  de  la  grande  ressem- 
blance qu'ilsontavec  les  rats,  car  leur  chair,  sansétre  excellente,  n'(;st  réellement 
pas  mauvaise  et  a  une  grande  analogie  avec  celle  des  cochons  d'Inde  et  des 
rats  d'eau.  Les  Italiens,  probablement  moins  difficiles  que  nous,  mangent  en- 
core ces  animaux  avec  grand  plaisir,  et  voici  comment  ils  se  les  procurent.  Au 
commencement  de  l'automne,  on  creuse,  en  terrain  sec,  dans  les  bois,  des  pe- 
tites fosses  que  l'on  tapisse  de  mousse,  et  que  l'on  recouvre  de  paille  ;  on  y 
jette  préalablement  une  bonne  quantité  de  faîne.  Les  loirs,  alléchés  par  ces 
fruits,  s'y  rendent  en  grand  nombre,  s'y  établissent,  et  s'y  engourdissent;  vers 
la  fin  de  l'automne  on  va  les  y  chercher,  et  c'est  alors  qu'ils  sont  le  plus  gras  et 
(pie  leur  chair  est  excellente. 

Le  LÉROT  {Mijoxus  niteln,  Giil.  Mus  qucrci-  noire,  qui  s  étend,  en  s'elargissant,  jusque  der- 

iin.s,  Li.\.  Le  Lerot,  Bufp.  )  est  un  peu  moins  licre  l'oreille;  sa  queue  est  longue,  garnie  de 

grand  que  le  loir,  et  n'a  guère  que  cinq  pouces  |)oils  ras,  puis  terminée  par  une  épaisse  touffe 

(0,L55)  de  longueur,  non  compris  la  (lueue;  son  l)lanelie.  11  habite  dansions  les  climats  tempérés 

pelage  est  d'un  gris  fauve  en  dessus,  blanchâtre  de  l'Europe,  et  il  n'est  que  trop  commun  en 

en  dessous;  son  œil  est  enlom-6  pai-  une  tache  France,  on  il  fait  le  désespoir  des  jardiniers. 

Le  lérot,  que  les  cultivateurs  appellent  (piehpiefois  loirot  ou  loir,  est  le  fléau 
de  nos  vergers,  de  nos  jardins,  et  surtout  de  nos  espaliers  de  pêchers.  Il  ne  se 
contente  pas  de  manger  la  quantité  de  fruits  nécessaire  à  sa  nourriture,  il  en 
entame  un  grand  nombre  avant  de  se  déterminer  à  en  manger  un,  d'où  il  résulte 
(pi'il  fait  de  grands  dégâts  sans  bénéfice  pour  lui.  H  n'habite  pas  les  bois,  comme 
le  loir,  mais  nos  plantations  d'arbres  fruitiers,  et  quelquefois  même  nos  habita- 
tions. Il  établit  son  domicile  dans  un  terrier,  dans  un  trou  d'arbre,  et  plus  sou- 
vent dans  les  crevasses  d'une  vieille  muraille,  il  y  porte  de  la  mousse,  du  foin  et 
des  feuilles  sèches  pour  y  construire  son  nid,  dans  lequel  la  femelle  fait,  en  été, 
cimi  ou  six  petits  qui  croissent  promptement,  mais  qui  ne  produisent  que  l'année 
suivante.  i>orsque  l'hiver  ajjproche,  ils  se  réunissent  sept  à  huit  dans  le  même 
nid,  se  roulent  le  corps  en  boule,  el  s'engourdissent  les  uns  contre  les  autres. 
Comme  les  loirs,  ils  font  des  provisions  qu'ils  consomment  pendant  les  temps 
doux,  pour  se  rendormir  dès  que  le  froid  revient.  Ces  provisions  consistent  en 


;miaii(l('s,  nuiselles,  noix  cl  graines  de  légumineuses,  quand  ils  ne  UouvimiI  i>as 
mieux;  du  reste,  leurs  habitudes  sont  alisolument  celles  des  loirs.  Le  lero» 
ne  sort  guère  de  sa  retraite  qu'à  la  nuit  tombante;  exlrèmement  agile  pour 
.n-imper  contre  les  murs  les  plus  unis,  et  desceiulanl  rarement  <à  terre,  il  est  peu 
expose  à  être  surpris  par  les  chats,  qui,  d'ailleurs,  ne  se  soucient  pas  <le  l'al- 
tacpier,  parce  qu'ils  ne  le  mangent  pas  et  l'abandonnent  après  l'avoir  étrangle, 
peut-être  aussi  parce  ([u'il  se  défend  avec  un  courage  lurieux. 


I.e  Loin  uu  SÉ>É(;\L  (  Vi/o.ni.s  Coupeii,  Fu. 
(iv.  MyuxHS  afriranus,  hu\w.)fst  plus  petit 
()iie  notre  lérot  ;  les  pattes  sont  l)liinch;itres,  les 
oreilles  un  peu  ovales;  son  pelade  est  d'un  gris 
clair,  légèrement  jaunâtre  en  dessus  et  sur  la 
queue  ;  les  joues  et  les  nuiclioires  sont  dun  blanc 
pur;  le  dessous  du  corps  est  blancliiilre.  11  ha- 
bile le  S('ni'gal  et  se  trouve  assez  souvent  dans 
]es  maisons. 

Doit-on  regarder  comme  de  simples  variétés 
ou  connue  des  espèces,  les  deux  individus  sui- 
vants : 

Le  MiHiN  (.Vi/o.Ti(.s»)Hiriiii(S,DF.sM.).  Ilnedii- 
lère  du  précédent  que  par  son  pelage  d'un  cen- 
dré noirà  Ire,  nullement  roussàtre.  11  habile  le 
cap  de  Bonne-Esperance. 

Le  I'ktit  Loin  (  A/i/o.tks  minor)  e^.t  un  peu 
plus  petit  que  le  pn  cèdent;  son  pelage  est  d'un 
cendré  noirâtre  en  dessus,  et  d'un  blanc  beau- 
coup plus  |)iir  en  dessous.  Du  reste,  il  ressemble 
au  précédent,  mais  il  habite  le  Sénégal. 

Le  Loin  iuivade  (.Wi/o.ni.s  drijas,  Schhb. — 
Desm  )  est  d'un  gris  fauve  e  i  dessus  et  d'un  blanc 
sale  en  dessous  ;  son  (eil  est  entoure  d'une  tache 
obscure  qui  se  prolonge  vers  1  oreille  ;  la  ([ueue 
est  entourée  de  grands  poils  distiques  à  sa  l)ase 
Peut-être,  comme  le  pensait  (,.  f.uvier,  n'est-ce 


(|u  une  variété  du  loir  commun,  mais  je  ne  crois 
pas  que  ce  soit  un  lérot  à  queue  écourtée.  connue 
l'a  dit  Fr.  Cuvier.  11  habile  les  forêts  de  la  i'.vtn- 
gie  et  de  la  Kussie. 

Le  DEr,i  {Mii".riis  rirgii,  Lk.ss.  Srinrus  (l(g'is. 
(i>ii,.  I  pourrait  bien  ne  pas  appartenir  a  ce 
genre.  Sa  taille  est  petite;  son  iiel.ige  d'un  blond 
obscur,  avec  une  ligne  noirâtre  sur  l'c'paule.  11 
ne  s'engourdit  pas  l'hiver  et  se  loge  dans  des 
terriers.  Il  ha!)ile  le  Chili.  Kst-ce  un  loir,  nu 
tainia,  ou  un  canq)agnol? 

Le  Lont  de  Sicile  {Mijo.tiis  siniUr,  Liss. 
Mitsnilus  frugnuius,  Rvr.  )  a  les  oreilles  nues 
el  arrondies;  la  queue  c\lindri(|ue  ,  ciliée  et 
brune;  son  jielage  est  d'un  ron\  brunâtre,  p.:r 
seiiK'  de  longs  poils  bruns  en  dessus;  le  dessous 
est  blanc.  11  habile  l.i  Sicile,  où  les  habitants 
estiment  beaucou|)  sa  chair,  et  il  niche  sur  les 
aibres. 

Le  MiscAiiuiv  [Miioxus  luiisrardiiius,  Gml. 
^]^IS  uiellananus,  Lim.  LcCroquc-noi.r,  Biuss.) 
esi  à  peu  pies  de  la  grosseur  d'un  mulot  ou 
d'une  souris.  Son  pelage  est  d'un  lau\e  clair  en 
dessus.  pres()ue  blanchâtre  en  dessous  ;  sa  (lueue, 
jiresque  de  la  longueur  du  corps,  est  aplalie  lio- 
rizimtalemeiil  et  l'omiée  de  jioils  distiques.  Il 
habite  toute  l'F.uiope. 


Cette  jolie  miniature  de  l'écureuil  n'habite  guère  que  les  l'orèts,  surtout 
celles  où  les  noisetiers  sont  abondants,  parce  qu'il  fait  sa  principale  nourriture 
de  leurs  Iriiits.  11  loge  et  s'engourdit  dans  les  vieu.x  troncs  d'arbres  et  les  trous 
de  murailles,  mais  il  lait  son  nid  sur  les  buissons  de  noisetiers,  entre  les  bran- 
ches basses,  avec  des  herbes  entrelacées;  il  lui  donne  environ  six  pouces  de 
diamètre  (0,^62),  et  ne  laisse,  pour  y  entrer,  qu'une  ouverture  dans  le  haut. 
C'est  là  ((ue  la  femelle  met  bas  et  allaite  trois  ou  quatre  petits,  qui  abandonnent 
le  nid  pour  toujours  aussitôt  qu'ils  sont  assez  forts  pour  pourvoir  eux-mêmes  à 
leurs  besoins.  Aussitôt  que  le  froid  se  fait  sentir,  ils  se  retirent  dans  un  trou 
d'arbre  où  ils  ont  amassé  une  provision  de  noisettes,  et  ils  s'y  engourdissent  à 
la  manière  des  loirs.  On  prétend  qu'en  Italie  se  trouve  une  espèce  ou  variété  de 
nmscardin  à  odeur  de  musc  ;  celui  de  France  ne  sent  rien,  et  se  trouve  ipielipie- 
fois  dans  nos  jardins  quand  il  y  a  une  plantation  de  noisetiers. 

25'^  (iE^iiE.  LesÉCIIl.MYS  (  £"<  /ijmi/.v,  Geoff.)  pies,  à  comonue  présentant  des  lames  Iransver- 
ont  vingt  dents,  savoir  .  i;ualre  incisives,  pas  de  .ses,  réunies  deux  à  deux  par  un  bout,  ou  isolées; 
cauines,  huit  molaires  en  haut  et  en  brs,  siui-      ils  ont  cinq  doigts  aux  pieds  de  deri  ière.  quatre 


KATS. 


3'(5 


doig(saii\  pieds  de  devant  avec  un  moignon  de 
pouce;  leur  (|ueiic  est  très-longue,  écailleuse, 
presque  nue;  leurs  poils,  surtout  ceu\  des  par- 
ties supérieures,  sont  en  forme  de  piquants 
aplatis,  caréni's  sur  une  de  leurs  faces,  creusés 
en  goutliore  de  l'autre,  et  terminée  i)ar  une  soie 
très-fine. 

L'AivGOuvA-ï-BiGoiN  (/ùhii)i|/.s  .'«//iiiosiiA.DEsn. 
L'Ef/ii)iiysro(/x,  G.Cuv.  LeRntépineu.r,  Azaiiai 
a  sept  pouces  (0,189)  de  longueur,  non  compris 
la  queue,  qui  en  a  trois  (0,081),  et  qui  est  cou- 
verte de  poils  courts,  assez  fournis  pour  cacher 
les  écailles;  sou  pelage  est  d'un  brun  ohscnr, 
mélangé  de  rougeàlre  en  dessus,  et  d'un  blanc 
sale  eu  dessous  ;  les  poils  du  dos  soni  entreuiélé-i 
de  piquants  très-forts.  Cet  animal  habite  le  Pa- 
raguay, et  vit  solitairemeuf  dans  des  terriei's 
qu'il  se  creuse  dans  les  savanes,  sur  le  bord  des 
rivières,  mais  dans  des  situations  assez  élevées 
pour  ((ue  les  inondations  ne  ()uissent  pas  le  sur- 
prendre. L'entrée  de  son  terrier  s'enfonce  à  peu 
près  verticalement  à  huiti)Ouces  (0,217)  de  |)ro- 
fondeur,  [)uis  ensuite  une  galerie  s'étend  paral- 
lèlement à  la  surface  du  sol  à  (juatre  |)ie(ls  (1 ,299) 
de  distance.  Ces  trous  sont  quelcpiefois  si  rap- 
prochés, (ju'il  est  dangereux  de  parcourir  les 
savanes  sans  précaution.  L)u  reste,  il  parait  (|ue 
les  babihides  de  cet  animal  ont  beaucoup  d'ana- 
logie avec  celles  de  nos  rats. 

L'Éciujivs  niJi-PK  {l'.iliimtjs  rrislatui;,  Gkoff. 
—  Desm.  Iliistii.r  <hrijsiii<)s,  Scini.  Le  Lcrot  à 
queue  dorée,  Wivv.)  a  neuf  |)ouces  et  demi  (0,2."iS) 
de  longueur,  non  comprisla  queue,  ipii  a  un  pied 
(0,523).  Son  pelagt;  est  marron  en  dessus;  sa 
tète  est  d'un  brun  foncé,  avec  une  ligne  étroite, 
blanche,  sur  le  front  ;  la  (pieuc  est  noire,  blan- 
che ou  jaune  à  son  extrémité;  il  a  sur  le  dos  des 
poils  roides  et  plats,  longs  d'un  pouce  (0,027).  Il 
habite  Surinam,  et  ses  mœurs  sont  inconnues. 
L'ÉcniMVS  nACTïLn  (Ecliimijs  daetiilinus , 
Geoff.  —  Desm.)  a  un  peu  plus  de  dix  pouces 
i0,27l)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
en  a  quatorze  et  demi  (0,593).  Son  pelage  est 
brun,  mêlé  de  gris  et  de  jaunâtre  en  dessus;  ses 
(lancs  sont  roussàtres;  les  poils  sont  secs  et  ru- 
des, m;iis  non  pas  précisément  épineux  ;  les  deux 


doigts  du  milieu  des  pieds  de  devant  sont  plus 
longs  que  les  autres,  et  ont  des  ongles  plats;  les 
cinq  doigts  des  |)ieds  de  derrière  sont  ai-més 
d'ongles  longs  et  crochus;  toute  la  (jneue  est 
écailleuse  et  nue.  Il  habite  l'Amérique  méridio- 
nale. 

LEcanivs  a  Al^.uILLO^s  (  Ec/timi/s  hispiilns  , 
Geoff.  —Desm.  )  a  sept  pouces  (0,1^9)  de  lon- 
gueui",  nou  compi'is  la  queue,  ijui  eu  a  autant, 
et  (pii  estanueh'c  et  entièrement  écailleuse;  son 
pelage  est  d'un  brun  rouv,  plus  clair  en  dessous, 
avec  beaucoup  de  [)oils  é[)ineux  très-roides  sur 
le  dos;  sa  Icle  est  roussàlre.  Il  habite  l'Amcri- 
(pie  méridionale. 

L'F.canivs  sovEix  {Echimijs  selosns,  (iEoff. 
—  Dks>i,  )  a  environ  six  pouces  (0,1  ()2)  de  lon- 
gueur, nou  compris  la  queue,(pii  en  a  sept  (0,189); 
son  poil  est  so\eux,  très-peu  mélangé  d'épines, 
loux  sur  le  corps,  blanc  eu  dessous  ;  ses  pieds 
sont  blancs;  ses  lai'ses  postérieurs  sont  fort 
longs,  avec  les  trois  du  milieu  piTscpu-  égaux 
entre  eux.  Il  habite  l'Améi-icpie,  mais  j'ignore 
quelle  partie. 

L'LcHiMvs  UE  CAVE:N?iE  (Kc/iinti/.s-  eaiienitcnsis, 
Geoff. — Des.m.  )  a  environ  six  pouces  (0,|(!2) 
de  longueur,  non  compris  la  queue.  .Son  pelage 
est  d'un  roux  passant  au  brun  sur  le  milieu  du 
dos  ;  tout  le  dessous  ducorps  est  d'n:i  beau  blanc; 
les  piquants  maucpient  sur  la  tête,  et  sont  entre- 
mêlés, sur  le  dos,  de  poils  annelés  de  l'oux,  de 
fauve,  et  de  briui  à  la  pointe;  ses  tarses  et  ses 
doigts  postérieurs  sont  connue  dans  le  précé- 
dent. 11  resuite  de  cette  confonualion  que  ces 
deux  espèces  doivent  avoir  sur  les  autres  une 
graude  supériorité  à  la  course  et  au  saut.  Il  ha- 
bite l'Amérique  méridionale. 

L'LcHiMVs  dideli'iioïde  {Eehimiis  (li(lel])li<n- 
des ,  Geoff.  —  Desm.  )  a  environ  cimi  pouces 
(0,153)  de  longueur,  non  comprisla  queue,  qui 
en  a  autant  :  celle-ci  est  couverte  de  poils  à  sa 
hase  et  nue  sur  le  reste  de  sa  longueur;  le  pe- 
lage est  brun  sur  le  dos,  plus  clair  sur  les  lianes, 
jaunâtre  eu  dessous;  les  piquants,  (jui  n'existent 
(|u'au  dos  et  à  la  croupe,  sont  annelés  de  brun 
foncé  et  de  roux.  11  habite  l'Amérique  nié'ridio- 
uale. 


3'»(i 


Lï:S    UO.NGKUIIS. 


25''  fiEMiE.  Les  LEMiMINGS  {  Georiichiis , 
Illic  )  oi)t  seize  deiils,  savoir  :  quatre  incisives; 
|)as  de  Ciinines  ;  six  molaires  en  haut  et  en  l)as, 
coiii|)Osées ,  il  couronne  plane,  |)i'ésenf;int  des 
Innies  éniailleuses,  anguleuses  ;  les  oreilles  sont 


très-courtes,  ainsi  que  Ih  queue,  (jui  est  velue  ; 
les  pieds  de  devant  ont  tantôt  cinc]  doif^ls,  tantôt 
quatre,  toujours  munis  d'ongles  prop;  es  a  fouir 
la  teri-e.  Tous  ces  animaux  ont  des  mo'urs  inté- 
ressantes, dont  les  voyageui's  se  sont  pi-eoccupcs. 


Le  LEMMING  [Gcorijchus  norveçjïcns.  — Hipwlœns  norvégiens ,  DtsM.  Mus  leni- 
mis.  Lin.  Le  Lennning,  Ruff.  —  G.  Cuv.  Le  Lapin  de  Norwége,  Bniss.  ) 

Es!  (le  la  grandeur  d'un  rat;  il  a  cinq  doigts  aux  pattes  de  devant;  son  pelage 
est  agréaldenienl  varié  de  noir  et  de  jaune  sur  le  dos;  le  ventre  et  les  flancs  sont 
blancs.  Il  liahite  les  montagnes  de  la  INorwége. 

Ce  joli  petit  animal  vit  dans  un  terrier  au  fond  duquel  il  se  creuse  une  chambre 
dans  laquelle  il  élève  sa  famille;  mais  il  n'y  fait  pas  de  magasin  et  n'y  amasse 
point  de  provisions.  Sa  nourriture  consiste  en  lichens  pendant  l'iiiver,  en  herbes 
dans  la  belle  saison,  et  probablement  en  racines  lorsqu'il  fouille  la  terre.  Par  un 
instinct  inexplicable,  ces  animaux  connaissent  à  l'avance  quand  il  doit  y  avoir  un 
hiver  rigoureux,  qui  ne  leur  permettrait  plus  de  remuer  le  sol  glacé  ni  de  trou- 
ver leur  nourriture  dans  leur  contrée  natale,  et  alors  ils  se  préparent  à  émigrer 
pour  aller  dans  des  pays  plus  favorisés.  On  a  observé  plusieurs  fois  chez  eux  cet 
étonnant  pressentiment,  et  surtout  en  1712.  Cette  année-là  l'hiver  fut  trés-rigou- 
reux  dans  le  cercle  d'Uméa,  et  beaucoup  plus  doux  dans  celui  de  Lula,  quoique 
plus  au  nord  :  ils  émigrérent  h  l'avance  du  premier  et  non  de  l'autre.  Il  résulte 
de  cette  prévision,  que  leurs  émigrations  ne  sont  ni  annuelles  ni  périodiques,  et 
que  souvent  il  n'y  en  a  qu'une  dans  l'espace  de  dix  ans,  tandis  que  d'autres  fois 
il  y  en  a  deux  ou  trois  dans  le  même  espace  de  temps.  Quand  ils  se  préparent  à 
partir,  la  population  d'une  contrée  entière  se  rassemble  par  un    merveilleux 


UAÏS  347 

accord,  elloiir  Iroupo  iniioiuhraljk' se  l'orinc  eu  colouiics  parallèles  el  se  inel  en 
inaiclie  en  ligne  droite,  sans  qu'aucun  obstacle  luiissc  la  détourner  ni  à  droite 
ni  à  gauche.  Renconlrent-iis  une  montagne,  ils  la  franchissent  en  la  gravissant; 
une  rivière  ou  un  bras  de  mer,  ils  le  passent  à  la  na'ge,  et  si  le  vent  vient  à  s'é- 
lever pendant  cette  traversée,  des  milliers  de  ces  animaux  sont  submergés;  leurs 
cadavres,  rejetés  en  monceaux  surlerivage,  empoisonnent  l'air  au  point  d'occa- 
sionner des  maladies  epidémiques  dans  les  villages  voisins.  Ils  marchent  la  laiit, 
l'ont  halte  pendant  le  joui',  et  malheur  à  l'endroit  où  ils  s'arrèlent,  car,  en  (luel- 
(pies  heures,  jardins,  moissons,  récolles  de  toute  espèce,  verdure,  tout  est 
détruit,  et  le  sol  i-esle  nu  et  rasé  connue  si  le  l'eu  y  avait  passé.  Heureusement 
qu'ils  respectent  les  habitations  et  ne  pénétrent  ni  dans  les  maisons,  ni  même 
dans  les  cabanes.  Aussi  courageux  que  dévastateurs,  ils  se  détendent  avec  fureur 
contre  toutes  les  agressions,  soit  de  la  part  des  animaux,  soit  de  la  part  de 
l'homme  ;  ils  cherchent  à  s'élancer  à  la  hgure  de  celui  qui  les  atta(iue,  ils  mor- 
dent le  bâlon  ((ui  les  frappe,  la  main  qui  les  menace,  et  une  fois  qu'ils  ont  saisi 
avec  les  dents,  ils  ne  lâchent  plus  qu'en  mourant.  Dans  leur  colère,  selon 
Scheffer,  «  ils  vont  au-devantde  ceux  qui  les  attaquent,  crient  el  jappent  pres(pie 
tout  de  même  que  des  petits  chiens.  » 

Les  lemmings  ne  s'expatrient  i>as  pour  aller  établir  ailleurs  des  colonies, 
mais  simplement  pour  trouver  à  vivre  pendant  l'hiver,  et  retourner  ensuite  dans 
leur  pays.  Ces  bandes  prodigieuses  ,  qui ,  au  départ,  couvraient  la  terre  d'in- 
dividus serrés  en  phalanges,  sont  tellement  diminuées  au  retour,  qu'à  peine 
s'aperçoit-on  de  leur  passage.  Les  renards,  et  une  foule  d'autres  petits  mannni- 
féres  carnassiers,  les  suivent  dans  leurs  migrations  et  s'en  nourrissent  exclusi- 
vement; les  oiseaux  de  proie  en  détruisent  aussi  un  grand  nombre,  et  la  fatigue, 
les  intempéries,  les  naufrages  et  la  faim,  font  périr  une  grande  i)artie  de  ceux 
(jui  restent;  c'est  à  peine  si  la  centième  partie  de  la  troupe  peut  regagner  sa 
terre  natale.  Du  reste,  leur  passage  est  regarde  par  les  habitants  du  pays  ((u'ils 
parcourent  connue  un  fléau  terrible,  et  dont  il  est  impossible  de  se  délivrer. 
Comme  leur  a|)parition  est  subite,  et  que  le  peuple  ne  sait  d'où  ils  viennent,  il 
s'imagine  qu'ils  tombent  du  ciel  avec  la  pluie. 

LeLEMAiiNGDtLAPOMKiCJewiyr/tiiWayjoiiicKS-  Le  Lemjiino  de  la  uaie  d'IIidson  [Geovtjchus 

est  un  tiers  plus  petit  que  le  précédeul  ;  sou  pe-  /ii((/.vo»ii/(i-.  —  llipiulœui  hmhviiius,  Less.  Mus 

lage  est  d'un  fauve  bruu  sur  le  dos,  jaunissant  Itmlsonins,  1»all.  Le  liât  du  l.abrudor)  est  de 

sur  les  lianes,  et  blanchâtre  sons  le  ventre.  Quel-  la  grosseur  dun  rat  ;  il  a  cinq  i)ouces  (0, 1 35)  de 

ques  naturalistes  ne  le  regardent  que  connue  longueur,  et  le  nuile  est  un  peu  plus  grand  (lue 

une  variété  dn  précédent,  (pioiqu'il  n'en  ait  ni  la  lenielle  ;  il  manque  de  queue  et  d'oreilles  ap- 

la  taille,  ni  les  formes,  ni  la  couleur,  ni  les  ureurs,  parentes,  et  ses  pieds  de  devant  n'ont  que  qua- 

et  qu'il  ne  se  trouve  pas  dans  les  mêmes  contrées,  lie  doigts  avec  un  rudiment  de  pouce  ;  sou  pe- 

II  habite  la  Laponie  russe,  où  l'autre  ne  se  trome  h.ge  est  unihuméineiit  d'un  gris  perle.  Il  habile 

jamais,  et  il  est  commun  dans  les  régions  voisi-  l'Amérique  septentrionale, 

lies  de  la  mer  Blanche  et  de  la  mer  Glaciale,  Le  Leshuxc.  a  coli.iek  (  Gconjvhus  lorquatus. 

jusqu'à  l'Obi.  Il  émigré  aussi,  tantôt   vers  le  —  nipmUvua  toiquitlits,   Less.  Mus  Unqiudiis. 

l'etzora,  tantôt  vers  l'Obi,  et  de  la  même  ma-  Pall.  )  a  te  pelage  feri  uginein,  avec  une  ligue 

nière  que  le  précédent.  Son  terrier,  au  lieu  de  noire  sur  le  dos  et  un  collier  blanc  autour  du 

n'avoir  qu'une  chambre,  en  a  plusieurs  qui  lui  cou,  interrompu  en  dessous  ;  ses  oreilles  sont 

ser\eut  de  magasins,  et  il  y  amasse  des  provi-  très-courtes  ;  ses  pieds  de  devant  ont  cinq  doigts 

sions  consistant  en  lichen  des  rennes  (  L'ulitu  armés  d'ongles  médiocrement  torts,  excepté  le 

raïKiifcriuio).  pouce,  qu'il  a  court,  arrondi,  ou  nul.  Il   h:!bile 


:ViS 


LliS   IlONGIilRS. 


la  Sibérie  et  éiiiigieaux  iiiénies  époques  que  les 
leniiiiiiigs. 

Le  L\GiinE  (  Georychus  lagurus.—  Hipudinis 
l:-gunis,  Less.  Mus  lagurus,  Pall.  Le  Lngnre, 
Vicqd'Azyh)  est  plus  petit  que  notre  canipaguul 
ordinaire  ;  sa  longueur  est  de  trois  pouces  huit 
lignes  (0,(i!)9)  ;  il  n'a  quequaire  ongles  aux  pieds 
de  devant,  et  sept  vertèbies  à  la  queue  ;  son  pe- 
lage est  d'un  gris  cendré,  avec  une  ligue  uoire 
sur  le  dos,  mais  il  manque  de  collier.  Jl  vit  en 
grandes  tioupes  dans  les  steppes  de  la  Tartarie 
et  de  la  Sibérie,  et  il  est  surtout  nombreux  dans 
le  désert  d'irli.  ch,  où  croit  en  abondance  l'iris 
uaine  (  Iris  piiiiii/u)  dont  il  mange  les  racines. 
Quoique  le  plus  petit  des  lemminjis,  il  est  cou- 
rageux et  fort,  et  ne  craint  pas  d'allaquei'  les 
plus  grandes  espèces  de  son  genre,  pour  les 
inangei';  aussi  aucunes  d'elles  u'ose  bahiler  les 
cantons  où  il  a  établi  sa  demeure.  Les  mâles  se 
fout  entre  eux  une  guerre  à  outrance,  et  le  plus 
fort,  après  avoir  dévoré  ses  ri\aux,  s'empare 
des  femelles  pour  peupler  son  barem. 

Le  Taupix  (  lieonjclitis  talinnus.—AJus  tnlpi- 
inis,  Pall.  Le  Petit  Siuilux,  L^t^CL.)  a  cinq 
doigts  à  tous  les  pieds  ;  sa  première  molaire  est 
la  plus  longue;  son  jjclage  varie  du  gris  jaune 
au  brun  noir,  avec  l'âge;  la  femelle  a  six  ma- 
melles. Il  habile  les  bassins  méridionaux  de 
l'Oural,  et  ne  se  trouve  pas  à  l'est  de  l'Obi.  Cet 
animal  se  creuse  un  terrier  comme  la  taupe, 
près  de  la  surlace  du  gazon,  et,  comme  elle,  il 


élève  de  pelites  buttes  de  terre  le  long  de  ses 
longues  galeries  et  de  distance  en  dislance.  11  ne 
sort  jamais  de  sa  retraite  que  pour  aller  cher- 
cher sa  femelle,  ou  changer  de  canton;  il  se 
nourrit  de  racines,  et  principalement  des  petils 
tubercules  du  pblomis  tiibéreux, 

26«  Genhe.  Les  CAPROMYS  (  Capiomtjs  , 
Desm.  Isodon,  Geoff.)  ont  vingt  dents,  savoir  : 
quatre  incisives,  dont  les  inférieures  peu  com- 
primées sur  les  cotés;  point  de  canines;  huit 
molaires  en  haut  et  en  bas,  prismatiques,  ayant 
leur  couronne  traversée  par  des  replis  d'émail 
qui  pénètrent  assez  profondément,  et  qui  sont 
semblables  à  ceux  qu'on  voit  sur  la  couionnc 
des  molaires  des  castors  ;  les  j)ieds  de  devant  ont 
quatre  doigts  avec  un  rudiment  de  pouce;  la 
queue  est  ronde,  conique,  écailleuse;  les  mem- 
bres sont  forts,  robustes  et  assez  courts.  Ce 
genre  semble  ètie  intermédiaire  entre  les  lals 
et  les  marmottes. 

Le  CiiÉiu  (Ca/jromi/s  Fur»  jeri,  Desm.  Isodon 
pilorides,  Sav.  h'Agutia  covgo  des  Créoles  de 
Cuba  ;  peut-être  le  liacoon  de  Bkow.xe)  est  de 
la  grosseur  d'un  mojen  lapin  ;  il  a  un  peu  plus 
d'un  pied  (0,525)  de  longuem ,  non  compris  la 
queue,  qui  a  six  pouces  (0,1C2i  ;  sa  marche  est 
plantigrade,  et  les  cinq  doigts  des  pieds  de  der- 
rière sout  fortement  onguiculés  ;  son  pelage  est 
grossier,  d'un  brun  noirâtre,  lavé  de  fauve  ob- 
scur dans  les  parties  supéiieures  ;  la  croupe  est 
rousse;  les  pattes  et  le  museau  sont  noirâtres. 


Le  cliémi  habite  l'île  de  Cuba,  vil  dans  les  bois,  el  grimpe  aux  arbres  avec  la 
plus  grande  facilité.  Il  a  peu  d'intelligence,  mais  il  est  curieux,  joueur,  et  d'un 
caractère  fort  gai.  Sans  être  positivement  un  animal  nocturne,  il  est  plus  éveillé 
pendant  le  crépuscule  que  le  jour;  il  a  l'odorat  excellent,  et,  lorsqu'il  se  croit 
menacé  d'un  danger,  il  se  dresse  sur  ses  pieds  de  derrière,  comme  un  kan- 
gourou, et  fait  mouvoir  ses  narines  jjour  flairer  le  vent  et  prendre  connaissance 
de  l'objet  qui  l'inquiète.  Alors  il  fait  entendre  un  petit  cri  aigu  analogue  à  celui 
des  rats,  pour  appeler  ses  camarades  et  les  avertir  de  prendre  la  fuite.  Quand, 
au  contraire,  il  éprouve  un  sentiment  de  satisfaction,  soit  en  mangeant  quelque 
chose  qui  flatte  son  goiit,  soit  en  s'étendant  mollement  au  soleil  dans  une  vo- 
luptueuse quiétude,  il  fait  entendre  unpelit  grognement  très-doux  et  fort  bas.  Sa 
nourriture  consiste  uniquement  en  substances  végétales,  et  il  aime  surtout  les 
l>ourgeons  d'arbres  et  les  jeunes  écorces.  Comme  la  plupart  des  autres  ron- 
geurs, les  cliéniis  prennent  et  portent  à  leur  bouche  leur  nourriture  avec  les 
deux  pattes  de  devant,  mais  souvent  aussi  ils  ne  se  servent  pour  cela  que  d'une 
seule  main,  ce  qui  leur  donne  une  physionomie  fort  originale.  Du  reste,  cet  ani- 
mal est  d'un  caractère  fort  doux. 


L'agutia  cahavalli,  ou  L'tia  (  Capromijs  prc-  et  les  ongles,  sont  blancs  ;  son  pelage  est  mou. 
Itensilis,  Poepinc)  a  vingt-trois  pouces  de  Ion-  épais,  ferrugineux  mêlé  de  gris;  sa  queue  es! 
gueur  (n,f>2.'î);  sa  tète,  la  plante  de  ses  pieds,      gréle,  de  la  longueur  du  corps,  nue  à  son  extré- 


RATS.  349 

mitt^.  Il  habili'  Cuba,  où  il  est  assez  rare.  Cet  diocres;  queue  à  peu  près  de  la  loii{iuour  «lu 

auinial,  lourd  et  paresseux,  grimpe  cepeudaut  corps,  velue,  roude  ;   huit  à  douze  uianielles. 
aux  arbres  avec  la  plus  grande  facilité;  il  aime         Le  Hat  d'eau   {Anicola  amijhibiiis,  Desm. 

à  se  pendre  à  leurs  branches  et  à  se  cacber  dans  Mus  amphibitis,  Lin.  Mii.s  uquaticits.  Rai  vl 

leur  feuillage.  Briss.  Musmaiinus,  .Clian.)  est  un  peu  plus 

27e  Ge.nre.  Les  campagnols  (Ariicoln,  grand  que  le  rat  ordinaire,  dun  gris  brun  foncé; 

Lacei'.*  ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  incisives;  sa   queue  est  d'un  tiers  plus  courte  que  son 

point  de  canines;  six  molaires  en  haut  et  six  en  corps,  et  il  n'a  que  l'ongle  de  visible  aux  pieds  de 

bas,  composées,  à  couronne  plane,  offrant  des  devant  ;  ses  oreilles  sont  nues,  presque  cachées 

lames  émailleuses,   anguleuses;   oreilles  assez  dans  le  poil  de  sa  tète  ;  les  quatre  pieds  niut  nus 

grandes;  pieds  de  devant  pourvus  d'ongles  mé-  et  écailleux. 

Le  rat  d'eau  se  trouve  dans  toute  l'Europe,  le  nord  de  l'Asie  et  de  l'Amérique, 
mais  avec  quelques  modifications  qui  tiennent  au  climat.  Par  exeiuple,  en  Si- 
bérie il  est  plus  grand  qu'en  Europe,  et  d'autant  plus  qu'on  s'avance  davantage 
vers  le  nord;  ceux  que  l'on  trouve  à  rembouchure  de  l'Obi  et  du  Jenisey  sont 
assez  grands  pour  que  l'on  puisse  employer  utilement  leur  fourrure,  qui,  d'ail- 
leurs, n'a  pas  une  grande  valeur.  Partout  les  mâles  sont  plus  grands  ([ue  les 
femelles  et  d'une  couleur  plus  foncée.  Le  rat  d'eau  ne  quitte  jamais  le  bord  des 
eaux  douces,  et  s'il  s'en  éloigne  quelquefois,  c'est  d'une  cinquantaine  de  pas  au 
plus.  Au  moindre  danger  qui  le  menace,  il  y  revient,  se  jette  dans  les  ondes, 
plonge,  et  gagne  son  trou  en  nageant  entre  deux  eaux.  Ce  trou  consiste  en  un 
boyau  parallèle  au  sol,  peu  profond,  et  ayant  plusieurs  issues.  La  femelle  y  met 
bas,  au  mois  d'avril,  six  ou  sept  petits  qu'elle  soigne  avec  tendresse,  et  elle  ne 
les  laisse  sortir  de  sa  retraite  que  lorsqu'ils  ont  atteint  au  moins  la  moitié  de 
leur  grosseur.  Bull'on  accuse  ces  aninuuix  de  ne  se  nourrir  que  de  poissons  et 
de  reptiles,  et  de  faire  du  tort  aux  étangs  et  aux  rivières  en  détruisant  le  frai 
des  carpes,  brocbets,  barbeaux,  etc.  Le  vrai  est  que  les  rats  d'eau  ne  mangent 
que  des  matières  végétales,  et  entre  autres  les  racines  et  les  graines  des  plantes 
de  la  famille  de  typbacées  ;  si  quebiuefois  ils  se  permettent  une  nourriture  ani- 
male, elle  consiste  purement  en  quelques  insectes  et  leurs  larves;  quant  aux  pois- 
sons, grenouilles  et  autres  animaux  aquatiques,  ils  n'y  touchent  jamais.  Dans 
certains  pays  on  mange  sa  cbair,  qui  n'est  pas  mauvaise,  et  peut  être  comparée 
à  celle  du  cochon  d'Inde.  Entre  l'Obi  et  le  Jenisey,  on  trouve  une  variété,  ou 
peut-être  une  espèce  de  cet  animal,  qui  diffère  de  notre  rat  d'eau  par  une  grande 
tache  blanche  qu'elle  a  entre  les  épaules,  et  une  raie  de  la  même  couleur  sur  la 
poitrine. 

Le  ScHERJiAtss  (Anicola  palndosm.  —  Mus  cendré  en  dessous.  II  habite  le  bord  des  eaux, 

palitdosus,hm.Arvirolaaig€uloratens>s,DEsyi.  aux  États-Unis,  et  se  nourrit  des  semences  de 

Le  Schennan,  Bupf.)  est  plus  petit  que  le  pré-  la  Zizannie  aquatique. 

cèdent,  à  tcte  remarquablement  plus  ramassée,  Le  Rat  d'eau   du   ÏSil   {Anicotu  inlolints, 

à  queue  plus  courte,  et  à  pelage  noir.  Il  habite  Des.m.   Lf»?nit(S  nilolicus,  (iEOFF.  )  a  la  queue 

les  environs  de  Strasbourg  et  s'éloigne  davau-  presque  aussi  longue  que  le  corps  ;  son  pelage 

tage  de  l'eau.  est  d'un  brun  mêlé  de  fauve  sur  le  dos,  d'un 

Le  Cami'agnol  des  rivages  {Ariicola  ripn-  gris  jaunâtre  en  dessous;  ses  oreilles  sont  bru- 

rius,  Ord.  Anicola  palitsiiis,  Harlaiv  )  a  cinq  nàtres,  presque  nues;  sa  queue  est  brune,  il 

pouces  de  longueur  (0,155,  non  compris  la  habite  l'Egypte,  et  a  les  mêmes  mœurs  que  les 

queue,  qui  est  moins  longue;  ses  oreilles  sont  précédents. 

médiocres  ;  son  museau  est  gros  ;  il  a  le  pelage  Les  espèces  qui  vont  suivre  sont  entièrement 

d'un  brun  rouge;llre  mêlé  de  noir  en  dessus,  et  terrestres,  et  toutes  habitent  l'ancien  continent. 


350  LES  RONGEURS. 

Le  Cani'aginol  ouoiivaiiik  (Ankola  ruigaris,  qui  a  un  pouce  (0,027),  el  qui  est  voluc;  ses 

Dksm.  Mus  an-alis,  Lin.  Lo  Cami)ag)wlou  Petit  oreilles  sont  moyennes  et  arrondies;  sou  pelage 

ritt  des  champs,  Blff.  —  G.   Cuv.)  est  de  la  e^t  d'un  jaune  brun  en  dessus,  d'un  blanc  sale 

grandeur  d'une  souris  ;  son  corps  a  trois  pou-  en  dessous.  Cette  espèce  a  souvent  été  le  lléau 

ces  (0,081)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  de  l'agricultm-e,  surtout  dans  l'antiquité. 

Le  campagnol  esl  coinniun  dans  toute  l'Europe,  et  se  trouve  dans  le  nurd  de 
la  Russie  jusqu'à  l'Obi.  Il  habite  les  champs  et  les  jardins,  mais  il  ne  pénétre 
jamais  dans  les  maisons  ni  dans  les  bàtiiuents  d'exploitation  rurale.  Il  se  creuse 
un  terrier  consistant  en  une  petite  chambre  de  trois  ou  cpiatre  pouces  (0,081 
à  0,108)  de  diamètre  en  tous  sens,  à  lai(uelle  aboutissent  plusieurs  boyaux  en 
zigzag  lui  servant  d'entrée  et  de  sortie.  C'est  là  que  la  femelle  établit  soti  nid 
d'herbe  sèche,  et  met  bas,  au  luoins  deux  fois  par  an,  dix  à  douze  petits  à  chaque 
portée.  Aussi,  lorsqu'un  été  favorise  la  multiplication  de  ces  petits  aniiuaux, 
ils  devieinient  un  véritable  fléau  pour  l'agriculture.  Ils  font  des  provisions 
de  grain,  de  noisette  et  de  gland,  mais  il  paraît  qu'ils  préfèrent  le  blé  à  toute 
autre  nourriture.  «  Dans  le  mois  de  juillet,  dit  Bull'on,  lorsque  les  blés  sont 
mûrs ,  les  campagnols  arrivent  de  tous  côtés  ,  et  font  souvent  de  grands  dom- 
mages en  coupant  les  tiges  du  blé  pour  en  manger  l'épi;  ils  semblent  suivre 
les  moissonneurs,  ils  profitent  de  tous  les  grains  tombés  et  des  épis  oubliés; 
lorsqu'ils  ont  tout  glané,  ils  vont  dans  les  terres  nouvellement  semées  et  détrui- 
sent d'avance  la  récolte  de  l'année  suivante.  En  automne  et  en  hiver,  la  plupart 
se  retirent  dans  les  bois,  oit  ils  trouvent  de  la  faîne,  des  noisettes  et  des  glands. 
Dans  certaines  années  ils  paraissent  en  si  grand  nombre,  qu'ils  détruiraient 
tout  s'ils  subsistaient  longtemps;  mais  ils  se  détruisent  eux-mèiues,  et  se  man- 
gent dans  les  temps  de  disette  ;  ils  servent  d'ailleurs  de  pâture  aux  mulots,  et  do 
gibier  ordinaire  aux  renards,  attx  chats  sauvages,  à  la  marte  et  à  la  belette.  » 
Mais  ce  qui  contribue  plus  encore  à  leur  destruction,  ce  sont  les  pluies  d'au- 
tomne et  les  fontes  de  neige  qui  inondent  leurs  terriers.  Il  paraît  qu'autrefois 
celte  espèce  était  plus  multipliée  qu'aujourd'hui,  et  que  souvent  elle  a  ravagé 
des  provinces  entières  ;  l'histoire  nous  en  ofl're  de  fréquents  exeiuples,  et,  dans 
des  temps  reculés,  ou  regardait  les  armées  de  rats  apparaissant  tout  à  coup, 
comme  un  efl'et  de  la  vengeance  céleste  ;  aussi  n'opposait-on  guère  à  leur  inva- 
sion que  des  prières  et  des  exorcisiues. 

La  FÉGOULE,  ou  Campagnol  économe  (Arii-  dessus,  jaunâtre  sur  les  flancs,  blanc  sous  la 

rola  o conomus,  DEiU.  l\Itis  œrononuis,  P ALLAS,  gorge  et  sous  le  ventre;  sa  queue  n'a  que  le 

Le  Campagnol  des  prés,  G.  Cuv.)  ne  diffère  quart  de  la  longueur  du  corps,  et  elle  est  brune; 

extérieurement  du  précèdent  que  par  sa  cou-  ses  oreilles  sont  très-courtes.  Cette  espèce   ha- 

lenr  plus  foncée,  mais  à  l'intérieur  il  a  une  bite  la  Sibérie  et  le  Kamisçhatka.  Ses  babitudes 

paire  de  côtes  de  plus  ;  son  pelage  est  brun  eu  la  rendent  précieuse  aux  Kamtschadales. 

Le  caïupagnol  éconoiue  est  l'espèce  la  plus  singulière  et  la  plus  célèbre  do 
son  genre.  11  habite  les  vallées  profondes  et  humides,  et  creuse  son  terrier  avec 
beaucoup  d'art;  il  consiste  en  vingt  ou  trente  boyaux  de  huit  à  neuf  lignes  (0,018 
à  0,020)  de  diaiuètre,  serpentant  presque  à  la  surface  du  sol,  ou  au  moins  à  peu 
(le  profoiulcur,  et  s'ouvrant  en  dehors  de  distance  en  distance.  Ces  boyaux  com- 
muniquent à  d'autres  galeries  plus  profoiules,  se  rendant  toutes  à  son  habitation 


RATS.  351 

ou  à  ses  magasins.  Son  habitalion,  ou  chambre  principale,  a  trois  on  quatre  ponces 
(0,081  on  0,108)  de  hauteur  et  environ  un  pied  (0,025)  de  largeur;  elle  est 
plafonnée  avec  des  racines  de  gazon,  ou,  mais  seulement  dans  les  lieux  humides, 
voûtée  dans  une  motle  de  terre  qui  domine  le  sol  environnant;  sur  le  plancher 
est  étendu  un  lit  de  mousse.  A  côté  de  cet  appartement,  où  loge  la  famille,  sont 
deux  on  trois  magasins  plus  grands,  construits  avec  beaucoup  de  soin  et  main- 
tenus constamment  très-propres.  Tel  est  rétablissement  d'un  couple  solitaire; 
mais  s'il  a  une  famille  un  peu  nombreuse,  il  se  fait  aider  par  ses  enfants;  alors 
la  chambre  est  beaucoup  plus  spacieuse,  et  l'on  creuse  jusqu'à  huit  ou  dix  ma- 
"^asins,  afin  d'y  serrer  assez  de  provisions  pour  tout  le  monde.  Quelquefois  deux 
ou  trois  familles  se  réunissent  pour  travailler  et  vivre  en  commun.  Dés  le  com- 
mencement de  l'automne,  chacun  se  hâte  de  récolter  des  racines  et  des  bulbes 
de  phlomis  tubéreux,  renouées  historié  et  vivipare  ,  de  pimprenelle  sangui- 
sorbe,  de  lis  de  Kamtschatka,  des  graines  de  pin  cembro,  etc. ,  etc.  ;  et  ces  pro- 
visions se  déposent  dans  un  premier  magasin  pour  y  être  épluchées  et  triées. 
Chaque  espèce  végétale  occupe  seule  un  magasin,  ou  du  moins  est  réunie  en  une 
|)ile  sans  mélange  avec  d'autres.  Tous  les  jours  ou  visite  les  approvisionne- 
ments pour  voir  si  tout  est  en  ordre  et  si  rien  ne  se  gâte;  une  racine  paraît- 
elle  attaquée  par  l'humidité,  elle  est  aussitôt  enlevée,  transportée  dehors,  au 
grand  air  et  au  soleil,  puis  on  la  reporte  au  magasin  quand  sa  dessiccation  est 
parfaite. 

Lorsque  les  Kamtschadales  rencontrent  une  habitation  de  campagnol  éco- 
nome, c'est  pour  eux  une  bonne  fortune,  car  ils  se  servent  de  la  racine  de  san- 
guisorbe  pour  préparer  une  sorte  de  thé  qu'ils  aiment  beaucoup,  et  les  autres 
racines  du  magasin  leur  servent  à  assaisonner  leurs  mets.  Ils  s'en  emparent 
donc,  mais  avec  l'extrême  précaution  de  ne  maltraiter  ni  blesser  aucun  des 
membres  de  la  famille,  de  laisser  à  l'économe  une  partie  de  ses  provisions,  et 
de  remplacer  celles  qu'ils  enlèvent  avec  du  caviar  sec.  Ils  croient  que  sans  cela 
ces  petits  animaux  se  tueraient  de  désespoir,  et  lesjîriveraient  ainsi,  pour  l'an- 
née suivante,  de  la  part  qu'ils  s'adjugent  des  fruits  de  leurs  économies.  Il  n'est 
l)as  rare  de  trouver  dans  les  greniers  du  campagnol  jusqu'à  quinze  ou  vingt 
kilogrammes  de  racines. 

Comme  les  lemmings,  les  campagnols  économes  ont  la  prévision,  non  pas  des 
hivers  rigoureux,  mais  des  étés  pluvieux,  des  orages  et  des  tempêtes,  des  inon- 
dations qui  doivent  submerger  leurs  terriers,  et  ils  émigrent  pour  aller  cher- 
cher un  climat  plus  favorable.  C'est  au  printemps  qu'ils  se  réunissent  en  gran- 
des troupes  et  se  mettent  en  voyage,  en  dirigeant  leur  marche  sur  le  couchant 
d'hiver,  en  ligne  droite,  sans  que  ni  lacs,  ni  rivières,  ni  bras  de  mer  pui.ssent  les 
déterminer  à  faire  le  moindre  détour.  En  les  traversant  à  la  nage  ils  sont  ex- 
posés au  bec  des  oiseaux  de  proie  et  à  la  dent  vorace  des  brochets  et  des  saumons, 
qui  en  détruisent  beaucoup;  le  moindre  vent  en  fait  aussi  noyer  un  grand 
nombre;  mais  enfin  le  gros  de  la  troupe  finit  ordinairement  par  gagner  la  rive 
opposée.  Il  arrive  quebiuefois  (pi'ils  sont  tellement  fatigues,  qu'ils  se  couchent 
sur  le  sable  du  rivage,  sans  pouvoir  aller  plus  loin,  et  (pi'ils  périraient  de  froid 
si  les  Kamtschadales  ne  leur  portaient  secours  en  les  séchant  et  les  réchauffant, 
soit  dans  leur  sein,  soit  devant  un  feu.  Quand  ces  petits  animaux  sont  un  peu 


35-2 


l.LS   KOiNGEUUS. 


remis,  ils  leur  rendent  la  liberté  pour  ([uils  puissent  continuer  leur  voyage, 
ce  que  les  campagnols  l'ont  incontinent.  Lorsqu'ils  ont  passé  le  rensliina,  qui  se 
jette  à  rextrémité  nord  du  golfe  d'Ocliotsk,  ils  côtoient  la  mer  vers  le  sud,  et  an 
moisdejuillctarrivent  sur  les  bords  derOcliotsk  et  du  Joudoma,  après  une  route  de 
plus  de  six  cent  vingt-cinq  lieues.  Au  moment  de  leur  départ,  ils  formaient  des 
colonnes  si  nombreuses,  qu'il  leur  fallait  plus  de  deux  lieures  pour  défiler;  mais 
au  retour,  qui  a  lieu  la  même  année,  au  mois  d'octobre,  il  n'en  est  plus  de  même; 
les  renards,  les  martes,  les  hermines,  les  oiseaux  de  proie,  la  fatigue,  et  les 
mille  accidents  d'un  long  voyage,  les  ont  plus  que  décimés,  et  souvent  il  n'en 
revient  pas  la  moitié.  Leur  arrivée  n'en  est  pas  moins  un  jour  de  fête  pour  les 
Kamtschadales,  parce  que  c'est  un  signe  certain  de  la  fin  des  tempêtes  qui  ont 
ravagé  le  pays  pendant  leur  absence,  parce  qu'elle  présage  une  année  heureuse 
pour  la  pêche  et  les  récoltes,  et  aussi  parce  qu'ils  amènent  à  leur  suite  une  foule 
d'animaux  carnassiers  à  fourrures,  qui  promettent  une  chasse  abondante  et 
lucrative.  On  sait,  au  contraire,  que  lorsqu'ils  retardent  leur  arrivée,  c'est  un 
pronostic  infaillible  de  pluies  et  d'orages.  Du  reste,  les  émigrations  des  campa- 
gnols ne  sont  pas  plus  périodiques  que  celles  des  Icmmings. 

Ordinairement,  chez  la  plupart  des  autres  animaux  qui  vivent  en  famille  ou 
en  petite  société,  c'est  le  mâle  qui  se  charge  des  plus  rudes  travaux  ;  ici  c'est  le 
contraire  ;  les  femelles  sont  un  tiers  au  moins  plus  grandes  ((ue  les  mâles,  fortes 
à  proportion,  et  beaucoup  plus  laborieuses.  Vers  le  milieu  de  mai,  et  peut-être 
plusieurs  fois  dans  l'année,  elles  mettent  bas  deux  ou  trois  petits,  (pii  naissent 
aveugles,  et  dont  elles  prennent  le  plus  grand  soin.  Le  campagnol  économe  du 
Kamtschatka  n'est  qu'une  variété  très-légère  de  celui  de  Sibérie,  et  il  n'en  dif- 
fère que  par  sa  taille  un  peu  plus  grande,  et  son  pelage  d'une  teinte  légèrement 
plus  brune. 


Le  Campaool  fauve  (  An-icoln  fiilcits,  Desm.) 
a  la  queue  un  peu  plus  courte  que  la  uioilié  du 
corps  ;  ses  oreilles  sont  à  peine  visit)les  ;  son 
pelage  est  d'un  fauve  roussàtre,  avec  le  ventre 
et  les  pâtes  jaunâtres.  Il  habite  la  France. 

Le  Campagnol  alliaire  (  Arricoln  allinrhis, 
Desm.  Mus  allidrius,  Pall.  —  Gml.)  est  delà 
grandeur  du  campagnol  ordinaire  ;  ses  mousta- 
clics  sont  fort  longues  ;  ses  oreilles  grandes, 
presque  nues  ;  sa  queue  est  de  la  longueur  du 
tiers  de  son  corps;  son  pelage  est  d'un  gris 
cendré  en  dessus,  blanc  en  dessous.  II  habile  ta 
Silicrie,  à  l'est  de  l'Ot)!,  se  creuse  un  terrier, 
et  se  nourrit  d'ail,  dont  il  fait  des  provisions. 

Le  Campac.nol  des  hocheus  (  Arrirola  saxa- 
tUis,  IJesm.  heMus  .saxatilis,  de  Pall.  et  Gml) 
a  la  ciueue  longue  comme  la  moitié  du  corps  ; 
ses  oreilles  sont  grandes,  ovales  ;  son  pelage  est 
t)run,  mêlé  de  gris  en  dessus,  gris  foncé  sur  les 
flancs,  et  d'un  cendré  t)lanchétre  en  dessous,  tt 
habite  la  Sil)érie  et  la  Mongolie. 

Le  Campagnol  hoiîx  {Aniroln  nitihis,  Desm. 
Mii^  ritlihis,  Pall.  — Gml.)  a  la  queue  longue 
coMJHie  le  tieis  du  corps  ;  son  pelage  est  roux 


en  dessus,  blanchâtre  en  dessons,  teinté  de  gris 
et  de  jaunâtre;  ses  oreilles  sont  nues,  bordées 
de  poils  à  l'extrémité  seulement.  Ou  le  trouve 
en  Sibérie  et  au  Kamtschatka. 

Le  Campagnolsocial  {An-icola  sorialis,  Desm. 
Mus  sorUdis,  Pall.  Mus  grcgnrhis,  Lin.)  est 
remarqual)le  par  la  finesse  et  la  mollesse  de  son 
pelage  d'un  gris  pâle  sur  le  dos,  d'un  blanc  pur 
sur  le  ventre  et  sur  les  extrémités;  ses  oreilles 
sont  courtes,  larges  et  nues;  sa  queue,  blan- 
châtre, est  longue  comme  le  quart  de  son  corps. 
Il  vit  d'oignons  de  la  tulipe  de  Gesnère,  dans 
les  déserts  du  Volga  et  du  Taïk,  et  quelquefois 
en  si  grand  nombre  qu'on  ne  peut  faire  un  pas 
sans  enfoncer  ses  terriers. 

Le  Campagnol  d'Astuakais  {Aivicola  nstra- 
rhaneusis,  Desm.  )  a  la  queue  de  la  longueur  du 
(piart  de  son  corps;  il  est  jaune  en  dessus,  cen- 
dré eji  dessous  ;  sa  grandeur  est  celle  d'imesou 
lis.  On  le  trouve  dans  les  environs  d'Astrakan. 

Le  CvMPAC.NOL  DES  COLLINES  (  Aiiicola  gicga- 
lis,  Desm.  -  Mus  grcgniis,  Pall.  —  Gml.)  res- 
semble !)eaucoup  au  campagnol  ordinaii  e,  mais 
son  pelage  est  d'un  gris  pâle  sur  le  dos,  et  d'un 


Il  ATS. 


Xy:\ 


blanc  Mlle  sous  \c  veiilre;  los  oreilles  sont  (rés- 
niinees  el  a.-sez  giandcs  ;  la  qneue  porte  environ 
quarante  anne;iux  ecailknu.  Celte  espèce  a  les 
niéines  nio-ui-s  que  le  c;iiii[)aj,'nol  éconoiiie,  mais 
comme  elle  habile  des  monta^jnes  qui  ne  sont 
pas  sujettes  aux  inondations,  elle  n'a  pas  besoin 
d  emifirer.  Ce  campagnol  est  commun  dans  les 
montagnes  de  la  Daourie,  et  depuis  l'Irtiscli 
jusqu'aux  sources  du  Jenisey.  Son  terrier  res- 
semble a  celui  de  l'économe,  à  celte  différence 
que  les  ouvertures  des  galeries  sont  couvertes 
d'un  petit  doine  de  terre.  11  se  nourrit  des  bul- 
bes de  l'ail  tenuissinmm  et  du  lis  de  pompone. 
Le  CAMPAG^0L  «avé  {Anirola  pumilio,  Des>i. 
Mus pumilio,  Spabm.  )  se  distingue  de  tous  ses 
congénères  à  son  pelage  brun  clair  en  dessus, 
marqué  de  (juatre  bandes  longitudinales  noires. 
On  le  trouve  au  cap  de  Bonne-Espérance. 

Le  Campagnol  aux  joies  fauves  (Arvirola 
.xaiif/iogiiadis,  Desm.  )  a  le  pelage  fauve  varié 
de  noir  en  dessus,  d'un  gris  cendré  clair  en 
dessous;  ses  joues  sont  fauves;  sa  queue  est  noire 
en  dessus,  blanche  en  dessous.  Il  habite  les  bords 
de  la  baie  d'IIudson. 

Le  Campagnol  a  queue  blancue  (Arvicola  al- 
biraiidattis,  Desm.)  a  la  queue  à  peine  aussi  lon- 
gue que  la  moitié  de  son  coips,  blanche  en  des- 
sus ;  son  pelage  est  brun  el  ses  pattes  blanches. 
Sa  patrie  m'est  inconnue. 

28''(iKMiE.  Les3IYXO3IES(Mijii0«ies,  Kafi\.) 
lie  diffèrent  du  genre  [irecédent  que  par  le  nom- 
bre de  leurs  doigts,  qui  est  de  cjuatie  à  chaque 
pied,  avec  un  doigt  interne  fort  court,  et  par 
leur  queue  qui  est  aplatie,  velue,  écailleuse 
comme  dans  les  ondatras. 

Le  Jlv\oME  DES  PiiAiHiES  (.Vf/iioiufs  prtttensis, 
Rafin.  Arvii ola peustjlvanii a.  Oui)  et  11ahl\\) 
a  quatre  pouces  [0,1 08 1  de  longueur,  el  sa  queue 
n'a  que  neuf  lignes  (0,020)  ;  son  pelage  est  d'un 
lauve  brimàlre  en  dessus,  et  d'un  blanc  grisâtre 


en  de.>-sous.  Il  liabile  les  Etats-[  iiis,  se  creuse 
un  terrier  sur  le  bord  des  rivièi  es;  et  se  nourrit 
des  l)ull:es  d'ail  et  autres  plantes  de  la  famille 
des  lili.icées. 

29  (lEMit.  Les  SICMODOiN'S  (Sigwidnn. 
Sav  et  Oui).  I  ont  seize  dents,  savoir:  qnalre 
incisives;  point  de  canines;  six  molaires  en  haut 
et  six  en  bas,  égales,  avec  des  racine>,  et  à  cou- 
ronne marquée  par  dessillons  alternes  très-pro- 
fonds, disposés  en  sigma  :  ils  ont  cinq  doiyls  aux 
pieds  de  derrière,  et  quatre  à  ceux  de  devant 
avec  le  rudiment  d'un  cinquième  doigt  oiij;ui- 
culé  ;  leur  queue  est  velue. 

Le  SiGMODON  VELU  {Sigmodon  hispiilinii,  Sav 
et  Oui).  Arvicola  horlensis,  Hahl.  )  est  long  de 
six  pouces  (0,162),  avec  une  grosse  lele,  de 
grands  jeu".  ^l  't'  museau  allongé;  son  pelage 
est  d'un  jaune  d'ocre  pâle,  mélangé  de  noir  sur 
la  tète  et  en  dessous;  les  parties  inférieures  du 
corps  sont  cendrées.  Cet  animal  habile  la  Flo- 
ride orientale,  dans  les  champs  qui  avoisinent 
la  rivière  de  Saint-Jean. 

50'=  Genre  Les  XÉOIOMES  { i\eotoma,  Sav 
el  OiiD.  )  ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  incisi- 
ves; pas  de  canines;  six  molaires  en  haut  et  six 
en  bas,  avant  de  longues  racines  qui  manquent 
à  celles  des  campagnols;  ils  ont  aux  pitds  de 
devant  quatre  doigts  avec  le  rudiment  d'un  cin- 
quième, et  cinq  doigts  aux  pieds  de  derrière; 
leur  queîie  est  velue. 

Le  iSÉOTOME   DE  LA   FlOUIDE    (  Aeo/ODIO    f(i]i- 

dana,  Say  et  Oud.  Mus  florhimius,  De.^m.  )  a  la 
queue  plus  longue  que  le  corps,  brune  en  dessus 
et  blanche  en  dessous  ;  les  oreilles  fort  grandes; 
le  pelage  doux  et  court,  d'un  giis  plombé  mé- 
langé de  poils  noii's  et  jaunâtres,  en  dessus  ;  plus 
brun  sur  le  dos  et  jjIus  jaune  sur  les  flancs;  le 
dessous  du  corps  est  d'un  blanc  pur.  11  habile 
les  bords  du  Missouri  el  les  montagnes  Ro- 
cheuses. 


3.jV 


ES  llOiNGEUUS. 


LtS  IlAiS  NAGEURS 


Ont  Ions  les  caractères  de  la  famille  prc^co- 
dente,  mais  leurs  pieds  postérieurs  sont  paluK^s 
on  il  demi-palmés,  c'est-à-dire  que  leurs  doigts 
sont  plus  ou  moins  réunis  pur  une  membrane, 
conmie  ceux  des  canards  ou  autres  oiseaux  aqua- 
liques. 

51"  Gemie.  Les  CASTORS  (Castor,  Ln.)  ont 


\ingt  dents,  savoir:  quatre  incisives;  pas  de 
canines;  huit  molaires  en  haut  et  tiuit  en  bas, 
composées,  à  couronne  plane,  avec  des  replis 
émailleux,  sinueux  et  compliqués  ;  ils  ont  cinq 
doigts  à  tous  les  pieds  ;  leur  queue  esl  large, 
aplalie  horizont;iIement,  ovale,  sans  poils  et  cou- 
verte d'écaillés  imbriquées. 


Le  CASTOR  ou  BIÈVRE  [Castor  fiber.  Lin.  ). 

Cet  animal  est  à  peu  près  de  la  grosseur  d'un  hlaireau  et  atteint  trois  ou 
(|uatre  pieds  (0,975  à  1,299)  de  longueur,  en  y  comiirenant  la  queue;  son  pe- 
lage se  compose  de  deux  sortes  de  poils,  l'un  fort  long,  grossier,  d'un  hrun 
roussàtre,  recouvrant  un  duvet  très-fin,  plus  ou  moii>s  gris.  Du  reste,  il  varie 
de  couleur  en  raison  des  pays  ;  par  exemple,  les  castors  du  Nord  sont  d'un  beau 
noir,  et  quelquefois  tout  blancs;  ceux  du  Canada  sont  d'un  brun  roux  uniforme; 
vers  rOhio  et  dans  le  pays  des  Illinois,  ils  sont  d'un  fauve  pâle,  passant  même 
au  jaune  paille;  en  France  ils  sont  de  la  couleur  de  ceux  du  Canada;  et  enlin, 
on  en  trouve  quelquefois  de  variés  de  jaunàlre  et  de  brun.  Ils  ont  les  jiicds  de 
derrière  palmés,  ce  qui  leur  donne  une  grande  facilité  jioiir  nager,  et  leur  queue 
plate  et  large  leur  sert  de  gouvernail.  Ces  animaux  sont  encore  communs  dans 
l'Amérique  septentrionale,  mais  ils  sont  devenus  assez  rares  en  Eurojie,  et  par- 
ticulièrement en  France,  où  l'on  n'en  trouve  plus  que  quelques  individus  iso- 
lés sur   les  bords  du  Cardon,  en  Dau|)liiné,  sur  ceux  du   fUiône,  de  quelques 


VUrtl 


LES  CASTORS 


(  ,1a.  .lin     .Us     CI  a  11  te  s.) 


UATS   NAGEURS.  355 

peliles  rivières  qui  se  jelleiit  dans  ce  fleuve,  el  dans  (juehjues  tourbières  des  val- 
lées de  la  Somme. 

La  ménagerie  du  Jardin  des  Plantes  a  nourri  plusieurs  castors,  et  il  en  est  ré- 
sulté des  observations  que  je  dois  taire  connaître  avant  d'entrer  dans  des  détails 
de  mœurs,  qui  se  trouveront  tout  à  fait  en  contradiction  avec  ce  que  les  auteurs 
ont  écrit  jus(iu'à  ce  jour  sur  cet  animal.  Deux  individus  de  c(;tte  espèce  avaient 
été  réunis  dans  la  même  cage,  l'un  venait  des  bords  du  Gardon,  l'autre  de  ceux 
<lu  Danube.  Ils  étaient  d'une  propreté  extrême,  vivaient  paisiblement  entre  eux, 
luaugeaient  assis  dans  l'eau,  dormaient  presque  tout  le  jour,  ou  ne  veillaient 
(pie  pour  se  lisser  le  poil  avec  les  pattes  et  nettoyer  leur  loge  de  la  plus  petite 
ordure.  On  leur  donnait  divers  matériaux  pour  voir  si  leur  instinct  de  con- 
struction se  décèlerait  par  quelque  cbose  ;  mais  ils  se  contentaient  de  les  entasser 
pèle-mèle  dans  un  coin  de  leur  loge,  en  les  repoussant  avec  leurs  pieds  ou  les 
transportant  avec  leur  bouche  ou  leurs  mains,  sans  que  jamais  ils  se  soient  servis 
de  leur  queue  en  façon  de  truelle,  ai  aient  montré  la  moindre  intelligence  ar- 
chitecturale. D'autres  fois,  on  réunit  dans  la  même  loge  jjlusieurs  castors  pris 
jeunes  et  élevés  séparément;  loin  de  montrer  un  caractère  de  sociabilité,  ils  se 
battaient  avec  une  fureur  toujours  renaissante.  Ihifl'on,  cpii  a  si  bien  vu,  quand 
il  a  vu  |)ar  ses  propres  yeux,  va  nous  aider  à  se  rélulei-  lui-même  :  «  Si  l'on 
considère  le  castor  dans  l'état  de  nature,  dit-il,  il  ne  paraîtra  pas,  pour  les 
(|ualités  intérieures  (je  suppose  (pie  Bulfon  entendait  parler  de  l'intelligence^, 
au-dessus  des  autres  animaux;  il  n'a  pas  plus  d'esprit  (pie  le  chien,  de  sens  que 
l'éléphant,  de  finesse  que  le  renard.  Il  est  plutôt  remar(piable  par  les  singula- 
rités de  conformation  extérieure  que  par  la  supériorité  apparente  de  ses  qua- 
lités intérieures,  »  Buffon  a  fixé  son  opinion  sur  les  observations  qu'il  a  faites 
chez  lui,  ayant  conservé  un  castor  vivant  pendant  plus  d'un  an;  mais  on  pour- 
rait lui  répondre,  ainsi  qu'à  ma  citation  des  castors  nourris  à  la  ménagerie, 
(ju'il  n'appartient  pas  de  juger  de  l'intelligence  des  animaux  libres  et  à  l'état 
de  nature,  par  celle  que  montrent  ces  malheureux  lorsqu'ils  ont  été  abrutis  par 
les  fers  de  l'esclavage.  Cette  objection  est  parfaitement  juste,  aussi  est-ce  ail- 
leurs que  dans  la  domesticité  que  nous  allons  maintenant  étudier  le  castor. 

Tous  ceux  que  l'on  trouve  en  Europe  vivent  solitairement,  ne  construisent 
rien,  et  n'habitent  que  des  terriers.  Il  en  est  ainsi  maintenant,  et  il  en  était 
ainsi  dans  l'antiquité,  car  les  anciens,  en  nous  parlant  de  leur  amis  poulicus, 
qui  n'était  rien  autre  chose  que  notre  castor,  ne  font  nulle  mention  de  son 
habitude  de  bâtir,  et  lui  attribuent  les  mêmes  habitudes  que  celles  de  la  loutre, 
à  la  nourriture  près.  Il  et  vrai  (ju'on  prétend  avoir  trouvé  en  Norwége  des 
ruines  annoïKant  des  villages  de  castors;  mais  ce  fait,  aventureusement  avancé, 
n'a  pas  été  suftisamment  prouvé.  Dans  certaines  solitudes  de  rAméri(iue,  et 
surtout  dans  la  haute  Louisiane,  les  castors  sont  nombreux  et  n'ont  jamais  été 
iiKjuiétés  par  riiomme,  et  cependant  ils  vivent  épars,  tout  au  plus  en  famille, 
dans  l'iguor.uice  et  la  paresse  de  construire.  Tous  vivent  dans  des  terriers  qui 
ont  quelquefois  jusqu'à  trois  cents  mètres  et  plus  de  longueur.  Pallas  dit  que  les 
castors  de  la  Lena  et  ceux  du  Jenisei  sont  également  terriers,  même  lorsqu'ils 
sont  rassemblés  en  communauté,  mais  que  pour  l'ordinaire  ils  restent  solitaires. 
L'instinct  de  bâtir  n'est  donc  pas  chez  eux  développé  autant  (|u'on  a  voulu  le 


•5'><>  Li:s   HONG  EU  us. 

(lire,  et  voyons  ;i  quoi  cet  instinct  se  réduit,  quand  on  met  de  côte  les  coules 
des  voyageurs  non  instruits,  toujours  prêts  à  gâter  le  merveilleux  de  la  nature  en 
mettant  à  sa  place  le  merveilleux  de  leur  invention. 

Les  castors  ne  vivent  pas  ordinairement  en  société,  comme  on  l'a  dit;  depuis 
les  premiers  beaux  jours  du  printemps  jusqu'à  l'automne,  ils  restent  solitaires 
ou  par  couples,  dans  les  bois,  et  élèvent  leur'famille,  non  dans  des  cabanes, 
comme  le  dit  BufTon,  mais  dans  des  terriers  qu'ils  se  creusent  le  long  des  ruis- 
seaux. Lorsque  les  premières  gelées  blancbes  se  font  sentir,  c'est  alors  qu'ils  se 
réunissent  et  s'occupent,  dans  de  certains  pays  déserts  seulement,  à  élever  ces 
fameuses  digues  siu-  lesquelles  on  a  fait  tant  de  contes  absurdes.  Elles  consistent 
tout  sim[)lement  eu  un  amas  de  brandies,  de  pierres,  de  boue,  qu'ils  accumulent 
sans  oidre  dans  le  lit  d'un  ruisseau,  de  manière  à  barrer  le  cours  de  l'eau  et  à 
la  forcer  à  refluer  en  forme  de  petit  étang.  Comme  les  matériaux  qu'ils  em- 
ploient consistent  en  brancbes  d'arbres  aquatiques  croissant  sur  le  bord  des 
rivières,  saules,  aunes,  peupliers,  etc. ,  il  arrive  naturellement  qu'elles  prennent 
racine  à  la  manière  des  boutures,  et  que  la  digue,  qui  augmente  d'épaisseur 
cliaque  jour  à  mesure  que  le  courant  y  amène  des  rameaux  flottants  et  des  vases 
qui  s'y  amoncellent,  se  fortifie,  et  finit  par  former  un  épais  buisson  devant  sa 
solidité  à  la  nature  plus  qu'à  ses  prétendus  arcbitectes.  Ouant  aux  cabanes,  elles 
sont  construites  à  peu  près  dans  le  même  principe.  Ils  commencent  à  amoncelei-, 
dans  un  endroit  qui  peut  avoir  dix-buit  pouces  à  deux  pieds  de  profondeur 
(0,477  à  0,650)  une  grande  quantité  de  petites  brancbes,  de  pierres  et  de  limon, 
et  ils  donnent  à  cet  amas  la  forme  d'un  monticule  conique,  dont  la  moitié  seu- 
lement est  submergée  ;  alors  ils  creusent  dans  cette  butte,  raz  le  fond  de  l'étang, 
un  trou  rond  qu'ils  élargissent  au  milieu  du  tas  de  matériaux  de  manière  à  lui 
donner  une  forme  analogue  à  celle  d'un  four.  C'est  là  (pi'ils  déposent  la  |)ro\  i- 
sion  d'écorce  destinée  à  les  nouri'ir  pendant  l'biver.  Ils  percent  un  autre  trou 
dans  le  dôme  de  ce  magasin,  puis  ils  élargissent  également  ce  trou  en  forme  de 
four,  et  font  ainsi  deux  pièces  l'une  sur  l'autre,  et  n'ayant  qu'une  même  et  seule 
issue.  Cette  dernière  pièce  n'est  pas  submergée  comme  la  précédente,  elle  est 
au-dessus  des  eaux  les  plus  liantes,  et  la  famille  peut  y  dormir  à  sec. 

Ils  savent  fort  bien  profiter  du  courant  du  ruisseau  pour  amener  par  le  flot- 
tage leurs  matériaux  sur  l'emplacement  où  ils  doivent  s'en  servir:  mais  ces 
pilotis,  ces  arbres  apointis  par  le  pied,  transportés  avec  une  sorte  d'art,  cette 
combinaison  de  travail,  ces  prétendus  cbefs  qui  forcent  les  paresseux  à  prendre 
part  à  l'ouvrage,  cette  queue  qui  leur  sert  de  truelle,  celte  maçonnerie,  et  ces 
murs  solides  et  crépis  avec  du  mortier  de  terre,  cette  sorte  de  police  qui  règne 
dans  cliaque  bourgade  ou  même  d.ius  clia(nie  famille,  sont  autant  de  contes  dont 
les  voyageurs  ont  enjolivé  leurs  relations. 

Loin  que  le  castor  soit  comparable  au  cbien  et  à  lelépliant  pour  l'intelli- 
gence, on  peut  affirmer  que  c'est  un  animal  presque  stupide.  «  Tous  conviennent 
que  le  castor,  dit  Buffon  lui-même,  loin  d'avoir  une  supériorité  marquée  sur  les 
autres  animaux,  parait,  au  contraire,  être  au-dessous  de  (pielques-uns  d'entre 
eux  pour  les  qualités  purement  individuelles.  C'est  un  animal  assez  doux,  assez 
tranquille,  assez  familier,  un  peu  triste,  môme  un  peu  plaintif,  sans  passions 
violentes,  sans  appdits  véliéments,  ne  se  donnant  que  peu  de  mouvement,  ne 


RATS    NAGEURS.  357 

liiisniil  d'eflorl  pour  (inoi  (luc  ce  soit,  cependanl  occupé  sérieusement  du  désir 
de  sa  liberté,  rongeant  de  temps  en  temps  la  porte  de  sa  prison,  mais  sans  fu- 
reur, sans  précipitation,  et  dans  la  seule  vue  d'y  faire  une  ouverture  jiour  en 
sortir;  au  reste,  assez  indifférent,  ne  s'attacliant  pas  volontiers,  ne  cherchant 
point  à  nuire  et  assez  peu  à  plaire;  il  ne  semble  fait  ni  pour  servir,  ni  pour 
commander,  ni  même  pour  commercer  avec  une  autre  espèce  que  la  sienne  :  seul, 
il  a  peu  d'industrie  personnelle,  encore  moins  de  ruses,  pas  même  assez  de  dé- 
fiance pour  éviter  des  pièges  grossiers.  Loin  d'attaquer  les  autres  animaux,  il 
ne  sait  pas  même  se  bien  défendre.  »>  Ces  animaux  font,  pour  l'hiver,  une  pro- 
vision d'écorce,  de  bourgeons  et  de  bois  tendres,  formant  leur  nourriture  ordi- 
naire. Les  femelles,  dit-on,  portent  quatre  mois,  mettent  bas  vers  la  tin  de 
l'hiver,  et  produisent  ordinairement  deux  à  trois  petits.  Comme  la  plupart  des 
autres  rongeurs,  ils  se  servent  de  leurs  pieds  de  devant  avec  beaucoup  d'a- 
dresse, principalement  pour  porter  leurs  aliments  à  leur  bouche.  Ils  nagent 
et  plongent  parfaitement,  mais  sur  terre  ils  ont  la  démarche  lourde,  et  ils  cou- 
rent fort  mal. 

