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I.E
JARDIN DES PLANTES.
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JARDIN DES PLANTES
[KCFJtiica ET mm
DES MAMMIFÈRES
Ur, LA MKNAGF r.lF. I:T nu MUSÉUM d'HISTOIUI. NVTir.ll.M.,
YW'cvAvc A'av\\( \\\\voA\\v\\o\\ \\\^\o\\^\\vk;. (\v:î-cv\\i\\\e «V Y'\\\f>vv^'^^\\v^'
PAR M. J. JANIN,
t ' cent <li^ graiids sujets fie inaiiiinifères^
r.nwRS SUR cuiviie et dws le texte,
2" CENT DIX CUIiS-DE-IiABIFE
i<|iré!:enf»nt (ips détails de mo-urs Ar< aiiiinaiiv et des 5. in. s
3" Cinquante grands su jels imprimés à part à cause de leur dimension ,
l"np \'iie générale du Jardin. — Le Muséum. — !,a paierie Botanique, de Minéralnoie et de GénlojKir.
f.es Serre* anciennes et nouvelles. — La grande Kntomle. -r- L'.Amphithéàtre. — Le palais des Singes. — La grandi- Ménagerie.
Li Fosse auv Ours. — Le Cabinet d'Anatnmie comparée.
L'Amphithéâtre d'Anatnmie.— La Colonne de Dauhenton. — Le Cèdre.
Les Enclos et Cabanes
.lc< Iléiuii.nc.. du hnnsnurou. d'une loule de lluminants, des Pécaris. rtc La \ aile. Sui-^e.
>'ue5 d'intérieur, etc., etc.
DES PWSÀGES DES RÉGIONS TROPICUES, DES FORÊTS VIERGES,
Ile- s,-,'-lies du p..l. , .1.- >ui. ts .-.Ipeslres
ET DES M ES DES MEl X HABITES PAU LES DIVEIISES ESPÈCES;
4" ^lonfl)fS ^rnucca euv ncicr eî pchnte à raquiufllc ,
représentant des groupes des plus brillants Oiseauv des .leuv hémisphères;
r LES PORTRAiTS DE WM ET DE GEORGES COVIER, U CAMAlEil
et enfin
»ESSI!«S n'HISTOIRE !VATI]ItEl,I.E
par les meilleurs dessinateurs spéciaux, en particulier par MM. WF.KNER, SUSEMIHL et GUÉMIED;
VUES et sujets divers par MM. J. David, Karl Girnrdet, Français, Himety, Marville, etc ,
tfiiraviii'es sur bois et sur cuivre par llll. Andrew, Best et l.<eloir.
dessinées par ÉDOT ABD TBAVIF.S etgraxées par FOIRMER et ANNEDOICHE ;
CAKTK €II1!\01SE
dessinée et gravée sur acii r p.ir PAIL LEGRAND.
Un volume iniprimé sur papier vélin glacé de la papeterie du Marais.
Paris. - Imp. SCHNEIDER et LANGRANU. rue .l'Erfurth
VUE GENERALE EU JARDIII DES PLAWTEC.
H B I s E 1) l S O >1 M E 1 01 I A IM li I \ I II i.
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JARDIN DES PLANTES
DKSCUIPilON ET MOI. li il S
hi:S MAMMIFÈHP.S
DE LA Mi: NAG KUI K KT I) l MUSKIM I) HISTOIRE NATURELLE
PAR M. IIOITARD,
i'UKn;i>K iiiiM'; iMii()i)i(:Tio> m.sToiiiQi n, dksciuhtivk ki l'moiiKsyuE
V\\\ M. T. .TANIN.
PARfS
J.-.I. Ul BUCIIET ET O-, P:DITEURS, HUE DE SEINE, 33.
184 2
LES GALERIES D'HISTOIRE NATURELLE ET LA BIBLIOTHEQUE
(•'-. I. - l'i, I
7
u:
JARDIN DES PLANTES
Il est lin lieu, loiil an bout de Paris, f[iii est à coiip sûr le [liiis Ix-I cndroil
de ralVaîcliisseiiieiit et de repos (jui se puisse rencontrei' dansée vaste, obscui'
et tumultueux univers parisien. Là se eonfondent dans un péle-nuMc admirables
la fraîelieur, le ealme, Tonibrase, les lleurs naissantes, toutes les douées joies
de la natun\ tous les admirables liasards de la eam[)a;j,ne, toutes les latitudes et
tous les aspects du monde connu, toutes les productions de la terre liabitée et
des mers, les oiseaux du ciel, les bètes féroces du désert, le lion et le bengali,
rélépliant et roiseau-mouclie, le tiu;re royal et la chèvre du Tliibet. Prêtez
roreillc! Que de chants d'oiseaux amoureux. {|ue di' iHiiiements épouvantables!
Ici les familles des sinj;es, bondissantes, amoureuses, et toutes remplies des
plus aimables caprices. IMus loin, dans ce bassin d'eau salée, la famille des
tortues, revêtues de riciies écailles, qui s'épanouissent au soleil, ("est un bruit
à ne pas s'entendre, et c'est en même temps un admirable silence. Levez la
N I.i: .lAUlU.N DES l'I.AMES.
tête, le cèdre du Liban vous protège do son ombre {gigantesque. Baissez les
yeux, la violette des bois jette à vos pieds son humble et chaste parfum. Puis
enfin, quand vous tHes fatigué de cette course à travers la création, quand vos
yeux se sont repus de la couleur des papillons et des roses, quand vous avez
passé en revue ces myriades d'insectes aux ailes d'or, quand vous avez toudié
de vos mains Tor et largent, le diarbon et le fer, tous les trésors que la terre
enferme, allez vous asseoir auprès de la fontaine murmurante, sur ce vaste
banc de roche calcaire, tout au-dessous de ces vastes poutres qui ont appartemi
à la baleine. Mais cependant savez-vous sur quels débris solennels vous êtes
assis? Vous êtes assis sur les débris du mastodonte, sur quebpie animal anté-
diluvien reconnu et nonuné par Clavier î
()uelle histoire à écrire, l'histoire de ce charmant et savant petit coin de
terre qui n'a pas son égal dans le monde ! Autant vaudrait écrire l'histoire de
l'univers tout entier. Non pas l'histoire des hommes armés, des nations qui se
précipitent l'une sur l'autre, des multitudes qui s'en vont çà et là dans l'émi-
gration, cherchant le pain et la terre de chaque j(mr. Insipide histoire celle-là,
toujours la même, toujours sanglante, où reparaissent à des époipies déter-
minées les mêmes passions, les mêmes crimes, les mêmes révolutions, les mêmes
meurtres, épais nuages à peine sillonnés par quelques grands hommes. Mais
l'histoire dont je parle, l'histoire de ce jardin miraculeux, posé sur les rives de
la Seine par quelque main bienfaisante et prévoyante, c'est l'histoire éternel-
lement pittoresque et variée de la fleur qui se cache dans l'herbe, de l'insecte
(pii bruit sous le gazon, de la ronce veloutée, de la mine enfouie, de la mon-
tagne et de la vallée, l'histoire de l'aigle qui regarde le soleil et du moucheron
enfant de l'air. Tout ce qui respire, tout ce qui existe, tout ce qui resplendit
dans les eaux, sur la terre et dans le ciel, tout ce qui rampe et tout ce qui
vole, tout ce qui gronde et tout ce qui se lamente, le premier animal de la créa-
tion et le dernier, tel serait le sujet de ce livre : Aoslri furago libcUi. Mais
que faire? que devenir? comment ne pas se perdre dans un si vaste sujet? Un
homme l'avait tenté, le seul homme qui fût digne de l'entreprendre; cet homme
avait le coup d'œil et l'intelligence, l'émotion intérieure et le style, l'orgueil
et la fierté ; il était le seul qui fût peut-être à la hauteur d'un pareil sujet.
Cet homme, vous l'avez nommé, c'est M. de BulTon, et cependant, û grand
Dieu! vous qui êtes le dieu de l'hysope et du cèdre, vous qui avez fait honte à
la magnificence de Salomon, rien qu'en déployant la robe blanche du lis de la
vallée, vous savez si M. de BufTon lui-même, Buffon votre historien et votre
favori, était à la hauteur de ce vaste sujet.
Non certes; pour raconter cette histoire de l'univers que Dieu a crée, il n'y a
que Dieu lui-même. C'est à peu près ce qu'on a dit de César : qu'il était le seul
digne d'cxpli(iuer les batailles qu'il avait gagnées. Non certes, ce n'est pas nous
qui passerons en revue, même à propos de ces quinze cents pieds de terre,
toutes les merveilles de la création.
On veut cependant que je vous raconte à ma manière, à la façon d'un
homme qui admire plus qu'il ne comprend, les principaux détails de Ihistoire
du Jardin des fiantes, ce résumé de l'univers. 11 faut que, tout en laissant de
cêté ce magnifique ensemble des sciences naturelles, nous vous fassions voir.
LE JAUDLN DES PLANTES. m
pour ainsi dire à vol d'oiseau, ces plantes vivantes et ci's plantes mortes, ces
bètes léroces, arrivées hier hurlantes et bondissantes du fond des déserts, et
ces cadavres inconnus sur lesquels a passé plus dun déluiïe. Chose étranfîe.
cette admirable idée de réunir dans un seul et mémo lieu tous les chels-
d'œuvrc de la création ne date guère que de deu\ cents années. Avant
Louis MIL la France n'avait eu ni assez de repos, ni assez de loisirs, ni assez
d'or pour s'abandonner en toute liberté à sa passion pour les merveilles les
plus rares. François l" ,1e roi chevalier, nous avait, il est vrai, enseigné à ainïer
les tableaux, les statues, les monuments de tout genre, les rares chels-d'œuvre
oii la forme emporte le fond; mais ce [)rince brillant et léger n'avait pas été
au delà de la forme; la couleur, l'éclat, la beauté extérieure lui plaisaient avant
toute chose; pour une agrafe de Cellini, pour un tableau du l'rimatice, pour
une sculpture capricieuse de Jean Goujon, il eut donné tout ce qui est le mou-
vement et la vie. En ce temps-là, nous étions bien plus des Florentins, qui se
passionnent pour la forme, que des philosophes cjui se passionnent pour l'idée.
Parler de toutes ces choses au roi Henri IV, c'eût été perdre, en toute perte,
son latin, sa prévoyance et son esprit. Le roi Henri s'occupait, avant tout, de la
(inance et de la bataille. Ce fut son lils, le roi Louis Mil, esprit bienveillant
et malade, homme timide, qui a attaché son nom aux choses les plus har-
dies de notre histoire; ce fut Louis Mil qui, le premier, eut l'honneur d'ache-
ter de ses deniers, dans le faubourg Saint-Victor, loin, bien loin de tous les
bruits et de tous les mouvements de la ville, vingt-quatre arpents d'une terre
inculte et négligée. Tel fut l'humble et modeste commencement du Jardin des
IMantes. Le docteur lîouvard, premier médecin du roi, fut le vieil Fvandre de
cette Rome nouvelle et verdoyante qui s'élevait sur ces hauteurs. Le premier
parterre de ce jardin se composait de quarante-cinq toises de longueur sur
trente-cinq toises de largeur ; il était encore trop vaste pour les plantes qu'on
avait à y mettre, mais peu à peu les plantes ont poussé, le Jardin s'est étendu,
une petite serre a été bâtie. Gaston d'Orléans, qui aimait les plantes et les
Heurs, envoya au Jardin nouveau-né quelques frais échantillons de son jardin
de Hlois, justiu'à ce qu'enlin arriva Colbert, cet honune qui a deviné tant de
choses. Colbert, d'un coup d'œil, eut bientôt conqiris tout l'avenir des vingt-
(luatrc arpents du faubourg Saint-Victor. Fagon, le médecin du roi Louis XIV,
présenta Tournefort à Colbert. Tournefort est le premier historien des plantes;
il nous a appris à les aimer, à les connaître ; il a deviné leur famille, il a in-
diqué les premiers noms qu'elles ont porté ; pour tout dire, il est le loyal et
net prédécesseur d'Antoine de Jussieu, le grand naturaliste. A vingt-trois ans,
M. de Jussieu était professeur au Jardin du lloi ; il avait parcouru l'Espagne et
le Portugal, ramassant avec une curiosité pleine de dévotion les moindres brins
d'herbes que produit cet air brûlant. Antoine de Jussieu est une des plus gran-
des créations de Fagon le médecin; c'est au Jardin du Uoi que se retira ce sé-
vère serviteur du roi Fouis MV ; c'est là (piil voulul mourir. Le Jardin, recon-
naissant, a conservé avec respect la mémoire de Fagon. Enlin, en I7ô".>, le roi
véritable du Jardin, celui qui la agrandi, qui l'a sauvé, celui-là même qui en
est l'historien et le démonstrateur tout-puissant, M. de Buffon, devait |)orler
pendant quarante-neuf ans cet illustre et utile fardeau. Certes, sans ^-Ire un
IV I.K JAIIDI.N DLS l'LAMLS.
aiiibilicuXjSaiis envier la gloire de ceux qui ont fondé des monarchies, qui ont
sauvé des peuples entiers, (jui ont agrandi des villes capitales, on ne peut
s'empêcher d'adn^rer et denvier jjeul-ètre, car c'est là une noble envie, la
j-'loire et le boniuHir de M. de lUifïon. Quelle j4l"ire immense en effet, et quelle
joie, et quelles batailles pacilicjues! M. de Buffon arrivait au milieu de cette
œuvre à peine conunencée, en se disant à lui-même qu'il l'achèverait un jour.
Il arrivait au milieu de ce désordre, de ce chaos, du pêle-mêle savant et peu
logique de ces plantes naissantes, de ces débris sans nombre, de ces formes
brisées, et il se disait tout bas : Je vais tirer du chaos toutes choses, je vais re-
mettre à leur place l'arbre et la plante, la mousse et la fleur, je vais prononcer
du haut de mon génie le fiai lux pour chaque fruit de l'espalier, pour chaque
fleur en son bouton, pour chaque animal venu de toutes les parties du monde ;
j'élèverai les vallées, j'abaisserai les montagnes, j'aurai à mon gré un fleuve
ou une mer, un frais pâturage ou une caverne, la rosée bienfaisante et le
chaud rayon du soleil. Mes vingt-quatre arpents de terre, je les veux agrandir
outre mesure, jusqu'à ce qu'enfin jy aie renfermé une miniature de l'univers.
De cette création faite par moi et pour moi je serai le Dieu d'abord, et ensuite
j'en serai plus que le Dieu, j'en serai le nomenclatcur, j'en serai l'historien.
On raconte qu'une fois le premier homme créé. Dieu dit à .Adam : Te voilà,
c'est à toi à nommer toutes les choses de la création. Voilà ce que se dit à lui-
même M. de Buffon quand il se vit le maître du Jardin du lloi. Cette fois donc
son œuvre élait trouvée, sa tAchc éternelle conuncnçait ; jusqu'à la fin de sa
vie, il devait marcher dans ces sentiers de fleurs et d'épines, fleurs dévouées et
obéissantes, épines qui ne blessent pas ceux qui les regardent avec respect,
avec amour.
Voici donc M. de fluflon qui prend possession de son domaine, (i'élait triste
à voir ce domaine de la nature. Deux salles basses sufllsaient, et au delà, à
contenir des curiosités dignes de la foire : deux ou trois squelettes vermoulus,
des herbiers en désordre; le Jardin était planté au hasard : pas une allée, pas
un sentier tracé, pas un arbre qui fût à sa place. II fallut bâtir, il fallut planter,
il fallut agrandir toutes choses, surtout il fallut trouver des hommesqui vinssent
en aide au grand naturaliste; car déjà .M. de Butfon, connue un digne énude
de Pline l'ancien, songeait à écrire l'histoire naturelle, ce livre immense qui n'a
d'autres bornes que les bornes de l'univers.
Le premier (pii vint en aide à M. de Bufl^on, c'était un honune d'une grande
science , nommé Daubenton. Il fut chargé de l'arrangenient du cabinet, il dis-
posa les collections, il ht quatre divisions principales des divers règnes de la
nature; il invoqua, au nom de M. de BufTon son maître, le secours de tous les
voyageurs. .\ l'exemple d'Antoine de Jussieu, cpii envoyait à ses frais ses plus
zélés disciples pour ramasser des plantes et des graines, Daubenton recueillit
des livres, des échantillons de tout genre. A C(Mé de cette famille des Jussieu , les
bienfaiteurs du genre humain, il faut plac(M- Jean-André Thouin et son fds An-
dré. Ainsi peu à peu tout le Jardin prenait une face nouNclle. M. de BulTou
comnuinicjuait à toutes choses la persévérance de son esprit; tous ces gens-là
s'aimaient et s'entr'aidaient les uns les autres. On eût dit une colonie de culti-
vateurs, ou mieux encore une réunion de disciples de Saint-Simon ou de Kou-
I.i: JU'.Dl.N DLS IM.AMtS. v
lier. Doja la noinenclaUiro do Linné, plus facile et plus commode que (elle de
Touinefoit, aidait merveilleusement à la science. A chaque saison nouvelle le
jardin élait en prostrés; on jetait à bas les vieilles maisons, on en b;\tissait do
nouvelles, on élevait des montagnes, on creusait des vallons; partout le râteau,
partout la bêche. Bientôt on fut à bout de toute terre cultivée ; il y avait là
tout auprès les jardins de Tabbaye Saint-Victor, [luis un vaste enclos traversé par
la rivière de Bièvre. A force de sollicitiition et de dépenses, Tenclos est acheté,
le jar Jin de l'abbaye est envahi ; nous voilà maintenant sur les bords de la Seine,
(iui nous donne son eau fécondante. Begardez, à cette heure quels progrès déjà !
Nous avez des arbres de toutes les saisons, vous avez une école d'arbres à
fruits, un semis de plantes économiques, toute une école de culture. Bientôt le
local est nivelé, les bassins sont creusés, le mur d'enceinte est bâti, la belle
terrasse s'élève le long du ([uai; mais ce n'est pas assez. Un terrain situé à l'ex-
trémité des marronniers convient à ^I. de Buffon , et M. de BulTon l'achète. C'é-
tait un jardin plus bas que le premier, abrité du nord et de l'ouest. Là furent
transportées les couches destinées aux semis; là furent cultivées les plantes les
plus délicates. L'année suivante, en I77i, fut élevée la première serre digne
de contenir de belles plantes. Tels étaient les progrès rapides de la botanique ;
et comme toute fortune tient à une autre fortune, tout progrès à un autre pro-
grès, le cabinet grandissait en même temps que le Jardin. Ck} cabinet était le
centre unique où venaient aboutir de toutes parts les merveilleux et inesti-
mables fragments dont se compose l'histoire naturelle, riches échantillons
dispersés dans tout lunivers, dans les entrailles de la terre, sur le bord de tous
les rivages, au sommet de toutes les montagnes , dans les volcans, dans les
ruines, dans les déserts , poussière du monde passé, productions du monde
présent, échantillons des mondes à venir. 11 fallut donc agrandir les bâtiments
comme on avait agrandi le jardin ; puis bientôt les collectionneurs arrivèrent
offrant chacun sa collection, c'est-à-dire la passion de sa vie, pour augmenter
ce bel ensemble. La première de toutes, l'Académie des sciences envoya au
(hbinet du Bol son cabinet d'anatomie ; le comte d'Angivilliers offrit le sien ;
les missionnaires de la Chine, ardents propagateurs de la foi chrétienne, en-
voyaient à M. de BulTon tous les échantillons qu'ils pouvaient ramasser dans ce
fabuleux et céleste empire où nul Européen n'avait pénétré avant eux. Le roi
de Pologne s'estima heureux dolTrir au Jardin du Boi les plus beaux miné-
raux. On envoya chercher dans l'Inde une collection de zoologie. Bougain-
ville rapporta de son voyage autour du monde tout ce qu'il en put rappor-
ter pour le Jardin du Boi, donnant ainsi un exemple qui a été suivi par les
navigateurs à venir. Dans ce concours unanime de toutes les fortes intelligences
de l'Lurope pour doter un établissement si nouveau, il n'y eut pas justiu'a la
grande Catherine cpù ne tînt h honneur d'envoyer au Cabinet d'histoire natu-
relle les plus beaux animaux du Nord , les plus rares fragments de zoologie.
C'était une fenune ([ui entendait la gloire à la l\i(;on des grands rois, l'.lle savait
par cœur toute la France du dix-huitième siècle, elle l'aimait dans ses moin-
dres détails. De tout ce ([ui lui paraissait digne d'envie, ce que la grande Cathe-
rine enviait le plus à la France, c'étaient ses hommes de génie, c'était Voltaire,
c'était Diderot et d'Alembert , c'était M. de BulTon qu'elle avait appelé dans
M U: JAUDIiN DES PLAMLS.
son empire, avec celte coquetterie royale et diarmanle, à laiiueile il était si
difficile de résister. Mais M. de BulTon, tout entier à sa double création, à son
livre et à son Jardin, envoya son fds à sa place. Cependant le Jardin jïrandissait
toujours. Sur ces entrefaites, furent publiés les premiers volumes de V Histoire
iiaiiirellr, ce chef-d'œuvre d'éloquence où M. de BiilTon ralliait à lui, d'une fa-
çon irrésistible, tous les naturalistes de l'Europe. A bien prendre, le Jardin
du Roi et VlJimoire ndinyrllr, c'est la môme œuvre : l'un tient à l'autre par un
lien que rien ne saurait rompre. Sans le Jardin du Roi, jamais M. de RutTon
n'aurait écrit son livre ; sans le livre de M. de rUifl'on, le Jardin du Roi n'aurait
pas conquis tout d'un coup, comme il a fait, l'admiration de l'Europe savante.
Autour de ce Jardin et de ce livre se sont groupés tous les amateurs pas-
sionnés de l'histoire naturelle. Quiconque avait étudié avec soin, avec amour,
la partie la plus imperceptible de ce vaste univers, une graine, un insecte,
un papillon, une plante, était le bienvenu à adresser à M. de Buflbn ses pro-
pres découvertes. — Voilà, Monsieur, ce que je sais, voilà ce que j'ai appris,
voilà ce que j'ai découvert ; et M. de Ruflbn répondait, à coup sûr, à ce con-
frère inconnu, une lettre de remercîments, où il l'appelait son collaborateur.
Ainsi l'historien de la nature était représenté dans le monde entier par toute
sorte de correspondants et d'ambassadeurs, disciples dévoués de son travail et
de son génie. Cet homme voyait de très-haut toutes choses ; il aimait les collec-
tions, il est vrai , mais il les aimait pour s'en servir en grand historien. Il n'au-
rait guère été satisfait s'il lui eut fallu se maintenir, sans fin et sans cesse, dans
la description minutieuse des moindres fragments du grand ensemble ; mais,
au contraire, ce qui le rendait heureux et fier, c'était de reconstruire ces formes
éparses, c'était de rendre la vie, le mouvement, la pensée et l'orgueil aux ani-
maux de la création divine; c'était de nous les montrer, non pas tels que la
dissection nous les avait faits , mais tels qu'ils étaient sortis du caprice ou de
la main de Dieu. Le lion rugissant, le tigre qui bondit, le cheval indocile au
frein, la génisse superbe, le taureau amoureux, lecerf fujant au son du cor, la
chèvre qui broute le cytise en fleurs; le chien, ce compagnon de l'homme; h;
coq, roi de la basse-cour; il n'y a pas jusqu'à l'âne, l'assidu, l'entêté et l'in-
fatigable and du laboureur, l'humble animal que M. Delille n'aurait jamais osé
nommer dans ses vers, à qui M. de Ruiïon n'ait accordé une grande place dans
son histoire; môme il a écrit au sujet de ce pauvre âne, qm fut plus tard un
des héros de Sterne, les pages les plus touchantes de son histoire, pages hono-
rables pour tous deux, pour l'Ane et pour M. de lîuflon, car il a rendu justice
au plus patient et au plus sobre des travailleurs. En même temps ce beau cha-
pitre, si plein de raison , de justice et de bon sens, doit absoudre à tout jamais
M. de RufFon du niais reprocl'.e d'enflure et d'emphase avec lequel on l'attaque
depuis si longtenqis. Mais, tenez, puis(|ue nous en sommes arrivés à cet homme
célèbre, le véritable fondateur du Jardin du Roi, pourquoi ne pas vous ra-
conter sa vie? Ce sera là, sans contredit , la plus noble introduction qui se puisse
faire à ce livre du JarJin (Ici Vlanics, dont un plus savant que moi sera l'histo-
rien.
Ceorges-Eouis Lcclerc, comte de Ruffon, était né à Monlbart en Rourgogne,
le 7 septembre 1707. Son père était un honuue riche et un savant magistrat ,
IJ-: JARDIN l)i:S PLAMLS. mi
et il laissa son lils s'abandonnci* en toute liberté aux inspiralions naturelles de
son génie. Le jeune l.eclerc, obéissant au secret instinct qui le poussait, entre-
prit un voyage en Angleterre; l'Angleterre était dans ce temps-là uiieesiuce
(le monde à part où nous allions clierelier le drame, le ronian , la poésie, la li-
berté, la philosophie, l'économie politi(jue, la pondération des pouvoirs, l'é-
mancipation du peuple, toutes sortes de choses dont s'inquiétaient, d'une
façon déjà turbulente, l'ambition et l'avenir de la Trance. Notre jeune homme,
plus modeste, ne savait pas encore ce qu'il allait chercher en Angleterre. 11 y
trouva ce qu'on y trouvait alors, une grande nation heureuse et hère de la
révolution qu'elle avait accomplie, qui avait payé cette révolution au prix de
son sang et de son or, et qui, maintenant, après tant de révolutions et de tem-
pêtes, après ce roi égorgé, cette dynastie reprise et chassée de nouveau, regar-
dait sans etTroi les tempêtes, les batailles et les prospérités de l'avenir. Le spec-
tacle d'un peuple ainsi l'ait était un spectacle d'autant plus grand et solennel,
que la France était encore bien loin de pouvoir rêver de semblables destinées.
Dans cette grande nation, les débuts de ce jeune homme, qui devait être M. de
lUitTon plus tard, furent simples et modestes. 11 connuença par apprendre la
langue du peuple qu'il visitait, et pour bien conuncncer, il se mit à traduire,
voyez le hasard quand on a du génie! la Simi'nnules vcijêianx de Ildlcs et le
Tiaiié (les fluxions de ISeicion; si bien qu'il apprit en même temps la langue
anglaise, et, qui plus est, la grande langue de la science. Ainsi il commença
tout à la fois à s'occuper de géométrie et des sciences naturelles. Ses premières
années furent consacrées à se préparer aux études qui lui convenaient le plus.
Il aurait pu devenir un grand géomètre, sa bonne étoile en fit le plus grand
naturaliste de son siècle. Vous avez vu tout à l'heure comment cette place
de directeur du Jardin du Roi indiqua à M. de BulTon sa vocation véritable ;
et certes, il se faisait bien temps que l'histoire naturelle eût son historien
parmi nous. Avant celui-là toute notre liistoire naturelle se composait de
méchantes compilations sans talent et sans nom d'auteur, de sèches nomen-
clatures auxquelles le public, c'est-à-dire tout le monde, n'avait rien à com-
prendre, et enfin de ({ueliiues traités excellents détachés du grand ensemble des
choses créées. Dans cette révolution qu'il allait entreprendre et (jui fut précédée
de bien des doutes cruels, car enfin il ignorait encore celte toute-puissance
du style qui était en lui, M. de BufTon avait choisi pour ses modèles et pour
ses maîtres deux grands modèles et deux grands maîtres, Aristote et Pline l'an-
cien : Aristote, qui a deviné toutes choses, l'histoire naturelle, la rhétorique,
l'éloquence, la constitution ; Pline l'ancien, (|ui a trouvé le premier l'élévation,
le langage, la passion, le style de l'histoire naturelle; celui-ci exact et profond,
ne donnant rien au hasard, ne parlant que ce qu'il a vu et entendu, trouvant le
premier anneau de cette chaîne des êtres créés qui a servi à Cuvier pour devi-
ner à son tour tous les mystères de la création ; celui-là qui a donné à la vie du
monde entier cette vie si brillanteet ces puissantes couleurs, (lertes, il n'a fallu
rien moins (fue le plus rare et le plus passionné génie pour réunir dans le même
ensemble tant d'imagination et tant de science ; il ne fallait rien moins que toute
cette éloquence pour rendre les peuples de rF.urope attentifs à cette histoire
(|ui est réellement riiisloiro universelle. Les (juinze premiers voluiues de
Mil l.i: .IAKIUN l)i:.S l'LANTKS.
17/i s/0 ire itaiurrllc luiviit publias de 1741) à 1707; ils troiliiicnl de la Uiôoiic
(le la t(MMV, (le la naliirc des aniiiiaiix, de l'histoiic de riioinmo, de lliisloire
(les quadrupèdes \ivipares. liuflbn et Daubenlon s'étaient i)artagé cette tàclie
didiciie et compliquée; chacun d'eux avait pris la part qui lui convenait. M. de
HulTon avait gardé pour lui la poésie et la pliilosopliie de celte histoire, il expli-
(juait, à la façon d'un lîossuet, mais d'un Bossuct exact, les théories générales,
K'S grands aspects et les grands phénomènes de la nature; il disait les mœurs
des animaux, il en rrcontait les passions, les habitudes, les instincts, il
agissait, passez-moi la comparaison, tout comme avait agi La Fontaine lui-
même ; seulement dans ces drames charmants, l'honneur de la poésie fran-
çaise, La Fontaine avait à cœur de nous montrer comment, par leur sagesse
providentielle, par leur ruse ingénieuse, par leur bonhomie native, par la vérité
de leur allure, par la profondeur inexplicable de leur génie, les animaux avaient
V'té mis et créés au monde tout exprès pour donner aux honunes les plus utiles
leçons de la philosophie et de la morale, pendant (;ue M. de lUiflon, au contraire,
relevant à la foisl'honnne et la brûle dont il était léquilable historien, s'atta-
chait à nous démontrer comment el pourquoi tous les animaux de ce globe sont
peut-être égaux devant Dieu et devant les philosophes. Pour un instant il laissait
l'âme de côlé ; mais l'instinct, cette ame du second degré, lui- suffisait à expli-
quer l'homme et le tigre, l'homme et l'àne qui broute, Ihommeel le rossignol qui
chante sa plainte harîuonieuse dans les bois. Tel était le grand vol que jîrenail
.M. de IkilTon dans celle histoire naturelle, qui n'a d'aulres bornes i;ue Irs limi-
tes de la terre et du ciel. Il était grand par la pensée, il était grand par la
parole. D'un pas ferme et sùi', il suivait son chemin à travers le monde, soccu-
pant avec un égal bonheur, avec le même enthousiasme, de l'éléphant el du
ciron. Dans cette marche hardie et calme, rien ne l'inquiétait, rien ne lui faisait
obstacle, car tout d'al)ord il avait niv(>lé le monde pour que son génie s'y |>ùl
déployer tout à l'aise. Il avait abaissé les montagnes, il avait comblé les vallées,
il avait desséché les fleuves et les mers, il avait ouvert Ic.^lobe pour savoir enfin
ce que les mers et les fleuves et le globe contenaient dans leur sein. Ainsi il
s'était dégagé tout d'un coup des anciennes théories, des vieux obstacles, des
détails pénibles. Avant lui, le naturaliste se servait du niicroscope, mais lui il
voyait toutes choses avec ce coup d'œil qui donnait aux moindres détails de
la nature des dimensions énormes. Ainsi s'est accompli ce grand ouvrage de
Vllisioiic vainvrllc où l'ensemblc est tout, oii les détails disparaissent em})ortés
dans le tourbillon de l'univers.
En même temps, mais dans des sentiers plus calmes, d'un pas lent et mo-
deste , arrivait Daubenton , curieux et intelligent nomenclateur des moindres
détails de cette histoire qu'ils faisaient à eux deux. Celui-là voyait de très-
près, M. de HulTon voyait de très-haut. 11 reconnaissait, chemin faisant, tous
les fragments dédaignés par son fougueux compagnon de voyage. 11 restait
assis des heures entières à voir, à contempler, à étudier, à admirer, à juger les
héros de leur livre. 11 disséquait minutieusement l'animal dont M. de Bulïon
esquissait l'histoire à grands traits. Et cependant, tout en marchant ainsi à
petits pas, Daubenton lui-même se trouva fatigué de suivre ce rude jouteur.
La lassitude le prit au milieu ducliemin; il s'arrêta, n'en pouvant jilus; seule-
Li: JAKDliN DKS PLAM TES. ix
inonl il se mil à marcher seul ; il s'abandonna librement à s:i lente contempla-
tion, à son élude partielle du monde; pendant ce temps, M. de lîiilTon courait
toujours.
De ITSô à ITSS furent publiés les cinq volumes de minéraux ; les sept vo-
lumes de supplément ont suivi jusqu'en l~SU; là s'arrête M. de Buffon. La
mort le prit au moment le plus éclatant de notre histoire, à l'instant mèm.e où
la liberté française paraissait con(|uise, la mort le prit afin, sans doute, qu'il
ne fût pas témoin du meurtre de son fils sur Téchafaud et de l'éclatant dés-
honneur de sa bru dans la maison du duc d'Orléans. Ajoutez à cette œuvre
ses Époques dr la IS'niiiri', cette théorie de la terre dans laquelle il a dé-
ployé d'une main si ferme toutes les magnificences du style ; cinquante ans
de la vie la plus laborieuse, la plus calme et la mieux réglée, cinquante ans de
zèle, de haute administration, d'un dévouement de tous les jours, d'une. cor-
respondance infinie sur tous les points du globe, avaient suffi à peine à com-
pléter cet inunense travail. A voir ce que font les hommes de nos jours au
milieu de ces agitations misérables, à voir ce qu'a fait celui-ci au plus fort des
concpiétes, des émeutes, des révoltes et des victoires de 17X0, on se prend à
sourire de pitié. Plus d'un, outre Daubenton, a mis l;i main à ce travail ; mais
ces gloires passagères ont été dévorées par la gloire du maître. On cite de
M. Guénaud de Montbéliard quelques beaux chapitres d'un grand style, et de ces
chapilresonnepeut dire que ceci : (l'est le stjle de Bidfon ! Le stjle de Huffon,
pompeux, élégant, plein de grandeur et de majesté, a été plus d'une fois atta-
(|uô par les faiseurs de rhétorique et par les rivaux de sa gloire. Voltaire, c|ue
toute sorte de succès iiKjuiétr.it comme un vol l'ait à sa gloire, souriait de
pitié quand on lui parlait de r///.s7o/?7,- ?jn///n7/c. — Pas si naturelle! disait-il.
Mais Voltaire était plus d'une fois tombé sous la main de M. de Buffon ; il avait
voulu se moquer des bancs de coquillages découverts sur le sommet des Alpes ;
il avait prétendu que ces coquilles s'étaient détachées du chapeau des jjèlerins
qui allaient à Rome. M. de iîuffon lui avait répondu avec de bien piquantes
railleries et des raisons sans répliques. Mais laissons là tous ces coups d'épingle,
n'allons pas chercher les critiques et les nuages qui se placent, de leur vivant,
au-devant des grands honunes, reconnaissons tout simplement l'éloquence, la
passion, rentraînemenl, la majesté de M. de Buffon, plaçons-le au premier rang
des paysagistes, disons qu(M'amais la description n'avait atteint ce haut degré de
vérité et de magnificence ; faisons connue a fait toute l'Europe du siècle passé,
humilions-nous devant ce livre immense où la philosophie et l'histoire naturelle
se tendent une main si bienveillante et si ferme. Sans nul doute d'autres obser-
vateurs sont venus après celui-là qui ont redressé bien des erreurs, réformé bien
des paradoxes, expliqué bien des choses obscures ; mais que nous importe, pour-
vu (lue la voie tracée; soit suivie? Et d'ailleurs que d'idées grandes et nouvelles
que le temps a confirmées, que de découvertes véritables qui sont restées im-
muables comme pour servir de bases éternelles à la science; avec quel art mer-
veilleux M. de BulTon a su da.sser ses idées, disposer l'ensemble de son livre,
nous faire passer en revue tant d'êtres divers ! Aussi ce livre a-t-il répandu dans
l(>^ monde une passion toute nouvelle, la passion de l'histoire naturelle, (irace à
M. (le lUilTon, l'histoire naluiclle esi devenue la piéoccnpalion des rois, des
h
X LE JAUDiiN DES PLANTES.
grands et des peuples. Les Gcorgiqucs de Virgile n'ont pas eu plus dinlluena;
sur le siècle d'Auguste que Vllistuh-r vntitrcllc n'en devait avoir sous le règne
de Louis XV. Aussi M. de HulTon fut-il grand et puissant entre tous les écri-
vains et tous les moralistes de ce siècle. 11 a protégé de son influence ce Jar-
din des Plantes qui était toute sa vie. Le respect, l'admiration, la reconnais-
sance de l'Europe savante l'ont entouré jusqu'à sa dernière heure; il a joué
jusqu'à la (in de ce siècle le beau rôle que iM.Cuvier devait jouer dans celui-ci ;
il a été le protecteur dévoué des sciences, l'ami des savants, s'intéressant à leurs
travaux et à leur fortune, indiquant aux voyageurs leur chemin sur ce globe
terrestre qu'il connaissait si bien, appliquant sa raison élevée à oublier les ré-
volutions qui grondaient de toutes parts. M. de Buffon a été heureux toute sa
vie ; il ne l'aurait jamais rêvée si belle. 11 avait deux domaines qu'il aimait d'une
égale passion : le Jardin du Roi et son château de Montbart que le roi Louis XV
avait érigé en comté. Le travail lui était facile, b stylo lui arrivait comme 1(>
chant arrive à l'oiseau; il aimait la gloire, il méprisait le bruit que la gloire fait
autour des hommes ; il ne s'occupait ni des agitations de la politique ni des
émeutes de la littérature ; la critique lui était humaine et facile ; la considéra-
tion et l'estime le suivaient d'un pas égal et sûr. Sa personne donnait tout à
fait une idée de son talent ; sa figure était belle et grave, son air imposant, son
extérieur magnifique; on disait qu'il mettait des manchettes à son style et
qu'il portait un habit brodé lorsqu'il écrivait. 11 obtint de son vivant un hon-
neur (jui, d'ordinaire, ne s'accorde qu'aux morts illustres; on lui éleva une
statue dans l'entrée du Cabinet du roi avec cette inscription magnin(|ue cpie la
postérité a confirmée :
MAJESTATl ÎNATLIl ïi PAIV INGEMIJM.
« Son génie est égal à In majesté de son sujet.»
Durant la vie de M. de Buffon d'autres améliorations s'étaient introduites
dans 1(^ Jardin du Hoi ; l'enseignement avait grandi; les trois Jussieu, M. Le-
monnier, M. Desfontaines, s'étaient montrés les dignes continuateurs de Tour-
nefort et de Linné. L'anatomie et la physiologie végétales, la classilication des
familles, des genres et des espèces, leurs rapports entre elles, leurs usages et les
diverses modifications dont elles sont susceptibles, tel fut le sujet de ces leçons
qui ont donné tant de grands botanistes à l'Europe. La chimie, avec Fourcroi
et Lavoisier, eut bientôt envahi ces savantes hauteurs. Antoine Petit, l'illustre
anatomiste Vic(| d'Azyr et Portai, ont aussi apporté là toutes les puissances de
leur enseignement. Ainsi, de son vivant, M. de Hulfon a vu s'accomplir son
grand rôve ; il a donné l'impulsion et la vie à ce jardin que les étrangers nous
envient et auxquels se rattachent tant de noms illustres entre tous.
Quand M. de Bufl'on fut mort, le Jardin des Plantes eut à subir plus d'une
révolution intestine : la révolution française arrivait à grands pas. Tout ce qui
tenait à la royauté, de près ou de loin, fut obligé de courber la tète, et cependant
il y eut un jour un administrateur du Jardin des Plantes qui se nomma Bernar-
din de Saint-Pierre. Certes, celui-là aussi, après avoir couru à travers le monde,
après avoir subi tant de fortunes diverses, passé par tant d'épreuves, se trou-
LK JAUDIN DES PLANTES. xi
vait enfin à la placp (iiii lui convenait le mieux ; il était n6 avec un grand senti-
ment des beautés de la nature qu'il a expliquées à la façon d'unpoëte enthousiaste
et convaincu. Chez lui, l'émotion intérieure était vive et puissante. 11 avait ap-
pris la botanique en môme temps que J.-J. Rousseau, et comme lui, il l'avait étu-
diée avec caprice, avec amour, revenant sans fin et sans cesse à cette contempla-
tioninfinie du printemps, de l'été, de l'automne, de toutes les saisons, de toutes
les beautés, de toutes les parures, de tous les accidents de la campagne. Une
histoire bien simple et bien touchante, l'histoire de deux enfants, /^n»/ r/ Vircfi-
me, qui s'aiment dans un des recoins les plus stériles de l'Ile-de-France, avait fait,
du nom de Bernardin de Saint-Pierre, un de ces noms que l'on bénit et que
l'on aime. Sans nul doute^ celui-là n'est pas un honune à la hauteur de M. de
Bufl'on, le grand seigneur, qui administre une grande affaire, (jui conuuande
encore même quand il demande , mais c'est un administrateur bienveillant,
dévoué, qui sait toutes les difficultés de sa tache. Peut-être n'aurait-il pas eu
le génie de concevoir, le courage de fonder et l'habilité d'agrandir une insti-
tution conune le Jardin du Roi, mais au moins a-t-il eu le bon esprit de la dé-
fendre. H l'a défendue avec urbanité , avec bienveillance, en consultant les nn-
cinis, comme il le dit dans ses rapports au ministère de l'intérieur. Bien plus,
chose étrange, si vous avez au Jardin des Plantes des lions et des tigres, si le
Parisien oisif, le provincial désœuvré, peuvent, à toute heure du jour, se donner
la joie d'entendre hurler les habitants féroces du désert ; si l'ours ^lartin est
devenu, pour cette population d'heureux badauds, une espèce d'Odry pataud
et goguenard, qui fait la joie publique avec ses sauts et ses gambades, c'est
là un bonheur dont vous êtes redevables à Bernardin de Saint-Pierre. Il a sauvé
d'une mort imminente la ménagerie du palais de Versailles, qui était, avant
89, un des amusements du roi et de la cour. Comme les lions et les tigres de
Versailles manquaient d'aliments (déjà la nation se fatiguait de nourrir le roi,
la reine et la famille royale), on écrivit au Jardin du Roi pour implorer son hos-
pitalité en faveur de ces intéressantes victimes de l'an I" de la liberté. Ber-
nardin de Saint-Pierre accepta à l'instant même, et sans bénéfice d'inventaire,
cette partie de l'héritage de la royauté aux abois. Il prit en pitié ces tigres hur-
lants, ces lions affamés, ces panthères bondissantes, ces loups féroces, ces ours
furieux, et avec des larmes dans la voix, avec ce style irrésistible tout rempli
d'humanité et de chaleur, il demanda un sauf-conduit pour ces malheureux
proscrits qui n'avaient plus d'asile où reposer leurs têtes et leurs griffes. C'é-
tait à l'instant même où Bernardin de Saint-Pierre, rempli d'inquiétudes sinis-
tres, était en train d'écrire toutes sortes de vœux , vœux f.onr le roi, va-nx pour
le clexjc, vaux pour In noblesse, vœux pour la nation, vœux pour iédneal'wn
nniioiiale, lunix pour les nniious, et enfin vœux pour les bêtes féroees. De tous
ces vœux-là, ce dernier vœu était le plus facile à exaucer. Dans ce dernier
mémoire. Bernardin de Saint-Pierre était tout à fait dans son élément; il défen-
dait l'étude de la nature, qui est la base de toutes les connaissances humaines;
il démontrait, à qui de droit, rincontcstable utilité d'un établisscMuent pareil. Il
n'est pas une profession de ce monde (pii n'y vienne puiser des linnières; le zoo-
logiste, le botaniste, le minéralogiste, tous les arts (pu se rattachent aux trois
premiers règnes de la nature, les lapidaires, les chimistes, les apothicaires, les
XII LE JAliDiN DES PLA.NTES.
(lislilliiieuis, les chiiurKiciLs, les niiiitoinistos, les iiH-dccins, sans coiiiptcrlc des-
sinateur, le peintre, le sculpteur, ipii trouvent leurs modèles réunis dans le
intime espace, i'.e là sont sortis les Tournefort, les Mouelle, les Maccaire, les
Jussieu, les Vaillant, les Buflon et tous les savants qui illustrent TKurope inr-
dernc et tous leurs ouvrages qui se sont répandus dans le niondi; avec une
multitude de végétaux utiles et agréables, empruntés au Jardin des Plantes.
M. Bernardin de Saint-Pierre proposait donc de compléter cette vaste colkn-
tion. Au cabinet, qui renferme les trois règnes de la nature morte des fossiles,
des herbiers, des animaux disséqués, empaillés, injectés; au .jardin, qui ne con-
tient que les deux premiers règnes de la nature, il proposait d'ajouter une mé-
nagerie. Cette ménagerie était toute trouvée, il n'y avait (ju'à adopter la mé-
nagerie du jardin de Versailles. Bulfon lui-même en avait eu grande envie ; mais
fjuel que grand que fût le crédit de Tillustre écrivain, il n'avait pas osé disputer
ces tigres et ces panthères à l'homme de la cour qui en avait le gouvernement.
Maintenant, il ne s'agissait plus de disputer ces animaux féroces; au con-
traire, les mallieureux venaient d'eux-mêmes au Jardin des Plantes; ils implo-
raient une visite de Bernardin de Saint-Pierre et de Daubenton. Bernar-
din de Saint-Pierre fut le seul (jui vint en aide à ces malheureux proscrits.
Cette ménagerie de Versailles se composait tout simplement de cinq animaux
étrangers: I" le couagga, une espèce de cheval zébré à la tète et aux épaules,
animal fort doux (jui tendit sa petite tète mutine à l'auteur de /'(tnl n Vir(j'i-
nic, connue s'il eût reconnu son protecteur et son ami; i" le bubal, un petit
bœuf qui tient du cerf et delà gazelle ;. il avait été envoyé au roi de France par
le dey d'Alger, en iTSô; .">" le pigeon huppé de l'Ile de Banga , admirable oiseau
d'un beau plumage bleu couronné d'une superbe aigrette {;ui lui couvre la
tète en forme d'auréole; i" le rhinocéros de l'Inde, .•,<> le lion du Sénégal; i!
avait sept à huit mois; on lui avait donné pour compagnon un chiiMi braque :
le chien et le lion étaient les meilleurs amis du monde. Ils jouaient ensemble,
non pas comme deux lions, mais bien comme deux chiens, tout le reste de la
ménagerie avait été pillé par l'émeute. On avait enlevé entre autres animaux
un (liotfiadinrr, cinq espèces de singes et une foule d'oiseaux plus ou moins bons
à manger. Le gouvernement de ce temps-là eut bien de la peine à ne pas nielhe
à mort ces restes malheureux d'une ménagerie enviée par Bud'on. On voulait
les faire disséquer et faire placer leurs squelettes au cabinet : « Il suffit d'étu-
dier les animaux morts pour connaître suffisamment leur espèce, » disaient les
économistes. A quoi répond Bernardin de Saint-Pierre, (jui retrouve ainsi son
éloquence et son courage :
(I Ceux qui n'ont étudié la nature que dans les livres ne voient [slus (|ue
leurs livres dans la nature : ils n'y cherchent plus que les nonss et les caractères
de leurs systèmes. S'ils sont botanistes, satisfaits d'avoir reconnu la plante dont
leur auteur leur a parlé , et de l'avoir rapportée à la classe et au genre qu'il
leur a désignés, ils la cueillent, et l'étendant entre deux papiers gris, les voilà
très-contents de 1(mu- savoir et de leurs recherches; ils n(^ se forment pas un
herbier pour étudier la nature, mais ils n'étudient la nature que pour se for-
mer un herbier. Ils ne font, de même, des collections d'animaux que pour renq)lir
leur cabinet e( connaître leurs noms, leius genres et lems esjièccs.
LE JARDIN l>ES PLANTES. xiil
'. Mais (lUi'l est l'ainatcur de la naliirc ([ui étudie ainsi ces ravissants ouvra-
ges? Quelle dilîérence d\in végétal mort, sec, flétri, décoloré, dont les tiges, les
feuilles et les fleurs s'en vont en poudre, à un véi^étal vivant, plein de suc, qui
bourgeonne, fleurit, parfume, fructifie, se ressème, entretient mille harmonies
avec les éléments, les insectes , les oiseaux , les quadrupèdes, et se combinant
avec mille autres végétaux, couronne nos collines ou tapisse nos rivages!
« Peut-on reconnaître la verdure et les fleurs d'une prairie dans les bottes de
foin, et la majesté des arbres d une foret dans les fagots? L'animal perd à la mort
encore plus que le végétal, parce qu'il avait reçu une plus forte portion de vie.
Ses principaux caractères s'évanouissent, ses yeux sont fermés, ses prunelles
ternies, ses membres roidis; il est sans chaleur, sans mouvement, sans senti-
ment, sans voix, sans instinct. Quelle diflérence avec celui qui jouit de la lu-
mière, distingue les objets, se meut vers eux, aime, appelle sa femelh^ s'ac-
couple, fait son nid, élève ses petits, les défend de ses ennemis, étend ses relations
avec ses semblables, et enchante nos bocages ou anime nos prairies ! Reconnaî-
triez-vous l'alouette matinale et gaie comme l'aurore , qui s'élève en chantant
jusîiue dans les nues, lorsqu'elle est attachée par le bec par un cordon, ou la
brebis bêlante et le bœuf laboureur dans les quartiers sanglants d'une bouche-
rie? L'aniinal mort, le mieux préparé, ne présente qu'une peau rembourrée, un
s'iuelelte, une anatomie. La partie principale y nuauiue : la vie (pii le classait
dasis le règne animal. 11 a encore les dents d'un loup, mais il n'en a plus l'in-
stinct, qui déterminait son caractère féroce et le dilîérenciait seul de celui du
chien si sociable. La plante morte n'est plus végétal , parce qu'elle ne végète
plus; le cadavre n'est plus animal, parce qu'il n'est plus animé ; l'une n'est
qu'une paille, l'autre n'est qu'une peau. 11 ne faut donc étudier les plantes dans
les herbiers, et les animaux dans les cabinets, que pour les reconnaître vivants,
observer leurs qualités, et peupler de ceux qui sont utiles nos jardins et nos
métairies. »
Cette voix éloquente devait être entendue. Et d'ailleurs, en tout ceci,Hernar-
nardin de Saint-Pierre ne prenait que la défense des lions et des tigres. Donc
il fut décidé ([u'une ménagerie serait établie au Jardin des l'iantes; ([ue la mé-
nagerie de Versailles y serait transportée, et aussi la ménagerie du Uainci. Si
bien ([u'un jour, par cette même route de Versailles où tout un peuple en
fureur était venu chercher le roi , la reine, M. le dauphin, nuidame Elisabeth ,
toute cette faunlle de saint Louis; par ce même chemin sanglant où ces condam-
nés à mort étaient traînés lentement dans la poussière, on vit passer, traînés
dans une voiture à (juatre chevaux, mollement couchés (hins leur niche de
chaque jour, suivis et précédés de leurs gardiens, qui les entouraient de petits
soins, de prévenances et de caresses, le couagga, le bubale, le pigeon huppé, le
rhinocéros et le lion. On n'avait même pas séparé le lion de son ami tidèle et
dévoué, le chien caniche. Quelle est, je vous prie, riiisfoire de ce monde qui
n'ait pas ses contrastes? Quelle est la révolution qui n'ait pas ses victimes?
Quelle est la grande route, quelle est la vaste mer qui n'ait pas vu passer, avec
unétomiement plein d'épouvante, la royauté dans ses appareils si divers?
Mais (juoi donc? à propos des fleurs et des plantes, et des fruits de l'au-
(onine, et des grands arbres qui nous viennent de loin; à proi)()S des lis et des
XIV LE JAUDliN DES PLANTES.
roses, à propos du beau jardin qui resplendit ià-bas sous le soleil, gardons-nous
bien d'aller au-devant des passions politicpics. i.aissons-lescouriret se démener
tout à l'aise de Versailles à Paris, et de Paris dans le reste du monde ; que nous
importe? 11 ne s'agit pas de sauver une antique monarcliie qui se perd, il s'agit
d'agrandir et de sauver le jardin que M. deBuffona planté de ses mains. Vienne
la république une et indivisible, elle est la maîtresse souveraine! mais, au moins,
sauvons le Jardin du I»oi. — Jardin iln liai ! c'était là , en elTet, le nom primitif
de ce petit univers en raccourci. Cette fois, la liberté nouvelle, impatiente de
tout entraîner, se répand çà et là comme un torrent vainqueur qui apporte
avec lui toute sorte de fécondités et de désordres. Mais à l'heure où nous som-
mes, 18 mars 1702, toutes les universités sont abolies, toutes les académies sont
supprimées, même la faculté de médecine est proscrite. Cependant, au milieu de
tout ce renoncement, que va devenir le Jardin, le Jardin du Roi? Un caprice de
cette nation de 02, qui allait si vite, a sauvé le Jardin du Roi. Quelques hon-
nêtes gens se rencontrèrent, qui persuadèrent au peuple français que le Jardin
du Uoi était un grand dépôt d'herbes médicinales , où les malades venaient
chercher la santé du corps, entrepôt bienveillant où chacun se fournirait de
mauves, de camomille et de tilleul. On ajoutait que le laboratoire de chimie
servirait à faire de la poudre. Donc, nous aurons des tisanes rafraîchissantes et
des cartouches, du bois de réglisse et des bombes ; que pouvons-nous désirer de
])lus? A ces causes le Jardin du l\oi fut sauvé de la proscription générale. Eh ! que
de grandes institutions ont été sauvées pour des motifs moins sérieux que celui-
là. Vous avez peut-être vu à la plus belle place de la ville de Lyon une admi-
rable allée de tilleuls, qui est la joie, l'ornement, la fraîcheur, le délassement
de cette ville immense. On allait renverser les tilleuls et en faire du bois, lorsque
se présenta un jour aux proconsuls de commune affranchie une vieille femme,
sexagénaire, pour expliquer à ces terribles niveleurs, comment elle avait l'habi-
tude, depuis cinquante ans, de se promener chaque jour d'été, à l'ombre de ces
vieux arbres; que ces arbres l'avaient vue naître, et qu'elle ne voulait pas les
voir mourir. On écouta favorablement la vieille femme ; on prit en considéra-
tion son humble prière. Ainsi furent sauvés les beaux tilleuls de la place de
Bellccour.
Cependant vous comprenez bien que ces titres de Janlhi du Uoi, iiilcn-
dani du roi , et tout ce qui sentait tant soit peu sa monarchie, durent immé-
diatement disparaître. Aussi fit-on un décret qui ordonnait qu'à l'avenir le
Jardin du Roi s'appellerait jV//.s/»j?t dliisiairc nalurtUc; qu'il n'aurait plus d'o/-
//Vi('/-.s, mais des professeurs ; \)\us d'iuicinlani h yic , mais un (Hrecl<ur h chan-
ger chaque année. Quant aux professeurs à nonuuer, quant aux chaires àétablir,
la chose fut faite avec beaucoup de générosité et d'intelligence. Les cours du
Muséum irhisiiiirc naiitrcllc se composaient de douze chaires : minéralogie, chi-
mie générale, art chimique, botanique dans le Muséum, botanique dans la cam-
pagne, culture, deux coure de zoologie, anatomie humaine, anatomie des ani-
maux, géologie, iconographie naturelle. Par le même décret on instituait au
Muséum une bibliothèque qui se devait composer de tous les livres des établis-
sements publics (|ue la nation avait déjà supprimés, ou qu'elle supprimerait plus
lard. Les douz(> prof(>sseurs se nonunaient : Daubenton, Fourcroi, Brongniart,
LE JARDIN DES PLANTES. w
Dosfoiitaincs, de Jussieu, Portai, Mortrud, Lamarck, Faiijas de Saint-Fond,
(;ooflVoy,\anspaondonck, A. Thouin. Ajoutez à ce personnel, déjà considérable,
le nom de iM. de Lacépède, ancien collaborateur de M. de BulVon, les noms de
MM. Maréchal et des deux frères Redouté. — Cest le même Pierre-Jean P.edouté
qui a été pendant c|uarante ans le plus charmant et le plus exact des peintres
qui aient donné Téternité aux lleurs, ces astres d^ui jour. Le nom de Picdoulé
se rattache au Jardin des Plantes par toutes sortes de chefs-dYeuvre d'un prix
inestimable. 11 est Thistorien des liliacées et des roses; il leur a donné autant de
durée (pie les plus ^nands narrateurs en ont donné aux gagneurs de batailles.
l\endons justice à qui de droit. Cette idée d'avoir un peintre pour les plus belles
lleurs, pour les plantes les plus curieuses de nos jardins et de nos campagnes,
appartient à Gaston d'Orléans, le propriétaire du jardin de Blois, le premier
prince du sang qui se soit occupé d'horticulture avec le zèle d'un savant et
une dépense toute royale. Gaston d'Orléans aimait ses Heurs autant, pour le
moins, que xM. le régent devait plus tard aimer ses maîtresses. Le jardin de lUois
avait son peintre ordinaire, tout comme il avait son jardinier en chef. Le peintre
de fleurs de Gaston d'Orléans s'appelait Robert : c'était un artiste patient, labo-
rieux, exact, ne donnant rien au hasard, môme quand il peignait une rose. A la
mort du duc d'Orléans en 1060, Colbert acheta, pour la bibliothèque du roi, le
recueil des plantes peintes par Robert sur vélin. A Robert succéda, plus tard,
Vanspaendonck. Celui-là, plein de fougue et de caprices, grand coloriste, dessi-
nateur fantasque, arrangeant et disposant à sa guise les plus fines et les plus
délicates créations de la dore française. Redouté s'est montré le digne succes-
seur de ses deux maîtres ; il a été exact comme Robert, coloriste conuue Vans-
paendonck. 11 avait été mis au monde tout exprès pour jouer, comme disent les
enfants, aujeu de regarder les fleurs. Il étudiait ces plantes délicates, ces formes
vaporeuses, cette couleur idéale tombée du ciel avec la rosée du printemps,
tout comme Dupuytren lui-même étudiait, à la môme époque, les nerfs, les
tendons, les artères, les viscères que contient le corps de l'homme. Pour les
peindre tout à l'aise, ces fleurs bien-aimées qui ont été la couronne de sa jeu-
nesse, la fortune de son Tige mûr et l'apothéose de son tombeau , Redouté, ce
peintre charmant, avait inventé et perfectionné l'aquarelle, comme la seule cou-
leur qui fut digne de reproduire dans ses nuances les plus fines et les plus dé-
licates le tendre émail des prairies, le frais coloris des jardins. Cet honuue, qui
a peint toutes les fleurs de la création, n'en a pas inventé une seule. Il faut le
dire à sa louange, il a prouvé qu'un peintre de fleurs pouvait être et devait
être un artiste sérieux. Ainsi parmi toutes les batailles de la révolution et de
l'empire, au plus fort de toute cette gloire des armes et de la politique ([ui nous
apparaît aujourd'hui comme un rêve. Redouté s'est tenu renfermé toute sa
vie, dans le jardin en été, dans la serre en hiver. 11 s'est maintenu entre une
double haie d'aubépines en fleurs, au bruit de l'Europe en armes, au bruit
des trônes qui croulaient. Cet honuue heureux n'était occupé qu'à ramasser
des bluets dans les chanq)s et des roses à toutes les épines. Il a été un in-
stant le roi de la Malmaison et le favori de cette douce impératrice Joséi)hine,
qui aimait tant les hortensias et les lauriers. Modeste et bon Redouté ! le
Jardin des Plantes uardera son souvenir conune on garde le souvenir de la
XVI I.E JARDI.N DES PLANTES.
première violette (jne nous a donnée notre j(>une inr.itresse. A voir sa main
dillorme et ses jjjros doigts, tiu'on eût pris pour les doigts d'un forgeron,
nui ne se serait douté des délicatesses infinies que ces gros doigts pouvaient con-
tenir; comme aussi à entendre sa parole embarrassée, à le voir chercher les mots
les plus vulgaires de la langue, qui aurait cru que c'était là le professeur le plus
suivi du Jardin des Plantes? pourtant la chose était ainsi. Au cours de lledouté
se pressaient en foule les plus charmantes femmes et lesplusaimables jeunes (illes
delà grande Huuille parisienne,qui venaient se mettre au courant de quelques-uns
des mystères que renferme la fleur; et puis, quand il parlait de cette grand(;
famille dont il était le Van-I)ick et le Rubens, Redouté devenait presque un ora-
teur. Il expliquait, à la façon d'un peintre éloquent, les moindres détails de
cette délicate anatomie des plantes. Pauvre homme! si aimable et si bon, si
ingénieux et si modeste, dont l'école a porté tant de fleurs, il est mort il y a
deux ans, frappé d'apoplexie par la mauvaise et brutale volonté d'un méchant
commis du ministre de l'intérieur, qui avait refusé de lui commander un tableau.
Le matin même il avait fait sa dernière leçon au Jardin des Plantes; puis en pas-
sant dans le jardin, il avait demandé un beau lis tout chargé de rosée; rentré
chez lui, il avait posé la belle fleur dans un vase de porcelaine, et il s'était mis à
la dessiner avec cette calme passion qu'il apportait à toutes ses œuvres. Cepen-
dant la nuit était venue déjà ; la fleur perdait peu à peu ce nacre transparent
qui la rend si brillante , le lis se penchait sur sa tige languissante, la corolle
fatiguée s'entr'ouvrait avec peine laissant échapper son pollen maladif. « Il finit
que je me hâte, dit Redouté, voici déjà que m'échappe mon beau modèle; il
ne sera plus temps demain, hâtons-nous ce soir. » En même temps il allumait
sa lampe; le lis fut placé sous cette lueur favorabli% Redouté continuait son
travail. Hélas! qui l'eût cru, qui Teût janiais pensé? entre le peintre et son
modèle, c'était un duel à mort. A ce monient solennel la noble fleur royale, je-
tant autour d'elle toute son odeur suave, toute son Ame ; le peintre résistait de
toutes ses forces. A la lin il fut vaincu, il tomba roide mort sur cette page com-
mencée, il dura moins longtemps que cette fleur, rsous avons eu sous les yeux
ce dessin inachevé de Redouté; c'est la dernière, et c'est, sans contredit, la
plus belle fleur qui soit sortie de ses mains. Que si vous voulez savoir ce qucst
devenue cette longue suite de dessins, continuée sans interruption depuis Gas-
ton d'Orléans jusqu'à nos jours, allez à la bibliothèque du Muséum, parcourez
ces immenses in-folio remplis des plus admirables peintures sur peau de vélin,
et vous resterez anéanti devant une telle merveille. La partie botanique seule
compte plus de six mille dessins originaux et d'après nature ; les connaisseurs
adirment que cette collection vaut plus de deux millions. 11 faut dire aussi
([ue la série animale est presque aussi riche; ([u on y travaille sans fin et sans
cesse, et que jamais plus grande, plus somptueuse entreprise n'a été exécutée
sur une plus vaste échelle et par des artistes plus habiles.
Que si vous ajoutez à ces noms d'autres noms (|ui sont devenus célèbres
à plus d'un titre : MM. Dufresne, Valenciennes, Deleuze, vous coinprendrez
{|ue le Jardin des Plantes n'a pas à se plaindre de la révolution française.
C'est la révolution (|ui a rappelé AL de Lacéi)ède ; elle a agrandi le Musée,
régularisé et agrandi le jardin ; elle a été animée des meilleures intentions. Mal-
Il: j. A II 11 IN i)i:s l'i AMi:s. xmi
lnHireiisomont il est arrivé plus (rniit' fois (jue, tout d'un coup larpicnt V(Miant à
uianqiicr,los plantes mouraient faute de feu dans les serres, les animaux faute
d'aliments dans leurs cages. La révolution avait encore ceci de bon qu'elle avait
défïagé le Jardin de toutes sortes d'entraves; elle s'était emparée des jardins
et des maisons qui l'obstruaient. Bien {)lus, elle avait poussé la précaution
jusqu'à emprunter au Stathouder de la Hollande, en !70.j, emprunt fait les
armes à la main connue nous empruntions toutes choses en ce temps-là, deux
éléphants maie et femelle pour le Jardin des Plantes. Vous pensez si ce fut là
une fête pour le Jardin et pour le peuple de Paris : un éléphant, deux élé[)hants,
le niAle et la femelle! 11 ne fut plus question de la conquête de la Hollande pen-
dant huit jours.
Revenons cependant à Bernardin de Saint-Pierre. Son nom est un de ceux
(jui font le plus d'honneur au Jardin des Plantes. Le roi Louis \ VI lui avait dit
en le nonunant: «J'ai lu vos ouvraj^es, ils sont d'un honnête homme, et j'ai<'ru
nommer en vous un digne successeur de Buffon. » Le passage de Bernardin de
Saint-Pierre a laissé des traces utiles, sinon savantes. Plusieurs de ses projets ont
été adoptés depuis lui. Avec cette imagination poétiipiequi ne l'a jamais quitté,
il voulait établir la ménagerie sur un plan aussi vaste que pittoresque ; elle
devait renfermer des volières plantées de toutes sortes de végétaux, des rivières
d'eau courante, des étables bien aérées et jusqu'à de soudures cavernes appro-
priées aux bêtes féroces. Il demanda, comme nous lavons dit, le transport de la
ménagerie de Versailles à Paris ; il eut à soutenir contre les économistes de
ce temps-là de violentes disputes en faveur des plantes et des arbres du Jardin
national. Il défendit lui-même contre la souveraineté du peuple, et cette sou-
veraineté était sans répli(|ue,ce jardin ([ue le roi Louis XVI avait confié à sa pro-
bité et à son honneur. — « Je suis le maître, disait le peuple, je suis chez moi,
dans mon jardin. Eh bien ! qui m'arrête? je veux briser mes arbres, cueillir mes
tleurs, manger mes fruits, mettre à la broche mes faisans et mes perdrix rouges. »
Le raisonnement était spécieux : Bernardin de Saint-Pierre y répondit en invitant
les citoyens du faubourg Saint->Iarceau à faire dans le jardin une garde frater-
nelle , la baïonnette au bout du fusil. Pour le récompenser de son zèle et de son
courage, sa place fut supprimée. Alors il se retira à Lssone, dans une maison
(ju'il avait bâtie. La lettre qu'il écrivit au ministre est touchante et prescpie
simple pour un homme comme M. de Saint-Pierre : « Je ne souhaite, disait-il
(I au sortir de l'intendance, que de pouvoir vivre dans une chaumière, dans
« cette humble et paisible enceinte, préservé des ambitions qui déchirent ma
« malheureuse patrie; je recommencerai ce que je n'aurais jamais dû quit-
« ter. I)
C'est ainsi (pi'il sortit du Jardin des Plantes pour n'y plus rentrer. .\ Lssone,
il reprit ses longs tra\aux de chaque jour. Trop heureux encore qu'il ait
été oublié dans ces tempêtes (|ui faisaient tomber la tête du fils de Buffon, de
Boucher et d'André Chenier.
Cependant nous voici à l'an de grâce IT!)r. . le Jardin des Plantes, retiré dans
son faubourg dont il est l'honneur et la fortune, reçoit une lettre du capitaine
l>audin,où il était dit que le capitaine avait réuni dans l'île delà Trinité une riche
collection de matériaux pour Ihisloire naturelle, (pi'il demandait un vaisseau et
xvMi KK .lAIUHN l)i:s PLANTIvS.
(l(\s lioîîimcs pour rapporter cette riche collection au Muséum, (hi accorda au
capitaine le vaisseau et les hommes qu'il demandait : .MM.Maujïcret Villain,zoolo-
lïistes, M. le botaniste Leduc, .M. lUedley,, jardinier du Muséum. On met à la voile
lo 'i 0 septembre; on fait naufrage aux îles (lanaries; enlln, après bien des traverses
et au bout dune année entière, ce nouveau et savant vaisseau des Argonautes re-
vient tout chargé d'arbres, de végétaux, de ricii(>s herbiers. Chemin faisant, quel-
(iues-unes de ces plantes avaient porté leurs fruits et leurs Heurs connue en pleine
terre. Voilà donc le Muséum qui prend le goût des voyages; les voyages et la guerre
l'enricliissent également. On va chercher en Afriijue la collection d'oiseaux de
M. le Vaillant ; on ramène de la Guyane la collection de M. Dragton. Il \ eut bien
encore de mauvais moments à passer, à ce point qu'en l'an ISOO (Bonaparte
n'était pas encore lo maître de la société qu'il devait sauver), on fut obligé de faire;
dévorer aux plus beaux lions des lions de la moindre espèce; celui-ci, égorgé
le matin, nourrissait celui-là le soir... c'était tout à fait comme en 1795 pour les
liomnies ; mais bientôt vint le premier consul Bonaparte, mais bientôt vint l'em-
pereur ><apoléon, et avec lui revinrent au gîte national les lettres, les sciences,
les beaux-arts, la civilisation tout entière. A la fin, cette France, fatiguée de
tant d'agitations intestines, et se sentant gouvernée par une main intelligente et
ferme, revenait à la passion doses beaux jours. Désormais les tigres et les lions,
les bourgeois et les grands seigneurs purent dormir en repos, défendus et pro-
tégés qu'ils étaient par la môme volonté. Te Jardin des Plantes grandit comme
grandissaient toutes les choses impériales. On se mit donc à arranger et à bâ-
tir; on donna droit d'asile aux résultats scientifiques de tant de conquêtes; on
s'occupa en même temps dos éléphants et des insectes. 11 est vrai ([ue les lions
avaient fait des petits dans la ménagerie; mais le lion du roi Louis XVI était
mort de cliagrin d'avoir perdu son caniche, mais le kangouroo se faisait vieux,
mais l'éléphant pris en Hollande s'était dégoûté de sa femelle. L'emiiereur or-
donna une recrue générale ; il envoya acheter des bétes fauves même en An-
gleterre, à savoir : deux tigres, le mâle et la femelle, un couple de lynx, un
mandrill, un léop;ird, une hyène, une belle panthère; on avait accordé par-
dessus le marclié quelques beaux oiseaux et quelques plantes rares. Ainsi
s'augmentait cette collection rugissante. Déjà nous sommes bien loin do ce pe-
tit jardin où le médecin du roi Louis XIII élevait quelques plantes plutôt pour
son plaisir que pour l'utilité générale. Vous en pouvez juger par ces parterres
({ui s'étendent au loin, par cette galerie pourvue de glaces et de stores, par
cette belle serre tempérée, garnie de magnifiques arbustes. A l'heure où nous
parlons, toutes les parties des sciences naturelles sont également enseignées,
Tordre est partout, partout enfin vous pouvez retrouver dans chaque parcelle
de ce petit espace une partie des bii nfaits qiUi la main de la Providence divine
a répandus sur le globe, pour être entre tons les hommes de ce monde un
perpétuel sujet d'échange, de commerce, de libéralité fraternelle et do recon-
naissance envers ce Dieu qui a donné aux créatures faites à son image tant de
fruits, tant d'or, d'argent et de fer, tant d'animaux et tant de fleurs. A ce mo-
ment-là paraît au Jardin dos Plantes un lionuno d'un rare bon sons, un des
créateurs de la chimie. J'ai nonmié M. Fourcroi; il avait en lui les qualités
du savant et du grand administrateur. Quand il vit (pie l'institution s'était
LE JAi;i)l.N DES IM.AMES. Xi\
ainsi agrandie, ainsi fécondée, quelle était plus durable pcut-jlre que le Irùnc
de lÏMnpeieur en personne, Fourcroi comprit que ce n'était pas assez pour le
Muséum d'avoir des correspondants dans toutes les parties du moiule, d'en-
voyer çà et là des savants et des vojageurs, ici des capitaines (pii explorent
l'univers connu, là-bas des ambassadeurs qui achètent, il voulut que le travail
incessant du Muséum devînt non-seulement un enseignement parlé, mais en-
core un livre écrit. A ces causes, il institua les AniKtlcs Un .),hschih; dans ce livre
qui n'a pas son égal dans le monde, chaque professeur devait consigner les pro-
grès et les découvertes de la science; les plus habiles dessinateurs devaient en
faire les dessins; tous les h.ommes distingués de l'Europe savante étaient de droit
rédacteurs de ce recueil. Ainsi fut fondée cette vaste collection, l'honneur de l\
science moderne. Adoptés par toute l'Europe, les Mcmoircs du Muséum d'Iiu-
luïrc nalurclle doivent représenter jus(iu'à la lin de la civilisation française les
travaux, les efforts et les progrès de cette réunion d'hommes qui n'ont jamais
manqué ni au passé ni au présent de la France, et ({ui certes ne manqueront
pas à son avenir.
On comprend très-bien que dans celte espèce de monument à trois élagcf;,
dont chaque étage est représenté par un des règnes de la nature, dans ce pha-
lanstère de la science, permettez-moi de me servir de ce mot nouveau, devaient
survenir toutes sortes de fortunes heureuses ; c'estainsique fut achclé le cabinet
de minéralogie de M. Warisse : ce cabinet seconq^-osait d'une collection de mi-
néraux de toutes sortes; le propriétaire en voulait I,jO,000 livres. Le Muséum
n'avait pas d'argent comptant, mais il avait des pierres précieuses, des mor-
ceaux de lapis-lazuli, une pépite d'or; il s'estima trop heureux d'échanger ces
inutiles richesses contre celte suite régulière d'échantillons dont le tem[;s de-
vait rem|)lir toutes les lacunes. L'expédition d'Egypte avait au.ssi apporté au
Muséum ses momies, ses animaux sacrés, toutes les reliques fabuleuses des
temples et des tombeaux de Thèbes et de Memphis. Dans sa course armée à
travers le monde, l'empereur n'oubliait jamais le Muséum : il lui envoya tour à
tour les poissons fossiles de Vérone, les échantillons des roches de lîle de
Corse, tout le résultat du voyage aux terres australes; dans ce voyage se dis-
tinguèrent M. Lcsueur, peintre d'histoire, et M. Peron ; ils rapportèrent plus de
100,000 échantillons d'animaux grands et petits, et appartenant à toutes les
classes; ils rapportèrent le zèbre et la guenon pour l'inqx'ratrice Joséphine.
leur herbier élaitinunense, leurs plantes vivantesétaient sans nombre : c'étaient
des fruits inconnus, des plantes toutes nouvelles, des arbres sans nom. Les mé-
trosidcros, les mélaleucas, les leptospermes ; c'était l'eucalyptus, un arbre qui
arrive à IjO pieds dans son pays natal. Il serait impossible de conq^or (ous
les arbres nouveaux qui sont sortis de ce jardin ; la famille dos myrtes a elle
seule est innombrable, et notez bien que toutes ces familles allaient s'augmen-
tant chacune à leur tour : aujourd'hui les mjrles, demain les singes; chacinc
homme et chaque animal de la création était placé dans son paysage naturel ;
dans les parcs et sous l'épais gazon, les cerfs, les daims, les axis, les bou(iue-
tins, les rongeurs, les guenons, les kangouroos, le zèbre; dans les bassins et
sur le bord des ruisseaux, les cygnes, les canards, le pélican, les paons étalanl
leur (pieue superbe: au centre du jardin, les autruches et les casoars ava.ont
\\ I.L JAiUH.N i)l.S IM.A.N I i:S.
leur enclos sable ; les oiseaux de proie [ioussaienl leurs eiis luiièijres el s'a-
l)ati(l()nnaient à leur féroce joie sans in(juiélei- les faisans dorés et les oiseaux
(le la basse-eour. Ainsi peu à |)eu la science leniiiorlail sur la curiosité frivole.
I.a inéna;j;erie élail fondée sur un plan régulier, tout corrunc les serres et les
plates-bandes; cliaque animal était à sa place naturelle, dans cet univers en mi-
niature, il avait son peintre pour le dessiner, son gardien pour le nourrir et
pour étudier ses mœurs, ses habitudes, ses amours, ses maladies; l'animal
mort, on le portait au laboratoire d'anatomieet de zoologie où il retrouvait une
vie nouvelle sous la main de l'empailleur; connue aussi chaque partie de ce ca-
davre devient utile à son tour, on utilise Fnème les vers des intestins, même les
insectes de la peau, car ce sont autant de sujets d'études. Ainsi se tenaient mer-
veilleusement tous ces détails ; ainsi la plante tenait à l'animal vivant, l'animal
vivant tenait à l'animal mort, et après la mort il y avait encore le squelette,
l'eu à peu se fondaient ces vastes galeries où l'anatomie comparée raconte
d'une façon moins solennelle, il est vrai, toutes les merveilles de la création. A
ce moment-là paraît un homme dont le nom restera comme l'honneur impéris-
sable du monde savant, j'ai nommé M. Cuvier : il était à lui seul toute une
science, j'ai presque dit toute la science; il était tout simplement de la famille
desdaliléeet des .Newton, de ces honunes qui d'un bond atteignent les limites du
monde. Ce fut donc dans ces salles d'anatomie comparée, au milieu de cette
longue série de squelettes et de toutes les parties de ces mêmes s(jue!et!cs, elen
comparant les os.sements modernes, avec les vieux ossements vermoulus qui
nous venaient du déluge, comme autant de vestiges fabuleux de l'univers d'au-
trefois, que Georges Cuvier s'arrêta épouvanté le jour môme où il découvrit que
la plupart di's ossements fossiles n'avaient pas leurs analogues partni lesètres vi-
vants. Sans nul doute ces animaux, dont on ne savait pas même le nom, avaient
vécu sur la terre ; sans nul doute ils avaienteu leurs passions, leur instinct, leur
utilité, leurs amours ; à coup sûr voici leurs ossements, voici la télé de celui-ci
et le fémur de celui-là ; l'un a laissé dans les limons du globe celte dent brisée,
l'autre celte corne recourbée, et maintenant voilà tout ce qu'il en reste ; pas
un individu entier n'est resté de cette famille éteinte ; pas un nom, ou tout au
moins un de ces noms qui se rencontrent dans Hérodote ou dans la Bible. Il
s'agit donc de ranimer toutes ces poussières, de retrouver toutes ces formes
évanouies, de rendre à ces pétrifications le nom qu'elles portaient (|uand elles
couraient dans les bois, quand elles s'agitaient dans les mrrs , quand elles
regardaient face à face le soleil. Certes c'est là une de ces taches immenses dont
l'idée seule faisait leculer d'épouvante. Quoi donc"? Nous ne psiuvez pas dire
le nom des cadavres enterrés sous les pjrumides d'Kgyple , bien que le nom
de ce mort soit écrit sur la pierre éternelle, et vous osez dire à coup sur (|uel
est le nom de l'animal (|ui était déjà devenu une pierre, le premier jour où fut
fondée la pyramide de Chéops; ainsi a fait .M. Cuvier cependant, ainsi il a ap-
pris à nommer, aussi bien (jue Dieu (piiles avait faites, ces créatures disparues
du globe, que la terre avait englouties dans ses entrailles. lA, connue en
France toute idée est rapidement féconde, de jeunes es|)rils se sont mis à la
recherche des coips organisés (!<'s anciens mondes, et ont découvert d'innom-
brables productions méconnues jusijue- là. M. Adolj lie lîiengniart a créé un
LL JAKDl.N DES PLANTES. XM
lj()l;mi(iiie Ibssile. Ea butte Montrnailre, la rnoiitaf^nc Saiiit-I*:eirc do Maos-
Iriclit ont fourni tic fîi^anlcsques troncs de palmiers, des Ijrujères arbores-
centes, des plantes tout entières : tiges, feuilles, lleurs et fruits. On a reconrui
(|uc les terrains liouillers n'étaient autre chose que des forets antédiluviennes,
lentement carbonisées, etconscrvaiit encore des formes végétales, (|u'unc pa-
tiente analyse rend tout à fait évidentes. Knfin, le croira-t on, ces inyrir.des
d'animaux microscopiques, qui pcujjlent les eaux, ont subi des transforma-
tions semblables à celles qui nous ont conservé les plus monstrueux habitants
des mondes j)rimitifs. Les formes les plus délicates, les appendices les plus im-
perceptibles sont aussi faciles à reconnaître queles vastes ossements du méga-
Ihérlum. M. Defrance avait déjà reconnu, dans les sables deGrignon, une mul-
titude de coquilles [)res(iuc imperceptibles; et, dernièrement, M. Khrcmberg
a trouvé des monades et des infusoircs à l'état fossile. Tout ceci est l'infini; et
le père Kirclier renoncerait ù donner une nouvelle édition de son Minidns snb-
lerrdicns. En [irésence de pareilles intellii^ences, on s'incline avec respect, on
admire et l'on se tait. Toujours est-il, ce[iendant, (|ue ce petit coin de terre oii
pareil travail s'est aecom|)li, (\ue ce jardin perdu dans le plus triste faubourg
où se .sont rencontrés HulTon et Cuvier, que ce point de départ verdoyant
(>l lleuri, de l'histoire naturelle et de l'histoire des fossiles, est à notre sens un
coin de terre admirable entre tous, (l'est ainsi qu'à Pise on nous montre la
tour penchée, du haut de laquelle Galilée pressentit pour la première fois l'im-
mobilité du soleil.
Les fruits, les herbes, tous les bois en échantillons, toutes les monographies,
chapities séparés de l'histoire naturelle, où se lisent les noms de Uumboldt, de
Kunth, de Hompland, envahirent bientôt tous les bâtiments du Muséum. Déjà
M de lîutlon avait été obligé de céder son propre logement à ces collections
(|ui arrivaient de toutes parts; les roches, les produits volcaniques, les labora-
toires de tout genre se pressaient chaque jour dans ces murailles réparées. En
métne temps, M. Geoffroy arrivait de LisbonriO tout chargé d'animaux nou-
veaux. M. .Michaux fils rapportait les échantillons de tous les bois d'Amérique,
M. Marcel de Serres rapportait d'Italie et d'Allemagne toutes sortes de miné-
raux ; M. Martin envoyait de Gaycnne les plus riches herbiers; le progrès allait
toujours croissant jusqu'en iSI3, où la France s'arrêta enfin, n'en pouvant
I)lus Ici commencent d'étranges misères : c'est une histoire d'hier, et pourtant
c'est une histoire incroyable. Les alliés, ces mêmes soldats qui avaient leur
revanche à prendre de tant de défaites, qui s'étaient emparés de Paris tout
initier, (jui ren)plissaient nos rues et nos maisons, qui faisaient du bois de
Boulogne une dévastation presque égale à celle qu'on y fait aujourd'hui ; les
alliés s'arrêtèrent pleins de respect à la porte du Jardin des Plantes. G'était en
cITet un terrain neutre dans lequel chaque partie de l'Lurope avait envoyé ses
productions les plus belles, les plus rares; là, devait s'arrêter l'invasion dans
une sorte de stupeur (jui tenait de la reconnaissance. Figurez-vous en effet ces
Gosaqucs, ces lUisses, ces Prussiens, ces Allemands, ces bâtards de l'Italie,
toute celle famille armée, battue si souvent et si longtemps par les armes
de la I lance, ils arrivent . disent-ils, pour tout ravager, pour tout détruire;
ils veulent savoir enfin (|uelle est l'innnortalité de ce peuple dotM le jous et
XXII Ll:: JAIlDliN Dli.S l>LANTi:S.
la liberté ont également pesé sur leur tête? Ils arrivent donc l arme au bras,
la torche allumée; Paris est pris enfin, et a\ec lui la France entière. Soudain
ils s'arrêtent, ils regardent, ils déposent leurs armes. 0 prodige! ils ont reconnu
les lleurs, les arbres, les animaux, la culture de la patrie absente, ^'esl-ce pas
une illusion ? voici des fragments de la terre natale , voici le compagnon de
leurs travaux champêtres; \oilà la tleur des champs qu'ils donnaient à leur
jeune maîtresse ; cet oiseau qui chante , c'est l'alouette de leurs sillons, c'est
le rossignol de leurs nuits d'été. Ainsi , ces hommes que n'a pu arrêter la
fortune de l'Empereur ^apoléon, ces hommes qui ont réduit la grande armée
à ne plus occuper que quelques sables de la Loire, ils sont vaincus par le
chant d'un oiseau, par la toison d'un bélier, par un coquillage, par un brin
d'herbe! Leurs Empereurs, leurs rois, leurs généraux, sont les premiers,
même avant d'aller voir le Louvre, à venir saluer les domaines des Buflon et
des Jussieu. L'empereur d'Autriche, l'empereur de Russie, le roi de Prusse
viennent reconnaître les échantillons de leur royaume ; les vainqueurs pro-
mettent d'augmenter les richesses des vaincus. Bien plus : pendant qu'ils re-
prennent au milieu du Louvre V Apollon, le Lnocoou, la Venus, la Coimnnnion
(le sa/ni Jérôme, la Salnlc Cécile, le Manarje de la Vierefe, tous les cliefs-d'o'uvre
de Titien, de Raphaël; pendant qu'ils remportent, bouillant de joie, les che-
vaux de Venise sur leur piédestal chancelant, pas un de ces vainqueurs
n'ose reprendre au Muséutn d'histoire naturelle, la plus petite parcelle de ses
conquêtes, tant ils trouvent que ces fragments sont à leur place ; ils veulent
bien dépouiller le Musée du Louvre, parce qu'après tout, un chef-d'œuvre est
partout un chef-d'œuvre, mais ils auraient honte de briser l'unité de la science ;
ce que leur a pris l'histoire naturelle, ils nous l'abandonnent, tant ils com-
prennent que ces conquêtes pacilicjues sont devenues notre propriété à force
de soins, de zèle et de génie. Rien n'est plus beau que cette histoire d'une
armée entière qui recule devant une profnnation ; il y a cependant une his-
toire aussi touchante. Vous vous rappelez ce jeune sauvage à qui on faisait
voir toutes les merveilles de Paris; on le menait aux Tuileries, à Notre-Dame,
à l'Opéra, dans lous les lieux où se fabriquent la puissance , la religion et le
plaisir, le jeune homme restait inunobile ; mais au Jardin des Plantes, tout
au bout d'une allée solitaire, le voilà qui se trouble, qui éclate en sanglots
cl qui s'écrie : Arbre de mon pays! et il embrassait l'arbre de son pays.
Voilà comment toute celle armée de six cent mille hommes s'est écriée, elle
aussi, dans un transport unanime : Arbres de monpaijs !
Ce pays de France est le pays le plus merveilleux pour se relever tout d'un
coup des commotions les plus terribles; c'est vraiment cette tour dont i)arle
Bossuet, celte tour qui snit réparer ses brèches ; il arriva donc que cette grande
pairie de lous les arts fut rendue à elle-même : l'invasion s'écoula comme fait
un fleuve immonde aiirès l'orage. De tous les monuments de Paris, le seul
qui n'ait pas été insulté, c'est le Jardin des Plantes. Au château des Tuileries
on avait ôté son empereur; à l'armée, son capitaine; à la colonne, sa statue;
au Musée du Louvre, ses plus rares chefs-d'œuvre; au bois de Boulogne, ses
plus beaux arbres; au trésor public, plus d'un milliard : à nos frontières, des
royaumes entiers. .. On avait r(>specté le Jjirdin des Plantes! c'était le terrain
LK JARDIN Di:S PLANTAS. xxiii
nciili'c où venaient se reposer tous les partis de leurs agitations sans nombre.
Dans ce beau lieu de rêverie et de calme, le vieux gentilhomme de l'iMnigration
cherchait à retrouver le souvenir des vieilles charmillos dont la révolution l'a-
vait tiépouillé ; le vieux soldat de la Loire, héros mutilé dans vingt batailles,
ne trouvant plus nulle part le portrait de lempereur et roi, venait saluer le cha-
meau blanchi qui avait porté le général lîonaparte dans les désert de l'KgJpte.
Les enfants de toutes les générations se rencontraient dansées paisibles allées
à Tabri de la foudre et de Forage ; l'enfant et le vieillard, la jeune fdle au bras
de son fiancé, le jeune homme à la poursuite de sa maîtresse, l/ombre, le re-
pos, le calme, la fraîcheur, les passions heureuses habitent en effet ces paisibles
hauteurs. Non, certes, ce n'est pas là que viendrait l'ambitieux pour s'aban-
donner à ses rêves boursouflés. Ce n'est pas là que viendrait l'avare tout préoc-
cupé d'argent et de fortune. Arrière h'S passions mauvaises ! ceci est le domaine
des nobles passions, des beaux rêves poétiques, des éclats de rire enfantins,
du bourgeois fatigué de travail, du pauvre soldat qui pleure son village, de
l'honnête provincial qui est venu chercher à Paris les brujanls plaisirs delà vie
et qui s'estime heureux de rencontrer celle calme oasis. C'est, en effet, un mer-
veilleux endroit pour la méditation, pour la rêverie, pour la nonchalance, pour
la contemplation. La science et l'oisiveté, la douce oisiveté et l'étude acharnée
sj coudoient sans se heurter. Les uns arrivent là au lever du soleil, ils étu-
dient dans ses moindres détails le grand mystère de la création : celui-ci le
crayon à la main, celui-là armé du scalpel, ce troisième, à l'aide de la loupe,
qui est son sixième sens; ils pénètrent peu à peu dans toute la science de la
forme, de la couleur, du mouvement; l'un regarde la plante parce qu'elle est
belle, l'autre l'admire parce qu'elle est utile ; celui-ci en veut aux parfums qui
s'en exhalent; cet autre, aux sucs bienfaisants (|ui guérissent. Il (ii est qui
font leur proie du tigre et du charal; il en est (jui n'en veulent qu'à l'insecte
et à l'oiseau-mouchc — heureuse passion, heureus.» science, passionnés loisirs!
VA qui donc, le premier en France, nous a appris à l'aimer cette douce étude
du sol que nous foulons? Qui donc nous a raconté les premières merveilles
de la plante et de la tleur? Ce n'est pas M. de Rullon. M. de Buffon n'est pas
un maître qui enseigne, c'est un historien qui raconte et qui devine. Il parle
des choses naturelles avec tous les entraînements de l'éloquence; il ne se fait
pas humble avec les humbles, petit avec les petits; il ne sait pas attendre
ceux qui veulent marcher dans sa voie ; il marche à pas de géant, il va tout seul
où Finsi)iration le pousse : tantôt dans les entrailles de l'homme, tantôt dans le
sein de la terre dont il explique la formation par une prescience incroyable
(|uela science moderne a confnmée; tanlôtausein des mers, un autre jour au
sommet des montagnes, dans toutes sortes d'endroils périlleux que nos faibles
regards ou nos pieds chancelants ne sauraient franchir. Non, ce n'est pas M. de
Pulfon qui est notre professeur de botaniiiue. Le premier de tous, celui qui a
vulgarisé l'élude et la contemplation des douces et frêles beautés de la nature,
c'est Jean-.Iaciiues llousseau en p( rsonne; c'est lui, le biùlant sophiste, lui qui
a renversé et brisé tant de choses, lui (pii a pesé Us sociétés vieillies dans ses
deux mains, lui qui a semé dans toutes ks Ames honr.êlcs ou perverties les
I rùlantes ardeurs de FIféloïse et du Saint-Preux, c'est .1.-.!. Fiousseau en jer-
XXIV Li: JARDIN ni: S PLANTES.
sonne qui a donné à la France sa première leçon de ho!anii|uc On eût dit quil
tenait à honneur de réparer, par l'enseignement de cette vcriueuse passion,
tous les paradoxes funestes qu'il a démontrés dans ses livres conune autant de
vérités incontestables, l'auvrc homme, malheureux qu'd faut plaindre, car il a
succombé le premier sous l'enthousiasme factice qui a fait tant de mnl aux
jeunes esprits de son temps; le premier il a senti le besoin de se tirer de ces
brûlantes hauteurs, et de chercher dans la fraîche vallée les douces conso-
lations d'une étude qui laissait de côté les hommes, leurs passions et leurs
mœurs. (ï'est ainsi que l'écrivain et les hommes qu'il agitait autour de lui,
les hommes, ces jouets dont il était le jouet à son tour, ont éprouvé tout d'un
coup la môme fatigue. Certes, vous ne lirez pas, sans attendrissement et sans
respect, les Lnircxsiir In holmùrine de J.-J. Rousseau. Le voilà ce grand maître
dans l'art de brûler les âmes ; le voilà ce sauvage qui foule d'un pied éloquent
et passionné la civilisation tout entière; le voilà, ramassant au penchant des
coteaux, au pied de l'arbre, sur le bord des chemins, la mousse qui pousse, le
lichen qui rampe et la feuille emportée par le vent d'automne. C'en est fait, il
<»ublie tout le bruit qui se fait autour de lui, et dont il est cause, et il revient
aux plantes, ces objets (ujicublcs cl vaiiês. Ce précepteur des hommes, qui leur
a enseigné tant de choses, même l'amour, se met à enseigner aux enfants le
nom des plantes, leur organisation et tous les détails de la strucluie végétale.
L'idée de cette passion lui vint un jour de l'arrière-saison : les plantes dont
la structure a le plus de simplicité étaient déjà passées, mais qu'importe? Le
printemps les ramènera tout à l'heure, conunençons tout de suite, se dit-il ;
une plante parfaite est composée de racines, de tiges, de branches, de feuilles,
de neurs et de fruits; étudions avant tout la Heur (|ui vient la première; et,
pour bien commencer, prenons un lis. Le lis a fait pâlir la magnificence de S;i-
lomon, le lis est la fleur du printemps, il est aussi la fleur de l'automne; étu-
dions ce bouton verdAlre qui blanchit à mesure qu'il est près de s'épanouir;
admirez comment celte enveloppe blanchâtre prend peu à peu la forme d'un
beau vase divisé en plusieurs fragments. Cette enveloppe s'appelle la corolle;
quand la corolle se fane et tombe, elle tombe en six pièces séparées qui s'ap-
pellent des pélales. La corolle du lis a six pétales; le liseron, la clochette des
champs, n'en n'ont qu'un... mais revenons à notre lis.
Dans la corolle vous trouverez précisément une petite colonne attachée tout
au fond : c'est le pistil. Le pistil contient le (jcnn", le fdet, le stigmate; entre
le pistil et la corolle vous trouverez l'éfamine; chaque étamine se compose du
filet et de l'anthère ; chaque anthère est une boîte qui s'ouvre quand elle est
mûre, et qui répand autour d'elle cette poussière jaune comuie l'or, odorante
comme la rose ; cette poussière s'appelle le pollm. — Ainsi sont composées les
lleursde la plupart des autres plantes. C'estpar l'analogie de ces parties et par
leurs diverses combinaisons que se déterminent les diverses parties du règne vé-
gétal. Notez bien, cependant. c|ue le lis, cette belle fleur royale, n'est pas une
fleur complète : elle n'a pas de calice. Le calice manque à la |)luparl des liliacées:
In tuli|)e, la jacinthe, le narcisse, la tubéreuse n'en ont pas. Donc, vous savez
déjà les secrets de la famille des liliacées; vous pouvez les reconnaître à l'ab-
sence du calice, à leurs tiges simples et peu rameuses, à leurs feuilles en-
LE JAUDIN DES PLANTES. xxv
lières et jamais découpées. Suivons donc cette route (leurie, le printemps est
revenu, il a ramené les jacinthes, les tulipes, les narcisses, les jonquilles et les
muguets, dont nous connaissons la famille ; il a ramené aussi les giroflées et
■ îes violettes. Le calice de la giroflée est de quatre pièces inégales de deux en
deux. Dans ce calice vous trouvez une corolle composée de. quatre pétales.
Chacun de ces pétales est attaché au fond du calice, par une partie étroite
qu'on appelle l'onglet. Les étamines sont au nombre de six, d'inégale
grandeur. — Vous voilà donc entré dans la famille des crucifères, ou fleurs en
croix. Cette famille est divisée en deux sections : les crucifères à siliques, la
giroflée, la julienne, le cresson de fontaine ; la seconde section comprend les
crucifères à silicules : le cresson alénois, le cochléaria, la lunaire, la bourse à
pasteur. — Des fleurs nous allons aux plantes légumineuses : les fèves, les ge-
nêts, les luzernes, les sainfoins, les lentilles. Ainsi, par une méthode simple
et claire, le maître nous apprend la structure bien plus que le nom de la plante ;
ce nom viendra plus tard. Sachons d'abord l'éclat, la propriété, la figure de la
plus petite fleur, — et celles-là ne sont pas les moins intéressantes. Cueillez une
marguerite dans les champs ; que vous serez étonné si l'on vous dit : Cette
petite fleur, si petite et si mignonne, est réellement composée de deux ou trois
cents autres fleurs toutes parfaites, c'est-à-dire ayant chacune sa corolle,
son germe, son pistil, ses étamines, sa graine. Devant Dieu et devant la science
des hommes, la marguerite est l'égale du lis superbe ou de la jacinthe odo-
rante. J.-J. Rousseau fait aussi l'histoire des fleurons, des fleurs d'immortelle,
de bardane, d'absinthe, d'armoise ; celles-là n'ont qu'un fleuron d'une seule
couleur ; d'autres n'ont qu'un demi-fleuron : la fleur de laitue, de chicorée, de
salsifis ; d'autres, plus heureuses, ont à la fois des fleurons entiers au centre
de la fleur, et des demi-fleurons à leur contour. Ces fleurs doubles, que vous
admirez dans les parterres, sont des monstres à qui cet honneur a été re-
fusé de produire leurs semblables, grand honneur dont la nature a doué tous
les êtres organisés. C'est là ce qui arrive aux arbres fruitiers louches par la
grêle. La poire et la pomme de la nature, il ne faut pas les chercher dans
les vergers, mais dans les forêts. Le voilà donc qui explique l'arbre comme il
a expliqué la plante. Quant aux herbiers, les herbiers nous servent de mé-
moratif pour les plantes que l'on a déjà connues; mais ils font mal connaître
celles qu'on n'a pas vues auparavant : ainsi le portrait d'un homme qui
n'est plus vous frappe davantage lorsque vous l'avez connu dans sa vie.
« Pour composer un herbier, prenez la plante en pleine fleur, dégagez- la
de la terre qui entoure la racine, faites-la sécher avec soin, et classez votre
plante dans la famille à laquelle elle appartient; choisissez avant tout un temps
sec et chaud, de onze heures du matin à six heures du soir : c'est la belle
heure de la botanique. » Heureux quand il parlait ainsi des plantes, son der-
nier amour, J.-J. Rousseau redevenait tout à fait l'homme heureux qui
s'écriait, avec des larmes dans les yeux et dans le cœur :
(( La pervenche ! la pervenche ! » en souvenir de sa jeunesse heureuse, de son
amour brûlant et naïf, de ses chastes transports; en souvenir de la grAce,
de la beauté et du charmant sourire de madame de Warens.
Mais qu'il y a loin de cette botanique sentimentale à la science de nos mo-
(/
xwi LE JARDliN DES PLANTES.
(Icrnes professeurs ! 11 ne s'agit plus des deux mille espèces de Daudin, iWf^
cinq ou six mille plantes de Tournefort, de dix mille végétaux décrils par
Linné et de Jussicu, des vingt ou trente mille plantes réunies dans le grand
ouvrage de M. de Candollc, dont le monde savant pleure la porte récente. Au-
jourd'hui ce cercle s'agrandit sans cesse, chaque année voit s'enrichir l'inj-
mense herbier du Jardin des Plantes, et les derniers recensements portent à
plus de soixante-dix mille le nombre des végétaux connus. Il a fallu fraction-
ner ce vaste domaine ; la vie d'un homme suffit à peine pour embrasser un des
points de cette science, dont les limites reculent sans cesse. Les mousses, les
lichens, les champignons ont trouvé de dignes historiens; et les ouvrages de
Dillens, de Bulliard et de Persoon montrent tout ce qu'il faut de talent et de
patience pour approfondir les mystères de cette cryptogamie qui dépasse à
peine le sol, et se cache sous la feuille dont chaque automne jonche la terre.
D'autres botanistes ont mieux choisi : Mertens a décrit l'immense et superbe
famille des palmiers, Rublet, les chênes du nouveau monde ; d'autres ont
étudié l'ensemble des plantes d'un seul pays : Desfontaines a fait la Flore ailan-
l'ique, Aubertdu Petit-Thouars, celle de iMadagascar, Brown, celle de la Nou-
velle-Hollande; et ces travaux isolés, accomplis avec une rare persévérance,
ont prouvé qu'il y avait de la gloire à acquérir même en ne s'occupant que
dune partie de cet ensemble. Peu de privilégiés comprennent tout le bonheur
réservé à ces amants solitaires dune science aimable entre toutes ! Peu d'âmes
sentent ces joies si pures, causées par la contemplation perpétuelle de ces
merveilles odorantes et si richement colorées. On sourit aux transports d'ad-
miration de l'illustre Gœrtner, à l'occasion de tous les fruits sur la structure
desquels il a fait un si savant ouvrage. On s'associe aux regrets de M. Desvaux
sur les circonstances qui l'ont empêché d'achever la publication de sa grande
monographie des feuilles et des végétaux, et Ton envie avec lui le bonheur de
M. C.ettard, qui a terminé son grand travail sur les poils et les glandes do
toutes les plantes connues. N'allez pas croire qu'arrivée à ces dernières limites
de l'analyse, la science puisse se reprocher des futilités indignes d'elle ! Ces
glandes, par exemple, ces nectaires, si curieusement observés dans leurs trans-
formations successives par Sprengel, par Hall, par Pontedera et par Bohemer,
sécrètent des matières utiles, fournissent à l'abeille le suc dont nous vient le
miel, et jouent un rcMe important dans la physiologie végétale. Tout se tient
dans ce vaste ensemble des productions de la nature, et les hommes laborieux
qui consacrent leurs veilles à l'étude d'une partie quelconque de ce grand
tout, sont assurés d'apporter une pierre au divin édifice qu'élèvent les géné-
rations, d'ajouter un anneau à cette chaîne merveilleuse qui unit étroitement
l'atome aux animaux les plus parfaits, ceux-ci à l'homme raisonnable,
l'homme enfin à Dieu lui-même, par l'intermédiaire des esprits qui peuplent
l'espace.
C'est ainsi que, dans le Jardin des Plantes, toutes les passions honnêtes se
rencontrent. Nous venons de vous dire les ravissements du botaniste ; voulez-
vous maintenant que nous vous disions, non pas la curiosité du minéralogiste
qui cherche à reconnaître, dans leurs enveloppes terrestres, l'or et l'argent, le
cuivre et le fer, le mercure et l'étain, le charbon et le soufre, toutes ces bril-
'"'"^^rre^à^J^n^r
Le Roildel à biple baude.aii, le Cliai^donnei^eL, la Mésmig^e bleue
la Sittelle et le B ouvre-ail ,
Publié par J, J, nUBOCHET et Cotnpl*
LEJAKDIN DES PLANÏKS. xxvii
lanlcs richesses que la terre renferme, non pas môme raltenlion des zoolo-
gistes, mais tout simplement la joie du chasseur?
Moi qui vous parle et qui suis tout aussi ignorant que vous pouvez Tétre
de ce grand art de la chasse dont il a été écrit tant de traités à commencer par
Dufouilloux et finir par M. Deyeux, moi le plus triste chasseur qui ait jamais
porté un bâton d'épines dans une forôt giboyeuse, je vous assure que j'ai fait
dans le Jardin des Plantes la plus admirable chasse qui ait jamais été faite.
J'avais rencontré dans ces allées si bien sablées un vieux chevalier de Saint-
Louis qui avait perdu dans une chasse au courre, chez M. le prince de Bour-
bon , sa jambe gauche et son bras droit. Ainsi blessé, notre vieux chevalier
avait encore trouvé le moyen de suivre les chasses de son royal ami , mais
hélas ! à la perte de son bras et de sa jambe, était venue se joindre la mort
affreuse du dernier Condé, cette énigme fatale, et à la mort du prince de Condé,
la venue de madame de Feuclières ; si bien que notre enragé chasseur, retiré
dans la rue de lîuffon, seul, sans amis, sans un pauvre bras pour appuyer le
dernier bras qui lui restait, n'avait plus d'autre joie que de venir chcKjue
jour viser de loin, d'un coup d'œil animé et sûr, toutes les bêtes féroces,
tous les oiseaux de l'air , tous les gibiers de l'univers. «Oh! se disait-il, si j'a-
vais mon bras, comme je prendrais mon fusil à piston! » Un jour, entre autres,
comme j'offrais mon bras au digne gentilhomme : « Mon fils, me dit-il , vous
avez grandement raison d'aimer et de respecter les vieillards. Je vous ai tou-
jours connu pour un homme bon et loyal, mais vous ainjez trop les hvres,
vous lisez trop les longues histoires, les poésies qui endorment, le rabâchage
politique ; et quand je pense que vous n'aimez pas la chasse ! la chasse, juste
ciel ! quelle vieillesse malheureuse vous vous préparez, mon enfant Mon en-
fant ! voyez, que vous êtes déjà gros, lourd et massif! voyez, moi au contraire,
la taille d'un cerf! mais hélas! plus de bras droit, plus de jambe gauche,
plus rien que le coup d'œil. Cependant écoulez-moi, croyez-moi, pendant qu'il
en est temps encore, devenez un chasseur. Voyez quelle joie, si vous teniez au
bout de votre fusil ces tigres qui bondissent, ces faisans qui voltigent, ces
perdrix qui brillent au soleil, ces lièvres qui s'enfoncent dans la plaine, les
cerfs qui brament dans les bois. Dieu merci, une bienveillance a réuni dans
cette enceinte toutes les merveilles des forêts, sans cela je serais mort. Dieu
merci , si je n'ai plus le fer à la main , j'ai sous les yeux le plus bel ensemble
qui puisse réjouir les yeux d'un vieux chasseur comme moi. Allons, soyez
attentif à ce que je vais vous dire ; prêtez-moi une attention obéissante, laissez-
moi vous convaincre par des arguments sans réplique de la beauté de la pas-
sion que je pleure; à votre âge, on pense encore à l'amour , à mon âge on
ne pense plus qu'à la chasse, vous le verrez : c'est l'exercice le plus salutaire
contre l'oubli des maux de la vie, c'est le spécifique le plus puissant contre
toutes les douleurs de l'âme et du corps. •>
Je pris place sur un banc de pierre , vis-à-vis la volière, oii s'ébattaient en
chantant tous les oiseaux de l'Europe, et, me tenant par le bras, pour me ren-
dre attentif, le vieux chasseur me tint à peu près ce langage :
« La chasse, tout autant que l'amour, a été honorée parles nations les plus
diverses : les Assyriens, les Hébreux, les Perses, les Mèdes, les (".ircassiens, les
xwili l.E JARDIN DES PLANTES.
Lapons cux-môines , ont été ou sont encore de grands chasseurs. Ncmrod ex-
cellait à la battue, Alexandre à la chasse au courre, César à l'alTùt, Pline le Jeune
à la chasse au filet. Les Celtes, les Germains, les Gaulois, employaient avec une
ardeur égale, à ce bel art, le javelot, Pépieu, l'arc et l'arbalète; Diane a été de
son temps une divinité égale à Apollon. Que de livres enfantés par cette pas-
sion des gentilshommes ! les philosophes aussi bien que les poètes, les histo-
riens tout autant que les romanciers, ont exalté comme il convenait ce be-
soin de courre le cerf et de forcer le sanglier. Xénophon n'y a pas manqué ;
Appius non plus qu'Arien, Gratien non plus que Nemesianus, Frédéric II,
Albert le Grand qui était un peu sorcier, Adrien Castelleri, Conrad Heesbach,
Jérôme Fracastor qui a chanté tant de choses , ont tous célébré cette vie de
forêts et de montagnes. L'Allemagne s'honore à bon droit d'un chasseur
nommé Hartig. La France est fière des dissertations savantes de Gaston Phé-
bus , comte de Foix, de Jean de Francières, maître piqueur de Louis XI, de
Guillaume Tardif, le lecteur de Charles VIII; Charles IX lui-môme, le roi de la
Saint-Barthélemy , a écrit en vrai flibustier un Traité de la chasse au cerf; et
cependant, tout roi qu'il était, Charles IX s'est laissé battre en cette matière
par Jacques Dufouilloux , le Nicolas Boileau- Despréaux de ce grand art de
tirer des coups de fusil en plein champ. Vous n'oublierez pas d'ailleurs, mon
cher enfant, que ce bon Henri IV, le père du peuple, qui voulait que son
peuple mît la poule au pot chaque dimanche, envoyait aux galères le ma-
nant qui aurait voulu remplacer la poule absente par une malheureuse per-
drix.
« Puis donc que l'on s'est amusé à écrire tant de romans, et vous-même qui
en avez écrit de fort tristes , avec lesquels mon noble maître, le duc de Bour-
bon, bourrait son fusil, puisque les peintres ont tant à honneur de représenter,
dans leurs tableaux les plus fidèles les images adorées de tant de belles amours
dont nous savons les noms depuis notre enfance, pourquoi donc, je vous
prie, ne pas donner autant d'importance à la vénerie? Pourquoi ne pas s'oc-
cuper du gibier-plume et du gibier-poil comme on s'est occupé du gibier-
blond et du gibier- châtain ? Ivt ne ferez-vous donc, à moi vieillard, sans en-
fants, sans amis, qui n'ai pas même un petit bois où je puisse m'asseoir pour
tirer un lapin, un grand crime de traiter le faisan, la gelinotte, la bécasse,
le pigeon biset , gibier de bois; la perdrix et la caille, gibier de plaine; le ca-
nard sauvage et le pluvier, gibier de marais, comme Van-Dyck, comme Ilu-
bens, comme Murillo ou Vélasquez ont traité tant de beaux oiseaux, au char-
mant plumage, gibier de boudoir, gibier de grottes obscures, flamboyant et
étincelant gibier des théâtres, des coulisses, des petites maisons et des salles
de bal.
"Je crois que c'est Ovide qui l'a dit, et il avait raison, il faut au chasseur et
à l'amoureux des qualités identiques. Bon pied , bon œil, le nez au vent, l'o-
reille au guet, le cœur assez calme ; il faut être actif, adroit , patient ; il faut
reconnaître le gibier à la trace la plus légère, à la plus faible senteur, par ici a
passé le lapereau, par ici a passé une belle fille de vingt ans ! En chasse donc,
vous les sages , les heureux et les philosophes , qui vous contentez de tirer
votre poudre aux Luoineaux ! Parcourez à votre choix la montagne ou la
LE JARDIN DES PLANTES. wix
plaine; levez-vous de bonne heure, quand la rosée est remontée au ciel qui
l'envoie. Bonne chasse ! Vous savez d'ailleurs comment se tue le faisan com-
mun, Pliasianus cokhicus, comme dit Linné. Le faisan, cette flamme qui vole,
est un gibier plein de caprices. 11 n'y a pas de jolie Parisienne qui soit à la fois
plusstupide et plus malicieuse. Tantôt l'animal (je parle du faisan, ajouta-t-il
avec un sourire) se laisse prendre à coups de bâton, tantôt il vous échappe à
tire-d'aile, et le meilleur fusil de Lepagc ne pourrait l'atteindre. Aujourd'hui
il se poserait volontiers sur votre épaule , le lendemain il se perd dans le
nuage. Si vous le voulez tirer à coup sûr, tirez le bec, je parle toujours du faisan .
Ce qui est plus sûr encore , c'est de le prendre à l'afrùt , à la traînée le soir ,
quand il a bien nettoyé son beau plumage , bien préparé sa petite aigrette,
bien lavé ses jolies petites pattes , et qu'il s'est posé coquettement dans une
avant scène de l'Opéra... je ne parle plus du faisan.^
« Mon jeune ami, vous ne regardez pas avec l'enthousiasme convenable ces
belles perdrix qui paraissent nous défier dans leur bocage de métal.
« La perdrix me représente ce que nous appelions, dans nos beaux jours de
jeunesse et de misère, la chasse à la grisette. Justement il y a la perdrix grise
qui vaut mieux que la perdrix rouge, qui vaut mieux que la bartavelle, quoi
qu'en disent quelques méchants gourmets blasés, qui jugent du gibier par la
couleur de son brodequin. La bartavelle est la sœuraînée de la perdrix grise.
Voilà un joli oiseau à tirer ! On le rencontre en troupes dans les champs de blé
aussi bien que dans les magasins de la rue Vivienne. Le plumage est lisse et
bien tenu. La queue se compose de quatorze plumes de couleur cendrée, l'iris
de l'œil est d'un brun gris, la gorge et le devant du cou sont tout à fait bleus,
le dos est d'un gris cendré tirant au rouge quand elles sont jeunes. Elle ne fait
point de nid (la bartavelle), et se contente de déposer assez négligemment sur
la mousse les œufs qu'elle fait chaque printemps. La perdrix grise, modeste
et sage, ne se mêle jamais avec la perdrix rouge. Elle est infiniment plus ser-
viable et plus facile à apprivoiser. Elle aime à se joindre en nombreuses com-
pagnies aux individus de son espèce. Elle marche devant votre chien ; si vous
voulez l'avoir, courez vous-même au bout du champ, la pièce partira. File-
t-elle en ligne? tirez en plein corps. Vole-t-elle en montant? tirez sous les pattes;
si elle tourne, tirez sous l'aile. Vient-elle sur vous à hauteur d'homme , tirez
au bec. (Je cite textuellement, ce n'est pas moi qui fais dire toutes ces choses à
notre chasseur.) Je connais quelques jeunes chasseurs qui, en fait de perdrix
grises, ne prennent pas tant de souci, et qui tirent tout simplement de patte en
bec, et la chasse leur a réussi plus d'une fois. »
Ceci dit , notre homme plongeait sa main gauche dans sa tabatière placée
entre les deux genoux, et il recommença sa dissertation commencée :
« Après la perdrix grise vient la caille. Celle-là est un oiseau de passage qui
ne perche jamais, qui vit à terre, qui est polygame, oiseau de plaine et de la
rue du Ilelder. Elles subissent deux mues (les cailles), l'une à la fin de l'hiver,
l'autre à la fin de l'été. Elles sont répandues partout, préférant les pays chauds
et tempérés , mais ne craignant pas les autres. On a remarqué qu'elles ne
voyagent guère qu'au crépuscule , et choisissent les pleines lunos pour se
mettre en route. »
x\x Ll' JAUDIN DES PLANTES.
Je cite toujours mot pour mot. Noire dicvalier ajoute encore « que la chair
de la caille est appétissante et convenable à tous les âges comme à tous les tem-
péraments. En un mot, disait-il, une plaine couverte de cailles est une source
de plaisirs toujours nouveaux, sans cesse renaissants. »
Quand il eut ainsi parlé, il' se leva, et clopin-clopant il me conduisit à tra-
vers les immenses volières du jardin, toutes remplies d'éclatantes couleurs et
de joyeuses chansons. Chaque animal dont il me parlait, il me le montrait de
sa main absente, et il me disait :
« Il y a des gens qui aiment la gelinotte au fin plumage, qui tient le milieu
entre la perdrix rouge et la perdrix grise. Autant vaudrait tirer sur le janga,
oiseau moitié français et moitié espagnol , qui ne se laisse guère approcher
que des montagnards. Tel chasseur en veut au coq de bruyère, grand et petit;
tel autre en veut au pigeon biset, ainsi nommé sans doute parce qu'il est so-
ciable, fidèle à l'amour et à l'hymen jusqu'au point de se montrer fort jaloux;
parce qu'il est propre, rangé, soigneux, tendre pour sa femelle, dont il partage
les soins pour ses petits. 11 y a même des chasseurs féroces qui osent tirer sur
la colombe, la femelle du biset ! Et, les bandits qu'ils sont ! pour justifier leur
brigandage, ils prétendent que la colombe, en dépit des poètes et des llatteurs ,
est vorace; qu'elle dévore les jeunes plantes, que sa chair est très-bonne à
manger. Les colombes se divisent en colombes à collier et colombes rieuses
[colnmba rhor'ta), et elles sont également dangereuses avec ou sans collier.
« Fi donc ! ne lirez pas sur le merle, à moins que ce ne soit un merle blanc. Il
est si gai, si chanteur, si heureux d'être au monde ! si bon garçon ! si fin ! Il
sait si bien siffler! il se nourrit de vermisseaux et d'insectes, comme font les
critiques. Gardez votre gros plomb pour l'outarde, mais croyez-moi, respectez
l'outarde barbue. Entendez-vous siffler le râle, cet enfant de l'Italie, venu tout
droit de Gênes, la ville de marbre? 11 faut le manger à genoux. Quand la bé-
casse arrive, demandez-lui d'où elle vient. Elle vient de tous les côtés du
monde, de l'Islande, de la Norvvége, de la Russie, de la Silésie ; elle est Polo-
naise, Allemande, Française tour à tour; elle a visité l'Afrique et l'Egypte, le
Sénégal et la Guinée, le Groenland et le Canada. Pauvre oiseau voyageur! Et
tant de chemin fait à tire-d'ailc pour être nommé membre de la Société de
géographie ou pour mourir sous le fusil d'un manant. »
Ma foi, cet honnête homme était si heureux de parler de sa passion domi-
nante, et d'ailleurs il en parlait si bien, avec tant de bon goût et d'à-propos,
que je me mis à l'écouter, d'abord par respect pour son vieil âge et pour son
malheur, ensuite par intérêt et par plaisir. P.emaniuez que l'aspect de tous ces
beaux plumages, le bruit varié de toutes ces douces chansons, ajoutait beau-
coup à la clarté et à la démonstration de ce brave homme. Il me conduisit un
instant, avec un petit ricanement de dédain, à la loge des animaux féroces,
l'ours, le loup, le blaireau ; car c'était un chasseur au poil, à la plume, un
chasseur de la plaine et de la montagne, et vous Pavez deviné, un chasseur
(autrefois), un habile chasseur au fin gibier, qui se cachait sous les ombrages de
V^ersailles ou du Petit-Trianon. «J'aime la plume, disait-il, je l'aime avec passion,
et (|uant au poil, je suis loin de le dédaigner. Dans le poil il y en a de terribles,
il y en a d'innocents. Les uns mangent (juehiuefois le chasseur, les autres sont
LE JARDIN DES PLANTES. \\\i
toujours mandés. D'abord vous avez Tours, un des héros de La Fontaine. Je
n'ai jamais compris que cet animal fût si méchant ([u'on le dit. Il est sauvage,
il n'est pas féroce. On dit qu'il aime la chair fraîche, mais aussi il se nourrit de
légumes et de miel. L'animal défend sa peau, où est le crime? Nous le trai-
tons à peu près comme on traitait sous l'empire les Autrichiens et les Russes ; il y
a des gens pour qui l'on est bien injuste... comptez donc combien vos jour-
naux ont fait dévorer de bourgeois à l'ours Martin, ce pauvre animal calomnié
qui n'a jamais mangé que des brioches?
« A la bonne heure le loup ! c'est un grand misérable. Il dévore tout ce qui lui
tombe sous la dent, depuis le mouton jusqu'à la grenouille ; on le tue de toutes
les façons, et même on l'empoisonne sans déshonneur. Nous en dirons presque
autant du renard. Le renard est un drôle plein de ruses et très-dangereux. On
le tue comme on peut, au terrier, au passage, à la traînée, au carnage, et en-
core on n'en tue guère. Le blaireau est encore plus calomnié que l'ours. Le
Dictionnaire des Chasses, qui doit faire autorité en ces matières, place le blai-
reau parmi les animaux nuisibles ; et de quel droit, je vous prie? Parce qu'il
mange parfois des navets, des fèves, des pois, des carottes; le grand crime! Et
voilà pourquoi vous faites du blaireau le pendant du renard ! Et d'ailleurs
il est si gentil, si fin, si paresseux! Sa tête est mise à prix I fr. .50 c. par blai-
reau.
« Quant à la fouine, fi donc ! M. le duc de Bourbon avait l'habitude de faire le
signe de la croix quand il avait tué une fouine. La fouine est un ignoble animal,
moitié loup, moitié renard. Elle tue pour le plaisir de tuer; elle égorge môme
avant de se remplir le ventre. Écoutez, mon petit, écoutez ce petit moyen que
j'ai inventé pour tuer une fouine. Sans doute le moyen est violent, mais il est
sûr. On a beau dire : Mais vous tuez bien des arbres ! Vne fouine tuée vaut
mieux qu'un arbre vivant. Voilà mon secret; vous en ferez ce que vous voudrez
quand vous aurez des fouines : « Quand la fouine se retire dans le creux d'un
arbre, le meilleur moyen de se rendre maître de la béte est d'abattre l'arbre
lui-même. »
Vous pensez bien que nous n'avons rien dit du cerf, du sanglier, de la biche,
du daim, du chevreuil, plus brave que le cerf et qui aurait honte de verser des
larmes. Vous pensez bien que si mon ami n'a pas parlé du lièvre, c'est pour ne
pas tomber dans toutes sortes de descriptions trop connues. Uappelez-vous
seulement (|ue « le cul d'un lièvre est un sac à plomb, et de faire uriner la victime
quand elle est morte, me dit-il.»
Du poil nous sommes revenus à la plume ; et, bonté du Ciel ! que vous êtes
grande quand vous lancez dans les airs ces vivantes merveilles. Ah ! laissons là
le fusil et la chasse et ses grands plaisirs; admirons en toute liberté, en toute
conscience, mollement couchés sur le gazon du rivage, les oiseaux de rivage et
les oiseaux d'eau. Cette fois nous n'avons pas à redouter le rhumatisme et la
goutte, et l'ophthalmie aiguë, et les autres revenants-bons de la chasse ; cette fois
nous pouvons les suivre dans leurs caprices divers ces beaux oiseaux qui s'en-
volent dans toutes sortes de directions, la cigogne blanche et noire, la grue
commune et le flamant, le héron au long bec, qui est lié à tous nos souvenirs
héraldiques, le' vœu du héron, le roi du héron, nombreuse famille qui se ter-
xxx„ LE JARDIN DES PLANTES.
mine conune tant d'illustres familles par le héron-butor, sans oublier le courlis,
rhôte assidu et chantant des étangs et des rivières de la France ; on sait son
nom dans les Vosges, dans la Moselle, dans les deux Charentes, en Vendée, dans
la Loire-Inférieure ; il est oiseau de pluie et de tempête, il est le courtisan de
l'hiver et il le suit à la piste, comme Thirondelle suit le printemps.
« Et le vanneau? Mangez du vanneau, pour savoir ce que ce gibier vaut, disait
notre gentilhomme. Et le pluvier-guignard? le plus délicat des pluviers dorés
et non dorés. Il est la fortune de la ville de Chartres ; il protège de son aile
légère cette vaste cathédrale qui se rebâtit peu à peu. Vous avez aussi la race
des chevaliers, chacun portant la couleur de sa maîtresse, le chevalier brun, le
chevalier aux pieds rouges, le chevalier aux pieds verts et la maubége, et le
combattant, et l'avocat, et le petit courlis, et le barbe-rouge à queue rayée, à
queue rouge, à queue noire, habitants de la vase et du limon, hôtes bigarrés
des marécages, becs noirs, pieds plombés ; autrefois la barge-rousse était les
desliscex des Francoys, dit le vieux Belon ; maintenant c'est la bécassine et la
double-bécassine qui sont à cette heure les délices des Français.
« Monsieur, monsieur, ajoutait le vieux chevalier, n'oublions pas , s'il vous
plaît, n'oublions pas la poule d'eau qui demande beaucoup d'adresse, la mouche
qui sent le marais, qui n'est bonne à rien, mais qui est annisanie à tuer
(Danton n'eût pas mieux dit). Le rAle d'eau, qui ne vaut pas, h beaucoup près,
le râle de genêt. Puis tout d'un coup notre chasseur s'agrandit encore. Quoi
donc ! mon maître, vous n'êtes pas content de tant de carnage ? vous voulez
encore nous faire égorger ce beau cygne décrit par Buffon. « Il plaît à tous les
veux ; il décore, il embellit tous les lieux qu'il fréquente ; on l'aime, on l'ap-
plaudit, on l'admire ; nulle espèce ne le mérite mieux!... et voilà pourquoi
vous voulez qu'on le tue ce beau palmipède chanté aussi par Virgile, ai-.je
répondu au vieux gentilhomme? A ce blasphème cruel, la plume me tombe des
mains ; puissent tous les fusils en faire autant 1 »
C'est ainsi que, grâce à ce beau jardin tout rempli de sa passion favorite, le
vieux chasseur prenait sa peine en patience. En présence de ces merveilleux
animaux qui sont la vie des forêts, l'honneur de la plaine, le mouvement de la
montagne, la décoration variée du fleuve ou de l'étang, il était comme est l'a-
mant en présence du portrait de sa maîtresse adorée. Mais quoi! il n'est pas
encore satisfait : il y a encore quelque chose à tuer dans cet univers. Le cor re-
tentit dans les bois, comme il est dit dans l'opéra de Uobin des Bois. Cette fois
l'insatiable chasseur, non content de toute la plume et de tout le poil du
royaume de France, se met en voyage pour les trois parties du monde, et il
arrive tout d'abord en Afrique, le fusil sur l'épaule, suivi de ses chiens et de
son carnier, Ne troublons pas, je vous prie, son envie; c'est de tuer une ga-
zelle : il y en a de si belles au Jardin des Plantes! La gazelle se chasse à che-
val, il est bien rare qu'elle se laisse prendre , même par les plus fiers chevaux.
Mais à quoi bon les gazelles? — Parlez-moi, s'écrie-t-il, de tuer une lionne et
un lion ! En eflet, il s'en va dans la caverne du lion et de la lionne, et d'une
main légère il dérobe les plus jolis petits lionceaux du monde, sous le ventre
même de la mère, qui veut bien ne pas s'en apercevoir. « On a beaucoup exa-
géré la férocité des lions de l'Afrique. » Je le crois pardieu fort, quand on voit
.E ETA:
/t petit Paxsulii ÉaTi^-aruie et ie Tcniraco faxiLne
i-'iti-.*. r.a* J J
j^a*
x\xiv I.K JAKIHN L)KS PLAMES.
serait It' plus beau des oiseaux s'il n'habitait pas nos basses-cours; Je morillon
et le héron pourpre, et le bouvreuil au bec noir, aux pieds bruns, au ventre
blanc, et le paresseux dans son plumage d'amour; paresse et plumage d'amour,
deux mots qui jurent! Vous ne sauriez croire que d'admirables petits ôtres pas-
sent ainsi sous vos yeux ravis. Savez-vous rien de plus joli que la mésange
bleue? rien de plus gai que la fauvette à tête noire? Et la mésange-moustache?
Vous en avez rencontré plus d'une dans nos salons, la lèvre supérieure ombra-
gée de ce fin duvet qui rend la lèvre plus rose et la dent plus brillante. Et le
pinson, et le bruant, et la fauvette-rossignol, connue madame Damoreau, et
le geai, cet admirable ricaneur; jusqu'à ce qu'enfin arrivent à leur tour les aigles
et les cigognes, les faucons et les freux, les outardes et les grues, les corneilles
et les engoulevents : tous ces tyrans de l'air ont la beauté en partage, tout aussi
bien que Néron l'empereur.
Mais cette fois, qui (jue vous soyez, tyran ou victime, gros-becs à gorge rouge
ou mésange huppée, tourne-pierre à collier, avocelte à nuque noire, bécasseau-
échasse, pluvier à collier interrompu, buse et milan royal, cigogne noire et ca-
nard tadorne, aigle criard et gypaète barbu, œdicrième et talève, cresserellette
et ganga, ne craignez rien, livrez-vous en paix à vos jeux, à vos amours, à vos
passions, à vos adorables caprices des quatre saisons de l'année; cette fois vous
n'êtes pas exposés au fusil Lefaucheux , au fusil Robert, aux filets et à la glu;
cette fois vous êtes l'ornement bien-aimé, la gloire bien protégée et bien dé-
fendue, la joie honnête et populaire du plus beau jardin de lunivers.
La restauration n'a fait que suivre l'impulsion donnée au progrès du Muséum.
On ne s'est pas contenté, cette fois, d'agrandir le jardin, de le pousser jusqu'à la
rivière, de le dégager de toute ombre malfaisante, de tout voisinage incom-
niode, on a voulu encore associer à cette œuvre et à cette joie nationale, tous
les amis de l'histoire naturelle.Nousavons vu déjà que plus d'un voyageur, plus
d'un marin célèbre avaient donné l'exemple d'un dévouement sans bornes à
cette institution. Ces exceptions trop rares devinrent bientôt une habitude. Pas un
marin de quelque importance, pas un capitaine de vaisseau, pas même un lieu-
tenant de frégate n'aurait cru son voyage complet, s'il n'eût pas pu en consigner
quelques souvenirs au Jardin des Plantes. Nous avons déjà nommé le capitaine
Baudin; il faut nommerMM. J. Diart et Duvaucel,MM. Leschenaultet Aug.Saint-
Hilaire, M. Delalande, M. Dussumier-Fonbrune, M. Steven, M. Dumont-d'Ur-
ville, M. Freycinet , M. Phihbert, M. le baron Milius, M. La Place, M. du Petit-
Thouars, le savant et l'illustre voyageur autour du monde. Les uns et les autres,
de tous les lieux de la terre habitée, de Calcutta et de Sumatra, de Pondichéry
et de Chandernagor, du Brésil et de l'Amérique septentrionale, du Cap et des
Philippines et du Caucase, des îles de l'Archipel et des bornes du Pont-Euxin ,
des terres australes et de la Cuyane française et de l'île Bourbon, ont envoyé
toutes sortes d'échantillons admirables, vivants ou morts, qui ont agrandi,
outre mesure, cette précieuse collection. A ce propos, soyons justes. A force
de nous occuper des grands meneurs du Jardin des Plantes, à force de parler
des Cuvier et des Buffon, n'oublions pas, dans notre reconnaissance et notre
estime, les humbles compagnons de leurs travaux et de leur science. Que les
directeurs du Jardin des Plantes passent les premiers, c'est trop juste; mais
LE J.\Ul)l^ DES PLA:«T1:S. xxxv
aussi que les plus humbles ambassadeurs de leurs observations et de leur for-
tune ne soient pas passés sous silence. Cette vaste science de l'histoire natu-
relle, qui embrasse le monde entier, ne peut pas se liùre entre quatre murailles;
elle doit, avant toute chose, se répandre au dehors. A l'exemple de toutes les
grandes puissances de l'Europe, la science naturelle agit surtout par ses députés.
par ses ambassadeurs; donc, au-dessous du grand naturaliste qui reste au
jardin pour écrire, pour raconter, pour enseigner toutes les découvertes dont
il a le secret, il y a le naturaliste-voyageur, plus dévoué et plus ardent, qui
s'en va dans toutes les latitudes, ramassant, recueillant, entassant dans sa
lourde valise, dans son immense herbier les minéraux et les plantes, les pois-
sons de la mer et les oiseaux du ciel. Ijn pareil honune doit être infatigable,
actif, laborieux, plein d'obstination et de courage. Rien ne le fatigue, rien
ne lui fait peur. Pour cet homme, chaque animal de la création, uséme le plus
abject et le plus difforme, est une chose d'une grande valeur. Il ira chercher
les plus affreux insectes dans la pourriture, dont ils sont comme une exhalaison
vivante ; il ira chercher le lion dans sa tanière ; il dompte l'éléphant, il arrête le
chevreuil qui s'enfuit dans les bois; il est chasseur, historien, dessinateur, physio-
logiste ; il rapportera de l'autre extrémité du globe une plante inconnue dans son
chapeau, une béte féroce dans sa cage. Noble, curieuse et sincère passion qui se
suffit à elle-même, car pour l'ambassadeur du Jardin des Plantes, on na encore
inventé ni la gloire, ni les académies, ni les honneurs que donne la science, l'ne
fois que ce digne homme est de retour de ses voyages lointains, une foisqu'd a
déposé, à la porte du sanctuaire, cet immense butin qui représente souvent dix
années de sa vie, c'est à peine s'il lui est permis de s'asseoir à l'ombre des arbres
(|ue ses prédécesseurs ont plantés. Dans ce Muséum embelli par ses soins, l'intré-
pide naturaliste est reçu comme tout le monde. La plante qu'il a ramassée dans
le désert, et à laquelle lui-même, mourant de soif, il aura prodigué sa ration d'eau
de chaque jour, la plante tant aimée se tient dédaigneusement renfermée dans
son palais de cristal. Le digne homme la voit de loin prospérer et grandir; mais
qu'importe? Plus reconnaissant que la plante qui ne reconnaît que le soleil, ciui
n'obéit qu'au vent tiède et doux, l'animal féroce dont il a été le gardien et le
dompteur le reconnaît en bondissant dans sa cage, il le salue d'un hennissement
joyeux; ce sont là ses plaisirs, il n'a pas d'autres récompenses. A peine son nom
est-il inscrit sur une des pages brillantes de cette grande histoire, à peine si le
jardinier en chef le protège. Trop heureux encore s'il peut atteindre à l'honneur
inespéré de voir son nom ou bien le nom de son jeune lils, ou bien le nom de
sa femme, si souvent délaissée pour la science, se rattacher à quelques-uns des
fruits qu'il a ramenés de si loin, à quelques fleurs dont il aura doté la patrie? Un
tel homme est le paria de la science. Mais tel est le charme de la science, qu'elle
efface absolument les humiliations et les dégoûts de tout genre ; elle porte en
elle-même sa consolation et son courage, elle se passe de la reconnaissance des
hommes, elle se passe de tout, môme de la gloire. Ceci vous donne le secret
de bien des dévouements obscurs, ceci vous explique bien des luttes ignorées.
Voulez-vous cependant, pour que notre justice soit complète, que nous prenions
au hasard la biographie de l'un des naturalistes dont nous parlons?
M. Milberl . par exemple, mort l'an passé, sans qne pas une voix séhnàt
xxwi m: jardin des plantes.
pour lui pauM- un tribut de reconnaissance et de respect. Peintre, naturaliste,
voyageur, correspondant du Muséum d'histoire naturelle de Paris, au Jardin du
Roi , Jac(|ues-(À''rard Milbert aurait pu attacher son nom aux plus grands tra-
vaux et aux plus admirables découvertes de ce temps-ci ; il s'est contenté d"y
apporter sa part de zèle et d'utilité. Il était né à Paris le 18 novembre ITCG, et
de fort bonne heure se révéla l'instinct qui le poussait à étudier l'histoire natu-
relle dans ses moindres détails. Celte passion naissante pour toutes les belles
choses de la création , à commencer par la fleur qui est à la surface, à finir
par le minerai caché dans les entrailles de la terre, avait fait tout d'abord du
jeune Milbert un dessinateur pratique, comme il en faut pour reproduire, dans
toute leur beauté, et sans les embellir, les moindres détails de l'histoire natu-
relle.
En I79.J, il fut nonuné professeur de dessin à l'École des Mines; la même
année, il fut chargé d'une mission dans les Pyrénées, d'où il devait rapporter
tous les sites relatifs à l'exploitation des mines. Déjà les premiers travaux du
jeune naturaliste avaient eu assez de retentissement pour que , deux ans plus
tard, il fût admis à l'honneur de suivre, dans sa conquête de l'Egypte, le gé-
néral Bonaparte. Malheureusement, tout désigné qu'il était pour cette expédi
tion , :Milbert ne put pas partir, et cela a été, depuis, un des grands chagrins
de sa vie, quand il se souvenait de tous les beaux échantillons qu'il aurait pu
ramasser dans la vieille patrie des Pharaons.
Cependant, pour n'avoir pas suivi le général Bonaparte dans cet Orient à moitié
conquis, M. Milbert ne restait pas oisif; il avait été chargé, en 1799, de visiter les
Alpes, et de s'informer en même temps comment ces hautes montagnes pou-
vaient être aplanies, et conuuent, depuis Genève jusqu'à Lyon, le Rhône pouvait
devenir navigable. L'année suivante, il s'embarquait pour les terres australes,
comme dessinateur en chef de l'expédition, sous les ordres du capitaine Baudin.
La route fut longue et semée de périls; mais aussi le voyage fut rempli de dé-
cou v(>r tes.
De retour en Europe, M. Milbert fut préposé par le ministre à la publication
de cet impoitant voyage. On a aussi de lui, mais écrite en entier de sa main,
une très-fidèle relation d'un voyage aux îles de France et de ïénérilTc, et au
cap de Bonne-Espérance. 11 écrivait conune il dessinait , d'une main nette et
(érme, simple et vrai avant tout.
En iSI.'j, nous retrouvons M. Milbert dans les États-Unis d'Amérique.
En 1817, M. Hyde de INeuville, ministre de France aux États-Unis, charge
-M. Milbert d'un grand travail sur l'histoire naturelle. Ce travail a duré sept
années ; et pour avoir une juste idée du zèle, de l'activité, de la patience, du
dévouement, du courage de ce savant homme, il faudrait lire le rapport adressé
par les professeurs du Jardin des Plantes au ministre de l'intérieur.
« Monseigneur, disaient-ils, nous avons reçu récemment les douze caisses qui
composent le cinquante-huitième et dernier envoi de M. Milbert, et nous pou-
vons maintenant vous parler en détail des travaux de ce naturaliste infati-
gable. I)
En môme temps les rapporteurs raconteut, non pas sans émotion, avec (juel
zèle, quelle expérience pleine d'ardeur, M. Milbert a étudié l'immense terri-
k E ;J AU l) IN D ES P L À N T E S. xxx vu
{oire "des ÉtatSrUniSj ce'vaste empire, aussi curieux à étudier par le naturaliste
(|ue par le philosophe et par le politique; comment M. Milbert a ramassé çà et
Ja les produits des trois rèjïnes dont il a enrichi le Cabinet du Jardin du Roi;
comment enfin il a complété, avec sa fortune personnelle, les rares subsides
que lui accordait:, pour raccomplissement de cet innuense travail, le ministère
de l'intérieur et le Muséum.
. Il avait choisi ^'ew-York comme le centre de ses opérations scientifiques, et
(ie là il a visité Je Canada, les lacs supérieurs, les bords de TOhio et du Missis-
sipi. A Boston, il fut surpris par la fièvre jaune, et, à demi mort, il trouva,
pour lui tendre une main amie, M. de Cheverus lui-même; le saint évèque exilé
là, qui est devenu plus tard un des hommes dont TËglise gallicane sera fière
à tout jamais.
M. Milbert a raconté lui-même, dans la Vie du cardinal de Cheverus, quelle
était Thospitalité de ce grand évêque, et-, avec son hospitalité, sa modestie, sa
pauvreté, pour ne pas dire samisère; et comment, sans lui et sans M. de Val-
nais, le consul de France, et mademoiselle de Valnais, sa digne fille, lui, Mil-
bert, il serait mort lourdement chargé qu'il était de son nouveau butin à tra-
vers l'Amérique du >iord; et notez bien qu'il serait mort à la peine plutôt que
de rien ôter de sa noble charge. L'histoire même en est touchante, et nous ne
pouvons pas mieux la raconter que M. Milbert :
(( Dans l'été de 1820, je revenais d'explorer les hautes montagnes des États
de Vermont et de New-Hampshire ; j'étais lourdement chargé des collections
d'objets d'histoire naturelle que j'avais recueillis dans cette excursion. Comme je
suivais les bords pittoresques du Merimack , je fus rencontré par M. de Cheve-
rus, qui faisait alors une tournée pastorale dans son diocèse. Surpris de mon
état de fatigue, ce bon prélat, tout en louant mon zèle pour la science, m'a-
dressa des reproches pleins d'afTection; puis il me dit : — Asseyons-nous ici;
montrez-moi vos roches, vos crustacés, vos végétaux, toutes vos richesses. Vi-
dons ce sac et vos poches aussi ; je veux tout voir. Mais je m'aperçus qu'en pa-
raissant examiner avec soin ces productions naturelles qui n'avaient pas même
d'intérêt pour lui , il en faisait deux parts, et je lui demandai pourquoi il agis-
sait ainsi. Je fais à chacun notre part, me répondit-il; ce second sac est pour
moi ; gardez seulement votre portefeuille de dessins, je le veux ainsi, mon cher
ami! Nous allons marcher doucement jus(iu'à Lowell; de là , par le canal de
Middlesex, nous parviendrons, sans fatigue, jusqu'à Boston. Et, malgré tout ce
que je pus faire pour m'y opposer, le bon évêque se chargea d'une partie de mes
collections. »
Mais revenons à notre rapport. Outre les collections zoologiques et les dessins
sans nombre envoyés par M. Milbert, on peut citer plusieurs animaux presque
inconnus au Jardin du Roi, le minck, la moufette, le pékan, dont à peine les
naturalistes avaient entendu parler, un loup américain , et il était encore dou-
teux que l'Amérique ait eu des loups semblables à ceux d'Europe, un phoque
(Pliocn m'iiioia), dont M. Cuvier lui-même n'avait vu que le crâne, et tant
d'autres mammifères de plus de cin((uante espèces dont les naturalistes s'inquié-
taient beaucoup en ce temps-là.
Il y avait aussi, dans ces envois de M. Milbert , un grand nombre de mammi-
xwvili LK JAKDJN DKS PLANTES.
fères conservés dans roau-tle-\ic, plùsieuis squelettes les plus curieux, Telck,
le cerf de Virginie.
Quant aux animaux vivants , ils étaient au nombre de quarante-neuf, les di-
delphes opossum , mâle et femelle, le cougouar de l'Amérique du Nord, Tours
des Apalaches, plusieurs espèces de cerfs de la Louisiane et de la Virginie, l'élan
d'Amérique, et surtout les deux bœufs sauvages, le bison et sa femelle, et il n'a
pas tenu à M. Milbert que cet utile et infatigable travailleur de la Haute-Loui-
siane ne fût naturalisé parmi nous.
Le nombre des oiseaux s'élevait à quatre cents espèces composées de plus de
deux mille individus. Pour la première fois, enfin, nous pénétrons dans les se-
crets infinis de l'ornithologie américaine, et parmi les naturalistes les plus dis-
tingués de l'Europe, ce fut à qui complimenterait M. Milbert de n'avoir jamais
séparé le mâle de la femelle, et en même temps d'avoir suivi ces brillants
échantillons de l'air, dans les nuances diverses de leur plumage; en effet, ce
n'est que par la variété qu'on peut reconnaître l'espèce.
Parnii ces espèces, il y en avait de tout à fait inconnues au Jardin des Plantes;
d'autres qui avaient grand besoin d'être renouvelées : l'aigle à tête blanche, la
buse à queue rousse, l'innombrable famille des pies-grièches, des fauvettes et
des gobe-mouches, plusieurs troupiailles, et entre autres le mangeur-de-riz, les
tétras, que Linné a nommé le Teirno t()(/a<lns, Teimn ciipido, Tvtrnoplinseandlns,
si mal décrits .jus(iu'alors, qu'on les regardait comme une seule et même espèce,
malgré Linné.
La mer et les fleuves n'avaient pas été exploités avec moins de bonheur que
la terre ferme : les poissons, les coquillages, les tortues. Sur deux mille deux
cents poissons envoyés par M. Milbert, plus de la moitié était même inconnue à
Cuvier. Dans ces envois, on remarquait surtout deux re(|uins, chacun d'une
espèce nouvelle, une raie de sept pieds de large et d'un genre à part, les estur-
geons du Saint-Laurent, du lac Ontario et du lac Champlain, de six pieds de
longueur, des hmandes, saumons, brochets, et enfin plusieurs poissons vivants
qui devaient être jetés dans la rade du Havre et dans la Seine pour y perpétuer
l'espèce ; car c'était là un voyageur philosophe qui trouvait plus d'utilité à un
être vivant qu'à dix reptiles empaillés. Malheureusement des gelées très-rudes
ont fait périr les poissons de M. Milbert.
Parmi les oiseaux vivants qu'il avait envoyés et qui sont encore aujourd'hui
l'ornement du Jardin des Plantes, n'oublions pas le vautour brun de la Caro-
line du Sud, l'aigle chasseur des monts AUeghanys, l'aigle à tête blanche des
bords de l'Hudson, l'aigle de Terre-Neuve, celui des montagnes de Pensyl-
vanie, et nombre de gelinottes, de cailles, de canards sauvages, tout le terrible
ou friand plumage dont il est parlé d'une façon si confuse dans les histoires des
chasseurs du nouveau monde.
Comme aussi l'intrépide naturaliste, pour être complet, et malgré sa répu-
gnance à ramasser tant de bêtes inutiles, affreux chaînons de cette grande
chaîne où tout se tient, n'avait oublié ni les lézards ni les cent cinquante es-
pèces de reptiles, ni surtout la sirène lacertine et les agames et les geckos
que contiennent les deux Amériques. Dans les coquilles de M. Milbert, on a
surtout remarqué dos coquilles d'eau douce, peu étudiées avant lui, et donl il
LE JAUDIiN DKS PLANTES. x\ki\
;i ropporfô i)liis de trente espèces nouvelles. Des insectes, il en a rapporté quatre
cents espèces dont plusieurs sont nouvelles ; rien de plus beau que ses papillons
de toute couleur; pas un ordre d'insectes n'a été oublié dans cette admirable
récolte de tout ce (lui bruit, de tout ce qui rampe, de tout ce qui bourdonne,
de tout ce qui voltige et resplendit dans les savanes.
Le règne végétal n'a pas été plus négligé que les deux autres. M- Milberl
aimait les plantes vivantes, comme il aimait les animaux vivants ; il avait grand
soin de ses herbiers, où il entassait toutes sortes de fleurs desséchées. Mais
quand avec la plante il pouvait envoyer la graine; quand, au lieu du cadavre
desséché de la fleur, il pouvait envoyer son âme, il était bien heureux et bien fier.
Llierbier lui faisait l'effet d'un vaste cimetière où reposent toutes sortes de
poussières ; mais un beau petit arbre bien vigoureux, une fleur dans sa racine,
un fruit qui arrive en germe d'Amérique, et qu'avec un peu de bonne volonté
le soleil de la France va mûrir, c'étaient pour lui autant de conquêtes d'un prix
inestimable. Comme il les étudiait sur leur terre natale, ces jeunes plantes, l'es-
poir de l'avenir! 11 savait à merveille quelle zone leur pourrait convenir, sur
quel sol ce chêne pouvait devenir un chêne, sous quel air cette rose pouvait
fleurir ; il s'inquiétait avec une sollicitude toute paternelle des érables, des
peupliers, des noyers, des châtaigniers, de toutes les épines qui fleurissent au
printemps, et il les envoyait à l'Europe avec toutes sortes d'indications (juil
fallait suivre si on voulait voir l'arbuste prospérer et grandir.
A défaut de nouveaux fruits, il envoyait des bois nouveaux ; il allait chercher.
Jusque dans les sols limoneux, dans les sables et même sur les hautes monta-
gnes, dans les fentes des rochers, les pins, les cèdres, les genévriers, les mélèzes,
les sapins, les cyprès. C'est lui qvù nous a envoyé le cyprès chauve, un arbre
utile, s'il en fut. Vous le plantez dans la tourbe au nùlieu de l'eau, et ses feuilles
qui tombent, le détritus de ses racines et de son jeune bois, ont bientôt composé
autour de l'arbre une véritable terre végétale.
Nous lui devons aussi un chanvre nouveau, une paille plus belle que la plus
belle paille d'Italie, une espèce de patate qui se rencontre à cette heure dans
tous les jardins. Si M. Milbert n'avait enrichi que des herbiers, il n'aurait droit
qu'à l'éloge des savants; mais il nous a donné des fleurs qui fleurissent à tous les
printemps, des arbres (jui portent des fruits et de l'ombre, il a droit à la recon-
naissance de tous.
Dans le règne minéral, le savant naturaliste n'a pas été moins heureux : il a
envoyé par fragments des échantillons de l'Amérique tout entière, des nùné-
raux inconnus, des espèces nouvelles, des roches merveilleuses, plus de sept
cents échantillons de roche : vous pourrez suivre, grâce à lui, dans leurs miné-
raux divers, la chaîne des Alleghanys, les plages orientales qui bordent l'Océan,
les bords du fleuve Saint-Laurent, de LHudson et du Potamack, les lacs Huron,
Champlain, Érié, Ontario ; il a ramassé un grand nombre de débris organiques
fossiles recueillis à la surface de ces vieux terrains calcaires qui constituent
l'immense plateau où l'Ohio, le Mississipi et le Saint-Laurent prennent naissance ;
ainsi, grâce à lui, les géologues ont pu comparer la constitution du sol des Ltats-
L nis avec celle des autres parties de l'ancien et du nouveau continent qui nous
sont comuies.
XL LK J AUDI N Di:S PLANTES.
Au total, les collections de M. Milbert dépassent huit mille échantillons de tous
jîonres recueillis dans tous les règnes.
Ce rapport sur rexcellent et infatigable voyageur est confirmé par une parole
authentique de M. Cuvier lui-même :« M. Milbert surtout, dit M. Cuvier, artiste
distingué, a mis dans ses recherchés une persévérance inouïe, et expédié plus
de soixante envois ; sans avoir été d'abord un naturaliste de profession, c'est
un des hommes à qui l'histoire naturelle devra le plus de reconnaissance. »
Quand il eut accompli cette longue et difficile mission, M. Milbert partit pour
la France, accompagné de M. de Cheverus qui, lui aussi, rentrait dans sa patrie
après avoir accompli de difficiles devoirs.
Ils étaient déjà arrivés en vue des côtes, lorsque la tempête menaça de briser
le navire qui les portait ; on eût dit que la voix du saint prélat imposait
silence à l'orage, le navire fut jeté à la cote, mais personne ne périt. De cette
communauté de dangers entre le savant et le saint prélat devait naître une
amitié qui n'a été interrompue que par la mort du cardinal-archevêque de
Bordeaux.
Telle a été cette vie si honorable et si remplie, utile entre toutes et si mo-
deste, que les savants seuls ont entendu parler de M. Milbert.
Il n'est pas juste que de pareils hommes sortent de ce monde sans qu'au
moins après eux une voix s'élève pour dire à tous ce qu'ils ont été et quels
services ils ont rendus.
Au surplus, ces injustices de la reconnaissance publique deviennent de plus
en plus rares ; la conscience publique s'inquiète de tout ce qui se fait d'utile de
nos jours, et un sentiment de juste reconnaissance est toujours prêt à rémuné-
rer ces modestes travaux. Voyez ce qui vient de se passer tout récemment en
pleine Académie des Sciences, au sujet des collections rapporfées par l'expédi-
tion de rAsirolitOe ci de la Zélée, commandée par le contre-amiral Dumont-
d'Lrville! La grande serre du Jardin des Plantes suffisait à peine pour contenir
tout ce qui a été recueilli sur tous les points du globe, pendant deux ou trois
ans de navigation. Les princes, les ministres, les hommes les plus distingués
de la capitale ont afflué pendant plusieurs semaines, dans celte enceinte si mer-
veilleusement remplie ; chacun a pu admirer ces étranges productions des plus
lointaines contrées, et s'enorgueillir, avec ceux qui les avaient rassemblés, de
<e surcroît de richesses pour les galeries du Muséum. La collection de têtes hu-
maines, rapportée par le docteur Dunioutier, a surtout excité l'attention des
savants, des philosophes et des moralistes. Cuvier avait rassemblé, avec des
peines infinies, un certain nombre de crânes appartenant aux principales races,
et l'on admirait ce complément indispensable des travaux de Camper, de Buf-
fon, deSœmmering, de Pallas, de Blumenbach. C'étaient les premiers échan-
tillons du Muséum humain ; car, il faut bien en convenir, le roi du monde
créé, ce vase d'élection où fut déposé le germe de In suprême intelligence,
l'homme, qui porte sur son front le signe d'une origine céleste, tient par tant
de liens à l'ensemble du règne animal, qu'il ne peut en être séparé qu'en vertu
d'une abstraction psychologique. Lt, pour obéir à la loi commune qui veut
des perfectionnements gradués et successifs, l'espèce humaine présente un cer-
tain nombre de races qui semblait indiquer le progrès, et marquer de nom-
LE JAUDIN DES PLANTES. XLi
breux degrés entre les peuplades grossières de rOcéanie et les plus nobles
types de la race caucasique. Une semblable étude, qui se fait en quelque sorte
à nos propres dépens, qui nous assimile aux espèces animales si rigoureuse-
ment classées, est un acte de haute raison, d'humilité glorieuse; c'est une
autopsie qui n'est permise qu'à nous, qu'à notre siècle, et qui couronne digne-
ment le vaste édifice élevé par les temps modernes à l'éternel honneur des
sciences naturelles.
Tous les navigateurs avaient signalé l'existence de races distinctes répandues
par groupes dans les diverses parties du globe. La conformation générale de
la tête ne pouvait être le simple résultat de causes accidentelles, et il fallait
admettre une différence radicale, primitive, entre le (lafre et le Français, entre
les peaux rouges de l'Amérique du INord et les habitants du céleste empire,
entre les Malais et les peuplades de la Mouvelle-Hollande. La grande question
d'une origine unique, soumise aux lumières de l'expérience, a paru se com-
pliquer de dinicultés sérieuses, et l'orthodoxie de nos anatomistes ne s'est pas
contentée d'admettre les races japétiques et sémitiques. Mais si les plus nobles
esprits ont établi sur de solides preuves une concordance entière entre la
géologie et le premier livre de la Genèse, nul doute qu'on parviendra à trouver
le lien qui unit chacune de ces familles humaines éparses sur la surface du
globe, et à montrer l'étroite parenté qui existe entre ces enfants perfectionnés
ou dégénérés d'un même père.
M. Dumontier a rendu un immense service à la science de l'homme en
réunissant plus de cinquante têtes modelées sur l'individu vivant, coloriées de
la manière la plus exacte et conservant l'identité des physionomies. Il ne
s'agit pas ici de crânes, déjà fort précieux sans doute, mais enfin n'olfrant à
l'œil qu'une forme dépourvue de ses enveloppes et de ses caractères les plus
saisissants ; ce sont des têtes pleines de vie, reflétant les passions brutales du
sauvage hébété, l'astuce du bipède affamé qui cherche sa proie, la ruse
cruelle de l'anthropophage qui a soif de votre sang; c'est l'homme enfin tel
qu'il se présente à l'observateur, alors qu'il s'abandonne sans frein à ses appé-
tits grossiers. Et quelle patience, quelle persuasion n'a-t-il pas fallu déployer
pour obtenir de ces barbares l'étrange faveur que l'on attendait d'eux! Mo-
deler une tête vivante! Mais savez-vous que les plus civilisés de nos compa-
triotes consentiraient à peine à se laisser ensevelir dans une masse de plâtre
délayé ; mais savez-vous que cette sorte d'enterrement exige, comme condition
préalable, le sacrifice de la chevelure, ou, tout au moins, une préparation
presque aussi désagréable ! Et lorsqu'on songe aux obstacles de toute espèce
que M. Dumontier a dû rencontrer dans l'accomplissement de cette singu-
lière entreprise, on ne saurait se lasser d'admirer les résultats obtenus, et
l'on s'associe pleinement aux éloges et aux récompenses qui lui ont été dé-
cernés.
Et les coquilles avec les animaux vivants ou conservés dans l'alcool, et les
insectes les plus étrangers, et les oiseaux, et les poissons ! C'est un monde
toujours nouveau qui vient augmenter notre monde connu ; c'est une popu-
lation toujours croissante, et dont on s'applaudit comme pourrait le faire un
souverain qui, placé à la tête d'une grande nation, se trouverait chaque année
/'
XLii LE JÂUDIN DES PLANTES.
plus riche, plus puissant d'un million d'unies. Les derniers travaux do Eacé-
pèdc et de (".uvicr sur les poissons constataient l'existence de cinq ou six mille
espèces, et aujourd'hui IM. Valenciennes en compte plus de douze mille. Fabri-
cius, Latreille et les derniers entomologistes ne possédaient pas plus de viniil
mille espèces d'insectes, et aujourd'hui M. Audouin, qu'une mort prématurée
vient d'enlever à ses travaux, M. Milne Edwards, ont plus que doublé ce nom-
bre, et le baron Dejean possède dans son cabinet près de vingt mille coléop-
tères. Que dirai-je des oiseaux, ces joyeux habitants de l'air, qui chaque année
sont obligés de serrer leurs rangs, déjà si pressés, pour faire place aux nou-
veaux venus, et qui se rangent si admirablement dans les familles instituées
par BulTon, Vieillot, Duméril, Temminck et Latham? Chaque nouvelle expé-
dition rapporte des espèces inconnues, des papillons qu'on prendrait pour
des oiseaux, des oiseaux qui ressemblent à des papillons, et ces merveilles
d'une création inépuisable, ces conquêtes de la science brillent aux yeux
de tout le monde dans ces galeries que l'on doit agrandir sans cesse.
Vous voyez donc que cette institution des voyageurs du Jardin des Plantes
(jui produit avec si peu de bruit de pareils hommes et de pareils dévouements,
est une de ces nobles institutions qui annoncent et qui prouvent les grands peu-
ples. Elle a fait de ces quelques arpents de terre perdus dans un des faubourgs
de Paris comme un vaste et puissant royaume qui envoie ses ambassadeurs
dans toutes les parties de l'Europe : ambassadeurs triomphants et glorieux
cette fois, que rien ne saurait arrêter, ni les flottes chargées de canons, ni les
forteresses armées, ni les guerres de peuple à peuple, ni les déserts, ni les
neuves débordés, ni les vallons, ni les montagnes. Qui que vous soyez, nations
armées pour la guerre, laissez-les passer ces ambassadeurs du printemps et dt;
l'automne, ces représentants pacifiques de Pomone et de Flore, ces Talley-
rands modestes et passionnés de toutes les beautés naturelles; laissez-les pas-
ser, car on n'en veut ni à vos frontières, ni à vos rivages, ni à vos chartes, nia
vos despotes; tout au plus veut-on ramasserquelques poissons dans vos neuves,
deux ou trois coquilles sur les bords de vos mers, quelques graminées incon-
nues sur le sonunet de vos montagnes, un bouton dans vos jardins, un pépin
dans vos vergers, un oiseau qui chante sur la branche de vos arbres en fleurs.
Voilà tout ce qu'ils demandent, les envoyés du noble jardin ; et comme échange
naturel de cette modeste récolte dans vos plantations, dans vos brujères, dans
vos rochers, dans vos sables, dans les tanières de vos lions et de vos tigres,
ils vous apporteront nos plus belles fleurs, nos plus beaux arbres, les fruits les
plus savoureux, les graines les plus fertiles, leurs animaux les plus fidèles,
leurs oiseaux les plus chanteurs. Aussi telle est la force toute-puissante de la
paix et de la bonté parmi les hommes, telle est l'attraction inévitable de celte
chose divine, appelée la bienveillance que, seuls dans ce monde, les ambassa-
deurs du Muséum sont assurés, même parmi les peuples les plus féroces, de
rencontrer les plus tendres sympathies. Le missionnaire lui-même, qui porte
l'Evangile dans sa robe noire, comme ce Romain qui portait la paix ou la
guerre dans le pli de son manteau, le missionnaire lui-même n'est pas au-
tant le bienvenu que ces missionnaires de la science, tous chargés de ces opu-
lentes corbeilles. Par une espèce de transaction tacite qui n'est inscrite dans
LE JAIUHN DKS PLANTES. \i.iii
aucun de nos traités internationaux, il a été convenu qu'en tous temps, en tous
lieux, à toute heure de la paix ou de la guerre universelle, passerait le commis
voyageur du Jardin des Plantes. 11 est neutre, ou, pour mieux dire, il appar-
tient à la civilisation tout entière ; il peut crier, lui aussi, à chaque obstacle du
chemin, son civis sum romamis! inviolable et sacré. iNon-seulement il a droit
d'asile, mais encore il a le droit de cueillir et de ramasser tout ce qui se ren-
contre en son chemin ; chaque plante tombée du sein de Dieu, fécondée par
la rosée, mûrie par le soleil, chaque animal vivant ou mort, appartient de
droit à ce conquérant pacifique. On irait, mais en vain, dans les annales de
toutes les sociétés humaines pour rencontrer une institution égale à celle-là,
et notez bien qu'elle s'est faite par la force des choses, qu'elle existe indépen-
damment de tout ce qui est l'autorité et la puissance, comme vivent, en fin
de compte, toutes les choses humaines qui reposent sur l'utilité et sur le dé-
vouement.
11 est bien entendu que cette noble mission, à travers les forêts, les plantes,
les océans et les déserts de ce monde, devait avoir ses martyrs. La vie n'a été
donnée à l'homme que pour la pouvoir sacrifier, comme on donne une der-
nière preuve d'obéissance et de respect, à ses espérances et à ses convictions.
Tel s'est fait tuer à Austerlitz, à Wagram, à Waterloo, pour avoir son nom
écrit dans le bulletin impérial, qui ne comprendrait pas que, pour compléter
son herbier, un jeune savant de trente ans aille chercher la peste et la mort sur
les montagnes de l'Uimmalaya. Celui-ci veut bien prendre à lui seul toute une
batterie de canons qui tonnent, mais il fuirait épouvanté, s'il lui fallait aller
dérober dans son antre les petits d'un tigre et de sa femelle. Dieu merci! de
quelque genre que soit la gloire que l'on cherche, c'est toujours la gloire.
Christophe Colomb n'a pas été plus heureux et plus fier quand il eut découvert
un nouveau monde, que le fut Cuvier, lorsqu'il eut retrouvé, dans les débris de
la création, quelques-uns des animaux que le premier déluge croyait avoir em-
portés avec lui. Le savant Tournefort s'estime tout autant pour avoir donné
son nom à des plantes sans baptême, qu'Herschel lui-même pour avoir impo.sé
son nom à une comète errante dans les espaces du ciel. C'est là un des charmes
de la science ; il n'y a pas une science si petite qu'elle soit, et si restreinte, (pii
n'ait son immensité et sa grandeur. Ne vous étonnez donc pas que le Jardin
des Plantes ait porté plus d'une fois le deuil de ses missionnaires les plus
intrépides: M. de Godefroy, mort à Manille dans une émeute; M. Havet, mort
à Madagascar, épuisé de fatigues, et enfin un homme sur lequel nous vous
devons quelques détails, un jeune et intrépide naturaliste qui était en même
temps un grand écrivain, l'honneur impérissable du Jardin des Plantes, mort
au bout du monde, mort à trente ans, mort entouré d'estime, de pitié et dé
regrets, mort loin de son père, loin de ses amis et de la gloire, j'ai nommé
Victor Jacquemont. En 1 829, M. Victor Jacquemont était, comme la plupart des
jeunes gens de quelque valeur sous la restauration (elle s"est perdue pour ne
pas les avoir reconnus ), un jeune homme sans emploi et sans fortune, mais plein
de zèle, plein de courage, savant comme un vieillard, ardent comme un jeune
homme, intrépide comme un soldat, quelquefois même c'était un poète, poète
à ses heures, quand il avait le temps. Son oisiveté pesait à ce jeune homme ; il
XLiv LE JARDIN DES PLANTES.
sentait en lui-même ce quelque chose-là qui poussait André Chénier. Le Jardin
des Plantes s'empara de Jacquemont. On lui donna pour commencer l'exploi-
tation scientifique de Tlnde anglaise; les appointements étaient des plus mé-
diocres. Le Jardin des Plantes, lui aussi, tout comme saint Paul, ne promet
guère à ses apôtres que le vêtement et la nourriture, victumel vestiiuvi. Jac-
quemont s'embarqua à Brest, au mois de septembre 1828; il allait si loin,
que, tout hardi qu'il était, il avait peine à regarder en face le but de son
voyage. Tous les voyages autour du monde se ressemblent; c'est toujours
la mer, ce sont les mêmes îles, toujours l'Espagne, le pic de Ténériffe, la ligne
qu'il faut passer avec de folles cérémonies; toujours le Brésil habité par
une centaine de vicomtes et de marquis, par quelques milliers de fripons à
peu près blancs, par un nombre effroyable d'esclaves à peu près nus ; arri-
vent ensuite Bourbon, Pondichéry, Cayenne, toutes sortes d'histoires toutes
faites. 11 faut avoir bien de l'imagination et de l'esprit pour trouver à dire
quelque chose de nouveau à propos de ces parages parcourus si souvent , et
par des hommes si divers. A la fin donc voici Victor Jacquemont en Asie, le
voilà en présence de lord Bentinck, cet homme qui, sur le trône du grand
mogol, agit et pense comme un quaker de Pensylvanie. Là commence l'œuvre
de notre voyageur ; il apprend la langue persane, il étudie dans son vaste en-
semble le jardin botanique de C-alcutta, tous les végétaux de l'Inde anglaise,
préparant ainsi à loisir cette expédition dont la fin devait être si funeste. C'est
ainsi qu'en six semaines il fit une connaissance honnête, sinon complète,
avec le multam sine nomine ptebeni de la végétation indienne. Tout d'abord la
cour de lord William Bentinck, tous ces Anglais efTéminés de l'Orient, ces usur-
pateurs souverains du royaume du grand mogol ne comprenaient rien à la
vocation de ce grand fluet de Parisien , en habit étriqué et brûlé par l'eau
de mer, qui venait de si loin pour s'évertuer sur les herbes, les pierres et les
bêtes de leur pays. Ces Anglais qui ne marchent que suivis d'une armée de
serviteurs, ces colonels à .52,000 fr. d'appointements par année, ne se ren-
daient pas bien compte de la profession de Jacquemont, de son titre, de la
misérable simplicité de son appareil ambulant. Mais cependant, rien qu'à le
voir et à l'entendre, on eût compris bien vite la haute portée de ce jeune
homme. Chacun lui tendit une main favorable, lord William Bentinck l'adopta
comme son fils; ce fut à qui reconnaîtrait par toutes sortes d'empressements et
de respects ce noble dévouement à la science. Ainsi toutes les routes lui fu-
rent ouvertes, mais quelles routes dilTiciles! 11 fallait passer sous l'équateur
pour vivre parmi les neiges éternelles , dans une hutte enfumée ; il fallait
voyager tout seul, presque sans escorte, couché sous une tente brûlante à midi,
glaciale le soir, s'arrêter à chaque pas pour ramasser des herbes et des pierres,
et ce qui est le plus triste, n'être pas soutenu par l'enthousiasme, ce frêle
soutien qui vous porte un instant dans le ciel, pour vous rejeter tout moulu
et tout brisé, sur la terre. Bien plus, il fallait commander le silence à la poé-
sie, remplacer l'imagination par la science, contempler le monde, non pas en
acteur passionné, mais en spectateur critique et désintéressé de ces scènes
diverses : telle était la tâche de Jacquemont, tâche stérile, mais utile ; la science
devait profiter de toutes les douces joies que le voyageur allait perdre. Le
LE JARDIN DES PLANTES. XLV
sang-froid de cet homme, déjà épuisé, devait rejaillir sur les observations de
cet incfénieux esprit. 11 aura beaucoup moins d'admiration pour la chaîne
centrale de l'IIimmalaya, mais en revanche il poussera beaucoup plus loin ses
belles recherches géologiques ; il ira, non pas s'evtasier devant la haute vallée
du Sutlege, mais il passera six mois d'étude et de travail dans ces sites élevés
de dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer, mais il composera à loisir ses
collections d'histoire naturelle, mais il laissera des traces éternelles de son pas-
sage dans ces déserts où n'est pas arrivé encore un seul homme de son métier.
Ce qui fait le charme du voyage de Jacquemont, Dieu nous pardonne si nous
blasphémons ! c'est l'absence de toute espèce d'enthousiasme ; cela ne ressemble
en rien à l'émotion intérieure de M. de Chateaubriand dans Athènes, dans Jéru-
salem, non plus qu'à cette admirable description du nouveau monde ; c'est en
revanche une ironie fine, gracieuse, légère, amicale; le causeur et le savant s'y
montrent à la fois dans leur plus aimable négligé. Même dans les montagnes de
l'Hinunalaya, ce jeune homme se souvient de Paris, de l'atlicisme parisien, de la
conversation parisienne; l'isolement lui pèse sans l'accabler; perdu si loin de son
pays, perdu dans les déserts glacés des plus hautes montagnes du monde, il ne
songe même pas à se défendre contre l'ennui; l'ennui ne peut rien contre une
Ame ainsi trempée ; il obéit nettement , franchement à la destinée cju'il s'est
faite, il est calme parce qu'il est fort ; il ne s'occupe pas si entièrement des ar-
brisseaux et des plantes, qu'il n'ait un coup d'œil pour cette France qu'il a lais-
sée toute remplie d'agitations et d'inquiétudes. Que fait-on là-bas? que dit-on?
comment se gouvernent ces intérêts et ces passions qui menaçaient d'envahir
l'Europe et le monde? Où en est la Grèce, où en est Alger, où en est l'Angle-
terre? A toutes les questions qu'il s'adresse lui-même au fond de ces déserts,
la France répond par la révolution de juillet. 11 lit dans la Gazette de Catcuita
les mêmes mots anglais qui, à cinquante ans de distance, avaient déjà ré-
veillé M. de Chateaubriand dans ses déserts : Tlic new freridi revoluiion, avec
cette différence cependant que M. de Chateaubriand le gentilhomme, appre-
nant que son roi va être mis à mort, abandonne tout d'un coup cette sécurité
brillante et charmante des déserts américains, pour se rejeter dans les tem-
pêtes et dans le sang de la France, pendant que le sceptique Jacquemont,
après avoir écouté de loin le grand bruit des trois jours, s'enfonce de plus
belle dans les déserts et dans la science. Que lui importe, en effet, la iietu frencli
revoliuiou! que lui importe ce vieux roi qui s'en va loin du trône qu'il n'a pas
su défendre, pourvu seulement que le Jardin des Plantes ne soit pas ravagé
par la multitude, pourvu que sa modeste pension lui soit conservée, pourvu
qu'il puisse revenir quelque jour! En attendant, il cueille des fleurs pour
sa cousine , une anémone parmi les neiges de la source du Gumna, une
primevère dans les alpes du Thibet, neurissant le long d'un sentier cou-
vert de neige à une hauteur supérieure à celle du Mont-Blanc; et encore plus
haut que la primevère, une simple violette ! Ce sont là ses conquêtes, la révo-
lution de juillet n'en a pas tant conquis.
Uien n'est aimable à voir et à suivre comme ce jeune homme, parcourant
d'un pas ferme et d'une âme forte les positions les plus dilTiciles et les plus
curieuses de l'Asie. Dans ces tristes rovaumes de la force matérielle où le mot
XLVi LE JAlUMiN DES PLANTES.
de justice est à peine inconnu, cet homme seul et pauvre se fait respecter par
l'unique ascendant de ses lumières et de son bon droit. Les voleurs qu'il
rencontre en son chemin, il les tient en arrêt par la toute-puissance de son
regard; les plus aiïreux despotes de l'Orient, il les dompte, et quand ils sont
vaincus, il les force à lui apporter même leur respect, que dis je? même leur
argent. C'est ainsi qu'il a passé par le royaume de Lahore, et qu'il a fait de
lUinjet-Sing, le roi soupçonneux de ces contrées, une espèce d'esclave obéis-
sant et dévoué. C'est une histoire des plus curieuses ; elle est racontée avec
beaucoup de verve, d'esprit et de bonne humeur. Notez bien que ceci se passait,
pour ainsi dire, au moment où il n'était question que de l'Orient en poésie ;
c'était le temps où on lisait encore les Orientales, c'était le temps où M. de
Lamartine allait partir pour retrouver dans la Terre-Sainte les traces de M. de
Chateaubriand. Victor Jacquemont faisait encore mieux que le grand poëte,
il allait dans des pays inconnus, et ces pays inconnus il les étudiait, non-seu-
lement dans leurs ruines, mais encore dans le plus petit fragment de leurs
montagnes, dans la plus imperceptible fleur de leurs jardins. C'est là, au reste,
le beau moment de la vie de Jacquemont; jamais les vives puissances de son
esprit n'ont jeté au loin plus d'éclat et plus de grandeur. Si nous pouvons juger
la science de cet homme par sa prévoyance politique, on ne saurait trop ad-
mirer l'une et l'autre. De si loin il juge à merveille les hommes et les choses
de la révolution de juillet; il s'étonne de voir ces hommes si vieux se mêler à
des choses si nouvelles. Quels regrets! quand on pense que peu à peu la mort
arrive, qu'elle va le surprendre au milieu de ses travaux commencés, que le
climat funeste étend peu à peu son horrible intluence autour de ce savant et
malheureux jeune homme! Cependant il faut obéira la nécessité. Tout à coup
.lacquemont, si bien portant la veille, se sent pris par de sourdes douleurs.
Comme il était tant soit peu un médecin, il voulut résister et se défendre; le
mal résista au médecin et au malade réunis. Jacquemont voulait vivre, la vie
pour lui était si belle, il avait si grande envie de revoir son père, et son frère,
et ses amis, et cette France qu'il aimait. Vains efforts! vaine espérance! il faut
mourir, il faut ne plus revoir personne; il faut mourir seul. Il avait pris son
mal dans les forêts empestées de l'île de Salsette, à l'ardeur du soleil, dans la
saison la plus malsaine. A peine sut-on qu'il était malade, que l'hospitalité la
plus empressée s'empara de Jacquemont. Sa maladie dura trente jours, la
souffrance fut horrible, la raison resta nette et forte jusqu'à la fin. « Ma fin,
disait-il à son frère, est douce et tranquille. Si tu étais là assis sur le bord de
mon lit, avec notre père et Frédéric, j'aurais l'àme brisée, et je ne verrais pas
venir la mort avec cette résignation et cette sérénité. Console-foi, console notre
père, consolez-vous mutuellement, mes amis.
(I Mais je suis épuisé par cet effort d'écrire, il faut vous dire adieu! adieu !
Oh! que vous êtes aimés de votre pauvre Victor! Adieu! pour la dernière
fois!
« Étendu sur le dos, je ne puis écrire qu'avec un crayon. De peur que ces
caractères ne s'effacent, l'excellent M. ISicol copiera cette lettre à la plume,
afin que je sois sûr que tu puisses lire mes dernières pensées. »
Tel est l'homme que l'histoire naturelle a perdu à l'instant même où cet
Lï, iAU
l'L.'v.NlLS XLVn
';■ '^'Mont app*ij'. v.i, ,.,.,,, ,i i histom'
jvnu.ï utiles, par foiit«s sord-s
;s. Deux boin?
i' 'iniiK MUiii ''I 1 1\<'! ft tOUl(- •
(Su Jisrdin àcs IMaiktcs par
(i(? •('gvets, dci;[i!'»raiifes df<
I «'slonî dont iM'aut parler,^ ■ n.. .^
Ips travaux et la ploiro. taii^
Ces deux hommes, t : ta .^^ k-m.':, .oiis ;•_> .^^^^ uej-t ..ojnn.cs, r .■•■
M CconVoy SaiDt-Hilaii . . :.:r. La lutte mémoîable dool imiîon et Ijih;*.'
p.iw.iil ionné l'exemple au milieu du diX'-huitième siècle, Oe» ffroj Saint-Hi-
1. il».' et Cuvier l'ont reproduite de nos jours; inu et l'autre, il* sont les chef^
respectés de deux écoles np; -, (■♦. 1,'nn se eontente do classer î-t de dérrlrn.
l'autre Va plus loin, il .des rapports et des causes secc.
(le l'humanité; celui-ci liiarciie a n i^^".'. d'une foale immense de zoologist -,
celui-là ne vient qu'à la suite de Huffon ; l'un a pris pour sa devise ces i ■
mois célèbres : Classer, décrire et nommer , l'autre veut étn.' avant tout ';;
inventeur. Le { retnier a adopté l'œuvre de Linné, en la perfectionnant, '«■
second a perfectionné l'œuvre de BufTon en l'agrandissant ; ils resi'P"^!)» :> eo\
deux toute h! science : son passé, son présent, son avenir (les u
!res-grandssans doute, lun et lantre, sont deux enfimlsdu .Mus. :; .,, .79!,
iieoffroy Sainl-llilairc était professeur de zoologie au Muséum d'Justoire natu-
r* j!r ii à celte gloire qui est devenui' la i '>îre. Il reçut
I' ;-' ;. une inconnu qui devait ètie un srand naturaliste,
"nez. Cet iiommc arrive, Geoffroy Saint-Hilaire partaffr:
■'S travaux; ce nouveau \e'
< raconteront les travaux de
Saint-Hil : ^rne successeur dans son îils Iridore. Quant
à r.( ■n:.c,> (,ii i r, ic ciiMi-'ia tu emporté au milieu de Paris, comme il a em-
pork' \ iclor Jacquemont au milieu de i'inde anglaise. Nous avons suivi le
noMe cercueil ùv Cuvier, et nous avons pu juger de ce que pouvait être la
douleur d'une grande^ nation. Génie égal au génie d'Aristote, hommv- 'jui
savait toutes chosesr esprit infatigable, cet homme <* vetntuvé 1 histoire ue la
' ié:.tion, qui sélait perdue. Il est venu en aide à l'histoire de l'anatomie
comparée, et il en a fait !a plub belle des grandes sciences ; il a donné un nou-
veau caradèfe à tous les genres qu'il a cultivés. Pans ses leçons éloquentes
t'îitr.* toutes, l'histoire des scie4ices est devenue l'histoire de l'esiirit huniiin.
■ ;:i voulu mettre l'esprit humain à lexpéricnce, » disait-il. C'< >l Imi" (;ui a créé
î "n ment de l'anatomie comparée au Jardin des Plan: >ui qui a'
ine simple diaire d'histoir. î vérila-
I • des sciences Vou!oz-vou^ graphie,
elle est dans toutes les mémoires. U est né le 25 août 1 7(>9 à Montbéliard une
ville devenue française. '■ < - ..^...^^^^^ mbrc était belle et d'un
arand o>prit,etde bonne h» : a fiLs à nirnî'r l'histoire, la litté-
rature, les beaux-arts, la curiosité de toult^s diosfs. Le premier livre qu'il lut
avec admiration, ce fut i'HitiGire no"" •■■■ » • ^ ^t. avec ['Histoire vatv-
reJlc, le Sijf^icmc de la nninrc de \Àu- 'ipor-f^iit le«; livres"? la
mer et la terreT'^'oiià ses grands livres . vwua k livre qu il lit la nuit et le joui.
.\insi i! !r,T:\!i à Paris Iv.wl nrn;é di^ scirÉUi *■' (f.>lisor\,'.f ions, ainsi iî t'ntr.i an
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XLVlll LL JARDIiN DES I'Lx\NTES.
Jardin dos Plantes en 1802; il était secrétaire de l'Institut en 1803; en 1808 il
était membre du conseil de l'Université. 11 sulTisait à tous ces travaux si divers;
on mémo temps il créait au Muséum des collections si belles, « qu'il ne croyait
pas, disait-il, avoir été moins utile à la France par ses coUcciions seules (jucpai
mus ses nulles ouvrages. » La vie de cet homme est si remplie, qu'elle fait peur,
(".liaque heure de la journée avait son travail marqué, chaque travail avait son
cabinet qui lui était destiné ; il passait sans transition aucune d'un travail à un
autre. Il eût été impossible de retrouver dans la première minute de l'heure
suivante l'homme de l'heure qui venait de s'écouler.
Le Muséum d'histoire naturelle de Paris n'est pas seulement le premier, le
plus beau, le plus riche de tous les établissements de ce genre, il en est en-
core, et cola vaut mieux, le plus noble, le plus libéral. Ouvert au public plu-
sieurs fois par semaine, il l'est toujours aux personnes studieuses qui veulent
feuilleter le grand livre de la nature. Nulle part au monde on ne trouve un
tel concours de richesses, et nulle part ces richesses ne sont plus accessibles à
tous. La courtoisie française ne fait acception de personne : les pièces les plus
rares, les échantillons les plus précieux, les catalogues les plus laborieusement
achevés, sont tenus à la disposition de quiconque en a besoin ; Anglais, Alle-
mands, PiUSses, Italiens, Américains, tous sont accueillis à ce vaste banquet
scientifique, et tous en sortent pleins de gratitude pour celte hospitalité
royale. C'est que la France est gVande et généreuse, c'est qu'elle ne connaît
pas cetégoïsme étroit qui entasse des richesses inutiles et qui refuse la lumière
à ceux qui viennent s'asseoir à son foyer ; c'est qu'elle comprend la véritable
fraternité des nations et qu'elle sent bien que la science ne peut être ni par-
quée comme les peuples, ni limitée comme les empires II s'agit ici du do-
maine de la nature, des droits et des besoins de Ihumanité tout entière; il
y aurait crime à refuser la libre communication de ces trésors qui peuvent être
utiles à l'espèce huiuaine.
Allez donc visiter le Jardin du Roi , entrez dans cette nouvelle galerie de
minéralogie qui ressemble pour la dimension aux plus vastes cathédrales,
jetez un coup d'oeil sur ces armoires qui contiennent des fragments de toutes
los montagnes, des échantillons de toutes les terres, des minéraux arrachés
aux entrailles brûlantes de notre globe. Fxaminez la succession merveilleuse
des couches qui forment l'enveloppe solide de notre planète et les divers
corps organisés qui apparaissent graduellement, depuis l'informe trilobite des
ardoisières jusqu'aux mammifères fossiles des terrains d'alluvions modernes.
Vous y trouverez la preuve des révolutions antiques de la terre où nous vivons,
vous assisterez au développement successif des êtres organisés, vous aper-
cevrez la trace des pas de ces grands animaux sur quelques roches qui se sont
lentement durcies et ont conservé ces prodigieuses empreintes. Vous com-
prendrez enfin que cette nature, reruui uuvjna parcus, n'est pas seulement un
vain spectacle pour les curieux désœuvrés, mais qu'elle est digne de nos plus
ferventes adorations, et vous serez convaincus que l'étude des êtres élève l'ûme,
agrandit rintelligence et rend l'homme plus heureux parce qu'elle le rend
meilleur.
Mais que faisons-nous? de quel droit aborder un sujet pareil? d'où nous
LE JARDIN DES PLANTES. \Lix
vient celte témérité de nous niôler aux mystères de la science? Qui sommes-
nous? que pouvons-nous? Tliouin , Daubenton , Desfontaines, Fourcroy, Lau-
gier, (]hevreul, Brongniart, Vauquelin, Tournefort, Lamarck, Jussieu , Lacé-
pède, Duméril, Latreilie, Mertrud, de Blainville, Cordier, Dubois, Becquerel,
Haùy, leur maître à tous; Deleuze, Delalande, Valenciennes, Louis Dufresne,
Antoine Portai, Jean-Paul Martin, M. Rousseau, M. Laurillard, M. Regley,
M. Frédéric Cuvier, M. Isidore Geoffroy ; ce sont là autant d'hommes qui ont le
droit de tenir leur place dans cette histoire, si nous faisions en effet l'histoire ;
comme aussi il ne faudrait oublier ni M. Leschenault de La Tour, ni M. Lesueur,
ni M. Auguste de Saint-llilaire, ni M. Diard, ni M. Duvauccl, ni M. Sauvigny,
ni M. Fontanier, les prédécesseurs heureux de MM. Havez, Godefroy et Victor
Jacquemont. En fait de noms propres, nous n'en manquerions pas non plus
parmi les correspondants du Muséum. A leur tète il faudrait mettre le baron
(leHumboldt, cet homme illustre qui a fait pour l'Amérique presque autant
<iue Ghristophe Cohmib. Gomme aussi, si nous écrivions l'histoire du Jardin
des Plantes, ce serait notre devoir de vous mener par la main à travers
ces grandes allées de tilleuls plantés par M. de Buffon en ^740, à travers ces
belles serres toutes modernes, dans ces carrés tous remplis de genévriers, de
chênes, de mélèzes, de frênes de la Caroline, de noyers noirs de la Virginie,
de merisiers à fleurs douces, de pommiers odorants, dans ces parterres consacrés
aux plantes médicinales, aux plantes indigènes et aux plantes exotiques. ÎSous
irions de là dans les parterres où les tièdes souffles du vent printanier font
éclore chaque année les plus belles plantes vivaces, les fleurs de plates-bandes,
et après les fleurs, les arbrisseaux autour du bassin carré, rosiers, boules de
neige, lilas, fontanesia, glaïeuls ; des arbrisseaux, vous passez aux arbres élevés
dans la pépinière. Parcourons lentement le long de la grille du côté du midi; là
vous rencontrez l'innombrable famille des bruyères. Ainsi vous arrivez jusqu'à
l'orangerie, dont les murs sont couverts de plantes grimpantes; de l'orangerie
au labyrinthe il n'y a qu'un pas. Là s'élève, dans toute sa majesté biblique, le
cèdre du Liban, là est placé le tombeau de Daubenton, ce patriarche de l'his-
toire naturelle. On peut appeler cette colline, la double colline; elle est cou-
verte d'herbe que l'on fauche chaque année. Dans la vallée sont placés les plus
beaux arbres de la Nouvelle-Hollande, du cap de Bonne-Espérance, de l'Asie
Mineure, des côtes de Barbarie, arbres frileux qui ont passé l'hiver dans la serre
chaude. Ainsi donc nous pourrions faire une longue et utile promenade; mais
encore une fois, ceci n'est pas une histoire, c'est l'essai d'un homme qui aime
les beautés de la nature, sans trop les comprendre; qui porte en ceci, comme
en toutes choses, plus d'imagination que de science, et qui, dans ce vaste do-
maine des quatre règnes de la nature, n'est comme vous qu'un simple et curieux
voyageur, un badaud du Jardin des Plantes, un flâneur ému et charmé à tra-
vers tant de merveilles venues de si loin. — C'est un usage des voyageurs qui enri-
chissent le Muséum d'une plante rare ou d'un animal curieux, d'inscrire leur
nom à côté de leur ofl'rande; cette petite gloire les récompense, et au delà, de
bien des dangers et de bien des sacrifices; et moi aussi, j'ai voulu, à l'exemple de
ces voyageurs, inscrire mon nom quekiue part dans ce monument brillant que
les arts et la science élèvent à l'histoire naturelle. J'ai dit. comme il est dit dans
I, LE JAKDIN DES PLANTES.
Virgile : « Ne me refusez pas une petite place dans le récit de ces grandes
choses ; »
Mené igitur sociuni summis adjungere rébus,
Nise. fugis?
Et cet honneur ne m'a pas été refusé.
E5^
]L1 JAEMl DES PILÂIMTES
DESCRIPTION DU JARDIN.
L'enU'oe principale du jiudiii (1) est celle qui
donne sur le (piai d'Auslorlilz ; elle existe depuis
1784. Une belle place, qui la sépare de la Seine
et du pont d'AusIerlilz, offre au\ voitures un
lieu de station foit commode. Outre cette porte,
placée au c«'nlre d'une longue grille circulaire,
il y en a ein(| autres : celle du (luai de la Toiir-
nelle (2) et celle de la place de la Pitié (3), tou-
tes deux nouvellement ouvertes et faisant les
deux coins exirènies de la l'ue Cuvier ; la
|)orte donnant sur la rue du .lardin-dii-Roi, ou-
verte en 1808 (4), également très-fréquenlée
par les étudiants et pnr les visiteurs du Cabinet
d'histoire naturelle, elle fait face à la maison (7())
qu'habitait Buffon; la porle de la rue Cu-
vier (5i, presque aussi ancienne que celle d'Aus-
lerlitz, enfin la porle de la rue de Ruffou ((i), la
moins fréquentée de toutes.
Nous allons supposer que le visiteui' entre
parla porte d'AusIerlitz (I), et nous dirigerons
sa marche, soit sur les lieux mêmes, soit sur le
plan joint à cet ouvrage, de manière à ce que rien
d'intéressant ne lui ('chappe dans la promenade
qu(; nous allons faire avec lui.
En entrant, en face de nous, nous embrassons
(lu premier coup d'œil tout l'ancien jardin, res-
serré entre trois magniliques avenues de tilleuls
et de marronniers d'Inde ; la perspective de ce
jardin sj métrique, planté dans le goût de nos
pères, se termine par la façade d'un édifice (7. qui
renferme le Cabinet d'histoire naturelle zoolo-
gique. Les quatre premiers carrés que nous ren-
controns en face de nous (8t sont enlièrement
consacrés à la cnMwrc des piaules médicinales,
non-seulement dans un but d'étude pour lés élè-
ves pharmaciens, niais encore pour en faire aux
' Li's miiinMos |.l.^c^■^ ( ntie |i,iriiillii
LK JAUDIN 1>I':S l'LANTES.
jwuM-es (K's (listril)iilioiis gialiiilfs; plus loin
MHit quatre nul res carrés ^9) iioinniés du Vlm-
ristc, itaus Ifsfiui'ls on cultive les plus belles
plantes vivaces propres à l'ornement des i)ar-
Icrrcs. Pailes soins intelligents des jardiniers,
ces carres offrent depuis le printemps jusqu'aux
premières gelées une succession non interrom-
pue des Heurs les plus belles et les plus rares.
Vient ensuite le Carré rrcitx (tO ; c'était au-
Irefois un vaste bassin creusé en pente douce
jusqu'au niveau des eaux de la Seine, qui s'y
rendaient par inlillration. Il était destiné par
IJuffon, qui le Ht creuser, à conserver et élever
(les plantes aqualitpies. Sur ses rives en pente
on voyait se promener, parmi des bosquets
plantés d'arbrisseaux fleuris, une foule d'oiseaux
a(]uatiques au plumage le plus varié, tandis que
d'autres nageaient avec grâce sur la surface des
ondes ou plongeaient dans leur sein. Ce vaste
bassin, le seul qu'il y eût au jardin des Plantes,
a été comblé, je ne sais pourquoi. Aujourd'hui
ce n'est plus qu'un carré bizarrement enfoncé,
et planté de fleurs et d'arbrisseaux.
Voici, après le Carre creux, la Pépinière (1 P,
dans laquelle on élève les arbres et arl)risseaux
destinés à la planlationct à l'entretien du jardin.
Plus loin sont les quatre carrés Chriplnl {\2\, des-
tinés à la naturalisalion des plantes étraugéresde
pleine terre. Au milieu de ces carrés se trouve un
petit l)assin de pierre (13) d'une construction sin-
gulière. Il a la forme d'une coupe portée sur
un pie I, et l'on peut, dit-on, faire le t lur de ce
pied par un passage souterrain. Parveims là,
nous avons en face de nous le Cabinet de zoolo-
gie "t), i\ gauche la Riblioth que et les Cabinets
de mméralogie, de géologie et de bo!anique.
dans un magnifique bâtiment neuf I4>, à droite
les serres immenses construites il y a peu d'an-
nées. Nous reviendrons sur ces constructions.
Nous ne nous occulterons pas de la grande
avenue de tilleuls à gauche, parce que les mas-
sifs et carrés placés entre elle et la rue de Buffon
n'offrent un grand intérêt que pour les amateurs
d'horticulture. Les deux premiers (15) contien-
nent un semis des arbres qui doivent être re|)i-
qués dans la pépinière, le troisième ( 1 6i renferme
des échantillons des plantes céréales, économi-
ques et fourragères. Nous mentionnerons encore
le café-restaurant 17), toléré par l'administration
pour la commodité des promeneurs, et placé
sous un ombrage délicie;ix de rohinia, de mi-
mosa, tilleuls et .luties arbres.
Revenus à notre i)remière station (1i, nous
prenons la sicoude avenue qui est à droite 1!) ,
c'est-à-dire celle qui est plantée en marron-
niers et qui sépai-e le jardin symétrique du
jardin paysager renfermant la ménagerie. Les
huit premiers carres étaient aul refois consacrés
à l'école des arbres fruitiers, de leur taille, de la
gi-effe, des haies elc On y voit encore aujour-
d'hui (pielques exenq)les singuliers de greffes
opérées par !\l.Thoiiin; innis ces carrés vont
être entièrement réunis à VF.role île botani-
que (20 , se prolongeant à gauche jusqu'au petit
Labyrinthe (21 ) Cette école est ouverte au pu
blic les lundi, jeudi et samedi de chaque se-
maine, de trois à cinq heures. A droite, le long
de notre avenue, nous avons vu d'abord uit
|)arc (22) renfermant des brebis d'Abyssinie,
données à la ménagerie par le docteur Clot-Be\ .
et des moutons d'Islande envoyés par M. (iai-
mard ; puis un autre parc renfeiniant ordinai-
remei.t des chèvres étrangères (23) ; la fosse de
l'ours blanc i24s celle des ours bruns nés à la
ménagerie (25i ; enfin une troisièii;e i2()i où s{>
frouvecetteannée une ourse femelle avec ses deux
oursons. C'est duisl'uncdeces fosses que logeait
autrefois l'ours ÎNIartin, célèbre dans tout le peu-
ple de Paris pour sa beauté, sa grandeur, son
agilité à monter sur l'arbre planté au milieu de
sa cour, et surtout par la mort d'un malheu-
reux vétéran qui, prenant un bouton de métal
pour une pièce de cinq francs tombée dans 1 1
fosse, eut l'imprudence d'y desœndre la nuit,
et périt étouffé dans les bras du féroce animal.
A la suite des fosses viennent les profonds
cairés consacrés à des semis sur couche et en
pleine terre de toutes les plantes exotiques que
l'on essaye de naturaliser.
Le;>f(i( l abijrinthc {2\) est vn face de nous.
C'est une butte assez élevée, quoique beaucoup
moins que le grand f.abuinthe; elle forme nu
(arré long, en amphithéâtre, coupé d'allées
sinueuses dans le goût de nos anciens jardins
anglais, et presque entièrement i)lanté en ai--
bres verts, la plupart de la famille des conifères.
Sur le point le plus élevé on trouve une peliîe
esplanade d'où l'on a une très-belle vue.
Le coté de la butte opposé à celui par lequel
nous sommes entrés touche au g?-a»id L«/'(/rj»i-
the (2'),beaucoup plus élevé que le premier Nous
y montons, et nous trouvons d'abord un arbre
d'une énorme grosseur, au pied duquel est un
banc en anneau (2.SLCet arbre est le fameux cè-
dre du Liban, que Bei-nard de Jussieu, en 1 loi,
rapporta d'Angleterre, dans son chapeau, dit-on.
Ce cèdre, quoique très-élevé, le serait beaucoui)
plus si un imprudent chasseur neût cassé son
bourgeon teiininal d'un coup de fusil. ÎNIontons :
entre le cèdre et le kiosque, à l'exposition du le-
vant, est ime petite enceinte (29) renfermant
un bien humble n)onument couvert d'herbe et
de mousse ; c'est là que repose DHubenton, cet
homme aussi modeste que savant, sans lequel
Buffon n'eût probablement été qu'un grand écri-
vain. Par un chemin tournant en spirale on
monte au kiosque ou belvédère (?iO) soutenu
par de jolies colonnettes de bronze et entouré
d'une balustrade en fer. De là on d(>couvre une
partie de Paris et de ses environs, et le jardin
OURSONS NÉS A LA MENAGERIE.
j()i\\r l)^^,s i.klk fossi-'.
( Jar Ji n do Flan tel. )
LK JARDIN DES PLAMKS.
i.iii
tout ('iili< r; on a aii-tlossous ilo soi, aucoiicIiMi.t.
la belle (errasse (31 1 doniiiiaiit la rue du Janlin-
du-Roi, et au moyeu de laquelle on eoiiiuiu-
nique du Cabinet d'histoire naturelle à la porte
ouverte sur la place de la Pitié. Ce labyrinthe
est planté d'arbre résineux, et offre de très
grands échantillons des espèces les plus utiles.
En descendant par la pente du nord-ouest, on
rencontre un beau réservoir |32) construit de-
puis peu de temps par M. Rohaut, et faisant face
à la porte d'entrée. Si de là nous nous dirigeons
à l'est, nous longeons et laissons h gauche les
logements de plusieurs professeurs (ôôl, et nous
arrivons dans une vaste cour (.'îî) ayant une
porte sur la rue Cuvier. Nous avons en face de
nous, enf()ncé dans le jardin, le logement (.■>5)
autrefois habité |).'ir M. Thouin, savant sans pré-
tention, ajant remin de grands et véritables
services à l'agriculture, et qui sut se faire uni-
versellement regrellei'. A droite est le bâtiment
de l'administration (.'ïCi, rentérniant les ateliers
de taxidermie et les bureaux des administra-
teurs. Nous avançons à gauche; (t après élre
descendu quelques pas, nous trouvons le grand
amphithéâtre (57i où se font les cours des pro-
fesseurs ou de leurs aides. A gauche, derrière
l'amphithéâtre, on aperçoit la maison (75) qu'ha
bitaif le célèbre G. Cuvier; il y est mort le !">
mai de l'année 18.'î2. A la porte de l'amphithéâtre
les éliangers viennent admirer deux palmiers
fort élevés, qui sont cultivés au jardin depuis
Louis XIV, et qui offrent au\ Imtanistes un ph;--
nnmène singulier. Vous remarcpierez (pie ce
sont des pai.miehs ivains {(.hnmwrops hinn'ilis.
Lin.) dont le stipc ou tronc n'acquiert jnmais
plus de trois à quatre décimètres de hauteur dans
le nord de l'Afrique qui est leur pays, tandis
qu'ici ils se sont élevés à huit ou neuf mètres.
En face de l'amphithéâtre est un grand gazon
ovale (.'î8i, servant à placer, dans la belle saison,
les végétaux de la Nouvelle-Hollande, du caj)
de Bonne- Espérance, de l'Asie Mineure et de la
Barbarie, que l'on sort de la serre voisine pour
leur faire passer l'été J> l'air libre.
Nous avons vu les cultures du dehors, il nous
reste maintenant à visiter celles qui se font à
l'aide d'une chaleur artificielle. La première
serre, celle où nous nous trouvons, en face de
l'ovale, est la .serre tempérée (.^9), renfermant
les végétaux des pays que nous venons de nom-
mer, et d'autres qui, tout en craignant la gelée,
n'exigent pas cependant un haut degré de tem-
pérature Elle a soixante-trois mètres (200 piedsi
(le longueur, sur |)lus de huit mètres (24 pieds)
de largeur. En avançant devant nous et rentrant
dans le jardin symétrique, nous avons à droite
la sen-e de Buffon ( i(ti, ainsi nommée parce que
c'est lui qui la (il bâtir en 1788. Son intérieur
a cela de particulier qu'il ofire plusieurs lignes
de couches élevées les unes au-dessus des autres
en amphithéàtiT. On \ ni:iinlienl lonjiiurs la
chaleur an-dessus de douze degiv's centigrades,
e( on y élève les |)lanles des (ropicjues. Quand
les dimensions de ces végélaux devieimen( (rop
grandes, on les transporte dans la nouvelle seire
chaude.
Sur les côtés du large chemin qui conduit des
carrés du Flenrisle aux labyrinthes, sont deux
serres chaudes entièrement vitrées (5 1 ). en forme
de pavillons carrés, et d'une grande hauteur.
Cons(ruiles nou\ellement par M. Uohant, elles
.sont consacrées à recevoir le»s végétaux exoti-
ques d'une dimension trop élevée pour pouvoir
rester dans les autres serres. On espère y voir
par la suite les arbres des contrées chaudes de
la terre atteindre tout le développement (pi'ils
ont dans leur iiatrie, et déjà il y en a d'une assez
grande élévation. L'immense serre à toit viti-e
et voûté (41) a été construite dans le même
temps, par le même architecte, et pour un usage
a peu près semblable.
Nous avons vu tout ce que le jardin renferme
d'important sous le rapport de l'horticulture et
de l'agriculture; il nous reste maintenant à dire
(pièces cultures, faites avec autant d'intelligence
(pie de soins, sont confiées à MM. Neumann.
Pépin. Dalbret, etc., etc., sous la direction de
MM. les professeurs dont nous indiquerons les
noms et les attributions.
\ oyons maintenant ce qui intéresse le plus le
public en général, c'est-à-dire la ménagerie.
Pour faire cette promenade, nous reviendrons a
la porte dAusterlitz(l),noiis tournerons à droite,
et nous entrcnms dans le jardin paysager pai-
la porte située presque en face de la ménagerie
des animaux féroces. Ici nous nous arrêterons
un instant pour faire une observation. I-es ani-
maux qui vivent dans la ménagerie étant tons
apportt's de climats étrangers fort différents de
celui de la France, résistent plus ou moins long-
temps aux changements brusques de tempéra-
ture, de nourriture et d'habitudes, anxcinels ils
se trouvent soumis dans lein- esclavage. Mal-
gré (ous les soins qu'on peut leur donner,
beauc(mp tombent malades et meurent après
un temps assez court, elles parcs ou loges dans
lesquels on les tenait renfermés restent vides,
jusqu'à ce qu'on y ait mis un animal nouvelle-
ment arrivé, et souvent d'une espèce tout à fait
différente. Il ne faudra donc pas que le prome-
neur s'en rapporte absolument à ce que je vais
diie ici sur les espèces qui peuplent aujour-
d'hui même les parcs que nous allons visiter
ensemble, mais bien aux écriteaux placés devant
le logement de chaque animal; en recourant
ensuite à la table alphabéiiquc terminant le
volume, il trouvera aisément la description et
l'Iiistoire de l'espèce qu'il aura sous les yeux à
la ménagerie.
En entrant nous laissons à droite im petit
Li: JARLMN DES PLANTES.
parc (52) nMircrin.Tnl clos montons (l'Al{,'Oiie,
donnés ;i la monageric i)ar M. le général Gai-
bois. A panclie nous coiitom-nons un autre parc
(i")) où sont renfermés, dans une première di-
vision, des axis, charmante sorte de petit cerf
011 chevreuil oricinaire du Bengale, à rolte agréa-
blement mouchetée de blanc, et commençant à
se naturaliser dans plusieurs jiarcsdela France.
Dans une seconde division est un cerf de Java,
donné par MM. Fvdoux et Souleget, el dans
nue troisième, un axis femelle né à la ména-
gerie.
Nous voici en face des animaux féroces (4 î),
renfermés dans des loges fort propres et munies
de solides barreaux de fer. Une balustrade em-
pêche les curieux imprudents de s'approcher
des loges d'une manière dangereuse. Là, vivent
des hyènes fort bonnes personnes et donnant,
par lem- douceur, un d-menti formel à tout ce
qu'on a raconté sjir leur férocité; des lions de
diverses parties de l'Afrique, beaucoup moins
dangereux que le jaguar du Brésil logé à coti^
d'eux, malgré l'énorme différence qui existe en-
Ire leur taille et leur force; 1 un de ces jaguars
est de la (iuyane et a été donné par le prince de
Joinville. Vient ensuite une panthère du Mala-
bar, que l'on doit à M. Dussumier, ainsi qu'une
quantitéd'autresanimaux intéressants; puis une
panthère de l'Inde donnée par M. Beck. Les
trois dernières loges sont habitées pai- des ours :
l'un, l'ours aux grandes lèvres, est dû à M. Dus-
sumier; l'autre, l'ours des Cordilièrcs, au prince
de Joinville; le troisième, l'ours brun du Kam-
Ischalka, à M. le capitaine de vaisseau Du Pelit-
Thonars. Connne on le voit, la ménagerie des
grands animaux féroces est assez pauvre en ce
moment; mais sans doute i'administralion y
pourvoira avec le zèle qu'ellea toujours montré,
d'autant plus que là est le spectacle favori du
|)euple |)auvre, du peuple qui p,iye sa grosse
part de cet établissement national, du peuple
ignorant la science, et qui ne juge de l'utilité de
Ih ménagerie (jue par le plaisir qu'il a d'aller
la visiter le dimanche en famille. Dans les deux
pavillons de chaque coté, sont, dans des cages
plus petites et trans|)ortables, des animaux du
même ordre des carnassiers, mais (jue leur pe-
tite faille rend peu redoutables, tels que des re-
nards, jaekals, loutres, chats, etc., elc.
Derrière la mc'iiayerie des animaux féroces
sont des niches où sont enchaînés des chiens
donu-stiques de différents pays, vivant en boime
intelligence et mullipliant même avec des loups
et des louves. Leurs métis ont eux-mêmes la
faculté de se reproduire, ce <iui drmontre jus-
(lu'à l'évidence, contre l'opinion de Buffon, que
le chien et le loup sont deux vaiiétés dans la
même es|»èce.
L'n peu peu jilus loin que la ménagerie, se
trouve la singerie (4.^), rotonde élégante, en-
tièrement grillée, et lenfermant un grand nom-
bre d'espèces de singes, vivant tous en assez
bons camarades, malgré quelques querelles
|)articulières Un gros f)apion a usurpé la sou-
veraineté de cette république hétérogène, et
maintient le bon ordre. Aussitôt qu'il entend
une querelle, il accourt, sépare les combattants,
ro>ise les deux parties pour les mettre d'accord,
el tout rentre dans l'ordre. Dans un bâtiment
qui entoure la rotonde, en forme de demi-an-
neau, se trouvent les loges dans lesquelles cha-
que espèce de singe est renfermée et chauffée
pendant l'hiver.
Ln face de la rotonde des singes est un petit
parc (4f>) destiné à recevoir des animaux de la
classe innocente des ruminants. Nous passons
devant les singes, nous longeons le petit parc à
notre droite (47), on sont renfermés ([uelques
daims de nos forêts royales ; à notre gauche ('<!•)
celui oir nous voyons les cerfs de la N irginie ;
et, après avoir jeté un regard sur les nouvelles
plantations qui s'étendent vers le quai de lu
Tournelle, nous nous trouvons en face d'un
l)arc (4!)| renfermant le kob du Sénégal, sorte
d'antilope connue dans sa patrie sous le nom
de jjetite vache brune, et derrière ce parc est
la ménagerie des oiseaux de proie ("io).
Le premier oiseau (pie nous y remarqm>ns
est le condor, sur le compte duquel on a dé-
bile tant de fables. Au dii-e des anciens voja-
geurs, le condor enlevait les enfants, attaquait
les hommes, etc., elc. La vérité est que ce vau-
lom-, n'Iialiilant que les plus hautes Cordilières,
est aussi iuoffensif que ceux de nos Alpes. \ oiei
le per-cnoplèie tout à côté, sorte de vautour- au-
quel les anciens Égyptiens rendaient un culte
religieux ; puis le vautour royal, qui n'a rien
de l'oyal que le nom , et d(mt toute l'utilité se
borne à nettONcr les contrées du Brésil, qu'il h.i-
bite, des cadavres et immondices dont il se
nou'rit. Viennent ensuite les vautour's bruns,
d'Lgypte, des Pyréni'es, et d'Algérie, tous oi-
seaux lâches et ignobles, n'osant attaquer au-
cun animal vivant, el ire se nourrissant que de
la chair coi ronrpue des cadavres qu'ils sentent
de plus d'une lieue. A leur suite nous trouvons
le g) pacte, qui devient rare dans les Alpes d'Eu-
rope, et dans lequel il faul probablement le-
connaitie le condor des anciens. Le premier,
celui des Coidilièies, n'était accusé que d'en-
lever les entants, celui-ci enlevait des hommes
et de> éléphants. Ici la ménagerie se trouve
couixe par un appartement où vivent des per-
lociuels, des perruches, d«'s aras, des kakatoès,
tous oiseaux d'un fort beau plumage , mais
lourds, criai'ds et mallaisaiils. En suivant, nous
trouvons les aigles, les pvgaigues, milans, bu-
ses, se nourrissant de proie vivante el attaquant
avec plus ou moins d'intrépidité les oiseaux, les
reptiles et les petits mammifères; le caracara.
LK .lAUDI.N l>ES l'LA.NTKS.
inaiiileiiaiil \isilri' les diverses autres parlies de
ee vasle elalilisseiiienl, et nous nous traiispoi-
leronsdaboi'd dans le Caltiuel de zoologie, vul-
gaiienienl connu sous le nom de Cabinet d'his-
toire naturelle.
LE CABINET DE ZOOLOGIE.
Les èlrangeis, sur la pirsentation de leur
passe- port, obtiennent de l'adiniiiistratiou des
caries qui leur peiniettent d'entrer au Cabinet
d histoire naturelle les lundi, jeudi et samedi de
chaque semaine, de onze à deux heuies; le pu-
blic ne peut le visiter que le mardi et le ven-
dredi, de deirx à cinq heuies en été, et de deux
jus(iu'à la nuit en hiver. Les naturalistes qui
veulent aller y étudier sont obligés de prendre
des caries d'étudiants, et y entrent aux heures
consacrées aux éludes. La conservation des ga-
leries est conliee à M. Kiener.
Le Cabinet de zoologie 7) est un des plus
c<implels qu il ) ait en Lur()pe, et, si on le con-
sidère dans son ensemble, dans le monde en-
tier. Les animaux y sout empaillés avec grand
soin et placés dans des armoires vitrées herméti-
quement fermées, alin de préserver leurs robes
délicates et brillantes de l'attaque des insectes
destructeurs. Ch:ique esjjèce est placée avec son
genre, les genres avec leur famille, les familles
avec les ordres, etc.; c'est-à-dire que tous les
objets y sont classés méthodiquement et dans le
plus grand ordre. Lue étiquette apprend aux
visiteurs les noms génériques et spcciRques de
chaque animal, le nom de l'auteur qui l'a décrit,
la partie de la terre où son espèce se tniu\e, et
souvent le nom de la personne qui l'a recueilli
et envoyé au Cabinet. Nous passerons rapide-
ment en revue les objets qui frappent le plus,
non pas les savants, mais le public, dans cette
riche collection.
Dans la salle des singes on cherche à retrou-
ver l'orang-outang qui a vécu à la ménagerie
sous le nom de JnrI,, et la jeune femelle de
kimpézey, Jm-qm-liiie. D'autres orangs, des gib-
bons aux longs bras, des mandrills au nez rouge
et bleu, des sapajous, des ouistitis, etc., sont les
plus remar(piés du public.
Viennent ensuite les ours, lestions, lesligi-eset
autres grands chats tous leniai'iiuables par leur
l'obe admirablemciil tachée ou mouchetée. Les
civettes, les hyènes, lesloiq)s arrêtent un moment
les regards; mais les éléphants, les rhinocéi'os.
les hippopotames, les girafes et autres grands
animaux sont ceux qui fixent le plus l'attentiKU
générale.
Les galeries d'ornithologie sout extrêmement
Iréqueuléespar les étudiants et les naturalistes ;
mais le public, apiès y avoii- admirj les vives
couleurs m('talli(|ues des colibris; la grande
stature des autruches, des n;mdous, des casoars ;
la singulière altilude des manchots , le plum;igi'
si beau et si \arié des peri-0(|uets, des paons,
des faisans, de l'euphone à bandeau, du lam
pbocèle flambovant, des lyres, etc ; la poche
des pélicans; le bec énorme et singulier des
calaos ; la puissance des aigles, des gi-.inds ducs
et autres oiseaux de proie; le jinblic, dis-je.
passe assez légèrement sur tout le reste.
^'ous voici dans la galeiae consaircc à la
conservation des reptiles et des poissons. Com-
me ces derniers sont presque tous consei'V("s
dans l'esprit-de-vin et renfermés dans des bo-
caux de verre, on s'y arrête peu. Il n'en est pas
de même pour les re|)liles : des tortues énor-
mes, des crocodiles d'une grandeur prodigieuse,
l'énorme boa anacondo, et quelques autres, sont
remarqués de tout le monde; on vcit m: me des
personnes chercher et reconnailie dans son bi-
cal le terrible serpent à sounelles.
Les collections de cnislaiés, d'arachnides, de
myriapodes et d'insectes ne sont guère visitées
(pie par les nituralistes; quant au |)ublic, il ne
remaixpie en passant que cpielipies grosses esi)è-
ces. La collection des coquilles, c'est-à-dire de>
mollusques, des annelides et des raxonnés, fixe
un peu plus sou allenlion à cause des vives et
brillantes couleurs ipii paient la |)ius grande
partie des espèces, des formes bizarres (praffec-
tent la plupart d'entre elles, et par (pielcpies
produils qu'elles fournissent. Par exem|)le, on ne
vent pas sortir de la galerie sans avoir vu la m;.-
giiificpie coquille nacrée (pii donne les perle>
fines, ni le gant fait avec la soie brune lirce du
b\ssus d'un coquillage assez commun sur nos
côtes de la Corse.
A la suite du cabinet rentérmant 'es animaux
qui vivent aujoiird hui sur le globe, nous de-
vons nécessairement visiter celui des fossiles,
renfermant les dirniei-s restes de ces élres sin-
guliers (]ui i>enplaieiit la terre à des époques
antédiluNieiines, et que nous ne connaissons
l)lus (jue par les antiques Iragmenis que l'on
trouve de loin en loin ensevelis dans le sol. Là
sont des os d'éléphants bien |)lus gros que ceux
(|ui existent aujourd'hui, et auxquels C. (envier
a donné les noms de mastodoule et de mam-
mouth. l'Iusieurs espèces monsîiueuses de ces
animaux foulaient le sol (pii depuis est devenu
la France. Des hippopotames, des iliiuocèros,
(les ta|)irs ou l(>|)hiodons, des chéropotames,
des Inènes, des lions, des panthères, et mille
auties monstres d'une grandeur énorme et
n'ayant rien ib' commun a\ec les espèces qui
vivent aujourd hui, erraient aux environs de
l'aris. D'alTreux crocodiles habitaient les marais
de Meiidon, des baleines d'une grandeur pro-
digieuse venaient échouer dansia rue Dauphine;
des ptérodactyles ou dragons volants, de cin(| à
six mètres de longueur, se b:dan(,aient dans les
air'i sur leurs ailes livides; des plésiosaures en-
I.VIII
LE JAFiDlN DES PLANTES
coie beaiicoiii) plus gninds, an corps de pois-
son, <'in\ piods de cofac»', an con de sei'pcnt, à
la létc de lézard, nageaient là nii sont anjnnr-
irtini de ctiarnianles vallées ; des ictiltiiosanres,
moitié poisson, moitié lézard, plus grands et
plus formidables qne les précédenis, traînaient
lenr ventre fangeux on coulent les eaux limpides
de la Seine; et je n'oserais, dans la crainte
de passer pour menteur, vous raconter toutes
ers chiises cl ranges, si nous n'étions ensemble
dans le cabinet des fossiles, où sont réunis les
s(inelellcs de tous ces singuliers et antiques habi-
tants de la terre. Vous y verrez les restes de pa-
Id'olliénons, de mégalherions, de mégalonix,
de duiothcrions, presque tous de la grandeur
de nos éléphants d'aujourd'hui ; non-seulement,
avec une foule d'autres, ils ont disparu pour
toujours, mais ils n'ont pas même laissé après
eux, sur le globe, des représentanis qui leur
soient analogues en quelque point.
F.E CABINET n'ANATOMIE COMPARÉE {Ti).
11 n'est ouvert au imblic, sur la i)résenlalion
de billets, que les lundis et samedis, depuis onze
lieuresjusqu'à deux. M. Laurillard en est le cnn-
servatenr. Ses galeiies n'offrent un véritable
inl(Mél (lue pour la science; aussi est-il peu fré-
quenté par le public simplement curieux, et ra-
rement les dames osent le visiter. On y voit,
outre mi crand nombre de pièces naturelles ou
arlilicielles d'anatomie humaine, nue foule de
squelettes d'animaux, dont un des plus curieux,
au moins pour la grandeur, est celui d'un ca-
chalot qu'on a laissé dans la cour faute de pou-
voir lui trouver une place dans les galeries, car
il a près de vingt mètres de longueui-. A l'en-
trée du cabinet, on voit, aussi en dehors, des
mâchoires de baleine d'une grandeur mons-
trueuse.
La seconde salle renferme des squelettes hu-
mains, dont l'un, celui d'un Ilalien, a une ver-
leltre liinbaire de plus que de coutinne. Parmi
les aulies on remarque ceux de Sohnian-el-
llhaleby, assassin de Kléber ; de Bébé, nain cé-
lèbre du roi de Pologne Stanislas ; de la Vénus
Ilottcnlole, morte à Paris, etc. Une autre salle
contient une série de tètes entières d'animaux
et de tontes les races d'hommes. Painii les (êtes
d'animaux il en est une fort curieuse : c'est celle
d'un (lien ! ni |)lusni moins qne le crâne d'Apis,
vénérable bœuf adoré jadis pai' les Égyptiens ;
on l'a retiré d'une momie. Vous pourrez en-
core jeter les yeux, en passant dans la dcuxiènïe
salle, sur le squelette extrêmement curieux de
Ritla-Chi'istina, (]ui, avec un seul corps, avait
deux tètes, deux volontés. Elle est morte à Paris
à l'iige de huit mois. Née le 12 mars 1820, à
Snssari en Sardaigne, chacune des lèles fut bap-
tisée sépaiément, l'une sons le nom de Riita,
l'autre sous celui du Chrislina. Chaque lete avait
une poitrine qui lui ai)parlenait, mais (ont le
reste dn corps ne formait qu'un individu. Hitta
(la lète droite) était triste, mélancolique et ma-
ladive; Christina (la tète gauche) était rieuse,
gaie, d'ime .«anté florissante. Rilfa tond)a gra-
vement malade; tant que la maladie dura Chris-
tina parut s'en mettre peu en peine, et elle
jouait sur le sein de sa mère pendant la longue
agonie de sa sfrnr. EuRn celle-ci mourut, et au
moment où elle rendit le dernier soupir, Chris-
tina pcnissa un grand cri et expira subitement.
Une salle est consacrée à la myologie, et l'on
y voit des écorchés, en cire ou en plaire co-
loré, d'hommes et d'animaux ; des mn.seles de
mannuifères, d'oiseaux, de reptiles et de pois-
sons, conservés dans resi)rit-de-vin ; d'autres
salles offrent à l'étude tous les autres in-ganes
utiles ou indispensaldes aux phénomènes de la
vie ; des viscères, des nerfs, des vaisseaux, etc.
Mais nous ne pas'^erons pas sous silence celle
(\u\ renferme la collection cràniologique dn
célèbre d.x leur Gall. On y verra, soit en na-
ture, soit moulés, les crânes du général Vurm-
scr, de l'abb;- Ciaiithier, du poêle allemand
Alxinger, et de beaucoup d'autres i)er.sonnages
qui ont eu mi nom dans le monde ; parmi ceux
des assassins, celui de Papavoine , de Cartou-
che, etc. Messieurs les phrénolognes ne trou-
veront guère une collection plus complète, plus
curieuse et mieux choisie. Seulement, il est mal-
heureux que l'on détermine si bien les protu-
bérances des penchants dans les hommes morts
dont on connaît l'histoire, les goûts et le carac
tère, tandis qu'il y a tant d'hésitation <à les re-
connaître chez les hommes vivants.
I,E CABINET DE BOTANIQUE (l'().
Il esta rextrémilé orientale du magnifique bà-
liment neuf construit sur les plans de IM. Rohant.
Le public n'y est admis qne les jeudis, de deux
à (jualre heures, sur la présentation d'un billet.
L'on y voit des échantillons polis et classés par
ordre, de bois en planchettes fournies par la plus
grande partie des espèces d'arbres croissant sur
Inntt^ la surface du globe; d'autres d'écorces ,
de tiges, de fruits, de racines, de stipes, etc.,
pjirmi ces derniers on remarque celui de la fou-
gère nommée par les naluialistes polypodium
hiromelz, ressemblant giossièrement à un petit
agneau couvert de duvet, d'où lui est venu le
nom vulgaire d'agneau de Scylhie.
Le cabinet possède des herbiers parfaitement
conservés et très-complets Tels sont, par exem-
|)le, l'herbier général, et ceux du Levant, d'K-
gypte, de l'Inde, des îles de France et de Bour-
bon , du Cap, de la Nouvelle-Hollande, de
Cavenne, des Aniilles, etc., etc. Par respect
pour la mémoire de Teurneforf, on a conservé
LK JAKDIN DES PLANTES.
son herbier dans l'ordre oii il l'avait disposé lui
même, etl'ou ) trouve, étiquetées de sa main,
presque toutes les plantes qu'il avait recueillies
dans sou voyage du Levant.
On voit aussi au cabinet de botanique le com-
mencement d'une collection qui deviendiait
exIr.M.eiiieiit précieuse pour les cr^ptogamislcs,
s'il était possible de la compléter, c'est celle des
champignons, exécutés en cire colorée avec une
exactitude et une vérité approchant tout à fait
de la nature.
LE CABINET DE GÉOLOGIE (14).
Se trouve maintenant i)lacé à colé de celui
de botanique. Il ne peut intéresser que les sa-
vants qui étudient la formalion du globe, ou qui,
du moins, cherchent à la deviner, les personnes
qui s'occupent de minéralogie, les mineurs, etc.
Il reuf'errae, i)aruii d'autres objets, une collec-
tion complète de toutes les i-o( hes ou terrains
<iui ont été étudiés jusqu'à ce jour,
LE CABI^ET DE MINÉRALOGIE (l'i).
Il se divise en deux parlies fort distinctes, les
minéraux et les métaux On y remarque des
échimtillons superbes de cristaux de toutes les
formes et de toutes les couleurs; de pierres
précieuses les plus rares, et les d:imes ne nian-
queut guère de s'arrcler dtvaut l'arnioiie qui
contient le diamant entre la bouille et l'anthra
cite. Les plus beaux diamants que l'on connaisse
.sont . I " celui du Giand Mogol, pesant deux cent
soixanle dix-neuf carats et demi, |2" celui de
l'empereur de Russie, pesant cent quatre-vingt-
quinze carats; 3" celui de renq)eieur d'Autri-
che, de cent trente-neuf carats ; 4" le légcnt,
appartenant à la France, jjesaut cent trente-six
carats. Il a été acheté par le duc d Orléans, ré-
gent, au connnencement du dix-huitième sic» le,
et lui a coûté 2,500,000 Ir. Aujourd'hui il vaut le
double de cette somme, et l'on peut jiger par
là de l'énorme valeur de celui du (irand Mogol.
Les curieux ne manquent jamais de s'arrêter
devant une|)ierre que les plaisants ont nonunée
la pierre d'achoppement de la science, ou plu
tôt des savants. C'est, au choix, une aérolithe,
une météorite, une astérolithe, etc., etc., on
pierretomliéeduciel. Conune elle contient dans
sa composition une forte proportion de fer, on
l'a classée, au cabinet, dans la série des mines de
ce métal. Il est bien certain aujourd'hui que ces
pierres tombent de l'atmosphère ; des observa-
tions rigourejiscs, laites par les savants les pins
distingués, ont constaté ce fait; mais d'où vicn-
uent-elles'i' Voilà où se trouve rend)arj as. Les uns
ont dit qu'elles se formaient dans l'atmosphère,
et on leur a d('montré que cela est physique-
ment impossible; d'autres ont dit iprelles tom
baient de la lune, d'où elles étaient lancées |)ar
un volcan; mais on ne sait pas s'il y a des vol-
cans dans la lune, et en outre cette pierre n'.i
aucune analogie décomposition a\cc les matiè-
res volcaniques; d'antres raisons encore ont fait
rejeter celte hypoltièse. Enlin, les derniers ont
prétendu que les aslérolilhes ne sont rien autre-
chose que des petites planètes (pii, tournant
conune les ;.ulres, aiilour du soleil, viennent à
rencontrer notre globe, sont attirées piir lui en
raison de sa plus grande niasse, tombent dans
son atmosphère dont lefrolten;entles entlamme.
et Unissent leur course céleste [lar leur choc sur
la terre. Cette opinion prévaut aujourd'hui, jus-
qu'à ce que peut-être une autre h) pothèse vienne
faire oublier celle-ci et les autres
LA BIBLIOTHÈQUE (l'ij.
Llle est ouverte au |)ublic, en ("te, de onze
heures à trois heures, tous les jours, excepté le
dimanche ; en hiver, les mardis, jeudis et .si-
medis, aux mêmes heures. Elle fut fondée en
juin 1793, par le (h'cret de réorganisation du
Muséum, et entièrement consacrée aux ouvra-
ges traitant des sciences phjsiques et nalurelles.
Elles se compose actuellement de vingt-huit
mille volumes, ainsi classés .
1" Histoire naturelle générale et topogra
phi(]ue.
2" Botanique
.^" Phy.sique
4» Chmiie.
r>" Minéralogie.
()" (iéologie
7" Paléontologie.
S" Physiologie humaine et couq)arée.
9" Anatomie humaine.
10" Anatomie et physiologie comparées.
1 1" Zoologie.
ti" .Mémoires des société's savantes
!;{" Journaux cl recueils scientiliqjies et litté-
raires.
14" Vovages.
15" Collection des peintures sur velin.
Cette collection de peintures est probable-
ment la plus importante qu'il y ait au monde.^
Elle fut commencée en |{i40, par les ordres de
Gaston d'Orléans, pour servir à la description
des plantes rares de son jardin de Blois. Apiès
sa mort, Louis XIV l'acheta et la playn à la Bi-
bliothèque rojale, d'où, en 179!, elle passa dans
la bibliothèque du Jardin des Plantes. Elle ren-
ferme maintenant plus de cinq mille vélins,
distribués dans quatre-vingt-onze portefeuille.Hi.
Commencée i)ar le i)eintre Hoheri, elle fut con-
tinuée par : Aubriet, mademoiselle Bassepnrte,
Bessa, Cha/al, Iluet, Joubert, Maréchal, Men
nier, Oudinol, Prêtre, Bedouté, mademoiselle
Riche, 'rur|)in, Van-Spaendouck, Vailly , Wer-
ner, et quehiues autres.
IJ-: JAKhIN 1>KS PLANTES.
v(>va(;i<:l;i{s ik .iahdin
i;:i lerniiiuint 1 liistoiiT d'un olablissemcnl
(|iii liiit riioiincur de notre patrie, je dois ren-
(iie ici un tioniniiiKO|)ul)iic aux intrépides voya-
geurs qui, par un zèle aussi ardent que désin-
téresse', ont parcouru les pays les plus éloignés,
les plus barbares, ont exposé cent fois leur vie,
sont morts quelquefois sur un sol étranger, à
trois mille lieues de leui' famille, pour enrichir
le Muséum et la science. Je le dis à regret, ces
homiiiayes que leur rendent troj) rarement les
(■crivains sont le seul dédommagement, le seul
bénéfice, qu'ils retirent le plus ordinairement
de leurs pénil)lesel périlleux travaux. Nous join-
drons aussi à leurs noms ceux des personnes qui,
sans appartenir à l'établissement et par pur
amour pour les progrès de la science, ont fait
des dons importants soit à la ménagerie, soit
au cabinet. Malheureusement je nai pu me pro-
curer à ce sujet que des données incomplètes, et
s'il manque des noms à cette liste, je prie les
|)ersonnes oubliées de croiie (jue les omissions
sont tout d l'ail involontaires de ma part.
KAi;i)ix(le cai)itainel, co!i:!i;andant le Cico-
g-(iphr ; voyage aux terres Australes
Klli.axgkh a exploré les côtes du Malabar et
(II- Coromnndel.
Hiiîito^ a exploré la Sicile.
BoHV OE SM!\T-VlX(.E^T ;, le colonel), (irèce,
Algérie.
BovÉ, directeur des jardins de Mébémet-Ah,
au Caire, I llgyple.
B nui. LE, (irèce.
BussEuiL, le tour du monde avec le capitaine
Bougainville.
Caili-aui», le Iteove Blanc et Méroé. Le Mu-
séum lui doit deux crocodiles embaumés.
(lATOiiiE, rAfricpie.
(jiiÉiuniM. tils du célèbre compositeur, l'K-
Clot-Bev, médecin au (iraiid-Caire , l'L-
g\pte, le nord de l'Afrique.
Co^sTAXT PiiKvosT; on lui doit desieptiles de
Sicile.
Dici.M.AMiK a exploré le cap de Bonne-Lspé
raiice et une partie du midi de l'Afrique.
Desessk, le Brésil.
biAiîi), le Bengale, Java, Sumatra, les iles de
la Sonde, etc
DoLMKiic (Adoli)he), Amérique méridionale.
DussL'Mi Eli, négociant et armateur à Bordeaux.
Le Muséum et la ménagerie lui doivent des en-
vois fort importants.
DuvAi CEE, le Bengale, Ja\a, Sumatra, les iles
fie la Sonde, etc.
LvDOi \, vo\age sui' /(( l'avonlc
Galot jeune, les environs de Rio- Janeiro,
où il est mort.
Gak^ot, le tour du monde sur la corvette In
Coquille.
(iAEDiciiAiD, Amérique méridionale, le Bré-
sil.
(iAV, Amérique méridionale.
Gaimvrd, port duRoi Geiuge, terre de N'uitz,
Port-Jackson, ÎSouvelle- Irlande, ^ouvelle-(iui-
née, Amboinf', terre de Van-Diémen, Ilobarts-
Town, \ anikoro, iles Mariaues, Amboine, les
Célèbes, Batavia, le cap de Bonne-Ksiiérance,
Islande, Groenland. Spitzberg, Laponie.
GÉitAKi), l'Algérie.
(ioiDOT, Madagascar.
IIa:*ielix (le capitaine), commandant le .\alii-
)f(/i.v/cr voyages aux terres Australes.
IIoD(isoN ( le major), Inde.
IIuiiExu, l'Amérique sepleulrionale.
JoAMXEs, haute Egypte, bords du Nil.
JoRÈs, haute Kg^ite, bords du Nil.
DEsjAunn (Julien), l'Afrique.
Lamahe Piquot a |)ermis qu'on choisit, parmi
les doubles de sa collection, les espèces man-
quant au Musée.
Leiu.om) a ancieimement exploré Cayenue.
LEFiiVKE, (Alexandre), l'Lgypte.
Lecontk, les Etats-Dnis d'Amérique.
Lesciienault, a exploré Layenne, Sumatra.
Java, le Bengale, les iles de la Sonde.
Lesson, le tour du monde sur la corvette lu
Coquille.
Lesuei II, les terres Australes, la cote occi-
dentale de la Nouvelle-Hollande ; limor, les
ciMes de Diémen, au détroit de Basse, etc., les
Llats-Luis d'Amérique, l'Afrique.
LEVAiLLAM-a anciennement exploré Surinam,
puis le midi de l'Afrique. Le Cabinet lui doit
sa première girafe.
Levilain, mort dansunvo\age aux grande.-.
Indes.
L'Hebminieh, les iles de la Martinique, l'orto-
Kicco, la (iuadeloupe.
Mahlov, chirurgien de la marine, lAlgerie.
Maucjk, mort dans un vojage aux Giaudes-
Indes.
Mexe.stiues, a exploré l'Amérique méridio
iiale.
.Mii.uEHT, les Ltat.s-Luis d'Aiiieri(|ue.
.MiLiiJS [le baron ), gouverneur de Cajeiine.
MociiNO, le Brésil.
OiuiiGNv ( d'), l'Amérique méridionale.
PÉiiON, les terres Australes, la cole occiden
taie de la Nouvelle-Hollande, Timor, côtes d<>
Diemeii. déiroil de Bass, etc.. rAlrique.
I.K .1 A II 1)1 N DKS |>L.\NTi:S.
L\l
Pehottet, le cap de Bonne- Kspcrance.
Pr.KK, les îles de la Marlinique. rorlo-Ricco,
la (iuadoloupe.
Poe Y, la Havane, Cuba.
PoiTEAu a exploré Cayenne, où il était chef
des cultures de naturalisation pour la France.
Qloy, Iles de France, de Bourhon, Mariau-
nes, Poit-Jackson, iles Malouines, Monté-Vidéo,
Rio-Janeiro, etc., 1 Afrique.
Reyivaud vojage sur la ChevrcUe.
RiciuRn a anciennement exploré la (iuyane.
RicoHD a voyagé pendant quatorze ans pour
le Jardin; île de Saint-Domingue, Amérique
septentrionale.
RoGHi, l'Afrique.
Rousse vu (Alexandre', Russie niéiidionale,
cl tout récenuTient Madagascar, archipel In-
dien.
RozET, ingénieiu-, a exploré l'Algérie.
S*i\T-llii.AinK (Auguste), a explore l'Amé-
liqiic méridionale-
S\vir.>Y, a exploré l'Ilalie. Le (;al)iiiet lui
doit de beaux reptiles.
S(iANZJN, capitaine d'Artillerie de la marine,
l'Afrique.
Stenmeii., l'Algérie.
Iei^tuuier, l'Amérique septentrionale.
TiiÉnEiNAT-DiivANT, l'Égyptc.
V^ERiiKAux, neveu de Delalande, le Cap.
rsous nous sonmies bornés ici à indiciner les
contrées explorées par les voyageurs du Muséum
et par les voyageurs libres qui ont fait des en-
vois; car si nous étions obliges de nicniionner
espèce par espèce toutes les richesses qu'on leur
doit, ce serait nommer sans exception tous les
objets rares et précieux que renferment les
galeries et les vastes magasins de l'établisse-
ment.
PERSONNEL DU JARDIN EN ^Sà\
/.oologir.
Mammifèreset oiseaux. — M. Geoffroy Sai.m-
Hii.AiRK (Isidore), professeur. — M. Prévo.st
( Florent ), aide-naturaliste, et comme tel chargé
de la surveillance de la ménagerie.
Reptiles et poissons. - M. Ddmébil, profes-
seur. — M. BiBKON, aide-naturaliste.
Mollusques, annélidis et rayonnes. — Vauîn-
ciENNE, professeur. — M. Rousseau (Louis),
aide-naturaliste.
Crustacés, arachnides el insectes.— M. AuDOl^
professeur. — M. Brullé, akle-naturaliste.
Anaioinie el Phijsiologk.
Histoire naturelle et Anatomie de 1 honnne.
— M. .Serres, professeur. — M Doyeiie, aide-
naturaliste.
Anatomie com|)arée. — M. Duchotay de Ri.aiix-
viLi.K, professeur. — M. Rousseau (Eramanueli,
aide-naturaliste.
Phjsiologie comparée — M. Fi.ourens, pro-
fesseur. — M. DuMÉRiL ( Auguste), aide-natura-
liste.
liatiniiqur.
Bolani(|ue générale — M. BRONfiMARi (;\do!-
phe), professeur. — M.Guillemiîv, aide natura-
liste
Botanique rurale. — M. ue Ji ssieu ( A. ), pro-
fesseur. — M. Dkcaisne, aide-naturaliste.
M. DK
I l':dou;ird
Agi'inilliiic.
MntiiEr, , pidlesseiu'.
, aidc-niilui'aliste.
— M. SlMCH
Minéralogie cl Géologie.
(iéologic. - !M. CoKDiER, professeur. —
M. u'Orbu;>y (Charles t, aide-naturalist<'.
Minéralogie. —M. Broîvgimiart (Alexandre),
professeur. — M. Delafosse, aide-naturaliste.
Physique et Chimie.
Phjskiue. — M. Becquerel, professeur. —
M. Becquerel fils, aide-préparateur.
Chimie générale. — M. Gay-Lussac, profes-
seur. — M. Bourson, aide-préparateur.
Chimie appliquée aux arts. — M. Chevreui,
professeur. — M. Calvert, aide-préparateur.
Ironograiihie.
Iconographie des plantes. — M. Lesoi ri> i>k
Beauregard, |)rofesseur.
Iconographie des animaux. — M Ciuzal,
profes' eur.
Peintures et dessins zoologiques. — MM. Re-
doute jeune, Oewaillv, Meunier, \rVERMR(au-
(|uel la collection des vélins doit surtout de noni-
l»reuseset magniliques peintures de mammifè-
res). Prêtre et Prévoi.
Peintureset dessins de botanique - M. Bess»,
mademoiselle Riciik.
CO.NSEin ATEL US EN CHEF.
Conservateur du Cabinet d'anatomie compa-
rée. — M. Laurillard.
Conservateur des galeries d'histoire natu-
relle — M. KlENER.
Conservateur de la galerie de botani({«ie —
M. Gai DtGHAuit ((jharles).
LXII
l.lî .IAKDIiN IH:S PLAINTES.
Bil)liolh(!Ciiirc. — .M. Desivoyehs.
Chef des tiavnux auatomiques. — M. Rots-
SEAL ( Emmanuel i.
Jardiniers en chef. — M. Nelmaxn, pour les
serres : M. Pepiih, pourl'lx'ole de botanique; et
M. Dali!kei, pour les carrés de culture.
Chef des i)ureuux. — M. Prévost (Hippo-
Tel est le personnel actuel du Jardin des
Plantes. Tous les noms que je viens de citer
sont une preuve suffisante que cet établissement
est aussi recomniandable par les hommes que
par les rltoscs.
L'administration, atin de ne pas laisser en-
Nahir les collections par les curieux oisifs qui
s'y portent en foule et qui encombreraient les
galeries au point de rendre toute étude impos-
sible aux étudiants, a ainsi réglé les heures
d'entrées :
Entrées sans cartes.
Ménagerie. Tous les jours, de onze heures à
si\ heures en été, et de onze à trois en hiver
Cabinet d'histoire naturelle. Le mardi et le
vendredi, de deux heures à cinq heures en été,
et de deux heures à la nuit en hiver.
Bibliothèque. En été, tous les jours, sauf le
dimanche, de onze heures à trois heures. — Eu
hiver, aux mêmes heures, mais seulement les
mardis, jeudis et samedis.
Entrées avec des caries.
Nota. Les étrangers reroiieiit des cartes à
l'adviinislration sur la simiile jucseiitalion de
lenr passe-port.
Cabinet d'histoire naturelle. Les lundis, jeu
dis et samedis, de onze à deux heures.
Cabinet d'annlomie comparée. Les lundis et
samedis, de onze à deux heures.
Galeries de botanique. Le jeudi, de deux à
(|uatre heures.
Ecole de botanique. Les lundis, jeudis et sa-
medis, de trois à cinq heures.
Les persojnies qui veulent se livrer spéciale
ment à l'étude de Ihistoire naturelle ou d'une
de ses branches obtiennent de l'administration
une carte d'étudiant, qui leur donne le droit
d'entrer aux heures consacrées à l'étude.
INTERIEUB, DE L'AMPHITHEATRE DANATOMIB COMPAREE
( J i.1 ilin d,-s fiantes. )
Maison il.- Biiffo
INTRODICTION
A L'HISTOIRE DES MAMMIFÈRES.
Avanl (le coiniiiencor l'histoire de la classe la plus iiiiporlaïUe en zoologie, je
(lois reiulre compte au lecteur des inspirations qui ont dirigé ma plume, et
faire un exposé rapide de mes opinions.
Avant Bi iïon, l'histoire naturelle était si peu avancée, si peu de chose, que,
sans trop se hasarder, on peut dire qu'elle n'était presque rien. Tout à coup, et
dans le mùne temps, deux hommes de génie la créèrent à la fois, mais avec
des vues de l'esprit hien dilférentes : l'un était Linné, l'autre Bulîon. (^e der-
nier eut soin de cacher les épines de la science sous le charme d'un style ini-
mitable; mais cette magie, qui lui servit à la populariser, mourut avec lui, et
les successeurs du grand écrivain, après avoir fait quchpies cirorts pour marcher
sur ses traces, finirent par les abandonner.
Cnvier parut alors, portant dans la science le flambeau anatomique éclairé
par Dauhcnton. Il publia son Bègne aniinal, méthode entièrement fondée sur
l'organisation des animaux, et il fit une révolution utile aux progrès. Mais ses
admirateurs firent comme font toujours les enthousiastes d'un système nouveau,
ils dépassèrent le but (pie s'était proposé le profond anatomiste, et, malgré les
efforts de (piehpies esprits sensés, ils matérialisèrent la science, et sa partie phi-
ixiv l>K .lAUDIN l»KS l'LANTKS
losophiqiKî tut dès lors elounÏM' p;ir la iiomciiclaUiie dcsciiijtive. La clioso en
est venue à un tel point aujomd'imi, qu'en lisant les ouvrages de certains sa-
vants on croirait plutôt parcourir les œuvres d'un vétérinaire que celles d'un
naturaliste. Les auteurs ainsi fourvoyés, ayant noyé l'histoire naturelle dans
l'anatomie, ne s'aperçurent pas qu'ils l'avaient tuée, mais ils sentirent (|ue,
privée de sa partie la plus philosophique et la plus attrayante, le peu (pii res-
tait de la science devenait sans hut et n'otï'rait plus qu'une synonymie stérile
et sans intérêt. C'est alors (ju'ils imaginèrent de donner à la classification une
importance d'emprunt, (pi'elle n'a pas et qu'elle ne peut avoir devant la natine.
et, grâce à cette marche hasardée, ils ne virent dans l'histoire des animaux que
l'étude de l'anatomie comparée, de la classification, et de la synonymie. Puis,
avec une naïveté au moins fort singulière, ils proclamèrent que tout le reste
était du roman, sans se douter probahlemenl qu'ils reléguaient ainsi l'innnortel
Buffon, leur maître à tous, parmi les romanciers ! ! Quant à cette émanation de
hi divinité, à cette part d'intelligence dévolue d'une manière si admirable a
chaque espèce pour satisfaire ses besoins, régler ses habitudes et lui créer des
mœurs, ils n'en tiennent aucun compte; ce qu'il y a de plus admirable dans
l'œuvre de la création, ils ne le croient pas digne de tenir la plus petite place
dans leurs systèmes ni dans leurs ouvrages; ce qu'ils ne peuvent saisir avec
le scalpel et leurs pinces de dissection, ils le repoussent et le dédaignent.
Heureusement que telles ne sont pas les opinions des principaux maîtres
dans la science, de ces véritables savants qui sont l'honneur de notre Muséum
d'histoire naturelle, et une des gloires de notre patrie. Inspiré des mêmes opi-
nions qu'eux, je n'ai pas cru pouvoir m'étendre trop sur l'histoire morale des
animaux, sur leurs habitudes si capables de piquer la curiosité des lecteurs, sur
leurs relations avec l'homme, etc. J'ai tâché de montrer dans leurs forets et
livrés à tous les instincts pittoresques de leur nature sauvage, ces êtres si tristes
et si dégradés dans la servitude de nos ménageries, ces momies décolorées quoi-
que si ingénieusement préparées dans nos cabinets d'histoire naturelle. Enfin,
cette partie historique, que je regarde comme la plus intéressante et la plus
utile de la science, occupe le [dus grande partie de mon livre.
