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Full text of "Le livre de jade"

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LE 


LIVRE    DE   JADE 


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LE 


LIVRE  DE  JADE 


JUDITH   WALTERr 


PARIS 

ALPHONSE    LEMERRE,    ÉDITEUR 
47,  Passage  Choiseul ,  47 

M.DCCC.LXVII 


PL 3 277 


,/-/c;> 


3  ô  ^^3  f 


TIN-TUN-LING 


CE    LIVRE    EST    DEDIE. 


J.  w. 


Avril  1867. 


LES   AMOUREUX 


n  à.  m  m  n  yk 


LA  FEUILLE  DE  SAULE 


Selon  Tchan-Tiou-Lin. 


LA  jeune  femme  qui  rêve  accoudée  à  sa 
fenêtre,  je  ne  l'aime  pas  à  cause  de  la 
maison  somptueuse  qu'elle  possède  au  bord 
du  Fleuve  Jaune; 

Mais  je  l'aime  parce  qu'elle  a  laissé  tomber 
à  l'eau  une  petite  feuille  de  saule. 


O  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Je  n'aime  pas  la  brise  de  l'est  parce  qu'elle 
m'apporte  le  parfum  des  pêchers  en  fleurs  qui 
blanchissent  la  Montagne  Orientale; 

Mais  je  l'aime  parce  qu'elle  a  poussé  du 
côté  de  mon  bateau  la  petite  feuille  de  saule. 

Et  la  petite  feuille  de  saule,  je  ne  l'aime 
pas  parce  qu'elle  me  rappelle  le  tendre  prin- 
temps qui  vient  de  refleurir  ; 

Mais  je  l'aime  parce  que  la  jeune  femme  a 
écrit  un  nom  dessus  avec  la  pointe  de  son 
aiguille  à  broder,  et  que  ce  nom,  c'est  le 
mien. 


LES    AMOUREUX. 


L'OMBRE  DES  FEUILLES  D'ORANGER 


Selon  Tin-Tun-Ling. 


LA  jeune  fille  qui  travaille  tout  le  jour  dans 
sa  chambre  solitaire  est  doucement  émue 
si  elle  entend  tout  à  coup  le  son  d'une  flûte 
de  jade  ; 

Et  elle  s'imagine  qu'elle   entend  la   voix 
d'un  jeune  garçon. 


LE    LIVRE    DE    JADE. 


A  travers  le  papier  des  fenêtres,  l'ombre 
des  feuilles  d^oranger  vient  s'asseoir  sur  ses 
genoux ; 

Et  elle  s'imagine  que  quelqu'un  a  déchiré 
sa  robe  de  soie. 


LES     AMOUREUX. 


AU    BORD    DE   LA   RIVIERE 


Selon  Li-Taï-Pé. 


ES  jeunes  lilles  se  sont  approchées  de  la 
rivière;  elles  s'enfoncent  dans  les  touffes 


D 

de  nénuphars. 


On  ne  les  voit  pas,  mais  on  les  entend  rire, 
et  le  vent  se  parfume  en  traversant  leurs  vête- 
ments. 


LE     LIVRE    DE    JADE. 


Un  jeune  homme  à  cheval  passe  au  bord  de 
la  rivière ,  tout  près  des  jeunes  filles. 

L'une  d'elles  a  senti  son  cœur  battre  et  son 
visage  a  changé  de  couleur. 

Mais  les  touffes  de  nénuphars  l'envelop- 
pent. 


LES     AMOUREUX. 


4^' 

L'ÉPOUSE  VERTUEUSE 


/■ç./,,;.     ^^^ 


Selon  Tchang-Tsi. 


TU  m'offres  deux  perles   brillantes;   bien 
que  je  détourne  la  tête,  mon  cœur  pâlit 
et  s'émeut  malgré  moi. 

■Un  instant  je  les  pose  sur  ma  robe,  ces 
deux  perles  claires  ;  la  soie  rouge  leur  donne 
des  reflets  rosés. 


12  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Que  ne  t'ai-je  connu  avant  d'être  mariée  1 
Mais  éloigne-toi  de  moi,  car  j'appartiens  à  un 
époux. 

Au  bord  de  mes  cils,  voici  deux  larmes 
tremblantes  ;  ce  sont  tes  perles  que  je  te 
rends. 


^W 


LES     AMOUREUX.  l3 


LA   FLEUR   DE   PÊCHER 


Selon  Tse-Tié. 


J'ai  cueilli  une  petite  fleur  de  pêcher  et  je 
l'ai  apportée  à  la  jeune  femme  qui  a  les 
lèvres  plus  roses  que  les  petites  fleurs. 

J'ai  pris  une  hirondelle  noire  et  je  l'ai  don- 
née à  la  jeune  femme  dont  les  sourcils  ressem- 
blent aux  deux  ailes  d'une  hirondelle  noire. 


14  LE    LIVRE     DE     JADE. 

Le  lendemain  la  fleur  était  fanée ,  et  l'oiseau 
s'était  échappé  par  la  fenêtre  du  côté  de  la 
Montagne  Bleue  où  habite  le  Génie  des  fleurs 
de  pêcher; 

Mais  les  lèvres  de  la  jeune  femme  étaient 
toujours  aussi  roses ,  et  les  ailes  noires  de  ses 
yeux  ne  s'étaient  pas  envolées. 


LES    AMOUREUX.  l5 


L'EMPEREUR 


Selon  Thon-Fou, 


SUR  un  trône  d'or  neuf,  le  Fils  du  Ciel, 
éblouissant  de  pierreries ,  est  assis  au  mi- 
lieu des  Mandarins;  il  semble  un  soleil  en- 
vironné d'étoiles. 

Les  Mandarins  parlent  gravement  de  graves 
choses;  mais  la  pensée  de  l'Empereur  s'est  en- 
fuie par  la  fenêtre  ouverte. 


l6  LE     LIVRE     DEJADE. 

Dans  son  pavillon  de  porcelaine,  comme 
une  fleur  éclatante  entourée  de  feuillage,  l'Imy 
pératrice  est  assise  au  milieu  de  ses  femmes. 

Elle  songe  que  son  bien-aimé  demeure  trop 
longtemps  au  conseil,  et,  avec  ennui,  elle 
agite  son  éventail. 

Une  bouffée  de  parfums  caresse  le  visage 
de  l'Empereur. 

«  Ma  bien-aimée  d'un  coup  de  son  éven- 
tail m'envoie  le  parfum  de  sa  bouche;  »  et 
l'Empereur,  tout  rayonnant  de  pierreries, 
marche  vers  le  pavillon  de  porcelaine,  lais- 
sant se  regarder  en  silence  les  Mandarins 
étonnés. 

5^ 


LES    AMOUREUX.  ly 


LE   PECHEUR 


Selon  Li-Taï-Pé. 


L 


A  terre  a  bu  la  neige  et  voici  que  l'on  re  - 
voit  les  fleurs  de  prunier. 


Les  feuilles  de  saule  ressemblent  à  de  l'or 
neuf  et  le  lac  est  pareil  à  un  lac  d'argent. 


l8  LE    LIVRE    DE    JADE. 

C'est  le  moment  où  les  papillons  poudrés 
de  soufre  appuient  leurs  têtes  veloutées  sur  le 
cœur  des  fleurs. 

Le  pécheur,  de  son  bateau  immobile ,  jette 
ses  filets  qui  brisent  la  surface  de  l'eau. 

Il  pense  à  celle  qui  reste  à  la  maison 
comme  l'hirondelle  dans  son  nid,  à  celle  qu'il 
va  bientôt  aller  revoir  en  lui  portant  la  nour- 
riture, comme  le  mâle  de  l'hirondelle. 


LES     AMOUREUX. 


CHANT   DES   OISEAUX,    LE   SOIR 


Selon  Li-Taï-Pé. 


Au  milieu  du  vent  frais  les  oiseaux  chan- 
tent gaiement  sur  les  branches  transver- 
sales. 

Derrière  les  treillages  de  sa  fenêtre,  une 
jeune  femme  qui  brode  des  fleurs  brillantes 
sur  une  étoffe  de  soie  écoute  les  oiseaux  s'ap- 
peler joyeusement  dans  les  arbres. 


20  LE    LIVRE    DE     JADE. 

Elle  relève  sa  tête  et  laisse  tomber  ses  bras; 
sa  pensée  est  partie  vers  celui  qui  est  loin  de- 
puis longtemps. 

«  Les  oiseaux  savent  se  retrouver  dans  le 
feuillage;  mais  les  larmes  qui  tombent  des 
yeux  des  jeunes  femmes  comme  la  pluie  d'o- 
rage ne  rappellent  pas  les  absents.  » 

Elle  relève  ses  bras  et  laisse  tomber  sa  tête 
sur  son  ouvrage. 

«  Je  vais  broder  une  pièce  de  vers  parmi 
les  fleurs  de  la  robe  que  je  lui  destine,  et 
peut-être  les  caractères  lui  diront-ils  de  re- 
venir. » 


LES     AMOUREUX. 


LES  PERLES  DE  JADE 


Selon  Tchan-Tiou-Lin. 


JAi'  va  passer  la  première  épouse  du  grand 
Mandarin  Lo-Wang-Li  ;  elle  se  promenait 
à  cheval  près  du  lac,  dans  l'allée  où  la  lune 
blanchit  les  feuilles  de  saule. 

En  se  promenant  elle  a  laissé  tomber  de 
son  cou  quelques  perles  de  jade;  un  homme 
qui  se  trouvait  là  les  a  ramassées  et  s'est 
enfui  très- joyeux. 