Autrefois  l'on  recherchait  beaucoup,  dans  la  vieille  médecine,  une  matière 
onctueuse,  odorante,  contenue  dans  deux  grosses  vésicules  que  les  castors  ont 
près  de  l'anus,  et  connue  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  castoréiiin.  Ou  lui 
attribuait  plusieurs  propriétés  merveilleuses;  mais  aujourd'hui  cette  drogue 
est  tombée  dans  le  discrédit.  On  ne  chasse  plus  le  castor  que  pour  s'emparer 
de  sa  fourrure,  très-recherchée  dans  la  fabrique  de  chapellerie,  et  pour  manger 
sa  chair  d'un  goût  assez  amer  et  fort  i)eu  agréable.  Dans  les  siècles  derniers, 
il  s'en  faisait  une  chasse  assez  abondante  dans  tout  le  Canada,  mais  le  nombre 
de  ces  animaux  a  été  tellement  diminué,  (ju'aujourd'hui  les  expéditions  de  chas- 
seurs sont  obligées  d'aller  les  chercher  jusqu'aux  sources  de  l'Arkansas,  dans 
les  montagnes  Rocheuses.  Le  piège  ou  la  trappe  dont  on  se  sert  pour  les  pren- 
dre ne  dilfère  en  rien  de  nos  pièges  à  renards  et  à  putois.  Les  tra|)peurs,  qui  ne 
voyagent  (ju'en  caravanes  pour  se  défendre  contre  les  peuplades  de  sauvages,  ont 
l'œil  tellement  exercé  à  cette  chasse,  qu'ils  découvrent,  au  signe  le  plus  léger,  la 
piste  du  castor,  sa  hutte  ou  son  terrier  fussent-ils  placés  dans  le  taillis  de  saule  le 
l»lus  éi)ais;  ce  même  coup  d'œil  leur  fait  deviner  exactement  le  nombre  des  habi- 
tants qui  s'y  trouvent.  Alors  le  chasseur  pose  sa  trapi)e  à  deux  ou  trois  |)(uices 
au-dessous  de  la  surface  de  l'eau,  et,  par  une  chaîne,  l'attache  à  un  tronc  d'arbre 
ou  à  un  piquet  fortement  enfoncé  sur  la  rive.   L'appât  consiste  en  une  jeune 
tige  de  saule  dépouillée  de  son  écorce,   fixée  dans  un  trou  de  la  bascule  du 
piège,  et  la  sommité  dépassant  la  surface  de  l'eau  de  cinq  à  six  pouces.  Ce  som- 
met a  été  préalablement  trempé  dans  la  médecine  (pour  me  servir  du  mot  tech- 
ni(pie  des  trappeurs)  (pii  doit  attirer  l'animal  par  son  odeur  allèchanti;.  Or,  la 
composition  de  la  médecine  est  le  secret  du  trai)peur,  secret  qui  n<'aumoins 
n'a  pas  été  si  bien  tenu  cpie  nous  ne  puissions  le  révéler  ici.  Au  printemps,  le 
chasseur  ramasse  une  grande  quantité  de  bourgeons  de  peuplier,  au  moment  où 
ils  sont  le  plus  couverts  de  celte  sorte  de  glu  visqueuse  et  odorante  destinée 
probablement  par  la  nature  à  protéger  le  développement  des  jeunes  feuilles. 
Il  jette  ces  bourgeons  dans  une  chaudière  avec  de  l'eau,  quelques  feuilles  de 
menthe  des  ruisseaux,  uu  peu  de  camphre,  et  une  suffisante  quantité  d«*  sucre 


358  LKS  HONG  El] US. 

«l'érahlo.  Quand  tout  a  bouilli  assez  longtemps  pour  réduire  l'eau  à  l'état  de 
sirop  sans  emporter  l'odeur  du  bourgeon  de  peuplier,  il  passe  au  filtre,  et  la 
médecine  est  faite  ;  on  la  conserve  dans  des  floles  bien  bouchées,  et  on  y  trempe 
l'appât  quand  on  tend  le  piège. 

Le  castor,  doué  d'un  odorat  très-fin,  ne  tarde  pas  à  être  attiré  par  l'odeur; 
mais  dès  qu'il  a  touché  à  l'appât  qui  tient  la  détente,  le  piège  part  et  le  prend 
par  les  pattes.  L'animal  se  débat;  il  entraîne  la  trappe  de  toute  la  longueur  de 
la  chaîne;  bientôt  épuisé  de  fatigue,  il  coule  à  fond  avec  le  piège  et  se  noie. 
Quelquefois,  quand  le  pi(juel  vient  à  manquer,  le  castor  gagne  la  rive  et  emporte 
le  piège  dans  les  bois,  où  l'on  a  beaucou[)  de  peine  à  le  retrouver.  Il  arrive  aussi 
(jue  lorsque  ces  animaux  ont  été  trop  inquiétés,  ils  deviennent  méfiants  et  dé- 
jouent toutes  les  ruses  du  tra[)peur.  Dans  ce  cas  le  chasseur  abandonne  la  partie, 
met  ses  pièges  sur  son  dos,  et  s'éloigne  en  se  disant  vaincu. 

32°Gep)ue.  Les  OND.4TRAS  (Oddatrrt,  Lacep.  L'0>datiu  ou  Rat  misqué  du  Canada  (Ou- 
F»&er,  G.  Cuv.  )  ont  seize  dents,  savoir  :  quatre  datra  zibcthints,  Li  ss.  Castor  zibcterus,  Lin. 
incisives  et  douze  molaires,  ces  dernières  coni-  Mus  zibetecus,  Gml.  L'Ondatra,  Birr  — G. 
posées  et  à  racines  distinctes,  leur  couronne  Cuv.  Le  Hat  pua»t  des  sauvages  du  Canada  ) 
plane,  avec  des  lames  émailleuses  et  anguleuses,  a  treize  pouces  (0,3.>2)  de  longueur,  non  coni- 
Ils  ont  cinq  doigts  à  tous  les  pieds  ;  ceux  des  pris  la  queue,  qui  en  a  neuf  ((),-24i),  c'est  à-dire 
pieds  de  derrière  à  demi  palmes  et  munis  sur  qu'il  est  à  peu  près  de  la  grandeiu-  d'un  la- 
leurs  bords  d'une  rangée  de  soies  roides,  les  pin.  Son  pelage  est  d'un  brun  gris  teint  de  roux 
aidant  à  nager  en  remplissant  l'office  de  meni-  en  dessus,  et  d'un  cendré  clair  en  dessous  ;  il 
brane;  leur  longue  queue  est  cylindrique  à  la  exhale  une  odeur  de  nuise  qui  devient  très- 
base,  puis  comprimée  latéralement,  écailleuse,  forte  et  très- désagréable  d:uis  le  temps  des 
linéaire,  recouverte  de  peu  de  poils  roides.  amours. 

Ainsi  que  le  castor,  l'ondatra  habite  le  nord  de  l'Amérique  septentrionale, 
frèijuente  le  bord  des  eaux,  se  construit  une  cabane,  et  vit  en  société;  mais,  et 
ceci  surprendra  probablement  quelques-uns  de  mes  lecteurs,  il  est  bien  meilleur 
architecte.  Au  printemps,  lorsqu'il  a  trouvé  une  femelle  qui  lui  convient,  et  il 
lui  est  permis  d'être  difficile,  car  il  doit  passer  sa  vie  entière  avec  la  même  com- 
pagne, il  se  retire  avec  elle  au  fond  d'un  bois,  à  proximité  d'une  rivière,  d'un 
étang  ou  d'un  lac,  oij  se  trouvent  abondamment  les  joncs  et  autres  plantes  aifua- 
tiques  dont  il  se  nourrit.  Là  il  creuse  un  terrier  et  fait,  avec  de  la  mousse,  un 
nid  très-commode  où  la  femelle  dépose  ses  petits,  au  nombre  de  cinq  à  six,  dont 
elle  prend  grand  soin  pendant  toute  la  belle  saison.  Si,  par  hasard,  lorsque  la 
femelle  est  pleine,  le  couple  se  trouve  à  portée  d'une  vieille  cabane  d'ondatras, 
elle  s'en  empare,  et  c'est  là  qu'elle  m(^t  bas  et  élève  ses  enfants.  Dans  tous  les 
cas,  le  mâle  ne  se  mêle  jamais  de  cette  éducation,  et  il  s'éloigne  même  de  sa 
famille  pour  aller  errer  seul  dans  les  bois.  Au  mois  d'octobre  les  petits  sont 
aussi  grands  que  leurs  parents,  et  le  père  vient  les  rejoindre  pour  passer  l'hiver 
avec  eux. 

Alors  toute  la  famille  abandonne  son  habitation  d'été  et  se  rend  sur  le  bord 
d'un  lac  ou  d'une  rivière;  elle  choisit  un  emplacement  connnode,  c'est-à-dire 
tni  endroit  couvert  de  joncs,  de  souchets,  et  autres  plantes  croissant  dans  les 
ondes  et  étendant  de  longues  racines  dans  la  vase;  il  faut  que  l'eau  soit  limpide, 
calme,  et  que,  dans  les  plus  grandes  inondations,  elle  ne  monte  pas  à  un  pied 


HAT  s    NAC.EUKS.  359 

ou  deux  jiii-dcssns  de  son  iiivciui  ordin.urt'.  Lo  lieu  coiivt'iialdc  ctiuit  liouve, 
tout  lo  monde  se  nicl  à  rouvniyc,  sous  lit  diioction  du  père,  pour  liàlii'ln  cabane 
(pii  doit  les  al)riler  i>endanl  l'hiver.  Les  matériaux  consistent  en  liente  de  bison 
et  en  terre  glaise,  qu'ils  pétrissent  avec  les  pieds,  et  qu'ils  mélangent  avec  de 
la  paille  de  jonc  et  des  feuilles  sèches.  Chacjue  cabane  a  ordinairement  deux 
pieds  et  demi  i^0,SI2)  de  diamètre  à  l'intérieur,  et  quebpiofois  beaucoup  plus 
quand  plusieurs  familles  se  réunissent.  La  l'orme  en  est  ronde,  et  elle  est  re- 
couverte d'un  dôme  de  terre  battue,  épais  de  quatre  pouces  (0,108),  avec  une 
couverture  de  joncs  nattés  fort  régulièrement  à  l'extérieur,  et  n'ayant  pas  moins 
de  huit  pouces  (0,217)  d'épaisseur.  Cette  ingénieuse  toiture  est  impénétrable  à 
la  pluie,  à  la  neige  et  aux  autres  intempéries  de  l'air.  Ils  savent  très-bien  pré- 
voir le  cas  où  un  accident  extraordinaire  ferait  monter  l'inondation  plus  haut 
que  de  continue;  en  conséquence,  ils  construisent  à  l'intérieur  plusieurs  étages 
de  gradins  sur  lescjuels  ils  se  logent  à  sec,  lors  même  que  l'eau  s'empare  du  bas 
de  l'éditice.  Comme  les  ondatras  ne  font  pas  de  provisions,  ils  creusent  des  i)uits 
<'l  des  jioyaux  au-dessous  et  à  l'entour  de  leur  demeure,  pour  aller  chercher  de 
l'eau  et  des  racines  de  nénufar  et  d'acore  aromatique,  formant  la  base  de 
leur  nourriture  d'hiver;  dans  ce  cas,  ces  galeries  leur  servant  de  sortie,  ils  ont 
le  soin  de  nnuer  la  jtorte  de  leur  cabane.  Mais  (piand  celle-ci  est  construite  au 
milieu  de  joncs  fort  épais,  capables  de  les  dérober  à  la  vue  de  leurs  ennemis,  ils 
ne  creusent  point  de  galeries  souterraines,  laissent  leur  porte  ouverte,  et  se 
fraient  des  sentiers  couverts  parmi  les  joncs,  sous  la  neige,  que  ces  plantes  sou- 
tiennent élevée  par  leurs  liges  rapprochées,  (les  habitations  sont  construites 
avec  tant  de  solidité  que  les  chasseurs  ont  beaucoup  de  peine  à  les  ouvrir  à  coups 
de  pioches  et  de  pics. 

Lors([ue  l'hiver  est  rigoureux,  la  cabane  est  (juclquelois  couverte  de  plu- 
sieurs pieds  de  glace  et  de  neige,  sans  que  ses  habitants,  couchés  bien  chaude- 
ment sur  de  la  mousse,  les  uns  auprès  des  autres,  en  soient  le  moins  du  monde 
incommodés.  Lors(|ue  les  douces  influences  du  printemps  commencent  à  fondre 
les  neiges,  à  dégeler  les  lacs  et  à  faire  naître  la  verdure,  les  ondatras  (juittent 
leur  cabane  pour  n'y  revenir  jamais.  Ils  se  séparent  par  couples,  et  vont,  comme 
je  l'ai  dit,  passer  la  belle  saison  dans  les  bois,  où  ils  vivent  de  toute  sorte  d'her- 
bes. Dans  les  pays  où  l'hiver  est  uïoins  rude,  comme  par  exemple  dans  la  Loui- 
siane, ces  animaux  se  terrent  et  ne  construisent  \n\s,. 

Leur  fourrure,  malgré  l'odeur  de  musc  qu'elle  exhale,  est  fort  recherchée  à 
cause  du  duvet  soyeux  qui  se  trouve  sous  le  poil,  et  qui  sert  à  confectioinier  les 
plus  beaux  cha])eaux.  C'est  en  hiver  que  les  chasseurs  vont  à  la  recherche  de  ces 
animaux,  quehpie  temps  avant  le  moment  où  ils  quittent  leur  retraite.  Ils  ou- 
vrent, avec  des  pioches,  le  dôme  de  leur  cabane,  les  offustpient  brusquement  de 
la  lumière  du  jour,  assomment  ou  prennent  tous  ceux  (pii  n'ont  pas  eu  le  temps 
de  gagner  les  galeries  souterraines  (ju'ils  se  sont  i)ratiquées,  elipii  leur  servent 
de  derniers  relraïuhements  où  on  les  suit  encore. 

Pris  jeune,  l'ondatra  s'apprivoise  fort  aisément  et  caresse  même  la  main  de 
son  maître  ;  en  tout  il  montre  beaucoup  plus  d'intelligence  <pie  le  castor,  dont 
les  sauvages  le  disent  cousin.  Mais,  surtout  au  printemjis,  il  exhale  une  odeur 
musquée  si  pénétrante,  qu'on  la   sent  de  fort  loin,  et  cprelle  imprègne  d'une 


:i()() 


LES  uoN<;i.i]i;s. 


manière  (lësaj,'réable  jusqu'aux  meubles  de  la  maison  ou  on  l'eleve.  Celle  odeur 
déplaît  tellement  aux  naturels  du  Canada,  qu'ils  ont  donné  à  l'ondatra  le  nom 
de  rat  puant.  Il  paraît  que  la  chair  de  ces  animaux  ne  s'en  imprègne  ({ue  peu, 
puisque  les  Canadiens  la  mangent  et  la  trouvent  fort  bonne.  L'ondatra  a  les 
dents  incisives  si  fortes,  que  lorsqu'on  le  renferme  dans  une  caisse  de  bois 
dur,  en  quelques  instants  il  y  fait  un  trou  assez  grand  pour  en  sortir.  Il  a  une 
singulière  faculté  qu'il  doit  à  la  force  de  a^s  muscles  i)eaussiers  et  à  la  mobilité 
de  ses  côtes  :  quand  il  le  veut,  il  se  contracte  et  se  rapetisse  tellement  le  corps, 
((u'il  peut  aisément  en  diminuer  le  volume  de  moitié,  et  alors  il  passe  par  un 
trou  où  ne  passerait  pas  un  animal  beaucoup  plus  petit  que  lui. 


5.)''  GfcMtE.  Les  IIYDRO.MYS  (//((rfromi/.v, 
(ii-f  FF.  )  (int  douze  dents,  savoir  :  quaU-e  inci- 
sives et  liuit  molaires,  ces  dernières  simples,  à 
couronne  creusée  en  cuiller  dans  son  milieu; 
les  incisives  supérieures  unies  et  plaies  anté- 
rieurenienl,  les  inférieures  arrondies  en  devant. 
Tous  le.^  pieds  ont  cinq  doigts,  libres  aux  pieds 
aulérieurs,  palmés  aux  postérieurs;  les  pouces 
de  devant  sont  très-petits,  onguiculés  ;  les  oreil- 
les sont  petites  et  arrondies  ;  la  queue  est  longue, 
c\lindrique,  couverte  de  poils  ras. 

L'HvDuojivs  A  vKNTitE  BLAx:  |Hi/riro))i(;.s-  leit- 
rogaster.  (iïOFF.— I)i:s>i.  )  a  un  pied  iO,.ï2.'i)  de 
longueur,  uou  coiripi  is  la  queue,  qui  a  onze 
pouces  (0,298)  Sa  fourrure  est  très-fine,  très- 
douce  au  louctier,  l)rune  en  dessus,  blanche  en 
dessous;  la  queue  est  blanche  dans  sa  moitié  ter- 
minale; les  pieds  de  derrière  ne  sont  guère 
(|u'à  demi  palmés.  Il  habite  l'ile  .Maria ,  sur 
le  bord  des  ri\ières,  en  Australasie. 

L'IlvniKiMvs  A  VK.MHE  JMhE  { Uijdromijs  cln-if- 
aogaster,  (iEOFF.  —  Dksji.)  est  une  espèce  bien 
distincte  de  la  précédente,  quoi  qu'en  aient  dit 
(luelques  naturalistes.  Elle  en  diffère  par  ses 
pieds  de  derrière  dont  les  doigts  sont  réunis  par 
une  membrane  plus  étendue,  par  sa  fourrure 
plus  douce,  plus  line,  et  dun  orangé  très-vif 
en  dessous;  enfin  par  sa  (luene  blanche  seule- 
ment à  rextrémilc.  H  habite  l'ile  Bruni,  dans  la 
même  partie  du  monde. 

SI*  (iEMiK.    Les   POÏAMYS   (  Myopntamiis, 


CoMMtiis.  )  ont  vingt  deut.s,  savoir  :  quatre  inci- 
sives ,  huit  molaires  analogues  à  celles  des  cas- 
tors, a\ant  une  échancrure sur  une  fice, et  tiois 
du  coté  opposé  ;  la  tête  est  large,  les  oieilles 
petites  et  rondes,  le  mu>eau  obtus  ;  les  pieds 
sont  il  cinq  doigts,  avec  les  pouces  de  devant  fort 
courts,  et  les  doigts  des  pieds  postérieurs  p;il- 
mcs  ;  la  queue  est  forte,  conique,  longue,  écail 
leuse,  parsemée  de  gros  poils. 

Le  Qlouiva  ou  Covpou  (^]lJO})oiamllS  buna- 
riensis ,  Co>i>i.  Hijdromijs-  roijims,  (itoFF. — 
Desm.  Mns  coijpifs,  MoLisi.  )  est  pres(iue  de  la 
grandeur  d'un  castor,  dont  il  a  les  formes  gé- 
nérales; ton  poil,  très-fin  et  très-so\eu\,  est 
d'un  ht  un  narron  sur  le  dos,  roux  sur  les  lianes 
et  brun  clair  sous  le  ventre  ;  il  a  une  vari(  té 
entièrement  rousse.  Il  est  conunun  au  Paraguay, 
au  Chili  et  auTucuman  Depuis  fort  longtemps 
nos  fourreurs  reçoivent  par  milliers  des  |)eau\ 
de  cet  animal,  dont  le  puil,  coimu  dans  le  com- 
merce sous  le  nom  de  raronda,  remplace  très- 
bien  celui  du  castor  d.  us  la  fabrication  des  cha- 
peaux. Le  coypou  habite  des  terriers  creusés 
sur  le  bord  des  tleuves,  des  grandes  rivières  et 
des  lacs  ;  il  vit  de  bourgeons,  d'herbes,  et  de 
ra(  ines  de  plantes  aquatiques.  Ses  niTurs  sont 
fort  douces;  il  s'apprivoi.'>e  très-aisément,  et  s'at- 
tache même  aux  personnes  qui  prennent  soin 
de  lui.  Du  reste  son  intellii.'ence  est  très-bornée, 
et  il  donne  aisément  dans  tous  les  pièges  qu'on 
lui  tend. 


ENCLOS    DU    PORC-EPIC, 

PKÈS     DES    LOr.ES     DES     A  M  M  A  L  X     FEItOCtS. 

(  .1  »  ■  <l  >  i<    <l  .s  I'  I 


l'OKCS-KPICS. 


361 


SKCTIO-N   DKUXIKMi:. 


LES    RONGEURS    HERBIVORES 


N'ont  qiie  des  riidiinoiits  de  cla\icules.  Celle      (-pics,  les  lièvres,  et  les  dusypoïdes.  Tous  soul 
seelioii  renlei-riie  Iroisfaniilles,  savoir:  les  pores-      des  aiiimaiiv  inolfensifs  et  timides. 


,ES  POIÎCS-ÉPICS 


Se  reconnaissent  aux  piquants  roides  et  aigus 
dont  leur  corps  est  armé;  ils  ont  qualre  mo- 
laiies  partout,  c\lindi-i(iues,  martjuées  sur  leur 
couronne  de  quatre  à  cinq  empreintes  enton- 
cées.  Leur  langue  est  hérissée  d'eeailles  épi- 
neuses: ils  ont  quatre  doigts  aux  pieds  de  de- 
vant, et  le  plus  ordinairement  cinq  à  ceux  de 
derrière,  tous  armés  d'ongles  robustes. 

55' Geakk.  Les  Poiics-Éi'ics  (  Hijatri.r,  Li.%.) 


ont  vingt  dénis,  savoir  ;  qualité  incisives,  unies 
el  arrondies  au-devani,  huit  niolaiiesen  haut  et 
en  bas,  à  peu  près  d'égale  longueur;  leur  chan- 
fi-ein  est  fortement  arqué;  leurs  pieds  sont 
plantigi'ades;  ceux  de  devant  ayant  quatre  doigts 
avec  im  rudimei  t  de  pouce  onguiculé,  ceux  de 
derrière  à  cinq  doigts;  la  queue  est  rudimen- 
laire,  non  prenante;  l'œi!  très-pelit,  à  pupille 
ronde;  l'oreille  ai'rondie,  courte. 


Le  PORC-ÉPIC  ORDINAIRE  (  Ijijxtilx:  cristuUi,  Lin.  Lo  l'orc-Epic  commun  ou 
à  crinière,  G.  Cuv.  Le  Porc-Epic^  Buff). 

Cet  animjil  a  i)ltis  do  deux  pieds  (0,6'>0)  de  longueur,  non  compris  In  queue, 
qni  est  très-couite.  Son  corps  est  couvert  de  pi<juanls  fort  longs,  surtout  sur 
le  dos,  011  ils  atteignent  souvent  |)lus  d'un  pied  (0,525)  :  ils  sont  régulièrement 
annelés  de  noir  brun  et  de  Idanc;  sur  sa  nuque  et  sur  son  cou  s'élèvent  de  lon- 
gues soies  roides,  Itii  l'orniant  inie  sorte  de  crinière  qu'il  hérisse,  ainsi  que  les 


3H-2  LE!5  KONG  EL  US 

(lanls  (le  son  dos,  quand  il  est  encolure;  mais  cet  apiiaieil  eilVayanf,  qu'il  pré- 
sente à  ses  ennemis  en  le  secouant  et  lui  faisant  produire  un  bruit  formidable, 
n'est,  dans  la  réalité,  qu'une  parure  aussi  singulière  qu'innocente.  Ces  dards, 
si  dangereux,  quand  on  s'en  rapporte  aux  anciens  écrivains,  ne  sont  rien  autre 
chose  que  de  véritables  plumes  à  tuyaux  creux,  et  auxquelles  il  ne  manque  que 
des  barbes  pour  être  tout  à  fait  analogues  à  celles  des  oiseaux.  Leur  ])ointo  [tcu 
aiguë  et  leur  llexibililé  en  font  des  armes  si  peu  offensives,  cpi'on  peut  prendre 
l'animal  sans  en  éprouver  ni  blessure,  ni  même  de  pi(|ùre  ;  et  même  ceux  d(!  la 
(pieue,  qui,  en  se  choquant  les  uns  les  autres,  produisent  ce  bruit  redoutable, 
sont  creux  dans  toute  leur  longueur  et  ouverts  à  leur  extrémité.  Dans  le  temi»s 
de  la  mue,  ces  longs  piquants,  qui  ne  tiennent  à  la  peau  que  par  nn  pédicule 
fort  menu,  se  détachent  d'eux-mêmes,  et  l'animal  s'en  débarrasse  en  se  secouant. 
Ce  fait,  mal  observé,  a  fait  dire  aux  anciens  auteurs  (pie  le  porc-épic  lance  à  ses 
ennemis  ses  dards  avec  tant  de  roideur,  qu'ils  peuvent  percer  nue  planche  dr 
part  en  part  à  ((uelques  pas  de  distance;  pour  rendre  la  chose  plus  merveilleuse 
encore,  d'autres  ont  ajouté  que  ces  aiguillons  avaient  la  funeste  propriété  de 
s'enfoncer  dans  les  chairs  d'eux-mêmes,  sans  aucune  b)rce  étraugeie.  Ou  con- 
çoit que  toutes  ces  niaiseries  n'ont  plus  besoin  de  réfutation,  l'observation  et  la 
critique  en  ayant  fait  justice  depuis  longtemps. 

Le  porc-épic  est  assez  commun  en  Italie,  en  Espagne,  en  Grèce,  en  Barbarie, 
et  se  trouve  généralement  dans  tontes  les  parties  chaudes  de  l'Europe  et  de 
l'Asie,  lise  plaît  sur  le  penchant  des  coteaux  exposés  an  levant  ou  au  midi,  loin 
des  lieux  baliites  par  les  hommes.  Dans  cette  solitude,  il  se  creuse  un  terrier 
profond,  à  plusieurs  issues,  dans  bMjuel  il  passe  la  journée  à  dormir.  Il  en  sort 
la  nuit  pour  aller  à  la  recherche  de  sa  nourriture,  qui  consiste  en  bourgeons, 
en  racines,  fruits  et  graines  sauvages.  Quel(|uefois,  dans  ses  courses  nocturnes, 
il  se  rapproche  des  habitations,  et  s'il  pénètre  dans  un  jardin,  il  y  commet  de 
grands  dégâts  en  coupant  et  gâtant  beaucoup  plus  de  légumes  qu'il  ne  peut  en 
manger. 

Quoique  n'étant  pas  compté  pour  un  animal  hibernant,  le  porc-épic  reste  Ihiver 
solitairement  dans  son  tron,  non  pas  dans  un  état  complet  d'engourdissement 
comme  la  marmotte,  mais  plongé  dans  nn  profond  sommeil.  Il  en  sort  au  prin- 
temps pour  aller  chercher  sa  femelle  avec  laciuelle  il  s'accouple,  au  mois  de  mai. 
à  la  manière  des  autres  mammifères.  Quoiqu'on  en  ait  dit,  celle-ci  met  bas  ses 
petits  eu  août;  ils  naissent  les  yeux  ouverts,  et  ayant  déjà  le  corps  couvert  de 
piquants  longs  de  cinq  à  six  pouces  (0,153  à  0,162). 

En  état  de  domesticité,  le  porc-épic,  quoique  peu  intelligent,  n'est  ni  mé- 
chant ni  farouche,  mais  il  ne  perd  jamais  une  occasion  de  reconquérir  sa  liberté, 
si  elle  s'offre  à  lui,  et  pour  cela  il  cherche  constamment  à  couper  les  barreaux 
de  sa  cage  ou  à  en  ronger  la  porte  avec  ses  dents.  Ceux  que  l'on  a  eus  à  la  ména- 
gerie se  nourrissaient  aisément  avec  du  pain,  des  fruits  et  des  légumes.  Quand 
on  les  contrariait  ils  faisaient  entendre  une  sorte  de  grognement  ayant  de  l'a- 
nalogie avec  celui  d'un  porc,  d'où  leur  est  sans  doute  venu  leur  nom,  car  c'est  la 
toute  la  ressemblance  qu'ils  ont  avec  un  cochon.  A  l'état  sauvage,  ils  sont  fort 
gras  en  automne,  et  c'est  à  cette  époque  (pi'cui  leur  fait  la  chasse  pour  les  manger, 
(pioi(pie  leur  chair  soit  assez  fade. 


POUCS-EPICS. 


363 


11  n'est  pas  d'animal  qui  ait  autant  prêté  que  celui-ci  an  merveilleux  dont  les 
anciens  écrivains  aimaient  tant  à  allonger  leurs  pages;  le  poëtc  Claudien  admire 
le  porc-épic,  parce  que  «  il  est  lui-même  le  carcjuois,  la  llèche  et  l'arc  dont  il 
se  sert  pour  repousser  victorieusement  ses  ennemis.  »  Bosman,  dans  son  Vuijagc 
m  Guinée,  dit  que  «  lorsque  le  porc-épic  est  en  furie,  il  s'élance  avec  une  extrême 
vitesse,  ayant  ses  piquants  dressés,  (jui  sont  (juchpiefoisde  la  longueur  de  deux 
empans,  sur  les  hommes  et  sur  les  bêles,  et  il  les  darde  avec  tant  de  force  qu'ils 
pourraient  percer  une  planche.  »  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux,  c'est  que 
l'ancienne  Académie  des  sciences  de  Paris  ait  répété  ce  conte,  ayant  sous  les 
yeux  plusieurs  porcs-épics  vivants,  et  en  ayant  disséqué  une  demi-douzaine. 
Voici  le  fragment  d'un  rapport  fait  par  les  anatomistes  de  cette  célèbre  so- 
ciété :  «  Ceux  des  piquants  qui  étaient  les  plus  forts  et  les  plus  courts  étaient 
aisés  à  arracher  de  la  peau,  n'y  étant  pas  attachés  fortement  comme  les  autres; 
aussi  sont-ce  ceux  fine  ces  animaux  ont  accoutumé  de  lancer  contri;  les  chas- 
seurs, en  secouant  leur  peau  comme  font  les  chiens  quand  ils  sortent  de  l'eau.  » 

On  trouve  souvent  dans  l'estomac  des  porcs-épics  une  sorte  d'égagropile 
(jui,  avec  le  temps,  se  durcit  et  devient  un  véritable  bézoard  auquel  l'ancienne 
médecine  accordait  plusieurs  propriétés  surprenantes. 


:i(ii 


LKS   IlOiNGliLliS 


U  Pori-É^ic  ,k-  Mala 


I.e  POUC-KPIC  Dli  MALACCA  (  Iliisiril  fasckulata,  Shaw.  Mus  fdsc'iciilnlii.s,  J)ksm. 
Alherura  fasciculata,  Fr.  Cuv.  ) 

A  lin  pied  quatre  pouces  (0,4.")ô)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui  a 
cinq  pouces  et  demi  (0,149).  Le  dessus  de  son  corps  est  couvert  de  longs  |)i- 
quanls  un  peu  aplatis  et  marqués  d'un  sillon  dans  toute  leur  longueur  :  la  plu- 
part sont  blancs  à  la  pointe  cl  noirs  dans  leur  milieu,  ou  noirs  en  dessus  et  Idancs 
en  dessous;  sa  (pieue  est  écailleuse,  nue.  terminée  par  un  hoquet  de  poils  longs 
et  plats,  ressemblant  à  des  rognures  de  parchemin.  Il  habite  l'Inde,  et  a  les 
mêmes  habitudes  que  le  précèdent.  Fr.  Cuvier  a  fondé  sur  cet  animal  son  )iou- 
veau  genre  athérure,  que  nous  ne  croyons  pas  devoir  adopter  pour  ne  i)as  trop 
multiplier  des  coupes  absolument  insigniiiantes.  Si  vérital)lemcntIesporcs-épics 
devaient  se  diviser,  il  me  semble  que  l'on  ne  devrait  en  fornu'r  que  deux  genres  : 
l'un  renfermerait  les  espèces  à  queue  non  prenante,  et  ayant  cinq  doigts  aux 
pieds  de  derrière,  l'autre  se  composerait  de  celles  qui  ont  la  queue  prenante 
et  quatre  doigts  aux  pattes  postérieures.  Le  premier  com[)rendrait  par  consé- 
(pient  les  hystrix,  acanlhion,  erethizon  et  atherura  ;  le  second  les  coendu  et 
sphiggurus.  Si  nous  n'avons  pas  opéré  ici  cette  fusion,  c'est  parce  que  nous 
avons  l'intention  de  présenter  la  science  telle  que  l'ont  l'aile  les  naturalistes  de 
nos  jours. 


56e  CiRNiiK.  Les  ACAXTHIOXS  {  Aroniliion,  les  erèles  nc'ci|iilales  ne  sont  (jue  modioereiiieiit 

Fk.  Cuv.  )  ont  le  même  système  denlnire  (|iie  les  allongées. 

précédents;  mais  lenr  chanfrein,  an  lien  d'être  L'Acantmio^  n?.  3k\\  {AranUiioii  jaianiiiiui , 

loitement  arqué,  est  i)i'esqiie  droit;   les  os  dn  Fii.  Cuv.  )  n'était  comui  de  Fr.  Cuvier  (jue  |)ai- 

nez  forment    nn   parallélogrannne  allongé,  ei  une  tête  apportée  de  .lava  par  M.  Leselienaidl 


t>0  lie  S-É  PICS. 


:?(;:> 


L'ACA^TIUON   DIC  DAlliliNTON  {  AcdHlklOU  Ddll- 

heiilou'ii,  Fr.  Ctv.)  ii"osl,  comme  le  précédent, 
comm  que  par  une  tète  osseuse  beaucoup  moins 
el'lilée  à  cause  des  os  du  nez  cpii  sont  moins  lar- 
(.cs;  le  Iront  est  plus  aplati,  et  le  crâne  plus 
étendu  d'avant  en  arrièiw 

ôïe  Gemie.  Les  ÉiiÉTiuzoNS  {Erdhizn»,  Fii. 
Ciiv.  ),  avec  le  même  système  dentaire  que  les 
porcs-épics,  ont  cependant  les  dents  plus  simples 
el  à  contour  moins  anf;uleu\  ;  les  os  du  nez  sont 
coiu'ts,  les  arcades  zjgomn  tiques  Iris-saillantes; 
les  pieds  antérieurs  ont  quatre  doigts,  les  postc'- 
rieurs  cinq;  la  paume  et  la  plante  des  pieds 
sont  entièrement  nues,  garnies  de  pupilles  Irès- 
petites;  la  queue  est  non  prenante.  La  tète,  vue 
de  profil,  oflreà  son  sommet  une  ligne  presque 
droite,  interi'ompue  par  l'élévation  des  crêtes 
oi'bitaires  du  front. 

L'Lbétiuzo:v  i>k  Iîlkfon  (  Erelhizoïi  Bnffonii, 
Fk.  Clv.  Le  C.ocndou  de  Rlef.  )  n'est  probable- 
ment qu'une  variété  du  Coendii  prchensilis.  Il 
est  couvert  d'aiguillons  courts,  nombreux,  en- 
liiMcment  blancs,  evceplé  à  la  pointe,  entremé- 
U's  de  poils  bruns;  les  jambes,  les  pieds  et  le 
bout  du  museau  sont  couverts  d'une  sorte  de 
crins  bruns.  Sa  pali'ie  et  ses  mirurs  me  sont  in- 
coiuuies. 

L'Uiiso.N  (  Krelhizoii  dorsatum,  F».  Ctv.  Ilip- 
Irix  dorsdta,  GiHL.  Le  Pori-ep'rc.  lelu,  G.  Ci;v. 
VUrson  de  lUrr.)  a  environ  deu\  pieds  ((>,6."S0) 
de  Uuigueur,  non  compris  la  queue,  qui  a  buii 
pouces  (0,2 17);  son  corps  est  couvert  de  piquants 
lieaucou])  plus  courts  que  ceux  du  porc-é()ic 
ordinaire,  en  partie  blancs  ou  jaumilres,  et  en 
jarlie  bruns  ou  noii'àti'cs;  cespi(|uanls,  au  plus, 
longs  de  trois  pouces  (0,081),  sont  eu  partie  ca- 
chés dans  de  longs  poils  d'un  brun  roussàtre 
et  assez  rudes  ;  le  dessous  de  la  queue  est  garni 
de  poils  roides  et  brun-i  ;  le  ventre,  les  paltes  et 
le  nmseau  .sont  couverts   de  soies  d'un  brun 


iioinitre.  Il  habile  les  Klats-Lnis  d'Amei-iciue, 
et  il  est  assez  rare.  11  grimpe  sur  les  arbres,  el 
se  loge  dans  leurs  troncs  creux  ou  sous  leurs 
lacincs;  il  se  nourrit  décorées,  de  fruits  et  de 
i-aciues,  et  il  parait  que  l'écorce  résineuse  du 
pin  du  Canada,  ainsi  que  celle  du  tilleul  glabre, 
sont  les  aliments  qu'il  préfère  à  tout  aulre.  Sa 
chair  est  estimée  par  les  Américains. 

L'FuETiuzo.N  jucHouuE  (  EreWùzoïi  v>acioii- 
rus,  Less.  Mus  Dincroiini.s',  Desm.  Hii-strix  mn- 
croura,  Gmi..)  a  le  corps  couvert  de  piquants 
airondis,  gros,  très  -  serrés  et  médiocrement 
longs  ;  sa  queue,  longue  de  huit  pouces  (0.217), 
se  termine  par  un  bouquet  de  poils  dont  cha- 
cim  est  composé  de  plusieurs  renflements  res- 
semblant à  autant  de  grains  de  riz.  Séba  le  dit 
des  Indes  orientales. 

ô8«  Les  COEXDOUS  (  C.oendu,  Lacep.  Sipie- 
thcre,  Fh.  Clv.  )  diffèrent  des  genres  précédents 
par  leur  queue  prenante,  et  par  leurs  pieds  de 
derrière,  qui  n'ont  que  quatre  doigis.  Les  parties 
antérieures  de  la  tetc  sont  très-proéminentes; 
leur  pelage  est  prescpie  enlièremciil  formé  d'e- 
pines,  el  ils  n'ont  de  poils  que  sur  la  (jueue  et 
sous  le  corps. 

Le  CoE^DOl;  \  loncue  oi;eiie  (  Cocndn  prehni- 
silis,  Less.  Siinclherepiehevsilis,  Fit.  Ccv.  ihjs- 
tyixprehensilis,  Gjil.  Var.  15.  Hijslii.rniandii, 
Desm.  Le  Cociidon  à  longue  queue,  de  Blff.  Le 
Pon-Épir  à  quctie  prenante,  G.  Crv.  )  a  deux 
pieds  lO.C.50)  de  longueur,  non  compris  la  queue, 
(|ui  n'a  pas  moins  de  dix-huit  pouces  (0,487l. 
Son  corps  est  couvert  de  i)iquauts  d'une  lon- 
gueur moyenne,  jaunes  à  leur  base,  noirs  dans 
leur  milieu,  et  blancs  à  leur  extrémité;  ils  sont 
très-courts  et  Irès-minces  sur  les  côtés  de  la 
tète,  les  membres  et  la  première  moitié  de  la 
queue.  Le  dessous  du  corps  et  l'extrémité  de  la 
(|ueue  sont  couverts  de  ])oils  rudes  el  d'un  brun 
noir;\tre. 


Cet  animal  habite  l'Amérique  méridionale,  el  principalement  le  Mexique,  le 
Hrésil,  la  Guyane  et  l'île  de  la  Trinité.  Il  se  retire  dans  les  forêts  les  plus 
solitaires,  el  passe  une  grande  partie  de  sa  vie  sur  les  arbres,  où  il  grimpe  avec 
beaucoup  de  iacilité.  Quoiqu'il  ait  la  queue  prenante,  on  a  cependant  remar(pie 
((ue  jamais  il  ne  s'en  sert  en  s'accrochant  aux  brandies  que  lorsqu'il  s'agit  de 
descendre.  Sa  nourriture  ordinaire  consiste  en  fruits,  feuilles,  racines  et  bour- 
geons; ou  dit  qu'il  mange  aussi  les  bois  tendres.  La  ménagerie  en  a  conservé 
un  vivant  pendant  plusieurs  années,  et  de  ses  habitudes  on  a  pu  conclure  que 
cel  animal  a  les  mœurs  nocturnes.  La  lumière  paraissait  l'incommoder  beau- 
coup, el  jjoiir  la  fnir,  il  se  tenait  pendant  toute  la  journée  caché  dans  un  tas 
de  foin.  Quand  on  le  louchait  ou  (pion  l'exposait  au  jour,  il  faisait  entendre 
un  petit  grognement  plaintif;  du  reste,  il  était  fort  doux.  Sa  queue  était 
toujours  enroulée  sur  elle-mèine  à  son  exlrémilé,  comme  celle  d'un  sajou,  mais 
on  n'a  jamais  remarqué  qu'il  s'en  soit  servi  pour  saisir  quelque  chose.  Je  pense 


3G(> 


LES   HOiNGEUUS. 


(lue  l'on  Ht!  duiL  regarder  que  comme  une  simple  variété  de  celle  espèce  le 
lioilzllacualzin  ou  sarigue  épineux  de  Hernandez,  ((ui  n'en  diflere  guère  que 
par  rextrcinilé  nuire  de  ses  épines. 


59'  Gemie.  Les  SPHIGGUllES  (  Sphiggunis, 
F«.  Cuv.)  ne  diflèrent  des  animaux  du  genre 
précédent  que  par  les  parties  antérieures  de  la 
tète,  qui  sont  très-déi)rimées  au  lieu  d'être  éle- 
vés. Quant  à  tous  les  autres  caractères,  ils  sout 
absolument  les  mêmes. 

Le  Couiv  {Si)liiggurus sphiosa ,  F».  Clv.  Hip- 
f'i.it)i.si(/(0.sa,  LiciisT.  Hystrix  prehensilis,  F». 
Clv.  )  est  d'un  tiers  plus  petit  que  le  coëndou  à 
longue  queue,  et  sa  queue  est  i)roportionnelle- 
nient  beaucoup  plus  courte.  Il  est  couvert  de 
piquants  acéi'és,  nombreux,  serrés,  entremêlés 
de  très-peu  de  poils,  à  pédicules  très-menus  ; 
ceux  de  la  tète  sont  blancs  à  leur  base,  noirs 
au  milieu,  et  d'un  brun  marron  à  l'extrémité; 


les  autres  sont  généralement  jaunâtres  à  la  base 
et  noirs  au  bout.  Le  ventre  est  revêtu  d'un  poil 
laineux  et  grisâtre  ;  la  queue  est  couverte  de 
poils  durs  et  noirs,  avec  son  extrémité  nue.  11 
habite  le  Paraguay.  L'Onic.o  (Sphiggunis  ril- 
losa,  Fr.  Cuv.  )  n'est,  selon  les  observations  po- 
sitives faites  par  M.  d'Orbigny  dans  le  Brésil, 
que  le  précédent  en  pelage  d'hiver.  En  effet, 
il  n'en  diffère  que  par  le  poil  blanchâtre, 
abondant  et  très -long,  qui  cache  en  entier 
ses  épiues.  11  habile  les  plus  épaisses  forêts 
du  Brésil,  et  se  plaît  particulièrement  sur  le 
sommet  des  montagnes.  Ses  mœurs  sont  dou- 
ces et  semblables  à  celles  des  espèces  précé- 
dentes. 


-^-„;..^-«il 


LH,   LlHIVi^^K. 


I'*  \  s  u;  1     i)i:    I  II  V  >, 


I   .1  »  r  rt  i  M      ,\r.      !• 


LIEVIiKS 


:](û 


Le  Lnpin. 


LLS   Lli:\  KKS 


Ont,  dans  l';ige  nilnllo.  qiialrc  iiicisiM's  a  la 
mâchoire  supérieure,  deux  à  rinreiieure,  et 
(le  vingt  à  vingt  deux  molaires.  Dans  leur  jeu- 
nesse, il  leur  pousse  à  la  mâchoire  supérieure 
deux  incisives  destinées  à  en  remplacer  deux 
qui  doivent  toniher,  de  manière  que,  pendant 
im  certain  temps,  ils  ont  six  incisives  en  haut. 
Leurs  |)ie(ls  de  devant  ont  cin(j  doigts,  et  ceux 
de  derrière  quatre. 

iO-^  GiiShE.  Les  LIÈVRES  [\.i\ms,  Li.\.)  ont 


\ingt-huit  dents,  savoir  :  (juatre  incisives  siq)é- 
rieures  et  deux  inférieures;  douze  molaires 
supérieures  dont  deux  petites  et  simples,  et  dix 
inlérieures  ;  toutes,  excepté  les  deux  petites, 
sont  composées  et  formées  de  deux  lames  verti- 
cales sondées  ensend)le.  Les  pattes  de  derrière 
sont  très-longues,  ainsi  (]ue  les  oreilles  ;  la  (jnene 
est  courte  et  i-eievée  ;  la  femelle  a  de  six  à  dix 
mamelles.  Ces  animaux  timides  sont  recherclu-s 
et  poursuivis  par  Icj  chasseurs  et  leuis  mentes. 


J.es  LIKVRKS  ol  les  L.MMNS  so  ressoiiiliiaiit  Ions,  non-sciiléinonl  pnr  les  fonnos, 
mais  eiicoie  par  les  imriirs,  nous  allons  généraliser  leur  histoire  aliii  de  ne  pas 
tomber  dans  des  redites  ennuyeuses.  I*eu  d'espèces  sont  aussi  fécondes  et  se 
multiplient  autant  que  celles  des  animaux  de  ce  genre.  Les  femelles  niellent 
bas  plusieurs  fois  par  an,  ne  portent  (pie  Irenle  jours  environ,  et  font  plusieurs 
petits,  qu'elles  allaitent  pendant  quinze  à  vingt  jours.  Ces  petits  naissent  cou- 
verts de  poils  et  les  yeux  ouverts;  ils  grandissent  très-vite,  et  sont  capables  de 
se  reproduire  dès  làge  de  six  à  huit  mois.  Ceci  ex[)li(pie  comment  les  lièvres 
et  les  lapins  n'ont  pu  être  détruits  en  France  même  dans  les  cantons  les  plus 
exploités  par  les  cliasseurs  et  les  braconniers.  Ces  animaux  sont  d'une  limidilc 
(pii  est  devenue  proverbiale,  et  il  ne  pouvait  en  être  autrement,  puisqu'ils  n'ont 
aucune  nrnio  à  opposer  à  leurs  noiiil»i'en\  eimeniis;  une  I)oIetle.  un  surniiilol 


:{{i8  \.ES   HONGEUUS. 

sont  assez  loris  ri  assez  liartiis  pour  attaquer  el  étrauf-ler  un  de  ces  animaux. 
Aussi  les  lièvres  ne  Irouveut-ils  leur  salut  (jue  dans  la  fuite  el  la  rapidité  prodi- 
i^icuse  de  leur  course,  et  les  lapins  dans  le  profond  terrier  qui  leur  sert  de  re- 
traite. Sans  cesse  aux  aguets  pour  découvrir  le  danger  qui  peut  les  menacer, 
ils  sont  doués  d'une  ouïe  excellente  ((ui  leur  révèle  de  fort  loin  l'approche  de 
l'ennemi;  le  moindre  bruit  suspect  les  met  sur  leur  garde,  et  la  peur  est  pour 
<'ux  une  sentinelle  toujours  éveillée  (jui  les  avertit  à  temps  de  détaler  au  plus 
vile. 

Les  lièvres,  quoi  qu'on  en  ail  dit,  sont  des  animaux  intelligents,  qui  savent 
parfaitement  employer  la  ruse,  non-seulement  pour  fuir  le  danger,  mais  encore 
pour  le  prévenir.  Si  la  terre  est  couverte  de  neige,  ils  savent  (|ue  l'empreinle  de 
leurs  pas  peut  mettre  l'ennemi  sur  leur  trace,  el  il  n'est  pas  un  chasseur  (jui  n'ait 
admiré  avec  quel  art  ils  savent  l'effacer,  ou  plutôt  l'embrouiller,  en  passant  et 
repassant  vingt  fois  sur  la  même  ligne,  en  décrivant  mille  tours  et  détours  avant 
de  se  gîter;  puis,  s'élançant  tout  à  coup  de  ces  traces  inextricables,  par  un  bond 
prodigieux  ils  vont  tomber  dans  un  buisson  ou  un  sillon  profond,  où  ils  restent 
cachés  sans  faire  le  moindre  mouvement.  Dix  fois  le  chasseur,  en  cherchant  a 
démêler  les  traces  de  leurs  pas,  s'est  avancé  tout  près  d'eux,  a  passé  à  quelques 
pieds  de  leur  gîte  sans  (pic  le  moindre  mouvement  de  frayeur  ail  dénoncé  leur 
retraite.  L'expérience  leur  a  aussi  ap|)ris  <pie  les  chiens,  sans  qu'il  soit  besoin 
de  neige,  ont  l'odorat  assez  fin  pour  les  suivre  à  la  piste;  aussi  font-ils  la  même 
manœuvre,  (pioi((u'avec  un  peu  moins  de  précautions,  toutes  les  fois  cpi'ils 
veulent  se  giler;  j'ai  el('  plusieurs  fois  lemoin  oculaire  de  ce  fait.  Quand  les 
lièvres  sont  poursuivis  par  les  chiens,  ils  rusent  devant  eux  pour  tacher  de  leur 
faire  prendre  le  change,  el  (piehpies-uns  y  parviennent  en  employant  des  moyens 
qui  annoncent  de  l'intelligence.  On  en  a  vu  se  cacher  au  milieu  d'un  troupeau 
de  moutons,  d'autres  s'enfoncer  dans  des  trous  de  rocher;  j'en  ai  vu  un  qui 
s'élançait  sur  le  tronc  d'un  vieux  saule  penché  sur  nue  rivière,  el  qui  restait  là, 
caché  dans  le  feuillage,  pendant  que  la  meule  le  cherchait  vainement  au  pied 
de  l'arbre  el  tinissait  par  perdre  sa  voie.  Du  Fouilloux,  dans  son  naïf  langage, 
raconte  plusieurs  faits  tres-remarquables  à  ce  sujet  :  «  J'ai  vu,  dit-il,  un  lièvre 
si  malicieux,  que,  depuis  qu'il  oyait  la  trompe,  il  se  levait  du  gîte,  et  eùt-il  été 
à  un  quart  de  lieue  de  là,  il  s'en  allait  nager  en  un  étang,  se  relaissant  au  mi- 
lieu d'icelui  sur  des  joncs  sans  être  aucunement  chassé  des  chiens.  J'ai  vu  cou- 
rir un  lièvre  bien  deux  heures  devant  les  chiens,  qui,  après  avoir  couru,  venait 
pousser  un  autre  et  se  mettait  en  son  gîte.  J'en  ai  vu  d'autres  qui,  (piand  ils 
avaient  couru  une  demi-heure,  s'en  allaient  monter  sur  une  vieille  muraille  de 
six  pieds  de  haut,  et  s'allaient  relaisser  en  un  pertuis  de  chauffant  couvert  de 
lierre,  etc.,  etc.  » 

Certaines  espèces  de  ce  genre  habitent  les  bois  et  les  montagnes,  d'autres 
la  plaine  elles  pays  sablonneux.  Quelques-uns  ne  se  font  aucune  habitation, 
changent  de  gîte  tous  les  jours,  et  font  leurs  petits  sur  la  terre  nue,  comme 
notre  lièvre  counnun;  il  en  est  qui  se  creusent  des  terriers  et  préparent  à  leurs 
enlanls  un  lit  de  foin  et  de  duvet,  i)ar  exemple  le  lapin.  Un  fait  assez  extraor- 
dinaire, c'est  que  les  espèces  qui  senil)lenl  avoir  le  plus  d'aualogie  entre  elles 
sont  animées  les  unes  contre  les  autres  d'inie  haine  mortelle,  chose  rare  parmi 


LIÈVUES.  369 

les  animaux  purement  herbivores.  Jamais  les  lièvres  ne  vivront  dans  le  même 
canton  que  les  lapins;  si  l'on  renferme  dans  la  même  cage  deux  de  ces  animaux, 
un  de  chaque  espèce,  on  peut  être  sûr  que  le  plus  fort  aura  tué  le  plus  faible  après 
quelques  heures,  et  le  lapin,  quoique  le  plus  petit,  reste  ordinairement  le  vain- 
queur dans  cette  lutte  acharnée.  La  plupart  des  lièvres  vivent  solitairement,  et 
les  femelles  abandonnent  leurs  petits  après  les  avoir  allaités  une  vingtaine  de 
jours;  les  espèces  qui  se  creusent  des  terriers  vivent  au  contraire  en  famille, 
et  souvent  même  en  sorte  de  société,  dans  des  garennes  composées  quelquefois 
d'un  très-grand  nombre  de  terriers.  Tous  vivent  d'herbes,  de  feuilles,  d'écorces, 
et  ne  sortent  guère  que  la  nuit  de  leur  retraite  pour  aller  paître.  Ils  dorment 
le  jour,  mais  d'un  sommeil  léger,  les  yeux  ouverts  et  l'oreille  au  guet.  Ce  sont 
des  animaux  silencieux,  qui  ne  font  entendre  leur  voix  que  lorsqu'ils  y  sont 
forcés  par  la  douleur  ou  un  danger  inévitable;  alors  ils  poussent  des  cris  ai^us 
qui  ont  quelque  ressemblance  avec  ceux  d'un  petit  enfant. 

On  trouve  des  lièvres  dans  presque  tous  les  pays  de  la  terre,  et  partout  leur 
chair  est  estimée  comme  un  mets  excellent.  Mais  cependant  on  a  remarqué  que 
sa  saveur  est  d'autant  meilleure  que  l'animal  habitait  un  pays  de  monta"^nes  et 
se  nourrissait  de  plantes  odorantes,  telles  que  le  thym,  le  serpolet,  etc.  Les 
lièvres  de  plaine  sont  moins  estimés  des  gastronomes,  et  ceux  des  marais 
passent  pour  ne  rien  valoir  du  tout.  Néanmoins  les  Musulmans  et  les  Juifs,  par 
un  préjugé  de  religion ,  ne  mangent  pas  le  lièvre.  Les  Grecs,  et  surtout  les 
Romains,  en  faisaient  grand  cas,  et  nous  savons  par  Martial  qu'ils  estimaient  sa 
chair  au-dessus  de  celle  de  tous  les  autres  quadrupèdes.  Ces  animaux  ne  vivent 
guère  que  sept  à  huit  ans. 


Le  Lièvre  ordinaire  (  Lcptis  timidtis,  Lin.)  a 
le  pelage  d'un  gris  fauve  ou  d'uu  fauve  roussà- 
•re,  nuancé  de  brun  en  dessus,  blanc  eu  dessous  ; 
ses  oreilles  sont  plus  longues  que  sa  téfe,  d'un 
roux  cendré  sur  la  conque,  noires  à  leur  extré- 
milé;  sa  queue,  longue  au  plus  de  trois  pouces 
(0,081),  est  blanche,  avec  une  ligne  noire  en 
dessus.  Cet  animal  offre  une  singularité  très- 
remarquable,  et  que  je  crois  unique  parmi  les 
mammifères,  c'est  d'avoir  du  poil  dans  la  bou- 
cbe.  11  vit  solitairement;  il  est  très-commun 
dans  toute  l'Europe.  On  en  trouve  une  variété 
blanclie. 

Le  LiiiVRE  A  QUEUE  ROUSSE  {Le])iis  rulicai(da- 
tiis,  Is.  Geoff.  )  ressemble  beaucoup  au  lièvre 
commun  ;  il  en  diffère  néanmoins  par  sa  queue 
plus  longue,  et  rousse  en  dessus  au  lieu  d'être 
noire,  i)ar  sa  tache  oculaire  moins  [)rononcéc  et 
sa  joue  très-mélangée  de  noir  ;  par  son  poil 
beaucoup  plus  rude,  et  sa  taille  un  peu  moins 
grande.  Il  habite  le  Bengale. 

Le  IMoussel  (  Lepus  nigricolUs,  Fr.  Ci)v.\  est 
de  la  taille  d'un  gros  lapin  ;  son  pelage  est  d'un 
roux  tiqueté  en  dessous,  d'un  gris  également  ti- 
queté sur  les  flancs  et  les  cuisses;  d'im  blanc  pur 
en  dessous  ;  une  bande  grisâtre  s'étend  du  nui- 
seau  à  l'oreille  en  |)nssant  sur  l'n^il  ;  les  oreilles 


sont  variées  de  blanc,  de  roux  gris  et  de  brun 
pâle,  avec  la  pointe  noire  ;  le  dessus  du  cou  est 
d'un  beau  noir;  le  reste  du  corps,  en  dessus,  est 
d'un  gris  de  perle  ;  les  quatre  pattes  sont  rous- 
ses ;  la  queue  est  blanche  en  dessus  et  brune  en 
dessous.  Il  habite  le  Malabar  et  Java. 

Le  Lièvre  d'Egypte  (Lcp/is  œgijptiaciiSjGEOP.) 
est  plus  petit  que  le  lièvre  ordinaire  ;  son  pelage 
est  d'un  roux  grisâtre ,  avec  le  menton  et  la 
gorge  d'un  blanc  légèrement  lavé  de  fauve  ;  une 
bande  blanche  lui  passe  sur  l'œil  ;  le  devant  du 
cou  est  d'un  roussâtre  pâle  ;  le  dessous  du  corps 
d'un  blanc  roussâtre,  avec  la  queue  d'un  brun 
noir  en  dessus  et  blanchfilre  en  dessous;  ses 
oreilles  sont  très-longues.  Il  habite  l'Egypte. 

Le  Lièvre  du  Cap  ou  Moutain  iiare  (  l.epiis 
rapens'is,  Lin.)  est  plus  grand  que  notre  lièvre 
ordinaire.  Son  pelage  est  d'un  gris  roux  en  des- 
sus et  blanc  en  dessous  ;  sa  poitrine  et  ses  jam- 
bes sont  d'un  fauve  uniforme  et  vif;  sa  queue 
est  noire  en  dessus ,  blanche  en  dessous  ;  un 
trait  roussâtre,  bordé  d'une  bande  brunâtre  en 
dessous,  occupe  la  région  de  l'oreille,  dont  l'ex- 
trémité est  noire  ;  ses  oreilles  et  ses  jambes  sont 
extrêmement  allongées  11  habite  les  dunes  du 
cap  de  Bonne-Espérance,  mais  il  n'est  pas  com- 
mun. 


370 


LES  RONGKL'RS. 


Le  LiÈMiE  DES  ROCHERS  {Lepiis  .vfl.r«<i/is,  Fr. 
Civ.)  ressemble  l)caucoup  par  son  pelage  au 
lapin  (les  sables,  avec  lequel  M.  Lesson  l'a  con- 
fondu, mais  il  en  diffère  lolaiement  par  ses  for- 
mes. 11  est  un  peu  moins  grand  que  le  précé- 
dent ;  son  [jelage  est  roussàfre  en  dessus,  d'un 
gris  roussàtre  sur  les  membres,  gris  sur  les 
flancs  et  la  gorge  ;  le  dessus  du  cou  est  d'un 
roux  vif,  ainsi  qu'une  partie  des  oreilles  dont 
l'extrémité  est  noire,  avec  la  partie  interne  d'un 
gris  piqueté  de  noir  et  de  fauve,  comme  la  léte; 
la  tache  oculajre  est  d'un  gris  cendré;  le  des- 
sous du  corps  et  de  la  tèle'  est  blanc;  le  des- 
sus de  la  queue  est  noir,  et  le  dessous  blanc.  11 
habite  les  montagues  du  cap  de  Bonne-Espé- 
rance. 

Le  LiÈvr.E  VAurAni.E  [Lcpiis  rariobilis,  Pall.) 
est  plus  grand  que  noire  lièvre  ordinaire;  ses 
oreilles  sont  plus  courtes  que  sa  (été,  et  noires 
au  bout  en  tout  temps  ;  il  est  d'un  gris  fauve  eu 
été,  blanc  en  hiver  ;  sa  queue  est  blanche  ou 
fauve,  selon  la  saison.  Ce  lièvre  est  voyageur, 
change  souvent  de  canton,  et  vit  solitairement. 
Sa  nourriture  principale  consiste  en  graine  de 
l)in  cembro  et  en  quelques  espèces  d'agarics. 
Il  habite  les  Alpes  de  Savoie  et  tout  le  nord  de 
l'Europe. 

Le  LikvRE  iivRRiDE  (  Lppits  htibridus  Pall.  ) 
n'est  probablement  qu'une  variété  du  précédent, 
que  Pallas  regardait  comme  un  métis  du  lièvre 
ordinaire  et  du  lièvre  variable.  11  ne  diffère  de 
ce  dernier  que  par  sa  queue,  qui  reste  constam- 
ment noire,  et  par  son  pelage,  qui  ne  blanchit 
qu'incomplètement  et  conserve  du  gris  pendant 
l'hiver.  11  habite  la  Russie  et  la  Sibérie. 

Le  Kekalek  (  l^rpus  glarialls ,  Sabine  )  est 
plus  grand  que  le  lièvre  variable  ;  son  pelage  est 
entièrement  blanc  en  été  et  en  autonme,  d'un 
brun  grisâtre  en  hiver,  et  ses  lèvres  sont  noires  ; 
ses  oreilles  sont  plus  longues  que  sa  tête;  sa 
queue  est  très-courte;  ses  ongles  sont  déprimés, 
larges  et  forts.  Son  pelage  est  grisâtre  avant  l'âge 
adulte.  11  habite  les  falaises  du  bord  de  la  mer, 
dans  le  Groenland,  et  l'ile  Melvilie  où  il  est  très- 
commun.  La  femelle  met  ordinairement  bas  huit 
petits. 

Le  VA  AHY^G  iiarr  ou  Lièvre  de  Viugime  (L'- 
pus  virginianus,  Harl  )  est  d'un  gris  brun  ou 
d'un  gris  plombé  en  été,  blanc  en  hiver,  avec, 
en  tout  temps,  un  cercle  d'un  fauve  roussàtre 
autour  des  yeux  ;  sa  queue  est  très-courle,  et  ses 
oreilles  sont  à  jjcu  près  de  la  longueur  de  sa  tête. 
Il  vit  dans  les  prairies  qui  bordent  le  Missouri, 
et  ne  se  creuse  pas  de  terrier. 

Le  Tapéti  (Lepus  brnsUieiisis,  Lin  )  est  i)lus 
petit  que  le  lapin  ;  son  pelage  est  varié  de  brun 
noir  et  de  jaunâtre  en  dessus  ;  il  a  un  demi  col- 
lier blanc  sous  le  cou  ;  ses  oreilles  sont  beaucoup 
plus  courtes  que  sa  tête,  et  sa  queue  est  telle- 
ment courte,  qu'elle  reste  cachée  dans  les  poils 


des  cuisses.  Il  habite  le  Brésil  et  le  Paraguay,  cl 
vit  dans  Us  bois.  11  ne  se  creuse  pas  de  terrier, 
mais  il  se  relire  sous  les  vieilles  souches  d'ar- 
bres. 

Le  ToLAÏ  (  Lcpiis  tolaï,  Gml.  )  est  un  peu 
moins  grand  que  le  lièvre  ordinaire  et  un  peu 
plus  que  le  lapin.  Sa  tète  et  son  dos  sont  mêlés 
de  gris  pâle  et  de  brun  ;  la  gorge  et  le  dessous 
du  corps  sont  blancs,  la  nuque,  le  dessous  du 
cou  et  les  oreilles  sont  jaunâtres,  celles-ci  bor- 
dées de  noir  en  dessus  ;  il  a  du  blanc  au  museau 
et  autour  de  l'œil  ;  la  queue  est  blanche  en  des- 
sous, noire  en  dessus.  11  habile  la  Sibérie,  la 
Mongolie,  laTartarie,  et  se  trouve  jusqu'au  Thi- 
bet.  Quand  il  est  chassé  par  les  chiens,  il  file 
de  long  droit  devant  lui,  sans  ruser,  et  se  réfu- 
gie dans  le  premier  trou  de  rocher,  ou  autre, 
qu'il  peut  trouver. 

Le  Laph  des  sables  (  Lepus  arcnarius ,  Is. 
Geoff.)  est  d'un  quart  plus  petit  que  notre  la- 
pin ordinaire  ;  sou  pelage  est  d'un  gris  cendré 
tiqueté  en  de.-sus;  les  membres,  la  gorge,  les 
flancs,  le  tour  de  l'œil  et  le  bout  du  museau  sont 
roux;  la  tache  du  derrière  du  cou  est  grise  et 
fort  petite;  le  dessous  de  la  tète  est  d'un  blanc 
roussàtre,  et  le  dessous  du  corps  est  blanc  ;  la 
queue,  pareillement  blanche  en  dessous,  est  noire 
en  dessus  ;  les  oreilles  sont  de  même  couleur  que 
chez  les  lapins,  seulement  elles  ont  une  tache 
noire  plus  étendue  à  l'extrémité.  Il  habite  le 
pays  des  Hottentots. 

Le  Lafi\  de  Macellame  {Upus  viagellani- 
nis,  Less.  et  Garn.  )  est  entièrement  d'un  noir 
violacé,  offrant  çà  et  là  des  taches  blanches  ;  les 
oreilles  sont  d'un  brun  roux,  et  plus  courtes  que 
la  tête;  il  a  plusieurs  taches  blanches  régulières, 
l'une  sin-  le  nez,  l'autre  entre  les  deux  narines, 
une  troisième  sur  la  gorge,  et  une  quatrième 
sur  le  front.  Il  vit  en  grandes  troupes  aux  îles 
Maloiiines,  et  se  creuse  un  terrier  sous  les  rares 
buissons  du  pays. 

Le  Lapin  d'Améiiiqle  {Lepus  huilsouius,  Pal. 
Lei>us  amcriranus,  Desm.  )  est  de  la  grandeur 
d'un  moyen  lapin.  Son  pelage  est  d'un  roux 
brun  tiqueté  de  gris  sur  quelques  parties  :  sou 
ventre  ef  le  dessous  du  cou  sont  blancs  ;  les 
oreilles  sont  plus  courtes  que  la  tête,  noires  à 
leur  extrémité;  la  queue  est  blanche  en  dessous, 
grisâtre  en  dessus,  et  longue  de  deux  pouces 
(0,055),  ce  qui  le  distingue  très-bien  du  tapéti 
avec  lequel  G.  Cuvicr  l'a  confondu.  Il  devient 
blanchâtre  pendant  l'hiver.  Il  habite  l'Améri- 
que septentrionale  et  ne  se  creuse  pas  de  ter- 
rier. 

Le  Lapin  ordinaire  (  Lepus  cuniculus,  Lin.  ) 
a  le  pelage  gris,  mêlé  de  fauve,  et  une  plaque 
rousse  sur  la  nuque  ;  son  ventre  et  sa  gorge 
sont  blanchâtres  ;  ses  oreilles  sont  à  peu  près  de 
la^longueur  de  la  tête,  grisâtres  en  dehors,  d'un 
roux  tiqueté  en  dedans,  avec  un  liséré  noir  à 


LIÈVKES 


37 1 


l;i  partie  supérieure;  In  queue  est  l)laiiche  en 
dessous,  hruiie  en  dessus.  Originaire  d'Afrique, 
le  lapin  a  d'abord  élé  naturalisé  en  Espagne, 
d'où  il  s'est  répandu  eu  France  et  dans  tout  le 
reste  de  l'Euro|)e.  11  vit  eu  troupe  nombreuse, 
dans  des  garennes  où  chaque  famille  se  creuse 
un  terrier  ;  la  femelle  y  met  bas  deux  ou  trois 
fois  par  an,  jusqu'à  huit  à  dix  petits,  qui  n'en 
sortent  que  lorsqu'ils  sont  assez  forts  pour  se 
suffit  c  à  eux-mêmes  et  se  creuser  de  nouveaux 
terriers  dans  les  environs,  car  jamais  ils  ne  s'é- 
loignent beaucoup  de  l'endroit  qui  les  a  vus  naî- 
tre, et  ils  ont  cela  de  commun  avec  tous  les 
lièvres.  Jusque-là  elle  défend  au  niàle  l'entrée 
de  sa  retraite,  parce  qu'il  ne  manquerait  pas  de 
tuer  ses  enfants  s'il  pouvait  y  pénétrer;  elle  a 
soin,  toutes  les  fois  qu'elle  en  sort,  d'en  bou- 
cher l'entrée  avec  de  la  terre  délayée.  Soumis 
à  la  domesticité,  le  lapin,  qui  prend  dans  ce  cas 
l'épithcte  de  cinpier,  a  fourni  plusieurs  variétés, 
toutes  plus  grosses  que  leur  tjpe,  et  ayant  les 
oreilles  plus  longues.  Les  plus  remarquables 
sont  : 

I"  Le  Clapier  à  longues  oreilles ,  qui  atteint 
la  taille  des  plus  grands  lièvres  ;  son  pelage  est 
le  même  que  celui  du  lapin  de  garenne,  mais 
ses  oreilles  sont,  proportionnellement ,  beau- 
coup plus  longues  et  plus  larges  ; 

2"  Le  Clnpicr  blanc,  à  poils  ras  et  pelage 
entièrement  blanc.  Il  a  les  yeux  rouges  comme 
tous  les  Albinos  ; 

3"  Le  Clapier  varié ,  mélangé  de  gris  et  de 
blanc  ; 

-5-  Le  Clapier  roii.x ,  d'une  couleur  rousse 
plus  ou  moins  jaunâtre  ; 

5"  Le  Clapier  noir,  à  poils  ras  comme  les  pré- 


cédents, et  pelage  entièrement  d'un  noir  foncé; 
()"  Le  Ciapiir  pie  ,  varié  de  noir  el  de  blanc  ; 
7°  Le  Riche ,  à  poils  soyeux,  et  pelage  d'un 
gris  d'ardoise  plus  ou  moins  foncé; 

8"  Le  Lapin  d'Angora,  à  poils  très-longs, 
très-soyeux  ,  qu'on  lui  arrache  chaque  année 
|)our  l'employer  à  la  fabrication  de  feutres,  de 
tricots  et  autres  étoffes.  Celui-ci  a  fourni  plu- 
sieurs sous-variétés  de  couleur,  parmi  lesquelles 
on  remarque  : 

9"  L'Argenté,  à  poils  très-longs  et  d'une  blan- 
cheur parfaite. 

La  chair  des  lapins  de  garenne  est  assez  esti- 
mée, mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  celle  des 
lapins  domestiques,  qui  est  toujours  plus  ou 
moins  fade,  à  moins  qu'ils  n'aient  été  nourris 
avec  des  végétaux  choisis,  et  non  avec  des  plantes 
potagères,  telles  que  le  chou,  etc. 

41»  Gemie.  Les  LAGO.MYS  {l.ngonujs,  G. 
Cuv.)  ont  vingt-six  dents,  savoir;  quatre  inci- 
sives supérieures  el  deux  inférieures  ;  dix  mo- 
laires en  haut  et  dix  en  bas  ;  toutes  les  dents  à 
peu  près  conformées  comme  celles  des  lièvres. 
Leurs  jambes  sont  à  peu  près  de  la  même  lon- 
gueur entre  elles  ;  leurs  oreilles  sont  courtes, 
arrondies  ;  ils  manquent  de  queue,  et  leurs  cla- 
vicules sontpresques  complètes  ;  la  femelle  a  de 
quatre  à  six  mamelles. 

Le  PiKA  (Lagomijs  pika .  Geoff.  Lagomip 
alpinns,  Des.>i.  Lepiis  alpinns,  Pallas  )  a  nruf 
pouces  et  demi  (0,406)  de  longueur  ;  il  est  géné- 
ralement d'un  roux  jaunâtre  avec  quelques 
longs  poils  noirs;  le  dessus  du  corps  est  d'un 
fauve  pâle,  le  tour  de  la  bouche  cendré,  le  des- 
sous des  pieds  bruns;  les  oreilles  sont  arron- 
dies et  brunes. 


Cet  animal  est  très-commun  en  Sibérie,  oii  il  habite  dans  les  montagnes  les 
plus  liantes  et  les  pins  escarpées,  les  bois,  les  vallées,  et  les  prairies  fraîches 
et  herbeuses.  Quelquefois  il  se  creuse  un  terrier,  mais  le  plus  souvent  il  fixe  son 
habitation  dans  un  trou  de  rocher  on  dans  un  arbre  creux,  et  il  s'y  retire  solitai- 
rement, on,  plus  ordiuairement,  avec  un  ou  deux  de  ses  camarades.  Il  se  nourrit 
de  feuilles  et  d'herbes,  et  il  a  la  prévoyance  de  faire  une  bonne  provision  pour 
passer  l'hiver  dans  l'abondance.  Dès  le  mois  d'août  il  commence  ses  approvi- 
sionnements, consistant  en  herbes,  qu'il  choisit,  coupe  et  fait  sécher  avec  beau- 
coup de  soin.  Ensuite,  pour  mettre  ce  foin  à  l'abri  des  intempéries  de  l'air,  il 
cherche  un  tronc  d'arbre  creusé  par  le  temps,  une  grotte,  ou  un  trou  dans 
une  roche.  Là  plusieurs  se  réunissent  poin-  établir  un  magasin  commun,  et  ils 
y  entassent  une  quantité  de  foin  calculée  sur  le  nombre  d'individus  qui  auront 
à  s'en  nourrir  pendant  la  mauvaise  saison.  Aussi  n'est-il  pas  rare  de  trouver  de 
ces  tas  qui  ont  jusqu'à  cinq  et  six  pieds  (1,625  et  1,9^9)  de  hauteur  et  huit  de 
diamètre  f2,599).  Cette  habitude  des  pikas  fournit  aux  voyageurs,  qui  osent  pé- 
nétrer dans  les  vastes  solitudes  de  la  Sibérie,  nue  précieuse  ressource  pour 
nourrir  leur?  chevaux. 


372 


LES  KOiNGEL'US. 


Le  SiLCAN  { l.agomys  pusilliis,  Desm.  Lepiis 
puiilltis,  Pam..  Le  Lagomys  nain,  G.  Cuv.)  est 
plus  pelit  que  le  précédent,  et  n'a  ijue  sept  pou- 
ces (0, 1 89)  de  longueur  ;  son  pelage  est  épais, 
fin,  tn^'s-doux,  d'un  fauve  grisâtre,  mélangé  de 
brun  et  de  gris;  le  dessous  du  corps  est  d'un 
blanc  sale,  avec  la  gorge,  les  lèvres  et  le  nez 
tout  à  fait  blancs;  les  oreilles  sont  un  peu  trian- 
gulaires, bordées  de  blanc.  Il  habite  les  parties 
méridionales  des  monts  Onrals,  et  \it  solitaire- 
ment dans  un  terrier  qu'il  se  creuse  sur  la  li- 
sière des  bois,  dans  les  cantons  fertiles  et  décou- 
verts. 11  n'en  sort  que  la  nuit  pour  aller  cher- 
cher sa  nourriture,  consistant  en  feuilles,  fleurs, 
bourgeons,  et  écorces  d'arbres  tels  que  le  pom- 
mier sauvage,  le  cerisier  nain,  le  robinier  fru- 
tescent, et  le  cytise  rampant.  Chaque  jour,  au 
soleil  couchant  et  au  soleil  levant,  il  pousse  des 
cris  aigus,  sans  doute  pour  appeler  une  femelle, 
et  ces  cris  le  dénoncent  nu\  chasseurs. 