Comme Bulfon, je crois que la nature n'a fait ni ordres, ni familles, ni genres,
mais seulement des individus, et je ne crois pas à une classification naturelle
possible, au moins comme les naturalistes l'ont entendu jus(|u'à ce jour. Mais
Buffon n'a connu que deux cent cincpianle mammifères, et ce nombre s'est tel-
lement accru depuis, qu'il serait impossible, sans tomber dans une confusion
inextricable, de les décrire sans ordre, connue il la fait. Ensuite, je crcds fer-
mement qu'une bonne méthode de classification, peu importe qu'on la regarde
comme naturelle ou comme artificielle, est un fil indispensable pour diriger le
lecteur dans le labyrinthe de la nomenclatine; il otfre l'avantage précieux de le
conduire par le chemin le plus court possible à la connaissance de l'espèce qu'il
veut soumettre à son examen. Je dois dire aussi ipie je n'ai la prétention d'im-
poser à personne mes propres opinions, et cpie, partant de là, j'ai dû, jjour les
lecleurs(|ui pensentaulrement que moi, classer mélliodi(iuement mes onze cents
mammifères; il était tout aussi simple que je choisisse la méthode la plus répan-
due, la plus généralement reconnue bonne, c'est-à-dire celle de C. Cuvier. Je
LE JAUlMiN OliS PLANTES. lxv
r;ii donc adoptée, avec de légères uiodilicalions devenues nécessaires par les
rapides propres de l'Iiisloire nalurelle et les nombreuses découvertes (pii ont
été laites dans ces dernières années. Mais ces modilications n'ont élé ado[)tees
par moi que lorstpie je les ai crues rigoureusement indispensables, et j'ai rejeté
sans hésiter les nouveaux genres créés par les auteurs, quand je ne les ai pas
crus élablis sur des bases d'une grande valeur. La mannnalogie, si l'on n'y prend
pas garde, est menacée des mêmes abus (pii ont envahi la botani(|ue et l'enlonio-
logie, et bientôt nous aurons autant de genres (|ue d'espèces.
La synonymie latine, toute stérile qu'elle est, a été travaillée par moi avec
une attention minutieuse. Dans la synonymie vulgaii-e, j'ai introduit, aulant(|ti(!
cela ma ete possilde avec le })eu de renseignements que nous axons, une in-
novalion que je crois utile ; c'est-à-dire cpie jai rendu à cluupu' espèce son vé-
ritable luun, celui qu'elle porte dans le pays (pi'elle habite. Je me suis bien gardé
smlout de déligurer ce iR>m, connue l'ont l'ait Ihillon et quehpu's-uus de ses
successeurs, s(uis le vain |)rétexte de le rendre plus doux à la prononciation
i'rançaise,car mon Init, le seul, je crois, (pu; l'on doive se proposer en pareil
cas, a élé de mettre les voyageurs dans le cas de se faire couiprendre des natu-
rels des contrées où ils porteront leurs investigations, lorscpi'ils demanderont
des rcmseignements sur un animal.
Ouaut à la partie descri|»tive, je l'ai laite dans des limites aussi lesserrées que
possible, mais avec le plus graïul soin, et nu's descri|»tions, qii(»i(pie tort com-
tes, seront toujours sul'lisantes pour ne laisser aucune ambiguïté stn- l'identité
de chaipie espèce. Une longue expérience m'a appris que trop de détails dans
une descri|)tion y jettent de la confusion plutôt que de la clailé; j'en ai conclu
(pie je devais ne montrer les individus à mes lecteiM's que par les côtés cpii les
tranchent net des espèces voisines, c'est-à-dire n'énoncer que leurs caractères
s|>écifi(|nes. De jolies gravures, d'une exactitude rigoureuse, donneront, mieux
(pie de longues descriptions n'auraient pu le faire, une idée nette et précise des
formes générales, du faciès de tous les types d'aiiiinaiix.
Comme je l'ai dit, je nie suis beaucoup étendu sur les mœurs et les habitudes
lies animaux, et j'ai ap|)orté dans cette partie toute la critique dont je suis ca-
pable. J'ai tâché d'amuser mes lecteurs en les instruisant, parce (|iie j'ai cru
que les grâces ne sont pas ou ne devraient pas être ennemies de la science, quoi
(|u'en puissent dire quel(|ues graves pédants. J'ai surtout évité avec un soin
particulier l'emijloi ambitieux de ces expressions lechuiipies, accouiilemenl bi-
zarre de mots grecs et latins, trop souvent employé avec prodigalité par ligno-
rance qui croit se cacher en se couvrant ainsi de baillons scientili(pies. Je ne
crois |)as (pie la science soit mystérieuse et doive avoir des adeptes ; en consé-
(pieiice, j'ai lâche, avant tout, d'être clair, sim|)le, et facilement compris de tout
le monde. Lnlln, j'ai rigoureusement écarté de mon ouvragi; ces p(»leiui(pies,
ces longues dissertations, quehpiefois savantes et toujours ennuyeuses, dont la
l>riiicipale et souvent la seule utilité est de mettre en relief le mérite de celui
<pii les écrit.
Pour donner a ce livre toute l'utilité (pi'il [leiit avoir, je ne me suis pas boine
a faire seulement l'histoire des mammifères ipii oui v(*cu à la ménag(U'ie, mais
encore de (oiis ceux fpii existent au Cabinet d'Iiisloiic iialiirellr et, grâce a I ex-
i
Lxvi LE JAUDhN DES PLANTES.
trème obligeance du conservateur, le savant conquiliologiste, M. Kiener, j'ai
pu décrire les individus sur la nature même. J'ai cru devoir néanmoins omettre
quelques espèces tout à fait nouvelles et encore fort mal connues, qui eussent,
par conséquent, offert très-peu d'intérêt à la classe de lecteurs auxquels mon
livre est destine.
*^^=*;
) \ csfh,(v
FONTAINE MONUMENTALE
vu COIN DES HUES CllVIER ET SAINT-VICTOB
(J»,,lin des fl.
hESCUlPTlON
ET MCIEUUS
DES MVMMIFÈRES 01 ADRUPÈDES.
La première grande classe du régne animal se compose des animaux verlé-
brés, c'est-à-dire de ceux dont le corps et les membres sont soutenus à l'intérieur
par une charpente solide, osseuse ou cartilagineuse, dont les pièces liées et mo-
biles les unes sur les autres leur donnent plus de précision et de vigueur dans
les mouvements. Leur système nerveux, plus concentré, rend leur intelligence
supérieure à celle des animaux des autres classes. Constamment on leur trouve
une tète lormée d'un crâne renfermant un cerveau ; un tronc soutenu par une
colonne vertébrale et des côtes, et deux paires de membres, quand ils en ont.
Les uns font leurs petits vivants, et les femelles ont toujours des mamelles
pour les allaiter; c'est pour cette raison qu'on les a nonnnés manmiiféres, et
c'est de ceux-là seulement que nous avons à nous occuper ici. On les subdivise
en divers ordres, dont nous donnerons les caractères à mesure que nous les
parcourrons. Il nous suftit, quant à présent, d'en donner une idée générale et
concise.
Les mammifères ont le sang rouge, une circulation double, la respiration
simple et aérienne, s'opérant par des poumons. L'organisation du plus grand
nombre les force à marcher sur la terre; mais quelques-uns cependant, comme
les cbauves-souris, peuvent se soutenir dans les airs au moyen des membranes
(|ui soutiennent leurs membres fort allongés ; d'autres, au contraire, ont les mem-
bres tellement raccourcis, (ju'ils ne peuvent se mouvoir que dans l'eau : tels sont
les baleines, les marsouins, les dauphins, que les anciens confondaient avec les
poissons, et dont on forme aujourd'hui un ordre à part, celui des cétacés. Ces
derniers, dont nous n'aurons pas à nous occuper dans ce volume, sont les
seuls qui manquent absolument de poils; tous les autres en ont plus ou moins;
ils leur forment une robe très-peu garnie dans les pays chauds, mais tres-
fourrée, très-soyeuse et très-chaude dans les contrées froides. Tous ont ipiatre
membres, et c'est pour cela qu'on les désigne vulgairement sous le nom de qua-
drupèdes; mais dans quelques-uns, les amphibies, ils sont si courts, si engages
dans la peau, surtout les pattes de derrière, (pi'ils paraissent n'avoir (pie des
nageoires. Tels sont les caractères foiidamcutiuix sur l("S(piels est établie la
classe des maunniferes.
A>IURE^N BEST I EÏ.0 f
GALERIE DES SINGES
( J » . d i D J t S IM a [j l ^- a )
LES QUADRUMANES
PHEMIKK OUDKK DES M A M M I FKU KS
I/(>,ang-Oul.,ns.
Les (lUiidiiiiuaiies, dans leurs formes, onl plus
(lu moins d'iiiKilogie avec l'iuimiue, mais ils eu
différent par leurs exliéniités postérieures qui
se terminent non par im pied, mais par nue vé-
ritable main dont le pouce est opposable aux au-
tres doigts. Ce sont des animaux qui marchent
difficilement, surtout debout, mais (pii grimpent
aux arbres avec la plus grande agilité, d'où il
résulte que tous sont habilanls des forets.
Cet ordre se divise en cinq familles, savoir .-
les anthropomoiphes ; les singes; les sapajous ;
les ouistitis, et les makis on lémuriens.
LES ANTHKOPOMORPHES.
Ce sont les seuls dont l'os hyoïde, le foie et
le ccecum ressemblent à ceux de l'homme. Ils
ont le museau très proéminent ; trente-deux
dents, dont quatre incisives droites à chaque mâ-
choire, deux canines longues se logeant dans
un vide de la mâchoire opposée, dix molaires ;)
tubercules mousses. Leurs ongles sont plais;
ils manquent de queue. Leurs mouvements
sont graves et n'ont pas cette pélulance capri-
cieuse ou brutale qui caractérise si bien les
autres singes. Les femelles sont sujettis au\
mêmes incommodités périodiques que les
femmes.
1" Geinre. LesOI{AX«S { PilheciK, Geovv.)
forment le premier genre. Ils manquent d'aba-
joues ; leurs bras sont très-longs; leurs oreilles
arrondies, plus petites que celles de rhonmie ;
enfin ils n'ont point de callosités aux fesses.
2 LES QUADRUMANES.
L'ORANG-OITANG P'ithccHs salijrns, Desm. Sïmia sntyriis, Lin>. l^'Oraiig-
Oulancj de Vosm. Le Jocho de Buff. ).
Dans les forêts les plus sauvages de la partie orientale de l'Inde, à Bornéo, à la
Cochinchine et dans la presqu'île de Malaka, les voyageurs rencontrent quel-
quefois encore l'être singulier que les habitants de ces contrées nomment, en
malais, orang-outang, ce qui, traduit littéralement, signifie être raisonnable,
indépendant, ou des forêts, dont nous avons fait homme des bois ; mais il devient
rare, et bientôt peut-être il aura disparu de dessus la terre, comme tant d'a-
nimaux dont les dépouilles fossiles viennent de temps à autre nous révéler
l'antique existence. Jadis il habitait toute la partie occidentale de l'Asie, comme
on en peut juger par un passage de Strabon (lib. 15, tom. 2). Selon cet auteur,
lorsque Alexandre pénétra dans l'Inde à la tête de son armée victorieuse, il en
rencontra une nombreuse troupe, qu'il prit pour une armée ennemie; aussitôt
il fit marcher contre elle son invincible phalange macédonienne. Mais le roi
Taxile, qui se trouvait auprès de lui, tira le conquérant de l'Asie de son erreur,
en lui apprenant que ces créatures , quoique semblables à nous, n'étaient que
des singes fort pacifiques, nullement sanguinaires, et n'ayant pas la plus mince
parcelle d'esprit de conquête.
Par la forme de sa tête et le volume de son cerveau, l'orang-outang est l'ani-
mal qui ressemble le plus à l'homme. Il est haut de trois à quatre pieds (0,057
à 1,299); son corps est trapu, couvert d'un poil uniformément roux; son visage
est nu, un peu Ideuâtre; ses cuisses et ses jambes sont courtes, ses bras très-
longs; son ventre est gros et tendu. Il est fort doux, s'apprivoise très-facilement,
et s'attache aux personnes qui en prennent soin. Quoi qu'en aient pu dire les au-
teurs et les voyageurs, son intelligence est assez bornée et ne surpasse guère celle
d'un chien. Mais comme il a les mouvements posés, réfléchis, et analogues à ceux
(le l'homme, parce qu'il a presque sa conformation et ses besoins, on a pu faci-
lement attribuer ses actions à une intelligence plus perfectionnée qu'elle ne
l'est réellement.
Le Jardin des Plantes a possédé, il y a trois nu quatre ans. un orang-outang
vivant, qui a permis de faire de bonnes observations, quoiqu'il fût très-jeune.
On est convaincu que ces animaux, comme les singes, sont éminemment grim-
peurs, et forcés de vivre continuellement siu' les arbres, faute de pouvoir marcher
aisément sur la terre. A quatre pattes, ils ne posent sur le sol que l'extrémité des
doigts du pied, et le devant du corps ne porte que sur les poings fermés ou sur
le tranchant des mains; ils sont en outie obligés, pour voir devant eux, de rele-
ver la tête d'une manière fort incommode. II ne leur est guère possible non plus
de marcher debout, au moins pendant un certain temps, parce que leur confor-
mation ne le leur permet pas sans leur faire éprouver une grande fatigue. En
effet, il leur manque ce puissant développement des muscles du mollet, de la
cuisse et des fesses, au moyen duqi.rl l'homme conserve son équilibre et mar-
che avec fermeté.
A l'état sauvage, l'orang-outang a été j»eu observé. Il habite les forêts les plus
retirées et se nourrit principalement de fruits; mais il est probable qu'il mange
aussi les (pufs et les petits des oiseaux qu'il est habile à dénicher : du moins ses
longues canines doivent le faiic snppdser. ICanciens voyageurs ont avancé
ANTHUOPOMORPHES. 3
qu'en temps de tliselte, il quitte les nioutagiies et descend sur le bord de la mer
où il se nourrit de coquillages et de crabes. « Il y a, dit Genielli Carreri, une
espèce d'huîtres qui pèsent plusieurs livres et qui sont souvent ouvertes sur le
rivage; or, le singe craignant que, quand il veut les manger, elles lui attrapent
la patte en se refermant, jette une pierre dans la coquille, ce qui l'empèclie de
se fermer, et ensuite il les mange sans crainte. » Il se construit sur les arbres
une sorte de hamac, où il se couche chaque soir pour ne se lever qu'avec le
soleil.
Les Indiens lui font la chasse pour le réduire en esclavage et en tirer quelque
service domesti({ue. « On les prend, dit Schoutten, avec des lacs; on les appri-
voise, on leur apprend à marcher sur les pieds de derrière, et à se servir de
leurs mains pour faire certains ouvrages et même ceux du ménage, comme
de rincer les verres, donner à boire, tourner la broche, etc. »
François Léguât dit avoir vu à Java k un singe fort extraordinaire; c'était une
femelle ; elle était de grande taille et marchait souvent fort droit sur ses pieds
de derrière; alors elle cachait d'une de ses mains l'endroit de son corps que la
pudeur défend de montrer. Elle avait le visage sans autres poils que les sourcils,
et elle ressemblait assez, en général, à ces figures grotesques de hottenlotes que
j'ai vues au Cap. Elle faisait fort proprement son lit chaque jour, s'y couchait la
tète appuyée sur un oreiller, et se couvrait d'une couverture.... Quand elle avait
mal à la tète, elle se serrait d'un mouchoir, et c'était un plaisir de la voir ainsi
coiflee dans son lit. Je pourrais en raconter diverses autres petites choses qui
paraissent extrêmement singulières, mais j'avoue que je ne pouvais pas admirer
cela autant que la multitude, parce que je savais qu'on devait conduire cet animal
en Europe pour le montrer par curiosité, et je supposais qu'on l'avait dressé en
conséquence. » Il y a ici une chose qui me paraît plus que douteuse, c'est le fait de
la pudeur, fait qui a été également avancé par Bontius, médecin à Batavia. Les
voyageurs qui ont vu les femmes de la Nouvelle-Zélande, de quelques îles de la
mer du Sud, etc., se montrer sans voile et sans pudeur aux yeux des étrangers,
auront de la peine à croire que celle vertu puisse exister naturellement dans un
animal, (|uand elle man{|ue à des nations entières.
■l- (jEMti;. Le TROGLODYTE ou KI.MPE- |)c'u niolùles à sa volonté; par des crêtes sour-
ZÈV ( Troijlcdities, Geoff.) forme à lui seul uu cilières qui manquent aux premiers, et enfin prîr
genre qui se distingue des orangs par des oreilles ses bras plus courts, n'aiteignant que le bas do
beaucoup i)Ius grandes que dans l'homme, et un la cuisse.
Le K.LMPÉZÈV { Tio(jlo(lilcs HKjcr, GJL.OTV. Siraia Irogloilylcs, Liyy. Le Chiin-
paiisé, G. Cuv. Le Qnimpcsé, Lecat. Le Juclio et le Poiujo, Buff. Le Qnojas
Morou et le Satyre dWiujola, Tui.p. Le Pijgméc, ïyson. Le Pomjo, Auheb.).
J'ai fait l'histoire de l'orang-outang, animal qui ressemble le plus à l'homme
par la forme de la tète et le développement du front et du cerveau, mais dont
l'intelligence ne l'emporte guère sur celle du chien : je vais faire maintenant celle
de l'être qui s'en rapproche le plus par l'intelligence. Les phrénologues remar-
queront, en passant, que l'orang a l'angle facial ouvert à soixante-cinq degrés,
tandis que celui-ci ne l'a qu'à soixante.
Toutes les personnes qui, pour la première fois, ont observé un kimpézéy, ont
4 LES QUADRUMANES.
rlé frappées de sa grande resseiiiblaiicè avec l'iiomme, nun-seulemeut dans ses
l'ornies, mais encore dans ses gesles, ses actions, et quelqnes-unes de ses habi-
tudes. Aussi, les diflérents noms qu'il a reçus sont-ils tous l'expression d'une même
pensée. Là c'est le pongo, mot par lequel les nègres désignent un grand iéticlie,
une sorte de génie des forêts ; ici c'est le cojas morros ou quojas morou, qui,
dans la langue d'Angola, signifie homme des forêts ; dans le (longo c'est l'enjoko,
(|ue ButTon a déliguré, et qui, dajis la langue du pays, est l'impératif du verbe
se taire : ■ Enjoko, tais-toi.» On conçoit l'origine de ce nom quand on sait (jue les
nègres du Congo croient que si le kimpézèy ne parle pas, c'est qu'il ne le veut
pas, dans la crainte qu'on le soumette à l'esclavage et qu'on le fasse travailler.
Mais tous ces mots ne sont que des épithètes dont on accompagne le véritable nom,
kimpézèy, sous lecjuel il est connu par les naturels de toute la côte de fiuinée. Le
voyageur Lecat en a fait quimpésé, et G. Cuvier chimpanzé.
Il y a peu d'années que tous les habitants de Paris se portaient au Jardin des
Plantes pour voir Jacqueline, jeune femelle appartenant à celte espèce. Elle était
tlouce, bonne, caressante même ; elle reconnaissait parfaitement les gens qui
allaient la voir et leur faisait plus de caresses qu'aux autres. Si on la contrariait,
elle pleurait à sanglots connne un enfant, se retirait dans un coin de l'apparte-
ment et boudait quelques minutes. Mais sa colère enfantine cédait à la plus petite
avance d'amitié; alors elle essuyait ses larmes et revenait sans rancune auprès
de celui qui l'avait chagrinée. Quoique sa jeunesse fût extrême (elle avait deux
ans et demi), son intelligence était déjà fort développée, et j'en citerai deux
exemples qui sont extrêmement remarquables à mon avis, et dont j'ai été témoin.
Un ami qui m'accompagnait quitta ses gants et les posa sur une table ; aussitôt
Jacqueline s'en empara et voulut les mettre, mais elle ne put en venir à bout
parce qu'elle plaçait à la main droite le gant de la main gauche. On lui montra sa
méprise, et on parvint si !>ien à la lui faire comprendre, que depuis elle ne s'est
jamais tromiwe, quoiqu'on l'ait mise souvent à l'épreuve. M. Werner, notre
meilleur peintre d'histoire naturelle, fut chargé de la dessiner. Jacqueline, fort
étonnée de voir son image se reproduire sous le crayon de cet habile artiste,
voulut aussi dessiner. On lui donna du papier et un crayon; elle s'assit grave-
ment à la table du maître, et traça avec grande joie quelques traits informes.
Comme elle appuyait de toutes ses forces, la pointe de son crayon cassa, et elle en
fut très-contrariée. Pour l'apaiser on le lui tailla, et, corrigée par l'expérience,
elle appuya moins.
Elle vit le dessinateur porter le crayon à sa bouche, et elle en lit autant; seu-
lement, au lieu de se contenter de mouiller la pointe, elle ne manquait jamais de
la casser avec ses dents. Il fut impossible de l'en empêcher, et ce grave inconvé-
nient mit hn à ses études artistiques. Elle essayait de coudre, comme la femme
qui la gardait, mais il lui arrivait chaque fois de se piquer les doigts; alors elle
jetait là l'ouvrage, s'élançait sur la corde qu'on lui avait tendue, et se consolait
de sa maladresse en faisant quelques cabrioles qui auraient fait pâlir le plus hardi
funambule.
Jacqueline avait un chien et un chat, qu'elle aimait beaucoup. Elle les gâtait
au point de les faire coucher tous deux à côté d'elle, dans son lit, l'un à gauche
et l'autre à droite; mais elle sut néanmoins conserver sur eux la supériorité que
ANTHKOPOMOKPHES. 5
lionne rintelligeiice, et, quand elle le jugeait convenable, elle les châtiait sévè-
rement pour les soumettre à son obéissance ou pour les forcer à vivre entre
eux en bons amis.
La pauvre Jac(iueliiie avait l'habitude de se laver chaque matin le visage et les
mains avec de l'eau fraîche ; ces aspersions, jointes aux rigueurs d'un climat si
différent de celui d'Afrique, lui occasionnèrent probablement la maladie de poi-
trine dont elle mourut. Jack, l'orang-outang ({u'elle avait remplacé à la ménage-
rie, ainsi que les kimpézéysqui ont autrefois vécu chez Butl'on et chez l'impéra-
trice Joséphine, sont morts de la même maladie.
Quoi qu'en disent aujourd'hui les naturalistes, qui n'assignent que deux pieds
et demi 0,SI2i de hauteur à cet animal, parce qu'ils n'en ont jamais vu que de
Ires-jeunes, il est certain qu'il atteint (juatre à cinq i)ieds ( 1,299 à 1,624 ), et
|»eut-ètre davantage, car sans cela rien de ce (juc les voyageurs lui attribuent ne
serait possible. Lorsque Jacqueline fut prise et amenée à Paris, elle était fori
jeune; cependant sa taille était de deux pieds et demi 0,Si2i de hauteur, et sa
mère la portait encore dans ses bras.
jNous avons vu l'orang-outang tigurer dans Ihistoire d'Alexandre le Grand :
nous verrons le kimpézèy figurer dans celle des Carthaginois, et pour les deux
cas nous tirerons une conséquence semblable, c'est-à-dire qu'alors l'espèce étail
beaucoup plus nombreuse en individus qu'aujourd'hui, et qu'elle s'avançait sur
la cùte occidentale de l'Afriipie jusqu'au pied de l'Atlas.
Trois cent trente-six ans avant notre ère, les Carthaginois, sous la conduite
d'Hannon, abordèrent une île de l'Afrique occidentale. Une immense trou|)e de
singes les observaient, et les Carthaginois, les prenant pour des ennemis, les char-
gèrent aussitôt. On remarqua que ces animaux ne tinrent point en rase campagne
contre leurs agresseurs, mais qu'ils se sauvèrent avec beaucoup de précipitation
sur des rochers, d'où ils se défendirent vaillamment à coups de pierres. On ne
[)arvint à se rendre maître que de trois femelles (|ui se débattirent avec tant
d'acharnement, qu'il fut impossible de les garder vivantes. Hannon, qui les prit
pour des femmes sauvages et velues, les fit écorcher et rapporta leurs peaux à
Cartilage. Uninioins jieripliis, pag. 77, édit. 1074.^ Elles furent déposées dans le
leinple de Junon, où, deux siècles après, les Romains les trouvèrent encore, lors
de la conquête de cette ville. Il est plus que probable que tout ce que les anciens
nous ont transmis sur les satyres, les faunes, les sylvains, et autres divinités des
bois, tire son origine de l'histoire mal connue de cet animal. La peau de satyre
(pie saint Augustin dit avoir vue à Rome, était certainement celle d'un de ces
animaux.
Le kimpézèy a le visage plat, l)asané, nu ainsi (pie les oreilles, les mains, la
poitrine, et une partie du ventre. Le reste du corps est couvert de i)oils rudes,
noirs ou bruns, mais clair-semés, excepté sur la tète où ils sont très-longs et lui
forment une chevelure pendante |)ar derrière et sur les côtés. Il marche debout
avec beaucoup plus de facilité (|ue l'orang-outang, parce que les muscles- de ses
mollets et de ses cuisses sont plus développés, et qu'il a le bassin plus large. On
lui compte une paire de côtes de plus qu'à l'homme. Cet animal, qui ne se trouve ([ue
sur les côtesdu Congo et de la Cuinée, a le maintien grave et les mouvements me-
sures, l'ar toiiles ces considérations, Brookes, dans son .Sj/.s?(-i»c d'histoin-ualurclle,
6 LES QUADRUMANES.
avait mis l'homme dans la classe des singes; le prince royal d'Angleterre lui en
ayant fait des reproches assez vifs, « Monseigneur, je me rends à la force de vos
(( ohjections, répondit le naturaliste; en votre faveur je changerai mon arrange-
(I ment, et je placerai le singe dans la classe des hommes. »
En domesticité, le kimpézèy montre la même douceur que l'orang, mais plus
d'intelligence. « J'ai vu cet animal, dit Buffon, présenter la main pour reconduire
les gens qui venaient le visiter, se promener gravement avec eux et comme de com-
pagnie ; je l'ai vu s'asseoir à table, déployer sa serviette, s'en essuyer les lèvres, se
servir de la fourchette et de la cuiller pour porter à sa bouche, verser lui-même sa
boisson dans un verre, le choquer lorsqu'il y était invité ; aller prendre une tasse et
une soucoupe, l'apporter sur la table, y mettre du sucre, y verser du thé, le laisser
refroidir pour le boire, et tout cela sans autre insligationqueles signes ou la parole
de son maître, et souvent de lui-même. 11 aimait prodigieusement les bonbons ; il
buvait du vin, mais en petite quantité, et le laissait volontiers pour du lait, du thé,
ou d'autres liqueurs douces. »
Dans son esclavage, le kimpézèy, si on s'en rapporte à tous les voyageurs, peul
rendre autant de services qu'un nègre. On a vu à Loango une femelle aller
chercher de l'eau dans une cruche, du bois dans la forêt, balayer, faire les lits,
tourner la broche, etc., etc. Elle tomba malade, et un chirurgien la saigna, ce
qui lui sauva la vie. Un an après, ayant gagné une fluxion de poitrine, elle fut de
nouveau alitée ; lorsqu'elle vit entrer le même chirurgien, elle lui tendit le bras el
lui lit signe de la saigner.
Un voyageur très-digne de foi, M. de Grandpré, officier dans la marine fran-
çaise, ayant habité Angola pendant deux ans, raconte ce qui suit : « L'intelligence
de cet animal est vraiment extraordinaire; il marche ordinairement debout ap-
puyé sur une branche d'arbre en guise de bâton. Les nègres le redoutent, et ce
n'est pas sans raison, car il les maltraite rudement quand il les rencontre. Us
disent que s'il ne parle pas, c'est par paresse. Us pensent qu'il craint, en se
faisant connaître pour homme, d'être obligé de travailler, mais qu'il pourrait l'un
et l'autre s'il le voulait. Ce préjugé est si fort enraciné chez eux, qu'ils lui parlent
lorsqu'ils le rencontrent.
« Malgré tous mes efforts pour me procurer un individu de cette espèce, je n'ai
pu y parvenir, mais j'en ai vu un sur un vaisseau en traite. C'était une femelle ; je
l'ai examinée et mesurée avec attention, et elle s'y prêta avec beaucoup de com-
plaisance. Debout, les talons portant à terre, elle était haute de quatre pieds
deux pouces huit lignes. Ses bras pendants atteignaient à un pouce au-dessus du
genou ; elle était couverte de poils, le dos fauve, etc....
« Il serait trop long de citer toutes les preuves que cet animal a données de son
intelligence , je n'ai recueilli que les plus frappantes. Il avait appris à chauffer le
four ; il veillait attentivement à ce qu'il n'échappât aucun charbon qui pût incen-
dier le vaisseau, jugeait parfaitement quand il était suflisamment chaud, et ne
manquiiit jamais d'avertir à propos le boulanger qui de son côté, sûr de la saga-
cité de l'animal, s'en reposait sur lui, et se hâtait d'apporter sa pâte aussitôt que
le singe venait le chercher, sans que ce dernier l'ait jamais induit en erreur.
« Lorsqu'on virait au cabestan, il se mettait lui-même à tenir dessous ( tirer sur
le câble I, et choquait à propos avec plus d'adresse qu'un matelot. Lorsqu'on on-
ANTHROPOMOlU'HilS. 7
vergua les voiles iiour le départ, il monta, sans y être excité, sur les vergues avec
les matelots qui le traitaient comme un des leurs ; il se serait chargé de l'empoin-
ture, partie la plus difficile et la plus périlleuse, si le matelot désigné pour ce ser-
vice n'avait insisté pour ne pas lui céder la place. 11 amarra les rabans aussi bien
qu'un matelot, et, voyant engager l'extrémité de ce cordage pour l'empêcher de
pendre, il en fit aussitôt autant à ceux dont il était chargé. Sa main se trouvant
prise et serrée fortement entre la ralingue et la vergue, il la détacha sans crier,
sans grimaces ni contorsions ; et lorsque le travail fut fini, les matelots se retirant,
il déploya la supériorité qu'il avait sur eux en agilité, leur passa sur le corps à
tous, et descendit en un clin d'œil.
(( Cet animal ne parvint pas jusqu'en Amérique; il mourut dans la traversée,
victime de la brutalité du second capitaine qui l'avait injustement et durement
maltraité. Cette intéressante créature subit la violence qu'on exerçait contre elle
avec une douceur et une résignation attendrissantes, tendant les mains d'un air
suppliant pour obtenir que l'on cessât les coups dont on la frappait. Depuis ce
moment, elle refusa constamment démanger, et mourut de faim et de douleur le
cinquième jour, regrettée comme un homme aurait pu l'être. »
Voyons maintenant le kimpézèy à l'état sauvage. Presque toutes les fois que
les vovageurs en ont rencontré, le mâle et la femelle marchaient ensemble, d'où
on peut penser, avec quelques naturalistes anglais, qu'il est monogame et ne
change pas de femelle. Quand il est à terre, il se tient debout et marche avec un
bâton qui lui sert à la fois d'appui et d'arme offensive et défensive ; il se sert aussi
de pierres qu'il lance avec adresse pour repousser rattacfue des nègres, ou pour
les attaquer lui-même s'ils osent pénétrer dans les lieux solitaires qu'il habite.
Ces animaux vivent en petite troupe dans le fond des forêts; ils savent fort bien
se construire des cabanes de feuillage pour s'abriter des ardeurs du soleil et de
la pluie. Ils forment ainsi des sortes de petites l)0urgades, où ils se prêtent un
mutuel secours pour éloigner de leur canton les hommes, les éléphants et les
animaux féroces. Dans ces attaques, si l'un des leurs est blessé d'un coup de flè-
che ou de fusil, ses camarades retirent de la plaie, avec beaucoup d'adresse, le fer
de la flèche ou la balle; puis ils pansent la blessure avec des herbes mâchées, et la
bandent avec des lanières d'écorce.
Mais ce qu'il y a de i)his singulier dans ces animaux, ce (|ui, à mon avis, dénote
chez eux une intelligence très-perfectionnée, c'est (ju'ils donnent une sépulture
à leurs morts. Ils étendent le cadavre dans une crevasse de la terre, et le recou-
vrent d'un épais amas de pierrailles, de feuilles, de branches et d'épines, pour
empêcher les hyènes et les panthères d'aller le déterrer pendant la nuit. Certes,
il y a dans ce fait quelque chose qui approche bien d'une pensée.
Les kimpézèys habitent leurs cabanes pendant les nuits orageuses et quand ils
sont malades, car dans toute autre circonstance ils dorment sur un arbre. La fe-
melle a beaucoup de tendresse pour son petit ; elle le caresse sans cesse et le tieni
propre avec beaucoup de soin. Elle le porte sur ses bras à la manière des nourrices
quand elle n'a qu'une légère distance à parcourir, et s'il s'agit d'un long trajet,
elle le })lace sur son dos, où il se crann)onne avec les mains et les pieds, abso-
lument à la manière des négrillons. Elle y est beaucoup attachée et le garde ave<
elle longtemps encore après le sevrage: mais le mâle léchasse quand il est assez
K I.KS {)[ \I>I5 1 M \M:S
l\ni pour se ilcIVntli)' i-l .issc/ iiilcllim'iil imm s.ivmr i lien Ikt <I ilioisn ses ;ili-
innils.
1^0 malt' .imic Iciuln'mt'iil s.i IVmclli'. Si.t'liiiil .imt v\\t\ il i-sl suipi is |i,u l.i
prcst'iict' iiit)|)infi> d'un on iiliisicuis lltl|lllnt>^. il s'iiniu' aiissiloi di- picin's. mi
«l'un l>.il»Mi s'il s»> lidiiM' une Ihmik lie luoilc ;i sii |iin'lt't*; il se lt>\t' tlt'lmul, s";u"-
rôlt', et. (laus (iiic .iililiidc iiuMiaciintr, il iittnul qur sa tViutdlc se soii tdoi^iu'f
|>(Mir liiir Ini-nu'inr le d.uif^cr Pcnv de mes aniis d'cnlanci', (|ni oui lialiilc la Tiiii
iht. m (Mil tlil avoir cli' Icnioiiis de ce lail.
(a'|»i'iidaiil . ni.d^it' ers a|>|iartMH('s d'auuiin, \r lviui|M'/t'\ n Vsl pas loujtuirs
lr(''s-liili'lt' a sa rt'incllc, cl souxcul il |ntni'>uil d.nis les liois des lU■i^|■('SS('^
ipi il ciilcM' cl jiorlo dans sa «•aliaiic. » I.i's Uim|»f/('\s. <lil M A>' la llidssc
\ ro|yui/i' (i lu ioli- il' l;i(/i)/ii . làcluMil de surprnidit' des in'fircssi'S, les ^ardcnl
iwvv tMi\. «'t les nounissiMil lr«'s-|ii«'ii. J'ai ronuu. ajonlc-l-il, à la»aufit», une ne
glTSS(> qui t'Iail icsli'o Irois ans a\i'*' ces aniniaiix. u (JucKpidois » 'csl moins poiii
satislairc la lirnl.ilili' de Icnis passions cpic pour se l'aire uuf sotiolc ipii Ifiir
plaît, ipic li's l»iniptvi'\s atlaipnni les pMiiu's ut'j;it'ssi's, ipi'ils (muihmIimiI sur It's
ailut's ri tpir Ion a licaiu oiip de |i('in<' a leur ai rarliiT. I.a pii-nv i' de icl.i csl qu'ils
nilfXMil f^altiin-nl les n'iincs ^arrous, les («uiduisiMil dans leurs lords . cl les
^ardi'iil sans aiilie ImiI ipic de les a\oir avec <>u\. lî.illel nous .ippi'cnd «pi un lu'
^rilUuide sa suite. a>aul ele einniene par des kin)pe/e\s. veeul di»u/.e à treize mois
en lenisocicle. et revint très c iMilenl , i^ids el «^ras, en se louant heaneonp du Irai-
icmi'iil de ses ra\ isseurs
I II I. Ils, ml hi plus laifie part a rexaj^teralnui tU's \o\a^ems, o\\ lnuiMia «in «m
«pic 11' kini|ie/e\ est le plus inlelli-^ent des animaux.
AN I llK()l'0\l(>i;i'lli:s.
^\^'- VU*-,.'
l.« l'c.^n ,1.. VV U
^' (iKMiK. I.CN IM>\4iOS (/'oiu/o, l.*«;iii'.) Cl»' (aiiiiics sont Ii<-h loitcs; ses (rctcN Miiircllii'fi',
(•«■iiiT <liH*-n- «II- n-lin ilrs diuii^s |iiii' I iiii^I)- lit snt{illiilffl ori'i|illiilr roiiniirnl itiiiiioiint'N. Il ii
riiil. (|iii ii'onI <|ni- lit- tniili- ilr^its. «1 |iiii' 1rs iU-h sntn Hijniiilini. iiii hir^iiv : Kcsdnl^lsitr picO
iiliiijoiirs (|ti'ii II (liiiis Iti txMD'Iic. I II iMitir, ses iirsoiil piiN ii iiiii. i nu- nii\ ijrs hiiinuiii).;N
l.f l'0^(i() m Wl!|(ivni l'uiif/i» lyiirmhii, Dism. |,r ;.;i,iimI (hiiiiij (hiliiiiii ilr
<|iirli|iirs voy;ii^riiis )
\ iiici Mil .iiiiiii;il iloiil lliishiirr si inil ilii|iir rsi Inil siii^iilirir IEmUiiii . (|iii
n'rti .'iviiil .iiintiii- riiiin;iiss;iiiri-. ;i ilimiir sini iiniii ;i un l'In- iiii;i^;iii.iit i- t|ii il
n-oyiiil VOISIN ilii lviiii|ir/.ry. Li- siiviiiil {', (iitvirr. i|iii |in*li;ililniii'iil iir I iiv.iil
l'oniiii i|iir |i,ii II' iiiniiMirc ilr Wiiniili. Ir i rliiM ilr l;i Ijiniillr ilivs i>i;iii^s |ioiir Ir
classrr nilir 1rs iiiiiiiilrillr:. rt 1rs s,i|>,i|<iiis. |il,n r i|iii irri.iiiiriiiriil iir lui rnii
vinil piis. Ursiiiiiicls en a liiil un ;;i'iirc hirii tiiiiirlir , ri muI.i i|n ,iii|iiiii iriiiii
on ne vriil inrini' piis riirn'|tlci' roiniiii* csihtc ; j'ai clc nioiiiitiiir iji- rillr
ili'iiiirri' opinion pcnilaiit pliisinns aniin-s, ri riicori- aii|otiiiriiiii je ilniiir i i irl
Iniirnl Ir poii^o dr N> iinnli n rsj pas un \ii*ii\ oiang-onlaii^;
Sa laillc rsl m v\h'\ a peu pics crllr îles pins ^^raiiilH oiaii^s, ri alli-iiiili ail nii-nir
rrllr ilr riioiiiinr si on s'en lapporlait aii\ \oya^;ciMs Son nnps rsl rolmslr,
nnivi-i'l ilr poils noirs; sa l'an' es! iiiir, il'iiii Iniiii laiiNc; son nnisraii csl Ires
pméininriil. so ■/ plal. ri si>h ynix pi-lilsi-l saillaiils; ses orniirs. plus pclilcs
ipic celles lie riHHiiiiic, son! collées conlie sa lèle; ses liras, iliinc !onj,;iieiir de
incsiiree, lui ilescciiilent pisipi'aiix malléoles ; eiilin sa poilrinc cl son \cntre sont
nus II li.iliilc jtoriieu cl Smiialr.i Tons ces caracicres pcincnl i^jalcnicnl s'appli-
ipici a loiaii^ onlan^, mais ce ilciiiiei iiiampic ilaliaioiics cl il ,i le loïc cdiiiiiic
10 LES QUADKUMANKS.
riiommo, tandis (|ue le pongo «niait, selon Desmarets et d'antres natnralistes,
des abaiones, et, selon G. Cnvier, le l'oie divisé en plnsienrs lobes ; dans le premier
cas ce serait le dernier des anthropomorphes, dans le second on devrait le placer
à la tète des singes.
Si le pongo est un vieil orang-outang, son histoire oflre une singularité unique
parmi les animaux, et la voici : dans tous les êtres doués d'instinct ou d'intelli-
gence, cette intelligence est comparativement très-faible dans le premier âge ;
elle se développe progressivement et n'atteint guère à toute son énergie que vers
la fin du premier tiers de la vie. Elle se soutient ensuite jusqu'à la décrépitude,
et même, dans les animaux sauvages, jusqu'à la mort. Dansl'orang-outang, il en
serait tout autrement, en supposant qu'il devînt un pongo dans sa vieillesse.
Dans son enfance, il a le front grand, saillant, proéminent, et la tète arrondie
comme celle de l'homme. Alors il est doux, posé, réfléchi, si je puis me servir de
cette expression, et il semble tout à fait incapable de la pétulance et de la férocité
de beaucoup de singes; il s'affectionne aux personnes qui le caressent et le nour-
rissent, et, comme le chien, il est snsceptible de recevoir une certaine éducation.
Devenu adulte, c'est-à-dire lorsqu'il prend le nom de pongo, il s'opère chez lui une
métamorphose étrange. Son angle facial, qui était ouvert à soixante-cinq degrés,
s'allonge et se trouve réduit à cinquante ; son front se rejette en arrière comme
celui de ces idiots nommés crétins ; sa tète s'allonge vers son sommet et se rétrécit
considérablement. Son museau s'avance; sa face s'élargit prodigieusement par
l'effetdedeux grosses protubérancesqui se développent entre les yeux et les oreilles,
depuis la tempe jusqu'à la base des mâchoires; enfin c'est une métamorphose com-
plète. L'intelligence éprouve la même révolution. Les voyageurs épouvantés, qui
le retrouvent dans les bois sous les noms de kukurlaco, de féfé, de golokk, trem-
blent à son approche ; car ce n'est plus cet animal rempli de douceur et de gentil-
lesse, mais un être farouche, indomptable, plein de courage et de férocité, sans
cesse occupé à donner la chasse aux êtres plus faibles que lui, se nourrissant non-
seulement de fruits, mais aussi de la chair des oiseaux qu'il surprend la nuit sur
les arbres ; c'est ce mystérieux et terrible homme nocturne qui poursuit les femmes,
attaque les voyageurs, les assomme à coups de pierres ou de bâton, et les dé-
vore; qui, enfin, porte l'épouvante avec lui.
Tout cela est fort exagéré, comme on doit le croire ; mais en adoucissant beau-
coup ce portrait de mœurs sauvages, il n'y en aurait pas moins une métamor-
phose complète, car il est certain que le pongo de Wurmb est féroce, sauvage,
courageux, et qu'il se défend avec un bâton quand il est attaqué par l'homme.
D'ailleurs, ce qui peut encore ébranler l'opinion de ceux qui pensent que
l'orang et le pongo sont identiques, c'est qu'aujourd'hui on connaît deux
espèces de ce dernier genre.
Le Pongo d'Abel iPov.go Abdii, Lesso^ ; nue, mais uue grosse moustache déborde sa lè-
Povgo ]Vi,rmbii, Cl. Abel). U. Clarke Abel vre supérieure, et une barbe touffue lui pend
pense que cet animal est le véritable oraiig-on- au menton; il est couvert de poils d'un roux
tnng. H atteint six pieds cinq pouces; son mu- foncé, passant en quelques endroits au rouge
seau est trés-proéminent et son nez fort aplati ; vif ou au brun noir ; il a la plante des pieds et
une épaisse crinière couvre sa tète; sa face est la paume des mains brunâtres.
I.in(livi(hi t|iii a ruinni celh" (Icscription a de tue a Sumalra. Connue le pré-
ANTHROPOMOKPIiES. Il
cèdent, il marchaitdeboiil avec facilité, courait avec vitesse, et grimpait sur les
arbres avec une grande agilité. Du reste, il était robuste et se détendit avec beau-
coup de courage. Il combattait encore ayant reçu cinq balles dans le corps et plu-
sieurs coups de lance. Entiu, affaibli par un vomissement de sang, il fit comme
César, et, s'abandonnant à sa mauvaise fortune, il se laissa tomber, mil les mains
sur les profondes blessures d'où son sang s'échappait à Ilots, et, en expirant, jeta
sur ses assaillants un regard si plein de supplication et de douleur, (pi'ils eu
furent émus jusqu'aux larmes, et se repentirent d'avoir tué sans nécessité une
créature si ressemblante à eux-mêmes.
11 parait que cet animal n'habite pas ordinairement la côte de Sumatra où il fut
rencontré; car les habitants, qui ne le reconnurent pas, déclarèrent que, depuis
quelque temps, ils entendaient, pendant la nuit, des cris poussés par une voix
étrange n'ayant rien d'analogue avec celle des animaux du pays. En outre, il avait
les pieds couverts de boue jusqu'aux genoux, comme un homme qui viendrait de
faire un long voyage. Sa force était si prodigieuse que, nuirtellement Ijlessè et
ayant déjà perdu une partie de son sang, il brisait comme une paille le bois des
lances dont on le frappait. Il fut mesuré après sa mort, et on lui trouva, depins
le sommet de la tète jusqu'au talon, six i)ieds cinq pouces.
i<: Gemie. Le SYNDACTYLE Siindarttilus). callosités aux fesses; dans le niàle et la femelle,
Il a le niéine caractère que les orangs, mais ses l'index et le médinm des pieds de derrière sont
hras sont un pen plus longs, et il a de légères réunis jus(|u à la dernière [)halauge.
Le SIAMANG [Sundactijlus siarnaiig. — IJiflobates syndactyhm, Fr. Ccv. Pi-
theciis sijndnciijtns^ Df.sm. Sim'a Sijndacnjla, Raffl. )
Cet animal, qui habite les forêts de Sumatra, a le pelage laineux, épais, d'un
noir foncé; il a sous la gorge un grand espace nu. Il est lent, pesant, manque
d'assurance quand il grimpe, et d'adresse quand il saute. Si on le rencontre à
terre, un homme un pen agile l'atteint aisément à la course et s'en empare sans
qu'il cherche à se défendre. Son inq)uissance à fuir le danger ou à le repousser
par la force, l'a rendu très-défiant ; jamais sa vigilance ne s'endort. Comme il a
l'ouïe très-fine, il entend à un mille de distance un bruit assez léger, et s'il lui
est inconnu, il prend aussitôt la fuite.
Les siamangs se réunissent en troupe nombreuse, et sont très-attachés à leurs
petits. Si l'un tombe blessé mortellement par une balle, sa mère se laisse tom-
ber près de lui en jetant des cris affreux, se roule de désespoir, et fait tout ce
qu'elle peut pour rappeler son enfant à la vie ; aperçoit-elle l'ennemi qui a porté
le coup fatal, elle se relève et se précipite sur lui en étendant les bras, ouvrant
la gueule, et poussant des hurlements lamentables. Mais là se bornent ses efforts,
car elle ne sait ni mordre, ni frai>per, ni parer les couj)s, et elle meurt victime
innocente de l'amour maternelle.
Ce qu'il y a de fort singulier, c'est que les femelles ne portent sur leurs bras
que les petites femelles, et que les mâles ne portent également que les petits de
leursexe. « Les soins que les femelles preiment de leurs enfants, dit M. Duvaucel,
sont si tendres, si recherchés, qu'on serait tenté de les attribuer à un sentimeni
raisonné. C'est un spectacle curieux, (huit, à force de précautions, j'ai pu jouii'
(pielquefois, que de voir ces femelles porhT leurs petits à la rivière, les débar-
12 LES QUADRUMANES.
boiiiller malgré leurs plaintes, les essuyer, les sécher, et donner à leur propreté
un temps et des soins que, dans bien des cas, nos propres enfants pourraient
envier. »
Du reste, le siamang est peu intelligent, apathique, maladroit, mais fort doux.
Huit jours après avoir été pris, il est aussi apprivoisé, aussi accoutumé à l'escla-
vage que s'il eût passé toute sa vie en domesticité. Pour cela il n'en est pas
plus aimable, car il paraît aussi insensible aux bons traitements qu'aux mauvais,
et, sans jamais chercher à faire du mal, il ne donne jamais non plus le moindre
signe d'affection ; la reconnaissance et la haine sont pour lui des passions tout à
fait étrangères. La peur et la stupidité exercent sur lui un tel empire, que, dans
les forêts, s'il rencontre un tigre, loin de chercher à se sauver, il reste immobile
comme une statue, se borne à jeter sur son ennemi un œil effaré, et cette fasci-
nation lui coûte la vie.
Quand ces animaux voyagent, ils ont un chef qui marche à leur tête et con-
duit la troupe; comme c'est ordinairement le plus agile et le moins stupide, si la
petite caravane fait une mauvaise rencontre, il vient toujours à bout de se sau-
ver; il en résulte que les Malais croient ce chef invulnérable. Chaque matin, au
soleil levant, les siamangs font retentir les bois de leur voix assourdissante, et
ils en font autant quand le soleil se couche ; aussi servent-ils d'horloge aux paysans
en leur annonçant exactement l'heure du travail et celle du repos.
5« Genre. Les GIBBONS {Hylobates, Illig.) callosités aux fesscs.et que leurs bras sout d'une
ne diffèrent des orangs que parce qu'ils ont des longueur encore plus démesurée.
Le W0U"W0U {Hylobates leuciscus, Lesson. Simia leuciscus, Sch. Le Gibbon
cendré de Cuv. Le Molocli, Aud. ).
Lors même que le wouwou marche à quatre pattes, il se tient toujours debout,
car ses bras sont si énormément longs que, dans cette dernière position ses mains
touchent à la terre. Sa taille atteint quelquefois quatre pieds (J ,2i}9) de hauteur;
son corps est couvert de poils laineux d'un gris cendré ; ceux de la face sont trés-
noirs, et un cercle de poils gris, qui lui entoure le visage, lui donne un air fort
original.
Cet animal vit dans les îles de la Sonde et dans les Moluques. 11 est assez
doux, quoique vif et capricieux. A l'état sauvage, il se plaît sur le bord des eaux,
dans les roseaux qu'il habite. Autant ses longs bras le rendent disgracieux quand
il est sur la terre, autant il est leste, agile et gracieux quand, s'élançant sur la
cime des plus hauts bambous, il s'y balance, et prend toutes les positions extraor-
dinaires que lui permettent la longueur de ses bras. Il n'est pas de saltimbanques
plus amusants et qui inventent des poses aussi singulières que cet animal. Dans
le même genre se placent les trois espèces suivantes :
LeGiBBO.\ HGiLE {Hylobates agilis, Fr. Cuv., dans la femelle. Il a sur les yeux un bandeau
Simia lar, Rapfl. Le Wouwou de Fr. Cuv.). blanc qui descend de chaque côté et va s'unir à
11 habite les forêts de Sumatra, où il esl assez des favoris blanchâtres; son front est très-bas,
rare; il a le pelage brun, et jaune sur le dos; et ses arcades orbitaires fort saillantes. 11 a été
la face est d'un bleu noirâtre dans le mâle, brune découvert par MM. Uiard et Duvaucel.
La nature n'a pas doué cette espèce d'une grande intelligence, cependant en
ANTHROPOMORPHES.
13
captivité elle est susceptible d'acquérir quelque éducatiou. Ce gibbon est quel-
quefois fort gai, et recherche les caresses de son maître; il est toujours familier,
curieux et gourmand. Dans les bois, il vit par couple plus souvent qu'en famille.
Il est d'une agilité surprenante, et, quand il s'élance de branche en branche, il
semble plutôt voler que sauter. Lorsqu'il est debout, il peut avoir trente et un à
trente-deux pouces (0,839 à 0,967) de hauteur, et les doigts de ses bras touchent
à lerre.
L'OtNKO ( llijlobates lar, Less. Simia lovgi-
mann, ScnR. Le Gibbo», Biff. Le Gibbon noir,
G. Ciiv.). Celui-ci a les bras un peu moins
longs que le wouwou ; sa taille serait de plus
de trois pieds (0,975) selon Buffon, qui eu a vu
un vivant, et ne serait communément que d'un
pied trois pouces (0,^06) selon M. Lesson, qui
me parait ici faire une erreur. Son corps est
grêle, allongé, couvert de poils grossiers, longs
et noirs, excepté ceux qui entourent la face, qui
sont gris ; son nez est brun, plat : ses yeux sont
grands, mais enfoncés; ses oreilles arrondies,
et bordées à peu près comme celles de l'homme.
La plante des pieds et les ongles sont noirs.
Cette espèce est de mœurs douces, d'un caractère tranquille, et ses mouve-
ments ne sont ni trop brusques ni trop précipités. Dans la captivité, il prend
assez doucement ce qu'on lui présente, et la nourriture qu'il paraît préférer est
le pain, les fruits et le lait. Louis Lecomte, cité par Buffon, dit avoir vu aux
Moluques, « une espèce de singe, l'ounko, marchant naturellement sur ses deux
pieds, se servant de ses bras comme un homme, le visage à peu près comme celui
d'un Hottentot, mais couvert d'une sorte de laine grise, se comportant comme
un enfant, et exprimant parfaitement ses passions et ses appétits; il ajoute que
ces singes sont d'un naturel très-doux ; que, pour montrer leur affection aux
personnes qu'ils connaissent, ils les embrassent et les baisent avec des trans-
ports singuliers ; que l'un de ces singes, qu'il a vu, avait au moins quatre pieds
de hauteur, et qu'il était extrêmement adroit, et encore plus agile. » A l'état
sauvage, il se nourrit exclusivement de fruits. Il habite les Moluques, la côte de
Coromandel, et la presqu'île de Malaka.
Le GiBito^ vAHiÉ (Hi//o6ote5 larifga/tis, Less.)
n'est qu'une variété du précédent. Il ne s'en
distingue guère que par sa taille d'un tiers plus
petite, et par son pelage mêlé de gris brun et de
gris foncé. On le trouve également dans la pres-
qu'ile de Malaka.
'* j=^ '■<&''i.^^''^^y0'm&
u
LES QUADRUMANES.
LES SINGES.
Ils ont le même nombre de dents que les an-
thropomorphes, dont quatre incisives à chaque
mâchoire, deux canines et dix molaires ; mais
l'os hyoïde est en forme de bouclier ; le foie est
divisé en plusieurs lobes ; le c(ocum est gros,
court et sans appendices. Us ont une queue,
quoiciu'elle soit réduite quelquefois à un simple
tubercule rudimentaire ; leurs fesses sont calleu-
ses. Tous appartiennent à l'ancien continent.
6° Genbe. Les GUENONS (Cvrvopiiherus,
LniN.). Elles ont la tète ronde, le front rejeté
en arrière, le nez plat et ouvert à la hauteur
des fosses nasales ; point de crêtes sourcilières ;
l'angle facial ouvert à cinquante degrés; l'o-
reille d'une grandeur moyenne; la queue plus
longue que le corps. Toutes sont vives, capri-
cieuses, et assez douces dans leur jeunesse ; niais
elles deviennent méchantes en vieillissant.
La MONE [Cercopilhecus iuona, Geoff. Simia mona et Sirnia vionacha, Schr.
La Mone, Buff.)
Cette jolie petite guenon a les lèvres et le nez couleur de chair; la face brune,
avec un bandeau noir sur le front ; la tète d'un vert doré en dessus, entourée de
blanc ; le dos et les flancs d'un brun vif piqueté de noir ; les membres noirs; le
dessus de la queue d'un bleu ardoisé, et une tache blanche de chaque côté de la
queue. Sa taille est d'environ dix-sept pouces (0,460) depuis le bout du museau
jusqu'à l'origine de la queue : celle-ci a deux pieds (0,.560) de longueur.
La mone est une des guenons les plus communément apportées en France, el
celle qui supporte le plus aisément les intempéries de notre climat. L'élégance
dans les formes, la grâce dans les mouvements, la douceur dans le caractère, la
finesse dans l'intelligence, la pénétration dans le regard, tout ce qui, dans un ani-
mal de ce genre, peut le faire rechercher et inspirer pour lui de l'affection, la
mone le possède. Quoique vive jusqu'à la pétulance, elle n'a pas de méchanceté
et s'attache assez aisément à son maître. Elle est même susceptible d'une certaine
éducation, si toutefois on s'en fait craindre assez pour la forcer à obéir.
.KCIEIHIE HABITATION DES SINGES.
.i»,.iiu .u-, ruiiic. )
^"^
SINGES. 15
Contre riialiitiulc des jiutres singes, elle ne grimace jamais, et elle a dans les
traits une certaine gravité jik-ine de douceur. Elle mange volontiers tout ce qu'on
lui présente : de la viande cuite, du pain, des fruits et certains insectes; elle est
particulièrement friande de fourmis et d'araignées. Son adresse et son agilité sont
extrêmes, et néanmoins tous ses mouvements sont doux. Klle a de la ténacité dans
ses désirs, mais jamais ils ne la portent à la violence, et, lorsque, après avoir solli-
cité longtemps pour obtenir un objet qui lui plaît, on persiste à le lui refuser,
tout à coup elle cesse de demander, fait une gambade et paraît n'y plus penser.
Sa moralité n'est pas très-(>xemplaire sous le rapport du droit de propriété : elle
a une telle tendance à la lilouterie, qu'aucune correction ne peut vaincre ce
penchant. Elle est fort habile à ghsser doucement la main dans les poches de ceux
qui la caressent, et cela avec une adresse qui ferait honneur au plus habile esca-
moteur. Pour s'emparer sans bruit des objets qu'elle convoite, pour voler quel-
ques fruits ou quelques bonbons, elle sait fort bien tourner la clef d'une ar-
moire, dénouer un paquet, ouvrir l'anneau d'une chaîne.
Un peu capricieuse et distraite , elle n'est pas toujours disposée à caresser son
maître ; cependant, quand rien ne la préoccupe et qu'elle est tranquille, elle ré-
pond avec grâce aux avances qu'on lui fait. Dans ce cas elle joue, elle prend les
attitudes les plus aimables, mord légèrement, se presse contre la personne qu'elle
aime, et fait entendre un petit cri fort doux qui est l'expression ordinaire de sa
joie. En général, elle aime peu les personnes qui lui sont étrangères, et rarement
elle manque de mordre celles qui sont assez hardies pour la toucher. Elle est
sujette aussi à prendre certaines gens en antipathie, et cela sans cause et pure-
ment par caprice.
Sa patrie est le nord de l'Afrique, et principalement la Barbarie. Il paraît qu'on
la trouve aussi en Abyssinie, en Arabie, en Perse et même dans quelques autres
parties de l'Asie. Comme elle est assez timide, elle s'approche rarement des lieux
habités et ne pénètre jamais dans les plantations. En temps de famine, c'est-à-dire
(piand les fruits deviennent rares dans les forêts, elle descend en troupes dans les
plaines, et là, elle tourne et renverse foutes les pierres, aussi bien que pourrait le
faire le plus ardent entomologiste, afin de collectionner les insectes qu'elle trouve
dessous. Elle a, pour serrer sa collection, non pas une boîte à épingles, comme celle
dont se servent les savants qui courent après les mouches, mais deux sacs très-
commodes, dont la nature a fait toute la façon : je veux parler de ses abajoues. Ce sont
deux poches membraneuses que la plupart des singes ont dans la bouche, une de
chaque côté, sous les joues. La mone a ces poches tellement grandes, qu'elle pour-
rait y serrer des provisions pour deux jours : mais sa gourmandise est encore
plus grande que ses abajoues, d'où il résulte qu'elle ne manque jamais de con-
sommer en quelques heures, c'est-à-dire aussi vite que son estomac le lui permet,
ce qu'elle aurait pu économiser si elle avait un peu de prévoyance.
Rien n'est original comme sa figure lorsque ses poches remplies de provisions
se distendent et lui gonflent les joues au point de lui faire paraître la tête deux
fois plus grosse que de coutume. En cet état elle ressemble assez bien à ces
figures bouffies et joufflues par lesquelles les peintres anciens représentaient
les vents. Alors, la mone quitte sa troupe, et cherche un arlire isolé dans le feuil-
lage duquel elle puisse se cacher, car elle craint que ses camarades ne viennent
16 LES QUADRUMANES.
inetlre son magasin au pillage, en la battant pour la forcer à ouvrir la bouche, ce
qui arrive quelquefois. Au fond de sa cachette, très-tranquillement assise dans la
bifurcation d'une branche, elle tire un à un de son sac les insectes qu'elle y a mis,
les regarde avec un air de convoitise, les épluche avec ses petits doigts, leur ar-
rache les ailes et les pattes qu'elle jette, puis y porte la dent, mais doucement et à
plusieurs reprises, en gastronome qui a des principes ; enfin elle les mange, et
recommence la même opération jusqu'à ce que ses provisions soient épuisées.
Alors seulement elle pense à rejoindre sa troupe.
Tout près de la mone viennent se grouper les espèces dont nous allons parler.
Le Patas ou Singe rouge ( Cercopithecus
ruber, Geoff. Simia rubra, Gml. Le Putas,
G. Cuv.). Cette guenon, assez commune au Sé-
négal, est longue de dix-huit pouces, non com-
pris la queue. Son pelage est roux en dessus,
cendré en dessous ; ses oreilles sont noires ; sa
face est couleur de chair, avec un bandeau noir
sur les yeux, quelquefois surmonté de blanc.
Elle est méchante, emportée, capricieuse et sans
affection.
La Guenon blanc cendré (Cercopithecus al-
bo-cinereus, Desm.). Cette espèce habite Suma-
tra. Elle est grise en dessus, plus foncée sur les
lombes; le dessous est blanc ; sa queue est brune;
ses pieds et ses mains sont noirâtres; elle a une
ligne de poils roides et noirs eu travers du front.
Le Vebvet ( Cercopithecus pijgerithrœus ,
Desm. Cercopithecus pygerithrus,Fr. Cv\ .). Il est
d'un gris verdàtre en dessus, blanc en dessous;
il a un cercle de roux autour de l'anus; son scro-
tum est couleur de vert-de-giis, entouré d'un
cercle de poils blancs ; l'extrémité de sa queue est
noire. Cette guenon est timide, farouche, et vit,
au cap de Bonne-Espérance, dans le fond des fo-
rêts les plus retirées. On ne la rencontre jamais
à proximité des habitations.
La Gi;e>on a croupion blanc ( Cercopithecus
leucoprimnus, Otto.). On ignore la patrie de
cette jolie espèce qui, par son défaut d'analogie
dans les formes avec les autres guenons, devrait
peut-être former un genre à part. Son corps
est grêle, et son estomac est néanmoins d'une
grandeur remarquable. Elle est brunâtre sur la
nuque et le sommet de la tête ; son dos, ses ex-
trémités et sa face sont noirs ; elle a la gorge
d un blanc cendré, le croupion et la queue d'un
blanc sale.
La GiENON de Delalande {Cercopithecus pu-
sillus, Delal.) est d'un gris cendré uniforme,
avec le bout de la queue noir ; elle a de longs
poils sur la nuque, le dos et les épaules ; sa
gorge est grisâtre ; le. dedans des membres est
d'un gris blanchâlre plus foncé; une tache
d'un gris brun se prolonge de dessous le men-
ton jusqu'à la gorge ; ses sourcils sont noirs,
surmontés d'un bandeau grisâtre; sa fnce et ses
mains sont de couleur fauve. Elle a dix ponces
((1,271) de longueur, non compris la queue. Elle
a été trouvée au cap de Bonne-Espérance, aux
environs de Goote-vis River, au Keirkama,
par M. Delalaude.
LeHocHEUB {Cercopithecus nictitans, Desm.
Simia nictitans, Gml. La Guenon à long nez
proéminent, Biff. Le //ofheur, G. Cuy.\ Cette
guenon a trois pieds quatre pouces (.^,083) de
longueur, la queue comprise ; son pelage est d'un
noir intense, pointillé de gris verdàtre, avec les
extrémités antérieures et la queue d'un noir
foncé; son nez est large, mais proéminent, ren-
flé, portant, vers la moitié inférieure, une tache
blanche arrondie. Elle habile la Guinée, et pa-
rait d'un caractère assez doux.
SINGES.
17
.te / ' ■
r,e Roinvav. on U Dii
Le ROLOWAY i Ccrcojniliccus Diana, Gf.off. Sinita Diana, Li\\. La Diane,
Fr. CuviF.n. Le Roloivay, Ruff. — G. Cw. L'Edqninia, Maug. .
Cette jolie guenon a le dessus du corps d'un marron assez vif; les lianes d'un
gris ardoisé, et une ligne de la même couleur lui traverse obliquement les cuis-
ses ; le dessus de sa tète est couvert de poils courts et noirs, avec un bandeau de.
poils roides et blancs; son menton porte une petite barbe blancbe. Du reste, son
pelage varie en raison de l'âge, et le blanc devient quekfiiefois jaunâtre.
On trouve le roloway dans le Congo et la Guinée, où il habite en grandes
troupes les forêts silencieuses. A l'état sauvage, il se nourrit de fruits, d'œufs
d'oiseaux, et d'insectes. Comme il s'apprivoise très-aisément, les nègres lui font
la chasse et le réduisent en captivité pour le vendre aux Européens qui font
la traite sur la côte d'Afrique.
Le caractère de cette petite guenon est fort doux ; elle s'affectionne à sou maî-
tre, au point qu'elle le suit sans chercher à s'enfuir, et qu'elle vient se faire
prendre lorsqu'il l'appelle. Un de'mes amis en possédait une extrêmement cares-
sante, qui l'accompagnait de la ville à une maison de campagne éloignée d'une
lieue. Le chemin était bordé d'arbres, et comme elle était très-curieuse, elle grim-
pait sur tous sans en excepter un. Quand les arbres étaient assez rapprochés, elle
s'élançait de l'un à l'autre avec une rapidité et une légèreté sans exemple. Mais
cette manœuvre l'avait bientôt fatiguée, et alors elle montait sur le dos d'un épa-
gneul qu'elle forçait à la porter. La ])remiére fois qu'elle s'avisa de faire sa mou-
ture de ce pauvre chien, il fut fort effrayé et voulut s'en débarrasser. Mais elle
saisit ses longiu's touffes de poils avec ses quatre mains, et se cramponna de ma-
nière qu'il eut beau courir, sauter, tourner, elle ne désempara pas. Quand le
chien se roulait sur terre ou dans un fossé, d'un l)onb léger elle s'élançait à ( inq
18 LES QUADULMANES.
ou six pas, s'asseyait et le regardait faire, puis, quand l'animal se relevait, d'un
autre Itond elle se replaçait sur son dos. Enfin, le chien, lassé d'une opposition
iiuitile, prît son parti en brave et depuis devint la monture ohligée du roloway.
Cette guenon, tonte bonne et caressante qu'elle était, ne laissait pas que d'a-
voir fréquemment des colères assez violentes, mais (jui toujours naissaient de la
peur. Par exemple, si elle cassait un verre ou une porcelaine en les laissant tom-
ber, aussitôt elle entrait dans une colère furieuse et poussait des cris aigus, dans
l'attente d'une correction que le plus souvent elle ne recevait pas.
Comme la mené, elle était un peu voleuse, et elle avait Ibabitude d'aller ca-
cher dans les lits, entre les draps, le fruit de ses larcins. Souvent elle entrai!
dans la basse-cour, se glissait dans le poulailler, prenait un onif à chaipie main,
et se sauvait en marchant debout sur ses pieds de derrière. Dans cette position
.son attitude était fort grotesque. Elle avait un goût très-prononcé pour les œufs
crus ; elle frappait doucement du bout sur le carreau pour casser la coquille,
avec son doigt elle agrandissait le trou, puis elle suçait toute la substance conte-
nue dans la coquille sans la casser davantage. Elle aimait beaucoup le café, et
chaque fois qu'elle pouvait entrer furtivement à la cuisine, elle furetait dans toutes
les cafetières pour manger le marc (|ui pouvait y être resté. Elle aimait les li-
queurs fortes, non pour les boire, mais pour s'en parfumer ttmt le corps avec
.ses petites mains qu'elle trempait dans le vase. Du reste, elle mangeait de
tout, de la viande cuite, du pain, des petits oiseaux crus, mais seulement quand
on les lui donnait vivants, des fruits, des sucreries, des bonbons, etc. Elle se
servait d'une pierre pour casser les noix et les amandes, et pour beaucoup de
choses elle paraissait avoir assez d'intelligence.
Cependant voici un fait (pii prouve combien elle avait peu de mémoire, et que
la plupart de ses actions étaient irrénéchies. Lorsqu'on plaçait un flambeau sur
la table, le soir, aussitôt elle s'en approchait, et, prenant la flamme de la bougie
pour quelque chose de bon à manger, elle allongeait le museau et y portait la
langue. Elle se brûlait et poussait des cris afl'renx en se sauvant, mais cette expé-
rience douloureuse était perdue pour elle, et le lendemain, quelquefois même
une heure après, elle recommençait.
Lorsque son maître l'acheta, cette petite bête était fort douce. Ill'a conservée
pendant trois ans, et j'ai cru m'apercevoir qu'à mesure qu'elle vieillissait, son
caractère devenait plus méchant. Un pauvre chat de la maison était sa victime ;
elle le portait ou le traînait partout avec elle, le caressait et le battait dix fois
par heure ; quelquefois elle lui remplissait la gfueule d(; raisins ou de i)ommes,
et, à force de coups, l'obligeait à avaler une nourriture qui ne lui convenait en
aucune manière ; enfin elle le fit mourir de misère, et depuis lors on ne lui per-
mit plus de s'emparer d'un autre.
Du reste, tout ce que j'ai dit de la moue lui convient parfaitement, et ces deux
animaux ont dans les mœurs et le caractère, ainsi que dans les formes, une très-
grande analogie.
La GiiE\o.\ mniEV. { Ccrfopiihcrus (tiiinlns, lui niiii)riig»'iil les joues, lo front cl les onnllcs;
Geoff.) se Iroiue aux ISloluques el peut-éire sa (|ueue (sl longue et mince,
aux Indes. Son pelage est d'un heau jaune doré, LAsca(;m' ou Blaxc-ÎSiz Ccrroiiillienis ]h-
avec une taclie noire aux genoux ; de longs poils fnvrislo, Desm. Simia iieluurisla, (i>n.. LMxrfl-
SINGLS. • 15^
(/'ip, Ci. Cl V. Li3 Blanc-nez-, Add: u.'. Celle giu'- clans; ses oreilles sont licvs gramles ; sa laee est
non est rousse en dessus, lilanelie en dessous, couverte de poils eouiis et noii's ; la nioltié de
olivitlre sui" les inenilnes, ([ui sont {^ris en de- son nez est diui 1)I;mk- Iraiicliant
L'ascagiic se trouve eu Barbarie. Ce singe est remarquable par l'honnêteté de
ses penchants; jamais nu ne lui voit de ces accès dégofitants de lubricité si com-
nums dans beaucoup d'autres espèces ; on pourrait même regarder cette retenue
comme une sorte de décence si l'on accordait cette vertu aux animaux. Ses
gestes sont pleins de grâce et de douceur, et cependant il est d'une vivacité si
extraordinaire, que lorsipi'il s'élance d'un arbre à un autre il semble plutôt voler
(pic sauter. En repos, son altitude favorite est fort singulière : assis, il s'aiipuie
la tête dans une de ses mains de derrière, laisse errer au hasard son œil pensif,
et reste ainsi fort longtemps comme s'il était plongé dans une profonde médita-
tion. Qui sait? peut-être rêve-t-il alors à la vallée dans lacinelle il est né ! peut-
être son imagination le reporte-t-elle sous l'ombrage du baobab gigantesque oii
il aimait tant à jouer alors (pie, dans son enfance, sa mère dirigeait ses premiers
bonds! ou peut-être encore, dans sa mélancolie, pense-t-il à la chaîne (pii l'atta-
che à une terre étrangère ? Quoi qu'il en soit, quand on a vu cette joli(! petite créa-
ture dans l'attitude que j(; viens de décrire, il est difticile de croire que les ani-
maux ne pensent pas.
Malgré sa douceur et sa gentillesse, l'ascagne a aussi ses défauts. Par exemple,
il est très-vaniteux et n'aime pas (pi'on le raille lorsque sa pétulance lui fait
commettre une maladresse ; dans ce cas il se met en fureur et pousse d(;s cris
aigus ; mais sa colère n'est pas de longue durée, et son bon caractère reprend bien
vite le dessus; pour l'apaiser il ne lui faut qu'une caresse ou un bonbon. Il a la
singulière habitude de rouler dans ses mains, avant de le manger, tout ce (pi'on
lui donne, absolument comme font les pâtissiers pour allonger un morceau de
pâte cylindrique.
La (il;E^0N co( uonnei; ( Ccirupitherns pilea- en cro)Ous Bulfon. Sa face est d'un noir bleuà-
tiis, Giiopr.). On ignore sa i)alrie et ses mœurs. Ire ; il a sur la lèvre supc^rieure une ligne blau-
Des |)oils allonii's lui recouvrent le front; son che ou d'un bleu pâle, en forme de clievron
pelage est dim hriui fauve en dessus, qui sV'- renversé, ce qui, joint;') une touffe de poils jau-
elaircit sur la surface interne des membres. nés au-devant de clia(|ue oreille, lui donne une
Le MoisTAC {Ceropilhcnis frphns, Geoif. physionomie assez bizarre. Son pelage est d'un
Simia cephus, Lin. Le M >tist(tr, Bufe. — brun verdàtre, et sa queue, qui a vingt à vingt
G.Cev.). Il est d'Afrique et parait assez com- et un pouces de longueur (0,.'>i2 à 0,.%!)). est
nuiusur la cote de Guinée, du moins si nous brunâtre, avec l'extrémité d'un roux Irès-vif.
L'individu de cette espèce, qui a vécu à la ménagerie, avait de la douceur, de la
gentillesse; il était susceptible d'affection.
Le BvRDiQUE { CerropUhecns lalibarbalns , Le Tu.\i'Oin ou Mrxxniitw. [ Cercopithccus
'I'emm. La Oncnnn à face pourpre, Buée.). Sa inlapnin, Geoee.). BuTou décrivit ce singe, et
patrie et ses mœ;us sont iuconiuies. Dans le depuis lui on ne l'avait pas revu. Il en ('tait ré-
jeune âge il est d'un giis-brnn pâle assez, uni- suite que les naturalistes ciureut que Buffon s'é-
forme, qui passe ail noir quand il devient adulte: tait tronipé, et (lu'ils regardèrent le lalajxtin
sa face est d'un pourpre violet ; de longs poils ciminie un jcMme nialbronck, et qnelipies uns
blani's, qui lui entourent le visage, lui fornient pensent encore ainsi. Cependant, Frédéric Gii-
commè une coiffiu-e en ailes de pigeon. Sa (pieue vier fut assez heiu-eu\ pour retrouver cette jo-
est longue, terminée eu pinceau. lie espèce vivante, et réparer ainsi rmi'ire laile
20 , I.ES QUADRUMANES.
:i BufftMi. Le pelage de cet animal est olivâtre dessous, est longue de dix-huit pouces (0, 587).
ou d'un vert jaunâtre en dessus, d'un blanc Les mains, les («reilles et le nez, excepté;» sa base,
jaunâtre en dessous ; sa longueur, du bout du sont noirs ; le dessus des paupières est blanc, le
museau n l'origine de la queue, est d'environ dessous des jeux couleur d'ocre, le tour de la
lui pied (0,225 , et sa queue, qui est cendrée en bouche couleur de chaii*.
On croit aujourd'hui que ce joli animal est d'Afrique, quoiqu'on nel'y ait pas
encore trouvé. Buffon le supposait de Siani et des autres parties de l'Asie orien-
tale, parce qu'on le lui avait donné sous le nom de talai)oin, que l'on sait être la
qualification de certains prêtres banians, et qu'il croyait le reconnaître dans ce
passage d'un voyageur : « Les singes du Guzarate sont d'un vert brun; ils ont la
barbe et les sourcils longs et blancs : ces animaux, que les Banians laissent mul-
tiplier à l'infini par un jjrincipe de religion, sont si familiers, qu'ils entrent dans
les maisons, à toute heure et en si grand nombre, que les marchands de fruits
et de confitures ont beaucoup de peine à conserver leurs marchandises. »
7® (iEMiK. Les COLORES ( Colobus, Geoff.). sus, ainsi que la face externe des cuisses et les
Ils ont l'angle facial ouvert à quarante degrés; épaules; son ventre est d'un jaune roussâtre;
leur museau est court et leur face nue; ils ont sa face, ses mains et sa queue sont d'un roux-
des abajoues; la main antérieure manque de pourjjre, plus clair sur les membres. Je ne
pouce, et leur queue est longue, mince, llocon- connais ni son pays ni ses mœurs,
neuseaubout; leur corps est mince, et ils ont H'^ GiiMst. Les LASIOPVCîES { Lasiopijgn,
les jambes trcs-grcles. Illig.). Leur tête est arrondie et leur museau
Le CoLOBE A ca:\!ail {CoIoIiiis pohjromns, médiocrement allongé; ils ont la queue longue;
(iEOFF. A'ii(iia/;o/yro()ioA', Pe\.n.). Habite la Gui- des abajoues; les pouces antérieurs très-courts
née et se trouve principalement à Sierra Leone, et très grêles; les mains plus longues que les
oi'ilesnégresluidonnentlenomderoi f/r.s-.sinjffs. avant bras et les jambes ; les fesses bordées de
C'est uue jolie espèce dont b s épaules, le cou longs poils, mais sans callosités,
et la tète sont recouverts dune sorte de cri- Le Doue {Lasiu])ijga ncHunis, lnir.. Ccrco-
nière en camail, jaune, mêlée de noir, et lui re- pilhcrux nemœus, Desm. Simia tifinirus, Ln.
tombant sur les é()anles ; le reste de son pelage Le /Jour, Riff. — G. Cuv.) se fait remarquer
est ras, très-court et d'un noir assez brillant; entre tous les singes par la vivacité et la dispo-
sa face est brune, et sa queue, plus l(tngiu> que sition de ses couleurs. Le dos, les bras, le ventre
.son corps, d'un blanc de neige. Ce colobea trois et les flancs sont d'un gris verdàtre; le dessus
pieds (0,97")| de longueur compris la queue. de la tète est brun, avec un étroit bandeau d'un
Le CoLOBE DE Rli.i.ok {('olnbiis bitllokii. — roux-marron ; les joues sont couvertes d'un poil
Colohiis Icwmiiirkii, Bii.i,.) est un peu |)lus petit très long et blanchâtre ; la faceestenpartierous-
et n'atteint que deux pieds sept pouces (0,8ô9i, sàtre; les épaules sont noires ; les jambes d'un
compris la queue. Son pelage est noir en des- marron-roux très-vif, et la queue blanchâtre.
Le doue ou dok, mots qui dans la langue de son pays signifient singe, n'a pas
moins de trois pieds et demi à quatre pieds (1 ,1 57 à 1 ,299) de hauteur. Il habite
la Cochinchine et, si l'on en croit les voyageurs, il marche aussi souvent sur deux
pieds que sur quatre. Ils disent aussi que l'on, trouve dans son estomac des bé-
zoards dont la qualité est supérieure à ceux des chèvres et des gazelles; mais
comme on ne croit ]dus aujourd'hui aux vertus nu'rveilleuses que les anciens
attribuaient au bézoard, il en résulte que ceci est d'une très-minime importance.
Le premier et le seul singe de cette espèce qui ait été étudié en Europe, jus-
qu'au moment oii M. G. Ciivier a publié la dernière édition de son règne animal,
consistait en une peau mal bourrée, déposée au Muséum d'histoire naturelle.
Ce gvand naturaliste pensait que les callosités avaient pu disparaître lors de l'em-
paillage, et de là il doulait que ce genre fût bien fondé. D'autre part, M. Frédé-
SINGES. 21
rie Cuvier, qui dit avoir vu plusieurs peaux envoyées de laCochinchine, prélend
leur avoir trouvé des callosités aux fesses. Si ce naturaliste ne s'est pas trompe,
il faudra supprimer ce genre.
O^Genke. LesNASIQUES(i\'«5o?K«,GEOFF.). nasica, Scnn. Le basique ou Kahaii, G. Cuv.
Us ont tous les caractères des guenons, mais La Guenon à long ne:-, Biff.^ se trouve dans
leur nez est saillant et déniesurcnient long. Les lile de Bornéo, et peut-être aussi dans la Co-
oreiiU's sont petites et rondes; le corps trapu; chinciiine. 11 est (rcs-reniarquable par la Ion -
les mains ant('rieures ont le pouce court; les gueur de son nez; sa face est nue, noirâtre; il
pieds sont larges, avec des ongles épais; leur est couvert de poils courts, d'un fauve rous-
queue est plus longue que le corps, et ils ont des sàlre, plus brun sur les parties supérieures qui
callositrs aux fesses. portent quelques tacties jaunâtres. Il est à peu
Le Kaiuu ( yasalis lunaius, Geoff. Simiu de chose près de la grandeur du doue.
II n'existe pas de pays au monde plus riche en animaux singuliers que celui
lial)ité par le kaliau, et parmi ces animaux il n'en est point de plus extraordinaire
que ce singe. Qu'on se figure un petit vieillard de trois peids et demi \ , Iô7) de
hauteur, au dos voiité, à la mine rechignée, joignant à la caducité de l'âge toute la
vivacité et la pétulance de la première jeunesse, et l'on aura déjà une légère esquisse
de son portrait. 3Iais ce qu'il a de plus étrange, ce que l'on ne peut regarder
sans rire ou sans être effrayé, c'est son nez prodigieux. Si on s'imagine une
spatule échancrée, noire comme du charbon, longue de près de six pouces, pla-
cée sur son visage de manière à ôter à l'animal toute possibilité de saisir
quelque chose avec sa bouche, on aura de sa grotesque figure une idée assez
juste.
Les nasiques sont capricieux, méchants, et ne s'habituent jamais bien à la
servitude. Ils vivent en trouj^e dans les forêts et se plaisent à venir, chaque soir
et chaque matin, faire une excursion de gambades sur les arbres qui ombragent
les bords des grandes rivières. Là, ils jouent, ils bondissent de branche en
branche, se poursuivent les uns les autres, et se livrent à la joie la plus tu-
multueuse. Ils accompagnent constamment leur jeu du cri kahau, kahau, don
leur est venu leur nom. Mais ce tapage dont ils font retentir les forêts leur est
quelquefois funeste, car il attire les chasseurs, et quelques coups de fusil ont
bientôt fait cesser les bruyants plaisirs et mis la troupe en fuite. Cependant, s'il
y en a quelques-uns de blessés, les autres ne les abandonnent pas, et ils tâchent
de les emporter avec eux. Lorsque la présence des chasseurs les empêche d'ac-
complir cette œuvre d'amitié, les plus gros et les plus robustes de la bande res-
tent en embuscade à quelque distance, et, cachés parmi les branches touffues,
ils attendent patiemment que l'ennemi se soit retiré pour aller au secours de
leurs frères. Ne les retrouvant plus sur la place, ils les cherchent pendant quel-
que temps, puis, si tous leurs soins sont inutiles, ils regagnent le fond de
leurs forêts dans le silence de la tristesse.
lO*" Genre. Les CERtOCÈBES ( Cercorebiis, rieurement ; le pouce des mains est grêle, celui
(iEOFF.) ont la tête presque triangulaire et des i)ieds plus large et écarté; la queue est phiN
l'angle facial ouvert à quarante cinq degrés. Le longue que le corps, et ils ont sin- les fesses de
front fuit en arrière, et le museau est un peu fortes callosités.
allongé ; le nez est plat et haut, le bord posté- Le Cali.itiuciie (Ccreocrbiis sabœiis , Luss.
rieur de lorbilede l'œil relevé, échaiicré inté- Cercopitherus sabirns, Fr. Ci v. Siniia subœn .
LES QUADIIUMANES.
Li-N. Le Singe verl, Biuss. Le Cnliitridir, Buff.-
Ci. Ccv.l. 11 a le corps svt'ltc, dégagé ; son pelage
est d'un vert olivâtre en dessus, et d'un l)lanc
s;ile en dessous; sa tète e«t pyramidale; il a la
face noire, ainsi que les oreilles et les mains; ses
joues portent de longs poils jaunes ainsi que le
pinceau qui termine sa queue, ses sourcils, et la
couronne qui entoure le scrotum ; celui-ci est
verdàlre. Ses oreilles sont peu arrondies et
s'allongent légèrement en pointe. Sa longuein-.
non compris la queue, est d'environ treize à
quatorze pouces (<),5."i2 à 0,579).
On en a eu plusieurs à la ménagerie. Une femelle était assez douce et ai-
mait à se faire gratter par les personnes qu'elle connaissait. Lorsqu'elle éprou-
vait (lu contentement, elle faisait entendre un petit grognement particulier assez
doux, (pie l'on pourrait imiter eu prolongeant Yv sur la svllahe rfrou. Un mâle
était au contraire fort méchant, entrait en fureur à la inoindre contrariété, et
poussait alors un cri très-aigu.
Cet animal silencieux vit en troupes nombreuses dans la Mauritanie, aux îles du
cap Vert, et au Sénégal. On ne sait de lui que ce (pi'Adansou en rapporte. « Les
environs des bois de Podor, le long du fleuve Niger, sont, dit-il, remplis de sin-
ges verts. Je n'aperçus ces singes que par les branches qu'ils cassaient au haut
des arl)res, d'où ils les jetaient sur moi, car ils étaient d'ailleurs fort silencieux,
et si légers dans leurs gambades qu'il eût été difficile de les entendre. Je n'allai
pas plus loin et j'en tuai d'abord un, deux, et même trois, sans que les autres
parussent elfrayés. Cependant, lorsque la plupart se sentirent blessés, ils com-
mencèrent à se mettre à l'abri : les uns en se cachant derrière les grosses bran-
ches, les autres en descendant à terre; d'autres enfin, et c'était le plus grand
nombre, s'élançaient de la pointe d'un arbre sur la cime d'un autre. Pendant ce
petit manège, je continuai toujours à tirer dessus, et j'en tuai jusqu'au nonibn;
de vingt-trois en moins d'une heure, et dans un espace de vingt toises, sans
qu'aucun d'eux eût jeté un seul cri, quoiqu'ils se fussent plusieurs fois rassem-
blés par compagnie, en sourcillant, grinçant des dents, et faisant mine de vouloir
m 'attaquer. »
L'espèce du callitriche est devenue très-nombreuse à l'île de France, où quel-
ques colons l'ont introduite, au grand détriment des récoltes de bananes et de
cannes à sucre.
SINGKS.
il
Le MANGABKY SANS COLLIER [Cercocchus /»/ir/i«o,s/(s, Gkoff. Le MniKjabeij,
BUFF.).
Biiffoii croyait que cet animal était de Madagascar, mais on sait aujoiiidliui
qu'il n'y a pas de singes dans cette île, conmie l'avait déjà dit, Sonnerat, et que
le mangahey est de la partie méridionale de l'Afrique. Il habite le Congo et la
Côte-d'Or, et M. Lesson dit l'avoir vu à Cap-Coast. C'est une des espèces que l'on
apporte le plus fréquemment en France, et qui supporte le mieux notre climat.
Sa couleur est d'un lu'un gris ardoisé uniforme et sans tache, mais plus pâle en
dessous et passant même (puilquefois au gris blanchâtre ; ses mains sont noires ,
ses oreilles violâtres. Sa face varie beaucoup : quehpiefois elle est d'une teinte
livide très-foncée, d'autres fois cuivrée avec le museau noirâtre; mais le dessus
des paupières est constamment blanc. Il est très-remarquable que cette espèce
porte presque constamment sa queue entièrement renversée sur le dos.
Les singes ont en général un caractère qui est propre à chaque espèce, mais
néanmoins ce caractère se modifie dans les individus de la même manière que
dans les animaux domestiques, le chien, par exemple ; et quelquefois ces nuances
sont tellement prononcées, que l'on a de la peine à eu reconnaître le type. C'est'
ainsi que la mone, si dtuice ordinairement, présente assez souvent des individus
farouches, méchants et indomptables.
11 n'en est pas ainsi du mangabey, ou du moins les exceptions sont beaucoup
plus rares dans cette espèce que dans les autres. Tous ceux que j'ai vus en France
avaient le plus heureux naturel ; ils étaient doux, familiers, caressants, et
sujets à prendre de l'attachement i)our leur maître ({uand ils n'en étaient pas
maltrait('s. 11 n'est pas de singes plus pétulants que ceux-ci ; toujours en action,
ils prennent toutes les attitudes et souvent les plus grotesques. « A la variété et
à la vivacité de leurs mouvements, dit Frédéric Cuvier, on les croirait pourvus d'un
24 LES QUADRUMANES.
plus grand nombre d'articulations que les autres (juadru mânes et de plus de
force musculaire. » Ce sont surtout les mâles qui se font remanpier par leur
agilité ; les femelles, plus calmes, sont aussi plus caressantes.
Les mangaheys sont grimaciers, mais dans deux circonstances seulement,
quand ils sautent et quand ils sont en colère. Dans le premier cas, ils relèvent
les lèvres et font voir leurs incisives, de sorte que l'on croirait qu'ils rient; dans
le second, ils agitent les lèvres avec rapidité, à la manière des magots, comme
s'ils parlaient avec vivacité et en injuriant ; ils font alors entendre un petit son
de voix aigu et comme articulé.
On ne peut appeler grimaces les jolies petites mines qu'ils font quelquefois
pour exprimer leurs désirs. J'en avais un tellement doux et privé, que je le
laissais libre de courir dans toute la maison. Quand sa convoitise était éveillée
pour un fruit ou un bonbon, il mettait son doigt index dans sa bouche, en ap-
puyait le bout derrière ses incisives supérieures en tournant la paume de sa
main en dehors, et restait dans cette gracieuse attitude jusqu'à ce qu'on lui ait
donné ce qu'il demandait avec un petit cri suppliant et répété lieii ! Iim ! lien .'
Il était, du reste, fort caressant et répétait fort doucement ce cri quand on lui
passait la main sur le dos. Il était fort peu capricieux, mais très-voleur, et il
ne le cédait pas à la mone et au roloway pour l'adresse qu'il mettait à com-
mettre ses larcins. J'en citerai un exemple.
Une femme de la campagne vint un jour m'apporter un présent d'œufs frais,
qu'elle avait déposés dans un panier à deux couvercles. Comme le panier ren-
fermait, outre les œufs, quelques objets assez lourds, elle l'appuya sur une table,
sans l'ôter de son bras, et, debout, elle se mit à me parler avec beaucoup d'at-
tention. Quand elle eut fini, elle m'annonça ses œufs frais, retira le panier de
son bras, l'ouvrit, et.... jugez de son étonnement quand elle n'y trouva plus
rien! Je m'amusai un moment de sa surprise et de sa confusion, puis je la tirai
d'embarras en soulevant l'oreiller d'un vieux sofa, et lui montrant ses œufs des-
sous, car j'avais vu la manœuvre de Jacquot, nom que portait mon mangabey.
La bonne femme, en entrant, n'avait pas aperçu le petit animal : celui-ci avait
profité de son incognito pour se glisser derrière elle, monter sur la table, ouvrir
le panier sans bruit, y mettre la main avec autant d'adresse que de précaution
pour n'être pas surpris en llagrant délit, enlever deux œufs, un dans chaque
main, les porter sous le coussin du sofa, et recommencer cette manœuvre
jusqu'à ce qu'il les eût tous volés. Jacquot s'apercevait bien que je le suivais des
yeux; aussi, de temps à autre il s'interrompait et me jetait un regard suppliant
pour me mettre dans sa complicité. Il crut probablement y avoir réussi, car il
entra dans une colère terrible quand je révélai son larcin, et surtout sa cachette.
Dans sa fureur, il se jeta, non pas sur moi ni sur la l)onue femme qui ne s'était
aperçue absolument de rien, mais sur les œufs; il en saisit deux, et se sauva
debout à toutes jambes.
J'ai conservé ce charmant animal pendant deux ans, sans que jamais le climat
ait paru l'incommoder beaucoup. L'hiver il quittait rarement le coin de la che-
minée, et il se chauffait les quatre mains à la fois en tournant la paume vers la
flamme. J'avais un bon vieux chien auquel j'accordais le privilège de se coucher
auprès du feu, à cause de sa fidélité et des anciens services qu'il m'avait rendus à
SINGES. 25
la chasse. La place favorite de Jacqnot était entre les quatre pattes de ce vieux
serviteur, qui, avec beaucoup d'indulgence, le souffrait couché le long de lui. Du
reste, ces deux animaux vivaient dans la meilleure intelligence. Mon singe mou-
rut empoisonné par accident.
Le Mancabeï a collieii (Ccrcocehus (vthiops. lui est propre. 11 se trouve dans l'Afrique ocei-
Geoff. Cercopilhccus (pthiopicus , Fr. Ci v. dentale, au sud du cap Vert.
Simia œthiops, Lin. Le Mangabeij à collier, G. LeMxiKi i)vcK\Cercoc(bus malbiouch-,GEOFF .
Clv.). 11 a toutes les parties supérieures du CenopUhenis cijnosunts. Desm. Simia faunus,
corps d'un beau gris d'ardoise, ou d'un roux vi- Gmel. Simia riftiosuros , Schk. Lv Malbrour,
neux, changeant en roux ou en !)run marron G. Cuv). Ce singe est remarquable par l'exten-
sur le sommet de la tète; ses paupières supé- sibilitéde ses lèvres. Il est d'un gris verdâtre
rieures sont blanches; un bandeau blanc voile en dessus, blanchâtre en dessous, gris sur les
le dessus de ses jeux, et descend sur les côtés membres et la queue; son front porte un ban-
du cou. Du reste, pour les mœurs et le carac- deau blanc ; sa face est couleur de chair ; les
1ère, il ne diffère pas du précédent, aux grima- poils de ses joues sont très-longs et rejetés en
ces près, qu'il fait par un mouvement de lèvres arrière. 11 a un pied (0,52.')) de longueur du
qu'il relève en moutraot les dents, manière qui bout du museau à la naissance de la queue.
La ménagerie a possédé un grand nombre de malbroucks. « Il nest point da-
nimauxplus agiles, dit Frédéric Cuvier; ils s'élancent, en faisant plusieurs tours,
comme en volant, couchés sur le côté, et ne se soutenant ainsi en l'air que par
l'impulsion qu'ils se donnent en frai)pant de leurs pieds les parois de leur cage.
Ces malbroucks faisaient rarement entendre leur voix, qui ne fut jamais qu'un
cri aigre et faible, ou bien un grognement sourd. Les mâles, dans leur jeunesse,
étaient assez dociles; mais dès que l'âge adulte arrivait, ils devenaient mé-
chants, même pour ceux qui les soignaient. Les femelles restaient plus douces,
et paraissaient seules susceptibles d'attachement. Cependant les malbroucks
sont excessivement irritables ; mais si d'un côté ils sont violemment poussés par
leurs penchants, de l'autre ils calculent tous leurs mouvements avec soin ; et
lorsqu'ils attaquent, c'est toujours traîtreusement par derrière, et lorsqu'on
n'est point occupé d'eux : alors ils se précipitent sur vous, vous blessent de
leurs dents ou de leurs ongles, et s'élancent aussitôt pour se mettre hors de
votre portée, mais sans cependant vous perdre de vue, et cela autant pour saisir
le moment favorable à une nouvelle attaque que pour se soustraire à votre ven-
geance. L'extrême irritabilité du malbrouck est cause qu'on ne peut ni l'appri-
voiser entièrement, ni lui faire supporter de contrainte ; c'est-à-dire qu'il n'est
susceptible d'aucune éducation que celle de la nature. Dès qu'on le violente et
qu'on veut qu'il obéisse, sa pétulance cesse, il devient triste, taciturne, et bientôt
après il meurt. »
Cette espèce habite le Bengale, et les Indous ont tuie grande vénération poiu"
elle, parce qu'ils croient que l'àme de leurs sages, de leurs philosoj^ies , de
leurs grands hommes, passe dans le corps d'un de ces animaux après la mort.
Aussi, dans Amadabad, capitale du Guzarate, ont-ils construit deux ou trois
hôpitaux qui leur sont entièrement consacrés. Là on nourrit et soigne, non-seu-
lement les singes invalides ou estropiés, mais encore ceux qui, sans être malades,
veulent y demeurer, et il paraît que la gourmandise et la paresse y en attirent
bon nombre.
26 LKS QIJADKUMANES
(( Deux l'ois par semaine, les singes du voisinage de cette ville, si l'on en croit
Bufîon, se rendent d'eux-mêmes tous ensemble dans les rues; ensuite ils mon-
tent sur les maisons qui ont chacune une petite terrasse où l'on va coucher pen-
dant les grandes chaleurs. On ne manque pas de mettre ces jours-là sur ces ter-
rasses du riz, du millet, des cannes à sucre dans la saison, et autres choses
semblables ; car si par hasard les singes ne trouvaient pas les provisions aux-
quelles on les a accoutumés, ils rompraient les tuiles dont la maison est couverte,
et feraient un grand désordre. Ils ne mangent rien sans l'avoir bien flairé aupa-
ravant, et lorsqu'ils sont repus, ils remplissent pour le lendemain les poches de
leurs joues. » Si ces faits, que je rapporte textuellement, ne prouvent pas grand
chose dans l'histoire du malbrouck, ils prouvent au moins, par l'exemple de
Buffon, qu'une grande crédulité peut s'allier à un grand génie.
Les malbroucks, à l'état sauvage, sont d'habiles pillards, très-dangereux pour
les vergers et les champs de cannes à sucre. « L'un d'eux, dit Inigo de Biervillas,
fait sentinelle sur un arbre, pendant que les autres se chargent du butin ; s'il
aperçoit quelqu'un, il crie lioup, hoiip, hoxip, d'une voix haute et distincte ; au
moment de l'avis, tous jettent les cannes qu'ils tenaient de la main gauche, et
s'enfuient en courant à trois pieds; s'ils sont vivement poursuivis, ils jettent
encore ce qu'ils tenaient dans la main droite, et se sauvent en grimpant sur les
arljres qui sont leur demeure ordinaire. Ils sautent d'arbre en arbre ; les femelles
mêmes, chargées de leurs petits qui les tiennent étroitement embrassées, sautent
aussi comme les autres, mais tombent quelquefois. Lorsque les fruits et les plantes
succulentes leur manquent, ils mangent des insectes, et quelquefois ils descen-
dent sur les bords des fleuves et de la mer pour attraper des poissons et des
crabes. »
Jusque-là l'auteur reste dans le vraisemblable, et il est permis de le croire ;
mais ce qui suit me paraît tomber un peu dans ce merveilleux dont les anciens
voyageurs aimaient tant à broder leurs narrations. « Ils mettent leur queue en-
tre les pinces du crabe, ajoute-t-il, et dès qu'elles serrent, ils l'enlèvent brus-
quement et l'emportent pour le manger à leur aise. Ils cueillent des noix de coco
et savent fort bien en tirer la liqueur pour la boire et le noyau pour le manger.
On les prend par le moyen de noix de coco, où l'on fait une petite ouverture ; ils
y fourrent la patte avec peine parce que l'ouverture est étroite, et les gens qui
sont à Talfùt les prennent avant qu'ils puissent se dégager. » Une des choses de
ce récit, qui n'est pas la moins admirable, est la naïveté avec laquelle Buffon le
rapporte.
Les malbroucks sont grands dénicheurs d'oiseaux, aussi a-t-on remarqué que
partout où les premiers abondent, les derniers sont fort rares. Ils ne craignent
ni le tigre, ni les autres bêtes féroces, mais ils ont un ennemi bien plus terrible
et bien plus dangereux, qui va les saisir sans bruit, pendant la nuit, jusque sur
la cime des arbres les plus élevés. Cet ennemi redoutable n'est autre qu'une sorte
de très-grand serpent, probablement un boa, qui les avale d'un seul coup et s'oc-
cupe jour et nuit à leur faire la chasse.
I.e GitiVKT [Cerciuehvs grisco-iiridis, Desbi. Ijcaucoup d'analogie avec le callilridie, levervel
Cercopithecvsgnseus, Fh. Cm.) Celle espèce a el lenialhrouck : il a la tête de moins en longueur
SINGES.
27
que ce dernier, et son scrotum, d'un vert cui-
vré et non bleu, est entouré de poils blancs ; sa
couleur est dun vert grisâtre. Le bandeau blanc
de ses yeux, ses favoris blancs et sa queue grise
jusqu'fi l'extrémité, le différencient du callitri-
clie. Sa face est d'un noir violàtre, et le tour
des yeux d'une couleur de chair livide. 11 est du
la Nubie, et d'autres parties de 1 Afrique.
Un mâle et, une femelle de cette espèce ont vécu à la ménagerie. Le premier,
assez doux dans sa jeunesse, était devenu méchant en vieillissant. La femelle était
douce , caressante jusqu'à l'importunité, mais excessivement jalouse de toutes
les personnes qui approchaient son maître. Du reste, tous les singes ont plus ou
moins ce défaut.
« Ces animaux (les singes en général) sont très-susceptihles de jalousie, dit
Fr. Cuvier, ou plutôt d'un sentiment qui a l'apparence extérieure de cette pas-
sion, car elle ne peut pas exister chez les animaux avec les mêmes caractères
que chez l'homme; mais ils l'expriment indépendamment de tout rapport de
sexe. Lorsqu'un singe femelle est attaché à sa maîtresse, il témoigne indiffé-
remment aux hommes et aux femmes son espèce de jalousie ; et s'il en est quel-
quefois arrivé autrement, cela a tenu sûrement à des circonstances fortuites qui
n'ont point été appréciées. » J'ai la conviction que Fr. Cuvier se trompe, et
s'il ne s'était pas réfuté lui-même dans plusieurs parties de ses ouvrages, et
particulièrement dans son article du mandrill, j'essayerais de le faire ici. L'er-
reur de ce naturaliste provient sans doute de ce qu'il n'a trop souvent étudié (jue
les animaux vivant dans les cages de la ménagerie, et dont l'instinct s'est ahruti
par un dur esclavage.
J'ai été à même d'ohserver plusieurs fois des singes élevés avec douceur et
parfaitement apprivoisés, conditions qui sont indispensables si l'on veut juger
avec quelque certitude de leur caractère ; mais, par un hasard fort singulier,
tous étaient des mâles. Je leur ai reconnu, non-seulement une jalousie furieuse
contre les hommes, mais encore une prédilection tout aussi remarquable pour
les femmes, prédilection souvent poussée jusqu'à l'indécence. Ainsi donc, abs-
traction faite de tout esprit de système, j'ai l'intime conviction que les sexes ont,
chez les animaux, une influence marquée sur leur manière d'être avec notre
espèce. Je ne puis ni ne dois, dans cet ouvrage, donner plus d'extension à cette
pensée.
28
LES QUADRUMANES.
L'HonInian on Entelli-
I |e Gk'vke. Les SEiMXOPITHEQUES (.S'eni-
Hopilhenis,Y&. Cl y ) CoiiimplespiTcédeuts, ils
ont trente-di'iiv dt-iils, mais leurs canines sont
I)cauc(Hip plus longues que leurs incisives ; leur
tète est ronde, a angle raciiil[)lus ouvert que celui
des orangs. Ils ont la face plane, les membres
très-longs relativement au\ autres dimensions du
corps ; leurs pouces antérieurs sont très-courts ;
ils ont des abajoues, des callosités aux fesses, la
queue excessivement longue et très-mince.
L'HoLLMA-s ou Emelle (Semnopithccus en-
telliis. Fr. Cuv. Ceiropithfcus entellus, Desm.—
Geoff. Simia entellus. Di FB.L'Enfe/Ze, (i Cuv.).
Cette espèce varie beaucoup de couleur à rai-
son de l'âge. Son menton est garni d'une petite
barbe jaunâtre, et sa gorge est nue. Son pelage
est d'un blond grisâtre, mélangé de poils noirs
sur le dos et sin- les membres, et de poils dun
lauve presque orangé sur les cotés de la poi-
trine ; les mains et la face sont noires, et la queue
presque noire, terminée |)ar une touffe ; les jjoils
de la tcte sont plus roux (|ue les autres et for-
ment un cercle en divergeant du point qui leur
donne naissance. Dans sa jeunesse, son pelage
est presque entièrement blanchâtre ou d'un
blanc roux, et sa queue est d'un gris roussàtre.
lia un pied cinq pouces (0,460) de longueur,
non compris la queue.
L'houlman habite le Bengale. Il otfre un exemple de la singulière métamor-
phose dont nous avons parlé à l'article du pongo. Pendant sa première jeunesse,
il a le museau très-peu saillant, le front assez large, le crâne élevé et arrondi.
Alors cet animal jouit de facultés intellectuelles très-étendues ; il a une étonnante
pénétration pour juger de ce qui peut lui être agréable ou nuisible; il s'appri-
voise aisément, est assez doux, s'attache jusqu'à un certain point à son maître,
et n'emploie que la ruse ou l'adresse pour se procurer ce qu'il désire.
A mesure qu'il devient vieux, c'est tout autre chose; son iront s'oblitère, son
museau acquiert une proéminence considérable, et son crâne diminue beaucoup
de capacité. Ses qualités morales se dégradent dans la même proportion; l'apa-
thie remplace la pénétration ; il cherche la solitude; il emploie la force à la place
de la niso, ol nue méclianroté féroce, une colère poussée jusqu'à la fureur, sont
SINGES. 29
excitées par la plus légère contrariété. Plus tard il faut le charger de chaînes, ou
le renfermer dans une cage de fer, dont sa plus grande occupation est de secouer
les harreaux avec rage.
Ce portrait vrai n'est pas séduisant, et cependant les Indous ont déifié cet ani-
mal, auquel ils assignent une assez bonne place parmi leurs trente millions de
divinités. Nous citerons ici ce qu'en a écrit M. Duvaucel.
« Quelque zèle que j'aie mis dans mes recherches et mes poursuites, elles sont
toujours restées infructueuses, à cause des soins empressés qu'ont mis les Ben-
galais à m'empècher de tuer une bète aussi respectable. Les Indous chassaient
le singe aussitôt qu'ils voyaient mon fusil ; et pendant plus d'un mois qu'ont sé-
journé à Chandernagor sept ou huit houlmans qui venaient jusque dans les mai-
sons saisir les offrandes des fils de Brama, mon jardin s'est trouvé entouré d'une
garde de pieux brames, qui jouaientdu tam-tam pour écarter le dieu quand il venait
manger mes fruits. Ce que je sais de mieux sur cette espèce, c'est son histoire
mythologique, mais il serait trop long de la rapporter ici. Je dirai seulement que
l'houlman est un héros célèbre par sa force, son esprit et son agilité, dans le re-
cueil volumineux des mystères du peuple indou. On lui doit ici un des fruits les
plus estimés, la mangue, qu'il vola dans les jardins d'un fameux géant établi à
Ceylan. C'est en punition de ce vol qu'il fut condamné au feu, et c'est en étei-
gnant ce feu qu'il se brûla le visage et les mains, restés noirs depuis ce temps-là.
« Je suis entré à Goutipara (lieu saint habité par des brames), et j'ai vu les
arbres couverts de houlmans à longue queue, qui se sont mis à fuir en poussant
des cris affreux. Les Indous, en voyant mon fusil, ont deviné, aussi bien que les
singes, le sujet de ma visite, et douze d'entre eux sont venus au-devant de moi
pour m'apprendre le danger que je courais en tirant sur des animaux qui n'é-
taient rien moins que des princes métamorphosés. J'allais passer outre, lorsque
je rencontrai sur ma route une de ces princesses, si séduisante que je ne pus ré-
sister au désir de la considérer de plus près. Je lui lâchai un coup de fusil, et je
fus témoin alors d'un trait vraiment touchant : la pauvre bête, qui portait un
jeune singe sur son dos, fut atteinte près du cœur ; elle se sentit mortellement
blessée, et, réunissant toutes ses forces, elle saisit son petit, l'accrocha à une
branche, et lomba morte à mes pieds. Un trait si touchant d'amour maternel m'a
fait plus d'impression que tous les discours des brames, et le plaisir d'avoir un
bel animal n'a pu l'emporter cette fois sur le regret d'avoir tué un être qui sem-
blait tenir à la vie par ce qu'il y a de plus respectable. »
Le LouToii {Semnopithecus maurus et le [.e Tschincou ou Tscbin-coo (Smnopifhenis
Tchiiicou, Fr. Cuv. CerropUhenis maurus, pruinosus, Desm.) me paraît si ressemblant au
Dksm. Simia cristata , Raffi,. Simla viaura, précédent, surtout à la gravure que M. Fr. Cu-
l.w.) Ce singe a deux pieds de longueur .0,6.jO) vier en a donnée, que je le soupçonne beaucoup
non compris la queue, qui a dea\ pieds et demi n'être qu'une variété de la même espèce. Son
(0.812). Ses formes soi>t grêles, ses membres pelage est noirâtre, glacé de blanc, sans lacbe
allongés ; son pelage est entièrement noir, ex- blanche à l'origine de la queue, qui est brune,
cepté une tache blanche en dessous, à l'origine Ses mains sont noires. On le trouve à Sumatra,
de la queue, et quelques poils de la même cou- mais on ne connaît pas ses mceurs.
leur près de la bouche; les mains sont noires; Le CniEPUK ou Simpaï { SemnopitUecus mê-
les oreilles et la face sont nues. Dans le jeune lanophos, Vr.C.vs. Simia melanophos, KkfVL.'^
âge, il est fauve on d'un brun rougeàtre. Il est a un pied six pouci>s (0,{87) de longueur, non
de .lava, et ses habitudes sont inconnues. compris la queue Son pelage est d'im fauve
30 LES QUADRUMANES.
roux brillant, soyeux en dessus, blanchâtre en très-grandes et creusées d'un profond sillon sur
dessous; ila une aigrette de poils noirs en forme la face antérieure. Il habite Java,
de bandeau; la face bleue; les lèvres et lenien- 12^ Genbe. Les MACAQUES (Macacus, La-
ton couleui" de chair. Il habite Sumatra et les cep.). Leur angle facial est ouvert à quarante ou
îles de la Sonde; on ne sait rien de son histoire, quarante-cinq degrés; ils ont des crêtes sour-
Le Croo ou Crol (SemnopUliecus comatns, cilières et occipitales très-prononcées; des aba-
Desm. — Fr. Cuv.t. Le nom de cet animal lui joues, des callosités aux fesses, et une queue
vient de son cri; le dessus de son corps et la plus ou moins longue; ils ont trente-deux dents,
face extérieure de ses membres sont gi'is; sa dont la dernière mâchelière inférieure à talon,
tête est couverte en dessus de poils noirs, for- ce qui les distingue des guenons, et ils diffèrent
mant une sorte d'aigrette vers l'occiput; le des semnopilhèques par de très-grandes aba-
dessous du corps et des membres est d'un blanc joues.
sale ; sa queue est blanche en dessous, grise en Le Mvcaqle toque [Macacus radiatus, Desm.
dessus, et terminée par des poils blancs. Le no- — Fr. Clv. Cercocebus radiatus, Geoff. Le
menclateur Temminck pense qu'on doit rap- Bonnet chinois, Buff. Voir notre gravure du
porter cette espèce au presbijtis mitrata d'Es- Chacma, où il est représenté). Ce singe a une
choltz. 11 est de Sumatra et de Java, où les grande ressemblance avec le bonnet chinois,
habitants le nomment quelquefois erro; c'est dont il n'est peut-être, quoi qu'en disent les na-
tout ce qu'on sait de son histoire. turalistes, qu'une simple variété. Son pelage est
Le SoLLiLi (Semnopithecus fulvo- griseus. d'un brun verdàtre en dessus, et d'un cendré
Des>i.) est d'un gris fauve passant au brun sur clair en dessous; les poils du dessus de la tête
les épaules et le bas des quatre membres ; les sont divergents et lui forment une sorte de ca-
quatre mains sont noires, le visage tanné ; les fa- lotte, mais bien moins prononcée ; il a le n)useau
voris, la gorge et le menton d'un gris blanchâtre plus mince et plus étroit que tous les autres ma-
sale; la queue est d'un quart plus longue que le caques, la face et les oreilles d'une couleur de
corps ; les doigts sont très-longs, très-gi"éles, à chair livide, et les mains violàtres. Sa queue est
phalanges arquées. Les canines supérieures sont un peu plus longue que son corps.
Le toque habite l'Inde et se trouve principalement sur la côte de Malabar, où
il jouit des mêmes privilèges que l'houlman au Bengale. Il est défendu aux natu-
rels de le tuer, sous quelque prétexte que ce soit, et sous des peines trés-sé-
vères. S'il arrive à un Européen de commettre ce crime épouvantable, il n'est
pas soumis aux peines prononcées contre les indigènes, et cela parce qu'il serait
difficile de les lui faire appliquer ; mais les brames sont parfaitement convaincus
qu'un des dix ou douze dieux singes qui figurent dans leur théogonie ne man-
quera pas de le faire mourir dans l'année pour venger son représentant sur la
terre. Il en résulte que le macaque toque a ses coudées franches dans cette partie
de l'Asie, et, comme dit le naïf voyageur Pyrard, ces singes sont 'i sî importuns,
si fâcheux, et en si grand nombre, qu'ils causent beaucoup de dommage, et que
les habitants des villes et des campagnes sont obligés de mettre des treillis à
leurs fenêtres pour les empêcher d'entrer dans leurs maisons. »
Nous n'avons, au moins à ma connaissance, aucun renseignement de date ré-
cente sur cette espèce, et ceux que nous trouvons dans les voyageurs anciens sont
assez confus. Néanmoins il paraît que le macaque toque est d'un caractère capri-
cieux et méchant, au moins quand il a atteint un certain âge, et qu'il se livre
habituellement au pillage des vergers et des plantations de cannes à sucre. Il aime
beaucoup la sève du palmier dont on prépare, dans l'Inde, uile liqueur fermentée
nommée zari. Il se met en embuscade et observe les Indous qui vont percer les
palmiers et poser dans la plaie de l'arbre une cannelle de bambou par laquelle la
sève qui s'échappe doit être conduite dans un vase. Ce malicieux animal, aussitôt
qu'il voit l'Indou parti, sort de sa cachette, grimpe sur le palmier, et boit la
sève à mesure qu'elle coule du tronc. Il arrive parfois, dit-on, que cette liqueur
SINGES.
31
rpjiivrc ; alors il ne sait plus ce qu'il fait, et on le prend aisément. Tontes ces
anciennes observations ont besoin d'être confirmées de nouveau.
Le B0IV^ET CHINOIS Maracus sinirus, Fr. Cuv.
Simia sinira, Gml.Lo Bonnet chinois, (i.Cuv.
— BiFF. La Guenon roiironnée). Son corps est
grcle; son pelage est d'un brun marron ou d'un
fauve brillant doré en dessus; sa queue est un
peu plus brune; sa poitrine, son ventre, ses fa-
voris, le dessous de son cou et la face interne de
ses membres sont !)lancLàtres; ses mains, ses
pieds et ses oreilles noirâtres ; sa face est couleur
de chair. Les poils qui couvrent sa tète sont,
comme dans le précédent, disposés en rayons
diverîients d'tm point central, mais plus longs. Ce
singe habite le Bengale, et son histoire est abso-
lument la même que celle du macaque toque.
Le Macaqie a fvce ^0IRE i Mccaciis carbona-
rins, Fb. Ciiv.) a la plus grande analogie avec
le macaque ordinaire et n'en diffère essentielle-
ment que par sa face, qui est noii-eau lieu d'être
(année. Son pelage est d'un vert grisâtre en des-
sus ; les favoris, les joues et tout le dessous sont
gris; il a sur les yeux un bandeau noir, étroit,
et les paupières supérieures sont blanches. On
le trouve à Sumatra.
Le lyUcAQiiE A FACE HOLCE iWfffflfi/s specio-
sus, Fr. Cl'v.) a le pelage d'un gris vineux en
dessus, d'un blanc grisâtre en dessous; sa face
est d'un rouge pourpre et non vermillonné,
entourée d'un ceicle de i)oils noirs ; sa queue est
très- courte, presque cachée i)ar les poils: ses
ongles sont noii's. Il est des Indes orientales.
Peut-(ti'e faudrait il reporler cette espèce au
genre suivant.
Le RiiÉSLS {Macacuseriithrœus, Fn. Civ. ,1/n-
cacns rhésus, He^m. Le Rhésus, Aioeb.— G.Civ.
Le Patas à queue courte et le Macaque à queue
courte, BuFF). 11 ne faut pas confondre cette
espèce, comme l'ont fait Î\L Lesson et quelques
autres naturalistes, avec le maimon de Buffon.
Son pelage est d'un beau gris verdàtre en des-
sus, gris sur les bras et les jambes, plus jaune
sur les cuisses ; gorge, cou, poitrine, ventre et
face interne des membres d'un blanc pur ; queue
verdàtre en dessus, grise en dessous; face,
oreilles et mains d'une teinte cuivrée très-claire ;
foses d'un rouge très-vif, cette couleur s'éten-
dant un peu sur les cuisses, sur la croupe et sui-
la queue. Sa longueur est de onze à douze ponces
(0,298 à 0,52.5) de l'occiput à l'origine de la
queue, et cette dernière est longue de près de
six pouces |0,t()2). Le mâle est un peu plus
grand, et ses favoris sont plus touffus. Cet ani -
mal se trouve dans les forêts de l'Inde.
Le rhésus habite les bords du Gange, oit il est en grande vénération. Encou-
ragé par la répugnance invincible que les Indous ont pour tuer les animaux,
il quitte souvent les bois et vient jusque dans les villes piller en plein jour une
nourriture qui lui paraît d'autant plus agréable qu'il l'a dérobée. Ainsi que tous
les singes, il est assez doux dans sa jeunesse ; mais en vieillissant il devient
méchant jusqu'à la férocité, et alors il est d'autant plus dangereux qu'il a beau-
coup d'intelligence et de pénétration pour calculer et exécuter ses méchancetés.
32
LES QUADRUMANES.
Le Nil-Banda
Le ÎSil-Bandab ou Ouanderou {Macacvs si-
lenus, Desih. Simia silenus et leonina, Lin.—
(iML. Le Macaque à crinière, G. Cuv. L'Okoii-
dcrou, Blff.I 11 a dix-huit pouces de lou^ueur
(0,542) depuis le museau jusqu'à l'origiue de la
queue ; celle-ci a dix pouces de lougueur |0,27 1 ) . 1 1
est euticrenieul uoir, excepté le veulre, et la poi-
triue, qui seul blancs, ainsi qu'une crinière et
une longue barbe qui lui foiMuent comme une
sorte de fraise tout autour de la tète.
Le nil-bandar habite l'île de Ceylan, et se retire au fond des bois les plus
solitaires, où, dit-on, il ne se nourrit que de feuilles et de bourgeons. Ce dernier
fait me païaît d'autant plus douteux, que ceux qui ont vécu à la ménagerie
aimaient beaucoup les fruits et se nourrissaient des mêmes aliments que les
autres macaques. L'un d'eux était doux et caressant ( probablement parce que
c'était une jeune femelle ), mais très-capricieux ; et souvent, au moment même
oij il paraissait recevoir des caresses avec le plus de plaisir, il poussait un cri
de colère, mordait, et s'éloignait d'un bond. Quant aux mâles, ils étaient très-
méchants.
Les anciens voyageurs prétendent qu'au Malabar « les autres singes ont tant
de respect pour cette espèce, qu'ils s'humilient en sa présence, comme s'ils
étaient capables de reconnaître en elle quelque supériorité. » Nous remar-
querons, en passant, qu'il ne faut jamais se presser de rejeter comme des fables
les faits rapportés par les voyageurs, même les plus crédules, et que si on a le
talent de dépouiller ces faits des interprétations fausses et merveilleuses qu'ils
leur donnent, on y découvre assez souvent une vérité. En effet, ce que le père
Vincent-Marie, que je viens de citer, a pris pour du respect, n'est rien autre
chose que de la crainte ; et si on en concluait que le nil-bandar est féroce, qu'il
SINGES. 33
attaque et chasse de ses bois les singes plus faibles que lui, que ces derniers b;
craignent et le fuient, qu'ils se cachent en tremblant lorsqu'ils l'aperçoivent, on
serait tombé juste sur la vérité. Les Indous estiment beaucoup ce singe et lui
donnent une large part dans la vénération qu'ils ont pour toute cette race,
parce qu'il a une longue barbe et une certaine gravité, ce qui, dans tout l'Orient,
passe pour le signe infaillible d'une haute intelligence.
Je ne sais si l'on doit regarder comme espèce, et F. Cuvier me paraîtrait être
de cet avis, ou comme simple variété, un singe cité par BufTon, mais que, à ma
connaissance, on n'a jamais vu en Europe, ni vivant ni en peau; c'est
1-e L()\v\M)o ( 3/af acu.s- cluandtim ; — El- On en trouvemil encore un autre, selon Knox,
u-andiim zeyianensibus; Simia alba seu inra- qui serait entièrement l)Ianc, et qui n'est proba-
nis pilis, barba nigra promissa, Ray.), qui ne blement qu'un all)inos d'une des deux espèces
diffère du précédent que parce qu'il a l;i barbe |)récédenles. Il habiterait l'Fnde et probablement
noire et le corps gris. 11 habite le même pays, l'ile de Cejinn; mais son existence est douteuse.
« Les singes blancs, dit l'auteur de la Descript'ion du macaçar, qui sont quel-
quefois aussi grands et aussi méchants que les plus grands dogues d'Angleterre,
sont plus dangereux que les noirs. Ils en veulent principalement aux femmes,
et souvent, après leur avoir fait cent outrages, ils finissent par les étrangler.
Quelquefois ils viennent jusqu'aux habitations ; mais les habitants, qui sont très-
jaloux de leurs femmes, n'ont garde de permettre l'entrée de leurs maisons à de
si méchants galants, et ils les chassent à coups de bâton. »
Le Macaco {Macacns cynomolgus, riE(!FF.— lage est olivâtre ou brun, verdàtre en dessus, et
Fr. Cm. Simia cynomolgus, njno<c]ihalus,ei blanchâtre en dessous; la tète esi grosse, large,
aygula, hiJi.l^e Macaque c\ Y Aigrette, ^{:vv. — aplatie en dessus; une forte créle sourcilière
G. (]uv.}. Le mâle a, du bout du museau à l'o- couvre les yeux ; la face est livide et à peu près
rigine de la queue, dix-huit pouces de longueur mie. La femelle a sur le haut de la tcte un épi
(0,.542 , et la femelle quatorze iO,.579). Leur pe- de poils redressés en forme d'aigrette.
Le macaco se trouve principalement à Sumatra, et peut-être là seulement,
(pioique la plupart des auteurs, Buffon, G. Cuvier, etc., le fassentvenir de Guinée
et de l'intérieur de l'Afrique. La ménagerie en a possédé plusieurs qui y ont fait
des petits. Mais les femelles, qui ont porté sept mois, se sont constamment mon-
trées mauvaises mères et n'ont pas toujours voulu élever leurs enfants. Cette
espèce, que l'on voit communément en Europe, est turbulente, malicieuse, et
surtout fort grimacière. Tant qu'il est jeune, le macaco a une douceur et une
intelligence remarquables ; alors il se prête à une certaine éducation, et les bala-
dins des rues profitent de cette aptitude pour lui apprendre à voltiger sur la
corde lâche et à faire divers tours dont ils amusent le public. 3Iais lorsqu'il
atteint six à sept ans et que toute sa force est développée, il devient méchant,
colère, se révolte contre la contrainte, et le plus obéissant peut devenir le plus
farouche et le plus irascible.
Dans leur pays, ces singes vont souvent par troupes et se rassemblent surtout
pour voler les fruits, les légumes, et mettre les plantations au pillage. Bosman,
cité par Buffon, dit : « Qu'ils prennent dans chaque patte un ou deux pieds de
milhio, autant sous leurs bras et autant dans leur bouche ; qu'ils s'en retournent
ainsi chargés, sautant continuellement sur les pattes de derrière, et que, quand
on les poursuit, ils jettent les tiges de milbio qu'ils tenaient dans les mains et
5
34 LES QUADRUMANES.
sous leshras, ne gardant que celles qui sont entre leurs dents, afin de pouvoir fuir
plus vite sur les quatre pieds. Au reste, ils examinent avec la dernière exactitude
chaque tige de milliio qu'ils arrachent, et, si elle ne leur plaît pas, ils la re-
jettent h terre et en arrachent d'autres : en sorte que, par leur bizarre déli-
catesse, ils causent encore plus de dommages que par leurs vols. » Si Buiïou
s'est trompé et que, ainsi que le dit M. Boyer, le macaco ne se trouve qu'à
Sumatra, ce que Bosman en raconte doit se rapporter à une autre espèce. A la
ménagerie, le macaco dort couché sur le côté et reployé sur lui-même, la tète
entre les jamhes, ou assis, avec le dos courbé et la tète appuyée sur la poitrine.
Sa voix est un cri rauque qui peut éclater dans la colère avec beaucoup de force;
mais lorsqu'il n'exprime qu'un sentiment paisible, il fait entendre un petit sif-
(lement assez doux.
Le Babiioi ou le MxiiMOiv {Macacus vemcslri-
1UIS, Fr. Civ. Simia nemestnna, Lin. Sitnia
plutiii)igos,Sc.HR. Le iMaimon, Blff.— Aldeb.
Le Singe à queue de cochon, Edwards). Sa
longueur, de l'occiput à l'origine de la queue,
est de quatorze pouces (0,575) ; sa queue est lon-
gue de cinq pouces (0, 155). Son pelage est d'un
brun roussâlreoud'un bhiiid foncé verdàtre, avec
une bande noire commentant sur la Icte et s'af-
fail)lissant le long du dos ; les cuisses et les épau-
les sont verdàtres avec un mélange de gris . tout
le dessous du corps est blond ; la face, les oreil-
les, l'intérieur des mains et les callosités des fes-
ses, sont basanés. 11 est de Java et de Sumatra.
Au moral le maimon ne diffère presque pas du rhésus, cependant il paraît
que les femelles sont un peu plus douces. Celle que j'ai vue à la ménagerie était
quelquefois attachée à un arbre, sur lequel elle montait avec beaucoup d'adi'esse
et de facilité, o Elle se plaisait, dit F. Cuvier, à en arracher les feuilles quoi-
([u'elle ne les mangeât pas. Quelquefois elle dénouait avec beaucoup d'adresse la
corde qui la retenait, et alors elle courait visiter les maisons du voisinage. Jamais,
cependant, elle ne cherchait à nuire, et si elle ne se laissait pas toujours repren-
dre volontiers, c'était toujours du moins sans une grande résistance. Les
enfants seuls excitaient son humeur, et elle le leur montrait en prenant une
posture et en faisant des grimaces très-bizarres : accroupie, les jambes rappro-
chées l'une de l'autre, le cou tendu horizontalement, elle avançait ses lèvres en
les serrant fortement, et transformait ainsi sa bouche en un bec mince et large.»
On doit placer à la suite de cette espèce, comme variété très-légère, le macacun
rdigiosiis, si toutefois il existe.
SINGES.
35
13* Genbe. Les MAGOTS \Maqus, Less.) ne consiste en un simple tubercule. Du reste, ils en
différent des macaques que par leur queue, qui ont à |)eu près le caractère et les liabitndes.
Le M.\GOT {'Mngiis sijlvanus, Less. Macacus inuus, Dks.m. Macaciis siilvanns,
Fr. Cuv. Simia inuus, sylvanus et phliecus, Li\. Le Mngol , le Piilicquc , et le
ppfil cifiiocéphnle, Buff.).
Cet animal varie un peu pour la grandeur ; néanmoins il a assez ordinaire-
ment de seize à dix-huit pouces de longeur (0,445 à 0,187), depuis la nuque
jusqu'aux fesses; sa tète est fort grosse, son museau large et saillant, son nez
aplati, sa face nue et d'inie couleur de chair livide, ainsi que les oreilles; son
corps est épais et ramassé ; il a de très-grandes abajoues, et sa bouche est armée
de fortes canines. Le dessusde son corps est d'un jaune doré assez vif, mélangé
de quelques poils noirs, traversé çà et là par ((uelques bandes noires; le des-
sous est d'un gris jaunâtre. Les mains sont noirâtres et velues en dessus. Il
habite la Barbarie et l'Egypte,
De tous les singes que l'on apporte en Europe, celui-ci est à la fois le plus com-
nnin et le jiliis robuste; sans doute il doit à l'épaisseur de sa fourrure la faculté
qu'il a de très-bien résister aux intempéries de notre climat, et de vivre chez
nous beaucoup plus longtemps que les autres espèces de sa classe. On dit même
qu'il s'est naturalisé en Espagne, sur le IMont-au-Singe, près de Gibraltar ; luais
MU officier anglais, qui a été pentlant plusieurs années en garnison dans cette ville,
il (pii a sduvent chassé sur le Mont-au-Singe. m'a assuré que cet animal y était
36 LES QUADRUMANES.
tout à fait iiiconiiii aux habitants du pays, et que, pour lui, il n'avait jamais i)n
l'y rencontrer quoiqu'il l'y eût cherché.
11 est peu de montreurs ambulants d'ours et de chameaux, qui n'aient à leur suite
un ou plusieurs magots ; et s'ils obtiennent autre chose que des grimaces de cet
animal récalcitrant, ce n'est qu'à force de coups. Il est cependant très-intelligent,
mais cette précieuse faculté ne se développe chez lui qu'avec sa parfaite indé-
pendance. Il ne se soumet à l'homme que dans son extrême jeunesse; quand il
devient adulte, il se refuse à toute soumission, lutte courageusement contre la
tyrannie qui l'enchaîne, et se défend avec fureur contre les mauvais traitements.
Vaincu par la force, il cesse la lutte, tombe dans la tristesse et le marasme ; il
meurt, mais il n'obéit pas. Quelquefois, s'il est traité avec beaucoup de douceur,
il consent à vivre dans la servitude : assis sur ses pattes de derrière, les bras
appuyés sur ses genoux et les mains pendantes, plongé continuellement dans
une languissante apathie, il semble ne plus vivre que de la vie végétative ; il est
aussi insensible aux caresses qu'aux corrections, aussi incapable d'amitié que de
crainte; il suit d'un regard hébété ce qui se passe autour de lui, et ne sort mo-
mentanément de sa léthargie stupide que pour satisfaire sa faim.
Le magot en liberté ne semble plus le même; c'est le plus vif, le plus pétu-
lant et le plus intelligent des singes; aussi domine-t-il tous les autres animaux
qui peuplent ses forêts; il étend même les effets de sa supériorité jusque sur les
grands mammifères, en les effrayant parles branches qu'il leur jette, et les pour-
suivant de ses cris, jusqu'à ce qu'il les ait chassés de ses domaines. Il n'a d'enne-
mis dangereux que le serval, lecaracal, le lynx, et autres grands chats, qui grim-
pent sur les arbres, le saisissent pendant son sommeil, et le dévorent.
Ces singes vivent en troupes nombreuses, et paraissent aimer la société jusque
dans l'esclavage. Dans ce cas, ils adoptent volontiers les petits animaux qu'on leur
donne ; ils les transportent partout avec eux en les tenant fortement embrassés,
et ils se mettent en colère lorsqu'on veut les leur ôter. Les femelles ont une
grande tendresse pour leurs petits; elles ne les quittent jamais, combattent avec
courage pour leur défense, et ne cessent de les protéger qu'en mourant. Elles
leur donnent des soins remarquables, et les tiennent très-proprement. Leur
plus grande occupation de tous les instants est de les lisser, de les éplucher
poil par poil, d'en enlever toutes les petites saletés, et de manger les insectes
ou les ordures qu'elles y trouvent.
Dans l'état de nature, le magot vit principalement de fruits et de feuilles ; mais
en domesticité il mange à i)eu près de tout. Néanmoins, comme il est défiant,
il ne porte rien à sa bouche sans l'avoir regardé, tourné dans tous les sens, et
flairé. Avant de manger il commence, par précaution, à remplir ses abajoues, et
c'est aussi dans ces singulières poches qu'il cache tous les petits objets qu'il a
volés. Les aliments qu'il préfère sont les fruits, le pain et les légumes cuits. Le
magot a une grande réputation de grimacier, et l'on dirait qu'il se pique de la
mériter, tant il s'étudie à varier ses grimaces. Quand il est en colère, ses mâchoires
se meuvent avec une agilité inconcevable, ses lèvres s'agitent avec vitesse; ses
mouvements sont brusques, ses gestes saccadés; il fait entendre une voix forte et
rude, qui s'adoucit quand il se calme. On croit que cette espèce est le pithèque
des anciens, le singe dont Calieu a donné l'anatomie.
SINGES.
37
Le Mauot de l' I^ue {Magus maums, Less.
Macacus maiiriis, Fit. T.iv. l'out-étrc le IVood-
babnnn ou liubnnin de l'emiaiit ). Il est de l'Inde
et diffère du piécédeut par sa face uoire, par
ses oreilles et ses mains bruucs; enfin par son
pelage, qui est d'un brun foncé uniforme. Ses
habitudes sont peu connues à l'état sauvage,
mais on en élève quelquefois dans son pa>s.
Ce magot, si on s'en rapporte aux personnes qui ont habité l'Inde, serait d'un
caractère moins indomptable que le précédent, et les jongleurs viendraient
assez aisément à bout de l'apprivoiser. Un officier de notre marine m'a dit en
avoir vu un que l'on avait amené à Pondichéry, et auquel on avait appris plu-
sieurs choses pour amuser le peuple. Il faisait l'exercice avec un petit fusil de
bois, mais il mettait dans le maniement de son arme beaucoup plus de brusque-
rie que d'adresse; il tirait de son fourreau un sabre de fer-blanc, et l'y remet-
tait assez facilement. 11 portait un chapeau à trois cornes, un habit brodé et
un pantalon, mais on était obligé de lui ôter souvent celui-ci pour lui en re-
mettre un autre ; les jongleurs, malgré leur adresse connue pour élever et dres-
ser les animaux même les plus sauvages, tels, par exemple, que les ours et les
serpents, n'avaient jamais pu l'empêcher d'y faire ses ordures, et il semblait
même qu'il y mettait de la malice, car il attendait presque toujours qu'on lui
eût mis un vêtement propre. Du reste, cette dégoûtante malpropreté e.'^t le fait
de tous les singes apprivoisés, sans exception, et il n'y a ni coups, ni menaces
qui puissent les empêcher de se satisfaire sur ce point, en tous lieux, et dans
l'instant même où la fantaisie les en prend. Le magot dont nous parlons volti-
geait sur la corde lâche et y faisait le moulinet avec une telle rapidité, que les
yeux ne pouvaient le suivre ni distinguer ses formes. Il obéissait au geste, à la
parole, mais ce n'était jamais que par l'effet de la crainte, et il ne paraissait
avoir aucun attachement pour son maître. Il était très-gourmand, saisissait avec
une brusque vivacité ce qu'on lui présentait, le flairait, le retournait dans tous
les sens, puis le cachait dans ses abajoues quand l'objet lui plaisait, ou le jetait
avec une sorte de colère quand il ne lui convenait pas . Tous ces faits parais-
sent avoir peu d'importance, et cependant ils sont jusqu'à un certain point
précieux pour le naturaliste, parce qu'ils servent à montrer l'analogie frap-
pante ([ui existe entre le magot de l'Inde et celui d'Afrique.
38
LKS QlJADULl.MANKS.
Le NÈGilE [Magus niger, — Cgnocephalus niger, Desm. Macacus nïger, de la
Zoological Society).
Cet animal est entièrement d'un noir de jais, excepté sur ses callosités, (jui
sont couleur de chair; ses oreilles sont petites; sa queue est remplacée par un
tubercule qui n'a pas un pouce de longueur (0,027); ses abajoues sont grandes,
très-extensibles ; son pelage est doux, laineux ; il a sur le sommet de la tète une
large touffe de longs poils retombant par derrière et lui formant une sorte de
huppe.
M. Desmarest, le premier qui ait décrit cet animal, ne le connaissait que par
une peau fort mal empaillée qui se trouvait au Cabinet; cet habile observateur
fut, cette fois, induit en erreur, et il plaça ce singe avec les babouins, dans le
genre des cynocéphales. Depuis, on en a vu deux ou trois vivants, dans la mé-
nagerie de la Société zoologique de Londres, et les Anglais l'ont placé dans le
genre des macaques. Mais, en prenant en considération son man(jue de queue,
ce qui le rapproche des magots, et ses narines non terminales, mais placées
très-obliquement sur la face supérieure du museau, ce qui le retire du genre
des cynocéphales, j'ai cru devoir le placer dans le genre magus. Cependant, son
faciès, et surtout son museau tronqué au bout, lui donne quelque analogie avec
les mandri-lls.
Quoi qu'il en soit, le nègre est un singe qui, pour le caractère comme pour
les formes, tient un peu du magot et du mandrill; c'est-à-dire qu'il est vif, pé-
tulant, capricieux comme le premier, et méchant comme le second. .\ la mena-
SINGES. 39
gerie de Londres, on l'avait enfermé avec nn panvre piMion, sur lequel il exer-
çait une tyrannie insupportaMe. Il le poussait, le tiraillait tant (pie le jour du-
rait, et si le malheureux animal témoignait la moindre colère, la plus petite
impatience, le nègre ne manquait jamais de le mordre et de le battre.
Ce magot habite l'une des îles de l'archipel des Indes orientales, Cuvier dit
l'une des Philippines. Celui de Londres a, dit-on, été apporté de la mer du Sud,
mais on ne sait de quelle localité.
iV Genre. Le PRESBYTK ( Presbijtis , cephalus, Bmss.). Ils ont l'angle facial ouvert
Ksrnsc). Ce singea l'angle facial ouvert à de trente à trente-cinq degrés; des crêtes sour-
soixanle degrés; il manque d'abajoues; ses ciiières et occipitales tns-prononcées; leur mu-
arcades z)gomatiques sont très - projetées en seau est allongé, tronqué au bout, où sont per-
avaiit; son nez est peu apparent; son front, les cécs les narines, comme dans les chiens, ce qui
os de son nez, sa mâchoire supérieure, et la leur a valu leur nom; leurs canines sont gro -
symphyse du menton, sont presipie perpendicu- ses et longues ; ils ont des abajoues, des callosi-
laires ; la queue est longue; les mains atteignent tés aux fesses, et une queue plus ou moins lon-
les genoux, et les deux doigts du milieu sont gue. Les cinq premières espèces, que nous dé-
plus longs que les autres, crivons ici. forment la section des babouins,
Le Presbyte a caplchon {Presbytis mitrala, dont la queue est au moins aussi longue que le
EscHsc.i, que Teumiinck confond avec le Sem- corps; la deuxième section, celle des mandrills,
nopitheciis comahts, a dix huit pouces de Ion se caractérise par sa queue grêle et très-courte,
gueiu" (0,487) de la tète à l'origine de la queue; Tous ces animaux sont lascifs et féroces,
.«•a figiu'e est grippée comme celle d'une vieille Le BkBoii\{CiinnceiihalHS babouin, Ftt. Cuv.
femme, ce qui lui a valu son nom de preibyte. — Desm. CcrropWhecus cynocephalus, Briss.
Son front est couvert de poils jauuàtrcs, et ses 5imia cijnocephala, Li^. — Gml. Le petit Pa-
oreilles sont de la même couleur; les poils de pion .' Blff.). Sa longueur est de vingt-cinq à
son dos sont très-longs, ondidés, d'un jaune vingt-six pouces (0,677 A 0,704 du bout du mu-
lilanchàtre à la base et d'un gris bleuâtre au seau aux callosités des fesses; son pelage est
bout; un bandeau noir lui passe sur le front, d'un jaune verddlre;sa face, d'une couleur de
Cette espèce, que le voyage de Kotzebue a fait chair livide, est ornée de favoris blanchàlies. Il
connaître, habite Sumatra. habite l'Afrique septentrionale, où il vit en trou-
15" Genre. Les CYNOCÉPHALES Ctjno- pes nombreuses
Les auteurs sont assez d'accord pour reconnaître dans cette espèce le cyno-
céphale (en grec tête de chien) si souvent sculpté parmi les hiéroglyphes des
antiques Egyptiens. Il a joué un grand rôle dans la théogonie de ce peuple, et il
avait un temple célèbre à Hermopolis, où il était particulièrement adoré. Vaine-
ment chercherait-on, dans l'histoire des autres nations, un assemblage aussi hé-
térogène de connaissances astronomiques et philosophiques, d'idées saines, de
politique avancée, et de croyances ridicules et superstitieuses jusqu'à l'absur-
dité. Citons-en un exemple. Les Égyptiens étaient astronomes; ils sculptaient
des zodiaques et calculaient des éclipses. Ils plaçaient à la porte des villes la
statue d'un cynocéphale ou d'un anubis comme symbole de la vigilance, et ils
enseignaient aux adeptes que s'ils avaient partagé le jour en douze heures,
c était pour honorer le dieu à tète de chien, qui pissait qu'on me passe ce
terme) douze fois par jour.
Les babouins n'habitent pas les forèlscomme la plupart des autres singes, mais
ils se plaisent dans les montagnes et les rochers arides, ou se trouvent seule-
ment quelques buissons, et ils ont cela de commun avec la plupart des cyno-
céphales; ils ont encore de commun avec eux une brutalité furieuse et un cou-
rage à toute épreuve. Ils se logent et font leurs petits dans des trous de rochers
'lO LES QUADRUMANES.
escarpés, où ils ne peuvent parvenir qu'en faisant des bontls prodigieux par
dessus des précipices infranchissables aux hommes.
Le Cynocéphale anlisis (Cynorephalus unit- pieds de longueur (0,(50) du bout du museau
bis, Fr. Cl V.) a beaucoup d'analogie avec le à l'anus, et sa queue pas moins de neuf pouces
précédent, et habite les mêmes contrées. Mais six lignes (0,258). Son corps est trapu, couvert
son museau est plus allongé , son crâne plus de poils d'un brun jaunâtre, rares en dessous ;
aplati ; son pelage est d'un vert beaucoup plus la face est noire, avec des favoris fauves dirigés
foncé ; la face est noire, avec les joues et le tour en arrière; les paupières supérieures sont blan-
des yeux couleur de chair. Ses callosités sont ches et les mains noires 11 se trouve en Afrique,
violétres. et ses mœurs sont analogues à celles du précé-
Le Papion {Cynocephaliis papio, Fk. Cuv. dent. Comme lui il n'habite que les buissons au
— Desji. Le Papion, Bipf.) a au moins deux milieu des rochers les plus escarpés.
La ménagerie a possédé et possède encore un bon nombre de papions, et, il y a
quatre ans, une femelle qui y a fait son petit, a donné un spectacle des plus sin-
guliers et dont j'ai été l'un des témoins. Lorsqu'on la vit sur le point de mettre
bas, on la fit passer dans une loge à côté de celle où elle vivait avec son mâle et
cinq ou six autres singes de son espèce. Elle accoucha et fit un petit fort laid,
mais qu'elle aimait avec tendresse et dont elle prenait le plus grand soin. Huit
ou dix jours après la naissance de son enfant, on ouvrit la porte à coulisse qui
séparait les deux loges, et son mâle entra. Elle tenait le petit sur ses bras, ab-
solument comme pourrait faire une nourrice, et elle était assise au milieu de la
loge. Le mâle s'approcha, embrassa sa femelle sur les deux joues, puis le petit
qu'elle lui présenta, et s'assit en face d'elle, de manière à ce qu'elle avait les
genoux entre les siens. Alors ils commencèrent tous deux à remuer les lèvres
avec rapidité en se regardant, et de temps en temps caressant le petit qu'elle
mettait dans les bras de son père et qu'elle reprenait aussitôt; on aurait dit qu'ils
avaient sur son compte une conversation fort animée. On ouvrit de nouveau la
coulisse, et on laissa entrer les autres papions les uns après les autres. Chacun
à son tour vint embrasser la femelle, mais elle n'accorda à aucun la faveur'
dont le père jouissait seul, d'embrasser le petit et de le caresser en lui passant
la main sur le dos. Ils s'assirent en cercle autour de la relevée de couche, et tous
se mirent à jouer des lèvres à qui mieux mieux, peut être pour la féliciter sur
son heureuse délivrance, sur le bonheur qu'elle avait de posséder un si joli en-
fant, et qui sait même s'ils ne lui trouvèrent pas beaucoup de ressemblance avec
son père ! Cette scène était la pantomime parfaite de ce qui se passe dans la loge
d'une portière qui relève de couche, lorsque les compères et les commères du
voisinage viennent lui faire leurs félicitations bavardes et curieuses. Seulement,
dans les compliments des commères il y a toujours un fond de malice et de mé-
chanceté qui, certainement, n'existait pas chez les papions.
Tous auraient bien voulu caresser le petit; mais aussitôt qu'ils avançaient la
main, un bon coup de patte que la mère leur administrait sur le bras les aver-
tissait de leur indiscrétion. Ceux qui étaient placés derrière elle allongeaient
tout doucement la main, la glissaient imperceptiblement sous son coude, et par-
venaient quelquefois, à leur grande joie, à toucher le petit sans qu'elle s'en aper-
çût, surtout quand elle était occupée à faire la conversation. Mais bientôt une
nouvelle correction venait leur apprendre qu'ils étaient découverts, et ils reti-
SINGES.
41
raient lestement la main. La papitme avait prolialilenient l'usage du mitndc singe,
et savait parfaitement partager son attention entre ce quelle devait de [lojitesse
à la société, et de soins à sa famille. Jamais sa tendresse ne se montrait mieux
pour son enfant que lorsque celui-ci, devenu un peu fort, s'exerçait à grimper
contre le treillage de fer de sa loge. Elle le suivait des yeux avec anxiété, se |»la-
çait dessous en tendant les mains pour le recevoir en cas qu'il se laissât tomber,
et cependant l'encourageait visiblement à faire l'essai de ses forces naissantes.
Enfin elle n'a pas cessé de lui prodiguer les soins les plus affectueux, tant (ju'il
n'a pas été assez grand pcnir se passer de sa mère.
Depuis que les singes de la ménagerie ont été transportés dans la vaste et
belle rotonde qu'ils occupent aujourd'bui, les papions ont donné une marque
d'intelligence et de supériorité remarquable. L'un d'eux, le plus grand et le plus
vieux des mâles, s'arrogea aussitôt une autorité souveraine sur cette gentc tra-
cassiérc et turbulente, composée de plus d'une vingtaine d'espèces toutes plus
malignes les unes que les autres, et toujours prêtes à en venir aux coups. De-
puis, il a su établir la paix, maintenir l'ordre parmi eux, et les forcer à vivre
ensemble en bons camarades, ce qui n'est pas plus aisé cbez le peuple singe que
cliez les hommes. Aussitôt qu'il entend une dispute, il sort de sa loge et regarde
de quoi il s'agit : si ce n'est qu'une petite querelle, il se contente de donner un
avertissement par un cri qui fait sur le champ rentrer les individus dans le
devoir, et alors il retourne gravement dans sa demeure. Mais si l'on méprise ses
ordres et que l'on en vienne à une bataille, c'est alors qu'il déploie le maximum
de son autorité comme chef, comme juge, et même comme exécuteur. Il s'élance
vers le lien de la rixe, commence par séparer les combattants, puis il les bal
tous les deux pour être sûr de ne pas se tromper. Cependant sa justice distri-
lintive, quoique prompte, n'est pas rendue sans discernement, et voici les règles
générales sur lesipielles il l'a fondée. Quand les deux antagonistes sont à peu
prés de même force, il les bat tous deux; s'ils sont de grosseur inégale, il rosse
le plus gros pendant que le plus petit se sauve; enfin si la dispute vient d'un
gâteau ou d'un bonbon sur lequel les deux assaillants se disputent leur droit,
il s'empare de l'objet en litige, se l'adjuge pour ses émoluments, le mange, ci
met ainsi les |)arties d'accord; c'est prescpie comme chez nous.
>, '-^^H,^,.
, 1/^?^
IJvS OIIADUIIMANKS
Clinak-katiia et To^n
Le CHOAK-KAMA [Cynoceplialus porcarins, Fk. Cuv. — Desm. Simia porcaria ,
BoDD. Shniarirsina, Penn. Simia splupujiola, Herm. Le Cliacma, Fr. Cuv. LeSingc
noir, Vaill. La Guenon à face allongée, Buef.).
Ce singe a beaucoup d'analogie avec les précédents, mais il est plus grand, et
d'une force terrible. Sur ses quatre pattes, il n'a pas moins de deux pieds de
bauteur (0,650), c'est-à-dire qu'il atteint la taille des plus grands mâtins. Son
pelage est d'un noir verdàtre ou jaunâtre, plus pâle le long du dos, sur les flancs
et les épaules; le cou, du mâle seulement, porte une longue crinière; sa face est
d'un noir violâtre, plus pâle autour des yeux; ses paupières supérieures sont
blancbes ; sa queue, longue de dix-buit pouces (0,487), se termine par une forte
mècbe noire. Il babite l'Afrique méridionale.
Tous les cynocépbales sont brutaux et mécbants, mais le cboak-kama est d'une
férocité dont rien n'approcbe, et d'une force contre laquelle aucun bomme ne
peut lutter. J'en citerai un exemple qui s'est passé presque sous mes yeux, à la
ménagerie, il y a plusieurs années. Un certain Ricbard, homme robuste, de cinq
pieds sept à buit pouces, était alors gardien des singes, et sa cuisine donnait en
face de l'appartement où était la cage d'un cboak-kama. Pendant l'absence du
gardien, le singe parvint à ouvrir la porte de sa cage; il entra dans la cuisine,
sauta siH' un rayon où l'on avait déposé une provision de carottes pour la nour-
riture des autres singes, et se mit à gaspiller à belles dents le dîner de ses com-
pagnons d'esclavage. Ricbard arriva dans cet instant; il voulut d'al)ord flatter
l'animal pour l'engager à rentrer dans sa cage, mais le cboak-kama se contenta de
Mii faire quelques grimaces ; il refusa d'obéir et continua tranquillement son gas-
pillage. Le gardien éleva la voix et en vint aux menaces sans obtenir autre cbose
que de nouvelles grimaces, accompagnées de grincements de dents. Ricbard eut
SINGES. 43
alors la nialliciireuse idée de prendre un bâloii, el ce geste dcviiil le signal (riiiic
lutte épouvaiilable. Le singe se précipite sur lui et lui lance ses deu\ [)oings
dans la poitrine, avec une telle force que cet homme robuste recula en chancelant.
Le choak-kania furieux se jette sur lui, le frappe, le renverse après l'avoir dés-
armé, et avec ses fortes canines, lui fait .î la cuisse trois profondes blessures qui
pénétrèrent jusqu'à l'os et donnèrent pendant ((uebpie temps des craintes sé-
rieuses pour la vie de ce malheureux.
On ne réussit à faire rentrer l'animal qu'en mettant en jeu sa brutale jalou-
sie. Richard avait une lille qui donnait souvent à manger au singe, et cpii, par
là, se l'était attaché; elle se plaça derrière la cage, c'est-à-dire du côte opposé
à la porte par laquelle il devait rentrer, et un garçon du jardin fil sinublant de
vouloir l'embrasser. A cette vue, le choak-kama poussa un cri furieux et s'é-
lança dans sa prison croyant pouvoir la traverser pour se jeter sur l'honnnc.'
qui e.xcitait sa rage; aussitôt on ferma la porte, et il redevint prisonnier pour
toujours.
Rolbe pret(.'nd que ce sont des animaux dune lasciveté inexprimable, et, en
effet, il n'est pas possible d'afficher plus d'impudicité et d'effronterie que le font
ceux que l'on tient en captivité. Le même voyageur raconte ainsi les mœurs de cet
animal à l'état sauvage. « Les choak-kamas aiment passionnément les raisins et
les fruits en général qui croissent dans les jardins. Leurs dents et leurs grif-
fes les rendent redoutables aux chiens qui ne les vaiiuiuent qu'avec peine, à
moins (jne quelque excès de raisins ne les ait rendus roides et engourdis. Voici
la manière dont ils pillent un verger, un jardin ou une vigne.
« Ils font ordinairement ces expéditions en troupe; une partie entre dans
l'enclos, tandis qu'une autre partie reste sur la clôture en sentinelle, pour aver-
tir de l'approche de quelque danger. Le reste de la troupe est placé au dehors
du jardin, à une distance médiocre les uns des autres, et forme ainsi une ligne
qui tient depuis l'endroit du pillage jusqu'à celui du rendez-vous. Tout étant ainsi
disposé, les choak-kamas commencent le pillage, et jettent à ceux qui sont sur la
clôture les melons, les courges, les pommes, les poires, etc., à mesure qu'ils les
cueillent; ceux-ci les jettent à ceux qui sont au bas, et ainsi de suite, tout le long
de la ligne, (jui, pour l'ordinaire, finit sur quelque montagne. Ils sont si adroits
et ils ont la vue si prompte et si juste, que rarement ils laissent tomber ces fruits
à terre en se les jetant les uns aux autres, et tout cela se fait dans un profond
silence et avec beaucoup de promptitude. Lorsque les sentinelles aperçoivent
quelqu'un, elles poussent un cri, et à ce signal toute la troui)e s'enfuit avec une
vitesse étonnante. »
Les choak-kamas sont sociables et vivent en troupe; mais lorscpi'ils se sont
fixés dans une montagne rocheuse qui leur convient, ils ne tolèrent pas l'éta-
blissement d'une autre troupe dans les environs. Ils défendent même leur terri-
toire contre les autres mammifères, et particulièrement contre les hommes. S'ils
aperçoivent un de ces derniers, aussitôt l'alarme sonne ; par de grands cris ils
appellent leurs camarades, se réunissent, s'encouragent mutuellement, et com-
mencent l'attacpie. Ils jettent d'abord à l'ennemi des branches d'arbre, des pier-
res, et tout ce qui leur tombe sous la main ; puis, ils s'approchent, cherchant à
le cerner de toute part et à lui couper la retraite. Les armes à feu seules les
4* I.ES QUADRUMANES.
cirrayenl, mais cependant leur courage intrépide les cnipôche de fuir jusciu'à ce
(ju'ils aient vu plusieurs des leurs étendus sur la place. Si leur malheureux anta-
i^oniste est sans fusil, ou s'il manque de poudre, il est perdu; les choak-kamas
le pressent, l'entourent, rattaipient corps à corps, le tuent et le mettent en piè-
ces. Un imprudent Anglais, entraîné à la poursuite de ces féroces animaux, sur
la montagne de la Table, prés du Cap, se vit bientôt cerné par eux et repoussé
juscjue sur la pointe d'un rocher dominant un précipice. Vainement il fit feu plu-
sieurs fois sur ces animaux; ils se jetèrent en avant en poussant des cris affreux,
et le malheureux chasseur aima mieux se précipiter dans l'abîme que d'être
déchiré par eux ; il se tua dans sa chute. Les choak-kamas emploient eux-mêmes
ce terrible moyen pour se soustraire à la captivité. Je tiens de la bouche de M. I)e-
lalande, naturaliste voyageur que la mort a enlevé trop tôt à la science, un fait
((ui le prouve. Bien armé, et secondé par des chasseurs hottentots attachés à son
service, M. Delalande parvint un jour à bloquer une petite troupe de ces animaux,
sur des rampes de précipices d'où la retraite leur était impossible. Ils n'hésitè-
rent pas à se lancer à trois cents pieds de profondeur i97, '(_()2) au risque de
se briser dans leur chute plutôt que de se laisser prendre.
,1e regarde comme une simple variété de celui-ci, le Papio conialns, Gkotf.,
«pii a le pelage brun, deux touffes de poils descendant de l'occiput, et les joues
noires et striées.
Lel'AHTARiN (Cynocephalushamadriias, Desm.
— Fr. Cuv. Simia hnmadrijas, Lin. Papion
à iace de c\nen. Peimn. Papion à perruque et
Tartar'w, Belon. SUiqe de Moro, Ruff. Le Tar-
iarin, G. Clv.). U a environ quinze ponces de
longueur (0,4(»6) de l'oi-cipit à la partie pasté-
rienre des fesses. Il est d'un gris cendré on
verdàtre, plus pâle sur les parties postérieures
du corps ; les jambes de devant sont presque
noires; le ventre est blanchàire, ainsi que les
favoris. Sa face, s( s on illes et ses mains soni
d'une couleur tannée; une épaisse crinière,
longue de six ponces, couvre sou cou et les ()nr-
lies antérieures de son corps. Cet animal hahilc
Arabie et l'Abyssinie. Il parait qu'il était au-
trefois commun dans les environs de Mococo
sur le golfe Persique, quoique, aujourd'hui, on
l'v irouve tiès rarement.
Il n'a jamais vécu à la ménagerie, au moins à ma connaissance, mais un mar-
chand d'animaux l'a montré à Paris, en 1808. Il avait le regard farouche et le
naturel Irés-méchant, et ses gardiens étaient obligés de se défier beaucoup de sa
perfidie, car la haine et la colère étaient les seuls sentiments qu'il parût être ca-
pable d'éprouver. Même lorsque la faim le pressait, si on lui jetait ses aliments,
il s'en emparait brusquement, avec brutalilé, en menaçant du regard, du geste
et de la voix.
L'.' DniLL { Cipin'r])lHil i.s leurophœiis , l'ii.
(juv.— Desbi. Simia siihestris, SciniEit. Papion
des bois, Pemn. Le l^apion à qurnc coio/e,
Ci. Cuv.). Cette espèce a beaucoup danalogie
avec le mandrill. Son pelage est d'un gris jau-
nâtre clair ou d'un brun verdàtre, blanc en
dessous; mais sa face est constamment d'un
noir foncé dans les deux sexes et à lo's les âges.
il est aussi un peu plus petit, sa longueur, du
sommet de la tète aux callosités des fesses, ne
dépassant pas vingt-six pouces (0,70 '<); sa (pieue
est très rourle et très menue On le croit d'A-
frique, et ses muMirs sont inconnues.
Le Bocr.o, Bougoc ou AIanorill {Cipwccpha-
liis mormon, F«. Cuv. — Desm. Simia mormon
et Simia mnimon, L'iv. Le Mandrill, G. Cuv.
Lv Mandrill et le Chorus, Buff.). Son pelage est
d'un gris brun, olivâtre en d 'ssus, blanchâtre
en dessous; il a une petite barbe jaunâtre (dans
la jeunesse) ou d'un jaune citron (dans l'âge
adulte ), qui lui pend au menton; les joues sont
bleues et sillonnées ; les mâles adultes prennent
lin nez ronge, surtout au boni oit il devient
écarlate; le tour de l'anns a les mêmes cou-
leurs, el les fesses ont une belle leintr violette
Il habile In Côte d'Or el la (luinée
SINGES.
15
l^e boggo atteint presque la taille de riiomiiie, et Ton ne peiil se ligiirer un
animal plus extraordinaire et plus hideux. 11 a le caractère féroce et brutal des
aulres cynocéphales, et quoique assez doux et confiant dans sa jeunesse, il de-
vient de la plus atroce méchanceté avec l'âge. Les meilleurs traitements, dil
F. Cuvier, ne peuvent l'adoucir, et les actions les plus insignifiantes, un geste,
un regard, une parole, suffisent pour exciter sa fureur; mais aussi la circon-
stance la plus légère l'apaise, sans le rendre meilleur. Sa voix est sourde, sem-
lilahle à un grognement, et formée des syllabes ooii, aoii. A l'état sauvage, tonte
sa force, toute sa puissance d'organisation ne sont mises en jeu que i»ar les pas-
sions les plus grossières et les pins cruelles. Il déteste tous les êtres vivants et ne
semble pas avoir de plus grand plaisir (|ue celui de la destruction. Ce pen-
chant à déchirer tout ce qu'il peut atteindre se montre jusque sur les végétaux
dont il fait sa nourriture : il se complaît à les déchiqueter, à les éparpiller brin
à l)rin après les avoir brisés on lacérés. Du reste, la conscience de sa force lui
donne de l'audace et de l'intrépidité. Le bruit des armes à feu l'irrite sans l'ef-
frayer, et la présence de l'homme ne l'intimide pas. Il défend avec courage
l'entrée des forêts qu'il habite, et lorsqu'on va l'y attacpier, il s'efl'orce d'inspi-
rer par ses cris une terreur à laquelle il est lui-même inaccessible. Il résiste,
il dispute le terrain pied à pied, et sait, dit-on, s'armer de pierres et de bâtons
pour repousser l'agression. Il a l'esprit de sociabilité assez développé, et il se
réunit en troupe pour défendre la circonscription territoriale qu'il s'est adjugée,
contre l'invasion de tout ennemi. Aussi, les nègres de la Guinée le craignent
beaucoup, et c'est à peu prés tout ce que l'on sait de certain sur son histoire, car
elle a été tellement endirouillée par les voyageurs, et par Buffon lui-même, avec
celle du kimpézèy, et, par suite, de l'orang-outang, qu'il <'st impossible d'en rien
démêler de plus.
Le Cynocéphale malais ( t'i/Hoce/Wirt/cv «la- i-l les iiiaius noires, la léte plus cîirrw que dans
Idijainis, De.smoul.) n'excède pas seize |)Ouces les aulres espèces, le imiseaii uioins allongé, el
(O.iiô) de longueiu-, non compris la queue; son la l'ace beaucoup plus large. Ses joues ne se re
pelage esl grossier, entièrenieut noir, lui for- lèvent point eu eiMes le long de sou nez On le
niant une aigrette élargie sur la tète ; il a la face trouve à Solo, dan-; les iles Philippines.
~- -x», "" a
i(>
LES QUADULiMANES.
CîFvfe
LES SAPAJOUS.
Les quadrumanes de cette famille appartien-
nent tous à l'Amérique. II§ ont quatre màelie-
iières de plus que les prrci'deuls, ce (|ui leur fait
en tout trente-six dents ; ils ont les narines p( r-
cées aux côtés, et non en dessous ; ils manquent
d'abajoues; leurs fesses sont velues, sans callo-
sités, et tous ont une longue queue.
Les uns ont une queue prenante, ajant la fa-
culté de saisir les corps environnants en s'en-
fortillant autour. Ce sont les vrais sapajous ; tels
sont les genres atèle, lagotriche, alouate et sa-
jou.
Les autres ont la queue non prenante et com-
posent la section des sagouins, qui renferme les
genres sagouin, nocthore etsaki.
le-^ Gemie. Les ALOUATES {MyceUs, II-
Lic. ). Leur angle facial n'est ouvert qu'à
trente degrés; leur tète esl pyramidale; la mâ-
choire supérienre descend beaucoup plus bas
que le crâne, et l'inférieure a ses branches très-
hautes pour loger nu tambour osseux, qui com-
munique avec le larynx et donne à leur voix
nu volume énorme et un son effroyable. Leurs
mains antérieures sont pourvues de pouces ;
leur queue est liès-longue, nue et calleuse en
dessous dans sa partie prenante. Les voyageurs
les ont souvent nommés singes hurleurs.
Le GoutRiiiv {^^^|celes fusrus, Desm. Simia
heelzebut. Lin. Stentor lusvus, Geofe. L'Oua-
rine, G.Crjv. — Buef. ) est ni peu plus grand
que le mono-colorado: sa tête est petite, sa face
nue, d'un brun obscur ainsi que ses mains, ses
pieds et sa queue; son pelage est d'un brun
marronou d'un brun foncé; les poilsdu verlex,
de l'occiput et du dos, sont terminés par une
pointe dorée.
Le ^onariba ost tiisto, faroiicho, méchant, ni se relire dans les lorèls les plus
SINGE ECHAPPE DAK'S LE JARDIN
nEHHIÈriK 1.KS A>Clt:>MiS SKIUiKS.
( 1 1 r .1 i < PI,
SAPÂJOLS 47
sauvages ilii Brésil. « On ne peut ni l'apprivoiser ni même le ilumpter, dilBullun;
il mord cruellement, et quoiqu'il ne soit pas du nombre des animaux carnas-
siers et féroces, il ne laisse pas d'inspirer de la crainte, tant par sa voix effroyable
que par son air d'impudence. Comme il ne vit que de fruits, de légumes, de
graines et de quelques insectes, sa chair n'est pas mauvaise à manger. » Aussi
les chasseurs du Brésil lui font une rude chasse. Rien ne surprend plus que
l'instinct de ces gouaribas, qui savent distinguer, mieux que les autres animaux,
les personnes qui leur font la guerre, et qui, lorsqu'ils sont attaqués, se défen-
dent avec courage et se secourent mutuellement. Lorsqu'on les approche avec
des intentions hostiles, ils se rassemblent, se réunissent en phalange, et cher-
chent d'abord à effrayer l'ennemi en poussant des cris horribles et faisant un
tapage épouvantable. Ensuite ils jettent à la tète des chasseurs des branches
sèches rompues, tout ce qui se trouve sous leurs mains, et jus(|u'à leurs ordures.
Ce n'est que lorsqu'ils voient l'impuissance de ces moyens, qu'ils pensent à fuir,
mais toujours dans le meilleur ordre et sans se disperser, afin de pouvoir se pro-
téger les uns les autres. Dans cette circonstance, on les voit s'élancer de branche
en branche et d'arbre en arbre, avec une telle agilité que la vue ne peut les
suivre. Si, en se jetant à corps perdu d'une branche à une autre, ils viennent a
manquer leur coup, ce qui est fort rare, ils ne tombent pas pour cela et restent
accrochés à quelque rameau par la queue ou par les pattes, avant de parvenir
jusqu'à terre. Il en résulte que si on ne les tue pas roide d'un coup de fusil, ils
restent suspendus à l'arbre, même après leur mort, juscju'à ce que la décomposi-
tion les fasse tomber en morceaux. Aussi est-on fort heureux quand, sans être
obligé de grimper sur les arbres pour les aller chercher, on peut en avoir trois
ou quatre par quinze ou seize coups de fusils.
Lorsque l'un d'eux est blessé, tous s'assemblent autour de lui, sondent sa
plaie avec les doigts, en retirent les grains de plomb, et, s'ils voient couler
beaucoup de sang, ils la tiennent fermée pendant que d'autres vont chercher
quelques feuilles qu'ils mâchent et poussent adroitement dans l'ouverture de la
plaie. Œxmelin, Dampierre, et d'autres voyageurs, affirment ce fait comme té-
moins oculaires. « Je puis affirmer, dit Œxmelin, avoir vu cela plusieurs fois, et
l'avoir vu avec admiration. »
La femelle n'a jamais (pi'un petit, auquel elle est tendrement attachée, et qu'elle
porte sur son dos de la même manière que les négresses portent leurs enfants.
Il lui embrasse le cou avec ses deux pattes de devant, et des deux de derrière il
la tient par le milieu du corps. Quand elle veut lui donner à teter, elle le prend
dans ses bras, et lui présente la mamelle comme font les femmes. N'abandon-
nant jamais sa mère, si on veut le prendre, il n'y a pas d'autre moyen que de
tuer cette dernière, et encore est-ce à grand'peine qu'on parvient à l'arracher
de dessus son corps où il se cramponne de toute sa force.
Ces animaux paraissent s'aimer entre eux, car non-seulement ils se portent
secours, comme nous l'avons dit, mais encore ils s'aident mutuellement en se
tendant, non la main, mais la queue, pour se soutenir les uns les autres en tra-
versant un ruisseau ou en passant d'un arbre à un autre.
Le Mono - Colorado ( Myrtlcs seniailits. culus, G. Clv. I.c hhirlcur roux, Bijff. L'A-
De.sm. Stentor, seniciilus, GEOvr. Simia scni- louatc ordinaire, G. Cuv.). Sa (aille est celle
',S LLS glADULMANES.
il'uii torl roiianl; sou pehtge est d'un roux queue ; sa face est noire, nue, et ses ongles soiil
niiirnu) ehiir. passant au marron foncé et au eu gouttière. Sa voix, selon le vojageur Ricord,
roux vif sur la léle, la bnrbp, les membres et la ressemble a celle d'un cochon qiu l'on égorge.
I.<' iiHino-colorailo vit en troupes nombreuses dans les forêts de la Guyane,
a la Nouvelle-Espagne, et au Brésil où il est plus rare. Il est d'un naturel farou-
che, «pie rien ne peut apprivoiser, et je ne pense pas qu'on en ait élevé en
domesticité. Voici ce qu'en dit, dans son langage naïf, un ancien voyageur : « Il
y a des guenons à Cayenne, aussi grosses que des grands chiens, de couleur rouge
de vache ; on les appelle les hurleurs, parce qu'étant en troupe, ils hurlent d'une
façon que d'abord on croit que c'est une troupe de pourceaux qui se battent. Ils
sont affreux et ont une gueule fort large; je crois qu'ils sont furieux. Si les sau-
vages les flèchent, ils retirent la flèche de leur corps avec leurs mains comme une
persoime. La chair de ces hurleurs est très-bonne à manger; elle ressemble à la
chair du mouton ; il y a à manger pour dix personnes. Ils ont un cornet intérieur
en la gorge qui leur rend le cri effroyable. » D'autres voyageurs comparent la voix
de ces animaux au craquement d'une grande quantité de charrettes mal graissées,
ou bien encore aux hurlements d'un troupeau de bêtes féroces. Ils la font enten-
dre de temps à autre dans le courant de la journée, mais c'est surtout au lever et
au coucher du soleil, ou à l'approche d'un orage, qu'ils poussent des cris si épou-
vantables qu'on les entend d'une demi-lieue.
L'Alolate a yuEiE DoittE {M^cetes chrysii- corps d'un fauve doré très-brillant; la base de
rus. — Stentor ihry.\urus, Desmocl. ) a de l'a- la queue est d'un marron assez clair; le reste
nalogie avec le mono-coloradopourles couleurs, du corps, la tête tout eniiireetles membres,
niais elles sont tout autrement disposées , dans sont d'un marron très-foncé, teinté de violacé
le clirysurus la lele et les membres sont unico- sur les membres. 11 habite la Colombie,
lores, et la queue, ainsi que le de sus du corps, L'Ahaglato ou Aloiate ourson {Mijcetet
sont de deu\ couleurs, tandis qu'au contraire ursinus Desm ) a quelque analogie de forme
(ians le seniculus, la tète et les membres sont avec le mono-colorado, mais son pelage est
bicolores, le dessus du corps et la queue uni- d'un roux dnré uniforme, et sa barbe est d'une
colores. En outre, le mono-colorado est plus teinte plus foncée : le tour de sa face est aussi
grand. Celui qui fait le sujet de cet article a la d'un roux beaucoup plus pâle. Du reste, il ha-
dernicre moitié de la queue et le dessus du bile les forets du même pays.
(l'est au Brésil, et particulièrement aux environs de Venezuela, dans la Nou-
velle-Espagne, que l'on trouve le plus communément cette espèce. L'araguato
n'habite guère que les montagnes et les lieux élevés; il recherche le bord des
ruisseaux et des mares, et, là, assis en société sous l'ombrage du palmier mori-
che, il fait retentir les rochers, à plus d'un mille à la ronde, de sa voix effrayante.
Comme les autres alouates, il mange des fruits, mais il se nourrit principalement
de feuilles.
L'AiiAiiATA {Mijcetes stramii.eus. Desm.). Sdu céc; sa face, presijue entièrement coii\(rtede
pelage est d'un jaune de paille, ainsi que la poil-s est couleur de chair. 11 a une grande cé-
queue qui est seulement d'une teinte plus fou- lébrité comme un excellent gibier.
Celte espèce, aussi farouche «|ue tous les animaux de ce genre, habite le Para,
(•iiuiilla laronlo i|mi> les sauvages achaguas, de l'Orénoque, sont très-friands de
SAJOUS W
ces singes jaunes, et lenr font journellement la chasse. Il ajoute que, soir et
matin, ces animaux font un bruit insupportable, et si lugubre, qu'ils font horreur.
D'après le rapport de quelques voyageurs, il semblerait que la femelle de
l'arabata, et de quelques autres espèces d'alonates, est moins attachée à son petit
que celle des autres singes, et que pourle lui faire abandonner, il ne s'agirait que
de l'effrayer en poussant de grands cris. Cependant Spix, dans son ouvrage sur les
singes du Brésil, raconte, comme témoin oculaire, un fait qui dément positive-
ment cette assertion. Ayant mortellement blessé une femelle d'un coup de fusil,
elle continua de porter son petit sur son dos jusqu'à ce qu'elle fût épuisée parla
perte de son sang. Lorsqu'elle se sentit près d'expirer, elle fit un dernier elfort
pour lancer son enfant sur les branches voisines, et tomba morte.
Peut-être cette espèce n'est-elle que le jeune du caraya, et dans ce cas elle
ferait double emploi.
Le (.ijoiio [Mtjii'Ics flaviraitdutns, Desji. Sten- hriiii olivùlro, avec deiu bandes longiliidiiiiilcs
tor llarirauilabis, Geoi'f.). Son pelage est d'un jaunes. CeUe espèce se trouve dans la Nouvelle
brun noiràfre, plus obscur sur le dos, tris- Ciienade, dans la province de Jaen, et, mais
loiirni sur le ventre, sa facecst courte, nue, plus rarement, sur les bords de la rivière des
ou niuuie de quelques poils rares; sa barbe est Am;izoiies. Veul-ètre ce sapajou ne- 1 encore
mêlée de brun et de jaunâtre ; sa queue est d'un <|u'une variété d'âge du caraya.
Comme les autres alouates, il vit en troupe et se retire dans les lieux les plus
solitaires. On le chasse surtout pour avoir sa fourrure, que, dans le pays, on
<'mploie à divers usages. Une particularité qu'offrent les alouates, est que, contre
l'ordinaire des autres singes, qui tous fuient l'eau, ils se plaisent dans les forêts
(|ui bordent les rives des grands fleuves et des marais; ceci est afiirmé par tous
les voyageurs. 11 paraît même qu'ils se hasardent quelquefois à se mettre à
l'eau et à traverser à gué quelques bras assez larges, car on en trouve sur les
îlots des rivières et dans ceux des grandes savanes noyées ; et ce fait est très-
remarquable dans l'ordre des quadrumanes.
Je ne sais si tous les singes ont pour les nappes d'eau la même frayeur que le
mangabey que j'ai possédé, mais je le suppose; car cette crainte vient de ce
que, bâtis à peu près connue l'honnue, ainsi que lui ils ne savent pas nager na-
turellement. La première fois que j'ai traversé la Saône, en batelet, avec mon
singe, je n'avais pas fait cette réflexion et je faillis le perdre. Malgré les témoi-
gnages énei^giques de sa frayeur, je le jetai à l'eau, croyant qu'il allait nager et
s'en tirer ainsi que font les chiens. Mais je fus extrêmement surpris de le voir
se débattre dans le perfide élément, de la même manière qu'un enfant qui se
noie, et si je n'avais su nager moi-même, je perdais un animal fort aimable, et
au([iiel je tenais beaucoup. Au moment où je le saisis, il coulait à fond, et déjà
il était {)our ainsi dire sans connaissance. Cette petite scène me fit perdre ses
bonnes grâces pendant plus de quinze jours, et ne contribua pas peu à lui don-
ner une nouvelle horreur de l'eau.
Le Caiiaya (Miirelcs caraiju, Dksm. Stentor lage d'un noir foncé, passant au roux obscur
niger, Gkofi'.*. lia, selon d'Azara, le corps sur le ventre et la poitrine; la femelle a les poils
gros et ventru el les membres robustes. Sa face plus luis, d'un bai obscur. On le Iroiive depuis
est nue, d'un brun rougeàtre ; le mâle a le |)p- le Bri'sil jusqu'au Paraguay.
50 LES QUADRUMANES.
L'Alouate aux MAixs ROussKS (Miffetes m- queue. La face el le dessous du c'or|)s sont nus.
(imamis, Kllu. Stentor nifimanus, Geoff.). 11 Cette espèce imbite prineipaleuient les terres de
est entièrement noir, excepté les mains, qui la baie de Cainpèche; mais on la trouve aussi
sont rousses, ainsi que la dernière moitié de la dans d'aulres parties de l'Américpie.
Selon Dampierre, ces animaux vivent en troupe de vingt à tiente, et rôdent
sans cesse dans les bois, et, s'ils trouvent une personne seule, ils font mine de
la vouloir dévorer. « Lorsque j'ai été seul, dit ce voyageur, je n'ai pas osé les
tirer, surtout la première fois que je les vis. Il y en avait une grosse troupe qui
se lançaient d'arbre en arbre par-dessus ma tète, craquetaient des dents et fai-
saient un bruit d'enragé; il y en avait même plusieurs qui faisaient des grimaces
de la boucbe et des yeux, et mille postures grotesques. Quelques-uns rompaient
des branches sèches et me les jetaient; d'autres répandaient leur urine et leurs
ordures sur moi. A la fin il y en eut un plus gros que les autres qui vint sur
une petite branche au-dessus de ma tête et fit mine de sauter tout droit sur moi,
ce qui me fit reculer en arrière ; mais il avait eu la prudente précaution de se
prendre à la branche avec le bout de sa queue, de sorte qu'il demeura là suspendu
à se brandiller et à me faire la moue. Enfin je me retirai, et ils me suivirent
jusqu'à nos huttes, avec les mêmes postures menaçantes. »
16" Ge>re. Les COAÏTAS (Aides, Geoff ) région anale et l'origine de la queue sont, sur
ont l'angle facial ouvert à soixante degrés; leurs le plus grand nombre d'individus, mais non sur
membres sont grêles, très-longs; leur tête tous, d'un rouge ferrugineux ; sa face est cou-
ronde ; leurs maius antérieures dépourvues de leur dectiair et mouchetée de gris; il a un très-
jjouce. Leur queue est extrêmement longue, petit pouce onguiculé aux mains antérieures,
très-prenante, a\ant une partie de son cxiré- ce qui le distingue de l'ate/ps aïKc/niotrfes. Il se
mité nue en dessous. trouve dans les loréts du Brésil, où ces animaux
Le MuuKi ou Kfiupo (Atiles hijpoxanlhus , vivent en troupes plus ou moins nombreuses
KuHL.). Son pelage est d'un gris jannàlre; la dans les forets les [)\\is sauvages.
Tous les ateies ayant à peu prés les mêmes mœurs, nous généraliserons ici
leur histoire. Nous ferons d'abord remarquer, comme chose fort singulière, que
ces petits animaux ont avec l'homme quelques ressemblances assez remar-
quables dans les muscles, et qu'eux seuls, parmi les mammifères, ont le biceps
de la cuisse absolument fait comme le nôtre.
Les coaïtas sont fort intelligents, doux, et s'attachent facilement aux personnes
qui en prennent soin et les traitent avec douceur. Une fois liés par l'affection,
ils ne cherchent plus à changer de situation ni à s'enfuir, aussi n'a-t-on pas
besoin de les tenir constamment à la chaîne comme les singes. Cependant ils
ne manquent pas de malice, et ils sont un peu voleurs, mais pour des friandises
seulement.
Dans leurs forêts ils vivent en grandes troupes et se prêtent un mutuel secours.
Dans les pays où ils ne sont pas inquiétés par les hommes, s'ils en rencontrent
un, ils sautent de branche en branche pour s'approcher de lui, le considèrent
attentivement, et l'agacent en lui jetant des petites branches, et quelquefois leurs
excréments, qui, du reste, sont sans odeur. Si l'un d'eux est blessé d'un coup
de fusil, tous fuient au plus haut sommet des arbres, en poussant des cris la-
mentables. Le blessé porte ses doigts à sa plaie et regarde couler son sang.
SAJOUS. 51
puis, quaiul il se sent près de sa fin, il entortille sa queue autour d'une branche,
et reste suspendu à l'arbre après sa mort. Eminemment bien conformés pour
vivre sur les arbres, les coaitas ne descendent jamais à terre, et s'ils s'y trouvent
par accident, ils y marchent avec beaucoup de difficulté et de maladresse. Pour
cela, ils posent leurs mains fermées sur le sol, puis ils tirent leur derrière après
eux, tout d'une pièce, absolument comme font les culs-de-jatte. Leur voix con-
siste en un petit sifflement doux et fliùté, qui rappeik- le gazouillement des
oiseaux.
Le Mono (Ateles hcmidacttjlus.—Eriodes lie- Irès-fonco, à poils secs et grossiers 11 est un peu
viidactylus, Desmoil.) a souvent été confondu plus grand que Videles pciuisnis, et il s'en dis-
avec le précédent. Sa longueur, non compris la tingue pnrfaitement par un rudiment de pouce
queue, est de dix-huit pouces (0,487); son pouce qu'il a aux mains supérieures. 11 habite la
ne consiste pas en un simple tubercule, mais Guyane et, selon Buffon, le Pérou,
bien en un petit doigt très-court el trè.^-gréle, Le Coaïta (Ateles pnnisnts, Geofp. Simia
muni d'un ongle, atteignant à peine l'origine du panisms, Lin. ■ est absolument noir comme le
second doigt, et tout à fait inutile à l'animal; précédent, mais il manque entièrement de
son pelage est d'un fauve cendré, un peu noi- pouce, comme toutes les espèces qui vont sui-
râtre sur le dos; ses mains et sa queue sont vre ; sa face est cuivrée 11 habite la Guyane et
d'un fauve plus vif, et les poils de la hase de la le Brésil C'est un animal pleureur, excessive-
queue sont d'un roux ferrugineux ; sa face est ment lent, mais très-doux et très-intelligent. 11
couleur de chair tachée de gris. 11 est du Brésil, vit eu grande troupe et aime se balancer sus-
Le Chameck {Ateles subpemlaetiilus, Desm pendu par la queue aux branches d'arbres. En
Aleles pendafiyins , Geoff.). Il est d'un noir esclavage il s'apprivoise très-facilement.
Les coaïtas se nourrissent principalement de fruits, mais, en cas de famine,
ils mangent aussi des racines, des insectes, des mollusques et des petits poissons.
On dit même qu'ils vont pécher des coquillages pendant la marée basse, et qu'ils
savent fort bien en briser la coqtiille entre deux pierres. Dampierre et Dacosta
racontent que, lorsque ces animaux veulent traverser une rivière, ou passer
d'un arbre à l'autre sans descendre à terre, ils s'attachent ,Ies uns aux autres
en se prenant tous la queue avec les mains, et forment ainsi une sorte de chaîne
qui se balance dans les airs en augmentant peu à peu le mouvement d'oscilla-
tion, jusqu'à ce que le premier puisse atteindre et saisir avec les mains le but ou
ils tendent ; alors il s'accroche et tire tous les autres après lui.
Le Cayou (Ateles ater, Fr. Cdv.) ressemble mat, ridée, au lieu d'être cuivrée. Il est de
beaucoup au précédent; comme lui il a le pe- Ca\eime, et a les mêmes maur.s et la méiiie
lage entièrement noir, mais sa face est d'un noir douceur de caractère que le coaïla.
Le cayou a toutes les habitudes du coaïta, dont peut-être n'est-il qu'une sim-
|de variété, comme le pensait Geoffroy qui le premier l'a fait connaître. Ainsi
que chez tous les animaux de son genre, sa queue ne lui sert pas seulement à
assurer sa translation en s'accrochant aux corps environnants et particulière-
ment aux branches d'arbres, mais c'est encore une véritable main, dont il se sert
pour aller saisir hors de la portée de ses bras, et sans se déranger, les objets dont
il veut s'emparer ; c'est un organe de préhension dont le tact est si délicat, qu'en
en touchant un corps quelconque, sans le regarder, sans détourner les yeux de
dessus un autre objet, il en reconnaît parfaitement la nature. Sa queue lui sert
ONIVERSITY or
TllINOIS LIBRAP
50
LES QUADRUMANES.
L'Alouate aux mai?(s boussus {Mijretes ru- queue. La face et le dessous du cor|)s sont nus.
fimamis, Kulh. Stentor ru/imanus, Geoff.). 11 Celte espèce liabitc principalenient les terres de
est entièrement noir, excepté les mains, qui la baie de Campèche; mais on la trouve aussi
sont rousses, ainsi que la dernière moitié de la dans d'autres parties de l'Améritiiie.
Selon Danipieri'e, ces animaux vivent en troupe tle vingt à trente, et rôdent
sans cesse dans les bois, et, s'ils trouvent une personne seule, ils font mine de
la vouloir dévorer. « Lorsque j'ai été seul, dit ce voyageur, je n'ai pas osé les
tirer, surtout la première fois que je les vis. Il y en avait une grosse troupe qui
se lançaient d'arbre en arbre par-dessus ma tète, craquetaient des dents et fai-
saient un bruit d'enragé; il y en avait même plusieurs qui faisaient des grimaces
de la boucbe et des yeux, et mille postures grotesques. Quelques-uns rompaient
des brandies sècbes et me les jetaient; d'autres répandaient leur urine et leurs
ordures sur moi. A la fin il y en eut un plus gros que les autres qui vint sur
une petite branclie au-dessus de ma tête et fit mine de sauter tout droit sur moi,
ce qui me fit reculer en arrière; mais il avait eu la prudente précaution de se
prendre à la brancbe avec le bout de sa queue, de sorte qu'il demeura là suspendu
à se brandiller et à me faire la moue. Enfin je me retirai, et ils me suivirent
jusqu'à nos buttes, avec les mêmes postures menaçantes. »
16'^ Ge\re. Les COA'ÏTAS (Ateles, Geoff )
(.nt l'angle facial ouvert à soixante degrés; leurs
membres sont grêles, très-longs; leur tcte
ronde; leurs mains antérieures dépourvues de
pouce. Leur queue est extrêmement longue,
très-prenante, a>ant une partie de son extré-
mité nue en dessous.
Le Mnuki ou Kcupo (Ateles hijpoxanlhus ,
KiHL.). Son pelage est d'un gris jaunâtre; la
région anale et l'origine de la queue sont, sur
le plus grand nombre d'individus, mais non sur
fous, d'un rouge ferrugineux ; sa face est cou-
leur de chair et mouclietée de gris ; il a un très-
petit pouce onguiculé aux mains antérieures,
ce qui le distingue de Vateles arachnoïdes. Il se
trouve dans les forêts du Brésil, où ces animaux
vivent en troupes plus ou moins nombreuses
dans les forets les plus sauvages.
Tous les ateles ayant à peu près les mêmes mœurs, nous généraliserons ici
leur bistoire. Nous ferons d'abord remarquer, comme cbose fort singulière, que
ces petits animaux ont avec l'bomme quelques ressemblances assez remar-
quables dans les muscles, et qu'eux seuls, parmi les mammifères, ont le biceps
de la cuisse absolument fait comme le nôtre.
Les coaïtas sont fort intelligents, doux, et s'attachent facilement aux personnes
qui en prennent soin et les traitent avec douceur. Une fois liés par l'affection,
ils ne cbercbent plus à changer de situation ni à s'enfuir, aussi n'a-t-on pas
besoin de les tenir constamment à la chaîne comme les singes. Cependant ils
ne manquent pas de malice, et ils sont un peu voleurs, mais pour des friandises
seulement.
Dans leurs forêts ils vivent en grandes troupes et se prêtent un mutuel secours.
Dans les pays où ils ne sont pas inquiétés par les hommes, s'ils en rencontrent
un, ils sautent de brancbe en branche pour s'approcher de lui, le considèrent
attentivement, et l'agacent en lui jetant des petites branches, et quelquefois leurs
excréments, qui, du reste, sont sans odeur. Si l'un d'eux est blessé d'un coup
de fusil, tous fuient au plus haut sommet des arbres, en poussant des cris la-
mentables. Le blessé porte ses doigts à sa plaie et regarde couler son sang,
SAJOUS.
r)3
genre, dit qu'il se lient le plus souvent sur ses deux pieds de derrière. Le son de
sa voix ressem])le à un (laqucnicni, selon Spix, et il ajoute que cet animal est
extrêmement gourmand .
Le I^ACOTKiciiE (iBi.s().\ ( lMgi<i\\r\x rimi>s ,
Geoi'f. I qui habile le Brésil, diffère du précé-
dent par des poils plus courts, d'un gris olivâ-
tre sur If corps, et duu gris roux sur la tète,
les mains et la cpicue. Peut-élre faut-il ajouter
à cette espèce :
Le Lagotkiciie knfime (Lagotlui.r nijniuti-
tiis. — Gastrimargus infumatus. Sfi\. ) <!"' se
trouve au Brésil, et qui ne diffère guère des
précédeiils que par son pelage eiilièremenl en-
fiuiie. Il habite les forets les plus relirc'es, et vit,
cotnme les précédents, de fruits et d'insectes.
Les lat;(ttriclies, grisou el enfumé, sont beaucoup moins farouches que le
précédent, et s'apprivoisent avec plus de facilité. Ils vivent également en bandes
nombreuses, dans les forêts (jui ombragent les bords des grandes rivières du
Brésil. Us sont d'un naturel doux et timide, s'habituent aisément à la servitude,
mais s'attachent peu à leur maître, et en changent avec la plus grande indif-
férence. Moins agiles, moins pétulants que les autres sajous, ils se montrent
plus robustes, moins inquiets, moins remuants et plaisent davantage par une
expression de physionomie plus douce et plus aimable. Peu criards, on ne les
entend guère troubler le silence des forêts que lorsqu'un air lourd et chargé
d'électricité annonce un prochain orage. Aloi^s ils réunissent leur troupe épar-
pillée, s'appellent les uns les autres, et cherchent ensemble un abri contre la
tempête. Ils se blottissent contre le tronc d'un arbre, à la bifurcation des bran-
ches basses les plus grosses, et là, dans la plus grande épouvante, serrés les uns
contre les autres en petits groupes de trois à quatre, ils attendent, dans l'immo-
bilité la plus complète, que les éclairs aient cessé de sillonner les nues et le
tonnerre de gronder. Le jaguar profite souvent de cette circonstance pour les
poursuivre, les saisir el les dévorer; dans leur effroi ils pensent à peine à
fuir, et il en fait aisément sa proie. Souvent aussi, ils deviennent les victimes du'
cougonard et d'autres grands chats sauvages.
5'^
LES QUADRUMANES.
Lt Sajoiiasson
19" (iE^RE. Les SAJOUS (Cebus, ERXLEn.) arrondies, l'occiput saillant en arrière, les pou-
ont l'angle facial ouvert à soixante degrés. Us ces distincts, opposables aux autres doigts, et la
ont la tète ronde, le museau court, les oreilles queue toute velue, quoique prenante.
Le SAJOUASSOU [ Cebiis apella, Desm. Siniia apella. Lin. Le Sajou, Buff. —
G. Cuv.).
Son pelage est d'un brun plus ou moins foncé en dessus, plus pâle en des-
sous; les pieds, la queue, le sommet de la tête et la face sont bruns; cette
dernière est entourée de poils d'un brun noirâtre; le dessous du cou et la
partie externe des bras tirent sur le jaune.
Cette espèce ne se trouverait point au Brésil, selon le prince Maximilien, et
serait propre à la Guyane française. Comme tous les sajous ont absolument la
même intelligence, les mêiTies mœurs, et des babitudes semblables, il nous suf-
fira de donner l'bistoire de celui-ci pour faire connaître tous les autres.
Le sajouassou a toute l'intelligence des coaïtas, mais avec moins de circon-
spection, parce que la vivacité de ses impressions et la promptitude de son imagi-
nation ne lui permettent ni prudence ni réserve. Tous les sajous sont d'un naturel
très-doux, très-affectueux, et s'attachent vivement à leur maître, surtout quand
ils sont traités avec douceur. Quoique vifs et turbulents, ils n'ont pas la pétu-
lance capricieuse des singes; mais il est fâcheux qu'ils en aient la malpropreté
et un peu l'impudicité, car sans cela ils seraient les animaux les plus aimables que
l'on puisse soumettre à l'esclavage. En outre, ils craignent beaucoup le froid,
SAJOUS.
55
et, clans nos pays, ils sont sujets à des maladies de poitrine qui les enlèvent
promptement. Cependant, en les tenant dans des appartements chauds, ils
passent assez bien l'hiver et vivent plusieurs années. J'en ai vu beaucoup qui
avaient l'étrange habitude de se manger la queue, malgré tout ce qu'on pouvait
faire pour les en empêcher et malgré la douleur qu'ils en éprouvaient.
A l'état sauvage ils vivent dans les bois, en grandes troupes. Us se nourrissent
principalement de fruits, mais ils mangent aussi des insectes, des œufs, et même
des oiseaux quand ils peuvent les attraper. J'ai remarqué que, de même que les
petits mammifères carnassiers, quand ils prennent un oiseau ils commencent
toujours par lui briser le derrière du crâne et lui manger la cervelle.
Le sajouassou est fort doux, mais capricieux et fantasque. Il affectionne sans
sujet de certaines personnes, et prend les autres en haine sans cause appré-
ciable. Il aime les caresses et fait alors entendre une petite voix douce et flûtée.
S'il est effrayé ou en colère, il fait des mouvements brusques d'assis et de levé,
en prononçant d'une voix forte et gutturale : heu, heu. Ce petit animal se repro-
duit en captivité dans de certaines circonstances. Le père et la mère aiment
beaucoup leur enfant, en prennent le plus grand soin, et le portent tour à tour
dans leurs bras; ils s'empressent de lui apprendre à marcher, à grimper, à sau-
ter; mais lorsqu'il a l'air de faire peu d'attention à leurs leçons, ils le corrigent
et le mordent serré pour exciter son application.
Le Saj(iu robuste (Cebus robusliis, Kiul.)
est bruu ; le sommet de sa lète est couvert de
poils noirs qui s'avancent sur le frout, et deux
lignes de la même coulem" lui entourent la face;
les mains, les avant-bras, les jambes, les pieds
et la queue sont d'un brun foncé; les épaules,
le dessous du cou et la poitrine sont jaunâtres;
le cou et le ventre sont d'un marron roux.
Cette espèce a été découverte au Brésil par le
prince Maximilien de .Neuwied. Si ce n'est pas
la même que Fr. Cuvier a décrite sous le nom
de Saï femelle, elle a du moins une très-gi-aude
analogie avec elle.
Le Sajou gris ( Cebiis gr i sens, Besm. Ccbiis
barbatus, Geoff. Le Sapajou gris, Blff.). On
ne connaît pas la patrie de cet animal, mais on
le suppose du Brésil ou de la Gujane. Le der-
rière de la tète, le cou, le dos, les flancs, les
cuisses, la partie postérieure des jambes de der-
rière et le dessus de la queue sont d'un brun
jaunâtre ou d'un brun fauve mêlé de grisâtre;
le dessous est d'un fauve clair ; une calotte noi-
râtre lui couvre le sommet de la tète . il n'a
pas de barbe ; sa face est entourée de p )ils d'un
brun noir; quelquefois le cou, la poilriue et le
haut des bras sont blancs.
Le Sajou barbu {Cebus barbatus, Desm. Cebus
albus, Geoff. Le Saï varie, Audeb.). Son pe-
lage est gris ou d'un gris roux, ou blanc, selon
rage et le sexe : le ventre est roux; sa barbe
se prolonge sur ses joues. Ses poils sont longs et
moelleux. Il habile la Guyane.
Le Sajou co.ffé (Cebus frontoius, Kiul. Ce-
bus trepidus, Geoff. — Ehxl. Le Singe à queue
touffue, Edwa.). Son pelage est d'un noir pres-
que uniforme , niais cependant les evtrémités
des membres sont plus foncées ; il a sur les
mains antérieures et autour de la bouche quel-
ques poils blancs ; ceux de son front sont rele-
vés perpendiculairement et très-droits. On ne
sait d'où il est.
Le Sajou nègre {Cebus niger, Geoff. Sapa-
}ou nègre, Buff.). Peut-être, comme le pense
M. de Humboldt, n'est-ce qu'une variété du
sajou brun (Cebin; capucimts). Sou pelage est
d'un bruu foncé; son front, et la partie posté-
rieure des joues, sont couverts de poils jau-
nâtres; sa face, ses mains et sa queue sont
noires. Sa patr'ic est inconnue.
Le Sajou varié (Cebus vnricgatus, Geoff.).
Sa tête est ronde, et son museau saillant ; l'es-
pace de la face compris entre les yeux est d'un
brun noirJtre ; son pelage est noirâtre, poin-
tillé de jaune doré en dessus, roussâtre en des-
sous, les poils de son dos sont bruns à leur base,
roux au milieu et noirs à la pointe. On ne con-
naît pas son pays.
Le Sajou fauve (Cebus fulnis, Desm. Cebu^
//nrii.'!, Geoff.). Tout son pelage est fauve ;i
est remarquable par ses poils soveux, droits,
non ondulés.
L'OuAVAPAvi ( Cebus albifrons, Geoff. —
Humboldt ) habite autour des cascades de l'O-
rénoque, près des Alaïpures et des Atures. Son
5t)
LES QUADRUMANES.
l)elage est gris, plus clair sur le ventre ; le som-
met de sa tête est noir ; ses extrémités sont d'un
brun jauiiiitre ; il a le fn nt blanc, ainsi (|ue les
orbites des yeux.
Le Sajou LiiNtLii (Ctbus luuatiis, Kiiii. —
i B. Cuv.). Il est d'un brun de suie, presque
noir sur 1m tète et les membics ; il a snr chaque
joiie une tache blanche en croissant se portant
de|)uis le sourcil jusqu'à la houche; s;\s parties
nues sont violàtres. Sa pairie n'est pas connue.
Le Sajol coii>u {Cebus fntnellus, Desm. .S'i-
inin fiiliielliis, I,i?i. Cebus cristntiis, Fr. Cuv.
Le SnJDit à aigietle, du même. Le Sajott lornu.
Bu FF.). Son pelage est d'un brun marron sur
le dos, ])lns clair sur Us flancs, passant au roux
vif sur le ventre; la queue et les extrêmit('ssont
d'un brun noir; deux forts pinceaiix de poils
blancs, séparés en forme de corne, s'élèvent de
la 1 acine de son front 1 1 habite la Guj ane fran-
çaise.
Sajoi: a toupet {Cebus cirriler, Geoif). M
a la tête roude; son pelage est d'un brun châ-
tain : le vertex, les extrémités et la queue sont
d'i;n marron tirant sur le noir; il a sur le front
un toupet de i)oils noirâtres élevé en fer à che-
val. On le croit du Brésil
Le Saï I Cebus rnpucinti^, Desm. Sim'ia ca-
pncina, ! i\. Le .S'oï, Ruff. Le Sajov sai, Geof ).
Son pelage varie beaucoup et passe du gris
brun au gris olivâtre; il a le vertex et les ex-
trémités noirs ; le front, les joues et les épau-
les d'un gris blanchiitre.
Le saï hal)ite les bois de la Guyane, où il se nourrit de fruits, «le graines,
de sauterelles et autres insectes. Il est trés-farouche, et si l'on parvient à le
prendre vivant, ce qui est fort difficile, il se défend avec un courage bien au-
dessus de sa taille et de sa force. Il mord si opiniâtrement qu'il faut l'assommer
pour le faire lâcher prise. Les voyageurs ont quelquefois nommé ces sajous
singes pleureurs, parce qu'ils ont un cri plaintif, et que, pour peu qu'on les con-
trarie, ils ont l'air de se lamenter; d'autres les ont appelés singes musqués, parce
qu'ils ont, comme le macaque, une odeur de musc, dit Buffon. En captivité, le
saï est doux, craintif, et assez docile. Son cri ordinaire ressemble à peu prés à
celui d'un rat, et il le fait volontiers entendre quand il désire (pu,4qiie chose ou
qu'on le caresse ; dés qu'on le menace, ce cri devient une sorte de gémissement.
En France, il mange des fruits; mais il préfère à toute autre chose les limaçons
et les hannetons.
Le CABiBLAi>co( Cebn^ Impoleucus, Desm. — du pelage est d'un noir très-foncé. Sa face cl
Fil. Cuv. Le .Saï à gorge blaiiihc, Buff.) a or- sou fîont sont nus, et de couleur de chair ainsi
dinairement les é|)aules, les bras, les côtes de que ses oreilles. Il vit à la Guyane et a les
la tête el 1 i gorge d'un blanc très-pur ; le reste mêmes mours que le précédent.
Celui qui a vécu à la Ménagerie était dune extrême douceur el avait assez
d'intelligence. Son regard, qui était trés-pénétrant, savait deviner dans vos yeux
les sentiments que vous éprouviez pour lui, et au moindre geste, il comprenait
parfaitement vos intentions à son égard. Son cri, lorsqu'il désirait quelque
chose, consistait en un petit sifflement très-doux, et surtout lorsqu'on le cares-
sait; mais, quand il était colère ou effrayé, il se changeait en une sorte d'al)oie-
ment rude et saccadé.
Le Saj ,u a poitrine jaune (Cebu< xnntoster-
no5. Kl iiL. Cebus marrocei hu'us, Fii Cuv.; a
été découvert nu Brésil, près du neu\e Bel-
monte, par le prince Maximilicn de >eu"ied.
Il diffère de tous les autres sajous par la forme
de sa tête. .Son front large, arrondi, rejeté en
arriére, est couvert de poils blancs et ras qui
le foui paraître chauve. Son museau est de
couleur tannée ; son pelage est châtain; il a le
cou (t la poitrine d'un jaune roussitre très-
clair ; les mains d'un violàlre |)resque noir.
Le Sajou a pieds uorés {Cebus ihnjsopus,
Fr. Cuv.}. Sa tête est grosse, arrondie, d'un
brun grisâtre nu peu fonC('' liesceiidaut sur la
SAJOUS.
partie niojeniu' du dos. avec la face d'une cou
leur de chair un peu laiinée, eulouioe duu
large cercle de iwiis blancs; le pelage est d'un
gris jaunàlre, blanc jaunfure eu dessous; les
quatre membres sont d'un beau fauve doré ; les
oreilles sont de la couleur de la face, et les
mains blanchâtres. Il habite l'Amérique méri-
dionale, mais on ne sait pas quille partie.
Le Sajou a tète fxvse (Ccbus xaitUioceplia-
Ins, Spix) a la région lombaire, la partie supé-
lieure d* la poitrine, le co i, la nutpi* et le
dessus de la tête fauves ; 1.' milieu du corps, la
croupe et les cuisses bruns. II habite le Brésil.
LcSajoli jiwjcke {Cebus grai ilis, Sen ),d'un
bran fauve en dessus, blanchfilre en dessous;
verlex et occiput bruns; corps très-gréle. Cette
espèce, qui n'est pas suffisamment déterminée,
se trouve dans les forets voisines de la rivière
des Amazones.
Le Sajou a capuchon (Cebus cncnllntits, Spix
a les poils de la partie antérieure de la tête di-
rigés en avant ; le dos et la tète sont brunàlr.'s ;
les bras, la gorge et la poitrine sont roussàtres ;
le ventre est d'un rouv ferrugineux; les mem-
bres et la queue sont presque noirs. Il habite
la Guvane et le Brésil.
Le Sajou usuif ( Cebus libidinosus, Spiv). Il
a la calotte d'un noir brun ; la barbe entourant
en cercle toute la face ; le dos, la gorge, la poi-
trine, les membres ( excei)té les cuisses et les
bras), le dessous de la queue, d'un roux ferru-
gineux; le devant de la gorge d'im brun roux
foncé; les joues, le menton et les doigts d'un
roMx plus clair; le corps d'un roux fauve, et la
queue un peu plus courte que le corps. Il iiabilc
le Bre.sil.
2(( (1e\he. Les SAGOUINS (.S'agiiniiis, Lac.
Callilhrix, Geoff.— Fr. Cuv.), ainsiquetous les
genres qui vont suivre, n'ont pas la queue pre-
nante; leur angle facial est ouvert à soixante
degrés ; leurs oreilles sont très-grandes, défor-
mées; leur corps est grêle, et leur queue ciiu
verte de poils courts. Du reste, ils ressemblent
aux sajous.
Le Saïmiri {Sagninns sciurens, Les.s. Calti-
trix sciureus, Geoff. —Fit. Cuv. Simia sritirea,
G. Cuv. Le Sajou jaune, Buiss. Le Siugi- orange,
Pew. Le Tili de iOrenoque, IIusiboldt. Le
Sahnivi, Buff.). Son pelage est d'un gris jau-
nâtre ou vei'dàtre, blanc en dessous ; les a^ant-
bras, les jambes et les quatre mains sont d'un
roux vif; le bout de son museau est noir.
(]e joli pelil animal se trouve au Brésil et à Cayenne. Cointiic nos éctireuils,
dont il a la taille, l'œil éveillé et la vivacité, il habite constamment sur les arbres,
et se nourrit de fruits, de graines, et quelquelbis d'insectes. « Par la gentillesse
de ses mouvements, dit BuITon, par sa petite taille, parla couleur brillante de sa
robe, par la grandeur et le feu de ses yeux, par son petit visage arrondi, le saï-
miri a toujours eu la préférence sur tous les autres sapajous, et c'est, en ell'et,
le plus joli, le plus mignon de tous; mais il est aussi le plus délicat, le plus dif-
(icile à transporter. Sa queue, sans être absolument inutile et Lâche, comme
celle des autres sagouins, n'est pas aussi musclée que celle des sajous; elle n'est,
[loiir ainsi dire, qu'à demi prenante, et quoiqu'il s'en serve pour s'aider à monter
et à descendre, il ne peut ni s'attacher fortement, ni saisir avec fermeté, ni
amener à lui les choses qu'il désire, et l'on ne peitt plus com|)arer cette quetu; à
une main, comme nous l'avons fait pour les autres sapajous. »
Le saïmiri est un animal très-gai et fort doux ; sa physionomie ressemble à
«elle d'un enfant; c'est la même expression d'innocence, de plaisir, de joie et
de tristesse; il éprouve vivement les impressions de chagrin, verse des larmes
«juand il est contrarié ou elfrayé, et toute sa personne respire une grâce enfan-
tine. Dans sa jeunesse il est extrêmement attaché à sa mère, et ne l'abandonne
[>as même après sa mort. Lorsqu'il saisit qitelque chose avec ses mains ant(M"ieu-
res, son pouce est placé à côté des autres doigts, parallèlement avec eux; mais
il est opposable aux autres doigts dans les mains de derrière. Quand il dort, son
attitude est fort singulière : il est assis, ses pieds de derrière étendus en avant,
ses mains appuyées sur eux, le dos courbé en demi-cercle, sa tète placée entre
ses jambes et touchant à terre. Soit qu'il veuille témoigner sa colère ou ses dé-
sirs, son cri consiste en un petit sifflement plus nu moins doux ou aigu, qu'il
S
58 LES QUADUUMANES.
r.'pèlc irois ou (piatre fois de suite. Du reste, ce channanl animal me i»aiail avoir
plus de douceur <|ue d'atTection pour ses maîtres.
Le Salssi ou S\<iOLiiv à siAsyuE [Saguinus fauve, la queue rousse, la tète et les quatre
personatus Less. Callilhrix personalus, Geoff. mains noirâtres. Il se plait dans les bois qui
— Desm.). Cet animal a le pelage d'un gris bordent les rivières, au Brésil.
Ses mœurs, ainsi que celles des esi)eces (jui vont suivre, ne dilîerent que peu
de celles du saimiri. Cependant ces animaux habitent moins les arbres et se
plaisent beaucoup plus dans les broussailles que dans les forêts; ils nichent
aussi plus volontiers dans les trous des rochers. Leurs yeux, fort bien disposés
[)Our voir la nuit, ont de la peine à soutenir la vive lumière du jour. Il en résulte
«Mie les sagouins, en général, passentla journée à dormir dans leur retraite, ([u'ils
n'en sortent qu'au crépuscule, et que ce n'est qu'alors qu'ils jouissent de toute
leur gaieté. Ce sont de petits animaux fort intelligents.
La \ti\K (Sag'iinus lugens, Less. CuUUhrix
higens, Geoff.) se trouve dans les bois qui om-
bragent le bord des rivières à San-Feruando
de Ataiialx). Son pelage est noirâtre; sa gorge
et ses mains antérieures sont blanches, et sa
queue est à peine plus grande que son corps.
Ses habiludes sont tristes et son caractère mé-
lancolique. U vit isolé et ne se réunit jamais en
troupe comme les autres que l'on rencontre
rarement moins de dix à douze ensemble.
A la suite de ces trois espèces, qui appartien-
nent au genre c;dlithrix de Desmarest, Geof-
froy et F. Cuvier, genre fondé sur ce que la
(lueue est encore un peu prenante et sur d'au-
tres légères considérations, viennent les véri-
tables sagouins à queue tout à fait lâche.
Le Sagolin a collieb (.Saguinus torqualus ,
Desm. Callilhrix torquuta, iioFPii. — Geoff.).
On le trouve au Brésil. Son pelage est d'un
brun châtain, jaune en dessous, avec un derai-
eollitr blanc. Sa queue est un peu plus longue
(|ue son corps.
Le Sagouin a fraise (i«gitiiius amirtus, Desm.
A'imia amicla, IIcmb.) habite, dit-on, le Brésil,
mais sa patrie nest pas bien connue. Son pe-
lage est d'un brun noirâtre ; il a un demi-colher
blanc ; ses mains antérieures sont d'un jaune
terne et pâle, et sa queue est d'un ()uart plus
longue que son corps.
Le MoLOCU {Saguinus violoch, Desm. Calli-
thrixmoloih, Geoff. Ce6»s kjo/oc/i, Hoffm.)
se trouve à Para. U est couvert de poils cen-
drés, annelées en dessus, d'un roux vif eu des-
sous, ainsi que sur les tempes el les joues ; ses
mains sont d'un gris blanchâtre, ainsi que l'ex-
trémité de sa queue. Cette espèce est rare
LeSAGOi'iN MiTRÉ (Saguinus inf'ulaUis,'DESM.
Callithrix infulalns, Klul. ) habite le Brésil. 11
est gris en dessous, avec la queue d'un jaune
roussàtreà son origine, et noire à son extrémité;
il a au-dessus des yeux une grande tache blan-
che, entourée de noir.
Le GiGO ou Sagoli.x à mai.\s noires {Sagiiinux
melanochir , Dksm, Callilhrix incanesceiis ,
LicasT .CaUilhrix mdanoihir, Kuul.). Il habite
le Brésil, où il a été découvert par le prince
Maximiiien de Neuxvied. Son pelage est d'un
gris cendré, excepté au bas du dos, aux lombes
et à l'extrémité de la queue, où il est d'un brun
roussàtre. Ses mains antérieures sont fuligineu-
ses. Il est très-commun dans les forets, et, au
lever du soleil, il pousse des cris rauques, dés-
agréables, qui reteulisseut au loin. On ne connaît
rien de plus de son histoire.
SAJOUS.
59
2r Ge.\re. Les NOCTIIOKES (Aocduiro, sur li'S côtés ; la lK)iiclie est fort {iratiiie, ainsi
Fr. Cuv.). Leurs dents sont semblables à celles que les oreilles, (|iii sont arrondies: leur ponce
des sajous; leur tète est arrondie et fort large; yutéiienr est très sépare et Irés-pou distinct
leur mnseau court ; leurs yeux sont très-grands des autres doigts, et tous Uurs ongles .sont
et à pupille ronde ; leur nez est saillant et leurs plats; leur queue est longue, recouverte de poils
narines sont ouvertes en dessous autant que courts.
Le DOL'ROUCOULI OU CARA-RAYADA ( iYot///0/ï( trivinjaUi, Fr. Cuv. AuUl.s Iri-
virgaltis, HvMR. JS'yctipilhcciis fcUniis, Spix. Le Tili-liyrc ùes voyageurs).
Cet auinial a dix pouces de longueur i0,27l t du sommet de la tête à l'ori-
gine de la queue. Son pelage est d'un gris cendré en dessus, d'un jaune rou.\
ou orangé en dessous; les mains, les oreilles, le nez, sont couleur de cliair; le
dessus des yeux est blanc, et trois lignes noires s'élèvent sur sou Ironl, l'une
à partir du nez, les deux autres à partir de l'angle externe des yeux; ces der-
niers sont très-grands, ronds et fauves.
Sur les bords de l'Orénoque, dans les forêts de Maypures et de l'Emeralda, on
entend quelquefois, pendant l'obscurité des nuits, un cri terrible que l'on prend
pour celui du jaguar, et ipii ell'raye le voyageur. Ce cri relentissant se rapprocbc
et semble articuler les syllabes muh-muh ; tout à coup il lui succède une sorte de
miaulement, é-i-aou, tout aussi sinistre. Déjà l'Européen épouvanté porte la maiti
à ses armes, lorscpie l'animal féroce se laisse ajiercevoir aux raydiis brillanls de
la lune... C'est un liti-tigre, un donioucouli nocturne, à peine de la grandeur d'iiii
petit lapin, moins dangereux (piim écureuil, et (|ui iia aucune résistance à op-
60 LES QUADRUMANES.
poser à l'épagneul qui ratlaque, car sa lenteur et sa maladresse ne lui permet-
tent de se servir ni de ses dents, ni de ses ongles pointus. Cependant il ne se
rend pas sans avoir au moins essayé de faire peur à son ennemi ; pour cela, il
se hérisse, élève son dos recourbé en arc comme fait un chat, il enfle sa gorge,
et pousse un cri beaucoup moins terrible, mais tout aussi désagréable que le pre-
mier, (juer-(\\ier.
Cet animal, triste et solitaire, vit avec sa femelle dans le fond des forêts les plus
désertes, et rarement on en trouve plus d'un couple dans la même partie d'un
o^rand bois. Il ne descend à terre que dans des circonstances rares, et par acci-
dent, et il passe tout le jour à dormir sur un arbre, auprès de sa femelle qu'il ne
((uitte jamais que lorsque la mort vient les séparer. 11 l'aime avec tendresse, l'aide,
la protège, et la défend avec courage, au besoin. Il partage avec elle les petits
soins de famille et contribue beaucoup à l'éducation de ses enfants.
Pendant la nuit le douroucouli se réveille et se met en chasse. Il va furetant
d'arbre en arbre, de branche en branche, pour saisir les petits oiseaux qui dor-
ment sous le feuillage, ou prendre les mères couveuses sur leur nid. Ceci ne l'em-
pêche pas de saisir et de manger en passant des sauterelles, des fulgores, des
coléoptères et autres gros insectes. Si aucune de ces chasses ne lui réussit, il se
rabat sur les fruits sauvages, et même sur des graines de mimosa et de berlhol-
letia. Si, par bonne fortune, il rencontre dans ses petites excursions des champs
de bananiers, de cannes à sucre, ou des palmiers, il ne manque jamais de les
piller, mais le tort qu'il y fait n'est pas grand, car une ou deux bananes peuvent
fournir aux repas de lui et de sa famille pour toute une journée.
Le douroucouli qui a vécu à la ménagerie se nourrissait de lait, de biscuits
et de fruits; il était fort doux, mais c'était une jeune femelle, et il paraît que le
mâle, surtout à l'état adulte, reste farouche et ne peut pas s'apprivoiser. Du moins
M. Ilumboldt en a eu un qui, malgré tous les bons traitements, est constamment
resté sauvage.
Le NocTHORE HiRi ti R (/NofOioia vorïferaus, le tiers seulement de la queue noirâtre. 11 tia-
- ^^J(•ii)^\\\ccus rociferaus, Snx.) a le pelage bitc le Brésil, et, comme le précédent, fait re-
d'iin gris roux partout, même sur la léle; il a tentir les forêts de sa \o\\ ellra\aiile.
Les nocthores sont de véritables animaux de nuit. La sensibilité de leurs
yeux est extrême et les empêche de supporter la lumière ; si on les y expose
pendant le jour, leur iris se ferme complètement; au commencement de la
nuit, au contraire, elle s'ouvre à un tel point que la pupille a presque la gran-
deur de l'œil. Il résulte de cette organisation qu'ils dorment toute la journée
reployés sur eux-même, et la tête cachée entre les jambes de devant; mais dès
que le crépuscule commence à paraître, ils s'éveillent et agissent.
•i'!*- Geîsre. Les SAKIS (Pithecia, Geoif.). Le Yarké {Piihecia leucorephala, Geoff. Si-
Ils ont l'angle facial ouvert à soixante degrés; mia pi//ierin. Lin. Le 5a/»j et le VarAf, G. Civ.
leur tête est ronde, à museau court; leurs — Buff.). Il est noirâtre ou noir, avec le tour
oreilles sont arrondies, médiocres ; ils ont cinq du visage d'un blanc sale; il manque de barbe;
doigts aux mains; leur queue, non prenante, chaque poil est d'une couleur uniforme; sa
est généralement touflue, ce qui leur a \alu le queue est à peu près de la longueur de son
nom de singe à (jucue de renard. corps.
SAJOUS. 61
Le yarké est un animal de la Guyane, où, néanmoins, il est assez rare. Moins
grimpeur que les animaux des genres précédents, il s'enfonce moins aussi dans
la profondeur des forêts, et habite plus volontiers, en petites troupes de dix à
douze, les bois bas et les broussailles. Il se nourrit de baies et de fruits sucrés,
et quelquefois d'insectes. La femelle ne fait qu'un seul petit, qu'elle aime beau-
coup et quelle soigne avec la plus grande tendresse. 11 est d'un caractère tran-
quille et doux, et cependant il s'apprivoise difficilement. Sa taille est assez grande,
et atteint dix-sept à dix-huit i)Ouces, non compris la queue. Du reste, toutes les
espèces ont à peu près les mêmes mœurs ; ce sont des animaux nocturnes, qui ne
sortent de leur trou que le soir et le matin, pour aller à la recherche de leur
nourriture, et principalement des ruches d'abeilles sauvages. Les habitants du
pays prétendent que les sajous suivent les yarkés pour s'emparer du miel qu'ils
ont découvert, et qu'ils les battent à outrance pour les faire détaler s'ils font mine
de s'opposer à ce brigandage.
Le Cacajao ou Cah.mbil et Smcizo {Piihecia
mflinore]>]\ala, G^OFF. Le .Vo»o-ro6(n de quel-
ques proviutis de l'Améiiquc; se trouve par-
lieulièrenieiit dans les foréis qui bordent les
rives du Cassiquiare et du Rio->'egro. 11 est
d'un brun jaunâtre, avec la tète noire, sans
barbe; sa queue est d'un sixième plus courte
que son corps. 11 a à peu près les mêmes habi-
tudes que le jirècèdent, mais il est moins lent,
moins paresseux, et ne vit que de fruits sucrés,
te!s que gojaves, bananes, etc.; du reste, son
caractère est doux et paisil)le
Le MoivE (Piiheria i)io«or/ii/.'!, Geoff.) ha-
bite le Brésil. I! est ^arié de brun et de blanc
sale jaunâtre ; ses poils sont bruns dans la plus
grande partie de leur longueur, et d'un roux
doré vers leur extrémité ; de l'occiput au vertex,
sa tète est parée d'une sorte de che\elure rayon-
nante. 11 n'a piint de barbe, et sa queue est à
peu près de la longueur de son coi ps.
Le Saki a ii(ir.sTACUES rolsses {l'ithceia rii-
fibarba, Kiui.) est d'un brun noirâtre en des-
sus, d'un roux pâle en dessous; le dessus des
yeux est de la même couleur, et sa (pieue se
termine en pointe. On le trou\e à .Surinam.
Le S»Ki A 1ÈTE jAiivE {PUheda othrorephala,
KiiiL.jesî d'un morrc n clair en dessus, d'un
roux cendré jaunâtre eu dessous; les poils du
t.iur de la face et du front sont d'un jaune d'o-
cre ; ses mains et ses pieds d'i n brun uoir. On
le trouve a Cayenne.
Le Saki a ve.xtke roix i7'i/lit(io ruficutris,
(iEOFF. Le Sivge de nuit, Bi ff. — G Ci v.), de
la Guyane française, est d'un brun teinte de
roussdire; les poils sont annelés de brun et de
roux, entièrement roux sur le ventre; il n'a
point de barbe; sa chevelure rayonne sur le
vertex et aboutit au front ; sa queue est à peu
près de la longueur de son corps.
Le ^liRiQLOLiNA {Pitheciis miriquuiiiud ,
Geoff.) habite les bois delà proviiiccde Cliaco
et les bords de la rivière du Paraguay. Il est
gris brun en dessus, annelé en dessous ; les poils
du dos sont blancs à la base et à l'extrémité,
noirs au milieu ; il a deux taches blanches au-
dessus des yeux ; il iiiancpie de bar be, et sa queue
est un peu plus longue que ^on corps. Dans la
captivité, il est doux, paisible, et il a mêiiie de
la docilité jusqu'à un certaiu point.
Le Couxio (Pithcciu scttanas, Geoff. .Siiiiin
fUtnuas, HoFniA.%s. Brarlnjnrus israelita, Spix.
Le Couxio, Hlmb. Le Snln noir, G. Cuv.) se
trouve sur les bords de lOréncque, dans le
Para. Le mâle est d'un brun unir, la femelle
d'un brun loux; sa tète est enlièreuient cou-
verte d'une épaisse chevelure qui lui tombe sur
le front ; il a une barbe très fournie, et sa queue
est à peu près de la longueur de .-ou corps.
Lorsque cet animal (st irrité, il se dresse sur
ses pattes de derri( re, grince des dents, se Irotic
la barbe et se lance sur sou ennemi.
Le Caplcin de l'Orèxoqle [Pithcria r/ii/o-
potf.s, Geoff.) est d'un roux marron; il a une
barbe longue et touffue; sa chevelure épaisse
est séparée au milieu et se relève en deux tou-
pets de chaque (oté de la tète.
Ce saki est un animal triste, d'un naturel paisible et timide, fuyant la société
de ses semblables et surtout celle de l'homme, se retirant dans la profondeur des
forêts, où il vit solitaire avec sa femelle. Aussi, depuis que la population de la
Guyane s'est augmentée, il est devenu fort rare, et on ne le Iroiivc plus guère
6-2 LIS QU A DRU. M A Mi S.
([uo dans l'Alto-Oronoco, au sud et à l'est de l'Oréiioque. (ioiume les autres es-
pèces de son genre, il vit de fruits et d'insectes. Le cynique Diogéne eût jeté plus
tôt son écuelle de bois s'il eût connu cet animal, car, ainsi que l'orgueilleux phi-
losophe d'Athènes, il puise l'eau des ruisseaux et la boit dans sa main avec beau-
coup de précaution pour ne pas mouiller sa barbe. C'est ce qui lui a valu son
nom scientifique de chiropotes que lui ont donné les savants.
Je ne sais si l'on ne doit pas regarder comme une simple variété du couxio on
du capucin.
Le S\Ki c.iLET {Pilhecia sagulala, hESS. SI- avec les poils du dos d'une couleur (iciacée;
viia srigiilaUi, Stew.), remarquable par sa ion- sa barbe est noire. Il est assez conuiiun au\ en-
gue queue noire, trés-toufiue, affectant la forme virons de Démérury, dans la (iu>aiie li.illaii-
d'une massue. Son corps est noir en dessus, daise.
Les sakis vivent généralement en troupe de sept a huit ensemble, et si h'
capucin de l'Orénoque fait une exception à la règle générale, ce n'est proba-
blement que depuis (jue l'homme, en troublant la solitude de ses forêts, .l'a
forcé de s'éparpiller. Du reste, le nom de chiropotes (qui boit avec ses mains),
donné au capucin, ne peut nullement servir à caractériser son espèce; car, ainsi
que M. Ricord m'a dit l'avoir observé, plusieurs autres singes, même de genres
différents, ont la même habitude. Or, j'ai la plus parfaite confiance dans les
observations de ce naturaliste, qui, dans ses voyages transatlantiques, a enrichi
les sciences naturelles d'un grand nombre d'objets nouveaux, et dont les re-
cherches en ichthyologie ont été si utiles aux derniers travaux de notre innnor-
tcl G. Cuvier. >Ioi-niême, j'ai eu l'occasion d'observer une guenon (jui ne buvait
pas autrement que le saki chiropote, et cela sans qu'elle y eût été incitée ni par
l'exemple, ni par l'éducation.
INTERIEUR DU PALAIS DES SINGES
( J»i dm des f Unif 5.)
OUISTITIS.
63
OiiistitL 3 pinceaux el Ouistiti nrcillanl.
LKS OUISTITIS
sDiit tlo |t»lis iiniinaux. qui s'apprivoisent ai-
st'iiiont. Ils ont la lùte ronde, le visage plat, les
narines latérales, les fesses velues, point d'aba-
joues, et la (pieue non prenante, earaetères (|ui
les l'approcheraient des genres précédents; mais,
quoiqu'ils soient de rAinériquc, ils n'ont que
vingt niàcheliéres, c'est-à-dire trente deux dents,
ainsi que les singes de l'ancien continpiii. 'i'ous
leni-s ongles sont comprimés et pointus, ex-
cepté ceux des pouces de derrière, et leur pouce
de devant s'écarte fort peu des autres doigts.
23' Geniie. Les OUISTITIS, proprement
dits (Jarchus, Geoff ), ont les incisives supé-
l'ieures intermt'diaires plus larges que les laté-
rales : celles-ci isolées de chaque côté; les in-
cisives inférieures sont allongées, étr lites, ver-
ticales : les latérales plus longues; les canines
sont moyennes et coniques : les inférieures très-
petites; en tout trente-deux dents, selon G. Cu-
vier.
Le TITI OU le sagoUY {Jacchus vulgaris, Geoff. Siinia jacclius, Lin. (Ifiçjiti
m'mor, Marco. l'Ouulïll oniinaire, G. Cuv. — Buff. Le Shufe à queue auuelc,
Pk\n. ).
Ce charmant petit animal n'atteint pas la taille d'un écureuil, car il a tout au
plus six pouces de longueur (0,I6'2), non compris la queue ipii est aniielée de
noir et de gris clair; son pelage est d'un gris foncé jaunâtre, onde; la tète, les
côtés et le dessous du cou sont noirs ou d'un l>run rou.K; la lace, la [vlaiilc des
pieds et la paume des mains sont coideur do chair ; il a ini tuhercule saillant cidre
les yeux et une tache hlanche au front; l'ori-'ille est entourée d'une loulVe de
poils blancs ou cendrés ou noirs, roides et longs.
IjC liti hahite la (îuyane et h^ Brésil; partout il est recherclK', M(»n a cause de
6i LES QUADRUMANES.
sa gentillesse, mais parce qu'il est joli et peu enibarrassanl. Son caractère est
loin de répondre à l'aniitié qu'on lui porte; il paraît bon parce qu'il est faible,
intelligent parce qu'il est défiant, doux parce qu'il est peureux. Dans les bois de
l'Amérique, il a une certaine vivacité qu'il perd dans l'esclavage, surtout dans
nos climats où je n'en ai jamais vu vivre plus de deux ans. Il aime à poursuivre
de brandie en brandie, en s'élançant de l'une à l'autre, les gros insectes et même
les petits oiseaux dont il fait sa proie. Il adjoint à cette nourriture des fruits et
des graines, mais seulement quand sa chasse ne réussit pas, car il a des habitudes
carnassières. Il lui arrive souvent de descendre des arbres, et de chasser aux li-
maçons et aux petits lézards. Il paraît même qu'il se hasarde au bord des eaux
pour saisir à l'improviste quelques petits poissons. Edwards, cité par Bufîon, ra-
conte que « l'un de ceux qu'il a vus, étant un jour déchaîné, se jeta sur un petit
|)oisson doré de la Chine qui était dans un bassin, qu'il le tua et le dévora avide-
ment ; qu'ensuite on lui donna de petites anguilles qui l'effrayèrent d'abord en
s'entortillant autour de son cou, mais que bientôt il s'en rendit maître et les
mangea. »
Lorsque, entraîné par l'ardeur de la chasse, le mâle s'est un peu éloigné de sa
femelle, il pousse un sifflement aigu longtemps prolongé sur le même ton, pour
l'appeler auprès de lui. Ce cri le trahit et le fait découvrir par le chasseur, qui,
sans cela, aurait beaucoup de peine à l'apercevoir dans le feuillage. Mais, quand
on veut le tirer, il faut s'en approcher bien doucement et sans bruit, car s'il
aperçoit quelqu'un, il se blottit à l'enfourchure de deux grosses branches, s'y
cache et ne fait plus aucun mouvement, de manière qu'il est presque impossible
de l'y voir.
Le mâle et la femelle ne se quittent jamais, et cependant ils paraissent avoir
assez peu d'affection l'un pour l'autre. La femelle surtout montre une sorte de
férocité dans des circonstances où presque tous les animaux développent des
sentiments de tendresse que leur a dévolus la nature ; ainsi elle met bas trois
ou quatre petits, et assez ordinairement elle débute dans les soins maternels par
manger la tête d'un ou deux. Ce n'est que lorsqu'ils sont parvenus à saisir la ma-
melle, chose qu'ils cherchent à faire aussitôt qu'ils sont nés, qu'ils sont à peu
près sûrs de n'être pas dévorés. Dans la suite de leur éducation elle ne montre
guère plus de tendresse. Les petits se cramponnent sur son dos, et quand elle
consente les porter, ce n'est pas pour longtemps ; au moindre embarras qu'ils lui
causent, à la plus petite fatigue, elle se frotte le dos contre une branche ou un
tronc d'arbre, au risque de les écraser, les force ainsi à la lâcher, s'en débarrasse
et s'en va sans s'inquiéter davantage de ce qu'ils deviendront.
Heureusement pour eux que, s'ils ont une mauvaise mère, leur père se montre
beaucoup plus affectueux. En entendant leurs cris de détresse, il vient à leur
secours, les place sur son dos et les porte. De temps à autre il rejoint la femelle
et les lui présente pour qu'elle leur donne à teter, ce qu'elle fait presque toujours
en rechignant.
Dans la captivité, le titi, tout chéri qu'il est par nos daines, n'est guère plus
aimable. Si on en jugeait par ses grands yeux toujours en mouvement et par
la vivacité de ses regards, on croirait à sa pénétration, et l'on se tromperait,
car ce n'est <pie la défiance de la peur. 11 ne caresse jamais, et souvent même
OUISTITIS
(i5
ii«; se laissent pas caresser. Ils se (l(''lieiil de l»»iil le immde, de la main (|iii les
nourrit counne des autres, et les nior<lent indilléreunnent. S'ils sont peu sus-
ceptibles d'alïection, ils le sont heaucon[) de colère; la moindre contrariété les
irrite, et lorsfpi'ils sont eiïrayés, ils courent se cacher en poussant un petit cri
court et pénétrant.
Plusieurs fois ces petits quadrumanes ont produit à la ménai,^erie, mais jamais
on n'a pu les déterminer à élever leurs entants plus de ipiinze à vinj^t joins.
Passé ce terme, ils les laissaient mourir faute de soins et de nourriture. « Vers
les derniers temps de la vie d'un de ces petits, dit Fr. (luvier, lorsque son père
se trouvait fatigué de le porter, n'étant plus reçu par sa mère, il uKuitail jus-
qu'au haut de sa cage; arrive* là, et ne pouvant plus descendre, il jetait un cri de
détresse qui réveillait quelquefois la sollicitude de ses i)arents : alors ils allaient
à son secours; mais le |)lus souvent ils restaient sourds à ses plaintes, et le
jeune animal aurait été forcé de se laisser tomber, si ou n'avait pas eu soin de
prévenir sa chute en lui tendant une main secourable. » 3Ialgré tons ses défauts,
le titi est très à la mode chez les dames brésiliennes.
Le Mico {Jarch'ts argeninlus, Geoff. Simin
argciitala, Liy- hi'Miro, Buff —G. Cuv.) Son
petiige est d'un gris l)l;iiic argenté, quelquefois
tout l)ianc ; ses pieds et ses mains sont niugcs,
et sa l'ace, ainsi que ses oreilles, d'un rouge
verinillonné ; sa queue est d'un noir lirunàlre
ou blanche, non annelée Ce petit animal tialiite
le Para.
Le MÉLAMRE iJarchiis mfilan'inis, Gi^off \.
Il est brun en dessus et fauve en dessous, sa
queue est non annelée, d'un noir unifoirae. Il
semlile faire le passage des ouistilis aux tama-
rins. M. de Iluniboldt l'a trouvé au Bré.sil.
Le Porte - ci:«AiL {Jaichns humerriUfer,
Geoff.). Il est d'un brun chàtaio , avec les
épaules, la poitrine el les bras l)lanes: sa queue
est légèrement annelée de cendré. Il est du
Brésil.
I/OiisTiTi A l'ncEAux iJn) ihus iienicillatus,
Geoff. Hnimlf pcniiillahis. Vu Cuv.i. Sa taille
est celle du oui.sliti ordinaire; son pelage est
cendré; la poitiine les côtes du cou, la nuque,
le dessus des épaules, sont noirs; il a, sur la
cro!if)e et les côtés du dos, des bandes trans-
versales noires, grises et fauves ; sa léte est
noire, avec une tache l)lanche, en denii-luue,
sur le front; il a un pinceau de poils noirs,
très-long, devant les oreilles. .Sa qui ue, annelée
comme dans les espèces qiii suivent, est à an-
neaux blancs et noirs. 11 est du Brésil.
L'OiiEiLLAKO {JiKchns (iitnlits, (ïEOff.) est
noir, mêlé de brun; il a une tache blanche an
Iront, et de très-longs poils blancs couvrent lin
lérieur même des oreilles ; sa (pune est annelée
de noirâtre et de cendré. On le croit du Brésil.
L'Ouistiti a tète itLAxciiE {Jiitchus leinoci-
lilia'us, Geoff. .Simia Gn>f(i()t\\, IIlmb.) a le
pelage roux; la t.l et le poitrail bluncs; nu
hausse-col noir; de très-longs poils noirs de-
vant et derrière les oi-eiltes, et la (pieue annelée
de brun et de cendré. On le trouve au l'résit.
1.,'OuiSTiTi \ FKONT iiLANC {Jacthus olbifrinis,
Desm ). Il a le pelage noir, légèrement varie de
lilaMchàtre; tes poils sont blancs, à extrémité
noire; le front, les côtés du cou et la gorge
sont t)lancs , à poils très-courts ; la ftce est
noire: te tour des oreilles et l'occiput sont gai-
nis de poils très-noirs, longs et droits; les en-
virons de l'anus sont un peu ronssàlres; la
(|ucue est un peu plus longue que le corps,
brune, légèrement variée de blanc, un peu plus
foncée ;i son origine qu'à son extrémité. Il
est de l'Amérique méridionale, probablenieni
du Brésil.
2'('(',ENRE. LesTA»IAlU.\S(\.irffJS, Geoff.)
ont (|uatre incisives su|)érieures contiguës, tes
intermédiaires plus larges que les lat('rales ;
(juatre incisives inlérieines proclives, conlignës
et formées en bec de tlùte ; leurs canines son!
coni(iues, assez fortes, et se dirigeant de dedans
en dehors; leurs oreilles sont grandes, d'où
leur est venu leur nom scientiliciue; la saillie
que fait en avant le bord supérieur des orbites
rend leur front lrès-api)arent.
T.,e Tamahv {^^i(las nifimaniK, Gtovv. Jm -
rhii.s nt/imiiiiiis, Des.vi. Simin miilas, Lix. //«-
fiitlc iiilimnnns. Fit. Cuv. Le l'amanu. Bif.—
(j. (^iv. Lv jutil siiig' noir, Knvvv ) n'a guère
(pie sixponces de longueur (i>,t(î2), non compris
la (pieiie (pii esl deux lois plus longu(!. Il est
noir, avec la croupe variée de l)i'iiii onde gris;
ses mains et ses pieds sont d'un rouv jaunâtre
ou oi'ange. Il s'tiabitne aisément a la capliviti',
mais il n y vit pas longtemps.
(î() LFS QlJAlHiUMANKS.
(le joli [x'iil aiiimul liahito la Guyane et le Maragnou. Il esf vil', gai, capricieux,
irritable, et néanmoins il s'apprivoise aisément. Son intelligence est assez bor-
née, et, sous ce rapport, il le cèfle beaucoup aux sapajous. Il est sujet, quand on
le contrarie, à tomber dans des accès de colère, que son impuissance rend plus
risibles que dangereux, car ses mâcboires n'ont pas assez de force pour entamer
la ])eau. Sa complexioii est fort délicate, d'où il résulte ([uc si on le transporte
en l'Europe, il ne tarde pas à être tué par les influences du climat. Dans son pays
il vit d'insectes et de fruits. Même lorsqu'on est parvenu à le rendre tout à fait
familier, il ne faut pas compter sur son affection, car il n'en est pas capable, et
il n'est privé que par le seul effet de l'babitude. Il grimpe sur les arbres avec fa-
cilité, et ses mœurs, sa manière de vivre, rappellent beaucoup celles de l'écu-
reuil. Tout ce que nous en disons peut également s'appliquer aux autres espèces
du genre.
Le Tamabin Nkr.RF. ( Midas insiiliis, Ghoff. —
(r. Cuv. Hnpalc insiilns , Fr. Clv. Jarchiis
iirsuliis. Drsji. Saguiniis tirsula, Hoffm. ). Il a
l)caucou;i d'analogie avec te préc 'dent, miis il
s'en disliiin;Lie ;iisénient par ses mains coiistiuii-
menf noires. Sonpebpeesl noir, ondulé de rou\
vif sur le dos. On le trouve au Para. Il s'appri-
voise diffieiienient , est très-irritable, et mord
serre quand on le touehe
LeTAMvnn h\K\È{Mi'1as labia'ns, Geoff. —
IIiMn. ) habile le Brésil. Son pel ige est d'un
noir ronssàtre. ferrufjineux en dessous ; sa léle est
noire ; le bord des lèvres et le nez sont blancs.
Je pense avec Temminck, cpi'il faut rapporter
à cette espèce les midas nigriiolUs, fisiicollis,
et mijsta.r de S|)i\.
Le Tamarin a fho^t JAr>iE ( Midas rUnjsome-
Idt KvHL. Jarrhits cliriisomelas, DESM.)est noir,
avec le front et le dessus de la queue d'un jaune
doré ; les eûtes de la tète, la poitrine, les ge-
noux et l'avaut-bras sont d'un roux marron. Il
vit dans les grandes forêts du Para et du Brésil,
mais il y est rare.
LeTAMVRiiX DE ÎNelwih) ; .V/f/ffs ilinjsiinis,
Max. i»e Neiw. ) a le dessus du |)ieJ, l'a\aul-
bras, la main, le dessous de la queue dans
Il première moitié, d'un beau i-oux doié ; les
poils qui entourent la face et ceux de la gorge,
très-longs, d'un jaune dort' tirant plus ou moins
sur le roux ; ceux qui avoisineiit la conque de
l'oreille, ceux du coude et quel(iues-uns entie-
mêlés sur la poitrine, d'un l'oux m;irron ; tout
le reste du pelage est noir. Cette espèce, du Bré-
sil, fiiit-elle d;)ul)l(' ein;)loi avec leclirysomelas ?
Le Marikixa (Midas rosalia, Geoff. Jarchns
rnsnlin Desm. Ila;>alf rnsalia, Fr. Ccv. Si-
mia rosalia, Lw. Le Singe soyeux, Penn. Le
Singe lion et le Maiil;ina, Bcff. — G. Civ.). II
est d'un roux doré ou d'iui jaune clair un peu
plus doré «i la crinière, à la poitrine et .'^ur la
croupe, uu peu plus pâle sur le dos, les cuisses,
la bise de la queue et le ventre : ses poils, longs,
soyeux et très-fins, lui forment une belle cri-
nière, ce qui lui donne un peu l'apparence d'un
lion, m lis en miniature, car il n'a pas plus de
six pouces de longueur lO, 02; ; sa face est nue
et livide, ainsi que la peau de ses mains. Il est
du Brésil.
(le (pie nous avons dit des babiludes du tili et du tamary convient en grande
partie au marikina. Il est un peu plus robuste que le premier, et dans nos cli-
mats, si l'on a un soin minutieux de le garantir du froid et de l'immidité de
l'hiver, on peut le conserver pendant plusieurs années. Il est aussi un peu moins
indifférent aux caresses qu'on lui fait, et il paraît s'attacher jusqu'à un certain
point à ceux qui le nourrissent. Cette qualité, jointe à sa délicatesse et à sa beauté,
le font beaucoup rechercher par les riches créoles du Brésil, qui l'apprivoisent
aisément et lui prodiguent les soins les plus attentifs.
Le marikina habite les forêts et passe sa vie à sauter darbre en arbre. Comme,
dans l'esclavage, il est d'une propreté recherchée; on peut conclure, par induc-
tion, (pi'il se construit un nid à la manière des écureuils, qu'il y élève ses petits,
et s'y retire poiu" se reposer. 11 se nourrit d'insectes et de fruits doux, et il ne
oiisims. ()7
paraît pas qu'il soil carnassier cunime le titi. Il est (ieliiuil. ainsi iiiic lotis les èlres
faibles qui sont obligés de vivre au milieu des (lani^crs; mais sa piiidence ne le
sauve pas toujours de la cruelle serre de lOiseau de proie. S'il en apercoil un
planant dans les airs, aussitôt il pousse un silllement doux et prolonge, pour
avertir sa petite famille ; tous ses petits aussitôt se blottissent en tremblant dans la
feuillage et restent là sans mouvement, jus(|u'à ce que l'ennemi se soit retiré.
La couleur ronssàtre de leur pelage se confond assez avec le vert jaunâtre des
feuilles pour les dérober à l'a-il de l'oiseau de proie. Mais ils n'échappent pas
aussi aisément à d'autres ennemis. Le yagouaroundi, le colocolla, le margay, et
d'autres espèces de chats, leur font une guerre incessante et vont les saisir la
nuit, pendant leur sommeil, jusque sur le plus haut sommet des arbres.