22  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais  moi,  je  n'ai  pas  ramassé  de  perles, 
parce  que  je  regardais  seulement  le  beau  vi- 
sage de  la  jeune  femme,  plus  blanc  que  la  lune 
dans  les  feuilles  de  saule ,  et  je  m'en  suis  allé 
en  pleurant. 


LES    AMOUREUX.  23 


LA   FEUILLE  SUR   L'EAU 


Selon  Tché-Tsi. 


LE  vent  a  décroché  une  feuille  de  saule  ;  elle 
est  tombée  légèrement  dans  le  lac  et  s'est 
éloignée,  balancée  par  les  vagues. 

Le  temps  a  effacé  de  mon  cœur  un  sou- 
venir, un  souvenir  qui  s'est  lentement  effacé. 


24  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Étendu  au  bord  de  l'eau,  je  regarde  triste- 
ment la  feuille  de  saule  qui  voyage  loin  de 
l'arbre  penché. 

Car  depuis  que  j'ai  oublié  celle  que  j'ai- 
mais, je  rêve  tout  le  jour,  tristement  étendu 
au  bord  de  l'eau. 

Et  mes  yeux  suivent  toujours  la  feuille  de 
saule,  et  maintenant  elle  est  revenue  sous 
Parbre,  et  je  pense  que  dans  mon  cœur  le 
souvenir  ne  s'est  jamais  effacé. 


LES     AMOUREUX.  25 


SUR  LE  FLEUVE  TCHOU 


Selon  Thou-Foii. 


M 


ON  bateau  glisse  rapidement  sur  le  fleuve, 
et  je  regarde  dans  l'eau. 


Au-dessus  est  le  grand  ciel,  où  se  promè- 
nent les  nuages. 


20  LE     LIVRE    DE    JADE. 

Le  ciel  est  aussi  dans  le  fleuve;  quand  un 
nuage  passe  sur  la  lune,  je  le  vois  passer  dans 
l'eau  ; 

Et  je  crois  que  mon  bateau  glisse  sur  le 
ciel. 

Alors  je  songe  que  ma  bien-aimée  se  re- 
flète ainsi  dans  mon  cœur. 


e-^^^r^- 


LES     AMOUREUX. 


LE  MAUVAIS  CHEMIN 


Selon  Tse-Tié. 


J 


'ai  vu  un  chemin  doucement  obscurci  par 
les   grands  arbres,  un  chemin   bordé  de 
buissons  en  fleurs. 

Mes  yeux  ont  pénétré  sous  l'ombre  verte 
et  se  sont  promenés  longuement  dans  le  che- 
min. 


28  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Mais  à  quoi  bon  prendre  cette  route  ?  Elle 
ne  conduit  pas  à  la  demeure  de  celle  que 
j'aime. 

Quand  ma  bien-aimée  est  venue  au  monde, 
on  a  enfermé  ses  petits  pieds  dans  des  boîtes 
de  fer;  et  ma  bien-aimée  ne  se  promène 
jamais  dans  les  chemins. 

Quand  elle  est  venue  au  monde,  on  a  en- 
fermé son  cœur  dans  une  boîte  de  fer;  et  celle 
que  j'aime  ne  m'aimera  jamais. 


"^ 


LES     AMOUREUX.  29 


UN  JEUNE  POÈTE   PENSE  A   SA   BIEN-AIMÉE. 
Qui  habite  de  l'autre  côté  du  fleuve. 

Selon  Sao-Nan. 


L 


A  lune  monte  vers  le  cœur  du  ciel  noc- 
turne et  s'y  repose  amoureusement. 


Sur  le  lac  lentement  remué ,  la  brise  du 
soir  passe,  passe,  repasse  en  baisant  l'eau 
heureuse. 


30  LE     LIVRE    DE    JADE. 

Oh  !  quel  accord  serein  résulte  de  l'union 
des  choses  qui  sont  faites  pour  s'unir  1 

Mais  les  choses  qui  sont  faites  pour  s'unir 
s'unissent  rarement. 


LES     AMOUREUX. 


L'EVENTAIL 


Selon  Tan-Jo-Su. 


LA  nouvelle  épouse  est  assise  dans  la  Cham- 
bre  Parfumée,  où   l'époux   est   entré  la 
veille  pour  la  première  fois. 

Elle  tient  à  la  main  son  éventail  où  sont 
écrits  ces  caractères  :  «  Quand  l'air  est  étouf- 
fant et  le  vent  immobile,  on  m'aime  et  l'on 
me  demande  la  fraîcheur;  mais  quand  le  vent 
se  lève  et  quand  l'air  devient  froid,  on  me 
dédaigne  et  l'on  m'oublie.  » 


32 


LE    LIVRE    DE    JADE. 


En  lisant  ces  caractères,  la  jeune  femme 
songe  à  son  époux,  et  déjà  des  pensées  tristes 
l'enveloppent. 

«  Le  cœur  de  mon  époux  est  maintenant 
jeune  et  brûlant;  mon  époux  vient  près  de 
moi  pour  rafraîchir  son  cœur; 

(c  Mais  lorsque  son  cœur  sera  froid  et  tran- 
quille, il  me  dédaignera  peut-être  et  m'ou- 
bliera. y> 


c^^^ 


LKS     AMOUREUX.  33 


A  LA    PLUS  BELLE  FEMME 

Du  Bateau  des  Fleurs 

Selon   Tché-  Tsi. 


JE  t'ai  chanté  des  chansons  en  m'accompa- 
gnant  de  ma  flûte  d'ébène ,  des  chansons 
où  je  te  racontais  ma  tristesse  ;  mais  tu  ne  m'as 
pas  écouté. 

5 


34  LE    LIVRE    DE    JADE. 

J'ai  composé  des  vers  où  je  célébrais  ta 
beauté;  mais  en  balançant  la  tête  tu  as  jeté 
dans  l'eau  les  feuilles  glorieuses  oU  j'avais 
tracé  des  caractères. 

Alors  je  t'ai  donné  un  gros  saphir,  un  sa- 
phir pareil  au  ciel  nocturne,  et,  en  échange 
du  saphir  obscur,  tu  m'as  montré  les  petitesî 
perles  de  ta  bouche. 


®-^^^ç^ 


LES    AMOUREUX.  35 


LA   MAISON    DANS   LE   CŒUR 


Selon  Thou-Fou. 


L 


ES  flammes   cruelles  ont  dévoré  entière- 
ment la  maison  où  je  suis  né. 


Alors  je  me  suis  embarqué  sur  un  vaisseau 
tout  doréj  pour  distraire  mon  chagrin. 


36  LE     LIVRE    DE    JADE. 

J'ai  pris  ma  flûte  sculptée,  et  j'ai  dit  une 
chanson  à  la  lune;  mais  j'ai  attristé  la  lune, 
qui  s'est  voilée  d'un  nuage. 

Je  me  suis  retourné  vers  la  montagne,  mais 
elle  ne  m'a  rien  inspiré. 

Il  me  semblait  que  toutes  les  joies  de  mon 
enfance  étaient  brûlées  dans  ma  maison. 

J'ai  eu  envie  de  mourir,  et  je  me  suis  pen- 
ché sur  la  mer.  A  ce  moment,  une  femme 
passait  dans  une  barque;  j'ai  cru  voir  la  lune 
se  reflétant  dans  l'eau. 

Si  Elle  voulait,  je  me  rebâtirais  une  maison 
dans  son  cœur. 


LES     AMOUREUX. 


SUR  LES  BALANCEMENTS  D'UN   NAVIRE 
■Vu  de  la  province  de  l'Ouest 

Selon  Sou-Tong-Po. 


UNE  vapeur  bleue  l'enveloppe  comme  une 
gaze  légère,  et  une  dentelle  d'écume  l'en- 
toure, semblable  à  un  rang  de  dents  blan- 
ches. 

Le  soleil  lentement  s'élève  en  souriant  à  la 
mer,  et  la  mer  semble  une  grande  étoffe  de 
soie  brodée  d'or. 


38  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Les  poissons  viennent  souffler  à  la  surface 
des  globules  qui  sont  autant  de  perles  bril- 
lantes, et  les  flots  clairs  bercent  doucement 
le  Bateau  des  Fleurs. 

Mon  cœur  se  tord  de  douleur  en  le  voyant 
si  éloigné  de  moi  et  retenu  au  rivage  par  une 
corde  de  soie. 

Car  c'est  là  que  fleurissent  les  fleurs  les 
plus  éclatantes,  c'est  là  que  le  vent  est  par- 
fumé et  que  demeure  le  printemps. 

Je  vais  chanter  une  chanson  en  vers,  mar- 
quant la  mesure  avec  mon  éventail,  et  la  pre- 
mière hirondelle  qui  passera,  je  la  prierai 
d'emporter  là-bas  ma  chanson. 

Et  je  vais  jeter  dans  la  mer  une  fleur  que 
le  vent  poussera  jusqu'au  navire. 


LES     AMOUREUX.  3g 

La  petite  fleur,  quoique  morte,  danse  légè- 
rement sur  l'eau;  mais  moi  je  chante  avec 
l'âme  désolée. 


LA    LUNE 


m  n  m  m  m  m 


LE  FLEUVE   PAISIBLE 


Selon  Than-Jo-Su. 


T 


lANT  qu'un  homme  reste  sur  la  terre,  il 
voit  la  Lune  toujours  pure  et  brillante. 


Comme  un  fleuve  paisible  suit  son  cours^ 
chaque  jour  elle  traverse  le  ciel. 


44  LE    LIVRE    DE    JADE, 

Jamais  on  ne  la  voit  s'arrêter  ni  revenir  en 
arrière. 

Mais  l'homme  a  des  pensées  brèves  et  vaga- 
bondes. 


45 


I 


LE  CLAIR  DE  LUNE  DANS  LA  MER 


Selon  Li-Su-Tchon. 