L'Ogoto.'n  (Lagomys  ugotonct,  Des.m.  Lepiis 
cgolona,  Pall.  Le  Lagomijs  gris-,  G.  Cuv.  )  a 
six  pouces  et  demi  (0,176)  de  longueur  ;  il  est 
d'un  gris  pâle  en  dessus,  blanc  en  dessous,  avec 
les  pieds  jaunâtres;  ses  oreilles  sont  ovales,  un 
peu  pointues,  de  la  couleur  du  corps;  son  pe- 
lage est  fin,  lisse,  et  assez  long.  11  habite  la  Tar- 
tarie  mongole  et  les  montagnes  au  delà  du  lac 
Baïkal.  Comme  le  précédent,  il  se  creuse  un 
terrier,  dont  il  ne  sort  que  la  nuit,  et  son  cri 
est  un  sifflement  aigu  qui  se  distingue  très-bien 
de  celui  du  sulgan.  Il  se  nourrit  décorée  d'au- 
bépine et  de  bouleau,  d'herbes,  et  surtout  d'une 
sorte  de  véronique  qui  croit  sous  la  neige.  Ainsi 
que  le  pika.  il  fait  une  provision  de  foin,  qu'il 
amasse  en  tas  hémisphériques,  d'environ  un 
pied  (0,525)  de  hauteur.  L'hermine  et  le  chat 
mauul  sont  les  emiemis  les  plus  dangereux  do 
ce  petit  animal;  car  sa  petite  taille  le  fait  dédai- 
gner de  l'homme,  quoique  sa  chair  soit  bonne. 


LE    COCHON     D'INDE. 


P  \  Y  s  *  G  K    X  M  E  H  I C  \  I  > . 


.1  »  r  .1  I  n      .Us      H  I  n  n  I  c  s    ) 


DASYPOIDKS. 


373 


^^  ^"«^^^:i^ 


LES  DASYPOIDES 


Ont  seize  molaires  en  tout,  deux  incisives 
seulement  à  la  nidchoire  supérieure,  et  deux  à 
l'inférieure;  leurs  pieds  postérieurs  ont  trois 
ou  cinq  doigts,  mais  dont  un  de  chaque  coté  est 
très-petit. 

42'  Genre.  Les  P AC AS  (Cœlogenus,  Fu.  Cuv.) 
ont  vingt  dents,  savoir  :  deux  incisives  à  chaque 


mâchoire  ;  huit  molaires  en  haut  et  huit  en  bas, 
composées,  à  couronne  plate,  irrégulièrement 
sillonnées;  ils  ont  cinq  doigts  à  tous  les  pieds; 
ils  ont  sur  les  joues  une  sorte  de  cavilé  dont 
fouverture  est  extérieure  ;  leur  queue  est  très- 
courte  ;  la  femelle  a  quatre  mamelles.  Ces  ani- 
maux sont  de  l'Amérique  méridionale. 


Le  PACA  BRUN  [Cœlogenus  siibniger,  Fr.  Cuv.  Cavia  Paca,  Gml.  Le  Paca, 
BuFF.  Le  Pag,  d'Azzara.  Le  Pak  ou  L'Ouraym,  df.  Barère.  Le  Pag  et  le  Coltie 
de  quelques  parties  de  l'Amérique  méridionale  ). 

Cet  animal,  très-commun  au  Brésil  et  à  la  Guyane  malgré  la  chasse  conti- 
nuelle qu'on  lui  fait,  se  trouve  aussi,  mais  plus  rarement,  aux  Antilles  et  au 
Paraguay.  Sa  longueur  totale  est  d'un  pied  neuf  pouces  (0,569),  c'est-à-dire 
qu'il  est  plus  grand  qu'un  lièvre  ;  son  pelage  est  d'un  brun  noirâtre,  marqué  de 
chaque  côté  du  corps  de  quatre  ou  cinq  rangs  de  taches  arrondies,  disposées 
en  bande,  et  blanches;  le  ventre,  la  poitrine,  la  gorge  et  la  face  interne  des 
jambes  sont  d'un  blanc  sale;  ses  moustaches  sont  très-longues,  noires  et  blan- 
ches; sa  queue  est  extrêmement  courte,  presque  rudimentaire.  Comme  le  la- 
pin, il  se  creuse  un  terrier  à  plusieurs  issues,  et  n'en  sort  que  la  nuit  pour  aller 
paître.  Sa  nourriture  ordinaire  consiste  principalement  en  fruits  et  en  racines 
qu'il  déterre  en  fouillant,  mais  il  ne  se  sert  jamais  de  ses  pattes  de  devant  pour 
porter  les  aliments  à  sa  bouche,  à  la  manière  des  autres  rongeurs.  Il  se  i»laîl 


374  I  KS   KONGEUUS. 

sur  le  hou\  des  rivières  et  dans  les  lieux  humides,  probablenieiil  parce  qu'il  y 
trouve  une  végétation  plus  riche,  mais  il  n'étaldit  son  terrier  que  dans  les  ter- 
rain secs  et  chauds.  Il  produit  souvent  et  en  grand  nombre,  et  il  fallait  qu'il  en  l'ùl 
ainsi,  car  les  chasseurs  sont  toujours  à  sa  poursuite,  et  quand  ils  ne  peuvent  le 
tuer  à  coups  de  fusil,  ils  vont  le  déterrer  dans  son  trou.  Quoique  d'un  caractère 
paisible  et  fort  doux,  il  défend  courageusement  sa  vie  et  fait  quelquefois  des 
morsures  cruelles.  La  chair  de  cet  animal  est  délicieuse,  au  dire  des  voyageurs, 
(|ui  la  comparent  à  celle  du  cochon  de  lait,  et  n'en  parlent  jamais  sans  en  faire 
le  plus  grand  éloge.  11  paraît  qu'on  le  fait  cuire  avec  sa  peau,  et  que  celle-ci  est 
excellente.  En  domesticité,  le  paca,  ainsi  qu'on  a  pu  le  voir  à  la  ménagerie, 
mange  tout  ce  qu'on  lui  présente,  comme  du  pain,  des  légumes,  du  sucre,  des 
écorces  et  même  de  la  viande.  11  se  prive  aisément,  et  a  beaucoup  de  douceur 
dans  ses  habitudes;  de  là,  Buffon,  et  plus  tard  Fr.  Cuvier,  ont  pensé  qu'il  serait 
possible,  et  même  très-utile,  de  le  naturaliser  en  France  et  d'en  faire  un  animal 
de  basse-cour  ;  mais  ils  ne  disent  pas  s'il  se  reproduit  en  captivité,  ce  qui  me 
paraît  fort  douteux,  et  ce  qui  est  cependant  la  condition  indispensable  de  la 
domesticité. 

Les  pacas  ont  été  tellement  chassés  dans  les  Antilles,  qu'aujourd'hui  il  n'en 
reste  plus  guère;  mais  l'espèce  s'est  parfaitement  soutenue  dans  les  autres 
parties  de  l'Amérique.  Et  cependant,  ils  sont  non-seulement  la  proie  des  hom- 
mes, mais  encore  de  tous  les  grands  oiseaux  de  proie,  qui  leur  font  une  guerre 
cruelle  et  continuelle.  Ces  animaux  ont  des  abajoues  fort  grandes,  dans  lesquelles 
ils  cachent  leurs  aliments  quand  ils  sont  poursuivis,  ou  simplement  pour  les 
transporter  dans  leurs  terriers  ;  mais  ils  ont,  outre  cela,  sur  les  joues,  deux 
poches  dont  l'usage  est  encore  inconnu.  Leur  peau,  quoique  couverte  d'un  poil 
court  et  assez  rude,  fait  cependant  une  assez  belle  fourrure,  parce  qu'elle  est 
régulièrement  tachetée  sur  les  côtés. 

Le  Paca  fauve  {Cœlogentis  fuhus,  Fh.  Cuv.  n'ayant  chacune  qu'une  lame  simple  et  une  four- 
Caïki  paca,  Geopf.  — G.  Ctv.  Osleopera  pla-  chue;  ils  niancjucnt  de  queue;  leurs  pieds  de 
tyccphula,  Haul.  Le  Para  femelle  de  Blff.)  devant  sont  munis  de  quatre  doigts  séparés,  el 
n'a  été  regardé  par  presque  fous  les  nalura-  ceux  de  derrière  de  trois;  leurs  ongles  sont 
listes,  jusqu'à  Fr.  Cuvier,  que  comme  une  va-  courts,  robustes,  en  forme  de  petits  sabots;  ils 
riélé  du  précédent.  Cependant  il  en  diffère  par  ont  deux  mamelles  ventrales, 
ses  arcades  zygomaliques,  qui  sont  extrêmement  L'Apéuéa  ou  Cochon  d'1.\de  (Caria  cohaija, 
écartées,  et  par  d'autres  caractères  anatomi-  Df.sn.  Mus  ponellus,  Li:'i.  Anccmu  cubaiia.  Vu. 
ques.  Le  fond  de  son  pelage  est  fauve,  et  non  Cuv  Le  Cochon  d'Inde,  Buff.  Le  Coii  des  In- 
pas  brun.  Du  reste,  il  lui  ressemble  en  tout  le  diens)  a  environ  dix  pouces  de  longueur  (0,271); 
reste,  tant  pour  les  couleurs  que  pour  les  mœurs,  son  corps,  gros  et  trapu,  est  d'un  gris  rous- 
II  habite  la  Guyane.  sâlre  en  dessus,  et  blanchâtre  en  dessous.  Dans 
iô"  Geivrë.  Les  COBAYES  {Caria,  Eitxr,.  la  domesticité  on  en  a  obtenu  de  blancs,  de 
Alluma,  Fit.  Cuv.)  ont  vingt  dents,  savoir:  jaunes  plus  ou  moins  fauves  ou  orangés,  de  va- 
deux  incisives  à  chaque  mâchoire  ;  huit  molaires  ries  de  ces  couleurs  ou  de  noir,  et  qui  diffèrent 
en  haut  et  huit  en  bas,  toutes  composées  et  considérablement  de  leur  type. 

L'apéréa  est  commun  au  Brésil  et  au  Paraguay,  ou  il  habite  les  pajonals 
(sortes  de  buissons)  qui  couvrent  les  rives  des  (leuves,  mais  il  ne  pénétre  jamais 
dans  les  bois.  Cet  animal  a  fort  peu  d'intelligence,  il  ne  sait  pas  se  creuser 
un  terrier,  et  cependant  il  aime  à  en  habiter  un  quand  il  le  trouve  tout  fait; 


DASYPOÏDES.  375 

clans  le  cas  contraire  il  se  l'ccèle  dans  des  trous  de  rochers,  sous  des  tas  de  pier- 
res, ou  tout  simplement  dans  un  buisson  fourré.  11  ne  sort  de  sa  retraite  que  le 
soir  et  le  matin,  au  crépuscule,  pour  aller  paître  les  herbes  dont  il  se  nourrit, 
et  qu'il  transporte  dans  son  gîte.  Il  paraît  que,  dans  cet  état  sauvage,  sa  chair 
est  excellente,  et  comparable  au  meilleur  lapin  de  garenne;  aussi  lui  fait-on  une 
chasse  active.  Sans  aucune  défense,  n'ayant  pas  même  la  ressource  de  fuir  avec 
rapidité,  il  devient  facilement  la  proie  des  petits  mammifères  carnassiers  et  des 
oiseaux  de  proie.  La  femelle  ne  met  bas  qu'une  ou  deux  fois  par  an,  et  seule- 
ment deux  ou  trois  petits  à  la  fois.  Il  paraît  certain,  d'après  l'opinion  de  plu- 
sieurs anciens  voyageurs,  et  particulièrement  d'après  ce  que  dit  Garcilasso  de 
la  Vega,  dans  son  Histoire  des  Incas,  que  l'apèréa  était  un  animal  domestique 
au  Pérou,  avant  la  découverte  de  l'Amérique,  qu'on  l'élevait  comme  nous  faisons 
du  lapin  domestique,  et  qu'on  en  avait  obtenu  de  blancs,  de  roux,  etc. 

Depuis  bien  longtemps  cette  espèce  est  répandue  en  Europe  sous  le  nom  de 
cochon  d'Inde,  et  sa  nature  s'est  tellement  modifiée  par  l'esclavage  et  le  climat, 
(|ue  Buiïon  a  décrit  l'apèréa  et  le  cochon  d'Iiule  comme  deux  espèces  différentes, 
sans  soupçonner  le  moins  du  monde  leur  identité.  En  état  de  lil)erté,  l'apèréa, 
comme  nous  l'avons  dit,  montre  peu  d'intelligence;  mais  chez  nous  il  est  de- 
venu tout  à  fait  stupide,  au  point  de  se  laisser  tuer  par  les  chats  et  les  autres 
animaux,  sans  montrer  ni  frayeur  ni  envie  de  se  défendre.  C'est  un  animal  qui  ne 
vit  absolument  que  pour  dormir,  manger  et  se  multiplier,  comme  une  véritable 
machine  organisée,  et  il  est  impossible  de  saisir  chez  lui  un  geste,  un  signe, 
qui  se  rapporte  à  un  autre  sentiment,  une  autre  passion,  que  ces  trois  cho- 
ses. Il  en  résulte  que  la  femelle  tient  très-peu  à  ses  enfants,  qu'elle  les  mange 
quelquefois,  et  que  toujours  elle  les  chasse  après  les  avoir  allaités  quinze  jours. 
Ceux-ci  croissent  très-vite,  et  à  l'âge  de  deux  ou  trois  mois  ils  sont  capables 
de  faire  des  petits,  quoiqu'ils  n'atteignent  toute  leur  grosseur  qu'à  six  mois. 
Or,  comme  la  femelle  ne  porte  que  trois  semaines,  elle  peut  faire  six  à  huit 
portées  par  an,  et  les  portées,  qui  ne  sont  que  de  cinq  à  six  petits  dans  le  com- 
mencement, augmentent  avec  l'âge  et  finissent  par  être  de  dix  à  douze  ;  l'on  a 
calculé  qu'avec  un  seul  couple  de  ces  animaux,  on  pourrait  en  avoir  un  millier 
après  l'espace  d'un' an.  Les  cochons  d'Inde  mangent  à  peu  près  toutes  les  sub- 
stances végétales  qu'on  leur  présente,  mais  ils  paraissent  préférer  le  pain,  le 
son  et  particulièrement  le  persil,  les  pommes  de  terre  et  les  fruits,  à  toute 
autre  chose.  Ce  qu'il  y  a  de  singi^lier,  c'est  que,  même  nourrisavec  des  aliments 
secs,  comme  le  foin,  ils  ne  boivent  jamais  et  urinent  beaucoup.  Ils  supportent 
assez  bien  les  rigueurs  de  nos  climats,  pourvu  qu'ils  soient  renfermés  dans  un 
lieu  où  le  thermomètre  centigrade  ne  descende  pas  au-dessous  de  quatre  à 
cinq  degrés  au-dessous  de  zéro.  Leur  chair  est  assez  bonne,  quoique  un  peu 
fade. 

Ak^   Gem(k.   Les  CARIAIS   (  Ihjdrorhœrus ,  tics  Inmes  fourcliues;  les  pieds  de  devant  ont 

Riuss.)  ont  vingt  dents,  snvoir  :  deux  canines  à  quatre  doigts  larges  et  armés  d'ongles,  réunis 

cliaque  niàclioire  ;  liuit  molaires  en  haut  et  Iniit  par  des  nieuilu-iuies  ;  les  pieds  de  derrièie  n'ont 

en  bas,  tontes  composées,  les  postérieures  étant  que  trois  doigts  ;  ils  manquent  de  queue,  et  la 

les  plus  longues,  et  formées  de  lames  nombreu-  femelle  a  douze  mamelles, 
ses,  simples  et  parallèles,  les  antérieures  offrant         Le  C*piïgou\  ou  Cadui  [Hijdrochœius  rapij- 


376  LES  RONGEURS. 

bnrn,  Desm.  Cavia  capiibara,  Gml.  —  Lin.  Le  teur,  ce  qui  en  fait  le  plus  grand  des  rongeurs. 

Cabiai,  Buff.  Le  Capubara,  G.  Civ.  Le  C/ii-  Son  pelage  est  d'un  l)run  roussàtre  en  dessus, 

guère  des  habitants  de  Caracas.  Le  Cabionara  fauve  en  dessous,  à  poils  rares,  comme  ceux 

de  la  Gu\ane.  Le  Cnpivard  et  le  Corlion  d'emi  d'un  cochon,  mais  plus  tin.  Il  habile  l'Amérique 

de  quelques   voyageurs)  est  de  la  grandeur  méridionale,  depuis  la  Plata  jusqu'aux  afduents 

d'un  cochon  de  Siam  ;  il  a  trois  pieds  (0,975)  de  septentrionaux  de  l'Orénoque,  et  il  ne  s'éloigne 

longueur,  sur  un  pied  et  demi  (0,487)  de  hau-  jamais  du  bord  des  eaux. 

Cet  animal  a  le  corps  gros  et  ramassé,  la  lèvre  supérieure  fendue,  les  yeux 
noirs  et  grands,  les  oreilles  et  les  jambes  presque  nues;  en  marchant  il  appuie 
par  terre  toute  la  plante  des  pieds  de  derrière,  ce  qui  lui  donne  l'air  de  ramper. 
11  ne  quitte  jamais  le  bord  des  rivières  et  des  lacs,  et  se  cache  dans  les  pajonals 
ou  buissons  d'arbrisseaux  aquatiques  qui  croissent  sur  les  sables  des  rivages.  Il 
est  timide  et  vit  en  famille  ou  en  petites  troupes  de  dix  à  quinze  individus. 
Quand  un  objet  suspect  les  effraye,  ils  poussent  un  cri  que  l'on  peut  rendre  par 
le  mot  a-pé,  prononcé  avec  force  et  avec  les  aspirations  que  l'âne  met  dans  son 
braire.  A  ce  signal  de  l'un  d'eux,  tous  se  jettent  à  l'eau,  plongent,  et  ne  vont 
reparaître  à  la  surface  qu'à  une  très-grande  distance  de  l'endroit  oi^i  ils  se  sont 
enfoncés  ;  ils  nagent  ensuite  avec  une  si  grande  facilité  et  une  telle  vitesse,  qu'il 
est  impossible  à  un  canot  de  les  atteindre.  Selon  d'Azzara,  ils  ne  vivraient  que 
d  herbe,  mais  M.  de  Humboldt  s'est  assuré  qu'ils  mangent  aussi  du  poisson, 
et  qu'ils  savent  le  pêcher  avec  beaucoup  d'adresse.  Ce  voyageur  en  a  vu  des 
troupes  rester  tranquillement  assises  sur  leur  derrière,  ce  qui  est  leur  position 
favorite,  tandis  qu'un  grand  crocodile  sorti  des  ondes  passait  au  milieu  d'eux. 
Cette  sécurité,  dit-il,  leur  venait  sans  doute  de  l'expérience  qu'ils  ont  que  le 
crocodile  n'attaque  pas  hors  de  l'eau. 

Le  cabiai  ne  se  creuse  pas  de  terrier;  il  se  gîte  sur  la  terre  comme  le  lièvre, 
et  ne  quitte  guère  sa  retraite  que  la  nuit.  La  femelle  seule  a  un  domicile  fixe, 
dans  lequel  elle  revient  toujours  ;  elle  y  met  bas  de  quatre  à  huit  petits  qu'elle 
allaite  quelque  temps,  et  qu'elle  abandonne  aussitôt  qu'ils  sont  assez  grands  pour 
se  rendre  sans  elle  à  la  rivière.  Pris  jeune,  cet  animal  s'apprivoise  parfaitement, 
vient  à  la  voix  de  son  maître,  et  le  suit  presque  comme  un  chien;  il  est  d'un 
caractère  doux,  tranquille  et  tout  à  fait  inoffensif.  En  captivité  on  le  nourrit 
fort  bien  avec  de  la  salade,  des  carottes,  de  l'orge  et  des  fruits.  Sa  chair  est 
grasse,  tendre,  et  passe  pour  excellente,  quoique,  selon  Buffon,  elle  ait  un  peu 
le  goût  de  poisson.  Les  missionnaires  de  l'Orénoque  la  permettent  pendant  le 
carême,  comme  un  aliment  maigre.  Les  chasseurs  américains  lui  font  la  chasse 
et  le  regardent  comme  une  importante  pièce  de  gibier;  mais  comme  il  ne  s'é- 
loigne jamais  à  plus  de  cent  pas  des  eaux,  il  faut,  pour  l'avoir,  le  tuer  roide  d'un 
coup  de  fusil,  car,  s'il  n'est  que  blessé  mortellement,  il  se  jette  dans  la  rivière, 
et,  ainsi  que  la  loutre,  il  ne  reparaît  plus. 

43^  Genre.  Les  KERODONS  (  Kerodon,  Fr.  dent,  et  séparées  du  côté  interne.  Ces  triangles 

Cuv.  )  ont  vingt  dents,  savoir  :  deux  incisives  à  sont  entourés  chacun  de  leur  émail  et  remplis 

chaque  mâchoire;  huit  molaires  en  haut  et  huit  de  matière  osseuse,  et  leur  séparation  produit 

en  bas,  toutes  composées  de  deux  parties  éga-  une  échancrure  anguleuse  en  partie  remplie  de 

les,  ,senil)lal)les  l'une  et  l'autre  à  un  triangle  ou  matière  corticale.  Us  ont  quatre  doigts  aux  pieds 

plutôt  à  un  cTur,  réunies  du  côté  externe  de  la  de  devant  et  trois  à  ceux  de  derrière,  comme 


DASYI'OIDES. 


377 


fiiez  les  Col)ii5  es,  mais  les  jambes  sont  plus 
hautes,  les  doigts  plus  gros  et  plus  sépares,  et 
les  ongles  larges,  courts,  assez  aplatis. 

Le  Moco  (  herodon  vioro,  Fk.  Cuv.  Kerodon 
siiureus,  Is  Geoff  Caiia  rii])eslris,  ^Iax.  de 
Neuw.  )  est  un  peu  plus  grand  que  le  cochon 
d'Inde;  son  pelage  est  d'un  gris  cendré  niéié 
de  noirâtre  et  de  jaune  lougeàtre  en  dessus, 
blanchâtre  en  dessous;  ses  moustaches  sont 
entièrement  noires.  11  habite  le  Brésil  et  se  plaît 
dans  les  lieux  rocailleux  ;  ses  mœurs  sont  à  peu 
prés  les  mêmes  que  celles  de  l'apéréa. 

iù«  Gemie.  Les  AGOUTIS  ;^  Chloromiis.  Fk. 
Cuv.  )  ont  vingt  dents,  savoir  ;  deux  incisives  à 
chaque  mâchoire  ;  huit  molaires  en  haut  et  huit 
en  bas,  toutes  composées,  presque  égales,  à 
couronne  plate,  irrégulièrement  sillonnée  et  à 
contours  arrondis  ;  les  pieds  de  devant  ont  qua- 
tre doigts,  et  ceux  de  derrière  trois,  tous  libres  ; 
les  jambes  sont  fines  ;  ils  ont  une  petite  queue, 
ou  un  tubercule  qui  la  remplace. 

L'Akouchi  ou  Akocki  {Chloromys  uciischij, 
Desmoul.  Ciuia  aciistluj ,  G>il.  Dasyprocla 
acitschii,  Desm.  L'Aroudui,  Biff.  )  est  à  peu 
près  de  la  taille  du  précédent  ;  son  pelage,  un 
peu  plus  doux  et  plus  soyeux,  est  brun,  avec  des 
mouchetures  fauves;  la  croupe  est  noirâtre,  et 
le  ventre  roux;  il  n'a  point  de  crête  derrière  la 
tète  ;  sa  (lueue  est  mince,  un  peu  allongée;  en- 
fin il  n'a  (pie  siv  mamelles.  11  a  les  mêmes 
lUd'urs  que  le  i)réc(deiit,  et  vit  dans  les  bois  à 
la  Gujane,  aux  îles  de  la  Grenade  et  de  Sainte- 
Lucie. 


L'Agolti  hlfi'e  [CAitoiomiis  crhUitiis.  Fh. 
Cuv.  Dasiiprocln  rr'istnta,  Dksm.  Caria  cris- 
tata,  Geoff.  )  a  la  même  taille  que  notre  lapin  ; 
son  pelage  est  noirâtre,  piqueté  de  roux  ;  il  a 
sur  l'occiput  une  sorte  de  crête  composée  de 
poils  très-allongés  ;  les  poils  de  sa  croupe  sont 
également  très-longs  ;  son  ventre  est  brun  ;  ses 
oreilles  et  sa  queue  sont  courtes.  11  habite  Suri- 
nam ,  est  moins  farouche  que  le  premier,  et 
s'appi  ivoise  beaucoup  plus  facilement. 

L'Agouti  PAXAOOMEJi  (Chloroviijs  palagoiii- 
cits,  Penn.  Dasyprotta  patagonica,  Desm.  Le 
Lierre  des  l'ampas,    u'Azara.  Caria  palaqo- 
uica,  Shaw.  )  est  d'un  gris  fauve  piqué  de  blanc 
sur  le  dos,  passant  au  noir  sur  la  croupe;  les 
fesses  et  le  ventre  sont  blancs  ;  les  lianes  fauves  ; 
les  oreilles  longues  ;  la  queue  est  très-courte, 
et  les  mamelles  sont  au  nombre  de  quatre.  On 
le  trouve  depuis  les  pampas  du  Paraguay,  jus- 
qu'au  détroit   de  Magellan.   Il  ne  vit  pas  en 
troupe,  mais  par  couple,  et  le  maie  ne  quitte 
pas  sa  femelle,  même  quand  ils  sont  poursuivis 
par  des  chiens  Pendant  la  nuit,  s'ils  se  sont  sé- 
pares pour  chercher   leur  nourriture,  ils  ne 
tardent  pas  à  s'appeler  par  un  cri  aigu,  fort, 
que  l'on  pourrait  écrire  ainsi,  o-o  o-y,  cri  qu'ils 
font  aussi  entendre  lorsqu'on  les  tourmente.  Ils 
s'apprivoisent  aisément,  et  ne  font  aussi  que 
deux  petits.  Les  Indiens  les  chassent  et  les  man- 
gent, quoique  leur  chair,   blanche,  soit  assez 
fade.  Les  chassems  cherchent  toujours  à  tuer 
la  femelle  la  première,  bien  sûrs  qu'ils  sont 
que  le  mâle  ne  la  (piittera  pas.  ^ 


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I.KS   llOiN<it:UliS. 


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L'As""!'- 


L'agouti  ou  COTIA  [Clilonmnis  àmli,  Fr..  Cijv.  DtisijjtroclH  luiil't,  Dfsm.  (liiiin 
(uut't,  Ekxl.  V Agouti,  BtJFF.  ) 

A  vingt  pouces  (0,rj/(2i  de  longueur;  il  est  à  peu  prés  de  la  grosseur  d'un 
omnd  lièvre;  sa  lèle  a  un  peu  d'analogie  avec  celle  d'un  lapin,  mais  ses  yeux 
sont  saillants,  et  ses  oreilles,  longues  seulement  d'un  pouce  et  demi  (0,041), 
sont  demi-circulaires  et  nues;  son  pelage  est  rude,  brun,  picpieté  dejauneoude 
roussâlre,  teinté  de  verdâtre  sur  certaines  parties,  roux  sur  la  croupe;  les  poils 
sont  très-longs  sur  cette  dernière  partie,  et  beaucoup  plus  courts  sur  le  rest<^ 
du  cor|)s;  la  ipieue  est  courte,  les  mamelles  sont  au  nombre  de  douze. 

L'aoouti  est  très-commun  à  la  Guyane,  au  Brésil  et  à  Sainte-Lucie;  là  il  lait 
le  plaisir  babituel  des  chasseurs,  comme  le  lièvre  chez  nous.  11  ne  se  gîte  pas 
sur  la  terre  nue  comme  ce  dernier,  il  ne  se  creuse  pas  non  plus  de  terrier 
comme  le  lapin,  mais  il  se  cache  dans  les  troncs  d'arbres  et  sous  les  vieilles 
souches.  Il  n'habite  que  les  bois,  où  il  vit  en  troupes,  et  il  ne  sort  ordinaire- 
ment de  sa  retraite  (pie  la  nuit.  La  lumière  du  jour  l'olfusque  au  point  que,  s'il 
est  surpris  par  des  chiens  pendant  la  journée,  ce  n'est  que  dillicilement  qu'il 
leur  échappe  par  la  fuite,  quoique  ce  soit  un  habile  coureur,  surtout  en  mon- 
tant; comme  il  a  les  pattes  de  devant  beaucoup  plus  courtes  que  celles  de  der- 
rière, il  est  obligé  de  ralentir  sa  course  en  descendant  une  montagne  ou  toute 
autre  pente  un  peu  roide,  sous  peine  de  faire  la  culbute.  A  l'état  sauvage,  il  est 
d'un  caractère  farouche  et  timide,  mais  cependant  il  se  défend  courageusement 
lorsque  la  fuite  ne  lui  est  plus  possible,  et  avant  de  succomber  il  fait  de  pro- 
fondes morsures  à  ses  ennemis.  Lorsque  les  cbieiTs  le  chassent,  il  ne  ruse  pas 
devant  eux,  ainsi  que  le  lièvre  ou  le  lapin,  mais  il  s'enfuit  très-vite  et  gagne  au 
plus  tôt  sa  retraite,  où  il  s'enfonce  et  reste  avec  obstination.  Il  n'est  qu'un  seul 


OASYPOIDES. 


379 


moyen  de  l'en  faire  sortir,  c'est  de  l'y  enfumer;  à  demi  suffoque,  il  jelle  des 
cris  aigus  et  plaintifs,  et  ce  n'est  qu'à  la  dernière  extrémité  qu'il  s'élance  tout  à 
coup  dehors  pour  commencer  une  lutte  qu'il  sait  devoir  lui  être  mortelle.  Son 
(•i"i,  lorsqu'on  riiKfuiète  ou  qu'on  l'irrite,  est,  dit  Bulfon,  semblable  à  celui  d'un 
petit  coclion. 

Lorscpie  l'agouti  est  en  colère,  il  frappe  la  terre  de  ses  pieds  de  derrière, 
absolument  comme  le  lapin,  et  les  longs  poils  de  sa  croupe  se  hérissent  verti- 
calement. Quand  il  mange,  il  saisit  ses  aliments  avec  ses  pattes  de  devant,  mais 
elles  ne  lui  servent  pas  à  les  porter  à  sa  bouche.  Connne  tous  les  animaux  de 
son  genre,  il  est  omnivore  :  il  n'a  donc  pas  besoin  de  s'amasser  des  provisions, 
et  c'est  par  erreur  que  Buffon  lui  attribue  cette  habitude;  mais  sa  nourriture  la 
plus  ordinaire  consiste  en  fruits  et  en  racines.  I^a  femelle  prépare  un  nid  fait 
avec  du  foin  et  des  feuilles  sèches  ;  en  octobre  elle  y  met  bas  deux  petits,  qu'elle 
n'y  allaite  que  pendant  trois  ou  ipiatre  jours,  après  quoi  elle  les  transporte  dans 
une  autre  cachette,  ainsi  que  fait  la  chatte  domestique,  et  cela  probablement 
par  déliance.  Si  elle  éprouve  la  moindre  inquiétude,  elle  les  change  de  nouveau 
(le  domicile,  et  celte  manœuvre  recommence  souvent.  Cependant  elle  ne  les  al- 
laite que  pendant  une  vingtaine  de  jours,  après  quoi  ils  commencent  à  la  suivre 
pour  apprendre  à  chercher  leur  nourriture,  et  bientôt  après  ils  la  quittent 
pour  se  réunir  à  la  première  troupe  de  jeunes  agoutis  qu'il  rencontrent.  Tout 
larouche  qu'il  est,  si  on  prend  un  jeune  agouti,  et  qu'on  le  traite  avec  douceur, 
il  s'apprivoise  aisément,  s'attache,  sinon  au  maître,  du  moins  an  logis,  sort 
et  entre  seul  à  la  maison,  et  ne  pense  même  à  la  quitter  tout  à  fait  que  lors- 
(pie  vient  le  temps  des  amours.  Sa  chair  se  mange,  et  passe  même  pour  assez 
bonne. 


LES   ÉDENTÉS, 


Mî U  V 1 1<] M !<:   OliDKE    DKS    MAMMIPi-RKS. 


— i\i^  11,    "\^T 


Ils  formeiil  le  dernier  ordre  des  inamiiiirères 
()ii}fiiiciilés.  Si  on  en  excepte  les  'lettons,  ils 
manquent  tons  d'indsives  aux  deux  ninchoires; 
<|uek|iiefois  ils  ont  des  cnnines  et  des  molaires, 
•i'juifres  fois  des  molaires   seulement,  et  enlîn 


souvent  ils  n'ont  point  de  dents  dntout;  ils  ont  de     monotrèmes. 


gros  ongles,  embrassant  l'extrémité  des  doigts, 
et  se  rapprochant  plus  ou  moins  de  la  nature 
des  sabots. 

Cet  ordre  renferme  trois  familles,  celle  des 
fardigrades,  celle  des  longirostres,  et  celle  des 


LES  TAHDIGIIADES 


îS'ont  point  d'incisives,  mais  dix-huit  molai- 
res ou  moins;  leur  museau  est  court  ;  et  tous 
leurs  nionvenients  sont  extrêmement  lents. 

t"  GiNRE.  Les  ACHÉES  (  Arlieua,  Fk.  Clv.  ) 
manquent  d'incisives  et  de  canines,  et  ont  dix- 


huit  molaires  tontes  en  forme  de  cylindre,  dont 
l'extrémité  est  creusée,  tandis  que  le  rebord 
est  formé  d'une  substance  plus  dure;  ils  ont  trois 
doigts  complets  à  chaque  pied  ,  et  leurs  bras 
sont  deux  fois  plus  longs  qne  leurs  jaml)es. 


L'aï  (  Aclieusai,  Fr.  Cuv.  Bradijpus  iridactijlns,  Lin. — Dksm,  L'Ai  de  Buff. 
Le  Paresseux  des  voyageurs). 

Cet  animal  extraordinaire  est  de  la  grandeur  d'un  chat  ;  son  front  est  saillant, 
comme  tronqué  en  avant;  son  pelage,  grossier  et  ressemblant  à  du  foin  sec, 
est  d'un  gris  brunâtre,  souvent  tacheté  de  blanc  sur  le  dos,  ot'i  régne  le  plus 
ordinairement  une  large  tache  jaune  ou  orangée,  traversée  par  une  ligne  noire 


.OR  E  v-1.   t  f^-T  .         LC  IC 


VUE    INTERIEURE    DE    LA    GRANDE:    SERRF 


J  «  r  rt  1  n      .Ut      H  1 


TAUDICKAhKS.  3S1 

longiludinale.  Il  a  plusieurs  variétés  assez  rcinarquahles,  dont  l'une,  r.4t  à  col- 
lier, est  regardée  par  ïemininck  comme  espèce;  les  autres  sont  :  VAï<los  bmié, 
VAi  à  face  jaunr,  VAi  à  collier  noir  et  VAï  (jris  contre. 

Cet  animal  a  été  j)our  presque  tous  les  naturalistes,  sans  en  excepter  BufFon 
et  Georges  Cuvier,  un  sujet  d'erreur  la  plus  complète,  parce  que,  malgré  leur 
excellente  critique,  ils  se  sont  laissé  inlluencer  par  les  contes  absurdes  des 
anciens  voyageurs,  et  i)eut-ètre  aussi  jiar  des  opinions  préconçu(;s.  Ecoutons 
d'abord  Butîon  :  «  Nous  disons,  pour  revenir  à  nos  deux  animaux  (  l'aï  et 
l'unanK  qu'autant  la  nature  nous  a  paru  vive,  agissante,  exaltée  dans  les  sin- 
ges, autant  elle  est  lente,  contrainte  et  resserrée  dans  ces  paresseux;  et  c'est 
moins  paresse  que  misère,  c'est  défaut,  c'est  dénûment,  c'est  vice  dans  la 
conformation;  point  de  dents  incisives  ni  canines  ;  les  yeux  obscurs  et  couverts, 
la  mâcboire  aussi  lourde  qu'épaisse,  le  poil  plat  et  semblable  àde  l'berbesécbée, 
les  cuisses  mal  emboîtées  et  presque  bors  des  bancbes,  les  jambes  trop  courtes, 
mal  tournées  et  encore  plus  mal  terminées;  point  d'assiette  de  pieds,  point  de 
pouces,  point  de  doigts  séparément  mobiles;  mais  deux  ou  trois  ongles  excessi- 
vement longs,  recourbés  en  dessous,  qui  ne  peuvent  se  mouvoirqu'ensemble,  et 
nuisent  plus  à  nuu'cber  qu'ils  ne  servent  à  grimper;  la  lenteur,  la  stupidité, 
l'abandon  de  son  être,  et  même  la  douleur  babiluelle  résultant  de  cette  confor- 
mation bizarre  et  négligée  ;  point  d'armes  pour  attaquer  ou  se  défendre;  nul 
uu>yen  de  sécurité,  pas  même  en  grattant  la  terre;  nulle  ressource  de  salut 
dans  la  fuite  :  conlinés,  je  ne  dis  pas  au  pays,  mais  à  la  motte  de  terre,  à  l'arbre 
sous  lequel  ils  sont  nés,  prisonniers  au  milieu  de  l'espace;  ne  pouvant  parcourir 
qu'une  toise  en  une  beure,  grimpant  avec  peine,  se  traînant  avec  douleur,  une 
voix  plaintive  et  par  accents  entrecoupés,  (|u'ils  n'osent  élever  que  la  nuit  :  tout 
annonce  leur  misère,  tout  nous  rappelle  ces  monstres  par  défaut,  ces  ébauches 
imparfaites  mille  fois  projetées,  exécutées  par  la  nature,  qui,  ayant  à  peine  la 
faculté  d'exister,  n'ont  dû  subsister  qu'un  temps,  et  ont  été  ensuite  efl'aces  de  la 
liste  des  êtres.  »  Pour  achever  ce  triste  portrait,  Bulïon  ne  manque  pas  de  ré- 
péter i\\uî  ces  animaux,  après  avoir  mangé  toutes  les  feuilles  «l'un  arbre,  se 
laissent  tomber  au  risque  de  se  briser  les  os,  etc. ,  etc.  Enlin  il  ajoute  que  «  ce 
sont  peut-être  les  seuls  que  la  nature  ait  maltraités,  les  seuls  cpii  nous  oflVent 
l'image  de  la  misère  innée.  » 

Cuvier,  imbu  de  toutes  ces  idées,  mais  plus  analomiste  que  BulVon,  après 
nous  avoir  dit  que  la  nature,  en  créant  ces  animaux,  semble  avoir  voulu  s'amu- 
ser à  produire  quelque  chose  d'imparfait  et  de  grotesque,  cherche  a  trouver  la 
cause  de  ces  misères  prétendues  dans  leur  organisation.  «  Leurs  doigts  sont 
reunis  ensemble  par  la  peau,  dit-il,  et  ne  se  marqueut  au  dehors  (pu*  par 
d'énormes  ongles  com|)rimés  et  crochus,  toujours  llecbis  vers  le  <ledans  de  la 
main  ou  la  plante  du  pied.  Leurs  pieds  de  derrière  sont  articulés  obliquement 
sur  la  jambe,  et  n'api)uient  que  par  le  bord  externe  ;  les  phalanges  de  leurs 
doigts  sont  articulées  par  des  gynglymes  serrés,  et  les  premières  se  sondent,  à 
un  certain  âge.  aux  os  du  métacarpe  ou  du  métatarse  ;  ceux-ci  Unissent  à  se 
souder  ensemble  faute  d'usage.  A  cette  incommodité,  dans  l'organisation  des 
extrémités,  s'en  joint  une  non  moins  grande  dans  leur  proportion.  Leurs  bras  et 
leursavant-brassontbeaucouppluslongsqueleurscuissesetleursjambes,  en  sorte 


:)8-2  LES  E  DENT  ES. 

(|iie,  (jiiand  ilsmnrclient,  ils  sont  obligés  dese  traîner  sur  leurs  coudes  ;lein-|»assin 
est  si  large  et  leurs  cuisses  tellement  dirigées  sur  le  côté,  qu'ils  ne  peuvent 
l'approcher  les  genoux.  Leur  démarche  est  l'elîet  naturel  d'une  structure  aussi 
disproportionnée.  Ils  se  tiennent  sur  les  arbres  et  n'en  quittent  un  qu'après 
l'avoir  dépo-uillé  de  ses  feuilles,  tant  il  leur  est  pénible  d'en  gagner  un  autre; 
on  assure  même  qu'ils  se  laissent  tomber  de  leur  branche  poui'  s'éviter  le  travail 
d'en  descendre.  » 

Nous  allons  maintenant  faire  l'histoire  vraie  de  l'aï,  et  ce  sera  une  réfutation 
complète  de  tout  ce  qu'ont  avancé  les  célèbres  naturalistes  que  je  viens  de 
citer. 

L'aï  est  très-commun  au  Brésil,  à  Cayenne,  à  la  Nouvelle-Espagne,  et  géné- 
lalement  dans  toute  l'Amérique  intertropicale.  Il  habite  exclusivement  sur  les 
arbres,  dans  les  forêts  composées  d'ambaïba  (  Cecmpia  prltnin)  dont  les  feuilles 
font  sa  principale,  et  peut-être  son  unique  nourriture.  Il  parcourt  les  forêts  en 
passant  d'un  arbre  à  l'autre  par  les  branches;  lisait  parfaitement  profiter,  pour 
cela,  du  vent  qui,  en  les  agitant,  met  leurs  rameaux  en  contact,  et  il  saisit  avec 
beaucoup  d'agilité  ce  moment.  Jamais;  si  ce  n'est  |)ar  force  ou  par  accident, 
cet  animal  ne  descend  à  terre,  où  il  n'a  rien  à  faire  ;  il  lui  serait  donc  tout  à  fait 
inutile  de  pouvoir  y  marcher;  aussi  la  nature  lui  a-t-elle  refusé  cette  faculté, 
comme  elle  l'a  refusée  aux  orangs  et  à  quelques  autres  singes  éminemment 
grimpeurs,  et  devant  passer,  ainsi  que  lui,  toute  leur  vie  sur  les  arbres.  Et 
pourtant,  c'est  sur  des  individus  arrachés  à  leurs  forêts,  à  leurs  habitudes,  pla- 
cés sur  la  terre  plate,  que  les  naturalistes  ont  décidé  que  l'aï  était  d'une  lenteur 
excessive,  et  qu'il  lui  fallait  une  heure  pour  parcourir  la  distance  de  deux  mè- 
tres, ce  qui  est  d'ailleurs  une  grande  exagération.  L'aï,  sur  la  terre,  est  en  elfel 
obligé  (le  se  traîner  avec  peine  sur  ses  coudes,  à  cause  de  la  longueur  de  ses 
jambes  antérieures,  mais  cela  n'empêche  pas  qu'il  ne  grimpe  sur  les  arbres,  si- 
non avec  une  grande  agilité,  du  moins  avec  une  extrême  facilité.  MM.  Quoy  et 
Gaimard  ont  eu  vivants  i)endant  quelques  jours,  sur  le  vaisseau  rUrcnne,  deux 
de  ces  animaux,  et  ils  ont  observé  qu'il  faut  beaucoup  rabattre  de  la  lenteur 
qu'on  leur  attribue.  «  Tout  l'équipage  a  vu  l'aï  monter  en  vingt-cinq  minutes 
du  gaillard  d'arrière  au  haut  du  grand  mât;  il  parvint  successivement,  en  moins 
de  deux  heures,  au  sommet  de  tous  les  mâts,  en  allant  de  l'un  à  l'autre  par  les 
étais.  Une  autre  fois,  étant  descendu  par  l'échelle  du  gaillard  d'arrière  et  tou- 
chant l'eau  par  une  de  ses  pattes,  il  s'y  laissa  volontairement  tomber,  et  nagea 
aisément,  la  tète  élevée.  »  Nous  remarquerons  en  outre  que  cet  animal  est  tout 
à  fait  nocturne,  qu'il  ne  jouit  de  tout  le  développement  de  ses  facultés  que  la 
nuit,  et  que  ces  observations  ont  été  faites  le  jour.  Sur  la  terre,  pendant  l'obscu- 
rité, il  marche  de  la  même  manière  que  les  chauves-souris,  et  d'un  mouvement 
assez  vif. 

Cherchons  si  son  organisation  est  aussi  malheureuse  qu'on  le  dit,  quand  on  la 
considère  dans  ses  rapports  avec  les  habitudes  de  l'animal  ;  nous  verrons  qu'au 
contraire,  loin  d'être  un  mal  pour  lui,  cette  organisation,  qui  paraît  si  informe 
et  si  bizarre,  est  un  bienfait  de  la  nature.  L'ai  ne  se  tient  pas  sur  les  branches 
ainsi  que  le  font  les  singes  et  les  écureuils,  mais  par-dessous,  et  le  corps  sus- 
pendu par  les  quatre  pattes  ;  qu'il  marche,  (|u'il  mange,  qu'il  dorme,  il  ne  quitte 


iAllDlGUADES.  :is:\ 

jiimais  cclk'  attiUidc,  (jiii  |)uur  ces  animaux  est  celle  du  repos,  à  cause  de  l'ex- 
lième  [uédominance  que  leurs  muscles  fléchisseurs  ont  sur  les  extenseurs. 
Leurs  gros  ongles  ar(|ués,  embrassant  toute  l'extrémité  des  doigts  et  naturelle- 
ment recourbés  vers  la  paume  de  la  main,  les  |)lialanges  de  leurs  doigts  soudées 
au  métacarpe  et  au  métatarse,  ceux-ci  qui  s'ossilient  de  manière  à  ne  former, 
a  un  certain  âge,  qu'une  seule  pièce,  tout  cela  leur  donne  une  puissance  d'ac- 
crocliement,  si  je  i)uis  me  servir  de  cette  expression,  qui  rend  pour  eux  fort 
couniiode  une  position  intolérable  pour  tout  autre  animal.  Leurs  jambes, 
écartées  par  l'énorme  largeur  de  leur  bassin  ou  quelquefois  par  de  longues  cla- 
vicules, leur  permet  d'embrasser  les  grosses  branches  sans  la  moindre  fatigue; 
la  paume  des  mains  et  des  pieds,  articulés  obliquement,  leur  permet  de  poser 
les  pattes  à  plat  sur  les  côtés  des  branches  qu'ils  embrassent;  leur  cou,  com- 
posé de  neuf  vertèbres  (ce  qui  est  unique  parmi  les  mammifères),  leur  per- 
met d'allonger  la  tète,  de  la  tourner  dans  tous  les  sens  pour  saisir  les  feuilles 
sur  les  rameaux  à  distance;  l'axe  de  la  tête  étant  le  même  que  celui  de  la  co- 
lonne vertébrale,  la  bouche  regarde  en  haut  quand  l'animal  est  debout,  ce  ([ui 
dispense  les  aïs,  lorsqu'ils  sont  suspendus,  de  relever  la  tète  par  un  eflbrt 
umsculaire  soutenu  ;  ils  broient  les  feuilles  avec  des  dents  parfaitement  adaptées 
a  cet  usage;  leurs  poils,  plats  et  grossiers,  ressemblant,  par  la  forme  et  la  cou- 
leur, à  de  l'herbe  desséchée  ou  de  la  mousse,  les  dérobent  à  la  vue  des  animaux 
carnassiers  et  des  oiseaux  de  proie  (pii  pourraient  les  attaquer  En  cas  de  chute, 
ils  ont  une  force  de  vitalité  cent  fois  plus  considérable  qu'un  chat  ;  et  tout  cela 
ils  le  doivent  à  une  organisation  que  G.  Cuvier  appelle  imparfaite  et  grotes(pie, 
it  Bulfon,  misérable,  faute,  par  ces  naturalistes,  d'avoir  connu  les  habitudes  et 
les  besoins  de  ces  singuliers  animaux.  S'il  m'était  permis,  dans  un  ouvrage 
du  genre  de  celui-ci,  d'entrer  dans  de  plus  grands  détails  anatomiques,  on  ver- 
rait (pi'il  n'est  pas  une  de  leurs  prétendues  imperfections  qui  ne  soit  une  preuve 
irrécusable  de  la  haute  sagesse  qui  a  présidé  à  la  création. 

L'ai,  qui  jusqu'à  ce  jour  n'a  été  étudié  que  dans  des  lieux  et  des  circonstan- 
ces pour  lesquels  la  nature  ne  l'a  point  créé,  vit  au  fond  des  plus  sombres  fo- 
rêts, où  la  hache  de  l'homme  n'a  pas  encore  établi  de  clairière;  il  est  doux, 
tout  à  fait  inoffensif,  et  paraît  peu  intelligent  par  la  raison  qu'il  a  peu  de 
besoins;  solitaire  sur  l'arbre  qui  le  nourrit,  il  y  passe  une  partie  de  sa  vie,  et  ne 
pense  à  le  quitter  que  lorsqu'il  en  a  dévoré  toutes  les  feuilles.  ((  11  marche  d'un 
bon  pas,  dit  le  voyageur  anglais  Watlerton,  et  si,  comme  moi,  vous  l'aviez  vu 
passer  d'un  arbre  à  l'autre,  vous  ne  seriez  plus  tenté  de  lui  donner  injustement 
la  qualification  de  paresseux.  »  S'il  ne  peut  passer  sur  un  autre  arbie  au  moyen 
de  l'enlre-croisement  des  branches,  il  ne  se  laisse  pas  tomber,  comme  on  l'a 
dit,  mais  il  en  descend  fort  bien,  en  (pielques  minutes,  et  se  traîne  sur  la  terre 
aussi  vite  qu'il  le  peut  pour  en  regagner  un  autre.  Si  on  le  sur|)reud  dans  ce 
moment,  il  s'arrête,  et  cherche  à  se  défendre  comme  il  le  peut;  pour  cela,  il 
s'assied  sur  son  derrière  et  joue  des  bras  de  devant,  l'un  après  l'autre,  absolu- 
ment comme  un  aveugle  (lui  chercherait  à  enlacer  de  son  bras  un  objet  qu'il 
ne  verrait  pas,  ou  plutôt  comme  une  mécanique.  S'il  |>arvient  a  saisir  le  bâton 
dont  on  le  frappe,  ou  tout  autre  objet,  il  le  serre  contre  sa  poitrine  avec  une 
telle  force,  qu'il  est  fort  difficile  de  le  lui  arracher,  et  il  ne  le  lâche  qu'en  mou- 


:m 


LES  ÉDENTÉS. 


raiit;  dans  la  joie  comme  dans  la  douleur,  il  fait  entendre  le  cri  a-ï  (|ui  lui  a 
valu  son  nom,  mais  il  reste  silencieux  tant  qu'il  n'est  pas  agité  par  une  passion. 
La  femelle  ne  fait  qu'un  petit  qu'elle  soigne  avec  la  plus  grande  tendresse.  Elle 
met  bas  non  pas  sur  terre,  mais  sur  un  lit  de  mousse  qu'elle  établit  à  la  bi- 
finxation  de  deux  ou  trois  grosses  brandies.  Au  bout  de  quelques  jours  les 
ongles  du  petit  se  sont  assez  raflermis  pour  qu'il  puisse  s'accrocher  au  dos  de 
sa  mère,  où  il  est  suspendu,  connue  elle  l'est  elle-même  aux  branches  qu'elle 
parcourt.  Ces  animaux  ont  la  vie  exlraordinairement  dure,  et  on  ne  parvient  à 
les  faire  tomber  de  l'arbre  où  ils  s'accrochent  qu'après  leur  avoir  tiré  plusieurs 
coups  de  fusil.  Ils  remuent  encore  pendant  plus  d'une  heure  après  qu'on  leur  a 
arraché  le  cœur  et  les  entrailles.  «  Le  voyageur  de  Lalande,  dit  Desmoulins, 
aidé  de  son  domesti(|ue,  a  inutilement  essayé  pendant  une  demi-heure  d'étran- 
gler un  aï  avec  une  corde  grosse  comme  le  doigt;  l'animal  ne  cessait  d'étendre 
et  de  ramener  ses  bras  en  crochets  sur  la  poitrine  par  intervalles,  ce  qu'il  fit 
encore  plusieurs  heures  au  fond  d'un  tonneau  d'alcool,  où  on  le  tint  ensuite 
submergé.  » 

Ces  animaux,  pris  jeunes,  s'apprivoisent  aisément,  mais  sans  jamais  s'atta- 
cher. On  les  nourrit  de  pain  et  de  lait,  et  de  quelques  espèces  de  feuilles  que 
l'expérience  apprend  a  connaître.  Ils  ne  boivent  jamais,  et  se  reculent  même  de 
l'eau  qu'on  leur  présente  avec  un  dégoût  très-marqué.  Transportés  dans  nos 
climats,  ils  ne  vivent  pas  longtemps,  parce  qu'ils  craignent  excessivement  le  froid 
et  rhumidilé. 


2e  Genbe.  Les  BRADYPES( /?rarf(//)i(.s,  Liiv.) 
dilîèront  des  aïs  par  une  foule  de  caractères 
;matonii(jue.s,  dont  voici  les  plus  saillanls;  ils 
ont  dix-huil  dénis,  savoir  :  deu\  canines  en  haut 
et  en  l)iis,  aiguës  et  plus  longues  que  les  molai- 
res ;  Iniit  molaires  supérieures  et  six  inférieures, 
toutes  cjlindriques.  Leurs  jambes  antérieures 
sont  tri  s-grèles,  d'un  cinquième  plus  longues 
que  les  postérieures  ;  leur  tète  est  petite,  arron- 
die ;  leurs  pieds  n'ont  que  deux  doigts,  réunis 


et  terminés  par  deux  griffes  fortes  et  croclim  s 
L'LI^Al]  {Bradypiis  didadiilus.  Lin. —  Desm. 
L'Liiaii  de  Bli'f.  et  (1.  Ctv.  )  est  de  moitié  plus 
grand  «pie  l'iiï,  au(|uel,  du  reste,  il  ressemble 
beaucoup  ;  sa  lace  esl  obli()ue  ;  son  pelage  est 
d'un  gris  lirun  uniforme,  qui  prend  queUpiefois 
une  teinte  roussàlre.  11  habite  les  mêmes  con- 
trées que  l'aï,  et  lui  ressemble  tellement  en 
tout,  que  faire  l'Iiistoire  de  l"un,  c'est  taire  l'his- 
toire de  l'autre. 


AMPHITHEATRE  D'ANATOMIE  CCMt-ARSE. 

(  J>r.l  I  11     Je*     HU  nir  ■*.  ) 


LONGIUOSTRES. 


385 


LES  LONGIROSTRES 


Ont  le  museau  allongé,  les  membres  à  peu 
piès  égaux;  les  uns  n'ont  pas  de  dents  du  tout; 
d'autres  ont  des  molaires  seules  ;  d'antres  en- 
core ont  des  incisives  et  des  molaires;  ces  der- 
nières sont  au  nombre  de  vingt-six  à  quatre- 
vingt-seize. 

ô^Gemie.  Les  TATOUS  (  Dasijpiis,  Lin.  )  ont 
trenfe-buit  dents,  savoir  :  deux  incisives  en  b.uit 
et  quatre  en  bas;  point  de  canines;  seize  mo- 
laires supérieures  et  seize  inférieures;  tontes 
les  dents  sont  sans  racines  ;  la  langue  est  peu 


extensible  ;  la  tète,  le  corps  et  la  queue  sont 
recouverts  d'un  test  dur  et  écailleux,  à  petits 
compartiments  semblables  à  des  pav('s  ;  ce  test, 
ou  carapace,  est  composé  de  plusieurs  pnriies: 
un  bouclier  sur  le  front,  un  second  bouclier 
arrondi  sur  les  épaules,  un  autre  semblable  sur 
la  croupe,  et  des  bandes  mobiles  transversales, 
plus  ou  moins  nombreuses,  entrelesdeux.  Quel- 
quefois tous  leurs  pieds  ont  cinq  doigts ,  tous 
armés  d'ongles  robustes.  Tous  les  animaux  de 
ce  genre  sont  doux  et  inoffensifs. 


Le  TATOU-POYOUou  ETiCOVBERT  [Dasiiims ciicotihcrl ,  Dksm.  Dasuptis  scxcuictus 
cl  Dasypus  oclodccintcinctiis,  Lin.  Le  Talon  à  six  bandes,  G.  Cuv.  L'Enconberl 
cl  le  Cirtiuinçou  de  Buff.  ). 

Ce  singulier  animal  a  la  lèle  large,  aplalie  et  triangulaire,  recouverte  d'un 
bouclier  osseux,  comme  tout  le  dessus  <ln  corps ,-  la  cuirasse  qui  lui  couvre  le 
dos  est  composée  de  six  à  sept  bandes  mobiles,  formées  de  pièces  grandes, 
rectangulaires,  lisses,  plus  longues  que  larges;  sa  queue  est  longue  comme  la 
moitié  de  son  corps,  ronde,  portant  des  anneaux  osseux  seulement  à  sa  base  ; 
ses  oreilles  sont  assez  longues;  son  bouclier  postérieur  est  dentelé  en  scie;  les 
parties  non  écailleuses  de  son  corps  sont  garnies  de  poils  blancbàtres,  assez  longs 
et  assez  fournis;  tous  ses  pieds  ont  cin(|  doigts  munis  d'ongles  médiocres;  il  a 
deux  mamelles  pectorales. 

49 


38C  l.i:S   É  DE  NT  Es. 

I.e  laloii-poyou  habite  l'Amérique  méridionale  et  est  assez  commun  au  Para- 
guay. Nous  nous  étendrons  peu  sur  son  liistoire,  parce  qu'elle  est  exactcmeni 
la  même  que  celle  des  animaux  composant  les  genres  priodonte  et  tatusic,  qui 
ont  été  séparés  des  tatous  par  Fr.  Cuvier.  Tous  ces  animaux  sont  exclusivement 
«les  parties  chaudes  de  l'Amérique.  Leur  chair  est  assez  bonne  à  manger,  mais 
il  paraît  que  celle  des  petites  espèces  est  plus  délicate  que  celle  des  grandes,  et 
que  celle  de  l'encoubert  est  la  moins  estimée  de  toutes.  Quoi  qu'il  en  soit,  on 
leur  fait  une  chasse  assez  active. 

Ces  animaux  ont  tous  plus  ou  moins  la  faculté  de  se  rouler  en  boule,  à  peu 
prés  comme  notre  hérisson,  et  dans  cet  état  ils  présentent  à  leurs  ennemis  la 
cuirasse  dure  qui  les  recouvre;  mais  comme  tous  ne  sont  pas  également  bien 
armés,  et  qu'il  existe  des  vides,  surtout  dans  cette  attitude,  entre  les  boucliers  et 
les  bandes  du  dos,  la  dent  des  animaux  carnassiers  trouve  aisément  un  passage, 
cl  leurs  armes  défensives  ne  leur  servent  pas  à  grand'chose.  Le  tatou-poyou  ne 
jouit  pas,  à  un  aussi  haut  point  que  les  autres,  de  la  faculté  de  se  mettre  en 
boule,  mais  il  peut,  quand  il  est  menacé  d'un  danger,  s'aplatir  contre  la  terre, 
dont  il  a  un  peu  la  couleur,  au  point  de  disparaître  aux  yeux  de  ses  ennemis, 
parce  qu'alors  il  ne  ressemble  plus  qu'à  une  légère  inégalité  du  sol.  Celui  qui  a 
vécu  à  la  ménagerie  était  craintif,  nocturne,  cherchait  toujours  à  se  cacher,  et, 
dans  ce  but,  il  aplatissait  son  corps  de  façon  à  présenter  trois  fois  plus  de  lar- 
geur que  de  hauteur.  Sa  voix  était  une  sorte  degrognement,  qu'il  faisait  surtout 
entendre  lorsqu'on  le  contrariait,  et  il  courait  avec  beaucoup  de  vitesse.  Ces 
animaux  sont  très-inoffensifs,  n'attaquent  jamais  les  êtres  plus  faibles  qu'eux,  et 
cependant  ils  ne  répugnent  i)as  à  se  nourrir  de  lambeaux  de  cadavre  quand  ils 
en  trouvent  ;  leur  nourriture  habituelle  consiste  en  fruits,  en  légumes  et  en 
racines,  qu'ils  savent  fort  bien  déterrer  en  fouillant  la  terre  avec  leur  nez,  à  la 
manière  des  cochons.  Ils  habitent  des  terriers  qu'ils  se  creusent,  les  uns  dans 
les  savanes  humides,  et  les  grandes  espèces  sur  le  penchant  des  collines  sèches 
et  arides.  Us  creusent  la  terre  avec  une  telle  vitesse,  que,  sous  ce  rapport,  ils 
ne  peuvent  être  comparés  qu'à  la  taupe.  Ne  pouvant  ni  courir  bien  vite  (  si  l'on 
en  excepte  l'encoubert),  à  cause  de  la  brièveté  de  leurs  jambes,  ni  sauter,  ni 
grimper  sur  les  arbres,  ils  n'ont  de  ressource,  pour  échapper  au  danger,  que 
de  se  jeter  dans  leur  terrier;  s'ils  sont  poursuivis  de  trop  prés,  et  qu'ils  n'aient 
pas  le  temps  de  gagner  leur  retraite,  ils  se  mettent  à  creuser,  et  pour  peu  que 
le  chasseur  soit  à  cinquante  ou  soixante  pas  d'eux,  ils  ont  déjà  disparu  sous  la 
terre  lorsqu'il  arrive.  Si  leur  queue  paraît  encore  en  dehors  et  qu'on  la  saisisse, 
ils  se  cramponnent  avec  tant  de  force  dans  leur  trou,  qu'on  la  leur  casse  plutôt 
((ue  de  les  en  arracher  ;  daus  ce  cas,  on  est  obligé,  sans  les  lâcher,  d'ouvrir  le 
terrier  eu  avant,  et  on  les  a  ainsi  sans  les  mutiler.  Lorsqu'ils  sont  tout  à  fait 
enfoncés  dans  un  terrier  profond,  on  ne  peut  les  en  faire  sortir  qu'en  les 
inondant  d'eau,  ou  en  les  enfumant.  Aussitôt  qu'ils  sont  pris,  ils  se  roulent  en 
boule,  et  pour  les  faire  étendre  on  les  jette  dans  l'eau  ou  on  les  place  devant  un 
l'eu  un  peu  vif. 

On  dit  (pie  pendant  une  grande  partie  de  l'année  ces  animaux  restent  dans 
leur  terrier  sans  en  sortir.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  certain,  c'est  qu'ils  s'y  tiennent 
pendant  tout  le  j<»ur,  et  qu'ils  n'en  sortent  que  la  nuit  pour  aller  chercher  leur 


LONGir.OSTIlES. 


:J87 


noiirriUire.  Gnmilla  prétend  (Hip  la  renicllc  niel  bas  tous  les  mois,  et  (jik;  chaque 
luis  elle  t'ait  qualie  itetits;  il  l'aul  que  cela  soit,  car  on  chasse  conliiniellenienl 
ces  animaux,  soit  au  fusil,  avec  des  chiens,  soil  aux  pièges,  et  le  nombre  ne 
parait  [)as  en  èlre  beaucoup  diminué.  Pour  cette  chasse  on  emploie  nne  race  de 
petits  chiens  (jui  les  poursuivent  avec  acharnement,  el  rarement  le  tatou  lein- 
échappe,  à  moins  (lu'il  ne  se  trouve  à  proximité  d'une  roche  escarpée  ou  d'un 
ravin;  dans  ce  cas,  il  s'approche  du  bord,  se  contracte  en  boule,  et  se  laisse 
roulei-  au  fond  du  piecipice  sans  le  moindre  danger,  grâce  aux  écailles  ([ui  le 
défendent. 

On  a  dit  que  les  tatous  vivaient  en  société  amicale  avec  les  serpents  à  sonnet- 
tes, et  qu'ils  n'en  craignent  pas  la  morsure  ;  que  leur  graisse,  leurs  écailles  calci- 
nées, avaient  des  propriétés  admirables  en  médecine  :  mais  tous  ces  vieux  con- 
tes, avancés  par  Ménard,  Ximénès  et  d'autres,  sont  complètement  tombés  en 
désuétude. 


4MibMiE.  Les  PRIODOXTES  {Priodanlc.", 
I"r.  Cuv.  )  ont  quatro-viiigl-dix-luiit  dents,  sa- 
voir: point  d'incisives;  point  de  canines;  cin- 
qnante  molaires  à  la  niàdioiie  siipc'rieure,  et 
quaranle-liuit  à  l'inférieure,  pour  l'ordinaire, 
carce nombre  varieunpeud'individii  à  individu. 
Toutes  ont  à  peu  prés  les  mêmes  proportions 
et  sont  plus  ou  moins  comprimées  latéralement  ; 
elles  sout  divisées  longitudiualemeut  dans  leur 
milieu  par  une  partie  plus  claire  et  demi-trans- 
pareule;  ils  ont  deux  mamelles  pectorales,  ciuc] 
doigts  aux  pieds  de  devant,  et  tous  les  autres 
caractères  des  genres  précédents  et  suiNants. 

Le  Tatou  ^olB  des  bois,  ou  Tatoc  géant 
{Priodontes  gigauleus,  Fit.  Cuv.  Dasypiis  f/i- 
gus,  Fil.  Cuv.  Dasiipits  gigas,  G.  Cuv.  IJastjpus 
giganti'iis,  Dtsji.  Le  Deiixihne  habaïU'Ou  de 
Blff.  Le  Grand  7'((/o?j  d'.AZAiiA  )  a  quelquefois 
plus  de  trois  pieds  de  longueur  (0,975),  non 
compris  la  queue,  qui  est  ronde,  longue  d'un 
pied  et  demi  (0,4«ï),  et  recouverte  d'écaillés 
ind)riquées  comme  des  tuiles  ;  ta  tète,  propor- 
tionnellement plus  petite  que  dans  tes  armn- 
diltes,  est  l)Iancli;itre,  avec  le  nuiseau  long  et  les 
oreilles  assez  petites;  la  cuirasse  se  compose 
de  douze  ou  treize  baudes  mobiles,  à  comparti- 
ments plus  longs  que  larges  ;  le  tlauc  et  la  queue 
sont  blaucliàlres  comme  la  tète,  le  reste  du 
corps  est  noirâtre.  Il  habite  le  l'araguay  et  vit 
dans  les  bois. 

Se  Ge:\re.  Les  AUMADILLES  (  Tntnsin,  Fii. 
Cuv.)  ne  diffèrent  des  deux  genres  précédents 
que  par  leur  système  deutaire;  elles  ont  trente- 
quatre  dents,  savoir:  point  d'incisives;  point 
de  canines;  dix-liuit  molaires  en  liant  et  seize 
en  tjas.  Les  unes  ont  quatre  doigis  aux  pieds  de 
devant,  les  autres  cinq. 

Le  l\LvTACO  (  Ttttusia  aixir,  Less.  Dastjpus 
apar,  Desm.  Dasijpiis  tririnrlus,  Lim.  Le  Talon 
opar,  de   Biff.  Le  Tatou  à   fcoi.s   baudes,  de 


(i.Cuv.  Le  l'atoii  upara,  de  Margh.)  est  d'une 
médioci'e  grandeur  ;  sa  tète  est  ()t)longue,  son 
museau  pointu,  ses  oreilles  médiocres,  sa  queue 
très-courte  et  a|)lalie;  sa  cuirasse  se  compos(? 
de  trois  t);indes  mobiles;  ses  compartiments 
sont  régulièrement  tuberculeux  ;  il  a  treize  ran- 
gées de  plaques  polygones,  d'une  couleur  ilom- 
l)éc,  sur  le  bouclier  de  la  croupe  ;  ses  pieds 
sont  assez  faibles,  et  il  a  deux  mamelles  pecto- 
rales ;  ses  poils  sont  bruns.  11  jouit  de  la  faculté 
de  se  rouler  eu  boide  com[)lèle  en  renfermant 
sa  tète  et  ses  pieds  entre  ses  boucliers.  Il  fouille 
la  terre  dilficilement.  On  le  trouve  au  Tucuman, 
dans  la  république  Argentine,  et  surtout  aux 
environs  de  Buénos-A\res. 

L'AlIJIADlLl.E  A  yUATltE   BAM)i:S  {Tulil^ia    (/il(l- 

driiiiiiti',  Less.  Uasiipiis  qiiadricindiis.  Lin.) 
n'est  connue  que  par  la  courte  phrase  de  Lin- 
né, que  voici  :  quatre  rangées  d'écaillés  osseu- 
ses. Comme  le  pensait  le  naturaliste  suédois 
lui-même,  ce  n'est  sans  doute  qu'une  variété  de 
l'espèce  précédente.  Sa  patrie  est  incoiinne. 

Le  Peua  ou  AiATOi;iiTLi  (l'ainsia  luba,  Less. 
Dasijpiis  pela,  Desm.  Dasiiptis  noncinciiirtiis, 
ortoiinrtiis,  cl  scpleincincliis,  Lu\.  Le  Tatou  à 
vciif  bandes  d(;  G.  Cuv.  Le  Cociiic/iaHie  de  Buf. 
Le  Tatou  noir,  d'Azaiia  )  a  souvent  quinze  pou- 
ces de  longueur  (0,400),  non  compris  la  queue, 
qui  est  de  la  même  longueur,  ronde,  et  annelée 
dans  toute  sou  étendue;  la  cuirasse  est  ordinai- 
rement composée  de  neuf  bandes,  quelquefois 
de  huit  ou  sept,  rarement  de  six,  à  comparti- 
nieuts  rectangulaires;  les  compartiments  des 
boucliers  sont  petits  et  arrondis  ;  tous  sont  iioi- 
nitres.  Il  n'a  que  quatre  doigts  aux  i)ietls  de  de- 
vant ;  ses  oreilles  sont  très-longues,  el  il  a  qua- 
tre mamelles.  11  est  très-couimnn  à  la  Guyane, 
au  l'aiaguay  et  au  Brésil.  11  creuse  très-liabile- 
ment  sou  terrier',  d'où  les  chasseurs  le  retirent  à 
grande  peine  pour  le  manger. 


388 


LES  ÉDENTÉS. 


Le  MnotBiQLA  (  Talusia  hijbiidus,  Less.  Do- 
sypiia  hijbrldiis,  Desm.  Le  Tatou  muUt,  d'Azaua) 
ne  nie  paraît  être  qu'une  variclé  du  précédent; 
il  en  diffère  par  sa  queue  arrondie,  longue 
comme  la  moitié  de  son  corps,  et  par  les  bandes 
de  sa  cuirasse,  au  noinljre  de  cinq  à  sept.  Son 
museau  est  allongé  ;  ses  oreilles  sont  grandes, 
et  ses  jambes  courtes,  il  a  quatre  doigts  au\ 
pieds  de  devant.  11  habile  les  lieux  découverts 
des  pam|)as  de  Buénos-Ayres,  et  il  est  commun 
au  Paraguay. 

LeTATOiAY  {Tntusia  taluaij,  Less.  Dasijpus 
taluati,  Desm.  Annadilla  ufricanuy,  Seha.  Dc- 
sijl)us  nni(iu(lu<,  LI^.  Le  linbassou,  Ikrr.  Le 
Tatou  à  douze  ba)ides,  G.  Ctv.i  devient  fort 
grand  ;  il  a  cinq  doigts  à  tous  les  pieds,  et  quatre 
des  doigts  des  pieds  de  devant  ont  des  ongles 
énormes,  tranchants  à  leur  bord  externe.  Sa 
cuirasse  se  compose  de  douze  à  treize  bandes, 
à  écailles  rectangulaires,  plus  longues  que  lar- 
ges ;  la  queue  est  ronde,  moins  longue  que  la 
moitié  du  corps,  à  tubercules  assez  distants;  la 
tète  est  un  i)eu  bombée,  le  museau  long,  et  les 
oreilles  grandes.  Il  habile  Cavenne,  le  Brésil  et 
le  Paraguay. 

Le  Piciiiï  (  Tatusia  muiuln.  Lkss.  Dasupus 
minutus,  Desm.  h'  Eirnuberl,  de  Fi\.Cl\.)  a  dix 
peuces  (0,271)  de  longueur,  et  cinq  doigts  à  tous 
les  pieds;  sa  cuirasse  se  compose  de  six  à  sept 
bandes  à  plaques  rectangulaires  ;  les  écailles  de 
sa  tète  sont  lisses,  échancrées  sur  les  cotés  au- 
dessus  de  l'cril  ;  le  bouclier  de  la  croupe  est  for- 
tement denté  sur  son  rebord  ;  sa  queue  est 
ronde,  longue  de  presque  la  moitié  du  corps, 
couverte  de  fortes  écailles  disposées  en  an- 
neaux; ses  oreilles  sont  très-petites;  ses  poils 
sont  bruns.  11  habite  les  pampas  de  tout  le  sud 
de  l'Amérique,  depuis  Buénos-A^res  jusqu'au 
détroit  de  Magellan. 

L'Armadille  velle  (  Tatusia  lillosa,  Less. 
Dasiipi  svillosu:!,  Desm.  Le  Tatotiielu,  d  Azara. 
ressemble  beaucoup  au  tatouay,  mais  elle  est 
plus  petite  et  plus  velue.  Sa  longueur  totale  ne 
dépasse  pas  dix-sept  ponces  (0,4G0).  Sa  cuirasse 
se  compose  de  sis  à  sept  bandes,  à  plaques  rec- 
tangulaires; le  bouclier  de  la  croupe  a  posté- 
rieurement des  écailles  aiguës  et  dentelées  ;  la 
queue  est  un  peu  plus  longue  que  le  tiers  du 
corps,  annelée  à  sa  base  ;  la  tête  est  recouverte 
d'écaillés  rudes  ;  tous  les  pieds  ont  cinq  doigts; 
son  ventre  et  ses  pattes  sont  trcs-velus,  à  poils 
bruns  et  très-longs.  Cette  armadille  habile  les 
pampas  de  la  Plata,  et  se  nourrit  souvent  de 
charognes. 


6^  Genre.  Les  CHL.43IYPHORES  (Chiamii- 
phonis,  HAnLA>  )  ont  trente-deux  dents,  savoir; 
point  d'incisives  ;  point  de  canines;  seize  molai- 
res en  haut  et  seize  eu  bas.  Leur  corps  est  cou- 
vert d'un  test  osseux  formé  de  nombreuses  ban- 
des mobiles,  tran»verses,  depuis  la  léte  jusqu'à 
la  queue,  et,  par  conséquent,  ils  n'ont  pas  de 
bouclier  sur  les  épaules  ni  sur  la  croupe,  comme 
les  animaux  des  genres  précédents  ;  leur  lest  est 
tronqué  postérieurement  ;  leur  queue  est  mince  ; 
ils  ont  cinq  doigts  à  tous  les  pieds,  et  ceux  de 
devant  sont  armés  d'ongles  plus  forts  que  ceux 
de  derrière. 

Le  CiiLAMVPiionE  troxqlé  {  Ch'amij]  homs 
trunratus,  IIari..)  a  cinq  pouces  et  quart  (0,  M2i 
de  longueur  totale  ;  les  écailles  de  son  test  sont 
rhomboïdales,  et  s'avancent  sur  sa  tète;  sa 
queue  est  ferme,  appliquée  sur  son  abdomen, 
et  parait  avoir  peu  ou  point  de  mouvement  ;  le 
dessous  de  son  corps  est  garni  de  poils  blancs, 
soyeux,  épais  et  doux  comme  (  hcz  la  taupe.  Cet 
animal  se  trouve  dans  les  Cordillères  du  Chili, 
aux  environs  de  Mcndoce.  Il  se  creuse  avec  beau- 
coup d'agilité  un  terriei'  composé  de  longues 
galeries,  à  la  manière  de  la  taupe,  dont  il  a  tou- 
tes les  habitudes.  Pendant  qu'il  allaite  ses  petits% 
il  les  porte  so;:s  les  rebords  de  son  test  écail- 
leux. 

/•  Genre.  Les  ORYCTEROPES  {Onjiteyo- 
]ns,  Geoff.  )  ont  vingt-six  dents,  savoir  :  point 
d'incisives;  point  de  canines;  quatorze  molai- 
res en  haut  et  douze  en  bas,  toutes  composées 
d  une  grande  quantité  de  petits  cylindres  creux. 
Leur  peau  est  épiiisse,  mais  non  écailleuse,  et 
leur  corps  est  couvert  de  poils  ras;  ils  ont  qua- 
tre doigts  aux  pieds  de  devant,  cinq  à  ceux  de 
derrière,  munis  d'ongles  plats  et  non  tranchants, 
propres  seulement  à  hm\r  ;  leur  langue  est  un 
peu  extensible  ;  ils  ont  la  queue  et  les  oreilles 
longues. 