Dans la servitude, le mariUina se nourrit assez bien avec du lait, du biscuit,
des fruits sucrés et des sauterelles; mais s'il est seul de son espèce, il est sujet à
prendre de l'ennui, et dansée cas il tombe malade et meurt dans le marasme. Si
on veut assurer sa conservation, il faut donc, quand cela est i)ossible, le réunir
à un ou plusieurs individus de son espèce. Le marikina qui a vécu à la ménagerie
était excessivement timide et se cachait dés qu'il avait la moindre in(piiélude. Il
aimait à recevoir des caresses, mais il n'en rendait point. 11 fuyait avec dé-
fiance les personnes qui lui «'laient étrangères, et juènie il les menaçai! «le ses
faibles dents.
Le PiNCUE ou Titi de Cautiiagène {Midas ie,:24 i), non counnis la queue. 11 t-sl d'un brun
œdipus, Geoff. liai. aie wdipns. Fr. Clv. Joe- plus ou moins fauve en dessus, et blanc eu des-
rliiis œdipus, Des:>i. Sim'ia œdipiis, Liy. Le sous, à poils sou'ux ; il a sin- la (de une loujine
petit shige du Mexique. Rhiss. Le /)i^lr/l^ Bi ff. chevelure blanche qui lui reloiuiie sur le cou ; sa
— G. Cl V ). 11 est un peu plus ^rand que les face, et foules ses parties nues, soiil d'iiu noir
précédents, et alteiiit neuf pouces de longueur de suie II iiabite les loréts retirées.
Le pinche est un animal méchant, atrabilaire, (|ui dort tout le jour dans les
forêts de Cayenne et des environs de Carthagène. Il se réveille avec le crépuscule
du soir, et déploie pendant la nuit toute son activité. Il chasse alors aux insectes,
et il cherche les fruits dont il se nourrit. Son caractère farouche, intraitable, ne
se plie jamais à la domesticité, et si on veut le garder vivant, il faut le renfermer
dans une cage, dont il occupe le coin le plus obscur depuis le matin jusqu'au
soir. D'ailleurs, il est fort délicat et ne vit pas longtemps en captivité; ce n'est
qu'avec beaucoup de peines et de soins qu'on est parvenu quel<iuefois à en con-
server de vivants pendant la traversée d'Amérique en Europe. » Il est si glorieux,
dit l'ancien voyageur Jean de Lery, ([ue pour i)eu de fâcherie (iiion lui fas.se, il
se laisse mourir de dépit. »
Le Leoncito ( Midas leoninus, Geoff. Juv- In-avecla queue uoiiàlreeudessu.-.biuneendes-
chus leoninus, Uesm. Simia leoniua. le l.con- sous ; il porte sur la (ete et leçon une longue cri-
cito ou le petit Lion, lli y\tt.\ est d'un brun oli\ à- niére bi-iine; sa face est noire et va bouche blanche.
C'est dans les plaines à lest des Cordilliéres, dans les forêts (jui ombiagent
les rives du Putumayo et du Caqueta, enfin dans les parties les plus tempérées
de ces vastes contrées, que l'on trouve cet animal, plus petit que le pinche, et
(iS LKS ULAIHaMÂNES.
(loiil lii loiiyiHMir. la (iiiciil' comprise, ne dépasse pas seize pouces ;0,455j. Il esi
Irès-vii; trés-irascible, et, «lu reste, a les mêmes habitudes que les autres espèces
de sou f^enre.
Le T4MAHii\ Alix FESSES DOUEES [Miilus ihiipu loiiguc ciiuière noire qui tonil)e de In tête jiis-
l)igiis. —JiKcIvis (hnjsopig'is, Muik. ) est noir, que sur les l)ras, et sa queue forme | lus de 1 1
avec les fesses et la partie intei-ne des cuisses moitié de sa longueur totale. Il habite la c>\n-
dun jaune doré, et le front jaunâtre ; il a une taiuerie de Saint-Paul, au Brésil.
{'a' joli petit auimal a une vie tout à lait nocturue, et ne sort de son lit de
mousse, cpi'il sait se faire dans les troncs d'arlires creusés par le temps, que
lorsque le crépuscule est descendu sur les forêts qu'il habite. 11 est assez doux,
mais sa mélancolie naturelle et son amour pour la vie solitaire le rendent très-
difficile à conserver dans l'esclavage. Sa chaîne lui pèse sur le cœur, et bientôt
le chagrin le fait mourir, mais lentement, et jamais dans des accès de fureur
auxquels la plupart des animaux de son genre sont sujets. Il est plus frugivore
que Carnivore, et si parfois il se détermine à attaquer quelques petits oiseaux,
il faut qu'il y soit poussé par une faim extrême; encore, dans ce cas, doune-
l-il la préférence aux papillons de nuit et autres insectes dont il peut facile-
ment s'emparer. Quoiqu'il soit assez commun dans certaines forêts du Brésil,
les chassent s, néanmoins, 1(> rencontrent fort rarement; cela vient de ce qu'if
dort toute la journée dans son nid, et qu'il n'en sort que la nuit pour se
mettre en quête de sa nourriture. Le mâle vit habituellement avec la femelle,
et paraît avoir pour elle beaucoup de tendresse; une personne (pii a eu plu-
sieurs fois roccasioii de l'étudier dans ses bois, m'a dit ipi'il partageait avec
elle les soins donnés à sa naissante pitsierilé.
^^ ^S^"^
CHASSE AU SINGE.
PàVSAdKDK LAMKItlOUE 1)1 SUI>.
( .lu ni I M .!.■- PU 1. 1.- . )
MAKIS.
(!!>
I,. IVIiiUi
Li;S MAKIS.
(;<-,s ;iniiii;iii\ loni !<• |)iissiiuc ii.itiirH des -.Mi" CrMii:. I.i's MAKIS ( rr?»ii(i. I.i\. I uni
(liiiulrnmiiiics aux iiiilicsiiiiiimnilVMcs: Iciii- rmi- lrciilc-«lcn\ dcnls ; (|iialn' incisives siipcriciin-s,
seau rappelle plus celui du cliieii ipie la finiire el si\ iiirerieiin's en avani . les deux canines sii-
hnniaine ; leurs narines sont silnees iui honi dn peiienies cntiseni li's inféiienees en avanI ; ils
mnsean. comme celles des chiens; les exlirnii- oui six molaires. Leur innsean est etiilé comme
les posicrieines soni i)lns lonnnes (|ne les aillé- cvliii dnn renard ; leur tpiene est IWs-lonniie ;
lieures; ils ont Ions les oncles plais, exceple I • poil esl <lonx <•! laineux ; leurs niainelles, an
celui du premier doif^l des pieds de derrière. noml<re de deux, sont pincées sur la poilrme.
(pii est relevé el lrès-ai«ii ; leMiiimelles placées l'oiis sonI <le Madagascar. Ces aiiimanx aimeni
SIM- la poitrine ; leur <piene - man.piani (piel.pie- la clialetir. même dans I • pays. Ils marclienl
loisi esl l(.n|onrs làcli.' el non pren::nle en relevaiil leur longue ipuMie en panaclie.
\x M.VKI KOIUIK \\x\nnr nilhr, l>i lu.^. - CiKni-v. I.e l)litl,i roux, l'ii. Ciiv.).
CcIm'I ;iiiiiii;ilcsl(l'iiiir -iniitle liiillr. irliili\eiiM'iil ;i ses coiif^nieres. Il n'.i pas
mniiiS(lc(|ii:ilorze ponces de l(.ii-iieiir (»,r,7'.» <lr|.iiis le ImiiiI d iscaii .iiis<|iia
r(»rif>iiie(lc l.i<|iieiie. Il est d'iiii r..ii\ m.irn.ii viT. avec la lèle, les .|iialn' mains,
l:i ,,u,.,ie cl le \<'llliv liniis: il |...ile une ioiille de puils n.il\ a clia.l .reille, el
une laclie lilan* lie sur la iiinpie.
Celle esiM-ce Iciliite les 1m. is des enviions de Taiiialava, dans l'ile de Madaj;as-
,.;„., ,.| pnd.al.lenienl dans .|n(d(iMes aiilres parties de re sini-nlier pays, on les
lllidtis, ass.'/ nond.renx en espèces , senil.lenl .nmi ele plaeev pom reinpIac.T
70 LKS QUADRUMANES.
les singes qu'on n'y trouve pas. Le maki rouge est doué d'une grande agilité,
comme tous ses congénères, mais il est d'un naturel triste et dormeur. Retiré
dans le trou d'une vieille souche, sur un lit de feuilles sèches ou de mousse que la
nature seule lui a préparé, il passe la plus grande partie de son temps à dormir
couché en rond et la tête entre ses jambes. Ce n'est que lorsque la faim le talonne
qu'il se réveille et sort de sa retraite. Alors il déploie toute son adresse, toute
son agilité, pour parcourir la forêt, tantôt en s'élançant d'un arbre à un autre,
tantôt en se glissant à travers les broussailles et marchant d'un pas léger sur la
terre, à la manière des renards. Sa nourriture ordinaire consiste en fruits sau-
vages; mais il cherche aussi les nids d'oiseaux pour en manger les œufs, et il ne
dédaigne pas non plus les insectes quand il ne trouve rien de mieux.
Ses mœurs sont douces et indolentes; aussi s'accoutume-t-il assez bien a la
captivité, et il s'apprivoise avec facilité. Mais il n'est jamais très-affectueux, et
dans son esclavage il ne paraît avoir que deux passions, à la vérité bien innocentes,
celle de manger et celle de dormir. Si on le trouble dons son repos, sa paresse
ne lui permet pas de se mettre trop en colère; il se berne à ouvrir les yeux, à
pousser un petit grognement, puis il se remet à dormir. Il est assez robuste ef
supporte bien les rigueurs de notre climat, pourvu qu'on le tienne dans une
chambre à feu.
LeVAiu (Lcmvr maiaro, ^l^. Le \itri, Buff. ("galciiieul, et elles varient de place d'individu à
—G. Cdv. ) est, iivec le précédent, une des plus individu; la téteesl blanche dans les mâles, noire
grandes espèces du genre. Ses couleurs sont le dans les femelles. Il a vingt pouces (O,"' 42) de
noir et le blanc, mais elles ne sont pas distribuées longueur.
Les naturalistes s'accordent assez à dire que cet animal est fort doux. En ellel,
dans l'esclavage, il semble avoir assez de douceur, mais sans cependant montrer
beaucoup d'affection à ceux qui le soignent. Si son museau pointu, ses grands
yeux assez expressifs quand il a un désir, n'annoncent pas une grande méchan-
ceté, ils ne dénotent pas non plus beaucoup d'intelligence. Quelques individus
même aiment assez à recevoir et à rendre des caresses : mais tout cela prouve-t-il
que ces animaux conservent un caractère pacifique quand ils vivent libres et à
l'état de nature? C'est ce que je ne crois pas, et je puis citer un fait à l'appui de
mon opinion.
A la ménagerie, un vari vivait avec un mongous, dans la même cage. Ces deux
animaux ne paraissaient pas se soucier Iteaucoup l'un de l'autre, mais du moins,
s'ils ne vivaient pas en parfaite intelligence, ils ne cherchaient pas à se nuire et
ne se battaient pas. On les plaça dans une cage plus grande, «t on les transporta
dans un autre local. Le lendemain matin, on trouva le mongous tué : le vari
l'avait mis en lambeaux. D'ailleurs, ce fait se trouve assez en harmonie avec ce
que dit le voyageur Duret, que les varis sont d'un naturel farouche et cruel comme
celui du tigre.
Quoi qu'il en soit, l'impératrice Joséphine a eu pendant plusieurs années des
varis qui ont parfaitement vécu dans sa ménagerie de la Malmaison. Ils y ont
même fait des petits qui sont nés les yeux ouverts, comme les petits des
ouistitis.
MAKIS
71
Le Mococo i l.emur mttti, Lin. Le Mococo,
Bi l'K.— G. et Fr. Civ.) Son pelage est d'un beau
gris en dessus, teinté de roux sur le dos et les
épaules ; le sommet de la tète, le dessus et les côtés
du cou, le tour des yeux et le bout du museau
sont noirs ; tout le dessous est blanc, et la queue
est annelée de blanc et de noir. De tous les
makis, le mococo est celui qui montre le plus
d'inlelligenceet de douceur. 11 s'apprivoise très-
bien et prend pour son maître une assez vive
affrcliou. Parmi les mammifères, il en est peu
qui léunissent, à des formes plus éléfrnntes, des
habitudes plus douces et un caraclère plus con-
Tiant
Le l\[o>GOus [Lcmur mongns, Lin. Le mon-
gois, Blff. — G. Civ >'jn Fit. Civ.l.ll est tout
l)run, avec le visape et les mains noii-s, selon
G. Cuvier. Selon M. Lesson, il serait d'un gris
jaunâtre en dessus, blanc en dessous, et il au-
lait le tour des \eux et le cUanfrein noirs. Ed-
wards dit que le dessus du corps est d'un brun
foncé. Tout ceci prouve (]ue cette espèce mal
déterminée a été confondue avec d'autres, si
réellement elle existe M Fr. Cuvier est encore
veiui augmenter la confusion en donnani le
nom de lemiir mnngnis, au temur (ollaris de
Geolfroj .
Le Maki a fraisk ( t.rviur rollaris, Geoff
Lrmin- vwngmis, Fn. Cuv ). Il est d'ini brun
roux en dessus, fauve en dessous; une fraise de
poils d'un roux doré entoure la face qui est
d'im plombe violàlre. Ces animaux sont timi-
des, inoffensifs et fort peu intelligents. Ils s'ap-
privoisent quelquefois assez bien pour veiiir
(piand on les appelle, mais ils ne s'attachent
jamais.
Le Maki u'Anjohan {l.emiir lloissardii,—iwn
le jua/.i (l'fn}jniin)t, Vjf.OFF.) diffère du précédent
par son ciàne plus ('levé, sou museau moins
long, blanc en devant ; |)ar sa fraise d'un roux
sale; en!in par son pelage d un gris jaunâtre
en dessus, d'un jaune sale en dessous, et d'un
gris blanc sur la poitrine. 11 habite Anjuan.
à Madagascar.
Le Maki noir [Uvtiir nigcr, Geoff. LeMan-
cnro noir, Edvva.). 11 est entièrement noii', et de
la grandeur d'un chat domestique; il est remar-
quable par les longs poils qui revêtent son cou.
On le trouve à Madagascar.
Le Maki brln ( Lcmiir fulcits, Gfoff. Le
grnud Mougmis,hvvv.\ Son pelage est gris en
dessus, brun en dessous ; il a le chanfrein bus-
qué et tros-élcvé.
Le Maki roi x {Lemur niftis, Dk.s^i. Gbori-.)
est d'un roux doré en dessus : d'un blanc jau-
nâtre en dessous ; à l'exception du front, il a le
lonr de la tète blanc, une bande noire s'étend
de la face à roccii)ut.
Le Maki Ar\ pikos blancs [Lcmnr (tlbinnnuis,
Gkoff.) est d'un gris brun en dessus, roussàtre
en dessous, avec la poitrine et les mains blan-
ches , les poils des côtés du cou sont d'un roiu
cannelle.
Le Ghiset (LfXiur cincrciis, Lëss. Limiir gri-
.s^-i/.s-, Geoff. Le jjftit A/aAi, Buff. Legri.sct, Ac-
DEii.; est d'un blanc sale en dessons; le dos, le
dessus de la tète et des membres sont d'un gris
un peu glacé de fauve ; les joues sont d'un gi-is
uniforme, moins foncé que le gris du front.
Le Maki à friint blaînc. ( Lemnr albifrons,
Geoff. La femelle est le Malà d' Ai^jouan de
(iEOFF. et le Mal;i a:ix pieds [ances de Briss. ).
Il est (i'im gris roux ou d'un brun marron
doré, en dessus; d'un brun gris oliv.itre en
dessous; les deux deiniers tiers de la queue
sont noirs ; la face elles quatre mains sont d'un
noir violàtre; la (jarlie antérieure de la tète, le
côté des joues et le dessons de la mâchoire infé-
rieure sont blancs dans le mâle, d'un gris fonce
dans la femelle
Dos animaux de cette espèce ont fait des petits à la ménagerie. La femelle a
porté environ quatre mois, et fit un petit de son sexe, qui naquit les jeux ou-
verts. « Dès le moment où ce jeune maki fut au monde, dit Fr. Cuvier, il s'at-
tacha à sa mère avec ses quatre pattes, en travers du ventre, au-dessus des
cuisses, qu'elle reployait contre elle-même comme pour le cacher; et lorsqu il
voulait teter, il allongeait son cou pour aller chercher la mamelle (pii est sous
l'aisselle. Outre qu'il s'enfonçait dans le pelage de sa mère, celle-ci présentait
toujours le dos aux personnes ijui la regardaient, quelque familiarisée qu'elle
fût avec elles, et ce n'a été qu'après plusieurs semaines qu'on a pu l'observer
exactement. A sa naissance, il était de la grosseur d'un petit rat. Cette femelle,
avant la naissance de son petit, était extrêmement douce et familière : on ne
s'approchait point d'elle qu'elle ne vînt aussitôt chercher des caresses et lécher
les mains. Mais dès cpie son petit fut né, elle devint défiante, s'éloigna de tout
le monde, et même elle menaçait dès ipi'on l'approchait. Celle défiance s'est
7-2 IJ:S UIIADIUJMANES.
arfaiblie par (If j;rés, el sa pn'iiiiciT raniiiiarilé a i'0[»aiii lorsque ses soins sont
devenus moins nécessaires à son petit, c'est-à-dire vers le troisième mois. Jus-
que-là ces animaux ne s'étaient point séparés, ou si le petit se hasardait à se
détacher de sa mère, au moindre bruit il retournait se cacher entre son ventre
et ses cuisses. » La mère l'a allaité pendant six mois.
Des observations faites à la ménagerie sur ces animaux, il est résulté la con-
naissance d'un fait extrêmement imporlant pour l'histoire du genre : c'est que
le mâle et la femelle peuvent différer de couleur au point de ne pas se ressem-
bler du tout, ce qui doit nécessairement avoir induit les naturalistes en erreur.
En effet, dans cette espèce, toutes les parties qui sont d'un brun marron doré
dans le mâle sont d'un fauve plus ou moins jaunâtre dans la femelle, et tout ce
qui chez celle-ci est d'un gris foncé est blanc dans le premier. Comme il n'y a
pas de raison pour croire que ce maki fasse une exception, on doit présumer
que les naturalistes ont souvent fait confusion ou double emploi, et qu'ils ont
donné des noms différents à des mâles et à des femelles de la même espèce. Si
cette observation est juste, il faudra |)robablement réduire à sept ou huit le
nombre de makis qu'ont décrits les auteurs, et ce sera encore beaucoup si l'on
considère que ces animaux ne se trouvent que sur un seul point du globe, et
même dans un espace conqjarativement assez borné, l'île de Madagascar.
(. Les makis vivent en troupe, dit Geoffroy Saint-Hilaire; ils prennent leur
nourriture indifféremment avec la bouche ou avec la main : ils lapent en bu-
vant, à la mani !re des chiens. Revenant dans les mêmes lieux, ils se plaisent
a répéter les mê nés allures et les mêmes mouvements. L'un de ces mouvements,
qu'ils reproduisent comme divertissement, consiste à s'élever perpendiculaire-
ment le long d'un mur ou d'un arbre : ils mettent une sorte d'amour-propre
à s'élever; et si quelques accidents les en ont empêchés, ils en montrent une
sorte de dépit, et ils s'y prennent avec tant de calcul, qu'ils se satisfont le mo-
ment d'après par un saut de la plus grande hauteur. Abandonnés en liberté
dans les maisons, ils choisissent un certain emplacement pour s'y livrer au
repos, et c'est toujours l'encoignure du meuble le plus élevé et le plus retiré
de l'appartement. »
is^.V ^^ /
MAKIS.
73
Lr MaUi à Iront
Le MAKI A FRONT NOIR {Lemur nigrïfrom, Gkoff. — Fn. Cuv. S'wùa sc'ninis,
Petiver. Lemur shnia schirus, Schreb.).
Cet animal a le pelage cendré en dessus vers les parties antérieures du corps,
et dun gris roux sur les parties postérieures; le dessous est roux; il a uit ban-
deau noir sur le front. Il diffère principalement du maki à fraise par ses favoris
qui sont gris au lieu d'être roux.
En faisant l'histoire de ce maki nous complétons celle de tous les autres ani-
maux de son genre, car, sauf un peu plus ou un peu moins de méchanceté ou de
douceur, ils ont à peu de chose prés les mêmes instincts et les mêmes habitudes.
Le maki à front noir vit solitaire, par exception, en compagnie de sa femelle
seule; il habite les parties les plus retirées des forêts de Madagascar. C'est un
animal crépusculaire qui passe la journée à dormir couché en boule, sa grosse
queue passée entre ses jambes de derrière et ramenée de manière à s'enrouler
autour de son cou. Il attend dans cette attitude que le soleil soit couché pour se
mettre en quête de ses aliments. Il marche très-difficilement sur la terre; mais
dés qu'il approche d'un arbre dont les branches ne sont qu'à douze ou quinze
pieds d'élévation l'i à 5 mètres\ d'un bond prodigieux, et cependant sans effort,
il s'élance dessus. Rarement il se donne la peine de monter autrement, à moins
que les branches de l'arbre ne se trouvent à une hauteur extraordinaire, à la-
quelle il ne peut atteindre. Dans ce cas, il s'élance au tronc, et ce premier
bond le porte tout d'un coup à douze ou quinze pieds de hauteur ,^ à 5 métrés).
On ne reconnaît plus alors l'animal paresseux et somnolent, car il déploie une
telle vivacité, que les yeux ont peine à le suivre, tant est grande la rapidité
avec laquelle il saute de branche t'n branche en jouant avec sa femelle, qui ne le
quitte guère.
74 LES QUADRUMANES.
Ces deux animaux ont de la tendresse l'un pour l'autre, et se la témoignent
d'une manière assez singulière : pendant le jour, ils dorment en se tenant
pressés dans les bras l'un de l'autre. Lorsqu'ils sont éveillés, ils se grattent
mutuellement les oreilles en enfonçant dans la conque cet ongle unique qu'ils
ont à l'index de la main de derrière ; ils se nettoient et se lissent le poil en se
léchant, et en se servant de leurs incisives inférieures qui sont longues, cou-
chées en avant, et simulent une sorte de peigne. Elles ne sont propres qu'à cet
usage, et leur forme, comme leur position, les rend tout à fait inutiles pour la
mastication ; ils ne peuvent pas même s'en servir pour mordre ou retenir
une proie.
Cette habitude, qu'ils ne doivent qu'au désir d'entretenir sur eux une extrême
propreté, est cause que, lorsqu'ils vivent en esclavage et qu'ils lèchent la main
de leur maître, ils ne manquent jamais de lui frotter doucement la peau avec
ces petites dents, et c'est la plus grande marque de contentement et d'amitié
qu'ils puissent lui donner. De là, de mauvais observateurs ont conclu qu'ils
avaient la langue rude et épineuse comme les chats, et cette erreur s'est géné-
ralement répandue, parce que Buffon l'a consacrée.
Lorsque deux makis se caressent comme nous venons de le dire, si un autre
couple rôdeur vient les déranger, la guerre est aussitôt déclarée et commencée.
Ce qu'il y a de particulier, c'est que les deux femelles y prennent une part
active, et montrent même plus d'acharnement et de fureur que leurs mâles. Tous
à la fois poussent des cris sur un ton assez grave, mais très- fort, ce qui produit
un bruit étourdissant ; ils se saisissent corps à corps, se mordent, et s'arra-
chent des poignées de poils avec les mains. Le combat ne finit que par lassitude ;
alors ils se séparent, et chaque couple se retire dans un lieu écarté pour
remettre de l'ordre dans sa toilette, en se lissant mutuellement leurs poils
ébouriffés.
Si tous les makis sont d'habiles grimpeurs, s'ils surpassent même les singes
les plus lestes dans l'agilité qu'ils mettent à parcourir en un clin d'ceil toutes
les branches d'un arbre, c'est qu'ils le doivent à une organisation particulière.
Chez eux, la paume de la main se continue par une ligne droite cachée sous les
poils, jusqu'au milieu du bras, de sorte que lorsque ce dernier est étendu, les
doigts se ferment nécessairement , et l'animal ne peut plus les ouvrir sans faire
un grand effort ou recourber son bras. Ceci fait comprendre la facilité avec
laquelle il se suspend aux branches et peut rester pendu par une seule main
pendant fort longtemps. Il lui arrive quelquefois de faire son repas tout entier
en restant dans cette position singulière, tandis qu'avec l'autre main il cueille
et porte à sa bouche les fruits dont il se nourrit.
Dans la captivité, le maki à front noir ne diffère en rien des autres. Il n'est
pas méchant, cependant il se met assez facilement en colère si on le con-
trarie, et alors il jette un cri aigre interrompu, mais se succédant avec rapidité.
Lorsqu'on le caresse, il fait entendre un petit son roulant et sourd, absolument
comme celui d'un chat lorsqu'on lui passe la main sur le dos. On le nourrit
comme les autres espèces, c'est-à-dire avec du lait, du pain, des fruits et des
racines cuites. Si on le tient dans un lieu chauffé })endant l'hiver, il vit fort
longtemps dans nos climats.
MAKIS.
75
2o' Ge?«iie Les INDRIS ^ Indris , Lacep. )
ont tiente-deux deuts : qimtre incisives à cha-
que mâchoire, les inférieures couchées en
avant; cinq molaires de ch;ique côté aux deux
mâchoires ; la tète triangulaire et longue ; le
poil laineux ; la queue ou très-courte, ou très-
longue.
L'nDiii A yLEUE cinjiiTE ( Inh'is breiicauda-
lus, Geoff. Lcmnr imlri, Son.>. Indiis ater,
Lacep.) est noirâtre, avec la face grise et le
derrière blanc; sa queue est très-courte, à
peine longue de deux pouces (0,054 . t'.omme
ses congénères, il a 1 a facullé de marcher
debout •
Cet animal, qui habite sur les arbres à Madagascar, a jusqu'à trois pieds
de haut , 0,973 i. Il se plaît dans les solitudes boisées, où il se nourrit de fruits
et de racines. Sa voix ressemble à celle d'un enfant qui pleure ; il a de l'intelli-
gence; son caractère est très-doux; aussi les Malgaches l'apprivoisent-ils aisé-
ment, et alors il prend un peu les habitudes d'un chien, sans jamais pouvoir ac-
quérir son intelligence. Il reconnaît et aime son maître ; il le suit, le caresse en
lui léchant les mains, et lui témoigne sa joie lorsqu'il le retrouve après une
courte absence. On le dresse à la chasse, et il poursuit le gibier sur les arbres,
l'attaque, le prend et le donne d'autant plus volontiers au chassetu', que jamais'
il n'y touche pour son propre compte.
L'Indki a longue QUEtE { I iidiis lovgicauda-
tus, Geotf. Lcmnr lanig^r, Gml. Le Maki
fauve. Bi FF. Le Maki à bonne. Sonner \t ].
Il habite Madagascar. Son pelatze est fauve,
très-laineux; il a une queue fort longue. Ses
habitudes sont inconnues. Il est beaucoup plus
petit (|ue le précédent.
2(i'= Ge\ke. Les LORIS [Loris, Geoff ) ont
trente-six dents : quatre incisives à la mâchoire
supérieure, et six à l'inférieure : celles-ci sont
couchées en avant ; leur tète est ronde, et leurs
yeux très-grands. Ils manquent de queue et ont
les membres très-gréles, avec le tibia ou os de la
jambe plus long que l'os de la cuisse ou fémur ;
ils ont quatre mamelons, mais provenant tle
deux glandes manmiaires seulement; leurs
oreilles sont courtes et velues.
Le Loris ( Loris grnviUs, Geoff. Lemnr gra-
cilis, G. Cuv. Tardigradns, Seba. Le Loris
Blff. Le Loris grêle, G. Clv. — Variété : Lo-
ris ceijlonirns Fisca.) a le pelage roussàtre ou
d'un gris fauve, sans raie brune sur le dos;
son poil est très-fin et très-doux. Son nez est un
peu relevé par une saillie des interraaxillaires,
et il a une lâche blanche sur le front. On le
trouve à l'ile de Ceylan.
Cet animal, d'une lenteur excessive, a les habitudes nocturnes et ne voit bien
les objets que la nuit. Il dort tout le jour, et ne sort de sa retraite que le soir,
pour faire la chasse aux insectes, aux oiseaux et aux souris, dont il se nourrit.
Il aime beaucoup les œufs, et quelquefois il mange des fruits quand il ne trouve
rien autre chose. Son caractère est silencieux et mélancolique.
--•■■4^/
î
7(>
MvS QUADIUMANES.
rc-.*^"^
27' Gemik. Les XYCTICEBES ( ^^Jclicebll.'!,
(tfoff.) n'ont quelquefois que Irenle-qiiatre
dents, parce qu'il leur manque «ssez souvent
deux incisives à la mâchoire supérieure Leur
tcte est ronde et leur museau court ; ils ont les
yeux très-grands, les oreilles courtes et velues,
les membres forts et robustes, et la queue plus
on moins comte. Tous sont des Indes orien-
tales et ont les mêmes mœurs.
Le ÎS'ïCTicfcnE de Java (IStjrtirebiis jai aniais.
Geoff — Des>i. ) n'a que deux incisives supé-
rieures ; il est roux, avec une ligne sur le dos
[lus foncée; son museau est étroit et sa queue
courte. Il habite Java.
[,e ?HïCTicÈBE DE CEïLA'v (SycHrebi'S iei\lon\-
nis, Geoff. Cerrnpithenis zeiloninis seii iardi-
gradiis major, Seba. ) n'est connu que par une
ligure que nous a laissée Seba. Il est d'un brun
uoiràtre avec le dos entièrement noir. Son
nom indique son pays.
Le POUCAN {Nyclicebus bengalensîs, Geoff. Stenops tardigradiis, Fr. Cuvifr.
Lemur tardigradus, Linn. Le paresseux pentadactyle du Bengale, Vosm. Le Loris
du Beng(de, Buff. Le Loris paresseux, G. Cuv. Le l\mcau, Fr. Cuv.
Le poiican a environ un pied de longueur (0,525) et ciii({ pouces de hauteur
(0,1 Ô5), mesurés depuis la terre jusque sur les épaules. Il marche les jambes
écartées et le ventre traînant presque à terre, comme s'il n'avait pas la force de
se soutenir. Il est roux ou d'un gris fauve en dessus, blanchâtre en dessous.
Une ligne d'un brun doré s'étend sur le dos, sur le sommet de la tète et autour
des yeux; une tache blanche naît sur le front, se prolonge entre les yeux, et
vient embrasser les deux côtés du museau.
Cet animal extraordinaire est revêtu d'un poil laineux très-épais et très-doux,
comme celui des makis. Sa queue est très-courte ; il a quatre incisives supé-
rieures, et ses yeux, grands et nocturnes, ont la pupille allongée horizontalement
et très-dilatable, ce qui lui permet de voir la nuit. Il est d'une extrême len-
teur; sa démarche a quelque chose de contraint comme celle des vrais pares-
MAKIS. 77
seux. Ainsi que ces derniers, il marche Irés-lentemenl, el lorsiju'il paraît se
liàter, il parcourt à peine quatre toises dans une minute. Ce qu'il y a de plus
singulier encore, c'est qu'il ressemble aux paresseux, non-seulement par cette
excessive lenteur, mais encore par la ramification de la base des artères des
membres.
C'est dans les forêts du Bengale que l'on trouve le poucan. Le jour, enfoncé
dans sa retraite, il dort d'un sommeil très-léger, assis sur le derrière, le corps
affaissé et la tète reposant sur sa poitrine. Quand les derniers rayons du soleil
(uit fait place au crépuscule, il se réveille, remplit les fonctions de l'animalité,
infectant les lieux d'alentour par sa puanteur. Il se met ensuite à chasser,
en se glissant furtivement le long des ])ranches d'arbres pour surprendre
les oiseaux dormant sous le feuillage. Malgré l'obscurité de la nuit, ses larges
pupilles lui permettent de les apercevoir de fort loin. Alors il s'arrête, consi-
dère un instant sa proie et prend toutes ses mesures pour ne la i)as manquer;
puis, d'un pas allongé, il avance silencieusement, avec circonspection, sans faire
le moindre bruit; il s'en approche ainsi doucement, jusqu'à ce qu'il en soit assez
prés. Ensuite il change d'allure, se dresse sur les pieds de derrière, continue à
marcher, et tend les bras devant lui pour n'avoir qu'à se précipiter en avant et
saisir l'animal si quelque bruit le réveille. Quand il en est à portée, il s'en empare
avec une promptitude, une rapidité, qui n'est point du tout en rapport avec sa
lenteur ordinaire. Il étrangle l'oiseau avec tant de prestesse, qu'il ne lui laisse
pas même le temps de crier, et le mange ensuite avec beaucoup de tranquillité.
S'il découvre un nid, c'est la circonstance la plus heureuse qui puisse lui arri-
ver à la chasse, car les œufs d'oiseaux sont la nourriture qu'il préfère à tout
autre. Néanmoins, s'il peut surprendre la mère, les choses n'en vont que mieux
pour lui ; il la mange d'abord, et les œufs on les petits passent après.
Mais sa chasse n'est pas toujours heureuse; car, ayant une vie sédentaire, il a
bientôt détruit les oiseaux d'alentour; alors, il se contente d'insectes, ou même
de fruits sauvages; puis il finit par quitter le canton et par se mettre pénible-
ment en voyage pour chercher une autre localité.
Les ivrognes devraient prendre cet animal pour leur symbole, car il a une
véritable horreur de l'eau. Non-seulement il n'en boit jamais, mais il suffit d'y
tremper l'aliment qu'il aime le mieux, pour le lui faire rejeter avec la plus grande
répugnance. Dans la servitude il est assez doux, s'apprivoise aisément, et semble
même susceptible d'une certaine éducation, car il suffit de quelques légères cor-
rections pour l'empêcher de mordre, et il s'attache vivement à son maître. Si on
l'irrite, il crie d'une manière plaintive en traînant fort longtemps sur les sons aï,
aï, aï, et c'est encore une ressemblance de plus qu'il a avec les vrais paresseux.
« Cet animal, dit d'Obsonville qui le nomme thévangues ou thongre , fait
quelquefois entendre une sorte de modulation de voix ou de sifflement assez
doux. Je pouvais facilement distinguer les cris du besoin, du plaisir, de la dou-
leur et même celui du chagrin ou de l'impatience. Si, par exemple, j'essayais de
lui retirer sa proie, ses regards paraissaient altérés; il poussait une sorte
d'inspiration de voix tremblante et dont le son était plus aigre. Aux approches
de la nuit il se réveillait, se frottait les yeux; ensuite, en portant attentivement
ses regards de tous côtés, il se promenait sur les meubles ou plutôt sur des cordes
78 LES QUADUUMÂNKS.
((lie j'avais disposées à cet effet. Un peu de laitage et quelques fruits l)ien fuu-
tlantsne lui déplaisaient pas, mais c'était un pis aller : il n'était friand que de
petits oiseaux et d'insectes. »
28'^Genbe. Les MYSPITHEQUKS [ Mijspi- Le Mïspithèc>le TwniMijspilhenis tiipus, Fii.
thecus, Fr. Clv. j ont trenle-six dents : quatre Cuv. Le MaM nain, du m nie. Est-ce le Chnro-
incisives placées à côté l'une de l'autre à la ma- galeits major, Geoff.? — Chcirogalens Milii.
choire supérieure, dont les intermédiaires Ion- Geoff.). 11 a neuf pouces (0,2o:i) à pm tir de l'oc
gués et les latérales fort courtes; six à la nià- ciput à l'oiigine de la queue : tout sou corps, e\-
choire inférieure, couchées eâ avant. Ils ont tous ceplé l'extrémité de ses membres, est couvert
les ongles plats, excepté le second doigt des pieds d'un poil épais et soyeux, d'im gris fauve uni -
de derrière qui porte uo ongle long et crochu ; |',»riiie en dessus, blanc en dessous ; les mains et
la tête est plus allongée que celle des galagos, \a face sont couleur de chair ; il a entre les jeux
moins que celle des makis ; le museau est court, nue (ache blanche, bordée sur les cotés d'un
un peu pointu ; les yeux grands et saillants ; les peu de noir qui s'étend autour des yeux el passe
oreilles sont un peu arrondies; la queue est lou- au gris sur le museau el les joues. 11 est de Ma-
gue, c\liudrique, grosse, mais moins touffue dagascar, d'où il a été envové à la ménagerie
que dans les makis. par le baron Milius.
Cet animal a vécu à la ménagerie. Il y en avait deux, un mâle et une femelle ;
ils dormaient tous les jours roulés en jioule dans un nid qu'ils s'étaient fait avec
du foin. Aussitôt que la nuit était venue, ils sortaient de leur retraite, se pro-
menaient, jouaient ensemble, mangeaient, et enfin agissaient jusqu'au jour. Us
étaient fort agiles et sautaient avec légèreté à une assez grande hauteur. On les
nourrissait de fruits, de pains et de biscuits. La lumière paraissait affecter dou-
loureusement leurs yeux, mais ils voyaient très-bien dans l'obscurité. « Une
nuit, dit Fr. Cuvier, s'étant échappés de leur cage, ils parcoururent la pièce où
ils étaient enfermés, à travers la foule d'autres cages et d'autres animaux dont
elle était remplie ; ils rentrèrent dans leur gîte par le petit trou qui leur avait
servi à en sortir, sans qu'il leur fût arrivé le moindre accident, et quoique l'obs-
curité la plus profonde régnât dans cette pièce dont tous les volets étaient
fermés. »
M. Geoffroy a établi son genre cheirogaleus sur trois descriptions manuscrites
trouvées dans les notes de Commerson, après sa mort. Mais ses descriptions
donnaient à ces animaux les ongles des pouces plats et tous les autres ongles
subulés. Comme on n'a jamais vu les trois animaux qui composent ce genre, on
pourrait croire que Commerson s'est trompé dans le caractère que nous venons
de citer; alors ses cheirogales seraient nécessairement des myspithèques, et son
cheirogaleus major, que, depuis, M. Geoffroy a nommé cheirogaleus Milii, serait
sans aucun doute le myspithecus typus dont nous venons de faire l'histoire. Mais
une erreur aussi grande, de la part d'un naturaliste comme Commerson, est dif-
ficile à supposer, et, dans le doute, nous allons donner ici les caractères assignés
par Geoffroy à ce genre que peut-être l'on sera obligé de supprimer, en repor-
tant les deux dernières espèces à la siute du myspithèque type.
•iif Genre. CHÉiROCiALE ( Cheirogaleus, ceux des pouces, (|ui sont plats ; leur queue est
Geoff.). Ils ont la tète ronde, le nez et le museau lon|>ue, c\lindrique, touffue, enroulée; le pod
courts, et des moustaches longues; leurs oreilles de leur corps est couit. Tous sont de Mada-
sont courtes et ovales; leurs yeux grands et sait- gascar.
lants; ils ont tous les ongles subulés, excepté Le Grwo CHÉinor.u.E {Cheirogaleus majnr.
MAKIS.
79
Geoff.. |)eiit-èlii' le Mijspithecns, Fis. (Av.). Il
est long (le onze pouces (0,298) d'un gris l)run
et plus foncé sur le museau.
Le Cméirogale moyen {Cheivoga'eus mcdim:,
Geoff.) est long de huit pouces, (0,217), dune
couleur moins foncée que le préct dent et plus
clair sni' le museau ; il a un cercle nuir autour
des veux.
Le Peut ciiEiROc.ALE (Clievogalcns »iii»ior,
Geoff.). 11 n'a que sept pouces de longueui-
(0,186), et sa couleur est encore plus cl;iire ; il
a également le chanfrein d'une teinte plus
claire, et un cercle noir autour des yeux Cette
espèce pourrait bien u'etre rien autre chose que
le galago de ^ladagascar, mal observé par le
voyageur Coinmerson.
« Pour comprendre les caractères des chéirogales, dit Geoffroy Saint-Hilaire,
supposez que ce sont les formes sveltes, gracieuses et allongées des makis, (fui
se sont concentrées et raccourcies. Ce sont, à prendre en détail, les mêmes traits,
mais grossis et ramassés; les pattes sont plus courtes, celles de derrière restant
dans une même proportion plus longues que les antérieures; le corps est trapu,
la tète fort grosse, surtout fort large; les yeux sont fort grands, et le museau,
déjà très-remarquable par sa brièveté, l'est en outre par des lèvres supérieures
fort épaisses, qui recouvrent le bord des inférieures; les oreilles sont rondes
et courtes; enfin la queue est longue, touffue et régulièrement cylindrique.
Les chéirogales sont des lémuriens sous des traits en quelque sorte empruntés
à la famille des chats. Ces animaux sont entièrement nocturnes. Leurs formes
trapues ne nuisent pas, et, au contraire, ajouteraient plutôt à leur moyen d'a-
gilité. Dans le saut, il n'est point de quadrumanes plus vifs et plus rapides. L'in-
dividu que M. IMilius a donné à la ménagerie parcourait sa cage comme en
volant, et se plaisait principalement à s'élever verticalement de toute sa hau-
teur, sautant de cinq à six pieds. »
80
l.KS QLIADIU MANES.
Le Gai:
30'Geivre. Les GALAGOS (Grt/fjg", Geokf.
Ctolichmis, Illig.) ont Irenle-qualre.i trente-
six dents, deux à quatre incisives à la mâchoire
.supérieure, six à l'inférieure, moins couchées
que dans les genres précédents; leur tète est
ronde.leur museau court, leurs yeux In s-grands
et rapprochés ; leurs oreilles sont très-déve-
loppées el leur queue fort longue ; mais ce qui
les fait distinguer au premier coup d'œil, c'est
la longueur disproportionnée de leurs tarses
postérieurs, et l'allongement filiforme du .se-
cond doigt d(^ pieds de derrière.
Le GALAGO DU SÉNÉGAL [Gulago senegalensis, Geoff. Otoluhnus seiiegaleusis,
Fr. Cuv. Gdlago Geoffroyii^ Fisch. Le moyen Galago, G. Cuv.).
11 a la taille il'un rat ofdiiiaire, c'est-à-dire six pouces de longueur 0,^62
depuis le bout du museau jusqu'à l'origine de la queue. II est d'un gris fauve
en dessus, et d'un blanc jaunâtre en dessous; ses oreilles sont aussi grandes que
sa tête; sa queue, plus longue que son corps, est d'un brun roux et finit en
pinceau. Il n'a que deux incisives supérieures.
Ce joli petit animal offre plusieurs singularités, et l'extensibilité de son oreille
n'est pas la moins remarquable. La conque est grande, membraneuse, nue, et
renferme deux petits oreillons. Lorsqu'il dort, ces deux oreillons, s'appliquent
sur le canal auditif, puis la conque se fronce à sa base, se racourcit, s'affaisse
sur elle-même, s'enfonce dans les poils de la tête, et se reploie au point de
devenir invisible, ainsi que dans quelques chauves-souris. Comme ses habitudes
nécessitent une grande délicatesse dans l'ouïe, la nature a pourvu à maintenir
MAKIS. SI
la sensibilité (l<> lOri^aiio en lui |irnnettnnt de rcfiiscr les sons ai^iis on (|ui rap-
pelleraient inutilement l'attention de l'animal. Mais cependant il en perçoit
assez pour être averti quand il y va de sa conservation, ou même de ses petits
intérêts de gourmandise. Il se réveille alors, et aussitôt ses oreilles se déploient
et s'allongent par un mouvement brusque fort original.
Le galago est extrêmement commun dans les forêts de Sahel, Lebiar et Alfa-
lak, à cent lieues au nord-est de nos établissements du Sénégal, sur les lisières
du Sahara ou Grand-Désert. C'est là que les Maures vont principalement recueil-
lir la gomme qu'ils vendent aux Européens sous le nom de gomme arabique,
et, si l'on s'en rapporte à ce qu'ils disent, le galago s'en nourrit quebpiefois,
faute d'autres aliments.
La longueur des pieds de derrière donne à cet animal une grande facilite
pour sauter d'arbre en arbre; aussi n'en e.st-il pas de plus vif et de pins leste
à s'élancer et à parcourir une forêt. Sous ce rapport, il a beaucon[) d'analotne
avec les singes et les écureuils. Mais ses grands yeux nocturnes ne peuvent sup-
porterles rayonsdu soleil, et comme ses pupilles ne paraissent pas exlrêmemenl
dilatables, il est possible (ju'il n'y voie bien clair ni le jour ni la nuit ; la finesse
de son oreille vient au secours de ses yeux, et c'est principalement par l'ouïe
qu'il est averti de la présence des insectes qui viennent bourdonner dans le
feuillage. Pendant le jour, il habite un trou creusé par le temps, dans le tronc
d'un arbre; il tient son petit logis dans une propreté constante, et tant que le
soleil est sur l'horizon, il reste mollement couché sur un lit, ou plutôt dans
un nid, qu'il a su se faire avec du foin et des herbes fines et sèches. C'est là que
la femelle élève sa petite famille. iMais cette retraite leur est quelquefois funeste,
parce qu'elle fait perdre à ces animaux la faculté de déployer leur extrême agilité
pour fuir le danger. Lorsque les Maures ont découvert le trou qui sertde porte à
l'habitation, ils commencent par le boucher, et ne craignent plus que le «^ala'i^o
leur échappe; puis à l'aide d'un bâton à crochet ils l'arrachent de son asile pour
le manger. Les nègres de Galam lui font une guerre active et continuelle, parce
que sa chair est pour eux un mets fort estimé.
Lorsque le galago cherche sa nourriture et qu'il entend, même de fort loin, le
bourdonnement d'un insecte, en quatre ou cinq bonds prodigieux il s'approche
guidé par le bruit, et se trouve assez près pour l'apercevoir. Il s'élance, l'atteint
au vol, le saisit habilement avec ses mains, et calcule si bien ses mesures, qu'il
retombe toujours sur une branche et jamais par terre; tout cela se fait avec la
rapidité de la fièche, et c'est avec la même prestesse qu'il dévore sa proie. D'autres
fois, s'il juge par la direction d'un papillon qu'il va passer i)rèsde lui, il se baisse,
se fait petit, puis tout à coup il se relève, se dresse sur ses longs pieds de der-
rière, étend les bras et le happe. Si le papillon vole trop haut, le galago saute ver-
ticalement et retombe à la même place en tenant son butin. Tous les insectes
sont de son goût, mais les coléoptères sont ceux qu'il préfère.
Néanmoins, en esclavage, on le nourrit assez aisément avec de la viande cuite,
des œufs et du laitage. Il est fort doux et s'apprivoise facilement; mais sa viva-
cité, sa pétulance et surtout sa force pour le saut ne lui permettent pas de rester
un instant en place, et si l'on ne veut pas qu'il se perde, il faut le tenir en cage
comme un oiseau. Toutes les espèces ont à peu près les mêmes habitudes.
s-i
LF.S QDADRUMANES.
l.e (ixi.AOO A CROSSE QUKUE ( Gu'ngo rrassi-
l'undntiis, Geoff. Le grand Gnlag-i, (i. Guv. )
n quatre incisives supérieures; il est à peu près
(fe la taille dun \i\\m\ ; ses oreilles, moins grandes
que dans le précédent, ne sont que des deux
tiers de 11 lon^'ueur de la tète; sa couleur domi-
nante est le gris roux. On le croit de la cote
orientale d'Afrique, sans en être r)ien certain.
Le Gu.*GO HE Mahaoyscar ( Ga/ago madas-
vnnens'ix, Geoff Le liai île Madagascar, Buff.
le Malii nui , AritEii.) est plus petit que le précé-
dent. Il a 1rs oreilles moitié plus courtes que la
tète ; son pelage est roussiUre, et sa queue,
nio ns longue que son corps, est couverte de
poils courts. On le trouve à Madagascar. Peut-
être devrait-on le réunir aux makis.
LcGaugo de Demiooff {G'ilng> Demldol/ii,
Fiscii. Lemur minutiis, G. Cuv.i est plus petit
qu'un rat ordin:iiie, et ses oreilles sont moins
longues que sa tète; il est d'un brun roux, et sa
queue, plus longue que son corps, se termine
en pinceau; il n'a que deux dents incisives à la
mâchoire supérieure, tous caractères qui le
r<q)proclienl beaucoup du Galago seaegalensis,
si ce n'est le même. On le trjuve égalejTient au
Sén ''gai.
Le Gal\go oe GunÉK ou Potto {Galago
(juinccusis, Desm. Leiiiiir polto, Li.x. — Gmi..
.\{jCticebiis potlo, Cjeoff. Le Pvtto de Bosmaîs )
ne doit pas être confondu avec le kinkajou
p.ilto. Son pelage est d'un roux cendré, et sa
queue de longueur rao\eune. Jl a la lenteur et
les habitudes paresseuses du loi'is et des paies-
seux. C'est tout ce que l'on sait de cet animal
d'une existence douieuse, et (pie Bosman seul
a décrit. Il habiterait la (iuinee.
ôl' Genre. Les TARSIEIÎS ( Tarsins, G.
Cl V. ) ont la tète arror.die, le museau court, les
jeux trèi-grands ; le.irs dents sont au nombre
de trente-quatre, dont quatre incisives à la nui-
choire supérieure, et deux à l'inf.rieure; l'in-
tervalle entre leurs molaires et leui's incisives
e.4 rempli par plusieui's canines courtes ; leurs
membres postérieurs sont très -allongés, à tar-
ses trois fois plus longs que le métatarse; ils
ont une longue queue.
Le PonjE ( Tursius si)C(lrit)ii, Geof!'. Lemur
siieelnim, Pai.l Le H'nollij gerboa, Pe>!v. Le
Tarsier, Blff.) ne dépasse pas la taille d'un
mulot. La longueur de ses jambes et la gran-
deur énorme de ses yeux lui donnent un aspect
fort étrange. Il est roux ; ses oreilles, moitié
moins longues que sa tète, sont membraneuses,
nues et transparentes; il a une queue fort lon-
gue et en partie dénuée de poils. Son apparition
étrange et nocturne lui a valu le nom de spectre.
Le iKulje habite les îles Moliiques. C'est un animal noctufne, d'un caractère
triste. La nuit, il sort de son obscure retraite, et chasse aux insectes qui font
sa nourriture, en sautant sur ses jambes de derrière à la manière des gerboises,
ce qui lui a valu de l'ennant le nom de woolly gerboa.
Le Tarsier de B\\c\ ( Tarxiiis Banrarfis,
IIoRSF, — Desm. ) habite les mêmes contrées que
le précédent ; il manque d'incisives intermé-
diaires à la m;ichoire supérieure ; ses oreilles,
beaucoup plus courtes que sa tcte, sont hoii-
zonlales et arrondies; son pelage est brun, et il
a la queue très-grêle.
Le Tarsier aux mains riilnes (Tarsins fiisro-
iiirt)U(s, Fiscii.— Geoff.) est un peu plus grand
qu'un mulot, et ressemble assez au podje, mais
il est d'un brun clair sur le corps et d'un gris
blanchâtre eu dessous ; ses oreilles sont d'un
tiers moins longues que la tête. C'est un animal
noclurn;;, comme ses coug ''uêres, et on le trouve
à Madagascar.
m" Genre. Les KINKAJOUS ou POTOS
d'otos, Gkoff. Ctrrolepif situa.) ont trente-
six denîs dont six incisives, deux canines et dix
molaires à chaque mâchoire. I^eur museau est
court, sans follicules nasales ; leur tête est ar-
rondie; leur langue est étroite et dune lon-
gueur démesurée, extensible ; ils ont cinq doigts
à tous les pieds, sans ponce distinct, tous armés
d'ongles crochus ; leur queue est longue et pre-
nante, mais garnie de poils.
Le Maxaviri ou Cuculmhi (Potns caudivol-
vuliis, Geoff. — Desm. Cennleptes caiidivulvu-
liis, Fn.Ciy. Virera randivolvula, Scuntn. Le
polu Buff.) est de la grandeur d'une fouine ;
son pelage est laineux, entièrement d'un gris
ou d'un brun jaunâtre ; la partie antérieure du
museau, la conque externe de l'oreille, la
plante des pieds et la paume des mains sont
nues.
Le nianiuiri est un animal solitaire, qui vit dan? les forêts les plus désertes
de l'Amérique équatoriale. Le jour, il dort profondément, roulé en boule, la
tête posée sur sa poitrine et recouverte par ses bras. La lumière du jour lui
fatigue les yeux, aussi recherche-t-il l'obscurité. Dès que vient le crépuscule du
.>îoir, il se réveille petit à petit, se frotte les yeux, bâille en tirant sa longue
MAKIS. 8i
langue, t'ait quolciues pas en chancelant et d'une manière irrésolue. Puis, enlin,
complètement réveillé, il se met en quête de ses aliments, qui consistent en petits
mannniféres, en oiseaux, en insectes et en fruits.
Il n'est pas très-habile sauteur, mais néanmoins il grimpe haliilcmenl sur les
arbres, en parcourt les branches pour chercher les nids d'oiseaux, el en des-
cend avec prudence, en empoignant la tige avec ses pieds de derrière, el sai-
dant de sa queue qu'il entortille aux rameaux pour prévenir des chutes, (le ne
sont pas seulement des oiseaux qu'il va chercher en furetant sur les arJ:rcs : il
visite minutieusement les trous qui peuvent se trouver à leur tronc, afin de
découvrir s'ils recèlent une ruche d'abeilles sauvages. Favorisé par un poil lai-
neux et très-épais qui le défend de leurs aiguillons, et par la fraicheur de la
nuit qui tient ces insectes dans une sorte d'engourdissement, il enfonce une de
ses pattes dans la ruche, mais avec précaution, et il brise les gâteaux [wur
mettre le miel à découvert. Alors, il colle sa face contre 1^ trou, et à l'aide de sa
longue langue, il va recueillir le miel jusipi'à un pied de profondeur dans la
ruche. Cette habitude lui a valu des missionnaires le nom d'ours à miel. Selon
quelques voyageurs, quand il en trouve l'occasion, il pénètre dans les basses-
cours, saisit les volailles sous l'aile, et leur boit le sang avec une grande avidité.
Il paraît, d'après ce que dit M. Ilumboldt, que les anciens indigènes de la
Nouvelle-Grenade avaient réduit cet animal à l'état de domesticité. Je ne sais
trop quel avantage ils pouvaient y trouver, à moins qu'ils ne l'aient enqjloyé
à détruire les souris de leurs cabanes, ou à aller à la découverte des abeilles.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le manaviri, en captivité, est d'une douceur
extrême, et qu'il se familiarise avec la plus grande facilité. Dans ce cas, on le
nourrit fort bien avec des fruits, du pain, des biscuits, du miel, du lait, du
sang, etc. Mais quel plaisir peut-on avoir avec un animal qui dort toujours "f Quand
on le tire de son sommeil léthargique, il se plaint d'abord par un petit sifflement
fort doux, il fuit la lumière et cherche à se cacher dans un coin obscur, ou du
moins à mettre ses yeux à l'abri du jour. Cependant, avec quelques caresses, on
parvient à le faire jouer ; mais dés qu'elles cessent, il retombe dans son état de
stupeur somnolente. Quelquefois il mange sans le secours de ses mains, mais le
plus souvent il s'en sert à cet effet. Quand il est en colère, sa voix devient assez
forte et imite un peu les aboiements d'un jeune chien.
ôô-'Ge^he. Les AYE-AYE(rh<?iro))it/.s-, li.i.ic. Le T.sitsuu ( c;i<-iro))i{/.s- madasrarieui.is,
— Cuv.) ont dix-huit dents: deux incisives à De.sm. Siiuriis viadasidiicvsis , G>ii.. L'.li/f-
chaque màdioire, dont les inférieures très- oi/f. Bcff. — G. Cuv. i est de la grandeur d'un
comprimées ressemblent à des socs de charrue. chat ; son pelage est grossier, dun gris brun
Les extrémités ont toutes cinq doigts, dont nu le de jaunâtre ; sa queue est longue, épaisse,
celui du milieu des mains est très-long et très- garnie de gros crins noirs ; sa tcte est anon-
gréle ; le pouce des pieds de derrière est op- die et porte de grandes oreilles nues; ses jeux
posable aux autres doigts ; ils ont deux mamelles sont tristes, faibles, et |)euvent à peine siippor-
ventrales et la queue touffue et très-longue. (er la lumière.
On voit à Madagascar des forêts vierges, aussi anciennes que la terre (pi'elles
couvrent de leur ombre, et dont les arbres n'ont jamais été renversés que par la
faux du temps. C'est là que vit dans la solitude du désert le tsitsihi, le plus farou-
8'i LES QUADIiUMANES.
che et pourluiit le plus innocent des liabilants des bois. Il a des habitudes paisi-
bles, et de la gravité dans ses actions, si l'on peut se servir de ce mol. Ses mou-
vements sont lents, mesurés, peut-être pénibles. Aussi, pour se soustraire aux
ennemis (jui l'atteindraient aisément, vu la lenteur de sa marche, il ne sort
de sa retraite que la nuit. Pendant le jour, il se tient blotti dans un terrier
qu'il sait se creuser, dit-on, dans les ravins, à proximité des forêts où il va
chercher sa nourriture. Cependalit, la conformation de ses pieds me paraît
peu propre à lui permettre de creuser une habitation souterraine ; probablemeni
il s'empare de celle d'un autre animal plus faible que lui, comme font les
fouines, les martres, les renards et beaucoup d'autres, qui ne manqueni
jamais d'exproprier le premier propriétaire d'un terrier, quand ils en trou-
veiit l'occasion : et cependant, on sait que la martre et le renard creusent la
terre avec assez de facilité. L'écureuil peut nous fournir l'exemple d'un pareil
brigandage, car il s'empare assez volontiers des nids de pies pour y établir
son domicile après l'avoir maçonné à sa fantaisie.
Quoi (ju'il en soit, le tsitsihi se nourrit d'insectes, de vers, et de fruits, et il
préfère ceux qui sont secs et durs aux baies et aux autres fruits mous. Pen-
dant toute la belle saison, il ne s'occupe guère qu'à parcourir les forêts, en
grimpant lentement sur les arbres pour y trouver sa nourriture. Quoique peu
carnassier, s'il peut saisir un oiseau sur son nid, il manque rarement de le
faire et de le dévorer ; mais c'est aux œufs qu'il donne la préférence.
Rien n'est curieux comme de voir manger cet animal : il se pose sur le der-
rière, ayant le corps dans une position verticale, et avec ses mains il porte les
aliments à sa bouche ; mais pour saisir un fruit, il n'a pas besoin, comnie l'écu-
reuil, de ses deux mains : grâce à son long doigt, il enveloppe le fruit et le tient
solidement, pendant que son autre main est libre. Jamais il ne prend un objet
en l'empoignant avec ses cinq doigts, mais il le saisit avec le doigt du milieu,
et avec les autres il continue à s'accrocher aux branches pour grimper.
Lorsque vient la saison des pluies, il ne quitte guère son terrier que s'il y est
poussé par la faim. Dans son réduit, il sait fort bien s'arranger une vie séden-
taire, et il ne manipie jamais de s'entourer de toutes les commodités que lui per-
mettent les circonstances. Sans faire positivement des provisions, il est rare <|u'il
n'ait pas dans son terrier assez de fruits pour vivre trois ou quatre jours au
nu)ins sans sortir. Ainsi, quand des chasseurs rôdent dans les solitudes qu'il
habite, ou qu'un orage inonde la campagne, il reste tranquillement chez lui, à
l'abri de tout danger, jusqu'à ce que sa petite provision soit épuisée, et l'on
assure même qu'il la ménage avec économie, pour la faire durer autant de
temps qu'il présume devoir passer en réclusion. Il aime beaucoup ses aises, et
sa voluptueuse mollesse ne lui permettrait pas d'habiter une demeure humide,
IVaiche, ou seulement de dormir sur la terre. Mais il n'est pas paresseux, quoi-
ipie lent, et s'il aime à être bien, il ne compte sur personne que sur lui-même
pour se procurer ce bien-être. Il travaille avec ardeur et pendant longtemps à
se faire un appartement sec et commode au fond de son terrier. Après l'avoir
suftisaunnent élargi, il y transporte une quantité de petites bùchelles de bois
sec qu'il entrelace avec du foin, et dont il forme une sorte de tenture exacte-
ment appli(iuée contre tontes les parois de sa chambre à couchei". 11 la rempli!
MAKIS.
8.i
ensiiile de foin sec el ties-duiix, au milieu duquel il établit son lit. (le lit lui-
même exig^e encore un travail, car il est tapissé, ou plutôt matelassé avec une
mousse fine, sèche et chaude.
C'est là qu'il fait ses petits, rarement en nombre de plus de trois ou quatre.
Pendant tout le temps de l'allaitement, la femelle en a le plus grand soin et ne
les quitte (jue lorsqu'elle y est forcée par une impérieuse nécessité; elle les
tient surtout dans une propreté recherchée. Lorsque les petits commencent à
marcher, elle choisit les moments où la lune jette ses rayons brillants sur les
arbres des forêts pour les faire sortir dii terrier et jouer sur la mousse humide
de rosée. Eu sentinelle à côté d'eux, elle veille à la sûreté générale, et au
moindre bruit, à la plus mince apparence de danger, elle fait rentrer les plus
forts et emporte les plus petits au fond de son trou.
Les naturels de Madagascar font une guerre souteiuie au tsitsihi, parce qu'ils
estiment beaucoup sa chair, qui pour un Européen est un mets détestable. Ils
lui tendent des pièges au pied des arbres, ils le déterrent de son trou, et le tuent
à coups de lléche ou de fusil. Il n'est ni féroce ni méchant, mais il aime la liberté
plus que la vie. Aussi, quand on le prend, jeune ou vieux, s'il ne se laisse pas
mourir de faim dans les premiers jours de sou esclavage, il vit quelque teuqjs
dans la tristesse, il tombe dans la consomption, et il périt après avoir traîne
pendant quelques mois une vie languissante, qu'il paraît quitter sans regrets.
Ici linit l'ordre des quadrumanes, dont, nous devons le dire, les limites sont
tracées d'une manière assez incertaine. Par exemple, ce dernier genre a été
placé par (i. Cuvier parmi les rongeurs, après les polatouches; M. de Blainville
l'a reporté à la suite des quadrumanes, et nous l'y maintenons sur la considé-
ration de son pouce des pieds de derrière, qui est opposable aux autres doigts.
Le geiH'e tarsius est évidemment plus voisin des galéopithèques et des chauves-
souris que des quadrumanes, aux ailes prés.
Les kinkajous ou potos ne se prêtent encore nettement à aucune de nos clas-
sitications, et pourraient peut-être se reporter avec les carnassiers plantigrades,
entre les coatis et les blaireaux, où G. Cuvier les avait mis, et d'où sou frère
les a retirés pour les lejeler à la tin des ([uadi'umanes.
LES
CARN4SSIEHS CHÉIROPTÈRES,
DIÎUXIÈME OHDRE DES MAMMIFERES.
L'Oleek.
Ils ont des incisives, des canines et des iiic-
laires, comme tous les carnassiers, mais de
formes très-variées. Un caractère qui les tran-
che net davectous les autres mammifères, c'est
un repli membraneux de la peau des flancs,
(jui s'unit aux quatre membres et aux doigts des
mains, de manière à former, dans le plus grand
notnhre, de véritables ailes propres au vol
connue celles des oiseaux. Ils ont deux mamelles
qui sont placées sur la poitriue
Cet ordre se divise en six fauiilles, savoir : les
galéopithèqucs ou chats-volants, les ph>lloslo-
uies, les rhinolophes, les vesperlilions, les noc-
tilions et les meganyctères.
LES CHATS-VOLÂ!NTS, OU GAIÉOPITHÈQUES.
Se distinguent des chauves-souris parce que
les doigts de leurs mains, tous garnis d'ongles
tranchants, ne sont pas plus allongés que ceux
des pieds; il en résulte que la membrane qui
occupe les intervalles des membres et s'étend
jusqu'à la queui- ne leur sert pas d'ailes, mais
simplement de parachute. Ils ont, à la mâchoire
inférieure, six incisives fendues eu lanières
droites ccmune les dents d'un peigne.
I" CiKNiiK. Les CHATS - VOLAXïS, ou
PLEUROPTÈRES {Galeoi)ithr(i(s, Pall ), ont
trente-quatre dents j les incisives supérieures
dentelées et les inférieures pectinées : leurs mo-
laires sont mousses, avec une dentelure; leurs
membranes interféniorales et latérales sont ve-
lues. Ces animaux sautent fort loin, au mojen
de la membrane qui leur sert d'ailes, mais ils
ne volent pas.
L 'AMPHlTHEiATRÉ DES C0UA3
1 .1»! .lin .l.< Hls.itc'».)
CHATS-VOLANTS. 87
I/()LKI-:k ((îiilcoi)illH'ius nifus, Geoff. Leniur vohms. Lin. — Audkb. i.
Il habite les îles Pelew ou Palaos, dans les Moluques, et aux îles de la Sonde.
Il a environ un pied de longueur (0,525); sa couleur est roussàtre en dessous,
d'un joli gris roux en dessus, avec des ondes blanches, irrégulièrement bordées
de gris noirâtre, et s'étendant de chaque côté du corps depuis le derrière des
oreilles jusqu'à la naissance des cuisses. Il a le museau un peu long, fin comme
celui d'une belette, les oreilles courtes et les yeux vifs.
L'oleek ne peut pas voler comme les chauves-souris, car sa membrane n'est
pas assez longue pour cela ; mais il sait tellement bien manœuvrer, qu'il par-
court d'assez grandes distances dans les airs, et passe aisément d'un arbre à un
autre arbre éloigné de cinquante à soixante pas. Pour cela, il monte à l'extré-
mité de la plus haute branche, s'élance d'un bond vers l'arbre voisin, puis il
étend sa membrane, penche un peu son corps, la tète vers la terre, et glisse
ainsi dans l'air en décrivant une parabole oblique à l'horizon. Il en résulte qu'é-
tant parti de la branche la plus haute d'un arbre, il arrive juste à la branche la
plus basse d'un autre arbre. Quand la forêt est épaisse et les arbres très-rap-
prochés, on croirait qu'il doit diriger son parachute de manière à sauter sur
une branche élevée; il n'en est rien, et il tombe toujours sur la plus basse. Mais
il a une raison pour cela : toute la journée il est occupé à donner la chasse aux
insectes et aux petits oiseaux qui, ainsi que lui, habitent les forêts. Pour n'avoir
pas à remonter à la cime d'un arbre quand il veut aller sur un autre, il commence
toujours sa chasse en explorant les branches basses, puis celles au-dessus, et
ainsi de suite de bas en haut, jusqu'à ce qu'il soit arrivé au sommet.
L'oleek est la terreur des colibris et autres petits oiseaux qu'il saisit sur leur
nid pendant la nuit, ou dont il brise et mange les œufs pendant le jour. Quel-
quefois il se met en embuscade sur une grosse branche, tantôt couché sur
l'écorce, tantôt suspendu par la queue et les pieds de derrière. Si un colibri ou
une grosse phalène passent en volant à quelques pieds de lui, il s'élance tout
à coup, les saisit au vol, et tombe sur une branche voisine, où il les dévore à son
aise. Quand il se tient suspendu dans son embuscade, il attend que le colibri
passe dessous lui, fût-ce à quinze ou vingt pieds de distance; il prend son mo-
ment, se laisse tomber perpendiculairement dessus, le saisit, déploie sa mem-
brane pour adoucir sa chute et glisse dans l'air jusque sur la branche la plus
rapprochée. Il a le coup d'o'il si juste et si prompt, qu'il rencontre toujours sa
proie dans sa chute et ne la manque presque jamais. Son odorat est aussi très-fin.
Cet animal ne met bas ordinairement qu'un petit pour lequel il a beaucoup
de tendresse. Il lui fait avec soin un nid d'herbe fine et sèche, dans le trou d'un
tronc d'arbre, mais il ne l'y laisse que quatre à cinq jours, après quoi celui-ci est
assez fort pour se cramponner sur son ventre et y rester constamment jusqu'à
ce qu'il puisse se hasarder à quitter sa mère pendant quelques instants, ou au
moins à se placer sur sou dos pour se reposer de son attitude ordinaire.
Du reste, sa posture est moins fatigante qu'on pourrait le croire, car sa
mère le soutient presque constamment avec sa main qu'elle lui place sur le dos.
Quand la chasse est linie, ou mémo en la faisant, l'oleek ne marche pas, comme
les autres animaux, sin* les branches, mais dessons, de manière à avoir le corps
pendu à la renverse. 11 en résulte que son enlanl se tronve |)lacé comme dans
88
LES CAKNASSIEUS CHEIROPTERES.
lin luiinac el rett'iiii par la menibiaiie des ailes, de la même manière qne dans
nn Ijerceaii (jui serait placé au milieu d'un lilet. S'il a envie de dormir, la mère
cesse de marcher et donne à son corps un mouvement doux de balancement,
absolument comme une nourrice qui berce avec précaution un enfant chéri. Du
reste, cette attitude est familière au galéopithèque, et s'il en prend quelquefois
une autre pour dormir, quand il n'a pas de petit, c'est pour se suspendre par
les pieds de derrière, la tête en bas, comme les chauves-souris.
Les Indiens aiment assez la chair du chat-volant, surtout dans une saison de
l'année où ces animaux cessent de faire la chasse aux insectes pour se nourrir
d'une petite baie semblable à une groseille, et très-abondante dans les forêts en
de certains temps ; ils aiment ces petits fruits qui les engraissent beaucoup.
Le Galéopithèque varié (Galeop\thenf< va-
rirgaliis, Geoff.) n'a que cinq pouces de lon-
gueur (0,155) ; il est d'un brun gris, vaiié en
dessus de plus foncé, avec les membres lactiés
de blanc. Il a la tête plus grosse et le museau
plus allongé que le précédent, et, comme lui,
il babile les Moinques.
Le Galéopithèque DE TEii?ikTE (Galeopithe-
ms ternatensis, Gioff. Fdis tolnns Tirnntra.
Sera) est encore plus peiit que le précédenl.
11 est d'un gris roux plus pâle en dessous qu'en
dessus, avec des taches blanches sur la queue.
11 habite égaleuuiit les Molmiues. Scba avait cru
lui Irouver de l'analogie avec les chats.
LES PIIVLLOSTOMES.
C'est avec cette famille que commence la séi'ie
des véritables chauves-souris, qui toutes ont les
doigts des mains allonges et pris dans une mem-
brane nue formant une aile complète ; leur pouce
est séparé, libre, court, armé d'un ongle ro-
buste et crochu; leurs pieds de derrière sont
faibles, et leurs doigts égaux en longueur.
La famille des phvllostomes a sur le nez une
membrane en forme de feuille relevée en tra-
vers, simple, solitaire ou impaire. L'index des
mains est composé de deux phalanges.
2* Gemii; Les PHYLLOSTO.MES tPhyllo-
stoma, Gkoff.) ont trente-deux dents : quatre
incisives, deux canines très-fortes, et dix mo-
laires à chaque mâchoire; leurs oreilles sont
grandes, séparées, à oreillon interne denté; ils
ont sur le nez deux crêtes, lune en forme de
feuille et l'autre en forme de fer à cheval ; leur
langue est hérissée de papilles. Les trois pre-
mières espèces ont une queue plus courte que
les membranes interfémorales; les quatre der-
nières n'en ont pas du tout-
Le Fer de lx^ck \ l'hiilldstomn hastntiiDi ,
Geoff. Vesperlilio hnstatus, Ln. Le Fer de
lance. Buff, — G. Crv.) a la feuille du nez en
forme de fer de lance, entière sur ses bords,
c'est-à-dire ni crénelée ni dentée ; sa queue est
entièrement engagée dans la membrane inter
fémorale. Cette espèce se trouve à la Guyane,
où elle ne quitte guère les foréis.
Le fer de lance est, comme toutes les chauves-souris, un animal fort extraor-
dinaire pour l'observateur. La première chose qui frappe le vulgaire, en consi-
dérant une chauve-souris, c'est l'analogie que son vol rapide et élevé lui donne
avec les oiseaux. On est étonné de voir cet aniinal, couvert de poils, ayant une
bouche armée de dents, s'élancer dans les airs, s'y soutenir, s'y promener avec
plus de facilité même qu'une hirondelle. Pour l'observateur, l'analogie peut se
pousser plus loin; ainsi que les oiseaux, les chauves-souris ont les muscles pec-
toraux très-épais et très-développés afin de fournir aux bras toute la force
nécessaire pour soutenir le corps en volant; leur sternum a de même une arête
saillante pour servir de point d'appui et d'attache à ces muscles; « enfin, dit Buf-
fon, elles paraissent s'en a[)procher encore par ces membranes ou crêtes qu'elles
ont sur la face; ces parties excédantes, qui ne se présentent d'abord que comme
LES GRANDES SERRES.
(.I.,din .les Hl.ntts.)
I»llYLLOSTO.\n:S. 8<)
(les diri'ormités supeiihios, sont des caracléies réels cl les miaïucs visililes de
lamljigiiïté de la nature entre ces quadrupèdes volants et les oiseaux, caria
plupart de ceux-ci ont aussi des membranes et des crêtes autour du hec et de
la tète, qui paraissent tout aussi superflues que celles des chauves-souris. »
Une analogie plus singulière encore est celle que ces hideux animaux ont
avec l'homme, paf certains organes, notamment par les mamelles des femelles,
([ui sont placées sur la poitrine. Leuis autres caractères les rapproehent tantôt
des quadrun)anes, tantôt des petits carnassiers carnivores; leur figure et leur
pelage les font souvent ressembler à des rats ou à des som-is, mais lem's grandes
ailes livides les séparent de tous les autres mannniferes.
Ce sont des animaux nocturnes, dont les yeux, excessivement petits, ne peu-
vent supporter la lumière du jour. Aussi se cachent-ils dans les lieux les plus
obscurs, pour n'en sortir que la nuit et aller à la chasse aux insectes et parti-
culièrement aux papillons nocturnes, qu'ils saisissent au vol avec beaucoup d'a-
dresse. Dans les trous et les rochers qu'ils habitent, ils se suspendent par les
pieds de derrière, la tète en bas, et passent tonte la journée à dormir dans
cette altitude singulière. Les espèces de nos climats s'engourdissent et passent
l'hiver en léthargie, comme les loirs et les maimoltes.
Les femelles font ordinairement deux petits, qu'elles tiennent crampoimés a
leurs mamelles, et dont la grosseur est considérable comparativement à celle de
leur mère.
Tout ce que nous venons de dire s'applique non-seulement au fer de lance,
mais à toutes les chauves-souris. A la suite de cette espèce on placera celles-ci :
Le Phyllostomf. a feuille allongée (P(i(///o- Le Phïi.lostome a felilles akuomiik.s (/>/n//-
.s*oiii" f/ongatum, Geoff.). Bords de ta feuille hstoma rotundum , Geoff.). D'un hniii rou
entiers; extrémité de la queue libre. Patrie in- geâtre; feaille entière, seulement iiirondie au
connue. sommet. Du Paraguay.
Le Pbïllostome crénelé [PhiiUosloma rre- Le Puyll(istojie flfur de us { Phtillnstotna
•lu/a/inn, Geoff. LeFerfrfHP/e, G.CLv.i.Bords lUimn , Geoff.) Mâchoires allongées ; feuille
de la feuille dentelés; extrémité de la queue entière, aussi haute que large, à hase très-
lihre. Patrie inconnue. Ceux qui suivent n'ont étroite. Du Paraguay
pns de queue. 3' Genre. Les VA.MPIRES {Viivipirus,
Le Phyllostome rayé { Plujllostoma linea- Geoff.) ont trente-quatre dents, dont deux iii-
tinn, Geoff). Long de deux pouces neuf lignes cisives et deux canines à chaque niiichoire, dix
(0,u"4 ; une raie blanche sur la face et quatre molaires à la mâchoire supérieure et douze à
sur le dos; feuille entière. Du Paraguay rinférieure. Leur feuille est ovale, creusée en
Le Phyllostome ll>ette (^Phiilhstoma jxr- entonnoir.
spicillatum, Geoff. l'esperlilio pcrspicillalus, L'Andira-Guaçu i l'nmi)iniss(iiigin-ii({a,Lf.ss.
Li> ). D'un noir brunâtre, a\ec deux raies Phijllostoma sperlrum , Geoff. ]'espertU\n
Idanches; feuille courte, échancrée près de sa specinnn, Lnx. Le Vampire, Buff. — G. Cuv.^
pointe De r. Amérique méridionale. M. llicord est de la grandeur d'une pie; son pelage est
a observe que cette espèce vit de fruit du sapo- d'un brun roux, et sa feuille nasale est entière,
tillier, dont elle fait un grand dégât. uioins large que haute, quoique élargie à sa base
L'andira-guaçu a servi de texte à beaucoup de contes que nous ont débites les
anciens voyageurs. La Condamine, Pierre Martyre. Jumilla, don George Juan,
don Antonio de UUoa, semblent s'être donné le mot pour enchérir les uns sur les
autres dans les relations qu'ils nous font de ce terrible animal : « Les chauves-
souris, qui sucent le sang des mulets, des chevaux, et même des hommes, dit
^2
î)0 LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES.
La Condainiue, quaml ils ne s'en garantissent pas en dormant à l'abri d'un pa-
villon, sont un fléau commun à la plupart des pays chauds de l'Amérique. Il y
en a de monstrueuses pour la grosseur. Elles ont entièrement détruit à Borja,
et en divers autres endroits, le gros bétail que les missionnaires y avaient intro-
duit, et qui commençait à s'y multiplier. «
Buffon cite ce passage avec une grande confiance, et il me semble (pie ce
célèbre écrivain aurait dû le rejeter, comme impliquant contradiction; en
effet, comment le bétail a-t-il pu commencer à se multiplier malgré les vampires,
et comment les vampires, qui n'avaient pas empêché cette multiplication, ont-
ils pu ensuite détruire tous les animaux qui en résultaient?
Jumilla va plus loin (jue La Condauiine. « Ces chauves-souris sont d'adroites
sangsues, s'il en fut jamais, qui rôdent toute la nuit pour boire le sang des
hommes et des bêtes. Si ceux que leur état oblige de dormir par terre n'ont pas
la précaution de se couvrir des pieds à la tête, ils doivent s'attendre à être piqués
des chauves-souris. Si, par malheur, ces oiseaux leur piquent une veine, ils
passent des bras du sommeil dans ceux de la mort, à cause de la quantité de
sano- qu'ils perdent sans s'en apercevoir, tant leur piqûre est subtile; outre
que battant l'air avec leurs ailes, elles rafraîchissent le dormeur auquel elles
ont dessein d'ôter la vie. »
Ulloa est moins exagéré : « Les chauves-souris sont communes à Carthagéne,
dit-il ; elles saignent fort adroitement les habitants en leur tirant assez de sang,
sans les éveiller, pour les affaiblir extrêmement. »
La vérité est que l'andira-guaça, tout vampire qu'il est par le nom, ne suce
personne, ni homme ni animaux, et c'est ce dont les voyageurs modernes et les
naturalistes américains se sont assurés. Sa langue papilleuse et extensible ne lui
sert qu'à sonder sous les vieilles écorces des arbres, pour en retirer les insectes
et les phalènes qui s'y cachent, et il a cela de commun avec les phyllostomes et
l)eaucoup d'autres chauves-souris. Il se nourrit habituellement d'insectes, de
petits animaux, et même, dit-on, de fruits. C'est, de tous les chéiroptères, celui
qui marche sur la terre avec le plus d'aisance. H est commun dans la Nouvelle-
Espagne.
4« GE^K^•. Les MADATÉES (Madnlevs 5^ Gemie. Les «LOSSOPHAGES ( G/osso-
I.EACu. ont quair e incisives ;i cliaque niàctioire, phagn, Geoff.) ont vingt-quatre dents : quatre
les deux intermédiaires supérieures bifides et incisives, deux canines médiocrement fortes, et
plus longues que les latérales : les inférieures six molaires à chaque màclioire ; la langue est
égales, simples et aiguës; liuit molaires supé- 1res - extensible , terminée par des papilles;
rieures et dix inférieures; leur langue est bitide feuille en forme de fer de lance; membrane
à la pointe; leurs lèvres garnies de papilles iulerféniorale très-petite et nulle; queue va-
molles, comprimées et frangées ; ils ont deux riable ou nulle. Toutes les espèces sont d'Amé-
feuilles nasilles et i)as de queue. rique.
La Mamutée DE Lewis (.VfliidaJeiis Lewis, La Glossophaoe ue Pallas [Clossophaga
Leacu.) Dun brun noiràlre; seize pouces d'en- soririun, Geoff. Vespertiho soricimis, Limv.
vergure (0,450), et membrane interfémorale — Pall. La FeniZ/e, Vicq-d'Azvr) sereconnailà
écbancrée ; oreilles médiocres et arrondies ; son manque de (lueue et n sa membrane inter-
feuille brusquement pointue vers le haut. De fémorale qui est fort large,
la Jamaïque.
Cette espèce liabite Cayenne et Surinam. La longueur de sa langue, les papilles
PHYLLOSIOMKS. 91
qui la terminent, et que l'on a prises pour un suçoir, l'ont l'ait accuser, ainsi que
ses congénères, de sucer, comme le vampire, le sang des hommes et des ani-
maux endormis. Le fait est qu'elle est fort innocente de cette accusation, et
que cet organe lui sert uniquement à sonder les petits trous et les fissures des
troncs d'arbres, quand elle pense y trouver les larves et les insectes dont elle se
nourrit.
La Glossophage caudataihe ( Glossophaga
raudifer, Geoff.) a la membrane interfémorale
très-courte, un peu débordée par la queue. Du
Brésil.
La Glossophage a qdeije e:\veloppee [Glosso-
phaga amj)lexicaudata, Geoff.) est d'un brun
noirâtre; sa membrane iuterfémorale est large ;
sa queue, courte, est terminée par une nodo-
sité. Du Brésil, aux environs de Rio-Janeiio.
La Glossopuaoe sa.^s queue ( Glossophaga
ciuudatn, Geoff.) manque de queue. Sa mem-
brane interfémoralc est courte. Du Brésil.
(i'GE'VKE. LesRHIXOPOMES (hhmopoma,
Geoff ) ont vinjjl-huit dents : deux incisives
supérieiiies et quatre inférieures ; deux canines
à chaque mâchoire ; huit molaires à la mâchoire
supérieure et dix n l'inférieure. Leur nez est
conique, long, tronqué au bout, portant une
petite feuille, les narines sont terminales, traus-
versales, operculées ; les oreilles sont grandes
et réunies , avec un oieillon extérieur ; leur
queue est longue, prise à sa base dans la mem-
brane inlerfémorale, qui est coupée carrément,
libre à lextrémité.
La RiuNOPOME mu:ropuvi.le, de Geoff. ( TVs-
pertilio }iiicrophij{liis, Sciib. La Chauie-souiis
d'Egypte, Belo.x) est d'un gris cendré et a la
queue très-longue. Elle se trouve en Egypte, et
se plait surtout à habitei' les galeries obscures
des Pyramides.
La Rhixopome de la Caroloe ( /{/miio/johio
Caroliniensis, Geoff.) est brune; sa qiieiu'
é[)nisse est assez longue. On la croit de la Caio-
hne du Sud.
7'^ CtEmie. Les ARTIBKES [Artibeiis, Leacii.)
ont trente dents : quatre incisives à chaque mâ-
choire, les supérieures bilides et les inférieures
tronquées; deux canines à chaque m'uhoire,
les supérieures avec uu rebord interne à leur
base ; quatre molaires supérieures et cinq infé-
rieures de chaque côté ; deux feuilles nasales,
une horizontale et l'autre verticale; point de
queue.
L'Artibée DELA jAJiAÏyi E { Ailibcus juitiuï-
censis, Leacii.) est brune en dessus, duu gris
de souris en dessous, avec les oreilles brunâ-
tres, ainsi que les oreillons. Des Antilles.
8" Genre. Les MOXOPHYLLES (Monuphij:-
Itis, Leacb.) ont trente dents : quatre incisives
supérieures dont les mitoyennes plus longues et
bifides: point à la mâchoire inférieure ; deux
canines en haut et deux eu bas : dix molaires
supérieures et douze inférieures; leur feuille
est unique, droite sur le nez, et leur queue
courte.
Le Mo>OPUvLLE DE BiDJiANN (MonopUijlliis
Itedmaunii, Leacii. i est brun en dessus, gris en
dessous, à membranes brunes ; ses oreilles sont
arrondies; sa feuille est aiguë, couverte de pe-
tits poils blancs. Il habite la Jamaïque.
92
LES CAKNASSIKRS CHFJ HOPTKHKS.
X
'//■=-
1(1 Fer à cheval.
LES KHINOLUPHES
;iu\ laractfri's g(iu'rau\ des chauves-souris en
joignent de pamieulieis qui les Iraiulieut (oit
hien. Leur nez est garni de men:l)ianes et de
erétes fort compliquées; ils ont une seule j:ha-
jjinge à l'index; leurs ailes sont grandes; les le-
niclles ont les mamelles sur la poitrine, mais on
leur voit sou^ent des verrues au ventre, simu-
lant assez bien des mamelles.
9' Genre. Les RHIXOLOPHES { Rhinolo-
phtis, Geoff.) ont trente-deux dents : deux in-
cisives à la mâchoire supérieure, quatre à l'in-
férieure; deux canines en haut et en bas; dix
molaiies supérieures et douze inférieures. Le
nez est placé au fond d'une cavité bordée d'une
large crête en forme de fer à cheval, et sur-
montée d'une feuille. Leurs oreilles, qui man-
quent d'oreillon, sont latérales, moyennes; leur
queue est longue.
Le GRAND FER A CHEVAL ^ Bliuiuloijluis luù-liaslaUis, Geoff. VesperlU'io fer-
riim equïniini. Lin. Le Grand fer à cheval, Buff.).
11 a la feuille nasale double, l'antérieure sinueuse aux bords et au sommet,
la postérieure en fer de lance.
(lette cbauve-souris est une des plus communes que nous ayons en France;
elle babile les cavernes, les carrières et les souterrains des vieux monuments
abandonnés dans toute l'Europe. Elle n'en sort qu'à la nuit close pour aller
(basser les papillons de nuit et les insectes crépusculaires. Ses yeux sont petits,
obscurs et couverts, à pupille nocturne; aussi fuit-elle la lumière, et les lieux
les plus ténébreux sont ceux qui lui plaisent le plus; elle y fixe son domicile et
y vit suspendue à la voîîte par les pieds de derrière, en compagnie d'un grand
nombre d'individus de son espèce. Ce qu'il y a de particulier, c'est (|ue, quelle
ASPECT DE RUINES DERRIERE LA CABANE DES AXIS
( J-i.lln .1. - PU n ir-. )
RHINOLOPHES.
!):?
que soit la grandeur du souterrain ou de la caverne où elles habitent, elles ne
se dispersent pas dans ses dii'férentes parties; elles se tixent toutes les unes à
côté des autres et se touchant presque, à la même place, et il faut qu'il y en
ait une grande quantité pour occuper plus de quatre ou cin([ métrés carrés de
la voûte. L'hiver, au moment de s'engourdir, elles se ra[)prochent au point de se
toucher et de former pour ainsi dire une masse compacte. 11 est prohahie (pi'elles
cherchent ainsi à se réchaulïer les unes les autres et à se soustraire autant ([ue
possible aux cruelles rigueurs du froid.
Le grand fer à cheval, counne la plupart des chauves-souris, se traîne trés-
péniblement sur la terre, et sur une surface un peu unie il ne peut s'élancer
[)our prendre son vol, par la raison fort simple que ses pattes ne peuvent pas
exécuter en même temps tous les mouvements nécessaires au saut et au vol.
Ceci montre (|ue l'attitiule singulière (ju'il prend dans le repos, en se sus|)en-
dant la tète en bas, est pour lui une position naturelle et fort commode. En
eflet, il n'a (ju'à lâcher la roche où il est attaché, étendre les ailes en tombant,
el le voilà au vol.
Pai- la même raison, la femelle ne cherche pas à faire un lit ou un nid.
comme les rats, par exemple, pour déposer ses petits, car il lui faudrait mar-
cher pour y entrer et en sortir. Elle met bas sur le bord d'une roche perpen-
diculaire ; et aussitôt (pie ses petits sont nés, elle se les attache sur la ])oitrine, se
précipite de la roche la tète en bas, et va reprendre sa résidence ordinaire sous
une voûte. Les petits, au nombre de deux au plus, se trouvent, pour ainsi dire,
emmaillottcsdans les membranes des ailes de leur mère, qui les porte avec elle
en volant jus(prà ce (pi'ils soient assez forts pour se lancer et se soutenir dans
les airs. J'ai été moi-même témoin de ces faits.
Le Petit feu a cheval {liUin()lo])htis bi-has-
iatus, Geoff. VesperlUio fernim rquinum, y av.
Lin. ViS}iCittlio /li/j/josidfro.s-, Bechst. Le 7-'ftit
fer à rheval, Blff) a la feuille nasale double,
mais l'une el l'aiilre en fer à cheval ; ses oreil-
les sont profondément échancrées. 11 habile
ri-.urope, et plus parliculièrement l'Angleterre
Le RuiivoLopHE TRIDENT ( l{hi»oloj)hiis tri-
(lens, (iEOFF.) a la feuille nasale simple, et ler-
niinée par trois poinles. 11 habite l'Lgypte, el
se relire dans les cavernes et les tombeaux.
Le lliiiNOi.oPiiE citLiiit^iFÈiiE { HhhwtopUiis
spcoris, Scu>Eii). Hhinolophiis marsiipialis ,
Geoff.) a la feuille nasale simple, arrondie à
son sommet ; uue bourse, formée de trois replis
de la peau, s'élève sur son front. De l'ile de
Timor.
Le Rhinolopue ue Commkuson {lUiinolopUus
Commersonii. Geoff.). Sa feuille nasale est sim-
ple, arrondie à la pointe ; sa queue est de moi-
tié moins longue que les jambes. De Madagas-
car, aux environs du fort Dauphin.
Le RimoLOPiiE diadiime ( lihiiiolophus dia-
dima, Geoff.) a la feuille nasale simple, arron-
die au sommet; .s(m front ne présente point de
bourse comme dans le cruménifère, et sa queue
est de la longueur de ses jambes. De Timor.
10' Genre. Les MÉ«ADERMES {Megnder-
ma, Geoff.) ont vingt-six dents; quatre inci-
sives inférieures, point à la mâchoire supérieure;
deux canines en haut et deux en bas; huit mo-
laires supérieures et dix inférieures ; leurs oreil-
les sont très-grandes, soudées à leur base au
sommet de la tète, à oreillon intérieur large ;
leur nez porte trois crêtes, une verticale, une
horizontale et une en fera cheval ou inférieure;
elles n'ont pas de queue, et leur membrane in-
terfémorale est coupée carrément.
La Mkgadehme feiille {Migadiriiid fions,
Geoff. LaFeuillf, G. Ctv.— Dai u.), à feuille du
nez ovale, presque aussi grande que la tète ;
pelage d'un gris cendré teinté de jaunâtre. Du
Sénégal, et peut-être de l'archipel des Indes.
La MÉCADEHME L\n¥.{Megadenn(i Itira, Geovv.),
à feuille rectangulaire, avec une follicule de
moitié plus petite. On la croit de l'archipel In-
dien.
La MÉGADEiiJiE SPASME {Meçademm spasmu,
GioFF. l'espertilio spnsma, Lin. Glis volans
ternaleus. Sera. Le Sj)asme de Ternate, G. Cuv.l
«)'(
LES CARNASSIERS CHÉIROPTKUKS
il Ifuillo fil iDiiiic (le c'oeiir ; rtircilloii est on
domi-caMir, cl In rolluiik- rsl do iiiciiit' tonne et
de nu'iiH' (liint'iision i]\u' la toiiillo. De lilo de
IVriiati".
Le [^()\() ( Megadcrma trifolinm, (iKOi'i'. Lo
rrilk de Jnva, G. (",i v.l, ;'i l'ciiillf o\Mo; à oroil-
lon l'ii fonnc do trôllo, avoo iiiio lolliculo assoz
fïraiido ol ofjalo au oiiK|iiiôiiio iW la loiiniioiir
dos oroillos. Do lilo do Java.
1 1' ("iKMtK. I,os NYCTÈRESI.Vi/r/pii.sGKOFF.)
ont lioiilo-six doiits ; qiiatro inoisivos à la nià-
olioiro suporioiiro ol six à l'iiiforiouro; doux
oauiuos ou liaul ot on bas; huit aïolairos su-
périouros ot dix inforioui o> ; lo oliaufroin ost
creuso d'uno fossollo niarquoo nionio sni- lo
oràno ; los narines sont roeouvorles par nu oper-
onlo earlilaginenx, nioltile, ou outonroes d'un
eorolo de laines saillanles ; los oroillos sont
•jiandes, ri'unios par leur base ; roreillon ost
e\térionr ; la inoud)rane iiderl'onioralo est Irès-
î^iande. ot oouiprend la (jnono. dont la der-
nièi'o vorlobro se termine par un cartilage bi-
lurquo.
1.0 ^YCT^;KE OE D*i)iiK\TO> ( Ayf/eiis Dau-
bent odU. Gkoff. Vesperlilio /li.vpidKS, Ln. Lo
C.ampngnol vclniii, Dvrn } est d'un brun rous-
sàlre eu dessus, blanchâtre en dessous. a\ oc
qneUpu's teintes fauves; los oreilles sont assoz
iiiaudos ; los opercules des narines sont tir --pe-
tits; la lèvre iiif('riouro ost simple. Ou midi <le
l'Euiopo ot de l'Afrique.
LoISvcTÈHE DE Geokfhov (.\ijeteiis Cieoflroiji,
Oesm. Le Ai/f/hr de la Thebaïde, Gsorr.) ost
gris brun on dessus, plus clair on dessous; une
grosso verrue ost sur sa lèvre, outre doux bour-
relets att'octant la forme d'un V. Hn Seuoiial e!
de la Thebaïdo.
Le NvcTi':iiE de Java ( .\i/( (cri.v /(loadicHs ,
Geofe.), d'un roux vif ou dessus ol d'un coudre
roussàtre on dessous. l>e l'do do Java.
12" Geinkk. Les T-iPIllEXS ( Tuiiliozoïn;,
(ii'OFF.) ont vinirl-buit dents; i|ualro incisives
on bas ot deux on haut, selon G. (.uvior, ou
point, selon 1\L Geoffroy; viiiyt molaires; loin-
clianrreiu ost sillomio comme dans lo goure pre-
cédenl ; la lovro siiporioure est e|)aisse; los oroil-
los sont iiiO)ounes et écartées; roreillon est in-
térieur; la (pieue ost libre à roxtrômito, au-des-
sus de la mombrauo, qui est graiule. à angle
saillant an bord ovtorienr.
Le Tatiiien iîoi x ( l'apltozoïis nifns, AN ils.
VespertiUo ntfiis, Wakd. ) se distingue dos au-
tres esi)è(Ospar la couleur ronge de smi pelage;
il ost aussi le seul des tapliions connus jiisqu a ce
jour ipii habile l'Amérique. On lo Ironve an\
Llats-Unis.
Lo Tai'uie.x I)h MviitiCE (/'o/>/io;()I(>' mami-
tiatius, Gkoef.). D'un brun marron en dessus,
roussàtre on dessous ; il a un oioillon termine
par nu bord sinueux. L'ile do Fiance.
LeTAri!ii:> »i SE.xÈciAi, \Tai>hozoiis seitign-
/(ji.si.s-, Geoff. Lo Lerot volant, Dnii.i. Il ost
brun on dessus, d'un brunceiidio endossons;
ses oreilles ^ont moyennes, ;i oroilion arrondi.
Du Sénégal.
Lo TvpiuEN LO>(;iM\XE ( Taphozmis longhna-
itus, IIaiuivv.), d'un brun do suie ; a polageépais;
ailes noires, avant (|uiiizo ponces \(i, 'lOni d'on-
vorguro; oreilles ovales, plissées on travers. De
( alcnlta.
I 0 Tai'uien PEKFOiiÉ (Taphozous i)eil'()iatus.
Geoif.i d'un gris roux on dessus, eondro ou
dessous ; un oroilloii eu forme do for do hache.
De l'Egypte, où il habite les toinlioaiix.
Lo Taphien i.Ki'TiBE ( Tapliozoïis leplunis,
Geoff.), gris; plus p;ile en dessous; dix-hinl li-
gues de longueur iO.Oil ; un repli au coude
formé par l'aile ; oroilion obtus ol fort court.
On lo croit do Surinam.
Tous ces animaux vivent (riiisecles et ne volent i|ue la nuit. Liiie es|)ece, le
lai»hieu lonj^imane, est un objet de terreur pour les femmes superstitieuses,
(loinme il est très-commun et qu'il volliye coiitiuueileiiuMit autour des maisons,
si une croisée reste ouverte et qu'il y ail un llambeau allume, cet animal, attire
par la lumière de la même manière cpie les papillons de nuit, entre dans l'ap-
partement, et va s'attacher aux rideaux des lits ou aux corniches, oii on le
trouve le lendemain, si avec ses ailes il n'a pas réveillé la dormeuse qui, dans
ce cas. est fort effrayée. Mais c'est moins la crainte qu'occasionne sa présence
ipie les conjectures sinistres (pi'on en lire, ([ui font redouter cet animal, du
reste fort innocent. On croit que sa visite annonce la mort, cl ijue dans la
maison où il est entré il ne se passera pas un an avant que l'on ait à déplorer
la perte d'un des membres de la famille. Le peuple, eu France, a un préjuge
semblable à l'égard de la chouette.
lUIlNOI.JMMIhS
!»:>
!.".• (iiMll. I.rs MOIt.MOIVS 1 WoM/M./.s, I 1' (il.Mil:. 1 .rs X Vri'OlMIl l.l'.S | Vi/i (o/Wii
Li'\i:ii.) oui IrciiN' t|niili l'di'iils; ipiiilrc iniiMM's /lo, Li'.\i;ii.),iimI nIii^I Iniil ilciils ; deux iiK-JKivcN
siipci'ii'iirrs iiii'^iili's, les inilov'iiiics Irrs-rcliiiii- Mi|iri'iriirrN ('(iiii<|tii's , iii({iii s ri nlliiiip>crN; hix
( Tces; (|iiiilir iiirciicmcs II irulrs <•! ('i^filrs.ili'iix iiiIVriciirrs liillilcs. ((^iilcs. )i Inlics iitroiuliH ;
ciiiiiiirs il ( hiii|ii<' niilrliiiirr, les Miiirrirnrrs dciu ('iiiiiiir.s ti ('liiii|ni' iiiArliiiirr, lis inlrrifiiirs
(li'iiv luis aussi limeurs ipir 1rs inrei'iriii'i's, un jim-c uni- |)rlilr |iiiiiilr j'i Iriii- liiisi-, riiai'i'K'i'r ;
|ini ('(liiipi'iiiircs cl iMiiiilii'iili'i's ni iIcmiiiI ; ili\ sri/.r iiioliiirrs ii coiininiir (.'iiniics ilr liiliri-<-iili'H
iiMilaiirs ni li'Hil ri iliiii/c ni htis ; In Iniilli' lia ai^iis; ils oui ilnix Iriiillrs soiisli* m-/, la |iiisli^-
snlc l'sl iiiiii|iic, (Iriiilr, cl l'niiiii' aux tirnllcs :
celles-ci soiil lr<'s-c(tiii|ili(|iic(s
l.e Moinioi's nu Hi.vixmii.i. {Moiinoiis /I/imii-
»i//ii, l.iACii.i. rniiil élevé; cliaiiliciii cxcaM';
rinirc la pins i^raiiili' ; la i|iiciic, riiniicc de ciiii|
M'i'li'lircs dans sa paiiie visililc, dépasse iiii peu
la iiiniihi'aiie.
I,e NïC.iiii'iiii.i'. III' lii((ii'i'H(iï { ISiji lopliihts
ii'\re Mipcriciirc IoIm'c, creiielee; l'iiilei inin il (;<•()//'"•('. l.i'X'M.icsl d'un liiiiii laiiiiiUre en
trois lolies iiinnliraiieiix ; reiiilli' nasale plissi'c; dessus, cl d'un lilanc sale en dessmis; ses ailcH
oieilles divisées en deux loliesaii Ixird siipiiinir ; sont d'un noir liriiiijUie; ses oreilleN si ml lar^cN.
langue .1 |iipiiles liilidi's el Iriliiles. Dr la la On ne eiiniiail pas sa pairie, mais il esl pnilia
iiijii(|iii>, lile ([n'il ne se renconire pas en lùiriipe.
I'ji<l<iiiii;iiil l(>s (iii'.'ii'lri'cs <le lu riiiiiillc îles i'liinolo|ilies, iiniis ;ivoiis dit (|ii'oii
Inii' vnil sniivnil iiii vetilir des vcillies siiiillliiiil .isse/. hieii des iiiiiiiielles. N'itiri,
il <(■ sujet, ce i|iie peiisiiil (ir<>iïn>y S;iinl-llil;iin> : » Les rliiiioliiplies, dit-il, soiil
les seules cliiinves-siHiiis (|ii(' je niimaissc (|iii siiiciil sif^iialces |un rcxisleiire de
deux |i.iii'es de niaiiielles; la |iait-c siiniiiiiicraiie esl siliK-r aux aîucs ; elle esl
iilns sniiveiil eui|iliiyee. hltaiil, eu i S27, à Marseille, nu m'y a l'ait ('(iiinaîli-e nue
l'enuiie i|iii avait egaleuieiit iiniirri ses eiilauts par uwv. uiainelle siiniiiiiieraire
inguinale : la uièliic déin^^atioii a la n-i^le eu des Aires poiiiviis de Miaiiielles oi-
diiiaireuieiit reslieiiiles a i\r\i\, et peelorales (|uaut à leiir sitiiatiiiii, Iciniie une
eousideratinii de senihlalile aiiouialic (|ue je cniis deviiie taire reiiian|uer. » l.e
niênie savant pense ipie cette él.railge laculti-, ipie les cliaiives-snmis nul de se
diri^'er sans liesitalinn an milieu des lenidireiix laliyiinllies (pTelles lialiiteul,
est due à une extrême sensiliiliie de tact ipii leur l'ait appiecier les plus petites
dilTerences aluiosplieriipies. (iel nr^aiie du tact résideiait dans les niemhraues
des ailes, et serait alors d'une étendue iiiiuparative tres-cnusideralile. 'l'elle était
aussi l'Hpiniou de (I. C.uvier, ainsi i|ne nmis le dirons dans l'article suivant.
9(i
LES CAIiiNASSIKKS C HÉIUOPTKU K8.
LES VESPERTI LIONS,
iiiiisi qup les (iiniilles qui vont suivre, n'ont au-
cun iippendiceau nez ; leurs ailes sont grandes,
et ils n'ont à l'index qu'une seule phalange;
leiu's lèvres sont simples ; leur langue est courte,
leur- (|ueue longue, et leur léte est de forme al-
longée et poilue. Cette famille se compose des
ehauves-souris proprement dites.
IS'C.ENRE. Les VESPERTILIOXS {Vesper-
tilio, Geoff.) ont trente-deux dents: quatre in-
cisives supérieures ((luelquefois deux ) dont les
deux mojennes ordinairement écartées; six in-
férieures à tranchant un peu dentelé ; oreilles
séparées, larement unies par leur base; un
oreillon interne; des ahjijoues; queue totale-
ment prise dans la membrane interféniorale.
On en trouve des espèces dans tontes les parties
du monde, et nous les dasseï ons sur celte consi-
dération.
1» VESPERTILIOINS D'EUROPE.
Le MURIN Vfspi'rlilio ninriniis. Lin. La (hanve-souris. Bi ff.).
Il a les oreilles ovales, de la longueur de la tète, et les oreillons en forme de
(aux; il est d'un brun roussàtre ou d'un gris cendré en dessus, d'un gris blan-
châtre en dessous. Il est assez commun en France et dans toute l'Europe, dans
les clochers et les vieux châteaux.
« Toutes les chauves-souris, dit Buflon, cherchent à se cacher, fuient la lu-
mière, n'habitent que les lieux ténébreux, n'en sortent que la nuit, et y rentrent
au point du jour pour demeurer collées contre les murs. Leur mouvement dans
l'air est moins un vol qu'une espèce de voltigement incertain qu'elles semblent
n'exécuter que par effort et d'une manière gauche; elles s'élèvent de terre avec
peine, elles ne volent jamais à une grande hauteur, elles ne peuvent qu'impar-
faitement précipiter, ralentir, ou même diriger leur vol; il n'est ni trés-rai»ide,
COLONIE DE DAUBEHTOI^
(.!„,, 1,1, ,1,-- 1M.>.. If-.)
VESPEUTILIONS. 97
ni bien direct; il se t'ait par des vibrations brusques dans une direction oblique
et tortueuse. Elles ne laissent pas de saisir en passant les moucberons, les cou-
sins et surtout les papillons pbalènes qui ne volent que la nuit, qu'elles avalent,
pour ainsi dire, tout entiers. »
Tout ce que Buflon dit là du vol de ces animaux est parfaitement juste pour
les petites espèces, mais pas du tout pour les grandes. Ces dernières ont le vol
très-élevé, fort rapide, et elles se dirigent dans les airs avec autant et plus de
facilité que les oiseaux. Quant aux petites, si leur manière de parcourir les airs
lui a paru oblique et tortueuse, c'est qu'il a pris ces crocbets nombreux et
rapides pour des résultats du caprice ou de l'imperfection de l'animal, tandis
que réellement ils résultent de la poursuite incessante qu'ils font aux petits
insectes dont le vol est irrégulier.
Mais il est, dans les cbauves-souris, une chose bien autrement étrange, que
le grand écrivain n'a pas signalée. Dans les cavernes les plus obscures, dans
les ténèbres les plus profondes, elles parcourent en volant les nombreuses issues
de leur demeure, sans hésitation, sans jamais se heurter contre les angles
avancés des roches ou les parois des sombres voûtes, et avec la même sûreté
qu'un autre animal en plein jour pourrait le faire. Cela vient, a-t-on dit, de ce
que les chauves-souris voient dans les ténèbres, et l'on s'est trompé. Tous les
animaux nocturnes ont la faculté de concentrer dans leur pupille, très-dilatable,
les plus faibles rayons de lumière, et c'est pour cette raison que pendant la nuit
ils distinguent assez les objets pour reconnaître leur route, leur proie, et accom-
plir toutes les fonctions nécessaires à leur existence. Mais dans une obscurité
totale, absolue, dans le manque complet de lumière, leur pupille a beau se di-
later, elle ne peut percevoir des rayons qui n'existent pas, et, dans ce cas, une
chauve-souris est tout aussi bien frappée d'aveuglement que tout autre animal.
Cependant, ainsi que nous l'avons dit, loin de se heurter contre les corps étran-
gers, elle parcourt toutes les sinuosités de sa caverne avec la plus grande aisance
et sans diminuer la rapidité de son vol.
Faudrait-il en conclure qu'au fond des souterrains les plus noirs il pénétre
encore quelques rayons de lumière bien faibles, mais suffisants? Non, et en voici
la preuve. On a pris des chauves-souris, on leur a crevé les yeux, et on les a
lâchées à proximité de leur demeure; elles s'y sont aussitôt précipitées et se
sont dirigées dans tous les recoins de leur labyrinthe avec la même facilité, la
même sûreté que si elles avaient vu clair!
Ces animaux auraient-ils donc été doués par la nature d'un sens exprés,
que nous ne pouvons ni connaître ni comprendre, parce qu'il nous manque,
et qui leur donnerait l'étonnante faculté de juger la forme, la position ou au
moins la proximité des objets, sans les voir? G.Cuvier a cherché à ce mystère
une explication qui ne me paraît pas pouvoir être adoptée sans discussion.
« Leurs oreilles, dit-il, sont souvent Irès-grandes et forment avec leurs ailes
une énorme surface membraneuse, presque nue, et tellement sensible, que les
chauves-souris se dirigent dans leurs cavernes probablement par la seule diver-
sité des impressions de l'air. »
Le murin, comme toutes les espèces de son genre, se nourrit uniquement
d'insectes. Buffon dit qu'il est carnassier, (pi'il mange, outre les insectes, de la
15
98
LES CARNASSIKKS CHEIROPTERES.
viande crue ou cuite, fraîche ou corrompue, et que, lorsqu'il peut entrer dans
une office, il s'attaclie aux quartiers de lard; mais tout ceci est au moins fort
douteux.
La îNocTLLE ( V(spertr[io nodula, Ln. T'es-
jtertilio jnolenis, Kubl. La Sérot'uie, Geoff.
La i\ocliile. Blff.) est d'un fauve uniforme, à
poils courts et lisses; ses membranes et ses
oreilles sont obscures : ces dernières ovales -
triangulaires, à oreillon arque; sa tête est large
et arrondie. Elle se trouve dans toute l'Europe
et exhale une légère odeur de musc.
La SÉKOTiNE ( ]'espertilio serotinvs, Ln. La
ISortiile, Geoff. La Sérotine, Buff.j diffère de
la précédente par les poils du dos, qui sont
longs, luisants.d'un brun marron vif, plus courts
sur les femelles; par ses membranes noires, et
enfin par ses oreillons en forme de cœur. On la
trouve dans les creux des vieux arbres, dans
toute l'Europe.
La Pipistrelle ( Vespertilio pipistrellus. Lin.
et Gml. La Pipistrelle, Blff. et G. Cuv.), la
plus petite des chauves-souris de la France ; les
poils du dos sont longs, d'un brun noirâtre;
ceux du veutre sont fauves ; ses oreilles sont
triangulaires, et ses oreillons sont presque droits,
terminés par une tète arrondie. D'Europe et
d'Egypte.
Le PvGMÉE (Fcspcr/i/io pygmœus, Leach. t^es-
peitilio minulHS.' MoMAGt ) est la plus petite
des chauves-souris connues ; d'un brun foncé en
dessus, gris en dessous; oreilles plus courtes
que la tète, à oreillon linéaire et simple; queue
nue au sommet, longue , dépassant un peu la
membrane. Dans les Ironcs d'arbre, en Angle-
terre.
Le Vespehtilion éch ancré ( Vespertilio emar-
ginatus, Geoff.), d'un gris roussàtreen dessus,
cendré en dessous ; oreilles oblongues, de la lon-
gueur de la tète, à bord extérieur échancré;
oreillon subuié. Dans les souterrains, en Angle-
terre, et rare en France.
Le Vespertilion de Kuhl [Vespertilio Kuhlii ,
INatt. ), d'un brun rouge en dessus, fauve en
dessous ; moilié supérieure de la face interne
de la membrane inferfémorale très-velue; les
oreilles très-simples , presque triangulaires, à
oreillons larges et arqués en dedans. DeTrieste.
Le Vespertilion a molst acres (Vesperlilio
vuistacinus, Leisl.>, d'un brun marron en des-
sus, plus clair dans la femelle; deux moustaches
de poils fins sur le rebord de la lèvre supérieure ;
oreilles assez grandes, échancrées et repliées au
bord extérieur, arrondies au sommet; oreillons
lancéolés. D'Allemagne.
Le Vespertilion de Daurenton ( ]'espertilio
DniibeiitoDii. Leisl.), d'un gris roux en dessus,
blanchâtre en dessous ; oreilles presque ovales,
petites, presque nues, à bord externe un peu
échancré, le bord interne largement replié;
oreillons lancéolés, minces, très-petits. De la
Wétéravie.
Le Vespertilion de Leisler ( Vespertilio
Leisleri,KmL. Vesperlilio dasijearpos, Leisl.),
à poils longs, de couleur marron à la pointe et
d'un brun foncé à la base ; membrane très-ve-
lue le long des bras; oreilles courtes, à oreillon
terminé par une partie arrondie; queue dépas-
sant à peine la membrane. D'Allemagne.
Le Vespertilion de Screirers ( Vespertilio
Sri eibersii, Natt.), d'un gris cendré, plus pâle
en dessous, quelquefois mêlé de blanc jaunâtre;
oreilles plus courtes que la tcte, larges, droites
et triangulaires, avec les angles arrondis et un
rebord interne velu ; oreillon lancéolé, recourbé
en dedans vers la pointe. Des montagnes de
Bannat, dans les cavernes.
Le Vespertilion de Natterer ( Vespertilio
l^iattereri, Kuhl.) d'un gris fauve en dessus;
blanc en dessous ; ailes d'un gris enfumé ; mem-
brane interfémorale festonnée ; oreilles un peu
plus longues que la tête, ovales, assez larges;
oreillon lancéolé, placé sur une protubérance de
la conque. D'Allemagne.
Le Vespertilion de Bechstein {Vespertilio
BffJiitfinii, Leisl.), d'un gris roux en dessus
blanc en dessous; oreilles plus longues que la
tête, arrondies au bout ; un oreillon en forme de
faux, un peu courbé eu dehors vers sa pointe.
De l'Allemagne; dans les troncs d'arbres.
2" VESPERTILIOINS D'AFRIQUE.
Le Vespertilion de Nigritie ( Vespertilio ni-
grita, Gml. — Geoff. La Marviotte volante,
Dalb.), d'un brun fauve en dessus; d'un fauve
cendré en dessous ; oreilles du tiers de la lon-
gueur de la tête, ovales-triangulaires, à oreillon
long et terminé en pointe. Du Sénégal.
Le Vespertilion de Boirbon {Vespertilio
borbonifus, Geoff }, roux en dessus, blanchâtre
en dessous ; oreilles de moitié plus courtes que
la tête, ovales-triangulaires; oreillon long, en
demi cœur. De l'île Bourbon.
VESPEK II LIONS.
9i)
>» VESPERTILIONS DASIK.
Le KittivouLA ( Vespeitilio pictiis. Lin. Lo
Muscardin volant, Daub.) , d'un roux jaunâtre
vif eu dessus ; d'un jaune sale eu dessous ; ailes
d'un brun marron, rayées de jaune citron le
long des doigts ; oîciUcs plus courtes (jne la
tète, plus larges que hautes, à oreillon subulé.
De Ceyian Séba avait nieutionné cotte espèce
comme étant de Toriinle; peut-être l'y voit-on.
4° VESPEKTILIONS D'AMERIQUE.
La Gbakue Sérotine ( Vesperlilio maximus.
Desm. Vesperlilio nasittus, Shavv.) d'un bruu
marron eu dessus, passant au jaune clair sur les
lianes; d'un blanc sale en dessous; oreilles plus
courtes que la tête, ovales; oreilloris subulés ;
museau long et pointu. De la Guyane.
Le Vespertilio.n au long nez ( J'espeitilio
7iaso, Max. de Neuw.), d'un gris brun ou jaune
foncé en dessus ; gris jaunâtre en dessous ; oreil-
les petites, très-pointues ; nez fort long, s'al-
longeant d'une ligne au-dessus de la mâchoire
supérieure, comme une trompe. Du Brésil ; sur
les arbres.
Le Vespertilion polvtubix ( Ves2)ertiUo po-
lijthrix, Isiu. Geoff.), d'un brun marron uni-
forme, tirant sur le grisâtre; membrane intor-
féniorale un peu poilue; face velue; oreilles
plus longues que larges, petites, échaucrées à
leur bord extérieur. Du Brésil.
Le Vespertilion dl Brésil {Vesperlilio bra-
siliensis, Desm.), pelage doux et soyeux, d'un
brun obscur lavé de marron; ailes étroites et
noires; oreilles allongées, médiocres. Du Bré-
sil.
Le Vespiktilion de Saint-Hilaihe {Vesperti-
lio tlilarii, Isid. Geoff), comme le précé-
dent, mais pelage variant du brun noirâtre au
bruu marron eu dessus, et du grisâtre au brun
roux en dessous ; membrane interfémorale nue ;
oreilles petites, presque aussi larges que lon-
gues. Du Brésil.
Le Vespehtilion Lisse {]'csperlilio lœiis ,
Isid. Geoff.), d'un brun obscur teinté de mar-
ron; la face nue en partie; la membrane inter-
fémorale un peu poilue; les oreilles longues; la
queue aussi longue que le corps. Du Brésil.
Le Vespertilion de Buénos-Ayhes ( l'esperli-
lio bouaviensis, Less.), d'un jaune pruineux en
dessus; d'un jaune brun en dessous; fauve au
nniseau; les oreilles com'tes, ovalaiies; les ailes
d'un rouge noirâtre; la membrane iuterfémo-
rale Irès-velueeu dessus, nue en dessous. De la
Plata.
Le Vespertilion poluré ( \'cspertHio albes-
cens, Geoff.), presque noir; piqueté de blanc
en dessus, et à teinte sombre en dessous. Du
Paraguay.
Le Vespertilion rouge ( T'e.s7>er(?/io niber,
Geoff.), d'un jaune cannelle en dessus, fauve en
dessous, à poils courts; oreilles très-pointues ;
oreillons étroits, linéaires. Du Paraguay.
Le Vespertilion très-velu (l'esperlilio lillo-
sissimiis, Geoff.), d'un brun pâle ; oreilles assez
aiguës an bout , ressemblant à celles d'un rat;
oreillon pointu ; membrane interfémorale velue
dans son milieu. Du Paraguay.
Le Vespertilion a dos noih (Vespertilio me-
lanotus. Kafin.), noirâtre en dessus; blanehâlre
en dessous ; ailes d'un gris foncé, avec les doigts
noirs ; oreilles arrondies et à oreillon. Des Etals
Unis.
Le Vespertilion aux ailes rlei es ( Vesperli-
lio cijanopterus, Bafin.), d'un gris foncé en
dessus; gris bleuâtre en dessous; ailes d'un gris
bleuâtre, avec les doigts noirs; oreilles plus
longues que la tète ; un oreillon. Des États-
Unis.
Le Vespertilion moine ( Vesperlilio vtona-
chus, Rafin.), d'un fauve lougeâtre et foncé en
dessus, fauve en dessous; ailes d'un gris foncé;
nez et doigts roses; pattes de derrière noires;
oreilles petites, cachées dans les poils. Des États-
Unis.
Le Vespertilion a face noire ( Vesperlilio
pbaïops, Rafin.) d'un brun bai obscur en des-
sus, plus pâle en dessous ; les ailes, la face et les
oreilles noirâtres. Des États-Unis.
Le Vespertilion épero>nk ( Vesperlilio ral-
raratiis, Rafin.), d'un bruu noirâtre en dessus;
fauve foncé en dessous ; ailes et pieds de der-
rière noirs; doigts roses; un éperon à la partie
interne de la première phalange. Des États-
Unis.
Le Vespertilion a queue velue ( l'espertitio
Insiurits, Lin.), varié de gris janoâlrc et de roux
vif; oreilles plus courtes (pic la tcte, ovales;
oreillon droit en demi-cœur. Des Éla(s-Luis.
Le Vespertilion de la Caroline ( Fe.s/jrrti-
liocarulincusis, Gioff.), d'un brun marron eu
dessus, jaune en dessous; oreilles de la longueur
de la tète, oblongues, eu partie velues; oreil-
lon en demi-co'ur. Des environs de Charlcs-
lowii.
Le Vespertilion aroi !• {]'esprrlilio arqualus,
100
LES CAKNASSIEKS CHÉIROPTÈRES.
Saï.), oreilles im peu plus courtes que la léte, à
bord postérieur portant (ieu\ petites écliau-
crures obtuses; oreillon arqué, obtus au bout;
meoibraue interféniorale nue. Du uord-ouest
des États-Unis.
Le Vesfertilion slbulé ( VesperlHin snbula-
lus, Say.). pelage à poils brunâtres à la base,
cendre au sommet ; ceux du ventre noirs à la
base et d'un blanc jaunâtre à l'extrémité; mem-
l)rane interfémorale unicolore, velue à la nais-
sance, un peu dépassée par la queue ; oreilles
de la longueur de la tète, plus longues que lar-
ges. Des montagnes rocheuses du nord de l'A-
mérique.
Le Vespehtilion puiiiveux ( Vespertilio prui-
nosns, Say.), d'un brun noirâtre, piqueté de
bliuic sur les parties antérieures ; d'un ferrugi-
neux foncé sur la croupe; d'un blanc jaunâtre
terne sous la gorge; oreilles plus courtes que la
tète; oreillons arqués, à pointes très-obtuses.
De Pensjlvanie.
\G' Genhe. Les OREILLARDS (Plerotua,
Geoff.) ont treule-six dents : quatre incisives
supérieures et six inférieures; deux canines en
haut et en bas; dix molaires à la mâchoire su-
périeure et douze en bas; leurs oreilles sont
très développées, plus grandes que la tète, et
unies l'une à l'autre sur le crâne.
VESl'KHTIMONS.
101
I/OREILLARD [ PIccolHfi commiuiis, Gk(.fk. Vcaperlïïm niirilns, Li\. L'O/rt/-
Inrd, BuFF.).
Cet animal est une des plus petites chauves-souris de notre pays. Il est entiè-
rement gris, mais plus foncé en dessus qu'en dessous; on le distingue de tous
les animaux de sa classe par l'énorme grandeur de ses oreilles, qui sont presque
aussi longues que son corps. On en connaît deux variétés : l'une, qui habile
l'Autriche, est un peu plus grande que la nôtre ; l'autre, qui se trouve en Egypie,
est au contraire un peu plus petite.
L'oreillard est sans contredit l'animal le plus étrange que nous ayons en
France, sous le rapport de la physionomie. Quand il est en repos, ses oreilles
se plissent en travers, se raccourcissent, et finissent par recouvrir le canal
auditif en disparaissant presque, ou du moins ne montrant cpie des proportions
ordinaires. Celte faculté lui est d'autant plus nécessaire, qu'il liahile nos mai-
sons, nos cuisines même, et se loge le plus souvent dans des Irons de murs
où ses oreilles le gêneraient beaucoup et seraient continuellement froissées s'il
uavail le pouvoir de les replier à peu près comme les membranes de ses ailes.
Beaucoup plus connnun chez iu»us (pu'la chauve-souris ordinaire, s'il échappe
a l'observation, c'est parce ((u'il s(»rl plus lard de sa retraile, cpi'il vole avec une
rapidité telle, qu'à peine peut-(.n rai>ercev(»ir dans l'obscurité, outre que ses
petites dimensions favorisent son imognilo. H marche sur la terre avec plus
de facilite (pie les autres animaux de sa famille, cl je l'ai vu cpielquefois grinipei
102
LliS CARNASSIERS CHÉIROPTÈll KS.
contre de vieux murs avec autant d'agilité que pourrait en mettre une souris.
Son vol est très-irrégulier, très-capricieux, et l'on dirait qu'il prend à tâche de
ne pas parcourir trois toises en ligne droite: il monte, il descend; il tourne à
droite, à gauche; il va, il revient ; et tout cela par des mouvements brusques el
anguleux qu'il est presque impossible de suivre avec les yeux. Comme la chauve-
souris, il est très-curieux, et si on veut l'attirer en quelque endroit, il ne s'agit
que d'agiter un linge Idanc autour d'un bâton : il viendra aussitôt voltiger au-
tour jusqu'à ce qu'il ait reconnu cet objet étrange pour lui. Alors, il se remet
en chasse et saisit dans les airs les plus petits insectes.
Ses oreilles monstrueuses ne lui ont pas été données inutilement par la na-
ture. Je ne pense pas, comme G. Cuvier, qu'elles lui servent beaucoup pour
recevoir les impressions de l'air et reconnaître la présence des corps contre les-
(|uels il pourrait se heurter; mais je crois que le sens de l'ouïe est prodigieuse-
ment développé chez lui, parce qu'il remplace jusqu'à un certain point celui de la
vue, ou que du moins il lui est un puissant auxiliaire. En effet, comment l'oreil-
lard, avec des yeux très-petits, presque cachés dans les poils de son front, pour-
rait-il, surtout lorsque la nuit est noire, apercevoir à une certaine distance les
insectes dont il se nourrit? Il ne les voit pas, j'en suis persuadé, mais il les en-
tend bourdonner, et alors il se précipite vers l'endroit où son oreille l'appelle,
il le parcourt dans tous les sens, y fait mille tours et détours, toujours en
obéissant à son guide, jusqu'à ce que sa faible vue ait découvert l'objet de ses
recherches, et qu'il ait pu le saisir. Ensuite, il me semble que ceci expliijuerait
assez bien l'irrégularité de son vol, et les mille crochets brusques qu'on lui voit
décrire dans un espace quelquefois très-resserré.
L'Oreillaud cobmj {Plecohts <ornutiis,Fx-
uEii.) est encore plus reiuaniuable que le pré-
cédent pour la longueur de ses oreilles, qui n'ont
pas moins de dix-neuf lignes de longueur, et
sout par conséquent aussi longues que son corps.
Les oreillons sont aussi longs que les oreilles,
et figurent assez bien une paire de cornes. Son
pelage est d'un noir lavé de brun en dessus, et
d'un noir bleuâtre varié de blanc grisâtre, sur
le ventre et sur la gorge. On le trouve dans le
Jutland.
L'OuEiLLARD »K Ti.iiOK {Plecotns Thnorieu-
.sîajLess. Vespertilio timoriensis, Geoff.) est
d'un brun noirâtre en dessus, et d'un brun cen-
dré en dessous ; ses oreilles sont gi-andes, et ses
oreillons en demi-cœur. Des Moluqucs.
L'Oreillard de Rafinesque ( P/fro/u.s lia/i-
iiesqtiii, Less. f'espertilio viegnlolis, Piafiin.)
est d'un gris foncé en dessus, pâle en dessous;
ses oreilles sont doubles, très-grandes, avec des
oreillons aussi longs qu'elles, caractère qui le
dislingue de l'espèce de notre pa}s On le trouve
aux Étals-Unis.
L'Oreillmid de Madijé (Plecotns Maugei,
Less. Vespertilio Maugri, Deshi.) est d'un brun
noirâtre en dessus, d'un brun clair en dessous,
avec les parli(\s postérieures du corps blanches;
ailes grises; oreilles très-larges, à pointe arron-
die et échancrée extérieurement. De l'Ile de
Porto- Il ico.
La Bahbastelle ( Plecotits bnrbastellus, Le-s.
Vespertilio barbastellus, Li\. — Gml.— Geoff.),
d'un brun foncé, glacé de fauve; ailes d'un brun
noir ; oreilles larges, triangulaires, à bord ex-
térieur échancré; oj'eillons frès-larges à la base,
étroits à la i)ointe, recourbés en arc vers l'inté-
rieur. De France et d'Allemagne.
L'Oreillard voile {Plecotns relalns, Isii).
Geoff.' , d'un brun marron eu dessus, brun gri-
sâtre en dessous; queue aussi longue que le
corps, entièrement prise dans la membrane ;
oreilles larges, de la longueur de la tcle. Du
Brésil.
17"= Ge>re. Les ATÀLAPHES (Atnlaptia,
Rafin). Point de dents incisives; queue ]ûus
longue que sa membrane, ou entièrement prise
dans elle; oreilles médiocrement écartées, mu-
nies d'oreillon.
L'Atalaphe d'Amériqie { Atalnpliu nmeri-
rona, Kafin. Vespertilio noceboracensis, Pi;!\x.)
brun en dessus, plus pâle en dessous ; poils doux
et so) eux ; une tache blanche aux épaules ; queue
entièrement prise dans sa membrane; oreilles
arrondies, larges et courtes. De Ne«-Yoik
' '■"-.;;£'.•.. SES r.iEi "if.
GALERIES DE GÉOLOGIE, DE MINtRALCGîE ET DS BOTANIQUE.
( .1, rrt il, .!,•> Hlanlf.. )
NOCTILIONS.
10.}
L'Atalaphe de Sicile [Alalniiha sicula, Ra-
i'iN.),d'iiu roux brunâtre eu dessus et eendré en
dessous; extrémité de la queue obUise, saillante
de sa membrane ; oreilles aussi longues que la
tète. De Sicile.
18" Ge!nre. Les MYOPTÈRES ( ]Vj/opfe)i.s-,
Geoff.) ont vingt-six dents; deux incisives et
deux canines supérieures et inférieures; huit
molaires supérieures et dix intérieures; chan-
(rein simple et uni ; oreilles séparées, latérales,
larges, à oreillon interne ; queue longue, prise
à demi dans la membrane; nmseau court et
gros.
Le Myoptèke dk DAUBE^TO\ (Myopteris Dau-
bmtonii, Geoff. Le Rat rulant, Daijb.), brun
en dessus ; le dessous d un blanc sale, légère-
ment teinté de fauve. Sa patrie est inconnue
19' Genre. Les XYCTICÉES ( Ayetifeiis, Ra-
Fi:s.) ont deux incisives supérieures, séparées
par un grand intervalle, appliquées contre les
canines, et à crénelures aiguës; six incisives in-
féiieures tronquées; les canines s;ins verrues à
leur base. Peut-être, qu;ind on les connaîtra
mieux, faudra-t-il reporter les espèces de ce
genre et du suivant dans d'autres genres.
La Psvcticée humérale (A'j/f(ifeus/iHT»ier«/is,
Rafin.), d'un brun foncé en de.ssus, grise en
dessous, avec les épnu'es noires; queue presque
aussi longue que le corps, Irès-mucronée ; oreil-
les plus longues que la tète, ovales, noirâtres.
Du Kenlucky, aux États-Unis.
La NvcTirÉE siARQrETÉE ( A'yclireKS /esse//a-
tiis, Rafin.), bai en dessus, fauve en dessous, à
collier étroit et jaunàli-e; queue de la longueur
du corps, terminée par une verrue saillante ;
ailes réticulées et pointillées de roux ; nez bilobé.
Du Kentuck\ .
20' (iENHE. Les HYPEXODOXS {Hijpexn-
don, Rafin.") manquent d'incisives supérieures,
et en ont six inférieures, échancrées; les canines
inférieures ont une verrue à la base; leur mu-
seau est nu; leurs narines rondes, saillantes ;
leur queue est entièrement prise dans sa mem-
brane.
L'HVPEXODON A MOliSTACHES ( Ihjpexodon JHI/S-
ta.r, Rafix.^ est brun sur le sommet de la tête,
fauve sur le reste du corps; ses ailes sont noires;
sa queue est mucronée ; ses moustaches sont
longues ; ses oreilles sont brunes et plus longues
que la tête. Il habite leKentucky.
Les mœurs des chauves-souris d'Amérique
sont fort mal connues, non pas qu'il serait fort
difficile de les étudier, mais parce que les natu-
ralistes américains se sont laissés aller aux mê-
mes préjugés que les nôtres, et qu'ils regardent
comme chose d'une importance très-minime
l'histoire morale des animaux. Et, cependant, de
quelle utilité serait pour la philosophie de la
science la connaissance des faits intéi essants et
nombreux qui nous sont restés inconnus, sim-
plement parce qu'on n'a pas voulu se donner la
peine de les observer, ne fût-ce que pour cal-
culer le degré d'inîluence de l'organisalion sur
les habitudes?
LES NOCTILIONS
ont les ailes longues et étroites, et deux pha-
langes à l'index. Leurs molaires sont réelle-
ment tuberculeuses; leurs lèvres sont très-gros-
.ses; leur tête est courte, obtuse; leur queue
recourbée. Quelques femelles de cette famille
ont de chaque côté une poche membraneuse
dans laquelle elles renferment leurs petits pour
les porter avec elles.
21' Genre. Les DYSOPES I Dyso/jps, Fr.
Ci3v.l ont vingt-huit dents : deux incisives en
haut et quatre en bas; deux canines à chaque
mâchoire; huit molaires supérieures, et dix in -
férieures.
Le Moops ( Diisopes moops, Fr. Cuv.) est la
seule espèce de ce genre, et se trouve dans
l'Inde.
22^ Genre. Les NOCTILIONS (iVofti/io,
Geoff.) ont vingt-huit dents : quatre incisives
en haut et deux en bas; deux canines très-fortes
à chaque mâchoire; liuit molaires supérieures
et dix inférieures. Leur museau est court, ren-
flé, fendu, garni de verrues; leurs oreilles sont
latérales et petites; leur nez est simple, con-
fondu avec les lèvres; leur queue est envelop-
pée à sa base dans la membrane, qui est très-
grande.
Le iSocTiLioN c NicoLORE (A'octiZto «7iiro/oi-,
Geoff. Vespertilio leiioriniis, Lin.) e>t de la
grandeur d'un rat, d'un fauve pâle uniforme.
On le trouve dans toutes les parties chaudes de
l'Amérique méridionale. On en connaît deux
variétés :
1" Le Vorsatus, Geoff., qui n'en diffère que
par une bande blanchâtre qu'il a sur le dos ;
2" h'Albhentcr, Geoff., roussàlre en dessus,
blanc en dessous.
23" Genre. Les MOLOSSES {Molossiis ■
Geoff. \ Ils ont vingt-huit dents: deux inci-
sives, deux canines, et dix molaires à chaque
mâchoire; leur tête est courte et leur museau
renflé; leurs grandes oreilles sont réunies ou
couchées sur la face, à oreillon extérieur; la
membrane interfémorale est étroite, coupée
carrément, et enveloppe à sa base ou en tota-
lité une longue queue.
Le Molosse ptnm kml {Molossus (Ueiropus,
tO'i
LES CARNASSIERS Cil ÉIUOPTÈRES.
Lkss. Cheiromcles iorqitatus, Hohsf. Deisopfs
rheiropiis. 'Iemm.) a vingt et un pouces (0,5()!» ;
son dos est un ; quelques poils épars et rudes lui
forment une espèce de fraise sur le cou; son
ventre est recouvert d'un duvet court et peu
sensible ; ses ailes ont vingt et un pouces (0,569)
d'envergure; sii qi» ne est ridée dans sa partie
libre; les orei les sont écartées, longues, à dou-
ble oreillon. De Siani.
Le Moi.ossE niLATÉ (Mnlossus ddatatus,
Less. IStirllnomus dilalatus, IIouse), d'un fauve
noirâtre , plus pâle en dessous ; les ailes très-
grandes, la queue grêle ; la membrane interfc-
morale formée de libres musculaires rares. De
Java.
Le ÎNIolosse de Rvvpel (Molossiis Huppelii,
Less. Dijsopes Rnppelii, Temmj, d'un gris de
souris uniforme, un peu plus clair en dessous.
11 est long de cinq pouces et demi (0,149i, et il
a quatorze pouces six lignes ((i,.'595l d'enver-
gure. Son poil est lii.se, serré, fin, long sur les
doigts, raiT sm- le museau ; ses lèvres sont lar-
ges, pendanles et plissées. On le tiouve dans
les souterrains, en Egypte
Le Moi.ossE A POILS bas ( Molossus ahrasus,
Les-!. Ihjsopes ahrasus, Temm.), long de quatre
pouces trois lignes 0,1 15); d'un marron vif et
lustré eu dessus, plus clair et terne en dessous;
ailes noires, de neuf ponces et demi (0,258)
d'envergure, poils très-ras, mais serrés. Du
Brésil.
Le Molosse gkèle (Molossus femiis, Less.
A'i/cft»io»uis iemns, Horsf. Dysopes tennis,
Te>im.), long de trois pouces neuf ligues O.'OI);
d'un brun noirâtre en dessus, cendré en des-
sous, à poils courts, lisses, doux; ailes de dix
pouces et demi (0,285) d'envergure; des soies
blanches au bout des doigts de pieds; lèvre su-
périeure large, bordée d'un rang de verrues.
De Ja\a et de Banda.
Le MoLOSSE ALECT0 (Molos>.us alecto, Le.ss.
n^iopes alecto, Temm.', long de cinq pouces et
demi ((),M9); pelage d'un noir très brillant,
imitant le velom-s le plus fin; de longues soies
au cronpion ; ailes d'un pied i,0 525) d'euver-
gure. Du Brésil.
Le Molosse E>Fi]ME (Molossus fumarius, Spi%..
Dysopes obsrurus, Tejim.), long de trois pouces
trois lignes |0,088) ; poils de deux couleurs, d un
brun noirâtre en dessus et d'un brun cendré en
dessous; lèvres bordées de soies; ailes de neuf
pouces (0 244) d'envergure. De la (iuyane et
du Brésil.
Le Moi ossK auile ( Molossus leloj', Less. Di/-
sopes velox, Temm.I, de trois ponces et quart
iO,088) de longueur ; d'un brun marron très-
foncé et brillant en dessus, plus clair el mat en
dessous; un siphon glanduleux au-devant du
cou; pelage lisse et tiés-courl; ailes de dix
pouces (0,271) d envergure. Du Brésil.
Le MOLO.SSE MMIHON (MolOSSUS ruf'llS, (ÎEOFF.I ,
d'un marron foncé en dessus, clair en dessous ;
nmseau court et très-gros. Sa patrie est inconnue.
Le Molosse odsccr ( Molossus obsrurus ,
Geoff.), d'un brun noiràlre en dessus, plus
terne en dessous, à poils blancs à leur base. Du
Paraguay.
Le Molosse ^0lR (Molossus nier, Geoif.),
d'un noir brillant en dessus. Sa patrie est in-
connue.
Le Molos.se a longue queue ( Molossus lon-
qicaudatus, Geoff. ]'esperlilio molossus, Ln.
Le Mulot î;o/n»i/? BiFF), d'un cendré fauve;
queue presque aussi limgue que le corps; une
lanièi e de peau s'etendanl du front au museau.
On le croit de la Martinique.
Le Molosse \ lahce qeuue (Molossus Ic.ti-
raudatus, Geoff ), d'un brun obscur en des-
sus, plus clair eu dessous; queue bordée de cha-
que coté par un prolongement de la membrane.
Du Paraguay.
Le Molosse a grosse queue (Molossus rras-
sicaudatus, Geoff.), d'un brun cannelle, plus
pâle en dessous; queue bordée de chaque coté
par un |)rolongeraent de la membrane. Du Pa-
raguay.
Le Molosse a queie enveloppée (Wo/o.ssi(.s-
amplexiruudatus, Geoff. La Chaure-souris de
la Guyane, Buff.), noirâtre, moins foncé en
dessous; queue entièrement enveloppée dans
la membrane. Il vole en troupe nombreuse. De
Cayenne.
Le Molosse a quhe pointue (Molossus acu-
ticaudatus, Desm.), d'un brun noir, teinté de
couleur de suie ; queue longue, presque entiè-
rement prise dans la membrane, qui forme un
angle assez aigu. Du Brésil.
Le Molosse châtain (Molossus ccstaueus,
Geoff.), clmtain en dessus, blanchâtre eu des-
sous ; un ruban étendu depuis le museau jus-
qu'au front. Du Paraguay.
Le Molosse a ventre brin (Molossus fusri-
rfn£ér,GEOFF.Le second Mulot iwlanl de Buff.),
d'un cendré brun en dessus, cendré en des-
sous, avec le milieu du ventre brun. Ou ignore
sa patrie.
2i' Genre. Les DIXOPS ( Vinops, Sav.) ont
trente-deux dents : deux incisives en haut et six
en bas ; deux canines supérii ures et deux infé-
rieures ; dix molaires à chaque mâchoire; leurs
oreilles sont réunies et étendues sm- le front;
leurs lèvres sont pendantes et plissées; leur
queue est libre dans la seconde moitié de sa
grandeur.
Le DiNOPS DE Cestoni ( IHnops Ceslonii,
Sav.), d'un gris brun en de.ssu.s, passant légè-
rement au jaunâtre en dessous; oreilles grandes,
arrondies, à bord externe un peu échancré;
ailes et queue d'un brun noir; lèvres, oreilles
et museau noirs. Des environs de Pise
NOCTILIONS.
105
2o^ Genre. Les STEXODERMES ( Steno-
derma, (Ieoff.) ont vingt-huit dents : quatre
incisives en haut et en bas ; deux canines supé-
rieures et inférieures; huit molaires à chaque
mâchoire. Georges Cuvier dit qu'ils n'ont que
deux incisives supérieures. Leur nez est sim-
ple ; leurs oreilles petites, latérales et isolées,
avec un oreillon intéiieur; ils manquent de
queue, et leur membrane est échancrée jusqu'au
coccyx.
Le Sténodekme roix ( Stevodenna rufa ,
Geoff.), d'un roux châtain uniforme; oreilles
mojennes, ovales, à boid externe un peu échan-
cré. On ne connaît pas sa patrie.
26^ Ge\he. Les CÉlÈXES Celœno, Leach.)
ont vingt-six dents: deux incisives eu haut et
quatre en bas ; deux canines à chaque mâchoire ;
huit molaires supérieures el inférieures; troi-
sième et quatrième doigt à trois phalanges,
l'externe à deux; oreilles écartées; oreillons
petits; queue nulle; membrane se prolongeant
peu au delà des doigts de derrière.
Le CÉLÈ>E DE Brooks {Celœno Brooksiaua,
Leach.); dos ferrugineux; épaules et ventre
(l'un ferrugineux jaunâtre; oreilles pointues,
à bord postérieur droit et l'antérieur arrondi ;
toutes les membranes noires. Patrie inconnue.
27' Genre. Les iELLO ( .'Ello, Leach ) ont
vingt-quatre dents : deux incisives supérieures
el inférieures; deux canines en haut et en bas,
et huit molaires à chaciue mâchoire ; leurs
oreilles sont rapprochées, courtes, très-larges,
et manquent d'oreilion; leur troisième doigt
a quatre phalanges, le quatrième et le cinquième
chacun trois ; la queue, formée de cinq vertè-
bres dans sa partie visible, ne dépasse pas la
membrane, qui est droite.
L'JCllo de CiviER (.fJ//o Cuiieri, Leacu.i,
d'un fauve ferrugineux ; oreilles un peu tron-
quées au bout; ailes d'un brun obscur. Sa pa-
trie est inconnue.
28 (iENRE. Les SOOTOPHILE.S (.SfO^opAi-
Zio, Le\ch.) ont (rente dents : quatre incisives
supérieures et six inférieures; deux canines en
haut et en bas; huit molaires à chaque mâ-
choire; le troisième, le quatrième et le cin-
quième doigt des ailes ont trois phalanges cha-
cun.
Le ScoTOPHiLE DE KuHL {Srot 'phHiis Kuhlii,
Leach. I ; pelage ferrugineux; ailes, oreilles (t
nez bruns. Sa patrie est inconnue.
29' Genre. Les NYCTIXORIES ( .\(/rfnio-
•JiM.";, Geoff.) ont trente dents : deux incisives
supériemcs et quatre inférieures; deux canines
en haut et en bas; dix molaires à chaque mâ-
choire. Leur nez est plat, confondu avec les
lèvres; celles-ci sont ridées et profondément
fendues; les oreilles sont couchées sur la f;ice,
grandes, à oreillon extérieur ; la queue est lon-
gue, à demi enveloppée à sa base par la mem-
brane, qui est mojenne et saillante.
Le NvcTi^OME d'Egypte [IStirlinomus agyp-
tiucus, Geoff. Dtjsopes Genffrotjii, Teihi.) est
roux en dessus, brun en dessous ; queue grêle,
à moitié enveloppée dans la membrane, qui n'a
point de bride membraneuse. En Egypte, dans
les souterrains.
Le rSvcTiNOME Di; Port-Louis (.Vi/ctiiiomi/.s
aretabnlosus , Geoff.), d'un brim noirâtre;
queue enveloppée aux deux tiers par la mem-
brane interfémorale. De l'Ile-de-France.
Le ]NvcTi.\(»iE DU Bengale {^'iicHiiomits ben-
galensis, Geoff. ]'e>pcriilio pliintus, Brcii.l;
remarquable par .sa queue as>ez grosse, à moi-
tié enveloppée par la membrane, qui a des bri-
des membraneuses. Du Bengale.
Le Nyctinome du Brésil {I\'ijclinomus brn-
siliensis, Isid. Geoff ) est long de trois pouces
onze lignes vO,106i ; d'un cendré teinté de brun
noir ou de brun fauve en dessus, plus gris et
moins foncé sur le ventre; un peu plus fonce
veis la poitrine; quelques poils rares sur la
première moitié de la queue prise dans la meni
brane.
106
Li:s (AIUNASSIKHS CHÉIROPTÈRES.
LES ROUSSETTES
ont les molaires brusquement tul)erculeuses,
d'où il résulte que ces animaux sont frugivores;
les ailes sont arrondies, avec le doigt index à
trois phalanges; leur tète est longue et velue;
ordinairement elles n'ont ni queue, ni mem-
i)rane intcrfémorale. La plupart des femelles
ont des poches dans lesquelles elles portent
leurs petits.
50' Ge^re. Les ROUSSETTES {Pteropus,
Bhiss.) ont trente-quatre dents : quatre inci-
sives en haut et en bas ; deux canines supé-
rieures et inférieures; dix molaires à la mâ-
choire supérieure et douze à l'infériem'e; leur
tète est conique; leurs oreilles courtes ; elles
ont un petit ongle au doigt index de l'aile; leur
queue est nulle ou rudimentaire, et leur mem-
brane interfémorale très-peu apparente. Ce
sont des animaux d'une taille assez grande.
i" ROUSSETTES SANS QUEUE.
Le Kalong {Pteropus jaianicus, Desm ) a
les ailes de cinq pieds (1,624) d'envergure; il
est noir, excepté sur le dessus du cou, qui est
d un roux enfumé; il a quelques poils blancs
mêlés aux autres, sur le dos. On le trouve dans
l'Ile de Java, et il a les mêmes mœurs que l'es-
pèce suivante, dont peut-être il n'est (ju'une va-
riété.
La ROUSSETTE ( Pteropus vulgaris, Gf.off. La Roussette, Buff. Le Chien
volant, Daub.).
Quoique moins singulier dans ses formes que la plupart des chauves-souris,
LES CHAUVES SO jRIS
V l E DES It II III) s 1)1 M l..
I .1 , , ,1 1 M .1 . - (' 1 ,, 1, t .■ - I
HOUSSETTIiS. 107
cet animal non est pas moins nn des plus extraordinaires que l'on oomiaisse ;
il est brun ou d'un brun marron en dessus, d'un fauve roussâtre à la face et
aux côtés du dos, d'un noir foncé, ou quelquefois marron, en dessous. Son corps
a environ un pied (>,")2oj de longueur, et ses ailes ont une très-grande enver-
gure.
Une des premières bizarreries de la roussette est que la femelle, qui a ses deux
mamelles sur la poitrine, est sujette à certaines incommodités périodiques des
fenmies et de (pielques femelles de quadrumanes. En outre, plusieurs espèces de
cette famille ont, de chaque côté du corps, des sortes de poches membraneuses
dans lesquelles elles placent leurs petits pour les transporter aisément pendant
qu'elles volent, car elles ne s'en séparent que lorsqu'ils sont assez grands pour
pouvoir reni[)lir eux seuls et sans secours toutes les fonctions de l'animalité.
Longtemps même après cette époque, elles les guident ou les suivent, les
aidant de leur vieille expérience. Il résulte de cette habitude cpie ces ani-
maux vivent en société, et qu'on les rencontre le plus ordinairement en grande
troupe.
«Les anciens, dit Buffon, connaissaient imparfaitement ces quadrupèdes
ailés, qui sont des espèces de monstres, et il est vraisendjlable que c'est d'après
ces modèles bizarres de la nature que leur imagination a dessiné les harpies.
Les ailes, les dents, les griffes, la cruauté, la voracité, la saleté; tous les attri-
buts difformes, toutes les facultés nuisibles des harpies; conviennent assez à
nos roussettes. Hérodote paraît les avoir indiquées lorsqu'il a dit qu'il y avait
de grandes chauves-souris qui incommodaient beaucoup les honnnes qui allaient
recueillir la casse autour des marais de l'Asie; qu'ils étaient obligés de se cou-
vrir de cuir le cor|»s et le visage pour se garantir de leurs morsures dange-
reuses.
« Ces animaux sont plus grands, plus forts, et peut-être plus méchants que
le vampire ; mais c'est à force ouverte, en plein jour aussi bien que la nuit, qu'ils
font leurs dégâts; ils tuent les volailles et les petits animaux, ils se jettent même
sur les hommes, les insultent et les blessent au visage par des morsures cruelles;
et aucun voyaginu- ne dit qu'ils sucent le sang des honnnes et des animaux en-
dornns. »
Ceci, connue on le pense bien, est fort exagéré, et je ne crois pas qu'aucun
voyageur moderne ait vu attaquer l'homme par des roussettes. Ces animaux
vivent principalement de fruits; néanmoins ils dévorent aussi de petits mam-
mifères (>l des oiseaux. Ils peuvent très-bien poursuivre ceux-ci dans les airs
pendant le jour, car ils supportent sans peine la lumière, <pu)i(pi<' le plus sou-
vent ils ne sortent de leur retraite qu'au crépuscule.
Les roussettes sont généralement farouches; elles n'établissent leur domi-
cile que dans les lieux les plus sauvages des forêts, où elles se suspendent aux
branches des arbres par leurs pieds de derrière, à la manière des chauves-
souris.
Le Mela^ou-Bouroo {Pteropusedulis, Péron) rus el luisants. Il se Iroiive dans les Mohiquos,
a quatre pieds (l,299l d'envergure; il csl en- el n'habite que les cavernes les plus t('iiébreuse.s,
fiènment noirâtre, avec le dos couvert de poils contre l'habitude des aulres roussettes. Les ha-
lOS
LIvS CAIiNASSlERS CHÉIROPTÈRES.
hitaiits du pajs lui font activement la chasse
pour le manger, et trouvent sa chair délicieuse.
Les Européens qui en ont goûté la comparent
à celle du meilleur lapin de garenne.
La Roussette d'Kdwards {Pteropus Edwar-
sii, Des)i. La grande Chnuve-Souris de Mada-
gascar, Edw. VesperlïUo vampirus, Li\.") n'est
peiit-éfre, comme le pense Temminck, qu'une
variété de la précédente. Son pelage est d'un
brnn marron sur le dos, d'ini roux vif sur les
cotés, et d'un brun clair sui le ventre. De Ma-
dagascar.
La IloLfiETTE (Pteropus ritbrirollis, Geoff.
Vesperlilio rampirtis, Liiv. La Roiigeite, Biiff.
La Roussetle à collier, G. Clv.) a deux pieds
iO,C50) d'envergure; elle est d'un gris brun,
avec le cou rouge. Cette espère habite l'île de
Bourbon, où elle vit dans les arbres creux.
Le Fainuii [Pteropus Keraudren, Quov et
Gaim. C'est le Poë des Iles Carolines). 11 est
singulier que d;ins l'ile d'Oualan cet animal
était nommé par les habitants Quoij , c'est-à-
dire qu'il portait le même nom que le naturaliste
qui l'a décrit le pi'emicr. I! est noirâtre, avec
le cou, les épaules et le derrière de la (été
jaunes. 11 a les oreilles courtes et noirâtres.
On trouve le lanihi depuis les îles Pelew jus-
([uanx Carolines orientales. Il vit en grande
troupe dans les forêts, on il passe le jour sus-
pendu aux branches mortes des arbres.
La Roussette de Dussu.mier {Pleropus Vus-
sumieri, Is. Geoff.) est voisine de la précé-
dente, mais elle en diffère par la couleur brune
(le la gorge et du devant du cou ; le ventre et
le dos sont bruns mélangés de poils blancs ; la
partie supérieure de la poitrine est d'un brun
roussàln-; lis côtés du cou, depuis le bas des
oreilles jusqu'aux épaules, sont d'un fauve un
peu roussàtre. Sa longueur totale est de sept
pouces (0,189), et ses îiiles ont deux pieds trois
pouces (0,751) d'envergure. Elle est du conti-
nent indien.
La Roussette GRISE (Pfero/jusgrJseHS. Geoff.)
a un pied six pouces (0,487) d'envergure; elle
est grise, avec la tète et le cou d'un roux vif.
Elle est de Timor.
Le Baui B ( Pleropus médius, Temm.) a quatre
pieds et demi (l,4CI) d'envergure; la tète, l'oc-
ciput, la gorge sont d'un marron noirâtre ; le
dos est noirâtre légèrement teinté de brun ; la
nuque est d'un roux jaunâtre ; les côtés du
cou et les parties inférieures sont d'un roux
l)run feuille-morte ; les ailes sont brunes. Les
Indiens lui font une chasse active.
Lebadur habite Calcutta, Pondichéry et d'autres parties de l'Inde. Les voya-
geurs l'ont généralement confondu avec le melanou-bourou, quoiqu'il n'ait pas
les mêmes habitudes. Je crois que c'est à cet animal qu'il faut appliquer ce
passage de Vllïsio'ire çiénérale des Vmjnges : « On voit sur les arbres une infinité
de grandes chauves-souris qui pendent attachées les unes aux autres sur les
arbres, et qui prennent leur vol à l'entrée de la nuit pour aller chercher leur
nourriture dans les bois fort éloignés; elles volent quelquefois en si grand
nondtre et si serrées, qu'elles obscurcissent l'air de leurs grandes ailes, qui ont
({ueb[uefois six palmes d'étendue. Elles savent discerner, dans l'épaisseur des
bois, les arbres dont les fruits sont mûrs; elles les dévorent pendant toute la
nuit avec un bruit qui se fait entendre de deux milles, et, vers le jour, elles
retournent vers leurs retraites. Les Indiens, qui voient manger leurs meilleurs
fruits par ces animaux, leur font la guerre non-seulement pour se venger, mais
pour se nourrir de leur chair, à laquelle ils prétendent trouver le goût du
lapin. »
Si le badur n'est pas cette chauve-souris, du moins il est certain que comme
elle il vit en troupe, dévaste les vergers, et a une chair que les habitants esti-
ment beaucoup.
La Roussette de Leschen\ult {Pleropus Les-
cheuaumi, Desm.) a un pied et demi (0,487)
d'envergure; elle est d'un fauve cendré uni-
forme en dessus, un peu blanchâtre en dessous ;
on lui voit quelques points blanchâtres à la base
des membranes des ailes. Elle habite les envi-
rons de Pondichéry.
La Roussette a face inoire (Ptfro;)n.< phaïops,
Temm.) a le corps de dix pouces (0,27fi de lon-
gueur, et trois pieds cinq pouces (1,110) d'en-
vergure. Elle est très-grosse, trapue, à museau
long; son pelage, grossier, mais très- fourni,
est un peu frisé. Sa face est noire ; le haut du
corps d'un jaune paille; la poitrine d'un roux
ROUSSETTES.
109
doré très-vif; le dos d'un noir marron un peu
mêlé de jaunâtre; les ailes noires. Elle habite
Madagascar.
« Aux lies de Mascareigne et de Madagascar,
dit un voyageur, les chauves-souris sont grosses
comme des poules, et si conmmucs, que j'en isi
vu l'air chscurci. Leur cri est épouvantable. «
Le Sab\osiki { l^feropus dasymalus , Tem>i.
Pteropus riibrirollis, Siebold) est un peu plus
grand que le fanihi : il a le pelage long et très-
laineux , d'un brun foncé; avec le cou et les
épaules d'un brun sale tirant un peu sur le jau-
nâtre; ses oreilles sont petites et pointues; les
membranes sont d'un brun fonce , celles des
(lancs velues en dessus et en dessous. Il habite
les environs de Nangasak i et de Jedo, au Japon.
La KorssETTF, a tète cendrée ( Pleiopus j)0-
linrephnliis, Tejim. a un pied 0,525) de lon-
gueur, et trois pieds trois pouces (1,0311 d'en-
vergure. Son corps est gros et trapu ; son pelage
un peu frisé, long, épais, d'un gris cendré foncé
en dessus, varié de quelques poils noirs; la nu-
que et le cou sont d'un marron roussàtre; on
lui voit une petite tache à la naissance de cha-
que oreille. Elle habite les parties les plus chau-
des de la iNouvelle-Hollande.
La Roussette feiille-morte , l'inopus pal-
lidus, TEjni.i a sept pouces six lignes (0,203i
de longueur, et deux pieds cinq pouces 0,«i6li
d'envergure ; son pelage est court, mélangé de
poils brims, gris ou blanchâtres ; le dos est d'un
brim pâle ; la nuque, les épaules et le collier
qui entoure la poitrine, d'un roux ocracé vif ;
la tète, ta gorge, le ventre et les membres sont
d'un biun feuille-morte. Elle habite l'île de
Banda.
La Roussette masqi ée ( Pleiopus persoiwliif,
Temm.) est longue de six pouces et demi (0, 1761;
ses ailes ont vingt pouces (0,542) d'envergure.
Sa tète est mêlée de blanc et de brun, avec du
blanc pur sur le menton, les joues et le chan-
frein ; une large bande brune couvre la gorge ;
le dos est grisâtre, le haut du corps d'un jaune
paille, le ventre brunâtre, glacé de jaune roux.
( ette espèce vit en troupes peu nombreuses;
elle fait beaucoup de ravage dans les vergers.
Cette roussette est une des plus jolies, ou, si l'on veut, une des moins laides
que l'on connaisse. Elle habite les Moluques, et l'on dit qu'elle aime beaucoup
la sève de palmier, dont les habitants font une liqueur fermentée très-spiri-
tueuse et très-enivrante. Si l'on s'en rapporte aux voyageurs, lorsque les Indiens
ont percé un palmier pour en tirer la sève, et placé dans la plaie le chalumeau
qui doit diriger la liqueur dans le vase destine à la recevoir, les roussettes ont
l'intelligence d'aller mettre leur bouche au bout du chalumeau, et de boire cette
sève sucrée à mesure qu'elle coule. Mais leur gourmandise est bientôt punie,
car elles s'enivrent, tombent au pied de l'arbre, et sont prises par les habitants,
qui les mangent et leur trouvent un excellent goût de perdrix. « Aussi, dit
Buffon, il est aisé de les enivrer et de les prendre en mettant à portée de leur
retraite des vases remplis d'eau de palmier ou de quelque autre liqueur fer-
mentée. » Un voyageur suédois dit en avoir pris une qui s'était enivrée et laissée
tomber au pied d'un arbre; l'ayant attachée avec des clous à une muraille, elle
rongea les clous et les arrondit avec ses dents comme si on les eût limés. Tout
cela sent un peu le conte de voyageur !
La Roussette pale i/'lf)07)».<;;)a//jrfîi.s,TEMM.^
a de longueur totale sept pouces et demi (0,J0.5);
son pelage est mélangé de poils gris, bruns et
blanchâtres ; le derrière de la tète, les épaules
et le collier de la poitrine sont roux ; le dos est
d'un brun pale; la tète, la gorge, le ventre et
les flancs d'un brun feuille-morte ; les ailes d'un
brun pâle. Elle habile Banda.
2" ROUSSET'FES A QUEUE.
La ROU.SSETTE d'Egypte ( /'(ero/H(s (rgijplia- celle dos autres animaux de son genre; son
n(.s-,GEOFF. /'/fro/;i(i (ifo//")0(/ii, Temm.) a d'un pelage est laineux, d'un gris brunâtre. On la
pied à dix-huit pouces ((t,.î25 à 0,552) d'enver- trouve en i:g\pte, suspendue aux voûtes des
gure; sa tète est plus large et plus courte iiue monuments en ruine.
110
LES CARNASSIERS CHÉIROPTÈRES.
La Roussette pkiLhÈE[Pteropus stiamineus,
(itoFF.Le Chien volant? Sèhi^) a environ deux
pieds (0,650) d'envergure; elle est d'un jaune
roussâtre, et sa queue est très-courte. Elle ha-
hile Timor.
La Roussette amplexicaude ( Pteropus am-
ple.ïicaudatus, Geoff.) a un pied quatre pou-
ces (0,453) d'envergure ; elle est d'un gris roux,
el la moitié de sa queue est prise dans la nieni-
braiie interféniorale; la queue est de la lon-
gueur de la cuisse. Elle se trouve à Timor.
La Roussette mantelée {Pteropus palliutus,
Geoff.) est peut-être, comme le pense Tem-
minck, un individu jeune de l'hypodeniia Pero-
nii. Sa tète, son cou, ses épaules et son ventre
sont couverts de poils rares, longs so\eux, d'un
jaune de paille; au milieu du dos est une saillie
longitudinale, haute d'une ligne (0,002 , qui
donne naissance aux membranes des ailes Sa
pairie est inconnue.
5 r Genre. Les HYPODERMES ( Wy/joder-
ma, Geoff. Cephalotts, Less.) ont trente-deux
dents : quatre incisives en liaut el six en bas ;
deux canines à chaque mâchoire; dix molaires
supérieures et trois inférieures. Lue seule es-
pèce (cephalotes Perouii) a un petit ongle à
l'index; leur tête est conique; leurs oreilles
courtes; la queue très-peu apparente, et, comme
dans la roussette ci-dessus, la membrane de
leurs ailes naît de la partie moyenne du dos;
la membrane interfémorale est échancrée.
L'HvPODERME DE PÉRON (Hypodcrma Peronii
et Cephalotts Peronii, Geoff.) a deux pieds
(0,650) d'envergure ; elle est brune ou rousse,
a pelage court, et elle manque d'ongle à l'in-
dex. De Timor.
52*^^ Genre. Les M ACROGLOSSES (Macro-
glossa, Fr. Cuv.) ont trente quatre dents : qua-
tre incisives et deux canines en haut et eu bas;
dix molaires à la mâchoire supérieure, el douze
à l'inférieure ; leur tête est extrêmement lon-
gue ; leur langue extensible.
Le Lowo-Assu (Macroglossa kiodotes et
Horsfieldii, Fr. Cuv. Pteropus minimns et ros-
tralus, Geoff.); tête fort allongée; ailes de dix
pouces (0,271) d'envergure; pelage laineux,
d'un roux vif en dessus et terne en dessous, ou
d'un bruu pâle uniforme passant au gris isa-
belle; point de queue; langue très-extensible,
pouvant s'allonger de deux pouces. Elle habile
Java, où, dit-on, elle se nourrit de fruits ; mais
sa longue langue annonce aussi qu'elle attaque
les petits insectes.
.ï3'^GE^RE. LesCYNOPTÈRES [Cynopterus,
Fr. Cl V.) ont quatre incisives et deux fausses
molaires rudimeutaires à chaque mâchoire,
comme les roussettes, mais ils manquent entiè-
rement de dernières molaires ; leur tête a de
la ressemblance avec celle des cephalotes, et
leurs mâchoires sont raccourcies.
Le CïNOPTÈRE A OliElULES HORUÉES ( Cljnop-
lerus marginatus, Fr. Cuv. Pteropus margina-
tn>-, Geoff.) a onze pouces (0,298) d'envergure;
il est d'un brun olivâlre, à poils courts et ras;
il a un liséré blanc autour de l'oreille. Du Ben-
gale.
54'^^ Genre. Les CEPHALOTES (Cephalotes,
Geoff. Harpya, Illeg.— Less.). Elles ont vingt-
quatre dents : deux incisives en haut et point
en bas; deux canines à chaque mâchoire; huit
molaires supérieures et dix inférieur es. Ce genre
ne diffère des hypodermes que par le manque
des incisives inférieures et des dernières petites
molaires en haut et en bas. Si, comme le pense
M. Geoffroy, ceci n'est que le résultat du jeune
âge, il faudra reporter l'espèce sur laquelle
ce genre est fondé à côté de l'hypoderme de
Péron.
La CÉPHALOTE A OREILLES ÉTROITES ( CcphulO-
tes tenions, Raffl.) est d'un gris brunâtre; la
moitié de sa queue est libre; elle a une ver-
rue entre les deux incisives. Elle habite la Si-
cile.
La CÉPHALOTE de Pkllks {Cephalotes Pallasii,
Geoff. Harpya Pallasii, Illig. }'espertilio ce-
phalotes, Pall. — LiNN. Cephalotes Pallasii,
Geoff. La Cephalote, Buff.). Elle est d'un gris
cendré en dessus et d'un blanc pâle ru dessous,
à poils rares et doux;ses ailes ont quatorze
pouces (0,379) d'envergure, et l'index est muni
d'un ongle. Elle habite les Moluques.
55 Genre. Lei PACHYSOSIES {Pachijso-
ma, Geoff.) n'ont que trente dents; quatre in-
cisives et deux canines en haut et eu bas ; huit
molaires à la mâchoire supérieure et dix à
l'inférieure; corps lourd et trapu; museau
gros ; mamelles placées sur la poitrine et non
sur les côtés au-dessous de l'aisselle.
Le Batoeauwel ( Paihysoma melanorepha-
hts, IsiD. Geoff. Pteropus melanocephalus,
Temm.) a deux pouces dix lignes 0,077) de Ion
gueur, el ses ailes ont onze pouces (0,29S) d'en-
vergure; ses poils sont d'un blanc jaunâtre a
la base et d'un cendré noirâtre à la pointe ; .^a
tête est noire, et le dessous de son corps est
d'un blanc jaunâtre et terne ; une hunieur odo-
rante suinte de chaque côté de son cou. Dans
les montagnes de Baiitam, à 1 ile de Java.
Le Pachvsome mammilî-vhe { Pachiisoma lil-
tliœcheilus, Is. Geof?. Pteropus lilthœcheilus.
Temjt.) est long de cinq pouces (0,155). et ses
ailes ont environ dix-huit pouces ^0,477) d'en-
vergure ; ses poils, lisses et (lus, divergent sur
les côtés du cou; le mâle a le dos d'un bruu
roussâtre ; la tête et les côtés de la poitrine sont
roux, devenant orangés quand l'animal vieillit ;
un liséré blanchâtre borde les oreilles; son
ventre est gris ; la femelle, qui est un peu plus
grande est olivâtre, teintée de roux sur les cô-
tés du cou ; la queue a sept lignes de longueur.
HOUSSETTES.
tll
On le trouve à Siam, dans la Cochinchine et
dans les îles de Java et de Sumatra.
LePACHïsoME DE DtvAicEL (Pachijsoma Du-
vatirelii, Geopf ) est long de trois pouces un
quart (0,088); son pelage est d'un fauve bru-
UiWre uniforme ; pouce de l'aile fort allongé,
pris en grande partie dans la meml)rane ; queue
courte, ne dépassant la membrane que de trois
lignes (0,007). De Sumatra.
Le Pachysome de Diahu {Parhtisoma Diar-
dii, Gëoff.) est brun sur la tète, le dos et les
bras, gris autour du cou et sur le milieu du
ventre; d'un brun grisâtre sur les flancs; sa
longueur totale est de quatre pouces et demi
(0, 122 , et ses ailes ont di\-buit pouces (0,487i
d'envergure ; la queue dépasse de buit lignes
(0,018 sa membrane. Sumatra.
Le Pacovsome a coihte qleiv. {Pochiisoma
brcvicaiidatum, Ls. Geoff.), d'un roux olivj'itre
eu dessus, gris en dessous sur le milieu du ven-
tre; flancs, gorge et côtés du cou d'un gris
plus ou moins roussàtre, ou d'un roux vif;
oreilles entourées d'un liséré blanc ; queue dé-
passant à peine la membrane, ce qui le distin-
gue du maramilèvre ; longueur totale, quatre
pouces (0,108); les ailes ont treize pouces
( 0,352 ) d'envergure. On le trouve à Suma-
tra.
LES
CARNASSIERS INSECTIVORES,
TROISIEMt: OhDRlî UKS M AMMIFKR liS.
lie Hérisson.
Comme les chéiroptères, ils out les mâche-
lières hérissées de pointes coniques, et une vie
iiocturue ou souterraine; dans les climats froids,
heaucoup d'entre eux tombent eu léthargie et
passent Ihiver dans un état plus ou moins com-
plet d'engourdissement. Leurs pieds sontcourts,
armés d'ongles robustes, et ceux de derrière ont
toujours cinq doigts; tous appuient la plante
entière du pied sur la terre en niarcluinl. Leurs
mamelles sont placées sur le ventre, comme
chez tous les carnassiers qui vont suivre. Tous
ont une clavicule.
Je partagerai cet ordre en trois petites fa-
milles, celle des diodontes, celle des triodontes
à courtes canines, et celle des triodontes à lon-
gues canines.
LES DIODONTES
n'ont que deux sortes de dents : deux longues
incisives en avant, suivies d'autres incisives plus
courtes que les molaires; ils manquent de ca-
nines, caractère les rapprochant un peu des
rongeurs.
r' Genre. Les HERISSONS [Erinaieiis,
Lin.) ont trente-six dents: six incisives supé-
rieures, dont les mitoyennes écartées et cjlin
driques; point de canines; quatorze molaires à
chaque mâchoire; leur corps, couvert de pi-
quants très-durs, a la faculté de se rouler en
boule, au moyen de muscles puissants dont la
peau du dos est munie; tous leurs pieds ont cinq
doigts, et leur queue est très-courte.
|4H.. fr1^'^\ O
-=^t ""
ANCIENNES SERRES TEA1PERE3S.
J V 11 I) I > 1) K s S K >1 1 .>>.
( In ■ il il. .\ti fl.
DlOUUMliS. 113
Le UÉRISSON [i^rinuceiis curopœns, Linn. Le Ucrhsun ordinaire, Hirv. —
G. Cuv.).
Ce petit animal se distingue de ses congénères par ses oreilles courtes,
n'ayant jamais une longueur égale aux deux tiers de sa tète; son corps est cou-
vert d'aiguilloiis cornés, robustes, entre-croisés irrégulièrement, dune longueur
médiocre et très-piquants. Il se trouve dans toute l'Europe tempérée, et il est
commun en France dans la plupart de nos départements. Les naturalistes ont
avancé ([u'il y en a deux variétés, l'une à museau de cochon, nommée cochon ou
pourceau de terre, l'autre à museau de chien, que Ion appelle hérisson-chien.
Ceci est certainement une erreur. Ce qu'il y a de bien certain, c'est que le mu-
seau du hérisson n'a de ressemblance ni avec celui d'un chien, ni avec celui
d'un cochon. Tous les hérissons que j'ai observés, soit vivants, soit dans les
nombreuses collections que j'ai visitées, se ressemblaient identiquement, et nul
naturaliste n'a vu autrement que moi, même ceux qui ont admis l'existence des
deux variétés sur la loi des chasseurs.
On a dit aussi que le hérisson monte sur les arbres fruitiers, qu'il en fait tom-
ber les fruits, puis qu'il se roule ensuite sur sa récolte pour emporter dans son
terrier les ponmies qui restent attachées à ses piquants. Il y a là presque autant
d'erreurs ({ue de mots : le hérisson ne grimpe pas et ne peut pas grimper siu-
les arbres, car il n'a pour cela ni agilité ni griffes; il n'emporte pas les fruits
à la pointe de ses aiguillons, mais avec sa gueule ; enfin il n'habite ni ne creuse
de terrier, quoi qu'en aient dit Buffon et les naturalistes qui l'ont suivi.
C'est dans les trous (pie le temps a creusés au pied des arbres, sous les racines
des vieilles souches, dans des amas de pierres et les fentes de rocher, et même sur
la terre plate à l'abri d'un épais buisson, que ce petit animal établit son do-
micile, au milieu d'un tas de mousse et de feuilles sèches qu'il amoncelle. C'est
là qu'il se retire l'hiver pour s'engourdir; c'est là que la femelle dépose ses
petits, ordinairement au nombre de quatre à sept; une seule fois j'en ai trouvi!
neuf, mais j'ai lieu de croire que c'était la réunion de deux familles. En naissant,
les petits sont d'un blanc rosé, et déjà l'on ai)erçoit sur leur peau des points
.saillants et plus foncés qui sont les rudiments de leurs aiguillons. Dés qu'ils ont
atteint la grosseur d'un œuf de poule, ils sont déjà aussi bien armés que leur
mère. Elle les soigne et les conduit avec elle pendant l'allaitement; mais dès
qu'il est fini, elle les abandonne et ne s'en occupe plus. Peut-être est-ce par
manque d'affection, et ce que dit ButTon pourrait le faire croire : « J'ai voulu en
élever quelques-uns, dit-il; on a mis plus d'une fois la mère et les petits dans
un tonneau avec une abondante provision ; mais au lieu de les allaiter, elle les
a dévorés les uns après les autres; ce n'était pas le manque de nourriture, car
elle mangeait de la viande, du pain, du son, des fruits, etc. •>
Peut-être que si le hérisson abandonne ses petits aussitôt après l'allaile-
ment, c'est parce qu'il sent son impuissance à les défendre, et l'inutilité ab-
solue dont il serait pour eux. Cet animal ne peut opposer à l'ennemi qui l'at-
taque ni griffes aiguës, ni dents formidables; il ne peut s'échapper par la fuite,
car il ne sait pas courir, quoiqu'il marche assez vite; mais dans les aiguillons
acérés qui lui recouvrent tout le dessus du corps, la nature lui a donné une arnu-
défensive (|ui lui suffit. S'il aperçoit une fouine, un oiseau de proie, ou tout
15
n'( IJ:S CAllNASSILHS INSECnVOUES
aiilre eiiiif iiii, il ne tente pas de s'échapper par la fuite, mais il se roule aussitôt tu
boule. Au moyen des muscles puissants dont la peau de son dos est munie, après
avoir rassemblé sa tête et ses pattes sous son ventre, il se renferme entièrement
dans sa cuirasse épineuse comme dans une bourse à coulisse, et présente de
toutes parts ses piquants à son antagoniste. Celui-ci est forcé de l'abandonner
après avoir vainement essayé de le saisir en se déchirant la gueule. Cependant
j'ai vu des chiens assez adroits pour s'en emparer; voici comment : après avoir
placé le hérisson sur la partie qui correspond au ventre, ils lui appuyaient une
patte sur le dos, mais pas assez fortement pour se piquer; puis ils lui donnaient
un mouvement assez lent de balancement qui, soit que cela lui fatiguât le nez,
qui frottait alors sur la terre, soit qu'il en fût étourdi, le forçait bientôt à s'é-
tendre, à se développer, et à montrer sa tète, que le chien écrasait d'un seul
coup de dents et en calculant le moment favorable. Il est à croire que les renards
emploient la même méthode ou un procédé analogue pour s'emparer de ces
animaux, car on en voit souvent des débris autour de leurs terriers.
Les chasseurs qui trouvent un hérisson emploient un moyen beaucoup plus
court et plus facile pour le contraindre à se développer. Ils le jettent tout sim-
plement dans l'eau, et le pauvre animal, pour ne pas se noyer, est bien forcé de
s'étendre et de nager; du reste, il est habile à cet exercice, et de lui-même il se
met à l'eau pour traverser des ruisseaux et des rivières assez larges. Quelquefois
les paysans, qui mangent sa chair, toute fade et détestable qu'elle est, ont la
cruauté de le plonger vivant dans de l'eau bouillante, afin d'avoir la facilité de
le dépouiller. La peau servait autrefois de peigne pour sérancer le chanvre.
Le hérisson met bas du commencement à la fin de juin, et les petits prennent
à peu près tout leur développement dans le cours d'une année. Ils se nourrissent
de fruits quand ils en trouvent, mais plus ordinairement d'insectes, comme
hannetons, géotrupes, sauterelles, grillons, etc., et même de cantharides par
centaines, sans en éprouver aucun inconvénient; ce qui est d'autant plus sin-
gulier qu'une seule cause des tourments horribles aux chiens et aux chats, et
que trois ou quatre tueraient certainement un homme. Ils mangent aussi la
chair des cadavres d'animaux, et principalement la cervelle. Avec leur nez
ils fouillent la terre pour en arracher les vers, dont ils sont très-friands, ou
pour y trouver quelques racines, qu'ils mangent faute de mieux. D'un caractère
timide, le hérisson aime la vie solitaire et tranquille; aussi, s'approche-t-il
rarement de nos habitations. S'il y est apporté, il y vit et paraît s'accoutumer
assez bien aux habitudes domestiques; mais il ne s'attache à personne, et, tout
en cessant d'être farouche, il ne s'apprivoise jamais, et ne manque aucune occa-
sion de reconquérir sa liberté.
On doit regarder comme de simples variétés nôtre par ses oreilles plates et courtes, par ses
<le cette espèce: Le Hérisson d'IlCïpte (Eri- piquants rou\ à la i)asc et jaunes au sommet;
uaceus œgyptiacus, Geoff.), qui ne s'en dis- enfin par la teinte d'un cendré jaunâtre des
lingue que par les poils de dessous son corps, poils de dessous.
qui sont bruns quand il est adulte, au lieu d'être Le Héuisson a longues oreilles {Eriiiaceiis
d'un blanc roiissàtre; — le Hérisson ue Sibérik rni)?/i(.<î, Pall.— Sciirer. — G. Cuv.), plus petit
( ErinarctiS sibiricus , Erxl. ) , animai dont que le nôtre; ses piquants sont cannelés longi-
l'existencp est douteuse, et qui différerait du tudinalemeiit et lulierculeux sur les cannelures.
et non plantes en quinconce comme dans le
liérissou d'Emope; à museau court, et oreilles
grandes comme les deux tiers de la tète. On le
trouve depuis le nord de la mer Caspienne jus-
qu'en Egypte, et il est commun sur les bords
du lac Aral, aux environs d'Astracan. Dans cette
dernière ville, on s'en sert connue de chat pour
détruire les souris dans les maisons.
Le HÉiiisso\ A OKEiLLEs PENDANTES (Erhia-
leus malacrensis, Desji. — Riiiss. Porcvs acu~
DiODOiMES. M,-,
Ualus, Seua) ne nous est connu que par une
figure de Seba (tab. 51, fig. I ), et pourrait bien
n'être pas suffisanmieut autbentique. Il a huit
pouces (0,217) de longueur; son museau es!
court, ainsi que ses oreilles, qui sont i)eudanles;
ses piquants sont très-longs, parallèles, ce qui
lui domie un peu de ressemblance avec un porc-
épic. Il serait de la presqu'île de Malaca, et on
le trouverait aussi à Java et à Sumatra, $e^
ni(rm-s ne diflcreraient |)as de (•elles du noire.
tir>
LFS CARNASSIKKS I NSK(Vr I VOR KS
Ln Mus.irai;',nc dVau (;l la Mnsaiaii;nc de 1er
2''i;e,\bk. Les musaraignes Sore.r, Lin.)
out trente dents : deux incisives à chaque mâ-
choire, dont les supérieures moyennes, cro-
chues et dentées ù leur base; point de canines;
seize molaires en haut et dix en bas. Leur corps
est poilu, sans piquants; leur museau long.
Irès-eflilé; leurs oreilles sant arrondies et cour
tes; leurs doigts, au nomln'c de cinq à chaque
pied, sont munis d'ongles médiocrement torls.
Ces petits animaux sont très-voraces.
1» MUSARAIGiNF.S D'EUROPE.
La MUSETTE OU MUSARAIGNE COMMUNE [Sorex armieus, Lin. La Musarui<in(\
BuFF. — G. Cuv. Voir la figure du tond, dans notre gravure).
Elle atteint rarement la grosseur d'une souris ; ses oreilles sont grandes el
nues, ayant en dedans deux lobes ou replis placés l'un au-dessus de l'autre; elle
est d'un gris de souris plus pâle en dessous, quelquefois tirant un peu sur le
fauve ou le brun; sa queue, un peu moins longue que son corps, est carrée.
Toutes les musaraignes offrent une singularité très-bizarre, et dont la science
n'a pas encore pu se rendre compte. On leur trouve sur chaque flanc, sous le
poil ordinaire, une petite bande de soies roides et serrées, entre lesquelles suinte
une humeur odorante, produite par des glandes particulières. On ignore abso-
lument de quelle utilité cet organe peut être à l'animal.
La musette est, dans nos campagnes, la victime innocente d'un préjugé; on
croit que par sa morsure elle cause aux chevaux une maladie souvent mortelle,
et on lui fait la chasse en conséquence; cette imputation est d'autant i)lns fausse
IHODONTKS. 117
(|ii(' iioii-sciilciiicnl elle iirst pas vciiiineiise, mais encore (|ii(' sa IxjucIr' osl si
pelile, qu'elle ne pourrait eu aucune manière mordre un cheval, faute de pou-
voir saisir sa peau.
Pendant la belle saison, ce petit animal habite la campagne, et se retire dans
les bois, où il se loge sous la mousse, les feuilles sèches, dans les vieilles souches
d'arbre, dans les trous abandonnés de taupes ou de mulots, et même dans des
terriers qu'il sait se creuser lui-même. Autour de son habitation, dont il ne
s'éloigne guère, et où il rentre précipilannnent à la moindre apparence de dan-
ger, il fait la chasse aux insectes, dont il se nourrit le i)lus ordinairement; mais
il ne dédaigne pas le grain, et même quelquefois il mange la chair corrompue
des cadavres d'animaux. C'est à l'heure du crépuscule que la musette sort le plus
ordinairement de son asile i>our faire ses courtes ])romenades. Si elle se hasarde
pendant le jour, elle devient aisément la victime de ses ennemis, car elle coiu't
mal et y voit à peine. Les petits carnassiers la tuent, mais ne la mangent pas;
du moins les chats monirent junir elle une grande répugnance, qu'il faut sans
doute attribuer à la forte odeur qu'exhalent ses glandes.
Lorsque les approches du froid commencent à dépouiller les bois de leur ver-
dure, la musaraigne, ne trouvant plus d'insectes, gagne ses logements d'hiver,
et se retire dans les granges, les greniers à foin, les écuries et autres parties
de nos habitations, où elle trouve pour se nourrir quelques grains égarés, et
parfois des débris de cuisine. Je ne crois pas qu'elle s'engourdisse pendant la
mauvaise saison, au moins quand les gelées ne sont pas très-rigoureuses, car
j'en ai vu plusieurs fois se promener sur la neige.
La musaraigne, lorsqu'on l'irrite, fuit en poussant un petit cri assez analogue
à celui de la souris, mais beaucoup plus aigu. Elle met bas vers la fin du prin-
temps, dans un nid de foin (pi'elle s'est construit au fond de sa retraite, et ne
fait pas moins de six à huit petits. On prétend qu'elle fait trois ou quatre por-
tées par an. On la trouve partout, mais je ne l'ai vue très-commune nulle pari.
Les espèces qui vont suivre ont toutes à peu près les mêmes mœurs.
La Ml sxRAiOE CAHRELET {Sorex tetragonunis. f|ueiie esl rondo nu milieu, aplatie à la pointe
llKUM.) a (le longueur, la queue eomprise, trois et il la base. i:ile se trouve en France, dans les
pouces neuf lignes (0,101) ; elle est noirâtre en jjrairies.
dessus, d'un cendré brunâtre eu dessous; ses La MusAiuifi>E uiicoue {Sorcx teucodou.
oreilles sont courtes, .sa queue est longue et IIeum.1 est longue de quatre |)Ouces (pialre li-
tont à lait carrée. On la trouve en France, daus gnes (0,1 17) la queue comprise; elle esl brune
les granges. sur le dos, avec les fliincs et le dessous blancs;
La ML.sABur,^ERAïEE(5orf.r/iiicati/s, Geoff.) sa queue est un peu cairée. On la trouve aux
a trois pouces six lignes (0,095) de longueur environs de Strasbourg.
totale; elle est dun brun noirâtre en dessus, La Misahaic.ne naine (.Somr >«iiii»n(.v, Pau,.)
plus pâle on dessous, avec la gorge cendrée,- n'a pas plus d'un pouce buit lignes (0.045) de
elle a une petite ligne blanche sur le chanfrein, longueur totale; elle est brune; sa queue est
et une tache sur chaque oreille; sa queue est ronde, étranglée it sa base. Kilo se trouve en
ronde, fortement carénée en dessous. On la .Sibérie et en Silésie.
trouve aux environs de Paris. La ^Ilsahaic.ne oe Toscane (.Vore.r etntscs,
La ^Icsahaigne plauon (Sorex roasirictus, Sam) est un pou plus grande que la précédente
HKKM.SorcxnDiinilariKS, Beoust) atteint qua- et atteint trois pouces (0,081) de longueur to-
tre pouces (0,108) de longueur totale; elle esl taie; elle est d'un gris cendré, blauchiUre en
d'un noir cendre; ses oreilles sont velues, trè.s- dos.sous; ses oreilles sont arrondies ; elle a la
petites, cachées dans les poils de la tête; sa queue médiocreineut longue, gr^^lo, et un peu
118 LKS CÂHNASSIEKS I NSEC TI VOK LS
carrée. Ou la lruu\e dans les racines el les sou- Sorex Daubentonii, Gkoff.— Euxlku. Svrex ca-
ebes des \leu\ arbres, eu Toscaue. Eu hiver, rinatiis, Herm. Le Onber. Vicy-u'AzYR. La Mu-
elle se rapproche des habitalious, el se retire Aaraigi»ied'cai/,BuFF.— G.Cuv. Voirlafigureeu
(iaus les tas de fumier, où elle trouve à la fois avaut dans notre gravure.) est noirâtre eu des-
de la chaleiu' et des insectes pour sa nourri- sus, blanche eu dessous; ses doigts sont bordes
lure_ de poils roides «pii lui aident à nager ; sa queue
La MtsMtiKiMi n'EAU {Soirx finlieus, Gml. est carrée, un peu moins longue que le corps.
Daubeiitoii est le pretuier naturaliste qui ail fait connaître la musaraigne
d'eau, et cependant elle est beaucoup plus commune aujourd'hui que la mu-
sette, qui est connue depuis la plus haute antiquité. Quoique vivant habituel-
lement sur le bord des eaux, presque dans leur sein, elle n'a pas les pieds
palmés, mais ils sont garnis de cils roides, en éventail, qui remplacent les meni-
liranes interdigitales, et lui donnent beaucoup de facilité à nager. Aussi passe-
l-elle une grande partie de sa vie dans l'eau, où elle poursuit avec beaucoup
d'agilité les insectes aquatiques, dont elle fait sa principale nourriture. Elle
[donge avec autant d'aisance qu'elle nage, et, comme elle a l'oreille large el
«ourle, la nature lui a donné la faculté de la fermer hermétiquement quand elle
s'enfonce sous les ondes; elle ouvre et ferme à volonté trois valvules qui ré-
pondent à l'hélix, au tragus et à l'antitragus, de manière qu'il ne peut s'intro-
duire la plus petite goutte d'eau dans son oreille. Du reste, toutes les espèces
de ce genre jouissent de la même faculté.
Ce petit animal habite des trous qu'il sait se creuser dans la terre, sur le
bord des ruisseaux, an moyen de ses ongles et de son nez, mobile comme celui
d'une taupe, mais beaucoup plus mince el plus allongé, et ressemblant à une
petite trompe. Quelquefois, pour éviter la peine de se faire une demeure, il s'em-
pare du terrier abandonné d'un rat d'eau, ou même il se contente d'une fente de
rocher ou d'un trou entre deux pierres. Il a peu d'ennemis, et les carnassiers ne
l'attaquent jamais, parce que l'odeur de ses glandes leur répugne et les écarte.
Il n'a guère à craindre que la voracité des brochets el des truites, qui habitent
comme lui les eaux limpides el le happent quelquefois au passage.
La musaraigne d'eau n'est pas un animal nocturne: cependant elle rentre
dans son trou aussitôt que le soleil se lève sur l'horizon, el elle n'en sort qu'au
crépuscule pour aller à la chasse. Quehpies naturalistes pensent que, lorsqu'elle
manque d'insectes, elle se nourrit de graines, mais ce fait me paraît très-dou-
leux. Je suis certain, par mes propres observations, qu'elle attaque les jeunes
ecrevisses, les crevettes, les petits poissons, et même d'assez gros reptiles, el
en voici la preuve :
Un jour, sur le bord d'une fontaine, dans les bois de Meudon, mon attenlion
fut captivée par le singulier combat d'une musaraigne d'eau et d'une grenouille
aussi grosse qu'elle. Le petit mammifère s'était glissé doucement parmi les
herbes pour suprendre sa proie, et il était parvenu à la saisir par une patte. La
grenouille, se sentant prise, voulut se jeter à l'eau, croyant par là se débarrasser
de son antagoniste ; mais celui-ci se cramponnait de toutes ses forces avec ses
«piatre pattes à tous les corps auxquels il pouvait s'accrocher, et la pauvre gre-
nouille, malgré la violence de ses mouvements convulsifs, avait bien de la peine
a l'entraîner vers l'élément perfide, où elle espérait le noyer. Elle y parvint
LUODOMKS. II!)
iiéaiinioiiis [»eu à peu, cl bieiKùl ils roiilerenl tous ileux clans les uiuUs, ituiil la
transparence me permettait de voir parfaitement la suite de cette bizarre lutte.
La grenouille entraîna d'abord son ennemie au fond de l'eau, mais la musaraigne
ne lâcha pas prise, et parvint à la ramener à la surface. Dix fois de suite ils
s'enfoncèrent et revinrent au grand jour, sans que le reptile se lassât de re-
commencer la même manœuvre, et sans que le mammifère lâchât la patte dont
il s'était saisi. Cependant, par un mouvement brusque et heureux, la grenouille
parvint tout à coup à se débarrasser; elle plongea subitement dans la vase,
trouhla le fond de l'eau, et se déroba ainsi aux yeux de son ennemie, qui l'avait
suivie avec rapidité. Je les perdis un instant de vue tous les deux; mais la mu-
saraio'ne ne tarda pas à reparaître sur l'eau pour respirer, et j'observai ses
petites manœuvres avec le plus grand intérêt.
Soit pour se reposer, soit pour donner à l'eau le temps de s'éclaircir en dé-
posant le limon que la grenouille avait soulevé, elle resta dans une parfaite im-
mobilité pendant cinq minutes ; puis, lorsqu'on put voir le fond de la fontaine,
elle se mit à nager en regardant en bas et en décrivant des cercles, absolument
comme un faucon qui guette sa proie en tournoyant dans les airs. Plusieurs fois
elle plongea, et je la vis parcourir le fond en cherchant avec beaucoup de soin;
mais probablement que la grenouille s'était cachée profondément dans la vase.
car elle ne put la découvrir.
Ce fait prouve suffisamment, ce me semble, que la musaraigne d'eau est car-
nassière, et que son courage est proportionné à ses forces. En détruisant le
frai du poisson, elle peut faire quelque dégât dans les étangs dont elle peuple
les bords en grand nombre. Elle met bas au printemps, et peut-être encore dans
d'autres saisons de l'année, et elle ne fait pas moins de douze à quinze petits
par portée, ce qui explique fort bien pourquoi elle est si nombreuse le long des
ruisseaux et des rivières dont les eaux lui plaisent. Elle s'engourdit pendant
la mauvaise saison, car, même dans les lieux on elle est extrêmement com-
mune, je n'en ai jamais rencontré en hiver. On la trouve dans toute la France.
La Mdsaraigxk i'Oktk-iume (Sore.r remifer, vif;i leur cxlréniitc ; la mnchoiri' infc riciirc csl
Geoff.) est d'un brun noinilrc foccé eu des- un peu plus longue; les quatre ])iedsel la queue
sus, d'un brun cendré en dessous, avec la gorge sont noirs, et la tache de l'oreille est, non pas
d'un cendre clair; sa queue est carrée à sa base, roussfitre, mais d'un blanc pur. J'ai eu sous
et comprimée vers son extrémité. On la trouve les yeux plusieurs individus d'âge et de sexe
en France, particulièrement dans les environs différents qui m'ont coulirme les conjectures
d'Abbeville, sur le bord des eaux. Elle a, ainsi de M. Ts. Geoffroy Elle habile la France,
que la suivan'e, les mêmes habitudes que la La Misahxioe a collier ulwc {Sorcx rol-
musaraigne d'eau. laris, Geoff.) est noire, avec un collier blanc
La MisAHMOE ALIX DENTS ROLCEs ( i'oiT.T ni- aulouc du cou. Elle habile les peliles iles de
vridens) a de 1 affinité avec la précédente, mais l'embouchure de la Meuse et de l'Escaut, où elle
elle est plus petite; ses dents sont d'un rouge parait assez commune.
2" MUSARAIGNES EXOTIQUES.
La MrsAiiAFciNE a colrte qiele {Sorcx hrni- ches, cachées par les poils de la tele. et avant
rniidafif.s-. Svv.), d'un noir plombé en dessus, «leux demi-cloisons; sa queue est presque run-,
plus pâle en dessous; oreilles Ires-larges, blan- déprimée ; sis pieds sont armés d ongles aussi
LES CARNASSIERS INSECTIVORES
120
longs que les doigts. Celte espèce est aqualiquo.
et elle habile des terriers sur les bords du Mis-
souri.
La PETIT!' :\IusARAir.NE ( Sorcx purnis, Say.)
est d'un brun cendré en dessus el seulement
cendrée en dessous ; sa queue est courte, un peu
renflée vers son milieu, presque cylindrique, et
blanchâtre en dessous; ses dents sont noirâtres
et ses ongles blancs. Comme la précédente, elle
hal)ite le Missouri.
La :ML'SAnAiGNE DE l'L\de { Sorex indiens ,
Geoff.) a le pelage court, ras, d'un gris brun
en dessus, teinté de roussàtre en dessous; sa
qncue est ronde, de la longueur de la moitié
du corps. Elle habite les maisons à Pondichéry
et à Tranquebar. Elle exhale une odeur de musc
forte et assez df'sagréable.
La Mlsar\i(;.\e nu Cap (Sorex eapensis,
Ceoff. ) a beaucoup d'analogie avec celle de
l'Inde, mais elle en diffère en ce qu'elle est plus
grande, en ce qu'elle a la queue rousse, beau-
coup plus longue, n'étant que moitié moins lon-
gue que le corps, enfin en ce qu'elle « le nju-
seau plus long et plus eflilé. Elle a trois pouces
huit lignes \0,099j de longueur, non compris la
queue, qui a un pouce neuf lignes (0,047). Du
Cap ou de l'Ile de-France. Peut-être n'est-ce
qu'une variété.
La MusAKAio'E GBÈLE {Sorex exilis, Pai.i.)
est de très-petite taille; on la reconnaît aisé-
ment à sa queue ronde et très-épaisse. On la
trouve en Sibérie.
La Mlsaiîaigke a ql'Ele de rat (Sorex mijo-
sitnis, Pall.) est du même pays; la femelle est
blanche et le mâle brun; tous deux ont le mu-
seau renflé, la queue presque nue, épaisse et
ronde.
La Musaraigne gracieuse ( .S'ocf.r ]mUhelliis,
Pa^der) est très-petite, d'un gris clair sur le
haut de la tète, gris foncé sur le dos, et d'un
blanc pur sur les flancs; elle a une tache blan-
che sur la nuque, avec les oreilles d'un gris ai -
doisé. Elle est une des plus petites de son gein-e,
et elle multiplie prodigieusement.
Cette jolie musaraigne habite les déserts sablonneux qui sont placés entre
Biikkara et Orenbourg. Elle se plaît à proximité des marais, où chaque soir
elle va faire la chasse aux insectes et aux frais de grenouilles et d'autres reptiles.
Elle nage et plonge fort bien, mais cependant elle a les habitudes moins aqua-
tiques que notre musaraigne d'eau. Au printemps, elle se fait un nid d'herbes
sèches qu'elle place au milieu d'une touffe de roseaux, et c'est là qu'elle élève sa
nombreuse famille.
La Musaraigne d'Olivier ( Surex Oliiieri ,
Desm ), un peu plus grande que la musaraigne
commune; rousse; queue prcs(iue aussi grande
que le corps. Cette espèce n'a pas été vue vi-
vante, et peut-être n'existe-t-elle plus. Elle a
été trouvée à l'clat de momie, par Olivier, dans
les catacombes de Sakkara, en Ég\ptc. C'est
peut-être le sorex religiosus d'Is. Geoffroy.
La INIlSARAIGNE MASQUÉE (.S'OJT.r ?)e/-.so)iatH.v,
Is. Geoff.) ressemble à la musette par son pe-
lage et ses proportions, mais elle est un peu plus
brune sur la partie inférieure du dos, sur la
croupe el sur la queue ; ses oreilles sont beau-
coup plus petites, et toute la partie antérieure
du museau, à l'exception de la lèvre, est d'un
brun noirâtre. Des États-Unis.
La Musaraigne religieuse (Sorex religiosus,
Is. Geofi- ) n'a été trouvée qu'à l'état de mo-
mie, dans des antiquités égyptiennis, cl assez
bien conservée pour pouvoir être décrite piir
M. Ls. Geoffroy. Elle est de la taille du surex
personatus; sa queue longue, qui atteindrait
l'occiput, est parfaitement carrée, à angles très-
.saillants ; ses oreilles sont grandes et son pouce
assez court. On ne la pas encore ielrou\ée
vivante en Egypte, où peut-être elle n'existe
plus.
La Musaraigne rlonde {Sorex facesccDS, Es.
Geoff.) a la tête allongée, le dessus du corps et
de la tête d'un blond roussàlie, passant au cen-
dré roussàtre très-clair sur le dessus de la queue;
tout le dessous, el le tour de la bouche, d'un
blanc un peu cendré; une ligne longitudinale
brunâtre sur le chanfrein. Elle a quatre pou-
ces et demi (0,122), non compris la (lueue, qui
est courte. Elle habite l'Afrique méridionale.
Le MoNDJOUROu (Sorex gigantcus, Is. Geoff.
Sorex iiulicus, CiEOVf. — Er. Cuv. — Desm. Le
Moiijourou, Fr. Cuv.) a été confondu par tous
les naluralisles avec Ja musaraigne de l'Inde,
excepté par M. Is. Geoffroy. Elle en diffère par
sa taille, qui est de près de six pouces (0,ifc2),
non compris la (|uene, qui a trois pouces el
d( mi (0,095) de longueur, tandis que <laus l' in-
diens le corps n'a que trois pouces dix lignes
((),I04|, et la queue un pouce et demi (0,051) de
longueur. Cette espèce habite dans les mai-
sons, à Pondichéry, oii elle se rend incommode
par l'odeur musquée qu'elle exhale, odeur qui,
dil-oii, fait fuir les ^el•penls. Ses habitudes sont
1)1 01)0 NT ES.
121
uocliirnes, et elle fait somt'iit entendre le petit
cri LouV;.
Après ces espèces on jilaeera la snivante quand
elle sera mieux connue : Sorex Pealei, de Les-
SON , Sorex araneus, de H\bla>, que Y on trouve
en Amérique.
3' GE^RE. Les CLADOBATES ( Cladobatrs.
Fr, Clv.) ont tienti'-huit dents : quatre incisi-
ves en liaut et six en bas; point de canines;
quatorze molaires à cliaque mâchoire. Leur
corps est cylindrique, allongé; leur museau
pointu, portant une courte moustache; leurs
oreilles sont grandes; leurs yeux saillants; leurs
ongles sont comprimés, arqués, propres à fouir
la terre ; leur queue est très-longue, couverte
de longs poils ; enfin, ils ont quatre mamelles
Le TuPAiA-T\NA( Clndobatestana, Fr. Cuv.
Tujiala tana, Raffl.) a dix-huit pouces (0,487)
de longueur, la queue comprise; il est d'un
hrun roussàtre piqueté de noir eu dessus, avec
une petite ligne oblique et rousse sur chaque
épaule; le dessous de sou corps est roux; sa
télé est allongée, et son museau très-pointu. Il
habite Sumatra.
Le SisRi.xc. ou Baxgsrinc (Cladobnlcs jara-
uicits, Fk. Cl V. Tiipaiujaianira, Raffl.) a un
pied dix lignes (0,ôi8) de longueur totale; il est
brun, piqueté de gris en dessus, avec mm I gne
ol)lique, d'un blanc grisâtre, sur chaque épaule;
il est gris eti dessous; son museau est moins
pointu que dans le précédent, et sa queue est
fort longue. 11 habile Java.
Le Press ( (lladobalrs fcrnigiveiis, Fr. Civ.
Tnpaiafenuginea, IIorsf.) a quatorze à quinze
pouces (fl,5"9 à 0,406) de longueur ; il est d'un
ferrugineux uniforme, et son nuiseau est mé-
diocrement pointu. Il habite Java. Ce genre se
compose des h\logales de Temmiuck.
16
t-22
FJ:S CAUNASSIKUS INSKCTI V0I5 KS.
',' (]kmie. Les DESaiA\S {Miigalf, (i Civ.) (luatoizcen bas; museau termine par une petite
ont quarante quatre dents : deux incisives siipé- trompe très -mobile; oreilles courtes; einq
rieures eu tri.TUgle et aplaties, huit ou quatre doigts onguiculés à chaque pied, réunis par une
inférieures, dont deux très-petites placées en- nienihrane; queue ccailleuse, longue, compri-
Ire les deux grandes; vingt molaires en haut et niée latéialement, formant une sorte de rame.
Le DKSMAN OU RAT MUSQUÉ DE RUSSIE [Mygale nioscovilicn, Gkoff. Sorex
vioschalus, Lin. Le Desniaii^ Buff. — G. Cuv.).
Cet animal a de longueur totale quinze pouces (0,406], c'est-à-dire que sa
taille dépasse un peu celle d'un hérisson; son pelage est d'un gris cendré ou bru-
nâtre sur le dos, d'un blanc argenté sous le ventre; il n'a point d'oreilles ex-
ternes, et son œil est extrêmement petit ; son museau s'allonge en une petite
trompe trés-flexible, et qu'il agite continuellement; ses pieds, outre leurs mem-
branes, sont bordés d'une sorte de frange de poils roides qui lui aident à nager ;
sa queue est d'un quart plus courte que son corps, étranglée à sa base, compri-
mée latéralement, large, plate, ressemblant à la queue d'une anguille, et entiè-
rement recouverte de petites écailles.
Le desman a sous la base de la queue sept ou huit follicules vésiculeux, for-
més par les replis de la peau, couchés transversalement l'un à côté de l'autre
comme les écailles abdominales d'une couleuvre, et d'une couleur jaiuie trés-
prononcée. Si l'on presse avec le doigt un de ces follicules, une épaisse liqueur
qu'ils contiennent, se trouvant comprimée, s'insinue dans des canaux trés-deliés
qui la condtiisent sous les écailles de la (pieue, ou elle trouve inie issue au de-
hors. Celle iRiueiir esl grasse, analogue à celle que les (.aiiariis el aulrcs («iscauv
ont dans des follicules ou des glandes placées sur le coccyx, et elle sert aiiN
mêmes usages. L'animal s'en imprègne tout le corps, et rend ainsi sa l'ourrure
impénétrable à leau; mais cette matière a une odein- de musc si forte (;l si
pénétrante, qu'elle infecte tout ce qu'il touche, et l'on dit même jusqu'à la ciiair
des brochets et antres gros poissons voraces qui mangent quehjuefois des des-
mans.
Ce petit animal est lrés-remarqual»le par ses formes el ses habitudes. Il hal)il('
la Moscovie et tout le midi de la Russie, où il est très-commun dans les étangs,
les lacs, les rivières, et cependant Buffon ne le connaissait pour ainsi dire cpie
de nom. Il est bien rare qu'il sorte de l'eau volontairement pour aller à terre,
et s'il va d'un étang à un autre, c'est par des canaux souterrains ou par les ri-
goles remplies d'eau qui communiquent de l'un à l'autre; aussi n'a-t-il pour
ennemis que les poissons voraces et quelques aigles pêcheurs. Mais souvent il
donne dans les tilets tendus dans les rivières et les lacs; et comme il ne sait pas
les couper pour s'en débarrasser, on l'y trouve noyé. Pour appeler sa femelle ou
rassembler sa jeune famille autour de lui, il a un cri fort singulier, ayant beau-
coup d'analogie avec celui d'un canard ; pour se faire entendre, il est obligé,
selon Pallas, de courber son nez de manière à en mettre le bout dans sa bou-
che, et il s'en sert comme d'une sorte de trompette.
Il vit toujours par couple avec sa femelle, et se construit assez artistemenl
un terrier. Pour cela, il choisit une borge presqiu' perpendiculaire, et assez
élevée pour n'être jamais submergée pendant les inondations. Quand il a trouve
une place convenable, il plonge au pied de la berge, et connnence à creuser sous
l'eau, assez profondément pour que l'entrée de son terrier ne soit jamais à
découvert, même pendant les eaux basses des plus grandes sécheresses.
Son trou est à peu prés aussi large que celui d'un lapin, et s'élève obliquement
à mesure qu'il s'avance dans la berge, en sorte qu'il n'y a jamais de submerge
qu'un ou deux mètres de longueur dans la partie qui aboutit à l'entrée. Parvenu
au-dessus du niveau de l'eau du lac ou de la rivière, le terrier se divise en deux
branches, en forme d' -5, placées, non l'une à côté de l'autre, mais plus ordniai-
remenl l'une sur l'autre. La branche supérieure s'étend quelquefois sous les
racines des plantes qui croissent à la surface du sol, mais jamais elle n'a d'ou-
verture en plein air. Les racines des graminées que rencontre le desnian sont
soigneusement recueillies par lui, et transportées dans la branche inférieure
du terrier, pour former à sa femelle un nid plus doux que les fragments de
joncs et de roseaux qu'il cueille dans les marais. Ce nid est placé au fond du
trou dans une petite chambre ovale, ayant au moins un pied , 0,525 de lar-
geur, sur dix-huit pouces [0,iSl) de longueur. Au printemps, la femelle met
bas quatre ou cimi petits, qu'elle aime avec tendresse, et qu'elle allaite avec
beaucoup de soin. Elle ne les conduit à l'eau avec elle que lorsqu'ils sont très-
forts, et jusque-là elle se borne à les promener dans la branche supérieure de
son habitation.
Les desmans se nourrissent de larves, de vers, et plus particulièrement de
sangsues, auxcpielles ils font sans cesse la chasse. Avec leur petite trompe mo-
bile, ([u'ils enIV.ncnil dans la vase, ils saisissent f«Ml iidroitt-meul leur proie, et.
124
LES CAKNASSIEUS INSECTIVORES.
ce qui leur est, je crois, particulier, ils la dévorent sous l'eau, ce que ne lait pas
la loutre, ni aucun des carnassiers aquatiques que je connaisse. Très-rarement
ces animaux nagent à la surface des ondes, et s'ils y paraissent de temps en
temps, c'est uniquement pour respirer. Ils ont la singulière faculté de marcher
sur le sol au fond de l'eau avec autant d'aisance que les autres animaux sur la
terre, et rien n'est plus curieux que de les y voir se promener. Lorsqu'un hiver
rigoureux vient charger la surface des étangs d'une épaisse glace, ils sont, dit
M. Desmoulins, exposés à périr d'asphyxie par l'épuisement de l'air de leur
terrier; mais ce fait me paraît d'autant plus douteux qu'il ne s'explique pas du
tout par la formation de la glace sur les étangs. Ensuite, s'il était vrai, l'espèce
serait menacée de destruction, puisqu'elle n'habite que le nord.
Le Desjian des Pïrénées {Mijgnle pijrenaïcu,
(iEOFF.) est beaucoup plus petit que le précé-
dent, et n'a pas plus de huit pouces et demi
(0,251 ) de longueur, y compris sa queue, qui est
plus longue que son corps , cylindrique dans
les (rois quarts de sa longueur, diminuant in-
sensiblement depuis sa base, et se terminant
par une partie comprimée sur les cotés; il est
brun en dessus, gris en dessous. On le trouve
le long des ruisseaux, aux environs de Tarbes,
au pied des Pyrénées. 11 a des habiludes à peu
près semblables à celles du précédent, mais il
ne fait pas sou terrier avec autant dart.
5" Genre. LesSCALOPES (Srulups, G.Cuv.)
ont Irenle-six dents: deux incisives eu haut et
quatre en bas ; point de canines; dix-huit mo-
laires à la mâchoire supérieure, et douze à l'in-
férieure ; ils manquent d'oreilles externes ; leur
museau est pointu, cartilagineux, robuste; ils
ont trois doigts aux pieds antérieurs, cinq à
ceux de derrière, et une queue courte.
Le ScALOPE DU Canada (Sraloi)S ranadensis,
Desm. Sorex aqualicus, Li.\. L' American uhite
mole des Américains) a le nez très-long et ter-
miné en une sorte de boutoir propre à fouillei-
la terre; ses pieds antérieurs sont en forme de
mains larges, armées d'ongles forts, semblables
aux mains d'une taupe, et comme elles très-aptes
à creuser le sol; sa queue est co.irle et son pe-
lage très-brun.
Cet animal a les mêmes habitudes que la taupe; comme elle, il se creuse de
longs boyaux souterrains diversement ramifiés, auxquels il travaille chaque jour
à des heures déterminées, et il ne procède pas autrement qu'elle pour chercher
les vers de terre, les larves et les petites racines bulbeuses dont il fait sa nour-
riture; connue elle encore, il ne quitte pas ses galeries souterraines, ou, s'il le
fait, ce qui est très-rare, c'est pour changer de domicile ou aller à la recherche
de sa compagne. 11 y a cependant cette différence entre la taupe et le scalope,
(|ue celle-là choisit, pour établir son domicile, les terres fraîches, mais non
humides; tandis que l'autre ne se plaît que sur les bords froids et marécageux
des rivières et des fleuves. On le trouve aux Etats-Unis, depuis la Virginie jus-
(lu'aii Canada.
6 Genre. Les TALPASORKS ( iuiimsorex,
Less.) ont quarante dents : deux incisives supé-
rieures et quaire inférieures; pas de canines;
vingt -deux molaires à la mâchoire supérieure,
et douzL' à la mâchoire inférieure. Du reste, ils
ne diffèrent pas du genre précédent.
Le Talpasore de Pensylvanie ( Talpasorex
pcnsiilvuiiica, Lï.ss. Srnlops pensijlranira, Har-
I.AN.) a six ponces et demi (0, l"fi) du longueur
totale; son pelage est brun et sa queue courte;
ses molaires sont extrêmement lapprochées ;
les supérieures ont la couronne légèrement
dentelée, avec un sillon qui se continue tout le
long du côté intérieur, et sur le côté externe
pour les molaires inférieures. On le trouve aux
États-Unis; ses mœurs sont les mêmes que
celles des scalopes.
7"Ge\re. Les CHRYSOCHLORES ( C/tnj-
sofhloris, Lacep.) ont quarante dents : deux
incisives en haut et quatre en bas; pas de ca-
nines ; dix-huit molaires supérieures, et seize
iuférieures; leur museau est court, large, re-
TRIODONTES.
125
levé; leur corps trapu; point d'oreilles exter-
nes; pieds de devant courts, robustes, propres
à fouiller la terre, à trois ougles seulement,
dont l'extérieur très-gros, et les autres allant
en diminuant; pieds postérieurs à cinq doigts;
l)as de queue.
Le CuKYsociiLORE DU Cap ( Clirijsochloris ca-
pensis, DtSM. TcUpa asiatica, Gmel. La Taupe
dorée, G. Clv.) a de longueur totale quatre pou-
ces et demi (0,122) ; il est d'un brun changeant;
a cinq doigts aux pieds de derrière, et manque
de queue. Il habite les environs du cap de
Bonne-Espérance, on il se creuse des galeries
souterraines à la manière des taupes.
La nature se plaît souvent à déjouer les suppositions systématiques des sa-
vants, et cet animal en est une preuve nouvelle. Les naturalistes avaient cru
i|ue les brillantes couleurs, le vert doré, le pourpre, le violet, les reflets métal-
liques qui étincellent sur la livrée des oiseaux, des poissons, des insectes, etc.,
leur étaient dévolus par la nature, à l'exclusion des mammifères, qui devaient
toujours porter une robe terne; et voici le chrysochlore qui vient donner un
démenti à cette loi conclue par les analogies. En etlet, son poil est d'un vert
changeant, passant au cuivré et au bronzé, et offrant les plus brillants reflets
métalliques d'or, de pourpre et de violet.
Cet animal est aveugle, et on ne lui voit aucune apparence d'yeux ; dans le
lait, à quoi lui servirait-il d'en avoir, puisqu'il ne quitte jamais la galerie téné-
breuse et souterraine dans laquelle il vit à la manière des taupes? Mais si la
nature l'a privé d'un sens qui lui serait inutile, elle l'en a indemnisé en lui don-
nant une ouïe très-fine, quoique son oreille n'ait pas de conque extérieure, et
en dotant d'une force prodigieuse les bras dont il se sert pour fouiller jour-
nellement la terre. Son avant-bras est soutenu, pour creuser, par un troisième
os placé sous le cubitus, et nul autre animal n'offre cette singularité.
S' Gem»e. Les DOUC.4XS-TAUPES ( Ducaii-
liilpa ) ont les mêmes caractères généraux que
le genre précédent, mais leur formule dentaire
n'est |ias encore connue, au moins je le crois;
ils ont une queue, et leurs pieds de derrière
n'ont que quatre doigts.
Le DoiCAN ( Ducanlalpa rubia. — Chrijso-
(hloris rufa, Desm. Talpa rubra, Gmel.) est un
peu plus grand que notre taupe, dont il a les
mœurs; son pelage est d'un roux tirant sur le
cendré clair; s;i queue est courte. Ou le trouve
à la Guyane.
LES TRIODONTES A COURTES CANINES
(»nl les trois sortes de dénis : deux grandes in-
cisives supL'rieures en avant, accompagnées de
deux autres de ch;iquecoté, dont la postérieure
en forme de canine; les vraies canines petites,
non distinctes des fausses molaires; quatre in-
cisives inférieures, penchées en aviint, eu forme
de cuiller.
9' Genre. Les COXDYLURES ( Condylura,
Illig.) ont quarante dents : deux incisives su-
périeures et quatre inférieures ; deux canines en
haut et en bas ; seize nidlaires à la mâchoire su-
périeure, et quatorze à l'inférieure. Us ont le nez
très-allongé, garni de crêtes membraneuses
disposées en étoile autour des narines; leurs
jeux sont très-petits; ils manquent d'oreilles
extérieures ; comme chez les taupes, leurs mains
sont larges, à cinq doigts munis d'ongles puis-
sants, propres à fouir la terre ; leur queue est
de médiocre longueur, et ils ont cinq doigts aux
pieds de dei-rière.
Le CoiVDYLUBE ÉTOILE (Coiuhjlwa ciistata ,
Desm. Sorex rristalits, Lin. Talpa crislata.
G. Cuv. La Taupe à museau étoile du Canada,
G. CiJv.) est d'un brun noirâtre, et a quatre
pouces (0,108) de longueur totale; ses narines
sont entourées d'un cercle de lanières mem-
braneuses, et sa queue est longue comme le
tiers à peu près de son corps. Il est assez com-
mun dans le nord des Klats-Unis et au Canada.
Ses mœurs sont semblables à celles delà taupe,
ainsi que dans les espèces suivantes.
F^e Co^nvuHK a crosse o< eue ( Condijlnra
126
LES CAUNASSIEKS I^SECTIVOKES
macroiira, 11aiil4:n.) e!>l d'un gris noirâtre eu
dessus, avec le museau fauve; la crête éloilée
de son nez est à vingt pointes; sa queue, presque
aussi longue que son coips, est légèrement com-
primée. Il est commun dans le Nouveau-Jersey,
et se trouve dans tous les Ktats-Unis.
Le CoNDVLtKE VERT {CondijUtra prasinata,
Hahius.) a quatre pouces et demi (0,122) de lon-
gueur totale ; son pelage est lung, fin, à retlet
d'un vert brillant ; la crête de son ucz est à vingt-
deux lanières ; sa queue, mince, sans rides ni
sillons, à poils non verticillés, est longue (onime
les trois quarts de son corps 11 habite le Miiine,
aux États-Unis.
Le Condyliiva lovgicnuiiata , Desm. Talpa
longiraudaia. GiMel., me paraît être un animal
imaginaire. S'il existe, ce n'est lerlainemenl
pas un cond}lure. Selon les catalogues descrip
tifs, il serait long de six pouces ((t,l(i2) ;sa queue
serait longue comme la moitié de son corps, et
il n'aurait point de crête nasale. On le trouve-
rait eu Amérique septentrionale.
LKS TlUODONTES A GRANDES CANINES
ont quatre grandes canines écartées, entre les-
quelles sont de petites incisives.
IO'Genbe. Les TAUPES (Talpa, Lin ) ont
quarante-quatre dents : six incisives en haut et
huit en bas ; deux canines à la mâchoire supé-
rieure et point à l'inférieure; quatorze molaires
eu haut et en bas. Leur tête est allongée, j)oin-
tue, prolongée eu avant par un museau cartila-
gineux, renforcé par un os du boutoir ; elles
manquent d'oreilles externes, et leurs yeux sont
excessivement petits; ses pieds antérieurs sont
larges, eu forme de mains, à cinq ongles tran-
chants et propres à fouir; leurs pieds de der-
rière sont faibles et <\ cinq doigts ; leui' queue
est courte. Ces animaux vivent dans un terrier
dont ils ne sortent qu'accidentellement.
La Taupe aveugle (Talpa cœca, Savi). Celte
espèce, presque aussi commune dans certaines
parties de la France que la taupe ordinaire,
n'avait pas été observée avant Savi. Cependant
elle en diffère par sa taille plus petite, ne dé
passant pas quatre pouces (0,<08), et par la
forme plus aplatie de son boutoir ; sou d'il est
presque entièrement caché par la peau, qui ne
laisse passer la lumière que par un trou grand
comme une piqûre d'aiguille.
riiioi)()NTi:s.
127
L» T»,-,..
La TAITPK COMMUNE ( Tnipa eitropœn, Lin. La Tnupc, Buff.1.
Kllc a communément six ponces (0,lf»-2^ de longnenr (o)ale. Son pelage est
ordinairement d'un noir luisant, toujours fin, doux, et plus ou moins velouté.
Sa queue est courte. On connaît plusieurs variétés de taupe, savoir : la iMipe
pic, à pelage taché de blanc et de noir; la taupe aWinoa, entièrement blanche;
la taupe jaune, à poils d'un fauve plus ou moins jaunâtre; enfin la taupe grise,
dont le pelage est uniformément cendré.
<i Les taupes, dit G. Cuvier, sont connues de tout le monde par leur vie sou-
terraine, et par leur forme éminemment appropriée à ce genre de vie. Un bras
très-court, attaché par une longue omoplate, soutenu i)ar une clavicule vigou-
reuse, muni de muscles énormes, porte une main extrêmement large, dont la
paume est toujours tournée en avant ou en arrière; cette main est tranchante à
son bord inférieur; on y distingue à peine les doigts, mais les ongles qui les ter-
minent sont longs, forts, plats et tranchants. Tel est l'instrument que la taupe
emploie pour déchirer la terre, et pour la pousser en arrière. Son sternum a.
comme celui des oiseaux et des chauves-souris, une arête qui donne aux muscles
pectoraux la grandeur nécessaire à leurs fonctions. Pour percer la terre et la sou-
lever, la taupe se sert de sa tête allongée, pointue, dont le museau est armé au
bout d'un osselet particulier, et dont les muscles cervicaux sont extrêmement
vigoureux. Le ligament cervical s'ossifie mente entièrement. Le train de der-
rière est faible, et l'animal, sur la terre, se ujeut aussi péniblement cpi'il le fait
avec vitesse dessous. Il a l'ouïe très-fine et le tymjtan très-large, ((uoique l'oreillt'
128 LKS CARNASSIERS INSECTIVORES
externe lui manque; mais son œil est si petit et tellement cache par le poil,
•luon en a nié longtemps l'existence. Ses mâchoires sont faibles ; et sa nour-
riture consiste en insectes, en vers, et, ce qui n'est pas bien certain, en quel-
ques racines tendres. »
Cet animal est assez commun dans toute l'Europe tempérée, cependant on
dit qu'on ne le trouve que très-rarement en Grèce et jamais en Irlande. Il habite
de préférence les terres douces, faciles à percer, non pierreuses, un peu fraîches
en été, sèches et élevées en hiver. Les taupes fuient les déserts arides, et surtout
les climats froids, où la terre reste gelée pendant la plus grande partie de Tannée.
« Un attachement vif et réciproque du mâle et de la femelle, de la crainte ou dn
dégoût pour toute autre société, les douces habitudes dij repos et de la solitude,
l'art de se mettre en sûreté, de se faire en un instant un asile, un domicile ; la
facilité de l'étendre et d'y trouver, sans en sortir, une abondante subsistance,
voilà, dit Buffon, sa nature, ses mœurs et ses talents, sans doute préférables a
des qualités plus brillantes et plus incompatibles avec le bonheur que l'obscu-
rité la plus profonde. »
La taupe se prépare un gîte au pied d'une muraille, d'un arbre ou d'un<'
haie, et ce gîte est fait avec beaucoup d'art. Il consiste en un trou de dix-
huit pouces 0,4S7) de profondeur, assez large, recouvert d'une ou même plu-
sieurs voûtes les unes sur les autres, en terre battue et gâchée avec des frag-
ments de racines d'herbes, et assez solidement pétrie pour résister aux eaux
•le pluie. Celte demeure est à plusieurs compartiments .séparés par des cloisons,
et soutenus de distance en distance par des piliers. Quelquefois, dans les terres
liumides ou menacées d'inondations, la voûte de terre dure s'élève au-dessus
du terrain, et le lit d'herbes sèches et de feuilles où elle repose avec sa famille,
se trouve lui-même un peu au-dessus de la surface du sol, de manière à ne
pouvoir être inondé dans le cas d'une submersion inopinée. La manière dont
elle se procure des herbes pour faire son lit est assez singulière. Parla racine
elle juge si l'herbe lui convient; dans ce cas, elle coupe les racines latérales jus-
que vers le collet de la plante, puis, saisissant le pivot qu'elle a ménagé, elle
tire à elle et parvient a faire entrer dans son trou la tige munie de toutes ses
feuilles.
C'est là que, de mars en mai, elle fait et allaite ses petits, ordinairement au
nombre de quatre ou de cinq. De ce nid part un boyau, quelquefois long de
soixante a quatre-vingts pas, et se prolongeant dans une direction à peu prés
droite. A gauche et à droite, elle jette çà et là d'autres boyaux qui s'en écartent
plus ou moins perpendiculairement; tous sont parallèles à la surface de la terre,
a moins qu'elle ne rencontre un obstacle dans son chemin ; en ce cas elle s'en-
fonce et passe par-dessous, à plusieurs mètres de profondeur si cela est néces-
saire. Il n'est pas rare d'en trouver qui passent sous des fondations de hautes
murailles, et même sous le lit d'un ruisseau ou d'une petite rivière. Dans les
circonstances ordinaires, le boyau n'est jamais à plus de six pouces 0,1 r>2 au-
dessous de la surface du sol.
Quand elle fouille, la taupe perce avec le nez, comprime la terre sur les côtés
Jivec ses robustes mains, et en pousse une partir- en avant avec son front et ses
épaules; aussi est-elle obligée de temps à autre de s'en (lél»,'nrasst r en la reje-
TIllOnONTKS l:>y
fan! à la surfaire, cl roniiaiit ce que l'on appelle une tnupïnière . Tous les hovaux
<|iii vont d'une laiij)iiii«'re à une autre sont en ligne a peu près droite, et ee n'esl
que dans ces espèces de points d'arrêt que la taupe se détourne d'un côté ou d'un
autre pour chercher sa nourriture et former de nouvelles «aleries.
La taupe, vivant i)rin(i|talen)enl de vers de (erre et dinsectes, est obligée de
fouiller chaque jour pour trouver sa nourriture et celle de sa jeune famille;
aussi s'en occupe-t-elle régulièrement, et, ce qu'il y a de fort singulier, à des
moments déterminés de la journée. Elle connnence ses premiers travaux au
lever du soleil, et les continue pendant environ une heure; elle les reprend à neuf
heures, à midi, à trois heures et au coucher du soleil, et c'est dans ce dernier
instant qu'elle travaille avec le plus d'ardeur. Elle passe les autres heures du
jour et la nuit à dormir dans son gîte.
(lonnne elle ne sort (jue trés-raremenl de son souterrain, elle n'a ([ue peu
d'ennemis à craindre, et ne peut devenir la proie des animaux carnassiers. Son
plus grand fléau est le débordement de rivières; dans ces inondations subites,
on voit les taupes fuir à la nage, et faire tous leurs eflortspour gagner les terres
plus élevées; mais la plupart périssent aussi bien que leurs petits qui restent
dans les trous. Si on surprend une taupe hors de son trou, elle ne cherche à
fuir (|ue lorsipie la terre est trop dure pour lui permeltre de s'y enfoncer avec
rapidité; dans ce cas, elle court avec assez de vitesse, quoi qu'en ait dit Cuvier
dans la citation que nous avons faite plus haut, et elle pousse un petit cri trés-
aigu, comme le bruit d'une lime qui glisse sur l'acier sans le mordre. Elle est
si délicate, que le plus petit coup la tue, surtout si on la frajtpe sur le nez.
.Mais (|uand elle est sur un sol meuble ou très-léger, au lieu de fuir elle s'en-
terre, et avec tant de promptitude, que, si l'on est à dix pas, on n'a pas le temps
d'arriver à elle avant qu'elle ait disparu. Si au moyen d'une bêche on la cerne
dans son terrier, au premier bruit qu'elle entend, à la plus petite conunolion
que la bêche fait éprouver a la terre, elle se sauve dans son gîte. Si elle en
trouve les issues fermées, elle se met au.ssitôt à creuser un trou vertical dans
lequel elle s'enfonce (pielquefois à plus d'un mètre, et il n'y a plus d'aulre
moyen pour l'en faire sortir que d'y introduire de l'eau.
Malgré les habitudes douces que Rufl'on attribue à la taupe, il n'en est pas
moins vrai que c'est un animal très-cruel et très-vorace. « Elle n'a pas faim,
comme tous les autres animaux, dit Geoffroy Saint-IIilaire : ce besoin est chez
elle exalte; c'est un épuisement ressenti jusqu'à la frénésie. Elle se montre vio-
lemment agitée ; elle est animée de rage quand elle s'élance sur sa proie ; sa glou-
tonnerie désordoîuie toutes ses facultés; rien ne lui coule pour assouvir sa laini ;
elle s'abandttune a sa voracité, quoi qu'il arrive; ni la i»résence d'un boniine. ni
obstacle, ni menaces \u- hii imposent, ne l'arrêtent. La taupe attaque ses enne-
mis par le ventre; elle enire la lèle entière dans le ventre de sa vi( lino'; elle s'y
plonge; elle y délecte tous ses (»rganes des sens. » .M. Isiihu'e (ieolfroy va nous
c(»m[)léter ce portrait.: « Qu'un aniujal se trouve à sa portée, elle s'élance sur
lui a l'improviste, lui ouvre le ventre, et le dévoie presrpie tout entier en |ieu
de temps. Les crapauds sont les seuls animaux (pii lui repiigneul ; elle dévore
avec avidité les grenouilles et les oiseaux. Si même on place dans un lieu ferme
deux taupes du même sexe, la plus faible esl bienlôl dévorée, et l'on ne retrouve
430 LES CAUNASSIEUS INSECTIVORES.
plus d'elle que sa peau et quelques os. Après avoir assouvi sa faim, la taupe est
tourmentée d'une soif ardente, tellement que si on la saisit par la peau dû cou,
et qu'on l'approche d'un vase plein d'eau, on la voit boire avec avidité, malgré
la gêne d'une telle position. C'est au docteur Flourens qu'on doit la connais-
sance de la plupart de ces faits intéressants, auxquels il importe d'ajouter que
les taupes mangent, au moins lorsqu'elles manquent d'une meilleure nourri-
ture, les courtiliéres et les vers blancs ou larves de hannetons. »
Ici je ferai une remarque qui me paraît fort essentielle : c'est qu'il ne faut
pas juger des habitudes d'un animal à l'état de nature, d'après les mœurs qu'il
montre dans l'esclavage; autrement l'exemple de la taupe entraînerait à de
grandes erreurs. En effet, si cet animal, dans sa taupinière, avait des appétits
si furieux, il ne pourrait les satisfaire et périrait bientôt de faim. Comment se
procurerait-il des oiseaux, des grenouilles, de l'eau à boire? Concluons donc
de tout cela que les mœurs de la taupe valent mieux que son caractère. Elle ne
s'engourdit pas l'hiver, comme la plupart des carnassiers insectivores; elle
cherche une exposition chaude, tournée au midi, y établit son domicile, et pro-
fite de tous les jours de soleil et de dégel pour travailler. Je suis fort tenté de
croire qu'elle fait, pour les consommer quand la terre est fortement gelée, une
provision de bulbes de colchique d'automne, car j'en ai constamment trouvé des
débris autour de son nid, en février et mars, c'est-à-dire avant qu'elle ait mis
bas.
Cet animal est un fléau pour l'agriculture, partout où on le trouve en grand
nombre. Il fait un grand tort aux terres et aux jardins, en les fouillant dans
tous les sens, et en coupant les racines des plantes; ses taupinières, en encom-
brant les prés, ôtent la possibilité de les faucher rez terre, et font par consé-
quent perdre une bonne partie des récoltes de fourrage. En outre, ses galeries
nuisent beaucoup à la régularité des irrigations, en perçant les chaussées, les
digues, et livrant des passages aux eaux.
Il' Genre. Les TEXRECS {Seliger, Cuv.) LeTEfiREC (Seligerecaudaliis, Geoff. Erina-
ont (jiiaranlc dents; six incisives, deux canines ceus ecaudaivs, Lin. Centencs spinosus, Desm.
et douze molaires à chaque mâchoire,; comme Le Tenrec, Buff.J est un peu plus grand que
les hérissons, ils ont le corps couvert d'aiguil- notre hérisson, et peut avoir dix pouces (0,271)
Ions, mais il leur manque la faculté de se rouler de longueur environ. Il est couvert de piquants
aussi complètement en boule ; leur museau est roides sm" le corps, et de poils ou de soies sur
pointu ; ils n'ont pas de queue ; leurs pieds ont le ventre et la poitrine ; ses incisives sont échan-
cinq doigts libres et munis d'ongles crochus. crées, au nombre de quatre seulement en bas.
(le singulier animal, ainsi que ses congénères, est indigène de Madagascar,
mais on le trouve à l'Ile-de-France, où il a été transporté et où il s'est très-faci-
lement naturalisé. Comme il a les pattes fort courtes, il ne peut pas courir, ni
même marcher avec facilité; aussi, malgré ses aiguillons, devient-il assez sou-
vent la proie des animaux carnassiers et des oiseaux de proie. Son cri est une
sorte de petit grognement ayani, selon Buffon, un peu d'analogie avec celui du
cochon.
Lé tenrec est un animal nocturne, qui aime à se vautrer dans la vase. Il habite
le bord des eaux, et se plaît particulièrement sur le rivage des canaux salés et
TKIODONTES.
131
(les lagunes de la mer. 11 passe la plus grande partie des nuils à iioursuivre,
dans le sein des ondes, les insectes dont il lait sa [u-incipale nourritun;; au
jour naissant, il se retire pour dormir dans un terrier qu'il se creuse sous les
racines de quelque arbre croissant au bord de l'eau, ou tout simplement dans
le sol d'uni; l'alaise, au milieu des buissons ou des roseaux. Il n'en sort que le
soir, au cré|)uscule, pour reconmiencer sa [)ècbe; aussi nage-t-il avec une grandi;
facilité. Dans quelques-unes de ses babiludes, il a de l'analogie avec notr<' rat
d'eau. Le mâle et la femelle sont fort attachés l'un à l'autre, et paraissent s'aimer
avec tendresse. Celle dernière fait plusieurs petits, (pi'elle allaite dans son ter-
rier, et auxquels elle api)rend à nager, à plonger et à chasser aux insectes aqua-
tiques, aussitôt (|u'ils sont assez forts pour la suivre.
Ordinairement les mammifères insectivores, et quekiues autres de dilVérenles
classes, s'engourdissent pendant l'hiver; ici c'est tout le contraire. Pendant la
saison pluvieuse, qui dans leur pays répond à notre hiver, les tenrecs sont vifs,
agiles, sans cesse occupés de leurs amours, de la chasse et de l'éducation de
leur famille. Mais aussitôt que les chaleurs de l'été commencent à se faire
sentir, i)ère, mère et enfants, tous se retirent dans le terrier, s'enfoncent
dans le foin de roseau ipi'ils y ont amassé, s'endiu'ment, tombent en léthai-
gie, et restent plongés dans l'engourdissement et la torpeur pendant trois on
quatre mois, c'est-à-dire autant de temps que dure la chaleur. Dans cet élat leur
poil tombe, et il ne repousse que quand ils se sont réveillés. Flacconrt dit cpi'ils
sont ordinairement fort gras, et que les Indiens trouvent leur chair excellente,
(pioiipi'elle soit fade et mollasse.
Le Tendhac {Setiger innnris, Geoff. Eiina- C.eulcufs semisiiinosiis, De-sm. /jiiificfii.s semi-
ceits setosus. Lin. Centenes setusus. Desm. Le spvwsiai, (i. (av. \.c jeune Tenrer, Iîiff.) a
Tendrai-, Blff. — G. Cuv.) ost beaucimp |)liis six incisives à chaque iiiàctioire, el les canines
petit (|ue !e précédent, dont il diffèie par ses grêles et crdchues ; il est couvert de soies et de
piquants plus flexibles, plus semblables à des piquants iiiélés ; son corps est raye de jaune el
soies, et par six incisives échancrées à chaque do noir, et atteint à peine les dimensions de celui
mâchoire. 11 habite Madagascar. d'une taupe. Ou le trouve à Madagascar, où
Le Te,\kec }Ak\i{Seliger variegalus, Giovv. cependant il est assez rare.
LES
CARNIVORES PLANTIGRADES,
QUATKlkME UHDHE DES M A M M IF K H K S.
L Ours bi'un d'Europe.
Ces animaux ont six incisives à chaque mâ-
choire; de très-fortes canines ; les molaires non
hérissées de pointes à leur couronne, mais tran-
chantes et quelquefois tuberculeuses ; aussi vi-
veut-ils tous de proie et ont une férocité san-
guinaire.
LES PLANTIGRADES
marchent sur la plante entière des pieds, qu'ils
ont toujours dépourvus de poils en dessous; aussi
peuvent-ils assez facilement se tenir debout sur
leurs pieds de derrière. Us ont cinq doigts à
tous les pieds, et manquent de cœcum. La plu-
part passent l'hiver en léthargie, dans les pajs
froids.
1" Genre. Les OURS ( Ursus, Lin.) ont qua-
rante-deux dents : six incisives et deux cauines
à chaque mâchoire; douze molaires supérieures
et quatorze inférieures ; les trois molaires pos-
térieures sont très-grosses, à couronne carrée et
tubercules mousses, ce qui le»; rend moins car-
nassiers que les autres genres de leur ordre;
leurs pieds sont armés d'ongles très-forts ; leur
corps est trapu, leurs membres épais, et leur
queue très-courte; les femelles portent deux
mamelles pectorales et quatre ventrales.
L'OUBS BRUN ( Ursus arctos. Lin. Var. Ursus pyrœnaïcus. Fr. Cuv. L'Ours
brun d'Europe, Buff. — G. Cuv. Var. L'Ours des Ihjréiiées, Fr. Cuv.).
Cet animal habite les hautes montagnes et les grandes forêts de toute l'Eu-
rope et d'une partie de l'Asie et de l'Afrique. Sa longueur est de quatre à cinq
pieds 1 1,299 a 1,62 4) environ. La hauteur relative des jambes varie beaucoup
LA FOSSE AUX OURS
(.)»,,),., il.- IM.-i nte<.)
PLANTIGRADES. 133
ainsi que la couleur du pelaj,n\ el cela sans rapport conslanl avec l'âge ou le
sexe. Son front est convexe au-dessus des yeux, el son museau diminue de gros-
seur d'une manière brusque; il a la plante des pieds de derrière moyenne; son
pelage, (pieI(|uefois un peu laineux, est ordinairement brun, mais on en voit
d'un brun lisse à rellels presque argentés; de fauves; d'autres d'une couleur
blonde jaunâtre très-clair; enfin il y en a de tout à fait blancs.
L'ours brun est très-connu en France, grâce aux montagnards (pii descendent
quelquefois des Alpes pour venir promener, dans les petites villes et les villages,
de jeunes ours qu'ils ont apprivoisés, et auxquels ils ont enseigné à marcber
debout, à faire la culbute, et à danser d'un pas lourd au son de la tlûte à bec et
du tambourin. Quoiqu'il obéisse à son maître, ce n'est jamais ({u'à contre-
cœur et en murnuirant. (Iliaque fois qu'on rol)lige à montrer son savoir, il s'ir-
rite, et fait entendre un grondement sourd qu'il accompagne d'un frémissement
de dents très-significatif. Aussi le tient-on constamment muselé, et se défîe-
t-on beaucoup de sa colère, qui procède souvent du caprice et tourne toujours
en fureur.
Dans ses forêts, qu'il ne quitte guère (jue lorsqu'il y est poussé par la faim,
l'ours mène une vie solitaire et sauvage. Il se loge dans les cavernes, les trous
de rochers, et plus souvent encore dans les trous caverneux des vieux arbres.
C'est là qu'il passe ses journées à dormir en attendant la nuit pour se mettre
en campagne et chercher sa nourriture. On prétend que, faute d'arbre creux
ou d'antre de rochers, il se construit une sorte de cabane avec des branches de
bois mort et du feuillage, mais ceci me semble fort douteux. Tout lourd qu'il
paraît, cet animal n'en est pas moins doué d'une certaine agilité, qu'il ne dé-
ploie, à la vérité, qu'avec beaucoup de circonspection et de prudence. Quand il
grimpe sur un arbre, soit pour aller chercher les fruits dont il se nourrit, soit
pour rentrer dans son trou, il s'accroche aux branches avec ses mains, et au
tronc avec les griffes de ses pieds de derrière; quelquefois aussi il embrasse la
tige avec ses bras et ses cuisses, comme ferait un honnne; mais, dans tous les
cas, il y met beaucoup de précaution, et jamais il ne lâche son appui d'une patte
qu'il ne se soit assuré, à plusieurs reprises, que les trois autres ne lui manque-
ront pas.
Bien que ses mâchoires soient armées de dents redoutables, son caractère
n'est pas carnassier, et il n'attaque jamais un être vivant que pour défendre sa
vie, ou quand il y est poussé par une faim dévorante. Ordinairement il se nourrit
de faîne ou fruit du hêtre, de baies sauvages, de graines de diflérentes plantes,
et même de racines; il aime beaucouj) les fruits du sorbier, de l'épine-viuette,
et en général tous ceux qui sont un peu acides. Si cette nourriture manque
dans ses forêts, il les quitte, se jette dans la plaine, et fait d'assez grands ravages
dans les champs d'avoine et de maïs. Ce n'est guère (pi'en hiver, après un long
jeûne, que, sortant alfaméde sa retraite et trouvant la terre couverte de neige,
il se jette sur les troupeaux et attaque les animaux qu'il rencontre. Encore ce
fait aurait-il besoin d'être confirmé. Ce dont j(! me crois certain, c'est (jue jamais
il n'est dangereux pour riiomme, à moins cpTil n'en soit alta(pié; mais dans ce
cas, il est d'inie intrépidité effrayante. 11 a le sentiment de sa force; aussi n'é-
prouve-t-il jamais la crainte, mais seulement la colère. S'il rencontre un chas-
13'! LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
seur, il ne lïiil pas à la vue de ses armes; il ne se détourne même pas; il passe
outre en jetant sur lui un regard farouche de mécontentement, car il n'aime
pas que l'on pénètre dans ses forêts silencieuses pour troubler sa solitude. Mais
malheur à l'imprudent audacieux qui ose l'attaquer sans être sûr de lui donner
la mort du premier coup ! Blessé ou simplement offensé, sa colère est terrible,
et toujours il en résulte une lutte mortelle pour l'un ou pour l'autre, quehpiefois
pour tous deux. Sans hésiter, il court sur son agresseur; mugissant de fureur,
l'œil en feu, la gueule béante, dressé sur ses pieds de derrière, il s'élance, l'é-
crase de son poids, le saisit dans ses bras puissants, l'étouffé, ou lui brise le
crâne avec ses formidables mâchoires. S'il est harcelé par une meute de chiens
courageux et appuyés par de nombreux piqueurs, il se retire, mais il ne fuit
pas. Il gagne lentement sa retraite, en se retournant de temps à autre pour
faire face à ses nombreux ennemis, qui reculent aussitôt épouvantés. Enfin,
harassé de fatigue, mortellement blessé par les balles des chasseurs, près de
mourir, il s'apprête à faire payer chèrement la victoire à ses ennemis. Debout,
le dos appuyé contre un tronc d'arbre ou un rocher, il les attend, et tout ce qui
est assez téméraire pour l'approcher, tombe écrasé sous sa terrible patte ou
brisé par ses dents.
En Europe, on fait la chasse à l'ours avec le fusil et des chiens. Quelquefois
aussi, quand on connaît le lieu qu'il habite, on le traque comme le loup; c'est-
à-dire que tous les paysans d'un ou plusieurs villages se réunissent, entourent
la forêt d'une ceinture de tireurs et de traqueurs qui marchent en resserrant de
plus en plus le cercle qui le circonscrit, et finissent par l'approcher et l'acca-
bler sous leur nombre. « On prend les ours, dit Buffon, de plusieurs façons, en
Norwége, en Suède et en Pologne, etc. La manière la moins dangereuse de les
prendre est de les enivrer en jetant de l'eau-de-vie sur le miel qu'ils aiment
beaucoup, et qu'ils cherchent dans les troncs d'arbre. » Ce fait, rapporté par
le grand écrivain, sur la foi de Regnard, me paraît tout aussi peu probable que
les contes que ce voyageur nous avait débités sur les Lapons.
L'ours aime la vie solitaire, et fuit par instinct toute société, même celle de
ses semblables. Il ne cherche même sa femelle qu'au temps des amours, c'est-
à-dire en juin, et, ce moment passé, il la quitte, et va tixer sa demeure à plu-
sieurs lieues de la forêt qu'elle habite. Aussi est-il tout à fait indifférent aux
plaisirs de la paternité, et, il y a plus, c'est qu'il ne nKUKjue jamais de manger
ses enfants, si le hasard lui fait découvrir l'asile sauvage où sa femelle les a
cachés, dans un lit de feuilles sèches et de mousse. Au contraire, celle-ci aime
ses petits avec la plus ardente affection, et les garde avec elle jusqu'à ce qu'ils
aient deux ans et qu'ils aient acquis la force de repousser toute agression étran-
gère. Elle les soigne, leur apporte des fruits et du giber, les lèche, les nettoie,
et les porte avec elle dans ses bras lorsqu'ils sont fatigués. Si un danger les
menace, elle les défend avec un courage furieux, et se fait tuer sur la place plu-
tôt que de les abandonner. Aussi n'est-ce qu'avec beaucoup de danger et de
prudence que les montagnards viennent à bout de s'emparer de ses oursons,
ordinairement au nombre de un à trois, très-rarement quatre ou cinq. Le temps
de la gestation est de sept mois.