L 


A  pleine  Lune  vient  de  sortir  de  l'eau.  La 
mer  ressemble  à  un  grand  plateau  d'ar= 


gent. 

Sur  un  bateau  quelques  amis  boivent  des 
tasses  de  vin. 


4-6  LE    LIVRE    DE    JADE. 

En  regardant  les  petits  nuages  qui  se  ba- 
lancent sur  la  montagne,  éclairés  par  la  Lune, 

Quelques-uns  disent  que  ce  sont  les  femmes 
de  l'Empereur  qui  se  promènent  vêtues  de 
blanc  ; 

Et  d'autres  prétendent  que  c'est  une  nuée 
de  cygnes. 


LA    LUNE. 


47 


L'ESCALIER  DE  JADE 


Selon  Li-Taï-Pé. 


Sous  la  douce  clarté  de  la  pleine  Lune,  l'Im- 
pératrice  remonte  son    escalier  de   jade, 
tout  brillant  de  rosée. 

Le  bas  de  la  robe  baise  doucement  le  bord 
des  marches;  le  satin  blanc  et  le  jade  se  res- 
semblent. 


48  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Le  clair  de  Lune  a  envahi  l'appartement  de 
l'Impératrice;  en  passant  la  porte,  elle  est 
tout  éblouie; 

Car,  devant  la  fenêtre,  sur  le  rideau  brodé 
de  perles  de  cristal,  on  croirait  voir  une  so- 
ciété de  diamants  qui  se  disputent  la  lumière  ; 

Et,  sur  le  parquet  de  bois  pâle,  on  dirait 
une  ronde  d'étoiles. 


->i^ 


LA     LUNE.  49 


UN    POËTE    REGARDE   LA    LUNE 


Selon    Tan-Jo-Su. 


D 


E  mon  jardin  j'entends  chanter  une  femme, 
mais  malgré  moi  je  regarde  la  Lune. 


Je  n'ai  jamais  pensé  à  rencontrer  la  femme 
qui  chante  dans  le  jardin  voisin  ;  mon  regard 
suit  toujours  la  Lune  dans  le  ciel. 


50  LE    LIVRE    DE     JADE. 

Je  crois  que  la  Lune  me  regarde  aussi,  car 
un  long  rayon   d'argent  arrive  jusqu'à    mes 

yeux. 

Les  chauves-souris  le  traversent  de  temps 
en  temps  et  me  font  brusquement  baisser  les 
paupières;  mais  lorsque  je  le$  relève,  je  vois 
le  regard  d'argent  toujours  dardé  sur  moi. 

La  Lune  se  mire  dans  les  yeux  des  poètes 
comme  dans  les  écailles  brillantes  des  dra- 
gons, ces  poètes  de  la  mer„ 


5i 


SUR  LA  RIVIERE  BORDEE  DE  FLEURS 


Selon  Tan-Jo-Su. 


U 


N  seul  nuage  se  promène  dans  le  ciel; 
ma  barque  est  seule  sur  le  fleuve. 


Mais  voici  la   Lune   qui  se  lève  dans  le 
ciel  et  dans  le  fleuve; 


52  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Le   nuage  est   moins   sombre,    et  moi   je 
suis  moins  triste  dans  ma  barque  solitaire. 


LA    LUNE.  53 


PROMENADE  LE  SOIR  DANS   LA  PRAIRIE 


Seloti  Thou-Fou. 


LE  soleil  d'automne  a  traversé  la  prairie  en 
venant  de  l'est  ;  maintenant  il  glisse  der- 
rière la  grande  montagne  de  l'ouest. 


Il  reste  une  lueur  dans  le  ciel  ;  sans  doute 
le  jour  se  lève  de  l'autre  côté  de  la  mon- 
tagne. 


54  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Les  arbres  sont  couverts  de  rouille,  et 
le  vent  froid  du  soir  décroche  les  dernières 
feuilles. 

Une  cigogne  veuve  regagne  son  nid  soli- 
taire, tristement  et  lentement,  comme  si  elle 
espérait  encore  voir  revenir  celui  qui  ne  re- 
viendra plus, 

Et  les  corbeaux  font  un  grand  bruit  autour 
des  arbres,  'pendant  que  la  Lune  commence 
à  s'allumer  pour  la  nuit. 


O^^i 


LA     LUNE.  55 


AU   BORD   DU   PETIT   LAC 


Selon  Tan-Jo-Su. 


LE  petit  lac  s'enfuit  poursuivi  par  le  vent, 
mais  bientôt  il  revient  sur  ses  pas. 

Les  poissons  sautent  par  moment  hors  de 
Feau  :  on  croirait  que  ce  sont  les  nénuphars 
qui  s'épanouissent. 


56  LE    LIVRE    DE    JADE. 

La  Lune,  adoucie  par  les  nuages,  se  fait  un 
chemin  à  travers  les  branches, 

Et  la  gelée  blanche  change  en  perles  les 
diamants  de  la  rosée. 


LA    LUNE. 


PRES  DE  L'EMBOUCHURE  DU  FLEUVE 


Selon  Li-Taï-Pé. 


LES  petites  vagues  brillent  au  clair  de  Lune 
qui  chfinge  en  argent  le  vert  limpide  de 
l'eau  ;  et  l'on  croirait  voir  mille  poissons 
courir  vers  la  mer. 


58  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Je  suis  seul  dans  mon  bateau  qui  glisse  le 
long  du  rivage;  quelquefois  j'effleure  l'eau 
avec  mes  rames  ;  la  nuit  et  la  solitude  me 
remplissent  le  cœur  de  tristesse. 

Mais  voici  une  touffe  de  nénuphars  avec 
ses  fleurs  semblables  à  de  grosses  perles;  je 
les  caresse  doucement  de  mes  rames. 

Le  frémissement  des  feuilles  murmure  avec 
tendresse,  et  les  fleurs,  inclinant  leurs  petites 
têtes  blanches,  ont  l'air  de  me  parler. 

Les  nénuphars  veulent  me  consoler;  mais 
déjà,  en  les  voyant,  j'avais  oublié  ma  tris- 
tesse. 


% 


LA     LUNE.  59 


UNE  FEMME  DEVANT  SON  MIROIR 


Selon  Tan-Jo-Su. 


A 


ssisE  devant  son  miroir,  elle  regarde  le 
clair  de  Lune. 


Le  store  baissé  entrecoupe  la  lumière;  dans 
la  chambre  on  croirait  voir  du  jade  brisé  en 
mille  morceaux. 


60  LE    LIVRE     DE    JADE. 

Au  lieu  de  peigner  ses  cheveux,  elle  relève 
le  store  en  fils  de  bambou,  et  le  clair  de  Lune 
apparaît  plus  brillant  , 

Comme  une  femme  vêtue  de  soie  qui  laisse 
tomber  sa  robe. 


"W^ 


L'AUTOMNE 


ât  1  ^  i\k  m 


LES   CHEVEUX   BLANCS 


Selon  Tin-Tîin-Lins^. 


LES  sauterelles  vertes  poussent  en    même 
temps  que  le  blé;  ainsi,  dans  la  belle  sai- 
son, les  Jeunes  gens  boivent  et  folâtrent. 

Mais  ceux  dont  l'esprit  s'élève  deviennent 
bientôt  tristes,  car  les  nuages  noirs  se  ba- 
lancent à  moitié  chemin  du  ciel. 


64  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Les  hirondelles  noires  s'en  vont;  les  cigognes 
blanches  arrivent;  ainsi  les  cheveux  blancs 
suivent  les  cheveux  noirs  ; 

Et  c'est  une  règle  unique  sur  toute  la  terre,    i 
comme  il  n'y  a  qu'une  lune  dans  le  ciel. 


l'automne.  65 


LE  CORMORAN 


Selon  Sou-Tong-Po. 


SOLITAIRE  et  immobile,  le  cormoran  d'au- 
tomne médite  au  bord  du  fleuve,  et  son 
œil  rond  suit  la  marche  de  l'eau. 


Si  quelquefois  un  homme  se  promène  sur 
le  rivage,  le  cormoran  s'éloigne  lentement  en 
balançant  la  tête  ; 


66  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais,  derrière  les  feuilles,  il  guette  le  dé- 
part du  promeneur,  car  il  aspire  à  voir  encore 
les  ondulations  du  courant  monotone; 

Et,  la  nuit ,  lorsque  la  lune  brille  sur  les 
vagues,  le  cormoran  médite,  un  pied  dans 
l'eau. 

Ainsi  l'homme  qui  a  dans  le  cœur  un  grand 
amour  suit  toujours  les  ondulations  d'une 
même  pensée. 


l'automne.  67 


PENDANT  QUE  JE  CHANTAIS  LA  NATURE 


Selon  Thou-Fou. 


ASSIS  dans  mon  pavillon  du  bord  de  l'eau , 
j'ai  regardé  la  beauté  du  temps;  le  soleil 
marchait  lentement  vers  l'occident  au  travers 
du  ciel  limpide. 

Les  navires  se  balançaient  sur  l'eau,  plus 
légers  que  des  oiseaux  sur  les  branches,  et 
le  soleil  d'automne  versait  de  l'or  dans  la 
mer. 


68  LE    LIVRE    DE    JADE. 

J'ai  pris  mon  pinceau,  et,  penché  sur  le  pa- 
pier, j'ai  tracé  des  caractères  semblables  à  des 
cheveux  noirs  qu'une  femme  lisse  avec  la 
main; 

Et,  sous  le  soleil  d'or,  j'ai  chanté  la  beauté 
du  temps. 