L'Okvctérope  nu  Cap  ,  ou  Cociiox  de  terre 
(Onjcttropus  cai)ensis ,  Desm.  Mijrmerophaqa 
o/i-a,  Pai.l.  Mip-mecopliaga  rapctisis,  Gml.Ic 
Cochon  df  terre,  Bi  ff.  )  a  trois  pieds  et  demi 
(1,157)  de  longueur,  non  compris  la  queue,  qui 
a  un  pied  neuf  pouces  (0,569).  Son  corps  est 
épais,  ses  jambes  sont  conrtes;  ses  oreilles  ont 
un  peu  plus  d'un  demi-pied  (0,162).  Son  pelage, 
composé  de  poils  roides  comme  des  soies,  est 
d'un  gris  roussàtre.  avec  la  jambe,  l'avant-bras 
et  les  pieds  noirâtres;  sa  queue  est  presque 
blanche.  Cet  animal  a  été  tellement  chassé  par 
les  Hollandais  du  Cap,  qu'il  est  devenu  extrê- 
mement rare  dans  la  colonie. 


Le  cochon  de  terre  habite  les  environs  du  cap  de  Bonne-Espérance  et  vil 
dans  un  terrier.  Le  voyageur  hollandais  Kolbe,  quoiqu'il  ait  dit  beaucoup  de 
choses  hasardées,  a  cependanl  très-bien  connu  cet  animai.  «   Il  se  creuse  un 


LONG[ROSTRES. 


389 


terrier  avec  beaucoup  de  vivacité  et  de  promptitude,  dit-il,  et  s'il  a  seulement 
la  tête  et  les  pieds  de  devant  dans  la  terre,  il  s'y  cramponne  si  bien  que  riiomnic 
le  plus  robuste  ne  saurait  l'en  arracber.  Lorsqu'il  a  faim,  il  va  cbercber  une 
fourmilière.  Dés  qu'il  a  fait  celte  bonne  trouvaille,  il  regarde  autour  de  lui 
pour  voir  si  tout  est  tranquille  et  s'il  n'y  a  point  de  danger  :  il  ne  mange 
jamais  sans  avoir  pris  cotte  précaution.  Alors  il  se  coucbe,  et,  plaçant  son  long 
museau  tout  près  de  la  fourmilière,  il  lire  la  langue  tant  qu'il  peut  :  les  fourmis 
montent  dessus  en  foule,  et  dès  qu'elle  en  est  bien  couverte,  il  la  retire  et  les 
gobe  toutes.  Ce  jeu  recommence  plusieurs  fois,  et  jusqu'à  ce  qu'il  soit  rassasié. 
Afin  de  lui  procurer  plus  aisément  celte  nourriture,  la  nature,  toute  sage, 
a  fait  en  sorte  que  la  partie  supérieure  de  cette  langue  qui  doit  recevoir  les 
fourmis  est  toujours  couverte  et  comme  enduite  d'une  matière  visqueuse  et 
gluante,  qui  empêche  ces  faibles  animaux  de  s'en  retourner  lorsqu'une  fois  les 
pattes  y  sont  empêtrées  :  c'est  là  sa  manière  de  manger.  Il  a  la  chair  de  fort 
bon  goût  et  très-saine  (quoique  exhalant  une  forte  odeur  d'acide  formique). 
Les  Européens  et  les  Hottentots  vont  souvent  à  la  chasse  de  ces  animaux; 
rien  n'est  plus  facile  que  de  les  tuer  :  il  ne  faut  que  leur  donner  un  petit  coup 
de  bâton  sur  la  tête.  » 


8«  Genre.  Les  FUUR:>IILIERS  (.Mijrmecc- 
phagn,  LiK.)  ninnqueuf  absolument  de  dénis  ; 
ils  n'ont  pas  de  euirasse  écaiileuse;  leur  museau 
est  long,  terminé  par  une  petite  houelie;  leur 
mâchoire  inférieure  e.st  presque  rudimentaire; 


leurs  ongles  de  devant  sont  forts  et  tranchants, 
et  varient  en  nombre  selon  les  espèces;  leurs 
oreilles  sont  courtes  ;  leur  langue  est  lrès-e\teii- 
sil)!e  ;  leur  queue  est  longue,  velue,  lâche,  quel- 
(|uefois  nue  et  prenante. 


390 


LES   EDENTF.S. 


L'OUATERI-OUASSA  OUTAMAVOIR  { Mijrmccopliaga  jubalo,  Lin.  — Df.sm.  Le  Tii- 
inaiiiiun-Giiacn  du  Brésil.  Le  Gnoiiroiinti  el  le  Yoquoin  on  ïofioni  du  Pnragiiay. 
[>e  Tamiutoir  de  Buff.  et  de  G.  Cuv.). 

Cetanimal,  de  la  grosseur  d'un  mâtin,  a  quatre  pieds  (1 ,299)  de  longueur,  non 
compris  la  queue,  qui  en  a  trois  (0,975).  Son  corps  est  bas  sur  jambe  proportion- 
nellement à  sa  longueur;  sa  tète  est  fort  mince,  allongée,  et  se  termine  par  un 
long  museau  presque  cylindrique,  et  par  une  bouclie  extrêmement  petite.  Tendue 
d'environ  un  pouce.  Ses  pieds  de  devant  sont  munis  de  quatre  doigts,  et  ceux  de 
derrière  de  cinq  ;  ses  oreilles  et  ses  yeux  sont  très-petits  ;  sa  queue  est  garnie  de 
très-longs  poils.  Son  pelage  est  brun,  avec  une  ligne  oblicjue,  noire,  bordée  de 
blanc  sur  cliaque  épaule.  Ses  pieds  de  devant  sont  blanchâtres,  ceux  de  derrière 
noirâtres. 

En  marchant,  le  tamanoir  s'appuie  sur  une  grosse  callosité  contre  laquelle  il 
tient  replié  le  plus  grand  de  ses  ongles,  et  qui  sert  aussi  de  point  d'appui  à  cet 
ongle  quand  l'animal  saisit  quelque  objet.  Cette  attitude  le  force  à  ne  poser  le 
pied  que  sur  le  côté,  ce  qui  rend  sa  marche  lente,  difficile  et  fort  peu  gracieuse. 
Il  ne  se  promène  guère  que  la  nuit,  et  il  dort  tout  le  jour  dans  un  fourré,  couché 
sur  le  côté,  la  tête  entre  les  jaml)es  de  devant,  rapprochées  et  croisées  avec  celles 
de  derrière,  et  la  queue  étalée  sur  lui.  Comme  il  craint  beaucoup  la  lumière,  si 
un  accident  le  contraint  à  sortir  de  sa  retraite  pendant  le  jour,  en  marchant  il  a 


LONGIKOSTULS.  391 

niiuul  soin  (l(;  relever  sa  (|iieiie  sur  son  clos,  et  avec  sou  pauache  il  se  fait  uue 
sorte  (le  parasol  qui  le  garantit  des  rayons  du  soleil.  Sa  vie  est  solitaire  et 
triste,  et  jamais  il  n'habite  que  les  lieux  bas  et  humides,  ou  même  inondés; 
qiiehiuefois  aussi  il  pénètre  dans  les  bois  pour  chercher  sa  nourriture,  mais, 
malgré  la  puissance  de  ses  ongles,  il  ne  grimpe  jamais  sur  les  arbres.  Sa  prin- 
cipale nourriture  consiste  en  fourmis  et  en  termites,  mais  il  mange  aussi  d'au- 
tres insectes.  On  sait  que  les  termites  sont  une  sorte  de  fourmis  qui  se  logent 
dans  des  cônes  de  terre,  hauts  ((uelquefois  de  plusieurs  pieds  et  larges  à  pro- 
portion. Ces  habitations  sont  construites  avec  tant  de  solidité,  qu'on  a  souvent 
beaucoup  de  peine  à  les  entamer  avec  une  proche  ou  un  pic.  Quand  le  tamanoir 
a  trouvé  un  de  ces  cônes,  il  en  fait  deux  ou  trois  fois  le  tour  en  l'observant  mi- 
nutieusement; puis,  lorsipi'il  a  reconnu  l'endroit  faible  de  l'édifice,  il  y  fait  un 
petit  trou  avec  les  ongles  de  ses  pieds  de  devant.  Il  applique  le  bout  du  museau 
contre  cette  ouverture,  ou  même  quelquefois  il  l'y  enfonce  plus  ou  moins  pro- 
fondément, jusqu'à  ce  qu'il  ait  rencontré  la  population  pressée  des  termites. 
Alors  il  allonge  une  langue  de  la  grosseur  d'un  tuyau  de  plume  à  écrire,  longue 
de  dix-huit  pouces  (0,487),  et  enduite  dans  toute  sa  longueur  d'une  salive  ex- 
tiêmement  visqueuse  et  gluante  ;  il  la  promène  dans  tous  les  sens,  en  la  tortil- 
lant comme  un  ver  de  terre,  puis,  quand  elle  est  couverte  de  termites  qui  y 
restent  englués,  il  la  retire  tout  à  coup  dans  sa  bouche  et  avale  tous  les  in- 
sectes qui  s'y  sont  pris.  Il  répète  cette  manœuvre  avec  beaucoup  de  prompti- 
tude, jusqu'à  ce  qu'il  ait  entièrement  satisfait  sa  faim.  Il  exécute  la  même 
manœuvre  pour  manger  les  fourmis,  après  avoir  gratté  la  terre  pour  ouvi'ir  la 
fourmilière. 

Tout  dormeur  qu'il  est.  le  tamanoir  ne  laisse  [tas  que  d'être  plein  de  courage, 
et  de  se  défendre  avec  opiniâtreté  quand  on  l'attaque.  Dans  ce  cas,  il  se  dresse 
sur  ses  pieds  de  derrière,  et  cherche  à  s'appuyer  le  dos  contre  un  rocher  ou  un 
tronc  d'arbre;  il  se  couvre  le  corps  avec  la  queue,  et  abrite  son  faible  museau 
en  l'appliquant  contre  sa  poitrine.  Dans  cette  attitude,  il  présente  constamment 
à  son  ennemi  ses  ongles  puissants,  avec  lesquels  il  lui  fait  de  profondes  bles- 
sures. On  dit  qu'il  se  défend  même  contre  le  jaguar,  et  que  si  ce  dernier  a  l'im- 
prudence de  l'aborder  sans  précaution,  le  tamanoir  l'étreint  entre  ses  bras  et 
ne  le  lâche  qu'après  l'avoir  étouffe  ;  ceci  me  paraît  au  moins  douteux.  Quoicpi'il 
en  soit,  cet  animal,  le  plus  grand  des  fourmiliers,  est  extrêmement  robuste  et 
fort  difficile  à  tuer.  S'il  n'est  pas  attaqué,  il  n'en  est  point  de  plus  paisible  et 
de  moins  dangereux.  Quand  on  le  rencontre,  si  on  ne  l'irrite  pas,  on  peut  le 
chasser  devant  soi  et  le  conduire  ainsi  partout  où  l'on  veut  ;  mais  il  faut  avoir 
la  précaution  de  ne  pas  trop  le  presser  poui-  ne  pas  le  fatiguer,  ce  qui  pourrait 
l'impatienter.  Pris  jeune,  il  s'habitue  assez  bien  à  l'esclavage,  et  vit  de  pain  et  de 
petits  morceaux  de  viaiule  ;  il  s'attache  à  son  maître  jusqu'à  un  certain  point; 
mais  sa  tristesse  habituelle  s'accroît  avec  l'âge,  et  ordinairement  il  périt  d'ennui 
peu  de  temps  après  avoir  atteint  l'âge  adulte.  La  femelle  ne  fait  qu'un  petit,  et 
a  pour  lui  le  plus  graïul  attachement  ;  jamais  elle  ne  le  quitte,  et  lorsqu'elle  sort 
de  sa  retraite  pour  aller  chasser  aux  termites,  elle  le  porte  constamment  sur  sou 
dos,  et  passe  même  des  rivières  a  la  nage  avec  sa  précieuse  charge.  Le  tama- 
noir habile  le  Brésil,  la  Guyane,  le  Paraguay  et  le  Pérou. 


392 


LES   ÉDENTES. 


Le  Caïgouabé  ou  Tamandua  IMiirmeropUaga 
tfimanclita,  G.  Cuv.— Desm.  Les  Mtjnnerophaga 
Iridartiila  et  tilrada(tiiln,'ï.\y.  Le  Tomnndua 
de  Bii'F.ct  CiJV.  Le  Petit  Ours  fourmilier  desEs- 
pagnols  )  est  de  inoiti"  moins  grand  que  le  pré- 
cédent, dont  il  a  la  forme  des  ])ieds  ;  sa  queue 
est  presque  ronde,  velue  à  sa  base  et  nue  à  son 
extrémité;  sa  tête  est  cylindrique  et  allongée; 
,'on  pelage  est  ordinairement  d'un  gris  sale, 
ayant  souvent  une  bande  oblique  d'une  autre 
couleur  sur  chaque  épaule.  Il  en  existe  plusieurs 
variétés,  l'une  ajant  un  cercle  noir  autour  des 
i|eux,  d'autres  à  pelage  fauve  et  bande  noire,  à 
pelage  fauve  ayant  la  bande,  la  croupe  et  le  ven- 
tre noirs,  enfin  d'entièrement  noirâtres  qui  sont, 
je  crois,  le  Mtjrmeeopliagn  uigra  de  Geoffroy. 
11  habite  la  Guyane  et  le  Brésil,  et  a  les  mêmes 
mœurs  quele  précédent,  à  cela  près  qu'il  monte 
sur  lesavbrcs,  dans  le  tronc  desquels  il  niche 
Il  exhale  une  forle  odeur  de  musc,  qui  devient 
très-désagréable  et  se  sent  de  fort  loin  quand  il 
est  irrité.  Il  a  la  queue  prenante  et  s'en  sert 
souvent  pour  se  suspendre  aux  branches  d'ai- 
bres.  Il  parait  qu'il  allaque,  outre  les  fourmis, 
les  abeilles  sauvages,  et  qu'elles  ne  le  piquent 
|)as. 

Le  FoLiniiLiER  ANXELÉ  {^]tJrmecophaga  annn- 
luta,  Des>i.)  ressemble  au  précédent,  mais  son 
museau  est  plus  gros,  en  forme  de  groin  ;  son 
pelage  est  d'un  brun  uniforme;  sa  queue  est 
ronde,  velue,  annelée  de  fauve  et  de  brun,  il 
habite  le  Brésil. 

Le  FoLiiMiLiF.R  A  DEi  X  DOIGTS  (Miirmeeoj)haga 
didaetijla,  Lin.  Mijimceopliagu  wiieolor,  var. 


Geoff.  Le  Peitt  l-'ourmilier,  Buff.  L'Onutiri 
ouassou,  à  la  Guyane  )  est  de  la  taille  d'un  sur- 
mulot ;  son  pelage  est  laineux,  fauve,  avec  une 
ligne  rousse  le  long  du  dos,  manquant  dans  la 
variété  unicolore;  sa  queue  est  prenante,  nue 
au  bout;  il  a  aux  pieds  de  devant  deux  ongles 
seulement,  dont  un  fort  long,  et  quatre  à  ceux 
de  derrière.  11  habite  la  Guyane  et  le  Brésil,  sur 
les  arbres  où  il  se  suspend  par  la  queue  à  la 
manière  des  sapajous.  11  a  les  mêmes  mœurs 
que  les  précédents,  mais  il  niche  dans  les  troncs 
d'arbres,  où  la  femelle  met  bas  un  seul  petit , 
sur  un  lit  de  feuilles  sèches. 

9'  GEMtE.  Les  PANGOLINS  {Mmiis,  Lin.) 
n'ont  point  de  dents;  leur  langue  est  très-exten- 
sible ;  leur  corps  et  leur  queue  sont  couverts 
d'écaillés  triangulaires,  tranch.mtes,  se  recou- 
vrant les  unes  les  autres  comme  les  tuiles  d'un 
toit,  ce  qui  les  distingue  sulfisanmient  des  four- 
miliers ;  ils  ont  cinq  doigts  à  tous  les  pieds,  et 
ils  peuvent  se  rouler  plus  ou  moins  en  boule. 

L'ALLJici)  ouPancolin  de  l'Ixde  [Manis  pen- 
tndarlijla,  Li>.  Maiiis  macroiira,  Dksm.  Manis 
brachtiura,  Eiixl.  Mnuis  erassirandata,  (iEOFF. 
Tatii  mnstrlinus,  Kleix.  Le  Pangolin,  âc  Bupf. 
Le  Pangolin  à  quene  eourte,  de  G.  Cuv.)  est 
long  de  trois  ou  quatre  pieds  (0,97o  il  1 ,299);  sa 
tête  est  petite;  son  museau  allongé  et  étroit  ;  son 
corps  assez  gros  ;  la  queue  est  pins  courte  que 
le  corps;  les  écailles  de  son  dos  sont  blondes  et 
forment  onze  ou  treize  rangées  longitudinales  ; 
le  dedans  des  membres  et  le  ventre  sont  nus; 
quelques  soies  très-longues  sortent  d'entre  les 
écailles.  Il  habite  les  Indes  orientales. 


Les  pangolins  se  creusent  un  terrier  au  moyen  de  leurs  ongles  robustes,  et 
ils  n'en  sortent  que  la  nuit  pour  aller  chercher  leur  nourriture,  consistant, 
comine  celle  des  animaux  précédents,  en  termites,  en  fourmis  et  autres  insectes. 
On  prétend  aussi  qu'ils  mangent  des  mollusques  et  même  des  petits  lézards, 
mais  ce  fait  me  paraît  mériter  confirmation.  Munie  d'une  langue  très-longue, 
extensible,  enduite  d'une  humeur  visqueuse,  ils  s'en  servent  absolument  coinme 
les  fourmiliers,  pour  ramasser  les  fourmis  elles  termites  dans  leurs  habitations. 
Les  pangolins  sont  des  animaux  paresseux,  lents,  et  se  bornant  à  pousser  un 
petit  cri  très-faible  lorsqu'ils  sont  effrayés.  Mais  la  nature  leur  a  donné,  dans 
les  écailles  qui  les  couvrent,  une  arme  défensive,  qui  les  sauve  des  animaux  de 
proie,  si  ce  n'est  de  l'honnne,  le  plus  cruel  de  tous.  A  la  première  apparence 
de  danger,  ils  se  roulent  en  lioule  ;  «  leurs  écailles,  dit  Buffon,  sont  mobiles 
comme  les  piquants  du  porc-épic,  et  elles  se  relèvent  ou  se  rabaissent  à  la  vo- 
lonté de  l'animal  ;  elles  se  hérissent  lorsqu'il  est  irrité,  elles  se  hérissent  encore 
plus  lorsqu'il  se  met  en  boule  comme  le  hérisson  ;  ces  écailles  sont  grosses,  si 
dures  et  si  poignantes,  qu'elles  rebutent  tous  les  animaux  de  proie;  c'est  une 
cuirasse  offensive  qui  blesse  autant  qu'elle  résiste  ;  les  plus  cruels  et  les  plus 
affamés,  tels  que  le  tigre,  la  [lanlbére,  etc.,  ne  font  que  de  vains  efforts  pour 


LONC.IIlOSTlUvS. 


39:1 


dévorer  ces  animniix  armés;  ils  les  l'oulenl,  ils  les  roulent,  mais  en  même  temps 
ils  se  font  des  blessures  douloureuses  dès  qu'ils  veulent  les  saisir;  ils  ne  penvenl 
ni  les  violenter,  ni  les  écraser,  ni  les  étouflér  en  les  surchargeant  de  lein' 
poids.  »  Ceci  n'empêche  pas  les  Indiens  et  les  Nègres  de  les  assomiuer  à  con|is 
de  bâton  pour  les  manger,  et  ils  trouvent  excellente  leur  chair  blanche  et  déli- 
cate. Ces  animaux,  du  reste,  sont  fort  doux,  tout  à  fait  inoffensifs,  mais  sans 
intelligence.  «  C(;  sont,  dit  Buffon,  des  espèces  dont  la  forme  bizarre  ne  paraît 
exister  que  pour  fair(;  la  première  nuance  de  la  figure  des  quadrupèdes  à  celle 
des  reptiles.  »  Kn  effet,  au  premier  coup  d'œil,  on  les  prendrait  plutôt  pour 
des  lézards  que  pour  des  mammifères. 


Le  Qoor.OLO  {Munis  afrirann,  Desm.  Manis 
Ictrndaiiijla,  Lin.  Manis  lovgirniiilatn.  (iiofp. 
Mnn'is  v.\(iirimr(t.  Eiixr,.  Le  Pangolin  à  longue 
qneur,  G.  Clv.  Le  Phalngin,  Buff.  )  a  nn  pied 
|tl,.{2o)  (le  longueur,  non  compris  la  (pieue  qui 
est  pUis  longue  que  le  corps,  et  qui  a  ilix-neul 
ponces  iO,.)l{);  elle  est  aplatie.  La  Icte  est 
petite  ;  ses  écailles  dorsales  l'oruieiit  onze  ran 
gees  longitudinales,  et  celles  des  coles  sont  ca- 
rén('es  ;  le  dedans  des  memlires  elle  ventre 
sont  i"ev(Mns  de  soies  brunes.  Il  se  trouve  eu 
Alriipie,  principalement  en  Gninc^e  et  au  .Sé- 


négal. Tout  ce  que  nous  avons  dit  du  précé- 
dent  s'applique  à  celui-ci. 

Ll-  IVvNf.LLLINO  ou  TcillN  CIMA^-KUPP  (Mouis 

jninnira,  Dksii.)  a  un  pied  quatre  pouces  ((),.")''(.>) 
(le  longueur,  non  compris  la  queue,  (pii  est  dé- 
primée, el  quia  treiz?  pouces  ((),.').")2)  ;  ses  écail- 
les son  Ibi'u  nés,  plus  cla ires  sin- les  bords,  minces, 
siriées.  et  roi'meni  di\-sept  rangées  sur  son  dos; 
le  dessous  de  In  lele,  le  ventre  et  les  pâlies  man- 
quenl  de  poils.  Cette  espèce  tiabite  Java  (4  la 
(^hine.  (^n  ne  connaît  pas  bien  ses  ukpiu's;  il  est  à 
croire  (pi'elles  sont  comme  dans  les  précédents. 


r^u 


39* 


ij:s  i-:hKNTKs. 


.'Oinitliorjnqiii' 


ij:s  Mo.MiTi{i:\ii:s. 


Placi's  pnr'  TiMiimiiuk,  cl  avant  lui  par  I,a- 
Ireille,  îi  la  lin  de  la  classe  des  manimifcres  , 
y  eussent  aussi  été  placi-s  par  moi,  si,  con)nie  je 
l'ai  dit  dans  l'introdiietion,  je  ne  m'élais  f.iit 
une  loi  de  suivre  strietenient  la  classilicalinn 
de  Cuvier.  Ils  manquent  de  dents;  ils  ont, 
comme  les  oiseaux,  un  os  de  la  fourchette,  et 
un  cloaque  commun  ;  comme  chez  les  niîusu- 
piau\  on  leur  trouve  sur  le  piihis  des  os  surnu 
méraires,  mais  ils  n'ont  pas  de  poche.  Tous 
leurs  pieds  ont  cinq  doiots. 

10e  Genre.  Les  onXITHORHYXQlES  {Or- 


i////ioy/ii/ii(/n(s,Bi.t  >iEM[  ni.inquent  de  dénis  vé- 
rilaliles,  mais  ils  ont  à  ch.i(|Me  maxillaires  deux 
luhercules  (ihreux,  aplalis,  (juadrilatère  à  leui' 
couronne,  ii'a\anl  ni  (m  il,  ni  sui>>lance  os- 
seuse, et  qui  ont  é'c-  c.>ni|).irés  à  des  dents  ; 
leur  nmseau  consiste  en  un  vérilaltle  bec  ana- 
logue à  celui  des  canards,  corne,  elaigi,  dé- 
primé, dentelé  sur  les  bo:  ds,  portant  les  narines 
à  sa  base  supérieure  ;  les  pieds  sont  palmés, 
ceux  de  deriière  |)()rlent  un  erpot  analogue  à 
celui  desoiseaux.Ona  débile  beamoup  de  contes 
sur  ces  singuliers  animaux. 


Le  MOUl'LEXGONG  OU  ORNITHORHVNQUE  P.AUADOXAL  {Ont'uhorl.]liichus  pma- 
doxiis,  Bi.uMF.NB.  Les  Ormllior/njuchus  fuscus  el  rnj'u^.  de  Pkrox.  et  LKsrn  r. 
Plahjpvs  anntiintfi,  Shaw.  Le  Water-niote  des  hahitanls  de  Sydney  ,. 

Cet  animal  est  certainement  l'être  le  plus  singulier  (|iii  existe  dans  la  nature, 
et  il  semble  avoir  été  créé  exprès  pour  embarrasser  les  naturalistes.  Sa  lêie  esl 
ce  qu'il  a  de  plus  extraordinaire,  au  premier  coup  d'reil;  elle  est  postérieure- 
ment recouverte  d'un  poil  court  et  lisse;  la  petitesse  des  yeux  et  le  mampic 
d'oreilles,  ainsi  rpie  la  forme  générale  du  crâne,  lui  donnent  un  peu  rap|)areuce 
de  celle  d'une  taupe  :  mais  ce  erîine  se  prolonge  anlérieiircnienl  en  un  véritable 
bec,  muni  de  membranes  cornées,  courtes  et  pres(pie  flottantes  à  sa  base.  Dans 


INTERIEUR   DES   GALERIES  DHISTOIRE  lîATURELLE 

I   .1  »  ,  ,!  ,  1,      .1  r  s      P  I  ..  I.  1  .   > 


MO>OiliE.MES.  395 

et'  bec  se  Iroiive  deux  liiiigues  soudées  :  une  luiiyue,  exli-usiblc,  hérissée  de 
poils  courts  et  serrés  ;  une  courte,  épaisse,  porlant  en  avant  deux  petites  pointes 
charnues.  L'animal  est  à  peu  prés  de  la  grosseur  d'un  lapin  de  garenne;  son 
corps  est  allongé,  presque  cylindrique  ainsi  que  celui  d'un  [)hoquc,  couvert  de 
poils  roussàtres,  menus  et  lisses,  terminé  par  une  queue  courte,  mais  aidalie 
comme  celle  d'un  castor,  et  lui  servant  également  de  gouvernail  (piand  il  nage  ; 
ses  jambes  sont  très-courtes  ;  les  pieds  de  celles  de  devant  sont  nnuiis  d'une 
membrane  (jui,  non-seulement  réunit  les  doigts,  mais  dépasse  de  beaucoup  les 
ongles,  et  il  résulte  de  cette  bizarrerie  sans  exemple  que  les  doigts  semblent 
comme  perdus  dans  une  sorte  de  nageoire.  Dans  les  pieds  de  derrière  la  mem- 
brane se  teiinine  à  la  racine  des  ongles;  mais  ils  ont  une  autre  singularité  non 
moins  remarquable  :  ils  sont  armés,  connue  les  pattes  d'un  cu(|,  d'un  ergot 
particulier,  long,  pointu,  posé  sur  une  glande  et  non  porté  par  un  os,  ce  qui 
le  rend  légèrement  mobile  quand  il  ajipuie  sur  un  corps  étranger.  Cet  ergot 
est  percé,  dans  sa  longueur,  d'un  canal  par  où  s'échappe  une  liqueur  onctueuse, 
que  les  naturalistes  ont  dit  venimeuse,  quoicju'il  n'en  soit  rien.  La  lemelle 
manque  d'ergot,  mais  elle  a  à  la  place  un  i>etit  trou,  ou  plutôt  une  l'ente  longue 
au  plus  d'une  ligne  (2  niillim.i,  épanchant  la  même  liqueur  quand  la  glande 
est  comprimée.  Enfin,  l'anatomie  de  l'animal  ofl're  des  laits  si  étranges,  qu'on 
y  retrouve  des  caractères  appartenant  aux  oiseaux,  aux  reptiles  et  aux  mammi- 
fères de  plusieurs  ordies. 

L'ornithorhyncpie  a  soulevé  plusieurs  polémiques  toutes  plus  cinieuses  les  unes 
que  les  autres,  et  c'est  le  scalpel  à  la  main  que  les  naturalistes  ont  fait  et  sou- 
tenu les  romans  les  plus  bizarres,  faute  de  connaître  les  uKcurs  de  l'animal,  ses 
habitudes,  dont  ils  traitent  si  dédaigneusement  l'étude  de  roman.  Citons  quel- 
ques-unes de  leurs  opinions  vraiment  fantastiques.  En  1827,  les  Annales  des 
sciences  naturelles  inséraient  un  article  anonyme,  traduit  de  l'Anthologie  de 
Florence,  dont  voici  (pudques  échantillons  :  «  L'ornithorhynque  habite  les  ma- 
rais de  la  Nouvelle-Hollande  :  il  fait,  parmi  des  toulles  de  roseaux,  sur  le  bord 
des  eaux,  un  nid  qu'il  compose  de  bourre  et  de  racines  entrelacées,  et  y  dépose 
deux  œufs  blancs,  plus  petits  que  ceux  des  poules  ordinaires;  il  les  couve  long- 
temps, les  fait  éclore  comme  les  oiseaux,  et  ne  les  abandonne  que  s'il  est  menace 
par  quelque  ennemi  redoutable.  Il  paraît  que  pendant  tout  ce  temps  il  ne  man^e 
ni  semence  ni  herbe,  et  qu'il  se  contente  de  vase  prise  à  sa  i)ortée,  ce  qui  suffit 
pour  le  nourrir.  11  plonge,  etc.,  et  n'emploie  ordinairement  (pi'une  narine  pour 
respirer  l'air.  Le  mâle,  le  seul  qui  soit  armé  d'un  éperon  a  la  jambe  de  derrièi-e, 
emploie  cette  arme  contre  ses  agresseurs.  La  blessure  qu'il  fait  produit  une  in- 
tlannnation  et  une  très-vive  douleur,  mais  il  n'y  a  pas  d'exemple  (ju'elle  ait  oc- 
casionné la  mort.  »  Et  qu'on  ne  croie  pas  que  ceci  est  lui  conte,  un  pull  de 
journaliste,  comme  disent  les  Américains.  Des  hommes  du  premier  mérite,  des 
naturalistes  les  plus  distingués  ont  voulu  prouver,  le  scalpel  à  la  main,  que 
l'ornithorhynque  fait  des  œufs,  et  ils  se  sont  tellement  complu  dans  cette  opi- 
nion, que  plusieurs  ont  nié  à  Meckel  tpie  la  femelle  ait  deux  mamelles,  lors 
même  qu'ils  les  voyaient.  Examinons  donc  maintenant  si  tout  ce  merveilleux  se 
soutiendra  devant  les  (d)servalions  des  voyageurs,  et  racontons  l'histoire  de  cet 
animal  tel  (|ue  la  racontent  ceux  (jui  l'ont  étudié  dans  la  Nouvelle-lbdlande. 


Le  iiioiillt'iigoiig  osl  un  animal  nocluriKi,  qui  fuit  la  clarle  <lu  soleil  paico 
([u'eilc  rincoiiunocle,  et  qui  ne  sort  ((ue  le  soir  et  le  malin,  pendant  le  crépus- 
cule, pour  aller  nager  sur  le  hord  des  marais  et  des  rivières.  11  habile  des  ter- 
riers qu'il  creuse  sur  les  dunes,  le  plus  près  de  l'eau  possible,  et  ()ui  ont  la  |>ro- 
lomleur  et  la  largeur  d'un  terrier  de  lapin.  Il  ne  fait  i)as  de  nid  au  n)ilieu  des 
roseaux,  mais  au  fond  de  son  trou;  il  n'y  pond  pas  deux  œufs  gros  comme  ceux 
d'une  poule,  car  son  bassin  Irès-étroit  ne  permetlrail  pas  le  passage  à  un  œuf 
inème  beaucoup  plus  petit,  mais  il  y  met  bas  trois  ou,  rarement,  quatre  petits, 
(pji  sont  presque  nus  en  naissant,  et  qui  n'ont  pas  alors  plus  d'un  pouce  et  demi 
0,041)  de  longueur,  quoique,  à  l'âge  adulte,  ils  atteignent  vingt  pouces  (0,5  52); 
c'esl-à-dire  (ju'au  moment  de  leur  naissance,  leur  taille,  comparée  à  celle  de 
leurs  parents,  est  à  peu  prés  la  même  proportionnellement  que  dans  les  autres 
animaux.  La  femelle  allaite  ses  petits,  et  voilà  ce  qui  a  embarrassé  les  natura- 
listes, car,  comment  avec  un  bec  corné,  disent-ils,  les  petits  peuvent-ils  teler' 
Mais  la  nature  y  a  pourvu.  La  femelle  a  bien  réellement  des  mamelles  sur  le 
ventre,  mais  elles  manquent  de  mamelon,  et  les  canaux  excréteurs  du  lait  vien- 
nent au  contraire  aboutir  à  une  petite  fossette  enfoncée.  Le  jeune  ornitliorbyniiue 
saisit  avec  un  côté  de  son  bec  une  grande  partie  de  la  mamelle,  la  [)resse,  et  le 
lait  est  ramassé  avec  sa  langue  double  à  mesure  qu'il  sort,  sans  qu'il  y  ait  même 
besoin  de  succion.  Les  ornilborbynques  ne  vivent  ni  de  semences,  ni  d'berbc.  et 
encore  moins  de  vase,  mais  de  vers  et  d'insectes  aquati([ues.  Sans  cesse  ils  na- 
gent sur  les  bords  vaseux  des  nuirais,  et  ils  barbotent  dans  la  boue  et  dans  les 
herbes,  absolument  à  la  manière  des  canards.  Us  nagent  parfaitement  bien, 
avec  beaucoup  de  vitesse,  et  plongent  à  une  assez  grande  profondeur  pour  ra- 
masser les  insectes  du  fond  de  l'eau;  puis  ils  viennent  respirer  à  la  surface  non 
pas  avec  une  seule  narine,  mais  avec  les  deux,  qui  sont  placées  fort  près  l'une 
de  l'autre,  et  au  premier  quart  de  longueur  de  la  mandibule  supérieure  du  bec, 
prés  de  sa  base.  Quant  à  l'ergot  du  mâle,  ce  n'est  point  une  arme,  connue  l'ont 
dit  quelques  personnes,  encore  moins  un  organe  pour  maintenir  sa  femelle  pen- 
dant l'accouplement,  qui  se  fait  de  la  même  manière  que  chez  les  autres  mam- 
mifères ;  c'est  tout  simplement  un  organe  sécréteur  analogue  aux  glandes  (pie 
les  oiseaux,  et  surtout  les  oiseaux  aquatiques,  ont  sur  le  croupion.  L'animal, 
avant  d'entrer  dans  l'eau  et  après  en  être  sorti,  se  passe  à  plusieurs  reprises  les 
pattes  de  derrière  sur  le  corj)s,  se  lisse  le  poil,  et  répand  dessus  la  liciueur  onc- 
tueuse qui,  chez  le  mâle,  est  sécrète  par  l'ergot,  et  chez  la  femelle  par  la  petite 
ouverture  qui  le  remplace.  Cette  liqueur  a  la  propriété,  toujours  connue  chez 
les  oiseaux,  de  rendre  le  pelage  imperméable  à  l'eau.  Du  reste,  ces  animaux 
sont  tout  à  fait  inolïensifs,  et  ne  cherchent  pas  plus  à  |»i(pier  (ju'à  mordre,  quoi 
(|u'on  en  ait  dit.  Sur  la  terre,  la  brièveté  de  lem-s  membres  les  force  à  ranq)er, 
et  cependant  leur  marche  est  assez  vive;  aussitôt  ({u'ils  se  croient  en  danger, 
ils  se  jettent  à  l'eau,  dont  ils  ne  s'éloignent  guère,  ou  s'enfoncent  dans  leur 
terrier  s'ils  en  sont  à  proximité.  Leurs  habitudes  ont  beaucoup  d'analogie  avec 
celles  de  nos  rats  d'eau. 

M.  Bennel,  qui  habitait  Sydney  en  1852  et  1855,  conserva  pendant  assez 
longtemps  un  ornithorhyn(|ue  dans  ui\  tonneau  où  il  avait  mis  de  l'herbe  et  de  la 
vase.  Il  le  nourrissait  avec  du  pain  trcnqié  dans  l'eau,  mélange  avec  des  œufs 


MO.NOiUÈMES.  397 

ciiils  il  dur  L'I  (II'  la  viaiido  hachée.  Il  était  fort  doux  et  montrait  quekiue  intelli- 
gence; par  exemple,  ctimnie  on  le  conduisait  f|uel(|nefois  à  l'eau  en  le  tenant  en 
laisse  au  moyeu  d'un  luhan  ({u'(m  lui  attachait  à  la  jambe,  il  apprit  très-vite  à 
connaître  le  chemin  ipii  menait  à  la  rivière,  et  marchait  devant  ceux  qui  l'y  con- 
duisaient. On  remarqua  (pi'il  plongeait  souvent,  qu'il  nageait  toujours  en  re- 
montant le  courant,  (ju'il  cherchait  de  préférence  les  endroits  herbeux  pour 
barboter,  etc.  De  temps  à  autre  il  sortait  de  l'eau,  venait  se  coucher  sur  l'herbe 
du  rivage,  et  s'occupait  avec  beaucoup  d'action  à  se  lisser  les  poils  avec  les  pieds 
de  derrière,  juscpi'à  ce  qu'ils  devinssent  lustrés  et  brillants.  M.  Bennet  fit  beau- 
coup de  recherches  pour  savoir  si  ces  animaux  faisaient  des  œufs  ou  des  petits; 
il  fit  ouvrir  un  grand  nombre  de  leurs  terriers,  et  enfin,  dans  l'un  d'eux,  il 
trouva  une  femelle  avec  trois  petits  qui  venaient  de  naître,  mais  jamais  le  moin- 
dre fragment  d'œuf  ni  de  coquille.  Les  petits  étaient  foit  bien  portants,  et  la 
mère  fort  maigre  ;  il  lui  pressa  les  mamelles  et  il  en  sortit  du  lait,  mais  en  fort 
petite  quantité.  En  captivité,  la  mère  dormait  tout  le  jour  à  côté  de  ses  petits, 
et  la  nuit  elle  s'occupait  constanmient  à  chercher  les  moyens  de  se  sauver;  elle 
grattait  contre  les  murailles  et  parvenait  à  y  faire  des  trous.  Elle  mourut  de 
chagrin  après  une  quinzaine  de  jours.  Les  petits,  que  l'on  nourrissait  connue  je 
l'ai  dit  plus  haut,  vécurent.  Ils  étaient  fort  gais,  fort  lestes,  et  jouaient  comme 
de  petits  chiens  avec  assez  de  grâce.  L'ini  d'eux,  au  moyen  de  ses  ongles,  grimpa 
en  assez  peu  de  temps  jus(pi"au  haut  d'une  bibliothèque.  Us  étaient  fort  capri- 
cieux, et  changeaient  souvent  de  i)lace  sans  aucune  raison  appréciable;  ils  dor- 
maient la  plus  grande  partie  de  leur  temps,  et  pour  cela  ils  se  retiraient  dans  les 
endroits  les  plus  obscurs  de  rapi)artement. 

Autrefois  rornilborhyuque  était  Irés-conniiun  dans  la  rivière  Népéan  et  au 
pied  des  montagnes  Dleues;  aujourd'hui  on  ne  le  trouve  plus  guère  qu'à  New- 
Castle,  à  Fish-River  prés  Bathurst,  et  dans  le  Mac(piarie  et  le  Campbell.  On  a 
cru  qu'il  y  en  avait  |)lusieurs  espèces,  i)arce  (pi'il  varie  beaucoup  de  taille  et  de 
couleur  ;  mais  il  paraît,  au  moins  juscpi'à  ce  jour,  (pie  ces  prétendues  espèces  ne 
sont  que  des  variétés  de  l'ornithorhyiKpie  [)aradoxal.  Les  auteurs  qui  se  sont  le 
plus  occupés  de  l'anatomie  de  ces  animaux  si  extraordinaires  sont  :  Meckel, 
Blumenbach  ,  Everard-Home,  Vander-lloeven,  lUidolphi ,  Knox  ,  Patrick-IIill, 
de  Blainville,  George  et  Frédéric  Ciivier,  Geoffroy  Saint-IIilaire,  Isidore  Geof- 
froy Saint-IIilaire,  etc. 

Ije  GtMiE.  Les   ECHIDNES  {Eihidna,  G.  hisliLr,  III.  Miirmccoitlioga  aciilcata,  biiAW.I 

Ciiv.  )  u'oiit  pas  do  deuts,  mais  k-ui"  palais  est  est  à  |)eii  |)rès  de  la  grosseur  d'un  hérisson,  et 

garni  de  plusieurs  rangées  de  petites  épines  di-  a  la  laculté  de  se  rouler  eu  !)oule  comme  lui  ; 

rigées  en  arriére;  leiu"  museau  est  Irès-mince,  tout  son  corjis  est  couvert  en  dessus  de  fortes 

très-allonge,  et  se  termine  par  une  fort  petite  épines  coniques,  d'un  pouce ;i  un  pouce  et  dem' 

bouche;   leur  langue  est   frés-exteusible ;  leur  (0,()'2~  i^i',Oj|i  de  longueur,  noires  à  la  pointe 

corps  est  ramassé,  recouvert  de  piquants  très-  et  blanchâtres  sur  leur  longueur,  entourées  à 

forts  ;  leurs  pieds  sont  courts  et  ont  chacun  cinq  leur  base  de  petits  |)oils  roux  ;  des  poils  coui'ls 

ongles  très-longs  et  très-robustes  ;  le  nude  a  aux  et  roides  couvrent  aussi  la  tète  et  le  dessous  du 

pieds  de  derrière  un  ergot  comme  celui  de  l'or-  cor|)s.(  et  animal,  dont  l'organisation  est  aussi  ex- 

ni1horh\nque  :  leur  queue  est  très-courte.  Iraordinaireque  celle  de  l'oriiitliorh\nque,avec 

I/IlEi)r.E-[Io(i  ou  EciiinivÉ  n-nnix  (  I.iIihIiki  lequel  il  a  beaucoup  d  analogie,  habile  les  envi- 

hislii.t  ,    Cuv.    lùhidiia   (iiialraliensis ,    I>es.s.  rons  du  jiort  Jal<son,  dansla  ÎSouvelle-Ilollande. 

0»iiit/icr/iyiu/ii(S  hishij:,  Ho.me.  TiKhijfjlosiiiiit  11  vit  daus  des  terriers,  et  se  nouiril  d  insectes 


398 


LKS   EDENTES. 


el  de  foiuinis  qu'il  saisit  avec  sa  langue  extensi- 
ble à  la  manière  des  pang  lins.  Il  |)arait  qu'il 
craint  beaucoup  la  sécheresse,  et  qu'il  ue  sort 
de  son  trou  que  pendant  les  pluies  ;  peut-être  y 
reste-t-il  dans  un  étal  de  léthargie,  car  on  l*a 
vu,  dans  l'esclavage,  avoir  de  fréquents  engour- 
dissements qui  duraient  jusqu'fi  cjuatre  jours  de 
suite.  Du  reste,  il  supporte  longtemps  une  absti- 
nence forcée,  ce  qui  rendrait  pr(tbal)le  son  som- 
meil léthargique  pendant  toute  la  saison  sèche. 
L'ÉcuiDivÉ  soYKUX  {Echiditd  setiisa  ,  (i.  Civ. 


Alter  oniilhorhiincliiis  hislri.c,  Uohik)  ne  serait, 
scion  M.  Lesson,  qu'une  variété  du  pr(C('dent, 
et  je  serais  assez  p(jrté  à  pai'tager  cette  opinion. 
Cependant,  il  est  un  peu  plus  grand,  ses  ongles 
sont  un  [leu  moins  longs,  plus  arqués  et  |)lus 
pointus;  tout  le  corjis  est  couvert  de  poils  longs, 
doux  et  soyeux,  d'un  brun  marron,  envelop|)ant 
les  épines  dans  leur  presque  totalité  ;  la  tcte  est 
couverte  de  poils  jusqu'aux  \eux;  le  museau  est 
noir  et  nu.  Il  habite  la  terie  de  Van-Diemen 
et  le  détroit  de  Bass. 


ROTONDE  DE  LELEPHANT 


(     I  «  ■  .1  ,  „    ,1  ,•  -    Ml 


LES    PACHYDERMES, 


DIXIKME  ORDIU-    DKS  MAMMIFERES. 


L'F.lépViant  femelle  île  l'Inde 


A  1  r\c('|)ti(»ii  (lu  (laiiiaii,  tons  les  aiiiiiiaiu  df 
vvi  orfire  n'ont  |)as  ddiiplo,  mais  une  soilc  de 
sabot  Ho  corne  qui  Iciii' enveloppe  tonte  l'e\lré- 
niil(^  des  doiRts  ;  ils  ont  qneltinefois  les  trois  sor- 
tes de  dents,  d'antres  fois  deux  seulement ,  leur 
estomac  est  simple,  divisi-  en  plusieurs  poclirs, 
et  ils  ne  ruminent  ])as;  le  noml)re  de  leurs  doi{;ls 
\arie  de  un  a  cini]. 

l"'  DIVISION.  J'iedx  a  <i»q  doigts  que  l'on  vc 
(listiug'ic  que  i)ur  hs  ongles;  une  trompe  cl 
ries  i!efi)iscs. 

T'  (.K\it!:.  l/.'s  Él,KPH.4XTS  ;  E/r/Wiro.  Ln.l 
sont  assez  reconnaissabies  par  leur  taille  gigantes- 
que, leur  nez  iirolongé  en  une  énorme  trompe, 
à  leui's  d('lenses  longues  et  arcpices,  naissant  à  la 


inàeinii'e  inlerienre.  Ils  ont  si\  on  dix  dents 
savoir  :  deux  défenses  ;  i)as  de  canines .  den\  on 
(ppalre  molaires  eu  liant  et  autant  en  lias  selon 
lépoque  où  on  les  examine. 

L'Kliph4?»t  dis  ï\\)V.s  (Kli'j)Uns  mn.rimiis, 
Ij>.  Elephas  hidinis ,  G.  (av.  L' Ehiihaut. 
RiiFi-.  I  (/est  le  plus  grand  des  mammifères  ter- 
restres qui  vivent  au)ourd'liui  sur  le  glolie;  sa 
hauteur  est  commuiK'menl  de  huit  à  neuf  pieds 
(2,599  à  2  924),  et  quelquefois  davantage  ;  il  dif- 
fère de  l'éléphant  d'Afrique  par  ses  oreilles  et 
ses  d('fenses  plus  petites,  |)ar  son  Iront  concave, 
et  i)ar  ses  pieds  de  derrière  qui  ont  quatre  sabots 
an  lieu  de  trois;  sa  peau  est  aussi  un  peu  moins 
brune.  (Quelquefois  on  en  trouve  des  individus 
albinos,  entièrement  blancs,  et  pour  les(|uels  les 
Indiens  ont  beaucoup  de  vénération. 


L'Iiisloiie  de  léléplianl  est  lellemeiif  coiiiiiiede  tout  le  momie,  on  en  a  lelle- 
menl  bercé  noire  enlaiice,  ((ii'il  serait  fastidieux  ici  de  répéter  ce  que  chacun 
en  a  entendu  dire  mille  lois  dans  sa  vie.  Cependant  nous  rapporterons  les  faits 
généraux,  avec  quelques  observations  moins  connues  «lu  public.  On  a  dit  que 
l'éléphant  était  le  plus  intelligent  des  animaux,  et  en  ceci  on  s'est  trompé.  Il 
s'en  faut  de  beaucoup  que  son  intelligence  ap[»roche  de  celle  du  chien,  et  même 
de  celle  de  plusieurs  autres  carnassiers,  et  telle  élail  aussi  l'opinion  de  C.  Cii- 


',00  I.KS    PACllYDiaiMES. 

vi(M'.  (Iclaniniiil,  (riin  aspect  iinposniit  et  même  elTrayant  par  son  énorme  taille, 
est.  néanmoins  d'un  caractère  assez  donx  et  d'nne  grande  docilité;  ce  sont  ces 
fpialités  qne  l'on  a  prises  ponr  de  l'intelligence,  et  cependant  elles  ne  résultent 
|)eut-èlre  (pie  de  sa  poltronnerie.  Il  est  certain  que  le  courage  de  l'éléplianl 
n'est  nullement  en  rapport  avec  sa  force  prodigieuse,  et  ne  peut  se  comparer 
à  celui  dn  cheval.  Je  n'en  citerai  qu'une  preuve,  c'est  que  januiis  on  n'a  pu  l'ac- 
coutnmer  à  entendre  la  détonation  d'une  arme  à  feu  sans  prendre  la  fuite,  et 
ipie  depuis  qn'on  se  sert  de  ces  armes  dans  les  batailles,  on  a  été  obligé  de  re- 
noncer à  l'employer,  si  ce  n'est  pour  jjorter  les  bagages.  Celui  de  l'Inde  n'atta- 
que jamais  les  hommes  ni  les  animaux,  mais  s'il  eu  est  attaqué  il  se  défend  avec 
la  fureur  du  désespoir,  et  alors  il  devient  terrible,  tant  que  durent  sa  peur  et  sa 
colère.  Une  fois  pris  et  apaisé  par  ((U(;lqnes  bons  traitements,  il  devient  donx 
et  soumis,  et  il  ne  faut  que  quelques  jours  pour  l'habituer  à  la  servitude  et  à 
une  obéissance  |)assive.  On  a  dit  aussi  que  l'éb'phant  était  plein  de  décence, 
(pi'il  ne  s'accoiii)lait  pas  en  esclavage  par  pudeur,  et  que,  pour  cela,  il  n'avait 
jamais  produit  en  captivité.  Il  y  a  là  dedans  autant  d'erreurs  que  de  mots.  Cet 
animal  ne  connaît  pas  plus  la  pudeur  qne  les  autres  animaux,  et  on  en  a  vu  la 
preuve  à  la  ménagerie  de  Paris;  il  s'accouple  et  produit  à  l'état  de  domesticité, 
et  cela  est  prouvé  depuis  l'antiquité,  qnoicpie  Biiffon  ait  assuré  le  contraire.  Elien 
et  Columelle  affirment  que  les  éléphants  se  reproduisaient  à  Rome  de  leur  temps, 
et  que  ceux  cpii  parurent  dans  les  jeux  de  Germanicus,  sons  Tibère,  étaient  nés 
dans  cette  ancienne  capitale  du  monde.  Ce  qui  conliiiue  parl'aitement  ce  fait, 
c'est  que  M.  Corse,  (|iii  dirigea  longtemps  dans  iliide  les  éléphants  de  la  Com- 
pagnie anglaise,  a  réussi  récemment  à  les  faire  produire.  Enfin,  une  erreur 
|)opulaire  est  (pie  ces  animaux  ne  peiiv(Mil  pas  se  coucher,  (pi'ils  dorment  con- 
stamment debout,  et  qne  s'ils  sont  tombés  ils  ne  peuvent  plus  se  relever.  Le 
vrai  est  qu'ils  s'agenouillent,  se  couchent  et  se  relèvent  quand  ils  le  veulent, 
mais  que  l'on  trouve  chez  eux,  comme  chez  les  chevaux,  des  individus  qui  dor- 
ment debout,  et  par  consécpient  ne  se  couchent  que  très-rarement  on  même 
jamais. 

On  sait  avec  quelle  adresse  ils  se  servent  de  leur  trompe,  qui  chez  eux  rem- 
place la  main  des  singes.  Elle  leur  est  indis|)ensable  en  ce  (pie,  ne  pouvant 
baisser  leur  énorme  tète  jusqu'à  terre,  c'est  avec  elle  qu'ils  cueillent  et  por- 
tent à  leur  bouche  les  herbes  et  le  feuillage  dont  ils  se  nourrissent.  Dès  la  plus 
hante  antiquité  on  les  a  soumis  à  la  domesticité;  on  les  a  dressés  à  faire  le 
service  des  bêtes  de  somme  et  de  trait,  et  on  les  em|)loyait  très-utilement  à  la 
guerre.  Ou  leur  plaçait  sur  le  dos  une  sorte  de  petite  tonr  en  bois,  dans  laquelle 
se  postaient  des  archers  et  des  arbalétriers,  qui,  hors  d'atteinte,  incommodaient 
beaucoup  l'ennemi.  Depuis  l'invention  des  armes  à  feu,  on  ne  s'en  sert  plus  que 
comme  bètes  de  luxe  on  de  transport,  et  au  lien  de  porter  de  faioiiches  soldats, 
ils  ne  sont  plus  moulés  aujourd'hui  que  par  des  rajas  efl'éminés  et  leurs  femmes. 
C/est  un  tres-giand  sujet  de  gloire  pour  un  prince  asiatique  (pie  d'avoir  un 
grand  nombre  d'elephants  dans  ses  écuries,  et  il  se  croit  au  faite  de  la  grandeur 
(juand  il  peut  en  posséder  un  ou  deux  blancs.  Chaque  éléphant  est  confié  aux 
soins  (l'un  homme  que  les  Indiens  nomment  inaliond,  et  <pie  n(uis  appelons  cor- 
iKir.   INuir  le  conduire,   il  se  met  assis  (ui  à  cheval  sur  son  cou,  et  il  dirige  sa 


PACllYDiaiMES. 


'<01 


marche  en  lui  liranLlegeromeiil  l'oreille  du  côte  où  il  vcul  le  conduire,  au  moyen 
d'un  bâton  dont  le  bout  est  armé  d'un  petit  crochet  de  fer.  Les  princes  indiens 
se  servent  souvent  de  ces  animaux  pour  faire  la  chasse  au  tigre  sans  beaucoup 
de  danger,  car  si  la  bête  féroce  fait  mine  de  se  lancer  sur  les  chasseurs,  l'élé- 
phant la  saisit  aussitôt  avec  sa  puissante  trompe,  la  jette  loin  de  là,  ou  la  perce 
de  ses  défenses  et  la  foule  avec  ses  pieds  :  du  moins  on  le  dit. 

A  l'état  sauvage,  les  éléphants  vivent  en  grandes  troupes  et  n'habitent  que  les 
forêts  les  plus  solitaires  des  contrées  chaudes  de  l'Asie  et  des  grandes  îles  de 
l'archipel  indien.  Lorsqu'ils  se  croient  menaces  de  quelque  danger,  on  dit  que 
les  vieux  mâles  marchent  à  la  tête  du  troupeau,  et  les  femelles  à  la  suite  avec 
leurs  petits.  Du  reste,  lorsqu'ils  sont  attaqués,  ils  se  défendent  avec  leur  trompe, 
et  avec  leurs  défenses,  quand  ils  en  ont,  car,  dans  l'espèce  de  l'Inde,  les  femelles 
en  ont  rarement  de  saillantes  hors  des  lèvres,  et  celles  des  mâles  sont  toujours 
très-courtes.  Ces  animaux  ont  une  vie  très-longue,  mais  dont  la  duréea  élé  beau- 
coup exagérée.  Ce  sont  leurs  défenses,  particulièrement  celles  de  l'espèce  d'A- 
frique, qui  fournissent  l'ivoire  du  commerce. 


L'Élépiiaivt  d'Afrique  (E/p/)/ia.s  africnnns. 
Ciiv.  Le  ISaghe  des  Al)yssins;  Le  Mmizao  ou 
Manzo  du  Congo)  est  un  peu  moins  grand  que 
le  |)i'écedenl.  Il  a  la  tète  ronde,  le  front  con- 
vexe, les  oreilles  très-grandes,  ainsi  que  les  dé- 
fenses dont  la  femelle  est  aussi  bien  armée  que 
le  mâle  ;  il  n'a  que  trois  doigts  aux  pieds  de  der- 
rière, au  lieu  de  quatre.  Il  habite  toute  l'Afrique 
méridionale ,  depuis  le  Sénégal  jusqu'au  Ca[). 
Quoique  plus  faroucbe  et  plus  courageux  que 
l'éléphant  de  l'Inde,  il  n'en  avait  pas  moins  été 
soumis  à  la  domesticité  par  les  (larlhaginois. 
Aujourd'hui  on  ne  le  trouve  plus  en  servitude 
que  dans  les  ménageries.  On  connaît,  sous  les 
noms  de  mammouth  et  de  mastodontes,  plusieurs 
espèces  d'éléphants  anti'diluviens  dont  nous  ne 
nous  occuperons  |)as  ici,  parce  que  leur  histoire 
appartient  à  celle  des  animaux  fossiles ,  et  ne 


iloil  pas  entrer  dans  le  cadi-e  de  cet  ouvrage. 

ir  DIVISION.  Trois  sortes  de  dents  dans  le  pins 
ffiand  nombre,  den.r  au  vioins  dans  les  an- 
tres ;  pieds  terminés  par  quatre  doigts  ait 
plus,  et  par  deux  au  moins. 

2e  Genbe.  Les  TAPIRS  (  Tapiras,  Briss.  ) 
ont  quarante-deux  dents,  savoir  :  six  incisives  en 
haut  et  six  en  bas  ;  deux  canines  supérieures  et 
deux  inférieures;  quatorze  molaires  à  la  mâ- 
choire supérieure,  et  douze  à  l'inférieure,  pi'é- 
sentant  à  leur  couronne  avant  d'être  usées,  deux 
collines  transverses  et  rectilignes  ;]eur  nez  con- 
siste en  une  petite  trompe  mobile,  sans  doigts  au 
bout;  leur  cou  est  assez  long,  artitic;  ils  ont  deux 
mamelles  inguinales;  leurs  pieds  de  devant  ont 
quatre  doigts  et  ceux  de  derrière  trois. 


402 


LES   PA(:ilYlU:UMES. 


Le  MAÏPOUIU  ou  TAPIR  u'amkrique  [Tapir  amcricamis,  Lin.  L' Anta  ou  Tapir 
de  BuFF.  Le  Tapûrèie  de  Marcg.  Le  Miouricaon  le  Mborcbi  d'Azara.  Le  Tnpi- 
hire-été,  le  Tafârousxou,  et  le  Mantpouri  des  Indiens.  h'Anla,  le  Dauta  et  le  Vagra 
des  Espagnols   . 

Cet  animal  surpasse  quelquefois  la  taille  d'un  âne  ordinaire,  mais  il  est  moins 
haut  sur  jambes,  plus  trapu,  et  son  corps  est  arqué  comme  celui  d'un  cochon  ; 
son  cou  est  gros,  charnu,  formant  comme  une  sorte  de  crête  sur  la  nuque,  et 
portant  une  courte  crinière  dans  le  mâle  ;  son  corps  est  épais,  presque  nu,  et  le 
peu  de  poil  qui  le  couvre  est,  comme  sa  peau,  d'un  brun  foncé  ;  sa  tète  est  grosse, 
longue,  et,  ce  qni  lui  donne  une  figure  Irés-bizarre,  il  a  une  trompe  charnue, 
mobile  dans  tous  les  sens,  dont  il  se  sert  avec  beaucoup  de  dextérité  pour  ar- 
racher de  la  vase  les  racines  des  plantes  aquatiques.  Sa  queue  est  courte,  en 
forme  de  tronçon. 

Le  maipouri  est  un  animal  triste,  extrêmement  timide,  qui  n'ose  sortir  de  sa 
retraite  que  la  nuit,  pour  aller  se  plonger  dans  les  eaux  des  lacs,  des  marais  et 
des  rivières  dont  il  habite  les  bords.  Il  n'est  aucunement  carnassier,  vit  de  plan- 
tes et  de  racines,  et  ne  se  sert  de  ses  dents,  ni  contre  les  hommes  ni  contre  les 
animaux.  Sa  douceur,  ou  si  l'on  aime  mieux,  sa  poltronnerie  lui  fait  éviter  tout 
combat,  et  lorsqu'il  est  attaqué,  il  ne  sait  que  fuir  ou  mourir.  Cependant,  quand 
il  esi,  dans  l'eau,  il  semble  que  son  habileté  en  natation  lui  donne  quelque  vel- 
léité de  courage,  car  on  en  a  vu,  dit-on,  avant  de  succomber,  se  lancer  contre 
les  canots  d'où  partaient  les  coups  dont  on  les  frappait  ;  mais  ce  n'est  jamais 
que  réduits  à  la  dernière  extrémité,  que  le  désespoir  de  la  peur  les  détermine 


*^^EA.BE'jT.tEl-0* 


LE     TAPIR 

PAYS  A  G  K   I>  L!    B  H  E  S  I  I,. 


(  J  »  r  .1  i  II    .1  .=  s    ('  I .-.  I.  t  f  »     ) 


PACllYDEKiMES.  403 

à  un  semblant  de  défense.  Le  tapir  a  quelque  analogie  avec  le  sanglier  dans  ses 
habitudes.  Comme  lui  il  aime  à  se  vautrer  dans  la  fange  des  marais,  mais  avec 
cette  différence  qu'avant  de  rentrer  dans  son  fort,  il  a  le  soin  de  se  laver  dans 
l'eau  claire,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  lui  reste  aucune  ordure  sur  le  corps;  comme 
lui  il  se  nourrit  de  racines,  de  fruits,  d'herbe  et  de  graines,  mais  jamais  de  chair  ; 
comme  lui,  il  ne  se  détourne  pas  de  son  chemin  quand  il  fuit,  et  renverse  bru- 
talement tout  ce  qui  se  trouve  sur  son  passage,  hommes  et  animaux  ;  mais  il  ne 
cherche  jamais  à  les  blesser  avec  les  dents.  Pris  jeune,  on  l'élève  et  l'apprivoise 
avec  la  plus  grande  facilité  ;  il  s'impatronise  dans  la  maison,  va  furetant  par- 
tout, brise,  par  maladresse,  toutes  les  choses  fragiles  qui  sont  à  sa  portée,  et 
se  rend  fort  incommode  à  force  de  familiarité. 

Autrefois  ces  animaux  étaient  très-communs  dans  les  forêts  solitaires  et  les 
savanes  de  toute  l'Amérique  méridionale,  et  ils  y  vivaient  en  troupe  plus  ou  moins 
nombreuse.  Mais  depuis  qu'on  s'est  servi  d'armes  à  feu  pour  les  chasser,  le 
nombre  en  est  beaucoup  diminué,  quoiqu'ils  ne  soient  pas  encore  très-rares, 
et  le  plus  ordinairement  ils  vivent  solitaires  et  isolés.  Chaque  soir  ils  quittent 
leur  forêt  pour  gagner  la  rivière  où  ils  ont  coutume  de  se  baigner,  et  ils  ren- 
trent au  bois  chaque  matin,  en  passant  exactement  par  le  même  endroit,  de 
manière  qu'ils  finissent  par  se  tracer,  dans  les  broussailles,  des  sentiers  aussi 
battus  qu'une  grande  route.  Cette  singularité  les  trahit,  et  les  Indiens  vont  se 
poster  sur  ce  passage  pour  les  tuer  à  coups  de  fusil,  ou  bien  ils  creusent  des 
fosses  qu'ils  recouvrent  de  gazon,  et  ces  animaux  manquent  rarement  d'y  tom- 
ber. On  chasse  aussi  le  tapir  avec  des  chiens,  et  aussitôt  qu'il  est  relancé  dans 
son  fourré,  il  se  prend  à  courir  de  toutes  ses  forces,  en  baissant  la  tête  et  la 
mettant  presque  entre  ses  jambes  de  devant,  ce  qui  lui  donne  fort  mauvaise 
grâce.  Il  tâche  de  gagner  l'eau  le  plus  promptement  possible,  sy  jette,  plonge 
(it  disparaît  aussitôt,  et  nage  sous  les  ondes  avec  une  telle  rapidité,  que  ce  n'est 
([uelquefois  qu'à  deux  ou  trois  cents  pas  qu'il  reparaît  pour  respirer  et  plonger 
de  nouveau.  La  femelle  ne  fait  qu'un  petit,  qui,  en  naissant  et  pendant  les  pre- 
miers mois  de  sa  vie,  porte  une  jolie  livrée  semblable  à  celle  des  faons.  La  mère 
lui  est  fort  attachée  tant  qu'il  porte  cette  livrée;  mais  aussitôt  qu'elle  commence 
a  s'effacer,  c'est-à-dire  quand  il  est  assez  fort  pour  pouvoir  se  passer  de  ses 
soins,  elle  l'abandonne  et  ne  le  reconnaît  plus.  La  chair  du  maïpouri  est  dure, 
coriace,  peu  agréable,  cependant  les  sauvages  la  mangent.  Mais  ce  qu'ils  esti- 
ment le  plus  dans  cet  animal,  c'est  sa  peau  qui  est  épaisse  et  si  dure  quand  elle 
est  sèche,  qu'ils  en  font  des  boucliers  que  les  flèches  ne  peuvent  pas  percer. 

Le  :^Iaïba  (  Tapinis  induits.  1"h.  Ci  v.  Tapi-  nuque  ronde;  son  pelage  épais,  d'un  brun  uoi- 

riis  malagamis,  Raffl.  Le  Tonin  des  Malais,  ràtre,  une  place  nue  sur  les  fesses,  et  une  raie 

LeGiiido/ou  Babi-alu  des  habitants  de  Sunia-  blanche  à  l'angle  de  la  bouche.  On  le  trouve 

tra  )  diffère  du  précédent  par  son  pelage  court  dans  l'Amérique  méridionale,  mais  il  n'habite 

et  ras,  d'un  blanc  sale,  avec  la  tète,  le  cou,  les  que  le  sommet   <les  montagnes,    et   jamais  la 

épaules,  les  jambes  et  la  queue  d'un  noir  foncé  ;  i)laine. 

le  mâle  n'a  pas  de  crinière  sur  le  cou.  Il  est         .î^  Ge.\he.  Les  RHINOCEROS  (  lihinoceros, 

commua  à  Sumatra  et  dans  la  presqu'île  de  Ma-  Li>.  )  ont  trente -deux  dents  :  deux    incisives 

laka.  en  haut  et  en  bas,  ou  nulles  ;  point  de  canines  ; 

Le  PncHAQUE  {Tapirus  pinchaque,  Roiliin  j  quatorze  molaires  à  la  mâchoire  supérieure  et 

diffère  du  maïpouri  par  son  occiput  aplati,  sa  autant  à  l'inférieure  ;  ils  ont  trois  doigts  à  cha- 


404  LLS   PACIIYDEKMES. 

que   pied;  leur  peau  est  trcs-cpaisse,  nue  et  seule  corne  sur  le  ne/.  ;  il  a  deus   fortes  inci- 

rugueuse;  ils  ont  une  ou  deux  cornes  libreuses  sives  à  chaque  mâchoire;  ses  yeux  sont  fort 

sur  le  liez,  et  deux  mamelles  inguinales.  pelits.  Ses  oreilles  et  sa  queue  seules  sont  gar- 

Le  Rhinocéros  des  I.^DES  (  Rhinocéros  indi-  nies  de  quelques  poils  grossiers  et  roides,  et  le 

tus,  G.  Cuv.  liliinoceros  unie  omis ,  Lin.  Rhino-  reste  de  sa  peau  est  nu,  d'un  gris  fonce  violà- 

ceros  itnirornii,  Boiid.   Le  lihiuoceros,  Hlpf.  tre  :  elle  est  marquée  de  deux  sillons  profonds, 

L'.Jftarfa  des  Indiens)  a  neuf  ou  dix  pieds  (2,924  l'un  en  arrière  des  épaules,  l'autre  en  avant 

ou  5,249)  de  longueur,  et  cinq  à  six  de  hauteur  des  cuisses,  et  sans  cela  il  ne  pourrait  guère  se 

|l,62'ià  1,949),  et  quelquefois  davantage.  Après  mouvoir,  car  sa  peau  est  si  épaisse,  si  dure  et 

l'éléphant,  c'est  le  plus  [)uissaut  des  mammi-  si  sèche,  qu'il  est  ini|)ossible  de  la  percer  avec 

fères  terrestres.  Ses  formes  sont  massives;  sa  une  halle.  La  ménagerie,  l<irs(|u'elle  était  à  Ver- 

(èle  est  raccourcie  et  triangulaire,  portant  une  saillcs,  eu  a  [xissédé  un  individu  \i\ant. 


La  corne  que  le  rhinocéros  porte  sur  le  nez  est  composée  de  poils  agglutinés, 
et  ne  paraît  être  qu'un  prolongement  de  l'épiderme;  elle  ne  tient  qu'à  la  peau 
et  n'a  aucune  adhérence  avec  les  os  sur  lesquels  elle  est  placée.  Les  anciens  lui 
attribuaient  la  propriété  de  détruire  l'eflet  des  poisons  les  plus  dangereux,  et 
les  tyrans  soupçonneux  de  l'Asie  s'en  faisaient  faire  des  coupes  qui  avaient  une 
valeur  exorbitante.  La  corne  du  rhinocéros  lui  sert  rarement  d'arinc  défen- 
sive ,  car  cet  animal,  paisible  quoique  très-farouche  ,  n'attaque  jamais  ,  et  sa 
force  redoutable  fait  que  les  animaux  le  craignent  et  ne  lui  font  pas  la  guerre. 
Il  ne  l'emploie  donc  le  plus  souvent  que  pour  détourner  les  branches  et  se  frayer 
un  passage  dans  les  épaisses  forêts  qu'il  habite.  Son  caractère  est  triste,  brusque, 
sauvage  et  indomptable;  ses  jambes  courtes,  son  ventre  presque  traînant,  ses 
formes  grossières,  la  petitesse  de  ses  yeux,  dénonçant  sa  stupidité,  en  font  un 
être  assez  mal  gracieux.  Il  vit  solitairement  dans  les  bois,  à  proximité  des  ri- 
vières, où  il  aime  à  aller  se  vautrer  dans  la  vase.  Il  se  nourrit  de  feuilles  et  de 
racines,  et  l'on  prétend  que  pour  avoir  celles-ci  il  ouvre  la  terre  avec  sa  corne; 
mais  ce  fait  me  paraît  douteux,  car  elle  est  recourbée  du  côté  des  yeux  et  placée 
de  manière  qu'il  doit  lui  être  extrêmement  difficile,  si  ce  n'est  impossible,  d'en 
présenter  la  pointe  au  sol.  Sa  lèvre  supérieure,  la  seule  partie  de  son  corps  où 
il  puisse  avoir  le  sens  parfait  du  tact,  est  allongée  et  mobile  ;  il  s'en  sert  avec 
assez  d'adresse  pour  saisir  et  arracher  les  végétaux  dont  il  se  nourrit.  Lorsqu'il 
est  paisible,  sa  voix  est  faible,  sourde,  et  a  quelque  analogie  avec  le  grognement 
d'un  cochon  ;  mais  lorsqu'il  est  irrité,  il  jette  des  cris  aigus  qui  retentissent  au 
loin.  La  femelle  ne  fait  qu'un  petit,  qu'elle  porte  neuf  mois,  et  pour  lequel  elle 
a  beaucoup  de  sollicitude  ;  quand  elle  en  est  suivie,  sa  rencontre  p.eut  devenir 
dangereuse,  surtout  si  elle  le  croit  menacé.  Alors  elle  se  précipite  avec  fureur 
sur  les  animaux  qu'elle  rencontre,  et  le  tigre  lui-même  est  obligé  de  fuir  à  toutes 
jambes  pour  éviter  sa  terrible  rencontre. 

Aussi  capricieux  que  stupide,  le  rhinocéros  passe  subitement,  sans  cause  cl 
sans  transitions,  du  plus  grand  calme  à  la  plus  grande  fureur.  Alors  cette  pesan- 
teur, celte  sorte  de  lourde  paresse  font  place  à  une  légèreté  elfrayante;  il  bondit 
à  droite  et  à  gauche  par  des  mouvements  brusques  et  désordonnés,  puis  il  s'é- 
lance devant  lui  avec  la  rapidité  du  meilleur  cheval,  brise,  renverse  et  foule 
aux  pieds  tout  ce  qui  se  trouve  sur  son  passage,  et  pousse  des  cris  à  faire  trem- 
bler le  plus  intrépide  chasseur.  Aussi  n'ose-t-on  l'attaquer  que  monté  sur  les 
chevaux  les  plus  vifs  et  les  plus  légers.  Les  chasseurs,  dès  qu'ils  l'ont  apeiçu. 


PACHYDERMES.  405 

le  suivent  de  loin  et  sans  bruit,  jusqu'à  ce  qu'il  se  soit  couché  pour  dormir; 
alors  ils  s'approchent  sous  le  vent,  car  si  le  rhinocéros  a  la  vue  mauvaise,  il  a 
l'odorat  très-fui,  et  flaire  de  fort  loin  l'approche  de  son  ennemi  quand  le  vent 
lui  apporte  ses  émanations.  Parvenus  à  la  portée  du  fusil,  les  chasseurs  descen- 
dent de  cheval,  visent  l'animal  à  la  tète,  font  feu,  et  s'élancent  sur  leurs  chevaux 
pour  fuir  avec  vitesse  s'il  n'est  que  blessé,  car  alors  il  se  jette  avec  rage  sur  ses 
agresseurs;  et  malheur  à  eux  s'il  parvenait  à  les  atteindre  !  Mais  comme  sa  course 
est  toujours  en  ligne  droite,  au  moyen  de  quelques  écarts  prompts  qu'ils  font 
faire  de  côté  à  leurs  chevaux,  ils  parviennent  à  éviter  sa  rencontre,  et  d'autant 
plus  aisément  que  le  rhinocéros,  ainsi  que  le  sanglier,  ne  se  détourne  jamais 
dans  sa  course  et  ne  revient  point  sur  ses  pas.  Les  habitants  des  i)ays  où  l'on 
trouve  ces  énormes  animaux  les  chassent  pour  avoir  leur  corne,  à  laquelle, 
ainsi  ([ue  nous  l'avons  dit,  ils  accordent  des  propriétés  merveilleuses,  pour  man- 
ger sa  chair,  qu'ils  trouvent  fort  bonne,  et  enfin  pour  avoir  sa  peau,  dont  on  fait 
d'excellentes  soupentes  de  voiture. 

Pris  trés-jeune,  le  rhinocéros  de  l'Inde  se  familiarise  jusqu'à  un  certain  point 
et  devient  assez  doux;  cependant  il  faut  toujours  se  défier  de  ses  caprices.  Si 
on  l'arrache  à  ses  déserts  lorsqu'il  approche  de  l'âge  adulte,  il  conserve  pour 
toujours  sa  farouche  brutalité.  En  esclavage,  il  se  nourrit  très-bien  de  riz,  de 
pain  et  de  sucre.  Cet  animal  a  deux  fortes  incisives  à  chaque  mâchoire. 


Le  RiiiNOcÉnos  de  Java  [Rhinocéros jaiani- 
cus,  et  lihinoceros  sondaiciis,  G.  Cuv.  Le  /i/ti- 
norcros  un'icornc  de  Java,  Camp.)  n'a  pas  plus 
de  huit  pieds  (2,.'>99)  de  longueur,  non  com- 
pris la  (jueue,  qui  a  un  ])ied  (0,.'î25);  sa  hauteur 
moyenne  est  dun  peu  plus  de  quatre  pieds 
(1.299)  :  les  jeunes  ont  quatre  incisives,  mais  il 
leur  en  tombe  deux  quand  ils  deviennent  adul- 
tes ;  la  peau  est  couverte  de  tubercules  penta- 
gones, et  forme  de  grands  plis  derrière  les  épaules 
et  aux  cuisses.  Il  n"a  qu'une  corne,  i)lacée  prés 
des  yeux  ;  des  poils  couits,  roidcs  et  bruns,  sont 
épars  sur  son  coi'|)s,  lui  bordent  les  oreilles,  et 
garnissent  l'extrémité  de  sa  queue;  sa  tète  est 
courte,  à  chanfrein  concave  ;  ses  yeux  sont  |)etils  ; 
enfin  il  lui  manque  ce  pli  dans  le  sens  de  l'épine 
du  dos,  comme  on  en  voit  sur  l'épaule  du  jjié- 
cédent.  11  habite  Java  et  a  les  mêmes  mieurs 
que  les  autres  espèces. 

Le  KiinocÉiios  he  Slmvtua  {Uhinorcros  sn- 
uiatranus,  Uaffi,.  [ihinoccros  sunuilrensis,  (]. 
Clv.  Le  Biiddah  de  ÎMaiisd.  Le  P.aduh  des  habi- 
tants de  Sumatra)  a  cpialre  incisi\es  à  chaque 
mâchoire,  mais  il  lui  en  tombe  deux  à  la  mâ- 
choire supérieure  (juand  il  atteint  un  certain 
âge.  Il  n'a  guère  (pie  cin(|  à  six  pieds  de  lon- 
gueur (1,624  à  l,'J49),  sur  trois  ou  quatre  de 
hauteur  (0,975  ou  1,29'J).  Stm  nez  porte  deux 
cornes,  dont  celle  placée  i)rès  des  yeux  est  plus 
<'ourte  que  l'autie;  sa  peau  est  rugueuse,  cou- 
veite  de  poils  assez  rares,  loides  et  bruns  ;  les 
plis  de  ses  épaules  et  de  sa  croupe  sont  peu  niar- 


(piés  ;  sa  peau  a  peu  d'éi)aissem' ,  presque  sans 
plis;  sa  tête  est  un  peu  allongée;  ses  yeux  sont 
bruns  et  petits  ;  sa  lèvi-e  supérieure  est  petite, 
l)ointue,  recourbée  eu  dessous;  ses  oreilles,  bor- 
dées de  poils  noirs  et  courts,  sont  petites  et  poin- 
tues. Il  habite  Sumatra. 