Pendant l'hiver, l'ours ne s'engourdit [»as, ainsi (jue l'ont cru quebpies na-
PLANTKiKADLS. W)
Hiiiilisles, mais il reste dans son tron des mois entiers à dormir, (^onnnc les
fruits ne lui ont pas manqué en automne, il est ordinairement fort gras au
moment où il commence sa retraite, et il paraît (|ue cette graisse suffit à l'en-
tretien de sa vie pendant fort longtemps. Cependant son jeûne ne dure jamais
plus de trente à quarante jours, et il ne reste pas plus longtemps caché sans
sortir et aller chercher dans la forêt quelques graines ou des racines qui le sou-
tiennent. Si la terre est couverte de neige, et qu'il ne trouve rien à manger,
c'est alors qu'il se rapproche des habitations de l'honune, et qu'il se hasarde,
dit-on, à attaquer les animaux domesti(|ues.
Malgré ses formes grossières, sa tournure pesante et ses gestes grotesques,
il ne faut pas croire que l'ours soit un animal slupide; il est, au contraire, plein
d'intelligence et de finesse, et la preuve, c'est qu'il ne donnejamais dans les pièges
(|u'on lui tend. Tout objet nouveau éveille chez lui la défiance; il l'observe pru-
demment avant de l'approcher, passe sous le vent pour s'en rendre compte par
l'odorat, qu'il a d'une délicatesse extrême; il s'avance doucement, le flaire, le
tourne et le retourne, puis s'en éloigne s'il ne lui convient pas de s'en emparer.
(Test ainsi qu'il agit toutes les fois qu'il trouve un cadavre d'homme ou d'ani-
mal, auquel il ne touche jamais. Sous cette enveloppe d'un aspect si rude existe
une perfection de sensation peu commune dans les animaux; sa vue, son ouïe
et son toucher sont excellents, quoiqu'il ait l'œil petit, l'oreille courte, la peau
épaisse et le poil fort touffu.
Le courage de l'ours a passé chez quelques auteurs pour de la brutalité, et il
V a là une grande erreur. L'ours est intrépide, mais prudent, et il ne combat
(pic lorsqu'il y est forcé par la faim, la défense de ses petits ou la vengeance.
Jamais on ne le voit fuir, parce qu'il a la conscience de sa supériorité; il oppose
la menace à la menace, la violence à la violence, et sa fureur devient terrible,
|)arce qu'il porte dans le combat un courage insouciant de la vie.
Autrefois l'ours était bien plus connnun en Europe qu'aujourd'hui, et alors
sa chasse pouvait être avantageuse, à cause de sa fourrure assez estimée quoi-
que grossière, et surtout à cause de la graisse dont il est toujours abondammeni
pourvu, et à laquelle la crédulité de nos pères accordait des vertus merveilleuses
pour guérir les rhumatismes et une foule d'autres maladies. Ce qu'il y a de cer-
tain, c'est que cette graisse, dépouillée par des procédés fort simples d'une odeur
particulière dont elle est imprégnée, est fort douce, excellente, et ne le cède
pas au meilleur beurre pour la cuisine. Il ne s'agit, quand on veut lui ôter son
odeur, que de la faire fondre et d'y jeter, lorsqu'elle est très-chaude, du sel en
(piantité suffisante, et de l'eau par asficrsion. Il se fait une sorte de détonation,
et il s'élève une épaisse fumée qui emporte avec elle la mauvaise odeur.
Plusieurs fois les ours de la ménagerie ont fait des petits, et on a pu s'assurer
que par la taille et la couleur ils ne se ressemblent nullement. La mère a tou-
jours marqué un sentiment de préférence pour l'un d'eux, et jamais elle n'a
|KM(lu son autorité maternelle, lorsqu'ils étaient devenus beaucoup plus grands
(|u'elle.
I^'OiiB.s ^olH d'Iù HOPK ( r/-.si(.s' aie).— L'Ours iiièinc concave, surtout on travers; son pelage
noir (/ Europe, (i. Clv. i a le Iront aplati et est laineux, non pas lisse comme celui de l'ours
i3(>
LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
d'Amérique, d'un 1 ruii noirâtre; il a le dessus
du nez d'un fauve clair, et le reste du tour du
museau d'un brun roux. J'établis cette espèce
sur le témoignage de G. Cuvier. [I est rare, et
parait ne se trouver que dans le nord de l'Eu-
rope. Buffon dit qu'il est moins carnassier que
notre ours brun.
L'Ouiis DES PYltÉ^ÉES {Ursus pyrenalcus, Fr.
Cuv.) est plus petit que l'ours des Alpes; il est
d'un blond jaunâtre sur le corps, et noir sur
les pieds. Il habite les montagnes des Asturies.
Beaucoup de naturalistes le regardent comme
une variété de l'ours brun, et je |)enche aussi
vers cette opinion.
L'OuBS DE Sibérie ( Ursus collaris, Fr. Cuv.)
a beaucoup d'analogie avec le précédent sous le
r;ipport des formes et des couleurs; mais sa
taille parait être un peu plus petite, et il a un
large collier blanc qui passe sur le haut du dos,
sur les épaules, et se termine sur la poitrine.
On le trouve dans le nord de l'Asie, et il paraît
qu'il a les mêmes mœurs que notre ours d'Eu-
rope. Cependant, ceux qui ont vécu à la ména-
gerie paraissaient un peu plus carnassiers.
L'OtBS DU TiUBET {Ursus thibitanus, Fh.
Cuv.) diffère des précédents par la grosseur de
son cou, et par son chanfrein, qui forme une
ligne droite; il est noir, à poils lisses; son mu-
seau est un peu roux, sa lèvre supérieure cou-
leur de chair, et l'inférieuie blanche; il a, sur
la poitrine, une tache blanche en forme d'Y.
On ne l'a encore trouvé que dans les montagnes
du Sylhel, au Nepaul, et l'on ne sait rien de po-
sitif sur ses habitudes.
L'Ours nR^É {Ursus ornatus, Fh. Cuv.) n'est
probablement qu'une variété de l'ours noir. Sa
taille dépasse rarement trois pieds et demi
(1 ,15") ; son museau est un peu plus court, d'un
fauve sale; son pelage est également d'un noir
lisse et luisant, mais il a un demi cercle fauve
sur ( haque œil, et du blanc ou du fauve à la
gorge ou à la poitrine. Il est assez commun
dans les Cordilières du Chili, et peut étie dans
toute l'Amérique australe.
L'OUKS AUX GRANDES LÈVRES {VrSUS laMotllS,
deBuAiNV. Bradypns ursinus, Shaw. Ursus lon-
giroslris, Tiedm. C'est le t\pedu genre Helarc-
tos d'HoRSFiELD). Il cst un peu plus petit que
l'ours brun; d'un noir foncé; et on lui trouve
quelquefois des taches éparses un peu brunâtres ;
\\ a sur la poitrine une tache blanche en forme
de V ; mais ce qui le rend reconnaissable au
premier coup d'œil, ce sont ses lèvres qui sont
lâches, très-extensibles, et sa langue d'une lon-
gueur extraordinaire II se trouve dans les
montagnes de l'Inde. On rénnira à celte es-
pèce, et même comme variété assez légère, le
BBUA.^G, ou l'Ours malais (,Ursus malanaiius,
Raffl. Procliiliis malnijunus, Gbav. Helaiclos
malaxjanus, Horsf — Fr.Cuv.) qui n'en diffère
que par une large tache en demi-lune, d'un
blanc pur, qu'il a sur la poitrine. Il habite la
presqu'île de Malaca. Il est nommé oins bate-
leur par quelques naturalistes.
L'ours aux grandes lèvres n'est pas du tout carnassier, et ne se nourrit que
de fruits, de miel et d'insectes. Peut-être en serait-il de même de la plupart des
autres espèces, si, ainsi que lui, ils habitaient des climats où la nature put leur
fournir toute l'année une nourriture végétale. D'un naturel farouche et mélan-
colique, cet animal aime la solitude, et se retire dans les montagnes les plus
désertes. Cependant, quand il est pris jeune et traité avec honte, son caractère
s'adoucit, son intelligence se développe, et il se laisse facilement dresser à i)lu-
sieurs exercices par les jongleurs indiens. Dans ses montagnes, il se plaît beau-
coup à la recherche des termes ou fourmis blanches, et lorsqu'il a trouvé une
de leurs habitations, il fait, avec ses griffes, au dôme de terre durcie qui en
forme le toit, un trou dans lequel il enfonce sa longue langue; les termes se
jettent dessus pour défendre leur république, et quand ils y sont réunis en grand
nombre, l'ours retire brusqueiuent sa langue et les avale.
L'Ours de Bornéo (Ursus eurifspitus , Less.
Helarctos euryspilus, Horsf.) n'est peut-être
aussi qu'une variété locale de l'ours aux grandes
lèvres, dont il a les formes, la taille, les cou-
leurs et les habitudes; il en diffère cependant
par une large plaque échancrée en son bord
supérieur, d'une couleur orangée, et par une
bandelette transversale grise sur chaque pied.
On le trouve dans l'ile de Bornéo.
L'Ours noir d'Amérique ( Ursus ameriranus,
Pall. Ursus gidaris, Geoff.) a le front plat,
presque sur la même ligne que le museau ; la
plante de ses pieds et de ses mains est très-
courte ; son pelage est noir, lisse, long et brillant.
PLANTIGRADES. I57
La taille de cet animal ne dépasse guère quatre pieds huit pouces (1,516);
cependant j'en ai vu un plus grand que cela. On en trouve des variétés fauves,
plus ou moins jaunes ou couleur de chocolat. Tous habitent les États-Unis, et
se répandent dans le nord de l'Amérique jusque dans le Kamtschalka. « L'ours
noir, dit M. Dupratz, paraît l'hiver dans la Louisiane, parce que les neiges,
qui couvrent les terres du Nord, l'empêchant de trouver sa nourriture, le chassent
des pays septentrionaux. Il vit de fruits, et entre autres de glands et de ra-
cines, et ses mets les plus délicieux sont le miel et le lait; lorsqu'il en ren-
contre, il se laisserait plutôt tuer que de lâcher prise. Malgré la prévention
où l'on est que l'ours est carnassier, je prétends, avec tous ceux de cette pro-
vince et des pays circonvoisins, qu'il ne l'est nullement. Il n'est jamais arrivé
que ces animaux aient dévoré des hommes, malgré leur multitude et la faim
extrême qu'ils souffrent quelquefois, puisque, même dans ce cas, ils ne man-
gent pas la viande de boucherie qu'ils rencontrent. Dans le temps que je de-
meurais aux Natchés, il y eut un hiver si rude dans les terres du Nord, que ces
animaux descendirent en grand nombre; ils étaient si communs, qu'ils s'af-
famaient les uns les autres, et étaient très-maigres ; la grande faim les faisait
sortir des bois qui bordent le fleuve ; on les voyait courir la nuit dans les habi-
tations, et entrer dans les cours qui n'étaient pas bien fermées; ils y trouvaient
des viandes exposées au frais; ils n'y touchaient pas, et mangeaient seulement
les grains qu'ils pouvaient rencontrer. »
D'après cette citation faite par BufTon, il semblerait que l'ours noir n'est
jamais carnassier; et cependant les naturalistes, entre autres G. Cuvier, pré-
tendent que, lorsqu'il est poussé par la faim, il attaque les mammifères. Ce fait
a besoin d'être confirmé; mais ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il mange le poisson.
En hiver, il descend des bois, et vient pêcher sur le bord des lacs et des rivières.
Il nage et plonge fort bien, et s'empare de sa proie avec beaucoup d'adresse et
d'agilité. Il se plaît particulièrement dans les forêts d'arbres résineux, et il se
loge dans les cavités formées par le temps dans leur tronc. La plus haute est
celle qu'il choisit de préférence, et il n'est pas rare de le trouver niché à plus
de quarante pieds (12,892) de hauteur. Pour le prendre, les Américains mettent
le feu au pied de l'arbre, et le forcent ainsi à sortir de sa retraite pour se sauver
des flammes. Si c'est une femelle, elle descend la première, à reculons comme
font tous les ours, et, lorsqu'elle est près de terre, ils l'abattent d'un coup de
fusil tiré à bout portant dans le cœur ou dans l'oreille. Les oursons descendent
ensuite, et on les prend vivants et sans danger s'ils sont encore petits; dans le
cas contraire, on les tue. On chasse encore l'ours noir avec des chiens courants,
qui le harcèlent jusqu'à ce que le chasseur ait trouvé le moment favorable pour
le tirer. Toutes les manières de le chasser sont sans danger, parce qu'il ne court
jamais sur le chasseur, et que, blessé ou non, il ne cherche jamais qu'à fuir.
Seulement, il ne faut pas s'approcher imprudemment de lui lorsqu'il est abattu
et mourant; car alors, sentant qu'il ne peut plus échapper au danger, il cherche
à se défendre et à se venger. Son cri est trés-dilférent de celui de l'ours brun ;
il consiste dans des hurlements aigus qui ressemblent à des pleurs.
Les Américains lui font une chasse continuelle, non pas seulement parce
qu'il dévaste leurs champs de maïs, d'avoine et autres grains, mais encore parce
ts
i:js
LES CAUISIVOUES PL ANTIGK ADES.
qu'ils estimenl beaucoup sa chair, cl que sa fourrure, dont on fait cliez nous les
bonnets de grenadiers, ne laisse pas que d'avoir de la valeur. Sa graisse rem-
place avantageusement le beurre ; ses pieds offrent un mets trés-délicat, et ses
jambons, salés et fumés connue ceux de cochon, ont une grande réputation en
Amérique, et dans toute l'Europe, où on les envoie pour la table des riches.
PL.\MI(;U\I)KS
i:w
LO.iii l.lanc.
LoURS BLANC ( Ursus maritimus, Lin. Ursus albus, Briss. L'Ours de In mer
Glaciale, Buff. L'Ours polaire des voyageurs. Il est le type du genre Thalarcios
«le Gray).
Cet aniuial est connu de tout le inonde par les exagérations des voyageurs
et par les contes qu'ils nous ont débités sur sa grandeur, sa voracité et son cou-
rage intrépide. Quand nous aurons réduit toutes ces histoires à leur juste va-
leur, on sera fort étonné de ne trouver dans l'ours blanc que les mœurs ordi-
naires des animaux de son genre, mais accompagnées d'une stupidité que l'on
a prise pour du courage. Les plus grands individus de cette espèce ne dépassent
jamais six pieds et demi [2J H), et les voyageurs qui affirment en avoir vu de
treize pieds (^,225) mentent juste du double. Sa tète est fort allongée, son crâne
aplati, sur la même ligne que le chanfrein; son œil est petit et noir, ainsi que
le museau et l'intérieur de la gueule; son cou est très-long, et sa plante des
pieds est d'une largeur remarquable; tout son corps est couvert de poils blancs,
longs et soyeux.
Habitant les glaces éternelles du pourtour du pôle boréal, les côtes du Groen-
land, du Spitzberg, en un mot les parties les plus froides de la terre, il a dû
contracter des habitudes en harmonie avec ces climats rigoureux. L'été, retiré
dans les terres, il erre dans les forêts et mange les graines, les fruits et même
les racines qu'il y rencontre, ce qui ne l'empêche pas, cependant, de dévorer
les cadavres des animaux, quand il en trouve. C'est là qu'il fait ses petits, qu'il
les allaite sur un lit de mous.se et de lichens, et qu'il les habitue peu à peu à
manger des substances animales. Mais, dans ces malheureux climats, la saison
140 LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
lies beaux jours est trop courte, et bientôt la neige, qui couvre le i)ays, force
l'ours blanc à quitter les forêts où il ne trouve plus de nourriture, et à venir
sur le bord de la mer, suivi non-seulement de sa famille, mais encore d'une
troupe nombreuse que la famine a également exilée des bois. Cette sorte de
sociabilité qui les réunit est un caractère qui distingue cette espèce, car toutes
les autres ont une vie solitaire, et restent dans un isolement sauvage Pendant
ce petit voyage, ils se préparent à combattre les grands animaux marins, en
attaquant les rennes et autres êtres timides qu'ils rencontrent sur leur route.
Bientôt, de chasseurs maladroits, ils deviennent excellents pêcheurs, et ils pour-
suivent jusqu'au fond des ondes les poissons et les mammifères amphibies, qui
deviennent leur proie. Ils s'habituent à plonger et à rester longtemps sous l'eau ;
ils nagent avec aisance et rapidité, et peuvent faire ainsi plusieurs lieues sans
se reposer. Mais si une course trop longue les fatigue, ils cherchent un glaçon
entraîné par le courant ou poussé par le vent; ils montent dessus, et cette sin-
gulière barque les porte souvent à une très-grande distance.
C'est ainsi qu'en Islande et en Norwége on voit quelquefois arriver sur des
glaçons flottants des bandes d'ours affamés au point de se jeter sur tout ce
qu'ils rencontrent. C'est alors qu'ils sont terribles pour les hommes et les ani-
maux, et cette circonstance tout à fait accidentelle, mais qui se renouvelle
chaque année, n'a pas peu contribué à leur réputation de courage et de féro-
cité. Quelquefois, entraînés dans la haute mer par les glaces, ils ne peuvent
plus regagner la terre ni quitter leur île flottante ; alors ils meurent de faim ou
se dévorent les uns les autres.
Sans cesse furetant sur les glaces au bord de la mer, leur proie ordinaire
consiste en phoques, en jeunes morses, et même en baleineaux qu'ils osent aller
attaquer à la nage à plus d'une demi-lieue de la côte. Ils se réunissent cinq à
six pour cela; mais, malgré leur nombre, ils ne réussissent pas toujours, parce
que la baleine accourt à la défense de son petit, et, avec sa terrible queue,
étourdit, assomme ou noie les agresseurs. Le phoque, malgré ses puissantes
mâchoires, ne leur oflVe guère de résistance parce qu'ils s'approchent de lui
doucement et sans bruit, pendant son sommeil, le saisissent derrière la tête
et lui brisent le crâne avant qu'il ait pu opposer la moindre résistance. Il n'en
est pas de même du morse ; plus défiant que le phoque, il est rare qu'ils par-
viennent à tromper sa vigilance. Le corps porté sur les pattes ou plutôt sur
les nageoires de devant, la tête droite et élevée, il leur présente ses formidables
défenses, les frappe, leur perce le corps et les renverse mortellement blessés;
puis, forcé par le nombre de battre en retraite, il se lance à la mer et disparaît
aux yeux de ses ennemis, qui le poursuivent avec autant d'acharnement que
d'inutilité.
L'ours blanc, dans les contrées qu'il habite, n'a jamais rencontré un être
assez fort pour le vaincre, ce qui fait que la crainte est pour lui un sentiment
étranger, mais dont il est cependant très-susceptible. N'ayant jamais éprouvé
de lutte sérieuse, il ignore le danger, et sa stupidité l'empêche de le reconnaître
lorsqu'il l'aperçoit pour la première fois. Aussi l'a-t-on vu venir d'un pas déli-
béré attaquer seul une troupe de matelots bien armés, et l'on a pris cela pour
du courage. D'autres fois, il s'élance à la nage, va sans hésitation tenter l'abor-
PI.ANÏK.UADKS. t'«l
(lage (riiiic chaloup»' iuoiiIcl' de ijlusu'urs lioniincs, (luii vaisseau même, el il
périt victime, iioii dt.' sou intrépidité, mais de sa sliijjide imprudence. S'il seul
de la résistance, s'il est blessé, il cesse honteusement le combat et fuit laclu'-
ment, ce que ne font jamais l'ours brun, le tigre, et ([uebiues autres animaux
doués d'un véritable courage. Les marins (jui ont biverné dans le Nord ont tou-
jours été in(|uié(és par ces animaux, i|ui venaient tlairer leur proie justiu'à la
porte de leur cabane, et qui grimpaient même sur le toit pour essayer de péné-
trer par la cheminée. Mais toutes les fois qu'on les recevait à coups de fusil
ou même à coups de lance, les ours se bâtaient de prendre la fuite, ou du moins
n'essayaient pas de soutenir une lutte.
On a dit (jue l'ours blanc se retire en hiver dans des trous creusés sous la
neige, et (|u'il y reste en état complet de léthargie jusqu'au retour de la belle
saison. Je ne soutiendrai pas que ce fait est faux, mais je dois dire ({u'il me pa-
raît Irès-douteux. La ménagerie a possédé plusieurs ours blancs, et jamais ou
ne les a vus plus vifs, plus éveillés, si je puis le dire, que pendant les froids les
plus rigoureux de Ibiver. S'ils paraissent languissants et faibles, c'est lorsque
la température de l'été se trouve à un degré assez élevé. J'ai vu le froid des-
cendre, à Paris, à vingt degrés du thermomètre de Héaumur, c'est-à-dire pres-
(|ue aussi basque dans la Nouvelle-Zemble; et cependant l'ours blanc, qui habitai!
un des fossés du jardin, ne paraissait pas plus engourdi que de coutume. En-
suite, si on lit attentivement les voyageurs, on verra que c'est précisément dans
la saison où le froid est le plus rigoureux que les ours se rencontrent le plus
fréquemment sur le bord de la mer. La femelle met bas au mois de mars, et
l'on prétend qu'elle ne fait (|u'uu ou deux petits, très-rarement trois; du reste,
on n'a guère pu s'assurer de ce fait, et l'on en juge par le nombre d'oursons
dont elle est ordinairement suivie. Le cri de ces animaux ressemble plutôt,
dit-on, à l'aboiement d'un chien enroué qu'au nnirmure grave des autres es-
pèces d'ours. Dans la servitude, il ne se montre susceptible d'aucune éducation,
d'aucun attachement, et il reste constamment d'une sauvagerie brutale et
slupide.
i 'r2 1. KS C A n iN I VOK K S PL A N T I (i H A I) E S.
L'ours féroce [Ursus ferox, Lkwis. Demis ferox, Gray. Ursiis cinereus,
Df.sm. Ursus horribilis, Ord. L'Ours gris des voyageurs. Il est le type du genre
Danis de Gray ) .
L'ours gris joint à la stupidité de l'ours blanc la férocité du jaguar, le cou-
rage du tigre et la force du lion; aussi est-il la terreur des habitants nomades
des pays qu'il habite. Sa taille énorme atteint assez communément huit pieds
et demi (2,7()0) de longueur, et souvent davantage; son corps est couvert de
poils longs, trés-fournis, principalement sur le cou, d'un gris tirant quelquefois
sur le brun ou le blanc. C'est le plus farouche et peut-être le plus terrible des
animaux, et la nature lui a donné en excès toutes les affreuses qualités qui
jettent l'épouvante. Sa physionomie est horrible; son agilité égale sa force pro-
digieuse; sa cruauté surpasse celle de tous les autres animaux, et son indomp-
table courage est d'autant plus à craindre qu'il tient toujours de la fureur, et
qu'il prend sa source dans une brutale conscience de sa force et de sa supério-
rité. Solitaire comme l'ours brun, dont il a les formes générales, il ne se plaît
que dans les immenses forêts vierges qui couvrent de leur ombre les montagnes
rocheuses du grand Chippewyan, les bords du Missouri, du Nebraska et de
l'Arkansas, enfin la partie nord-ouest de l'Amérique septentrionale, connue aux
Etats-Unis sous le nom de pmjs indien. Cette immense contrée, qui commence
au pays des Osages que nous avons vus à Paris, qui renferme les nations er-
rantes des Pieds-Noirs, des Nez-Percés, des Kansas, des Corbeaux, des Camarches,
des Koways, des Gros-Ventres, des Têtes-Plates, et quelques autres, est encore
très-peu connue des hommes civilisés; quelques marchands de pelleteries el
des trapi)eurs ou chasseurs de castors, ont seuls osé, jusqu'à ce jour, pénétrer
dans ces profondes solitudes. C'est là que l'ours gris domine en maître sur les
PLÂiNTlGUADES. 143
animaux du désert, et qu'il exerce sur eux son impitoyable tyrannie. Endormi
pendant le jour dans les profondes cavernes des montagnes, il se réveille au
crépuscule, sort de sa retraite ; et malheur à tous les êtres vivants qu'il ren-
contre ! Les daims de montagne, les argalis et autres animaux légers, sont atten-
dus par lui ; de son embuscade il s'élance sur sa proie, la terrasse et la dévore ;
l'ours à collier et l'ours blanc lui-même le craignent et fuient sa présence. II
descend parfois dans les vallées où paissent d'immenses troupeaux de bisons,
et ces monstrueux animaux, malgré leur nombre et leurs cornes redoutables,
sont impuissants à se défendre contre sa rage. Vainement ils se pressent les
uns contre les autres et lui présentent un rang compacte de fronts menaçants,
l'ours se précipite au milieu d'eux, les disperse, les poursuit avec agilité ; d'un
bond il s'élance sur leur dos, les presse dans ses bras de fer, leur brise le crâne
avec ses dents, et souvent il en tue plusieurs avant d'en dévorer un.
Et cependant, parmi ces hommes sauvages, demi-nus, enfants du désert
comme lui, l'ours féroce trouve des ennemis qui lui résistent, qui l'attaquent
même, et qui osent soutenir contre lui une lutte horrible corps à corps. Le
chasseur indien de l'Arkansas possède un talent merveilleux pour découvrir,
pendant l'hiver, la caverne dans laquelle l'ours a établi sa demeure; il sait, dans
les autres saisons, l'attendre à l'affût, le surprendre dans son fourré au moment
où lui-même épie une proie, le suivre à la piste, et le percer de ses flèches ou
de ses balles. Lorsqu'il a découvert la trace de ses pas, il le suit, armé d'un arc,
d'une carabine et d'un couteau indien long et affilé, couteau dont il se sert plus
ordinairement pour scalper la chevelure de ses ennemis vaincus. Il s'approche
du farouche animal en se cachant et rampant dans les bruyères, et il a soin de
prendre le dessous du vent, non pas qu'il craigne que l'ours, averti de sa pré-
sence par la finesse de son odorat, prenne la fuite, mais pour n'en être pas atta-
qué le premier et conserver l'ascendant qu'a toujours le premier attaquant.
Quand le chasseur se croit à distance convenable du monstre, il se redresse, se
fait voir tout à coup, et lui lance une flèche ; puis il se laisse tomber de toute sa
longueur sur la terre, se met à plat ventre, et, soutenu sur son coude, il saisit
sa carabine, ajuste le monstre et attend. L'ours, furieux et blessé, hésite un
instant entre la fuite et l'attaque ; mais, voyant son ennemi par terre, il s'élance
sur lui pour le déchirer. Le sauvage chasseur a le courage d'attendre qu'il soit
à cinq pas de lui, et alors seulement il fait feu et lui envoie dans la poitrine
une balle qui le renverse roide mort. Si la carabine vient à manquer, l'intrépide
chasseur se relève lestement, et, le couteau à la main, il attend une lutte corps
à corps. Le plus ordinairement ce changement de posture suffit pour arrêter
l'animal, qui, après une nouvelle hésitation, se retire à pas lents, et en tournant
souvent la tête vers le téméraire Indien. Mais quelquefois aussi l'ours, dans la
fureur que lui cause une douloureuse blessure, se dresse sur ses pieds de der-
rière, étend ses bras et se jette sur son agresseur. Celui-ci lui plonge son cou-
teau dans le cœur et le renverse mourant. S'il manque son coup, il meurt dé-
chiré en mille pièces, victime d'une puérile vanité qui l'a fait s'exposer par
bravade à un danger sans utilité, ou seulement dans l'espoir de conquérir une
misérable fourrure.
Je pense bien qu'il y a de l'exagération dans ce que les voyageurs nous ont
IVi
LES CAUiMVOKES l'L AN T IGU A DES.
raconté de la férocité de l'ours gris; mais ce que je viens de dire sur la manière
dont les sauvages attaquent cet animal est vrai jusque dans ses moindres dé-
tails. Du reste, tout ce que nous avons dit de l'ours brun lui est applicable, à
cette seule différence qu'il ne se nourrit de graines, de fruits et de racines que
lorsque le carnage lui manque. Un fait singulier, c'est que M. Clinton a cru re-
connaître dans le squelette de cet ours une parfaite identité avec les ossements
fossiles dont M. Jefferson et, après lui, G. Cuvier ont rebâti l'être extraordinaire
auquel ils ont donné le nom paléontologique de mégalonyx.
2= Genbe. Les ARCTONYX ( .4rr(07U/.T, Fr.
Civ.) semblent faire te passage naturel des car-
nassiers avec tes pactiydermes-coctions ; ils ont
six incisives égales et petites, et deux longues
canines à ctiaque màcfioirc Leurs yeux, leur
groin et leur queue sont seml>lables à ceux du
cochon, mais ils ont le port, les formes géné-
rales et les griffes d'un ours.
Le Bali-Sai II {Arctonyx collari.<;,TR. Clv.)
Iiabite les environs de Barackpour, dans l'Inde.
11 est d'un blanc jaunâtre onde de noir, jaune
sous la gorge, avec une bande d'un jaune mat
qui commence au museau, traverse l'œil et va
contourner l'épaule : son poil est ras sous le
ventre, rude et grossier; il a les oreilles courtes
et le groin couleur de cliair. En indou son
nom signifie cochon de sable, et il le doit non-
seulement .'i sa physionomie, mais encore à son
cri, qui est un véritable grognement. Du reste,
ses habitudes sont lentes et paresseuses.
3e Ge^be. Les PANDA (Ailiirus, Fb. Tuv.».
Si le genre arctonyx est intermédiaire entre les
ours et les cochons, celui-ci l'est entre les ours et
les civettes, en passant par les ratons. 11 diffère
de ces derniers en ce qu'il n'a qu'une fausse
molaire au lien de trois à chaque mâchoire; ses
incisives, au nDnil)re de six, sont lobées ; ses ca-
nines supérieures sont droites. Quoique ces ani-
maux soient décidément plantigrndes, leur plante
des pieds est entièiement couverte de poils, et
leurs ongles sont à demi rélractiles.
Le CiUTWA ou Ou\ {Ailurus fulgens, Fii.
Cijv.l est d'un roux brillant en dessus; d'un noir
foncé en dessous et à l'extrémité des membres ;
sa fourrure est très-épaisse; sa tèle est blan-
che, son museau noir et son front fauve; sa
queue, longue et touffue, est annelée de roux
clair et de roux pâle. La grosseur de cet ain'mal
est à peu près celle d'un ch it. 11 habite les Indes
orientales; il se plaît sur le bord des torrents et
des rivières qui descendent des montagnes, et se
nourrit de petits uiammilères et d'ois-aux, qu'il
poursuit ou surprend jusqu'au sommet des ar-
bres. Son cri, oiiii, oua, (pi'il répète souvent, le
fait découvrir par les ch;isseurs.
4" Genbe. Les RATOXS (Frocyion, Stoiib.)
ont quarante dents : six inc'sivrs, deux canices
et douze molaires à chaque mâchoire. Les trois
dernières molaires ont leur couronne munie de
tubercules mousses ; ils ont à chaque |)ied cinq
doigts pourvus d ongles acérés ; leur (|iieue est
non prenante, poilue, fort longue; ils manquent
rie follicules anales, et ont six mamelles ven-
trales; leurs membres .•■ont courts et leur Icie
triangulaire, large, terminée pai' un museau
fin.
S£^ ^^^^^î
IM.A.M KJIAMIS.
1i5
Le RACCOOX ou MAPACU [Procijon lotor, Is. Gfoff. i'rsnslolor^ I.in. \.v Haldii,
BuFF. Le Rnlon laveur
Est d'un f^ris brun; il a le museau blanc, avec un trait brun qui lui traverse
les yeux et descend sur les joues en se portant en arrière; sa queue est annelec
de brun et de blanc. 11 est à peu près de la grandeur d'un renard, et a de lon-
gueur totale deux pieds cinq pouces (0,785).
Le poil de cet animal est long, doux, touffu; ses yeux sont grands, dun vert
jaunâtre, pleins de finesse et de vivacité, ce qui n'est pas commun dans les ani-
maux de sa classe; son corps est court et épais, mais néainnoins plein d'agilité :
aussi saute-l-il plutôt qu'il ne marche, et ses mouvements, quoique oblirpics.
sont prompts, légers et gracieux; ses ongles, pointus comme des épingles, lui
donnent une grande facilite pour monter sur les arbres; on le voit quelquefois
grimper le long de leur tronc avec une légèreté surprenante, et courir sur les
branches les plus minces et les plus flexibles avec la même assurance que s'il
était à terre.
Il n'est pas d'un caractère farouche, mais il est défiant; aussi ne quitte-t-il
guère les forêts pour s'avancer dans la plaine près des habitations, comme font
les renards et antres petits carnassiers redoutés dans les basses-cours. Il se phiît
particulièrement le long des vallées boiséeset solitaires arrosées par des ruisseaux
et des petites rivières, dont il suit les bordspour surprendre les rats d'eau, les rep-
tiles, et même les poissons et les écrevisses ; à leur défaut, il se contente de chas-
ser aux insectes, et même il se nourrit de fruits, de graines et de racines tuber-
culeuses. Mais la nourriture qui lui plaît le plus, celle à la recherche de laquelle
il s'occupe constannnent, consiste en œufs et eu oiseaux, dont il s'empare avec
beaucoup d'adresse. Le soir, lorsque la nuit couuuence à euvelopper les forêts
de son ombre, le raton quitte le bord du ruisseau sur lequel il s'était tenu en
19
IW LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
embuscade pendant le jour, et se met en quête. 11 visite les joncs des marais pour
cliercher les nids de canards et autres oiseaux d'eau, que l'excellence de son
odorat lui fait aisément reconnaître. S'il est assez heureux pour surprendre
une troupe de jeunes halbrans ne pouvant pas encore voler, il en mange un
ou deux sans inquiéter les autres; mais chaque nuit il revient prélever le même
impôt sur la couvée, jusqu'à ce qu'il l'ait entièrement détruite.
Si les oiseaux d'eau manquent au raton, il s'enfonce dans les forêts et grimpe
sur tous les arbres qui lui paraissent cacher, dans l'épaisseur de leur feuillage,
(pielques faibles habitants des bois, soit des oiseaux, soit des écureuils ou autres
rongeurs. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il se trompe rarement. Est-ce son
intelligence qui lui fait reconnaître l'arbre qui recèle sa proie, ou bien est-ce la
finesse de son nez qui la lui fait découvrir de fort loin? C'est ce que les cbas-
seurs n'ont pas encore pu décider.
Tous les naturalistes qui ont vu des ratons en captivité ont observé les mêmes
faits. Je vais donc laisser parler notre grand écrivain : « Cet animal trempait
dans l'eau, ou plutôt il détrempait tout ce qu'il voulait manger; il jetait son pain
dans sa terrine d'eau, et ne l'en retirait que quand il le voyait bien imbibé, à
moins qu'il ne fût pressé par la faim, car alors il prenait la nourriture sèche et
telle qu'on la lui présentait. Il furetait partout, mangeait aussi de tout, de la
chair crue ou cuite, du poisson, des œufs, des volailles vivantes, des graines,
des racines, etc. Il mangeait aussi de toutes sortes d'insectes; il se plaisait à
chercher des araignées, et lorsqu'il était en liberté dans un jardin, il prenait
les limaçons, les hannetons, les vers. Il aimait le sucre, le lait et les autres nour-
ritures douces par-dessus toutes choses, à l'exception des fruits, auxquels il
préférait la chair, et surtout le poisson. Il se retirait au loin pour faire ses
besoins; au reste, il était familier et même caressant, sautant sur les gens qu'il
aimait, jouant volontiers et d'assez bonne grâce, leste, agile, toujours en mou-
vement. Il m'a paru tenir beaucoup de la nature du maki et un peu des qualités
du chien. »
La ménagerie a autrefois [»ossédé un raton qui avait absolument les mêmes
babitudes. Quand je voulais m'amuser à ses dépens, je lui donnais un morceau
de sucre. Aussitôt il le portait dans sa terrine d'eau pour le délayer, et rien
n'était plus comique que ses démonstrations d'élonnement lorsque, le sucre
clant fondu, il ne retrouvait plus rien dans le vase. Le raton laveur habite
1 Amérique septentrionale.
PLANTIGRADES.
1i7
1$è^.f>
L'Agnuarajïopf
L'agoUARAPOPÉ ou raton cr.ABiER Procijon caHcrivorus, Gk.kk I.c (Jucii
vrabier de La Bordk. Le Balon crabier, Buff. '
A vingt-cinq pouces ^0,677) de longueur totale; son poil est plus court, fauve,
mêlé de gris et de noir, et assez uniforme en chissus; d'un Manc jaunâtre en
tlessoiis; ses pattes sont l)runâtres, et sa (pieue, plus longue, est niarcpiée de
Imit ou neuf anneaux noirâtres, (pielquefois peu apparents. Connnuii à la
Guyane, il cherche sur les rivages les crahes, dont il fait sa principale nour-
riture, et d'où lui est venu son nom. Ses habitudes dilférent peu de celles du
piecedenl, mais il est d'un caiactère plus timide.
Du reste, les ratons, étant tous fort mal armés, ont le sentiment de leur fai-
blesse, et sont doués d'une intelligence très-développée. Si, à la ménagerie, une
personne étrangère se présente devant la loge de ces animaux, aussitôt le rat(»n
s'enfuit et se cache dans le coin le plus obscur en donnant les signes les plus
énergiques de son ellroi. Les deux espèces dont nous donnons ici les ligures
sont les seules ijui aient été reconnues par les naturalistes, et bien décrites |)ar
eux; l'une, connue on l'a vu, ap|)artient à rAméri(pu' du nord, l'autre à l'Amé-
rique du sud. On rapporte à la première, connue variétés, le ralon bUmc ,
de Brisson, le ralon fauve et le ralon du Brésil ; mais ce dernier, s'il était
bien étudie, formerait probablement une esi»èce sullisannuent tranchée,
connue le pense M. Isidore (leollroy, ainsi cpie le ralon à (foriie brune, du [lays
des Hurons. Un individu de cette dernière espèce cm variété, qui existe au
cabinet du Jardin, ne diffère en rien d'ini autre inilividu du mènu' |iavs, rpie
M. Isidt>ro deoffroy a vu au cabinet d histoire naturelle de (leneve. Il résulterait
1(8
LliS CAKiMVOHES PLAN TiGR ADES.
(le tout ceci (juil existe réellement quatre espèces de ratons, dont deux n'au-
raient pas été suffisamment décrites. Nous remarquerons que ces animaux, quoi-
(jue placés parmi les plantigrades, relèvent le talon en marchant, et n'appuient
((ue les doigts sur le sol; ils ne posent la plante des pieds sur la terre que dans
le repos. C'est un des mille exemples qui prouvent que la nature se tient presque
constamment en d(diors des lois absolues que nous voulons lui imposer, et que
nos méthodes prét<!iidnes naturelles lui sont tout à fait étrangères.
5" CtEisbe. Les BKXTOl'ROXGS ( Ictidcs,
^ ALESii:. Arriirtis, Teaim.i ont trente-six dents :
six incisives, deux cnnincs et dix molaires à cha-
(|ue mâchoire; les canines longues et compri-
nii'es, tranchantes; corps trapu; tète grosse;
\eii\ petits ; oreilles velues, arrondies et petites;
cinq ongles crochus, comprimés, non contrac-
tiles, à chaque pied ; queue prenante, mais en-
tièi-enicnt velue.
Le BE\TOLno>(; .\oiii ( l< Viles aler, Fn. Cuv.)
est un peu plus grand que le Bentourong à front
Itlanc, dont il serait possible qu'il ne fût qu'une
variété. Son pelage est enliérenicnt d'un gris
noirâtre. Il habite Java.
Le Bentol'koat, dobé ( Icti les am-.us, Va-
LE.Nc. Paradoxiinis aweits, Fa. Cuv.) est cou-
vert de poils trcs-longs, soyeux, d'un brun fauve
doré et uniforme. On le croit de l'Inde.
Le Bi:^T0UR0.\(; a front dla>c ( Irhdcs albi-
frons, Valf.nc. Paradoxurus albifruns, Fr.Ci3\.
Le Bcntiirotig, Raffl.) a deux pieds (0,650) de
longueur, non compris la queue, qui a deux
pieds six pouces (0,812). Son pelage est com-
posé de longues soies noires et blanches, excepté
sur la tète et sur les membres, où le poil est
court ; sou museau et son front sont presque
lianes, avec une tache noire sur l'œil s'éten-
dant jusqu'à l'oreille; sa queue et ses pattes
sont noirâtres ; ses moustaches très-longues et
très-epaisses ; ses oreilles bordées de blanc.
Cette espèce se trouve dans l'intérieur de l'Inde; elle est nocturne et dort
pendant le jour. Le soir elle se réveille pour se mettre à la recherche des in-
sectes, des fruits et des petits animaux dont elle se nourrit.
Les bentourongs se rapprochent beaucoup des ratons par la forme de leurs
dents et par leur marche plantigrade. Ils lient aussi ce genre aux civettes, et
principalement aux paradoxures, dont ils sont très-voisins, par l'ensemble de
leur organisation. C'est à M. Diivaucel, mort dans l'Inde, que l'on doit la con-
naissance de ces animaux, qui ont été plusieurs fois observés depuis, mais sans
(lu'oii nous ail rien transmis d'intéressant sur leurs mœurs et leurs habitudes.
PLAMIGUAUEs.
149
^^
6* (iE^BE. Les PARADOXl'RES {Parado.xii- tractiles; leur plante des pieds esl luhereiileiise,
riis, Fr. Cuv.) ont quarante dents : six incisives, et ils l'appuient entièrement sur le sol en luar-
deux canines et douze molaires à chaque ma- chaut, ce qui les sépare des ciNctles et des ^c-
choire ; leur queue n'est pas prenante, mais elle nettes, avec lescpielles ils ont d ailleuis beaucoup
a la faculté de s'enrouler de dessus eu dessous d'alRuité; leurs yeux ont une piq.ille longilu-
jiisqu'à sa base ; les doigts, presque palmés, soûl diuale ; ils manquent de poche près de l'anus,
au nombre de cinq, aimés d'ongles à demi ré- Ces animaux sont très-carnassiers.
Le POL'GOUNIÉ [Parailoxurus tijpns, Fr. Cuv. Viverra nigra, Dksm. Viveim
(inicllii, Raffl. La Grncllc de France, Buff. Le Musmig-sapiilul el la Marie des
jKdiiiirrs des voyageurs
A trois pieds 0,975) de longueur totale; il est diiu noir jaunâtre, avec trois
rangées de taches noirâtres, peu projioncées, sur les côtés, et d'autres eparses
sur les cuisses et les épaules; il a une tache hlanche au-dessus de l'œil, et une
autre au-dessous; sa queue est noire.
Le potigounié est un animal nocturne qui se trouve dans les Indes orientales.
Si dans le jour il paraît endormi el paresseux, c'est tout différent aussitôt que
le crépuscule descend sur les forêts qu'il hahite; il déploie alors une grande
vivacité, et c'est un vrai mouvement perpétuel. Toujours furetant comme un
chat, grimpant, sautant comme un écureuil, il est occupe à faire la chasse aux
oiseaux, à dénicher leurs œufs et leurs petits, dont il est très- friand. Il grimpe
sur les palmiers avec la plus grande agilité, s'y maintient aisément au moyen
de sa queue, et y poursuit les petits mannnifères. Il est très-carnassier; c'est
a peu près tout ce qu'on sait de sou histoire. Un de ces animaux s'échappa un
jour du .lardin des IMantes, et, loin de se jeter dans les champs, il remonta de
maison on maison le long du houlevard intérieur jusqu'à la harriére d'Enfer,
150
LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
on je l'aperçus, un mois après sa fuite, jouant avec un jeune chat sur le tuyau
d'une cheminée. Aussitôt on le reprit sans (ju'il ait fait grande résistance, et
il fut reporté à la ménagerie. La liberté dont il avait joui avait rendu son pe-
lage brillant et magnifique, mais l'animal ne paraissait pas en être devenu plus
farouche. J'ai toujours pensé depuis qu'on pourrait aisément le soumettre à la
domesticité.
Le MiiSANG-BuLAN ou LuwACii ( Paradoxurus
mvsang. — Viverra musanga, Rvffl. Le Mu-
saiiq, Mahsd.) est plus petit, sa grosseur attei-
gnant au plus celle d'un chat; son pelage est
d'un fauve foncé, mélangé de noir ; sa queue est
noire, excepté deux pouces (0,054) de son extré-
mité qui sont d'un blanc pur, et ce caractère le
différencie fort bien du précédent. 1! habite Java
et Sumatra. Je crois que c'est à cette espèce
(|u'il faut rapporter la Genelte du cap de Bonne-
Esperance, de Buffou.
Le DELu^Du^G ou Linsang ( Paradoxurus
prehensilis. — i'iverra prehensilis , Desm., de
Rlainv. Viverra gracilis. Hors. Viverralinsang,
Hardw.), plus petite encore que la précédente,
ne dépasse guère la taille d'une fouine. Son pe-
lage est d'un jaune verdàtre ; la ligne dorsale,
les pattes et la queue sont noires ; elle a deux
lignes de taches allongées noires près du ilos, et
beaucoup de petites taches orbiculaires sur les
lianes. Il habite le Bengale.
7' Genre. Les COATIS (Aasita, G. Cuv.)
ont quarante dents : six incisives, deux canines
prismatiques aplaties et douze molaires à chaque
mâchoire. Ils ont à chaque pied cinq doigts ar-
més d'ongles longs, acérés; leur nez est extrê-
mement allongé et mobile ; leur queue est poi-
lue, non prenante et très-longue; ils manquent
de follicules anales et ont six mamelles ven-
trales.
Le QiJACHi {ISasua rufa, Fn. Ci v. Mrerra
nuiua, Lin. Le Coali roux, G. Cuv.) a deux
pieds cinq pouces ((),78o) de longueur; il est
d'un roux vif et brillant, un peu plus sombre
sur le dos; son museau est d'un noir grisâtre,
avec trois taches blanches autour de chaque œil,
mais sans ligne longitudinale blanche sur le nez.
Il habite le Brésil et la Guyane, et ses mœurs
sont absolument celles du coati-mondi. Il est
assez singulier que l'on ait trouvé en Europe
des ossements fossiles de ces animaux, analogues
à ceux qui vivent aujourd'hui en Amérique.
PI AMICH ADES.
151
Le Coal. Momli
Le COATI-MONDI [Nasiia fnscn. Fr. Civ. Viverra uasica. Lin. Le (Umli brun,
G. Cuv. Le Coati noirâtre, Buff. Le Blaireau de Sjirinnni , Briss.)
Est brun ou fauve en dessus, d'un gris j.iunâlre ou orangé en dessous; il a
trois taches Manches autour de chaque (eil, et, ce qui \o distingue phis parti-
culièrement du précédent, une ligne longitudinale Manche le long du nez. Du
reste, son pelage varie beaucoup de couleur.
Quoique les coatis aient une pupille très-dilatable, on ne peut pas dire qu'ils
soient des animaux nocturnes, et, si l'on en croit Linné, ils sont très-singu-
liers sous ce rapport. Ce grand naturaliste en avait un qui dormait depuis mi-
nuit jusiiu'à midi, veillait le reste du jour, et se promenait régulièrement depuis
six heures du soir jusqu'à minuit, quelque temps (ju'il fit. Il parait cepen<lant
que dans les forêts du Brésil, du Paraguay et de la Guyane, où cet animal est
assez commun, il chasse depuis le matin jusqu'au soir, et dort toute la nuit.
De tous les carnassiers, les coatis et les ours devraient être les plus omnivores,
si on en juge par leur système dentaire, et néanmoins les premiers se nour-
rissent entièrement de substances animales : aussi sont-ils cruels, et ont-ils
toutes les habitudes féroces des martes, des fouines, des renards et autres car-
nivores. S'ils peuvent pénétrer dans une basse-cour, ils n'en sortent pas (pi'ils
n'aient tué toutes les volailles, qu'ils ne leur aient mange la tète et suce le sang.
En esclavage, ils deviennent assez familiers, et reçoivent les caresses qu'on leur
fait avec un certain plaisir, et en faisant entendre un petit sifflement doux;
mais ils ne les rendent jamais et ne paraissent capables d'aucun atlachenu'nt.
Ils ont dans le caractère une opiniâtreté invincible, et rien n'est capable de leur
faire faire une chose contre leur volonté. Lu coati est-il en repos, il y reste
malgré tous les moyens que l'on peut mettre en usage pour l'en faire sortir;
152 LES CARNIVORES PLANTIGRADES.
si l'on emploie la force pour l'excitera changer de place, il se cramponne, s'ac-
croche comme il peut aux corps environnants, résiste de toute la puissance de
ses forces, et finit, dans sa colère furieuse, par se jeter dans les jambes de ses
provocateurs, en aboyant d'une voix très-aiguë. Si l'on veut l'arrêter dans sa mar-
che, le détourner de l'endroit où il veut aller, le faire sortir d'un appartemeni,
en un mot, le contrarier dans sa volonté de fer, il faut constamment employer
la violence; contraint par la force, vaincu dans ses efforts, il se laisse traîner,
mais il n'obéit pas, et recommence la résistance dés qu'il le peut. Sa curiosité
ne le cède guère à son opiniâtreté, et ces deux défauts, poussés à l'extrême, le
rendent fort incommode dans un appartement. Aussitôt entré dans une cham-
bre, il commence par en visiter tous les coins; il va furetant, fouillant par-
tout, tournant et retournant chaque chose pour la considérer, déplaçant tous
les objets qu'il peut atteindre, sautant sur les meubles avec plus de légèreté
qu'un chat, grimpant aux rideaux des lits, entin mettant tout sens dessus des-
sous. Il résulte de ces habitudes désagréables que l'on est obligé de le tenir
constamment à la chaîne, quelque apprivoisé qu'il soit. En outre, son carac-
tère est tellement mobile, que chez lui les caprices se succèdent presque toute
la journée, et il passera dix fois par heure de la joie à la tristesse, de la tran-
quillité à la colère, sans aucune cause apparente. Ajoutez à cela (|u'il est d'une
méfiance extrême, qu'il a la singulière habitude d'aller flairer les excréments
qu'il vient de faire, qu'il exhale une odeur forte et désagréable, qu'il est voleur
comme un chat, et s'empare délibérément de tout ce qui est à sa convenance,
sans qu'aucune correction puisse l'en empêcher ni le corriger de ses défauts,
et vous aurez le portrait peu flatteur, mais vrai, d'un commensal nullement
aimable.
A l'état sauvage, le coati-mondi ne quitte pas les forêts les plus sauvages. 11
grimpe sur les arbres avec toute l'agilité d'un singe, et, ce qu'il y a d'extraor-
dinaire, c'est qu'il est le seul animal de son ordre qui en descende dans une
position renversée, c'est-à-dire la tète en bas. 11 doit cette étonnante faculté à
la conformation particulière de ses pieds de derrière, qui lui permet de les re-
tourner de manière à pouvoir se suspendre par ses grifl'es. Tout son temps est
occupé à la chasse aux oiseaux et à la recherche de Itur nid, ou à poursuivre
les petits mammifères. Il ne laisse pas pour cela de se nourrir d'insectes, et,
pour les trouver, il fouille très-aisément la terre avec son boutoir, ou plutôt sa
trompe, qu'il meut dans tous les sens et continuellement, même quand il n'a
pas besoin de s'en servir. Lorsqu'il boit, il a bien soin de la relever afin de ne
pas la mouiller, et alors il lape comme un chien. Cet animal turbulent ne se
creuse pas de terrier, ainsi que l'ont avancé la plupart des naturalistes, mais
il se loge dans des trous d'arbre. 11 vit en troupe assez nombreuse, et, selon
Azzara, quand on les surprend sur un arbre isolé que l'on fait semblant d'a-
battre, tous se laissent aussitôt tomber comme des masses. Pour porter les ali-
ments à la bouche, les coatis se servent de leurs pattes de devant, mais non pas
à la manière des écureuils et autres rongeurs; ils commencent à diviser en lam-
beaux la chair de leur proie, au moyen de leurs griffes, puis ils enfilent un
morceau avec leurs ongles cl le portent à leur bouche comme ferait un honmie
avec une fourchette.
PLANTIGKAhKS l.Vl
La rcuii'llc l'ail de Irids a ciiKj petits, (|irt'li<' elevf avec tendresse, et parmi
lesquels se trouvent constanniient plus de niàles que de femelles. Aussi, (pi<ind
leur éducation est terminée, la tionpe sempresse-t-elle de chasser ses mâles
surabondants ; ils vont rôder solitairement dans les l'orèts juscpià ce (|ue le ha-
sard leur ait fait rencontrer une compafïue, avec laquelle ils viennent vivre en
société dans la première tiiHijie (pi'ils rencoidrent. Les coatis marchent lonjours
la queue élevée, mais non pas inclinée sur le dos.
S' (itMiK. Les UL.VIKEATX ( Mcirs, Bui.s.s.) focli- ; on tour troii\esi\ iiKiiiidlcs, deux pccto-
oiil Irenle-six dents : six incisives cl doux Ciini- raies et quatre ventrales,
nés en liant et en has; huit molaires à la nià- Le Ri.aihkau c(»>i>ii \ (Mrhs inlijnris, Dksm.
elioii'e supérieure et douze à liuférieuie ; leur Iriiis uiilif. Ln. Le lilaniaii, Riff. Le 7'«(.v-
corps est Irapn, l)as sur janihes, ee (jui leur .son de quelques elinssenrs est d'un pris lii'un
donne iMU" inaretie rampante ; ils ont ein(| doigls en dessus, noir en dessous ; il a. de clia(|ue cote
a etia((iie pied, ceux de devant armés d'onçlos de la tète, une bande lonpiludinale uoiie, pa.s-
loufzs et rol)ustes, piopies à louir la lerie; la sarit sur les yeux et les oreilles, et une autre
(pieue est comte, velue; ils ont près de l'anus bande binnehe sous celles-ci, s'élendant depuis
une poche remplie d'une humeur grasse et iii l'épaule justpi'à la moustache.
« Le Idaireau, dit Bull'on, est un animal paresseux, déliant, solitaire, qui se
retire dans les lieux les plus écartes, dans les hois les plus sombres, et s'y creuse
une demeure souterraine; il sendde fuir la société, même la lumière, et passe
les trois (|uarts de sa vie dans ce séjour ténébreux, dont il ne sort que pour
chercher sa subsistance, (^omme il a le corps allongé, les jambes courtes, les
ongles, surtout ceux des pieds de devant, très-longs et très-fermes, il a plus de
facilité (prnn autre pour ouvrir la terre, y fouiller, y pénétrer, et jeter derrière
lui les déblais de son excavation, qu'il rend tortueuse, oblique, et (|u'il pousse
quelquefois fort loin. Le renard, (|ui n'a pas la même facilité pour creuser la
terre, profite de ses travaux : ne pouvant le contraindre par la force, il l'oblige
par adresse à quitter son domicile, en l'inquiétant, en faisant sentinelle à l'en-
trée, en l'infectant même de ses ordures; ensuite, il s'en empare, l'élargit,
l'approprie, et en fait son terrier. I>e blaireau, forcé à changer de manoir, ne
change pas de pays; il ne va qu'a (pielque distance travailler sur nouveaux frais
à se pratiquer un autre gîte, dont il ne sort que la nuit, dont il ne s'écarte
guère, et où il revient dés qu'il sent quehpie danger. Il n'a que ce moyen de se
mettre en sûreté, car il ne peut échapper par la fuite : il a les jambes trop
courtes ])our pouvoir bien courir. Les chiens l'atteignent promptement lors-
(ju'ils le surprennent à quelque distance de son trou ; cependant il est rare
qu'ils l'arrêtent tout à fait, et qu'ils en viennent à bout, à moins qu'on ne les
aide. Le blaireau a les poils très-épais, les jambes, les mâchoires et les dents
tres-fortes, aussi bien que les ongles; il se sert de toute sa force, de tonte sa
résistance et de toutes ses armes, en se couchant sur le dos, et il fait aux chiens
de |»rofondes blessures. Il a d'ailleurs la vie très-dure; il com])at longtemps, se
«léfend courageusement et jusqu'à la dernière extrémité. »
Le blaireau est carnassier, mais cependant, et quoi qu'en aient dit les natu-
ralistes, il ne vit guère de proie que lorsqu'il ne trouve plus de graines, de baies
et autres fruits. Hans ce cas, il déterre les nids de guêpes et dabeilles-bonrdons
20
l.')V LES CAIIMVOIIKS l»L AM'IG U A UES.
pour en iiuuigcr le miel cl les coiivjiins; il lail la chasse aux souris, aux nuilols,
aux serpents et autres reptiles; iljnaiTge aussi des sauterelles, des liauuetousel
toutes sortes d'insectes; mais ce qu'il préfère à tout, ce sont les raisins et les épis
de maïs avant leur parfaite maturité. S'il rencontre un nid de perdrix ou d'autres
oiseaux, il ne manque pas d'en briser les œufs, et l'on dit même que parfois il
creuse et perce les rabouillères de lapins pour dévorer les lapereaux. Lorsqu'il
est pris jeune et apprivoisé, il devient très-familier, joue avec les chiens, et.
comme eux, suit son maître et répond à sa voix. 11 est extrêmement facile à
nourrir, et mange tout ce qu'on lui olTre, de la chair, des œufs, du fromage, du
beurre, du pain, du poisson, des fruits, des noix, des graines et même des ra-
cines. Dans la maison, il a une vie tranquille, il n'est pas malfaisant ni incom-
mode, car il n'est ni voleur ni gourmand.
Sans être très-counnun nulle part, le blaireau se trouve dans toute l'Europe
et dans toute l'Asie tempérée. C'est un animal très-rusé et très-détiant, qui ne
donne que bien rarement dans les pièges qu'on lui tend. Un vieux blaireau qui
s'aperçoit du lacet tendu à l'entrée de son terrier, reste quel(|uefois cinq ou six
jours ou davantage sans sortir, s'il ne peut se creuser une autre issue à cause des
rochers; mais enfin, lorsqu'il est pressé par la faim, il faut bien ipi'il déloge.
Après avoir sondé longtemps le terrain, après avoir cent fois hésité, il finit par
rouler sou corps en boule aussi roiule que possible, s'élance, fait trois ou quatre
culbutes en roulaut, et passe ainsi à travers le lacet sans en être accroché, à
cause de la forme splieri(|U(' «pTil a prise. Ce fait, tout extraordinaire (pi'il
est, n'en est pas moins certaiu pcuir les chasseurs allemands.
On prend aisément le blaireau dans son trou eu le fumant, c(»mnM' ou lait
pour les renards, ou en ouvrant des tranchées et en le déterrant. Mais pour opé-
rer de cette dernière manière, il faut avoir un chien basset parfaitement dressé
à reconnaître le terrier, à y pénétrer et à y contenir le blaireau pendant que
les chasseurs travaillent avec la pelle et la pioche. Si le chien est imprudent et
si, ne connaissant pas bien son métier, il joint le blaireau, celui-ci se défend
avec une telle fureur, que l'assaillant, souvent estropié, est obligé de battre en
retraite. 11 arrive encore (pielquefois que le malicieux animal, dès (pi'il en-
tend le chien, fait ébouler la terre de manière à couper la communication cpii
conduit jusqu'à lui. Un fait singulier c'est qu'en France, et en France seulement,
presque tous les blaireaux ont la gale, sans (|ue cette maladie paraisse les in-
commoder; les chiens qui entrent dans leurs terriers manquent rarement de la
prendre, si on n'a la précaution de les laver avec une forte dissolution de savon
aussitôt qu'on est de retour de la chasse. nuel((uefois, lorsque le blaireau entend
creuser au-dessus de lui, il prend une détermination désespérée, et sort de sou
trou malgré le chien. Alors commence un combat furieux dans lequel ce dernier
reçoit toujours quelques blessures graves. Le blaireau a les mâchoires tellement
fortes, qu'il n'est pas rare de lui voir enlever, d'un seul coup de dents, un lam-
beau de peau et de chair, laissant une plaie de trois ou quatre pouces de dia-
mètre.
Les Allemands ont une manière amusante de chasser ces animaux. En au-
tomne, trois ou quatre chasseurs partent ensemble, à nuit close, armés de bâ-
tons et munis de lanternes; l'un d'eux i)orte une fourche; ils conduisent à la
1*1 AM'K". i; AhKS
i:)ô
laisse (Unix bassets et un eliieii coiiraul lion (jiièleiii'. lisse reiuleiil dans les lieux
(ju'ils savent liahilés i)ar les blaireaux, et à proximité de leurs terriers; là, ils
lâchent leur chien courant, qui se met en (jnète et a buMilôl rencontré un de
ces animaux. On découplé les bassets, on rappelle le courant, et l'on se met à
la poursuite de l'animal, qui ne tarde pas à être atteint par les chiens, et (|ui se
défend vigoureusement des dents et des grilTes. Le chasseur ((ui porte la l'ourcbc
la lui passe au cou, le couche à terre, et les autres chasseurs l'assounneiil à coups
de bâton. Si on veut le preiulre vivant, on lui enronce au-dessous de la mâchoire
inférieure un crochet de fer emmanché dun bâton, on le soulève et on le jetlc
dans un sac que l'on noue en dessus, après avoir bâillonné l'animal. Sa peau
sert à couvrir des colliers de chevaux, des malles, etc., et nos pères accordaieni
à sa graisse des propriétés médicales qu'elle n'a pas.
Le mâle et la femelle de blaireau vivent solitairement, chacun de sou côte;
celle-ci met bas en été, et fait trois ou (juaire petits, dont elle a le ]»lus grand
soin. Elle leur prépare un lit avec de l'herbe douce quelle a l'industrie de
réunir en utie sorte de fagot qu'elle traîne entre ses jambes jusqu'à son terrier.
Lorsque ses petits sont un peu forts, elle va chasser dans les environs de sou
habitation, et leur apporte le produit de ses recherches pour les habituer peu
à peu à une nourriture solide; mais alors, elle les fait sortir sur le Itmd du ter-
rier, afin de n'en pas salir l'intérieur par les débris des repas, car ces animaux
tiennent leur logis avec la plus grande propreté.
Le Carcajou (Mêles labradorica, Sabine. Vr-
siis labradonciis, Gml. Le Glouton du Lnbra-
dnr, So>N.) n'est piol)abIemcnl qu'une variété
du précédent ; il a deux pieds deux pouces (0,704)
de longueur, non compris la queue ; il est brun
en dessus, avec une ligne longitudinale blan-
rhàtre, bifurquée sur la tète, et simple tout le
long du dos ; les ctMés du nuiseau sont d'un brun
foncé, et ses pieds de devant sont noirs. Il ha-
bite le pays des Esquimaux, le Labrador. Peut-
(tre faut-il encore regarder comme simple va
riété celui qui suit :
Le Bi-AiHEAL TAissoN ( Vcles taxa. — Ursits
taxus, SciiB.). Il dificre du premier par son
veulre d'un gris plus clair que ses flancs; par
son oreille, qui est de la couleur générale du
corps et seulement bordée de noir ; i)ar la bande
noire de la face, qui est supérieure' à l'u-il sans
y toucher. Il habite l'Europe. Quant aux diffé-
rences du blaireau chien et blaireau -cochon,
elles n'existent que dans les préjugés des chas-
seurs.
9' Genre. Les GLOUTONS ( (Jk/o. Stohr.)
ont trente-quatre ou trente-huit dents: six in-
cisives et deux canines en haut et en bas; huit
ou dix molaires supérieures et dix ou douze mo
laires inférieures. Ils ont le corps plus ou moins
el'lilé, plus ou moins élevé sur jambes; la queue
assez courte, et, i)rcs de l'anus, deux replis de
la peau, mais |)oint de poche.
156
LKS CAUNIVOlUvS PI, A M IC K A DKS.
Le ROSSOMAK [Gtilo urclirns, Dks.ii. [r.'-us (julo^ Lin. \j' Gloutuii, Buff. Ly
Volverenne, Penn.).
Sa taille est celle d'un gros chien ljra(|ue, mais il a les jambes beaucoup plus
courtes; sa fourrure est très-belle et tort estimée des Russes, qui la préCéreut à
toutes les autres, si on en excepte l'iiennine, pour garnir les bonnets et faire
des manchons. Elle est d'un brun marron foncé, avec une grande tache discoï-
dale plus foncée sur le dos, et quelquefois des teintes plus i)âles. 11 a la queue
assez courte, le corps trapu, et en général les formes lourdes. Il habile les con-
trées les plus froides et les plus désertes du nord de l'Europe et de l'Asie. Il
est commun en Laponie et dans les déserts de la Sibérie.
Olaûs Magnus est, je crois, le premier naturaliste qui aitparlé du glouton, mais
pour exagérer beaucoup sa voracité, qui a passé en proverbe. Cet auteur raconte
que, quand il dévore un cadavre, il se remplit au point d'avoir le ventre gros
comme un tambour; puis il se presse le corps entre deux arbres pour se vider,
retourne ensuite au cadavre, revient se presser entre les deux troncs d'arbres,
et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien de sa proie, quelque grosse
qu'elle soit. De pareils coules se réfutent d'eux-mêmes. D'autres naturalistes,
cl i»arliculiérempnt Gmeliji, ont avancé (pie ce! animal, par une exception <pii
PLANTIGUADKS l.")7
seniil iiiii(|iie panai les êtres vivants, n'avait pas l'insliiul de la ronservalion;
ils basent leur opinion sur ee (|ue le glouton, (|uan(l il voit un lioinuie, ne donne
aucun signe de crainte, et s'en approche avec indilleience, connue s'il lU' cou-
rail aucun danger. A supposer que ce fait lût vrai, il ne prouverait (lu'une chose,
c'est que, vivant dans le désert, où jamais il ne trouve un être plus fort que lui,
il ignore ce (|u'il a à craindre de la présence de l'hounne. D'ailleurs, tout ani-
mal qui n'aurait pas la conscience de sa conservation ne vivrait pas vingt-cpiatre
heures.
Le rossomak vit solitaire, ou, mais rarement, avec sa femelle, dans un ter-
rier qu'il se creuse en terrain sec, sur le penchant d'une colline ombragée par
une foret de sapins ou de bouleaux. Il n'en sort que le soir pour aller à la
(pu'te de sa proie, consistant en rennes, élans et autres animaux plus petits.
S'il habile une contrée où les chasseurs d'hermines tendent des pièges pour
prendre des animaux à fourrure, il commence par visiter toutes leurs trappes,
qu'il connaît fort bien et dans lesquelles il ne se prend jamais, et il s'empare
(les animaux (pu y sont arrêtés, ce dont se plaignent beaucoup les chasseurs de
renards bleus et blancs qui se tiennent dans le voisinage de la mer Glaciale. Si
cette ressource lui manque, il cherche la trace d'un renne, le suit avec constance,
et finit par le surprendre endormi ; mais pour peu que celui-ci l'entende approcher,
il se dérobe aisément i)ar la fuite, car.le glouton marche très-lentement et ne
peut pas courir. Aussi, le [dus ordinairement, sa proie lui échapperait s'il n'em-
ployait mille ruses pour s'en emparer par surprise. Souvent il se cache dans un
buisson épais, sous des feuilles sèches, dans un tronc d'arbre creux, partout
où il peut échapper à la vue, et il reste palienmient en embuscade, sans faire le
moindre mouvement, jusqu'à ce que le hasard, ou pluttjt ses prévisions, amènent
une victime à sa portée. Il reconnaît fort bien les sentiers frayés par les rennes
sauvages, lors([u'ils sortent de la forêt pour aller paître dans la plaine. Dans ce
cas, il grinqie sur un arbre, se poste sur une branche, et, dès que l'animal passe
à sa portée, il s'élance, et d'un bond lui tombe sur la croupe ou sur le cou ; il s'y
cram|)onne avec tant de force avec ses grilles et ses dents, qu'il est impossible au
malheureux renne de s'en débarrasser. Il court, il bondit, il se frotte contre les
arbres, se roule sur la terre, et fait vainement tous les elforts imaginables pour
se délivrer de son terrible ennemi; celui-ci ne lâche jamais |)rise et ne continue
pas moins à le dévorer vivant, jusqu'à ce (|ue l'horrible blessure (ju'il lui a faite
sur le dos l'épuisé et le fasse tomber nu)urant sur le gazon. Le rossomak, alors,
le mange à son aise, et lorsqu'il est rassasié, si le cadavre n'est pas trop lourd, il
l'emporte dans l'épaisseur de la forêt, et le cache dans un buisson toulfu pour le
letrouver au besoin; ou bien, s'il ne peut le transporter, il le couvre de brous-
sailles et de feuilles. Plusieurs carnassiers, par exemple le renard et le loiq», ont
également l'habitude de cacher les restes de la proie (ju'ils ne |)euvent entiè-
rement dévorer; mais, soit par oubli ou par défiance, ils ne reviennent jamais
la chercher. Il n'en est pas de même de celui-ci, qui sait très-bien la retrouvei-
lors(iu'il est pressé par la faim, et qu'il n'a pu s'emparer d'une proie vivanle.
Cet animal se trouve dans les mêmes l'oiêls (pie le renard bleu ou isatis, et a
la (inesse (h; se servir di> ce dernier couniie de pourv(»y('ur. Lors(pril l'entend
chasser, il le suit a la voix, e( se doinie bien de garde de se numlrer pour ne [las
15S LES CAUMV()lli:s PLANTIGRADES
l'cirrayer. Cependant il se tient toujours à portée d'arriver à lui au niouiejil ou
le renard prend le lièvre. Alors le glouton se montre, et l'isatis, pour ne pas être
dévoré lui-même, est obligé de détaler au plus vite, et de lui abandonner sa cap-
ture. Aussi courageux que vorace, le glouton se défend avec intrépidité contre
les chiens et même les chasseurs ; mais comme ses jambes courtes l'empêchent
de fuir, il est fort aisé de s'en emparer et même de l'assommer a coups de bâton.
11 faut au moins trois ou quatre chiens trés-vigoureux pour en venir à bout, et
encore est-il rare qu'il n'y en ait pas un ou deux d'estropiés ; car il se défend
des griffes et des dents, et les blessures qu'il fait sont profondes et cruelles. Lu
vayvode, qui, pour son plaisir, gardait chez lui un glouton, le fit un jour jeter
dans l'eau, et lâcha sur lui un couple de chiens ; l'animal se lança aussitôt sur
l'un des chiens, lui saisit la tète et la tint enfoncée sous l'eau jusqu'à ce qu'il
l'eût suffoqué. Schœffer prétend que le rossomak, pressé par la faim, se jette dans
les rivières, nage, plonge, prend le poisson et le mange, comme fait la loutre.
Sans nier positivement ce fait, il me paraît si peu en harmonie avec l'organi-
sation de cet animal, que je le crois fort douteux. Mais ce dont on ne peut douter,
c'est que, dans les moments de disette, il cherche les cadavres humains, les dé-
terre, les dépèce et les dévore jusqu'aux os, s'il peut pénétrer dans un cimetière.
Quelquefois il rôde autour des lacs et des rivières peuplés de castors, et il en
surprend un bon nombre, surtout des jeunes. L'hiver, il va sur la glace jusqu'à
leurs cabanes qu'il démolit i)our en dévorer les habitants. Cet animal ne s'en-
gourdit pas en hiver. Buffon, qui en a eu un trés-apprivoisé, dit qu'en buvant il
lape à la manière des chiens, qu'il ne fait jamais entendre aucun cri, qu'il est
très-remuant, et qu'après avoir satisfait sa faim, il met en réserve en la cachant
le reste de sa nourriture.
Ln VoLVEut:,%Mi dk PE.^^A^T ( L'rsits lusrus, deux pouces (0,590), et la queue fait environ un
G>iL. — LiN.l est une variété qui ne diffore de quart de celle dimension; le corps est mince,
son l\pe que par un pelage un peu plus pâle, fort allongé; le pelage noir, piqueté de très-
I3u reste, elle a les mœurs absolument sem- petits points blancs, ce qui lui donne un ton
iilables, et n'est ni moins féroce ni moins vo- grisâtre; le dessons du cou et de la tête est
race- gris ; une bande blanche s'étend depuis les côtés
Le Ghi.^o:s (Gido ciltalus, Desm. J'irerra lit- du front jusqu'aux épaules; les oreilles sont de
tnla, Ln. Le ])tiit Furet, Azzah. La Fouine de la même couleur et très-petites. Du reste, il
In Gtnjanc et le Gri.soji, Buff. L'Ours du lire- varie assez dans son pelage, sans considération
.si/, Tuunb.) n'a de longueur totale que vingt- d'âge ou de sexe.
Le grison se trouve répandu dans presque toute l'Amérique méridionale ; ce-
pendant il est plus commun à la Guyane, surtout au Paraguay, que partout ail-
leurs. Il est aussi carnassier et plus féroce que le précédent ; mais sa petite taille
ne lui permet pas d'attaquer de gros animaux. Il s'en venge sur les volailles,
les oiseaux, les lièvres, lapins, ou espèces analogues, etc., auxquels il fait jour-
nellement une guerre d'extermination ; aussi est-il un véritable fléau pour les
basses-cours. Il se retire le jour dans un profond terrier, d'où il ne sort que la
nuit pour commettre ses brigandages. S'il est surpris dans ses méfaits par des
chiens ou des chasseurs, sa colère lui fait exhaler aussitôt une odeur de musc
tellement désagréable, qu'elle réussit quelipiefois à écarter ses einiemis. Quand
ce moyen ne réussit pas, il combat avec fiircur, et ne quille la lutte qu'avec la
PLAN tic.ua ni: s 159
vie. 11 est cruel par plaisir |)lus pent-èlre ([ue |)ar besoin, el même, lorsijiril est
apprivoisé, il n'a pas de plus grande jouissance (|iie celle d'égorger sans néces-
sité tous les petits animaux domestiques qui se trouvent à sa porléi».
Le Taîba ( Gulo barbntiis, l)t><>i. Mnsleln bny-
hala, L\y- l'irena VHlpeniln, (i>iL. Le Taira
ou Galern, Tîi ff. Le Carigiifibfiii, ^Lxkcgr. Le
grniid l'uni, Azzaii. ) a de vinct-deiiv à vinpl-
quatre poiiees (0,595 ;) 0,050 de longueur, non
eompris l,i (jueue, (]ui eu a (juiiize |0,406) ; sou
corps est niiiiee, allongé; sou pelage d'uu l)ruu
noir ou eutiêreineut noir, avee la tète et quel-
quefois le «ou; une large laclie blanchâtre ou
jaunâtre, Iriauguiaire, lui cou\r(j le devant du
cou el de la gorge; les pieds de derrière oui les
doifjts réunis par nue uieuiluaue. (.et animal a
les niènies habiludes que le |)récédent, coninie
lui exhale une forte odeur de luuse, et se ti ouve
dans les mêmes cou! nés.
Le NiE\TECK ( Gulo oiicnlalis, IIonsF.) a la
tète un peu itlus allongée que dans les espèces
précédentes; il a deux pieds un pouce '0,677)
de longueur tittale : sa (pieue est médiocre ; son
pelage briui avec la gorge, la poilrine et les
joues jaunâtres; une lâche de la même couleur
|)ait du verlex, s'elend sur le dos, el se termine
eu pointe; ses pieds de devant sont armés d'on-
gles très-crochus. Il se trouve à Java, et doit
avoir des mœurs analogues à celles des espèces
précédentes, du moins si l'on eu juge par l'ana-
logie. On ne sait rien de son histoire.
Kf Genre. Le RATEL {Melliiora, Storr.
a trente-deux deuls:six incisiv,es, deux canines
et huit molaires à chaque mai hoire. Quant aux
autres caractères, il ne diffère pas du genre
Culo.
KU)
LKS- C A U N I VOIl i:s |>I..\ MIC I\ A DKS.
^%'i h
VA
Le RATEL [McHivorn capen^is, Less. Vircrrncapeiisis et Vi^fr/rt meirirora, Li\.
r.'«/o capmsis, Desm. Le /îa/c/, Sparm. Le Blaireau puaiil, Lacaill.).
Il a le corps épais et trapu, long de trois pieds quatre pouces (i ,085), compris
la queue ; il est gris en dessus, noir en dessous, avec une ligne longitudinale
blanche de chaque côté, depuis les oreilles jusqu'à l'origine de la queue.
Cet animal exhale une odeur désagréable, mais moins forte que celle des
moufettes. Il habite l'Afrique depuis le Sénégal jusqu'au cap de Bonne-Espé-
rance, et la facilité avec laquelle il creuse la terre fait croire qu'il se retire dans
un terrier. Il vit de proie comme le glouton ; n)ais il est tellement friand de miel,
qu'il déploie toute son industrie pour s'en procurer. Trois espèces d'êtres s'oc-
cupent journellement à découvrir des ruches d'abeilles, et se prêtent mutuel-
lement secours pour s'en emparer; ce sont : le Hottentot sauvage ou Boschis-
man, le ratel, et le coucou indicateur {Indicalor major, Levaii.l.).
On sait que les Boschismans, que la nature et les siècles avaient fait proprié-
taires de leurs brûlantes montagnes, en furent chassés par les colons hollandais,
qui allaient les chercher et les tuer dans les bois a coups de fusil, par partie de
plaisir; des femmes même étaient très-adroites à les poursuivre à cheval, et à les
exterminer. Ces misérables, forcés de se retirer dans les plus épaisses forêts,
traqués comme des loups, fusillés aussitôt (pi'ils paraissaient, ne trouvaient
pour se nourrir, dans ces affreux déserts, que quelques racines amères, des
termes ou fourmis blanches, et du miel sauvage. Mais, n'osant sortir que la nuit
des antres de rochers où ils se cachaient pendant le jour, il leur eût été diflicile
de découvrir les ruches d'abeilles, s'ils n'eussent su mettre à profit la connais-
sance qu'ils ont d'une habitude du ratel. Colui-ci, chaque matin, se promène
silencieusement dans les forêts en écoutant. Bientôt le cri d'un oiseau vient
frapper son oreille, et il !•• reconnaît pour celui do l'indicatein-, ou du guide au
PLANTIGRADES.
16]
viii'l, comme ilisenl les Hollandais du cap. Le ratel suit l'oiseau, mais douce-
ment pour ne pas l'effrayer, et celui-ci, volant d'arbre en arbre, de roche en
roche, toujours en faisant entendre son cri, conduit bientôt le maunnifère au
pied d'un arbre dans le tronc duquel est une ruche d'abeilles sauvages. Ici
se rencontre une difficulté : le ratel ne sait ni ne peut grimper; il lève le nez,
il flaire le miel, il bondit contre l'écorce, il murmure, il se met en colère :
rien n'y fait, et l'indicateur a beau redoubler ses cris, les abeilles sont parfai-
tement en sûreté dans leur ruche. Le ratel, enragé de colère, se met alors à
attaquer le pied de l'arbre avec les dents, en enlève l'écorce, le mord avec
fureur, probablement dans l'espérance de le renverser; mais la fatigue ne
tarde pas à l'avertir de l'impuissance de ses efforts, et il abandonne son entre-
prise pour aller à une autre découverte. Les Boschismans, qui pendant le cré-
puscule errent en tremblant dans les bois, trouvent l'arbre, le reconnaissent
aux morsures qui en ont enlevé l'écorce, montent dessus et prennent le miel.
Lorsque le mammifère est conduit par le guide au miel à des abeilles qui
établissent leurs ruches dans la terre, les choses se passent différemment. Aus-
sitôt avec ses ongles robustes il se met à creuser. Les abeilles se jettent sur lui
par légions ; il se contente de passer de temps à autre ses pattes sur son nez et
de fermer les yeux, car ces deux parties seules sont accessibles à leur aiguillon.
Un poil long et touffu et une peau excessivement dure, épaisse, impénélrable,
lui défendent suffisamment le reste du corps. Lorsqu'il a mis les gâteaux à dé-
couvert, il mange autant de miel qu'il le peut sans crever, puis il s'en va tran-
quillement sans s'inquiéter de son guide. L'indicateur descend de son arbre,
et tire parti des bribes que l'autre lui a laissées, faute de pouvoir tout avaler.
Les Boschismans ont plus de reconnaissance, car ils ne manquent jamais de
laisser à l'oiseau, sur une pierre ou une large feuille, une quantité de uiiel snf-
lisante pour lui faire faire un bon repas.
21
LES
CARNASSIERS DIGITIGRADES
( . I \ (j L 1 1 : M !•: 0 lU) n K des m a m m i f !• w \i s .
La Mjile à "i.ise iloiee.
Ol ordre renfeime tous les animaux carni- Ou peut le diviser eu oiuq (;' milles, qui soûl
\oresc|ui uiarttieut sur les doipts, c'est-;-dire celles des martes, des diieus, des civettes, des
qui ne s';i]ip\iieut pas sur la plante entière des hyènes et des chats, toutes très-iiilcressantes et
l)ieds, connue les animaux précédents. nombreuses en espèces.
LES MARTES.
Elles ont une seule dent tuberculeuse en ar-
rière de la dent cîiruassière de la mâchoire su-
périeure ; ou leur compte de trente-deux à trente-
huit dents; leur corps très allongé et leurs pieds
très-coui ts leur permettent de passer dans les
plus petits trous. Elles manquent de cacura, et
ne tombent pas Ihiver en léthargie.
1er Gbnke. Les MARTES { Miistcla, Lia .)
ont de chiique coté trois fausses molaires en
haut, quatre eu bas, et un ] etit tubercule in1( -
rieur à leur carnassière d'eu bas; leur museau
est un peu allongé et leurs ongles pointus. Tous
ces animaux exhalent une odeur désagréable
plus ou moins forte et analogue au musc.
La MAUTE A GORGE DORÉE [Mustela fïavigula, Bodd. Muslila Hardwickii.
HoRSF.) est noire, avec la gorge, le ventre, le dos jaunes, et les joues Manches;
elle a environ vingt-deux pouces ^0,595) de longueur, non compris la queue,
(jui est presque d'égale dimension. Elle habite le Népaul.
De tous les animaux carnassiers, les martes sont les plus cruels et les plus
sanguinaires. Elles ne se nourrissent que de proies vivantes, et il laut qu'elles
LOGES DES ANIMAUX FEROCES
( Jar.lin ,1 e > !• I ., ;, te,, )
M A UT K s. 1()3
soient poussées par une l'aim extrême pour manger (juclques baies sucrées, telles
que les raisins et les fruits de la ronce. Celles qui vivent dans les bois sont constam-
ment occupées à lacliasse des oiseaux, des souris, des rats. Les plus petites espèces
mêmes, telles que l'hermine et la belette, attaquent sans hésitation des animaux
dix fois plus gros qu'elles, les lapins, les lièvres et les plus grands oiseaux. La ruse
dans l'attaque, l'elTronteriedansle danger, un courage furieux dans le combat, une
cruauté inouïe dans la victoire, un goût désordonné pour le carnage et le sang,
sont des caractères qui appartiennent à toutes les espèces de cette famille, sans
exception. Leur corps long, grêle, vermiforme, comme disent les naturalistes,
leurs jambes courtes, leur souplesse et leur agilité, permettent k ces animaux de
se glisser partout et de passer par les plus petits trous, pourvu que leur tête
puisse y entrer. Aussi parviennent-elles à pénétrer aisément dans les basses-cours,
et leur apparition est toujours le signal de la mort pour tous les petits animaux
domestiques qu'on y élève. Rien n'est épargné, et, avant d'assouvir leur faim, il
faut qu'elles aient tué tout ce qui les entoure, tout ce qu'elles peuvent atteindre.
Elles ont un art merveilleux pour s'approcher doucement de leur victime sans
en être aperçues et sans la réveiller, pour s'élancer sur elle, la saisir et lui
couper la gorge avant qu'elle ait eu le temps de pousser un cri qui eût donné
l'alarme aux autres.
Les martes sont tellement cruelles, qu'elles n'épargnent pas même les ani-
maux de leur genre ; les espèces les plus fortes font une guerre à mort à celles
qui sont plus faibles. Et cependant les mâles ne mangent pas leurs petits,
comme font la plupart des chats et même les lapins; ils en prennent, au con-
traire, le plus grand soin, et. dès qu'ils peuvent marcher, ils partagent avec la
femelle les soins de leur éducation. J'ai pu m'assurer de ce fait par mes propres
yeux, dans l'espèce de la marte commune et celle de la fouine.
Ces animaux sont d'un caractère sauvage et farouche ; ils se plaisent dans les
bois les moins fré({uentés, et ne s'approchent pas volontiers des habitations de
l'honmie, si l'on en excepte la fouine et la belette. On ne peut nier qu'ils aient
de l'intelligence, si on en juge par les ruses qu'ils emploient pour surprendre
leurs ennemis ; mais c'est purement une intelligence de meurtre et de cruauté,
qui ne les empêche pas de donner dans tous les pièges (|u'on leur tend. Réduits
en captivité, ils s'apprivoisent assez bien ; cependant jamais assez pour avoir une
véritable affection pour leur maître, et ne pas s'effaroucher de la présence d'un
étranger. Sans cesse agités par un mouvement de défiance et d'inquiétude, ils
ne peuvent rester un moment en place, et s'ils cessent par intervalle de chercher
à briser leurs chaînes, c'est pour dormir.
La Mahte coMMi m; i Mustela martes, Li.\. La sous la gorge; le bout du museau, la deruière
Ma/(e, BuFF.) a euviroH un |)ied et demi ((t,487i partie de la queue et les meml)res soûl d'un
de longueur, non compris la (lueiie, qui a un brun (ilus foncé, et ta partie postérieure du
peu moins de dix pouces ii»,2"tt. V.We est d'un ventre d'un l)run plus roussàlre que le reste du
brun lustré, avec nue taclie d'un jaune clair corps.
Lorsque la France possédait encore de vastes forêts, la marte y était assez
commune; mais aujourd'hui elle est deviMiuc très-rare. J'en ai cependant tué
plusieurs dans les montagnes qui séparent la Saône de la Loire, et j'observerai
iU LES CARNASS[EKS DIGITIGK ADES.
que l'une d'elles était suivie de six petits, quoique Buiîon prétende que cet animal
n'en fait que deux ou trois par portée. La marte fuit les habitations et les lieux
découverts; elle ne se plaît qu'au plus profond des forêts silencieuses, et là,
grimpant sur les arbres avec beaucoup d'agilité, comme toutes les espèces de
son genre, elle s'occupe uniquement à la chasse. Ce n'est pas un anin)al nocturne;
mais, ainsi que tous les animaux sauvages qui habitent des contrées où l'homme
peut les inquiéter, elle se cache pendant le jour, et ne sort guère qu'aux cré-
puscules du soir et du matin pour commettre ses déprédations. Elle détruit une
grande quantité de menu gibier; elle cherche les nids d'oiseaux dont elle brise
et mange les œufs ; elle tâche de surprendre la perdrix couvant dans les
bruyères, le lièvre dans son gîte, les écureuils dans leur nid ; et si ces espèces
lui manquent, elle se jette sur les mulots, les loirs, les lérots, et même sur les
lézards et les serpents. Elle cherche aussi les ruches des abeilles sauvages pour
en manger le miel.
Comptant sur son agilité, elle s'effraye fort peu quand elle est chassée par des
chiens courants, et se plaît à se faire battre et rebattre, à les dépister, à les fa-
tiguer, avant de monter sur un arbre pour échapper à leur poursuite. Encore,
lorsqu'elle emploie ce dernier moyen, ne se donne-t-elle pas la peine de grimper
jusqu'au sommet. Assise à la bifurcation de la première branche, elle les re-
garde effrontément passer sans s'en inquiéter davantage.
La marte ne se creuse pas de terrier et n'habite même pas ceux qu'elle trouve
tout faits; mais, quand elle veut mettre bas, elle cherche un nid d'écureuil, en
mange ou en chasse le propriétaire, en élargit l'ouverture, l'arrange à sa fan-
taisie, et y fait ses petits sur un lit de mousse. Tant qu'elle les allaite, le mâle
rôde dans les environs, mais n'en approche pas. Quand les petits sont assez forts
pour sortir, elle les mène chaque jour à la promenade, et leur apprend à grim-
per, à chasser et à reconnaître la proie dont ils doivent se nourrir. C'est alors
que le mâle se réunit à la femelle, apporte à ses enfants des oiseaux, des mulots
et des œufs. Dés lors ils ne rentrent plus dans le nid, et couchent tous ensemble
sur les arbres, ou dans les feuilles sèches sous un buisson touffu. Dans les forêts
très-solitaires, la famille se hasarde quelquefois à sortir de sa retraite pendant
le jour, mais en se glissant furtivement sous le feuillage, et se donnant bien de
garde d'être aperçue par les oiseaux. Si un roitelet, une gorge rouge, une mé-
sange, ou toute autre espèce d'oiseau grand ou petit, vient à apercevoir une marte,
il pousse aussitôt un cri particulier qui donne une alarme générale à un quart
de lieue de rayon. Les pies, geais, merles, pinsons, fauvettes, en un mot presque
toute la nation ailée se réunit aussitôt en criaillant, entoure l'animal, le pour-
suit, le harcèle, s'en approche en redoublant ses cris, et, à force de l'ètourdu-
par des clameurs, le contraint à une prompte retraite. Du reste, tous les ani-
maux carnassiers, chouettes, ducs, chats, renards, loups, ne sont pas reçus d'une
manière plus amicale par le peuple chantant des forêts ; tandis qu'il vit en très-
bonne intelligence avec les animaux paisibles, comme daims, chevreuils,
lièvres, etc. La fourrure de la marte commune a quelque valeur ; mais il s'en
faut de beaucoup qu'elle soit comparable à celle de la marte zibeline dont nous
aurons à nous occuper plus loin. Elle est moins rare dans le nord de l'Europe
qu'en France, et plus commune encore dans le Canada.
MAHIKS. 165
La loLiNK { Muilela juina. Li>. La Fouine, cou et la gorge, qui sont blancs et non pas jau-
Blff. — G. Ct V.) a beaucoup de ressemblance nés. Sa taille est la même; son pelage est brun,
avec la ujarte, mais cependant elle s'en dislin- avec les jambes et la queue noirâtres. Elle exhale
giie au premier coup d'ieil |)ar le dessous du une foric odeur de musc.
Cet animal habite toute l'Europe et l'Asie occidentale ; il est assez commun
partout. (I La fouine, dit Bulïon, a la physionomie très-fine, l'œil vif, le saut
léger, les membres souples, le corps flexible, tous les mouvements trés-prestes;
elle sauté et bondit plutôt qu'elle ne marche; elle grimpe aisément contre les
nmrailles qui ne sont pas bien enduites, entre dans les colombiers, les pou-
laillers, elc, mange les œufs, les pigeons, les poules, etc., en tue quelquefois un
grand nombre et les porte à ses petits ; elle prend aussi les souris, les rats, les
taupes, les oiseaux dans leur nid. Les fouines, dit-on, portent autant de temps
que les chats. On trouve des petits depuis le printcnqis jusqu'en aulonnie, ce qui
doit faire présumer qu'elles produisent plus d'une fois par an; les plus jeunes
ne font que trois ou quatre petits, les plus âgées en font jusqu'à sept. Elles
s'établissent, pour mettre bas, dans tni magasin à foin, dans un trou de muraille,
011 elles poussent de la paille et des herbes ; quelquefois dans une fente de ro-
cher ou dans un trou d'arbre, oii elles portent de la mousse ; et lorsqu'on les
inquiète, elles déménagent et transportent ailleurs leurs petits, qui grandissent
assez vite ; car celle que nous avons élevée avait, au bout d'un an, prescpie atteint
sa grandeur naturelle, et de là on peut inférer que ces animaux ne vivent que
huit ou dix ans. Ils ont une odeur de faux musc qui n'est pas absolument dés-
agréable. »
La fouine se rencontre dans toutes les localités, dans les forêts, les bois, les
vergers, les granges, les fermes, et même dans les magasins à fourrage des villes ;
il n'est pas rare d'en trouver jusque dans les faubourgs de Paris. En cela seulement
elledifl"ère de la marte. Dans les nuits d'été, aux approches de l'orage, on l'entend
assez souvent crier en courant et jouant sur les toits et les vieux murs des habi-
tations rurales. 3Lde Bulfon, qui eu a élevé une, dit qu'elle faisait la guerre aux
chats, qu'elle se jetait sur les poules, etc. « Elle demandait à manger comme le
chat et le chien, et mangeait de tout ce qu'on lui donnait, à l'exception de la
salade et des herbes; elle aimait beaucoup le miel, et préférait le chènevis à
toutes les autres graines ; il a remarqué qu'elle buvait fréquemment, qu'elle dor-
mait quelquefois deux jours de suite, et qu'elle était aussi quelquefois deux ou
trois jours sans dormir; (pi'avant le sommeil elle se mettait en rond, cachait sa
tête et l'enveloppait de sa queue; que tant qu'elle ne dormait pas, elle était dans
un mouvement continuel si violent et si incommode, que quand même elle ne se
serait pas jetée sur les volailles, on aurait été obligé de l'attacher pour l'em-
pêcher de tout briser. »
J'ai été à même de vérifier une partie de ce que dit Buffon. Dans un village
des bords de la Saône, à Saint-Albin, prés de Mâcon, un ancien garde-chasse un
peu fripon était si bien parvenu à ap|)rivoiser une fouine, qu'il appelait Bobin,
que jamais il ne l'a tenue à l'attache ; elle courait librement dans toute la maison,
sans rien briser et avec toute l'adresse d'un chat. Elle était turbulente, il est
vrai, mais elle prenait ses précautions pour ne rien renverser; elle répondait à
la voix de son maître, accourait quand il l'appelait, ne le caressait pas, mais
16G LES CAUNASSIEUS DU; lïlGRADES.
semblait prendre plaisir à ses caresses. Elle vivait en très-bonne intelligence
avec Bibi, petit chien noir anglais qui avait été élevé avec elle. Ceci est déjà fort
singulier; mais voici qui l'est davantage : Robin et Bibi n'étaient pour leur
maître que des instruments de vol et des complices. Chaque matin le vieux garde
sortait de chez lui portant à son bras un vaste panier à deux couvercles dans
lequel était caché Robin ; Bibi suivait par derrière lui marchant presque sur les
talons. Ce trio se rendait ainsi autour des fermes écartées, où on est dans lu-
sage de laisser la volaille errer assez loin de l'habitation. Dès que le vieux garde
apercevait une poule à proximité d'une haie, dans un lieu où on ne pouvait le
voir, il prenait Robin, lui montrait la poule, le posait à terre, et continuait son
chemin. Robin se glissait dans la haie, se faisait petit, rampait comme un ser-
pent, et s'approchait ainsi de l'oiseau ; puis tout à coup il se lançait sur lui et
l'étranglait sans lui donner le temps de pousser un cri. Alors le vieux fripon
de garde revenait sur ses pas; Bibi courait chercher la poule, et l'apportait
suivi de Robin ; l'oiseau était aussitôt mis dans le panier avec la fouine qui avait
sa petite loge séparée, et l'on se remettait en marche pour chercher une nou-
velle occasion de recommencer cette manœuvre. A la fin les fermiers des envi-
rons s'aperçurent de la diminution du nombre de leurs poules et de leurs cha-
pons; on se mit à guetter, et l'on ne tarda pas à saisir les voleurs sur le fait. Le
juge de paix, qui n'était nullement soucieux des progrés de l'histoire naturelle,
fit donner un coup de fusil à la fouine, et crut faire grâce au vieux garde en ne
le condamnant qu'à payer les poules qui, grâce à Bibi et à Robin, avaient passé
par son pot-au-feu.
La Zibeline (Musteln z'ibellina, Lin.— Pall. poils jusque sons les doigts; son j)el;ige est d'uu
La Marie zibeline, Blff. — G Ctv. Le Snbbel Ijrim lustré, noirâtre en hiver, plus pâle en été;
des Suédois; le Sobol des Polonais et des Rus- elle a le dessous de la gorge grisâtre, le devant
ses ) ressemble beaucoup à la marte commune; de la tête et les oreilles blanchâtres. Sa fourrure
elle s'en distingue cependant en ce qu'elle a des est l'objet d'un commerce considérable.
Cet animal vit dans les régions les plus septentrionales de l'Europe et de
l'Asie, et se trouve jusqu'au Kamtschatka; c'est aux chasseurs qui le poursuivent
dans ces régions glacées que l'on doit la découverte de la Sibérie orientale. Sa
fourrure est extrêmement précieuse, et il s'en fait un connnerce immense en
Russie. Les plus estimées viennent de Sibérie, surtout celles de Witinski et de
iSerskinsk. Les bords de la Witima, rivière qui sort d'un lac situé à l'est du
Baïkal et va se jeter dans la Lena, sont célèbres par les zibelines qu'on y trouve ;
elles abondent également dans la partie glacée et inhabitable des monts Altaï,
ainsi que dans les montagnes de Saïan, au delà du Jenisseï, dans les environs
de rOby et le long des ruisseaux qui tombent dans la Touba. La fourrure d'hiver
est noire, et c'est la plus précieuse ; celle d'été, plus ou moins brunâtre et mal
lournie, a beaucoup moins de valeur; mais les marchands russes, par des pré-
|)arations particulières, savent la faire passer dans le commerce pour de la
marte d'hiver, et les plus fins connaisseurs s'y laissent quelquefois prendre.
Carnassière comme tous les animaux de sa famille, la marte zibeline rôde sans
cesse dans les buissons pour s'emparer des nids d'oiseaux. Elle se plaît parti-
MARTES. I(i7
ciilièronienl dans les liallicis roiinés, sur !<■ Itord des lacs, des rivières el des
ruisseaux, dans les hois et surtout dans ceux qui ofl'rent (|uelques arl)res élevés
sur lesquels elle grinqte avec beaucoup d'agilité. Quelquefois elle s'établit dans
un terrier qu'elle se creuse en terrain sec, sur une pente rapide, et dont l'en-
Irée se trouve toujours masquée par des ronces et d'épais buissons. Quelquefois
aussi elle se loge dans des trous d'arbre, où elle s'empare du nid d'une cbouclle
ou d'un petit-gris. Aussi cruelle, aussi rusée (jue la fouine, elle est beaucoup plus
farouche, et jamais ne s'approche, comme cette dernière, des lieux habités. Son
courage n'est nullement comparable à son peu de force; (|uel que soit l'ennemi
qui l'attaque, elle se défend avec fureur jus(|u'à son dernier moment, et |)ar-
vient quelquefois à échapper à la dent meurtrière du chien le mieux dressé à la
chasse. Son corsage délié lui permet de se glisser dans les plus petits trous; sa
force musculaire et ses ongles pointus lui donnent une extrême facilité à grim-
per, à s'élancer de branche en branche pour poursuivre, juscpi'au sonnnet des
plus minces rameaux, les oiseaux, les écureuils et autres petits animaux, aux-
quels elle fait une guerre d'extermination. Quelquefois elle suit le bord des
l'uisseaux pour s'emparer, faute de mieux, des reptiles a(|uati(pies et même des
poissons, si on en croit quelques voyageurs et Bulfon ; mais ce fait me paraît
très-contestable. Elle mange des insectes quand elle manque de gibier, et quel-
quefois elle se contente de quelques baies sucrées, telles que celles de l'ai-
relle, etc.
Sur quatre-vingt mille exilés, plus ou moins, (pii i)euplent habituellement la
Sibérie, environ quinze mille sont employés à la chasse de l'heimine et de la
zibeline. Ils se réunissent en petites trou[>es de ipiinze ou vingt, rarement plus
ou moins, alin de jiouvoir se prêter un mutuel secours, sans cependant se nuire
enchâssant. Sur deux ou trois traîneaux attelés de chiens, ils emportent leurs pro-
visions de voyage, consistant en poudre, plouïb, eau-de-vie, fourrure pour se cou-
vrir, (piel(|ues vivres d'assez mauvaise qualité et une boinie cpiantilé de pièges.
Aussitôt que les gelées (uit suftisannnent durci la surface de la neige, ces petites
caravanes se mettent en route et s'enfoncent dans le désert, chacune d'un côté dif-
férent. Quand le ciel de la nuit n'est pas voilé par des brouillards, elles dirigent
leur voyage au moyen de (piel(|ue constellation ; pendant le jour elles consnltenl
le soleil ou une petite boussole de poche. Quelques chasseurs se servent, pour
marcher, de patins en bois à la manière de ceux des Samoïèdes; d'autres n'ont
pour chaussure (pie de gros souliers ferrés et des guêtres de cuir ou de feutre.
Chaque traîneau a ordinairement un attelage de huit chiens; mais pendant
que quatre le tirent, les quatre autres se reposent, soit en suivant leurs maîtres,
soit en se couchant à une place ((ui leur est réservée sur le traîneau même. Ils
se relayent de (\f\\\ heures en deux beiu'es. Pendant les premiers jours on fait de
grandes marches, atin de gagner le plus tôt possible l'endroit ou l'on doit chasser,
et cet endroit est quehiuefois à deux on trois cents lieues de distance du point
d'où l'on est parti. Mais plus on avance dans le désert, plus les obstacles se nml-
tiplient. Tantôt c'est un ton eut non encore glacé (|u'il faut traverser; alors
on est obligé d'entrer dans l'eau jusqu'à l'estomac et de porter les traîneaux sur
l'autre bord, en se frayant un jiassage à travers les glaçons charriés par les eaux.
Ine autre fois c'est un bois à traverser en se faisant J(mii' à coups de baclie<hins
HÎS LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
les broussailles ; puis un pic de glace à monter, et alors les chasseurs, après
s'être attachés des crampons aux pieds, s'attellent avec leurs chiens pour faire
grimper les traîneaux à force de bras.
Là, un hiver de neuf mois couvre la terre d'épais frimas; jamais le sol ne
dégèle à plus de trois ou quatre pieds de profondeur, et la nature, éternellement
morte, jette dans l'âme l'épouvante et la désolation ; à peine si une végétation
languissante couvre les plaines de queltpie verdure pendant le court intervalle
de l'été, et des bruyères stériles, de maigres bouleaux, quelques arbres résineux
rachiliques, font l'ornement le plus pittoresque de ces climats glacés. Là, tous
les êtres vivants ont subi la triste influence du désert ; les rares habitants qui
traînent dans les neiges leur existence engourdie sont presque des sauvages
difformes et abrutis; les animaux y sont farouches et féroces, et tous, si j'en
excepte le renne, ne sont utiles à l'homme que par leur fourrure : tels sont les
ours blancs, les loups gris, les renards bleus, les blanches hermines et la marte
zibeline. Venons à nos chasseurs.
L'hiver augmente d'intensité ; les longues nuits deviennent plus sombres
parce que l'air est surchargé d'une tine poussière de glace qui l'obscurcit; vers
le nord, le ciel se colore d'une lumière rouge et ensanglantée, annonçant les
aurores boréales. Les gloutons, les ours, les loups et autres animaux féroces, ne
trouvant plus sur la terre couverte de neige leur nourriture accoutumée, errent
dans les ténèbres, s'ap})rochent audacieusement de la petite caravane, et font
retentir les roches de glace de leurs sinistres hurlements. Chaque soir, lors-
(pi'on arrive au pied d'une montagne qui peut servir d'abri contre le vent du
nord, il faut camper. On se fait une sorte de rempart avec les traîneaux ; on
tend au-dessus une toile soutenue par quelques perches de sapin coupées dans
un bois voisin. On place au milieu de cette façon de tente un fagot de brous-
sailles auquel on met le feu. Chacun étend une peau d'ours sur la glace, se
couche dessus, se couvre de son manteau fourré, et attend le lendemain pour se
remettre en route.
Pendant que les chasseurs dorment, l'un d'eux fait sentinelle, et souvent son
coup de fusil annonce l'approche d'un ours féroce ou d'une troupe de loups affa-
més. 11 faut se lever à la hâte, et quelquefois soutenir une affreuse lutte avec ces
terribles animaux. Mais il arrive aussi que la nuit n'est troublée par aucun bruit,
si ce n'est par le sifflement du vent du nord qui glisse sur la neige, et par une
sorte de petit bruissement particulier sur la toile de la tente. Les chasseurs ont
dormi profondément, et il est grand jour quand ils se réveillent; ils appellent la
sentinelle, mais personne ne répond ; leur cœur se serre ; ils se hâtent de sortir,
car ils savent ce que signifie ce silence. Leur camarade est là, assis sur un
tronc de sapin renversé ; il a bien fait son devoir de surveillant, car son fusil est
sur ses genoux, son doigt sur la gâchette, et ses yeux sont tournés vers la mon-
tagne où, la nuit, les hurlements des loups se sont fait entendre ; mais ce n'est
plus un homme qui est en sentinelle, c'est un bloc de glace. Ses compagnons,
après avoir versé une larme sur sa destinée, le laissent là, assis dans le désert,
et se réservent de lui donner la sépulture six mois plus tard, en repassant,
lorsqu'un froid moins intense permettra d'ouvrir un trou dans la glace. Us le
retrouveront à la même place, dans la même attitude et dans le même état, si
MARTES 169
un ours n'a pas essayé d'entamer avec ses dents des chairs blanches et roses
connne de la cire colorée, mais dures comme le granit.
Enfin, après mille fatigues et mille dangers é[)ouvanlaMes, la petite caravane
arrive dans une contrée coupée de collines et de ruisseaux. Les chasseurs les
plus expérimentés tracent le plan d'une misérable cabane construite avec des
perches et de vieux troncs de bouleaux à moitié pourris. Ils la couvrent d'herbe
sèche et de mousse, et laissent au haut du toit un trou pour donner passage à la
fumée. Un autre trou, par lequel on ne peut se glisser qu'en rampant, sert de
porte, et il n'y a pas d'autre ouverture pour introduire l'air et la lumière.
C'est là que quinze malheureux passeront les cinq ou six mois les plus rudes de
l'hiver; c'est là qu'ils braveront l'inclémence d'une température descendant
presque chaque jour à vingt-deux ou vingt-cinq degrés du thermomètre de
Uéaumur. Lorsque les travaux de la cabane sont terminés, lorsque le chaudron
est placé au milieu de l'habitation sur le foyer pour faire fondre la glace qui
doit leur fournir de l'eau, lorsque la mousse et les lichens sont disposés pour
faire les lits, alors les chasseurs parlent ensemble pour aller visiter leur nou-
veau domaine, et pour diviser le pays en autant de cantons de chasse qu'il y a
d'hommes. Quand les limites en sont définitivement tracées, on tire ces cantons
au sort, et chacun a le sien en toute propriété pendant la saison de la chasse, et
aucun d'eux ne se permettrait d'empiéter sur celui de ses voisins. Ils passent
toute la journée à tendre des pièges i)artout où ils voient sur la neige <les im-
pressions de pieds annonçant le passage ordinaire des martes, hermines et
renards bleus; ils poursuivent aussi ces animaux dans les bois, à coups de fusil,
ce qui exige une grande adresse ; car, pour ne pas gâter la peau, ils sont obligés
de tirer à balle franche. Le soir, tous se rendent à la cabane, et la première
chose qu'ils font est de se regarder mutuellement le bout du nez; si l'un d'eux
l'a blanc comme de la cire vierge et un peu transparent, c'est qu'il l'a gelé, ce
dont il ne s'aperçoit pas hii-iuème. Alors on ne laisse pas le chasseur s'appro-
cher du feu, et on lui applique sur le nez une compresse de neige que l'on re-
nouvelle à mesure qu'elle se fond, jusqu'à ce que la partie malade ait repris sa
couleur naturelle. Ils traitent de même les mains et les pieds gelés ; mais, malgré
ces soins, il est rare que la petite caravane se remette en route au printemps
sans ramener avec elle quelques estropiés. Dans les hivers extrêmement rigou-
reux, il est arrivé maintes fois que des caravanes entières de chasseurs sont
restées gelées dans leurs huttes, ou ont été englouties dans les neiges. Les dou-
leurs morales des exilés, venant ajouter aux rigueurs de cet affreux climat, ont
aussi poussé très-souvent les chasseurs au découragement ; et, dans ces solitudes
épouvantables, il n'y a qu'un pas du découragement à la mort. Qu'un exilé harassé
s'asseye un (piart d'heure au pied d'un arbre, qu'il se laisse aller aux pleurs, puis
au sommeil, il est certain iju'il ne se reveillera plus.
La Marte pècuevse (Miistcla pisratorin, Less. dces de noir; elle a des inoiisfaches longues et
Mustela inclannrhijnrlia, Bodd.i n'est peut-élre sojeiises; sa queue est Irès-toulTue, cl ses larges
qu'une variété de la précédente, mais apparie- pieds sont velus. Klle a les nuincs mœurs que
nant à l'Amérique sepknlrionale. Elle est noire, la zibeline.
avec la face et les cotés du cou d'un cendré nielc Le Pékan (Mustcla canadensis, Li.\. Le Pe-
denoir; ses oreilles sont arrondies, larges, bor- l.nn. Blff.) est un peu plus grand que les es-
22
170
LES CAItNASSlKUS DIGIT Ui U A LU:s
jioces préco(k'ii(es. Ses patles, sa queue, le des-
sous de son corps el son museau sont d'un brun
marron trrs foncé; ses oreilles sont blanchiî-
tres ; le reslcdu corps est d'un brun {jrls varié de
noirâtre, très-changeant, et passant quelquefois
au noir; quelquefois une tache se dessine sur
sa porge. Cette espèce vit sur le boid des lacs
et des rivières, daus des terriers quelle sait se
creuser ; elle habite le Canada et le nord des
Ltals-L'nis
La Marte des Huuons ( Miisfda hiiro, Fit.
Cev.) est ordinairement d'un blond clair, avec
les pattes et l'extrémité de la queue plus foncés,
et quelquefois brunes. Celte espèce varie beau-
coup pour les couleurs, car on en voit au !\lu-
scum d(»nt les paities inférieures du corps sont
plus foncées que les supérieures, et d'autres on
les couleurs sont dans une disposition inverse ;
la tète est quelquefois blanchâtre ou même en-
tièrement blanche. Elle habite l'Amérique sep-
tentrionale.
La MAiiTE CUISE ( Miislfla itoliocephaln, Less.
l'iiuira polïocephnln, Traill.)- Cette espèce
est plus haute sur jambes que les autres ; elle est
noire sur le corps, grise sur la tète et sur le
cou, et porte sur la gorge une tache jaune en-
tourée d'un bord noir de jais ; ses poils sont fort
longs sur la nuque, et lui forment ime sorte de
collerette. On la trouve dans les forêls de De-
nicrary, à la Guyane
Le ZoRRA {Mnsiela sinnehsis, IIumb.i a le
corps moins vermiforme que les autres martes ;
elle est d'un gris noirâtre uniforme, avec l'in-
térieur des oreilles et le ventre blancs. Elle ha-
bite la Nouvelle-Grenade, et chasse aux petits
oiseaux.
Le CrjA (Mustela rujn, MoLiNAJest de la
taille du furet ; son pelage est très-doux, épais,
entièrement noir ; sa queue est aussi longue
que son corps, touflue ; son museau se termine
en sorte de groin. Il habite le Chili, et se nour-
rit d'oiseaux et de petits mamniilères.
Le Qliqui ( 3/ii.s(f/a qiij(/i(i, Moi.i.na) se rap-
proche de la belette ; sa couleur est brune ; sa
léte aplatie ; son nuiseaii en forme de groin,
avec une tache blanche au milieu du nez ; ses
oreilles sont courtes et rondes. Elle se trouve
au Chili, habite des terriers, el se nourrit de
petits animaux. Du reste, il me paraît fort dou-
teux que celte espèce et la précédente appar-
tiennent au genre des maries. Quand on les
connaîtra mieux, il faudra certainement les re-
porter aillenrs, ou, probablement, leur créer
un génie nouveau.
Le Wejack \Miistcla Pennanti, Eux.) a le mu-
seau pointu, le nez brun ; les oreilles larges,
courtes et arrondies; la poitrine brune avec
quelques poils blancs; le ventre et les cuisses
d'un brun noir ; les pieds larges, revêtus de
poils, et les ongles blancs; son pelage est jau-
nâtre, passant au brun marron sur la tète ; la
queue est noire et luslrée, très-grèle à son ex-
trémité. 11 habite la Pensylvauie et les bords du
grand lac des Esclaves.
2*^ Genre. Les PUTOIS {Pntoniis, Cuv.)
ressemblent beaucoup aux martes, mais ils n'ont
que quatre fausses molaires à la nuichoire su-
périeure, six à l'inférieure, et point de tu-
bercule intéiieur à la carnassière inférieure.
Leur tète est un peu moins allongée que dans
le genre précédent, et tous exhalent une odeur
désagréable.
Le Putois commun (Piitoritis nilgaris.—Mus-
telainttorius, Li>. Le Putois, Buff. Le Putois
rommuu, G. Civ ). Il a un peu plus d'un pied
(0,525) de longueur, non compris la queue, qui
a environ six pouces (0,162). 11 est d'un brun
noirâtre, assez foncé sur les membres, mais
plus clair et prenant une teinte plus fauve sur
les flancs ; il a le bout du museau, les oreilles,
et une tache derrière l'a-il blancs ; ses poils in
lérieurs laineux sont blanchâtres. En Lorraine,
on en trouve quelquefois une variété blanchâ-
tre ou jaunâtre.
Le putois OU puant habite les climats tempérés de l'Europe, el il est assez
commun partout. Son nom vient de l'odeur infecte qu'il exhale, surtout lorsqu'on
l'irrite ; cette odeur devient alors tellement forte, qu'elle dégoîite et écarte les
chiens. Ses mœurs ont beaucoup d'analogie avec celles de la fouine; aussi nos
cultivateurs les confondent-ils souvent, au moins dans leurs méfaits. Il habite la
campagne pendant la belle saison ; mais aussitôt que les premiers froids se font
sentir, et que les bois connnencent à se dépouiller de leurs feuilles, il se rap-
proche des habitations et se loge dans les vieux bâtiments, les granges et les
greniers à foin. Il dort pendant le jour, et ne sort de sa retraite que la nuit pour
aller à la chasse des souris, des mulots, des insectes, et de tous les petits ani-
maux qu'il ose attaquer impiniément. Il a toute la cruauté, toute l'audace des
martes; mais il est plus rusé, plus défiant, et donne moins souvent dans les
MARTES. 17 1
pièges qui lui sont leiulus. « 11 se glisse thuis les basses-cours, dit iJulluii, moiile
aux volières, aux colombiers, où, sans faire autant de bruit que la fouine, il
fait plus de dégâts. Il coupe ou écrase la tète à toutes les volailles, et ensuite il
les emporte une à une et en fait un magasin. Si, comme il arrive souvent, il ne
peut les emporter entières, parce que le trou par où il est entré se trouve trop
étroit, il leur mange la cervelle et emporte les tètes. 11 est aussi fort avide de
miel; il attaque les rucbes en hiver, et force les abeilles à les abandonner. Il ne
s'éloigne guère des lieux habités. Il entre en amour au printemps ; les mâles se
battent sur les toits, et se disputent la femelle ; ensuite ils l'abandonnent et vont
passer l'été à la campagne ou dans les bois. La femelle, au contraire, reste dans
son grenier jusqu'à ce qu'elle ait mis bas, et n'emmène ses petits que vers le
milieu ou la fin de l'été. Elle en fait trois ou quatre et quelquefois cinq, ne les
allaite pas longtemps, et les accoutume de bonne heure à sucer du sang et des
œufs. »
Pendant qu'il habite la campagne, le putois fixe sou domicile dans un creux
de rocher ou un tronc d'arbre, s'il n'y a pas de trou de lapin dans les environs.
Mais s'il rencontre une garenne, il choisit un terrier qui lui convient, en chasse
ou en tue les habitants, et s'y établit commodément. Dans ces heureuses cir-
constances, il trouve chaque jour la facilité de satisfaire son goût j)our le car-
nage et sa soif de sang, car, grâce à sa taille lluette, il se glisse aisément dans
les terriers et massacre tout ce qu'il y trouve; aussi, suflit-il d'une famille de
putois pour dépeupler dans une seule saison la |)his riche garenne. S'il n'y a
pas de lapins dans les environs, il bat la campagne toute la nuit, cherche les
nids de perdrix, d'alouettes, de cailles, etc., et manque rarement de surprendre
la mère sur ses œufs. Il en résulte que les chasseurs, dont il détruit les espé-
rances, lui fout une guerre d'extermination. Quoique très-sauvage, le putois
ne manque pas d'intelligence, ce qui ferait croire qu'on viendrait facilement à
bout (le l'apprivoiser et de s'en servir à la chasse du lapin, si l'on n'avait pas
le furet.
172
LES CAKNASSIEUS l»IG ITIG K.VDES.
Le NIMSE ou FURiiT [Piilvriiis fiiro. — }Jitst('la [mu, Lin. Le Furel, Buff.
Prol)ablement YIctis (I'Aristote)
N'est qu'une variété du putois, dont il ne diffère que par son pelage d'un hlanc
jaunâtre et ses yeux roses, et, dans ce cas, je le crois un albinos dont on aura
perpétué la race et la maladie par la domesticité. Ceci me paraît d'autant plus
vrai, qu'on en élève souvent dont le pelage est mêlé de blanc, de fauve et de
noir, ainsi que celui du putois ; ceux-là n'ont pas les yeux noirs.
Quoi qu'il en soit, le furet, qui n'existe cbez nous qu'à l'état de domesticité,
nous a été apporté d'Espagne, et les Espagnols l'ont eux-mêmes tiré de la Bar-
barie, dès la plus liante antiquité, si l'on s'en rapporte à Strabon. Cet animal
craint le froid de nos climats, et, lorsqu'il a conquis sa liberté, ce qui arrive
assez souvent, il périt pendant l'biver. Il faut bien qu'il en soit ainsi, puis-
(pi'on n'a jamais revu dans l'état sauvage aucun des nombreux individus qui
s'écbappent des mains des chasseurs. Il n'en est i)as de même en Espagne, où
il s'est parfaitement naturalisé, et où ses mœurs ne diffèreut en rien de celles
du putois. Il apporte en naissant une telle haine pour les lapins, « qu'aussitôt
qu'on en présente un, même mort, à un jeune furet qui n'en a jamais vu, il
se jette dessus et le mord avec fureur, dit BulTon. S'il est vivant, il le prend
par le cou, par le nez, et lui suce le sang. « Les chasseurs ont profité avec
empressemont de cette antipathie pour dresser le furet à la chasse, autant que
le caractère sauvage et indiscipliiiable de cet animal le permettait; ils sont
.mai;tks
17:î
parvenus a <'ii faiic. non iiii d(unesli(|uo, mais un esclave toujours eu révolte,
et qu'on lu' peut conduire qu'à la chaîne. On élève les furets dans des tonneaux
on des eages. on leur donne de la lilasse dans hupielle ils aiment à s'enfoncer
pour d(»rmir, et on les nourrit avec du lait. An pain, du son, etc.; mais nu s'abs-
tient de leur donner de la chair, atin de leur faire oublier, autan! (pu' possible,
ce yoùt pour le sany qui les fait rester le [)lus souvent dans les terriers. Ils
dorment continuellement, el ne se réveillent guère que pour manger, ce (pi'ils
font avec voracité. La femelle est sensiblement plus petite que le mâle; elle
le recherche avec ardeur dans le temps des amours, et il serait dangereux de
les séparer à celte époque, parce (|ue le plus ordinairement elle nuun'rail de
chagrin. Elle porte six semaines, et fait des petits deux fois par an. il arrive
assez fréquemment à cette boime mère de manger ses enfants, non par gour-
mandise, mais simplement pour avoir le plaisir de faire de nouvelles avances
à son mâle: dans ce cas, elle fait trois portées au lieu de deux. Cbatpie portée
est ordinairement de cin(| à six petits, rarement de huit à neuf, (les animaux
exhalent, surtout quand ils sont en colère, une odeur fétide, t(uit à fait ana-
logue à celle du putois.
Lorscju on se sert du furet pour la chasse aux lapins, on a soin de le muse-
ler avant de le présenter à l'entrée du terrier, car sans cela il les tuerait, leur
mangerait la cervelle, se gorgerait de sang, puis il s'endormirait sur ses vic-
times, el rien ne serait capable de le réveiller, ou au moins de le déterminer
à sortir du trou. Quand il est muselé, il les attaque seulement avec les ongles;
les pauvres lapins épouvantés se hâtent de sortir pour échapper à leur cruel
ennemi, et, dans leur frayeur, ils vont donner tète baissée dans la bourse de
filet que le chasseur a tendue à l'entrée du terrier. Quelquefois, maigre sa nui-
selière, le furet vient a bout de tuer les jeunes lapins avec ses ongles, de leur
ouvrir les veines, et de sucer leur sang, pour s'endormir ensuite; dans ce cas,
on |)arvienl assez souvent à le réveiller et à le faire sortir en tirant un ou
deux coups de fusil à l'entrée {h\ trou, ou en le fumant connue un lenard.
Mais on risque de l'irriter, et .dors il s'enfonce davantage dans les dilférents
canaux du terrier, el il est perdu pour le chasseur. On voit que le furet n'est
réellement jamais bien apjirivoise, et que dans sa prétendue éducation, tout se
borne à tirer parti de l'instinct que lui a donné la nature. Il ne reconnaît pas
son maître, n'obéit a la voix (b; personne, et ne manque guère l'occasion de
mordre la main qui le nourrit.
Le PtTdi.s i>'!',\KR.SMi>\ ( l'nloiiiis F.iers-
mnnuii. — Musttla l'.rersmnnuii, I^ess.) uc iik;
parait encore (|ii'une varielé du jjutoiscoininuii.
Son pelage est dnn jaune clair, à pointe de poils
l)rune seulenieni snr- les lombes; la poitrine et
les pieds sont linnis ; la qnene esl partout dune
('gale teinte. Il a été tronve par M Knc rsnianii
entre Orenihonrg et Hiikkara.
Le CiioHocK tl'iit'Diiis siliincus. — Miislcla si-
biiicn, Pai.i.) est à peu prés de la taille du fo-
ret, dont il a les formes gt-nerales ; mais son
pelage esl à poils plus longs, d un lan\e dore
en dessus, el d nn |;iniie fauve pâle en dessouv :
le lonr dn muile est hianc, el la partie du mu-
seau comprise entre les jeux et ciMe partie
hianclie esl hrune. (^ueltpies indi\idns ont le
dessous de la mâchoire inlérieure bl.mc, d'au-
tres de la couleur du corps, mais un peu plus
clair. Lechorock habile les forets delà Sibérie,
et, ainsi (pie le putois, dont il a les mœurs, il se
r.ippnxhe des habitation^ pendant Ihiver, el
dévaste les basses-cours.
Le Putois i>ks .-Vurts ( l'iiloniis (iliiinns.—
Musttla (iliiinn , Cikhleh | esl plus petit, plus
allongé (jue le putois eonnucm. atupu'l il res-
semble; il esl jaunâtre oir brimàire en dessus.
174
LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
d'un jauiie pâle cii dessous, avec le mentou
blanc, ainsi qu'une partie de la bouche. Il se
loge dans les trous de rochers ou dans des ter-
riers dont il s'empare, et se nourrit d'oiseaux
et de petits mammifères.
Le VisoiM { P((/o)i?(A vison.— Mitslela v'isoii,
Lin. Le Vison, Blff.— G.Ctv.), que l'on a sou-
vent placé mal .i propos avec les martes, est
d'un bruji plus ou moins foncé, tirant plus ou
moins sur le fauve, avec une tache blanche à
l'extrémité de la mâchoire inférieure ; sa queue
est noirâtre. 11 n'a pas les pieds palmés, comme
l'ont dit les naturalistes. Cette espèce vit dans
des terriers qu'elle se creuse au bord des
eaux, dans le Canada et dans tout le nord de
l'Amérique. Sa fourrure brillante est fort
estimée
Le MiNK DES Américains iVtitorins Inlrcoce-
plialus. — Mnstela Mteiuephala, Hari.an. La
Marte a tite de loutre de quelques naturalistes)
ne doit être confondu, ni avec le Vison, ni avec
la Miistela lutreola de Pallas ou tuhcuri 11 est
d'un blanc jaunâtre, plus clair en dessous, avec
la queue d'un brun ferrugineux, ce qui le dis-
lingue du vison; sa taille est double de celle du
tuhcuri, et il ressend)le à la loutre par la forme
de sa tète et de ses oreilles; ses doigts sont à
demi palmés. 11 habite le Marjland
Le Putois MABHON ( Piiforids rufns. — Miis-
ieln rufa, Desm.) est encore une espèce dou-
teuse, qui peut appartenir au vison ou au tuh
curi. U a un pied sept pouces (0,.>I4) de lon-
gueur totale. Son pelage est d'un roux marron,
plus foncé en dessous qu'en dessus, et composé
de poils annelés de brun marron et de jaunâtre;
sa queue est brune à sa pointe, ainsi que ses
quatre extrémités. U habite probablement l'A-
mérique.
Le TiiiiciRi, ou MoENCK, ou Noehs tPiitorins
lutreuliis. — Mustela liilreolu. Pâli,. I.titra mi-
nor, Ebxl. Le Minh des naturalistes Le Tnh-
citri des Finlandais. Le Mœnrk des Russes, et
le A'cprs ou Xorek des Prussiens) est un peu plus
petit que le vison ; sou pelage est d'un brun noi-
râtre, avec le dernier tiers de la queue tout à
fait noir ; la lèvre supérieure, le menton et le
dessous du cou sont blancs ; il a les pieds à demi
palmés. Cet animal habile le nord de l'Kurope.
et surtout la Finlande. Il se tient sur le bord des
eaux, et se nourrit de grenouilles, d'écrevisses
et de poissons, qu'il poursuit dans les ondes.
Ses habitudes tiennent à la fois de celles des
putois et de celles des loutres. Il n'exhale qu'une
légère odeur de musc, peu désagréable, d'où il
résulte que sa fourrure, d'ailleurs fort belle,
est plus recherchée que celle de la plupart des
autres animaux de son genre.
Le FtitET de Java ( Putorius nudipes. -
Mustela vudipe.s, Fb. Ciiv.) est un peu plus pe-
tit que le putois commun ; son pelage est d'un
beau roux doré très brillant ; la tcte et l'extré-
mité de la queue sont blanches ou d'un blanc
jaunâtre ; le dessous de ses pieds est entière-
ment nu. 11 a été trouvé à Java, et l'on pense
c|ue ses nuruis sont les mêmes que celles de
notre putois commu:i.
le Pebolasca ou Putois de Pologne (Puto-
rius surmalicus. — Mtistela sarniatica, Pall.)
est un peu plus petit que uotr(! fui et, et a le poil
très-court, d'un beau fauve clair, parsemé de
nombreuses taches brunes en dessus; le des-
sous, les membres et le bout de la queue sont
d'un brun foncé; l'oreille, le bout du museau
et le dessous de la mâchoire inférieure sont
blancs; il a sur le front une bande blanche en
fer à cheval, naissant sous les oreilles et passant
sur les ^ eux. Du reste, son pelage v:irie. Le pé-
rouasca est un animal vorace, cruel, ayant tou-
tes les habitudes de notre putois. 11 fait une
guerre acharnée et continuelle aux mulots, sou-
ris, loirs et autres petits mammifères rongeurs.
Quand il est irrité, il exhale de même une odeur
tros-fétide.
La Belette [Putorius mustela. — Muslela
iii/ga/is. Lin.) a six pouces 0,162) de longueur,
non compris la queue, qui a environ deux pou-
ces (0,054) .Son corps est extrêmement effilé,
d'un brun roux en dessus, blanc en dessous;
l'extrémité de sa (pieue n'est jamais noire; ce
qui sert à la distinguer de l'hermine.
La helcltc et l'hermine se trouvent dans les mêmes parties de lEurope, mais
avec cette difléreiice que la première est très-commune dans les pays tempérés,
tandis que l'autre y est fort rare, et que riiermine, très-commune dans les con-
trées froides, est très-rare dans les pays tempérés. La belette ne secarte guère
des habitations, si ce n'est pendant la belle saison; alors elle part pour la cam-
pagne, suit le bord des ruisseaux et des petites rivières, se plaît dans les haies
des prairies sèches et des petites vallées, se loge dans un trou de rocher ou dans
un tas de pierre, plus souvent dans un terrier creuse i)ar les taupes ou les mu-
lots, quelquefois dans un tronc d'arbre, ou même dans la carcasse d'un animal
mort et a demi i)utrélié, comme l'a observé Buffon. Son œil vif et sa miirchc
MAKTES. 1
/a
dégagée lui clonnenl un air d'ellronlerie reniar(|Malile quaiul, se crovant liors
de danger sur les branches d'un arbre, elle regarde le chasseur. Elle est dune
agilité surprenante, et ses mouvements sont si aisés, si gracieux, (|u'on croirait
que les sauts les plus prodigieux ne lui coûtent aucun efl'ort. Sa vivacité ne lui
permet pas de marcher, elle bondit; si elle grimpe à un arbre, d'un premier
élan elle parvient à cinq ou six pieds de hauteur, et elle s'élance ensuite de
branche en branche avec la même agilité qu'un écureuil. Dans la campagne,
elle fait la chasse aux taupes, aux mulots, aux oiseaux, aux rats d'eau, aux lé-
zards et aux serpents. On a raconté à ce sujet que lorsqu'en se battant contre
une vipère elle en était mordue, elle allait aussitôt se rouler sur une certaine
herbe, en mâchait quelques feuilles, et revenait guérie au combat. Aujourd'hui,
ces erreurs n'ont pas besoin de réfutation. Le courage de ce petit animal est
extraordinaire ; il combat le surmulot deux fois plus gros que lui, l'enlace de son
corps flexiide, l'étreint de ses griffes et finit par le tuer. Elle ose même attaquer
un lièvre de sept à huit livres, et j'ai été témoin de ce fait. Dans une plaine
découverte, je vis un jour un lièvre s'élancer de son gîte, courir de toute sa
force, en décrivant de grands cercles ou plutôt des spirales se rétrécissant peu à
peu. Cette mann uvre, que je ne pouvais m'expliquer, car je n'en soupçonnais
pas la cause, dura sept à huit minutes, et enfin le lièvre tomba se roulant sur la
terre et criant comme lorsqu'il est pris par des chiens. Je m'approchai à la hâte,
et quand j'en fus à quelques pas, il était expirant. Une belette s'était cramponnée
sur son cou et lui faisait tran(piillement un trou dans le crâne, pendant que le mal-
heureux animal faisait des efforts inimaginables pour s'en délivrer. J'ai entendu
dire qu'une belette, cramponnée au cou d'un faisan, d'un tétras ou autre oiseau
vigoureux, se laisse plutôt emporter par lui dans les airs que de lâcher prise,
et je le crois depuis que j'ai vu ce que je viens de raconter.
Buffon dit que la belette ne chasse que la nuit, et en ceci il se trompe : il n'est
pas de chasseurs qui n'en aient rencontré fréquemment le jour, et moi-même
j'ai pu observer maintes fois, et en plein soleil, son adresse à surprendre les
petits oiseaux qui se posent sur la haie où elle se met en embuscade. Si un
moineau l'aperçoit, il appelle aussitôt ses compagnons qui l'entourent et la
harcèlent de leurs cris ; mais, loin de s'en laisser étourdir et de fuir comme
la marte ou la fouine, elle profite de la circonstance pour saisir et emporter
le plus hardi ou le plus imprudent. C'est au printemps qu'elle met bat, dans un
nid qu'elle s'est préparé à l'avance avec de la paille, du foin, des feuilles sèches
et de la mousse, dans un tronc de saule ou un terrier. Elle fait ordinairement
de trois à cinq petits qui grandissent fort vite, et qui ne tardent guère à suivre
leur mère à la chasse. Lorsque vient la mauvaise saison, toute la famille gagne
la plus prochaine habitation et va se loger dans un grenier à fourrage ou une
grange. C'est alors qu'elle est dangereuse pour les cultivateurs, car sa taille
lui permet de se glisser dans les plus petits trous, et si elle peut pénétrer dans
un colombier ou un poulailler, elle y fait les mêmes dégâts que la fouine et le
putois. Cependant elle atlacpie rarement les coqs et les vieilles poules, non pas,
comme l'ont dit quelques naturalistes, qu'elle puisse être repoussée par eux à
coups de. bec, mais bien parce (pi'elle donne la préférence aux jeunes volailles et
particulièrement aux poussins. Si le hasard la fait tomber sur une couvée de ces
17(i LliS CAKNASSIEKS DIG l'IKi U A DES.
(lei'iiicrs, elle les lue tous et les emporte les uns ;ii)res les autres. Comuie tons
les animaux de son genre, c'est toujours par la tète qu'elle atlaqne ses victimes;
elle leur perce le crâne un peu au-dessus du cou, et leur suce la cervelle par cette
ouverture fort petite. Le plus souvent elle abandonne le cadavre sans y toucher
autrement.
M. de Buffon dit que la belette ne s'apprivoise jamais, et qu'il faut constam-
ment la tenir en cage si on veut la garder en captivité. Pourtant, il est certain
qu'elle s'apprivoise mieux (|u'aucnn autre animal de sa famille, poinnu qu'elle
soit i)rise fort jeune et traitée avec beaucoup de douceur. J'en ai vu une ([ui
venait à la voix de son maître chercher sa nourriture dans la main. On la tenait
dans une boîte d'eau de Cologne où l'on avait placé des étoupes. Elle aimait
beaucoup à s'y enfoncer pour dormir une grande partie de son temps; elle
s'occupait le reste du jour à fureter dans tous les coins de l'appartement, à
courir après les mouches et les araignées, faute de rats et de souris ; mais elle ne
tentait pas de s'échapper, ([uoi(iue la porte fût souvent ouverte. L'approche des
étrangers l'effrayait, et aussitôt elle se sauvait dans sa boîte et se cachait dans
ses étoupes. On la nourrissait de pain trempé dans du lait, et de viande. L'odeur
qu'elle exhalait n'était pas assez forte pour se faire sentir dans l'appartement.
On trouve en France une variété de belette entièrement jaunâtre, et une autre,
plus rare, parfaitement blanche, surtout en hiver. On les distingue de l'her-
mine et de l'herminette en ce qu'elles n'ont jamais de noir au bout de la (lueue.
L'IIekminette ou Belette des ^EIGES {Puto- L'Hermine ( Piitoriii'; hermell(inu^.~Miistela
riiis nivalis. — Mustda nitalis , Ln. Musicla henninea, Li,\. Miistela alba. Ge.sn. L7/fn)ii(iP
ruignris, var. Gmel Mustda hcrwhua, var. ou \eRosdel; Rlff.), en pelage d'été, porte lo
BoDO.! a été regardée par les uns comme va- nom de roselet : alors elle est généralement
riété de fbcrmine, par les autres comme va- d'un brun marron plus ou moins pâle en des-
riété de la belette. Quant à moi, je penche vers sns, et d'un blanc quelquefois un peu jaunâtre
la première opinion, par la raison qu'elle a eu dessous, avec la mâchoire inférieure blan-
conslamment du noir à l'exlréniité de la queue, che; sa queue est brune, avec Textrémité noire
Du reste, elle est entièrement blanche sur toutes en tous temps. F.n liiver, on la nomme hermine,
les autres parties Klle habile le nord de l'Eu- et elle est entièrement blanche, si ce n'est le
rope, et se trouve quelquefois en France. bout de la queue (jui reste uoir.
L'hermine atteint ordinairement une taille un [»eu plus grande que la belette,
à laquelle, du reste, elle ressemble beaucoup. Elle a jusqu'à neuf pouces six
lignes (0,258) du bout du museau à l'origine de la (pieue, et celle-ci a un peu
plus de trois pouces et denti (0,095). Cet animal ne se trouve pas dans les pays
chauds, et il est d'autant plus rare dans ceux qui sont tempérés que leur zone se
rapproche plus du midi. Cependant il est assez commun en France, dans les
grandes forêts, surtout en Normandie et en Bretagne. Les pays où il abonde
sont la Russie, la Norwége, la Laponie et la Sibérie ; on le retrouve aussi dans
l'Amérique septentrionale. Nous avons dit, à propos de la zibeline, connnent
on lui faisait la chasse, et nous renvoyons à cet article les lecteurs qui veulent
savoir combien le luxe le plus futile des riches coûte de larmes et de misères
aux pauvres. L'hermine a les mêmes monirs que la belette, à cela prés qu'elle
est d'un caractère plus farouche, qu'elle ne se plaît que dans les forêts les plus
sauvages, et que jamais elle ne s'approche de l'habitation des hommes. Elle se
MARI K s.
17'
nourrit (rrciireiiils, do |)rtils-gris, de rats cl juilri's petits iiiauimiferes ; elle se
hasarde quelquefois dans les prairies et les roseaux pour chercher les œufs de
cailles, de perdrix, de cauards et autres oiseaux, dout elle est très-friande. Conmie
la belette, elle s'élève très-bien en captivité et elle s'apprivoise même beaucoup
mieux; mais au lieu de blanchir l'hiver connue en liberté, son pelage reste d im
brun sale et terne. Sa fourrure, en possession depuis lono|eni|)s d'orru'r la robe
de nos docteurs, et, ce (jui est beaucoup moins ridicule, les rtdies de nos dames,
est, comme tout le monde le sait, l'objet d'un conmierce considérable. Klle
est extrêmement estimée parmi les plus précieuses, surtout (|uaud elle a ce
blanc éclatant qu'elle perd toujours plus ou moins en vieillissant, pour prendre
une teinte un peu jaunâtre. Les hermines que l'on trouve en France ont
de la valeur, mais moins ([ne celles du Nord, parce qu'elles ne sont jamais aussi
blanches, et (pie, même |)endant les plus grands froids, elles ont toujours cette
légère teinte jaunâtre qui les dépn'cie.
La tÎEi.ETTK ALPINE ( l'iitwhis olla'inis, —Miis-
lela (ilialia, P\m.. ) doit peul-iMro se placer à
(•()lé de i'Iierniine; mais il est foi't difficile d'a-
voir là-dessus quelque certitude, car on ne la
connaît, je crois, que par celte ptirase de Pal-
las : « Queue deux fois plus longue que la tète,
et d'une seule couleur.» Elle est du nord de l'Asie
et de r Europe .
Ea Belette d'Afuiqle iPiitariiis nfiiraiiKS.
— MnsteUt (ifrirnna, Dessi.) a dix pouces
(0,271) de longueur depuis le bout du museau
jusqu'à l'origine de la queue, et celle-ci a envi-
ron six polices (0,1621. Elle est d'un l)rnn rous-
sàtre eu dessus, d'mi jaune hliuicliàli'e en des
sous , avec lUie bande brune touiiiludiiiale el
(^troile sur le ventre. On la croit d'.Vfrique. et
l'on ne sait rien de ses mirurs.
I^a Belette hwée ( Pntoriiis .\tri(ttiis, — Miis-
tcld siriata, Geoff.) est à peu près de la taille
d'iuie belette; le dessous du cor|)s est d'un blanc
grisàlrc; la queue est blanche; le dos et tout le
dessus du corps sont d'un brun fonce, avec cimi
raies longituiliuales bianclits. l-^lle lial)ile .Ma-
dagascar, el doit avoir les même ^nteius que
notre belette, si les analogies de forme entrai-
nerd, comme on le croit, les analogies de mœurs.
178
l.i:s CAHiNASSlKHS IMG ITK; Il A DES.
"X
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i.^^
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^iVi^C"
/f^''^^'
ô Gi-AKE. I.ps JlOl'Flii'ri.S (Mijldiis. leur a \alii li'tirs noms de bdis puantes, moii-
(^1 V.) ont trente-deux dents : ïi\ inci8i\es et fcllcs, enfants du (/ir,/Ve, etc. Cctie liqueur est
deux canines à chaque mâchoire; si\ molaires \ersée par les glandes dans I anus. Les doigts
à celle d'en haut et di\ à celle d'en lias. Leur de pieds sont séparés et arnu's d'ongles forts,
corps est allougé, ar(|ué; elles ont des friandes surtout ceux des pieds antérieurs, qui sonttrè.>-
anales qui sécri-tenl, surloul (juand l'animal est propres à fouir la terre. Llles ont une queue
irrité, une liqueur e\trénieu!ent letide, ce qui longue et touffue.
La MOUFETTE p'amérique Mcph'uis (nncrhana, Di-.sm.
Est de la taille d'un chat ordinaire; son pelage est doux, lustré, ordinai-
rement d'un brun noirâtre, avec des raies et des bandes blanches longitudinales;
sa queue est couverte de poils longs et très-touffus. Elle habite l'Amérique.
Ees moufettes sont généralement plus grandes, plus trapues que les putois;
f e sont des animaux nocturnes qui habitent des terriers qu'ils savent se creuser
sur la lisière des bois, ou des trous d'arbres et des fentes de rochers ; ils n'en
sortent qu'après le soleil couché pour aller faire la chasse aux mulots et autres
petits mammifères, aux oiseaux, dont ils aiment beaucoup les œufs, et à une
foule d'autres petits habitants des bois, dont ils font un grand carnage. Faute
de mieux, ils se nourrissent d'insectes, et l'on dit même de fruits. La moufette
est privée de la faculté de grimper sur les arbres, si l'on en croit nos natu-
ralistes, quoique beaucoup de voyageurs disent le contraire; aussi est-elle moins
dangereuse que les martes et les putois pour les basses-cours, où elle ne peut
pénétrer (|ue difficilement; mais quand par bonne fortune elle peut s'y glisser,
elle fait les mêmes dégâts parmi la v(dailb% qu'elle attaque par la tête pour lui
MARTES. 17!)
manger la cervelle, instinct que l'on trouve, d'ailleurs, dans tous les petits car-
nassiers. Moins sauvage que la marte, plus efl'rontée que le putois, elle ose pé-
nétrer dans les habitations, et jusque dans les caves et les celliers. Elle doit cette
audace, non à sa force ni à son courage, mais à une arme singulière qui ne
manque jamais de mettre en fuite ses ennemis même les plus acharnés ; et cette
arme n'est rien autre chose que l'odeur infecte, insiipportahle, qu'elle exhale à
volonté. La li(jueur (pii la produit est épaisse, jaunâtre, semblable à du pus.
renfermée dans deux grosses glandes entourées de nmscles puissants, de ma-
nière que, lorsque l'animal est irrité, il comprime violemment ses glandes, et la
liqueur empoisonnée peut être lancée assez loin par l'anus. Comme la moufette
porte constamment la (pieue retroussée sur son dos, cette partie est, ainsi (pie le
reste du pelage, à l'abri de son atteinte, d'où il résulte que l'animal lui-même
n'a pas d'odeur, ou du moins en a une supportable. C'est ce qu'on a pu voir à
la ménagerie, où l'on a conservé vivant, pendant quelque temps, un de ces ani-
maux. «Dans les terres voisines du détroit de 3îagellan, dit le capitaine "NVood,
nous vîmes un animal auquel nous donnâmes le nom de (jrondeur ou de -soj^/-
flenr, parce qu'il ne voit pas plutôt quelqu'un, qu'il gronde, souffle et gratte
la terre avec ses pieds de devant, quoiiju'il n'ait pour toute défense que son
derrière, qu'il tourne d'abord vers celui cpii l'approche, et d'où il fait sortir
des excréments d'une odeur la plus détestable qu'il y ait au monde. » On lit
dans C.arcillasso de la Vega : c II y a au Pérou beau<oup de petits renards
parmi lesquels il faut r<'mar(iuer ceux qui rendent une odeur insupportable;
ils entrent la nuit dans les villes, et quelque fermées (pie soient les fenêtres,
on les sent de plus de cent pas; heureuseuK.'ut que le nombre en est petit,
car sans cela ils enqiuantiraienl le inonde entier. » D'autres voyageurs disent
(pie cette insupportable odeur est si forte, qu'elle se fait sentir à un quart de
lieue à la ronde, et qu'elle suffoque tellement les chiens par les(iuels on fait
attaquer une moufette, qu'ils en sont malades pendant six heures. Si une goutte
de la liqueur odorante tombe sur les habits de quebpi'un, ils en sont empest('s
[lour plus de six mois, malgré toutes les précautions (pie l'on peut prendre poul-
ies désinfecter. (( Quand cet animal, dit Kalm en parlant du fiskaiic ou pulcdii,
est chassé soit par les chiens, soit par riiomme, il court tant ((ii'il peut, et lors-
(pi'il se trouve trop [)ressé, il lance son urine contre ceux (pii le poursuivent.
L'odeur en est si forte, qu'elle suffoque ; s'il tombait une goutte de cette llipicur
empestée dans les yeux, on courrait ris(pie de jjerdre la vue... La [tliipart des
chiens se rebutent et s'enfuient dès qu'ils en sont l'raitpés... En IThî), il vint un
de ces animaux près de la ferme où je logeais ; c'était en hiver et pendant la nuit,
les chiens étaient éveillés et le poursuivaient. Dans le moment il se réiiaudit
une odeur si fétide, qu'étant dans mon lit je pensai être suIVo([ué ; les vaches
beuglaient de toute leur force... Sur la lin de la même année, il s'en glissa un
autre dans notre cave; mais il ne répandit pas la plus légère odeur, parce (piil
ne la répand que quand il est chassé ou pressé. Une femme, qui l'aperçut la
nuit à ses yeux étiiicelants, le tua, et dans le moment il remplit la cave d'une telle
odeur, que non-seulemeut cette femme fut malade itendant (|U('[(pies jours, mais
(pie le pain, la viande et les autres provisi(»iis ((uOu conservait dans cette cave:
l'inciit tellemeiil inrecles. (pion ne |iMl rien en garder, et ipi'il fallut tout jeter
180 l.ES CAUNASSILIHS DIG ITIGH ADKS.
dehors. » J'iijoiitci'ai (|U(', ;iii .hiidiii des l'l;mlfs, les i)Oimx seules de iiiout'ettes
iiireclent pour itliisieiirs mois les ariDoires du calfiiiet où on les place; les
glandes qui contiennent cette licfueur empestée, bien que plongées dans l'espril-
de-vin dans un bocal bien lulé, et que le corps d'où on les a tirées soit venu lui-
niènie d'Ainéiique dans l'esprit-de-vin, se font sentir pendant plus d'un an dans
le cabinet d'anatoniie comparée. Celte odeur ressemble à celle du putois ren-
l'orcée par un mélange d'odeur d'ail très-exaltée. On ne |)eut rien imaginer de
l)lus désagréable.
Et cependant, non-seulement les Américains mangent la chair de cet animal,
après lui avoir enlevé ses glandes fétides aussitôt après sa mort, mais encore ils
en élèvent dans leur maison ou leur jardin pour en tirer les mêmes services que
des chats, c'est-à-dire leur faire détruire les souris et les insectes. Ils parviennent
même à les apprivoiser au point de s'en faire suivre comme des chiens. Avec la
précaution de ne jamais les contrarier ni les battre, on n'est jamais incom-
modé par la mauvaise odeur ({ue cet animal n'exhale qu'à sa volonté, ainsi que
nous l'avons observé. « On m'a envoyé de Surinam cet animal vivant, dit Séba,
je l'ai conservé en vie tout un été dans mon jardin, où je le tenais attaché avec
une petite chaîne. Il ne mordait personne, et lorstju'on lui donnait à manger,
on pouvait le manier comnu' un petit chien ; il creusait la terre avec son museau
en s'aidant des deux pattes de devant, dont les doigts sont armés d'ongles longs
et recourl)és ; il se cachait pendant le jour dans une espèce de tanière qu'il avait
faite lui-même; il en sortait le soir, et, après s'être nettoyé, il commençait à
courir, et courait ainsi toute la nuit à droite et à gauche, aussi loin que sa chaîne
lui permettait d'aller; il furetait partout, [)ortantle nez en terre. On lui donnait
chaque soir a manger, et il ne prenait de nourriture que ce qu'il lui en fallait,
sans toucher au reste; il n'aimait ni la chair, ni le pain, ni quantité d'autre
nourriture ; ses délices étaient les panais jaunes, les chevrettes crues, les chenilles
et les araignées. »
Sous ce nom de moufette d'Amérique, on comprend un grand nombre d'ani-
maux foi't dillérents par leur [lelage, et qui ont été si mal décrits par les voya-
geurs, (pi'il est impossible de décider si ce sont des espèces distinctes ou de
simples variétés. Nous allons donner ici un extrait des recherches faites à ce
sujet par Desmarest et G. Cuvier, alin d'engager les voyageurs à les compléter
ou a les rectitier cpiand ils en trouveront l'occasion.
1" L7s(/iiif/)fif/ d'IIeriiandès e-.t in;iiqiipe de avec une liync noire siii' l;i croupe, el une queue
plusieurs raies ijlnnelie'., e! se trouve au Mcxi- loiiffiie et longue.
que. "" La Mnufeltc, iJi-clendue de Bengale, de
2° Le Polcral, ouP/((oJs de Calesl)y,est mai- (>alton, a des lacfies lilnnches à la lêle, quatre
(pié de neut rnies l)!anches; il est digiligrade. raies Manches sur le dos, et une cpieui' Irés-
ô" Le Courpnle de Buffon a siv raies blaa- louifue, blanche et nuageuse,
elles, r.a (igui-e le représenle plantigi-ade. cS" I_,e Ch'inrhe de Kenillée a deux raies l)lai:-
4° Le Couepatl on Vulpcmla pnrrilis d'IIei- clies qui s'écartent et linissenl sur les côlés; sa
nandès n'a que deu\ raies blanches, se prolou- cpieue est comme celle d'iui renaril.
géant sur la queue. 9" t.e Chiinia de Molina est noir, avec une
"i" I^e Mnptirilo di' Mulis n'a qu'une laie el bande de taches blanches el rondes le long du
le boni de la queue bl;in(s. dos, el la (pieue comme un écureuil.
()" Le C/iiiif/ir de Ruifon est blanc en dessus. I(t" 1-e rr/r/odocr de d'A/.zaia esl marcine de
MAKTKS.
181
le iiuili- esl noir, el In leiiielle banielcc de blanc.
La ligure la repn-sente rayée en Iravei's de
blanc et de nuir.
I.j^ L'Or((Ji'(/fldereriiaiidèsost iioiret blanc.
av( c (iiielques pai lies fauves.
Hi" Le l'ama.rlla dti nicnie n'a pas de fauve,
n\ noirs et blancs à la
deux raies blanches qui vont jusqu'à la queue.
Il" Le PuUial, ou Sbiinl;, ou Fishatte. de
Kalm, a cinq raies blanches.
12" Le Zorille de (lUieili Caireri est noir et
blanc.
15" Le Mapuritu ou Mafiililiqni de (iniuilla
est tout tacheté de noir et de blanc, avec une et il a quelipies anne i
belle (luene. queue.
14" La Bête puante de Lepage Duprats, dont Tous sont de l'Anuriquc.
Ou conçoit qu'avec des renseignements aussi vagues, il elail impossible aux
naturalistes de reconnaître des espèces et de les déterminer. Cependant, on esl
parvenu à en décrire assez coinpletement cinq espèces, (pii sont :
Le CuiNf.iiE (.Uc/jiiitÏA' r/ii)i(/i«, Less. \i verra
uicphiti.<, GiiL. Le Chimhe, Bijff. ) est d'uu
brun plus ou moins foncé, avec deux petites
taches blanches sur les épaules et sur le ventre;
sou front esl marqué d'une bande longitudinale
blanche; il a deux raies blanches excessivement
larges sur le corps, et sa queue esl fournie de
très-longs poils blancs mêlés d'un peu de noir.
11 habite le Chili.
L'Atok ou ZoHiu DE Qtno ( Mephitis qnitcn
sis, Lfss. ) est noir, marqué de deux bandes
blanches longitudinales; ses oreilles sont petites,
noires el trés-poiiitues ; sa queue, d'uu tiers
moins longue que stui corps, est blanche et
noire, très-touffue. Il se trouve dans la province
de Quilo.
La Moufette ui Chili (Mephitis ( lii/ioi.vi-,
(iEOFP.) est d'un brun luarrou, avec deux raies
blanches sur les cotés du corps, qui se rennis-
seiil derrièi-e la léte pour foi-mer un croissant;
sa (pieiK' esl trés-touffne, mélangée de blanc el
de brun. Elle est du Chili.
La MoiFEiTE nTERROMi'iE I McphiUs iiilcr-
nipld, Rafixesq."' est brune, avec deux laies
courlis, blanches , occupant parallèlement la
léte; huit raies de la même couleur se dessinent
sur sou dos. lesipiatre antérieures également et
parallèlemenl, les (|uatre postérieures dans un
sens inverse. l'Ile habite la Louisiane.
La Mm FETTE mahlbito (Mephitis mapiitilo,
Less. l'irerra mapunto, (iMi..} a le pelage toul-
fn, d'un noir foncé, n'ajaul sur le dos (pi'nne
bande blanche; ses oreilles sont peu apparentes,
el sa qu. ue esl lerminée par du blanc. Llle se
creuse des terriers, vit de larves el d insectes,
el habite la Nouvelle-Grenade.
Peut être pourrait-on encoi'c regaider les
cinq suivantes connue des espèces distinctes :
Le Crii.NCA { Mephitis rhingu) est noir, avec
une bande de taches rondes el blanches le long
du dos ; sa queue esl longue, touffue cl plate,
comme celle d'un (-curenil. Il habiletés Ltats-
Lnis.
F.aMoiFKriK m (iMUi.i* { Mi'pliitis Ciiiinil-
lu'i ) est eutièrcnuMit tachetée de uoir el de blanc,
avec une qiunit^ longue el toulfue. Elle habite
les Elals-Luis.
La MoEFETTE TnÉs-vih-\TE (Mephitis l'etidissi-
ma ) est ;i demi plantigrade connue les deux sui-
vanles ; le fond de son pelage esl noir ; elle a une
ligne blanche sur le nuisean; tout le dessus du
cou et du garrot esl couvert d une phKjue blan-
che au milieu de laquelle i si nu point uoir ; cette
bande se bilnrque el forme de chatine cote une
bande blanche qui va eu s'écarlaul se terminer
sur la cuisse; derrière chaque cuisse est une
toullé biani'lie : la queue esl très-touffue, noire,
a\ec un pinceau blanc à l'evlréniité. Elle habile
les Élals-lnis.
La MoiFETTE DES Et*ts-Ums ( .^/c/i/iilis o/i-
i/n) a, connue la nionfeite du Chili, une simple
bande blanche sur l'occipul, d'où parlent deux
bandes longitudinales l'eslanl pleines jusciu'à l'é-
paule; depuis rép:iHle nue ligne bl mcheélroile
et inlerromi ne règne jusqu'au milieu du liane,
el >e prolonge uiéme un jieu sur la croupe. Le
fond de son pelage est noir, ainsi que sa queue,
cpii est longue, el se termine par un pinceau
blanc. Elle se trouve aux Elals-Luis.
La MoiFETTE DE ^Ew- iKKsv.\ {Mejihitis pii -
tida ) dill'ère de la preci dente en ce cpin la bande
de I occiput el ses prolongements longitudinaux
alleignent à peine l'épaule. Les lignes des co-
tes manquent enlièreinenl. Elle est des Elats-
1^ uis.
(i. Cuvier penche à croire ipid n'existe réel-
lement (pie deux espèces de moufettes: l'une, à
queiu" blanche, (pii jusqu'à préseul paraîtrait
l)lns couuuuue dans 1 Auiéiitiue méridionale;
l'anli-e, à (puuie noire, qui iw viemlraii guère
que de l'Auiéi ique du Nord Néanmoins, pour
pouvoir décider quelque chose de positif sur ce
sujet, il laudrail savoir, I" si tous les individus
de la même famille ont les couleurs ordonnées
delà même manière, c'est-à-dire si les individus
Iransmellent idenlicpn meut à leurs enfants la
même robe; 2" si loules les uioufetles habitani
une même coiilree portent la même li\ree, etc.
18-2
LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
4= Genke. Les ZORILLES ( Zorilla, Isin.
GEOFF.)onl à peu pii's le même s\sléme deii-
laire que les putois; leur molaire tnijerculeuse
d'en liaut est assez large ; ils ont, comme eu^,
deu\ fausses molaires supérieures, trois infé-
rieures. Leur museau est court; les on^^les de
leurs pieds de devant sont longs, épais, mais
non pointus ; ils ne peuvent leur servir à grim-
per, mais seulement à fouir la terre.
Le ZoRiLLE i Zoiilla musteln. — Mm^ttlo zo-
rilla, LiESM. Virirra zorilln, G>iel. Le Blai-
reau du Cap, Koi.n. Le Zoritle, Beff.i a plus
d'un pied (0,52.5) du bout du museau à l'extré-
mité de la queue, qui a huit pouces ((1,217) à
peu près de longueur; il est noir, avec plu-
sieurs taches l)laiiches sur la tète et des lignes
l)lauches longitudinales sur le corps, en dessus,
ou blanc avec des taches et des Ifgnes noires. La
première variété se trouve au cap de Bonne-
Espérance, la seconde au Sénégal et sur les
bords de la (iambie. Du reste, cet animal a le
même genre de vie que les martes, à cela près
que, ne pouvant grimper sur les ar'bres, il se
creuse un terrier qu'il habite pendant le jour,
et dans lequel il se retire à la moindre appa-
rence de danger.
î)"" Gemie. Les MYDAS (3/i/''n((.s Fn. Cuv.}
ont le même système dentaire que les moufettes,
mais ils en diffèrent par leur ([ueue presque
nulle ou à l'état rudimeiitaire, par leur oreille
externe, qui est nulle; par leur tète conique et
allongée, terminée i)iir un museau en l'orme de
groin de cochon; leurs pieds antérieurs sont
armés d'ongles très-grands, propres à fouir la
terre.
Le Stinckvrd ou Télacon {Mijdaïts melireiis,
Fit. Ccv. 3/''/)?iifis jarnnensis , Lpscuen. Le
StiiK-hard des habitants de Sumatra. Le l'dii-
gtni des Javanais. La Moufette de Java) répand,
(!ans les mêmes circonstances que les moufettes,
une odeur tout j'ussi fétide. Sou pelage, assez
peu fourni, est brun, avec une taelie blanche
longitudinale sur l'occiput, se prolongeant sur
le milieu du dos jusqu'à la queue, ou quelque-
fois moins loin, d'autres fois en liyne inter-
rompue, etc. Sa queue a au ])lus dcu.\ pouces
(0,05^) de longucui-; elle est blanche à sou ex-
trémité. Cet animal Imbile Java et Sumatra.
Ou ne connaît pas ses habitudes ; mais à en ju-
ger par son organisation, elles doivent (tre les
mêmes que celles des nuiufetles.
(>' Gemie. I.cs LOUTRKS il.ulrn. Stouu.)
ont trente-six dents: six incisi\es, deux canines
et dix molaires à chaque mâchoire ; leur tcte
est comprimée ; leur corps est très-long ; leurs
jambes stnl ourles ; leur s pieds palmés, et leur
queue aplatie horizonlalement ; leur oreille ex-
tcine est très-courle ; elles ont les yeux grands
et de grandes moustaches. Ce sont des animaux
(jui tous vivent sur le boni des eaux.
>^ « %.^
M AU IIS.
^{(kkjiS^ f/..j
183
v'-.r-
l.ii LOITRK r>Klll(>IM'. /.)(/»•(( vuhjdlis, Kiisr . Mitshln liitld, Lin. La LtUllir.
IhiF. 1^' lùilnjdris lies anciens aiilpnrs frrcrs
A (\f\\\ pieds 0,(>50 de lon^uenr; elle esl d'un liiiin Innée en dessns, d'nn
gris lirunàlre en dessous, avec la jiorj^e et l'exlieinite du nuiseau diin i;ris clair.
On en trouve i\i's variétés accidentelles tachetées de Idanc ; mais ces iiulividiis
sont fort rares.
('.et animal nage et plonge avec une extrême facilite, et développe, dans les
eaux, une agilité surprenante qu'il est bien loin d'avoir sur la terre, où il ne
marche pour ainsi dire (pieu rampant, à cause de la brièveté de ses pattes. Le
jour, il se lient à [uoxiinité de sa retraite ou caché dans quelque buisson épais
peu éloigné de l'eau, dout jamais il ne ipiitte les bords. Il a l'ouïe, l'odorat et
l'œil excellent, et au moindre bruit il s'élance dans les ondes, plonge a une |)ro-
fondeur suflisanle pour dérober sa (race, nage entre deux eaux.et regagne ainsi
sa retraite, (pudipiefois à une assez grande distance, sans re|»araître à la surface.
Si par hasard (ui l'a sni[>rise btin du Inuicpi'elle habite ordinairement, la loutre
se cache sous des racines ou des herbes épaisses, reste le corps entièrement
plongé dans l'eau, et neleve à la surface, pour respirer, «pie le bout de scui ne/
qu'elle a soin de cacher sous une large feuille de nynifihea ou d'autre jdante.
KUe demeure innn;<bile, dans celte attitude, juscpi'à ce (|u'elle soit assurée de
l'eloignement de l'individu qui l'inquiétait. Klle se plaît de préférence dans les
pavs s(ditaires et nu peu montagneux, le long des petites rivières qui nourrissent
des écrevisses, des truites et d'autres poissons, mais toujours à proximité des
étangs, où elle va de temps a autre faire des excursions désastreuses. Klle s'y
ISV Li:S CAIiiNASSIKIiS DU. ITliiK ADKS.
rend la nuit, cherche d'ahord un trou ou lourré dans lequel elle pourra se ca-
cher pendant le jour; puis, si elle trouve une retraite qui lui convienne, elle y
établit son domicile poiu' plus ou moins loni^temps, selon qu'elle y est plus ou
moins incpiietce. Chaque nuit elle pèche, et Ion peut calculer qu'un seul de ces
animaux peut détruire de cent à cent cincpiaiite carpes par an dans un ç;rand
étang. Si elle rencontre un simple vivier, auprès ducjnel elle ne i)eut étal>lir
son domicile à cause de la proximité d'un village ou d'une i'erme, elle agit alors
comme le putois; c'est-à-dire qu'elle conniience d'abord par tuer tout le pois-
son qu'elle y trouve, puis ensuite elle en empoite autant qu'elle peut. Lors-
qu'elle s'est établie sur le bord d'une grande rivière, ce qui arrive souvent, elle
devient redoutable pour les pêcheurs, non-seulement parce qu'elle ruine leur
pêche en détruisant le poisson, mais encore parce qu'elle manque rarement de
couper leurs lignes et de trouer leurs nasses et leurs filets quand ils sont obli-
o'és de les laisser tendus pendant la nuit. Elle reste tort longtemps sous l'eau
sans avoir besoin de venir respirer, m;ns cela n'empêche pas qu'elle se noie
quelquefois lorsqu'elle a pénétré dans une nasse d'osier, et que le temps lui
manque poiu" en couper les barreaux avec les dents.
Comme on le voit, la loutre se nourrit le plus ordinairement d'ècrevisses et
de poissons; mais elle attaque aussi les rats d'eau, les mulots, les petits oi-
seaux, etc. Elle cherche dans les roseaux les nids de canards, de sarcelles, de
bécassines, et en mange les œufs; elle se jette sur les grenouilles, les couleuvres
et antres reptiles; mais pour tout cela elle ne s'en contente pas moins d'herbe
tendre, d'écorce et de jeunes bourgeons, quand les proies vivantes viennent à
lui manquer. Elle devient en chaleur en hiver, et met bas, en avril, trois ou
(pialre petits, qu'elle allaite pendant deux mois, et qu'elle abandonne ensuite.
Elle ne se creuse pas de terrier, comme on la dit; mais si elle en trouve nu
tout fait, elle s'en empare volontiers, et y loge ses petits sur un nid de bûchettes
et de foin. Le plus ordinairement elle se loge dans une vieille souche d'amu',
de saule ou de peuplier, quelquefois dans un trou de rocher, une pile de fagots.
ou le premier irou venu. C'est là qu'elle p(»rte sa pèche ou sa chasse i)our la
manger avec tranquillité et à l'abri de tout danger; mais elle ne fient pas tant
a son domicile qu'elle ne le quitte pour toujours et aille en chercher un autre a
une grande distance, pour peu qu'on l'y ait inquiétée.
La loutre a une singulière habitude, celle d'aller chaque nuit sur la grève,
au même endroit, faire ses ordures auprès d'une pierre blanche que le hasard
aura placée sur le sable. On reconnaît ses fumées aux déliris darètes de pois-
sons et de test d'ècrevisses qu'elles contiennent. Les chasseurs, ipii connaissent
cette habitude, vont s'embusquer à vingt pas de cette pierre, l'attendent au
clair de la lime, et manquent rarement de l'y voir venir et de la tirer. S'ils ne
la tuent pas roide, elle est perdue pour eux, car elle se jette dans la rivière, et
se sauve entre deux eaux. Sicile se sent mortellement blessée, elle plonge, s'ac-
croche au fond a (pudique racine, se laisse noyer et ne revient plus sur l'eau. La
loutre donne rarement dans les pièges qu'on lui tend; aussi le meilleur moyen
de la détruire est de lui faire une chasse active au fusil. Lorsque, dans les près
(pii bordent les rivières, le foin est assez haut pour cacher ces animaux, ils
aiment à s'y promener le matin pour poursuivre les rats, les mulots, les gr<'-
MARTES. ' 185
nouilles, etc. Si le ciel est serein et que le soleil soil chaud, ils s'y couchent vo-
lontiers, et s'y endorment pendant (juelques heures de la matinée. Le chasseur
arrive en silence dans le pré où il les soupçonne, et suit le long de la rivière
pendant que son chien bat le pré à côté de lui, à trente pas de distance. La
loutre, qui l'entend, part aussitôt pour regagner l'eau, et passe nécessairement
à portée de fusil.
Butfon a dit que la loutre ne s'apprivoise jamais, et en cela il se trompe com-
plètement. J'en ai vu une qui a vécu pendant deux ou trois ans au château de
Pramenoux ; elle suivait et caressait la domestique qui lui donnait habituellement
sa nourriture; elle sortait et se promenait seule, rentrait de même, allait tous
les jours se laver dans le bassin d'une fontaine qui jaillissait au fond d'une
grande cour, dormait au coin du feu de la cuisine pendant tout l'hiver, et s'en
était tellement emparée, qu'elle en chassait les chiens et les chats. Quelquefois,
elle s'échappait la nuit pour aller pêcher dans un petit étang trés-voisin du châ-
teau; elle rentrait par les chatières, trous qu'on est dans l'usage, dans ce pavs,
de faire aux portes pour livrer passage aux chats; le lendemain matin des débris
de poissons trouvés dans la cuisine dénonçaient son vol et prouvaient (|u'elle
venait dévorer sa proie à la place où on lui donnait ordinairement sa nourri-
ture. Elle s'était fort bien accoutumée à manger les restes de table, le pain trempe
dans du lait, et même la soupe des chiens. M. Isidore Geoffroy cite également
l'exemple d'une loutre qui avait été apprivoisée par un paysan, et qui le suivait
comme un chien.
La loutre n'est très-commune nulle part, au moins à présent; mais on la
trouve dans presque toute l'Europe. Sa fourrure, surtout celle d'hiver, sans
être d'un très-grand prix, a cependant de la valeur, surtout depuis quelques
années qu'on l'emploie beaucoup dans la chapellerie. Sa chair, que l'on mange
les jours maigres, est assez bonne, mais elle a une forte odeur de poisson qui
ne plaît pas à beaucoup de personnes.
La Loutre dl Kamtschatka ( Lutta Inlris, tion des poils; sa léte, sn gorge, le dessous de
Geoff. Miiatela lulris , Li.>. Luira mariua, son corps et le bas des nieiiihres antérieurs sont
Erxl. Mustela hndson'tca? LkCÈP. Luira runa- d'un gris bruuàlre argenté; elle a la queue
densis? Fr. Crv.) a presque trois pieds et demi courte et grosse, et ses pieds de derrière sont
(1,137) de longueur; elle est d'un brun niar- très-courts. On en trouve une variété à tète
ron lustré, changeant de nuance selon la posi- blancht-.
Cette espèce est aussi quelquefois appelée sarïcovienne , quoique ce nom ne
convienne qu'à la loutre d'Amérique Lutra bmsitieusis}. On la trouve non-
seulement au Kamtschatka, mais encore dans tout le nord de l'Asie et de l'Amé-
rique, surtout à la côte sud-ouest, et sur les bords des petites îles qui bordent
les côtes. Elle nhabite pas les eaux douces, comme notre loutre d'Europe, mais
seulement les rivages de l'Océan, et ceux des grands lacs salés qui comnmni-
quent avec la mer. Sa fourrure est une des plus précieuses (jue l'on connaisse,
et elle est tellement estimée par les Chinois, qu'ils la payent un prix considé-
rable, surtout dans de certaines années. Cette magnilique fourrure est garnie
de très-peu de poils soyeux; elle est principalement contposée de poils épais,
laineux, particulièrement à la partie supérieure du corps, où ils sont veloutés.
ISG
LLS CAIiNASSIIlHS IHGHIG K ADES.
Far son éclat, sa ilouceiir, son moelleux, celte pelleterie l'emporte sur loiilesles
autres. Chaque année, les Américains, les Russes et les Anglais se rendent sur
les côtes on cette loutre abonde; ils achètent aux naturels du pays toutes les
peaux qu'ils peuvent en tirer, et les portent ensuite vendre, avec d'énormes
bénéfices, en Chine ou au Japon. Ces voyageurs racontent que cette loutre vit
par couple, et que la femelle, après une gestation de huit à neuf mois, ne met
Itas qu'un seul petit. Ce peu que l'on sait de l'histoire de cet animal a besoin
d'èlre confirmé par de nouvelles observations.
La LoiTiiE DE LA Guyane ( lAitra enudris, Fr.
Civ.) a Irois piccisel demi (I,l57i de lîingueur,
I.) queue couipiise, et celle-ci forme à peu près
le tiers de la longueur totale; elle est d'un brun
clair en dessus, plus pâle en des ous, avec la
gorge et les côtés de la face jusqu'aux oreilles
presque blancs. On la trouve sur les bords des
grands fleuves de la Guyane.
La Loutre de la Caroline ( Lutra latarina.
Fb. Guy.) est un peu plus grande que la loutre
de la Guyane; son pelage est d'un brun noirî'i-
tre en dessus, moins foncé en dessous ; la gorge,
l'extrémité du nmseau et les côtés de la léle
sont grisâtres. Dans cette espèce, des poils longs
et soyeux recouvrent le l;iineux. On la trouve
dans la Caroline du Sud.
La Loi TKE DE LA Trinité ( Liilio insniaris,
Fr. Clv.) a deux pieds trois pouces de longueur
(0,751), et sa queue a dix-huit pouces 0,487);
son pelage est court et très-lisse, d'un brun
clair en dessus; d'un blanc jaunâtre en dessous,
sur la gorge, la poitrine et les côtés de la tète.
Elle habite l'Ile de la Trinité.
La Saricovieinne ou Caricuebevu (Luira bra-
silicns'}^ , Geoff. Musteln Intris brasiUensis ,
I.iN. La Snricovievne de la Gnijone, Riff. est
plus grande que la loutre d'Europe; son pelage
est d'un brun fauve, un peu clair sur la tète et
le cou, plus foncé à l'extrémité des membres et
de la queue, avec la gorge et l'extrémité de la
queue d'un blanc jaunâtre ; ses narines sont nues
sur leur contour, niîiis elle manque de mufle.
Elle habite la rivière de la Plata, et Thevet dit
que sa chair est très-délicate, fort bonne à man-
ger.
Le RAitANG-RAKAMi {Lvtin barang. Fr. Civ.)
a un pied huit ponces iO,.')42) de longueur, et sa
queuea huit pouces (0,21 7). Son pelage est rude,
d'un brim sale en dessu»^, un peu plus pâle en
dessous; sa gorge est d'un gris brunâtre; ses
poils laineux sont d'un gris brun s^le. Il habile
Java et Sumatra.
Le Sijuiivr. ( Ljitra ^imiivg, Raff. L}itra pcr-
spuillatn, Is. Geoff.) est un peu jilus grand que
le baraug-barang ; son pelage est moins long,
plus lisse et plus doux ; il est d'un brun foncé,
plus clair et un peu roussàlre eu dessous; il a
la gorge, les côtés de la tcte et le tour des yeux
blanchâtres, avec le menton blanc. Il habite
Sumatra.
Le INir-INavié ( lutra nair, Fr. Clv.) a deu\
pieds quatre pouces (0,758) de longueur, non
compris la queue, qui a dix-sept pouces (0,460).
Son pelage est assez court, d'un châtain foncé
en dessus, plus clair sur les côtés du corps;
d'un blanc roussàtre en dessous, ainsi que sur
la gorge, les côtés de la tète et du cou, et le
tour des lèvres; le bout de son museau est
roussàtre, et il a deux taches de la même cou-
leur, l'une en dessus, l'autre en dessous de l'œil.
Il habite les Indes, dans les rivières autoni' de
Pondichér).
'" Genre. Les LATAXES (Latax, Ahistote?)
ont une forumle dentaire qui m'est inconnue.
Ils ont les foi mes générales des loutres; mais
leurs pieds de devant, non aplatis ni élargis,
ont les doigts velus, épais, armés d'ongles ai-
gus, avec la paume nue, tandis que ceux de
derrière sont en forme de rames plates, absolu-
ment semblables à ceux des phoques si ce n'est
qu'ils sont libres.
Le Lataxe DE Steller {Lata.c StcUcri.— Lu-
tra stelleri, Less. Littra marina, Stell.) est de
la taille d'un chien médioci-e; son pelage est
épais, d'un noir brunâtre ou marron; sa queue
est courte, large, pointue. Elle habite les terres
voisines du pôle boréal, ( t vit sur les bords de
la mer; elle se nourrit de crustacés et de pois-
sons, et pas.se la plus grande partie de son temps
dans l'eau. Il paraît que ses habitudes sont
mixtes enire celles des loutres et des phoques.
Il faudra probablement, quand on connaîtra
mieux ce genre, le reporter à la tète de la fa-
mille de ces derniers.
H" Genre. Les AONYX {Aonyx, Less.) ont les
mêmes caractères génériques que les loutres,
mais ils en diffèrent par la forme dts pieds et
par les doigts à peine réunis par une mem-
brane ; le second doigt paraît soudé au troisième
sur toute la première articulation; ils sont tous
les deux plus allongés que les suivants, et tous
les doigts sont privés d'ongles, ou un vestige
d'ongle rudimentaire est seulement observé au
second et troisième doigts des pieds postérieurs.
MARTES.
187
L'Ao.wx Delal*m>k {Aoiujx Delalandi, Less.
Luira innngiis, G. Clv. La Loutre du Cap) a
deux pieds dix pouces (0,921) de longueur, uou
compris la queue, qui a vingt pouces (0,542) ;
sou pelage est épais, doux, d'un brun châtain,
plus fonce sur la croupe, les membres et la
(|ueue, plus clair sur les Hancs; le dessus de la
télé est d'un gris bruuàlre, et le dessous du
corps duu blanc assez |)ur. Il babite le pajs
des Holtentots, au cap de Kouiic-Kspérance, et
vit de poissons et de crustacés quil piclie dans
les étangs sales du bord de la mer. Du reste,
ses habitudes sont seml>labies à celles de noire
loutre.
!S8
LES CAKNASSIKRS IH(;iT KiU AI) KS.
Lr I Int-n ..e F..
LES CHIENS.
Us ont deux dt-iils tuljerculeiises plates tlei'-
rière la cnrnassière supérieure; celle-ci a un
talon assez large. Ils ont tous un petit cœcum.
1" Genre. Les CHIEXS (Crtiiis. Ln.) ont
(|uarante-deux dents : six incisives et deux ca-
nines en haut et en lias ; douze molaires à la
inàrlioire supérieure, et quatorze à la màcfioire
inférieure; les deux molaires tuberculeuses sout
placées derrière chaque molaire carua-sière, et
la première tuberculeuse supérieure est fort
grande; leur langue est douce; ils ont cinq
doigts aux pieds de devant, et quatre aux pieds
de derrière, munis d'ongles non réttactiles;
enfin la pupille de leurs jeux est ronde.
1" LES CHIENS DOMESTIQUES.
Le CHIKN DOMESTIQUE 'yCdilis fdiililiaris. Lin.)
Ne se distingue du loup, du chacal et autres variétés sauvages, que par sa
(pieue toujours plus ou moins recourbée, tandis que dans les autres elle est
constamment droite. Du reste, il varie de mille manières pour la taille, les cou-
leurs et même les formes.
La question de savoir si le chien domestique vient du loup et du chacal a
beaucoup occupé les anciens naturalistes. Aujourd'hui que Ion sait que le chien,
le loup et le chacal sont trois variétés dans la même espèce, puisque par le
croisement ils produisent des individus capables de se reproduire eux-mêmes,
cette discussion serait tout à fait oisive, et sa solution de nulle importance.
Elle se bornerait à nous apprendre quelle est la variété qui est venue la pre-
mière. Mais, d'ailleurs, il n'est pas possible d'obtenir cette solution, puisque
l'on trouve, même en France, parmi les animaux perdus, dont il ne reste que
les squelettes fossiles, une douzaine d'espèces de chiens qui ont plus ou moins
d'analogie avec plusieurs des races qui existent aujourd'hui, et qui ont peuplé
la terre avant l'homme, dans les époques antédiluviennes.
LES CHENILS,
DhH lllkllK LES t.Or, K.S l)KS VNMMIX FKKOCFS.
( J»rilin de. Hlanlr
CHIKNS. 189
Le cliit'ii 1... A et' lumi il ii est |)as un homme (|iii unit un souvenir agréable
ou louchant, celui d'un gai compagnon des jeux de son enfance, d'un gardien
sûr et vigilant à la maison, d'un aide indispensalile a la chasse, d'un guide ou
d'un éclaireur dans un voyage, d'un défenseur intrépide dans le danger, d'un
sauveur (pielquefois, mais toujours d'un ami désintéressé, aussi dévoué (|ue
lidèle, |)rèt à partager avec le même empressement les misères ou les joies de
S(ui maître. Le chien n'a (pi'une pensée, (piun hesoin, (pi'uue passion, c'est
l'allection; il faut qu'il aime ou qu'il meure. Pour témoigner son amour à celui
(pii la élevé et dont il a reçu les premières caresses, il est capable de tous les
devouen)ents les plus sublimes : les dangers, la fatigue, la faim, les intempéries
de l'air, les privations de tous genres, ne sont rien, s'il les suppiute avec lui
(Ml pour lui. Par ses caresses, il console le malheureux (|ui, sans son chien,
n'aurait pas un ami sur la terre; il peuple, H embellit la solitude de son obscur
réduit; il occupe son cieur, et l'aide à traverser une miséralde vie oiddiée par les
hommes; il l'encourage, et semble l'aimer d'autant plus (pi'il est plus opprime
par l'adversité. Dans ses durs travaux, il l'aide même ;iu delà de ses forces; il
s'excède à tirer une voiture, à tourner la roue d'un soufllet de forge, à main-
tenir l'ordre dans un troupeau; il fait ses commissions à la ville, et lui évite
même la honte de la mendicité, en tendant p<»ur lui une écnelle de bois aux
passants. Il n'est jamais plus heureux (pu- lors(piil croit se rendre utile, (pi'il
reçoit un sourire iM)ur l'encourager, et une caresse pour son salaii'e. ('/est aloi's
surtout (pi'il déph ie cette admirable intelligence qui le met tant au-dessus des
animaux, et qui ne le cède qu'à l'homme, à l'homme (pii serait un être parfait
s'il avait les qualités morales du chien.
Pour défendre son maître, le chien ne connaît ni crainte ni danger, et fùt-il
sûr de périr dans la lutte, il s'élance avec intrépidité, altacpie avec fureur, et
ne cesse de combattre de toutes ses forces, de tout son courage, qu'en cessant
de vivre. Il le défend contre les animaux féroc«'s dix fois plus forts (pu' lui :
contre les brigands qui menacent ses jours, et il vil pour le venger, s'il n'a pu
le dérober aux meurtriers; il veille sur lui s'il est blessé, et ne le (piitte (pie
pour aller chercher du secours; il le sauve des flots (pii allaient renglniilir ; il
le recliaiilVe de s(M1 haleine, de son corps, après s'être vol(»ntaireiiieiit enfonce
avec lui dans les abîmes de neige; eiiliii il (tllblie l'instinct de sa pr(q)re enii-
servalion pour ne penser ipi'à la conservation de celui qu'il aime.
Quand il s agit de s<»ii maître, de celui aiupiel il a voué son existence entière,
lien ne lui est indiflérent; il ne sent que par lui et pour lui, et partage tout
sans hésiter : haines et alVections, joies et chagrins, fortune et pauvreté. P'or-
lune!... non, car il n'exige rien en retour de s(m dévouement ; et ordinaire-
ment le chien de l'homme dont la richesse a rétréci le cceur est plus mal
nourri, plus maltraité (pie celui du pauvre, abandonné qu'il est à des valets.
Le chien se plaît où son maître se plaît, quitte sans regret les lieux (pi'il aban-
donne, et, avec lui, passe gaiement de la cuisine du prince au bacpiel de la
gargote. Il caresse les vieux parents, et vient dormir à leurs pieds; il aime
la fennne; il protège les enfants, et joue bien doucement avec eux: en un mol.
il ne vit ipu' de la vie de son maître; el si la cruelle mort vient le lui arrac lier,
il se traîne sur son l(unheau, sv couche et \ nieuil de tristesse el de douleur.
190 I.KS CAUNASSIKUS lUG 1 T ICU ADES.
Aussi généreux qu'aimant, il supporte avec patience l'ingratitucle et les jiuui-
vais traitements dont trop souvent on paye ses services et son affection. Si ou
le gronde, il s'humilie; si on le frappe, il se plaint, il gémit; son œil suppliant,
si doux, si expressif, demande grâce pour une faute (jue parfois il n'a pas com-
uïise. 11 se traîne aux pieds de son brutal tyran, lui lèche les mains, tente de
l'attendrir, de désarmer sa colère, mais jamais il ne cherche à repousser l'agres-
sion par l'agression, la force par la force, quelles que soientl'injusticeet la bar-
barie de son supplice; et s'il se sent blessé mortellement, en mourant, son
dernier regard est encore un regard de pardon et de tendresse.
Bernardin de Saint-Pierre a dit que c'est être à moitié anthropophage que
de manger le chien, et je partage tout à fait cette opinion. Je crois aussi que
l'homme qui n'aime pas les animaux, qui reste insensible à tant d'alfection ou
de services rendus avec désintéressement, qui n'a pas pitié de leurs douleurs,
de leurs souffrances physiques, est plus brute qu'eux, et ne fera jamais ni un
bon citoyen, ni un bon père de famille ; je crois que les hommes n'ont rien à
attendre de lui que le plus froid égoïsme. Qu'on n'aille pas croire que dans ce
((ue je viens de dire de ce noble et bon animal, il y ait de l'exagération ; je n'ai
pas écrit une seule phrase que je ne puisse justifier par des faits nombreux, et
je terminerai par une citation de Buffon qui complétera le portrait : « Le chien,
indépendamment de la beauté de sa forme, de la vivacité, de la force, de la
légèreté, a par excellence toutes les qualités intérieures qui peuvent lui attirer
les regards de l'homme : un naturel ardent, colère, même féroce et sanguinaire,
rend le chien sauvage redoutable à tous les animaux, et cède dans le chien do-
mestique aux sentiments les plus doux, au plaisir de s'attacher et au désir de
plaire.... Plus docile que l'homme, plus souple qu'aucun des animaux, non-
seulement le chien s'instruit en peu de temps, mais même il se conforme aux
mouvements, aux manières, à toutes les habitudes de ceux qui lui commandent;
il prend le ton de la maison qu'il habite; comme les autres domestiques, il est
dédaigneux chez les grands et rustre à la campagne; toujours empressé pour
son maître, et prévenant pour ses seuls amis, il ne fait aucune attention aux
gens indifférents, et se déclare contre ceux qui par état sont faits pour impor-
tuner : il les connaît aux vêtements, à la voix, à leurs gestes, et les empêche
d'approcher. Lorsqu'on lui a confié, pendant la nuit, la garde de la maison, il
devient plus fier et quelquefois féroce; il veille, il fait sa ronde; il sent de loin
les étrangers, et pour peu qu'ils s'arrêtent ou tentent de franchir les barrières,
il s'élance, s'oppose, et, par des aboiements réitérés, des efforts et des cris de
colère, il donne l'alarme, avertit et combat. Aussi furieux contre les hommes
de proie que contre les animaux carnassiers, il se précipite sur eux, les blesse,
les déchire, leur ôte ce qu'ils s'efforçaient d'enlever; mais content d'avoir
vaincu, il se repose sur les dépouilles, n'y touche pas, même pour satisfaire
son appétit, et donne en même temps des exemples de courage, de tempérance
et de fidélité. »
Quelques-uns de nos jeunes écrivains, probablement pour dire du nouveau,
ce qui n'est pas aisé, viennent d'élever la voix contre l'opinion de Buffon, et
d'imprimer que le chien n'est que le modèle parfait de l'esclave abject dont le
cœur avili se plaît dans la servitude ; ceux-là ne comprendront jamais l'amour
CIIIFNS.
I!»l
ni le (lovoiiPinenl. .Miiis «c qu'il y a de plus singulier, c'est que le chien, déclare
propriété par nos lois, est mis, sans réclamation, hors la loi par un préfet de
police de Paris ou par un maire de village. Sans respect pour la propriété,
sappuyant sur un vieux préjuge (pii a été cent fois renversé par la science, el
faisant même tout ce qu'il faut pour amener l'hydropholiie qu'ils prétendeni
éviter, ils font semer de l'arsenic et de la noix vomitjue sur la voie publique, au
risque d'empoisonner, non pas toujours des chiens, mais des enfants, ce qui,
prétend-on, est arrivé plus d'une fois. Kn effet, le chien est sujet à une ma-
ladie terrible, la rage; mais les plus habiles vétérinaires de l'Institut et de
l'école d'Alfort ont fait, pendant plusieurs années, de nombreuses et cruelles
expériences pour connaître les causes du développement de cette maladie; et ils
ont posilivemenl reccunm que cette cause n'est ni dans la chaleur atmosphé-
rique, ni dans la soif par manque d'eau, mais uniquement dans une privation
longue et totale de la réunion des sexes. La chienne porte soixante-trois jours,
t'I fait de quatre à huit jtetits, quelquefois jusqu'à douze. La durée ordinaire de
la vie, dans ces animaux, est de douze à quinze ans. Cependant il n'est pas rare
d'en trouver qui atteignent vingt ans, et j'en ai vu un qui en a vécu vingt-cinq.
Le chien a suivi l'homme sur tous les points de la terre, et a dû, comme lui,
éprouver les influences des divers climats; outre cela, soumis à la plus antique
des domesticités, il en a subi les conséquences. Aussi n'est-il pas d'animal
connu qui fournisse des races plus variées et mieux caractérisées, et peut-être
plus constantes (piand on veut les conserver pures. Nous ne citerons ici ({wv les
princii»ales, reconimes par les naturalistes.
LES MVTIKS
r^ Le Math onniNMRE (Coiii.s /a«irtrii(.s, Li.>.
Le Matin, Biff.) est de grande taille; il a la
queue relevée; son pelage est assez court, d'un
lauve jaunâtre, quelquefois hlanc et noir; le nez
un peu allongé et eonslaniniint noir. Quoique
de taille assez légère, il est robuste et coura-
geux. On s'en sert à la garde des fermes.
2" Le r.RAND Danois ( Canis danicus major.
Le gtaud Danois, Bi ff.) e.«.t le plus grand de
lous les chiens ; il tient un peu du matin, mais
il a les formes plus épaisses, le museau plus gros
et plus carré, el les lèvres un peu pendantes.
Son pelage est constamment d'un fauve noirâ-
tre, rave transversalement de bandes à peu près
disposées conmie celles du tigre. Quoique bon
de garde, c'est peut-être de tous les chiens le
plus inoffensif.
5" Le l)\>ois (Canis daninis, Des:>i. Non le
grand Danois de Bi ffon ) est un peu plus mince
el plus léger que le malin, dont il atteint sou-
vent la taille: son pelage est ordinairement
blanc, marqué de taches arrondies, peliles et
noml)reuses; sa queue est grêle, relevée, re-
courbée; ses veux ont souvent une pailie de
l'iris d'un blanc de porcelaine. Purement de
luxe, il était de mode autrefois de le faire cou
rir devant les chevaux des carrosses.
Le l'ETiT Dkmhs { Canis rariegatits, Li>.) eu
est une sous-variété, plus pdite, plus trapue, à
front plus bombé el à museau plus pointu.
î" Le LÉvBiEii ( Canis grajns, Li>. est le plus
svelte, le plus léger de tous; son museau est
pointu, fort allongé; son abdomen très-rétréci;
ses jambes très-longues et très menues; son pe-
lage est ordinairement lisse. On en compte plu-
sieurs sous-variétés, savoir :
Le grand l.cnier, à pelage d'un gris ardoisé
ou d'un gris de .souris, ordinairement court el
lisse, quelquefois assez long et hérissé. On l'em-
ploie à la chasse du lièvre, qu'il atteint à la
course; mais il n'a pas d'odorat et fort pou
d'intelligence;
Le Lévrier d'Irlande ;
Le Lérrier de la haute Ecosse :
Le Lévrier de linssie ;
Le Lerroii ou Lévrier d'Italie { Le Canis
italirus. Lin.) ;
Le Lévrier ihien-tnrr.
5° Le Chien de birgeii [Canis dovirstirus,
Lin.), semblable au matin, mais à oreilles cour-
19:2
Li:S CAKNASSIEHS DIC 1 T 1(;H A hES.
les et droites, queue horizontale ou pendanle,
pelage long, hcrissi*, noir ou noirâtre. 11 est
plein d'intelligence, surtout pour la garde des
troupeaux.
Après tes variétés indigènes, on peut placer
les chiens exotiques suivants :
6° Le Di,\(;o ou Chien nt la iSolvelle-Hol-
i.»M)E ( Canis Auatralasicr, Fit. Cuv. — Desm.),
a pelage très-épais, fauve en dcs.sus, plus pâle
en dessous; le |)Oil extérieur sojeux, celui de
dessous plus fin et duveteux; sa quei;e etl touf-
fue. Cet animal niiséiable a peu d'intelligence,
parce que les habitants ne l'élèvenl guère que
pour le manger, et l'elèvent en conséquence.
7" Le Waii {Canis hivialatjensis) a le mu-
seau pointu et la tête allongée; ses oreilles sont
droites et pointues; ses poils extérieurs sont
lirons et soyeux, les intérieurs cendrés et lai-
neux; il est d'un gris cendré sous la gorge,
avec deux taches noirâtres sur les oreilles; sa
queue est touffue On le trouve dans les mon-
tagnes de l'f^Iimalaya.
X' Le l'OLLL, ou Chien ue i a JNouvei.i.e-Iu-
LANUE (Canis Novœ-Hibcrniœ , Less.) est de
moitié plus petit (pie celui de la .N(tuvclle-
Hollande; son museau est pointu; ses oreilles
court es, droites et pointues ; ses jambes grêles ;
.'^on pelage ras. brun ou fauve. Il est hardi,
courageux et vorace. Les habitants, qui relè-
vent |)0Hr le manger, le nourrissent a\ec la
plus grande facilité, car il mange de ton!.
9° Le QiJ\o { Canis qixao, Hardw.) a beau-
coup d'analogie avec le chien de Sumatra, mais
ses oreilles sont moins arrondies, et sa quene
est plus noire. On le trouve dans les montagnes
de Kanighur dans l'Inde, où il parait vivre à
l'état sauvage.
10" Le Chien de Slmatka ( Canis .suiHotccii-
sis, 1Jardv\.) a le nez pointu, les yeux obliques,
les oreilles droites, les jan)bes hautes, la queue
pendanle et très touffue, plus grosse au milieu
qu'à sa base; il est d'un roux feirugineux, plus
clair sur le ventre. Il vit à l'elal siinvage dans
les forets de Sumatra.
LtS EPAGAELLS.
H" L'Épacneul français {Canis extraiiiis,
Lin.) a les oreilles larges, longues, tombantes,
terminées par de longs poils sojeux ; ses jamb< s
sont assez courtes ; son pelage est long et soyeux,
ordinairement mêlé de blanc et de brun mar-
ron. 11 est excellent pour la chasse de plaine et
pour le marais, mais il craint beaucoup la cha-
leur, et ne jouit de toute la finesse de son nez
que le matin et le soir. 11 s'attache beaucoup à
son maître. Il a pour sous-variélés :
Le petit Epagneul;
Le Gredin {Canis breiipitis. Lin.);
Le l'yrame ;
Le Bichon ( Canis militœiis, Lin.) ;
Le Cliienlion ( Canis leonitins, Lin.);
Le Chien de Calabre.
Toutes ces variétés sont Ircs-pelites, ont peu
d'intelligence, mais beaucoup d'affeclion pour
leurs maîtres. Ce sont des chiens d'apparte-
ment.
12° L'Épagnell anglais ( Cani.s e.Tfrflj-ii/s6ri-
taniiKs), comme l'épagneul français, mais n pe-
lage plus soyeux, plus long, entièrement noir,
avec une tache de fauve rouge sur chaque œil. Il
a pour la chasse les mêmes qualités, mais moins
d'ardeur.
15" L'ÉPAGNiciL ECOSSAIS ( Canis e.rtruritis
scoticus). Il diffère de l'épagneul français par
ses formes plus légères, plus élancées; par ses
oreilles pendantes, niais plus petites et plus haut
placées; i)ar sa queue en panache, plus relevée
et plus courbée; enfin par ses jeux jaunes et
son nez rose. Son pelage est constamment blanc,
avec de larges taches blondes. Il est excellent
pour la chasse en plaine, mais il e)>t trrsdeli-
cat.
14° Le Barbet on Caniche {Canis aquaticus,
LiN.ï a les oreilles larges et pendantes, les jam-
bes courtes, le corps trapu; le museau épais,
peu allongé; le pelage Irès-long, frisé et un peu
laineux, noir ou blanc, ou mêlé de ces denv
couleurs. C'est le plus lidèle et le plus intelli
gent des chiens. 11 a deux sous-variétc's, qui sont ;
Le petit Barbet;
Le Barbet griffon ou Chien anglais.
13° Le Chien de Tehue-ÎNeive ( Canis aqiia-
tilis n'est probablement qu'un ancien croise-
ment du matin et du barbet. Il est au moins
delà taille du premier, mais plus épais; il a le
museau nu, gros et a.sscz allongé; les oreilles
pas très grandes, mais pendantes e( soyeuses
comme celles de l'épagneul ; le pelage soyeux,
très long, ondulé, blanc et noir: la queue re
courbée, relevée en beau panache. Il se plaît à
aller dans l'eau pour eu retirer les objets qui
llottent à sa surface, mais on a beaucoup exa-
géré celte qualité. Il est aimant, lidèle, et sus-
ceptible d'une certaine éducation.
1(.° Le Griffon ( Canis nrect)(s), de la taille
du plus grand liaibel, mais à forme moins
lourde. Son pelage e.^t rude, hérissé, peu épais,
ordinairement d'un fauve roux ou uuiràtre,
quelquefois grisâtre, rarement blanc. r.'( st un
métis du courant et du barbet. 11 est bon à la
chasse du lièvre. Karement il s'attache beau-
coup à son maître, et ses manières sont rudes et
grossières.
17" Le Chien colbant {Canis (jallicus. Lia.).
CHIKNS.
193
Il a le museau gros et long ; les oreilles Irès-
largcs, très-longues et très-iiendjinles; les jam-
bes rohustes, assez longues ; le corps gros et al-
longé; la queue mince et relevée; le pelage ras,
court, blnnc mêlé de noir, ou, ni;iis très-rare-
mrnt, entièrement noir, ou mêlé de blanc et do
fauve. Il est excellent pour la chasse du lièvre,
du cerf, du sanglier, etc. ; mais il est brutal,
égoïste, et n'a aucun attachement pour son
maître.
18- Le CuiKN BRAQiE {Cauis aiirnlarius.
Lin.) a les oreilles plus courtes et moins larges
que le précédent ; le museau plus épais et plus
court; le corps moins allongé; la poilrine plus
large, les jand)es quelquefois plus longue;, le
pelage ras, blanc, avec des taches toujours d'im
brun marron plus ou moins foncé, et jamais
noires. Il a de l'intelligence, de l'attachement
pour son maitre, et les passions très-\ives. Il
est excellent pour la chasse de plaine, et craint
peu la chaleur; mais dans les marais, il e>t
sujet à prendre des douleurs.
Le liraque à nez fendu en est une varii'léqui
ne le vaut pas a la chasse.
19'^ Le Braque de Bengale ( Conis oridiJrj-
riiis beitgalensis) a le nez un peu moins épais,
les jambes plus hautes, le corps un peu jtlus
svelte; son pelage est constamment blanc, avec
de grandes taclies de brun marron, et de nom-
l)reuses mouchetures d'un brun grisâtre; il a
sur les yeux, et souvent sur les pattes de devant,
des petites taches d'un fauve rouge vif. Il a les
mêmes qualités que le braque.
20" Le Basset a jamres droites ( Canis rer-
Ingiis, Ln.l a les oreilles et la télé connue le
chien courant, mais le museau plus lin et plus
allongé; son corps est très-long, ainsi que sa
queue ; ses jambes sont grosses et fort courtes :
son pelage est ras, ordinairement brun ou noir.
et. dans ce dernier cas, il est marqué do feu
sur les jeux et les quatre pattes. Il n'est ni at-
taché ni fidèle. On s'en sert pour la chasse du
blaireau, du lapin et du levreau.
Le fî'isset à jaiubrs torses ne diffère du pré-
cédent que par ses proportions moins grandes,
et ses jambes contrefaites et tordues.
Le Basset de Biirgns en est une sous-variété
plus petite.
21" Le CiiiEN-LoLP {Canis iwmerani(S,L.iy.)
est un peu moins grand que le braque, à mu-
seau Ions et effilé, oreilles droites et pointues,
queue horizontale ou relevée, enroulée en des-
sus; son pelage court sur la tète, long, soyeux,
mais non frisé sur le corps, est d'im blanc jau-
nâtre, rarement gris, noir ou fauve. Il est assez
attaché à sou maiire, et son courage surpasse
ses forces.
A ces variétés indigènes on réunit les variétés
exotiques qui suivent :
22" Le Chien DKsEsQiwwvxiCmns horenlis.
Fr. Clv.) a beaucoup d'analogie avec le chien-
loup. Sa queue est relevée en cercle; son pelage
est peu fourni, très-fin ondulé, de c.mleur va-
riable, avec de grandes taches noires ou grises.
On s'en sert pour tirer les traîneaux, et, par
son mojen, on fait sur la neige, avec la plus
grande rapidité, des voyages fort longs.
25" Le Chien de Sibérie ( Canis sibiriens,
Lin.! se dislingue des précédents par son pelage
très-long sur tout le corps, d'un gris ardoisé
et cendré. On l'emploie au mémo usage que le
précédent.
21" L'Alco ou Techichi ( Canis amrriraïuis,
r^iN.) est de la taille du bichon, et remarquable
par la i)elitesse de sa tcte; son dos est arqué et
son corps très-trapu; sa queue est courte et
pendante; son pelage long et jaunâtre, blanc à
la queue. Il habile l'Amérique.
25
t!)i
m:s cau.nassikks i>i(;rn(;ii.\i>Ks.
f>Ks no(;LEs.
2,}" Le Gba.\u DoGiE (Citnis molossiis, Ln.) à
iiiuseau noir, gros, court, et lèvres noires, épais-
ses et pendantes ; oreilles courtes, redressées à la
base; corps alhingé, gros, robuste; queue re-
levée et recouiI)ée en dessus à lexlréaiilé; pe-
lage ras, d'un fauve ordinairement pâle, |)ius
ou moins ondulé de noirâtre. Ce chien est cou-
rageux, extrêmement fort et propre au combat ;
il s'attache à son maitre, mais ses habitudes sont
grossières et brutales.
Le Dogue du Thibeten est une sous-variété.
Le Doijuin en est une autre variété plus pe-
tite, à pelage tirant un jieu sur le noirâtre, à
oreilles plus longues et à lèvres plus pendantes.
Il a quelque intelligence pour conduire les trou-
peaux; aussi ne le voit-on guère que chez les
bouchers.
26" Le BoixL-DoGiE ( Citnis friiator, Lin. Le
/{((//-ffogdt's Anglais ) est i)lus petit que le grand
dogue; il a le corps beaucoup moins long, les
pattes moins fortes, et la (jneue tout à fait re-
coiu'bée en cercle ; son nuiseau est extrêmement
court, entièrement noir, son nez relevé, et sa
Ictc pres(pie ronde. Son pelage est ras, con-
stamment d'un fauve p;iie et jaunâtre. 11 a peu
d'attachement et encore moins d'intelligence.
Le nofihiH ne diffère du pi'écc'dent (pu- par
son nez fendu.
27" Le C\iiLi\ ou !\Ioi>sk (Cauismopsus) est
extrêmement petit, à nez encore plus court que
le boull-dogue, dont il send)le être la minia-
ture ; sa tète est absolument ronde; sa face, siuis
mmenu, est noire jusqu'aux jeux ; sa queue rc
courbée en trompette; ses jambes coiu'tes; son
corps très-!rapu, et son pelage d'un jaune fauve
plus foncé. 11 est criard, sans intelligence ni at-
tacliement. Il a, en outre, le défaut d'avoii l'ha-
leine forte et d'une odeur désagréable.
28" Le CiuEN i)'IsL\i%DE (Cauis islandiius,
Li\.) a beaucoup d'analogie avec le précédent,
mais il est plus grand. Sa tête est ronde; ses
yeux sont saillants et gros; ses oreilles à demi
droites, et son pelage est lisse et long.
29" I^e Dogue ainclais { Canis auglirus ,
Less.) est un métis du mâtin et du dogue. Il a
les oreilles très-pendantes; son pelage est long,
tantôt fauve, tantôt blanc tacheté de plaques
brunes. Je ne connais pas cette variété, men-
tionnée par M. Lesson.
ôtl" Le Roquet ( Canis hijbridus, LrN.) a les
jeux gros, la tcte ronde, le front bombé, les
oreilles petites, à demi pendantes; la queue re-
dressée, les jambes petites, le pelage ras, noir
et blanc. Il est petit, mais courageux, hargneux,
attaché à son maître et Irès-fidile.
.îl" Le CrrrEiN riENAaruER ou CirrE\ A^r.r.Ars
(Cauis rulpiuaiius] ; petit; museau fort et un
peu court ; or-eilles petites et à demi pendantes :
corps robuste, musculerrx ; jambes assez cour-
tes; pelage ras, brillarrt, noir-, avec le derrièr-e
CHIK.NS
195
lies palk's k's joues, deux laclics sur les u'ux,
(l'un fauve vif. Ilesteouiageax.Ii.irdi, enti-epre-
naiil, mais peu allaclic à son niailre. On l'ein-
l)I()ie à la eliasse pour aeeuler le i-enaid dans son
teiTier, on il pénétre assez aisément.
ô'i" l.e CiiiK\ A\c.i.\is ( Crttiiv briluiiuinis,
Dlsm.) est, selon Desmaresl, le résultat dn eroi-
.venienl du petit danois et du pjranie. Je ne
connais pas celte viniéte.
55" Le Ciiii:> d'Autois ( Caiiis fihalor, Lim.)
a la plus grande ressemblance avec le l)oull-
tiogue; il a le museau très-eoiu-t et lrés-ai)l<ili.
On le trouve dans la Tlandre et l'Artois.
ôi" Le Cinii.\ d'Alicvxte (Canis Anddloii-
s'ur, Dfsn. Le Cliicn de Cnijcnnc) a le miisean
co'.irl du lioull-dogue, le long poil de l'épagnenl,
et parait provenir du croisement de ces deux
variétés.
55" Le Chien tuiic (Canis cura'ibiriis.-Ca-
)iis agiipliits, Li>'. Le Clticn de Boibnnc) a le
crâne développé, le museau ])oinlu; les oreilles
assez larges, horizontales ; les nuunbres grêles ;
la peau presque entièrement nue, noire, ou cou-
leur de ebair, ou à lâches brunes; sa (|ueue ist
relevée et recourbée; sa taille ne dépasse pas
celle d'un grand locpiet. 11 est originaire d'A-
m('ri(iue, où le trouvèrent Christophe Colon. h
et les Français qui abordèreni les pi'emiers .i
la Martini(iue et à la (lu.'.deloupe, en !()."»."); il
est encore très-comnum à Pa\la,dans le Pérou.
On l'a dit d'ahonl de Turquie, puis ensuite de
la lîarbai'ie et de l'Afrique.
Le ChiCH turc à ciinicrc, de Buffon, n'eu
diflère que par sa taille plus grande, et par une
sorte de crinière étroite de poils hmgs et rudes,
qui eonmienceut sur le sonnnet de la lè!c et
s'oleud en bande étroite jnstpi'à la naissance de
la queue. 11 est métis duchien tinc et d'uiiépa-
gneul, ou d'une autre variété à longue soie.
ô()" Le Chien de kvl {Caii'is dinncsliais Inj-
bridiis) est le mélange dn croisement non pré>u
de deux ou même de plusieurs des races et va-
riétés (|ue je viens de décrire. Il varie de milL-
manières eu grandeur, en forme, en couleur et
en intelligence Très souvent la femelle met bas à
la fois des petits de races dilTerentes de la siemic.
2" LES ciiii:n.s sauvages.
Le Lou- ( C«)ii.v Uijiiis, Ln.) a le pelage d'un inie variété entièrement blanche. 11 habite toute
tauve grisâtre, avec une raie noire sur les jani- l'Europe, excepté les îles Krilannicpics, où l'on
besde devant, (juand il est adulte; sa queue est est parvenu à le deliuire. On le trouve aussi
droite; ses yeux sont obliques, à iris d'un fauve dans le nord de l'Amérique. Partout il est un
jaune. Dans le nord, ou en ti ouve qnekiuefois dangereux emiemi des Ironpeauv.
Le loup, quoi qu'on en ail dit, n'esl qu'une siini)le vaiiélé ou race dans l'es-
pèce (le noire chien domestique. On en a aujourd'hui les preuves les plus com-
plètes, puisque ceux (|ue l'on conserve à la ménagerie s'accoitplent Irès-hieu
avec des chiens, et les individus ([tii en résulleiil sont féconds et se multiplient,
soit entre eux, soit accouplés avec des chiens ou des loups. Tout ce que BulVon
a écrit sur ces animaux, sur leur l'érocilé indomplahle, sur leur antipathie pour
le chien, siu' les caractères qui tranchent ces deux espèces, etc., est ahstdiimenl
faux et le résultat des préjugés de son temps, comme je le dénmnlrerai.
De tous les temps, le loup a été le fléau des hergeries et la terreur des her-
gers; il est d'une constitution Irés-vigonreuse ; il peut faire quarante lieues dans
une seule nuit, et rester plusieurs jours sans manger. Sa force est siipériein-e
à celle de nos chiens de plus grande race. Heureusement que la l'érocilé de son
caractère ne répond pas à cette extrême vigueur, et que, par ses cpialités mo-
rales, il ne mérite pas la répulalion (pi'on lui a iujitsiement faite, l.e lou|» n'est ni
lâche ni féroce, et c'est ce (pie son histoire prouvera quand on la deharras.sera
des ahsurdes contes dont on a coutume de la falsilier.
Si le loup n'est pas tourmeulé par la faim, il se retire dans les hois, y passe
le jour à dormir, et n'en sort (pie la miit p(uir aller fureter dans la campagne.
Alors il marche avec circonspection, évitant toute lutte inutile, lùt-ce nnMnc
avec des animaux plus faiMes que lui. 11 fuit les lieux voisins de Ihahitalion des
hommes; sa marche esl fitrlive. légère, au poini (pi'à peine l'enleud-oii fouler
1% LES CAKiNASSlEllS blGl 1 IGKÂDES.
des leuilles sèches. 11 visite les collets leiuliis par les chasseurs, pour s'eniparei'
(lu gihier qui peut s'y trouver pris; il parcourt le bord des ruisseaux et des ri-
vières pour se nourrir des immondices que les eaux rejettent sur le salde. Son
odorat est d'une telle finesse, qu'il lui fait découvrir un cadavre à plus d'une
lieue de distance. Aussitôt que le crépuscule du matin commence à rougir l'ho-
rizon, il regagne l'épaisseur des bois. S'il est dérangé de sa retraite, ou si le
jour le surprend avant qu'il y soit rendu, sa marche devient plus insidieuse : il
se coule derrière les haies, dans les fossés, et, grâce à la finesse de sa vue, de
son ouïe et de son odorat, il parvient souvent à gagner un buisson solitaire sans
être aperçu. Si les bergers le découvrent et lui coupent le passage, il cherche
a fuira toutes jandjes; s'il est cerné et atteint, il se laisse dévorer par les chiens
ou assommer sous le bâton sans pousser un cri, mais non pas sans se dé-
fendre.
Quand cet animal est poussé par la faim, il oublie sa défiance naturelle et de-
vient aussi audacieux qu'intrépide, sans renoncer à la ruse quand elle peut lui
être utile. Il se détermine alors à sortir de son fort en plein jour; mais avant de
quitter les bois, il ne man(iue jamais de prendre le vent; il s'arrête sur la lisière,
évente de tous côtés, et reçoit ainsi les émanations qui doivent le diriger dans
sa dangereuse excursion. Il parcourt la campagne, s'approche des troupeaux
avec précaution pour n'en être pas aperçu avant d'avoir marqué sa victime, s'é-
lance sans hésiter au milieu des chiens et des bergers, saisit un mouton, l'en-
lève, l'emporte avec une légèreté telle, qu'il ne peut être atteint ni parles chiens
ni par les bergers, et sans montrer la moindre crainte de la poursuite qu'on lui
fait, ni des clameurs dont on l'accompagne. D'autres fois, s'il a découvert un
jeune chien inexpérimenté dans la cour d'mie grange écartée, il s'en approche
avec effronterie et souvent jusqu'à portée de fusil : il prend alors différentes
attitudes, fait des courbettes, des gambades, se roule sur le dos comme si son
intention était de jouer avec le jeune novice. Quand celui-ci se laisse surprendre
à ces trompeuses amorces et s'approche, il est aussitôt saisi, étranglé et entraîné
dans le bois voisin pour être dévoré. J'ai été témoin de ce fait, qui prouve dans
le loup autant d'intelligence que d'audace.
Mais quand un chien de basse-cour est de force à disputer sa vie, le loup s'y
prend difiereunnent ; il s'approche jusqu'à ce que le chien l'aperçoive et s'élance
pour lui livrer combat; alors, l'animal sauvage |)rend la fuite, mais de manière
à exciter son ennemi à le suivre, ne s'en éloignant que suffisamment pour
n'être pas atteint. Le mâtin, animé par ce commencement de victoire, poursuit
le loup jusqu'auprès d'un fourré où un second loup les attendait : ce dernier sort
tout à coup de son embuscade, se jette sur le malheureux chien, qui commence
le combat avec fureur; mais le fuyard revient sur ses pas, joint ses efforts à
ceux de l'autre assassin, et le mâtin tombe victime de son courage, et de la per-
fidie de ses deux ennemis. On a vu très-souvent un loup affamé entrer en plein
jour dans un hameau, saisir un chien à la porte d'une maison, une oie au milieu
de la rue ou un mouton près de la Ijergerie, l'entiaîner dans les bois malgré les
hourras d'une population entière, et même malgré les coups de fusil qui déjà ne
peuvent plus l'atteindre.
C'est surtout pendant la nuit que lo loup alVanie oublie sa prudence ordinaire
CIIIKNS. 197
pour montrer un coiirit^c (|ui v;i jiis(|ii'a la léinéiilé. Hciiconire-l-il un voyageur
accoiiipagiR' d'un chien, il le suit dalfoid d'assez loin, puis s'en approche peu à
peu, et quand il a pu calculer les chances de dangers et de succès, d'un hond
il se jette sur l'animal ell'rayé, le saisit jusqu'entre les jamhes de son maître,
l'emporte et disparaît. On en a vu très-souvent suivre des cavaliers pendant i)lii-
sieurs heures, dans l'espérance de trouver le moment propice pour étrangler le
cheval et le dévorer. Dans le Nord, il paraît que, lorsque des neiges ahondanles
couvrent la terre, les loups, ne trouvant \»lus de nourriture dans les l)ois, se
réunissent en grandes troupes, descendent des montagnes, sortent de leurs l'o-
rèts, et viennent dans la plaine l'aire des excursions jusqu'à l'entrée des villages
et des villes. On prétend que dans ce cas leur rencontre a été plusieurs fois fatale
à des voyageurs. Dans l'espace d'une nuit un loup vient quel(|uefois à hout de
creuser un trou sous la porte d'une hergerie et de s'y introduire. Dans ce cas,
il commence par étrangler tous les moutons les uns après les autres, puis il en
emporte un et le mange; il revient en chercher un second, qu'il cache dans un
hallier voisin, avec la précaution de recouvrir son corps de feuilles sèches ou
d'un peu de terre; il retourne en chercher un troisième, un quatrième, et ainsi
de suite, jusqu'à ce que le jour le force à hattre en retraite. Il les cache dans
des lieux difl'érents et à une assez grande distance les uns des autres; mais, soit
ouhli, soit défiance, il ne revient jamais les chercher. Le loup préfère une proie
vivante à toute autre nourriture; cependant, il dévore les voiries les plus in-
fectes, et, faute de suhstance animale, il se contente de fruits mûrs ou pourris,
de racines, et même, dit-on, de hois tomhant en décomposition et d'une cer-
taine terre glaise. « Il aime la chair humaine, dit BulVon, et peut-être, s'il était
le plus fort, n'en mangerait-il pas d'autre. On a vu des loups suivre des armées,
arriver en nomhre à des champs de hataille, où l'on n'avait enterré que négli-
genmient les corps, les découvrir, les dévorer avec une insatiahle avidité, et ces
mêmes loups, accoutumés à la chair humaine, se jeter ensuite sur les honmies,
attaquer le berger plutôt que le troupeau, dévorer les femmes, emporter les
enfants. » La critique fait aujourd'hui justice de toutes ces exagérations; mais
il n'en est pas moins vrai que quelquefois des louves afl'amées, à répo(|ue où
elles allaitent leurs i)etits, se sont jetées sur des enfants, des femmes et même
des hommes. Les annales de plusieurs de nos départements en font foi.
Tout ce qu'a dit Buffon de l'iiulomptahle férocité du loup est faux ou trés-
exagéré. J'ai eu pendant quatre ans une louve parfaitement jjrivèe, aussi douce,
aussi caressante et aussi attachée qu'un chien, vivant en liberté, sans (jue jamais
elle ait cherché à se sauver. Frédéric Cnvier a donné l'histoire de deux loups
qui vivaient il y a \)cu de temps encore à la ménagerie, et (|ui ont montre
l'exemple d'un attachement pour leur maître, aussi grand, aussi passionne
qu'aucun chien ait pu l'éprouver. L'un d'eux, ayant été pris fort jeune, fut
élevé de la même manière qu'un chien, et devint familier avec toutes les per-
sonnes de la maison, mais il ne s'attacha d'une alleclion très-vive qu'à son
maître; il lui montrait la soumission la plus entière, le caressait avec tendresse,
obéissait à sa voix et le suivait en tous lieux. Celui-ci, obligé de s'absenter, en
fit i)résent à la ménagerie, et l'animal souffrit de cette absence, au point que
l'on craignit de le voir mourir de chagrin. Pourlanl, après plusieurs semaines
198 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
passées dans la Irislcssc cl presque sans aliments, il reprit son ap[M'til ordi-
naire, et l'on crut qu'il avait ouldié son ancienne affeclion. An bout de dix-huit
mois, son maître revint au Jardin des Plantes, et, perdu dans la foule des spec-
tateurs, il s'avisa d'appeler l'animal. Le loup ne pouvait le voir, mais il le re-
connut à la voix, et aussitôt ses cris et ses mouvements désordonnés annoncèrent
sa joie. On ouvrit sa loge : il se jeta sur son ancien ami et le couvrit de caresses,
comme aurait pu le faire le chien le plus fidèle et le i>lus attaché. Malheureu-
sement il fallut encore se séparer, et il en résulta pour le pauvre animal une
maladie de langueur plus longue (pic la première. Trois ans sécoulèrcnt ; le
loup, redevenu gai, vivait en tres-hoinie intelligence avec un chien, son com-
[)agnon, et caressait ses gardiens. Son maître revint encore; c'était le soir,
et la ménagerie était fermée. Il l'entend, le reconnaît, lui répond par ses hur-
lements, et fait nn tel tapage, qu'on est obligé d'ouvrir. Aussitôt l'animal re-
double ses cris, se précipite vers son ami, lui pose les pattes sur les é[)aules,
le caresse, lui lèche la figure, et menace de ses formidables dents ses propres
gardiens, qui veulent s'interposer, ses gardiens qu'il caressait nne demi-heure
auparavant. Enfin, il fallut bien se (piitler. Le loup, triste, immobile, refusa toute
nourriture; une profonde mélancolie le ht tomber malade; il maigrit, ses poils
se hérissèrent ; au bout de huit jours il était méconnaissable, et l'on ne douta pas
qu'il ne mourût. Cependant, à force de bons traitements et de soins, on parvint
à lui conserver la vie; mais il n'a jamais voulu depuis ni caresser ni soulfrir les
caresses de personne. Je le demande, un chien ferait-il davantage?
Lne jeune louve, prise au piège, étant déjà adulte, vivait familièrement avec
4les chiens qui lui avaient appris à aboyer contre les étrangers, fait extrêmement
remarquable ; elle était devenue si douce et si docile, que, sans son goût irrésis-
tible pour la volaille, on l'eût laissée en liberté. Nous pourrions citer une foule
d'autres exemples, mais nous nous bornerons à ceux-ci, montrant que le lonp,
ainsi que le chien, est dominé par le besoin d'aimer l'honime et d'être aime par
lui. Tout en reconnaissant que dans les animaux le caractère varie d'individu
à individu, dans la même espèce, on ne peut voir dans ces exemples autant d'ex-
ceptions à la règle de l'espèce. Si le loup de nos contrées est toujours farouche
et quelquefois féroce, cela ne tient qu'à l'instinct de conservation, et à ce (pi'on
lui fait une guerre à mort. Il paraît que cet animal est, ainsi que le chien,
susceptible de recevoir une sorte d'éducation. « En Orient, et surtout en Perse,
dit Chardin, on fait servir les loups à des spectacles pour le peuple : on les
exerce de jeunesse à la danse, ou plutôt à une espèce de lutte contre un grand
nombre d'hommes. On achète jusqu'à cinq cents écus un loup bien dressé à la
danse. »
Buffon s'est encore trompé sur un fait plus positif; intéressé par système à
séparer l'espèce du chien de celle du loup, il a dit que la louve porte trois mois et
demi. Or, dans la ménagerie, où ces animaux font des petits tous les ans, la ges-
tation n'a jamais été que de deux mois et quebiues jours. Le loup, qui est deux
ou trois ans à croître, vit quinze à vingt ans. La femelle met bas du mois d(!
décembre au mois de mars. A la veille de mettre bas, la louve se prépare, au
fond d'une forêt, dans un fourré impénétrable, une sorte de nid où elle dispose,
iivec de la mousse et des feuilles, un lit commode pour ses petits. Le iiombn-
CIllKNS. 11)9
ordiiiiiire on est de six ;i ihmiI', j;iiii;us moins de trois, cl ils luùsscnl les veux
lermés. IVndaiil les premiers jours, elle ne les (luilte pas, et le mâle lui apporte
à manger. Elle allailc deux mois; mais dès la cin(|uième ou sixième semaine,
elle leur dégorge de la viande à demi digérée, et l)ienlôt leur apprend à tuer de
petits animaux qu'elle leur apporte. Jamais ses petits ne restent seuls, car le
père et la mère se relèvent chacun à leur tour pour aller chercher la nourriture
de la famille. Au bout de deux mois, la louve commence à les mener en course
et à leur apprendre à chasser. En novembre et décembre, ils sont déjà assez
forts pour se séparer et battre la campagne chacun de son côté pendant la
nuit; mais ils se réunissent chaipie matin et passent la journée en famille.
Il existe entre le chien et le loup une antipathie, une haine que BnlTon croyait
constitutionnelle et inhérente à deux natures très-distinctes; et, cependant, à
la ménagerie, les deux prétendues espèces vivent pêle-mêle en fort bonne in-
telligence. Cette haine n'a été ni expliquée ni niée par nos naturalistes d'au-
jourd'hui, mais elle les a embarrassés pour établir, sur tous les points, que le
chien et le loup ne font qu'une seule et même espèce, ce qui, du reste, est suf-
lisamment prouvé par la fécondité des métis. Avec un peu plus de connaissance
des mœurs des animaux sauvages, ceci n'eût pas été une difficulté pour eux. On
lient admettre connue règle générale que tout animal des forêts, réduit à la do-
mesticité et vivant en bonne intelligence avec Ihomme, est, par ce seul fait,
répudié par les animaux sauvages de sa race. S'il veut recontjuérir son indé-
pendance et retourner dans les bois, il y trouve dans ses semblables des enne-
mis implacables qui, loin de le recevoir, l'attaquent, le poursuivent, le chassent
ou le tuent. Ceci est démontré par l'expérience, dans le daim, le cerf, le che-
vreuil et beaucoup d'autres espèces que l'on a \)U observer; pourquoi n'en serait-
il pas de même dans les chiens î' D'ailleurs, le chien domestique, à l'instigation
de l'hommo, a déclaré une guerre implacable au loup; il le harcèle, le combat
dans toutes les occasions, et cette lutte incessante a dû nécessairement amener
une haine atroce entre les deux races, haine qui est devenue héréditaire et in-
stinctive.
Le Loi p oooRvNT {CAiiiis luibiliis, Say.) est sa partie supcrieuro, et le gris domine sur ses
plus grand que notre loup coniuiuu, auquel il lianes; mais ce qui le distingue de ses cong(^-
ressemble; son pelage est obscur et ponmiele à nères, c'est l'otleur forte et fétide qu'il exliale.
Cet animal robuste, d'un aspect redoutable, habile les plaines du Missouri,
dans l'Amérique septentrionale. 11 a les mêmes mœurs que notre loup, mais avec
les modifications qu'amène nécessairement la vie du désert. Dans ces immenses
solitudes, il ne se trouve que rarement en présence de l'homme; aussi a-t-il
peu appris à le craindre. On eu a conclu, assez légèrement, à mon avis, qu'il
avait plus de courage ou de férocité. Comme tous les chiens sauvages que les
nombreuses populations des pays très-habités n'ont pas forcés à s'éparpiller, le
loup odorant vit en troupes nombreuses, associées pour la chasse, l'attaque et
la défense, aguerries, soumises à une sorte de tactique régulière. Ils pour-
suivent les daims et autres animaux ruminants, les forcent ou les surpremienl
et les dévorent en commun. Ils osent même assaillir le bison ((uand ils le trou-
vent écarté de son troupeau, et ils viennent assez ordinairement ;i bout de le
200
Li:S CARNASSIKUS DIGITIGRADES.
lorrassci". l.es sauvages qui peuplent le [licd des montagnes Rocheuses el les
liords de l'Arkansas redoutent cet animal; et, quand ils sont parvenus à en tuer
un, ils se font un trophée de sa dépouille, qu'ils portent en forme de manteau,
avec la peau de la tête pendante sur leur poitrine.
Le LoiiP nES phairies (Cniii.s- /fi/raiis, IIarl.)
se trouve tlans les mêmes conU'ées que le loup
odorant, et a les mén:es li;il)iliides; cependant
il parait qu'il est un peu moins carnassier, car
il se nourrit souvent de l)aies et autres fruits.
Son pelage est d'un gris cendré, varié de noir
et de fauve cannelle terne; il a sur le dos une
ligne de poils un peu plus longs que les au-
tres, lui formant comme une sorlede courte cri-
nière ; ses parties infi'rieures sont plus pâles que
les supérieures, et sa queue est droite.
L'Agolara-Giazou ou Lotp «ntCE {Canis
jiibatus, Desm.) est de la taille de nos plus grands
loups. Sa couleur générale est d'un roux can-
nelle foncé sur les parties supérieures, plus pâle
en dessous, prejque blanc à la queue et dans
l'intérieur des oreilles ; il a le pied, le museau,
et le bout de la queue noirs; une courte cri-
nière noire part de la nuque et s'étend jusque
derrière l'épaule, quelquefois tout le long du
dos. C'est un animal dont la force ne répond
pas à la férocité.
Cette espèce n'est pas rare dans les pampas de la IMata. Elle se plaît dans
les marécages qui hordent les rivières et les fleuves, et y vit solitairement. La
femelle, qui ressemble tout à fait au mâle, a six mamelles, et fait, à chaque
portée, trois ou quatre petits qu'elle met has vers le mois d'août. Dans le cou-
rant de mai, époque de ses amours, l'agouara fait retentir les pampas de ses
hurlements qui s'entendent de très-loin, et qui ont un son lugubre et effrayant;
il répète plusieurs fois de suite, et en les traînant, les sons gonn-a-n, d'où pro-
bablement lui vient son nom. Cet animal ne quitte sa retraite que la nuit pour
rôder sur le bord des eaux et saisir les animaux aquati(pies qu'il poursuit à la
nage avec une grande facilité; rarement il attaque le bétail, à moins qu'il n'y soit
poussé par la faim, et alors son courage ne le cède pas à sa force.
Le Loup dl' ÎMexique ( C.auis mr.riraniin, Li>.)
est un peu moins giand que notre loup ordinaire.
Son pelage est d'un gris roussàtrc, mélangé de
taches fauves, marqué de plusieurs bandes noi-
râtres qui s'étendent de chaque coté du corps,
depuis la ligne dorsale jusqu'aux lianes; le tour
(lu museau, le dessous du corps et les pieds sont
blanchâtres. Celte espèce habite les parties
cliaudes de la Nouvelle Espagne. Elle est beau-
coup moins féroce que le loup rouge.
Le Loi p DE Java (Caiiix jaranensis)ressem-
ble beaucoup au loup ordinaire pour la taille
et pour les formes, mais ses oreilles sont plus
petites, et son pelage est d'un brun fauve, noi-
ràlre sur le dos, à la queue et aux pattes. Il a
été trouvé à Java par Leschenault.
cniKNs
201
-^l^îîîv^^tiiiW^^^l^^^^p-^S^
Le TSCIIERNO-BUROÏ OU LOUP NOIR ! CftHis hjvnou, I,i\. Yiilpcs HUjra, Gfsn.
Le Loup noir, Wvrr. — G. Cuv.)
Habite principolonient la Russie et le nord de l'Europe, et il se trouve quel-
quefois accidentellement dans nos montagnes. Georges Cuvier dit. en avoir vu
quatre pris ou tués en France, et, depuis, la ménagerie en a possédé deux qui
avaient été amenés des Pyrénées. Il est de la grandeur du loup ordinaire,
mais ses formes sont plus légères, et son pelage est entièrement noir. On le
trouve aussi dans le Canada.
On dit cet animal beaucoup i)lus féroce que notre espèce ordinaire, cependant
je ne connais point de faits que l'on puisse apporter à l'appui de celte opinion.
Les deux individus qui ont vécu à la ménagerie étaient mâle et femelle. Chaque
année, ils y faisaient des petits presque aiissi défiants et aussi sauvages que leurs
parents; mais, ce qu'il y a d'extrêmement singulier, et ce qui prouve que les
loups ont beaucoup plus d'analogie avec le chien domestique qu'on ne le croit
généralement, c'est que ces petits n'avaient ni les mêmes traits ni le même
pelage, et qu'ils différaient autant entre eux qu'avec leurs parents; on les eût
crus d'une autre espèce, ou quelque variété de chien domestique. De là, on a
pensé que le père et la mère n'étaient pas de race pure, et qu'ils étaient métis
de quelque chien abandonné dans les Pyrénées et devenu sauvage. Cela est pos-
sible; mais il me paraît plus probable que cette variation était le résultat de
la captivité dos jiarents, de leur changenient de vie, de climat, de nourriture,
d'habitude, en un mot d'un premier degré de domesticité; d'autant plus qu'il
n'y avait de modifications bien prononcées que dans la physionomie et la cou-
leur, tandis que le caractère de défiance et de férocité était resté absolument
le même.
2(5
20-2
LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
Le CuLPEL {Canis ciilpceus , Molin. Canis
(ditriirlinis, SiiAW.) est un peu plus grand que
lejacka!; son pelage est d'un gris roussàtre;
ses jambes sont fauves; sa queue, rousse à son
origine, est noire au milieu et terminée de
blanc. 11 habite le Chili et Vile Falkland,
l'une des Malouines, où il a été trouvé par le
capitaine Freycinet, et précédemment par le
Commodore Bjron. Cet animal a une vie soli-
taire et misérable, qu'il passe en grande partie
dans un terrier qu'il se creuse dans les dunes,
sur les bords de la mer ou des fleuves. Toujours
maigre, sans cesse affamé, il se nourrit des la-
pins et du gibier qu'il peut saisir à force de ruse
et de patience. Comme on n'a pas observé sa
pupille, il n'est pas certain si cette espèce ap-
partient au chien ou an renard. Le terrier qu'il
se creuse ferait croire que peut-être il appar
tient au genre de ce dernier; mais comme Bon
gainville dit l'avoir entendu aboyer ainsi que
les chiens ordinaires, j'ai cru devoir le laisser
avec eus jusqu'à ce qu'on ait de plus amples
reuseignenienls.
LeKoiPAiiA ou CiiiEN CRAniEK {Canis thous.
Lin. Canis ranrrivorus, Less. Le Chien des bois
de Caijenne, Tîiff.) n'est probablement qu'une
simple variété du chien domestique. Son pelage
est cendré et varié de noir en dessus, d'un blanc
jaunâtre en dessous; ses oreilles sont brunes,
droites, courtes, garnies de poils jaunâtres en
dedans; les cotés du cou et le derrière des
oreilles sont fauves ; les tarses et le bout de la
queue noirâtres. Par ses qualités morales, il le
dispute à nos chiens les plus intelligents.
Le koupara vil en laniille dans la Guyane fiançaise, où on le rencontre en
Iroupes composées de sept ou huit individus, rarement plus ou moins. Il se plaît
dans les bois où coulent des rivières peuplées d'écrevisses et de crabes, qu'il
sait fort bien pêcher, et dont il fait sa nourriture de prédilection. Quand celle
ressource vient à lui manquer, il chasse les agoutis, les pacas et autres petits
mammifères. Enfin, faute de mieux, il se contente de fruits. Il est peu farouche,
et s'apprivoise avec la plus grande facilité. Une fois qu'il a reconnu son maî-
tre, il s'y attache, ne le quitte plus, ne cherche jamais à retourner à la vie sau-
vage, et devient pour toujours le commensal de la maison. Il s'accouple sans
aucune sorte de répugnance avec les chiens, et les métis qu'il produit sont
trés-estimés pour la chasse des agoutis et des akouchis. Ces métis, croisés de
nouveau avec des chiens d'Europe, p roduisent une race encore plus recliercliéu
pour la chasse.
Le Petit Koupaba (Canis fajift'ro)n.s ) est
d'une taille moindre que le précédent; sa tète
est plus grosse, son nniseau plus allongé ; son
pelage est noir et fort long. 11 habite le même
pays, a les mêmes habitudes, mais son instinct
le porte à faire aux cabiais une guerre beaucoup
plus active. Aussi les sauvages l'élèvent-ils de
préférence pour la chasse de ces animaux.
Le CoRSAC ou AmvE ( Canis corsar, Lin. Le
Chiendu Bengale, Pen\. Buffon s'est trompé en
ledécriviint sous le nom d'/sofis). La taille d<!
ce chien est tiès-petile et ne dépasse pas celle
d'un chat. Son pelage est d'un gris fauve uni-
forme en dessus, d'un blanc jaunâtre en des
sous; les membres sont fauves; la queue est
très-longue, louchant à terre, et noire au bout.
11 a, de chaque côté de la tête, une raie brune
qui va de l'œil an museau. 11 habite les déserts
de la Tartarie et se retrouve dans l'Inde. Il a
souvent été confondu avec le jackal.
Les corsacs vivent en troupes dans le désert, non dans les bois, mais dans les
steppes couvertes de bruyères, où sans cesse ils sont occupés à chasser les oi-
seaux, les rats, les lièvres et autres petits animaux. Pendant la nuit, ils font
entendre leur voix, moins glapissante que celle des jackals, mais tout aussi
désagréable. Ils s'accouplent au mois de mars; la femelle porte autant de jours
que la chienne, et met bas, en mai ou en juin, de six ou huit petits, qu'elle allaite
pendant cinq à six semaines. Elle les fait sortir ensuite de sa retraite, leur ap-
])nrte n manger, ol leur a]ti>ren(l peu à peu à choisir leui' nourriture et à cliasser.
CHIENS.
•203
Ces animaux n'ont pas moins de (inesse que le renard pour s'emparer de leur
proie, consistant (juelcinefois en nids de canards et autres oiseaux dont ils mangent
les œufs et les petits. On dit que le corsac ne boit jamais, mais il est permis
d'en douter, nonobstant l'aflirmatiou de Georges Cnvier. Cet animal, si peu
connu en France, qu'on va le voir à la ménagerie comme une curiosité, a néan-
moins ete commun a Paris sous le régne de Charles IX, parce qu'il était de mode
chez les dames de la cour d'en avoir an lieu de petits chiens; elles le dési-
gnaient sous le nom d'r«//re, elle faisaient venir à grands frais de l'Asie.
Le Karaga.> (<:aiiis caragan, P\ll.— Gml.)
lie dilTére f;uère du précédent que par sa taille
un peu plus grande et son pelage d'un gris cen-
dré en dessus, d'un fauve pâle en dessous. Il
habite le niènie pays. A Orenihourg on fait un
commerce considérable de sa fourrure, et c'est
à peu prés tout ce qu'on sait de cet animal.
Le Ke\lie ou Te.>ue (Canis mesomelas,
Erxl.) porte sur le dos une plaque triangulaire
d'un gris noirâtre oudé de blanc, large sur les
épaules, et finissant eu pointe vers la base de la
queue; ses flancs sont roux ; sa poitrine et son
ventre blancs; sa tête est d'un cendré jaunâtre;
son museau roux ainsi que ses pattes ; sa queue,
qui descend presque jusqu'à terre, a sur son
tiers postérieur deux ou trois anneaux noirs
ainsi que son extrémité. Cet animnl se trouve
au cap de Bonne-Espérance.
Le Jackal AMiiis {Canis authus, Fr. Cuv.)
a beaucoup d'analogie avec le jackal de l'Inde,
mais son odeur est beaucoup moins rorle, et il
ne se trouve qu'en Afrique, particulièrement
au Sénégal. Son pelage est gris, parsemé de
quelques taches jaunâtres eu dessus, blanchâtres
eu dessous; sa queue est fauve, avec une ligne
longitudinale noire à sa base, et quelques poils
noirs à sa pointe. Ses nitiurs sont absolument
les mêmes. Une femelle de cette espèce était en-
fermée, à la ménagerie, dans une cage, avec un
mâle de jackal de l'Inde. Ils s'accouplèrent avec
les mêmes circonstances que les chiens ou les
loups, et deux mois après ( du 26 décembre au
1^"^ mars), la femelle mit bas cinq petits qui eu-
rent pendant dix jours les yeux fermés. Deux
seulement ont vécu, et loi squils furent adultes,
1 un était farouche, méchant indomptable, l'au-
tre fort doux et caressant. Cette différence <le
caractère est un fait très-remarquable.
.^'/-;-^ ^iff
•i(»'(
I.KS CAUNASSIEKS DIC I r K; li A DKS.
Le JACKAL ou SCIIAKAL OU TSCHAKKAL {(jUlis CUU'tms, Lin. Lc Cluicul OU
Loup doré. G. Cuv. Le Thos de Pline. Le Thocs d'ARisTOTE. Le Gôlà des Indous.
Le Narï des habitants de CoromandeL Le Tiira des Georgieus. Le Mcbb'in de
l'Abyssinie.^ L'Adivr ou Adibc des Portugais de l'Inde. Le Dceb ou Dih des
Barharesques. Le ^a// if des Arabes)
A le pelage d'un gris jaunâtre en dessus, blanchâtre en dessous, en général
d'une couleur plus foncée que celui de l'anthus. Sa queue, assez grêle et noire à
l'extrémité, ne lui descend qu'au talon; il exhale une odeur forte et désagréable.
Sa taille est à peu près celle du renard, mais il est un peu plus haut sur jambes,
et sa tête ressemble à celle du loup. Il est trés-connnun en Asie et en Afrique,
si, ainsi que je le crois, il n'est qu'une légère variété de l'anthus.
Guldcenslœd, ïilesius, et d'autres naturalistes, pensent que le jackal est le
type du chien domestique. Le premier de ces auteurs, (jui, du reste, nous a
donné une histoire très-bonne et très-complète de cet animal, apporte, à l'ap-
pui de son opinion, des laisons qui paraissent concluantes. Après avoir établi
d'une manière positive que, sous les rapports anatomiques, le jackal ne dif-
fère en rien du chien, après avoir prouvé qu'il n'offre pas même ces légères
«lilférences qui se trouvent dans le loup, il cherche les analogies dans les ha-
bitudes, les mœurs de ces animaux, et, il faut le dire, ces rapprochements me
[)araissent très-séduisants. Les jackals, dit-il, n'ont rien du caractère sauvage
et farouche du loup et du renard ; ils s'approchent avec sécurité soit des cara-
vanes en marche, soit des tentes dressées pour la nuit ; leur taille est moyenne
entre les plus grands et les plus petits chiens; leurs poils sont plus durs que
chez aucun chien, et d'une moyenne longueur entre les chiens (jui les ont le plus
longs et ceu.x «pii les (uit le plus courts. Leurs monirs sont encore [dus conformer
CHIENS iOô
(|uo leur orgaiiisalion, cl, eu ilomesticité, leurs mauienïs sonl absolument les
uièmes que celles du chien; ils pissent de côté en levant la cuisse, dorment
couchés en rond, et vont amicalement, ajoute l'auteur, flairer au derrière des
chiens qu'ils rencontrent. Selon lui, l'odeur du jackal, Iteaucoup moindre (lu'on
ne l'a dit, est à peine plus forte que celle du chien à l'approche de l'orage, etc.
11 conclut de toutes ces observations vraies, que le chacal est le véritable chien
sauvage et la souche de toutes les variétés de chiens (Uuiiestiques.
En cela il se tronq)e, selon moi. Le jackal est incontestablement une va-
riété, et même très -légère, du chien domesli((ue , puisipi'il produit avec lui
des individus t'econds, comme on l'a vu a Constantinople il y a peu d'années, et
connue cela se voit tous les jours chez les Ralmoucks ; il en est de même du
loup, (pioique les analogies accessoires soient moins frappantes. Mais pour dé-
( ider [»éremptoirement quel est le type de l'espèce, c'est-à-dire quelle est la
race venue la première, la chose est inq)ossible, car, ainsi que je l'ai dit, l'étude
des ossements fossiles nous a dévoile de nombreuses races de cams antérieures
à ceux (|ui existent aujourd'hui, don [«'uvent venir à la fois nos chiens domes-
ti(pies, nits k(uiparas, nos jackals, nos loups, et en général tous nos chiens sau-
vages. Dans ce cas, ils descendraient tous d'un ou plusieurs types primitifs et
perdus; ils seraient parents en ligne collatérale, mais non en ligne descendante
de l'un d'eux.
Les anciens racontaient cpie le lion, lorscpi'il allait a la chasse, était accom-
pagne, ou plutôt conduit, par un petit animal (jui lui découvrait sa proie. Le
roi des forêts, après l'avoir atteinte et terrassée, ne mancpiait jamais d'en laisser
une portion pour son guide, qui l'attendait à l'écart, et ((ui n'osait en api)ro-
cher que quand le lion s'était retire. On appelait cet animal le jioinrDi/cnr dn
lion; mais son véritable nom était resté inconnu, et nul auteur ancien n'a avance
(pie ce pouvait être le thos d'Aristote. Cependant, quel(|ues auteurs du dernier
siècle ont cru reconnaître le thos, le jackal, dans ce prudent pourvoyeur, et il
sest même élevé à ce sujet une polémique aussi ridicule (pi'inutile. puis(iu'elle
tombait sur un conte, sur un apologue ayant autant d'importance en histoire
naturelle (pi'uiie fable de La Fontaine. Ce conte indien de Pilpai, le voici : « On
« demandait un jour a ce petit animal qui marche toujours devant le lion pour
« faire partir le gibier : Pourquoi t'es-tu consacré ainsi au service du \w\\'( —
« C'est, répondit l'animal, parce que je me nourris des restes de sa table. —
(I Mais par quel motif ne l'approches-tu jamais? tu jouirais de son amitié et de
« sa reconnaissance. — Oui, mais c'est un grand; s'il allait se mettre en co-
0 1ère! » La vérité est que le lion n'a jamais eu de pourvoyeur que lui-même,
et que si les jackals se nourrissent quelquefois de ses restes, ainsi que les hyènes
et autres animaux voraces, ils le doivent au hasard.