Au  dernier  vers,  j'ai  relevé  la  tête;  alors 
j'ai  vu  que  la  pluie  tombait  dans  l'eau. 


cyf^ 


l'automne.  69 


LE  SOIR  D^AUTOMNE 


Selon  Tché-Tsi, 


A  vapeur  bleue  de  l'automne  s'e'tend  sur 
le  fleuve;  les  petites  herbes   sont  cou- 


L 

vertes  de  gelée  blanche. 


Comme  si  un  sculpteur  avait  laissé  tomber 
sur  elles  de  la  poussière  de  jade. 


yO  LE     LIVRE    DE    JADE. 

Les  fleurs  n'ont  déjà  plus  de  parfums  ;  le 
vent  du  nord  va  les  faire  tomber ,  et  bientôt 
les  nénuphars  navigueront  sur  le  fleuve. 

Ma  lampe  s'est  éteinte  d'elle-même,  la 
soirée  est  finie,  je  vais  aller  me  coucher. 

L'automne  est  bien  long  dans  mon  cœur, 
et  les  larmes  que  j'essuie  sur  mon  visage  se 
renouvellent  toujours. 

Quand  donc  le  soleil  du  mariage  viendra- 
t-il  sécher  mes  larmes? 


^ 


L   AUTOMNE. 


PENSEES    D'AUTOMNE 


Selon   Thoii-Fou. 


V 


oici  les  tristes  pluies  ;  on  dirait  que   le 
ciel  pleure  le  départ  du  beau  temps. 


L'ennui  couvre  l'esprit  comme  un  voile  de 
nuages,  et  nous  restons  tristement  assis  à  l'in- 
térieur. 


72  LE    LIVRE    DE    JADE. 

C'est  le  moment  de  laisser  tomber  sur  le 
papier  la  poésie  amassée  pendant  l'été;  ainsi, 
des  arbres,  les  fleurs  mûres  tombent. 

Allons,  je  tremperai  mes  lèvres  dans  ma 
tasse  chaque  fois  que  j'imbiberai  mon  pin- 
ceau, 

Et  je  ne  laisserai  pas  ma  rêverie  s'en  aller, 
semblable  à  un  filet  de  fumée,  car  le  temps 
s'envole  plus  vite  que  l'hirondelle. 


l'automne.  73 


LE  CŒUR  TRISTE  AU   SOLEIL 


Selon  Su-Tchon. 


LE  vent  d'automne  arrache  les  feuilles  des 
arbres  et  les  disperse  sur  la  terre. 

Je  les  regarde  s'envoler  sans  regret,  car  seul 
je  les  ai  vues  venir,  et  seul  je  les  vois  partir. 


74  LE     LIVRE     DE    JADE. 

La  tristesse  projette  son  ombre  sur  mon 
cœur,  comme  les  hautes  montagnes  font  la 
nuit  dans  la  vallée. 

Les  souffles  d'hiver  changent  l'eau  en  pierre 
brillante;  mais  au  premier  regard  de  l'été  elle 
redeviendra  cascade  joyeuse. 

Quand  l'été  sera  de  retour,  j'irai  m'asseoir 
sur  la  plus  haute  roche,  pour  voir  si  le  soleil 
fera  fondre  mon  cœur. 


^NrV' 


1 


l'automne.  75 


PENSEE  ECRITE  SUR  LA  GELEE  BLANCHE 


Selon  Haon~Ti. 


LA  gelée  blanche  recouvre  entièrement  les 
arbustes  ;  ils  ressemblent  aux  visages  pou- 
drés  des  femmes. 

Je  les  regarde  de  ma  fenêtre,  et  je  pense 
que  l'homme,  sans  les  femmes,  est  comme 
une  fleur  dépouillée  de  feuillage. 


76  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Et  pour  chasser  la  tristesse  amère  qui  m'en- 
vahit, 

Avec  mon  souffle,  j'écris  ma  pensée  sur  la 
gelée  blanche. 


L    AUTOMNE.  77 


TRISTESSE  DU   LABOUREUR 


Selon  Sou-Tong-Po. 


L 


A  neige  est  descendue  légèrement  sur  la 
terre,  comme  une  nuée  de  papillons. 


Le  laboureur  a  posé  sa  bêche,  et  il  lui 
semble  que  des  fils  invisibles  serrent  son 
cœur. 


78  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Il  est  triste,  car  la  terre  était  son  amie,  et 
lorsqu'il  se  penchait  sur  elle  pour  lui  confier 
la  graine  pleine  d'espérance,  il  lui  donnait 
aussi  ses  pensées  secrètes. 

Et  plus  tard,  lorsque  la  graine  avait  germé, 
il  retrouvait  ses  pensées  tout  en  fleur. 

Et  maintenant  la  terre  se  cache  sous  un 
voile  de  neige. 


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L    AUTOMNE.  79 


LE   PAVILLON   DU  JEUNE  ROI 


Selon  Ouan-Po. 


LE  jeune  roi  de  Teng  habitait  près  du  grand 
fleuve   un    pavillon    gracieusement  dé- 
coupé. 

Le  roi  était  vêtu  de  satin,  et  des  ornements 
de  jade  se  balançaient  à  sa  ceinture. 


80  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Mais  maintenant  les  robes  de  satin  dor- 
ment dans  des  coffres  d'ébène  et  les  orne- 
ments de  jade  sont  immobiles;  on  ne  voit 
plus  entrer  dans  le  pavillon  que  les  vapeurs 
bleues  du  matin  et  la  pluie  qui  pleure  le  soir. 

Les  nuages  roulent  dans  le  ciel,  noircissant 
l'eau  limpide;  car  le  roi  est  parti.  Ainsi  la 
lune  traverse  le  ciel  et  disparaît. 

Et  les  automnes  se  suivent  tristement.  Où 
donc  le  roi  est-il  allé?  Autrefois  il  admirait 
le  fleuve  ;  l'eau  vibrante  n'a  pas  gardé  le  re- 
flet de  ses  yeux,  et  lui,  maintenant,  garde-t-il 
le  souvenir  du  fleuve? 


sje 


^ 


L   AUTOMNE. 


LES  PETITES  FLEURS  SE  MOQUENT 

DES    GRAVES   SAPINS 

Selon  Tin-Tun-Ling. 


SUR  le  haut  de  la  montagne,  les  sapins  de- 
meurent sérieux  et  hérissés;  au  bas  de 
la  montagne,  les  fleurs  éclatantes  s'étalent 
sur  l'herbe. 

En  comparant  leurs  fraîches  robes  aux  vê- 
tements sombres  des  sapins,  les  petites  fleurs 
se  mettent  à  rire. 

9 


Ô2  LE    LIVRE    DE     JADE. 

Et  les  papillons  légers  se  mêlent  à  leur 
gaieté. 

Mais,  un  matin  d'automne,  j'ai  regardé  la 
montagne  :  les  sapins,  tout  habillés  de  blanc, 
étaient  là,  graves  et  rêveurs. 

J'ai  eu  beau  chercher  au  bas  de  la  mon- 
tagne, je  n'ai  pas  vu  les  petites  fleurs  mo- 
queuses. 


°w 


l'automne.  83 


PAR  UN  TEMPS  TIÈDE 


Selon  Ouan-Tchan-Lin. 


L 


ES  jeunes  filles  d'autrefois  sont  assises  dans 
le  bosquet  fleuri  et  parlent  bas  entre  elles. 


ce  On  prétend  que  nous  sommes  vieilles  et 
que  nos  cheveux  sont  blancs;  on  dit  aussi 
que  notre  visage  n'est  plus  resplendissant 
comme  la  lune. 


Ô4  LE     LIVRE    DE    JADE. 

«  Qu'en  savons-nous  ?  C'est  peut-être  une 
médisance  ;  on  ne  peut  pas  se  voir  soi-même. 

«  Qui  nous  dit  que  l'hiver  n'est  pas  de 
l'autre  côté  du  miroir ,  obscurcissant  nos 
traits  et  couvrant  de  gelée  blanche  nos  cheve- 
velures?  » 


<^ 


l'automne.  85 


LE  SOUCI   D'UNE  JEUNE  FILLE 


Selon  Han-Ou. 


LA  lune  éclaire  la  cour  intérieure,  je  passe 
la  tête  par  ma  fenêtre  et  je  regarde  les 
marches  de  l'escalier. 

Je  vois  le  reflet  du  feuillage  et  aussi 
l'ombre  agitée  de  la  balançoire  que  le  vent 
secoue. 


86  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Je  rentre  et  je  me  couche  dans  mon  lit 
treillage  ;  la  fraîcheur  de  la  nuit  m'a  saisie  ;  je 
tremble  dans  ma  chambre  solitaire. 

Et  voici  que  j'entends  tomber  la  pluie  dans 
le  lac  !  Demain  mon  petit  bateau  sera  mouillé  ; 
comment  ferai-je  pour  aller  cueillir  les  fleurs 
de  nénuphar? 


LES    VOYAGEURS 


^  là  m  m  m 


L'EXILE 


Selon  Sou-Ton^-Po. 


LES  jeunes  gens  portent  volontiers  des  cos- 
tumes aux  couleurs  joyeuses;  les  uns  ont 
des  robes  roses,  d'autres  ont  des  robes  vertes , 


De  même  qu'au  retour  du  jeune  printemps 
les  jardins  resplendissent  d'herbes  nouvelles 
et  de  pêchers  en  fleurs  ; 


90  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais  celui  qui  voyage  loin  de  son  pays, 
bien  qu'il  soit  jeune  encore,  est  toujours  vêtu 
d  une  robe  noire. 


LES    VOYAGEURS.  9I 


¥ 


L'AUBERGE 


I 


Selon  Li-Tai-Pé. 


k 

JE  me  suis  couché  dans  ce  lit  d'auberge  ;  la 
lune,   sur  le    parquet,    jetait    une  lueur 
blanche, 

Et  j'ai  d'abord  cru  qu'il  avait  neigé  sur  le 
parquet. 