Le  Rli.xocékos  d'Afbique  {Rhinocéros  afri- 
ranus,  G.  Cuv.  Rhinocéros  hicornis,  Camper. 
Le  Kabal  des  Hotteutols.  Le  Rhinocéros  d'A- 
frique, BiJFF.  )  a  de  onze  à  douze  pieds  de  lon- 
gueur i5,o".)  à  5,898).  Son  nez  porte  deux  cor- 
nes ;  il  manque  d'incisives  et  n'a  point  de  plis 
à  la  i)eau,  qui  est  presque  entièrement  nue  ;  ses 
veux  sont  petits,  enfoncés;  ses  oreilles  sont  bor- 
dées de  quel(]ues  poils  noirs,  et  sa  queue  eu 
porle  un  boucjuct  à  l'extrémité.  Cette  espèce  ha- 
bite le  pavs  des  Ilottentots,  la  Cafrerie,  et  pro- 
bablement tout  l'intériem-  de  l'.Afrique  méridio- 
nale. Llle  fiéquente  le  bord  des  grandes  rivières, 
se  irtire  dans  les  bois  qui  ombragent  leurs  bords, 
et  parait  encore  ])lus  farouche  que  le  ihinocé- 
ros  des  Indes. 

Le  1ÎIUX0CÉ110.S  i)K  BtiiCiiELL  (Rhinocéros 
HtircUelii,  Less.  Rhinocéros  simiis,  Bihchell) 
|)ourrait  bien  être  mw  simple  variété  du  précé- 
dent, quoi(|ue  sa  taille  soil  l)eaucoup  plus  grande. 
11  en  iliffererait  par  ses  lèvres  et  son  nez  (|ui  se- 
raient Irès-élajgis  et  connue  tron(jues.  Ri'uce, 
Ciordon  et  d'antres  voyageurs  ont  signalé  quel- 
(jucs  autres  espèces  ou  variétc's  de  rhinocéros 
d  \fri(iue,  mais  que  je  ne  connais  pas  assez  pour 
les  menliomier  ici. 


ra- 


^06  LES  PACHYDERMES. 

nu  DIVISION.    Dents  comme  dans  la  division         L'Askiikoko  ou  DkVkn  nt   Cap  {  Uiirn.v 

prccédente  :  quatre  doigts  aux  pieds  de  de-  pnisis,  Dks>i.   (nria  rapeusis.  Pâli,.   Lo  Dn- 

rant,  et  trois  aux  pieds  de  derrirre.  lunn  et  la  Marmotte  du  Cap,  Buff.  L'AskhIiokn 

et  le  Cihc  des  Ahvssiniens.  l/.^gneau  d'Israël 

4«  Genbe.  Les  DAMANS  (  Ihira.r,  IIebm.  )  ont  et  le  ^ahr  des  Arabes.  Le  Klip-dass  des  llollnii- 

Irenle-qualre  dents:  deux  incisives  fortes,  re-  dais.  Le   Daman  d(>s  Syriens^  Cet  animal  ne 

courbées,  sans  racines,  à  la  ni!tcboiresuf)érieure,  dépasse  pas  la  taille  dun  lapin.  Ses  forni(>s  sont 

et  qiiatie  à  riiifc'rienre  :  point  de  canines  ou  deux  lourdes  ;  son  cor|is  est  alloupé  et  bas  sur  jambe  ; 

trè.s-petites,  mais  seidement   dans  la  jeunesse;  sa  tète  est  éi)aisse  et  son  museau  obtus;  son 

(|uatoi-ze  molaires  en  haut  et  autant  en  bas,  cou-  pelape  est  doll^,  soyeux,  très-fourni,  dini  pris 

rorn)ées  comme  celles  des   ihimx-éros  ;  cor|)s  brun  en  dessus  et  blanchâtre  en  dessous;  lia 

couveit  de  poils  ;  (pieue  ne  consistant  qu'en  un  une  pelile  tache  plus  fonc<>e  sur  l'œil,  et  quel- 

lulu-rcule;  museau  et  oreilles  courts  :  tous  les  quefois  une  lipue  dorsale  plus  foncée  que  le  fond 

doiRts  munis  d'un  |)elit  sabot  arrondi,  excei)té  du  pelatre.  11  habile  le  cap  de  Romie-F.spér;.ncc, 

le  doiRt  mierne  de  derrière,  qui  est  armé  d'un  l'Abyssinie  et  le  Liban,  et  ne  se  trouve  que  dans 

ongle  crochu  et  oblicpie.  ips  montagnes  h érissées  de  rochers. 

Ciivier  dit  (O.fse/H.  fnssil.  )  :  «  U  n'est  point  de  quadrupède  qui  prouve  mieux 
que  le  daman  la  nécessité  de  Tanatomie  pour  déterminer  les  véritaldes  rapports 
des  animaux.  »  En  effet,  personne  n'eût  deviné,  avant  ce  faraud  naturaliste,  que 
le  daman,  grand  comme  un  lapin,  se  creusant  un  terrier,  ayant  une  jolie  et 
douce  fourrure,  les  formes  d'un  cochon  d'Inde  ou  d'une  marmotte,  les  mœurs 
douces,  le  caractère  aimant,  susceptible  de  s'attacher  à  son  maître  ;  que  le 
daman  placé  par  tous  les  naturalistes  avec  les  rongeurs  à  cause  de  ses  formes 
générales,  de  sa  physionomie,  de  ses  habitudes  douces  et  intelligentes,  de  son 
goût  recherché  pour  la  propreté;  on  n'aurait  jamais  deviné,  dis-je,  que  le  da- 
man était  un  rhinocéros,  c'est-à-dire  le  portrait  en  miniature  du  plus  farouche, 
du  plus  stupide  et  du  plus  brutal  des  quadrupèdes,  dont  le  plus  grand  plaisir  est 
de  se  vautrer  dans  la  fange.  Grâce  soit  donc  rendue  à  l'anatomie,  car  sans  elle 
j'aurais  certainement  pris  le  daman,  non  pour  un  rhinocéros,  mais  pour  un  rat! 
Cependant,  ne  serait-il  i)as  possible  que  ce  que  le  grand  naturaliste  prend  ici 
pour  une  preuve  de  l'utilité  de  l'anatomie  pût  être  pris  aussi  pour  une  preuve 
de  l'abus  qu'on  en  peut  faire  quand  on  s'en  sert  avec  des  idées  préconçues' 
Les  véritables  rapports  naturels  du  daman  sont-ils  bien  ceux  qui,  brisant  tous 
les  liens  de  formes,  d'aspect,  de  grandeur,  de  mœurs,  d'habitudes  et  d'intelli- 
gence, le  retirent  d'auprès  de  la  marmotte,  auprès  de  laquelle  un  grand  homme 
aussi,  Buiïon,  l'avait  placé,  pour  en  faire  un  rhinocéros?  Je  ne  sais.  Quoi  qu'il 
en  soit,  ce  petit  animal  habite  de  préférence  les  montagnes  boisées,  au  milieu 
des  roches  les  plus  escarpées  et  les  plus  roides.  Quelquefois  il  se  creuse  un 
terrier  analogue  à  celui  d'un  lapin,  mais  très-souvent  il  se  contente  d'un  trou 
d'arbre  ou  d'une  fente  de  rocher.  Il  est  très-vif,  très-alerte,  et  se  retire  préci- 
pitamment dans  son  fort  à  la  moindre  apparence  de  danger,  au  plus  petit  bruit 
qui  vient  frapper  son  oreille  Irès-fine.  Aussi  est-il  très-difficile  de  s'en  emparer, 
car,  une  fois  dans  son  trou,  il  se  laisse  étouffer  par  la  fumée  ou  noyer  par  l'eau 
qu'on  y  introduit,  plutôt  ([ue  d'en  sortir.  Tous  les  petits  mammifères  carnassiers 
lui  font  une  guerre  active,  mais  les  oiseaux  de  proie  sont  les  plus  dangereux  de 
ses  ennemis,  parce  qu'ils  l'épient  d'une  roche  ou  d'un  arbre  voisin,  et  dès  qu'il 
est  éloigné  de  quelques  pas  de  sa  retraite,  ils  se  précipitent  sur  lui  à  l'impro- 
viste,  le  saisissent  et  le  déchirent.  Il  se  nourrit  dberbe  comme  le  lièvre,  s'ap- 
privoise très-facilement,  et  il  est  très-suscei)tible  daHacbemcnt. 


i'.\(jivi)i,r.viKs 


m 


5'^,f.^\^v..  Les  PM:ARIS  (  Oiro<»//««,(;.  ttv. , 
ont  lrpiit<'-liuit  dents,  savoir  ;  «jualn'  incisives  a 
la  nriàchoirf  siJf>érieurf  et  six  a  linfirit-urf  , 
deux  ranin*"!»  en  haut  et  deux  en  has,  ne  s<^)Tiaiit 
pas  de  la  l^mche  ;  douze  molairr-s  à  <  hafjue  mà- 
cljoire  ;  les  d'oiffis  inlemiediain-s  sf)nt  plas  longs 


(|ue  les  autres,  et  appuient  sur  la  terre  ;  ils  ont 
sur  le  dos,  près  des  \(>m\)es,  une  ouverture  (ïlan- 
duleuse  d  où  suinte  une  humeur  lres-p«'n' trante 
et  Ires-fétide  ;  enfin  leur  queue  est  excessive- 
ment courte,  large  et  plate.  i)a  reste,  ils  ressem- 
blent t»eaucoii|j  au  c<xlK)n. 


M^i 


't08 


Li:S  PACllYOKiniIvS 


Le  TAYTETOU  OU  PKCARI  A  COLLIER    [DicOUjU'S  /o/V/»f(/H.s,   Fr.    Chv. — Dksm. 

Sus  injassu.  Lin.  Le  Pécari  ou  Tajasson,  Buff.  Le  Pâlira  de  quel(|ues  proviuces 
de  l'Amérique) 

Est  de  la  taille  d'un  moyen  cochon;  il  a  deux  pieds  cl  demi  (0,812)  de  lou- 
ffueur.  Son  corps  est  couvert  de  soies  roides,  analogues  à  celles  des  sangliers, 
annelées  de  blanc  sale  et  de  noir  dans  leur  longueur,  d'où  résulte  un  pelage  d'un 
gris  foncé  uniforme  ou  tiqueté;  une  large  bande  blanchâtre  lui  descend  obli- 
quement de  chaque  épaule,  en  écharpe;  les  jeunes  sont  d'un  brun  fauve  clair, 
avec  une  ligne  noirâtre  sur  le  dos. 

Le  taytetou  habite  les  forêts  de  toute  l'Amérique  méridionale,  vit  en  famille, 
mais  non  pas  en  troupe,  comme  le  croyait  Dun'on,  se  loge  dans  les  antres  des 
rochers,  et  plus  communément  dans  les  trous  que  la  vieillesse  a  creuses  au  pied 
des  troncs  d'arbres.  Bulfon  dit  qu'on  ne  le  trouve  que  dans  les  montagnes, 
d'autres  assurent  qu'il  ne  fréquente  que  les  plaines.  Le  vrai  est  (ju'on  le  ren- 
contre dans  toutes  les  forêts  où  il  peut  trouver  sa  nourriture,  consistant  eu 
racines  et  en  fruits.  Les  glandes  qu'il  a  sur  le  dos  exhalent  en  tout  temps,  mais 
surtout  quand  il  est  irrité,  une  odeur  empestée  ayant  un  peu  d'analogie  avec 
celle  de  l'ail,  mais  beaucoup  plus  désagréable.  Il  paraît  néanmoins  qu'elle  n'in- 
fecte pas  la  chair  si  on  a  le  soin  d'enlever  les  glandes  aussitôt  que  l'animal  vient 
d'être  tué,  car  les  Américains  le  mangent  et  le  regardent  comme  un  fort  bon 
mets.  Ils  le  chassent  avec  des  chiens;  mais  comme  il  a  l'odorat  trés-fin,  souvent 
il  découvre  les  chasseurs  et  la  meute  longtemps  avant  d'avoir  été  découvert  par 
eux;  alors  il  fuit  avec  rapidité  et  se  jette  dans  quelque  trou  profond,  entre  les 
rochers,  d'où  il  est  fort  difficile  de  le  retirer.  Dans  sa  colère  il  hérisse  sur  son 
dos  son  poil  beaucoup  plus  dur  et  plus  roide  que  celui  du  sanglier,  il  pousse  des 


PACHYDERMES.  ',01» 

cris  aigus,  se  défciiil  avec  courage,  et  mord  cruellenu'ut.  Le  mâle  ne  quille  ja- 
mais sa  femelle,  et  l'on  ne  rencontre  ces  animaux  (jue  par  couple,  à  moins  qu'ils 
ne  soient  suivis  de  leurs  petits,  que  les  parents  protègent  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  capables  de  pourvoir  eux-mêmes  à  leurs  Itesoins.  Alors  la  famille  se  sé- 
pare par  couple  pour  ne  plus  se  réunir. 

Le  taytetou  est  sauvage,  grossier,  peu  intelligent,  et  comparable,  aussi  bien 
sons  le  rapport  de  ses  habitudes  que  de  ses  formes,  à  notre  sanglier.  Cependant, 
malgré  son  humeur  farouche,  il  s'apprivoise  fort  bien,  et  multiplie  même  en 
captivité.  Devenu  domestique,  il  a  les  mœurs  de  notre  cochon,  o  Les  pécaris, 
dit  Bufl'on,  perdent  leur  férocité  naturelle,  mais  sans  se  dépouiller  de  leur  gros- 
sièreté, car  ils  ne  connaissent  personne,  ne  s'attachent  point  à  ceux  qui  les  soi- 
gnent ;  seulement  ils  ne  font  point  de  mal,  et  l'on  peut,  sans  inconvénient,  les 
laisser  aller  et  venir  en  liberté;  ils  ne  s'éloignent  pas  beaucoup,  reviennent 
d'eux-mêmes  au  gîte,  et  n'ont  de  querelle  qu'auprès  de  l'auge  et  de  la  gamelle, 
lorsqu'on  la  leur  présente  en  commun.  »  Avant  la  révolution  de  Saint-Uomin- 
gue,  le  gouverneur  La  Luzerne  avait  commencé  à  les  naturaliser  dans  cette  île, 
et  ils  s'étaient  déjà  multipliés  à  la  Gonave.  3L  le  docteur  Ricord,  ce  naturaliste 
si  zélé,  si  estimé  de  G.  Cuvier,  avait  fait  à  Saint-Domingue  plusieurs  notes 
intéressantes  sur  cet  animal  considéré  sous  le  rapport  de  la  domesticité;  mais 
elles  o-nt  été  anéanties  dans  le  fatal  incendie  qui  dévora  sa  maison  et  les  im- 
menses collections  qu'il  y  avait  amassées  avec  tant  de  peines  et  de  périls  pen- 
dant plusieurs  années.  Ce  voyageur  m'a  dit  que  les  tentatives  faites  par  M.  de 
lia  Luzerne  n'avaient  pas  élé  renouvelées  depuis  le  départ  des  colons  français. 


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52 


'(10 


LES   l'ACllVOEUMES. 


WCn 


Iv, 


Lo  TAGNICATI  (  Dicolijlfs  litb'inlns,  Fr.  Cuv.  Sus  liijdssu,  Lin.  Le  Pécari   la- 
jassoH  (les  naluralistes) 

Est  plus  grand  que  le  prêcédenl,  et  a  été  confoiKlu  avec  lui  par  Linné,  BnlTon, 
et  d'autres  naturalistes,  il  en  diffère  par  sa  couleur  entièrement  d'un  brun  noi- 
râtre, ])ar  ses  lèvres  Manches,  et  par  la  concavité  de  son  chanfrein.  11  habite 
particulièrement  le  Paraguay,  et  vit  en  troupes  composées  quehiuefois  de  plus 
de  cent  individus.  Il  se  nourrit  de  graines,  de  racines,  de  fruits  sauvages;  il 
mange  aussi  des  serpents,  des  crapauds  et  des  lézards,  et,  si  l'on  en  croit  Hufi'on, 
il  les  écorche  avec  les  pieds  avant  de  les  manger.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  certain, 
c'est  qu'il  est  omnivore  comme  notre  cochon,  dont  il  a  les  mœurs  et  toutes  les 
habitudes.  Ainsi  que  ces  derniers,  les  tagnicatis  se  secourent  mutuellement  lors- 
(pi'ils  sont  attaqués  ;  ils  entourent  les  chiens  et  les  chasseurs,  les  harcèlent  par 
leurs  grognements  et  leurs  menaces,  et  les  blessent  quelquefois.  Azara  fait  ob- 
server, à  cet  égard,  qu'en  frappant  avec  leurs  canines,  ce  n'est  pas  de  bas  en 
haut,  comme  les  sangliers,  mais  de  haut  en  bas.  Ils  savent  se  défendre  avec  cou- 
rage contre  les  animaux  carnassiers,  et  même  contre  le  jaguar,  le  plus  terrible 
de  leurs  ennemis,  et  quoique  plus  petits  que  le  sanglier,  ils  sont  plus  dangereux 
que  lui,  parce  qu'ils  se  précipitent  en  grand  nombre  sur  leur  assaillant,  et  le 
déchirent  de  mille  morsures  à  la  fois.  Du  reste  les  tagnicatis  sont  extrêmement 
faciles  à  apprivoiser  et  deviennent  même  très-familiers.  En  domesticité  ils  con- 
tractent les  mêmes  habitudes  que  nos  cochons  ;  ils  en  ont  la  démarche,  les  goûts, 
la  manière  de  manger,  de  boire,  de  fouir  la  terre,  mais  ils  sont  plus  propres 
et  ne  se  vautrent  pas  dans  la  fange.  Jamais   ils  ne  se  mêlent  avec  les  tay- 
tetous,  ni  nliabitent  les  mêmes  bois.  Leurs  glandes  dorsales  n'exhalent  pas  non 


PACIIYDEUMES. 


Vil 


l)lus  une  odeur  aussi  desagréable.  Autrefois  ils  étaient  heaucoup  j)liis  communs 
qu'aujourd'hui,  mais  comme  ils  font  un  dégât  énorme  dans  les  champs  de  cannes 
à  sucre,  de  maïs,  de  maniocs  et  de  patates,  où  ils  se  jettent,  on  leur  fait  une  guerre 
d'extermination  qui  en  a  heaucoup  diminué  le  nombre. 


IV<^  Divisio>.  Les  trois  sortes  tic  dents  :  quatre 
doigts  à  tous  les  pieds. 

6' Genre.  Les  BABIROITSSAS  [Babintssa. 
Vu.  Cuv.)  ont  freiitc-qufitrc  dent.s,  savoir  :  qua- 
tre incisives  on  liant  et  six  en  bas;  deux  canines 
supérieures  sortant,  non  de  la  Ixmclie,  mais  du 
museau,  et  se  recourbant  en  demi-cercle  vers 
les  yeux  ;  deux  infériem-cs  aiquées  et  aiguës, 
conune  chez  les  sangliers.  Du  reste  ils  ressem- 
blent assez  au  cochon,  ([uoiqu'ils  aient  les  for- 
mes plus  lourdes. 

L'Ai.FOCHOiis  ou  BxBEC-Rosoo  (  Babinissa 
aljiirus,  Less.  Sus  liabiiruss'i,  Lin.  l.e  Babi- 
roussa  ou  Cocitoii-cerf ,  Bief  —G.  Cuv.  Le 
Sanglier  des  Indes  orientales,  Biuss.)  est  de 
la  grandeur  de  notre  sanglier,  mais  à  corps 
proportionnellement  plus  gros,  à  formes  plus 
arrondies:  sa  peau  est  noire,  presque  nue,  ri- 
dée ou  plissée;  les  défenses,  très-longues  ettiès- 
gièles  dans  le  màlc,  manquent  dans  la  femelle. 
Cet  animal,  dont  la  ménagerie  a  possédé  deux 
individus,  habite  les  foréls  marécageuses,  dans 
l'intérieur  de  l'Ile  Bourou,  l'une  des  Moluques, 
et,  dit- on,  les  îles  Philippines,  les  Célèbes,  Bor- 
néo, et  Tarchipel  des  Papous.  Il  aime  l'eau, 
nage  et  plonge  fort  bien,  et  se  jette  dans  les 
ondes  aussitôt  qu'il  est  poursuivi.  Il  se  nourrit 
de  racines,  d'herbes  et  de  fruits,  et  il  aime  par- 
liculièrement  le  mais;  si  l'on  s'en  rapportait  à 
Buffon,  qui,  du  reste,  parait  avoir  fort  peu 
connu  cet  animal,  il  vivrait  en  troupes;  mais 
les  hal)itudes  qu'il  avait  à    la  ménagerie  me 


font  croire  ce  fait  très-douteux.  Il  se  retire  par 
couple  dans  des  troncs  d'arbres  creux,  ou  dans 
d'antres  trous,  où  il  se  couvre  entièrement,  avec 
sa  femelle,  de  feuilles  sèclK's  ou  de  débris  de 
foin  ou  de  i)aille  ;  du  moins  ceux  de  la  ménage- 
rie se  sont  fait  un  tel  lit  aussitôt  leur  arrivée,  et 
ces  animaux  ont  trop  peu  d'intelligence  ])onrque 
ceci  leur  ait  été  inspiré  par  le  froid,  s'ils  n'en 
eussent  eu  l'ancienne  habitude.  Ils  ne  s'ap|)rivoi- 
sent  |)as  aussi  facilement  que  le  disent  BulTon  et 
Valentya  ,  et,  dans  l'esclavage,  leur  caractère 
reste  toujours  inquiet  et  farouch;'. 

7'  (iKMtE.  Les  <:OC:HONS  (.S'((.s,  I.iN.)  ont  qua- 
rante-quatre dents,  savoir  :  six  incisives  en  haut 
et  autant  en  bas;  deux  canines  à  chaque  m;i- 
choire,  recourbées  dans  le  haut  et  latéralement  ; 
quatorze  supérieures  et  cpiatorze  inférieures,  à 
couronne  tuberculeuse:  leur  nniseau  est  tron- 
qué, terminé  par  un  boutoir;  leui-  corps  est  cou- 
vert de  poils  roides,  di>  la  naluir  du  crin  ;  les 
deux  doigts  du  milieu  sont  grands,  avant  de  forts 
sabots  :  les  deux  doigts  extérieurs  sont  courts  et 
ne  touchent  pas  la  terre. 

Le  Sam-.lieh  commis  {Sus  srrofa,  Ln.)  atteint 
la  taille  de  nos  i)lus  grands  cochons  domestiques, 
dont  il  t^st  la  souche  ;  ses  canines  ou  défenses 
sont  recourbées  eu  dehors  et  ini  peu  vers  le  haut; 
son  cor[)s  est  trapu,  couvert  de  poils  hérissés, 
d'un  brim  noir;  ses  oreilles  sont  droites.  La  fe- 
melle ou /aie  est  un  peu  plus  petite  que  le  mâle. 
Les  jeunes,  nouuues  uiarcassins,  sont  rau's  de 
blanc  et  de  binn,  pendant  leur  première  jeu- 
nesse, et  sont  alors  recherciiés  pour  la  table. 


Le  sanglier  habile  les  forêts  les  plus  grandes  et  les  plus  solitaires  de  toutes 
les  contrées  tempérées  de  l'Europe  et  de  l'Asie.  11  ne  se  trouve  pas  en  Angle- 
lerre,  probablement  parce  qu'il  y  a  été  détruit  dans  des  temps  reculés.  Maigre 
ce  que  l'on  en  a  dit,  ce  n'est  pas  un  animal  stupide,  mais  grossier,  brutal,  et 
d'un  courage  intrépide.  Lorsqu'il  fuit  devant  les  chiens  de  chasse,  il  est  rare 
que  la  rencontre  d'un  homme  le  détourne  de  son  droit  chemin;  il  le  renverse  et 
le  blesse  cruellement  d'un  coup  de  boutoir,  lui  passe  sur  le  corps,  et  continue  sa 
course;  mais  il  ne  se  détourne  pas  non  i)lus  pour  courir  sur  le  chasseur,  si  celui-ci 
a  la  précaution  d'éviter  sa  rencontre.  Quand  il  reçoit  un  coup  de  feu  qui  le  blesse, 
il  n'en  est  plus  de  même;  quehpie  éloigné  que  soit  son  ennemi,  il  perce  droit  a 
lui  au  travers  delà  mente  (jui  le  harcèle,  et  fond  sur  lui  pour  se  venger.  Si  l'ttn 
évite  son  premier  clioc,  il  est  rare  (ju'il  revienne  sur  ses  pas.  Du  reste  il  n'y  a 
wuère  que  les  vieux  mâles  qui  agissent  ainsi  ;  les  femelles  et  les  jeunes  se  bornent 
à  fuir,  ou  à  faire  fori  contre  les  chiens,  qu'ils  estropient  fort  souvent.  Le  sanglier 


'(12  LES    PACHYDERMES. 

croît  pendant  cinq  ou  six  ans,  mais  dès  sa  seconde  année  il  est  capable  de  re- 
produire son  espèce.  La  femelle  entre  en  rut  en  janvier  et  février,  elle  porte 
quatre  mois,  et  elle  met  bas  de  quatre  à  dix  marcassins.  Elle  les  cache  dans  les 
fourrés  les  plus  épais  pour  les  soustraire  à  la  voracité  des  mâles  qui  ne  manque- 
raient guère  de  les  manger  s'ils  les  rencontraient  pendant  les  premiers  jours 
après  leur  naissance.  Elle  les  allaite  pendant  trois  ou  quatre  mois,  mais  elle  ne 
les  quitte  que  longtemps  après,  et  elle  ne  cesse  pas  de  les  instruire,  de  les  pro- 
téger et  de  les  défendre.  Dans  les  pays  peu  peuplés,  il  arrive  par  fois  que  plu- 
sieurs familles  se  réunissent,  et  forment  ainsi  des  troupes  plus  ou  moins  consi- 
rables,  toutes  composées  de  femelles,  et  de  leurs  enfants  âgés  quelquefois  de 
deux  ou  trois  ans.  Ils  vivent  entre  eux  en  fort  bonne  intelligence,  et  se  défen- 
dent mutuellement.  Lorsqu'un  danger  les  menace,  ils  se  rangent  en  cercle,  pla- 
cent au  milieu  d'eux  les  marcassins  portant  encore  la  livrée,  et  présentent  à 
l'ennemi  leurs  boutoirs  menaçants.  Quant  aux  vieux  mâles,  ils  vivent  solitaire- 
ment. Ces  animaux  aiment  à  se  vautrer  dans  la  vase  des  marais;  ils  nagent  très- 
bien,  et  traversent  aisément  les  rivières  les  plus  larges.  Pour  peu  qu'ils  soient 
trop  inquiétés  dans  une  contrée,  ils  la  quittent  et  vont  s'établir  quelquefois  à 
plus  de  vingt  ou  trente  lieues  de  là.  Leur  nourriture  ordinaire  consiste  en  ra- 
cines, en  grains  et  en  fruits,  mais  ils  dévorent  aussi  les  reptiles,  les  œufs  d'oi- 
seaux, et  tous  les  jeunes  animaux  qu'ils  peuvent  surprendre.  Malgré  leur  air 
lourd,  ils  courent  avec  une  grande  rapidité.  Us  ne  sortent  guère  de  leur  bauge 
que  la  nuit,  et  ils  dévastent  les  champs  de  maïs  et  de  pommes  de  terre  où  ils 
peuvent  pénétrer.  Le  sanglier  s'apprivoise  très-bien  et  devient  très-familier;  il 
est  tout  à  fait  inoflensif  tant  qu'il  est  jeune;  il  s'attache  même  à  la  personne  qui 
en  prend,  soin,  et  Frédéric  Cuvier  en  a  vu  auxquels  on  avait  appris  à  faire  des 
gesticulations  grotesques  pour  obtenir  quelque  friandise  ;  mais  il  serait  impru- 
dent de  s'y  trop  fier  quand  il  devient  vieux. 

Le  Cochon  domestique  n'est  rien  aulre  que  le  de  même  foi-me  que  les  incisives;  poils  courts, 

sanglier  dont  une  antique  servitude  a  modifié  le  épais,  d'un  fauve  brunâtre  en  dessous,  blancs  et' 

physique  ei  le  moral.  On  en  possède  plusieurs  annelés  de  noir  eu  dessus;  queue  très-courte.  11 

races  très-distinctes,  dont  les  principales  sont  :  est  commun  dans  les  forets  de  la  Nouvelle-Gui- 

Le  Cochon  de  Chine.  Il  a  le  corps  épais,  le  mu  -  née. 

seau  court  et  concave  supérieurement,  le  front  Le  Sanglier  a  masque  {Sus  lanatus,  Fr.  Cu  y.) 

bombé,  les  poils  très-frisés  sur  les  joues  et  à  la  est  de  la  grandeur  de  notre  sanglier  et  n'en  dif- 

màchoire  inférieure  ;  fere  que  par  une  protubérance  fort  grosse,  pla- 

Le  Cochon  du  cap  de  Bonne-Espcrauce,  de  cée  de  chaque  côté  de  sou  museau.  Il  habile 

la  grandeur  d'un  cochon  commun  d'un  an.  11  a  INIadagascar  et  l'Afrique  orientale, 

le  poil  rare,  dur,  noir  ou  brun  foncé  ;  les  oreilles  8'  Genre.  Les  PHACOCHŒRES  (Phacochcr- 

droites  ;  la  queue  pendante  terminée  par  un  flo-  riis,  Fr.  Cuv.)  ont  seize  ou  vingt-quatre  dénis, 

con  de  soie  :  savoir:  deux  incisives  ou  point  à  la  mâchoire  su- 

Le  Cochon  de  Sictm,  de  la  grandeur  du  pré-  périeure,  et  six   ou  point  à  la  màchoiie  infé- 

cédent  et  lui  ressemblant;  rieure  ;  deux  canines  en  haut  et  deux  en  bas  ;  six 

Le  Cochon  commun  ou  à  grandes  oreilles;  molaires  à  chaque  mâchoire,  composées  de  cy- 

Le  Cochon  turc  ou  Mongolitz  ;  lindres  éraaillenx  ;  leurs  défenses  sont  très-fortes. 

Les  Porcs  de  Pologne,  de  Russie,  de  Guinée,  latérales,  dirigées  en  haut;   leurs   pieds  sont 

etc.  Toutes  ces  races  ont  elles-mêmes  un  assez  comme  ceux  des  cochons  ;  leui'  queue  est  courte; 

grand  nombre  de  variétés.  jis  ont  sur  les  joues  de  très-grosses  loupes  char- 

Le  Bé>e  ou  Sanglier  des  Papous  (  Sus  pa-  nues. 

puensis,  Less.  et  Gariv.)  est  petit,  long  de  trois  L'E?i(ikLo{l'hncoch(crusedentatus,  Is.Geoff. 

pieds  (0,975]  ;  canines  supérieures  très-petites,  Sus  cthiopicus,  Lin.-Pall.  Le  Phacochère  du 


PACHYDERMES. 


413 


Caj),  le  Porr  a  largr  groin  des  voyageurs)  a  plus 
(le  cjuatrc  pieds  de  longueur  il, 299),  non  com- 
pris la  queue;  il  manque  de  dents  incisives;  sou 
jielage  est  d'un  gris  roux,  et  sa  tcte  noii-iitre; 
son  cou  porte  une  longue  crinicrp  ;  sous  les  yeux 
s'élèvent,  de  deux  pouces  trois  lignes  (0,061  \ 
deux  |irotul)crances  rondes,  plates  et  assez  épais- 
ses, simulant  à  peu  près  deux  oreilles,  d'où  les 
chasseurs  ont  quelquefois  donné  à  cet  animal  le 
nom  de  Porc  à  quatre  orcillrs.  Au-dessous  de 
ces  protubéi-ances  et  sur  la  ligne  du  museau  en 
existent  deux  autres  qui  sont  dures,  rondes  et 
pointues,  saillantes  en  dehors.  Du  reste,  l'engalo 
ressemble  au  sanglier.  Il  habite  le  cap  de  Bonne- 
Espérance  et  se  nourrit  de  fruits,  et  de  racines 
qu'il  arrache  de  la  terre  en  fouillant  avec  ses 
pattes  et  son  large  groin.  11  a  les  yeux  très-petits, 
lapprochés  et  places  liant,  ce  qui  lui  donne  une 
mauvaise  vue,  mais  son  ouie  et  son  odorat  sont 
d'une  extrême  finesse.  Son  caractère  est  capri- 
cieux et  féroce;  cependant,  étant  pris  jeune,  il 
s'apprivoise  bien,  et  reste  assez  doux  pendant  ses 
|)remièresaunées.  Sa  force  est  redoutable,  et  sou 


courage  le  rend  dangereux  pour  les  chasseurs. 

Le  PiiAcociiouiiE  A  INCISIVES  {['hnrochariisin- 
cisirus,  Is.  Geofp.  PhfKorhœnis  nfricanus,  Fii. 
Cjjv.  Sus  alriranns ,  Gsii,.  Le  Sanglier  du  cap 
Vert,  Blff.*  diffère  du  précédent  en  ce  qu'il  a 
des  dents  incisives  ;  son  pelage  est  noirâtre  ;  sa 
queue,  terminée  par  un  llocon  de  poils,  lui  des- 
cend jusqu'aux  jarrets;  il  lui  manque  ces  sortes 
défausses  oreilles  qu'a  le  précédent;  enfin  sa 
tète  est  plus  longue  et  plus  étroite.  11  habite  le 
cap  Vert. 

9<'  (lENUE.  Les  HIPPOPOTA.MES  (Uippnpo- 
tamiis.  Lin.)  ont  trente-huit  dents,  savoir:  qua- 
tre incisives  en  haut  et  en  bas  ;  deux  canines 
supérieures  et  deux  inférieures,  ces  dernières 
courbes,  et  toutes  quatre  fort  grosses  :  quatorze 
molaires  en  haut  et  douze  en  bas,  dont  l'émail 
ligure  des  trèfles  opposés  base  à  base,  quand  elles 
sont  usées;  le  corps  est  très-gros,  les  jambes  sont 
courtes,  la  peau  est  ju-esque  entièrement  di'pour- 
vue  de  poils;  la  queue  est  courte,  le  museau 
renflé;  les  pieds  sont  terminés  par  des  petits 
sabots. 


^î^^^-^iA—- 


u\ 


LES   PACIlYDEiniES. 


LH.|,|,oi.r„. 


L'UIPPOPOTAME  AMPHIBIE  llipjiopolanius  (Uiipliiùius,  Li\.  II/ppopoKmius 
capensis,  Desmoul.  ) 

Est  d'une  grosseur  énorme,  et  atteint  (]ueI((uefois  jus(|u'à  onze  pieds  (5,375^ 
de  longueur  sur  dix  (5,248)  de  circonférence;  ses  formes  sont  massives;  ses 
jambes  courtes,  et  son  ventre  traîne  presque  à  terre.  Sa  tète  est  énorme,  termi- 
née par  un  large  muffle  renflé;  sa  bouche  est  démesurément  grande,  armée  de 
canines  énormes,  longues  quebiuefois  de  plus  d'un  j>ied,  fournissant  de  l'ivoire 
plus  estimé  que  celui  de  l'éléphant.  Ses  yeux  sont  petits,  ainsi  que  ses  oreilles; 
sa  peau  est  nue  et  d'une  grande  épaisseur,  d'un  noir  d'ardoise  ou  d'un  roux 
tanné.  Il  habite  toutes  les  grandes  rivières  du  midi  de  l'Afrique,  et  il  paraît 
qu'autrefois  il  était  assez  commun  dans  le  Nil,  mais  aujourd'hui  il  n'existe  plus 
en  Egypte. 

Après  l'éléphant  et  le  rhinocéros,  l'hippopotame  est  le  plus  grand  des  mam- 
mifères quadrupèdes;  comme  tous  les  animaux  a(juatiques  de  celte  classe,  il  a 
beaucoup  de  graisse  sous  la  peau,  et  il  paraît  que  sa  chair  est  fort  bonne  à 
manger.  Cet  animal  est  très-lourd,  il  marche  fort  mal  sur  la  terre,  mais  il  nage 
et  plonge  avec  une  extrême  facilité,  cl  a,  dit-on,  la  singulicie  faculté  de  marcher 
sous  l'eau,  sur  le  fond  des  rivières,  avec  plus  d'agilité  que  lorsqu'il  est  sur  la 
terre.  Il  peut  rester  assez  longtemps  sous  l'eau  sans  venir  respirer  à  la  surHice, 
mais  non  pas  une  demi-heure,  comme  on  l'a  dit.  Il  résulte  de  tout  cela  que 
lorsqu'il  est  poursuivi  il  gagne  aussitôt  la  rive  d'un  lac  ou  d'un  fleuve,  se  jelle 


INTERIEU 


R   DES  GALERIES   D'HISTOIRE  NATURELLE 

(  .),,ai..  il.--  PI.. ,.  w,  ) 


PACllYDEUMtS.  415 

dans  les  oiules,  ploiigo,  cl  ne  repaiail  a  la  suifaco,  pour  respirer,  qw'ix  une  très- 
grande  dislance.  Son  cri  est  une  sorte  de  hennissement  ayant  beaucoup  d'ana- 
logie avec  celui  d'un  cheval,  ce  qui  lui  a  valu  son  nom  d'hippopotame  (en  grec 
rlicval  de  rivière).  Son  caractère  est  farouche,  et  quoi(iu'il  n'attaque  jamais 
l'homme,  si  on  le  poursuit  trop  vivement  il  se  retourne  pour  se  défendre;  mais 
sa  stupidité  ne  lui  permet  pas  de  distinguer  son  agresseur  du  canot  ou  de  la 
chaloupe  qui  le  porte,  et  lorscju'il  a  renversé  ceux-ci,  ou  brisé  leur  bordage,  il 
ne  pousse  pas  [)lus  loin  sa  vengeance.  «  Une  fois  que  notre  chaloupe  était  près 
du  rivage,  dit  le  capitaine  Covent,  je  vis  un  hippopotame  se  mettre  dessous,  la 
lever  avec  son  dos  au-dessus  de  l'eau,  et  la  renverser  avec  six  hommes  qui 
étaient  dedans  :  mais  par  bonheur  il  ne  leur  fit  aucun  mal.  »  Bulfon  dit  que  si 
on  le  blesse,  il  s'irrite,  se  retourne  avec  fureur,  s'élance  contre  les  barques, 
les  saisit  avec  les  dents,  en  enlève  quel([uefois  des  pièces  ou  les  submerge. 

L'hippopotame  passe  tous  les  jours  dans  l'eau,  et  n'en  sort  que  la  nuit  pour 
aller  paître  sur  le  rivage  dont  il  ne  s'éloigne  jamais  beaucoup,  car  il  ne  compte 
guère  sur  la  rapidité  de  sa  course  pour  regagner,  en  cas  de  danger,  son  élément 
favori.  Il  se  nourrit  de  joncs,  de  roseaux,  et  lorsqu'il  trouve  à  sa  portée  des  plan- 
tations de  cannes  à  sucre,  de  riz  el  de  millet,  il  fait  alors  de  grands  dégâts, 
car  sa  consommation  est  énorme.  On  a  prétendu  qu'il  mangeait  aussi  du  pois- 
son, mais  ce  fait  est  entièrement  conlrouvé   Sans  quitter  les  lieux  marécageux 
et  les  bords  des  lacs  et  des  rivières,  il  n'est  cependant  pas  sédentaire,  car  sou- 
vent on  le  voit  apparaître  dans  des  pays  où  il  ne  s'était  pas  montré  depuis 
longtemps.  Sa  manière  de  voyager  est  très-commode  et  peu  fatigante  :  le  corps 
entre  deux  eaux,  ne  montrant  à  la  surface  que  les  oreilles,  les  yeux  et  les  na- 
rines, il  se  laisse  tranquillement  emporter  par  le  courant,  en  veillant  néanmoins 
aux  dangers  qui  pourraient  le  menacer.  11  dort  aussi  dans  cette  attitude,  molle- 
ment bercé  par  les  ondes.   Presque  toujours  ces  animaux  vivent  par  couple,  el 
le  mâle  et  la  femelle  soignent  leducalion  de  leur  petit,  qu'ils  aiment  avec  ten- 
dresse et  protègent  avec  courage.  On  chasse  l'hippopotame  de  différentes  ma- 
nières :  quelquefois  on  se  cache,  le  soir,  dans  un  épais  buisson,  sur  le  bord 
d'une  rivière,  fort  près  de  l'endroit  où  il  a  rhal)itude  de  sortir  de  l'eau,  ce  qui 
se  reconnaît  à  la  trace  de  ses  pas.  On  a  le  soin  de  se  placer  sous  le  vent  et  de 
ne  pas  faire  le  moindre  bruit,  et  il  arrive  parfois  qu'il  passe  sans  défiance  au- 
près du  chasseur  qui,  d'un  coup  de  fusil,  lui  envoie  une  balle  dans  la  tète  et  le 
tue  roide.  Si  l'on  manque  la  tète  il  se  sauve,  car  sa  peau  est  tellement  dure  et 
épaisse  qu'elle  ne  peut  être  percée  à  nulle  autre  partie  de  son  corps.  S'il  n'est 
que  blessé  il  est  également  perdu  pour  le  chasseur,  parce  qu'il  se  jette  dans 
l'eau  et  ne  reparaît  plus.  Les  Nègres,  el  [)articulièrement  les  Ilollenlots,  quand 
ils  ont  reconnu  le  sentier  où  il  passe  habituellement  en  sortant  de  l'eau  et  en  y 
entrant,  creusent  une  fosse  large  et  profonde  sur  son  chemin,  et  ils  la  recou- 
vrent avec  des  baguettes  légères,  sur  lesquelles  ils  étendent  des  feuilles  sèches 
et  du  gazon;  l'animal  manque  rarement  d'y  tomber,  et  on  le  tue  sans  danger  à 
coup  de  fusil  ou  de  lance. 

L'hippopotame,  quoi  qu'en  aient  dit  beaucoup  de  voyageurs,  fuit  l'eau  salée 
et  ne  se  trouve  jamais  dans  la  mer.  Mais  connue  il  se  laisse  souvent  entraîner 
par  le  courant  jusqu'à   lendjouchure  des  lleuves,   et  aussi   loin  (|ue  l'eau  reste 


116  LES   PACHYDEUMES. 

douce,  on  a  pu  l'y  rencontrer,  et  faire  confusion  en  prenant  son  séjour  acci- 
dentel et  momentané  pour  sa  demeure  ordinaire. 

L'Hippopotame  un  SÉNÉr.Ar.  (Uippopokimus  espace  iiilerniédiaire;  quatorze  molaires  en  liant 

siurgnlciisis,  Deshoul.)  est  ordiiiaireiueiit  |)lus  et  douze  eu  l)as,  à  couronne  carrée,  marquées 

petit  que  le  précédent,  dont  il  ne  diffère  guère  de  nomI)reuv  replis  d'émail.  Ils  ont  deux  ma- 

que  par  des  caractères  anatomiques.  Ses  canines  nielles  inguinales. 

sont  constamment  plus  grosses,  et  le  plan  sur  le-  I,e  Cueval  ordiwibe  (  Equns  caballiis,  Lin.  ) 

(jucl  elles  s'usent  est  beaucoup  plus  incliné;  l'é-  varie  considérablement  pour  la  taille  et  la  cou- 

chancrure  de  l'angle  costal  de  l'omoplate  est  à  leur  :  on  en  trouve  de  noirs,  de  bruns,  de  bais, 

peine  sensible,  etc.,  etc.  11  habite  principale-  de  marron,  d'isabelle,  de  blancs,  de  pie,  etc., etc. 

ment  la  Guinée,  et  fournit  le  meilleur  ivoire.  11  en  est  qui  ont  les  poils  très-longs  et  un  peu  fri- 
sés sur  tout  le  corps,  mais  le  plus  ordinairement 

V  DIVISION.  Un  seul  doigt  ap])are)it,  rev ferme  leurs  poils  sont  ras  et  lisses;  on  eu  voit  qui  ont 

dans  un  nni(ine  sabot.  la  peau  entièrement  nue,  comme  les  chiens  turcs. 

Leurs  oreilles  sont  moyennes:  ils  n'ont  point  de 

tO'  Genre.  Les  CHEVAUX  {Equits,  Lin.)  ont  croix  ou  bande  noire  sur  le  dos  et  les  épaules; 

(|uarante-deux  dents,  savoir  :  six  incisives  en  leurqueueest  garnie  de  crins  depuis  son  origine, 

haut  et  six  en  bas;  deux  canines  à  chaque  ma-  Tels  sont  les  caractères  spéciflques  les  moins  va- 

choire,  séparées  des  molaires  par  une  barre  ou  riables  du  cheval. 

«  La  plus  noble  conquête  que  l'homme  ait  jamais  faite,  dit  Buffon,  est  celle 
de  ce  fier  et  fougueux  animal  qui  partage  avec  lui  les  fatigues  de  la  guerre  et 
la  gloire  des  combats.  Aussi  intrépide  que  son  maître,  le  cheval  voit  le  péril  et 
l'alfronte  ;  il  se  fait  au  bruit  des  armes,  il  l'aime,  il  le  cherche  et  s'anime  de  la 
même  ardeur;  il  partage  aussi  ses  plaisirs  à  la  chasse,  aux  tournois,  à  la  course, 
il  brille,  il  étincelle;  mais  docile  autant  que  courageux,  il  ne  se  laisse  point 
emporter  à  son  feu,  il  sait  réprimer  ses  mouvements  :  non-seulement  il  fléchit 
sous  la  main  de  celui  qui  le  guide,  mais  il  semble  consulter  ses  désirs,  et,  obéis- 
sant toujours  aux  impressions  qu'il  en  reçoit,  il  se  précipite,  se  modère  ou  s'ar- 
rête, et  n'agit  que  pour  y  satisfaire.  C'est  une  créature  qui  renonce  à  son  être 
pour  n'exister  que  par  la  volonté  d'un  autre,  qui  sait  même  la  prévenir;  qui,  par 
la  promptitude  et  la  précision  de  ses  mouvements,  l'exprime  et  l'exécute  ;  qui 
sent  autant  qu'on  le  désire,  et  ne  rend  qu'autant  qu'on  veut;  qui,  se  livrant 
sans  réserve,  ne  se  refuse  à  rien,  sert  de  toutes  ses  forces,  s'excède  et  meurt 
pour  mieux  obéir.  »  Dans  ce  peu  de  lignes,  et  dans  son  histoire  du  chien,  Buffon 
a  conquis  la  réputation  d'un  grand  écrivain  et,  par  contre-coup,  celle  d'un  ex- 
cellent naturaliste  ;  ce  qui  est  hors  de  doute,  c'est  qu'il  mérite  la  première 
de  ces  réputations. 

Quelques  naturalistes  nous  ont  présenté  le  cheval  comme  l'animal  le  plus 
intelligent  et  le  plus  affectueux  pour  l'homme,  après  le  chien  et  l'éléphant,  et 
ceci  est  une  grande  exagération.  L'intelligence  de  cet  animal  consiste  presque 
toute  dans  son  obéissance  passive,  automatique,  si  je  puis  me  servir  de  cette 
expression,  et  cette  docilité  qui  le  ferait  s'élancer  sans  hésitation  du  bord  d'un 
précipice  si  son  maître  l'y  poussait,  me  paraît  prouver  chez  lui  plus  de  machine 
que  d'intelligence.  Il  est  vrai  qu'il  reconnaît  son  maître,  qu'il  hennit  de  plaisir 
à  son  approche;  mais  l'indifférence  avec  laquelle  il  en  change  prouve  au  moins 
que,  s'il  y  a  affection,  il  n'y  a  pas  d'attachement.  Le  chien  fait  cent  lieues  d'une 
traite  pour  retrouver  son  ami  ;  il  languit,  hurle,  se  désespère  s'il  en  est  séparé, 
et  souvent  il  vient  mourir  do  chagrin  sur  sa  tombe;  le  cheval  a  un  maître  et 


PACHYDEKMES.  417 

non  un  ami,  il  l'oublie  (jiiand  il  ne  le  voit  plus.  Rcilevenu  sauvage,  dans  les  im- 
menses savanes  de  l'Amérique,  il  a  plus  d'intelligence  et  de  fierté  que  le  cheval 
domestique,  parce  qu'il  a  reconquis  son  indépendance.  Au  rapport  d'Azzara,  ces 
animaux  se  réunissent  en  troupes  nombreuses,  composées  quelquefois  de  plus 
de  dix  mille  individus,  et  non-seulement  ils  vivent  tous  en  bonne  intelligence, 
mais  encore  ils  savent  se  protéger  mutuellement.  Précédés  par  les  vieux  mâles, 
qui  l'ont  l'office  d'éclaireurs,  ils  marchent  en  colonne  serrée  que  rien  ne  peut 
rompre.  Si  quelque  caravane  de  voyageurs  estsignalée,  «  les  chefs,  dit  Desmou- 
lins, vont  en  reconnaissance,  et,  selon  l'ordre  de  ces  chefs,  la  colonne,  au  galop, 
passe  à  travers  ou  à  côté  de  la  caravane,  invitant,  par  des  hennissements  graves 
et  prolongés,  les  chevaux  domestiques  à  la  désertion.  Ils  y  réussissent  souvent. 
Les  chevaux  transfuges  s'incorporent  à  la  troupe  et  ne  la  quittent  plus  (Pallas 
dit  que  les  troupes  de  Dziggetais  embauchent  de  la  même  manière  les  chevaux 
domestiques).  Si  les  chevaux  sauvages  ne  chargent  pas,  ils  tournent  longtemps 
autour  de  la  caravane  avant  de  faire  retraite.  D'autres  fois  ils  ne  font  qu'un  seul 
tour  et  ne  reparaissent  plus.  Chaque  troupe  est  composée  d'un  grand  nombre 
de  pelotons  formés  d'autant  de  juments  cpi'un  seul  étalon  peut  en  réunir.  11  se  bat 
pour  leur  possession  contre  les  premiers  qui  la  lui  disputent.  Les  juments  recon- 
naissantes suivent  néanmoins  le  vaincu  autant  qu'elles  le  peuvent.  Descendus  de 
la  race  andalouse,  ils  lui  sont  inférieurs  pour  la  taille,  l'élégance,  la  force  et  la 
vitesse.  »  Pris  au  lasso  et  domptés,  ces  chevaux  deviennent  dociles,  mais  ils  ne 
manquent  jamais  l'occasion  de  retourner  à  la  liberté.  La  patrie  du  cheval  sau- 
vage paraît  être  le  désert  des  environs  des  mers  Caspienne  et  Aral,  jusqu'au  cin- 
quante-sixième degré  boréal,  et  dans  ces  immenses  plaines,  il  porte  le  nom  de 
Tarpan.  Quelques  natiu'alistes,  sans  doute  pour  se  conformer  à  une  opinion 
reçue,  ont  dit  que  ces  tarpans  sont  des  chevaux  autrefois  domestiques  et  rede- 
venus sauvages,  et  je  ne  sais  trop  sur  quels  faits  ils  pourraient  établir  la  preuve 
d'une  telle  supposition.  A  travers  plusieurs  observations,  qui  me  semblent  ap- 
puyer une  opinion  tout  à  fait  contraire,  j'en  choisirai  une.  Il  est  reconnu  que 
tous  les  chevaux  devenus  sauvages  se  don)ptent  avec  la  plus  grande  facilité,  et 
en  peu  de  jours  prennent  toutes  les  habitudes  de  docilité  qui  caractérisaient 
leurs  ancêtres;  il  n'en  est  nullement  de  même  des  tarpans;  pris  à  tout  âge, 
soumis  à  tous  les  modes  de  traitement,  ils  ne  s'apprivoisent  jamais  parfaitement 
et  restent  toujours  farouches  et  indomptables,  connue  le  zèbre  et  l'hémione; 
cette  sauvage  inflexibilité  prouverait  en  outre,  si  cela  était  nécessaire,  qu'il  n'a 
rien  moins  fallu  qu'un  laps  de  temps  très-considérable,  des  siècles  peut-être, 
pour  les  amener  à  changer  de  caractère  au  point  d'être  les  plus  obéissants  de 
tous  les  animaux.  Aussi  la  conquête  de  l'homme  sur  ie  cheval  date-t-elle  de  la 
plus  haute  antiquité. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  de  plus  grands  détails  sur  l'histoire  du  cheval, 
parce  qu'elle  est  connue  de  tout  le  monde,  et  nous  nous  bornerons  ici  à  énoncer 
sommairement  les  principales  races  qu'on  en  a  obtenues. 

Les  Arabes  passent  pour  les  plus  l)eaux  et  les     que  les  préct'di'uls ,  et  presque  aussi  estimés. 

meilleurs  de  tous.  Parmi  ceux-ci  les  Marocains  passent  pour  les 

Les  Barbes  sont  moins  grands  et  moins  étoffés     meilleurs,  et  ceux  de  Mohtagnes  viennent  après. 

55 


418 


LES  PACHYDERMES. 


Les  Turcs  ne  sont  i)as  aussi  l)ieii  proportion- 
nés, et  leurs  jambes  sont  trop  menues,  ainsi  que 
leur  encolure; 

Les  Persans  ont  le  poil  plus  ras  que  les  au- 
tres; 

Les  Arméniens  sont  un  peu  mieux  faits.  Ces 
trois  dernières  races  sont  très-vigoureuses. 

Les  Esjxignols  tiennent  le  second  rang  après 
les  barbes;  ils  ne  sont  pas  connnunément  de 
grande  taille. 

Les  Andtiloiis  passent  pour  les  meilleurs  de  la 
race  précédente  ; 

Les  Anglais  sont  fort  beaux,  légers  à  la  course. 
Ils  sont  croisés  de  barbe  ou  d'arabe  et  de  nor- 
mand ; 
Les  Italiivs  sont  moins  beaux  qu'autrefois. 
Les  iSapolitains  font  eiKore  de  bons  cbevaux 
d'altelage,  malgré  la  groseur  de  leur  tète  et  l'é- 
paisseur de  leur  encoliu-e  ; 

Les  Danois,  à  cause  de  leur  belle  taille,  sont 
très-estimés  poui-  les  attelages  ; 

Les  All(miin:ls  sont  beaux,  niiiis  en  général , 
pesants  et  manquant  d'haleine. 

Les  Hongrois  et  les  Transijlrains  sont  bons 
coureurs,  et  fort  propres  à  la  remonte  de  la  ca- 
valerie. 

Les  Croates  et  les  Polonais  sont  sujets  à  être 
béguts  ; 

Les  Hollandais,  et  surtout  \eii  Frisons,  sont  de 
l)eaux  chevaux  de  cai  rosse; 

Les  Mormands  sont  les  plus  beaux  cbevaux  de 
la  France,  pour  le  carrosse  et  le  cabriolet  ; 

Les  Limosins  sont  les  meilleurs  cbevaux  de 
selle; 

Les  rheraitx  du  Colentin  sont  très-beaux  au 
<arrosse. 

Les  Francs-Comtois  et  les  Boulonnais  sont 
excellents  pour  les  traits  ; 

Les   BourgiCignons  ,   Auvergnats  ,    l'oilccins 


et    Morrandiau.r   sont  assez  laids,    mais   très- 
robustes  et  fournissent  de  bons  bidets  ; 

Les  Corses  sont  remarquables  par  leur  petite 
taille. 

Ceux  de  la  Camargue  fournissent  de  bonnes 
remontes  à  la  cavalerie.  Beaucoup  sont  blancs. 
Ici  nous  finirons  une  uomenclatiue  qu'il  se- 
rait inutile  de  jmusser  plus  loin,  en  mentionnant 
pourtant  la  singulière  race  Calniouque,  à  poils 
longs  et  laineux,  et  dont  le  muséum  possède  uu 
bel  individu. 

Le  DziGGETAi  {Eqnns  tiemionus  ,  Pm.i..  Le 
DshiLkdeij  i\e  Peivx.  Le  Uz'igiftai,  le  Czigithai 
de  quelques  naturalistes.  Le  Mulet  sauvage  des 
vojageurs  )  tient  le  milieu  entre  l'àne  et  le  che- 
val pour  les  proportions,  et  pour  les  formes  il 
ressemble  au  mulet,  quoiqu'il  ait  les  jambes  pins 
minces  et  l'altitude  jjIus  légère.  Son  pelage  est 
isabelle ,  avec  la  crinière  et  une  ligne  dorsale 
noires  ;  sa  queue  est  terminée  par  une  houppe 
noire.  Il  vit  en  troupes  souvent  composées  de 
plus  de  cent  individus,  dans  les  déserts  sablon- 
neux de  l'Asie,  particulièrement  dans  la  Mongo- 
lie, rindostan  et  l'IIinmialaya.  11  est  très-vigou- 
reux, et  peut  soutenir,  dit-on,  une  marche  de 
soixante  lieues  sans  se  reposer;  habitant  des  plai- 
nes, jamais  il  ne  pénètre  dans  les  montagnes  éle- 
vées, ni  ne  pénètre  dans  les  forets  ;  son  ouïe  et  sou 
odorat  sont  d'une  finesse  extrénie  ;  sa  course  est 
d'une  telle  rapidité,  qu'elle  surpasse  de  beaucoup 
celle  d'un  cheval,  d'où  il  résulte  que,  lorsque  les 
Mongols  et  surtout  les  Tanguts  veulent  s'en  em- 
parer pour  son  cuir,  et  sa  chair,  qu'ils  trouvent 
excellente,  ils  sont  obligés  de  lui  tendre  des  piè- 
ges, ou  de  l'attendre  à  l'affût,  et  de  le  tuer  à  coups 
de  fusil.  Le  caractère  de  cet  animal  est  indomp- 
table, et  jamais  on  n'a  pu  le  soumettre  à  la  do- 
mesticité. Le  Jardin  des  Plantes  en  possède  plu- 
sieurs individus  assez  doux,  mais  très-capricieux. 


CABANE   ET    ENCLOS    DES  HÉMIONES. 

PRÈS   DE    LA    r,llA!MI)E  HO  TON  DE 

(  J.rdin    <l,-s    PI, 


l'ACIlYDKIlMKS. 


41  i) 


I.e  ZÈBRE  [Eiiiiiis  zebid,  Lin.  Equiis  monUnins^  Burch.  L'Hippol'igre  ou  (Ihc- 
vnl-Tigre  des  anciens.  L'Ane  rniji;  du  Lap  de  ([iiehiiies  voyageurs  ) 

Est  plus  grand  que  le  dziggelai  et  approche  de  la  taille  du  clieval  ;  il  est  ex- 
trêmement remarqiiaMe  par  la  heauté  de  son  pelage  blanc,  rayé  sur  la  tète,  sur 
le  cou,  le  corps  et  les  fesses,  de  bandes  noires  Irés-régulières  ;  il  n'a  pas  de  raie 
noire  longitudinale  sur  le  dos;  son  ventre  est  blanc,  marqué  d'une  ligne  noire 
au  milieu. 

Cet  élégant  animal  habite  le  cap  de  Bonne-Espérance,  et  probablement  toute 
l'Afrique  méridionale.  On  dit  l'avoir  rencontré  au  Congo,  en  Cuinée,  et  en 
Abyssinie.  Si  on  veut  interpréter  d'une  certaine  manière  assez  vraisemblable 
plusieurs  passages  obscurs  de  Dion  Cassius  {Abréfjé  de  XippInUbi)  il  paraît  (|ue 
les  Romains,  sous  le  règne  des  Césars,  connaissaient  déjà  le  zèbre,  etDiodoredc 
Sicile  semble  le  désigner,  quoique  confusément,  dans  sa  description  du  pays  des 
Troglodytes.  On  peut  en  tirer  cette  conséquence  que,  dans  des  temps  antérieurs, 
celte  espèce  occupait  une  zone  beaucoup  plus  étendue  qu'aujourd'hui.  Quoiqu'il 
en  soit,  le  zèbre  se  rencontre  rarement  dans  les  plaines,  et  semble  ne  se  plaire 
que  dans  les  pays  montagneux  ;  ([uoique  moins  agile  que  le  dziggetai,  sa  course 
est  très-légère,  et  les  meilleurs  chevaux  ne  peuvent  l'atteindre.  11  vit  en  troupes 
(pii  aiment  à  paître  l'herbe  sèche  des  lieux  les  plus  escarpés;  son  caractère  est 
farouche,  et  comme  il  a  l'organe  des  sens  excellent,  il  reconnaît  de  très-loin 
l'approche  des  chasseurs,  et  fuit  même  avant  cpion  ait  pu  l'apercevoir.  Aussi 
n'est-ce  guère  que  par  surprise  (pi'on  peut  l'avoir  à  la  portée  du  fusil,  et  il  est 
presque  impossible  de  s'en  emparer  vivant,  si  ce  n'est  bu'.squ'il  est  fort  jeune  et 
(pi'on  a  tué  sa  mère. 

Vainement  les  Hollandais  du  Cap  ont-ils  fait  totU  ce  (ju'ils  ont  |iu  pour  l'ap- 
privoiser cl  le  soumettre  à  la  domesticité.  Quel  (pie  soit  l'âge  auquel  il  a  été  pris. 


Ui) 


LES   PACHYDERMES. 


il  reste  toujours  indomptable,  capricieux,  rétif,  et  plus  tèlu  qu'un  niulel.  11  y  a 
quelques  années  que  la  ménagerie  en  possédait  une  femelle  qui  paraissait  assez 
douce.  Plusieurs  fois  elle  se  laissa  atteler  à  une  voiture  de  travail  sans  de  trop 
grandes  difficultés,  mais  tout  à  coup  elle  se  mettait  à  ruer,  entrait  en  fureur,  et 
])risait  harnais  et  voiture.  Deux  fois  on  la  fit  couvrir,  une  fois  par  un  cheval,  et 
lautre  fois  par  un  âne  dEspagne,  et  j'ai  vu  le  produit  de  ce  dernier.  Il  ressem- 
blait beaucoup  à  sa  mère;  il  teta  pendant  un  an  et  jusque-là  fut  très-doux  ;  mais 
à  cet  âge  il  changea  de  ressemblance  et  de  caractère  :  il  devint  d'un  gris  foncé, 
et  il  ne  lui  resta  de  sa  belle  livrée  que  des  bandes  transversales  sur  le  garrot, 
les  jambes  et  la  queue.  Son  caractère  devint  encore  plus  méchant  que  celui  de 
sa  mère,  et  il  lui  est  arrivé  plus  d'uue  fois  d'attaquer  ses  gardiens  à  coups  de 
pieds  et  de  dents.  II  ne  hennissait  pas,  et  paraissait  éprouver  un  grand  plaisir  à 
se  rouler  dans  la  boue  ou  sur  la  terre  humide.  Quoi  qu'il  ait  vécu  très-longtemps 
et  qu'il  fût  très-robuste,  on  ne  s'est  jamais  aperçu  qu'il  ait  été  en  rut  ;  il  était 
certainement  mulet. 


Le  Dauw  (Rqmis  Burcheltii  —  Eqmts  zebroi- 
des,  Less.  Eqiiuszrbrn,  Buncii.  Asinus  BiircUel- 
tii,  GiuY  )  est  i)lus  |)elit  que  1  ïine,  mais  ses  for- 
mes sont  beaucoup  plus  légères  et  jilus  gracieu- 
ses ;  ses  oreilles  sont  plus  courtes  ;  le  fond  de  son 
pelage  est  couleur  Isabelle,  blanchissant  sous  le 
ventre  ;  ses  jambes  et  sa  queue  sont  blanches  ; 
le  dessus  est  rayé  de  bandes  noires,  transversa- 
les, alternativement  plus  larges  et  plus  étroites 
sur  la  tcte,  le  cou  et  le  corps  :  celles  des  fesses 
et  des  cuisses  se  portent  obliquement  en  avant. 
Celte  channante  espèce  habite  l'Afrique.  Elle  vit 
en  troupes  et  peuple  les  karoos  les  plus  secs  et 
les  plus  solilaires,  où  elle  se  nourrit  d'herbes  sè- 
ches, de  plantes  grasses,  et  du  feuillage  de  quel- 
ques mimosa'.  Le  dauw  est  peut-être  le  i)lus 
farouche  de  tous  les  chevaux,  et  il  est  absolu- 
ment impossible  de  le  soumettre  à  la  domesti- 
cité. Rétif,  tèlu,  capricieux  et  colère,  il  se  dé- 
fend avec  fureur  non-seulement  contre  les  mau- 
vais traitements,  mais  quelquefois  encore  contre 
les  caresses.  On  en  a  fait  la  triste  expérience  à 
la  ménagerie  qui  en  possède  plusieurs  depuis 
182/f.  L'un  d'eux,  sans  aucun  motif  apparent,  se 
jeta  sur  un  de  ses  gardiens,  le  renversa,  lui  fil 
avec  les  denfs  plusieurs  épouvantables  blessures, 
et  s'acharna  tellement  sur  lui.  qu'il  lui  broya  une 
cuisse.  On  parvint  à  arracher  le  malheureux  gar- 
dien de  dessous  ses  pieds,  mais  il  était  tellement 
mnlfrailé,  qu'on  fut  obligé  de  lui  faire  l'amputa- 
tion. Les  dauws  produisent  à  la  ménagerie,  et 
plusieurs  y  sont  nés;  dans  l'instant  où  j'écris 
ceci,  une  femelle  y  allaite  encore  son  poulain. 

Le  CouAGGA  {Eqittis  quaccha,  CIml.  Le 
Couaggn,  Bi ff.  Le  Qitutha  de  Pen\.  Le  Cheral 
du  C«/)  des  vojagem-s)  est  un  peu  moins  grand 
que  le  zèbre  et  se  rapproche  plus  du  cheval  par 
ses  formes  généj-ales.  Sa  léte,  son  cou  et  ses 
épaules  soni  d'un  brun  foncé  tirant  sur  le  noi- 


râtre; le  dos  et  les  flancs  sont  d'un  brun  clair, 
et  cette  couleur  passe  au  gris  roussàtre  sur  la 
croupe;  le  dessus  est  rayé  en  travers  de  blan- 
châtre ;  le  dessous,  les  jambes  et  la  queue  sont 
blancs  :  celle-ci  se  termine  par  un  bouquet  de 
poils  allongés.  11  habite  les  karoos  ou  plateaux 
de  l'Afrique  méridionale,  et  vit  en  troupes,  pèle- 
méle  avec  les  zèbres.  Moins  farouche  que  les  au- 
tres chevaux,  il  s'apprivoise  vite  et  assez  bien,  se 
mêle  avec  le  bétail  ordinaire,  et  le  protège  con- 
tre les  hyènes.  S'il  en  aperçoit  une,  il  s'élance 
sur  elle,  la  frappe  des  pieds  de  devant,  la  ren- 
vci'se,  lui  brise  les  reins  avec  ses  dents,  la  foule 
aux  pieds  et  ne  l'abandonne  qu'après  l'avoir  tuée. 
Comme  il  a  l'odorat  excellent,  il  la  flaire  de  très- 
loin,  et  ne  la  laisse  jamais  approcher  du  trou- 
|)eau.  Les  colons  du  Cap  en  élèvent  souvent  pour 
s'en  servir  de  gardien.  Dans  les  circonstances  or- 
dinaires, il  a  une  sorte  de  hennissement  ayant  de 
l'analogie  avec  celui  du  cheval,  mais  d'aulres  fois 
il  pousse  un  cri  aigu  que  l'on  peut  rendre  assez 
exactement  ainsi,  <oiin-aij.  La  ménagerie  en  a 
possédé  un  qui  y  a  vécu  jusqu'à  l'âge  de  dix-huit 
ou  vingt  ans,  et  on  lui  fit  couvrir  uneànesse  en 
chaleur  sans  obtenir  de  résultat.  Malgré  sa  faci- 
lité à  s'ap|)rivoiser,  je  ne  crois  pas  qu'on  soit 
encore  [jarvenu  à  le  dompter. 

L'Ane  (  lùiuus  asinus,  Li>.  L'Ane  et  le  Mulet 
BcFF.  h'Oiingre  des  anciens.  Le  Kotilan  desTa- 
fares.  l.e  Clmlnn  desKalmouks)  varie  beaucoup 
moins  que  le  che\al  dans  sa  couleur,  mais  beau- 
coup dans  ses  formes  et  dans  sa  taille.  L'àne  do- 
mestique est  ordinairement  gris  de  souris  ou 
gris  argenté,  luisant  ou  nuié  de  taches  obscu- 
res ;  il  a  le  plus  ordinairement  sm"  le  dos  une 
bande  noire  longitudinale,  croisée  sur  les  épau- 
les par  une  bande  transversale;  ses  oreilles  sont 
très-longues,  et  sa  queue  est  floconneuse  à  l'ex- 
trémité.  L'Ane  sauiagc  ou  Onagre  a  la  taille 


PACHYDEKMES.  i21 

plus  giaiidc.  11'  poitrail  étroit,  le  corps  coin-  la  tèle,  les  cotés  du  cou,  les  flancs  et  la  croupe 

primé  :  les  oreilles  beaucoup  plus  courtes  ;  il  a  de  couleur  isabcUe,  avec  des  bandes  de  blanc 

les  jambes  très-longues,  et  il  se  gratte  aisément  sale;  sa  crinière  est  noire;  il  porte  le  long  du 

l'oreille  avec  un  pied  de  derrière  :  son  chanfrein  dos  une  bande  couleur  de  café,  qui  s'élargit  sui- 

est  arqué,  sa  tète  légère,  et  il  la  porte  relevée  la  croupe,  mais  qui  n'est  traversée  par  une  autre 

comme  le  cheval  en  marchant.  Il  a  le  dessus  de  bande  sur  les  épaules  que  chez  les  mâles. 

L'onagre  est  connu  depuis  la  plus  haiile  aulicpiilé,  el  Moïse  défendit  de  l'ac- 
coupler avec  l'âne  parce  qu'il  le  croyait  d'une  espèce  différente  ;  les  empereurs 
romains  en  nourrissaient  dans  leurs  écin-ies  comme  objet  de  curiosilé.  Aujour- 
d'hui on  ne  le  trouve  plus  vivant  en  liberté  que  dans  la  Tatarie,  et  particulière- 
ment dans  le  pays  des  Kalmouks  ,  qui  le  regardent  comme  un  excellent  gibier 
et  le  chassent  pour  le  manger  et  vendre  son  cuir  dont  on  prépare  le  chagrin. 
Aucun  animal  de  son  genre  n'a  le  pied  aussi  sûr  que  lui  pour  marcher  sur  le 
bord  des  précipices,  au  milieu  des  rochers;  aussi  aime-t-il  de  préférence  les 
sentiers  escarpés  et  étroits,  et  cet  instinct  primitif  s'est  transmis  de  génération 
en  génération  jusqu'à  notre  âne  domestique.  Il  court  avec  une  vitesse  extrême, 
el  soutient  cette  allure  plus  longtemps  que  les  meilleurs  chevaux  arabes  et  per- 
sans ;  enlin  sa  sobriété  en  ferait  un  animal  parfait,  si  l'on  pouvait  le  dompter 
assez  bien  pour  le  monter  sans  danger  ;  malheureusement  il  n'en  est  pas  ainsi. 
Les  Persans,  qui  tiennent  à  honneur  d'avoir  de  beaux  àues  pour  monture,  élè- 
vent de  jeunes  onagres  qu'ils  apprivoisent  et  croisent  avec  des  ânesses.  Les 
individus  qui  en  résultent  sont  très-estimés  pour  leur  force,  leur  légèreté,  et 
ont  une  grande  valeur,  mais  ils  sont  un  peu  plus  vicieux  que  les  autres,  et  comme 
on  a  encore  l'antique  habitude  de  leur  peindre  la  tète  et  le  corps  en  rouge  pour 
les  distinguer  des  ânes  ordinaires,   ils  ont  donné  naissance  à  ce  proverbe  vul- 
gaire qui  a  passé  jusqu'à  nous,  <-  méchant  comme  un  âne  rouge.  «  Cette  habitude 
de  les  peindre  a  aussi  fait  croire  à  quelques  voyageurs  peu  observateurs,  qu'en 
Perse  il  existait  des  ânes  rouges.  Du  reste,  les  onagres  vivent  en  troupes  innom- 
brables, et  se  défendent  avec  courage  contre  les  bêtes  féroces.  Ils  emploient  pour 
cela,  comme  pour  leurs  marches  dans  le  désert,  la  même  tactique  que  les  che- 
vaux sauvages.  Lorsque  les  éclaireurs  qui  vont  en  avant  de  la  troupe  aperçoivent 
un  homme,  ils  jettent  un  cri,  font  un  ruade,  s'arrêtent,  et  ne  fuient  que  lors- 
qu'on en  approche  ;  alors  toute  la  bande  détale  au  plus  vite.  Pour  les  prendre  on 
emploie  des  pièges  et  des  lacs  de  corde,  que  l'on  tend  dans  les  lieux  oii  ils  ont 
l'habitude  d'aller  boire. 

L'âne  domestique,  si  chétif  et  si  dégénéré  chez  nous,  n'en  est  pas  moins  un 
animal  extrêmement  utile,  et  que  l'on  ne  sait  pas  assez  apprécier  parce  que  l'oii 
est  trop  porté  à  le  comparer  au  cheval.  »  11  est  de  son  naturel,  dit  Buffon,  aussi 
humble,  aussi  patient,  aussi  tranquille,  que  le  cheval  est  fier,  ardent,  impétueux  ; 
il  soulfre  avec  constance,  et  peut-être  avec  courage,  les  châtiments  et  les  coups; 
il  est  sobre  et  sur  la  quantité  et  sur  la  qualité  de  la  nourriture  ;  il  se  contente 
des  herbes  les  plus  dures  et  les  plus  désagréables,  que  les  autres  animaux  Un 
laissent  et  dédaignent;  il  est  fort  délicat  sur  l'eau,  il  ne  veut  boire  que  la  plus 
claire  et  aux  ruisseaux  qui  lui  sont  comnis.  Comme  on  ne  prend  pas  la  peine  de 
l'étriller,  il  se  roule  souvent  sur  le  gazon,  sur  les  chardons,  sur  la  fougère,  el 
sans  se  soucier  beaucoup  de  ce  qu'on  lui  fait  porter,  il  se  couche  pour  se  rouler 


422 


LES   PACllYDERMKS. 


toutes  les  fois  qu'il  le  peut,  et  semble  par  là  reprocher  à  son  maître  le  peu  de 
soin  qu'on  prend  de  lui  ;  car  il  ne  se  vautre  pas  dans  la  fange  et  dans  l'eau,  il 
craint  même  de  se  mouiller  les  pieds,  et  se  détourne  pour  éviter  la  boue;  aussi 
a-t-il  la  jambe  plus  sèche  et  plus  nette  que  le  cheval  ;  il  est  susceptible  d'é- 
ducation, et  l'on  en  a  vu  d'assez  bien  dressés  pour  faire  curiosité  de  spectacle. 
L'âne  est  peut-être  de  tous  les  animaux  celui  qui,  relativement  à  son  petit  volume, 
peut  porter  les  plus  grands  poids;  et  comme  il  ne  coûte  presque  rien  à  nourrir, 
et  qu'il  ne  demande  pour  ainsi  dire  aucun  soin,  il  est  d'une  grande  utilité  à  la 
campagne,  au  moulin,  etc.  Il  peut  aussi  servir  de  monture,  toutes  ses  allures  sont 
douces  et  il  bronche  moins  que  le  cheval  ;  on  le  met  souvent  à  la  charrue  dans 
les  pays  où  le  terrain  est  léger,  etc.  » 

Si  l'âne  a  de  bonnes  qualités,  il  a  aussi  ses  défauts.  Son  cri  ou  braire  est  aussi 
désagréable  que  retentissant;  quoique  son  caractère  soit  généralement  doux  et 
inoffensif,  cet  animal  est  capricieux  et  si  têtu,  qu'on  le  tuerait  plutôt  que  de  lui 
faire  faire  ce  qu'il  s'est  mis  dans  la  tête  de  ne  pas  faire.  Du  reste  c'est  à  grand 
tort  qu'on  l'a  accusé  de  stupidité,  car  son  intelligence  surpasse  celle  du  cheval. 
Il  est  très-courageux,  se  défend  avec  autant  d'adresse  que  de  fureur  contre  les 
chiens  et  autres  animaux,  et  si  un  loup  est  seul  pour  l'attaquer,  l'âne  vient  aisé- 
juent  à  bout  de  le  mettre  en  fuite,  et  même  de  le  tuer. 