Les jackals vivent en troupes composées d'une trentaine d'individus au moins,
et souvent de plus de cent, [larticulièrement dans les vastes solitudes de l'Inde
et de rAfri(|ue. Quoitpie ces animaux n'aient pas la pupille nocturne, ils dor-
ment le jour dans l'épaisseur des forêts, ou, selon les anciens voyageurs et nos
naturalistes, dans des terriers. Ce dernier fait a si souvent été avancé, ((ue j'ose
a peine le révoquer en doute; cependant, je ne conçois pas trop comment des
animaux carnassiers, vivant en troupes, pourraient rester sédentaires dans une
■2m Li:8 CAKNASSIKKS DIC. ITIG U A DES.
localité exlièinement bornée, ce que nécessite absolument la vie des leiiiers.
Comme ils se retirent volontiers dans des grottes et des trous de rochers, quand
ils en trouvent l'occasion, ceci, mal observé, aura donné lieu de croire qu'ils
se creusent des habitations souterraines; ou bien encore, le renard de Bengale
et le corsac, du même pays, ayant été souvent confondus avec le jackal, on aura
attribué à celui-ci des habitudes qui n'appartiennent qu'aux deux premiers,
(juoi qu'il en soit, la nuit, ces animaux parcourent la campagne pour chercher
leur proie tous ensemble, et, pour ne pas trop se disperser, ils font continuel-
lement retentir les forêts d'un cri lugubre ayant quelque analogie avec les hur-
lements d'un loup et les aboiements d'un chien. On pourrait en donner une
idée en prononçant lentement, et sur un ton Irés-aigu, les syllabes oua... ona...
oHci. Ils sont alors tellement audacieux, qu'ils s'approchent des habitations, et
entrent dans les maisons qui se trouvent ouvertes. Dans ce cas, ils font main-
basse sur tous les aliments qu'ils rencontrent, et ne manquent jamais d'empor-
ter ceux qu'ils ne peuvent dévorer à l'instant. Toutes les matières animales
conviennent également à leur voracité, et ils attaquent, faute de mieux, les vieux
cuirs, les souliers, les harnais des chevaux et jusqu'aux couvertures de peau
des malles et des coffres. Comme les hyènes, ils vont rendre visite aux cime-
tières, déterrent les cadavres et les dévorent. Aussi, pour mettre les morts à
l'abri de ces animaux, est-on parfois obligé de mêler à la terre dont on les re-
couvre de grosses pierres et des épines qui, en déchirant les pattes des jackals,
les arrêtent dans leurs funèbres entreprises. Si une caravane ou un corps d'ar-
mée se mettent en route, ils sont aussitôt suivis par une légion de jackals qui,
chaque nuit, viennent rôder autour des campements et des tentes, en poussant
des hurlements si nombreux et si retentissants, qu'il serait impossible à un
voyageur européen de s'y accoutumer au point de pouvoir dormir. Après le
départ de la caravane, ils envahissent aussitôt le terrain du campement et dé-
vorent avec avidité tout ce qu'ils trouvent de débris des repas, les immondices
et jusqu'aux excréments des hommes et des animaux. Les voyageurs sont tous
d'accord sur ces choses, qui ne peuvent appartenir à des espèces sédentaires
comme sont nécessairement celles qui habitent des terriers.
Lorsqu'une troupe de jackals se trouve inopinément en présence d'un homme,
ces animaux s'arrêtent brusquement, le regardent quelques instants avec une
sorte d'elTronterie qui dénote peu de crainte, puis ils continuent leur route
sans trop se presser, à moins que quelques coups de fusil ne leur fassent hâter le
pas. Quoiqu'ils se nourrissent de charognes et de toute espèce de voiries, quand
ils en rencontrent, ils ne s'occupent pas moins de chasser chaque nuit, et quel-
((uefois en plein jour. Ils poursuivent et attaquent indistinctement tous les ani-
maux dont ils croient pouvoir s'emparer; mais néanmoins c'est aux gazelles et
aux antilopes qu'ils font la guerre la plus soutenue. Ils les chassent avec autant
d'ordre que la meute la mieux dressée, et joignent à la finesse du nez et au
courage du chien, la ruse du renard et la perfidie du loup. On a dit que les
jackals se jettent quelquefois sur les enfants et sur les femmes : ceci me
paraît une exagération que l'on n'appuie sur aucune observation positive. Il
est plus certain qu'ils poussent quelquefois la hardiesse, malgré leur petite
taille, jusqu'à attaquer des bœufs, des chevaux et autre gros bétail; mais pour
CHIENS.
•207
cola ils se réunissent en giaïui nombre et emploient, avec beaucouj) d adresse,
leur force collective. Ils entrent hardiment alors dans les bergeries, les basses-
cours et autres lieux habités, et enlèvent, à la vue des hommes, tout ce qui est
à leur convenance. On a encore dit du jackal, comme du loup, qu'une fois ac-
coutmné à la chair humaine, il néglige pour elle toules les autres proies. Si
l'on voulait réfuter sérieusement ce conte de nourrice, il serait aisé de prouver
qu'aucun animal ne peut contracter l'habitude de se nourrir de cadavres hu-
mains, parce que chez tous les peuples, même les plus barbares, l'homme vivant
respecte l'homme mort, et a soin de le dérober à la voracité des animaux; plus
encore chez les mahométans, qui lial)itent les mêmes contrées que les jackals,
les hyènes et autres bêles féroces. L'élude de l'histoire naturelle otfre assez
d'aliments à la curiosité sans que, pour en augmenter les attraits, on soit obligé
d'y coudre grossièrement, comme faisaient beaucoup d'anciens écrivains, des.
contes autant absurdes que merveilleux.
Le voyageur Delon rapporte que dans le Levant on élève des jackals dans les
maisons, mais il ne dit rien sur leurs habitudes domestiques. Si l'on s'en rap-
porte à ceux qui vivent à la ménagerie, ils seraient doux, aimants, très-cares-
sants, mais capricieux, et passant quelquefois, sans motif apparent, du plaisir
à la colère. Du reste, l'accouplement, la gestation, et toutes les circonstances
de l'allaitement et du développement des petits, ne différent en rien de ceux
du chien.
•1' (ii-Miiî. Los REXARDS ( Vuli)cs) diffèrent Iduclianl pas, et il reste surtout un large inter
essentiellement du genre |)récédent|)ar leur sj s- valle entre la canine et la première molaire;
lèmc dentaire; leurs incisi\es supérieures sont leur pupille est nocturne, allongée verticalement;
moins éctiancrérs ou même rectilignes sur leur leur queue est plus longue, plus touffue; leur
bord horizontal; leurs rangées dentaires, au nuiseaii est i)lus pointu, et ils exilaient eu géné-
lieu d'être continues connue dans les cliiens, rai une odeur fétide. Quant aux antres carae-
ont les trois piemières molaires séparées, ne se tères, ils sont les mêmes que ceux des cliiens.
•i(»s
I.KS CAUiNASSIKUS l)l(. I TM. U A ItKS.
IjC Renan! fauve.
Le RENARD ORDINAIRE [ Cmiis î«/fya» ,',s, Klf.ix. ( (Diis l'ul/ll's, Lin. Le litlUiril^
BiiFF. Le Fox (les Anglais. Le liaf des Suédois. Le Zorrii des Espagnols. Le
Lis:^lui des Polonais, l^e Lïsitza des Russes. Le Tnlki des Turcs et des Persans.
Le Taahb ou Doreii des Arabes, et le Aori des Indous). Je regarde, comme
simples variétés de cette espèce, ^° le Rcnaril fauve de In Virginie {Cunis fulviis,
Desm.) ; 2" le lU'iiard charlinmiur {Canis atopc.r, Lin.) ; 5° le Bennrd iniisqué de
la Suisse; 4" le Ueunnl noble du même pays, et le Renard croisé d'Europe [Cants
rrMrif/era, Bkiss.).
Le renard ordinaire est d'un fauve plus ou moins roux en dessus, blanc en
dessous; le derrière de ses oreilles est noir; sa queue est touffue, terminée par
un bouquet de jsoils blancs. Le renard charbonnier n'en diffère que par le bout
de sa queue, qui est noir, ainsi que quelques poils de son dos et de son poitrail.
Le devant de ses pattes antérieures est également noir. M. Steinmuller pense
que le charbonnier n'est que le jeune âge du renard ordinaire, et je ne suis pas
de son avis. l'endant plus de dix années consécutives, j'ai chassé le renard dans
un pavs qui en était très-peuplé; j'en ai élevé plusieurs, et je crois être certain
que le charbonnier n'est rien autre chose qu'un vieux mâle. Cependant il m'est
arrivé, mais rarement, de tuer de très-vieilles femelles qui portaient la même
livrée. Je suppose, par analogie, qu'elles ne revêtent cette livrée que lorsqu'elles
deviennent stériles. Quant au renard fauve des Etats-Unis, il ne diffère en rien
du renard ordinaire ni pour les habitudes, ni pour les formes, ni même pour
les couleurs. Son pelage est nuancé de roux et de fauve; le dessous du cou et
du ventre sont blancs; sa poitrine est grise; le devant des jambes antérieures
et les pieds sont noirs avec du fauve sur les doigts; le bout de la queue est
blanc; sa taille est exactement la même que celle du nôtre. Le renard nuisque
ClliEiNS. i20î»
de la Suisse ;t cela de particulier qu'il répand une odeur, non pas agréable,
comme on l'a dit, mais un peu analogue à celle de la fouine; enfin, le renard
noble, ou koblfuscbs des Suisses, n'est rien autre chose qu'un très-vieux mâle
charbonnier. Le renard croisé d'Europe ( Cdvis crnciçicra de Gesner et de Bris-
son), qu'il ne faut pas confondre avec le renard croisé d'Amérique [Canisde-
cussalus de Geoffroy), est également une sous-variété du charbonnier, (|iii a
quelques poils noirs lui formant une croix sur le dos.
Les renards ont toute la légèreté du loup et sont presque aussi infatigables,
mais ils sont plus rusés à la chasse et plus ingénieux pour se dérober au dan-
ger. Ils habitent des terriers qu'ils savent se creuser au bord des bois ou dans
les taillis, sous des troncs d'arbre, dans les pierres, les rochers, ou enlin dans
la terre, mais alors sur un sol en pente, afin d'éviter l'humidité ou les inonda-
tions. Quelquefois ils s'emparent des terriers des blaireaux, ou même de ceux
de lapins, qu'ils élargissent. Les chasseurs ont observé la forme du terrier, et
l'ont ainsi décrit : « 11 se divise en trois parties ; la maire est celle qui est le
plus rapprochée de l'entrée; c'est là que la femelle se tient quelques moments
en embuscade pour observer les environs avant d'amener ses petits jouir de
l'influence de l'air et des rayons du soleil; c'est aussi là que le renard que l'on
enfume s'arrête quelques minutes pour attendre l'instant favorable d'échapper
au chasseur. Après la maire vient la fosse, où le gibier, la volaille, et autres
produits de la rapine sont déposés, partagés par la famille et dévorés ; presque
toujours la fosse a deux issues, et quelquefois davantage. L'accul est tout à fait
au fond du terrier; c'est l'habitation de l'animal, l'endroit où il met bas et allaite
ses petits. »
Ce terrier n'est guère habité par le renard qu'à l'époque où il élève sa jeune
famille ; dans tout autre temps, il ne s'y retire que pour échapper à un danger
pressant. Il passe la journée à dormir dans un fourré à proximité de sa retraite,
et il chasse pendant la nuit. 11 ne se nourrit guère que de proie vivante, à moins
qu'il ne soit extrêmement poussé par la faim; dans ce cas, il mange des fruits,
particulièrement des baies de ronces, et se tient à proximité des vignes pour
se nourrir de raisins. Il faut qu'il éprouve une grande disette pour attaquer
les charognes et autres voiries. Vers la tombée de la nuit, il quitte sa retraite
et se met en quête. 11 parcourt les lieux un peu couverts, les buissons, les haies,
pour tâcher de surprendre des oiseaux endormis, ou la perdrix sur ses œufs;
il se place à l'affût dans un buisson épais pour s'élancer et saisir au passage le
lièvre ou le lapin. Quelquefois il parcourt le bord des étangs, et se hasarde
même dans les joncs et les marécages pour saisir les jeunes poules d'eau, les
canards qui ne peuvent pas encore voler, et autres oiseaux aquatiques A leur
défaut, il mange des mulots, des rats d'eau, des grenouilles et des lézards. Mais
si, pendant ses recherches, le chant d'un coq vient frapper son oreille, il s'a-
chemine avec précaution vers le hameau d'(u'i viennent ces sons alléchants, il
en fait cent fois le tour, et malheur à la volaille qui ne serait pas rentrée le
soir dans la basse-cour : elle serait saisie et étranglée avant même d'avoir eu le
temps de crier.
Lorsque le jour commence à paraître, il rentre dans le buis, et toujours dans
le même hallier qu'il a choisi pour sa retraite habituelle Ojiendant, quami la
•>7
i>10 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES
l'erme où il a commis ses rapines pendant la nuit se trouve tres-eloignee de sa
retraite, il cherche une autre cachette plus rapprochée et y passe la journée en
observation. Si la volaille s'écarte dans les champs pour aller chercher sa pâture,
il la guette avec soin, choisissant des yeux sa victime en attendant patiemment
l'occasion de s'en emparer. Tant que le chien de cour rôde ou veille dans les
environs, il reste immobile et tapi dans sa cachette; mais celui-ci rentre-t-il
un moment dans la ferme, le renard se coule le long d'une haie, en rampant
sur le ventre. Pour approcher sans être aperçu, il se glisse derrière tout ce (|ui
peut le masquer, un buisson, un tronc d'arbre, une toulïe d'herbe; parvenu a
proximité, d'un bond il se jette sur sa proie, fuit au fond des bois avec autant
de vitesse que de précautions pour n'être pas découvert, et là il la mange avec
sécurité. Quand son coup lui a réussi, on peut être sûr qu'il reviendra à la
charge tous les trois ou quatre jours, et qu'au bout de l'année il ne restera pas
une seule pièce de volaille dans la basse-cour, si l'on ne parvient a saisir le
voleur.
Dans les pays giboyeux, les renards s'adonnent plus particulièrement a la
chasse. Deux sortent ensemble de leur retraite et s'associent pour la chasse «lu
lièvre. L'un s'embusque au bord d'un chemin, dans les bois, et reste immobile;
l'autre quête, lance le gibier, et le poursuit vivement en donnant huit ou dix
coups de voix par minute pour avertir son camarade, d'un ton aigu, glapissant,
mais non en aboyant comme le chien. C'est ordinairement pendant la belle saison,
entre dix heures du soir et minuit, que l'on entend chasser ces animaux dans les
pays boisés. Le lièvre fuit et ruse devant son ennemi comme devant les chiens
de chasse; mais tout est inutile, et le renard, collé sur la piste, le déjoue sans
cesse et se trouve toujours sur ses talons. Il combine sa poursuite de manière
a le faire passer sur le chemin auprès duquel son camarade est à l'affût pour l'at-
tendre. Lorsque le lièvre est à portée, le renard embusqué s'élance, le saisit :
l'autre chasseur arrive, et ils dévorent en commun une proie qu'ils ont chassée
ensemble. IMais cette association n'a pas toujours une fin aussi heureuse. Il ar-
rive parfois que celui qui attend, trahi par son impatience ou par son adresse,
sélance et manque sa proie. Au lieu de courir après, il reste un moment saisi de
sa maladresse, puis, comme se ravisant et voulant se rendre compte de ce qui lui
a fait manquer son coup, il retourne à son poste et s'élance de nouveau dans le
chemin ; il y retourne et s'élance encore, recommençant plusieurs fois ce ma-
nège. Sur cette entrefaite, son associé paraît et devine sur-le-champ ce qui est
arrivé. Dans sa mauvaise humeur, il se jette sur le maladroit, et un combat
de cinq minutes est livré; ils se séparent ensuite, l'association est rompue, et
chacun se met en quête pour son propre compte.
« Le renard, dit Buffon, est fameux par ses ruses, et mérite sa réputation;
ce que le loup fait par la force, il le fait par adresse, et réussit plus souvent. Il
emploie plus d'esprit que de mouvement, ses ressources semblent être en lui-
même : ce sont, comme l'on sait, celles qui manquent le moins. Fin autant que
circonspect, ingénieux et prudent, même jusqu'à la patience, il varie sa con-
duite, il a des moyens de réserve qu'il sait n'employer qu'à propos. » Ce que
dit Tîuffon est le portrait le plus exact qu'on puisse faire de cet animal, et il
ne ces.se d'eiii|tl(»\('i la i-iise poni' se sauver (l'un danger (|u'<'ii rendant le (1er-
CHIENS -^n
nier soupir, .le pourrais en citer plusieurs exemples tlouljai nioi-meine ete le-
luoiii, mais j'aime mieux en choisir un, absolument i(ienti(|ue a ce (|ue j'ai vu.
dans un ouvrage estimé sur la chasse : « J'ai vu un renard, vieux charhonuiei-,
dit l'auteur, qui, après avoir mis plus d'une fois les chiens en défaut, s'étaul
fourvoyé dans un trou peu profond et fort large, où il fut pris par les chiens.
se laissa fouler par eux, tourner et retourner par les chasseurs, pendant plus
d'un quart d'heure en faisant le mort, et (jui, lorsque les chiens fureul soûls de
jouir, se releva tout d'un coup sur ses pieds et décampa lestement au mouu'nl
ou on y pensait le moins. "
Chasse par les chiens, le renard ruse une ou deux fois devant eux pour les
mettre en défaut, puis gagne son terrier; mais, effraye par les morceaux de
|iapier que les chasseurs ont eu soin de placer devant les Irons, auprès des(piels
ils se sont postes, il regagne l'épaisseur du liois s'il n'est atteint et lue par
leurs coups de fusil. Après avoir fait un grand tour il revient encore une se-
conde fois à son terrier, et s'il est encore manqué par les tireurs, il file de long
pour ne plus revenir. Devant les chiens il se fait toujours hattre dans les four-
res les plus épais et dans les lieux bas. S'il a un chemin à traverser, il s'arrête
un moment au bord du bois, examine s'il découvrira le chasseur, auquel cas il
rebrousse subitement; si rien ne l'inquiète, il n'en franchit pas moins le che-
min d'un seul bond, ce ([ui le rend très-difficile à tirer. Quand il est terré, on
le prend dans son trou au moyen d'un basset (jui l'iiupiiéte pendant qu'on
creuse en dessus avec des pioches; si le terrier esl dans des roches, on le fume.
Quelques naturalistes ont prétendu ^\uv le chien de Laconie, dont parle Aris-
tote, n'était rien autre chose ({ue le renard plie a la domesticité, et ceci me
paraît plus que douteux. J'ai essaye plusieurs fois de priver des renards pris
fort jeunes, et je n'ai jamais pu y parvenir. Buiïon n'avait pas obtenu plus de
succès que moi, et tous ceux qui ont vécu a la ménagerie se sont toujours mon-
trés farouches et sauvages. Je ne crois pas non plus qu'il y ait un seul exemple
de l'accouplement de ces animaux avec des chiens. De ces raisons, et de beau-
coup d'autres, tirées des dilférences anatomi(|ues qui existent entre eux, je con-
clus que non-seulement ils n'appartiennent pas a l'espèce du chien, mais pas
même a son genre. Les renards entrent eu chaleur en hiver, et la leiiK'lIe, (pu
ne fait qu'une portée par an, en avril et en mai. ne met jamais bas moins de
trois petits et rarement plus de ((uatre ou cin(|. Elle eu a le plus grand soin, et
si elle s'apen-oit (|u'ou ail rôdé autour de son terrier, elle les en sort pendanl
la nuit, et les transporte un à un dans un autre. Le renard met dix-huil mois
à croître et vit treize ou (piatorze ans.
L'Isatis ( Viilpes lagopu.'i. — Canis lagopus, U'iix, presque semMnble à de l;i hiine, mais non
SciiEB. Le Hcnard bleu, Buff. - G. Cuv. Le ei-epu, laiilot <fiin cemlrc fonce-, laiilôl hlanc ;
rcsez des Russes. Le Fiallrarha des Suédois, le dessous de ses doigts est «arui de poils, et le
Le Refl et le Toa des Islandais. Le Snid et le liiupiièniedoisl des pieds de devant est pre.scpie
Graa-raev des Danois. Le ^aull des Finnois, aussi fort (pie les autres, un peu |)lus court seu-
Le ]»;c/raA des Norwégiens. Le Ajrt/des Lapons), lenient, et son ouffle plus recourbé. Le bout
Son pelage est très-long, très-t'ourré, tres-nioel- du museau est noir.
Lisalis se lrou^e sur tout le littoral de l;i mer (llaeiale el des lleuves cpii s'y
•212 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
jettent, et partout au nord du soixante-neuvième degré de latitude. Il se plaît
dans les pays déboisés et découverts, sur les montagnes nues, et c'est sur le pen-
chant de ces dernières, ou au moins sur les collines élevées, qu'il aime à creu-
ser son terrier. Il entre en chaleur vers la fin de mars, et la femelle porte en-
viron neuf semaines. En mai et juin elle met bas sept à huit petits, et même
beaucoup plus si on s'en rapporte a Gmelin. Les mères blanches font leurs pe-
tits d'un gris roux en naissant, et ceux d'une mère cendrée sont presque noirs.
Pendant les cinq à six premières semaines, la mère reste le plus longtemps pos-
sible dans son terrier, et n'en sort que pour aller chercher sa nourriture; elle
y allaite ses enfants avec grand soin, et les tient très-propres sur le lit de mousse
(pi'elle leur a préparé à l'avance. Vers le milieu d'août, elle les fait sortir et les
mène promener avec elle pour leur apprendre à chasser. Leur poil alors a un
peu plus d'un demi-pouce (0,014) de longueur. Les individus blancs com-
mencent déjà à avoir une raie d'im brun cendré sur le dos ; les individus cendrés
ont déjà leur couleur foncée et ne subissent plus aucune variation que dans la
longueur et le reflet du pelage. Dès le milieu de septembre, les blancs sont
d'un blanc pur, excepté la raie du dos et une barre sur les épaules qui noir-
cissent, et les font alors nommer krestowiki ou croisés. Puis le noir des épaules
disparaît entièrement et bientôt après celui du dos, de manière qu'en novem-
bre l'isatis blanc est dans sa perfection de couleur et se nomme alors nedopesez.
Néanmoins les poils des blancs et des cendrés n'ont acquis toute leur longueur
qu'en décembre, et c'est depuis ce moment jusqu'en mars que leur fourrure est
le plus estimée. Celle des blancs étant la plus commune est aussi celle qui a le
moins de valeur; celle des gris en a beaucou]) plus, et cette valeur augmente
d'autant plus que la couleur en est plus foncée et reflète le cendré bleuâtre,
d'où est venu à ces animaux le nom de renards bleus. La mue commence en
mai et finit en juillet. A cette époque les adultes ont la même livrée que les
nouveau-nés de leur couleur, et ils parcourent des phases de coloration abso-
lument semblables.
Les fourrures d'isatis ont un tel prix, que, s'il arrive à un chasseur de s'em-
parer d'un ou de deux petits, il les apporic chez lui et les fait allaiter par sa
femme, qui se donne beaucoup de peine pour les élever jusqu'au moment de
les tuer et de vendre leur peau. Les voyageurs prétendent qu'il n'est pas rare
devoir de pauvres femmes partager leur lait et leurs soins entre leur enfant el
trois ou quatre renards bleus.
Ces animaux ont une singulière habitude, c'est d'émigrer en grand nombre
du pays qui les a vus naître, dés que le gibier dont ils se nourrissent ordinai-
rement, par exemple les lemmings et les lièvres tolaï, vient à diminuer en
nombre. En général, ces émigrations se font vers le solstice d'hiver, et les émi-
grants descendent quelquefois au sud du soixante-neuvième degré, mais jamais
ils n'y fixent leur demeure et n'y creusent de terriers. Après trois ou quatre
ans au plus, ils retournent dans leur patrie, où le gibier a eu le temps de peu-
pler pendant leur longue absence.
Comme tous les renards, l'isatis est rempli de ruses, de hardiesse, et enclin
à la rapine Sans cesse il est occupé, pendant la nuit, à fureter dans la cam-
pagne, <•! quchpicfois on loutend chasser avec une voix qui lient à la fois de
CHIENS
•21 :<
raboic'inent (lu chien ol du glapissement du renard. Il a sur ce dernier l'avau-
tage (le ne pas craindre l'eau et de nager avec la plus grande fjicilité. Aussi se
hasarde-t-il souvent à travers des bras de rivière ou des lacs, pour aller cher-
cher, parmi les joncs des îlots, les nids des oiseaux aquati(pies, dont il dévore
d'ahord la m»M'e. s'il peut la surprendre, puis les petits ou les œufs.
Le Uenaiii) de Lalande ( ]'iili)es LalandU.—
Canis vieçinlolis, De.sm. Canis Lainndii, Df.s-
Mdi i.) est plus haut sur janil)e.s que noire re-
nard ; sa lète est |)las petite et sa queue plus
fournie; ses oreilles très-grandes, égalant pres-
(|ne la tète, son! remarqnnMrs par un double
rebord à leur bord inlerienr externe ; son pelage
est d'un gris bnui en dessus, d"nn fauve pâle
et i)lus laineux en dessous; il a une bande de
poils plus grands que les autres et noirâtres le
long du dos ; le devant des cpiatre pieds est d'un
brun noirâtre; le dessus et le bout de sa queui-
sont udirs. Tout le pelage de eet animal est i)lns
laineux (jue celui des antres renards. Il habile
le eap de Bonne-Ksporance. et principalement
la Cafrerie.
Le Zeiuio ou Fennec ( Viilpes feiuifcus. —
C'inis fenuenis, Less. Canis zer(lo,Gy\L. Fen-
nenis Bntrii, Desm. Cauis zerdn, Piigmcrus on
.Va/nrpii.si.s- de Leickaht. l'robablenienf le Ca-
Jii.s fameiinis de Kretschmmi ) est de très iietite
taille; ses jambes sont grêles, son museau effilé,
ses oreilles très-grandes; son pelage est d'un joli
roux Isabelle en dessus, blanc en dessous; il a
une tache fauve placée devant chaque o'il ; la
base et le bout de sa queue sont noirs; .'i l'inté-
rieur ses oreilles sont bordées de longs j)oiIs
blancs. Cet animal est fort peu connu, et tout
ce qu'on sait de certain sur son comi)le c est
qu'il se trouve;) Dongola, en Afrique, qu'il ha-
bite lui terrier, et qu'il se nourrit de petits
mannnifères, d'oiseaux et d'insectes. On a dit, à
tort, (lu'il gi impe sur les arbres et mange des
dalles.
Le Fkivxec de Deniiam { i'ulpes DeuUom'ii}
diffère du précédent i)ar son jielage d'un roux
l)lanch;itre uniforme, seulement plus pâle en
dessons ; son dos, brun, est rayé de lignes noires
très-déliées; son menton, sa gorge, son ventre,
et les parties internes de ses cuisses et de ses
jand)es sont bhuics; son museau est noir. Du
reste il ressemble au précédent. 11 habite l'inté-
rieur de l'Afrique.
Le Renakii de Bengale ( Vulpcs bengalcnsis.
— (nuis bcngnlensis, Shaw/ est brun en des-
sus, avec une bande longitudinale noire ; il a le
tour des yeux blancs, et sa queue est noire au
bout. Il habile l'Iiuie, et diffère peu de notre
renard, (juant aux mceurs.
Le Ke>ard d'Kgvpte ( Vulpes nilolicnn. —
Canis nilo'.icus, CiEOFh. ) ressemble beaucoup
au renard ordinaire quant aux mceurs, à la
grandeur et aux formes; son pelage est rous-
sàtre en dessus, d'un gris cendré en dessous;
ses oreilles sont noires et ses pieds fauves. Il se
trouve en r.g\|)te.
2\'t
LKs (:.\i{iN.\ssii:us i>h;i ii<;u \i>ks.
Le Renard arj^enté.
Le RENARD ARGENTÉ [Vuipes ar(jcnlalu!s — Catm aifjentaliis, Fr. Cuv. Le
Henard argenté ou Renard voir G. Cuv., confondu |>;ir Gmelin avec le Loup
noir, Canis lycaon).
Sa longueur, non compris la queue, est de vingt-trois pouces (0,625) ; il est
d'un noir de suie, piqueté ou glacé de blanc partout, excepté aux oreilles, aux
épaules et à la queue, où il est d'un noir plus pur; il a le bout de la queue, le
dedans de l'oreille et le dessus du sourcil blancs; son museau et le tour de son
œil sont gris; son iris est jaune.
Cet animal habite principalement le nord de l'Amérique ; mais, selon Lesseps
et Krakenninikof, on le trouve aussi au Kamtschatka, quoique assez rarement.
Il a les mêmes habitudes que notre renard ordinaire; et comme il est plus
grand et plus fort, il est aussi plus courageux, et ne craint pas d'attaquer des
animaux d'une certaine grosseur. On dit que lorsqu'il peut approcher d'un
troupeau, il a la hardiesse d'enlever, malgré les cris des bergers, les agneaux
ou chevreaux qui sont à sa convenance, et c'est probablement pour avoir en-
tendu raconter de pareilles choses, que Gmelin l'a confondu avec le loup noir.
Sa fourrure a du prix, quoiqu'elle soit moins estimée que celle du renard bleu.
La ménagerie du Jardin des Plantes en a possédé un qui y a vécu assez long-
temps, et l'on a pu reconnaître en lui toutes les allures de notre renard; ainsi
(|ue lui, il marchait la tête et la queue basses, et, quoique très-bien apprivoisé et
fort doux, il gardait un amour de la liberté qui a fini par le faire mourir dans
la tristesse et le marasme. Lorsqu'on le contrariait, il grognait comme un chien
en montrant ses dents, et il eût été dangereux de le toucher dans ces moments
CIllEiNS.
215
(le iiiaiivaise huuieiir. Il exhalait une uileiir désagréable, mais qui n'avait pas
beaucoup rl'analogie avec celle du renard commun, et, pendant l'été, il parais-
sait beaucoup souffrir de la chaleui'.
Le Renard agile ( ]'ulpes lelox. — Cauis ve-
lox, Sav.) liabite l' Amérique, aiusi que les es-
pèces qui vont suivre. Sou pelage est doux, fin,
so) eux, fauve et d'un l)run ferrugineux ; le des-
sous de sa tête est d'un l)lanc pur, et les poils
de son cou, clant plus longs que les autres, lui
forment une sorte de fraise. 11 a la taille svelte,
le corps mince, ce qui, dit-on, le rend très-lé-
ger à la course. 11 se plaît dans les pays décou-
verts, sur les bords du Missouri, se loge dans
un terrier, et parait avoir les mêmes tiahitudes
que nos renards.
Le Renard cbis {Vulpex rirginianus. — Cauis
viiginianus, Euxl. Le Renard gris de Catesbv)
se distingue de ses congénères à son pelage en-
lièrcnicnt d'un gris argenté; du reste, il a les
mêmes niceurs et les mêmes habitudes. On le
trouve en Virginie.
Le Renard croisé {Vulfesdecussatus.— Canis
denissatvs, Geoff. Conis cruciger, Sciir.) est
de la taille de notre renard; tout son corps, et
surtout le dos, la queue, les pattes et les épau-
les sont d'un gris noirâtre, plus foncé vers les
épaules, à poils annelés de gris et de blanc; il
a une grande plaque fauve de l'épaule jusqu'à
la tête, et une autre de même couleur sur le
côté de la poitrine. Sou museau, les parties
inférieures de son corps et ses pattes sont noirs ;
sa queue est terminée de blanc. Ou le trouve
dans l'Amérique septentrionale et probablement
jusqu'au Kamtschatka.
L'Agouaraciiay ou Renard tricolore ( Vtilpes
cinereo-argenleus. — Canis cinereo-argenteiis,
Schheb. — Fr. Clv.) est noir, glacé de gris en
dessus; la tête est d'un gris fauve; le museau
blanc et noir; les oreilles et les côtés du cou
sont d'un roux vif; 1 iutérieur de l'oreille est
blanc, ainsi que la gorge et les joues ; le menton
est noir; la face interne des membres est d'un
fauve plus vif vers les flancs, plus p;ile sous le
ventre et la poitrine; la queue est fauve, nuan-
cée de brun, et terminée par du noir foncé. 11
habite 1rs États-Unis et le Paraguay. Un jeune,
apjiorlé de New-Yorck, a vécu quelque temps
à la ménagerie. Sans être méchant, il était assez
farouche, et il exhalait une odeur désagréable.
3' Genre. Les HYÉNOÏDES {Hyeiioides)
ont le même sjstème dentaire que les deux gen-
res précédents, seulement le petit lobe en avant
moins prononcé ; ils n'ont que quatre doigts à
tous les pieds. Ces caractères les placent entre
les chiens et les hyènes, avec lesquels elles ont
de nombreuses affinités.
La IIïENOÏDE peinte (Hi/euoides ;jirta.—/7 1/(1-
na pirla, Temm. Hijœna venatica , Bboocks.
Canis piclus, Desm.V Sa taille est celle du grand
mâtin, et, de tous les animaux, c'est elle qui
a le pelage le plus agréablement varié. Sur un
fond grisâtre se dessine d'une manière plus ou
moins tranchée des taches blanches, noires,
d'un jaune d'ocre foncé, très-irrégulièrement
parsemées et mélangées, quelquefois assez lar-
ges, d'autres fois très-petites, toujours placées
sans ordre et sans nulle S5métrie. Non seule-
ment ces taches varient beaucoup sur les parties
correspondantes du même animal, mais encore
d'individu à individu, car je n'en ai pas trouvé
deux tachetés identiquement dans les collections
que j'ai visitées, quoiqu'elles y soient en assez
grand nombre.
Du reste, la hyenoïde a quelque analogie de forme avec la hyène tachetée
[Hijœna crocaîa), a laquelle elle ressemble par le manque de crinière, et par
son train de derrière, qui est même plus relevé, quoiqu'il le soit moins que dans
les chiens. Comme cette dernière, elle a la tète grosse, le museau court, et les
yeux gros et saillants; ses oreilles sont larges et velues; sa queue est touffue,
blanche au bout, et descend jusqu'aux talons.
La hyenoïde habile le midi de l'Afrique ; elle a toute la voracité des hyènes,
mais moins de lâcheté, et elle est beaucoup plus dangereuse pour le bétail. Elle
se réunit en troupe plus ou moins nombreuse, et ose alors se défendre contre
la panthère et même contre le lion. Elle aime à se nourrir de cadavres corrom-
pus et de voiries, et, pour satisfaire ce goût, elle a la hardiesse d'entrer, pen-
dant la nuit, dans les cours des fermes, et même dans les villages, où elle vient
ramasser les immondices jusqu'aux portos des maisons. Malgré cela elle ne s'en
•2H\
US CAIUXASSILUS DIGIT IGU AOKS.
livre pas moins avec ardeur à la chasse des gazelles et des antilopes, bans ce cas,
les hyénoïdes se réunissent en meute, et poursuivent le gibier avec autant d'ordre
et de persévérance que nos meilleurs chiens courants ; seulement elles se divisent
(pielquefois en deux ou trois bandes, et pendant que l'une suit la piste de l'an-
tilope, les autres cherchent à prendre les devants, à la couper et à la saisir au
passage; lorsque l'animal est pris ou forcé, elles le dévorent toutes ensemble
sans se quereller; mais elles ne souffrent pas qu'un animal carnassier d'une
autre espèce vienne leur disputer leur proie, et c'est alors que, comptant sin-
leur nombre et leur courage, elles osent résister à la panthère et au lion.
Si les voiries manquent et que la chasse n'ait pas donné de produits, les hyé-
noïdes se répandent autour des nabitations et poussent la hardiesse jusqu'à atta-
quer les troupeaux, les moutons principalement, et même les bœufs et leschevaux
lorsqu'elles les trouvent isolés. Mais aucun fait ne constate qu'elles se soient
jamais jetées sur les hommes. Ce que nous venons de dire de cet animal est
lout ce qu'il y a de positif sur son histoire, et si l'on n'en sait pas davantage, c'est
parce cpi'il a toujours été confondu avec les hyènes par tous les voyageurs.
4''Genbe. Les GYMNURES(G!/Jnnura, Less.)
devraient peut-être se rapprocher des para-
doxures, qui sont plantigrades, car ils n'ont pas
une analogie parfaite avec les civettes et moins
encore avec les chiens. A la mâchoire supé-
rieure leurs deux incisives moyennes sont les
plus larges, et écartées l' une de l' autre ; les deux
latérales sont fort petites et les canines médio-
cres; la première molaire a deux pointes, la se-
conde une seule, la quatrième et la cinquième
quatre tubercules et la sixième trois; les cani-
nes de la mâchoire inférieure sont longues. Ils
ont en tout quarante dents, dont douze incisi-
ves, quatre canines, et douze molaires à chaque
mâchoire. Du reste, leur museau est pointu, leur
langue douce ; leurs oreilles arrondies, droites et
nues ; leurs ongles comprimés, arqués el aigus;
leur queue nue. On n'en connaît qu'une espèce :
Le GvMNDitE DE Raffles ( Gipnnura haffesii,
Less. Virerra gymnitra, RAFFL.)a un pied de
longueur (0,325) non coin|tris la queue, qui est
nue et a dix pouces (0,271). Sou pelage, long
et assez dur en dehors, hiineux, doux et très-
épais en dedans, est noir et blanc; le corps, les
jambes et la première moitié de la queue sont
noirs, et une bande de la même couleur passe
sur les yeux; la tète, les épaules et le cou soni
blancs; le nmseau est poinlu, dépassant d'un
pouce (0,027) la mâchoire inférieure; les mous-
taches sont longues, et les jeux petits. Cet ani-
mal hal)ite les Indes orientales, et l'on ne sait
rien de ses habitudes.
LA BOUCHERIE,
DEHIIIÈKE LES LOGES DES * IM UI \ L X FEROCES.
t.larrlin des PU mes.)
CIVKTTIiS.
■2\-
<i'--^"^..
m:s civettes
Ont quarante dents, à une seule espèce près,
([ui n'en a que lieiite-six : douze incisives, qua-
tre canines et douze molaires, dont trois faus-
ses molaires en In ut, (juatre en bas : les anté-
rieures tombant quelquefois; deux tubercu-
leuses assez grandes en haut, une seule en bas ;
deux tubercules saillants au coté interne de
leur carnassière inférieure en avant, le reste de
cette dent étant plus ou moins tuberculeux.
Leur langue est hérissée de papilles rudes et
aiguës ; leurs ongles se redressent à demi dans
la marche, et près de leur anus est une poche
plus ou moins profonde, où des glandes parti-
culières font suinter une matière onctueuse et
souvent odorante.
1"' (lEMiE. Les CIVETTES ( ['irena.Ciiv.l
ont les pieds à cinq doigts, ainsi que les geuelles
et les mangoustes. On les i-econuait i^i la poche
profonde qu'elles ont entre l'anus et l'organe de
la génératiou, poche divisée eu deux sacs qui se
remplissent d'ime pommade abondante exha-
lant une forte odeui' nmsqué'e.
Le NZFUSI OU NZIME {Vii'crni c'ivclta^ Lin, La C'weltc onlhiaiic, G. Cuv. —
BuFF. Le Knnkan des Ethiopiens. Le Knsior des Guinéens)
A environ deux pieds trois pouces i 0,7.j I ) de longueur, non compris la queue ;
son nniseau est un peu moins pointu (pie celui du renard ; ses oreilles sont
courtes et arrondies ; son pelage est long et grossier, gris, tacheté et couvert de
handes hrunes et noirâtres, avec une crinière tout le long de l'échiné; sa queue
est brune, moins longue que son corps ; la tête est hlanchàtre, excepté le tour
des yeux, les joues et le menton, qui sont hruns ainsi que les quatre pattes.
La civette ou nzime habite l'Afrique et surtout l'Abyssinie; on la trouve aussi
en Asie. Elle a, outre les poches singulières dont nous avons parle, lui petit
trou de chaque côté de l'anus, d'oii suinte une humeur noirâtre Irès-félide. C'est
un animal qui fuit les terres humides et basses, et qui se plaît i)articiil!éremeiit
dans les plaines élevées et les montagnes arides. Agile â la course comme un
chien, leste à sauter comme un chat, souple comme tous les animaux de son
genre, ayant des yeux très-Iuillaiits et qui lui permettent de distinguer les objets
28
-218 I.KS CAKiNASSlKliS DIG ITiG II A DES.
pcnilaiiL la iiuil; clant, outre cela, d'un caractère courageux et cruel, la civelle
est le fléau des oiseaux et des petits mammifères, qu'elle surprend dans les té-
nèbres, qu'elle poursuit à la course pendant le jour, et qu'elle atteint d'un bond
à une assez grande distance. Son occupation constante est de chasser ; mais,
(juand elle ne trouve pas de gibier, elle vient en maraude autour des lieux ha-
bités, saisit avec toute la ruse du renard les volailles qui se sont écartées de la
IVrme, pénètre même quelquefois dans la basse-cour, et met tout à mort avant
de se retirer. Enfin, si toutes ces ressources lui manquent, elle se rabat sur les
fruits et les racines, qu'il lui est facile de broyer avec ses larges molaires tu-
berculeuses. Quoique naturellement farouche, la civette s'apprivoise assez faci-
lement, mais jamais assez pour s'attacher à son maître et caresser la main qui
la nourrit. Née dans les pays chauds, elle s'habitue cependant très-bien dans les
climats tempérés, et même froids, pourvu que, pendant l'hiver, on la tienne dans
un lieu chauffé. Il n'y a que quelques années qu'on en nourrissait encore beau-
coui» en Hollande, alors que le parfum qu'elle produit était à la mode, et celui
(pion en tirait était plus estimé que celui qui venait de son pays même,
probablement parce (pi'il n'était pas frelaté. Il paraît aussi que son odeur est
d'autant plus forte et i)lus suave, et sa qualité d'autant plus grande, que l'animal
est mieux nourri; de la chair crue et hachée, des (eufs, du riz, des petits ani-
maux, des oiseaux, de la jeune volaille, et surtout du poisson, tels sont les ali-
ments qui lui conviennent le mieux; il ne lui faut que peu d'eau, parce qu'il
boit très-rarement. Pour recueillir ce parfum, on met l'animal dans une cage
étroite où il ne peut se tourner; on ouvre la cage par un bout, et on tire la ci-
vette par la queue; on la contraint à rester dans cette position en passant à tra-
vers les barreaux un bâton qui lui entrave les jambes de derrière ; alors, on
introduit une petite cuiller dans le sac qui contient le parfum, on racle avec
soin toutes les parties intérieures des deux poches, et l'on met la matière odo-
rante qu'on en tire dans un vase que l'on ferme ensuite hermétiquement. Si
l'animal se porte bien et qu'il soit convenablement nourri, on peut répéter cette
opération deux ou trois fois par semaine. Cette matière exhale une odeur si
forte, qu'elle se communique à toutes les parties du corps de la civette; le poil
en est imbu, et la peau pénétrée au point qu'elle se conserve encore longtemps
après sa mort. Quand on irrite et tourmente l'animal, il hérisse sa crinière, se
secoue en grondant, et il répand une odeur (pii devient violente, au point qu'on
ne peut la supporter dans un appartement où l'on se trouve enfermé avec lui.
Cette humeur onctueuse et parfumée, que nous appelons cïvcitc, est connue dans
le Levant et en Arabie sous les noms de xibci ou aUjallia^ et elle est encore en
orande estime dans ces contrées et dans l'Inde. Autrefois, en Europe, la mé-
decine s'en était emparée, et lui attribuait des propriétés merveilleuses, comme
aphrodisiaque et stimulante; mais aujourd'hui ses prétendues vertus sont ou-
bliées, et il n'y a plus guère c(ue les parfumeurs et les confiseurs qui en emploient
encore quelquefois.
On sait parfaitement aujourd'hui que la civette, quoique très-commune, ne
produit cependant que deux ou trois petits à la fois, et les anciens naturalistes
auraient dû déduire ce fait du nombre de ses mamelles, qui est de quatre ; mais
comme elle refuse constamment de s'accoupler en domesticité, on ne sait pas
ClVLTTliS
21".)
le lemps que dure sa gestaliou, ni nu-nie les circonstances qui acc()in|)aij;iienl
l'éducation de ses [letils.
LaCi\iiTTE u'IIakdwicu (llveria lluidti'ultii,
Less.) a environ quinze pouces (0, iOG) de lon-
gueur, non compris la queue, qui eu a onze
(0,298) ; elle est d'un blanc jaunâtre, marquée
de larges ligues longiUidinales et de taches
noires allongées et conlluenles; la queue
porle six anneaux noirs; le nez est noir, et une
ligue de celle couleur va de l'œil au cou, de
chaque côté. Elle est de Java, et ses UKruis, ué-
lant pas connues, ne peuvent se déduire que
par analogie.
LeZiiiETOu Sawadu-Punée ( l'ii-crra zibctia,
Lr\. Le Zilictli, G. Crv. Le Musc de i.a Pey ho-
me. Le Qiiott et Vinflii/cs des Arahes^ est plus
petit que la civelle, sa longueur ne dépassant
pas douze ou quinze pouces (0,525 à 0,40<l),
non compris la queue. Il a celle-ci beaucoup
plus longue, couverte de poils courts, el auue-
lée de noir; le fond de sou pelage est d'un gris
jaunâtre, avec de nombreuses lâches noires,
pleines et quehiuefois assez rapprochées pour
former des lignes coulinuis, surtout au train
de derrière; le ventre est gris; uue bande
noire, naissant derrière la partie supérieure de
loreille, s'étend en arc de cercle jusqu'au de-
vant du bras, et sépare la robe, tachetée de
blanc pur, des cotés et du dessous du cou ; uue
autre bande un peu plus large, également noire,
en est séparée par nu cercle blanc ; une Iroi-
sième descend vei'licalemeut au-dessous de l'o
leille, eulin une quatrième correspond à la
branche moulanle de la mâchoire.
Le zibet habite les Indes, et se trouve principalement aux l'iiilippines. Ses
habitudes sont plus nocturnes que celles de la civette, parce qu'il voit mal pen-
dant le jour, qu'il passe entièrement à dormir dans les fourrés où il fait sa de-
meure. La nuit, il se met en chasse, et parcourt la campagne avec une grande
activité, et dans un profond silence que rien ne peut lui faire rompre. A toutes
les sortes d'aliments il préfère les oiseaux et surtout leurs œufs; il attaque aussi
les petits mammifères, mais il mange aussi les fruits, et il se contente de ra-
cines quand il ne trouve pas mieux; en un mot, il est presque omnivore. Du
reste, il a toutes les autres habitudes de la civette, et produit un parfum qui ne
lui est pas inférieur. Celui qui a vécu à la ménagerie était triste, silencieux,
facile à se mettre en colère, et alors il se hérissait le dos comme s'il eût eu une
crinière.
2"Ge>be. Les GENETTES ( Genelta, Ccv.)
n'ont qu'une poche Ires peu profonde, réduite
à uu enfoncement léger formé sur la saillie des
glandes, et presque sans excrétion sensible quoi-
qu'il y ait une odeur très-manifeste.
La GE^ETTE oiidi.\aihe {Geiielta nilgriris, Fr.
Cuv. l'irerra geiictta, Liy. ]'iccnamalacceuiiis,
Gml. Mi-crra tigrina, Scii. La Gcnetle et la
Genellcdn Cap, deBiFF. La Circtlc de Malaria,
SoiNNEKAT. Le Chat bizaam de Vosm. Le Chat
dit Cap de FohsteuI est à peu près de la gros-
seur, de la longueur et de la figure d'ime fouine,
mais sa tète est plus étroite, son nuiseau j'ius
effilé, ses oreilles plus grandes, plus minces et
plus nues; ses pattes moins grosses et sa queue
plus longue. Son pela;i;e est d'un gris mêlé de
roux, (acheté de petites macules noires, lanlol
rondes et tantôt oblongues; la queue a quinze
anneaux alternalivenient noirs et blanchâtres,
avec des teintes rousses.
Cet animal, si l'on n'a pas confondu plusieurs espèces en une seule, se trou-
verait en Afrique, au Cap, dans le midi de l'Asie, en Espagne, et même en
France, dans le Poitou, selon Buflon ; mais ce dernier fait me paraît d'autant
plus douteux que la figure qu'il a jointe à sa description est celle d'une gcnetle
étrangère. J'ai fait moi-inème prendre dans le Rouergue et le Poitou des ren-
seignements qui ne m'ont rien appris, si ce n'est que cet animal est tout à fait
inconnu aux chasseurs dans ces anciennes provinces. Quoi qu'il en soit, la ge-
nelte n'habite ni les montagnes, ni les grandes forêts, ni les terres arides; elle
220 LES CAIINÂSSIEUS DIGITIGRADES.
lie se pluilque dans les vallées fraîches, ombragées par de simples bocages, et
le long des ruisseaux, sur le bord desquels on prétend qu'elle se creuse un ter-
rier. Elle a de la finesse dans la figure, de la grâce dans les mouvements, et
beaucoup d'agilité pour poursuivre les oiseaux et les petits mammifères, dont
elle se nourrit habituellement. Prise jeune, elle s'apprivoise parfaitement et de-
vient un fidèle commensal de la maison, ayant à peu prés les mêmes habitudes
([uc le chat, et rendant les mêmes services en faisant une guerre active aux sôi!-
ris, aux mulots et aux rats. Bcllon dit en avoir vu dans les maisons à Constan-
tinople; elles étaient aussi privées que des chats, et on les laissait aller et courir
partout, sans qu'elles fissent ni mal ni dégât. Deux geneltes, un mâle et une
femelle, qu'on avait envoyées de Tunis, ont vécu à la ménagerie, s'y sont accou-
plées à la manière des chats, et y ont fait un seul petit qui, en naissant, portait
déjà la jolie livrée de ses parents. Comme on les tenait dans une cage assez
étroite, elles étaient tristes, ennuyées, et dormaient toute la journée enroulées
l'une sur l'autre. Elles se réveillaient le soir et s'agitaient toute la nuit. La
fourrure de cet animal était autrefois très à la mode pour faire, à nos dames,
des manchons légers, chauds et fort jolis, qui se vendaient un prix exorbitant ;
mais les industriels de ce temps-là parvinrent à peindre des taches noires sur
des peaux de lapins gris, qu'ils vendirent pour de la genette; cette fraude en
fit tomber la valeur, et la mode en passa.
La genette du Cap n'est, selon G. Cuvier et d'autres naturalistes, qu'une très-
légère variété. Cependant ses bandes longitudinales sont au nombre de six au
moins, tandis que celle que nous venons de décrire n'en a que quatre.
Le Bekbé ou Gk.\ette de B\ku\rie ( Gevetia étroits que les antres; il a des lacties sur les
(ifra, Fit. Cl'v.) a le pelage pris, plus ou moins éptiules et les cuisses, et des bandes étroites sur
niélé de jaun:Ure ; le chanfrein blanc; le mon- le cou. Il habile Java.
ton et la ligne dorsale noirs ; ses bandes loiigi- Le Fossa (Gcvetta fossa, Less. Vivcrra fossn,
luiiinales sont plus régulières et au nombre de Li:\. La Tossaiic, Buff. La Gendlc de Mada-
cinq. Elle habite le nord de l'Afrique gasrar des voyageurs. Le Fossa des habilanls
Le LiSA\r. on DEt,L^Dl]^G (Gcnelta lisang, de Madagascar) est d'un gris roux, nianiué de
Less. ]'ireiia gracilis, Desm.) a, de longueur taches brunes disposées sur le dos en quatre li-
lolale, deux pieds six ponces (0,812). Il a la tcte gnes longitudinales, et éparses sur les flancs;
jillongée, le museau pointu ; son pelage est d'un sa queue est roussàtre, faiblement marquée
fauve très-clair, avec quatre très-larges bandes d'anneaux d'un roux brun. Elle habite Mada-
biuues transverses; sa queue a le bout noir, gascar, et se plaît dans les bois qui sont à proxi-
avec neuf anneaux dont les deux premiers plus mité des habitations rurales.
On ne sait de cet animal que ce que Poivre en a écrit à Buffon : « La fossane
([lie j'ai ai»portée de Madagascar, disait-il, est un animal qui a les mœurs de
notre fouine; les habitants de l'île m'ont assuré que la fossane mâle, étant en
chaleur, ses parties avaient une forte odeur de musc. Lorsque j'ai fait empailler
celle qui est au Jardin du Roi, je l'examinai attentivement, je n'y découvris au-
cune poche, et je ne lui trouvai aucune odeur de parfum. J'ai élevé un animal
semblable à la Cochinchine cl un autre aux îles Philippines, l'un et l'autre étaient
des mâles; ils étaient devenus un peu familiers; je les avais eus très-petits, et
je ne les ai guère gardés que deux ou trois mois; je ne leur ai jamais trouvé de
l»oche entre les parties (pie vous m'indiquez; je me suis seulement aperçu que
CIVETTES. 221
leurs excréments avaient l'odeur de ceux de notre fouine. Ils mangeaient de la
viande et des fruits, mais ils préféraient ces derniers, et montraient surtout un
goût plus décidé pour les bananes, sur lesquelles ils se jetaient avec voracité.
Cet animal est trés-sauvage, fort difficile à apprivoiser; et, quoique élevé bien
jeune, il conserve toujours un air et un caractère de férocité, ce qui m'a paru
extraordinaire dans un animal qui vit volontiers de fruits. L'œil de la fossane
ne présente qu'un globe noir fort grand, comparé à la grosseur de sa tète, ce
qui donne à cet animal un air mécbant. »
La CjE.nette a qcele \oiiie (Gcnetln cauihi ui-
griranle.—La Gcnclledc France, Bi'FF.)a vingt
pouces (0,5 52) de longueur lotale; son pelage,
surtout sur le cou, est plus long que celui de
la genette ordinaire, gris mêlé de grands poils
noirs à reflets ondoyants, avec le dessus du dos
rayé et moucheté de noir; le dessous du corps
est blanc; les jambes et les cuisses sont noires;
les deu\ tiers de la queue sont noirs, et il n'y
a d'anne;iux distincts qu'au premier tiers; les
oreilles sont rondes ; l'œil grand, à pupille
étroite. CeUe genette a vécu à la ménagerie;
elle avait été achetée à Londres, mais on ign; -
rail sa patrie. Elle était toujours en mouve-
ment, et ne se reposait que pour dormir.
La Genette a bandeau {Gindtn fasriata,
Less. Vicerra fascialu, Geoff.) est de la gran-
deur d'une fouine. Son pelnge est d'un jaune
clair marqué de taches d'un brun marron, dis-
posées par séries longitudinales; le bout du
museau, la màchnire infc'rieure et le front sont
d'un blancjauuàlre; tout le dessous du corps est
d'un gris uniforme. Sa patrie est inconnue,
mais on la soupçonne de Java.
La Genette iie l'Inde {Gendla iiHllra, Lnss.
}irerra indlca, Geoff. ]'ucrra lasse. Horsf.)
est un peu plus grande que la genette ordinaire,
avec la queue plus courte; son pelage est d'un
blanc jannî'itre, avec huit bandes longitudinales
étroites et brunes, et trois ou quatre lignes de
points bruns parallèles sur les flancs; elle a le
tour des yeux brun, la lèvre et le menton blancs,
la queue annelée de brun et de blanc jaunàti e.
Klle habile l'Inde. Le cabinet en possède, sous
le nom de Geneile Uc Java, une variétéqui n'en
diffère que par sa taille plus petite.
La Genette bavéë ( Genetta striata, Less.
}"ucrra fasriata, Lin. F'ircrra sdinla, Desm.
Le Putois raijé de l'Inde, Rlff. Le Chat san-
rage à bandes noires de l'Inde, Sonnerat ) res-
semble à notre putois par la taille, la forme du
corps et des oreilles; sa queue et sa tète sont
d'un brun fauve, plus p;He autour des yeux,
aux joues et sous la niàchoiie; elle a six larges
bandes noires et cinq plus étroites d'un blanc
jaunâtre, le long du dos et des flancs. Elle ha-
bite la cote de Coromaudel.
Le BoNDAii {Genetta bondar, de Bi.ainv. J'i-
vcrra bondar, Des.m.) a le fond du pelage fauve,
avec la pointe des prands poils noire; il a sur
le dos nue bande noire, avec deux l)andeletles
parallèles de la même couleur sur chaque flanc ;
ses quatre pieds et le bout de sa queue sont
également noirs. Il habile le Bengale.
La Genette iiermafiirodite [Genettahrrmn-
jihroditn.— Vitcrra liirmaptirodita, Pall.) a le
nuiseau, la gorge, les moustaches et les jjieds
noirs; une tache blanche sous les yeux ; le poil
cendré à la base, noir à la pointe; trois bandes
noires le long du dos; la queue un peu plus
longue que le corps et noire à l'extrémité. Elle
habite la Barbarie.
222
LES CARNASSIFRS DIGITIGU ADES
5' Giiivut:. Les MANGOUSTES {llcrpestcs, sa proloiidcur ; leurs poils sont eouits sur la
iLLiG.) ont le même système deutaire que les tète et sur les pattes; leur (jueue est louguc,
lieux genres précédents ; elles ont une poche très-grosse à sa base, et leurs doigts sont à
volumineuse, simple, ayant l'anus percé dans demi palmés.
Le NEMS [licrpesles (jrisciiii. — Vivermcafra, U^. Ichneumon (jriseus. Less.
Le Neins, Buff.)
Est d'un cinquième plus grand que le sunsa; il a vingt-deux pouces (0,596)
de longueur, non compris la queue, qui en a vingt (0,542). Son pelage est dur,
redressé, plus clair que dans le sunsa, en général d'un jaune paille, d'un gris
brunâtre uniforme au dos et aux pattes; les ongles sont noirs; l'iris est d'un
l'auve foncé. Bulfon le dit d'Afrique, et Geoiîroy de l'Inde.
Le Sunsa ou Gagabangan ( llcrpestes muiigo.
— Vircrra mungo. Lin. Ichneumon mungoz,
Lkss. La Mangouste de l'Inde, Blff. Le Cliirc
ou Kirpele du Malabar ) est à peu près de la taille
d'une fouine; le fond de sou pelage est bru-
nâtre; il a sur le dos viugt:quatre .'i trente
bandes transversales alternativement rousses et
noirâtres; le dessous de sa mâchoire est fauve ;
ses pieds sont noirs; sa queue, un peu moins
longue que son corps, est d'un brun noirâtre
uniforme. Cet animal a de la célébrité dans
l'Inde, comme l'ichueumon en Egypte.
Le sunsa habile l'Inde, et n'est pas rare au Malabar et à Java. C'est un joli
petit animal qui se plaît le long des ruisseaux et des rivières, qui nage fort bien,
et qui aime surtout à clapoter au bord de l'eau. Il fait une chasse continuelle
aux reptiles, aux œufs des oiseaux aquatiques, aux petits mammifères et aux
insectes. Il mange même dos fruits quand sa chasse n'a pas été heureuse; il
CIVETiES. 223
lioit beaucoup, est d'uue [)roprele recherchée, et se roule en houle pour dorniir,
à peu près comme fait le hérisson.
C'est surtout par ses combats avec les serpents que le sunsa s'est acquis une
grande célébrité. Sans cesse on le voit fureter sur le bord des marais, et partout
où il pense pouvoir rencontrer de ces reptiles. Dès qu'il en aperçoit un, il s'é-
lance dessus d'un seul bond s'il est à portée, et lui écrase la tête avant que le
serpent ait eu le temps de se mettre en défense. S'il est à une certaine distance;
lorsque le sunsa l'aperçoit, rien n'est curieux comme les mines qu'il fait pour
l'approcher sans en être vu, ou au moins sans l'elîrayer : tantôt il se lève debout
sur ses pattes de derrière pour l'examiner ; puis, cette vue le mettant en fureur, il
marche à lui en haussant et courbant le dos comme un chameau, et se roidissant
sur ses (juatre pattes tendues comme des hâtons; tantôt, apercevant le reptile
qui fait un mouvement pour fuir, il se laisse tomber sur le ventre, s'étend, se
colle à la terre, et se glisse doucement à travers les herbes en rampant. Par-
venu à sa portée, il se jette sur son dangereux ennemi, et alors commence une
lutte terrible qui ne finit jamais que par la mort de l'un d'eux, et quelquefois par
celle de tous deux. La mangouste cherche à saisir le serpent sur le cou ou sur le
crâne, et le combat est tini dés qu'elle y parvient. Mais, comme si l'animal ve-
nimeux connaissait les intentions de son adversaire, il roule continuellement
son corps pour abriter ces parties sous ses anneaux écailleux, et de temps à autre,
par un mouvement rapide comme l'éclair, il lance sa tète sur son antagoniste,
et, avec ses crochets venimeux, lui fait une blessiu'c mortelle. Tons les efforts
du sunsa changent alors d'objet, et il ne cherche plus qu'à se débarrasser des
replis dont il est enlacé; il y parvient, s'éloigne en se traînant avec douleur, et
cherche dans les environs une plante merveilleuse dont il mange quelques feuilles
et sur laquelle il se roule à plusieurs reprises. Aussitôt, et comme par enchan-
tement, plein d'une nouvelle vigueur et d'un nouveau courage, il retourne au
combat et finit par tuer le serpent. Les Indiens, témoins de ce fait extraordi-
naire, ont observé la plante que cherchait la mangouste, et l'ont nommée cliiri,
du nom qu'ils donnent à l'animal qui la leur a fait découvrir ; les botanistes l'ont
appelée nphiorliiin nmngos. Depuis ce temps on emploie, dans l'Inde, la racine
de cette plante contre la morsure des serpents venimeux.
Voilà l'histoire telle que la racontent les anciens voyageurs, et, d'après eux,
quelques naturalistes; mais est-elle vraie? peut-elle se soutenir devant une cri-
tique éclairée? C'est ce que je ne pense pas. Un voyageur allemand s'est trouvé
deux fois dans le cas de voir le combat d'une mangouste avec un serpent veni-
meux, et il prétend que ce petit mammifère, lorsqu'il est mordu, va en elfet se
rouler sur le. gazon, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'ophiorhiza, mais que cela
ne l'empêche pas de mourir de sa blessure.
La Mangouste indienne, Herpestes Edwarsii, Le Vouaivc-Suiba {Herpesles galcia. — Mus-
Geoff. — Desm. /(/meiimoH EdirarsiJ, Less.) a tcla gnlera, Les Ichncumon gâtera, Less. Le
le museau d'un brun rougeàtre; le dos cl la ]'aiisire, Biff.) est plus petit que le sunsa; sou
queue annelcs de brun sur un fond olivàlre; pelage est d'un gris brun, pointillé dejaiinà-
cette espèce et le uems sont les seuls qui aient tre; ses pattes sont brunes; sa queue est éga-
les ongles noirs. Elle se trouve dans les Indes lemcnt grosse et également touffue dans toute
orientales. sa longueur.
2-24 LI^S CAKNASSIEKS DIGITIGU ADES.
Ce pelil animal habile Madagascar, se plaîl sur le bord des rivières, el aime
à s'y baigner tous les jours. Les Madécasses le prennent jeune, l'apprivoisent
et rélèvent dans leur maison, qu'il délivre des souris et autres petits animaux
nuisibles. Les services qu'il rend, joints à sa familiarité et à sa douceur, l'ont
fait rechercher par les hahitanls de l'Ile-de-France; ils l'ont transporté chez
eux, et quelques années après il était naturalisé dans leur île. Du reste, il a
les mêmes habitudes que les autres mangoustes, et il fait une guerre à mort aux
lézards, serpents et autres reptiles. La ménagerie en a possédé deux qui y ont
vécu assez longtemps.
La Mangoiste de Java ( llcrpesks jaranint!--. que le corps, se lermine en poinle d'une cou-
— /rlitieiimoiijofnniciis, Liiss.) iilcpeliigemar- leur plus foncée; ses doigts sont couverts de
ron ou presque roux, pointillé de blanc jau- roils ras et serrés, comme chez les animaux
nàtre; la tète et les jambes sont d'un marron aquatiques, ce qui fait supposer que ses habi-
foncé uniforme; la queue est d'égale grosseur tudes doivent se rapprocher beaucoup de celles
dans toute sa longueur. Elle habite Java. de la loutre. Sa pairie est inconnue.
La MAXGorSTE UOLGE (//pr/)o/cs )/(be/-. — Vr/i- Le Tézerdéa ou lcu^E[:^\o\ { IIerpe!>fes ich-
nannon ruber, Geoff.). Sa taille dépasse d'un ncitmon- — Ichneumnn Pharaouh, Geoff. Vi-
cinquicme celle du sunsa ; elle a le pelage d'un verra ichneiimon, Li^. Le rv'fiii.s- des Arabes,
rouge ferrugineux très-éclatant, plus particu- L'/cJnieiimou d'AniSTOTE. Le liât de Pharaon
lièrement sur la tète et les épaules; ses poils de Bkloiv ) est plus petit d'un sixième que la
sont annelcs de roux et de fauve; sa queue grande mangouste; son pelage entier paraît
est très-épaisse et fort longue. On ignore son être mélangé également de brun marron et
pays. fauve, chaque poil étant annelé de ces deux cou-
La GRAf«DE Mangouste (Jlerjnslcs major. — leurs ; les pieds et le museau sont noirs ou d'un
Ichneumon major, Geoff.) a trois pieds six pou- marron foncé; les poils sont plus gros, plus secs
CCS (1,107) de longueur totale; ses poils sont el plus cassants que dans les autres espèces; la
annelésdefauveetde marron, mais les anneaux queue est aussi longue que le corps, terminée
fauves sont si étroits, que le marron domine par une touffe de très-longs poils noirs étalés
partout; la queue, plus hérissée et plus longue en éventail. Il habile l'Lgyple.
L'ichneumon est un joli petit animal qui se plaît sur le bord des ruisseaux
et des rivières; il est commun sur les rives du Nil. Sa marche est légère et sa
prudence extrême; il se glisse toujours à l'abri d'une haie ou d'un sillon, et il
ne lui suffit pas de ne rien voir de suspect, il n'est tranquille et ne continue sa
route qu'après avoir flairé tout ce qui est à sa portée. L'odorat est son guide le
plus sûr; même quand il est apprivoisé, il va sans cesse flairant, remuant con-
tinuellement ses narines avec un petit bruit imitant le souffle haletant d'un ani-
mal qui vient de faire une longue course. Il se nourrit de petits mammifères,
d'oiseaux, d'œufs, de serpents, de lézards et de reptiles en général, et même
d'insectes, quand il ne trouve pas mieux. En domesticité, il est d'une très-grande
douceur, caressant, répondant à la voix de son maître, et se laissant volontiers
prendre par lui. Dans ce cas, on le saisit, non par le corps, mais par la base de
sa grosse queue conique, on le soulève et on le porte ainsi sans qu'il perde sa
position horizontale. Sa prudence ne tient ni de la timidité ni de la poltronnerie ;
il est au contraire très-courageux, et non-seulement il se défend contre des ani-
maux beaucoup plus gros que lui, mais encore il n'a pas l'air de les craindre. Le
tézerdéa étrangle fort souvent le chat assez maladroit pour lui chercher querelle,
elil se fait respecter par les plus gros chiens, auxquels il saute audacieusement
à la face, poin' peu qu'ils aient l'air de le menacer. Dans la maison oi'i il est
CIVETTKS. 0-25
«'levé, il sV'sl bientùl rciidii miiître de la cuisine et des aj)|)arleiHents, où nid
autre animal ne peut s'introduire sans son bon plaisir. Il est vrai qu'il n'est pas
querelleur, et qu'ordinairement il vit bien avec les autres domestiques de sa
classe, pourvu qu'ils ne lui disputent rien, pas même la place du coussin sur
lequel il a l'habitude de dormir.
Cet animal, quoi qu'en dise Bulîon, n'a jamais été véritablement domestique
ni en Egypte ni ailleurs, car il ne produit pas en captivité, et les petits que
les fellahs ou paysans apportent quebjuefois aux marchés du Caire ont toujours
été trouvés sauvages dans les champs. On les élève dans les maisons pour rem-
placer les chats et faire la guerre aux souris. Ils ont pour celte chasse une ar-
deur et une adresse qui surpasse celle des chats, et l'avantage qu'ils ont sur ces
derniers est que, outre les rats, ils détruisent les mulots, les belettes, les cra-
pauds si incommodes dans tout le nord de l'Afrique, les insectes, et en général
tous les animaux nuisildes moins forts (pi'eux.
Les anciens auteurs ont débité des fables absurdes sur l'ichneumon. Pour
expliquer la raison qui lui avait fait rendre les honneurs divins par les prêtres
des antiques Thèbes et Memphis, ils ont dit ((u'il entrait dans le corps des cro-
codiles lorsqu'il le surprenait dormant la gueule ouverte, et qu'il lui donnait la
mort en lui rongeant les entrailles. Le vrai est qu'il se contente d'attaquer les
petits crocodiles presque sortant de l'anif, lorscpi'ifs sont encoi-e trop faibles
|»our se défendre, et qu'il sait très-bien les saisir par le cou pour les étrangler.
Il sait aussi reconnaître sur le sable des rivages la place où ces animaux ont
enterré leurs œufs, et il ne manque jamais de les déterrer pour en mauger une
partie et briser le reste. Quant à moi, je pense que si les anciens Egyptiens
mit divinisé l'ichneumon, comme l'ibis et tant d'autres animaux, c'est qu'ils
lui pardonnaient la destruction des œufs de leur dieu crocodile, en faveur du
service qu'il rendait au pays en le nettoyant, après les inondations du Nil, des
serpents et autres reptiles venimeux, des insectes, et en général de tous les
autres petits animaux imisibles a l'agriculture.
Lors des inondations, les ichneumons se retirent sur les hauteurs, autour des
villages, et alors leurs habitudes ont une grande analogie avec celles de nos
fouines. Ils cherchent à pénétrer pendant la nuit dans les basses-cours, et s'ils
y parviennent, ils tuent toutes les volailles qu'ils y trouvent, leur sucent le
sang ou leur mangent la cervelle. Mais à cette époque, se trouvant resserrés
sur des îlots avec les renards et les jackals, ils deviennent eux-mêmes la proie
de ces animaux. Dans le Saïd, ils ont |)our enueiui perpétuel l'ouaran el bahr
[ tiipiiunubis niloi'icns, ou monitor du Nil), sorte de grand lézard très-car-
nassier, qui, ayant les mêmes habitudes et se tenant dans les mêmes sites, les
surprend au passage et les dévore. Du reste, toutes les mangoustes, celles
d'Egypte comme celles de l'Inde, s'apprivoisent très-bien et se familiarisent
aisément; mais, ainsi que le chat, la plupart paraissent s'attacher plus aux
maisons qu'aux personnes. Toutes craignent excessivement le froid, et ne vivent
que fort |)eu de temps en Europe. Lorsqu'on les caresse, elles font entendre
une sorte de petit murmure très-doux; mais leur cri devient aigu et perçant
lorsqu'on les irrite.
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LKS CARNASSIKUS DIGITK. Il ADES.
^" Genre. Les niANGUES { Crossarrhns .
Fh. CiJV.) ont les dents comme les mangoustes,
mais seulement au nombre de trente-six ; ils
différent de ces animaux par la tète plus ar-
rondie, le museau )t!us grand et mobile, et leurs
pieds non palmés. Ils ont la pupille ronde; les
oreilles petites, arrondies, bilobëes; la langue
douce sur les bords, papillcuse et cornée au
centre ; la queue est aplatie, et leur poche anale
sécrète une matière onctueuse puante. Ces ani-
maux, étant plantigrades, n'ont élé placés en-
Ire les mangousles et les surikates qu'a cause
de la grande analogie de forme et d'habiludes
qu'ils ont avec eux. On n'eu connaît qu'une es-
pèce, ciui est
Le !M.\>f.iiE onsctn {Crnssarchns (ibsntriis,
Vi\. Cijv.*,qui a un peu moins d'un pied (0,32,>l
de longueur, non compi'is la queue, (jui a sept
pouces (0,189) ; son pelage est d'un brun uni-
forme sur tout le corps, un peu plus pâle sur
la tète. Il est assez rare partout, si ce n'est dans
les foiéts de l'Abyssiuie.
Le mangue liabite la côte occidentale de l'Asie, et c'est à peu prés tout ce
qu'on sait de lui à l'état sauvage. Mais comme un individu a vécu à la ménage-
rie, on a pu faire sur lui quelipies observations intéressantes. 11 était parfaite-
ment apprivoisé, très-doux, et aimait beaucoup à être caressé. Aussitôt qu'on
s'approcbait de sa cage, il venait présenter sa gorge ou son dos pour qu'on le
caressât; lorsqu'on le faisait, il restait immobile et témoignait le plaisir qu'il
en éprouvait en ouvrant et fermant continuellement la gueide, comme s'il
mâcbait quelque chose. Quand on s'éloignait, il poussait uti petit cri plaintif,
semblable au sifllement d'un oiseau. Il était exlrèmeiuent propre, faisait ses
ordures dans un coin de sa cage, toujours à la mêiue place, et il avait le plus
grand soin de ne pas salir la partie où il se promenait et surtout celle où il se
couchait. Il buvait en lapant, et, quoiqu'il se nourrît habituellement de viande,
il mangeait volontiers du pain, des caroltes et des fruits secs. Probablement
que dans ses bois cet animal est chasseur comme les fouines et les mangoustes,
et qu'il se contente quelquefois de baies et autres fruits doux, ainsi que de
racines, car son museau mobile doit lui donner, jusqu'à un certain point, la
faculté de fouiller la terre.
:)"GE^RE. Les SUUIKATES (liijzwna, Illii;.)
ont douze incisives, quatre canines et vingt mo-
laires, en tout trente-six dents; les canines sont
coniques et très-aiguës, et la deuxième incisive
externe de la mâchoire inférieure est plus épaisse
à sa base; leurs pieds n'ont que quatre doigts;
leurs ongles sont robustes, non rélractiles et
propres à fouir la terre; leur langue est garnie
de 1)3 pilles cornées ; leurs oreilles sont petites ;
leur corps est allongé; leur queue est longue,
grêle et pointue; entin leur poche donne dans
l'anus même.
Le Slhikate ou Zemck ( Ryiœiia capensis,
Less. Sinirnia capensis, Desji. Irhneuvwn 1e-
tiadarlijlus, Geoff. T'ire//o tetradactijln, Li.\.
]"nevia zenicl;, Gml.) a environ trois pieds dix
pouces (1,2 if)) de longueur totale; sou museau
est allongé en forme de boutoir mobile; son
pelage est mêlé de brun, de blanc, de jaunâtre
et de noir; le dessous du corps et les membres
sont jaunâtres; sa queue, moins longue que son
corps, est noire à l'extrémité; le nez, le chan-
frein, le tour des yeux et les oreilles sont bruns.
Il habile l'Afrique.
BulVon, en iiuliquaul cet animal comme étant de l'Amérique méridionale, a
commis une erreur; il est certain qu'il habite le cap de Bonne-Espérance. II
est fort joli, très-vifet très-adroit, ne vivant que dans lesbois, sur la lisière desquels
il se creuse un terrier. 11 eu sort pendant le jour, et quelquefois aussi pendant
le clair de lune, pour se mettre en chasse et poursuivre les petits mammifères
et les oiseaux dont il se nourrit. Comme il aime beaucoup les œufs, il se ha-
sarde ipielquefois dans la plaine pour chercher des nids de perdrix, gangas.
CIVETTES. 227
cailles, etc., mais alojs il avance avec heaiicoui) de jn'ecauliun, laiilùl niarcliaiil
debout en levant la tète au-dessus des herbes pour découvrir le danger, tantôt
se glissant dans les broussailles, i)uis s'arrèlant tout à coup pour écouter, assis
sur sou derrière et les deux bras pendants à ses côlés. Au moindre bruit, à la
moindre apparence d'un objet suspect, il i'uit avec agilité et va s'enfoncer dans
son terrier. I.orsqu'il est eflYavé ou en colère, il làclie son urine, qui ordinai-
rement sent mauvais, mais qui, dans ce cas, exhale une odeur fétide.
Pris jeune et élevé avec douceur, il s'apprivoise très-bien. Bullon en a pos-
sédé un assez longtemps, vivant. Voici ce qu'il en dit: « ^^ous avions nouri'i ce
surikate d'abord avec du lait, parce ([u'il était fort jeune; mais son goût pour la
chair se déclara bientôt; il nuuigeait avec avidité la viande crue, et surtout la
chair de poulet ; il cherchait aussi à surprendre les jeunes animaux : un petit
lapin qu'on élevait dans la n)ème maison serait devenu sa proie si on l'eût laissé
faire. Il aimait aussi beaucoup le jtoisson, et encore [dus les œufs : on l'a vu
tirer avec ses deux pattes réunies des u'ufs ([u'on venait de mettre dans l'eau
pour cuire ; il refusait les fruits, même le pain, à moins qu'on ne l'eût uiàcbé;
ses pattes de devant lui servaient, connue à l'écureuil, i)0ur porter à sa gueule.
11 lapait en buvant comme un chien, et ne buvait point d'eau, à moins qu'elle
ne fût tiède. Sa boisson ordinaire était son urine, quoiqu'elle eût une odeur
très-forte. 11 jouait avec les chais, et toujours innocenmient; il ne faisait au-
cun mal aux enfants, et ne mordait qui que ce soit que le maître de la maison,
parce qu'il l'avait pris en aversion. 11 était si bien apprivoisé, qu'il répondait a
son nom; il allait seul par toute la maison, et revenait seul quand on l'appelait.
11 avait deux sortes de voix, l'aboiement d'un jeune chien, lorsqu'il s'ennuyait
d'être seul, ou qu'il entendait des bruits extraordinaires; el, au contraire, lors-
qu'il était excité par des caresses, ou (piil ressentait quelque mouvement de
plaisir, il faisait un bruit aussi vif et aussi frappé que celui d'une petite cré-
celle tournée rapidemenl. »
228
LtS CAl;>iASSli:US digitiguades.
ij:s HYÈNKS
N'ont poin! i)o petites dents dii tout deniéie iiiucs, dix nioliiiies i\ lu iii;'n lioiie sii|)fi ieiiicet
la grosse iiiolaiiod'en l)iis; ieiiis ongles ne sont
pas réiraciiles, et elles on! une poehe profonde
et glanduleuse sons l'anus.
K' (tenue. Les IIYE.N'ES {llijwnn, Riiiss.j ont
tous les pieds à quatre doigts; elles ont Irenle-
(pialre dents, dont douze incisives, quatre ca-
liuil à l'inférieure. Leurs niàchelières inférieu-
res présentent deux fortes pointes tranelianles
la llexion de leurs jandies de derrière leur fait
tenir la croupe fort bas ; elles ont la langue rude,
les ^eux très-saillants, et les oreilles grandes;
leur nuisean est arrondi, gros, comme troncjué.
L'hyène r.wér [Ihjœna vid'jro-is^ Gf.off. — Dksm. Canis liijœua, Li\. Le
Zabo des Arabes. Le Kufiaar do la Perse, et le Dubbach de Barbarie. VHijcnn
d'Oncnl des naturalistes)
A ordinairement trois pieds quatre pouces (1,085) de longueur, non compris
la queue. Son pelage est d'un gris jaunâtre, rayé transversalement de brun sur
les flancs et sur les pattes; son museau et sa gorge sont noirs, ainsi qu'une
longue crinière qu'elle a sur le dos; ses oreilles sont longues et coniques, pres-
que nues. Elle babite la Barbarie, l'Egypte, la ?subie, la Syrie et la Perse.
Les byènes sont des animaux qui ont singulièrement-prêté à la superstition,
et qui ont été le sujet de mille contes tous plus merveilleux ou plus absurdes
les uns que les autres. Los anciens ont écrit que l'byéne était alternativement
mâle pendant six mois et femelle pendant les six autres mois, excepté quand
elle portait, allaitait et élevait ses petits, car alors elle restait femelle toute
l'année. Mais, l'année suivante, elle prenait sa revancbe en conservant les fonc-
tions de mâle et faisant subira son compagnon le sort de la femelle. Selon les
LtS HYENES
cvMiMM'vi m; c^Fiiis mt. nu i >i i:i;ii)io\ vi.k.)
(J»r.lin .le- Hlanli-^ I
HYÈiMiS. 0-29
nièmes auteurs, les hyènes savent imiter parfaitement la voix humaine, et voilà
eomment elles utilisent ce talent ; elles rôdent autour des troupeaux et surtout
autour des Jieigers, sans se laisser apercevoir, jusqu'à ce (pi'elles aient entendu
prononcer le nom d'un des pâtres; elles le retiennent, puis vont s'emhusquer
la nuit dans un buisson, et là, d'une voix plaintive, elles appellent le berger
par son nom comme pour l'amener au secours d'une femme ou d'un enfant ex-
|)irant. Le malheureux, trompé par ces gémissements douloureux, vole auprès
du buisson pour secourir un être soufl'rant qui l'appelle, mais il ne trouve
qu'une alfreuse hyène (jui le dévore. S'il devine le piège qui lui est tendu, il
fuit; mais l'animal dirige sur lui, à travers les ténèbres, l'éclat sombre et rou-
geâtre de ses yeux, et cette funèbre lueur le cliarme, l'arrête dans sa course, et
le force, par une fascination magique, à attendre, dans l'immobilité complète
d'une statue, l'hyène, qui vient pour en faire sa proie. 11 paraît que les jeunes
filles étaient plus difficiles à fasciner que les bergers, car l'hyène, pour s'en
emparer, était obligée d'employer d'autres moyens beaucoup plus mystérieux
et compliqués. Elle prenait la forme d'un beau garçon, et, toujours au moyen
de ses yeux, elle faisait naître dans le cœur d'une jeune fille un amour désor-
donné qui la rendait folle; alors la pauvrette abandonnait son troupeau pour
courir les champs, et le monstre profitait de cette circonstance pour croquer
d'abord la bergère, puis ensuite les moutons.... « Tout cela peut arriver sans
riiyène. » dit Bufl'on.
Dans le siècle dernier, les écrivains, un peu ])lus critiques que leurs pères,
abandonnèrent ces contes absurdes, mais pour les remplacer par d'autres contes,
ou an moins par des exagérations outrées. Bulfon lui-même n'est pas à l'abri
de ce dernier reproche; écoutons-le : « Cet animal sauvage et solitaire demeure
dans les cavernes des montagnes, dans les fentes des rochers ou dans des ta-
nières qu'il se creuse lui-même sous terre. Il est d'un naturel féroce, et, quoi-
([iie pris tout petit, il ne s'apprivoise pas. Il vit de proie comme le loup, mais
il est plus fort et paraît plus hardi; il attaque quelquefois les hommes, il se
jette sur le bétail, suit de près les troupeaux, et souvent rompt dans la nuit les
portes des élables et les clôtures des bergeries. Ses yeux brillent dans l'obscu-
rité, et l'on prétend cpi'il voit mieux la nuit que le jour. Si l'on en croit tous
les naturalistes, son cri ressemble aux sanglots d'un lionnne qui vomirait avec
effort, ou plutôt au mugissement d'un veau. L'hyène se défend du lion, ne
craint pas la panthère, attaque l'once, laquelle ne peut lui résister. Lorsque la
proie lui manque, elle creuse la terre avec les pieds et en tire par lambeanx
les cadavres des animaux et des hommes. »
A présent venons-en à la vérité. Les hyènes rayées sont en effet des animaux
très-farouches et d'une voracité dégoûtante, mais d'une lâcheté, d'une poltron-
nerie incomparablement plus grande que celle du loup. Elles ne vivent que de
cadavres, de voiries, et c'est à ce goût prononcé pour la chair corrompue, beau-
coup plus qu'à leur prétendue férocité, (pi'il faut attribuer cette habitude qu'elles
ont de déterrer les cadavres quand elles parviennent à entrer dans les cime-
tières mal clos des Musulmans; et encore, Bruce, qui a vécu longtemps en Abys-
sinie, pays de la terre qui est le plus peuplé d'hyènes, nie positivement ce fait.
<| Après beaucoup de recherches, dit-il, je n'ai encore pu avoir une seule preuve
•230 LES CAÏANASSIEUS DIG ITIGll ADES.
que les liyciies eussent déterré un cadavre. » { Voycufe aux sources du Nil ,
tome XllI, page 184.) Non-seulement elles ne peuvent en aucune manière lut-
ter contre le lion et la panthère, mais leur timidité ne leur permet pas même
d'attaquer des jackals et autres animaux de la taille du renard et au-dessus.
Elles rôdent sans cesse pendant la nuil, et (pielquefois elles s'approchent des
hahitations, non pour inquiéter les honnm^s, dont elles redoutent beaucoup la
présence, mais pour se nourrir des immondices qu'elles y cherchent. Si elles
se hasardent à attaquer une pièce de bétail, c'est un faible agneau ou un ani-
mal mourant qui ne peut leur faire aucune résistance, et si elles sont surprises
dans ce méfait, elles se laissent assommer à coups de hàlon par des enfants de
huit à dix ans, sans chercher à se défendre. Les marabouts, dont toute l'ambi-
tion est de se faire passer pour saints aux yeux du peuple, connaissent parfaite-
ment la lâcheté de cette espèce; aussi ne manquent-ils pas, quand ils en trouvent
l'occasion, de saisir une hyène vivante à bras h <or|)s, et de ra|)porler ainsi dans
la ville. Comme elle ne leur fait jamais la moindre blessure, les Arabes altribueul
à la sainteté du personnage et à une faveur spéciale du prophète ce qui n'est
que le résullat de la timidilé de l'animal. « En Barbarie, dit Bruce, j'ai vu des
Maures saisir, en plein jour, des hyènes jiar les oreilles, et les tirer vers eux
sans qu'elles fissent d'autre résistance que de chercher à se dégager. »
La ménagerie a possédé fort souvent des hyènes rayées, et jamais elles ne se
sont parfaitement apprivoisées, quoicpuj ces animaux y aient toujours paru
inoffensifs. L'une d'elles s'était rongé jusqu'à complète destruction tous les doigts
de ses pattes de derrière, et se trouvait réduite à marcher sur de véritables moi-
gnons, ce qui ne l'a pas empêchée de vivre plusieurs années. Cependant il est cer-
tain que cette espèce, élevée avec douceur, s'a|)privoise parfaitement. 11 y a trois
ans que toute notre armée d'Algérie a vu à Bone un oflicicr français qui en avait
élevé une. Elle lui était attachée, le suivait librement dans les rues comme à la
campagne, obéissait à son commandement, accoiu'ait à sa voix, et le caressait
absolument comme aurait fait un chien.
L'Hyèine d'Ahyssimb ( Hijœua Bnicii. — Ca- mont d'mi rougo hiim, tloiil les poils, ainsi qno
nis lujunomdas , Brice) atteint jusqu'à cinq ceux do la crinière, ne sont pas annelés de noir
pieds neuf pouces (1,898) de longueur totale, à la pointe; elle n'a pas la gorge noire, mais
et sa queue a vingt et un pouces ((),.''i(;9) ; ses seulemeni une tache remontant jusqu'à l'extré-
formes générales se roi)prochenf davanlage de mité de la nàclioire inférieure; ses oreilles,
celles du chien, et elle n'a pas le train de der- longues de plus de neuf pouces (0,244), ne sont
rière aussi incliné que l'hyène rayée, dont elle pas nues, mais couvertes de poils très-lins et
diffère encore par sa couleur d'un roux l)run, Irès-courls. Du reste, elle est rayée de noir a
plus pâle aux oreilles et à la tcle; par son mu- peu près de la mémo manière, à cette différence
seau plus long et non étranglé, ressemhiant a néanmoins que les bandesdosjambes de derrière
celui d'un chien; par sa crinière d'un rouge ne sont pas transversales, mais longitudinales,
l)run et non pas noire, et par sa queue égale- ce qui est un caractère spécirupie très-tranche.
Malgré ces différences énormes, malgré des mœurs tout à fait différentes,
l'hyène de Bruce, quatre fois plus grosse que l'hyène rayée, a été confondue
avec elle par tous les naturalistes, et cela parce qu'ils ont plus consulté la mau-
vaise figure qu'on en a donnée dans la traduction française du Voyage aux sour-
ces du INil, que la description écrite du voyagem-.
IIYÉNKS. -231
Los liyeiiL's (rAI)yssiui(! vivent solilairomcnl comme l'Iiyène rayée, et pa-
raissent n'avoir guère plus d'intelligenee. Bruce dit : « Elles sont au contraire
excessivement brutes, paresseuses, sales, dépourvues de tonte espèce de pudeur,
et ayant enfin des mo-urs trés-ressemhlanles à celles du loup. Le courage (pi'elles
montrent ne leur vient que de leur e.xtréme voracité ; aussi meurent-elles plus
souvent en fuyant qu'en condjaltant. C'est une vraie peste en Abyssinie; il y en
a partout, dans les campagnes et dans les villes, et je suis sur qu'il y en a plus
(lue de moutons, quoifiue les moutons y soient pourtant en grand nond)re. De-
puis le moment du crépuscule du soir jusqu'au point du jour, Gondar est rem-
pli d'hyènes, qui viennent dévorer les cadavres des inl'ortunes que les cruels
Abyssiniens laissent sans sépulture dans les places publiques et dans les rues.
Il croit en même temps, ce peuple sanguinaire et superstitieux, que ces ani-
maux ne sont autre chose que les falashas (sorciers^, (jui changent de figure par
le pouvoir de la magie, et qui descendent la nuit de leurs montagnes pour venir
se nourrir de chair humaine. " Il raconte qu'en sortant chaque soir du palais du
roi pour rentrer chez lui, il courait risque d'être mordu par les hyènes. « Les
hommes armés qui m'accompagnaieni, dit-il, ne les épouvantaient point. Elles
grondaient en rôdant autour de nous, et il ne se i)assait guère de iniit sans
qu'elles tuassent ou blessassent quelqu'un. »
En Abyssinie et dans l'Atbara, on n'enterre pas toujours les cadavres hu-
mains, et on se borne à les porter dans la campagne ou même à les laisser dans
la rue, quand ce sont les corps de pauvres gens ; les hyènes se chargent de leur
donner la sépulture. Aussi, cet animal marche insoleunnent en i)lein jour, fait
face à l'homme ; cependant il attaque toujours le mulet ou l'âne plutôt que le cava-
lier. En route, les fusils rcmpêchent de venir très-près des voyageurs; mais la
nuit, le soir et le matin, il est toujours sur leurs talons. Connue on ne le chasse
jamais, et que l'on se contente de repousser ses agressions, l'impunité lui donne
de l'audace, et sa voracité le pousse quehpu^fois jusqu'à entrer dans les maisons.
» Une nuit, dit encore le voyageur cité plus haut, j'étais dans la province de
Maïtsha, très-occupé d'une observation astronomicpie, lorsque j'entendis passer
quelque chose derrière moi ; soudain je me retournai et ne pus rien voir. Ayant
achevé ce que je faisais en ce momenl,je sortis de ma tente dans l'intention
d'y retourner bientôt, et, en ellèt, j'y rentrai presque tout de suite. Mais, en
mettant le pied sur le seuil, j'aperçus deux gros yeux bleus èlincelants dans les
ténèbres. Je criai soudain à mon domestique de porter de la lumière ; et nous
vîmes une hyène à côté du chevet de mon lit, tenant dans sa bouche trois ou
quatre paquets de chandelles. Je ne pouvais lui tirer un coup de fusil sans cou-
rir risque de briser mon quart de cercle, ou quelque autre de mes instruments.
Comme elle avait la gueule pleine de chandelles, elle semblait à ce moment ne
[)as songer à une autre proie, et je voyais qu'elle était trop embarrassée pour
me mordre. Je pris donc une lance, et je la frappai aussi près du cœur qu'il me fut
possible. Jusqu'alors elle n'avait pas montré la moindre colère ; mais, dès qu'elle
se sentit blessée, elle laissa tomber ce qu'elle avait dans la giieule, et fit des
efforts incroyables pour remonter le long du fût de la lance et venir jusqu'à
moi. La crainte de la voir réussir me fit tirer un pistolet de ma ceinture, et je
lui lâchai mon coup. Presque aussitôt mon domestique lui fendit le crâne d'un
030 LES CAIINASSIEUS DIGITIGRADES.
foiiudc hache. Enfin, les hyènes faisaient les tourments de ma vie; elles trou-
blaient nos promenades du soir; elles dévoraient sans cesse quelqu'un de nos
mulets et de nos ânes, animaux qu'elles cherchent toujours de préférence. »
On voit par ces citations que l'hyène d'Ahyssinie diffère de l'hyène rayée,
non-seulement par la taille et la couleur, mais encore par son audace et sa fé-
rocité. Comme le loup, cette espèce préfère le chien à toute autre proie, et il
paraît qu'on cela elle satisfait à la fois et son goût et sa haine. Il y a entre ces
animaux une antipathie invincible, et les chiens les plus hardis pour la chasse
au sanglier n'osent jamais la poursuivre dans les bois, ni la combattre en
plein champ. Il n'en est pas de même pour l'hyène de Barbarie ; les chiens
de berïfer, aussitôt qu'ils l'aperçoivent, s'élancent sur elle et l'étranglent sans
façon.
L'HYk^R TACiiETfE ( Hiya)i« cnpcnsis, Desm. noiràlres, avec la face ioterne des jambes dede-
Canis ci-oraltts. Ln. Hij(rna rnfa, G. Ctv. Le vaut d'un blanc roussàlre ; la queue rousse dans
Loiip-tigre de Kolbe, si ce loiip-ligre n'est la sa première moitié, et noiràlre dans la seconde.
Iiyénoïde peinte; a le pelage d'un gris roux pro- Dans sa première édition des Ossements fos-
noncé ; la tète est ronsse, avec du noiràlre sur siles, Cuvier avait donné le nom d'hyène rousse
le front et entre les jeux ; le dessous du front à cette espèce, et cette méprise a beaucoup em-
est d'un brun roussàtre; le dessous du cou et barrasse les naturalistes: il en est résulté que
du front seulement est blanchâtre; des taches plusieurs d'entre eux ont appliqué à sa synony-
noiràtres, peu distinctes, occupent les flancs, la mie la description de l'espèce suivante, qui est
croupe et les cuisses ; elle a une bande noirâtre restée sans nom, ou avec un nom qui ne lui con-
de chaque côté du cou, les jambes et les pieds vient pas puisqu'il appartient à celle-ci.
L'hyène tachetée habite le midi de l'Afrique, et principalement le cap de
Bonne-Espérance ; il paraît cependant qu'on la trouve quelquefois aussi en Bar-
barie. Pour la grandeur elle tient le milieu entre l'hyène rayée et riiyène d'A-
hyssinie, car celles de la ménagerie avaient deux pieds et demi (0,8<2j de
hauteur sur le garrot, et trois pieds et demi (1,157) de longueur, non compris
la queue. Moins sauvage et plus courageuse que les autres espèces, celle-ci a
aussi plus d'intelligence, et sous ce rapport elle ne le cède guère au chien. Elle
se défend hardiment contre les animaux féroces avec lesquels sa force lui per-
met de lutter, et elle ne se nourrit de cadavres que lorsque la chasse aux ga-
zelles et aux antilopes ne lui réussit pas. Si l'on s'en rapporte à Barrow, il est
des pays où on l'apprivoise et on la dresse pour la chasse. Il paraîtrait qu'alors
elle s'attache à son maître avec beaucoup d'affection, et qu'elle lui est aussi dé-
vouée, aussi fidèle qu'un chien. Toutes celles qui ont vécu à la ménagerie portent
à croire ce qu'en a dit ce voyageur, car elles étaient fort douces, caressantes
même, et elles aimaient beaucoup qu'on les grattât autour des oreilles et sur
le cou. Ce n'était pas seulement à leurs gardiens qu'elles donnaient ces marques
d'amitié, mais encore à toutes les personnes étrangères qui s'approchaient de
leur loge. L'une d'elles, lors de son arrivée en France, s'échappa de sa cage, à
Lorienl. Elle courut quelque temps la campagne sans faire de mal à personne,
et se laissa bientôt reprendre sans résistance. Elle a vécu seize ans à la ménage-
rie, et ce n'est que vers la fin de sa vie, lorsqu'elle fut tourmentée par les infir-
mités de la vieillesse, que son caractère s'aigrit un peu. Elle cessa d'être cares-
sante, mais pour cela elle n'en devint pas plus méchante.
HYENES.
233
L'llYÈ\ii DE CuviER (Hijccna Cuvieri) est
d'un gris bUmchiilre tirant un peu sur le fauve;
elle a des taches brimes, rondes, nettes, sur les
lianes et sur les cuisses ; celles de l'épaule for-
ment une bande qui se continue avec une ligne
longitudinale brune de cbaque côté du cou ; les
pieds sont blanchâtres, un peu teints de roux
vers le bas; la queue est aunelée de blanchâtre,
et de brun à la base, noirâtre dans ses deux tiers
inférieurs; la tèle, du même fond que le dos, a
un peu de brun vers les joues et du roux vers
le sommet. Cette espèce, à laquelle les auteurs
ont appliqué il tort la suionyntie de la précé-
dente, se trouve également au Cap, mais elle y
est beaucoup plus rare. Du reste, elle a les
mêmes mœurs.
L'HvÈMî BiiL\E (Hyœna fnsca, Geoff. Non
la Hiiène brune, Fr. Cuv.) est un peu moins
grande que l'hyène rayée; son corps est cou-
vert en entier de poils longs, rudes, d'un brun
noirâtre, qui pendent sur les côtés; la tête est
couverte de poils courts d'un brun grisâtre ; elle
a sur lesjambes de devant et les pieds de der-
rière quelques b;indes Iransverses brunes et
blanchâtres; le dedans des jambes, le dessous
du ventre et de la (|ueue sont d'un gris blanchâ-
tre. Sa patrie et ses mœurs sont inconnues.
2° Geiniie. Les PROTELES ( /Vo/e/es, Is.
Geoff.) ont cinq doigts aux pieds de devant et
quatre aux pieds de derrière; ils diffèrent en-
core (les hyènes par leur tête allongée, leur mu-
seau fin et presque conique et leur poche ne
consistant qu'en un sillon profond. Leur sys-
tème dentaire est encore inconnu, mais tout
fait présumer qu'il doit être à peu près celui
des hyènes.
Le PhotilLe Delalande ouA\rd-\Aolf {Pro-
teles Lalandii, Is. Geoff. La Cirette luicninite,
Fr. Cuv.) a beaucoup de ressemblance avec
l'hyène d'Orient, tant par ses formes que par
son i)elage ; comme elle, par la flexion de ses
jambes de derrière, il i)orte l'arrière-lrain beau-
cou|) plus bas que celui de devant ; son pelage
est gris ; il a sur le dos ime crinière peu four-
nie ; les pieds sont noirs ; il a sur les côtés des
bandes noires i)eu nombreuses, et de plus pe-
tites sur lesjambes ; sa queue est touffue, noire,
grise à sa base.
L'aard-wolf, ou loup de terre, atteint la taille de nos chiens de bergers, et
habite la Cafrerie et le pays des Hottentots, où néanmoins il est assez rare. Il a
les habitudes nocturnes, et ne quitte sa retraite que la nuit pour aller, en petite
troupe, à la chasse des gazelles et des antilopes. Probablement il se nourrit
aussi de voiries et de charognes, et c'est peut-être pour s'emparer des cadavres
entraînés par les eaux, qu'il habite de préférence les bords de la rivière des
Poissons, en Cafrerie, où le docteur Knox l'a rencontré plusieurs fois. Pendant
le jour, il se tient en famille dans un terrier profond el à plusieurs issues, qu'il
se creuse dans les bois. Lorsqu'on l'irrite, il redresse sa crinière et hérisse ses
longs poils depuis la nuque jusque sur la queue. Le voyageur Delalande, le
premier qui ait découvert et fait connaître cet animal, en a tué et rapporté en
Europe trois individus qui habitaient le même terrier; il en a vu fuir avec vi-
tesse, la crinière hérissée, le corps très-penché en arrière, les oreilles et la
queue baissées.
50
■m
lis CARNASSIERS DIGITIGRADES.
LES CHATS
IN ont point de petites dents du tout derrière
la grosse molaire d'en bas; leur museau est
court et rond; leurs ongles sont rétractlles,
excepté dans le premier genre. Ils ont cinq doigts
aux pieds de devant, et quatre à ceux de der-
rière.
t" Genre. Les GUÉPARDS {Gtiepar) dif-
fèrent des chats proprement dits par leurs on-
gles non rétractlles, mais semblables à ceux des
chiens; par leur tète plus petite et plus courte,
par leurs jambes plus longues, leur corps plus
élancé, et enfin parleurs dents màchelières, qui
sont moins tranchantes. On n'en connaît qu'une
espèce, qui est :
Le GUÉPARD OU FADU {Guepar jubalus. — Felis jubatn, Schr. — Lin. Fclis
(luiiaiii, Germ. Le Ticjre chasseur, des Indes; le Léopard à crinière; le Fadlt et le
ïouse des Persans, le Jaz des Turcs ).
Ce joli animal habite l'Asie méridionale et plusieurs contrées de l'Afrique; il
il trois pieds et demi (t,I57) de longueur, non compris la queue, et deux pieds
0,050) de hauteur. Son pelage est d'un beau fauve clair en dessus, et d'un
blanc pur en dessous ; des petites taches noires, rondes et pleines, également
semées, garnissent toute la partie fauve; celles de la partie blanche sont plus
larges et plus lavées ; la dernière moitié de sa queue est annelée de douze anneaux
alternativement blancs et noirs; enfin, les poils de ses joues, du derrière de la
tèle el du cou sont plus longs, plus laineux que les autres, ce qui lui forme
connue une sorte de petite crinière. A cette jolie robe 1(> guépard joint la légè-
reté des formes et la grâce des mouvements. Ayant les doigts longs, munis
d'ongles peu pointus et nullement rétracliies, il ne peut grimper sur les arbres
connue la plupart des chais; mais il bondit comme eux, court avec beaucoup
CHASSE AU TIGRE.
SCÈNK KT PA^SAOI'. |) K I,' I \ 1) K.
( .1 ;. . <| I ,1 .1 , . P I ;, I, t <
CHATS. 235
plus d'agilité et peut atteindre aisément le gibier en le pomsiiivant. quand il n'a
pas réussi à s'en saisir par surprise. •
Il s'en faut de beaucoup que le guépard ait le caractère perfide et féroce des
grands cbats avec lesquels les naturalistes l'ont classe. Quoique babitant des forêts
et vivant de la chasse, il est peu farouche et s'apprivoise fort aisément. Alors il
s'attache à son maître, répond à sa voix, le suit, le caresse, se laisse dresser à
chasser pour lui, et montre autant d'intelligence que de douceur. Celui qui vivait,
il y a peu d'années, à la ménagerie, venait du Sénégal; il était si familier, qu'on
l'avait placé dans un parc, où il vivait librement, et dont jamais il n'a cherche à
sortir. Il obéissait au connnandement du gardien de la ménagerie, et il aimait
surtout les chiens, avec lesquels il jouait toute la journée sans leur faire jamais
aucun mal. Un jour, un petit domestique nègre, âge de dix à douze ans, vint
se promener au Jardin des Plantes ; il aperçoit le guépard dans son parc,
et se met aussitôt à rai>peler :Fadh! Fadh ! Le gué|)ard le regarde, s'approche ;
aussitôt le négrillon de jeter là le chapeau à galon, la veste de livrée, d'escalader
la palissade, de se jeter sur Fadh qui l'attendait avec impatience, et les voilà se
baisant, se léchant, se caressant de mille manières, se serrant, l'un dans les
bras, l'autre dans les pattes, et se roulant tous deux sur le gazon en jouant à qui
mieux mieux. Cette scène, aussi surprenante qu'inattendue, effraya ceux qui en
furent témoins autant qu'elle les étonna; on courut chercher le gardien des
animaux. On apprit alors que le guépard et l'enfant avaient fait ensemble la
traversée du Sénégal en France, qu'ils s'étaient épris d'amitié sin- le pont du
bâtiment, et que tous les deux venaient de se rencontrer par hasard, et de se re-
connaître après une séparation de trois mois.
Si l'on en croit Eldemiri, ce serait Chaleb, fils de Walid, qui, le premier, se
serait servi du guépard pour la chasse, ce qui, du reste, est assez peu important
à savoir. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à Surate, au Malabar, dans la Perse et
dans quelques autres parties de l'Asie, on élève ces animaux pour s'en servir à
cet exercice. Les chasseurs sont ordinairement à cheval, et portent le guépard
en croupe derrière eux ; quelquefois ils en ont plusieurs, et alors ils les placent
sur une petite charrette fort légère et faite exprès. Dans les deux cas l'animal
est enchaîné, et a srr les yeux un bandeau qui l'empêche de voir. Ils partent
ainsi pour parcourir la campagne, et tâcher de découvrir des gazelles dans les
vallées sauvages où elles aiment à venir paître. Aussitôt qu'ils en aperçoivent
une, ils s'arrêtent, déchaînent le guépard, et, lui tournant la tête du côté du
timide ruminant, ils le lui montrent avec le doigt. Le guépard descend, se glisse
doucement derrière les buissons, rampe dans les hautes herbes, s'approche en
louvoyant et sans bruit, toujours se masquant derrière les inégalités du terrain,
les rochers et autres objets, s'arrêtant subitement, et se couchant à plat ventre
quand il craint d'être aperçu, puis reprenant sa marche lente et insidieuse.
Enfin, quand il se croit assez près de sa victime, il calcule sa distance, s'élance
tout à coup, et en cinq ou six bonds prodigieux et d'une vitesse incroyable, il
l'atteint, la saisit, l'étrangle, et se met aussitôt à lui sucer le sang. Le chasseur
arrive alors, lui parle avec amitié, lui jette un morceau de viande, le llatte, le
caresse, lui remet le bandeau, et le replace en croujjc (ui sur la charrette, tandis
que les domestiques enlèvent la gazelle. Néanmctins, il arrive quelquefois (pic le
236 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
guépard nian<|ue son coup, malgré ses ruses et son adresse. Alors il reste tout saisi
et comme honteux de sa mésaventure, et ne cherche jamais à poursuivre le gibier ;
son maître le console, l'encourage par des caresses, et les chasseurs se remet-
tent en quête avec l'espoir qu'il sera plus heureux une autre fois. Dans le Mo-
gol, cette chasse est pour les riches un plaisir si vif, qu'un guépard bien dressé,
et qui a la réputation de manquer rarement sa proie, se vend quelquefois une
somme exorbitante.
En Perse, cette chasse se fait à peu prés de la même manière, à cette diffé-
rence prés que le chasseur qui porte le guépard en croupe se place au passage
(lu gibier que des hommes et des chiens vont relancer dans le bois. Quand une
gazelle passe à sa portée, « il débande les yeux de l'animal, dit Chardin, et lui
tourne la tête du côté de la bête relancée; le guépard l'aperçoit, fait un cri,
s'élance à grands sauts, se jette dessus et la terrasse. S'il la manque après
quelques bonds, il se rebute d'ordinaire, et pour le consoler on le caresse. Il y
a en Hyrcanie des bêtes dressées qui font la chasse finement, se traînant sur le
ventre le long des haies et des buissons jusqu'à ce qu'elles soient proches de la
proie, et alors elles s'élancent dessus. » L'empereur Léopold 1^' avait deux
guépards aussi privés que des chiens. Quand il allait à la chasse, un de ces ani-
maux sautait sur la croupe de son cheval, et l'autre derrière un de ses courtisans.
Aussitôt qu'une pièce de gibier était levée, les deux guépards s'élançaient, la
surprenaient, l'étranglaient, et revenaient tranquillement, sans être rappelés,
reprendre leurs places sur le cheval de l'empereur et sur celui de son cour-
tisan.
2^ Genre. Les CHATS ( Mis, Li\.)ont trente
dents, savoir : douze incisives, quatre canines,
huit molaires supérieures et six inférieures ;
leur carnassière supérieure a trois lobes et un
talon mousse en dedans; l'inférieure a deux
lobes pointus et traiichaals, sans aucun talon ;
enfin ils n'ont qu'une très-petite tuberculeuse
supérieure, sans rien qui lui corresponde en
bas. Leurs doigts sont armés d'ongles rétrac-
liles qui s'étendent et se redressent, puis se
cachent entre les doigts, à la volonté de l'ani-
mal ; leur langue est hérissée de papilles épi-
neuses et cornées ; leurs oreilles sont pointues ;
ils n'ont point de follicules anales. Il résulte de
l'organisation des chats qu'ils sont essentielle-
ment caruivoies et propres à se nourrir de
proie vivante, et qu'ils seraient les animaux les
plus destructeurs s'ils pouvaient courir.
CHATS.
237
l l«r. CHATS DE L ANCIEN ( OJNTLNENT.
Le Lio^ ( \'vl\s Un, Li> L'.4.sarf des Arabes,
et le Gehad des Persans i varie, pour la taille et
pour la couleur, eu raison des pa5s qu'il habite.
Son pelage est communément d'un fauve assez
imiforme ; le dessus de la tète et le cou du mâle
iidulte portent une épaisse crinière, tandis que
le reste du corps est couvert de poils ras; sa
(jucue est terminée par un gros flocon de poils.
La femelle ressemble au mâle à cela pi es qu'elle
a la tête plus petite et qu'elle manque de crinière.
Les variétés qui ont été signalées par les natura-
listes, sont:
1" Le Lion jaune du Cap, peu dangereux;
2^ Le Lion brun du Cap, le plus féroce et le
plus redouté de tous ;
ô" Le Lion de Perse ou d'A<ahir, ;i pelage
isabelle pâle et crinière épaisse ;
4° Le Lion dit Sénégal, à crinière peu épaisse
et pelage un peu jaunâtre;
5° Le Lion de Barbarie, à pelage brunâtre,
avec une grande crinière dans le mâle; ce der-
nier est poltron, mais il s'apprivoise facile-
ment.
Avant de commencer l'histoire du lion, il est indispensable que je donne quel-
(|ues généralités sur les chats, car j'aurai probablement sur cette famille bien
des préjugés à combattre, bien des erreurs à relever. Ces animaux, si on les
étudie en anatc«niste, sont incontestablement organisés pour être les plus fé-
roces et les plus forts de tous les carnassiers, et leur structure est admirableiuent
en harmonie avec leurs mœurs. « Continuellement en action la nuit et le jour,
dit Desmoulins, la ruse et la patience sont toujours les moyens qu'ils préfèrent ;
leur attaque est toujours une surprise : aussi leur oreille est-elle plus dévelop-
pée que dans les autres mammifères pour entendre clair et de loin. L'œil des
espèces nocturnes est aussi bien approprié aux habitudes de l'animal ; outre que
son volume et celui des lobes optiques sont très-grands, la dilatation de l'iris,
do plus un miroir réflecteur auquel les moindres rayons de lumière diffuse ne
038 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
peuvent écliapper, les recueille pour les renvoyer sur la rétine. Lodoral, moins
actif que dans les chiens, est pourtant supérieur a celui tle beaucoup de car-
nassiers. Le goût paraît le plus obtus de tous leurs sens. En elVet, leur langue
est |)lutôt un organe de mouvement; ses pointes cornées, inclinées en arrière et
redressables, servent aux chats à râper les parties molles et juteuses de leur proie.
Un toucher très-délicat réside dans leurs moustaches, ou plutôt dans leurs
bulbes, car les barbes ne font que transmettre l'impression du choc et de la
résistance des objets. L'intestin est plus court que dans les autres carnassiers.
La force musculaire est immense. Heureusement la force irrésistible, dont pour-
lait disposer leur férocité naturelle, est laissée inactive par leur timide pru-
dence portée jusqu'à la lâcheté. Les chats ne courent pas; cette impuissance
lient moins au défaut d'une force d'impulsion suffisante qu'à l'extrême (lexibi-
lité de leur colonne vertébrale et de leurs membres, incapables de conserver la
rigidité nécessaire dans la course. En revanche leurs bonds sont énormes. Ils se
glissent, ramjjent, grimpent, s'accrochent, se fourrent avec une adresse et une
agilité incroyable. Rien de plus sûr que leur coup d'œil; mais aussi, quand ils
manquent leur coup, soit méfiance, soit dépit, ils se retirent ordinairement sans
revenir à la charge. Les femelles ont pour leurs petits une tendresse toujours
prête à se dévouer, et qui nmltiplie leur courage et leurs forces. Cette tendresse
des mères contraste avec la jalousie (pii fait quelquefois des mâles les plus dan-
gereux ennemis de leur propre postérité. Aussi les femelles se cachent poin-
mettre bas; et pour mieux préserver leur famille, elles la changent souvent de
retraite : cet instinct ne se perd pas même en domesticité. «
L'intelligence des chats est généralement moins développée ((ue celle des ani-
maux des familles précédentes, et c'est encore une nécessité de leur organisa-
tion. Aucune éducation ne peut exciter en eux des facultés dont ils n'ont i)as
les organes, et c'est à cela que l'on doit attribuer les habitudes faroucbes, le
caractère indépendant et sauvage que le chat domestique a conservés, maigre
l'antiquité de sa servitude. Aucune espèce connue ne vit en société, et l'amour
même ne parvient à réunir le mâle et la femelle que pendant le court instant des
désirs et de l'accouplement. Du reste, cette vie solitaire, celte antipathie pour
la société, s'expliquent assez bien par les besoins individuels. La plupart des
chats ne se nourrissant que de proies vivantes, il faut à chacun un espace de
pays assez grand pour le nourrir, et tout ce qui vient lui disputer son gibier,
partager ses moyens d'existence, est nécessairement un ennemi. L'instinct de
la solitude, naissant de cette cause, paraît indélébile chez ces animaux ; aussi
tiennent-ils au pays, à la localité où, dès leur enfance, ils ont trouvé une suffi-
sante nourriture. Ils s'y affectionnent, et même le chat domestique le plus doux,
le plus caressant, s'attache plus à la maison qu'à son maître ; il ne la quitte
jamais pour lui, et y revient si on l'a transféré dans une nouvelle demeure.
Tous les chats ont, à bien peu de chose près, les mêmes formes, le même en-
semble d'attitude, de gestes, de mouvements et de manières. Tous, pour expri-
mer leur satisfaction, même dans les plus grandes espèces, font entendre ce
ronron qu'à Paris on appelle filer dans les chats domestiques. Tous fenlenl en
soufflant et montrant leurs dents de la même manière et dans les mêmes occa-
sions, et cependant leur voix varie beaucoup d'une espèce à une autre : par
CHATS 030
exemple, le lion rugit d'une voix creuse et presque semblable à celle d'un tau-
reau ; le jaguar aboie comme un cbien ; le cbat miaule ; le cri de la panthère
ressemble au bruit d'une scie, etc.
De tous temps les chats, et les grandes espèces surtout, ont été célèbres par
leur cruauté et leur férocité prétendues indomptables. Le vrai est qu'ils sont
beaucoup moins cruels que beaucoup de petits carnassiers auxquels nous ne fai-
sons pas ces reproches. La belette, la fouine, le renard, le loup, par exemple,
semblent donner la mort pour le plaisir de tuer. S'ils pénètrent dans un pou-
lailler, une basse-cour, une bergerie, ils n'en sortent pas tant qu'il y reste un
être vivant. Les chats, au contraire, n'attaquent que quand ils ont faim, et se con-
tentent pour l'ordinaire d'une seule victime. Au milieu d'un troupeau nombreux
et sans défense, ils saisissent leur proie, la dévorent, et se retirent sans même
faire attention aux autres, jusqu'à ce qu'une nouvelle faim les ramène; ils ne
tuent jamais sans nécessité. Quant à leur prétendue férocité, elle n'existe pas
plus chez eux que chez tous les autres carnassiers. Quoi qu'on en ait dit, toutes
les espèces s'apprivoisent fort bien et sont susceptibles d'affection pour leur
maître. Ce qu'il y a de singulier, c'est que de toutes les espèces, peut-être, le chat
domestique est celle qui est le moins susceptible de sentiments affectueux ; non
pas que cela tienne à son caractère, mais à sa timidité et à l'habitude que nous
a'vons de le faire vivre avec le chien, son ennemi le plus redouté et le plus
dangereux, et dont la présence tient constamment le chat dans un état d'irrita-
tion et de frayeur qui absorbe ses autres sentiments.
Le lion se trouvait autrefois dans une grande partie de l'Europe méridionale.
Il habitait en très- grand nombre la Macédoine, la Thessalie, la Thrace, proba-
blement la Grèce entière et toute la partie méridionale de l'Asie, depuis la Syrie
jusqu'au Gange et à l'Oxus. Aujourd'hui il n'existe plus en Europe, et n'est com-
mun nulle part; l'on n'en voit plus que quelques-uns en Asie, dans la piesqu'île
de l'Inde. L'espèce se soutient encore en Barbarie, particulièrement aux envi-
rons de Constantine et de Bone, au Sahara, au Sénégal et au cap de Bonne-Es-
pérance; mais on la refoule continuellement dans le désert, et il est à croire que
bientôt les armes à feu l'auront entièrement détruite. Les Grecs, qui ne con-
naissaient pas le tigre du Bengale, ont naturellement fait du lion le roi des ani-
maux, parce que c'était pour eux le plus grand et le plus fort des carnassiers.
L'ayant fait roi, il était naturel aussi qu'ils lui attribuassent les vertus que les rois
devraient avoir, c'est-à-dire la noblesse de caractère, la supériorité du courage,
la fierté, la générosité, etc. Buffon, en sa qualité d'écrivain plus qu'en celle de
naturaliste, s'est emparé de ces idées, et nous les a transmises dans son style
aussi brillant qu'inimitable. Il est fâcheux que toutes ces belles qualités dispa-
raissent devant l'étude des faits. Comme tous ses congénères, le lion n'attaque
(lue par surprise, soit qu'il attende en embuscade, soit qu'il se glisse dans l'om-
bre ou rampe à la clarté du jour, caché par quelque abri, pour tomber à l'im-
proviste sur une victime longtemps épiée, et cette victime est toujours un ani-
mal faible et innocent, qui ne peut lui opposer aucune résistance. Ce n'est
que poussé par une faim extrême qu'il ose assaillir un bœuf ou un cheval; mais
jamais il ne conmience volontairement une lutte avec un animal capable de lui
résister. Tout ce qu'ont dit les voyageurs du combat du lion contre l'éléphant.
^iO LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
le rhinocéros, riiippopolame et le tigre est autant de suppositions hasardées
qui ne méritent aucune foi. Sa nourriture ordinaire consiste en gazelles, et en
singes quand il peut les rencontrer et les saisir à terre. Il se place ordinaire-
ment en embuscade dans les roseaux, autour des mares où ces animaux ont l'ha-
bitude d'aller boire le soir et le matin. Là, il reste à guetter un temps infini,
avec cette admirable patience qu'ont tous les chats. Si un animal passe à sa
portée, d'un bond prodigieux il s'élance sur lui, lui enfonce ses formidables
griffes dans les flancs, et lui brise le crâne avec les dents. S'il manque son coup,
il ne cherche pas à poursuivre l'animal, et l'on a mis sur le compte de sa géné-
rosité ce qui n'est que le résultat de sa conformation. En efl'et, il bondit, saute,
mais il ne peut courir, et il marche avec une lenteur que l'on a prise pour de la
gravité. Le lion n'est pas aussi cruel que le tigre, a-t-on dit ; mais, si, en se glis-
sant dans l'ombre, il s'est approché d'un krahal sans être découvert, et qu'il ait
pu pénétrer dans un parc de moutons, il égorge tout avant de choisir la proie
qu'il veut emporter ou dévorer. Il n'attaque pas les animaux quand il n'a pas
faim, cela est vrai ; mais c'est simplement parce que, dans ses forêts, sûr de sa
supériorité de force, n'ayant jamais attaqué un être qui ait pu lui résister, comp-
tant sur une agilité qui n'est comparable qu'à sa force, il ne craint jamais de
manquer de proie ; après s'être repu avec voracité, il s'endort pour deux ou
trois jours, et ne sort de sa retraite ou de son apathie que poussé par une nou-
velle faim. Tel il est dans le désert; il n'a jamais peur parce qu'il n'a jamais
rien à craindre. Dans les pays habités par l'homme, il n'a plus ni courage ni
fierté. La nuit il rôde dans la campagne; s'il ose alors s'approcher des habita-
tions, c'est pour chercher à s'emparer des pièces de menu bétail échappées de
la bergerie; il ne dédaigne pas même de prendre des oies et autres volailles
t|uand il en trouve l'occasion. Enfin, faute de mieux, il se jette sur les cha-
rognes et les voiries, malgré cette délicatesse de goût qu'on lui suppose. Il est
arrivé assez souvent à nos sentinelles, à Constantine, de tirer et tuer des lions
qui venaient pendant la nuit rôder autour de la ville, afin de manger les immon-
dices jetées hors des murs. Si ce noble animal, comme disent les naturalistes,
a la hardiesse de s'approcher en tapinois d'un troupeau pour s'emparer d'un
mouton, les bergers crient aussitôt haro sur le voleur, le poursuivent à coups
de bâton, lui arrachent sa jiroie de vive force, mettent leurs chiens à ses
trousses, et le forcent ainsi à détaler au plus vite. Il en arrive très-souvent au-
tant au cap de Bonne-Espérance, quand les fermiers hollandais le surprennent
rôdant autour de leurs écuries; ils en ont même quelquefois tué à coups de
fourche jusque dans des cours où ils étaient parvenus à se glisser furtivement,
a la manière des loups. Néanmoins ce n'est pas sans danger que l'on attaque cet
animal, tout poltron qu'il est, car, lorsqu'il se sent blessé et qu'on lui ôte la
faculté de fuir, il entre en fureur; et malheur à l'individu sur lequel il déploie sa
force prodigieuse!
Le lion fuit la présence de l'homme; il ne l'attaque jamais pendant le jour,
à moins qu'il n'y soit poussé par une faim atroce; nous citerons connue preuve
un fait qui s'est passé au Cap. Deux Hollandais d'Afrique vont un jour à la chasse ;
l'un d'eux s'ai)proche d'une mare, et un lion, à l'aflût dans les hautes herbes,
croyant entendre le bruit d'une gazelle, s'élance et le saisit par le bras avant
CHATS. HM
•lavoir pu le distiiignor; il reconnaît un homme, et, surpris de sa propre au-
dace, ellrayé de ce (ju'il vient de l'aire, il reste immobile sans néanmoins lâcher
sa victime; il a vu sa l'ace imposante, et il tremble; il ferme les yeux pour se
dérober à l'influence d'un regard (pii l'épouvante. Le malheureux Hollandais,
voyant que son ami ne peut tirer sur le monstre sans risquer de le percer lui-
même d'une balle, prend une courageuse résolution; il profite de la stupeur du
lion pour glisser dans sa poche la main qu'il avait libre; il en sort doucement
son couteau, l'ouvre, mesure son coup, et le plonge dans le cœur de l'animal.
Mais celui-ci en mourant déchire sa victime, et tous deux roulent morts sur le
gazon ensanglanté.
Le lion atteint jusqu'à huit à neuf pieds 2,599 à 2,924) de longueur, depuis
le bout du nez jusqu'à la naissance de la queue, mais seulement dans les déserts
où il n'est pas inquiété et où il trouve une nourriture abondante. Le plus ordinai-
rement sa taille ne dépasse pas cinq pieds et demi ( 1 ,780) de longueur, sur trois
et demi (1,157) de hauteur. Sa femelle est d'environ un quart plus petite que
lui. Sa figure est imposante et mobile comme celle de l'homme, et ses passions
se peignent non-seulement dans ses yeux, mais encore dans les rides de son
front; sa démarche est légère, (pujique lente et toujours oblique. Sa voix est
terrible, et tous les animaux tremblent à une demi-lieue à la ronde quand son
rugissement fait retentir les forêts pendant la nuit; c'est un cri prolongé, d'un
ton grave, mêlé d'un frémissement plus aigu. Lorsque le lion menace, il se ride
le front, se j)lisse et relève les lèvres, montre ses énormes dents, et souffle de
la même manière que le chat domestique; enfin, lorsqu'il attaque, il pousse un
cri court et réitéré subitement. Dans la colère, ses yeux deviennent flamboyants,
et brillent sous deux épais sourcils qui se relèvent et s'abaissent comme par un
mouvement convulsif; sa crinière se redresse et s'agite; de la queue il se bat
les flancs; il ouvre la gueule et laisse voir une langue hérissée d'épines pointues
et tellement dures, qu'elles suffisent seules pour écorcher la peau et entamer la
chair. Tout à coup il se baisse sur ses pattes de devant, ses yeux se ferment à
demi, sa moustache se hérisse, son agitation cesse, il reste immobile, et le bout
de sa queue roide et teiulue fait seul un très-petit mouvement de droite à gauche.
Malheur à l'être vivant qu'il regarde dans celte attitude, car il va s'élancer et
déchirer une victime !
Quehpie terrible que soit le lion, on ne laisse pas que de le chasser avec des
chiens appuyés par des hommes à cheval ; mais il faut que les uns et les autres
aient été dressés à cet exercice pour le faire sans danger. On le relance dans
son fourré, on l'en déloge, on le poursuit, et on parvient à le tuer. Le courage
de ce roi des animaux ne tient pas contre l'adresse d'un Hottentot ou d'un Nègre,
(pii souvent osent l'attaquer tête à tête avec des armes assez légères. Ils le
prennent quebpiefois en le faisant tomber dans une fosse profonde qu'ils re-
couvrent avec des matières fragiles au-dessus desquelles ils attachent un animal
vivant. Dès qu'il est prisonnier, il devient d'une telle lâcheté, qu'on peut l'attacher,
le museler et le conduire où l'on veut, selon ce que dit Bufl'on. Cet animal, pris
jeune, s'apprivoise fort bien, et il est même susceptible d'attachement pour
son maître et d'une certaine docilité. « Élevé parmi les animaux domestiques,
dit l'écrivain (jue je viens de citer, il s'accoutume aisément à vivre et à jouer
51
2i2 LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
iiinoceniineut avec eux ; il est doux pour ses maîtres et même caressant, surtout
dans le premier âge, et si sa férocité reparaît quelquefois, il la tourne rarement
contre ceux qui lui ont fait du I)ien. Comme ses mouvements sont très-impé-
tueux et ses appétits fort véhéments, on ne doit pas présumer que les impressions
de l'éducation puissent toujours les balancer ; aussi y aurait-il quelque danger
à lui laisser souffrir trop longtemps la faim, ou à le contrarier en le tourmentant
hors de propos. Non-seulement il s'irrite des mauvais traitements, mais il en
garde le souvenir, et paraît méditer la vengeance, comme il conserve aussi la
mémoire et la reconnaissance des bienfaits. » Je ne suivrai pas plus loin notre
grand écrivain, surtout quand il dit « que sa colère est noble, son courage ma-
gnanime et son naturel sensible; » toutes choses qui sont là pour le style et
pour faire allusion aux contes d'Androclès, du lion de Florence, et à cent autres
inventés à plaisir et devenus célèbres par le manque de critique des anciens
écrivains.
Dans ces animaux, la passion de l'amour est très-ardente. » Lorsque la fe-
melle est en chaleur, elle est quelquefois suivie de huit à dix mâles, dit Gesner
dans son Histoire des animaux, et ils ne cessent de rugir autour d'elle et de se
livrer des combats furieux. » Je doute beaucoup de ce fait, et voici pourquoi :
Le lion est armé d'une manière si terrible, que tout combat livré à un animal de
son espèce serait terminé en moins d'une minute par la mort de l'un des assail-
lants et peut-être de tous deux. J'ai eu dans mon cabinet les ongles d'une lionne;
ils étaient longs de cinq pouces (0,155), très-gros à la base, tranchants en des-
sous comme un rasoir, et aigus comme la pointe d'un canif. Les dents de ces
animaux sont d'une grosseur énorme, et les canines dépassent les gencives de
trois pouces. Avec de pareilles armes, le résultat d'une lutte doit être prompt et
mortel. En second lieu, chaque lion habite un canton assez grand, où il ne
souffre aucun rival, et ce ne serait guère que dans un rayon de quarante à cin-
quante lieues que l'on pourrait trouver huit à dix mâles, même dans les contrées
où ces animaux sont le plus abondants. Il est donc croyable que la femelle n'est
suivie que par le mâle qui habite son canton, et il est certain qu'aussitôt après
l'accouplement, tous deux se quittent pour reprendre leur vie solitaire.
CHATS.
243
s^^',:^^
l.a LiOxNNE ;i, comme tous les clials, (lualre mamelles; elle porte cent huit
jours, fait de deux à cin(i petits qu'elle allaite ordinairement six mois. Elle
aime ses enfants avec une tendresse excessive. Quoique moins f(U'tc que le
lion, elle oublie le danger, et, pour les défendre, combat jusqu'à la dernière
extrémité. Elle cberche toujours, pour mettre bas, un lieu trés-écarté et d'un
difficile accès. Lorsqu'elle craint la découverte de l'endroit où elle a caché ses
petits, elle embrouille sa trace en retournant plusieurs fois sur ses pas, et finit
par les cacher dans une autre retraite, quelquefois trés-éloignée, où elle les croit
plus en sûreté. Quand ils commencent à prendre de la force, elle va à la chasse,
se jette indifféremment sur tous les animaux qu'elle rencontre, les met à mort,
se charge de sa proie, la partage à ses lionceaux, et leur apprend a déchirer la
chair palpitante. En naissant, les petits se ressemblent tous, quel que soit leur
sexe; leur pelage est plus laineux, plus foncé que celui de leur mère, et ils
portent une livrée de petites raies brunes, transversales, sur les flancs et lori-
gine de la queue ; ce nest qu'à l'âge de cinq ou six ans, c'est-à-dire lorsqu'ils
deviennent complètement adultes, qu'il ne reste plus aucune trace de celte livrée.
La crinière qui pare les mâles ne commence à pousser qu'à l'âge de trois ans.
Plusieurs fois des lionnes se sont accouplées à la ménagerie, et y ont élevé leurs
lionceaux.
On a dit que, dans sa générosité, le lion donne (piebpiefois la vie aux animaux
qu'on avait dévoués à la mort en les lui jetant, et le fait est vrai si on le met. non
sur le compte d'un sentiment généreux, mais sur celui du caprice, et sur le
besoin d'avoir un compagnon qui lui fasse supporter les ennuis d'une étroite
captivité. Parmi les lionnes qui ont vécu à la ménagerie, plusieurs ont souffert
des chiens dans leur loge; mais une seule a montré de l'affection pour son
m
LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
camarade de prison. Elle se nommait Coiistanline, et avait été prise; rortjenne
dans le Sahara. On jeta dans sa loge un petit roquet noir et blanc, qui, tout effrayé,
fut se cacher dans un coin en tremblant de tous ses mend)res. La lionne se leva
lentement, et, râlant d'une voix sourde, s'approcha du pauvre animal, qui poussa
un cri plaintif en la regardant d'un air suppliant. 11 i)araît que ce regard plein
de désespoir la toucha, car elle se recoucha tranquillenuMit sans faire de mal au
roquet. L'heure de la distribution venue, on jeta dans la loge le diner de Con-
stantine; elle le mangea et en laissa une part poiu' son nouveau compagnon
d'esclavage, qui n'osa pas y toucher, car la faim la plus dévorante n'aurait pu
le déterminer à quitter le coin noir où la frayeur le tenait blotti. Le lendemain
il avait un peu moins peur, et il se détermina à manger la portion que la lionne
lui laissa comme la veille; le second jour il se hasarda à sortir de son coin et à
manger après elle ; huit jours après il mangeait avec elle, et huit autres jours
après il se jetait sur le diner, et ne permettait <à la lionne d'en avoir sa pari que
lorsqu'il avait pris la sienne. Si Conslantine s'approchait, le roquet entrait en
fureur, et, purement par caprice, lui sautait à la ligure et la mordait de toute
sa force. Il n'est rien de plus hargneux, de plus méchant (pi'iin être faible (pii a
conquis sur un être fort l'empire (pie la honte et l'alTection lui ont laissé pren-
dre, et l'on pourrait en citer de trop nombreuses preuves prises ailleurs que chez
les chiens et les lions. Quand l'automne fut venu avec ses journées froides et
humides, le roquet, pour être plus chaudement, jugea à propos de passer les
nuits entre les cuisses de la lionne, et elle s'y prêta de fort bonne grâce. Pour
récompense, dans ses accès de fureur, il se jeta un jour sur elb; et lui mordit la
queue avec tant de rage et de méchanceté, (pi'il parvint à la lui couper à moitié
et à l'estropier pour toute sa vie. Au bout de (jnelques années, le chien mourut,
moitié de vieillesse, moitié d'un accès de colère, et la pauvre Constantine ne put
jamais s'en consoler. On lui donna plusieurs autres chiens, qu'elle étrangla ;
enfin elle laissa la vie à l'un d'eux, mais jamais elle ne lui luontra ni alVection
ni complaisance, et elle mourut bientôt après, consumée d'ennui, de tristesse
et peut-être de regrets. Du reste, si je me suis un peu étendu sur l'histoire de
(lonstantine, c'est moins poin- donner une idée du caractère des lions, que pour
montrer par un exemple très-remarquable que, dans les animaux comme dans
l'homme, on trouve des individus excenlriepics (pii sortent presque tout à fait
du caractère général de l'espèce.
CHATS.
'2^5
Le TIGRE [FeCis l'igiis, Li.\. Le Tigic roijal ûe Blff. — G. Cuv. Le Radja-
uiançi ou Arhnan-bessar des Malais. Le Madjan-gédé des Javanais. Le Lan-ltn
des Chinois).
Cet animal est la plus grande et la plus terrible des espèces de son genre; il
égale et surpasse même le lion en grandeur, mais il est plus grêle, plus svelte,
et sa tête est plus arrondie ; ses jambes sont proportionnellement plus longues;
son museau court, ainsi que ses mâchoires armées de dents énormes et tran-
chantes, donnent à sa gueule une force prodigieuse. Sa langue est couverte
d'épines recourbées du côté de la gorge, de manière à lui donner la faculté
d'enlever des lambeaux de peau d'un seul coup; ses pattes sont munies d'ongles
puissants, qui se redressent vers le ciel et se cachent entre les doigts dans
l'état de repos, par l'effet de ligaments élastiques, et ne perdent jamais leur
pointe ni leur tranchant. Son pelage est d'un jaune vif en dessus, d'un blanc
pur en dessous, partout irrégulièrement rayé de noir en travers, ce qui le dis-
tingue très-bien de toutes les grandes espèces de chats; sa queue, noire au bout,
est alternativement annelée de celte couleur et de blanc; enfin, c'est un des
plus beaux et des plus élégants animaux que l'on connaisse. Il habite les Indes
orientales et leur archipel, les déserts qui séparent la Chine de la Sibérie
orientale, jusque entre les rivières d'Irlisch et d'Ischim, et même jusqu'à l'Obi,
quoique rarement; il est commun dans le Bengale, mais jamais on ne l'a trouvé
en deçà de l'Indus, de l'Oxus et de la mer Casi)ienne. Ces limites bien tracées
n'empêchent pas que presque tous les anciens voyageurs qui ont parcouru des
contrées chaudes, non pas seulement en Asie, mais encore en Afrique et en
Amérique, disent en avoir rencontré, et racontent à son sujet les choses les plus
exagérées et les plus merveilleuses. Ici c'est le combat d'un tigre et d'un rhino-
2iG LRS CAUNASSIEUS DIGITIGRADES.
c'éros ou iliui crocodile; là il terrasse un monslrueux élé|)liant; ailleurs il lulte
contre un lion, etc.
Si on a paré le lion d'un courage, d'une générosité, d'une noblesse qu'il n'a
pas, en compensation on s'est plu à nous peindre le tigre avec les couleurs les
plus noires; on le représente comme ayant une cruauté inouïe, une férocité in-
domptable, une soif de sang qui le dévore constamment; et il n'y a pas plus de
vérité dans ce portrait que dans l'autre. Le tigre n'est pas plus cruel que le lion,
mais seulement pour approcher sa proie il met plus de ruse, pour l'attaquer
beaucoup plus d'audace, et pour la vaincre un courage qui ne cède qu'à la
mort. Le lion annonce son approche par des rugissements qui paralysent ses
victimes : le tigre se glisse à petit bruit et les surprend ; le lion se retire s'il
trouve une résistance : le tigre combat et se fait tuer. Telles sont les uniques
différences qui constituent la générosité de l'un et la cruauté de l'autre. Le cou-
rage du tigre est sans mesure, comme sa force et son agilité. Il combat indis-
tinctement tous les animaux, et attaque l'homme avec intrépidité. Sa course
a la i-apidité de l'éclair; on en a vu sortir de la forêt, saisir un cavalier au mi-
lieu d'un bataillon, d'une armée, l'emporter dans les bois et disparaître avant
même qu'on ait eu le temps de le poursuivre. Ce qui, sans doute, n'a pas peu
contribué à la réputation de cruauté que l'on a faite au tigre, c'est ce courage
indomptable (|ui lui fait braver les armes de l'homme, et le rend, pour notre
espèce, le plus terrible des animaux et le fléau des Indes orientales.
Cependant, quand il s'agit de surprendre une proie timide qui lui échapperait
parla vélocité d'une course que le tigre ne peut soutenir longtemps, il se blottit
et se cache dans les hautes herbes et les bambous, comme fait le lion. Le lieu
de son embuscade est ordinairement le bord d'une mare ou d'une rivière où
les gazelles, les antilopes et autres animaux viennent se désaltérer pendant la
chaleur du jour; d'un bond prodigieux il se jette sur un de ces animaux, le
terrasse du premier choc, lui brise le crâne, et l'entraîne ensuite dans les bois,
fût-ce un buffle ou un cheval, en courant avec autant de légèreté qu'un loup
emportant un faible agneau. Quand il a satisfait sa faim, il ne cherche pas
d'autre victime, jusqu'à ce qu'un nouveau besoin vienne le forcer à recommen-
cer sa chasse. Plus hardi que le lion, il n'attend pas que la nuit vienne couvrir
ses manœuvres de son ombre ; c'est aussi bien le jour que la nuit qu'il sort de
sa retraite pour se mettre en quête. Il habite de préférence les roseaux qui
croissent sur le bord des fleuves et des grandes rivières, et, comme il nage fort
bien, il aime à gagner les îlots pour y établir son domicile temporaire. De là,
il observe ce qui se passe sur le fleuve, et va chercher, pour s'en nourrir, les
cadavres d'hommes et d'animaux qui flottent sur les ondes. Sur les bords du
Gange, il est rare que la superstition indienne ne lui fournisse pas suffisam-
ment de cadavres pour qu'il ait besoin d'aller à la chasse. On sait que les Hin-
dous sont persuadés que les eaux du Gange descendent du ciel et ont la mira-
culeuse vertu de purifier quiconque s'y baigne ; mourir sur ses bords ou dans
ses flots est ce qui peut arriver de plus heureux à un dévot qui veut arriver avec
certitude aux délices du paradis. Aussi, plus d'un fanatique y cherche une mort
volontaire, des mères y noient leurs enfants par excès de tendresse, et tout cela
au profit des alligators et des tigres.
CHATS. 2'n
Quelques rois de llutle niellent la chasse du ligre au nombre des plaisirs
royaux, el la font avec un grand appareil d'hommes, d'éléphants, de chevaux et
de chiens. Malgré toutes les jjrécautions prises pour la sûreté des chasseurs,
il arrive presque toujours quelques malheurs, el il n'est pas rare de voir un
tigre bondir et enlever un homme jusque sur le dos d'un éléphant, ou terrasser
ce dernier s'il est jeune et qu'il parvienne à saisir sa redoutable trompe, à la-
quelle il se cramponne opiniâtrement. Lorsqu'il est harassé de fatigue ou gra-
vement blessé d'un coup de feu, il se relire un moment dans un fourré pour
reprendre haleine; mais il revient bientôt au combat plus furieux qu'avant de
l'avoir quitté, se faire tuer accablé par le nombre, et trop souvent expirer sur
le corps sanglant de ses ennemis. Grâce à son intrépidité inconcevable, rien ne
l'effraye, rien ne l'intimide : ni le nombre de ses ennemis, ni la détonation des
armes à feu, ni les cris, ni le bruit, le feu el la fumée, qui ne font qu'augmenter
sa fureur.
Le tigre est-il donc le plus féroce des animaux, et le portrait qu'en fait Buffon
serait-il vrai? Non; je le répète, il n*est ni plus féroce ni plus cruel que le lion,
seulement il est plus courageux. Pris jeune et élevé dans la domesticité, il s'ap-
privoise parfaitement, reconnaît son maître, le caresse et s'y attache autant
qu'aucun autre animal, hors le chien. On sait que l'empereur Héliogabale, dans
une représentation du triomphe de Bacchus, se montra dans Rome sur un char
traîné par des tigres, et la description que Pline nous a laissée de ces animaux
ne laisse aucun doute sur leur identité. Voilà donc ce tigre indomptable qui
oublie sa férocité pour s'accoutumer à la domesticité; il l'oublie au point de se
laisser atteler à un char, el de traîner sans danger pour personne, au milieu
d'une population nombreuse et turbulente, un empereur bien plus féroce que
lui ! Ce fut Auguste qui montra le premier un tigre aux Romains, et il était ap-
privoisé. Mais sans aller chercher des exemples dans l'antiquité, quelques per-
sonnes se souviennent encore d'avoir vu un promeneur de ménagerie ambulante
qui montrait, à Francfort, un tigre d'une rare beauté. A son commandement,
l'animal, attaché à une chaîne de cinq ou six pieds pour la tranquillité des spec-
tateurs, sortait de sa cage el faisait plusieurs exercices. Son maître, le compa-
rant à un cheval qu'on bride, lui ouvrait les mâchoires et lui mettait le bras
dans la gueule en guise de mors; puis il s'asseyait sur son dos et se faisait por-
ter sans que l'animal témoignât la moindre impatience. Tout Paris a vu le sieur
Martin entrer sans crainte dans la cage d'un tigre qu'il montrait aux curieux,
s'asseoir sur lui, le caresser, jouer, le contrarier même, sans qu'il en ait résulté
le moindre accident. Les mousses du bâtiment sur lequel on amenait à Paris le
tigre qui existait à la ménagerie en 1853, ne trouvaient rien de mieux pour
dormir que de s'étendre entre les cuisses de cet animal et de se faire un traversin
de son ventre. Il se promenait librement sur le vaisseau, el on ne rallachail au
pied du mât que pendant les manœuvres. Je pourrais multiplier beaucoup ces
exemples s'il était nécessaire.
Quant aux autres habitudes du tigre, elles sont exactement les mêmes que
celles du lion et autres grands chats. Fort heureusement pour les habitants de
l'Inde, ce teirible animal multiplie fort peu son espèce. La femelle met bas de
trois à cinq i»etits; mais si elle n'a pas le soin extrême de les cacher dans une
24,8 LES CMINASSIEUS DIGITIGRADES.
leli-ailo sùro, le niàlc ne iiianque jamais de les manger et de détruire ainsi sa
lormidahle posiérilé. Elle les aime avec tendresse, et sa fureur devient extrême
(luand on les lui ravit. " Elle brave tous les périls, dit Buflbn; elle suit les ra-
visseurs, qui, se trouvant pressés, sont obligés de lui relâcher un de ses petits;
elle s'arrête, le saisit, l'emporte pour le mettre à l'abri, revient quelques in-
stants après et les poursuit jusqu'aux portes des villes ou jusqu'à leur vaisseau ;
et lorsqu'elle a perdu tout espoir de recouvrer sa perte, des cris forcenés et
lugubres, des hurlements affreux expriment sa douleur cruelle et font encore
frémir ceux qui les entendent de loin. » Transportés en Europe, dans nos mé-
nageries, ces animaux meurent presque tous de idithisie pulmonaire. Ils ne s'y
sont jamais accouplés, au moins jusqu'à ce jour.
La PA^TIlÈllE (FeHs pardus, Lin. Le i\ewr jamais été ngiirce. Voici, selon lui, en quoi elle
des Aral)es. La Panthère et VOncc de Buff.] diffère du léopard : sa queue serait aussi longue
est longue de près de quatre pieds (1,299), uon que le corps et la télé pris ensemble, et ccim-
compris la queue, qui a deux pieds six pouces posée de dix-huit veitèl)res, tandis (juc celle du
(0,812); son pt'lage est d'un fauve jaunâtre en léopard serait de la longueur du corps seule-
dessus, blanc en dessous, avec six ou sept ran- ment, et composée de vingt-deux vertèbres ; la
gées de taches noires en (ninie de ruses, c'est- tète de la pantlière aurait le crâne plus allongé;
à-dire formée de l'assemblage de cinq ou six pe- son pelage serait d'un fauve jaunâtre foncé;
lifes taches simples, sur chaque flanc ; la queue ses taches en roses seraient très-nombreuses et
n'a de noir, et seulement en dessus, que son rapprochées, ayant au plus douze à quatorze
dernier huitième, avec trois ou quatre anneaux lignes (0,027 à 0,052) de diamètre, avec le cen-
blancs. Tel est l'animal que notre célèbre natu- tre de la même couleur que le fond du pelage,
rnllsteG.Cuvier a cru reconnaître pour la pan- tandis que dans le léopard les taches seraient
Ihere, et, dans ce cas, il se trouverait en Arabie assez distantes, de dix-huit lignes (0,051) dedia-
et en Afrique, aussi bien que dans l'Inde. mètre, et auraient le fond rose. Dans le cas où
Selon >L Temminck, cette panthère de Cn- l'opinion de M. Temmiuck prévaudrait sur celle
vier ne serait qu'un léopard ; nous n'aurions de Cuvier et de tous nos naturalistes français,
jamais possédé, ni au cabinet ni à la ménagerie, la panthère, assez commune au Bengale, ne se
de véritable panthère, et elle n'aurait même trouverait probablement pas en Afrique.
Toutes les panthères que nous avons eues à la ménagerie de Paris, ou du
moins les animaux auxquels on donne ce nom, étaient farouches, indomptables,
et d'une férocité stupide. Quelques-unes se sont conservées assez longtemps,
mais la plupart meurent phthisiques après un an ou deux. Dans les pays où
elle se trouve, la panthère n'habite que les forêts, et, si on en croit les voya-
geurs, elle monte avec beaucoup d'agilité sur les arbres, pour poursuivre les
singes et les autres animaux grimpeurs dont elle se nourrit. Ses yeux sont vifs,
dans un mouvement continuel ; son regard est cruel, effrayant, et ses mœurs
sont d'une atroce férocité. Elle n'attaque pas l'homme quand elle n'est pas in-
sultée; mais à la moindre provocation elle entre en fureur, se précipite sur lui
avec la vitesse de la foudre, et le déchire avant qu'il ait eu le temps de penser
à la possibilité d'une lutte. La nuit, elle sort des halliers et des buissons touffus
où elle se cache pendant le jour pour épier ses victimes; elle vient rôder autour
des habitations isolées pour surprendre les animaux domestiques, les chiens
surtout, et, faute de proie vivante, elle se nourrit de cadavres. Quoique Buffon
ait mal connu cette espèce, qu'il l'ait séparée de l'once, qui n'en est qu'une va-
riété, et que, pour les mœurs, il l'ait confondue avec d'autres grands chats, je
crois que c'est a elle (pi'il faut rapporter ce passage : " Ea i)anthère paraît être
cil Aï s.
'249
iViine nature fière et peu flexilde : on la ilouiple plutôt (|u"ou ne l'ap[>rivoise;
jamais elle ne perd en entier son caiaclére féroce, et lorscju'on veut s'en servir
pour la chasse, il faut beaucoup de soin pour la dresser» et encore plus de pré-
cautions pour la conduire et l'exercer. On la mène sur une charrette, enfermée
dans une cage, dont on lui ouvre la porte (|uand le giliier paraît; elle s'élance
vers la bêle, l'atteint ordinairement en trois ou quatre sauts, la terrasse et l'é-
trangle; mais si elle manque son coup, elle devient furieuse et se jette quel-
(luefois même sur son maître, qui, d'ordinaire, prévient ce danger en portant
avec lui des morceaux de viande on des animaux vivants, comme des agneaux,
des chevreaux, dont il lui en jette un pour calmer sa fureur. » Si ce que dit
Bufl'on est vrai, cela ne peut s'appliquer qu'à la panthère ou au léopard, car le
guépard s'attache à son maître connue un chien, et n'est jamais dangereux pour
lui. Tout ce que nous pourrions dire de [)lus sur l'histoiie de cet animal appar-
tient à celle des chats en général.
52
250
LES CAUNASSIliRS DiGiTKUl A DKS.
Le Léopard.
Le LÉOPARD { rdis pai-dits, Cvv. Fclis Icopardus, ïkmm. Felis varia, Sv.hr.
Ij' Engo'i du Congo ).
Selon (1. Cuvicr, le léopard ne se distinguerait de la |)antlière que par dix
rangées de taches plus petites, plus annelées; par son pelage d'un plus beau
fauve, et par le dernier tiers de sa queue, qui serait noir en dessus et aux côtés,
avec cin(i ou six anneaux blancs; il aurait exactement les mêmes dimensions.
Selon Temminck, le léopard serait beaucoup plus grand que la panthère, el
approcherait de la taille de la lionne; sa queue, composée de vingt-deux ver-
tèbres, serait de la longueur de son corps; il aurait le pelage d'un jaune claii-,
parsemé de taches assez distantes, ayant au plus dix-huit lignes (0,04^) de dia-
mètre, et dont le fond serait rose; le dessous du corps blanc. J'avoue que j'ai
trouvé à la ménagerie tant de difficultés à reconnaître dans la panthère et le
léopard des caractères spécifiques tranchés, que je serais bien tenté de me ran-
ger à l'opinion de Temminck, et de regarder nos prétendues panthères comme
de simples variétés de taille du léopard.
Assez généralement les voyageurs ont gratifié du nom de tigre toutes les
grandes espèces de chats qui ont la peau mouchetée de taches noires et arron-
dies, sans s'inquiéter si le vrai tigre lui-même portait cette robe, ce qui n'est
pas. Cette habitude n'a pas peu contribué à jeter la confusion dans l'histoire
des espèces de chats, et Buffon, malgré sa critique et son talent, n'a pu se tirer
de ce chaos. En outre, tous ces animaux tachetés ont entre eux une telle ressem-
blance, (pic Cuvicr lui-même eu est venu à douter s'il existait vraiment un léo-
[lard distinct spéci(i(piemenl de la panthère. « Si cela est, dit-il, je pense que ce
CHATS. 251
doit être un animal dont nous avons reçu des peaux de lile de la Sonde. » Il en
résulte que le premier que nous avons décrit ne se trouverait que dans l'Asie, et
(|ue le second, celui de Temminck, habiterait non-seulement l'Asie, mais encore
rAIVi(jue, et pourrait bien n'être, comme il le dit, qu'une simple variété de
pelage de l'animal auquel on donne, à la ménagerie, le nom de panthère.
Quoi qu'il en soit, en Afrique le léopard est célèbre pour son courage et sa
cruauté. Il a l'air féroce, l'œil inquiet, le regard cruel, les mouvements brus-
ques, et, ajoute Buffon, les cris semblables à celui d'un dogue en colère; il a
même la voix plus forte et plus rauque que le chien irrité. Il se plaît dans les
forêts touflues, où il épie et surprend tous les animaux plus faibles que lui,
pour s'en nourrir. Comme la panthère, il est d'une force et d'une agilité incon-
cevables, et il grimpe sur les arbres pour y poursuivre les chats sauvages.
Quelquefois, ainsi que le lynx, il se place sur une grosse branche, et là, im-
mobile, le cou tendu et l'oreille au vent, il attend qu'une antilope passe à sa
portée pour s'élancer sur elle, la terrasser, la déchirer avec ses griffes et la
dévorer. Il lui arrive aussi de rôder autour des habitations pour saisir les ani-
maux domestiques. Il ose même s'approcher en plein jour des troupeaux, et
alors il emploie une patience et une ruse admirable pour s'approcher sans bruit
et sans être aperçu de la victime que son a^il a désignée. Il se coule lentement
le long d'un ravin; il se glisse à travers les buissons; il rampe dans l'herbe
comme un serpent, en se traînant sur le ventre. Si l'animal fait un mouvement
d'inquiétude et lève la tête, le léopard se colle à la terre et reste immobile, en
retenant même sa respiration; puis, quand l'animal rassuré s'est remis à paître,
la même manœuvre recommence, mais avec encore plus de lenteur et de cir-
conspection; il avance avec l'extrême soin de se masquer constamment derrière
les objets placés entre sa proie et lui, et sa persévérance est telle, qu'il mettra
deux heures, s'il le faut, pour arriver. 3Iais lorsqu'il se croit à une distance
convenable, prompt comme l'éclair, il se jette sur sa victime, la saisit et l'em-
porte dans le bois voisin en bondissant et en courant d'une telle vitesse, que ni
chien ni berger ne peuvent l'atteindre. Quand il manque sa proie, sa métiance
ne lui permet pas d'en choisir une autre, fiit-il au milieu du troupeau; il s'ar-
rête, se retire ensuite lentement, en reculant, sans ôter ses yeux de dessus les
chiens et le berger, et en bravant leurs cris et leurs clameurs. Parvenu à une
certaine distance, il se retourne et se retire un peu plus vite, mais sans cou-
rir, en tournant souvent la tête et leur lançant des regards étincelants. Si, dan.s
toute circonstance, on lui tire un coup de fusil et qu'on ne fasse que le blesser,
loin de fuir, il se précipite sur l'imprudent chasseur, et c'en est fait de lui
s'il n'a pas d'armes pour se défendre, de camarades pour tirer sur le monstre,
ou au moins des chiens forts et courageux pour le harceler et lui tenir tête. Si le
coup de fusil l'a renversé, il est dangereux de s'approcher de lui avant qu'il soit
tout à fait expiré, car dans ses derniers moments il concentre tout ce qui lui reste
de force pour les employer à la vengeance.
Les Nègres lui tendent le même piège qu'à la panthère et au lion. Dans un
endroit qu'ils reconnaissent pour être fréquenté par lui, ils creusent une fosse
profonde, recouverte de roseaux et d'un peu de terre, sur huiuelle ils déposent
pour appât (juebpie bêle moite, ou un agneau dont les bêlements attirent le léo-
05-2 l^ES CARNASSIERS DIGITIGRADES,
pard (le fort loin. D'autres iois, quand les Nègres sont en nombre, ils osent l'alta-
(luer corps à corps, afin d'avoir sa peau cpii est une fourrure superbe et de beau-
coup de valeur. Ils parviennent à le tuer à coups de flèches et de sagaies, pendant
que leurs chiens l'occupent et le harcèlent ; mais, quelque percé (pi'il soit de
leurs coups, il se défend avec rage tant qu'il lui reste une étincelle de vie. et
fort souvent il ne meurt pas sans s'être vengé sur les chiens ou sur les hommes.
Les Négresses du Congo recherchent beaucoup ses dents pour s'en faire des
colliers.
Le TiCER-BosciiKAT ou Se ival ( /V/is serrai,
(iMi.. Le Chnt du Cnp de Foustih. Le Chat
tigre des fourreurs. Les Felis galeopardus et
rapcn^is de Desm. Le Chai-pard de Perhai;!-!.
Le .Serrai de Biff.) atteint jusqu'à vingt-huit
pouces (0,758) de longueur, non compris la
([ueue, qui en a huit ou neuf (0,217 ou 0,24^i ;
ses oreilles sont grandes, rayées de noir et de
hlanc;son pelage est d'un iauve clair, tirant
quelquefois sur le gris ou sur le jaune ; il a le
tour des lèvres, la gorge, le dessous du cou et
le haut de l'iulérieur des cuisses blanchâtres;
des inouchrtures noires sur le Iront et les joues ;
une double ligne de ces mouchetures au pli de
la gorge; quatre raies noires le long du cou,
dont les e\trènies, interrompues sur l'épaule,
repreuueut pour linir plus loin ; au même point
les intermédiaires s'écartent pour eu laisser
naître deux autres, terminées au tiers anlé-
riem* du dos ; des taches isolées sur le reste du
corps ; deux bandes noires à la face interne du
bras, et la queue anuelée de noir; toutes les
taches sont pleines.
Cet animal habite les foiéts du cap de Bonne-
Lspérauce et de toute la partie méridionale de
l'Afrique. 11 grimpe sur les arbres avec beau-
coup d'agilité et s'occupe sans cesse à douuer
la chasse aux singes, aux rats et aux autres pe-
tits animaux. On en a eu plusieurs à la ména-
gerie, mais jamais ou n'a pu les a|)privoiser.
J)aus la captivité, il parait iudillérent aiL\ bons
traitements; les niauvais le font entrer dans
une fureur que rien ne peut calmer, et il parait
impossible d'adoucir oudedouqjter sa férocité.
Au i.ap on l'echei che sa fourrure pour eu faire
le commerce, parce que, étant foi-t belle, douce
et chaude, elle a une assez grande valeur.
Le CuAT DOUE iFe/ii rhnjsoihr'ixel Felis au-
rala, 1 emm.J a environ deux pieds et demi
i0,8l2i de longueur, non compris la queue, qui
est moitié de la loufiueur du corps seulement,
avec une bande brune tout le long de sa ligne
Uiédiaue, et le bout noir; les oreilles sont cour-
tes, airondies, sans pinceaux de poils ; le pelage
est très-court, luisant, d'un rouge bai très-vif,
sans taches sui- les parties su])érieures, avec
quelques petites taches brunes sui' les lianes
cl le ventre; ce dernier d'un blanc roussiUre;
la gorge est blanche ; les oreilles sont noires en
dehors, roussàtres en dedans, et les quatre pat-
tes d'un roux doré. Sa patrie est inconnue.
Le Step:naja-Koschka ou Maboul (Felis ma-
nitl, Pall.) est de la taille d un renard ; sa queue,
touffue, touchant à terre, est marquée de six a
neuf anneaux noirs; son pelage est d'un fauve
loussàtre uniforme, très-touffu et très- long ; il
a deux points noirs sur le sommet de la tète,
et deux bandes noires parallèles sur les joues.
Sou museau est très-court, et il lui manque la
dent màchelière antérieure qu'ont les autres
chats.
Tennuinck n'a point admis celte espèce; mais
la figure bien caractérisée qu'en a donnée Pal-
las ne laisse aucun doute sur son existence. Ce
chat, toujours selon Pallas, serait la souche de
notre chat d'Angora, probablement à cause de
sa fourrure dont les poils ont de vingt .'i vingt-
huit lignes ,0,0 56 h 0,064) de longueur. Le ma-
noul habite surtout les solitudes les plus nues
des vastes steppes rocheuses qui s'étendent en-
tre la Chine et la Sibérie; il parait qu'il ne se
plaît pas dans les bois, où il n'entre jamais, et
qu'il préfère les pajs stériles et hérissés de ro-
chers ; aussi n'est-il pas rare dans la Daoniie
et dans toutes ces contrées comprises entre la
mer Caspienne et l'Océan, au sud du cinquante-
deuxième degré de longitude. C'est un animal
nocturne, qui ne sort que la nuit du trou de
rocher où il dort pendant le jour, iiour aller
faire la chasse aux oiseaux et aax petits mam-
mifères dont il se nourrit. C'est surtout .'i la ti-
mide famille des lièvres qu'il fait une guerre
aussi acharnée que cruelle.
Le CuAT OBScm {Felis obscura, Desm. Le
Chat noir du Cfi]>, Fr. Cuv.) a le pelage d'un
noir un peu roussàlre, avec des bandes li ans-
versales d'un noir foncé et très-nombreuses; il
a sept auueaux à la queue. Cette espèce dou-
teuse se trouverait au &ip de Boiuie Espérance.
Le Chat de i.a Cafuehie ( Felis cofra, Desm.)
est d'un tiers plus grand que notre chat sau-
vage. 11 est d'un gris fauve en dessus et fauve
en dessous ; les paupières supérieures sont blan-
châtres; sa gorge est entourée de trois colliers ;
il a vingt bandes brunes transversales sur les
flancs; huit bandes noires lui traversent les
CHATS.
563
pMlIt's iW deviiiit, et doiizo celles dv di'rricre ; sa
i|iiciio est longue, à qiialre anneaux bien inar-
(|ucs, et terminée de noir. M. Lalande l'a trou-
vée dans la Cafrerie
Le Chat r.A>TK ( FtHs mnniritlata, Rdpp —
TKjni.l est à peu près de la faille du chat do-
iiiesliiiue. Il est d'un gris fauve, avec la piaule
(les |)ieds noire; il a sur la tête sei)t ou huit
Itandes noires, étroites et arquées; sa (pieue
est longue, noire au bout, avec deux anneau.x
rapprochés de celte couleur; la ligne de son
dos est noire; les parties iidërieuies sont blan-
ches, nuancées de fauve sur la poitrine ; la face
cvleine des pieds de devant a quatre ou cinq pe-
tites bandes transversales brunes, et la face in-
terne deux grandes lâches noires; il porte cinq
ou six petites bandes sur les cuisses. 11 liiibite
l'Kgvpte, el probablement toute la partie sep-
tentrionale de l'Alrique.
Le ( JiAT DU BE\(i \LE {Felis bengnleusis, De.sm .)
est delà taille du cliat ordinaire, son pelage est
d'un gris fauve en dessus, blanc en dessous;
son front est marqué de cpiatres lignes longitu-
dinales brunes, et les joues de deux; il a un
ollier sons le cou et un autre sous la gorge;
des tnches brunes et allongées s'étendent sur
son dos; ses pieds et scm ventre sont mouche-
tés (le brun ; et sa queue est brunâtre, avec des
anneaux peu ai)|)arents. Il hal)ile le Bengale.
Le CiuT DOMESTIQUE ( Ff/is cntiis, Ln.) est
tro]) généralement connu de nos lecteurs pour
que nous ijcrdions notre temps à le décrire ,
descriplion qui, d'ailleurs, s 'rait fort difficile,
au moins pour les couleurs, puis(iue, ainsi que
tous les animaux soumis aune antique domesti-
cité, son pelage varie de mille manières. Quant
à son l)pe, le chat sauvage, il ne varie pas, et
nous allons donner sa descriplion : Son pelage
est d'un gris brun un peu jaunâtre en dessus,
d'un gris jaune pâle en dessous ; il a sur la tète
quatre bandes noiràlres qui s'unissent en une
seule plus large régnant sur le dos ; des bandes
traiisverses très-lavées sur les flancs et les cuis-
ses ; du blanc autour des lèvres cl sur la niii-
choire inférieure ; le nuiseau d'tm fauve clair ;
deux anneaux noirs près du bout de la queue,
(jui est également noir, ainsi que la plante des
pieds. 11 a vingt-deux pouces ((t,59G) de lon-
gueur, non compris la queue, c'est-à-dire qu'il
est de très-peu plus grand que le chat domes-
tique. Malgré sa petite taille, on retrouve dans
le chat sauvage les habitudes des grandes espèces.
Le chat sauvage était autrefois assez commun dans toutes les grandes forêts
de la France, et, dans ma jeunesse, j'en ai assez souvent tué dans les montagnes
(|ui séparent le cours de la Loire de celui du Rhône et delà Saône; mais aujour-
d'hui il est devenu extrêmement rare, et prohablement dans quelques années on
ne l'y trouvera plus. Il vit isolé, dans les bois, d'une chasse active qu'il fait aux
l)erdrix, aux lièvres, et à tous les autres animaux faibles. Il grimpe sur les ar-
bres avec la plus grande agilité, et fait ses petits dans les trous que les ans et les
pluies ont creusés dans leur tronc. Devant les chiens courants, il se fait battre et
rebattre dans les fourrés, absolument comme le renard ; mais, lorsqu'il est fati-
gué, au lieu de hier de long comme lui, il s'élance sur un arbre, se couche sur
une grosse branche basse, et, de là, regarde fort tranquillement passer la meute,
sans s'en mettre autrement en peine.
De cette espèce, et peut-être aussi du chat ganté, comme le pensent les na-
turalistes allemands Rtipel et Ehrenberg, sont sorties les nombreuses variétés
de chats domestiques, (pie l'on peut, comme l'a fait Linné, grouper en quatre
race, principales, savoir :
Le tiiiAT DOMESTIQUE Tif.iiE { l'clis cntiis (lo- Le ("-HAT D r.sPAO>E { Felis (iihis liispaiiicus ,
mestxus, Li.\.) ; l^n.i ;
Le CuAT DES CiiAHTHEux { l'elis ratiix cwrii- Le Chat d'.\m;oiia { l-'eii.s rntiis anghrru.'is,
leus, Ln.) ; Liis.).
La nature a des mystères qui, probablement, resteront toujours impénétrables,
et les elfets physiologiques (jue produisent sur les animaux les dillerentes coi>-
ieiirs de leur pelage sont au noiubre de ces secrets inexplicables. Le chat en
■25'» LES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
olVio un (les exemples les plus singuliers. Si un de ces animaux porte sur sa
rithe (lu blanc, (lnjaun-e et du noir, c'est infailliblement une femelle. J'avais fait,
ou l'on m'avait fait faire cette remarque dans mon enfance; pendant tout le
cours de ma vie je n'ai pas perdu une seule occasion de la vérifier, et jamais je
n'ai pu trouver un mâle marqué de ces trois couleurs.
Buffon était un grand peintre et savait habilement placer dans ses tableaux
des ombres noires pour faire ressortir davantage les brillantes coideurs dont il
embellissait les scènes principales; mais ces ombres, ces parties sacrifiées, tom-
baient-elles toujours juste? Non, et nous en citerons comme preuve l'histoire
du chat, qu'il a chargée de sombres couleurs évidemment pour faire valoir celles
du chien. Ces oppositions sont fort habiles, très-piquantes, mais elles ne sont
pas vraies. 11 a calomnié le chat, comme nous allons le monirer en rapportant
le portrait qu'il en fait. « Le chat, dit-il, est un domestique infidèle, qu'on ne
garde que par nécessité, pour l'opposer à un autre ennemi domestique encore
plus incommode, et qu'on ne peut chasser : car nous ne comptons pas les gens
qui, ayant du goût pour toutes les bêles, n'élèvent des chats que pour s'amuser;
l'un est l'usage, l'autre l'abus. Et quoique ces animaux, surtout quand ils sont
jeunes, aient de la gentillesse, ils ont en même temps une malice innée, un ca-
ractère faux, un naturel pervers, que l'âge augmente encore, et que l'éducation
ne fait que masquer. De voleurs déterminés, ils deviennent seulement, quand ils
sont bien élevés, souples et flatteurs comme les fripons ; ils ont la même adresse,
la même subtilité, le même goût pour faire le mal, le même penchant à la petite
rapine ; comme eux ils savent couvrir leur marche, dissimuler leur dessein, épier
les occasions, attendre, choisir, saisir l'instant de faire leur coup, se dérober
ensuite au châtiment, fuir et demeurer éloignés jusqu'à ce qu'on les rappelle.
Ils prennent aisément des habitudes de société, mais jamais de mœurs : ils
n'ont que l'apparence de l'attachement; on le voit à leurs mouvements obliques,
à leurs yeux équivoques; ils ne regardent jamais en face la personne aimée; soit
défiance, soit fausseté, ils prennent des détours pour en approcher, pour cher-
cher des caresses auxquelles ils ne sont sensibles que pour le plaisir qu'elles leur
font. Bien différent de cet animal fidèle, dont tous les sentiments se rapportent
à la personne de son maître, le chat ne paraît sentir que pour soi, n'aimer que
sous condition, ne se prêter au commerce que pour en abuser ; et, par cette
convenance de naturel, il est moins incompatible avec l'homme qu'avec le chien,
dans lequel tout est sincère. »
Voyons maintenant ce que ce portrait a d'exagéré et de faux. Si le chat est
voleur, et tous ne le sont pas, c'est toujours la faute de ses maîtres. Les uns,
par parcimonie, lui refusent une quantité suffisante de nourriture; d'autres, par
un cruel préjugé, ne lui en donnent pas du tout, sous prétexte qu'il cesse de
chasser aux souris dès ({u'il trouve à manger à la maison ; ce préjugé du moins
contredit la prétendue férocité du chat qui, ainsi que la plupart des autres ani-
maux, ne donne la mort que poussé par la faim. Dans la maison, il habite avec
un rival préféré, un ennemi mortel, le chien, toujours prêt à le poursuivre et à
l'étrangler quand il peut l'atteindre. Cette société n'est pas faite pour lui donner
de l'assurance, pour vaincre la timidité naturelle de son caractère. Toujours
exposé aux attaques d'un (Hre pour le(piel il a une profonde antipathie, il a dû
CHATS 255
devenir méfiant, et couvrir sa faiblesse d'une extrême prudence; sa marche de-
vient oblique, il prend des détours pour approcher, il jette dans l'appartement
un œil scrutateur, et n'entre que lorsqu'il est certain de pouvoir le faire sans
danger : est-ce là de la fausseté? Il n'est sensible aux caresses que par le plaisir
quelles lui font, dit le grand écrivain ; mais il a cela de commun avec le chien,
avec l'honnne même, et si Buffon a entendu parler du plaisir physique seule-
ment, je répondrais que rien ne prouve cette assertion, puisque le chat, ainsi
que le chien, rend caresses pour caresses et lèche avec affection la main qui le
nourrit. Un chat affamé, maltraité, harcelé, profite des ombres de la nuit pour
se glisser furtivement dans la cuisine, y saisir avec subtilité un misérable mor-
ceau de viande pour apaiser une faim dévorante, et voilà de la perversité ! Mais
il n'est pas un chien de chasse qui n'en fasse autant dans l'occasion, avec plus
d audace à la vérité, et on ne l'accuse pas de manquer de mœurs, d'être pervers,
de ne se prêter au commerce que pour en abuser. Le chat n'est farouche et sau-
vage qu'autant qu'il est dédaigné et maltraité; quand il est élevé avec douceur,
il s'attache à son maître, lui montre de l'affection, et obéit même à son com-
mandement. 11 est susceptible d'éducation autant que son intelligence bornée le
hii permet; j'en ai vu qui donnaient la patte, qui contrefaisaient le mort, ''t
même qui rapportaiejit comme un chien. Buffon lui-même dit que des moines
grecs de l'île de Chypre en avaient dressé à chasser, et à prendre et tuer les ser-
|)ents. Il est vrai qu'après une antique servitude, le chat n'est devenu (pi'à moi-
tié domestique, et qu'il a su conserver son entière indépendance ; mais ceci
résulte purement de son organisation physique, et non de son moral. Animal
exclusivement de proie, il a les habitudes, les gestes de ces animaux, quoiqu'il
en ait perdu le caractère, au moins dans les grandes villes, où Ion a soin de lui.
où ses besoins, ses appétits sont constamment satisfaits. On dit qu'il satlachc
plus au logis qu'à ses maîtres; et cela est vrai, mais seulement dans les mai-
sons où l'on s'inquiète peu de lui, où il n'a pas pu placer son affection sur quel-
(pi'un. S'il a été adopté par une personne, qu'il en ait reçu des soins, des ami-
tiés, qu'il s'y soit attaché, il la suit dans un autre logis, s'y établit, y reste, et
ne pense pas à retourner dans celui qu'on lui a fait quitter.
En résumé, le chat est d'un caractère timide; il devient sauvage par poltron-
nerie, défiant par faiblesse, rusé par nécessité. II n'est jamais méchant que lors-
(pi'il est «Ml colère, et jamais en colère que lorsqu'il croit sa vie menacée; mais
alors il devient dangereux, parce ((ue sa fureur est celle du désespoir, et qu'alors
il combat avec tout le courage des lâches poussés à bout. Il a conservé de son
indépendance autant qu'il lui en fallait pour assurer son existence dans la posi-
tion que nous lui avons faite, et si on rend cette position meilleure, comme à
Paris, par exemple, où le peuple aime les animaux, il abandonnera aussi une
partie de son indépendance en proportion de ce qu'on lui donne en affection.
La chatte est plus ardente en amour que le mâle, ce qui est une exception dans
la nature ; elle entre communément en chaleur deux fois par an, en automne et
au printemps; elle porte cinquante-cinq à cinquante-six jours, et ses portées
ordinaires sont de quatre à six petits. Comme les mâles à demi sauvages sont
sujets à dévorer leur progéniture, la femelle cache ses petits dans des trous ou
d'autres lieux retirés, et elle les transporte ailleurs et les change de place à la
•25(i
LES CAKNASSIliUS DKIITIGR A UES.
iiMtiiidro a[)|)arciice de danger. Après les avoir allaités quelques semaines, elle
leur apporte des souris, des petits oiseaux, et les accoutume peu à peu à vivre de
proie. Il arrive quelquefois aux jeunes mères, qui mettent bas pour la première
fois, de manger leurs petits au lieu du placenta que mangent toutes les espèces
d'animaux. Cette erreur de l'intelligence animale est une des bases fondamentales
sur la(iuelle on établit la férocité de l'espèce. Mais ceci arrive encore plus sou-
vent aux lapines, et je ne vois pas que pour cela Buffon ait avancé que le lapin
est un animal féroce. Le chat est joli, léger, adroit, plein de grâce, et sa robe
est toujours d'une propreté rechercbée ; ses poils soyeux, secs et lustrés, s'élec-
irisent aisément, et, si on les frotte dans l'obscurité, on en voit sortir des étin-
celles. Lorsque la femelle est en cbaleur, elle s'échappe de la maison, et va
(pielquefois s'accoupler avec les chats sauvages. Les petits qui en résultent sont
tort beaux, mais on les dit plus farouches que leur mère. La longueur ordinaire
de la vie d'un chat est de dix à quinze ans.
— if~2i^^
CHATS.
l •>. CHATS D AMKKIQUK
Le JAC.UAii i Fclis oiiçd, Lin. L'Oina des Portugais. Le ilailanijuï-tkcloil,
<rHernaiulès. La Grande Pmilhcrc des fourreurs. Ti(jiis amrricaiins, Boliv.).
Après le tigre et le lion, cet animal est le plus grand de son genre. Azzara dit
en avoir mesuré un qui avait six pieds ( 1 ,9 î'J) de longueur non compris la (lueue,
<iui elle-même était longue de vingt-deux pouces (0,590). Son pelage est d'un
l'auve vif en dessus, semé de taches plus ou moins noires, ocellées, c'est-à-dire
iormant un anneau plus ou moins complet, avec un point noir au milieu; ces
lâches sont au nombre de (juatre ou cinq, par lignes transversales, sur chaque
liane; quelquefois ce sont de simples roses; elles n'ont jamais une régularité
l)arfaite, mais elles sont constamment pleines sur la lète, les jambes, les cuisses
<'t le dos, où elles sont allongées, sur deux rangs en quelque partie, sur un seul
dans une autre. Tout le dessous du corps est d'un beau blanc, semé de grandes
taches noires, pleines et irrégulières. Le dernier tiers de la queue est noir en
<lessus, annelè de blanc et de noir en dessous; l'extrémité effleure la terre sans
I rainer.
Le jaguar est répandu depuis le Mexique exclusivement, juscpie dans le sud
.les Pampas de Buenos-Ayres, et nulle part il n'est plus commun et plus dange-
reux que dans ce pays, malgré le climat [iresque tempéré, et la nourriture abon-
dante (pie lui fournit la grande ([uantité de liétail qui paît en liberté dans les
plaines. 11 y attaque constamment l'homme, tandis que ceux du Brésil, de la
(luyane et des parties les plus chaudes de l'Amérique fuient devant lui, à
moins (^l'ils ne soient pressés par la faim ou ([u'ils aient été attaqués les pre-
miers. Les bois marécageux du Parana, du Paraguay et des pays voisins, sont
peut-être les endroits où cctle espèce s'est le plus nniltipliée, et où les acci-
258 LES CAHNASSIKUS DIOmOKADES.
(lents sont le plus rrécjuents. Elle était encore si nombreuse au Paraguay,
après l'expulsion îles jésuites, qu'on y en tnait deux mille par an, selon d'Azzara;
mais au conmiencement de ce siècle leur destruction annuelle n'allait pas a
mille. Cet animal est également très-coiamun dans la Guyane et le Brésil, et
l'on entend ses cris presque régulièrement le matin au lever du soleil, et le soir
à l'entrée de la nuit. Ces cris sont flûtes, avec une très-forte aspiration pec-
torale, et se font entendre à une très-grande distance. Il en a un autre qu'il
pousse quand il est irrité ou qu'il va fond; e sur sa proie. Ce dernier ressemble
à un ràlement profond qui se termine par ui; éclat de voix terrible et propre à
épouvanter l'homme le plus intrépide. Cet animal se plaît particulièrement dans
les esters et les grandes forêts traversées par des fleuves, dont il ne s'éloigne
pas plus que le tigre, parce qu'il s'y occupe sans cesse de la chasse des loutres
et des pacas. Comme lui, il nage avec beaucoup de facilité, et va dormir, pen-
dant le jour, sur les îlots, au milieu des touffes de joncs et de roseaux. Souvent
il fait sa proie d'un bœuf ou d'un cheval, et il est d'une force si prodigieuse,
(|u'il le traîne aisément dans les bois pour le dévorer.
En plaine, le jaguar fuit presque toujours, et ne fait volte-face que lorsqu'il
rencontre un buisson ou des herbes hautes dans lesquelles il puisse se cacher.
Dans ces retraites, il attend sa proie, se lance sur son dos en poussant un
grand cri, lui pose une patte sur la tète, de l'autre lui relève le menton, el
lui brise le derrière du crâne. Pendant la nuit, sa hardiesse est extrême; de
six hommes dévorés par les jaguars, à la connaissance d'Azzara, deux furent
enlevés devant un grand feu de bivouac. Heureusement qu'il ne tue que lors-
(pi'il a faim, et qu'une seule victime lui suffit à la fois. Il vit cantonné avec sa
femelle; et, dans les anses peu profondes des fleuves, il pêche le poisson ([u'il
enlève très-adroitement de l'eau avec sa patte. 11 mange aussi les jeunes caï-
mans, et attaque même les plus grands, tels que le caïman à lunettes ( Allignioi
scierops , Cuv. i, très-commun à la Guyane, au Brésil et à la Colondùe. Biais il
arrive quelquefois que le crocodile le saisit par un membre, avec ses puissantes
mâchoires, et l'entraîne dans le fleuve pour le noyer. L'instinct du jaguar lui
révèle alors le seul moyen qu'il y ait pour faire lâcher prise à son ennemi; il
lui enfonce les griffes dans les yeux, et la douleur fait aussitôt ouvrir la gueule
au caïman, qui dégage ainsi le jaguar et devient sa proie.
Le jaguar ne rôde guère que la nuit ; il dort pendant le jour, couché au pied
d'un arbre ou dans le milieu d'un épais taillis. Si le hasard fait qu'on le ren-
contre en cet état, il faut se garder de prendre la fuite, de pousser des cris ou
faire quelque mouvement extraordinaire, si l'on ne veut se vouer à une mort
inévitable. Le parti le plus sûr est de se retirer lentement, en reculant et te-
nant les yeux flxés sur ceux de l'animal, et de s'arrêter s'il marche sur vous.
Alors il s'arrête lui-même et ne recommence à vous suivre (pie lorsque vous
cherchez à vous éloigner. De halte en halte on parvient ainsi à gagner un lieu
habité. Si l'on est armé, et qu'on veuille le tirer, il faut le tuer d'un seul coup,
car il se précipite sur le chasseur au feu de l'amorce ou s'il n'est que blessé.
Malgré tout ce que cet animal a de terrible, des gahuchos (^Espagnols nés au
Brésil) osent ratta(|uer corps à corps et sans armes à feu. \\\ honnue s'arme
d'une lance longue de cinq pieds; sur son bras gauche il p(U(e une [teaii (h'
CHATS
259
inoiilon paniic de son épaisse toison, et il s'avance hardiment dans le liuisson
où il sait (|iie le jayuar s'est retiré. A l'instant où le monstre se dresse snr
ses pieds de derrière pour s'élancer, l'intrépide chasseur le perce de sa lance.
S'il manque son coup, il ahandonne à l'animal sa peau de mouton, et pendani
que celui-ci s'acharne dessus, il reçoit un second coup de lance qui l'étend mort
sur la place. Quand le jaguar est chassé ])ar une meute de chiens appuyée d'un
bon nombre de piqueurs, il fuit en frémissant de colère et en se retournant
souvent pour faire tète à ses ennemis. Dans ce cas, on emploie souvent le lasso
pour s'en emparer. Le lasso est une corde de cuir, tressée dans sa fraîcheur,
d'un pouce et demi au moins (0,04 1 1 de circonférence, longue de vingt à tr<Mùe
pieds (<\^97 à 9,743), très-flexible, avec un nœud coulant à son extrémité. Un
gahucho, monté sur un excellent cheval, poursuit le jaguar au triple galop; il tient
d'une main son lasso, qu'il fait tourner sur sa tète, le lance autour du cou de
l'animal féroce avec une adresse qui ne manque jamais son cou|), et continue à
galoper en le traînant après lui jusqu'à ce que le jaguar expire étranglé.
Malgré sa grande taille, cet animal grimpe sur les arbres avec autant d'agi-
lité qu'un chat sauvage, et fait aux singes une guerre cruelle. A Buenos-Ayres,
les grands animaux savent se défendre contre lui sans l'assistance de l'homme.
Les bœufs se mettent en cercle, croupe contre croupe, lui présentent leur.'<
cornes, et parviennent assez souvent à le tuer s'il se précipite sur eux avec troj»
d'impétuosité. Les chevaux se défendent en lui lançant des luades, et ceux
(pii sont entiers, loin de fuir devant lui. le poursuivent quelquefois, lorsqu'ils
l'aperçoivent, et le mettent en fuite. Les chiens dressés h la chasse du jaguar
sont de moyeinie taille, mais pleins de force et de courage. Leurs aboiements
le mettent hors de lui; il s'arrête au pied dun arbre et joue des pattes de de-
vant, et tons ceux qui sont atteints sont ordinairement éventrès d'un seul coup.
On profite de ce moment pour le tirer, en ayant soin de ne pas se montrer, car
aussitôt (pi'il aperçoit le chasseur, il laisse là les chiens et se lance sur lui. Le
plus souvent il grimpe sur un arbre, et on l'abat à coups de fusil. Le Jnguérétr
de Marcgrave, ou Jaguar noir [Felis n'ufra, Krxl.), n'est qu'une simple variét*-
accidentelle de cet animal, de même que le Jaquar hlntic ou albinos, dont parle
d'Azzara.
•2(1(>
LES CAIINASSIKI^S DKi IT Ml K A DES.
^^^^\i^.
^^^^^V^^r^:
Le Cou".iar ou l^
Le GOUAZOUARA OU COUGUAU ( Fclis pitwa^ Tr.AiLL. Fclis concolor. Lin. \a
Lion puma des colonies espagnoles. Le Tigre rouge ûe Cayenne).
Le gonazouara atteint ordinairement quatre pieds ( 1,209) de longueur, el
quelquefois davantage, non compris la queue qui a vingt-six pouces (ii,704).
Son pelage est d'un fauve agréable et uniforme, sans aucune tache; sa queue
est noire à Textrcmité, et ses oreilles sont aussi de cette couleur. Il ressemble
un peu au lion, mais il n'a ni crinière ni flocon de poils au bout de la queue;
son corps est plus allongé, plus bas sur jambes, et sa tête, proportionnellemeni
plus petite, est ronde comme dans les chats ordinaires. Dans son premier âge.
il porte une livrée comme le lionceau. Il se trouve dans le Paraguay, le Brésil,
la Guyane et les Etats-Unis. Le couguar de Pensylvanie, de Buffon, en est une
Irès-légére variété.
De tous les chats, le gouazouara doit être le plus féroce, car il est le seul de
cette famille qui tue les animaux pour le plaisir de tuer, sans qu'il y soit poussé
par la nécessité. S'il trouve le moyen de pénétrer dans un parc de cinquante
moutons, il les met tous à mort avant d'en manger ou d'en emporter un. Sous
ce rapport, il a quelque ressemblance avec le loup, et, si ou étudie son histoire, on lui
trouve encore quelques analogies de mœurs aveccetanimal. Par exemple, après
avoir satisfait sa voracité, il cache le reste de sa proie et la couvre de feuillage,
d'herbe ou de sable, pour la retrouver au besoin; et, soit qu'il ait plus de
mémoire ou moins de méfiance que le loup, il revient, ce que ne fait jamais ce
dernier. Il se tient plutôt dans les pampas, ou plaines herbeuses, que dans les
forêts, et il n'an'ectionne pas les bords des rivières, comme le tigre et le jaguar.
Il a une vie solitaire et des habitudes vagabondes; la nuit il vient rôder autour
des habitations, et il tâche de se glisser dans les basses-cours pour les dévaster
Il s'empare des chiens, des moutons, des cochons, el autres animaux incapa-
CHAIS
•H\\
Ides (le lui irsislcr ; iiiiiis jaiiuiis il n"(>ï>c iilliKiucr !<■ j^nts Itctail, ii nit«iiis (iiiil
n'y soit, poussé par une faim excessive. Ce qu'il y a de siugulier, c'est que, a
Cayenne, on le regarde comme plus dangereux que le jaguar, tandis que l'opi-
nion contraire règne à Huenos-Ayres, où il est très-commun. Quant à moi, je
pense que s'il attaque l'honmie, c'est par une exception extrêmement rare, et
liorsdeses habitudes ordinaires; je suppose que, lorsque cela lui est arrivé,
c'était pour sa défense et à la suite d'une agression. Il monte aussi sur les ar-
bres, mais en s'élançant d'un bond, soit pour monter, soit ponr descendre, ei
non comme le jaguar, en grimpant à la manière des chats.
Cet animal est lâche; aussi, à Buenos-Ayres, rarement sedonne-t-on la peine
de le chasser dans les règles. On le poursuit avec des chiens, et on le tue à coups
(le fusil, ou on le prend au lasso, sans courir le moindre danger. Cependant,
malgré sa férocité, le gouazouara est facile à apprivoiser, et même il s'attache
assez à son maître pour rechercher ses caresses et les lui rendre. Azzara en a
|)ossédé un qui était fort doux, qui le suivait, qui faisait entendre le ronron de
nos chats quand on le grattait, et qui se laissait même battre sans chercher a
se défendre, absolnment comme ferait un chien.
I.e Chat i nicoi.ouk i Fclis iinu<il(»-,'Vi{\\\,\..\,
{•oiiipaiH^an fougiiar, est do nioilié (iliis petit ; son
pelage est en entier d'im fative brun ronge sans
tache, et sa (pi;'ne est longni- ; ses oreilles n'ont
point (te noir, ^a tcte est l»eancoiip plus poin-
tue, et ses petits ne portent point de livrée. On le
trouve dans les profondes fori'ls de Dem?rar\
cl de la Guyane iioUandaise.
Le CoucLAii iNOiii (Fflis disrolnr, SciiiH'D )
serait noir, avec des poils longs, ainsi fine les
nioustacties. IMais Ruffon, tpii lui donne pour
svnonvinie le jagiK'rétc de Pison, s'est prolta
hienient troni|)(', et son cougnar noir, qu'il dit
se trouver à Cayenne, ne serait, selon (envier,
(pi'un eongiiar ordinaire à fond du pelage un
peu plus i)riui.
Le YAC.oiJAiiOiiNni il'V/i.v ijrqini(noiniili,T)F.sj,\.
— I.AcÉi'.l est de la taille d'un chat doniestitine.
Kn petit, il ressemble assez au conguar par ses
formes allong(^es; mais son pelage est d'un hrun
noirâtre, pi(inele de hianc sale; les poils de 1:\
queue sont plus longs que ceux du corps, et
ceux de sa mou^^taclv sont à longs .Toneanx n!-
Iiinativenient noirs et gris. Cette espèce s'ap-
pi'ivoise assez aisément. l'aile vit solitaire, on
le mille et la femelle ensend)le, dans les lieux
foiu'ri's et les taillis épais, sans jamais s'exposeï'
en plaine. I^lle se nomrit (rois(^aiix auxquels
clic ne fait la diasse (pie pendant la nuit, et elle
habite le Chili.
I^c CiiAT A VK^TiiE TACHK ( /V/i.v icHiloqa.^trr .
Il MM l est de la granilenr de notre renard ; son
pelage est doux, lisse, court, d'un gris de sou-
ris, marqii(> de taches pleines d'un brun fauve;
les taches du dos sont oblongues et les autres
rondes ; il a cinq ou six bandes brunes demi-
circulaires sur la poitrine; le ventre est blanc,
marqiK^ de taches brimes ; il a deux bandes
brimes sur la face interne des pieds de devant,
cl (piatre sur les pieds de derrière; sa (pieiie est
un peu plus courte q:ie la moiti(' totale d(^ son
coriKs, brune, tachée de brun fonce; ses oreilles
sont médiocres, noires à rexléri(MU-; ses nious-
laches sont noires, terminées de blanc. Il habite
le Chili ou le l^('rou. Ses mcciMN sont les mènies
(pie celles de l'ocelot.
m:\-
]0^À
■2iy2
LKS CAUNASSIKKS DK; ITK; li A I) KS.
I.e MBACARAGA, OU MARACAYA, OU OCKLOT (Fcl/f: jmvdnlh, I.i\. Le ChWi'
(jouazou, d'Azzara. Y^" Ocelot, Buff.i.
Ce joli animal a environ trois pieds ^0,975) de longueur, non compris la
queue, qui a (piinze pouces (0,106); sa hauteur ne dépasse pas un pied (rois
pouces (0, '(00) ; on prétend qu'il y en a d'un peu plus grands, mais ils sont rares.
Le fond de son pelage est d'un gris fauve; il a, sur les flancs et la croupe, cinq
bandes obliques d'un fauve plus foncé que celui du fond, bordées de noir ou
de brun; une ligne noire s'étend du sourcil au vertex ; deux autres vont obli-
quement de l'œil sous l'oreille, d'où part une bande transverse noire, interrom-
pue sous le milieu du cou, et suivie de deux autres parallèles; on lui voit quatre
lignes noires sur la nuque, deux sur le côté du cou, trois, pinson moins inter-
rompues, le long de l'épine du dos ; le dessous de son corps et l'intérieur de
ses cuisses sont blanchâtres, semés de taches noires isolées. Sous le nom d'o-
celot, Bufl'on a fait l'histoire du jaguar.
Le mbaracaga est un animal absolument nocturne, qui ne sort que la nuit des
fourrés impénétrables qu'il habite. Tant qu'il fait jour il dort, et il conserve
même cette habitude dans la captivité. Cette espèce offre cela de particuliei
que d'une timidité excessive pendant le jour, elle devient, dans les ténèbres,
d'une audace dont rien n'approche. Sa taille ne lui permettant pas d'attaquer
de grands animaux, l'ocelot se glisse fin-livement autour des habitations, pé-
nètre dans les basses-cours, enlève le premier animal domestique qui lui toud»e
sous la grifle, et l'emporte dans les buissons voisins pour le dévorer. Les unns
d enceinte les plus hauts, les palissades les plus serrées ne peuvent l'empêcher
CHATS.
•2{y.i
d'entrer dans les haliilations, s'il se trouve un arbre de dessus lecpiel il puisse
s'élancer. Pour faire ces hardies invasions avec plus de sùrete, il a soin de choi-
sir une nuit sombre, orageuse, de se glisser au ])ruil des vents et à la clarté
des éclairs, et d'égorger sa victime quand ses derniers gémissements se perdent
dans les bruits de la tondre. Rarement, jiendant les nuils calmes, il ose s'ap-
l)rocher des lieux habités ; il erre alors dans la campagne, et chasse aux oiseaux
et aux petits mammifères, dont il fait sa nourriture ordinaire; il grimpe sur les
arbres pour y surprendre les singes endormis, et il s'embusque dans les buissons
et les hautes herbes pour attendre sa proie et la saisir au passage, ainsi que
font les autres chats. Ses habitudes ne sont pas vagabondes connue celles du
puma; il vit cantonné avec sa femelle, et ne quitte guère la forêt qui l'a vu
naître (jue lorsqu'il en est chassé par l'homme. 11 habite l'Amérique méridio-
nale, et particulièrement le Paraguay, où il est assez commun.
Le Tlatco-Ocelot ( Fdis pseudopardalis.
— Ocelot du Mexique, ligure par lîulTon, l. 9,
pi. 18, el par Sclirebcr, pi. C, 2, sous le nom
de Jaguar) est un peu plus petit (jue le précè-
dent. Il en diflore par ses taches qui, bien que
boi'dées, ne forment [)as de même des l)andes
continues, mais sont isolées les unes des autres ;
pai' sa queue plus courte el ses jambes plus bau-
tes. 11 miaule connne un cliat, préfère le pois-
son à la viande, et c'est à peu près là tout ce
qu'on sait de son histoire. Il habite le Mexique
et la baie de Campèche?
Le Cii.iT ocELOÏDE {l-'clis macruura, WihO.
— Temm.) ressemble également au maracaya,
à ces différences près : son pelage est plus clair;
sa (jneue notablement [)lus longue el moins
mince vers 1 "extrémité ; .sa taille est plus petite,
son corps i)lus allongé, ses jambes pins basses,
et les taches de ses lianes moins étendues. Il ha-
bite le Brésil.
Le CiiATi [Felis milis, Fii. Crv. l'clis W'iedii,
Scul^z) a vingt-deux pouces el demi (0,(ilO) de
longueur, non compris la queue, qui en a dis
(0,271). Sou pelage est fauve, ou d'un gris bru-
nâtre pâlissant sur les thuK's; blanc aux joues
et sur le corps; moucheté <i la tète connne l'o-
celot, avec trois séries de taches noires le long
lin dos; celles des Dancs, des épaules et de la
croupe sont d'un fauve foncé, bordées de noir
tout autour, excepté en avant, et elles foiment
cinq rangs; il a dix ou onze anneaux noirs à la
queue. Son nmsean est couleur de chair. Cette
jolie espèce se trouve au Brésil et au Paraguay,
où elle est fort connnune. C'est un animal très-
doux, exlrèinemcnt aisé à apprivoiser, et s'at-
lachant aux personnes qui en preiment soin.
Son miaulenient est plus grave, moins étendu
<ine celui de notre cliat, avec leiiuel, du reste,
il a de grandes analogies d'habitude.
Le {•i;i(;!\A (Fchs gniguii, Moli\a ) pourrait
bien u'étre qu'une variété du margay. 11 est
de la grandeur de nos chats sauvages, dont il
a les formes générales; son pelage est fauve,
mar,)ué de taches noires, rondes, larges d'en-
viron cinq lignes ((1,01 1) et s'etendant sur le
dos jus(|u'à la queue 11 habite l'Amérique mé-
ridionale, el particulièrement le Chili.
Le CoLOcoLLv ou Calo-Cala [Fclis voloculla.
Fil. Ctv.) est de la grandeur de l'ocelot; son
pelage est blanc, avec des bandes transversales
flexuenses, noires et fauves. Sa (|uene est an-
nelée jusqu'à sa pointe de cercles noirs. 11 se
n-ouve au Chili.
Le Maugay {Fclis iigriua. Lin. Le Margny
de BtEF. Le Ciiot de In Caroline, de Colliivso\)
a un peu plus de vingt et un ponces (0,569) de
longueur, non compris la queue, (pii en a onze
(0,29S) ; son pelage est d'un fauve grisâtre en
dessus, blanc en dessous ; il a quatre lignes iioi-
r;Ures entre le vertex et les épa ides, se prolon-
geant sur le dos en série de taches; les taches
des flancs sont longues, obliques, plus pâles à
leur centre qu'à leur bord ; il y en a une ver-
ticale sur l'épaule, et d'autres ovales sur la
croupe, les bras et les jambes ; les pieds sont
gris, sans taches, et la queue porte douze on
quinze anneaux iri'égnlicrs. Cet animal a les
moeurs de notre chat sauvage, et vit de petit
gibier, de volaille, etc.; mais il est très-difficile
à appiivoiser, et ne perd jamais son caractère
farouche. Il habite le Brésil et la (iuyane.
Le Chat demontacne ( Fclis monlaua, Dessi.
e^t une espèce peu connue, doiileuse; son pe-
lage est grisâtre et sans taches en dessus, blan-
cliâtre avec des taches brunes en dessous ; ses
oreilles sont dépourvues de pinceaux, garnies
de poils noirs en dehors, avec des taches blan-
châtres et fauves en dedans ; s.i queue est courte,
grisâtre. Il habile les monts Aileganys, les mon-
tagnes du Pérou el les Ktats de New-York.
L'I'^viu (Fclis eiira, Ues)i. L'Fgra d'AzzAH\)
a vingt pouces (0,.')'(2) de longueur, non coin-
^2^^'^
I.KS CAKNASSIKUS DIG I T IG U A I) IvS
pris l;i (iiiciic, tiiii on ii onze (<»,298) ; son \w\i\iH'
est d'nii ronx clair; il a une liichf iilanclu' lic
(•Iiac|ui- côlc (hi nez, et nue anlre de la même
eonlein- ;'i la màelioire inlerienie; ses mon>t.i-
ilu'ssonl également blanches: sa queue est plus
tonlfue(ine celle dn chat doniesli(|ue. Le prince
de Neurtied l'a retrouvé en Amérique. 11 lia-
l)itc le Paraguay.
Le Hajkkos ou Chat des Pamius (i'clis pa-
(/(-ro.s-, Dks.m. Le Chat pum\)n, u'Azzahai est loiifj
de vingt-neuf pouces ((),7o8), non compris la
queue, qui en a dix (0,27l); son pelage est long,
doux, d'un brun clair en dessus, montrant, sous
une certaine incidence de lumière, une raie sur
fechine et d'autres parallèles sur les lianes ;
la gorge et tout le dessous du corps s nt blan-
châtres, avec de larges bandes fauves en tra-
vers; les membres sont fauves h l'extérieur, an-
uelés de zoaes obscures; les monstacîies sont
anuelées de noir et de blanc, et se terminent
1 ar celte dernier.' couleur. Ce chat habile les
pampas des environs de Buenos Ajres et tonl
le Paraguay.
Le CuAT i)K 1.A Floiudk (Fc/i.s- florniann,
DtsiH.) est une espèce douteuse qui aurait, se-
lon Kalinesque, le port d'un lynx, et la taille un
j>eu moindre que celle du chal-cervier. Son
pelage est grisâtre; il n'a pas de pinceaux ai;x
oreilles; ses lianes sont varies de laelies d'un
bi un jaunàlri' et de raies ondnleuses noins 11
habite non-seulement la Floride, mais encore
la (léorgie et la Louisiane.
Le Chat de la Nouvelle -Esi'\r.\r, ilùlis
iiicxicnua, Desji. Le Cluit sauiagr de la jSoii-
iclle-Espagnr, Biirr.) est une espèce douteuse
admise par Desmarets. Son pelage est d'un gris
bleuâtre uniforme, uioucheté de noir. Il habile
les forèls delà Nouvelle-Espagne.
Le CiîAT Nrr.iiE ( Fe/i.v Jiig^r) serait, selon
Azzara, un peu jdus grand que noire chat or
dinaire. Il a vingt trois pouces (0.()25) de lon-
gueur, non compris la queue, qui en a treize
(0,53'2); Sun pelage est entièrement noir. 11 ha-
bile le Brésil et n'est peut-être qu'une variété
nègre d'iuie des esi)èces précédentes.
Le CuAT DOUÉ ( Felis ainea, De.sji.1 est encore
une espèce douteuse dont Ral'mesciue a fait un
hnx, quoique ses oreilles soient dépourvues de
pinceaux. Il est de moitié plus grand (jne notre
chat sauvage; sa (lueuc est très courte ; son pe-
lage est d'un jaune clair brillant, parsemé de
taches noires et blanches ; son ventie est d'un
jauiic pâle sans taches On ne l'a trouvé en
Amérique que sur les bords d^; la rivière Yel-
low-Slone, vers le (piarante-(pialrième paral-
lèle.
i .ï. CHATS DES ILES ASIATIQUES DE L'AKClllPKL DES LM)ES.
L'AiinrMUJ on .Mêlas [Ftlis iiiclcn;, Peuox )
est de la taille d'une panthère; son pelage est
d'un noir très-\if, sur lequel se dessinent des
zones de même couleur, mais qui semblent plus
lustrées. 11 n'habite que les dislrictsles plus iso-
lés de l'ile de Java, et ses habitude-; sont les
mêmes (pie celles du léopard, dont, selon Tem-
minck, il ne serait (ju'une variété.
Le Kivvic {t'elis m'umln, Temm. Ftiisjaia-
iiensis et rdis undnla, Desm. FcHs !>innatra)iu
et l'rlis jntnneusis, IIohsf. Le Chat de Jniu,
Cuv. Le Cliul onde, le Servnlin et le Chai de
Sumatra, des auteurs). Il a la taille et un peu
les formes de notre chat domestique, mais sa
queue est plus courte et plus grêle, et ses oreilles
sont plus petites; son pelage est d'un fauve
brun clair en dessus, moins foncé sur les lianes;
le dessous est blanc ; des bandes et des taches
noires s'étendent parallèlement du front aux
épaules, et d'autres occupent les parties supé-
rieures du corps. Sous cette robe c'est le Ser-
valin ou i'elis minuta de Temminck.
Avec le pelage d'un gris brun clair en des-
sus et blancliàtre en dessous; quatre lignes de
taches brunes allongées sur le dos; des taches
rtindes. épaisses, sur les lianes; une bande
transversale sous la goige et deux ou trois an-
tres sous le cou, c'est le Chat de Java ou i'clu
jaraneiisis d'IIor.sneld et de Desmarets.
Enliu, avec le pelage d'un gris sale, parsemé
de petites taches noirâtres un peu allongées,
c'est le Chat onde on Fdis uudata de Desma
rets.
Toutes ces variétés se trouvent également a
Java et à Sumatra. Elles ont absolument les
mêmes habitudes que notre chat sauvage.
Le Chat de Diakd ( I'clis Diardii, (i. Cuv.i
a trois pieds de longueur 10,975', non compris
la queue, qui a deux pieds quatre pouces (0,758i ;
le fond du pelage est d'un gris jauuiitre; le dos
et le cou sont semés de taches noires formani
des bandes longitudinales; d'autres taches des
cendtnt de l'épaule en lignes perpendiculaires
aux précédentes, sur les cuisses et une partie
des flancs, et les anneaux sont noirs, à centre
gris; il a des taches noires et pleines sur les
jambes ; les anneaux de sa queue sont nuageux
Il habite Java.
L'Aiumau-Daiian ( Fd:s marrocclis, Temm
Fc/ii- vcbidosa, Griee ) a trois pieds (0,975) de
longueur, non compris la queue, qui a deux
pieds huit pouces i(>,8(i7);il est gris, avec des
taches noires, transversales et li-es grandes sur
les ép iules, oblicpies el (ilus étroites sur les lianes.
CHATS.
265
où elles sont séparées par des lâches anguleu-
ses, rarement ocellées; ses pieds sont forts et
munis de doigts robustes; sa (pieuc est grosse
et laineuse. Ce chat habile Sumatra et Roruéo ;
il fait la chasse aux oiseaux, et sa grande taille
lui permet d'attaquer les bêles fauves.
§ 4. Li:S LYNX,
uleiiiiiU [lUii louj^ue que cille îles autres cLjlf, ilonl la queue est
est il'.ivoir lés oreilles terminées pur un pinceau de pniU.
et dont le ciiMclire
Le I.oiii'-ciiiiMEit {Felis lijit.r, Li\. Le Wur-
f/c/((f on Lo des Suédois. Le /.os des Danois. Le
Goupe dos Norwt'gieus. Le liijs ostrou-'ulz des
Polonais. Le liys des Russes. Le Sijlaiisin des
Taiares. Le Putzchon des tiéorgiens. Le Li/ii.r
ordinaire des auteurs ) est d'une grosseur à
peu prés double de celle du chat sauvage.
Son corps est long de deux pieds qnalre pouces
à deux pieds dix pouces (0,"58 à 0,921), et sa
queue ne dépasse pas quatre pouces (0,108) ; le
dos et les nieinlires sont d'un roux clair, avec
des mouchetures d'un brun noirâtre; le tour
de l'tril, la gorge, le dessous du corps et le de-
tlans des jambes sont blanchâtres ; trois lignes
de taches noires sur la joue joignent une bande
oblique, large et noiri-, placée sous l'oreille de
cliatine ctMé du cou, où les poils, plus lougs
(pi'ailleurs, forment une sorte de collerette; il
a quatre lignes noires prolongées de la nutiue
au garrot, et au milieu d'elles mie cintpiicnie
iulerrompue; des bandes mouchetées obliques
sur l'épaule, transversales sur les jambes; les
pieds d'un lauve pur, excepté le tarse qui est
rajé de fauve biun en arrière; enfin la tpieue
est fauve, avec du blanc en dessons et des mou-
chetures noires. D'antres variétés ont les taches
et bandes moins foncées, la queue rousse avec
le bout noir; tout le dessous du corps blan-
châtre, et la faille plus petite. Fischer en cile
une variété blanchâtre.
Le nom de loup-cervicr, que porte re lyii.x, peut lui avoir été donné [lar les
eliasseurs, parce (pie, ainsi que le loup, il pousse un Imileinent que l'on peut
prendre pour celui d'un de ces animaux, et qu'il attaque les faons et les jeunes
cerfs de préférence à toute autre proie. Quoi qu'il en soit, le loup-cervier existait
autrefois en France et en Allemagne ; mais à présent on ne l'y trouve plus, si ce
n'estpeut-ètre dans quelques grandes forêts des Alpes et des Pyrénées. Il parait qu'il
se trouve encore assez fré([uemment en Espagne, et qu'il est très-commun dans
les forêts du nord de l'Asie et dans le Caucase. Dans ma jeunesse, les vieillards
des Pyrénées se souvenaient encore d'avoir vu quehptes lynx, et ils en racon-
taient des choses effroyables, moins classiipies que les contes des Grecs sur le
caracal, mais beaucoup plus dans le goiit du jour. Cet animal féroce suivait les
voyageurs égarés, et ne manquait jamais de les dévorer s'ils avaient le malheur
de tomber ; il les fascinait avec ses yeux, et les rendait muets. Pendant l'obscu-
rité de la nuit, il pénétrait diins les cimetières pour déterrer les cadavres. 11 eût
été bien plus dangereux encore, s'il n'eût pas manqué totalement de mémoire,
au point (pie, lorsqu'il suivait une personne à la piste, la moindre diversion lui
faisait oublier et sa poursuite et sa victime, qui parvenait ainsi à lui é«?liap]jer.
Mais laissons là ces contes de nos aïeux, et revenons à la vérité.
Le loup-cervier, étant d'une assez grande taille, attaque parfois les faons des
chevreuils et des cerfs, même lorsqu'ils sont parvenus à plus de la moitié de leur
grosseur. Aussi agile que fort, il grimpe sur les arbres avec facilité, non-seule-
ment pour surprendre les oiseaux sur leur nid, mais encore afin de poursuivre
les écureuils, les martes, et même les chats sauvages, (pii ne peuvent lui échap-
per. Quel((uefois il se place en embuscade sur une des basses branches, [)oiir
attendre, avec une patience admirable, que le hasard amène à sa portée un renne,
54
260 I^ES CARNASSIERS DIGITIGRADES.
un cerf, un daim ou un chevreuil. Alors, ainsi que lo glouton, il s'élance d'un
seul bond sur leur cou, s'y cramponne avec ses ongles, et ne lâche prise que
lorsqu'il les a abattus, en leur brisant la première vertèbre du cou ; il leur fait
ensuite un trou derrière le crâne, et leur suce la cervelle par cette ouverture, au
moyen de sa langue hérissée de petites épines. Rarement il attaque une autre
i)arlie du cadavre des grands animaux, à moins qu'il ne soit très-pressé par la
faim. Ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il emporte le corps pour le cacher dans
un fourré, si c'est un petit animal ; et, si c'est un grand, il le couvre de feuilles
sèches et del)oismort, quoiqu'il ne revienne jamais le chercher. Est-ce, comme on
le dit, manque de mémoire, ou est-ce défiance ? Pris jeune et élevécn captivité, il
s'apprivoise assez bien, et devient même caressant ; mais pour le conserver, il faut
le tenir à l'attache, car, dès qu'il en trouve l'occasion, il fuit dans 1rs bois pour ne
plus revenir. Quoique ses formes soient un peu épaisses, il est plein de grâce et de
légèreté ; son œil est brillant, mais cependant plein d'expression et même de
douceur. Comme le chat, il est d'une propreté recherchée, et passe beaucoup de
temps à se nettoyer et à lisser sa jolie roI)e. C'est un grand destructeur d'her-
mines, de lièvres, de lapins, de perdrix et d'autre gibier; aussi les chasseurs
russes lui font-ils une guerre cruelle, qui en diminue journellement le nombre.
Sa fourrure est assez recherchée.
Le Pardb ( Fclis pardina, OhE^.— TtMM. Le
Chal-paid des voyageurs. Le Loup-rrri'icr fies
acadi^niieieiis de l'aris ) est de la (aille de noire
blaireau; sa (lueiic est plus longue que celle du
loup-cervier ; il a de grands favoris aux joues ;
son pelage est court, d'un roux vif el lustré,
parsemé de mèches ou laclies longitudinales
d'un noir profond, avec de semblables taches
sur la queue. Il habite les contrées les plus
chaudes de l"Iùiroi)e, telles que le Portugal,
l'Espagne, la Sicile, la Turquie et la Sardaigne.
C'est probablement lui (pie I?ory de .Saint-Vin-
cont dit avoir trouvé fréquenmient dans la
Sierra de Grcdos, en Espagne.
Le CiiELASo^ ou CiRi.ON { Felis rrridriu,
Tesim. Le KuUlo des Suédois). Sa taille esta
peu i)rès celle d'un lou[) ; sa queue est conique,
plus longue que la tèle, à extrémité noire; ses
moustaches sont blanches ; les pinceaux de ses
oreilles sont toujours courts, et manquent quel-
quefois; sou pelage est d'un cendré grisâtre,
brunissant sur le dos; sa fourrure, fine, douce,
longue, est touffue, surlout aux paltes, avec des
taches noires dans l'adulte, brunes dans le jeune
;ige. 11 habite le nord de l'Asie. 11 a les mêmes
mœurs que les précédents, mais sa grande taille
et sa force le rendent plus redoutable pour les
faons et autres animaux innocculs.
CHATS.
2G7
Le LYNX DES ANCIENS, OU CARACAL ( Fclls caific/d, LiN. Lc f.ijiix de Barba-
rie Cl du Levant (\es, voyageurs. Le Shujouiik des Pcrsaus. ]/Aiiali-el-Ared des
Arabes. Le Lynx africain, u'Alorovands. Le Karn-Kalaclt des Turcs).
Le caracal a deux pieds cinq pouces (0,785) de longueur, non compris la
queue, qui a dix pouces (0,271), c'est-à-dire qu'il est de la taille d'un de nos plus
grands barbets. Son pelage est d'un roux uniforme et vineux en dessus, blanc
en dessous; ses oreilles sont noires en debors, blancbes en dedans; sa queue
lui atteint li's talons ; il a du Itlanc au-dessus et au-dessous de l'œil, autour des
lèvres, tout le long du corps et en dedans des cuisses ; sa poitrine est fauve,
avec des tacbes brunes ; une ligne noire part de l'œil et se rend aux narines; il
a une tacbe de la même couleur à la naissance des mousiacbes. Cette espèce a
fourni plusieurs variétés, qui sont :
Le Caracal d^ Alger, qui est roussâtre, avec des raies longitudinales; il a une
bande de poils rudes aux quatre jambes, et ses oreilles manquent quelquefois de
[linceaux ;
Le Caracal de Nubie, dont la tète est plus ronde; (pii na point de croix
sur le pelage, mais qui porte des tacbes fauves sur les parties internes et sur
le ventre;
Le Caracal du Beucjale, dont la (jueue et les jambes sont plus longues que
dans les précédents.
Le lynx babitc l'Afrique, l'Arabie et la Perse. Il y a peu d'animaux qui, dans
l'antiquité, aient autant prêté à la fable que celui-ci. Les Grecs l'avaient con-
sacré à Baccbus, et très-souvent ils le représentaient attelé au cbar de ce dieu.
Pline en raconte les cboses les plus merveilleuses; selon lui, il avait la vue si
perçante qu'il voyait très-bien à travers une muraille; son urine se pétrifiait et
268
LES CAIINASSIEIIS DIGITIGRADES.
devenait une [)ieiTe précieuse nommée Inpis lyncnrius, qui, outre son éclat, avait
la propriété de guérir une foule de maladies. Les Grecs racontaient cette his-
toire : Gérés envoya un jour Triptolémc en Scythie, chez le roi Lyncus, pour
civiliser ses sauvages sujets, en leur apprenant l'agriculture. Mais ce roi bar-
bare, qui préférait la guerre et la chasse à la civilisation, reçut fort mal ce cul-
tivateur, et le jeta dans une prison pour le faire mourir de faim. Gérés vint fort
heureusement au secours de son favori ; elle l'enleva de son cachot, et, pour se
venger, elle changea le roi en lynx. Depuis ce temps-là, Lyncus et ses descen-
dants n'ont cessé de chasser et de faire la guerre aux animaux paisibles.
Le lynx a les mœurs du chat sauvage, rien de moins, rien de plus; mais,
comme il est plus fort et plus gros, au lieu de se contenter de menu gibier,
il attaque de grands animaux, tels que gazelles, antilopes, etc. On dit qu'il
suit le lion pour recueillir les débris de sa proie, mais ce fait me paraît sin-
gulièrement hasardé. Lorsqu'il attaque une gazelle, il la saisit à la gorge,
l'étrangle, lui suce le sang et lui ouvre la tête pour lui manger la cervelle,
après quoi souvent il l'abandonne pour en chercher une autre. Du reste, il
paraît qu'il a les mêmes habitudes que notre loup-cervier, et que, pris jeune,
il s'apprivoise assez bien sans cependant perdre son goût pour la liberté.
Le Lï>x DU Canada (Filis runadensis, Geoff.
Felis borenlis, Temm. Le Lijux du Canadn,
BiFF. Le Chat du Canada, Geoff.). Il est plus
petit que le prccédent, et sa queue est obtuse,
tronquée, avec très-peu de noir au bout, plus
courte que la tête; ses moustaches sont noires
et blanches ; il a de très-longs pinceaux de poils
aux oreilles; sa fourrure est fauve, <t pointes
des poils blanches, ce qui rend le fond général
d'un cendré grisâtre, ou ondée de gris et de
brun ; elle est extrêmement longue, surtout
aux pattes, et, pendant l'été seulement, après la
mue, ou lui distinguedes lignes plus foncées aux
joues, quelques mouchetures aux jambes, et
même quelques taches sur le corps. Il habite le
nord de l'Amérique et de l'Asie.
Le CiiAis ou Lv.\x des iiarais {Velis rhnns,
GrLDE.\ST. Le Dil.nja hosclika des Russes. Le
hir mijacha]; des Talares. Le Moes-gcdii des
Tcherkassesy est long de deux pieds (O.Con),
non compris la queue, qui a huit à neuf pou-
ces '0,2 lï à 0,244) de longueur ; ses jambes sont
longues, son museau obtus, ses oreilles pour-
vues de piuceaux très-courts; il a une bande
uoire depuis le bord antérieur des yeux jus-
qu'au museau; son pelage est d'un gris clair
jaunâtre; le bout de sa queue est noir, avec
deux anneaux de la même couleur qui en sont
rapprochés. Il habite l'Egypte, la Nubie et le
Caucase; il est surfout comnuui sur les bords
duKur et du Terek. 11 offre une particularité
rare parmi les chats, c'est d'être un excellent
nageur, et de se plaire dans l'eau, où sans cesse
il est occupé à faire la chasse aux canards et
autres oiseaux aquatiques, et aux reptiles. 11
vient aussi à bout de s'emparer des poissons en
plongeant.
Le Lv>x ROTTÉ I Filis calignta, Bruce. —
Temm. Felis libiirus,Ou\.) a vingt-deux pouces
de longueur (0,62ô), non compris la queue, qui
en a près de quatorze iO,.579), et qui est grêle;
ses oreilles sont grandes, rousses en dehors, a
pinceaux bruns Irès-courts; la plante des pieds
et le derrière des pattes sont d'un noir profond ;
le milieu du ventre et la ligne moyenne de la
poitrine et du cou sont d'un roiissàtre clair;
les parties supérieures du pelage d'un fauve
nuancé de gris et parsemées de poils noirs; les
cuisses sont marquées de bandes peu distinctes,
d'un brun clair; il a deux bandes d'un roux
clair sur les joues; la queue est de la couleur du
dos à sa base, terminée de noir, avec trois ou
quatre demi-anneaux vers le bout, séparés par
des intervalles d'un blanc plus ou moins pm-. Il
habite l'Afrique, depuis l'tgypte jusqu'au cap
de Bonne-Espérance, et le midi de l'Asie.
« Get animal, dit le voyageur Bruce, habite le Ras-el-Féel, et, tout petit qu'il
est, vit fièrement parmi ces énormes dévastateurs des forêts, le rhinocéros et
l'éléphant, et dévore les débris de leur carcasse, quand les chasseurs ont pris
une partie de la viande. Mais sa principale nourriture consiste en pintades.
CHATS
•2(VJ
dont ce pays-la est rempli. Il se met en eml»uscade dans les endroits où elles
vont boire, et c'est là que je le tuai. L'on dit que cet animal est assez hardi
pour se jeter sur l'homme, s'il se trouve pressé par lui. Quelquefois il monte
sur les gros arbres, quelquefois il se cache sous les l)uissons; mais à l'époque
où les mouches deviennent très-incommodes par leurs piqûres, il s'enfonce dans
les cavernes, ou bien il se terre. »
Le CiiAT-rEiiviER ou Lynx nAi (Fe/i.s- ritfa .
Gllde.nst. — Temm. i'iiHiKJU dnsiipits, Nierejui.
Le Lijii.r du Missisitipi et le l.ipix d' Amérique
des voyageurs. Le Baij-fat des .Anplo-Araéri-
cains. Le Chat-rcnier des fourreurs) est de la
taille de uofre renard ; les pinceaux de ses
oreilles .sont pelils; sa queue esl courte et Irès-
gréle, avec quatre anneaux pris et quatre noir.';;
ses favoris sont courts; son pelape, rou.ssàtreen
été et d'un brun cendré en liiver, est toujours
onde et rayé. Il habite les Étals Luis. Du reste,
il a les formes générales de noire lynx d Euiope.
Le LïiXX FvsciÉ {Fdis fasiUtta, Desm.), dé-
crit par Raflnesque, est peu connu; il pourrait
bien n'être qu'une variété du lynx du Canada,
auquel il ressemble beaucoup. Sa taille est
courte ; les pinceaux de ses oreilles sont noirs
au dehors; sa queue est courte, blanche, avec
l'extrémité noire; son pelage est très -épais,
d'un brun roussàtre, avec des baudes et des
points noirâtres en dessus. Il a été trouvé par
Clarke et Lewis à la côte noi'd ouest de l'A-
mérique septentrionale.
Le l.\y\ DE L* Caroline (F(7i.s rnrolinrnsis,
Desm. Le Chat tigre de CoLi.nsox?) est encore
une espèce douteuse, sur laquelle on n'a que
des reuseiguements incomplets. Son pelage est
d'un brun clair, rayé de noir depuis la tète jus-
qu'à la queue; sou ventre est pâle, avec des ta-
ches noires; ses moustaches sont roides et noi-
res; il a deux taches de la même couleur sous
les yeux, et ses oreilles sont garnies de poils
fuis ; ses jambes sont minces, tachées de noir.
La femelle a les formes plus légères que le mâle:
elle est d'un gris roussàtre, sans aucune tache
sur le dos; sou ventre est d'un blanc sale, avec
une seule tache noire.
Si l'on ne considérait pas les pinceaux des
oreilles comme le seul caractère qtii tranche les
hnx des autres chats, il faudrait probablement
rapporter à cette section le chat de montagne,
celui de la Floride et le doré. Cuvier pensait
que ce ne sont que de simples variétés du chat-
cervier. Tous les animaux du genre chat four-
nissent au conuuerce des fourrures plus ou
moins précieuses.
■•^^i^''///-
LES
CARNIVORES AMPHIBIES.
SIXIÈME ORDRE DES MAMMIFERES.
Ils se distinguent de tous les antres mamnii-
lères carnassiers par leurs pieds exironiement
courts, piafs, enveloppés par la peau, palmés,
en forme de ua(ieoiies, ne pouvant leur servir
quà ramper péniblement sur la terre, mais
très-propres à nager. Par le mol amphibie il ne
faut pas entendre que l'animal peut vivre sous
l'eau et sur la ferre, mais seulement qu'il habite
l'un et l'autre, et qu'il res|)ire l'air atmosphé-
rique seulement, ce qui le force à se maintenir
à la surface des ondes, ou à y venir respirer
quand il a plongé.
LES PUOOUES
Ont des canines et des incisives, et leurs ca- non en forme de défense. L'histoire de ces ani-
nincs supérieures sont de grandeur ordinaire, maux est encore três-embrouillée.
Comme tous les phoques ont à peu prés les mêmes mœurs, les mêmes habi-
tudes, à de très-petites nuances prés qui seront signalées en décrivant les es-
pèces, je pense qu'il est nécessaire de faire ici leur histoire, afin d'éviter des
redites ennuyeuses et sans but.
Jusqu'à présent nous avons trouvé les animaux, objet de nos études, dans le
LES PHOQUES.
V I K 1) i; I. \ 111' Il i; I. ACi * i.K.
I I » . ,1 i !i Ar . H I I
PHOQUKS. 271
sein des foi-cLs, dans les sleppcs de TAsie, les savanes el les pampas de l'Anié-
ii([ue, les déserts brûlants de l'Afrique, et les riantes campagnes de l'Europe;
maintenant nous allons les suivre à travers lesécueils et les récifs (]iii bordent
toutes les mers, et jusque sur les glaces éternelles des pôles. Nous les verrons se
jouer à travers les tempêtes, sur les vagues irritées, passer la |)Ius graiule partie
de leur vie dans les eaux, s'y nourrir de poissons, de crustacés et de co(piillages
(ju'ils pèchent avec beaucoup d'adresse, et ne venir à terre, où ils ne peuvent
se traîner qu'en rampant, ({ue pour allaiter leurs petits ou dormir au soleil.
Leur corps allongé, cyliudricjue, diminuant progressivement de grosseur depuis
la poitrine jusipi'à la queue, leur colonne vertébrale trés-mobile, leurs muscles
puissants, leur bassin étroit, leurs poils ras et serrés contre la peau, en un mot
tiuiteleur organisation en fait les meilleurs nageurs qu'il y ait parmi les mam-
mifères, si l'on en excepte les cétacés. La nature leur a donné une conforma-
tion particulière qui leur permet de respirer à d'assez longs intervalles, et par
conséquent de rester longtemps sous l'eau, quoi(iu"ils n'aient pas le trou botal
bouché, connue lont prétendu quebpies naturalistes, et particulièrement Bulfon.
Leurs narines offrent aussi une particularité remarquable ; elles sont nninies
d'une sorte de petite valvule que l'animal ouvre et ferme à volonté, et qui
empêche l'eau de leur entrer dans le nez lorsqu'ils plongent. Un fait extrême-
ment singulier, mais notoire, est (|ue ces animaux ont l'habitude constante,
lors(iu'ils vont à l'eau, de se lester connue on fait d'un vaiss(;au, en avalant des
cailloux, qu'ils vomissent en revenant au rivage. Certaines espèces recherchent
les plages sablonneuses et abritées, d'autres les rocs battus ])j\r la mer, d'autres
cniin, les touffes d'herbes épaisses des rivages. Ils ne se nourrissent pas exclu-
sivement de poissons, car, lors(prils peuvent saisir quelque oiseau aquatique,
un albatros, une mouette, ils n'en man(juent guère l'occasion. Pendant leur sé-
jour à terre ils ne mangent pas, aussi maigrissent-ils beaucoup. Même en cap-
tivité, pour dévorer la nourriture qu'on leur jette, ils la plongent dans l'eau;
ils ne se déterminent à manger à sec que loiscju'ils y ont été habitués dés leur
première jeunesse, ou qu'ils y sont poussés par une faim extrême.
Quand les phoques veulent sortir de la mer, ils choisissent une roche plate,
qui s'avance dans l'eau en une pente douce par laquelle ils grimpent, et qui se
termine de l'autre par un bord à pic, d'où ils se précipitent dans les ondes, à la
moindre apparence de danger. Pour ramper, ils s'accrochent avec les mains ou
les dents à toutes les aspérités qu'ils peuvent saisir, puis ils tirent leur cor])s
en avant en le courbant en voûte; alors ils s'en servent connue d'un ressort
pour rejeter la tète et la poitrine en avant, et ils recommencent à s'accrocher
pour répéter la même opération à chaque pas. Néanmoins, malgré ce pénible
exercice, ils ne laissent pas que de ramper assez vite, même en montant des
pentes fort roides. Le rocher sur lequel un phoque a l'habitude de se reposer
avec sa famille est sa propriété, relativement aux autres animaux de son espèce.
Quoi(|u'ils vivent en grands troupeaux dans la mer, qu'ils se protègent, se dé-
fendent, s'aiment les uns les autres, une fois sur terre ils se regardent comme
dans un domicile sacré, où nul camarade n'a le droit de venir troubler la tran-
•piillité domestique. Si l'un d'eux s'a[)proche pour visiter les })énates de ses
voisins, il s'ensuit toujours un condtat terrilde, (|ui ne huit (|u"à la mort du
•272 LES CAUNIVOKES AMPHIBIES.
propriétaire du rocher, ou à la retraite forcée de l'indiscret. Ordinairement c'est
la jalousie (|ui occasionne ces combats; mais il semble qu'il y ait aussi une
sorte d'inslinct de la propriété. Us ne s'emparentjamais d'un espace plus grand
(pi'il n'est rigoureusement nécessaire pour leur lamille, et ils souffrent volon-
tiers des voisins, pourvu qu'ils s'établissent au moins à cinquante pas de dis-
tance ; il y a plus : quand la nécessité l'ordonne, trois ou quatre familles se par-
tagent une caverne, une roche, ou même un glaçon, mais chacun vit à la place
qui lui est échue en partage, sans jamais se mêler aux individus d'une autre
famille.
Les phoques sont polygames, et il est rare qu'un mâle n'ait pas trois ou
quatre femelles. Il a pour elles beaucoup d'atfeclion.et les défend avec courage
contre toute attacjue. Il s'accouple au mois d'avril, sur la glace, sur la terre,
ou même dans l'eau quand la mer est calme. C'est surtout pendant que ses fe-
melles sont pleines, et quand elles mettent l»as, qu'il redouble de soins et de
tendresse pour elles. Il les conduit sur terre, leur choisit, à cinquante pas du
rivage, une place commode et tapissée de mousses aquatiques, pour y allaiter
leurs petits. Ués que la femelle a mis bas, elle cesse d'aller à la mer pour ne pas
abandonner son enfant un seul instant; mais cette privation n'est pas de longue
durée, car, après douze à quinze jours, il est en état de se traîner tant bien que
mal, et elle le conduit à l'eau. De quoi vit-elle pendant qu'elle est à terre ? Voilà
une question que n'ont pu résoudre les naturalistes, faute d'observations suf-
iisantes. Peut-être que le mâle va pêcher pour elle et lui apporte sa nourriture.
Ce qui me le ferait croire, c'est que beaucoup d'animaux moins intelligents
agissent ainsi. Quand le petit est arrivé à la mer, la femelle lui apprend à nager,
après quoi elle le laisse se mêler, pour jouer, au troupeau des autres pho({ues,
mais sans, pour cela, cesser de le surveiller. Lorqu'elle prend fantaisie de ga-
gner la terre pour l'allaiter, elle pousse un cri ayant, dans le phoque ordi-
naire, un peu d'analogie avec l'aboiement d'un chien, et aussitôt le petit s'em-
presse d'accourir à sa voiv qu'il reconnaît fort bien. Elle l'allaite pendant cin(|
ou six mois, le soigne pendant fort longtemps; mais aussitôt qu'il est assez fort
pour subvenir lui-même à ses besoins, le mâle le chasse et le force d'aller s'éta-
blir ailleurs.
C'est pendant la tempête, lorsque les éclairs sillonnent un ciel ténébreux,
que le tonnerre gronde, et cpie la pluie tombe à flots, que les phoques aiment à
sortir de la mer pour aller prendre leurs ébats. An contraire, quand le ciel est
beau et que les rayons du soleil échauffent la terre, ils semblent ne vivre que
pour dormir, et d'un sommeil si profond, qu'il est fort aisé, quand on les sur-
prend en cet étal, de les approcher pour les assommer avec des perches ou
les tuer à coups de lance. A chaque blessure qu'ils reçoivent, le sang jaillit
avec une grande abondance, les mailles du tissu cellulaire graisseux étant
très-fournies de velues; cependant ces blessures, qui paraissent si dangereuses,
compromettent rarement la vie de l'animal, à moins qu'elles ne soient très-pro-
fondes; pour le tuer, il faut atteindre un viscère principal ou le frapper sur
la face avec un pesant bâton. Mais on ne l'approche pas toujours facilement,
parce que, lorsque la famille dort, il y en a toujours un (|ui veille et qui fait
sentiuellc pour réveiller les autres s'il voit ou entend quelque chose d'inquié-
PHOQIKS. 27:{
limt. On est oMijie de lultci', pour ainsi dire, cuips a corps avec eux, cl de les
assommer, car un coup de fusil, (jnelle que soit la partie où la balle les aurait
frappés, ne les empêcherait pas de regagner la nier, tellement ils ont la vie
dure. Quand ils se voient assaillis, ils se défendent avec courage; mais, maigre
leur gueule terrible, cette lutte est sans danger, parce (pi'ils ne peuvent se mou-
voir assez lestement pour ùterle temps an chasseur de se dérober à leur atteinte.
Faute de pouvoir faire autrement, ils se jettent sur les armes dont on les
frappe, et les brisent entre leurs redoutables dents. Entre les muscles et la
peau les i)bo(pies ont une épaisse couche de graisse, dont on tire une grand»'
quantité d'huile (|ui s'emploie aux mêmes usages que celle de baleine, et ([ui a
sur elle l'avantage de n'avoir pas d'odeur. Quelques espèces de celle famille
ont une fourrurr' plus (»u moins grossière, dont néanmoins on fait (\vi=' habits
chez les peuples du >"ord. Les Américains emploient les peaux les |>lus gros-
sières à un usage singulier : ils en ferment hermétiquement toutes les ouver-
tiu'es et les gonflent d'air connue des vessies; ils en réunissent une demi-dou-
zaine, plus ou moins, les Hxent an moyen de cordes, i)lacent dessus des joncs
on de la paille, et foiinent ainsi de très-légères embarcations, sur les<|uelles ils
osent entreitrcndre de longs voyages sur leurs grands fleuves et leurs immenses
lacs. Avec ces peaux, les Kamtschadales font des baidars, sorte de pirogue; ils
font aussi de la chandelle avec la graisse, qui en même temps est une friandise
pour eux. La chair fraîche de ces animaux est leur nourriture ordinaire, quoi-
(pi'elle soit très-coriace et qu'elle ait une odeur forte et désagréable; ils en font
sécher au soleil, ou ils la fument, pour leur provision d'hiver. Les Anglais et
les Américains de l'Union sont les seuls peuples, je crois, qui fassent en grand,
et sous le rapport commercial, la chasse des phoques. Us entretiennent chaque
année plus de soixante navires de deux cent cin((uante à trois cents tonneaux
au moins, uniquement équipés pour cet objet.
Pris jeune, le phoque se prive parfaitement et s'attache à son maître, pour
lequel il éprouve une afl'ection aussi vive que celle du chien. De même que ce
dernier, il reconnaît sa voix, lui obéit, le caresse, et acquiert facilement la
même éducation, en tout ce que son organisation informe lui permet. On en a
vu auxquels des matelots avaient appris à faire différents tours, et qui les exécu-
taient au connnandement avec assez d'adresse et beaucoup de bonne volonté.
A une grande douceur de caractère le pbo([ue joint une intelligence égale à celle
du chien. Aussi est-il remarquable <pie de tous les animaux il est celui qui a le
cerveau le plus dévelo|>iié, proportionnellement à la nuisse de son cor|is. 11 est
aflectueux, bon, patient; mais il ne faut i)as que l'on abuse de ces qualités en
le maltrailaul mal a propos, car alors il tombe dans le désespoir, et il devient
dangereux. Pour le conserver longtemps et en bonne santé, il est indispensable
de le tenir, pendant la plus grande partie du jour, et surtout lors de ses repas,
dans une sorte de envier ou de grand vase a demi rempli d'eau ; la nuit on le fait
coucher sur la paille. Ainsi traité, et nourri avec du poisson, on peut le garder
vivant pendant plusieurs années. Mais s'il a déjà quitté sa mère depuis quelque
temps quand on le prend, le chagrin de l'esclavage s'empare de lui, il est triste,
boudeur, refuse de manger, et ne tarde pas à mourir.
J.es pbo(pies manquent généralement d'oreille externe; leur corps est enliè-
55
21\ LES CAllMVOUKS AMPHIBIKS.
rciiKMil coiivrrl d'iiii poil doux, soyctiK et, liislré chez les uns, grossier, rude el
lierissé dans d'autres. Leurs pieds, larges et membraneux, ont cinq doigts; et
les pattes postérieures sont soudées longitudinalement à la queue, ce (|ui leur
donne absolument la l'orme échancrée d'une (jueue de poisson. En nageant, ils
lèvent au-dessus de l'eau leur tète arrondie, portant de grands yeux vifs et
pleins de douceur; leurs épaules arrondies paraissent aussi à la surface, de ma-
nière que, vus à une certaine distance, on a fort bien pu les prendre pour des
ligures humaines, et de là, sans aucun doute, les anciens ont tiré leur fable des
sirènes. Ce qui donne de la vraisemblance à celte conjecture, c'est que, même
dans des temps peu reculés, au seizième siècle, par exemple, Hondelet,
le meilleur naturaliste de l'époque, voyait encore, dans le phoca cristata, un
moine ou un évè(|ue marin, parce que, probablement, le christianisme ne permet-
tait plus d'y v(»ir un triton ou une sirène. « De notre tem|>s, dit-il, en Nortuége
(Norwége), on a pris un monstre de mer, après une grande tourmente, lequel
tous ceux qui le virent incontinent lui donnèrent le nom de moine, car il avait
la face d'homme, mais rustique et mi-gratieux, la teste rase et lize; sur les es-
paules, comme un capuchon de moine, deux longs ailerons au lieu de bras; le bout
du corps finissant en une queue large. Entre les bestes marines, Pline fait men-
tion de l'homme marin et du triton comme choses non feintes. Pausanias aussi
fait mention du triton. J'ai veu un pourtrait d'un autre monstre marin à Rome,
où il avait esté envoyé avec lettres par lesquelles on assurait pour certain que,
l'an i53l, on avait veu ce monstre en habit d'évesque, comme il est pourtrait,
pris en Pologne et porté au roi dudit pays, faisant certains signes pour mons-
trer qu'il avait grand désir de retourner en la mer, on estant amené se jeta in-
continent dedans. »
t"GEMtE. I.cs CAI.OCEPUAl.hS {Cdloii-
phnlits, Fit. (",i V.) ont 1rcnU'-(iiiatro dents, Hont
six incisives supérieures et (juatre inférieures-.
Htuilre eanines et ^i^Kt molaires. Leurs niaelie-
liéressont l'ormées priucipalenienl d'une grand*'
pointe placée au niilieu, d'une |)ius petite si-
tuée anterieureiuent, et de deux éealenient plus
petites, placées poslérieureuienl. Leiu" eràne
est l)oinl)é sur les cotés, aplati au sonnuet; leurs
eréles occipitales consistent en de légères rugo-
sités.
Le Yiixii MAiiiiN ( Cal oc eph II lu s ritiiliuus. Fit.
Cijv. FliocarititHna, Lin. Phoca titlnicn,'VuiEN.
Le Phoque commun, Bcff.) a environ trois pieds
((>,97.''>) de longueur; il est d'un gris jaunâtre,
couvert de tacties irrégulières noirâtres. Ses
couleurs varient, selon qn'il est sec ou mouille.
Sortant de feau, tout le corps en dessus est d'un
gris d'ardoise, et couvert, sur les cotés, de
uonihreiiscs petites lactics rondes sur un fond
un peu plus paie ou jaunâtre; les jiarlies infé-
rieures sont de cette dernière couleur. Sec, 'e
gris ne paraît que sur la ligne 11105 etuie, et tout
le reste parait jaunâtre. Il blancliit en vieillis-
sant. Il lial>ite les côtes du ISord et de l'Europe,
s'accouple en septeint)re, el met bas un seul
petit eu juin. Il est très-limide el Irès-délianl
Le kASSif.iACK [ Caloceiihalus iiwculalus. —
Phdca liiuinia, Faiih. Phoca itinculnta, Bono. I
n'est proI)al)lemeut qu'une variét(' du pif'cédent,
dont le pelage est gris en dessus, Ida ne en des-
sous cliez les jeunes, puis d'un fris livide par-
semé de tacties, et enlin, dans l'adulte, tigré ou
varie de noir et de Itlanc. Il tialiile les mêmes
pajs.
Le (jAi.ocÉi'inLE mviihhe ( Cnloccphaliis discn-
lor, Fp. Cl v. Le Phoqjie commuu. du même)
ne me parait également ipiune variété du veau
marin, ne difleranl guère de la preei-denle. Sa
taille est la même; son pelage est d'un gris
foncé, veine de lignes lilancliàtres irregiiliêres.
lormant sur le dos et sur les lianes une sorte de
marlirure. On le trouve sur les côtes de France.
Il a des nuriirs douces et une intelligence frès-
dévetoppée, ainsi que les deux pr<'cédeiits.
L'ATAK ou CaLOCKIIIAIE flKOEM.\M)AlS ( (Ullo-
cciihfilua qrociilinidicus, Fb. Civ. Phoca qroëii-
landira, F\nH. Phoca Mullni, Lkss.) a les mà-
clielières petites et écartées, navant, n la mâ-
choire supérieure, qu'un seul tiil)erculeen avant
l'ilOOLKS.
ou cil ;irri<'rt' tlii liibticiilc inojeii. il a trente-
iniit dénis, six incisives en lias cl iinnlie en haut,
selon M. Lesson. Sa taille iiiojenne est de si\
pieds il,9-i;i); le pelage des nulles adultes est
l)lancliàlie, a\ec le fiout et une laclie en crois-
sant noire sur cliaque liane; la tète du niàle est
enlièreinent noire. Les jeunes sont tout blancs
en naissant, puis ils prennent une teinte cen-
drée, avec de noinlirenses lâches sur les pailles
inlérieuresdn corps. 11 habile la INouvelle-Zein-
ble, les cotes du (iroenland, et, mais seuleineiil
pendant l'hiver, les bords de la mer Blanche.
11 s'accouple en juin, et les petits, rarement au
nombre de deux, naissent en mars et avril.
Le Ke^alit ou Cai.ocei'1i\lk ocÉAxiyuu {Calo-
<c])halus ocecinicus, Less. Phoca occanica ,
Dhsm.—Luvecu. ) a six ou sept pieds ( 1,959 ou
2.274) de longueur; il n'a cpie quatre incisives
à chacpie niikhoire ; le pelage du mâle esl d'un
gris blanc, marque d'une grande lâche brune
MU- les épaules, d'où part une bande oblique qui
détend sur les lianes jusqu'à la région du pé-
nis; sa léle esl d'un brun marron tirant sur le
noir; les ongles de ses pieds de devant sont ro-
bustes. 11 habite les mêmes cotes que le précé-
dent.
Le Calooépuale queub dlakcub (Calocephaltts
iilbicamla, Lkss. l'Jwra albhanda, Dksm.) res-
semble, par ses formes, au i)hoiiue commun ; il
1 environ ti-ois pieds et demi (1,157) de lon-
gueur; son pelage esld'un gris de ter, plus clair
sur les cotés, passant au blanchâtre sous le ven-
ire. Il porte, sur le dos et sur les lianes, quel-
• pies petites taches noirâtres, irreguliéres; son
museau est blanc en dessus; sa (pieue mince,
longue, d'un beau blanc; les ongles des mains
sont robustes. Sa |)atrie est inconnue. Est-ce le
l'Iioia Uigiinis de (j. Cuvier?
Le CALoctrii.vLE ok La Pilavk [Caloveiiltalus
hujiiriis, Fit. Cl v. l'hoca lagiirtis, G. Clv. l'hora
l'ildiji, Lkss.) a Irois pieds trois pouces (1,056)
de longueur ; il est d'un gris cendré et argenté
en dessus, avec des taches eparses el d'un brun
noirâtre; les lianes et le dessous sont d'un cen-
dré presque blanc; les ongles sont noirs, robus-
tes ; les moustaches médiocres, eu partie blan-
ches et en partie noirâtres, et gaufrées comme
dans le phoque commun. Il habile les côtes de
Terre-Neuve.
Le Calocépiiai.e i.ièvkk ( Cnloccphaliis lepori-
niti. Fit. Civ. PItuia k'ijorina. Lei-ecii. ) a quatre
incisives à cliaque mâchoire; sa longueur esl
d'environ six pieds el demi (2,1 1 1 j ; les poils de
ses moustaches sont épais et forts, placés sur
quinze rangs ; les bras sont faibles, les mains
petites, la queue courte el épaisse; son pelage
est long , peu serre, hérisse, d'un jaune pâle,
excei)té sur le cou, (jui porte une bande trans-
versale noire. Dans sa jeunesse il est d'un gris
noirâtre, avec de petites taches plus foncées sur
le dos. Il habile Ici mers boréales, la ISaltique et
les cotes d'iùirope. Dans la servitude, il mange
sons l'eau, souille comme les chats (|uand on
rin(|uiMe, et ne chcrclie pas à mordre, mais a
égi'atigner.