92  LE    LIVRE    DE    JADE. 

J'ai  levé  la  tête  vers  la  lune  claire,  et  j'ai 
songé  aux  pays  quei  je  vais  parcourir  et  aux 
étrangers  qu'il  me  faudra  voir. 

Puis  j'ai  baissé  la  tête  vers  le  parquet,  et 
j'ai  songé  à  mon  pays  et  aux  amis  que  je  ne 
verrai  plus. 


LES    VOYAGEURS.  g3 


LE   GROS   RAT 


Selon  Sao-Nan. 


G 


Ros  rat  !  énorme  rat  !  ne  ronge  pas  tout 
mon  grain,  rat  cruel  et  dévorateur  ! 


Depuis  trois  ans  je  subis  la  férocité  de  tes 
dents  aiguës,  et  j'ai  vainement  tenté  de  t'a- 
doucir  par  des  supplications. 


94  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais  enfin  je  partirai ,  et  je  te  fuirai ,  et 
j'irai  me  bâtir  une  maison  dans  un  pays  loin- 
tain, 

Dans  un  pays  lointain  et  heureux,  où  les 
remords  ne  sont  pas  éternels  ! 


"W^ 


LES    VOYAGEURS.  gS 


UN  NAVIRE  A  L'ABRI  DU  VENT  CONTRAIRE 


f 


Selon  Sou~Tong-Po, 


LES  voiles  tombent  lourdement  le  long  du 
mât,  le  vent  joue  de  la  flûte  avec  fureur. 

De  tous  côtés,  en  écumant,  les  vagues  bat- 
tent le  navire;  on  dirait  qu'il  est  posé  au  mi- 
lieu d'une  grande  fleur  blanche. 


96  LE    LIVRE    DE    JADE. 

L'ancre,  au  bout  de  sa  chaîne,  descend  dans 
l'eau  et  s'accroche  aux  rochers  ;  de  mille  et 
mille  lieues  le  vent  se  lance  contre  elle,  et  ils 
luttent  ensemble. 

On  dirait  que  la  mer  veut  escalader  la 
montagne  pour  atteindre  le  ciel;  par  moments 
le  ciel  et  la  mer  paraissent  se  rqoindre. 

Les  marins  oisifs  dorment  dans  le  navire, 
calmes  sur  Tocéan  furieux.  Cependant  le 
cœur  aussi  a  ses  vents  contraires  et  ses 
orages. 

Lorsque  le  temps  nous  permettra  de  re- 
partir, j'écrirai  ma  pensée  sur  le  flanc  de  la 
montagne. 


LES    VOYAGEURS.  97 


LA    FLUTE    D'AUTOMNE 


Selo)t  Thou-Fou. 


PAUVRE  voyageur,  loin  de  la  patrie,  sans 
argent  et  sans  amis,  tu  n'entends  plus  la 
douce  musique  de  la  langue  maternelle. 

Cependant  l'été  est  si  brillant,  la  nature 
étale  tant  de  richesse,  que  tu  n'es  pas  pauvre; 
et  le  chant  des  oiseaux  n'est  pas  pour  toi  une 
langue  étrangère. 


9o  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais  lorsque  tu  entendras  le  cri  de  la  cigale, 
cette  flûte  de  l'automne ,  quand  tu  verras  les 
nuages  roulés  par  le  vent  dans  le  ciel,  ta 
douleur  n'aura  plus  de  bornes, 

Et,  mettant  la  main  sur  tes  yeux,  tu  lais- 
seras ton  âme  s'enfuir  vers  la  patrie. 


LES    VOYAGEURS.  99 


EN    ALLANT    A    TCHÏ-LI 


Selon  Tse-Tié. 


JE  me  suis  assis  au  bord  de  la  route,  sur  un 
arbre  renversé^,  et  j'ai  regardé  la  route  qui 
continuait  à  s'en  aller  vers  Tchi-Li. 

Ce  matin  le  satin  bleu  de  mes  souliers  bril- 
lait comme  de  l'acier,  et  l'on  pouvait  suivre 
le  dessin  des  broderies  noires. 


100  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Maintenant  mes  souliers  sont  cachés  sous 
la  poussière. 

Quand  je  suis  parti,  le  soleil  riait  dans  le 
ciel ,  les  papillons  voltigeaient  autour  de  moi, 
et  je  comptais  les  marguerites  blanches  ré- 
pandues dans  l'herbe  comme  des  poignées  de 
perles. 

Maintenant  c'est  le  soir,  et  il  n'y  a  plus  de 
marguerites. 

Les  hirondelles  glissent  rapidement  à  mes 
pieds,  les  corbeaux  s'appellent  pour  se  cou- 
cher, et  je  vois  des  laboureurs,  leur  natte 
roulée  autour  de  la  tête,  regagner  les  prochains 
villages. 

Mais  moi  j'ai  encore  une  longue  route  à 
parcourir. 


LES    VOYAGEURS. 


Avant  d'arriver  à  Tchi-Li,  je  veux  com- 
poser une  pièce  de  vers,  une  pièce  de  vers 
triste  comme  mon  esprit  sans  compagnon, 

Et  dans  un  rhythme  difficile,  dans  un 
rhythme  très- difficile,  afin  que  la  route  d'ici 
à  Tchi-Li  me  paraisse  trop  courte. 


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I 


I 


LE    VIN 


i^  m  #  m  m  m 


AU     MILIEU    DU     FLEUVE 


Selon   Tchan-Oui. 


ANS  mon  bateau,  que  le  fleuve  balance 
sans  brusquerie,   je   me   promène   tant 


D 

que  le  jour  dure, 


Et  je  regarde  l'ombre  des  montagnes  dans 
l'eau. 


I06  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Je  n'ai  plus  d'autre  amour  que  l'amour  du 
vin,  et  ma  tasse  pleine  est  en  face  de  moi. 
Aussi  mon  cœur  est  rempli  de  gaîté. 

Autrefois  il  y  avait  dans  mon  cœur  plus  de 
mille  chagrins  ;  mais,  à  présent, 

Je  regarde  l'ombre  des  montagnes  dans 
l'eau. 


107 


POUR    OUBLIER    SES    PENSEES 


Seloyi  Ouan~Oui, 


R 


ÉjouissoNS-NOus  ensemble  et  remplissons 
de  vin  tiède  nos  tasses  de  porcelaine. 


Le  frais  printemps  s'éloigne,  mais  il  re- 
viendra; buvons  tant  que  nos  lèvres  auront 
soif. 


I08  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Et  peut-être  oublierons  -  nous  que  nous 
sommes  à  l'hiver  de  notre  âge, 

Et  que  les  fleurs  se  fanent. 


109 


PENSEES    DU   SEPTIÈME    MOIS 


Selon  Li-Taï-Pé. 


Au  milieu  des  fleurs  de  mon  jardin,  je 
songe  en  buvant  un  vin  frais  et  transpa- 
rent comme  le  jade. 

Le  vent  me  caresse  doucemenc  les  joues 
et  rafraîchit  l'air  brûlant  ;  mais ,  quand 
l'hiver  viendra,  comme  je  ramènerai  mon 
manteau  ! 


LE    LIVRE    DE    JADE. 


La  femme,  dans  la  splendeur  de  sa  beauté, 
est  pareille  au  vent  tiède  d'août  :  elle  rafraî- 
chit et  parfume  notre  vie  ; 

Mais,  lorsque  la  soie  blanche  de  l'âge  cou- 
vre sa  tête ,  nous  la  fuyons  comme  le  vent 
d'hiver. 


CHANSON    SUR    LE    FLEUVE 


Selon  Li-Tai-Pé. 


m: 


ON  bateau  est  d'ébène;  ma  flûte  de  jade 
est  percée  de  trous  d'or. 


Comme  la  plante  qui  enlève  une  tache  sur 
une  étoffe  de  soie,  le  vin  efface  la  dispute 
dans  le  cœur. 


LE    LIVRE    DE    JADE. 


Quand  on  possède  de  bon  vin,  un  bateau 
gracieux  et  l'amour  d'une  jeune  fen^ne,  on 
est  semblable  aux  Génies  immortels. 


ii3 


LE  PAVILLON  DE  PORCELAINE 


Selon  Li-Tai-Pé. 


AU  milieu  du  petit  lac  artificiel  s'élève 
un  pavillon  de  porcelaine  verte  et 
blanche;  on  y  arrive  par  un  pont  de  jade 
qui  se  voûte  comme  le  dos  d'un  tigre. 

Dans  ce   pavillon  quelques  amis  vêtus  de 

robes  claires  boivent  ensemble  des  tasses  de 

vin  tiède. 

13 


114  ^^    LIVRE    DE    JADE. 

Ils  causent  gaiement  ou  tracent  des  vers 
en  repoussant  leurs  chapeaux  en  arrière,  en 
relevant  un  peu  leurs  manches, 

Et,  dans  le  lac  où  le  petit  pont  renversé 
semble  un  croissant  de  jade,  quelques  amis 
vêtus  de  robes  claires  boivent,  la  tête  en  bas, 
dans  un  pavillon  de  porcelaine. 


ii5 


LES  TROIS  FEMMES  DU  MANDARIN 


Selon  Sao-Nan. 


VÉpouse  légitime 

IL  y  a  du  vin  dans  la  tasse,  et  dans  le  plat 
il  y  a  des  nids  d'hirondelles.  Depuis  les 
temps  les  plus  reculés,  un  mandarin  a  tou- 
jours respecté  son  épouse  légitime. 

La  Concubine 

Il  y  a  du  vin  dans  la  tasse,  et  dans  le  plat 
il  y  a  une  oie  bien  grasse.  Quand  la  femme 
d'un  mandarin  ne  lui  donne  pas  d'enfants,  le 
mandarin  choisit  une  concubine. 