Par  le  croisement  du  cheval  et  de  l'ànesse,  on  obtient  les  bardeaux  ou  petits 
mulets  ;  par  celui  de  l'âne  avec  la  jument,  on  a  le  mulet  proprement  dit.  Tout  le 
monde  sait  que  ces  précieux  animaux  sont  stériles,  qu'ils  ont  une  force  prodi- 
gieuse, la  sobriété  de  l'âne,  mais  aussi  sou  entêtement. 


Le  Khur  (Eqmts  hhur,  Less.  \.'Ane  snuvufje, 
Isis  de  1825)  a  les  formes  assez  seiiiblal)les  à  celles 
de  l'àne  ;  cependant  sa  tète  esl  plus  longue,  et  ses 
membres  sont  plus  forts.  Son  pelage  est  d'un  gris 
cendré  en  dessus,  et  d'un  gris  sale  en  dessous  ; 


son  cri  ne  parait  être  qu'un  fort  grognement.  Il 
liabite  l'Asie  e(  vit  en  grandes  troupes,  avec  les 
mêmes  habitudes  que  l'onagre  ;  mais  il  descend 
dans  les  plaines  pendant  l'hiver  et  ne  se  retire 
dans  les  montagnes  que  pendant  la  belle  saison . 


PUITS    ET    MANEGE 

Il  I  11  H  I  K  l(  l;    I.  \    (',  H  \  M>  h    S  K  11  II  K    T  K  >l  P  K  11  F  K. 

(    .1  a   ,  .1  i  II      ri  .•  -      I' 


LES    RliMINANTS, 


ONZlklME  ORDRE  DES  MAMMIFERES. 


Le  Lama  Ijljiie 


Us  n'ont  d'incisives  qu'à  la  niàcliolre  inféiipuic 
(si  on  en  exceptele  chameau  et  le  paco)  et  ordinai- 
rement au  nombre  de  liuit  ;  elles  sont  rempla- 
cées en  haut  par  un  bourrelet  calleux.  Entre  les 
incisives  et  les  molaires  est  un  espace  vide,  où  se 
trouvent,  seulement  dans  quelques  genres,  une 
ou  deux  canines.  Les  molaires,  presque  toujours 
au  nombre  de  six  partout,  ont  leur  couronne 


marquée  de  deux  doubles  croissants.  Tous  les 
pieds  sont  terminés  par  deux  doigts  et  deux  sa- 
bots qui  se  touchent  par  une  face  aplatie;  les 
rudiments  des  deux  doigts  latéraux  sont  placés 
derrière  les  sabots.  Ces  animaux  ont  la  faculté 
de  ramener  dans  leur  bouche  pour  les  mâcher 
de  nouveau  les  aliments  qu'ils  avaient  avnlés, 
et  cette  opération  se  nomme  ruminer. 


LES  CHAMEAUX 


Ont  des  canines  et  point  de  cornes.  Quel- 
ques-uns ont  sur  le  dos  une  ou  deux  loupes 
graisseuses  ou  bosses. 

1er  Ge^re.  Les  LAMAS  (  l.amu  ,  Cuv.  )  ont 
trente  dents,  savoir  :  deux  incisives  supérieures 


et  six  inférieures  ;  deux  canines  en  haut  et  deux 
en  bas;  dix  molaires  à  la  mâchoire  supérieure 
et  huit  à  l'inférieure  ;  les  deux  doigts  séparés;  ils 
manquent  de  bosse  ;  leur  cou  est  très-long  ;  leur 
lèvre  supérieure  fendue. 


Le  LAMA  OU  GUANACO  [  Lama  jicruv'uma,  Lf.ss.  Auclicuia  j/lania,  Df.sm.  Caine- 
iiis  llania,  Lix.  Le  Lnma,  Buff.  Le  Giianaco  ou  Huanaca  d'Ulloa.  Le  IJania  des 
Péruviens). 

Cet  animal  est  de  la  grandeur  d'un  oerl';  il  ressemble  assez,  en  petit,  à  un 
chameau  qui  n'aurait  pas  de  bosse,  mais  ses  proportions  sont  plus  légères,  son 


^'2^  LKS   UUMINANTS. 

oroille  t'sl  i)liis  longuo  et  sa  queue  plus  courte.  Sa  tète  est  plus  petite,  plus  gra- 
cieuse; sou  O'il  est  rond,  saillant,  vil",  mais  son  regard  est  adouci  par  des  cils 
longs  et  serrés;  ses  jamhes  sont  longues  et  minces;  il  a  une  plaque  calleuse  sur 
le  poitrail,  et  ces  derniers  caractères  conviennent  également  à  tous  les  animaux 
de  ce  genre;  mais  il  se  distingue  des  autres  par  son  pelage  d'un  l)run  foncé  ti- 
rant sur  le  noir,  avec  un  reflet  l'oussàtre,  à  poils  longs,  laineux  et  grossiers,  et 
par  sa  grande  taille.  En  domesticité,  son  pelage  varie  beaucoup  de  couleur  d'un 
individu  à  l'autre,  et  même  d'une  place  à  l'autre  sur  le  même  individu  ;  cepen- 
dant il  est  généralement  brun,  varié  de  taches  l)lancbes,  et  quelquefois  tout 
blanc. 

Le  lama  paraît  originaire  des  chaînes  équatoriales  de  la  Cordilière  des  Andes. 
Lorsque  les  Espagnols  firent  la  conquête  du  Pérou,  c'était  la  seule  bête  de  somme 
que  connussent  les  Américains,  et  Grégoire  de  Bolivar  dit  que  de  son  temps  les 
lamas  étaient  si  nombreux  qu'on  en  mangeait  quatre  millions  par  an,  et  qu'il  y 
en  avait  trois  cent  mille  employés  journellement  à  l'exploitation  des  mines  du 
Potosi.  Mais  depuis  que  les  mulets  sont  employés  à  ce  travail,  et  avec  beaucoup 
d'avantage,  le  nombre  en  est  considérablement  diminué,  et  on  n'en  élève  plus 
guère  que  pour  la  boucherie.  Le  lama  ne  peut  pas  porter  plus  de  cent  à  cent 
cinquante  livres  ;  si  on  le  charge  davantage  il  refuse  de  se  lever,  ainsi  que  le 
chameau,  jusqu'à  ce  qu'on  lui  ait  enlevé  une  partie  de  son  fardeau.  Il  ne  peut 
pas  faire  de  longues  marches,  et  quatre  ou  cinq  lieues  par  jour  est  tout  ce  qu'on 
peut  attendre  de  lui,  encore  faut-il  qu'il  se  repose  au  moins  un  ou  deux  jours  sur 
cinq  ou  six.  Son  pas  est  assez  lent,  mais  il  a  le  pied  tellement  sûr,  qu'il  passe 
dans  des  défilés,  le  long  des  rochers,  sur  le  bord  des  précipices  où  les  mulets  se- 
raient exposés  à  se  précipiter.  Cette  raison  engage  les  habitants  des  hautes  mon- 
tagnes à  s'en  servir  encore  quelquefois.  Pour  se  faire  charger,  il  se  couche  sur 
la  callosité  de  son  poitrail,  sur  lequel  il  s'appuie  ayant  les  jambes  repliées  sous 
le  corps;  il  rumine  et  dort  aussi  dans  cette  attitude.  Si  on  le  surmène  et  qu'on 
le  fatigue  en  le  forçant  à  hâter  le  pas,  il  fait  quelques  elforts,  puis  se  chagrine, 
tombe  dans  le  désespoir,  se  couche  par  terre,  refuse  de  se  lever,  et  on  le  tuerait 
plutôt  que  de  le  déterminer  à  se  remettre  en  marche  ;  d'ailleurs,  si  on  le  bat  pour 
le  déterminer  à  se  lever,  il  se  frappe  la  tête  contre  les  rochers  et  se  tue. 

C'est  du  reste  un  animal  extrêmement  doux,  tout  à  fait  inoffensif,  se  bornant, 
pour  toute  défense  contre  l'agression  et  les  mauvais  traitements,  à  cracher  sur 
ceux  qui  le  frappent.  Il  est  très-docile,  et  surtout  extrêmement  sobre;  il  se  con- 
tente de  foin  et  d'herbe  pour  toute  nourriture,  et  il  peut  passer  plusieurs  jours 
sans  boire,  parce  que,  ainsi  que  le  chameau,  il  a  une  poche  à  eau  dans  l'estomac. 
M.  de  Bufl'on  dit  en  avoir  vu  un  à  l'école  d'Alfort  qui  resta  dix-huit  mois  sans 
boire,  et  ce  fait  est  au  moins  fort  singulier. 

En  Amérique  on  nomme  Gximmcn  le  lama  sauvage,  vivant  à  l'état  de  liberté 
dans  les  montagnes.  M.  de  llumboldt  jiense  que  ces  guanacos  ne  sont  rien  autre 
chose  que  le  lama  domestique  qui  a  reconquis  son  indépendance,  et  il  apporte  à 
l'appui  de  son  opinion  des  observations  assez  concluantes.  Quoi  qu'il  en  soit,  on 
ne  trouve  ces  animaux  que  sur  le  sommet  des  plus  hautes  montagnes,  et  près  de 
la  région  des  neiges  éternelles.  Ils  y  vivent  en  troupes  fort  nombreuses  et  sont 
extrêmement  farouches.  Si  on  veut  les  poursuivre  avec  des  chiens,  ils  se  jettent 


CHAMEAUX. 


425 


aussitôt  dans  des  rochers  inaccessibles  à  tout  autre  animal  qu'eux,  et  franchis- 
sent les  précipices  avec  la  même  légèreté  que  les  chamois.  Ils  ont  l'hahitudc;  sin- 
gulière de  déposer  leurs  excréments  toujours  au  même  endroit,  comme  font  quel- 
ques antilopes  et  les  chevaux  sauvages,  et  ceci  dénonce  aux  chasseurs  leur  pré- 
sence dans  les  cantons  où  ils  se  trouvent.  On  leur  tend  des  pièges  et  des  lacets, 
et  ils  y  donnent  assez  aisément.  Le  temps  de  la  gestation  est  de  cinq  mois  et  quel- 
ques jours;  la  femelle  ne  met  ordinairement  bas  qu'un  petit,  rarement  deux,  et 
elle  allaite  pendant  cinq  ou  six  mois.  Ces  animaux  croissent  très-vite  et  ne  vi- 
vent pas  plus  de  douze  à  quinze  ans.  Leur  chair  est  bonne,  et  celle  des  jeunes  est 
particulièrement  estimée. 


54 


;2G 


LKS   HUMiNANTS. 


'''^^a^à^^^S^ 


Les  naturalistes  reconnaissent  aujourd'hui  trois  espèces  de  lama  ;  celui  dont 
je  viens  de  parler,  l'alpaca  et  la  vigogne;  mais  ces  trois  prétendues  espèces  pro- 
duisent ensemble  des  hybrides,  comme  le  chien  et  le  loup,  et  ces  hybrides  se 
reproduisent  entre  eux  :  ceci  a  été  parfaitement  observé  sur  le  troupeau  de  lamas 
envoyé  à  Cadix  en  1808.  Or,  jusqu'à  ce  que  les  naturalistes  qui  rejettent  l'im- 
portance de  ce  fait,  et  qui  prétendent  que  cela  ne  fait  rien  à  l'espèce  que  le  métis 
soit  fertile  ou  mulet,  jusqu'à  ce  que,  dis-je,  ils  aient  défini  clairement  ce  qu'ils 
entendent  par  espèce  en  zoologie  et  en  botanique,  je  m'en  tiendrai  à  la  définition 
des  Buffon,  Cuvier,  de  Candolle,  etc.,  etc.,  je  regarderai  ces  trois  lamas  comme 
de  simples  types  de  races,  et  j'y  en  ajouterai  même  deux  autres  sans  empêcher 
que  l'espèce  ne  reste  unique  à  mon  avis. 


L'Alpaca  (  I.ajna  imvo,  Less.  Awhenia  pa- 
co,  Desm.  Camelits  pacos ,  Eiixl.  Le  Paco, 
BivF.  )  est  plus  bas  sur  jambes  que  le  précédenl 
et  beaucoup  plus  large  de  corps  ;  un  bandeau 
de  poils  roidcs  et  soyeux  s'étend  du  front  sur  la 
face  ;  sou  poil  est  de  longueur  uniforme  depuis 
la  nuque  jusqu'à  la  queue,  aux  poignets  et  aux 
talons  ;  il  est  d'un  bruu  marron,  rellété  de  uoir  ; 
le  dessous  de  la  gorge  et  du  ventre  ainsi  que  le 
dedans  des  cuisses  sont  presque  blancs  ;  sa  toisou, 
presque  entièrement  composée  d'un  poil  doux  et 
laineux,  lui  tombe  sur  les  flancs  eu  mèches  lon- 
gues de  plus  d'un  pied  (0,325),  n'ayant  guère 
moins  de  linesse  et  d'élasticité  que  celui  d'une 
chèvre  de  Cachemire.  L'individu  qui  a  vécu  à  la 
ménagerie  était  doux,  timide,  sensible  aux  ca- 


resses, et  se  laissait  aisément  conduire  à  la  laisse  ; 
il  donnait  des  ruades  comme  les  autres  rumi- 
nants, et  galopait  pour  courir,  ce  que  ne  fait 
pas  le  chameau.  Cet  animal  a  les  mœurs  sauva- 
ges, et  vit  en  troupes  dans  les  Andes  du  Pérou. 
Le  LcAN  ou  GuANAQiJE  DE  MoLi.\A  (Lama 
Moitnœi)  diffère  des  précédents  par  sa  taille 
beaucoup  plus  grande,  égalant  presque ,  selon 
Molina,  celle  d'un  cheval;  son  dos  est  voûte;  sa 
tête  est  ronde,  son  museau  pointu  et  noir,  ses 
oreilles  droites,  sa  queue  courte  et  droite  comme 
aux  cerfs.  Son  pelage  est  fauve  sur  le  dos,  blan- 
châtre sous  le  ventre.  Cet  anini.ol  habite  l'Amé- 
rique australe  jusqu'au  détroit  de  Magellan.  L'été 
il  se  tient  dans  les  hautes  montagnes,  mais  l'hiver 
il  descend  dans  les  vallées  et  les  plaines.  On  le 


CIIAMKVUX.  127 

reiu'imlre  ti)ii|(niis  rii  Iihuiih's  com[)()st'es  quoi-  lirngna  ,    DiiSM.    Camclus   ricngna  ,   Ln.    La 

fjuofois  de  plus  (le  sept  à  huit  cents.  l''fif^'(7''P,  Buff.  )  est  de  la  grandeur  d'une  chè- 

Le  IIiiÈoiE  {Lama  <hili-hiicque)  ressemble  vre  ;  ses  jambes  sont  longues  et  menues;  sa  tête 

au    mouton   par  la  fête,   les  oreilles  ovales   et  est  d'une  grosseur  moyenne,  et  son  museau  s'u- 

tlascjues,  et  sou  chanfrein  bossu  ;  ses  yeux  sont  nit  au  front  i)ar  une  légère  courbure  ;  son  pe- 

grands  et  noirs,  ses  lèvres  grosses  et  pendantes.  lage  est  d'uu  brun  fauve  pâle,  tirant  sur  la  cou- 

Les anciens  Chiliens  l'employaient  comme  béte  leui-  Isabelle  en  dessus,  et  blanc  eu  dessous;  sou 

de  soiume  et  le  conduisaient  eu  lui  passant  une  poil  est  laineux,  très -doux,  extrêmement  fin, 

corde  dans  l'oreille.  long  d'iui  pouce  (0,027)  snr  le  corj)s  et  de  trois  p. 

I,a  ViGor.NE  (Lama  vicngna,  Less.  Ainhcnia  (0,081)  sur  la  poitrine. 

La  vigogne  est  d'un  cafaclére  timide,  mais  sauvage  et  farouche  ;  elle  est  inca- 
pable de  s'attacher,  et  s'apprivoise  très-difficilement.  C'est  un  individu  de  cette 
race  qui  a  vécu  à  Alfort,  et  qui  a  permis  à  Buffon  de  faire  des  observations.  Elle 
cherchait  à  mordre  ses  gardiens,  et  crachait  sur  tous  ceux  qui  l'approchaient. 
Malgré  les  soins  que  l'on  a  eu  d'en  prendre  de  très-jeunes  et  de  les  faire  allaiter 
par  des  alpacas,  on  n'a  jamais  pu  parvenir  à  les  réduire  à  l'état  de  domesticité. 
Cetanimal  vit  en  troupes  considérables  près  des  cimes  toujoursglacées  des  Andes, 
011  on  va  le  chasser  pour  s'emparer  de  sa  toison,  après  l'avoir  tué.  On  en  fabri- 
que des  ponchos,  étoffes  excessivement  fines  dont  ne  se  vètissaient  autrefois  (jue 
les  caciques,  et  que  portent  aujourd'hui  les  riches  Espagnols  américains.  On  a 
vainement  essayé  d'élever  des  vigognes  dans  les  plaines  du  Pérou  et  du  Chili  ;  elles 
y  vivaient  quelque  temps  dans  le  regret  de  leurs  montagnes  glacées,  se  couvraient 
de  gale  et  mouraient.  Quand  les  chasseurs  ont  reconnu  l'endroit  oi'i  se  trouve  un 
troupeau  de  vigognes,  ils  tendent,  du  côté  des  défilés  par  lesquels  elles  pour- 
raient s'échapper,  des  cordes  auxquelles  sont  suspendus  des  chiiïons  de  toutes 
couleurs,  puis  ils  se  mettent  à  la  poursuite  du  troupeau  qui  souvent  se  compose 
de  deux  à  trois  cents  individus.  Ces  animaux  sont  si  extraordinairement  timides 
qu'arrivés  en  face  des  cordes  ils  en  sont  effrayés  au  point  de  s'arrêter  et  de  res- 
ter dans  une  immobilité  complète,  le  cou  et  les  yeux  tendus  vers  les  chiffons  rou- 
ges, blancs  et  jaunes  agités  par  le  vent.  Les  chasseurs  arrivent,  les  saisissent  par 
les  pieds  de  derrière  sans  qu'elles  osent  se  retourner,  et  ils  en  tuent  une  grande 
quantité.  Si  un  guanaco  ou  un  alpaca  se  trouvent  dans  le  troupeau,  la  chasse  ne 
réussit  pas,  car  il  franchit  la  corde  et  toutes  les  vigognes  en  font  autant  après  lui. 
Encore  aujourd'hui,  au  Chili  et  au  Pérou,  on  tue  annuellement  jusqu'à  quatre- 
vingt  mille  vigognes,  et  cependant  l'espèce  ne  paraît  pas  diminuer. 

2^  Genre.  Les  CHAMEAUX  {Camclns,  Ln.)  Le  Chameau  (  Camebis  baclrianus ,  Lin.  Ca- 

sont  de  grands  animaux  qui  se  reconnaissent  de  meliis  Bartriœ  de  Pline.  Le  Chameau,  Bcff.)  a 

suite  à  une  ou  deux  bosses  énormes  qu'ils  por-  ordinairement  sept  pieds  (■2,274)  de  la  terre  au 

tent  sur  le  dos.  Ils  ont  trente-quatre  dents,  sa-  garrot  ;  il  porte  deux  bosses,  l'une  sur  le  garrot 

voir  :  deux  incisives  sui)érieures  et  six  inférieii-  l'autre  sur  la  croupe.  Son  pelage  est  d'un  brun 

re,s  ;  deux  canines  à  cliaque  mâchoire;  douze  roussàtre,  laineux,  très-touffu,  coiuposé  d'un 

molaires  en  haut  et  dix  en  bas.  Leurs  doigts  sont  duvet  fort  long  entremêlé  de  poils  rares,  i)lus 

réunis  en  dessous  |)ar  une  semelle  coumnme  qui  longs  et  grossiers.  11  est  précieux  dans  les  con- 

s'élend  jusqu'à  la  pointe.  tiées  chaudes  et  sablonneuses. 

Le  chameau,  nommé  i)ar  les  Arabes  le  vaisseau  du  dcseri,  parce  que  sans  lui 
il  serait  impossible  de  traverser  les  vastes  solitudes  de  l'Asie,  paraît  être  origi- 
naire du  pays  de  Shamo,  vers  les  frontières  de  la  Chine  ;  du  moins  aujourd'hui 
on  ne  le  trouve  plus  que  là  à  l'état  sauvage.  Il  est  plus  grand,  plus  fort  que  le 


''(28  LES   UUMINANTS. 

dromadaire,  mais  moins  léger  à  la  course;  il  craint  moins  les  terrains  humides 
et  la  boue,  mais  tous  deux  deviennent  inutiles  dans  les  pays  rocailleux,  faute  de 
pouvoir  marcher  sans  se  blesser.  Leur  chair  et  leur  lait  servent  à  la  nourriture, 
et  leiu-  poil  à  faire  des  vêtements  grossiers,  principalement  d'excellents  man- 
teaux (pie  les  Arabes  nomment  baracam.  Le  chameau  est  célèbre  par  sa  sobriété, 
et  en  ellel,  sous  un  ciel  brûlant,  à  travers  les  déserts  les  plus  secs  et  les  plus 
arides,  il  peut  soutenir  la  fatigue  pendant  trois  ou  quatre  jours  sans  boire,  et 
ayant  pour  tout  aliment  quelques  noyaux  de  dattes  mêlés  à  un  peu  de  riz  ou  de 
maïs.  Il  a  dans  l'estomac  une  sorte  de  poche  dans  laquelle  il  n'amasse  pas  une 
provision  d'eau  en  buvant,  comme  on  l'avait  dit,  mais  dans  laquelle  il  s'en  amasse 
continuellement  qui  se  forme  dans  son  corps  et  se  rend  dans  cette  poche  en 
suintant  de  ses  parois.  En  contractant  ce  singulier  organe  il  force  l'eau  à  en  sor- 
tir, à  se  mêler  à  ses  aliments,  ou  à  refluer  jusque  dans  sa  bouche.  Hors  le  temps 
du  rut,  cet  animal  est  docile  et  fort  doux;  il  obéit  à  la  voix  des  chameliers,  me- 
sure son  pas  à  la  cadence  de  leurs  chants,  s'agenouille  pour  se  faire  charger  et 
décharger,  et  porte  aisément  une  pesante  charge  de  marchandises.  Mais  cpiand  il 
est  en  amour,  pour  peu  qu'on  le  contrarie,  il  entre  en  fureur  et  devient  alors  très- 
dangereux.  Il  apporte  en  naissant  ces  callosités  qu'il  a  au  poitrail  et  aux  genoux, 
et  que  Buffon  regardait  comme  un  stigmate  imposé  par  une  antique  servitude. 
On  a  vainement  cherché  à  acclimater  ces  précieux  animaux  dans  d'autres  pays 
que  les  leurs,  par  exemple  en  Espagne  et  en  Amérique  ;  ils  y  vivent  et  multiplient 
même,  ce  ipii  leur  arrive  également  à  la  ménagerie  à  Paris,  et  cela  en  raison  des 
soins  que  Ion  en  prend;  mais  ils  y  sont  impuissants  au  travail,  deviennent  fai- 
bles, languissants,  et  finissent  par  périr  avec  leur  chétive  postérité.  On  a  voulu, 
au  Jardin  des  Plantes,  en  utiliser  deux  en  leur  faisant  tourner  une  manivelle  pour 
tirer  l'eau  d'un  puits;  ce  faible  travail  les  fatiguait  beaucoup,  et  ils  faisaient 
dans  leur  journée  moins  de  travail  que  n'en  aurait  pu  faire  la  plus  misérable 
rosse.  Comme  le  chameau  et  le  dromadaire  produisent  ensemble  des  petits  fé- 
conds, on  ne  doit  les  regarder  que  comme  types  d'une  simple  race. 

Le  Dromadaire  (Came/i/s  rfroinedarifjs,  Lin.  que  celles  du  précédent,  mais  il  est  beaucoup 

Camelus  Arabia',Vu^E.  Le  Cametus  arabicas,  plus  léger  à  la  coui-se  et  sert  plus  souvent  de 

u'Aristote.  Le  Uromas  des  Giecs,  et  le  Djemal  monture.  Les  Maures  eu  possèdent  une  variété 

des  Arabes).  Cet  animal  diffère  du  précédent  plus  petite,  nommée  herry,  si  vigoureuse  et  si 

e»  ce  qu'il  n'a  qu'une  bosse  arrondie  sur  le  mi-  légère,  qu'elle  peut  faire  aisément  trente  lieues 

lieu  du  dos;  son  pelage  est  assez  doux,  laineux,  d'un  seul  trait.  Le  dromadaire  est  U'ès-répandu 

de  médiocre  longueur,  d'un  gris  blanchâtre  ou  en  Perse,  en  Egypte,  eu  Arabie,  eu  Abyssiuie, 

roussàtre.  Ses  mœurs  sont  absolument  les  mêmes  en  Barbarie,  etc. 


l  A 


"\X^' 


CABANE    DES    AXIS    ET    DES    CHEVRES     DU    SENHAAR 

(  J  a-r  il  i  n    des    P  I  a  n  I  e 


MOSCHINRKS. 


'(•29 


Le  Musc  on  Chevrotain 


fiaw^^^^^^-^" 


LES  mosciiin]^:es 


N 'oui  pas  de  cornes;  ils  ont  do  cluique  coté 
de  la  niiichoire  su|)érieure  nne  longue  canine 
qui  sort  de  la  bouche  dans  les  niàles. 

3=  r.ENRF.  T,es  CHEVIiOTAliVS  (Mosrhus, 
Lin.)  ont  trente-quatre  dents,  savoir  :  huit  in- 


cisives en  bas,  i)oint  en  haut  ;  deux  canines  en 
haut,  point  en  bas  ;  douze  molaires  à  chaque 
mâchoire  ;  leur  taille  est  élégante,  leurs  pieds 
lins,  à  sabots  conformés  comme  chez,  les  autres 
ruminants  ;  ils  manquent  de  larmiers. 


Le  MUSC  [Moschits  tnoschi feras.  Lin.  Le  Xé  dos  Chinois.  Le  Gifar  des  ïa- 
lares.  Le  Kiidari,  le  Dsaanja  et  le  Psehija  des  Kalmoncks.  Le  Gloa,  Glao  et 
Alatli  du  Thibet.  Le  Kaborcja,  le  Saïcjai'l  le  Bjos  des  Russes  et  des  Ostiaks) 

Est  un  charmant  animal,  de  la  taille  d'un  chevreuil  de  six  mois  ;  son  pelage 
est  grossier,  teint  de  brun,  de  fauve  et  de  blanchâtre;  ses  canines  sont  trés- 
apparentes  hors  de  la  bouche;  un  simple  renflement  remplace  la  queue.  Les 
jeunes  portent  une  livrée  et  varient  selon  l'âge;  mais,  vieux  ou  jeunes,  tous  ont 
sous  le  cou,  depuis  la  gorge  jusqu'au  poitrail,  deux  bandes  blanches  bordées  de 
noir,  enfermant  entre  elles  une  bande  noire. 

On  trouve  cet  animal  dans  presque  toute  l'Asie,  et  principalement  en  Chine, 
au  Thibet,  au  l'égu  et  en  Tartarie;  il  aune  espèce  de  bourse  de  deux  à  trois 
pouces  de  largeur,  en  dessous  du  nombril,  des  parois  de  laquelle  sécrète  une 
humeur  odorante,  formant  une  masse  de  consistance  sèche,  même  [)endant  la 
vie  de  l'animal,  et  connue  dans  le  commerce  de  la  parfumerie  sous  le  nom  de 
musc.  C'est  entièrement  à  ce  parfum  très-recherché  que  l'animal  doit  l'antique 
célébrité  dont  il  jouit,  mais  aussi  la  guerre  incessante  qu'on  lui  fait. 

Le  musc  n'habite  que  le  sommet  rocailleux  des  plus  hautes  montagnes,  au 
milieu  des  rochers  et  des  précipices,  où  il  déploie  dans  sa  course  toute  la 
légèreté  du  chamois.  Ses  ongles  postérieurs,  fort  longs  et  pouvant  s'écarter 


430  LES  RUMINANTS. 

beaucoup,  lui  donnent  une  sûreté  de  marche  extraordinaire  ;  il  gravit  aisément 
les  pentes  les  plus  rapides,  s'élance  d'un  bond  au-dessus  des  abîmes,  se  préci- 
pite avec  hardiesse  du  sommet  des  rocs,  saute  d'une  pointe  à  l'autre  avec  une 
précision  admirable,  qui  annonce  autant  de  justesse  dans  son  coup  d'œil  (|ue 
de  force  dans  son  jarret,  et  tout  cela  avec  tant  de  rapidité,  que  l'œil  du  chasseur 
peut  à  peine  le  suivre  dans  sa  fuite  ;  si  le  hasard  le  jette  dans  la  plaine,  il  n'est 
pas  plus  embarrassé  dans  sa  course,  et  il  passe  même  de  grandes  rivières  à  la 
nage  sans  montrer  la  moindre  hésitation.  Comme  le  renne,  il  se  nourrit  en 
hiver  des  lichens  qui  tapissent  le  flanc  des  rochers  et  les  troncs  d'arbres  ;  letf 
il  cherche  des  racines  qu'il  sait  très-bien  déterrer  avec  les  pieds  et  arracher 
avec  ses  longues  canines,  et  il  mange  aussi  les  bourgeons  et  les  feuilles  de  quel- 
(|ues  arbrisseaux,  et  entre  autres  ceux  du  Rhododendmm  daiuiciun.  Son  carac- 
tère est  extrêmement  timide,  et,  comme  le  lièvre,  il  paraît  passer  une  partie 
de  sa  vie  dans  des  transes  continuelles;  caché  le  jour  dans  un  fourré  inacces- 
sible, il  n'ose  en  sortir  que  la  nuit  pour  vaquer  aux  fonctions  de  l'animalité,  et 
c'est  à  cause  de  ses  habitudes  nocturnes  que  les  voyageurs  l'ont  si  rarement  ren- 
contré, même  dans  les  contrées  où  il  est  le  plus  commun.  Ces  animaux  vivent 
ordinairement  isolés;  mais  en  novembre,  moment  où  ils  sont  le  plus  gras,  ils 
entrent  en  rut  et  se  rassemblent  en  troupes  pour  aller  à  la  recherche  des  fe- 
melles. Dans  cette  circonstance  ils  oublient  leur  poltronnerie  naturelle,  et  se 
livrent  des  combats  furieux,  dont  plusieurs  ne  se  retirent  qu'après  avoir  reçu 
des  blessures  graves  ou  perdu  leurs  longues  canines.  Quoi  qu'on  en  ait  dit,  leur 
poche  de  parfum  ne  contient  pas  plus  de  musc  à  cette  époque  qu'à  une  autre, 
mais  c'est  en  ce  moment  qu'on  leur  fait  la  chasse,  parce  qu'ils  sont  plus  aisés  à 
surprendre,  qu'ils  donnent  aisément  dans  les  pièges  qu'on  leur  tend,  et  que 
leur  chair,  fort  estimée  par  h's  chasseurs,  est  alors  grasse  et  délicate.  On  a 
vainement  essayé  de  les  soumellre  à  la  domesticité  ;  ils  refusent  de  multiplier, 
s'ennuient,  et  finissent  par  mourir  de  débilité. 

Aussitôt  qu'un  chasseur  a  tué  un  de  ces  animaux,  il  enlève  le  plus  prompte- 
ment  possible  la  poche  au  musc,  en  ferme  l'ouverture  avec  un  bout  de  ficelle,  la 
fait  sécher  à  l'ombre,  et  en  cet  état  elle  est  bonne  à  livrer  au  commerce.  Mais 
quelquefois  son  avarice  le  détermine  à  la  fraude,  et  il  fait  de  fausses  poches  avec 
des  morceaux  de  peau  qu'il  enlève  au  ventre  de  l'animal  ;  il  y  met  plus  ou  moins 
de  musc  delà  véritable  poche,  et  achève  de  les  remplir  avec  du  sang  de  l'animal. 
Souvent,  pour  donner  plus  de  poids,  il  y  ajoute  une  certaine  quantité  de  plomb, 
et  tout  cela  est  fait  avec  tant  d'adresse,  qu'il  est  fort  difficile  aux  marchands  de 
s'en  apercevoir.  Les  femelles  n'en  produisent  pas,  et  n'ont  même  pas  de  bourse 
musquée.  Ce  parfum,  extrêmement  pénétrant,  n'a  pas  la  même  force  et  la  même 
qualité  partout;  le  meilleur  vient  du  Tunkin,  et  le  moins  estimé  des  Alpes  si- 
bériennes; ce  dernier  n'a  pas  plus  d'odeur  que  le  castoréum. 

Le  Memimva  {Moschus  meminna,  Euxl.  Le  cèdent  et  n'a  pas  de  poclic  à  musc.  11  se  trouve 

Chcrrolaiu  à  tache  blanche,  Rlff.  )  est  reniar-  à  Ce^lan. 

qHal)le  par  son  pelage  d'un  gris  olivâtre  en  des-  Le  Ciievrotain  de  Java  (  Moschus  jaranicns, 

sus,  blanc  en  dessous,  avec  des  taches  rondes  et  Pall.  )  est  de  la  taille  d'un  lapin;  son  pelage 

blanches  sur  les  flancs  ;  ses  oreilles  sont  longues  est  d'un  brun  ferrugineux  en  dessus,  onde  de 

et  sa  queue  courte.  Il  est  plus  petit  que  le  pré-  noii-  et  sans  taches  sur  les  flancs,  avec  trois  ban- 


MOSCHINÉES 


431 


des  blanches  in  lonfj  sur  la  poitrine  ;  le  bout 
de  son  nuiseau  est  noir.  11  habite  Java. 

Le  Napu  (Moschnsna))!!,  Fb.  Cijv.  Masilius 
jaianiciis,  Haffl. )  n'est  guère  plus  grand  que 
le  précédent,  et  sa  taille  ne  dépasse  pas  celle 
d'un  lièvre;  son  pelage  est  brun,  irrogulière- 
menf  mélangé  de  reflets  d'un  gris  noirâtre  ou 
fauve  :  le  poitrail  est  d'un  brun  foncé,  avec  cinq 
taches  blanches,  linéaires  et  convergentes  ;  sa 
niikhoire  inférieure  est  blanche,  il  habite  Su- 
matra. 


Le  Kancuil  (Momhus  kanchit,  Raffl.  )  a 
quatorze  pouces  (0,579)  de  longueur,  sur  neuf 
(0,2'i4)  de  hauteur  ;  son  pelage  est  d'un  brun 
rouge  foncé,  presque  noir  sur  le  dos,  et  d'un 
bai  brillant  sur  les  lianes,  avec  le  dessous  blanc; 
il  a  trois  raies  sur  la  poitrine  et  une  bandelette, 
qui  va  de  la  mâchoire  à  l'épaule,  blanches;  sa 
queue  est  touffue,  blanche  au  bout  ;  ses  canines 
sont  fort  longues  et  courbées  en  arrière.  On  le 
trouve  à  Java,  dans  les  forets,  où  il  vit  de  feuil- 
les, de  bourgeons  et  de  graines  d'arbres. 


Ce  singulier  animal  est  extrêmement  rusé  et  plein  d'intelligence;  aussi  les 
Malais,  quand  ils  veulent  désigner  un  adroit  voleur,  disent  qu'il  est  rusé  comme 
i\n  kanchil.  Il  n'habite  que  les  forêts  les  plus  profondes,  où  il  se  nourrit  princi- 
palement des  fruits  du  gmelinia  villosa.  Malgré  son  agilité  extraordinaire,  il 
courrait  risque  quelquefois  d'être  atteint  et  déchiré  par  les  bêtes  féroces  ou  les 
chiens  des  chasseurs,  s'il  n'avait  l'adresse  de  s'en  tirer  d'une  manière  fort  ex- 
traordinaire pour  un  animal  ruminant.  Après  avoir  fui  devant  ses  ennemis  et 
avoir  rusé  devant  eux  pour  leur  dérober  sa  piste,  s'il  se  sent  trop  pressé  par 
eux,  il  s'élance  d'un  bond  prodigieux  à  la  haute  branche  d'un  arbre,  s'y  accroche 
par  ses  dents,  y  reste  suspendu,  et  de  là  regarde  tranquillement  passer  la  meute. 
Quand  les  chiens  sont  éloignés,  il  se  laisse  tomber  à  terre  et  retourne  sur  ses 
pas  sans  plus  s'en  inquiéter. 

Les  naturalistes  ont  encore  signalé  parmi  les  chevrotains  des  espèces  qui 
n'appartiennent  pas  à  ce  genre.  Tels  sont  les  moschus  pygmrcus,  jeune  âge  de 
l'antilope  spinigera;  les  moschus  americanus  et  delicalulus,  qui  ne  sont  (|ue  des 
faons  du  cervus  rufus. 


ï.il 


LES   II  U  MINANTS. 


LES  PLÉMCOUINKS 


rs'onl  point  de  ciinines;  les  mâles  seulement 
ont  (les  cornes  ou  bois  osseux  et  caducs,  c'est- 
à-dire  tombant  chaque  année,  ou  à  des  inter- 
valles plus  longs. 

4«Gemie.  Les  CERFS  (  Cfrcns,  BRiss.)(int 
trente-deux  dents,  savoir  :  point  d'incisives  en 
haut  et  huit  en  bas;  point  de  canines;  douze 
molaires  à  chaque  mâchoire.  La  j)lupart  ont  un 
mufle  ;  tous  ont  des  larmiers  sous  les  ^eux.  Leur 


taille  est  svelle,  leurs  jambes  minces,  leurs  oreilles 
médiocres;  ils  ont  la  queue  très-courte.  Nous 
ne  décrirons  que  les  espèces  vivantes,  et  nous 
adopterons  la  classification  de  M.  de  Blainville. 

l'e  SECTION.  Bois  sessUcs,  plus  On  moins  subdi- 
visés, sans andouillers  ba.iilaires ni  médians, 
termines  par  une  très-grande  empamnure  di- 
gilée  à  son  bord  externe  seulement. 


L'ÉLAN  [Cervus  alces,  Lin.  Le  Moos-deer  des  Anglo-Américains.  h'EUui  de 
BuFF.  L'Orignal  des  Canadiens.  L'Eik  on  Elencl  du  nord  de  l'Europe.  Le  Loss 
des  Slaves  ) 

Est  le  plus  grand  de  tous  les  cerfs,  et  surpasse  quelquefois  la  taille  d'un  che- 
val, avec  lequel  son  museau  renflé  a  quelque  analogie  ;  sa  tête  est  longue  el 
étroite  en  avant;  son  bois  consiste  en  une  très-large  empaumure  garnie  d'an- 
douillers  ou  de  digitations  nombreuses  à  son  bord  extérieur;  sa  queue  est 
très-courte;  son  pelage  est  d'un  brun  fauve  sur  le  dos  et  sur  la  croupe,  et  d'un 
brun  plus  ou  moins  foncé  en  dessous.  11  noircit  en  vieillissant. 

Le  cou  de  cet  animal  est  tellement  court,  que  pour  paître  il  est  obligé  d'é- 


i-^^^^ 


,ABANE   HÎT   ENCLOS  DES  GERPS  D'EUROPi. 

l'BÈS   UE   1*    KOSSE   M\    O  L  11  S. 

(J»rJin      a.--      Hlai,  tr».  ) 


PLÉNICORNES.  433 

carier  et  fléchir  les  jambes  de  (lovant  ;  aussi  se  nourrit- il  i)lus  volontiers  de  feuil- 
lage, de  bourgeons  et  d'écorce  d'arbre  (\ne  d'iierlie.  Il  se  plaît  particuli«M-ement 
dans  les  grandes  forêts,  surtout  dans  celles  qui  renferment  des  marais,  où  il  se 
plonge  et  reste  tout  le  jour,  pendant  l'été,  pour  éviter  la  piqûre  des  taons  ;  dans 
cette  attitude,  il  se  plait  à  brouter  l'herbe  qui  croit  sous  l'eau,  eu  soufflant  avec 
grand  bruit  par  les  narines.  Quoique  timide  comme  tous  les  cerfs,  comme  eux 
aussi  il  se  défend  avec  courage  quand  la  fuite  ne  lui  est  plus  possible;  dans  ce 
cas  il  frappe  avec  ses  bois,  avec  ses  pieds  de  derrière,  et  plus  dangereusement 
avec  ceux  de  devant.  Dans  sa  fuite  il  ne  galope  jamais,  mais  il  court  d'un  trot 
accéléré  très-vif,  et  peut  faire  trente  milles  tout  d'une  traite.  Il  est  fort  singu- 
lier que  sa  marche  soit  toujours  accompagnée  d'un  craquement  d'os  qui  n'a  pas 
encore  été  bien  expliqué.  Cet  animal  vit  en  grandes  bardes,   ou  troupes;  sa 
femelle  est  plus  petite  que  lui.  Il  est  bien  certain  que  depuis  nom!)re  d'années 
on  ne  le  trouve  plus  en  France,  mais  il  est  encore  assez  commun  dans  les  gran- 
des forêts  du  nord  des  deux  continents   Son  caractère  est  fort  doux,  il  s'appri- 
voise aisément,  et  dans  le  nord-ouest  de  l'Amérique  les  sauvages  l'attellent  à 
leurs  traîneaux,  comme  on  le  faisait  autrefois  en  Suède.  Il  est  en  rut  de  sep- 
tembre en  octobre,  et  la  femelle  met  bas  deux  ou  trois  petits,  en  avril  et  mai. 
Ses  ennemis  les  plus  redoutables  sont  l'ours  et  le  glouton.  La  chair  de  cet  ani- 
mal est  assez  mauvaise,  mais  sa  peau  est  précieuse  en  chamoiserie. 

ll<=SECTioN.  Bois  sessilesi)lus  ou  moins  divisés^  toute  l'Europe,  et  leur  ctiair  est  assez  estimée. 

pourvus  (i'andouilleis  bnsilaiics  et  médians,  Ils  oui  les  mêmes  habitudes  que  uotre  cerf,  mais 

les  andouillcrs  supérieurs  seuls  comprimés,  ils  se  plaisent  moins  dans  les  grandes  forêts  et 

prélèreut  les  bois  coupés  de  cbamps  cultivés. 
Le  Daim  (C.crvus  dama,  Li>.  Ccrrus  ])l(iti;- 

rerns,  Ray.  Le  Daim,  Blff.  Le  Platogni  des  111^  section.  Rois  comme  dans  le  précédent, 
Grecs  actuels),  moins  grand  que  notre  cerf;  mais  andouillers  aplatis. 

son  pelage  est  d'un  brun  noirâtre  en  hiver,  en 

été  il  est  fauve  taihi'té  de  blanc  ;  les  fesses  sont  Le  RE\^E  [Ccrrus  turandus,  Li,\.  —  Desm. 
blanches  en  tout  temps,  bordées  de  chaque  coté  Cervusrangi fer,  Tiiuss.  Ccrrus  coronntus,  Desm. 
d'une  raie  noire;  la  queue  est  plus  longue  que  Le  Caribou  de  Buiss.  Le  lieen  des  Lapons)  est 
colle  du  cerf,  noire  en  dessus,  blanche  en  des-  de  la  grandeur  d'un  cerf,  mais  à  jambes  plus 
sous  ;  le  bois  du  mâle  est  rond  à  sa  base  a^  ec  un  courtes  et  plus  grosses  ;  les  deux  sexes  ont  des 
audouiller  pointu  ;  aplati  et  dentelé  en  deboi-s  bois  divisés  en  plusieurs  branches,  d'abord  gré- 
dans  le  reste  de  sa  longueur;  passé  un  certain  les  et  pointues,  et  qui  finissent  avec  l'âge  par  se 
âge,  il  rapetisse  et  se  divise  irrégulièrement  en  terminer  eu  palmes  élargies  et  dentelées  ;  son 
plusieurs  lanières.  On  trouve  des  daims  noirs  poil,  brun  en  été,  devient  presque  blanc  eu 
sans  taclies,  et  d'antres  entièrement  blancs.  Ces  hiver.  11  habite  les  contrées  glaciales  des  deux 
auimaux  vivent  en  petites  hardes  dans  presque  continents. 

Le  renne  est  le  cadeau  le  plus  précieux  que  la  nature  ait  fait  à  ces  contrées  du 
Nord  perdues  la  moitié  de  l'année  sous  de  tristes  frimas.  Il  sert  à  la  fois  de  bête 
de  trait  et  de  somme.  Les  Lapons,  qui  en  ont  de  nombreux  troupeaux,  l'attellent 
à  de  légers  traîneaux  sur  lesquels  ils  voyagent  avec  une  extrême  rapidité,  et  à  de 
très-grandes  distances.  La  femelle  donne  par  jour  à  peu  près  un  litre  de  lait  ex- 
cellent, remplaçant  pour  tous  les  usages  celui  de  vache;  la  chair  de  cet  animal 
est  fort  bonne  et  se  conserve  fort  bien  au  sel  ;  avec  la  peau  on  fait  des  vêtements, 
des  harnais,  des  sacs,  des  voiles  de  canots,  etc.  ;  avec  les  tendons  on  fait  des  cor- 
des et  du  til,  des  outres  avec  la  vessie,  des  ustensiles  divers  avec  ses  cornes  et 
ses  os;  enfln  il  n'est  pas  une  de  ses  parties  (pii  ne  soi!  utile.  Aussi  la  richesse  d'un 

55 


Wt  LES   KLMINANTS 

Lapon  se  calciile-t-elle  sur  le  noml)ie  de  rennes  qu'il  possède.  Il  les  envoie 
paître  l'été  sur  les  montagnes;  l'hiver  il  les  ramène  dans  la  plaine,  où  ils  savent 
trouver  leur  nourriture  en  grattant  el  creusant  la  neige  qui  la  couvre  quelquefois 
de  plusieurs  pieds.  Cette  nourriture  consiste  en  lichens  et  en  mousse,  et.  même, 
-quand  elle  leur  manque,  ils  se  contentent  d'écorces  d'arhres,  de  hourgeons  de 
houleau  et  de  sapin,  et  même,  faute  de  mieux,  on  les  accoutume  à  manger  des 
déhris  de  haleine  et  des  os  de  poisson.  Cet  utile  animal  est  doux,  fort  docile, 
mais  sujet,  quand  on  le  maltraite,  à  tomher  dans  des  accès  de  fureur  qui  devien- 
nent funestes  à  son  conducteur  s'il  n'a  pas  la  précaution  de  renverser  le  traîneau 
sur  lui  et  de  rester  caché  dessous  jusqu'à  ce  que  la  colère  du  renne  soit  passée. 
A  l'état  sauvage,  il  a  les  mojurs  de  l'élan,  à  de  très-petites  différences  prés. 
Ces  mammifères  vivent  en  hardes  extrêmement  nomhreuses,  et  l'été,  pour  évi- 
ter la  piqûre  des  œstres,  ils  se  retirent  dans  les  plus  somhres  forêts  de  sapins 
dans  les  montagnes.  Us  ont  une  si  grande  frayeur  de  ces  insectes,  que  le  hour- 
donnement  d'un  seul  suftit  pour  mettre  le  désordre  dans  un  troupeau  de  deux 
ou  trois  cents  individus.  Le  rut  a  lieu  en  novemhre  et  décemhre,  après  quoi  le 
mâle  jette  son  hois;  la  femelle  ne  perd  le  sien,  qui  est  plus  petit,  qu'après  avoir 
mis  bas,  au  mois  de  mai  ;  elle  fait  deux  petits  dont  elle  a  grand  soin.  Ces  ani- 
maux s'apprivoisent  facilement;  ils  sont  fort  doux,  mais  non  pas  très-timides, 
et  ils  savent  fort  hien  se  défendre  contre  le  glouton  et  les  autres  animaux  car- 
nassiers. Ceux  qui  ont  vécu  à  la  ménagerie  étaient  fort  paisibles;  on  les  nourris- 
sait avec  du  lichen  et  du  pain.  On  a  vainement  tenté  d'acclimater  les  rennes 
dans  les  hautes  montagnes  d'Ecosse,  et,  à  plusieurs  reprises,  on  y  en  a  lâché  des 
troupeaux  assez  considérables,  mais  tous  y  sont  morts  en  assez  peu  de  temps. 

1V«  SECTION.   Dois  sessiles,  à  andouillers,  ver  d'un  gris  brun  ;  il  a  une  grande  facile  d'un 

basilaires  et  médians,  Ions  coniqttes  fauve  pâle  sur  les  fesses  et  la  queue.  Le  niàle 

a  des  canines  qui  manquent  à  la  femelle,  el  celle- 

Le  Cehf  onnnAuiE   (Cervus  elaphus,  Li^.  )  ci  est  aussi  dépourvue  de  bois.  On  doit  regarder 

est  le  plus  grand  des  animaux  sauvages  de  la  connue  de  simples  variétés  :  le  cerf  blanc,  qui 

France.  11  a  la  tête  longue,  terminée  par  un  n'est  qu'un  albinos  ;  le  cerf  de  Corse  (  Cervus 

mufle  très-court  ;  ses  bois  sont  ronds,  branchus,  roisicanus,   Gmi..),  qui  est  plus  petit  et  plus 

ayant  une   erapaumure  terminale  formée  de  trapu  ;  le  cerf  des  Ardennes  (  Cerius  germa- 

deux  à  cinq  dagues;  sa  queue  est  mojeune;  niciis,    Bri.ss.).  plus  grand  et  à   pelage  plus 

sou  pelage  d'été  est  d'un  brun  fauve,  celui  d'hi-  foncé. 

Le  cerf  entre  en  rut  au  mois  de  septembre,  et  pendant  les  quinze  jours  que 
dure  cet  état,  il  est  furieux,  oublie  sa  timidité  naturelle,  se  jette  quelquefois  sur 
les  hommes,  et  crie  ou  brame  de  manière  à  faire  retentir  les  forêts.  A  cette  épo- 
que seulement  les  mâles  se  réunissent  en  hardes  avec  les  femelles,  et  ils  restent 
en  troupes  nombreuses  pour  passer  l'hiver  ensemble;  mais  tant  que  dure  le  rut, 
ils  se  livrent  entre  eux  des  coiubats  à  outrance,  et  forcent  les  jeunes  mâles  à  se 
tenir  à  l'écart;  au  printemps  ils  se  séparent.  La  biche  porte  huit  mois  et  quel- 
ques jours,  et  ne  met  ordinairement  bas  qu'un  petit  qu'elle  soigne  avec  tendresse 
et  qu'elle  garde  auprès  d'elle  quelquefois  pendant  deux  ans.  La  chasse  au  cerf,  à 
cause  des  énormes  frais  qu'elle  entraîne  en  chevaux,  chiens,  piqueurs,  équipages, 
a  été  de  tous  temps  un  plaisir  de  prince,  ou  au  moins  de  personnages  fort  riches. 
Elle  a  ses  lois,  ses  règles  et  son  langage  particulier.  Son  vocabulaire,  aussi  stu- 
i)ide  que  barbare,  aussi  iiupropre  dans  ses  acceptions  qu'ignoble  dans  son  ensem- 


i>  LÉ  NI  cou  m:  s. 


'i35 


l)le,  porle  le  cachet  des  valcis  de  chiens  et  des  palelVeniers  qui  roiil  invente;  et 
néanmoins,  on  l'entend  quelquefois  parler  dans  les  salons  de  Paris.  Quoique  fort 
timide  et  peu  intelligent,  h;  cerf  ruse  devant  les  chiens,  et  emploie  quelque- 
fois des  moyens  surprenants  pour  leur  échapper.  Entre  plusieurs  exemples  je 
n'en  citerai  qu'un,  dont  j'ai  été  témoin  sous  l'empire.  Un  vieux  cerf,  hahitant 
un  canton  des  bois  de  Meudon,  vingt  fois  fut  mis  sur  pied  par  la  meute  impé- 
riale. Il  se  faisait  battre  dans  la  forêt  pendant  un  quart  d'heure,  puis  tout  à 
coup  il  disparaissait,  et  ni  hommes  ni  chiens  n'en  avaient  plus  de  nouvelles,  ce 
qui  mettait  les  piqueurs  au  désespoir  régulièrement  tous  les  quinze  jours.  Enlln, 
un  paysan  que  le  hasard  avait  rendu  plusieurs  fois  témoin  de  la  ruse  de  l'animal 
le  trahit,  et  le  pauvre  cerf  fut  pris.  Voici  comment  il  agissait  :  après  avoir  fait 
deux  ou  trois  tours  dans  le  bois  pour  gagner  du  temps,  il  filait  droit  vers  la 
route  de  Fontainebleau,  se  plaçait  en  avant  d'une  diligence  ou  d'une  voiture  de 
poste,  trottait  devant  les  chevaux  qui  efïaçaient  sa  piste,  et  sans  se  presser  davan- 
tage, sans  s'effrayer  des  voyageurs  à  cheval,  à  pied  ou  en  voiture,  qu'il  rencon- 
trait, il  faisait  ses  six  lieues  et  arrivait  gaillardement  dans  la  forêt  de  Fontaine- 
bleau, d'où  il  ne  revenait  (jue  le  lendemain,  quand  le  danger  était  passé. 


Le  Wapiti  {Ceirns  iiapit'i ,  Mnai.  Cernis 
major,  Desm.  Le  IVnpiti  de  Waiiden.  L'EU. 
des  Aniéricniiis  )  est  à  peu  près  de  la  taille  du 
cerf,  et  a  la  queue  très-courte;  sou  pelage  est 
d'uu  fau\e  l)ruiiàtre  :  ses  fesses  et  sa  queue  sont 
d'uu  jaune  très-clair;  ses  bois  sont  rameux, 
très-grands  el  sans  enipaumure;  le  mufle  est 
très-large,  et  le  niale  seul  a  des  canines;  ses 
poils  sont  fort  longs  sous  le  cou  cl  la  tête;  l'in- 
térienr  de  l'oreille  est  blanc,  et  les  larmiers 
sont  très-grands.  Cet  animal  babite  le  nord  de 
lAmérique:  il  n  a  qu'une  femelle  qu'il  ne  quitte 
jam;iis,  et  vit  en  famille,  mais  non  eu  troupe. 
Son  caracière  est  fi)rt  douv,  et  il  s'apprivoise 
facilement,  jusqu'à  une  demi-domesticité;  aussi 
les  Indiens  s'en  servent-ils  pour  l'atteler  à  leurs 
traîneaux.  Un  individu  a  vécu  à  la  luénagerie, 
et  l'on  a  vainement  tenté  de  lui  faire  couvrir 
des  bicbes. 

Le  Cerf  du  Canada  (  Cerins  canudensis, 
Gml.  — t)Esni.  Le  licd-drer  de  Wardex)  n'est 
peut-être  qu'une  variété  du  précédent.  Son  pe- 
lage est  d'un  fauve  obscur,  sans  taches  jaunâ- 
tres sur  les  fesses  ;  sa  queae  est  assez  longue  ; 
ses  bois  sont  branchus,  sans  empaumure  termi- 
nale, et  ont  six  andouillers  isolés,  recourbés 
à  leur  extrémité.  Cet  animal  habite  l'ouest  et  le 
sud  des  Ktals-l.uis,  et  se  trouve  aussi  dans  les 
montagnes  Koehenses,  où  Clark  et  Lewis  disent 
en  avoir  vu  dont  la  queue  avait  dix-sept  pouces 
de  longueur.  C'est  un  animal  stupide,  dont  le 
cri  approche  du  braiment  de  l'àne. 

I.e  Cerf  a  graxdes  oreilles  [Ccrnis  marro- 
lis,  Sav.  )  est  d'un  brun  pâle  et  rougeàtrc  sur 
le  corps;  les  tlancs  sont  d'un  cendré  brunâtre; 
il  a  le  dos  parsemé  de  poils  à  pointe  noirâtre, 
lui  formant  une  pointe  distincte  sur  le  cou  ;  ses 


oreilles  sont  liuigues  de  sept  pouces  et  demi 
(0,205)  ;  sa  cpieue,  longue  de  quatre  pouces 
(O.iOS),  est  d'un  cendré  roussâtre,  terminée  el 
dépassée  par  des  poils  noirs  aussi  longs  qu'elle. 
Il  habite  dans  le  nord  des  Ktats-Unis. 

Le  Cerf  de  Wallicii  (Ccnvs  W'aUnhii,  Fr. 
Clv.)  est  d'un  gris  brun  jaunâtre,  plus  pâle  sur 
les  joues,  le  mu'ieau,  autour  des  jeux  et  au 
ventre  ;  il  a  à  la  croupe  une  grande  tache  blan- 
che ainsi  que  la  queue,  qui  est  très-courte;  ses 
bois  s'écartent  de  C(Mé  et  se  renversent  en  ar- 
riére, après  les  premiers  andouillers,  pour  re- 
monter verticalement  ;  sur  chaque  bois  naissent 
deux  andouillers  qui  se  dirigent  en  avant  :  l'un 
descend  sur  le  chanfrein,  et  l'autre  se  relève  un 
peu  ;  un  troisième  nait  du  merrain  et  se  dirige 
en  dehors.  CeUe  belle  espèce  habite  le  Népaul. 

\  e  sECTio>i.  Bois  scssUcs,  ramifics,  arec  vn  seul 
atHloiiilUr  bnsilnirr  ,  saus  mérliav.',  et  le  su- 
périeur orilinaireiuent simple .  Pelage  taehete. 

L'Axis  (  Cerrus  a.ris,  Liiv.  Le  Cerf  du  Gange, 
Bi  FF  )  a  les  formes  générales  du  daim;  son 
pelage  est  d  un  fauve  assez  vif  el  moucheté  de 
blanc,  avec  une  ligne  presque  noire  le  long  du 
dos  ;  le  dessous  du  corps  est  d'un  blanc  pur;  le 
mâle  manque  de  canines  supérieures;  ses  bois 
ont  deux  andouillers  et  une  seule  pointe  termi- 
nale; la  femelle  a  une  ligne  longitudinale  blan- 
che snr  les  lianes.  Ce  charmant  animal  est  ori- 
ginaire de  rindostan,  et  a  été  introduit  en  An- 
gleterre au  connnencement  du  dix-septième 
siècle.  Son  cri  ressend)le  i:n  peu  à  l'iiboiement 
d'un  chien,  et  peut  s'écrire  ainsi  lioui,  houi. 
Itoui.  C'Axis  est  fort  doux,  fort  timide,  mais 
nullement  farouche  11  s'est  très-bien  acclimate 
en  France,  et  ceux  de  la  ménagerie  produisent 


43(i 


LES  RU  MINANTS. 


chaque  année.  Il  nu  pas  de  temps  niarqné  pour 
le  rut,  et  le  mâle  ne  malliaite  passes  biclies. 

Le  Cebf-Cociioin  (Ccrvus  porciniis,  Lin.  Le 
Cerf  Cochon,  Buff.  )  a  le  corps  plus  trapu  et 
les  jambes  plus  courtes  (jue  le  précédent  ;  il  est 
fauve,  tacheté  de  blanc  en  dessus,  avec  nue 
ligne  un  peu  brune  sur  le  dos  ;  d'un  gris  fauve 
en  dessous;  ses  fesses  sont  blanchâtres;  sa  queue 
est  fauve  en  dessus,  blanchâtre  en  dessous;  ses 
yeux  et  son  museau  sont  noirs;  ses  bois  sont 
grêles,  n'ayant  que  trois  petits  andouillers.  Il 
habite  l'Inde,  où  il  vit  en  grandes  troupes.  Il 
est  timide,  mais  néanmoins  il  s  apprivoise  faci- 
lement et  devient  très-familier.  11  est  à  demi 
domestique  au  Bengale,  où  on  l'engraisse  pour 
le  manger,  comme  le  précédent. 

Tr  stCTiON.  Buis  lomvie  les  prècédenis,  mais 

pelage  sans  lachrs. 

Le  Roussa-Ita^  (  Cervus  hippelaphus,  G. 
Cuv.  ISon  YHippelaphe  d'Aristote.  Le  Mejan- 
gan-banjoë  ou  Cerf  d'eau  des  Javanais,  he  Rusa 
ou  lioussa-itan  de  Sumatra  )  est  de  la  taille 
de  notre  cerf;  son  poil  est  plus  dur  et  plus 
rude,  plus  long  et  plus  hérissé  eu  sorte  de 
barbe  sur  le  cou,  les  joues  et  la  gorge.  Sou  pe- 
lage d'hiver  est  d'un  gris  brun  plus  ou  moins 
foncé  ;  celui  d'été  est  d'un  hrun  plus  clair  et 
plus  doré.  Sa  croupe  est  d'un  fauve  pâle;  .'a 
queue  brune,  terminée  par  des  poils  assez  longs 
et  noirs.  Il  habite  les  deux  presqu'îles  de  l'Inde 
et  son  archipel.  Plusieurs  ont  vécu  à  la  ména- 
gerie. 

Le  Cehf  nts  Maiii\.\kes  (  Cenus  maiiannns. 
Ci.  Clv.)  ne  d('passe  pas  la  taille  d'un  che- 
vreuil; il  est  entièrement  d'un  gris  brun;  s;i 
queue  est  courte;  il  a,  conmieles  précédents,  un 
mulle  et  des  larmiers;  son  bois  a  deux  andouil- 
lei  s  à  une  seule  pointe  terminale,  dirigés  l'un 
en  avant  et  l'autre  en  dedans.  Il  manque  d'in- 
cisives. On  le  croit  crigihaire  des  Philippines, 
d'où  il  aurait  été  apporté  aux  Mariannes  par 
les  Espagnols.  Dans  tous  les  cas,  il  s'y  est  |)ro- 
digieusement  multiplié.  La  femelle  met  bas  en 
mars,  et  son  faon  ne  porte  aucune  livrée.  11 
nage  avec  une  prodigieuse  vitesse,  et  lorsqu'il 
est  trop  pressé  par  les  chiens,  il  se  jette  à  la 
mer  et  leur  échappe  au  milieu  des  brisants  qui 
déferlent  avec  le  plus  de  fureur. 

Le  Cehf  nE  Lesciienallt  {Cercus  Lischc- 
naultii,  G.  Clv.  )  nest  connu  que  par  son  bois, 
envoyé  de  la  côte  de  Coromandel  par  Lesche- 
uault.  Ce  bois  est  aussi  grand  que  celui  du  cerf 
d'Aristote,  mais,  il  est  moins  grand,  quoique 
aussi  tuberculeux,  que  celui  du  cerf  d'Knrope; 
il  donne  de  sa  base  nu  andouiller  médiocre,  et  sa 
pointe  se  partage  en  deux  corps  presque  égaux, 
taisant  chacun  le  quart  de  la  longueur  totale. 
Le  Cal-Oainn  ou  le  Cerf  d'Aristote  {Cer- 
vus Aristoteli,  G.  Clv.  L' llippelaihc  d'.tris- 


lotr ,  selon  G.  Clv  )  ressemble  beaucoup  an 
roiissa-ilan,  ni;iis  il  est  plus  grand  et  ses  lar- 
miers sont  aussi  plus  grands  et  plus  profonds  ; 
le  bois  a  de  l'analogie  avec  celui  du  mariauus  ; 
l'andouiller  de  la  base  s'élève  à  plus  de  moitié 
de  la  hauteur  du  mcrrain,  tandis  que  l'andouil- 
ler supérieur,  très-petit,  est  tout  près  de  la 
pointe  à  laquelle  il  est  postérieur  ;  son  pelage 
est  le  mémo,  à  cette  différence  que  la  queue 
est  brune  au  lieu  d'être  noire.  Il  est  conunun 
dans  le  Népaul,  et  vers  l'Indus. 

Le  Cerf  noiii  (Cerrus  nigtr,  Blainv.  — De.sm.) 
a  la  taille  et  les  formes  générales  de  notre  cerf; 
son  pelage  est  d'un  brun  presque  noir  en  dessus, 
plus  clair  en  dessous,  tandis  que  les  parties  su- 
périeures du  dedans  des  membres  sont  blan- 
ches. Les  l)ois  n'ont  qu'un  andouiller  conique 
à  la  base  d'un  merrain  allongé.  Il  habile  l'Inde, 
et  n'est  peut  être  qu'une  variété  du  roussa  ilan. 
Le  Cerf  de  Dlvalcel  (  Cirrus  DuraucctUi, 
G.  Cuv.)  a  été  établi  par  G.  Cuvier  sur  un  bois 
envoyé  de  l'Inde  par  Duvaucel.  Le  merrain 
est  dirigé  d'abord  un  peu  en  airière  et  de  coté, 
et  recourbé  en  avant  par  sa  |)arlie  supérieure, 
(le  sorte  qu'il  est  concave  en  avant  ;  un  seul  an- 
douiller sort  de  la  base,  dirigé  en  avant  ;  des 
deux  ou  trois  andouillers  terminant  le  merrain, 
l'inférieur,  (pii  est  ordinairement  le  plus  grand, 
se  bifur(iue  ou  trifurque,  suivant  l'âge,  en  sorte 
qu'on  peut  compter  de  cin(|  à  sept  cors  à  chaque 
|)erche,  les  quatre  ou  six  cors  supérieurs  for- 
mant une  sorte  dempaumure.  Quelquefois  il  y 
a  un  petit  tubercule  dans  l'aisselle  du  raaitre 
andouiller. 

Le  Cehf  dePéron  (  Cervus  Prrnnii,  G.  Clv.  ) 
a  été  établi  sur  une  tète  en^ojé  de  Timor  par 
Pérou.  Il  a  des  canines  ;  la  tête  a  une  saillie  as- 
sez marquée  entre  les  bois ,  mais  point  de  con- 
vexité à  la  base  du  nez  ;  l'angle  postérieur  de 
l'orbite  est  relevé  d'une  manière  particulière; 
l'andouiller  postérieur  est  presque  égal  à  la 
pointe  du  merrain,  qui  est  d'un  brun  pâle. 

Le  Cerf-Ciieval  (  Cern/.s-ff/((?»i/(.s-,  G.  Clv.) 
est  presque  aussi  grand  qu'un  cheval  ;  son  mu- 
seau est  noir,  son  menton  blanc  ;  son  pelage  est 
d'un  brun  grisâtre,  plus  obscur  sur  le  ventre, 
tirant  sur  le  ferrugineux  aux  parties  posté- 
rieures et  à  la  queue  ;  l'intérieur  des  membres 
est  blanchâtre;  les  deux  sexes  ont  des  canines  ; 
l'andouiller  supérieur  est  plus  petit  et  dirigé  en 
arrière.  Il  habite  Sumatra. 

\II'  section.  Bois  sess'iles,  ramipés,  avec  un 
andouiller  médian,  sans  andouiller  basilaire. 
Une  ligne  blanche,  bordée  de  noir,  conpanl 
obliquement  le  museau,  chez  la  plupart. 

Le  CiiEVRELiL  (  Cervus  rapreolus,  Liîn.  Le  C'a- 
rrenil  d'Europe,  G.  Clv.  Le  Zarchodia  des 
(irecs  njodernes.  Le  Dorcas  des  anciens.  Le 
Caprca,  dePtiN.)  est  plus  petit  que  le  daim. 


PLÉiMCORNES 


437 


dont  il  a  ;i  peu  près  li's  formes  {r<'ii(*rales  ;  il  ni  larmiers;  ses  bois  sont  riigiieuv,  rameiix, 
esl  fauve,  ou  d'un  f^ris  Itriin,  avec  les  fesses  blan-  assez  pelils,  à  deux  audoulliers,  dont  l'u»  dirige 
elles  et  la  queue  Irès-eourte;  il  na  ni  canines     en  avant,  l'autre  en  arrière. 

Les  cliovrciiils  vivent  par  couples,  dans  les  forêts  élevées  de  l'Europe  tempérée, 
et  ils  no  sont  pas  rares  en  France.  Ils  entrent  en  rut  en  novembre;  la  chevrette 
porte  cinq  mois  et  demi,  et  met  bas  en  août  deux  faons  qui  restent  en  tout  huit 
ou  neuf  mois  avec  leurs  parents.  Pendant  cet  espace  de  temps  le  père  et  la  mère 
les  soignent  avec  tendresse,  et  s'ils  sont  rencontrés  par  des  chiens,  le  mâle  se 
présente,  attire  leur  attention,  puis  fuit  avec  rapidité  en  entraînant  la  mente 
après  lui,  tandis  que  la  mère  emmène  les  enfants  d'un  autre  côté;  mais  ni  l'un 
ni  l'autre  n'ont  le  courage  de  les  défendre.  Si  le  courage  manque  à  la  chevrette, 
l'amour  maternel  sait  quelquefois  y  suppléer,  et  voici  un  fait  dont  j'ai  été  té- 
moin oculaire  dans  la  forêt  de  Fontainebleau,  et  qui  le  prouvera.  Je  vis  une  che- 
vrette, surprise  par  un  loup,  saisir  son  faon  par  la  peau  du  dos,  avec  sa  bouche, 
l'enlever  de  terre  et  fuir  en  l'emportant  avec  une  rapidité  qui  dérouta  bientôt  son 
ennemi.  Cette  action  me  parut  d'autant  plus  extraordinaire  que  le  chevreuil  n'a 
pas  la  bouche  faite  de  manière  à  pouvoir  saisir  et  porter  un  objet  d'une  certaine 
grosseur,  et  le  faon  était  au  moins  de  la  grandeur  d'un  lièvre.  Le  père  et  la  mère 
ne  se  quittent  jamais  et  passent  toute  leur  vie  ensemble,  à  moins  que  la  mort  ne 
les  sépare  ;  ils  ne  s'enfoncent  guère  dans  la  profondeur  des  forêts,  et  ils  préfèrent 
habiter  les  pointes  de  bois  taillis  environnées  de  champs  cultivés,  sur  les  collines 
et  le  revers  des  montagnes.  Quoique  indigènes  dans  nos  pays,  ils  craignent  ce- 
pendant l'intensité  du  froid,  et  tous  ceux  de  la  Bourgogne  périrent  pendant  les 
grands  hivers  de  n09  et  de  ^89.  Lorsqu'on  surprend  ces  animaux,  le  mâle,  en 
partant,  fait  entendre  un  cri  assez  aigu,  auquel  je  trouve  de  l'analogie  avec  la 
voix  d'un  chien.  Leurs  mœurs  sont  douces  et  timides,  et,  réduits  en  esclavage,  ils 
se  familiarisent  assez  aisément,  mais  je  ne  crois  pas  qu'ils  s'y  multiplient.  Le  bois 
du  mâle  tombe  en  automne  et  se  refait  en  hiver. 


L'Ain:  (  Ceiviis  pugargus,  P,\i.i.  —  Desm.  I,e 
Chcrieuil  de  Tarlarie,  G.  Cuv.  )  n'est  certaine- 
ment qu'une  variété  du  précédent.  Il  approche 
de  la  taille  du  daim,  et  sa  queue  consiste  en  un 
simple  luberculc  ;  son  pelage  est  long  et  serré, 
d'un  gris  brun;  les  fesses  sont  blanches  et  le 


ventre  jaunâtre;  il  manque  de  canines;  ses  bois 
sont  médiocres,  très-rugueux,  à  deux  andouil- 
Icrs  dont  le  postérieur  foi  nie  une  fourche  avec 
la  pointe  du  merrain.  11  habite  la  Tarlarie  et 
n'est  |)as  rare  dans  les  montagnes  élevées,  au 
delà  du  Volga. 


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I.KS   ItUMINAN  rS. 


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La  Bicl.e  .le  Vi 


Le  CERF  i)E  VIRGINIE  (  CervHS  virjiininniis,  Gml.  — Desm.  Le  Da'nii  des  Anglo- 
Américains.  Le  Cerf  (le  la  Lonhiaiic.  ou  de  Virfjhiic,  G.  Civ.  La  femelle  est  le 
Cariacon  de  Daub.  ). 

Il  a  la  tête  fine,  le  museau  pointu,  el  la  taille  moins  grande,  mais  plus  svelle 
que  notre  cerf.  Son  pelage  est  d'un  fauve  clair  en  été,  et  d'un  gris  roussâtre  en 
hiver  ;  le  dessous  du  corps  est  d'un  blanc  pur;  le  bout  de  son  museau  est  d'un 
brun  foncé;  son  bois  est  médiocre,  très-recourbé  en  avant,  el  à  trois  ou  quatre 
andouillers;  il  a  des  larmiers,  mais  point  de  canines.  Il  habite  l'Amérique  sep- 
tentrionale, jusqu'à  la  Guyane. 


LeGouAZDi-Ti  (  Cerviis  caiu])eslris,  Fn.  Civ. 
Cernis  Icucognster,  Scbed.  )  est  plus  petit  que 
notre  cerf;  son  pelnge  est  ras  ou  serré,  d'un 
hai  rougeâtre  en  dessus,  d'un  beau  blanc  en 
dessous  et  sur  les  fesses;  les  poils  dn  ventre 
sont  plus  longs  que  ceux  du  dos  ;  s;i  queue  est 
moyenne  ;  ses  bois  sont  médiocres,  assez  min- 
ces, rugueux  ;  les  mertains  sont  à  peu  près 
droits,  à  andouillers  antérieurs  horizontaux, 
puis  courbes  et  verticaux,  avec  deux  andouil- 
lers postérieurs  obliques.  11  habite  les  pampas 
du  Paraguay,  et  on  le  trouve  dans  les  grandes 
plaines  jusque  dans  la  Palagonie.  C'est  le  plus 
agile  de  tous  les  cerfs,  et  il  exhile,  dit-on,  une 
odeur  infecte. 

Le  GouAzou-PoucoiJ  (Ccrt-KS  pulitsln.i.   Fn. 


Cl'v.  Cerviis  paludosus,  Desm.  Le  QnanUaviu- 
zame,  de  IIebn\>dès)  n'est  pas  aussi  grand  que 
notre  cerf;  il  a  le  museau  noir,  très-gros,  for- 
mant im  mnlle  comparable  à  celui  d'un  ba  uf  ; 
son  pelage  est  d'un  rouge  bai  en  dessus  tt  sui- 
tes flancs;  le  dessous  de  la  tête,  la  poitrine,  et 
un  cercle  autour  des  paupières,  sont  bhincs  ;  les 
paupières  sont  noires,  ainsi  qu'une  tache  velou- 
tée qui  occupe  la  lèvre  inférieure;  il  a  deux 
taches  triangulaires  de  la  même  couleur,  l'une 
sur  le  chanfrein,  l'autre  à  la  hauteur  des  yéiix  ; 
ses  bois  sont  assez  grands,  terminés  par  une 
fourcli  'ayant  quelquefois  cinq  dagues.  Il  habite 
les  bor.ls  marécageux  des  grandes  rivières  el  de 
la  mei-  dans  le  Paraguay  et  de  quelques  autres 
parties  de  rAméri(iue  australe. 


PLEMCOUNKS 


ÏM) 


Le  Ckbf  du  Mexiqie  (  Cmus  îiicrirn» ».<••. 
Pesn.  — Desm.  Le  Cheneuil  iV Amerifiiir,  BtFi  .1 
lie  seniil,  selon  l'opinion  de  (i.  Cuviei',  qn  une 
variété  d'âge  dn  cerf  de  Virginie  très-vienx. 
D'une  autre  part.  Fr.  Cuvier  le  regarde  comme 
une  variété  du  précédenl.  Ses  bois  sont  médio- 
crement longs,  gros  et  lrès-rugtieu\.  écartés, 
ayant  plusieurs  andouillers,  dont  l'antérieur 
est  fort,  conique  et  non  arque  ;  il  manque  de 
canines.  Il  habite  l'Amérique  méridionale,  et  il 
est  commun  dans  les  llanos  de  l'Apure,  où  le 
voyageur  Ilumboîdt  en  a  vu  beaucoup  de  tout 
blancs. 

VlIl°SECTio:v.  Bois  scssiles,  simples  elev  forme 
(le  (la  g  lie. 

Le  GoLAZOu-BiRA  (Cernts  vemor'u  (ujns,  Fit. 
Cuv.  —  Desv.  Le  Cariainu  des  habitants  de 
Cayenue.  Le  Tememazame,  iVllEKy  wd .  t  )  a 
vingt-six  pouces  ((1,70 '<)  de  hauteur  sur  le  gar- 
rot, et  trente  et  un  (0,8.'î9)  à  la  croupe;  son 
pelage  e.st  d'un  brun  grisâtre  en  dessus,  et  d'un 
brun  teint  de  fauve  en  dessous;  les  fesses  et  le 
dessus  de  la  queue  sont  fauves  ;  ses  larmiers 
sont  très-petits,  et  le  mile  n'a  pas  de  canines. 
Celte  espèce  passe  tout  l'été  dans  les  bois,  pour 
éviter  la  piqûre  des  taons,  et  ne  vient  dans  la 
plaine  que  dnns  les  mois  de  septembre  et  d'oc- 
tobre, pour  y  passer  l'hiver.  Ainsi  que  tous  les 
gouazous,  elle  est  très-douce,  s'apprivoise  fort 
bien,  et  se  familiarise  même  au  point  d'en  deve- 
nir importune  ;  mais  elle  ne  s'attache  jamais  à 
personne.  File  vit  solitaire  dans  le  Paraguay  et 
à  la  Guyanne. 