Le Ni.nsEK ( CnlorejiUalns /lis/iit/ws. Fit. Ci v.
l'hora liispida, Scim l'Iwca fo/tida, Mull. Le
jthoque (ififsoaA, Bi fe. Phora Scltnberi, Less.)
a quatre ou cinq pieds (1,299 à i.frl't) de lon-
gueur; sa tète esl comte, ariondie ; ses )cu\
sont très-petits, à [jupille blanchâtre ; son pelage
est trés-épais, mou, trés-huig, hérissé, fauve, à
llammelles blanches sui' le corps; le dessous est
blanc, parsenif' détaches rares et fauves sur le
ventre; les jeunes ont le dos d'un cendié livide,
et le ventre blanc el sans taches. Les vieux mâles
exhalent une odeur insupportable. Il habite les
ineis du Gioënland.
L'Uhksik {CatucrpUulus harbatus, Vu. Ci:v.
plioia barbattt, Desm. — I'auh. Ph(ua uiujor,
Vxus.Piiora Pnrsousii, Less. Le Groxf/ydiof/iir,
Bi ri'. Le Cramseliir, Olafs. L'L'rksuk tahka-
muguk et le Terkigliik desGroénlandais) acom-
mnnémenl dix pieds de longueur (2 248) ; sa léle
est longue, son museau Irés-élargi, el ses lèvres
lâches; la femelle a qnalre mamelles; ses jeux
sont grands, à pupille noire; ses mains anté-
rieures ont le doigt du milieu très-long. Son pe-
lage varie beaucoup : il esl assez épais et d'uu
gris enfmné chez les jeunes ; clair-semé et brun
dans les adultes, et d'un noir foncé dans l'âge
avancé. Chez les vieux mâles la peau est presque
eulièrement nue. 11 habile la haute mer prés
du pôle boréal, el se rend à terre au printemps.
La femelle ne fait qu'un petit, qu'elle met ordi-
nairement bas sur les glaces llottautes, vers le
mois de mars Les Grocnlandais estiment beau-
coup celle espèce pour sa chair, sa graisse el
ses intestins, qu'ils regardent comme un excel-
lent mets, et pour sa peau, dont ils s'habillent.
Le Calocephale de Tiiie>e.via>> { Calocepliu-
lits H-opiiltculiis et Plioca Tliieiiemannii, Less.
Pboca sarpulicula, Tiueis.) a six pieds de lon-
gueur (I,9'i9) ; son pelage est noir sur le dos,
vert sous le ventre et sur les lianes, ces derniers
marbrés de uoir près du dos et de gris près du
ventre. II se trouve sur les eôles d'Islande.
Le Calocephale tEiitoPLA ( Caloiqjlntlus leii-
copla, Less. Plioca leiiiopla, Tuiek.) est entiè-
rement veidâlre, avec une teinte grisâtre sur
le dos. Il habite les côtes de l'Islande.
Le Calocephale in.s m \ aces ( Calorephaltis
litlorcHS. — Piiuca tillorm, Thie.x.I a tpiatre
pieds (l,-299) de longueur; il a les formes du
veau marin ; ses moustaches sont disposées sur
six rangs; son pelage esl très-épais, très-court,
brun en dessus,' plus on moins jaunâtre en des-
sous; il a sur le dos des lignes jaunes, llexueuscs,
(|ui s'effacent sur les côtés; sa queue est bordée
de chaque côli' d'une ligne jaune; et deux larges
2Hi
I.KS CAUlMVOIIKS AMI>11IBIKS.
lâches d un liiiive r.uix occupent tout le dedans
des inenil)ies anlérieurs.
2' Gemii;. Les STÉXORHYNQUES ( Slcnn-
rhijnihtis, Fit. Cuv. ) ont trenle-deux deals, sn-
voir : quiilre incisives à chaque m;ichoirc; (|na-
Ire eyuines et vitiot molaires; les dents sont
composées, à Iciir partie moyenne, d'un loiig
(uhercule c\lindri(|ne, recourbé en arrière, et
séparé des deuv autres luhercules un peu plus
pelils, l'un antérieur, l'autre [)ostéi'ieur, par
une profonde ('chancrure ; leur nmseau est très-
proéminent et ils ont de très-pelits ongles aux
pieds.
Le Sté>oriiy>'(.)Iie de IIo:>ie ( SIenorhiincItiis
leptontjx, Fh. Cdy. I^hoia lloinei, Less. l'Iuxa
leploiuj.r, Blainv.) a sept pieds (2,274) de lon-
gueur, rarement neuf (2,92 i); son pelage est
d'un gris noirâtre en dessus, passant au jaunâtre
sur les côtés, à cause des petites taches qui s'y
trouvent ; les flancs, le dessous du corps, les
pieds et le dessus des yeux sont d'un jaune gris
pâle ; ses moustaches sont simples et courtes II
habite, dil-on, les côtes de la Nouvelle-Géorgie
et des îles Malouines.
LeSTÉxoiMiwoun; oe Weddeli, {Stowrhijnrhus
IVeddelli-, Less. Sea léopard, Wedo. Phoca lon-
girollis, Siiaw. ) a beancouj) de ressemblance
avec le précédent. Son cou est allongé; sa télc
très-petite; son pelage court, lustré, ras, d'un
gi'is pâle ou ardoisé, parsemé en dessus d'un
grand nombre de taches arrondies et hlanchà-
res, eu dessous de taches semblables, mais jau-
nâtres. Il vit sur les glaces et n'habile que les
hautes latitudes des Orcades australes.
5' (iEiviiK. LesS'rEi>l>IAT<>PF.S(.V/em.))(a/o-
jnis, Fr. Cuv.) ont trente dents, savoir .- quatre
incisives supérieures et deux inférieures; quatre
canines et vingt molaires. Leur tète est surmon-
tée d'un organe bizarre, en forme de sac dila-
table, dont on ignore l'usage; leurs màchelières
sont à racines simples, courtes et larges, striées
seulement à leur courorme; leur nmseau est
étroit et obtus; leur crâne développé.
Le INÉSAiRSAMK ou Capucin (Stfmwatoinis
crislatus, Fb. Cuv. Pliocacrislata, (isu,. Phora
leonhin, Faur. Phoca mitralo, Dekai; Le i*/ior
o rcipurhov, de G. Cuv. Le NesaursnlU; et le
Kahnrtak des Groéulaudais) a environ se|)t à
huit pieds (2,274 à 2,599}; il a sur la tète, lors-
qu'il est adulte, une sorte de sac caréné en des-
sus, mobile, et dont il peut se couvrir les yeux
et le museau quand il le veut ; ses narines sont
dilatables au point qu'elles ressemblent à des
vessies quand elles sont gondées ; les femelles
n'ont pas ces singulieis organes. Son pelage est
long, laineux près de la poan. entièrement blanc
dans le jeune âge, d'un gi'is brun eu dessus cl
d'un blanc d'argent eu dessous ; à l'iige adulte,
il est (juekpiefois parsemé de taches grises. Il
habite les côtes septentrionales de l'Américiue
et le Groenland. En mars la femelle met bas un
seul petit, sur les glaçons, et d'avril en juin ils
se rendent à (erre.
4"Ge>re. Les PELAGES (J'tVr/giii.s-, Fk.Civ.1
ont trente-deux dents, dont huit incisives, quad'e
canines, et vingt molaires ; les incisives supérieu-
res sont cchancrées Iransversalement à leur
extrémité, les inférieures sont simples. Les mà-
chelières sont épaisses et coni(pies, n'ayant, en
avant et en arrière, que des petites jioiutes ru-
dimentaires. Ils ont le museau élargi et allonge
à son extrémité, et le chanfrein très-arqué.
Le Moi^iE {Pclagins vionttcliKS, Fr. Cuv.
Phoca monachiis, Desm. Phixn bivolor, SuaW;
Phora (ilb'ucnter, Bodi>. Phoca leiicognstcr,
PÉiiON ) a de sept fi dix ])ieds l2,27i à .),248) de
longueur; son pelage est ras, court, et très-
serré , entièrement noir en dessus , avec le
ventre blanc; ses moustaches sont lisses. Cet
animal est fort intelligent, et s'apprivoise très-
bien; il est même docile et obéit au comman-
dement de son maître, qu'il affectionne beau-
coup; il est connnun dans la mer Adriatique,
et se trouve aussi, dit-on, sur les côtes de
Sardaigne.
.T CiEnr:?. Les i\IAtR«»IîlîIXS (Mnnorhinns,
Vu. Cl v. ) ont trente dents, savoir : quatre in-
cisives sn|)érieures et deux inférieui-es, crochues
comme les canines, mais plu« petites ; quatre
canines fortes; vingt molaires, dont les racines
sont simples, plus larges que les ccinroinies (pii
imitent un mamelon pédicule.
LeîNIioiRODNr, ou Phoque a troupe (A/orror/u-
niis proboscideiiS,FR. Civ. Phoca proboscidea
et Phoca Ansonii, Des)i. Phocn teonina, Lii\.
Phoca elephaniina , IMolina. Le iMnp marin,
Pernetty. Le Phoque à museau ride, Fobst. Le
lAon maihi, Damp.— A^S0N. l/l'Jlephant nuiriii,
PÉRON et les voyageurs anglais. Le l.awe, Mo-
r.r\A\ Cet animal atteint de vingt-cinq à trente
(lieds (8 à 10 mètres) de longueur, sur- quinze à
dix-huit (4,872 à .''),847) de circonférence; son
pelage est ras grisâtre ou d'un gris bleuâtre,
(jnelquefois d'un brun noiiàtre, rude et gros-
sier; ses yeux sont très-grands, |)i'oéminents;
les poils de ses moustaches sont rudes et con-
tournés en spirale; ses canines inféi'ieures, for-
tes et arqut'es, sont saillantes hoi's des lèvres;
les ongles des mains sont très-petits, et sa queue,
courte, est peu apparente.
La nature a [taré beaucoup d'animaux, pour le temps des amours seulement,
d'une sorte de robe de noce pins ou moins brillante, plus ou moins singulière ;
dans les oiseaux ce sont des couleurs vives et tranchantes, des crêtes, des
PlIOQUtS. 277
.nyretlcs; dans les snlainiindros, ce sont, des nienibraiies dorsales agreahleineiil
découpées et imaïuéos de mille couleurs variées, etc. ; elle n'a pas oublié le
|ilio(|ue dont nous pailons ici, mais la pni'ure (pi'elle lui a dévolue est au moins
fort hizarre. Elle consiste en un prolongement du nez, en forme de trompe
membraneuse et érectile, molle, élasli(|ue, ridée, longue (iucl(|uefois d'un pied
0,323), et ayant beaucoup d'analogie avec cette longu(^ crête qui pend sur le
bec d'un coij d'Inde. Celle trouipe manque à la femelle, et aux jeunes avant
l'âge adulte, et il paraît qu'elle s'efface peu à peu dans le mâle lorsque le temps
du lut est passé.
Le miouroung babite les plages de toutes les îles désertes de l'hémisplière
austral, et vit en troupes de cent cinquante à deux cents individus ; comme
il craint également la cbaleur et l'excès du froid, il émigré régulièrement pour
aller passer l'été dans le nord de la zone qu'il babite, et l'Iiiver dans le sud.
Pendant les quatre premiers mois de l'année il quitte peu la mer, où il se nourrit
de poissons, de mollusques et de crustacés; alors il devient tellement gras qu'il
n'est pas rare de lui trouver entre la peau et les nniscles une coucbe de graisse
buileuse ayant jusqu'à neuf pouces (0,2-iî) d'épaisseiu' ; les Américains retirent
souvent une énorme quantité d'imile d'un seul individu, dont le poids de la
cbair seulement est communément de mille kilogrammes, (^et animal est d'un
caractère doux, paisible, et surtout d'une grande indolence. Lorsqu'il dort sur
la terre, mollement étendu sur un lit de varccs, il est extrêmement facile de
l'approclier, car, même lorscpi'il se réveille, et voit le cbasseur armé de sa lon-
gue lance, sa paresse ne lui permet ni de fuir, ni de se mettre en défense, ce
(|ui rend l'acile de le tuer d'un seul couj) en lui perçant le cœur. Mais dans le
temps des amours il n'en est pas de même; il déploie une activité extraordinaire,
et il serait dangereux de l'approclier. Le rut a lieu danslemoisd'octobre, et les
mâles se livrent alors des combats furieux pour s'approprier cbacun le plus de
femelles qu'ils peuvent. Le plus fort fait son cboix, conq)ose à son gré son
barcm, et se retire; le combat reconnnence, et enlin les mâles les plus faibles
lestent sans femelles. Mais bientôt les vainqueurs se lassent de leurs con(|uètes,
et les abandonnent aux vaincus. Cbaque femelle fait un ou deux petits qu'elle
allaite deux ou trois mois.
Le pbofpie d'Anson [Phoca Ansonii, Desm.) en serait une variété moins
grande, à pelage d'un fauve clair, et à ongles des mains plus robustes. 11 babi-
(erail i)Ius particulièrement l'île Juan-Fernandez et les îles antarcticpies.
Le Macroiiiii^ i»e l'u.k Saint-Pali, {Macro- pieds (2,590). Sa \bwii sii|)ori('iiir est un peu
rh'xnus Co.rn- — l'hoca Co.rii , Dism. Lo l.wn niniielci'; son pelage esUl'iiii f»ris liriiii elqiiel-
iiirti-iii, (le Coxe) est de la laillc du niionroiing, (|uel'ois blaneluitre ; ses pieds de devaiil n'aii-
Miais il niaïupie de trompe; son pelage est de la laient (pie tpialre doigts, selon Molina. Unie
eouleiir de eeini d'un bullle, ou brun, ou (piel- liouve sur les ecMes du (jliili.
(piefois hlanc. Ilesl très-eon)nuniaux ilesd'Ams- Le MAfiKoiuiiM i>k Kyuon ( MarrorUinus liiiro-
lerdani et de Saint-l\ud. Serait-ee le precédeid nii, Li;ss. l'hoca Hijronii, B^Al^v.). Cette espèce
hors du temps des amours, c'est-à-dire lorsque ne repose cpie sur le scpielette d'une lète obser-
va trompe est elTacée? vee par M. de Hlainville, dans le cabinet d'iluii-
I.e MACKOiun\ rKif..\E (MacrorUinus lupiniis. ter, à FAHidres. Llle a six incisives supérieures,
— Phoca liipnta, Mouxh), me parait aussi n'èlrc; dont la seconde extérieure est plus forte que les
(pi'une variété du miouroung, mais plus petite, autres et ressemble à une canine ; les crêtes oc-
si r('ellement sa longueni' ne dépasse pas huit cipitales et sagilales sont trés-saillantes, ainsi cpie
'27S
I.LS CAIi.MVOIll.S AMIMIIUILS.
i';i|i()ph)se iii;i.>l()itie. l.iiniiiKil a\:iil de trouve
sur les foies «les ilos Niariiincs.
(ie (iKMiK. Les AIJCTOCEPHALKS (.Ij-r/o-
cr'/'''"'"*. Fk.Cij\.)oiiI liciik'-six dents, savoir:
six incisives siipci'ienics dont les quatre nioven-
nes sont pfotonilenient ('elinncires dans leur
milieu, et (lualre inlêrieures êelianerées d'avant
en ari'ière ; quatre canines; douze molaires su-
périeures et dix inlêrieures. Les mâcheliéies
n'ont (jutnie racine, moins épaisse que la cou-
ronne, consistant en im tubercule mojeii garni
à sa liase, en avant et en arrièi'e, d'mi tubercule
beaucoup plus petit. Ia's mains de ces animaux
.-ont ()lacées 1res en arriére, ce ipii leur fait pa-
raître le cou tort allon|;é; les pieds ont leur
membrane à cin(| lobes dépassant les doif;ts;
leur tcle est suibaissée cl leur museau rétréci.
L'Ouiis .>i4iu> { An luieiihaliis uiAÎntis , Vu.
Clv. l'Iioca iirsiiia, Lim. Otaiia uraiiiu, Desm.
Olana Fonlcri, l.v.ss. L'rsus mariinis, Fokst.
L'Ours- manu, de IScrr. ) est long de quatre à
six pieds 1 1,299 a 1.949 , mince, à Icte ronde et
gueule |)en fendue, avec des jeux proéminents,
et de longues mousiacbes; ses oreilles sont poin-
tues et coniques; son pelage est composé de
deux sortes de pulls: celui de dessous, court,
l'as, doux et satine, d'un brun roux; celui de
dessus plus long, brunâtre, tacheté degris foncé.
Il babile les côtes du Kamscbatka et, des iles
Aléonliennes. Ou le recherche beaucoup à cause
<le sa fourrure très-eslimée eu Chine, mais ses
mceiirs sauvages, la finesse de sou odorat ([ui
lui fait reconnaiti'e de tort loin rap|)roclie du
chasseui-, rendent .--a chasse fort dillicile- Il
n'babile ([u'au milieu des rochers et des récifs,
sur les cotes les plus battues par la temi)éte.
/MlENiiE. Les PLATYKHYXQUES (Plitlij-
rhiivchiis, Fit. Clv. ) ont le même système den-
taiie que dans le genre pi'écédent, mais les in-
cisives sont pointues, et les màclieliéres n'ont de
pointe secondaire qu'à leur partie antérieure;
leur criine est trcs-elevé, et leur museau élargi.
r^e Lio^ MAïuN [l'iutlnjrhijnciis teonhius, Fh.
Clv. Olaria jnbiila, Dksji. non Lin>é. Otaria
Pcnirlliji, Lhss. Olarin leviihin , Pehon.) est
long dedou7,e pieds (5,S98), et, si l'on en croyait
Pernetty, il en atteindrait jusqu'à vingt-cinq
(8,1211; sou pelage est fauve; ses moustaches
noires ; le mâle |)orte sur le cou une crinière
épaisse qui lui descend jusque sur les épaules ;
sa tète est assez petite, semblable à celle d'im
dogue, avec le nez un peu relevé et connue Iron-
ipié à sou exlrémilé. Cette espèce habite les îles
antarcticiues; son caractère est doux et limide.
File vit de poissons, d'oiseaux d'eau qu'elle sur-
prend avec adresse, et quelquefois d'herbe. La
lèmelle, pour faire ses petits, se cache dans les
roseaux où elle les allaite. Chaque jour elle va
a la mer, et gagne sa retraite le soir. La chair
de ces animaux est mangeable; son huile est
utile, et sa peau est excellente pour N s ouvi-ages
de sellei'ie.
Le l'i,Arvuin\yLE >ioi.ossK (/'/«(//; /i;/ii(7(i(.siHo-
los.siuiis, Li;ss. Olaria inolossina, Ltss. eKiAU-
Mn. Le Phoque à nin des lialeiniei's anglais.
Le Pclil lion )itaiin, de Pehnettv ). Celte espèce
a de quatre à huil pieds (1,299 à 2,o9l») de lon-
gueur; son pelage est d'un roux unilorme, ras
sur toutes les ()arties du cor|)s ; les [)oils de ses
moustaches sont aplatis, d'un brun rouge, à
exirémite noire ; les mains manquent d'ongles,
el les pieds en ont trois assez gros. La tète est
petite, arrondie; les oreilles sont petites, poin-
tues, roulées sur elles-mêmes. Elle habile les iles
;\lalouines.
Le l'LXTvnnvNyï E ue Gctiux ( Platiirliijiichns
GiKfinii.— Platiirhijncus l'raniir, Less. IJOIa-
rie Giieii», Qiov et (iAi.MAiiu) a la [)lus grande
analogie avec le précédent; mais les deux natu-
ralistes du vojage de l'Uranie lui donnent six
incisives en haut el quatie en bas, quatorze mo-
laires supérieures et douze inférieures. Son
pelage est brun, ras; son museau aplati, portant
cinq rangs de moustaches; sa taille est dequaire
pieds dix pouces (1,570). 11 habite les iles Ma-
louines comme le précédent, auquel il faudrait
sans doute le rap()orter, s'il se ti'ouvait que ses
dents eussent été mal observées.
8° Gemie. LesllALYtIIORKS (//«/i/r/KC/w/.s-,
lIoii>scii. ) oui trente-quatie dents, toutes coni-
ques, recourbées : les inférieures égales, courtes,
séparées également par un inteivalle vide; les
deux incisives externes d'en hanl simulant des
canines et mar(|uées d'un canal étroit «n leur-
partie postérieure, les quatre intermédiaires plus
longues et égales entre elles; les canines infé-
rieures rapprochées, silloiniees en arrièie el en
dedans, s'engageanl dans un intervalle des cani-
nes supérieures qui sont semblables ; molaires
triangulaires, les supérieures convexes sur leur
face exleine, recourbées, les troisième el qua-
trième les plus grandes, les inférieures [)yraml-
dales, les deuxième et troisième plus giandes.
Du reste, les ongles sont plus longs et plus re-
courbés que dans les autres phoques. Ce genre
fait le passage des phocpies aux morses.
L'IIalvciiohe r.Kis ( llalijthœnts griseus ,
IIoHNS. Phora annellala, Nilss. Phvca ctictil-
/a(«,Ki>iin.) a le |)elageconq)os(' de deux sortes de
poils : celui dedessousest blanc, laineux et courl ;
celui de dessus esl long de deux pouces ((I,0o4),
soveux, d'un gris plombe sur le dos, blanc sur
le reste du coips. On le liouve sur les côtes de
la Pomérauie et des mers du nord de ILuropc.
F.s])trcs non encore classées .
9' IjENhe jirovisoire. Les PHOQUES [l'Iioca.
Li:v.) n'ont pas d'oreilles extérieures.
Le PliOgiîE A TÈTE DE TOIITLE ( l'IwCU tcsliull-
»)((/, SiiAvv.) ressemble par ses pieds au phoque
PHOQIJKS.
■270
cotiinmi), iiiiii.s son cdii (^l ;\lloni.'(', cl sn lolc
icsscinhU'à colle (l'une loi'liie. Espèce doiileiise,
<|Mi li;il>ilei';iil les mois d'Kurope.
I.c I-ihii'iAK ( l'hnrn lal.hinl;, Desm. ) n'est
eonnn (|no par une desciiption de Kraschenni-
nikow ; il serait de la firossenr d'un liieuf, et lia-
Idlerail le Kamschalka.
[.0 PiKiQi E Tic.HÉ ( l'harn ligyhin, Kii\S(:iie>>'.
Phnia r'/ioc»>îi, Less. Le (,'liif/i i\e mer du df-
tioil de /?rliri»i(;, Ciioitis. Var. Phoenpuiirtntn
iininildln, et nigra. do l'Iùicyel. anj;.) est delà
laille d'un veau ; son corps est couvert de laclies
rondes et cfjales: son veiitte est blancli.diT. I-es
leniiessont enlièretn<nl lilaucs. Du Kauischatka.
La variété iiiiiulata a la tète, le dos el les uieni-
hres laclietés. Elle habite les Kouriles. — La
varietc' mnnilotn est luouclietec de brun et
habite les mêmes cotes. — La variété tiiqrn est
noire, queUpiefois tachée de blanc, el se trouve
sur les mêmes rivages.
l-e Pmoqiie VKsai. ( Phoen fnsrinio, S<;ii\\vJ
est noirâtre; une bande jaune lui dessine une
selle sur le dos. Patrie incoiuuie.
lOMlE^iiE/trori.soirp. Les «H\V1$IF,S {Olana,
PEito>) ont des oreilles externes apparentes.
L'Otaiue dk Delal\m)e {Otitria Dilaldiid'n,
(i. Ciiv.) a trois pieds cl demi de longueur
(l.'ôT) ; son pelapc, doux, fourré, lainen\ .'i la
base, a la pointe de ses poils aniielé de fjris et
de noiràlre, ce qui lui donne une teinte d'cui
Kiis brun roussâlre ; le ventre csl d'rrne couleur
pins pâle. Il a été apporté du caj) de IÇouiie-
r.spérnnee par M. Delalande.
L'OiAruË de Peiion ( Olaiia Per( nii et uiqra.
Desm. Pliora pusUla. Li^v. Phnen inrrn, Borrr).
L'nUirie de t'ilc de Hollnesl , Peiion. VOIane
de Delnhtnde, Fit. Cuv. Le iMiq) ynwtn, Pacès ;
Le /Vti( phoque, RrFi'.)a dedenx iuiuatre pieds
de lonsuerrr (O.fi.'iO à 1.299). bes oreilles sont
iroinlues; ses pieds de derrière n'ont d'ongles
api)areids (jn'aiix li'ois doi^ls du rrrilierr, et sont
lei'urirrés par irne meridnane fi ciru) festons; sa
couleur est g('n('raleriient noiràti'e ; son pelage
doux, et ses moustaches rondes et lis^'s. Il ha-
bite la Nouvelle-Hollande.
Otaiuk CE>r)iiE [Otnrm rineien , P^.rio^ ) a
neirf à dix pieds (2,025 à 5,2'(8) de longruMir :
son pelage est dur, grossier, d'un gris cenili'e.
Il habile la iNonvelle-llollande, sirr- les cotes de
l'ile Decrès.
L'Otaiue Ai.iîicru.i.E ^0/«rirï <ilhic<diis. Pehon)
a liriit à neuf pieds (2,27 i à 2,92")) <le longrieiir ;
ses membres antéi'ierirs sont siluc's foi't en ar-
riére, et il a une grande tache blanche sur la
l)arlie movemie et supérieure du cou. Il habile
la Nouvelle-Hollande.
L'Otahiecoi kowe {OInrin roxmrila, Rr.MNV.)
a le pelage noir, taché de jaune, avec une bande
de cette coideur sur la tête el une tache sur le
nuiseau. Il a ciric] oirgles aux pieds de dei'rièi'e.
Sa patrie est inconnue,
LOtahik JAiiivATUK {Oltifia jlairseeus. .Srrvw.i
est long d'un t\ deirx pieds (0,;i2,''i à (»,((,")()). Sorr
pelage est d'un janne pâle uniforme; sesoi'eilles
sont longues; ses maiirs maniinerrl d ongles, el
il en a trois serrlemcrrl aux doigts nrovens des
pieds. Sa patrie est inconnue.
Le Cochon ue meh (Olaria poreinn, ^Ior.r\A
ressemble par la fornrc et le pelage an macro-
rhirr urigne, mais sou nrrrseau est plus allonge;
ses oreilles soirt relevées, el il a ciirq doigts arr\
pieds de devant. Il habite les côtes du Lhili.
L'OiMUE d'Haiville {Otaria lluiiitllh, (i,
Clv.) a (|uali'e pieds deux poirces (l,.'i.'5.ï) de
loirgirenr; il esl d'un gr'is fonc(' et cendre en
dessus, blauchàtr'e sur les lianes H la poitr irre:
il a sur le ventre nue bande longitudirrale d'rrir
brim roux, avec une auti'e transver'sale et rroi-
ràtr'e allant d'une nageoiic ;i l'antr'e. Ou le
li'ouve aux Iles Malonines.
280
LKS CAIIMVOIIKS AM l'Il 1 151 l'.S.
icàM%
m\0W*
M-:S MORSES
Ont l;i forme céiiérale des |)hociiies; mais lent- point à l'inforiciire; doux canines ou défenses
Miàclioire infeiienre manque de canines et d'in- a la mâchoire supérieure et point à l'inférieure :
cisives, et les canines supérieures forment d'e- luiit molaires en haut et huit en has ; leurs mo-
iiormes défenses dirigées inférieurenient. laires sont cjlindriques, courtes, tronquées ohii-
ll« Gkmie. Les 310RSES ( 7'rie/ipc/n(.s-, Ln.) quenient, et yemhlent, par leur structure et
ont vingl-deuv dents à l'état adulte, savoir: leurs rapports, agir les unes sur les autres
ijualrc incisives à la mâchoire supérieure, et connue le [-.ilon a;j;it sur sou mortier. '
Le MORSK, OU CHEVAL MAUlfi {Trirhccliiis rosiuaius. Lin. Le Morse, Bvff. L;i
Vache manne et la Bêle a la cjramle denl des voyageurs)
Atteint onze à douze pieds (ô,575 à 5, SOS) de longueur, et même beaucoui.
plus, si on s'en rapportait à certains voyageurs; son pelage est très-court, très-
peu fourni, et d'une couleur roussàtre ; son muflle est très-gros, sa lèvre supé-
rieure renflée; ses narines se trouvent prcs((ue regarder le ciel et non terminer
le museau; ses défenses ont quelquefois deux pieds de longueur (0,050) et
davantage; leur grosseur est proportionnée à leur longueur. Pour les membres
et le reste du cor|)s, il re^^semble beaucoup aux pboqiies.
Si le morse a beaucou}» d'analogie dans les formes avec les animaux de i;i
.;. .^^^^^rïl-^T^
CABINET DAHATOMIE COMPAREE
i.i»,,i;.. .1.-- l'u.. i>-.i
MORSES. 2SI
l'aniille prccédeiUc, il n'eu a pas moins dans les mœurs et dans toutes les lialii-
tudes de la vie. Cependant il a moins d'intelligence et, i)ar suite, moins de dou-
ceur dans le caractère. Eward >Yorst, dit avoir vu en Angleterre un de ces ani-
maux âgé de trois mois, que l'on ne pouvait toucher sans le mettre en colère,
et même le rendre furieux. La seule chose que l'éducation ait pu ohtenir de
lui était de le faire suivre son maître en grondant, quand il lui présentait à
manger. Cet animal hahite toutes les parties delà mer Claciale, mais il est hien
moins commun qu'autrefois. « J'ai vu à Jakutzk, dit Gmelin, quelques dents de
morse qui avaient cinq quarts d'aune de Russie, et d'autres une aune et demie
de longueur; communément elles ont jusqu'à quatre pouces de largeur à la hase.
Je n'ai pas entendu dire qu'auprès d'Anadirskoi l'on ait jamais chassé ou péché
de morse pour en avoir les dents, qui néanmoins en viennent en si grande
(|uantité; on m'a assuré, au contraire, que les haliitants trouvent ces dents, dé-
tachées de l'animal, sur la hasse côte de la mer, et que, par conséquent, on n'a
pas hesoin de tuer auparavant les morses. Plusieurs personnes m'ont demande
si les morses d'Anadirskoi étaient une espèce différente de ceux qui se trouvent
dans la mer du Nord et à l'entrée occidentale de la mer Glaciale, parce que les
dents qui viennent de ce côté oriental sont l)eaucoup plus grosses que celles qui
viennent de l'Occident, etc. n Gmelin ne résout pas cette question, et Buflon en
donne une solution qui me paraît être une erreur. « On n'apporte d'Anadirskoi,
(lit-il, (pie des dents de ces animaux morts de mort naturelle ; ainsi, il n'est pas
surprenant que ces dents, qui ont pris tout leur accroissement, soient |)lus
grandes que celles du morse de Groenland, que l'on tue souvent en has âge. »
Pour admettre cette hypothèse, il faudrait admettre aussi que jamais, dans le
Groenland, les morses n'atteignent toute leur grandeur, et que tous ceux que
l'on tue, sans exception, sont jeunes, puisque leurs dents sont, aussi sans excep-
tion, heaucoup plus petites que celles a|)portées d'Anadirskoi. Cette propo-
sition n'est pas soutenahle. Voici une autre difticulté : il est certain qu'on ne
trouve presque plus de morses aux environs d'Anadirskoi, et que ceux qui s'y
montrent de loin en loin ne dépassent pas douze pieds de longueur; or, un
morse qui aurait des dents longues d'une aune et demie russe devrait avoir le
corps au moins de trente-cinq pieds de longueiu', ce qui ne s'est jamais vu,
puisque les plus grands que l'on ait ohservés ne dépassent pas douze à qualoize
pieds. Je pense que l'ivoire trouvé sur les hords de la mer, aux environs d'Ana-
dirskoi, n'est rien autre chose (jueles dents fossiles d'un grand morse dont l'es-
pèce ne se trouve plus vivante, (^e qui me fait ajouter foi à cette hypothèse, c'est
(pie dans le même pays on rencontre des collines entières'composées, presque en
totalité, d'ossements de mammouths, de rhinocéros et autres animaux perdus, et
«pie l'on possède au cahinet de Saint-Pétershourg des défenses de mammouths,
dont l'ivoire est aussi parfaitement conservé (|ue s'il avait été pris sur des ani-
maux vivants.
Les morses, ne peuvent pas toujours se trouver j)rés des côles, à cause des
glaces qui en défendent l'approche. Aussi, ils élisent leur domicile sur des gla-
çons, et il arrive parfois que c'est sur cette hahitation flottante que la femelle
fait un ou deux petits, en hiver. Le petit, en naissant, est, dit-on, de la gros-
seur d'un cochon d'un an. Elle l'allaite et le soigne avec tendresse, et le défend
36
.28'i LES CARNIVORES AMPHIBIES
avec fiirour. Lorsque ces animaux vont à terre ou montent sur un glaçon, ils se
servent de leurs défenses pour s'accrocher et de leurs mains pour faire avancer
la lourde masse de leur corps. Il paraît qu'ils se nourrissent de varecs et autres
herbes marines, aussi bien que de substances animales.
Malgré les dangers d'une navigation dans des mers couvertes de glaces, les
vaisseaux baleiniers de plusieurs peuples du Nord vont y pêcher les morses, non-
seulement pour avoir les dents, qui fournissent un ivoire plus dur, plus compacte
et plus blanc que celui de l'élépliant, mais encore pour extraire de leur graisse une
huile abondante, meilleure que celle de haleine, et pour s'emparer de leur peau,
dont on fait un cuir très-fort et d'excellentes soupentes de carrosse. Autrefois,
on trouvait sur certains rivages d'immenses troupeaux de morses, et il n'était pas
rare d'en tuer jusqu'à douze ou quinze cents dans une seule chasse; mais au-
jourd'hui, on ne les rencontre guère qu'en petites troupes ou en familles. Dans
la mer on les harponne de la même manière que les baleines; si on les trouve
sur le rivage, on les tue à coups de lance. Quand un morse se sent blessé, il
entre dans une fureur effrayante; dans l'impuissance de pouvoir poursuivre et
atteindre son ennemi, il frappe la terre de côté et d'autre avec ses défenses ;
il brise les armes du chasseur imprudent, et les lui arrache des mains; enfin,
enraf^é de colère, il met sa tète entre ses pattes ou nageoires, et, profitant de la
pente du rivage, il se laisse ainsi rouler dans la mer. Si on les attaque dans
l'eau, et qu'ils soient en grand nombre, la protection qu'ils s'accordent mutuel-
lement les rend très-audacieux. Dans ce cas ils ne fuient pas : ils entourent les
chaloupes, et cherchent à les submerger en les perçant avec leurs dents, ou à
les renverser en frappant contre les bordages, dont ils enlèvent de grandes por-
tions. Dans ces occasions, et dans les combats qu'ils livrent quelquefois aux
ours blancs, et dont ils sortent toujours vainqueurs, il leur arrive quelquefois
de perdre une de leurs armes, et celle qui leur reste n'en est pas moins terrible;
si on est parvenu à en harponner un, presque toujours on en prend plusieurs,
car ils fout tous leurs efforts pour défendre leur camarade et le délivrer. Si,
effravés par le nombre de ces animaux, par leurs eflorts et surtout par les mu-
gissements furieux dont ils frappent les airs dans ces occasions, les pêcheurs
croient prudent de prendre la fuite, les morses poursuivent fort loin la chaloupe
qui les emporte, et n'abandonnent leur projet de vengeance que lorsqu'ils ont
perdue l'embarcation de vue.
FORET VIERGF; DE L'AMERIQUE DU SUD
( .la,,l!n .les l'l»nl.-,)
LES MAIISUPIAUX,
siîPTiivMi- oHDiu: i>i:s MA\iMiri:iu:s.
Los ni;irsupiaii\ se dislinjïiioiil de liuis les au-
tres niaiiimilèies p;ir deux os particuliers atta-
chés au pubis, interposes dans les muscles du
ventre, et donnant appui, dans les femelles
seulement, à une pocLe ou repli de la peau re-
couvrant les mamelles. Par une autre bizarrerie
tout aussi extraordinaire, la femelle, peu de temps
après racconpleinont, met bas, non pas des pe-
tits tout formes, connue les autres animaux vi-
vipares, mais des petites masses de eliair tout
à lait informes, et ipi'elle place dans la poche
de son abdomen à mesure quelle les fait. Là.
ces petites masses s'attadu'iil aux mamelles, el
prennent le reste de leuf développement. Nous
les diviserons en tiois sections: 1' les carnas-
siers, qui vivent de eliaif ou d'insectes; 2" les
frugivores qui se nourrissent de fruits; 5'' les
i'oliivores, qui mangent de l'herbe el des feuilles.
LES M.AUSLPIAUX CAIINASSIEKS
Ont deux canines et plusieurs petites incisives
à chaque mâchoire ; leur pouee des pieds de der-
rière est opposable aux autres doigts.
l'^' Gemik. Les DIOELPIIES (Diielphis,
Lin.) ont cinquante dents, savoir : dis incisives
eu haut, dont les intermédiaires sont un peu
plus longues, et huit eu bas; quatre canines;
quatorze molaires à chaque mâchoire, les trois
molaires antérieures comprimées, et les quatie
antres hérissées. Leur tète est tièspointue;
leur gueule est fendue jusqu'au delà des yens ;
leurs oreilles sont t)ointnes: leurs iloigtssont non
palmes: leur queue est nue, ecail'ense et pre-
nante; leur poche marsupiale consiste quelque-
fois eu un simple repli de la iH'au de labdomeu,
d'autres fois en un véritable sac
f Didelphcs à poche counaut Us iiiumcUcs.
Le s.VRicU'tioii MAMCOL' ^ D'nlcliiliis viiufiiiiana. Dksm. — Pkxn. Ojwssitm icoii-
pnuk, tà\KTo\. Le Virijimun opossum, Suaw. L'Opossum el le Sariyuc \\e& lUi-
l>8l LES MAIISUI'IAUX.
nois, BiFF. L'0/)ossniii des Anglais. L'O.wrt des habilants du Mississipi. Le
TI(t(jnatiiH des Mexicains. Le Mlcourc du l'araguay. Le Didclplic à oreilles
Incolores des naturalisles ).
Le manicoii atteint dix-sept pouces (0,400) de longueur, non compris la queue
(|ui en a onze (0,298), et sept à huit pouces de hauteur (0,189 à 0,217); c'est
dire qu'il est à peu près de la taille d'un chat. Il est d'un gris hlanc jaunâtre, à
|)oils d'un blanc sale, noirs ou bruns à la pointe; il n'a de soies entièrement
noires que le long de l'échiné, et sur une bande descendant du cou aux jandjes de
devant; sa tête est presque entièrement blanche; les quatre jambes sont noires;
sa (jueue, couverte d'écailles, est noire à la base, blanche dans tout le reste de
sa longueur. Les oreilles sont nues, et se ferment à la volonté de l'animal; elles
se reploienl d'avant en arrière par trois plis longitudinaux, et s'abaissent à l'aide
de plis transverses plus nombreux, coupant les autres à angle droit. Leur conque
est noire, excepté à la base et au bord où elle est blanchâtre ou d'un rose li-
vide; les mains et le museau sont nus, ce dernier un peu glanduleux; son œil est
noir, petit, très-saillant.
Cet animal jouit d'une grande célébrité, et cependant il en est |)eu d'aussi re-
poussant. Son corps paraît toujours sale, parce que son poil, ni lisse, ni frisé,
est d'une couleur terne, et ressemble à celui d'un animal malade. Il exhale, d'un
organe particulier placé dans l'anus, une odeur fétide et urineuse, (|iii est en-
core renforcée par l'habitude qu'il a de se mouiller de son urine, (pi'il lâche
lorscpi'il est elfrayé ou en colère. Ceci n'empêche pas les sauvages de manger
sa chair, et de la trouver délicieuse, probablement parce qu'elle ne participe pas
à la puanteur du poil et de la peau. Du reste, cette fétidité, dont il s'entoure
quand on le poursuit ou qu'on l'irrite, est la seule défense qu'il ait à opposer à
ses ennemis, car il ne sait ni mordre, quoique bien armé de dents, ni fuir, puis-
qu'il ne court guère plus vite qu'un hérisson. lia la pupille nocturne, d'où il résulte
qu'il y voit beaucoup mieux la nuit que le jour ; sa démarche est lente, et sa stu-
pidité extrême. Cependant il est fort doux, et s'accoutume très-bien à l'escla-
vage; mais il ne s'attache à personne, et n'est capable d'aucune éducation. Dans
les maisons on le nourrit avec du pain, du lait et de la chair crue. On a observé
<|u'ilboiten laj)ant, et qu'il aime qu'on lui verse de l'eau d'un peu haut dans la
bouche, qu'il tient ouverte pour la recevoir. Sa queue prenante est très-forte,
mais elle ne se replie qu'en dessous, et il en fait un usage maladroit.
Dans l'état sauvage, le manicou habite toute l'Amérique septentrionale. Le
jour il se retire dans un terrier qu'il se creuse au milieu d'un buisson épais, à
certaine distance des habitations; il y passe la journée à dormir, le corps plié
en cercle à la manière d'un chien. La nuit il se réveille, sort de sa demeure, et
se met en chasse pour trouver sa nourriture. Il grimpe assez facilement sur les
arbres pour aller surprendre les oiseaux dans leur nid, et c'est à ce genre de
chasse qu'il passe une grande partie de son temps, car il a un goût de prédilec-
tion pour la chair des oiseaux, et surtout pour leurs œufs. Cependant il est sou-
vent forcé par la nécessité de se rabattre sur les reptiles, sur les insectes, et
même sur les fruits. Il rôde souvent autour des habitations, et, comme il grimpe
également contre les vieilles murailles mal unies, il lui arrive (juelquefois de
pénétrer dans les basses-cours; dans ce cas il lue la volaille (jui s'y trouve.
MARSUPIAUX CAUiNASSlEUS. 285
et se honic ;i lui sucer le sang, après quoi il abandonne les cadavres sur la place.
Buffon dil « ([u'il se cache dans le feuillage d'un arbre en se suspendant par
la queue, et (pi'il reste ({uelquefois longtemps dans cette situation, sans mouve-
ment, le corps suspendu la tète en bas, pour épier et attendre le petit gibier
au passage. » Ceci peut être vrai, quoique douteux pour moi; mais il n'est pas
possible, en bonne critique, d'admettre la citation dont il fait suivre ce passage.
La voici : « L'instinct avec lequel il fait la chasse est très-singulier. Après avoir
pris un petit oiseau et l'avoir tué, il se garde bien de le manger. Il le pose pro-
|)rement dans une belle place découverte proche de quelque gros arbre : ensuite
montant sur cet arbre et se suspendant par la queue à celle de ces branches qui
est la plus voisine de l'oiseau, il attend patiemment, en cet état, que quelque
autre oiseau carnassier vienne pour l'enlever : alors il se jette dessus et fait sa
proie de tous les deux. » Il est singulier que Butîon rapporte ce conte absurde,
surtout en l'appliquant à un des animaux les plus stupides de toute la classe des
mammifères.
D'ailleurs, l'histoire du sarigue est assez merveilleuse en elle-même, sans que
l'on soit obligé de la broder maladroitement. Vingt-six jours après l'accouple-
ment, la femelle met bas de dix à douze petits, n'ayant encore nulle forme d'a-
nimal, gros comme un très-petit pois, et ne pesant chacun qu'un grain d'orge.
(Juoique aveugles et informes comme de très-petits fragments de chair gélati-
neuse, ils s'attachent aux mamelles, y adhèrent bientôt au moyen d'une mem-
brane commune au mamelon et au petit trou qui leur sert de bouche, en aspi-
rent le lait, et y restent adhérents pendant cinquante jours, absolument cachés
dans la poche, ce qui, avec les vingt-six jours qu'ils ont passés dans le sein de
leur mère, complète le temps de la gestation. Alors leurs membres sont dévelop-
pés, ils ouvrent les yeux, ils ont à peu près la grosseur d'une souris, et la mem-
brane qui les unissait au mamelon se déchire. Quoique libres, ils ne commencent
à sortir de la poche cpie quelques jours après, pour jouer sur l'herbe, au clair de
lune, pendant que la mère fait sentinelle et veille à leur sûreté. Au moindre
bruit, à la moindre apparence de danger, elle les fait rentrer dans leur sac, et
elle les emporte dans son terrier. Ce genre de vie dure jusqu'à ce qu'ils soient
trop gros pour rentrer tous dans la poche ; alors la mère s'éloigne un peu plus
de sa demeure, parce que ses petits commencent à la suivre, et qu'il faut qu'elle
chasse pour eux. Si, dans ce cas, elle croit sa jeune famille menacée d'un accident,
elle jette un petit cri. Aussitôt ses enfants se rapprochent d'elle en tremblant :
les uns se précipitent dans la poche, les autres lui montent sur le dos et s'y
maintiennent solidement au moyen de leur queue qu'ils enroulent autour de la
sienne, ou autour de ses jambes. Quelquefois la pauvre mère en est tant chargée
et surtout embarrassée, qu'à peine peut-elle marcher.
Ce que nous venons de dire du manicou, pouvant s'appliquer à tous les di-
delphes, sauf quelques légères modilications que nous enseignerons plus loin,
nous n'avons plus à nous occuper que de la description des espèces.
Le Gamba ( Didelpliis Azarœ, Thmm. Le Mi- seau est long; le tour des yeu^ est noir, ainsi
roulé, n" l" d'Azzuia. Dhlclphiis aiirita, INel- que les oreilles et les exlicniites des jambes; la
wiEi))est un peu i)ltis petit (]ue le précédent, face et la niu]ue sont j)res<iue noires ; .•>on pelage
a\ec lequel il a souvent élé confondu. Son luu- est compose d'(uie sorte de feutre coloimeux et
28(i
LES MAUSUIMAUX.
court en dessous, cl, eu dessus, d'un poil sojeux
d'un l)lanc pur dans toute sa longueur. Il ha-
l»ite l'Amérique méridionale.
Le QiiiCA (Di(lcl])his qnira, Temm.) ne dé-
passe pas la laille d'un jeune putois; sa queue
est plus longue que son corps; son pelage est
d'un gris de souris en dessus et d'un blanc pur
en dessous ; la femelle est d'un fauve noirâtre,
plus clair sur les flancs et comme argentée. Il
a un cercle noir autour des yeux, et le museau
noir. Cette espèce a les mêmes habitudes que
les précédentes, mais elle vit presque constam-
ment sur les arbres. Elle habite le Brésil.
Le SARir.OL'KYA (Didelphis opossum, Lin. —
Desm. Le Sarigue opossum et le Quatre-œil des
naturalistes). Cette espèce, plus petite que les
précédentes, ne dépasse guère la taille d'un écu-
reuil. Son corps a un pied (0 32.')i tout au plus
de longueur totale, et sa queue onze pouces
(0,298;. C'est à celui-ci que Biiffon ra|)porte les
récits qu'ont faits les vo\ageurs sur toutes les
espèces de didelphcs. Son pelage est d'un gris
brun en dessus et un peu plus foncé sur la télé;
la poitrine, le devant du ventre et le dedans des
membres sont d'un blanc jaunâtre, ainsi que les
doigts ; le dessus de chaque o'il est marqué d'une
tache ovale, d'un jaune pâle; les oreilles sont
bordées de blanc en ariière; le ujuflle, les lè-
vres et le menton sont blanchâtres. Le mâle e.st
d'une couleur généralement plus foucée II ha-
bite l'Amérique méridionale, et n'est pas rare
à la (lUjane.
Le DiDELPHE QLEtE-UE-RiT [Didcipllis WJI/O-
suros, Temm.) est de la taille d'un jeune putois;
son pelage est serré, doux, très-court, brun et
d'un fauve roussâtre, plus foncé sur l'échiné,
d'un blanc roussâtre en dessous; ses oreilles
sont très-grandes, un peu arrondies ; sa queue.
seml>lal)le à celle d'un rat, est bicolore, grêle,
beaucoup plus longue que le coi-|)s et la tète.
Celte espèce se trouve à la Guyane, à Surinam
et au Brésil,
Le Fahas ( Didelphis phitander, Temm. Di-
delphis cayopollin, Liiv.— Desm.) est de la taille
d'un écureuil, à pelage d'un fauve roussâtre,
teinté de jaunâtre sur les flancs, blanc en des-
sous et sur les joues ; il a une bande d un roux
foncé sur le milieu de la tète, et une tache cen-
drée qui lui enveloppe les yeux ; ses narines
sont séparées par un sillon très-marqué ; sa
queue, beaucoup plus longue que le corps et la
tète, est tachetée de brun sur un fond blanc. Il
se trouve à la Guyane. Je ne sais trop si cette
espèce a une poche.
Le Puant ou CRAniER {Didelphis cancricora
et marsupialis , Lin. Didelphis marsupialis,
ScintERER. Le Grand Sarigue de ('.aijenuc, du
Brésil, etc., Brrr. Le Grand Philandre orien-
tal fie Sera). Il ne faut pas confondre ce didel-
phe avec le chien-crabier, comme l'ont fait plu-
sieurs naturalistes. Il a quelque analogie avec
le manicou, dont il a la taille, mais son mu.seau
est plus effilé, son chanfrein plus droit, le front
non déprimé. Ses moustaches sont noires, ainsi
que ses oreilles et ses yeux ; sa tète est d'un
blanc jaunâtre; le cou, le dos et les flancs sont
jaimâtres, parsemés de noir, ce qui vient de ce
que les longs poils du dessus, noirs dans leur moi-
tié supérieure, sont couchés sur les autres, qui
.sont d'un blanc sale ; les poils de l'échiné sont
noirs, longs, et lui forment une sorte de cri-
nière lorsqu'il est en colère. Les membres sont
noirs, les ongles blancs, ainsi que leur pha-
lange ; la queue est blanche, avec son premier
tiers noir; le museau et les lèvres sont couleur
de chair.
Pris jeune, le crabier s'apprivoise assez racilemenl ; mais l'odeur infecte qu'il
exhale, beaucoup plus forte que celle du renard avec laquelle elle a de l'analogie,
ne permet guère qu'on l'élève dans les maisons. Cet animal est assez commun à
Cayenne et à Surinam, oii il habite le bord des ruisseaux ombragés par des pa-
létuviers, sur lesquels il aime à grimper pour chasser aux oiseaux. La nuit, il se
promène sur les rivages limoneux, pour chercher des crustacés et principalement
des crabes, pour lesquels il a un goût de prédilection. Il sait fort bien fouiller
dans le sable pour les retirer des tfous oii ils se cachent, et, si l'on en croit La-
borde, il les retirerait des trous de rochers et de dessous les racines d'arbres
d'une manière fort ingénieuse. 11 enfonce sa queue, dit le voyageur, dans le trou
où il soupçonne un crabe, et celui-ci, en sa qualité d'animal très-carnassier, ne
manque pas de saisir cette queue avec ses pinces pour la dévorer. Le puant la
retire alors par un mouvement brusque, elle entraîne le crabe hors de sa retraite,
et le puant s'en empare et le mange. Si cela n'est pas vrai, c'est au moins bien
inventé, et c'est probablement pour cela ([ue les voyageurs ont attribué cette
MARSUPIAUX CARNASSIEUS.
'287
petite manœuvre à plusieurs animaux, et parliculièrementà un sing(\ T)u reste,
le ciabier a les mêmes habitudes que les autres diilelphes à poche.
2° Didelphes sans poche et à mamelles découvertes.
Le TAïni ( Dideljihis miirinn, L\y. La Mar-
mose, RiFF.^ a cinq pouces (0,1 53) de longueur,
ilu bout du nuiscau a la naissance de la queue;
celle-ci est de la même longueur, jauuàlre, uni-
colore et entièrement nue ; le pelage est d'un
gris fauve en dessus, et d'un jaunâtre pâle ou
presque blanchâtre en dessous ; r(pil est place
au milieu d'un ovale brun. La femelle a qua-
torze mamelles, auxquelles s'attachent les petits,
comme dans les espèces précédentes, à cela
près (]u'ils ne sont pas cachés dans une poche,
mais seulement soutenus par des plis inguinaux
de la peau ; il en est de même poui- les autres
didelphes dont il nous reste <i parler. Le taïbi vit
dans les trous d'arbres et les buissons, en Amé-
rique méridionale, et surtout à la Guyane.
Le DiDKi.riiE a qckle ^UE {Didelphis nudi-
caitdata, Geoff.) est d'un gris brun en dessus,
blanchâtre en dessous ; sa queue est nue, uni-
coiore, plus longue d'un quart que tout le
corps; il a une tache jaune sur chaque œil. Sa
longueur, du bout du museau à la naissance de
la queue, est de neuf pouces (0,2i5). On en
voit, au Muséum, un individu femelle dont les
petits sont encore attachés aux mamelles. Il ha-
bite Cayenne.
Le ToiiA.N {Didelphis tricolor, Geopf. Di-
delphis brachtjura. Pall. Le Micoiiré n" 5,
ii'AzzAHA. Le Tuan de Buffo.\) est de la taille
d'un rat; il a, du bout du nuiseau à la naissance
de la queue, cinq pouces et demi (0,149), et sa
queue a deux pouces quatre lignes (0,065), elle est
forte, et velue seulement à sa base ; son pelage est
d'un brun noirâtre sur le dos, d'un roux vif et
tranché sur les tlaucs, et blanc eu dessous; les
doigts sont à la fois velus et écailleux. 11 habite
les forêts de la Guyane, et Buffon le confondait
avec les belettes.
Le DiDELPiiK iHtACuvL'KE ( DidcIphis brachifu-
ra, Gml.) n'en est probablement qu'une variété.
tl n'en diffère (jue par son 4)elage d'un roux
foncé en dessus et sur les flancs, blanchâtre en
dessous ; la queue est de la longueur de la moitié
(lu corps. Il se trouve dans les mêmes contrées.
Le Ghison ( Didelphis cinerea, Tejiji.; est de
la taille d'un rat ordinaire; son pelage est épais,
court, d'un gris cendré clair en dessus, blan-
châtre eu dessous, roussâtre sur la poitrine; la
femelle est de cette dernière couleur. Sa tète est
petite ; son museau très-court ; ses oreilles sont
nues, un peu ('tranglées à la base; sa queue,
beaucoup plus grande que le corps, est très-
gréle, très-poilue à sa base, nue dans le reste de
sa longueur, blanche à l'extrémité. 11 a été dé-
couvert au Brésil par le prince deNeuwied.
Le DiUELPiiE noiisAL f Didf/^lii'.' dnrsigcra.
Lin. — Te>im.) est de la taille d'un lut ; son pe-
lage est court, tin, peu fourni, d'un gris brun,
avec le front et les joues d'un blanc jaunâtre. Sa
queue est grêle, poilue dans une assez grande
|)oilion de sa longueur, brune et unicolore il
l'extrémité. Il habite Surinam.
Le MicouRÉ hineux ( /)Jrif//;/ii.s Innigera ,
Desm.) a le pelage de couleur de tabac d'Es])a-
gne en dessus, blanchâtre en dessous ; sa queue
n'est ni conique ni cylindrique, mais |)rismati-
que, à angles très-émoussés, avec une rainure
sur la face inférieure ; elle est beaucoup plus
longue que le corps, et nue en dessus dans son
dernier tiers seulement. Cet animal a sept pou-
ces (0,189) de longueur, non compris la queue.
Il habite le Paraguay.
Le MicouuÉ A (iiiOSSE queue ( l)idel])his ma-
croura , d'Azzaua. Dideliihis (rassicaudata ,
Desm . ) a onze à douze pouces de longueur (0,298
à 0,52.ï) du bout du museau à la naissance de la
cpieue ; celle-ci, à peu près de même longueur,
est ronde, et n'a pas moins de trois pouces et
demi i0,095) de ciiconférence à sa base ; elle est
velue à son premier tiers, nue, écailleuse et noire
dans le reste de sa longueur, avec un pouce et
demi (0,041) de son extrémité blanc. Son pelage
est fauve ou couleur de cannelle en dessus, jjIus
clair sur l'œil, plus foncé à la face et au |)ied. 11
habite le Paraguay.
Le MicoLRÉ IVAl^ (Didelphis ])iisill(i. d'Azzaka.
— DiSM.) n'a que trois pouces quatre lignes de
longueur (0,090), depuis le bout du museau jus-
qu'à la naissance de la queue; celle-ci est entiè-
i-ement nue, longue de trois pouces huit lignes
(0,099). Son pelage est d'un gris de souris, avec
le tour de l'œil noir, les sourcils blanchâtres,
séparés par une tache triangulaire obscure. Ce
petit animal, stupide comme toutes les espèces
de son genre, vit dans les jardins et les brous-
sailles, au Paraguay.
2-^ Geniie. Les CHIRONECTES ( Chiio-
nectes, Illic.) ont dix incisives en haut, huit en
bas ; deux canines à chaque mâchoiie ; les mo-
laires en nombre indéterminé; leur museau est
pointu, leurs oreilles ariondies, luu's ; leurs jeux
sont tournés de coté ; tous les pieds ont cinq
doigts, les ])ostérieurs palmés, avec le pouce sans
ongle; leur marche est plantigrade; la femelle
a une |)oche abdominale qui manque aux mâles.
Le Yapock {CItirouectes ijapock, Dessi. Di-
dcIphis palmata, (iEOFF. Ultra viinima, Znui.
Lidia memiiia, Bonn. La Petite iMidre de la
Unifave, Blff.) a tout au plus un pied (0,525) de
longueur, du bout du nmseau à la naissance de la
•288
LES MAKSUPIAUX.
queue ; celle-ci a six ou sept pouces lO, 1 02 à 0, 1 89)
de longueur ; elle est prenante, nue, ridée, plate
en dessous ; le pouce postérieur est libre ; le
pelage est brun en dessus, avec trois bandes
transverses grises, claires, interrompues dans
leur milieu; le dessous du corps est blanc. Tout
ce qu'on sait de cet animal, qui habite la rivière
de Yapock, à la Guyane, c'est qu'il a des mœurs
aquatiques analogues à celles de notre rat d'eau,
qu'il nage et plonge fort bien, et qu'il se nourrit
de poissons et d'insectes.
Le Chikonecte de Lakgsdobff {Chironcries
Langsdorf/ii ) n'a pas plus de deux jjouces de
longueur (0,034 1 ; son pelage est très-doux, d'un
gris uniforme, marqué de deux bandes en tra-
vers des lombes ; sa queue est velue, non [wq-
iiante ; enfin le pouce des pieds de derrière est
pris dans une nienil^raue des doigts. 11 a été
trouvé par Langsdorff au boid des ruisseaux,
dans les forêts, près de Rio-Janeiro.
3-= Genre. Les DASYURES { Dasijnvus,
Geoff.) ont quarante-deux dents, savoir : huit
incisives supérieures et six inférieures, en ran-
gées régulières; quatre canines et douze mo-
laires à chaque mâchoire. Leur tcte est très-
pointue, conique, leur gueule très-fendue ; leurs
oreilles médiocres et velues; ils ont cinq doigts
à tous les pieds, mais le pouce des pieds de der-
rière est rudimentaire ; leur queue, non pre-
nante, est couverte de poils ; enfin, ils n'ont point
de poche abdominale. Ces animaux ne se trou
vent que dans la INouvelle-IIollande.
M A li S U P I A U X C A II N A S S 1 !■: Il S.
289
Le D.isjurc :i longue queue.
Le DASYURK A LOXGUli: QUEUlî ( Dnaiiunis iiiacroiirun, Gkoff. Viccnn iitaculala,
Shaw. Le Spolted-Marl'nn\cs Anglais. Le Dasiiiue laclitic (\e Pérox
Est long (l'nn pied cl demi (0,487), et sa queue est presque aussi longue que
son corps; son pelage est d'un beau marron, tacheté de blanc, ainsi que la
((uene.
Cet animal se trouve dans la Nouvelle-Hollande, aux environs du Port-Jack-
son. Il a un peu de la physionomie des gcnettes et des fossanes, et beaucouj) des
habitudes des martes. La structure de ses pieds ne lui permet pas de grimper
aux arbres comme les didelphes, mais la nuit, il sort des trous de rochers où il se
tient caché et où il dort pendant le jour, et il se met en quête des oiseaux, des
petits mammifères et des insectes dont il se nourrit. Comme les petils animaux
dont il pourrait faire sa proie sont très-rares en Australasie, et se bornent à
(|uelques ornifhorhynques, échidnés ou kangourous, il lui arrive fréquemment
de faire une mauvaise chasse. Alors il descend sur le rivage de la mer, attaque
avec voracité les cadavres de poissons et de phoques à demi putréfiés que les
(lots de la mer ont rejetés de leur sein. Quelipiefois aussi il se glisse en silence
dans les basses-cours des colons, et massacre toute la volaille, absolument comme
fait la fouine. Tous les dasvures sont Ircs-voraces et ont les mêmes babiludes
que celui-ci.
Le Da.syi iiKM,\rGÉ(na.s|/i(rfi.>; Maiigci, Geop.) clieliUTS l)laiu'lios, uniformes, égaleiiieiH répar
est plus pelil que le pn'eédciit. et n'a que qua- ties: la queue est un peu plus rousse que le dos
torze ponces de longueur (0,.ï'9). Son pelage On le Irouve dans le même pa^s, et il se fai
est olivâtre eu dessus, cendré en dessous, à mou- remarquer par son exircme pro|)rel<'.
•290 LKS MAHSIJPIAUX.
On doit à (iaiinartl les observations suivantes sur cet animal : « Nous eu avons
conservé un vivant, dit-il, à bord de l'i'ranie, pendant l'espace de cinq mois.
Cet élégant petit animal ne cberchait point à mordre, quelques tracasseries qu'on
lui fît. Fuyant la lumière un peu trop vive, il se plaisait beaucoup dans la niclie
étroite qu'on lui avait préparée. 11 n'était pas mécbant, mais on ne remarquait
point qu'il fût susceptible d'attacbement pour la personne qui le nourrissait et
le caressait. L'instant de ses repas était une scène toujours curieuse pour nous;
ne vivant que de viande crue ou cuite, il en saisissait les lambeaux avec vora-
cité, et lors(pril en tenait un dans sa gueule, il le faisait quelquefois sauter en
l'air et l'attrapait adroitement, apparemment pour lui donner une direction
plus convenable. 11 s'aidait aussi avec ses pattes de devant, et quand il avait
acbevé son repas, il s'asseyait sur le train de derrière et frottait longuement,
et avec prestesse, se» deux pattes l'une contre l'autre (absolument comme lors-
que nous nous frottons les mains \ les passant sans cesse sur l'extrémité de son
museau toujours très-lisse, très -bumecté et couleur de laque, quelquefois sur
les oreilles et le sommet de la tête, comme pour enlever les parcelles d'aliments
qui auraient pu s'y attacber. Ces soins, d'une excessive propreté, ne man-
quaient jamais d'avoir lieu après qu'il avait fini de manger. »
LeTapov-tafa {Dasijnnts liverrinus, Gecfi'.
heVasijiire vh-eriin des naturalistes. LeSpotted-
aposanni de Phii.ipp.) a un pied (0,525) de lon-
{Tueur ; son ])elage est noir, parsemé de taclies
l)lanches; le ventre est gris: les oreilles sont
plus courtes et plus ovales que chez les préce-
denls ; la queue est plus étranglée à la base et
plus touffue à la pointe. Je réunis à celle espèce,
comme simple variété d'âge, le dasyure taffa
( Dnsiiuriis tnffa, Gkoff. ['icfiTin;; opossinn,
de SiiAW.) qui n'en diffère que par sa taille un
peu plus petite, et son pelage uniformément
brun. Tous deux habitent les environs du Port-
Jackson.
4* Genre. Les URSIXS ( Lisinus j ont les
mêmes caractères génériques que les das\ures,
mais on leur trouve dix incisives en bas, au lieu
de six, ce qui porte le nombre total de leurs
dents à quarante-six ; en outre, leur queue est
un peu prenante, el nue en dessus.
L'Ubsin m Haiiris ( L'rsiniis Harrisii. — Da-
siivriis ursimis, Geoff.) est de la taille d'un
petit blaireau. Sou pelage est long, grossier,
noii-, irrégulièrement marqué d une ou deux
taches blanches éparses sur la gorjje, les épau-
les et la croupe. Son corps est long de dix-huit
pouces (0,488) et sa queue de huit (0,217). Cet
animal vit sur les bords de la nier, à la terre de
Van-Diemen, et parait se nourrir plus de (léche
que de chasse Ses mœurs sont absolument les
mêmes que celles des dasyures.
5' Gemie. Les VHAii€OGAl.ES {Pluiscognle,
TEini.) ont les mêmes caractères que les da-
syures, mais on leur tiouve quarante-six dents,
savoir: huit incisives en haut et six en bas;
quatre canines, et quatorze molaires à chaque
mâchoire, c'est-à-dire qu'ils ont une fausse mo-
laire de plus ; leurs incisives ne sont point égales,
les deux moyennes étant beaucoup i)his longues
que les latérales.
Le PuASCOGALE A Pi>ci,AU ( Phascognle petii-
lillata, Temm. hidelpliis pcnicillatiix, Suaw.
Dustjiinis peiiicillahts , Geoff. — Desm. ) est
long de huit pouces (0,217), non compris la
queue, qui est très-toulfue à sa pointe; son pe-
lage est court, laineux, Irès-touffu, d'un cendré
uniforme, blanchâtre inférieuremenl. Cette es-
pèce habite la Nouvelle-Hollande, où, selon
M. Lesson, elle vivrait sur les arbres. Ses habi-
tudes sont les mêmes que celles des dasyures.
Le PuAscoGALE iNAiN { PUascognle minima ,
Temm. Dasijiinis ininimus, Geoff. ) a tout au
plus quatre pouces de longueur (0,108), et sa
queue, couverte de poils ras, atteint le tiers de
cette dimension Son museau est conique ; sou
pouce de derrière est plus long que dans les
dasyures; son pelage est fort épais, cotonneux,
doux, d'un roux uniforme. Il habile le nord de
la terre de Van-Diemen.
6*= Genrf. Les THYLACINS ( 7')i|//aci)i«i,
Temm. ) ont quarante-six dents, savoir : huit in-
cisives supérieures et six inférieures : elles sont
rangées en demi-cercle, égales, et séparées, dans
le milieu et aux deux mâchoires, pai- un espace
vide : l'incisive extérieure, de chaque coté, est
la plus forte; quatre cauiues grandes, fortes,
larges, courbées et pointues ; quatorze molaires
à chaque mâchoire, dont les dernières hérissées
de Irois tubercules obtus. Ils ont cinq doigts aux
pieds de devant, el cinq à ceux de derrière
M A us U PI AUX CAUNASSIEUS.
291
LeTllYl,\Cl^ i)KHAnnis( rhijlacinus Ifarrisii,
Te.iim. Dasyurus rtinoccphalus, Geoff.— Desm.)
ost long de trois pieds dix pouces (1,246), et sa
queue, comprimée sur les côtés, a deu\ pieds
(0,6j0) de lououf ur. Il lésulte, de ses autres pro-
portions, (|n'il atteint à peu près la taille d'un
jeune loup; aussi est-ce le plus grand des car-
nassiers du Continent austral. Son pelage est
doux, court, tirant sur le brun jaunâtre obscur,
plus pâle en dessoiis et d'iui gris foncé sur le
dos ; il porte sur la croupe seize bandes trans-
versales d'uu uoir brillant. Cet animal stupide
habile des cavernes et des l'entes de rocliei' 1res-
profondes. Il chasse la niiil, et se nourrit d'oi-
seaux, de petits nulramifères, et probablement
de cadavres de |)oissons et autres animaux ma-
rins. Dans la colère, il pousse avec peine un cri
court et guttural. 11 se trouve sur les bords de
la mer de la terre de Van-Diemen.
"i" Ge:\he. Les PÉRAMÈlES ( Pernmeles,
Geoff. ) ont quarante-huit deuls, savoir : dix
incisives supérieures et six infrrienres; quatre
canines et quatorze molaires à chaipie mâchoire.
Leur tèle est pointue, allongée ; leurs oreilles
velues et médiocres ; les pouces des pieds pos-
térieurs rudimentaires ; les deux |)rcmiers doigts
petits et réunis par la peau juscpi'à la racine des
ongles; leur train de derrière est plus fort cjue
celui de devant, et les femelles ont uue poche
abdominale.
Le Bandicoi t nez-poi\tc ( Pcrnmdes nasula,
Geoff. ) a de longueur un pied quatre pouces
(0,435); la queue a environ six ponces i0,f62).
Sa tète est très-longue, son museau effilé; sou
nez prolongé au delà delà mâchoire; ses oreilles
sont courtes et oblongues ; ses veux très-petits;
sou pelage est d'un gris brun en dessus, blanc
en dessous. Il habite la Nouvelle-Hollande. Les
péramèlcs habitent, dit-on, des terriers dans les
dunes. Ils courent en sautillant sur leurs pieds
de derrière, qui sont fort longs, à la manière des
kangourous.
Le Ramhcoit de Rougai^vm.ee ( Pcnimehs
liouga'nu-illii, Quovet Gaiji.) a éti' legardépar
Temminck, connue un jeune de l'espèce précc-
denle ; mais il s'en dislingue spéciliqui-ment par
ses oreilles proportionnellement beaucoup plus
longues, par ses formes plus élancées, par sa
taille beaucoup plus petite, et par le peu de lon-
gueur de ses canines qui ne dépassent pas les
molaires. Son corps est roux en dessus et cendré
eu dessous ; la tète est allongée et aiguë ; les
oreilles oblongues, longues d'un pouce ; sa lon-
gueur totale est de huit pouces et demi (((,'-'51}.
Il habile le littoral de la iSouvelle-Hollande.
Le GuA>D Ba\uk:oi;t ( Peiamelcs Lmvsonii,
Qlov et Gaim. ) se distingue des précédents par
sa grandeur ; il n'a pas moins de deux pieds
(O.dSO) de longueur. Sou pelage est d'un roux
brun en dessus, et presiiue fauve en dessous. Il
habile les nionlagues Bleues de la I\ou\elle-
Galle.
8= Gemie. Les ISOODONS ( Isnodov, Geoff.)
ont à peu p.rès les mêmes caractères que les pé-
ramèlcs, mais ils ont huit incisives à la mâchoire
inférieure; ils ont aussi la tête plus courte et le
chanfrein arqué.
L'IsooDox (UîÉscLE {Isoodon obcsida, Fh.
Ctv. I^ermncles obrsiilii, Geoff. f)'i(lcl))his obe-
suln, SiiAW. ) est de la taille d'un rat ; ses oreilles
sont assez lai'ges, arrondies; son pelage est d'un
jaune roussâtre eu dessus, blanc eu dessous. Il
habile la Nouvelle-Hollande, et ses mœurs sont
tout à lait inconnues.
L'isoono^' DU iMisKiM ( /soof/oii Miisei) ne
m'est counu que par nu individu incomplet qui
existe au Cabinet d'histoire naturelle. Ainsi que
l'a fait M. Geoffroy, ce n'est qu'avec doute que
je le place ici. Sa taille est double de celle du
|)réCL'deut, et approche de celle d'un putois; sou
pelage est d'uu brun plus foucé. Il est probable
qu'il a été apporlé de la Nouvelle-Hollande.
Quand ou connaîtra mieux cet animal, il faudra
probablement lui créer un^)ouveau geuie.
292
LES MARSUPIAUX.
,-«^
7% -^^'^'"^
LES MARSUPIAUX FUIGIVOUES.
Ils ont bi\ incisives à la nukhoii'L' supérieure,
el souveuL à toutes deux ; la mâchoire iuférieuie
manque de cauines.
1I<= Ge.mie. Les KOALAS (Phoacotarclos,
BL.vnv.) ont trente dénis, savoir : six incisives
supérieiues dont les deux intermédiaires beau-
coup plus longues, et deux infeiieures; quatre
canines en tiaut, peut-être deux seulement, mais
point en Iws ; liiiit molaires à la m;ic!:oire su-
péiieure et dix à l'inlërieure. lis ont aux pieds
de devant cinq doigts séparés en deux faisceaux
opposaltle^, le faisceau intérieur de deux; les
pieds postérieurs sont munis de cinq doigts,
dont le pouce très-gros, oppost'.hle, sans ongle,
les deux suivants plus petits et réunis jusqu'à
l'ongle. La queue est extrcmement courte.
Le KOALA OU COLAK [ Pliasco'.arctos fiiscns, Bv.syi. Pliascoluictos Fliiulcrsii,
Less. Lipnrus cincvcns^ Goluf. Le Wuinral, Flixders)
Habite le voisinage de la rivière de Wapaum, dans la Nouvelle-Hollande. H
a la taille d'un chien médiocre, le corps trapu, la tête courte, les oreilles mé-
diocres, les jambes robustes, à peu prés de même longueur, ce qui lui donne
le port et la démarche d'un petit ours. Son poil est long, toulfu, grossier, brun
de chocolat clair ; le dessous du corps est blanc.
Cet animal, assez peu connu, passe une partie de sa vie sur les arbres, sans
doute pour chasser aux insectes, car il me paraît douteux qu'il se nourrisse seu-
lement de fruits dans une contrée oii, comme nous l'avons dit, ils sont extrême-
ment rares; il est possible cependant qu'il vive de feuilles, ainsi que les poto-
rous, kangourous, etc. Le reste du temps il le passe à dormir dans un terrier
(ju'il se creuse dans les forêts. La femelle ne fait qit'un petit, qu'elle aime avec
beaucoup de tendresse. Après l'avoir élevé juseprà uno certaine grosseur dans
ENTRÉE DE LA VALLEE SUISSE,
( Jardin des Fiantes. )
MAUSL'PIALX FIlUGIVOllLS. 293
sa poche alKloiiiiiiale, eWv coiiliime encore longtemits à le porter sur son dos et
a en prendre le plus grand soin. Je ne sais si l'on doit regarder comme identi-
que avec cette espèce le koala de G. Cuvier. Si ce grand naturaliste ne s'est pas
trompé, son koala différerait de celui-ci par le mancpie de pouce aux pieds de
derrière, par sa couleui-, non pas brune, mais cendrée, et enfin par ses oreilles
plus pointues.
9e Gemik. Les PIIALAXGEHS (Phulnugislci,
(iEOiF. I ont Irciilo-liuit dents, savoir ; six in-
cishes supérieures et deux inféiicures; poiut de
canines; seize molaires supérieures et quatorze
inférieures. Leur télé est assez courte ; leurs
oreilles sout longues et droites ; leur queue, pre-
n:uile, est couverte de poils.
Le YouA-TAPOUA-uou ( l'halaughta viilp'ina,
Tkmm. Di(f(/yi/ii5 iulpina et lemnihui, Suaw. Le
Bruno, de Vico. d'Az. Le ]'ttlj)uui opossum, de
WiiiTK. Le Phaluugcr renard de G. Clvieu et
des naturalislcs) a vingt-six pouces iO,704) de
longueur, depuis le bout du museau jusqu'à la
naissance de la queue; celle-ci est longue de
quinze pouces (0,40ii). Sa forme générale est à
peu près celle d'un raton ; ses oreilles sont droi-
tes, pointues, triangulaires, uues seulement en
dedans ; sou pelage est d'un fauve roussàlre, ou
brunâtre, ou d'un fauve argenté, suivant l'inci-
dence de la lumière ; une soite de collier d'uu
fauve vif lui entoure le cou ; la dernière moitié
de la queue, ainsi que le tour des yeux et les
lèvres sont noirs ; le dessous est d'un roux jau-
nâtre.
Cet animal habite les environs du Poi t-Jack-
son, autour des colonies anglaises, et cependant
on ne sait presque rien de ses ma-urs. Quoique
classé parmi les frugivores, il est certain qu'il
ne peut se uourrir de fruits, car la Nouvelle-
Hollande n'en produit point de mangeables,
même pour les oisiaux, si ce n'est une petite
baie assez rare (celle du Leplomeria Billardicri .
Il est donc obligé, ainsi que le dit le chirurgien
llollin, de se nourrir de gibier, et particulière-
ment d'oiseaux, qu'il poursuit ou surprend sur
les arbies, où Cook a cru qu'il montait pour
chercher des fruits. 11 paraît qu'en captivité il
mange à peu près de lout, qu'il s'assied sur son
derrière et porte les aliments à sa bouche avec
les deux pattes de devant. 11 h;ibite un teriier
qu'il se creuse dans le sable.
Le PiiALA>CEit \)E CooK ( l'hulauçslu Coohii,
Ctv. — Desm. L'Opossum de la terre de. \'an-
Diemeii, Cook.1 est de la taille d'une fouine ; son
pelage est doux, court et brun, ou d'un gris
roussàtre en dessus, blanc en dessous; la queue,
de la couleur du dos, est terminée en blanc. La
longueur de l'animal est de quinze à seize pou-
ces (0,406 à 0,433», non compris la queue qui
en a douze ou treize ((1,525 ou 0,552). Il habite
la terre de Van-Diemen.
LePuALA^f■En NAIN v/'ïiti/ançf isltt «oiifl, Geoff.
— Desm.) est de la grandeur d'une souris; il a,
du bout dunmseau à l'origine de la queue, deux
pouces et demi (0,068;, et sa queue est de la
n)éme longueur. Son pelage est gris en dessus,
blanc en dessous ; la queue est grise. Tout ce
que l'on sait de son histoire est qu'il se trouve
dans niot ^laria, de la terre de Van-Diemeu, et
que les naturels du pays le mangent.
lO-^ Gemie. Les COl'SCOUS ou COUSSOUS
( Cuscus, Lacép. ) ont quarante dénis, savoir :
six incisives à chaque mâchoire; point de cani-
nes ; douze molaires supérieures, et seize infé-
l'ieures. Leur queueest prenante, mais en grande
partie nue et couverte de rugosités ; leurs oreil-
les sont très-courtes, quelquefois peu apparentes.
Du reste, ils ressemblent aux phalangers.
Les uns ont les oreilles peu apparentes, et ve-
lues en dedans et en dehors ; tels sont :
Le SciiAM-SciiAM (Cuseus amboincnsis, Lacép.
l'halaugisia maeulata, Geoff. —Desm. Didcl-
Itliisorienlalis, Ln. Cus.tis maculattts, Lesso^i.
Le Phalanger mâle, Buff. Le Couseous (acheté
des naturalistes. Le Coès-Coès des habitants des
Moluques ). Cet animal est d'une forme allongée,
et de la taille d'uu gros chat; sa tète est arron-
die, à chanfrein légèrement concave, à museau
court et conique ; ses pau])ières sont renflées et
rougeàlres; la queue est nue dans plus de la
moitié de sa longueur, chargée de verrues d'un
rouge assez vif. Son pelage, très-épais et laineux,
varie en raison du sexe et de l'âge ; il est géné-
ralement blanchâtre, couvert de pla(|ues brunes
isolées, distinctes on confondues. Il Inbite quel-
ques Iles de l'Inde.
Le scham-scham est un animal nocturne, lent, paresseux et stupide, ainsi
que ses congénères, auxquels s'applique également tout ce que nous allons
en dire. Ses grands yeux très-saillants, à lleur de tète, à pupille longitudinale,
sont l'expression de son imbécillité. Ses mouvements annoiicent plus de paresse
que dedifficullé d'agir, et la colère même ne peut (pi'à peine l'animer. Dans ce
291 LES MARSUPIAUX.
cas, cependant, il grogne en soiifllant à la manière des chats, et il clierdie à
mordre, mais non à combattre. En captivité il montre un caractère triste, mais
fort doux; il se cache dans le coin le plus obscur de l'appartement pendant le
jour, parce que l'éclat de la lumière lui blesse les yeux. La nuit il en sort pour
manger le pain, et même la viande dont on le nourrit. Il boit en lapant; il se
frotte sans cesse la face et les mains pour se nettoyer, et il aime à enrouler sa
queue, et à se tenir assis sur son derrière. Lorsque l'on voyage dans les im-
menses forêts de la Nouvelle-Guinée ou des Moluques, l'odorat est quelquefois
frappé d'une odeur forte, excessivement désagréable, annonçant d'assez loin la
présence d'un de ces animaux caché dans le feuillage; elle résulte d'un appareil
glanduleux que les couscous ont autour de l'anus. Malgré cette détestable odeur,
les naturels du pays mangent leur chair avec le plus grand plaisir, et leur font
une chasse incessante. « Les Nègres du port Praslin, à la Nouvelle-Irlande,
disent les naturalistes voyageurs de la Coquille, aiment singulièrement la chair
grasse des couscous ; ils la font rôtir sur des charbons avec les poils, et ne re-
jettent que les intestins. Avec les dents ils forment des ceintures et autres orne-
ments, et leur abondance est telle, que nous avons vu beaucoup d'habitants
avoir des cordons de plusieurs brasses de longueur qui attestent la destruction
que l'on fait de ces mammifères. » Il semblerait singulier, au premier coup
d'oeil, que des Nègres sans armes pussent si aisément s'emparer de ces animaux
grimpeurs; mais, si l'on s'en rapporte à ce qu'ont dit et cru G. Cuvier etBuflbn,
la chose devient facile à expliquer. Selon ces auteurs, les couscous, qui vivent
presque continuellement sur les arbres pour y chercher les insectes et les fruits
dont ils se nourrissent, sont tellement surpris quand ils viennent à apercevoir un
homme, qu'ils se suspendent par la queue à une branche, et, au lieu de fuir,
restent là, immobiles, a le regarder. Dans ce cas il ne s'agit plus, pour le chas-
seur, que de s'arrêter et de les regarder aussi : soit lassitude, soit par une sorte
de fascination résultant de la peur, ils finissent par lâcher la queue; ils tombent
et deviennent la proie du chasseur. 3Ialgré les deux grandes autorités que je
viens de citer, je crois que ce fait a besoin d'être confirmé. Le scham-scham vit
dans les forêts équatoriales des grandes îles Moluques et Papoues.
Le Couscous uasfN ( Cusnis ursinus , Less. briin. avec une ligne dorsale plus foncée: le
l'halavgista ursina, Tiijni.) est de la taille d'un dessus de la tèle est Jaunàire, le dessous d'iui
chat sauvage; il a de longueur totale trois blaucsale; les extrémités des membres sont d'un
pieds six pouces (1,1 10), compris la (|ueue, qui a brun noir assez (once. Il habite le même pays
vingt pouces (0,552). Son pelage est frisé, crépu, que le scham-scham.
rude, dun noir parfait dans l'âge adulte, plus Le Cotscous a ckoui'io\ doué (Phalangisla
clair dans le jeune âge ; les poils soyeux sont clinisorrhos, Temm. ) est de la taille d'un chat
entièrement noirs ; le dessous du corps est rous- sauvage, et atteint à peu près trois pieds (0,97o),
sàtre; les parties nues de la queue et du mu- compris la queue, qui a treize pouces (0,3j2) ;
seau sont noin'ities. Il habite la partie septen- ses oreilles sont très-courtes, couvertes d'une
Irionale des Célcbes, où les habitants estiment touffe de poils blanchâtres ; son pelage est co-
beaucoup sa chair. tonnenx, séné, un peu frisé, garni de poils
LeDoouRAMBAVE {Cuscus Qitoyii,LESS. Plia- soyeux, d'un cendré gris clair sur la tète, d'un
langista pupiiensis, Desm. Phaltniçiista Quoij. gris de cendre un peu brunâtre sur les (lancs.
(lAiM.) ni; serait, selon :m. Tenuniiick, que le d'un jaune doré vif sur le croupion et la partie
jcmie âge du sciruii-scham, et je suis porté à su|)érieure de la queue; la poilriue, la nioilie
parlager cette o|)iMiou. Il a le pelage d'un gris du ventre, et le dedans des membres, sont
M A us y PI AUX FRUGIVORES.
295
liliiiics; il ;i iiiio hamic noire sur les lianes, les
piilles d'un roux doré, et la partie nue de la
queue, jaune. 11 habite les Moluques.
Le Coi.scous A f.iiossE queue (Cuscus mnrroii-
riis, Less. et Garn. ) a douze pouces huit lignes
(0,5 !2) de longueur, non compris la queue, qui
est très grosse à sa base et qui est longue de
dix-sept pouces (0,160>, il a le pelage gris, d'où
sortent des poils noirs plus longs, et parsemé
de taches éparses, brunes ; la tète est fauve ; la
gorge et les oreilles sont blanches ; la queue est
robuste, cendrée; le ventre est blanchâtre, les
extrémités brunâtres. 11 habite lile de \^ aigiou,
aux Moluqnes.
L'es|)èce qui suit a les oreilles distinctes, nues
à l'intérieur.
Le KKPOvîif. (Cnsciis albus, Less. Didcljliis
orientalis, Li^. Phnlangisla rnfa, Desh PIki-
lavgisla cniifrons. Temm. PliaUniqista alba et
riifn, Geoff. Le Phalavgcr femelle, Ruff.) est
long de vingt pouces six lignes (0,5oG), et sa
queue en a treize (0,552 ; son pelage, épais et
cotonneux, est blancluilre dans le mâle, d'un
roux assez vif dans la femelle, avec une ligne
très-foncée sur le dos, et une plaque jaunâtre
sur les cotés du cou ; la partie nue de sa queue
est d'un rouge carmin. Cet animal est Ircs-com-
mun au port Praslin, dans la ]Nouville-Irlaude;
les naturels estiment beaucoup sa chair.
12" Gemie. Les POTOROUS ( llijpsiprgm-
nits, Illig.) ont trente dents, savoir : six inci-
sives supériciues et deux inférieures ; deux ca-
nines en haut et point en bas: di\ molaires à
chaque màihoire. Les jambes de derrière sont
beaucoup plus longues que celles de devant ;
elles manquent de pouce et ont lesdeux premiers
doigts réunis jusqu'à l'ongle; le troisième doigt
est armé d'un ongle très-fort; les pieds ant('-
rieurs ont cinq doigts numis d'ongles obtus pro-
pres à fouir la terre; leur queue, médiocrement
longue, est écailleuse et couverte de quelques
poils ; leurs oreilles sont grandes, leur tète al-
longée et leur lèvre supérieure fendue.
Le PoTOnou (lliii)si])rtjmnns nhilir, Qiov et
Gaim. Poloroiis miiiimiis ci haiiqurits Gaimar-
dii, Desm. Manopus mhior, Siiaw. Le Potoroo,
White. Le hang}iroo-liat, G. Cuv.) a un pied
six ligues (0,5'9) de luugueiir, non comjjris la
queue, qui a un [lied (",.125); il est delà gros-
seur d'un (lelit lapin. Sa tcte est triangulaire,
large et un peu aplatie |)ar derrière, pointue en
avant; ses oreilles sont larges; ses tarses très-
longs ; sa queue est grcle, flexible, terminée par
iM) pinceau brim; son |iel;igcest d'nu gris rou-
geàtre en dessus, blanchâtre en dessous.
Cet animal, d'un caractère fort doux, quoi-
(jue moins timide (jue celui des kangoui'ous, ne
vit que de feuilles et d'herbe, qu'il paît avec
ses longues incisives coupantes, et de fruits,
<iuand il en rencontre. 11 paraîtrait même, selon
Quoy et Gainiard, (|u'il s'accommode fort bien
de substances alimentaires propres à l'homme,
(juand il en trouve l'occasion. Ln de ces ani-
maux, disent ces voyageurs, vint enlever fami-
lièrement des restes d'aliments au milieu d'une
cabane bâtie pour les abriter, pendant une ex-
cursion dans les montagnes Bleues, et il s'enfuit
par un trou, à la manière des rats. Il habite les
broussailles, et fuit avec beaucoup de ra|)idité,
en faisant des bonds ]irodigieux avec ses jand)es
de derrière, quand on le poursuit. Il est d'une
telle agilité, que M. Lesson dit en avoir vu au
milieu des rocailles de la W'erra-Gambia. cou-
rir sur les i)etits buissons qui couvrent celle
jiartie de la Nouvelle-Hollande. C'est à peu près
tout ce qu'on sait de son histoire.
Le PoTOHOu OE Lesieur ( Hiipsipnjmnus
Lesuew, Quoï et Gaim.1 n'est connu que par
le squelette d'une tète trouvée dans l'Me Dirck-
liatichs. 11 serait à peu près de la grandeur du
précédent, mais ses oreilles seraient beaucoup
plus larges, ses joues jdus saillantes, son nmseau
moins long, et sa tête généralement ])lus arron-
die.
Le PoTOROi; uePéhon {llijpsipriimims Peron,
Qiovet Gaim.) n'est également connu que par
un squelette apporté de la Nouvelle-Hollande.
11 serait de la mtine grandeur i\ue les pi-écé-
ilents, mais ses oreilles seraient beaucoup plus
étroites, ses yeux plus saillants à cause de l'abais-
sement de ses joues ; son nez plus saillant, sa tète
en général plus mince, plus pointue, en cône
|)lus allongé ; ses incisives supérieures mitoyen-
nes, et ses canines sont plus longues.
■29(\
I.KS MARSUPIAUX.
Le Kani;niirnii eiiriinii
MARSUPIAUX FOLllVOUES
^^ïls niiiiifjucnt (le canines :
n.ncl.oires.)
H« Genue. Los KAXdOUROUS { Kaiigunt:-,
Gi:OFF. Ma(ro))us, SiiAW.)ont vingt-quatre dents,
savoir : six incisives supérieures et deux iiifc'-
rieures; pas de canines; huit molaires en haut
et liuit en bas. Leurs jambes de derrière sont
encore plus longues et plus robustes que celles
des potorous, et le gros ongle du pied est |)res-
que en forme de sabot ; leurs oreilles sont très-
grandes; leur tète est allongée, avec la lèvre
supt'i'ieure fendue, et des moustaches très-cour-
tes et très-peu fournies; leur qm ne est longue,
triangidaire, très-ninscnleuse it très-grosse à
son origine; les femelles oïd une poche abdo-
minale cachant deux mamelles.
Le KANGOUROU ENFUMÉ [Kaiuiunis fiiriijiitosus, Geotv. Mncro}i;is furigi)w-
sus. Less. )
Atteint, dit-on, jus(iu'à six pieds (1,9 {9) de liniiteiM", mais sa taille ordinaire
est de (juatre pieds et demi (1,461); il est d'un hriin fuligineux en dessus, roux
sur les lianes, et d'un gris clair en dessous; les quatre pattes, une portion de
l'exlrémité du museau, et le derrière du coude, sont d'un brun noirâtre; les
oreilles sont brunes en dehors ; la queue est rousse en dessous, d'un brun pas-
sant au noir en se rapprochant de l'extrémité en dessus.
C'est dans les pays boisés, dans les vastes forêts de la Nouvelle-Hollande, que
vivent toutes les espèces de kangouroiiR, mais ils s'acclimatent fort bien chez
ANCIENNE CABANE DES KANGUROO;
P « È s DE hk <; K * N D H VOLIÈRE.
.1 a f ,1 , n •It' H I » n l , ». )
MAllSUl'lAUX FOLlIVOUliS. 297
nous, ol nièiiiL' ils s'y miilliplient, |)oiir pciHiiron cii [ircime (|ii('l(nies soins. Ces
singuliers animaux ont été observés, i)onr la i)rcmiére fois, par Cook, en 1779.
Leurs pattes antérieures, fort petites, et munies de cin([ doigts armés d'ongles
assez forts, ne paraissent guère leur être utiles pour la marche, mais ils s'en
servent comme de mains pour porter leurs aliments à la bouche, à la manière
des rongeurs. Leurs pattes de derrière sont allongées hors de toute proportion,
munies de quatre doigts fort longs, dont le second externe, dépassant beaucouj)
les autres dans ses dimensions, a pour ongle un véritable sabot. Il résulte de
cette conformation, que la station verticale est leur position habituelle, et qu'ils
s'appuient non-seulement sur leurs longues jambes, mais encore sur leur grosse
et puissante queue, qui leur sert comme de ressort quand ils sautent ; le bond
est donc leur marche naturelle. Le sabot de leurs pieds de derrière est pour
eux une arme défensive et olfensive, car, en se tenant sur une jambe et sur la
queue, ils peuvent, avec le pied qui leur reste libre, donner des coups assez vio-
lents; dans les combats qu'ils se livrent entre eux ils se servent aussi des pieds
de devant et se font de profondes blessures avec leurs ongles. On a vu quelque-
fois les kangourous qui vivaient à la ménagerie attaquer leurs gardiens de cette
manière, quand ils en étaient maltraités. Ils font des bonds prodigieux, et peu-
vent, dit-on, franchir d'un seul saut un espace de trente pieds (9,74o) ; mais
cependant, lorsipi'ils sont chassés dans des bois fourrés, ils savent fort bien
courir à quatre pattes. Quoy et Gaimard, qui ont assisté à plusieurs chasses
aux kangourous, disent « que lorsqu'ils sont vivement poussés i)ar les chiens,
ils courent toujours sur leurs quatre pieds, et qu'ils n'exécutent de grands sauls
(]ue quand ils rencontrent des obstacles à franchir. »
Les kangourous vivent en petite troupe, ou peut-être en famille, conduite
par un vieux \mx\e qui marche en avant, observe la campagne, cherche à décou-
vrir le danger, et donne le signal du repos, des joyeux ébals ou de la fuite,
selon les circonstances. Les petits, en naissant, n'ont pas plus d'un pouce (0,027)
de longueur; la mère les place dans sa poche, où ils achèvent de se développer,
et ils n'en sortent définitivement que lorsque leur grosseur ne leur permet plus
d'y rentrer. Aussi ils s'y retirent encore lorsque d(?jà ils sont en état de paî-
Ire, ce qu'ils fout en sortant le museau de la poche, pendant que la mère paît
elle-même. Ces animaux vivent d'herbe, mais cependant ils ne dédaignent pas
les autres aliments, et l'on en a vu manger avec plaisir non-seulement de la chair,
mais du vieux cuir. Quoy et Gaimard eu ont possédé un qui buvait même du
vin et de l'eau-de-vie. Il est très-remarquable que tous les animaux de la Nou-
velle-Hollande, habitant un pays fort pauvre en substances alimentaires, sont à
peu près omnivores, malgré les formes qu'affecte leur système dentaire.
Toutes les espèces de ce genre sont extrêmement douces et timides, et les
plus grandes ne pensent à se défendre contre les chiens mis à leur poursuite
que lorsque la fuite leur est tout à fait interdite. Dans ce cas, l'animal tâche de
s'élancer sur une pierre ou une roche de trois ou quatre pieds de hauteur, et
là, assis sur sa cpieue et sur une de ses pattes, il tâche d'écarter ses ennemis à
coups de i)ied, et sait très-l)ien profiter de sa position. Mais cet éclair de cou-
rage ne lui sert i)as à grand'chose, et deux ou trois chiens viennent aisément à
boni de le terrasser. En domesticité il s'apprivoise fort bien, et il devient même
.'S
298
LES MAUSUrMAUX.
familier. La chair des kangourous est assez bonne à manger, el a, ilil-on, le
«'OUI do celle du cerf; aussi les habitants leur font-ils une guerre active. L'es-
pèce dont nous parlons ici est le plus grand animal que l'on ait trouvé dans la
Nouvelle-Hollande.
Le Kangoluou a moustaches ( Katigunts la-
biatitt!, Geoff. Marrupus labialits , Less. Di-
clelpUus giyaiitea, G>il. Macropus major, Sha\».
Le Kangiiroo, Cook) est la promicrc espèce
connue ; quoiqu'un peu moins grand cpie le pré-
cédent, sa taille égale celle d'un mouton. 11 est
gris cendré en dessus et blanchâtre en dessous ;
le menton est traversé jiar une ligne d'un gris
cendré ; le museau est blanc ; les pieds et le des-
sus de la queue sont noirâtres. Cette espèce est
très-douce, très timide, et se familiarise aisé-
ment, mais sa chair est coriace. Il est commun
dans la Nouvelle-Galle du Sud.
Le KA^GOl•nol] a coi; rolx (Kanqunts riifi-
follis, Geoff. -Desm. .1far;o/j!(.< rnlicollis, Less.)
est beaucoup plus petit que le précédent ; son
pelage est d'un gris roussàtre en dessus et sur
les flancs ; la nuque et le haut des <'paules sont
d'un roux mêlé de gris : la face interne des mem-
bres est blauche, ainsi qu'une ligne médiane
étroite sous le corps; le dessus de la queue est
d'un gris roussàtre, et le dessous blanchâtre.
11 habile l'ile de King, dans le détroit de Bass.
Le Kangoiiioc mkeix { Kmigitnis rinosus,
Fit. Ctv.) a beaucoup d'analogie avec le précé-
dent, dont il n'est peut-être qu'une variété ; mais
son jielage est plus gris, et la tache blanche qui
entoure la bouche est plus prononcée. 11 habite
le même pays.
Le Ka\goi;uou guis-roux (Kangnrn^ rnfn-
giisevs, Geoff. — Desm.) est un peu plus petit
que le kangourou à moustaches, et n'a <iue trois
pieds et demi (1,137) de longueur; son pelage
est d'un gris roux tirant sur le blond, plus foncé
sur le dos, plus pâle en dessous et passant au
blanc sur la ligne médiane ; d'un gris brunâtre
sur les quatre jambes, et au bout de la queue.
Les oreilles sont plus arrondies que ilaus les
deux premières espèces. De la INouvelle-IIollande.
Le Kangoi;rol' de Banks ( Kaugurus bnnl;-
siouf/.»;, (iAiM. Mnciopiis banksinniis, Less.) est
une espèce fort douteuse, cjui serait d'un rouge
foncé, avec des taches brunes sur la tête. Sa
taille serait plus petite que celle du kan^oui-ou
à moustaches, et il habiterait les montagnes
Bleues de la ÎNouvelle-IIollande.
Le Kangol'roc lainei;x {Kaitgnrus lauiger.
Quov et Gaim. Kangnnts rufiis, Dessi. Macro-
pus lauiger, Less.» est presque de la même taille
que le kangom'ou enfumé, et n'a pas moins de
(juatre pieds (1,299) de longueur; son pelage
est très long, doux, soyeux, frisé et laineux,
d'uu rouge lerrugiueux en dessus ; blanchâtre
sur la poitrine et le ventre ; les oreilles sont
ovales, grisa Ires en dehors; les doigts d'uu brun
roussàtre. Ses membres postérieurs sont encore
plus allongés que ceux des autres espèces. Il
habite les environs du port ^lacquai'ie.
Le Kangourou de l'île Eugène ( lùtvgiinis
hUtgcuii,DEsy}.Mnrroj)us Engciui, Less.) a dix-
neuf pouces de longueur lO,5M) ; son pelage est
épais, moelleux, d'un gris brun en dessus, mêlé
d'un peu de roux sur les parties antérieures et
sur les pattes de devant, et blanchâtre en des-
sous; la queue, en dessous, est d'un blanc rous-
sàtre. Il vit en troujjcs nombreuses sur l'Ile Eu-
gène, à la côte Sud de la Nouvelle- Hollande, et
paraît ne pas se trouver sur ce continent.
L'OUALARAT ou KA^GOLROU DE RI ISSON (lûtll-
gitnis uulabatiis, Less. et Gabn. Macropus ualn-
batus, Less. Kar,gu>us bicalor, vrlins du ^lu-
séum ; haiigunis Bruuii, Desm. ) est brun en
dessus, fauve pâle en dessous ; sa queue est tiès-
longue, très-noire en dessus ainsi que la bouche ;
les pattes et les joues sont grises, et les poils de
la base des oreilles sont d'un jaune rougeàlre.
Il est commun dans la Nouvelle-Galle du Sud.
Le Kangourou de LARiLLARniiiRE (Kaugtirus
Billardierii, Desm. Macroi)us Hillard\crii,'Lf.ss.)
est à peu près de la taille d'un lièvre ; ses oreilles
sont courtes et ovales-arrondics ; sa lèvre supé-
rieure est rousse; ses mainssont d'un brun roux,
et ses ongles très-com|)rimés au lieu d'être dé-
primés ; sa queue est de la longueur de son
corps ; sou pelage est d'un gris bnm en dessus,
roussàtre en dessous. Il habile la terre de Die-
nien.
Le PoDiN ou Pelandoc d'Aroé {havgurus
rctcrum, Less. et Gakn. Macropus rderum,
Less. Le Filander, Valentin et Lerruvn. Le
Lapin d'Aroe) est de la taille du précédent. Il
est beaucoup jjIus ramas é dans ses formes que
les précédents; sa queue est moins longue ; ses
membres antérieurs i)lus forts ; son pelage est
entièrement brun. Il habite exclusivement la
Nouvelle-Guinée et les îles équatoriales.
LeKANCOURou fii.wdre haxgiirusphdaudcr,
Geoff. Didclphis asialica, Pvll.) a presque
toujours été confondu avec l'oualabiit, quoiqu'il
ne soit pas de la Nouvelle-Hollande, ou avec le
podin, (pioiqn'il ne lui ressemble pas. Il a envi-
ron deux pieds et demi (0,812) de longueur; il
est brun en dessus, mais le dessous du corps et
la i)artie interne des membres sont roux ; le
nmseau et les doigts sont noirâtres ; la queue est
noire, avec un peu de blanc à l'extrémité ; les
MAUSLIPIAUX FOLIIVOUES.
2i)y
oreilles soiil bruiuUres, avec du roux à leur I>;ise.
Il habite les iles de la Sonde.
lôMiEMiK. Les PÉTAURISTES {Petaiinis,
Shaw.) oui Irente-huit deuls, savoir : si\ inci-
sives supérieures e! deu\ inléiieures; pas de ca-
iiiues; seize molaires en liant cl (jualorze eu bas ;
ils ont la peau des flancs plus ou moins étendue
entre les jambes, et couverte de |)oils, de manière
à leur sei'vir, non |)as d'ailes, mais de |)aracliute ;
leur tète est assez courte ; leurs oreilles soûl pe-
lites, et leur queue est non j)renante. Tous sont
de la Nouvelle-Hollande.
L'Hkpouna-Rou {Pduiirus laguanoïdca, Dksw.
— SuAVV. Pclauvista lagnnnoïdes, Hesm. Didel-
])his i)ctaiinis, Siuw. Le Grand l'haUmgcr vo-
lant, (i. Cuv.) est ù peu prés de la lailie d'mi ga-
léo|)ithc(iue ; il a communément di\-liuit i)Ou-
ees de longueur (0,487), non compjis la (jneue,
(jui en a près de vingt (0,5 50) ; sa léte est petite,
son museau très-aigu ; sa queue est aii'ondie,
(rès-touflue. brune, un peu lauve à la base. Sou
pelage varie ; il peut être : t " d'un brun cboco-
lat foncé en dessus, et d'un blanc sale en des-
sous ; 2 " mélangé de fauve clair et de brun, avec
une raie plus foncée sur le dos : les lianes d'un
giis cendré avec deux taches oblougues fauves :
le dessous blaucbàtre; .ï" entièrement d'un blanc
jaunâtre sur le dos, et d'un blanc pur eu des-
sous. Les membranes qui sont euli e ses mem-
bres l'aident à sauter en le soutenant dans l'air.
Cello espèce estcumiimne dans les environs île Sydney et dans les monlagnes
lieues, oi'i elle haltile les grandes lorèls, et se plaît particulièrement à pour-
suivre les insectes, peut-être même les petits oiseaux, sur les plus liaules hian-
clies des eucalyptus; probaldement ils mangent aussi des feuilles. Grâce à l'ex-
lension de la peau de leurs lianes, ils peuvent sauler à une dislance [irodigieuse
dun arlire à un autre, en étendant les (piatre membres et glissant obli(|uement
dans l'air au moyen de leur parachute. Tout ce (pi'on sait de leur histoire,
c'est (pie les habitants du i>ays leur font une guerre a outrance, non-seulement
pour s'emparer de leur chair, qu'ils trouvent délicieuse, mais encore pour faire
avec leur fourrure de fort jolis petits manteaux <pie leurs femmes portent sur
leurs épaules. Enelfet, le pelage de ces animaux est très-épais, très-long, d'une
douceur et d'une finesse extrême, qui sans aucun doute lui doinierait nue grande
valeur si jamais on le mettait dans le commerce de la pelleterie.
Le PÉTAUIUSIE A GHANDE Ql EUE { PdaiiniS
marrourus, Desji. Peiaurisla macroiira, Desm.
l)idcli)Uis macronia, Siiaw. Le Phalangcr vo-
lant à longue qncur, G. Cuv.) est de la taille du
surmulot. 11 est d'un brun foncé eu dessus, blan-
châtre en dessous; sa queue est grêle, une fois
et demie! longue comme son cor|)s ; les pattes de
devant sont blanches à leur extrémité. 11 habite
la Nouvelle-IIollaude. Probablement ou devra
réunir à cette espèce, connue simple variété.
Le Petauhiste a ventue jauive ( i'etaiirii.s fa-
viventet-, Desm. l'ciaiirista flaviiejiter, Geoff.j.
11 ditfère du piécédenl par son pelage d'un brun
marron en dessus, d'un fauve blanchâtre eu des-
sous ; la (pieue est d'un brun marron, i-oude, un
peu plus longue que le corps. Il habile le même
pays.
Le PÉTACRisTE DE PÉiio.'v (Pctatims Pcronii,
Desm.) est de la taille de nos ('cureuils, et se dis-
tingue des autres par sa membrane des flancs,
qui ne lui vient que jusqu'aux coudes; son pelage
est brun en dessus, blanc en dessous, et mélangé
de brun et de gris sur le dessus des membranes ;
ses pieds sont blancs, ainsi ([ue l'extrémité de sa
queue. 11 est de la Nouvelle-Hollande.
Le PÉTAI lUSTE sciriuEN (Pclanrus si'uireus ,
Desbi. Didclidùs sruiica, Siiavv.) a près de neuf
jwuces de longueur (0,'2;i), sans y comprendre
la queue, qui en a près de dix (li,'i7ll, c'est-;'i-
dire qu'il est à peu |)rès de la taille de notre écu-
reuil commun. Son pelage est d'un gris cendré
en dessus, blanc en dessous ; le bord des mem-
branes est blanc; la tête a deux traits unirs par-
tant des naiiues et s'étendant juscpie sur les yeux;
une aulre ligne noire s'étend dei)uis le nez jus
qu'au bout de la (ineue ; celle-ci est cendrée, i-ous-
sàtre à la base et brune au bout. Il habite l'île
de Norfolk et les montagnes Bleues. Ou sait qu'il
s'établit dans des trous d'arbre, et qu'il fait huit
petits à chaque portée.
Le PÉTAI lusTE l'vcMÉE ( Pclaurus pijginœns,
Diùsji, Videli.kis jygmœa, Siiavv. Pdaiiiislu
pijgnwa, Geoff. Le Phalungcr volant nain,
G. Cev.l se dislingue de tons ses congénères par
sa queue d'un gris roussàtrc, tlont les poils s(tul
parfaitement distiques et affectent la position des
barbes d'une plume ; son pelage est d'un gris
de souris uniforme, légèrement lavé de rous-
s'itre en dessus, et d'un blanc pur en dessous.
11 est de la grosseur d'une souris, et sa (lueue
300
LES MARSUPIAUX.
est moins iDUgue que son corps; la membrane
de ses lianes se termine aux coudes. 11 habite
la Nouvelle-Hollande.
15» Geishb. Les 1IAL3IATUIÎES {tlalnuitu-
nts, Fii. Cl'v.) ont vingl-huit dents, savoir : six
incisive s supérieures et deux inférieures ; pns de
canines ; dix molaires en haut et dix en bas, c'est-
à-dire deux de plus à chaque mâchoire que les
kangourous. Du reste, ils leur ressemblent beau-
coup et n'en difl'èrent guère que par leurs oreil-
les plus courtes et leur queue prescpie nue ou
n'ayant que quelques poils rares.
L'IIalmatuue a bandes {Ualmutiirus fnscialus.
—Kangiirus fascialits, Péiion et Lesi euk. liai-
maturus clegans, Less- Le Kangourou élcgaul,
des naturalistes) a la tète arrondie; son pelage
est d'un gris de souris, rayé transversalement
en dessus de gris, de roux et de noir, formant
douze à quinze bandes d'un effet agréable ; le
dessous est gris, ainsi que la queue dont l'extré-
mité est noire. Celte espèce a les mêmes mœurs
et les mêmes habitudes que les kangourous ; elle
habite les buissons épais et s'y forme des gale-
ries de verdure. Sa chair passe pour fort bonne.
On la trouve dans les iles Bernier et autres voi-
sines.
L'Halmatlre thétis (Uahnahiriis ihelis, Bus-
sEriL.— Less. Kmuj'tnis theth, Fk. Cuv ) a deux
pieds un pouce (0,67 7 1 de longueur, non com-
pris la queue qui a vingt pouces ((),5i2). Son
pelage est d'un roux cendré en dessus, d'un gris
jaunâtre sur les flancs, rougeàlre sur le cou et
les épaules ; la queue est peu fournie de poils et
recouverte de peliles écailles connue celle des
rats : elle est, ainsi que les pieds, d'un noir fonri-.
La gorge, la poitrine et le ventre sont blan» h;!-
(res. Il habite les environs du Port-Jackson.
I(i« Gemie. Les PHASCOLO.MES (l'hascolu-
miis, Geoff. ; ont vingt-quatre dénis, savoir :
deux incisives eu haut et deux en bas, tontes
quatre fort longues ; point de canines; dix mo-
laires supérieures et dix inférieures; la lételarge.
plate; les jambes coui'les; le corps comme écrase,
sans queue ; ils ont cinq ongles aux pieds de de-
vant, et quatre, avec un petit tubercule au lieu
de pouce, à ceux de derrière ; la femelle a une
poche abdominale.
Le WoMUAT (Pliascolomis icombal, PÉiioiv et
Lescelr. — Desji. Wombatns fossor, Geoff.
Didelphis ursina, Siiaw. Phascolonvs Raaii,
Less.) est de la taille d'un blaireau; son pelage
est épais, grossier, d'un brun gris plus ou moins
foncé, avec des teintes plus foncées sur la poi-
trine. La femelle tire un peu sur le fauve. 11 ha-
bite l'ile de Ring, au sud de la INouvclie-Hol-
lande.
Ce phascolome est un animal lourd, massif,
raccourci, ce qui, avec des yeux très écartés,
médiocren)ent ouverts, des oreilles courtes, une
marche plantigrade et d'une excessive lenteur,
lui donne une figure peu gracieuse. Son carac-
tère est doux, mais excessivement timide ; si on
l'attaque, loin de chercher à se défendre, il se
ramasse en boule et se laisse assommer sans
même cherchera fuir; aussi Péron dit-il que les
chasseurs de phoques vivent exclusivement de sa
chair, qui est excellente, et qu'ils ont considé-
rablement diminué le nombre de ces animaux,
(i. Cuvier pense que, ainsi que les kangourous,
il s'acclimaterait fort aisément en France, qu'il
nmltiplierait dans nos basses-cours, et qu'il y de-
\iendiait fort avantageux à cause de la qualité
de sa chair En effet, il n'est point d'animal
plus facile it nourrir; à l'état sauvage, il vit ex-
clusivement d'herbe; en domesticité, il manpe
tout ce qu'on lui présente : le pain, les fruits,
les racines, les herbages, et même le lait.
Le ^voml)at est nocturne; le jour, il se relire
dans im terrier qu'il sait se creuser avec ses on-
gles robustes; et il n'en sort que la nuit pour
chercher sa nourriture, et vaquer aux autres be-
soins de l'animalité. La femelle met bas quatre
petits, qu'elle élève dans sa poche abdominale, et
dont, selon Péron, elle prend le plus grand soin.
LE CÈDRE DU LIBAN^
.lin d.-< l'I».. l> -,)
LES RONGEURS,
iiiiTn:Mi-: oiidkk di-s mamiMifkrks.
Le Tan.i.l-Pal..M>lP.
Les animaux de cet ordre ont deux grandes gués que celles de devant. Les uns sont omn'tio-
incisives à cIukiuc mâchoire, séparées des nio- rcs et ont des clavicules bien distinctes ; les au-
laires par un es|)ace vide ; ils manquent de ca- 1res sont hcrb'iruvcs et u'oiit qu'un rudinuMit de
nines ; hurs jambes de derrière .«•ont plus Idu- clavicule.
SECIION PREMIÈRE.
LES RONGEURS OMNIVORES
Renferment sejit familles, qui sont; les tcu-
reitils, les vwnnolles, les ularodes, les rals-lai-
jjcs, les tjcrboisfs, les rats, et les ^lagcids. Ils
vivent de graines, d'iierbes et inènie de chair.
LES ÉCIUEUILS
Se font reconnaître par leurs incisives infé-
rieures très-comprimées ; ils ont cin(| molaires
en haut, ou plutôt quatre, avec une très-petite
en avant qui tombe de bonne heure, quatre en
l)as, de chaque coté des mâchoires, en tout vingt-
deux dents. Leur queue est longue, garnie de
longs poils souvent distiques, c'est-à-dire diri-
gés sur les cotés coninie les barbes d'une plume ;
ils ont quatre doigts de\ant et cinq derrière,
munis d'ungles ti ès-ncérés; quelquefois le pouce
de devant est indiqué par un tubercule Quel-
(jues uns ont des abajoues ou poches buccales;
chez d'autres, la peau des flancs s'étend de cha-
que côté d'une patte à l'autre.
TTiEMiE. LesTA.MIAS (Tamia, Illk; ) oui
la tète osseuse, présentant une ligne courbe uni
302 LES KONG EU US.
Ibrnie à sa partie .supérieure vue do profil; el, uo s'avance pas jusqu'à la moilic de la léte; ils
vue en dessus, toutes ses parties antérieures ont des abajoues et laquelle distique. Tous sont
Irès-eflilées ; leur hoite cérébrale, peu étendue, fort lestes, fort vils et pleins de grâce.
Le PALMISTE [Tamia palmcirum^ Less. Sciurus palniarii)}i. Lin. — Desm.
Miislela afiicann, Clus. Le Palmisle, Buff. Le Rat palmiste, Brisson) appar-
tient peut-être au genre écureuil, car nous ne savons pas s'il a des abajoues ;
mais, pour tous les autres caractères, il se rapproche davantage des tamias.
Ce joli animal est un peu plus petit que notre écureuil ; son corps a cinq pouces
(0,155) de longueur, k sa queue six pouces (0,162) ; il la porte droite et rele-
vée verticalement, mais sans la renverser sur son corps comme l'écureuil : il ne
l'a pas non plus aussi touffue, et elle est rougeàtre en dessus, et hlancliâtre bor-
dée de noir en dessous. Son pelage est brun ou d'un roux mêlé de gris, avec trois
bandes longitudinales d'un blanc sale; le dessous de son corps est blanc; ses
oreilles n'ont pas de pinceau terminal. On en connaît une variété albinos, figu-
rée ici.
Le palmiste vit de fruits et se sert de ses deux pattes de devant pour les sai-
sir et les porter à sa bouche ; il passe une grande partie de sa vie sur les palmiers,
d'oii lui est venu son nom, et il fait un grand dégât de dattes, ainsi que d'autres
fruits qu'il va chercher dans les vergers et dans les jardins, et qu'il emporte
avec lui soit pour les manger plus à son aise, soit pour en faire une provision.
Quand il ne les emporte pas, il en gâte néanmoins un grand uoiubre, car, avant
d'en manger un, il faut qu'il en entame au moins une douzaine pour les goiîter.
Vif, léger, éveillé, d'une agilité surprenante, il aiiue à bondir de branche en bran-
che et d'arbre en arbre , le plus souvent pour le seul jdaisir de se donner du
mouvement. Les auteurs que j'ai consultés ne disent pas s'il niche sur les arbres,
comme les écureuils, ou dans des terriers ; mais, comme par ses formes il se rap-
proche moins de ces derniers que des rats, il est à croire qu'il se retire dans
des trous do rochers ou dans des troncs d'arbres. Du reste, il est fort doux et
très-familier ; il s'apprivoise aisément et s'attache à la demeure qu'on lui a faite
au point de n'en sortir que pour se promener et d'y revenir ensuite de lui-même,
sans y être ni appelé ni contraint. 11 a un grand plaisir à grimper sur tous les
objets élevés, comme les toits des maisons, les murailles; aussi habite-t-il sou-
vent dans les villages, et, dans ce cas, la feiuelle dépose ses petits dans les trous
de murs. Il est tellement familier, qu'il entre parfois dans les maisons pour ra-
masser les miettes de pain qui tombent de la table. Quant à ses autres habitudes,
elles sont les mêmes que celles des écureuils. Il estcerlaiu que cette espèce ha-
bite l'Inde, et peut-être se trouve-l-elle aussi au Sénégal et au ca|) Vert.
Le RL'^lJ^UL'K ou Suisse {Tamia striata , la queue, qui n'en a que trois (0,081). Son pe-
Liiss. Srinriis .strintiis. Lm — Dhsm. Le Ungr- lage est d'un brun fauve, avec cinq raies longi-
riih des Tartares. L'Ulbulii des Tungouses. Le ludinales brunes et deux blancbes ; le dessous
Srhcpel; des Ostiaks. Le Dsjitlalà des Raskirs. est blanc ; la région lombaire est rousse, ainsi
Le hsihiiicri.i des Mongols. Le /I-lartha des Mo- que la queue, qui est bordée de noir en dessous,
gols. Le .S'iiis.se, Birr. — G. Cuv.l. 11 a environ et noirâtre en dessus. Il habite les parties sep-
cinq pouces (0,155) de longueur, non compris tentrionales de l'Europe et de l'Asie.
Le burunduk est moins doux, moins fautilier que le précédent, et il mord sans
ÉCUREUILS.
303
niénagemcnt, à moins (jn'il iio suit parfaitciiKMit nppi'ivoisé. Beaucoup moins
agile que les écureuils, (pioique h-ès-vif, il se détermine rarenienl à monter sur
les arbres, à moins que ce ne soit pour éviter la pouisuite de son ennemi,
et pour y cueillir quelques fruits qu'il aime avec prédilection. Il se contente le
plus ordinairement dé ramasser les iamandes de pin, les noisettes, etc., qui
tombent sur la terre, pour en faire sa provision d'biver. Il se creuse, entre les
racines des arbres, un terrier à double sortie, et, au milieu, il construit une
sorte de cave assez grande qui lui sert de magasin, et qui est placée à côté d'une
petite cbambre très-propre, bien matelassée de foin doux et sec, où il couche.
Il va ensuite à la provision, et entasse dans sa cave autant de fruit sec qu'il en
peut trouver. Si la saison est favorable, son magasin est bientôt plein; alors il
en creuse un autre à côté qu'il remplit, puis un troisième, un quatrième, etc., et
il est remarquable que sa })révoyance dépasse de beaucoup ses besoins. Pour
transporter toutes ces graines, il n'a pas d'autres moyens que ses abajoues, dans
lesquelles il les place à mesure qu'il les ramasse. Je crois qu'il faut regarder
comme une espèce distincte de celle-ci
L'OmoiiiN ( 7"«))iia caroimicnsis. — Sciitnis
caioliniensis, liiuss. Siiiirtis IJstcii, Kay. L'K-
nireiiil dr terre, C\ti:si!V. O/iiolii» dos llurons),
qui est moitié plus petit quel'ocuieuil (iniinairc,
et un peu plus petit que le précédent. Il est rouv,
au lieu d'être brun ; ses raies I)lanclios sont plus
jaunàlres ; les autres sont noires ; l'intervalle en-
Ire la raie du dos et celle des flancs est roux au
lieu d'rtre d'un gris brun. Il est de la Caroline,
et a les mêmes liabitudes que le précédent.
Le SiKSiK {Tainia hniisan'H', Lkss. Sciiinis
hndso)iitis, Li\. -Desm ) est un i)eu plus petit
que l'écureuil d'Europe; son pelage est d'un
brun roussàtre en dessus et sur la télé ; une raie
noire occupe les tlancs ; son corps e.4 blanclià-
Ire en dessous; sa queue, plus courte que le
corps, est d'un brun roussàtre, Ixirdi e de noir;
ses niouslacbes sont très-longues et noires. On
ne le trouve que dans les forêts les plus froides
de l'Amérique septentrionale.
Le I'ajiia a yiAiiit: i!a>'des ( 'ianna qnadii-
lillata, Lkss. Sr'iunt^ quadririltatiis, SAv.)a
en\iron sept pouces (0,189 de longueur; son
l)elngc est bruiiàlre, mélangé de fauve sur la
telc , lauve siii' les cotés, avec (juatre lignes
blancbes; le dessous du corps est blanchâtre. Il
liabile les États-Unis, vit dans des trous de ro-
chers, et ne grimpe jamais sur tes arbres.
30 V
LF.S RONGELRS.
2' CiKMiE. I>os ÉcrilEriLS (Sciiinis, Li\. ) de leur (ràiie esl de la ionsueiir des deux tiers
oui la dépression du front légère, et la saillie de la face. Leur queue est distique, comme
postérieure des frontaux peu sensible; leur dans les laniins. mais ils n'ont pas d'abajoues,
profil est à peu près droit pour la face; la cavité Même système dentaire que les précédents
Les écureuils out en géuéi'al les mœurs tellement semblables, que pour éviter
(les redites toujours ennuyeuses, nous allons donner ici une esquisse de leur his-
toire générale. On peut appliquer à tous ce que Buffon dit de l'espèce d'Europe.
(( L'écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sauvage, et qui, par sa
gentillesse, par sa docilité, par l'innocence même de ses mœurs, mériterait d'être
épargné; il n'est ni carnassier, ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des
oiseaux. Sa nourriture ordinaire sont des fruits, des amandes, des noisettes, de
la faîne et du gland. Il est propre, vif, trés-alerte, trés-éveillé, trés-industrieux;
il a les yeux pleins de feu, la physionomie line, le corps nerveux, les membres
très-dispos; sa jolie figure est encore rehaussée, parée par une belle queue en
forme de panache, qu'il relève jusque sur sa tête, et sous laquelle il se met à
l'ombre. On ne le trouve point dans les champs, dans les lieux découverts, dans
les pays de plaine; il n'approche jamais des habitations; il ne reste point
dans les taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux arbres des plus
jjelles futaies. Il ne s'engourdit pas comme le loir pendant l'hiver; il est en
tout temps trés-éveillé, et, pour peu que l'on touche auprès de l'arbre sur
lequel il repose, il sort de sa petite bauge, fuit sur un autre arbre, ou se cache
a l'abri d'une l)ranche. Il a la voix éclatante, et plus perçante encore (jue
celle d'une fouine; il a de plus un murmure à bouche formée, un petit gro-
gnement de mécontentement qu'il fait entendre toutes les fois qu'on l'irrite. Il
est trop léger pour marcher, il va ordinairement par petits sauts, et quelquefois
ÉCUIIEUILS. 305
pnr lionds; il a les ongles si pointus et les mouvements si prompts, qu'il grimpe
en un instant sur un lièlre dont l'écoree est lisse. Les écureuils semhlentcraindre
l'ardeur du soleil ; ils demeurent, pendant le jour, à l'ahri dans leur domicile,
dont ils sortent le soir pour s'exercer, jouer, faire l'amojir et manger. Ce do-
micile est propre, chaud, impénétrable à la pluie. C'est ordinairement sur l'en-
fourcliure d'un arbre qu'ils l'établissent : ils commencent par transporter des
bûchettes qu'ils mêlent, qu'ils entrelacent avec de la mousse; ils la serrent en-
suite, ils la foulent, et donnent assez de capacité et de solidité à leur ouvrage
pour y être à l'aise et en sûreté avec leurs i)etits; il n'y a qu'une ouverture vers
le haut, juste, étroite, et (|ui suffit à peine pour passer; au-dessus de l'ouverture
est une sorte de couverture en cône qui met le tout à l'abri, et fait que la pluie
s'écoule et ne pénètre pas. Ils produisent ordinairement trois ou quatre petits;
ils entrent en amour au printemps, et mettent bas au nmis de mai, ou au com-
mencement de juin ; ils muent au sortir de l'hiver. Ils se peignent, ils se polis-
sent avec les mains et les dents; ils sont propres ; ils n'ont aucune mauvaise
odeur. Leur chair est assez bonne à manger, et le poil de leur queue sert à fain^
des pinceaux. »
Nous compléterons l'article de Bulfon par quelques observations (pii s'appli-
queront également à toutes les espèces. Quelques écureuils ont une vie isolée,
solitaire, mais par couple, car le mâle n'aliandonne jamais la femelle; d'autres,
au contraire, vivent par troupes de plus d'une centaine. Tous sont sédentaires,
et s'écartent fort peu de la forêt qui les a vus naître. Linné, Klein, Shœffer, le
poêle voyageur Regnard, qui nous a tant débité de contes sur les Lapons, et
Buffon lui-même, nous ont cependant raconté que des troupes de petits-gris
voyagent, et que, pour passer les rivières, ils s'embarquent sur des morceaux
d'écorce qui leur servent de bateaux, qu'ils gouvernent en traversant le courant
en étalant leur queue au vent et en s'en servant comme d'une voile. De telles
histoires n'ont pas besoin de réfutation. La queue de l'écureuil ne lui sert
jamais de gouvernail, quoi (prenaient dit des autetus, et cela par une raison
fort simple, c'est (pie cet animal craint beaucou|> l'eau et n'y entre jamais. Si
elle lui sert à se gouverner, c'est dans les airs, lorsqu'il l'ait de ces bonds pro-
digieux qui le transpoiteul d'un arbre a un autre, à douze ou quinze pas de dis-
tance, connue jeu ai été souvent témoin. Mais elle ne [teul pas non plus lui servir
de parachiile, comme l'a dit Desnioulins, car, placée à l'extrémité de son corps,
dans une chute elle lui ferait faire la culbute, et il tomberait sur la tête. Les
écureuils sont très-prévoyants: aussi ne font-ils jamais un seul magasin, mais
plusieurs, et dans dilférents troncs d'arbres, afin que, s'ils viennent à eu perdre
un par accident, il leur en reste toujours d'autres pour les alimenter pendant
l'hiver. Ils savent fort bien retrouver ces cachettes quand ils en ont besoin, et
même sous la neige qu'ils grattent pour les découvrir. Aussi rusés que méfiants,
ils construisent toujours plusieurs nids, à d'assez grandes distances les uns des
autres ; et la mère, sans même être inquiétée, change souvent ses enfants de do-
micile, en les transportant avec sa gueule. Le matin, quand le soleil brille à
l'horizon, et que la forêt est parfaitement silencieuse, elle les descend l'un a|)rès
l'autre sur la mousse, et les fait jouer. Si elle est surprise dans celte occupa-
tion, elle eu saisit un qu'elle transporte, non dans le nid, ce qui lui ferait perdre
:ior>
m: s Ii()N(.KUIlS.
(In temps, mais jiisiiuà rcnfuiircliure d'une grosse branche, où elle le cache ; puis
elle revient chercher les autres pour les emporter de même. Ces animaux ont
toujours le soin, (juand ils aperçoivent le chasseur, de se tenir derrière le tronc
de larbre, et de tourner autour, pour rester masqués, à mesure que le chasseur
tourne lui-même autour de l'arbre. Ils n'en continuent pas moins à monter, et,
parvenus à l'enfourchure d'une branche, ils s'y blottissent et restent invisibles.
Aussi est-il fort difficile de les tirer si l'on est seul.
Les écureuils ne sont pas tellement frugivores, qu'ils ne veuillent manger
aucune matière animale. S'ils trouvent un nid d'oiseaux, ils sucent fort bien les
oHifs qu'ils y trouvent, ou dévorent les petits, et même la mère s'ils peuventlasur-
prendre. Gmelin dit qu'en Sibérie on les prend avec des espèces de trappes dans
lesquelles on met pour appât un morceau de poisson fumé, et qu'on tend ces
trap|)es sur les arbres. Dans (|uelques contrées, ils vivent aussi de la sève sucrée
des graminées, et de graines de maïs. Depuis qu'on a transporté la culture de
cette dernière plante en Pensylvanie et en Virginie, les écureuils s'y sont beau-
coup multipliés, et font <le grands dégâts aux récoltes.
L'I^cuREuri, GBis ( Sriiinis riucrcus, SciiBEn.—
DriSiM. Siinnis rarolinensis. Lin. Le Petil-Gris,
RuFF. ) est Irès-peu plus grand que l'écureuil
d'Europe; son pelage est fort variahle, et la
ménagerie en a possédé plusieurs, dont les uns
étaient tout entiers d'un gris hlnnciuitre, et les
autres d'un giis fauve, surtout sur les lianes. Son
pelage est ordinairement de cette deinière cou-
leur, piqueté de noir en dessus, avec une ligne
fauve sur les lianes ; le dessous est l»lanc; il man-
que de pinceau aux oreilles
Celle espèce est de la Pensylvanie et de la
Caroline, où, ainsi que nous l'avons dit, elle
s'est beaucoup multipliée depuis qu'on y cultive
le maïs. Cet animal vit en troupes nonilireuses;
il est l)rnsque, pétulant, mais cependant assez
doux, et il s'apprivoise très-bien, quoique sans
s'attacher à son maitre ni niéuic préférer per-
sonne. 11 construit, au fond de la cage où on le
renfeime, un nid de paille ou de foin, en forme
de l)oule, et il y dori toute \:\ niiil. A l'étal sau-
vage, il paraît qu'd ne fait pas son nid sur des
branches d'arl)res, mais dans les creux de leur
tronc.
Le (iiiwn Kci iiiii II. cius ( S(uini\ chicreiis.
Ln. Sriiirus rirghiiiinus r'nirrciis vinjor, Kay.\
confondu avec le précédent, est certainemeiit
une espèce di.stincte. Sa taille, trois fois pins
grande que celle de noire écureuil, égale celle
d'un jeune lapin. Son pelage est à peu près de
même quecclui de l'écureuil gris, mais son corps
est plus épais, plus trapu ; sa tète et ses oreilles
sont plus courtes, et sa queue lui c;iuvretout le
corps. 11 est du même pays.
L'ÉciREiiL n'Li liOPEOu COMMO (Sriurua l'iil-
gnris, Ln. Le Bjelka des Russes. l.'Ulnh des
Tungouses. L'Orawass des Finois. L'0;n' des
Lapons. Le Krnnn des Kalmouks. Le l'ijin des
Tartares. Enlin, le véritable Peht-Gnsd^s four-
reurs). Il a sept à tiuit pouces (0,180 à 0,217 )
de longueur, non compris la queue, qu'il relève
toujours en panaclie jusque i)ardessus sa tde;
son pelage est généralement rouv, tirant plus
ou moins sur le brun, avec le venire d'un l)eau
blanc; chique oreillf se termine par un pinceau
de longs poils ; sa queue est en dessus i!e la cou-
leui' du dos, mais eu dessous les poils sont an-
nt'lés de l)lanc et de l)run, et seulement terminés
de roux, il haliile les forets de tout le nor<l de
l'Luroiie et de l'Asie.
Il est i»eu d'animal qui varie idus que l'écureuil, en raison des climats; ceux
de France et «l'Allemagne sont ordinairement d'un roux plus ou moins vif, pen-
dant toute l'année; mais dans le INord on en trouve de roux piqueté de gris, do
gris cendré, de gris ardoisé foncé, de gris blanc, de blancs et de noirs. Le [te-
tit-gris, si connu par le commerce que l'on fait de sa fourrure, est, en hiver seu-
lement, d'un gris d'ardoise piqueté de blanchâtre, chaque poil étant manpié d'an-
neaux alternativement gris de souris et gris blanchâtre. Comme le lou|) et le
renard, dans le 'Sovû il })rend une taille plus grande, a conq)ter des bords de
ÉCUIlliLILS.
307
iOlty jusqu'au Jéniséi, el sou pelage y devieul il'uu gris plus argeuté. Depuis
le Jéniséi jusqu'à l'Augara, sa fourrure redevieut moins épaisse, el [irend uue
teinte plus obscure. C'est de cet écureuil que l'on a raconté les voyages en ba-
teaux d'écorce. Dans ce cas, il arrive quelquefois « que le vent se faisant un peu
fort, dit Regnard, et la vague élevée, elle renverse en niénu' temps el le vaisseau
et le pilote. Ce naufrage, qui est bien souvent de trois à quatre mille voiles,
enricbit ordinairement (jnelques Lapons qui trouvent ses débris sur le rivage,
tl y en a une quantité cpii font une navigation beureuse, et arrivent à bon port,
pourvu que le vent ait été favorable, el qu'il n'ait point causé de tempête sur
l'eau, qui ne doit pas être bien violente pour engloutir tous ces petits bâti-
ments. » Et remarquons encore que c'est sur l'espèce de nos pays, dont les mo'uis
nous sont parfaitement coimues, que Regnard nous fait de pareils contes.
LTcuiiKDii. Jioin {Sciiirtis nigrr, I.in.-Des>i.
Le QiiaiMecalloU-TMUie des \Io\icaiiis).
Ce joli îiiiimal est .'i peii prè.s de la firaudeur
(le noire écureuil il'Europe; ses oreilles sont
dépourvues de pineeau; son pe'age, formé d'un
feutre l)run et serré, traversé par des poils
SI)} eux seuls api)arenls au dehors, i)arait eutié-
i( ment d'uu noir foncé eji dessus, et d'un noir
brunâtre en dessous. Selon Desmarets, les oreil-
les et le bout du nez seraient constamment noirs,
comme le reste de la tète, el c'est à ces carac-
tères (pie l'on distiiigiierait cette espèce des va-
riétés noires du capisirate; selon Catesby, au
contraire, quelqm s individus ayant le bout du
nez, ou les pieds, ou te bout de la (lueue, ou un
collier sur te cou, blancs, appartiendraient à
^cetle dernière espèce; l'iuspeclion de plusieurs
tde ces variétés me fait ranger de cet avis.
Quoi qu'il en soit, l'écureuil noir habite l'A-
mérique seplenlrionale, et piobablenient le Mexi-
que. Il vit eu troupes nombreuses dans les an-
tiques forets éloignéesdes habitations, et fournit
à la table des riches mi gibiei- fort estimé. Il
parait cpi'il s'apprivoise fort aisément, mais que,
ainsi quêtons les autres écureuils, il ne multiplie
pis en captivité. Lorsipi'il aperçoit le chasseui',
il se place au milieu d'une grosse branche, s'y
aplalit au point qu'il est impossible de l'y aper-
cevoir d'en bas, et il reste innnuablemeut dans
celte atlilude, malgré les coiq)s de fusil, jusqu'à
ce que le danger soit passé.
Le Cai'isuutk (Sriiirus cai)istratus, Des.ii.
— Bosc) est beaucou|) |)lus grand que l'écureuil
d'iiurope; son pelage est ordinairement gris de
fer, avec la tête noire, quelquefois gris avec le
ventre noir, enfin d'autres fois enlièrement noir.
Les oreilles et le bout du museau sont constam-
ment blancs. Sa longueur, du nniseau à l'extré-
mité de la queue, est de deux pieds ;(),(),"jO). Il
hiibite II s forets de pins et d'érables de la Caro-
line (in sud. Il entre en chaleui' en janvier et ses
petits quittent leur nid en mars. Comme il est
très-couunun, il ilevienl la proie babibn'lle des
renards, des sei-, ents à sonnettes et dfs oiseaux
de proie.
Le CoQUALi.iN {Sciurus var'irqnliis, Lin. —
Uesm. Le CnztiocoiequaUin des Mexicains, dont
Buffon a fait Coiiunllin) n'est |)eut être, connue
le pensait Fi-. Cuvier, qu'une variété du capis-
irate. Connue sa grandeur est à peu près le
double de celle de notre espèce d'Europe, Buf-
fon en concluait que ce n'était pas un écureuil.
Sou pelage est varié de noir el de roux vif en
dessus ; le dessous du corps est d'un roux oran-
gé ; l'occiput est noir et le museau est blanc,
ainsi que le bout des oreilles, qui mancpient de
pinceau. Cette espèce ne monte pas sm les ar-
bres, et habitedans des trous, sous leurs racines.
Il remplit son domicile de fruits et de grains
pour s'^ nourrir pendant l'hiver; il est defiani,
rtisé, assez farouche pour ne jamais s'apprivoi-
ser. On ne l'a encore trouve qu'au Mexique.
L'EcuiiEuiL A vENTiiE iioijx {Si'iuiiis riifucnli r,
(iEDEE. — Desji.) est de la grandeur derccureuil
d'Europe ; son pelage est gris brun en dessus,
d'un rou\ vif en dessous; la (pu'ue, moins lon-
gue que le corps, est brune à la base, fauve à
l'exli-émité; les pieds sont bruns; les oieilles
manquent de |)incean. Il est désigné, a;i Mu-
séum, cononae venant de l'Amériiiue du nrrd.
L'EcuKEiiL i)i;s PvitÉ.\ÉES ( .S'(iïir((.s «//jiini.s-,
Fiv. Ciiv.l est de la taille de l'écureuil comnuu,
mais sa télc est plus petite; son pelage est d'uu
brim foncé, piqueté de blanc jaunâtre sur le dos ;
d'un blanc 1res pur à toutes les parties iiiférieu-
les; la face interne des membres est grise; le
bord des lèvres blanc; les quatre pieds sont d'un
fauve assez pur; une bande fauve sépare les cou-
leurs du dos et du ventre; la queue est noire;
les ()ieds sont fauves, et les oi'eilies ont m\ pin-
ceau. Il habite les Pj renées, mais on le trouve
aussi dans les Alpes du Dauphiné, car, étant à
Ljon, un chasseur m'en a apiiorté un récem-
meiU tué
I^'liciiiixiL A i;aM)E l'.oi (ii: t S. i((>((.v riibro-
Hncdliis, Desji.) ne serait, selon llarlau, qu'une
:WH
LES UOiNGEUHS.
^a^iéU' du siksik, ou Tamia hudsonia. Il esx
plus petit que l'écureuil gris; son pelage est
grisaille siw les lianes, blanc si'f le ventre, avec
une ligne longitudinale rouge sur le dos. 11 ni-
che dans les rochers ou les Irons d'arl)res, et se
nourrit de gi'aines de pins. Il liabile l'Amérique
septenirionale.
L'Éci HELii. itE>A[in Sriiiriis rnlpinus. — Sciu-
rux rxiber, Hai'i.'n.) a, du bout du museau à l'ex-
trémité de la queue, deux pieds de longueur
(0,(io()); son [telage est entièrement d'un rouge
de i)ri(ine en dessus, et blanc sous le ventre; il
manque de pinceau aux oreilles. On le trouve
dans le liant Missouri.
L'JxuiiEiiL Di; LA LoLisri.'SE {SciurHS hulo-
vxrianus, CriiTis. ) est de la grandeur du précé-
dent. Son pelage est d'un gris foncé en dessus,
d'un bi'un ronssàtre en dessous ; la |)arlie interne
des membres e.st de celte deiniére couleur La
queue est très-large et plus longue que te corps.
11 habite les bords de la rivière Kouge, en Amé-
rique.
L'LcLREtiL d;<; Madagasoxk {Sc'mrus mada-
gascarlcnsis, Sirwv.) est d'une taiPe au moins
double de celle de l'écureuil d'Euro|)e. Sou pe-
lage est d'un noir foncé en dessus ; le dessous du
cou et les joues sont d'un blancjannltie; le ven-
tre d'un brun niclé d'un peu de jaune; la queue
plus longue que le corps, grêle, noire II se trouve
à Madagascar.
Le DAM)0LEA^A ou Kakea {Scinnis CPiilaiim-
sis, KoDi».— Desm.) a beaucoup d'analogie avec
le précédent. Il est trois fois plus grand que
notice écureuil d' Europe ; son pelage est noir en
dessus, jaune en dessons ; le bout du nez est
coirleur de chair; il a deux petites bandes noires
sur chaque joue, avec une tache fauve entre les
deux oreilles; saqneueest grise. Il babiteCeUan.
L'EciJiiEiii, AEEiMs (Siiiirns afliins, Uaffl.')
est d'un gris cendré ou d'un gris brun sur le
dos et sur la ([ueue, blanchâtre sur les pari les
inférieures du cor|)s ; il a sur chaque flanc une
ligne d'un brun roiiss.itre. On le trouve à Su-
matra.
L'ÉctiiELiL DicoLOii [Svïiivus bicolor, Desm.
Siiunis jnravensis, Schueb. ) a le pelage roux,
on d'un brun foncé noirâtre en dessus, d'un
fauve vif en dessons; il manque de pinceau aux
oreilles ; il a le tour des \eux noir ; sa queue est
fauve. Il habite .lava.
L'ÉctiiEtiL DU BANAMER i Scturus ]il(ilani ,
lloHST. Sihirus notatiis, Bokd. Sciurus bUincn-
liis . Desm. — Geoff.) a environ sept po ices
(0.189) de longueur, non compris la queue, qui
est un peu plus courte. Il est gris en dessus,
jaunâtre en dessous ; il a une ligne blanche lon-
giUidinale sur cb;K]ue liane ; sa queue est un peu
plus courte que le cor|)s. Il habite Java.
1^'EcLiiEtiL i>E Le.'Chinaijlt (Siitiras Lesrlic-
naitltii, Desm. Sciitriis albiceps, Geoff.) a un
pied (0,.52.î, de longueur, non compris la (jueue,
qui en a .•infant; son pelage est brim clair en
dessus, foncé dans une variété; la tète, la gorj^e,
le ventre, et la partie interne et antei'ieure des
jambes de devant, sont d'un blanc jaun;ilre; la
queue est ti'ès-brutie en dessus, jaimàlreen des-
sous. 11 habite Java,
L'ÉciKEiiL UE Pkevost (Siiiinis Pnroalii ,
Desm.) est à peu près de la taille de t'ccureuil
d'Europe ; son pelage est noir en dessus, jaime
sur les lianes, marron en dessous, le jaune Iran-
chant ueltenieul avec le noir et le marron; les
oreilles manquent de pinceau; la queue est brune,
presque ronde, nié.iiocrement tonllne. Il se
trouve dans l'Jnde, mais il parait y être rare,
et ses uKenrs sont peu it)uuues.
Mi
FCIIUKUILS.
309
L'ÉCIRKUIL UL' MALABAR ' Sciiirus ina.riniHS, Gml. — Dksm. ).
Cet iuiimal est le plus yraïul des écureuils, et sa laille ne le cède pas a celle
d'un chat. Le dessus de la lêle, une bande derrière la joue, les oreilles, la nu-
(jue, les flancs et le milieu du dos sont d'un roux brun très-vif ; les épaules, la
croupe, les cuisses et la queue sont d'un beau noir ; le ventre, la partie anté-
rieure des jambes de derrière, les jambes de devant prcscpio entières, la poi-
trine, le dessus du cou et le bout du museau sont d'un beau jaune. Ce bel
animal n'habite guère que les forêts de palmiers qui enrichissent la côte de
Malabar, et, dans ces contrées, partout où le cocotier abonde, on est à peu près
sûr de le trouver. A la beauté de sa fourrure, il joint la grâce, la vivacité de
notre écureuil, avec la même douceur de caractère et autant de facilité à s'ap-
l)rivoiser. Le cocotier lui fournit presque tout ce qui lui est nécessaire; il
etanche sa soif avec le lait des jeunes cocos, qu'il aime beaucoup; il se nourrit de
l'amande de ceux qui sont arrivés en maturité, et avec la bomre (pii recouvre
leiu" coquille il fait le nid de ses enfants.
LTctuEUiL A f.iu>DE yijEi K (Sciiirus magni- («les de lu tète et les orhites sont d'un gris fvv-
auidntus, Say.) a un pied sept pouces (0,5 1'.") de iii^;intu\ pile; les oreilles cl les joues sont if un
longueur tolulc; le dessus du corps ainsi {|uc brun obscur. Il habile les forcis i\n\ onibragiiit
les flancs sont niclés de grLs el de noir; les les Inirs du Missouri.
3!0
LES KOiNGEUUS.
L'HtLHbLiL A QLELE LiMiiiLEii ( Siiurus graiH-
muri(S, Say.) doit peul-élre se reporler au genre
taniia. Il a onze pouces (0,298) de longueur;
son pelage, roinposc de poMs durs et grossiers,
est entièrement d'un gris cendré ; trois lignes
noires, parallèles, se dessinent sur sa queue II
habite les montagnes Rocheuses, sur les hor.ls
de l'Arkansiis, se retire dans des trous, mange
des boutons de feuilles, et ne grimpe pas sur les
arbres.
L'ÈcuRtiiL A nAM)E LATÉRALE (SHiirus lulera-
lis, Sav.) est d'un brun cendré en dessus, et se
reconnaît à une ligne peu déterminée qu'il a de
chaque coté du dos, jilus large antérieurement
que postérieurenieut, d'uu blancjannàlre terne.
Il habite les montagnes Rocheuses, au nord de
l'Amérique.
Le Barbaresqle {Stiunis getitlns, Ll\. Le
Barbaresque, Blff.) est d'un tiers plus petit que
l'écureuil d'Europe; sa longueur est d'environ
dix pouces (0,271). il est brun, avec quatre li-
gues longitudinales blanches, qui se prolongent
jusque sur sa queue. Il habite l'Afrique, et vit
sur les palmiers.
Les espèces qui vont suivre sont encore trop
mal délcrnilnées pour qu'on hoit sûr qu'elles
resteront toutes dans le genre sciarus ,- celles qui
resteront avec les écureuils iippi>r.iennent peut-
éti'e, comme variétés, à des espèces précédem-
ment décrites.
L'Écureuil jalnb (Sriurus facus, Lin.) est
de moitié plus petit que notre écmeuil; son pe-
lage est d'un jaune plus ou moins fauve avec
la pointe des poils blanche; il manque de pin-
ceau aux oreilles. Il serait de la Colombie selon
Linné, et de l'Inde selon Pennant. Peut-être
n'est-ce qu'une variété du Manoxus annu-
taiiis.
L'ÉcLRELiL DU MEXIQUE (Sciurus mexicatins.
Sera) est long de cinq pouces (0,1. î5) , non com-
pi is la queue, qui a un peu plus de longueur ;
sou pelage est d'un brun cendré, avec sept bau-
des blanches le long du dos du mâle, et cinq
sur celui des femelles. La figure que Séba donne
de cette espèce la rend très-douteuse
L'F.CLREUiL d'.^hyssime {Sciuiiis abijssinicus,
(i5iL.) est uu peu plus grand que l'écureuil or-
dinaire, et ne serait, d'après Sha«, qu'une va-
riété du dandoléana de (Jcjlan. Il est d'un noir
ferrugineux en dessus, cendré en dessous ; ses
oreilles sont noires, triples de celles de l'ecu-
leuil d'Europe ; sa queue est grise, longue d'un
pied et demi (0,487). 11 est de l'Afrique orien-
laie.
L'EcuutuiL DE l'Iinde (Siiurus indiens, (isiL.
Srituiis bu i bayus, Penn. ) a seize pouces ^0,4 iô)
(le longueur, non compris la queue, qui en a
div sept ((t,460i ; il est d'iui pourpre obscur eu
dessus, jaune en dessous ; la ([ueue est orangée
à son extiémilé; il a des pinceaux aux oreilles.
Est-ce une ^ariel^• du Sciurus inu.ihiius ? Il
habile Bombay.
L'ECUHEI IL A^OMAL {Sciuius (iHumalus, G>IL.)
est uu peu plus grand que notre écureuil; sou
pelage est d'un ferrugineux foncé eu dessus, un
peu plus pâle en dessous ; ses joues sont fauves;
ses orbites brimes, et il a le tour de la bouche
blanc ; ses oreilles sont petites, effdées à la pointe
1! se trouve dans les montagnes de la Géorgie.
L'Ecureuil de Perse {Siiurus ]:ersicus, Gy\\..\
est d'un gris obscur eu dessus et jaunàlre eu
dessous; il a le tour des jeux noir; les cuisses
et les pieds de derrière roux ; les oreilles noirâ-
tres, manquani de pinceau. 11 se trouve dans les
m.inlagncs du Ghilan, en Perse.
L'ÉCLREI IL ROUGE iSciuruS CnjthrœuS, l'iMl..)
est uu peu plus grand que l'éctueuil ordinaire;
son pelage est d'un jaune mêlé de brun en des-
sus, d'un fauve sanguin eu dessous; sa queue,
l'oude et très-velue, est du même fauve, avec
une Hgne noire. 11 habite les Indes orientales.
3" Genre. Les GL'ERLLX(;i:ETS (Mnrroxus,
Fb Cuv.) ont le front très-déprimé ; les naseaux
peu allongés ; une profonde dépression entre le
crâne et la face ; ils manquent d'abajoues, et leur
queue est entièrement ronde, ou distique seui;'-
meut àrextréinité. Du reste, ils ressemblent aux
écureuils , et < n ont absolument les habitudes.
Le (jiiAM) GuERLiMiUKT ( Macroxiis œstuans,
Less. .Srj;iri(s œstuans , Desm. Myoxi s gucilin-
geus, SiiAW. ) est à peu près de la même couleur
que l'écureuil conmiuu, dont il a les formes ;
sou pelage est d'un gris oliviUre lavé de rous-
sàtre eu dessus, d'un roux pâle en dessous; la
queue est plus longue que le corps, nuancée de
noir, de brun et de fauve ; ses moustaches sont
noires et ses oreilles manquent de pinceau. Il
se trouve aussi souvent à terre que sur les arbres,
vit de fruits de pa'miers, et haliite la Guyane et
le Brésil.
Le Petit Gueulixguet {Marruxus pusillns,
Less. Sriunis pusillus, Geoff. — Desm. Le Hat
des bois, de Cayeniie i n'a guère plus de trois
pouces (O.OSIi de longueur, non compris la
(|ueue, qji eu a uu peu moins. Son pelage est
d'uu gris brun olivâtre, plus clair sur les pai-
lles inférieures; le museau est fauve ; la (pieue
est couverte de poils mclangs de brun et de
fauve; SCS oreilles manquent de pinceau, et ses
moustaches sont noires. 11 est assez commim à
Cayenne.
Le TouHAVE ( Wacro.riis toupal, Less. .VriH-
rits bieittalus, Desm. ) est un peu plus gros que
notre écureuil ; sou i)elage est d'un brun noir,
piqueté de jaunâtre sur le dos ; le dessous est
d'uu roux brillant ; il a, sur les lianes, uni- ligne
blanche, et au-dessous, la louchant, une ligne
noire; sa queue est rousse à l evirémité. 11 >ii
sur les cocotiers, à Sumatra.
Le Gi.xGi { Macritxus albuiiltalns , Less.
ECLUI^UILS
:îh
Sciuriis (Ischinschinis, So!\>erat. Siivriis gin-
giniantis, Siiaw. Schinis cnjlhropns Geoff.
siiwus Lcraillatiiii, Klhi.. Sriunis sctosiis,
FoRST. ) est roussiitre m dessus, blanc en des-
sous, avec une ligne Manche de chaque colé du
corps ; sa queue est variée de noir et de blanc;
ses oreilles man(,uent de pinceau ; ses ongles
sont très-longs, comprimés et arqués. Il habite
le cap de Rounc-Fspérance, et il a dans l'Inde
trois varioles : 1° à queue brune ou loussîilrc
n sa base, noire à l'extrémité ; 2" à pelage d'un
gris terreiiv en dessus, beaucoup pins clair en
dessous, et queue entièrenif ni noire ; ô" à des-
sus du corps et queue mélangés de jaunâtre et
de brun; venire d'iui blanc sale ; oreilles Irés-
courles et bandes l)lanclies sur les flancs. 11 est
à peu près de la (aille de notre écureuil.
Le Larï (Macroxiis iiisigiiis, Less. Sriurus
iiisignis, Fr. Clv.) a le pelage d'un gris brun
en dessus, a\ec trois lignes longitudinales noi-
res; le menton, le cou et le venire sont blancs;
la télé est grise; les lianes et l'extérieur des
membres sont roux ; la queue est brune. Il ha-
bite .Sumatra.
Le (il ERLINC.LET A QUEtE AMNELÉE ( MaCrO.TUS
(nmuldtus, Less. Sciunis aunulalus, Desm.) a
cinq pouces environ (0,155) de longueur, non
compris la queue qui en a six (O.ii 'l) ; son pe-
lage est d'un gris verdàtre clair en dessus, et
blanc en dessous ; la queue est annelée en ti a-
vers de noir et de blanc. Sa patrie n'est pas
connue.
-i' (iENRE. Les AXISOXYX(.liii.soii|;.T, Kafix.)
oui les dents comme les écureuils, et manquent
(i'abajoues; tous les pieds ont cinq doigts, les
deux internes des pieds de devant très-courts ;
les pieds sont très-longs et la queue distique.
L'Amsonyx rrachvlre (Aniso. ijx hmiUii aa,
Hafis. Airlomys brarinjnra, Harl. h'Enticuil
ce Une de Lewis et Ci.\rcr) a le pelage d'un
brun lirrnl sur le gris, un peu piquelé de blanc
rouss;ilre; le dessous est d'une légère couleur
de brique ; la queue est ovale, Irès-courte, d'un
brun rougeâtre en dessus, d'un gris de fer en
dessous, boidce de blanc. Cet animal vit de
fruits, de racines, et habile un terrier. On le
trouve à la Colombie.
Le Se«e\vel (.'tiiisoni/.r rc/' Haf. Arrto-
v\]is nifii, ILutLMv) n'est connu que par une
I)eau dont le pelage est long, soyeux, d'un brun
rougeâtre; les oreilles sont courtes, pointues,
avec des poils courts. 11 habite la Colombie.
Ilarlan pense que ci s deux espèces ne sont rien
autre chose que des marmottes, et je i)enche
assez vers cette opinion. Si elle se justilie par
(le nouvelles observations, il fawdrn retrancher
les anisonyx du ca ato^ue des manuuifères.
■)' (Ienrk. Les POLATOUCHES {Sriurop-
<()((■ Fii.Ctv.) ent l'occiput saiilan., les Iron-
taux allon'ïés, et la capacité du crâne compre-
naiil les trois cinquièmes de la longueui' de la
tète; la iKMlie antérieure du profil de la tète est
droile jusipi'iiu milieu des frontaux, oii elle
prend une direction courbe très-arquée, sans
dépression iiitermédiiiire. Leur s\stème den-
taire est le même quecekii des écureuils; leur
queue est aplatie, distique, et leur taille petite.
Ils ont la peau des flancs (rès-dilatée, étendue
entre les jambes de devant et de derrière, en
manière de p; rachute.
L'Ajsai'amck (Sciuropterus voliirella, Less.
rttromiis rolucella, Des.m. Srtvrns voliaella,
l'ALL. L'Assapan. Fh. Cuv. Le Polalouche ,
BiFF.) n'a que quatre pouces et den)i (0,122)
environ de longueur, non compris la (picue, qui
est presque aussi longue que le coips. Son pe-
lage est d'im gris roussàtre en dessus, blanc
en dessous; la membrane des flancs est simple-
ment lobée deirière les poignets. Cet animal
est triste et fort timide.
Ruil'on, ayant confondu cette espèce avec la suivante, lui a donné le nom que
celte derniei-e porte on Russie, tandis que .l'assapanick n'habite que le Canada
et les États-l iiis, jusqu'en Virginie, (/est un animal nocturne, comme tous
ceux de son genre, dormant le jour dans nu nid de foin ou de feuilles sèches
qu'il s'est fait au fond d'mi trou d'arbre, et n'en sortant que la nuit pour se
mettre en quête de sa nourriture. Alors seulement il devient très-vif et d'une
ac'ilité surprenante. Grâce à la membrane qui s'étend entre ses pattes, il peut
franchir, d'im arbre à l'autre, une distance prodigieuse, de plus de quarante à
cinquante pas, si l'on s'en rapporte aux voyageurs. Il se nom-rit de graines et
de bourgeons de pins et de bouleaux ; il vil [lar petites troupes, et ne descend
jaiuais de dessus les arbres. Son naturel est doux, tranquille; il s'apprivoise
assez facilement, luais il ne s'attache jamais, et perd rarement l'occasion de
reprendre sa liberté; aussi est-on oblige de le conserver dans une cage. On
le noinril de itain. de fruits et de graines, mais il refuse les amandes et les
31-2
LKS UONCKl'IiS.
noix, si rcclicrclKM's par les écureuils. A la niénngorie, ccux(|u'oii acouservôsso
tenaient constamment, pendant le jour, cachés dans un lit qu'ils se faisaient
avec le foin de leur litière. En 1809, cette espèce s'est reproduite à la Malmai-
son, chez l'impératrice Joséphine, et la femelle a mis bas trois petits.
Le PoLATOïKA {Sch(roi)teriis sibiricts, Lkà.s.
Siiiints rolans, Lin. Pleromijs sibirtcux, Pesm.)
est plus {jrand que le précédent et le suivant ;
son pelage est d'un gris cendré en dessus, blanc
en dessous ; ses membranes des flancs n'offrent
qu'un seul lobe arrondi derrière 1-e poi>inet; sa
queue est moitié liioins longue que son corps.
On en connaît une variété entièrement blanche.
On le trouve dans les forêts de pins et de bo :-
leaux de tout le nord de l'I^uropc. Il a les mêmes
habitudes (;ue le précédent, mais sa vie est
i^oliiP're.
Le ScanoniaiE fli-ciie (Sriwoptcnn; sagiltn,
I.Ess. Siiiiriis snfjilUi, (V. Civ. Pleroimis sa-
giltn, Desm.) a cinq pouces et demi (0,1 59) de
longarur, non compris la queue, qui en a cinq
i0,lô5). Son pelage est d'un brun foncé en
dessus, blanc en dessous; il a un angle saillant
à la membrane des lianes, près des poignets ;
sa (picne est d'un brun nssez clair. Il l)al)ile
Java. L'espèce uniipie décrite par Ilorstîeld,
sons les noms (le P/froDij/s tr])idiisv\ grnibarbis,
est très voisine de celle-ci, si ce n'est une simple
variété. F.lle est cgalemenl de Java.
C Gemie. Les PTEIÎ<».MYS /'/pcomij.";, (i.
Ciiv.) oui les membres engages dans la peau
des flancs, comme les précédenis, dont ils ont
aussi la foiniule dentaire; mais leur queue est
r<tnd ', non dislicpie; la partie postérieure de-
os du nez est un pou bombée; les fnmlaux
sont forlemenl déprimés dans leur milieu et se
relèvent ensuite légèrement; les parties posté-
rieures de la tète ne commencent à se courber
en bas, d'une manière sensible, qu'à [)aitir du
milieu des pariétaux; la boîte du crâne est pe-
tite, et ne prend que la moitii' de la longueur
de la tète.
LcTagiian [Pterrmuispelaurisla, Desm. .Vfii(-
jvis pelanriata. Pâli.. Le Gr'ind Énireiiil vo-
lant. Ri'FF.i a environ un pied et demi (0.58i,
de longucuiv, non compris la queue, qui a de
vingt à vingt et nn pouces (0,.ï42 -^ 0,.ï69). Son
pelage est brun, pointillé de blanc eu dessus,
gris en dessous, e\ce|)té au CiU, qui est brnn :
les cuisses sont un peu r(»iissàlr<'s, et la quiue
est presque noire ; la membrane des lianes
forme un angle derrière le poignet. Cet ;mi'.-
mal noclurne habite les Moluqnes et les Phi-
lippines. 11 a les mêmes habitudes que les
polatonches.
Le Pteiiomvs éclatait ( niernmiix u'ilidiis,
(Ieoff. — Dessi.) ressemble au précédent, au
pelage près, (|ui est d'un biiin marron foiué en
dessus, et d'un rou\ brillant en dessous; sa
(pieuc est presque noire, et le dessous de sa
gorge est brun. Il habite Java. A la suite de
eelte espèce on iilacera le pteiomijs lemogeniis,
de Temniink. Il se trouve au Japon.
LA MARMOTTE
FXVSJkGE SLISSE.
(Jardin des fl.ntc. )
MAIUIOTTRS.
313
LES MÂUMOTTtS
Ont dix niik'hi'lii'res supor-icures et huit inlV- cisivos : pas do caiiiiios; dix mohiiros siipét'iciiros
rieurcs, Imites tubcrciilécs ; les incisives sont et linit inférieures : leur eorps est trapu ; leui'
pointues; leur tète est grosse, et leur queue tête large et aplatie; leiu-s jambes sont courtes,
courte ou moyenne. ainsi que la queue, «ini est velue; elles man-
7' Gemie. Les MARMOTTES (.((t/oiiu/s , queut d'abajoues, et leurs ongles sont robustes
(i>u..) ont vitigt-deux dents, savoir : quatre in- et comprimés.
La MARMOTTE DRS ALPF.S {Arctoiilijs ninvniolta, Gmi,. ).
Cet animal, célèhi'C par son sommeil lothargiquo, a jjIiis d'un pied (0,025)
de lon<,nieiir, sans comprendre la qneiie, qui est assez courte et noirâtre à l'ex-
trémité; son pelajie est d'nn tjris jannAlre, teinté de cendré vers la tête, dont
le dessus est noirâtre; les pieds sont Itlancliàtres, et le tour du nnisenn d'un
lilanc grisâtre.
La marmotte vit en petites sociétés sur le sommet des montagnes alpines de
toute l'Europe, prés des glaciers ; elle est assez comnuine dans les Alpes et dans
les Pyrénées. Llle est fort douce de caractère, s'apprivoise aisément, et tuéme
s'attache à son luaître jusqu'à un certain point. Lorsqu'elle est devenue fami-
lière dans une maison, et surtout quand elle se croit appuyée par son maître,
elle montre lui courage qui ne le cède en rien à celui de Ions les autres aniiuaux
314 LES RONGEURS.
domestiques, et elle n'hésite pas à attaquer les chats et les plus gros chiens pour
les chasser de la place qu'elle s'est adjugée au coin du feu. BulFon dit « qu'elle
a[)prend aisément à saisir un hàton, à gesticuler, à danser, et à ohéir à la voix
de son maître; » en un mot, qu'elle est susceptible d'éducation, et c'est ce que
je ne crois pas. Il est vrai que les jeunes Savoyards qui montrent des marmottes
au peuple leur font faire quelques exercices; mais, si on se donne la peine de
les examiner sans prévention, on verra que ces tours ne sont jamais que le résultat
des tiraillements de la chaîne par laquelle on les tient, et de la manœuvre du bâton
qu'on leur passe entre les jambes. L'éducation n'est pour rien dans tout cela,
du moins, je ne l'ai jamais vu autrement. En captivité on la nourrit avec tout ce
que l'on veut, de la viande, du pain, des fruits, des racines, des herbes pota-
gères, des choux, des hannetons, des sauterelles, etc. , mais ce qu'elle aime par-
dessus tout, c'est le lait et le beurre. Quoique moins prédisposée au vol que le
chai, si elle peut se glisser furtivement dans une laiterie, elle manque rarement
de le faire, et en se gorgeantde lait à n'en pouvoir plus, elle exprime le plaisir
(|u'elle éprouve par un petit murmure particulier fort expressif. Ce miu'mure,
quand on la caresse ou qu'elle joue, devient plus fort, et alors il a de l'analogie
avec la voix d'un petit chien. Quand, au contraire, elle est effrayée, son cri de-
vient un sifflement si aigu et si perçant qu'il est impossible à l'oreille de le sup-
l»orter. D'une propreté recherchée, elle se met à l'écart, comme les chats, pour
faire ses ordiu'es ; mais, ainsi que le rat, elle exhale une odeur qui la rend trés-
désagréal)le pour certaines personnes. Ce qu'il y a de plus étonnant dans la
marmotte soumise à la domesticité, c'est qu'elle ne s'engourdit pas l'hiver, et
qu'elle est tout aussi éveillée au mois de janvier qu'en été, pourvu qu'elle habite
les appartements.
A l'état sauvage, la marmotte montre assez d'industrie, sans pour cela avoii-
une intelligence très-remarquable. Sur les montragnes, elle établit toujours son
domicile le long des pentes un peu roides regardant le midi ou le levant; elles
se réunissent plusieurs ensemble pour se creuser une habitation connuune,
et elles donnent à leur terrier la forme invariable d'un «i grec couché. La
branche d'en haut a une ouverture par laquelle elles entrent et sortent : celle
d'en bas, dont la pente va en dehors, ne leur sert qu'à faire leurs ordures, qui,
au moyen de cette pente, sont facilement entraînées hors de l'habitation. Ces
deux branches, assez étroites, aboutissent toutes deux à un cul-de-sac profond
et spacieux, qui est le lieu du séjour, et cette partie seule est creusée horizon-
talement. Elle est tapissée de mousse et de foin, dont ces animaux font une ample
provision en été. « On assure même, dit Bulfou, que cela se fait à frais ou tra-
vaux communs: que les unes coupent les herbes les plus fines; que d'autres les
ramassent, et que tour à tour elles servent de voitures pour les transporter au
gîte; l'une, dit-on, se couche sur le dos, se laisse charger de foin, étend ses
pattes en haut pour servir de ridelles, et ensuite se laisse traîner par les autres
qui la tirent par la queue, et prennent garde en même temps que la voiture ne
verse. » Ce qui a donné lieu à ce conte de chasseur, c'est que l'on trouve beau-
coup de marmottes qui ont le poil rongé sur le dos, et, selon l'usage, on a
mieux aimé inventer un conte merveilleux, pour expliquer ce fait, que de n'y
voir que roffot fort simple du frottement souvent répété du dos contre la
MARMOTTES. 315
paroi supérieure (rmi terrier Tort étroit. Les inarmolles passent la plus grande
l)arlie tle leur vie dans leur liahitalion ; elles s'y retirent pendant la nnit, la [duie,
l'orage, le brouillard, n'en sortent que pendant les plus beaux jours, et ne s'en
éloignent guère. Pendant ([u'elles sont dehors à paître ou à jouer sur l'herbe,
l'une d'elles, postée sur une roche voisine, fait sentinelle et observe la cam-
pagne ; si elle aperçoit (pielque danger, un chasseur, un chien ou un oiseau
de proie, elle fait aussitôt entendre un long sifllement, et, à ce signal, toutes se
précipitent dans leur trou.
Dés que la saison du froid commence à se faire sentir, les marmottes, reti-
rées dans leur terrier, en bouchent les deux ouvertures avec de la terre gâ-
chée, et si bien maçonnée qu'il est plus facile d'ouvrir le sol partout ailleurs
(pie dans l'endroit qu'elles ont nuire. Elles se blottissent dans le foin et la
mousse (lu'elles y ont entassés à cet ell'et, et tombent dans un état de léthargie
d'autant plus profond que le froid a i)lus d'intensité. Elles restent dans cet état
de mort apparente jusqu'au printemps prochain, c'est-à-dire depuis le commen-
cement de décembre jusqu'à la lin d'avril, et quehpiefois depuis octobre jus-
qu'en mai, selon que l'hiver a été plus ou moins long. Lorsque les chasseurs
vont les déterrer, ils les trouvent resserrées en boule et enveloppées dans le
foin. Us les emportent tout engourdies, ou même ils les tuent sans ([u'elles
paraissent le sentir. Ils mangent les plus grasses, et souvent ils conservent les
jeunes pour les donner à de pauvres enfants qui viennent les montrer en France
et déguisent ainsi leur mendicité. Pour faire sortir ces animaux de leur engour-
dissement, les rendre à la vie et rappeler toute leur vivacité, il ne s'agit que de
les placer devant un feu doux, et de les y laisser jusqu'à ce qu'ils se soient re-
chautfés. Leur chair serait fort bonne si elle était sans odeur ; mais il n'en est
pas ainsi, et ce n'est qu'à force d'assaisonnements épicés que l'on parvient à la
déguiser. Cependant, j'ai mangé des marmottes fumées qui avaient entièrement
perdu cette odeur, et qui étaient d'un goût excellent.
La marmotte ne produit qu'une fois par an, et sa portée ordinaire n'est que
de quatre ou cinq petits, dont l'accroissement est rapide; elle ne vit guère que
neuf à dix ans. Nous terminerons cet article par une observation qui se rapporte
à tous les animaux sujets à l'engourdissement hibernal. La léthargie, chez eux,
n'est rien autre chose qu'un sommeil profond, mais naturel, qui ralentit toutes
les fonctions, mais n'en suspend aucune. Quel que soit le froid qu'aient à sup-
porter ces animaux sortis de leur état normal, soit par letlet de la maladie,
soit par toute autre cause, ils pourront mourir gelés, mais ils ne s'engourdi-
ront pas. 11 en résulte que, lorsque l'hiver est très-rigoureux et le froid exces-
sif, les animaux engourdis se réveillent, souffrent beaucoup, et linissent par
mourir gelés si la température ne change pas après un certain temps. 11 en
résulte encore qu'une excessive chaleur de l'été, comme celle des troi)iques,
peut amener l'engourdissement tout aussi bien que le froid. Beaucoup d'ani-
maux, les reptiles, par exemple, s'engourdissent l'hiver dans les pays tempérés,
et l'été dans les pays chauds.
Le lîoiuK ( Antomys bobar, (;mi.. - Desm. G. Cuv.) est de la iiiinie grandeur que la prc-
La MannoUe de Pologne oii Uobar, Biff.— codenle; son pelage est d'un gris jaimàlre, on-
316
LES RONGEUUS.
Ircmêlt' (le poils Itruns en dessus, et roux en
dessous ; il a quelques teintes rousses vers la
tcle; la queue et la gorge sont roussâtres; le
tour des yeux est brun, et le bout du museau
d'un gris argenté. Le bobak habite la Pologne
et l'Asie septentrionale jusqu'au Kamtscbalka.
H a les mêmes habitudes que notre marmotte,
mais, vivant dans des pajs |)lus froids, il ne
creuse son habitation que sur des collines peu
élevées, à l'exposition du midi.
Le MoNAX(.^;(io»iiys monax, GML.Ci(»ii(i<//(A'
bakametisis, Catesb. La Marmotte du Canada,
ou le Monax, Buff. Le SilVcur de quelques
voyageurs) a quatorze ou quinze pouces (0,579
à 0, 506) de longueur, non compris la queue ;
il est brun en dessus, plus p;ile en dessous et
sur les côtés ; le nmseau est d'uu gris bleuâtre
et noirâtre ; les oreilles sont ariondies; les on-
gles longs et aigus ; la queue, longue connue la
moitié du corps, est couveite de poils noirâtres.
Cet animal, de la taille d'un lapin, habite toute
l'Amérique septentrionale, et particulièrement
l'intérieur des, États-Unis. Il se plaît dans les
rochers, et a les mêmes mœurs ()ue la mar-
motte des Alpes.
La Maumotte de Québec {Arrtomijs cm])ctia,
Gml. /Wi(i- ewpetra, Pall. La Marmotte du Ca-
vuda, de riùicycl. méthod. h'Arclomijs mela-
voinis, de Kuul?) est d'un brun noirâtre, pi-
queté de brun en dessus ; d'un roux ferrugineux
en dessous; le sommet de la tète est d'un brun
uniforme, passant au brun rougeàlre sur l'oc-
ciput; les joues et le menton sont d'un blan.;
grisâtre sale ; la poitrine et les paltes de devant
d'un roux vif; la queue est courte, noirâtre au
bout. Llle habite particulièrement le Canada et
les environs de la baie d'IIudson.
La IMaumotte falve ( Arctomijs fuira, Evehs.)
a beaucoup d'analogie avec le bobak; elle a
Ireize pouces ((),.352) de longueur, non compris
la queue, qui en a trois (0,081); son pelage
est d'un jaune brun luisant, avec un duvet in-
terne d'un gris cendré; ses doigts, et surtout le
pouce, sont Irès-rainces et très-allongés. Elle
habite les monlagues entre Orend)ourg et Buk-
kara.
La Marmotte pocdiiée (Arctomys pruinosa,
Gml.— î>aoi[>e) est de la grosseur d'un lapin ;
son pelage, long et dur, est formé de poils cen-
drés à leur racine, noirs au milieu, blanchâ-
tres à leur extrémité, ce qui lui donne une
couleur générale de gris blanchâtre ; le bout du
nez, les pattes et la queue sont noirs, cette der-
nière mélangée de roux; les oreilles sont cour-
tes, ovales ; les joues blanchâtres ; le dessus de
la télé est brun. Elle habite le nord de l'Amé-
rique.
La Maioiotte MccosARiguE {Antomtjs mugo-
aaricus, Eveksm.) a huit pouces (0,217) de lon-
gueur, non compris la queue, qui n'en a qu'un
(0,027), Son pelage ressemble à celui du sous-
lik, mais l'animal en diffère principalement par
sa plante des pieds large et courte, égalant la
dixième partie de la longueur du corps. Elle ha-
bite dans les montagnes de IMonghodjar, près
Boukkara.
La Marmotte aux doigts lisses (Arctomijs
le])todactt]lus, Eversm.) est longue de liuit pou-
ces (0,217), non compris la queue, qui a deux
pouces et demi (0,068). Son pelage est serré,
d'un jaune luisant en dessus, blanc en dessous,
d'un gris brun sur le sonnnet de la tète; elle
a une tache blanclie entre l'œil et le nez, et un
trait noir sur la face. La queue est d'uu noir
luisant en dessous, bordée de blauc Elle habite
Caraghata, près de Boukkara.
LeGuNDi {Jrvtomijsguudi, Gml. Musgundi,
RoTiiM.) est de la taille d'un lapin; ses oreilles
sont très-courtes, mais larges; sou pelage est
roussàtre; il n'a, dit-on, que quatre doigts à
chaque pied. Il habite l'Afrique.
Le IMaulin [Arvtomijs maulina , Spaw. Mus
maulinus, MotnA; serait, selou Molina, deux
fois plus grand que notre marmotte; son mu-
seau est plus long, j)lus eflilé ; sa queue moins
courte; ses oreilles sont pointues, et il a cinq
doigts à chaque patte. Il habite le Chili.
La Marmotte de Cmicassie (Arrtoniiis fir-
rassia', Peinn. Mus tscUerlicssicus, Erxl.) est de
la taille du hamster; ses yeux sont rouges et
brillants ; kon pelage est châtain ; sa queue est
assez longue et pointue; ses jambes de devant sont
plus courtes que celles de derrière. Peut-être
est-ce un gerbille? Elle habile des terriers le
long du tleuve Térek. Ces (rois dernières es-
pèces ont été si mal décrites par les auteurs qui
les ont observées, qu'on doit les regai'der comme
Ibrt douteuses.
8' Geare. Les SPERMOPHILES ( Spermo-
philus, Fh. Cuv.) ont la même formule den-
taire que les écureuils, avec lesquels ils ont au-
tant d'analogie qu'avec les marmottes; leurs
molaires sont étroites ; un hélix borde leur
oreille; leur pupille est ovale; leurs abajoues
sont grands; leurs doigts de pied sont étroits
et libres; ils ont le lalou couvert de poils, et
les doigts des pieds de derrière sont nus.
Le Jevrascuka ou Souslik (Sperniopliilus <i-
tillus, Less. Antomijs àtitlus, Desm. Mus citil-
lus. Lin. Le/Jzcl et lé Souslick, Buff. La Mar-
motte de Sibérie, Buff.) a environ un pied (0,525)
de longueur, non conipris la queue qui n'a guère
que trois pouces (0,081); son pelage est d'uu
gris brun en dessus, onde ou tacheté de blauc
par gouttelettes, blanc en dessous. On en cou-
iialt plusieurs variétés, dont Bulfon a fait au-
tant d'espèces : I" le souslili, à pelage tacheté;
2" le zizel, à pelage ondulé; 5" la marmotte
de Sibérie, à pelage d'uu brun jaunâtre uni-
forme.
MAKMOTTtS.
317
Le jevraschka vil solitaire dans le nord de l'Europe et de l'Asie, ainsi que dans
la Perse, l'Inde el la ïarlarie. Il se creuse un terrier comme la marmotte, et y passe
l'hiver dans un engourdissement complet. Lorsqu'on l'irrite, ou qu'on veut le
prendre, il pousse un cri comme la marmotte, et mord violemment. En mangeant
il se tient assis, et porte les aliments à sa bouche avec les pieds de devant. Il
entre en amour au printemi)S, et, en été, la femelle met bas cinq ou six petits,
qu'elle allaite dans son terrier. Ces animaux se nourrissent de graines, et, si l'on
en croit BulTon, ils dévastent les récoltes de blés et s'amassent des provisions
pour l'hiver. Leur fourrure est assez estimée.
LeSPEiiMOPuiLE DE RicHAitDSOiv {S])crmo])hiliis
Uiihardsonii , Less. Arctomijs liichardsonii,
SABl^E. La Marmotte tannée d'Amérique, des
voyageurs ) a le sommet de la tète couvert de
poils courts, noirâtres à la base, plus daiis à la
poiute ; le museau est aigu, couvert de poils
bruuàlres; les oreilles sout courtes, ovales; la
queue médiocre, à poils longs, anneles de brun
et de noir, fauves à la pointe; le pelage est uni-
lormément fauve, à poils bruns h la base; la
gorge est d'un blanc sale; le ventre est plus
clair que le dos, et des taches ferrugineuses
sont éparses çà et là. l^lle habite le nord de
l'Améiique, et a été trouvée aux environs de
Carlston-llouse.
Le Spehmoi'iiii.i; de IIood (Sperinoiihilas Uuo-
dii , Less. Arilonnis lloudii , 8AUI^E. Sciurus
trideeemlineatiis, Desm.) a environ cinq pouces
((',135) de longueur, non compris la (jueue, qui
n'en a que trois (0,081) ; son corps est mince,
et son nmseau pointu ; son pelage est d'un chil-
taiu foncé en dessus, avec une ligne médiane
blanchâtre, moitié continue et moitié formée de
petites taches ; de chaque coté de celte ligne
en sont trois autres non interrompues, alter-
nant avec trois séries de taches blanchâtres ; le
dessous du corps est d'un blanc jaunâtre. 11 ha-
bite les forets des sources du Meschasabé; on
ignore ses hal)itudes.
Le Speiuiopuile de FitA>KLiiN (Si)ennoijk lus
Franidinii, Less. Antomys FranJilinii, Sabine.
La Marmotte gri^c d'Amcriqite) a ài\ pouces
(0,271) de longueur totale; elle a la gorge d'un
blanc sale; son pelage est d'un gris jaunâtre
varié, ou brunâtre piqueté de blanc jaunâtre,
couleur produite par ses poils bruns à la base,
d'un blauc sale au milieu, annelés de noir, et
terminés de blanc jaunâtre : ceux du ventre
sont noirâtres à leur origine, d'un blanc sale à
leur extrémité; la queue est anuelée de blanc
et de noir ; le museau est très-obtus, el les
oreilles sont assez longues. Il habite le nord de
l'Amérique.
LESPEBMOPun.KDEPAïuiY (SpcrmopUdus l'ur-
njii, Less. Arctomijs l'arijH, Ricuabds. L'Etii-
rvuil de terre, IIeahm.) a cinq doigts aux pieds
de devant, et des abajoues; son nuiseau est co-
nique ; ses oreilles sont très-coui tes ; sa queue
est noire au bout, longue; il a le corps tacheté
en dessus de plaques blanches et noires con-
liuenles, et le ventre d'un roux ferrugineux. 11
habite le nord de l'Amérique.
Le WisTocvMscii {Spermophihisludovicanus,
Less. Arctonujs Indoticiana, Sav. Arctomtis
viissouriensis, Wakd. Cijnomis >.0(ialis, Kafim.
Le Uiien des prairies, Lewis et Clahk.) a seize
ponces (0, iô5) de longueur : son pelage est d'un
rouge brun ou d'un brun roussâtresale et pâle,
entremêlé de poils gris et de poils noirs; sa
tète est large, déprimée en dessus ; il a les jeux
grands; les oreilles courtes et connue tron-
quées ; tous les pieds ont cinq doigts ; sa queue,
assez courte, a une bande brune veis son ex-
trémité.
Cet animal a reçu des Américains le nom singulier de chien des prairies, non
pas qu'il ait (juelque analogie de mœurs ou de formes avec les chiens, mais parce
qu'on a cru trouver de l'analogie avec l'aboiement de ces derniers animaux et
son cri. Selon Ilarlan, ce cri s'imite assez bien, en prononçant avec une sorte
de sifflement la syllabe tcheli. Cette espèce est très-commune dans la province
du Missouri, où elle vit en troupes plus ou moins nombreuses, cba((ue famille
occupant un terrier (jui lui est exclusif; il en resuite que ces terriers sont très-
rapprochés et forment comme des sortes de garennes auxquelles les habitants
du pays donnent le nom de villages. Quebpies-uns de ces villages ont une petite
étendue, mais il en est d'autres (jui ont jus(pi'à plusieurs milles de circuit. Du
318
LES RONGEURS.
1 este, les liahiUidcs de ce spermophile sont à peu près les inèinos (|ue celles de
la marmotte des Alpes.
Le Si'EKMOPUiLK GRIS {Spennophilus gnscus.
Ltss. Cijiiomtjs (jiiseiis, RAFl^.) a environ dix
pouces et demi (0/285) de longueur; son pelage
est fin, entièrement gris ; ses ongles sont longs.
Cette espèce douteuse habiterait les bords du
Missouri.
A la suite des spermopliiles nous placerons
un genre assez hétéroclite, composé d';me seule
espèce, dont on a fait une lamille sous le nom
d'ulacodées. L'animal qui la compose ressem-
ble aux marmottes par la forme des dents, mais
il se rapproche des porcs-épics par plusieurs au-
tres caractères, et particulièrement parles soies
dures et longues de son pelage.
9'^ Genre. Les ULACODES { Aularodus ,
Temm. ) ont douze dents pendant leur jeunesse
et seize dans l'âge adulte, savoir ; deux incisi-
ves supérieures fortement cannelées, ayant cha-
cune deux sillons; deux inférieures lisses et
tranchantes; point de canines; quatre ou six
molaires ayant deux sillons profonds et trois
émiuences à la mâchoire supérieure ; quatre
ou six molaires à la mâchoire inférieure, la
première de cha(iue coté ayant trois sillons et
qunirc éminenccs; le museau est court, large,
obtns, sans abajoues; ils ont quatre doigts à tous
les pieds, et un cinquième, rudimentaire, caché
sous la peau ; leur queue est entièrement \wi-
lue; leurs oreilles sont grandes, à conque gar
nie de replis internes.
L'Ulacode s\Vl^nERIE^ {Aulucodus swivdera-
nus, Te.ioi.) a huit pouces et quart (0,22^) de
longueur, c'est-à-dire qu'il est uu peu plus
grand que le campagnol aquali(iue {Hijpiida'us
amphibius). Ses oreilles sont nues, très-grandes,
en demi-cercle ; la queue, à peu près grande
comme la moitié du corps, est garnie de poils
courts; le ()elage est grossier, formé de soies
dures et longues , annelées de jaunâtre et de
brun foncé; le dessous du corps est d'un blanc
jaunâtre uniforme; la queue se termine par un
llocou de poils La patrie et les mœurs de cet
animal sont inconnues; mais il est probable
qu'il vit dans un terrier, comme les marmottes.
MAISON DE CUVIER.
(J.rili-l .le- l'Imt.--
KATS-T.MIl'KS.
:ii!>
Li:S HATS-TAIIPKS
Ont an pins sci/c molaires; Icin-s in(;isivcs en foinic de coin; siv niolaiiTs en liani cl six
inrciicniTS sont lioiuinccs, en coin, (•'('sl-ii-diiT en l»as, simples . à Inliercnles monsses ; leni'
a liandianl liansvcrse reclilit;ne cl non en corps esl cjlindiiipie ; lenis pieds conris, les
l'oinle ; les on>>les. des pieds de derrière an anicrieni's propres à l'onii- la terre, Ions nnniis
moins, sont plats. de ciii(| doif^ls; lem-s 5 eux sont excessivement
10° (iKNHK. I.es HATS-'l'AllPKS ( CroriiUus, pelils. caches sons i,i pean ; enfin lem- (|neuc csl
Illic.) ont seize dents, savoir : ipialre incisives, mdlo on Irés-conrlo.
L(î ZKMNI [Gc.orirliiis liiplihis, Li.ss. Asi>nla.r liijililns, Dfsm. Si)(il(tx iiinjur,
Erxi.ki!. SjXtldX ni'tcroplilhdhuns, Om.DKNsr. Mus lijplilus, Li^. \a' /ciinii'i, le
Slcprs, I(! l\m-Tnup(\ et la Tiuijx: (tvciujlf i\i's voyaf^ciirs 1
A iiisfiua liiiit ponces (0,217) de loii^iKMir, (•'('st-.i-<lir(! (lu'il esta peu i»ri's
(lo la laille du rat coiiiiiinn; son pelage csl, liii, sene, d'un j^ris rcndié lavé de
loiissâlrc, ou r('irii<,'iii(Mix, qiieUpiolbis ayani des lâches hiaiiclies irré-^nlièi-es;
sa lèle est, j;i-osse, aiigiileiis(! sm- les côtés; il inaiicpie de (pieiie.
Le zeuini était connu (l(!s (irecs, cpii lui donnèrent le nom daspalax et le-
mat-cpièi-ent fort l)ien (pi'il est aveugle. Les auteurs latins (pii vinrent après tra-
duisirent ce mot (lapalax par celui de inlpit, taupe, parce (pi'ils ne connaissaient
pas l(î zemni, et delà est vemie (;ett(! eirein- pctpiilaire (pu- la laup(^ est aveugle.
Ouoi (pi'il en soit, ainsi (pt'elle, le /cnmi liahile de longues galeries soulerraines,
d'où il ne sort (|ue très-rarement. Kn creusant son liahilalion, il liouve sa
nourriture, consislant en racines liulheuses, (^t principalement en celles du cer-
leiiil huUienx [CJiœmjiliijllaiu bnibosum) iiu"\\ ainn; beaucoup. (>'est [(articuliè-
3-20
LES RONGEURS.
remenl dans les terres humides, où cette plante croit abondannnent. (|ue cet
animal aime à fixer sa résidence. Dans le temps des amours, c'est-.î-dire depuis
le printemps jnsfpi'au milieu de rélé, il se hasarde quelquefois à sortir de son
trou pour aller chercher sa femelle, mais il le fait avec heaucoup de prudence. Il
marche avec inquiétude, s'arrête de temps en temps, la tête haute, non pour
voir le danger, puisqu'il n'a pas d'yeux, mais pour écouter, car, en compensa-
tion de la vue, qui lui serait à peu près inutile dans son hahitation souterraine,
la nature lui a donné une ouïe d'une finesse extrême. Au moindre bruit il fuit
avec vitesse, tantôt en avant, si le danger lui paraît venir derrière lui, tantôt à
reculons, et il est aussi agile dans cette singulière démarche que s'il courait
devant lui. Est-il attaqué, il se défend de la griffe et des dents, avec un cou-
rage extraordinaire, et il ne cesse de combattre qu'en mourant. La femelle fait
de deux à quatre petits, qu'elle élève avec soin et qu'elle allaite avec ses deux
mamelles. Cet animal habite l'Asie Mineure, la Perse, la Russie méridionale
jusqu'au nord de la mer Caspienne. Il est fort gras en automne, et pèse jusqu'à
un kilo et demi.
I,e .SuKERKA^ ( Georyrhus tnlpinif , Les.*;.
Ijnvuis Inipiniis , Des.m. Mus talpinus , QyM.
Spnlnx mmor , ER\LEn. ) n'n guère que trois
pouces (0,081; (le lonçiueui ; sou pelage estd'uu
gris brun en dessus, l)lanctiiitre en dessous. 1!
a une petile qiioue. On eu connail une variété
à pelage noir. I! se creuse des galeries comme
le précédent, et n'en sort que la nuit. Il se nour-
rit principalement de bulbes de gesse tubéreuse
; Ij.tl.ijnis tuberosiis) , de phlomis tid)éreux
iPhkmvs lubcrosus) , et d'ognons de tulipes.
I^ansletemps de ses amours, il répand une odeur
musquée assez forte. Il liabile la Russie méri-
dionale, la Tatarie et la Bukkarie
Le l\AT-TAtPE \ BANDES ( Georycluts rWatits,
Less. .S7)o/fl.rfriii((at«, Rafi\.) est long de sept
pouces 0,089 , et a la forme d'un cochon d'Inde;
ses oreilles sont petites, ovales, un peu poin-
tues ; il manque al)solument de queue; son pe-
lage est fauve en dessus, avec trois bandes lon-
gitudinales larges et brunes; le dessous du corps
est blanc. Il habite le Kentucky, aux Étals Unis
d'Amérique.
Le ZocoR [Gcorychiix zohor, Less. Lpiimiii-
znhnr, Desm. Mus aspala.r, Li>.-Pall.), plus
petit que le zemni, a le pelage d'un gris roussà-
tre, mélangé de gris clair et de brun à la racine,
passant au lilanchàtre en dessous ; sa queue est
très-courle, pointue, couverte de poils de même
couleur que le dos; le corps est raccourci, ven-
tru. Il a les mêmes habitudes que les précédents,
et se nourrit prinei|)alement des bulbes du lis
pompon {Liluim pompouium) et de l'érjlhrone
dent-de-chien {Eriithronium dcns-ranis). 11 ha-
bite la Daourie et les monts Altaïs.
i r GE^nE. Les BATHYERGUES ( Baf/ii/fr-
giis, Illig.) ont seize dents, savoir : quatre in-
cisives en coin, et douze molaires; leurs pieds
de devant sont mimis d'ongles robustes propi-es
à fouiller la terre; leurs yeux sont extrêmement
petits, mais découverts ; leur queue est liès-
courle.
Le CniCET ( liattuicrgns capciisis, Desm. il//(.s-
cttjiensis , Gml. — Pall. Le l'elil rnt-taupp (hi
Cap, Blff.) est de la grandeur d'une taupe; sou
pelage est brun ; il a le bout du museau blanc,
avec nue tache blanchàlre autour de l'oreille,
une autre autour de l'œil, et une troisième sur
le verlex. Il habile les environs du cap de Bonne-
Espérance, et il y fouille la terre à la manière
des taupes.
Le BATiiïEiir.cE uottentot (Bulhijcrgus hol-
tentotus, Less. et Oar?!.) est moitié plus petit
que le précédent, et a quatre pouces six lignes
|0,I22) de longueur; son pelage est d'un brun
gris, passant au cendré en dessous; sa queue,
excessivement courte, est bordée de poils disti-
ques. Il habite les environs du cap de Bonne-
Espérance, près la Péarl.
12'' Genre. Les ORYCTÈRES { Onjcicrus .
Fr. Ciiv.) ont vingt dents, savoir : quatre inci-
sives, ajaul un silkm longitudinal très-profond ;
point de canines; huit molaires en haut et huit
eu bas. Leur nnisean, jilus allongé que dans le
genre précédent, est termine par im boutoir;
leur (jueue est plate.
L'Okvctère des l)L^ES (iinjrleius mariti)HH.<,
Less. Batlujergus viaiitimus. Desm. Musmaii-
iimus, Gml. La ('iiiindc taupe du Cap, Bi ff. Le
liai-laui)e des dunes, G. Cuv. ) est pres(|ue aussi
grand qu'un lapin. Son jtelage est d'un gris blan-
chitre; sa queue est grise, à poils roides. Cet
animal, qui vit à la manière des taupes, fouille
tellement la terre dans les environs du Cap de
RATS-TAUPES.
321
Bonno-Espi^raiicp, où i) lial>ite, qu'il est sonvrnt
flaiigorcux de se promener j^i cheviil dans les cail-
lons où il est coniniim. Il se nourrit de racines
et donnons déplantes bulbeuses.
12" Geivhe. Les cri'ÉXO.MES { CJciinnuis,
Rlainv. ) ont vingt dénis, savoir : quatre incisi-
ves fortes, à coupe carrée, à bord large, sans
sillon sur leur surface; huit molaires en liant et
huit en bas; leur tête est ovale, peu déprimée ;
leurs yeux sont petits; leur corps est assez al-
longé, un peu déprimé ; leursjambes sont cour-
tes ; leurs pieds ont cinq doigts pourvus d'ongles
longs, très arqués, pointus, jjropres à fouir la
terre ; ceux des pieds de derii('re plus courts ,
plus larges, creusés en cuiller en arriére, garnis
à leur racine de poils loides en nlteau.
Le Cténome nr RnÉsii. {Ctcnomijs brctsilien-
sis, P.i.MNV.) est de la (aille de noire rat d'eau.
Son pelage est doux, fin, court, d'un gris ardoise
à sa base, et d'un brun roussâtre luisant dans
tout le reste de sou étendue; le dessous est d'un
blanc roussâtre; sa queue est médiocre, à poils
rares et d'un brun noirâtre. Il habite le Brésil.
15« Genre. Les HlÉL.\3IYS {Ilclamif<, Fn.
Clv.) ont \ingt dents, savoir: quatre incisives
en forme de coin ; huit incisives ù chaque mâ-
choire, simples, à deux lames; ils ont le museaiv
épais; les oreilles longues; les jambes de devant
courtes, à cinc] doigts armés d'ongles fort longs;
les janil)es de derrière très-longues, à quatre
doigts; la queue longue et très-touffue; quatre
mamelles peelorales.
■4
41
:i22
Li:S UON(.EUKS.
Le MANNET OU LIÈVRE SAUTEUR DU CAP [Ihlamys cafer, Fr. Cuv. Pedetes
capensis, Desm. Dipnscnfer^ Gml. Le Grand Gerbo, Buff. )
Est à peu près de la grandeur et de la couleur d'un lièvre; il est d'un fauve
jaunâtre clair, varié de noirâtre en dessus, blanc en dessous, avec une ligne de
la même couleur dans le pli des aines; ses jambes sont brunes; sa queue,
assez mince, est roussâtre à l'origine en dessus, grise en dessous, noire à l'ex-
trémité.
Le mannet habite les montagnes autour du cap de Bonne-Espérance. Avec
ses ongles puissants il se creuse un terrier ayant quelque analogie avec celui
d'un lapin, mais un peu plus large. C'est là que cet animal se retire pendant
le jour, car ses grands yeux nocturnes ne lui permettent i)as de soutenir l'éclat
des rayons du soleil. Il dort profondément toute la journée, et il semble qu'il
y mette une sorte de volupté paresseuse. Assis sur le derrière, le dos appuyé
contre la paroi de sa chambre à coucher, il ploie le dos, courbe la tète et la
place entre ses deux genoux écartés et mollement plies; avec ses mains, il
[)rend ses deux longues oreilles, les rabat sur ses yeux en manière de rideaux,
et par ce moyen aucune distraction ne lui arrive, ni par la vue, ni par l'ouïe.
S'il se réveille de temps à autre, c'est pour goûter à ses provisions, "et se rendor-
mir bientôt après dans une douce cpiiélude. Mais quand les premiers voiles de
la niiil oui assombii Iborizon, il (juilte son alliliide somnolente, et pense à faire
RATS-TAU P!:S. 323
ses provisions pourle leiulomaiii. 11 sort de son terrier, et cln bord de son tron
évente les environs pour s'assurer qu'aucun danger ne le menace. Alors il se
hasarde dans la campagne, mais avec précaution, et il ne s'éloigne jamais beau-
coup de sa retraite, afin de pouvoir y rentrer promptement s'il aperçoit quelque
objet inquiétant. Lorsqu'il est tranquille, il marche sur ses quatre pattes, et ra-
masse l'herbe et les graines dont il se nourrit. Il goûte à ses provisions avant de
les transporter, et pour cela, debout sur son derrière, il les porte à sa bouche
avec ses pattes de devant, qui font office de bras et de mains. Aperçoit-il un
animal carnassier ou un chasseur, il fuit en sautant sur ses jambes de derrière,
en conservant sa position verticale et faisant des bonds prodigieux. Dans ce
cas, ses jambes de devant sont si exactement appliquées contre son corps,
(ju'elles disparaissent presque entièrement dans les poils de la jioitrine.
Du reste, cet animal, si timide à l'état sauvage, s'apprivoi«e très-facilement,
et, en domesticité, il porte quelquefois la familiarité jusqu'à l'insolence. Comme
sa chair est assez bonne à manger, les Hottentots et les colons lui font une
guerre active. Ils cherchent sou terrier, le découvrent avec la pelle et la pioche,
et s'emparent de l'animal, qui fait fort peu de résistance, et qui se borne le
plus souvent à pousser un petit grognement sourd de colère, si on ne le blesse
pas. Quand son terrier est creusé dans des tissures de rochers, on le force à en
sortir en le fumant, comme nous faisons ici pour les renards.
321
LES KONGEURS.
La Getbnise Alactas
LES GERBOISES
Soiil roinarqiial)Ies par leurs nionibres posté-
rieurs beaucoup plus longs que les autérieurs,
flou il résulte qu'au lieu de marclier ù quatre
pieds elles sautent sur deux ; elles ont les incisives
inférieures pointues, et non cunéiformes; ja-
mais plus de douze ou quatorze molaires, et tous
les doigts libres.
lî* GE>nE. Les GERBOISF.S ( Dipiis, Sckeb.
— Gml.) ont dix-huit dents, savoir : quatre in-
cisives, dont Jes inférieures pointues; pas de
canines; huit molaires eu haut et six en bas,
simples, à couronne tuberculeuse, la première
supérieure n'étant que rudimentaireel tombant
avec làge; les jambes postérieures sont plus ou
moins allongées, et les doigts eu nond)re varia-
ble, mais n'ayant, comme ceux des oiseaux ,
qu'un seul métatarsien pour tous; les pommettes
sont très-saillantes; la queue est très-longue,
touffue au bout; cl ils ont huit mamelles. Tous
ces animaux ne marchent qu'en sautant.
Ualactaga {Dipiisjnciilns, Gjil. Musjaculus, Vaï.i.. Le Mongut, \ico-nAz\R.
Le Morin jnhiiaûes Kalmoucks)
A environ sept pouces (0,HS9) de longueur, non compris la queue qui est beau-
coup plus longue que le corps, et n'a pas moins de onze pouces (0,2'.)8). Il a
beaucoup d'analogie avec le gerboa, mais il en diffère par un pelage moins fauve,
par sa tète plus longue, par ses oreilles presque nues, assez étroites, mais plus
longues que la tète, et suri ont par ICxistence des deux petits doigts latéraux
aux pieds postérieurs. Sous le nom de D'ipus jacitlus jnjgmœns, Eversmann en
iiidiiiueune variété plus petite babitanl le désert entre Orembourg et Bukkara.
L'alactaga se trouve dans les déserts de la Tartarie, de la Crimée et de la
Tauride. 11 s'engourdit deux fois par an : en biver, et alors il a le soin de bou-
clier lierméli(piemcnt son terrier avec de la terre délayée, et en été pendant les
LES HEL/VMYS.
ME Dl (:*P 1)1' l!O>>E-HSPEUAN0E.
.1 », .1 I I. Ar. H I >
UATS-TAUPES. 325
gramles chaleurs. Il n'amasse aucune provision, et se borne à transporter dans
son trou un peu de foin et de mousse pour se coucher dessus pendant son hiver-
nage. Nocturne, comme les autres animaux de son genre, il ne quitte sa retraite
que la nuit pour aller chercher sa nourriture, qui consiste en herbes, en feuilles
et en racines, quelquefois en insectes, et même en petits oiseaux quand il peut les
saisir. D'un caractère farouche et féroce, il lui arrive parfois de se jeter sur des
individus de son espèce, sur ses propres enfants même, et de les dévorer s'il est le
plus fort. D'un seul bond il franchit une distance considérable, et ses sauts se
répètent avec une si grande rapidité, que, selon Pallas, le meilleur cheval de
course ne peut le dépasser. La femelle produit plusieurs fois l'année, et chaque
fois elle fait un nombre de petits assez considérable.
Le Gebbo ou Geuboa ( Dipns gcrboa, Gml.— sant de la même couleur se dessine sur chaque
Des>i. Miisjnrulus, Lix. Mus sugilta, Pâli,. Le fesse; les oreilles sont de nioilié aussi longues
Gerbo ou Gerboise de Blff. La Gerboise à trois que la télé; celle-ci est couiie, élargie; les pattes
(loiuls de quelques auteurs) a le corps long de de derrière ont trois doigts, dont celui du nji-
six pouces (0,1 ()2|, non compris la queue qui est lieu le plus long; les pattes antérieures ont un
plus longue (pie le corps; son pelage est d'un petit pouce onguiculé. Les jamiies sont nues,
fauve clair en dessus, la pointe des poils étant aussi bien que les oreilles et le museau. Il a été
noire; le dessous du corps est Manc ; un crois- souvent confondu avec le précédent.
Le gerbo, que les Arabes nomment jerbuah, habite les lieux sablonneux et
déserts de la Barbarie, de l'Arabie et de la Syrie. C'est un animal timide, in-
quiet, fort défiant, assez doux, et qui néanmoins ne s'apprivoise que jusqu'à un
certain point. Ses jambes de devant sont trop courtes pour pouvoir lui servir
à marcher, aussi ne les emploie-t-il à cet usage que lorsqu'il s'agit de grimper
contre des pentes trés-roides; dans toute autre circonstance, son allure est le
saut; il peut, dit-on, franchir d'un seul bond un espace de dix pieds (3,24.S), et,
dans sa marche ordinaire, il ne saute pas moins de trois à quatre pieds (0,975
à 1,299) chaque fois. Uien n'est curieux comme de voir ce petit animal, lors-
(ju'on le surprend dans un blé déjà haut, s'élancer à cha(iue pas qu'il fait au-
dessus des épis, paraître et disparaître comme une marionnette, mais avec une si
grande vivacité qu'il est impossible au chasseur le plus habile de pouvoir le tirer.
Dans cette circonstance, il a les pieds antérieurs exactement appliqués contre
la poitrine, le corps très -penché en avant, ses longues jambes étendues en
arrière, ce qui lui donne une physionomie fort singulière.
Les gerboas vivent en troupes quelquefois assez nombreuses, et se creusent
des terriers à la manière des lapins ; ils y entassent, pendant la belle saison,
une assez bonne quantité de provisions, mais pour leur consommation journa-
lière, et pour le temps oii des orages ne leur permettent pas de sortir, car ils
s'engourdissent pendant l'hiver, comme les marmottes. Ils mangent des graines
et même de l'herbe ; mais leur nourriture favorite, et la plus ordinaire, con-
siste principalement en petites racines tubéreuses et en bulbes de plantes lilia-
cées, qu'ils déterrent avec une grande facilité, l'our manger, ils sont assis sur
leurs talons, et ils portent leurs aliments à la bouche avec leurs pattes de de-
vant; dans le repos, celles-ci sont tellement bien cachées dans les [)()ils de la
poitrine (|u'on dirait ((ii'ils n'en ont pas. Ce sont des animaux nocturnes, (|ui
32G
Lt:S RONGEURS.
dorment tout le jour dans leur retraite, et (|ni n'en sortent que la nuit pour aller
à la provision. Pendant les premiers jours de l'automne, ils s'occupent à couper
et transporter des herbes fines et sèches, pour composer le lit mollet dans le-
(piel ils doivent passer un court hiver. Dès que les vents froids conunencentà se
faire sentir, ils s'y retirent, et n'en sortent que lorsqu'une nécessité absolue les
y pousse. S'il survient des gelées, ils s'y blottissent et s'y engourdissent.
LaGERnOISEGKAMl(Di7)!(51)l«.TJ»)II(S, Bl,*INV.)
est de la ifrossciir d'un lapin de ninjcnne taille ;
son pelage est d'un gris clair en dessus, blanc
en dessous; elle a, sur chaque d'il, nne ligne
noire, et ces deux lignes se réunissent sur le
chanfrein ; elle a quatre doigts aux pieds de de-
vant et trois à ceux de derrière On ne connaît
ni SCS mœurs ni sa patrie.
La Gehuoisiv nuACiiïtRE (l)i])iis bradiijurus,
Blaimv. Mus jiiculus, ]'ar. Pall. ) a quatre
|)ouces et demi lO, 1 22) de longueur, sansia queue,
qui est seulement un peu plus langue ; son pelage
est d'un fauve pâle varié de brun en dessus,
blanc en dessous ; elle a un croissant blanc sur
chaque fesse ; son museau est blanc à l'extré-
mité et brun en dessus ; la queue et les niem-
l)res sont assez épais, les oreilles assez courtes;
les pieds postérieurs ont cinq doigis, dont les
trois internes sont d'égale longueur entre eux.
l'^lle habite la Tartarie et la Sibérie.
La (iEBiJOisE Mii^E I l)>i)Hx iiiinutus, Desm.
Dipns jaiulus, var. ininor, Pall.) atteint à peine
la taille d'un mulot. Son pelage est d'un gris
jaunâtre pâle, varie de brun en dessus, blanc en
dessous ; SCS extrémités sont blanches, ainsi (lu'un
croissant sur chaque fesse ; le museau est d'un
. gris jaunâtre, et non pas blanc ; elle a cinq doigts
aux pieds de derrière, à ongles des trois in-
ternes d'égale longueur entre eux. Elle habite
les bords de la mer Caspienne et du Volga.
La CxEiiBoiSE TiiAiT ( Dtpiis tcltim, Kvtus.l est
longue de cinc] ponces (0,1 3o) .ijansla queue, qui
en a six (0,102), est bordée de noir, et n'a pas
de blanc à son extrémité ; elle a trois doigts aux
pieds de derriire; les tarses garnis en dessous
de |)oils noirâtres, durs, médiocrement longs,
ont de forts tubercides à la naissance de l'ongle.
Elle se trouve aux environs du lac Aral.
LaGE«i;oisE a pieds de liévue {Dipuslagupus,
l'.VEiis.) a quatre pouces trois lignes (0,113) de
longueur, sans la queue, qui en a autant ; celle-
ci est terminée par une touffe de poils blancs,
et bordée de poils noirs à un pouce de sou ex-
trémité; les tarses sont garnis en dessous de
poils serrés, longs, roides et blancs, formant la
brosse ; le pebige est Isabelle claire en dessus,
blanc en dessons. Ou la trouve entre Bukkara et
Orembourg, près du lac Caniexhli.
La (iKiiiîoisE A yi'Ei E l'LATE ( Dipits pluturus,
EvEiis. ) a Irais ponces six lignes (0,0!)."),' de Ion
gncur, sans la (pieue, qui en a trois (0,0811.
Ses foi-mes sont les mêmes que celles de la pre-
cédiiite, mais ses oi'cilles sont longues, sagittées,
terminées par une |)etite lonffe de poils noir-s et
très-coiu'fs; les pieds ont cinq doigts. Elle habile
le même pays, i)rès de Kouvan-Deria.
13 Geniik. Les r.EUBILLES { Gerbillns ,
DiiSM.) ont seize dents, savoir : quatre incisives ;
point de canines ; six molaires en haut et en bas,
simples, à couronne tuberculeuse. La pommelle
des joues n'est pas saillante; les jambes posté-
rieures sont très -longues, à cin(] doigis ayant
chacun son métatarsien propre; leur queue est
longue, plus ou moins touffue, sans |)inceau de
poils plus longs à l'extrémité. Ils ne nuirchent
qu'en sautant.
Li' JuiD ( Cicrbilliix meriiliaims, Desm. Mtis
loiigipcs et Mus meriilmuns, Pall.) a (piati'e
ponces deux lignes (0,1 l.'i) de longueur, sans la
queue, (lui en a trois (0,081); son pelage est d'un
fauve grisâtre en dessus , et d'un blanc pur en
dessous, avec une ligne dorsale d'un roux brun ;
les membres sont blancs ; la (pieue est d'un
fauve grisâtre uniforme. Les pieds de devant
ont un pouce à la vérité fort court, mais ongui-
culé. Le jird habile les déserts sabloimeux et
arides qui séparent le Volga de la chaîne des
monts Ourals ; il est assez conmiun sur les bords
brûlants de la mer Caspii une. il se nourrit de
graines sèches et de fruits à cocpie dure, tels
que noisettes, noix, etc.. et vit dans un terrii r.
'l'ont es les espèces ont les mêmes habitudes.
Le Gehdille ni tamaiusc {Gcrhillns lamarici-
vns, Des>i. Mits tamniicinus, Pall. ) est long
(le six pouces (0, 1 02), sans la queue, qui en a cinq
(0,1.33) ; son pelage est épais, d'un gris jaunâtre
en dessus, blanc en dessous ; le tour des yeux et
du n(z est d'un blanc sale, la queue est annclée
de gris et de brun ; les pieds de derrière ont le
pouce plus court que le doigt externe. Il habite
les bords de la mer Caspienne, dans un terrier
creusé à proximité des marais salins, n'en sort
que la nuit, et se nourrit de feuilles de soudes et
de taniariscs.
L'IlEitiNE (Gerbillits tmiiins. Desm. Dipiis in-
liicus ou Yirbua, llAiumicii) est de la tailled'un
rat conmmn ; son pelage est marron en dessus
et tacheté de ligues brunes longitudinales; le
corps est blanc eu dessous; la queue, un peu
plus longue que le corps, est brune, terminée
RATS-TAUPES.
327
par un flocon de poils hlnncs. Il hnl)ite l'Indos-
fan, vit de graines, et amasse des pro\ isions.
Le Gerhii.le du Lahiuuor ( Vierbillus Uibra-
doricits, Sapine ) a quatre pouces de loupucur
(0,1(18), sans la queue, qui eu a deux et demi
(0,0()8) et qui est noire en dessus, hiauciie inté-
rieurement; le pelafie est i)run en dessus, blanc
en dessous, ces couleurs se fondant insensible-
ment l'une dans iaulre; les moustaches sont
très-f'oiirnies, longues et noires.
Le GEiiiiiLLE DES PYiiAJiiDES i GerbUltis ptjra-
vxidiim, Lsii). (Ieof. Dipus pijrawidjii», (tEOK.)
n cinq pouces (O.fô.ï) de longueur, non compris
la queue, qui en a autant ; celle-ci est presque
nue, terminée par un petit pinceau de poils jau-
nâtres; le pelage est d'un jaune roussàtre en
dessus, d'un l)lanc sale en dessous; les pieds
antiTieurs n'ont que quatre doigts, sans rudi-
ment de pouce. Ce n'est peut-être qu'une va-
riété du gerbilie du tamarisc, mais distincte de
la suivante, avec laquelle Desniarets,Lesson, etc.,
l'ont confondue. Il habite les environs des gran-
des pyramides, en Egypte.
Les espèces qui vont suivre ont les jambes pos-
térieures d'une longueur excessive.
Le CiEnBiLLE d'Écïpte {Gcrbilliis agti])tiiis,
Desm. Dipus Gerbilliis, Ouv.) n'est que de la
taille d'une somis: ccmime le précédent, mais
de moitié plus petit ; ses pattes antérieures ont
cinq doigts, sa queue est brune, et ses membres
postérieurs sont au moins aussi longs (pie le
corps. Il se trouve dans le même pays.
Le GEiimi.LE aix veux uom>s ( G(HjiZ//(S mf-
(lalops, RAFl^.) est long de deux pouces ((t,(l.)4!,
sans la queue, qui est plus longue et terminée
de blanchâtre; ses jambes postérieures sont lon-
gues de ti-ois pouces (0,081); son pelage est
gris ; ses oreilles et ses yeux très-grands, et son
museau noir. Il habite le Kentuck\ ,en Amérique.
Le (iEuuii.LE oLKiE iiE LION (GerhUliis Uonu-
rus, Rafi^.) a trois pouces (0,081) de longueur,
non compris la queue, et se« jambes de derrière
sont de la même longueur; son pelage est fauve:
ses oreilles sont très-longues ; sa queue est noire,
terminée par une touffe fauve. Il habite le Ken-
tucky et l'Indiana, en Amérique.
Le (JERBiLLE nE LA BAIE d'IIcdson (Gtrb'illiis
h'idsonuis, Raki>.) ressemble beaucoup au pré-
cédent, mais son corps est brun, bordé d'une
ligne jaune de chaque côté. Il habile les rives de
la baie d'Hudson.
Le Gekbili.e soricin {Gerbillus sorichms ,
Kafi>. ) est d'un gris brun en dessus, avec une
ligne rousse longitudinale sur les lianes; les
oreilles sont presque nues, ovales-arrondies ; la
queue, plus courte que le corps, est soyeuse,
d'un gris brun en dessous. Il habite l'Amérique
du nord.
10" Gemie. Les MÉRIOXES (1/f)io)i<-.s, Illic.)
ont dix-huit dents, savoir : quatre incisives, huit
molaires en haut et six en bas ; les molaires sont
com|)osces, et non simi^les comme dans les gen-
res précédents; la couronne représente une sorte
d'S renversé, avec des cei des de plus eu plus
marqués sur les dernières dents.
La Merione du Canada (Mcrioncs ncmoralis,
Is. CiEovF. Mei iones ranadeusis, Less. Gerbillus
canadeiisis. Desm. Gerbillus Davicsii, Rafix.
f)ipu< rnnadensis, Davies. Dipus amcrirauiis,
Rarton ) est de la grandeur d'une souris; son
pelage est jaunâtre en dessus, blanc en dessous;
ses oreilles sont très-courtes; sa queue, écail-
leuse et picsque nue, une fois et demie aussi lon-
gue (pie le corps, se termine par un (locon de
poils allonges ; elle a quatre doigts aux pieds de
devant, et ciiui à ceux de derrière, l'.lle habite le
Canada et passe l'hiver engourdie au fond de son
terrier.
LaMEKioNE EPAISSE (Mcrioucs opimns. Lvers )
a cinq pouct^s de longueur (0,135), non compris
laquelle, qui en a quatre (0,108) et qui se ter-
mine par une houppe brune ; ses f(n'mes sont
louides, épaisses, et ses oreilles courtes. Elle ha-
bite entre Orembonrg et Rukkara.
328
Lr:s RONGEURS.
-i:^£!^V^j^
Le r.l„ml„ll,.
LES RATS
Oui les mcisivos iiifcriciircs poiiilncs, et ja-
mais au delà de seize iiMiliiiics. Leurs nienilnes
postérieurs ne sont i)as alionfjés comme ceux
des gei boises, d'où il résulle qu'ils marelient
sur leuis qiiaire pâlies. Les uns ont des a!)a-
joues extérieures, ce sont les saccom^s, géom\s,
diplitstomes, hamster et heteromys; tous les
autres n'en ont pas. Presque tous sont des ani-
maux nui'ibles à l'agriculture.
« 7-^ (iEiVKE. Les HAMSTERS (Crirf/K.s.LACÉr.l
ont seize dénis, savoir : quatre incisives, jioinl
de canines; six molaires en haut et six en bas;
les molaiies sont simples, à couronne garnie
de lul)ercules mousses. Lenis al)ajoiies sont très-
grandes; ils ont quatre doigts et un rudiment
de pouce aux pâlies de de\ant, et ciiu| doigts
aux pattes de derrière; leurs ongles sont lobus-
les, et leur queue courte et velue.
Le CHINCHILLA {Criccius Imiujcr, Gkoff. ]\]us lanigcr, Molina. Le Cliincilte
de n'AcosTA. Ch'wcinlln lan'ujrrn, Harvky).
Ce charmant animal a onze pouces (0,298) de longueur; il se fait remarquer
par la beauté de sa fourrure, si recherchée par nos dames. Elle est composée
de poils longs, soyeux, très-doux, d'un gris noirâtre ondulé de blanc, ce qui
donne au pelage une nuance veloutée de gris, de blanc et de noir ; le ventre et
les pattes sont d'nn blanc pur et brillant ; les oreilles sont grandes, arron-
dies, membraneuses; sa queue est courte, couverte de longs poils roides, gris
et blancs.
Le chinchilla se trouve vers le sommet des plus hautes montagnes du Chili
et du Pérou; son caractère est très-doux sans être extrêmement tiiuide; aussi
s'apprivoise-t-il avec la plus grande facilité, et je ne doute pas qu'avec un peu
de persévérance on ne puisse en faire un animal domestique, comiue le lapin.
Il deviendrait alors d'autant plus précieux que l'on pourrait non-seulement tirer
parti de sa fourrure, comme on le l'ait aujourd'hui, mais encore en fabri(pier
INTERIEUR DU CABINET D'ANATOMIE COMPAREE
( .) a 1 ai n de* H I » n I e s. )
RAÏS. 329
(les étoffes, à rimilation des anciens Péruviens. Ce petit animal s'attache à son
maître, le reconnaît, lui obéit, le caresse et aime à en être caressé; à l'état sau-
vage, il vit en société et habite des terriers, où il amasse des provisions de grai-
nes et de fruits secs pour se nourrir pondant lamauvaisc saison. La femelle mot
bas deux fois par an, et chaque portée est de cin(i ou six petits, ([u'elle élève avec
soin dans nu lit de mousse au fond de son torrior.
LaYischcuK. (Criretus viscarcia. — l^epiis vis- Le IIamstek oiiDi^MnE ICrirctiis ritlgaris ,
roffia.MoLiNA.La Visrache, i)'Az\ra), ainsi que Desm. Mus crirctn^, V\i.l. Lq llamsler, Rlff. Lo
le chinchilla, n'ont pas grande analogie avec les SkrzcrzicrI; des Slaves Tlljriens. Le Cliomi/.-
Crirc(((.<; aussi les Anglaisen ont-ils fait nn genre Skrzerzk des Slaves Polonais ) est de In gran-
soMs le nom de rbinrhilla. Cette espèce a la tète denr d'un rat ; son pelafie est d'an gris roiissfi-
senil)lable à celle d'un lièvre ; sa queue est Ion- treen dessus, noir en dessous, avec trois grandes
gue ; elle a quatre doigts aux pieds .intérieurs et taches sur les (lancs ; les pieds sont blancs, et la
(rois sculcnicnl .'i ceux de derrière ; le pelage est gorge et In poitrine présentent chncune une ta-
long, doux, mélangé de brun et de blanchâtre; che blanche. On en connaît une variété noire
une bande blanche traverse l'œil ; les joues sont de rUr;d, décrite par Fit. Ccvier. Cette espèce
noires et garnies d'épaisses moustaches roides a une grande réputation de prévoyance dans les
et longues. Elle habite le Chili. paj s qu'elle habile; elle y fait de grands dégâts.
De tous les animaux de son genre, celui-ci est le mieux connu; nous allons
donner son liistoire dans les plus grands détails pour servir à celle du genre, car,
ci quelques modifications près, que nous enseignerons, toutes les espèces ont les
habitudes à peu près semblables. Le hamster habite tout le nord de l'Ein-ope et
de l'Asie ; il ne s'engourdit pas l'hiver, quoi qu'en aient dit quehpies naturalistes,
et Pallas l'a démontré par des expériences positives. Il vit isolé dans les champs
cultivés et dans les steppes de la Russie méridionale et de la Sibérie; mais, comme
il multiplie considérablement, surtout dans de certaines années qui lui sont fa-
vorables, il fait beaucoup de dégâts aux récoltes, et ses dévastations ont été quel-
quefois si grandes, que plusieurs gouvernements d'Allemagne ont été obligés de
mettre sa tête à prix. 11 évite les champs humides et ceux qui sont sablonneux,
à cause de la difticnlté (pi'il trouverait à y étal)lir convenablement son terrier;
mais il ne manque jamais de donner la préférence <à ceux oii la réglisse croît en
abondance, parce qu'il aime beaucoup la graine de cette plante, et qu'il en fait
de grands ap[trovisionnemeuts, surtout lorsqu'il man(pie de blé. Poin* faire son
habitalion, il connnence par creuser un conduit oblique, plus ou moins profond ;
il en rejette la terre en dehors, et c'est par là que doivent sortir tous les maté-
riaux su|)erflus de son édilice. Aussi en résnlte-t-il une petite butte de terre
([ui, malgré toutes les précautions qu'il prend ensuite pour masquer l'entrée de
son terrier, le fait reconnaître par les chasseurs. Ce conduit aboutit à un pre-
mier magasin, de forme sphérique, plus ou moins grand, mais n'ayant jamais
moins de huit à dix pouces (0,217 à 0,271) de diamètre. Les parois en sont par-
faitement unies, et la vofite en est solide. Tout à côté de ce magasin est un con-
duit vertical, montant à la surface du sol, et c'est le passage ordinaire du hams-
ter pour entrer et sortir de sa demeure. La femelle, ne logeant jamais avec le
mâle, creuse ordinairement plusieurs de ces trous perpendiculaires, afin de
donner plusieurs entrées libres à ses petits lorsqu'ils sont menacés d'un danger.
A côté de ces trous, à un ou deux pieds (0,523 ou 0,075) de distance, les hamsters
330 LKS RONGEURS.
(Mcuseiit un, deux ou trois caveaux parliculiers, en forme de voûte, plus oit
moins spacieux, suivant la quantité de leurs provisions; c'est-à-dire (jue, lors-
qu'ils ont rempli un magasin, ils s'occupent aussitôt à en faire nn autre. Le
caveau où la femelle fait ses petits ne renferme jamais de provisions; elle se
borne à y transporter des brins de paille et du foin pour en faiie un nid. Deux
ou trois fois par an elle y met bas cinq ou six petits, quelquefois davantage,
et elle en i)rend soin pendant six semaines ou deux mois. Quand ils ont atteint
cet âge, elle les chasse, et chacun va de son côté se creuser un autre terrier,
auquel, dans le premier tâge, il ne donne qu'un pied de profondeur. Chaque
année il l'agrandit, de manière que celui d'un vieux hamster s'enfonce en terre
jusqu'à ciu(| pieds (1,024), et le domicile entier, y compris toutes les commu-
nications et tcms les caveaux, a quelquefois huit ou dix pieds (2,599 à 5,2i8) de
diamètre.
Pendant toute la belle saison les hamsters s'occupent exclusivement de rem-
plir leurs magasins, et pour y apporter leurs provisions, consistant en grains
secs et nettoyés, en épis de blé, en fèves et en pois en cosse, etc., ils se servent
de leurs abajoues, qui peuvent contenir plus d'un décilitre (un demi-verre) de
grains nettoyés. C'est ordinairement à la fin d'août qu'ils terminent cette opé-
ration, après (pioi ils s'occupent de nettoyer leur récolte, de jeter au dehors, par
le conduit oblique, les pailles, cosses, balles, et grains avariés. Us bouchent en-
suite toutes les ouvertures de leur terrier avec de la terre gâchée, et avec tant d'in-
telligence qu'il serait fort difficile de reconnaître leur habitation, si, comme je
l'ai dit, la butte de terre entassée devant le trou oblique ne la dénonçait pas. Us
passent la mauvaise saison dans leur domicile, où ils emploient tout leur temps
à manger et à dormir. Il en résulte qu'au printemps ils en sortent beaucoup plus
f^ras qu'ils y étaient entrés en automne. C'est dans celte dernière saison que les
paysans se mettent en quête pour découvrir l'habitation des hamsters. Ils l'ou-
vrent avec la pelle et la pioche, tuent l'animal pour en vendre la fourrure, et
s'emparent de ses provisions, cpii souvent contiennent deux boisseaux (2décal. 602)
de très-bons grains.
Le hamster, malgré rinlelligence qu'il déploie pour faire ses approvisionne-
ments, n'eu est pas moins un animal brute, incapable de s'apprivoiser assez
i)our reconnaître la main qui le nourrit, et d'une férocité d'autant plus étrange
(lu'clle ne résulte pas de ses besoins, mais d'une méchanceté innée. Si l'un d'eux,
pressé par le danger, se fourvoie dans le terrier d'un autre, il est aussitôt saisi,
étrano^lé et dévoré. La femelle même n'épargne pas son mâle s'il n'a le soin de
se sauver promptement après l'accouplement. Lorsque deux hamsters se ren-
contrent dans un champ, ils commencent l'un et l'autre par vider leurs aba-
joues avec leurs pattes de devant, ce qu'ils font toujours ([uand un danger les
menace, puis ils s'élancent l'un siu' l'autre, se battent à outrance, et le vainqueur
dévore le vaincu. Ils se défendent avec la môme fureur contre tous les animaux,
même contre les chiens et contre l'homme. Quand la saison a été mauvaise, et
qu'il y a disette de grains, ces animaux se déclarent entre eux une guerre atroce,
et finissent par s'entre-détruire mutuellement. Du reste, ils ont cela de conunun
avec les rats et les mulots auxquels ils ressemblent beaucoup.
UATS
331
Le SkKiH {Ciiriitis (ircnor'uts, Dusji. Mus
nrciKtrius, Pâli..). lof^oiTiuoiit plus gfjiiid que
le campagnol eommiin, a trois pouces huit ligues
<(»,()!)9) de longueur, cl sa queue a dix lignes
{<),()2.)). Il a le corps très-raccourci; sou pel;ige
est d un cendré lilaneli'iireen dessus, lrés-l)lauc
en dessous, ainsi que Us poils de sa queue, qui
est plus longue ipie dans les anti-cs espèces ; ses
oreilles sont ai'roudies, puhescentes, grandes et
jaunâtres ; sa télé est oblongue, à uiuseau pointu;
son nez roiigeàtre et pubesceul ; le ponce des
pieds de devant est onguiculé. 11 habite les cam-
pagnes siibloiineuses de la Sibérie, prés de l'ir-
liscli. Le uiàlo vit dans un terrier de plusieurs
mètres de longueur, au tond du<piel il se lait
un nid avec des racines de l'eljme des sables.
Il se nourrit principalement des graines de l'as-
tragale adragant [Ashagnlus tr(i(jacantltoide>),
et ne soi'l (jue la nuit de son terrier. Il est f rès-
uiéchant, se renverse sur le dos pour se défendre
des dents et de la griffe contre ses ennemis, et
nes'apprivoise jamais. La femelle fait cin(j pe-
tits chaque fois, et probablement deux portées
par an.
Le Pué ( Crkelus phœits, Desm. Mus jïhwtts,
P\LL. ) est de la grandeur du campagnol com-
mun, il a trois pouces cinq lignes (0,092) de
longueur, sans la queue, qui est blancb;itie et
longue de neuf lignes i0,(i"20). Son pelage est
d'un cendré bleuâtre sur le dos et entièrement
blanc sur toutes les p:.ilics inlérieures ; le nez
est nu; ses oreilles sont brunes, ovales et très-
larges, velues il la pointe ; le tour de la boudie
et des quatre pieds est blanc. Il habite les dé-
serts d'Astracan et la l'erse Pendant l'hixer il
pénètre dans les habitations, s'y établit, et pille
le grain dans les greniers. 11 ne s'engourdit pas
pendant la saison froide, et je crois ([u'il a cela
de conunun avec tous les hamsters.
Le ILif.Ri {Cricctns viigraloriiis, Desm. Mm
migratoi'iun, Pai.i.. ) a trois pouces de longueur
\0,08l \ non compris la queue, qui a huit lignes
((i,0f<S . Son nez est arrondi et un peu velu,
fendu en deux par un sillon ; ses abajoues sont
très-grandes ; son pelage est d'un gris cendre en
dessus, blanc en dessous, ainsi que le museau, le
|)ourtour des narines et les pieds ; les oreilles
sont nues et échancrées. Il habite la Sibérie,
à l'est du Jalk. Les Cosa(|UCs de celle conlrc'e
prétendent (lu'il émigré la nuit, en troupes con-
sidérables que les renards suivent pour s'en
noiu-rir; mais ce fait, si contradictoire avec les
habitudes des autres hamsters, mérite d'éti'e
coulirmé, et doit ))eul-élre s'appliquer au cam-
pagnol social ( .Irrico/a sociaiis), s'il est \rai.
Le IIamstek de So^gkimv. {('.licetiis soiigunis,
Desm. A/iis-.voiigrn-Hv, Pai.l.I a trois pouces iO,()8l)
de longueur, non compris la (jueue ; sa tête est
i-amassée, son nuiseau obtus ; ses oreilles soid
ovales, suseeplibles de se plisser; sou pelage est
cendré sur le di)s avec une ligne dorsale noire;
les lianes sont variés de blanc et de brun ; le
ventre est d'un blanc i)iir ; le corps est trapu, et
la (lueue très-courte. Il habite les déserts de la
Sibérie et les step|)es de Barabensk, près de l'ir-
tisch. Le site (piils préfèrent, dit Palla.s est un
terrain aride, sablonneux et saliu. Au milieu de
juin, il décou\rit le terrier d'une femelle qui
avail sept petits encore aveugles. La chandire
dans laquelle on les trouva était ta[)issée d'her-
bes sèdies et de racines liiies, et contenait en
outre un petit approvisionnement de silicpies
d'aljsse de montagne et d'él\ u.e des sables. Les
petits vécurent trois mois de |)ain et de toute
sorte de graines; ils étaient si f:imilier,s, qu'ils
mangeaient dans la main; ils jouaient le jour et
ne dormaient que la nuit. Leur voiv elail rare,
et, (piand on les tom-mentait, ils ne faisaient que
pi|)er comme une chauve- souiis. Leur urine étjnt
très-fétide. Ils moururent de gras-fondu, eu aoùl.
L'Ouozo ( C.ricctits fitntini(lii><, Des:(i. Mus fit-
runcnlits,VkLL. Fiirnnciiliis i)i|/oidr.v,.Missiitciil.
H ressemble an siihlé, mais il est |)lus petit; son
cor|)sest allonge-;. son museau poinhi; ses oreilles
sont larges et unes ; son [lelage est d'un gris jau-
nâtre en dessus avec nue ligne dorside noire;
le ventre et les pieds sont blanchâtres. H habile
la Daonrie, et l'on eu trouve une variété dans
les plaines de l'irtiscli et de l'Oby.
Le IIamsteu a liANUES ( Cricclus fitsciatiis, I\a-
ri.\. ) est roux, avec environ dix bandes traus-
verses noires sur le dos ; les jambes sont mar-
quées de qiiehiues r.iNures noires ; la queue, un
peu plus courte que le corps, est mince, anne-
lee de noir; les abajoues sont pendantes; les
oreilles sont courtes, ovales et un peu aiguës ;
les yeux sont Irès-pelils el le corps trapu. Il ha-
bite les prairies du Kentucky.
Le GiANyuE ((>irt//(.s- cgnneus. — Mus cija-
ncus, Mol. — Less.( ett de la grandeur <lu mu-
lot et lui ressemble; ses oreilles sont plus arron-
dies; sa queue courte est à demi veine ; il a qua-
tre doigts aux pieds de devant et cinq à ceux
de derrière ; son pelage est d'un gris bleuâtre
eu dessus, blanc ou blaiichàlre eu dessous. Ce
petit animal, très-timide, li.ibile le Chili. Il se
creuse un terrier formant une galerie de dix
pieds de profondeur, le long de laquelle ré-
gnent, de chaque cote, sept magasins qu'il
remplit d'ognons de plantes bulbeuses. Dans
la saison des [iluies, il ne quitte pas son habita-
tion, et se nourrit de ses provisions a\ec la pré-
caution de conunencer par les [iremières ramas-
sées, et ainsi de suite. Cbaciui! terrier c.intienl
une lamilleavec les six petits de la dernière por-
tée nés en automiie ; ceux de la première, nés
au printemps, quittent le terrier à l'âge de cinij
à six mois.
18" (iExuE. Les SAi;(:o.MVS {Sarcomijs, l'ii
Cl V.] ont vingt dents, s;!\()ir : (juatre incisives,
332
LES KONG KL' ris.
pas de canines ; huit molaires en liant et huit
e:i bas, la première molaire ajant une large
eehaiicrure anguleuse au coté interne, et au
milieu de cette éehaïuTure une portion circulaire
(pii lient par reiiiail ; tous les pieds sont armes
d'ongles analogues à ceux des taupes.
LeSACCO.MYS A:\Tiioi'MiLE(6'arfOi»i|;s' anlhojthi-
/uv. Fit. Clv. Psendiiiitomabnrsaiius, Say. Mus
bnrsaiius,Snk\y. Saccojihorusbiirsarius, Kuiil.
Diplostotna fiisca, Rafi-». .4.sfo»i|/irn)torff»i.si>,
LiciiTEi.N.) est de la grandeur d'un loir ; sa queue
est longue, nue; la longueur totale de l'animal
est de onze pouces (0,298); il a cinq doigts à
chaque pied ; son pelage est d'un fauve uni-
forme, tirant plus ou moins sur le gris ou le
brun. 11 habite les bords du lac Supérieur, en
AriK'rique, vit dans un terrier, et se nourrit de
fruits et de racines.
19' Ge\re. Les GE03IYS i Geotiiijs, Hafin. )
ont probablement le même système dentaire que
le genre précédent; ils ont cinq doigts ongui-
culés à chaque pied, les ongles de ceux de de-
vant très-longs ; leur queue est ronde, nue, ce
qui les distingue des hamsters.
Le Geo.mvs Dts i'i\s ( Ceouiiis pinctis, IUfi>.)
est delà taille d'un rat ordinaire; sa queue, en-
tièreuieiit nue, est plus courte que son corps.
11 habile les forets de pins de la Géorgie, en
Amérique.
20'Gemie. Les DIPLOSTOMES (/>i/)/o.s/o)»ir(,
llAEi.N. ) ont le même système dentaire que les
saccomys ; leurs dents incisives sont sillonnées:
leurs abajoues sont très-grandes, atteignant en
arrière jusqu'aux épaules ; leur corps est cylin-
drique, sans (lueue et sans oreilles; les yeux
sont couverts de poils, et ils n'ont (|ue (]uatre
doigts à chaque pied.
Le Dn'Losio.iiE blanc (Di/)/(i,sto})U) ullxi, Rak.)
a cinq pouces et demi de longueur (0,1 49l ; son
pelage est blanc. Il habite le Missouri. Si réel-
lement le genre diplostome de Ilalinesque n'a
(|ue quatre doigts aux jjieds et m.niuiue de queue,
il faudra y rapporter son Diplo.'^toma fusra, que
j'ai provisoirement placé comme simiile variété
il pelage brun avec le saccomys anihophile.
Dans le cas où lîafiiicsque se serait fionipé, il
faudra, au contraire, reporter le diplostome
blanc à la suite du saccomys, sous le nom de
Sactomiis nlbus.
2r Gemie. Les HÉTÉROMYS {lliicrumijs,
Desm ) ont probablement le même système den-
taire que les hamsters, mais on n'en est pas
certain. Comme les précédents, ils ont des aba-
joues, mais ils ont les formes généi'ales des rat.s,
et, comme chez ces derniers, leur queue est
écailleuse et presque nue; ils ressemblent aux
échimjs i^ar des piquants aplatis qu'ils ont sur
le dos; leurs pieds ont six callosités en dessous,
et ( in(] doigts, dont l'interne est très-petit.
1,'lltriitoins ANOMAL (Hiteromijs 7'Jioiii/;iO-
nii Li-s.s. C' icdiis auomulns, Desm. Mus ano-
muliis, TiioMPs.) est de la taille du rat ordi-
naire; son pelage est d'un brun marron en
dessus , blanc en dessous ; son dos est armé
d'aiguillons lancéolés, fins, entremêlés de poils
lins ; la queue est écailleuse avec quelques poils
épars, noirâtre en dessus; sa tète est pointue et
sa t)onche très-pelite. 11 habite l'ile de la Tri-
nité, aux Caraïbes, et l'on suppose cjue ses mœurs
doivent être les mêmes que celles des hamsters.
'Jous les genres qui vont suivre manquent
d'abajoues.
•J2' Ge.nre. Les OTO.MYS (Ofomy.v, Fh.Ciiv.)
ont seize dents, savoir : quatre incisives; point
de canines ; six molaires en haut et six en bas ;
les molaires su|)érieures ont leur couronne foi'-
mêe de lames transversales un peu arquées, boi-
dées d'émail, et dont le nombre est de trois i)our
la première, de deux pour la seconde, et de
quatre pour la troisième ; les inférieures ont
moins de largeur, et leurs lames, moins arquées,
sont au nombre de quatre pour la première, et
de deux pour chacune des deux dernières.
L'Otomvs l>e Biiamz ( Otomijs Bruiilzii ,
LiciisT. ) a cinq pouces neuf lignes (0,1. m) de
longueur, non compris la queue, qui a deux |)ou-
ces et demi (0,06.s) ; celle-ci est annelee de poils
roides, raies et durs. Son pelage est d'un gris
jaunâtre en dessus et d'un blanc sale en des-
sous. Cet animal habite l'Afrique méridionale,
et, à la queue près, il a beaucoup d'analogie de
foinie avec notre surmulot.
L'Otomvs du Cap { Otwntjs unisulcutus ,
LiciLST. ) ne diffère guère du iirécedent, dont je
le regarde comme une simple variété, que par
sa taille un peu plus grande; il a six pouces et
demi de longueur (0,1 "(j), non compris la ([ueue,
([ui est longue de trois pouces et (|uart (0,088).
Son [lelage est d'un gris fauve en dessus et d'un
gris blanchâtre en dessous. 11 habite le cap de
Boime-Ls|)érance.
i.l'GE.MiE. Les KATS (Mus, Li.\. ) ont seize
dents, savoir : quatre incisives; point de cani-
nes ; six molaires en haut et six en bas, à cou-
ronne tuberculeuse; les pieds de devant sont
munis de tpialre doigts avec un rudiment de
liouce; les pieds de deri'ière ont cinq doigts non
palmés; les poils du dos sont quelquefois roides
et jilats, ou épineux ; la queue est plus ou moins
longue , presque nue , ])résentant des rangées
transversales très- nombreuses de petites écailles,
de dessous lesquelles sortent des poils; quelque-
fois elle se termine par un flocon de poils.
Nous diviserons les rats en deux sections; la
première comprendra les esi)è(es sansé|)iiies.
Le Rat oudinauu: (Mus raltits, Li>.) est trop
généralement connu pour (|u'il soit besoin d'en
donner une description détaillée. Sa taille tient
le milieu entre le mulot et le surmulot ; il est
noirâtre en dessus, et d'un cendré foncé en des-
KATS. 333
sous; des petits poils blanihiUres lui couvrent laie réputation par les iucoiiiiiiodités (]u il call^e
le dessus des p'eds. Cet animal s'est fait une la- dans nos maisons, et par les dégâts (ju'il y lait.
Buflon croyait que le rat était originaire d'Europe, et (ju'il avait été trans-
porté par nos vaisseaux en Aniéri(|ue ; et cependant, le seul fait ([ue cet animal
était tout à lait inconnu aux anciens écrivains aurait dû l'éclairer sur cette
erreur. Le rat, au contraire, est indigène du nouveau continent, et n'a été intro-
duit sur le nôtre cpi'à la fin du moyen âge, c'est-à-dire à l'époque des ])remiéres
navigations d'Europe en Améri(|ue. Cet animal est omnivore, et mange également
des fruits, des graines, de la chair, des insectes, etc. Il habite nos maisons, où
il fait un dégât qui le rend fort incommode; non-seulement il attaque et gas-
jiille toutes les substances alimentaires, mais encore il ronge la laine, les étoffes,
les meubles; il perce les bois de charpente, fait des trous dans les murs, se
loge dans l'épaisseur des planchers, dans les vides de la charpente ou de la boi-
serie, y établit ses magasins, et y transporte tout ce qu'il peut traîner. L'hiver
il cherche la chaleur et établit volontiers son domicile derrière les cheminées,
sur les planchers «l'écurie, dans la paille, le foin, etc. La nuit, et même en plein
jour, s'il n'entend aucun bruit suspect, il sort effrontément de son trou, se glisse
I»artout et partout fait autant de dégât qu'il en peut faire. La femelle met bas
plusieurs fois par an, et chaque portée est ordinairement de quatre à cinq
petits. Il en résulte que ces animaux sont toujours fort nombreux, et que mal-
gré les chats, les pièges et le poison, il est fort difficile <le s'en débarrasser. S'il
est poussé par la faim, le rat pénétre dans les poulaillers et les pigeonniers,
perce ou brise les œufs pour se nourrir des petits qu'ils contiennent, et même
quehpiefois il tue les jeunes lapins, les poussins et les pigeonneaux. Lorsque ces
derniers ont la gorge pleine d'aliments, il leur perce le jabot pour manger les
graines à moitié digérées qui en sortent. Ce ne sont pas là cependant les plus
grands ravages qu'on lui reproche: il paraît qu'en creusant les vieux plâtres et
les mortiers, il vient à bout, à la longue, d'ébranler les constructions les plus
solides. « C'est surtout, dit Biiffon, dans les vieilles inaisons, à la campagne, où l'on
garde du blé dans les greniers, et où le voisinage des granges et des magasins
à foin facilile leur retraite et leur multiplication, que les rats sont en si grand
nombre, (|u'on serait obligé de démeubler, de déserter, s'ils ne se détruisaient
eux-mêmes; mais nous avons vu par expérience qu'ils se tuent, qu'ils se man-
gent entre eux pour peu que la faim les presse, en sorte que, «[uand il y a di-
sette à cause du trop grand nombre, les plus forts se jettent sur les plus faibles,
leur ouvrent la tète et mangent d'abord la cervelle, et ensuite le reste du ca-
davre; le lendemain la guerre recommence, et dure ainsi jusqu'à la destruction
du plus grand nondjre. »
Le rat est aussi courageux que féroce; il se défend hardiment contre les
chats, les belettes et les surmulots, et si sa force répondait à son courage, il
sortirait toujours vainqueur de la lutte. De tous ses ennemis, le plus terrible
pour lui est le surmulot, parce qu'ayant tous deux les mêmes goûts et les mê-
mes habitudes, ils se rencontrent fréquemment et jamais impunément. Aussi,
depuis IT.jO, époque où le surmulot notis a été apporté de l'Inde, le nombre des
rats a diminué dans la même progression tjue celui des surmulots a augmenté.
334 LES RONGEURS.
Aujourd'hui ces dernitM's gont hcaucoup plus comnums (jue le lal ordiiiaiie.