LE     LIVRE    DE    JADE. 


La  Servante 


Il  y  a  du  vin  dans  la  tasse,  et  dans  le  plat 
il  y  a  des  confitures  variées.  Il  importe  peu 
à  un  mandarin  qu'une  femme  soit  épouse  ou 
concubine,  mais  il  veut  chaque  nuit  une 
femme  nouvelle. 

Le  Mandarin 

Il  n'y  a  plus  de  vin  dans  la  tasse,  et  dans  le 
plat  il  n'y  a  qu'un  poireau  sec.  Allons,  allons, 
femmes  bavardes,  ne  vous  moquez  pas  d'un 
pauvre  vieux. 


c^^S^ 


117 


EN    BUVANT    DANS  LA    MAISON 

DE   THOU-FOU 

Selon   Tsoui-Tchou-Tchi. 


J'ai  rempli  ma  tasse  jusqu'au  bord  d'un  vin 
bien  fabriqué,  mais,  quand  j'ai  voulu 
boire,  ma  tasse  était  vide,  parce  que  le  souffle 
de  la  fenêtre  l'avait  jetée  à  terre. 

Quand  il  pleut,  c'est  que  le  vent  renverse 
les  tasses  pleines  des  Sages  immortels  qui 
s'enivrent  dans  les  nuages,  au-dessus  des 
montagnes; 


Il8  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mais  la  rosée  des  champs  et  l'humidité  des 
fleuves,  aspirées  par  le  soleil,  remplissent  de 
nouveau  les  grandes  tasses  des  Génies  ; 

Et  il  reste  assez  de  vin  dans  la  maison  de 
Thou-Fou  pour  que  je  puisse  boire  encore 
en  composant  des  vers  à  la  louange  des  poètes 
et  de  l'empereur  Ta-Ming. 


A  HUIT  GRANDS   POETES 

Qui  buvaient  ensemble 

Selon  Thou-Fou. 


A  Tchi-Tchan, 

TCHi-TcHAN,  ton  cheval  est  parti  plus  vite 
qu'un  navire  sous  un  bon  vent,  et  ses  / 

mouvements  onduleux  imitaient  le  balance-  „^^ 

ment  des  vagues. 

Quand  ton  regard  tombait  à  terre ,  tu  re- 
connaissais à  peine  les  objets,  comme  si  tu 
avais  ouvert  les  yeux  au  fond  de  l'eau  ; 


120  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Et  tu  es  arrivé  promptement  pour  boire 
avec  tes  amis. 

A  Ouan-Tié. 

Ouan-Tié,  je  te  conseille  de  rester  toujours 
dans  la  ville  de  Ju-Ian  ; 

C'est  là  que  se  trouve  le  meilleur  vin  en  si 
grande  abondance  qu'on  croirait  qu'il  y  en  a 
un  lac  naturel  ; 

Et  c'est  là  seulement  que  tu  trouves  assez 
de  vin  pour  apaiser  ta  grande  soif. 

A  Tso-Sian. 

Tso-Sian,  le  vin  tombe  toujours  de  ta  tasse 
dans  ta  bouche  comme  un  torrent  dans  un 

lac. 

Ton  gosier  est  pareil  au  lit  d'un  fleuve  qui 
coulerait  entre  deux  montagnes,  et  ton  ventre 
est  l'océan  où  se  jette  le  fleuve. 


Tu  bois  le  vin  comme  les  poissons  res- 
pirent l'eau  :  jamais  les  poissons  n'ont  trop 
d'eau,  et  ton  grand  esprit  n'a  jamais  trop  de 
vin. 


A  Tsoui-Tchou-Tchi. 

Tsoui-Tchou-Tchi,  ta  tasse  est  beaucoup 
plus  grande  que  celle  des  autres. 

Lorsque  tu  renverses  la  tête  pour  boire  en 
montrant  le  blanc  de  tes  yeux,  tu  as  le  temps 
de  voir  s'il  y  a  des  nuages  sur  le  ciel. 

Ton  visage  est  blanc  comme  la  mousse  des 

vagues ,  et  tu  as  l'air  d'un  arbre  de  jade  que 

le  vent  traverse, 

u 


122  LE     LIVRE    DE    JADE. 

Quand  le  vin  parfumé  passe  entre  tes  lè- 
vres. 

A  Li-Taï-Pé. 
Li-Taï-Pé,  tu  soulèves  ta  tasse,  et  avant  de 
la  reposer  sur  la  table  tu  as  fait  cent  poëmes. 

Tu  demandes  d'autre  vin,  mais  le  marchand 
est  couché,  et  il  n'y  a  plus  de  vin  chez  lui. 

Le  Fils  du  Ciel,  qui  passe  dans  son  navire, 
te  prie  de  venir  près  de  lui;  mais  toi  :  «  Je 
n'aime  pas  les  nobles,  et  nous  sommes  là 
huit  amis.  » 

Je  sais  que  tu  trouves  dans  le  vin  la  félicité 
des  Sages  immortels;  mais  je  ne  le  dirai  pas. 

A   Tsou-Tié. 
Tsou-Tié,  tu  loges  dans  la  grande  pagode  ; 
jamais  tu  ne  manges  de  viande,  et  tu  ne  bois 
de  vin  qu'avec  modération  ; 


LE     VIN.  123 

Mais  tu  aimes  la  société  des  poètes,  quoique 
tu  ne  fasses  pas  de  vers,  et  chacune  de  tes  pa- 
roles est  une  poésie. 

A   Tan-Jo-Su. 

Tan-Jo-Su,  après  que  tu  as  bu  trois  tasses 
tu  commences  à  méditer  ; 

Contre  les  rites,  tu  retires  ton  chapeau  et 
tu  te  mets  à  écrire  ; 

Et  les  caractères  apparaissent  si  rapidement 
sur  le  papier  que  l'on  dirait  voir  de  la  fumée 
s'échapper  de  ton  pinceau. 

A  Tio-Soui. 

Tio-Soui,  déjà  tu  as  bu  cinq  tasses,  et  tu 
n'écris  pas  de  vers= 


124  ^E    LIVRE    DE    JADE. 

Tes  paroles  bruyantes  réveillent  tes  amis 
de  leur  rêverie  comme  le  vent  écarte  un 
nuage. 

Déjà  ils  se  lèvent  de  leurs  sièges.  Cesse  de 
boire,  toi  qui  bois  depuis  si  longtemps;  car  il 
faut  décidément  partir  d'ici. 


5^ 


LA   GUERRE 


li  il   in   3^   lé  â* 


L'ÉPOUX  D'UNE  JEUNE  FEMME 

S'arme  pour  le  combat 

Selon  Thou-Fou. 


ALLONS,  femme,  pique  ta  longue  aiguille 
dans  la  soie  rouge  du  métier,  et  apporte 
ici  mes  armes  guerrières. 

Croise  toi-même  sur  mes  reins  les  deux 
larges  sabres,  et  qu'on  voie  leurs  poignées 
tranquilles  dépasser  mes  épaules. 


128  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Et  pendant  que,  tenant  fièrement  ma  lance, 
ma  lance  dont  la  pointe  claire  fait  de  si  sou- 
riantes blessures  aux  vaincus, 

Pendant  que,  ma  lance  à  la  main,  je  te  re- 
garde agenouillée  près  de  moi, 

Accroche  à  ma  ceinture  l'arc  souple  d'où 
s'élanceront  bientôt  mille  flèches  sifflantes 
qui,  décrivant  dans  l'air  une  courbe  gra- 
cieuse, iront  se  fixer  en  frémissant  dans  la 
chair  sanglante. 

Et  maintenant  tremble  et  éloigne-toi,  car 
voici  le  visage  terrible  que  j'offrirai  aux  en- 


c^f^ 


LA    GUERRE.  I29 


LE  DEPART   DU  GRAND  CHEF 


Selon  Thou-Fou. 


LE  grand  Chef  a  quitté  tristement  son  amie  ; 
il  est  sorti  par  la  grande  porte  de  la  ville 
et  s'en  est  allé  dormir  dans  sa  tente,  où  il  rêve 
à  son  amie. 

Tout  à  coup^  un  bruit  semblable  à  celui 
des  feuilles  mortes  remuées  par  le  vent  d'au- 
tomne le  réveille,  et  il  se  soulève  sur  son 
coude.  ^ 


l3o  LE    LIVRE    DE    JADE. 

C'est  la  robe  de  soie  de  son  amie  qui  imite 
le  bruit  des  feuilles  mortes  remuées  par  lèvent 
d'automne,  de  son  amie  qui  est  venue  le 
rejoindre. 

«  J'avais  perdu  mon  âme,  et  subitement  elle 
m'est  rendue.  Je  suis  plus  surpris  que  si  les 
neiges  de  la  montagne  de  l'Ouest  s'étaient 
tout  à  coup  fondues.  » 

Ainsi  parle  le  grand  Chef,  et  son  amie  lui 
répond  : 

«  Je  pleurais  à  la  fenêtre  occidentale;  une 
hirondelle,  touchée,  m'a  prêté  ses  ailes,  et  je 
suis  venue  avec  tant  de  promptitude  que  près 
de  moi  ton  cheval  de  bataille  aurait  eu  la 
marche  des  tortues.  » 


LA     GUERRE.  l3l 


LES  ADIEUX 


Selon  Roa~Li. 


E  grand  Chef  est  parti  pour  la  guerre  ; 
avant  le  premier  mouvement  de  son  che- 
val, sa  femme  lui  a  donné  une  étoffe  de  soie. 