Le  Goi  AzoL-PiTA  (  Cerviis  rufus,  Fa.  Clv. 
Mosehus  delientulus ,  Schaw.  Le  Coassuu  et  la 
liifhe  rousse  d'AzABA  )  a  la  tète  très-effilée  et  les 
dagues  longues  au  plus  de  trois  pouces  (0,0'<  I  )  ; 
son  pelage  est  rude  et  sec,  d'un  roux  vif  doré; 


le  dessus  de  In  tète  et  des  jarrets  est  d  un  brun 
obscur  tirant  sur  le  roux,  avec  une  jarretière 
noire  aux  genoux  ;  le  dessous  du  corps  est 
blanc,  et  le  mâle  a  des  canines.  Cette  espèce  vil 
en  petites  troupes  ordinairement  composées  d'un 
niàle  et  de  neuf  à  dix  femelles.  Ces  animaux  ont 
les  habitudes  nocturnes,  et  ne  sortent  des  bois 
qu'à  la  unit  pour  aller  paître  dans  les  champs 
cultivi's.   Us  habitent  l'Amérique   ir.éridionale. 

IX'' SECTION.   Bois  portés  sur  un  lonij  pédirule 
vsseu.v,  depeudnut  des  os  du  front. 

Le  Mlnt-Jak  {Cervns  mnutjal:,  G>il-— Df.'-si. 
Ceriusiaginalis.  Boon.  Cerius  munljar,  Blaix. 
—  G.  Cuv.  Le  Chevreuil  des  Indes,  Bi  ff.  —G. 
Ctv.  Le  A ijniijj  de  Sumatra)  est  remarquable 
par  la  longueur  de  ses  canines,  qui  manquent 
à  la  femelle  ;  sa  tète  est  pointue  ;  ses  yeux  grands, 
ayant  des  larmiers  ;  ses  oreilles  sont  assez  lar- 
ges, et  sa  queue  est  courte  et  aplatie  ;  son  pe- 
lage est  ras  et  luisant,  d'un  marron  roux,  bril- 
lant en  dessus  ;  le  devant  des  cuisses  et  le  ventre 
sont  d'un  blanc  pur.  Il  habite  l'Inde  et  Suma- 
tra ;  ses  mœurs  sont  très-douces,  et  il  vit  en 
famille. 

I,e  Ckhf  ml'.«qi;e  {Cerrus  niosehatus.  Blaixv. 
Cerrus  mosrhus,  Dks.m.  )  n'est  rien  autre  chose 
qu'un  jeune  muntjak,  dont  le  bois  très  court 
n'est  pas  encore  développé.  Ce  bois  a  quatre  on 
cinq  pouces  de  hauteur,  est  triangulaire  à  sa 
base,  sans  andouillers  et  sans  meule. 

Le  Cekf  a  petits  bois  (  (Cerrus  subeornutus-, 
Bni:\v.  —  Desm.i,  établi  par  Blainville  sur  un 
crâne  seulement,  paraîtrait  différer  du  munt- 
jak par  l'absence  des  canines.  Le  bois  est  trè.s- 
petit,  à  meule  assez  bien  formée;  les  pédicules 
sont  médiocrement  allongés;  il  y  a  à  la  base  nu 
petit  andouiller  dont  la  pointe  est  brusquement 
recourbée  en  arrière.  Sa  patrie  est  inconnue. 


4i0 


LKS   liU MINANTS 


^Yrr^XK=-7^^^ç^ 


LES  CAMÉLOPARDINÉES 


Ont  les  cornes  persistantes,  poilues,  et  com- 
munes aux  deux  sexes. 

5"  Genre.  Les  GIRAFES  (Camclopardalis, 
Lin.  Girafla,  Rriss.  )  ont  trente-deux  dents, 
savoir  :  point  d'incisives  en  haut,  et  Imit  en  bas  ; 
point  de  canines;  douze  molaires  supérieures 


et  douze  inférieures.  L'extrémité  des  cornes  est 
plane,  avec  une  couronne  de  longs  poils;  les 
oreilles  sont  longues,  pointues;  la  queue  courte, 
terminée  par  un  flocon  de  grands  poils;  elles 
ont  quatre  mamelles  inguinales.  Leur  cou  est 
evtrémen)eut  comprimé  latéralement. 


La  GIRAFE  D'AFRIQUE  {(jmielopardalisyimffa,  Gml.  G'iraf fa  camclopardalis, 
Less.  Le  Camclopardalis  ou  Cliamcau-Léopar(U\eViA^v.) 

Est  le  plus  graïKl  ou  plutôt  le  plus  long  et  le  plus  élevé  de  tous  les  animaux, 
car  sa  tête  atteint  aisément  à  dix-huit  ou  vingt  pieds  (5,847  à  6,497)  de  hauteur. 
Elle  est  remarquable  par  la  longueur  disproportionnée  de  son  cou  large  et  très- 
plat,  n'ayant  pas  ni(»ins  de  cin(|  i)ieds  (1,0241  de  longueur;  par  la  hauteur  dis- 
proportionnée de  son  garrot  de  dix-huit  pouces  au  moins  (0,ÎS7    jdus  élevé  que 


LR  TABLE    DE    LA    GIRAFE 


DA«S    LA     f.lHM)K     KOIOMIK     I)  K     I.  K  I.  h  1>  Il  A  N  T. 

I  Ja les    Plan!  .-s.  I 


CAMÉLOPAUDINKES.  441 

su  croupe,  ce  qui  fait  paraître  son  corps  dans  une  position  oljlique  tout  à  fait 
extraordinaire  et  presque  parallèle  à  son  cou  ;  sa  tète  porte  deux  cornes  courtes, 
un  peu  arquées,  recouvertes  d'une  peau  velue,  et  ces  sortes  de  cornes,  également 
portées  parleniàle  et  par  la  femelle,  ne  tombent  jamais.  Elle  a  sur  le  chanfrein 
un  tubercule  osseux,  à  partir  duquel  le  museau  s'élargit  et  se  déprime  au  point 
d'être  considérablement  plus  large  qu'épais.  Ses  jambes  sont  fort  longues  et  celles 
de  devant  le  sont  un  peu  plus  que  celles  de  derrière  ;  tout  son  corps  est  un  peu 
aplati  sur  les  côtés,  surtout  vers  la  poitrine,  comme  s'il  avait  été  mis  en  presse; 
sa  queue,  assez  longue,  se  termine  en  queue  de  vache  ;  enfin  le  fond  de  son  pe- 
lage est  d'un  blanc  grisâtre  ou  roussâtre,  plus  ou  moins  irrégulièrement  taché 
de  fauve  foncé  ou  de  brun  ;  une  petite  crinière  grise  et  fauve  règne  depuis  les 
oreilles  jusqu'à  la  queue. 

Il  résulte  de  celte  singulière  organisation  que  la  girafe  est  obligée  de  marcher 
l'amble,  c'est-à-dire  de  porter  à  la  fois  en  avant  les  deux  pieds  du  même  côté, 
ce  qui  ne  contribue  pas  à  donner  de  la  grâce  à  ses  mouvements;  quand  elle 
trotte,  c'est  encore  pire.  «  Cet  animal  vient-il  à  trotter,  dit  Levaillant,  on  croi- 
rait qu'il  boite,  en  voyant  sa  tête  perchée  à  l'extrémité  d'un  long  cou  qui  ne  plie 
jamais,  se  balancer  de  l'avant  en  arrière  et  jouer  d'une  seule  pièce  entre  les  deux 
épaules  qui  lui  servent  de  charnières.  »  Quoique  la  girafe  fût  connue  des  anciens 
et  qu'on  en  vît  paraître  dans  les  cirques  de  Kome  dès  la  dictature  de  J.  César, 
ses  mœurs  sont  restées  presque  inconnues  jusqu'à  ce  jour,  et  l'on  ne  peut  guère 
les  déduire  que  de  ses  formes,  des  habitudes  très-douces  des  individus  en  cap- 
tivité, et  de  quelques  informations  prises  chez  les  Hottentots.  La  girafe  se  trouve 
dans  toute  l'Afrique  australe,  et  en  Abyssinie  ;  elle  vit  en  petites  troupes  de  six 
a  sept,  peut-être  en  famille.  Pour  boire  elle  est  obligée  de  s'agenouiller  ou  d'en- 
trer dans  l'eau,  et  pour  atteindre  la  terre  avec  sa  bouche,  d'écarter  beaucoup 
les  jambes  de  devant  afin  de  baisser  son  corps.  II  en  résulte  qu'elle  se  nourrit 
principalement  de  feuilles  d'arbres  et  de  bourgeons,  surtout  de  ceux  d'une  es- 
pèce de  mimosa,  qu'elle  peut  cueillir  à  une  grande  hauteur  et  avec  beaucoup  do 
facilité,  grâce  à  sa  lèvre  supérieure  très-mobile,  et  à  sa  langue  fort  longue,  grêle, 
noire,  pointue,  qu'elle  a  la  faculté  de  faire  saillir  de  sa  bouche  de  plus  d'un  pied, 
(0,52.5)  et  d'enrouler  autour  des  rameaux  feuilles.  Ses  yeux  sont  grands,  noirs, 
très-doux,  et  son  caractère  ne  contredit  jias  son  regard,  car,  eu  esclavage,  elle 
est  docile  jusqu'à  la  timidité,  et  un  enfant  peut  la  conduire  partout  au  moyen 
d'un  simple  ruban.  Confinée  dans  les  forêts  où  elle  entend  chaque  jour  les  ru- 
gissements du  lion  et  de  la  panthère,  elle  n'a  aucune  arme  à  opposer  à  ces  ter- 
ribles ennemis,  que  la  fuite;  mais  elle  est  d'une  grande  agilité,  et  le  meilleur 
cheval  de  course  est  incapable  de  l'atteindre  ;  aussi  échappe- t-elle  assez  aisé- 
ment à  ces  animaux  qui  bondissent  pour  saisir  leur  proie,  mais  ne  la  poursui- 
vent jamais.  Cependant  elle  ne  manque  pas  absolument  de  courage,  et  si  on  s'en 
rapporte  aux  voyageurs,  quand  la  fuite  lui  devient  impossible,  elle  se  défend  en 
lançant  à  ses  ennemis  des  ruades,  qui  se  succèdent  en  si  grand  nombre  et  avec 
tant  de  rapidité  qu'elle  triomphe  même  des  efforts  du  lion.  La  femelle,  au  dire 
des  Hottentots,  porte  un  an  et  ne  fait  qu'un  petit. 

Tout  Paris  connaît  la  girafe  que  le  pacha  d'Egypte,  Méhémet-Ali,  a  envoyée  au 
roi  de  France,  et  qui  vit  depuis  une  quinzaine  d'années  à  la  ménagerie  ;  lorsqu'elle 

56 


VV2  LtS    KU MINANTS. 

est  arrivée,  accompagnée  de  deux  vacliçs  ((ui  étaient  ses  nourrices  et  pour  les- 
quelles elle  a  montré  beaucoup  d'attachement  tant  qu'elles  ont  vécu,  elle  avait 
onze  pieds  (5,364)  de  hauteur,  et  aujourd'hui  elle  eu  a  environ  dix-huit  (5,847). 
C'est  à  M.  Levaillant,  mort  il  y  a  quelques  années  dans  un  état  bien  prés  de  la 
misère,  après  avoir  sacrifié  sa  fortune  à  de  longs  et  périlleux  voyages  eu  Afrique, 
que  l'on  doit  la  première  girafe  empaillée  qu'ait  possédée  le  Cabinet  d'histoire 
naturelle.  Les  premières  girafes  que  l'on  ait  vues  en  Europe  furent  offertes  par 
le  prince  de  Damas  à  l'empereur  Frédéric  II,  et  décrilespar  Albert  le  Grand,  sous 
leurs  noms  arabes  iVAtiabiilla  et  de  Serapli,  dernier  nom  dont  nous  avons  fait 
girafe.  Los  Ilottentots  estiment  beaucoup  la  chair  de  ces  animaux,  et,  avec  leur 
peau,  ils  font,  entre  autres  ustensiles,  des  vases  et  des  outres  pour  conserver 
l'eau.  Ils  l'attendent  au  passage,  lui  lancent  des  flèches  empoisonnées,  et  la  sui- 
vent à  la  piste  pour  s'en  emparer  lorscpTelle  meurt  de  sa  blessure. 


CABANE   ET  ENCLOS  DES  GAZELLES    D'ALGERIE 

t  j  a .  a  i  u  a  u ,  1'  1  ^  1. 1.  c  >.  t 


ANTILOPKS. 


ï'i:\ 


1/ Antilope. 


LES  ANTILOPES 


Manquent  de  canines  et  ont  des  larmieis; 
leurs  cornes  sont  composées  d'un  noyau  com- 
plètement solide,  et  d'un  étui  creux  et  élastique, 
dans  les  deux  sexes.  Ces  animaux  ont  trente- 
deux  dents,  savoir  :  point  d'incisives  en  haut  et 
huit  en  has;  douze  molaires  supérieures  et 
douze  inférieures,  (.eur  taille  est  légère;  leur 
nez  est  tantôt  terminé  par  un  mufle,  tantôt  en- 
tièrement couvert  de  poils;  la  plupart  ont  des 
larmiers ,  et  tous  manquent  de  barhe  ;  leurs 
oreilles  sont  grandes,  pointues.  Comme  ces  ani- 
maux sont  très-nombreux  en  espèces  et  d'une 


détermination  fort  difficile,  nous  suivrons  ici  la 
classification  de  M.  de  Rfainville,  en  établissant 
les  sous- genres  en  genres,  mais  sans  attacher 
la  moindre  importance  à  ce  changement. 

6»  riE\KE.  Les  ANTILOPES  {Aniilopc,  Lin.) 
ont  des  cornes  h  doubles  ou  à  triples  cour- 
bures, annelées,  un  peu  en  spirale,  sans  arête  ; 
elles  manquent  ordinairement  de  larmiers,  et 
leur  museau  ne  se  termine  pas  en  mufle  ;  elles 
ont  souvent  des  t)rosses  de  poils  sur  les  poi- 
gnets, et  des  pores  inguinaux  ;  la  femelle  n'a  que 
deux  mamelles,  et  manque  de  cornes. 


L'antilope  DES  INDES  { Antilope cervicnpra,  Pall.  —  Dksm.  VAyiiilope,  Buff.  ) 
A  le  corps  svelte  comiTie  la  gazelle  ;  son  pelage  est  d'un  brun  fauve  en  dessus 
et  blanc  en  dessous,  plus  pâle  chez  la  femelle.  Ses  cornes  sont  noires,  assez 
longues,  à  triple  courbure,  tordnes  en  spirale,  annelées  dans  une  grande  éten- 
due. La  femelle  porte  neuf  mois  et  ne  fait  qu'un  petit.  Cet  animal  habite  l'Inde  ; 
avec  ses  cornes,  posées  base  contre  base,  les  Indiens  se  font  une  arme  offensive 
à  deux  pointes  opposées  et  fort  dangereuse. 


4M  LES  RUMINANTS. 

Le  SxïcK  (Anlilope  saïgn,VxiL.  Cnprn  tnla-  (éfc,  «ont  Iraiispa renies,  jaunes,  (Iis|)osées  pîi 

rira,  Ll^.  Le  .S'aijf/,  Buff.  Le  Co/h>,  de  Stiia  l^re.  et  annelées  jusqu'à  leur  extréiiiil<^;  son 

bon)  est  de  la  grandeur  d'un  daim;  son  pelage  museau  cartilagineux,  gros,  l)oni})(^,  à  narines 

est  lisse,  d'mi  gris  jaunâtre  en  ('té,  blanc  en  très-ouvertes,  le  force,  dit  G.  Cnvicr,  de  pitiire 

dessous,  et  devient  long  et  d'un  gris  hianchà-  en  rétrogradant.  Cet  animal  habite  la  Hongrie 

Ire  en  hiver;  les  cornes,  de  la  longueur  de  la  et  le  midi  de  la  Pologne  et  de  la  Kussie. 

Le  saïga  vit  eu  grandes  troupes  et  se  plaît  particulièrement  dans  les  lieux  dé- 
couverts, arides,  sablonneux,  à  proximité  du  bord  des  eaux.  Pourboire,  il  plonge 
entièrement  son  nez  dans  l'eau,  et  en  aspire  une  bonne  partie  avec  le  nez.  Sans 
avoir  la  pupille  tout  à  fait  nocturne,  la  lumière  du  soleil  incommode  beaucoup 
ces  animaux,  et,  vers  le  milieu  du  jour,  ils  voient  si  mal,  que  les  chasseurs  les  ap- 
procheraient aisément,  si  l'extrême  finesse  de  leur  ouïe  et  de  leur  odorat  ne  les 
avertissait.  Ils  éventent  l'ennemi  de  plus  d'une  lieue,  et  pour  ne  pas  être  surpris 
pendant  qu'ils  mangent  ou  qu'ils  dorment,  ils  ont  toujours  le  soin  de  placer  des 
sentinelles  avancées  qu'ils  relèvent  chacun  à  leur  tour.  Le  rut  a  lieu  au  mois  de 
novembre,  et  les  mâles,  qui  alors  exhalent  une  forte  odeur  de  musc,  et  se  livrent 
de  rudes  combatsjpour  se  disputer  la  propriété  des  femelles.  Celles-ci  mettent 
bas  au  mois  de  mai,  un,  ou  très-rarement,  deux  petits,  qui  croissent  très- vite, 
et  qui  deviennent  souvent  la  proie  des  renards  et  des  loups,  malgré  les  vieux 
mâles  qui,  à  la  tête  du  troupeau,  les  défendent  avec  beaucoup  plus  de  courage 
que  de  force.  Les  saïgas  sont  agiles,  mais  d'im  tempérament  si  délicat,  que  la 
moindre  blessure  les  tue.  Leur  troupe  se  compose  quelquefois  de  plus  de  dix 
mille,  surtout  quand  ils  voyagent  en  automne,  pour  chercher  un  climat  plus 
doux,  des  sources  d'eau  salée,  et  des  plaines  où  croissent  des  arroches,  des  ar- 
moises, et  autres  plantes  acres  et  salées  qu'ils  aiment  beaucoup.  Leur  chair 
est  mangeable  ,  quoique  exhalant  une  odeur  assez  désagréable,  surtout  lors- 
(pi'elle  vient  d'être  cuite  et  qu'elle  est  encore  chaude. 

Le  Cinitu  (Antilope  rhini,  Less.  )  a,  de  Ion-  connaît  son  maître  et  le  suit.  Des  troupes  entiè- 

gueun totale,  cinq  pieds  «piatre  pouces  (1,651);  res  se  mêlent  quelquefois  aux  troupeaux  domes- 

son  pelage  est  d'un  bleu  grisâtre,  passant  au  tiques    Ces  animaux  habitent   les  plaines,   et 

fauve  roux  sur  le  dos,  très  fourni,  long  d'un  jamais  les  forêts;  ils  ont  une  si  grande  crainte 

pouce;  le  venire  est  blanc,  et  les  jambes  sont  de  l'eau,   que  lorsqu'ils  ent  été  acculés  sur  les 

noires  ;s(m  cou  est  très-long,  et  ses  cornes  très-  bords  d'une  rivière,  ils  aiment  mieux   se  lais- 

rapprochées.  Il  habite  le  Népaul,  et  les  voja-  ser  tuer  que  de  la  passer  à  la  nage,  et  cependant 

geurs  anglais  ont  cru  retrouver  dans  cet  animal  ceux  qui  sont  apprivoisés  nagent  fort  i)ien. 
l'anlique  et  fabuleuse  licorne.  1'  Genre,  [^es  <;AZELLES  {Gnzelln,  Bkiss.) 

Le  DsERi:\   (Antilope   guHnrosa ,    Pall.  —  ont  les  cornes  eu  lyre  ou  à  double  courbure, 

Desm.  Le  Hoang-ijinig  ou   Chèvre  jaune  des  toujours  annelées,  sans  arêtes,  et  la  femelle  en 

Chinois)  approche  de  la  taille  du  daim;  il  est  est  pourvue  aussi  bien  que  le  mâle;  elles  n'ont 

d'un  gris  fauve  en  dessus  et  blanc  en  dessous,  point  de  mnfle,  et  quelques-unes  ont  des  lar- 

en  été;  d'un  grisâtre  presque  blanc  en  hiver;  miers;  leur  queue  est  courte  ;  on  leur  trouve 

la  femelle  est  plus  petite  que  le  mâle,  et,  par  des  pores  inguinaux,  et  deux  mamelles, 
une  singulière  anomalie,  elle  n'a  que  deux  ma-         La  (Gazelle  doucas  (  Gazclln  dorras.  —  Anii 

melles,   tandis  que   celui-ci   en  a  quatre.  Ses  lope  do)ras,L\>.  La  Gazelle,  Bvpf.)  a   la  taille 

cornes  sont  noires,  courtes,  annelées  dans  toute  du  chevreuil,  mais  les  formes  beaucoup  plus 

leur  étendue,  disposées  en  lyre.  Le  màle  a  le  légères  et  i)lus  gracieuses  ;  son  pelage  est  d'un 

larjnx  prodigieusement  gros,  et,  sous  le  ven-  fauve  plus  ou  moins  foncé  en  dessus,  blanc  en 

Ire,  une  poche  contenant  une  matière  félide.  dessous,  avec  une  large  bande  noire  en  travers 

Il  hnbite  les  déserts  de  la  Mongolie,  et  vit  en  des  flancs;  elle  a  une  ligne  noire  sur  le  nez: 

li'onpes  trè.s-nombreuses,  surtout  en  automne,  ses  cornes  sont  rondes  à  leur  base,  et  portent 

11  est  peu  farouche,  s'apprivoise  très-bien,  re-  treize  à  quatorze  anneaux  saillants. 


ANTILOPES.  445 

Les  gazelles  vivent  en  troupes  nombreuses  en  Barbarie,  en  Syrie  et  en  Arabie, 
où  elles  semblent  avoir  été  formées  tout  exprès  par  la  nature  pour  fournir  une 
pâture  certaine  aux  lions,  aux  panthères,  aux  hyènes,  aux  chacals,  aux  loups,  et 
même  aux  aigles  et  aux  vautours.  Douces,  timides,  tout  à  fait  inoffensives,  elles 
n'ont  à  opposer  à  leurs  nombreux  ennemis  qu'une  fuife,  à  la  vérité  assez  rapide, 
pour  se  dérober  en  un  clin  d'œil  à  leurs  regards,  quand  elles  n'ont  pas  été  surpri- 
ses; dans  ce  dernier  cas,  le  désespoir  leur  donne  une  sorte  de  courage,  car  alors 
elles  se  pressent  les  unes  contre  les  autres,  forment  un  cercle,  et  présentent  de 
toutes  parts  des  cornes  impuissantes.  Cette  manœuvre  ne  sert  qu'à  donner  à  la 
panthère  le  choix  de  la  victime  sur  laquelle  elle  bondit,  et  à  l'instant  toute  la 
troupe  épouvantée  fuit  à  la  débandade.  Cet  animal  innocent  a  de  si  beaux  yeux 
et  un  regard  si  doux,  que  les  Arabes  n'ont  rien  imaginé  de  plus  galant  que  de 
comparer  les  yeux  de  leur  maîtresse  à  ceux  d'une  gazelle.  Prise  jeune  et  élevée  en 
domesticité,  elle  se  prive  très-bien  et  se  montre  sensible  aux  caresses;  mais  elle 
paraît  incapable  de  s'alfectionner  à  son  maître,  et  elle  ne  lui  obéit  que  par  la 
crainte  que  fait  naître  chez  elle  le  sentiment  de  sa  faiblesse.  Elle  ne  cherche  i)as 
à  reconquérir  sa  liberté  parla  fuite,  mais  elle  regrette  son  désert,  languit,  et  re- 
fuse de  multiplier  son  espèce;  si  elle  n'a  pas  le  courage  de  secouer  ses  chaînes, 
elle  a  du  moins  celui  de  refusera  son  maître  une  postérité  d'esclaves.  On  chasse 
les  gazelles  avec  les  chiens,  l'once  et  le  faucon,  à  cause  de  leur  chair,  qui  est 
assez  bonne,  et  comparable  à  celle  du  chevreuil.  Ce  sont  des  animaux  d'une  ex- 
trême propreté,  et  dont  on  n'entend  presque  jamais  la  voix;  du  reste,  elles  ont 
cela  de  commun  avec  tous  les  animaux  de  la  famille  des  antilopes. 


Le  Kevf.l  {Guzclla  kevella.  — Antilope  kc- 
rellii.  P.U.L.  Antilope  doicas,  Desm.)  n'est  pro- 
bablement, comme  le  pensent  qnelqnes  natura- 
listes, qu'une  varu^té  de  la  précédente;  il  n'en 
diffère  que  par  ses  cornes  plus  longues,  c^)ni- 
|)rimées  à  leur  l)ase,  a\anl  de  quinze  à  vingt 
anneaux  ;  par  ses  yeux  pins  grands.  Il  a  la  queue 
noire.  11  habite  le  Sénégal. 

La  Col^l^^E  [Gazella  rorhma.  —  Antilope 
roriiiiif/,  Pai.l.  Antilope  dorcas,  Desm.  ),  qui 
n'est  encore  qu'une  variété  de  la  gazelle  dorcas, 
en  diffère  par  son  poil  plus  long,  ses  cornes 
plus  menues,  moins  coutoninées,  et  à  amicaux 
plus  petits;  ses  yeux  sont  entourés  d'une  bande 
blanchiitre  qui  descend  jusqu'aux  narines  ;  sa 
lèle  est  fauve,  et  d'un  gris  clair  sur  l'occiput. 
Elle  est  du  Sénégal. 

Le  TsciiEVitA^  (Gdzella  subguitnrosa.  —  An- 
tilope subgnttttrosa,  Giui.  —  U£SM.L'Alm,  de 
KoEMi'T.  L'.4»i(i/o;;p  de  Perse  des  naturalistes) 
ne  serait  encore  qu'une  variété  de  la  gazelle 
dorcas,  selon  G.  Cuvier.  Elle  est  cependant  un 
peu  plus  grande;  son  pelage  est  d'un  brun  ceu- 
dré  en  dessus,  blanc  eu  dessous,  avec  une  bande 
brune  sur  chaque  flanc;  les  poils  de  son  dos 
ont  i)lus  de  deux  pouces  (0,0.")i)  de  longueur; 
ses  pores  inguinaux  sécrètent  une  matière  odo- 
rante; les  cornes,  dans  les  deu^  sexes,  sont 


grandes,  d'un  gris  noir,  annelées  et  en  (orme  de 
hre.  Elle  habite  la  Perse  et  les  contins  de  la 
Sibérie  et  de  la  Chine. 

Le  Spiuinc.bok  (  Gazella  eurhore.  —  Antilope 
eiicliore,  Fokst.  —  Desm.  Antilope  dor.snfa,  La- 
CEP.  Antilope  marsnpialis,  Zimm.  ].' Antilope 
à  bourse  des  naturalistes)  est  d'un  tiers  plus 
grand  que  la  gazelle  dorcas,  et  un  peu  plus 
trapu  ;  il  est  fauve  eu  dessus,  blanc  en  dessous, 
avec  une  ligue  brune  longitudinale  sur  chaque 
flanc  ;  il  a,  sur  la  partie  postérieure  du  dos, 
une  raie  de  poils  blancs  et  longs  de  dix  i)Ouces 
(0,271)  sur  un  repli  longitudinal  de  la  peau; 
sa  tète  est  presque  blanche,  avec  une  ligne 
noire  de  l'œil  au  coin  de  la  bouche;  les  cornes 
sont  assez  longues,  annelées,  en  lyre.  Il  habite, 
en  troupe,  les  environs  du  cap  de  Hoime-Ispé- 
rance,  et  ne  fait  que  vovager  d'une  localité  à 
une  antre. 

I>a  Gazelle  i'Oeri-he  (  Gazella  pijqarga.  — 
Antilope  pijgdiga,  Pai.l.  —  Dts.ii.  )  est  de  la 
grandeur  d'un  cerf;  son  pelage  est  d'un  bai 
brun  très-vif,  et  d'un  rouge  sanguin  sur  le  cou 
et  sur  la  lète;  le  chanfrein  porte  une  large 
bande  blanche  ;  et  elle  a  une  raie  brune  sur 
chaciue  flanc  ;  les  fes>es  et  le  dessous  du  corps 
sont  blancs;  elle  mampie  de  brosses  et  de  lar- 
miers; les  coi-nos  sont  rondes,  noires,  en  l\re, 


\  ;i; 


l.i;s    Kl  MINANTS 


il  onze  on  doii/c  iinncaiix  Irés-Siiillniils.  l-^llc  h:i- 
liili'  le  Ciip  tie  IJoiiiio-KspriMiico. 

La  (ivzKi.LK  sEZ-TACiiÉ  {Gdzrlln  iiasomam- 
liiln.  —  Aulilnpe  vasnmnrulala ,  Bi,\in\.  — 
Desm.)  est  (le  la  RiaïKicur  d'une  (■h^VI•(■  ;  elle 
est  hiiine  en  dessns.  blanche  en  dessous;  son 
IVont  esl  d'un  ronx  vif,  cl  une  hande  hianche 
Iraverse  son  chanfrein  ;  ses  cornes  sonl  noires, 
assez  longues,  annelces,  courhées  en  avant  et 
on  dehors,  puis  en  dedans  ;  elle  a  des  brosses 
aux  poifjnels.  Sa  pallie  m'est  inconnue 

Le  Koii  (  G(i-f//n  Aob.  —  Autiinpe  l.oh,  Cbxl. 
—  Dks>i.  Aiitilopr  lciiro]ih(ra,  Vwx  La  /V(//f 
\'nihe  uiarine  du  Séncgnl,  Bi  ff.  est  de  la  taille 
d'un  daim.  Ses  cornes  s:int  noires,  prosses, 
rap|)roclu'es  l'une  de  l'autre  au  sonuuet,  à  sept 
ou  huit  anneauv.  Il  habite  l'Afiiqueéciualoriale. 
Le  KoHA  (('tn:clln  seurgnlciisis. — Aulilo])!' 
sriifqiilpiisis,  Dksm.  Le  l\oba,  de  Bi  ff.  )  est  de 
la  grandeur  d'un  cerf;  ses  cornes  sont  a^sez 
minces,  noires,  trcs-lon}^ues,  un  ])eu  compri- 
mées, en  I)  re,  de  douze  à  dix-sept  anneaux,  lisses 
au  sommet.  Il  habile  le  Sénnpal. 

Le  Gazelle  alx  pieds  «oirs  (Gazflla  welam- 
jiiis.  —  Aiiiiloiw  melnmpns,  Litciist.  —  Desji.  | 
esl  ferrugineuse  en  dessus,  avec  une  ligne  dor- 
sale noire,  coupée  obliquement  sur  les  fesses 
par  une  ligne  de  même  couleur;  les  fesses,  le 
dessous  du  corps  et  le  dedans  des  m.'iiihres 
.sont  blancs  ;  elle  a  une  tache  noire  à  cliaque 
pied,  et  manque  de  brosses  ;  ses  cornes  sont 
très-longues,  noires  et  très-fortes,  en  hre,  an- 
nelées,  a  pointe  mince  et  lisse.  Elle  habite  le 
cap  de  Bonne- Espéiance  et  vit  en  troupe. 

Re  GE^^E.  Les  CERVICHEVRES  (  Cenira- 
prn,  Blainv.  )  ont  les  cornes  simples  tantôt 
droites,  tantôt  courbées  en  avant  ou  en  arrière, 
|)eu  ou  point  annelées,  sans  arêtes  ;  souvent  des 
larmiers,  mais  jamais  de  brosses  ;  le  mufle  man- 
(|ue  ordinairement  ;  elles  ont  la  queue  courte  el 
des  pores  inguinaux. 

Les  uve.1  ovt  les  corues  i  ourlées  en  acanl  : 
telles  sonl  ; 

Le  ÎSa>cl'er  (  (.en-icu})ra  dama  — Antilope 
(lama.  Le  Dama,  Pline.  Le  tanguer,  Blpf.  \ 
de  la  taille  d'un  chevreuil  ;  fauve  en  dessus  ; 
blanc  sur  les  fesses  et  sous  le  ventre,  avec  une 
tache  de  Ih  même  couleur  sous  le  cou  ;  ses  cor- 
nes sont  noires,  courtes,  rondes,  brusquement 
courbées  en  avant,  lisses  à  leur  sommet,  ru- 
gueuses à  la  base,  avec  cinq  ou  six  anneaux  mal 
dessinés.  11  habite  le  Sénégal. 

Le  Nagor  (  Ceniraiirn  rednnra.  —  Antilope 
rednuia,  Pall.  —  Desm.  Le  .\a70r.  B(  ff.  )  esl 
un  peu  plus  grand  que  le  piéccdeiit,  dont  il  a 
les  formes  ;  il  est  d'un  roux  pâle  ou  d'un  fauve 
uniforme  ;  les  cornes  sont  noires,  prcsipie  droi- 
tes, courbées  à  leur  pointe,  prcs(|ue  lisses,  avec 
un  ou  deux  anneaux  à  la  base.  Il  habile  les  en- 
virons du  cap  Vert,  au  Sénégal. 


Le  STEExnoK  (  Cerrirapin  ihe.v.  —  Antilope 
ibc.r,  Afzel.  Antilope  pediolragits,  var.  Afzel. 
Anlilo])e  tragulits,  Liciist.  —  Desm.  )  est  de  la 
grandeur  d'une  ehinre,  roux  en  dessus,  blanc 
en  dessous,  noir  aux  aines  ;  les  oreilles  sont  bru- 
nes ;  les  cornes  noires,  arrondies,  annelées  à 
leur  base,  minces,  droites,  à  pointe  recourbée  ; 
sa  queue  est  courte.  11  habile  le  cap  de  Bonne- 
Esperance. 

Le  RiTDOK  {Ceivieapra  eleotragns.  —  .l»iti- 
lope  eleotragns,  Scheii.  —  Desji.  — Antilope 
nrnndinarea,  Shaw.  Antilope  isabelina,  Tiiimi. 
Antilope  i'uho-rnfnla,  var.  Afzel.  )  a  les  oreil- 
les Irès-longues,  ainsi  que  la  queue  qui  est  plate 
et  recouverte  de  longs  poils  blancs;  son  pelage 
est  laineux,  d'un  gris  cendré  en  dessus,  à  ven- 
tre, gorge,  et  fesses  blanches;  les  cornes  sont 
assez  petites,  noires,  à  dix  anneaux  peu  mar- 
qués, arrondies  et  un  peu  courbées  en  avant. 
11  habite  le  cap  de  Bonne-Espérance,  et  vit  en 
petites  troupes,  dans  les  buissons  sur  le  bord 
des  rivières. 

Le  GmsnoK  (  Ccriiraina  griscu.  —  Antilope 
grixea.  Fit.  Clv.  Antilope  melanotis,  Desm.  La 
C.hivre  grise  ou  Grisbol.,  Fohst.  )  est  un  peu 
j)lus  grand  qu'une  chèvre,  d'un  fauve  ronssàlre 
enireniélé  de  poils  blancs  ou  giis  sur  le  dos; 
d'un  brun  clair  sur  la  tète,  et  l)lanchàlre  sous 
le  ventre;  un  cercle  noir  entoure  les  veux;  les 
cornes  sont  noires,  arrondies,  annelées  à  la 
base,  un  peu  courbées  en  avant.  Il  vit  en  cou- 
ples solitaires,  dans  les  rochers  des  moutagnes, 
au  cap  de  Bonue-Espérauce. 

La  CERviciiliVRE  \  cornes  aigles  (  Cerrieapra 
ariitirornis. — Aniilnpe  arntieornis.  Blai.nv. — 
Desm.)  a  les  cornes  simples,  coniques,  lisses, 
très-pointues,  verticales ,  el  à  courbure  anté- 
rieure à  peine  sensible.  Elle  habite  probable- 
ment l'Afrique. 

Les  espèces  qui  vont  suivre  ont  les  tomes 
droites. 

Le  Klippspri.nger  (  Ccrvirapra  saltniri.r.  — 
Antilope  saltalri.r,  Boon.  Antilope  orcotragus, 
Gml.  — T)E<»i.  Le  .Sauteur  de  rochers,  Vosm.  ) 
a  le  pelage  grossier,  rude,  à  poils  aplatis  et 
cassants;  il  est  d'un  gris  verdàtre  ;  ses  oreilles 
sont  bordées  de  noir  ;  il  a  des  larmiers  ;  ses  cor- 
nes sont  minces,  courtes,  dressées  et  très-légè- 
rement arquées  en  dedans.  Il  habite  les  mon- 
tagnes du  cap  de  Bonne-Espérance,  et  se  fait 
remar(|uer  i)ar  l'agilitc  ave:'  laquelle  il  bondit 
de  rocher  en  rocher. 

Le  TKEunOK  {  Cerrieapra  capreolus.  — Anti- 
lope coprrolus,  LiciiST. — Desm.  Antilojie  la- 
nnta,  Desm.  U Antilope- Chevreuil  ilea  natura- 
listes! a  le  pelage  laineux,  frisé,  d'un  gris  roux 
en  dessus,  blanc  en  dessous  ;  son  museau  esl 
très-effilé;  il  a  une  tache  noire  au  menton,  el 
manque  de  larmiers  el  de  brosses.  La  femelle 
n'a  |)as  (ie  cornes  ;  le  m  ile  les  a  lout  .1  fait  droi- 


ANTILOPES. 


tes,  arrondies,  Iri's-iuinces,  aniick'es,  pointues 
Il  habite  le  cap  de  Bonne- Espérance  et  vit  en 
petites  troupes. 

Le  DEUhEimoK  ou  Diikeh  (  Cervirnpra  Hier- 
gens.  —  Autilcpc  mcrgens,  Bi.ainv.  La  Chènc 
plongeante  du  Cap  i  est  de  la  grandeur  d'une 
chèvre,  d'un  fauve  roux,  avec  le  i)as-ventre  et 
l'intérieur  des  cuisses  grisâtres;  les  quatre  pieds 
sont  bruns  ;  il  a  des  lignes  noires  sur  la  face 
antérieure  des  j.unbes  de  devant  et  sur  le  canon 
de  celles  de  derriéi  c  ;  il  manque  de  brosses  ; 
ses  cornes  sont  annelées  à  la  base,  assez  gros- 
ses, droites,  de  moitié  plus  courtes  (|ue  la  tète. 
Il  habite  le  cap  de  Bonne-Fspéranceoù  il  a  reçu 
le  nom  de  cbévre  plongeante  parce  qu'il  baisse 
la  tète  et  le  cou  en  sautant,  et  a  l'air  de  plonger 
dans  les  buissons. 

Le  BijSH-tioAT  (  Cervhapia  sijliintlbLr.  — 
Anlilope  sijtvicultrijr,  Scheb.  —  Des>i.  )  est  un 
peu  plus  grand  qu'un  daim,  à  pelage  luisant, 
assez  douv,  d'un  brun  foncé  sur  le  dos,  plus 
pâle  sur  les  lianes,  mêlé  de  gris  sur  les  cuisses, 
avec  une  ligne  dorsale  don  jaune  isabelle  s'é- 
largissant  sur  les  l(imi)es  où  les  poils  plus  longs 
ont  environ  deuv  pouces  ('t,0.">;)  ;  les  cornes 
sont  droites,  parallèles  au  front,  courtes,  gros- 
ses, noires,  rondes,  (inement  ridées  à  leur  base, 
rugueuses  au  milieu,  lisses  à  l'extrémité.  Il  ha 
Itile  Sierra  Leone  et  l'ouest  de  l'Afrique,  dans 
les  buissons  des  plaines  élevées 

La  Ceiiviciièvre  de  De  Lalamje  (Cenicapia 
l.alandia.  —  Aniitope  Lalaudiana,  Desm.  .lii/i- 
/o;>p  Lrt/a(idiff,  Dksmoll.  )  est  de  la  grandeur 
de  l'antilope  des  Indes,  mais  plus  épaisse;  son 
pelage  est  dur,  long,  non  frisé,  d'un  brun  clair 
uniforme  sur  le  dos  et  les  lianes,  passant  par 
une  ligne  brusque  au  blanc  sous  le  ventre  ;  le 
cou  et  la  tête  sont  d'un  gris  fauve  ;  les  cornes 
du  mâle  sont  minces,  droites,  plus  courtes  que 
la  tète,  et  parallèles.  Elle  hai)ite  les  montagnes 
du  cap  de   Bonne-Espérance. 

Le  (jiEVEi  (Ccniriipra  jiiiqma a.  —  Anlilope 
pijgman,  Pall.  —  Desm.  Le  liai  des  Chcirn- 
tams  I  n'a  <|ue  di\  |)onces  0,27 1  )  de  hauteur  au 
garrot  ;  ses  cornes,  longues  au  (ilns  de  deux 
pouces  i(),()a{),  sont  coniques,  noires,  presque 
parallèles,  dirigées  en  arriére  ;  son  pelage  est 
d'un  brun  clair  uniforme  en  dessus,  blanchâtre 
en  dessons  ;  sa  ([ueue  est  assez  mince,  blanche 
en  dessous  et  bnme  en  dessus.  Il  habile  le  cap 
de  Bonne-Esperanee  et  vit  solitairement. 

Le  LiapMiE  (  Cennapra  grimmui.  — Antilope 
griinmia,  Pall.  —  Desm.  Le  drimwe,  Bifp.  Le 
Petit  Houe  dumoisean,  Vosm.  )  a  les  lormes 
plus  arrondies  et  i)lus  légères  t|ne  la  gazelle  ; 
son  |)elage  est  d'un  fauve  jaunâtre,  gris  le  long 
du  dos  et  sui-  le  (  hanirein,  avec  le  uuiseau  noir 
et  les  membres  giis  ;  les  cornes  dans  le  mâle 
sont  courles,  assez  épaisses,  noires,  paraliéh-s 
et  Ires-dniiles.  Il  habile  la  cote  detiuinee. 


La  CriiMciiÈviiE  spimci^iie  {Ceniea]  ra  spini- 
tjern,  Les.s.  )  est  d'un  tiers  moins  giamle  que  le 
gue\ei,  et  a  les  formes  evtrémement  svcKes  et 
gr.icieuses  ;  son  pelage  est  d'un  brun  rou\  en 
dessus,  blanc  en  dessous.  Temniiiick  pense  (pit- 
ié Moschiis  l'ijgmuiis  de  Linné,  le  chevrotain 
des  Indes  de  Buflon,  n'est  que  le  jeune  âge  de 
celle  espèce. 

L'Olhébi  {Ceriirai)ra  sroparia.  —  Antitofie 
seoparia,  ScuEu.  —  Desji.)  a  les  formes  du 
grimme,  mais  il  est  plus  svelte  et  un  plus  haut 
sur  Jambes;  il  est  d'un  fauve  uniforme  en  des- 
sus, blanc  en  dessous,  avec  la  queue  brune;  il 
a  des  brosses  fauves  et  jaunâtres,  et  des  lar- 
miers; les  cornes,  chez  les  mâles,  sont  droites, 
|)elites,  avec  ciii(|  anneaux.  Il  habite,  en  petites 
iroupes,  le  cap  de  Fionne-Espérance. 

Les  espères  qui  suivent  ont  les  eornes  eoui- 
liees  en  arriiic. 

Le  CAMBl^c-Ol;TA^(i  on  Cami'tax  [Cenirapra 
snmalrensis.  —  Antilope  smnntrensis,  Dks.m. 
La  Chèvre  iauiagf  de  Marsd.  )  a  un  mulle 
assez  développé  et  les  formes  trapues  ;  son  pe- 
lage est  très-fourni,  long,  d'un  brun  noirâtre, 
blanc  en  dedans  des  oreilles,  au  haut  du  cou  et 
aux  épaules  ;  les  cornes  sont  rondes,  noires, 
courtes,  annelées,  un  f)eu  arquées  en  arrière  et 
pointues  à  l'extrémité.  Il  habite  Sumatra. 

Le  GoiiAL  (  Cenicaiira  qoral.  —  Antilope  gc- 
ral,  IIvHDW.  )  est  d'un  gris  cendre,  plus  pâle  en 
dessous,  avec  la  bouche  bordée  de  blanc  ;  sa 
queue  est  courte,  terminée  par  un  llocon  ;  les 
cornes  sont  courtes,  pointues  et  recourbées  à 
leur  exlréinité,  qui  est  lisse.  Elles  sont  rempla- 
cées par  de  simples  tubercules  dans  la  femelle. 
La  chair  de  cet  animal  est  très-esliinée  ;  il  ha- 
bile le  Népaul  et  l'Flimalava.  Temminck  pense 
(|ne  ce  serait  le  tmiKpivtani  du  .\(panl  de  Ei'. 
Cuvier. 

La  CKnvif.iifcvRK  ok  Svi.t  W.enieitprn  sal- 
tiann.  —  Anlilope  sallinna.  Blaiw.  —  Dksji.  ) 
n'est  connue  que  par  une  tèle  |)ré|)aiée.  Les  cor- 
nes sont  conupies,  très-petites,  pointues,  anne- 
lées à  leur  base,  à  courbure  postérieure  pres- 
que insensible.  J'ignore  sa  patrie. 

Les  espèees  suicnntes  ont  qnalre  eornes. 

Le  TsciiiCARA  (  Cerrieapra  ehirl.nra.  —  An- 
tilope eliichara,  Harow.  )  est  iïun  brun  uni- 
forme en  dessus,  d'un  blanc  pins  ou  moins  mé- 
langé de  roux  en  dessous;  il  a  (piaire  cornes: 
les  antérieuns  droites,  courles,  c\liii(lii(iues, 
rapprochées  a  leur  base  et  bru,s(|tiement  poin- 
tues :  les  postérieures  droites,  lisses,  allongées, 
pointues,  |)eu  divergentes.  Il  habile  l'Inde  et 
n'est  pas  rare  dans  les  Ibrèts  du  Bengale  et 
d'Orissa. 

La  CKRM(;iit:\HE  A  yiATHK  eoR.Mcs  (  (  fi-ricn- 
pra  (ptfidrirornis.— Antilope  quadrieornis,  de 
Ul\i>.  —  Desm.  )  a  été  établie  |)ar  de  Blainvillc 
sur  une  tele  venue  de  l'Inde.  Elle  a  (|ualre  cor- 


i'i8 


LLS   UUMINAiNTS. 


lies  :  celles  tic  «lev;uil  sont  assez  grosses,  lisses, 
iiii  peu  coiiihées  en  nri'ière ;  les  |iost('rieuies 
sont  plus  grêles,  |iliis  elev(-is,  c()iii<|iies,  presque 
droites  et  un  peu  l'ecoui'hces  en  avant. 

9"  (;KMtK.  Les  ALCÉLAPliCS  {Alrdnphus; 
lii.MwiLi.K I  ont  lies  eornes  à  double  couibuie, 
;innelres  et  sans  aièles,  dans  les  deux  sexes;  ils 
ont  <les  larmiers  et  point  de  pores  ingiiiiinux; 
leur  (|ueue  est  niedioere,  terminée  païun  flocon 
de  poils  longs;  ils  ont  un  denii-muile  et  deux 
mamelles. 

Le  IWiivLE  (AIcclapUtis  buhnlis.  —  .l»ifi/o/;f 
biibnlis,  Pall.  —  Li\.  Le  liubalus,  de  Pli>e. 
La  l'ailie-birlip ,  le  'lannaii-ierf,  des  voya- 
geurs, )  est  de  la  taille  d'un  grand  cerf;  d'un 
rou.ssjitre  uniforme,  avec  un  llocon  de  longs 
poils  noirs  au  bout  de  la  queue  ;  il  a  la  tète  très- 
longue  el  très-étroite;  ses  cornes  sont  grosses, 
se  louchant  presijue  à  leur  base,  fortement  an- 
nelées,  et  garnies  de  petites  cannelures  longitu- 
diuak's,  ai  (|uées  d  abord  en  arrière ,  puis  en 
avant  el  enfin  en  arrière.  11  habile  le  nord  de 
l'Alriqui",  vit  en  petites  troupes,  el  s'a|)privoise 
tort  bien  quand  on  le  prend  jeune. 

LeKAA>ik  { AUeluplius  haama.  —  Antilope 
ffiama,  Sciitu.  —  De>.>i.  Anlilope  bnbaiis,  Pall. 
Le  Licama  des  Cafres,  et  le  Kaama  des  Hot- 
tentots  )  a  été  confondu  avec  le  précédent,  dont 
il  diffère  par  la  tête  plus  longue  encore,  et  par 
la  courbure  plus  prononcée  des  cornes  en 
avant  et  surtout  en  arrière  ;  il  est  d'un  roux 
brun  assez  foncé  sur  le  dos  et  plus  clair  sur  les 
flanc;  il  a  le  ventre,  l'intérieur  des  membres  et 
les  fesses  blanches,  une  tache  noire  à  la  base 
des  cornes,  et  plusieurs  lignes  noires  sur  les 


jambes.  Les  cornes  sont  grosses  forlement  an 
nelées.  Il  habite  en  grandes  troupes  le  cap  de 
Bonne  l'spérance. 

L'Alcklapuk  a  collkts  (  Miclaphus  siilii- 
rosus.  —  Antilope  snturosa,  Otto)  a  les  for- 
mes très-lourdes  et  la  taille  mo\enne;  son  pe- 
lage est  très-.see,  à  poils  iu'gaux,  très  longs  sur 
sur  le  dos  et  sur  le  cou  oii  ils  forment  trois  ban- 
des imitant  de  larges  collets  ;  il  est  d'un  brun 
cendré,  blanc  au  ventre,  aux  jjiedsetà  la  queue, 
avec  une  tache  brune  an  front  et  trois  taches 
blanches  sur  les  cotés  de  la  léte  ;  sa  queue  est 
longue,  floconneuse  ;  les  cornes  allongées,  an- 
nelées,  grandes,  recourlx'es  au  sommet.  Je  ne 
connais  pas  le  mâle,  ni  sa  patrie. 

I0<--  Gkmik.  Les  TIÎAGKLAPIIUS  {Tragcla- 
phiis.  i>E  Blainv.  )  ont  les  cornes  plus  ou  moins 
comprimées,  eoiitonrnées  en  spirale,  à  arêtes 
existant  lanlot  chez  le  mâle,  tantôt  chez  les  deux 
sexes.  Jls  maii(;u:'nt  quelquefois  de  larmiers,  et 
ils  ont  des  pores  inguinaux,  et  un  dcmi-mune  ; 
leur  queue  est  médiocre,  et  ils  portent  quatre 
mamelles. 

Le  CoM)OMA  ou  Co>uoi;s  {Tragelnphns  -trcp- 
siceros.  —  Antil(>i)e  stiepsircrns,  I'all.  —  Desji. 
Le  Cocs-does  des  Hollandais  du  Cap  )  a  le  co:  ps 
robuste  ;  son  pelage,  assez  long  et  couché,  est 
d'un  gris  plus  ou  moins  roussàlre,  avec  une 
ligne  dorsale  blanche  d'où  partent  d'autres 
lignes  blanches  qui  descendent  sur  \ei  flancs;  il 
a  une  barbe  au  menton,  une  crinière  sur  le  cou 
et  une  autre  dessous  ;  ses  cornes  sont  grosses, 
lisses,  d'un  jaune  varié  de  noirâtre,  divergentes, 
à  trois  courbures  en  spirale.  Il  habite  les  forêts 
de  l'Afrique  méridionale. 


Cet  animal  partage  avec  toutes  les  antilopes  la  légèreté  des  formes,  la  grâce 
«les  mouvements,  la  beauté  de  l'œil  et  la  douceur  du  regard  ;  mais,  plus  coura- 
geux sans  être  plus  méchant,  il  ne  craint  pas  d'habiter  solitairement  le  désert; 
il  lutte  contre  le  chacal  et  parvient  même  à  s'en  défaire.  On  ne  le  trouve  guère 
(pie  dans  les  forêts  les  plus  silencieuses  du  cap  de  Bonne-Espérance,  oii  il  se 
nourrit  d'herbe  et  de  jeunes  bourgeons  de  bruyères.  Sa  course  est  tellement 
rapide  et  ses  bonds  si  prodigieux  qu'il  échappe  aisément  au  lion  et  à  la  panthère 
s'ils  ne  le  saisissent  à  l'improviste  et  du  premier  élan;  s'il  n'a  pas  le  caractère 
assez  sociable  pour  vivre  en  troupe  avec  d'autres  animaux  de  son  espèce,  en 
récompense  il  s'attache  beaucoup  à  sa  femelle  et  passe  sa  vie  entière  avec  elle. 
Kn  domesticité  il  reconnaît  la  main  qui  le  nourrit,  suit  son  maître,  montre  de 
l'alfection  pour  lui,  et  conserve  toute  la  gaieté  de  son  caractère  ;  mais  à  la  plus 
légère  occasion  de  fuir,  il  ne  manque  jamais  de  regagner  les  forêts,  et  il  ne  re- 
paraît plus.  Les  Ilottentots,  qui  aiment  beaucoup  sa  chair,  lui  font  une  cruelle 
guerre  et  emploient,  pour  le  surprendre  et  le  tuer,  mille  ruses,  mille  pièges, 
dans  lesquels  néanmoins  il  donne  rarement,  car  il  a  autant  de  finesse  que  la 
gazelle  a  de  «lédaïuc. 


ANTILOPES. 


Î'i9 


Le  BosBOK  (  Tragdaphus  sijhaticus.  —  liili- 
lope  sijhnlicn ,  CiiHi,.  —  Oksm.  )  csl  il'iiii  noir 
l)i"iiii  on  dessus ,  hiaiic  en  dessous  ,  avec  plu- 
sieurs peliles  liK'lies  blanelu-s  sur  le  iiiiiseaii.  le 
milieu  du  cou,  les  lianes  et  les  cuisses;  la  (luene 
est  blanche  en  dessous,  noiie  en  dessus  ;  la  fe- 
melle n'a  pas  de  cornes  ;  le  niàle  les  a  noires, 
tordues  en  spirale  presque  sur  elles-mêmes,  et 
lisses  au  bout.  Il  habite  le  cap  de  Bonnc-Ks- 
pérance,  et  vit  par  couples  solitaires  dans  les 
bois. 

Le  GriB  (  Tragdaphus  scriptns.  —  .tiifi/o/)e 
scripla.  Pâli..  —  Desji.)  est  delà  grandeur  d'un 
daim,  d'un  fauve  marron,  a  bandes  blanches 
transversales,  et  beaucoup  de  lâches  rondes,  blan- 
ches, l'parses  sur  les  lianes  et  les  cuisses.  Il  a  sur 
le  dos  une  ligne  do  poils  blancs  et  noirs  |)lus  longs 
(|ue  les  autres;  son  ventre  et  le  bout  de  sa  queue 
sont  noirs  ;  ses  cornes,  assez  courtes,  ont  denv 
arêtes  saillantes,  d('crivenl  un  tour  et  demi  de 
spirale,  et  sont  pointues.  Il  habile  le  Sénégal  et 
vit  en  grandes  troupes  sur  le  bord  des  fleuves. 
II^Gknbe.  Les  GREAS  (  Orm.s- ,  l)ES!M.)ont 


les  cornes  droites,  avec  imo  lr^s-forle  arête  en 
spirale,  dans  les  deux  se\es  ;  ils  man(|uent  de 
larmiers  et  de  brosses  ;  leur  queue  est  longue, 
toulTue  au  bout  ;  ils  ont  un  mullo  et  (|uatie  ma- 
melles. 

Le  CiKm  ou  CAN^^  (Orcas  canna.  —  Anti- 
lope oreas,  Pâli..  —  Dkssj.  Le  Condou  do  Buff. 
L'K/an  du  Cap,  de  Si'Arm.)  atteint  la  taille  d'un 
cheval;  il  est  d'un  fauve  roussàtre  en  dessus, 
blanc  en  dessous,  avec  la  tête  et  le  dessus  du 
cou  d'un  gris  cendré  ;  sa  têle  est  longue  ;  ses 
cornes  sont  très-grosses,  noires,  divergenles. 
lisses  î"!  leur  extrémité.  Il  habite  les  montagnes 
du  cap  de  Bonue-F.spérance,  et  vit  en  troupes. 

12'  (Ikmik.  Los  «OSELAPHES  {lîoscinphus, 
BLAl^v.)  ont  les  cornes  simples,  non  rugueuses, 
diversement  contournées,  sans  arêtes  spirales; 
les  femelles  manquent  (pieUpiefois  de  cornes. 
La  queue  est  teiniinêe  par  un  flocon  de  poils  ; 
ils  ont  un  nnine,  quatre  mamelles,  et  manquoni 
do  brosses.  Ce  sont  dos  animaux  dont  les  formes, 
un  peu  lourdes,  sont  moins  gracieuses  (pie  dans 
les  gazelles. 


!')« 


M:S   IllIMlNANTS 


Le  Nyl-Gli:.!!. 


Le  NYL-GIIAU  i  Boselaplius  pklus.  —  Antilope  picla,  Pall.  — Desm.  Antilope 
albipcs,  Erxl.  Le  Taureau-cerf  des  Intics.  Le  Nyl-gaul  de  Buff.  ). 

Ce  bel  animal  csi  à  peu  près  de  la  taille  d'un  cerf  et  en  a  les  formes  générales, 
mais  il  parait  plus  lourd,  ce  qui  vient  de  la  grosseur  de  ses  jambes;  aussi  les 
voyageurs  l'onl-ils  souvent  comparé  à  un  bœuf,  et  son  nom  de  mjl-cjhau,  en 
indou,  signifie  bœuf  bleu.  Sa  tête  est  mince,  assez  longue;  son  pelage  est  d'un 
gris  ardoisé  dans  le  mâle,  et  d'un  gris  fauve  dans  la  femelle  ;  celle-ci  est  plus 
petite  et  ne  porte  pas  de  cornes;  l'extrémité  des  pieds  a  des  anneaux  alternati- 
vement blancs  et  noirs;  une  crinière  noirâtre  régne  sur  le  cou  et  vient  lui  for- 
mer une  espèce  de  houpi)e  sur  le  garrot  ;  au  milieu  du  cou  il  a  une  sorte  de 
barbe,  médiocre  et  terminée  par  des  llocons  noirs  ;  ses  cornes,  moitié  moins 
longues  que  la  tête,  sont  coniques,  lisses,  trés-écartées  l'une  de  l'autre  et  légè- 
rement courbées  en  avant. 

Le  nyl-gbau  babile  le  bassin  del'inde,  les  montagnes  de  Kasbmir  et  de  Guza- 
rate,  probablement  aussi  la  cliaîne  de  rilinnnalaya.  A  Bombay,  a  Madras  et  au 
Bengale  on  le  regarde  comme  un  animal  curieux  et  rare,  digne  d'être  offert  en 
présent  aux  nababs  et  aux  personnages  considérables.  Dans  les  montagnes  de 
Kasbmir,  on  le  citasse  pour  sa  cbair  (pii  est  fort  bonne  et  fort  estimée.  Il  court 
de  très-mauvaise  grâce,  à  cause  de  la  brièveté  de  ses  jambes  de  derrière,  mais 
néanmoins  avec  assez  de  vitesse.  Uuoiipie  timide,  ainsi  (|ue  toutes  les  antilopes, 


ANTILOPES. 


451 


s'il  t;sl  alteint  par  le  chasseiir,  il  ne  se  rend  pas  sans  avoir  viiionrensenient  ilé- 
l'endu  sa  vie.  l'onr  cela  il  s'agenouille  des  pieds  de  devant  afin  d(!  couvrir  son 
[toilrail;  et  menace  de  ses  cornes  tandis  ({u'avcc  ses  pieds  de  derrière  il  lâche 
des  ruades  et  des  coups  en  avant  à  la  manière  des  vaches.  Dans  cette  attitude, 
il  est  impossible  de  l'approcher  sans  danger,  et  il  faut  le  tuer  à  coui)s  de  fusil 
ou  avec  une  longue  lance.  Lorsque  deux  mâles  se  hatlent  entre  eux,  ils  s'age- 
nouillent également  l'un  devant  l'autre,  à  une  grande  distance,  et  ils  s'avan- 
cent, en  marchant  sur  leurs  genoux,  avec  assez  de  rapidité,  mais  en  faisant 
plusieurs  [tetits  détours.  Arrivés  à  proximité,  ils  se  relèvent, et  d'un  bond  s'élan- 
cent l'un  sur  l'autre.  Si  l'un  est  blessé,  il  s'enfuit,  et  l'autre  reste  vain(pieur  sur 
le  champ  de  bataille;  s'ils  se  sont  manques,  ils  s'éloignent,  s'agenouillent,  et 
reconnuencent  la  même  manœuvre.  Nous  avons  eu  plusieurs  nyl-ghau  à  la  mé- 
nagerie; tous  semblaient  d'un  caractère  fort  doux,  et  i)araissaient  aimer  (pi'on 
se  familiarisât  avec  eux;  ils  léchaient  les  mains  de  ceux  ipii  les  caressaient  et 
leur  présentaient  du  pain,  et  jamais  ils  n'ont  tenté  de  se  servir  de  leurs  armes 
pour  blesser  (piel(|u'un.  Ils  ont  l'odorat  Irès-fin,  et  flairent,  en  faisant  un  cer- 
tain bruit,  les  aliments  qu'on  leur  donne.  On  les  nourrit  d'avoine,  d'herbe  et  de 
foin;  mais  ce  qu'ils  paraissent  préférer  à  tout,  c'est  le  pain  de  froment.  Ces  ani- 
maux ont  multiplié  en  Angleterre,  ce  qui  a  fait  croire  à  quelques  naturalistes 
(pi'on  pourrait  les  soumettre  à  la  domesticité  et  les  utiliser  en  France. 


Le  G^ou  {Bosclaijhus  gnii.  — Antilope  gnii, 
(iML.  —  Desm.  lios  giiDii,  Zuni.  Le  Gnou  ou 
ÎSioii,  Blff.  )  est  de  la  f^jraiidour  d'un  ;ino,  à 
corps  trapu  el  nmsculeux  ;  il  a  le  inuOi'  d'un 
l)œ»f,  tes  jambes  d'un  cerf,  i'eucolure  et  la 
croupe  d'iui  petit  eiu'val;  sa  tète  cstcouipriuiée; 
son  pelage  est  ras,  d'un  gris  fauve  ;  il  porte 
sur  le  cou  une  crinière  fournie  de  poils  gi-is, 
noirs  et  blancs;  il  a  une  barbe  épaisse  et  brune 
sous  le  menton  ;  ses  cornes  sont  tr  és-aplaties  à 
leur  base,  slriées  longitndiualemenl,  arrondies 
el  lisses  à  leur  sommet.  11  babite  le  cap  de 
Bonue-iispérance,  vit  eu  troujjes  nombreuses,  el 
a  le  caractère  farouche.  Il  a  vécu  à  la  ménagerie. 
I5«=  (iE\RE.  Les  ORYX  (  0;  !).(■,  Blainv.  )  ont, 
dans  les  deux  se\es,  des  cornes  très-grandes, 
pointues,  auuelées.  sans  arêtes,  droites  ou  un 
peu  courbées  en  arrière  ;  ils  manipieut  de  nmlle 
el  de  l)iosses,  et  ont  des  larmiers  ;  leur  <|ueue  est 
assez  longue,  cl  se  termine  par  un  Hocou  de  longs 
poils. 

Le  Pazin  {Oriix  pazan.  —  Antilope  onj.r , 
PiLL.—  Desm.  Le  Cluimois  du  Cnii,  Foitsr.  Le 
Pazdu,  IkrE.  )  est  d'un  gris  cendre  bleuâtre, 
teinte  irrégtdièrement  de  roux,  en  dessus,  avec 
une  ligne  brune  sur  iliaque  llauc,  el  une  tache 
d  ini  biun  marron  ;iu-dessus  des  sabots;  son 
ventre  est  blanc,  ainsi  que  la  tète,  qui  a  une  ta- 
che noiie  entre  les  cornes  ;  ces  dernières  sont 
prescpies  droites,  noiics,  environnées  d'anneaux 
obli(pies  dans  leur  jjiemièie  moitié,  lisses  et 
pointues  à  lexlrémile.  Il  habite  par  couples  so- 


litaires les  environs   du  cap  de    Bonne  espé- 
rance. 

L'Ai.r.AZELi.E  (Ori/.i:  ahjitzellti.  — Antilope  (jo- 
z'ild,  Pall.  —  Desii.  L'Algazel,lii  i'\'.)  a  le  pe 
lage  d'un  fauve  clair  sui'  le  dos  el  les  llaïu's,  d'mi 
lauve  foncé  sur  le  cou  el  au  poitrail,  blanc  eu 
dessous  ;  la  tète  est  blanche,  taclK'C  de  gris  au 
milieu  du  front,  et  une  autre  tache  de  la  même 
couleur  au  bas  des  cornes  ;  la  (pieue  esl  blanche, 
terminée  par  un  flocon  de  poils  noiràti'cs;  les 
cornes  sont  ai'nmdies,  noires,  minces,  annelécs 
dans  leur  premièie  moitié,  tlle  liabite  le  centre 
de  l'Afrique. 

L'Oiivx  leucorvx  {Orijx  leuconjx.— Antilope 
leuconix,  Pâli..  — Desji.  ),  qui  pourrait  bien  n'ê- 
tre qu'une  variété  du  [)azaii,  a  le  pelage  blanc, 
avec  une  tache  d'un  fauve  vif  à  la  base  et  en 
a\aul  des  cornes,  et  une  autre  de  la  même  cou- 
leur sur  le  clianfrein  ;  ses  cornes  sont  très-lon- 
gues, minces,  noires,  arrondies,  annelécs,  un 
I)cu  courbées  en  arrière.  11  habile  l'Arabie. 

I  i   r.E.MiE.  Les  KC;0<:Èr.F.S  (  l-:goreius,  Dksm  .) 
ont  les  cornes  très-grandes,  fortes  el  pointues, 
annelécs,  à  forte  courbure  postérieure  ;  ils  man- 
(jnenl  de  brosses  et  de  larmiers,  ils  ont  un  demi 
mufle,  et  leur  queue  est  assez  longue. 

L'Imioci'HE  isleu  {Kgtnenis  leuiopbirus.  —  An- 
lilopeleueopliua,l^\\.t.— HhSM.  Antilope  ylauca, 
FoiisT.  La  Clùi  rc  bleue  des  vo\agems)  a  le  pe- 
l.ige  assez  long,  d'un  gris  ardoisé  en  dessus, 
blanc  en  dessous,  avec  le  chanfrein  d'un  gris 
fonce;  au  devant  de  chaque  oil  est  une  mèchi' 


45.>  LES  RLMIxNANTS. 

(le  poils  blancs  ;  il  a  nue  sorte  de  petite  crinière  inguinaux,  mais  ils  manquent  de  larmiers  et  de 

sur  le  dos  ;  ses  cornes  sont  {jrosses,   annelées,  brosses,  ainsi  que  de  mulle  ;  leur  queue  est  très- 

courhées  postérieurement.  Il  habile  le  cap  de  courte. 

Bonne-Espérance.  Le  Chamois    ilhipicapra  ijsanl.  -  Antilope 

L'EciicÈHE   CHEVALIN    {Eçocerns   equinus.  —  > npicapra, ¥all.— HEsy\.  Capraiurhapra.Li^. 

.Ji(ti/o/jct'(/i(iiirt.(;EOFF.—UEs>i.)  atteint  la  gran-  Le  CUamois  ,  Blpf.  l.'Ysard  des  Pj renées)  est 

deur  dun  petit  cheval  ;  son  pelage  est  d'un  gris  de  la  taille  d'une  petite  chèvre.  Il  est  couvert  de 

roussàlre;  il  a  une  sorte  de  crinière  sur  le  dos  deux  sortes  de  poils,  lun  laineux  et  bruuàti-e, 

et  au-dessous  du  cou,  avec  une  mèche  de  longs  ti-ès-abondant,  l'autre  so>  eux,  sec  et  cassant.  Cet 

poils  blancs  au-devant  de  chaque  œil  ;  ses  cor-  animal  est  d'un  brun  foiicè  en  hiver,  d'un  brun 

nés  sont  grandes,  courbées  en  arrière,  marquées  fauve  en  été  ;  sa  tète  est  d'un  jaune  pâle,  avec 

d'un  graud  nombre  de  gros  anneaux.  On  le  croit  une  bande  brune  sur  le  nuiseau  et  autour  de 

du  Cap.  l'ieil;  une  ligne  blanche  lui  borde  les  fesses;  ses 

Io^Ge.nbe. LesCH.43I01S(Ki(7jira/»n,  Blainv.)  cornes  sont  noires,  petites,  très-courtes,  lisses  et 

ont  les  cornes  simples,  lisses,  courbées  postérieu-  un  peu  arrondies,  verticales  etdroites,  puis  coiir- 

rement,  dans  les  deux  sexes;  ils  ont  des  pores  bées  brusquement  en  arrière  à  la  pointe. 

Le  chamois  est  le  seul  animal  de  la  famille  des  antilopes  que  nous  ayons  en 
France  ;  encore  y  est-il  fort  rare,  et  on  ne  le  trouve  plus  guère  que  sur  les  plus 
hauts  sommets  de  nos  Alpes  et  des  Pyrénées.  Il  vit  en  troupes  et  ne  se  i)laît 
qu'au  milieu  des  rochers  escarpés  des  montagnes  les  plus  élevées  de  l'Europe.  11 
est  d'une  agilité  incomparable,  franchit  les  précipices,  grimpe  les  pentes  les  plus 
rapides,  suit  les  sentiers  les  plus  étroits  sur  le  bord  des  abîmes,  saute  de  roc  en 
roc,  s'arrête  net  sur  la  pointe  la  plus  aiguë  d'un  rocher  où  à  peine  a-t-il  de  la 
place  pour  poser  les  quatre  pieds,  et  tout  cela  avec  un  aplomb,  une  facilité  de 
mouvement,  qui  prouvent  autant  la  justesse  de  son  coup  d'oeil  que  sa  force  mus- 
culaire. N'ayant  d'armes  à  opposer  à  ses  ennemis  que  la  fuite,  il  a  perfectionne 
ses  organes  de  la  vue,  de  l'odorat  et  de  l'ouïe,  de  manière  à  être  surpris  Irés- 
diffîcilement  ;  outre  cela,  quand  le  troupeau  paît,  il  y  a  toujours,  sur  les  roches 
élevées  environnantes,  deux  ou  trois  vieux  mâles  en  sentinelle,  qui  observent 
la  campagne  ;  pour  peu  qu'ils  découvrent  quelque  chose  de  suspect,  ils  avertis- 
sent par  un  sifflement  aigu,  et  tout  le  troupeau  détale  avec  une  vitesse  incroya- 
ble. En  un  clin  d'oeil  tout  a  disparu  au  milieu  de  roches  inaccessibles  et  de  pré- 
cipices infranchissables  où  l'on  ne  peut  les  suivre.  Aussi  ne  les  chasse-t-on  pas 
avec  des  chiens,  et  l'on  est  obligé,  au  risque  de  se  précipiter  malgré  les  crochets 
de  fer  que  l'on  porte  aux  talons,  d'aller  les  épier  au  milieu  de  leurs  rocs,  de  se 
glisser  en  rampant  sur  le  ventre  pour  essayer  de  les  approcher,  et  de  les  tirer 
de  fort  loin  avec  des  carabines  à  longue  portée.  Cette  chasse  est  très-dangereuse, 
et  beaucoup  de  personnes  y  périssent  en  tombant  dans  des  précipices,  où  quel- 
quefois les  chamois  les  poussent  eux-mêmes  pour  s'ouvrir  un  passage  quand  ils 
se  trouvent  cernés.  Aux  approches  de  l'hiver,  ces  animaux  quittent  le  versant 
nord  des  montagnes  pour  aller  habiter  celui  du  midi,  mais  jamais  ils  ne  descen- 
dent dans  la  plaine.  Le  rut  vient  en  automne  ;  les  femelles  portent  quatre  ou 
cinq  mois,  et  mettent  bas  un  petit,  rarement  deux,  en  mars  et  avril  ;  elles  en 
prennent  soin  jusqu'en  octobre,  époque  à  laquelle  les  jeunes  se  confondent  avec 
le  reste  de  la  troupe,  qui  est  rarement  de  plus  de  quinze  à  vingt. 

Le  CuAMois  LAi.>tLx  [lUijmapra  amcricana,  nnica  Kafix.  Capra  lolumbicma,  Desm.  Ovh 
Blainv.  Anlilopc  lanala,  Smith.  Antilope  amc-  monlana,  Ord.  Le  ,1/0i(ii/aiu  shccp  des  Anglo- 
rkana,  Btsyi.  Mazama  dorsala  et  Mazama      Américains)  ressemble  un  peu  au  bélier  par  la 


ANTlLOrtS. 


453 


lé(e  ;  ses  oreilles  sout  pointues,  moyennes  ;  ses 
jambes  sont  fortes,  à  sabots  noirs  et  gros;  son 
pelage  est  d'un  blanc  jauuàtie,  très-épais;  ses 
cornes,  longues  de  cinq  ponces  (0,135),  sont 
rondes,  lisses,  un  peu  courbées  eu  arriére.  11 
habite  rAuiéricine  du  Nord,  depuis  l'océan  Pa- 
cinquejustpie  près  du  lac  Supérieur.  Peut-èlie 
devrait-ou  reporter  cette  es|)èce  avec  les  chè- 
vres. 

16'  GiiiviiE.  Les  ANTILOCIIÉ^.VIIES  {  Autilo- 
lupra  Blainv.)  ont,  dans  les  deux  sexes,  des  cor- 
nes un  peu  longues,  comprimées,  recourbées  eu 
crochets  postérieuremeni  vers  la  pointe,  et  uui- 
nis  d'un  andouiller  antérieur.  Klles  manquent 
de  nuille,  de  larmiers  et  de  brosses. 

LcKiSTii-iiK  {Antilocapra  amcricann,  Oar». 
Anlilopc  furcifer,  SMrni. — Dessi.  Le  Pronghor- 
ned  aulclope  de  I.evvis  et  Clakcii)  ressemble 
assez  an  chamois,  mais  il  est  plus  grand;  son 
pelage  est  ras,  d'un  gris  ronssàtre  en  dessus, 
blanc  en  dessous  comme  à  la  queue  et  sur  les 
fesses  ;  ses  cornes  sont  longues  de  onze  pouces 
(0,298),  comprimées,  un  peu  ridées  à  leur  base, 
un  |)eu  divergentes  sur  lescôtés,  recourbées  vers 
le  bout,  avec  un  petit  andouiller  dirigé  en  avant, 
il  habite  les  montagnes  escarpées  des  États-Unis, 
et  vit  eu  trouites. 

L'Antilociièvke  PALMÉE  (.liiti/oiaprapa/Diata. 
—  Anlilope  palmata  ,  Smitii.  —  Desm.  Ccrnis 


/)a/jnaiii4,BLAiiNv.)est  de  la  grandeur  d'un  cerf 
d'iui  fauve  clair  sur  le  dos,  blanche  sur  le  ven- 
tre et  sur  les  lianes;  la  pointe  supérieure  de  ses 
eoi'iies  est  recoui'bée  en  arrière  connue  dans  le 
chamois;  l'empaunuu'e  est  antérieure,  aplatie 
d'avant  en  arrière,  et  saillante  de  l:i  base  de  la 
corne.  Elle  habite  le  Missouri. 

Le  Mazame  {Aniilorapramaznma.— Anlilopc 
mazama,  Smith)  est  moins  grand  qu'une  chè- 
vre et  a  les  formes  plus  lourdes  et  plus  massives. 
Il  est  d'un  brun  p^le  ronssàtre  en  dessus,  d'un 
blanc  jiuuiàtre  en  dessous,  sur  la  i)oitrine  et  le 
menton  ;  sa  queue  est  courte,  épaisse  ;  ses  cor- 
nes, de  près  de  six  pouces  (0,1G'2|  de  longueur, 
sont  de  couleui-  foncée,  un  peu  aimelées,  cour- 
bées en  arrière  et  pointues.  Il  habite  le  Mexi- 
([ue. 