Quehjues naturalistes ont attribué aux rais une singulière i)révision : ils disent
(jue CCS animaux connaissent parfaitement quand une maison menace ruine,
et qu'ils en décampent toujours quelques jours avant (pi'elle s'écroule. Ce
(pi'il y a de certain, et je le sais par ma propre observation, c'est que ces ani-
maux voyagent par troupes assez nombreuses, pour quitter une localité et se
rendre dans une autre plus ou moins éloignée. « Les rats, dit BufTon, sont aussi
lascifs que voraces ; ils glapissent dans leure amours et crient quand ils se bat-
tent. Us préparent un lit à leurs petits, et leur appoitent bientôt à manger;
lorsqu'ils commencent à sortir de leur trou, la mère les veille, les défend, et se
])at même contre les chats pour les sauver. Cette espèce, qui se trouve dans
toute l'Europe et en Amérique, olïre quelquefois des individus albinos, c'est-à-dire
tout blancs, mais plus rarement que dans les souris. »
Il y a quelques années que M. Thénard a lu à l'Académie des Sciences une
note sur le moyen de détruire les rats et les autres animaux malfaisants qui
habitent les murs des maisons, à l'aide de fumigations d'hydrogène sulfuré. On
connjience par bouclier tous les trous, puis on ouvre ensuite ceux qui sont le
plus fréquentés par ces animaux. Alors on applique l'appareil, qui consiste en
une cornue de verre dont on lute exactement le goulot à l'entrée de ces nou-
velles ouvertures. On y introduit ensuite, par une tubulure, du sulfure noir de
fer, puis on y verse avec ])récaution, pour éviter l'explosion, une certaine quan-
tité d'acide sulfuriijue étendu d'eau. Il se fait aussitôt un dégagement d'hydro-
gène sulfuré, qui pénètre par le trou dans tous les recoins où les rats se cachent,
et les fait périr en peu de temps.
La Souiiis {Mus musnihis , Li.\.) est cruii f,M'is nniiic. L.i souris est origiiuiirc (l'Kuropc, mais
uniforme en dessus, passant au cendré en des- nos vaisseaux l'ont transportée dans les autres
sjus, assez velue; sa queue est aussi longue que parties du monde : aujourd'hui on la trouve à
son corps Elle a une variété albiuos assez corn- peu près partout.
Elle multiplie beaucoup; la femelle fait |)lusieurs portées par an, chacune de
six à huit petits, et chaque petit se reproduit à l'âge de trois mois. Quinze jours
après sa naissance il est assez grand pour quitter sa mère et chercher lui-même
sa nourriture. La souris est un petit animal assez joli, ayant la physionomie
Une, l'œil vif, la tourmire dégagée, et les mouvements alertes. La ténuité de sa
taille lui permet de se glisser par les moindres trous; aussi la rencontre-t-on
dans des lieux où l'on serait embarrassé de s'expliquer connnent elle est entrée.
Elle dégrade les murs les plus solides en s'y frayant des passages; elle perce les
meul)les du bois le plus dur pour y pénétrer, et ce sont là ses moindres dégâts.
Animal rongeur par excellence, elle coupe, réduit en poussière tout ce (jui
tombe sous sa dent. Elle attaque le linge dans les armoires, les livres dans les
l)ii)liolhèques, les marchandises de tous genres dans les magasins. Toutes les
substances alimentaires sont à sa convenance, et elle parvient toujours à péné-
trer dans les lieux où on les a renfermées. Le pain, le lard, le beurre, le fromage,
le sucre, les confitures, les fruits, les farines, les graines, et même la chandelle,
sont les objets ordinairement les plus recherchés par elle; non-seulement elle
RATS. 3r>
les ciilnmo ol les consomme, mais encore elle les salit el leur communiiinc iine
odeur désagréable. On en a vu pousser la hardiesse jusqu'à entamer le lard de
cochons vivants, pendant leur sommeil. Lorsqu'une ou plusieurs s(uiris atta-
quent nn o])jet d'une certaine grosseur, par exemple un pain, une pièce de
lard, nn fromage, elles commencent par y faire un trou assez petit, pour
gagner le dedans. Alors elles s'y établissent et rongent toute la substance inté-
rieure de l'objet, en ne laissant qu'une légère croûte extérieure, qui suflit pour
masquer les dégâts dont on ne s'aperçoit souvent qu'au moment où l'on veut
faire usage de ces objets. « La souris, dit Buffon, a le même instinct que le rat.
le même tempérament, le même naturel, et n'en dilTére guère que par la fai-
blesse et par les habitudes qui l'accompagnent ; timide par nature, familière
par nécessité, la peur ou le besoin font tous ses mouvements; elle ne sort de
son trou que pour chercher à vivre; elle ne s'en écarte guère, y rentre à la
première alerte, ne va pas, comme le rat, de maisons en maisons, à moins
qu'elle n'y soit forcée, fait aussi moins de dégâts, a les mœurs plus douces, et
s'apprivoise jusqu'à un certain point, mais sans s'attacher. Les chouettes, tous
les oiseaux de nuit, les chats, les fouines, les belettes, les rats même lui font
la guerre; on l'attire, on la leurre aisément par des appâts, on la détruit à mil-
liers; elle ne subsiste enfin que par son immense fécondité. » C'est sans doute
pour délivrer nos habitations des souris que les premiers chats ont été ap[)ortés
des bois pour être élevés en domesticité. On a voulu se délivrer d'une incommo-
dité grave par une autre qui l'est un peu moins, et on y a réussi jusqu'à nn
certain point, car non-seulement les chats prennent et mangent les souris, mais
encore ils les écartent de la maison par leur seule odeur.
LeSiRMiLOT (.liiix rfefiinirtiiH.s-, Pall. Le i'itr- corps. Il est origiiuiire de l"Inde, et, comme
i)ii(/o( et le Pour, Rlff. ) est d'un quart plus nous l'avons dit, it n'a été observé en France,
grand que le rat oïdinaire; son pelage est d'un pour- la première fols, qu'en 1750. Aujonrd'tuii
gris brun roussàtreen dessus, blanc en dessous; il y est beaucoup plus comnmn que le rat, an-
sa queue est nue, presque de la longueur de son quel it fait une guerre d'extermination.
Le surmulot, plus fort et plus féroce que le rat, est aussi plus incommode
par les dégâts qu'il peut faire. Comme lui, il habite les maisons, mais il en sort
assez souvent pour aller faire des excursions à la campagne, et, s'il y trouve
aisément à vivre, il s'y fixe pour toute la belle saison; dans ce cas, il se creuse
nn terrier on il porte quelques provisions pour se nourrir pendant les jours de
pluie et d'orage. Toute son occupation est de chasser au menu gibier, et son
voisinage devient funeste aux jeunes faisans, aux perdreaux, aux cailles et au-
tres oiseaux ; il attaque même les jeunes levrauts et les jeunes lapins, et souvent
il s'établit dans leurs trous après en avoir chassé le père et la mère. Il s'est
tellement multiplié dans les voiries de Montfaucon, qu'il menace, si on détrui-
sait celles-ci, d'envahir tout un quartier de Paris, où il porterait le ravage. Ri-
goureusement omnivore, il se nourrit iudiiféremment de chair vive ou corrom-
pue, de fruits, de graines, et de toutes les substances alimentaires. En automne,
il regagne les habitations et y commet les mêmes dégâts que les rats, mais, de
plus, il se glisse dans la basse-cour dont il dévore les jeunes oiseaux après lem-
avoir préalablement sucé la cervelle, et il y attaque les jeunes lapins et les co-
336 I^ES HONG EU KS.
chons d'IiKle. Aussi courageux que méchant, il se (lelend avec fureur contre les
chats, et lorsque ceux-ci sont encore jeunes, il parvient assez souvent à leur écha|»-
per. Quelle que soit la puissance de son ennemi, il ne se rend jamais sans com-
hatlre, même contre les chiens. Lorsqu'un homme le poursuit trop vivement et
lui fait perdre l'espérance d'échapper par la fuite, il se retourne, s'élance sur la
main qui le frappe, et lui fait de cruelles morsures. Les chats ont pour lui de
la répugnance, et ne l'attaquent que très-rarement; si l'on veut s'en déhar-
rasser, on ne peut donc employer que les pièges et le poison. Du reste, il donne
assez facilement dans les emhiiches qu'on lui tend. Cet animal aime assez s'éta-
hlir sur le hord des eaux, et il nage avec la plus grande facilité, quoiqu'il n'ait
pas les pieds palmés. La femelle produit trois fois par an, et fait chaque fois
douze à quinze petits, quelquefois jusqu'à dix-neuf.
Le Ml LOT (Mus s?//r«firii.«, Ln.) est de taille courte que son corps. On le liouve dans toute
mo\enne eiilre celle du rnt et de la souris. Son l'Europe, et, par sa piodigieuse mulliplicalion,
pelage est d'un gris roussàlre sur le dos, blan- il devient quelquefois le Iléau de l'agricullure,
chfitre sous le ventre; sa queue est un peu plus en détruisant les semences ou les rL-coltes.
Ce petit animal hahite de préférence les terres sèches et élevées, à cause de
la facilité qu'il trouve à y étahlir son hahitation. Rarement il se donne la peine
de creuser lui-même son terrier, s'il trouve un trou de taupe ou de musaraigne à
sa portée; quelquefois même il s'empare d'un trou tout fait sous une souche
d'arhre. Dans tous les cas, il arrange sa demeure pour l'approprier à ses hahi-
tudes. Pour cela, îx un pied (0,325), plus ou moins, de l'entrée, il étahlit une
première chamhre, qui doit lui servir d'hahitation ainsi qu'à sa famille. Il creuse
tout à côté une autre chamhre, qui devient son magasin. S'il se trouve une
grande cavité dans un trou dont il se sera emparé, elle deviendra la chamhre
aux provisions, et il se creusera son appartement à côté ; d'où il résulte que le
magasin se trouve souvent heaucoup plus grand (ju'il serait nécessaire pour son
usage, ce qui ne l'empêche pas de travailler à récolter des grains jusqu'à ce qu'il
soit plein. Ces grains ne peuvent pas être entièrement consommés par lui dans
l'espace d'un hiver; ils pourrissent, et c'est autant de perdu pour lui et pour les
cultivateurs. Heureusement que le mulot ne ramasse des graines de céréales
(|ue lorsque les fruits secs lui manquent dans les hois, et que le plus souvent il
ne remplit ses greniers que de glands, de noisettes et de faînes, dont il entasse
plus d'un décalitre dans les années favorahles. Il fait surtout un tort considé-
rahle au semis forestiers, car il s'y rend par milliers pendant la nuit, suit exac-
tement les sillons de la charrue, et déterre les gl.ands ou autres graines un à un.
Dès que les froids se font sentir, il se retire dans son trou, où il vit grassement
de ses provisions, mais il n'en houche pas l'entrée, et de temps à autre, quand
il fait une helle journée, il en sort pour aller faire un tour à la campagne. Si
l'hiver est très-long, que les mulots aient vidé leurs greniers, et que la famine
se fasse sentir, les gros connueiicent par manger les petits qui hahitent avec eux
dans le terrier, puis, quand ils ont dévoré leur famille, ils sortent de leurs trous
et vont attaquer leurs voisins. La guerre devient hientôt générale, et ils finis-
sent par si hien s'enlrc-détruire les uns les autres, que l'on est quelquefois trois
UATS.
:{;n
ou (jiialro ans sans en v(»ii' dans des localités qui en élaienl precedennuenl
inl'estées. Buiïon a l'ail une singulière expérience sur la férocité vorace de ces
petits animaux. « Nous avons mis dans un vase, dit-il, douze mulots vivants; on
leur donnait à manger à huit heures du matin ; un jour, qu'on les ouhlia d'un
(|uart d'heure, il y en eut un qui servit de pâture aux autres, le lendemain ils
en mangèrent un autre, et enfin, au hout de quelques jours, il n'en resta qu'un
seul ; tous les autres avaient été tués et dévorés en partie, et celui qui resta
le dernier avait lui-même les pattes et la queue mutilées, o Le mulot pullule
beaucoup, car la femelle fait plusieurs fois par an neuf à dix petits; mais il est
des années tellement favorables à leur multiplication, (|u'ils deviennent un
vérilalde fléau pour des provinces entières. Ils oiU poiu- ennemis les loups, les
renards, les martres, les belettes, et les oiseaux de proie.
Le Rat nain ( .Wii.s sor'uiiins, IIeum. Ia' Bat
à museau prolonge, de queUinos n;ilur;tlisk's )
;i de l'annlogie avec le rat des moissons, mais il
en difféi-e |)ar son museau allongé ; son pelage
est d'un gris jaunàlre en dessus, blanchàlrc en
dessons ; .ses oreilles sont orbieulaires et veines ;
sa queue est aussi longue que son cor()s.
Le Rat d'Lslam)!; ( Mus islaiidicus, Tmiun. l
a le pelage noirâtre sur le dos, gris sur tout le
I esie du corps, avec des taches jaunes sur les
lianes ; la queue est presque nue, à écailles ver-
ticillëes, et à peine plus longue (|ue le cor[)s. U
a été observé en Islande, j)ar Thientmann
Le Rat oes moissons {Mus nies^oriiis, Siu\\ .
— Desm. ) a deux i)ouces li-ois lignes (i.OGI) de
longueur, non compris la (pieue, qui est légère-
ment plus courte que le cor|)s ; son pelage est
d'un gris de soni'is mêlé de jaunâtre en dessus,
le dessous du corps et les pieds sont blancs. Il
habite les champs cullivés et rocailleux, en An-
gleterre.
Le SiT.MC ou Rat a luiniii ( Mus agrarius,
Pall. — G»il.) a deux pouces dix lignes (o,Jt77l
de longueur, non compris la queue, qui a un peu
plus de la moitié de la longueur' totale du corps ;
son pelage est d'un gris ferrugineux général,
avec une ligne noire et étroite sur le dos. Il ha-
lite la Sibérie, la Kussie, et le nord de l'Allema-
gne, on, dans de certaines aimées, il commet
beaucoup de dcgàls dans les moissons.
:j;is
Li:S liONGtlllS.
Le Mri.OT NAIN I Mus cmupesnis, Fn. Cuv. Le Mulot unin ou Mulot ilcs lio'is,
Daub. ">
Est un juMi plus petil (|uc io précédenl ; s;i (|upuo, [dus longue que sou corps,
!<• dépasse de (|ualre ligues i 0,000) ; les poils qui le couvrent sont d'un gris
ludoisé à leur naissance, et fauves à leur extréuiilc; le dessous de son corps et
SCS ipialre pieds sont lilancs ; ses moustaches sont noires. On le trouve dans
toute rEuroi)e leuiperée, comme en France, dans les champs, à proximité des
villages. Ce petit animal hahite un terrier, mais, néanmoins, il lait son nid
dans les hautes herbes des praiiies ou dans les hiés, (|uel(piefois dans les huis-
sons loulTus. Dans tous les cas, ce nid est suspendu aux tiges des graminées ou
des arbustes, à une hauteur sullisante pour n'èti'e pas atteint par l'humidité de
la terre, lors des pluies. Il a la l'orme d'une houle de la grosseur des deux
poings, et il est tissu en herbes sèches, Unes et solidement entrelacées. La fe-
melle y pénétre |»ar un très-petit trou ménage sur le côté; elle y met hasdecin(|
à r^ept petits.
l.c SiiiisTA^ (iViK sublilis, Mus ragu' , et
Mfis bctiilhnts , Pai.l. Le liât subtil , et le Hat
Kignboud des naluialisles ) a de l'aiialopie avec
le lal lauve de Sihi'rie, Mus ininultis, mais ses
(treilles e1 sa queue .-ont plus loiifiiies; son pe-
lage est fauve ou cendré eu dessus, avec une
ligne noire sur le dos ; ses oi'eilles sont plissées ,
et sa i|ueue est plus longue (jue sou coi'[)s. Il a
plu>ieurs vaiiétes de pelage. (;< Ile espèce, Irès-
eouMUune eu Taiiarie et en Sibérie, aime à se
tenir sur les arbres, où elle grimpe a\ec faci-
lité.
Le Rat FALVE { Mus vùnutiis, 1*ai,l. Le Uni
leniiqimux de (iuel(|ues naturalistes) est de
moitié moins grand qu'une souris; son pelage
est ferrugineux en dessus, l)l;uuij;ilre en dessous;
s;:n nuue: u est peu allongé, et sa queue est plus
Cl iH'le que son corps Citte espèce lial)ite les
cliiun|)s culliv('s, en Ilussie et en Sibérie, et
s'assemble en grand nond)re sous les gei'bes de
blé.
Le RvT \ yi El !■: iii(:oi.(u;K (Mus ilichrunif,
l{A^'l^. Le lUil dr Sicilt des naluralislesi a bnil
I>oucesi0,2l7i de longueur; sonpelageest fauve,
mélange de bi'unàlre en dessus el suj' les côtes ;
la tcte est marquée d'une t)ande brunâtre; le
venireest blancliàire; sa (pieue, de la longueur
de son corps, est aiuielée, ciliée, brmie en des-
sus, blauelie en dessous et lui peu télragone. Ou
le trouve dans les champs culli\és, en Sicile.
Le Rat géam- (Mus (jirjanlrns , IIakuw. —
Diissi. Mus setifcr, IIoiisi'. Mus malubarirus.
RATS.
3;i9
rh.\\."> a Ircizo |)oiii'os <>,:î,"v2) de lonjjiiciii', non
('(iiiipris la (|iieiie, qui est ilo iiK'iiie loiigiioiir ;
son jx^lnge est (Itiii l)rmi obscur t'ii dessus, j^ris
cil (Icsous, avec les pnltes noires : la i|iienc csl
li'RèronienI couveric de poils. 11 habile les
champs cnilivés, pnXs des habilalions, an lîcn-
«al(V, an Malabar el à Java. Il vit dans des ter-
riers cl se nonrrit autant de frnits que de {jraines.
Le Hat oe J,vv\ (Mus jai-aniis. Dksii.) est de
la taille d'un surmulot ; son pelage est d'un brun
i()u\ en dessus, avec les pieds blancs ; sa queue,
pins courte que le corps, est assez velue. Il ha-
bile l'ile de Java.
Le R\T DE Si)>i\Tn\ {Mus sumnhrnsis, Raf-
Fi.Ks) a dix-sept pouces de lonsueur lO, iC01, non
compris la queue, qui eu a six (0,1 f)2), et qui est
ccailleuse, nue, terminée en i)oinle mousse ; son
|)elaoe est roide, d'un gris brun sur le dos ; sa
tète est courte, d'uuc teinte i)lus claiie. Cette
rspJ'ce habite Sumatra ; elle vit dans les haies
de bambous, dont elle mange les racines
Le Cahaco ( Mits rnrarn, Pvi.l. — Desm. ) est
à peu l)r^s de la taille du surmulot ; son pe-
lage est d'un gris foncé mélangé de roussàtre
sur le dos, plus clair sur les flancs, d'un cendré
blancbàlre en dessous; ses pieds sont à demi
palmes, d'un blanc sale II habite la Sibérie et la
Mongolie. Pendant la belle saison il se plait sur
le bord des eaux, mais en hiver il se retire dans
les habitations.
Le Rat a bam)es | Mus lincalus, Evehs. ) csl
dim brun gris en dessus, d'un gris clair en des-
sons ; ses oreilles sont d'un gris jaune, avec une
grande tache noire près de chacmu^ ; il a n\v le
dos une ligne étroite, noire, depuis la nmini' jus-
qu'à la qnene. et deux autres lignes latérales
moins foncées et iuj |)en oblitiues ; sa qneiu' est
aits'.i longue (|ue son corps. Il habite entre Orem-
bonig et Bukkara, sur le bord des ruisseaux.
Le Rat he l'Iivoe ( Mus hulitiK. (ieoef. —
Des>i.) a les oi-eilles graiules, presque unes; sa
taille est à peu près celle d'un smmulot ; son
pelage est d'un gris roussàtre en dessus, et gri-
sàti-eeu dessous ; sa queue est un peu moins lon-
gue que son cori)s. Cette espèce se trouve a Pou-
dichéry.
Le Rat d'Alexandrus (.1/i/v ah'.rnndriniK ,
Geoff. — Desm. i est d'un gris roiissàtre en des-
sus, cendré en dessous ; les poils les plus longs
de sou dos sont aplatis, fusiformes, striés sur une
de leurs faces ; sa queue e^st d'un quart plus lon-
gue que le corps. Il habite TF-gypte.
Le Rat de Do'navan ( Mus nonnmni, Li:ss.) a
le pelage d'un fauve noir , varié de cendi-é,
avec trois raies plus claires sur le dos ; sa queue
est d'une longueur médiocre, li'gèrenient poin-
tue. Il se trouve an cap de Bonne Lspérance.
Le R\T STRIÉ ( il/».s .sfrifltii.s-, Ln. Mus oiien-
lalis. Sera ) est un peu plus petit qu'une souris ;
son pelage est d'un gris roux en dessus et mar-
qué d'une douzaine de lignes longitudinales
blanches, avec quelques pelites taches de la
même couleur ; sa queue est de la longueur de
son corps. On le trouve aux Indes orienîales.
3'i0
ij:s u()N(;i<:urs.
.ff^i
!,,■ R.t ,!.■ R^rli:
Ï.C RAT DK BARBARIK .U/ts hfubarus, Li\.).
Celte jolie espèce se distingue aisément des précédentes en ce (in'elle na
mxe trois doigts aux pieds de devant, ce qui a fait douter (pielques naturalistes
qu'elle appartînt an genre rat. Elle est d'une taille un jxmi plus petite ([uune
soiu'is ; son pelage est brun en dessus, marqué de dix lignes longitiulinales hlan-
cliàtres. On la trouve dans toute l'Afrique septentrionale.
[..'Ancoc v\ (Mus angninja, d Azaiia. Mtis brasi-
lieiisis, (iiiOFP.. uoiiDesm. ) a le.s oreilles moyen-
nes, arrondies ; son pelage est d'un brun fauve
en dessus, hlanefi.itre en dessous , mais pins
clair sous la (été et |)lus foncé sous la poitrine;
sa queue est un peu pins longue (jne son corps.
On le trouve au Paraguay.
Le K AT A (îuossE TÈTK ( Miis rephaloles, Desji. )
a le museau court et la tête extrêmement grosse;
son pelage est hrun en dessus, i)lus clair sur les
coti's, et d'un blanc un peu fauve en dessous;
sa queue est de nn^me longueur que son corps
Il linbite le Paraguay et se creuse des terriers
dans les champs cidlivés.
Le Rat du Bhésil (Miiti brasiliensis, Des>i. )
ressemble au rdt commun dont il a la taille,
mais ses oreilles sont moins longues et sa tête
est plus courte ; son pelage est ras et doux, d'un
brun fauve sur le dos, fauve sur les tiancs, et
giis en dessous; ses moustaches sont noires; sa
(pieue est nu peu plus longue que son corps.
On le Ironvi' au Brésil
Le lÎAT lioi X (Mus rnfns, Azuia) est d'un
fëuve roussiUre, plus foncé et plus terne sur le
d(js et sur la tète; li; ventre est jannftlre; la
queue a plus de moitié de la longueur du corps,
('ette espèce vit sur le bord des eaux. ;iu Para-
guay.
Le P1LOR1.S ( Mus pilorides, Dksm. ) est un peu
moins grand que le surmulot; .son |)elage est
d'un beau noir brillant ; son menton, sa gorge
et la base de sa queue sont d'un blanc pur. Il
habite les Antilles.
Le Rat ues Cvtixgas ( Mus jnjrrorliinos, \Vii:ii
DE Neuwied) est de la grosseur d'un lérot; ses
oreilles sont grandes et pres(|ue nues ; son pe-
lage est d'un gris brunâtre sale ; le nez, les cuis-
ses et 11 base de la queue sont d'un rouge brun ;
sa queue est très-longue. 11 se trouve au Brésil,
et loge souvent dans la partie inlérieure du nid
de la fauvette <'i fi'ont roux, tandis que cet oiseau
en habite tranciuillcment la partie siq)érieure.
Tous deux vi\entenfort bonne intelligence.
Le Rat onFii,i.\itn {Mus nurihis, nESM.)esl
RATS.
3'(l
rcmar(|iial)lc par la Idiignoiir de ses oreiller el
la grosseur de ja tèle ; son pelafjc est d'un gris
de souris en dessus, blaneliàtre en dessous; la
queue est plus eourle que le corps. Il se Irouve
dans les pampas de Buenos-. A \res.
Le Rat aux taiises ^0llts (Mii.vjiiyri/fp.v, Dksji )
a la tète grosse, mais les oreilles coui-tes el ar-
rondies ; il a cin(| pouces onze lignes (O.Kin) de
longueur, en y comprenant la queue, qui est
plus courte que le corps ; son pelage est d"un
brun lauve en dessus, hlanchàtnî en dessous;
les palfes sont d'mi noir très-foncé ;i leur extré-
mité. On le trouve dans les champs cultivés, au
l'araguay.
Le Lmciia (Muslaucha, Dism.) est d'une cou-
leur plombée en dessus, blancliàti-e en dessous ;
sa tète est peu large, son museau pointu, et ses
moustaches sont Unes et uoires; sa queue est un
peu plus courte que son corps, et ses tarses sont
blancs en dessous
Le Rat m)iuatiie (Mus nigriraiis. Rafin. —
Desm.I n'est [irobablement rien autre chose que
notre Mus raltiis H a six pouces ((>,I62| de lon-
gueur; son pelage est noinitre en dessus, gris
en dessous ; sa (|ueue est noire, plus longu" que
son corps II habile l'Amérique se()1eulrio-
nale.
Le Rat alx fieds r.LA>(;s (Mus tcitioiitis ,
RAFn. ) a cinq pouces (0,135) de longuein-, non
compris la queue; son pelage est d'un fauve
brunâtre en dessus, blanc en dessous; ses oieilles
sont larges; sa tète est jamie; sa queue, aussi
longue que son corps, est d'un brun pâle en des
sus el grise en dessous. Il se trouve aux Ktals-
Unis.
Les espèces qui suivent ont di'S poils épineux.
Le Pebciial (Mus penhal, GniL. Kchiimis pri-
chal, Geoff. Le Rat perchai, Buff. ) a quinze
ponces (0,400) de longueur, non compris la
queue, qui en a neuf |0,244) ; ses oreilles sont
nues; son pelage est, en dessus, d'un brun roiis-
sAtre, un peu plus piile à la tête, parsemé de
|)oils roides ; le dessous est gris, et les mousta-
ches sont noires. Cette espèce habite les maisons,
à Pondich 'ry, où ou lui f;iit la chasse moins
pour le d('truire que i)our le manger, car sa chaii'
est foi't estimée.
La SoiiKis lU] Caire (Mus rahuinus, Geoff.)
a quatre ()onces de longueur (0,108), non com-
pris la queue, qui en a autant ; son pelage est
d'un gris cendré uniforme, composé de poils
roides et nn |)eu épineux sur le dos, plus clairs
et plus doux sur les côtés. On la Irouve en
l-gvpte.
24' Genre. Les LOIRS (Mij'Kius. Gmi.. ) ont
\ingt dents, savoir : quatre incisives; point de
canines; huit molaires en haut et huit en bas,
simples, .^ lignes transversales saillantes et creu
ses; ils ont cinq doigts aux pieds de derrière,
quatre doigts et un rudiment de pouce aux pieds
de devant ; leurs poils sont très doux et tiès-lins:
leur (|iieue est très longue, tant(")t fort touffue et
ronde, quchpiefois a|)lalie et à poils distiques,
enfin d'auties fois floconneuse à l'extrémité seu-
lement. Ce sont les seuls rongeurs qui manquent
de Cîrcum.
:<'(:>
Li:s UO.NGKUIIS
Le LOIR COMMUN [ Mljn.ms (jlh, Gml. "l
A un lien [)liis de six pouces i 0,1 62) de longueur, non comprk^ la queue, (jiu
est touiïue et très-fournie; son pelage est d'un gris hnni cendre en dessus,
blanchâtre eu dessous, avec du brun autour de l'reil. Il habite les pays nion-
(iieux et boisés de l'Europe, jusqu'en La[)onie, et ce|)endan( on ne le trouve ni
en Angleterre, ni, je crois, dans le nord de la France.
Ce joli petit animal est extrêmement farouche, et ne s'apprivoise jamais. Il
a les mêmes habitudes que l'écureuil; connne lui, il n'habite qu*; les forêts,
grimjte sur les arbres, saute de branche en branche, quoicpic moins légèrement,
se nourrit de châtaignes, de faînes, de noisettes et autres fruits sauvages. Il se
loge dans les troncs d'arbres ou les trous de rochers, où il se fait, avec peu
d'art, un lit de mousse et de feuilles sèches. Il amasse aussi, dans son trou, une
provision de fruits pour se nourrir l'hiver, mais seulement quand la saison est
douce, car lorsqu'il fait froid il est plongé dans un sommeil léthargique, comme
la marmotte. Il sort de son engourdissement de temps à autre, lorsque le soleil
a suffisamment réchauffé l'atmosphère, et alors il lui arrive quelquefois de
sortir de sa retraite pour aller faire un tour à la campagne. Dès que le froid
reprend, il rentre, s'enfonce dans son nid de mousse, se roule le corps en boule,
et retombe dans un état presque complet d'insensibilité. Ordinairement, pen-
dant l'hiver, les loirs se réunissent plusieurs ensemble dans le même trou, cl
dorment pressés les uns conire les autres pour se connnuniquei" réciproque-
ment un peu de chaleur. Rarement cet animal descend à terre; il ne se borne
HAIS :va
pas à uin' lutiii riliirc pmcniciil vcgélalc, cl, (|uaii(l il en Iroiivc roccasioii, il
mange luit hieii les petits oiseaux (|iril pciil surprendre sur leur nid, el leurs
œufs. Les loirs s'accouplent au mois de mai et de juin, ils fout leurs petits en
été, et les portées sont ordinairement de cinq. (le sont des animau.v très-coura-
geux, qui ne craignent ni la belette, ni les petits oiseaux de proie; leurs enne-
mis les plus dangereux sont les martes et les chats sauvages.
Les Uomains mettaient les loirs au nombre des aliments de luxe, que les
gastronomes riches pouvaient seuls se permettre Ils avaient établi des sortes
de garennes où ils élevaient et engraissaient ces animaux, comme nous faisons
aujourd'hui des lapins, et ils y mettaient une telle importance, que Varron a
donné une méthode très-détaillée sur l'éducation des loirs et sur l'art de les
engraisser. Apicius nous a aussi laissé d'excellents documents sur l'art d'en
l'aire des ragoûts; mais, malgré la haute vénération que nos pères avaient pour
les auteurs anciens, ces préceptes sont restés pour eux et pour nous de simples
théories, que personne n'est tenté de nnîttre en prati(pie. Cette répugnance que
l'on a pour manger des loirs vient, sans aucun doute, de la grande ressem-
blance qu'ilsontavec les rats, car leur chair, sansétre excellente, n'(;st réellement
pas mauvaise et a une grande analogie avec celle des cochons d'Inde et des
rats d'eau. Les Italiens, probablement moins difficiles que nous, mangent en-
core ces animaux avec grand plaisir, et voici comment ils se les procurent. Au
commencement de l'automne, on creuse, en terrain sec, dans les bois, des pe-
tites fosses que l'on tapisse de mousse, et que l'on recouvre de paille ; on y
jette préalablement une bonne quantité de faîne. Les loirs, alléchés par ces
fruits, s'y rendent en grand nombre, s'y établissent, et s'y engourdissent; vers
la fin de l'automne on va les y chercher, et c'est alors qu'ils sont le plus gras et
(pie leur chair est excellente.
Le LÉROT {Mijoxus niteln, Giil. Mus qucrci- noire, qui s étend, en s'elargissant, jusque der-
iin.s, Li.\. Le Lerot, Bufp. ) est un peu moins licre l'oreille; sa queue est longue, garnie de
grand que le loir, et n'a guère que cinq pouces |)oils ras, puis terminée par une épaisse touffe
(0,L55) de longueur, non compris la (lueue; son l)lanelie. 11 habite dansions les climats tempérés
pelage est d'un gris fauve en dessus, blanchâtre de l'Europe, et il n'est que trop commun en
en dessous; son œil est enlom-6 pai- une tache France, on il fait le désespoir des jardiniers.
Le lérot, que les cultivateurs appellent (piehpiefois loirot ou loir, est le fléau
de nos vergers, de nos jardins, et surtout de nos espaliers de pêchers. Il ne se
contente pas de manger la quantité de fruits nécessaire à sa nourriture, il en
entame un grand nombre avant de se déterminer à en manger un, d'où il résulte
(pi'il fait de grands dégâts sans bénéfice pour lui. H n'habite pas les bois, comme
le loir, mais nos plantations d'arbres fruitiers, et quelquefois même nos habita-
tions. Il établit son domicile dans un terrier, dans un trou d'arbre, et plus sou-
vent dans les crevasses d'une vieille muraille, il y porte de la mousse, du foin et
des feuilles sèches pour y construire son nid, dans lequel la femelle fait, en été,
cimi ou six petits qui croissent promptement, mais qui ne produisent que l'année
suivante. i>orsque l'hiver ajjproche, ils se réunissent sept à huit dans le même
nid, se roulent le corps en boule, el s'engourdissent les uns contre les autres.
Comme les loirs, ils font des provisions qu'ils consomment pendant les temps
doux, pour se rendormir dès que le froid revient. Ces provisions consistent en
;miaii(l('s, nuiselles, noix cl graines de légumineuses, quand ils ne UouvimiI i>as
mieux; du reste, leurs habitudes sont alisolument celles des loirs. Le lero»
ne sort guère de sa retraite qu'à la nuit tombante; exlrèmement agile pour
.n-imper contre les murs les plus unis, et desceiulanl rarement <à terre, il est peu
expose à être surpris par les chats, qui, d'ailleurs, ne se soucient pas <le l'al-
tacpier, parce qu'ils ne le mangent pas et l'abandonnent après l'avoir étrangle,
peut-être aussi parce ([u'il se défend avec un courage lurieux.
I.e Loin uu SÉ>É(;\L ( Vi/o.ni.s Coupeii, Fu.
(iv. MyuxHS afriranus, hu\w.)fst plus petit
()iie notre lérot ; les pattes sont l)liinch;itres, les
oreilles un peu ovales; son pelade est d'un gris
clair, légèrement jaunâtre en dessus et sur la
queue ; les joues et les nuiclioires sont dun blanc
pur; le dessous du corps est blancliiilre. 11 ha-
bile le S('ni'gal et se trouve assez souvent dans
]es maisons.
Doit-on regarder comme de simples variétés
ou connue des espèces, les deux individus sui-
vants :
Le MiHiN (.Vi/o.Ti(.s»)Hiriiii(S,DF.sM.). Ilnedii-
lère du précédent que par son pelage d'un cen-
dré noirà Ire, nullement roussàtre. 11 habile le
cap de Bonne-Esperance.
Le I'ktit Loin ( A/i/o.tks minor) e^.t un peu
plus petit que le pn cèdent; son pelage est d'un
cendré noirâtre en dessus, et d'un blanc beau-
coup plus |)iir en dessous. Du reste, il ressemble
au précédent, mais il habite le Sénégal.
Le Loin iuivade (.Wi/o.ni.s drijas, Schhb. —
Desm ) est d'un gris fauve e i dessus et d'un blanc
sale en dessous ; son (eil est entoure d'une tache
obscure qui se prolonge vers 1 oreille ; la ([ueue
est entourée de grands poils distiques à sa l)ase
Peut-être, comme le pensait (,. f.uvier, n'est-ce
(|u une variété du loir commun, mais je ne crois
pas que ce soit un lérot à queue écourtée. connue
l'a dit Fr. Cuvier. 11 habile les forêts de la i'.vtn-
gie et de la Kussie.
Le DEr,i {Mii".riis rirgii, Lk.ss. Srinrus (l(g'is.
(i>ii,. I pourrait bien ne pas appartenir a ce
genre. Sa taille est petite; son iiel.ige d'un blond
obscur, avec une ligne noirâtre sur l'c'paule. 11
ne s'engourdit pas l'hiver et se loge dans des
terriers. Il ha!)ile le Chili. Kst-ce un loir, nu
tainia, ou un canq)agnol?
Le Lont de Sicile {Mijo.tiis siniUr, Liss.
Mitsnilus frugnuius, Rvr. ) a les oreilles nues
el arrondies; la queue c\lindri(|ue , ciliée et
brune; son jielage est d'un ron\ brunâtre, p.:r
seiiK' de longs poils bruns en dessus; le dessous
est blanc. 11 habile l.i Sicile, où les habitants
estiment beaucou|) sa chair, et il niche sur les
aibres.
Le MiscAiiuiv [Miioxus luiisrardiiius, Gml.
^]^IS uiellananus, Lim. LcCroquc-noi.r, Biuss.)
esi à peu pies de la grosseur d'un mulot ou
d'une souris. Son pelage est d'un lau\e clair en
dessus. pres()ue blanchâtre en dessous ; sa (lueue,
jiresque de la longueur du corps, est aplalie lio-
rizimtalemeiil et l'omiée de jioils distiques. Il
habite toute l'F.uiope.
Cette jolie miniature de l'écureuil n'habite guère que les l'orèts, surtout
celles où les noisetiers sont abondants, parce qu'il fait sa principale nourriture
de leurs Iriiits. 11 loge et s'engourdit dans les vieu.x troncs d'arbres et les trous
de murailles, mais il lait son nid sur les buissons de noisetiers, entre les bran-
ches basses, avec des herbes entrelacées; il lui donne environ six pouces de
diamètre (0,^62), et ne laisse, pour y entrer, qu'une ouverture dans le haut.
C'est là ((ue la femelle met bas et allaite trois ou quatre petits, qui abandonnent
le nid pour toujours aussitôt qu'ils sont assez forts pour pourvoir eux-mêmes à
leurs besoins. Aussitôt que le froid se fait sentir, ils se retirent dans un trou
d'arbre où ils ont amassé une provision de noisettes, et ils s'y engourdissent à
la manière des loirs. On prétend qu'en Italie se trouve une espèce ou variété de
nmscardin à odeur de musc ; celui de France ne sent rien, et se trouve ipielipie-
fois dans nos jardins quand il y a une plantation de noisetiers.
25'^ (iE^iiE. LesÉCIIl.MYS ( £"< /ijmi/.v, Geoff.) pies, à comonue présentant des lames Iransver-
ont vingt dents, savoir . i;ualre incisives, pas de .ses, réunies deux à deux par un bout, ou isolées;
cauines, huit molaires en haut et en brs, siui- ils ont cinq doigts aux pieds de deri ière. quatre
KATS.
3'(5
doig(saii\ pieds de devant avec un moignon de
pouce; leur (|ueiic est très-longue, écailleuse,
presque nue; leurs poils, surtout ceu\ des par-
ties supérieures, sont en forme de piquants
aplatis, caréni's sur une de leurs faces, creusés
en goutliore de l'autre, et terminée i)ar une soie
très-fine.
L'AivGOuvA-ï-BiGoiN (/ùhii)i|/.s .'«//iiiosiiA.DEsn.
L'Ef/ii)iiysro(/x, G.Cuv. LeRntépineu.r, Azaiiai
a sept pouces (0,189) de longueur, non compris
la queue, qui en a trois (0,081), et qui est cou-
verte de poils courts, assez fournis pour cacher
les écailles; sou pelage est d'un brun ohscnr,
mélangé de rougeàlre en dessus, et d'un blanc
sale eu dessous ; les poils du dos soni entreuiélé-i
de piquants très-forts. Cet animal habite le Pa-
raguay, et vit solitairemeuf dans des terriei's
qu'il se creuse dans les savanes, sur le bord des
rivières, mais dans des situations assez élevées
pour ((ue les inondations ne ()uissent pas le sur-
prendre. L'entrée de son terrier s'enfonce à peu
près verticalement à huiti)Ouces (0,217) de |)ro-
fondeur, [)uis ensuite une galerie s'étend paral-
lèlement à la surface du sol à (juatre |)ie(ls (1 ,299)
de distance. Ces trous sont quelcpiefois si rap-
prochés, (ju'il est dangereux de parcourir les
savanes sans précaution. L)u reste, il parait (|ue
les babihides de cet animal ont beaucoup d'ana-
logie avec celles de nos rats.
L'Éciujivs niJi-PK {l'.iliimtjs rrislatui;, Gkoff.
— Desm. Iliistii.r <hrijsiii<)s, Scini. Le Lcrot à
queue dorée, Wivv.) a neuf |)ouces et demi (0,2."iS)
de longueur, non comprisla queue, ipii a un pied
(0,523). Son pelagt; est marron en dessus; sa
tète est d'un brun foncé, avec une ligne étroite,
blanche, sur le front ; la (pieuc est noire, blan-
che ou jaune à son extrémité; il a sur le dos des
poils roides et plats, longs d'un pouce (0,027). Il
habite Surinam, et ses mœurs sont inconnues.
L'ÉcniMVS nACTïLn (Ecliimijs daetiilinus ,
Geoff. — Desm.) a un peu plus de dix pouces
i0,27l) de longueur, non compris la queue, qui
en a quatorze et demi (0,593). Son pelage est
brun, mêlé de gris et de jaunâtre en dessus; ses
(lancs sont roussàtres; les poils sont secs et ru-
des, m;iis non pas précisément épineux ; les deux
doigts du milieu des pieds de devant sont plus
longs que les autres, et ont des ongles plats; les
cinq doigts des |)ieds de derrière sont ai-més
d'ongles longs et crochus; toute la (jneue est
écailleuse et nue. Il habite l'Amérique méridio-
nale.
LEcanivs a Al^.uILLO^s ( Ec/timi/s hispiilns ,
Geoff. —Desm. ) a sept pouces (0,1^9) de lon-
gueui", nou compi'is la queue, ijui eu a autant,
et (pii estanueh'c et entièrement écailleuse; son
pelage est d'un brun rouv, plus clair en dessous,
avec beaucoup de [)oils é[)ineux très-roides sur
le dos; sa Icle est roussàlre. Il habite l'Amcri-
(pie méridionale.
L'F.canivs sovEix {Echimijs selosns, (iEoff.
— Dks>i, ) a environ six pouces (0,1 ()2) de lon-
gueur, nou compris la queue,(pii en a sept (0,189);
son poil est so\eux, très-peu mélangé d'épines,
loux sur le corps, blanc eu dessous ; ses pieds
sont blancs; ses lai'ses postérieurs sont fort
longs, avec les trois du milieu piTscpu- égaux
entre eux. Il habite l'Améi-icpie, mais j'ignore
quelle partie.
L'LcHiMvs UE CAVE:N?iE (Kc/iinti/.s- eaiienitcnsis,
Geoff. — Des.m. ) a environ six pouces (0,|(!2)
de longueur, non compris la queue. .Son pelage
est d'un roux passant au brun sur le milieu du
dos ; tout le dessous ducorps est d'n:i beau blanc;
les piquants maucpient sur la tête, et sont entre-
mêlés, sur le dos, de poils annelés de l'oux, de
fauve, et de briui à la pointe; ses tarses et ses
doigts postérieurs sont connue dans le précé-
dent. 11 resuite de cette confonualion que ces
deux espèces doivent avoir sur les autres une
graude supériorité à la course et au saut. Il ha-
bite l'Amérique méridionale.
L'LcHiMVs dideli'iioïde {Eehimiis (li(lel])li<n-
des , Geoff. — Desm. ) a environ cimi pouces
(0,153) de longueur, non comprisla queue, qui
en a autant : celle-ci est couverte de poils à sa
hase et nue sur le reste de sa longueur; le pe-
lage est brun sur le dos, plus clair sur les lianes,
jaunâtre eu dessous; les piquants, (jui n'existent
(|u'au dos et à la croupe, sont annelés de brun
foncé et de roux. 11 habite l'Amérique nié'ridio-
uale.
3'»(i
Lï:S UO.NGKUIIS.
25'' fiEMiE. Les LEMiMINGS { Georiichiis ,
Illic ) oi)t seize deiils, savoir : quatre incisives;
|)as de Ciinines ; six molaires en haut et en l)as,
coiii|)Osées , il couronne plane, |)i'ésenf;int des
Innies éniailleuses, anguleuses ; les oreilles sont
très-courtes, ainsi que Ih queue, (jui est velue ;
les pieds de devant ont tantôt cinc] doif^ls, tantôt
quatre, toujours munis d'ongles prop; es a fouir
la teri-e. Tous ces animaux ont des mo'urs inté-
ressantes, dont les voyageui's se sont pi-eoccupcs.
Le LEMMING [Gcorijchus norveçjïcns. — Hipwlœns norvégiens , DtsM. Mus leni-
mis. Lin. Le Lennning, Ruff. — G. Cuv. Le Lapin de Norwége, Bniss. )
Es! (le la grandeur d'un rat; il a cinq doigts aux pattes de devant; son pelage
est agréaldenienl varié de noir et de jaune sur le dos; le ventre et les flancs sont
blancs. Il liahite les montagnes de la INorwége.
Ce joli petit animal vit dans un terrier au fond duquel il se creuse une chambre
dans laquelle il élève sa famille; mais il n'y fait pas de magasin et n'y amasse
point de provisions. Sa nourriture consiste en lichens pendant l'iiiver, en herbes
dans la belle saison, et probablement en racines lorsqu'il fouille la terre. Par un
instinct inexplicable, ces animaux connaissent à l'avance quand il doit y avoir un
hiver rigoureux, qui ne leur permettrait plus de remuer le sol glacé ni de trou-
ver leur nourriture dans leur contrée natale, et alors ils se préparent à émigrer
pour aller dans des pays plus favorisés. On a observé plusieurs fois chez eux cet
étonnant pressentiment, et surtout en 1712. Cette année-là l'hiver fut trés-rigou-
reux dans le cercle d'Uméa, et beaucoup plus doux dans celui de Lula, quoique
plus au nord : ils émigrérent h l'avance du premier et non de l'autre. Il résulte
de cette prévision, que leurs émigrations ne sont ni annuelles ni périodiques, et
que souvent il n'y en a qu'une dans l'espace de dix ans, tandis que d'autres fois
il y en a deux ou trois dans le même espace de temps. Quand ils se préparent à
partir, la population d'une contrée entière se rassemble par un merveilleux
UAÏS 347
accord, elloiir Iroupo iniioiuhraljk' se l'orinc eu colouiics parallèles el se inel en
inaiclie en ligne droite, sans qu'aucun obstacle luiissc la détourner ni à droite
ni à gauche. Renconlrent-iis une montagne, ils la franchissent en la gravissant;
une rivière ou un bras de mer, ils le passent à la na'ge, et si le vent vient à s'é-
lever pendant cette traversée, des milliers de ces animaux sont submergés; leurs
cadavres, rejetés en monceaux surlerivage, empoisonnent l'air au point d'occa-
sionner des maladies epidémiques dans les villages voisins. Ils marchent la laiit,
l'ont halte pendant le joui', et malheur à l'endroit où ils s'arrèlent, car, en (luel-
(pies heures, jardins, moissons, récolles de toute espèce, verdure, tout est
détruit, et le sol i-esle nu et rasé connue si le l'eu y avait passé. Heureusement
qu'ils respectent les habitations et ne pénétrent ni dans les maisons, ni même
dans les cabanes. Aussi courageux que dévastateurs, ils se détendent avec fureur
contre toutes les agressions, soit de la part des animaux, soit de la part de
l'homme ; ils cherchent à s'élancer à la hgure de celui qui les atta(iue, ils mor-
dent le bâlon ((ui les frappe, la main qui les menace, et une fois qu'ils ont saisi
avec les dents, ils ne lâchent plus qu'en mourant. Dans leur colère, selon
Scheffer, « ils vont au-devantde ceux qui les attaquent, crient el jappent pres(pie
tout de même que des petits chiens. »
Les lemmings ne s'expatrient i>as pour aller établir ailleurs des colonies,
mais simplement pour trouver à vivre pendant l'hiver, et retourner ensuite dans
leur pays. Ces bandes prodigieuses , qui , au départ, couvraient la terre d'in-
dividus serrés en phalanges, sont tellement diminuées au retour, qu'à peine
s'aperçoit-on de leur passage. Les renards, et une foule d'autres petits mannni-
féres carnassiers, les suivent dans leurs migrations et s'en nourrissent exclusi-
vement; les oiseaux de proie en détruisent aussi un grand nombre, et la fatigue,
les intempéries, les naufrages et la faim, font périr une grande i)artie de ceux
(jui restent; c'est à peine si la centième partie de la troupe peut regagner sa
terre natale. Du reste, leur passage est regarde par les habitants du pays ((u'ils
parcourent connue un fléau terrible, et dont il est impossible de se délivrer.
Comme leur a|)parition est subite, et que le peuple ne sait d'où ils viennent, il
s'imagine qu'ils tombent du ciel avec la pluie.
LeLEMAiiNGDtLAPOMKiCJewiyr/tiiWayjoiiicKS- Le Lemjiino de la uaie d'IIidson [Geovtjchus
est un tiers plus petit que le précédeul ; sou pe- /ii((/.vo»ii/(i-. — llipiulœui hmhviiius, Less. Mus
lage est d'un fauve bruu sur le dos, jaunissant Itmlsonins, 1»all. Le liât du l.abrudor) est de
sur les lianes, et blanchâtre sons le ventre. Quel- la grosseur dun rat ; il a cinq i)ouces (0, 1 35) de
ques naturalistes ne le regardent que connue longueur, et le nuile est un peu plus grand (lue
une variété dn précédent, (pioiqu'il n'en ait ni la lenielle ; il manque de queue et d'oreilles ap-
la taille, ni les formes, ni la couleur, ni les ureurs, parentes, et ses pieds de devant n'ont que qua-
et qu'il ne se trouve pas dans les mêmes contrées, lie doigts avec un rudiment de pouce ; sou pe-
II habite la Laponie russe, où l'autre ne se trome h.ge est unihuméineiit d'un gris perle. Il habile
jamais, et il est commun dans les régions voisi- l'Amérique septentrionale,
lies de la mer Blanche et de la mer Glaciale, Le Leshuxc. a coli.iek ( Gconjvhus lorquatus.
jusqu'à l'Obi. Il émigré aussi, tantôt vers le — nipmUvua toiquitlits, Less. Mus Unqiudiis.
l'etzora, tantôt vers l'Obi, et de la même ma- Pall. ) a te pelage feri uginein, avec une ligue
nière que le précédent. Son terrier, au lieu de noire sur le dos et un collier blanc autour du
n'avoir qu'une chambre, en a plusieurs qui lui cou, interrompu en dessous ; ses oreilles sont
ser\eut de magasins, et il y amasse des provi- très-courtes ; ses pieds de devant ont cinq doigts
sions consistant en lichen des rennes ( L'ulitu armés d'ongles médiocrement torts, excepté le
raïKiifcriuio). pouce, qu'il a court, arrondi, ou nul. Il h:!bile
:ViS
LliS IlONGIilRS.
la Sibérie et éiiiigieaux iiiénies époques que les
leniiiiiiigs.
Le L\GiinE ( Georychus lagurus.— Hipudinis
l:-gunis, Less. Mus lagurus, Pall. Le Lngnre,
Vicqd'Azyh) est plus petit que notre canipaguul
ordinaire ; sa longueur est de trois pouces huit
lignes (0,(i!)9) ; il n'a quequaire ongles aux pieds
de devant, et sept vertèbies à la queue ; son pe-
lage est d'un gris cendré, avec une ligue uoire
sur le dos, mais il manque de collier. Jl vit en
grandes tioupes dans les steppes de la Tartarie
et de la Sibérie, et il est surtout nombreux dans
le désert d'irli. ch, où croit en abondance l'iris
uaine ( Iris piiiiii/u) dont il mange les racines.
Quoique le plus petit des lemminjis, il est cou-
rageux et fort, et ne craint pas d'allaquei' les
plus grandes espèces de son genre, pour les
inangei'; aussi aucunes d'elles u'ose bahiler les
cantons où il a établi sa demeure. Les mâles se
fout entre eux une guerre à outrance, et le plus
fort, après avoir dévoré ses ri\aux, s'empare
des femelles pour peupler son barem.
Le Taupix ( lieonjclitis talinnus.—AJus tnlpi-
inis, Pall. Le Petit Siuilux, L^t^CL.) a cinq
doigts à tous les pieds ; sa première molaire est
la plus longue; son jjclage varie du gris jaune
au brun noir, avec l'âge; la femelle a six ma-
melles. Il habile les bassins méridionaux de
l'Oural, et ne se trouve pas à l'est de l'Obi. Cet
animal se creuse un terrier comme la taupe,
près de la surlace du gazon, et, comme elle, il
élève de pelites buttes de terre le long de ses
longues galeries et de distance en dislance. 11 ne
sort jamais de sa retraite que pour aller cher-
cher sa femelle, ou changer de canton; il se
nourrit de racines, et principalement des petils
tubercules du pblomis tiibéreux,
26« Genhe. Les CAPROMYS ( Capiomtjs ,
Desm. Isodon, Geoff.) ont vingt dents, savoir :
quatre incisives, dont les inférieures peu com-
primées sur les cotés; point de canines; huit
molaires en haut et en bas, prismatiques, ayant
leur couronne traversée par des replis d'émail
qui pénètrent assez profondément, et qui sont
semblables à ceux qu'on voit sur la couionnc
des molaires des castors ; les j)ieds de devant ont
quatre doigts avec un rudiment de pouce; la
queue est ronde, conique, écailleuse; les mem-
bres sont forts, robustes et assez courts. Ce
genre semble ètie intermédiaire entre les lals
et les marmottes.
Le CiiÉiu (Ca/jromi/s Fur» jeri, Desm. Isodon
pilorides, Sav. h'Agutia covgo des Créoles de
Cuba ; peut-être le liacoon de Bkow.xe) est de
la grosseur d'un mojen lapin ; il a un peu plus
d'un pied (0,525) de longuem , non compris la
queue, qui a six pouces (0,1C2i ; sa marche est
plantigrade, et les cinq doigts des pieds de der-
rière sout fortement onguiculés ; son pelage est
grossier, d'un brun noirâtre, lavé de fauve ob-
scur dans les parties supéiieures ; la croupe est
rousse; les pattes et le museau sont noirâtres.
Le cliémi habite l'île de Cuba, vil dans les bois, el grimpe aux arbres avec la
plus grande facilité. Il a peu d'intelligence, mais il est curieux, joueur, et d'un
caractère fort gai. Sans être positivement un animal nocturne, il est plus éveillé
pendant le crépuscule que le jour; il a l'odorat excellent, et, lorsqu'il se croit
menacé d'un danger, il se dresse sur ses pieds de derrière, comme un kan-
gourou, et fait mouvoir ses narines jjour flairer le vent et prendre connaissance
de l'objet qui l'inquiète. Alors il fait entendre un petit cri aigu analogue à celui
des rats, pour appeler ses camarades et les avertir de prendre la fuite. Quand,
au contraire, il éprouve un sentiment de satisfaction, soit en mangeant quelque
chose qui flatte son goiit, soit en s'étendant mollement au soleil dans une vo-
luptueuse quiétude, il fait entendre unpelit grognement très-doux et fort bas. Sa
nourriture consiste uniquement en substances végétales, et il aime surtout les
l>ourgeons d'arbres et les jeunes écorces. Comme la plupart des autres ron-
geurs, les cliéniis prennent et portent à leur bouche leur nourriture avec les
deux pattes de devant, mais souvent aussi ils ne se servent pour cela que d'une
seule main, ce qui leur donne une physionomie fort originale. Du reste, cet ani-
mal est d'un caractère fort doux.
L'agutia cahavalli, ou L'tia ( Capromijs prc- et les ongles, sont blancs ; son pelage est mou.
Itensilis, Poepinc) a vingt-trois pouces de Ion- épais, ferrugineux mêlé de gris; sa queue es!
gueur (n,f>2.'î); sa tète, la plante de ses pieds, gréle, de la longueur du corps, nue à son extré-
RATS. 349
mitt^. Il habili' Cuba, où il est assez rare. Cet diocres; queue à peu près de la loii{iuour «lu
auinial, lourd et paresseux, grimpe cepeudaut corps, velue, roude ; huit à douze uianielles.
aux arbres avec la plus grande facilité; il aime Le Hat d'eau {Anicola amijhibiiis, Desm.
à se pendre à leurs branches et à se cacber dans Mus amphibitis, Lin. Mii.s uquaticits. Rai vl
leur feuillage. Briss. Musmaiinus, .Clian.) est un peu plus
27e Ge.nre. Les campagnols (Ariicoln, grand que le rat ordinaire, dun gris brun foncé;
Lacei'.* ont seize dents, savoir : quatre incisives; sa queue est d'un tiers plus courte que son
point de canines; six molaires en haut et six en corps, et il n'a que l'ongle de visible aux pieds de
bas, composées, à couronne plane, offrant des devant ; ses oreilles sont nues, presque cachées
lames émailleuses, anguleuses; oreilles assez dans le poil de sa tète ; les quatre pieds niut nus
grandes; pieds de devant pourvus d'ongles mé- et écailleux.
Le rat d'eau se trouve dans toute l'Europe, le nord de l'Asie et de l'Amérique,
mais avec quelques modifications qui tiennent au climat. Par exeiuple, en Si-
bérie il est plus grand qu'en Europe, et d'autant plus qu'on s'avance davantage
vers le nord; ceux que l'on trouve à rembouchure de l'Obi et du Jenisey sont
assez grands pour que l'on puisse employer utilement leur fourrure, qui, d'ail-
leurs, n'a pas une grande valeur. Partout les mâles sont plus grands ([ue les
femelles et d'une couleur plus foncée. Le rat d'eau ne quitte jamais le bord des
eaux douces, et s'il s'en éloigne quelquefois, c'est d'une cinquantaine de pas au
plus. Au moindre danger qui le menace, il y revient, se jette dans les ondes,
plonge, et gagne son trou en nageant entre deux eaux. Ce trou consiste en un
boyau parallèle au sol, peu profond, et ayant plusieurs issues. La femelle y met
bas, au mois d'avril, six ou sept petits qu'elle soigne avec tendresse, et elle ne
les laisse sortir de sa retraite que lorsqu'ils ont atteint au moins la moitié de
leur grosseur. Bull'on accuse ces aninuuix de ne se nourrir que de poissons et
de reptiles, et de faire du tort aux étangs et aux rivières en détruisant le frai
des carpes, brocbets, barbeaux, etc. Le vrai est que les rats d'eau ne mangent
que des matières végétales, et entre autres les racines et les graines des plantes
de la famille de typbacées ; si quebiuefois ils se permettent une nourriture ani-
male, elle consiste purement en quelques insectes et leurs larves; quant aux pois-
sons, grenouilles et autres animaux aquatiques, ils n'y touchent jamais. Dans
certains pays on mange sa cbair, qui n'est pas mauvaise, et peut être comparée
à celle du cochon d'Inde. Entre l'Obi et le Jenisey, on trouve une variété, ou
peut-être une espèce de cet animal, qui diffère de notre rat d'eau par une grande
tache blanche qu'elle a entre les épaules, et une raie de la même couleur sur la
poitrine.
Le ScHERJiAtss (Anicola palndosm. — Mus cendré en dessous. II habite le bord des eaux,
palitdosus,hm.Arvirolaaig€uloratens>s,DEsyi. aux États-Unis, et se nourrit des semences de
Le Schennan, Bupf.) est plus petit que le pré- la Zizannie aquatique.
cèdent, à tcte remarquablement plus ramassée, Le Rat d'eau du ÏSil {Anicotu inlolints,
à queue plus courte, et à pelage noir. Il habite Des.m. Lf»?nit(S nilolicus, (iEOFF. ) a la queue
les environs de Strasbourg et s'éloigne davau- presque aussi longue que le corps ; son pelage
tage de l'eau. est d'un brun mêlé de fauve sur le dos, d'un
Le Cami'agnol des rivages {Ariicola ripn- gris jaunâtre en dessous; ses oreilles sont bru-
rius, Ord. Anicola palitsiiis, Harlaiv ) a cinq nàtres, presque nues; sa queue est brune, il
pouces de longueur (0,155, non compris la habite l'Egypte, et a les mêmes mœurs que les
queue, qui est moins longue; ses oreilles sont précédents.
médiocres ; son museau est gros ; il a le pelage Les espèces qui vont suivre sont entièrement
d'un brun rouge;llre mêlé de noir en dessus, et terrestres, et toutes habitent l'ancien continent.
350 LES RONGEURS.
Le Cani'aginol ouoiivaiiik (Ankola ruigaris, qui a un pouce (0,027), el qui est voluc; ses
Dksm. Mus an-alis, Lin. Lo Cami)ag)wlou Petit oreilles sont moyennes et arrondies; sou pelage
ritt des champs, Blff. — G. Cuv.) est de la e^t d'un jaune brun en dessus, d'un blanc sale
grandeur d'une souris ; son corps a trois pou- en dessous. Cette espèce a souvent été le lléau
ces (0,081) de longueur, non compris la queue, de l'agricultm-e, surtout dans l'antiquité.
Le campagnol esl coinniun dans toute l'Europe, et se trouve dans le nurd de
la Russie jusqu'à l'Obi. Il habite les champs et les jardins, mais il ne pénétre
jamais dans les maisons ni dans les bàtiiuents d'exploitation rurale. Il se creuse
un terrier consistant en une petite chambre de trois ou cpiatre pouces (0,081
à 0,108) de diamètre en tous sens, à lai(uelle aboutissent plusieurs boyaux en
zigzag lui servant d'entrée et de sortie. C'est là que la femelle établit soti nid
d'herbe sèche, et met bas, au luoins deux fois par an, dix à douze petits à chaque
portée. Aussi, lorsqu'un été favorise la multiplication de ces petits aniiuaux,
ils devieinient un véritable fléau pour l'agriculture. Ils font des provisions
de grain, de noisette et de gland, mais il paraît qu'ils préfèrent le blé à toute
autre nourriture. « Dans le mois de juillet, dit Bull'on, lorsque les blés sont
mûrs , les campagnols arrivent de tous côtés , et font souvent de grands dom-
mages en coupant les tiges du blé pour en manger l'épi; ils semblent suivre
les moissonneurs, ils profitent de tous les grains tombés et des épis oubliés;
lorsqu'ils ont tout glané, ils vont dans les terres nouvellement semées et détrui-
sent d'avance la récolte de l'année suivante. En automne et en hiver, la plupart
se retirent dans les bois, oit ils trouvent de la faîne, des noisettes et des glands.
Dans certaines années ils paraissent en si grand nombre, qu'ils détruiraient
tout s'ils subsistaient longtemps; mais ils se détruisent eux-mèiues, et se man-
gent dans les temps de disette ; ils servent d'ailleurs de pâture aux mulots, et do
gibier ordinaire aux renards, attx chats sauvages, à la marte et à la belette. »
Mais ce qui contribue plus encore à leur destruction, ce sont les pluies d'au-
tomne et les fontes de neige qui inondent leurs terriers. Il paraît qu'autrefois
celte espèce était plus multipliée qu'aujourd'hui, et que souvent elle a ravagé
des provinces entières ; l'histoire nous en ofl're de fréquents exeiuples, et, dans
des temps reculés, ou regardait les armées de rats apparaissant tout à coup,
comme un efl'et de la vengeance céleste ; aussi n'opposait-on guère à leur inva-
sion que des prières et des exorcisiues.
La FÉGOULE, ou Campagnol économe (Arii- dessus, jaunâtre sur les flancs, blanc sous la
rola o conomus, DEiU. l\Itis œrononuis, P ALLAS, gorge et sous le ventre; sa queue n'a que le
Le Campagnol des prés, G. Cuv.) ne diffère quart de la longueur du corps, et elle est brune;
extérieurement du précèdent que par sa cou- ses oreilles sont très-courtes. Cette espèce ha-
lenr plus foncée, mais à l'intérieur il a une bite la Sibérie et le Kamisçhatka. Ses babitudes
paire de côtes de plus ; son pelage est brun eu la rendent précieuse aux Kamtschadales.
Le caïupagnol éconoiue est l'espèce la plus singulière et la plus célèbre do
son genre. 11 habite les vallées profondes et humides, et creuse son terrier avec
beaucoup d'art; il consiste en vingt ou trente boyaux de huit à neuf lignes (0,018
à 0,020) de diaiuètre, serpentant presque à la surface du sol, ou au moins à peu
(le profoiulcur, et s'ouvrant en dehors de distance en distance. Ces boyaux com-
muniquent à d'autres galeries plus profoiules, se rendant toutes à son habitation
RATS. 351
ou à ses magasins. Son habitalion, ou chambre principale, a trois on quatre ponces
(0,081 on 0,108) de hauteur et environ un pied (0,025) de largeur; elle est
plafonnée avec des racines de gazon, ou, mais seulement dans les lieux humides,
voûtée dans une motle de terre qui domine le sol environnant; sur le plancher
est étendu un lit de mousse. A côté de cet appartement, où loge la famille, sont
deux on trois magasins plus grands, construits avec beaucoup de soin et main-
tenus constamment très-propres. Tel est rétablissement d'un couple solitaire;
mais s'il a une famille un peu nombreuse, il se fait aider par ses enfants; alors
la chambre est beaucoup plus spacieuse, et l'on creuse jusqu'à huit ou dix ma-
"^asins, afin d'y serrer assez de provisions pour tout le monde. Quelquefois deux
ou trois familles se réunissent pour travailler et vivre en commun. Dés le com-
mencement de l'automne, chacun se hâte de récolter des racines et des bulbes
de phlomis tubéreux, renouées historié et vivipare , de pimprenelle sangui-
sorbe, de lis de Kamtschatka, des graines de pin cembro, etc. , etc. ; et ces pro-
visions se déposent dans un premier magasin pour y être épluchées et triées.
Chaque espèce végétale occupe seule un magasin, ou du moins est réunie en une
|)ile sans mélange avec d'autres. Tous les jours ou visite les approvisionne-
ments pour voir si tout est en ordre et si rien ne se gâte; une racine paraît-
elle attaquée par l'humidité, elle est aussitôt enlevée, transportée dehors, au
grand air et au soleil, puis on la reporte au magasin quand sa dessiccation est
parfaite.
Lorsque les Kamtschadales rencontrent une habitation de campagnol éco-
nome, c'est pour eux une bonne fortune, car ils se servent de la racine de san-
guisorbe pour préparer une sorte de thé qu'ils aiment beaucoup, et les autres
racines du magasin leur servent à assaisonner leurs mets. Ils s'en emparent
donc, mais avec l'extrême précaution de ne maltraiter ni blesser aucun des
membres de la famille, de laisser à l'économe une partie de ses provisions, et
de remplacer celles qu'ils enlèvent avec du caviar sec. Ils croient que sans cela
ces petits animaux se tueraient de désespoir, et lesjîriveraient ainsi, pour l'an-
née suivante, de la part qu'ils s'adjugent des fruits de leurs économies. Il n'est
l)as rare de trouver dans les greniers du campagnol jusqu'à quinze ou vingt
kilogrammes de racines.
Comme les lemmings, les campagnols économes ont la prévision, non pas des
hivers rigoureux, mais des étés pluvieux, des orages et des tempêtes, des inon-
dations qui doivent submerger leurs terriers, et ils émigrent pour aller cher-
cher un climat plus favorable. C'est au printemps qu'ils se réunissent en gran-
des troupes et se mettent en voyage, en dirigeant leur marche sur le couchant
d'hiver, en ligne droite, sans que ni lacs, ni rivières, ni bras de mer pui.ssent les
déterminer à faire le moindre détour. En les traversant à la nage ils sont ex-
posés au bec des oiseaux de proie et à la dent vorace des brochets et des saumons,
qui en détruisent beaucoup; le moindre vent en fait aussi noyer un grand
nombre; mais enfin le gros de la troupe finit ordinairement par gagner la rive
opposée. Il arrive quebiuefois (pi'ils sont tellement fatigues, qu'ils se couchent
sur le sable du rivage, sans pouvoir aller plus loin, et (pi'ils périraient de froid
si les Kamtschadales ne leur portaient secours en les séchant et les réchauffant,
soit dans leur sein, soit devant un feu. Quand ces petits animaux sont un peu
35-2
l.LS KOiNGEUUS.
remis, ils leur rendent la liberté pour ([uils puissent continuer leur voyage,
ce que les campagnols l'ont incontinent. Lorsqu'ils ont passé le rensliina, qui se
jette à rextrémité nord du golfe d'Ocliotsk, ils côtoient la mer vers le sud, et an
moisdejuillctarrivent sur les bords derOcliotsk et du Joudoma, après une route de
plus de six cent vingt-cinq lieues. Au moment de leur départ, ils formaient des
colonnes si nombreuses, qu'il leur fallait plus de deux lieures pour défiler; mais
au retour, qui a lieu la même année, au mois d'octobre, il n'en est plus de même;
les renards, les martes, les hermines, les oiseaux de proie, la fatigue, et les
mille accidents d'un long voyage, les ont plus que décimés, et souvent il n'en
revient pas la moitié. Leur arrivée n'en est pas moins un jour de fête pour les
Kamtschadales, parce que c'est un signe certain de la fin des tempêtes qui ont
ravagé le pays pendant leur absence, parce qu'elle présage une année heureuse
pour la pêche et les récoltes, et aussi parce qu'ils amènent à leur suite une foule
d'animaux carnassiers à fourrures, qui promettent une chasse abondante et
lucrative. On sait, au contraire, que lorsqu'ils retardent leur arrivée, c'est un
pronostic infaillible de pluies et d'orages. Du reste, les émigrations des campa-
gnols ne sont pas plus périodiques que celles des Icmmings.
Ordinairement, chez la plupart des autres animaux qui vivent en famille ou
en petite société, c'est le mâle qui se charge des plus rudes travaux ; ici c'est le
contraire ; les femelles sont un tiers au moins plus grandes ((ue les mâles, fortes
à proportion, et beaucoup plus laborieuses. Vers le milieu de mai, et peut-être
plusieurs fois dans l'année, elles mettent bas deux ou trois petits, (pii naissent
aveugles, et dont elles prennent le plus grand soin. Le campagnol économe du
Kamtschatka n'est qu'une variété très-légère de celui de Sibérie, et il n'en dif-
fère que par sa taille un peu plus grande, et son pelage d'une teinte légèrement
plus brune.
Le Campaool fauve ( An-icoln fiilcits, Desm.)
a la queue un peu plus courte que la uioilié du
corps ; ses oreilles sont à peine visit)les ; son
pelage est d'un fauve roussàtre, avec le ventre
et les pâtes jaunâtres. Il habite la France.
Le Campagnol alliaire ( Arricoln allinrhis,
Desm. Mus allidrius, Pall. — Gml.) est delà
grandeur du campagnol ordinaire ; ses mousta-
clics sont fort longues ; ses oreilles grandes,
presque nues ; sa queue est de la longueur du
tiers de son corps; son pelage est d'un gris
cendré en dessus, blanc en dessous. II habile ta
Silicrie, à l'est de l'Ot)!, se creuse un terrier,
et se nourrit d'ail, dont il fait des provisions.
Le Campac.nol des hocheus ( Arrirola saxa-
tUis, IJesm. heMus .saxatilis, de Pall. et Gml)
a la ciueue longue comme la moitié du corps ;
ses oreilles sont grandes, ovales ; son pelage est
t)run, mêlé de gris en dessus, gris foncé sur les
flancs, et d'un cendré t)lanchétre en dessous, tt
habite la Sil)érie et la Mongolie.
Le Campagnol hoiîx {Aniroln nitihis, Desm.
Mii^ ritlihis, Pall. — Gml.) a la queue longue
coMJHie le tieis du corps ; son pelage est roux
en dessus, blanchâtre en dessons, teinté de gris
et de jaunâtre; ses oreilles sont nues, bordées
de poils à l'extrémité seulement. Ou le trouve
en Sibérie et au Kamtschatka.
Le Campagnolsocial {An-icola sorialis, Desm.
Mus sorUdis, Pall. Mus grcgnrhis, Lin.) est
remarqual)le par la finesse et la mollesse de son
pelage d'un gris pâle sur le dos, d'un blanc pur
sur le ventre et sur les extrémités; ses oreilles
sont courtes, larges et nues; sa queue, blan-
châtre, est longue comme le quart de son corps.
Il vit d'oignons de la tulipe de Gesnère, dans
les déserts du Volga et du Taïk, et quelquefois
en si grand nombre qu'on ne peut faire un pas
sans enfoncer ses terriers.
Le Campagnol d'Astuakais {Aivicola nstra-
rhaneusis, Desm. ) a la queue de la longueur du
(piart de son corps; il est jaune en dessus, cen-
dré eji dessous ; sa grandeur est celle d'imesou
lis. On le trouve dans les environs d'Astrakan.
Le CvMPAC.NOL DES COLLINES ( Aiiicola gicga-
lis, Desm. - Mus grcgniis, Pall. — Gml.) res-
semble !)eaucoup au campagnol ordinaii e, mais
son pelage est d'un gris pâle sur le dos, et d'un
Il ATS.
Xy:\
blanc Mlle sous \c veiilre; los oreilles sont (rés-
niinees el a.-sez giandcs ; la qneue porte environ
quarante anne;iux ecailknu. Celte espèce a les
niéines nio-ui-s que le c;iiii[)aj,'nol éconoiiie, mais
comme elle habile des monta^jnes qui ne sont
pas sujettes aux inondations, elle n'a pas besoin
d emifirer. Ce campagnol est commun dans les
montagnes de la Daourie, et depuis l'Irtiscli
jusqu'aux sources du Jenisey. Son terrier res-
semble a celui de l'économe, à celte différence
que les ouvertures des galeries sont couvertes
d'un petit doine de terre. 11 se nourrit des bul-
bes de l'ail tenuissinmm et du lis de pompone.
Le CAMPAG^0L «avé {Anirola pumilio, Des>i.
Mus pumilio, Spabm. ) se distingue de tous ses
congénères à son pelage brun clair en dessus,
marqué de (juatre bandes longitudinales noires.
On le trouve au cap de Bonne-Espérance.
Le Campagnol aux joies fauves (Arvirola
.xaiif/iogiiadis, Desm. ) a le pelage fauve varié
de noir en dessus, d'un gris cendré clair en
dessous; ses joues sont fauves; sa queue est noire
en dessus, blanche en dessous. Il habite les bords
de la baie d'IIudson.
Le Campagnol a queue blancue (Arvicola al-
biraiidattis, Desm.) a la queue à peine aussi lon-
gue que la moitié de son coips, blanche en des-
sus ; son pelage est brun el ses pattes blanches.
Sa patrie m'est inconnue.
28''(iKMiE. Les3IYXO3IES(Mijii0«ies, Kafi\.)
lie diffèrent du genre [irecédent que par le nom-
bre de leurs doigts, qui est de cjuatie à chaque
pied, avec un doigt interne fort court, et par
leur queue qui est aplatie, velue, écailleuse
comme dans les ondatras.
Le Jlv\oME DES PiiAiHiES (.Vf/iioiufs prtttensis,
Rafin. Arvii ola peustjlvanii a. Oui) et 11ahl\\)
a quatre pouces [0,1 08 1 de longueur, el sa queue
n'a que neuf lignes (0,020) ; son pelage est d'un
lauve brimàlre en dessus, et d'un blanc grisâtre
en de.>-sous. Il liabile les Etats-[ iiis, se creuse
un terrier sur le bord des rivièi es; et se nourrit
des l)ull:es d'ail et autres plantes de la famille
des lili.icées.
29 (lEMit. Les SICMODOiN'S (Sigwidnn.
Sav et Oui). I ont seize dents, savoir: qnalre
incisives; point de canines; six molaires en haut
et six en bas, égales, avec des racine>, et à cou-
ronne marquée par dessillons alternes très-pro-
fonds, disposés en sigma : ils ont cinq doiyls aux
pieds de derrière, et quatre à ceux de devant
avec le rudiment d'un cinquième doigt oiij;ui-
culé ; leur queue est velue.
Le SiGMODON VELU {Sigmodon hispiilinii, Sav
et Oui). Arvicola horlensis, Hahl. ) est long de
six pouces (0,162), avec une grosse lele, de
grands jeu". ^l 't' museau allongé; son pelage
est d'un jaune d'ocre pâle, mélangé de noir sur
la tète et en dessous; les parties inférieures du
corps sont cendrées. Cet animal habile la Flo-
ride orientale, dans les champs qui avoisinent
la rivière de Saint-Jean.
50'= Genre Les XÉOIOMES { i\eotoma, Sav
el OiiD. ) ont seize dents, savoir : quatre incisi-
ves; pas de canines; six molaires en haut et six
en bas, avant de longues racines qui manquent
à celles des campagnols; ils ont aux pitds de
devant quatre doigts avec le rudiment d'un cin-
quième, et cinq doigts aux pieds de derrière;
leur queîie est velue.
Le iSÉOTOME DE LA FlOUIDE ( Aeo/ODIO f(i]i-
dana, Say et Oud. Mus florhimius, De.^m. ) a la
queue plus longue que le corps, brune en dessus
et blanche en dessous ; les oreilles fort grandes;
le pelage doux et court, d'un giis plombé mé-
langé de poils noii's et jaunâtres, en dessus ; plus
brun sur le dos et jjIus jaune sur les flancs; le
dessous du corps est d'un blanc pur. 11 habile
les bords du Missouri el les montagnes Ro-
cheuses.
3.jV
ES llOiNGEUUS.
LtS IlAiS NAGEURS
Ont Ions les caractères de la famille prc^co-
dente, mais leurs pieds postérieurs sont paluK^s
on il demi-palmés, c'est-à-dire que leurs doigts
sont plus ou moins réunis pur une membrane,
conmie ceux des canards ou autres oiseaux aqua-
liques.
51" Gemie. Les CASTORS (Castor, Ln.) ont
\ingt dents, savoir: quatre incisives; pas de
canines; huit molaires en haut et tiuit en bas,
composées, à couronne plane, avec des replis
émailleux, sinueux et compliqués ; ils ont cinq
doigts à tous les pieds ; leur queue esl large,
aplalie horizont;iIement, ovale, sans poils et cou-
verte d'écaillés imbriquées.
Le CASTOR ou BIÈVRE [Castor fiber. Lin. ).
Cet animal est à peu près de la grosseur d'un hlaireau et atteint trois ou
(|uatre pieds (0,975 à 1,299) de longueur, en y comiirenant la queue; son pe-
lage se compose de deux sortes de poils, l'un fort long, grossier, d'un hrun
roussàtre, recouvrant un duvet très-fin, plus ou moii>s gris. Du reste, il varie
de couleur en raison des pays ; par exemple, les castors du Nord sont d'un beau
noir, et quelquefois tout blancs; ceux du Canada sont d'un brun roux uniforme;
vers rOhio et dans le pays des Illinois, ils sont d'un fauve pâle, passant même
au jaune paille; en France ils sont de la couleur de ceux du Canada; et enlin,
on en trouve quelquefois de variés de jaunàlre et de brun. Ils ont les jiicds de
derrière palmés, ce qui leur donne une grande facilité jioiir nager, et leur queue
plate et large leur sert de gouvernail. Ces animaux sont encore communs dans
l'Amérique septentrionale, mais ils sont devenus assez rares en Eurojie, et par-
ticulièrement en France, où l'on n'en trouve plus que quelques individus iso-
lés sur les bords du Cardon, en Dau|)liiné, sur ceux du fUiône, de quelques
VUrtl
LES CASTORS
( ,1a. .lin .Us CI a 11 te s.)
UATS NAGEURS. 355
peliles rivières qui se jelleiit dans ce fleuve, el dans (juehjues tourbières des val-
lées de la Somme.
La ménagerie du Jardin des Plantes a nourri plusieurs castors, et il en est ré-
sulté des observations que je dois taire connaître avant d'entrer dans des détails
de mœurs, qui se trouveront tout à fait en contradiction avec ce que les auteurs
ont écrit jus(iu'à ce jour sur cet animal. Deux individus de c(;tte espèce avaient
été réunis dans la même cage, l'un venait des bords du Gardon, l'autre de ceux
<lu Danube. Ils étaient d'une propreté extrême, vivaient paisiblement entre eux,
luaugeaient assis dans l'eau, dormaient presque tout le jour, ou ne veillaient
(pie pour se lisser le poil avec les pattes et nettoyer leur loge de la plus petite
ordure. On leur donnait divers matériaux pour voir si leur instinct de con-
struction se décèlerait par quelque cbose ; mais ils se contentaient de les entasser
pèle-mèle dans un coin de leur loge, en les repoussant avec leurs pieds ou les
transportant avec leur bouche ou leurs mains, sans que jamais ils se soient servis
de leur queue en façon de truelle, ai aient montré la moindre intelligence ar-
chitecturale. D'autres fois, on réunit dans la même loge jjlusieurs castors pris
jeunes et élevés séparément; loin de montrer un caractère de sociabilité, ils se
battaient avec une fureur toujours renaissante. Ihifl'on, cpii a si bien vu, quand
il a vu |)ar ses propres yeux, va nous aider à se rélulei- lui-même : « Si l'on
considère le castor dans l'état de nature, dit-il, il ne paraîtra pas, pour les
(|ualités intérieures (je suppose (pie Bulfon entendait parler de l'intelligence^,
au-dessus des autres animaux; il n'a pas plus d'esprit (pie le chien, de sens que
l'éléphant, de finesse que le renard. Il est plutôt remar(piable par les singula-
rités de conformation extérieure que par la supériorité apparente de ses qua-
lités intérieures, » Buffon a fixé son opinion sur les observations qu'il a faites
chez lui, ayant conservé un castor vivant pendant plus d'un an; mais on pour-
rait lui répondre, ainsi qu'à ma citation des castors nourris à la ménagerie,
(ju'il n'appartient pas de juger de l'intelligence des animaux libres et à l'état
de nature, par celle que montrent ces malheureux lorsqu'ils ont été abrutis par
les fers de l'esclavage. Cette objection est parfaitement juste, aussi est-ce ail-
leurs que dans la domesticité que nous allons maintenant étudier le castor.
Tous ceux que l'on trouve en Europe vivent solitairement, ne construisent
rien, et n'habitent que des terriers. Il en est ainsi maintenant, et il en était
ainsi dans l'antiquité, car les anciens, en nous parlant de leur amis poulicus,
qui n'était rien autre chose que notre castor, ne font nulle mention de son
habitude de bâtir, et lui attribuent les mêmes habitudes que celles de la loutre,
à la nourriture près. Il et vrai (ju'on prétend avoir trouvé en Norwége des
ruines annoïKant des villages de castors; mais ce fait, aventureusement avancé,
n'a pas été suftisamment prouvé. Dans certaines solitudes de rAméri(iue, et
surtout dans la haute Louisiane, les castors sont nombreux et n'ont jamais été
iiKjuiétés par riiomme, et cependant ils vivent épars, tout au plus en famille,
dans l'iguor.uice et la paresse de construire. Tous vivent dans des terriers qui
ont quelquefois jusqu'à trois cents mètres et plus de longueur. Pallas dit que les
castors de la Lena et ceux du Jenisei sont également terriers, même lorsqu'ils
sont rassemblés en communauté, mais que pour l'ordinaire ils restent solitaires.
L'instinct de bâtir n'est donc pas chez eux développé autant (|u'on a voulu le
•5'><> Li:s HONG EU us.
(lire, et voyons ;i quoi cet instinct se réduit, quand on met de côte les coules
des voyageurs non instruits, toujours prêts à gâter le merveilleux de la nature en
mettant à sa place le merveilleux de leur invention.
Les castors ne vivent pas ordinairement en société, comme on l'a dit; depuis
les premiers beaux jours du printemps jusqu'à l'automne, ils restent solitaires
ou par couples, dans les bois, et élèvent leur'famille, non dans des cabanes,
comme le dit BufTon, mais dans des terriers qu'ils se creusent le long des ruis-
seaux. Lorsque les premières gelées blancbes se font sentir, c'est alors qu'ils se
réunissent et s'occupent, dans de certains pays déserts seulement, à élever ces
fameuses digues siu- lesquelles on a fait tant de contes absurdes. Elles consistent
tout sim[)lement eu un amas de brandies, de pierres, de boue, qu'ils accumulent
sans oidre dans le lit d'un ruisseau, de manière à barrer le cours de l'eau et à
la forcer à refluer en forme de petit étang. Comme les matériaux qu'ils em-
ploient consistent en brancbes d'arbres aquatiques croissant sur le bord des
rivières, saules, aunes, peupliers, etc. , il arrive naturellement qu'elles prennent
racine à la manière des boutures, et que la digue, qui augmente d'épaisseur
cliaque jour à mesure que le courant y amène des rameaux flottants et des vases
qui s'y amoncellent, se fortifie, et finit par former un épais buisson devant sa
solidité à la nature plus qu'à ses prétendus arcbitectes. Ouant aux cabanes, elles
sont construites à peu près dans le même principe. Ils commencent à amoncelei-,
dans un endroit qui peut avoir dix-buit pouces à deux pieds de profondeur
(0,477 à 0,650) une grande quantité de petites brancbes, de pierres et de limon,
et ils donnent à cet amas la forme d'un monticule conique, dont la moitié seu-
lement est submergée ; alors ils creusent dans cette butte, raz le fond de l'étang,
un trou rond qu'ils élargissent au milieu du tas de matériaux de manière à lui
donner une forme analogue à celle d'un four. C'est là (pi'ils déposent la |)ro\ i-
sion d'écorce destinée à les nouri'ir pendant l'biver. Ils percent un autre trou
dans le dôme de ce magasin, puis ils élargissent également ce trou en forme de
four, et font ainsi deux pièces l'une sur l'autre, et n'ayant qu'une même et seule
issue. Cette dernière pièce n'est pas submergée comme la précédente, elle est
au-dessus des eaux les plus liantes, et la famille peut y dormir à sec.
Ils savent fort bien profiter du courant du ruisseau pour amener par le flot-
tage leurs matériaux sur l'emplacement où ils doivent s'en servir: mais ces
pilotis, ces arbres apointis par le pied, transportés avec une sorte d'art, cette
combinaison de travail, ces prétendus cbefs qui forcent les paresseux à prendre
part à l'ouvrage, cette queue qui leur sert de truelle, celte maçonnerie, et ces
murs solides et crépis avec du mortier de terre, cette sorte de police qui règne
dans cliaque bourgade ou même d.ius clia(nie famille, sont autant de contes dont
les voyageurs ont enjolivé leurs relations.
Loin que le castor soit comparable au cbien et à lelépliant pour l'intelli-
gence, on peut affirmer que c'est un animal presque stupide. « Tous conviennent
que le castor, dit Buffon lui-même, loin d'avoir une supériorité marquée sur les
autres animaux, parait, au contraire, être au-dessous de (pielques-uns d'entre
eux pour les qualités purement individuelles. C'est un animal assez doux, assez
tranquille, assez familier, un peu triste, môme un peu plaintif, sans passions
violentes, sans appdits véliéments, ne se donnant que peu de mouvement, ne
RATS NAGEURS. 357
liiisniil d'eflorl pour (inoi (luc ce soit, cependanl occupé sérieusement du désir
de sa liberté, rongeant de temps en temps la porte de sa prison, mais sans fu-
reur, sans précipitation, et dans la seule vue d'y faire une ouverture jiour en
sortir; au reste, assez indifférent, ne s'attacliant pas volontiers, ne cherchant
point à nuire et assez peu à plaire; il ne semble fait ni pour servir, ni pour
commander, ni même pour commercer avec une autre espèce que la sienne : seul,
il a peu d'industrie personnelle, encore moins de ruses, pas même assez de dé-
fiance pour éviter des pièges grossiers. Loin d'attaquer les autres animaux, il
ne sait pas même se bien défendre. »> Ces animaux font, pour l'hiver, une pro-
vision d'écorce, de bourgeons et de bois tendres, formant leur nourriture ordi-
naire. Les femelles, dit-on, portent quatre mois, mettent bas vers la tin de
l'hiver, et produisent ordinairement deux à trois petits. Comme la plupart des
autres rongeurs, ils se servent de leurs pieds de devant avec beaucoup d'a-
dresse, principalement pour porter leurs aliments à leur bouche. Ils nagent
et plongent parfaitement, mais sur terre ils ont la démarche lourde, et ils cou-
rent fort mal.
Autrefois l'on recherchait beaucoup, dans la vieille médecine, une matière
onctueuse, odorante, contenue dans deux grosses vésicules que les castors ont
près de l'anus, et connue dans le commerce sous le nom de castoréiiin. Ou lui
attribuait plusieurs propriétés merveilleuses; mais aujourd'hui cette drogue
est tombée dans le discrédit. On ne chasse plus le castor que pour s'emparer
de sa fourrure, très-recherchée dans la fabrique de chapellerie, et pour manger
sa chair d'un goût assez amer et fort i)eu agréable. Dans les siècles derniers,
il s'en faisait une chasse assez abondante dans tout le Canada, mais le nombre
de ces animaux a été tellement diminué, (ju'aujourd'hui les expéditions de chas-
seurs sont obligées d'aller les chercher jusqu'aux sources de l'Arkansas, dans
les montagnes Rocheuses. Le piège ou la trappe dont on se sert pour les pren-
dre ne dilfère en rien de nos pièges à renards et à putois. Les tra|)peurs, qui ne
voyagent (ju'en caravanes pour se défendre contre les peuplades de sauvages, ont
l'œil tellement exercé à cette chasse, qu'ils découvrent, au signe le plus léger, la
piste du castor, sa hutte ou son terrier fussent-ils placés dans le taillis de saule le
l»lus éi)ais; ce même coup d'œil leur fait deviner exactement le nombre des habi-
tants qui s'y trouvent. Alors le chasseur pose sa trapi)e à deux ou trois |)(uices
au-dessous de la surface de l'eau, et, par une chaîne, l'attache à un tronc d'arbre
ou à un piquet fortement enfoncé sur la rive. L'appât consiste en une jeune
tige de saule dépouillée de son écorce, fixée dans un trou de la bascule du
piège, et la sommité dépassant la surface de l'eau de cinq à six pouces. Ce som-
met a été préalablement trempé dans la médecine (pour me servir du mot tech-
ni(pie des trappeurs) (pii doit attirer l'animal par son odeur allèchanti;. Or, la
composition de la médecine est le secret du trai)peur, secret qui n<'aumoins
n'a pas été si bien tenu cpie nous ne puissions le révéler ici. Au printemps, le
chasseur ramasse une grande quantité de bourgeons de peuplier, au moment où
ils sont le plus couverts de celte sorte de glu visqueuse et odorante destinée
probablement par la nature à protéger le développement des jeunes feuilles.
Il jette ces bourgeons dans une chaudière avec de l'eau, quelques feuilles de
menthe des ruisseaux, uu peu de camphre, et une suffisante quantité d«* sucre
358 LKS HONG El] US.
«l'érahlo. Quand tout a bouilli assez longtemps pour réduire l'eau à l'état de
sirop sans emporter l'odeur du bourgeon de peuplier, il passe au filtre, et la
médecine est faite ; on la conserve dans des floles bien bouchées, et on y trempe
l'appât quand on tend le piège.
Le castor, doué d'un odorat très-fin, ne tarde pas à être attiré par l'odeur;
mais dès qu'il a touché à l'appât qui tient la détente, le piège part et le prend
par les pattes. L'animal se débat; il entraîne la trappe de toute la longueur de
la chaîne; bientôt épuisé de fatigue, il coule à fond avec le piège et se noie.
Quelquefois, quand le pi(juel vient à manquer, le castor gagne la rive et emporte
le piège dans les bois, où l'on a beaucou[) de peine à le retrouver. Il arrive aussi
(jue lorsque ces animaux ont été trop inquiétés, ils deviennent méfiants et dé-
jouent toutes les ruses du tra[)peur. Dans ce cas le chasseur abandonne la partie,
met ses pièges sur son dos, et s'éloigne en se disant vaincu.
32°Gep)ue. Les OND.4TRAS (Oddatrrt, Lacep. L'0>datiu ou Rat misqué du Canada (Ou-
F»&er, G. Cuv. ) ont seize dents, savoir : quatre datra zibcthints, Li ss. Castor zibcterus, Lin.
incisives et douze molaires, ces dernières coni- Mus zibetecus, Gml. L'Ondatra, Birr — G.
posées et à racines distinctes, leur couronne Cuv. Le Hat pua»t des sauvages du Canada )
plane, avec des lames émailleuses et anguleuses, a treize pouces (0,3.>2) de longueur, non coni-
Ils ont cinq doigts à tous les pieds ; ceux des pris la queue, qui en a neuf ((),-24i), c'est à-dire
pieds de derrière à demi palmes et munis sur qu'il est à peu près de la grandeiu- d'un la-
leurs bords d'une rangée de soies roides, les pin. Son pelage est d'un brun gris teint de roux
aidant à nager en remplissant l'office de meni- en dessus, et d'un cendré clair en dessous ; il
brane; leur longue queue est cylindrique à la exhale une odeur de nuise qui devient très-
base, puis comprimée latéralement, écailleuse, forte et très- désagréable d:uis le temps des
linéaire, recouverte de peu de poils roides. amours.
Ainsi que le castor, l'ondatra habite le nord de l'Amérique septentrionale,
frèijuente le bord des eaux, se construit une cabane, et vit en société; mais, et
ceci surprendra probablement quelques-uns de mes lecteurs, il est bien meilleur
architecte. Au printemps, lorsqu'il a trouvé une femelle qui lui convient, et il
lui est permis d'être difficile, car il doit passer sa vie entière avec la même com-
pagne, il se retire avec elle au fond d'un bois, à proximité d'une rivière, d'un
étang ou d'un lac, oij se trouvent abondamment les joncs et autres plantes aifua-
tiques dont il se nourrit. Là il creuse un terrier et fait, avec de la mousse, un
nid très-commode où la femelle dépose ses petits, au nombre de cinq à six, dont
elle prend grand soin pendant toute la belle saison. Si, par hasard, lorsque la
femelle est pleine, le couple se trouve à portée d'une vieille cabane d'ondatras,
elle s'en empare, et c'est là qu'elle m(^t bas et élève ses enfants. Dans tous les
cas, le mâle ne se mêle jamais de cette éducation, et il s'éloigne même de sa
famille pour aller errer seul dans les bois. Au mois d'octobre les petits sont
aussi grands que leurs parents, et le père vient les rejoindre pour passer l'hiver
avec eux.
Alors toute la famille abandonne son habitation d'été et se rend sur le bord
d'un lac ou d'une rivière; elle choisit un emplacement connnode, c'est-à-dire
tni endroit couvert de joncs, de souchets, et autres plantes croissant dans les
ondes et étendant de longues racines dans la vase; il faut que l'eau soit limpide,
calme, et que, dans les plus grandes inondations, elle ne monte pas à un pied
HAT s NAC.EUKS. 359
ou deux jiii-dcssns de son iiivciui ordin.urt'. Lo lieu coiivt'iialdc ctiuit liouve,
tout lo monde se nicl à rouvniyc, sous lit diioction du père, pour liàlii'ln cabane
(pii doit les al)riler i>endanl l'hiver. Les matériaux consistent en liente de bison
et en terre glaise, qu'ils pétrissent avec les pieds, et qu'ils mélangent avec de
la paille de jonc et des feuilles sèches. Chacjue cabane a ordinairement deux
pieds et demi i^0,SI2) de diamètre à l'intérieur, et quebpiofois beaucoup plus
quand plusieurs familles se réunissent. La l'orme en est ronde, et elle est re-
couverte d'un dôme de terre battue, épais de quatre pouces (0,108), avec une
couverture de joncs nattés fort régulièrement à l'extérieur, et n'ayant pas moins
de huit pouces (0,217) d'épaisseur. Cette ingénieuse toiture est impénétrable à
la pluie, à la neige et aux autres intempéries de l'air. Ils savent très-bien pré-
voir le cas où un accident extraordinaire ferait monter l'inondation plus haut
que de continue; en conséquence, ils construisent à l'intérieur plusieurs étages
de gradins sur lescjuels ils se logent à sec, lors même que l'eau s'empare du bas
de l'éditice. Comme les ondatras ne font pas de provisions, ils creusent des i)uits
<'l des jioyaux au-dessous et à l'entour de leur demeure, pour aller chercher de
l'eau et des racines de nénufar et d'acore aromatique, formant la base de
leur nourriture d'hiver; dans ce cas, ces galeries leur servant de sortie, ils ont
le soin de nnuer la jtorte de leur cabane. Mais (piand celle-ci est construite au
milieu de joncs fort épais, capables de les dérober à la vue de leurs ennemis, ils
ne creusent point de galeries souterraines, laissent leur porte ouverte, et se
fraient des sentiers couverts parmi les joncs, sous la neige, que ces plantes sou-
tiennent élevée par leurs liges rapprochées, (les habitations sont construites
avec tant de solidité que les chasseurs ont beaucoup de peine à les ouvrir à coups
de pioches et de pics.
Lors([ue l'hiver est rigoureux, la cabane est (juclquelois couverte de plu-
sieurs pieds de glace et de neige, sans que ses habitants, couchés bien chaude-
ment sur de la mousse, les uns auprès des autres, en soient le moins du monde
incommodés. Lors(|ue les douces influences du printemps commencent à fondre
les neiges, à dégeler les lacs et à faire naître la verdure, les ondatras (juittent
leur cabane pour n'y revenir jamais. Ils se séparent par couples, et vont, comme
je l'ai dit, passer la belle saison dans les bois, où ils vivent de toute sorte d'her-
bes. Dans les pays où l'hiver est uïoins rude, comme par exemple dans la Loui-
siane, ces animaux se terrent et ne construisent \n\s,.
Leur fourrure, malgré l'odeur de musc qu'elle exhale, est fort recherchée à
cause du duvet soyeux qui se trouve sous le poil, et qui sert à confectioinier les
plus beaux cha])eaux. C'est en hiver que les chasseurs vont à la recherche de ces
animaux, quehpie temps avant le moment où ils quittent leur retraite. Ils ou-
vrent, avec des pioches, le dôme de leur cabane, les offustpient brusquement de
la lumière du jour, assomment ou prennent tous ceux (pii n'ont pas eu le temps
de gagner les galeries souterraines (ju'ils se sont i)ratiquées, elipii leur servent
de derniers relraïuhements où on les suit encore.
Pris jeune, l'ondatra s'apprivoise fort aisément et caresse même la main de
son maître ; en tout il montre beaucoup plus d'intelligence <pie le castor, dont
les sauvages le disent cousin. Mais, surtout au printemjis, il exhale une odeur
musquée si pénétrante, qu'on la sent de fort loin, et cprelle imprègne d'une
:i()()
LES uoN<;i.i]i;s.
manière (lësaj,'réable jusqu'aux meubles de la maison ou on l'eleve. Celle odeur
déplaît tellement aux naturels du Canada, qu'ils ont donné à l'ondatra le nom
de rat puant. Il paraît que la chair de ces animaux ne s'en imprègne ({ue peu,
puisque les Canadiens la mangent et la trouvent fort bonne. L'ondatra a les
dents incisives si fortes, que lorsqu'on le renferme dans une caisse de bois
dur, en quelques instants il y fait un trou assez grand pour en sortir. Il a une
singulière faculté qu'il doit à la force de a^s muscles i)eaussiers et à la mobilité
de ses côtes : quand il le veut, il se contracte et se rapetisse tellement le corps,
((u'il peut aisément en diminuer le volume de moitié, et alors il passe par un
trou où ne passerait pas un animal beaucoup plus petit que lui.
5.)'' GfcMtE. Les IIYDRO.MYS (//((rfromi/.v,
(ii-f FF. ) (int douze dents, savoir : quaU-e inci-
sives et liuit molaires, ces dernières simples, à
couronne creusée en cuiller dans son milieu;
les incisives supérieures unies et plaies anté-
rieurenienl, les inférieures arrondies en devant.
Tous le.^ pieds ont cinq doigts, libres aux pieds
aulérieurs, palmés aux postérieurs; les pouces
de devant sont très-petits, onguiculés ; les oreil-
les sont petites et arrondies ; la queue est longue,
c\lindrique, couverte de poils ras.
L'HvDuojivs A vKNTitE BLAx: |Hi/riro))i(;.s- leit-
rogaster. (iïOFF.— I)i:s>i. ) a un pied iO,.ï2.'i) de
longueur, uou coiripi is la queue, qui a onze
pouces (0,298) Sa fourrure est très-fine, très-
douce au louctier, l)rune en dessus, blanche en
dessous; la queue est blanche dans sa moitié ter-
minale; les pieds de derrière ne sont guère
(|u'à demi palmés. Il habite l'ile .Maria , sur
le bord des ri\ières, en Australasie.
L'IlvniKiMvs A VK.MHE JMhE { Uijdromijs cln-if-
aogaster, (iEOFF. — Dksji.) est une espèce bien
distincte de la précédente, quoi qu'en aient dit
(luelques naturalistes. Elle en diffère par ses
pieds de derrière dont les doigts sont réunis par
une membrane plus étendue, par sa fourrure
plus douce, plus line, et dun orangé très-vif
en dessous; enfin par sa (luene blanche seule-
ment à rextrémilc. H habite l'ile Bruni, dans la
même partie du monde.
SI* (iEMiK. Les POÏAMYS ( Myopntamiis,
CoMMtiis. ) ont vingt deut.s, savoir : quatre inci-
sives , huit molaires analogues à celles des cas-
tors, a\ant une échancrure sur une fice, et tiois
du coté opposé ; la tête est large, les oieilles
petites et rondes, le mu>eau obtus ; les pieds
sont il cinq doigts, avec les pouces de devant fort
courts, et les doigts des pieds postérieurs p;il-
mcs ; la queue est forte, conique, longue, écail
leuse, parsemée de gros poils.
Le Qlouiva ou Covpou (^]lJO})oiamllS buna-
riensis , Co>i>i. Hijdromijs- roijims, (itoFF. —
Desm. Mns coijpifs, MoLisi. ) est pres(iue de la
grandeur d'un castor, dont il a les formes gé-
nérales; ton poil, très-fin et très-so\eu\, est
d'un ht un narron sur le dos, roux sur les lianes
et brun clair sous le ventre ; il a une vari( té
entièrement rousse. Il est conunun au Paraguay,
au Chili et auTucuman Depuis fort longtemps
nos fourreurs reçoivent par milliers des |)eau\
de cet animal, dont le puil, coimu dans le com-
merce sous le nom de raronda, remplace très-
bien celui du castor d. us la fabrication des cha-
peaux. Le coypou habite des terriers creusés
sur le bord des tleuves, des grandes rivières et
des lacs ; il vit de bourgeons, d'herbes, et de
ra( ines de plantes aquatiques. Ses niTurs sont
fort douces; il s'apprivoi.'>e très-aisément, et s'at-
tache même aux personnes qui prennent soin
de lui. Du reste son intellii.'ence est très-bornée,
et il donne aisément dans tous les pièges qu'on
lui tend.
ENCLOS DU PORC-EPIC,
PKÈS DES LOr.ES DES A M M A L X FEItOCtS.
( .1 » ■ <l > i< <l .s I' I
l'OKCS-KPICS.
361
SKCTIO-N DKUXIKMi:.
LES RONGEURS HERBIVORES
N'ont qiie des riidiinoiits de cla\icules. Celle (-pics, les lièvres, et les dusypoïdes. Tous soul
seelioii renlei-riie Iroisfaniilles, savoir: les pores- des aiiimaiiv inolfensifs et timides.
,ES POIÎCS-ÉPICS
Se reconnaissent aux piquants roides et aigus
dont leur corps est armé; ils ont qualre mo-
laiies partout, c\lindi-i(iues, martjuées sur leur
couronne de quatre à cinq empreintes enton-
cées. Leur langue est hérissée d'eeailles épi-
neuses: ils ont quatre doigts aux pieds de de-
vant, et le plus ordinairement cinq à ceux de
derrière, tous armés d'ongles robustes.
55' Geakk. Les Poiics-Éi'ics ( Hijatri.r, Li.%.)
ont vingt dénis, savoir ; qualité incisives, unies
el arrondies au-devani, huit niolaiiesen haut et
en bas, à peu près d'égale longueur; leur chan-
fi-ein est fortement arqué; leurs pieds sont
plantigi'ades; ceux de devant ayant quatre doigts
avec im rudimei t de pouce onguiculé, ceux de
derrière à cinq doigts; la queue est rudimen-
laire, non prenante; l'œi! très-pelit, à pupille
ronde; l'oreille ai'rondie, courte.
Le PORC-ÉPIC ORDINAIRE ( Ijijxtilx: cristuUi, Lin. Lo l'orc-Epic commun ou
à crinière, G. Cuv. Le Porc-Epic^ Buff).
Cet animjil a i)ltis do deux pieds (0,6'>0) de longueur, non compris In queue,
qni est très-couite. Son corps est couvert de pi<juanls fort longs, surtout sur
le dos, 011 ils atteignent souvent |)lus d'un pied (0,525) : ils sont régulièrement
annelés de noir brun et de Idanc; sur sa nuque et sur son cou s'élèvent de lon-
gues soies roides, Itii l'orniant inie sorte de crinière qu'il hérisse, ainsi que les
3H-2 LE!5 KONG EL US
(lanls (le son dos, quand il est encolure; mais cet apiiaieil eilVayanf, qu'il pré-
sente à ses ennemis en le secouant et lui faisant produire un bruit formidable,
n'est, dans la réalité, qu'une parure aussi singulière qu'innocente. Ces dards,
si dangereux, quand on s'en rapporte aux anciens écrivains, ne sont rien autre
chose que de véritables plumes à tuyaux creux, et auxquelles il ne manque que
des barbes pour être tout à fait analogues à celles des oiseaux. Leur ])ointo [tcu
aiguë et leur llexibililé en font des armes si peu offensives, cpi'on peut prendre
l'animal sans en éprouver ni blessure, ni même de pi(|ùre ; et même ceux d(! la
(pieue, qui, en se choquant les uns les autres, produisent ce bruit redoutable,
sont creux dans toute leur longueur et ouverts à leur extrémité. Dans le temi»s
de la mue, ces longs piquants, qui ne tiennent à la peau que par nn pédicule
fort menu, se détachent d'eux-mêmes, et l'animal s'en débarrasse en se secouant.
Ce fait, mal observé, a fait dire aux anciens auteurs (pie le porc-épic lance à ses
ennemis ses dards avec tant de roideur, qu'ils peuvent percer nue planche dr
part en part à ((uelques pas de distance; pour rendre la chose plus merveilleuse
encore, d'autres ont ajouté que ces aiguillons avaient la funeste propriété de
s'enfoncer dans les chairs d'eux-mêmes, sans aucune b)rce étraugeie. Ou con-
çoit que toutes ces niaiseries n'ont plus besoin de réfutation, l'observation et la
critique en ayant fait justice depuis longtemps.
Le porc-épic est assez commun en Italie, en Espagne, en Grèce, en Barbarie,
et se trouve généralement dans tontes les parties chaudes de l'Europe et de
l'Asie, lise plaît sur le penchant des coteaux exposés an levant ou au midi, loin
des lieux baliites par les hommes. Dans cette solitude, il se creuse un terrier
profond, à plusieurs issues, dans bMjuel il passe la journée à dormir. Il en sort
la nuit pour aller à la recherche de sa nourriture, qui consiste en bourgeons,
en racines, fruits et graines sauvages. Quel(|uefois, dans ses courses nocturnes,
il se rapproche des habitations, et s'il pénètre dans un jardin, il y commet de
grands dégâts en coupant et gâtant beaucoup plus de légumes qu'il ne peut en
manger.
Quoique n'étant pas compté pour un animal hibernant, le porc-épic reste Ihiver
solitairement dans son tron, non pas dans un état complet d'engourdissement
comme la marmotte, mais plongé dans nn profond sommeil. Il en sort au prin-
temps pour aller chercher sa femelle avec laciuelle il s'accouple, au mois de mai.
à la manière des autres mammifères. Quoiqu'on en ait dit, celle-ci met bas ses
petits eu août; ils naissent les yeux ouverts, et ayant déjà le corps couvert de
piquants longs de cinq à six pouces (0,153 à 0,162).
En état de domesticité, le porc-épic, quoique peu intelligent, n'est ni mé-
chant ni farouche, mais il ne perd jamais une occasion de reconquérir sa liberté,
si elle s'offre à lui, et pour cela il cherche constamment à couper les barreaux
de sa cage ou à en ronger la porte avec ses dents. Ceux que l'on a eus à la ména-
gerie se nourrissaient aisément avec du pain, des fruits et des légumes. Quand
on les contrariait ils faisaient entendre une sorte de grognement ayant de l'a-
nalogie avec celui d'un porc, d'où leur est sans doute venu leur nom, car c'est la
toute la ressemblance qu'ils ont avec un cochon. A l'état sauvage, ils sont fort
gras en automne, et c'est à cette époque (pi'cui leur fait la chasse pour les manger,
(pioi(pie leur chair soit assez fade.
POUCS-EPICS.
363
11 n'est pas d'animal qui ait autant prêté que celui-ci an merveilleux dont les
anciens écrivains aimaient tant à allonger leurs pages; le poëtc Claudien admire
le porc-épic, parce que « il est lui-même le carcjuois, la llèche et l'arc dont il
se sert pour repousser victorieusement ses ennemis. » Bosman, dans son Vuijagc
m Guinée, dit que « lorsque le porc-épic est en furie, il s'élance avec une extrême
vitesse, ayant ses piquants dressés, (jui sont (juchpiefoisde la longueur de deux
empans, sur les hommes et sur les bêles, et il les darde avec tant de force qu'ils
pourraient percer une planche. » Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est que
l'ancienne Académie des sciences de Paris ait répété ce conte, ayant sous les
yeux plusieurs porcs-épics vivants, et en ayant disséqué une demi-douzaine.
Voici le fragment d'un rapport fait par les anatomistes de cette célèbre so-
ciété : « Ceux des piquants qui étaient les plus forts et les plus courts étaient
aisés à arracher de la peau, n'y étant pas attachés fortement comme les autres;
aussi sont-ce ceux fine ces animaux ont accoutumé de lancer contri; les chas-
seurs, en secouant leur peau comme font les chiens quand ils sortent de l'eau. »
On trouve souvent dans l'estomac des porcs-épics une sorte d'égagropile
(jui, avec le temps, se durcit et devient un véritable bézoard auquel l'ancienne
médecine accordait plusieurs propriétés surprenantes.
:i(ii
LKS IlOiNGliLliS
U Pori-É^ic ,k- Mala
I.e POUC-KPIC Dli MALACCA ( Iliisiril fasckulata, Shaw. Mus fdsc'iciilnlii.s, J)ksm.
Alherura fasciculata, Fr. Cuv. )
A lin pied quatre pouces (0,4.")ô) de longueur, non compris la queue, qui a
cinq pouces et demi (0,149). Le dessus de son corps est couvert de longs |)i-
quanls un peu aplatis et marqués d'un sillon dans toute leur longueur : la plu-
part sont blancs à la pointe cl noirs dans leur milieu, ou noirs en dessus et Idancs
en dessous; sa (pieue est écailleuse, nue. terminée par un hoquet de poils longs
et plats, ressemblant à des rognures de parchemin. Il habite l'Inde, et a les
mêmes habitudes que le précèdent. Fr. Cuvier a fondé sur cet animal son )iou-
veau genre athérure, que nous ne croyons pas devoir adopter pour ne i)as trop
multiplier des coupes absolument insigniiiantes. Si vérital)lemcntIesporcs-épics
devaient se diviser, il me semble que l'on ne devrait en fornu'r que deux genres :
l'un renfermerait les espèces à queue non prenante, et ayant cinq doigts aux
pieds de derrière, l'autre se composerait de celles qui ont la queue prenante
et quatre doigts aux pattes postérieures. Le premier com[)rendrait par consé-
(pient les hystrix, acanlhion, erethizon et atherura ; le second les coendu et
sphiggurus. Si nous n'avons pas opéré ici cette fusion, c'est parce que nous
avons l'intention de présenter la science telle que l'ont l'aile les naturalistes de
nos jours.
56e CiRNiiK. Les ACAXTHIOXS { Aroniliion, les erèles nc'ci|iilales ne sont (jue modioereiiieiit
Fk. Cuv. ) ont le même système denlnire (|iie les allongées.
précédents; mais lenr chanfrein, an lien d'être L'Acantmio^ n?. 3k\\ {AranUiioii jaianiiiiui ,
loitement arqué, est i)i'esqiie droit; les os dn Fii. Cuv. ) n'était comui de Fr. Cuvier (jue |)ai-
nez forment nn parallélogrannne allongé, ei une tête apportée de .lava par M. Leselienaidl
t>0 lie S-É PICS.
:?(;:>
L'ACA^TIUON DIC DAlliliNTON { AcdHlklOU Ddll-
heiilou'ii, Fr. Ctv.) ii"osl, comme le précédent,
comm que par une tète osseuse beaucoup moins
el'lilée à cause des os du nez cpii sont moins lar-
(.cs; le Iront est plus aplati, et le crâne plus
étendu d'avant en arrièiw
ôïe Gemie. Les ÉiiÉTiuzoNS {Erdhizn», Fii.
Ciiv. ), avec le même système dentaire que les
porcs-épics, ont cependant les dents plus simples
el à contour moins anf;uleu\ ; les os du nez sont
coiu'ts, les arcades zjgomn tiques Iris-saillantes;
les pieds antérieurs ont quatre doigts, les postc'-
rieurs cinq; la paume et la plante des pieds
sont entièrement nues, garnies de pupilles Irès-
petites; la queue est non prenante. La tète, vue
de profil, oflreà son sommet une ligne presque
droite, interi'ompue par l'élévation des crêtes
oi'bitaires du front.
L'Lbétiuzo:v i>k Iîlkfon ( Erelhizoïi Bnffonii,
Fk. Clv. Le C.ocndou de Rlef. ) n'est probable-
ment qu'une variété du Coendii prchensilis. Il
est couvert d'aiguillons courts, nombreux, en-
liiMcment blancs, evceplé à la pointe, entremé-
U's de poils bruns; les jambes, les pieds et le
bout du museau sont couverts d'une sorte de
crins bruns. Sa pali'ie et ses mirurs me sont in-
coiuuies.
L'Uiiso.N ( Krelhizoii dorsatum, F». Ctv. Ilip-
Irix dorsdta, GiHL. Le Pori-ep'rc. lelu, G. Ci;v.
VUrson de lUrr.) a environ deu\ pieds ((>,6."S0)
de Uuigueur, non compris la queue, qui a buii
pouces (0,2 17); son corps est couvert de piquants
lieaucou]) plus courts que ceux du porc-é()ic
ordinaire, en partie blancs ou jaumilres, et en
jarlie bruns ou noii'àti'cs; cespi(|uanls, au plus,
longs de trois pouces (0,081), sont eu partie ca-
chés dans de longs poils d'un brun roussàtre
et assez rudes ; le dessous de la queue est garni
de poils roides et brun-i ; le ventre, les paltes et
le nmseau .sont couverts de soies d'un brun
iioinitre. Il habile les Klats-Lnis d'Amei-iciue,
et il est assez rare. 11 grimpe sur les arbres, el
se loge dans leurs troncs creux ou sous leurs
lacincs; il se nourrit décorées, de fruits et de
i-aciues, et il parait que l'écorce résineuse du
pin du Canada, ainsi que celle du tilleul glabre,
sont les aliments qu'il préfère à tout aulre. Sa
chair est estimée par les Américains.
L'FuETiuzo.N jucHouuE ( EreWùzoïi v>acioii-
rus, Less. Mus Dincroiini.s', Desm. Hii-strix mn-
croura, Gmi..) a le corps couvert de piquants
airondis, gros, très - serrés et médiocrement
longs ; sa queue, longue de huit pouces (0.217),
se termine par un bouquet de poils dont cha-
cim est composé de plusieurs renflements res-
semblant à autant de grains de riz. Séba le dit
des Indes orientales.
ô8« Les COEXDOUS ( C.oendu, Lacep. Sipie-
thcre, Fh. Clv. ) diffèrent des genres précédents
par leur queue prenante, et par leurs pieds de
derrière, qui n'ont que quatre doigis. Les parties
antérieures de la tetc sont très-proéminentes;
leur pelage est prescpie enlièremciil formé d'e-
pines, el ils n'ont de poils que sur la (jueue et
sous le corps.
Le CoE^DOl; \ loncue oi;eiie ( Cocndn prehni-
silis, Less. Siinclherepiehevsilis, Fit. Ccv. ihjs-
tyixprehensilis, Gjil. Var. 15. Hijslii.rniandii,
Desm. Le Cociidon à longue queue, de Blff. Le
Pon-Épir à quctie prenante, G. Crv. ) a deux
pieds lO.C.50) de longueur, non compris la queue,
(|ui n'a pas moins de dix-huit pouces (0,487l.
Son corps est couvert de i)iquauts d'une lon-
gueur moyenne, jaunes à leur base, noirs dans
leur milieu, et blancs à leur extrémité; ils sont
très-courts et Irès-minces sur les côtés de la
tète, les membres et la première moitié de la
queue. Le dessous du corps et l'extrémité de la
(|ueue sont couverts de ])oils rudes el d'un brun
noir;\tre.
Cet animal habite l'Amérique méridionale, el principalement le Mexique, le
Hrésil, la Guyane et l'île de la Trinité. Il se retire dans les forêts les plus
solitaires, el passe une grande partie de sa vie sur les arbres, où il grimpe avec
beaucoup de iacilité. Quoiqu'il ait la queue prenante, on a cependant remar(pie
((ue jamais il ne s'en sert en s'accrochant aux brandies que lorsqu'il s'agit de
descendre. Sa nourriture ordinaire consiste en fruits, feuilles, racines et bour-
geons; ou dit qu'il mange aussi les bois tendres. La ménagerie en a conservé
un vivant pendant plusieurs années, et de ses habitudes on a pu conclure que
cel animal a les mœurs nocturnes. La lumière paraissait l'incommoder beau-
coup, el jjoiir la fnir, il se tenait pendant toute la journée caché dans un tas
de foin. Quand on le louchait ou (pion l'exposait au jour, il faisait entendre
un petit grognement plaintif; du reste, il était fort doux. Sa queue était
toujours enroulée sur elle-mèine à son exlrémilé, comme celle d'un sajou, mais
on n'a jamais remarqué qu'il s'en soit servi pour saisir quelque chose. Je pense
3G(>
LES HOiNGEUUS.
(lue l'on Ht! duiL regarder que comme une simple variété de celle espèce le
lioilzllacualzin ou sarigue épineux de Hernandez, ((ui n'en diflere guère que
par rextrcinilé nuire de ses épines.
59' Gemie. Les SPHIGGUllES ( Sphiggunis,
F«. Cuv.) ne diflèrent des animaux du genre
précédent que par les parties antérieures de la
tète, qui sont très-déi)rimées au lieu d'être éle-
vés. Quant à tous les autres caractères, ils sout
absolument les mêmes.
Le Couiv {Si)liiggurus sphiosa , F». Clv. Hip-
f'i.it)i.si(/(0.sa, LiciisT. Hystrix prehensilis, F».
Clv. ) est d'un tiers plus petit que le coëndou à
longue queue, et sa queue est i)roportionnelle-
nient beaucoup plus courte. Il est couvert de
piquants acéi'és, nombreux, serrés, entremêlés
de très-peu de poils, à pédicules très-menus ;
ceux de la tète sont blancs à leur base, noirs
au milieu, et d'un brun marron à l'extrémité;
les autres sont généralement jaunâtres à la base
et noirs au bout. Le ventre est revêtu d'un poil
laineux et grisâtre ; la queue est couverte de
poils durs et noirs, avec son extrémité nue. 11
habite le Paraguay. L'Onic.o (Sphiggunis ril-
losa, Fr. Cuv. ) n'est, selon les observations po-
sitives faites par M. d'Orbigny dans le Brésil,
que le précédent en pelage d'hiver. En effet,
il n'en diffère que par le poil blanchâtre,
abondant et très -long, qui cache en entier
ses épiues. 11 habile les plus épaisses forêts
du Brésil, et se plaît particulièrement sur le
sommet des montagnes. Ses mœurs sont dou-
ces et semblables à celles des espèces précé-
dentes.
-^-„;..^-«il
LH, LlHIVi^^K.
I'* \ s u; 1 i)i: I II V >,
I .1 » r rt i M ,\r. !•
LIEVIiKS
:](û
Le Lnpin.
LLS Lli:\ KKS
Ont, dans l';ige nilnllo. qiialrc iiicisiM's a la
mâchoire supérieure, deux à rinreiieure, et
(le vingt à vingt deux molaires. Dans leur jeu-
nesse, il leur pousse à la mâchoire supérieure
deux incisives destinées à en remplacer deux
qui doivent toniher, de manière que, pendant
im certain temps, ils ont six incisives en haut.
Leurs |)ie(ls de devant ont cin(j doigts, et ceux
de derrière quatre.
iO-^ GiiShE. Les LIÈVRES [\.i\ms, Li.\.) ont
\ingt-huit dents, savoir : (juatre incisives siq)é-
rieures et deux inférieures; douze molaires
supérieures dont deux petites et simples, et dix
inlérieures ; toutes, excepté les deux petites,
sont composées et formées de deux lames verti-
cales sondées ensend)le. Les pattes de derrière
sont très-longues, ainsi (]ue les oreilles ; la (jnene
est courte et i-eievée ; la femelle a de six à dix
mamelles. Ces animaux timides sont recherclu-s
et poursuivis par Icj chasseurs et leuis mentes.
J.es LIKVRKS ol les L.MMNS so ressoiiiliiaiit Ions, non-sciiléinonl pnr les fonnos,
mais eiicoie par les imriirs, nous allons généraliser leur histoire aliii de ne pas
tomber dans des redites ennuyeuses. I*eu d'espèces sont aussi fécondes et se
multiplient autant que celles des animaux de ce genre. Les femelles niellent
bas plusieurs fois par an, ne portent (pie Irenle jours environ, et font plusieurs
petits, qu'elles allaitent pendant quinze à vingt jours. Ces petits naissent cou-
verts de poils et les yeux ouverts; ils grandissent très-vite, et sont capables de
se reproduire dès làge de six à huit mois. Ceci ex[)li(pie comment les lièvres
et les lapins n'ont pu être détruits en France même dans les cantons les plus
exploités par les cliasseurs et les braconniers. Ces animaux sont d'une limidilc
(pii est devenue proverbiale, et il ne pouvait en être autrement, puisqu'ils n'ont
aucune nrnio à opposer à leurs noiiil»i'en\ eimeniis; une I)oIetle. un surniiilol
:{{i8 \.ES HONGEUUS.
sont assez loris ri assez liartiis pour attaquer el étrauf-ler un de ces animaux.
Aussi les lièvres ne Irouveut-ils leur salut (jue dans la fuite el la rapidité prodi-
i^icuse de leur course, et les lapins dans le profond terrier qui leur sert de re-
traite. Sans cesse aux aguets pour découvrir le danger qui peut les menacer,
ils sont doués d'une ouïe excellente ((ui leur révèle de fort loin l'approche de
l'ennemi; le moindre bruit suspect les met sur leur garde, et la peur est pour
<'ux une sentinelle toujours éveillée (jui les avertit à temps de détaler au plus
vile.
Les lièvres, quoi qu'on en ail dit, sont des animaux intelligents, qui savent
parfaitement employer la ruse, non-seulement pour fuir le danger, mais encore
pour le prévenir. Si la terre est couverte de neige, ils savent (|ue l'empreinle de
leurs pas peut mettre l'ennemi sur leur trace, el il n'est pas un chasseur (jui n'ait
admiré avec quel art ils savent l'effacer, ou plutôt l'embrouiller, en passant et
repassant vingt fois sur la même ligne, en décrivant mille tours et détours avant
de se gîter; puis, s'élançant tout à coup de ces traces inextricables, par un bond
prodigieux ils vont tomber dans un buisson ou un sillon profond, où ils restent
cachés sans faire le moindre mouvement. Dix fois le chasseur, en cherchant a
démêler les traces de leurs pas, s'est avancé tout près d'eux, a passé à quelques
pieds de leur gîte sans (pic le moindre mouvement de frayeur ail dénoncé leur
retraite. L'expérience leur a aussi ap|)ris <pie les chiens, sans qu'il soit besoin
de neige, ont l'odorat assez fin pour les suivre à la piste; aussi font-ils la même
manœuvre, (pioi((u'avec un peu moins de précautions, toutes les fois cpi'ils
veulent se giler; j'ai el(' plusieurs fois lemoin oculaire de ce fait. Quand les
lièvres sont poursuivis par les chiens, ils rusent devant eux pour tacher de leur
faire prendre le change, el (piehpies-uns y parviennent en employant des moyens
qui annoncent de l'intelligence. On en a vu se cacher au milieu d'un troupeau
de moutons, d'autres s'enfoncer dans des trous de rocher; j'en ai vu un qui
s'élançait sur le tronc d'un vieux saule penché sur nue rivière, el qui restait là,
caché dans le feuillage, pendant que la meule le cherchait vainement au pied
de l'arbre el tinissait par perdre sa voie. Du Fouilloux, dans son naïf langage,
raconte plusieurs faits tres-remarquables à ce sujet : « J'ai vu, dit-il, un lièvre
si malicieux, que, depuis qu'il oyait la trompe, il se levait du gîte, et eùt-il été
à un quart de lieue de là, il s'en allait nager en un étang, se relaissant au mi-
lieu d'icelui sur des joncs sans être aucunement chassé des chiens. J'ai vu cou-
rir un lièvre bien deux heures devant les chiens, qui, après avoir couru, venait
pousser un autre et se mettait en son gîte. J'en ai vu d'autres qui, (piand ils
avaient couru une demi-heure, s'en allaient monter sur une vieille muraille de
six pieds de haut, et s'allaient relaisser en un pertuis de chauffant couvert de
lierre, etc., etc. »
Certaines espèces de ce genre habitent les bois et les montagnes, d'autres
la plaine elles pays sablonneux. Quelques-uns ne se font aucune habitation,
changent de gîte tous les jours, et font leurs petits sur la terre nue, comme
notre lièvre counnun; il en est qui se creusent des terriers et préparent à leurs
enlanls un lit de foin et de duvet, i)ar exemple le lapin. Un fait assez extraor-
dinaire, c'est que les espèces qui senil)lenl avoir le plus d'aualogie entre elles
sont animées les unes contre les autres d'inie haine mortelle, chose rare parmi
LIÈVUES. 369
les animaux purement herbivores. Jamais les lièvres ne vivront dans le même
canton que les lapins; si l'on renferme dans la même cage deux de ces animaux,
un de chaque espèce, on peut être sûr que le plus fort aura tué le plus faible après
quelques heures, et le lapin, quoique le plus petit, reste ordinairement le vain-
queur dans cette lutte acharnée. La plupart des lièvres vivent solitairement, et
les femelles abandonnent leurs petits après les avoir allaités une vingtaine de
jours; les espèces qui se creusent des terriers vivent au contraire en famille,
et souvent même en sorte de société, dans des garennes composées quelquefois
d'un très-grand nombre de terriers. Tous vivent d'herbes, de feuilles, d'écorces,
et ne sortent guère que la nuit de leur retraite pour aller paître. Ils dorment
le jour, mais d'un sommeil léger, les yeux ouverts et l'oreille au guet. Ce sont
des animaux silencieux, qui ne font entendre leur voix que lorsqu'ils y sont
forcés par la douleur ou un danger inévitable; alors ils poussent des cris ai^us
qui ont quelque ressemblance avec ceux d'un petit enfant.
On trouve des lièvres dans presque tous les pays de la terre, et partout leur
chair est estimée comme un mets excellent. Mais cependant on a remarqué que
sa saveur est d'autant meilleure que l'animal habitait un pays de monta"^nes et
se nourrissait de plantes odorantes, telles que le thym, le serpolet, etc. Les
lièvres de plaine sont moins estimés des gastronomes, et ceux des marais
passent pour ne rien valoir du tout. Néanmoins les Musulmans et les Juifs, par
un préjugé de religion , ne mangent pas le lièvre. Les Grecs, et surtout les
Romains, en faisaient grand cas, et nous savons par Martial qu'ils estimaient sa
chair au-dessus de celle de tous les autres quadrupèdes. Ces animaux ne vivent
guère que sept à huit ans.
Le Lièvre ordinaire ( Lcptis timidtis, Lin.) a
le pelage d'un gris fauve ou d'uu fauve roussà-
•re, nuancé de brun en dessus, blanc eu dessous ;
ses oreilles sont plus longues que sa téfe, d'un
roux cendré sur la conque, noires à leur extré-
milé; sa queue, longue au plus de trois pouces
(0,081), est blanche, avec une ligne noire en
dessus. Cet animal offre une singularité très-
remarquable, et que je crois unique parmi les
mammifères, c'est d'avoir du poil dans la bou-
cbe. 11 vit solitairement; il est très-commun
dans toute l'Europe. On en trouve une variété
blanclie.
Le LiiiVRE A QUEUE ROUSSE {Le])iis rulicai(da-
tiis, Is. Geoff. ) ressemble beaucoup au lièvre
commun ; il en diffère néanmoins par sa queue
plus longue, et rousse en dessus au lieu d'être
noire, i)ar sa tache oculaire moins [)rononcéc et
sa joue très-mélangée de noir ; par son poil
beaucoup plus rude, et sa taille un peu moins
grande. Il habite le Bengale.
Le IMoussel ( Lepus nigricolUs, Fr. Ci)v.\ est
de la taille d'un gros lapin ; son pelage est d'un
roux tiqueté en dessous, d'un gris également ti-
queté sur les flancs et les cuisses; d'im blanc pur
en dessous ; une bande grisâtre s'étend du nui-
seau à l'oreille en |)nssant sur l'n^il ; les oreilles
sont variées de blanc, de roux gris et de brun
pâle, avec la pointe noire ; le dessus du cou est
d'un beau noir; le reste du corps, en dessus, est
d'un gris de perle ; les quatre pattes sont rous-
ses ; la queue est blanche en dessus et brune en
dessous. Il habite le Malabar et Java.
Le Lièvre d'Egypte (Lcp/is œgijptiaciiSjGEOP.)
est plus petit que le lièvre ordinaire ; son pelage
est d'un roux grisâtre , avec le menton et la
gorge d'un blanc légèrement lavé de fauve ; une
bande blanche lui passe sur l'œil ; le devant du
cou est d'un roussâtre pâle ; le dessous du corps
d'un blanc roussâtre, avec la queue d'un brun
noir en dessus et blanchfilre en dessous; ses
oreilles sont très-longues. Il habite l'Egypte.
Le Lièvre du Cap ou Moutain iiare ( l.epiis
rapens'is, Lin.) est plus grand que notre lièvre
ordinaire. Son pelage est d'un gris roux en des-
sus et blanc en dessous ; sa poitrine et ses jam-
bes sont d'un fauve uniforme et vif; sa queue
est noire en dessus , blanche en dessous ; un
trait roussâtre, bordé d'une bande brunâtre en
dessous, occupe la région de l'oreille, dont l'ex-
trémité est noire ; ses oreilles et ses jambes sont
extrêmement allongées 11 habite les dunes du
cap de Bonne-Espérance, mais il n'est pas com-
mun.
370
LES RONGKL'RS.
Le LiÈMiE DES ROCHERS {Lepiis .vfl.r«<i/is, Fr.
Civ.) ressemble l)caucoup par son pelage au
lapin (les sables, avec lequel M. Lesson l'a con-
fondu, mais il en diffère lolaiement par ses for-
mes. 11 est un peu moins grand que le précé-
dent ; son [jelage est roussàfre en dessus, d'un
gris roussàtre sur les membres, gris sur les
flancs et la gorge ; le dessus du cou est d'un
roux vif, ainsi qu'une partie des oreilles dont
l'extrémité est noire, avec la partie interne d'un
gris piqueté de noir et de fauve, comme la léte;
la tache oculajre est d'un gris cendré; le des-
sous du corps et de la tèle' est blanc; le des-
sus de la queue est noir, et le dessous blanc. 11
habite les montagues du cap de Bonne-Espé-
rance.
Le LiÈvr.E VAurAni.E [Lcpiis rariobilis, Pall.)
est plus grand que noire lièvre ordinaire; ses
oreilles sont plus courtes que sa (été, et noires
au bout en tout temps ; il est d'un gris fauve eu
été, blanc en hiver ; sa queue est blanche ou
fauve, selon la saison. Ce lièvre est voyageur,
change souvent de canton, et vit solitairement.
Sa nourriture principale consiste en graine de
l)in cembro et en quelques espèces d'agarics.
Il habite les Alpes de Savoie et tout le nord de
l'Europe.
Le LikvRE iivRRiDE ( Lppits htibridus Pall. )
n'est probablement qu'une variété du précédent,
que Pallas regardait comme un métis du lièvre
ordinaire et du lièvre variable. 11 ne diffère de
ce dernier que par sa queue, qui reste constam-
ment noire, et par son pelage, qui ne blanchit
qu'incomplètement et conserve du gris pendant
l'hiver. 11 habite la Russie et la Sibérie.
Le Kekalek ( l^rpus glarialls , Sabine ) est
plus grand que le lièvre variable ; son pelage est
entièrement blanc en été et en autonme, d'un
brun grisâtre en hiver, et ses lèvres sont noires ;
ses oreilles sont plus longues que sa tête; sa
queue est très-courte; ses ongles sont déprimés,
larges et forts. Son pelage est grisâtre avant l'âge
adulte. 11 habite les falaises du bord de la mer,
dans le Groenland, et l'ile Melvilie où il est très-
commun. La femelle met ordinairement bas huit
petits.
Le VA AHY^G iiarr ou Lièvre de Viugime (L'-
pus virginianus, Harl ) est d'un gris brun ou
d'un gris plombé en été, blanc en hiver, avec,
en tout temps, un cercle d'un fauve roussàtre
autour des yeux ; sa queue est très-courle, et ses
oreilles sont à jjcu près de la longueur de sa tête.
Il vit dans les prairies qui bordent le Missouri,
et ne se creuse pas de terrier.
Le Tapéti (Lepus brnsUieiisis, Lin ) est i)lus
petit que le lapin ; son pelage est varié de brun
noir et de jaunâtre en dessus ; il a un demi col-
lier blanc sous le cou ; ses oreilles sont beaucoup
plus courtes que sa tête, et sa queue est telle-
ment courte, qu'elle reste cachée dans les poils
des cuisses. Il habite le Brésil et le Paraguay, cl
vit dans Us bois. 11 ne se creuse pas de terrier,
mais il se relire sous les vieilles souches d'ar-
bres.
Le ToLAÏ ( Lcpiis tolaï, Gml. ) est un peu
moins grand que le lièvre ordinaire et un peu
plus que le lapin. Sa tète et son dos sont mêlés
de gris pâle et de brun ; la gorge et le dessous
du corps sont blancs, la nuque, le dessous du
cou et les oreilles sont jaunâtres, celles-ci bor-
dées de noir en dessus ; il a du blanc au museau
et autour de l'œil ; la queue est blanche en des-
sous, noire en dessus. 11 habile la Sibérie, la
Mongolie, laTartarie, et se trouve jusqu'au Thi-
bet. Quand il est chassé par les chiens, il file
de long droit devant lui, sans ruser, et se réfu-
gie dans le premier trou de rocher, ou autre,
qu'il peut trouver.
Le Laph des sables ( Lepus arcnarius , Is.
Geoff.) est d'un quart plus petit que notre la-
pin ordinaire ; sou pelage est d'un gris cendré
tiqueté en de.-sus; les membres, la gorge, les
flancs, le tour de l'œil et le bout du museau sont
roux; la tache du derrière du cou est grise et
fort petite; le dessous de la tète est d'un blanc
roussàtre, et le dessous du corps est blanc ; la
queue, pareillement blanche en dessous, est noire
en dessus ; les oreilles sont de même couleur que
chez les lapins, seulement elles ont une tache
noire plus étendue à l'extrémité. Il habite le
pays des Hottentots.
Le Lafi\ de Macellame {Upus viagellani-
nis, Less. et Garn. ) est entièrement d'un noir
violacé, offrant çà et là des taches blanches ; les
oreilles sont d'un brun roux, et plus courtes que
la tête; il a plusieurs taches blanches régulières,
l'une sin- le nez, l'autre entre les deux narines,
une troisième sur la gorge, et une quatrième
sur le front. Il vit en grandes troupes aux îles
Maloiiines, et se creuse un terrier sous les rares
buissons du pays.
Le Lapin d'Améiiiqle {Lepus huilsouius, Pal.
Lei>us amcriranus, Desm. ) est de la grandeur
d'un moyen lapin. Son pelage est d'un roux
brun tiqueté de gris sur quelques parties : sou
ventre ef le dessous du cou sont blancs ; les
oreilles sont plus courtes que la tête, noires à
leur extrémité; la queue est blanche en dessous,
grisâtre en dessus, et longue de deux pouces
(0,055), ce qui le distingue très-bien du tapéti
avec lequel G. Cuvicr l'a confondu. Il devient
blanchâtre pendant l'hiver. Il habite l'Améri-
que septentrionale et ne se creuse pas de ter-
rier.
Le Lapin ordinaire ( Lepus cuniculus, Lin. )
a le pelage gris, mêlé de fauve, et une plaque
rousse sur la nuque ; son ventre et sa gorge
sont blanchâtres ; ses oreilles sont à peu près de
la^longueur de la tête, grisâtres en dehors, d'un
roux tiqueté en dedans, avec un liséré noir à
LIÈVKES
37 1
l;i partie supérieure; In queue est l)laiiche en
dessous, hruiie en dessus. Originaire d'Afrique,
le lapin a d'abord élé naturalisé en Espagne,
d'où il s'est répandu eu France et dans tout le
reste de l'Euro|)e. 11 vit eu troupe nombreuse,
dans des garennes où chaque famille se creuse
un terrier ; la femelle y met bas deux ou trois
fois par an, jusqu'à huit à dix petits, qui n'en
sortent que lorsqu'ils sont assez forts pour se
suffit c à eux-mêmes et se creuser de nouveaux
terriers dans les environs, car jamais ils ne s'é-
loignent beaucoup de l'endroit qui les a vus naî-
tre, et ils ont cela de commun avec tous les
lièvres. Jusque-là elle défend au niàle l'entrée
de sa retraite, parce qu'il ne manquerait pas de
tuer ses enfants s'il pouvait y pénétrer; elle a
soin, toutes les fois qu'elle en sort, d'en bou-
cher l'entrée avec de la terre délayée. Soumis
à la domesticité, le lapin, qui prend dans ce cas
l'épithcte de cinpier, a fourni plusieurs variétés,
toutes plus grosses que leur tjpe, et ayant les
oreilles plus longues. Les plus remarquables
sont :
I" Le Clapier à longues oreilles , qui atteint
la taille des plus grands lièvres ; son pelage est
le même que celui du lapin de garenne, mais
ses oreilles sont, proportionnellement , beau-
coup plus longues et plus larges ;
2" Le Clnpicr blanc, à poils ras et pelage
entièrement blanc. Il a les yeux rouges comme
tous les Albinos ;
3" Le Clapier varié , mélangé de gris et de
blanc ;
-5- Le Clapier roii.x , d'une couleur rousse
plus ou moins jaunâtre ;
5" Le Clapier noir, à poils ras comme les pré-
cédents, et pelage entièrement d'un noir foncé;
()" Le Ciapiir pie , varié de noir el de blanc ;
7° Le Riche , à poils soyeux, et pelage d'un
gris d'ardoise plus ou moins foncé;
8" Le Lapin d'Angora, à poils très-longs,
très-soyeux , qu'on lui arrache chaque année
|)our l'employer à la fabrication de feutres, de
tricots et autres étoffes. Celui-ci a fourni plu-
sieurs sous-variétés de couleur, parmi lesquelles
on remarque :
9" L'Argenté, à poils très-longs et d'une blan-
cheur parfaite.
La chair des lapins de garenne est assez esti-
mée, mais il n'en est pas de même de celle des
lapins domestiques, qui est toujours plus ou
moins fade, à moins qu'ils n'aient été nourris
avec des végétaux choisis, et non avec des plantes
potagères, telles que le chou, etc.
41» Gemie. Les LAGO.MYS {l.ngonujs, G.
Cuv.) ont vingt-six dents, savoir; quatre inci-
sives supérieures el deux inférieures ; dix mo-
laires en haut et dix en bas ; toutes les dents à
peu près conformées comme celles des lièvres.
Leurs jambes sont à peu près de la même lon-
gueur entre elles ; leurs oreilles sont courtes,
arrondies ; ils manquent de queue, et leurs cla-
vicules sontpresques complètes ; la femelle a de
quatre à six mamelles.
Le PiKA (Lagomijs pika . Geoff. Lagomip
alpinns, Des.>i. Lepiis alpinns, Pallas ) a nruf
pouces et demi (0,406) de longueur ; il est géné-
ralement d'un roux jaunâtre avec quelques
longs poils noirs; le dessus du corps est d'un
fauve pâle, le tour de la bouche cendré, le des-
sous des pieds bruns; les oreilles sont arron-
dies et brunes.
Cet animal est très-commun en Sibérie, oii il habite dans les montagnes les
plus liantes et les pins escarpées, les bois, les vallées, et les prairies fraîches
et herbeuses. Quelquefois il se creuse un terrier, mais le plus souvent il fixe son
habitation dans un trou de rocher on dans un arbre creux, et il s'y retire solitai-
rement, on, plus ordiuairement, avec un ou deux de ses camarades. Il se nourrit
de feuilles et d'herbes, et il a la prévoyance de faire une bonne provision pour
passer l'hiver dans l'abondance. Dès le mois d'août il commence ses approvi-
sionnements, consistant en herbes, qu'il choisit, coupe et fait sécher avec beau-
coup de soin. Ensuite, pour mettre ce foin à l'abri des intempéries de l'air, il
cherche un tronc d'arbre creusé par le temps, une grotte, ou un trou dans
une roche. Là plusieurs se réunissent poin- établir un magasin commun, et ils
y entassent une quantité de foin calculée sur le nombre d'individus qui auront
à s'en nourrir pendant la mauvaise saison. Aussi n'est-il pas rare de trouver de
ces tas qui ont jusqu'à cinq et six pieds (1,625 et 1,9^9) de hauteur et huit de
diamètre f2,599). Cette habitude des pikas fournit aux voyageurs, qui osent pé-
nétrer dans les vastes solitudes de la Sibérie, nue précieuse ressource pour
nourrir leur? chevaux.
372
LES KOiNGEL'US.
Le SiLCAN { l.agomys pusilliis, Desm. Lepiis
puiilltis, Pam.. Le Lagomys nain, G. Cuv.) est
plus pelit que le précédent, et n'a ijue sept pou-
ces (0, 1 89) de longueur ; son pelage est épais,
fin, tn^'s-doux, d'un fauve grisâtre, mélangé de
brun et de gris; le dessous du corps est d'un
blanc sale, avec la gorge, les lèvres et le nez
tout à fait blancs; les oreilles sont un peu trian-
gulaires, bordées de blanc. Il habite les parties
méridionales des monts Onrals, et \it solitaire-
ment dans un terrier qu'il se creuse sur la li-
sière des bois, dans les cantons fertiles et décou-
verts. 11 n'en sort que la nuit pour aller cher-
cher sa nourriture, consistant en feuilles, fleurs,
bourgeons, et écorces d'arbres tels que le pom-
mier sauvage, le cerisier nain, le robinier fru-
tescent, et le cytise rampant. Chaque jour, au
soleil couchant et au soleil levant, il pousse des
cris aigus, sans doute pour appeler une femelle,
et ces cris le dénoncent nu\ chasseurs.
L'Ogoto.'n (Lagomys ugotonct, Des.m. Lepiis
cgolona, Pall. Le Lagomijs gris-, G. Cuv. ) a
six pouces et demi (0,176) de longueur ; il est
d'un gris pâle en dessus, blanc en dessous, avec
les pieds jaunâtres; ses oreilles sont ovales, un
peu pointues, de la couleur du corps; son pe-
lage est fin, lisse, et assez long. 11 habite la Tar-
tarie mongole et les montagnes au delà du lac
Baïkal. Comme le précédent, il se creuse un
terrier, dont il ne sort que la nuit, et son cri
est un sifflement aigu qui se distingue très-bien
de celui du sulgan. Il se nourrit décorée d'au-
bépine et de bouleau, d'herbes, et surtout d'une
sorte de véronique qui croit sous la neige. Ainsi
que le pika. il fait une provision de foin, qu'il
amasse en tas hémisphériques, d'environ un
pied (0,525) de hauteur. L'hermine et le chat
mauul sont les emiemis les plus dangereux do
ce petit animal; car sa petite taille le fait dédai-
gner de l'homme, quoique sa chair soit bonne.
LE COCHON D'INDE.
P \ Y s * G K X M E H I C \ I > .
.1 » r .1 I n .Us H I n n I c s )
DASYPOIDKS.
373
^^ ^"«^^^:i^
LES DASYPOIDES
Ont seize molaires en tout, deux incisives
seulement à la nidchoire supérieure, et deux à
l'inférieure; leurs pieds postérieurs ont trois
ou cinq doigts, mais dont un de chaque coté est
très-petit.
42' Genre. Les P AC AS (Cœlogenus, Fu. Cuv.)
ont vingt dents, savoir : deux incisives à chaque
mâchoire ; huit molaires en haut et huit en bas,
composées, à couronne plate, irrégulièrement
sillonnées; ils ont cinq doigts à tous les pieds;
ils ont sur les joues une sorte de cavilé dont
fouverture est extérieure ; leur queue est très-
courte ; la femelle a quatre mamelles. Ces ani-
maux sont de l'Amérique méridionale.
Le PACA BRUN [Cœlogenus siibniger, Fr. Cuv. Cavia Paca, Gml. Le Paca,
BuFF. Le Pag, d'Azzara. Le Pak ou L'Ouraym, df. Barère. Le Pag et le Coltie
de quelques parties de l'Amérique méridionale ).
Cet animal, très-commun au Brésil et à la Guyane malgré la chasse conti-
nuelle qu'on lui fait, se trouve aussi, mais plus rarement, aux Antilles et au
Paraguay. Sa longueur totale est d'un pied neuf pouces (0,569), c'est-à-dire
qu'il est plus grand qu'un lièvre ; son pelage est d'un brun noirâtre, marqué de
chaque côté du corps de quatre ou cinq rangs de taches arrondies, disposées
en bande, et blanches; le ventre, la poitrine, la gorge et la face interne des
jambes sont d'un blanc sale; ses moustaches sont très-longues, noires et blan-
ches; sa queue est extrêmement courte, presque rudimentaire. Comme le la-
pin, il se creuse un terrier à plusieurs issues, et n'en sort que la nuit pour aller
paître. Sa nourriture ordinaire consiste principalement en fruits et en racines
qu'il déterre en fouillant, mais il ne se sert jamais de ses pattes de devant pour
porter les aliments à sa bouche, à la manière des autres rongeurs. Il se i»laîl
374 I KS KONGEUUS.
sur le hou\ des rivières et dans les lieux humides, probablenieiil parce qu'il y
trouve une végétation plus riche, mais il n'étaldit son terrier que dans les ter-
rain secs et chauds. Il produit souvent et en grand nombre, et il fallait qu'il en l'ùl
ainsi, car les chasseurs sont toujours à sa poursuite, et quand ils ne peuvent le
tuer à coups de fusil, ils vont le déterrer dans son trou. Quoique d'un caractère
paisible et fort doux, il défend courageusement sa vie et fait quelquefois des
morsures cruelles. La chair de cet animal est délicieuse, au dire des voyageurs,
(|ui la comparent à celle du cochon de lait, et n'en parlent jamais sans en faire
le plus grand éloge. 11 paraît qu'on le fait cuire avec sa peau, et que celle-ci est
excellente. En domesticité, le paca, ainsi qu'on a pu le voir à la ménagerie,
mange tout ce qu'on lui présente, comme du pain, des légumes, du sucre, des
écorces et même de la viande. 11 se prive aisément, et a beaucoup de douceur
dans ses habitudes; de là, Buffon, et plus tard Fr. Cuvier, ont pensé qu'il serait
possible, et même très-utile, de le naturaliser en France et d'en faire un animal
de basse-cour ; mais ils ne disent pas s'il se reproduit en captivité, ce qui me
paraît fort douteux, et ce qui est cependant la condition indispensable de la
domesticité.
Les pacas ont été tellement chassés dans les Antilles, qu'aujourd'hui il n'en
reste plus guère; mais l'espèce s'est parfaitement soutenue dans les autres
parties de l'Amérique. Et cependant, ils sont non-seulement la proie des hom-
mes, mais encore de tous les grands oiseaux de proie, qui leur font une guerre
cruelle et continuelle. Ces animaux ont des abajoues fort grandes, dans lesquelles
ils cachent leurs aliments quand ils sont poursuivis, ou simplement pour les
transporter dans leurs terriers ; mais ils ont, outre cela, sur les joues, deux
poches dont l'usage est encore inconnu. Leur peau, quoique couverte d'un poil
court et assez rude, fait cependant une assez belle fourrure, parce qu'elle est
régulièrement tachetée sur les côtés.
Le Paca fauve {Cœlogentis fuhus, Fh. Cuv. n'ayant chacune qu'une lame simple et une four-
Caïki paca, Geopf. — G. Ctv. Osleopera pla- chue; ils niancjucnt de queue; leurs pieds de
tyccphula, Haul. Le Para femelle de Blff.) devant sont munis de quatre doigts séparés, el
n'a été regardé par presque fous les nalura- ceux de derrière de trois; leurs ongles sont
listes, jusqu'à Fr. Cuvier, que comme une va- courts, robustes, en forme de petits sabots; ils
riélé du précédent. Cependant il en diffère par ont deux mamelles ventrales,
ses arcades zygomaliques, qui sont extrêmement L'Apéuéa ou Cochon d'1.\de (Caria cohaija,
écartées, et par d'autres caractères anatomi- Df.sn. Mus ponellus, Li:'i. Anccmu cubaiia. Vu.
ques. Le fond de son pelage est fauve, et non Cuv Le Cochon d'Inde, Buff. Le Coii des In-
pas brun. Du reste, il lui ressemble en tout le diens) a environ dix pouces de longueur (0,271);
reste, tant pour les couleurs que pour les mœurs, son corps, gros et trapu, est d'un gris rous-
II habite la Guyane. sâlre en dessus, et blanchâtre en dessous. Dans
iô" Geivrë. Les COBAYES {Caria, Eitxr,. la domesticité on en a obtenu de blancs, de
Alluma, Fit. Cuv.) ont vingt dents, savoir: jaunes plus ou moins fauves ou orangés, de va-
deux incisives à chaque mâchoire ; huit molaires ries de ces couleurs ou de noir, et qui diffèrent
en haut et huit en bas, toutes composées et considérablement de leur type.
L'apéréa est commun au Brésil et au Paraguay, ou il habite les pajonals
(sortes de buissons) qui couvrent les rives des (leuves, mais il ne pénétre jamais
dans les bois. Cet animal a fort peu d'intelligence, il ne sait pas se creuser
un terrier, et cependant il aime à en habiter un quand il le trouve tout fait;
DASYPOÏDES. 375
clans le cas contraire il se l'ccèle dans des trous de rochers, sous des tas de pier-
res, ou tout simplement dans un buisson fourré. 11 ne sort de sa retraite que le
soir et le matin, au crépuscule, pour aller paître les herbes dont il se nourrit,
et qu'il transporte dans son gîte. Il paraît que, dans cet état sauvage, sa chair
est excellente, et comparable au meilleur lapin de garenne; aussi lui fait-on une
chasse active. Sans aucune défense, n'ayant pas même la ressource de fuir avec
rapidité, il devient facilement la proie des petits mammifères carnassiers et des
oiseaux de proie. La femelle ne met bas qu'une ou deux fois par an, et seule-
ment deux ou trois petits à la fois. Il paraît certain, d'après l'opinion de plu-
sieurs anciens voyageurs, et particulièrement d'après ce que dit Garcilasso de
la Vega, dans son Histoire des Incas, que l'apèréa était un animal domestique
au Pérou, avant la découverte de l'Amérique, qu'on l'élevait comme nous faisons
du lapin domestique, et qu'on en avait obtenu de blancs, de roux, etc.
Depuis bien longtemps cette espèce est répandue en Europe sous le nom de
cochon d'Inde, et sa nature s'est tellement modifiée par l'esclavage et le climat,
(|ue Buiïon a décrit l'apèréa et le cochon d'Iiule comme deux espèces différentes,
sans soupçonner le moins du monde leur identité. En état de lil)erté, l'apèréa,
comme nous l'avons dit, montre peu d'intelligence; mais chez nous il est de-
venu tout à fait stupide, au point de se laisser tuer par les chats et les autres
animaux, sans montrer ni frayeur ni envie de se défendre. C'est un animal qui ne
vit absolument que pour dormir, manger et se multiplier, comme une véritable
machine organisée, et il est impossible de saisir chez lui un geste, un signe,
qui se rapporte à un autre sentiment, une autre passion, que ces trois cho-
ses. Il en résulte que la femelle tient très-peu à ses enfants, qu'elle les mange
quelquefois, et que toujours elle les chasse après les avoir allaités quinze jours.
Ceux-ci croissent très-vite, et à l'âge de deux ou trois mois ils sont capables
de faire des petits, quoiqu'ils n'atteignent toute leur grosseur qu'à six mois.
Or, comme la femelle ne porte que trois semaines, elle peut faire six à huit
portées par an, et les portées, qui ne sont que de cinq à six petits dans le com-
mencement, augmentent avec l'âge et finissent par être de dix à douze ; l'on a
calculé qu'avec un seul couple de ces animaux, on pourrait en avoir un millier
après l'espace d'un' an. Les cochons d'Inde mangent à peu près toutes les sub-
stances végétales qu'on leur présente, mais ils paraissent préférer le pain, le
son et particulièrement le persil, les pommes de terre et les fruits, à toute
autre chose. Ce qu'il y a de singi^lier, c'est que, même nourrisavec des aliments
secs, comme le foin, ils ne boivent jamais et urinent beaucoup. Ils supportent
assez bien les rigueurs de nos climats, pourvu qu'ils soient renfermés dans un
lieu où le thermomètre centigrade ne descende pas au-dessous de quatre à
cinq degrés au-dessous de zéro. Leur chair est assez bonne, quoique un peu
fade.
Ak^ Gem(k. Les CARIAIS ( Ihjdrorhœrus , tics Inmes fourcliues; les pieds de devant ont
Riuss.) ont vingt dents, snvoir : deux canines à quatre doigts larges et armés d'ongles, réunis
cliaque niàclioire ; liuit molaires en haut et Iniit par des nieuilu-iuies ; les pieds de derrièie n'ont
en bas, tontes composées, les postérieures étant que trois doigts ; ils manquent de queue, et la
les plus longues, et formées de lames nombreu- femelle a douze mamelles,
ses, simples et parallèles, les antérieures offrant Le C*piïgou\ ou Cadui [Hijdrochœius rapij-
376 LES RONGEURS.
bnrn, Desm. Cavia capiibara, Gml. — Lin. Le teur, ce qui en fait le plus grand des rongeurs.
Cabiai, Buff. Le Capubara, G. Civ. Le C/ii- Son pelage est d'un l)run roussàtre en dessus,
guère des habitants de Caracas. Le Cabionara fauve en dessous, à poils rares, comme ceux
de la Gu\ane. Le Cnpivard et le Corlion d'emi d'un cochon, mais plus tin. Il habile l'Amérique
de quelques voyageurs) est de la grandeur méridionale, depuis la Plata jusqu'aux afduents
d'un cochon de Siam ; il a trois pieds (0,975) de septentrionaux de l'Orénoque, et il ne s'éloigne
longueur, sur un pied et demi (0,487) de hau- jamais du bord des eaux.
Cet animal a le corps gros et ramassé, la lèvre supérieure fendue, les yeux
noirs et grands, les oreilles et les jambes presque nues; en marchant il appuie
par terre toute la plante des pieds de derrière, ce qui lui donne l'air de ramper.
11 ne quitte jamais le bord des rivières et des lacs, et se cache dans les pajonals
ou buissons d'arbrisseaux aquatiques qui croissent sur les sables des rivages. Il
est timide et vit en famille ou en petites troupes de dix à quinze individus.
Quand un objet suspect les effraye, ils poussent un cri que l'on peut rendre par
le mot a-pé, prononcé avec force et avec les aspirations que l'âne met dans son
braire. A ce signal de l'un d'eux, tous se jettent à l'eau, plongent, et ne vont
reparaître à la surface qu'à une très-grande distance de l'endroit oi^i ils se sont
enfoncés ; ils nagent ensuite avec une si grande facilité et une telle vitesse, qu'il
est impossible à un canot de les atteindre. Selon d'Azzara, ils ne vivraient que
d herbe, mais M. de Humboldt s'est assuré qu'ils mangent aussi du poisson,
et qu'ils savent le pêcher avec beaucoup d'adresse. Ce voyageur en a vu des
troupes rester tranquillement assises sur leur derrière, ce qui est leur position
favorite, tandis qu'un grand crocodile sorti des ondes passait au milieu d'eux.
Cette sécurité, dit-il, leur venait sans doute de l'expérience qu'ils ont que le
crocodile n'attaque pas hors de l'eau.
Le cabiai ne se creuse pas de terrier; il se gîte sur la terre comme le lièvre,
et ne quitte guère sa retraite que la nuit. La femelle seule a un domicile fixe,
dans lequel elle revient toujours ; elle y met bas de quatre à huit petits qu'elle
allaite quelque temps, et qu'elle abandonne aussitôt qu'ils sont assez grands pour
se rendre sans elle à la rivière. Pris jeune, cet animal s'apprivoise parfaitement,
vient à la voix de son maître, et le suit presque comme un chien; il est d'un
caractère doux, tranquille et tout à fait inoffensif. En captivité on le nourrit
fort bien avec de la salade, des carottes, de l'orge et des fruits. Sa chair est
grasse, tendre, et passe pour excellente, quoique, selon Buffon, elle ait un peu
le goût de poisson. Les missionnaires de l'Orénoque la permettent pendant le
carême, comme un aliment maigre. Les chasseurs américains lui font la chasse
et le regardent comme une importante pièce de gibier; mais comme il ne s'é-
loigne jamais à plus de cent pas des eaux, il faut, pour l'avoir, le tuer roide d'un
coup de fusil, car, s'il n'est que blessé mortellement, il se jette dans la rivière,
et, ainsi que la loutre, il ne reparaît plus.
43^ Genre. Les KERODONS ( Kerodon, Fr. dent, et séparées du côté interne. Ces triangles
Cuv. ) ont vingt dents, savoir : deux incisives à sont entourés chacun de leur émail et remplis
chaque mâchoire; huit molaires en haut et huit de matière osseuse, et leur séparation produit
en bas, toutes composées de deux parties éga- une échancrure anguleuse en partie remplie de
les, ,senil)lal)les l'une et l'autre à un triangle ou matière corticale. Us ont quatre doigts aux pieds
plutôt à un cTur, réunies du côté externe de la de devant et trois à ceux de derrière, comme
DASYI'OIDES.
377
fiiez les Col)ii5 es, mais les jambes sont plus
hautes, les doigts plus gros et plus sépares, et
les ongles larges, courts, assez aplatis.
Le Moco ( herodon vioro, Fk. Cuv. Kerodon
siiureus, Is Geoff Caiia rii])eslris, ^Iax. de
Neuw. ) est un peu plus grand que le cochon
d'Inde; son pelage est d'un gris cendré niéié
de noirâtre et de jaune lougeàtre en dessus,
blanchâtre en dessous; ses moustaches sont
entièrement noires. 11 habite le Brésil et se plaît
dans les lieux rocailleux ; ses mœurs sont à peu
prés les mêmes que celles de l'apéréa.
iù« Gemie. Les AGOUTIS ;^ Chloromiis. Fk.
Cuv. ) ont vingt dents, savoir ; deux incisives à
chaque mâchoire ; huit molaires en haut et huit
en bas, toutes composées, presque égales, à
couronne plate, irrégulièrement sillonnée et à
contours arrondis ; les pieds de devant ont qua-
tre doigts, et ceux de derrière trois, tous libres ;
les jambes sont fines ; ils ont une petite queue,
ou un tubercule qui la remplace.
L'Akouchi ou Akocki {Chloromys uciischij,
Desmoul. Ciuia aciistluj , G>il. Dasyprocla
acitschii, Desm. L'Aroudui, Biff. ) est à peu
près de la taille du précédent ; son pelage, un
peu plus doux et plus soyeux, est brun, avec des
mouchetures fauves; la croupe est noirâtre, et
le ventre roux; il n'a point de crête derrière la
tète ; sa (lueue est mince, un peu allongée; en-
fin il n'a (pie siv mamelles. 11 a les mêmes
lUd'urs que le i)réc(deiit, et vit dans les bois à
la Gujane, aux îles de la Grenade et de Sainte-
Lucie.
L'Agolti hlfi'e [CAitoiomiis crhUitiis. Fh.
Cuv. Dasiiprocln rr'istnta, Dksm. Caria cris-
tata, Geoff. ) a la même taille que notre lapin ;
son pelage est noirâtre, piqueté de roux ; il a
sur l'occiput une sorte de crête composée de
poils très-allongés ; les poils de sa croupe sont
également très-longs ; son ventre est brun ; ses
oreilles et sa queue sont courtes. 11 habite Suri-
nam , est moins farouche que le premier, et
s'appi ivoise beaucoup plus facilement.
L'Agouti PAXAOOMEJi (Chloroviijs palagoiii-
cits, Penn. Dasyprotta patagonica, Desm. Le
Lierre des l'ampas, u'Azara. Caria palaqo-
uica, Shaw. ) est d'un gris fauve piqué de blanc
sur le dos, passant au noir sur la croupe; les
fesses et le ventre sont blancs ; les lianes fauves ;
les oreilles longues ; la queue est très-courte,
et les mamelles sont au nombre de quatre. On
le trouve depuis les pampas du Paraguay, jus-
qu'au détroit de Magellan. Il ne vit pas en
troupe, mais par couple, et le maie ne quitte
pas sa femelle, même quand ils sont poursuivis
par des chiens Pendant la nuit, s'ils se sont sé-
pares pour chercher leur nourriture, ils ne
tardent pas à s'appeler par un cri aigu, fort,
que l'on pourrait écrire ainsi, o-o o-y, cri qu'ils
font aussi entendre lorsqu'on les tourmente. Ils
s'apprivoisent aisément, et ne font aussi que
deux petits. Les Indiens les chassent et les man-
gent, quoique leur chair, blanche, soit assez
fade. Les chassems cherchent toujours à tuer
la femelle la première, bien sûrs qu'ils sont
que le mâle ne la (piittera pas. ^
-ÎS
:i7«
I.KS llOiN<it:UliS.
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L'As""!'-
L'agouti ou COTIA [Clilonmnis àmli, Fr.. Cijv. DtisijjtroclH luiil't, Dfsm. (liiiin
(uut't, Ekxl. V Agouti, BtJFF. )
A vingt pouces (0,rj/(2i de longueur; il est à peu prés de la grosseur d'un
omnd lièvre; sa lèle a un peu d'analogie avec celle d'un lapin, mais ses yeux
sont saillants, et ses oreilles, longues seulement d'un pouce et demi (0,041),
sont demi-circulaires et nues; son pelage est rude, brun, picpieté dejauneoude
roussâlre, teinté de verdâtre sur certaines parties, roux sur la croupe; les poils
sont très-longs sur cette dernière partie, et beaucoup plus courts sur le rest<^
du cor|)s; la ipieue est courte, les mamelles sont au nombre de douze.
L'aoouti est très-commun à la Guyane, au Brésil et à Sainte-Lucie; là il lait
le plaisir babituel des chasseurs, comme le lièvre chez nous. 11 ne se gîte pas
sur la terre nue comme ce dernier, il ne se creuse pas non plus de terrier
comme le lapin, mais il se cache dans les troncs d'arbres et sous les vieilles
souches. Il n'habite que les bois, où il vit en troupes, et il ne sort ordinaire-
ment de sa retraite (pie la nuit. La lumière du jour l'olfusque au point que, s'il
est surpris par des chiens pendant la journée, ce n'est que dillicilement qu'il
leur échappe par la fuite, quoique ce soit un habile coureur, surtout en mon-
tant; comme il a les pattes de devant beaucoup plus courtes que celles de der-
rière, il est obligé de ralentir sa course en descendant une montagne ou toute
autre pente un peu roide, sous peine de faire la culbute. A l'état sauvage, il est
d'un caractère farouche et timide, mais cependant il se défend courageusement
lorsque la fuite ne lui est plus possible, et avant de succomber il fait de pro-
fondes morsures à ses ennemis. Lorsque les cbieiTs le chassent, il ne ruse pas
devant eux, ainsi que le lièvre ou le lapin, mais il s'enfuit très-vite et gagne au
plus tôt sa retraite, où il s'enfonce et reste avec obstination. Il n'est qu'un seul
OASYPOIDES.
379
moyen de l'en faire sortir, c'est de l'y enfumer; à demi suffoque, il jelle des
cris aigus et plaintifs, et ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'il s'élance tout à
coup dehors pour commencer une lutte qu'il sait devoir lui être mortelle. Son
(•i"i, lorsqu'on riiKfuiète ou qu'on l'irrite, est, dit Bulfon, semblable à celui d'un
petit coclion.
Lorscpie l'agouti est en colère, il frappe la terre de ses pieds de derrière,
absolument comme le lapin, et les longs poils de sa croupe se hérissent verti-
calement. Quand il mange, il saisit ses aliments avec ses pattes de devant, mais
elles ne lui servent pas à les porter à sa bouche. Connne tous les animaux de
son genre, il est omnivore : il n'a donc pas besoin de s'amasser des provisions,
et c'est par erreur que Buffon lui attribue cette habitude; mais sa nourriture la
plus ordinaire consiste en fruits et en racines. I^a femelle prépare un nid fait
avec du foin et des feuilles sèches ; en octobre elle y met bas deux petits, qu'elle
n'y allaite que pendant trois ou ipiatre jours, après quoi elle les transporte dans
une autre cachette, ainsi que fait la chatte domestique, et cela probablement
par déliance. Si elle éprouve la moindre inquiétude, elle les change de nouveau
(le domicile, et celte manœuvre recommence souvent. Cependant elle ne les al-
laite que pendant une vingtaine de jours, après quoi ils commencent à la suivre
pour apprendre à chercher leur nourriture, et bientôt après ils la quittent
pour se réunir à la première troupe de jeunes agoutis qu'il rencontrent. Tout
larouche qu'il est, si on prend un jeune agouti, et qu'on le traite avec douceur,
il s'apprivoise aisément, s'attache, sinon au maître, du moins an logis, sort
et entre seul à la maison, et ne pense même à la quitter tout à fait que lors-
(pie vient le temps des amours. Sa chair se mange, et passe même pour assez
bonne.
LES ÉDENTÉS,
Mî U V 1 1<] M !<: OliDKE DKS MAMMIPi-RKS.
— i\i^ 11, "\^T
Ils formeiil le dernier ordre des inamiiiirères
()ii}fiiiciilés. Si on en excepte les 'lettons, ils
manquent tons d'indsives aux deux ninchoires;
<|uek|iiefois ils ont des cnnines et des molaires,
•i'juifres fois des molaires seulement, et enlîn
souvent ils n'ont point de dents dntout; ils ont de monotrèmes.
gros ongles, embrassant l'extrémité des doigts,
et se rapprochant plus ou moins de la nature
des sabots.
Cet ordre renferme trois familles, celle des
fardigrades, celle des longirostres, et celle des
LES TAHDIGIIADES
îS'ont point d'incisives, mais dix-huit molai-
res ou moins; leur museau est court ; et tous
leurs nionvenients sont extrêmement lents.
t" GiNRE. Les ACHÉES ( Arlieua, Fk. Clv. )
manquent d'incisives et de canines, et ont dix-
huit molaires tontes en forme de cylindre, dont
l'extrémité est creusée, tandis que le rebord
est formé d'une substance plus dure; ils ont trois
doigts complets à chaque pied , et leurs bras
sont deux fois plus longs qne leurs jaml)es.
L'aï ( Aclieusai, Fr. Cuv. Bradijpus iridactijlns, Lin. — Dksm, L'Ai de Buff.
Le Paresseux des voyageurs).
Cet animal extraordinaire est de la grandeur d'un chat ; son front est saillant,
comme tronqué en avant; son pelage, grossier et ressemblant à du foin sec,
est d'un gris brunâtre, souvent tacheté de blanc sur le dos, ot'i régne le plus
ordinairement une large tache jaune ou orangée, traversée par une ligne noire
.OR E v-1. t f^-T . LC IC
VUE INTERIEURE DE LA GRANDE: SERRF
J « r rt 1 n .Ut H 1
TAUDICKAhKS. 3S1
longiludinale. Il a plusieurs variétés assez rcinarquahles, dont l'une, r.4t à col-
lier, est regardée par ïemininck comme espèce; les autres sont : VAï<los bmié,
VAi à face jaunr, VAi à collier noir et VAï (jris contre.
Cet animal a été j)our presque tous les naturalistes, sans en excepter BufFon
et Georges Cuvier, un sujet d'erreur la plus complète, parce que, malgré leur
excellente critique, ils se sont laissé inlluencer par les contes absurdes des
anciens voyageurs, et i)eut-ètre aussi jiar des opinions préconçu(;s. Ecoutons
d'abord Butîon : « Nous disons, pour revenir à nos deux animaux ( l'aï et
l'unanK qu'autant la nature nous a paru vive, agissante, exaltée dans les sin-
ges, autant elle est lente, contrainte et resserrée dans ces paresseux; et c'est
moins paresse que misère, c'est défaut, c'est dénûment, c'est vice dans la
conformation; point de dents incisives ni canines ; les yeux obscurs et couverts,
la mâcboire aussi lourde qu'épaisse, le poil plat et semblable àde l'berbesécbée,
les cuisses mal emboîtées et presque bors des bancbes, les jambes trop courtes,
mal tournées et encore plus mal terminées; point d'assiette de pieds, point de
pouces, point de doigts séparément mobiles; mais deux ou trois ongles excessi-
vement longs, recourbés en dessous, qui ne peuvent se mouvoirqu'ensemble, et
nuisent plus à nuu'cber qu'ils ne servent à grimper; la lenteur, la stupidité,
l'abandon de son être, et même la douleur babiluelle résultant de cette confor-
mation bizarre et négligée ; point d'armes pour attaquer ou se défendre; nul
uu>yen de sécurité, pas même en grattant la terre; nulle ressource de salut
dans la fuite : conlinés, je ne dis pas au pays, mais à la motte de terre, à l'arbre
sous lequel ils sont nés, prisonniers au milieu de l'espace; ne pouvant parcourir
qu'une toise en une beure, grimpant avec peine, se traînant avec douleur, une
voix plaintive et par accents entrecoupés, (|u'ils n'osent élever que la nuit : tout
annonce leur misère, tout nous rappelle ces monstres par défaut, ces ébauches
imparfaites mille fois projetées, exécutées par la nature, qui, ayant à peine la
faculté d'exister, n'ont dû subsister qu'un temps, et ont été ensuite efl'aces de la
liste des êtres. » Pour achever ce triste portrait, Bulïon ne manque pas de ré-
péter i\\uî ces animaux, après avoir mangé toutes les feuilles «l'un arbre, se
laissent tomber au risque de se briser les os, etc. , etc. Enlin il ajoute que « ce
sont peut-être les seuls que la nature ait maltraités, les seuls cpii nous oflVent
l'image de la misère innée. »
Cuvier, imbu de toutes ces idées, mais plus analomiste que BulVon, après
nous avoir dit que la nature, en créant ces animaux, semble avoir voulu s'amu-
ser à produire quelque chose d'imparfait et de grotesque, cherche a trouver la
cause de ces misères prétendues dans leur organisation. « Leurs doigts sont
reunis ensemble par la peau, dit-il, et ne se marqueut au dehors (pu* par
d'énormes ongles com|)rimés et crochus, toujours llecbis vers le <ledans de la
main ou la plante du pied. Leurs pieds de derrière sont articulés obliquement
sur la jambe, et n'api)uient que par le bord externe ; les phalanges de leurs
doigts sont articulées par des gynglymes serrés, et les premières se sondent, à
un certain âge. aux os du métacarpe ou du métatarse ; ceux-ci Unissent à se
souder ensemble faute d'usage. A cette incommodité, dans l'organisation des
extrémités, s'en joint une non moins grande dans leur proportion. Leurs bras et
leursavant-brassontbeaucouppluslongsqueleurscuissesetleursjambes, en sorte
:)8-2 LES E DENT ES.
(|iie, (jiiand ilsmnrclient, ils sont obligés dese traîner sur leurs coudes ;lein-|»assin
est si large et leurs cuisses tellement dirigées sur le côté, qu'ils ne peuvent
l'approcher les genoux. Leur démarche est l'elîet naturel d'une structure aussi
disproportionnée. Ils se tiennent sur les arbres et n'en quittent un qu'après
l'avoir dépo-uillé de ses feuilles, tant il leur est pénible d'en gagner un autre;
on assure même qu'ils se laissent tomber de leur branche poui' s'éviter le travail
d'en descendre. »
Nous allons maintenant faire l'histoire vraie de l'aï, et ce sera une réfutation
complète de tout ce qu'ont avancé les célèbres naturalistes que je viens de
citer.
L'aï est très-commun au Brésil, à Cayenne, à la Nouvelle-Espagne, et géné-
lalement dans toute l'Amérique intertropicale. Il habite exclusivement sur les
arbres, dans les forêts composées d'ambaïba ( Cecmpia prltnin) dont les feuilles
font sa principale, et peut-être son unique nourriture. Il parcourt les forêts en
passant d'un arbre à l'autre par les branches; lisait parfaitement profiter, pour
cela, du vent qui, en les agitant, met leurs rameaux en contact, et il saisit avec
beaucoup d'agilité ce moment. Jamais; si ce n'est |)ar force ou par accident,
cet animal ne descend à terre, où il n'a rien à faire ; il lui serait donc tout à fait
inutile de pouvoir y marcher; aussi la nature lui a-t-elle refusé cette faculté,
comme elle l'a refusée aux orangs et à quelques autres singes éminemment
grimpeurs, et devant passer, ainsi que lui, toute leur vie sur les arbres. Et
pourtant, c'est sur des individus arrachés à leurs forêts, à leurs habitudes, pla-
cés sur la terre plate, que les naturalistes ont décidé que l'aï était d'une lenteur
excessive, et qu'il lui fallait une heure pour parcourir la distance de deux mè-
tres, ce qui est d'ailleurs une grande exagération. L'aï, sur la terre, est en elfel
obligé (le se traîner avec peine sur ses coudes, à cause de la longueur de ses
jambes antérieures, mais cela n'empêche pas qu'il ne grimpe sur les arbres, si-
non avec une grande agilité, du moins avec une extrême facilité. MM. Quoy et
Gaimard ont eu vivants i)endant quelques jours, sur le vaisseau rUrcnne, deux
de ces animaux, et ils ont observé qu'il faut beaucoup rabattre de la lenteur
qu'on leur attribue. « Tout l'équipage a vu l'aï monter en vingt-cinq minutes
du gaillard d'arrière au haut du grand mât; il parvint successivement, en moins
de deux heures, au sommet de tous les mâts, en allant de l'un à l'autre par les
étais. Une autre fois, étant descendu par l'échelle du gaillard d'arrière et tou-
chant l'eau par une de ses pattes, il s'y laissa volontairement tomber, et nagea
aisément, la tète élevée. » Nous remarquerons en outre que cet animal est tout
à fait nocturne, qu'il ne jouit de tout le développement de ses facultés que la
nuit, et que ces observations ont été faites le jour. Sur la terre, pendant l'obscu-
rité, il marche de la même manière que les chauves-souris, et d'un mouvement
assez vif.
Cherchons si son organisation est aussi malheureuse qu'on le dit, quand on la
considère dans ses rapports avec les habitudes de l'animal ; nous verrons qu'au
contraire, loin d'être un mal pour lui, cette organisation, qui paraît si informe
et si bizarre, est un bienfait de la nature. L'ai ne se tient pas sur les branches
ainsi que le font les singes et les écureuils, mais par-dessous, et le corps sus-
pendu par les quatre pattes ; qu'il marche, (|u'il mange, qu'il dorme, il ne quitte
iAllDlGUADES. :is:\
jiimais cclk' attiUidc, (jiii |)uur ces animaux est celle du repos, à cause de l'ex-
lième [uédominance que leurs muscles fléchisseurs ont sur les extenseurs.
Leurs gros ongles ar(|ués, embrassant toute l'extrémité des doigts et naturelle-
ment recourbés vers la paume de la main, les |)lialanges de leurs doigts soudées
au métacarpe et au métatarse, ceux-ci qui s'ossilient de manière à ne former,
a un certain âge, qu'une seule pièce, tout cela leur donne une puissance d'ac-
crocliement, si je i)uis me servir de cette expression, qui rend pour eux fort
couniiode une position intolérable pour tout autre animal. Leurs jambes,
écartées par l'énorme largeur de leur bassin ou quelquefois par de longues cla-
vicules, leur permet d'embrasser les grosses branches sans la moindre fatigue;
la paume des mains et des pieds, articulés obliquement, leur permet de poser
les pattes à plat sur les côtés des branches qu'ils embrassent; leur cou, com-
posé de neuf vertèbres (ce qui est unique parmi les mammifères), leur per-
met d'allonger la tète, de la tourner dans tous les sens pour saisir les feuilles
sur les rameaux à distance; l'axe de la tête étant le même que celui de la co-
lonne vertébrale, la bouche regarde en haut quand l'animal est debout, ce ([ui
dispense les aïs, lorsqu'ils sont suspendus, de relever la tète par un eflbrt
umsculaire soutenu ; ils broient les feuilles avec des dents parfaitement adaptées
a cet usage; leurs poils, plats et grossiers, ressemblant, par la forme et la cou-
leur, à de l'herbe desséchée ou de la mousse, les dérobent à la vue des animaux
carnassiers et des oiseaux de proie (pii pourraient les attaquer En cas de chute,
ils ont une force de vitalité cent fois plus considérable qu'un chat ; et tout cela
ils le doivent à une organisation que G. Cuvier appelle imparfaite et grotes(pie,
it Bulfon, misérable, faute, par ces naturalistes, d'avoir connu les habitudes et
les besoins de ces singuliers animaux. S'il m'était permis, dans un ouvrage
du genre de celui-ci, d'entrer dans de plus grands détails anatomiques, on ver-
rait (pi'il n'est pas une de leurs prétendues imperfections qui ne soit une preuve
irrécusable de la haute sagesse qui a présidé à la création.
L'ai, qui jusqu'à ce jour n'a été étudié que dans des lieux et des circonstan-
ces pour lesquels la nature ne l'a point créé, vit au fond des plus sombres fo-
rêts, où la hache de l'homme n'a pas encore établi de clairière; il est doux,
tout à fait inoffensif, et paraît peu intelligent par la raison qu'il a peu de
besoins; solitaire sur l'arbre qui le nourrit, il y passe une partie de sa vie, et ne
pense à le quitter que lorsqu'il en a dévoré toutes les feuilles. (( 11 marche d'un
bon pas, dit le voyageur anglais Watlerton, et si, comme moi, vous l'aviez vu
passer d'un arbre à l'autre, vous ne seriez plus tenté de lui donner injustement
la qualification de paresseux. » S'il ne peut passer sur un autre arbie au moyen
de l'enlre-croisement des branches, il ne se laisse pas tomber, comme on l'a
dit, mais il en descend fort bien, en (pielques minutes, et se traîne sur la terre
aussi vite qu'il le peut pour en regagner un autre. Si on le sur|)reud dans ce
moment, il s'arrête, et cherche à se défendre comme il le peut; pour cela, il
s'assied sur son derrière et joue des bras de devant, l'un après l'autre, absolu-
ment comme un aveugle (lui chercherait à enlacer de son bras un objet qu'il
ne verrait pas, ou plutôt comme une mécanique. S'il |>arvient a saisir le bâton
dont on le frappe, ou tout autre objet, il le serre contre sa poitrine avec une
telle force, qu'il est fort difficile de le lui arracher, et il ne le lâche qu'en mou-
:m
LES ÉDENTÉS.
raiit; dans la joie comme dans la douleur, il fait entendre le cri a-ï (|ui lui a
valu son nom, mais il reste silencieux tant qu'il n'est pas agité par une passion.
La femelle ne fait qu'un petit qu'elle soigne avec la plus grande tendresse. Elle
met bas non pas sur terre, mais sur un lit de mousse qu'elle établit à la bi-
finxation de deux ou trois grosses brandies. Au bout de quelques jours les
ongles du petit se sont assez raflermis pour qu'il puisse s'accrocher au dos de
sa mère, où il est suspendu, connue elle l'est elle-même aux branches qu'elle
parcourt. Ces animaux ont la vie exlraordinairement dure, et on ne parvient à
les faire tomber de l'arbre où ils s'accrochent qu'après leur avoir tiré plusieurs
coups de fusil. Ils remuent encore pendant plus d'une heure après qu'on leur a
arraché le cœur et les entrailles. « Le voyageur de Lalande, dit Desmoulins,
aidé de son domesti(|ue, a inutilement essayé pendant une demi-heure d'étran-
gler un aï avec une corde grosse comme le doigt; l'animal ne cessait d'étendre
et de ramener ses bras en crochets sur la poitrine par intervalles, ce qu'il fit
encore plusieurs heures au fond d'un tonneau d'alcool, où on le tint ensuite
submergé. »
Ces animaux, pris jeunes, s'apprivoisent aisément, mais sans jamais s'atta-
cher. On les nourrit de pain et de lait, et de quelques espèces de feuilles que
l'expérience apprend a connaître. Ils ne boivent jamais, et se reculent même de
l'eau qu'on leur présente avec un dégoût très-marqué. Transportés dans nos
climats, ils ne vivent pas longtemps, parce qu'ils craignent excessivement le froid
et rhumidilé.
2e Genbe. Les BRADYPES( /?rarf(//)i(.s, Liiv.)
dilîèront des aïs par une foule de caractères
;matonii(jue.s, dont voici les plus saillanls; ils
ont dix-huil dénis, savoir : deu\ canines en haut
et en l)iis, aiguës et plus longues que les molai-
res ; Iniit molaires supérieures et six inférieures,
toutes cjlindriques. Leurs jambes antérieures
sont tri s-grèles, d'un cinquième plus longues
que les postérieures ; leur tète est petite, arron-
die ; leurs pieds n'ont que deux doigts, réunis
et terminés par deux griffes fortes et croclim s
L'LI^Al] {Bradypiis didadiilus. Lin. — Desm.
L'Liiaii de Bli'f. et (1. Ctv. ) est de moitié plus
grand «pie l'iiï, au(|uel, du reste, il ressemble
beaucoup ; sa lace esl obli()ue ; son pelage est
d'un gris lirun uniforme, qui prend queUpiefois
une teinte roussàlre. 11 habite les mêmes con-
trées que l'aï, et lui ressemble tellement en
tout, que faire l'Iiistoire de l"un, c'est taire l'his-
toire de l'autre.
AMPHITHEATRE D'ANATOMIE CCMt-ARSE.
( J>r.l I 11 Je* HU nir ■*. )
LONGIUOSTRES.
385
LES LONGIROSTRES
Ont le museau allongé, les membres à peu
piès égaux; les uns n'ont pas de dents du tout;
d'autres ont des molaires seules ; d'antres en-
core ont des incisives et des molaires; ces der-
nières sont au nombre de vingt-six à quatre-
vingt-seize.
ô^Gemie. Les TATOUS ( Dasijpiis, Lin. ) ont
trenfe-buit dents, savoir : deux incisives en b.uit
et quatre en bas; point de canines; seize mo-
laires supérieures et seize inférieures; tontes
les dents sont sans racines ; la langue est peu
extensible ; la tète, le corps et la queue sont
recouverts d'un test dur et écailleux, à petits
compartiments semblables à des pav('s ; ce test,
ou carapace, est composé de plusieurs pnriies:
un bouclier sur le front, un second bouclier
arrondi sur les épaules, un autre semblable sur
la croupe, et des bandes mobiles transversales,
plus ou moins nombreuses, entrelesdeux. Quel-
quefois tous leurs pieds ont cinq doigts , tous
armés d'ongles robustes. Tous les animaux de
ce genre sont doux et inoffensifs.
Le TATOU-POYOUou ETiCOVBERT [Dasiiims ciicotihcrl , Dksm. Dasuptis scxcuictus
cl Dasypus oclodccintcinctiis, Lin. Le Talon à six bandes, G. Cuv. L'Enconberl
cl le Cirtiuinçou de Buff. ).
Ce singulier animal a la lèle large, aplalie et triangulaire, recouverte d'un
bouclier osseux, comme tout le dessus <ln corps ,- la cuirasse qui lui couvre le
dos est composée de six à sept bandes mobiles, formées de pièces grandes,
rectangulaires, lisses, plus longues que larges; sa queue est longue comme la
moitié de son corps, ronde, portant des anneaux osseux seulement à sa base ;
ses oreilles sont assez longues; son bouclier postérieur est dentelé en scie; les
parties non écailleuses de son corps sont garnies de poils blancbàtres, assez longs
et assez fournis; tous ses pieds ont cin(| doigts munis d'ongles médiocres; il a
deux mamelles pectorales.
49
38C l.i:S É DE NT Es.
I.e laloii-poyou habite l'Amérique méridionale et est assez commun au Para-
guay. Nous nous étendrons peu sur son liistoire, parce qu'elle est exactcmeni
la même que celle des animaux composant les genres priodonte et tatusic, qui
ont été séparés des tatous par Fr. Cuvier. Tous ces animaux sont exclusivement
«les parties chaudes de l'Amérique. Leur chair est assez bonne à manger, mais
il paraît que celle des petites espèces est plus délicate que celle des grandes, et
que celle de l'encoubert est la moins estimée de toutes. Quoi qu'il en soit, on
leur fait une chasse assez active.
Ces animaux ont tous plus ou moins la faculté de se rouler en boule, à peu
prés comme notre hérisson, et dans cet état ils présentent à leurs ennemis la
cuirasse dure qui les recouvre; mais comme tous ne sont pas également bien
armés, et qu'il existe des vides, surtout dans cette attitude, entre les boucliers et
les bandes du dos, la dent des animaux carnassiers trouve aisément un passage,
cl leurs armes défensives ne leur servent pas à grand'chose. Le tatou-poyou ne
jouit pas, à un aussi haut point que les autres, de la faculté de se mettre en
boule, mais il peut, quand il est menacé d'un danger, s'aplatir contre la terre,
dont il a un peu la couleur, au point de disparaître aux yeux de ses ennemis,
parce qu'alors il ne ressemble plus qu'à une légère inégalité du sol. Celui qui a
vécu à la ménagerie était craintif, nocturne, cherchait toujours à se cacher, et,
dans ce but, il aplatissait son corps de façon à présenter trois fois plus de lar-
geur que de hauteur. Sa voix était une sorte degrognement, qu'il faisait surtout
entendre lorsqu'on le contrariait, et il courait avec beaucoup de vitesse. Ces
animaux sont très-inoffensifs, n'attaquent jamais les êtres plus faibles qu'eux, et
cependant ils ne répugnent i)as à se nourrir de lambeaux de cadavre quand ils
en trouvent ; leur nourriture habituelle consiste en fruits, en légumes et en
racines, qu'ils savent fort bien déterrer en fouillant la terre avec leur nez, à la
manière des cochons. Ils habitent des terriers qu'ils se creusent, les uns dans
les savanes humides, et les grandes espèces sur le penchant des collines sèches
et arides. Us creusent la terre avec une telle vitesse, que, sous ce rapport, ils
ne peuvent être comparés qu'à la taupe. Ne pouvant ni courir bien vite ( si l'on
en excepte l'encoubert), à cause de la brièveté de leurs jambes, ni sauter, ni
grimper sur les arbres, ils n'ont de ressource, pour échapper au danger, que
de se jeter dans leur terrier; s'ils sont poursuivis de trop prés, et qu'ils n'aient
pas le temps de gagner leur retraite, ils se mettent à creuser, et pour peu que
le chasseur soit à cinquante ou soixante pas d'eux, ils ont déjà disparu sous la
terre lorsqu'il arrive. Si leur queue paraît encore en dehors et qu'on la saisisse,
ils se cramponnent avec tant de force dans leur trou, qu'on la leur casse plutôt
((ue de les en arracher ; daus ce cas, on est obligé, sans les lâcher, d'ouvrir le
terrier eu avant, et on les a ainsi sans les mutiler. Lorsqu'ils sont tout à fait
enfoncés dans un terrier profond, on ne peut les en faire sortir qu'en les
inondant d'eau, ou en les enfumant. Aussitôt qu'ils sont pris, ils se roulent en
boule, et pour les faire étendre on les jette dans l'eau ou on les place devant un
l'eu un peu vif.
On dit (pie pendant une grande partie de l'année ces animaux restent dans
leur terrier sans en sortir. Ce qu'il y a de plus certain, c'est qu'ils s'y tiennent
pendant tout le j<»ur, et qu'ils n'en sortent que la nuit pour aller chercher leur
LONGir.OSTIlES.
:J87
noiirriUire. Gnmilla prétend (Hip la renicllc niel bas tous les mois, et (jik; chaque
luis elle t'ait qualie itetits; il l'aul que cela soit, car on chasse conliiniellenienl
ces animaux, soit au fusil, avec des chiens, soil aux pièges, et le nombre ne
parait [)as en èlre beaucoup diminué. Pour cette chasse on emploie nne race de
petits chiens (jui les poursuivent avec acharnement, el rarement le tatou lein-
échappe, à moins (lu'il ne se trouve à proximité d'une roche escarpée ou d'un
ravin; dans ce cas, il s'approche du bord, se contracte en boule, et se laisse
roulei- au fond du piecipice sans le moindre danger, grâce aux écailles ([ui le
défendent.
On a dit que les tatous vivaient en société amicale avec les serpents à sonnet-
tes, et qu'ils n'en craignent pas la morsure ; que leur graisse, leurs écailles calci-
nées, avaient des propriétés admirables en médecine : mais tous ces vieux con-
tes, avancés par Ménard, Ximénès et d'autres, sont complètement tombés en
désuétude.
4MibMiE. Les PRIODOXTES {Priodanlc.",
I"r. Cuv. ) ont quatro-viiigl-dix-luiit dents, sa-
voir: point d'incisives; point de canines; cin-
qnante molaires à la niàdioiie siipc'rieure, et
quaranle-liuit à l'inférieure, pour l'ordinaire,
carce nombre varieunpeud'individii à individu.
Toutes ont à peu prés les mêmes proportions
et sont plus ou moins comprimées latéralement ;
elles sout divisées longitudiualemeut dans leur
milieu par une partie plus claire et demi-trans-
pareule; ils ont deux mamelles pectorales, ciuc]
doigts aux pieds de devant, et tous les autres
caractères des genres précédents et suiNants.
Le Tatou ^olB des bois, ou Tatoc géant
{Priodontes gigauleus, Fit. Cuv. Dasypiis f/i-
gus, Fil. Cuv. Dasiipits gigas, G. Cuv. IJastjpus
giganti'iis, Dtsji. Le Deiixihne habaïU'Ou de
Blff. Le Grand 7'((/o?j d'.AZAiiA ) a quelquefois
plus de trois pieds de longueur (0,975), non
compris la queue, qui est ronde, longue d'un
pied et demi (0,4«ï), et recouverte d'écaillés
ind)riquées comme des tuiles ; ta tète, propor-
tionnellement plus petite que dans tes armn-
diltes, est l)Iancli;itre, avec le nuiseau long et les
oreilles assez petites; la cuirasse se compose
de douze ou treize baudes mobiles, à comparti-
ments plus longs que larges ; le tlauc et la queue
sont blaucliàlres comme la tète, le reste du
corps est noirâtre. Il habite le l'araguay et vit
dans les bois.
Se Ge:\re. Les AUMADILLES ( Tntnsin, Fii.
Cuv.) ne diffèrent des deux genres précédents
que par leur système deutaire; elles ont trente-
quatre dents, savoir: point d'incisives; point
de canines; dix-liuit molaires en liant et seize
en tjas. Les unes ont quatre doigis aux pieds de
devant, les autres cinq.
Le l\LvTACO ( Ttttusia aixir, Less. Dastjpus
apar, Desm. Dasijpiis tririnrlus, Lim. Le Talon
opar, de Biff. Le Tatou à fcoi.s baudes, de
(i.Cuv. Le l'atoii upara, de Margh.) est d'une
médioci'e grandeur ; sa tète est ()t)longue, son
museau pointu, ses oreilles médiocres, sa queue
très-courte et a|)lalie; sa cuirasse se compos(?
de trois t);indes mobiles; ses compartiments
sont régulièrement tuberculeux ; il a treize ran-
gées de plaques polygones, d'une couleur ilom-
l)éc, sur le bouclier de la croupe ; ses pieds
sont assez faibles, et il a deux mamelles pecto-
rales ; ses poils sont bruns. 11 jouit de la faculté
de se rouler eu boide com[)lèle en renfermant
sa tète et ses pieds entre ses boucliers. Il fouille
la terre dilficilement. On le trouve au Tucuman,
dans la république Argentine, et surtout aux
environs de Buénos-A\res.
L'AlIJIADlLl.E A yUATltE BAM)i:S {Tulil^ia (/il(l-
driiiiiiti', Less. Uasiipiis qiiadricindiis. Lin.)
n'est connue que par la courte phrase de Lin-
né, que voici : quatre rangées d'écaillés osseu-
ses. Comme le pensait le naturaliste suédois
lui-même, ce n'est sans doute qu'une variété de
l'espèce précédente. Sa patrie est incoiinne.
Le Peua ou AiATOi;iiTLi (l'ainsia luba, Less.
Dasijpiis pela, Desm. Dasiiptis noncinciiirtiis,
ortoiinrtiis, cl scpleincincliis, Lu\. Le Tatou à
vciif bandes d(; G. Cuv. Le Cociiic/iaHie de Buf.
Le Tatou noir, d'Azaiia ) a souvent quinze pou-
ces de longueur (0,400), non compris la queue,
qui est de la même longueur, ronde, et annelée
dans toute sou étendue; la cuirasse est ordinai-
rement composée de neuf bandes, quelquefois
de huit ou sept, rarement de six, à comparti-
nieuts rectangulaires; les compartiments des
boucliers sont petits et arrondis ; tous sont iioi-
nitres. Il n'a que quatre doigts aux i)ietls de de-
vant ; ses oreilles sont très-longues, el il a qua-
tre mamelles. 11 est très-couimnn à la Guyane,
au l'aiaguay et au Brésil. 11 creuse très-liabile-
ment sou terrier', d'où les chasseurs le retirent à
grande peine pour le manger.
388
LES ÉDENTÉS.
Le MnotBiQLA ( Talusia hijbiidus, Less. Do-
sypiia hijbrldiis, Desm. Le Tatou muUt, d'Azaua)
ne nie paraît être qu'une variclé du précédent;
il en diffère par sa queue arrondie, longue
comme la moitié de son corps, et par les bandes
de sa cuirasse, au noinljre de cinq à sept. Son
museau est allongé ; ses oreilles sont grandes,
et ses jambes courtes, il a quatre doigts au\
pieds de devant. 11 habile les lieux découverts
des pam|)as de Buénos-Ayres, et il est commun
au Paraguay.
LeTATOiAY {Tntusia taluaij, Less. Dasijpus
taluati, Desm. Annadilla ufricanuy, Seha. Dc-
sijl)us nni(iu(lu<, LI^. Le linbassou, Ikrr. Le
Tatou à douze ba)ides, G. Ctv.i devient fort
grand ; il a cinq doigts à tous les pieds, et quatre
des doigts des pieds de devant ont des ongles
énormes, tranchants à leur bord externe. Sa
cuirasse se compose de douze à treize bandes,
à écailles rectangulaires, plus longues que lar-
ges ; la queue est ronde, moins longue que la
moitié du corps, à tubercules assez distants; la
tète est un i)eu bombée, le museau long, et les
oreilles grandes. Il habile Cavenne, le Brésil et
le Paraguay.
Le Piciiiï ( Tatusia muiuln. Lkss. Dasupus
minutus, Desm. h' Eirnuberl, de Fi\.Cl\.) a dix
peuces (0,271) de longueur, et cinq doigts à tous
les pieds; sa cuirasse se compose de six à sept
bandes à plaques rectangulaires ; les écailles de
sa tète sont lisses, échancrées sur les cotés au-
dessus de l'cril ; le bouclier de la croupe est for-
tement denté sur son rebord ; sa queue est
ronde, longue de presque la moitié du corps,
couverte de fortes écailles disposées en an-
neaux; ses oreilles sont très-petites; ses poils
sont bruns. 11 habite les pampas de tout le sud
de l'Amérique, depuis Buénos-A^res jusqu'au
détroit de Magellan.
L'Armadille velle ( Tatusia lillosa, Less.
Dasiipi svillosu:!, Desm. Le Tatotiielu, d Azara.
ressemble beaucoup au tatouay, mais elle est
plus petite et plus velue. Sa longueur totale ne
dépasse pas dix-sept ponces (0,4G0). Sa cuirasse
se compose de sis à sept bandes, à plaques rec-
tangulaires; le bouclier de la croupe a posté-
rieurement des écailles aiguës et dentelées ; la
queue est un peu plus longue que le tiers du
corps, annelée à sa base ; la tête est recouverte
d'écaillés rudes ; tous les pieds ont cinq doigts;
son ventre et ses pattes sont trcs-velus, à poils
bruns et très-longs. Cette armadille habile les
pampas de la Plata, et se nourrit souvent de
charognes.
6^ Genre. Les CHL.43IYPHORES (Chiamii-
phonis, HAnLA> ) ont trente-deux dents, savoir;
point d'incisives ; point de canines; seize molai-
res en haut et seize eu bas. Leur corps est cou-
vert d'un test osseux formé de nombreuses ban-
des mobiles, tran»verses, depuis la léte jusqu'à
la queue, et, par conséquent, ils n'ont pas de
bouclier sur les épaules ni sur la croupe, comme
les animaux des genres précédents ; leur lest est
tronqué postérieurement ; leur queue est mince ;
ils ont cinq doigts à tous les pieds, et ceux de
devant sont armés d'ongles plus forts que ceux
de derrière.
Le CiiLAMVPiionE troxqlé { Ch'amij] homs
trunratus, IIari..) a cinq pouces et quart (0, M2i
de longueur totale ; les écailles de son test sont
rhomboïdales, et s'avancent sur sa tète; sa
queue est ferme, appliquée sur son abdomen,
et parait avoir peu ou point de mouvement ; le
dessous de son corps est garni de poils blancs,
soyeux, épais et doux comme ( hcz la taupe. Cet
animal se trouve dans les Cordillères du Chili,
aux environs de Mcndoce. Il se creuse avec beau-
coup d'agilité un terriei' composé de longues
galeries, à la manière de la taupe, dont il a tou-
tes les habitudes. Pendant qu'il allaite ses petits%
il les porte so;:s les rebords de son test écail-
leux.
/• Genre. Les ORYCTEROPES {Onjiteyo-
]ns, Geoff. ) ont vingt-six dents, savoir : point
d'incisives; point de canines; quatorze molai-
res en haut et douze en bas, toutes composées
d une grande quantité de petits cylindres creux.
Leur peau est épiiisse, mais non écailleuse, et
leur corps est couvert de poils ras; ils ont qua-
tre doigts aux pieds de devant, cinq à ceux de
derrière, munis d'ongles plats et non tranchants,
propres seulement à hm\r ; leur langue est un
peu extensible ; ils ont la queue et les oreilles
longues.
L'Okvctérope nu Cap , ou Cociiox de terre
(Onjcttropus cai)ensis , Desm. Mijrmerophaqa
o/i-a, Pai.l. Mip-mecopliaga rapctisis, Gml.Ic
Cochon df terre, Bi ff. ) a trois pieds et demi
(1,157) de longueur, non compris la queue, qui
a un pied neuf pouces (0,569). Son corps est
épais, ses jambes sont conrtes; ses oreilles ont
un peu plus d'un demi-pied (0,162). Son pelage,
composé de poils roides comme des soies, est
d'un gris roussàtre. avec la jambe, l'avant-bras
et les pieds noirâtres; sa queue est presque
blanche. Cet animal a été tellement chassé par
les Hollandais du Cap, qu'il est devenu extrê-
mement rare dans la colonie.
Le cochon de terre habite les environs du cap de Bonne-Espérance et vil
dans un terrier. Le voyageur hollandais Kolbe, quoiqu'il ait dit beaucoup de
choses hasardées, a cependanl très-bien connu cet animai. « Il se creuse un
LONG[ROSTRES.
389
terrier avec beaucoup de vivacité et de promptitude, dit-il, et s'il a seulement
la tête et les pieds de devant dans la terre, il s'y cramponne si bien que riiomnic
le plus robuste ne saurait l'en arracber. Lorsqu'il a faim, il va cbercber une
fourmilière. Dés qu'il a fait celte bonne trouvaille, il regarde autour de lui
pour voir si tout est tranquille et s'il n'y a point de danger : il ne mange
jamais sans avoir pris cotte précaution. Alors il se coucbe, et, plaçant son long
museau tout près de la fourmilière, il lire la langue tant qu'il peut : les fourmis
montent dessus en foule, et dès qu'elle en est bien couverte, il la retire et les
gobe toutes. Ce jeu recommence plusieurs fois, et jusqu'à ce qu'il soit rassasié.
Afin de lui procurer plus aisément celte nourriture, la nature, toute sage,
a fait en sorte que la partie supérieure de cette langue qui doit recevoir les
fourmis est toujours couverte et comme enduite d'une matière visqueuse et
gluante, qui empêche ces faibles animaux de s'en retourner lorsqu'une fois les
pattes y sont empêtrées : c'est là sa manière de manger. Il a la chair de fort
bon goût et très-saine (quoique exhalant une forte odeur d'acide formique).
Les Européens et les Hottentots vont souvent à la chasse de ces animaux;
rien n'est plus facile que de les tuer : il ne faut que leur donner un petit coup
de bâton sur la tête. »
8« Genre. Les FUUR:>IILIERS (.Mijrmecc-
phagn, LiK.) ninnqueuf absolument de dénis ;
ils n'ont pas de euirasse écaiileuse; leur museau
est long, terminé par une petite houelie; leur
mâchoire inférieure e.st presque rudimentaire;
leurs ongles de devant sont forts et tranchants,
et varient en nombre selon les espèces; leurs
oreilles sont courtes ; leur langue est lrès-e\teii-
sil)!e ; leur queue est longue, velue, lâche, quel-
(|uefois nue et prenante.
390
LES EDENTF.S.
L'OUATERI-OUASSA OUTAMAVOIR { Mijrmccopliaga jubalo, Lin. — Df.sm. Le Tii-
inaiiiiun-Giiacn du Brésil. Le Gnoiiroiinti el le Yoquoin on ïofioni du Pnragiiay.
[>e Tamiutoir de Buff. et de G. Cuv.).
Cetanimal, de la grosseur d'un mâtin, a quatre pieds (1 ,299) de longueur, non
compris la queue, qui en a trois (0,975). Son corps est bas sur jambe proportion-
nellement à sa longueur; sa tète est fort mince, allongée, et se termine par un
long museau presque cylindrique, et par une bouclie extrêmement petite. Tendue
d'environ un pouce. Ses pieds de devant sont munis de quatre doigts, et ceux de
derrière de cinq ; ses oreilles et ses yeux sont très-petits ; sa queue est garnie de
très-longs poils. Son pelage est brun, avec une ligne oblicjue, noire, bordée de
blanc sur cliaque épaule. Ses pieds de devant sont blanchâtres, ceux de derrière
noirâtres.
En marchant, le tamanoir s'appuie sur une grosse callosité contre laquelle il
tient replié le plus grand de ses ongles, et qui sert aussi de point d'appui à cet
ongle quand l'animal saisit quelque objet. Cette attitude le force à ne poser le
pied que sur le côté, ce qui rend sa marche lente, difficile et fort peu gracieuse.
Il ne se promène guère que la nuit, et il dort tout le jour dans un fourré, couché
sur le côté, la tête entre les jaml)es de devant, rapprochées et croisées avec celles
de derrière, et la queue étalée sur lui. Comme il craint beaucoup la lumière, si
un accident le contraint à sortir de sa retraite pendant le jour, en marchant il a
LONGIKOSTULS. 391
niiuul soin (l(; relever sa (|iieiie sur son clos, et avec sou pauache il se fait uue
sorte (le parasol qui le garantit des rayons du soleil. Sa vie est solitaire et
triste, et jamais il n'habite que les lieux bas et humides, ou même inondés;
qiiehiuefois aussi il pénètre dans les bois pour chercher sa nourriture, mais,
malgré la puissance de ses ongles, il ne grimpe jamais sur les arbres. Sa prin-
cipale nourriture consiste en fourmis et en termites, mais il mange aussi d'au-
tres insectes. On sait que les termites sont une sorte de fourmis qui se logent
dans des cônes de terre, hauts ((uelquefois de plusieurs pieds et larges à pro-
portion. Ces habitations sont construites avec tant de solidité, qu'on a souvent
beaucoup de peine à les entamer avec une proche ou un pic. Quand le tamanoir
a trouvé un de ces cônes, il en fait deux ou trois fois le tour en l'observant mi-
nutieusement; puis, lorsipi'il a reconnu l'endroit faible de l'édifice, il y fait un
petit trou avec les ongles de ses pieds de devant. Il applique le bout du museau
contre cette ouverture, ou même quelquefois il l'y enfonce plus ou moins pro-
fondément, jusqu'à ce qu'il ait rencontré la population pressée des termites.
Alors il allonge une langue de la grosseur d'un tuyau de plume à écrire, longue
de dix-huit pouces (0,487), et enduite dans toute sa longueur d'une salive ex-
tiêmement visqueuse et gluante ; il la promène dans tous les sens, en la tortil-
lant comme un ver de terre, puis, quand elle est couverte de termites qui y
restent englués, il la retire tout à coup dans sa bouche et avale tous les in-
sectes qui s'y sont pris. Il répète cette manœuvre avec beaucoup de prompti-
tude, jusqu'à ce qu'il ait entièrement satisfait sa faim. Il exécute la même
manœuvre pour manger les fourmis, après avoir gratté la terre pour ouvi'ir la
fourmilière.
Tout dormeur qu'il est. le tamanoir ne laisse [tas que d'être plein de courage,
et de se défendre avec opiniâtreté quand on l'attaque. Dans ce cas, il se dresse
sur ses pieds de derrière, et cherche à s'appuyer le dos contre un rocher ou un
tronc d'arbre; il se couvre le corps avec la queue, et abrite son faible museau
en l'appliquant contre sa poitrine. Dans cette attitude, il présente constamment
à son ennemi ses ongles puissants, avec lesquels il lui fait de profondes bles-
sures. On dit qu'il se défend même contre le jaguar, et que si ce dernier a l'im-
prudence de l'aborder sans précaution, le tamanoir l'étreint entre ses bras et
ne le lâche qu'après l'avoir étouffe ; ceci me paraît au moins douteux. Quoicpi'il
en soit, cet animal, le plus grand des fourmiliers, est extrêmement robuste et
fort difficile à tuer. S'il n'est pas attaqué, il n'en est point de plus paisible et
de moins dangereux. Quand on le rencontre, si on ne l'irrite pas, on peut le
chasser devant soi et le conduire ainsi partout où l'on veut ; mais il faut avoir
la précaution de ne pas trop le presser poui- ne pas le fatiguer, ce qui pourrait
l'impatienter. Pris jeune, il s'habitue assez bien à l'esclavage, et vit de pain et de
petits morceaux de viaiule ; il s'attache à son maître jusqu'à un certain point;
mais sa tristesse habituelle s'accroît avec l'âge, et ordinairement il périt d'ennui
peu de temps après avoir atteint l'âge adulte. La femelle ne fait qu'un petit, et
a pour lui le plus graïul attachement ; jamais elle ne le quitte, et lorsqu'elle sort
de sa retraite pour aller chasser aux termites, elle le porte constamment sur sou
dos, et passe même des rivières a la nage avec sa précieuse charge. Le tama-
noir habile le Brésil, la Guyane, le Paraguay et le Pérou.
392
LES ÉDENTES.
Le Caïgouabé ou Tamandua IMiirmeropUaga
tfimanclita, G. Cuv.— Desm. Les Mtjnnerophaga
Iridartiila et tilrada(tiiln,'ï.\y. Le Tomnndua
de Bii'F.ct CiJV. Le Petit Ours fourmilier desEs-
pagnols ) est de inoiti" moins grand que le pré-
cédent, dont il a la forme des ])ieds ; sa queue
est presque ronde, velue à sa base et nue à son
extrémité; sa tête est cylindrique et allongée;
,'on pelage est ordinairement d'un gris sale,
ayant souvent une bande oblique d'une autre
couleur sur chaque épaule. Il en existe plusieurs
variétés, l'une ajant un cercle noir autour des
i|eux, d'autres à pelage fauve et bande noire, à
pelage fauve ayant la bande, la croupe et le ven-
tre noirs, enfin d'entièrement noirâtres qui sont,
je crois, le Mtjrmeeopliagn uigra de Geoffroy.
11 habite la Guyane et le Brésil, et a les mêmes
mœurs quele précédent, à cela près qu'il monte
sur lesavbrcs, dans le tronc desquels il niche
Il exhale une forle odeur de musc, qui devient
très-désagréable et se sent de fort loin quand il
est irrité. Il a la queue prenante et s'en sert
souvent pour se suspendre aux branches d'ai-
bres. Il parait qu'il allaque, outre les fourmis,
les abeilles sauvages, et qu'elles ne le piquent
|)as.
Le FoLiniiLiER ANXELÉ {^]tJrmecophaga annn-
luta, Des>i.) ressemble au précédent, mais son
museau est plus gros, en forme de groin ; son
pelage est d'un brun uniforme; sa queue est
ronde, velue, annelée de fauve et de brun, il
habite le Brésil.
Le FoLiiMiLiF.R A DEi X DOIGTS (Miirmeeoj)haga
didaetijla, Lin. Mijimceopliagu wiieolor, var.
Geoff. Le Peitt l-'ourmilier, Buff. L'Onutiri
ouassou, à la Guyane ) est de la taille d'un sur-
mulot ; son pelage est laineux, fauve, avec une
ligne rousse le long du dos, manquant dans la
variété unicolore; sa queue est prenante, nue
au bout; il a aux pieds de devant deux ongles
seulement, dont un fort long, et quatre à ceux
de derrière. 11 habite la Guyane et le Brésil, sur
les arbres où il se suspend par la queue à la
manière des sapajous. 11 a les mêmes mœurs
que les précédents, mais il niche dans les troncs
d'arbres, où la femelle met bas un seul petit ,
sur un lit de feuilles sèches.
9' GEMtE. Les PANGOLINS {Mmiis, Lin.)
n'ont point de dents; leur langue est très-exten-
sible ; leur corps et leur queue sont couverts
d'écaillés triangulaires, tranch.mtes, se recou-
vrant les unes les autres comme les tuiles d'un
toit, ce qui les distingue sulfisanmient des four-
miliers ; ils ont cinq doigts à tous les pieds, et
ils peuvent se rouler plus ou moins en boule.
L'ALLJici) ouPancolin de l'Ixde [Manis pen-
tndarlijla, Li>. Maiiis macroiira, Dksm. Manis
brachtiura, Eiixl. Mnuis erassirandata, (iEOFF.
Tatii mnstrlinus, Kleix. Le Pangolin, âc Bupf.
Le Pangolin à quene eourte, de G. Cuv.) est
long de trois ou quatre pieds (0,97o il 1 ,299); sa
tête est petite; son museau allongé et étroit ; son
corps assez gros ; la queue est pins courte que
le corps; les écailles de son dos sont blondes et
forment onze ou treize rangées longitudinales ;
le dedans des membres et le ventre sont nus;
quelques soies très-longues sortent d'entre les
écailles. Il habite les Indes orientales.
Les pangolins se creusent un terrier au moyen de leurs ongles robustes, et
ils n'en sortent que la nuit pour aller chercher leur nourriture, consistant,
comine celle des animaux précédents, en termites, en fourmis et autres insectes.
On prétend aussi qu'ils mangent des mollusques et même des petits lézards,
mais ce fait me paraît mériter confirmation. Munie d'une langue très-longue,
extensible, enduite d'une humeur visqueuse, ils s'en servent absolument coinme
les fourmiliers, pour ramasser les fourmis elles termites dans leurs habitations.
Les pangolins sont des animaux paresseux, lents, et se bornant à pousser un
petit cri très-faible lorsqu'ils sont effrayés. Mais la nature leur a donné, dans
les écailles qui les couvrent, une arme défensive, qui les sauve des animaux de
proie, si ce n'est de l'honnne, le plus cruel de tous. A la première apparence
de danger, ils se roulent en lioule ; « leurs écailles, dit Buffon, sont mobiles
comme les piquants du porc-épic, et elles se relèvent ou se rabaissent à la vo-
lonté de l'animal ; elles se hérissent lorsqu'il est irrité, elles se hérissent encore
plus lorsqu'il se met en boule comme le hérisson ; ces écailles sont grosses, si
dures et si poignantes, qu'elles rebutent tous les animaux de proie; c'est une
cuirasse offensive qui blesse autant qu'elle résiste ; les plus cruels et les plus
affamés, tels que le tigre, la [lanlbére, etc., ne font que de vains efforts pour
LONC.IIlOSTlUvS.
39:1
dévorer ces animniix armés; ils les l'oulenl, ils les roulent, mais en même temps
ils se font des blessures douloureuses dès qu'ils veulent les saisir; ils ne penvenl
ni les violenter, ni les écraser, ni les étouflér en les surchargeant de lein'
poids. » Ceci n'empêche pas les Indiens et les Nègres de les assomiuer à con|is
de bâton pour les manger, et ils trouvent excellente leur chair blanche et déli-
cate. Ces animaux, du reste, sont fort doux, tout à fait inoffensifs, mais sans
intelligence. « C(; sont, dit Buffon, des espèces dont la forme bizarre ne paraît
exister que pour fair(; la première nuance de la figure des quadrupèdes à celle
des reptiles. » Kn effet, au premier coup d'œil, on les prendrait plutôt pour
des lézards que pour des mammifères.
Le Qoor.OLO {Munis afrirann, Desm. Manis
Ictrndaiiijla, Lin. Manis lovgirniiilatn. (iiofp.
Mnn'is v.\(iirimr(t. Eiixr,. Le Pangolin à longue
qneur, G. Clv. Le Phalngin, Buff. ) a nn pied
|tl,.{2o) (le longueur, non compris la (pieue qui
est pUis longue que le corps, et qui a ilix-neul
ponces iO,.)l{); elle est aplatie. La Icte est
petite ; ses écailles dorsales l'oruieiit onze ran
gees longitudinales, et celles des coles sont ca-
rén('es ; le dedans des memlires elle ventre
sont i"ev(Mns de soies brunes. Il se trouve eu
Alriipie, principalement en Gninc^e et au .Sé-
négal. Tout ce que nous avons dit du précé-
dent s'applique à celui-ci.
Ll- IVvNf.LLLINO ou TcillN CIMA^-KUPP (Mouis
jninnira, Dksii.) a un pied quatre pouces ((),.")''(.>)
(le longueur, non compris la queue, (pii est dé-
primée, el quia treiz? pouces ((),.').")2) ; ses écail-
les son Ibi'u nés, plus cla ires sin- les bords, minces,
siriées. et roi'meni di\-sept rangées sur son dos;
le dessous de In lele, le ventre et les pâlies man-
quenl de poils. Cette espèce tiabite Java (4 la
(^hine. (^n ne connaît pas bien ses ukpiu's; il est à
croire (pi'elles sont comme dans les précédents.
r^u
39*
ij:s i-:hKNTKs.
.'Oinitliorjnqiii'
ij:s Mo.MiTi{i:\ii:s.
Placi's pnr' TiMiimiiuk, cl avant lui par I,a-
Ireille, îi la lin de la classe des manimifcres ,
y eussent aussi été placi-s par moi, si, con)nie je
l'ai dit dans l'introdiietion, je ne m'élais f.iit
une loi de suivre strietenient la classilicalinn
de Cuvier. Ils manquent de dents; ils ont,
comme les oiseaux, un os de la fourchette, et
un cloaque commun ; comme chez les niîusu-
piau\ on leur trouve sur le piihis des os surnu
méraires, mais ils n'ont pas de poche. Tous
leurs pieds ont cinq doiots.
10e Genre. Les onXITHORHYXQlES {Or-
i////ioy/ii/ii(/n(s,Bi.t >iEM[ ni.inquent de dénis vé-
rilaliles, mais ils ont à ch.i(|Me maxillaires deux
luhercules (ihreux, aplalis, (juadrilatère à leui'
couronne, ii'a\anl ni (m il, ni sui>>lance os-
seuse, et qui ont é'c- c.>ni|).irés à des dents ;
leur nmseau consiste en un vérilaltle bec ana-
logue à celui des canards, corne, elaigi, dé-
primé, dentelé sur les bo: ds, portant les narines
à sa base supérieure ; les pieds sont palmés,
ceux de deriière |)()rlent un erpot analogue à
celui desoiseaux.Ona débile beamoup de contes
sur ces singuliers animaux.
Le MOUl'LEXGONG OU ORNITHORHVNQUE P.AUADOXAL {Ont'uhorl.]liichus pma-
doxiis, Bi.uMF.NB. Les Ormllior/njuchus fuscus el rnj'u^. de Pkrox. et LKsrn r.
Plahjpvs anntiintfi, Shaw. Le Water-niote des hahitanls de Sydney ,.
Cet animal est certainement l'être le plus singulier (|iii existe dans la nature,
et il semble avoir été créé exprès pour embarrasser les naturalistes. Sa lêie esl
ce qu'il a de plus extraordinaire, au premier coup d'reil; elle est postérieure-
ment recouverte d'un poil court et lisse; la petitesse des yeux et le mampic
d'oreilles, ainsi rpie la forme générale du crâne, lui donnent un peu rap|)areuce
de celle d'une taupe : mais ce erîine se prolonge anlérieiircnienl en un véritable
bec, muni de membranes cornées, courtes et pres(pie flottantes à sa base. Dans
INTERIEUR DES GALERIES DHISTOIRE lîATURELLE
I .1 » , ,! , 1, .1 r s P I .. I. 1 . >
MO>OiliE.MES. 395
et' bec se Iroiive deux liiiigues soudées : une luiiyue, exli-usiblc, hérissée de
poils courts et serrés ; une courte, épaisse, porlant en avant deux petites pointes
charnues. L'animal est à peu prés de la grosseur d'un lapin de garenne; son
corps est allongé, presque cylindrique ainsi que celui d'un [)hoquc, couvert de
poils roussàtres, menus et lisses, terminé par une queue courte, mais aidalie
comme celle d'un castor, et lui servant également de gouvernail (piand il nage ;
ses jambes sont très-courtes ; les pieds de celles de devant sont nnuiis d'une
membrane (jui, non-seulement réunit les doigts, mais dépasse de beaucoup les
ongles, et il résulte de cette bizarrerie sans exemple que les doigts semblent
comme perdus dans une sorte de nageoire. Dans les pieds de derrière la mem-
brane se teiinine à la racine des ongles; mais ils ont une autre singularité non
moins remarquable : ils sont armés, connue les pattes d'un cu(|, d'un ergot
particulier, long, pointu, posé sur une glande et non porté par un os, ce qui
le rend légèrement mobile quand il ajipuie sur un corps étranger. Cet ergot
est percé, dans sa longueur, d'un canal par où s'échappe une liqueur onctueuse,
que les naturalistes ont dit venimeuse, quoicju'il n'en soit rien. La lemelle
manque d'ergot, mais elle a à la place un i>etit trou, ou plutôt une l'ente longue
au plus d'une ligne (2 niillim.i, épanchant la même liqueur quand la glande
est comprimée. Enfin, l'anatomie de l'animal ofl're des laits si étranges, qu'on
y retrouve des caractères appartenant aux oiseaux, aux reptiles et aux mammi-
fères de plusieurs ordies.
L'ornithorhyncpie a soulevé plusieurs polémiques toutes plus cinieuses les unes
que les autres, et c'est le scalpel à la main que les naturalistes ont fait et sou-
tenu les romans les plus bizarres, faute de connaître les uKcurs de l'animal, ses
habitudes, dont ils traitent si dédaigneusement l'étude de roman. Citons quel-
ques-unes de leurs opinions vraiment fantastiques. En 1827, les Annales des
sciences naturelles inséraient un article anonyme, traduit de l'Anthologie de
Florence, dont voici (pudques échantillons : « L'ornithorhynque habite les ma-
rais de la Nouvelle-Hollande : il fait, parmi des toulles de roseaux, sur le bord
des eaux, un nid qu'il compose de bourre et de racines entrelacées, et y dépose
deux œufs blancs, plus petits que ceux des poules ordinaires; il les couve long-
temps, les fait éclore comme les oiseaux, et ne les abandonne que s'il est menace
par quelque ennemi redoutable. Il paraît que pendant tout ce temps il ne man^e
ni semence ni herbe, et qu'il se contente de vase prise à sa i)ortée, ce qui suffit
pour le nourrir. 11 plonge, etc., et n'emploie ordinairement (pi'une narine pour
respirer l'air. Le mâle, le seul qui soit armé d'un éperon a la jambe de derrièi-e,
emploie cette arme contre ses agresseurs. La blessure qu'il fait produit une in-
tlannnation et une très-vive douleur, mais il n'y a pas d'exemple (ju'elle ait oc-
casionné la mort. » Et qu'on ne croie pas que ceci est lui conte, un pull de
journaliste, comme disent les Américains. Des hommes du premier mérite, des
naturalistes les plus distingués ont voulu prouver, le scalpel à la main, que
l'ornithorhynque fait des œufs, et ils se sont tellement complu dans cette opi-
nion, que plusieurs ont nié à Meckel tpie la femelle ait deux mamelles, lors
même qu'ils les voyaient. Examinons donc maintenant si tout ce merveilleux se
soutiendra devant les (d)servalions des voyageurs, et racontons l'histoire de cet
animal tel (|ue la racontent ceux (jui l'ont étudié dans la Nouvelle-lbdlande.
Le iiioiillt'iigoiig osl un animal nocluriKi, qui fuit la clarle <lu soleil paico
([u'eilc rincoiiunocle, et qui ne sort ((ue le soir et le malin, pendant le crépus-
cule, pour aller nager sur le hord des marais et des rivières. 11 habile des ter-
riers qu'il creuse sur les dunes, le plus près de l'eau possible, et ()ui ont la |>ro-
lomleur et la largeur d'un terrier de lapin. Il ne fait i)as de nid au n)ilieu des
roseaux, mais au fond de son trou; il n'y pond pas deux œufs gros comme ceux
d'une poule, car son bassin Irès-étroit ne permetlrail pas le passage à un œuf
inème beaucoup plus petit, mais il y met bas trois ou, rarement, quatre petits,
(pji sont presque nus en naissant, et qui n'ont pas alors plus d'un pouce et demi
0,041) de longueur, quoique, à l'âge adulte, ils atteignent vingt pouces (0,5 52);
c'esl-à-dire (ju'au moment de leur naissance, leur taille, comparée à celle de
leurs parents, est à peu prés la même proportionnellement que dans les autres
animaux. La femelle allaite ses petits, et voilà ce qui a embarrassé les natura-
listes, car, comment avec un bec corné, disent-ils, les petits peuvent-ils teler'
Mais la nature y a pourvu. La femelle a bien réellement des mamelles sur le
ventre, mais elles manquent de mamelon, et les canaux excréteurs du lait vien-
nent au contraire aboutir à une petite fossette enfoncée. Le jeune ornitliorbyniiue
saisit avec un côté de son bec une grande partie de la mamelle, la [)resse, et le
lait est ramassé avec sa langue double à mesure qu'il sort, sans qu'il y ait même
besoin de succion. Les ornilborbynques ne vivent ni de semences, ni d'berbc. et
encore moins de vase, mais de vers et d'insectes aquati([ues. Sans cesse ils na-
gent sur les bords vaseux des nuirais, et ils barbotent dans la boue et dans les
herbes, absolument à la manière des canards. Us nagent parfaitement bien,
avec beaucoup de vitesse, et plongent à une assez grande profondeur pour ra-
masser les insectes du fond de l'eau; puis ils viennent respirer à la surface non
pas avec une seule narine, mais avec les deux, qui sont placées fort près l'une
de l'autre, et au premier quart de longueur de la mandibule supérieure du bec,
prés de sa base. Quant à l'ergot du mâle, ce n'est point une arme, connue l'ont
dit quelques personnes, encore moins un organe pour maintenir sa femelle pen-
dant l'accouplement, qui se fait de la même manière que chez les autres mam-
mifères ; c'est tout simplement un organe sécréteur analogue aux glandes (pie
les oiseaux, et surtout les oiseaux aquatiques, ont sur le croupion. L'animal,
avant d'entrer dans l'eau et après en être sorti, se passe à plusieurs reprises les
pattes de derrière sur le corj)s, se lisse le poil, et répand dessus la liciueur onc-
tueuse qui, chez le mâle, est sécrète par l'ergot, et chez la femelle par la petite
ouverture qui le remplace. Cette liqueur a la propriété, toujours connue chez
les oiseaux, de rendre le pelage imperméable à l'eau. Du reste, ces animaux
sont tout à fait inolïensifs, et ne cherchent pas plus à |»i(pier (ju'à mordre, quoi
(|u'on en ait dit. Sur la terre, la brièveté de lem-s membres les force à ranq)er,
et cependant leur marche est assez vive; aussitôt ({u'ils se croient en danger,
ils se jettent à l'eau, dont ils ne s'éloignent guère, ou s'enfoncent dans leur
terrier s'ils en sont à proximité. Leurs habitudes ont beaucoup d'analogie avec
celles de nos rats d'eau.
M. Bennel, qui habitait Sydney en 1852 et 1855, conserva pendant assez
longtemps un ornithorhyn(|ue dans ui\ tonneau où il avait mis de l'herbe et de la
vase. Il le nourrissait avec du pain trcnqié dans l'eau, mélange avec des œufs
MO.NOiUÈMES. 397
ciiils il dur L'I (II' la viaiido hachée. Il était fort doux et montrait quekiue intelli-
gence; par exemple, ctimnie on le conduisait f|uel(|nefois à l'eau en le tenant en
laisse au moyeu d'un luhan ({u'(m lui attachait à la jambe, il apprit très-vite à
connaître le chemin ipii menait à la rivière, et marchait devant ceux qui l'y con-
duisaient. On remarqua (pi'il plongeait souvent, qu'il nageait toujours en re-
montant le courant, (ju'il cherchait de préférence les endroits herbeux pour
barboter, etc. De temps à autre il sortait de l'eau, venait se coucher sur l'herbe
du rivage, et s'occupait avec beaucoup d'action à se lisser les poils avec les pieds
de derrière, juscpi'à ce qu'ils devinssent lustrés et brillants. M. Bennet fit beau-
coup de recherches pour savoir si ces animaux faisaient des œufs ou des petits;
il fit ouvrir un grand nombre de leurs terriers, et enfin, dans l'un d'eux, il
trouva une femelle avec trois petits qui venaient de naître, mais jamais le moin-
dre fragment d'œuf ni de coquille. Les petits étaient foit bien portants, et la
mère fort maigre ; il lui pressa les mamelles et il en sortit du lait, mais en fort
petite quantité. En captivité, la mère dormait tout le jour à côté de ses petits,
et la nuit elle s'occupait constanmient à chercher les moyens de se sauver; elle
grattait contre les murailles et parvenait à y faire des trous. Elle mourut de
chagrin après une quinzaine de jours. Les petits, que l'on nourrissait connue je
l'ai dit plus haut, vécurent. Ils étaient fort gais, fort lestes, et jouaient comme
de petits chiens avec assez de grâce. L'ini d'eux, au moyen de ses ongles, grimpa
en assez peu de temps jus(pi"au haut d'une bibliothèque. Us étaient fort capri-
cieux, et changeaient souvent de i)lace sans aucune raison appréciable; ils dor-
maient la plus grande partie de leur temps, et pour cela ils se retiraient dans les
endroits les plus obscurs de rapi)artement.
Autrefois rornilborhyuque était Irés-conniiun dans la rivière Népéan et au
pied des montagnes Dleues; aujourd'hui on ne le trouve plus guère qu'à New-
Castle, à Fish-River prés Bathurst, et dans le Mac(piarie et le Campbell. On a
cru qu'il y en avait |)lusieurs espèces, i)arce (pi'il varie beaucoup de taille et de
couleur ; mais il paraît, au moins juscpi'à ce jour, (pie ces prétendues espèces ne
sont que des variétés de l'ornithorhyiKpie [)aradoxal. Les auteurs qui se sont le
plus occupés de l'anatomie de ces animaux si extraordinaires sont : Meckel,
Blumenbach , Everard-Home, Vander-lloeven, lUidolphi , Knox , Patrick-IIill,
de Blainville, George et Frédéric Ciivier, Geoffroy Saint-IIilaire, Isidore Geof-
froy Saint-IIilaire, etc.
Ije GtMiE. Les ECHIDNES {Eihidna, G. hisliLr, III. Miirmccoitlioga aciilcata, biiAW.I
Ciiv. ) u'oiit pas do deuts, mais k-ui" palais est est à |)eii |)rès de la grosseur d'un hérisson, et
garni de plusieurs rangées de petites épines di- a la laculté de se rouler eu !)oule comme lui ;
rigées en arriére; leiu" museau est Irès-mince, tout son corjis est couvert en dessus de fortes
très-allonge, et se termine par une fort petite épines coniques, d'un pouce ;i un pouce et dem'
bouche; leur langue est frés-exteusible ; leur (0,()'2~ i^i',Oj|i de longueur, noires à la pointe
corps est ramassé, recouvert de piquants très- et blanchâtres sur leur longueur, entourées à
forts ; leurs pieds sont courts et ont chacun cinq leur base de petits |)oils roux ; des poils coui'ls
ongles très-longs et très-robustes ; le nude a aux et roides couvrent aussi la tète et le dessous du
pieds de derrière un ergot comme celui de l'or- cor|)s.( et animal, dont l'organisation est aussi ex-
ni1horh\nque : leur queue est très-courte. Iraordinaireque celle de l'oriiitliorh\nque,avec
I/IlEi)r.E-[Io(i ou EciiinivÉ n-nnix ( I.iIihIiki lequel il a beaucoup d analogie, habile les envi-
hislii.t , Cuv. lùhidiia (iiialraliensis , I>es.s. rons du jiort Jal<son, dansla ÎSouvelle-Ilollande.
0»iiit/icr/iyiu/ii(S hishij:, Ho.me. TiKhijfjlosiiiiit 11 vit daus des terriers, et se nouiril d insectes
398
LKS EDENTES.
el de foiuinis qu'il saisit avec sa langue extensi-
ble à la manière des pang lins. Il |)arait qu'il
craint beaucoup la sécheresse, et qu'il ue sort
de son trou que pendant les pluies ; peut-être y
reste-t-il dans un étal de léthargie, car on l*a
vu, dans l'esclavage, avoir de fréquents engour-
dissements qui duraient jusqu'fi cjuatre jours de
suite. Du reste, il supporte longtemps une absti-
nence forcée, ce qui rendrait pr(tbal)le son som-
meil léthargique pendant toute la saison sèche.
L'ÉcuiDivÉ soYKUX {Echiditd setiisa , (i. Civ.
Alter oniilhorhiincliiis hislri.c, Uohik) ne serait,
scion M. Lesson, qu'une variété du pr(C('dent,
et je serais assez p(jrté à pai'tager cette opinion.
Cependant, il est un peu plus grand, ses ongles
sont un [leu moins longs, plus arqués et |)lus
pointus; tout le corjis est couvert de poils longs,
doux et soyeux, d'un brun marron, envelop|)ant
les épines dans leur presque totalité ; la tcte est
couverte de poils jusqu'aux \eux; le museau est
noir et nu. Il habite la terie de Van-Diemen
et le détroit de Bass.
ROTONDE DE LELEPHANT
( I « ■ .1 , „ ,1 ,• - Ml
LES PACHYDERMES,
DIXIKME ORDIU- DKS MAMMIFERES.
L'F.lépViant femelle île l'Inde
A 1 r\c('|)ti(»ii (lu (laiiiaii, tons les aiiiiiiaiu df
vvi orfire n'ont |)as ddiiplo, mais une soilc de
sabot Ho corne qui Iciii' enveloppe tonte l'e\lré-
niil(^ des doiRts ; ils ont qneltinefois les trois sor-
tes de dents, d'antres fois deux seulement , leur
estomac est simple, divisi- en plusieurs poclirs,
et ils ne ruminent ])as; le noml)re de leurs doi{;ls
\arie de un a cini].
l"' DIVISION. J'iedx a <i»q doigts que l'on vc
(listiug'ic que i)ur hs ongles; une trompe cl
ries i!efi)iscs.
T' (.K\it!:. l/.'s Él,KPH.4XTS ; E/r/Wiro. Ln.l
sont assez reconnaissabies par leur taille gigantes-
que, leur nez iirolongé en une énorme trompe,
à leui's d('lenses longues et arcpices, naissant à la
inàeinii'e inlerienre. Ils ont si\ on dix dents
savoir : deux défenses ; i)as de canines . den\ on
(ppalre molaires eu liant et autant en lias selon
lépoque où on les examine.
L'Kliph4?»t dis ï\\)V.s (Kli'j)Uns mn.rimiis,
Ij>. Elephas hidinis , G. (av. L' Ehiihaut.
RiiFi-. I (/est le plus grand des mammifères ter-
restres qui vivent au)ourd'liui sur le glolie; sa
hauteur est commuiK'menl de huit à neuf pieds
(2,599 à 2 924), et quelquefois davantage ; il dif-
fère de l'éléphant d'Afrique par ses oreilles et
ses d('fenses plus petites, |)ar son Iront concave,
et i)ar ses pieds de derrière qui ont quatre sabots
an lieu de trois; sa peau est aussi un peu moins
brune. (Quelquefois on en trouve des individus
albinos, entièrement blancs, et pour les(|uels les
Indiens ont beaucoup de vénération.
L'Iiisloiie de léléplianl est lellemeiif coiiiiiiede tout le momie, on en a lelle-
menl bercé noire enlaiice, ((ii'il serait fastidieux ici de répéter ce que chacun
en a entendu dire mille lois dans sa vie. Cependant nous rapporterons les faits
généraux, avec quelques observations moins connues «lu public. On a dit que
l'éléphant était le plus intelligent des animaux, et en ceci on s'est trompé. Il
s'en faut de beaucoup que son intelligence ap[»roche de celle du chien, et même
de celle de plusieurs autres carnassiers, et telle élail aussi l'opinion de C. Cii-
',00 I.KS PACllYDiaiMES.
vi(M'. (Iclaniniiil, (riin aspect iinposniit et même elTrayant par son énorme taille,
est. néanmoins d'un caractère assez donx et d'nne grande docilité; ce sont ces
fpialités qne l'on a prises ponr de l'intelligence, et cependant elles ne résultent
|)eut-èlre (pie de sa poltronnerie. Il est certain que le courage de l'éléplianl
n'est nullement en rapport avec sa force prodigieuse, et ne peut se comparer
à celui dn cheval. Je n'en citerai qu'une preuve, c'est que januiis on n'a pu l'ac-
coutnmer à entendre la détonation d'une arme à feu sans prendre la fuite, et
ipie depuis qn'on se sert de ces armes dans les batailles, on a été obligé de re-
noncer à l'employer, si ce n'est pour jjorter les bagages. Celui de l'Inde n'atta-
que jamais les hommes ni les animaux, mais s'il eu est attaqué il se défend avec
la fureur du désespoir, et alors il devient terrible, tant que durent sa peur et sa
colère. Une fois pris et apaisé par ((U(;lqnes bons traitements, il devient donx
et soumis, et il ne faut que quelques jours pour l'habituer à la servitude et à
une obéissance |)assive. On a dit aussi que l'éb'phant était plein de décence,
(pi'il ne s'accoiii)lait pas en esclavage par pudeur, et que, pour cela, il n'avait
jamais produit en captivité. Il y a là dedans autant d'erreurs que de mots. Cet
animal ne connaît pas plus la pudeur qne les autres animaux, et on en a vu la
preuve à la ménagerie de Paris; il s'accouple et produit à l'état de domesticité,
et cela est prouvé depuis l'antiquité, qnoicpie Biiffon ait assuré le contraire. Elien
et Columelle affirment que les éléphants se reproduisaient à Rome de leur temps,
et que ceux cpii parurent dans les jeux de Germanicus, sons Tibère, étaient nés
dans cette ancienne capitale du monde. Ce qui conliiiue parl'aitement ce fait,
c'est que M. Corse, (|iii dirigea longtemps dans iliide les éléphants de la Com-
pagnie anglaise, a réussi récemment à les faire produire. Enfin, une erreur
|)opulaire est (pie ces animaux ne peiiv(Mil pas se coucher, (pi'ils dorment con-
stamment debout, et qne s'ils sont tombés ils ne peuvent plus se relever. Le
vrai est qu'ils s'agenouillent, se couchent et se relèvent quand ils le veulent,
mais que l'on trouve chez eux, comme chez les chevaux, des individus qui dor-
ment debout, et par consécpient ne se couchent que très-rarement on même
jamais.
On sait avec quelle adresse ils se servent de leur trompe, qui chez eux rem-
place la main des singes. Elle leur est indis|)ensable en ce (pie, ne pouvant
baisser leur énorme tète jusqu'à terre, c'est avec elle qu'ils cueillent et por-
tent à leur bouche les herbes et le feuillage dont ils se nourrissent. Dès la plus
hante antiquité on les a soumis à la domesticité; on les a dressés à faire le
service des bêtes de somme et de trait, et on les em|)loyait très-utilement à la
guerre. Ou leur plaçait sur le dos une sorte de petite tonr en bois, dans laquelle
se postaient des archers et des arbalétriers, qui, hors d'atteinte, incommodaient
beaucoup l'ennemi. Depuis l'invention des armes à feu, on ne s'en sert plus que
comme bètes de luxe on de transport, et au lien de porter de faioiiches soldats,
ils ne sont plus moulés aujourd'hui que par des rajas efl'éminés et leurs femmes.
C/est un tres-giand sujet de gloire pour un prince asiatique (pie d'avoir un
grand nombre d'elephants dans ses écuries, et il se croit au faite de la grandeur
(juand il peut en posséder un ou deux blancs. Chaque éléphant est confié aux
soins (l'un homme que les Indiens nomment inaliond, et <pie n(uis appelons cor-
iKir. INuir le conduire, il se met assis (ui à cheval sur son cou, et il dirige sa
PACllYDiaiMES.
'<01
marche en lui liranLlegeromeiil l'oreille du côte où il vcul le conduire, au moyen
d'un bâton dont le bout est armé d'un petit crochet de fer. Les princes indiens
se servent souvent de ces animaux pour faire la chasse au tigre sans beaucoup
de danger, car si la bête féroce fait mine de se lancer sur les chasseurs, l'élé-
phant la saisit aussitôt avec sa puissante trompe, la jette loin de là, ou la perce
de ses défenses et la foule avec ses pieds : du moins on le dit.
A l'état sauvage, les éléphants vivent en grandes troupes et n'habitent que les
forêts les plus solitaires des contrées chaudes de l'Asie et des grandes îles de
l'archipel indien. Lorsqu'ils se croient menaces de quelque danger, on dit que
les vieux mâles marchent à la tête du troupeau, et les femelles à la suite avec
leurs petits. Du reste, lorsqu'ils sont attaqués, ils se défendent avec leur trompe,
et avec leurs défenses, quand ils en ont, car, dans l'espèce de l'Inde, les femelles
en ont rarement de saillantes hors des lèvres, et celles des mâles sont toujours
très-courtes. Ces animaux ont une vie très-longue, mais dont la duréea élé beau-
coup exagérée. Ce sont leurs défenses, particulièrement celles de l'espèce d'A-
frique, qui fournissent l'ivoire du commerce.
L'Élépiiaivt d'Afrique (E/p/)/ia.s africnnns.
Ciiv. Le ISaghe des Al)yssins; Le Mmizao ou
Manzo du Congo) est un peu moins grand que
le |)i'écedenl. Il a la tète ronde, le front con-
vexe, les oreilles très-grandes, ainsi que les dé-
fenses dont la femelle est aussi bien armée que
le mâle ; il n'a que trois doigts aux pieds de der-
rière, au lieu de quatre. Il habite toute l'Afrique
méridionale , depuis le Sénégal jusqu'au Ca[).
Quoique plus faroucbe et plus courageux que
l'éléphant de l'Inde, il n'en avait pas moins été
soumis à la domesticité par les (larlhaginois.
Aujourd'hui on ne le trouve plus en servitude
que dans les ménageries. On connaît, sous les
noms de mammouth et de mastodontes, plusieurs
espèces d'éléphants anti'diluviens dont nous ne
nous occuperons |)as ici, parce que leur histoire
appartient à celle des animaux fossiles , et ne
iloil pas entrer dans le cadi-e de cet ouvrage.
ir DIVISION. Trois sortes de dents dans le pins
ffiand nombre, den.r au vioins dans les an-
tres ; pieds terminés par quatre doigts ait
plus, et par deux au moins.
2e Genbe. Les TAPIRS ( Tapiras, Briss. )
ont quarante-deux dents, savoir : six incisives en
haut et six en bas ; deux canines supérieures et
deux inférieures; quatorze molaires à la mâ-
choire supérieure, et douze à l'inférieure, pi'é-
sentant à leur couronne avant d'être usées, deux
collines transverses et rectilignes ;]eur nez con-
siste en une petite trompe mobile, sans doigts au
bout; leur cou est assez long, artitic; ils ont deux
mamelles inguinales; leurs pieds de devant ont
quatre doigts et ceux de derrière trois.