L 


«  Emporte,  en  souvenir  de  moi,  cette  étoffe 
où  j'ai  brodé  des  caractères, et  ne  t'attarde  pas 
trop  longtemps  ; 


l32  LE    LIVRE    DE    JADE. 

ce  Car  voici  le  moment  de  la  pleine  lune,  et 
chaque  jour  lui  ôte  un  morceau  de  sa  ron- 
deur; 

«  Ainsi  le  temps  cruel  fera  décroître  ma 
beauté.  » 


LA     GUERRE.  l33 


LA  FLEUR  ROUGE 


Selon  Li-Taï-Pé. 


EN  travaillant  tristement  près  de  ma  fe- 
nêtre, je  me  suis  piquée  au  doigt  ;  et  la 
fleur  blanche  que  je  brodais  est  devenue  une 
fleur  rouge. 

Alors  j'ai  songé  brusquement  à  celui  qui 
est  parti  pour  combattre  les  révoltés;  j'ai 
pensé  que  son  sang  coulait  aussi,  et  des  larmes 
sont  tombées  de  mes  yeux. 


l34  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Mais  j'ai  cru  entendre  le  bruit  des  pas  de 
son  cheval,  et  je  me  suis  levée  toute  joyeuse  ; 
c'était  mon  cœur  qui,  en  battant  trop  vite, 
imitait  le  bruit  dei  pas  de  son  cheval. 

Je  me  suis  remise  à  mon  ouvrage  près  de 
la  fenêtre ,  et  mes  larmes  ont  brodé  de  perles 
l'étoffe  tendue  sur  le  métier. 


e-^QÇ^gr^ 


LA     GUERRE.  l35 


DE  LA  FENETRE  OCCIDENTALE 


Selon  Ouan-Tchan-Lin. 


la  tête  de  mille  guerriers  furieux,  au 
bruit  forcené  des  gongs,  mon  mari  est 


A 

parti,  courant  après  la  gloire 


J'ai  d'abord  été  joyeuse  de  reprendre  ma  li- 
berté de  jeune  fille. 


l36  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Maintenant,  je  regarde  de  ma  fenêtre  les 
feuilles  jaunissantes  du  saule;  à  son  départ, 
elles  étaient  d'un  vert  tendre. 

Serait-il  joyeux,  lui  aussi,  d'être  si  loin  de 


5^ 


LA     GUERRE.  iSy 


LE  CHIEN  DU  VAINQUEUR 


Selon  Thou-Fou. 


DANS  la   grande  guerre  où  j'ai  combattu 
sous  la  Bannière  Noire   j'ai   reçu   une 
blessure,  mais  j'ai  tué  beaucoup  d'ennemis. 

Tout  sanglant  après  la  mêlée,  j'ai  parcouru 
le  champ  de  bataille,  suivi  de  mon  chien  qui 
avait  combattu  à  côté  de  moi. 

i6 


l38  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Et  en  montrant  à  mon  chien  les  corps  de 
mes  victimes,  je  lui  ai  dit  :  <c  Mange  1  »  et  en 
lui  montrant  leur  sang  qui  coulait  encore,  je 
lui  ai  dit  :  «  Bois!  » 

Mais  la  noble  bête  n'a  point  daigné  toucher 
à  ces  vils  cadavres  de  vaincus,  et,  se  dressant, 
béante,  sur  ses  pattes  de  derrière,  jusqu'à  la 
hauteur  de  ma  blessure  ouverte, 

Elle  n'était  altérée  que  de  mon  propre  sang 
victorieux  et  chaud  qui  pétillait  dans  la  plaie 
comme  dans  une  tasse  rouge  ! 


o^^i 


LA     GUERRE.  iSq 


LA    CIGOGNE 


Selon  Chen-Tué-Tsi. 


O  pauvres  habitants  de  la  grande  Patrie 
du  Milieu,  vous  êtes  en  proie  à  la  guerre 
civile,  et  mon  cœur  pâlit  de  tristesse  lorsque 
je  songe  à  votre  misère  ! 

.  Vous  êtes  nés  libres  et  vous  êtes  esclaves  ; 
vous  êtes  punis  quoique  vous  n'ayez  fait  au- 
cun mal. 


T40  LE     LIVRE    DE     JADE. 

Quand  donc  viendra  pour  vous  le  jour  du 
salut  ?  De  quelle  race  est-il,  l'homme  choisi 
par  le  ciel  pour  vous  tirer  de  peine  ? 

Une  blanche  cigogne  apparaît  là-bas  parmi 
les  nuages,,  mais  on  ne  sait  pas  encore  sur 
quelle  maison  elle  se  posera. 


LES  POETES 


m  m  m  "Ê 


LES  SAGES  DANSENT 


Selon  Li-Taï-Pé. 


ANS  ma  flûte  aux  boutsde  jade,  j'ai  chanté 
une  chanson  aux  humains;  mais  les  hu- 


D 

mains  ne  m  ont  pas  compris 


Alors  j'ai  levé  ma  flûte  vers  le  ciel,  et  j'ai 
dit  ma  chanson  aux  Sages. 


144  L^     LIVRE     DE    JADE. 

Les  Sages  se  sont  réjouis  ;  ils  ont  dansé  sur 
les  nuages  resplendissants  ; 

Et  maintenant  les  humains  me  compren- 
nent, lorsque  je  chante  en  m'accompagnant  de 
ma  flûte  aux  bouts  de  jade. 


LES     POETES.  145 


A  UN  JEUNE  POÈTE 


Selon  Sao-Nan. 


IMITE  la  lune  grandissante!  imite  le  soleil 
levant  ! 


Tu  seras  pareil  à  la  montagne  du  Sud,  qui 
ne  vacille  jamais,  ne  s  ébranle  jamais, 


146  LE     LIVRE    DE    JADE. 

Et  demeure  éternellement  verte  comme  les 
pins  glorieux  et  les  cèdres  ! 


LES    POETES.  147 


UN   POETE  RIT  DANS  SON  BATEAU 


Selon  Ouan-Tié. 


LE  petit  lac  pur  et  tranquille  ressemble  à 
une  tasse  remplie  d'eau. 

Sur  ses  rives,  les  bambous  ont  des  formes 
de  cabanes,  et  les  arbres,  au-dessus,  font  des 
toitures  vertes. 


LE    LIVRE    DE    JADE. 


Et  les  grands  rochers  pointus,  posés  au  mi- 
lieu des  fleurs,  ressemblent  à  des  pagodes. 

Je  laisse  mon  bateau  glisser  doucement  sur 
l'eau,  et  je  souris  de  voir  la  nature  imiter 
ainsi  les  hommes. 


of^ 


LES    POETES.  149 


LA   FLUTE  MYSTÉRIEUSE 


Selon  Li-Tai-Pé. 


N  jour,  par-dessus  le  feuillage  et  les  fleurs 
embaumées ,  le  vent  m'apporta  le  son 


u 

d'une  flûte  lointaine. 


Alors  j'ai  coupé  une  branche  de  saule  et  j'ai 
répondu  une  chanson. 


l50  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Depuis,  la  nuit,  lorsque  tout  dort,  les  oi- 
seaux entendent  une  conversation  dans  leur 
langage. 


LES     POETES.  l5l 


INDIFFÉRENCE  AUX   DOUCEURS  DE  L'ÉTÉ 


Selon   Tan-Jo-Su. 


ES  fleurs  de  pêcher  voltigent  comme  des 
papillons  roses;  le  saule  en  souriant  se 


L 

regarde  dans  l'eau 


Cependant   mon    ennui  persiste,  et  je  ne 
peux  pas  faire  de  vers. 


l52  LE    LIVRE    DE    JADE. 

La  brise  d'est,  qui  m'apporte  le  parfum  des 
pruniers,  me  trouve  insensible. 

Oh  !  quand  la  nuit  viendra-t-elle  me   faire 
oublier  ma  tristesse  dans  le  sommeil  ! 


->e^ 


H 


LES     POETES.  l53 


LA  FEUILLE  BLANCHE 


Selon  Tché-Tsi. 


L 


A  tête  dans  ma  main,  je  regarde  la  feuille 
de  papier  qui  reste  blanche  depuis  que  je 


suis  là. 

Je  regarde  aassi    l'encre  qui  se  sèche   au 
bout  de  mon  pinceau. 


l54  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Mon  esprit  semble  dormir  ;  est  ce  que  mon 
esprit  ne  se  réveillera  pas  ? 

Je  m'en  vais  dans  la  plaine  toute  chaude 
de  soleil,  et  je  laisse  mes  mains  traîner  sur  les 
hautes  herbes. 

D'un  côté  je  vois  la  forêt  veloutée,  de  l'autre 
les  montagnes  gracieuses,  poudrées  par  la 
neige  et  à  qui  le  soleil  met  du  rouge. 

Et  je  regarde  aussi  la  marche  lente  des 
nuages,  et  je  m'en  reviens,  poursuivi  par  l'é- 
clat de  rire  des  corbeaux, 

M 'asseoir  devant  la  feuille  de  papier  qui  de- 
meure blanche  sous  mon  pinceau. 


LES    POETES-  l55 


LE  POETE  MONTE   LA  MONTAGNE 

Enveloppée  de  brouillard 

Selon  Soit~Tong-Po. 


JE  monte  sur  cette  haute  montagne  ;  le  poil 
noir  de  mon  cheval  est  jauni  par  la  ma- 
ladie. 

Le  chagrin  a  aussi  couvert  mes  joues  mai- 
gres d'une  teinte  jaune,  et  je  monte  tristement 
la  montagne. 


l56  LE    LIVRE     DE    JADE. 

Je  veux  emplir  ma  gourde  d'un  vin  de  riz 
de  bonne  qualité,  et  voiler  mes  chagrins  dans 
l'étourdissement  que  donne  le  vin. 