Le  TÉ^iEJiAZAME  (Aiiiilotapralciinmnzaina— 
Anlilopc  tememazamn,  Smith.  Ori.v  piidn,  Giu-. 
Cnpra  piidu,  Molina)  a  les  formes  svelles,  les 
oreilles  étroites  et  longues,  ari-ondies  au  bout; 
la  queue  est  assez  longue  ;  son  pelage  est  fauve 
en  dessus,  blanc  en  dessous,  avec  une  tache  blan- 
che autour  de  la  bouche  et  une  autre  sur  la  (toi- 
trine.  Les  cornes  sont  longues  de  cinq  pouces  et 
demi  (0,1  î9),  minces,  noires,  ridées  à  la  base, 
un  peu  courbées  en  arrière  à  leur  exlrémité.  Il 
habite  le  noid  de  l'Aniériquc,  près  des  sources 
de  la  livière  Rouge. 


LtS    llUAli.NAiNTS. 


Le  Bouquetin. 


LES  CHÈVHES 


N'ont  point  ilo  larmiers;  le  noyande  leui-s 
cornes  est  composé  en  grande  partie  de  cellules 
(|(n  communiquent  avec  les  sinus  frontaux  ;  leurs 
cornes  sont  dirigées  en  haut  et  en  arrière,  ou 
dirigées  en  arrière  et  revenant  en  avant,  en  spi- 
lale  ;  leui"  menton  est  quelquefois  gaini  d'une 
longue  barbe,  et  leur  chanfrein  est  concave  ou 
convexe. 

•  ""^  Genre.  Les  CHEVRES  (Ca/»rt,  Lin.;  ont 
trente-deux  dents,  .«.avoir  :  |)oint  d'incisives  su- 


périeures et  h'iit  inléiieures ;  douze  molnires  en 
haut  et  autant  en  bas  ;  elles  n'ont  pas  de  mutle  ; 
leur  chanfrein  est  un  peu  concave  ;  deux  onglons 
derrière  les  grands  sabols;  deux  mamelles  in- 
guinales, cl  la  (|ueue  courte. 

Les  unes  n'ont  pas  de  sinus  à  la  base  des  doigts 
du  pied,  et  leurs  coi'ues  sont  dirigt-es  en  haut 
et  en  arrière;  leur  menton  est  souvent  garni  de 
l)arl)e.  Ce  sont  les  chèi-rcs  proiM'ement  dites. 
Tels  sont  : 


Le  BOUQUETIN  [Capra  ïbcx,  Lix.  V Aifrïmia  des  Grecs  iiiotleiiics.  Le  Slein- 
Bock  (les  AileniaïKls  ) 

Est  (le  la  gramieiir  d  un  bouc;  sou  jjelage  d'hiver  est  composé  de  poils  longs 
el  nidcs,  recouvraiil  un  poil  doux,  fin,  toufl'ii,  persistant  seul  pendant  l'été;  il 


^^4i 


•CABANE     ET   ENCLOS    DE  CHEVRES    ET    DE    MOUTONS    D'EURCPE. 


I   .1  a  I  d  I  ■>     Je.     I' 


CIIÈVIIKS.  '«55 

est  d'im  jiiis  lauvê  en  dessus,  Id.inc  on  dossoiis,  avec  une  hande  dorsale  ncdre, 
el  nue  li<ine  luiiiie  (|iii  traverse  les  lianes;  ses  Cesses  sont  Manches;  une  liarlie 
noire  ef  rnde  lui  pend  an  nieiilon;  ses  cornes  sont  noirâtres,  avec  den\  arèt(>s 
Nnifiitndinales  et  des  côtes  saillantes  transversales.  Ka  femelle  a  les  cornes  plus 
petites. 

Ces  animaux  vivent  en  petites  troupes,  dirigées  par  un  seul  vieux  mâle  qui 
marclic  à  la  tète,  les  conduit,  les  avertit  du  danger,  fuit  le  derniei-,  ou  même 
combat  s'il  ne  peut  faire  autrement.  Ils  habitent  prescjue  toutes  les  hautes  mon- 
tagnes de  l'Europe,  et  se  tiennent  à  une  zone  encore  plus  élevée  ipie  celle  du 
chamois,  pour  n'en  jamais  descendre;  ils  ne  viennent  pas  même  paiire  ilans  les 
hautes  valh'es  alpines.  La  physionomie  du  ltou(pi(>tin,  sans  être  fine  et  gracieuse 
connue  celle  des  gazelles,  ne  manipu'  cependant  pas  d'élégance  ;  il  a  r(eil  vif  et 
hrillant,  l'oreille  mobile,  la  démarche  fiére  et  assurée,  et  un  air  (rin(le|)eudauce 
|)lulôt  que  de  sauvagerie.  Suspeiulu  aux  pics  voisins  des  glaciers  elernels,  il 
send)lerait  ne  devoir  point  avoir  d'ennemis,  et  cependant  il  a  jierfectionné  sa 
vue  et  son  odorat  comme  s'il  était  sans  cesse  environné  de  dangers.  Placé  en  sen- 
tinelle sur  la  pointe  d'une  roche,  il  veille  pendant  que  soji  troupeau  se  nourrit 
de  rares  graminées,  et  des  bourgeons  du  saule  alpestre,  du  bcuilean  nain  et  des 
rhododendrons.  Faut-il  fuir,  il  donne  le  signal  et  ne  part  (pie  le  dernier.  «  En 
fuyant  a  travers  les  précipices,  dit  Desmoulins,  un  coup  d'o>il  aussi  prompt  que 
juste  dirige  des  mouvements  rapides  comme  l'éclair,  mais  d'une  vigueur  si  sou- 
ple, qu'ils  peuvent  rompre  iiar  un  repos  soudain  les  élans  (huit  ils  eflleurenl  les 
crêtes  les  plus  aiguës  du  granit  et  même  des  glaciers.  Bondissant  dun  pic  a  l'au- 
tre, il  leur  suffit  d'une  pointe  où  se  puissent  ramasser  leurs  quatre  pieds,  |)our 
y  tomber  d'aplomb  d'une  hauteur  de  vingt  à  trente  pieds,  y  rester  en  équilibre  ou 
s'en  élancer  au  même  instant  sur  d'autres  pointes,  soit  inférieures,  soit  plus 
culminantes.  Ils  éventent  le  chasseur  bien  avant  de  lui  être  en  vue.  Une  fois  lan- 
cés, leur  résolution  est  aussi  rapide  que  le  coup  d'œil.  Si  une  tactique  calculée 
d'après  l'expérience  de  leur  poursuite  et  la  connaissance  des  lieux  lésa  cernes 
sur  qiiebpie  rampe  de  précipice  d'où  il  n'y  ait  à  leur  portée  ni  une  pointe  de 
glace,  ni  une  crête  de  roc,  ils  se  jettent  dans  l'abime,  la  tête  entre  les  jambes 
pour  amortir  la  chute  avec  leurs  cornes.  D'autres  fois,  jugeant  l'audace  plus  pro- 
fitable à  se  défendre  (\n'à  fuir,  le  bouquetin  fait  volte-face,  selance,  et,  en  pas- 
sant comme  la  flèche,  précipite  le  chasseur.  »  Pris  jeune,  le  bouquetin  s'appri- 
voise aisément,  et  vil  fort  bien  au  milieu  des  chèvres  domestiques.  Il  s  imii  avec 
elle,  et  les  enfants  qui  en  naissent  sont  fertiles  et  très-estimés  des  montagnards 
de  l'Asie  pour  régénérer  leurs  troupeaux.  La  femelle,  plus  petite  «pie  le  mâle, 
mol  bas  mi  ou  deux  petits  a  la  Wn  de  mars  ou  d'avril. 

Le  ZEiitnoH  ou  IIacu  (Caprn  raiicasira,  Gi  i.-  ciense  et  font  des  vases  à  boire  avec  ses  c<inies. 

1)E>.—I)e.sii.   esl  (le  la  titille  (Iii  pireédeiil;  son  La  CiikviiE  hk   NiniK  ((.'rj/;ra  nubinna.  Fit. 

pelage  est  d'iin  Itruii  fauve  foncé  eu  dessus,  et  Clv.  Capra  arrihira  du  Musée  de  Vienne.  Le 

hlaneliàlre  en  dessous,  avee  une   ligne  dorsale  lionr  sauvage  de  la  haute  Kgiipir,  l'ii.  Ci  v.).  (jui 

hrune  et  une  hlaneiie  sur  les  eanons;  le  nez,  la  n'est  peul-élre  rien  anlre  cliose  (juiui  uioulon, 

poitrine  e(  les  pieds  sont  noirs  ;  la  lele  esl  grise;  est  nnpeu  plus  s\ellr(pii'l(l)ou(iu<liu  ,  .soeornes 

les  cornes  sont  triangulaires  el  longues  de  plus  sont  plus  grêles  cl  plus  longues,  el  ord  rn\iron 

de  deu\  pieds  ,0.(;,")n).  Il  liahile  le  Caucase.  Les  deux  pieds  el  demi  (0,812);  i  Iles  siuU  eonipri- 

Tatares  el  les  (leorfzieu^  trou\enl  sa  chair  deli-  niées  du  rôle  inleriu-,  noires,  nwc  une  douzaine 


456 


LES  RUMINANTS. 


de  rennomonts  Siiillants.  Cet  animal  est  d'uii 
fauve  grisâtre,  iiièl»Wle  brun,  avec  une  lifînedor 
sale  noiriltre.  Les  épaules,  les  tlancset  le  devant 
des  jambes  sont  bruns;  il  a  des  taches  blanches 
aux  talons  et  aux  poignets.  Elle  habite  l'Afri- 
que. 

La  CiùvHE  SAi  VAGE  (C«pî"a  (rgngnis,  Tall.— 
Hesm.  Le  Pasnig  des  Persans)  est  plus  grande 
que  la  chèvre  domestique  ;  elle  a  la  tète  noire  en 
avant,  rousse  sur  les  cotés .  avec  une  longue 
barbe  brune;  son  corps  est  d'un  gris  loussàtre, 
avec  une  ligne  dorsale  noire  ainsi  que  la  queue  ; 
ses  cornes  ont  la  face  antérieure  comprimée  et 
la  postérieure  arrondie;  elles  sont  recourbées 
inférienrement  en  arrière.  Elle  habite  toutes  les 
chaînes  de  montagnes  de  l'Asie.  Le  paseng  a 
absolument  les  mœurs  et  les  habitudes  du  bou- 
quetin, et  ce  serait  nous  répéter  mot  pour  mot 
que  de  donner  ici  son  histoire.  Selon  G.  Cuvier, 
ce  serait  la  souche  de  toutes  nos  chèvres  domes- 
tiques ;  mais  si  cela  est  vrai,  il  est  certain  aussi 
que  ses  descendants  ont  été  croisés  fort  souvent 
avec  les  espèces  précédentes.  Quoi  qu'il  en  soit, 
la  chèvre  domestique  a  conservé  une  bonne  |)ar- 
tie  du  caractère  indépendant  de  son  type,  de  son 
goût  pour  grimper,  et  de  son  humeur  vaga- 
bonde. Son  affection  est  intelligente  ;  elle  suit  la 
vieille  femme  qui  en  prend  soin,  l'aime,  soulage 
sa  misère  de  son  lait,  allaite  même  ses  petits  en- 
fants au  berceau  et  accourt  à  leurs  cris  pour  sa- 


tisfaire leurs  besoins  en  leur  tendant  sa  mamelle 
gonflée  d'un  excellent  breuvage  ;  mais  elle  n'est 
docile  que  par  amitié,  n'obéit  qu'aux  caresses, 
et  se  révolte  contre  les  mauvais  traitements;  le 
bouc  devient  même  quelquefois  méchant  s'il  est 
habituellement  maltraité,  et  dans  tous  les  cas  il 
sedéfend  quand  on  l'attaque.  La  chèvre  a  fourni 
de  nombreuses  variétés,  dont  nous  citerons  ici 
les  principales,  savoir  ; 

La  Chèvre  snus  cornes,  qui  habite  l'Espagne; 
—  la  Chèvre  de  Cachemire,  à  poils  fins,  laineux, 
servant  à  la  fabrication  des  cliàles  ;  —  la  Chccre 
(le  Jiiida  ou  Judn,  d'Afrique;  —  la  Chcrre  du 
Thibet ,  introduite  en  France  depuis  assez  long- 
temps ;  —  la  CUivre  d'Angorn,  à  poils  longs  et 
soyeux  ;  —  la  Mambrine  ou  Chcrre  du  Le\cnit . 
de  la  Prtlesline  et  de  la  basse  Egypte;  —  la  Chc- 
rre du  IS'cpaid  ;  —  la  Chèvre  nniue,  originaire 
d'Afrique;  —enfin  notre  (^hivrc  commune. 

Les  espèces  qui  vont  suivre  ont  les  cornes  di- 
rigées en  arrièie  et  revenant  plus  ou  moins  en 
avant,  en  spirale  ;  leur  chanfrein  est  ordinaire- 
ment convexe;  elles  manquent  de  barbe;  elles 
ont  un  sinus  à  la  base  interne  des  doigts,  dans 
les  quatre  pieds.  Elles  ont  reçu  le  nom  généri- 
que de  lMouT(n  (  Oriv,  Li>.),  quoiqu'elles  pro- 
duisent avec  les  chèvres  des  métis  féconds,  el 
que  (i.  Cuvier  les  regarde  connue  congénères, 
ainsi  que  les  regardaient  Pallas,  Leske,  llliger, 
Blnmenbach,  etc. 


^  '^.^r^ 


n^n\>     \ 


âl»^'^^  • 


(iHi'.VKKs 


'i57 


Li'  .'MorroN  ()KI>1N.\IRK  [Capin  nnnnon,  l,i\.  ()rh  aiies,  DtsM.  I,r  Moiijldii. 
F.  Cuv.  —  Bi'FF.  I.c  Mii.siDuc  (le  Sardaigm;.  Le  MnffuH  di;  Corse   . 

I.e  mouton  sauvage,  ou  uiouOon,  (jue  l'on  regarde,  avec  l'argiili,  ronune  la 
s(niclie  des  moulons  domesliijues,  a  le  jielage  ras,  composé  de  poils  courls  cl 
roides,  nullement  laineux,  d'un  fauve  terne,  plus  ou  moins  foncé  en  dessus, 
hlancliàtre  en  dessous;  sons  ces  [)oils  on  en  trouve  tl'autres  très-fins,  très- 
doux,  laineux,  assez  courts  et  en  tirc-bouclion  ;  ses  cornes  sont  très-grosses, 
arquées  en  arrièie  et  recourbées  en  avant  ;  la  femelle  a  les  cornes  moins  forles, 
et  la  taille  plus  petite  que  le  nicàle  :  tcuis  deux  se  révèlent  dun  pelage  jdiis  noir 
et  plus  fourni  en  hiver.  Le  mouflon  se  trouve  en  Corse,  en  Sardaigne,  dans  la 
Turquie  d'Europe  et  les  îles  de  la  (irece,  enfin  sur  presipie  toutes  les  montagnes 
élevées  du  midi  de  l'Europe,  C'est  près  de  leur  sommet,  dans  les  lieux  les  plus 
arides  et  les  plus  inaccessibles  ([u  il  se  piait  davantage. 

Le  mouflon  était  connu  de  Pline  sous  le  nom  iVovibif,  et  de  son  temps  l'on 
savait  déjà  (pie  les  métis  sortant  de  lui  et  de  la  brebis  étaient  féconds,  d'où  Ion 
concluait,  comme  aujourd'hui,  que  ce  n'(.'st  rien  autre  chose  (pic  le  mouton  .sau- 
vage. Ses  habitudes  sont  en  tout  pareilles  à  celles  du  bou(iuetin,  mais  à  cela 
prés  qu'il  manque  totalement  d'intelligence.  «  On  le  voit  sauter  de  rochers  en 
rochers  avec  une  vitesse  incroyable,  dit  Geoffroy;  sa  souplesse  est  exlrèuu\  sa 
force  musculaire  prodigieuse,  ses  bonds  très-étendus,  et  sa  course  très-rapide; 
il  serait  impossible  de  l'atteindre,  s'il  ne  lui  arrivait  pas  fréquemment  de  s'ar- 
rêter au  milieu  de  sa  fuite,  de  regarderie  chasseur  d'un  air  stupide,  et  d'at- 
tendre (jue  celui-ci  soit  à  sa  portée  |)oih'  recoiumencer  à  fuir.  »  Telle  est  aussi 


1,58  MvS   lUJMLNAMS. 

riiiihiliHlo  tic  nos  inouloiis.  Les  mouflons  vivent  on  troupes  assez  nombreuses, 
el  la  société  de  leurs  senilthiMes  est  si  nécessaire  pour  eux,  qu'un  individu  isolé 
ne  tarde  pas  à  toniher  dans  le  marasme  et  à  périr.  Fr.  Cuvier  a  consigné  dans 
les  premières  livraisons  do  son  Histoire  naturelle  un  fait  observé  à  la  ména- 
;;erie,  prouvant  ((ue  le  mouflon  a  tout  l'idiotisme  du  mouton  domesti(jue.  «  Si 
le  mouflon  est  la  souclie  do  nos  moutons,  on  pourra,  dit-il,  trouver  dans  la  fai- 
blesse de  ce  jugement  qui  caractérise  le  premier,  la  cause  de  l'extrême  stupidité 
(les  autres,  et  les  moyens  d'apprécier  avec  exactitude  la  nature  des  sentiments 
qui  portent  ceux-ci  ta  la  douceur  et  à  la  docilité  :  car  c'est,  sans  contredit,  à  cette 
faiblesse  qu'on  doit  attribuer  l'impossibilité  où  sont  les  mouflons  de  s'appri- 
voiser ;  ils  nous  ont  donné  souvent  les  plus  fortes  preuves  des  bornes  de  leur 
intelligence.  Ces  animaux  aimaient  le  pain,  et  lorsqu'on  s'approcbait  de  leurs 
barrières,  ils  venaient  pour  le  prendre  :  on  se  servait  de  ce  moyen  pour  les  atta- 
cber  avec  un  collier,  afin  de  pouvoir,  sans  accident,  entrer  dans  leur  parc.  Eb 
bien,  quoiqu'ils  fussent  tourmentés  an  dernier  point  quand  ils  étaient  ainsi 
retenus,  quoiqu'ils  vissent  le  collier  qui  les  attendait,  jamais  ils  ne  se  sont  défiés 
du  piège  dans  lequel  on  les  attirait,  en  leur  ofl^rant  ainsi  à  manger;  ils  sont 
constamment  venus  se  faire  prendre  sans  montrer  aucune  bésitation,  sans  ma- 
nifester (ju'il  se  soit  formé  la  moindre  liaison  dans  leur  esprit  entre  l'appât  qui 
leur  était  présenté  et  l'esclavage  qui  en  était  la  suite,  sans  qu'en  un  mot  l'un 
ait  |)u  devenir  pour  eux  le  signe  de  l'autre.  Le  besoin  de  manger  était  seul  re- 
veillé en  eux  à  la  vue  du  pain.  » 

Le  moulim  doinestiipie  est,  après  le  coclion  d'Inde,  le  plus  idiot  de  tous  les 
aiiiinaux  soumis  à  la  servitude;  et  la  domesticité,  en  acbevant  de  le  dépouiller 
de  la  l'aible  \y,\vl  d'instinct  (pii  lui  avait  été  dévolue  par  la  nature,  en  a  fait  une 
sorl(>  de  macbin(;  vivante,  dont  toutes  les  conditions  d'existence  gisent  dans  les 
soins  intéresses  que  l'bomme  lui  accorde.  Abandonné  à  sa  propre  conduite, 
dans  le  climat  le  plus  favorable,  un  troupeau  n'existerait  pas  deux  mois,  et  tous 
seraient  morts  de  misère  ou  par  la  dent  des  animaux  carnassiers,  avant  ce  terme. 
Non-seulement  les  moutons  n'olfrcnt  aucune  résistance  à  l'ennemi  qui  les  atta- 
(jue,  mais  ils  ne  cbercbent  pas  même  à  prendre  la  fuite,  et  ils  se  bornent  à  un 
vain  simulacre  de  courage  en  fra|)|)ant  la  terre  avec  leurs  pieds  de  devant.  Qu'un 
loup  se  présente,  aussitôt  le  troupeau  entier  s'arrête,  le  regarde  avec  une  stu- 
pide  curiosité,  et,  si  l'animal  féroce  cesse  d'approcber,  eux-mêmes  iront  à  sa 
rencontre  en  frap|)ant  du  pied.  Lorsifue  le  loup  s'élance  pour  en  prendre  un, 
tous  fuient  avec  désordi-e  et  en  se  pressant  les  uns  contre  les  autres;  mais  en 
cessant  de  voir  leur  ennemi  ils  oublient  leur  crainte,  et  à  cent  pas  de  là  ils  s'ar- 
rêtent et  se  retournent  pour  le  regarder  de  nouveau;  doù  il  résulte,  que  si  le 
ravisseur  a  manipiè  son  coup  une  première  fois  il  ne  le  manquera  pas  une  se- 
conde ou  une  dixième  fois.  Lorsqu'il  gagne  les  bois  en  empoilant  une  victime,  tous 
le  poursuivent  au  pas  de  coiu'se,  et  le  berger  a  beaucoup  de  peine  a  les  retenir. 
Lorsipie  des  moulons  sont  en  marcbe,  si  l'un  de  ceux  qui  va  en  tête  s'arrête 
devant  la  plus  légère  barrière,  tous  les  autres  en  font  autant,  et  on  les  tuerait 
plutôt  que  de  les  faire  avancer;  le  berger,  dans  ce  cas,  n'a  qu'une  ressource, 
c'est  d'en  porter  un  de  l'autre  côté  de  l'obstacle,  et  alors  les  autres  passent. 
Mais  si.  au  ciMilraire,  poussé  par  quelque  imbécile  fiènésie,  le  premier  mouton 


CHEVKtS. 


îô«> 


se  jelle  (liiiis  un  preci|)ice  ou  dans  une  rivière,  les  aulres  s'y  lancent  après  !iii 
sans  la  moinilre  liésitalion.  Celte  stupidité  autoinati(pie  se  relronve  dans  toiilcs 
les  habitudes  de  leur  vie.  Je  ne  m'étendrai  pas  sur  l'utilité  (pie  l'iionime  retir<' 
de  ces  animaux,  soit  par  leur  laine,  soil  par  leur  chair.  Pei'sonne  n'ignore 
les  divers  services  qu'ils  rendent  aux  arts  industriels,  à  la  consoinnuilion  ali- 
mentaire et  à  l'agricidture.  Aussi  le  mouton  est  peut-être  de  lous  les  animaux 
celui  (pii  a  été  h;  plus  li'availlé  par  l'honnuc,  et  n!i;i  dont  il  a  ohleiui  les  ré- 
sultats les  |)lus  vaiiés.  ^'ous  nous  hornerons  ici  à  mentionner  les  races  les 
plus  remartpuibles,  en  faisant  observer  que  toutes  ne  paraissent  |)as  descendre 
uniquement  du  mouflon,  mais  bien  de  son  croisement  avec  les  ovis  et  avec  les 
ciipra.  Ceci  est  si  vrai  ({u'il  serait  impossible  aux  naturalistes  de  décider  si  cer- 
taines variétés  doivent  être  classées  avec  les  chèvrc^s  ou  avec  les  moulions. 


'tm 


II. 


i;i  Mi>  \>  I  s 


L^  Belirr  ,1e  f;,,!.. 


I"  Lf  Mol  loA  (h;|ii\ui;k  (  (  lis  cnyoj  a  a  \  .t;(ic 
l'on  Iroinc  diiiis  proqiic  loiilr  IKiiioiic,  cl  dont 
U's  moulons  d'Kspiifinc  on  nicriiios,  d' AngIclorTc, 
ne  sonl  qui'  «.'es  \;nic'l(  s  Iml  iionihiTusrsfn  sons- 
vjiri(-lc'.'-. 

i"  Le  MoiTo.\  Ai\  i.oxdijKS  JAMiits  {(ivh  g)ii- 
iireiuh),  n"ni:nqn;d)lc  piu-  s;i  gnnide  (îiillc.  Ses 
|trincip;iU'.s  son.s-\arick's  sont  le  .Vom-Ji  ;  —  le 
Moiildu  (l'Afiitjve  {(.'lis  (:frnana),(\(m{  nons  rc- 
pnscnlons  ici  le  lu'Wvr  ;  —  le  Mimlon  (llAlùniùc 
(  ()v\s  (rlh'injiuu). 

.>"  \.C  MoiTo^  A  LAïuii;  yi  •' I  I  [Oi  is  hiliriin- 
('nld  ),  si  r(ni.n(|n;dik-  \r,\v  hi  l.inpc  «'"lisscnse 
(jni  cntonro  I;i  (picnc  cl  hi  fjiil  peser  qncUpicJois 
jusqu'à  cinti  on  six  kil  .{jiannncs.  Ses  prineijialcs 
Xiiiiclcssont  ;  -  k'  Sl(iit(>iii,gii  [Ons  sli  atopi  qii) 
de  la  Perse,  de  la  Rnssio  nieiidionalc  cl  de  la 
(liine  ;  —  le  Mouton  à  grosse  qt  ciir,  (jni  liahile 
la  hante  K}i\pte;  -  \t:  Monlon  sans  qiinu  (0ns 
ciaii'iala]  Au  même  pa>s,  mais  dont  la  loupe 
Hiaissense  est  aux  fesses  cl  dont  la  (jncnc,  1res 
firéle,  n'a  pjvs  pins  de  deux  ponces  i(t,(i;)ij  delon- 
gnem-;  —  le  M<ii,toii  il  AsiKiKiii  dont  l'af^nean 
lonrnit  une  Ires-belle  foumne;  —le  Mouton  iln 
Cn/),  elc.  Qneliines  uns  de  ces  animaux  ont  la 
queue  si  lourde,  (pie  dans  ecriaine  partie  de  I  A- 
Irirpie  on  est  ol)lige  de  la  faire  poi  Ici'  par  un 
petit  chariot  (|uc  l'animal  Iraiiie  a|trcs  lui 

•'<"  Le  MeiTox  n'Isi.AXDK  \(>ns  }olueiulo, 
Lm.  Ovis  golhhnitlha,  Pai.i..  ),  que  nnnsavons 
re|»résentc  a\ee  ipialre   cornes,  cl  ipii  (piel(pic- 


Inis  en  a  cin(|,  six,  jns<pi'à  lunl,  cl  d'anires  fois 
seulement  trois.  Sa  cpiene  (  si  (ourle,  et  son  pe- 
lage, ordinairenuni  d'un  hrmi  ronssàlrc, a  Irois 
sortes  de  poils. 

o"  Le  MciTo.x  Dii  Valachik  iOtissIirpshn-ns), 
à  laine  très-longue  et  alxiudante;  à  cornes  lon- 
gues et  en  spirale  comme  celles  d'une  antilope 
eondouia. 

L'AïKJAi.i  {('.(Il  ra  iinifili.—  Oii^  or^uli,  Hodd. 
Ons  inninon.  DisM.  .Iqnicnis  (iii,(iH,  IVu.i . 
Ciipraawuion.  Ln.l  est  de  la  taille  d'un  daim  ; 
e,i  élé  son  |!elage  est  d'un  iiv'is  fauve  en  dessus, 
passant  au  rougeàlre  clair  en  dessons;  il  a  sur 
le  dos  111)1'  li; ne  jiMuiàlie  et  une  l;irge  t:iche  de 
la  même  couleur  sur  les  fesses;  en  hiver  son  pe- 
lade devient  pli.-  roiiss.iire.  Le  ni.ilea  les  cornes 
fort  grandes,  triangulaires,  tiés-forles,  aplaties 
(H  di\anl,  striées  en  travers;  la  femelle  les  a 
pres(pie  lisses  et  Irês-nnnccs.  L'argali  haliile  les 
régions  froides  ou  tempérées  de  l'Asie,  les  slep- 
pesdcla  Silicrie  méridionale,  le  pied  du  plateau 
de  la  'l'alarie,  elc.  l'arlont  il  est  redierché  pour 
>a  chair  el  sa  graisse.  Ses  mœurs  soid  les  mêmes 
que  celles  du  monllon.' 

Le  Mi-.\ttic  [C.aina  mouliinii.  ---  Oiis  nioi- 
tinia  (iKOFF.  —  Dfnv.  non  Oim.  )  est  presque  de 
la  taille  d'un  cerf;  >es jambes  sonl  longues,  son 
cor|)ss\cllc,  el  son  chanfrein  presipic  droit  ;  son 
pj'Iagc  est  roide,  court,  grossier,  d  un  brun 
n  ai  ron  leinc;  ses  fesses  sonl  d'un  blanc  |)nr: 
ses  c  'l'iies  sont  r("t;uliciemeiil  ((Hiibees  en  spi- 


C.IIKVUKS 


'<(>! 


liilc  cl  tics-f-n.ss.'s.  I  ;i  r,'ni(lli';i  dos  propor-  dos  n.iluralislos)  est  do  la  RiMiidoiir  d'iiii  iiioii- 
iKMis  plus  polilos.  Il  iiahito  los  iii(Hilii{.iio.s  du  lou  oïdinairo  ;  sduolianlroiii  osl  pou  aiijuo  ;  son 
(  aiiiida.  par  In.upos  do  (piiiizo  a  viiipl.  CVsl      pol.iyo,  doux,  roussàlro.  lui  loinio  luio  st.rle  de 


pr(.li,d)!otii<'iit  UNO  variole,  ol  niomo  hion  Icj^oi'o 
(le  l'argali. 

1.0  MoiiFLOM>'.\Fiiiyi  K  iCitiDii  onialn.-Oiis 
Kitiu'n  Geoff.  Cris  tragelaphus,  Ci  v.  -  I)ks>i. 
r.o  Mniil'nii  barbu  ol  lo  MoiifUni   à  inoiu  hrihs 


orniioro  suc  lo  ooii,  ol  do  loufis  poils  lui  dessi- 
iioul  dos  niaiiohollos  aux  poiuiiets.  Ses  cornes 
^()ul  uicdioci-os,  plus  lart>cs  sur  leur  face  anlo- 
riour»',  ol  non  conlouruoos  ou  spiialo.  Il  haltilo 
la  linulc  KfiNplo  o(  k»  Barlcuic. 


^     ^^-rX^ 


'4X.''  -^i,\.. ,  aVP*i 


462 


I.KS    UlJMIiNAiNTS. 


0è-'    *>£!«* 


\<^/ 


''^^^^'^^^^^r^i 


LKS   HOKIFS 


N'ont  |)()iiit  de  Inrniicis,  et  le  noyau  de  leurs      haut  et  huit  en  bas;    point  de  canines;  douze 
cornes  est  en  partie  celluleux;  leurs  COI  lies,  plus     molaires  à  chaque  inàchoiie.  Us  ont  un  large 


ou  moins  arrondies,  sont  dirigées  de  coté  et  re- 
viennent en  avant  vers  le  haut  en  formant  le 
crois'-ant. 

18'   (icMiE.  Les  BŒUFS    ^hoa.   Lin.)  ont 
trente-deux  dents,  savoir  :  point   d'incisives  en 


mulle,  le  corps  épais,  les  jambes  fortes  et  assez 
courtes  ;  des  onglons  derrière  les  sabots  ;  la 
queue  assez  longue,  terminée  par  un  flocon  de 
|)oils,  et  quatre  niimielles  inguinales.  Tous  ces 
animaux  sont  lourds  et  de  grande  taille. 


Le  BOEUF  ORDINAIHK  Bos  lai  lits.  Lin.  —  Dksm.  Bos  hiiliciis,  variété  k' Zé//». 
Le  ZéOn  et  le  Bœuf,  Buff.  : 

Est  originaire  de  l'ancien  continent,  et  particnliérenient  de  rEiiro|)e,  comme 
on  a  pu  s'en  assurer  par  ses  nombreux  débris  fossiles,  (jui  ne  sont  pas  rares  en 
France,  sitrtout  dans  la  vallée  de  la  Somme.  Sa  faille  est  plus  ou  moins  grande, 
selon  les  climats  et  les  variétés.  Son  pelage  varie  beaucoup,  mais  généralement 
il  est  blanc,  brun,  noir,  ou  [dus  souvent  encore  d'un  rouge  lauve,  toujours 
lisse  et  ras;  un  large  fanon  lui  pend  sous  le  cou  jus(pi'entre  les  jambes  de  de- 
vant; son  front,  concave,  est  paré  d'un  épi  de  poils  frises  ou  crépus;  ses  cornes 
sont  arrondies,  latérales,  arquées,  et  le  plus  ordinairement  déjetées  en  debors. 

Le  zébu  de  Buffon  [Bos  indiens,  Exrl.)  en  est  une  variété  extrêmement  re- 
mar(|uable,  et  (lui  s'en  distingue  particulièrement  par  sa  taille  généralement 
plus  petite,  et  surtout  par  une  on  deux  bosses  graisseuses  (|n"elle  [)orte  sur 
le  garrol.  (lette  race,  comme  celb;  du  bcpuf  ordinaire,  présente  aussi  un  assez 
bon  nombre  de  variétés,  parmi  les(iuelles  nous  disliiigiierons  celle  de  Mada- 
gascar, la  plus  grande  de  toutes,  n'ayant  quime  seule  loupe  graisseuse,  el  dont 


ENCLOS  DES  CHEVRES  ET  MOUTONS  D'ISLANDE. 

PBÈS    LA    FOSSE    \l:\   Ol   RS 

(    J.rdiii    df,    Pl.nt. 


lu  h;  II- s  '.«3 

la  chair  exhale  mie  désagréable  oileiir  de  l^U:^c;  celle  de  lliide,  doiil  l,i  laille 
(|iielfiiiefois  ne  dépasse  guère  celle  d'un  cochon,  etc.  Ordinairement  le  pe- 
lage de  ces  animaux  est  gris  en  dessus,  blanc  en  dessous,  mais  il  est  très-sujel 
à  varier.  Cetle  race  se  trouve  dans  les  parties  chaudes  de  l'Inde  et  île  l'Asie. 
C'est  à  elle  (ju'il  faut  rapporter  le  Taureau  hraliiniiir,  privilégié  dans  les  Indes 
et  consacré  an  dieu  Siva,  parce  qu'un  individu  de  cette  race,  le  bœuf  Nnudi,  a 
seul  le  privilège  de  porter  la  statue  de  ce  terrible  dieu.  Ces  bœufs  vivent  dans  des 
temples  où  on  leur  luodigue  mille  soins  res[)eetneux,  et  tontes  leurs  fonctions 
se  bcM'nenl  à  servir  de  monture  au  brahmes.  Connue  le  peuple  les  respecte 
beaucoup,  ils  peuvent  impunénuMit,  ([uaud  tel  est  leiii-  bon  plaisir,  dévaster 
les  champs  cnltivi's,  pénétrer  dans  les  clos,  nuMne  dans  les  maisons,  pour  aller 
prendre  et  gaspiller  la  nourriture  des  hal)itants  jusque  sur  leur  table.  A  cela 
prés,  ce  sont  de  tous  les  bœufs  les  plus  inoffensifs. 

Notre  bonif  ordinaire  offre  aussi  de  nombreuses  variétés,  en  raison  des  loca- 
lités, et  l'on  pourrait  en  compter  jusipi'à  seize  assez  Itien  tranchées,  sans  sortir 
de  la  France.  Cela  seul  suffirait  pour  constater  la  haute  antiquité  de  sa  servitude, 
si  l'on  n'avait  pas  des  documents  sur  ce  sujet  dans  la  plupart  des  écrits  qui  nous 
sont  restés  des  plus  anciens  peuples  de  la  terre.  Il  serait  plus  difficile  de  dé- 
terminer à  quelle  époque  le  type  sauvage  de  cette  espèce  a  disj)aru;  cej)endant, 
il  paraîtrait  qu'au  quinzième  et  même  au  seizième  siècle  on  trouvait  encore 
des  bœufs  sauvages  dans  les  forêts  de  la  Pologne  et  de  l'Angleterre,  si  toute- 
fois les  auteurs  n'ont  pas  confondu  l'espèce  du  bœuf  avec  celle  de  l'aurochs. 
Onoi  (pi'il  en  soit,  le  bœuf  est  un  des  animaux  indispensables  à  l'agriculture, 
et  de  première  utilité  pour  l'homme.  Au  joug  et  à  la  voiture,  il  rend  les  mêmes 
services  que  le  cheval,  et  s'il  est  plus  lent,  il  est  aussi  plus  vigouieiix  et  plus 
sobre.  Dès  qu'il  vieillit,  ou  l'engraisse,  et  sa  chair  excellenle  est  noire  [irincipal 
aliment  ;  sa  peau,  sa  graisse,  ses  cornes,  jus([u'à  ses  os,  tout  est  niilisé  et  d'une 
hante  imporlanct»  dans  les  arts  industriels.  Le  lait  de  sa  femelle  a  des  emplois 
aussi  nombreux  (pu*  variés,  et  souvent  il  devient  l'unique  ressource  des  pauvres 
familles  de  cultivateurs.  Enfin,  je  le  repèle,  il  n'est  i)as  d'animal  que  l'on  i)uisse 
mettre  en  comparaison  avec  celui-ci,  sous  le  rapport  de  son  importance  éco- 
nomique, et  avec  la  vache  et  la  brebis  on  pourrait  se  passer  de  tous  les  autres. 
Faire  ici  l'histoire  des  mœurs  de  cet  être  paisible  par  tempérament,  bon  servi- 
teur plus  par  stupidité  que  par  affection,  d'une  obéissance  passive,  sobre,  in- 
fatigable, nullement  capricieux,  ne  se  rebutant  jamais,  serait  tout  à  fait  hors 
d'oMivre,  car  il  n'est  i)ersonne  qui  n'ait  été  à  même  de  l'observer.  Seulement 
nous  ferons  remaniuer  (pie  cette  pesanteur  de  corp-,  celle  lenteur  d'allure  qu'on 
lui  reproche,  tient  plus  aux  habitudes  (pi'on  lui  donne  (ju'à  son  organisation. 
Dans  ((uelques  pays  on  dresse  des  bœufs  pour  monture,  et  ou  les  forme  à  mar- 
cher, à  trotter,  à  galoper  même,  avec  presque  autant  de  vitesse  qu'un  cheval. 
En  Allemagne,  les  bœufs  de  chariots  ont  une  allure  deux  fois  plus  vive  que  les 
nôtres,  parce  qu'on  les  y  a  habilués  dès  leiu' jeunesse.  La  vache  porte  neuf  mois, 
et  ne  fail  cpi'un  petit  par  portée. 

L(>  lîii-.i.E  (Bo.s-  bnbaliis,  Gml.  -  Oksii.  Le     l'Cii  moins;  il  a  le  front  clevo,  arrondi,  ce  qni 
liiifIJc,  tii  iK.  )  est  de  la  faille  du  l):i'ur,  on  liés-      l 'il  |)arailre  son  chanl'rein  concave;  son  pclnjje 


'Kii 


LKS  UlJMIiNANTS. 


csl  iioif,  il  piiilN  (liirsi'l  iissc/.  cljiii-sciiu's  ;  son 
liiiutii  csl  peu  il('vrl()|)|)(';  ses  (-(M'iics  stiiil  noires. 
Ircs-rc.irlccs  rnnc  di-  l'anli'c,  iivoc  inic  aii'lc 
saillanic  en  avant;  s;i  queue  est  lonjjue  el  pen- 
(l;tnle;  ses  mamelles  sont  sur  une  uièuic  ligne 
lians\eise.  Il  vil  en  Ironpes  uomhrenses  dans 
les  prairies  liasses  el  maréeaffeuses  on  il  aime  à 
MManIrer  dans  la  fange.  Son  caraelère  esl  fa- 
rouche, indomplaltle  ;  el  pour  tirer  queUpie  ser 
v:ce  de  eeu\  (|ni  sont  le  mieux  apprivois 's,  il 
faut  leur  passer  dans  les  nai  ines  un  anneau  de 
fer  au  moyen  duquel  on  les  dirifje.  Il  esl  orif^i- 
naire  de  l'Asie  méridionale,  d'oii  on  l'a  amené 
en  Afrique  el  en  Kurope.  Il  s'est  parfaifemenl 
nainralise  en  drèee  el  en  llalie  flans  les  Mar.iis 
i'onlins. 

On  doit  regarder  connue  sin)ple  variété  de 
celle  espèce. 

[/Akm  ( /J./.s  (inii.  SH*^^  ),  (pii  n'en  dillere 
que  par  .ses  cornes  i>lus  grandes,  longues  de 
(juatre  à  cinq  pieds  (0,1(18  à  (),i  :>),  ridées  sni- 
leur  conca\il('.  et  un  peu  aplaties  <"n  avaid  (ti 
le  trouve  |irin(i|)alenient  dans  les  hanles  moii- 
lagnes  de  l'Indoslan  el  dans  les  iles  de  l'archiiiei 
indien. 

I,e  (iorit  on  (Ixoiii  {lins  (jony,  Tiuill.  Le 
l'iirarah  et  le  iidiinii  des  Indousja  de  l'ana- 
logie avec  1  arni,  mais  son  pelage  est  d'un  noir 
assez  foncé,  tirant  sur  le  l)leuàtre  ;  ses  cornes 
sont  courtes,  épa'sses,  frèsiecourbées  vers  le 
l)out  et  nii  peu  rugueuses  ;  son  pelage  est  ras, 
sa  (piene  épaisse,  el  le  mâle  n'a  pas  de  fanon 
pendant  sous  le  cou  ;  mie  singulière  rangée  d'os 
épineux  el  accessoires  lui  voûtent  régniiére- 
nienl  le  dos    Cet  animal  esl  stupide  jusipi  à  la 


lerocil(",  el  son  courage  lirnlal  ne  recule  de\anl 
.lucun  danger.  Il  vil  en  Iroupes  de  quiir/e  a 
vingidansia  pi-ofondeur  des  forets  de  l'Inde, 
où  il  se  noni'ril  de  leuillis  ei  de  liourgeons  d'aï- 
bres. 

Le  jL,\(;i.i(iAU  {  lios  /nnildlis,  (1.  Cix  l',i,s 
siilliitainis.  Fit.  Cdv.  1  viiiidll,  I,,vvii.  Le />rc/// 
(Ifs  jougifs  de  Divaic.  )  a  de  l'analogie  avec 
notre  taureau  (l(imesli(iue,  el  comme  lui  il  |)oi'le 
un  fanon  |)endaiil  sur  la  poilrine.  .Son  pelage 
esl  conslanunent  noirâtre,  avec  les  (jualre  jam- 
lies  hianclies;  il  a  le  front  gris,  ainsi  (pi'iine 
hande  lougilndinale  sur  le  garrot  ;  le  tour  de 
son  M  il  est  cendre,  el  celui  des  lèvres  Idinclii 
Ire;  il  a  une  loupe  graisseuse  [)eu  saillante  sur 
les  éiiaules;  sa  (piene  est  cotonneuse.  Il  liahile 
Ifnde,  principalement  an  pied  des  monlagiies 
du  Sylhet. 

L'Ariiociis  (  lliis  unis,  Hood.  —  Dessi.  I'.os 
In-iis,  L\K.  L'.iiiioihs  et  le  Bmrt-K.sde  I5i;fi'. 
Le  Hoiiosff.s  d'AitisTOTE.  Le  Ziilir  des  Polonais) 
est  le  plus  grand  des  Ixeufs  vivants,  el  sa  taille 
appioclie  lie.iucoup  de  celle  d'un  ihinoccros. 
Son  pelage  est  conipos;'  de  deu\  sortes  de  poils, 
celui  de  dessous  laineux  et  doux.  Le  devant  du 
corps,  juscju'aux  epaides,  est  couvert  de  poils 
bruns,  durs  et  grossiers,  .surtout  a  la  poiiile, 
long  de  près  d'un  pied  ((),.ï-2,"))  ;  le  dessous  de  sa 
gorge,  jusqu'au  poitrail,  esl  garni  d'une  longue 
liarhe  peud'iite  ;  oui  le  l'este  du  corjis  esl  cou- 
vert de  poils  ras,  eourls,  d'mi  hianc  noirâtre  ; 
son  Iront  esl  bomhé  ;  ses  cornes  sont  grosses, 
rnmles,  latérales;  sa  queue  est  très-longue.  En- 
l'n  il  a  quatorze  paires  de  côtes,  tandis  que  les 
lioMils  n'en  ont  ()ue  douze. 


Il  paraît  que  col  animal  haiiilail  aiilrefois  lmi((!  l'Eiiropo,  cl  (in'ij  claif  assez 
cominmi,  même  en  France,  dans  les  forêts  marécageuses;  anjourdliiii  on  ne 
le  fioiive  ]>|iis  que  dans  un  eaiilon  de  la  Lillmanie,  et  encore  gfâce  au  seigneur 
dont  il  peuple  les  (orèls,  et  (pii  les  l'ait  garder  avec  soin,  l.e  lendemain  du  jour 
on  un  noMe  palatin  l'aura  ordonné,  un  des  pins  puissants  animaux  (h\  la  terre 
aura  complètement  disparu  de  dessus  le  globe,  et  ses  o.ssemenis  fossiles  lénioi- 
gneront  seuls  de  son  existence  passée.  Si  on  s'en  rapporte  à  Cililierl,  l'aii- 
rochs,  étant  pris  jeune,  s'apprivoise  assez  aisément,  devir'nt  docile,  el  <  aresse 
même  la  main  de  son  gardien  en  la  léchant.  Cet  auteur  dit  en  avoir  oh.servé 
qnalre  jeunes,  pris  dans  la  forêt  de  Hialoviezenski.  «  Ils  réinsèrent  d<'  leter  des 
vailles,  dit-il  ;  on  leur  lit  leter  des  chèvres  posées  a  leur  hauleur  sur  une  laide  ; 
quand  ils  étaient  rassasies,  d'un  coii|i  de  tète  ils  jelaient  leur  nourrice  à  six  ou 
huit  pieds  de  dislance.  Oiiand  ils  funuit  grands,  la  vue  d'un  étranger  et  la  cou- 
leur rouge  les  mettaient  en  colère  Dans  la  forêt  de  Bialoviezenski,  les  aurochs 
ne  s'ecarlent  pas  des  rivages;  ils  en  hroiitent  Iherhe  en  èlé,  et  en  hiver  ils  S(! 
nourrissent  de  pousses  des  arbustes  et  des  lichens.  Dans  le  temps  i\u  riil,  les 
mâles  combattent  entre  eux,  et  la  chasse  en  est  alors  très-perilleiise.  D'un  coup 
de  tête  ils  brisent  des  arbres  gros  comme  la  cuisse.  »  |.;i  fenudle   poile  onze 


BOEUFS. 


iG") 


mois  et  met  bas  un  seul  petit.  On  croit,  mais  ceci  me  paraît  douleux,  qu'il  existe 
encore  quelques  rares  aurochs  dispersés  dans  les  montagnes  du  Caucase  et  les 
monts  Krapachs. 


Le  BiFFLE  DU  Cap  (Ros  caffcr.  SPARM.)est 
plus  grand  et  plus  massif  que  le  buffle  ordinaire; 
son  pelage  est  dur,  fort  serré,  d'un  brun  foncé, 
composé  de  poils  d'nn  pouce  (0,')27)  de  lon- 
gueur ;  ses  oreilles  sont  un  peu  pendantes  et 
couvertes  par  les  cornes;  son  fanon  est  grand 
et  pendant  ;  ses  cornes  sont  noires,  très-larges 
et  aplaties  à  leur  base,  qui  couvre  le  front  :  elles 
sont  dirigées  de  dedans  en  dehors  et  en  bas. 
puis  relevées  à  leur  pointe.  11  habite  en  troupes 
nombreuses  les  forèls  les  plus  épaisses  de  l'A- 
frique méridionale,  depuis  le  Cap  jusqu'en  Gui- 
née. Dans  ses  bois  il  est  très-redoutable  et  ne 
manque  jamais  de  se  lancer  avec  furie  contre 
tons  les  êtres  vivants  qu'il  rencontre;  dans  la 
plaine,  il  est  plus  circonspect  sans  être  moins 
farouche,  et  il  n'attaque  pas  l'homme  à  moins 
qu'il  en  soit  lui-même  attaqué. 

Le  Yack  {Bns  gruniiieus,  Lis.  —  Desm.  La 
l'arJic  de  Tatarie ,  de  Biff.  La  Vache  grn- 
(jna)ile  de  Tatarie,  Sciireu.  Le  Bœuf  du   Thibet 


de  quelques  voyageurs.  r.c5i-n(jon  des  Chinois. 
Le  Bœuf  à  queue  de  cheval  ],  a  quatorze  paires 
de  côtes  connue  l'aurochs,  et  constitue  par  con- 
séquent une  es|)ècc  tout  à  fait  distincte  du  bufOc 
et  du  bœuf  domestique,  quoi  qu'en  aient  pensé 
Pallas  et  Cuvier.  Cet  animal  a  quelque  ressem. 
blance  de  forme  avec  le  buflle,  mais  il  en  dif- 
fère sons  de  nombreux  rapports.  Il  a  sur  la  tète 
une  grosse  touffe  de  poils  crépus,  et  une  sorte 
de  crinière  sur  le  cou;  son  pelage  est  noir, 
assez  lisse,  presque  ras  en  été,  plus  fourni  et 
hérissé  en  hiver  ;  le  dessous  du  c()ri)s  et  la  nais- 
sance des  quatrejambes  sont  couverts  de  crins 
très-touffus,  très  longs  et  tombants;  sa  queue, 
très-souvent  blanche  et  entièrement  g;irnie  de 
longs  crins,  ressemble  à  celle  d'un  cheval  ;  les 
cornes  sont  unies,  rondes,  latérales,  h  poin- 
tes un  peu  recourbées  en  arrière;  l'animal 
porte  une  loupe  graisseuse  sur  le  garrot,  et  les 
quatre  mamelles  du  mâle  sont  placées  sur  nue 
ligne  transversale. 


Le  yack,  à  l'étal  sauvage,  ne  se  trouve  guère  que  dans  les  étages  les  plus  froids 
des  montagnes  qui  séparent  le  Thibet  du  Boutan.  C'est  alors  un  animal  farouche, 
irascible,  dangereux,  qui  se  plaît  sous  l'ombrage  des  forêts  bordant  les  rivières 
où  il  aime  à  se  baigner  et  à  nager  pendant  les  ardeurs  du  jour,  et  à  se  vautrer 
dans  la  fange.  IMié  à  la  domesticité  par  les  Mongols,  il  a  un  peu  perdu  de  sa 
brutalité  naturelle,  et  il  est  devenu  un  animal  tré.s-utile.  Son  lait  s'emploie 
comme  celui  de  nos  vaches  ;  de  plus,  après  lui  avoir  fait  subir  certaine  prépa- 
ration pour  le  réduire  en  beurre,  les  Talares  nomades  le  renferment  dans  des 
sacs  de  cuir,  et  en  font  un  commerce  assez  considérable  dans  l'Asie  centrale. 
On  emploie  cet  animal  à  porter  des  fardeaux,  à  tirer  des  chariots  et  même  la 
charrue;  mais  malgré  cela  son  caractère  n'en  est  i)as  moins  resté  inquiet  et  peu 
sociable.  Peu  accessible  au  sentiment  de  la  reconnaissance,  il  tolère  tout  au 
plus  la  familiarité  de  son  maître,  ne  lui  obéit  que  de  mauvaise  grâce,  et  ne  sup- 
porte rien  des  étrangers.  Un  rien  l'inquiète,  le  met  en  colère  ou  du  moins  lui 
donne  de  l'humeur,  et  c'est  alors  qu'il  fait  entendre  continuellement  cette  sorte 
de  grognement  que  l'on  a  comparé  à  celui  d'un  cochon.  Sa  chair  est  estiméo, 
son  poil  sert  à  faire  des  étoffes  grossières;  mais  sa  queue  surtout  a  une  grande 
valeur  commerciale.  Chez  les  Musulmans,  attachée  au  bout  d'une  lance,  elle  est 
l'insigne  de  la  dignité  de  pacha,  et  cette  dignité  est  d'autant  plus  élevée  que  c<'Iui 
qui  en  est  revêtu  a  le  droit  de  faire  porter  devant  lui  plusieurs  de  ces  queues; 
aussi  dit-on  un  pacha  à  deux,  à  trois  queues,  etc.  Les  Chinois  les  recherchent 
beaucoup  aussi,  mais  c'est  simplement  pour  les  porter  sur  leurs  bonnets,  après 
les  avoir  fait  teindre  en  rouge.  On  eu  fait  aussi  des  chasse-mouches,  elc 

59 


4()(i  LES   llUMINAiNTS. 

Le  Bison  (  lios  biso»,  F.iixi,.  Uns  amrricnnus,  cou,  le  dossoiis  de  son  menton  et  ses  épanles 

(iîHi,.  —  Des.m.  Le  Bismi,  Fr.  Cijv.  Le  Btiffaln  portent,  an  contraire,  nne  sorte  de  crinière  de 

des  Anglo-Américains  ).  Cet  animai  a  les  for-  poils  laineux,  très-longs  et  très-serrés;  sa  queue 

mes  trapues,  la  croupe  et  la  tète  basses  et  le  est  assez  courte,  terminée  par  un  flocon  de  longs 

garrot  très-haut.  Sa  tète  est  courte,  grosse;  crins;  sa  couleur  générale  est  d'un  brun  fnligi- 

toutes  les  parties  de  son  corps  sont  recouvertes  neu\  plus  ou  moins  fonce  ;  enfin,  ses  cornes  sont 

d'un  poil  court  et  serré  ;  son  chanfrein ,  son  petites,  latérales,  séparées,  noires  et  arrondies. 

Le  bison  habite  dans  tontes  les  parties  tempérées  de  l'Amériqne  septentrio- 
nale, et  notamment  le  Missonri  et  les  montagnes  Rocheuses.  L'été  il  vit  dans 
les  forêts,  mais  il  ensortau  printemps  pour  parcourir  toutes  ces  vastes  contrées  du 
luidi  au  nord,  et  en  automne  pour  les  parcourir  du  nord  au  midi.  Dans  ces  sortes 
d'émigrations,  assez  irrégulières,  du  reste,  ces  animaux  marchent  en  troupes 
nombreuses,  souvent  de  vingt  mille  et  plus,  si  l'on  s'en  rapporte  à  quehpies  voya- 
geurs, et  ilssont  tellement  serrés  les  uns  contre  les  autres,  que,  ceux  dederrière 
poussant  ceux  de  devant,  ils  brisent  et  dévastent  tout  ce  qui  se  rencontre  sur 
leur  passage.  Lorsque  le  front  d'une  de  ces  formidables  colonnes  rencontre  un 
obstacle  invincible,  il  s'arrête  ;  mais  ceux  de  derrière  continuant  de  marcher  en 
avant,  il  en  résulte  une  foule,  une  cohue  tellement  épaisse,  que  beaucoup  des 
plus  faibles  périssent  écrasés  et  foulés  aux  pieds  par  les  autres.  En  été,  ils  se  sé- 
parent par  couples  ou  par  petites  troupes  conduites  par  deux  ou  trois  vieux  mâles, 
et  ils  se  retirent  dans  le  fond  des  forêts  marécageuses.  Comme  leur  cuir  et  lein- 
chair  sont  fort  estimés,  les  Indiens  se  réunissent  pour  leur  tendre  des  pièges  et 
leur  faire  la  chasse.  Il  n'est  pas  rare  qu'ils  réussissent  à  les  faire  entrer  dans  des 
enceintes  de  pieux  d'une  immense  étendue,  et  alors  ils  en  tuent  douze  à  quinze 
cents  dans  une  seule  chasse,  du  moins  si  l'on  s'en  rapporte  au  capitaine  Franklin, 
qui  dit  l'avoir  vu. 

Le  bison  est  farouche,  mais  non  féroce.  Il  fuit  devant  l'homme  et  ne  l'attaque 
jamais,  à  moins  cependant  qu'il  en  ait  été  grièvement  blessé.  Dans  ce  cas  il  se 
retourne,  se  précipite  sur  le  chasseur,  et  malheur  à  ce  dernier  s'il  n'est  monté 
sur  un  excellent  cheval  ;  non-seulement  le  bison  l'attaque  avec  ses  cornes,  mais 
encore  avec  ses  pieds  de  devant,  qui  sont  poiu"  lui  une  arme  favorite  et  terrible. 
La  ménagerie  en  a  possédé  plusieurs  individus,  entre  autres  une  femelle  qui  y 
a  mis  bas.  D'après  Raffinesque,  le  bison  ne  serait  pas  indomptable  comme  on 
l'a  dit,  et  il  serait  domestique  dans  les  fermes  du  Kentuckey  et  de  l'Ohio.  Il  se 
plaît  et  s'accouple  avec  les  vaches  ordinaires,  et  produit  des  métis  qui  ont  la 
couleur,  la  tête  et  la  demi-toison  du  bison,  son  dos  incliné,  mais  pas  de  bosse  sur 
le  garrot.  Ces  métis  s'accouplent  indifféremment  entre  eux  ou  avec  leurs  pères  et 
mères,  et  produisent  de  nouvelles  races  fécondes,  ce  qui  prouve,  selon  l'opi- 
nion de  Ruffon,  que  le  bœuf  et  le  bison  formaient  originairement  une  espèce 
unique. 

17e  Ge.\be.  Les  OVIBOS  (  Ovibos  ,  BLAl^^.  )  de  la  tète,  puis  se  relevant  brusquement  de  côté 

ont  la  même  fornnile  dentaire  que  les  bœufs  ;  et  en  arrière  ;  ils  n'ont  pas  de  l)arbe;  leur  queue 

ils  manquent  de  mufle,  et  leur  chanfrein  est  est  très-courte  et  leurs  membres  sont  robustes, 

assez  fortement  busqué,  comme  dans  les  mou-  L'Ovinos  musqué  {Ovibos  mosrhalus,  RLAl^v. 

Ions  ;  leurs  cornes  sont  tiès-larges,  se  louchant  —  Desm.  Bos  moschahis,  Li\-  Le  Boeuf  tniisqué, 

à  leur  base,  sappliquant  ensuite  sur  les  côtés  Bupp.  )  est  beaucoup  moins  grand  que  le  bœuf 


BOEUFS. 


.'Km 


et  dIIic  un  peu  l'aspecl  d'un  très  gros  inoulon  ; 
sou  peUige  se  compose  de  deux  sortes  de  poils, 
l'uu  doux  et  Iniueuv  en  dessous  ,  l'autre  grossier 
et  fort  long  eu  dessus.  Sa  couleur  géuérale  est 


le  brun  loucé  ;  son  chanfrein  est  nrqiié,  et  sa 
bouche  fort  petite;   ses  cornes  sont  blanches, 
lisses,  fort  larges  <'i  la  base  et  se  touchant  près 
que,  surtout  dans  le  niàle. 


II habite  l'Amérique,  sous  le  cercle  polaire,  par  troupesde  quatre-vingts  à  cenl, 
parmi  lesquels  on  ne  trouve  que  deux  ou  trois  mâles.  A  l'époque  du  rut,  c'est- 
à-dire  en  août,  ces  derniers  sont  excessivement  jaloux,  et  se  jettent  avec  fureur 
sur  tout  ce  qui  approche  leurs  femelles  ;  ils  se  battent  entre  eux  jusqu'à  la  mort, 
et  le  mâle  vainqueur  fuit  dans  les  bois  avec  ses  conquêtes,  dont  quelques-unes 
restent  pour  consoler  les  vaincus.  Les  femelles  mettent  bas  un  seul  petit,  à  la 
lin  de  mai  ou  au  commencement  de  juin.  Rarement  ces  animaux  s'écartent 
beaucoup  des  bois,  et  ils  aiment  à  errer  dans  les  parties  rocailleuses  et  stériles 
des  montagnes.  Malgré  leur  lourdeur  apparente,  ils  gravissent  avec  beaucouj) 
d'agilité  les  rochers,  oii  ils  aiment  à  aller  paître  les  bourgeons  des  plantes  al- 
pines. Leur  chair  a  quelque  analogie  de  goiit  avec  celle  de  l'élan,  mais  elle 
exhale  une  forte  odeur  de  musc  qui  la  rend  détestable  pour  les  personnes  qui  n'y 
sont  pas  accoutumées. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE 


DES  NOMS  DE  GENRES. 


Nota.  Les  noms  d'ordres  sont  en  GRANDES  CAPITALES,  les  noms  de  familles  en  petites  c4pitales, 

les  noms  de  genres  en  caraetères  ordinaires,  et  les  noms  lalins  en  italique. 

Le  nom  des  espèces  figurées  est  précédé  d'un  as-térisque  (). 


Pages. 

Acinlliions,  Aianthioi) 564 

Aillo,  /Eilo 105 

*  Agouarapopé J47 

*Agouli 378 

Agoulis 377 

*AJ 580 

Ailiirus 144 

Alactaga 324 

Alcelaphes,   Alcelaphus -US 

Alouafes 46 

Anisonyx,    Anisonyx 3M 

A^TnnopoJIORPHES 1 

Antilncapra 435 

Aufilochèvres ib. 

*  Antilope  des  Indes 445 

Antilopes,  AniUope ib. 

A^TILOPEs 5i4 

Aonyx,  .■loui/.T 186 

Arclocephales,   Arclocephnlus.     ...  278 

Arctomijs 515 

Arctonyx,  Arctontjx 144 

Armardilles 587 

Artibées,  Artibens 91 

Arcicola 549 

Atalaphes  ,  Atalapha |02 

Ateles 50 

Aye-Aye 85 

Babiroussas ,  Babirussa 4  H 

Bathyergues,  Bathtiergiis 520 

Benturougs 148 

*  Bélier  de  Barbarie 4eO 

Blaireaux 153 

Boeufs 4g2 


Pujjcs. 

Bos 462 

Bosélaphes,  Bo.claphus 449 

*  Bouquetin 454 

Bradipes,  Bradlpus 384 

Cabiais 57.') 

Calocéphales,  Calocephaittf 274 

Camelopardalis 440 

Camelopardixées ib. 

Cmnehis.          427 

Campagnols 349 

Canis. 188 

Capra 454 

Caprorays,  Capromijs 454 

*Cara-Rayada 59 

*  CARNASSIKR.S  CHKIROPTÈKES, 

deuxième  ordre 86 

Jd.  DIGITIGRADES,  cinquième  ordre.  162 
/(/.  INSECTIVORES,  troisième  ordre.  112 
CARNIVORES  PLANTIGRADES,  qua- 
trième ordre 152 

CARNIVORES    AMPHIBIES,    sixième 

ordre 270 

*Castor  ou  Bièvre 554 

Castors,  Castor jd. 

Caria 574 

Cebns 54 

Célènes,  Celœno 105 

Céphalotes,  Ce/jha/o/es 110 

Cercocèbes,  Cercoccbus 21 

Cercopithecus 14 

*Cerf  de  Virginie 432 

Cerfs ib. 

Cervi capra 446 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Pages. 

Cervichèvres 4i(i 

Cerius ^32 

COAMEACS 42.> 

Chameaux 427 

Chamois 452 

Chat  domestique 255 

ClIATS 25  î 

Chats 236 

CUATS-VOLAMS 86 

Cheirogales,  Cheirogaleus 78 

Cheironiys 83 

Chevaux 416 

CufcvRES 454 

Chevrotains 429 

*ChiuchiUa 528 

*  Chien  de  Poméranie 188 

Chiens ib. 

1(\.  domestiques 188 

Id.  sauvages 193 

Chironectes,  Chironectes 287 

Chlamyphores,  Clilamtjphorus     .     .     .  388 

Chloromys 577 

*Choak-Kama 42 

Chrysochlorcs,  CMnjsorhlnris .     .     .     .  124 

Civettes 217 

*  Civette ib- 

Cladobates,  Cladobaie^ 121 

Coaïlas 50 

Coati-mondi 151 

Coatis 150 

Cobayes 574 

Cochons 411 

Cœlogenus ;     .     .     .     .  375 

Coeudous,  Coendii 565 

Colobes,  Colobus 20 

Condylures,  Conchjhtra 125 

*Cougar  .     .     .     ." 260 

Couscous 293 

Cricetus 528 

Cténomes,  C(c»ioHiî/s 521 

Cusciis 295 

Cynocéphales,  Cynocephrlus   ....  .59 

Cyuoptères,   Cynopterus 110 


Damans 406 

Dasvpoïdes 575 

Dasypits 585 

*  Dasyure  à  longue  queue 289 

Dasyures,  Dasyitrus 288 

*  Desman  de  Russie 122 

Desmans ib. 

*  Diane 17 

Didelphes,  Diddijhis 285 

Dinops,  Dinops 104 

DlODO>TES H  2 

Diploslonies,  Diplo^toma 352 

Di;;i(S 524 

*  Dogue  du  Thibct 194 


4G9 

Doucans-Taupes 125 

*  Doiu-oucouli 59 

Dtican-Talpa 125 

Dycotyles 407 

Dysopes,  Dysopea 105 


Echidnés,  Erhidna 597 

Echimys,  Echimys 544 

*  Écureuil  noir  d'Amérique 304 

*Écureuil  du  Malabar 509 

ÉCUREIILS 501 

Écureuils 504 

ÉDEiNTÉS,  neuvième  ordre 580 

Égocères,  ]-'goceriis Ao\ 

*Élan 452 

*I-:iéphanf 599 

Eléphants,  V.lcphns i(). 

*Encoubert 585 

*Eritellc 28 

Equus 416 

Erinaceus 112 


Eells 256 

Fel 215 

Fourmiliers 589 

•Furet 172 


*Galago 80 

Galagos,    Galago ib. 

Galéopitdèqles,  Galcopilhecui:.  ...  86 

Gazelles,  Gazella 444 

Geuettes,  Gendta 219 

Géomys,   Gpowi/s 552 

Geonjrhiis 546 

(jeo)j(/i(/.s' 519 

Gerbilles,  Grrbilhis 526 

Gerboises 524 

Gibbons 12 

*Girafe  d'Afrique 440 

Girafes ib. 

Glossophages,  Glossophaga 90 

•Glouton 156 

Gloutons 155 

*Grand  Fer-à-cheval 92 

Grossarchiis 226 

*Guanaco 456 

Guenons 14 

*Guépard 2)4 

Guépards,  Giicpar ib. 

Guerlinguels 510 

Gulo 155 

Gjranures,  Gymnura 216 


Halmatures,  Halmnlums 500 

HalycliOres,  llahjrha'nis 278 


470 


TABLE   ALPHABÉTIQUt:. 


Hamsters 

*IIélaiiiys  niannef 

Hélanijs,  //e/aiiif/.- 

'Hérisson 

Hérissons 

Ilerpetes 

Héléromys,  llcteromijs.  .  . 
'Hippopotame   amphibie.     .     . 

Hippopotames,  Hi])])niwlnmns. 

Houlman 

Hildrocliœrus 

Hydromys,  Hijdrrjmijs.  .  .  . 
'Hjèiie  rayée 

Hyèînes,  ihjena 

Hyénoïdes,  Ilijenuldes.  .     .     . 

Êhjlobales 

Hypexodons,  U^pexodon.    .     . 

Hypodernies ,    Ihipodrima.     . 

Hiipsiprijmniis 

Il^rax 


528 
3J2 

U-2 

ib. 
222 
532 
41  ', 
413 

28 
575 
560 
228 

ib. 
215 

12 
105 
110 
295 
400 


litidts 1  i8 

Indris  ,    hidris 75 

Isoodons,  Isoodor, 291 


*Jackal 205 

*Jaguar 257 


'Kangourou  enlumé 590 

Kangourous,  Aaïu/ioj.y ib. 

Kérodons,  Kernilon 576 

Kinkajous 82 

Kimpezej 5 

•Koala 292 

Koalas ib. 


Lagomys,  Lagomifs.  .......  571 

Lagolbriclies,  l.agotlui.r 52 

•Lama  blanc 425 

Lamas,    Lnma ib. 

Lasyopyges  ,  Lasiopijga 20 

Lataxes,  Lnla.r 186 

•Leniming 3j6 

Lemmings ib. 

Lemur (,9 

'Léopard 230 

l-epus 367 

LlÈVIIES ,1), 

Lièvres a, 

•Lion 237 

'Lionne 245 

Lo^f.lRosTRES 585 

'Loir  conniiun 542 

Loirs 341 

Loris,  Loris 75 


l'ac.cs. 

'Louj)  noir 201 

Loutre 183 

Loutres 182 

l.ntia ib. 

Lynx 2fi5 

Lynx  caraeal 267 


'Macaque  nègre 58 

Macaques,  Marants 50 

Macroglosses,  Maeroglossa 110 

Macrorhins,    Marrorginns 276 

Mnrro.rus 510 

Madatées,  Mndaleiis 90 

'Magot 35 

Magots,  Magns ib. 

*Maki  à  front  noii- 75 

'Maki   rouge 69 

Makis,  Makis ib. 

'iMangabey  sans  collier 25 

Mangoustes 222 

!\langues 226 

Manis 592 

*Mapache 145 

Marmotte  des  Alpes 515 

Marmottes ib. 

MARSUPIAUX,  septième  ordre.     .     .  285 

•Marte  à   gorge  duri'c 162 

Maiites ib. 

Mégadermes,  MrgaJrrma 95 

!\lclcs. 15> 

Mephitis 178 

Mériones,  Mcriones 527 

Midn.'; 65 

l\Iolosses,  Mnlossiis 103 

*Mone 14 

Monophylles,  Moiiophiillnf 91 

MONOTRÈMES 59'* 

Wormops  ,  l/onuo/js 95 

'Morse 280 

Morses ib. 

MosciiiNÉEs 429 

Mosrhiis ib. 

•Moufette 178 

Moufettes ib. 

Mouton 457 

'Mulot  nain 558 

'Murin 96 

Mus 352 

'Musaraigne  d'eau 116 

".Musaraigne  de  terre ib. 

•Musc 429 

Mttstela 162 

Mijcetes 46 

Mgdaiïs 182 

Mydas.     , ib 

Mggalc 122 

Mynomes,  Mijnomes 555 

Miiopntamus 560 


TABLE    ALPHABÉTIQUE. 


Paf;c<. 

Myopléres,  Mijopleris 105 

Mtjoxiix.       .    ". 5  il 

Mijrmerophagn 589 

Myspilhèques,  Mijsi)Uhcnis 78 


A«Xo/i.s- 21 

Nasiqucs ib. 

Nasua l.iO 

*iNems 222 

Néotomos,   ISeoiomu •535 

"Ninise 1T2 

'Nil-Randar .'52 

Noclhores,   Aorf/ioia 59 

ÎS'ocTii.ioiss ,  Norlilio 105 

INyctères,  i\(/fifri.v 9  5 

iNycticèbes,  ISijrliccbus 76 

ÎNycticces,  ISyitireu.'! 105 

ÎNycliiiomes,  hyrtinomtis 105 

INyctophiles,  ]\ij(lo])liilus 95 

\NTl-Gliau 45!) 


*Ocelot  ou  Maracaja 262 

Ondatras,  Ondatra 558 

'Oleck 86 

*()rang-Oufaiig 1 

Oraiigs ib. 

Oréas,  Oieas 449 

^Oreillard 101 

Oreillards 100 

*Ornithorhynquc,  Ortii/Jior/ii/iir/iii.s.    .     .  594 

Oryctéres,  Onjcterus 52() 

Orycteropes  ,   Onjrlcroims 588 

Oryx,  On/.r 451 

Otoiiiys,  Olomyf 552 

*Ouaiiderou 52 

'Ouistiti  à  pinceau 65 

Oi'isTiTis ib. 

*Ouistiti  oreillard 65 

Ours 152 

*Ours  blanc 159 

'Ours   brun  d'Europe 152 

'Ours  féroce 142 

Ovibos,  Oribos 46U 


*Paca  brun 575 

Pacas ib. 

PACHYDERMES,    dixième  ordre.  .     .  599 

Pachysomes  ,  Pachysoma 110 

'Palmiste 501 

Panda Ii4 

Pangolins 592 

Panthère 248 

Paradoxures,  Pnrado.runis 1 '«9 

'Pécari  à  collier 408 

Pécari  à  longues  lèvres 410 

Pécaris 407 


471 

P;i(;cs. 

Pelages,  PelagUis 276 

Péramèles,  Pcramcics 291 

Pétauristes,  Petaiirua 299 

Phacochneres 412 

Phalangers,  Phalaugista 295 

Phascogales,   Phnsrogale 290 

Phasrolurctos 292 

Phascolonies,  Phnscolomtjs 500 

Phoques 270 

'Phoque  commun 271 

Phoques,  Phocu •  278 

PllYLLOSTOJIES 88 

Ph^Uostomes,  PhijUostoma ib- 

Pithecia 60 

J'i/Iier((S 1 

Plantigrades 152 

Platyrhynques,  Plalijvhijuihiif.    .     .    .  278 

PlccoUis 100 

Plénicornes 4.52 

Plenroptères 86 

Polatouches 511 

Pongos,  Pongo 9 

'Pongo  de  AVurnib ib. 

Pohcs-Epics 561 

*Porc-Épic  de  Malacca 56i 

*Porc-Epic  ordinaire •  561 

Potamjs 560 

Potorous 295 

Potos «2 

*Poucan 76 

'Pougounié 149 

Presbyte,  Prcsbijtis 59 

Priodontes 587 

Prorijon 144 

Protèles,  l'rolelfS 255 

Ptéromys,  Pteiomys 512 

Ptcropiix 106 

Putois,  P(i(o/i(ij> 170 


QUADRUMANES,  premier  ordre. 


'Raccoon. ^'*^ 

'Rat  deRarbarie 540 

Rats 328 

Rats 552 

Rats-ISageuhs 55Î 

'Rat -Taupe 5'9 

Rats  Taupes '''• 

'Ratel '60 

Ratels <59 

'Raton  crabier I'î7 

Ratons ^^'* 

'Renard  argenté 214 

'Renard  fauve 208 

Renards 207 

Rhinocéros,  Hhinorcios 405 

RiiixoLOPiiF.s,  rhinolophim 92 


47-2 


TABLE   ALPHABÉTIQUE. 


Rhinopomes.  rhinopoma     .     .     , 

*  Roloway 

RONGEURS,  huitième  ordre.  . 

RONCELRS    HERBIVORES         .       .       .       . 
RoNfiElRS    OMNIVORHS          .       .       .       , 

Rossomak 

Roussefle 

Roussettes 

RUMINANTS,  onzième  ordre.     . 

Riipirapra 

Bijzœna 

Saccomys,  sarromiis 

Sagouins,  sngnhuis 

*  Sajouassou 

Sajous 

Sakis 

Sapajous 

*  Sarigue 

Scalopes,  scalops 

Srinroptenis 

Srinrus 

Scotophiles,  Srolophilus.     .     •     . 
Semnopilhèques,  Semnopithecus- 

Setiger 

Siamang 

Sigmodous,  Sigmodou 

Singes 

Sorex 

Spermophiles,  Sprnnophilus.  .     . 
Sphiggiires,  i;/>/(i(7(7i(iu5.     .     • 
Stemm.ntopes,  Slemmaiopn^.    .     . 
Stcuoderiiies,  SIenoderma.      .     . 
Sténorhjnqucs,  Stetiorhijiichux.   . 

Suriknies .     . 

Sus 

Syndacfyles,  Sijndacl^lns.    .     .     . 


91 
17 

501 
561 
501 

106 
ib. 
425 
452 
226 
551 
57 
5'^ 
ib. 

eo 

46 
283 
424 
511 
Ô04 
105 

28 
lôO 

11 
553 

14 
H6 
316 
566 
276 
105 
176 
226 
411 

11 


Pajjes. 

*Taniia  palmiste 301 

Tamia ib. 

Taraias ib. 

Tapirs 401 

*  Tapir  d'Amérique 402 

Tapinis 401 

Taphiens 94 

Taphozous ib. 

Tardigrades 580 

Tarsiers,  Tarsiiis 82 

*Tatou-Poyou 585 

Tatous ib. 

Tfttusia 587 

*Taupe 127 

Taupes 126 

Tenrecs 150 

Thylacins 290 

Thijlacinus ib. 

*Tigrc 245 

*Toque 42 

Tragélaphes,   Tragelaphus 448 

Triodontes  a  couries  camives.     .     .     .  125 

Triodoistes  a  grandes  canines.    ...  i''. 

Troglodytes,  Troglodytes 5 

*Tschermo-Ruroi 201 

Ulacodes  ,   Ulacodiis 318 

Ursins,  Ursinvs 290 

Ursus 132 


Vampires,  Vampiriis.     ......  89 

Vespeililio 96 

Vespektilions ib. 

Vcspertilions ib. 

Viiena 217 

Viilpes 207 


Talpa 126 

Talpasores,  Talpnsorex 124 

•Tamanoir 590 

Tamarins 65 


*Zèbre 419 

*Zel)u 462 

Zorilles,  Zo)J//rt.  ........     182 


FIN    DE   LA   TABLE. 


I