402
LES PA(:ilYlU:UMES.
Le MAÏPOUIU ou TAPIR u'amkrique [Tapir amcricamis, Lin. L' Anta ou Tapir
de BuFF. Le Tapûrèie de Marcg. Le Miouricaon le Mborcbi d'Azara. Le Tnpi-
hire-été, le Tafârousxou, et le Mantpouri des Indiens. h'Anla, le Dauta et le Vagra
des Espagnols .
Cet animal surpasse quelquefois la taille d'un âne ordinaire, mais il est moins
haut sur jambes, plus trapu, et son corps est arqué comme celui d'un cochon ;
son cou est gros, charnu, formant comme une sorte de crête sur la nuque, et
portant une courte crinière dans le mâle ; son corps est épais, presque nu, et le
peu de poil qui le couvre est, comme sa peau, d'un brun foncé ; sa tète est grosse,
longue, et, ce qni lui donne une figure Irés-bizarre, il a une trompe charnue,
mobile dans tous les sens, dont il se sert avec beaucoup de dextérité pour ar-
racher de la vase les racines des plantes aquatiques. Sa queue est courte, en
forme de tronçon.
Le maipouri est un animal triste, extrêmement timide, qui n'ose sortir de sa
retraite que la nuit, pour aller se plonger dans les eaux des lacs, des marais et
des rivières dont il habite les bords. Il n'est aucunement carnassier, vit de plan-
tes et de racines, et ne se sert de ses dents, ni contre les hommes ni contre les
animaux. Sa douceur, ou si l'on aime mieux, sa poltronnerie lui fait éviter tout
combat, et lorsqu'il est attaqué, il ne sait que fuir ou mourir. Cependant, quand
il esi, dans l'eau, il semble que son habileté en natation lui donne quelque vel-
léité de courage, car on en a vu, dit-on, avant de succomber, se lancer contre
les canots d'où partaient les coups dont on les frappait ; mais ce n'est jamais
que réduits à la dernière extrémité, que le désespoir de la peur les détermine
*^^EA.BE'jT.tEl-0*
LE TAPIR
PAYS A G K I> L! B H E S I I,.
( J » r .1 i II .1 .= s (' I .-. I. t f » )
PACllYDEKiMES. 403
à un semblant de défense. Le tapir a quelque analogie avec le sanglier dans ses
habitudes. Comme lui il aime à se vautrer dans la fange des marais, mais avec
cette différence qu'avant de rentrer dans son fort, il a le soin de se laver dans
l'eau claire, jusqu'à ce qu'il ne lui reste aucune ordure sur le corps; comme
lui il se nourrit de racines, de fruits, d'herbe et de graines, mais jamais de chair ;
comme lui, il ne se détourne pas de son chemin quand il fuit, et renverse bru-
talement tout ce qui se trouve sur son passage, hommes et animaux ; mais il ne
cherche jamais à les blesser avec les dents. Pris jeune, on l'élève et l'apprivoise
avec la plus grande facilité ; il s'impatronise dans la maison, va furetant par-
tout, brise, par maladresse, toutes les choses fragiles qui sont à sa portée, et
se rend fort incommode à force de familiarité.
Autrefois ces animaux étaient très-communs dans les forêts solitaires et les
savanes de toute l'Amérique méridionale, et ils y vivaient en troupe plus ou moins
nombreuse. Mais depuis qu'on s'est servi d'armes à feu pour les chasser, le
nombre en est beaucoup diminué, quoiqu'ils ne soient pas encore très-rares,
et le plus ordinairement ils vivent solitaires et isolés. Chaque soir ils quittent
leur forêt pour gagner la rivière où ils ont coutume de se baigner, et ils ren-
trent au bois chaque matin, en passant exactement par le même endroit, de
manière qu'ils finissent par se tracer, dans les broussailles, des sentiers aussi
battus qu'une grande route. Cette singularité les trahit, et les Indiens vont se
poster sur ce passage pour les tuer à coups de fusil, ou bien ils creusent des
fosses qu'ils recouvrent de gazon, et ces animaux manquent rarement d'y tom-
ber. On chasse aussi le tapir avec des chiens, et aussitôt qu'il est relancé dans
son fourré, il se prend à courir de toutes ses forces, en baissant la tête et la
mettant presque entre ses jambes de devant, ce qui lui donne fort mauvaise
grâce. Il tâche de gagner l'eau le plus promptement possible, sy jette, plonge
(it disparaît aussitôt, et nage sous les ondes avec une telle rapidité, que ce n'est
([uelquefois qu'à deux ou trois cents pas qu'il reparaît pour respirer et plonger
de nouveau. La femelle ne fait qu'un petit, qui, en naissant et pendant les pre-
miers mois de sa vie, porte une jolie livrée semblable à celle des faons. La mère
lui est fort attachée tant qu'il porte cette livrée; mais aussitôt qu'elle commence
a s'effacer, c'est-à-dire quand il est assez fort pour pouvoir se passer de ses
soins, elle l'abandonne et ne le reconnaît plus. La chair du maïpouri est dure,
coriace, peu agréable, cependant les sauvages la mangent. Mais ce qu'ils esti-
ment le plus dans cet animal, c'est sa peau qui est épaisse et si dure quand elle
est sèche, qu'ils en font des boucliers que les flèches ne peuvent pas percer.
Le :^Iaïba ( Tapinis induits. 1"h. Ci v. Tapi- nuque ronde; son pelage épais, d'un brun uoi-
riis malagamis, Raffl. Le Tonin des Malais, ràtre, une place nue sur les fesses, et une raie
LeGiiido/ou Babi-alu des habitants de Sunia- blanche à l'angle de la bouche. On le trouve
tra ) diffère du précédent par son pelage court dans l'Amérique méridionale, mais il n'habite
et ras, d'un blanc sale, avec la tète, le cou, les que le sommet <les montagnes, et jamais la
épaules, les jambes et la queue d'un noir foncé ; i)laine.
le mâle n'a pas de crinière sur le cou. Il est .î^ Ge.\he. Les RHINOCEROS ( lihinoceros,
commua à Sumatra et dans la presqu'île de Ma- Li>. ) ont trente -deux dents : deux incisives
laka. en haut et en bas, ou nulles ; point de canines ;
Le PncHAQUE {Tapirus pinchaque, Roiliin j quatorze molaires à la mâchoire supérieure et
diffère du maïpouri par son occiput aplati, sa autant à l'inférieure ; ils ont trois doigts à cha-
404 LLS PACIIYDEKMES.
que pied; leur peau est trcs-cpaisse, nue et seule corne sur le ne/. ; il a deus fortes inci-
rugueuse; ils ont une ou deux cornes libreuses sives à chaque mâchoire; ses yeux sont fort
sur le liez, et deux mamelles inguinales. pelits. Ses oreilles et sa queue seules sont gar-
Le Rhinocéros des I.^DES ( Rhinocéros indi- nies de quelques poils grossiers et roides, et le
tus, G. Cuv. liliinoceros unie omis , Lin. Rhino- reste de sa peau est nu, d'un gris fonce violà-
ceros itnirornii, Boiid. Le lihiuoceros, Hlpf. tre : elle est marquée de deux sillons profonds,
L'.Jftarfa des Indiens) a neuf ou dix pieds (2,924 l'un en arrière des épaules, l'autre en avant
ou 5,249) de longueur, et cinq à six de hauteur des cuisses, et sans cela il ne pourrait guère se
|l,62'ià 1,949), et quelquefois davantage. Après mouvoir, car sa peau est si épaisse, si dure et
l'éléphant, c'est le plus [)uissaut des mammi- si sèche, qu'il est ini|)ossible de la percer avec
fères terrestres. Ses formes sont massives; sa une halle. La ménagerie, l<irs(|u'elle était à Ver-
(èle est raccourcie et triangulaire, portant une saillcs, eu a [xissédé un individu \i\ant.
La corne que le rhinocéros porte sur le nez est composée de poils agglutinés,
et ne paraît être qu'un prolongement de l'épiderme; elle ne tient qu'à la peau
et n'a aucune adhérence avec les os sur lesquels elle est placée. Les anciens lui
attribuaient la propriété de détruire l'eflet des poisons les plus dangereux, et
les tyrans soupçonneux de l'Asie s'en faisaient faire des coupes qui avaient une
valeur exorbitante. La corne du rhinocéros lui sert rarement d'arinc défen-
sive , car cet animal, paisible quoique très-farouche , n'attaque jamais , et sa
force redoutable fait que les animaux le craignent et ne lui font pas la guerre.
Il ne l'emploie donc le plus souvent que pour détourner les branches et se frayer
un passage dans les épaisses forêts qu'il habite. Son caractère est triste, brusque,
sauvage et indomptable; ses jambes courtes, son ventre presque traînant, ses
formes grossières, la petitesse de ses yeux, dénonçant sa stupidité, en font un
être assez mal gracieux. Il vit solitairement dans les bois, à proximité des ri-
vières, où il aime à aller se vautrer dans la vase. Il se nourrit de feuilles et de
racines, et l'on prétend que pour avoir celles-ci il ouvre la terre avec sa corne;
mais ce fait me paraît douteux, car elle est recourbée du côté des yeux et placée
de manière qu'il doit lui être extrêmement difficile, si ce n'est impossible, d'en
présenter la pointe au sol. Sa lèvre supérieure, la seule partie de son corps où
il puisse avoir le sens parfait du tact, est allongée et mobile ; il s'en sert avec
assez d'adresse pour saisir et arracher les végétaux dont il se nourrit. Lorsqu'il
est paisible, sa voix est faible, sourde, et a quelque analogie avec le grognement
d'un cochon ; mais lorsqu'il est irrité, il jette des cris aigus qui retentissent au
loin. La femelle ne fait qu'un petit, qu'elle porte neuf mois, et pour lequel elle
a beaucoup de sollicitude ; quand elle en est suivie, sa rencontre p.eut devenir
dangereuse, surtout si elle le croit menacé. Alors elle se précipite avec fureur
sur les animaux qu'elle rencontre, et le tigre lui-même est obligé de fuir à toutes
jambes pour éviter sa terrible rencontre.
Aussi capricieux que stupide, le rhinocéros passe subitement, sans cause cl
sans transitions, du plus grand calme à la plus grande fureur. Alors cette pesan-
teur, celte sorte de lourde paresse font place à une légèreté elfrayante; il bondit
à droite et à gauche par des mouvements brusques et désordonnés, puis il s'é-
lance devant lui avec la rapidité du meilleur cheval, brise, renverse et foule
aux pieds tout ce qui se trouve sur son passage, et pousse des cris à faire trem-
bler le plus intrépide chasseur. Aussi n'ose-t-on l'attaquer que monté sur les
chevaux les plus vifs et les plus légers. Les chasseurs, dès qu'ils l'ont apeiçu.
PACHYDERMES. 405
le suivent de loin et sans bruit, jusqu'à ce qu'il se soit couché pour dormir;
alors ils s'approchent sous le vent, car si le rhinocéros a la vue mauvaise, il a
l'odorat très-fui, et flaire de fort loin l'approche de son ennemi quand le vent
lui apporte ses émanations. Parvenus à la portée du fusil, les chasseurs descen-
dent de cheval, visent l'animal à la tète, font feu, et s'élancent sur leurs chevaux
pour fuir avec vitesse s'il n'est que blessé, car alors il se jette avec rage sur ses
agresseurs; et malheur à eux s'il parvenait à les atteindre ! Mais comme sa course
est toujours en ligne droite, au moyen de quelques écarts prompts qu'ils font
faire de côté à leurs chevaux, ils parviennent à éviter sa rencontre, et d'autant
plus aisément que le rhinocéros, ainsi que le sanglier, ne se détourne jamais
dans sa course et ne revient point sur ses pas. Les habitants des i)ays où l'on
trouve ces énormes animaux les chassent pour avoir leur corne, à laquelle,
ainsi ([ue nous l'avons dit, ils accordent des propriétés merveilleuses, pour man-
ger sa chair, qu'ils trouvent fort bonne, et enfin pour avoir sa peau, dont on fait
d'excellentes soupentes de voiture.
Pris trés-jeune, le rhinocéros de l'Inde se familiarise jusqu'à un certain point
et devient assez doux; cependant il faut toujours se défier de ses caprices. Si
on l'arrache à ses déserts lorsqu'il approche de l'âge adulte, il conserve pour
toujours sa farouche brutalité. En esclavage, il se nourrit très-bien de riz, de
pain et de sucre. Cet animal a deux fortes incisives à chaque mâchoire.
Le RiiiNOcÉnos de Java [Rhinocéros jaiani-
cus, et lihinoceros sondaiciis, G. Cuv. Le /i/ti-
norcros un'icornc de Java, Camp.) n'a pas plus
de huit pieds (2,.'>99) de longueur, non com-
pris la (jueue, qui a un ])ied (0,.'î25); sa hauteur
moyenne est dun peu plus de quatre pieds
(1.299) : les jeunes ont quatre incisives, mais il
leur en tombe deux quand ils deviennent adul-
tes ; la peau est couverte de tubercules penta-
gones, et forme de grands plis derrière les épaules
et aux cuisses. Il n"a qu'une corne, i)lacée prés
des yeux ; des poils couits, roidcs et bruns, sont
épars sur son coi'|)s, lui bordent les oreilles, et
garnissent l'extrémité de sa queue; sa tète est
courte, à chanfrein concave ; ses yeux sont |)etils ;
enfin il lui manque ce pli dans le sens de l'épine
du dos, comme on en voit sur l'épaule du jjié-
cédent. 11 habite Java et a les mêmes mieurs
que les autres espèces.
Le KiinocÉiios he Slmvtua {Uhinorcros sn-
uiatranus, Uaffi,. [ihinoccros sunuilrensis, (].
Clv. Le Biiddah de ÎMaiisd. Le P.aduh des habi-
tants de Sumatra) a cpialre incisi\es à chaque
mâchoire, mais il lui en tombe deux à la mâ-
choire supérieure (juand il atteint un certain
âge. Il n'a guère (pie cin(| à six pieds de lon-
gueur (1,624 à l,'J49), sur trois ou quatre de
hauteur (0,975 ou 1,29'J). Stm nez porte deux
cornes, dont celle placée i)rès des yeux est plus
<'ourte que l'autie; sa peau est rugueuse, cou-
veite de poils assez rares, loides et bruns ; les
plis de ses épaules et de sa croupe sont peu niar-
(piés ; sa peau a peu d'éi)aissem' , presque sans
plis; sa tête est un peu allongée; ses yeux sont
bruns et petits ; sa lèvi-e supérieure est petite,
l)ointue, recourbée eu dessous; ses oreilles, bor-
dées de poils noirs et courts, sont petites et poin-
tues. Il habite Sumatra.
Le Rli.xocékos d'Afbique {Rhinocéros afri-
ranus, G. Cuv. Rhinocéros hicornis, Camper.
Le Kabal des Hotteutols. Le Rhinocéros d'A-
frique, BiJFF. ) a de onze à douze pieds de lon-
gueur i5,o".) à 5,898). Son nez porte deux cor-
nes ; il manque d'incisives et n'a point de plis
à la i)eau, qui est presque entièrement nue ; ses
veux sont petits, enfoncés; ses oreilles sont bor-
dées de quel(]ues poils noirs, et sa queue eu
porle un boucjuct à l'extrémité. Cette espèce ha-
bite le pavs des Ilottentots, la Cafrerie, et pro-
bablement tout l'intériem- de l'.Afrique méridio-
nale. Llle fiéquente le bord des grandes rivières,
se irtire dans les bois qui ombragent leurs bords,
et parait encore ])lus farouche que le ihinocé-
ros des Indes.
Le 1ÎIUX0CÉ110.S i)K BtiiCiiELL (Rhinocéros
HtircUelii, Less. Rhinocéros simiis, Bihchell)
|)ourrait bien être mw simple variété du précé-
dent, quoi(|ue sa taille soil l)eaucoup plus grande.
11 en iliffererait par ses lèvres et son nez (|ui se-
raient Irès-élajgis et connue tron(jues. Ri'uce,
Ciordon et d'antres voyageurs ont signalé quel-
(jucs autres espèces ou variétc's de rhinocéros
d \fri(iue, mais que je ne connais pas assez pour
les menliomier ici.
ra-
^06 LES PACHYDERMES.
nu DIVISION. Dents comme dans la division L'Askiikoko ou DkVkn nt Cap { Uiirn.v
prccédente : quatre doigts aux pieds de de- pnisis, Dks>i. (nria rapeusis. Pâli,. Lo Dn-
rant, et trois aux pieds de derrirre. lunn et la Marmotte du Cap, Buff. L'AskhIiokn
et le Cihc des Ahvssiniens. l/.^gneau d'Israël
4« Genbe. Les DAMANS ( Ihira.r, IIebm. ) ont et le ^ahr des Arabes. Le Klip-dass des llollnii-
Irenle-qualre dents: deux incisives fortes, re- dais. Le Daman d(>s Syriens^ Cet animal ne
courbées, sans racines, à la ni!tcboiresuf)érieure, dépasse pas la taille dun lapin. Ses forni(>s sont
et qiiatie à riiifc'rienre : point de canines ou deux lourdes ; son cor|is est alloupé et bas sur jambe ;
trè.s-petites, mais seidement dans la jeunesse; sa tète est éi)aisse et son museau obtus; son
(|uatoi-ze molaires en haut et autant en bas, cou- pelape est doll^, soyeux, très-fourni, dini pris
rorn)ées comme celles des ihimx-éros ; cor|)s brun en dessus et blanchâtre en dessous; lia
couveit de poils ; (pieue ne consistant qu'en un une pelile tache plus fonc<>e sur l'œil, et quel-
lulu-rcule; museau et oreilles courts : tous les quefois une lipue dorsale plus foncée que le fond
doiRts munis d'un |)elit sabot arrondi, excei)té du pelatre. 11 habile le cap de Romie-F.spér;.ncc,
le doiRt mierne de derrière, qui est armé d'un l'Abyssinie et le Liban, et ne se trouve que dans
ongle crochu et oblicpie. ips montagnes h érissées de rochers.
Ciivier dit (O.fse/H. fnssil. ) : « U n'est point de quadrupède qui prouve mieux
que le daman la nécessité de Tanatomie pour déterminer les véritaldes rapports
des animaux. » En effet, personne n'eût deviné, avant ce faraud naturaliste, que
le daman, grand comme un lapin, se creusant un terrier, ayant une jolie et
douce fourrure, les formes d'un cochon d'Inde ou d'une marmotte, les mœurs
douces, le caractère aimant, susceptible de s'attacher à son maître ; que le
daman placé par tous les naturalistes avec les rongeurs à cause de ses formes
générales, de sa physionomie, de ses habitudes douces et intelligentes, de son
goût recherché pour la propreté; on n'aurait jamais deviné, dis-je, que le da-
man était un rhinocéros, c'est-à-dire le portrait en miniature du plus farouche,
du plus stupide et du plus brutal des quadrupèdes, dont le plus grand plaisir est
de se vautrer dans la fange. Grâce soit donc rendue à l'anatomie, car sans elle
j'aurais certainement pris le daman, non pour un rhinocéros, mais pour un rat!
Cependant, ne serait-il i)as possible que ce que le grand naturaliste prend ici
pour une preuve de l'utilité de l'anatomie pût être pris aussi pour une preuve
de l'abus qu'on en peut faire quand on s'en sert avec des idées préconçues'
Les véritables rapports naturels du daman sont-ils bien ceux qui, brisant tous
les liens de formes, d'aspect, de grandeur, de mœurs, d'habitudes et d'intelli-
gence, le retirent d'auprès de la marmotte, auprès de laquelle un grand homme
aussi, Buiïon, l'avait placé, pour en faire un rhinocéros? Je ne sais. Quoi qu'il
en soit, ce petit animal habite de préférence les montagnes boisées, au milieu
des roches les plus escarpées et les plus roides. Quelquefois il se creuse un
terrier analogue à celui d'un lapin, mais très-souvent il se contente d'un trou
d'arbre ou d'une fente de rocher. Il est très-vif, très-alerte, et se retire préci-
pitamment dans son fort à la moindre apparence de danger, au plus petit bruit
qui vient frapper son oreille Irès-fine. Aussi est-il très-difficile de s'en emparer,
car, une fois dans son trou, il se laisse étouffer par la fumée ou noyer par l'eau
qu'on y introduit, plutôt ([ue d'en sortir. Tous les petits mammifères carnassiers
lui font une guerre active, mais les oiseaux de proie sont les plus dangereux de
ses ennemis, parce qu'ils l'épient d'une roche ou d'un arbre voisin, et dès qu'il
est éloigné de quelques pas de sa retraite, ils se précipitent sur lui à l'impro-
viste, le saisissent et le déchirent. Il se nourrit dberbe comme le lièvre, s'ap-
privoise très-facilement, et il est très-suscei)tible daHacbemcnt.
i'.\(jivi)i,r.viKs
m
5'^,f.^\^v.. Les PM:ARIS ( Oiro<»//««,(;. ttv. ,
ont lrpiit<'-liuit dents, savoir ; «jualn' incisives a
la nriàchoirf siJf>érieurf et six a linfirit-urf ,
deux ranin*"!» en haut et deux en has, ne s<^)Tiaiit
pas de la l^mche ; douze molairr-s à < hafjue mà-
cljoire ; les d'oiffis inlemiediain-s sf)nt plas longs
(|ue les autres, et appuient sur la terre ; ils ont
sur le dos, près des \(>m\)es, une ouverture (ïlan-
duleuse d où suinte une humeur lres-p«'n' trante
et Ires-fétide ; enfin leur queue est excessive-
ment courte, large et plate. i)a reste, ils ressem-
blent t»eaucoii|j au c<xlK)n.
M^i
't08
Li:S PACllYOKiniIvS
Le TAYTETOU OU PKCARI A COLLIER [DicOUjU'S /o/V/»f(/H.s, Fr. Chv. — Dksm.
Sus injassu. Lin. Le Pécari ou Tajasson, Buff. Le Pâlira de quel(|ues proviuces
de l'Amérique)
Est de la taille d'un moyen cochon; il a deux pieds cl demi (0,812) de lou-
ffueur. Son corps est couvert de soies roides, analogues à celles des sangliers,
annelées de blanc sale et de noir dans leur longueur, d'où résulte un pelage d'un
gris foncé uniforme ou tiqueté; une large bande blanchâtre lui descend obli-
quement de chaque épaule, en écharpe; les jeunes sont d'un brun fauve clair,
avec une ligne noirâtre sur le dos.
Le taytetou habite les forêts de toute l'Amérique méridionale, vit en famille,
mais non pas en troupe, comme le croyait Dun'on, se loge dans les antres des
rochers, et plus communément dans les trous que la vieillesse a creuses au pied
des troncs d'arbres. Bulfon dit qu'on ne le trouve que dans les montagnes,
d'autres assurent qu'il ne fréquente que les plaines. Le vrai est (ju'on le ren-
contre dans toutes les forêts où il peut trouver sa nourriture, consistant eu
racines et en fruits. Les glandes qu'il a sur le dos exhalent en tout temps, mais
surtout quand il est irrité, une odeur empestée ayant un peu d'analogie avec
celle de l'ail, mais beaucoup plus désagréable. Il paraît néanmoins qu'elle n'in-
fecte pas la chair si on a le soin d'enlever les glandes aussitôt que l'animal vient
d'être tué, car les Américains le mangent et le regardent comme un fort bon
mets. Ils le chassent avec des chiens; mais comme il a l'odorat trés-fin, souvent
il découvre les chasseurs et la meute longtemps avant d'avoir été découvert par
eux; alors il fuit avec rapidité et se jette dans quelque trou profond, entre les
rochers, d'où il est fort difficile de le retirer. Dans sa colère il hérisse sur son
dos son poil beaucoup plus dur et plus roide que celui du sanglier, il pousse des
PACHYDERMES. ',01»
cris aigus, se défciiil avec courage, et mord cruellenu'ut. Le mâle ne quille ja-
mais sa femelle, et l'on ne rencontre ces animaux (jue par couple, à moins qu'ils
ne soient suivis de leurs petits, que les parents protègent jusqu'à ce qu'ils
soient capables de pourvoir eux-mêmes à leurs Itesoins. Alors la famille se sé-
pare par couple pour ne plus se réunir.
Le taytetou est sauvage, grossier, peu intelligent, et comparable, aussi bien
sons le rapport de ses habitudes que de ses formes, à notre sanglier. Cependant,
malgré son humeur farouche, il s'apprivoise fort bien, et multiplie même en
captivité. Devenu domestique, il a les mœurs de notre cochon, o Les pécaris,
dit Bufl'on, perdent leur férocité naturelle, mais sans se dépouiller de leur gros-
sièreté, car ils ne connaissent personne, ne s'attachent point à ceux qui les soi-
gnent ; seulement ils ne font point de mal, et l'on peut, sans inconvénient, les
laisser aller et venir en liberté; ils ne s'éloignent pas beaucoup, reviennent
d'eux-mêmes au gîte, et n'ont de querelle qu'auprès de l'auge et de la gamelle,
lorsqu'on la leur présente en commun. » Avant la révolution de Saint-Uomin-
gue, le gouverneur La Luzerne avait commencé à les naturaliser dans cette île,
et ils s'étaient déjà multipliés à la Gonave. 3L le docteur Ricord, ce naturaliste
si zélé, si estimé de G. Cuvier, avait fait à Saint-Domingue plusieurs notes
intéressantes sur cet animal considéré sous le rapport de la domesticité; mais
elles o-nt été anéanties dans le fatal incendie qui dévora sa maison et les im-
menses collections qu'il y avait amassées avec tant de peines et de périls pen-
dant plusieurs années. Ce voyageur m'a dit que les tentatives faites par M. de
lia Luzerne n'avaient pas élé renouvelées depuis le départ des colons français.
1 ?>!=&=#
52
'(10
LES l'ACllVOEUMES.
WCn
Iv,
Lo TAGNICATI ( Dicolijlfs litb'inlns, Fr. Cuv. Sus liijdssu, Lin. Le Pécari la-
jassoH (les naluralistes)
Est plus grand que le prêcédenl, et a été confoiKlu avec lui par Linné, BnlTon,
et d'autres naturalistes, il en diffère par sa couleur entièrement d'un brun noi-
râtre, ])ar ses lèvres Manches, et par la concavité de son chanfrein. 11 habite
particulièrement le Paraguay, et vit en troupes composées quehiuefois de plus
de cent individus. Il se nourrit de graines, de racines, de fruits sauvages; il
mange aussi des serpents, des crapauds et des lézards, et, si l'on en croit Hufi'on,
il les écorche avec les pieds avant de les manger. Ce qu'il y a de plus certain,
c'est qu'il est omnivore comme notre cochon, dont il a les mœurs et toutes les
habitudes. Ainsi que ces derniers, les tagnicatis se secourent mutuellement lors-
(pi'ils sont attaqués ; ils entourent les chiens et les chasseurs, les harcèlent par
leurs grognements et leurs menaces, et les blessent quelquefois. Azara fait ob-
server, à cet égard, qu'en frappant avec leurs canines, ce n'est pas de bas en
haut, comme les sangliers, mais de haut en bas. Ils savent se défendre avec cou-
rage contre les animaux carnassiers, et même contre le jaguar, le plus terrible
de leurs ennemis, et quoique plus petits que le sanglier, ils sont plus dangereux
que lui, parce qu'ils se précipitent en grand nombre sur leur assaillant, et le
déchirent de mille morsures à la fois. Du reste les tagnicatis sont extrêmement
faciles à apprivoiser et deviennent même très-familiers. En domesticité ils con-
tractent les mêmes habitudes que nos cochons ; ils en ont la démarche, les goûts,
la manière de manger, de boire, de fouir la terre, mais ils sont plus propres
et ne se vautrent pas dans la fange. Jamais ils ne se mêlent avec les tay-
tetous, ni nliabitent les mêmes bois. Leurs glandes dorsales n'exhalent pas non
PACIIYDEUMES.
Vil
l)lus une odeur aussi desagréable. Autrefois ils étaient heaucoup j)liis communs
qu'aujourd'hui, mais comme ils font un dégât énorme dans les champs de cannes
à sucre, de maïs, de maniocs et de patates, où ils se jettent, on leur fait une guerre
d'extermination qui en a heaucoup diminué le nombre.
IV<^ Divisio>. Les trois sortes tic dents : quatre
doigts à tous les pieds.
6' Genre. Les BABIROITSSAS [Babintssa.
Vu. Cuv.) ont freiitc-qufitrc dent.s, savoir : qua-
tre incisives on liant et six en bas; deux canines
supérieures sortant, non de la Ixmclie, mais du
museau, et se recourbant en demi-cercle vers
les yeux ; deux infériem-cs aiquées et aiguës,
conune chez les sangliers. Du reste ils ressem-
blent assez au cochon, ([uoiqu'ils aient les for-
mes plus lourdes.
L'Ai.FOCHOiis ou BxBEC-Rosoo ( Babinissa
aljiirus, Less. Sus liabiiruss'i, Lin. l.e Babi-
roussa ou Cocitoii-cerf , Bief —G. Cuv. Le
Sanglier des Indes orientales, Biuss.) est de
la grandeur de notre sanglier, mais à corps
proportionnellement plus gros, à formes plus
arrondies: sa peau est noire, presque nue, ri-
dée ou plissée; les défenses, très-longues ettiès-
gièles dans le màlc, manquent dans la femelle.
Cet animal, dont la ménagerie a possédé deux
individus, habite les foréls marécageuses, dans
l'intérieur de l'Ile Bourou, l'une des Moluques,
et, dit- on, les îles Philippines, les Célèbes, Bor-
néo, et Tarchipel des Papous. Il aime l'eau,
nage et plonge fort bien, et se jette dans les
ondes aussitôt qu'il est poursuivi. Il se nourrit
de racines, d'herbes et de fruits, et il aime par-
liculièrement le mais; si l'on s'en rapportait à
Buffon, qui, du reste, parait avoir fort peu
connu cet animal, il vivrait en troupes; mais
les hal)itudes qu'il avait à la ménagerie me
font croire ce fait très-douteux. Il se retire par
couple dans des troncs d'arbres creux, ou dans
d'antres trous, où il se couvre entièrement, avec
sa femelle, de feuilles sèclK's ou de débris de
foin ou de i)aille ; du moins ceux de la ménage-
rie se sont fait un tel lit aussitôt leur arrivée, et
ces animaux ont trop peu d'intelligence ])onrque
ceci leur ait été inspiré par le froid, s'ils n'en
eussent eu l'ancienne habitude. Ils ne s'ap|)rivoi-
sent |)as aussi facilement que le disent BulTon et
Valentya , et, dans l'esclavage, leur caractère
reste toujours inquiet et farouch;'.
7' (iKMtE. Les <:OC:HONS (.S'((.s, I.iN.) ont qua-
rante-quatre dents, savoir : six incisives en haut
et autant en bas; deux canines à chaque m;i-
choire, recourbées dans le haut et latéralement ;
quatorze supérieures et cpiatorze inférieures, à
couronne tuberculeuse: leur nniseau est tron-
qué, terminé par un boutoir; leui- corps est cou-
vert de poils roides, di> la naluir du crin ; les
deux doigts du milieu sont grands, avant de forts
sabots : les deux doigts extérieurs sont courts et
ne touchent pas la terre.
Le Sam-.lieh commis {Sus srrofa, Ln.) atteint
la taille de nos i)lus grands cochons domestiques,
dont il t^st la souche ; ses canines ou défenses
sont recourbées eu dehors et ini peu vers le haut;
son cor[)s est trapu, couvert de poils hérissés,
d'un brim noir; ses oreilles sont droites. La fe-
melle ou /aie est un peu plus petite que le mâle.
Les jeunes, nouuues uiarcassins, sont rau's de
blanc et de binn, pendant leur première jeu-
nesse, et sont alors recherciiés pour la table.
Le sanglier habile les forêts les plus grandes et les plus solitaires de toutes
les contrées tempérées de l'Europe et de l'Asie. 11 ne se trouve pas en Angle-
lerre, probablement parce qu'il y a été détruit dans des temps reculés. Maigre
ce que l'on en a dit, ce n'est pas un animal stupide, mais grossier, brutal, et
d'un courage intrépide. Lorsqu'il fuit devant les chiens de chasse, il est rare
que la rencontre d'un homme le détourne de son droit chemin; il le renverse et
le blesse cruellement d'un coup de boutoir, lui passe sur le corps, et continue sa
course; mais il ne se détourne pas non i)lus pour courir sur le chasseur, si celui-ci
a la précaution d'éviter sa rencontre. Quand il reçoit un coup de feu qui le blesse,
il n'en est plus de même; quehpie éloigné que soit son ennemi, il perce droit a
lui au travers delà mente (jui le harcèle, et fond sur lui pour se venger. Si l'ttn
évite son premier clioc, il est rare (ju'il revienne sur ses pas. Du reste il n'y a
wuère que les vieux mâles qui agissent ainsi ; les femelles et les jeunes se bornent
à fuir, ou à faire fori contre les chiens, qu'ils estropient fort souvent. Le sanglier
'(12 LES PACHYDERMES.
croît pendant cinq ou six ans, mais dès sa seconde année il est capable de re-
produire son espèce. La femelle entre en rut en janvier et février, elle porte
quatre mois, et elle met bas de quatre à dix marcassins. Elle les cache dans les
fourrés les plus épais pour les soustraire à la voracité des mâles qui ne manque-
raient guère de les manger s'ils les rencontraient pendant les premiers jours
après leur naissance. Elle les allaite pendant trois ou quatre mois, mais elle ne
les quitte que longtemps après, et elle ne cesse pas de les instruire, de les pro-
téger et de les défendre. Dans les pays peu peuplés, il arrive par fois que plu-
sieurs familles se réunissent, et forment ainsi des troupes plus ou moins consi-
rables, toutes composées de femelles, et de leurs enfants âgés quelquefois de
deux ou trois ans. Ils vivent entre eux en fort bonne intelligence, et se défen-
dent mutuellement. Lorsqu'un danger les menace, ils se rangent en cercle, pla-
cent au milieu d'eux les marcassins portant encore la livrée, et présentent à
l'ennemi leurs boutoirs menaçants. Quant aux vieux mâles, ils vivent solitaire-
ment. Ces animaux aiment à se vautrer dans la vase des marais; ils nagent très-
bien, et traversent aisément les rivières les plus larges. Pour peu qu'ils soient
trop inquiétés dans une contrée, ils la quittent et vont s'établir quelquefois à
plus de vingt ou trente lieues de là. Leur nourriture ordinaire consiste en ra-
cines, en grains et en fruits, mais ils dévorent aussi les reptiles, les œufs d'oi-
seaux, et tous les jeunes animaux qu'ils peuvent surprendre. Malgré leur air
lourd, ils courent avec une grande rapidité. Us ne sortent guère de leur bauge
que la nuit, et ils dévastent les champs de maïs et de pommes de terre où ils
peuvent pénétrer. Le sanglier s'apprivoise très-bien et devient très-familier; il
est tout à fait inoflensif tant qu'il est jeune; il s'attache même à la personne qui
en prend, soin, et Frédéric Cuvier en a vu auxquels on avait appris à faire des
gesticulations grotesques pour obtenir quelque friandise ; mais il serait impru-
dent de s'y trop fier quand il devient vieux.
Le Cochon domestique n'est rien aulre que le de même foi-me que les incisives; poils courts,
sanglier dont une antique servitude a modifié le épais, d'un fauve brunâtre en dessous, blancs et'
physique ei le moral. On en possède plusieurs annelés de noir eu dessus; queue très-courte. 11
races très-distinctes, dont les principales sont : est commun dans les forets de la Nouvelle-Gui-
Le Cochon de Chine. Il a le corps épais, le mu - née.
seau court et concave supérieurement, le front Le Sanglier a masque {Sus lanatus, Fr. Cu y.)
bombé, les poils très-frisés sur les joues et à la est de la grandeur de notre sanglier et n'en dif-
màchoire inférieure ; fere que par une protubérance fort grosse, pla-
Le Cochon du cap de Bonne-Espcrauce, de cée de chaque côté de sou museau. Il habile
la grandeur d'un cochon commun d'un an. 11 a INIadagascar et l'Afrique orientale,
le poil rare, dur, noir ou brun foncé ; les oreilles 8' Genre. Les PHACOCHŒRES (Phacochcr-
droites ; la queue pendante terminée par un flo- riis, Fr. Cuv.) ont seize ou vingt-quatre dénis,
con de soie : savoir: deux incisives ou point à la mâchoire su-
Le Cochon de Sictm, de la grandeur du pré- périeure, et six ou point à la màchoiie infé-
cédent et lui ressemblant; rieure ; deux canines en haut et deux en bas ; six
Le Cochon commun ou à grandes oreilles; molaires à chaque mâchoire, composées de cy-
Le Cochon turc ou Mongolitz ; lindres éraaillenx ; leurs défenses sont très-fortes.
Les Porcs de Pologne, de Russie, de Guinée, latérales, dirigées en haut; leurs pieds sont
etc. Toutes ces races ont elles-mêmes un assez comme ceux des cochons ; leui' queue est courte;
grand nombre de variétés. jis ont sur les joues de très-grosses loupes char-
Le Bé>e ou Sanglier des Papous ( Sus pa- nues.
puensis, Less. et Gariv.) est petit, long de trois L'E?i(ikLo{l'hncoch(crusedentatus, Is.Geoff.
pieds (0,975] ; canines supérieures très-petites, Sus cthiopicus, Lin.-Pall. Le Phacochère du
PACHYDERMES.
413
Caj), le Porr a largr groin des voyageurs) a plus
(le cjuatrc pieds de longueur il, 299), non com-
pris la queue; il manque de dents incisives; sou
jielage est d'un gris roux, et sa tcte noii-iitre;
son cou porte une longue crinicrp ; sous les yeux
s'élèvent, de deux pouces trois lignes (0,061 \
deux |irotul)crances rondes, plates et assez épais-
ses, simulant à peu près deux oreilles, d'où les
chasseurs ont quelquefois donné à cet animal le
nom de Porc à quatre orcillrs. Au-dessous de
ces protubéi-ances et sur la ligne du museau en
existent deux autres qui sont dures, rondes et
pointues, saillantes en dehors. Du reste, l'engalo
ressemble au sanglier. Il habite le cap de Bonne-
Espérance et se nourrit de fruits, et de racines
qu'il arrache de la terre en fouillant avec ses
pattes et son large groin. 11 a les yeux très-petits,
lapprochés et places liant, ce qui lui donne une
mauvaise vue, mais son ouie et son odorat sont
d'une extrême finesse. Son caractère est capri-
cieux et féroce; cependant, étant pris jeune, il
s'apprivoise bien, et reste assez doux pendant ses
|)remièresaunées. Sa force est redoutable, et sou
courage le rend dangereux pour les chasseurs.
Le PiiAcociiouiiE A INCISIVES {['hnrochariisin-
cisirus, Is. Geofp. PhfKorhœnis nfricanus, Fii.
Cjjv. Sus alriranns , Gsii,. Le Sanglier du cap
Vert, Blff.* diffère du précédent en ce qu'il a
des dents incisives ; son pelage est noirâtre ; sa
queue, terminée par un llocon de poils, lui des-
cend jusqu'aux jarrets; il lui manque ces sortes
défausses oreilles qu'a le précédent; enfin sa
tète est plus longue et plus étroite. 11 habite le
cap Vert.
9<' (lENUE. Les HIPPOPOTA.MES (Uippnpo-
tamiis. Lin.) ont trente-huit dents, savoir: qua-
tre incisives en haut et en bas ; deux canines
supérieures et deux inférieures, ces dernières
courbes, et toutes quatre fort grosses : quatorze
molaires en haut et douze en bas, dont l'émail
ligure des trèfles opposés base à base, quand elles
sont usées; le corps est très-gros, les jambes sont
courtes, la peau est ju-esque entièrement di'pour-
vue de poils; la queue est courte, le museau
renflé; les pieds sont terminés par des petits
sabots.
^î^^^-^iA—-
u\
LES PACIlYDEiniES.
LH.|,|,oi.r„.
L'UIPPOPOTAME AMPHIBIE llipjiopolanius (Uiipliiùius, Li\. II/ppopoKmius
capensis, Desmoul. )
Est d'une grosseur énorme, et atteint (]ueI((uefois jus(|u'à onze pieds (5,375^
de longueur sur dix (5,248) de circonférence; ses formes sont massives; ses
jambes courtes, et son ventre traîne presque à terre. Sa tète est énorme, termi-
née par un large muffle renflé; sa bouche est démesurément grande, armée de
canines énormes, longues quebiuefois de plus d'un j>ied, fournissant de l'ivoire
plus estimé que celui de l'éléphant. Ses yeux sont petits, ainsi que ses oreilles;
sa peau est nue et d'une grande épaisseur, d'un noir d'ardoise ou d'un roux
tanné. Il habite toutes les grandes rivières du midi de l'Afrique, et il paraît
qu'autrefois il était assez commun dans le Nil, mais aujourd'hui il n'existe plus
en Egypte.
Après l'éléphant et le rhinocéros, l'hippopotame est le plus grand des mam-
mifères quadrupèdes; comme tous les animaux a(juatiques de celte classe, il a
beaucoup de graisse sous la peau, et il paraît que sa chair est fort bonne à
manger. Cet animal est très-lourd, il marche fort mal sur la terre, mais il nage
et plonge avec une extrême facilité, cl a, dit-on, la singulicie faculté de marcher
sous l'eau, sur le fond des rivières, avec plus d'agilité que lorsqu'il est sur la
terre. Il peut rester assez longtemps sous l'eau sans venir respirer à la surHice,
mais non pas une demi-heure, comme on l'a dit. Il résulte de tout cela que
lorsqu'il est poursuivi il gagne aussitôt la rive d'un lac ou d'un fleuve, se jelle
INTERIEU
R DES GALERIES D'HISTOIRE NATURELLE
( .),,ai.. il.-- PI.. ,. w, )
PACllYDEUMtS. 415
dans les oiules, ploiigo, cl ne repaiail a la suifaco, pour respirer, qw'ix une très-
grande dislance. Son cri est une sorte de hennissement ayant beaucoup d'ana-
logie avec celui d'un cheval, ce qui lui a valu son nom d'hippopotame (en grec
rlicval de rivière). Son caractère est farouche, et quoi(iu'il n'attaque jamais
l'homme, si on le poursuit trop vivement il se retourne pour se défendre; mais
sa stupidité ne lui permet pas de distinguer son agresseur du canot ou de la
chaloupe qui le porte, et lorscju'il a renversé ceux-ci, ou brisé leur bordage, il
ne pousse pas [)lus loin sa vengeance. « Une fois que notre chaloupe était près
du rivage, dit le capitaine Covent, je vis un hippopotame se mettre dessous, la
lever avec son dos au-dessus de l'eau, et la renverser avec six hommes qui
étaient dedans : mais par bonheur il ne leur fit aucun mal. » Bulfon dit que si
on le blesse, il s'irrite, se retourne avec fureur, s'élance contre les barques,
les saisit avec les dents, en enlève quel([uefois des pièces ou les submerge.
L'hippopotame passe tous les jours dans l'eau, et n'en sort que la nuit pour
aller paître sur le rivage dont il ne s'éloigne jamais beaucoup, car il ne compte
guère sur la rapidité de sa course pour regagner, en cas de danger, son élément
favori. Il se nourrit de joncs, de roseaux, et lorsqu'il trouve à sa portée des plan-
tations de cannes à sucre, de riz el de millet, il fait alors de grands dégâts,
car sa consommation est énorme. On a prétendu qu'il mangeait aussi du pois-
son, mais ce fait est entièrement conlrouvé Sans quitter les lieux marécageux
et les bords des lacs et des rivières, il n'est cependant pas sédentaire, car sou-
vent on le voit apparaître dans des pays où il ne s'était pas montré depuis
longtemps. Sa manière de voyager est très-commode et peu fatigante : le corps
entre deux eaux, ne montrant à la surface que les oreilles, les yeux et les na-
rines, il se laisse tranquillement emporter par le courant, en veillant néanmoins
aux dangers qui pourraient le menacer. 11 dort aussi dans cette attitude, molle-
ment bercé par les ondes. Presque toujours ces animaux vivent par couple, el
le mâle et la femelle soignent leducalion de leur petit, qu'ils aiment avec ten-
dresse et protègent avec courage. On chasse l'hippopotame de différentes ma-
nières : quelquefois on se cache, le soir, dans un épais buisson, sur le bord
d'une rivière, fort près de l'endroit où il a rhal)itude de sortir de l'eau, ce qui
se reconnaît à la trace de ses pas. On a le soin de se placer sous le vent et de
ne pas faire le moindre bruit, et il arrive parfois qu'il passe sans défiance au-
près du chasseur qui, d'un coup de fusil, lui envoie une balle dans la tète et le
tue roide. Si l'on manque la tète il se sauve, car sa peau est tellement dure et
épaisse qu'elle ne peut être percée à nulle autre partie de son corps. S'il n'est
que blessé il est également perdu pour le chasseur, parce qu'il se jette dans
l'eau et ne reparaît plus. Les Nègres, el [)articulièrement les Ilollenlots, quand
ils ont reconnu le sentier où il passe habituellement en sortant de l'eau et en y
entrant, creusent une fosse large et profonde sur son chemin, et ils la recou-
vrent avec des baguettes légères, sur lesquelles ils étendent des feuilles sèches
et du gazon; l'animal manque rarement d'y tomber, et on le tue sans danger à
coup de fusil ou de lance.
L'hippopotame, quoi qu'en aient dit beaucoup de voyageurs, fuit l'eau salée
et ne se trouve jamais dans la mer. Mais connue il se laisse souvent entraîner
par le courant jusqu'à lendjouchure des lleuves, et aussi loin (|ue l'eau reste
116 LES PACHYDEUMES.
douce, on a pu l'y rencontrer, et faire confusion en prenant son séjour acci-
dentel et momentané pour sa demeure ordinaire.
L'Hippopotame un SÉNÉr.Ar. (Uippopokimus espace iiilerniédiaire; quatorze molaires en liant
siurgnlciisis, Deshoul.) est ordiiiaireiueiit |)lus et douze eu l)as, à couronne carrée, marquées
petit que le précédent, dont il ne diffère guère de nomI)reuv replis d'émail. Ils ont deux ma-
que par des caractères anatomiques. Ses canines nielles inguinales.
sont constamment plus grosses, et le plan sur le- I,e Cueval ordiwibe ( Equns caballiis, Lin. )
(jucl elles s'usent est beaucoup plus incliné; l'é- varie considérablement pour la taille et la cou-
chancrure de l'angle costal de l'omoplate est à leur : on en trouve de noirs, de bruns, de bais,
peine sensible, etc., etc. 11 habite principale- de marron, d'isabelle, de blancs, de pie, etc., etc.
ment la Guinée, et fournit le meilleur ivoire. 11 en est qui ont les poils très-longs et un peu fri-
sés sur tout le corps, mais le plus ordinairement
V DIVISION. Un seul doigt ap])are)it, rev ferme leurs poils sont ras et lisses; on eu voit qui ont
dans un nni(ine sabot. la peau entièrement nue, comme les chiens turcs.
Leurs oreilles sont moyennes: ils n'ont point de
tO' Genre. Les CHEVAUX {Equits, Lin.) ont croix ou bande noire sur le dos et les épaules;
(|uarante-deux dents, savoir : six incisives en leurqueueest garnie de crins depuis son origine,
haut et six en bas; deux canines à chaque ma- Tels sont les caractères spéciflques les moins va-
choire, séparées des molaires par une barre ou riables du cheval.
« La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite, dit Buffon, est celle
de ce fier et fougueux animal qui partage avec lui les fatigues de la guerre et
la gloire des combats. Aussi intrépide que son maître, le cheval voit le péril et
l'alfronte ; il se fait au bruit des armes, il l'aime, il le cherche et s'anime de la
même ardeur; il partage aussi ses plaisirs à la chasse, aux tournois, à la course,
il brille, il étincelle; mais docile autant que courageux, il ne se laisse point
emporter à son feu, il sait réprimer ses mouvements : non-seulement il fléchit
sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs, et, obéis-
sant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s'ar-
rête, et n'agit que pour y satisfaire. C'est une créature qui renonce à son être
pour n'exister que par la volonté d'un autre, qui sait même la prévenir; qui, par
la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute ; qui
sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut; qui, se livrant
sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces, s'excède et meurt
pour mieux obéir. » Dans ce peu de lignes, et dans son histoire du chien, Buffon
a conquis la réputation d'un grand écrivain et, par contre-coup, celle d'un ex-
cellent naturaliste ; ce qui est hors de doute, c'est qu'il mérite la première
de ces réputations.
Quelques naturalistes nous ont présenté le cheval comme l'animal le plus
intelligent et le plus affectueux pour l'homme, après le chien et l'éléphant, et
ceci est une grande exagération. L'intelligence de cet animal consiste presque
toute dans son obéissance passive, automatique, si je puis me servir de cette
expression, et cette docilité qui le ferait s'élancer sans hésitation du bord d'un
précipice si son maître l'y poussait, me paraît prouver chez lui plus de machine
que d'intelligence. Il est vrai qu'il reconnaît son maître, qu'il hennit de plaisir
à son approche; mais l'indifférence avec laquelle il en change prouve au moins
que, s'il y a affection, il n'y a pas d'attachement. Le chien fait cent lieues d'une
traite pour retrouver son ami ; il languit, hurle, se désespère s'il en est séparé,
et souvent il vient mourir do chagrin sur sa tombe; le cheval a un maître et
PACHYDEKMES. 417
non un ami, il l'oublie (jiiand il ne le voit plus. Rcilevenu sauvage, dans les im-
menses savanes de l'Amérique, il a plus d'intelligence et de fierté que le cheval
domestique, parce qu'il a reconquis son indépendance. Au rapport d'Azzara, ces
animaux se réunissent en troupes nombreuses, composées quelquefois de plus
de dix mille individus, et non-seulement ils vivent tous en bonne intelligence,
mais encore ils savent se protéger mutuellement. Précédés par les vieux mâles,
qui l'ont l'office d'éclaireurs, ils marchent en colonne serrée que rien ne peut
rompre. Si quelque caravane de voyageurs estsignalée, « les chefs, dit Desmou-
lins, vont en reconnaissance, et, selon l'ordre de ces chefs, la colonne, au galop,
passe à travers ou à côté de la caravane, invitant, par des hennissements graves
et prolongés, les chevaux domestiques à la désertion. Ils y réussissent souvent.
Les chevaux transfuges s'incorporent à la troupe et ne la quittent plus (Pallas
dit que les troupes de Dziggetais embauchent de la même manière les chevaux
domestiques). Si les chevaux sauvages ne chargent pas, ils tournent longtemps
autour de la caravane avant de faire retraite. D'autres fois ils ne font qu'un seul
tour et ne reparaissent plus. Chaque troupe est composée d'un grand nombre
de pelotons formés d'autant de juments cpi'un seul étalon peut en réunir. 11 se bat
pour leur possession contre les premiers qui la lui disputent. Les juments recon-
naissantes suivent néanmoins le vaincu autant qu'elles le peuvent. Descendus de
la race andalouse, ils lui sont inférieurs pour la taille, l'élégance, la force et la
vitesse. » Pris au lasso et domptés, ces chevaux deviennent dociles, mais ils ne
manquent jamais l'occasion de retourner à la liberté. La patrie du cheval sau-
vage paraît être le désert des environs des mers Caspienne et Aral, jusqu'au cin-
quante-sixième degré boréal, et dans ces immenses plaines, il porte le nom de
Tarpan. Quelques natiu'alistes, sans doute pour se conformer à une opinion
reçue, ont dit que ces tarpans sont des chevaux autrefois domestiques et rede-
venus sauvages, et je ne sais trop sur quels faits ils pourraient établir la preuve
d'une telle supposition. A travers plusieurs observations, qui me semblent ap-
puyer une opinion tout à fait contraire, j'en choisirai une. Il est reconnu que
tous les chevaux devenus sauvages se don)ptent avec la plus grande facilité, et
en peu de jours prennent toutes les habitudes de docilité qui caractérisaient
leurs ancêtres; il n'en est nullement de même des tarpans; pris à tout âge,
soumis à tous les modes de traitement, ils ne s'apprivoisent jamais parfaitement
et restent toujours farouches et indomptables, connue le zèbre et l'hémione;
cette sauvage inflexibilité prouverait en outre, si cela était nécessaire, qu'il n'a
rien moins fallu qu'un laps de temps très-considérable, des siècles peut-être,
pour les amener à changer de caractère au point d'être les plus obéissants de
tous les animaux. Aussi la conquête de l'homme sur ie cheval date-t-elle de la
plus haute antiquité.
Nous n'entrerons pas dans de plus grands détails sur l'histoire du cheval,
parce qu'elle est connue de tout le monde, et nous nous bornerons ici à énoncer
sommairement les principales races qu'on en a obtenues.
Les Arabes passent pour les plus l)eaux et les que les préct'di'uls , et presque aussi estimés.
meilleurs de tous. Parmi ceux-ci les Marocains passent pour les
Les Barbes sont moins grands et moins étoffés meilleurs, et ceux de Mohtagnes viennent après.
55
418
LES PACHYDERMES.
Les Turcs ne sont i)as aussi l)ieii proportion-
nés, et leurs jambes sont trop menues, ainsi que
leur encolure;
Les Persans ont le poil plus ras que les au-
tres;
Les Arméniens sont un peu mieux faits. Ces
trois dernières races sont très-vigoureuses.
Les Esjxignols tiennent le second rang après
les barbes; ils ne sont pas connnunément de
grande taille.
Les Andtiloiis passent pour les meilleurs de la
race précédente ;
Les Anglais sont fort beaux, légers à la course.
Ils sont croisés de barbe ou d'arabe et de nor-
mand ;
Les Italiivs sont moins beaux qu'autrefois.
Les iSapolitains font eiKore de bons cbevaux
d'altelage, malgré la groseur de leur tète et l'é-
paisseur de leur encoliu-e ;
Les Danois, à cause de leur belle taille, sont
très-estimés poui- les attelages ;
Les All(miin:ls sont beaux, niiiis en général ,
pesants et manquant d'haleine.
Les Hongrois et les Transijlrains sont bons
coureurs, et fort propres à la remonte de la ca-
valerie.
Les Croates et les Polonais sont sujets à être
béguts ;
Les Hollandais, et surtout \eii Frisons, sont de
l)eaux chevaux de cai rosse;
Les Mormands sont les plus beaux cbevaux de
la France, pour le carrosse et le cabriolet ;
Les Limosins sont les meilleurs cbevaux de
selle;
Les rheraitx du Colentin sont très-beaux au
<arrosse.
Les Francs-Comtois et les Boulonnais sont
excellents pour les traits ;
Les BourgiCignons , Auvergnats , l'oilccins
et Morrandiau.r sont assez laids, mais très-
robustes et fournissent de bons bidets ;
Les Corses sont remarquables par leur petite
taille.
Ceux de la Camargue fournissent de bonnes
remontes à la cavalerie. Beaucoup sont blancs.
Ici nous finirons une uomenclatiue qu'il se-
rait inutile de jmusser plus loin, en mentionnant
pourtant la singulière race Calniouque, à poils
longs et laineux, et dont le muséum possède uu
bel individu.
Le DziGGETAi {Eqnns tiemionus , Pm.i.. Le
DshiLkdeij i\e Peivx. Le Uz'igiftai, le Czigithai
de quelques naturalistes. Le Mulet sauvage des
vojageurs ) tient le milieu entre l'àne et le che-
val pour les proportions, et pour les formes il
ressemble au mulet, quoiqu'il ait les jambes pins
minces et l'altitude jjIus légère. Son pelage est
isabelle , avec la crinière et une ligne dorsale
noires ; sa queue est terminée par une houppe
noire. Il vit en troupes souvent composées de
plus de cent individus, dans les déserts sablon-
neux de l'Asie, particulièrement dans la Mongo-
lie, rindostan et l'IIinmialaya. 11 est très-vigou-
reux, et peut soutenir, dit-on, une marche de
soixante lieues sans se reposer; habitant des plai-
nes, jamais il ne pénètre dans les montagnes éle-
vées, ni ne pénètre dans les forets ; son ouïe et sou
odorat sont d'une finesse extrénie ; sa course est
d'une telle rapidité, qu'elle surpasse de beaucoup
celle d'un cheval, d'où il résulte que, lorsque les
Mongols et surtout les Tanguts veulent s'en em-
parer pour son cuir, et sa chair, qu'ils trouvent
excellente, ils sont obligés de lui tendre des piè-
ges, ou de l'attendre à l'affût, et de le tuer à coups
de fusil. Le caractère de cet animal est indomp-
table, et jamais on n'a pu le soumettre à la do-
mesticité. Le Jardin des Plantes en possède plu-
sieurs individus assez doux, mais très-capricieux.
CABANE ET ENCLOS DES HÉMIONES.
PRÈS DE LA r,llA!MI)E HO TON DE
( J.rdin <l,-s PI,
l'ACIlYDKIlMKS.
41 i)
I.e ZÈBRE [Eiiiiiis zebid, Lin. Equiis monUnins^ Burch. L'Hippol'igre ou (Ihc-
vnl-Tigre des anciens. L'Ane rniji; du Lap de ([iiehiiies voyageurs )
Est plus grand que le dziggelai et approche de la taille du clieval ; il est ex-
trêmement remarqiiaMe par la heauté de son pelage blanc, rayé sur la tète, sur
le cou, le corps et les fesses, de bandes noires Irés-régulières ; il n'a pas de raie
noire longitudinale sur le dos; son ventre est blanc, marqué d'une ligne noire
au milieu.
Cet élégant animal habite le cap de Bonne-Espérance, et probablement toute
l'Afrique méridionale. On dit l'avoir rencontré au Congo, en Cuinée, et en
Abyssinie. Si on veut interpréter d'une certaine manière assez vraisemblable
plusieurs passages obscurs de Dion Cassius {Abréfjé de XippInUbi) il paraît (|ue
les Romains, sous le règne des Césars, connaissaient déjà le zèbre, etDiodoredc
Sicile semble le désigner, quoique confusément, dans sa description du pays des
Troglodytes. On peut en tirer cette conséquence que, dans des temps antérieurs,
celte espèce occupait une zone beaucoup plus étendue qu'aujourd'hui. Quoiqu'il
en soit, le zèbre se rencontre rarement dans les plaines, et semble ne se plaire
que dans les pays montagneux ; ([uoique moins agile que le dziggetai, sa course
est très-légère, et les meilleurs chevaux ne peuvent l'atteindre. 11 vit en troupes
(pii aiment à paître l'herbe sèche des lieux les plus escarpés; son caractère est
farouche, et comme il a l'organe des sens excellent, il reconnaît de très-loin
l'approche des chasseurs, et fuit même avant cpion ait pu l'apercevoir. Aussi
n'est-ce guère que par surprise (pi'on peut l'avoir à la portée du fusil, et il est
presque impossible de s'en emparer vivant, si ce n'est bu'.squ'il est fort jeune et
(pi'on a tué sa mère.
Vainement les Hollandais du Cap ont-ils fait totU ce (ju'ils ont |iu pour l'ap-
privoiser cl le soumettre à la domesticité. Quel (pie soit l'âge auquel il a été pris.
Ui)
LES PACHYDERMES.
il reste toujours indomptable, capricieux, rétif, et plus tèlu qu'un niulel. 11 y a
quelques années que la ménagerie en possédait une femelle qui paraissait assez
douce. Plusieurs fois elle se laissa atteler à une voiture de travail sans de trop
grandes difficultés, mais tout à coup elle se mettait à ruer, entrait en fureur, et
])risait harnais et voiture. Deux fois on la fit couvrir, une fois par un cheval, et
lautre fois par un âne dEspagne, et j'ai vu le produit de ce dernier. Il ressem-
blait beaucoup à sa mère; il teta pendant un an et jusque-là fut très-doux ; mais
à cet âge il changea de ressemblance et de caractère : il devint d'un gris foncé,
et il ne lui resta de sa belle livrée que des bandes transversales sur le garrot,
les jambes et la queue. Son caractère devint encore plus méchant que celui de
sa mère, et il lui est arrivé plus d'uue fois d'attaquer ses gardiens à coups de
pieds et de dents. II ne hennissait pas, et paraissait éprouver un grand plaisir à
se rouler dans la boue ou sur la terre humide. Quoi qu'il ait vécu très-longtemps
et qu'il fût très-robuste, on ne s'est jamais aperçu qu'il ait été en rut ; il était
certainement mulet.
Le Dauw (Rqmis Burcheltii — Eqmts zebroi-
des, Less. Eqiiuszrbrn, Buncii. Asinus BiircUel-
tii, GiuY ) est i)lus |)elit que 1 ïine, mais ses for-
mes sont beaucoup plus légères et jilus gracieu-
ses ; ses oreilles sont plus courtes ; le fond de son
pelage est couleur Isabelle, blanchissant sous le
ventre ; ses jambes et sa queue sont blanches ;
le dessus est rayé de bandes noires, transversa-
les, alternativement plus larges et plus étroites
sur la tcte, le cou et le corps : celles des fesses
et des cuisses se portent obliquement en avant.
Celte channante espèce habite l'Afrique. Elle vit
en troupes et peuple les karoos les plus secs et
les plus solilaires, où elle se nourrit d'herbes sè-
ches, de plantes grasses, et du feuillage de quel-
ques mimosa'. Le dauw est peut-être le i)lus
farouche de tous les chevaux, et il est absolu-
ment impossible de le soumettre à la domesti-
cité. Rétif, tèlu, capricieux et colère, il se dé-
fend avec fureur non-seulement contre les mau-
vais traitements, mais quelquefois encore contre
les caresses. On en a fait la triste expérience à
la ménagerie qui en possède plusieurs depuis
182/f. L'un d'eux, sans aucun motif apparent, se
jeta sur un de ses gardiens, le renversa, lui fil
avec les denfs plusieurs épouvantables blessures,
et s'acharna tellement sur lui. qu'il lui broya une
cuisse. On parvint à arracher le malheureux gar-
dien de dessous ses pieds, mais il était tellement
mnlfrailé, qu'on fut obligé de lui faire l'amputa-
tion. Les dauws produisent à la ménagerie, et
plusieurs y sont nés; dans l'instant où j'écris
ceci, une femelle y allaite encore son poulain.
Le CouAGGA {Eqittis quaccha, CIml. Le
Couaggn, Bi ff. Le Qitutha de Pen\. Le Cheral
du C«/) des vojagem-s) est un peu moins grand
que le zèbre et se rapproche plus du cheval par
ses formes généj-ales. Sa léte, son cou et ses
épaules soni d'un brun foncé tirant sur le noi-
râtre; le dos et les flancs sont d'un brun clair,
et cette couleur passe au gris roussàtre sur la
croupe; le dessus est rayé en travers de blan-
châtre ; le dessous, les jambes et la queue sont
blancs : celle-ci se termine par un bouquet de
poils allongés. 11 habite les karoos ou plateaux
de l'Afrique méridionale, et vit en troupes, pèle-
méle avec les zèbres. Moins farouche que les au-
tres chevaux, il s'apprivoise vite et assez bien, se
mêle avec le bétail ordinaire, et le protège con-
tre les hyènes. S'il en aperçoit une, il s'élance
sur elle, la frappe des pieds de devant, la ren-
vci'se, lui brise les reins avec ses dents, la foule
aux pieds et ne l'abandonne qu'après l'avoir tuée.
Comme il a l'odorat excellent, il la flaire de très-
loin, et ne la laisse jamais approcher du trou-
|)eau. Les colons du Cap en élèvent souvent pour
s'en servir de gardien. Dans les circonstances or-
dinaires, il a une sorte de hennissement ayant de
l'analogie avec celui du cheval, mais d'aulres fois
il pousse un cri aigu que l'on peut rendre assez
exactement ainsi, <oiin-aij. La ménagerie en a
possédé un qui y a vécu jusqu'à l'âge de dix-huit
ou vingt ans, et on lui fit couvrir uneànesse en
chaleur sans obtenir de résultat. Malgré sa faci-
lité à s'ap|)rivoiser, je ne crois pas qu'on soit
encore [jarvenu à le dompter.
L'Ane ( lùiuus asinus, Li>. L'Ane et le Mulet
BcFF. h'Oiingre des anciens. Le Kotilan desTa-
fares. l.e Clmlnn desKalmouks) varie beaucoup
moins que le che\al dans sa couleur, mais beau-
coup dans ses formes et dans sa taille. L'àne do-
mestique est ordinairement gris de souris ou
gris argenté, luisant ou nuié de taches obscu-
res ; il a le plus ordinairement sm" le dos une
bande noire longitudinale, croisée sur les épau-
les par une bande transversale; ses oreilles sont
très-longues, et sa queue est floconneuse à l'ex-
trémité. L'Ane sauiagc ou Onagre a la taille
PACHYDEKMES. i21
plus giaiidc. 11' poitrail étroit, le corps coin- la tèle, les cotés du cou, les flancs et la croupe
primé : les oreilles beaucoup plus courtes ; il a de couleur isabcUe, avec des bandes de blanc
les jambes très-longues, et il se gratte aisément sale; sa crinière est noire; il porte le long du
l'oreille avec un pied de derrière : son chanfrein dos une bande couleur de café, qui s'élargit sui-
est arqué, sa tète légère, et il la porte relevée la croupe, mais qui n'est traversée par une autre
comme le cheval en marchant. Il a le dessus de bande sur les épaules que chez les mâles.
L'onagre est connu depuis la plus haiile aulicpiilé, el Moïse défendit de l'ac-
coupler avec l'âne parce qu'il le croyait d'une espèce différente ; les empereurs
romains en nourrissaient dans leurs écin-ies comme objet de curiosilé. Aujour-
d'hui on ne le trouve plus vivant en liberté que dans la Tatarie, et particulière-
ment dans le pays des Kalmouks , qui le regardent comme un excellent gibier
et le chassent pour le manger et vendre son cuir dont on prépare le chagrin.
Aucun animal de son genre n'a le pied aussi sûr que lui pour marcher sur le
bord des précipices, au milieu des rochers; aussi aime-t-il de préférence les
sentiers escarpés et étroits, et cet instinct primitif s'est transmis de génération
en génération jusqu'à notre âne domestique. Il court avec une vitesse extrême,
el soutient cette allure plus longtemps que les meilleurs chevaux arabes et per-
sans ; enlin sa sobriété en ferait un animal parfait, si l'on pouvait le dompter
assez bien pour le monter sans danger ; malheureusement il n'en est pas ainsi.
Les Persans, qui tiennent à honneur d'avoir de beaux àues pour monture, élè-
vent de jeunes onagres qu'ils apprivoisent et croisent avec des ânesses. Les
individus qui en résultent sont très-estimés pour leur force, leur légèreté, et
ont une grande valeur, mais ils sont un peu plus vicieux que les autres, et comme
on a encore l'antique habitude de leur peindre la tète et le corps en rouge pour
les distinguer des ânes ordinaires, ils ont donné naissance à ce proverbe vul-
gaire qui a passé jusqu'à nous, <- méchant comme un âne rouge. « Cette habitude
de les peindre a aussi fait croire à quelques voyageurs peu observateurs, qu'en
Perse il existait des ânes rouges. Du reste, les onagres vivent en troupes innom-
brables, et se défendent avec courage contre les bêtes féroces. Ils emploient pour
cela, comme pour leurs marches dans le désert, la même tactique que les che-
vaux sauvages. Lorsque les éclaireurs qui vont en avant de la troupe aperçoivent
un homme, ils jettent un cri, font un ruade, s'arrêtent, et ne fuient que lors-
qu'on en approche ; alors toute la bande détale au plus vite. Pour les prendre on
emploie des pièges et des lacs de corde, que l'on tend dans les lieux oii ils ont
l'habitude d'aller boire.
L'âne domestique, si chétif et si dégénéré chez nous, n'en est pas moins un
animal extrêmement utile, et que l'on ne sait pas assez apprécier parce que l'oii
est trop porté à le comparer au cheval. » 11 est de son naturel, dit Buffon, aussi
humble, aussi patient, aussi tranquille, que le cheval est fier, ardent, impétueux ;
il soulfre avec constance, et peut-être avec courage, les châtiments et les coups;
il est sobre et sur la quantité et sur la qualité de la nourriture ; il se contente
des herbes les plus dures et les plus désagréables, que les autres animaux Un
laissent et dédaignent; il est fort délicat sur l'eau, il ne veut boire que la plus
claire et aux ruisseaux qui lui sont comnis. Comme on ne prend pas la peine de
l'étriller, il se roule souvent sur le gazon, sur les chardons, sur la fougère, el
sans se soucier beaucoup de ce qu'on lui fait porter, il se couche pour se rouler
422
LES PACllYDERMKS.
toutes les fois qu'il le peut, et semble par là reprocher à son maître le peu de
soin qu'on prend de lui ; car il ne se vautre pas dans la fange et dans l'eau, il
craint même de se mouiller les pieds, et se détourne pour éviter la boue; aussi
a-t-il la jambe plus sèche et plus nette que le cheval ; il est susceptible d'é-
ducation, et l'on en a vu d'assez bien dressés pour faire curiosité de spectacle.
L'âne est peut-être de tous les animaux celui qui, relativement à son petit volume,
peut porter les plus grands poids; et comme il ne coûte presque rien à nourrir,
et qu'il ne demande pour ainsi dire aucun soin, il est d'une grande utilité à la
campagne, au moulin, etc. Il peut aussi servir de monture, toutes ses allures sont
douces et il bronche moins que le cheval ; on le met souvent à la charrue dans
les pays où le terrain est léger, etc. »
Si l'âne a de bonnes qualités, il a aussi ses défauts. Son cri ou braire est aussi
désagréable que retentissant; quoique son caractère soit généralement doux et
inoffensif, cet animal est capricieux et si têtu, qu'on le tuerait plutôt que de lui
faire faire ce qu'il s'est mis dans la tête de ne pas faire. Du reste c'est à grand
tort qu'on l'a accusé de stupidité, car son intelligence surpasse celle du cheval.
Il est très-courageux, se défend avec autant d'adresse que de fureur contre les
chiens et autres animaux, et si un loup est seul pour l'attaquer, l'âne vient aisé-
juent à bout de le mettre en fuite, et même de le tuer.
Par le croisement du cheval et de l'ànesse, on obtient les bardeaux ou petits
mulets ; par celui de l'âne avec la jument, on a le mulet proprement dit. Tout le
monde sait que ces précieux animaux sont stériles, qu'ils ont une force prodi-
gieuse, la sobriété de l'âne, mais aussi sou entêtement.
Le Khur (Eqmts hhur, Less. \.'Ane snuvufje,
Isis de 1825) a les formes assez seiiiblal)les à celles
de l'àne ; cependant sa tète esl plus longue, et ses
membres sont plus forts. Son pelage est d'un gris
cendré en dessus, et d'un gris sale en dessous ;
son cri ne parait être qu'un fort grognement. Il
liabite l'Asie e( vit en grandes troupes, avec les
mêmes habitudes que l'onagre ; mais il descend
dans les plaines pendant l'hiver et ne se retire
dans les montagnes que pendant la belle saison .
PUITS ET MANEGE
Il I 11 H I K l( l; I. \ (', H \ M> h S K 11 II K T K >l P K 11 F K.
( .1 a , .1 i II ri .• - I'
LES RliMINANTS,
ONZlklME ORDRE DES MAMMIFERES.
Le Lama Ijljiie
Us n'ont d'incisives qu'à la niàcliolre inféiipuic
(si on en exceptele chameau et le paco) et ordinai-
rement au nombre de liuit ; elles sont rempla-
cées en haut par un bourrelet calleux. Entre les
incisives et les molaires est un espace vide, où se
trouvent, seulement dans quelques genres, une
ou deux canines. Les molaires, presque toujours
au nombre de six partout, ont leur couronne
marquée de deux doubles croissants. Tous les
pieds sont terminés par deux doigts et deux sa-
bots qui se touchent par une face aplatie; les
rudiments des deux doigts latéraux sont placés
derrière les sabots. Ces animaux ont la faculté
de ramener dans leur bouche pour les mâcher
de nouveau les aliments qu'ils avaient avnlés,
et cette opération se nomme ruminer.
LES CHAMEAUX
Ont des canines et point de cornes. Quel-
ques-uns ont sur le dos une ou deux loupes
graisseuses ou bosses.
1er Ge^re. Les LAMAS ( l.amu , Cuv. ) ont
trente dents, savoir : deux incisives supérieures
et six inférieures ; deux canines en haut et deux
en bas; dix molaires à la mâchoire supérieure
et huit à l'inférieure ; les deux doigts séparés; ils
manquent de bosse ; leur cou est très-long ; leur
lèvre supérieure fendue.
Le LAMA OU GUANACO [ Lama jicruv'uma, Lf.ss. Auclicuia j/lania, Df.sm. Caine-
iiis llania, Lix. Le Lnma, Buff. Le Giianaco ou Huanaca d'Ulloa. Le IJania des
Péruviens).
Cet animal est de la grandeur d'un oerl'; il ressemble assez, en petit, à un
chameau qui n'aurait pas de bosse, mais ses proportions sont plus légères, son
^'2^ LKS UUMINANTS.
oroille t'sl i)liis longuo et sa queue plus courte. Sa tète est plus petite, plus gra-
cieuse; sou O'il est rond, saillant, vil", mais son regard est adouci par des cils
longs et serrés; ses jamhes sont longues et minces; il a une plaque calleuse sur
le poitrail, et ces derniers caractères conviennent également à tous les animaux
de ce genre; mais il se distingue des autres par son pelage d'un l)run foncé ti-
rant sur le noir, avec un reflet l'oussàtre, à poils longs, laineux et grossiers, et
par sa grande taille. En domesticité, son pelage varie beaucoup de couleur d'un
individu à l'autre, et même d'une place à l'autre sur le même individu ; cepen-
dant il est généralement brun, varié de taches l)lancbes, et quelquefois tout
blanc.
Le lama paraît originaire des chaînes équatoriales de la Cordilière des Andes.
Lorsque les Espagnols firent la conquête du Pérou, c'était la seule bête de somme
que connussent les Américains, et Grégoire de Bolivar dit que de son temps les
lamas étaient si nombreux qu'on en mangeait quatre millions par an, et qu'il y
en avait trois cent mille employés journellement à l'exploitation des mines du
Potosi. Mais depuis que les mulets sont employés à ce travail, et avec beaucoup
d'avantage, le nombre en est considérablement diminué, et on n'en élève plus
guère que pour la boucherie. Le lama ne peut pas porter plus de cent à cent
cinquante livres ; si on le charge davantage il refuse de se lever, ainsi que le
chameau, jusqu'à ce qu'on lui ait enlevé une partie de son fardeau. Il ne peut
pas faire de longues marches, et quatre ou cinq lieues par jour est tout ce qu'on
peut attendre de lui, encore faut-il qu'il se repose au moins un ou deux jours sur
cinq ou six. Son pas est assez lent, mais il a le pied tellement sûr, qu'il passe
dans des défilés, le long des rochers, sur le bord des précipices où les mulets se-
raient exposés à se précipiter. Cette raison engage les habitants des hautes mon-
tagnes à s'en servir encore quelquefois. Pour se faire charger, il se couche sur
la callosité de son poitrail, sur lequel il s'appuie ayant les jambes repliées sous
le corps; il rumine et dort aussi dans cette attitude. Si on le surmène et qu'on
le fatigue en le forçant à hâter le pas, il fait quelques elforts, puis se chagrine,
tombe dans le désespoir, se couche par terre, refuse de se lever, et on le tuerait
plutôt que de le déterminer à se remettre en marche ; d'ailleurs, si on le bat pour
le déterminer à se lever, il se frappe la tête contre les rochers et se tue.
C'est du reste un animal extrêmement doux, tout à fait inoffensif, se bornant,
pour toute défense contre l'agression et les mauvais traitements, à cracher sur
ceux qui le frappent. Il est très-docile, et surtout extrêmement sobre; il se con-
tente de foin et d'herbe pour toute nourriture, et il peut passer plusieurs jours
sans boire, parce que, ainsi que le chameau, il a une poche à eau dans l'estomac.
M. de Bufl'on dit en avoir vu un à l'école d'Alfort qui resta dix-huit mois sans
boire, et ce fait est au moins fort singulier.
En Amérique on nomme Gximmcn le lama sauvage, vivant à l'état de liberté
dans les montagnes. M. de llumboldt jiense que ces guanacos ne sont rien autre
chose que le lama domestique qui a reconquis son indépendance, et il apporte à
l'appui de son opinion des observations assez concluantes. Quoi qu'il en soit, on
ne trouve ces animaux que sur le sommet des plus hautes montagnes, et près de
la région des neiges éternelles. Ils y vivent en troupes fort nombreuses et sont
extrêmement farouches. Si on veut les poursuivre avec des chiens, ils se jettent
CHAMEAUX.
425
aussitôt dans des rochers inaccessibles à tout autre animal qu'eux, et franchis-
sent les précipices avec la même légèreté que les chamois. Ils ont l'hahitudc; sin-
gulière de déposer leurs excréments toujours au même endroit, comme font quel-
ques antilopes et les chevaux sauvages, et ceci dénonce aux chasseurs leur pré-
sence dans les cantons où ils se trouvent. On leur tend des pièges et des lacets,
et ils y donnent assez aisément. Le temps de la gestation est de cinq mois et quel-
ques jours; la femelle ne met ordinairement bas qu'un petit, rarement deux, et
elle allaite pendant cinq ou six mois. Ces animaux croissent très-vite et ne vi-
vent pas plus de douze à quinze ans. Leur chair est bonne, et celle des jeunes est
particulièrement estimée.
54
;2G
LKS HUMiNANTS.
'''^^a^à^^^S^
Les naturalistes reconnaissent aujourd'hui trois espèces de lama ; celui dont
je viens de parler, l'alpaca et la vigogne; mais ces trois prétendues espèces pro-
duisent ensemble des hybrides, comme le chien et le loup, et ces hybrides se
reproduisent entre eux : ceci a été parfaitement observé sur le troupeau de lamas
envoyé à Cadix en 1808. Or, jusqu'à ce que les naturalistes qui rejettent l'im-
portance de ce fait, et qui prétendent que cela ne fait rien à l'espèce que le métis
soit fertile ou mulet, jusqu'à ce que, dis-je, ils aient défini clairement ce qu'ils
entendent par espèce en zoologie et en botanique, je m'en tiendrai à la définition
des Buffon, Cuvier, de Candolle, etc., etc., je regarderai ces trois lamas comme
de simples types de races, et j'y en ajouterai même deux autres sans empêcher
que l'espèce ne reste unique à mon avis.
L'Alpaca ( I.ajna imvo, Less. Awhenia pa-
co, Desm. Camelits pacos , Eiixl. Le Paco,
BivF. ) est plus bas sur jambes que le précédenl
et beaucoup plus large de corps ; un bandeau
de poils roidcs et soyeux s'étend du front sur la
face ; sou poil est de longueur uniforme depuis
la nuque jusqu'à la queue, aux poignets et aux
talons ; il est d'un bruu marron, rellété de uoir ;
le dessous de la gorge et du ventre ainsi que le
dedans des cuisses sont presque blancs ; sa toisou,
presque entièrement composée d'un poil doux et
laineux, lui tombe sur les flancs eu mèches lon-
gues de plus d'un pied (0,325), n'ayant guère
moins de linesse et d'élasticité que celui d'une
chèvre de Cachemire. L'individu qui a vécu à la
ménagerie était doux, timide, sensible aux ca-
resses, et se laissait aisément conduire à la laisse ;
il donnait des ruades comme les autres rumi-
nants, et galopait pour courir, ce que ne fait
pas le chameau. Cet animal a les mœurs sauva-
ges, et vit en troupes dans les Andes du Pérou.
Le LcAN ou GuANAQiJE DE MoLi.\A (Lama
Moitnœi) diffère des précédents par sa taille
beaucoup plus grande, égalant presque , selon
Molina, celle d'un cheval; son dos est voûte; sa
tête est ronde, son museau pointu et noir, ses
oreilles droites, sa queue courte et droite comme
aux cerfs. Son pelage est fauve sur le dos, blan-
châtre sous le ventre. Cet anini.ol habite l'Amé-
rique australe jusqu'au détroit de Magellan. L'été
il se tient dans les hautes montagnes, mais l'hiver
il descend dans les vallées et les plaines. On le
CIIAMKVUX. 127
reiu'imlre ti)ii|(niis rii Iihuiih's com[)()st'es quoi- lirngna , DiiSM. Camclus ricngna , Ln. La
fjuofois de plus (le sept à huit cents. l''fif^'(7''P, Buff. ) est de la grandeur d'une chè-
Le IIiiÈoiE {Lama <hili-hiicque) ressemble vre ; ses jambes sont longues et menues; sa tête
au mouton par la fête, les oreilles ovales et est d'une grosseur moyenne, et son museau s'u-
tlascjues, et sou chanfrein bossu ; ses yeux sont nit au front i)ar une légère courbure ; son pe-
grands et noirs, ses lèvres grosses et pendantes. lage est d'uu brun fauve pâle, tirant sur la cou-
Les anciens Chiliens l'employaient comme béte leui- Isabelle en dessus, et blanc eu dessous; sou
de soiume et le conduisaient eu lui passant une poil est laineux, très -doux, extrêmement fin,
corde dans l'oreille. long d'iui pouce (0,027) snr le corj)s et de trois p.
I,a ViGor.NE (Lama vicngna, Less. Ainhcnia (0,081) sur la poitrine.
La vigogne est d'un cafaclére timide, mais sauvage et farouche ; elle est inca-
pable de s'attacher, et s'apprivoise très-difficilement. C'est un individu de cette
race qui a vécu à Alfort, et qui a permis à Buffon de faire des observations. Elle
cherchait à mordre ses gardiens, et crachait sur tous ceux qui l'approchaient.
Malgré les soins que l'on a eu d'en prendre de très-jeunes et de les faire allaiter
par des alpacas, on n'a jamais pu parvenir à les réduire à l'état de domesticité.
Cetanimal vit en troupes considérables près des cimes toujoursglacées des Andes,
011 on va le chasser pour s'emparer de sa toison, après l'avoir tué. On en fabri-
que des ponchos, étoffes excessivement fines dont ne se vètissaient autrefois (jue
les caciques, et que portent aujourd'hui les riches Espagnols américains. On a
vainement essayé d'élever des vigognes dans les plaines du Pérou et du Chili ; elles
y vivaient quelque temps dans le regret de leurs montagnes glacées, se couvraient
de gale et mouraient. Quand les chasseurs ont reconnu l'endroit oi'i se trouve un
troupeau de vigognes, ils tendent, du côté des défilés par lesquels elles pour-
raient s'échapper, des cordes auxquelles sont suspendus des chiiïons de toutes
couleurs, puis ils se mettent à la poursuite du troupeau qui souvent se compose
de deux à trois cents individus. Ces animaux sont si extraordinairement timides
qu'arrivés en face des cordes ils en sont effrayés au point de s'arrêter et de res-
ter dans une immobilité complète, le cou et les yeux tendus vers les chiffons rou-
ges, blancs et jaunes agités par le vent. Les chasseurs arrivent, les saisissent par
les pieds de derrière sans qu'elles osent se retourner, et ils en tuent une grande
quantité. Si un guanaco ou un alpaca se trouvent dans le troupeau, la chasse ne
réussit pas, car il franchit la corde et toutes les vigognes en font autant après lui.
Encore aujourd'hui, au Chili et au Pérou, on tue annuellement jusqu'à quatre-
vingt mille vigognes, et cependant l'espèce ne paraît pas diminuer.
2^ Genre. Les CHAMEAUX {Camclns, Ln.) Le Chameau ( Camebis baclrianus , Lin. Ca-
sont de grands animaux qui se reconnaissent de meliis Bartriœ de Pline. Le Chameau, Bcff.) a
suite à une ou deux bosses énormes qu'ils por- ordinairement sept pieds (■2,274) de la terre au
tent sur le dos. Ils ont trente-quatre dents, sa- garrot ; il porte deux bosses, l'une sur le garrot
voir : deux incisives sui)érieures et six inférieii- l'autre sur la croupe. Son pelage est d'un brun
re,s ; deux canines à cliaque mâchoire; douze roussàtre, laineux, très-touffu, coiuposé d'un
molaires en haut et dix en bas. Leurs doigts sont duvet fort long entremêlé de poils rares, i)lus
réunis en dessous |)ar une semelle coumnme qui longs et grossiers. 11 est précieux dans les con-
s'élend jusqu'à la pointe. tiées chaudes et sablonneuses.
Le chameau, nommé i)ar les Arabes le vaisseau du dcseri, parce que sans lui
il serait impossible de traverser les vastes solitudes de l'Asie, paraît être origi-
naire du pays de Shamo, vers les frontières de la Chine ; du moins aujourd'hui
on ne le trouve plus que là à l'état sauvage. Il est plus grand, plus fort que le
''(28 LES UUMINANTS.
dromadaire, mais moins léger à la course; il craint moins les terrains humides
et la boue, mais tous deux deviennent inutiles dans les pays rocailleux, faute de
pouvoir marcher sans se blesser. Leur chair et leur lait servent à la nourriture,
et leiu- poil à faire des vêtements grossiers, principalement d'excellents man-
teaux (pie les Arabes nomment baracam. Le chameau est célèbre par sa sobriété,
et en ellel, sous un ciel brûlant, à travers les déserts les plus secs et les plus
arides, il peut soutenir la fatigue pendant trois ou quatre jours sans boire, et
ayant pour tout aliment quelques noyaux de dattes mêlés à un peu de riz ou de
maïs. Il a dans l'estomac une sorte de poche dans laquelle il n'amasse pas une
provision d'eau en buvant, comme on l'avait dit, mais dans laquelle il s'en amasse
continuellement qui se forme dans son corps et se rend dans cette poche en
suintant de ses parois. En contractant ce singulier organe il force l'eau à en sor-
tir, à se mêler à ses aliments, ou à refluer jusque dans sa bouche. Hors le temps
du rut, cet animal est docile et fort doux; il obéit à la voix des chameliers, me-
sure son pas à la cadence de leurs chants, s'agenouille pour se faire charger et
décharger, et porte aisément une pesante charge de marchandises. Mais cpiand il
est en amour, pour peu qu'on le contrarie, il entre en fureur et devient alors très-
dangereux. Il apporte en naissant ces callosités qu'il a au poitrail et aux genoux,
et que Buffon regardait comme un stigmate imposé par une antique servitude.
On a vainement cherché à acclimater ces précieux animaux dans d'autres pays
que les leurs, par exemple en Espagne et en Amérique ; ils y vivent et multiplient
même, ce ipii leur arrive également à la ménagerie à Paris, et cela en raison des
soins que Ion en prend; mais ils y sont impuissants au travail, deviennent fai-
bles, languissants, et finissent par périr avec leur chétive postérité. On a voulu,
au Jardin des Plantes, en utiliser deux en leur faisant tourner une manivelle pour
tirer l'eau d'un puits; ce faible travail les fatiguait beaucoup, et ils faisaient
dans leur journée moins de travail que n'en aurait pu faire la plus misérable
rosse. Comme le chameau et le dromadaire produisent ensemble des petits fé-
conds, on ne doit les regarder que comme types d'une simple race.
Le Dromadaire (Came/i/s rfroinedarifjs, Lin. que celles du précédent, mais il est beaucoup
Camelus Arabia',Vu^E. Le Cametus arabicas, plus léger à la coui-se et sert plus souvent de
u'Aristote. Le Uromas des Giecs, et le Djemal monture. Les Maures eu possèdent une variété
des Arabes). Cet animal diffère du précédent plus petite, nommée herry, si vigoureuse et si
e» ce qu'il n'a qu'une bosse arrondie sur le mi- légère, qu'elle peut faire aisément trente lieues
lieu du dos; son pelage est assez doux, laineux, d'un seul trait. Le dromadaire est U'ès-répandu
de médiocre longueur, d'un gris blanchâtre ou en Perse, en Egypte, eu Arabie, eu Abyssiuie,
roussàtre. Ses mœurs sont absolument les mêmes en Barbarie, etc.
l A
"\X^'
CABANE DES AXIS ET DES CHEVRES DU SENHAAR
( J a-r il i n des P I a n I e
MOSCHINRKS.
'(•29
Le Musc on Chevrotain
fiaw^^^^^^-^"
LES mosciiin]^:es
N 'oui pas de cornes; ils ont do cluique coté
de la niiichoire su|)érieure nne longue canine
qui sort de la bouche dans les niàles.
3= r.ENRF. T,es CHEVIiOTAliVS (Mosrhus,
Lin.) ont trente-quatre dents, savoir : huit in-
cisives en bas, i)oint en haut ; deux canines en
haut, point en bas ; douze molaires à chaque
mâchoire ; leur taille est élégante, leurs pieds
lins, à sabots conformés comme chez, les autres
ruminants ; ils manquent de larmiers.
Le MUSC [Moschits tnoschi feras. Lin. Le Xé dos Chinois. Le Gifar des ïa-
lares. Le Kiidari, le Dsaanja et le Psehija des Kalmoncks. Le Gloa, Glao et
Alatli du Thibet. Le Kaborcja, le Saïcjai'l le Bjos des Russes et des Ostiaks)
Est un charmant animal, de la taille d'un chevreuil de six mois ; son pelage
est grossier, teint de brun, de fauve et de blanchâtre; ses canines sont trés-
apparentes hors de la bouche; un simple renflement remplace la queue. Les
jeunes portent une livrée et varient selon l'âge; mais, vieux ou jeunes, tous ont
sous le cou, depuis la gorge jusqu'au poitrail, deux bandes blanches bordées de
noir, enfermant entre elles une bande noire.
On trouve cet animal dans presque toute l'Asie, et principalement en Chine,
au Thibet, au l'égu et en Tartarie; il aune espèce de bourse de deux à trois
pouces de largeur, en dessous du nombril, des parois de laquelle sécrète une
humeur odorante, formant une masse de consistance sèche, même [)endant la
vie de l'animal, et connue dans le commerce de la parfumerie sous le nom de
musc. C'est entièrement à ce parfum très-recherché que l'animal doit l'antique
célébrité dont il jouit, mais aussi la guerre incessante qu'on lui fait.
Le musc n'habite que le sommet rocailleux des plus hautes montagnes, au
milieu des rochers et des précipices, où il déploie dans sa course toute la
légèreté du chamois. Ses ongles postérieurs, fort longs et pouvant s'écarter
430 LES RUMINANTS.
beaucoup, lui donnent une sûreté de marche extraordinaire ; il gravit aisément
les pentes les plus rapides, s'élance d'un bond au-dessus des abîmes, se préci-
pite avec hardiesse du sommet des rocs, saute d'une pointe à l'autre avec une
précision admirable, qui annonce autant de justesse dans son coup d'œil (|ue
de force dans son jarret, et tout cela avec tant de rapidité, que l'œil du chasseur
peut à peine le suivre dans sa fuite ; si le hasard le jette dans la plaine, il n'est
pas plus embarrassé dans sa course, et il passe même de grandes rivières à la
nage sans montrer la moindre hésitation. Comme le renne, il se nourrit en
hiver des lichens qui tapissent le flanc des rochers et les troncs d'arbres ; letf
il cherche des racines qu'il sait très-bien déterrer avec les pieds et arracher
avec ses longues canines, et il mange aussi les bourgeons et les feuilles de quel-
(|ues arbrisseaux, et entre autres ceux du Rhododendmm daiuiciun. Son carac-
tère est extrêmement timide, et, comme le lièvre, il paraît passer une partie
de sa vie dans des transes continuelles; caché le jour dans un fourré inacces-
sible, il n'ose en sortir que la nuit pour vaquer aux fonctions de l'animalité, et
c'est à cause de ses habitudes nocturnes que les voyageurs l'ont si rarement ren-
contré, même dans les contrées où il est le plus commun. Ces animaux vivent
ordinairement isolés; mais en novembre, moment où ils sont le plus gras, ils
entrent en rut et se rassemblent en troupes pour aller à la recherche des fe-
melles. Dans cette circonstance ils oublient leur poltronnerie naturelle, et se
livrent des combats furieux, dont plusieurs ne se retirent qu'après avoir reçu
des blessures graves ou perdu leurs longues canines. Quoi qu'on en ait dit, leur
poche de parfum ne contient pas plus de musc à cette époque qu'à une autre,
mais c'est en ce moment qu'on leur fait la chasse, parce qu'ils sont plus aisés à
surprendre, qu'ils donnent aisément dans les pièges qu'on leur tend, et que
leur chair, fort estimée par h's chasseurs, est alors grasse et délicate. On a
vainement essayé de les soumellre à la domesticité ; ils refusent de multiplier,
s'ennuient, et finissent par mourir de débilité.
Aussitôt qu'un chasseur a tué un de ces animaux, il enlève le plus prompte-
ment possible la poche au musc, en ferme l'ouverture avec un bout de ficelle, la
fait sécher à l'ombre, et en cet état elle est bonne à livrer au commerce. Mais
quelquefois son avarice le détermine à la fraude, et il fait de fausses poches avec
des morceaux de peau qu'il enlève au ventre de l'animal ; il y met plus ou moins
de musc delà véritable poche, et achève de les remplir avec du sang de l'animal.
Souvent, pour donner plus de poids, il y ajoute une certaine quantité de plomb,
et tout cela est fait avec tant d'adresse, qu'il est fort difficile aux marchands de
s'en apercevoir. Les femelles n'en produisent pas, et n'ont même pas de bourse
musquée. Ce parfum, extrêmement pénétrant, n'a pas la même force et la même
qualité partout; le meilleur vient du Tunkin, et le moins estimé des Alpes si-
bériennes; ce dernier n'a pas plus d'odeur que le castoréum.
Le Memimva {Moschus meminna, Euxl. Le cèdent et n'a pas de poclic à musc. 11 se trouve
Chcrrolaiu à tache blanche, Rlff. ) est reniar- à Ce^lan.
qHal)le par son pelage d'un gris olivâtre en des- Le Ciievrotain de Java ( Moschus jaranicns,
sus, blanc en dessous, avec des taches rondes et Pall. ) est de la taille d'un lapin; son pelage
blanches sur les flancs ; ses oreilles sont longues est d'un brun ferrugineux en dessus, onde de
et sa queue courte. Il est plus petit que le pré- noii- et sans taches sur les flancs, avec trois ban-
MOSCHINÉES
431
des blanches in lonfj sur la poitrine ; le bout
de son nuiseau est noir. 11 habite Java.
Le Napu (Moschnsna))!!, Fb. Cijv. Masilius
jaianiciis, Haffl. ) n'est guère plus grand que
le précédent, et sa taille ne dépasse pas celle
d'un lièvre; son pelage est brun, irrogulière-
menf mélangé de reflets d'un gris noirâtre ou
fauve : le poitrail est d'un brun foncé, avec cinq
taches blanches, linéaires et convergentes ; sa
niikhoire inférieure est blanche, il habite Su-
matra.
Le Kancuil (Momhus kanchit, Raffl. ) a
quatorze pouces (0,579) de longueur, sur neuf
(0,2'i4) de hauteur ; son pelage est d'un brun
rouge foncé, presque noir sur le dos, et d'un
bai brillant sur les lianes, avec le dessous blanc;
il a trois raies sur la poitrine et une bandelette,
qui va de la mâchoire à l'épaule, blanches; sa
queue est touffue, blanche au bout ; ses canines
sont fort longues et courbées en arrière. On le
trouve à Java, dans les forets, où il vit de feuil-
les, de bourgeons et de graines d'arbres.
Ce singulier animal est extrêmement rusé et plein d'intelligence; aussi les
Malais, quand ils veulent désigner un adroit voleur, disent qu'il est rusé comme
i\n kanchil. Il n'habite que les forêts les plus profondes, où il se nourrit princi-
palement des fruits du gmelinia villosa. Malgré son agilité extraordinaire, il
courrait risque quelquefois d'être atteint et déchiré par les bêtes féroces ou les
chiens des chasseurs, s'il n'avait l'adresse de s'en tirer d'une manière fort ex-
traordinaire pour un animal ruminant. Après avoir fui devant ses ennemis et
avoir rusé devant eux pour leur dérober sa piste, s'il se sent trop pressé par
eux, il s'élance d'un bond prodigieux à la haute branche d'un arbre, s'y accroche
par ses dents, y reste suspendu, et de là regarde tranquillement passer la meute.
Quand les chiens sont éloignés, il se laisse tomber à terre et retourne sur ses
pas sans plus s'en inquiéter.
Les naturalistes ont encore signalé parmi les chevrotains des espèces qui
n'appartiennent pas à ce genre. Tels sont les moschus pygmrcus, jeune âge de
l'antilope spinigera; les moschus americanus et delicalulus, qui ne sont (|ue des
faons du cervus rufus.
ï.il
LES II U MINANTS.
LES PLÉMCOUINKS
rs'onl point de ciinines; les mâles seulement
ont (les cornes ou bois osseux et caducs, c'est-
à-dire tombant chaque année, ou à des inter-
valles plus longs.
4«Gemie. Les CERFS ( Cfrcns, BRiss.)(int
trente-deux dents, savoir : point d'incisives en
haut et huit en bas; point de canines; douze
molaires à chaque mâchoire. La j)lupart ont un
mufle ; tous ont des larmiers sous les ^eux. Leur
taille est svelle, leurs jambes minces, leurs oreilles
médiocres; ils ont la queue très-courte. Nous
ne décrirons que les espèces vivantes, et nous
adopterons la classification de M. de Blainville.
l'e SECTION. Bois sessUcs, plus On moins subdi-
visés, sans andouillers ba.iilaires ni médians,
termines par une très-grande empamnure di-
gilée à son bord externe seulement.
L'ÉLAN [Cervus alces, Lin. Le Moos-deer des Anglo-Américains. h'EUui de
BuFF. L'Orignal des Canadiens. L'Eik on Elencl du nord de l'Europe. Le Loss
des Slaves )
Est le plus grand de tous les cerfs, et surpasse quelquefois la taille d'un che-
val, avec lequel son museau renflé a quelque analogie ; sa tête est longue el
étroite en avant; son bois consiste en une très-large empaumure garnie d'an-
douillers ou de digitations nombreuses à son bord extérieur; sa queue est
très-courte; son pelage est d'un brun fauve sur le dos et sur la croupe, et d'un
brun plus ou moins foncé en dessous. 11 noircit en vieillissant.
Le cou de cet animal est tellement court, que pour paître il est obligé d'é-
i-^^^^
,ABANE HÎT ENCLOS DES GERPS D'EUROPi.
l'BÈS UE 1* KOSSE M\ O L 11 S.
(J»rJin a.-- Hlai, tr». )
PLÉNICORNES. 433
carier et fléchir les jambes de (lovant ; aussi se nourrit- il i)lus volontiers de feuil-
lage, de bourgeons et d'écorce d'arbre (\ne d'iierlie. Il se plaît particuli«M-ement
dans les grandes forêts, surtout dans celles qui renferment des marais, où il se
plonge et reste tout le jour, pendant l'été, pour éviter la piqûre des taons ; dans
cette attitude, il se plait à brouter l'herbe qui croit sous l'eau, eu soufflant avec
grand bruit par les narines. Quoique timide comme tous les cerfs, comme eux
aussi il se défend avec courage quand la fuite ne lui est plus possible; dans ce
cas il frappe avec ses bois, avec ses pieds de derrière, et plus dangereusement
avec ceux de devant. Dans sa fuite il ne galope jamais, mais il court d'un trot
accéléré très-vif, et peut faire trente milles tout d'une traite. Il est fort singu-
lier que sa marche soit toujours accompagnée d'un craquement d'os qui n'a pas
encore été bien expliqué. Cet animal vit en grandes bardes, ou troupes; sa
femelle est plus petite que lui. Il est bien certain que depuis nom!)re d'années
on ne le trouve plus en France, mais il est encore assez commun dans les gran-
des forêts du nord des deux continents Son caractère est fort doux, il s'appri-
voise aisément, et dans le nord-ouest de l'Amérique les sauvages l'attellent à
leurs traîneaux, comme on le faisait autrefois en Suède. Il est en rut de sep-
tembre en octobre, et la femelle met bas deux ou trois petits, en avril et mai.
Ses ennemis les plus redoutables sont l'ours et le glouton. La chair de cet ani-
mal est assez mauvaise, mais sa peau est précieuse en chamoiserie.
ll<=SECTioN. Bois sessilesi)lus ou moins divisés^ toute l'Europe, et leur ctiair est assez estimée.
pourvus (i'andouilleis bnsilaiics et médians, Ils oui les mêmes habitudes que uotre cerf, mais
les andouillcrs supérieurs seuls comprimés, ils se plaisent moins dans les grandes forêts et
prélèreut les bois coupés de cbamps cultivés.
Le Daim (C.crvus dama, Li>. Ccrrus ])l(iti;-
rerns, Ray. Le Daim, Blff. Le Platogni des 111^ section. Rois comme dans le précédent,
Grecs actuels), moins grand que notre cerf; mais andouillers aplatis.
son pelage est d'un brun noirâtre en hiver, en
été il est fauve taihi'té de blanc ; les fesses sont Le RE\^E [Ccrrus turandus, Li,\. — Desm.
blanches en tout temps, bordées de chaque coté Cervusrangi fer, Tiiuss. Ccrrus coronntus, Desm.
d'une raie noire; la queue est plus longue que Le Caribou de Buiss. Le lieen des Lapons) est
colle du cerf, noire en dessus, blanche en des- de la grandeur d'un cerf, mais à jambes plus
sous ; le bois du mâle est rond à sa base a^ ec un courtes et plus grosses ; les deux sexes ont des
audouiller pointu ; aplati et dentelé en deboi-s bois divisés en plusieurs branches, d'abord gré-
dans le reste de sa longueur; passé un certain les et pointues, et qui finissent avec l'âge par se
âge, il rapetisse et se divise irrégulièrement en terminer eu palmes élargies et dentelées ; son
plusieurs lanières. On trouve des daims noirs poil, brun en été, devient presque blanc eu
sans taclies, et d'antres entièrement blancs. Ces hiver. 11 habite les contrées glaciales des deux
auimaux vivent en petites hardes dans presque continents.
Le renne est le cadeau le plus précieux que la nature ait fait à ces contrées du
Nord perdues la moitié de l'année sous de tristes frimas. Il sert à la fois de bête
de trait et de somme. Les Lapons, qui en ont de nombreux troupeaux, l'attellent
à de légers traîneaux sur lesquels ils voyagent avec une extrême rapidité, et à de
très-grandes distances. La femelle donne par jour à peu près un litre de lait ex-
cellent, remplaçant pour tous les usages celui de vache; la chair de cet animal
est fort bonne et se conserve fort bien au sel ; avec la peau on fait des vêtements,
des harnais, des sacs, des voiles de canots, etc. ; avec les tendons on fait des cor-
des et du til, des outres avec la vessie, des ustensiles divers avec ses cornes et
ses os; enfln il n'est pas une de ses parties (pii ne soi! utile. Aussi la richesse d'un
55
Wt LES KLMINANTS
Lapon se calciile-t-elle sur le noml)ie de rennes qu'il possède. Il les envoie
paître l'été sur les montagnes; l'hiver il les ramène dans la plaine, où ils savent
trouver leur nourriture en grattant el creusant la neige qui la couvre quelquefois
de plusieurs pieds. Cette nourriture consiste en lichens et en mousse, et. même,
-quand elle leur manque, ils se contentent d'écorces d'arhres, de hourgeons de
houleau et de sapin, et même, faute de mieux, on les accoutume à manger des
déhris de haleine et des os de poisson. Cet utile animal est doux, fort docile,
mais sujet, quand on le maltraite, à tomher dans des accès de fureur qui devien-
nent funestes à son conducteur s'il n'a pas la précaution de renverser le traîneau
sur lui et de rester caché dessous jusqu'à ce que la colère du renne soit passée.
A l'état sauvage, il a les mojurs de l'élan, à de très-petites différences prés.
Ces mammifères vivent en hardes extrêmement nomhreuses, et l'été, pour évi-
ter la piqûre des œstres, ils se retirent dans les plus somhres forêts de sapins
dans les montagnes. Us ont une si grande frayeur de ces insectes, que le hour-
donnement d'un seul suftit pour mettre le désordre dans un troupeau de deux
ou trois cents individus. Le rut a lieu en novemhre et décemhre, après quoi le
mâle jette son hois; la femelle ne perd le sien, qui est plus petit, qu'après avoir
mis bas, au mois de mai ; elle fait deux petits dont elle a grand soin. Ces ani-
maux s'apprivoisent facilement; ils sont fort doux, mais non pas très-timides,
et ils savent fort hien se défendre contre le glouton et les autres animaux car-
nassiers. Ceux qui ont vécu à la ménagerie étaient fort paisibles; on les nourris-
sait avec du lichen et du pain. On a vainement tenté d'acclimater les rennes
dans les hautes montagnes d'Ecosse, et, à plusieurs reprises, on y en a lâché des
troupeaux assez considérables, mais tous y sont morts en assez peu de temps.
1V« SECTION. Dois sessiles, à andouillers, ver d'un gris brun ; il a une grande facile d'un
basilaires et médians, Ions coniqttes fauve pâle sur les fesses et la queue. Le niàle
a des canines qui manquent à la femelle, el celle-
Le Cehf onnnAuiE (Cervus elaphus, Li^. ) ci est aussi dépourvue de bois. On doit regarder
est le plus grand des animaux sauvages de la connue de simples variétés : le cerf blanc, qui
France. 11 a la tête longue, terminée par un n'est qu'un albinos ; le cerf de Corse ( Cervus
mufle très-court ; ses bois sont ronds, branchus, roisicanus, Gmi..), qui est plus petit et plus
ayant une erapaumure terminale formée de trapu ; le cerf des Ardennes ( Cerius germa-
deux à cinq dagues; sa queue est mojeune; niciis, Bri.ss.). plus grand et à pelage plus
sou pelage d'été est d'un brun fauve, celui d'hi- foncé.
Le cerf entre en rut au mois de septembre, et pendant les quinze jours que
dure cet état, il est furieux, oublie sa timidité naturelle, se jette quelquefois sur
les hommes, et crie ou brame de manière à faire retentir les forêts. A cette épo-
que seulement les mâles se réunissent en hardes avec les femelles, et ils restent
en troupes nombreuses pour passer l'hiver ensemble; mais tant que dure le rut,
ils se livrent entre eux des coiubats à outrance, et forcent les jeunes mâles à se
tenir à l'écart; au printemps ils se séparent. La biche porte huit mois et quel-
ques jours, et ne met ordinairement bas qu'un petit qu'elle soigne avec tendresse
et qu'elle garde auprès d'elle quelquefois pendant deux ans. La chasse au cerf, à
cause des énormes frais qu'elle entraîne en chevaux, chiens, piqueurs, équipages,
a été de tous temps un plaisir de prince, ou au moins de personnages fort riches.
Elle a ses lois, ses règles et son langage particulier. Son vocabulaire, aussi stu-
i)ide que barbare, aussi iiupropre dans ses acceptions qu'ignoble dans son ensem-
i> LÉ NI cou m: s.
'i35
l)le, porle le cachet des valcis de chiens et des palelVeniers qui roiil invente; et
néanmoins, on l'entend quelquefois parler dans les salons de Paris. Quoique fort
timide et peu intelligent, h; cerf ruse devant les chiens, et emploie quelque-
fois des moyens surprenants pour leur échapper. Entre plusieurs exemples je
n'en citerai qu'un, dont j'ai été témoin sous l'empire. Un vieux cerf, hahitant
un canton des bois de Meudon, vingt fois fut mis sur pied par la meute impé-
riale. Il se faisait battre dans la forêt pendant un quart d'heure, puis tout à
coup il disparaissait, et ni hommes ni chiens n'en avaient plus de nouvelles, ce
qui mettait les piqueurs au désespoir régulièrement tous les quinze jours. Enlln,
un paysan que le hasard avait rendu plusieurs fois témoin de la ruse de l'animal
le trahit, et le pauvre cerf fut pris. Voici comment il agissait : après avoir fait
deux ou trois tours dans le bois pour gagner du temps, il filait droit vers la
route de Fontainebleau, se plaçait en avant d'une diligence ou d'une voiture de
poste, trottait devant les chevaux qui efïaçaient sa piste, et sans se presser davan-
tage, sans s'effrayer des voyageurs à cheval, à pied ou en voiture, qu'il rencon-
trait, il faisait ses six lieues et arrivait gaillardement dans la forêt de Fontaine-
bleau, d'où il ne revenait (jue le lendemain, quand le danger était passé.
Le Wapiti {Ceirns iiapit'i , Mnai. Cernis
major, Desm. Le IVnpiti de Waiiden. L'EU.
des Aniéricniiis ) est à peu près de la taille du
cerf, et a la queue très-courte; sou pelage est
d'uu fau\e l)ruiiàtre : ses fesses et sa queue sont
d'uu jaune très-clair; ses bois sont rameux,
très-grands el sans enipaumure; le mufle est
très-large, et le niale seul a des canines; ses
poils sont fort longs sous le cou cl la tête; l'in-
térienr de l'oreille est blanc, et les larmiers
sont très-grands. Cet animal babite le nord de
lAmérique: il n a qu'une femelle qu'il ne quitte
jam;iis, et vit en famille, mais non eu troupe.
Son caracière est fi)rt douv, et il s'apprivoise
facilement, jusqu'à une demi-domesticité; aussi
les Indiens s'en servent-ils pour l'atteler à leurs
traîneaux. Un individu a vécu à la luénagerie,
et l'on a vainement tenté de lui faire couvrir
des bicbes.
Le Cerf du Canada ( Cerins canudensis,
Gml. — t)Esni. Le licd-drer de Wardex) n'est
peut-être qu'une variété du précédent. Son pe-
lage est d'un fauve obscur, sans taches jaunâ-
tres sur les fesses ; sa queae est assez longue ;
ses bois sont branchus, sans empaumure termi-
nale, et ont six andouillers isolés, recourbés
à leur extrémité. Cet animal habite l'ouest et le
sud des Ktals-l.uis, et se trouve aussi dans les
montagnes Koehenses, où Clark et Lewis disent
en avoir vu dont la queue avait dix-sept pouces
de longueur. C'est un animal stupide, dont le
cri approche du braiment de l'àne.
I.e Cerf a graxdes oreilles [Ccrnis marro-
lis, Sav. ) est d'un brun pâle et rougeàtrc sur
le corps; les tlancs sont d'un cendré brunâtre;
il a le dos parsemé de poils à pointe noirâtre,
lui formant une pointe distincte sur le cou ; ses
oreilles sont liuigues de sept pouces et demi
(0,205) ; sa cpieue, longue de quatre pouces
(O.iOS), est d'un cendré roussâtre, terminée el
dépassée par des poils noirs aussi longs qu'elle.
Il habite dans le nord des Ktats-Unis.
Le Cerf de Wallicii (Ccnvs W'aUnhii, Fr.
Clv.) est d'un gris brun jaunâtre, plus pâle sur
les joues, le mu'ieau, autour des jeux et au
ventre ; il a à la croupe une grande tache blan-
che ainsi que la queue, qui est très-courte; ses
bois s'écartent de C(Mé et se renversent en ar-
riére, après les premiers andouillers, pour re-
monter verticalement ; sur chaque bois naissent
deux andouillers qui se dirigent en avant : l'un
descend sur le chanfrein, et l'autre se relève un
peu ; un troisième nait du merrain et se dirige
en dehors. CeUe belle espèce habite le Népaul.
\ e sECTio>i. Bois scssUcs, ramifics, arec vn seul
atHloiiilUr bnsilnirr , saus mérliav.', et le su-
périeur orilinaireiuent simple . Pelage taehete.
L'Axis ( Cerrus a.ris, Liiv. Le Cerf du Gange,
Bi FF ) a les formes générales du daim; son
pelage est d un fauve assez vif el moucheté de
blanc, avec une ligne presque noire le long du
dos ; le dessous du corps est d'un blanc pur; le
mâle manque de canines supérieures; ses bois
ont deux andouillers et une seule pointe termi-
nale; la femelle a une ligne longitudinale blan-
che snr les lianes. Ce charmant animal est ori-
ginaire de rindostan, et a été introduit en An-
gleterre au connnencement du dix-septième
siècle. Son cri ressend)le i:n peu à l'iiboiement
d'un chien, et peut s'écrire ainsi lioui, houi.
Itoui. C'Axis est fort doux, fort timide, mais
nullement farouche 11 s'est très-bien acclimate
en France, et ceux de la ménagerie produisent
43(i
LES RU MINANTS.
chaque année. Il nu pas de temps niarqné pour
le rut, et le mâle ne malliaite passes biclies.
Le Cebf-Cociioin (Ccrvus porciniis, Lin. Le
Cerf Cochon, Buff. ) a le corps plus trapu et
les jambes plus courtes (jue le précédent ; il est
fauve, tacheté de blanc en dessus, avec nue
ligne un peu brune sur le dos ; d'un gris fauve
en dessous; ses fesses sont blanchâtres; sa queue
est fauve en dessus, blanchâtre en dessous; ses
yeux et son museau sont noirs; ses bois sont
grêles, n'ayant que trois petits andouillers. Il
habite l'Inde, où il vit en grandes troupes. Il
est timide, mais néanmoins il s apprivoise faci-
lement et devient très-familier. 11 est à demi
domestique au Bengale, où on l'engraisse pour
le manger, comme le précédent.
Tr stCTiON. Buis lomvie les prècédenis, mais
pelage sans lachrs.
Le Roussa-Ita^ ( Cervus hippelaphus, G.
Cuv. ISon YHippelaphe d'Aristote. Le Mejan-
gan-banjoë ou Cerf d'eau des Javanais, he Rusa
ou lioussa-itan de Sumatra ) est de la taille
de notre cerf; son poil est plus dur et plus
rude, plus long et plus hérissé eu sorte de
barbe sur le cou, les joues et la gorge. Sou pe-
lage d'hiver est d'un gris brun plus ou moins
foncé ; celui d'été est d'un hrun plus clair et
plus doré. Sa croupe est d'un fauve pâle; .'a
queue brune, terminée par des poils assez longs
et noirs. Il habite les deux presqu'îles de l'Inde
et son archipel. Plusieurs ont vécu à la ména-
gerie.
Le Cehf nts Maiii\.\kes ( Cenus maiiannns.
Ci. Clv.) ne d('passe pas la taille d'un che-
vreuil; il est entièrement d'un gris brun; s;i
queue est courte; il a, conmieles précédents, un
mulle et des larmiers; son bois a deux andouil-
lei s à une seule pointe terminale, dirigés l'un
en avant et l'autre en dedans. Il manque d'in-
cisives. On le croit crigihaire des Philippines,
d'où il aurait été apporté aux Mariannes par
les Espagnols. Dans tous les cas, il s'y est |)ro-
digieusement multiplié. La femelle met bas en
mars, et son faon ne porte aucune livrée. 11
nage avec une prodigieuse vitesse, et lorsqu'il
est trop pressé par les chiens, il se jette à la
mer et leur échappe au milieu des brisants qui
déferlent avec le plus de fureur.
Le Cehf nE Lesciienallt {Cercus Lischc-
naultii, G. Clv. ) nest connu que par son bois,
envoyé de la côte de Coromandel par Lesche-
uault. Ce bois est aussi grand que celui du cerf
d'Aristote, mais, il est moins grand, quoique
aussi tuberculeux, que celui du cerf d'Knrope;
il donne de sa base nu andouiller médiocre, et sa
pointe se partage en deux corps presque égaux,
taisant chacun le quart de la longueur totale.
Le Cal-Oainn ou le Cerf d'Aristote {Cer-
vus Aristoteli, G. Clv. L' llippelaihc d'.tris-
lotr , selon G. Clv ) ressemble beaucoup an
roiissa-ilan, ni;iis il est plus grand et ses lar-
miers sont aussi plus grands et plus profonds ;
le bois a de l'analogie avec celui du mariauus ;
l'andouiller de la base s'élève à plus de moitié
de la hauteur du mcrrain, tandis que l'andouil-
ler supérieur, très-petit, est tout près de la
pointe à laquelle il est postérieur ; son pelage
est le mémo, à cette différence que la queue
est brune au lieu d'être noire. Il est conunun
dans le Népaul, et vers l'Indus.
Le Cerf noiii (Cerrus nigtr, Blainv. — De.sm.)
a la taille et les formes générales de notre cerf;
son pelage est d'un brun presque noir en dessus,
plus clair en dessous, tandis que les parties su-
périeures du dedans des membres sont blan-
ches. Les l)ois n'ont qu'un andouiller conique
à la base d'un merrain allongé. Il habile l'Inde,
et n'est peut être qu'une variété du roussa ilan.
Le Cerf de Dlvalcel ( Cirrus DuraucctUi,
G. Cuv.) a été établi par G. Cuvier sur un bois
envoyé de l'Inde par Duvaucel. Le merrain
est dirigé d'abord un peu en airière et de coté,
et recourbé en avant par sa |)arlie supérieure,
(le sorte qu'il est concave en avant ; un seul an-
douiller sort de la base, dirigé en avant ; des
deux ou trois andouillers terminant le merrain,
l'inférieur, (pii est ordinairement le plus grand,
se bifur(iue ou trifurque, suivant l'âge, en sorte
qu'on peut compter de cin(| à sept cors à chaque
|)erche, les quatre ou six cors supérieurs for-
mant une sorte dempaumure. Quelquefois il y
a un petit tubercule dans l'aisselle du raaitre
andouiller.
Le Cehf dePéron ( Cervus Prrnnii, G. Clv. )
a été établi sur une tète en^ojé de Timor par
Pérou. Il a des canines ; la tête a une saillie as-
sez marquée entre les bois , mais point de con-
vexité à la base du nez ; l'angle postérieur de
l'orbite est relevé d'une manière particulière;
l'andouiller postérieur est presque égal à la
pointe du merrain, qui est d'un brun pâle.
Le Cerf-Ciieval ( Cern/.s-ff/((?»i/(.s-, G. Clv.)
est presque aussi grand qu'un cheval ; son mu-
seau est noir, son menton blanc ; son pelage est
d'un brun grisâtre, plus obscur sur le ventre,
tirant sur le ferrugineux aux parties posté-
rieures et à la queue ; l'intérieur des membres
est blanchâtre; les deux sexes ont des canines ;
l'andouiller supérieur est plus petit et dirigé en
arrière. Il habite Sumatra.
\II' section. Bois sess'iles, ramipés, avec un
andouiller médian, sans andouiller basilaire.
Une ligne blanche, bordée de noir, conpanl
obliquement le museau, chez la plupart.
Le CiiEVRELiL ( Cervus rapreolus, Liîn. Le C'a-
rrenil d'Europe, G. Clv. Le Zarchodia des
(irecs njodernes. Le Dorcas des anciens. Le
Caprca, dePtiN.) est plus petit que le daim.
PLÉiMCORNES
437
dont il a ;i peu près li's formes {r<'ii(*rales ; il ni larmiers; ses bois sont riigiieuv, rameiix,
esl fauve, ou d'un f^ris Itriin, avec les fesses blan- assez pelils, à deux audoulliers, dont l'u» dirige
elles et la queue Irès-eourte; il na ni canines en avant, l'autre en arrière.
Les cliovrciiils vivent par couples, dans les forêts élevées de l'Europe tempérée,
et ils no sont pas rares en France. Ils entrent en rut en novembre; la chevrette
porte cinq mois et demi, et met bas en août deux faons qui restent en tout huit
ou neuf mois avec leurs parents. Pendant cet espace de temps le père et la mère
les soignent avec tendresse, et s'ils sont rencontrés par des chiens, le mâle se
présente, attire leur attention, puis fuit avec rapidité en entraînant la mente
après lui, tandis que la mère emmène les enfants d'un autre côté; mais ni l'un
ni l'autre n'ont le courage de les défendre. Si le courage manque à la chevrette,
l'amour maternel sait quelquefois y suppléer, et voici un fait dont j'ai été té-
moin oculaire dans la forêt de Fontainebleau, et qui le prouvera. Je vis une che-
vrette, surprise par un loup, saisir son faon par la peau du dos, avec sa bouche,
l'enlever de terre et fuir en l'emportant avec une rapidité qui dérouta bientôt son
ennemi. Cette action me parut d'autant plus extraordinaire que le chevreuil n'a
pas la bouche faite de manière à pouvoir saisir et porter un objet d'une certaine
grosseur, et le faon était au moins de la grandeur d'un lièvre. Le père et la mère
ne se quittent jamais et passent toute leur vie ensemble, à moins que la mort ne
les sépare ; ils ne s'enfoncent guère dans la profondeur des forêts, et ils préfèrent
habiter les pointes de bois taillis environnées de champs cultivés, sur les collines
et le revers des montagnes. Quoique indigènes dans nos pays, ils craignent ce-
pendant l'intensité du froid, et tous ceux de la Bourgogne périrent pendant les
grands hivers de n09 et de ^89. Lorsqu'on surprend ces animaux, le mâle, en
partant, fait entendre un cri assez aigu, auquel je trouve de l'analogie avec la
voix d'un chien. Leurs mœurs sont douces et timides, et, réduits en esclavage, ils
se familiarisent assez aisément, mais je ne crois pas qu'ils s'y multiplient. Le bois
du mâle tombe en automne et se refait en hiver.
L'Ain: ( Ceiviis pugargus, P,\i.i. — Desm. I,e
Chcrieuil de Tarlarie, G. Cuv. ) n'est certaine-
ment qu'une variété du précédent. Il approche
de la taille du daim, et sa queue consiste en un
simple luberculc ; son pelage est long et serré,
d'un gris brun; les fesses sont blanches et le
ventre jaunâtre; il manque de canines; ses bois
sont médiocres, très-rugueux, à deux andouil-
Icrs dont le postérieur foi nie une fourche avec
la pointe du merrain. 11 habite la Tarlarie et
n'est |)as rare dans les montagnes élevées, au
delà du Volga.
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I.KS ItUMINAN rS.
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La Bicl.e .le Vi
Le CERF i)E VIRGINIE ( CervHS virjiininniis, Gml. — Desm. Le Da'nii des Anglo-
Américains. Le Cerf (le la Lonhiaiic. ou de Virfjhiic, G. Civ. La femelle est le
Cariacon de Daub. ).
Il a la tête fine, le museau pointu, el la taille moins grande, mais plus svelle
que notre cerf. Son pelage est d'un fauve clair en été, et d'un gris roussâtre en
hiver ; le dessous du corps est d'un blanc pur; le bout de son museau est d'un
brun foncé; son bois est médiocre, très-recourbé en avant, el à trois ou quatre
andouillers; il a des larmiers, mais point de canines. Il habite l'Amérique sep-
tentrionale, jusqu'à la Guyane.
LeGouAZDi-Ti ( Cerviis caiu])eslris, Fn. Civ.
Cernis Icucognster, Scbed. ) est plus petit que
notre cerf; son pelnge est ras ou serré, d'un
hai rougeâtre en dessus, d'un beau blanc en
dessous et sur les fesses; les poils dn ventre
sont plus longs que ceux du dos ; s;i queue est
moyenne ; ses bois sont médiocres, assez min-
ces, rugueux ; les mertains sont à peu près
droits, à andouillers antérieurs horizontaux,
puis courbes et verticaux, avec deux andouil-
lers postérieurs obliques. 11 habite les pampas
du Paraguay, et on le trouve dans les grandes
plaines jusque dans la Palagonie. C'est le plus
agile de tous les cerfs, et il exhile, dit-on, une
odeur infecte.
Le GouAzou-PoucoiJ (Ccrt-KS pulitsln.i. Fn.
Cl'v. Cerviis paludosus, Desm. Le QnanUaviu-
zame, de IIebn\>dès) n'est pas aussi grand que
notre cerf; il a le museau noir, très-gros, for-
mant im mnlle comparable à celui d'un ba uf ;
son pelage est d'un rouge bai en dessus tt sui-
tes flancs; le dessous de la tête, la poitrine, et
un cercle autour des paupières, sont bhincs ; les
paupières sont noires, ainsi qu'une tache velou-
tée qui occupe la lèvre inférieure; il a deux
taches triangulaires de la même couleur, l'une
sur le chanfrein, l'autre à la hauteur des yéiix ;
ses bois sont assez grands, terminés par une
fourcli 'ayant quelquefois cinq dagues. Il habite
les bor.ls marécageux des grandes rivières el de
la mei- dans le Paraguay et de quelques autres
parties de rAméri(iue australe.
PLEMCOUNKS
ÏM)
Le Ckbf du Mexiqie ( Cmus îiicrirn» ».<••.
Pesn. — Desm. Le Cheneuil iV Amerifiiir, BtFi .1
lie seniil, selon l'opinion de (i. Cuviei', qn une
variété d'âge dn cerf de Virginie très-vienx.
D'une autre part. Fr. Cuvier le regarde comme
une variété du précédenl. Ses bois sont médio-
crement longs, gros et lrès-rugtieu\. écartés,
ayant plusieurs andouillers, dont l'antérieur
est fort, conique et non arque ; il manque de
canines. Il habite l'Amérique méridionale, et il
est commun dans les llanos de l'Apure, où le
voyageur Ilumboîdt en a vu beaucoup de tout
blancs.
VlIl°SECTio:v. Bois scssiles, simples elev forme
(le (la g lie.
Le GoLAZOu-BiRA (Cernts vemor'u (ujns, Fit.
Cuv. — Desv. Le Cariainu des habitants de
Cayenue. Le Tememazame, iVllEKy wd . t ) a
vingt-six pouces ((1,70 '<) de hauteur sur le gar-
rot, et trente et un (0,8.'î9) à la croupe; son
pelage e.st d'un brun grisâtre en dessus, et d'un
brun teint de fauve en dessous; les fesses et le
dessus de la queue sont fauves ; ses larmiers
sont très-petits, et le mile n'a pas de canines.
Celte espèce passe tout l'été dans les bois, pour
éviter la piqûre des taons, et ne vient dans la
plaine que dnns les mois de septembre et d'oc-
tobre, pour y passer l'hiver. Ainsi que tous les
gouazous, elle est très-douce, s'apprivoise fort
bien, et se familiarise même au point d'en deve-
nir importune ; mais elle ne s'attache jamais à
personne. File vit solitaire dans le Paraguay et
à la Guyanne.
Le Goi AzoL-PiTA ( Cerviis rufus, Fa. Clv.
Mosehus delientulus , Schaw. Le Coassuu et la
liifhe rousse d'AzABA ) a la tète très-effilée et les
dagues longues au plus de trois pouces (0,0'< I ) ;
son pelage est rude et sec, d'un roux vif doré;
le dessus de In tète et des jarrets est d un brun
obscur tirant sur le roux, avec une jarretière
noire aux genoux ; le dessous du corps est
blanc, et le mâle a des canines. Cette espèce vil
en petites troupes ordinairement composées d'un
niàle et de neuf à dix femelles. Ces animaux ont
les habitudes nocturnes, et ne sortent des bois
qu'à la unit pour aller paître dans les champs
cultivi's. Us habitent l'Amérique ir.éridionale.
IX'' SECTION. Bois portés sur un lonij pédirule
vsseu.v, depeudnut des os du front.
Le Mlnt-Jak {Cervns mnutjal:, G>il-— Df.'-si.
Ceriusiaginalis. Boon. Cerius munljar, Blaix.
— G. Cuv. Le Chevreuil des Indes, Bi ff. —G.
Ctv. Le A ijniijj de Sumatra) est remarquable
par la longueur de ses canines, qui manquent
à la femelle ; sa tète est pointue ; ses yeux grands,
ayant des larmiers ; ses oreilles sont assez lar-
ges, et sa queue est courte et aplatie ; son pe-
lage est ras et luisant, d'un marron roux, bril-
lant en dessus ; le devant des cuisses et le ventre
sont d'un blanc pur. Il habite l'Inde et Suma-
tra ; ses mœurs sont très-douces, et il vit en
famille.
I,e Ckhf ml'.«qi;e {Cerrus niosehatus. Blaixv.
Cerrus mosrhus, Dks.m. ) n'est rien autre chose
qu'un jeune muntjak, dont le bois très court
n'est pas encore développé. Ce bois a quatre on
cinq pouces de hauteur, est triangulaire à sa
base, sans andouillers et sans meule.
Le Cekf a petits bois ( (Cerrus subeornutus-,
Bni:\v. — Desm.i, établi par Blainville sur un
crâne seulement, paraîtrait différer du munt-
jak par l'absence des canines. Le bois est trè.s-
petit, à meule assez bien formée; les pédicules
sont médiocrement allongés; il y a à la base nu
petit andouiller dont la pointe est brusquement
recourbée en arrière. Sa patrie est inconnue.
4i0
LKS liU MINANTS
^Yrr^XK=-7^^^ç^
LES CAMÉLOPARDINÉES
Ont les cornes persistantes, poilues, et com-
munes aux deux sexes.
5" Genre. Les GIRAFES (Camclopardalis,
Lin. Girafla, Rriss. ) ont trente-deux dents,
savoir : point d'incisives en haut, et Imit en bas ;
point de canines; douze molaires supérieures
et douze inférieures. L'extrémité des cornes est
plane, avec une couronne de longs poils; les
oreilles sont longues, pointues; la queue courte,
terminée par un flocon de grands poils; elles
ont quatre mamelles inguinales. Leur cou est
evtrémen)eut comprimé latéralement.
La GIRAFE D'AFRIQUE {(jmielopardalisyimffa, Gml. G'iraf fa camclopardalis,
Less. Le Camclopardalis ou Cliamcau-Léopar(U\eViA^v.)
Est le plus graïKl ou plutôt le plus long et le plus élevé de tous les animaux,
car sa tête atteint aisément à dix-huit ou vingt pieds (5,847 à 6,497) de hauteur.
Elle est remarquable par la longueur disproportionnée de son cou large et très-
plat, n'ayant pas ni(»ins de cin(| i)ieds (1,0241 de longueur; par la hauteur dis-
proportionnée de son garrot de dix-huit pouces au moins (0,ÎS7 jdus élevé que
LR TABLE DE LA GIRAFE
DA«S LA f.lHM)K KOIOMIK I) K I. K I. h 1> Il A N T.
I Ja les Plan! .-s. I
CAMÉLOPAUDINKES. 441
su croupe, ce qui fait paraître son corps dans une position oljlique tout à fait
extraordinaire et presque parallèle à son cou ; sa tète porte deux cornes courtes,
un peu arquées, recouvertes d'une peau velue, et ces sortes de cornes, également
portées parleniàle et par la femelle, ne tombent jamais. Elle a sur le chanfrein
un tubercule osseux, à partir duquel le museau s'élargit et se déprime au point
d'être considérablement plus large qu'épais. Ses jambes sont fort longues et celles
de devant le sont un peu plus que celles de derrière ; tout son corps est un peu
aplati sur les côtés, surtout vers la poitrine, comme s'il avait été mis en presse;
sa queue, assez longue, se termine en queue de vache ; enfin le fond de son pe-
lage est d'un blanc grisâtre ou roussâtre, plus ou moins irrégulièrement taché
de fauve foncé ou de brun ; une petite crinière grise et fauve règne depuis les
oreilles jusqu'à la queue.
Il résulte de celte singulière organisation que la girafe est obligée de marcher
l'amble, c'est-à-dire de porter à la fois en avant les deux pieds du même côté,
ce qui ne contribue pas à donner de la grâce à ses mouvements; quand elle
trotte, c'est encore pire. « Cet animal vient-il à trotter, dit Levaillant, on croi-
rait qu'il boite, en voyant sa tête perchée à l'extrémité d'un long cou qui ne plie
jamais, se balancer de l'avant en arrière et jouer d'une seule pièce entre les deux
épaules qui lui servent de charnières. » Quoique la girafe fût connue des anciens
et qu'on en vît paraître dans les cirques de Kome dès la dictature de J. César,
ses mœurs sont restées presque inconnues jusqu'à ce jour, et l'on ne peut guère
les déduire que de ses formes, des habitudes très-douces des individus en cap-
tivité, et de quelques informations prises chez les Hottentots. La girafe se trouve
dans toute l'Afrique australe, et en Abyssinie ; elle vit en petites troupes de six
a sept, peut-être en famille. Pour boire elle est obligée de s'agenouiller ou d'en-
trer dans l'eau, et pour atteindre la terre avec sa bouche, d'écarter beaucoup
les jambes de devant afin de baisser son corps. II en résulte qu'elle se nourrit
principalement de feuilles d'arbres et de bourgeons, surtout de ceux d'une es-
pèce de mimosa, qu'elle peut cueillir à une grande hauteur et avec beaucoup do
facilité, grâce à sa lèvre supérieure très-mobile, et à sa langue fort longue, grêle,
noire, pointue, qu'elle a la faculté de faire saillir de sa bouche de plus d'un pied,
(0,52.5) et d'enrouler autour des rameaux feuilles. Ses yeux sont grands, noirs,
très-doux, et son caractère ne contredit jias son regard, car, eu esclavage, elle
est docile jusqu'à la timidité, et un enfant peut la conduire partout au moyen
d'un simple ruban. Confinée dans les forêts où elle entend chaque jour les ru-
gissements du lion et de la panthère, elle n'a aucune arme à opposer à ces ter-
ribles ennemis, que la fuite; mais elle est d'une grande agilité, et le meilleur
cheval de course est incapable de l'atteindre ; aussi échappe- t-elle assez aisé-
ment à ces animaux qui bondissent pour saisir leur proie, mais ne la poursui-
vent jamais. Cependant elle ne manque pas absolument de courage, et si on s'en
rapporte aux voyageurs, quand la fuite lui devient impossible, elle se défend en
lançant à ses ennemis des ruades, qui se succèdent en si grand nombre et avec
tant de rapidité qu'elle triomphe même des efforts du lion. La femelle, au dire
des Hottentots, porte un an et ne fait qu'un petit.
Tout Paris connaît la girafe que le pacha d'Egypte, Méhémet-Ali, a envoyée au
roi de France, et qui vit depuis une quinzaine d'années à la ménagerie ; lorsqu'elle
56
VV2 LtS KU MINANTS.
est arrivée, accompagnée de deux vacliçs ((ui étaient ses nourrices et pour les-
quelles elle a montré beaucoup d'attachement tant qu'elles ont vécu, elle avait
onze pieds (5,364) de hauteur, et aujourd'hui elle eu a environ dix-huit (5,847).
C'est à M. Levaillant, mort il y a quelques années dans un état bien prés de la
misère, après avoir sacrifié sa fortune à de longs et périlleux voyages eu Afrique,
que l'on doit la première girafe empaillée qu'ait possédée le Cabinet d'histoire
naturelle. Les premières girafes que l'on ait vues en Europe furent offertes par
le prince de Damas à l'empereur Frédéric II, et décrilespar Albert le Grand, sous
leurs noms arabes iVAtiabiilla et de Serapli, dernier nom dont nous avons fait
girafe. Los Ilottentots estiment beaucoup la chair de ces animaux, et, avec leur
peau, ils font, entre autres ustensiles, des vases et des outres pour conserver
l'eau. Ils l'attendent au passage, lui lancent des flèches empoisonnées, et la sui-
vent à la piste pour s'en emparer lorscpTelle meurt de sa blessure.
CABANE ET ENCLOS DES GAZELLES D'ALGERIE
t j a . a i u a u , 1' 1 ^ 1. 1. c >. t
ANTILOPKS.
ï'i:\
1/ Antilope.
LES ANTILOPES
Manquent de canines et ont des larmieis;
leurs cornes sont composées d'un noyau com-
plètement solide, et d'un étui creux et élastique,
dans les deux sexes. Ces animaux ont trente-
deux dents, savoir : point d'incisives en haut et
huit en has; douze molaires supérieures et
douze inférieures, (.eur taille est légère; leur
nez est tantôt terminé par un mufle, tantôt en-
tièrement couvert de poils; la plupart ont des
larmiers , et tous manquent de barhe ; leurs
oreilles sont grandes, pointues. Comme ces ani-
maux sont très-nombreux en espèces et d'une
détermination fort difficile, nous suivrons ici la
classification de M. de Rfainville, en établissant
les sous- genres en genres, mais sans attacher
la moindre importance à ce changement.
6» riE\KE. Les ANTILOPES {Aniilopc, Lin.)
ont des cornes h doubles ou à triples cour-
bures, annelées, un peu en spirale, sans arête ;
elles manquent ordinairement de larmiers, et
leur museau ne se termine pas en mufle ; elles
ont souvent des t)rosses de poils sur les poi-
gnets, et des pores inguinaux ; la femelle n'a que
deux mamelles, et manque de cornes.
L'antilope DES INDES { Antilope cervicnpra, Pall. — Dksm. VAyiiilope, Buff. )
A le corps svelte comiTie la gazelle ; son pelage est d'un brun fauve en dessus
et blanc en dessous, plus pâle chez la femelle. Ses cornes sont noires, assez
longues, à triple courbure, tordnes en spirale, annelées dans une grande éten-
due. La femelle porte neuf mois et ne fait qu'un petit. Cet animal habite l'Inde ;
avec ses cornes, posées base contre base, les Indiens se font une arme offensive
à deux pointes opposées et fort dangereuse.
4M LES RUMINANTS.
Le SxïcK (Anlilope saïgn,VxiL. Cnprn tnla- (éfc, «ont Iraiispa renies, jaunes, (Iis|)osées pîi
rira, Ll^. Le .S'aijf/, Buff. Le Co/h>, de Stiia l^re. et annelées jusqu'à leur extréiiiil<^; son
bon) est de la grandeur d'un daim; son pelage museau cartilagineux, gros, l)oni})(^, à narines
est lisse, d'mi gris jaunâtre en ('té, blanc en très-ouvertes, le force, dit G. Cnvicr, de pitiire
dessous, et devient long et d'un gris hianchà- en rétrogradant. Cet animal habite la Hongrie
Ire en hiver; les cornes, de la longueur de la et le midi de la Pologne et de la Kussie.
Le saïga vit eu grandes troupes et se plaît particulièrement dans les lieux dé-
couverts, arides, sablonneux, à proximité du bord des eaux. Pourboire, il plonge
entièrement son nez dans l'eau, et en aspire une bonne partie avec le nez. Sans
avoir la pupille tout à fait nocturne, la lumière du soleil incommode beaucoup
ces animaux, et, vers le milieu du jour, ils voient si mal, que les chasseurs les ap-
procheraient aisément, si l'extrême finesse de leur ouïe et de leur odorat ne les
avertissait. Ils éventent l'ennemi de plus d'une lieue, et pour ne pas être surpris
pendant qu'ils mangent ou qu'ils dorment, ils ont toujours le soin de placer des
sentinelles avancées qu'ils relèvent chacun à leur tour. Le rut a lieu au mois de
novembre, et les mâles, qui alors exhalent une forte odeur de musc, et se livrent
de rudes combatsjpour se disputer la propriété des femelles. Celles-ci mettent
bas au mois de mai, un, ou très-rarement, deux petits, qui croissent très- vite,
et qui deviennent souvent la proie des renards et des loups, malgré les vieux
mâles qui, à la tête du troupeau, les défendent avec beaucoup plus de courage
que de force. Les saïgas sont agiles, mais d'im tempérament si délicat, que la
moindre blessure les tue. Leur troupe se compose quelquefois de plus de dix
mille, surtout quand ils voyagent en automne, pour chercher un climat plus
doux, des sources d'eau salée, et des plaines où croissent des arroches, des ar-
moises, et autres plantes acres et salées qu'ils aiment beaucoup. Leur chair
est mangeable , quoique exhalant une odeur assez désagréable, surtout lors-
(pi'elle vient d'être cuite et qu'elle est encore chaude.
Le Cinitu (Antilope rhini, Less. ) a, de Ion- connaît son maître et le suit. Des troupes entiè-
gueun totale, cinq pieds «piatre pouces (1,651); res se mêlent quelquefois aux troupeaux domes-
son pelage est d'un bleu grisâtre, passant au tiques Ces animaux habitent les plaines, et
fauve roux sur le dos, très fourni, long d'un jamais les forêts; ils ont une si grande crainte
pouce; le venire est blanc, et les jambes sont de l'eau, que lorsqu'ils ent été acculés sur les
noires ;s(m cou est très-long, et ses cornes très- bords d'une rivière, ils aiment mieux se lais-
rapprochées. Il habite le Népaul, et les voja- ser tuer que de la passer à la nage, et cependant
geurs anglais ont cru retrouver dans cet animal ceux qui sont apprivoisés nagent fort i)ien.
l'anlique et fabuleuse licorne. 1' Genre, [^es <;AZELLES {Gnzelln, Bkiss.)
Le DsERi:\ (Antilope guHnrosa , Pall. — ont les cornes eu lyre ou à double courbure,
Desm. Le Hoang-ijinig ou Chèvre jaune des toujours annelées, sans arêtes, et la femelle en
Chinois) approche de la taille du daim; il est est pourvue aussi bien que le mâle; elles n'ont
d'un gris fauve en dessus et blanc en dessous, point de mnfle, et quelques-unes ont des lar-
en été; d'un grisâtre presque blanc en hiver; miers; leur queue est courte ; on leur trouve
la femelle est plus petite que le mâle, et, par des pores inguinaux, et deux mamelles,
une singulière anomalie, elle n'a que deux ma- La (Gazelle doucas ( Gazclln dorras. — Anii
melles, tandis que celui-ci en a quatre. Ses lope do)ras,L\>. La Gazelle, Bvpf.) a la taille
cornes sont noires, courtes, annelées dans toute du chevreuil, mais les formes beaucoup plus
leur étendue, disposées en lyre. Le màle a le légères et i)lus gracieuses ; son pelage est d'un
larjnx prodigieusement gros, et, sous le ven- fauve plus ou moins foncé en dessus, blanc en
Ire, une poche contenant une matière félide. dessous, avec une large bande noire en travers
Il hnbite les déserts de la Mongolie, et vit en des flancs; elle a une ligne noire sur le nez:
li'onpes trè.s-nombreuses, surtout en automne, ses cornes sont rondes à leur base, et portent
11 est peu farouche, s'apprivoise très-bien, re- treize à quatorze anneaux saillants.
ANTILOPES. 445
Les gazelles vivent en troupes nombreuses en Barbarie, en Syrie et en Arabie,
où elles semblent avoir été formées tout exprès par la nature pour fournir une
pâture certaine aux lions, aux panthères, aux hyènes, aux chacals, aux loups, et
même aux aigles et aux vautours. Douces, timides, tout à fait inoffensives, elles
n'ont à opposer à leurs nombreux ennemis qu'une fuife, à la vérité assez rapide,
pour se dérober en un clin d'œil à leurs regards, quand elles n'ont pas été surpri-
ses; dans ce dernier cas, le désespoir leur donne une sorte de courage, car alors
elles se pressent les unes contre les autres, forment un cercle, et présentent de
toutes parts des cornes impuissantes. Cette manœuvre ne sert qu'à donner à la
panthère le choix de la victime sur laquelle elle bondit, et à l'instant toute la
troupe épouvantée fuit à la débandade. Cet animal innocent a de si beaux yeux
et un regard si doux, que les Arabes n'ont rien imaginé de plus galant que de
comparer les yeux de leur maîtresse à ceux d'une gazelle. Prise jeune et élevée en
domesticité, elle se prive très-bien et se montre sensible aux caresses; mais elle
paraît incapable de s'alfectionner à son maître, et elle ne lui obéit que par la
crainte que fait naître chez elle le sentiment de sa faiblesse. Elle ne cherche i)as
à reconquérir sa liberté parla fuite, mais elle regrette son désert, languit, et re-
fuse de multiplier son espèce; si elle n'a pas le courage de secouer ses chaînes,
elle a du moins celui de refusera son maître une postérité d'esclaves. On chasse
les gazelles avec les chiens, l'once et le faucon, à cause de leur chair, qui est
assez bonne, et comparable à celle du chevreuil. Ce sont des animaux d'une ex-
trême propreté, et dont on n'entend presque jamais la voix; du reste, elles ont
cela de commun avec tous les animaux de la famille des antilopes.
Le Kevf.l {Guzclla kevella. — Antilope kc-
rellii. P.U.L. Antilope doicas, Desm.) n'est pro-
bablement, comme le pensent qnelqnes natura-
listes, qu'une varu^té de la précédente; il n'en
diffère que par ses cornes plus longues, c^)ni-
|)rimées à leur l)ase, a\anl de quinze à vingt
anneaux ; par ses yeux pins grands. Il a la queue
noire. 11 habite le Sénégal.
La Col^l^^E [Gazella rorhma. — Antilope
roriiiiif/, Pai.l. Antilope dorcas, Desm. ), qui
n'est encore qu'une variété de la gazelle dorcas,
en diffère par son poil plus long, ses cornes
plus menues, moins coutoninées, et à amicaux
plus petits; ses yeux sont entourés d'une bande
blanchiitre qui descend jusqu'aux narines ; sa
lèle est fauve, et d'un gris clair sur l'occiput.
Elle est du Sénégal.
Le TsciiEVitA^ (Gdzella subguitnrosa. — An-
tilope subgnttttrosa, Giui. — U£SM.L'Alm, de
KoEMi'T. L'.4»i(i/o;;p de Perse des naturalistes)
ne serait encore qu'une variété de la gazelle
dorcas, selon G. Cuvier. Elle est cependant un
peu plus grande; son pelage est d'un brun ceu-
dré en dessus, blanc eu dessous, avec une bande
brune sur chaque flanc; les poils de son dos
ont i)lus de deux pouces (0,0.")i) de longueur;
ses pores inguinaux sécrètent une matière odo-
rante; les cornes, dans les deu^ sexes, sont
grandes, d'un gris noir, annelées et en (orme de
hre. Elle habite la Perse et les contins de la
Sibérie et de la Chine.
Le Spiuinc.bok ( Gazella eurhore. — Antilope
eiicliore, Fokst. — Desm. Antilope dor.snfa, La-
CEP. Antilope marsnpialis, Zimm. ].' Antilope
à bourse des naturalistes) est d'un tiers plus
grand que la gazelle dorcas, et un peu plus
trapu ; il est fauve eu dessus, blanc en dessous,
avec une ligue brune longitudinale sur chaque
flanc ; il a, sur la partie postérieure du dos,
une raie de poils blancs et longs de dix i)Ouces
(0,271) sur un repli longitudinal de la peau;
sa tète est presque blanche, avec une ligne
noire de l'œil au coin de la bouche; les cornes
sont assez longues, annelées, en lyre. Il habite,
en troupe, les environs du cap de Hoime-Ispé-
rance, et ne fait que vovager d'une localité à
une antre.
I>a Gazelle i'Oeri-he ( Gazella pijqarga. —
Antilope pijgdiga, Pai.l. — Dts.ii. ) est de la
grandeur d'un cerf; son pelage est d'un bai
brun très-vif, et d'un rouge sanguin sur le cou
et sur la lète; le chanfrein porte une large
bande blanche ; et elle a une raie brune sur
chaciue flanc ; les fes>es et le dessous du corps
sont blancs; elle mampie de brosses et de lar-
miers; les coi-nos sont rondes, noires, en l\re,
\ ;i;
l.i;s Kl MINANTS
il onze on doii/c iinncaiix Irés-Siiillniils. l-^llc h:i-
liili' le Ciip tie IJoiiiio-KspriMiico.
La (ivzKi.LK sEZ-TACiiÉ {Gdzrlln iiasomam-
liiln. — Aulilnpe vasnmnrulala , Bi,\in\. —
Desm.) est (le la RiaïKicur d'une (■h^VI•(■ ; elle
est hiiine en dessns. blanche en dessous; son
IVont esl d'un ronx vif, cl une hande hianche
Iraverse son chanfrein ; ses cornes sonl noires,
assez longues, annelces, courhées en avant et
on dehors, puis en dedans ; elle a des brosses
aux poifjnels. Sa pallie m'est inconnue
Le Koii ( G(i-f//n Aob. — Autiinpe l.oh, Cbxl.
— Dks>i. Aiitilopr lciiro]ih(ra, Vwx La /V(//f
\'nihe uiarine du Séncgnl, Bi ff. est de la taille
d'un daim. Ses cornes s:int noires, prosses,
rap|)roclu'es l'une de l'autre au sonuuet, à sept
ou huit anneauv. Il habite l'Afiiqueéciualoriale.
Le KoHA (('tn:clln seurgnlciisis. — Aulilo])!'
sriifqiilpiisis, Dksm. Le l\oba, de Bi ff. ) est de
la grandeur d'un cerf; ses cornes sont a^sez
minces, noires, trcs-lon}^ues, un ])eu compri-
mées, en I) re, de douze à dix-sept anneaux, lisses
au sommet. Il habile le Sénnpal.
Le Gazelle alx pieds «oirs (Gazflla welam-
jiiis. — Aiiiiloiw melnmpns, Litciist. — Desji. |
esl ferrugineuse en dessus, avec une ligne dor-
sale noire, coupée obliquement sur les fesses
par une ligne de même couleur; les fesses, le
dessous du corps et le dedans des m.'iiihres
.sont blancs ; elle a une tache noire à cliaque
pied, et manque de brosses ; ses cornes sont
très-longues, noires et très-fortes, en hre, an-
nelées, a pointe mince et lisse. Elle habite le
cap de Bonne- Espéiance et vit en troupe.
Re GE^^E. Les CERVICHEVRES ( Cenira-
prn, Blainv. ) ont les cornes simples tantôt
droites, tantôt courbées en avant ou en arrière,
|)eu ou point annelées, sans arêtes ; souvent des
larmiers, mais jamais de brosses ; le mufle man-
(|ue ordinairement ; elles ont la queue courte el
des pores inguinaux.
Les uve.1 ovt les corues i ourlées en acanl :
telles sonl ;
Le ÎSa>cl'er ( (.en-icu})ra dama — Antilope
(lama. Le Dama, Pline. Le tanguer, Blpf. \
de la taille d'un chevreuil ; fauve en dessus ;
blanc sur les fesses et sous le ventre, avec une
tache de Ih même couleur sous le cou ; ses cor-
nes sont noires, courtes, rondes, brusquement
courbées en avant, lisses à leur sommet, ru-
gueuses à la base, avec cinq ou six anneaux mal
dessinés. 11 habite le Sénégal.
Le Nagor ( Ceniraiirn rednnra. — Antilope
rednuia, Pall. — Desm. Le .\a70r. B( ff. ) esl
un peu plus grand que le piéccdeiit, dont il a
les formes ; il est d'un roux pâle ou d'un fauve
uniforme ; les cornes sont noires, prcsipie droi-
tes, courbées à leur pointe, prcs(|ue lisses, avec
un ou deux anneaux à la base. Il habile les en-
virons du cap Vert, au Sénégal.
Le STEExnoK ( Cerrirapin ihe.v. — Antilope
ibc.r, Afzel. Antilope pediolragits, var. Afzel.
Anlilo])e tragulits, Liciist. — Desm. ) est de la
grandeur d'une ehinre, roux en dessus, blanc
en dessous, noir aux aines ; les oreilles sont bru-
nes ; les cornes noires, arrondies, annelées à
leur base, minces, droites, à pointe recourbée ;
sa queue est courte. 11 habile le cap de Bonne-
Esperance.
Le RiTDOK {Ceivieapra eleotragns. — .l»iti-
lope eleotragns, Scheii. — Desji. — Antilope
nrnndinarea, Shaw. Antilope isabelina, Tiiimi.
Antilope i'uho-rnfnla, var. Afzel. ) a les oreil-
les Irès-longues, ainsi que la queue qui est plate
et recouverte de longs poils blancs; son pelage
est laineux, d'un gris cendré en dessus, à ven-
tre, gorge, et fesses blanches; les cornes sont
assez petites, noires, à dix anneaux peu mar-
qués, arrondies et un peu courbées en avant.
11 habite le cap de Bonne-Espérance, et vit en
petites troupes, dans les buissons sur le bord
des rivières.
Le GmsnoK ( Ccriiraina griscu. — Antilope
grixea. Fit. Clv. Antilope melanotis, Desm. La
C.hivre grise ou Grisbol., Fohst. ) est un peu
j)lus grand qu'une chèvre, d'un fauve ronssàlre
enireniélé de poils blancs ou giis sur le dos;
d'un brun clair sur la tète, et l)lanchàlre sous
le ventre; un cercle noir entoure les veux; les
cornes sont noires, arrondies, annelées à la
base, un peu courbées en avant. Il vit en cou-
ples solitaires, dans les rochers des moutagnes,
au cap de Bonue-Espérauce.
La CERviciiliVRE \ cornes aigles ( Cerrieapra
ariitirornis. — Aniilnpe arntieornis. Blai.nv. —
Desm.) a les cornes simples, coniques, lisses,
très-pointues, verticales , el à courbure anté-
rieure à peine sensible. Elle habite probable-
ment l'Afrique.
Les espèces qui vont suivre ont les tomes
droites.
Le Klippspri.nger ( Ccrvirapra saltniri.r. —
Antilope saltalri.r, Boon. Antilope orcotragus,
Gml. — T)E<»i. Le .Sauteur de rochers, Vosm. )
a le pelage grossier, rude, à poils aplatis et
cassants; il est d'un gris verdàtre ; ses oreilles
sont bordées de noir ; il a des larmiers ; ses cor-
nes sont minces, courtes, dressées et très-légè-
rement arquées en dedans. Il habite les mon-
tagnes du cap de Bonne-Espérance, et se fait
remar(|uer i)ar l'agilitc ave:' laquelle il bondit
de rocher en rocher.
Le TKEunOK { Cerrieapra capreolus. — Anti-
lope coprrolus, LiciiST. — Desm. Antilojie la-
nnta, Desm. U Antilope- Chevreuil ilea natura-
listes! a le pelage laineux, frisé, d'un gris roux
en dessus, blanc en dessous ; son museau esl
très-effilé; il a une tache noire au menton, el
manque de larmiers el de brosses. La femelle
n'a |)as (ie cornes ; le m ile les a lout .1 fait droi-
ANTILOPES.
tes, arrondies, Iri's-iuinces, aniick'es, pointues
Il habite le cap de Bonne- Espérance et vit en
petites troupes.
Le DEUhEimoK ou Diikeh ( Cervirnpra Hier-
gens. — Autilcpc mcrgens, Bi.ainv. La Chènc
plongeante du Cap i est de la grandeur d'une
chèvre, d'un fauve roux, avec le i)as-ventre et
l'intérieur des cuisses grisâtres; les quatre pieds
sont bruns ; il a des lignes noires sur la face
antérieure des j.unbes de devant et sur le canon
de celles de derriéi c ; il manque de brosses ;
ses cornes sont annelées à la base, assez gros-
ses, droites, de moitié plus courtes (|ue la tète.
Il habite le cap de Bonne-Fspéranceoù il a reçu
le nom de cbévre plongeante parce qu'il baisse
la tète et le cou en sautant, et a l'air de plonger
dans les buissons.
Le BijSH-tioAT ( Cervhapia sijliintlbLr. —
Anlilope sijtvicultrijr, Scheb. — Des>i. ) est un
peu plus grand qu'un daim, à pelage luisant,
assez douv, d'un brun foncé sur le dos, plus
pâle sur les lianes, mêlé de gris sur les cuisses,
avec une ligne dorsale don jaune isabelle s'é-
largissant sur les l(imi)es où les poils plus longs
ont environ deuv pouces ('t,0.">;) ; les cornes
sont droites, parallèles au front, courtes, gros-
ses, noires, rondes, (inement ridées à leur base,
rugueuses au milieu, lisses à l'extrémité. Il ha
Itile Sierra Leone et l'ouest de l'Afrique, dans
les buissons des plaines élevées
La Ceiiviciièvre de De Lalamje (Cenicapia
l.alandia. — Aniitope Lalaudiana, Desm. .lii/i-
/o;>p Lrt/a(idiff, Dksmoll. ) est de la grandeur
de l'antilope des Indes, mais plus épaisse; son
pelage est dur, long, non frisé, d'un brun clair
uniforme sur le dos et les lianes, passant par
une ligne brusque au blanc sous le ventre ; le
cou et la tête sont d'un gris fauve ; les cornes
du mâle sont minces, droites, plus courtes que
la tète, et parallèles. Elle hai)ite les montagnes
du cap de Bonne-Espérance.
Le (jiEVEi (Ccniriipra jiiiqma a. — Anlilope
pijgman, Pall. — Desm. Le liai des Chcirn-
tams I n'a <|ue di\ |)onces 0,27 1 ) de hauteur au
garrot ; ses cornes, longues au (ilns de deux
pouces i(),()a{), sont coniques, noires, presque
parallèles, dirigées en arriére ; son pelage est
d'un brun clair uniforme en dessus, blanchâtre
en dessons ; sa ([ueue est assez mince, blanche
en dessous et bnme en dessus. Il habile le cap
de Bonne-Esperanee et vit solitairement.
Le LiapMiE ( Cennapra grimmui. — Antilope
griinmia, Pall. — Desm. Le drimwe, Bifp. Le
Petit Houe dumoisean, Vosm. ) a les lormes
plus arrondies et i)lus légères t|ne la gazelle ;
son |)elage est d'un fauve jaunâtre, gris le long
du dos et sui- le ( hanirein, avec le uuiseau noir
et les membres giis ; les cornes dans le mâle
sont courles, assez épaisses, noires, paraliéh-s
et Ires-dniiles. Il habile la cote detiuinee.
La CriiMciiÈviiE spimci^iie {Ceniea] ra spini-
tjern, Les.s. ) est d'un tiers moins giamle que le
gue\ei, et a les formes evtrémement svcKes et
gr.icieuses ; son pelage est d'un brun rou\ en
dessus, blanc en dessous. Temniiiick pense (pit-
ié Moschiis l'ijgmuiis de Linné, le chevrotain
des Indes de Buflon, n'est que le jeune âge de
celle espèce.
L'Olhébi {Ceriirai)ra sroparia. — Antitofie
seoparia, ScuEu. — Desji.) a les formes du
grimme, mais il est plus svelte et un plus haut
sur Jambes; il est d'un fauve uniforme en des-
sus, blanc en dessous, avec la queue brune; il
a des brosses fauves et jaunâtres, et des lar-
miers; les cornes, chez les mâles, sont droites,
|)elites, avec ciii(| anneaux. Il habite, en petites
iroupes, le cap de Fionne-Espérance.
Les espères qui suivent ont les eornes eoui-
liees en arriiic.
Le CAMBl^c-Ol;TA^(i on Cami'tax [Cenirapra
snmalrensis. — Antilope smnntrensis, Dks.m.
La Chèvre iauiagf de Marsd. ) a un mulle
assez développé et les formes trapues ; son pe-
lage est très-fourni, long, d'un brun noirâtre,
blanc en dedans des oreilles, au haut du cou et
aux épaules ; les cornes sont rondes, noires,
courtes, annelées, un f)eu arquées en arrière et
pointues à l'extrémité. Il habite Sumatra.
Le GoiiAL ( Cenicaiira qoral. — Antilope gc-
ral, IIvHDW. ) est d'un gris cendre, plus pâle en
dessous, avec la bouche bordée de blanc ; sa
queue est courte, terminée par un llocon ; les
cornes sont courtes, pointues et recourbées à
leur exlréinité, qui est lisse. Elles sont rempla-
cées par de simples tubercules dans la femelle.
La chair de cet animal est très-esliinée ; il ha-
bile le Népaul et l'Flimalava. Temminck pense
(|ne ce serait le tmiKpivtani du .\(panl de Ei'.
Cuvier.
La CKnvif.iifcvRK ok Svi.t W.enieitprn sal-
tiann. — Anlilope sallinna. Blaiw. — Dksji. )
n'est connue que par une tèle |)ré|)aiée. Les cor-
nes sont conupies, très-petites, pointues, anne-
lées à leur base, à courbure postérieure pres-
que insensible. J'ignore sa patrie.
Les espèees suicnntes ont qnalre eornes.
Le TsciiiCARA ( Cerrieapra ehirl.nra. — An-
tilope eliichara, Harow. ) est iïun brun uni-
forme en dessus, d'un blanc pins ou moins mé-
langé de roux en dessous; il a (piaire cornes:
les antérieuns droites, courles, c\liii(lii(iues,
rapprochées a leur base et bru,s(|tiement poin-
tues : les postérieures droites, lisses, allongées,
pointues, |)eu divergentes. Il habile l'Inde et
n'est pas rare dans les Ibrèts du Bengale et
d'Orissa.
La CKRM(;iit:\HE A yiATHK eoR.Mcs ( ( fi-ricn-
pra (ptfidrirornis.— Antilope quadrieornis, de
Ul\i>. — Desm. ) a été établie |)ar de Blainvillc
sur une tele venue de l'Inde. Elle a (|ualre cor-
i'i8
LLS UUMINAiNTS.
lies : celles tic «lev;uil sont assez grosses, lisses,
iiii peu coiiihées en nri'ière ; les |iost('rieuies
sont plus grêles, |iliis elev(-is, c()iii<|iies, presque
droites et un peu l'ecoui'hces en avant.
9" (;KMtK. Les ALCÉLAPliCS {Alrdnphus;
lii.MwiLi.K I ont lies eornes à double couibuie,
;innelres et sans aièles, dans les deux sexes; ils
ont <les larmiers et point de pores ingiiiiinux;
leur (|ueue est niedioere, terminée païun flocon
de poils longs; ils ont un denii-muile et deux
mamelles.
Le IWiivLE (AIcclapUtis buhnlis. — .l»ifi/o/;f
biibnlis, Pall. — Li\. Le liubalus, de Pli>e.
La l'ailie-birlip , le 'lannaii-ierf, des voya-
geurs, ) est de la taille d'un grand cerf; d'un
rou.ssjitre uniforme, avec un llocon de longs
poils noirs au bout de la queue ; il a la tète très-
longue el très-étroite; ses cornes sont grosses,
se louchant presijue à leur base, fortement an-
nelées, et garnies de petites cannelures longitu-
diuak's, ai (|uées d abord en arrière , puis en
avant el enfin en arrière. 11 habile le nord de
l'Alriqui", vit en petites troupes, el s'a|)privoise
tort bien quand on le prend jeune.
LeKAA>ik { AUeluplius haama. — Antilope
ffiama, Sciitu. — De>.>i. Anlilope bnbaiis, Pall.
Le Licama des Cafres, et le Kaama des Hot-
tentots ) a été confondu avec le précédent, dont
il diffère par la tête plus longue encore, et par
la courbure plus prononcée des cornes en
avant et surtout en arrière ; il est d'un roux
brun assez foncé sur le dos et plus clair sur les
flanc; il a le ventre, l'intérieur des membres et
les fesses blanches, une tache noire à la base
des cornes, et plusieurs lignes noires sur les
jambes. Les cornes sont grosses forlement an
nelées. Il habite en grandes troupes le cap de
Bonne l'spérance.
L'Alcklapuk a collkts ( Miclaphus siilii-
rosus. — Antilope snturosa, Otto) a les for-
mes très-lourdes et la taille mo\enne; son pe-
lage est très-.see, à poils iu'gaux, très longs sur
sur le dos et sur le cou oii ils forment trois ban-
des imitant de larges collets ; il est d'un brun
cendré, blanc au ventre, aux jjiedsetà la queue,
avec une tache brune an front et trois taches
blanches sur les cotés de la léte ; sa queue est
longue, floconneuse ; les cornes allongées, an-
nelées, grandes, recourlx'es au sommet. Je ne
connais pas le mâle, ni sa patrie.
I0<-- Gkmik. Les TIÎAGKLAPIIUS {Tragcla-
phiis. i>E Blainv. ) ont les cornes plus ou moins
comprimées, eoiitonrnées en spirale, à arêtes
existant lanlot chez le mâle, tantôt chez les deux
sexes. Jls maii(;u:'nt quelquefois de larmiers, et
ils ont des pores inguinaux, et un dcmi-mune ;
leur queue est médiocre, et ils portent quatre
mamelles.
Le CoM)OMA ou Co>uoi;s {Tragelnphns -trcp-
siceros. — Antil(>i)e stiepsircrns, I'all. — Desji.
Le Cocs-does des Hollandais du Cap ) a le co: ps
robuste ; son pelage, assez long et couché, est
d'un gris plus ou moins roussàlre, avec une
ligne dorsale blanche d'où partent d'autres
lignes blanches qui descendent sur \ei flancs; il
a une barbe au menton, une crinière sur le cou
et une autre dessous ; ses cornes sont grosses,
lisses, d'un jaune varié de noirâtre, divergentes,
à trois courbures en spirale. Il habite les forêts
de l'Afrique méridionale.
Cet animal partage avec toutes les antilopes la légèreté des formes, la grâce
«les mouvements, la beauté de l'œil et la douceur du regard ; mais, plus coura-
geux sans être plus méchant, il ne craint pas d'habiter solitairement le désert;
il lutte contre le chacal et parvient même à s'en défaire. On ne le trouve guère
(pie dans les forêts les plus silencieuses du cap de Bonne-Espérance, oii il se
nourrit d'herbe et de jeunes bourgeons de bruyères. Sa course est tellement
rapide et ses bonds si prodigieux qu'il échappe aisément au lion et à la panthère
s'ils ne le saisissent à l'improviste et du premier élan; s'il n'a pas le caractère
assez sociable pour vivre en troupe avec d'autres animaux de son espèce, en
récompense il s'attache beaucoup à sa femelle et passe sa vie entière avec elle.
Kn domesticité il reconnaît la main qui le nourrit, suit son maître, montre de
l'alfection pour lui, et conserve toute la gaieté de son caractère ; mais à la plus
légère occasion de fuir, il ne manque jamais de regagner les forêts, et il ne re-
paraît plus. Les Ilottentots, qui aiment beaucoup sa chair, lui font une cruelle
guerre et emploient, pour le surprendre et le tuer, mille ruses, mille pièges,
dans lesquels néanmoins il donne rarement, car il a autant de finesse que la
gazelle a de «lédaïuc.
ANTILOPES.
Î'i9
Le BosBOK ( Tragdaphus sijhaticus. — liili-
lope sijhnlicn , CiiHi,. — Oksm. ) csl il'iiii noir
l)i"iiii on dessus , hiaiic en dessous , avec plu-
sieurs peliles liK'lies blanelu-s sur le iiiiiseaii. le
milieu du cou, les lianes et les cuisses; la (luene
est blanche en dessous, noiie en dessus ; la fe-
melle n'a pas de cornes ; le niàle les a noires,
tordues en spirale presque sur elles-mêmes, et
lisses au bout. Il habite le cap de Bonnc-Ks-
pérance, et vit par couples solitaires dans les
bois.
Le GriB ( Tragdaphus scriptns. — .tiifi/o/)e
scripla. Pâli.. — Desji.) est delà grandeur d'un
daim, d'un fauve marron, a bandes blanches
transversales, et beaucoup de lâches rondes, blan-
ches, l'parses sur les lianes et les cuisses. Il a sur
le dos une ligne do poils blancs et noirs |)lus longs
(|ue les autres; son ventre et le bout de sa queue
sont noirs ; ses cornes, assez courtes, ont denv
arêtes saillantes, d('crivenl un tour et demi de
spirale, et sont pointues. Il habile le Sénégal et
vit en grandes troupes sur le bord des fleuves.
II^Gknbe. Les GREAS ( Orm.s- , l)ES!M.)ont
les cornes droites, avec imo lr^s-forle arête en
spirale, dans les deux se\es ; ils man(|uent de
larmiers et de brosses ; leur queue est longue,
toulTue au bout ; ils ont un mullo et (|uatie ma-
melles.
Le CiKm ou CAN^^ (Orcas canna. — Anti-
lope oreas, Pâli.. — Dkssj. Le Condou do Buff.
L'K/an du Cap, de Si'Arm.) atteint la taille d'un
cheval; il est d'un fauve roussàtre en dessus,
blanc en dessous, avec la tête et le dessus du
cou d'un gris cendré ; sa têle est longue ; ses
cornes sont très-grosses, noires, divergenles.
lisses î"! leur extrémité. Il habite les montagnes
du cap de Bonue-F.spérance, et vit en troupes.
12' (Ikmik. Los «OSELAPHES {lîoscinphus,
BLAl^v.) ont les cornes simples, non rugueuses,
diversement contournées, sans arêtes spirales;
les femelles manquent (pieUpiefois de cornes.
La queue est teiniinêe par un flocon de poils ;
ils ont un nnine, quatre mamelles, et manquoni
do brosses. Ce sont dos animaux dont les formes,
un peu lourdes, sont moins gracieuses (pie dans
les gazelles.
!')«
M:S IllIMlNANTS
Le Nyl-Gli:.!!.
Le NYL-GIIAU i Boselaplius pklus. — Antilope picla, Pall. — Desm. Antilope
albipcs, Erxl. Le Taureau-cerf des Intics. Le Nyl-gaul de Buff. ).
Ce bel animal csi à peu près de la taille d'un cerf et en a les formes générales,
mais il parait plus lourd, ce qui vient de la grosseur de ses jambes; aussi les
voyageurs l'onl-ils souvent comparé à un bœuf, et son nom de mjl-cjhau, en
indou, signifie bœuf bleu. Sa tête est mince, assez longue; son pelage est d'un
gris ardoisé dans le mâle, et d'un gris fauve dans la femelle ; celle-ci est plus
petite et ne porte pas de cornes; l'extrémité des pieds a des anneaux alternati-
vement blancs et noirs; une crinière noirâtre régne sur le cou et vient lui for-
mer une espèce de houpi)e sur le garrot ; au milieu du cou il a une sorte de
barbe, médiocre et terminée par des llocons noirs ; ses cornes, moitié moins
longues que la tête, sont coniques, lisses, trés-écartées l'une de l'autre et légè-
rement courbées en avant.
Le nyl-gbau babile le bassin del'inde, les montagnes de Kasbmir et de Guza-
rate, probablement aussi la cliaîne de rilinnnalaya. A Bombay, a Madras et au
Bengale on le regarde comme un animal curieux et rare, digne d'être offert en
présent aux nababs et aux personnages considérables. Dans les montagnes de
Kasbmir, on le citasse pour sa cbair (pii est fort bonne et fort estimée. Il court
de très-mauvaise grâce, à cause de la brièveté de ses jambes de derrière, mais
néanmoins avec assez de vitesse. Uuoiipie timide, ainsi (|ue toutes les antilopes,
ANTILOPES.
451
s'il t;sl alteint par le chasseiir, il ne se rend pas sans avoir viiionrensenient ilé-
l'endu sa vie. l'onr cela il s'agenouille des pieds de devant afin d(! couvrir son
[toilrail; et menace de ses cornes tandis ({u'avcc ses pieds de derrière il lâche
des ruades et des coups en avant à la manière des vaches. Dans cette attitude,
il est impossible de l'approcher sans danger, et il faut le tuer à coui)s de fusil
ou avec une longue lance. Lorsque deux mâles se hatlent entre eux, ils s'age-
nouillent également l'un devant l'autre, à une grande distance, et ils s'avan-
cent, en marchant sur leurs genoux, avec assez de rapidité, mais en faisant
plusieurs [tetits détours. Arrivés à proximité, ils se relèvent, et d'un bond s'élan-
cent l'un sur l'autre. Si l'un est blessé, il s'enfuit, et l'autre reste vain(pieur sur
le champ de bataille; s'ils se sont manques, ils s'éloignent, s'agenouillent, et
reconnuencent la même manœuvre. Nous avons eu plusieurs nyl-ghau à la mé-
nagerie; tous semblaient d'un caractère fort doux, et i)araissaient aimer (pi'on
se familiarisât avec eux; ils léchaient les mains de ceux ipii les caressaient et
leur présentaient du pain, et jamais ils n'ont tenté de se servir de leurs armes
pour blesser (piel(|u'un. Ils ont l'odorat Irès-fin, et flairent, en faisant un cer-
tain bruit, les aliments qu'on leur donne. On les nourrit d'avoine, d'herbe et de
foin; mais ce qu'ils paraissent préférer à tout, c'est le pain de froment. Ces ani-
maux ont multiplié en Angleterre, ce qui a fait croire à quelques naturalistes
(pi'on pourrait les soumettre à la domesticité et les utiliser en France.
Le G^ou {Bosclaijhus gnii. — Antilope gnii,
(iML. — Desm. lios giiDii, Zuni. Le Gnou ou
ÎSioii, Blff. ) est de la f^jraiidour d'un ;ino, à
corps trapu el nmsculeux ; il a le inuOi' d'un
l)œ»f, tes jambes d'un cerf, i'eucolure et la
croupe d'iui petit eiu'val; sa tète cstcouipriuiée;
son pelage est ras, d'un gris fauve ; il porte
sur le cou une crinière fournie de poils gi-is,
noirs et blancs; il a une barbe épaisse et brune
sous le menton ; ses cornes sont tr és-aplaties à
leur base, slriées longitndiualemenl, arrondies
el lisses à leur sommet. 11 babite le cap de
Bonue-iispérance, vit eu troujjes nombreuses, el
a le caractère farouche. Il a vécu à la ménagerie.
I5«= (iE\RE. Les ORYX ( 0; !).(■, Blainv. ) ont,
dans les deux se\es, des cornes très-grandes,
pointues, auuelées. sans arêtes, droites ou un
peu courbées en arrière ; ils manipieut de nmlle
el de l)iosses, et ont des larmiers ; leur <|ueue est
assez longue, cl se termine par un Hocou de longs
poils.
Le Pazin {Oriix pazan. — Antilope onj.r ,
PiLL.— Desm. Le Cluimois du Cnii, Foitsr. Le
Pazdu, IkrE. ) est d'un gris cendre bleuâtre,
teinte irrégtdièrement de roux, en dessus, avec
une ligne brune sur iliaque llauc, el une tache
d ini biun marron ;iu-dessus des sabots; son
ventre est blanc, ainsi que la tète, qui a une ta-
che noiie entre les cornes ; ces dernières sont
prescpies droites, noiics, environnées d'anneaux
obli(pies dans leur jjiemièie moitié, lisses et
pointues à lexlrémile. Il habite par couples so-
litaires les environs du cap de Bonne espé-
rance.
L'Ai.r.AZELi.E (Ori/.i: ahjitzellti. — Antilope (jo-
z'ild, Pall. — Desii. L'Algazel,lii i'\'.) a le pe
lage d'un fauve clair sui' le dos el les llaïu's, d'mi
lauve foncé sur le cou el au poitrail, blanc eu
dessous ; la tète est blanche, taclK'C de gris au
milieu du front, et une autre tache de la même
couleur au bas des cornes ; la (pieue esl blanche,
terminée par un flocon de poils noiràti'cs; les
cornes sont ai'nmdies, noires, minces, annelécs
dans leur premièie moitié, tlle liabite le centre
de l'Afrique.
L'Oiivx leucorvx {Orijx leuconjx.— Antilope
leuconix, Pâli.. — Desji. ), qui pourrait bien n'ê-
tre qu'une variété du [)azaii, a le pelage blanc,
avec une tache d'un fauve vif à la base et en
a\aul des cornes, et une autre de la même cou-
leur sur le clianfrein ; ses cornes sont très-lon-
gues, minces, noires, arrondies, annelécs, un
I)cu courbées en arrière. 11 habile l'Arabie.
I i r.E.MiE. Les KC;0<:Èr.F.S ( l-:goreius, Dksm .)
ont les cornes très-grandes, fortes el pointues,
annelécs, à forte courbure postérieure ; ils man-
(jnenl de brosses et de larmiers, ils ont un demi
mufle, et leur queue est assez longue.
L'Imioci'HE isleu {Kgtnenis leuiopbirus. — An-
lilopeleueopliua,l^\\.t.— HhSM. Antilope ylauca,
FoiisT. La Clùi rc bleue des vo\agems) a le pe-
l.ige assez long, d'un gris ardoisé en dessus,
blanc en dessous, avec le chanfrein d'un gris
fonce; au devant de chaque oil est une mèchi'
45.> LES RLMIxNANTS.
(le poils blancs ; il a nue sorte de petite crinière inguinaux, mais ils manquent de larmiers et de
sur le dos ; ses cornes sont {jrosses, annelées, brosses, ainsi que de mulle ; leur queue est très-
courhées postérieurement. Il habile le cap de courte.
Bonne-Espérance. Le Chamois ilhipicapra ijsanl. - Antilope
L'EciicÈHE CHEVALIN {Eçocerns equinus. — > npicapra, ¥all.— HEsy\. Capraiurhapra.Li^.
.Ji(ti/o/jct'(/i(iiirt.(;EOFF.—UEs>i.) atteint la gran- Le CUamois , Blpf. l.'Ysard des Pj renées) est
deur dun petit cheval ; son pelage est d'un gris de la taille d'une petite chèvre. Il est couvert de
roussàlre; il a une sorte de crinière sur le dos deux sortes de poils, lun laineux et bruuàti-e,
et au-dessous du cou, avec une mèche de longs ti-ès-abondant, l'autre so> eux, sec et cassant. Cet
poils blancs au-devant de chaque œil ; ses cor- animal est d'un brun foiicè en hiver, d'un brun
nés sont grandes, courbées en arrière, marquées fauve en été ; sa tète est d'un jaune pâle, avec
d'un graud nombre de gros anneaux. On le croit une bande brune sur le nuiseau et autour de
du Cap. l'ieil; une ligne blanche lui borde les fesses; ses
Io^Ge.nbe. LesCH.43I01S(Ki(7jira/»n, Blainv.) cornes sont noires, petites, très-courtes, lisses et
ont les cornes simples, lisses, courbées postérieu- un peu arrondies, verticales etdroites, puis coiir-
rement, dans les deux sexes; ils ont des pores bées brusquement en arrière à la pointe.
Le chamois est le seul animal de la famille des antilopes que nous ayons en
France ; encore y est-il fort rare, et on ne le trouve plus guère que sur les plus
hauts sommets de nos Alpes et des Pyrénées. Il vit en troupes et ne se i)laît
qu'au milieu des rochers escarpés des montagnes les plus élevées de l'Europe. 11
est d'une agilité incomparable, franchit les précipices, grimpe les pentes les plus
rapides, suit les sentiers les plus étroits sur le bord des abîmes, saute de roc en
roc, s'arrête net sur la pointe la plus aiguë d'un rocher où à peine a-t-il de la
place pour poser les quatre pieds, et tout cela avec un aplomb, une facilité de
mouvement, qui prouvent autant la justesse de son coup d'oeil que sa force mus-
culaire. N'ayant d'armes à opposer à ses ennemis que la fuite, il a perfectionne
ses organes de la vue, de l'odorat et de l'ouïe, de manière à être surpris Irés-
diffîcilement ; outre cela, quand le troupeau paît, il y a toujours, sur les roches
élevées environnantes, deux ou trois vieux mâles en sentinelle, qui observent
la campagne ; pour peu qu'ils découvrent quelque chose de suspect, ils avertis-
sent par un sifflement aigu, et tout le troupeau détale avec une vitesse incroya-
ble. En un clin d'oeil tout a disparu au milieu de roches inaccessibles et de pré-
cipices infranchissables où l'on ne peut les suivre. Aussi ne les chasse-t-on pas
avec des chiens, et l'on est obligé, au risque de se précipiter malgré les crochets
de fer que l'on porte aux talons, d'aller les épier au milieu de leurs rocs, de se
glisser en rampant sur le ventre pour essayer de les approcher, et de les tirer
de fort loin avec des carabines à longue portée. Cette chasse est très-dangereuse,
et beaucoup de personnes y périssent en tombant dans des précipices, où quel-
quefois les chamois les poussent eux-mêmes pour s'ouvrir un passage quand ils
se trouvent cernés. Aux approches de l'hiver, ces animaux quittent le versant
nord des montagnes pour aller habiter celui du midi, mais jamais ils ne descen-
dent dans la plaine. Le rut vient en automne ; les femelles portent quatre ou
cinq mois, et mettent bas un petit, rarement deux, en mars et avril ; elles en
prennent soin jusqu'en octobre, époque à laquelle les jeunes se confondent avec
le reste de la troupe, qui est rarement de plus de quinze à vingt.
Le CuAMois LAi.>tLx [lUijmapra amcricana, nnica Kafix. Capra lolumbicma, Desm. Ovh
Blainv. Anlilopc lanala, Smith. Antilope amc- monlana, Ord. Le ,1/0i(ii/aiu shccp des Anglo-
rkana, Btsyi. Mazama dorsala et Mazama Américains) ressemble un peu au bélier par la
ANTlLOrtS.
453
lé(e ; ses oreilles sout pointues, moyennes ; ses
jambes sont fortes, à sabots noirs et gros; son
pelage est d'un blanc jauuàtie, très-épais; ses
cornes, longues de cinq ponces (0,135), sont
rondes, lisses, un peu courbées eu arriére. 11
habite rAuiéricine du Nord, depuis l'océan Pa-
cinquejustpie près du lac Supérieur. Peut-èlie
devrait-ou reporter cette es|)èce avec les chè-
vres.
16' GiiiviiE. Les ANTILOCIIÉ^.VIIES { Autilo-
lupra Blainv.) ont, dans les deux sexes, des cor-
nes un peu longues, comprimées, recourbées eu
crochets postérieuremeni vers la pointe, et uui-
nis d'un andouiller antérieur. Klles manquent
de nuille, de larmiers et de brosses.
LcKiSTii-iiK {Antilocapra amcricann, Oar».
Anlilopc furcifer, SMrni. — Dessi. Le Pronghor-
ned aulclope de I.evvis et Clakcii) ressemble
assez an chamois, mais il est plus grand; son
pelage est ras, d'un gris ronssàtre en dessus,
blanc en dessous comme à la queue et sur les
fesses ; ses cornes sont longues de onze pouces
(0,298), comprimées, un peu ridées à leur base,
un |)eu divergentes sur lescôtés, recourbées vers
le bout, avec un petit andouiller dirigé en avant,
il habite les montagnes escarpées des États-Unis,
et vit eu trouites.
L'Antilociièvke PALMÉE (.liiti/oiaprapa/Diata.
— Anlilope palmata , Smitii. — Desm. Ccrnis
/)a/jnaiii4,BLAiiNv.)est de la grandeur d'un cerf
d'iui fauve clair sur le dos, blanche sur le ven-
tre et sur les lianes; la pointe supérieure de ses
eoi'iies est recoui'bée en arrière connue dans le
chamois; l'empaunuu'e est antérieure, aplatie
d'avant en arrière, et saillante de l:i base de la
corne. Elle habite le Missouri.
Le Mazame {Aniilorapramaznma.— Anlilopc
mazama, Smith) est moins grand qu'une chè-
vre et a les formes plus lourdes et plus massives.
Il est d'un brun p^le ronssàtre en dessus, d'un
blanc jiuuiàtre en dessous, sur la i)oitrine et le
menton ; sa queue est courte, épaisse ; ses cor-
nes, de près de six pouces (0,1G'2| de longueur,
sont de couleui- foncée, un peu aimelées, cour-
bées en arrière et pointues. Il habite le Mexi-
([ue.
Le TÉ^iEJiAZAME (Aiiiilotapralciinmnzaina—
Anlilopc tememazamn, Smith. Ori.v piidn, Giu-.
Cnpra piidu, Molina) a les formes svelles, les
oreilles étroites et longues, ari-ondies au bout;
la queue est assez longue ; son pelage est fauve
en dessus, blanc en dessous, avec une tache blan-
che autour de la bouche et une autre sur la (toi-
trine. Les cornes sont longues de cinq pouces et
demi (0,1 î9), minces, noires, ridées à la base,
un peu courbées en arrière à leur exlrémité. Il
habite le noid de l'Aniériquc, près des sources
de la livière Rouge.
LtS llUAli.NAiNTS.
Le Bouquetin.
LES CHÈVHES
N'ont point ilo larmiers; le noyande leui-s
cornes est composé en grande partie de cellules
(|(n communiquent avec les sinus frontaux ; leurs
cornes sont dirigées en haut et en arrière, ou
dirigées en arrière et revenant en avant, en spi-
lale ; leui" menton est quelquefois gaini d'une
longue barbe, et leur chanfrein est concave ou
convexe.
• ""^ Genre. Les CHEVRES (Ca/»rt, Lin.; ont
trente-deux dents, .«.avoir : |)oint d'incisives su-
périeures et h'iit inléiieures ; douze molnires en
haut et autant en bas ; elles n'ont pas de mutle ;
leur chanfrein est un peu concave ; deux onglons
derrière les grands sabols; deux mamelles in-
guinales, cl la (|ueue courte.
Les unes n'ont pas de sinus à la base des doigts
du pied, et leurs coi'ues sont dirigt-es en haut
et en arrière; leur menton est souvent garni de
l)arl)e. Ce sont les chèi-rcs proiM'ement dites.
Tels sont :
Le BOUQUETIN [Capra ïbcx, Lix. V Aifrïmia des Grecs iiiotleiiics. Le Slein-
Bock (les AileniaïKls )
Est (le la gramieiir d un bouc; sou jjelage d'hiver est composé de poils longs
el nidcs, recouvraiil un poil doux, fin, toufl'ii, persistant seul pendant l'été; il
^^4i
•CABANE ET ENCLOS DE CHEVRES ET DE MOUTONS D'EURCPE.
I .1 a I d I ■> Je. I'
CIIÈVIIKS. '«55
est d'im jiiis lauvê en dessus, Id.inc on dossoiis, avec une hande dorsale ncdre,
el nue li<ine luiiiie (|iii traverse les lianes; ses Cesses sont Manches; une liarlie
noire ef rnde lui pend an nieiilon; ses cornes sont noirâtres, avec den\ arèt(>s
Nnifiitndinales et des côtes saillantes transversales. Ka femelle a les cornes plus
petites.
Ces animaux vivent en petites troupes, dirigées par un seul vieux mâle qui
marclic à la tète, les conduit, les avertit du danger, fuit le derniei-, ou même
combat s'il ne peut faire autrement. Ils habitent prescjue toutes les hautes mon-
tagnes de l'Europe, et se tiennent à une zone encore plus élevée ipie celle du
chamois, pour n'en jamais descendre; ils ne viennent pas même paiire ilans les
hautes valh'es alpines. La physionomie du ltou(pi(>tin, sans être fine et gracieuse
connue celle des gazelles, ne manipu' cependant pas d'élégance ; il a r(eil vif et
hrillant, l'oreille mobile, la démarche fiére et assurée, et un air (rin(le|)eudauce
|)lulôt que de sauvagerie. Suspeiulu aux pics voisins des glaciers elernels, il
send)lerait ne devoir point avoir d'ennemis, et cependant il a jierfectionné sa
vue et son odorat comme s'il était sans cesse environné de dangers. Placé en sen-
tinelle sur la pointe d'une roche, il veille pendant que soji troupeau se nourrit
de rares graminées, et des bourgeons du saule alpestre, du bcuilean nain et des
rhododendrons. Faut-il fuir, il donne le signal et ne part (pie le dernier. « En
fuyant a travers les précipices, dit Desmoulins, un coup d'o>il aussi prompt que
juste dirige des mouvements rapides comme l'éclair, mais d'une vigueur si sou-
ple, qu'ils peuvent rompre iiar un repos soudain les élans (huit ils eflleurenl les
crêtes les plus aiguës du granit et même des glaciers. Bondissant dun pic a l'au-
tre, il leur suffit d'une pointe où se puissent ramasser leurs quatre pieds, |)our
y tomber d'aplomb d'une hauteur de vingt à trente pieds, y rester en équilibre ou
s'en élancer au même instant sur d'autres pointes, soit inférieures, soit plus
culminantes. Ils éventent le chasseur bien avant de lui être en vue. Une fois lan-
cés, leur résolution est aussi rapide que le coup d'œil. Si une tactique calculée
d'après l'expérience de leur poursuite et la connaissance des lieux lésa cernes
sur qiiebpie rampe de précipice d'où il n'y ait à leur portée ni une pointe de
glace, ni une crête de roc, ils se jettent dans l'abime, la tête entre les jambes
pour amortir la chute avec leurs cornes. D'autres fois, jugeant l'audace plus pro-
fitable à se défendre (\n'à fuir, le bouquetin fait volte-face, selance, et, en pas-
sant comme la flèche, précipite le chasseur. » Pris jeune, le bouquetin s'appri-
voise aisément, et vil fort bien au milieu des chèvres domestiques. Il s imii avec
elle, et les enfants qui en naissent sont fertiles et très-estimés des montagnards
de l'Asie pour régénérer leurs troupeaux. La femelle, plus petite «pie le mâle,
mol bas mi ou deux petits a la Wn de mars ou d'avril.
Le ZEiitnoH ou IIacu (Caprn raiicasira, Gi i.- ciense et font des vases à boire avec ses c<inies.
1)E>.—I)e.sii. esl (le la titille (Iii pireédeiil; son La CiikviiE hk NiniK ((.'rj/;ra nubinna. Fit.
pelage est d'iin Itruii fauve foncé eu dessus, et Clv. Capra arrihira du Musée de Vienne. Le
hlaneliàlre en dessous, avee une ligne dorsale lionr sauvage de la haute Kgiipir, l'ii. Ci v.). (jui
hrune et une hlaneiie sur les eanons; le nez, la n'est peul-élre rien anlre cliose (juiui uioulon,
poitrine e( les pieds sont noirs ; la lele esl grise; est nnpeu plus s\ellr(pii'l(l)ou(iu<liu , .soeornes
les cornes sont triangulaires el longues de plus sont plus grêles cl plus longues, el ord rn\iron
de deu\ pieds ,0.(;,")n). Il liahile le Caucase. Les deux pieds el demi (0,812); i Iles siuU eonipri-
Tatares el les (leorfzieu^ trou\enl sa chair deli- niées du rôle inleriu-, noires, nwc une douzaine
456
LES RUMINANTS.
de rennomonts Siiillants. Cet animal est d'uii
fauve grisâtre, iiièl»Wle brun, avec une lifînedor
sale noiriltre. Les épaules, les tlancset le devant
des jambes sont bruns; il a des taches blanches
aux talons et aux poignets. Elle habite l'Afri-
que.
La CiùvHE SAi VAGE (C«pî"a (rgngnis, Tall.—
Hesm. Le Pasnig des Persans) est plus grande
que la chèvre domestique ; elle a la tète noire en
avant, rousse sur les cotés . avec une longue
barbe brune; son corps est d'un gris loussàtre,
avec une ligne dorsale noire ainsi que la queue ;
ses cornes ont la face antérieure comprimée et
la postérieure arrondie; elles sont recourbées
inférienrement en arrière. Elle habite toutes les
chaînes de montagnes de l'Asie. Le paseng a
absolument les mœurs et les habitudes du bou-
quetin, et ce serait nous répéter mot pour mot
que de donner ici son histoire. Selon G. Cuvier,
ce serait la souche de toutes nos chèvres domes-
tiques ; mais si cela est vrai, il est certain aussi
que ses descendants ont été croisés fort souvent
avec les espèces précédentes. Quoi qu'il en soit,
la chèvre domestique a conservé une bonne |)ar-
tie du caractère indépendant de son type, de son
goût pour grimper, et de son humeur vaga-
bonde. Son affection est intelligente ; elle suit la
vieille femme qui en prend soin, l'aime, soulage
sa misère de son lait, allaite même ses petits en-
fants au berceau et accourt à leurs cris pour sa-
tisfaire leurs besoins en leur tendant sa mamelle
gonflée d'un excellent breuvage ; mais elle n'est
docile que par amitié, n'obéit qu'aux caresses,
et se révolte contre les mauvais traitements; le
bouc devient même quelquefois méchant s'il est
habituellement maltraité, et dans tous les cas il
sedéfend quand on l'attaque. La chèvre a fourni
de nombreuses variétés, dont nous citerons ici
les principales, savoir ;
La Chèvre snus cornes, qui habite l'Espagne;
— la Chèvre de Cachemire, à poils fins, laineux,
servant à la fabrication des cliàles ; — la Chccre
(le Jiiida ou Judn, d'Afrique; — la Chcrre du
Thibet , introduite en France depuis assez long-
temps ; — la CUivre d'Angorn, à poils longs et
soyeux ; — la Mambrine ou Chcrre du Le\cnit .
de la Prtlesline et de la basse Egypte; — la Chc-
rre du IS'cpaid ; — la Chèvre nniue, originaire
d'Afrique; —enfin notre (^hivrc commune.
Les espèces qui vont suivre ont les cornes di-
rigées en arrièie et revenant plus ou moins en
avant, en spirale ; leur chanfrein est ordinaire-
ment convexe; elles manquent de barbe; elles
ont un sinus à la base interne des doigts, dans
les quatre pieds. Elles ont reçu le nom généri-
que de lMouT(n ( Oriv, Li>.), quoiqu'elles pro-
duisent avec les chèvres des métis féconds, el
que (i. Cuvier les regarde connue congénères,
ainsi que les regardaient Pallas, Leske, llliger,
Blnmenbach, etc.
^ '^.^r^
n^n\> \
âl»^'^^ •
(iHi'.VKKs
'i57
Li' .'MorroN ()KI>1N.\IRK [Capin nnnnon, l,i\. ()rh aiies, DtsM. I,r Moiijldii.
F. Cuv. — Bi'FF. I.c Mii.siDuc (le Sardaigm;. Le MnffuH di; Corse .
I.e mouton sauvage, ou uiouOon, (jue l'on regarde, avec l'argiili, ronune la
s(niclie des moulons domesliijues, a le jielage ras, composé de poils courls cl
roides, nullement laineux, d'un fauve terne, plus ou moins foncé en dessus,
hlancliàtre en dessous; sons ces [)oils on en trouve tl'autres très-fins, très-
doux, laineux, assez courts et en tirc-bouclion ; ses cornes sont très-grosses,
arquées en arrièie et recourbées en avant ; la femelle a les cornes moins forles,
et la taille plus petite que le nicàle : tcuis deux se révèlent dun pelage jdiis noir
et plus fourni en hiver. Le mouflon se trouve en Corse, en Sardaigne, dans la
Turquie d'Europe et les îles de la (irece, enfin sur presipie toutes les montagnes
élevées du midi de l'Europe, C'est près de leur sommet, dans les lieux les plus
arides et les plus inaccessibles ([u il se piait davantage.
Le mouflon était connu de Pline sous le nom iVovibif, et de son temps l'on
savait déjà (pie les métis sortant de lui et de la brebis étaient féconds, d'où Ion
concluait, comme aujourd'hui, que ce n'(.'st rien autre chose (pic le mouton .sau-
vage. Ses habitudes sont en tout pareilles à celles du bou(iuetin, mais à cela
prés qu'il manque totalement d'intelligence. « On le voit sauter de rochers en
rochers avec une vitesse incroyable, dit Geoffroy; sa souplesse est exlrèuu\ sa
force musculaire prodigieuse, ses bonds très-étendus, et sa course très-rapide;
il serait impossible de l'atteindre, s'il ne lui arrivait pas fréquemment de s'ar-
rêter au milieu de sa fuite, de regarderie chasseur d'un air stupide, et d'at-
tendre (jue celui-ci soit à sa portée |)oih' recoiumencer à fuir. » Telle est aussi
1,58 MvS lUJMLNAMS.
riiiihiliHlo tic nos inouloiis. Les mouflons vivent on troupes assez nombreuses,
el la société de leurs senilthiMes est si nécessaire pour eux, qu'un individu isolé
ne tarde pas à toniher dans le marasme et à périr. Fr. Cuvier a consigné dans
les premières livraisons do son Histoire naturelle un fait observé à la ména-
;;erie, prouvant ((ue le mouflon a tout l'idiotisme du mouton domesti(jue. « Si
le mouflon est la souclie do nos moutons, on pourra, dit-il, trouver dans la fai-
blesse de ce jugement qui caractérise le premier, la cause de l'extrême stupidité
(les autres, et les moyens d'apprécier avec exactitude la nature des sentiments
qui portent ceux-ci ta la douceur et à la docilité : car c'est, sans contredit, à cette
faiblesse qu'on doit attribuer l'impossibilité où sont les mouflons de s'appri-
voiser ; ils nous ont donné souvent les plus fortes preuves des bornes de leur
intelligence. Ces animaux aimaient le pain, et lorsqu'on s'approcbait de leurs
barrières, ils venaient pour le prendre : on se servait de ce moyen pour les atta-
cber avec un collier, afin de pouvoir, sans accident, entrer dans leur parc. Eb
bien, quoiqu'ils fussent tourmentés an dernier point quand ils étaient ainsi
retenus, quoiqu'ils vissent le collier qui les attendait, jamais ils ne se sont défiés
du piège dans lequel on les attirait, en leur ofl^rant ainsi à manger; ils sont
constamment venus se faire prendre sans montrer aucune bésitation, sans ma-
nifester (ju'il se soit formé la moindre liaison dans leur esprit entre l'appât qui
leur était présenté et l'esclavage qui en était la suite, sans qu'en un mot l'un
ait |)u devenir pour eux le signe de l'autre. Le besoin de manger était seul re-
veillé en eux à la vue du pain. »
Le moulim doinestiipie est, après le coclion d'Inde, le plus idiot de tous les
aiiiinaux soumis à la servitude; et la domesticité, en acbevant de le dépouiller
de la l'aible \y,\vl d'instinct (pii lui avait été dévolue par la nature, en a fait une
sorl(> de macbin(; vivante, dont toutes les conditions d'existence gisent dans les
soins intéresses que l'bomme lui accorde. Abandonné à sa propre conduite,
dans le climat le plus favorable, un troupeau n'existerait pas deux mois, et tous
seraient morts de misère ou par la dent des animaux carnassiers, avant ce terme.
Non-seulement les moutons n'olfrcnt aucune résistance à l'ennemi qui les atta-
(jue, mais ils ne cbercbent pas même à prendre la fuite, et ils se bornent à un
vain simulacre de courage en fra|)|)ant la terre avec leurs pieds de devant. Qu'un
loup se présente, aussitôt le troupeau entier s'arrête, le regarde avec une stu-
pide curiosité, et, si l'animal féroce cesse d'approcber, eux-mêmes iront à sa
rencontre en frap|)ant du pied. Lorsifue le loup s'élance pour en prendre un,
tous fuient avec désordi-e et en se pressant les uns contre les autres; mais en
cessant de voir leur ennemi ils oublient leur crainte, et à cent pas de là ils s'ar-
rêtent et se retournent pour le regarder de nouveau; doù il résulte, que si le
ravisseur a manipiè son coup une première fois il ne le manquera pas une se-
conde ou une dixième fois. Lorsqu'il gagne les bois en empoilant une victime, tous
le poursuivent au pas de coiu'se, et le berger a beaucoup de peine a les retenir.
Lorsipie des moulons sont en marcbe, si l'un de ceux qui va en tête s'arrête
devant la plus légère barrière, tous les autres en font autant, et on les tuerait
plutôt que de les faire avancer; le berger, dans ce cas, n'a qu'une ressource,
c'est d'en porter un de l'autre côté de l'obstacle, et alors les autres passent.
Mais si. au ciMilraire, poussé par quelque imbécile fiènésie, le premier mouton
CHEVKtS.
îô«>
se jelle (liiiis un preci|)ice ou dans une rivière, les aulres s'y lancent après !iii
sans la moinilre liésitalion. Celte stupidité autoinati(pie se relronve dans toiilcs
les habitudes de leur vie. Je ne m'étendrai pas sur l'utilité (pie l'iionime retir<'
de ces animaux, soit par leur laine, soil par leur chair. Pei'sonne n'ignore
les divers services qu'ils rendent aux arts industriels, à la consoinnuilion ali-
mentaire et à l'agricidture. Aussi le mouton est peut-être de lous les animaux
celui (pii a été h; plus li'availlé par l'honnuc, et n!i;i dont il a ohleiui les ré-
sultats les |)lus vaiiés. ^'ous nous hornerons ici à mentionner les races les
plus remartpuibles, en faisant observer que toutes ne paraissent |)as descendre
uniquement du mouflon, mais bien de son croisement avec les ovis et avec les
ciipra. Ceci est si vrai ({u'il serait impossible aux naturalistes de décider si cer-
taines variétés doivent être classées avec les chèvrc^s ou avec les moulions.
'tm
II.
i;i Mi> \> I s
L^ Belirr ,1e f;,,!..
I" Lf Mol loA (h;|ii\ui;k ( ( lis cnyoj a a \ .t;(ic
l'on Iroinc diiiis proqiic loiilr IKiiioiic, cl dont
U's moulons d'Kspiifinc on nicriiios, d' AngIclorTc,
ne sonl qui' «.'es \;nic'l( s Iml iionihiTusrsfn sons-
vjiri(-lc'.'-.
i" Le MoiTo.\ Ai\ i.oxdijKS JAMiits {(ivh g)ii-
iireiuh), n"ni:nqn;d)lc piu- s;i gnnide (îiillc. Ses
|trincip;iU'.s son.s-\arick's sont le .Vom-Ji ; — le
Moiildu (l'Afiitjve {(.'lis (:frnana),(\(m{ nons rc-
pnscnlons ici le lu'Wvr ; — le Mimlon (llAlùniùc
( ()v\s (rlh'injiuu).
.>" \.C MoiTo^ A LAïuii; yi •' I I [Oi is hiliriin-
('nld ), si r(ni.n(|n;dik- \r,\v hi l.inpc «'"lisscnse
(jni cntonro I;i (picnc cl hi fjiil peser qncUpicJois
jusqu'à cinti on six kil .{jiannncs. Ses prineijialcs
Xiiiiclcssont ; - k' Sl(iit(>iii,gii [Ons sli atopi qii)
de la Perse, de la Rnssio nieiidionalc cl de la
(liine ; — le Mouton à grosse qt ciir, (jni liahile
la hante K}i\pte; - \t: Monlon sans qiinu (0ns
ciaii'iala] Au même pa>s, mais dont la loupe
Hiaissense est aux fesses cl dont la (jncnc, 1res
firéle, n'a pjvs pins de deux ponces i(t,(i;)ij delon-
gnem-; — le M<ii,toii il AsiKiKiii dont l'af^nean
lonrnit une Ires-belle foumne; —le Mouton iln
Cn/), elc. Qneliines uns de ces animaux ont la
queue si lourde, (pie dans ecriaine partie de I A-
Irirpie on est ol)lige de la faire poi Ici' par un
petit chariot (|uc l'animal Iraiiie a|trcs lui
•'<" Le MeiTox n'Isi.AXDK \(>ns }olueiulo,
Lm. Ovis golhhnitlha, Pai.i.. ), que nnnsavons
re|»résentc a\ee ipialre cornes, cl ipii (piel(pic-
Inis en a cin(|, six, jns<pi'à lunl, cl d'anires fois
seulement trois. Sa cpiene ( si (ourle, et son pe-
lage, ordinairenuni d'un hrmi ronssàlrc, a Irois
sortes de poils.
o" Le MciTo.x Dii Valachik iOtissIirpshn-ns),
à laine très-longue et alxiudante; à cornes lon-
gues et en spirale comme celles d'une antilope
eondouia.
L'AïKJAi.i {('.(Il ra iinifili.— Oii^ or^uli, Hodd.
Ons inninon. DisM. .Iqnicnis (iii,(iH, IVu.i .
Ciipraawuion. Ln.l est de la taille d'un daim ;
e,i élé son |!elage est d'un iiv'is fauve en dessus,
passant au rougeàlre clair en dessons; il a sur
le dos 111)1' li; ne jiMuiàlie et une l;irge t:iche de
la même couleur sur les fesses; en hiver son pe-
lade devient pli.- roiiss.iire. Le ni.ilea les cornes
fort grandes, triangulaires, tiés-forles, aplaties
(H di\anl, striées en travers; la femelle les a
pres(pie lisses et Irês-nnnccs. L'argali haliile les
régions froides ou tempérées de l'Asie, les slep-
pesdcla Silicrie méridionale, le pied du plateau
de la 'l'alarie, elc. l'arlont il est redierché pour
>a chair el sa graisse. Ses mœurs soid les mêmes
que celles du monllon.'
Le Mi-.\ttic [C.aina mouliinii. --- Oiis nioi-
tinia (iKOFF. — Dfnv. non Oim. ) est presque de
la taille d'un cerf; >es jambes sonl longues, son
cor|)ss\cllc, el son chanfrein presipic droit ; son
pj'Iagc est roide, court, grossier, d un brun
n ai ron leinc; ses fesses sonl d'un blanc |)nr:
ses c 'l'iies sont r("t;uliciemeiil ((Hiibees en spi-
C.IIKVUKS
'<(>!
liilc cl tics-f-n.ss.'s. I ;i r,'ni(lli';i dos propor- dos n.iluralislos) est do la RiMiidoiir d'iiii iiioii-
iKMis plus polilos. Il iiahito los iii(Hilii{.iio.s du lou oïdinairo ; sduolianlroiii osl pou aiijuo ; son
( aiiiida. par In.upos do (piiiizo a viiipl. CVsl pol.iyo, doux, roussàlro. lui loinio luio st.rle de
pr(.li,d)!otii<'iit UNO variole, ol niomo hion Icj^oi'o
(le l'argali.
1.0 MoiiFLOM>'.\Fiiiyi K iCitiDii onialn.-Oiis
Kitiu'n Geoff. Cris tragelaphus, Ci v. - I)ks>i.
r.o Mniil'nii barbu ol lo MoiifUni à inoiu hrihs
orniioro suc lo ooii, ol do loufis poils lui dessi-
iioul dos niaiiohollos aux poiuiiets. Ses cornes
^()ul uicdioci-os, plus lart>cs sur leur face anlo-
riour»', ol non conlouruoos ou spiialo. Il haltilo
la linulc KfiNplo o( k» Barlcuic.
^ ^^-rX^
'4X.'' -^i,\.. , aVP*i
462
I.KS UlJMIiNAiNTS.
0è-' *>£!«*
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''^^^^'^^^^^r^i
LKS HOKIFS
N'ont |)()iiit de Inrniicis, et le noyau de leurs haut et huit en bas; point de canines; douze
cornes est en partie celluleux; leurs COI lies, plus molaires à chaque inàchoiie. Us ont un large
ou moins arrondies, sont dirigées de coté et re-
viennent en avant vers le haut en formant le
crois'-ant.
18' (icMiE. Les BŒUFS ^hoa. Lin.) ont
trente-deux dents, savoir : point d'incisives en
mulle, le corps épais, les jambes fortes et assez
courtes ; des onglons derrière les sabots ; la
queue assez longue, terminée par un flocon de
|)oils, et quatre niimielles inguinales. Tous ces
animaux sont lourds et de grande taille.
Le BOEUF ORDINAIHK Bos lai lits. Lin. — Dksm. Bos hiiliciis, variété k' Zé//».
Le ZéOn et le Bœuf, Buff. :
Est originaire de l'ancien continent, et particnliérenient de rEiiro|)e, comme
on a pu s'en assurer par ses nombreux débris fossiles, (jui ne sont pas rares en
France, sitrtout dans la vallée de la Somme. Sa faille est plus ou moins grande,
selon les climats et les variétés. Son pelage varie beaucoup, mais généralement
il est blanc, brun, noir, ou [dus souvent encore d'un rouge lauve, toujours
lisse et ras; un large fanon lui pend sous le cou jus(pi'entre les jambes de de-
vant; son front, concave, est paré d'un épi de poils frises ou crépus; ses cornes
sont arrondies, latérales, arquées, et le plus ordinairement déjetées en debors.
Le zébu de Buffon [Bos indiens, Exrl.) en est une variété extrêmement re-
mar(|uable, et (lui s'en distingue particulièrement par sa taille généralement
plus petite, et surtout par une on deux bosses graisseuses (|n"elle [)orte sur
le garrol. (lette race, comme celb; du bcpuf ordinaire, présente aussi un assez
bon nombre de variétés, parmi les(iuelles nous disliiigiierons celle de Mada-
gascar, la plus grande de toutes, n'ayant quime seule loupe graisseuse, el dont
ENCLOS DES CHEVRES ET MOUTONS D'ISLANDE.
PBÈS LA FOSSE \l:\ Ol RS
( J.rdiii df, Pl.nt.
lu h; II- s '.«3
la chair exhale mie désagréable oileiir de l^U:^c; celle de lliide, doiil l,i laille
(|iielfiiiefois ne dépasse guère celle d'un cochon, etc. Ordinairement le pe-
lage de ces animaux est gris en dessus, blanc en dessous, mais il est très-sujel
à varier. Cetle race se trouve dans les parties chaudes de l'Inde et île l'Asie.
C'est à elle (ju'il faut rapporter le Taureau hraliiniiir, privilégié dans les Indes
et consacré an dieu Siva, parce qu'un individu de cette race, le bœuf Nnudi, a
seul le privilège de porter la statue de ce terrible dieu. Ces bœufs vivent dans des
temples où on leur luodigue mille soins res[)eetneux, et tontes leurs fonctions
se bcM'nenl à servir de monture au brahmes. Connue le peuple les respecte
beaucoup, ils peuvent impunénuMit, ([uaud tel est leiii- bon plaisir, dévaster
les champs cnltivi's, pénétrer dans les clos, nuMne dans les maisons, pour aller
prendre et gaspiller la nourriture des hal)itants jusque sur leur table. A cela
prés, ce sont de tous les bœufs les plus inoffensifs.
Notre bonif ordinaire offre aussi de nombreuses variétés, en raison des loca-
lités, et l'on pourrait en compter jusipi'à seize assez Itien tranchées, sans sortir
de la France. Cela seul suffirait pour constater la haute antiquité de sa servitude,
si l'on n'avait pas des documents sur ce sujet dans la plupart des écrits qui nous
sont restés des plus anciens peuples de la terre. Il serait plus difficile de dé-
terminer à quelle époque le type sauvage de cette espèce a disj)aru; cej)endant,
il paraîtrait qu'au quinzième et même au seizième siècle on trouvait encore
des bœufs sauvages dans les forêts de la Pologne et de l'Angleterre, si toute-
fois les auteurs n'ont pas confondu l'espèce du bœuf avec celle de l'aurochs.
Onoi (pi'il en soit, le bœuf est un des animaux indispensables à l'agriculture,
et de première utilité pour l'homme. Au joug et à la voiture, il rend les mêmes
services que le cheval, et s'il est plus lent, il est aussi plus vigouieiix et plus
sobre. Dès qu'il vieillit, ou l'engraisse, et sa chair excellenle est noire [irincipal
aliment ; sa peau, sa graisse, ses cornes, jus([u'à ses os, tout est niilisé et d'une
hante imporlanct» dans les arts industriels. Le lait de sa femelle a des emplois
aussi nombreux (pu* variés, et souvent il devient l'unique ressource des pauvres
familles de cultivateurs. Enfin, je le repèle, il n'est i)as d'animal que l'on i)uisse
mettre en comparaison avec celui-ci, sous le rapport de son importance éco-
nomique, et avec la vache et la brebis on pourrait se passer de tous les autres.
Faire ici l'histoire des mœurs de cet être paisible par tempérament, bon servi-
teur plus par stupidité que par affection, d'une obéissance passive, sobre, in-
fatigable, nullement capricieux, ne se rebutant jamais, serait tout à fait hors
d'oMivre, car il n'est i)ersonne qui n'ait été à même de l'observer. Seulement
nous ferons remaniuer (pie cette pesanteur de corp-, celle lenteur d'allure qu'on
lui reproche, tient plus aux habitudes (pi'on lui donne (ju'à son organisation.
Dans ((uelques pays on dresse des bœufs pour monture, et ou les forme à mar-
cher, à trotter, à galoper même, avec presque autant de vitesse qu'un cheval.
En Allemagne, les bœufs de chariots ont une allure deux fois plus vive que les
nôtres, parce qu'on les y a habilués dès leiu' jeunesse. La vache porte neuf mois,
et ne fail cpi'un petit par portée.
L(> lîii-.i.E (Bo.s- bnbaliis, Gml. - Oksii. Le l'Cii moins; il a le front clevo, arrondi, ce qni
liiifIJc, tii iK. ) est de la faille du l):i'ur, on liés- l 'il |)arailre son chanl'rein concave; son pclnjje
'Kii
LKS UlJMIiNANTS.
csl iioif, il piiilN (liirsi'l iissc/. cljiii-sciiu's ; son
liiiutii csl peu il('vrl()|)|)('; ses (-(M'iics stiiil noires.
Ircs-rc.irlccs rnnc di- l'anli'c, iivoc inic aii'lc
saillanic en avant; s;i queue est lonjjue el pen-
(l;tnle; ses mamelles sont sur une uièuic ligne
lians\eise. Il vil en Ironpes uomhrenses dans
les prairies liasses el maréeaffeuses on il aime à
MManIrer dans la fange. Son caraelère esl fa-
rouche, indomplaltle ; el pour tirer queUpie ser
v:ce de eeu\ (|ni sont le mieux apprivois 's, il
faut leur passer dans les nai ines un anneau de
fer au moyen duquel on les dirifje. Il esl orif^i-
naire de l'Asie méridionale, d'oii on l'a amené
en Afrique el en Kurope. Il s'est parfaifemenl
nainralise en drèee el en llalie flans les Mar.iis
i'onlins.
On doit regarder connue sin)ple variété de
celle espèce.
[/Akm ( /J./.s (inii. SH*^^ ), (pii n'en dillere
que par .ses cornes i>lus grandes, longues de
(juatre à cinq pieds (0,1(18 à (),i :>), ridées sni-
leur conca\il('. et un peu aplaties <"n avaid (ti
le trouve |irin(i|)alenient dans les hanles moii-
lagnes de l'Indoslan el dans les iles de l'archiiiei
indien.
I,e (iorit on (Ixoiii {lins (jony, Tiuill. Le
l'iirarah et le iidiinii des Indousja de l'ana-
logie avec 1 arni, mais son pelage est d'un noir
assez foncé, tirant sur le l)leuàtre ; ses cornes
sont courtes, épa'sses, frèsiecourbées vers le
l)out et nii peu rugueuses ; son pelage est ras,
sa (piene épaisse, el le mâle n'a pas de fanon
pendant sous le cou ; mie singulière rangée d'os
épineux el accessoires lui voûtent régniiére-
nienl le dos Cet animal esl stupide jusipi à la
lerocil(", el son courage lirnlal ne recule de\anl
.lucun danger. Il vil en Iroupes de quiir/e a
vingidansia pi-ofondeur des forets de l'Inde,
où il se noni'ril de leuillis ei de liourgeons d'aï-
bres.
Le jL,\(;i.i(iAU { lios /nnildlis, (1. Cix l',i,s
siilliitainis. Fit. Cdv. 1 viiiidll, I,,vvii. Le />rc///
(Ifs jougifs de Divaic. ) a de l'analogie avec
notre taureau (l(imesli(iue, el comme lui il |)oi'le
un fanon |)endaiil sur la poilrine. .Son pelage
esl conslanunent noirâtre, avec les (jualre jam-
lies hianclies; il a le front gris, ainsi (pi'iine
hande lougilndinale sur le garrot ; le tour de
son M il est cendre, el celui des lèvres Idinclii
Ire; il a une loupe graisseuse [)eu saillante sur
les éiiaules; sa (piene est cotonneuse. Il liahile
Ifnde, principalement an pied des monlagiies
du Sylhet.
L'Ariiociis ( lliis unis, Hood. — Dessi. I'.os
In-iis, L\K. L'.iiiioihs et le Bmrt-K.sde I5i;fi'.
Le Hoiiosff.s d'AitisTOTE. Le Ziilir des Polonais)
est le plus grand des Ixeufs vivants, el sa taille
appioclie lie.iucoup de celle d'un ihinoccros.
Son pelage est conipos;' de deu\ sortes de poils,
celui de dessous laineux et doux. Le devant du
corps, juscju'aux epaides, est couvert de poils
bruns, durs et grossiers, .surtout a la poiiile,
long de près d'un pied ((),.ï-2,")) ; le dessous de sa
gorge, jusqu'au poitrail, esl garni d'une longue
liarhe peud'iite ; oui le l'este du corjis esl cou-
vert de poils ras, eourls, d'mi hianc noirâtre ;
son Iront esl bomhé ; ses cornes sont grosses,
rnmles, latérales; sa queue est très-longue. En-
l'n il a quatorze paires de côtes, tandis que les
lioMils n'en ont ()ue douze.
Il paraît que col animal haiiilail aiilrefois lmi((! l'Eiiropo, cl (in'ij claif assez
cominmi, même en France, dans les forêts marécageuses; anjourdliiii on ne
le fioiive ]>|iis que dans un eaiilon de la Lillmanie, et encore gfâce au seigneur
dont il peuple les (orèls, et (pii les l'ait garder avec soin, l.e lendemain du jour
on un noMe palatin l'aura ordonné, un des pins puissants animaux (h\ la terre
aura complètement disparu de dessus le globe, et ses o.ssemenis fossiles lénioi-
gneront seuls de son existence passée. Si on s'en rapporte à Cililierl, l'aii-
rochs, étant pris jeune, s'apprivoise assez aisément, devir'nt docile, el < aresse
même la main de son gardien en la léchant. Cet auteur dit en avoir oh.servé
qnalre jeunes, pris dans la forêt de Hialoviezenski. « Ils réinsèrent d<' leter des
vailles, dit-il ; on leur lit leter des chèvres posées a leur hauleur sur une laide ;
quand ils étaient rassasies, d'un coii|i de tète ils jelaient leur nourrice à six ou
huit pieds de dislance. Oiiand ils funuit grands, la vue d'un étranger et la cou-
leur rouge les mettaient en colère Dans la forêt de Bialoviezenski, les aurochs
ne s'ecarlent pas des rivages; ils en hroiitent Iherhe en èlé, et en hiver ils S(!
nourrissent de pousses des arbustes et des lichens. Dans le temps i\u riil, les
mâles combattent entre eux, et la chasse en est alors très-perilleiise. D'un coup
de tête ils brisent des arbres gros comme la cuisse. » |.;i fenudle poile onze
BOEUFS.
iG")
mois et met bas un seul petit. On croit, mais ceci me paraît douleux, qu'il existe
encore quelques rares aurochs dispersés dans les montagnes du Caucase et les
monts Krapachs.
Le BiFFLE DU Cap (Ros caffcr. SPARM.)est
plus grand et plus massif que le buffle ordinaire;
son pelage est dur, fort serré, d'un brun foncé,
composé de poils d'nn pouce (0,')27) de lon-
gueur ; ses oreilles sont un peu pendantes et
couvertes par les cornes; son fanon est grand
et pendant ; ses cornes sont noires, très-larges
et aplaties à leur base, qui couvre le front : elles
sont dirigées de dedans en dehors et en bas.
puis relevées à leur pointe. 11 habite en troupes
nombreuses les forèls les plus épaisses de l'A-
frique méridionale, depuis le Cap jusqu'en Gui-
née. Dans ses bois il est très-redoutable et ne
manque jamais de se lancer avec furie contre
tons les êtres vivants qu'il rencontre; dans la
plaine, il est plus circonspect sans être moins
farouche, et il n'attaque pas l'homme à moins
qu'il en soit lui-même attaqué.
Le Yack {Bns gruniiieus, Lis. — Desm. La
l'arJic de Tatarie , de Biff. La Vache grn-
(jna)ile de Tatarie, Sciireu. Le Bœuf du Thibet
de quelques voyageurs. r.c5i-n(jon des Chinois.
Le Bœuf à queue de cheval ], a quatorze paires
de côtes connue l'aurochs, et constitue par con-
séquent une es|)ècc tout à fait distincte du bufOc
et du bœuf domestique, quoi qu'en aient pensé
Pallas et Cuvier. Cet animal a quelque ressem.
blance de forme avec le buflle, mais il en dif-
fère sons de nombreux rapports. Il a sur la tète
une grosse touffe de poils crépus, et une sorte
de crinière sur le cou; son pelage est noir,
assez lisse, presque ras en été, plus fourni et
hérissé en hiver ; le dessous du c()ri)s et la nais-
sance des quatrejambes sont couverts de crins
très-touffus, très longs et tombants; sa queue,
très-souvent blanche et entièrement g;irnie de
longs crins, ressemble à celle d'un cheval ; les
cornes sont unies, rondes, latérales, h poin-
tes un peu recourbées en arrière; l'animal
porte une loupe graisseuse sur le garrot, et les
quatre mamelles du mâle sont placées sur nue
ligne transversale.
Le yack, à l'étal sauvage, ne se trouve guère que dans les étages les plus froids
des montagnes qui séparent le Thibet du Boutan. C'est alors un animal farouche,
irascible, dangereux, qui se plaît sous l'ombrage des forêts bordant les rivières
où il aime à se baigner et à nager pendant les ardeurs du jour, et à se vautrer
dans la fange. IMié à la domesticité par les Mongols, il a un peu perdu de sa
brutalité naturelle, et il est devenu un animal tré.s-utile. Son lait s'emploie
comme celui de nos vaches ; de plus, après lui avoir fait subir certaine prépa-
ration pour le réduire en beurre, les Talares nomades le renferment dans des
sacs de cuir, et en font un commerce assez considérable dans l'Asie centrale.
On emploie cet animal à porter des fardeaux, à tirer des chariots et même la
charrue; mais malgré cela son caractère n'en est i)as moins resté inquiet et peu
sociable. Peu accessible au sentiment de la reconnaissance, il tolère tout au
plus la familiarité de son maître, ne lui obéit que de mauvaise grâce, et ne sup-
porte rien des étrangers. Un rien l'inquiète, le met en colère ou du moins lui
donne de l'humeur, et c'est alors qu'il fait entendre continuellement cette sorte
de grognement que l'on a comparé à celui d'un cochon. Sa chair est estiméo,
son poil sert à faire des étoffes grossières; mais sa queue surtout a une grande
valeur commerciale. Chez les Musulmans, attachée au bout d'une lance, elle est
l'insigne de la dignité de pacha, et cette dignité est d'autant plus élevée que c<'Iui
qui en est revêtu a le droit de faire porter devant lui plusieurs de ces queues;
aussi dit-on un pacha à deux, à trois queues, etc. Les Chinois les recherchent
beaucoup aussi, mais c'est simplement pour les porter sur leurs bonnets, après
les avoir fait teindre en rouge. On eu fait aussi des chasse-mouches, elc
59
4()(i LES llUMINAiNTS.
Le Bison ( lios biso», F.iixi,. Uns amrricnnus, cou, le dossoiis de son menton et ses épanles
(iîHi,. — Des.m. Le Bismi, Fr. Cijv. Le Btiffaln portent, an contraire, nne sorte de crinière de
des Anglo-Américains ). Cet animai a les for- poils laineux, très-longs et très-serrés; sa queue
mes trapues, la croupe et la tète basses et le est assez courte, terminée par un flocon de longs
garrot très-haut. Sa tète est courte, grosse; crins; sa couleur générale est d'un brun fnligi-
toutes les parties de son corps sont recouvertes neu\ plus ou moins fonce ; enfin, ses cornes sont
d'un poil court et serré ; son chanfrein , son petites, latérales, séparées, noires et arrondies.
Le bison habite dans tontes les parties tempérées de l'Amériqne septentrio-
nale, et notamment le Missonri et les montagnes Rocheuses. L'été il vit dans
les forêts, mais il ensortau printemps pour parcourir toutes ces vastes contrées du
luidi au nord, et en automne pour les parcourir du nord au midi. Dans ces sortes
d'émigrations, assez irrégulières, du reste, ces animaux marchent en troupes
nombreuses, souvent de vingt mille et plus, si l'on s'en rapporte à quehpies voya-
geurs, et ilssont tellement serrés les uns contre les autres, que, ceux dederrière
poussant ceux de devant, ils brisent et dévastent tout ce qui se rencontre sur
leur passage. Lorsque le front d'une de ces formidables colonnes rencontre un
obstacle invincible, il s'arrête ; mais ceux de derrière continuant de marcher en
avant, il en résulte une foule, une cohue tellement épaisse, que beaucoup des
plus faibles périssent écrasés et foulés aux pieds par les autres. En été, ils se sé-
parent par couples ou par petites troupes conduites par deux ou trois vieux mâles,
et ils se retirent dans le fond des forêts marécageuses. Comme leur cuir et lein-
chair sont fort estimés, les Indiens se réunissent pour leur tendre des pièges et
leur faire la chasse. Il n'est pas rare qu'ils réussissent à les faire entrer dans des
enceintes de pieux d'une immense étendue, et alors ils en tuent douze à quinze
cents dans une seule chasse, du moins si l'on s'en rapporte au capitaine Franklin,
qui dit l'avoir vu.
Le bison est farouche, mais non féroce. Il fuit devant l'homme et ne l'attaque
jamais, à moins cependant qu'il en ait été grièvement blessé. Dans ce cas il se
retourne, se précipite sur le chasseur, et malheur à ce dernier s'il n'est monté
sur un excellent cheval ; non-seulement le bison l'attaque avec ses cornes, mais
encore avec ses pieds de devant, qui sont poiu" lui une arme favorite et terrible.
La ménagerie en a possédé plusieurs individus, entre autres une femelle qui y
a mis bas. D'après Raffinesque, le bison ne serait pas indomptable comme on
l'a dit, et il serait domestique dans les fermes du Kentuckey et de l'Ohio. Il se
plaît et s'accouple avec les vaches ordinaires, et produit des métis qui ont la
couleur, la tête et la demi-toison du bison, son dos incliné, mais pas de bosse sur
le garrot. Ces métis s'accouplent indifféremment entre eux ou avec leurs pères et
mères, et produisent de nouvelles races fécondes, ce qui prouve, selon l'opi-
nion de Ruffon, que le bœuf et le bison formaient originairement une espèce
unique.
17e Ge.\be. Les OVIBOS ( Ovibos , BLAl^^. ) de la tète, puis se relevant brusquement de côté
ont la même fornnile dentaire que les bœufs ; et en arrière ; ils n'ont pas de l)arbe; leur queue
ils manquent de mufle, et leur chanfrein est est très-courte et leurs membres sont robustes,
assez fortement busqué, comme dans les mou- L'Ovinos musqué {Ovibos mosrhalus, RLAl^v.
Ions ; leurs cornes sont tiès-larges, se louchant — Desm. Bos moschahis, Li\- Le Boeuf tniisqué,
à leur base, sappliquant ensuite sur les côtés Bupp. ) est beaucoup moins grand que le bœuf
BOEUFS.
.'Km
et dIIic un peu l'aspecl d'un très gros inoulon ;
sou peUige se compose de deux sortes de poils,
l'uu doux et Iniueuv en dessous , l'autre grossier
et fort long eu dessus. Sa couleur géuérale est
le brun loucé ; son chanfrein est nrqiié, et sa
bouche fort petite; ses cornes sont blanches,
lisses, fort larges <'i la base et se touchant près
que, surtout dans le niàle.
II habite l'Amérique, sous le cercle polaire, par troupesde quatre-vingts à cenl,
parmi lesquels on ne trouve que deux ou trois mâles. A l'époque du rut, c'est-
à-dire en août, ces derniers sont excessivement jaloux, et se jettent avec fureur
sur tout ce qui approche leurs femelles ; ils se battent entre eux jusqu'à la mort,
et le mâle vainqueur fuit dans les bois avec ses conquêtes, dont quelques-unes
restent pour consoler les vaincus. Les femelles mettent bas un seul petit, à la
lin de mai ou au commencement de juin. Rarement ces animaux s'écartent
beaucoup des bois, et ils aiment à errer dans les parties rocailleuses et stériles
des montagnes. Malgré leur lourdeur apparente, ils gravissent avec beaucouj)
d'agilité les rochers, oii ils aiment à aller paître les bourgeons des plantes al-
pines. Leur chair a quelque analogie de goiit avec celle de l'élan, mais elle
exhale une forte odeur de musc qui la rend détestable pour les personnes qui n'y
sont pas accoutumées.
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS DE GENRES.
Nota. Les noms d'ordres sont en GRANDES CAPITALES, les noms de familles en petites c4pitales,
les noms de genres en caraetères ordinaires, et les noms lalins en italique.
Le nom des espèces figurées est précédé d'un as-térisque ().
Pages.
Acinlliions, Aianthioi) 564
Aillo, /Eilo 105
* Agouarapopé J47
*Agouli 378
Agoulis 377
*AJ 580
Ailiirus 144
Alactaga 324
Alcelaphes, Alcelaphus -US
Alouafes 46
Anisonyx, Anisonyx 3M
A^TnnopoJIORPHES 1
Antilncapra 435
Aufilochèvres ib.
* Antilope des Indes 445
Antilopes, AniUope ib.
A^TILOPEs 5i4
Aonyx, .■loui/.T 186
Arclocephales, Arclocephnlus. ... 278
Arctomijs 515
Arctonyx, Arctontjx 144
Armardilles 587
Artibées, Artibens 91
Arcicola 549
Atalaphes , Atalapha |02
Ateles 50
Aye-Aye 85
Babiroussas , Babirussa 4 H
Bathyergues, Bathtiergiis 520
Benturougs 148
* Bélier de Barbarie 4eO
Blaireaux 153
Boeufs 4g2
Pujjcs.
Bos 462
Bosélaphes, Bo.claphus 449
* Bouquetin 454
Bradipes, Bradlpus 384
Cabiais 57.')
Calocéphales, Calocephaittf 274
Camelopardalis 440
Camelopardixées ib.
Cmnehis. 427
Campagnols 349
Canis. 188
Capra 454
Caprorays, Capromijs 454
*Cara-Rayada 59
* CARNASSIKR.S CHKIROPTÈKES,
deuxième ordre 86
Jd. DIGITIGRADES, cinquième ordre. 162
/(/. INSECTIVORES, troisième ordre. 112
CARNIVORES PLANTIGRADES, qua-
trième ordre 152
CARNIVORES AMPHIBIES, sixième
ordre 270
*Castor ou Bièvre 554
Castors, Castor jd.
Caria 574
Cebns 54
Célènes, Celœno 105
Céphalotes, Ce/jha/o/es 110
Cercocèbes, Cercoccbus 21
Cercopithecus 14
*Cerf de Virginie 432
Cerfs ib.
Cervi capra 446
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Cervichèvres 4i(i
Cerius ^32
COAMEACS 42.>
Chameaux 427
Chamois 452
Chat domestique 255
ClIATS 25 î
Chats 236
CUATS-VOLAMS 86
Cheirogales, Cheirogaleus 78
Cheironiys 83
Chevaux 416
CufcvRES 454
Chevrotains 429
*ChiuchiUa 528
* Chien de Poméranie 188
Chiens ib.
1(\. domestiques 188
Id. sauvages 193
Chironectes, Chironectes 287
Chlamyphores, Clilamtjphorus . . . 388
Chloromys 577
*Choak-Kama 42
Chrysochlorcs, CMnjsorhlnris . . . . 124
Civettes 217
* Civette ib-
Cladobates, Cladobaie^ 121
Coaïlas 50
Coati-mondi 151
Coatis 150
Cobayes 574
Cochons 411
Cœlogenus ; . . . . 375
Coeudous, Coendii 565
Colobes, Colobus 20
Condylures, Conchjhtra 125
*Cougar . . . ." 260
Couscous 293
Cricetus 528
Cténomes, C(c»ioHiî/s 521
Cusciis 295
Cynocéphales, Cynocephrlus .... .59
Cyuoptères, Cynopterus 110
Damans 406
Dasvpoïdes 575
Dasypits 585
* Dasyure à longue queue 289
Dasyures, Dasyitrus 288
* Desman de Russie 122
Desmans ib.
* Diane 17
Didelphes, Diddijhis 285
Dinops, Dinops 104
DlODO>TES H 2
Diploslonies, Diplo^toma 352
Di;;i(S 524
* Dogue du Thibct 194
4G9
Doucans-Taupes 125
* Doiu-oucouli 59
Dtican-Talpa 125
Dycotyles 407
Dysopes, Dysopea 105
Echidnés, Erhidna 597
Echimys, Echimys 544
* Écureuil noir d'Amérique 304
*Écureuil du Malabar 509
ÉCUREIILS 501
Écureuils 504
ÉDEiNTÉS, neuvième ordre 580
Égocères, ]-'goceriis Ao\
*Élan 452
*I-:iéphanf 599
Eléphants, V.lcphns i().
*Encoubert 585
*Eritellc 28
Equus 416
Erinaceus 112
Eells 256
Fel 215
Fourmiliers 589
•Furet 172
*Galago 80
Galagos, Galago ib.
Galéopitdèqles, Galcopilhecui:. ... 86
Gazelles, Gazella 444
Geuettes, Gendta 219
Géomys, Gpowi/s 552
Geonjrhiis 546
(jeo)j(/i(/.s' 519
Gerbilles, Grrbilhis 526
Gerboises 524
Gibbons 12
*Girafe d'Afrique 440
Girafes ib.
Glossophages, Glossophaga 90
•Glouton 156
Gloutons 155
*Grand Fer-à-cheval 92
Grossarchiis 226
*Guanaco 456
Guenons 14
*Guépard 2)4
Guépards, Giicpar ib.
Guerlinguels 510
Gulo 155
Gjranures, Gymnura 216
Halmatures, Halmnlums 500
HalycliOres, llahjrha'nis 278
470
TABLE ALPHABÉTIQUt:.
Hamsters
*IIélaiiiys niannef
Hélanijs, //e/aiiif/.-
'Hérisson
Hérissons
Ilerpetes
Héléromys, llcteromijs. . .
'Hippopotame amphibie. . .
Hippopotames, Hi])])niwlnmns.
Houlman
Hildrocliœrus
Hydromys, Hijdrrjmijs. . . .
'Hjèiie rayée
Hyèînes, ihjena
Hyénoïdes, Ilijenuldes. . . .
Êhjlobales
Hypexodons, U^pexodon. . .
Hypodernies , Ihipodrima. .
Hiipsiprijmniis
Il^rax
528
3J2
U-2
ib.
222
532
41 ',
413
28
575
560
228
ib.
215
12
105
110
295
400
litidts 1 i8
Indris , hidris 75
Isoodons, Isoodor, 291
*Jackal 205
*Jaguar 257
'Kangourou enlumé 590
Kangourous, Aaïu/ioj.y ib.
Kérodons, Kernilon 576
Kinkajous 82
Kimpezej 5
•Koala 292
Koalas ib.
Lagomys, Lagomifs. ....... 571
Lagolbriclies, l.agotlui.r 52
•Lama blanc 425
Lamas, Lnma ib.
Lasyopyges , Lasiopijga 20
Lataxes, Lnla.r 186
•Leniming 3j6
Lemmings ib.
Lemur (,9
'Léopard 230
l-epus 367
LlÈVIIES ,1),
Lièvres a,
•Lion 237
'Lionne 245
Lo^f.lRosTRES 585
'Loir conniiun 542
Loirs 341
Loris, Loris 75
l'ac.cs.
'Louj) noir 201
Loutre 183
Loutres 182
l.ntia ib.
Lynx 2fi5
Lynx caraeal 267
'Macaque nègre 58
Macaques, Marants 50
Macroglosses, Maeroglossa 110
Macrorhins, Marrorginns 276
Mnrro.rus 510
Madatées, Mndaleiis 90
'Magot 35
Magots, Magns ib.
*Maki à front noii- 75
'Maki rouge 69
Makis, Makis ib.
'iMangabey sans collier 25
Mangoustes 222
!\langues 226
Manis 592
*Mapache 145
Marmotte des Alpes 515
Marmottes ib.
MARSUPIAUX, septième ordre. . . 285
•Marte à gorge duri'c 162
Maiites ib.
Mégadermes, MrgaJrrma 95
!\lclcs. 15>
Mephitis 178
Mériones, Mcriones 527
Midn.'; 65
l\Iolosses, Mnlossiis 103
*Mone 14
Monophylles, Moiiophiillnf 91
MONOTRÈMES 59'*
Wormops , l/onuo/js 95
'Morse 280
Morses ib.
MosciiiNÉEs 429
Mosrhiis ib.
•Moufette 178
Moufettes ib.
Mouton 457
'Mulot nain 558
'Murin 96
Mus 352
'Musaraigne d'eau 116
".Musaraigne de terre ib.
•Musc 429
Mttstela 162
Mijcetes 46
Mgdaiïs 182
Mydas. , ib
Mggalc 122
Mynomes, Mijnomes 555
Miiopntamus 560
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Paf;c<.
Myopléres, Mijopleris 105
Mtjoxiix. . ". 5 il
Mijrmerophagn 589
Myspilhèques, Mijsi)Uhcnis 78
A«Xo/i.s- 21
Nasiqucs ib.
Nasua l.iO
*iNems 222
Néotomos, ISeoiomu •535
"Ninise 1T2
'Nil-Randar .'52
Noclhores, Aorf/ioia 59
ÎS'ocTii.ioiss , Norlilio 105
INyctères, i\(/fifri.v 9 5
iNycticèbes, ISijrliccbus 76
ÎNycticces, ISyitireu.'! 105
ÎNycliiiomes, hyrtinomtis 105
INyctophiles, ]\ij(lo])liilus 95
\NTl-Gliau 45!)
*Ocelot ou Maracaja 262
Ondatras, Ondatra 558
'Oleck 86
*()rang-Oufaiig 1
Oraiigs ib.
Oréas, Oieas 449
^Oreillard 101
Oreillards 100
*Ornithorhynquc, Ortii/Jior/ii/iir/iii.s. . . 594
Oryctéres, Onjcterus 52()
Orycteropes , Onjrlcroims 588
Oryx, On/.r 451
Otoiiiys, Olomyf 552
*Ouaiiderou 52
'Ouistiti à pinceau 65
Oi'isTiTis ib.
*Ouistiti oreillard 65
Ours 152
*Ours blanc 159
'Ours brun d'Europe 152
'Ours féroce 142
Ovibos, Oribos 46U
*Paca brun 575
Pacas ib.
PACHYDERMES, dixième ordre. . . 599
Pachysomes , Pachysoma 110
'Palmiste 501
Panda Ii4
Pangolins 592
Panthère 248
Paradoxures, Pnrado.runis 1 '«9
'Pécari à collier 408
Pécari à longues lèvres 410
Pécaris 407
471
P;i(;cs.
Pelages, PelagUis 276
Péramèles, Pcramcics 291
Pétauristes, Petaiirua 299
Phacochneres 412
Phalangers, Phalaugista 295
Phascogales, Phnsrogale 290
Phasrolurctos 292
Phascolonies, Phnscolomtjs 500
Phoques 270
'Phoque commun 271
Phoques, Phocu • 278
PllYLLOSTOJIES 88
Ph^Uostomes, PhijUostoma ib-
Pithecia 60
J'i/Iier((S 1
Plantigrades 152
Platyrhynques, Plalijvhijuihiif. . . . 278
PlccoUis 100
Plénicornes 4.52
Plenroptères 86
Polatouches 511
Pongos, Pongo 9
'Pongo de AVurnib ib.
Pohcs-Epics 561
*Porc-Épic de Malacca 56i
*Porc-Epic ordinaire • 561
Potamjs 560
Potorous 295
Potos «2
*Poucan 76
'Pougounié 149
Presbyte, Prcsbijtis 59
Priodontes 587
Prorijon 144
Protèles, l'rolelfS 255
Ptéromys, Pteiomys 512
Ptcropiix 106
Putois, P(i(o/i(ij> 170
QUADRUMANES, premier ordre.
'Raccoon. ^'*^
'Rat deRarbarie 540
Rats 328
Rats 552
Rats-ISageuhs 55Î
'Rat -Taupe 5'9
Rats Taupes '''•
'Ratel '60
Ratels <59
'Raton crabier I'î7
Ratons ^^'*
'Renard argenté 214
'Renard fauve 208
Renards 207
Rhinocéros, Hhinorcios 405
RiiixoLOPiiF.s, rhinolophim 92
47-2
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Rhinopomes. rhinopoma . . ,
* Roloway
RONGEURS, huitième ordre. .
RONCELRS HERBIVORES . . . .
RoNfiElRS OMNIVORHS . . . ,
Rossomak
Roussefle
Roussettes
RUMINANTS, onzième ordre. .
Riipirapra
Bijzœna
Saccomys, sarromiis
Sagouins, sngnhuis
* Sajouassou
Sajous
Sakis
Sapajous
* Sarigue
Scalopes, scalops
Srinroptenis
Srinrus
Scotophiles, Srolophilus. . • .
Semnopilhèques, Semnopithecus-
Setiger
Siamang
Sigmodous, Sigmodou
Singes
Sorex
Spermophiles, Sprnnophilus. . .
Sphiggiires, i;/>/(i(7(7i(iu5. . •
Stemm.ntopes, Slemmaiopn^. . .
Stcuoderiiies, SIenoderma. . .
Sténorhjnqucs, Stetiorhijiichux. .
Suriknies . .
Sus
Syndacfyles, Sijndacl^lns. . . .
91
17
501
561
501
106
ib.
425
452
226
551
57
5'^
ib.
eo
46
283
424
511
Ô04
105
28
lôO
11
553
14
H6
316
566
276
105
176
226
411
11
Pajjes.
*Taniia palmiste 301
Tamia ib.
Taraias ib.
Tapirs 401
* Tapir d'Amérique 402
Tapinis 401
Taphiens 94
Taphozous ib.
Tardigrades 580
Tarsiers, Tarsiiis 82
*Tatou-Poyou 585
Tatous ib.
Tfttusia 587
*Taupe 127
Taupes 126
Tenrecs 150
Thylacins 290
Thijlacinus ib.
*Tigrc 245
*Toque 42
Tragélaphes, Tragelaphus 448
Triodontes a couries camives. . . . 125
Triodoistes a grandes canines. ... i''.
Troglodytes, Troglodytes 5
*Tschermo-Ruroi 201
Ulacodes , Ulacodiis 318
Ursins, Ursinvs 290
Ursus 132
Vampires, Vampiriis. ...... 89
Vespeililio 96
Vespektilions ib.
Vcspertilions ib.
Viiena 217
Viilpes 207
Talpa 126
Talpasores, Talpnsorex 124
•Tamanoir 590
Tamarins 65
*Zèbre 419
*Zel)u 462
Zorilles, Zo)J//rt. ........ 182
FIN DE LA TABLE.
I