LES  POETES.  iSy 


LE  POETE  SE  PROMENE  SUR  LA  MONTAGNE 

Enveloppée  de  brouillard 

Selon  Sou-Tong-Po. 


LE  poëte  se  promène  lentement  sur  a  mon- 
tagne; au  loin  les  pierres  couvertes  de 
brouillard  lui  semblent  des  moutons  en- 
dormis. 

Il  est  arrivé  en  haut  très-fatigué,  car  il  a  bu 
beaucoup  de  vin  ;  et  il  se  couche  sur  une 
pierre. 


l58  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Les  nuages  se  balancent  au-dessus  de  sa 
tête;  il  les  regarde  se  rejoindre  et  voiler  le 
ciel. 

Alors  il  chante  tristement  que  l'automne 
approche,  que  le  vent  devient  frais,  que  le 
printemps  prochain  est  éloigné  encore. 

Et  les  promeneurs  qui  viennent  admirer  la 
beauté  de  la  nature  l'entourent  en  battant  des 
mains,  et  ils  s'écrient  :  «  Voici  assurément  un 
homme  qui  est  fou  !  » 


LES  POÈTES.  i5g 


LE  BATEAU  DES  FLEURS 

Du  faubourg  de  l'Ouest 

Selon  Thou-Fou. 


SUR  ce  bateau  est  la  plus  belle  des  femmes  ; 
ses  sourcils  ressemblent  aux  cornes  des 
papillons. 

Elle  improvise  des  vers  en  s'accompagnant 
tristement  de  sa  flûte  ;  et  les  Sages  s'émeuvent 
dans  les  hautes  nuées. 


IDO  LE     LIVRE    DE    JADE. 

«  Gomme  une  fleur  tombée  dans  la  boue, 
«  les  passants  cruels  m'abandonnent. 

«  Les  blés  de  riz  que  le  vent  balance  sont 
«  plus  heureux  que  moi;  lorsqu'ils  entr'ou- 
«  vrent  leurs  épis,  on  croirait  voir  mon  sou- 
«  rire; 

«  Mais  moi,  depuis  longtemps,  je  ne  souris 
jamais  plus. 

«  Et  bientôt  un  homme,  tirant  par-dessus 
((  son  épaule  le  cordon  de  soie  qui  attache  le 
«  Bateau  des  Fleurs  à  la  rive,  conduira  ma 
(c  douleur  vers  un  autre  pays  1  » 


H 


LES     POETES.  l6l 


LOUANGE    A    LI-TAI-PE 


Selon   Thou-Fou. 


L 


A  poésie  est  ton  langage,  comme  le  chant 
est  celui  des  oiseaux. 


Que  ce  soit  à  la  clarté  du  soleil  ou  à  l'ombre 
du  soir,  tu  vois  la  poésie  de  toutes  choses. 


102  LE    LIVRE    DE    JADE. 

Lorsque  tu  bois  le  vin  doré,  sur  le  nuage 
de  l'ivresse  te  viennent  des  idées  de  vers. 

Tu  es  le  premier  des  hommes,  et,  comme  le 
soleil,  tu  répands  sur  eux  les  rayonnements 
de  ton  esprit. 

De  celui  qui  t'admire  dans  l'ombre,  reçois 
cette  adoration  inconnue. 


^H 


LES    POETES.  l63 


ENVOI    A   LI-TAI-PÉ 

Le  vingtième  jour  du  douzième  mois 

Seloyi  Thou-Fou. 


TON  nom  est  Ti-Sié-Jen,  la  goutte  d'eau 
intarissable ,  et  tu  es  au  rang  des  ^Sages 
immortels. 

Le  sceptre  du  Fils  du  Ciel  est  moins  puis- 
sant que  ton  pinceau  ;  moins  fort  est  le  sabre 
du  guerrier. 


164  LE     LIVRE     DE    JADE. 

Dans  le  ciel  pur  de  l'été  rien  ne  fait  pré- 
sager Forage;  mais  tout  à  coup  le  vent 
amasse  des  nuages,  et  la  pluie  se  précipite; 

De  même  sur  le  papier  sans  tache  le  souffle 
de  ton  génie  fait  pleuvoir  de  noirs  caractères  ; 
ce  sont  les  larmes  de  ton  esprit  qui  coulent 
silencieusement  de  ton  pinceau. 

Et,  lorsque  la  pièce  de  vers  est  finie,  on  en- 
tend autour  de  toi  les  murmures  d'admira- 
tion des  Génies  invisibles. 


LES    POETES.  l65 


LES  CARACTERES  ETERNELS 


Selon  Li-Tai-Pé. 


TOUT  en  faisant  des  vers  je  regarde  de  ma 
fenêtre  les  balancements  des  bambous  ; 
on  dirait  de  l'eau  qui  s'agite  ;  et  les  feuilles  en 
frôlant  leurs  épines  imitent  le  bruit  des  cas- 
cades. 

Je  laisse  tomber  des  caractères  sur  le  pa- 
pier ;  de  loin  on  pourrait  croire  que  des  fleurs 
de  prunier  tombent  à  l'envers  dans  de  la 
neige. 


l66  LE     LIVRE    DE    JADE. 

La  charmante  fraîcheur  des  oranges  man- 
darines se  fane  lorsqu'une  femme  les  porte 
trop  longtemps  dans  la  gaze  de  sa  manche, 
de  même  que  la  gelée  blanche  s'évanouit  au 
soleil  ; 

Mais  les  caractères  que  je  laisse  tomber  sur 
le  papier  ne  s'effaceront  jamais. 


TABLE 


LES  AMOUREUX 


La  feuille  de  saule 5 

L'ombre  des  feuilles  d'oranger .  7 

Au  bord  de  la  rivière ,^ 0.  ■. 

L'épouse  vertueuse ^-^^^■■f  .1  ...  11 

La  fleur  de  pêcher '.  .  .  .  13 

L'Empereur 15 

Le  pêcheur 17 

Chant  des  oiseaux,  le  soir 19 

Les  perles  de  jade 21 


La  feuille  sur  l'eau 23  - 

Sur  le  fleuve  Tchou 25 

Le  mauvais  chemin 27 

Un  jeune  poëte  pense  à  sa  bien-aimée  qui  habite 

de  l'autre  côté  du  fleuve 29 

L'éventail 31 

A  la  plus  belle  des  femmes  du  Bateau  des  Fleurs?^"-^  Yf , 

La  maison  dans  le  cœur 35 

Sur  les  balancements  d'un  navire  vu  de  la  province 

de  l'Ouest 37 

LA  LUNE 

Le  fleuve  paisible 43 

Le  clair  de  lune  dans  la  mer.  ...........  45 

L'escalier  de  jade 47 

Un  poëte  regarde  la  lune 49 

Sur  la  rivière  bordée  de  fleurs ji 

Promenade  le  soir  dans  la  prairie 53 

Au  bord  du  petit  lac $^ 

Près  de  l'embouchure  du  fleuve.  - $7 

Une  femme  devant  son  miroir 59 

L'AUTOMNE 

Les  cheveux  blancs 6^ 

Le  cormoran 65 


i69 


Pendant  que  je  chantais  la  nature 67 

Le  soir  d'automne.  .  .  T/v  .  . 69 

Pensées  d'automne 61 

Le  cœur  triste  au  soleil 73 

Pensée  écrite  sur  la  gelée  blanche 75 

Tristesse  du  laboureur 77 

Le  pavillon  du  jeune  roi 79 

Les  petites  fleurs  se  moquent  des  graves  sapins.  .  8 1 

Par  un  temps  tiède 83 

Le  souci  d'une  jeune  fille 8^ 


LES  VOYAGEURS 

L'exilé B9 

L'auberge ,    91 

Le  gros  rat , 93 

Un  navire  à  l'abri  du  vent  contraire 9^ 

La  flûte  d'automne 97 

En  allant  à  Tchi-li 99 


LE  VIN 

Au  milieu  du  fleuve 10  ) 

Pour  oublier  ses  pensées 107 

Pensées  du  septième  mois 109 


170 


Chanson  sur  le  fleuve 111 

Le  pavillon  de  porcelaine.  .  »  . 113 

Les  trois  femmes  du  mandarin 115 

En  buvant  dans  la  maison  de  Thou-fou 117 

A  huit  grands  poètes  qui  buvaient  ensemble.  ...  119 


LA  GUERRE 

L'Époux  d'une  jeune  femme  s'arme  pour  le  combat  127 

Le  départ  du  grand  chef 129 

Les  adieux 131 

La  fleur  rouge, 133 

De  la  fenêtre  occidentale 13^ 

Le  chien  du  vainqueur 137 

La  cigogne 1 39 


LES  POETES 

Les  sages  dansent 143 

A  un  jeune  poëte HS 

Un  poëte  rit  dans  son  bateau '47 

La  flûte  mystérieuse •   •  i49 

Indifférence  aux  douceurs  de  l'été 151 

La  feuille  blanche T'-Ji-Ji^.  '  M> 


Le  poëte  monte  sur  la  montagne  enveloppée  de 

brouillard 155 

Le  poëte  se  promène  sur  la  montagne  enveloppée 

de, brouillard 1^7 

Le  bateau  de  fleurs  du  faubourg  de  TOuest.  ...  1^9 

Louange  à  Li-taï-pé 161 

Envoi  à  Li-taï-pé  le  vingtième  jour  du  douzième 

mois 165 

Les  caractères  éternels 565 


Achevé  d'imprimer 

LK    TRENTE    AVRIL    MIL    HUIT    CENT    SOIXANTE-SFPT 

PAR   D.  JOUAUST 
POUR    ALPHONSE   LEMERRE,    LIBRAIRE 


31+77-6 


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